(Onze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Rioux): Alors, nous avons quorum, nous allons donc commencer. Je déclare la séance ouverte. Le mandat, je vous le rappelle, c'est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président, il y a pas de remplacements.
Le Président (M. Rioux): Il y a pas de remplacements, on joue avec la même équipe, les mêmes équipes qu'hier. Ça va être merveilleux, ça.
Je voudrais saluer la présence parmi nous aujourd'hui de Kattia Paredes, qui est de la Confédération mondiale du travail. Alors, bienvenue, madame, parmi nous.
Les règles du jeu sont toujours les mêmes, on va demander à la CSD de présenter son mémoire. Vous avez, M. Vaudreuil, 20 minutes, et ensuite on aura une discussion, les parlementaires échangeront avec vous. Alors, vous avez la parole.
Auditions
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, M. le ministre, je voudrais vous saluer et vous remercier de nous avoir invités à participer à cette consultation qu'on considère comme étant excessivement importante pour la société québécoise.
La CSD a fondé de grands espoirs depuis la mise au rancart du projet de loi n° 182. Pour la CSD, un code du travail, ça doit permettre un véritable accès à la syndicalisation et la protection des accréditations syndicales. Pour nous, un code du travail, c'est un parti pris du gouvernement en faveur des travailleuses et des travailleurs en leur permettant de se regrouper pour établir un nouveau rapport de force avec les employeurs. Dans le fond, c'est offrir aux travailleuses et aux travailleurs qui le désirent un contrepouvoir vis-à-vis les employeurs qui, eux, ne manquent pas de ressources. Et la syndicalisation permet aussi, dans la société, un meilleur partage de la richesse par l'amélioration des conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs, ça civilise les rapports dans les établissements et ça assure évidemment une paix industrielle. Voilà, pour la CSD, où doit se situer l'équilibre, c'est-à-dire offrir aux travailleuses et aux travailleurs, aux personnes, la possibilité, dans la société, d'avoir un contrepouvoir vis-à-vis les employeurs qui, eux, ont toutes les ressources qui leur sont nécessaires et utiles.
Or, à l'égard de ces objectifs, comment qualifier le projet de loi n° 31? Bon. Dans un premier temps, pour nous, le projet de loi n° 31 ne constitue pas une réforme. Il ne constitue pas une réforme parce que, d'une part, il n'améliore pas l'accès à la syndicalisation, sauf les modifications qui apparaissent sur le changement de statut de salarié à l'article 20.0.1. On ne retrouve pas non plus, tel qu'on l'avait demandé, de définition d'employeur unique, c'est-à-dire plusieurs employeurs qui pourraient être déclarés uniques s'ils assurent en commun le contrôle ou la direction de leurs opérations. Il y a rien non plus dans le projet de loi pour favoriser le modèle de négociations regroupées que nous avions proposé. Il y a rien non plus concernant la durée des conventions collectives et des périodes de changement d'allégeance syndicale, qui sont les plus longues en Amérique du Nord.
Quand on regarde le projet de loi n° 31, on salue qu'il y ait dans le projet de loi n° 31 plusieurs dispositions qu'on jugeait contraignantes du projet de loi n° 182 qui sont éliminées, qui sont disparues. Alors, ça, on salue ça et on est très heureux de ces éléments-là.
Il y a certains éléments, qu'on voudrait porter à votre attention ce matin, qui nous préoccupent grandement. Dans un premier temps, l'article 14 du projet de loi, qui modifie l'article 25 du Code actuel, dans lequel on inscrit que l'association requérante doit transmettre à l'employeur une copie de la requête. Actuellement, c'est l'équivalent de la Commission qui transmet ça à l'employeur. On ne voit pas pourquoi nous aurions l'obligation de transmettre ça à l'employeur. En 2001, la syndicalisation, ça se fait encore dans la clandestinité. Au Canada, plus de 90 % des employeurs, selon une étude de l'université de Kingston, contestent les accréditations. Alors, on est obligé d'utiliser toutes sortes de subterfuges. Et, si le jour où on dépose une requête en accréditation à la Commission et qu'il faut la transmettre à l'employeur, l'employeur aura quelques heures pour se retourner et pour annuler cette requête-là et nous rendre minoritaires.
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(11 h 30)
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Bon. Il n'est pas prévu, contrairement à 182, qu'on doit transmettre une copie, c'est-à-dire qu'on doit l'avoir envoyée préalablement à l'employeur; ça n'existe plus dans 31. Mais ça va donner lieu à des interprétations. Il va y avoir beaucoup de débats qui vont se faire sur cette question-là. Nous, ce qu'on vous propose, ce qu'on suggérerait concernant l'article 25, et le modèle va très bien, c'est de maintenir la règle qui existe actuellement, en faisant les concordances nécessaires, c'est-à-dire qu'il appartiendrait à la Commission d'informer l'employeur qu'il y a eu dépôt d'une requête en accréditation.
Le deuxième point qu'on voudrait soulever, c'est à l'article 18 de votre projet de loi, qui traite de l'article 28 et qui parle de la première cotisation qui doit être établie par règlement. Ça, on est très inquiets. Il y a eu de grands débats dans 182 pour expliquer aussi que de poser le geste de donner 2 $ lors du recrutement, c'était un geste qui était très significatif, et on avait aussi rappelé à la Commission qu'il y a 60 % des pauvres au Canada ? et on peut prétendre que c'est la même proportion au Québec ? 60 % des pauvres sont des travailleurs. Et ça, c'est dû au développement, à l'émergence des emplois atypiques qu'on retrouve dans notre société. Et, quand on fait du recrutement, quand on va dans les maisons pour faire signer des cartes d'adhésion, il y a des endroits où les gens n'ont pas le 2 $. Donc, qu'on puisse, qu'on puisse le changer par règlement, c'est-à-dire où on n'aurait pas les mêmes débats démocratiques que nous avons, par exemple, quand il s'agit d'une modification d'une loi. Nous, on prétend que ça devrait demeurer à 2 $.
L'autre point qui nous inquiète beaucoup, c'est l'article 45. Dans l'article 45, on reconnaît qu'il y a eu des efforts pour tenter de trouver des compromis qui pourraient être acceptables, d'une part, aux employeurs et aux organisations syndicales. Cependant, tel que formulé, on ne peut accepter les propositions dans 45. Bon. Le premier élément sur 45.1, quand on parle de l'avis de 90 jours qui doit être... de l'avis qui doit être transmis au syndicat et que le syndicat a 90 jours pour tenter de déposer une requête en vertu de l'article 45, le problème majeur qu'on va avoir, on est pas capable...
Parce qu'on a regardé ça, à la CSD, et on n'est pas capable de s'imaginer comment la Commission va pouvoir statuer parce que les informations qui vont être transmises, à ce moment-là, risquent d'être à la pièce. On va parler d'un projet, et ça va être des morceaux, des informations qui vont être très parcellaires et très théoriques parce que la transaction est pas nécessairement concrétisée, donc on est dans le virtuel. L'employeur transmet au syndicat, il dit: Moi, j'ai l'intention de me départir de telle opération à compter de tel moment, dans un an, peu importe, ou dans six mois, et là le syndicat va, donc, déposer à la Commission dans les 90 jours une requête pour être entendu, mais le projet de l'employeur, on y va sur du virtuel, sur du théorique, alors qu'actuellement ce qu'on fait, on constate, on y va sur des faits, donc on peut très bien travailler sur des faits, on peut travailler sur des constats. Mais travailler sur des prévisions, et quand on sait comment les modèles de flexibilité évoluent dans les entreprises, comment ça change à l'intérieur d'une même année, parfois à l'intérieur de trois mois, ça va être excessivement difficile. Et on ne voit pas comment on va être capable, d'une part, de protéger les accréditations. Et, d'autre part, on peut pas travailler dans le virtuel, le droit travaille sur les constatations, sur les faits, et pas sur des intentions, Alors, pour nous, on peut pas voir du tout comment ça peut fonctionner à 45.1.
45.2, premièrement, bon, la sanction qui est prévue à l'employeur... Pour nous, de dire à l'employeur: Tu vas être tenu par la durée originale de la convention collective, écoutez, c'est disproportionné au geste qui est posé. C'est carrément illégal de porter atteinte au pouvoir de représentation d'un syndicat. L'employeur a pas de contrainte. L'employeur a pas de contrainte, il peut ouvrir. Au pire, il va être pris avec la convention qui a été négociée, qu'il connaît, il va avoir transfert des activités. Alors, il va pouvoir faire ce qu'il veut, et là ils vont pouvoir se payer une traite. Nous, ce qu'on dit, écoutez, que si l'employeur porte atteinte au pouvoir de représentation syndicale, on devrait tout simplement annuler la transaction commerciale. La transaction commerciale ne devrait pas avoir la possibilité d'exister. Parce que c'est très grave, très grave de porter atteinte à la représentation syndicale, c'est pas un fait anodin. Et de tout temps, dans le Code du travail, on a condamné énergiquement, énergiquement, ces situations-là.
L'autre élément sur 45.3, troisièmement, sur la reconnaissance volontaire, bon, évidemment, ça, on l'avait soulevé sur 182, on l'avait soulevé lors de rencontres techniques. On admet qu'il y a eu des efforts, mais là où on est insatisfaits, à 45.3.3, c'est que, dans le fond, on dit: On va transférer la convention collective et ils devront s'accréditer dans les 90 jours, puis là, c'est l'association en place qui peut le faire. Mais, s'il y avait collusion... Parce que, au fédéral, la reconnaissance volontaire, c'est possible. Alors, s'il y avait eu collusion, ça veut dire qu'on confirme la collusion. Et, ça aussi, c'est contraire à l'esprit du Code. Donc, on peut difficilement... On devrait l'ouvrir à toutes les organisations syndicales, pas uniquement à l'organisation syndicale qui est en place. Alors, si c'était ouvert à toutes les organisations syndicales, à toute association de salariés, à ce moment-là, à 45.3.3, on trouve que la formule qui a été développée est ingénieuse, mais on ne peut pas la réserver uniquement à l'association représentative qui est en place parce que, si cette association-là était de collusion avec l'employeur, bien, on va confirmer la collusion. Et je suis convaincu que c'est pas ça l'intention du législateur.
Bon. Autre remarque, à 58.2, concernant le scrutin secret sur les dernières offres. Bon. On intervient dans la libre négociation des parties. De toutes les modifications qui nous tracassent, c'est peut-être la moins pire. C'est peut-être la moins pire parce que, dans les faits, ce qui va arriver concrètement, c'est qu'au début des négociations le syndicat va aviser l'assemblée générale, et là, il va dire: Dorénavant, dans le Code, l'employeur pourra demander un scrutin secret, et on débutera les vraies négociations quand le scrutin aura été pris puis quand ça aura été rejeté. Ça, cette disposition-là, c'est un peu comme à l'époque: on obligeait, avant d'aller en grève, on obligeait de passer par l'étape de la conciliation. On s'est aperçus, à un bon moment donné, que ça donnait absolument rien, que ça réglait pas, et on a rendue optionnelle l'étape de la conciliation. Alors, ça, le vote, ce que ça risque de faire, contrairement aux objectifs qu'on vise, dans des cas où il pourrait y avoir un syndicat qui aurait pas de fonctionnement démocratique, puis on voudrait s'assurer véritablement qu'il y ait un syndicat démocratique, ça risque de prolonger, de perturber. En tout cas, ça va modifier, ça, c'est sûr, les façons de négocier les conventions collectives au Québec.
Bon. Concernant la Commission des relations de travail, bon, évidemment, dans le projet n° 31, on parle d'une division au lieu de deux. Nous, on trouvait très intéressante l'idée d'avoir deux divisions parce qu'on se disait: Ça va insuffler une nouvelle dynamique dans les relations de travail au Québec, donc on trouvait ça très intéressant. Mais on comprend que vous l'avez scindé, possiblement pour des raisons de... pour vous assurer l'impartialité, pour vous assurer que ce soit inattaquable. Et, dans ce cadre-là, vous pouvez être assurés de notre appui pour la mise en place de cette Commission des relations de travail, qu'on salue d'ailleurs. C'est courageux, c'est courageux de s'être rendu à cette étape-là.
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(11 h 40)
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Bon, d'autres éléments généraux que je voudrais vous transmettre, comme, par exemple, l'appel en matière d'équité salariale confié à la Commission; ça, on est d'accord avec ça. Que le Commissaire de l'industrie de la construction continue d'exercer sa compétence, bon, bien, on l'avait suggéré lors du projet de loi n° 182, donc on est d'accord avec ça. Le changement aux modes d'exploitation de l'entreprise, ayant pour effet de modifier le statut de salarié, évidemment on est d'accord avec ça, même si on prétend qu'on aurait dû ouvrir sur l'accès à la syndicalisation.
Et, enfin, je terminerais mon exposé en posant une question à M. le ministre, qui, à mon avis, est très importante, parce que ce qu'on désire, dans le fond, c'est une réforme du travail qui va ouvrir l'accès à la syndicalisation à de nombreuses personnes qui ne peuvent actuellement se syndiquer. Et est-ce que le projet de loi n° 31 est une stratégie à l'intérieur d'une évolution des lois de travail ou bien non si, pour le ministre, ça constitue la réforme et le dossier est fermé? Parce que c'est important de le savoir, hein, c'est pas la même réaction.
Mais, je vous dirais, là où il faut faire excessivement attention, c'est sur 45 parce que, à 45, le législateur, de tout temps, a accordé une protection aux accréditations dans la législation. C'est pour la protéger contre les aléas de la conjoncture économique. Dans la Loi de la santé et de la sécurité, on fait la même chose, on protège les parties contre les aléas de la conjoncture économique. Et, nous, la crainte qu'on a à cet égard, comme la stratégie de croissance des entreprises en 2001, au Québec comme partout ailleurs, c'est la flexibilité, c'est l'impartition, c'est la sous-traitance. Bien, les risques sont très grands qu'on se départisse d'une partie d'un groupe pour que ça devienne un enjeu de négociation. Et ça, je vous dis que, dans les milieux de travail, ça va avoir un effet plus pernicieux que les clauses de disparité de traitement. Et je voudrais pas qu'on se retrouve ici, dans trois ans, dans quatre ans, où on a eu des débats houleux, où les tensions sont très grandes, en raison justement de cette négociation de la protection de l'accréditation. C'est la loi qui doit l'assurer et, non, on doit pas laisser ça aux parties. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Vaudreuil. M. le ministre.
M. Rochon: Merci, M. le Président. Bon, d'abord, je veux vous remercier, là, très sincèrement pour le travail, là, que vous avez consenti depuis un long moment; dans votre cas, ça a été même plusieurs années. Je pense ? au moins, d'après ce que j'ai vu de la petite histoire ? depuis quatre, cinq ans que, d'un comité à l'autre, différentes parties de ce qui se retrouve dans le projet de loi n° 31 ont été étudiées, et que vous nous accompagniez jusqu'à la dernière minute dans le dernier droit, on l'apprécie vraiment beaucoup.
J'ai quatre points que je voulais souligner. Je voudrais souligner rapidement avec vous... Parce qu'on va évidemment, jusqu'à la toute dernière minute, là, travailler à toutes les améliorations, tous les raffinements qu'on pourrait mettre dans l'article 31, et on veut être sûr de bien comprendre les points de vue que vous soulignez.
Mon premier point sera en rapport avec un de vos derniers commentaires pour clarifier une chose tout de suite, quand vous dites: Est-ce que le projet de loi n° 31, c'est ça, la réforme du Code du travail dont on parlait ou si c'est un début d'une opération? Alors, c'est clairement le début d'une opération. Ça, là, il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus. On a vraiment considéré toutes les avenues possibles, on a voulu profiter de toutes les discussions qui s'étaient faites autour de 182, et ça, ç'a amené à deux conclusions: Oui, il faut aller en profondeur. Et, avec tous les changements qui se sont faits dans l'économie, dans les relations de travail depuis les deux dernières décennies surtout, vu que notre Code n'a pas été vraiment touché depuis 25 ans, il faut aller en profondeur. Mais on a dû constater aussi, comme vous le savez, que, dans les discussions qu'il y a eu autour du projet de loi n° 182, ça a fait ressortir qu'il y a des éléments, là, plus complexes qu'on pouvait penser, des points de vue très différents. Ce qui m'a beaucoup frappé, entre autres: quand il y avait certaines propositions qui étaient faites et que, dépendant de la lorgnette qu'on avait pour les regarder, dans certains cas, on trouvait que ça ouvrait comme ça n'a pas de bon sens, puis, dans d'autres, que ça devenait tellement restrictif.
Alors, on met en marche un chantier. On voudra autant que possible avoir des étapes intermédiaires à chaque fois qu'on aura un produit fini, qui se détache bien et qui permet de river un clou. Je vois ça un peu comme l'image du temps, du train à crémaillère: chaque fois qu'on a un cran, puis qu'on peut bloquer, puis qu'on vient de franchir une étape, c'est ça qu'on souhaiterait faire. Alors là 31 a été fait dans cet esprit-là, pour essayer de cerner où on pensait qu'il y avait une voie de passage, de faire ça. Mais, déjà, on se met en chantier. Si jamais, à l'automne, il y a d'autres points qui sont rivés puis qui sont significatifs ? on peut pas jouer dans une loi comme ça pour des petits détails ? à chaque moment qu'il sera possible, je peux vous assurer, moi, là, de toute ma vigilance à cet égard. Et c'est dans cet esprit-là, donc, qu'on peut traiter les questions, là, que vous avez soulevées.
La première que vous avez mentionnée, en ce qui regarde le statut de salarié, correspond typiquement à ce que je viens de vous dire, là, quant à la stratégie qu'on envisage. Là, après analyse de tous côtés, là, je suis arrivé à la conclusion qu'il y avait une chose sûrement très importante, peut-être même un peu urgente, qui était d'avoir au moins une approche de protéger le statut de salarié. Ça, il faut au moins s'assurer de ça, là, qu'un employeur peut pas, parce que, lui, dans les changements qu'il fait à son organisation, qu'on peut pas l'empêcher de faire... On reconnaît qu'un employeur a la liberté de gérer son entreprise. Mais, lui, il peut pas décider qu'il change les statuts si, en fait, il les a pas changés d'après nos lois.
Par contre, pour tous les autres que vous avez soulevés, on reconnaît la pertinence des questions: l'employeur unique, les travailleurs autonomes, les différents statuts. J'ai un peu l'impression que ça bouge tellement actuellement que c'est une réalité qui est difficile à saisir. Il ne faudra pas que ça prenne cinq ans. Mais, déjà, dans certains secteurs, dans le domaine du taxi, par exemple, mon collègue le ministre des Transports, je pense ? vous êtes probablement au courant, il y a une législation pour tous les chauffeurs de taxi, au moins pour une partie du Québec ? pourrait peut-être trouver une voie de solution pour protéger les travailleurs dans un domaine comme ça. Alors, on ouvre à l'expérimentation, à la discussion. Et, encore là, on espère pouvoir procéder dans les meilleurs délais là-dessus, mais au moins on va protéger le statut de salarié, on va faire ça.
Bon, l'article... Un autre point que je voudrais clarifier ? puis, après ça, on va parler de l'article 45 ? ce que vous avez en rapport avec l'article 14 du projet de loi, qui modifie l'article 25 du Code, la question de la transmission de la requête en accréditation. Bon, ça, l'intention, elle est toute simple, et on peut ajuster d'un côté ou de l'autre, là. Dites-nous ce que vous en pensez. Vous avez vu qu'une des choses qu'on a voulu faire, c'est d'accélérer le processus d'accréditation. Là, avec le projet de loi n° 31, s'il est adopté, là, entre le moment du dépôt d'une accréditation puis la décision finale, c'est 60 jours. Ça fait qu'on est loin, là, des épopées auxquelles on peut penser, qui ont dû se subir et qui sont désastreuses, pas seulement pour le syndicat puis les salariés, mais aussi, dans bien des cas, pour l'entreprise.
Alors, à l'expérience de l'Ontario, où il semble que, eux, en demandant au syndicat de transmettre sa requête lui-même à l'employeur, ils sauvent cinq, six jours dans le délai... Alors, 60 jours, c'est vite passé dans une chose comme ça, si la requête est envoyée. Maintenant, elle n'a pas besoin d'être envoyée la veille, même pas le jour même, elle peut être envoyée le lendemain que la Commission l'a reçue. Et je reconnais, là... On peut toujours regarder si les moyens modernes de communication, les fax, les courriels, et tout ça, permettraient de pas laisser glisser quelques jours avant que l'employeur soit informé parce que c'est là que le délai commence à courir.
Bon. Alors, ou bien on rajoute cinq, six jours au délai, on met ça à 70 jours pour arrondir, quelque chose comme ça, ou bien on s'assure qu'on comprend bien qu'en vous demandant de le transmettre, c'est juste pour accélérer le processus, mais vous êtes pas obligés de prendre de chance de donner ça avant, même pas une journée, ça peut être le lendemain. Alors, je sais pas, ça, si cette explication-là vous fait voir ça d'un horizon différent ou si, pour vous, vous aimeriez mieux qu'on l'allonge, le délai, puis qu'on garde ça comme c'est actuellement, que la Commission, elle, transmet à l'employeur.
Le Président (M. Rioux): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Oui. Bon, écoutez, là-dessus, c'est parce qu'on a... Ce que vous nous affirmez, M. le ministre, et suite aux échanges qu'on a eus, bon, avec des gens du ministère, on a très bien compris que l'intention qui était derrière ça, c'est ce que vous avez exprimé. Cependant, pour en avoir discuté avec les gens du contentieux, chez nous, ce que les gens disent, c'est que ça va ouvrir, ça va ouvrir des cannes de vers, il va y avoir des débats, bon, parce qu'il y a pas... Il va falloir qu'il s'établisse une jurisprudence. Tandis que, si on fixait un délai, ça peut... Moi, j'ai pas de problème. Ce que je veux, c'est... Peu importe la formule, c'est à vous, dans le fond, de choisir. Je veux une formule claire qui fait en sorte qu'il y a pas d'obligation, le jour même, d'envoyer à un employeur une requête en accréditation. À la limite, bon, on prétend que la Commission pourrait le faire si... Si de l'expérience puis de l'analyse qui a été faite en Ontario, on sauve quatre, cinq jours, je trouve ça très intéressant. Actuellement, ça prend six, sept ans parfois avant d'être accrédité ? dans le lait, entre autres. Je veux dire... Non, non, mais on a changé de planète...
M. Rochon: On n'est pas à un jour près, vous allez me dire. Ha, ha, ha!
M. Vaudreuil (François): C'est ça, je trouve ça très intéressant là, très intéressant. Alors, là-dessus, l'idée, c'est que ça soit bien clair, qu'il y ait pas d'équivoque, que l'association accréditée n'ait pas d'obligation de transmettre ça le jour du dépôt à la Commission. Alors, si le nouveau texte prévoit ça, on n'a pas de problème là-dessus, on va être d'accord pour la transmettre.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Rochon: O.K. Bien, merci, là. J'apprécie ça, là, parce qu'il faut surtout pas qu'on parte un débat devant les tribunaux pendant quatre, cinq ans avec ça, là. L'intention est toute simple puis toute claire.
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(11 h 50)
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Bon, 45. Le 45, là, on est bien conscients, je pense, tout le monde, que c'est le pivot du Code du travail, là, et on a voulu vraiment respecter la nature de 45 tout en apportant évidemment certains assouplissements. On va les prendre un après l'autre pour bien comprendre ce que vous nous dites.
Dans le 45.1, vous dites qu'il y a un risque, et vous le présentez même comme étant la règle courante qu'entre le moment où l'employeur, l'entreprise donne l'information à la Commission du changement qu'elle veut faire et le moment où ça se fait réellement, que c'est plus la même question dont il s'agit. Bon. Ça, moi, je peux pas savoir ? vous avez plus d'expérience que moi là-dedans ? jusqu'à quel point, jusqu'à quelle fréquence ça va arriver. Mais, de toute façon, les provisions, telles qu'elles sont présentées, donnent un pouvoir à la Commission de réviser ses décisions s'il y a des faits nouveaux. Alors, si ce qui est présenté, ce pour quoi statue la Commission, le syndicat estime que la réalité qui survient un mois, quelques mois après est différente, c'est le cas qui est prévu pour retourner en Commission puis repartir l'opération, parce qu'il y a fait nouveau, donc il faut réviser la décision. Bon. Je sais pas, ça, là, s'il faut préciser ça, mettre ça plus clair ou faire un lien, mais, dans ce cas-là, avez-vous le sentiment que ça répond au problème que vous avez soulevé?
M. Vaudreuil (François): On comprend aussi l'intention de l'avis, qui est intéressant. Puis la première fois que j'ai vu ça, j'ai pensé au Code canadien des relations de travail, où, par exemple, sur les clauses de changement technologique, il y a une disposition ou il y a des avis, puis on doit indiquer la nature. Bon. Alors, j'ai pensé à ça. Donc, le principe de l'avis est pas bête en soi, sauf qu'en termes de droit ce que les gens nous disent, c'est que le droit... la décision de la Commission, ça peut pas s'exercer sur des intentions. Actuellement, on y va sur les faits, on y va sur des constats, et on ne voit vraiment pas... on ne voit vraiment pas ce que ça peut donner, comment qu'on va pouvoir vivre ça. Parce que, ce qu'on m'a dit, on a dit: Regarde, t'es dans le virtuel, là, et puis, à bouger vite comme ça bouge... Et souvent actuellement, on va aller dans un 45 pour demander au Commissaire de constater, puis il va arriver parfois qu'il y a des choses qui ont changé. Ça change énormément, très rapidement. Alors, comment que ça va se vivre, ça? Comment que ça va se vivre? Ça nous inquiète énormément.
Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, je vais aller un peu du côté de l'opposition, mais je reviendrai vers vous, monsieur... au député...
M. Rochon: J'ai pas fini. Il y avait trois éléments dans 45. Ça ne me fait rien de revenir après, mais il y avait 45.1, 2, 3. O.K. Vous voulez garder un équilibre, comme un bel équilibre...
Le Président (M. Rioux): Très bien. C'est comme le Code, hein?
Une voix: C'est si beau, l'amour.
Le Président (M. Rioux): Même chose. M. le député de Mont-Royal.
Une voix: ...
M. Tranchemontagne: C'est ça, c'est une forme, hein? Ç'en est une forme.
Le Président (M. Rioux): On connaît ça, en Gaspésie, nous, la sous-traitance. M. le député de Mont-Royal.
Une voix: Laissez-vous pas distraire.
M. Tranchemontagne: Non, inquiétez-vous pas. M. le Président, merci. M. Vaudreuil, bienvenue, rebonjour. Monsieur qui vous accompagne aussi. Merci pour votre mémoire, c'est important. Mais je vais essayer de procéder un petit peu comme le ministre a procédé, par étapes, on va suivre, puis je vais faire des commentaires puis vous demander d'en faire peut-être.
D'abord, la première chose avec laquelle je suis d'accord, que vous dites, c'est que le 31 n'est pas vraiment une réforme du Code du travail; on s'obstinera pas là-dessus. Votre premier article sur lequel vous vous penchez, c'est l'article 14, où vous demandez, par exemple, que l'association qui est requérante n'ait plus l'obligation d'envoyer... Vous venez d'en parler avec le ministre. Je voudrais vous dire une chose que, moi, j'ai constatée. J'ai compris que certaines associations patronales, en tout cas, sont déjà avec ce système-là. Je vais parler particulièrement... Les PME, par exemple, les petites et moyennes entreprises qui ne connaissent pas, par exemple... où l'employeur ne connaît par les règles de procédure, etc. Assez souvent, quand le ministère actuellement informe qu'il y a une demande d'accréditation pour ces employés, il informe aussi en même temps sur les règles à suivre, puis les délais, puis etc.
Évidemment, si on vous demandait, si on demandait à l'association requérante d'envoyer directement, comme c'est le cas dans le projet n° 31, il m'apparaît en tout cas ? puis je pense que vous êtes d'accord avec ça ? que c'est vous imposer une obligation que je suis pas sûr qui dépend de vous autres, tu sais ce que je veux dire. Deuxième chose, c'est qu'il y a risque de conflit aussi: Tu me l'as envoyé, tu me l'as pas envoyé à temps; je l'ai pas reçu. Un risque de chicane inutile alors que tout s'est fait dans des règles de procédure. Comme actuellement. C'est-à-dire, la responsabilité, c'est que vous en informez le ministère et le ministère a la responsabilité d'informer l'employeur, mais c'est plus que juste de l'informer sur une liste, c'est de l'informer aussi de ses droits et de ses obligations. Alors...
M. Vaudreuil (François): Bon. Je pense, sur la situation... La situation idéale, ce serait de garder ce qui existe actuellement. S'il y a une modification, il faudrait que le texte précise clairement qu'il y a aucune obligation de la part de l'association requérante de transmettre ça le jour même. Alors, là, il peut y avoir des délais. Évidemment, on préférerait le statu quo, mais, s'il y a une modification, on sera capable de vivre, en autant qu'on n'ait pas l'obligation de le transmettre le jour même.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. Ce qui est important de réaliser, c'est si le moment de tombée important, c'est celui où l'employeur le reçoit, si ça vient du ministère, et ça m'apparaît... ou de la Commission. À ce moment-ci, là, on parle du 31, ça m'apparaît plus rigoureux. Et aussi, faut pas oublier que plusieurs, comme je le disais hier ? puis je le répète encore aujourd'hui, là ? que les PME sont pas préparées à ça. Souvent, l'employeur, il sait pas quoi faire, il connaît pas les délais, il connaît pas les règles, il connaît pas rien. Alors, la CRT pourrait en profiter pour instruire, si je peux dire ? c'est un mot anglais, ça ? mais, en tout cas, informer... informer l'employeur de ses droits et de ses devoirs, de ses responsabilités. Alors, je pense que ça rencontre le besoin des deux côtés de la médaille.
Le Président (M. Rioux): La Commission, à ce moment-là, à un mandat d'éducation populaire.
M. Tranchemontagne: C'est obligatoire, je pense même. L'article 48, moi, je m'obstinerai pas avec vous autres.
Une voix: Pardon?
M. Tranchemontagne: L'article 18, excusez-moi, je m'obstinerai pas avec vous autres.
Le Président (M. Rioux): O.K. O.K.
M. Tranchemontagne: Ensuite de ça, sur le 45, bien, je vais couvrir au moins 45.1, que le ministre a déjà couvert, et puis après ça on pourra lui redonner la parole puis continuer à alterner comme ça. Je dois admettre que j'étais... Je suis surpris de votre réticence à faire face à une situation, comme vous l'appelez, virtuelle, c'est-à-dire qu'elle s'est pas encore passée, la transmission n'a pas eu lieu. De mon point de vue ? et je ne viens pas du même milieu que vous ? de mon point de vue, il m'apparaissait que c'était avantageux pour l'association, le syndicat, de savoir d'avance les intentions du propriétaire de l'entreprise, du contracteur, de l'employeur, connaître les intentions. Et puis, je reconnais avec vous que les choses changent beaucoup de nos jours puis que ça peut... C'est pas nécessairement stable et puis... Mais, comme on parle d'une période de 90 jours, il peut pas y avoir un renversement non plus de noir à blanc, là, complètement inverse.
Moi, ça m'apparaissait ? peut-être qu'il y a des choses que je vois pas là-dedans, là ? ça m'apparaissait beaucoup plus intéressant et du point de vue du syndicat et aussi du point de vue de l'employeur. Parce que, si je prends maintenant l'expérience de l'employeur, les transferts sont faits, etc., puis là, vous parlez même, tu sais, d'annuler le transfert, etc. Alors, ça laisse, je trouve, si la situation... On attend que les faits se soient réalisés, matérialisés. Ça laisse une espèce d'épée de Damoclès des deux côtés, à mon point de vue, qui... Je trouvais que le 45.1, dans ce sens-là, était une ouverture intéressante pour dire: Bien, voici où on s'en va, là, puis, si vous avez quelque chose à dire, dites-le donc tout de suite.
M. Vaudreuil (François): Le principe de l'avis, on trouve ça très intéressant, là. Puis, à la première lecture qu'on a faite quand on a reçu le projet de loi, on trouvait ça intéressant, au même titre qu'on retrouve dans le Code canadien, à titre d'exemple, sur les changements technologiques... C'est une dynamique parce que, bon, ça incite les parties à échanger. Mais, quand j'ai eu la chance d'échanger avec des gens qui pratiquent régulièrement sur l'application du Code, eux, ce qu'ils m'ont dit, ils ont dit: Écoute, ils ont dit, on n'a jamais fait de droit, quand on va aller... ? puis là, ils multipliaient les exemples ? on va s'en aller devant la Commission pour discuter de trucs qui sont virtuels, qui sont hypothétiques, qui sont souvent parcellaires.
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(12 heures)
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Parce que, dans les relations commerciales aussi, on ne dit pas que le contrat doit être signé. Or, l'employeur peut envoyer un avis pour dire qu'il a l'intention de confier telle partie de ses travaux en sous-traitance. Alors, il en informe le syndicat. Ça, c'est très bien. Mais ça peut changer aussi, en cours de route, parce que ça ne veut pas dire que la... voyons, l'échange commercial est réalisé. Tu sais, ça veut pas dire ça, là. Il y a pas nécessairement de réalisation. Et c'est peut-être autre chose qui va se réaliser. On sait comment que c'est, des... C'est comme dans tous les milieux, les discussions débutent avec un concessionnaire puis, à la fin, au bout de trois, quatre mois, on peut s'être entendu sur complètement autre chose, alors que la Commission aura eu à statuer sur des choses qui ne sont pas exactes.
Alors, ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on attend les faits et, quand on a les faits, il y a le constat, bien là on discute de choses précises, de choses concrètes. Alors, c'est à ce niveau-là qu'on a la principale préoccupation. C'est pratique, dans le fond, c'est pratique. Ce n'est pas sur le... On n'est pas contre l'avis, on trouve ça intéressant. On trouve ça intéressant parce que ça va... il va y avoir des échanges qui vont se faire. Il y a peut-être même des concessions qui ne seront pas accordées parce que l'employeur et le syndicat vont s'être entendus sur un autre modèle. Ça, on a déjà vécu ça. C'est pas mauvais en soi. L'avis, c'est très intéressant.
Le Président (M. Rioux): Vous voulez compléter, M. le député, hein?
M. Tranchemontagne: Bien, je voudrais juste clarifier peut-être. C'est peut-être une question de sémantique, qu'on se comprend pas sur le mot «les faits». Je sais pas comment vous définissez votre expression «les faits». Moi, j'interprétais ça comme: le transfert est fait, etc. Donc, les actions ont été posées par...
M. Vaudreuil (François): Ça va être vrai dans le cas où le délai de 270 jours s'applique. Ça, c'est quand c'est fait. Mais l'avis, c'est pas fait nécessairement, là. L'employeur pourrait envoyer un avis puis dire: J'ai l'intention de céder ça en concession.
M. Tranchemontagne: Mais, vous, vous nous dites: J'aimerais mieux attendre que les faits soient arrivés de me...
M. Vaudreuil (François): Oui.
M. Tranchemontagne: Comment vous définissez le mot «faits»? C'est-à-dire que le transfert a eu lieu, c'est fait, c'est... Tu sais, moi, c'est fait, c'est fait.
M. Vaudreuil (François): Êtes-vous un avocat, vous?
M. Tranchemontagne: Hein?
M. Vaudreuil (François): Êtes-vous un avocat?
M. Tranchemontagne: Non, pas du tout.
M. Vaudreuil (François): Moi non plus. Moi non plus.
M. Tranchemontagne: Dieu m'en garde. Dieu m'en garde... Ha, ha, ha!
M. Vaudreuil (François): Moi non plus. Mais ce qu'on m'explique, c'est que c'est pas plaidable, c'est pas... J'aurais dû amener Robert avec moi. C'est pas plaidable.
Le Président (M. Rioux): ...on se comprend.
M. Vaudreuil (François): Ce qu'on m'explique, c'est... Pardon?
Le Président (M. Rioux): On se comprend. Il y a personne pour compliquer les affaires. C'est bon. C'est beau. C'est très bien, ça. M. le député de Mont-Royal, est-ce que ça va pour l'heure?
M. Tranchemontagne: Oui. Je reviendrai peut-être.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Il y a trois, là... Autour de 45 puis peut-être 20, il y a trois choses. Je veux vraiment pas étirer le débat, mais ça m'apparaît très important qu'on saisisse très bien ce que vous faites. Pardon?
Le Président (M. Rioux): Excusez-moi. M. le député de Maskinongé, le ministre veut régler ses affaires. S'il reste du temps, vous en aurez.
M. Désilets: Le ministre va s'exprimer puis on prendra la relève.
M. Rochon: Juste compléter ce que j'avais commencé.
M. Désilets: Oui, oui. C'est ça qu'on va faire.
M. Rochon: Je m'excuse, mes collègues. Ça m'apparaît bien important qu'on se comprenne là-dessus.
M. Désilets: Oui.
M. Rochon: La question, là... D'abord, on en parlait, l'avis dont vous parlez où vous avez craint qu'entre... l'avis virtuel, la situation virtuelle. Vous référez à l'avis pour le changement du statut de salarié à l'article 20 ou à 45?
M. Vaudreuil (François): 45.1.
M. Rochon: Bon. C'est ce que j'avais compris. Bon. O.K. Alors là, ce que vous craignez, c'est que, quand la situation va se produire, qui peut être quelques mois après le moment que l'avis a été fait, qu'on ait quelque chose qui est différent. Bon.
Est-ce que c'est juste de raisonner... Bon, disons que ça peut arriver. Si ça arrive, vous êtes justifié de retourner devant la Commission parce qu'il y a des faits nouveaux. C'est plus ce que c'était. Souvent, il faut calculer un risque. On peut reconnaître qu'il y a là un risque, la lourdeur de retourner, mais, par rapport à l'autre risque qui n'est pas la situation... qui n'a pas ce genre d'avis qui est requis avec un délai précis, que l'employeur procède et le syndicat se retrouve devant un fait accompli, bon, alors là, on est obligé de remonter une côte encore plus, là, que d'avoir eu un premier avis. Il y a eu un changement, on demande une révision déjà sur un dossier qui a été ouvert par rapport à la situation. Il peut y avoir un fait accompli, puis là de risquer peut-être d'être obligé de s'embarquer dans un processus juridique encore plus lourd.
M. Vaudreuil (François): Moi, je pense, M. le ministre, ce qui pourrait être intéressant sur cet élément-là, si on pouvait faire travailler des gens au niveau technique sur cet aspect-là. Parce que le principe de l'avis en soi, ça a l'avantage qu'il va y avoir des discussions qui vont se faire à l'interne et il risque d'y avoir un élément, dans certains cas, où il y aura pas de concessions qui vont être faites puis les gens vont s'entendre. Ça aussi, c'est possible, là.
Donc, tu sais, il y a une dynamique rattachée au principe de l'avis qui est du côté préventif qui est pas mauvais en soi. Mais c'est parce que, en droit, ça cause des problèmes. Donc, je pense qu'il y aurait lieu de regarder ça pour voir comment qu'on peut arranger ça pour que concrètement ce soit plus vivable.
M. Rochon: Mais j'essaie de finir ça.
Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.
M. Rochon: Oui, sur ce point-là.
M. Tranchemontagne: Sur ce point-là.
M. Rochon: Pointu là-dessus.
M. Tranchemontagne: Je vous promets.
Le Président (M. Kieffer): Pointu, pointu. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Je voulais juste vous souligner que le 128... Je ne suis pas un avocat, comme je vous ai dit tantôt, mais le 128 m'apparaît être la réponse à votre inquiétude. C'est: «La Commission peut, sur demande...» Et je pense que ça va dans le sens.
M. Rochon: C'est ça que...
M. Tranchemontagne:
«...sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance.» S'il juge que, par exemple, un fait nouveau est porté... Alors, le 128 me semblait, moi, couvrir...
M. Rochon: C'est ça.
M. Vaudreuil (François): Moi, mais il faut retourner. C'est une deuxième étape. En tout cas...
M. Rochon: La capacité de révision.
M. Tranchemontagne: Oui, ça, je comprends, mais, comme c'est une situation qui est dynamique, bien, y en a pas de... sinon, vous attendez les faits. Bien, les faits, pour moi, c'est: la situation s'est produite puis il est trop tard.
M. Vaudreuil (François): Je pense que ça va être intéressant sur un comité technique, ça.
M. Rochon: Oui, bien là, si on est les trois à essayer de dire la même chose, on peut sûrement réécrire ça pour se comprendre.
Le Président (M. Kieffer): Oui, puis surtout que les galées vont avoir bien des problèmes.
M. Rochon: O.K.
Le Président (M. Kieffer): Alors, je redonne la parole à M. le ministre.
M. Rochon: O.K. Bon. 45.2, 45.2, c'est la partie de 45.2, là, qui traite spécifiquement, si j'ai bien compris votre point, la possibilité que les gens s'entendent de part et d'autre pour ne pas appliquer 45. Bon. Vous dites: Ça peut donner place à des pressions énormes si on l'accepte, là. Maintenant, là, on est dans une situation, je veux être bien sûr de voir si ça peut arriver vraiment très souvent puis jusqu'à quel point que le rapport de force du syndicat qui a sa convention collective qui est en place est pas capable de contrebalancer ce genre de pression là. Parce que ça nous semblait être un peu quelque chose de naturel, si on dit: Si les parties... Parce qu'il n'y a pas beaucoup de... On nous a un peu dit ça dans beaucoup de cas. C'est évident, là, que 45 s'applique pas puis on est aussi bien de redéfinir les billes tout de suite, alors pourquoi ne pas... Comme notre préoccupation est vraiment d'essayer d'accélérer puis d'assouplir le plus possible, on dit: Si les parties sont d'accord qu'il faut le refaire, pourquoi qu'on les obligerait à passer à travers des délais puis d'attendre pour conclure, quelques mois après, ce qui est bien clair pour eux autres tout de suite, là?
Par contre, on n'allait pas jusqu'au point que ce que certains patrons demandaient, que ça puisse être en vertu d'une clause générale lors de la convention collective, qui ferait que, sans connaître le contexte précis du moment de ce qu'on appelle une sous-traitance survient, qu'on est lié par quelque chose qu'on a fait puis on a discuté deux ans avant et qu'on prévoyait pas du tout que le contexte pourrait être celui-là. Il faut que ça soit ad hoc sur le moment, là, de ce qui est présenté. Il me paraît un peu difficile de penser que les parties sont pas en équilibre suffisant pour être capables de dire: Oui, on est d'accord, ou bien, non, on n'est pas d'accord, puis ça peut pas... donc c'est le reste de l'article qui s'applique.
Le Président (M. Kieffer): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Vous savez, à cette commission-ci, j'ai donné peut-être à deux ou trois reprises cet exemple-là. Évidemment, vous n'étiez pas présent à ce moment-là, vous étiez pas ministre. Il y a une usine ? c'est un exemple qui illustre bien comment ça se vit dans les milieux concrètement ? il y a une usine de textile qui appartenait à Dominion Textile, et Dominion Textile s'en départit. Il y a des gens, des Québécois qui rachètent ça, qui... Ça s'appelle aujourd'hui Cavalier. Alors, on travaille sur... le syndicat travaille avec l'employeur sur la productivité. On augmente, dans certains départements, la productivité jusqu'à 60 %. On a passé les emplois, pendant la première convention collective, de quelque 100 emplois à quelque 200 emplois. Alors, quand est arrivé le temps de la négociation, le syndicat était enthousiaste et anticipait une négociation qui irait bien; le climat de travail était bon, et les relations.
La compagnie est arrivée puis la compagnie a dit: Regardez, c'est le modèle de la flexibilité, c'est le modèle... Bon. Et là, à ce moment-là, les clauses de traitement, de disparité de traitement étaient possibles. Alors là la compagnie a dit: Les nouveaux, faut qu'ils travaillent à 20 % de moins parce que, autrement, comme stratégie de croissance, je serai plus compétitif. Bon. C'est une compagnie qui fait beaucoup de profits.
Alors, évidemment, là, le syndicat a été en assemblée générale, ils ont voté contre, ils ont exercé des moyens de pression. Quand les moyens de pression ont commencé dans l'usine, la direction a convoqué le syndicat. Ils ont dit: Vous arrêtez les moyens de pression et vous acceptez que les nouveaux vont avoir 20 % de moins ou bien non je ferme l'usine.
Alors, avec le spectre de la fermeture, la volatilité des entreprises, le rapport de force n'est plus le même. Et, si on confie aux parties la négociation de la protection de l'accréditation, on va se retrouver dans des situations semblables, des situations comparables. Et là, en assemblée générale, ils vont se diviser. Il va y en avoir 200 dans la salle, puis là ils vont dire: Bon, bien, moi, pour garder mon emploi, je vas accepter que la vingtaine s'en aille. On va les abandonner. Donc, ça va créer des tensions très grandes.
Et c'est pour cette raison-là que le législateur a toujours, toujours, toujours garanti par la loi la protection de l'accréditation. C'est le même principe en matière de santé et sécurité au niveau des... On a voulu protéger les parties des aléas de la conjoncture économique. Le législateur a dit: Ça, c'est intouchable, et tous les juges, et tous les juges, depuis 1964, l'ont confirmé. Et, comme je vous disais dans une rencontre privée qu'on a eue, les juges qu'on a au Tribunal du travail sont très bons, là, les commissaires, de façon générale, sont très bons. On n'a pas un mot à dire là-dessus, là. C'était sur le modèle, sur la structure qu'on revendiquait la Commission. Ils l'ont confirmé de tout temps, de tout temps, une accréditation... c'est une accréditation, il faut y faire attention, il faut la protéger. Il faut la protéger.
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(12 h 10)
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Donc, là-dessus, sur ce principe-là, on peut difficilement... on peut pas négocier sur ce principe-là. Il faut que la loi protège ça. Il faut que la loi le protège. Puis, moi, ma crainte, c'est qu'on se retrouve dans un débat comparable avec ce qu'on a eu avec les clauses de disparité de traitement. Ce sera pas sur les derniers entrés, ça va être probablement sur les activités de l'entreprise qui sont en périphérie de l'activité principale: la maintenance, l'entretien, des trucs comme ça. Mais, tu sais, on sacrifie du monde puis pendant que les entreprises sont rentables, puis pendant que les entreprises font beaucoup d'argent.
Moi, ça fait quatre ans que je suis président de la CSD, je vous l'ai dit dans 182 aussi, et jamais, en quatre ans, il y a eu une entreprise qui a été en difficulté en raison, là, des problèmes de 45. Il y en a beaucoup de 45, on en plaide énormément, mais ça a jamais occasionné de problème. C'est que les entreprises veulent s'en servir comme stratégie de croissance pour leur productivité, pour leur compétitivité puis pour leur rentabilité. Mais il y a rien pour le monde là-dedans, là. Et puis la protection de l'accréditation, ça protégeait le monde. Alors, moi, je pense que, M. le ministre, s'il y a une chose qu'il faut retirer dans ce projet de loi là, c'est la possibilité que les parties aient à assurer la protection de l'accréditation. S'il y a un intouchable, ça, c'est fondamental, fondamental.
Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.
M. Rochon: Votre point est très clair, là. Je saisis bien, avec les conséquences, là. On va y réfléchir. Mon dernier point qui devrait probablement pas être long, là: 45.3. Je craignais un peu, là, un peu qu'il se crée là une situation, là, où des... des collusions puissent se produire. Le genre de situation qui a amené l'article qui est là est plus typiquement, me dit-on, là, par exemple, dans un cas de transmission d'un syndicat fédéral, par exemple, de bonne foi ? c'est sûrement une situation qui est en place ? et l'article visait de lui donner une protection de 90 jours pour se faire reconnaître au Québec parce que ça peut pas exister, une association de bonne foi au Québec, il faut qu'il soit accrédité.
Alors, ça lui donnait sa période de 90 jours pour faire accréditer sans qu'il y ait de maraudage qui intervienne à ce moment-là. S'il y avait une... Bon, ça, je pense que ça apparaît comme quelque chose de bon, là. Les travailleurs qui ont déjà un syndicat puis qui veulent le continuer, ils ont une chance de pouvoir le faire, la Commission décidera.
S'il y a collusion, effectivement, qui se produit, est-ce que l'article 12 est pas là pour intervenir, là, à ce moment-là et faire cesser le jeu, là, parce qu'on dit qu'«aucun employeur, ni aucune personne agissant ? l'article 12 ? pour un employeur ou une association d'employeurs, ne cherchera d'aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d'une association de salariés, ni à y participer».
Alors, la compréhension que j'avais de ce qu'on a mis là, c'est qu'on donne la chance à l'accréditation de bonne foi de devenir conforme à nos lois à nous, ayant changé de territoire; s'il y a collusion, l'article 12 s'applique et il y a pas de problème.
Le Président (M. Kieffer): M. Vaudreuil, vous avez une minute.
M. Vaudreuil (François): Ça va être dur. C'est nous qui... On l'avait apporté ça à 182. Ce qui a été fait, au niveau de l'intention, on trouve ça fort louable, sauf que ce qu'on dit, c'est qu'on devrait permettre à toute autre association parce que... s'il y a véritablement une collusion, que les travailleuses et les travailleurs puissent se regrouper dans les 90 jours et déposer une nouvelle requête en accréditation à une autre association accréditée.
