(Onze heures trente-six minutes)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je déclare donc la séance de la commission ouverte. Nous essaierons de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Benoit (Orford) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).
Document déposé
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, au Secrétariat des commissions, nous avons reçu une lettre du bâtonnier, qui a été évoquée, je pense, ce matin, à la période des questions. Il s'agit d'une lettre, effectivement, qui a été envoyée. Alors, je vais donc la déposer pour que les membres de la commission puissent en bénéficier. Je pense qu'on en a des copies, Mme la secrétaire.
Motion proposant de solliciter un avis du Barreau du Québec
Lors de la dernière séance de travail qu'on a eue sur ce projet de loi, nous étions à discuter d'une motion préliminaire qui demandait un avis du Barreau. Je pense que l'ensemble des membres qui sont présents ici avaient terminé leur temps de parole, sauf M. le député d'Orford, qui était aussi en remplacement, à ce moment-là, à qui il reste 25 secondes.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, s'il vous plaît, un instant, je fais une petite vérification, là.
(Consultation)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): O.K. C'est que, lors de la dernière rencontre... J'ai besoin d'aide-mémoire, hein, voyez-vous. Pardon, excusez, je vais essayer de vous expliquer la situation. C'est que, à ce moment-là, M. Benoit, le député d'Orford, remplaçait le député de LaFontaine et M. Benoit d'Orford avait pris complètement le temps de parole. Donc, le député de LaFontaine, ce matin, n'a pas de droit de parole sur ça, sur cette motion-là.
Une voix: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Par ailleurs, il restait 25 secondes...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je m'excuse! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gobé: Êtes-vous sûre qu'il ne reste pas un peu de temps quelque part?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste 25 secondes au député d'Orford, qui, ce matin, est en remplacement du député de Laurier-Dorion, qui, lui, avait fait presque tout son temps de parole. Il lui restait 25 secondes.
M. Brodeur: Est-ce que Mme la députée de Bonaventure...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Shefford...
M. Brodeur: Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...vous aviez une question de règlement ou une question de directive?
M. Brodeur: Une question de directive ou une question d'information. Est-ce que Mme la députée de Bonaventure a pris tout son temps aussi sur...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.
Mme Normandeau: Sur le Barreau? La motion qui a été présentée sur le Barreau?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Moi, l'indication que j'ai, puisque tout le temps évidemment est minuté de façon très assidue par notre collègue, en arrière de nous...
M. Brodeur: Qui est excellente, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...qui surveille puis qui a une très bonne comptabilité du temps, alors ce que je viens de vous dire est tout à fait exact, je pense qu'il ne reste sur cette motion que 25 secondes. Alors, écoutez...
M. Brodeur: Vous vous souvenez de la plaidoirie du député de Brome-Missisquoi? Vingt-cinq secondes, c'est encore moins que une minute, ça, là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est terminé. Alors, est-ce que vous désirez faire le 25 secondes, M. le député d'Orford?
M. Brodeur: Veux-tu faire ton 25 secondes?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est un peu ridicule. Écoutez, je pense que...
M. Benoit: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...c'est à toutes fins pratiques terminé. Oui, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Alors, est-ce qu'on me coupe la parole avant de me l'avoir donnée?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Écoutez, M. le député d'Orford, il vous reste 25 secondes.
M. Robert Benoit (suite)
M. Benoit: C'est ça. Devant les nouveaux documents que nous avons reçus ce matin, qui nous viennent du Barreau du Québec, je ne prendrai pas le temps qui m'est dévolu, Mme la Présidente, pour que nous puissions rapidement passer à ce document-là et qu'avec le ministre, qui doit avoir hâte d'en entendre parler, nous puissions le regarder dans toute sa profondeur, ce document-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est terminé, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Merci, vous êtes bien gentille.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la motion ayant été discutée, est-ce que la motion est adoptée? On va la mettre aux voix.
Des voix: Adopté.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, voyons donc!
M. Brassard: Pardon?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je viens de mettre aux voix la motion de...
M. Brassard: Oui, alors votons.
(11 h 40)
Mise aux voix
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous demandez le vote? On demande le vote. Mme la secrétaire, si vous voulez procéder, on va faire un vote nominal.
Une voix: Un vote nominal.
La Secrétaire: Alors, Mme Normandeau (Bonaventure)?
Mme Normandeau: Pour.
La Secrétaire: M. Benoit (Orford)?
M. Benoit: Pour, bien sûr, madame.
La Secrétaire: M. Gobé (LaFontaine)?
M. Gobé: Je suis pour, bien sûr.
La Secrétaire: M. le ministre?
M. Brassard: Contre.
La Secrétaire: Mme Blanchet (Crémazie)?
Mme Blanchet: Contre.
La Secrétaire: M. Kieffer (Groulx)?
M. Kieffer: De même.
La Secrétaire: M. Désilets (Maskinongé)?
M. Désilets: Contre.
La Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?
M. Lelièvre: Contre.
La Secrétaire: Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Abstention.
M. Brodeur: Pour votre information, moi, je serais pour, si j'avais le droit de vote.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mais, pour votre information, vous n'avez pas le droit de vote, M. le député de Shefford.
La Secrétaire: Alors, 5 contre, 3 pour.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la motion est donc rejetée. M. le député de Shefford est un des membres qui a droit de parole, mais qui n'a pas droit de vote dans les commissions. Il participe, à moins de remplacer. Un électron libre, comme vous disiez, M. le ministre. Alors, nous allons donc passer à l'étude article par article. Article 1.
Mme Normandeau: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Nous avons d'autres motions à présenter, avant de commencer à étudier l'article 1 du projet de loi. Et je céderais tout de suite la parole à mon collègue d'Orford, qui a une motion fort intéressante à présenter à l'ensemble des membres de cette commission.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bon.
M. Gobé: Est-ce qu'il la présente en mon nom ou en son nom?
M. Benoit: En mon nom.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure, comme c'est moi qui préside, jusqu'à avis contraire... M. le député d'Orford.
Motion proposant de solliciter un avis du Protecteur du citoyen
M. Benoit: Oui. Alors, Mme la Présidente, on est heureux d'être en commission pour entendre bien sûr ce que le ministre aura à nous dire, si jamais ils ont changé d'opinion sur la loi 142. Alors, la motion que je veux faire est la suivante:
«Que la commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, demande un avis au Protecteur du citoyen relativement à ce projet de loi, et ce, dans le but d'aider cette commission à accomplir son mandat.»
Est-ce que la motion est recevable?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que je peux avoir une copie de votre motion, M. le député d'Orford?
M. Benoit: Oui. Elle arrive, Mme la Présidente. Juste un instant.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Groulx.
M. Kieffer: Est-ce qu'il a terminé? Oui?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, bien, j'attends la copie de la motion.
M. Benoit: Ça s'en vient, là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Groulx, vous aviez une question?
M. Kieffer: J'ai une question de précision, Mme la Présidente. C'est parce que le député d'Orford a mentionné le projet de loi 142, et, à ce que je sache, nous sommes ici...
M. Benoit: C'est 42.
M. Kieffer: ...à l'étude du projet de loi n° 42. Est-ce qu'il s'est trompé de commission ou si c'est un lapsus involontaire? Je voudrais des précisions, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, effectivement, je voulais voir le texte. C'est pour ça que la présidence a toujours besoin d'avoir le texte écrit, autant que faire se peut, des motions. Oui, c'est une motion qui est recevable, donc débattable. Et, là-dessus, M. le député d'Orford, vous avez 30 minutes de temps de parole possible bien sûr sur une motion comme celle-là.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Mme la Présidente, nous aimerions, sur le projet de loi n° 42, entendre le Protecteur du citoyen. Nous avons un bon Protecteur du citoyen, au Québec. Je lisais son rapport de là, d'ailleurs, l'idée de l'inviter qu'il a déposé cette semaine. Dans ce rapport-là, à peu près à toutes les cinq, six pages, il a fait... D'ailleurs, je m'en servirai dans une conférence aux groupes d'environnement, dimanche, au CRE, où j'aurai l'occasion de parler.
Je vais déposer ce document où il a résumé un peu comment les politiciens et la fonction publique devraient se comporter dans les débats face à l'État. Alors, il fait des recommandations. Il y en a à peu près... Il appelle ça le lien moral, finalement, avec l'électeur. Le Protecteur du citoyen... On déposera ce document-là. C'est dans son rapport, à peu près à toutes les 10 pages, il arrive avec une plaquette.
Et ce qu'il nous fait voir ici, c'est comment le simple citoyen, dans ses terres, est constamment «stampedé» par l'État. Alors, il donne plein d'exemples. On peut ne pas l'écouter; c'est une des façons de «stampeder» le citoyen. On peut prendre son dossier, le mettre en bas de la pile. On peut lui dire: Écoutez, si tel document avait été joint au dossier, on pourrait régler cet après-midi, mais on ne le lui dit pas. Alors, le citoyen envoie tous les formulaires, le dernier petit bout de papier n'est pas là, donc ça prend encore un autre mois avant que quelqu'un regarde ça puis qu'on l'avise.
Et, finalement, on s'aperçoit que le Protecteur du citoyen, qui est là depuis nombre d'années, en a vu des mûres et des pas mûres. Dans son rapport qu'il vient de déposer, il y a, entre autres, un grand nombre de cas qui ont trait à l'environnement. Je vous en raconte rien qu'un, dans son rapport et, vous allez voir, j'arrive à Hertel des Cantons, pour ceux qui sont impatients de m'entendre.
Le cas qu'il raconte, c'est au moment de la crise du porc au Québec, où le PQ donne un document aux firmes d'ingénieurs, où on leur dit: Faites... Ce sont les critères pour bâtir des réservoirs à purin. Alors, les ingénieurs, connaissant les normes de la province, autorisent des fosses à purin chez des gens à partir de ces normes et critères. Après que la première fosse est construite, au Québec, dans le milieu de l'été, alors que l'individu qui a construit cette fosse-là est allé avec les normes et les critères, on s'aperçoit très rapidement qu'il avait la moitié moins d'animaux qu'il aurait pu en avoir dans la grange, dans la porcherie, on s'aperçoit rapidement que la fosse déborde. Bien, on dit: Voyons! Qu'est-ce qui se passe là? Il y a à moitié moins d'animaux, la fosse déborde, et ils ont suivi les normes du ministère. Qu'est-ce qui se passe?
Ce qui se passe, c'est que, dans les normes et les critères du ministère, on avait oublié que, pendant l'été, il y avait des coups d'eau épouvantables, des pluies. On n'avait pas pris ça dans le calcul. Alors, les fosses se sont mises à déborder partout. Ces citoyens qui avaient dépensé...
Et c'est très dispendieux, ces fosses-là. Je suis pris avec une, en ce moment, dans Stanstead-Est, où le ministère ne reconstruit pas le pont, alors on ne peut pas bâtir la fosse, l'agriculteur est de l'autre bord du pont. Qu'est-ce qu'on fait? Bon, en tout cas, vous voyez à peu près le portrait. Je suis rendu à quatre ministères, les Transports, l'Environnement, l'Agriculture, et là on va mettre le Protecteur du citoyen là-dedans. Alors, c'est très dispendieux. Celle que je transige en ce moment, dans Stanstead-Est, on parle de 100 000 $.
Alors, dans le cas présent, les citoyens sont retournés au ministère via la firme d'ingénieurs puis ils ont dit: Écoutez, c'est vos normes, c'est vos critères. Ah! ils ont dit, ça, ce n'est pas nos problèmes, là. Bon, le net-net: le Protecteur a donné raison aux citoyens, le ministère a compensé ces agriculteurs-là, et là j'imagine qu'ils vont construire d'autres fosses. Enfin, la fin de l'histoire, c'est ça.
Il y en a plein, dans son rapport, des situations où des cas d'environnement. Et, de là, il a tracé une ligne de réflexion non pas juste pour le ministère de l'Environnement, mais pour plein de ministères. Là, comme disaient mes enfants quand ils avaient trois ans, plus pire que ça...
On a, ce matin, un avis du Barreau. Je pense que le ministre est après en prendre connaissance, si je ne me trompe. Non? Il en a déjà pris connaissance. Que bien lui en soit fait! Elle est rentrée le 9, donc il a eu deux jours. Le Protecteur du citoyen. Ça, ce n'est pas le Barreau.
Là, il faut rappeler à tous ceux qui nous écoutent, le peuple qui est en délire qui nous écoute, qu'on a des avis importants, au moment où on se parle. On a d'abord eu le préfet de la MRC, qui nous a dit: Vous vous en allez dans la mauvaise direction. Le préfet. Une très belle MRC, un préfet extraordinaire. Il n'y a jamais personne qui a parlé contre ce préfet-là dans cette MRC-là, aussi loin que je puisse me souvenir. C'est un avocat de formation, et je pense que c'est un des bons préfets du Québec. Lui, il vous a dit: Vous vous en allez dans une très mauvaise direction. Les maires vous l'ont dit, là-bas. Mais là vous aviez votre petit livre d'arguments, vous autres: Il y a l'urgence, il faut aller vite, le verglas, c'est légal, cette affaire-là, c'est deux, trois projets différents, etc. Les citoyens vous ont amenés en cour.
(11 h 50)
On sait tous la fin de l'histoire. L'honorable Jeannine Rousseau, elle n'y a pas été par quatre chemins. Moi, je ne la connais pas, la juge Rousseau, je ne suis pas avocat. Des jugements, dans ma vie, je n'en ai pas lu beaucoup. Celui-là je l'ai lu d'un couvert à l'autre. Un, j'ai tout compris, ce qui est assez rare, quand c'est écrit par des avocats. Je suis bien gentil avec vous autres, mes chers amis les avocats, mais il y a des grands bouts que je ne comprends pas quand c'est vous autres qui les écrivez. C'est-u drôle, dans le cas de la juge, de l'honorable Jeannine Rousseau, j'ai compris le moindre détail de la moindre explication dans la moindre référence.
Donc, il y a une compréhension profonde, de la juge Rousseau, je pense, de tout ce qu'elle a entendu. Il y a une logique, là, implacable dans son jugement. Elle y va, là bang! bang! bang! c'est absolument extraordinaire, hein: les conclusions recherchées, les décrets elle en met, des décrets, il y en a trois pages la chronologie des faits. Là, elle vous donne ça: le député de Johnson qui mélange les affaires; le ministre de l'Environnement qui s'en va leur promettre n'importe quoi; le premier ministre en campagne électorale; le gars avec le «turtleneck» d'Hydro. Puis là la chronologie des faits.