Pour ce qui est du 12, là, M. le ministre, c'est excessivement, excessivement difficile, parce que ces choses-là ne se font pas au grand jour, les gens sont très bien conseillés et très habiles et commettent le crime parfait dans ces situations-là.
Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Vaudreuil. Le temps était écoulé pour la partie gouvernementale. Je passe maintenant le temps à l'opposition qui a été assez gentille pour permettre une dernière question par la suite, à la fin, à M. le député de La Peltrie. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: En autant que les questions puis les réponses soient pas trop longues.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tranchemontagne: Je voudrais revenir au 45, sujet préféré entre tous. On a une différence de pensée, clairement. Moi, je pense que, comme vous dites, le Code du travail est là pour protéger les employés, mais il est pas là non plus pour empêcher la croissance économique et la croissance de l'emploi. Et, selon moi, l'article 45 est une entrave à... ça empêche les employeurs de pouvoir faire ce qu'on appelle de la sous-traitance. Puis la sous-traitance, je vais la qualifier: la sous-traitance qui, à mon point de vue ? puis je pense que vous y avez touché tantôt ? la sous-traitance qui n'est pas fondamentale à l'entreprise, là, qui fait pas partie de la mission de l'entreprise.
Vous avez parlé, par exemple, de l'entretien ou des choses comme ça. D'autres fois, ça peut être de la sous-traitance qui permet à l'entreprise justement d'aller chercher un contrat ou une job qu'elle pourrait pas avoir si elle n'avait pas l'expertise qu'elle va chercher en sous-traitance.
Et ces emplois-là, l'étude... Il y a une étude, vous êtes sûrement au courant, là, qui a été commandée par les conseillers en ressources humaines et relations industrielles, qui démontre qu'une baisse de 5 % dans le nombre de conventions collectives ? qui était à 57, s'il baissait à 52, là ? qui ont une clause limitant la sous-traitance, si on faisait ça, ça voudrait dire pour le Québec un accroissement net de 13 000 emplois: perte de 11, mais plus 24.
On pourrait toujours s'obstiner si les 24 créés ils sont-u plus ou moins payés que ceux qui sont perdus, on peut s'obstiner longtemps là-dessus, puis on n'a pas de preuve dans le moment, on n'a pas de faits sur lesquels on pourrait baser... Mais cette étude-là est un fait qui, moi, m'ouvre les yeux et me dit: Mon Dieu! si on a l'intérêt du Québec à coeur, pourquoi on voudrait pas prendre ça, reconnaître les résultats de cette étude-là, et accepter qu'il y ait une forme de sous-traitance permise et que le 45 disparaisse, d'une certaine façon, dans le sens qu'on deviendrait compétitif par rapport aux autres provinces et aux autres États nord-américains?
Hier, on a eu, entre autres, une discussion qui était intéressante, à mon point de vue, quand on parlait, par exemple, que, si la sous-traitance se fait pas ici, elle va se faire ailleurs, puis c'est ailleurs que les emplois vont être créés. Ça fait que, ce qu'on va faire, on va perdre les 11 000 emplois qu'on avait, et puis les 24 000 qui sont créés vont être créés ailleurs. C'est ça qui nous inquiète. Alors, comment vous réagissez?
Le Président (M. Kieffer): M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Premier commentaire, je vous dirais que l'article 45... Parce que, là, on a une difficulté d'interprétation, l'article 45 n'empêche pas la sous-traitance. Elle encadre la sous-traitance et assure la protection de l'accréditation et de la convention collective. Bon. Ça, c'est le premier élément.
Quand vous dites: Les entreprises se départissent de ce qui est pas fondamental... Je vais vous citer une anecdote d'une entreprise qu'on a, dont les salariés sont syndiqués à la CSD. Une très bonne entreprise, en passant, très bonne. Mais juste... C'est quelqu'un qui est dans un marché hautement compétitif au niveau de la mondialisation. Voilà 10 ans, cet employeur-là disait que, lui, il était un producteur de ? c'est parce que je veux pas en parler parce qu'il est le seul au Québec et il serait facile de l'identifier ? il était un producteur de tel produit. Aujourd'hui, en l'an 2000, il dit qu'il... Il dit plus ça, il dit: Aujourd'hui, je suis un vendeur de... Alors, ce que ça veut dire... C'est toute la notion d'entreprise qui a changé aussi, qui a évolué grandement. Alors, il est devenu plus un donneur d'ordres d'un réseau. Il est devenu un donneur d'ordres d'une entreprise traditionnelle, mais aussi d'un réseau. Et l'évolution est possible, sauf que ce que 45 fait, c'est qu'il encadre, et il encadre pour le monde, pour protéger les gens, pour leur permettre de maintenir un niveau de vie, pour conserver des acquis, ce qui est très important et, pour nous, qu'il faut pas traiter. Parce que ça prend un équilibre aussi, tout ne doit pas être à l'économique, tout ne doit pas être à l'économique et puis rien pour le monde.
Puis là, actuellement, on est dans un déséquilibre. Tu sais, je vais vous donner l'exemple de l'industrie du vêtement. L'étude que vous nous dites, là... Moi, je me souviens très bien, ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, les employeurs de l'industrie du vêtement sont venus nous dire... sont venus dire au gouvernement: Abolissez les décrets dans l'industrie, c'est contre-productif. On va créer 8 000 emplois. Ils en ont même parlé au Sommet économique: On va créer 8 000 emplois. Les décrets ont été abolis. Les travailleuses de l'industrie n'ont pas eu d'augmentation de salaire depuis 1994. On a un groupe, là, qui est sorti. Du monde qui travaillent à 8 $ de l'heure puis qui sont pas capables d'augmenter leurs conditions de vie. Parce qu'au moins ça assurait une compétition loyale entre les employeurs. Ça a été aboli, ça a été déréglementé. Non seulement, non seulement les 8 000 emplois promis par les patrons sont pas arrivés, mais les conditions de travail de ces travailleuses puis de ces travailleurs-là ont constamment régressé. Elles se sont appauvries.
Ça fait que, quand on regarde tout ça, il faut penser au monde, au monde qu'on représente, qui est notre raison d'être. Et il faut un équilibre puis il faut que le monde ait possibilité de faire, comme je disais au départ, un contre-pouvoir vis-à-vis ceux qui détiennent le pouvoir. C'est ça, dans le fond, le truc.
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(12 h 20)
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Le Président (M. Kieffer): Merci. M. le député, une petite? Allez-y.
M. Tranchemontagne: Je comprends que vous, votre job dans la vie, c'est vraiment de protéger votre monde, puis ça, j'ai pas de problème avec ça. Mais je pense qu'il faut aussi comprendre qu'au niveau du gouvernement l'important, c'est de protéger l'ensemble de la société québécoise. Et, si on peut, demain matin, la faire progresser, faire accroître la richesse de la société québécoise en créant des jobs et, si ça se fait par la voie de la sous-traitance, entre autres, puis pas la seule voie... Vous avez retenu de mon exposé seulement la partie qui vous intéressait, des sous-traitants qui sont peut-être à meilleur compte, mais il y a aussi la partie de la sous-traitance qui apporte une technologie que peut-être le donneur d'ouvrage n'a pas.
Alors, moi, je pense que, du point de vue gouvernemental, il faut regarder ça d'une façon plus large, à mon point de vue, que strictement sur le membre d'une centrale syndicale. Je m'excuse, mais je pense qu'il y a une nuance.
Le Président (M. Kieffer): M. Vaudreuil, essayez de la faire courte. Comme ça, il y aura une minute et demie pour votre échange avec...
M. Vaudreuil (François): Rapidement, pour rappeler que je suis d'accord que le gouvernement est élu avant tout pour le bien commun de la population puis qu'il y en a une, richesse, qui s'est créée au cours des dernières années, là. C'est une question de partage, de bien la partager. Mais là on rentre dans la philosophie.
Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Vaudreuil. Alors, M. le député de La Peltrie. Non, non, allez-y, vous avez une minute et demie, deux minutes.
M. Côté (La Peltrie): Bon. Merci, M. le Président. Messieurs, vous avez, dans votre mémoire, à la page 4, lorsque vous parlez que «certaines modifications proposées à la procédure d'accréditation continuent d'avantager l'employeur» et, entre autres, de faire passer la première cotisation syndicale de 2 $ à un montant qui sera établi par la suite... Bon. Je pense que c'est depuis 1965 que la cotisation syndicale, lors de l'adhésion, est à 2 $. En quoi une actualisation, là, en 2001, pourrait causer problème? J'imagine qu'il doit y avoir une raison assez majeure.
Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le député. M. Vaudreuil, 45 secondes.
M. Vaudreuil (François): Alors, les gens qui font du recrutement, du porte-à-porte nous disent que, dans des secteurs d'activité... Comme là, on est en train de faire une organisation dans une région dans le vêtement. Si vous vous présentez dans les maisons la veille ou l'avant-veille de la paie, ces gens-là n'ont pas 2 $ à vous donner pour payer une carte, et ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, là, ils n'ont pas d'argent. Et on ne veut pas organiser les bien nantis de la société, on veut organiser ceux qui en ont besoin, ceux qu'on peut aider, parce que c'est notre raison d'être, c'est notre raison de vivre, et ça, c'est une barrière à la syndicalisation.
Le Président (M. Kieffer): Alors, sur ce, je vous remercie beaucoup, messieurs.
Et j'invite maintenant ? deux minutes de suspension maximum ? j'invite maintenant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à bien vouloir prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 12 h 24)
Le Président (M. Kieffer): Alors, je demande aux membres de la commission de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, l'audition va débuter dans 30 secondes.
Alors, Me Pierre Bosset, directeur de la recherche et de la planification, Me Michel Coutu, conseiller juridique, Direction de la recherche et de la planification, la commission vous souhaite la bienvenue.
Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes maximum pour la présentation de votre dossier, vous êtes pas obligés de les faire. Nous allons vous écouter attentivement. Et chaque partie aura par la suite 20 minutes chacun pour les échanges. Alors, à vous la parole. Si vous voulez bien vous identifier l'un par rapport à l'autre, j'apprécierais et les galées aussi. À vous la parole.
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Bosset (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis Pierre Bosset, directeur de la recherche et de la planification, et je suis accompagné de Me Michel Coutu, conseiller juridique à la même Direction et qui est également le rédacteur du mémoire de la Commission. La présidente par intérim de notre organisme, Me Céline Giroux, est retenue à l'extérieur du Québec par ses fonctions et donc ne peut être présente parmi nous ce matin.
Comme vous le savez, le mandat de notre Commission nous est confié directement par l'Assemblée nationale. Nous avons le mandat de promouvoir par toutes les mesures appropriées les principes de la Charte des droits et libertés de la personne, et l'une de ces mesures appropriées, c'est justement l'examen des lois et des projets de loi et la présentation de recommandations, donc c'est ce qui explique et qui justifie notre présence devant vous ce matin.
Nous avons eu déjà l'occasion de vous présenter un mémoire sur le projet de loi n° 182. Ce mémoire a été déposé un peu plus tôt cette année. Malheureusement, nous n'avons pas eu la chance, pour les raisons que vous connaissez, de le présenter devant vous. Donc, le mémoire actuel sur le projet de loi n° 31 est essentiellement une refonte du mémoire antérieur de la Commission, en tenant compte, bien entendu, des changements qui sont survenus depuis avec le projet de loi n° 31.
Dans le cadre de notre présentation et compte tenu du temps que nous avons, nous allons nous en tenir surtout aux aspects du projet de loi n° 31 qui ont un impact direct sur les droits et libertés reconnus par la Charte des droits de la personne.
D'entrée de jeu, nous appuyons les objectifs de ce projet de loi n° 31 dans la mesure où ils sont susceptibles de favoriser l'exercice de certains droits ou de certaines libertés reconnus par la Charte. C'est le cas en particulier de l'un des pivots majeurs de ce projet de loi, la création de la Commission des relations de travail qui est nettement favorable, selon nous, à l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par la Charte, soit la liberté d'association reconnue à l'article 3 de la Charte. Cette création, en facilitant justement l'exercice de la liberté d'association, va également, selon nous, à terme favoriser l'exercice d'un autre droit important: le droit des travailleurs à des conditions de travail justes et raisonnables qui respectent leur santé et leur sécurité, droit reconnu à l'article 46 de la Charte.
Cela dit, nous avons des remarques à faire sur des aspects qui, selon nous, marquent certains reculs par rapport au projet de loi antérieur et nous allons également proposer... faire des observations sur des aspects qui ne sont pas directement traités par le projet de loi actuel, mais qui, selon nous, sont néanmoins très importants. Et j'ai noté avec intérêt la remarque du ministre, ce matin, qui nous précisait bien que nous sommes au début d'un processus de réforme du Code du travail. Je pense que les remarques que nous allons faire dans les prochaines minutes s'inscrivent dans cette perspective. Je vais laisser, pour les exposer, mon collègue Michel Coutu vous exposer le contenu de ces observations.
Le Président (M. Kieffer): M. Michel Coutu, à vous la parole.
M. Coutu (Michel): Merci. Alors, d'abord dans un premier temps, des remarques générales, quelques remarques générales portant sur le projet de loi.
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(12 h 30)
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Bon, nous appuyons les objectifs ? comme ça a été dit ? généraux poursuivis par le projet de loi. Nous remarquons cependant que la question du travail dépendant a été laissée de côté. C'est une préoccupation, cette situation, précarisation du travail, travailleur autonome, travailleur dépendant, c'est une préoccupation majeure de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La Commission a fait plusieurs études sur le sujet. Pour nous, il y a un certain nombre de droits qui sont en cause quand on considère la situation de cette catégorie de travailleurs et de travailleuses. Je pense à l'article 3 de la Charte des droits qui consacre la liberté d'association, l'article 10 et suivants qui ont trait au droit à l'égalité. Et on sait que, enfin, suivant les études dont nous avons pris connaissance, que parmi les travailleurs et travailleuses dépendants, on va retrouver une certaine... une proportion significative de membres de groupes minoritaires, et aussi il y a les femmes qui sont surreprésentées dans ce groupe.
Enfin, il y a l'article 46 de la Charte qui a trait aux conditions de travail justes et raisonnables. Donc, vous retrouverez, dans notre mémoire, des recommandations, une recommandation à ce sujet demandant à ce que cette situation des travailleurs dépendants soient de nouveau prise en considération.
Un autre élément aussi ? et là on reprend des commentaires que la Commission a déjà émis il y a quelques années ? concerne l'autonomie des membres de la future Commission des relations du travail. Vous savez que l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne fait référence au concept de tribunal indépendant, ce qui inclut un organisme tel la Commission des relations du travail. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas, disons, la durée déterminée à cinq ans, en principe, de l'entrée en... la durée déterminée de la fonction de commissaire de la Commission, mais c'est le processus de non-renouvellement. Nous faisons un certain nombre de recommandations qui seraient de nature, à notre avis, à assurer davantage de transparence au niveau du processus de non-renouvellement. Et je pense que ceci est important, compte tenu de la crédibilité qui, en fait... la crédibilité qui doit être celle, et la plus entière possible, de la Commission des relations du travail.
J'en viens maintenant à un point qui est central dans notre mémoire même s'il se situe probablement à la périphérie du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, c'est la question de l'interaction entre la Charte des droits et libertés de la personne et le Code du travail. Ça peut sembler théorique au point de départ, mais on va voir que ça a des répercussions éminemment pratiques. La Charte, bien, vous le savez, c'est une loi fondamentale pour ce qui est du Québec, pour ce qui est de l'ordre juridique québécois. C'est sûr qu'il y a la Charte canadienne, là, qui chapeaute tout ça, mais, pour l'ordre juridique québécois, c'est une loi de nature constitutionnelle.
Alors, la Charte, bien sûr, a prépondérance sur le Code du travail par effet de l'article... son article 52, et on se rend compte cependant que les interprètes, les décideurs au niveau des institutions relevant du droit des rapports collectifs de travail ? je pense au Commissaire du travail, au Tribunal du travail et aux tribunaux d'arbitrage ? je dirais ? et je me base... nous nous basons là-dessus sur un certain nombre d'études qui ont été faites récemment ? n'ont pas toujours le réflexe de faire appel à la Charte autant que ce serait possible et souhaitable, la Charte qui, étant donné son caractère prééminent, doit pourtant guider ces interprètes des normes lorsqu'ils interprètent le Code du travail ou la convention collective dans un sens qui est compatible, conforme à la Charte des droits et libertés de la personne.
Donc, nous pensons qu'il faut clarifier, qu'il faudra clarifier ces choses, ça nous paraît très important. Ça couvre, après tout... le Code du travail couvre un nombre considérable de salariés. La formule que nous proposons, c'est l'insertion d'une disposition préliminaire dans le Code du travail. Le Code civil du Québec, comme vous le savez, a une disposition préliminaire qui précise les rapports entre le Code civil et la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, on s'est dit: Ce qui a été adopté pour le Code civil, enfin, l'idée d'avoir une disposition préliminaire ne serait-elle pas adéquate aussi pour ce qui est du Code du travail? Ce qui ne manquerait pas d'avoir des retombées positives, à notre avis, sur la dynamique d'interprétation du Code du travail et, plus généralement, du droit des rapports collectifs de travail. Alors, il y a eu une recommandation, la recommandation 5 de notre mémoire qui porte là-dessus.
Ça nous conduit à une question qui est plus spécifique, c'est celle de l'impact de la Charte sur les tribunaux d'arbitrage. C'est une question qui est très importante et je pense qu'il va falloir se pencher... Enfin, nous suggérons que l'Assemblée s'y penche sérieusement. Il faut mesurer l'impact grandissant de la Charte des droits et, en particulier, de la question de la discrimination sur le travail des arbitres de griefs. Je donne un exemple: qu'on pense à la notion, au motif du handicap. On sait que, suite aux définitions qui ont été données par la Cour d'appel, par différentes décisions de la Cour suprême, ce motif qu'on voyait comme plutôt limité à certaines situations au point de départ couvre maintenant beaucoup de terrain. C'est non seulement leur handicap réel, mais leur handicap présumé, perçu comme tel, et c'est aussi toutes les situations d'incapacité, d'invalidité partielle, temporaire, permanente, etc., l'absence-maladie prolongée. Donc, c'est beaucoup de terrain et ce terrain est couvert par les arbitres actuellement.
Or, ils doivent le faire maintenant dans la perspective des normes... du droit à l'égalité qui est garanti par l'article 10 de la charte québécoise en ayant en tête la fameuse obligation d'accommodement, sauf contrainte excessive, qui découle des décisions de la Cour suprême. Bon.
Bon. Aussi, il faut remarquer qu'en chiffres absolus les tribunaux d'arbitrage rendent davantage de décisions que le Tribunal des droits de la personne du Québec en matière de discrimination au travail. Et pourtant la juridiction du Tribunal des droits de la personne est passablement plus large que celle des tribunaux d'arbitrage, mais il y a davantage de décisions de la part des tribunaux d'arbitrage. Et je dois dire que c'est appelé sans nul doute à croître de façon considérable. Ici, au Québec, ça a été un peu plus lent à se mettre en branle, mais, si on regarde la situation dans le reste du Canada, en Ontario, par exemple, en Colombie-Britannique, dans les autres provinces de façon générale, se prononcer sur les droits et libertés de la personne, sur la discrimination en particulier, c'est devenu une part importante, très importante, du travail des arbitres de griefs, donc on peut s'attendre à la même chose ici.
Donc, la Commission des droits de la personne, s'appuyant sur en particulier une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l'Université de Montréal, la Commission propose finalement... a fait les constats suivants et qui entraînent les recommandations suivantes:
Tout d'abord, il y a des besoins de formation qui sont présents par rapport au processus d'arbitrage, formation des gens qui agissent du côté patronal, formation des conseillers syndicaux et des agents de griefs en matière de droits et libertés de la personne, formation spécialisée de haut niveau aussi pour les arbitres de griefs.
Il y a certains arbitres de griefs, mais c'est une minorité. C'est des professeurs, c'est des chargés de cours. Ils sont familiers avec les droits et libertés de la personne; ils n'ont pas de difficulté avec ça. Mais, pour bien des arbitres, c'est un domaine qui est neuf et qui n'est pas habituel par rapport à ce qu'ils traitaient auparavant. Alors, je pense qu'il y a des besoins de formation de haut niveau qui devraient être comblés à cet égard.
Bon, aussi, il y a la question des pouvoirs et devoirs des arbitres. Ça devrait être précisé. La jurisprudence de la Cour suprême nous dit ? c'est l'arrêt Weber en particulier: «L'arbitre a l'obligation d'appliquer les normes constitutionnelles et quasi constitutionnelles en matière de droits et libertés de la personne.» On constate cependant une certaine timidité, je dirais, chez les arbitres, d'intervenir lorsque ce n'est pas plaidé par les parties. C'est pourtant une obligation qu'ils ont maintenant suivant le droit positif.
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(12 h 40)
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Alors, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait une disposition dans le Code du travail qui, tout simplement, précise, noir sur blanc, que les arbitres doivent... ont l'obligation d'appliquer la charte lorsque c'est nécessaire pour décider d'un grief.
Également, il y a un certain flou quant à l'étendu des pouvoirs de l'arbitre, encore que la doctrine et la jurisprudence vont majoritairement dans le sens suivant, c'est-à-dire que l'arbitre peut accorder des dommages moraux et éventuellement des dommages-intérêts punitifs en cas de discrimination intentionnelle. Alors, nous pensons que, pour pas qu'il y ait d'ambiguïté, ça devrait être transcrit dans le texte même de la section du Code du travail qui parle des pouvoirs et des devoirs de l'arbitre.
Bon. Alors, je termine rapidement. Il y a une autre question qui se pose, c'est toujours dans le même domaine, c'est la question des recours concurrents. Il y a une dualité de forums, Tribunal des droits de la personne d'un côté, tribunaux d'arbitrage de l'autre, qui, actuellement, se partagent, se partagent, mais c'est pas de manière cohérente, là, c'est un peu au hasard des situations, se partagent la juridiction en matière de discrimination au travail. Donc, les gens s'adressent parfois au Tribunal des droits de la personne via la Commission, aux tribunaux d'arbitrage et, parfois, c'est les deux voies qui sont suivies en même temps. Donc, pour nous, il y a vraiment un besoin de mise en cohérence de cette situation-là pour éviter multiplication de recours, des délais inutiles, des contradictions, etc.
Donc, la Commission prie instamment l'Assemblée nationale de mettre fin à ce débat qui est un débat qui est très long, qui est coûteux, inutile à notre avis, et qui s'exerce au détriment des victimes de discrimination au travail. Donc, la Commission, tout en rejetant l'idée d'attribuer une juridiction exclusive soit au Tribunal des droits de la personne du Québec soit aux tribunaux d'arbitrage, demande qu'il y ait des recommandations à ce sujet qui visent à une mise en cohérence de cette situation.
Finalement, la dernière remarque concerne le tribunal compétent en matière d'équité salariale. À notre avis, ça devrait être le Tribunal des droits de la personne. Pourquoi la Commission des relations du travail alors qu'on a déjà un tribunal qui est extrêmement compétent, qui a une expertise qui est tout à fait reconnue en cette matière? Et aussi ça devrait inclure un droit d'appel devant la Cour d'appel, comme c'est le cas pour les autres situations où on invoque discrimination salariale.
Le Président (M. Kieffer): Alors, je vous... Alors, il vous reste 30 secondes, faites ça ben vite.
M. Bosset (Pierre): Ça va prendre moins que ça.
Le Président (M. Kieffer): Merci.
M. Bosset (Pierre): Juste pour signaler que plusieurs des aspects qui viennent d'être abordés vont être abordés à nouveau par la Commission bientôt, puisque c'est le 25e anniversaire de la Charte des droits cette année, et la Commission va présenter publiquement un grand bilan de l'état actuel des droits et libertés qui va couvrir ces questions. Merci de nous avoir entendus. Et je signale que, conformément à notre mandat, bien sûr, nous nous réservons la faculté de commenter à nouveau d'éventuels amendements qui pourraient découler de vos travaux. Merci.
Le Président (M. Kieffer): Alors, je vous remercie de votre présentation. M. le ministre, à vous la parole.
M. Rochon: Bien, je vous remercie beaucoup aussi d'avoir fait l'effort, là, de mettre à jour et de... comme vous avez dit, le mémoire que vous avez déjà préparé pour le projet de loi n° 182 de sorte que ça nous facilite l'arrimage avec le nouveau projet de loi. Et nous serons sûrement, là, soucieux, dans les prochains jours, là, de l'analyse du projet de loi n° 31 pour essayer d'assurer, là, les meilleurs arrimages possibles.
Et, par contre, ce que vous avez rappelé en introduction, vous-même, je veux le redire et le confirmer, le projet de loi n° 31 est un début d'un processus, là, qui va continuer. Puis on voudra pas étirer plus qu'il ne faut, mais prendre le temps de faire les choses correctement. Et, s'il y a des éléments que vous avez soulevés qui se retrouvent pas nécessairement avec une suite dans les travaux qu'on pourra faire dans le temps très circonscrit, là, qui est le nôtre, dans les prochaines semaines, on va sûrement considérer ça à l'agenda du chantier, comme on l'a appelé, et assurer un suivi avec vous pour voir comment on peut continuer. Et, s'il y a des points à clarifier, bien, on aura la chance d'en discuter plus à fond.
Il y a un élément, je peux vous dire tout de suite, par exemple, qu'on va... je pense que je peux m'avancer là-dessus, de dire qu'on va sûrement retenir parce que ça touche une question de fond assez importante qui n'est pas seulement en rapport avec le Code: quand vous avez parlé de tout l'arbitrage et les recommandations que vous nous faites quant à la formation, autant formation initiale que formation continue, ça, je pense que ça n'apporte pas nécessairement... ça n'entraîne pas nécessairement des modifications au Code comme telles, mais, dans la gestion de l'application du Code, de nous rappeler que là comme ailleurs les choses évoluent beaucoup. Au moment où le Québec d'ailleurs se prépare à annoncer une consultation sur un projet de politique de formation continue, ça va être important qu'on s'assure, dans la gestion des choses, on s'assure que nos arbitres, comme tout le monde qui est impliqué dans la gestion d'une loi importante comme le Code du travail, peuvent bénéficier de formation continue pour non seulement pouvoir s'adapter aux changements, mais pour être capables d'innover et d'en faire, des changements, et d'en provoquer dans les endroits où on a besoin d'en faire.
Alors, je m'en tiendrai à ça pour le moment, parce que vous avez... J'ai fait une lecture rapide de votre mémoire. On va le relire. Il est très... il est très sur le fond, très technique. Pour moi, il y a pas de sujet, là, qui prête à un débat maintenant. On reçoit très bien toutes vos représentations. On va voir ce qu'on peut... ce sur quoi on peut donner suite dans les prochains jours, sinon il y a des questions de fond, là, sur lesquelles on voudra sûrement revenir avec vous dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Est-ce que vous avez des remarques suite aux commentaires du ministre? M. Bosset.
M. Bosset (Pierre): Simplement pour dire que nous apprécions ce qui vient d'être dit par le ministre justement, et nous pouvons l'assurer de notre collaboration à suivre l'évolution des questions que nous avons soulevées dans notre mémoire.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Merci. Alors, M. le représentant de l'opposition...
M. Tranchemontagne: Député de Mont-Royal.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): ...député de Montréal... Mont-Royal, hein?
M. Tranchemontagne: Montréal, c'est trop grand pour moi. Ha, ha, ha! Je laisse ça à Bourque et Tremblay.
Messieurs, bonjour. Merci d'être ici, merci de votre présence. Deux sujets sur lesquels j'aimerais revenir, et puis c'est plus de la clarification que d'autre chose. Votre recommandation 5, vous dites que vous recommanderiez l'insertion d'une disposition préliminaire, que vous appelez, là, qui dirait que le Code s'exerce... le Code du travail, j'entends, là, qui régit les rapports collectifs, ça se matérialise en conformité avec la Charte des droits.
Ma question à vous: Est-ce vraiment nécessaire? À ce moment-là, on l'aurait dans toutes les lois. Je veux dire, je ne sais pas, je ne veux pas minimiser, là, l'importance de votre champ d'activité, mais il me semble que ça va sans le dire.
M. Coutu (Michel): Il faut voir que... J'en reviens à...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. Coutu.
M. Coutu (Michel): J'en reviens à l'importance du Code du travail comme loi régissant... loi de base régissant les droits des... le droit des rapports collectifs, un peu comme ? on l'a appelé code, ce n'est pas pour rien ? un peu comme le Code civil, et la loi qui détermine les bases, les fondements du droit commun, du droit civil.
Alors, non, l'idée n'est pas de mettre des dispositions préliminaires dans toutes les lois du Québec, mais, compte tenu de l'importance du Code du travail qui est la loi de base d'un secteur, même d'une sphère importante du droit qui est celle du droit des rapports collectifs de travail, alors nous pensons que c'est important qu'il y ait une telle disposition préliminaire. Parce que la disposition préliminaire ça fait partie évidemment ? c'est pas un préambule, là ? ça fait partie du texte même de la loi, et donc ça en porte des conséquences juridiques. Ça veut dire que, quand les gens interprètent... les tribunaux interprètent le Code civil, ils vont voir dans les dispositions préliminaires qui donnent un peu le ton général, je dirais, aux fins de l'interprétation.
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(12 h 50)
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Alors, c'est un peu la même chose pour ce qui est du Code du travail. Il faut pas oublier actuellement que, aussi, si on regarde le travail de la Commission des droits et donc l'impact de la Charte des droits et libertés de la personne, bien, c'est beaucoup dans les milieux de travail que cet impact est ressenti, pas exclusivement, bien sûr, mais c'est là que l'impact est... c'est l'un des champs où l'impact a été le plus considérable.
Donc, je pense que ce n'est pas quelque chose de farfelu, là; au contraire, ça m'apparaît logique. Si on l'a fait pour le Code civil, on peut le faire pour le Code du travail, compte tenu de l'importance que revêt cette loi. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Tranchemontagne: Oui, oui.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Oui. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Oui, ça répond à ma question. Deuxième question et dernière: Vous semblez être d'accord avec la Commission des relations de travail qui est créée par cette proposition de modification au Code. Il y a un aspect que j'ai pas vu dans votre mémoire, là, puis, comme on vient de l'avoir, je sais pas, j'ai pas lu d'un couvert à l'autre, mais il y a un aspect qui a été soulevé par la plupart des intervenants, presque tous les intervenants, c'est le manque d'appel à la Commission des relations de travail. Est-ce que vous avez une opinion?
M. Coutu (Michel): C'est-à-dire l'absence d'une procédure d'appel.
M. Tranchemontagne: L'absence d'appel, excusez-moi.
M. Coutu (Michel): Procédure d'appel des décisions.
M. Tranchemontagne: Et de... pas juste de procédure, mais de... Il y a pas d'appel, c'est sans appel. Les décisions de la Commission sont sans appel.
M. Coutu (Michel): Oui, mais... c'est ça.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Me Coutu.
M. Coutu (Michel): Bon. Je dirais que c'est pas une norme découlant de la Charte des droits et libertés de la personne qu'il doit y avoir un droit d'appel comme tel lorsqu'un tribunal se prononce. Par exemple, les tribunaux d'arbitrage, il y a pas d'appel des décisions des tribunaux d'arbitrage, et la Commission ne recommande pas que cette situation-là soit changée pour qu'il y ait un appel possible de décision des arbitres de griefs. Là, je pense qu'il faut voir, il faut balancer un peu entre... établir un équilibre ? pardon ? entre l'intérêt d'une justice qui soit rapide, peu coûteuse, etc., ce qui se rencontre souvent dans le domaine du droit du travail... C'est pourquoi les arbitres de griefs, ça a été... l'arbitrage de griefs, ça été institué. Que la Commission des relations du travail, qu'il y ait pas de droit d'appel, je pense que ça va dans le même sens. Bien sûr, il y a certains aspects que nous considérons névralgiques où, là, l'absence d'un droit d'appel équivaudrait probablement à un déni de justice.
Je pense que, notamment lorsqu'un tribunal se prononce sur des questions de droit qui sont complexes ? qu'on pense à l'équité salariale, notre position est différente sur ça, en matière d'équité salariale ? mais c'est des questions qui sont passablement complexes, et on se retrouvait dans une situation un peu absurde, là, en ce sens que, si je porte une plainte ou vous portez une plainte pour discrimination salariale à la Commission des droits de la personne et si ça va devant le tribunal ? et c'est pas par rapport au sexe, par rapport à quelques autres motifs garantis par la Charte ? mais, à ce moment-là, si vous êtes pas d'accord avec la décision du Tribunal des droits de la personne, vous avez un droit d'appel à la Cour d'appel du Québec, sur permission, mais quand même la possibilité existe, alors que, si la Commission des relations de travail se prononce en matière d'équité salariale, donc de discrimination salariale, mais fondée sur le sexe, bien, à ce moment-là, il y ait pas de droit d'appel. Alors, c'est comme deux poids, deux mesures; ça, ça nous est pas apparu pertinent.
Il y a autre chose que je dois dire, c'est que, quand même, il y a un contrôle. Il y a quand même un contrôle, comme vous le savez, qui est exercé par les tribunaux supérieurs, par la Cour supérieure. Il y a un contrôle qui est exercé sur l'activité de ces tribunaux administratifs où le droit d'appel n'existe pas. Donc, il y a des procédures de révision qui sont l'évocation de révisions qui sont possibles lorsque, je ne sais pas, par exemple, la Commission des relations du travail ne respecterait pas sa juridiction, ou rendrait une décision qui est manifestement déraisonnable, ou, dans certains cas, c'est toujours débattu, mais il semblerait qu'en matière de droits et libertés de la personne le critère de révision, c'est l'erreur stricte de droit. Donc, s'il y avait une telle erreur commise par la Commission des relations de travail, la Cour supérieure pourrait être appelée à réviser cette décision. C'est pas un appel comme tel, mais, quand même, il y a un contrôle qui est exercé, donc il y a des garanties qu'offre notre système de justice pour que les droits des justifiables soient pleinement reconnus, pleinement garantis.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. J'ai un petit peu de difficulté, là, je suis pas sûr que je vous comprends bien. Êtes-vous en train de me parler que vous acceptez qu'il y ait deux poids, deux mesures? Parce que la Commission des relations de travail, pourquoi on ne prévoirait pas, dans cette commission-là... Il y a personne d'infaillible, dans la vie, là. Et, à mon point de vue, pourquoi qu'on n'aurait pas le droit d'en appeler d'une décision, que ce soit sur l'accréditation ou le 45 ou... Peu importe la décision que la Commission prendra, ça m'apparaît absolument essentiel, fondamental même: droit de la personne...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. Coutu.
M. Tranchemontagne: Je comprends pas.
M. Coutu (Michel): Oui. Bien, je le sais pas, moi, ça fait longtemps que je fréquente la Charte et je considérerais pas, compte tenu de l'existence, dans notre système de droit, d'un pouvoir de contrôle qui est attribué aux tribunaux supérieurs, je ne considérerais pas l'octroi d'un droit d'appel dans toute situation comme un droit fondamental de la personne. Ça ne figure pas dans la Charte, je ne peux pas considérer ce droit-là... à la condition bien sûr que je viens de mentionner, c'est-à-dire qu'il y ait un contrôle, un pouvoir de surveillance et de contrôle des tribunaux supérieurs par rapport à l'activité des tribunaux administratifs. Mais c'est pas une norme fondamentale au sens de la Charte.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Est-ce que ça vous va, M. le député de Mont-Royal?
M. Tranchemontagne: Ça va, mais ça va pas, là, mais je vais arrêter.
M. Coutu (Michel): Autrement dit...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): ...Oui?
M. Coutu (Michel): Autrement dit, c'est une question qui est... c'est pas une question de droit strict, c'est une question davantage politique, à mon sens.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: Merci, M. le Président. J'avais également une question qui allait porter sur le droit d'appel, pour connaître l'opinion de la Commission là-dessus, pour voir si cet angle avait été analysé. C'est toute la question... On a eu des représentations concernant les frais d'adhésion à un syndicat, tu sais, une carte... la signature de la carte. Est-ce que vous avez, dans d'autres juridictions, regardé comment ça se passe? Certains nous disent: Il ne devrait pas y avoir de frais d'adhésion à un syndicat, d'autres, à tout le moins pour la fondation du syndicat, que l'État ne devrait pas encadrer cette partie-là parce que ça vient comme restreindre le droit d'association ou la capacité des syndicats de travailler à l'organisation syndicale. Est-ce que vous avez analysé, dans les autres juridictions, les effets? Parce qu'il y a des provinces où il n'y en aurait pas, d'autres, il y en aurait.
M. Coutu (Michel): C'est pas une question de...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Un instant, M. Coutu, avant de poursuivre votre réponse...
M. Lelièvre: Il reste une minute et demie.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): ...j'aimerais que, si... le consentement des membres de la commission pour excéder 13 heures, s'il y a lieu.
M. Rochon: Pour faire le temps... ça nous mènerait jusqu'à?
Une voix: 13 h 5.
M. Rochon: On a commencé à quelle heure?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Bien, selon les questions qu'il va y avoir, bien, on ira jusqu'à...
M. Lelièvre: ...le temps de compléter sa réponse.
M. Tranchemontagne: Bien, jusqu'à temps qu'il y ait des questions. Jusqu'à temps qu'il y ait plus de questions.
M. Rochon: Oui... D'abord, moi, j'en ai seulement, juste une autre, là.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Oui. Vers 13 h 20.
M. Rochon: Oh, moi, j'en ai seulement juste une autre, là.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): 13 h 20, à peu près? 13 h 20 maximum.
M. Rochon: Maximum 13 h 20. On se rendra pas nécessairement là.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, M. Coutu, à vous la parole.
M. Coutu (Michel): Oui. Pour répondre à votre question, nous avons pas fouillé cet aspect-là précisément. Si on avait pensé à le faire, nous serions allés voir du côté du droit international, du côté de l'interprétation qui est donnée, notamment, aux conventions de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale. C'est toujours, comment dire... c'est toujours extrêmement détaillé... pas le texte des conventions lui-même, qui est plutôt laconique, mais l'interprétation qui est faite par les organes de contrôle de l'Organisation internationale du travail. Donc, même si ça peut sembler une question qui... on peut se dire: Il y a peut-être pas de réponse à ça, ça serait étonnant qu'on ne trouve pas une réponse à ça dans la jurisprudence des organes de contrôle de l'OIT.
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(13 heures)
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Ma réaction personnelle serait de dire: Bon, 2 $, 10 $, etc., est-ce que... L'important n'est-il pas que le salarié manifeste, ne serait-ce qu'en signant une carte, en mettant son nom sur une carte... est-ce que c'est pas ça, finalement, l'important, c'est-à-dire que, par un geste précis, il manifeste son adhésion à une organisation syndicale. Moi, je pense que c'est ça, l'essentiel, là. Le montant est un peu quelque chose de symbolique du degré d'engagement, mais déjà le fait de signer une carte, j'imagine que, dans bien des secteurs, les salariés qui ont peur de réactions du côté patronal évitent et y pensent à deux fois avant de signer une carte. Bon.
Et je pense que l'objectif aussi, c'est de favoriser au maximum l'accès à la syndicalisation. Si vraiment... J'écoutais tout à l'heure le porte-parole de la CSD. Si vraiment des gens peuvent pas sortir un 10 $ au bon moment ou c'est coûteux pour eux, etc., bien, c'est peut-être pas ça, l'essentiel. L'essentiel, c'est que la personne manifeste tout simplement sa volonté par une signature, une adhésion à une organisation syndicale. Non. Les frais minimes, disons, pourraient être maintenus. Moi, ce serait ma position, mais j'ai pas vérifié quelles sont... si juridiquement cette position pourrait être appuyée par le droit international du travail.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le ministre.
M. Lelièvre: ...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Merci, M. le député de Gaspé. M. le ministre.
M. Rochon: Merci. Avant de terminer, moi, j'aurais une question plus spécifique, là, sur laquelle j'aimerais que vous nous disiez un peu vos... les raisons qui vous amènent à proposer... Et je comprends que ce n'est pas quelque chose de ponctuel, là, que, depuis un certain temps, vous avez suggéré que les questions relatives à l'équité salariale soient plus adressées au Tribunal des droits de la personne qu'au... ce qui était auparavant le Tribunal du travail. Et là, comme la création de la Commission entraîne la disparition du Tribunal, c'est la Commission qui aurait cette responsabilité.
Je vais vous donner un point de vue d'une façon de raisonner qui amène la proposition qu'on a fait, que vous connaissez probablement, mais ça va enclencher sur votre argumentaire, pour qu'on puisse continuer notre réflexion par après. Par l'information qu'on me donne, je comprends que le Tribunal des droits de la personne entend beaucoup de causes ou de plaintes qui lui sont formulées par des gens en rapport avec des questions de discrimination, par exemple, et on me dit qu'il y a quand même un volume, un volume important de ce qui va devant ce Tribunal, peut-être de l'ordre de 40 %, qui sont des plaintes par rapport à des événements qui se sont passés dans le milieu de travail.
Bon. Maintenant, on peut considérer que c'est des questions qui touchent les gens en tant qu'individus dans leurs droits personnels, ce qui est sous le régime de la Charte. C'est dans le milieu de travail, parce qu'on passe la moitié de notre temps ou plus de notre temps actif dans ce milieu-là, mais la même situation de discrimination, quelque chose du genre, pourrait se passer dans leur communauté, dans d'autres activités qu'elles font. Et là je ne veux pas raisonner en termes de biostatistiques, mais le fait est que c'est 40 % dans le milieu du travail, et peut-être plus, parce que les gens passent beaucoup de leur temps là et que les situations sont propices à arriver là dans ce pourcentage-là parce que ça reflète le milieu où ça arrive, mais que ça a pas à voir avec le milieu, l'organisation du travail, le type de plaintes qui sont faites.
Alors, quand il s'agit d'équité salariale, c'est une question d'une toute autre nature, parce que, là, il ne s'agit pas d'une discussion en rapport avec les droits de l'individu mais d'un groupe d'individus, de femmes, et que la décision se prend en ayant des références à des comparateurs dans le domaine du milieu du travail. Et donc toute la connaissance de ce qui est le milieu du travail, l'évolution du milieu du travail et les équilibres qui sont équitables en termes de rémunération, est beaucoup plus une question de logique et de compréhension et de connaissance du milieu de travail qu'une question de discrimination qui, par ailleurs, arrive à la personne, encore une fois, en milieu de travail, mais c'est parce que c'est là qu'on vit, c'est là qu'on passe une bonne partie de notre temps, mais que ça n'a pas avoir avec le milieu de travail comme tel par rapport à une question d'équité salariale.
Il y aurait donc une très bonne logique en termes de compétence, de connaissance et de lien avec l'ensemble... les interrelations avec d'autres questions qui peuvent être connexes, de confier cette responsabilité à la Commission des relations de travail. Mais vous avez sûrement un autre bon plaidoyer pour faire le contrepoids de celui-là, et j'aimerais l'entendre.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, M. Bosset.
M. Bosset (Pierre): En tout cas, je suis content de votre question parce que ça nous donne effectivement l'occasion d'expliquer pourquoi nous avons fait cette recommandation dans le mémoire.
Pour bien la comprendre, il faut peut-être exposer une situation. Actuellement, il existe un tribunal spécialisé au Québec en matière de droits de la personne, qui s'appelle le Tribunal des droits de la personne du Québec, qui a une compétence, disons, générale en matière de discrimination, y compris en matière salariale pour à peu près tous les motifs de discrimination interdits par la Charte, sauf le sexe, puisque le sexe comme motif de discrimination en matière de salariale est couvert par une loi spécifique, depuis 1996, je pense, ou 1997, la Loi sur l'équité salariale et, dans ce cas-là, le tribunal compétent actuellement, c'est le Tribunal du travail.
Quand nous avons commenté devant une commission parlementaire la Loi sur l'équité salariale à l'époque, nous avions déjà inscrit notre objection, notre dissidence sur cette question-là, et notre raisonnement était le suivant: d'une part, la Loi sur l'équité salariale, c'est la traduction législative d'un droit de la personne qui est déjà reconnue dans la Charte depuis 25 ans, le droit à un travail... à un salaire égal pour un travail équivalent; d'autre part, les membres du Tribunal des droits de la personne, ce sont des juges, mais ils sont choisis pour leur intérêt et leur sensibilité particulière et leur expertise en matière de droits de la personne. Également, les membres... parmi les membres du Tribunal, on compte des assesseurs, c'est assez rare en droit québécois, mais, dans ce tribunal-là, il y a des assesseurs qui ne sont pas des juges, mais dont plusieurs, aujourd'hui et depuis que ce Tribunal existe, sont des praticiens, des experts en matière de relations de travail, y compris dans les dimensions collectives des relations de travail. Donc, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer la capacité du Tribunal des droits de la personne du Québec de traiter les questions d'équité salariale en ayant une connaissance appropriée et une sensibilité appropriée aux dimensions collectives des rapports de travail. Ce Tribunal, d'après nous ? c'est toujours notre position ? a la compétence et la sensibilité nécessaire pour faire un travail tout à fait convenable en matière d'équité salariale.
Donc, nous avions cette position à l'époque en 1996. Nous n'avons pas de raison... nous ne voyons pas de raisons suffisantes de changer de position. Nous comprenons qu'il existe une logique que vous venez d'exposer de façon éloquente. La logique de la Charte, d'après nous, n'est pas incompatible avec la vôtre, bien au contraire.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Merci. Il y a d'autres questions, M. le Ministre? Ça va?
M. Rochon: Non, ça complète très bien. Je veux...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, comme il n'y a plus d'intervenant, je remercie M. Pierre Bosset et M. Michel Coutu pour leur excellente présentation et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 8)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Rioux): Alors, on reprend nos travaux. On poursuit les consultations particulières sur le projet de loi n° 31, la Loi modifiant le Code du travail et qui institue également la Commission des relations du travail puis qui modifie d'autres dispositions législatives.
Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Delisle (Jean-Talon) remplace M. Poulin (Beauce-Nord).
Le Président (M. Rioux): Bienvenue, Mme la députée de Jean-Talon. On accueille maintenant le Conseil du patronat du Québec. Je reconnais M. Taillon. Ça me fait plaisir. Alors, M. Taillon, présentez-nous vos collègues.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'aimerais vous présenter, à ma gauche, Me Pierre Flageole, qui est associé chez Borden Ladner Gervais; à ma droite immédiate, Me Jean Lafleur, qui est associé chez Fasken, Martineau; et, à mon extrême droite, M. Gilles Demers, qui est un industriel et le président de l'Association de l'aérospatiale, qui est un membre du conseil d'administration du CPQ; et, bien sûr, Gilles Taillon, le président du Conseil.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon, vous êtes un habitué maintenant, vous savez que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Alors, on vous écoute avec plaisir.
M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le Conseil veut d'abord remercier les membres de la commission de l'économie et du travail de bien vouloir entendre ses représentations sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Évidemment, je comprends, compte tenu du délai court que vous avez... Vous venez de recevoir probablement le mémoire. Donc, je vais tenter de le résumer en partie et, pour les aspects les plus importants, faire une lecture de certains bouts du mémoire. Mais je peux rassurer le président, je vais m'en tenir aux 20 minutes, soyez sans crainte.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Taillon (Gilles): À ne pas en douter, le projet de loi n° 31 a bien meilleure mine que le défunt projet de loi n° 182. Mais, malgré qu'il ait meilleure mine, M. le Président, il n'est pas pour autant un gage de bonne santé pour l'économie et les entreprises. Le CPQ, dans ce contexte, croit qu'il est possible de bonifier ce projet, de l'améliorer. C'est dans un contexte constructif que nous nous présentons ici et vous allez voir, dans la teneur du mémoire, que notre objectif, c'est de faire des propositions d'amendement pour rendre ce projet un projet qui permette d'atteindre un juste équilibre entre les aspirations syndicales et les droits patronaux.
Notre première remarque porte sur ce qui nous apparaît être l'enjeu principal de ce projet, la création d'une commission des relations de travail. On sait que les tenants du changement du processus dans le fond et des mécanismes qui entourent le Code du travail ont promu la Commission des relations de travail en disant: Il est important d'harmoniser notre législation avec ce qui se fait ailleurs au Canada et dans les autres provinces. Nous avons toujours soutenu que nous n'avions pas d'objection de principe à cette harmonisation mais qu'il fallait, si on le faisait, tenir compte des autres éléments qui composent la législation comparable, la législation comparée, particulièrement rendre possible la liberté d'expression de l'employeur, faire en sorte que certaines mesures, qui permettent un équilibre pour le patronat, soient là, et principalement le scrutin de représentation obligatoire.