L'unicité du projet. On s'est-u fait dire, ici, que c'était trois projets, puis cinq projets, puis deux projets! Elle, elle dit: Non seulement c'est un seul projet, mais, elle dit, dans mon jugement, je vais toujours parler du projet. Elle dit: Je ne parlerai pas des projets. Elle dit: Moi, c'est... Je veux vous le lire parce que, ça, c'est bien intéressant. Parce que le projet de loi n° 42 le sépare. Elle dit: Dans mon jugement, moi, je vais toujours parler de la description du projet, pas des projets. Alors, les demandeurs, l'intérêt des demandeurs, les délais... Bon. Puis, si je vais un peu plus loin, elle reprend vos arguments les plus forts: Il y a urgence, il y a urgence. Bien, là, elle dit, elle, qu'elle ne la voit pas, l'urgence. Et le survol du droit le bout que j'ai un peu plus de misère à comprendre mais elle, elle dit: Les citoyens, ils ont été «stampedés», là-dedans. Le fond du débat, le cadre juridique, la loi de l'environnement, etc., elle explique comment vous avez été capables de transgresser vos propres lois de l'environnement, du zonage, les lois d'aménagement du territoire, les lois de la Régie de l'énergie. En tout cas, elle en a des pages et des pages.
Nous, on s'est dit: Tout à coup que la juge Rousseau, elle se serait trompée, même si ça nous semble tellement implacable, ce jugement-là, tellement fort, tellement que le ministère décide de ne pas aller en appel de ce jugement-là. Puis elle finit en disant: Les citoyens que vous avez «stampedés», là-dedans, là, plutôt, si vous aviez fait comme les libéraux, qui vous avaient dit de les payer, originellement, pour faire leurs études, puis de les envoyer devant le BAPE, puis de les entendre, puis de les aider à s'organiser un petit peu... Ce qu'on dit, d'ailleurs, même argument qu'on tient en ce moment dans le projet de Churchill Falls, où on dit: Essayez donc d'aider les citoyens à se faire entendre plutôt que de ne pas vouloir les entendre, comme vous êtes après faire avec les groupes autochtones. Ça recommence, hein, ça a recommencé, avec Les Éboulements. Or, elle finit le jugement en disant: Vous allez devoir payer les honoraires des avocats. Vous n'avez pas voulu les entendre, bien, là, vous allez être obligés de payer pour leurs honoraires.
Mme la Présidente, pourquoi le Protecteur du citoyen? Parce que, après qu'on eut entendu l'honorable Jeannine Rousseau, on a eu le rapport Nicolet. M. Nicolet, ingénieur de formation, président pour la troisième année de l'Ordre des ingénieurs du Québec, candidat dans le beau comté de Shefford... En quelle année?
M. Brodeur: 1994.
M. Benoit: En 1994. Il a mené une bonne campagne, là-bas. Il a travaillé fort, M. Nicolet. Mais disons que, dans les centres d'achats, Bernard était plus connu que M. Nicolet. Notre confrère a gagné, dans Shefford. C'est correct, ça.
Ceci dit, ça demeure que c'est un ingénieur de grande réputation, président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, président de l'UMRCQ aussi longtemps qu'on peut se souvenir, président de la MRC de Memphrémagog aussi longtemps qu'on peut se souvenir, très bon maire du petit village où je demeure, le village d'Austin. Très bon maire du petit village d'Austin, où je demeure, et je n'ai jamais dit le contraire. M. Nicolet, en connaissance de cause M. Catastrophe, comme on l'appelle maintenant au Québec vous l'avez nommé en charge d'une commission: d'abord au Saguenay, où il a fait un rapport tout à fait raisonnable, après ça, la cause du verglas. Très bien. Jamais nous n'avons critiqué, de notre côté, le choix de Roger Nicolet. Jamais nous n'avons dit que les autres commissaires n'étaient pas de qualité. Le maire de Saint-Hyacinthe, sans aucun doute, est un très bon maire. Il a fait un ouvrage extraordinaire, au moment du verglas. Je pourrais tous les passer.
Nous reconnaissions le bien-fondé de cette commission. Nous avons donc, chez nous, acheté les recommandations avant d'avoir vu le rapport. M. Nicolet, égal à lui-même, a fait un rapport important: 2 500 pages, 5 documents. Moi, je vous dirai tout de suite, je les ai toutes lues, les 2 500 pages. M. Nicolet est arrivé en nous disant, dans son rapport: L'argument qu'il y a urgence, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, et puis il est bien clair. Ensuite, l'argument qu'il fallait passer à Herteldes Cantons... Parce que le gars qui a le «turtleneck», il nous avait dit ça, et il y en a qui l'ont cru. Il faut mal connaître Hydro-Québec puis les coups de force d'Hydro-Québec. Vous avez voulu le croire. Bien, il dit: Ils n'avaient aucun fondement réel pour aller dans cette direction-là. Ce n'est pas moi qui dit ça, là.
M. Désilets: Mme la Présidente, une question d'information.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Sur une question de directive?
M. Désilets: De directive et d'information. Est-ce qu'on peut se permettre d'appeler n'importe qui par n'importe quel surnom ou est-ce qu'on doit avoir une espèce de décorum et puis appeler les gens par leur titre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, écoutez, je pense qu'on essaie d'avoir le plus de décorum possible. Tant que ce n'est pas antiparlementaire, il y a quand même une certaine souplesse. Disons qu'autant que faire se peut on est mieux d'appeler les gens par leur nom. Parce que nos propos, M. le député de Maskinongé, vous savez, sont enregistrés. Alors, c'est bien sûr qu'on est, après ça, responsables des propos que l'on tient ici. Alors, M. le député d'Orford, si vous voulez poursuivre.
M. Benoit: Oui, alors, je parlais de M. Caillé, bien sûr. Je terminerai parce que je ne veux pas prendre tout le temps. Ce que le rapport Nicolet a démontré, c'est que les arguments fondamentaux le ministre est encore revenu avec ça ce matin ne tenaient pas, Mme la Présidente. Alors, nous, là, tout à coup que les deux se seraient trompés, que M. Nicolet se serait trompé puis que la juge Rousseau se serait trompée, on aimerait ça que le Protecteur du citoyen, qui est un peu au-dessus de tout le monde, qui, lui, défend les citoyens, on aimerait ça, lui, qu'il vienne nous dire, le Protecteur du citoyen, ce qu'il en est dans cette affaire-là. Est-ce que les citoyens ont été «stampedés»? Est-ce qu'on a observé les lois du Québec? Est-ce que les citoyens ont des recours, suite à la loi n° 42? Est-ce qu'on va dans le sens du jugement de la juge Rousseau?
Moi, je continue à prétendre que la loi n° 42 est illégale parce que la juge Rousseau nous dit qu'il y a unicité dans le projet, alors que le projet de loi sépare le projet en deux: un bout, on va faire l'évaluation par le BAPE, l'autre bout, on n'y touche pas. Moi, je pense qu'on ne va pas dans le sens de la juge Rousseau. Je pense qu'on est dans l'illégalité, Mme la Présidente, dans ce projet de loi là. Et ce n'est pas pour rien que 38 députés libéraux s'y sont opposés avec force et vigueur.
J'aurais aimé, moi, que le député de Johnson, on l'entende dans ce débat-là. J'aurais aimé ça qu'on l'entende, lui qui a dit la même chose et son contraire, depuis le début, qui dit n'importe quoi, dans les journaux, là-bas. Et là c'est devenu un peu une risée. Les caricaturistes sont rendus que... Je pense qu'il n'y a pas une semaine où on n'en parle pas. J'aurais aimé ça, moi, monsieur, qu'on l'entende, le député de Johnson, dans l'Estrie. Le caucus... Je parlais des gens en autorité qui se sont prononcés chez nous. Il y a eu le caucus des députés de l'Estrie, bien sûr, qui se sont prononcés contre le projet.