Nous vous disons d'entrée de jeu... Et ici donc je vais faire la lecture de la page 2. Nous nous permettons de vous dire d'entrée de jeu que ce scrutin constitue une des pièces importantes qui feraient en sorte que le Conseil donne son aval à l'institution et à l'instauration d'une Commission des relations du travail, tel que le prévoit le projet de loi n° 31. Devant l'intention répétée du gouvernement d'abolir le Tribunal du travail, le CPQ a souvent mis le législateur en garde contre la tentation de former une institution calquée sur les provinces voisines, en ne tenant pas compte de certains aspects du mécanisme essentiels à son bon fonctionnement et à sa légitimité. Dans les autres provinces, desquelles le gouvernement dit s'inspirer, le scrutin de représentation obligatoire intervient pour assurer le processus démocratique de l'accréditation d'une association d'employés. C'est un aspect fondamental qui garantit la crédibilité et la transparence du processus d'accréditation sur lequel la CRT sera appelée à trancher.
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(15 h 10)
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Si l'intention du législateur, telle que nous la comprenons, est de favoriser la déjudiciarisation, ce scrutin secret et rapide ne peut que prévenir la contestation au sujet de la représentation de l'association qui aura reçu un appui libre et éclairé. Sans cet équilibre essentiel, le CPQ s'oppose à la création d'un organisme chargé de favoriser l'accréditation d'associations syndicales. Il préfère en cette matière le statu quo avec le Tribunal du travail, dont la constitution et les règles de procédure offrent davantage de garanties d'indépendance et d'impartialité.
Rendre le processus d'accréditation transparent et démocratique, c'est faciliter l'accréditation d'un syndicat auprès des employés et assurer sa légitimité pour de meilleures relations de travail avec l'employeur. Nous avons la conviction que la démocratie serait bien servie par une scrutin secret et que les employeurs accepteraient beaucoup mieux les résultats d'un tel scrutin que ceux de campagnes de recrutement qui laissent parfois très perplexe. En constatant que la majorité absolue de leurs employés a voté librement et secrètement en faveur d'une syndicalisation, les employeurs se sentiraient sûrement plus confiants et plus enclins à négocier une première convention collective qu'à douter de la volonté réelle de leurs employés. Aussi, dans la mesure où le scrutin de représentation obligatoire et secret est posé comme condition a priori pour l'accréditation d'une association syndicale, le CPQ donnerait volontiers son aval au principe d'une CRT, bien sûr une CRT telle que conçue par le projet de loi n° 31. Évidemment, on fait la distinction avec ce qui était prévu... du double mandat à 182.
Pour rendre ce scrutin possible, nous proposons quelques modifications et quelques ajouts au processus d'accréditation pour le bonifier. Nous avons quatre recommandations principales. Ici, quand il s'agit d'aspects plus techniques, je vous laisse... je laisse les parlementaires procéder à la lecture, mais je vais vous les résumer. D'abord, au premier alinéa de l'article 25, il serait important d'ajouter un modèle précis d'avis du syndicat à l'employeur; on suggère que ça puisse se faire par règlement. On devrait introduire, à l'article 28, un scrutin de représentation. Nous suggérons de maintenir le délai de 15 jours à l'article 28c, en conjonction avec un autre article de votre projet, et nous suggérons de retirer l'article 28d, premièrement. Voilà donc l'élément premier, notre première remarque eu égard au projet de loi n° 31.
Deuxième enjeu majeur de ce projet, ce sont les propositions qui touchent l'article 45 à l'égard de la sous-traitance au Québec. Je pense, M. le ministre, MM. les parlementaires, que je n'ai pas à revenir sur l'unanimité qui se dessine à l'intérieur de la classe économique, à l'intérieur des milieux d'affaires, sur la nécessité de favoriser l'entrepreneurship, la sous-traitance au Québec pour créer de l'emploi, bien sûr, et assurer un niveau de vie qui soit meilleur pour le Québec. Nous pensons que, malgré quelques petits pas que contient votre projet à l'égard de l'article 45, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Nous pensons qu'il faut aller plus loin surtout parce que l'économie qui est en développement, celle qui va permettre de maintenir et même de faire en sorte que le Québec devienne une terre d'excellence, c'est une économie qui est fondée sur le modulaire, c'est une économie qui repose essentiellement sur la possibilité pour les entreprises de se spécialiser, de produire de façon spécialisée, et donc une économie qui repose sur la sous-traitance. Vous pourrez entendre tantôt un représentant de l'industrie aérospatiale qui est un témoin par excellence du développement de cette nouvelle économie, qui excelle et qui permet au Québec de rayonner à travers le monde.
À cet égard, M. le ministre, toujours dans une optique extrêmement constructive, plutôt que de revenir avec une proposition d'emprunt, sur 45, à d'autres provinces, comme nous l'avions fait avec 182, notamment en nous inspirant de la Nouvelle-Écosse... Remarquez que si vous avez l'intention de prendre ce modèle, nous allons vous applaudir, mais nous avons plutôt porté notre attention sur des bonifications à 45, tel que vous l'avez proposé, et à cet effet je vais me permettre, puisque c'est là le coeur, à notre avis, du projet de loi, eu égard au développement économique du Québec, de vous faire la lecture des pages 5, 6 et 7, vous expliquant les modifications principales que nous souhaitons. Je suis sûr que vos légistes sont prêts à transformer notre proposition en réalité législative dans les heures qui vont suivre notre présentation.
L'avis que l'employeur doit transmettre, indiquant la date où il entend aliéner ou concéder son entreprise, peut poser problème. Cet avis doit pouvoir être donné aussi bien après qu'avant la date de la vente ou de la concession partielle. En vertu des règles propres aux valeurs mobilières au regard de la confidentialité des transactions et des vérifications d'usage, il peut s'avérer en effet illégal de donner l'avis avant la vente ou la concession partielle. En conséquence, l'article 45.1 doit être modifié en ce qui a trait au délai accordé à l'association de salariés concernés. En ces matières de vente ou de concession partielle d'une entreprise, le temps est un facteur très important et l'incertitude, sans doute, notre pire ennemi. L'association devrait bénéficier d'un délai de 30 jours, au lieu de 90 jours, pour réagir à partir de la réception l'avis, s'il y en a un, ou de la connaissance, s'il n'y a pas d'avis. Le délai de 30 jours est reconnu comme étant un délai raisonnable en matière de révision judiciaire, c'est le délai maximum pour en appeler d'un jugement de la Cour supérieure, et la demande que l'association peut présenter en vertu de 45.1 ne semble pas comporter de complexité de rédaction; elle pourrait facilement, à notre avis, être produite dans les 30 jours.
Enfin, nous pensons que l'exception de vente en justice à l'article 45 devrait être maintenue; il s'agit parfois de la seule façon de sauver des emplois et de permettre à des entreprises d'être récupérées. Si l'exception de la vente en justice n'est pas maintenue, il est clair que les emplois seront perdus. À tout le moins, le Code devrait prévoir la possibilité pour la Commission de décider à l'avance et sur demande de la non-application de 45 en cas de vente en justice. Des emplois auraient ainsi la chance d'être préservés.
L'article 45.2, deuxième alinéa, doit être modifié afin de prévoir la possibilité pour les parties à une convention collective de s'entendre, de façon générale, pour renoncer à l'application de l'article 45, en plus de s'entendre cas par cas. Voici le texte qui pourrait être approprié: Le nouvel employeur n'est pas lié par l'accréditation ou la convention collective lorsqu'une disposition de la convention collective ou une entente particulière portant sur la concession partielle prévoit que les parties renoncent à demander à la Commission d'appliquer l'article 45. Une telle clause lie la Commission.
Dans la mesure où la concession partielle est permise par la convention collective, il est juste que la Commission soit tenue de respecter l'entente des parties et qu'elle ne puisse être invalidée par un tiers. La formulation prévue à l'article 45.2.2, qui assujettit l'employeur à une négociation cas par cas, pour chacune des concessions partielles qui pourraient survenir, est trop restrictive; cela rendrait impossible, à toutes fins utiles, les occasions d'affaires et paralyserait les entreprises dans leur croissance, ce qui, au demeurant, serait désavantageux pour les employés eux-mêmes.
45.2 devait aussi être modifié par l'ajout d'un troisième alinéa prévoyant le pouvoir de la Commission ? Commission des relations du travail évidemment ? d'exclure l'application de 45 dans certains cas de concession partielle. Voici en quels termes ce pouvoir pourrait être prévu: Sur demande, la Commission peut décider d'exclure l'application de l'article 45 si elle est convaincue que la concession partielle est faite pour une raison économique valable et non dans le but de porter atteinte au pouvoir de représentation d'une association de salariés.
La convention collective ne doit pas être transférée au sous-traitant, à moins que la Commission ne juge que cette concession ait été faite dans le but principal de fragmenter une unité de négociation ou de porter atteinte au pouvoir de représentation d'une association de salariés.
Nous proposons aussi quelques accommodements au niveau de l'article 45; je vous laisse, pour la période de questions, le soin de nous questionner là-dessus.
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(15 h 20)
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Une dernière observation quant à la portée générale du projet de loi a trait au délai de 90 jours imputé à la modification du statut de salarié en statut de non-salarié. Nous pensons qu'un délai de 30 jours est un délai bien suffisant pour y arriver, pour permettre que ces clauses se réalisent.
M. le ministre, nous avons aussi, à compter de la page 9 et pour les quelques pages qui suivent, fait des propositions pour un meilleur fonctionnement de la Commission des relations du travail. En prenant pour acquis, bien sûr, que vous allez acquiescer au scrutin de représentation et que vous le mettrez en place, on dit: Si cela se fait, pour un meilleur fonctionnement de la Commission, il y a des modifications ou des précisions techniques qui seraient pertinentes.
J'aimerais attirer votre attention particulièrement sur l'importance, si on veut que ce mécanisme soit crédible, que la Commission jouisse de la plus grande impartialité possible. Un mécanisme comme celui-là, même s'il est bon en soi, peut être perverti par une composition de la Commission qui soit partiale. En conséquence, nous souhaitons, de façon impérative, des modifications à certains articles, mais particulièrement, nous voulons insister auprès de vous pour qu'il y ait une consultation du CCTM sur la nomination éventuelle du président, des vice-présidents et des commissaires de la Commission plutôt que, selon votre projet, une consultation des associations les plus représentatives. Je pense que vous les avez, ces associations-là, au CCTM. Il y a dans ce mécanisme une crédibilité. Nous vous invitons à utiliser le comité consultatif, qui est là pour vous aider dans cette tâche.
M. le Président, avant de conclure, nous ne pouvons passer sous silence certains sophismes syndicaux qui, à force d'être répétés, ont l'air de vérités. Nous voulons, M. le Président, que les parlementaires soient bien conscients de l'autre côté de la médaille à cet égard. Un premier sophisme, c'est celui que le Code du travail appartient aux travailleurs. Nous pensons, au contraire, que le Code du travail appartient à l'ensemble de la société. C'est un mécanisme, c'est un instrument de régulation, c'est une pièce législative de régulation qui doit s'assurer de permettre un équilibre entre les aspirations syndicales et les droits patronaux. Et, à cet égard, nous vous invitons à bien lire le paragraphe touchant la décision du juge Beaudoin de la Cour d'appel, qui précise bien ce que doit être un bon code du travail, ce que devrait être donc un bon projet de loi n° 31.
Deuxième sophisme, c'est celui que la syndicalisation est un outil de progrès économique et social. Nous pensons que le Code du travail, que la syndicalisation est effectivement un instrument de progrès social, mais il ne faut pas exagérer sur la portée économique du Code. À cet égard, si la syndicalisation était un instrument de progrès économique absolu, la position du Québec, quant à certains indicateurs économiques, notamment l'emploi, notamment le chômage, notamment le niveau de vie, serait sans doute de bien meilleure portée.
Troisième sophisme: il faut modifier le Code parce qu'il y a stagnation dans la législation du travail depuis 30 ans. À notre avis, il faut faire attention avec cet énoncé. Nos collègues syndicaux, nos vis-à-vis ont plusieurs lois et règlements adoptés par les divers gouvernements, qui leur sont favorables, nous les mentionnons à la page 13. Il ne nous apparaît pas déraisonnable aujourd'hui de faire des propositions au Code, comme patronat, propositions empreintes d'équilibre et susceptibles d'empêcher que la tour, qui penche toujours du même bord, ne s'écroule.
M. le Président, nos amendements reposent sur la conviction ? il me reste 10 secondes ? sur la conviction qu'une flexibilité au niveau du marché du travail constitue la clé de voûte du développement économique du Québec.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Taillon. Merci infiniment. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Merci. Bienvenue, content de vous rencontrer de nouveau, et je veux très sincèrement vous remercier d'avoir cette persévérance de nous accompagner jusqu'au bout dans le dernier droit. Je crois sentir que tout le monde convient qu'on peut peut-être embrasser moins largement. Vous dites: Qui trop embrasse, mal étreint, à la fin de votre présentation, et je pense que c'est ce qu'on essaie de faire, là, de cibler sur un certain nombre de points où on peut trouver ce que j'avais appelé un peu une voie de passage, qui, au total, apporteraient quand même des modifications qui seraient une amélioration, un assouplissement, un fonctionnement plus efficace de tout le processus des relations de travail autour de la syndicalisation et de la négociation des conventions collectives dans le cas de transmission.
Et je peux vous assurer que, jusqu'à la dernière minute, là, on va intégrer tout ce qu'on peut comme suggestions pour bonifier dans toute la mesure du possible ce qu'on a sur la table, et qu'on continuera un chantier sur une plus longue période de temps pour des éléments qu'on a pu être obligé de mettre de côté actuellement mais qui mériteraient des échanges plus prolongés et plus de discussion entre nous.
Dans le peu de temps qu'on a, on aura le temps sûrement, après cette commission, d'analyser en détail votre mémoire, mais il y a un certain nombre d'éléments sur lesquels on pourrait peut-être apporter des précisions de part et d'autre pour être bien sûr de se comprendre parfaitement. Vous soulevez un élément important d'entrée de jeu, comme vous avez dit dans votre présentation, au sujet du vote pour l'accréditation syndicale. Là, je vais vous dire ce qu'on a compris du système de l'Ontario auquel on se réfère pour être bien sûr qu'on le comprend de la même façon, parce que j'ai le sentiment, plus j'apprends à connaître ce domaine, avec des briefings et des briefings de part et d'autre, qu'on a, au Québec et l'Ontario, deux systèmes différents qui mettent les poids à des endroits différents, mais qui arrivent probablement à la meilleure... non seulement au meilleur résultat, mais on a peut-être quelque chose qui vise plus l'objectif que vous visez tout le monde, l'objectif étant, si j'ai bien compris, qu'on veut être sûr, quand il y a une procédure d'accréditation syndicale, que la décision se prend sur la base d'une connaissance bien validée et que c'est une majorité des gens visés par l'unité d'accréditation, des salariés, qui veut cette syndicalisation.
Ce que je comprends du système de l'Ontario, c'est que, dans une première étape, il y a bien sûr une vérification qui est faite du nombre d'adhésions que le syndicat est allé chercher pour s'assurer qu'on a atteint la proportion d'à peu près 40 %, je pense, et, à ce moment-là, on déclenche le vote. Et le vote est pris, le résultat du vote, sur une majorité des membres votants et non pas de tous les salariés de la future accréditation syndicale. Et l'information que l'on a de ce qui se passe en Ontario, c'est que la participation à ces votes-là, en moyenne, serait d'à peu près 60 %, ce qui fait qu'après donc une vérification et qu'on a à peu près 40 %, on va directement au vote, mais il s'agit qu'il y ait à peu près 30 % des gens de la future unité qui sont d'accord pour que ça emporte la décision. S'il y en a à peu près 60 % qui votent, 50 %, donc 30 %. Et le système de l'Ontario, si je le comprends bien, met vraiment l'accent pour bien valider qu'on a un appui suffisant pour accréditer sur le vote, mais finalement, ça prend à peu près, en moyenne, 30 % des gens qui sont d'accord pour dire: Oui, on accrédite.
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(15 h 30)
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Au Québec, l'accent est mis plus sur la première phase de ce processus, où au lieu, m'explique-t-on, d'avoir une vérification qu'on a à peu près 40 %, il y a vraiment une validation très rigoureuse sur le terrain de la validité de chacune des cartes qui est signée, de chacune des demandes d'adhésion, qui, dans un sens, équivaut quasiment à un vote, là, quand on dit... Et là on va chercher 50 %, ça prend 50 % du total des salariés de la future unité. Dans un sens, je comprends que c'est quasiment un peu plus exigeant, à moins qu'on mette en doute la façon dont les officiers font la validation. Mais on me dit que c'est un processus très rigoureux: on va sur le terrain, on vérifie, on s'assure que chaque adhésion est vraiment réelle et on va en chercher 50 % du nombre total des futurs salariés. Et l'agent qui fait ce travail peut demander un vote si c'est douteux, s'il peut pas, à sa satisfaction, être assuré. Et, s'il y a quoi que ce soit qui sont des embûches à sa vérification, sa validation, qu'il ne peut pas être certain de ça, bien là, à ce moment-là, il procède, il demande le vote, et on va aller chercher, là aussi, le 50 % du total.
Alors, si c'est vraiment ça... D'abord, est-ce que c'est vraiment votre compréhension du système de l'Ontario par rapport au nôtre? Au fond, on se valide sur les faits. Et, si on en comprend la même chose, est-ce qu'on gagne vraiment, même du point de vue patronal, là, que je reconnais tout à fait valide... on gagne vraiment, en prenant le système de l'Ontario, à ce moment-là, si c'est ça. C'est ma première question.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Oui. Alors, merci, M. le ministre. Je vais y aller d'une réponse plus générale et mes collègues... Me Flageole pourra compléter. Je vous dirais que nous avons compris que la Commission qui est bâtie d'un projet de loi n° 31 ressemble passablement au modèle de l'Ontario, passablement, sans être une copie conforme...
M. Rochon: Une version améliorée, disons.
M. Taillon (Gilles): Quant au scrutin de représentation, nous le situons dans le même contexte, nous. Nous ne voulons pas copier exactement le modèle ontarien, nous disons, nous, que ça prend 35 % d'adhésion pour déclencher la possibilité de vote. Donc, on ne modifie pas les articles où vous parlez de cela dans le Code actuel. Ça prend donc un 35 % pour déclencher ça. Mais on pense qu'un scrutin de représentation dans les cinq jours, supervisé par un agent de relations de travail, c'est une bonne garantie de transparence, ça va nous permettre de rendre le processus très limpide, très clair, sans manoeuvre secrète, au grand jour, auprès d'un officier accrédité, et, à ce moment-là, ça donnerait place à une accréditation qui, à notre avis, est beaucoup plus crédible, interprétée ensuite par une commission, un organisme, donc plus bureaucratique, moins judiciaire, qui, donc, n'a pas aussi de pouvoir d'appel. Il est important d'avoir cela comme déclencheur, c'est pour ça qu'on le lie. Donc, il y a des différences avec l'Ontario. Mais voilà comment on aimerait que le modèle québécois s'applique en vertu de votre proposition de commission. Pierre peut peut-être... Me Flageole peut peut-être compléter mon intervention là-dessus, quant à la comparaison avec le modèle ontarien.
Le Président (M. Rioux): M. Flageole.
M. Flageole (Pierre): Vous avez parfaitement raison, M. le ministre, dans votre compréhension du système ontarien. La démocratie fait en sorte que ceux qui votent emportent le morceau, comme dans les élections de commissions scolaires, de municipalités ou de gouvernements, et ça, c'est très acceptable, c'est une forme de démocratie. Si vous avez le droit de vote et que vous ne voulez pas voter, bien, vous serez emporté par la majorité, ça ne nous cause aucun problème. Là où on a un problème, c'est non pas dans votre compréhension, parce qu'elle est la bonne, du processus de vérification par un agent d'accréditation, O.K., mais j'aurais presque le goût de vous dire que ce que les employeurs reprochent au processus de vérification actuel, ce n'est pas le travail de l'agent d'accréditation, c'est ce qu'on vérifie, c'est ce qu'on regarde et c'est la volonté réelle des salariés qui ont signé une carte, parfois sous des prétextes, des fausses représentations qui sont scandaleuses, et c'est compté et ils sont pris avec.
Et, si vous le voulez, M. le ministre, je vais prendre 32 secondes pour vous lire un extrait d'une décision fort récente d'un commissaire du travail, rapportée à 2001-T-243, où on peut lire: «En l'espèce, les salariés ont peut-être été bousculés dans le temps pour la signature des cartes, mais jamais n'a-t-on utilisé de menace ou d'intimidation. On a fait miroiter certains avantages aux salariés ? et si vous lisez toute la décision, on leur a carrément menti sur les avantages de la syndicalisation ? lesquels ont peut-être faussement interprété la portée de leur signature.» On leur avait représenté, et c'est en preuve devant le commissaire, qu'il y aurait un vote après cette signature de carte d'adhésion. Le commissaire le reconnaît, on leur a faussement interprété la portée de leur signature. Et là le commissaire nous dit: «Un manque de transparence de la part du syndicat ne constitue pas un motif suffisant pour invalider une adhésion. La preuve démontre que les salariés ont changé d'idée, et ils devront vivre avec leurs conséquences.» Alors, quand on représente des employeurs qui contestent des requêtes en accréditation parce qu'ils savent que la campagne a été faite de cette manière-là, on n'est pas du tout dans la même situation où lorsqu'on représente des employeurs qui recevraient un vote secret de la part de leurs employés et qui leur diraient majoritairement: Nous voulons être syndiqués. Je vous garantis, M. le ministre, que, si on avait un tel vote, les employeurs seraient à la table de négociations dès le lendemain.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le ministre.
M. Rochon: O.K. Je pense qu'on se comprend. On va pouvoir réfléchir utilement là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Sur le même sujet?
Une voix: ...
M. Rochon: J'en ai d'autres, mais répartissez le temps comme vous voulez. J'ai d'autres questions.
Le Président (M. Rioux): Non, mais c'est qu'il voudrait intervenir exactement là-dessus.
M. Rochon: Ah! O.K. Parfait.
Le Président (M. Rioux): Allez-y, monsieur.
M. Tranchemontagne: M. Taillon, messieurs, merci d'être venus. Bienvenue. Merci pour votre mémoire. J'allais juste poursuivre sur le même sujet, sur la question du vote. Un des objectifs, pas le seul, de la création de la CRT, à mon point de vue, c'est justement d'accélérer le processus d'accréditation, d'éviter les délais, d'éviter que certains employeurs malheureusement traînent le processus, etc. Et, quand j'écoute le ministre, et dites-moi si, vous, vous comprenez la même chose, quand il nous parle par exemple de la vérification de la validité des cartes qui ont été signées, etc., le moindrement qu'il y a un petit peu de soupçon, ou de doute, ou d'inquiétude... c'est un processus qui est quand même assez long, c'est-à-dire de vérifier si les cartes ont bel et bien été signées dans des circonstances qui sont acceptables démocratiquement, etc. Alors que ne croyez-vous pas que, s'il y avait un vote dans les x jours, comme, par exemple, en Ontario, 5 jours, qu'ils ont dit, en Ontario... ne croyez-vous pas que ça, là, c'est bien plus vite que d'aller vérifier la validité, la véracité de certaines cartes, les signatures de certaines cartes, faire enquête, etc.? Et il me semble que l'orientation du vote m'apparaît dans la lignée de pensée juste de la création de la CRT, d'une partie de la raison de la CRT, c'est-à-dire d'accélérer le processus d'accréditation pour que ça évite de traîner en longueur comme c'est le cas des fois malheureusement, présentement.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): M. le Président, nous le croyons et c'est pour cela que nous le recommandons.
Le Président (M. Rioux): C'est ça, la réponse.
M. Taillon (Gilles): C'est ça, la réponse.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors...
M. Taillon (Gilles): Il m'apparaît que nous sommes pressés par le temps, donc je tente de synthétiser ma réponse.
Le Président (M. Rioux): Je suis pas opposé du tout à des réponses claires et brèves. Je voudrais juste faire remarquer, là, dans la gestion du temps, que, si les questions étaient courtes et les réponses plus courtes, ça permettrait à plus de parlementaires de s'exprimer. M. le ministre.
M. Rochon: J'enregistre très bien ce que vous venez de dire, M. le Président. Deux retours, d'abord, pour vous confirmer les points que vous soulevez où je pense qu'on est entièrement d'accord, là. Ça va au moins clarifier ça. Page 3, votre première proposition sur le processus d'accréditation quant à sa modification et aux informations qui devraient être transmises. On comprend la même chose, là, essentiellement ce que vous dites dans ce paragraphe-là.
Et deuxièmement, page 5...
M. Taillon (Gilles): M. le ministre, je comprends que vous nous dites oui à notre demande.
M. Rochon: Bon oui, ce que je vous dis, là, on va vérifier, mais ce qui était notre intention, ce qu'on... en vous écoutant puis en sachant ce qu'on avait à l'esprit, on pense que c'est à peu près la même chose.
M. Taillon (Gilles): Parfait.
M. Rochon: On va valider ça, là, mais...
M. Taillon (Gilles): O.K.
M. Rochon: Le dernier paragraphe de la page 5, où c'est d'emblée très clair, là, quand vous dites que l'avis doit pouvoir être donné aussi bien après qu'avant la date de la vente ou de la concession partielle. On va vérifier notre rédaction, mais c'était l'intention. Si on dit: «Si l'employeur trouve dans son intérêt...» Parce que c'est très clair avant, puis il peut le donner assez avant, que, même indépendamment d'un délai, vous faites des propositions, qu'au moment où il fait sa sous-traitance, c'est clair de noeuds, comme on dit, il peut très bien. Mais, s'il y a une raison pour laquelle il peut pas le faire, pour quoi que ce soit, il peut très bien le faire après, mais là, évidemment, le délai commence à courir plus tard, c'est la seule chose, bon.
L'autre point sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires par exemple, c'est à la page suivante, page 6, la question du délai de 90 jours. Vous souhaiteriez le ramener à 30 jours. Je comprends bien votre argument. Maintenant, est-ce que la situation suivante est exacte aussi? Et, si c'est le cas, vous trouvez pas, là, que vous nous demandez d'aller pas mal loin par rapport à la situation actuelle? Présentement, l'article 45 peut être évoqué, comme on dit, n'importe quand, deux ans, trois ans, quatre ans après la sous-traitance. Par ailleurs, les tribunaux avaient déjà statué qu'un délai raisonnable pourrait être de l'ordre de 270 jours, neuf mois, délai qu'on a retenu dans le cas où il y a pas avis. Mais on dit: S'il y a avis, ça le raccourcit de neuf mois à trois mois, 90 jours. Alors, on avait l'impression d'avoir télescopé le processus pas mal, partant de l'infini jusqu'à un délai raisonnable, selon les tribunaux, de 270 jours, et, quand il y a avis, de l'avoir ramené à 90 jours. Vous pensez que c'est vraiment nécessaire, utile, d'aller encore plus loin, à 30 jours, et que ça risquerait pas d'être un peu serré dans certains cas? Il faut que les gens se sentent à l'aise quand même. On veut accélérer le processus, comme vous l'avez dit, c'est le but, mais on voulait être bien sûr, là, de pas y aller trop fort non plus puis risquer de... Non seulement qui trop embrasse mal étreint, mais qui en fait trop, à un moment donné, va peut-être défaire l'objectif. Mais il y a peut-être un ajustement, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
n(15 h 40)nM. Taillon (Gilles): Alors, je vous dirais que, dans le contexte où se passe la sous-traitance, où l'entreprise doit procéder, on pense que 30 jours est un délai qui est davantage représentant la réalité. Et on pense que, dans ce délai-là, il est possible pour l'organisation syndicale de faire le travail, de respecter cela. Donc, fondamentalement, on dit: Oui, c'est possible de téléscoper encore, même si on reconnaît qu'il y a un effort dans la proposition de télescoper le processus. On pourrait faire ça et on pense qu'il n'y a personne qui serait perdant. Au contraire, les entreprises seraient gagnantes quant à leur capacité de sous-traiter plus vite.
Je vous dirais, M. le ministre, que je suis aussi très content que vous ayez dit oui à deux de nos propositions. J'aurais souhaité qu'il y en ait plus, peut-être que vous allez revenir un petit peu plus tard.
Le Président (M. Rioux): Soyez patients, ce n'est pas terminé.
M. Rochon: On donne pas toutes nos réponses nécessairement aujourd'hui, non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Rochon: Juste là-dessus, je ne ferme pas la porte à ce que vous venez de dire là, mais aussi mettre sur la table pour votre considération que le délai qui était conçu était pas juste vu comme un délai d'une série de procédures, on veut déjudiciariser. On voulait que ce soit un délai qui permette aussi, au besoin, aux parties de se parler puis de discuter un peu ensemble. Alors, le syndicat comme réaction veut peut-être avoir plus d'informations; s'il a plus d'informations, peut-être qu'il va changer l'attitude première qu'il aurait pu avoir. Alors, il y avait comme un souhait là d'avoir une gestion plus préventive de l'opération.
M. Taillon (Gilles): Alors, Me Flageole.
Le Président (M. Rioux): Me Flageole, rapidement.
M. Flageole (Pierre): Très rapidement. Là-dessus, M. le ministre, si le processus est déclenché dans les 30 jours, nous ne serons pas entendus dans les 30 jours. Mais, plus tôt on déclenche le processus de contestation, si vous voulez, plus tôt on peut commencer à se parler et régler. Alors que, si on a un délai de 90 jours, il se passe rien dans les 90 jours.
M. Rochon: Non, mais c'est ça, le point sur lequel je veux juste qu'on s'entende, là.
M. Flageole (Pierre): O.K. C'est beau.
M. Rochon: C'est pas un délai de procédure, il y a 30 jours au syndicat pour réagir...
Une voix: ...
M. Rochon: 90 jours.
M. Flageole (Pierre): Oui.
M. Rochon: S'il l'a pas fait après 90 jours, c'est final.
M. Flageole (Pierre): Je comprends, mais, s'il le fait le 89e jour, c'est là que les discussions vont commencer. S'il le fait le 30e jour, c'est là que les discussions vont commencer.
M. Rochon: Ah bon! O.K.
M. Taillon (Gilles): C'est l'esprit de notre proposition.
M. Rochon: C'est correct. O.K.
Le Président (M. Rioux): Voilà. Très bien.
Une voix: On devance de...
M. Rochon: Je vois l'analyse que vous faites. O.K.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Pourriez-vous m'expliquer, et je vais revenir juste un paragraphe en arrière, le bas de la page 5... Pourquoi dites-vous qu'il pourrait s'avérer illégal de donner l'avis avant la vente ou la concession partielle de l'entreprise? Je ne suis pas sûr que je vous suis dans le raisonnement. Ce matin, d'ailleurs, on a eu la CSD qui était inquiète par ça, parce qu'elle parlait d'un changement virtuel qui était pas, en fait, arrivé. La CSD voulait même qu'on attende après le fait... une fois que l'activité soit passée, la vente ou la concession partielle.
M. Taillon (Gilles): Alors, Me Lafleur.
Le Président (M. Rioux): Allez, monsieur.
M. Lafleur (Jean): Rapidement. Les lois des valeurs mobilières particulièrement, dans les diverses juridictions, imposent des critères différents, et il y a des transactions, parce que ce sont des sociétés qui sont sur les cours publics qu'on ne peut pas dévoiler avant qu'il y ait accord ? c'est ce qu'on appelle de l'information confidentielle et privilégiée... vous pouvez pas aller jouer vos actions en Bourse avec des informations privilégiées, tout comme les membres du conseil d'administration d'une société qui est engagée dans une transaction ne peuvent pas vendre ou acheter des actions. On pourra pas étendre ce privilège à beaucoup d'autres personnes, en violant la loi là-dessus. Alors, il faut laisser à la société elle-même la discrétion de donner l'avis, eu égard aux lois de toutes ces juridictions, au moment opportun et légal.
M. Tranchemontagne: Alors, vous êtes pas donc en principe contre, c'est juste que vous dites que la réalité peut faire que ce sera pas applicable. C'est ça que vous me dites.
M. Lafleur (Jean): Oui. C'est juste du timing.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Tranchemontagne: O.K. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Groulx.
M. Kieffer: Merci, M. le Président. M. Taillon, messieurs. Moi, je reviens à la première page parce que je trouve qu'essentiellement votre position se résume dans le «tradeoff» que vous êtes prêts à faire entre, d'une part, la mise en place d'une CRT et, d'autre part, le vote obligatoire d'accréditation. Parce que je peux pas voir d'autres liens que celui-là lorsque vous dites: «Sans cet équilibre essentiel, le CPQ s'oppose farouchement à la création d'un organisme chargé de favoriser l'accréditation d'associations syndicales.» Je trouve ça gros, là, il me semble que... Je trouve ça gros surtout lorsque vous indiquez dès le départ que la fonction du Code du travail, c'est d'équilibrer les relations patronales-syndicales et la CRT va être un mécanisme essentiel. Si la CRT est un mécanisme essentiel, pourquoi vous la reconnaissez comme étant un organisme chargé de favoriser... Alors là le déséquilibre se crée. Bon.
Alors, ce que je veux que vous m'expliquiez. D'une part, quel lien vous faites entre le vote et l'existence de la CRT? Deuxièmement, c'est-u un «tradeoff» que vous voulez faire? À ce moment-là, il faut le dire clairement. Puis c'est raisonnable de dire: Écoutez, oui, on est prêt à donner aux syndicats ce qu'ils demandent, en échange de quoi, nous, on voudrait bien recevoir x, y ou z. Mais j'ai envie de comprendre, parce que, pour moi, le lien, il est pas clair pantoute entre un vote d'accréditation obligatoire et l'existence d'une CRT dont la principale fonction ? et le ministre a été clair là-dessus ? c'est de déjudiciariser ? puis c'est pas facile à dire comme mot ? l'exercice des relations de travail.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, je veux rassurer d'abord le député de Groulx, ce n'est pas un «tradeoff». Cependant, on dit: À partir du moment où on change le mécanisme, le fonctionnement des relations du travail sans tribunal d'appel maintenant, qu'on déjudiciarise, donc, il est important, pour être sûr que l'organisme, appelons-le «plus bureaucratique» qu'on crée, qui s'appelle la Commission des relations du travail, ce n'est plus un organisme judiciaire, mais c'est un organisme davantage bureaucratique... cet organisme-là doit pouvoir prendre ses décisions sur une connaissance transparente des faits, avec des droits qui apparaissent aux parties, notamment les employeurs, comme étant incontestables. À cet effet-là, le scrutin de représentation nous apparaît une composante essentielle du bon fonctionnement futur de la CRT et du respect de ses décisions par la suite. Et on dit en plus: Il y a des avantages au scrutin de représentation, parce que ça va certainement accélérer la mise au travail des syndicats et de l'entreprise quant à la négociation de la première convention collective. Voilà le lien que l'on fait. Et on dit: C'est capital, sinon nous sommes très, très inquiets de faire passer, au nom de la déjudiciarisation, la responsabilité à un organisme où l'appel n'est pas présent.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Kieffer: Puis c'est sur cette base-là que vous dites que ça favoriserait l'accréditation? Parce que là, ce que vous dites... Ça favoriserait l'accréditation de l'association parce qu'il n'y a pas un droit d'appel? C'est ça, le bogue, là?
M. Taillon (Gilles): Écoutez, on ne se cachera pas que l'objectif avoué de ceux qui ont réclamé une commission des relations du travail... nous, on ne l'a pas réclamée, là; on était heureux avec le système actuel. Mais ceux qui l'ont réclamée ont prétendu que l'objectif, c'était d'accélérer le processus. D'ailleurs, il y a des dispositions dans le projet qui parlent de 60 jours. On dit: On achète ça, on n'est pas des antisyndicaux; par contre, vous allez nous assurer que le processus est d'une transparence irréprochable, sinon on n'est pas capables d'embarquer, on veut garder le statu quo et notre tribunal du travail.
Le Président (M. Rioux): O.K. Mme la députée de Jean-Talon.
M. Taillon (Gilles): Mais, si on veut parler de «tradeoff», l'ensemble du mémoire, pour accepter le projet, c'est un «tradeoff», puis on embarque.
M. Kieffer: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Vous avez votre réponse, M. le député de Groulx. Il la voulait, il l'a eue.
M. Kieffer: C'est clair.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Bien, justement, sur ce sujet-là, M. Taillon, parce que, moi aussi, je trouve que le coeur de la discussion qu'on a aujourd'hui, même je dirais depuis hier, et je fais une parenthèse, vous permettrez à une néophyte d'intervenir là-dedans, c'est pas un domaine que je connais très bien... mais il me semble que, après avoir entendu certains de vos prédécesseurs, ici, en commission parlementaire, il me semble que toute cette question autour de la transparence, de la démocratie prend toute son importance. Je pense qu'il y a pas personne ici qui est contre la syndicalisation. Au contraire, je pense que tout le monde reconnaît que les travailleurs au Québec, et partout dans le monde, ont un besoin de toutes les protections que l'on retrouve dans les conventions collectives. Par contre, j'ai un peu de difficultés à comprendre pourquoi on en est rendu à faire un débat sur cette... en tout cas, je dirais quasi nécessaire obligation finalement de s'assurer non seulement d'une transparence, mais de s'assurer que les gens qui vont avoir à décider si, oui ou non, ils sont d'accord avec une accréditation ou à faire partie d'un syndicat, que ces gens-là finalement puissent l'avoir, cette possibilité-là.
n(15 h 50)n Et, à ce titre-là, je comprends fort bien l'explication que vous avez donnée à mon collègue tout à l'heure, quand on parle de ce nécessaire équilibre qu'on a retrouvé dans plusieurs des mémoires qu'on a entendus depuis hier, qu'est le Code du travail, cet équilibre entre le monde syndical et le monde patronal, puis on sait que c'est pas toujours facile, mais il n'en demeure pas moins que je trouve que la proposition que vous amenez et que vous étoffez quand même dans votre mémoire est des plus intéressantes. Et, moi pour une, je vous le dis bien honnêtement, je trouve que ça réconcilie beaucoup de préjugés, vous parliez tout à l'heure de sophisme, bon. Il y a quand même une réalité qui existe, qui est là. Ça, c'est un petit peu en préambule. Alors, au-delà de, je pense bien, la façon très claire et très ferme de votre réponse à mon collègue tout à l'heure sur ce point-là, je voudrais qu'on reparle de l'autre élément qui est celui de la sous-traitance. Bon.
Moi, j'ai toujours pensé que la sous-traitance, c'était quelque chose qui était facile à comprendre. J'ai réalisé hier que, quand on parle avec le monde municipal, c'est une chose, quand on parle avec les gens de l'entreprise privée, c'est autre chose, puis c'est pas toujours très évident de comprendre ce que ça veut dire réellement. Puis, venant du monde municipal, bien, moi, j'ai une meilleure compréhension, je pense, de ce milieu-là. Moi, je voudrais que vous me clarifiez ? parce que vous avez le don de bien nous faire comprendre en peu de mots ? toute cette nécessité que vous voyez de pouvoir avoir accès à cette sous-traitance-là, à cette possibilité de sous-traitance. D'autant plus que vous dites, dans votre mémoire, et là j'espère que je vais le retrouver, qu'à moins que le... Attendez, je vais juste le retrouver, là: «Sur demande, la Commission peut décider d'exclure l'application de l'article 45 si elle est convaincue que la concession partielle est faite pour une raison économique valable et non dans le but de porter atteinte au pouvoir de représentation d'une association de salariés.» Bon, il me semble que ça, c'est une condition qui est assez claire, là. Mais, pour nous, là... comment vous pouvez expliquer ça pour que les gens comprennent ce que vous voulez? Parce que je peux vous dire qu'il y a pas grand monde qui comprend ce qu'on veut dire quand on parle de modifier l'article 45.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Oui. Je vous dirai, M. le Président, que Mme la députée a très, très bien compris, en citant exactement le bon passage, la concession que nous faisons par rapport à des positions plus traditionnelles d'exclure carrément la sous-traitance. On donne un pouvoir ici, on propose que la Commission des relations du travail ait un pouvoir donc ? à la page 7.3, là ? un pouvoir sur demande, de pouvoir faire en sorte d'exclure l'application de transfert de droits si, sur le plan économique, il y a des nécessités. Et ça rejoindrait, avec un pouvoir à la Commission, O.K.? ça rejoindrait des demandes, par exemple, de l'UMQ qui vous ont été présentées hier. Parlant d'exclusion, il y aurait une possibilité ici. Cependant, il y aura un jugement d'opportunité apporté par la Commission des relations du travail quant au fait que ça apporte vraiment un objectif économique et non pas que ça a comme objectif de briser l'accréditation, de détruire le syndicat ou de faire en sorte de nuire aux travailleurs. Donc, on dit: On ouvre cette porte-là.
Quant à la nécessité de la sous-traitance en général, je sais pas si mon collègue qui représente l'aérospatiale peut vous donner une petite illustration. Vous connaissez bien le monde municipal, c'est important aussi, mais, du côté du privé, il y a une nécessité aujourd'hui, dans l'économie d'aujourd'hui, de permettre la sous-traitance, il en va de la survie de nos entreprises, particulièrement nos PME.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Demers, donnez-nous un exemple fulgurant, là,
M. Demers (Gilles): Disons que les grands joueurs aujourd'hui ? je vais parler du domaine aérospatial ? les grands joueurs aujourd'hui se battent pour garder le marché. Et puis, justement, pour garder le marché, il faut que souvent ils se spécialisent dans un secteur en particulier, soit l'assemblage ou la fabrication. Mais, par contre, lorsque les carnets de commandes accélèrent, s'accélèrent et lorsque la demande est là, bien, les grandes entreprises se doivent de se retourner et de demander à des tierces parties de les aider à pouvoir rencontrer leurs objectifs ou de les aider à pouvoir donner ce que leurs clients veulent avoir. Et cette façon-là, la seule et unique façon qui est acceptable aujourd'hui, c'est de donner de la sous-traitance.
Cette sous-traitance-là, naturellement, elle a toute son importance au fait que, bien, il y a des gens qui ne sont plus dans la grande entreprise mais qui ont décidé de se partir des petites entreprises, et ces gens-là sont capables de donner, si vous voulez, le coup de main nécessaire pour justement... et en même temps aussi de rester concurrentiel avec l'entreprise mondiale. Parce que, dans le secteur aérospatial, vous savez qu'on ne fait plus compétition, nous, la sous-traitance du Québec, on ne fait plus compétition entre nous au Québec, on fait compétition aux gens de Taïwan, on fait compétition aux gens de la France, au Brésil, et ainsi de suite. Donc, on se doit d'être meilleur, d'être plus performant, avec un dollar agréable présentement, mais on se doit d'être performant pour donner ce que notre client veut avoir, de l'aide, et pour que notre client aussi reste le leader mondial et probablement, là, gagner à long terme. Je ne sais pas si ça répond.
Mme Delisle: Oui.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Demers. M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'ai été un peu surpris...
Le Président (M. Rioux): Soyez rapide, hein, M. le député de Gaspé, il vous reste à peu près pas de temps.
M. Lelièvre: J'ai été un peu surpris de voir tout à l'heure l'explication que vous donniez ou le cas que vous donniez pour justifier, dans le fond, un vote rapide. D'un autre côté, depuis plusieurs années que je suis ici, j'entends aussi l'autre version, de l'autre côté: Il faut vérifier, il faut éviter aussi qu'il y ait des pressions indues sur les travailleurs pour ne pas les amener à changer d'idée, exemple: menace de fermeture d'entreprise.
Mais ce qui m'a particulièrement accroché tout à l'heure, c'est le commentaire à l'effet que la Commission des relations de travail pourrait être partiale, qu'on pourrait y avoir des gens qui soient nommés, et j'ai cru comprendre, au fond, du côté syndical, d'une certaine manière, qu'il pourrait y avoir un risque de noyautage, et vous référez, dans le fond, au Comité consultatif des relations de travail. Si j'ai bien compris, c'était ça, la suggestion. Mais, à date, je pense que ce qui est prévu dans la loi, la nomination de ces gens-là, il va y avoir une liste de personnes habilitées à y siéger, donc à occuper ces fonctions, et, par la suite, ils sont nommés pour une période de cinq ans. Je pense qu'il y a un mécanisme qui est prévu. Et ces gens-là ont un devoir aussi, lorsqu'ils sont nommés, d'agir de façon impartiale. C'est une commission qui doit respecter les règles de justice administrative, quand même, justice naturelle, etc. Donc, j'ai un peu de difficultés à vous suivre, M. Taillon, là-dessus.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon, je fais confiance à vos talents de pédagogue, là. Faites-moi ça en quelques secondes.
M. Taillon (Gilles): Parfait. Nous pensons que l'efficacité de la Commission tient essentiellement à la qualité des nominations. Et on vous dit: Il est important que les consultations soient faites aux bons endroits, et c'est pour ça qu'on vous proposait le mécanisme... On n'a aucun préjugé, on ne vous dit pas que c'est plus des syndicaux, plus des patronaux. L'important, c'est que ce soient des gens qui soient objectifs et qui arrivent là avec un regard neutre eu égard à la question à trancher. Et on vous fait une suggestion pour améliorer le processus de fonctionnement.
n(16 heures)nLe Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, M. Taillon. Je voudrais remercier également M. Flageole, M. Lafleur, M. Demers, de votre participation. Ça nous a fait plaisir de vous entendre à nouveau. Alors, je demanderais à la CSN de prendre place, le temps que le patronat cède la place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Laviolette, ça nous fait plaisir de vous accueillir. Et vous allez nous présenter vos partenaires, vos collègues.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
M. Laviolette (Marc): Oui. À ma droite, donc à votre gauche, Louis Bibaud, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN, et François Lamoureux, qui est le coordonnateur des services juridiques à la CSN.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Laviolette, on va vous octroyer 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, votre document, et, ensuite, on essaiera d'établir un dialogue solide ensemble par après.
M. Laviolette (Marc): Très bien. D'abord, avant de commencer, je voudrais m'adresser au point commun qu'il y a entre les parlementaires autour de cette table. Étant donné que le Parti libéral vient de faire un virage à gauche et que le premier ministre a affirmé dans les journaux que la gauche, c'était le Parti québécois, je vous demanderais d'oublier... je vous demanderais d'oublier ce qui s'est dit entre 3 et 4 heures, ce n'était qu'un délire économique, et on va revenir aux choses sérieuses.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Vous voilà bien mal pris, coincé entre deux gauches. Alors, je vous demanderais de ne pas être trop maladroit. Ha, ha, ha! Alors...
M. Laviolette (Marc): Bon, j'ai préparé une synthèse que je vais vous lire pour bien m'assurer que, dans les 20 minutes, je vous lise l'essentiel du mémoire. Après ça, on pourra discuter ensemble. Je pense que c'est la partie la plus importante de la commission.
Bon. La CSN vous remercie de nous accueillir à la commission de l'économie et du travail qui étudie le projet de loi n° 31 modifiant le Code du travail et instituant la Commission des relations de travail. Dans un premier temps, nous entendons vous rappeler que ce sont les organisations syndicales du Québec qui ont demandé une vraie réforme du Code du travail permettant l'accomplissement réel et concret du droit à la syndicalisation et à la négociation. Ainsi, nous vous rappelons les principales revendications que nous avions avancées afin que le Code du travail, que nous avons surnommé... on l'a surnommé le «mésadapté sociolégislatif», puisse répondre aux buts et objectifs souhaités par le législateur lors de l'adoption du bill 54 en 1964.
Il est primordial de se rappeler qu'il n'y a pas eu de vraie réforme du Code du travail depuis 1977, avec l'introduction des dispositions antibriseurs de grève et l'adoption de la formule Rand. À ce moment-là, nous avions entendu les mêmes délires que l'on a entendus tantôt.
En 2000, la CSN a articulé ses propositions de réforme du Code du travail autour de deux pôles: l'accès à la syndicalisation et le droit de négociation. À l'intérieur de ces deux axes, nous avions cinq grandes revendications: les négociations regroupées, la Commission des relations de travail, la reconnaissance du travail autonome, la déclaration d'employeur unique, et des modifications majeures à l'article 45, entre autres dans les cas de rétrocession de l'entreprise, d'exception de vente en justice et de transfert de juridiction fédérale-provinciale. Ces cinq revendications avaient été priorisées parce que nécessaires et primordiales dans le cadre de la nouvelle réalité du marché du travail et des limites jurisprudentielles empêchant les travailleurs et travailleuses d'avoir accès au droit à la syndicalisation.
Maintenant, qu'est-ce que le projet de loi n° 31 retient de nos revendications? Les négociations regroupées? Encore une fois, le projet de loi n° 31 passe à côté de notre revendication liée aux négociations regroupées, alors que cela est permis en vertu de l'article 34 du Code canadien du travail. Cette négociation regroupée par secteurs fait en sorte d'atténuer grandement les impacts économiques et permet d'affronter la concurrence à armes égales dans la mesure où l'ensemble du secteur bénéficie des mêmes conditions.
La Commission des relations de travail? La CSN était d'accord avec la mise sur pied d'une telle commission afin de réduire le recours aux tribunaux de droit commun et surtout accélérer le processus d'accréditation. Nous réclamons depuis plus de 20 ans un tel organisme pour faire en sorte qu'il y ait une couleur, plus de relations de travail que de judiciaire dans la solution des problèmes et qu'on puisse enfin régler les conflits par des ordonnances réparatrices. Il s'agissait également de concentrer l'entièreté des pouvoirs et développer une vision unifiée des relations de travail.
Par ailleurs, et là il s'agit d'un point majeur, la CSN exigeait pour la crédibilité de l'instance que les membres de cette Commission soient soumis à des critères de sélection et qu'ils ne puissent être nommés qu'après consultation des parties et en tenant compte de leurs recommandations. Cette exigence était fondamentale, puisque les décisions rendues par la Commission seraient finales et sans appel. Le Tribunal du travail étant aboli, les commissaires actuels se doivent de rencontrer les nouveaux critères de la loi.
À première vue, nous pourrions être satisfaits de ce mode de nomination si l'ensemble des commissaires actuels y étaient soumis. Cela ne semble pas être le cas. Les commissaires actuels bénéficient d'une déclaration d'aptitude de sorte qu'il ne pourront être évalués qu'en fonction des critères applicables lors d'un renouvellement. En effet, ils sont réputés satisfaire aux conditions fondamentales d'entrée. Il est, selon nous, impensable d'accepter une telle façon de faire.
Auparavant, le Tribunal du travail était un cran de sûreté contre certaines décisions absurdes ou déraisonnables ou qui comportaient des erreurs de droit manifestes. Il s'agit dans les faits d'établir la crédibilité et la compétence d'une nouvelle commission. C'est pourquoi, à notre avis, les commissaires actuels doivent être évalués par le même comité de sélection et avec les mêmes critères de sélection que les nouveaux commissaires et non les critères applicables au renouvellement. La CSN ne peut accepter l'abolition d'un tribunal spécialisé en relations de travail composé de juges d'une grande expérience sans qu'il y ait eu validation complète des membres de la Commission sur la base des mêmes prémisses que les personnes de l'externe qui appliqueront sur les concours de la commission.
Sur la question de la reconnaissance du travail autonome, qu'en est-il ici de notre revendication? Le projet de loi n'y répond pas. Il n'y a pas de définition d'«entrepreneur dépendant» comme au Code canadien du travail de même qu'il n'y a pas élargissement de la notion de salarié pour y inclure les travailleurs autonomes et faciliter l'exercice de syndicalisation.
L'ancien projet de loi n° 182 introduisait une timide notion d'entrepreneur dépendant qui pouvait être source d'interprétation, certes, mais au moins, il s'agissait d'un pas en avant. Ici, le projet de loi se contente d'introduire une disposition visant à contrer une modification du statut de salarié en entrepreneur par l'employeur et un mode de vérification par la Commission ? pardon ? de l'article 20.0.1.
Cela ne change rien au fait que nous demeurons avec la même définition de «salarié» qui compliquera et empêchera même dans beaucoup de cas la syndicalisation des travailleurs autonomes ou dépendants. La Chambre de commerce du Québec et son président, Michel Audet, reconnaissent qu'il s'agit d'un gain pour le patronat, puisque, au moins, la définition du projet de loi n° 182 n'est pas présente dans le projet de loi n° 31, et surtout il aurait pu ajouter: Nous sommes heureux que les employeurs puissent se soustraire à assurer la charge sociale de ces mêmes travailleurs autonomes.
Pour nous, il s'agit ici d'un recul important du gouvernement qui avait pourtant promis d'actualiser le Code du travail. Nous croyons que le projet de loi, en refusant d'apporter des amendements adéquats à la notion de salarié, repousse la syndicalisation de milliers de travailleurs et travailleuses au Québec en plus de passer à côté de l'objectif premier de ce Code qui, rappelons-le, est de favoriser le droit à la syndicalisation et à la négociation.
Nous insistons pour rappeler que les syndicats sont des outils de travail qui aident au développement social et économique de la société en favorisant le partage de la richesse. Ainsi, quand le ministre parle de réformer le Code pour le moderniser, il maintient au contraire une définition de «salarié» préhistorique qui ne colle plus à la nouvelle réalité du marché du travail et du travail atypique. D'ailleurs, cette revendication fait partie du consensus du Sommet de la jeunesse. Et le patronat était d'accord là-dessus au Sommet de la jeunesse.
Mon Dieu! C'est pas drôle ce rhume-là. Veux-tu continuer à lire, Louis, s'il vous plaît? François, page 10.
n(16 h 10)nM. Lamoureux (François): Alors, les articles 45 et 46 du Code du travail. Alors, le projet de loi impose un net recul. Ainsi, au lieu de répondre légitimement aux revendications de la CSN pour redonner à l'article 45 les attributs d'avant le jugement CSRO, on vient permettre de transiger sur l'article 45 et faire en sorte que sa portée ne soit plus d'ordre public. Il est primordial et essentiel de réaliser que la jurisprudence constante des dernières années enseigne que l'article 45 est d'ordre public et opère de plein droit. Ainsi, on ne peut s'y soustraire ou y renoncer par contrat ou autrement. Donc, les parties par entente ne peuvent renoncer aux effets de 45.
Nous avons toujours conservé la particularité qui s'applique aux rapports collectifs de travail et qui se détache du droit civil. Le Code du travail est spécifique en lui-même; il couvre des réalités propres aux relations de travail. Depuis l'institution du Code du travail en 1964, l'objectif du législateur était de protéger les employés contre toute forme d'arbitraires ou magouilles patronales en faisant suivre l'accréditation et la convention collective chez le nouvel employeur. Il était impossible, et c'est encore le cas aujourd'hui, de transiger sur 45. Or, les dispositions introduites dans le projet de loi n° 31 sur l'article 45.1 et 45.2, concernant la concession partielle constituent un recul majeur depuis l'entrée en vigueur du Code du travail en 1964.
L'ouverture des conventions collectives. Premier constat. L'Association a 90 jours pour déposer une requête en 45, alors que l'état du droit actuel prévoit un délai de neuf mois. Deuxième constat. On introduit, à l'article 45.2, un délai pour l'expiration de la convention collective au plus tard 12 mois après la concession partielle. Ainsi, il doit y avoir négociation sur cette concession et la convention collective. On peut penser que les employeurs les plus subtils choisiront le moment de leur concession partielle pour que l'expiration des délais coïncide avec une période plutôt difficile pour les salariés afin de faire passer la concession partielle et leur faire abandonner leur clause de sous-traitance. On peut prévoir de beaux débats juridiques par ailleurs et surtout de belles difficultés d'administration de la preuve pour démontrer que la concession partielle avait pour but de fragmenter l'unité de négociation.
Nous comprenons mal les objectifs de cette disposition dans la mesure où ses effets vont conduire les parties en réouverture de convention collective, avec tout ce que cela implique comme possibilités de conflits. À notre avis, les parties s'étaient entendues dans le cadre d'un processus de négociations sur l'aboutissement d'une convention collective. Celles-ci ont le droit à une paix industrielle équivalente à la volonté des parties de convenir du terme et de la durée de la convention collective. L'État ne doit pas s'ingérer dans les ententes intervenues entre les parties et permettre aux employeurs de se délier de leur obligation et clause de sous-traitance librement consentie.
Les ententes individuelles. Par ailleurs, l'article 45.2 permet au nouvel employeur de ne pas être lié par l'accréditation ou la convention collective s'il y a une entente particulière portant sur cette concession et que les parties renoncent à demander à la Commission d'appliquer 45. Certains diront oui, mais les syndicats n'auront qu'à refuser de transiger de telles ententes. C'est plus facile à dire qu'à faire. Nous indiquions auparavant que les employeurs subtils choisiront le moment de la concession partielle et qu'à ce moment-là les salariés auront à décider probablement et souvent le couteau sous la gorge et sous la menace de faillite ou de mise à pied. Certains seront beaucoup plus vulnérables que d'autres à ces négociations qui tiendront plus du chantage que de la négociation traditionnelle. On n'a qu'à penser aux secteurs du commerce, de la restauration, de l'hôtellerie ou encore aux secteurs plus cycliques en termes d'activités.
Nous le répétons, il s'agit d'un recul majeur en relation avec l'historique de l'article 45 ainsi que la protection des accréditations et des conventions collectives. Une accréditation ne se négocie pas, c'est un principe sacré. C'est également connu qu'on ne peut renoncer aux effets de son accréditation, sauf dans les délais prévus au Code. Il faut bien réaliser que, par l'introduction de 45.1 et 45.2, c'est ce principe fondamental du droit au maintien des accréditations émises qui est en jeu.
La déclaration d'employeur unique. Cette revendication est une des plus importantes de la CSN relativement au maintien des accréditations et à la portée de l'article 45 du Code du travail afin de préserver les emplois et conserver les conditions de travail des salariés régis par une convention collective.
Encore une fois, malgré que l'ensemble des autres provinces canadiennes possèdent de telles dispositions dans leur Code du travail, le Québec fait bande à part. Cette notion d'employeur unique, nous l'avons indiqué, est majeure, puisqu'elle servirait à couvrir les situations suivantes: un employeur donne un sous-contrat tout en continuant d'exercer un contrôle réel sur leur activité; et un employeur engage un gestionnaire qui met sur pied une compagnie à numéro pour tenter de contourner les obligations prévues au Code du travail; un employeur transfère du travail vers une compagnie associée dont le personnel n'est pas syndiqué.
À notre avis, des modifications au Code du travail sont nécessaires afin de prévoir pour la Commission des relations de travail la possibilité de pouvoir faire des déclarations d'employeur unique afin d'empêcher, par des subterfuges de toutes sortes, de purger les accréditations.
L'équité salariale. Le projet de loi ne répond pas aux attentes de la CSN, puisqu'on réfère à la Commission des relations de travail les appels en matière d'équité salariale au lieu du Tribunal des droits de la personne. Il est aberrant, alors même que le Québec s'est doté d'un Tribunal des droits fort compétent, qu'on songe à renvoyer l'équité salariale et donc un litige ayant trait aux droits humains et à la discrimination sexuelle à la CRT, un organisme n'ayant aucune expertise sur cette question.
Dès l'adoption de la Loi sur l'équité, nous avions requis ce qui tient de l'évidence: Que le Tribunal des droits soit l'instance d'appel en matière d'équité. Nous réitérons plus que jamais cette demande, la Commission de l'équité salariale ayant clairement démontré son inaptitude chronique à mettre en oeuvre correctement cette loi. Il est donc fondamental dans ce contexte d'assurer qu'au moins l'organisme d'appel en soit un compétent qui comprenne les tenants et aboutissants de l'équité salariale. Seul le Tribunal des droits offre de telles garanties.
M. Laviolette (Marc): O.K. Les conclusions et recommandations. Nous tenons à rappeler au ministre du Travail que ce sont les organisations syndicales qui ont demandé cette réforme du Code du travail et non le patronat. Cette réforme doit s'adresser aux travailleurs, aux travailleuses parce que les objectifs essentiels de ce Code reposent sur le droit à la syndicalisation et à la négociation. Qu'on se le dise, le Code ne doit pas viser à protéger les employeurs relativement aux lois du marché ou de la libre concurrence; il doit viser la protection du droit d'association et des salariés dans l'exercice des droits prévus au Code.
Actuellement, le patronat tente de s'approprier ce Code et d'en changer la vocation et les buts visés par le législateur en 1964, lors de l'adoption du bill 54. À cet effet, il est toujours intéressant de faire un retour dans le passé et de vérifier quelles étaient réellement les intentions du législateur à cette époque et ce que le ministre du Travail du temps avait comme compréhension des objectifs de cette loi. Ainsi, lors d'une allocution prononcée au Congrès du Barreau rural de la province de Québec à Rivière-du-Loup, le 11 octobre 1964, le ministre du Travail, l'honorable Carrier Fortin, un député libéral de Sherbrooke, déclarait ? et là, je le cite:
«En 1964, notre société n'accepte plus que les forces économiques s'affrontent sans aucune contrainte et qu'un travailleur faible et isolé soit laissé à lui-même. Le libéralisme économique qui laissait les intérêts s'entrechoquer sans aucune discipline n'est plus accepté et une nouvelle philosophie sociale, qui n'est pas du socialisme mais de la socialisation, reconnaît la primauté de la personne humaine sur la valeur purement matérielle et économique du travail.
«Trois idées maîtresses ont présidé à l'adoption du Code du travail: Un. Distinction entre le droit collectif et le droit individuel ou plutôt séparation de la législation ouvrière du Code civil. Deux. Le respect intégral du droit d'association et de ses droits corollaires. Trois. La responsabilité accrue aux parties pour régler leurs conditions de travail et intervention réduite de l'État dans les conflits de travail, sauf lorsque l'intérêt public est en jeu.
«Nous avons également reconnu le principe que tout salarié a le droit de s'associer pour défendre ses intérêts professionnels et que ce n'est que par exception et lorsque l'intérêt public est en danger que l'on peut limiter ce droit.» Un député de libéral. C'est dans le temps que le Parti libéral était le parti des grandes réformes au Québec. Je pense qu'il devrait inspirer le ministre actuel. De même, ça ferait pas de chicane entre les deux parties, puis nous...
Le Président (M. Rioux): Il vous reste environ une minute, M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Oui. Ça sera pas long, j'ai fini là. On peut constater que l'objectif du Code n'était pas de répondre aux arguments économiques des employeurs, mais plutôt de favoriser le respect intégral du droit d'association et du droit à la négociation. Force est de constater que les employeurs ont réussi à imposer au gouvernement et au ministre leurs agendas politiques et leur vision relativement à la réforme du Code.
n(16 h 20)n En effet, ils se sont opposés à notre revendication sur la négo regroupée. Ils ont obtenu gain de cause; il y a rien qui concerne la négo regroupée dans la loi n° 31. Ils se sont opposés à la reconnaissance des travailleurs autonomes et à l'élargissement de la notion de salarié au sens du Code et ont obtenu gain de cause; il y a rien dans le projet de loi. Ils se sont opposés à la déclaration d'employeur unique afin d'améliorer l'article 45. Ils ont obtenu gain de cause; il y a rien dans le projet de loi. Ils ont contesté une revendication en vue de parer aux effets de l'arrêt CSRO et de restaurer 45 dans toute sa force. Non seulement ont-ils eu gain de cause, mais, en outre, 45 subit un recul.
Certes, il faut saluer l'introduction des dispositions visant à empêcher la disparition de l'accréditation dans les cas de vente en justice et dans les cas de transfert de juridiction du fédéral vers le provincial. Mais il s'agissait, en fait, de rattraper le fédéral.
Par ailleurs, le patronat obtient des modifications majeures et historiques en regard de l'application de l'article 45. Il ne s'agit pas de petites modifications; on modifie l'essence même du Code en permettant de transiger sur l'article 45 par des ententes individuelles remettant en cause le caractère d'ordre public de l'accréditation pour permettre de toucher au principe sacré des unités d'accréditation en entérinant des ententes individuelles sur la sous-traitance qui ont une portée directe sur la portée de l'accréditation. Les employeurs ont obtenu gain de cause; ils ont obtenu des améliorations à 45 en favorisant la sous-traitance et en jouant dans les unités d'accréditation. Plus encore, le projet de loi prévoit également qu'il sera possible à la Commission d'ordonner, une fois par période de négo et à la demande de l'employeur, la tenue d'un scrutin obligeant les salariés à se prononcer sur les dernières offres patronales.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi 31 ne répond pas au but essentiel du Code du travail, c'est un peu comme si on voulait que le nouvel objet, le nouveau but, la nouvelle portée du Code soit de favoriser le libre marché et le credo économique au détriment du droit d'association et du droit à la négo.
Certes, si la loi est modifiée afin que les commissaires du travail soient soumis aux mêmes critères de sélection des candidats de l'extérieur, nous pourrons saluer la mise sur pied de cette Commission des relations de travail comme un élément important dans l'atteinte de l'objectif du Code du travail.
On ne peut, par ailleurs, déshabiller Paul pour habiller Pierre. En effet, on ne peut, sous le couvert de la mise sur pied de la CRT, faire abstraction des reculs majeurs sur l'article 45, de même le fait que ce projet de loi ne facilite d'aucune façon l'accès à la syndicalisation de milliers de travailleurs et travailleuses, refusant d'adapter la notion de salarié ou d'entrepreneur dépendant à la nouvelle réalité du marché du travail et du travail atypique.
On ne peut oublier qu'on nous refuse la déclaration d'employeur unique qui existe partout au Canada. On ne peut oublier qu'on refuse de favoriser le droit à la négo qui... en permettant la négo regroupée. Je pense que le ministre du Travail peut faire beaucoup mieux que le projet de loi actuel. Il doit revenir au jeu de base qui prévalait lors de l'adoption du bill 54 en 1964 pour revenir aux trois idées maîtresses qui ont présidé à l'adoption du Code du travail.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Laviolette. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: M. le président, je vous remercie beaucoup de continuer avec nous jusqu'aux dernières minutes à travailler sur le projet d'amélioration du Code du travail. J'ai deux ou trois questions, mes collègues en ont aussi. Je voudrais leur laisser du temps.
Alors, avant de passer à mes questions, je voudrais quand même vérifier une affaire un peu plus fondamentale, là. En relisant ce que vous nous présentez aujourd'hui et en vous entendant, ça me ramène il y a quelques mois quand j'ai été nommé dans ces fonctions et que j'ai fait l'analyse de la situation où on était après les réactions au projet de loi 182. Et, dans mon observation, il y a un postulat que le processus législatif dans un système démocratique veut dire qu'on va rejoindre un certain consensus de l'ensemble des parties qui sont visées par le projet de loi qu'on veut passer.
Avec 182, c'était assez clair que, vu l'ambition de cette réforme, à peu près tout le monde était contre quelque chose là-dedans. Il y a à peu près personne qui était d'accord, mais il y en a pas deux qui l'étaient pour les mêmes raisons. Donc, il y avait à peu près pas moyen de travailler avec ça.
On s'est rencontrés, j'ai fait le tour du jardin, on a discuté avec l'ensemble des parties, et il y a une première conclusion qui s'est dégagée de ça, à mon sens, en tout cas, c'est que pour un bon nombre des éléments de 182, il y avait un tas de bonnes choses dans 182, mais que ça demandait de travailler un peu plus en profondeur, un peu plus à fond pour rejoindre le consensus minimal pour qu'on ait une législation qu'on applique. On peut bien faire une législation pour modifier le Code du travail en commençant en 1987 puis pas l'appliquer, parce que, pour des raisons quelconques, ça passe pas. Bon. Alors, si on veut l'appliquer, il faut qu'il y ait un minimum de consensus.
Donc, on a convenu que ça prendrait un peu plus de temps que la session ici nous permettait d'avoir et ça, donc, un chantier en marche. Puis il y a beaucoup de questions que ne touche pas le projet de loi n° 31 et vous le savez, on se l'est dit, qui sont sur un chantier. Et, dans les meilleurs délais, on va revenir pour faire un certain nombre de changements. Mais on s'est dit: On fera pas juste un chantier qui nous amène à l'automne ou au-delà. Il y a une couple d'éléments, on en a retenu trois surtout, plus un certain nombre de changements, où, là, il y a peut-être moyen de trouver une voie de passage tout de suite. C'est ça qu'est le projet de loi n° 31: le début ? ça, on se l'est dit clairement ? d'un chantier, c'est une première étape. Puis, si on peut revenir, avec l'automne, avec une autre... Et la réforme du Code, on commence à la faire. Mais de l'avoir essayé d'un coup sec, ça, c'est essayé, il semble qu'on ne passe pas.
Maintenant, quand je vous entends aujourd'hui, bien sincèrement, là, même projet de loi n° 31, dans ce contexte-là, c'est le début d'une étape, j'ai l'impression ? même constat que pour 182 ? qu'il y a pas grand-chose de bon qui reste là-dedans de toute façon. Alors, on est-u mieux de rester avec le statu quo pour tout de suite puis de continuer à travailler à long terme puis de revenir quand on sera vraiment prêt ou bien si on n'améliore pas... si on n'est pas pour améliorer vraiment la chose? Parce que, moi, il y a une affaire qui m'a toujours frappé, une des choses que j'ai apprises dans une vie antérieure quand j'ai fait mon cours de médecine, première chose qu'on nous enseignait, c'était: Primo, non nocere; d'abord, ne pas nuire. Alors, on voudrait surtout respecter ce principe-là.
Y en a-t-u assez de bon là-dedans pour qu'on continue ou si, d'après vous autres, on est aussi bien de s'en aller sur le moyen puis sur le long terme? Quand on aura clarifié ça, là... Puis je le dis bien sincèrement, au-delà du discours, là: le fond, on s'entend-u sur quelque chose ou pas? Puis, après ça, il y a quelques questions précises, je pense, ça vaudrait la peine qu'on échange, là ? si ça vaut la peine de continuer ? pour voir quelles améliorations on peut quand même apporter dans le travail de la commission parlementaire.
Le Président (M. Rioux): M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Oui, je pense que votre question est intéressante. La critique qu'on fait du projet de loi, on fait la critique de ce qu'il y a dedans et de ce qu'il y a pas dedans. Ce qu'il y a pas dedans, ça peut pas nuire. Mais, dans ce qu'il y a dedans on salue la CRT, ça, je pense, c'est un bon pas en avant.
Il y a des choses, par exemple, entre autres, sur le mode de nomination, qui sont importantes quant à nous, parce qu'il y a plus d'appel, donc il faut que... puis l'appel sert justement à corriger les décisions manifestement déraisonnables. Faut s'assurer de la qualité des commissaires, et pour ça, la meilleure façon de s'assurer de ça, c'est que tout le monde passe aux mêmes critères de sélection. Ceux qui sont déjà là et qui passent le test, ils vont passer comme une balle, mais faut s'assurer que tout le monde passe le même critère. CRT: un pas en avant. Bravo!
Sur les entrepreneurs dépendants, il y a rien. Bon, d'une manière ça nuit pas, il y a rien. Sauf qu'en même temps ce qu'on vous rappelle, c'est que ça, ça fait partie du consensus du Sommet de la jeunesse, cette revendication-là, c'était clair. Ça fait qu'elle pourrait être dedans, on échappe... en faisant ça, on... 32 % des nouveaux emplois qui ont été créés dans la dernière période, dans les 20 dernières années, c'est des emplois de type atypique, et il y en a beaucoup de ce type-là qu'on parle. On aurait souhaité qu'il ait été dedans.
Mais, sur 45, par exemple, ça, ça nuit, ça nuit. Deux choses. Sur l'avis, là, pour les sous-contrats, là, qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver avec ça? On va déstabiliser nos relations de travail, parce que les syndicats, pour se protéger... C'est pas 45 qui régit les sous-contrats, ce sont les conventions collectives. Il y a des dispositions, dans les conventions collectives, sur les sous-contrats, au Québec, dans 52 % des conventions, O.K.? La plupart, la formule standard, c'est que ça doit pas... il peut faire des sous-contrats, mais ça doit pas entraîner de mises à pied. Qu'est-ce qui va se passer? Bien, tous les syndicats vont être en demande pour dire: Il n'y aura pas de sous-contrat, ça va être la meilleure façon de te protéger pour pas te faire désorganiser par des sous-contrats qui sont faits au moment où l'employeur choisit.
Parce que, quand tu signes une convention collective, mettons, pour trois ans ou quatre ans, dépendant de la longueur de la convention, c'est librement consenti, c'est pour assurer une paix industrielle pour cette période-là. Mais là je prends, par exemple, dans le secteur de l'hôtellerie, un employeur va pouvoir sous-contracter, je sais pas, moi, sa cuisine ou ses femmes de chambre au moment où il va l'avoir jugé opportun. Ça fait que, là, pour se protéger, on va vouloir entrer dans nos conventions: Il n'y aura pas de sous-contrat. Ça fait qu'on va générer des conflits de travail majeurs sur ces questions-là. Et je peux vous dire, connaissant notre monde dans le secteur public, hein, avec... ça risque d'être en demande dans les prochaines négociations. Il me semble qu'on n'a pas intérêt à faire ça. C'est les conventions collectives qui encadrent les sous-contrats. Et je tiens à rappeler au Québec qu'il y en a plein, de sous-contrats, c'est pas l'article 45 qui empêche les sous-contrats.
n(16 h 30)n L'autre affaire, dans 45, qui nuit, c'est que, par entente entre les parties, on va pouvoir renoncer à une loi d'ordre public. Sur le plan des principes, ça a aucun sens, ça, ça a aucun sens. Et vous allez être le premier ministre, depuis 1961, à avoir ouvert là-dessus, et c'est pas un plus, ça. Et donc, sur 45, ça nuit, ce qu'il y a. Nous, ce qu'on aurait souhaité, on dit: Si on veut y aller graduellement ? c'est ce qu'on avait dit, d'ailleurs ? CRT, entrepreneurs dépendants, on touche rien sur 45 parce que tous les juges ont dit: C'est une situation fort complexe. Vous dites: Sur les autres questions c'est des situations fort complexes, c'est pour ça qu'on n'y va pas. Moi, je pense que c'est pas si complexe que ça, il y en a ailleurs au Canada dans tous les codes du travail.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Laviolette (Marc): Mais 45, ça, c'est complexe.
Le Président (M. Rioux): M. Laviolette, ça va.
M. Laviolette (Marc): Non, mais je tiens à répondre au ministre. Il me posait une question fondamentale. Ça fait que, nous, on y revient, ici, puis on dit: Si on travaille sur le projet de loi n° 31, on va travailler sur 45, 46 pour faire décoller ça de là, parce que ça, ça nuit, le reste...
Le Président (M. Rioux): C'est beau, O.K. Très bien.
M. Rochon: Juste pour boucler là-dessus, là, pour qu'on... si on peut passer à des questions plus précises. Là, je comprends que la CRT, il y a des améliorations qu'on peut faire; là, on a quelque chose. 45, je comprends très bien que votre position à vous, c'est qu'on devrait pas y toucher du tout. L'employeur dépendant, les autres statuts, c'est du chantier. Mais ce qu'on fait pour au moins l'hémorragie en protégeant le statut de salarié, ça vaut-u la peine de le faire ou si on est mieux d'attendre d'avoir étudié tous les autres statuts? Parce que, là, il y a quand même une première intervention qui est faite, là, pour protéger le statut des salariés actuels.
M. Laviolette (Marc): Oui, oui, ça, c'est correct.
M. Rochon: Ça, ça peut être utile quand même.
M. Laviolette (Marc): Oui, oui. Ben, oui!
M. Rochon: Donc, sur trois des points, il y en a deux, là, où on fait quelque chose d'utile.
M. Laviolette (Marc): Bien, tout à fait. C'est juste qu'on...
M. Rochon: ...pour le court terme. Il reste à discuter de 45. O.K. Merci.
M. Laviolette (Marc): C'est juste qu'on couvre pas le bassin de 32 % de nouveaux emplois qui ont été créés.
Le Président (M. Rioux): C'est beau.
M. Rochon: O.K. Ça met un peu plus de perspective.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Non, c'est toi.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal, très bien.
M. Tranchemontagne: Merci, M. Laviolette, d'être ici, merci de votre mémoire. Moi, je vais vous dire d'emblée, là, globalement, sur votre mémoire, il y a quelque chose que j'ai de la difficulté à comprendre. Le CRT, c'est ce que vous avez demandé, ce que les syndicats ont demandé en général, et vous l'acceptez, ça, j'en conviens bien. Et puis ça répondait à un besoin d'accélérer le processus d'accréditation, etc., d'éviter des délais indus et des excès peut-être même.
Mais, d'un autre côté, j'ai de la difficulté à comprendre que vous n'acceptiez pas la réalité de 2001, la réalité de 2001 qui dit que plusieurs entreprises pour survivre, pour compétitionner, ils doivent faire appel à de la sous-traitance. Et, quand je parle de sous-traitance, je parle pas juste de la sous-traitance pour faire nettoyer les planchers, je parle de la sous-traitance... des fois, les entreprises ont pas les capacités financières ou ont pas les capacités techniques, technologiques pour être capables de prendre l'ensemble du contrat.
Tantôt, on a entendu M. Demers, je crois, qui nous a parlé de l'industrie de l'aérospatiale. Et cette industrie-là vit quasiment de la sous-traitance. On regarde de plus en plus... On va aller vers des entreprises plutôt traditionnelles comme une entreprise de fabrication d'automobiles, par exemple. De plus en plus, ils font affaire avec de la sous-traitance, les entreprises se spécialisent et...
Alors, moi, je pense que, comme gouvernement, nous, en tout cas, à l'Assemblée nationale, le but qu'on essaie d'atteindre, c'est d'essayer d'améliorer la situation de l'ensemble des Québécois. Et vous êtes sûrement pas sans savoir l'étude qui a eu lieu, qui a été faite par un professeur de l'Université Laval ? vous le mentionniez tantôt ? et où il démontre clairement que, si, demain matin, on arrivait par... à diminuer le nombre de clauses qui empêchent la sous-traitance dans les conventions collectives, si on le diminuait de 5 %, bon, on créerait 13 000 emplois nets, c'est-à-dire moins 11 puis plus 24. On pourra s'ostiner, si vous voulez, s'ils sont plus ou moins bien payés, mais, quand on parle de haute technologie, tout au moins, vous comprendrez avec moi qu'ils sont pas nécessairement moins bien payés, bien, au contraire, des fois.
M. Laviolette (Marc): Bien, je pense, là, qu'on va faire un petit cours 101 de relations de travail. Ce n'est pas le but du Code du travail de favoriser ou de ne pas favoriser la sous-traitance. La sous-traitance, ça appartient à quelque chose qui est prévu dans le Code qui s'appelle la négociation collective. Ce sont les négociations collectives et les conventions collectives qui empêchent, ou qui favorisent, ou qui... par rapport à la sous-traitance. Et vous avez mal lu votre étude que vous me citez parce que c'est bel et bien inscrit dedans que c'est les conventions collectives qui empêchent plus ou moins...
M. Tranchemontagne: ...
M. Laviolette (Marc): Bon, ben... Ben, ça a rien à voir avec le Code, ça, ça a rien à voir avec le Code.
M. Tranchemontagne: ...
M. Laviolette (Marc): Laissez-moi finir, là. C'est les conventions collectives qui prévoient ça, et le but de la sous-traitance, c'est que ça coûte moins cher. C'est vrai que ça peut créer plus d'emplois, mais la masse globale d'emplois va coûter moins cher que les emplois de qualité qu'on vient de... Et, d'un point de vue macroéconomique, là, ben, je veux dire, c'est pas bon pantoute parce que c'est des salaires élevés qui font tourner l'économie, pas des sous-salaires. Mais ça, ça a rien à voir avec le débat du Code, ça a tout à voir avec le débat entre les parties lorsqu'ils sont à la table des négociations et qu'ils conviennent mutuellement d'une convention collective.
Le Président (M. Rioux): Très bien, très bien. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Ce que j'ai de la difficulté à accepter dans ce que vous dites, c'est que... Je vais reprendre, je vais continuer l'exemple. D'abord, je veux vous dire que la raison pour laquelle ils se sont basés sur les conventions collectives, c'est qu'ils ne pouvaient pas faire une étude sur l'article 45 qui est trop vaste, puis ils auraient pas eu de point d'ancrage, de point d'ancrage. Donc, ils ont dit: On va regarder les entreprises syndiquées qui ont des conventions collectives qui empêchent la sous-traitance versus celles qui n'empêchent pas la sous-traitance. C'est la seule raison pour laquelle ils ont regardé les conventions collectives, premier point.
Deuxième point, c'est, quand ils disent que ça va créer 13 000 emplois nets, c'est pas nécessairement des emplois qui seront pas syndiqués puis c'est pas nécessairement des emplois qui sont mal payés; vous prenez pour acquis que ça va être ça au départ. Alors, moi, je m'objecte à ça.
M. Laviolette (Marc): Mais, si les entreprises font des sous-contrats pour que ça leur coûte le même prix, je vois pas pourquoi est-ce que les municipalités avaient à chialer contre l'article 45 dans tout le débat au Québec. Mais on va faire un petit cours, là, d'article 45 101. Je vais passer la parole à François, parce qu'il se dit n'importe quoi présentement dans ce débat-là, là.
Le Président (M. Rioux): M. Lamoureux, rapidement.
M. Lamoureux (François): Peut-être juste indiquer au député de Mont-Royal par rapport à la question de la sous-traitance par rapport à ce qui est couvert par convention collective et ce qui n'est pas couvert par convention collective. C'est parce que, sur 45, quand le débat s'est fait, et c'est assez historique, quand l'article 36 a été adopté en 1961, un des buts principaux que le législateur voulait faire à ce moment-là, c'était, entre autres, de faire en sorte de régler une situation qui était survenue, en 1958, avec la compagnie Brown Paper, où on n'avait pas reconnu le fait qu'il y avait eu transmission d'une entreprise à une autre, en disant: C'est la théorie relative au contrat qui s'applique, c'est-à-dire, quand un tiers achète, lui, il est pas mêlé aux ententes des autres.
Et là le législateur est intervenu pour légiférer sur 45, et, entre autres, pour des raisons précises, parce que, depuis 1944, à la Commission des relations ouvrières, il y avait des chicanes éternelles qui se passaient sur le fait qu'on concédait, on donnait des sous-contrats ou on faisait des ventes d'entreprises pour éluder les syndicats et pour purger les accréditations. Et, principalement, quand on a adopté l'article 36, le but essentiel, c'était de faire en sorte de protéger contre les concessions partielles d'entreprises et les ventes d'entreprises.
Alors, et c'est de ça qu'au fur et à mesure, dans les années qui ont suivi, l'ensemble des juges se sont penchés, sur cette question-là de 45. Mais, à toutes les fois, c'étaient des débats à savoir qu'on purge les accréditations, de sorte que le côté minimal ? j'appelle ça la loi des normes minimales ? de protection de l'accréditation était l'article 45. Parce que, si, dans ta convention collective, tu n'avais pas de disposition, de clause de sous-traitance pour te protéger contre ces abus-là... Alors. le législateur a dit: On laissera pas les travailleurs à la merci d'employeurs qui pouvaient ou qui pourraient faire ces gestes-là, de sorte que c'est une soupape. De sorte que, quand 45 est d'ordre public, M. le député, et qu'il y a des tractations entre les parties sur des dossiers de sous-traitance, 45 est toujours là pour dire: Il va s'appliquer, il est d'ordre public. Alors... Et ça va aider aux parties à régler souvent des dossiers, mais, dans la mesure où 45 ne devient plus d'ordre public, là, à ce moment-là, ça veut dire que l'employeur va peut-être user à ce moment-là d'un pouvoir de négociations.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Lamoureux, merci. M. le député de Groulx.
M. Kieffer: Oui. Merci, M. le Président. M. Laviolette, j'hésitais un peu sur la façon dont j'allais vous poser la question, mais, connaissant votre personnalité, je vais y aller direct. Ça vous va?
M. Laviolette (Marc): Ah, rien de mieux qu'une question directe pour avoir une question directe.
M. Kieffer: Bravo! Puis, ensuite de ça, je l'appuierai d'un témoignage que vous connaissez très bien. Pourquoi la CSN est contre le vote d'accréditation secret obligatoire dans les cinq jours qui suivent le dépôt d'une demande d'accréditation? C'est assez clair, là, O.K.? Si je vous pose cette question-là, c'est parce que, entre autres, et vous les avez entendus comme moi, le CPQ associait à la CRT et son existence cette nécessité d'avoir un vote secret.
n(16 h 40)n Bon. L'anecdote est la suivante ? enfin, c'est pas une anecdote, c'est une histoire que vous connaissez très bien. Au fil des ans, j'ai eu l'occasion d'y réfléchir à plusieurs reprises. Moi, je suis convaincu qu'en 1977, 1978, 1979, quand on a eu la fameuse grève de la Commonwealth Plywood qui a été un moment historique, hein, dans les luttes ouvrières au Québec, parce que ça a précipité, entre autres, la passation de la loi antiscab. Ça n'a pas été la seule, hein, il y avait Uniroyal à l'époque, il y avait la United, mais il y a eu Commonwealth Plywood. Quelque part, on peut dire que cette grève-là, ça a été une victoire pour le mouvement ouvrier, mais une grande défaite, et j'insiste, une grande défaite pour les travailleurs et les travailleuses de la Commonwealth Plywood et pour la CSN, qui, par la suite, a perdu son accréditation parce que c'est redevenu par la suite un syndicat de boutique. Et, vous le savez, j'y étais intimement lié.
Moi, je suis convaincu que, si, au moment où la CSN avait déposé une accréditation qui représentait au minimum 40 % des travailleurs, mais qui aurait pu représenter plus que 40 % des travailleurs, hein, s'il y avait eu un vote dans les jours qui suivaient, ça aurait été clair qu'une forte majorité des travailleurs de la Commonwealth aurait voté l'accréditation syndicale. J'en suis profondément convaincu pour l'avoir vécu pendant 18 mois, cette grève-là. On n'avait pas cet outil-là à l'époque, on ne l'a toujours pas d'ailleurs.
J'ai de la difficulté à comprendre comment un geste aussi éminemment démocratique, qui serait fait par une tierce partie, hein, c'est la CRT qui conduirait ce vote-là, là, ce n'est pas les patrons, là... pourquoi vous vous objectez au fait que des travailleurs et des travailleuses, dont vous représentez une partie importante de l'effectif, pourquoi vous vous objectez au fait qu'ils puissent se prononcer? Ça m'intrigue énormément, parce que, moi, dans le cas de la Commonwealth, je pense que ça aurait réglé le problème. Voilà!
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci, M. le député de Groulx. M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Louis va...
Le Président (M. Rioux): Vous cédez la parole à...
M. Laviolette (Marc): ...il va commencer à répondre.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Laviolette (Marc): Je vais me réserver le dessert, moi.
M. Bibaud (Louis): Bonjour, messieurs dame.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Bibaud.
M. Kieffer: J'espère qu'il ne s'appelle pas Kieffer, le dessert.
Le Président (M. Rioux): M. Bibaud.
M. Bibaud (Louis): Juste un petit rappel pour Commonwealth Plywood. Un des principaux problèmes, là-dedans, c'était qu'il y avait... À l'époque, il n'y avait pas ce qu'on appelle maintenant le guichet fermé, et un syndicat pouvait déposer après qu'il y a un dépôt. Puis il pouvait y en avoir cinq, six comme ça qui déposaient. C'est un problème qu'on avait puis qui a été réglé en 1983. C'est d'ailleurs ce qui s'était passé dans la Commonwealth Plywood, là. Les personnes avaient été toutes congédiées et un deuxième syndicat avait déposé avec les personnes qui avaient remplacé les personnes qui avaient été congédiées. Alors là disons qu'on faisait face à un employeur qui, je suis convaincu... une tentative de vote n'aurait pas modifié quoi que ce soit dans ce cas-là.
Mais la raison pour... une des raisons pour laquelle on s'oppose, puis mes collègues pourront compléter, c'est qu'on comprend pas pourquoi, dans le cas présent où une personne signe une carte, paie 2 $, en plus ? c'est vérifié par le volet administratif, comme actuellement du BCGT, il y a une enquête administrative qui est faite ? il faudrait en plus qu'il y ait un vote. Bien, en tout cas, il nous apparaît y avoir là un paternalisme terrible, comme si, par exemple, on considérait que, parce qu'un travailleur pose une signature, paie 2 $, ce n'est pas suffisant, il a dû se faire fourrer à quelque part, il a dû se tromper pour signer une carte, et ce n'est pas suffisant.
Le Président (M. Rioux): Bien. Monsieur le...
M. Laviolette (Marc): Je voudrais dire...
Le Président (M. Rioux): Un instant, un instant, un instant.
M. Laviolette (Marc): ...on va donner des réponses...
Le Président (M. Rioux): Vous voulez compléter, M. Lamoureux? Très bien.
M. Lamoureux (François): Je veux indiquer aux députés, dans la vraie vie, là, la pratique, il y a le Commissaire du travail, l'ancien Commissaire du travail, qui sont ici, là, ils savent comment ça se passe quand on dépose une requête en accréditation et qu'il y a une question du caractère représentatif. Quand on vérifie le caractère représentatif, le nombre de personnes qui ont adhéré, c'est une bagarre en règle depuis des années des employeurs pour contester la liste des salariés, les noms des personnes, les ajouts sur les listes et du temps fou à débattre sur ces questions-là.
Alors, dans la vraie vie, l'accréditation, la survie, est une question de secondes et de minutes. Ce que ça veut dire, ça veut dire qu'il faut se dépêcher. M. Vaudreuil soulignait ce matin: Oui, la clandestinité encore, oui, on se dépêche, parce que, oui, il y a encore de multiples congédiements suite au dépôt d'une requête en accréditation.
Alors, ce que ça veut dire, c'est que les gens signent, sont informés, dépôt d'une requête, et l'agent au Commissaire du travail vérifie le caractère représentatif, la liste, et peut accréditer immédiatement. Et ça, c'est majeur. Ça, c'est une question de temps, c'est une question de survie. Alors, c'est pour ça que ce processus-là a toujours été instauré, oui, un peu en cachette. Oui, avec une Commission des relations de travail, ça irait bien, mais c'est... Qu'est-ce que le Conseil du patronat essaie de nous dire ce matin? Vous avez dit ce matin, je vous ai bien entendus, ou tantôt: Un «tradeoff», parce que... ou bien il y a quelque chose, c'est qu'on dit on ne veut pas de la Commission si on n'a pas le vote obligatoire. Alors, ça veut dire que les agents qui vérifient le caractère représentatif, on n'a pas confiance en l'inscription en... à l'agent ou le commissaire qui va statuer sur le caractère représentatif, puisque l'employeur ne peut pas y être. Alors, la Commission des relations de travail ne changerait rien au même processus administratif. Alors, c'est un faux-fuyant.
Mais répondre à votre question: accréditation, question de survie, deux minutes, quatre signés, on se dépêche, BCGT, agent regarde, et on accrédite et, s'il y a un vote au scrutin secret, c'est des délais, c'est du temps, et l'employeur se dépêche ? ça, c'est la vraie vie, ça ? de rencontrer les gens, les influencer dans leur vote et faire en sorte que l'accréditation puisse pas survivre ou qu'on puisse pas avoir une accréditation.
Le Président (M. Rioux): Très bien, M. Lamoureux, merci. M. le député de Groulx, ça répond?
M. Kieffer: ...
Le Président (M. Rioux): En partie seulement.
M. Kieffer: Oui, mais je veux juste ajouter...
Le Président (M. Rioux): Il vous reste deux minutes.
M. Kieffer: O.K. Moi, là, je ne suis pas ici pour défendre les positions du Conseil du patronat, on se comprend bien, là, hein? Moi, je regarde une Commission des relations de travail qui permettrait, dans les cinq jours qui suivent le dépôt de l'accréditation... On parle pas avant. Avant, c'est clair que ça va se continuer à se faire en secret, on se comprend tous là-dessus. Je sais suffisamment comment ça marche pour être d'accord avec ce que vous dites, sauf qu'à partir du moment où c'est déposé la Commission des relations de travail qui est une instance neutre à quelque part et, si on suit vos recommandations, en fait ces recommandations à tout le moins quant aux commissaires, hein... Bon. Vous êtes d'accord? Vous êtes d'accord avec les gens qui sont là, là. O.K? Vous leur reconnaissez une certaine objectivité, une certaine crédibilité. Ces gens-là arrivent, là, puis ils regardent tous les travailleurs, bien, vérifient des paramètres, hein, puis ils disent: Regardez, là, il y a un dépôt, plutôt que de traîner pendant des mois...
Parce que ce que vous avez oublié de mentionner, c'est que, quand vous déposez en accréditation, puis c'est rough, les avocats des boss, eux autres, ils vous traînent pendant des mois, des mois, des mois et des mois. Là, tu aurais une Commission des relations de travail qui arriverait et qui dirait, en dedans de cinq jours, t'as un vote; s'il est positif, il y a accréditation. C'est là que j'ai un petit problème. Je vous avoue là, c'est là que j'ai un petit problème. Traîner pour traîner, j'aime autant prendre le risque sur cinq jours. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Trente secondes, M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Trente secondes. Écoutez, si on a une Commission des relations de travail qui rend ses décisions après avoir vérifié le caractère représentatif, c'est en masse. Moi, j'ai bien de la misère à me faire faire des leçons de démocratie par le patronat quand, dans leur propre organisation, ça marche au plus fort la poche. C'est celui qui a le plus d'actions qui a le plus de pouvoir dans l'organisation. Il y a des cartes qui se signent; c'est vérifié par du monde qui sont crédibles. Il y a une majorité, on accrédite; après on passe aux choses sérieuses, c'est la négociation de la convention collective. Les votes s'expriment, puis ces gens-là élisent leurs représentants. Il me semble que c'est très démocratique comme ça.
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Je vais poursuivre sur le même sujet parce que ça me fascine. Ha, ha, ha! Et pour cause. Quand... Puis je poursuis sur la même ligne d'idées, quand on parle d'aller vérifier et de demander un vote secret en dedans de cinq jours, d'après moi, on atteint un des buts principaux de la création de la CRT qui est ? puis vous me direz si vous êtes pas d'accord ? qui est d'accélérer le processus de négociation, alors qu'aujourd'hui, quand on regarde ? d'accréditation ? quand on regarde seulement le processus de signature des cartes et de vérification, on sait qu'il y a des doutes des fois dans l'esprit des employeurs, vous l'avez soulevé vous-même. On sait qu'il y a des processus des fois qui étirent ce processus d'accréditation justement sur la foi du caractère de représentation: est-ce que toutes les cartes ont été signées? dans quelles conditions elles ont été signées, etc. Et là le futur commissaire à la CRT devra faire enquête, aller vérifier si les cartes ont bien été signées d'une volonté de la part de l'employé, alors qu'il m'apparaît que le vote est une façon rapide, claire et précise, un, de permettre à celui qui aura, à la CRT, qui aura la décision à prendre d'émettre son opinion claire et précise sur des faits. O.K.? sur un vote secret que, lui, aura contrôlé. Et, deuxièmement, c'est la meilleure façon de faire reconnaître à l'employeur que, finalement, les employés qui sont là, ils veulent se syndiquer.
Le Président (M. Rioux): M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Louis Bibaud.
Le Président (M. Rioux): M. Bibaud.
n(16 h 50)nM. Bibaud (Louis): M. le Président, je pense... il faut... il faut pas faire... Il y a pas juste ça qui est en litige, le caractère représentatif dans une accréditation. Généralement... Bon. Maintenant on a de plus en plus de débats sur la notion de l'employeur. On cherche l'employeur. Il y a à peu près 10 compagnies... Vous demanderez aux représentants du ministère du Travail, ils vont vous le dire, il y a de plus en plus de litiges là-dessus. La notion de salarié se pose aussi. Ensuite de ça, l'unité de négociation, on débat l'unité de négociation avec l'employeur. Alors, c'est pas vrai que les affaires se règlent en cinq jours avec un vote. Alors, si on ajoute ça en plus, là, on laisse le temps à l'employeur de travailler en sourdine pour que le monde finalement se désiste de leur requête en accréditation, au bout de la ligne, par l'expression d'un vote négatif comme ça se ferait sûrement chez McDonald's.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal, est-ce que ça... Vous voulez qu'on poursuive?
M. Tranchemontagne: Non, je ne veux pas poursuivre sur le sujet. Je pensais que M. Laviolette allait poursuivre.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc): Bien, non, non, c'est très bien répondu.
Le Président (M. Rioux): Ça va? Très bien. Alors...
Une voix: ...
Le Président (M. Rioux): Oui, terminé. Alors, M. Laviolette, M. Bibaud, M. Lamoureux, merci, ça nous a fait plaisir de vous accueillir.
M. Laviolette (Marc): Vous voyez, on vous a sorti ça avec 10 minutes d'avance, à part de ça.
Le Président (M. Rioux): Puis même avec la voix éraillée.
M. Laviolette (Marc): Ah! Qu'est-ce que vous voulez. Ça, c'est... j'ai la grippe, et c'est vos tapis, c'est pas sain.
Des voix: Ha, ha, ha!
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): M. Alain Barré. M. Alain Barré, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. M. Barré, ça nous fait plaisir de vous accueillir. Vous avez 20 minutes pour présenter votre document, et ensuite on aura sûrement des questions à vous poser. Alors, on vous écoute, monsieur.
M. Alain Barré
M. Barré (Alain): Donc, j'aimerais tout d'abord remercier toutes les personnes qui ont rendu possible ma présentation ici, en commission parlementaire. Vous savez sans nul doute que c'est un sujet qui me tient à coeur depuis de très nombreuses années. Et je pense que les membres de la commission parlementaire et peut-être l'ensemble de la société québécoise a peut-être besoin d'un peu d'information sur l'application de l'article 45 du Code du travail. Donc, tantôt, on a fait allusion à l'article 45, un cours, l'article 45 101. Je vais en faire un abrégé dans la mesure de mes moyens.
Premièrement, j'aurais des considérations de portée générale avant d'aborder le contenu de mon mémoire. Donc, on se rappelle qu'en 1988 la Cour suprême du Canada a rendu un jugement extrêmement important auquel on a fait allusion à maintes reprises ici en commission: il s'agit de l'affaire de la commission scolaire régionale de l'Outaouais. Dans ce jugement, la Cour suprême a réglé un certain nombre de problèmes. Elle en a peut-être créé de nouveaux. Et, au fil des années, le Tribunal du travail a établi une politique d'interprétation de cet article 45 qui a été pendant plusieurs années quasi unanime et aujourd'hui, je pense qu'elle est relativement unanime.