Alors, j'arrête ici. J'espère, Mme la Présidente, qu'on va suspendre parce que tout le monde nous dit qu'il n'y a pas urgence ce projet de loi là. On est prêts, cet été, nous, à rentrer à Québec puis à écouter le Protecteur du citoyen, tout au moins.
Et je finirai en vous disant que, le Barreau du Québec, vous n'avez pas voulu leur demander un mémoire, mais ils en ont produit un quand même. Devant l'importance qu'ils voyaient de déposer leur opinion, même si la commission ne l'a pas demandé et on a l'air épais en culottes courtes, là-dedans ils ont déposé un mémoire quand même, même si on ne l'a pas demandé, alors que l'opposition demande qu'ils en déposent un. Alors, j'arrête ici et je vais laisser mes confrères et consoeurs prendre leur demi-heure, leurs 20 minutes.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En fait, c'est des 10 minutes, là. Vous comprendrez que, sur des motions, le proposeur a 30 minutes et les autres membres qui veulent s'exprimer ont 10 minutes. M. le député de Chomedey.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: Oui, merci, Mme la Présidente. Effectivement, je crois qu'il serait très important d'obtenir un avis du Protecteur du citoyen. Et la meilleure manière de s'en convaincre, c'est de référer à l'avis du Barreau du Québec que mon collègue vient de mentionner. L'avis, daté du 9 juin 1999, est relativement court. L'avis couvre à peine deux pages et demie. Mais ce qu'on y retrouve est d'un très grand intérêt pour tous les parlementaires de part et d'autre de cette commission parlementaire.
(12 heures)
Dans sa lettre, le nouveau bâtonnier, Denis Jacques, précise que le Barreau a pris connaissance du projet de loi n° 42. Et c'est leurs termes exacts, ils disent: «Et nous jugeons important de vous faire part de nos préoccupations à ce sujet.» Ce qui est intéressant aussi, Mme la Présidente, c'est qu'il s'ensuit une description qui aurait pu être écrite dans le cabinet du ministre, c'est-à-dire qu'ils expliquent très clairement qu'ils savent que le Québec avait connu au mois de janvier 1998 l'une des pires catastrophes naturelles de son histoire. Ils font cet aveu-là, ils ne sont pas en train de dire que cet argument, maintes fois invoqué par le gouvernement, ils en font fi, mais ils sont surtout en train de dire que la loi n'a pas été respectée et ils s'en prennent au fait qu'on veuille maintenant rétroactivement changer la loi pour se donner raison.
Mme la Présidente, je suis sûr que vous avez porté une oreille attentive en Chambre aujourd'hui, lors de la période des questions, lorsqu'une question a été soulevée concernant la construction d'un centre d'hébergement, quelqu'un qui avait déjà l'allocation en poche pour se payer la maison qu'il devait acheter. Vous savez, lorsque les fonctionnaires en question avaient été questionnés la première fois là-dessus, leur premier réflexe, maintenant... C'est nouveau, hein, c'est une nouvelle défense qui vient d'être inventée en droit pénal québécois. Leur défense, c'était la suivante: Il faudrait peut-être changer le règlement. Ça, c'est une défense qui a été inventée par le nouveau ministre du Revenu. Ça ne peut pas être ma faute à moi si j'ai enfreint la loi, ça doit être la faute de la loi, il faut changer la loi pour me donner raison rétroactivement. On l'a vu avec les fonctionnaires, donc, dans ce cas-ci encore une fois: Ah, bien oui, c'est vrai que le règlement dit ça, donc le problème, c'est qu'il faut changer le règlement. La même chose ici. On vit dans une société de droit et c'est important, ça, on va avoir l'occasion de l'expliquer un peu plus en détail tantôt et on est en train... le gouvernement propose une législation pour se donner raison rétroactivement non seulement en changeant les lois, mais malgré une décision formelle extraordinairement bien étayée de nos tribunaux. C'est du jamais vu.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 42, d'après le Barreau, aurait pour objet la légalité. Et ça, ça va être très difficile pour les gens qui vont nous transcrire parce qu'on va parler tantôt de légalité, en un mot, tantôt de l'égalité, «l» apostrophe égalité. Mais on va essayer de rendre ça le plus clair possible parce que, en lisant, c'est facile pour nous, mais, pour les gens qui doivent juste nous entendre et écrire ce qu'on dit, c'est pas mal plus difficile comme challenge.
Ce que le Barreau dit, Mme la Présidente, c'est que, au premier chef, les articles 2, 3, 5 et 6 du projet de loi vont au-delà de ce qui était nécessaire. Et ils vont jusqu'à dire que l'article 3 son deuxième alinéa dans le projet de loi vise même les opérations à être réalisées dans le futur, opérations qui nous semblent décrites de façon imprécise. Aussi, le Barreau dit que ça ferait perdre des recours légitimes à des citoyens qui voudraient faire valoir leurs droits à l'encontre de travaux d'opération réalisés en contravention de la loi. C'est incroyable, ça. Et je suis sûr que les nouveaux parlementaires, surtout, qui ont une formation juridique, doivent être passablement gênés de voir le comportement de ce gouvernement qui s'est souvent vanté de suivre la règle du droit, Mme la Présidente.
Le Barreau continue: «Cette législation soulève également des inquiétudes en regard du principe de l'égalité devant la loi.» Et il conclut cette partie-là en disant: «N'y a-t-il pas là un déséquilibre qui pourrait être de nature à miner la crédibilité du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi?»
Mme la Présidente, je vous réfère encore à des événements récents, au cours des dernières semaines en Chambre, où on a vu justement qu'il y avait une loi qui existait, la loi sur l'accès à l'information, une loi sur le ministère du Revenu, des exigences très claires, et on a changé la loi rétroactivement pour sauver la peau à un ministre. Ce qui était intéressant aussi, c'est qu'il y avait une autre ministre à qui on avait appliqué la loi, puis elle a démissionné. Le deuxième, il a dit: Je la change, la loi, ça ne s'appliquera pas à moi. Ça, c'est un problème d'égalité devant la loi, et c'est fondamental dans notre société.
Si on regarde ce principe... Lorsqu'on dit qu'on vit dans une société de droit, un État de droit, où il y a la primauté de droit, toutes les notions qui reviennent dans l'avis du Barreau du Québec, qu'est-ce qu'on veut dire? On veut dire, Mme la Présidente, que contrairement à une société, une dictature, un endroit où on ne connaît pas la démocratie, ici, les seules règles qui nous régissent sont les lois dûment votées par l'institution qu'est notre Parlement. Ces lois-là sont appliquées par une autre partie de notre système de gouvernance qui s'appelle le judiciaire, qui doit toujours être autonome, et ses décisions doivent être respectées.
Ce qu'on a devant nous est un acte qui brime fondamentalement ces règles-là parce qu'on est en train de dire: Les règles du jeu qu'on s'est données comme société dans notre Parlement dûment élu... Dûment votées, ces lois-là, quand ça ne fait pas notre affaire, on va les changer rétroactivement. Et ce n'est pas la première fois au cours de la même session qu'ils l'ont fait, Mme la Présidente, alors c'est très inquiétant de voir ce pattern. L'expression «le pouvoir use», hein, on le dit puis on parle aussi de l'arrogance du pouvoir. Je pense qu'il y a effec
tivement une arrogance, mais une usure aussi dans un deuxième mandat de ce gouvernement-là qui transparaît dans le projet de loi n° 42.
Mme la Présidente, on n'est pas en train de faire ces constatations tout seuls. On se réclame d'une des institutions les plus importantes dans notre société en termes de maintenir la primauté de droit et d'exiger des comptes du gouvernement, il s'agit du Barreau, un organisme, rappelons-le, créé par loi dont la seule fonction, l'unique but est d'assurer la protection du public. C'est justement en veillant à l'intérêt du public dans son sens le plus noble que le Barreau intervient cette semaine dans le débat sur le projet de loi n° 42. Le Barreau...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je regrette, mais j'apprécierais que, s'il y a d'autres personnes qui ont des cellulaires, ils soient fermés. M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Mme la Présidente, on vous remercie beaucoup pour cette intervention, parce que je pense que, en termes de décorum, les cellulaires commencent vraiment à être un problème ici.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Le décorum est une chose très importante, M. le député de Chomedey...
M. Mulcair: Je suis d'accord avec vous.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...et j'aimerais que vous poursuiviez votre intervention.
M. Mulcair: Mais c'est ce que j'allais faire. Mais je vous remerciais tout simplement d'avoir souligné ça parce que je commence, comme beaucoup d'autres membres, à trouver ça assez que les gens traînent leurs cellulaires avec eux autres.
Le projet de loi n° 42 constitue une loi rétroactive.
M. Brassard: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
M. Brassard: ...je suis de ceux-là aussi.
M. Mulcair: Le projet de loi n° 42 constitue...
Une voix: ...cellulaire ailleurs...
Une voix: Il est fermé.
M. Brassard: Il est fermé? Très bien.
M. Mulcair: «Le projet de loi n° 42 constitue une loi rétroactive qui annule les effets d'une décision judiciaire, poursuit le Barreau, qui affecte les droits des citoyens et accorde à une société d'État d'importantes exemptions en matière environnementale dont la justification reste à démontrer. Le Barreau du Québec s'inquiète de cette façon de légiférer. Le respect du principe de primauté du droit constitue une condition incontournable de la liberté des individus dans notre société, et l'État, comme toute autre personne, y est assujetti. En matière de respect des lois, nous croyons que le gouvernement a une obligation d'exemplarité.»
Le Barreau conclut: «Il y a des lois qui existent, qui obligent l'État à respecter un certain nombre d'exigences procédurales dont le but est d'encadrer et de normaliser les relations entre les autorités gouvernementales et le mandataire comme Hydro et les instances régionales et locales. Par le projet de loi n° 42, l'Exécutif demande au législateur d'écarter en sa faveur des régimes juridiques de contrôle auxquels restent assujetties les instances régionales et locales avec lesquelles il devrait normalement dialoguer.»
En d'autres mots, Hydro-Québec se trouve exemptée par la loi rétroactive qu'on est en train de voter, alors que les instances régionales et locales doivent toujours respecter la loi. Comment on explique à la population? Comment on explique aux jeunes qui doivent obéir à la loi? Lorsque le gouvernement se fait blâmer par un tribunal, il a la témérité d'utiliser sa majorité pour présenter au Parlement un projet de loi pour se donner rétroactivement raison. C'est ça, le problème avec ce projet de loi.
Le Barreau est une institution qui a donné un avis, et on demande, en terminant, Mme la Présidente, qu'une autre importante institution, le Protecteur du citoyen, puisse aussi émettre un avis là-dessus.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le député de Chomedey. Vous rappelant qu'on est toujours sur la motion qui a été présentée, en fait, concernant le Protecteur du citoyen, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion?
M. Gobé: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine.
Une voix: Il s'en va, le député?
M. Gobé: Non.
Une voix: Mais il pense que vous avez compris, là.
M. Gobé: Il va faire son cellulaire.
(12 h 10)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de LaFontaine, c'est à vous.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Oui, Mme la Présidente, je vous remercie. Mais, vous savez, il y avait quelques distractions en avant de moi, alors disons que j'attendais que cela cesse pour pouvoir commencer cette importante intervention dans ce projet de loi là, d'autant plus que vous comprendrez que je suis intéressé un peu à double titre à ce qui se passe ici, car, en effet, tout le monde se rappellera, du moins ceux qui étaient présents, que, lors de la crise du verglas, à titre de député de LaFontaine, j'ai dû... Et j'ai été même le premier député à intervenir pour dénoncer ce qui se produisait et demander une enquête publique sur la manière dont le gouvernement gérait cette crise et sur le bien-fondé de prendre des décrets. Et je m'explique. Et, si on se fie à la première page du Devoir , si on se fie à La Presse , première page de La Presse , le Journal de Montréal , la Gazette , le Globe and Mail , eh bien, à l'époque, j'avais sonné la cloche. Il semblait qu'au Québec on était tous un peu anesthésiés ou gelés dans le verglas et que le gouvernement, profitant de cette situation, posait des gestes qui, d'après moi et d'autres personnes, ne ressemblaient pas à la manière prudente, normale et légale d'agir.
Et comment c'est arrivé? C'est parce que, un beau matin, le gouvernement a décidé de se saisir du prétexte de la crise du verglas pour décréter la construction d'une ligne à haute tension entre Duvernay et Anjou qui traverse la rivière des Prairies et qui passe dans la circonscription de LaFontaine, ligne qui était contestée et décriée par les citoyens depuis six, sept ans, pour laquelle il y avait eu de nombreuses consultations, pour laquelle nous avions obtenu et je pense que c'était le ministre actuel qui était à l'Environnement à ce moment-là si mes souvenirs sont exacts les audiences du BAPE. Sur la ligne Duvernay-Anjou.
Et je me souviens d'avoir plaidé auprès du ministre tout à son honneur, d'ailleurs la nécessité de tenir ces audiences parce que les citoyens s'opposaient et avaient des arguments qui semblaient assez intéressants, et le ministre, dans sa sagesse, je le reconnais, avait accepté que les citoyens de la région de Laval, de Montréal, d'Anjou et de Montréal-Nord qui étaient touchés par cette ligne puissent témoigner devant le BAPE. Et il y a eu des audiences nombreuses, et, à chaque fois que les audiences se tenaient, il y avait des foules de gens de 200, 150, 300 personnes. Et c'est rare dans les audiences publiques ou dans les audiences de toutes sortes que vous allez avoir une période de cinq, six audiences sur plusieurs semaines, reprises plus tard pour d'autres audiences encore et qu'on retrouve autant de gens.
Alors, pourquoi les gens allaient là? Puis, ça se tenait en été, au mois de juin, je me souviens, alors il faisait beau dehors, les gens avaient peut-être d'autres choses à faire que d'être dans un sous-sol d'église à un moment donné, dans une école dans l'autre pour aller se faire entendre. C'est parce qu'ils étaient concernés par cette ligne qui allait passer sous leur fenêtre, qui allait gâcher leur qualité de vie, baisser irrémédiablement pour tout le temps du moins, tant qu'elle sera là la valeur de leur propriété, leur quiétude à cause des bruits, aussi peut-être les exposer et ce n'est pas prouvé que ce n'est pas vrai à certains dangers de radiation, de diffusion d'ondes, avec des incidences sur leur santé. On sait qu'il y a des études qui le démontrent, d'autres qui disent le contraire, mais, lorsqu'on sait les intérêts financiers qui sont en jeu, importants, à travers le monde, dans les compagnies d'électricité, on comprend que, lorsqu'une étude sur la santé vient sonner un système d'alarme pour dire qu'il peut y avoir danger, avec les puissances financières que ça comporte puis les coûts importants que ça met en cause, eh bien, on finance d'autres études pour faire dire le contraire. Je ne suis pas gêné de dire ça ici, en cette Chambre.