Je constate aussi que la Cour d'appel du Québec a confirmé la politique d'interprétation établie par le Code du travail. Et je sais que, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, la Cour suprême du Canada, qui est saisie de deux pourvois, un portant sur cette matière-là, dans les affaires ville de Sept-Îles et Ivanhoe, auxquels je me référerai tantôt, la Cour suprême du Canada va se prononcer sur des questions qui sont au coeur des débats que nous connaissons aujourd'hui.
Donc, si je me place dans la peau d'un professeur de droit du travail qui devra donner un cours l'automne prochain sur cette matière-là, je constate que j'aurai deux apports nouveaux peut-être à ce moment-là: le projet de loi n° 31 ? qui sera peut-être adopté avec des modifications peut-être, je ne sais pas ? et deux arrêts de la Cour suprême portant sur ces questions dont nous allons discuter. Est-ce que le tout va former un ensemble cohérent? Je ne le sais pas. Je ne le sais pas, puisque... et je crois que personne ne le sait, puisqu'on ne connaît pas la teneur des futurs jugements de la Cour suprême. On peut avoir des appréhensions, mais personne ne connaît la teneur de ces jugements.
n(17 heures)n Donc, c'est peut-être pourquoi la première recommandation que je ferais au législateur, aux parlementaires, c'est peut-être d'attendre les jugements de la Cour suprême. Et, en partie, je crois, c'est ce qu'on fait, dans la mesure où on ne s'attaque pas directement au contenu de l'article 45. Il n'y a aucun texte qui cherche à modifier, sauf l'exception de la vente en justice, mais ça, c'est pas ce qui est en cause ici. Je pense que, sagement, on a décidé de ne pas modifier le contenu de l'article 45. Peut-être qu'à certains autres égards il serait peut-être aussi pertinent d'attendre avant d'encadrer l'article 45.
Par ailleurs, dans la définition du droit positif, et là j'entends le droit positif au sens large, tant l'action législative, l'adoption de nouveaux textes de loi, que les solutions que les juristes du travail ou les professeurs de droit du travail suggèrent d'adopter aux tribunaux spécialisés, lorsqu'on recommande au Tribunal du travail, dans les articles, d'interpréter ou d'appliquer l'article 45 de telle façon plutôt que de telle autre... donc, tant au regard de l'adoption de textes législatifs qu'au regard des solutions suggérées aux tribunaux pour appliquer la loi, je pense qu'il faut avoir en tête un certain nombre de considérations de portée générale, un certain nombre de principes. J'en ai identifié au moins trois, qui sont relativement reliés les uns aux autres.
Premièrement, la recherche de la clarté, à tout le moins du maximum de clarté possible, parce que, de toute façon, on sera toujours dans une matière qui sera considérée comme étant relativement complexe. Pourquoi la clarté? C'est parce que les parties, les syndicats et les patrons québécois, ont besoin d'un maximum de sécurité juridique. Et ce qui est important, c'est, pour les conseillers juridiques, pour les praticiens des relations du travail, lorsqu'on est confrontés à une situation bien définie: Est-ce qu'on est en mesure de dire aux justiciables, patron ou syndicat, est-ce qu'on est en mesure de lui dire: Voilà, ça, c'est un cas d'application de l'article 45 et telle autre chose, ce n'est pas un cas d'application de l'article 45? Donc, il est important d'avoir des solutions claires qui vont nous permettre d'élaborer éventuellement des solutions qui vont être prévisibles.
Deuxièmement, je pense qu'il faut toujours rechercher, notamment dans les relations collectives de travail, des solutions qui vont générer le moins de contentieux possible. Et je reviendrai sur ce point-là lorsque je parlerai de 45.1 et de 45.2.
Et troisièmement, je pense qu'il est aussi important de favoriser les solutions contractuelles, par opposition aux solutions législatives, lorsque c'est possible. Parfois, c'est possible ? j'y reviendrai tantôt ? et parfois, il faut peut-être légiférer pour rendre les solutions contractuelles possibles.
Ceci étant, j'avais l'intention de prendre un certain nombre de minutes pour vous exposer la politique ou l'interprétation de la jurisprudence, des juges du Tribunal du travail, et qui sera peut-être celle adoptée éventuellement par la Commission des relations du travail. Pourquoi cela? Puisque j'ai lu dans plusieurs mémoires, à propos du projet de loi n° 182, et je l'ai lu aussi dans au moins un mémoire concernant le projet de loi n° 31 ? je n'ai pas lu les autres ? j'ai entendu à maintes et maintes reprises des représentants d'organisations patronales faire des déclarations dans ce sens.
Et j'aimerais tout simplement citer un seul mémoire, c'est celui qui est cité dans la note 10, à la page 4 de mon mémoire. Et, à cet endroit ? c'est un mémoire portant sur la loi n° 182 d'une organisation patronale qui s'est présentée à cette table ? on peut y lire: «Dans l'état actuel du droit, à peu près toute forme de sous-contrat est considérée comme une aliénation ou concession partielle d'entreprise obligeant le sous-contractant à respecter la convention collective négociée par le donneur d'ouvrage.» J'ai entendu et j'ai lu des phrases de cette nature, des affirmations de cette nature à maintes et maintes reprises. Et j'ai ajouté: Une telle affirmation est manifestement mal fondée, en droit.
Donc, j'aimerais maintenant faire état... Donc, d'ailleurs, cette affirmation, il y a tout de même l'idée, si on veut simplifier... lorsqu'on parle de sous-traitance au Québec, c'est comme s'il y avait application mur à mur de l'article 45 du Code du travail, donc transfert dans tous les cas de la convention collective en vigueur chez le donneur d'ouvrage à l'égard du sous-traitant. Bien, moi, je pense que ce n'est pas le droit positif. Ce n'est pas comme ça qu'est appliqué l'article 45 du Code du travail. Et, dans ma démonstration que je veux la plus brève possible, je vais faire référence à des cas précis, qui sont mentionnés en bas de page, et je pourrai y revenir le cas échéant. Mais, si jamais certains individus étaient en désaccord avec la lecture ou la présentation que je fais de la jurisprudence des instances spécialisées dans le domaine du travail, qui sera peut-être la jurisprudence adoptée par la future Commission des relations du travail, si jamais il y a des individus qui sont en désaccord avec la présentation que je fais de l'état du droit positif en vigueur au Québec là-dessus, bien, j'aimerais qu'on me fasse le même type de démonstration. C'est ce que j'ai dit à M. Taillon après son exposé ici.
Donc, il faut bien comprendre l'application de l'article 45 en matière de sous-traitance. Je pense qu'il y a une distinction fondamentale, à la base, qu'il faut connaître. C'est la distinction entre la sous-traitance interne et la sous-traitance externe. Pourquoi c'est important? Je donne deux raisons: parce que les règles concernant l'application de l'article 45 ne sont pas appliquées exactement de la même façon selon que l'on soit en sous-traitance interne ou en sous-traitance externe; et, deuxièmement, dans la sous-traitance externe, il s'agit du secteur qui est exposé à la concurrence étrangère. Forcément, dans une sous-traitance externe, lorsque les travaux qui sont l'objet d'une concession en sous-traitance sont faits chez le donneur d'ouvrage, dans l'entreprise du donneur d'ouvrage, eh bien, le donneur d'ouvrage, au Québec, il a le choix, il peut faire faire ses travaux en sous-traitance externe au Québec comme à l'extérieur du Québec.
Donc, dans la sous-traitance externe, on est exposé à la concurrence étrangère, alors qu'en matière de sous-traitance interne, lorsque l'activité du sous-traitant vient s'intégrer dans l'entreprise du donneur d'ouvrage ou sur le territoire du donneur d'ouvrage, notamment dans le secteur municipal, bien, forcément, toutes les entreprises sont sur le même pied. Si une firme étrangère veut obtenir un sous-contrat ici, au Québec, elle se verra appliquer les lois du travail du Québec.
On en a vécu une expérience, nous autres, il y a plusieurs années, à l'Université Laval. Lorsqu'on a concédé en sous-traitance les services alimentaires, c'est une filiale d'une grande société américaine qui a obtenu le contrat. Bien, elle est venue au Québec, et l'article 45 a trouvé application, les lois du travail se sont appliquées à elle. Donc, dans la sous-traitance interne, on n'est pas exposé directement à la concurrence étrangère.
Donc, comment est appliqué l'article 45 dans la sous-traitance interne lorsque l'activité du sous-traitant vient s'intégrer dans l'entreprise ou sur le territoire du donneur d'ouvrage? Pour faire une histoire courte, le Tribunal du travail a défini depuis longtemps, depuis le début des années quatre-vingt-dix, que finalement le droit d'exploitation, le droit que l'on confère à un tiers de venir à l'intérieur de mon entreprise et de poursuivre une partie de l'activité que je poursuivais par l'intermédiaire de mes propres salariés, ce droit, qu'on appelle communément le droit d'exploitation, dans notre langage, c'est l'élément essentiel de l'entreprise, et la concession d'un tel droit suffit à elle seule à déclencher l'application de l'article 45. Dans ces situations, les autres éléments de l'entreprise sont peut-être parfois transférés, parfois pas, comme le personnel de l'entreprise, comme les équipements, les brevets ou autre. Ce sont des éléments que la jurisprudence qualifie d'accessoires ou de secondaires.
Donc, cette politique d'interprétation de l'article 45 en matière de sous-traitance interne a été confirmée par la Cour d'appel le 2 décembre 1998 dans trois affaires portant dans le secteur de l'entretien ménager. L'une de ces trois affaires est pendante devant la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Ivanhoe. Et la Cour suprême est également saisie d'un autre pourvoi en matière de sous-traitance interne, à savoir la cueillette des ordures ménagères sur certains territoires de la ville de Sept-Îles. Donc, la Cour suprême du Canada va se prononcer dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois sur la question de l'application de l'article 45 en matière de sous-traitance interne. Est-ce que le Tribunal du travail ou éventuellement la Commission des relations du travail a raison d'appliquer l'article 45 sur la base de... conclure, pardon, à une concession partielle d'entreprise sur la base de la simple cession d'un droit d'exploitation? La Cour suprême va se prononcer sur cette question-là dans les prochaines semaines. Donc, souvent, le patronat nous dit: Oui, le Tribunal du travail fait fi du jugement de la Cour suprême en 1988. Bien, si le Tribunal du travail fait fi du jugement de la Cour suprême de 1988, bien, il faut comprendre que la Cour suprême elle-même va nous le dire dans les prochaines semaines.
n(17 h 10)n Par ailleurs, et c'est à la page 10 de mon texte que j'en parle, il y a une nuance qu'il faut apporter dans l'application de l'article 45 en matière de sous-traitance interne. Moi, je suis en désaccord avec la jurisprudence du Tribunal du travail sur ce point-là, mais la jurisprudence du Tribunal du travail nous enseigne que la convention collective en matière de sous-traitance successive... et là je fais la distinction entre la sous-traitance simple et la sous-traitance successive: la sous-traitance simple étant la situation du donneur d'ouvrage qui, pour une première fois, concède en sous-traitance une partie de son entreprise, et la sous-traitance simple étant à vocation successive, la fois suivante, on parlera de convention collective lorsqu'un donneur d'ouvrage cherche à octroyer à nouveau, en sous-traitance, une partie de son entreprise qui a déjà fait l'objet d'une concession d'entreprise. Donc, c'est exactement le problème qui était en cause dans l'affaire Ivanhoe, encore, affaire qui est devant la Cour suprême du Canada.
Donc, dans la sous-traitance successive, le Tribunal du travail nous enseigne que la convention collective ne se transfère pas entre le donneur d'ouvrage et le nouveau sous-traitant. Donc, l'affirmation selon laquelle, dans tous les cas de sous-traitance, il y aurait transfert de la convention collective, manifestement dans la sous-traitance interne, ce n'est vrai qu'au moment d'une première concession partielle d'entreprise. Dans la sous-traitance successive, la jurisprudence est ainsi, la convention collective ne se transfère pas vers le second... le nouveau sous-traitant.
Dans la sous-traitance externe, sous-traitance externe qui est peut-être à la limite plus importante parce qu'elle couvre, en somme, toute la sous-traitance industrielle lorsqu'on parle que des grandes sociétés, des grands donneurs d'ouvrage comme Bombardier ou General Motors ont des dizaines et des centaines de sous-traitants qui fabriquent des pièces qui rentrent dans la construction d'avions, de voitures de métro ou de chemin de fer, peu importe, ces sous-traitants là... on est en matière de sous-traitance externe, et sous-traitance externe, c'est essentiellement ou principalement la sous-traitance industrielle.
Comment le Tribunal du travail applique-t-il l'article 45 dans ces situations? On se contente pas d'un simple droit d'exploitation comme en sous-traitance interne. Non. On dit qu'il doit y avoir transfert des moyens de base, des moyens caractéristiques permettant la production du bien ou du service recherché. Donc, 45 ne s'appliquera que dans les seules situations où le sous-traitant n'avait pas l'expertise, le know-how, les équipements, le personnel nécessaire pour réaliser l'objet du sous-contrat. Mais l'immense majorité, voire la totalité ou presque des sous-traitants de General Motors, de Bombardier et des autres grands donneurs d'ouvrage au Québec ont cette expertise, ce know-how, ces équipements, ce savoir-faire qui leur permettent de réaliser l'objet du sous-contrat.
En conséquence de quoi, j'ai souvent répété que, en définitive, au Québec, dans la sous-traitance industrielle, l'article 45 ne s'applique pratiquement jamais. Je donne toutefois dans mon texte un exemple, l'affaire Bricofil, qui est la situation type d'application de l'article 45 en matière de sous-traitance externe. Oui, c'est une firme qui fabriquait des meubles et qui décide de faire faire des structures tubulaires par un tiers et, ne trouvant personne ayant l'expertise nécessaire, bien, on a trouvé quelqu'un qui faisait de la petite soudure dans son sous-sol et finalement on lui a organisé une entreprise, on lui a transféré du personnel, on lui a transféré des équipements, on lui a loué un local, on l'a même incorporé. C'est le cas de l'entreprise champignon, dans notre jargon. Donc, ce cas-là, c'est l'exemple type de l'application de l'article 45 en matière de sous-traitance externe. Mais ça, c'est très peu de cas, ces cas-là sont finalement extrêmement rares.
Et je donne un autre exemple dans mon mémoire, et je pourrai y revenir tantôt si quelqu'un le souhaite, l'affaire Aliments Béatrice, qui nous montre comment est appliqué l'article 45 dans ces situations-là.
Donc, le caractère concurrentiel des agents économiques concernés. Donc, souvent, on semble dire que le Québec se tire un peu dans le pied en ayant un article 45 qui s'applique en matière de sous-traitance. Donc, sur ces questions-là, je pense que, en matière de sous-traitance externe, l'argument ne tient pas, mais pas du tout. Un sous-traitant québécois, que ce soit dans l'industrie aérospatiale ou dans une autre industrie, n'est pas désavantagé par rapport à un sous-traitant qui se situerait à l'extérieur du Québec. Dans la mesure où l'article 45 ne s'applique pratiquement jamais dans la sous-traitance industrielle, je ne vois pas en quoi un sous-traitant qui serait installé au Québec pourrait subir quelque désavantage que ce soit par rapport à l'application de l'article 45. Et forcément, il y a pas de désavantage pour le donneur d'ouvrage qui, lui, a manifestement le libre choix.
Dans la sous-traitance interne, encore là, il y a pas de désavantage entre les sous-traitants. Bien non, tous les sous-traitants sont soumis aux lois québécoises. Même quand les sous-traitants viennent de l'étranger, lorsqu'ils viennent offrir leurs services au Québec, ils sont soumis aux lois québécoises. Et là où on pourrait peut-être discuter ? et j'en parle à la page 15, et je fais référence là-dessus à un mémoire du Conseil du patronat ? c'est que l'absence de concurrence entre les sous-traitants pourrait peut-être, dans certains cas, affecter quelque peu les donneurs d'ouvrage, puisque les donneurs d'ouvrage, dans la sous-traitance interne, dans la mesure où l'article 45 va trouver application dans une situation donnée... bien, les sous-traitants sont tous confrontés aux mêmes exigences. À ce moment-là, l'absence de concurrence entre les sous-traitants pourrait, à certains égards, affecter quelque peu les donneurs d'ouvrage.
Ceci étant, je souligne qu'en matière de sous-traitance interne ce sont ? souvent on l'a répété ici ? des activités périphériques qui sont en cause: gardiennage, service alimentaire, entretien ménager, donc c'est pas des choses qui sont au coeur de l'entreprise. Et, deuxièmement, je tiens à souligner que deux de ces secteurs extrêmement importants, le gardiennage et l'entretien ménager, sont visés par des décrets de convention collective, donc des champs d'activité dans lesquels les conditions de travail sont normalisées, où les niveaux de salaire sont sensiblement inférieurs à ceux qui découlent de l'application de la Loi sur les normes du travail.
Maintenant, quelques observations rapides sur le contenu du projet de loi n° 31, et le premier point que j'aimerais souligner, c'est ce qui m'apparaît être l'élimination du caractère automatique de l'application de l'article 45. Lorsque je fais référence à l'élimination du caractère automatique de l'application de l'article 45, je constate que le projet de loi ne s'attaque pas directement à l'article 45, mais il affecte quand même l'une des règles les plus connues dans son application, et une des plus sûres, et peut-être l'une des plus anciennes, puisque, dès le début des années soixante, on a affirmé l'existence de cette règle. Ça ne veut pas dire que l'article 45 s'applique mur à mur. Ça veut tout simplement dire que, lorsque l'article 45 trouve application, il s'applique au jour de l'aliénation, au jour de la concession. Et cette règle-là, à mon humble avis, contribue puissamment à conférer une certaine sécurité juridique, au moins au regard des conséquences de l'application de l'article 45.
Donc, si vous me permettez, on sort d'une longue période d'incertitude. On va peut-être sortir, pour être plus juste, avec les jugements de la Cour suprême portant sur les conditions d'application de l'article 45. Moi, je ne voudrais pas qu'on recrée une nouvelle période d'incertitude sur la base... en modifiant les conditions des effets, les règles juridiques qui concernent les effets de l'application de l'article 45. Je crains beaucoup la règle selon laquelle la Commission va devoir déterminer l'application de l'article 45 au lieu de tout simplement la constater.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Barré. Alors, M. le ministre.
n(17 h 20)nM. Rochon: Oui, merci. Bien, je vous remercie beaucoup aussi de votre contribution. C'est sûrement important pour nous, là, pour s'assurer que les changements qu'on voudra apporter, comme vous le savez, répondent à des demandes des différentes parties, autant patronales que syndicales, et pour maintenir, ou pour préserver, ou pour retrouver les équilibres qu'il faut pour un bon déroulement des relations de travail, qu'on puisse entendre, en plus des parties qui ont des intérêts directs dans l'affaire, des gens qui peuvent voir cette question de façon peut-être un peu plus dégagée et en pondérant peut-être plus facilement, vu que l'intérêt est strictement d'ordre intellectuel et la clarification. Alors, on l'apprécie beaucoup, et qu'au-delà du projet de loi n° 182, que vous acceptiez de nous accompagner jusqu'à la fin, on va sûrement intégrer le mieux possible vos commentaires. Alors, notre échange va être plus dans le but de s'assurer de bien comprendre et de pas faire de faux pas.
Alors, ma première question serait pour bien revenir sur cette question de la décision attendue de la Cour suprême. Est-ce que ma compréhension est correcte? La Cour suprême va se prononcer sur la situation de sous-traitance interne, bon.
M. Barré (Alain): Dans les deux dossiers.
M. Rochon: C'est ça, et que les changements qu'on veut faire présentement au Code qui, si j'ai bien compris les termes que vous utilisiez, s'appliquant à ça... ça fait qu'on touche pas vraiment à l'essence de 45, mais qu'en introduisant cette question de donner un avis, par exemple, sur l'intention de sous-traiter et de prévoir que les deux principales modifications qu'on fait, je pense, de prévoir que la convention cesse 12 mois après, qu'il y a pas de problème, dans un sens, de faire ces modifications qui voient à la gestion sur le terrain, que, peu importe ce que sera la décision de la Cour suprême, l'application de 45 changera pas de toute façon en ce qui nous concerne par les changements qu'on fait. Je veux bien m'assurer là, parce que je me demandais si vous nous suggériez qu'on risque de légiférer pour rien ou d'être obligé de recommencer dépendant de ce qui est de la décision de la Cour suprême, alors que, par contre, je comprenais par vos commentaires qu'on touche à deux choses différentes, là, qui risquent pas de s'imbriquer.
M. Barré (Alain): En principe, vous touchez à quelque chose de différent, mais, si jamais la Cour suprême décidait que la politique établie par le Tribunal du travail était erronée, donc que 45 ne peut pas s'appliquer sur la base d'un seul... la seule concession d'un droit d'exploitation, il faudrait comprendre probablement que l'article 45 trouvera beaucoup moins application en sous-traitance interne que c'est le cas présentement et peut-être, dans une certaine mesure, on pourrait prétendre que les textes de 45.1 et de 45.2, du moins le premier paragraphe de 45.2, seraient peut-être moins pertinents si jamais la Cour suprême décidait qu'on n'appliquait plus l'article 45 sur la base de la simple cession d'un droit d'exploitation. Donc, le résultat concret, c'est que 45 va s'appliquer beaucoup moins souvent si la Cour suprême allait dans ce sens-là.
M. Rochon: Il serait moins pertinent dans ce sens que l'application serait moins fréquente.
M. Barré (Alain): Beaucoup moins fréquente.
M. Rochon: Mais, dans les cas où il s'appliquerait encore, la pertinence demeurerait...
M. Barré (Alain): Oui.
M. Rochon: ...de 45.1 et 2.
M. Barré (Alain): Oui, oui, oui.
M. Rochon: O.K. Donc, on peut procéder de façon confortable dans ce sens-là. C'est une autre décision, de décider dans combien de...
M. Barré (Alain): C'est une autre décision. Si ces textes-là sont opportuns...
M. Rochon: Dans combien de cas s'applique 45, c'est une chose.
M. Barré (Alain): Oui.
M. Rochon: S'il s'applique plus ou moins fréquemment, on l'applique d'une certaine façon. C'est ce que le projet de loi n° 31 va décider...
M. Barré (Alain): D'accord.
M. Rochon: ...si on l'adopte.
M. Barré (Alain): D'accord.
M. Rochon: O.K. Bon, maintenant, dans le cas de Sept-Îles, il s'agit carrément d'une municipalité. On comprend que le territoire de la municipalité, c'est, oserais-je dire, assimilé à l'interne d'une entreprise.
M. Barré (Alain): Oui.
M. Rochon: Bon. Est-ce que les municipalités sont pas en fait dans une situation très différente de toute entreprise et un peu défavorisées vis-à-vis un article comme 45? Autrement dit, 45, est-ce qu'il a pas été conçu en pensant essentiellement à des entreprises? Et est-ce que ce qui se passe à l'intérieur des murs ou au moins du territoire, du terrain occupé par l'entreprise... Et quand, par extension, on va appliquer ça dans une ville et que toute la ville devient l'entreprise... Est-ce que 45 a vraiment été conçu en pensant que ça peut s'appliquer à des municipalités?
M. Barré (Alain): Donc, dans mon mémoire, j'ai pas cherché à défendre la position du Tribunal du travail, j'ai tout simplement exposé la position du Tribunal du travail. Je dois quand même admettre que j'ai déjà écrit dans ce sens-là. Donc, le principe de l'application de l'article 45 en matière de sous-traitance interne sur la base de la cession d'un seul droit d'exploitation, c'est directement applicable dans les cas des municipalités, les municipalités étant un employeur comme un autre pour les fins de l'application de l'article 45.
M. Rochon: O.K.
M. Barré (Alain): Et on l'applique aussi pour la coupe du bois en forêt. Lorsque les grandes papetières concèdent en sous-traitance la coupe du bois en forêt...
M. Rochon: Tout territoire devient une entreprise, oui.
M. Barré (Alain): ...bien là, c'est un autre cas où on applique sur le territoire du donneur d'ouvrage.
M. Rochon: O.K. Une autre question, toujours sur 45, mais de nature un peu différente. Est-ce que j'ai bien compris que vous vous opposez à ce que l'article 45.2, qui prévoit la fin de la convention 12 mois après... vous vous opposez à cette mesure, alors que, de toute façon, dans la situation de sous-traitance successive, la convention ne suit pas, comme vous avez bien dit, après la première?
M. Barré (Alain): Oui.
M. Rochon: Alors, de dire que le changement qu'on veut faire, amenant la fin de la convention après 12 mois, c'est un peu gérer et circonscrire la première transmission, ça change rien, par ailleurs. Je vois pas pourquoi vous semblez ne pas être d'accord avec cette mesure de... Autrement dit, on déclenche plus rapidement l'ensemble du processus, on le circonscrit dans le temps en mettant... Quel problème ça peut se poser?
M. Barré (Alain): Lorsque je lis 45.2, premier paragraphe ? et on se pose la question: Dans quel cas ça va trouver application? ? j'ai exclu la sous-traitance externe, il restait... la sous-traitance successive, il me restait le cas de la sous-traitance simple. Et, après quoi, je me suis posé la question, et souvent les avocats patronaux me disent: Oui, les concessions en sous-traitance maintenant, ce sont pour des termes de plus en plus courts, plus souvent on va vers le 12 mois que vers le trois ans. Et, en plus d'un terme plus court, il faut aussi prendre en compte que finalement, au terme de la période de 12 mois, ce n'est pas le vide juridique, hein...
M. Rochon: Non, c'est la fin d'une convention.
M. Barré (Alain): C'est la fin d'une convention avec la prolongation statutaire des effets de la convention, l'article 59, alinéa 2, la prolongation conventionnelle, le cas échéant, jusqu'à l'exercice du droit de grève ou de lock-out, et peut-être voire jusqu'à la conclusion d'une future convention collective. Je me suis dit: Combien de cas vise-t-on réellement avec ce texte-là? Dans combien de cas un contrat, une concession partielle d'entreprise va pouvoir prendre fin avant que... dans combien de cas un employeur pourra-t-il, un sous-traitant pourra-t-il se dégager des conditions de travail stipulées dans la convention collective qui a été transmise?
M. Rochon: Bien là, vous faites, n'est-ce pas, une référence à une autre sorte de critère. Nous, je pense, avec le changement qu'on voulait faire... reconnaissant, par exemple, que, dans beaucoup de cas de sous-traitance, les parties conviennent de pas appliquer de toute façon 45, ou le syndicat demande pas son application parce que, visiblement, la convention peut pas suivre, la situation du sous-traitant est tout à fait différente, surtout quand il s'agit d'un gros employeur qui sous-traite une partie. Ça, on sait que, dans beaucoup de cas, donc ça s'applique pas. Vous dites: Les conventions sont peut-être de plus en plus courtes. Donc, si...
M. Barré (Alain): Les concessions sont de plus en plus courtes.
M. Rochon: Les concessions. Si on a une transmission et que la convention est pas... carrément pas applicable, dans ce cas-là les parties vont en convenir, mais, si elle peut être applicable avec un tas d'inconvénients et que, à cause du type de relations de travail, le syndicat décidait quand même d'étirer sa convention jusqu'aux deux, trois ou quatre ans, qui serait l'échéance prévue de la convention, l'intention de ce qu'on propose, c'est de dire: Si... il peut y avoir des inconvénients à l'application de la convention, convenons qu'on donne une période maximale de 12 mois où les gens peuvent vivre l'inconfort d'une façon ou d'une autre, de part et d'autre, et là, comme vous dites, ils auront à renégocier la convention. Si vous dites que la pertinence, vous la jugez, encore là, comme ce qu'on discutait tout à l'heure pour 45, en termes de fréquence d'application, là je peux comprendre, si on dit: c'est moins fréquent, donc c'est peut-être moins pertinent. Mais, pour les cas où ça s'applique, ça peut être très pertinent, par exemple.
Le Président (M. Rioux): Monsieur.
n(17 h 30)nM. Barré (Alain): Moi, je crains toujours l'addition de textes juridiques pour régler un fort petit nombre de cas. Et un autre aspect que je n'ai pas souligné tantôt ? j'en parle brièvement dans mon mémoire ? c'est la pratique conventionnelle à laquelle vous venez de faire allusion, je pense. C'est la pratique conventionnelle. Dans les cas de sous-traitance, souvent, concession partielle de l'entreprise, on va chercher à conclure immédiatement une convention collective avec le sous-traitant avant même que la concession ait lieu pour faire en sorte que les conditions de travail soient adaptées, très, très, très fréquemment. Donc, dans la mesure où on doit privilégier les solutions contractuelles, je pense que les praticiens des relations du travail ont dégagé des solutions de nature contractuelle sur ce point-là en concluant une convention collective avant même la réalisation de la concession partielle d'entreprise.
Le Président (M. Rioux): Juste sur cet aspect-là, quant à la sous-traitance, vous avez dit tout à l'heure: La sous-traitance interne, bon, ça se fait à l'intérieur des locaux, sur le territoire, etc. Je voudrais comprendre, dans le domaine forestier, on est dans le domaine industriel. La sous-traitance industrielle généralement est conçue comme étant de la sous-traitance externe. Alors, en quoi... où est le territoire? Est-ce que c'est le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier qui fait foi de territoire dans le cas de cette forme de sous-traitance, c'est-à-dire la coupe de bois en forêt?
M. Barré (Alain): Plus précisément, moi, je pense que c'est la simple question de savoir si le donneur d'ouvrage, la compagnie forestière, la société forestière, a des territoires à sa disposition pour la coupe du bois et décide de concéder en sous-traitance.
Le Président (M. Rioux): Parce que l'industriel généralement est détenteur d'un contrat avec l'État québécois, un contrat d'aménagement et d'approvisionnement. Alors, moi, ce que je voudrais comprendre, ces travaux en forêt, est-ce que c'est de la sous-traitance interne ou de la sous-traitance externe, étant donné... Moi, j'aurais tendance à dire, c'est de la sous-traitance externe parce que c'est dans le domaine industriel. Alors, je pense qu'on est sur une glace assez mince.
M. Barré (Alain): Bien, sur ce point-là, moi, je prends acte que, la jurisprudence, il y a eu des jugements qui ont adopté des solutions opposées au tout début, mais, par la suite, je pense que le Tribunal du travail a appliqué les règles de sous-traitance interne.
Le Président (M. Rioux): Interne.
M. Barré (Alain): Ça relève sur le territoire sur lequel la société forestière avait le droit de couper du bois. Au lieu de le faire faire par ses propres salariés, elle le fait faire en sous-traitance.
Le Président (M. Rioux): Alors, ils ont fait la même analogie du territoire forestier versus le territoire d'une municipalité.
M. Barré (Alain): C'est ça, c'est ça.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, oui, M. le député de La Peltrie.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, M. Barré, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Je trouve rafraîchissant de voir la définition puis de quelle manière... la distinction qu'on fait de la sous-traitance, que ce soit autant interne qu'externe. Mais, dans le même ordre d'idées, pour un peu bien se... dans un exemple peut-être un peu plus concret, pour bien se situer entre votre définition... par rapport à votre définition toujours ? on continue à prendre l'exemple du milieu forestier peut-être. Dans une entreprise forestière où il y a un département, par exemple, de cartographie, l'entreprise décide de donner en sous-traitance son département, mais, par contre, ils peuvent utiliser les bureaux de l'entreprise et les équipements qui sont là et tout ce que ça concerne, mais, d'un autre côté, il y a une autre entreprise aussi pour la même chose qui vont le donner, eux autres, à une firme qui a son bureau à l'extérieur de son territoire ou de ses locaux comme entreprise. Alors, comment vous gérez, là, la définition de votre sous-traitance dans un cas comme ça, là?
M. Barré (Alain): Ma première hypothèse, c'est clairement de la sous-traitance interne. Le Tribunal du travail va appliquer l'article 45 sur la base de la cession d'un droit d'exploitation. Dans la seconde hypothèse, c'est de la sous-traitance externe et, dans ce cas-là vraisemblablement, ils vont conclure que le sous-traitant a déjà l'expertise ou doit avoir les connaissances, les équipements nécessaires pour réaliser le travail. Ce n'est pas un cas d'application de l'article 45. Donc, on a des situations un peu semblables dans le domaine de l'informatique aussi selon que les salariés du sous-traitant viennent s'intégrer dans l'entreprise du donneur d'ouvrage ou font le travail dans l'établissement du sous-traitant.
Donc, je cite dans une note en bas de page, un cas de Loto-Québec où on a décidé qu'il s'agissait pas d'un cas d'application de l'article 45, ce genre de situations là où on peut rencontrer des exemples, des situations où le travail se fait à l'interne comme à l'externe.
M. Côté (La Peltrie): Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Quand vous dites que la sous-traitance externe n'est pas propre au droit du travail, est-ce que vous voulez dire que ça fait référence à d'autres types de droit?
M. Barré (Alain): Non, non, j'ai pas dit ça comme tel, je pense. À quel endroit dans mon mémoire?
Le Président (M. Rioux): Oui. «La sous-traitance externe n'est pas propre au droit du travail du Québec.»M. Barré (Alain): À quel endroit dans mon mémoire?
Le Président (M. Rioux): Vous avez ça à la page 5. J'ai noté ça à double tour parce que je me suis demandé s'il y avait pas un petit problème là.
M. Barré (Alain): À quel endroit ça? À quelle ligne?
Le Président (M. Rioux): Au bas de la page 5, vous dites: «La distinction entre la sous-traitance interne et la sous-traitance externe n'est pas propre au droit du travail du Québec.»M. Barré (Alain): Du travail du Québec. Oui, parce que, ici, je me réfère à une étude comparative réalisée par le Bureau international du travail, je crois que c'est en 1987. Et, dans cette étude-là, on fait la distinction entre une sous-traitance interne et externe d'une manière très explicite. Parce qu'on m'avait déjà reproché, au début des années quatre-vingt-dix, que cette distinction-là, ça n'existait qu'au Québec. Mais là j'ai dit: Non, non, dans une étude internationale, le Québec, c'est peut-être un endroit où on fait la distinction, mais il y a bien d'autres endroits dans le monde où on fait la distinction entre la sous-traitance interne et la sous-traitance externe.
Le Président (M. Rioux): Merci. Question? Très bien, M. le député de Mont-Royal. Ça sera pas long, M. le député, je reviens à vous. Oui.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. M. Barré, merci de votre présence. Merci de votre mémoire. La première chose que je voudrais vous dire, c'est que vous êtes un homme choyé et chanceux d'être ici ce soir, puisque vous êtes le seul qui a été invité par le ministre qui ne représente pas un groupe quelconque, soit une association syndicale ou patronale. Alors, je voudrais vous en féliciter.
Ma question a trait à l'article ? on est toujours sur le 45, évidemment, puisque votre mémoire porte sur le 45... le 45.2, deuxième paragraphe, et j'essaie de voir si vous voyez... Le 45.2, deuxième paragraphe, là, dit, si deux adultes consentants, à savoir le syndicat et le patron, s'entendent pour accepter la sous-traitance, le 45 ne s'applique pas. Ça, c'est dans la proposition 31. Dans votre perception à vous, en tenant compte de vos deux distinctions de la sous-traitance interne et de la sous-traitance externe, parlez-moi donc de votre vision de ce 45.2, deuxième paragraphe ? si vous en faites une distinction entre les deux, je ne le sais pas.
Le Président (M. Rioux): M. Barré.
M. Barré (Alain): Donc... J'étais au courant... Bien avant l'examen du projet de loi n° 182, j'étais au courant qu'il y avait une pratique relativement répandue. Et, moi, ça me préoccupe toujours, au-delà de ce qui est écrit dans les textes de loi, la pratique des relations industrielles. Et plusieurs employeurs m'avaient fait état de cette pratique qu'il arrive parfois qu'on s'entende avec le syndicat pour dire que 45 s'appliquera pas. Il peut y avoir une contrepartie à ça favorable dans les avantages collectifs au bénéfice du syndicat, mais semble-t-il que la pratique, elle est bel et bien réelle. Et, lorsque j'ai lu les différents mémoires qui ont été présentés à propos du projet de loi n° 182, j'ai vu justement que la Chambre de commerce faisait état de l'existence de cette pratique-là.
Mais cette pratique traditionnellement posait un problème pour les employeurs, puisqu'un syndicat aurait toujours pu invoquer le caractère d'ordre public de l'article 45 pour revenir sur la parole donnée. Semble-t-il que ça s'est produit au moins une fois dans l'histoire du Québec. Donc, l'intérêt que je vois dans 45.2, deuxième paragraphe, c'est de donner finalement un cadre juridique à une pratique conventionnelle, et les employeurs vont y trouver leur compte. Personne n'est obligé de conclure ce type d'entente là, mais, lorsque ça se conclut, et effectivement ça se conclut fréquemment... Et on me donne souvent l'exemple du secteur municipal.
Oui. Il arrive parfois qu'on va donner l'arrosage d'un bac à fleurs au coin d'une rue ou la tonte du gazon dans un très petit quartier de la ville à un individu qui va peut-être embaucher un ou deux salariés pour faire le travail. Le syndicat généralement n'est pas toujours intéressé à pouvoir aller chercher et à appliquer sa convention collective chez M. X qui a obtenu un petit contrat pour faire les travaux horticoles ou la tonte du gazon sur un très petit territoire de la ville.
n(17 h 40)n Donc, je pense que la sécurité juridique des parties nécessitait l'adoption d'un texte de cette nature-là. Et ce texte-là est même... depuis le jugement de la Cour d'appel dans l'affaire de ville de Saint-Hubert, où maintenant on oblige les syndicats à requérir l'application, à faire constater l'application de l'article 45 par un commissaire du travail, les syndicats ont un intérêt direct à ce qu'il y ait un tel texte dans le Code du travail. Bien oui! Parce que, avec l'arrêt de ville de Saint-Hubert, un syndicat ne peut plus conclure d'ententes comme ça. Parce que, s'il conclut une entente de cette nature-là, il va se faire reprocher la fois suivante, lors de la concession partielle de la même partie de l'entreprise, de ne pas l'avoir demandé la première fois. Et je donne l'exemple de ville de Saint-Hubert... pas ville de Saint-Hubert, mais ville de Saint-Léonard, dans mon texte, à propos des travaux horticoles qui ont été concédés en sous-traitance par ville de Saint-Léonard en 1995. Le syndicat ne demande pas la constatation de l'application de l'article 45. En 1996, on donne le sous-contrat à quelqu'un d'autre. Le syndicat agit relativement rapidement et demande la constatation de l'application de l'article 45; on lui reproche de ne pas l'avoir fait en 1995.
Donc, ça, j'ai beaucoup de difficultés avec cette jurisprudence-là. Et c'est pour ça que je dis: Si jamais on devait ? là, je déborde sur 45.1 ? si jamais on devait maintenir le 45.1, il faudrait s'assurer que l'inaction du syndicat n'ait pas de conséquence négative sur la portée de son accréditation, donc que l'inaction du syndicat à agir dans le délai prescrit dans le Code, ça fasse tout simplement obstacle à ce qu'il puisse demander l'application de l'article 45 par rapport à un contrat donné et non pas par rapport aux contrats subséquents qui pourraient être donnés à l'égard de la même partie de l'entreprise.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Gaspé, il vous reste trois minutes.
M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Ça va être très bref. On retrouve régulièrement l'expression «entrepreneur dépendant» pour parler de la sous-traitance. À vous écouter, j'ai l'impression que, à partir du moment que celui qui concède le contrat à quelqu'un, donc rémunération, contrôle le travail, donne les spécifications sur la façon d'exécuter, fournit le matériel ou permet d'acquérir du matériel ? parce que l'entreprise, si je prends Bricofil, l'exemple de Bricofil tout à l'heure qui n'avait pas les équipements puis, dans le fond, le donneur d'ouvrage lui a permis d'en acquérir ? à ce moment-là, la sous-traitance ne s'appliquerait pas. Ça serait, dans le fond, ça demeurerait les salariés de l'entreprise qui donne... qui veut fragmenter, dans le fond, sa production.
M. Barré (Alain): Non, pas nécessairement. Parce que, dans la sous-traitance ? et j'en parle au moment où je parle de la définition de la sous-traitance dans mon texte ? le sous-traitant assume les risques de l'entreprise, hein?
M. Lelièvre: Mais l'entrepreneur dépendant, qui dépend de son gagne-pain, son argent vient de son donneur d'ouvrage? C'est le seul entrepreneur, c'est le seul sous-traitant.
M. Barré (Alain): S'il est dans une position de dépendance économique vis-à-vis du donneur d'ouvrage, donc, moi, je serais favorable à lui reconnaître le statut de salarié. Mais le sous-traitant dont je parle dans mon texte, c'est le sous-traitant qui assume le risque financier inhérent à cette partie de l'entreprise dont il accepte de poursuivre.
M. Lelièvre: Donc, il faut qu'il s'équipe en machinerie ou autre.
M. Barré (Alain): Oui. Même si la machinerie vient du donneur d'ouvrage, Bricofil, il exploite sa propre entreprise. Même si, a priori, il n'avait pas l'expertise... les équipements, on lui a transféré ça. Et maintenant on l'a organisé en entreprise, il assume le risque de son entreprise.
M. Lelièvre: Et les horaires de travail, est-ce qu'ils sont déterminés par le donneur?
M. Barré (Alain): Par Bricofil, oui, dans cet exemple-là.
M. Lelièvre: Non, mais s'ils sont donnés par le... organisés ou précisés par le donneur d'ouvrage, il y a un contrôle sur la production du sous-traitant.
M. Barré (Alain): Oui, mais, dans un exemple comme Bricofil, forcément Bricofil a embauché plusieurs salariés pour faire tourner son entreprise. Donc, je crois pas qu'on...
M. Lelièvre: Non, mais je comprends, mais, moi, je suis un sous-traitant.
M. Barré (Alain): Oui.
M. Lelièvre: Je suis caméraman. Je fais de la production vidéo. Anciennement, j'étais à l'emploi d'une boîte. On me dit: Maintenant, dorénavant, tu deviens un entrepreneur indépendant. On te sous-contracte puis on te donne des contrats, on te dit quoi faire, le montage de telle manière, etc., puis on t'assiste. Est-ce que c'est un entrepreneur dépendant ou un entrepreneur... une entreprise indépendante au sens du Code?
M. Barré (Alain): Il suffit pas que le donneur d'ouvrage... que l'employeur, dans ce cas-là, dans l'exemple que vous me donnez, ait décidé de vous transformer en entrepreneur dépendant pour que vous soyez un entrepreneur dépendant. Donc, en droit du travail, on va toujours dire: Il faut regarder la réalité des choses, la réalité de l'accomplissement du travail. Est-ce que la réalité de l'accomplissement du travail fait apparaître que vous êtes dans un état de dépendance vis-à-vis votre donneur d'ouvrage? Si la réponse est oui, votre donneur d'ouvrage, c'est un employeur et, vous, vous êtes un salarié.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Barré (Alain): La réalité de l'accomplissement du travail, c'est ça qu'il faut regarder avant toute chose.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Barré, il me reste à vous remercier.
M. Tranchemontagne: Je voudrais poser une question.
M. Rioux: Une question. Vous pouvez la recevoir rapidement?
M. Barré (Alain): D'accord, absolument.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Vous avez assisté, je pense, à quelques présentations, là.
M. Barré (Alain): Oui.
M. Tranchemontagne: Et je sais pas si vous avez été à même de vous rendre compte... mais je voudrais vous amener sur d'autre chose que sur le 45 deux secondes, là.
M. Barré (Alain): Oui.
M. Tranchemontagne: Au niveau de la CRT, je pense qu'il y avait un certain consensus sur la CRT, des fois général, sans condition, si on parle des syndiqués, des syndicats et d'autres consensus de la part du patronat qui étaient là à condition qu'il y ait un scrutin secret pour qu'on... réconforter le patron sur la représentativité de l'unité d'accréditation. Est-ce que vous avez une opinion à ce sujet sur le scrutin secret pour valider la représentativité de l'accréditation?
Le Président (M. Rioux): M. Barré.
M. Barré (Alain): Moi, mon opinion, je vais vous la dire franchement: Je ne crois pas que ce soit nécessaire d'instaurer et de généraliser le scrutin secret. Le scrutin secret, c'est un mode de vérification du caractère représentatif dans le Code du travail lorsque c'est opportun de le faire. Et je pense que les commissaires du travail et la future Commission des relations du travail auront toute la discrétion nécessaire face à une situation donnée pour avoir le véritable pouls des travailleurs en regard de la syndicalisation. Ils auront toujours la faculté de décréter la tenue d'un scrutin secret, comme dans le régime actuel découlant de l'article 32 du Code du travail. C'est un mode de vérification du caractère représentatif et je ne crois pas, contrairement à ce qui peut exister dans d'autres juridictions peut-être, je ne crois pas qu'il soit nécessaire, dans notre système, de généraliser le recours au scrutin secret en matière d'accréditation.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Tranchemontagne: Merci. Ne croyez-vous pas que, dans la mesure où la CRT et les décisions de la CRT, devrais-je dire, sont sans appel, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là, vu qu'on enlève le droit d'appel, qu'il est justifié de dire qu'on devrait s'assurer, au meilleur de notre connaissance et de la façon la plus démocratique possible, donc par un scrutin secret, la représentativité de l'accréditation demandée auprès des employés visés?
Le Président (M. Rioux): M. Barré.
M. Barré (Alain): Bien, je ne crois pas que ce soit véritablement nécessaire et... Pour avoir suivi un certain nombre de dossiers d'accréditation dans ma vie, je constate qu'entre le jour du dépôt d'une requête en accréditation et le jour où, dans certains cas, un scrutin va être tenu, très souvent, je constate... oui, 45... bon, je constate tout de même que le jeu des pressions continue, que les salariés sont fréquemment entre ces deux dates là, la date du dépôt de la requête et peut-être parfois même avant, mais à compter de la date du dépôt de la requête jusqu'au jour du scrutin secret, des pressions énormes peuvent être exercées sur des salariés en vue de les amener peut-être à changer d'idée, oui.
M. Tranchemontagne: Mais ne croyez-vous pas aussi qu'il y a eu peut-être des pressions énormes auprès des salariés au moment de la signature des cartes aussi, tu sais, je veux dire, ça fait partie du jeu, ça, de...
M. Barré (Alain): Dans certains cas, peut-être, mais l'intimidation, c'est tout de même quelque chose qui est prohibé, tant au niveau de l'adhésion... dans les deux sens, hein.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. Barré, merci. Alors, nous, on ajourne nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 49)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Rioux): Alors, bonsoir, M. Thérien. M. Thérien, vous allez nous présenter votre collègue qui vous accompagne.
Conférence des juges
administratifs du Québec (CJAQ)
M. Thérien (Pierre): Avec plaisir. Mathieu L'Écuyer, un ancien président de la Conférence des juges administratifs du Québec, qui est membre du Tribunal administratif du Québec, section économique.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Thérien...
M. Thérien (Pierre): Excusez.
Le Président (M. Rioux): Oui. Vous n'avez pas de document, n'est-ce pas?
M. Thérien (Pierre): On a déjà produit un mémoire dans le cadre du projet de loi n° 182; le même va servir avec les adaptations. Et on a un deuxième document de travail pour ce soir. Et puis je m'engage à le faire parvenir à la commission dans les prochains jours, une fois corrigé.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue.
M. Thérien (Pierre): Je vous remercie. Alors, M. le Président, M. le ministre, et les membres de la commission. Le mémoire qu'on a produit à la commission évidemment concernait le projet de loi n° 182. Notre présentation fera donc les adaptations requises pour se coller au projet de loi n° 31.
n(20 h 10)n Il y a des changements importants évidemment entre les deux projets. Et, si les craintes que nous exprimions dans notre mémoire concernant l'indépendance institutionnelle de la future Commission qui, comme vous savez, avait les fonctions à la fois administratives et juridictionnelles... ces craintes-là se sont éteintes, puisque la Commission, la future Commission n'aura que des fonctions finalement uniquement juridictionnelles. Et, quand je dis «juridictionnelles», j'entends aussi «quasi judiciaires». là. Ça dépend du vocabulaire qu'on veut emprunter, mais la future Commission finalement va être un tribunal, point. Il n'y aura plus de fonctions administratives, le ministère du Travail n'est pas... n'étant plus démantelé, c'est ce que j'ai compris, hein?
De même, nos remarques concernant le transfert de la compétence en matière d'équité salariale du Tribunal du travail à la Cour du Québec plutôt que la future Commission n'ont plus de raison d'être, puisque, selon le nouveau projet, cette compétence sera exercée par la future Commission, ce qui satisfait notre désir de voir reconnaître le caractère spécialisé de cette Commission, tout en offrant aux citoyens un guichet unique pour ce genre de recours. Alors, on l'a écrit dans notre mémoire sous le projet de loi n° 182. Maintenant, le projet de loi n° 31 règle la question. Alors, on en est très satisfait.