Donc, on essaie toujours de faire accroire aux citoyens québécois, aux Allemands, aux Américains, dans tous les pays dans le monde où ça se produit, qu'il n'y a aucun danger d'avoir des lignes électriques près de chez soi. Force est de constater malgré tout que les études démontrent que les gens qui travaillent pour les compagnies d'électricité, que ce soit Hydro Ontario il y a eu une étude que ce soit EDF de France, entre autres, et en Belgique aussi, la compagnie d'électricité belge... démontrent que les travailleurs qui travaillent pour ces compagnies-là, particulièrement sur les lignes, sont soumis en plus grand nombre que les autres à des cancers. Les cas de cancer relevés chez les travailleurs monteurs de lignes, en Ontario particulièrement, en France, selon les études qui ont été disponibles, eh bien, démontrent cela. Le taux est plus élevé que chez les autres travailleurs dans la population. Alors, c'est un indice.
Donc, les citoyens, à juste titre, s'inquiètent. Le BAPE tient ses études dans Rivière-des-Prairies, dans Laval, dans Montréal, il fait des recommandations à l'effet qu'Hydro-Québec n'a pas prouvé la nécessité d'avoir cette ligne. Hydro-Québec reconnaît même qu'elle s'était trompée dans ses prédictions, que les prédictions de consommation qu'elle avait amenées jusqu'en 2005 avaient déjà été révisées à la baisse et puis que, encore là, on pouvait les réviser à la baisse. Pourquoi? Bien, simplement parce que, lorsqu'ils ont fait leurs premières études, comme tout promoteur, ils ont voulu dorer la pilule pour pouvoir passer rapidement leur projet. Après cela, lorsqu'il y a eu des études plus sérieuses, plus poussées, ils se sont rendu compte eux-mêmes qu'ils avaient exagéré.
Et aussi, on a assisté à différentes choses. On a assisté en particulier à la baisse de la consommation énergétique dans cette région-là. Pourquoi? Parce que, lorsqu'ils ont fait leurs études, il y avait cinq raffineries dans l'est de Montréal, il en reste deux. Alors, vous comprenez, les raffineries, c'est très énergivore, ça prend des quantités très importantes de courant électrique, et, ces raffineries étant fermées, eh bien, c'est évident que la consommation a chuté beaucoup au niveau de la consommation électrique.
Aussi, les industries lourdes qu'il y avait dans l'est de Montréal, comme Noranda entre autres, sont des industries qui utilisaient des équipements à haute consommation énergétique, mais, avec le modernisme, avec la nouvelle technologie, avec le changement des méthodes de production, eh bien, ils ont été capables de réaliser des gains très, très importants en ce qui concerne la consommation d'énergie. Aussi, c'était un des principaux ou parmi les principaux consommateurs d'électricité.
Il y a aussi des entreprises qui ont fermé, qui ont disparu et dont on ne parle plus qui étaient des entreprises des années cinquante, quarante-cinq, soixante, donc avec des technologies de haute consommation d'énergie et qui ont fermé pour des raisons économiques et sont disparues. Ça a été remplacé, dans la région de l'est de Montréal, par des quartiers résidentiels, en très grande partie des bungalows des pavillons, pour dire le mot français des habitations de catégorie petite et moyenne. Avec les nouvelles normes de consommation énergétique, là aussi, on a assisté à pas une compensation de... Vu qu'il y avait une perte dans l'industrie, on a dit... Ils ont construit des maisons, ça va compenser en termes de consommation. Ce n'était pas ça qui s'est produit.
Donc, le BAPE a refusé d'accepter le bien-fondé de la demande, et c'est écrit en toute note dans le rapport du BAPE. Et M. le ministre n'est plus ministre maintenant, et je suis certain que, lorsqu'il l'a vu parce que, à l'époque, il était ministre il a cru ce qui était écrit dans le BAPE. Et le BAPE disait: Hydro-Québec devrait refaire ses devoirs. Bon. Malheureusement, ils ne les ont pas refaits. Il a dit: Si jamais ils démontraient qu'ils en ont besoin, il faudrait l'enfouir à cause des impacts que ça va faire. Il est vrai que ça coûtait cher.
Mais le plus déplorable, Mme la Présidente, c'est que, pendant la crise du verglas, on a pris prétexte à la crise du verglas pour passer cette ligne sous le nez des citoyens. On a pris prétexte qu'on éclairait Montréal, que Montréal serait resté éclairée avec ça, alors que tout le monde sait et les gens de l'IREQ l'ont démontré par la suite, les ingénieurs d'Hydro-Québec aussi que cette ligne-là n'était pas connectée pour éclairer le centre-ville de Montréal, il faudrait faire une autre ligne d'accord? et que c'est une ligne qui, au contraire, envoyait de l'électricité de l'autre côté, sur la Rive-Sud.
Alors, M. le Président, on se rend compte qu'il y a eu là encore un abus. Non seulement on a donné des audiences au BAPE, mais, quand les audiences du BAPE étaient contradictoires à ce qu'Hydro-Québec voulait, bien, ils ont convaincu le gouvernement de passer outre et ils se sont servis malheureusement et je termine, Mme la Présidente du prétexte de la crise du verglas, et je crois que, dans ce dossier-là, on assiste sensiblement à la même manoeuvre. Pas parce qu'on est contre les exportations d'électricité, mais il me semble que, si on disait les choses clairement et directement aux citoyens, aux Québécois, aux Québécoises, eh bien, ils comprendraient. Et, s'il y a des impacts qui découlent de nos décisions politiques, économiques d'Hydro-Québec, bien, nous les compenserions, nous verrions à les atténuer, et ça serait mieux comme ça, en toute transparence, dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises, mais aussi d'Hydro-Québec et du futur, parce que, maintenant, il n'y a plus personne qui a confiance en eux autres, et, à chaque fois, on va avoir des problèmes à développer cette grosse corporation qui a un capital québécois très important.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. M. le député de Groulx. Il y a alternance.
M. Gobé: Merci de m'avoir laissé...
M. Kieffer: Non, non, madame, je vais laisser mon droit au ministre.
(12 h 20)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah, vous aviez un commentaire, M. le ministre. Oui, M. le ministre, vous pouvez...
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Alors, Mme la Présidente, comme le député de Chomedey et leader adjoint du gouvernement a longuement parlé de la lettre que m'a adressée le nouveau bâtonnier du Barreau, Me Jacques, vous me permettrez de réagir, puisque, à l'Assemblée nationale, tout à l'heure, évidemment, compte tenu du cadre de la période de questions, les réactions sont toujours très brèves, et on ne peut pas aller dans les détails. D'abord, je l'ai dit en Chambre, c'est une lettre que m'adresse le bâtonnier. C'est une initiative qu'il a prise. À ma connaissance, je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui l'ait sollicité, il a pris cette initiative de m'écrire. Alors, par conséquent, vous pouvez être assuré que je lui répondrai le plus vite possible de façon substantielle.
Mais j'aurais quelques réactions à faire, parce que, quand on lit cette lettre du bâtonnier et si on pousse le raisonnement qu'on retrouve dans cette lettre jusqu'au bout, on se rend compte que finalement, au fond, le bâtonnier s'oppose à l'idée même d'une loi conservatoire, hein, et il voudrait remarquez que c'est son droit, mais il faut que les choses soient claires qu'on respecte le jugement de la juge Rousseau, ce qui ne peut qu'entraîner à terme... Il faut en être bien conscient, à terme, c'est, à ce moment-là, la démolition ou le démantèlement des infrastructures déjà construites et c'est aussi, évidemment, des recours possibles en dommages-intérêts. C'est ça qui se produit, parce que, à partir du moment où la juge Rousseau, dans son jugement, affirme que les décrets qui sont à la base des travaux qui ont été entrepris par Hydro-Québec sont illégaux, donc, ça veut dire à ce moment-là que n'importe qui peut se présenter devant un tribunal et exiger le démantèlement, la démolition des ouvrages déjà construits ou alors entamer des poursuites en dommages-intérêts. C'est évident, puisque les décrets qui sont à la base de ces ouvrages sont déclarés illégaux par la juge.
Alors donc, le gouvernement était placé devant l'alternative suivante: ou alors on laisse faire, et, à ce moment-là, à tout moment, il peut arriver ce dont je viens de parler, une requête en démolition, en démantèlement ou des poursuites en dommages-intérêts, c'est évident; ou alors, compte tenu de l'ampleur des investissements qui sont faits je l'ai déjà signalé, ça approche les 300 000 000 $; Herteldes Cantons, c'est plus de 100 000 000 $ seulement le tronçon déjà construit bien, le gouvernement décide par une loi, donc en ayant recours à l'Assemblée nationale par une loi, de valider ce qui s'est fait, de sécuriser sur le plan juridique les travaux déjà faits. C'est ça, l'objet de la loi conservatoire. Et ça, on ne peut pas le faire à moitié ou partiellement, comme le suggère le bâtonnier, il faut le faire ou ne pas le faire. On le fait au complet ou on ne le fait pas du tout. On adopte une loi conservatoire ou alors on laisse faire, mais pas à demi, là. Une loi conservatoire, ça va donc avoir pour effet de sécuriser sur le plan juridique l'ensemble des ouvrages qui ont été construits.
Et il y a une certaine confusion je vais le dire au bâtonnier dans sa lettre, il semble confondre le passé et l'avenir, et il faut faire la distinction très nette entre le passé, c'est-à-dire ce qui est fait, les ouvrages construits ça, c'est l'Annexe I de la loi puis ce qui reste à faire ça, c'est l'Annexe II, ce n'est pas fait. Pour l'Annexe I, ce qui est fait, c'est la loi conservatoire qui s'applique, et on a eu recours à l'exemption rétroactive, c'est ça. Puis, ce qui reste à faire, c'est l'Annexe II. Bien, alors, là, la loi dit: Bien, ça, les procédures régulières prévues dans les lois québécoises, que ce soit la loi de l'environnement ou de l'aménagement, vont s'appliquer désormais. C'est ça, ce que dit la loi.
Et, à partir de ce moment-là, les légistes on a eu de nombreuses rencontres avec les légistes ils nous ont dit, ils m'ont dit: Il y a deux façons d'assurer la validité des travaux déjà faits. Il y en a deux, puis c'est deux techniques législatives qui ont été fréquemment utilisées dans le passé puis qui vont l'être encore sans doute dans l'avenir. La première technique, c'est, par une loi, de dire: Ce qui a été fait doit être considéré comme ayant été fait conformément à la loi. On a adopté dans cette Chambre de nombreux projet de lois. Je pense, en particulier, à des lois privées dans le monde municipal. Ça arrive très souvent que, dans les conseils municipaux, ils posent des gestes puis ils prennent des décisions, puis qu'on se rende compte par après que ça s'est fait illégalement, ils n'ont pas respecté toutes les procédures, ils n'ont pas suivi toutes les règles, puis, bon, ils ont pris des décisions, de bonne foi, illégales, et, à ce moment-là, l'Assemblée adopte un projet de loi privé qui est rétroactif, évidemment, qui rétroagit puis qui dit: Bon, ce qui a été fait, les décisions qui ont été faites sont réputées avoir été faites conformément à la loi.
L'autre technique législative, c'est plus explicite, c'est qu'on se soustrait ou on s'exempte de façon rétroactive à certaines lois. Dans le cas présent, trois lois: la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la protection du territoire agricole. C'est ce qu'on a choisi de faire parce que c'est plus explicite, c'est plus clair, ça dit bien ce que ça veut dire. Effectivement, c'est sûr que c'est rétroactif parce que c'est ça, l'objet d'une loi conservatoire, c'est de faire en sorte que ce qui a été fait soit réputé conforme à la loi. Donc, il ne faut pas s'en étonner, là. J'espère que le bâtonnier ne s'en étonne pas, c'est précisément l'objet d'une loi conservatoire.
Et ce n'est pas nouveau non plus, ça. Je le signale, que ce n'est pas nouveau non plus. Je l'ai indiqué tout à l'heure à l'Assemblée nationale, mais on pourrait citer de nombreux cas où l'Assemblée, où le Parlement a décidé par une loi de rétroagir, et le cas le plus exemplaire, je dirais je l'ai cité, mais je veux vous en parler plus abondamment c'est en 1990, au mois d'août 1990, il s'agissait de construire un tronçon d'autoroute entre Châteauguay l'autoroute 30 et Sainte-Catherine. Je vous rappelle que c'est à la suite de la crise d'Oka, hein? Alors, il fallait faire vite. Le gouvernement a jugé qu'il y avait urgence, qu'il fallait procéder rapidement. D'ailleurs, la construction a commencé en septembre de la même année, 1990, et, par cette loi, pour aller plus vite, le gouvernement d'alors a demandé à l'Assemblée nationale de l'exempter de l'application de trois lois. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ne s'applique pas, l'article 14. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ne s'applique pas, article 15. La Loi sur la protection du territoire agricole ne s'applique pas dans le cas de ce projet-là. La Loi sur la qualité de l'environnement ne s'applique pas dans le cas du projet de la construction du tronçon de l'autoroute 30. Ces lois ne s'appliquent pas.
Et, en plus, vraiment, je vous signale, Mme la Présidente, qu'à l'article 17 on indique: Les articles 1 à 3, 15 et 16 ont effet depuis le 30 août 1999. La loi est entrée en vigueur le 30 août 1990...
Une voix: Quatre-vingt-neuf.
M. Brassard: ... 1989, pardon mais les dispositions concernant la Loi de la qualité de l'environnement et la Loi de la protection du territoire agricole, leur non-application a pris effet un an plus tôt, un an précédant, en 1989.
Une voix: Pourquoi?
M. Brassard: Pourquoi? Bien, je suis allé aux informations, on va les avoir, mais mon hypothèse m'apparaît la plus plausible, c'est que, en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement, on avait dû enclencher les procédures, particulièrement la procédure d'évaluation environnementale, il devait y avoir un avant-projet qui avait été déposé au ministère de l'Environnement, et puis le ministère des Transports avait dû amorcer l'étude d'impact qui est prévue aux dispositions de la loi. Donc, la procédure devait être enclenchée. Même chose pour le dézonage parce que la Loi de la protection du territoire agricole aussi, on prévoit sa non-application un an avant. Probablement qu'il y avait des procédures d'enclenchées pour obtenir le dézonage. Bien, tout ça est effacé par une rétroaction d'un an.