Quelques mots sur la conférence. La Conférence des juges administratifs du Québec a été fondée le 25 octobre 1985. Il regroupe la grande majorité des juges administratifs oeuvrant dans les tribunaux administratifs ou spécialisés du Québec. La Conférence a, entre autres, comme objectif de défendre et de promouvoir l'indépendance de la justice administrative et de défendre et de promouvoir le statut de juge administratif. La poursuite de ces objectifs nous amène à vous faire les observations suivantes concernant le projet de loi n° 31.
En avril 1989, la Conférence comparaissait devant le Comité d'implantation de la Commission des relations du travail ? alors, ça date déjà d'un certain temps ? et soulignait alors que la loi ne conférait pas aux membres de la future Commission un statut suffisant d'indépendance et d'impartialité. Ce défaut de disposition législative portait ainsi atteinte à la crédibilité de cette Commission. C'est ce qu'on disait en 1989, et 12 ans plus tard, en 2001, on est obligé un peu de reprendre les mêmes remarques pour les raisons que je vais vous indiquer bientôt.
On sait, bien sûr, que la Cour d'appel du Québec est actuellement saisie d'un appel déposé par la Procureur général, suite à la décision de la Cour supérieure invalidant certaines dispositions de la Loi sur la justice administrative, lesquelles, selon cette Cour, ne garantissaient pas toute l'indépendance et l'impartialité requises pour les membres de ce Tribunal. Dans ce contexte, la Conférence ne s'attendait pas à ce que le modèle choisi pour la nouvelle Commission soit différent du modèle des tribunaux déjà existants, tels la Commission des lésions professionnelles, le Tribunal administratif du Québec ou la Régie du logement, pour ne nommer qu'eux.
On aurait apprécié et bien aimé, bien sûr, que les prochains commissaires soient nommés à bonne conduite plutôt que pour des mandats de cinq ans, type de nomination qui a fait son temps, croyons-nous en plus d'être incompatible avec la notion même d'un tribunal.
On aurait aussi apprécié qu'une classe d'emploi de juge administratif soit créée, qu'un comité indépendant en fixe la rémunération en tenant compte de la valeur relative de la fonction du juge administratif par rapport à celle des juges des tribunaux judiciaires et, bien sûr, tant qu'à y être, que cette rémunération soit la même pour tous ? on s'aperçoit, à l'heure actuelle, que des salaires à l'intérieur d'un même tribunal varient énormément entre des personnes qui exercent exactement les mêmes fonctions ? et, finalement, que cette rémunération, une fois fixée, ne puisse en aucune façon faire l'objet de majoration individuelle ou de boni en fonction d'une politique d'évaluation au rendement, ce qui est le cas actuellement dans l'ensemble des tribunaux, et ce qui va être le cas à la future Commission, j'imagine.
Évidemment, on aurait aimé tous ces changements-là, mais on comprend que, nous aussi, on va avoir à attendre après la décision de la Cour d'appel. Nous savons déjà cependant que de régler ces questions importantes au moyen d'un règlement au lieu de les enchâsser dans la loi directement, ça a eu comme résultat la décision connue de la Cour supérieure qui a invalidé ces règlements-là. Alors, si c'est maintenu par la Cour d'appel, évidemment, vous aurez à prendre des décisions, à savoir si vous devrez enchâsser dans la loi directement les garanties concernant l'indépendance judiciaire des décideurs, des juges administratifs et des garanties quant à leur impartialité.
Le projet de loi n° 31 nous a, par ailleurs, profondément déçus sur une disposition qui constitue, à notre avis, une atteinte grave à l'indépendance des futurs commissaires en plus d'enlever à la Commission, dès le départ, une bonne partie de sa crédibilité. Un petit préambule avant de vous dire laquelle.
Le projet de loi prévoit des pouvoirs importants pour la future Commission. Les commissaires auront, entre autres, des pouvoirs d'ordonnance dans plusieurs domaines assortis de sanctions sévères. Les commissaires auront les pouvoirs illimités des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. La loi leur demande d'assurer l'application diligente et efficace de la loi, de respecter leur code de déontologie, d'être soumis à l'autorité du Conseil de la justice administrative, bref, d'assumer avec courage leurs fonctions, pouvoirs et devoirs. Et, quand je parle de courage, il faut avoir décidé dans certaines matières pour savoir, à un moment donné, que des décisions sont difficiles à rendre et que les pressions sont énormes de part et d'autre.
Et c'est dans ce contexte que l'article 137.20 de la loi leur dit qu'au moment de décider du renouvellement de leur mandat le gouvernement consultera les associations de salariés et les associations d'employeurs les plus représentatives, associations qui, la veille encore, comparaissaient devant le commissaire pour faire valoir leur point.
Je vous demande de vous placer dans la peau d'un commissaire en fin de mandat qui fait face à une ou à deux associations importantes aux prises avec un litige particulièrement chaud. Le commissaire sait que ces associations seront consultées quant à son avenir; les associations le savent aussi. Peu importe sa décision, nul ne pourra jamais savoir avec certitude s'il a été influencé ou non par cette situation.
La justice, c'est aussi en grande partie l'apparence que la justice a été rendue. Vous me permettrez de citer l'honorable Jean-Louis Beaudoin, de la Cour d'appel, dans une décision récente: «La dimension individuelle de l'indépendance s'explique par la nécessité que le juge se sente tout à fait libre de rendre ses décisions dans les affaires dont il est saisi, sans pression autre que sa propre conscience et son sens du devoir.» L'indépendance du décideur et l'impartialité du tribunal sont des valeurs fondamentales. Nous croyons que ces valeurs doivent être respectées de la même façon, peu importe le tribunal et peu importe le secteur d'activité de la société en cause.
L'article 207 du projet pose aussi problème à ce titre. Cet article prévoit que les commissaires actuellement en poste sont déclarés aptes à être nommés commissaires, que leurs noms seront consignés au registre. On prévoit aussi que la candidature de chacun sera examinée par un comité mandaté pour examiner le renouvellement des mandats qui pourra recommander leur nomination au gouvernement. Pour toutes les raisons exprimées tantôt, toute autre consultation à ce moment-là souffrira des mêmes vices. La Conférence des juges administratifs du Québec demande donc que soit retirée la consultation prévue à l'article 137.20 du Code du travail, tel que modifié par l'article 59 du projet de loi n° 31.
Deux autres articles ont retenu notre attention, soit les nouveaux articles 125 et 128 du Code du travail. Ces articles prévoient que, pour certaines formations de trois commissaires, l'un des commissaires devra être avocat ou notaire et présidera l'audition. Ces dispositions heurtent, à notre avis, l'une des particularités importantes de la justice administrative, soit la multidisciplinarité, multidisciplinarité particulièrement vivante et existante dans le monde du travail. Le Bureau du Commissaire général du travail, qui sera remplacé par la Commission des relations du travail, comprend un nombre à peu près égal d'avocats et de membres issus d'autres orientations professionnelles. Il en résultera un inconfort, c'est certain, d'autant plus que ces dispositions nous semblent bien inutiles, puisque l'article 137.50 prévoit que le président ou, bien sûr, le vice-président qu'il désigne à cette fin, peut, dans la répartition des tâches, tenir compte des connaissances et de l'expérience spécifiques des commissaires. Alors, c'est l'article 137.50 qui prévoit ça.
n(20 h 20)n La Conférence suggère qu'on laisse au président de la future Commission le soin de composer lui-même ses formations de commissaires en fonction des circonstances et en fonction des difficultés de chacun des dossiers. J'imagine qu'à 10 heures, quand le Barreau du Québec va passer, ils vont dire la même chose que moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thérien (Pierre): Finalement, c'est avec beaucoup de plaisir que la Conférence accueillera dans ses rangs la future Commission. Elle assure au gouvernement toute sa collaboration, et ce, dans le plus grand intérêt de la justice administrative. M. le Président, M. le ministre et les membres de cette commission, merci pour votre accueil et votre bonne attention.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Thérien. M. le ministre.
M. Rochon: Bon, bien, M. Thérien et M. L'Écuyer, je vous remercie beaucoup. On comprend parfaitement, vu les courts délais qui étaient impartis, que les documents suivront, ça nous pose aucun problème. Et, au contraire, j'apprécie beaucoup que vous ayez assez de souffle pour nous suivre jusqu'au bout dans ce long, long périple qui a connu plusieurs... plusieurs méandres.
Je dois vous dire qu'on va... puis je l'ai dit à tous les gens qui viennent ici, puis je vais m'assurer de pas manquer de le redire à chacun, même si on est en bout de piste de ce qui a été un très, très long processus et qu'on a voulu cibler pour trouver une voie de passage où on maximise les probabilités de faire oeuvre utile et de faire des modifications au Code qui vont être des véritables améliorations et qui vont être assises sur un consensus assez solide pour pouvoir être appliquées, et appliquées correctement, on va, jusqu'à la toute dernière minute, là, intégrer toutes les informations et les commentaires qui nous sont faits pour bonifier et améliorer le projet de loi n° 31. Et, à cet égard-là, puis vous comprendrez que je pourrai pas aller dans les détails, mais à prime abord, les commentaires que vous faites me semblent très pertinents et vont mériter une considération de notre égard... de notre part.
Pour ce que... la question de l'indépendance de la Commission et ce qui est présentement sub judice, je pense que vous arrivez à la même conclusion qu'était notre conclusion. On a eu différents scénarios qui ont été étudiés pour voir comment on pourrait améliorer au maximum le caractère d'indépendance de la Commission, mais il nous a semblé plus sage, vu que le Tribunal devrait se prononcer, de s'enligner sur ce qui était la règle de jeu présentement et de faire les ajustements qui pourront exister une fois que le jugement sera rendu ou, de toute façon, de reprendre nos scénarios, mais une fois que la cour se sera prononcée. Autrement, on pensait qu'on risquait trop de créer des difficultés pour ce qui est déjà devant le Tribunal ou d'avoir à faire des allers-retours, là, qui seraient difficiles à gérer.
Donc, on peut dire, je pense, que c'est une histoire à suivre, ça là, sûrement. Mais l'objectif que vous avez, on le partage sûrement. Si on veut créer une Commission des relations de travail qui décide en première instance, sans appel, qui a des pouvoirs très larges, comme vous avez dit, qui est concentrée sur une mission d'adjudication sans la partie de conciliation et de médiation, on va être motivé, là, pour s'assurer, pour tout faire pour que cette Commission ait l'assise qu'il lui faut pour faire son travail. Et je pense que cette citation qui nous a été redite par un certain nombre de gens, qui est de De Tocqueville, je pense: Il faut qu'il y ait justice et apparence de justice, c'est sûrement très, très, très important.
L'autre commentaire que vous faites sur 137.20, la question de la consultation des associations, je dois vous avouer que ça soulève une bonne question. La difficulté qu'on a, là, c'est de concilier, d'une part, ce qui est, je pense, important pour le monde du travail, que les gens puissent donner leur avis, qu'il y a une source d'information, là, importante pour connaître l'opinion du milieu, mais, comme vous le dites, que ça risque d'entacher peut-être ou de créer une situation, disons, pour le moins, qui pourrait être sinon embarrassante, là, qui pourrait créer un contexte qui, d'une façon ou d'une autre, pourrait toucher à l'indépendance, au sentiment d'indépendance des personnes. J'avoue qu'on a deux choses à concilier. On ne trouvera pas de solution ce soir, là, mais on va sûrement réfléchir à ce que vous dites là. Il y a matière à réflexion, pour le moins.
Et, de même, l'autre élément que vous soulignez, pour l'article 128 et le lien que vous faites avec 137.5 ou 137.50, vous parlez de l'importance de la multidisciplinarité pour ce genre de travail et de décision. C'est aussi ce qu'on avait à l'esprit, à 128, en voulant préciser pour certains types de décision qu'on s'assure qu'il y a un type de compétence qui va faire partie du banc des commissaires. C'était dans cet esprit-là que c'était fait, mais je dois reconnaître que vous soulevez un point pertinent en disant: Si le président du Tribunal a la possibilité de composer le banc selon le cas qui a été à étudier, pourquoi on ne lui fait pas confiance? C'est un peu ce que vous dites, s'il faut un avocat ou quelqu'un qui a une compétence juridique, il va sûrement le faire. Alors, je saurais pas, là, prendre une décision sur le banc de cette façon-là. Mais, ce que je peux vous dire, c'est que, pour les trois points que vous soulevez, là, on va... on va y réfléchir puis on va tenir compte que ce que vous nous dites sûrement. Et, quand vous nous donnerez votre document, bien, on va le lire. S'il y a d'autres éléments là-dedans aussi, on va en tenir compte.
Le Président (M. Rioux): M. Thérien, voulez-vous réagir aux propos du ministre?
M. Thérien (Pierre): Peut-être un commentaire, oui. Je me suis demandé, quand vous parlez du monde du travail, le monde du travail, c'est un monde en constante consultation, si je comprends bien. J'ai regardé dans d'autres lois, notamment la loi qui créait la Commission des lésions professionnelles, au moment des nominations et au moment des renouvellement, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est consulté. Je voyais une grande différence entre consulter le Conseil consultatif et consulter une association de salariés ou une association d'employeurs. Le Conseil consultatif est quand même un organisme du gouvernement. Le président ou la présidente ? c'est une présidente actuellement ? est nommé par le gouvernement. Il y a un sous-ministre qui siège en permanence sur le Conseil et même les autres membres qui sont ici, soit du côté patronal ou syndical, sont nommés aussi par le gouvernement après suggestion des parties en cause, là. Alors, on a là un organisme officiel du gouvernement qui est consulté.
De l'autre côté, vous arrivez au moment du renouvellement d'un membre, d'un commissaire de la future Commission, renouvellement qui va être examiné par un comité formé à cette fin, qui va faire une recommandation. Et, en surplus de ça, vous donnez un pouvoir de consulter les associations directement à l'extérieur de tout forum vérifiable. On sait pas du tout qu'est-ce qui va se passer là et on pourrait, en théorie, se retrouver avec la décision de ne pas renouveler un commissaire qui a pourtant fait l'objet d'une recommandation positive du comité devant lequel il a passé, pour des raisons qu'on n'a... qu'on ne pourra jamais identifier. Et il reste que, de l'extérieur, si on regarde l'ensemble du processus, vous admettrez avec moi, là, qu'il est entaché d'un vice profond et irréparable en ce qui me concerne.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Oui. Merci, M. le Président. Merci pour votre présence ici, ce soir, et je conçois qu'à trois ou quatre jours d'avis c'est difficile d'écrire un mémoire. Donc, vous pouvez être sûr que l'opposition officielle vous pardonne amplement. Ha, ha, ha! Alors, merci d'être ici encore une fois et bienvenue.
Moi, j'ai une question qui m'inquiète un petit peu. Bien, ça m'inquiète, ça m'inquiète pas. La première chose c'est: je reconnais quand vous parlez de l'indépendance du Tribunal comme étant une valeur fondamentale, essentielle, j'en suis, je n'ai pas de problème. Et votre... Conséquemment, vous êtes inquiet donc du fait que les parties pourraient êtres consultées pour le choix des commissaires. Je dois vous dire que ça fait deux jours, là, qu'on est ici, on a entendu 14 groupes, 13 groupes, là, à date et c'était presque unanime, une inquiétude de part et d'autre, qu'on vienne du milieu syndical ou du milieu patronal, on a un sentiment peut-être, si je voudrais le traduire... si je voulais le traduire de... je ne sais pas si c'est une insécurité ou en tout cas une inquiétude tout au moins à l'effet que: Est-ce que ça sera quelqu'un qui viendra d'un milieu ou est-ce que c'est quelqu'un qui est objectif, neutre, etc.? Alors, j'aimerais ça vous entendre réagir là-dessus.
La deuxième chose, puis je vais vous la poser tout de suite, le Conseil du patronat ? si ma mémoire est bonne, c'est M. Taillon du Conseil du patronat ? a recommandé que ça soit... que ça soit non pas la consultation comme il est prévu dans le projet de loi n° 31, mais bien le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre et du travail qui nomme les commissaires en question. Je voudrais savoir qu'est-ce que vous en pensez, comment vous réagissez à la suggestion du Conseil du patronat.
Et aussi comme... Et, troisième question qui découle de tout ça finalement, c'est: Quelles seraient vos suggestions pour la sélection de ces commissaires-là? Si vous en avez une, suggestion.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Thérien, et M. L'Écuyer vous avez toujours la possibilité d'intervenir aussi.
M. Thérien (Pierre): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Thérien.
n(20 h 30)nM. Thérien (Pierre): Merci. Je vais commencer par la deuxième. Quand on a créé la Commission des lésions professionnelles et qu'on a prévu la consultation du Conseil consultatif, si j'avais eu des représentations à faire à cette époque-là, j'aurais dit que je n'étais pas d'accord de toute façon, parce que je pense que, comme j'ai dit tantôt, quand on forme un comité chargé d'examiner le renouvellement d'un mandat de quelqu'un, on devrait pas consulter d'autres gens à l'extérieur que le comité en question.
Au niveau des nominations, ça peut être différent cependant. Je comprends qu'au niveau des nominations, tant à la Commission des lésions professionnelles qu'à la future Commission des relations du travail, il va y avoir une consultation qui va être faite. Ça, le processus de sélection le veut ainsi. Pour l'instant, je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus. Là où j'ai un problème, c'est quand on arrive au renouvellement du membre, au renouvellement du commissaire ou au renouvellement du juge administratif, en tout cas appelons-le comme on veut... on peut pas faire autrement que de créer un malaise profond chez cette personne-là si on va consulter les personnes qui se retrouvent devant la Commission régulièrement. Alors, quand vous nous dites d'aller consulter le Conseil consultatif au lieu des associations directement, c'est un moindre mal peut-être, mais c'est encore un mal, là-dessus. Je pense qu'on devrait se limiter, au moment du renouvellement d'un membre, à la recommandation du comité chargé d'évaluer s'il y a lieu de renouveler ou pas ce membre-là.
Votre première question, je ne suis pas sûr de l'avoir bien saisie, au niveau des nominations. Le milieu s'inquiète de qui va être nommé là et aimerait avoir un peu de contrôle là-dessus. Est-ce que c'est de même que...
M. Tranchemontagne: Bien, c'est pas vraiment du contrôle, mais il y a une certaine inquiétude. Est-ce que la personne vient, je suppose, du milieu syndical ou vient du milieu patronal? Quelle va être son objectivité? J'essaie de traduire ce que je ressentais un peu par les commentaires au cours des deux jours, tu sais. Et c'est inévitable, ça se sent, ça transpire. Puis, comme je vous ai dit, que ce soient des gens du milieu syndical ou du milieu patronal, ça me semble être la même inquiétude. Alors...
M. Thérien (Pierre): Si on prend...
Le Président (M. Rioux): M. Thérien.
M. Tranchemontagne: Et j'imagine que c'est ça qui a motivé les gens du ministère à peut-être parler de consultation, d'une nomination qui serait, si je peux dire, bipartite, ou je ne sais pas trop.
M. Thérien (Pierre): Oui, mais j'ai compris, et ça va peut-être répondre à la troisième en même temps... c'est qu'un règlement va être adopté pour prévoir les critères de sélection de ces personnes-là qui vont passer un concours. Si je me fie au concours que je connais, par exemple, pour la Commission des lésions professionnelles, vous aviez trois étapes à franchir avant d'arriver sur une liste finale. Par exemple, il y avait un examen écrit qui venait tester la logique ou la faculté de synthèse de la personne, il y avait un examen théorique sur l'ensemble des lois applicables au tribunal et, ensuite de ça, il y avait une rencontre, un peu un test, là, de réaction face à un travail de groupe et à une présentation... bien, en tout cas, c'était un test assez complet.
Et, si vous avez ? et ça, c'est valable pour tous les tribunaux ? si vous avez des critères de sélection importants, sélectifs, bien contrôlés et que vous faites attention à tous les niveaux pour choisir les bonnes personnes, je pense que c'est à ce niveau-là que la sécurité va venir. Si vous n'êtes pas organisé ou si... je ne sais pas comment décrire ça, là, si les critères de sélection ne sont pas assez importants ou pertinents, c'est là qu'on risque d'avoir des problèmes, quant à moi, alors. Je lisais un article d'un juriste américain il y a pas longtemps qui disait que la clé, c'était pas l'évaluation, la clé, c'était la sélection. Alors, pour elle, ce qui est important, c'est que, dès le départ, on choisisse les bonnes personnes et, après... on a nommé des bonnes personnes, pourquoi, au bout de cinq ans, ces personnes-là ne seraient plus bonnes? Ça revient au tribunal peut-être à assurer la formation par la suite de cette personne-là, avec un programme de formation continue. Mais, si vous avez une personne, au départ, qui a toutes les qualités voulues, les qualités que vous avez eu l'occasion de vérifier par soit des tests ou soit les entrevues, bien, en principe, vous venez de régler votre problème, là, je pense.
Le Président (M. Rioux): Mais, M. Thérien, à ce niveau-là du travail, que quelqu'un soit du mouvement syndical ou qu'il ait fait carrière dans le monde patronal, lorsque ces personnes-là sont choisies pour leur compétence, leur intégrité, reconnues par leurs pairs, etc., rendu à ce niveau-là de réflexion et de décision, le fait d'avoir appartenu au monde syndical ou patronal s'est singulièrement atténué. Ils ont une nouvelle fonction, c'est une nouvelle fonction. Alors, il me semble qu'il faudrait mettre des bémols là-dessus, là. La provenance des personnes... c'est leur compétence qui compte.
M. Thérien (Pierre): Entièrement d'accord, compétence que l'on vérifie au moment de la sélection.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, voilà.
M. Thérien (Pierre): Oui.
Le Président (M. Rioux): Parce que, au fond, ça existe depuis des années, ça, dans le mouvement syndical. Moi, je me souviens, dans le temps qu'on y était, on se posait toujours des questions: Si quelqu'un vient du monde patronal, ah! il doit pas être très bon; si quelqu'un vient du monde syndical, ah! il doit être partial. Moi, je me dis, c'est des niveaux de travail, d'intervention, de réflexion et de décision qui font appel à la compétence et non à la culture syndicale ou patronale, il me semble.
M. L'Écuyer (Mathieu): Peut-être sur cette question-là de la consultation des milieux, vous savez, vu de l'extérieur, moi, je suis pas du tout, là, du monde du travail, même si je suis dans un tribunal spécialisé puis j'essayais de faire un parallèle avec ce qui se passerait si, au Tribunal administratif du Québec, avant de nommer un membre... Moi, je suis un évaluateur foncier au sein d'une section d'affaires immobilières et je m'occupe d'affaires de taxation, de fiscalité ou d'expropriation. Puis j'essayais de m'imaginer si, lors d'un éventuel renouvellement de mandat, on consultait la Ligue des propriétaires, ou l'Union des municipalités, ou le ministère des Transports pour savoir si j'ai donné des bonnes indemnités ou si j'ai fixé des assiettes taxables suffisantes ou trop grandes. Je serais mort d'inquiétude, en ce qui me concerne, puis je pense que je ferais pas le métier que je fais actuellement.
Écoutez, c'est peut-être une logique qui m'échappe et que je ne comprends pas, si le fait d'avoir une expérience en matière syndicale et professionnelle est une question suffisante... est une question nécessaire pour accéder à la fonction, à mon sens, ce n'est certainement pas une question suffisante. Le métier d'adjudicateur, que je fais depuis 20 ans, consiste à entendre des gens, gérer des débats utilement ? parce qu'on sait que ça peut déborder, que ça peut prendre toutes sortes de... il y a des débats, en tout cas, il y a toutes sortes de choses, ça peut durer des semaines, des mois même, enfin ? et gérer ça utilement pour arriver à cerner un litige puis à mettre fin à un litige. Moi, personnellement, je ne comprends pas comment la source... Pour moi, le fait de venir d'un milieu syndical ou patronal, ça serait simplement, je dirais, de faire ses classes, de comprendre ce milieu-là. Mais, après ça, si quelqu'un est intègre puis est capable de faire le métier, là, je vois vraiment pas qu'est-ce qu'on a à demander aux gens des milieux dont on est issu puis où on a fait nos classes... Enfin, écoutez, probablement que c'est bien naïf, ce que je vous dis là, puis que c'est complètement déconnecté d'une réalité de négociation ou de milieu, mais, en tout cas, je me sens l'obligation de vous le dire.
Et je vous dirais, pour répondre aux questions du député de Mont-Royal, que qu'est-ce qu'il faut savoir... bien, qu'est-ce qu'il faut savoir, c'est... évidemment, c'est utile que quelqu'un connaisse le milieu, et, qu'il ait fait ses classes dans le milieu, tant mieux, mais vous vous priveriez, par exemple, de gens qui auraient des connaissances académiques importantes, puis qui auraient pas été dans le milieu, et qui auraient étudié ça d'une façon formelle, et qui seraient des apports fantastiques à votre Commission. Si vous disiez: Ah! bien là, celui-là, on le reconnaît pas dans le groupe patronal ou dans le groupe syndical, puis ça nous intéresse pas, je vous soumets respectueusement que c'est pas un critère... ça serait une erreur, à mon sens, au niveau de la sélection. L'institution ne sera pas meilleure que les personnes que vous mettrez dedans.
C'est pour ça que, quand vous dites, dans vos dispositions transitoires à l'article 207, qu'il y a des personnes qui sont présumées avoir des... qui sont censées être aptes à être membres de la Commission, parce que les deux conditions, c'est d'avoir, je pense, 10 années d'expérience pertinente au domaine puis... en tout cas, je m'excuse, j'ai lu ça rapidement, là, avant-hier, puis je me souviens pas de l'article, là... et il y a un autre critère... Donc, si ces personnes-là sont aptes, pourquoi ne pas... Enfin, je ne sais pas si on en a besoin ou pas, mais, dans la mesure où on en a besoin, qu'a-t-on à faire de savoir si ces personnes-là plaisent aux parties? C'est pas un concours de popularité, là, quand on nomme des décideurs pour régler des problèmes.
n(20 h 40)n En tout cas, je comprends que, moi, je le suis peut-être pas, puis il y a toujours au moins la moitié des gens qui procèdent devant moi qui sont pas contents de la solution dans la mesure où la solution, évidemment, les favorise pas. Mais, dans la mesure où ils croient avoir été entendus honnêtement puis que leurs arguments ont été considérés à leur mérite, qu'ils ont été compris, qu'ils ont pas été évacués puis que la décision a été prise, qu'elle leur soit défavorable ou pas, écoutez, je pense que... Si on regarde les instruments supralégislatifs, là, les droits que les gens ont, au Québec, de se présenter devant un tribunal impartial et indépendant, qui n'est pas préjugé, c'est le droit de faire décider ses affaires à leur mérite, pas de faire décider leurs affaires chacun leur tour ou selon des négociations qui pourraient avoir lieu entre les parties pour nommer les décideurs ou pour les renouveler. Je soumets ça respectueusement.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. L'Écuyer. Je trouve ça éclairant. Merci.
M. Tranchemontagne: Merci de votre réponse, Je voudrais juste rajouter une chose, par exemple, c'est que j'aurais aimé ça que vous passiez deux jours avec nous autres pour vous rendre compte que la réalité, c'est l'inquiétude, et l'inquiétude, elle doit être basée sur un vécu, sur une réalité? Je ne sais pas, moi, je ne la vis pas journalièrement, cette réalité-là. Mais ce que je veux vous dire, c'est que, des deux côtés de la clôture, on sentait clairement, au cours des deux derniers jours, cette inquiétude. Ça, c'est la vraie... ça, ça a été...
Le Président (M. Rioux): Un malaise tout au moins.
M. Tranchemontagne: Un malaise, en tout cas, ou une inquiétude. Ça, c'est la réalité.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Therrien (Pierre): Que d'être jugé par les gens de l'autre côté?
M. Tranchemontagne: C'est ça.
M. Therrien (Pierre): Si ça divise moitié-moitié, les deux vont rester inquiets, mais, si vous avez un tribunal complètement impartial, il n'y a plus personne d'inquiet à ce moment-là.
Le Président (M. Rioux): Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de l'opposition officielle? Merci. M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: Oui, peut-être juste un commentaire. On a eu l'occasion d'écouter aujourd'hui les syndicats, le patronat, des gens qui, dans le fond... Moi, j'étais porté à penser que, si ça allait tout d'un bord pour celui qui parlait, c'était correct, puis celui qui reprenait la chaise, souvent qui prenait la chaise, si ça allait de son bord, c'était correct. À un moment donné, je leur ai posé la question, j'ai amené cette remarque-là. Puis ce que vous disiez tout à l'heure, ça me fait penser lorsqu'on fait des nominations de procureurs de la couronne à la Cour du Québec ou qu'on nomme un avocat de la défense, en droit criminel, par exemple, puis qu'on se dit: Est-ce que le procureur de la couronne, qui demande toujours des sentences plus ou moins sévères, mais parfois très sévères, est-ce qu'il va continuer à être très sévère quand il va être juge? Et on se rend compte que c'est souvent l'inverse qui se produit dans les tribunaux de cette nature-là, que le procureur de la couronne a une tendance à être plus ou moins clément en certaines occasions, puis celui qui était à la défense, une fois qu'il arrive sur le banc, il se sent comme l'obligation d'être plus sévère. Mais on ne s'empêche pas de les nommer pour autant. Il y a un équilibre qui se fait puis, par la suite, il n'y a pas de partialité puis... qu'on retrouve à l'égard des policiers, par exemple, qui viennent témoigner. C'est la même chose. Là-dessus, je vous rejoins. Puis on en a parlé cet après-midi. C'est juste pour vous dire que c'est un argument très important.
M. L'Écuyer (Mathieu): Si vous faites le parallèle avec le monde judiciaire, évidemment, vous n'êtes pas sans savoir que la tenure d'une commission de juges est complètement différente de celle d'un membre de la Commission que vous envisagez maintenant. Et c'est très clair que peut-être... je comprends que ce serait une réaction normale de pouvoir se dissocier d'un passé récent, de montrer qu'on a bien tranché la ligne. Il demeure qu'un juge pourra jamais craindre en fonction de la sentence qu'il va rendre sur son avenir. C'est ça qui est le vice fondamental de la législation que vous êtes en train d'examiner ici. C'est un problème de fond. J'ai vécu 20 ans dans les tribunaux spécialisés et je sais qu'il y a des collègues qui ne rendent pas des décisions lorsque leur mandat vient à échéance de crainte qu'il y ait une évocation en Cour supérieure puis qu'ils se fassent remarquer. C'est la réalité, c'est pas une invention ce que je viens vous dire ici ce soir, c'est mon vécu professionnel, puis je pense que c'est le modèle que vous êtes en train d'examiner ici.
Si vous me permettez, M. le Président, tantôt j'osais pas intervenir sur une question du ministre, peut-être simplement une précision sur... Vous avez abordé, à l'article 125, l'opportunité, par exemple, de désigner un professionnel pour s'assurer qu'il y ait multidisciplinarité dans certains quorums. Écoutez, dans le tribunal dans lequel je vis là, on désigne, par exemple, deux professionnels pour disposer de certaines affaires, ça peut être un avocat ou notaire et un évaluateur agréé, par exemple, mais on n'a pas besoin ou on ne sent pas le besoin de désigner que tel ou tel professionnel devrait présider ou ne pas présider la formation du jugement parce que ça créerait une hiérarchie qui risquerait d'être malsaine en certaines matières. Il est vraisemblable qu'à un moment donné, pour certaines matières, le banc soit présidé par un membre d'une certaine profession compte tenu de la matière qui est devant le tribunal, ça peut être très utile. Et ça pourrait devenir une enfarge, si vous me permettez l'expression, que de dire qu'il faut absolument que le banc soit présidé par tel ou tel professionnel. D'ailleurs, si on regarde les modèles anglais, on a vu, par exemple, que les juristes sont désignés à titre d'assesseurs à des professionnels spécialistes. Alors, ici, évidemment c'est... la hiérarchisation, qui apparaît peut-être plus comme un vieux modèle, est peut-être pas souhaitable pour la dynamique interne de votre Commission. Il serait important que les membres pensent qu'ils sont sur un pied d'égalité.
Et, si je peux me permettre d'autres réflexions en ce sens, relativement à l'organisation interne, j'ai constaté avec beaucoup de surprise que, si quelqu'un était nommé, par exemple, avait un mandat administratif, le président ou le vice-président, on l'autorisait à demeurer commissaire en surnombre pour le temps qu'il dispose de ses affaires. Et ce n'est pas du tout une vision collégiale des choses. Pour ma compréhension, moi, de cette Commission-là, mais c'est peut-être pas une bonne compréhension, c'est que le président ou les vice-présidents ne sont que des primus inter pares, c'est-à-dire que c'est l'équivalent de doyen ou de vice-doyen dans une faculté. Et de dire que ces gens-là n'ont plus la capacité d'exercer la juridiction, s'ils ont des fonctions administratives, ça correspond pas en tout cas à ce que j'en connais.
Je sais qu'il y a des modèles de tribunaux administratifs qui sont faits de façon à distinguer de façon formelle que quelqu'un est membre et aussi vice-président et/ou président. Bon, au plan du secrétariat aux emplois supérieurs, on a une classification différente puis on est supposé être dans un autre monde. Je vous soumets que la réalité du collège puis la façon d'assurer la cohérence d'un collège, c'est que les gens en soient membres puis que d'aucuns aient des responsabilités administratives pour le gérer, mais que c'est peut-être pas opportun... Je ne le sais pas, les modèles qui seraient appropriés, ça serait plus le modèle peut-être d'un juge en chef par rapport à une cour qui a aucune autorité de contenu sur ses collègues, c'est simplement des compétences administratives, ou encore le modèle académique, là, qui me vient à l'esprit, que vous connaissez sans aucun doute beaucoup mieux que moi pour l'avoir fréquenté plus longuement.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup.
M. Rochon: Sur le dernier point, M. le Président...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez-y.
M. Rochon: ...juste pour qu'on se comprenne bien. Parce qu'on a l'impression ? et je vérifie avec notre juriste ? que ce qu'on a souhaité faire là, à moins qu'on ait un problème d'écriture, est plutôt dans le sens de ce que vous commandez qu'on devrait faire, c'est-à-dire que le président et les vice-présidents sont d'abord des commissaires et font un travail de commissaire. On s'attend que le président surtout, peut-être jusqu'à un certain point les vice-présidents, à cause quand même des fonctions administratives qu'ils devraient assumer en plus, auront moins de temps, pourront prendre moins de causes, mais qu'ils sont commissaires aussi, et que la provision qui est là, c'est que, si, pour une raison ou pour une autre, ils terminent une présidence et souhaitent pas ou, pour quelque raison, ils continuent pas comme président ou vice-président, ils peuvent continuer comme commissaire, exactement comme le doyen ou le vice-doyen qui garde des tâches d'enseignement et de recherche et, une fois qu'il a terminé son mandat ou pour une raison ou pour une autre, il peut, dans la plupart des cas, il continue à être un professeur. Il a toujours été un professeur et il revient à ça à plein temps. Alors...
M. L'Écuyer (Mathieu): Je suis désolé, c'est une mauvaise lecture, je m'en rends compte à la lecture, tout à fait.
M. Rochon: Bon. O.K.
M. L'Écuyer (Mathieu): Je suis désolé, c'est...
M. Rochon: Parce que je pense que ce qu'on a voulu monter comme système, c'est exactement ce que vous nous disiez qu'on devrait faire.
M. L'Écuyer (Mathieu): Et je vous encourage à promouvoir la notion de collège, qui est un concept important aussi, qui rejoint les concepts de multidisciplinarité. Puis, à mon avis, il y a une synergie qui est extrêmement importante. Vous devez, si vous avez des conseillers en relations industrielles, avec des avocats ou notaires, faire comprendre à ces gens-là qu'ils ont... C'est autant de valeur ajoutée à votre Commission et non pas une hiérarchisation de rôles qui fait qu'on... bien là, ça va être le juriste, ou l'avocat, ou le notaire qui va présider le banc. D'ailleurs, vous auriez le même handicap si vous deviez demander la même chose à votre président de Commission. Vous devriez à ce moment-là changer le président de Commission qui ne rencontrerait pas cette condition d'être membre du Barreau ou de la Chambre des notaires, ce qui est peut-être pas une bonne idée, là, parce qu'on a des gens qui ont de l'expertise et que c'est utile pour gérer les travaux.
M. Rochon: C'est exactement ça. C'est le primus inter pares.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, merci beaucoup, M. Thérien et M. L'Écuyer. Merci infiniment.
n(20 h 50)n Alors, on va demander maintenant aux Manufacturiers et exportateurs du Québec de prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons accueillir maintenant les Manufacturiers et exportateurs... Oui? Est-ce qu'on a leur document? Le document des Manufacturiers a été distribué? Très bien. Alors, M. Huot, vous êtes accompagné...
Manufacturiers et exportateurs du Québec
M. Huot (Paul-Arthur): De M. Francis Lacombe.
Le Président (M. Rioux): M. Lacombe.
M. Huot (Paul-Arthur): Et, derrière nous, comme conseillère également, Mme Julie Cusson.
Le Président (M. Rioux): Mme Cusson. Approchez-vous, madame, approchez-vous, s'il vous plaît. On veut non seulement vous voir, mais vous entendre. Alors, M. Huot, vous connaissez un peu les règles du jeu maintenant.
M. Huot (Paul-Arthur): Oui.
Le Président (M. Rioux): Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, on engagera la conversation ensemble, une discussion. Alors, on vous écoute avec plaisir.
M. Huot (Paul-Arthur): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, chers parlementaires, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de nous recevoir en commission parlementaire et laissez-moi le plaisir de nous présenter. Donc, Paul-Arthur Huot, je suis le P.D.G. de l'association des Manufacturiers et exportateurs du Québec, et je suis accompagné ce soir de M. Francis Lacombe et de Mme Julie Cusson.
Les Manufacturiers et exportateurs du Québec ont pour mission de promouvoir le développement du secteur manufacturier au Québec. Nos 600 membres sont une source importante de croissance et de prospérité pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Nos membres et manufacturiers au Québec emploient plus de 634 000 Québécois, ce qui représente près de 18 % de la main-d'oeuvre totale au Québec. De plus, par notre rayonnement indirect, les manufacturiers, qui sous-traitent et génèrent des revenus d'exportation, contribuent à la prospérité de toutes les régions et villes québécoises.
Cependant, dans certains secteurs et pour certains produits, particulièrement sur les marchés internationaux, on a commencé à voir dès décembre 2000 des signes de ralentissement économique qui nous vient des États-Unis, et force est de constater que nous ressentirons, au Québec, l'essentiel de ce ralentissement au cours des deux prochains trimestres, affichant toujours un retard d'environ six mois avec les États-Unis.
Alors, nos manufacturiers et exportateurs oeuvrent au Québec, dans une région où... dans une province où, entre mars et avril 2001, la croissance moyenne de l'emploi a été nulle, et ce faisant, inférieure à la moyenne du Canada, 0 % contre 0,2 %. Le taux de chômage au Québec reste chroniquement plus élevé que la moyenne canadienne, 8,7 % contre 7 % en 2001, et c'est une tendance, une tendance de fond. Les Québécois sont aussi généralement plus pauvres que les Canadiens et les Américains, et tous les partenaires socioéconomiques ont donc l'obligation de chercher à améliorer la situation afin d'assurer un emploi et un revenu satisfaisants à nos concitoyens qui le souhaitent.
Afin de survivre et de continuer à croître et créer davantage d'emplois, les Manufacturiers nécessitent un environnement d'affaires compétitif qui encourage la productivité et l'innovation technologique et sociale. Le projet de loi n° 31 qui modifie le Code du travail, dans sa forme actuelle, ne contribue pas, à notre avis, à l'atteinte de ces objectifs et doit être amélioré, et c'est l'essentiel de notre participation, de notre contribution. De plus, nous croyons que le gouvernement envoie un message négatif en ce qui concerne le climat d'affaires au Québec.
Le mémoire de l'association traite des principaux irritants de cette réforme proposée selon le point de vue des industriels québécois qui doivent gérer une entreprise et oeuvrer avec leurs employés pour la survie et la prospérité de leur entreprise. Trois points sont importants: le Code du travail, selon nous, doit suivre des principes clairs et équilibrés de transparence et d'efficacité; il ne devrait nullement limiter la sous-traitance; et une saine démocratie dans les milieux de travail nous apparaît plus qu'essentielle. En premier lieu, donc, voici les principes qui devraient être respectés afin d'avoir un Code du travail qui soit pleinement acceptable pour nos manufacturiers.
Le Code du travail doit avant tout donner un cadre équilibré, transparent et efficace aux relations du travail entre employeurs et employés qui permet à chacun d'assumer ses responsabilités et, en même temps, de faire respecter ses droits. Il faut souligner qu'une réforme du Code du travail du Québec n'est pas le seul instrument pour assurer une véritable protection des travailleuses et travailleurs. La fiscalité, l'information, la formation, l'encouragement et la mise à contribution de la société civile ont davantage de potentiel aujourd'hui pour resserrer les liens de la solidarité sociale, l'emploi et l'organisation du travail, un objectif que le gouvernement du Québec poursuit et auquel nous souscrivons pleinement.
Pour les Manufacturiers, la collaboration et l'appui de la partie syndicale est nécessaire à la compétitivité des entreprises, et le maintien de relations de travail harmonieuses demeure donc un souci constant. Ce n'est cependant pas suffisant pour assurer une prospérité collective à la hauteur des attentes de la société québécoise et une contribution juste et appréciée de tous au bien-être de notre société. Il faut, en plus, une flexibilité du cadre législatif qui permette une utilisation efficiente des ressources humaines, une productivité de classe mondiale et des prestations de travail qui soient honnêtes et de qualité.
Le Code du travail, tel qu'on le comprend, est né d'un souci de représentation des travailleurs et travailleuses mais aussi de la volonté d'assurer la liberté d'expression de ces employés. Le consentement libre et éclairé constitue donc une pierre angulaire des relations de travail, car il assure un respect des individus et garantit l'expression souveraine de leur choix. La voie royale pour obtenir un consentement collectif est sans aucun doute la démocratie directe par vote secret.
Le Code du travail doit aussi encourager la collaboration des employeurs et des employés. Ils sont avant tout engagés ensemble dans une entreprise commune dont le but ultime est un produit ou un service de qualité afin d'amener les revenus nécessaires pour les salaires et le bien-être de la société. Pour ce faire, les règles de droit du travail doivent s'appuyer sur des analyses et des recherches étoffées. L'élaboration des politiques publiques aujourd'hui n'exige pas moins de qualité que la recherche dans le domaine des sciences et de la technologie. Alors, l'impact de la recherche sur l'impact de nouvelles législations est important.
Il faut aussi souligner que l'objectif du Code du travail n'est pas de limiter les transactions de nature purement commerciale, comme la sous-traitance, qu'elles affectent les emplois ou non, mais de réglementer les relations du travail, de leur donner un cadre approprié. Les relations d'emploi déguisées doivent bien sûr être dénoncées. Enfin, le Code du travail doit s'inspirer de ce qui se fait ailleurs en tenant compte de l'environnement concurrentiel actuel, soit l'Amérique du Nord.
Nos manufacturiers constatent les bonnes intentions du ministre du Travail pour moderniser le Code du travail en tenant compte de l'évolution du marché du travail et de la main-d'oeuvre, tout en étant sensible aux enjeux de la compétitivité. Toutefois, de l'intention à la pratique, le projet ne répond pas tout à fait aux besoins du Québec d'aujourd'hui. Ce projet de loi, on se reconnaît pas là-dedans comme manufacturiers. Les employeurs manufacturiers n'y trouvent pas leur compte. Le souci du gouvernement nous semble influencé uniquement par l'agenda syndical, comme, par exemple, la création d'une commission des relations de travail.
Les Manufacturiers souhaitent donc proposer des changements et des améliorations au projet dans un esprit collectif, dans un esprit également de contribution. Les propositions d'association permettraient, à notre avis, un meilleur équilibre des relations entre les acteurs du monde du travail et serviraient davantage les intérêts communs de l'ensemble des Québécois et Québécoises aujourd'hui par le respect des valeurs intrinsèques du Code du travail.
n(21 heures)n Alors, nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet, soit les principaux changements proposés par le projet de loi n° 31. Comme je le disais plus tôt, dans son ensemble, le projet de loi n° 31 donne un mauvais signal quant au climat d'affaires québécois. Il n'indique nullement, entre autres, que la sous-traitance sera dorénavant permise sans contrainte, tout en ajoutant d'autres règles qui risquent de compliquer la gestion des relations du travail au Québec. Il est évident que la voie syndicale s'exprime plus clairement dans le projet n° 31 que la voie patronale, marquant le texte du sceau du déséquilibre législatif. Ce déséquilibre ne peut qu'influencer les décisions à venir de la Commission, et l'association recommande que soit réalisée une évaluation économique du projet de loi qui tienne compte des risques d'interprétation du projet, du fardeau administratif des nouvelles règles et du désavantage concurrentiel qu'impose le Code du travail québécois sur les règles de travail des juridictions concurrentes, particulièrement en ce qui concerne la sous-traitance.
Il apparaît primordial que l'impact de modifications aussi importantes affectant les relations de travail dans un État, et ce, pour des années à venir, soit quantifié. La rapidité avec laquelle le projet de loi a été déposé, avec laquelle il est étudié, laisse planer un sérieux doute sur le respect de cet aspect, et nous recommandons, en conséquence, qu'une évaluation soit conduite et que, si cette évaluation économique a été déjà réalisée, que le gouvernement du Québec s'engage à la rendre disponible.
Au niveau du changement dans le statut de l'employé, les Manufacturiers ne peuvent que pousser un soupir de soulagement en constatant que la notion de travailleur dépendant a été retirée du présent projet. Cependant, l'article 20.0.1 a été ajouté au projet de réforme du Code du travail. Cet article, obligeant l'employeur à prévenir la partie syndicale en cas de changement de statut d'un salarié, nous semble inadmissible. Dans un premier temps, cet article vient interférer directement dans le mode d'opération de l'entreprise, ce qui n'a rien à voir avec les relations de travail. En effet, en période de réorganisation ou de réengineerie de l'entreprise, comment peut-on imaginer qu'un code de travail provincial vienne dicter à l'entreprise la façon dont elle effectuera ses changements organisationnels?
Deuxièmement, le libellé de cet article laisse place à des problèmes d'interprétation déjà prévisibles. En effet, le deuxième paragraphe de l'article 20.0.1 se lit comme suit: «Lorsqu'elle ne partage pas l'avis de l'employeur sur les conséquences de ces changements sur le statut du salarié, l'association ? l'employé ? peut, dans les 30 jours qui suivent la réception de l'avis, demander à la Commission de se prononcer sur les conséquences de ces changements sur le statut de salarié.» Deux points ici, à notre avis, risquent d'être particulièrement litigieux dans cette phrase et risquent de créer des précédents: un, un problème d'interprétation quant aux changements du statut de l'employé, et, deux, sur les conséquences de ces changements.
Cet article est d'autant plus pernicieux qu'il empêche, et ce, pendant toute la durée de l'enquête de la Commission, soit un total de 90 jours, d'effectuer des changements au sein de l'entreprise. Encore une fois, il s'agit d'une intervention pour le moins brutale du législateur dans les affaires opérationnelles des entrepreneurs québécois et qui en limite leurs actions. Les délais prescrits par la loi sont beaucoup trop longs dans l'optique où cet article devait demeurer.
Il reste un gros doute dans l'esprit des Manufacturiers sur les raisons incitant le législateur à introduire un tel article dans le Code du travail. Et, puisque habituellement le législateur ne parle pas pour rien dire, quel problème a-t-il voulu régler avec cet item, 20.0.1? À la lumière de l'interprétation que nous en avons faite, que l'Association en a faite, cet article est jugé seulement inutile mais également comme une source potentielle de problème d'interprétation. Ainsi, nous recommandons que soit retirée du Code l'article 20.0.1. Et, si ça ne devait pas être le cas, nous recommandons au législateur de minimiser les problèmes possibles entraînés par l'application de cet article en réduisant les délais requis, entre autres un avis à la Commission qui passerait de 30 jours à 15 jours, et que celle-ci rende sa décision dans les 30 jours suivants.
Dispositions en matière de sous-traitance. En plus de prévenir des interprétations dépassant l'esprit du législateur, six raisons militent en faveur de la soustraction pure et simple de la sous-traitance de l'application des dispositions de l'article 45. D'abord, la sous-traitance s'effectue pour des raisons commerciales légitimes précises. Deuxièmement, il demeurera toujours des opérations au coeur des entreprises qui ne pourront être sous-traitées, ce qu'on appelle le «core business». Il existe un consensus, en troisième lieu, au sein de l'OCDE, à l'effet que les opérations authentiquement commerciales et indépendantes devraient être exclues des règles du travail. Le rapport Mireault, finalement ici, et d'autres études ont souligné la position unique et restrictive du Québec concernant la sous-traitance. Et à l'origine, rappelons-nous que l'article 45 n'avait pas pour objectif de limiter la sous-traitance.
L'article 45, selon nous, nuit particulièrement à la création de nouvelles PME québécoises, alors qu'elles représentent notre économie. Elles sont les grandes entreprises de demain et les grandes perdantes de cet article 45. Premier point, la sous-traitance s'effectue pour des raisons commerciales légitimes précises. Dans un contexte de relations commerciales entre l'entreprise et ses clients, qu'ils soient ici, locaux, ou étrangers, le recours à la sous-traitance pour offrir un meilleur service, un meilleur produit, une meilleure qualité, s'impose de soi. L'économie change et les entreprises se spécialisent de plus en plus, ce qui entraîne généralement des économies. Une entreprise pouvait, à une certaine époque, gérer son service de la paie, sa cafétéria et ses services informatiques, sa comptabilité. Aujourd'hui, plusieurs organisations se sont spécialisées dans ces services et permettent des économies d'échelles que chaque manufacturier individuellement ne peut pas réaliser. Les avantages d'utiliser le libre marché de la sous-traitance résident dans l'adaptation efficace, la réduction des coûts et la réalisation d'économies d'échelle.
Je saute un petit point ici. Il existe des risques aussi à la sous-traitance que doivent vivre les entreprises, Il y a des coûts de transition, des coûts de gestion de contrats imprévus, des problèmes de hold-up, des modifications coûteuses également aux contrats et plusieurs autres risques. Et ces risques mis ensemble indiquent clairement que le recours à la sous-traitance n'est clairement pas une technique d'évitement syndical ou visant l'effritement syndical.
Il y a des balances et des contreforces dans la sous-traitance. Une entreprise s'engage là-dedans après mûre réflexion et certainement pas dans un but d'éviter le syndicat. À ce stade, nous ne pouvons pas passer sous silence l'étude récemment commandée par l'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec. Cette étude indépendante réalisée par des économistes montre fort bien le potentiel de développement économique qu'amène la sous-traitance.
En effet, cette étude révèle que, si la portée de l'article 45 était réduite d'à peine 5 %, les gains nets d'emploi de plus de 13 000 $... de 13 000 emplois et ceux de production se chiffreraient à 300 millions de dollars, alors des gains importants au niveau du nombre net d'emplois et d'économies au niveau de la production. Dans ce cas, comment peut-on expliquer que le projet de loi n° 31 reste sans voix quant à soustraire la sous-traitance de l'application du 45, puisque, dans sa forme actuelle, cet article empêche des milliers de Québécois et Québécoises d'entrer sur le marché du travail? Certains diront que ces emplois, dont parlent les auteurs d'études, sont payés en moyenne 4 % moins cher que les emplois perdus. À cela nous répondons que le salaire horaire moyen au Québec de toutes les industries syndiquées est de 18,06 $ de l'heure. Si on soustrait 4 %, on se retrouve à un niveau de 17,34 $, ce qui équivaut à un salaire annuel d'un peu plus de 36 000 $ par année.
Compte tenu du fait que le revenu annuel moyen au Québec est d'un peu plus de 26 000 $, il paraît évident que les emplois créés par un allégement même partiel de l'article 45 contribueraient à l'enrichissement de tous les Québécois et Québécoises. Ceci constitue à notre avis un véritable lien raffermissant entre emploi, solidarité sociale et organisation du travail, thèmes si chers à notre premier ministre et à vous-même, M. Rochon.
La proposition québécoise viole le consensus de l'Organisation internationale du travail en ce qui concerne le recours à la sous-traitance. Le fait que cette dernière soit soumise à l'application des articles 45 viole en effet l'esprit du consensus de l'Organisation internationale du travail, à l'effet que les transactions de nature purement commerciale ne doivent pas être visées par les règles du travail. En présumant que l'article 45 s'applique, la proposition québécoise limite indûment les transactions commerciales légitimes.
Il y a consensus au sein de l'OIT en ce qui concerne les travailleurs se trouvant dans une situation où ils ont besoin de protection, autant chez les syndicats, chez les patrons que de la part des gouvernements, que toute règle en la matière ne doit pas nuire aux transactions ayant un caractère commercial. Enfin, l'OIT propose d'éviter tout conflit entre les relations contractuelles authentiquement indépendantes ou véritablement commerciales et la politique nationale en matière de relations de travail.
Le Président (M. Rioux): Trois minutes, M. Huot, qu'il vous reste, là.
M. Huot (Paul-Arthur): Merci. Le rapport Mireault a souligné, je le rappelle à votre attention, que le Québec se distinguait par la rigidité de l'approche de son Code concernant l'article 45 et la sous-traitance. Alors, le point qu'on voulait faire ici: Pourquoi le Québec se met-il en cas d'isolation par rapport aux autres juridictions du continent nord-américain?
n(21 h 10)n Je passe immédiatement vu le peu de temps qu'il nous reste. Alors, comme recommandations, on recommande que le gouvernement du Québec, conformément à son désir de moderniser le Code du travail, reconnaisse la sous-traitance et ses dérivés, comme l'essaimage et d'autres mécanismes modernes, comme une pratique commerciale créatrice d'emplois et, de ce fait, qu'il exclue ces derniers, sous-traitance et ses dérivés, expressément, pour les fins de l'application des articles 45 et 46 du Code du travail du Québec.
Les instances décisionnelles, maintenant. La Commission des relations de travail. Pour les Manufacturiers, la question des instances décisionnelles apparaît de prime abord plutôt ésotérique. Il y a cependant un effort du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour remodeler les structures. Il s'agit maintenant aussi de les faire fonctionner correctement. Les entreprises souhaitent que leurs dossiers soient traités rapidement et de façon objective par des autorités impartiales. La proposition du gouvernement n'offre pas de garantie suffisante pour les rassurer. L'efficacité, qui est certes une valeur, ne peut être le seul objectif.
Les Manufacturiers restent donc très sceptiques face aux changements structurels proposés et auraient préféré le statu quo, mais demeurent toutefois réalistes quant à cette demande. Dans ces circonstances, tout comme le projet de loi n° 182 avait rejeté l'option d'une commission de travail paritaire, il nous apparaît judicieux que l'actuel projet de loi ait maintenu cette option fermée. Il faut toutefois s'assurer de l'impartialité de la Commission. De l'expérience des Manufacturiers, les décisions dans le domaine des relations de travail peuvent être biaisées, la preuve étant des interprétations des instances décisionnelles du travail actuelles concernant l'article 45. La Commission devrait donc avoir des objectifs qui incluent l'impartialité, l'indépendance et l'objectivité. Les critères de sélection ? et c'est notre recommandation ? des commissaires devraient refléter ces valeurs et nous espérons, quant à nous, prendre part à ces comités de sélection.
Le projet de loi n° 31 a été modifié, par rapport à son prédécesseur, de façon à éliminer les deux divisions au sein de la Commission. Notre interprétation du mandat et du rôle de la Commission lors de la négociation collective nous porte à comprendre que cette dernière continue en quelque sorte d'être juge et partie. En effet, la médiation et les études peuvent biaiser les décisions de la Commission. Alors, règle générale, les conseils de relations de travail ne jouent pas de rôle dans la conciliation, la médiation en cours, la négociation collective, à l'exception de la Colombie-Britannique, dont la performance économique n'est actuellement pas enviable.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, merci. M. le député de Gaspé, est-ce que vous êtes prêt tout de suite ou bien donc... Après? Très bien. M. le ministre.
M. Rochon: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier d'abord d'avoir continué à bosser si tard dans le processus et si tard dans la journée pour nous accompagner jusqu'à la fin de ce travail. Et je peux vous assurer, là, que, même si on est à la fin d'un long processus qui a commencé il y a quatre ou cinq ans, si on tient compte de tous les comités, Mireault, Bernier, et tout le reste, qui ont regardé différentes parties et la part plus intensive des deux dernières années, on va quand même avoir le souci jusqu'à la dernière minute, là, de bonifier au maximum le projet de loi n° 31. Alors, notre échange, ce soir, va permettre, bien sûr, qu'on se comprenne le mieux possible sur ce que vous nous suggérez pour qu'on tienne compte correctement de vos suggestions, vos recommandations.
Maintenant, je voudrais clarifier un certain nombre de choses, pour commencer, parce que j'ai le sentiment, si on se comprend bien, qu'il y a des points que vous soulevez qui, à toutes fins pratiques, sont réglés, ne devraient plus poser problème. C'est peut-être une question de lecture de part et d'autre, là, qu'il faudrait clarifier. À cet égard ? et, au besoin, on complétera l'information par la suite, mais les points les plus clairs, je pense ? la recommandation 5, où vous demandez que l'avis qui est prescrit par 45.1 puisse être exigé une fois la transaction complétée, c'est ce que le projet de loi n° 31 prévoit. L'employeur peut donner cet avis-là quand bon lui semble. Si, dans son cas, c'est préférable puis il choisit de le donner avant, pour pouvoir faire une concession partielle, claire de noeud, comme on dit, parce que l'avis est écoulé, le syndicat s'est pas prévalu de 45 ou la Commission a rendu sa décision que ça s'applique pas, il peut le faire avant. S'il y a des questions de stratégie commerciale ou pour une autre, il peut pas mettre son jeu sur la table, il peut le faire, il peut le faire quand il veut. Il y a pas de problème. La seule conséquence, c'est que l'avis commence à... le délai commence à courir à partir de l'avis. Alors donc, dans ce sens-là... Et tout l'objectif est vraiment de raccourcir les délais, d'accélérer le processus et de le rendre plus efficace. Donc, dès que l'employeur peut le faire, il a intérêt à le faire parce que le délai court tout de suite, ça finit plus vite. Mais il y a rien qui l'oblige à faire ça. Alors, ça, il peut le faire vraiment... C'est lui qui fait le choix.
Dans la même recommandation, vous nous proposez de ramener le délai à 90 jours. Alors là vous avez remarqué qu'il est de 90 jours si l'avis est donné. Vous demandez de le baisser à 30 jours pour peut-être donner le temps aux parties. On va réfléchir à ça, là, mais le but de le mettre à 90 jours, c'était de donner quand même le temps aux parties de se parler. C'est pas un délai de procédure, ça. C'est-à-dire, si on donne 90 jours, il va attendre la quatre-vingt-cinquième journée, le syndicat, pour se mettre en marche. Ce qu'on pensait, c'est que, si on donne un délai raisonnable, quand l'avis est fait, avant d'amener devant la Commission, peut-être que les syndicats puis l'employeur vont se parler, ils vont peut-être convenir de quelque chose puis ils n'auront peut-être pas besoin de venir devant la Commission, donc ça va aller encore plus vite.
Parce que 45 prévoit aussi qu'ils peuvent convenir ad hoc, le syndicat et l'employeur, que ça ne s'applique pas, 45, puis qu'ils ne l'appliqueront pas. Donc, c'était de donner la chance aux gens d'aller encore plus vite, et ça, on peut considérer ça. Par contre, si l'employeur donne pas l'avis et que le cas se présente une fois que le syndicat s'en aperçoit puis une fois que c'est fait... Là on s'en est tenu au délai de 270 jours, neuf mois, parce qu'il y a un jugement dans une situation semblable ? on pourra vous donner la référence ? qui a dit que ce qui était un délai raisonnable était 270 jours. Et on dit: Si l'employeur, de sa propre décision, ne donne pas avis, on n'a pas voulu que ça soit une pénalité, mais on dit qu'on va s'en tenir à ce que la jurisprudence a établi à ce moment-là, qui est un avis raisonnable. Alors, c'est pour ça qu'on s'en est tenu à ça.
En termes de partage d'informations, recommandations 7 et 8. Je pense que le Code tel qu'il est, le projet de loi n° 31, vous savez, est exactement dans le sens de ce vous dites dans vos recommandations. C'est peut-être dans ce sens-là que vous les avez faites, pour appuyer le projet. Mais quand on dit que l'impartialité, l'objectivité et l'indépendance ? c'est la recommandation 7 ? soient des objectifs de la Commission, tel qu'exprimé à l'article 14, 114, je prends ça comme étant un appui à l'article tel qu'il est parce que c'est vraiment ce qui est visé. Si c'était pas ça que vous vouliez dire, faudrait que vous nous le précisiez.
Maintenant, recommandation 8, que le ministère du Travail demeure responsable de tout le domaine des relations de travail, ce n'était pas le cas pour le projet de loi n° 182, mais c'est le cas pour 31. La Commission n'a comme mission que ce qu'on appelle de l'adjudication; le volet relations de travail, conciliation et médiation, ça reste au ministère, comme vous le dites dans la recommandation 8.
Maintenant, recommandation... Je reviendrai là-dessus, sur la recommandation 9. Là maintenant, je voudrais revenir à votre recommandation 2, à 2 et 3, en fait. Mais prenons 2, où vous demandez une espèce d'étude d'impact, là. C'est peut-être pas strictement ce qu'on appelle techniquement une étude d'impact qui a été faite, mais je peux vous assurer qu'il y a eu beaucoup d'analyses et c'est sur la base de beaucoup d'informations que le projet de loi n° 31...
Puis, comme je vous dis, ça vient après un long processus, là. De façon intensive, depuis 1997, je pense que c'est le comité Miron... Il y en a eu un autre en 1999; de mémoire, je sais pas, c'est le comité Bernier qui a regardé d'autre chose, tout ce qui est autour de l'article 45, les questions du statut de salarié, les nouveaux statuts d'employeur. Il y a des comités qui ont travaillé là-dessus, qui ont largement consulté, qui ont analysé, qui ont fait des recommandations. Alors, il y a beaucoup de travail qui a été fait comme ça. Je voudrais bien que ce soit clair qu'on n'a pas préparé ce projet de loi là comme ça, en n'ayant pas une base d'analyse qui nous permet raisonnablement de croire et de pouvoir démontrer que l'objectif qui est visé, qui est justement de rendre plus efficace, de raccourcir les délais, d'alléger... Bon. On allège... Deux exemples où on va alléger pas mal, là, puis c'est pas nécessairement exhaustif: le fait qu'on ait une commission qui va avoir des pouvoirs d'ordonnance, de décision de première instance, et qu'on n'aura pas besoin d'avoir une procédure d'appel et qu'on abolit le Tribunal du travail, bien, en termes d'allégement administratif là, ça fait des bons morceaux, ça. Et ça simplifie, ça raccourcit pas mal tout le processus.
Le processus d'accréditation, qui peut être une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tout le monde... C'est parce que ça peut prendre des années dans le système actuel, si les contestations commencent. C'est sûrement pas bon pour le syndicat mais, dans bien des cas, c'est pas mieux pour l'entreprise, ça crée un sentiment d'insatisfaction, de tension. Bien là, avec le projet de loi n° 31, à partir du moment du dépôt d'une requête, la décision finale, ça prend 60 jours maximums. C'est fini, on sait à quoi s'en tenir.
Alors ça, la recommandation 2, je suis bien d'accord sur l'idée. Ce que je veux vous dire, c'est que je vois vraiment pas franchement, là, qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus. Il y a peut-être pas encore techniquement une étude d'impact, mais c'est plusieurs études depuis cinq ans qui ont été faites. Quand on fait la somme de tout ça, si vous... Vous êtes sûrement familiers avec ça. S'il y a un point en particulier, là, qui peut vraiment être souligné, on demandera pas mieux, pour s'assurer d'une bonne application du projet de loi n° 31, de regarder ça. Mais, de grâce, ne croyez pas qu'on s'est lancé là-dedans, là, juste en présumant que ça va aller bien parce qu'on pense que ça va aller bien.
n(21 h 20)n L'article 45. On a beaucoup d'informations, d'analyses, et on a même fait venir devant la commission une personne, un professeur d'université, un chercheur, M. Barré, qui est passé ici cet après-midi. On pourra vous donner ce qu'il nous a présenté. Mais il n'est pas leur seul à dire ça, qui nous dise que le Code du travail, et l'article 45 particulièrement, a jamais été conçu et n'a pas comme effet d'empêcher la sous-traitance. On est d'accord avec ce que vous dites, la sous-traitance, dans certains secteurs surtout, c'est la nouvelle façon de faire des affaires, c'est complètement légal et le Code veut pas empêcher ça. Tout ce qu'il veut faire, c'est que, tout en permettant la sous-traitance, c'est de protéger l'accréditation et la convention, de baliser... protéger l'accréditation et de baliser comment on va finir la convention et comment elle peut être négociée. Il veut même faciliter à ce moment-là la sous-traitance.
Maintenant, plus particulièrement dans votre domaine, dans le domaine manufacturier, les informations qu'on a... Si vous avez de l'information contradictoire de vôtre côté, on voudrait bien les connaître. Et ça nous était confirmé par le professeur Barré qui nous dit: S'il y a un domaine où la sous-traitance ? l'article 45 ? pose vraiment pas de problème parce qu'il y a pas de sous-traitance qui se fait, c'est bien le domaine manufacturier. Ce que vous faites, c'est pas de la concession d'entreprise, vous sous-contractez de différentes façons des travaux mais c'est pas techniquement, dans votre domaine, nous dit-on... Il peut y en avoir, mais que c'est que très rarement qu'il s'agit d'une situation qui, légalement, serait définie par une concession partielle d'entreprise, donc une sous-traitance. Donc, ça se situe pas...
Bon. Ça, c'est de l'information qu'on a, parce qu'on a quand même travaillé sur des données. Si on a manqué un peu de la réalité puis que vous avez des données, vous avez des cas documentés, on demande pas mieux que les connaître puis on va rajuster nos cahiers, là, si nos cahiers sont pas en ordre. Mais je vous jure, je vous assure qu'on a vérifié la situation, puis c'est pour ça qu'on a même fait venir quelqu'un au-dessus de la mêlée là, qui est ni avec le monde patronal ni avec le monde syndical, le professeur Barré, et qui, après son analyse de la situation, revue de la littérature, nous a confirmé ces faits-là.
Alors, je voudrais un peu, là, clarifier ça pour pas qu'on reste de part et d'autre sur des impressions qui correspondent pas à la réalité. Ou bien nos informations sont pas bonnes puis on lit pas bien la réalité, bien, donnez-nous de l'information mais donnez-nous des cas qui contredisent, mais de façon documentée, ce que quelqu'un comme Barré puis d'autres nous disent, ou bien, bien, ça va au moins pouvoir partager de l'information avec vous puis enlever une crainte qui correspond pas à la réalité. Ça fait que je vais m'en tenir là-dessus pour le moment, là, je pense.
Le Président (M. Rioux): M. Huot.
M. Huot (Paul-Arthur): Alors, M. Rochon, merci beaucoup pour les nombreuses précisions que vous apportez. Ça aide à augmenter, à améliorer notre compréhension. Maintenant, j'aimerais faire quelques points. En ce qui concerne l'article 45, bien l'information principale, nouvelle, que nous avons, c'est qu'une étude, une enquête sur l'opinion des Manufacturiers, une enquête exhaustive a été faite il y a à peine un mois, a été livrée il y a à peine un mois, et ça nous dit que 1 016 manufacturiers ont été questionnés, différentes questions qui touchent au climat d'affaires, qui touchent en particulier à la sous-traitance. Et, à 20 % des réponses, la sous-traitance et l'application actuelle de l'article 45 a été identifiée comme un problème important par 20 % des manufacturiers, 20 % de 1 016. À ce nombre-là d'échantillonnage, on peut vraiment extrapoler puis dire que parmi les 10 000 manufacturiers au Québec, il y en a 2 000 qui jugent ça comme étant un frein, qui jugent l'interprétation qui a été faite par les cas de jurisprudence ou les cas qui ont été devant le Tribunal, l'interprétation qui a été faite de 45 et qui a réellement limité le recours à la sous-traitance, c'est l'interprétation que les Manufacturiers ont.
C'est-u une information quantifiée dans le sens que vous le voulez, les cas précis de... Bien, peut-être qu'il faudrait aller à Baie-Comeau et demander aux gens de l'aluminium qu'est-ce qui s'est passé dans leur cas. D'autres cas nous sont rapportés à l'effet que les sous-traités se sont retrouvés avec les syndiqués de l'autre entreprise à faire du vandalisme chez eux. C'est des cas qui nous sont rapportés comme ça.
M. Rochon: Est-ce que je peux, M. le Président?
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Rochon: C'est important ça, parce que vous dites que vous travaillez dans un monde réel. On est conscients de ça. Nous autres aussi, on a le sentiment de travailler dans le même monde réel et on veut parler des vraies affaires, là, bien sérieusement. Si c'est une enquête d'opinions ? puis je veux pas qu'on se lance dans des expertises, contre-expertises ? je peux comprendre. Puis j'en ai vu pas mal dans des dossiers antérieurs que j'ai vus. Des enquêtes d'opinions, c'est des opinions, on respecte ça, mais... Puis je critique pas votre étude, là, je l'ai pas vue. Mais, si on demande aux gens: Pensez-vous que 45, qui veut dire tel genre de chose, peut être un obstacle à... puis ils disent: Ah oui, si 45, c'est ça, ça peut être un obstacle à... bien oui, ça, c'est une opinion qu'on respecte. Mais la vraie question, c'est: Dans la réalité, est-ce qu'il y a eu des cas?
Et surtout qu'on nous dit que, dans votre domaine, surtout, il y en a pas de sous-traitance. Vous faites des contrats, des achats de services ou n'importe quoi, mais c'est pas de la sous-traitance dans à peu près tous les cas. S'il y a eu des cas où il y a des problèmes, je pense que c'est ça qu'il faudrait connaître. Et, effectivement, il y a peut-être lieu de prendre un échantillon du 20 % et de faire des études de cas, puis d'aller voir sur le terrain c'était quoi, le problème. Et, si on met le doigt sur des problèmes, bien, on va, avec vous autres, travailler pour voir quelle est la solution à ces problèmes-là. Mais, moi, je vous dis que toute l'information qu'on a, c'est pas des problèmes de sous-traitance de 45 comme il est là qui, surtout, dans votre secteur peut être une difficulté. Il y a peut-être d'autre chose, par exemple.
Le Président (M. Rioux): M. Huot.
M. Huot (Paul-Arthur): Le problème, là-dedans, c'est que, effectivement, les perceptions négatives sont un élément important dans la décision d'investir ou d'agrandir des capacités de production, des investissements nouveaux également. C'est un élément important, cet aspect-là de perception. Ce n'est pas tout quantifié, effectivement. L'enquête qui a été faite est une enquête, on peut dire scientifique, de laquelle on peut tirer des conclusions, puis ça nous fera plaisir de vous la partager ? ainsi qu'avec vos fonctionnaires ? dans le détail, la façon dont les questions ont été posées et les résultats précis, et par région et par type d'entreprise, grosseur d'entreprise.
Le Président (M. Rioux): Très bien, M. Huot. On va aller du côté de l'opposition.
M. Rochon: C'est parce que là ça a été vu... Je pense que vous avez dit, là: Si c'est un problème de perception puis si on documente que la perception ne correspond pas à la réalité, ça veut dire qu'il faut donner de l'information.
M. Huot (Paul-Arthur): Ça aiderait la cause.
M. Rochon: Puis ça, on va travailler avec vous, puis on va informer le monde, puis là, si on s'entend pas sur quelque chose qui est un fait, qui est une réalité, là, au moins, on pourra discuter puis s'obstiner mais de façon constructive.
Le Président (M. Rioux): O.K. M. le député... Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: Oui, merci. Bonjour, madame, messieurs. Bon, alors, en parcourant en même temps que vous votre mémoire, je suis un peu restée avec l'impression que vous vous y retrouviez pas vraiment là-dedans. Je note qu'il y a quand même quelques propositions d'amendements que vous proposez, mais je voudrais vous demander une question assez concrète. Cet après-midi, lorsqu'on a rencontré les gens du Conseil du patronat, M. Taillon a clairement exprimé ou a clairement demandé finalement que, comme condition d'acceptation de l'accréditation, donc de créer un syndicat, là, des employés, a demandé que ça se fasse en même temps que la Commission des relations de travail.
Je note au passage, là, pour l'avoir lu assez rapidement en même temps que vous, à la page 4, le dernier paragraphe, vous dites: «Ce projet de loi, en voulant modifier le Code du travail afin d'en faciliter l'application, et ce, notamment en matière d'accréditation, est teinté d'une prédominance des intérêts d'un seul groupe, les syndicats. La création d'une commission des relations de travail semble, sur ce point, répondre davantage à un agenda syndical que patronal.» Moi, je voudrais avoir votre opinion. Je ne veux pas que vous vous retrouviez en porte-à-faux entre un groupe puis un autre, là. Nous, on est ici pour essayer de comprendre comment ça fonctionne puis quelle est la meilleure avenue, là, finalement pour garantir le meilleur équilibre dans le monde du travail entre les travailleurs, travailleuses et les patrons.
Pour vous, là ? parce qu'il semble y avoir un doute que la Commission des relations de travail, ça pourrait plus ou moins bien marcher étant donné que c'est plutôt relié à une demande syndicale ? est-ce que, pour vous... C'est que vous faites aussi référence ? j'ai oublié de le mentionner ? à l'importance du scrutin secret pour l'obtention de l'accréditation. Est-ce que ça réconcilierait finalement votre point de vue, ça? Est-ce que vous rejoindriez les propos de M. Taillon là-dessus?
M. Huot (Paul-Arthur): Bien, d'abord...
Le Président (M. Rioux): M. Huot.
M. Huot (Paul-Arthur): Excusez moi. D'abord, je dois vous dire que, au cours des dernières semaines, on a eu une concertation intensive avec en particulier le Conseil du patronat mais également la Chambre de commerce du Québec dans l'élaboration de nos positions, chacun contribuant les nuances de son secteur, etc. Alors, je pense qu'au niveau du fond on est en parfaite concordance avec la position tenue par le Conseil du patronat.
n(21 h 30)n Dans la question particulière que vous posez, ce qu'on veut essentiellement, c'est qu'au moment d'une demande d'accréditation et avant que des pressions indues soient imposées à des travailleurs, on veut qu'un vote secret soit pris dans les plus brefs délais, puis on spécifie même dans les cinq jours après la demande d'accréditation. On pense que, comme on le disait au début du mémoire, la voie royale de la démocratie, c'est un vote secret...
Le Président (M. Rioux): Oui, Mme la députée.
Mme Delisle: Oui, excusez...
M. Huot (Paul-Arthur): ...et ça réconcilierait effectivement...
M. Lacombe (Francis): Si vous me permettez aussi un commentaire supplémentaire concernant la Commission comme telle. M. le ministre a fait référence donc à 114 un peu plus tôt dans son allocution. Nous, ce qu'on lit, c'est: «La Commission est chargée d'assurer l'application diligente et efficace...» Ce qu'on propose, nous, dans notre recommandation 7, c'est d'ajouter les termes «d'impartialité, d'objectivité et d'indépendance». On croit donc que l'ajout de ces termes-là donnera justement un mandat d'impartialité, et d'égalité, et d'équilibre, et c'est ce qu'on recherche dans la création de cette Commission.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée, ça va?
Mme Delisle: Peut-être juste un dernier commentaire.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, allez, madame.
Mme Delisle: Parce que vous n'êtes pas sans savoir que, dépendamment qui se retrouve devant nous à cette table, la question du scrutin secret... soit qu'on est du côté patronal, on est d'accord avec, puis, si on n'est pas du côté patronal, on n'est pas d'accord avec. Et les préjugés qui circulent de part et d'autre sont très évidents, finalement, à l'intérieur de tous les mémoires qu'on a entendus. Alors, je suis contente d'entendre votre réaction à ça, et puis ça va me permettre, moi, et tous nous autres, finalement, de pouvoir faire avancer le débat. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme la députée. M. le député de Groulx.
M. Kieffer: Merci, M. le Président. On a eu des échanges assez intéressants cet après-midi à la fois avec le Conseil du patronat et la CSN justement sur la concordance à faire entre la Commission et le vote secret obligatoire lors d'une accréditation. Or, je ne reviendrai pas là-dessus. Par contre, à deux reprises, vous mentionnez dans votre texte la nécessité de l'impartialité, de l'objectivité de cette fameuse Commission sur laquelle vous serez ? et vous en avez d'ailleurs fait la demande ? vous serez consultés, hein, sur la composition. Et vous revenez à la page 13 ? et ça me préoccupe ? à la fin du premier paragraphe, vous dites: «De l'expérience des entreprises représentées par les Manufacturiers et exportateurs du Québec, les décisions dans le domaine des relations du travail peuvent être biaisées ? vous êtes polis, vous sous-entendez; ce que vous voulez dire, c'est qu'elles le sont, sinon vous interviendriez pas à ce niveau-là ? la preuve étant les interprétations des instances décisionnelles du travail actuelles concernant l'article 45.»
Alors, moi, je fais un lien entre les deux. Je fais un lien entre l'exigence que vous avez de l'impartialité, de l'objectivité, etc., et le jugement que vous portez à la page 13 concernant plus spécifiquement l'article 45, et donc, j'en déduis, concernant la sous-traitance. C'est probablement là-dessus que porte votre objection. Ça veut dire quoi, ça, être biaisé dans l'interprétation des instances décisionnelles du travail actuelles concernant l'article 45. J'aimerais que vous précisiez un peu plus votre pensée là-dessus parce que j'ai besoin d'être informé.
Le Président (M. Rioux): M. Huot. Vous avez maximum deux minutes pour répondre au député de Groulx.
M. Huot (Paul-Arthur): Dans la pratique des choses, l'impartialité se joue beaucoup au niveau de la composition des personnes qui siègent sur la Commission et qui sont appelées à rendre des décisions et, dans le choix de ces personnes-là, c'est là que les critères qu'on mentionne, les trois critères: d'objectivité, d'indépendance, d'impartialité, doivent intervenir, dans le choix de ces personnes-là, parce que c'est facile de paqueter une commission.
M. Kieffer: Et sur le jugement que vous portez, là, parce qu'à la page 13 vous dites qu'il y a eu des décisions biaisées, c'est ça que vous me dites, là: Dans le cadre actuel, il y a des décisions biaisées. C'est ça que vous nous dites.
M. Huot (Paul-Arthur): Bien, quand on a vu l'interprétation donnée à 45 qui a effectivement limité le recours à la sous-traitance, qui l'a rendu pour ainsi dire impossible, et ça dépassait, de l'avis même du législateur, l'esprit qu'il avait voulu mettre dans l'article, bien, ces interprétations-là, ces applications-là ont été faites par le tribunal.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Chapleau.
M. Pelletier (Chapleau): Oui. Bonsoir, madame, messieurs. J'ai lu dans votre mémoire que vous désiriez exclure la sous-traitance de l'application des articles 45 et 46 du Code du travail. C'est exact?
M. Huot (Paul-Arthur): Oui.
M. Pelletier (Chapleau): Or, je dois vous dire que je comprends tout à fait, moi, cette demande-là que vous faites, dans le sens suivant. L'article 45 du Code du travail n'a jamais parlé de sous-traitance. L'article 45 parle de concession totale ou partielle d'entreprise ou, bien entendu, de vente d'entreprise.
Mais prenons le cas de la concession partielle d'entreprise. La concession partielle d'entreprise, c'est complètement différent de la sous-traitance. La concession partielle d'entreprise implique qu'il y a une partie de mon entreprise que je perds au profit d'un nouvel employeur. Il y a donc un transfert d'entreprise, si je peux dire, ou un transfert d'une partie d'entreprise. Je perds en tant qu'employeur quelque chose en faveur d'un autre employeur qui me paie pour ce que je lui donne et finalement qui me paie pour cette partie d'entreprise que je lui concède. Et avec cette partie d'entreprise que je lui concède, il fera les produits de son choix, il fera les investissements qu'il voudra. Bien entendu, il en récoltera les fruits, c'est-à-dire qu'il en tirera des profits. Mes profits à moi, c'est ce qu'il me donne pour bénéficier de la concession partielle de mon entreprise.
Or, quand il y a une sous-traitance à proprement parler, il n'y a pas de transfert d'entreprise, parce que c'est le sous-traitant qui, avec sa propre entreprise, fait des produits en ma faveur et c'est moi qui le paie pour fabriquer ces produits ou pour rendre ces services. C'est complètement différent. L'article 45 n'aurait jamais dû s'appliquer à la sous-traitance, mais par, je dirais... Et d'ailleurs il y a une excellente décision, l'affaire Formica, qui établit cette distinction entre la concession partielle et, en fin de compte, la sous-traitance qui, une fois lue, est d'une éloquence absolument convaincante.
Cela dit, il y a aussi un bon nombre d'arrêts de jurisprudence qui, eux, ne font pas la distinction et qui sèment la confusion entre la concession partielle d'entreprise et la sous-traitance, et c'est avec ça qu'on doit vivre aujourd'hui. On doit vivre avec cette confusion-là.
Alors, vous, si je comprends bien ? puis je vais vous demander de vous expliquer dans un instant ? ce que vous dites au ministre, c'est: Clarifiez les choses une fois pour toutes; nous sommes en train de réformer le Code du travail, appliquez, si vous le voulez, l'article 45 au cas de concession réelle d'entreprise et de transfert d'entreprise, mais, de grâce, ne l'appliquez pas au cas de sous-traitance. Vous ai-je bien compris?
M. Huot (Paul-Arthur): Tout à fait.
Le Président (M. Rioux): M. Huot.
M. Huot (Paul-Arthur): Un bref commentaire. C'est vrai que c'est une question de confiance. Puis comprenez notre manque de confiance à ce sujet-là quand on entend un haut responsable d'une centrale syndicale très importante, en séminaire, en débat public, et devant tout le monde, nous déclarer purement et simplement: L'essaimage, c'est associé à la sous-traitance, on est contre ça, puis on est contre ça en vertu de l'article 45. Et on nous dit ça en public. Ces nouveaux outils pour créer des nouvelles entreprises, des PME, on a là un cartel syndical qui nous dit clairement, en plein public, et j'imagine que ces propos ont été rapportés, ils déclarent que, eux, le monde syndical, vont s'opposer à ça parce que c'est une forme de sous-traitance déguisée et que ce n'est pas permis en vertu de l'article 45. Comprenez qu'on est craintif, dans le nouveau projet de loi, si ce n'est pas exprimé clairement que la sous-traitance... Définissons-la. La sous-traitance ne rentre pas dans le «core business» d'une entreprise, c'est pas le noyau principal d'affaires de l'entreprise mais les services secondaires. Bien, la sous-traitance des services secondaires, ça doit être exclu clairement de l'article.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Huot.
M. Pelletier (Chapleau): Bien, moi, ce que je vous dis, c'est: Ce que vous venez de dire, là, c'est de dire sans gêne, parce que non seulement c'est appuyé par une certaine jurisprudence, mais, au surplus, c'est appuyé par la logique elle-même, la logique elle-même de ce qu'est une concession par rapport à ce qu'est une sous-traitance... Et je demande au ministre, ce soir, justement d'en prendre bonne note et je demande au ministre de préciser l'article 45 dans le sens que vous le désirez, sinon c'est l'ambiguïté qui va continuer de prédominer dans le domaine des relations de travail et, forcément, vous allez voir encore de nombreux cas où la sous-traitance va être couverte par l'article 45, même si, dans le fond, l'article 45, dans son libellé même, ne permet pas d'en venir à une telle conclusion.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Alors, ça termine nos...
M. Huot (Paul-Arthur): C'est terminé?
Le Président (M. Rioux): Oui, c'est terminé.
M. Huot (Paul-Arthur): Est-ce que je pourrais ajouter?
Le Président (M. Rioux): Vous voulez un dernier mot?
n(21 h 40)nM. Huot (Paul-Arthur): Un dernier mot, exprimer... comme nouveau venu dans ce domaine, je voudrais exprimer toute mon admiration à nos législateurs mais également aux membres de la fonction publique pour leur dédication, pour leur travail acharné à essayer de rapprocher des intérêts qui, en apparence, semblent divergents. C'est ça, le dynamisme d'une société. C'est ça, la vraie démocratie. Je suis convaincu que, au-delà des apparences, au-delà de la divergence apparente des intérêts, c'est qu'on travaille vraiment pour la même chose, c'est la création d'emplois au Québec, c'est de donner à un plus grand nombre de Québécois un salaire décent puis des conditions de travail décentes à un maximum d'entre eux.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Huot, et on va vous souhaiter bonne chance dans vos nouvelles fonctions. Au revoir.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons demander au Barreau du Québec de prendre place, s'il vous plaît.
Une voix: ...
Le Président (M. Rioux): Comment, ils ne sont pas là?
Une voix: Ils sont censés être là.
Le Président (M. Rioux): Ils seraient plus heureux dans les Maritimes. Je voudrais rappeler aux parlementaires que, dans la convocation que nous envoyons, on leur demande d'être ici une heure avant.
Alors, les voici. Alors, le Barreau du Québec, prenez place, s'il vous plaît. C'est le mémoire n° 1, pour ceux qui sont perdus dans leurs papiers, là. M. Gervais, bonsoir. Alors, si vous voulez nous présenter vos collègues qui vous accompagnent.
Barreau du Québec
M. Gervais (Francis): Certainement. M. le président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de recevoir le Barreau du Québec. Je suis Francis Gervais, bâtonnier du Québec depuis le 12 mai, donc en immersion ce soir. Je suis accompagné des représentants, de certains représentants de nos comités. Vous avez, et je pars à ma gauche, les professeurs Pierre Verge et Robert Gagnon, le bâtonnier Denis Jacques, Marc Sauvé, qui est du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec, et Me Leduc, qui est également un praticien en droit du travail.
Alors, je pense que, mesdames et messieurs, vous avez reçu effectivement le mémoire du Barreau du Québec...
Le Président (M. Rioux): Et vous avez 20 minutes pour nous le présenter.
M. Gervais (Francis): J'ai compris, et je vous en remercie, M. le Président. Tout simplement pour vous réitérer que le mémoire du Barreau du Québec reprend en fait plusieurs des principes que nous avions déjà soumis dans le cadre du projet de loi n° 182, et j'aimerais quand même vous rappeler certains principes, quant à nous, qui apparaissent dans notre mémoire.
Si on regarde sommairement les conclusions, vous comprendrez la position du Barreau ce soir. Nous sommes d'avis... Et c'est le fond de nos conclusions, je me permets de les lire.
De nombreux redressements devront être apportés au projet de loi n° 31 afin de le rendre acceptable pour éviter une judiciarisation inutile des rapports de travail et rendre l'administration de la loi plus efficace.
Le Tribunal du travail devra être maintenu à défaut ? et le mot «défaut» est important ? par le législateur de, premièrement, fournir les garanties requises d'indépendance et d'impartialité, deuxièmement, les garanties nécessaires de compétence juridique, et troisièmement, de prévoir un mécanisme de révision adéquat des décisions de la Commission des relations du travail.
En d'autres termes, notre position est la suivante. Nous n'attaquons pas et nous n'avons rien contre la structure qui est proposée. Nous avons des commentaires à faire sur le contenu de la structure. Nous n'avons pas d'objection à la création d'une commission de relations. Ce que nous avons comme objection et comme représentation à faire, ce sont le contenu de la Commission qu'on nous propose actuellement.
Et, si on avait une phrase à vous citer, dans notre mémoire, à la page 16, je pense qu'elle résume très bien ? à partir de la quatrième ligne ? notre position: Tenant compte du contexte particulier des relations de travail ? donc, nous sommes conscients que nous sommes dans un domaine tout à fait particulier ? et de l'existence de partenaires sociaux structurés et vigilants, une Commission des relations de travail efficace et indépendante pourrait être envisagée sans recours en appel au Tribunal du travail ou à une cour de justice. Cependant, un mécanisme de révision plus ouvert doit être prévu pour permettre le redressement d'erreurs de droit. C'est notre position de base, on n'a pas d'objection à la création d'une commission, à condition que cette dernière contienne les conditions que nous venons de citer aux pages 16 et 19.
En fait, si vous me permettez, suite au premier mémoire qui avait été fait en vertu du projet de loi n° 182, notre mémoire actuel vient reprendre certains des éléments. Nous devons, dans un premier temps, et c'est ce que nous soulignons dans notre mémoire, attirer l'attention des parlementaires concernant l'adoption de textes de loi qui sont appelés à être suspendus par la suite. On n'a qu'à regarder l'histoire législative de la situation devant laquelle on se trouve ce soir pour réaliser qu'en 1987 il y avait eu un exercice qui avait été fait, à peu près de même nature, où on avait constitué une Commission des relations du travail modifiant d'autres dispositions de la loi, et, malheureusement, elle n'a jamais été mise en application.
Or, cette situation, quant à nous, est malheureuse parce que... Est-ce que c'est le genre de situation à laquelle on aura à faire face aujourd'hui? Est-ce que demain... on fait un exercice qui est inutile? On espère que non. Mais on a quand même un historique qui nous met en garde contre une situation qui, dans le fond, quant à nous, est de nature à miner la crédibilité du processus législatif, de créer une certaine insécurité puis d'éviter, dans le fond, de pouvoir faire une certaine planification autant dans les entreprises que les syndicats, que les justiciables et que les conseillers, que ce soit juridique ou en matière de relations de travail.
n(21 h 50)n Nous constatons également qu'une des trames de fond qui semblent justifier la nouvelle législation que comporte le projet de loi n° 31, c'est la volonté du législateur de déjudiciariser les relations de travail. Mais je pense qu'il va falloir faire attention, ici, au mot «judiciarisation» parce qu'on comprend que le mot «déjudiciarisation» vise plutôt ici la volonté de favoriser le développement des modes alternatifs de résolution de conflits et la recherche de solutions aux problèmes au lieu de favoriser la confrontation et la contestation dans le domaine des relations de travail.
J'ouvre la parenthèse pour dire que le Barreau du Québec adhère entièrement et à 100 % à ces principes. Le Barreau a toujours approuvé, et depuis de nombreuses années, je pense, dans plusieurs domaines, a fait même preuve de leadership au niveau des modes alternatifs de résolution des conflits et, en ce sens, a été actif dans le domaine de la médiation familiale, l'accréditation des avocats, a dépensé des sommes d'argent importantes. Alors donc, dans la mesure où c'est un des leitmotiv que l'on retrouve dans le texte de loi, nous y adhérons également.
Toutefois, nous désirons quand même soulever trois éléments, ce qu'on appelle trois lumières rouges, relativement à la notion de judiciarisation. Parce que le mot, «déjudiciarisation» puis «judiciarisation», semble être galvaudé un petit peu parce qu'on semble lui accorder une largesse qui ne rencontre pas sa définition. Parce que, en fait, ça regroupe des réalités et des problèmes qui apparaissent tout autant dans un contexte administratif et judiciaire. Alors, que ce soit un contexte administratif ou judiciaire, il y aura toujours des situations d'adjudication, et c'est à ça auquel il faut s'adresser. Quand on parle de la lourdeur et des délais qu'on déplore dans le régime actuel, pas nécessairement certain que c'est rattaché à l'aspect judiciarisation. Notre impression découle davantage qu'il y a des déficiences administratives actuellement au Bureau du Commissaire général du travail, entre autres, l'inefficacité dans le traitement des demandes d'accréditation, peu de rigueur dans l'obtention des demandes de remise, longueur des délais de contestation, absence de conférences préparatoires, manque de personnel. Et ça, ce n'est pas nécessairement par la création d'un organisme administratif qu'on va corriger ces situations-là.
Deuxième lumière rouge que l'on allume, c'est que le Barreau ne croit pas que la judiciarisation des relations de travail soit strictement une question de structure. Il s'agit davantage, à notre avis, de culture, de philosophie, de formation. De l'avis du Barreau, il faut éviter de verser dans la pensée magique et de croire que les nouvelles structures solutionneront comme par magie les difficultés auxquelles on considère avoir à faire face. La création d'un tribunal non judiciaire ou administratif n'entraîne pas par elle-même la déjudiciarisation ou l'absence d'adjudication.
Mais surtout, et vous l'avez vu dans la présentation préliminaire que je vous ai faite, la troisième lumière rouge, quant à nous, qui est la plus importante, c'est la mise en garde de céder le pas à une hypothétique efficacité administrative au détriment de garanties fondamentales de justice. Et, quand on parle de garanties fondamentales de justice, c'est une notion que l'on retrouve dans le système judiciaire par les règles de justice naturelle, mais également dans le système administratif par la règle d'équité, qui sont, en fait, des façons différentes de référer aux mêmes notions. Nous discutons et nous faisons allusion, évidemment, aux principes d'indépendance et d'impartialité qui sont associés aux instances judiciaires et non judiciaires chargées de rendre justice, c'est-à-dire de rendre des décisions qui vont départager entre les droits de parties qui se présentent devant un adjudicateur.
Évidemment, nous avons actuellement le bénéfice du Tribunal du travail, et on se permet de le mentionner, parce qu'il faut se rappeler qu'historiquement le Tribunal du travail avait été mis en place justement parce que les gens se plaignaient, à l'époque, que les adjudicateurs en matière de droit du travail n'avaient pas cette indépendance et cette impartialité. La solution qui avait été amenée, c'est le Tribunal du travail dans lequel siègent des juges et, donc, on avait permis à ce moment-là ce recul auquel on faisait allusion.
Or, actuellement, on nous propose une commission dont le mandat des commissaires est de cinq ans et le mandat administratif du vice-président et du président, d'au plus cinq ans. On nous prévoit que le mandat d'un commissaire est renouvelé pour cinq ans à moins qu'un avis contraire ne soit notifié au moins trois mois avant l'expiration de son mandat. On note également que cet avis n'a pas à être modifié... motivé, je m'excuse. On prévoit également que le renouvellement du mandat est examiné suivant une procédure établie par règlement du gouvernement et, au moment où on se parle, on ne connaît pas les termes de ce règlement, on ne connaît pas à ce moment-là quels sont les critères qui sont appliqués, alors vous comprendrez qu'il est difficile pour nous d'aller plus loin sur ce point.
Mais notre conclusion, c'est qu'on arrive à conclure que le projet de loi n° 31 actuel, tel que nous l'avons devant nous, n'accorde pas aux membres de la Commission le statut nécessaire pour assurer leur indépendance, que le processus de renouvellement des mandats apparaît, à sa face même, déficient, quant à nous. On a toujours considéré et on considère encore que l'absence d'une sécurité d'emploi adéquate risque d'avoir des effets psychologiques insoupçonnés sur les personnes... sur les décisions d'une personne qui pourrait être plus préoccupée de plaire au parti au gouvernement que de rendre justice, souvent en fin de mandat.
Le Barreau est d'avis que le mandat d'un membre s'étant adéquatement acquitté de ses responsabilités devrait être renouvelé, à moins que ce renouvellement ne soit contraire aux règles prévues dans un règlement pertinent ou, préférablement, dans la loi elle-même. On trouverait dans ledit règlement ou la loi des normes objectives précisant en somme ce que signifie l'obligation de s'acquitter adéquatement de ses fonctions. Donc, première notion que l'on recherche, des normes, il n'y en a pas actuellement. Un refus de renouvellement devrait être motivé. Une personne qui a rendu service a droit certainement de savoir pourquoi son mandat n'est pas renouvelé. Une telle décision ne pourrait être prise sans avoir donné au membre l'occasion d'être entendu. Il y a une vieille règle que l'on connaît tous, audi alteram partem, chacun a le droit d'être entendu. On n'en retrouve aucune de ces garanties dans le texte de loi. Sont-elles dans le règlement? On ne peut pas, à ce moment-ci, je pense, commenter, mais je pense qu'il serait inadéquat qu'on ne retrouve pas ces garanties fondamentales là à même le texte de loi.
En somme, ce qu'on vous dit, c'est que le processus de renouvellement des mandats des membres de la Commission ne doit pas reposer sur des critères vagues ou incertains, révisables à des fréquences variables selon la bonne volonté de l'Exécutif et laissant une grande place à l'arbitraire. Il est impératif que cette procédure soit précise, détaillée et incorporée au texte législatif.
On suggère, entre autres, qu'une façon qui pourrait être faite, c'est de permettre une certaine mobilité à ces commissaires à l'intérieur d'organismes ou de tribunaux administratifs.
On suggère également, et ça apparaît dans notre mémoire, que, pour donner une autorité morale et une image d'indépendance et d'impartialité à la Commission, le Barreau recommande que le président de la Commission ait un statut de juge, situation qu'on a vue dans plusieurs organismes.
À défaut de rencontrer les exigences requises d'indépendance et d'impartialité particulièrement, au chapitre du renouvellement des mandats des commissaires, la nouvelle Commission des relations de travail risque de faire l'objet de débats judiciaires de la nature de celui qui implique le Tribunal administratif du Québec devant la Cour d'appel. Notre examen quand même assez approfondi des textes concernant les mandats des commissaires semble nous indiquer à prime abord que la législation, que la terminologie utilisée est quasi identique à celle que l'on retrouve dans la Loi sur les tribunaux administratifs, et on connaît le sort qui en a été réservé devant la Cour supérieure et nous attendons le sort devant la Cour d'appel.
Nous attirons également l'attention des membres de la commission sur certains éléments qui sont chatouilleux. Entre autres, l'article 132 du projet de loi qui modifie la Loi sur les normes minimales du travail en y ajoutant un nouvel article 28.1. Cette disposition prévoit que la Commission des normes du travail contribue au financement de la Commission des relations de travail relativement à des recours impliquant des salariés. En fait, cette disposition, quant à nous, est de nature à affecter l'image d'indépendance et d'impartialité du tribunal qu'est la Commission des relations de travail, qui se trouvera ainsi directement financée par une partie, sachant que la Commission des normes du travail peut se retrouver comme étant un des éléments ou un représentant d'une personne qui peut se retrouver devant la Commission.
Sur un autre registre, permettez-nous également d'aborder trois sujets de façon brève reliés à la Commission des relations de travail: premièrement, sa juridiction; deuxièmement, la formation des commissaires; et troisièmement, l'absence d'appel des décisions de la Commission.
La juridiction. Une approche globale et efficace de résolution des conflits milite en faveur d'une commission qui aurait juridiction sur l'ensemble des questions de relations de travail et des rapports collectifs de travail. Le projet de loi prévoit à l'article 65 le transfert à la Commission de nombreux recours individuels actuellement sous la juridiction du Tribunal du travail. Certains pourraient soulever la question de savoir si la Commission est le forum approprié pour traiter de ces recours individuels. Il nous semble que les recours individuels des justiciables risqueraient d'être moins bien traités au sein d'un tribunal qui semble à prime abord être davantage spécialisé dans les rapports collectifs de travail. Ça nous amène à poser la question suivante: Y aura-t-il un nombre suffisant de commissaires pour s'occuper d'eux adéquatement? Ces questions sont soulevées et restent ouvertes et possiblement pourraient faire l'objet de commentaires additionnels s'il y avait lieu.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit le transfert
à la Cour du Québec de certaines infractions pénales qui découlent de plusieurs lois en droit du travail. Déjà, la Cour du Québec a juridiction en matière de recours civils, notamment en ce qui a trait aux réclamations de salaires. On considère qu'il y a peut-être lieu pour le gouvernement, à ce moment-ci, d'examiner la possibilité de créer une vraie chambre du travail à la Cour du Québec. On connaît le bénéfice de la création de chambres spécialisées et, entre autres, la fin de non-recevoir que créent ces chambres devant les tribunaux de révision judiciaire parce que, lorsqu'on se retrouve devant un tribunal spécialisé, il y a donc deux critères qui font en sorte qu'on évite les révisions judiciaires. Ce serait peut-être le temps de regarder cette possibilité-là de créer une telle chambre.
n(22 heures)n On pourrait également envisager à ce moment-ci d'étendre la juridiction du Tribunal du travail relativement aux infractions pénales prévues dans différentes lois du travail, dont la Loi sur les normes du travail et la Loi sur les décrets de convention collective, de manière à tirer avantage de la familiarité du Tribunal avec les problèmes de travail, familiarité que ne possèdent pas nécessairement tous les juges. On n'a qu'à regarder les dispositions actuelles et on prévoit que c'est le juge en chef qui va déterminer quels sont les juges qui vont siéger en matière de relations de travail. Nos juges en Tribunal du travail, dépendant de la décision qui sera prise par le gouvernement, ont quand même acquis une expérience. Il serait peut-être malheureux et dommage de perdre cette expérience-là et... au contraire, peut-être de l'accroître. On pourrait à ce moment-là peut-être penser à conserver le Tribunal du travail et de lui accorder à ce moment-là juridiction sur les recours individuels et les recours civils reliés au droit du travail. Le Tribunal du travail a en effet développé au fil des années une expertise considérable et respectée en matière de relations de travail. Et combien de jugements avons-nous vus de la Cour supérieure, de la Cour d'appel, de la Cour suprême disant: On n'intervient pas, justement parce qu'il y a un tribunal judiciaire qui a les garanties d'indépendance et qui, de plus, est spécialisé. Pourquoi perdre ces acquis?
De plus, l'institution du Tribunal du travail amène une cohérence jurisprudentielle en droit du travail. Et, vous savez, pour les gens qui sont dans le domaine et pour les professeurs, on vous expliquera que la cohérence est un élément important dans l'enseignement et dans la perpétuité du droit. Or, des commissaires qui individuellement n'ont pas l'obligation d'agir de façon collective, on nous ferait perdre le bénéfice de tout ce background jurisprudentiel que nous avons et de la cohérence qui vient avec.
Nous sommes également surpris des dispositions qui parlent de la formation des commissaires. On n'a qu'à regarder la loi et on nous dit que les commissaires qui siégeront n'ont même pas besoin d'avoir une expérience pertinente dans le domaine des relations de travail, et la formation juridique qu'on leur requiert est uniquement la connaissance de la législation applicable. Ça veut dire quoi, «connaissance de la législation»? MM. les députés, vous avez connaissance de la législation. Est-ce que demain matin vous seriez commissaires? Les journalistes qui font du rapport judiciaire ont connaissance de la loi, est-ce que c'est ça? Je pense que les gens qui vont avoir une adjudication de leurs droits ont le droit à une personne qui a une formation qui est plus pertinente que celle de la simple connaissance judiciaire... la simple connaissance de la loi, je m'excuse.
Mais ne croyez pas que notre intervention a pour effet de mettre de côté la multidisciplinarité, parce qu'on croit à la multidisciplinarité en matière de relations de travail. Mais on croit qu'en matière de relations de travail il y a des questions de droit importantes qui sont à être décidées. Et, en matière de décision, en matière de droit, malheureusement, certaines personnes, peut-être au détriment d'autres, ont une formation, ont consacré de nombreuses années d'études pour obtenir cette formation, ont consacré de nombreuses années de pratique, et on semble les évacuer de façon rapide.
Et, comme je vous dis, ce n'est pas au détriment de la multidisciplinarité, parce que de nombreux organismes siègent en multidisciplinarité et nous n'avons pas d'objections, parce que, entre autres, le décideur doit connaître un corpus de législation complexe. Ce n'est pas tout simplement la connaissance légère ou passagère ou superficielle de textes de loi. Il doit connaître également le bagage des précédents. Et ça, c'est le lot de certaines professions.
Au sujet de l'absence d'appel des décisions de la Commission, le Barreau est d'avis que l'adjudication dans le domaine des relations de travail doit devenir le recours ultime et la négociation, la règle. On l'a mentionné au tout début, nous sommes tout à fait d'accord avec les solutions alternatives. Cependant, pour compenser l'absence d'un appel des décisions de la Commission sans pour autant nuire à l'efficacité du processus proposé, il est nécessaire de prévoir un mécanisme adéquat de révision pour erreurs de droit. Malheureusement, ce sont des situations qui arrivent, et, actuellement, la Commission telle que proposée ne permet de faire ces corrections-là qui sont nécessaires. Celui qui apparaît à l'article 128 proposé au Code du travail tel que modifié par l'article 59 est quand à nous nettement inadéquat et insuffisant. Généralement, pour... Parce que... pour ne pas oublier à ce moment-là que, s'il n'y a pas les possibilités de processus ou de révision, quant à nous, le nombre et l'augmentation de recours en révision judiciaire ne fera que s'accroître à ce moment-là. Deux minutes, bon, je devrais pouvoir terminer.
Généralement, pour assurer les meilleures garanties d'indépendance et de redressement d'erreurs de droit, le Barreau est favorable au maintien d'un recours en appel, devant une cour de justice, des décisions des tribunaux administratifs. Toutefois, tenant compte du contexte particulier des relations de travail, de l'existence des partenaires sociaux structurés et vigilants, une Commission des relations de travail efficace et indépendante ? et c'est important, je le souligne ?pourrait être envisagée sans recours en appel au Tribunal du travail ou à une cour de justice. Cependant, un mécanisme de révision plus ouvert doit être prévu pour permettre un redressement de l'erreur de droit. La recevabilité de cette demande en révision pourrait être décidée, puis il y a des exemples que je vais sauter à ce moment-ci.
En conclusion, M. le Président, le Barreau du Québec est d'avis que le Tribunal du travail devra être maintenu, à défaut ? parce que vous vous souvenez de mon introduction ? par le législateur de fournir les garanties requises d'indépendance et d'impartialité, les garanties nécessaires de compétence juridique et la prévision d'un mécanisme de révision adéquat de décisions de la Commission des relations de travail. Pour être crédible et acceptée par la communauté juridique, la Commission devrait être impartiale, indépendante et jouir par ailleurs de tous les pouvoirs nécessaires pour être pleinement efficace. Advenant cependant la disparition éventuelle du Tribunal du travail, le Barreau du Québec est d'avis qu'une Chambre du travail à la Cour du Québec en matières civile et pénale permettrait le développement d'une expertise en droit du travail par une cour de justice et le maintien des acquis.
M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous vous remercions de nous avoir permis de faire part de nos préoccupations, de nos observations au sujet du projet de loi n° 31, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Gervais. M. le ministre.
M. Rochon: Merci beaucoup, M. Gervais et toute votre équipe. C'est très sincèrement qu'on apprécie que, tard dans le... loin dans le processus et loin dans la journée, vous soyez encore avec nous pour nous aider à finalement réussir, je l'espère là, dans les prochaines semaines, à apporter des modifications qui seraient de réelles améliorations à un Code du travail qui est encore largement valable, mais qui, n'ayant pas été mis à jour depuis longtemps... Et, comme vous dites, il y a eu un effort louable de fait en 1987, mais qui n'a pas trouvé application. Et, jusqu'à la dernière minute, par contre, même si on sent qu'il faut en arriver à des décisions, qu'il faut agir, on va sûrement utiliser de façon la plus judicieuse possible tout le temps, au cours des prochaines semaines, pour bonifier le projet de loi qui est là.
Je prends très bonne note des commentaires que vous nous faites, d'abord, quand vous précisez que, dans l'amélioration, ce qui est un des objectifs importants des changements que l'on propose, l'amélioration de l'efficacité et le raccourcissement de différents délais, que, peut-être, si le langage de certains de nos textes a laissé entendre qu'on mettait tout sur le dos de la judiciarisation, il y a peut-être une partie de ça, mais je pense que vos remarques sont très justifiées, qu'il y a des améliorations qui dépendent aussi des modifications et de l'amélioration au processus administratif lui-même. Alors, ça, on est d'accord là-dessus.
Je prends aussi beaucoup bonne note de ce que vous nous dites quant à l'importance de l'indépendance de la Commission et des commissaires et de la compétence aussi. C'est sûrement la base de tout le système, et on va réviser, là, très en détail ce que vous nous recommandez là-dessus.
Je voudrais vous demander peut-être d'élaborer un peu plus sur un point qui est rattaché, là, à ces conditions d'indépendance, de compétence, et vous dites: Une capacité plus grande, un pouvoir plus grand de révision, pas seulement pour des erreurs de faits, mais pour des erreurs de droit. Je comprends que vous proposez ça au-delà de ce qu'est la révision devant un judiciaire auquel est soumis tout tribunal administratif. Vous proposez que la Commission elle-même puisse avoir un pouvoir et une obligation de revoir certaines décisions aussi pour des erreurs de droit ou si cette recommandation que vous faites est reliée à une nouvelle chambre de la Cour du Québec?
Alors, si vous pouvez nous élaborer un peu comment on pourrait, dans la structure qui est là, avec laquelle vous vous dites d'accord, comment on pourrait renforcer cette capacité de révision qui ferait mieux le pendant, bien sûr, avec l'indépendance et la compétence et qui ferait mieux le pendant au fait qu'on n'aurait pas, comme dans le système actuel, un appel au Tribunal du travail et qu'on aurait l'abolition du Tribunal du travail.
Le Président (M. Rioux): M. Gervais, alors, à qui donnez-vous la parole?
M. Gervais (Francis): En fait, peut-être simplement pour replacer, c'est qu'on mentionne que le projet de loi actuellement prévoit qu'il y a des motifs de révision. Alors, ce qu'on vous dit, c'est qu'à l'intérieur de ces motifs-là nous ne sommes pas satisfaits de ces motifs-là et, parmi ceux-là, on considère qu'on devrait aller plus loin au niveau de la Commission, qu'elle pourrait réviser davantage et, entre autres, pour la question d'erreurs de droit, qui n'est pas un motif qui pourrait apparaître. Donc, on ne parlait pas d'un palier autre. On parle à la face même de la possibilité de la Commission. Et je cherchais l'article pendant qu'on se parlait, mais je le retrouvais pas.
Une voix: Article 128.
M. Gervais (Francis): 128.
M. Rochon: 128, oui. C'est 128.
(Consultation)
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a d'autres remarques, M. le ministre?
M. Rochon: Non. Je suis prêt à passer à d'autres. C'était ma principale question pour le moment.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Chapleau.
M. Pelletier (Chapleau): Oui. Bonsoir, messieurs. Merci de votre présentation, merci de votre mémoire aussi, qui est très bien fait, je pense, qui a des recommandations... qui contient des recommandations très pertinentes dont, j'espère, le parti ministériel et plus particulièrement le ministre tiendront compte.
Je reviens un petit peu sur la question de la révision dont vient de parler M. le ministre parce que, effectivement, moi aussi, à la page 9 de votre mémoire, j'avais vu que vous souhaitiez qu'il y ait un mécanisme de révision élargi en ce qui concerne la Commission. On se comprend que c'est bel et bien d'une révision administrative dont vous parlez ici, c'est bien ça, là? C'est un mécanisme de révision administrative. Et vous voulez que ça porte sur quoi, toute erreur de droit et pas seulement que des erreurs manifestement déraisonnables? Est-ce qu'on s'entend là-dessus?
n(22 h 10)nM. Sauvé (Marc): Effectivement, il s'agissait pas pour nous de créer un appel, là, ou d'avoir une instance d'appel, mais c'était donner la possibilité à la Commission de réviser des décisions qui seraient entachées d'erreurs de droit. Alors, ça restait à l'intérieur de la Commission.
M. Pelletier (Chapleau): O.K., c'est ça. Donc, c'est une révision...
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Sauvé.
M. Pelletier (Chapleau): ...c'est une révision administrative qui n'enlève rien à la possibilité d'une révision judiciaire par ailleurs, éventuellement. On s'entend là-dessus.
M. Sauvé (Marc): Exactement.
M. Pelletier (Chapleau): Par ailleurs, à la page 10 de votre mémoire, je vois que vous suggérez que soit constituée une chambre du travail à la Cour du Québec. Je comprends que cette chambre-là puisse avoir une certaine autorité en ce qui concerne les plaintes pénales qui soient portées en vertu du Code du travail, mais, lorsque vous parlez aussi du fait que cette chambre-là puisse avoir une autorité en matière civile, j'aimerais ça que vous m'expliquiez quel type de compétence vous voyez cette chambre du travail là, de la Cour du Québec, assumer en matière civile.
Le Président (M. Rioux): Alors, qui des six répond à la question? Alors, M. Verge.
M. Verge (Pierre): Il y a deux grands éléments en matière civile. D'une part, il y a la plupart de ces recours, là, énoncés à l'article... à l'Annexe I du projet de loi, qui concerne des situations de rapports individuels, en fait, par exemple des congédiements, toute une série de congédiements illégaux, à l'exception des congédiements qu'on dit communément pour activité syndicale, là. Alors, ça, c'est le premier élément. C'est des situations extrêmement importantes, je dirais, pour l'individu qui est en cause. Et, en second lieu, bien, évidemment, en matière civile, il y a ce qui va présentement devant la Cour du Québec, par exemple des réclamations de salaires, d'autres litiges basés sur le contrat de travail. Ce sont des éléments qui pourraient entrer dans la compétence d'une future chambre du travail de la Cour du Québec ou même, si on le maintenait, à ces fins-là, d'un tribunal du travail proprement dit.
M. Pelletier (Chapleau): Oui, si le Tribunal du travail est maintenu, là, c'est de la compétence du Tribunal du travail. Mais, si c'est aboli, vous suggérez qu'il y ait une chambre du travail à la Cour du Québec?
M. Verge (Pierre): Exact.
M. Pelletier (Chapleau): C'est ça.
Le Président (M. Rioux): M. Gervais.
M. Gervais (Francis): On veut bien s'entendre: actuellement, ce n'est pas de la juridiction du Tribunal du travail, les réclamations de salaire personnelles.
M. Pelletier (Chapleau): Ça, c'est les tribunaux de droit commun.
M. Gervais (Francis): C'est ça.
M. Pelletier (Chapleau): On s'entend là-dessus.
M. Gervais (Francis): Dans une ou dans l'autre, soit le maintien du Tribunal du travail, et, si on veut absolument le faire disparaître, on suggère, à ce moment-là, la création d'une chambre du travail.
M. Pelletier (Chapleau): Tout à fait. Permettez-moi de dire, là, que, en ce qui me concerne, j'espère parler aussi au nom de mes collègues, que ça me semble être une idée, en tout cas, qui mérite vraiment toute l'attention du ministre que cette idée d'avoir une chambre du travail de la Cour du Québec.
Le Président (M. Rioux): Merci. Autres interventions? Du côté de l'opposition, ça va? M. le député de Mont-Royal?
M. Tranchemontagne: Non, ça va, merci.
Le Président (M. Rioux): Ça va? Très bien. Alors, messieurs, vous avez été d'une limpidité incroyable. Tout le monde a bien compris ce que vous aviez à passer comme messages. Alors, on les a bien accueillis, on les a reçus. Alors, messieurs, je vous remercie beaucoup. C'est vrai que vous aviez un mémoire de belle qualité, je vous en félicite, et nous vous en remercions.
M. Gervais (Francis): Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 22 h 13)
(Reprise à 22 h 16)Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons maintenant reprendre nos travaux.
Remarques finales
Nous abordons maintenant, mesdames, messieurs de la commission, l'étape des remarques finales. Nous allons donner la parole d'abord à l'opposition officielle et au député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Vous avez une demi-heure pour l'ensemble de vos collègues.
M. André Tranchemontagne
M. Tranchemontagne: Merci beaucoup. Alors, tout d'abord, je vous remercie de me donner la parole. Je vais répéter certaines choses que j'avais dites au début parce qu'elles ont pas changé. Tout d'abord, j'aimerais rappeler la promesse du premier ministre Bouchard, vous vous en rappellerez, M. le Président, en 1997, qui nous avait promis, qui avait promis à l'Assemblée nationale, officiellement, et à la population du Québec de faire une refonte de fond du Code du travail. Et le ministre d'alors, le ministre du Travail d'alors avait également enchaîné dans le même sens d'une réforme fondamentale et en profondeur.
Depuis 1997, il y a eu de nombreux documents qui ont été produits, il y a eu de nombreuses études qui ont été produites et aussi des analyses. Si je parle de rapports, d'études, etc., je pense, par exemple, à Mireault, entre autres. Et on l'a soulevé à quelques reprises, et vous savez que j'estime beaucoup le rapport Mireault. Bédard qui, lui, s'attaquait surtout aux municipalités et aux fusions municipales, fusions avec lesquelles on est plus ou moins d'accord, dépendant qu'elles sont volontaires ou pas. Et Bédard disait qu'il n'y avait pas de fusion possible si on ne travaillait pas et qu'on ne modifiait pas le Code du travail d'une façon fondamentale. Et je crois que Bédard parlait évidemment de l'article 45. Finalement aussi, le rapport Lemaire.
Alors donc, tout ça pour dire qu'il y a eu énormément de travail, et, là-dessus, je rejoins le ministre qu'il y a eu du travail qui a été fait. Ce qui est peut-être décevant ce soir, c'est de voir que tout ce travail-là finalement a abouti à un projet de loi qui nous apparaît pas être la réforme qui nous avait été promise, si je retourne aux promesses de 1997, aux promesses du premier ministre Bouchard et du ministre du Travail de l'époque.
Alors donc, c'est une déception après quatre ans d'attente et aussi de travail, de travail non seulement du gouvernement, mais d'organismes qu'on a fait intervenir, Mireault, Bédard et Lemaire, entre autres. Alors donc, c'est un peu une déception.
n(22 h 20)n J'aimerais aussi rajouter une autre déception, je l'ai dit, je l'ai redit et je vais le redire encore, ce sont les consultations restreintes. On est inquiet des consultations restreintes. On n'a rien contre personne qui est venu se présenter ici aujourd'hui, hier. Par contre, ce qui nous inquiète dans ces présentations restreintes, c'est la sélection qu'on fait, le choix qu'on fait d'une personne ou d'un groupement plutôt qu'une autre, qu'un autre. Alors, on a parlé à quelques reprises de quelques exemples, par exemple, l'APCHQ qui avait manifesté le désir de se présenter, qui n'a pas été retenue par le ministre. Mais je trouve que, comme législateur, on se prive de l'opinion de ces gens-là, quelle que soit leur opinion. Ce soir, moi, j'ai appris beaucoup, puis je le dis pas parce que les juges et les avocats sont restés ici, mais je ne suis pas un avocat, comme vous le savez, j'ai appris beaucoup d'eux.
Le Président (M. Rioux): Un excellent public.
M. Tranchemontagne: Ha, ha, ha! J'ai appris beaucoup d'eux parce qu'ils apportent une dimension spécialisée de leur profession et qui regarde, par exemple, la CRT, la Commission des relations de travail, et qu'ils disent: C'est important, par exemple, qu'elle soit impartiale, etc. Ils nous donnent des pistes de solution pour justement s'assurer de cette impartialité, de cette qualité de jugement aussi. Ils soulèvent, comme plusieurs ici ont soulevé, le risque de ne pas avoir d'appel ou de possibilité d'appel à la Commission, et nous en sommes également inquiets.
Alors donc, je répète au ministre que nous sommes extrêmement déçus, M. le ministre, du fait que l'on ait choisi, sélectionné des groupes plutôt que d'autres, et on pense qu'on aurait eu avantage probablement à rencontrer tous les groupes qui désiraient se manifester sur le projet de loi.
Et je vous rappellerai, M. le Président, qu'au début, quand on a regardé le 182 ? je crois que c'était au mois de février ? 53 groupes avaient décidé de se manifester. 53 groupes, ça manifeste ? en tout cas, à mes yeux ? un intérêt significatif à l'égard d'un projet de loi aussi important que le Code du travail. Alors, cette fois-là, on avait réussi à entendre ? et c'est pas par la faute de la ministre du moment ? seulement 15 groupes, si ma mémoire est bonne.
On a réentendu, au cours des deux derniers jours, 16 groupes, dont 15 étaient les mêmes, et c'était correct, ces 15 là, puisque ce sont des groupes qui sont importants. Mais les 30 ? je sais pas c'est quoi, la différence entre 53 et 16 ? mais les 37 autres ou environ 37 autres groupes qui n'ont pas été entendus auraient peut-être ? peut-être pas tous non plus ? auraient peut-être eu quelque chose à dire sur ce projet de loi là, et sans compter que peut-être des gens qui ne s'étaient pas manifestés sur le 182 auraient eu intérêt à se manifester sur le 31. Ils auraient peut-être eu des choses à dire. Alors, voici. Ça, c'est le contexte global.
Maintenant, si j'en viens à la substance du projet de loi ? et je vais être vraiment vers la substance ? toute la question de la sous-traitance, à mon point de vue... après ces consultations sélectives, comme je l'ai dit tantôt, toute la question de la sous-traitance reste absolument pas réglée. Rien n'est réglé, c'est encore nébuleux et nous avons énormément d'inquiétudes à ce sujet. Les inquiétudes ont été manifestées également par le Patronat qui est venu nous rencontrer, ont été manifestées également pour des raisons différentes mais aussi par les parties syndicales que nous avons rencontrées.
Le ministre se vante, jusqu'à date, d'avoir tenu compte du rapport Mireault et, malheureusement, à notre point de vue, il a tenu compte seulement que d'une partie du rapport Mireault... deux parties, devrais-je dire, du rapport Mireault: la question du transfert de juridiction, de fédérale à provinciale, et aussi la question de la vente d'entreprise en justice. Nous n'avons pas d'objection avec les deux points que le ministre a retenus, mais nous craignons que le rapport Mireault, pris en morceaux comme ça, perd un peu de son homogénéité. Et, vraiment, la question de la sous-traitance, telle que Mireault la percevait et qui était reliée à la réalité d'aujourd'hui... Combien de fois on a entendu parler, au cours des deux derniers jours, de la nécessité de la sous-traitance, d'être capable... Puis c'est pas toujours de la sous-traitance pour essayer de couper les coûts, c'est aussi, des fois, de la sous-traitance pour essayer de trouver des fournisseurs qui ont une capacité plus grande que le donneur d'ouvrage initial, soit une capacité financière, une capacité technologique, etc.
Alors donc, c'est absolument essentiel que l'article 45 soit clarifié pour éviter justement qu'on continue ces batailles. Et, juste pour vous indiquer, M. le Président, comment ça peut être laborieux, l'article 45, on note ici que les plaintes et requêtes reçues par le Bureau du Commissaire général au cours de l'année 2000-2001 se chiffrent à 1 256. Ça, c'est pas parce que c'est bien, bien clair. Si on a 1 256 plaintes, c'est sûrement qu'il y a un problème de clarté dans la... et de clarification, nécessaire, essentielle à l'article 45.
Alors donc, nous sommes, en tant qu'opposition officielle, contre les propositions que le ministre met de l'avant qui touchent l'article 45, et on pense que le ministre devrait retourner à la table de travail pour vraiment revenir et modifier totalement et clarifier totalement l'article 45. Ça fait assez longtemps que ça dure. Et je n'ai pas besoin de vous répéter, M. le Président, qu'il faut réaliser que le Québec est le seul en Amérique du Nord avec un tel article. Et, si on s'isole comme ça, c'est qu'on donne très peu d'opportunités à la province de produire et de compétitionner sur le niveau international. Aujourd'hui, il n'y a plus de barrières interprovinciales, il y a plus de barrières entre nous et les États-Unis et l'Europe. Et, à ce moment-là, il faut être équipé, il faut être capables d'équiper nos entreprises avec les outils dont ils ont besoin pour combattre les concurrents qui sont non seulement provinciaux mais internationaux. Alors donc, c'est absolument essentiel.
Nous n'avons aucun problème avec le désir du ministre et du ministère d'accélérer le processus d'accréditation, et, en ce sens, on n'a pas... absolument rien contre la CRT de principe de base. On a manifesté deux grandes inquiétudes sur la CRT: le fait qu'il n'y ait pas d'appel possible à la CRT et, la deuxième chose, c'est que cette Commission des relations... l'inquiétude que les groupes patronaux ont représentée en ce qui a trait à la représentativité des employés au sein de la demande d'accréditation.
Nous sommes d'avis que le vote secret serait une façon claire, simple de clarifier toute situation. On nous a donné des exemples, à travers les deux jours qu'on a vécus, où vraiment ça serait... ç'aurait été absolument un actif que d'être capable d'aller chercher un vote secret auprès des employés pour s'assurer qu'ils désirent bien être représentés par le syndicat dans l'accréditation dont on parle.
Alors, M. le Président, tant et aussi longtemps que cette modification ne sera pas incluse dans le projet de loi, c'est sûr que nous serons contre, parce que, à notre point de vue, le vote secret comporterait de nombreux avantages. Premièrement, ça accélérerait le processus. C'est clair que ça accélérerait le processus, en autant qu'on le fasse comme dans la province de l'Ontario, par exemple, dans les cinq jours qui suivent la demande d'accréditation. Ça légitimerait d'une façon sine qua non, c'est clair, l'accréditation elle-même. Ça serait l'expression démocratique des travailleurs. On le sait, nous autres, les députés, le vote, c'est la meilleure façon d'exprimer notre démocratie. Et, finalement, ça serait, à la limite, l'impossibilité pour le patron, je pense, de remettre en question la représentativité de ses employés, etc. Parce qu'on sait qu'il y a toujours une certaine inquiétude de la part des patrons face à la signature des cartes: Est-ce que vraiment ils représentent vraiment le désir des employés. Alors, plusieurs groupes sont venus nous affirmer cet état de faits, y compris le statut de la femme, soit dit en passant. Alors, M. le Président, les travaux...
Le Code du travail actuel, je pense que c'est une pièce maîtresse des rapports collectifs au Québec, et il doit être adapté à la situation de l'an 2001. Et la situation de l'an 2001, c'est de permettre aux entreprises de compétitionner sur une base internationale. Et peut-être que je devrais, en terminant, dire qu'on n'est pas les seuls, nous, dans l'opposition, à le dire. Je vais vous rappeler les paroles du premier ministre aujourd'hui ? et, à ce moment-là, il était ministre des Finances ? M. Bernard Landry, qui dit: Ce qui n'a pas de sens ? et on parle du 45 ? c'est que le Québec se mette à l'écart de toutes les autres économies occidentales qui font de la sous-traitance.
n(22 h 30)n Le Québec, c'est la cinquième puissance aérospatiale ? et on sait qu'on a vu quelqu'un de l'aérospatial au cours de la journée aujourd'hui. Alors, le Québec est la cinquième puissance aérospatiale du monde, qui est l'univers même de la sous-traitance. Eux autres, dans le fond, c'est quasiment des entreprises d'assemblage, c'est tout. Ils font fabriquer les pièces partout, chez des sous-traitants, et tout ce qu'ils font, bien souvent, c'est assembler le produit qu'ils vendent.
M. Vaugeois, qui est un ex-ministre péquiste aussi, disait: Le premier acte de courage ? et là on parle de fusions municipales ? le premier acte de courage de la part du gouvernement ne devrait-il pas être de donner aux municipalités les vrais pouvoirs de gestion et de négociation? Et il s'attaquait évidemment à l'article 45 où à l'interprétation fausse à travers le temps, qu'on a donnée à cet article-là.
Alors, M. le Président, ceci termine mes remarques préliminaires. Donc, deux choses essentielles pour nous: Si le ministre veut avoir notre appui sur le projet de loi, il faut revenir à l'article 45, le clarifier et le préciser, et aussi inclure dans ce projet de loi le scrutin secret pour permettre d'une façon claire et simple et limpide l'accréditation des employés qui désirent se syndiquer.
Le Président (M. Rioux): Merci, merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre.
M. Jean Rochon
M. Rochon: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord dire à vous et à tous mes collègues que j'ai été très impressionné par la qualité de nos débats. Je pense qu'on a réussi, à travers ces deux jours très intensifs, à maintenir un niveau de discussion sur des matières souvent très techniques et parfois ardues, à maintenir un niveau de discussion qui a vraiment permis de soulever des questions très pertinentes et d'échanger sur des éléments qui ont enrichi le débat et qui vont par la suite sûrement enrichir nos discussions quand on arrivera au niveau de l'étude article par article pour bonifier le projet qui nous a été présenté.
Si on a pu avoir ces discussions, c'est beaucoup aussi grâce au travail qui a été fait par nos invités, ceux qui sont venus nous rencontrer et qui sont tous des groupes qui sont impliqués dans cette longue évolution depuis longtemps. Il leur a fallu beaucoup de persistance pour continuer à suivre le processus et à revoir et à refaire les devoirs, eux aussi, à chaque étape. Je pense qu'on a bien suivi la recommandation de Boileau, vingt fois sur le métier notre travail fut remis, et la qualité de l'ensemble de ce qu'on a reçu et de nos travaux a été remarquable, et je pense qu'il faut le souligner. C'est garant du succès de ce qui devrait suivre par la suite.
Au moment où nous nous préparons à clore cette partie de nos travaux, les rencontres et les discussions sur les mémoires qu'on nous présentait, je voudrais bien souligner que nous sommes à une phase qui est à la fois un point d'arrivée et un point de départ. C'est un point d'arrivée, et le député de Mont-Royal l'a resouligné lui aussi. Si on prend seulement les quatre ou cinq dernières années, je pense, depuis 1997, quand différents comités ont été mandatés, ont travaillé soit sur l'article 45 soit sur le statut de salarié ou des nouveaux statuts d'emploi, qui ont consulté largement toutes les parties, qui ont produit des rapports et des recommandations qui, elles-mêmes, ont soulevé d'autres discussions et qui ont amené un travail très important au niveau du ministère, à la suite de ces travaux, ma collègue Diane Lemieux, qui m'a précédé dans ces fonctions, a aussi produit, on se rappellera, en mars de l'an 2000, un document d'orientations ministérielles sur une réforme importante du Code du travail.
Ce document d'orientations a permis d'avoir, au printemps de l'an 2000, une tournée de consultation où, là aussi, tout le monde a été remis en contribution sur l'ensemble du Code du travail, et ce qui nous a amenés, en décembre dernier, à un dépôt de projet de loi qui était vraiment une réforme assez ambitieuse du Code du travail. C'était le projet de loi n° 182, qui, lui-même, a resoulevé des discussions très importantes et qui nous ont permis, quand je suis rentré en fonction, de refaire le point. Et, même si, sur 182, on avait le sentiment, à un moment donné, que rien n'allait plus parce que la réforme était tellement ambitieuse que tout le monde a mis ses cartes sur la table et en même temps et a manifesté des commentaires sur tellement de points qu'on a senti qu'il fallait déterminer une phase, une étape, qui est celle que nous préparons encore présentement, qui pourrait cibler un certain nombre de points et nous permettre d'avancer tout de suite plutôt que de tout remettre à plus tard...
Et ça, ça a été très important parce que le gouvernement, M. le Président, vous le savez, s'est engagé de façon très ferme. Et c'est un engagement qui a été pris il y a déjà un certain nombre d'années, d'abord par le parti et ensuite par le gouvernement, le premier ministre l'a rappelé lui-même. Et nous avons vraiment toute la détermination de marquer une étape significative. Et nous reconnaissons, par contre, que c'est un premier point d'arrivée, mais je disais aussi que c'est un point de départ. C'est une étape que nous croyons significative mais qui enclenche le processus de révision plus en profondeur qu'on voudra conduire avec toute la diligence possible.
Maintenant, cette étape, elle est significative, je pense, parce qu'elle vise, en plus d'un certain nombre de bonifications plus techniques et parfois administratives de l'ensemble du Code du travail, elle vise trois éléments qui se sont dégagés à la suite de l'analyse des commentaires faits sur 182. D'abord, toute cette question de l'article 85, je ne doute pas qu'on y reviendra, mais je pense que le projet de loi n° 31 qui est là reconnaît le besoin, d'une part, pour les entreprises de pouvoir fonctionner dans un système de relations de travail qui leur donne la souplesse, la marge de manoeuvre et la capacité d'action rapide pour faire face aux conditions du monde des affaires et de l'économie qui sont celles qu'on connaît aujourd'hui, mais qui, par contre, permet de protéger ce qui est l'essence même de 45 ou du Code du travail, les accréditations et les conventions collectives. Et je pense sincèrement... On aura la chance d'en rediscuter plus en détail, il y a peut-être certaines améliorations qu'on pourra faire, on verra, mais tous les commentaires qui ont été faits nous permettent de confirmer qu'il y a une possibilité réelle de ce côté-là.
L'autre élément qui est très important, c'est celui de la protection du statut de salarié. Là aussi, le 182 visait plus grand ? je reviendrai ? mais présentement, de pouvoir au moins protéger ce qu'on pourrait appeler la sortie du statut de salarié et que le mouvement, sans créer aucune contrainte aux employeurs sur la façon dont ils veulent gérer leur entreprise, mais de s'assurer que leur liberté d'action ne vient pas causer quoi que ce soit comme dommage à la protection de l'accréditation syndicale et des conventions... excusez, du statut de salarié. Et qu'on n'appelle plus d'un autre type de statut quelqu'un qui, dans les faits, est demeuré un salarié.
Et finalement, la nouvelle instance qui est créée, la Commission, je pense qu'elle reçoit l'aval de tout le monde, Là aussi, il y aura sûrement des bonifications à apporter, j'y reviendrai dans quelques minutes. C'est un troisième élément, avec l'article 45, le statut de salarié, et une nouvelle instance qui devrait permettre de franchir une étape très significative visant essentiellement à raccourcir les délais, à alléger le processus administratif et à permettre une plus grande harmonie avec plus de sécurité de part et d'autre dans le domaine des relations de travail.
Maintenant, c'est aussi un point de départ et déjà des travaux sont commencés au sein du ministère. On va continuer à travailler avec l'ensemble des partenaires parce qu'on s'aperçoit qu'il s'agit d'un exercice d'envergure et qu'il faudra, étape par étape, peut-être dès l'automne prochain, faire des changements. On reviendra à chaque étape pour des changements significatifs, et je pense que c'est probablement de cette façon qu'on réussira à moderniser notre Code du travail de façon plus réaliste, en prenant des étapes importantes, mais en n'essayant pas nécessairement de tout faire en même temps et que, d'une étape à l'autre, quand les consensus s'établissent, ça va nous permettre d'avoir un peu, à chaque fois, quelque chose derrière nous et de cibler nos efforts plus sur les questions qu'il reste à régler.
n(22 h 40)n Maintenant, certains constats se dégagent de nos discussions et il y a quand même des points de convergence que je voudrais souligner. Je prétends pas, là, à chaud, comme ça, être exhaustif. À titre d'exemple, on parlait de la Commission des relations du travail et de la conséquence qu'elle entraîne de passer d'un système à deux paliers à un système à un palier en intégrant ou en remplaçant le Bureau actuel du Commissaire général du travail et en abolissant le Tribunal du travail. Il y a là, je pense, un consensus, là, qui est absolument réel. Par contre, on a entendu des commentaires ce soir, avec les membres du Barreau, entre autres; d'autres avaient souligné certains aspects de ce qui a été discuté ce soir en ce qui regarde notamment le statut des commissaires et de la Commission, en ce qui regarde l'indépendance et la compétence et le pouvoir de révision de cette Commission, d'une part, et de s'assurer aussi ? ça, c'est pas seulement le projet de loi, mais ça sera aussi son application et la façon de le gérer ? que les moyens d'intervention et les moyens en termes de ressources sont disponibles à la Commission pour qu'elle puisse vraiment faire son travail et établir non seulement une bonne jurisprudence, mais d'établir une façon de travailler, une réputation, là, qui très vite donnera confiance à tout le monde.
La question du processus d'adhésion à une accréditation syndicale, qui sera beaucoup plus expéditif. Et là on a vraiment un système qui permettra, à partir du moment du dépôt d'une requête en accréditation jusqu'à la décision finale sur cette requête, de le faire dans un délai de 60 jours. Alors, c'est vraiment, par rapport au système actuel où il y avait pas vraiment de délai qui obligeait la décision... Parfois, ça pouvait se faire relativement rapidement, mais on sait qu'il était devenu un problème avec beaucoup de situations où, quand on s'embarquait, si vous voulez, dans différentes procédures, il y avait aucun moyen d'imaginer quand ça pourrait se terminer. Et ça, ça pouvait créer une atmosphère de très grande insécurité autant pour les entreprises que pour les syndicats. Je pense que, là, ça, on a une convergence, là, de la part de toutes les parties à ce sujet-là.
Et aussi, sur cette question du salarié, d'avoir une approche à caractère préventif en amont dans les décisions qui sont prises quant à l'impact sur les salariés de certains changements au niveau des organisations, il me semble que, là aussi, on a une convergence, ce qui fait que ce qui sont les trois grands objectifs du projet de loi n° 31 ? on verra les discussions sur les détails encore une fois ? l'essentiel de ce qui est proposé, je pense que c'est très clair, là: Tous ceux qui sont venus ici, on a une acceptation et un appui pour les propositions qui sont présentées.
Par contre, il faut reconnaître qu'il y a certains points de divergence. Et, s'il y en a un qui mérite d'être retenu, là, pour notre réflexion au cours des prochains jours, c'est sûrement certains éléments autour de l'article 45, je le reconnais. Et c'est par contre, il faut bien le dire, je pense, le point, l'élément central du Code sur lequel on demande aux deux parties, syndicale et patronale, le plus grand effort de convergence, et voire de compromis pour en arriver à passer à une autre étape. C'est sûr, et je le dis tout en respectant la position des deux parties, que pour la partie syndicale, 45 est un article d'ordre public et, idéalement, il faudrait ou ne pas y toucher du tout, ou, si on y touche, le renforcer encore plus, alors qu'évidemment la partie patronale trouve que c'est déjà beaucoup et que l'idéal ? quoiqu'ils nous ont bien dit qu'ils ne veulent pas le faire disparaître ? serait de le baliser encore beaucoup plus.
Et ça, il me semble que, sur ce point, contrairement aux autres questions où la convergence est assez... est très grande, que la normalité des choses ? il faut respecter le point de vue différent des deux parties ? fait que là, on en arrive nécessairement à un compromis qu'il faut établir et qu'il restera sûrement un dosage d'insatisfaction de part et d'autre par rapport à ce qui serait l'optimal qui serait souhaité. Mais la vraie solution, comme l'optimal de chacun, ferait que l'autre partie serait carrément insatisfaite; il faudra qu'on dose les niveaux d'insatisfaction qui restent de part et d'autre, mais que le résultat final soit reconnu comme une amélioration.
Maintenant, sur 45, je pense qu'au niveau de notre conclusion de ce soir c'est peut-être important de le dire aussi ? et je me suis un peu validé, là, je pense pas me tromper en disant ça ? qu'il y a beaucoup de choses qu'on dit sur 45, de part et d'autre, qui correspondent pas vraiment à la réalité de ce qu'est 45 et de ce que cause ou ne cause pas 45. L'article 45 a jamais été, par exemple, conçu et n'a pas d'effet d'empêcher ou de bloquer; c'est pas son objectif. Et, dans la réalité, les informations qu'on a nous montrent qu'il n'empêche pas la sous-traitance.
D'ailleurs ? et on l'a vu avec un groupe d'invités ce soir ? dans certains situations, comme tout le domaine de ce qu'on appelle la sous-traitance industrielle, en très grande majorité, presque la totalité des cas, là, sauf toujours des exceptions qui viennent confirmer une règle, l'article 45 ne trouve pas application mais qu'il y a dans certains milieux une perception, comme on l'a vu dans la discussion, que 45 peut ou pourrait causer des problèmes et que cette perception aurait par elle-même des effets négatifs. Là, il y aura sûrement ? je pense, faudrait être réaliste ? une solution qui sera plus au niveau de l'information qui était donnée aux différentes parties de ce qu'est vraiment 45 et comment on le gère plutôt que d'essayer de changer un article où le problème est pas ce qu'il est et la perception de son application.
Bon. Si on peut prendre un indicateur, en plus de l'opinion que nous donne, par exemple, le professeur Barré, qui a fait une analyse assez importante de cette situation et qui nous documente cette affirmation que 45 n'empêche pas la sous-traitance et n'est pas vraiment un problème tel qu'il est, il le sera moins encore avec les assouplissements qu'on va y apporter. On peut prendre un autre indicateur. On me confirmait que ? et je pense que le député de Mont-Royal faisait référence au grand nombre de plaintes, plus de 1 000, que le Bureau du Commissaire général aurait reçues en ce qui regarde 45. Mais on me dit que 95 % de ces plaintes ont été réglées rapidement, à l'amiable, entre les parties, et que, dans bien des cas, il s'agissait de clarifier des situations et de préciser. Donc, c'est pas un article qui, comme il est présentement, donne vraiment naissance à des situations conflictuelles et qui posent des problèmes qui doivent se résoudre sur une longue période de temps. Maintenant, ça, on aura la chance d'y revenir.
Mon plaidoyer, ce soir, M. le Président, est plus à l'effet que ce serait important pour nous de bien voir la réalité des faits par rapport à des questions de perception qu'on peut comprendre mais qui devront se traiter autrement que d'essayer de modifier 45 pour en faire quelque chose qui là pourrait peut-être causer pas mal plus de problèmes qu'il y en a actuellement.
Maintenant, les perspectives qu'on a devant nous. À très court terme, donc dans les prochains jours, nous allons poursuivre nos travaux. Nous verrons sûrement à apporter, à proposer un certain nombre de modifications. On fera sûrement un peu de transmission de papillons, je pense, qu'on appelle dans notre jargon. Et on peut donner des exemples, là, de quelques-unes des choses qui, il me semble, devraient s'améliorer très rapidement, comme la question qui a été soulevée, par exemple, où on demande au syndicat de transmettre à l'employeur lui-même sa demande d'accréditation et une preuve de cette accréditation. Je pense qu'on a bien entendu les parties de part et d'autre et qu'on aura sûrement une solution qu'on peut apporter à cette situation-là.
Un autre exemple est sûrement celui de la transmission... les droits et obligations et du choc ou de l'entrechoc d'un grand nombre d'unités d'accréditation qui peuvent se retrouver dans une même entreprise, soit à la suite de fusions ou de concessions d'entreprises. Et là on a un article qui pose un peu un problème parce qu'on a donné l'impression que la Commission pourrait intervenir à peu près sans raison, sans cause, pour fusionner des accréditations et même faire des choix de conventions collectives. Alors, l'intention, là, est vraiment qu'il doit y avoir un constat de difficulté peut-être plus réaliste que ce que le terme de la loi nous dit présentement, où on parle de difficultés insurmontables. Il nous semble qu'on doit avoir un niveau mieux ajusté. D'ailleurs, je pense qu'on aura ? c'est un autre exemple ? sûrement une amélioration qui pourrait être apportée.
Et l'autre exemple que je donnerais, sans être capable d'aller dans les détails parce qu'on en a discuté surtout aujourd'hui et surtout ce soir, tout ce qui regarde la qualité du Commissaire et des commissions en termes d'indépendance et de compétence. Et je suis assez... Je retiens beaucoup ce qu'on nous dit, surtout que ça nous vient de partenaires comme les membres du Barreau, quand on nous rappelle que, pour qu'il y ait un fonctionnement vraiment harmonieux, il faut s'assurer qu'on a tous les moyens pour rendre justice, mais il faut aussi qu'il y ait apparence de justice. Alors, ça, c'est très important et on va sûrement faire l'effort, là, d'aller le plus loin possible dans ce domaine-là.
n(22 h 50)n Ça, c'est à court terme, c'est au cours des prochaines semaines. À moyen terme, on pourra rendre... discuter avec nos partenaires de l'agenda qu'on voudra se donner sur une prochaine période, mais je pense qu'on peut, sans risquer de se tromper, dire tout de suite que, ce qui sera sûrement une priorité, ce sera de travailler sur les nouvelles formes de travail: travailleur autonome, entrepreneur dépendant ou plus ou moins dépendant. C'est une situation qui est en mouvement très, très, très rapide. Et alors, ça, il y aura un premier chantier très important, et c'est sûrement un premier auquel on voudra s'attaquer.
Alors, je souhaite, M. le Président, et j'ai très confiance, sur la base de la qualité de nos travaux jusqu'ici, que les prochains jours et les prochaines semaines nous permettront, même s'il y a des éléments techniques parfois ardus, de procéder rapidement et de trouver aussi entre nous, au sein de la commission, le même degré de convergence et de capacité de compromis que les partenaires ont pu faire pour nous permettre d'élaborer le projet de loi n° 31. Et je remercie, pour le travail fait jusqu'ici et pour ce qui s'en vient, d'avance, mes collègues de la commission, des deux côtés; beaucoup le personnel de la commission aussi pour votre patience et votre soutien; et très beaucoup aussi l'équipe du ministère du Travail, qui a fait... La partie que j'ai vue du travail qu'ils ont fait est, je vous l'avoue, très impressionnante. Alors, je peux imaginer ce que c'est parce que, moi, je suis là depuis trois mois; eux sont là-dessus depuis plusieurs années. Alors, je pense qu'on est entourés, autant au sein de la commission que du ministère, d'équipes qui ont la compétence pour nous permettre, au cours des prochaines semaines, d'avoir un projet de loi. Et, si on peut... Je souhaite vraiment qu'on fera tout ce qu'il faut pour qu'on s'entende et, comme on dit, qu'on le sorte ensemble, le projet de loi. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Gaspé, est-ce que vous avez des remarques?
M. Guy Lelièvre
M. Lelièvre: Très brièvement, M. le Président. Ce que je voulais vous dire, simplement, au niveau de la Commission, c'est que ce projet de loi là, la création de la Commission des relations de travail, ce n'est pas nouveau. On se souviendra qu'en 1985 il y a eu un rapport de déposé et, en 1987, il y a eu une loi d'adoptée par le gouvernement de l'époque, qui n'a jamais été mise en vigueur.
D'autre part, on a appris, au cours de ces audiences de deux jours, qu'il était temps qu'on mette en place un mécanisme de règlement rapide tout en respectant les droits de chacune des parties. Entre autres, il y a des gens qui nous ont fait part que ça fait 11 ans qu'ils attendent pour régler des questions d'accréditation; puis d'autres, sept ans. Il y a même un commentaire qui a été fait à cette commission, c'était qu'on cherchait l'employeur maintenant parce que... tellement que ça a pris du temps et que les recours se sont multipliés.
Alors, on sait que le droit à l'association, c'est une des libertés fondamentales. Et je pense que le travail qu'on a à faire dans cette commission, M. le Président, c'est de faire en sorte que nous puissions avoir une mécanique qui va permettre de régler et de clarifier et de décider lorsque les choses sont claires et que ça va pas se perdre dans les dédales judiciaires par des recours qui parfois sont souvent contestables. Alors, je vais m'arrêter là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, M. le député de Gaspé.
Alors, c'est sur ces remarques de conclusion que se terminent nos travaux, nos consultations particulières sur le projet de loi n° 31. Et, sur ce, j'ajourne nos travaux sine die. Et merci à notre public de qualité!
(Fin de la séance à 22 h 53)