(12 h 30)
Alors, ce n'est pas une procédure nouvelle. Et là c'est évident que ça a un effet rétroactif, mais c'est ça, l'objet d'une loi conservatoire, et, encore une fois, je répète, puis je vais le dire très explicitement au bâtonnier, l'alternative, c'est qu'on laisse les choses comme elles étaient, et, à ce moment-là, le risque est évident d'être placés devant une demande de démolition et de démantèlement ou encore de dommages-intérêts. Et l'article 9, d'ailleurs, du projet de loi, ce n'est pas nouveau non plus, ça. D'ailleurs, à partir du moment où vous déclarez que ce qui est fait l'est, fait, conformément à la loi, c'est évident que ça élimine tout recours, c'est automatique. On l'a mis quand même pour être bien explicite, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Mais c'était automatique de toute façon. À partir du moment où vous rétroagissez, c'est évident qu'il n'y a plus de recours possible, de toute nature.
Mme la Présidente, ce que je constate dans la lettre du bâtonnier, et je vais évidemment lui écrire, avec beaucoup, je dirais, de respect et d'estime à l'égard de quelqu'un qui occupe un poste aussi important dans notre société, qui est le président, en quelque sorte, du Barreau, donc de tous les avocats du Québec, je vais lui écrire avec beaucoup de respect, mais je vais lui écrire que, essentiellement, je pense que l'erreur majeure qu'il commet dans sa lettre, c'est qu'il confond le passé et l'avenir. Il ne faut pas les confondre. La loi conservatoire porte sur le passé, ce qui est fait. Pour ce qui est de l'avenir, c'est clair, on va s'assujettir aux procédures que l'on retrouve dans toutes les lois pertinentes à cet égard.
Alors donc, Mme la Présidente, ce n'est pas une innovation législative que je fais. Ça n'a rien de nouveau, ça. C'est une technique et c'est une façon de faire que bien des gouvernements dans le passé... Évidemment, il y a un jugement politique, là. Toute la question politique se pose. Il y a un jugement politique. Nous, notre évaluation politique, c'est qu'on ne pouvait pas laisser dans l'insécurité, dans la précarité juridique des investissements de cette ampleur-là. C'est ça, notre évaluation, puis c'est pour ça qu'on fait adopter la loi. Il y en a d'autres qui peuvent avoir un autre point de vue puis qui peuvent dire: Bien, ce n'est pas grave là que 300 000 000 $ d'investissements se retrouvent dans l'incertitude juridique puis menacés de démantèlement; ce n'est pas grave, ça. Il y en a qui peuvent avoir cette évaluation politique, mais ce n'est pas la nôtre, ce n'est pas notre évaluation à nous. Et, à partir du moment où on porte ce jugement-là, bien, la suite c'est de demander à l'Assemblée nationale d'adopter une loi conservatoire, comme bien des gouvernements dans le passé l'ont fait. Je cite le cas de 1990 parce qu'il est exemplaire, à mon avis. C'est un gouvernement libéral en plus, dirigé par M. Bourassa. Donc, c'est un bel exemple, mais on pourrait en citer bien d'autres également. Dans le monde municipal, pour ce qui est des projets de loi privés, c'est très fréquent aussi, c'est très, très fréquent qu'on procède de cette façon-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. M. le député de Shefford.
M. Brodeur: Le député de Groulx n'a plus rien à dire?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, mais le député de Groulx... Je procède par alternance, M. le député de Shefford.
M. Brassard: L'alternance.
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Merci, Mme la Présidente. J'ai bien écouté le ministre. J'ai bien lu aussi l'avis du Barreau du Québec. Le ministre vient de nous dire que probablement le Barreau confondait un tas de choses. Moi, ce que je constate à la lecture de la lettre, comme disait autrefois le capitaine Bonhomme, c'est le gouvernement qui est confondu.
Donc, Mme la Présidente, moi, après avoir fait la lecture de la lettre du Barreau et surtout après l'argumentation du ministre, qu'il vient de faire, concernant l'obligation de faire une loi qui fait en sorte que, si on ne passe pas ce projet de loi là, les pylônes vont disparaître, Mme la Présidente, la logique dans cette affaire aurait été tout simplement de décréter un moratoire au moins, suspendre toutes les actions et procéder de façon légale, c'est-à-dire, au moins de façon légale après le fait, puis consulter les gens en question, avoir une consultation auprès du BAPE, et non pas légaliser ce qui était, à l'origine, illégal.
Donc, je crois que le ministre n'a pas saisi les arguments du Barreau. Puis je vais profiter de l'occasion pour lui relire deux petits passages qui vont peut-être l'éclairer sur l'essence de l'avis que le Barreau du Québec a donné au ministre. Ces deux passages-là sont à la page 2 du document qui a circulé ici tantôt et qui se lit ainsi, le deuxième paragraphe: «Cette législation soulève également des inquiétudes en regard du principe de l'égalité devant la loi.» Mme la Présidente, c'est le grand principe de droit, le grand principe de démocratie que tous les gens sont égaux devant la loi, y compris les corporations, y compris les individus et y compris le gouvernement aussi. On ne peut pas voir en cette démocratie que le gouvernement légalise des actes qui sont illégaux et en particulier des actes que le gouvernement lui-même a faits d'illégal. Donc, Mme la Présidente, c'est pareil comme si un membre influent du gouvernement commettait un acte criminel et un gouvernement légalisait son acte de façon rétroactive. C'est du même principe, c'est exactement du même principe de l'égalité de tous devant la loi, y compris l'égalité du gouvernement et de tous les citoyens.
Je continue la citation, Mme la Présidente: «En matière de protection du territoire agricole notamment, des centaines de milliers de citoyens sont assujettis au contrôle exercé par la Commission de protection du territoire agricole sur le moindre projet d'intervention en zone agricole, si minime que soit son impact réel.» Et vous-même, Mme la Présidente, il y a sûrement des gens qui arrivent à votre bureau de comté et qui se disent outrés ou bien frustrés que leur projet, ou leur demande, ait été refusé auprès de la CPTAQ pour des impacts beaucoup, beaucoup moins grands que celui de la construction de la ligne Herteldes Cantons.
Et je continue: «Lorsqu'il s'agit d'un mandataire du gouvernement, des implantations aussi lourdes de conséquence que celles des lignes de transport d'énergie électrique sont rétroactivement exemptées de l'application de toutes les dispositions de la loi. N'y a-t-il pas là un déséquilibre qui pourrait être de nature à miner la crédibilité du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi?» Et c'est ça, Mme la Présidente, l'essence des arguments de l'opposition. Je pense, Mme la Présidente, que, malheureusement, dans ce cas-là, tantôt on a entendu des propos que je qualifierais, entre guillemets, de démagogiques.
Mme la Présidente, il aurait été si simple de déposer un projet de loi vraiment conservatoire tout en n'allant pas si loin que ça. Je pense que le ministre est conscient qu'on n'avait pas besoin de légaliser l'illégalité, de défendre l'indéfendable, et tout simplement il n'y a personne qui a parlé de défaire toutes les structures établies ce qui aurait été intelligent de faire, Mme la Présidente, c'est tout simplement d'adopter un genre de moratoire pour conserver ce qui est déjà construit et voir à la suite de ça, à la suite des études, à la suite d'une commission, à la suite des audiences auprès du BAPE, à savoir si on n'aurait pas pu améliorer, faire en sorte que l'environnement soit protégé, que la santé des citoyens soit protégée. Mais, pour tout faire ça, Mme la Présidente, on n'a pas besoin de rentrer une braquette avec une masse, tout simplement agir dans toutes proportions, dans la proportion des choses, et ne pas faire des entaches graves à la démocratie.
Je continue, Mme la Présidente, un petit peu plus loin, pour la compréhension du ministre qui m'écoute attentivement. Le Barreau dit: «Le projet de loi n° 42 constitue une loi rétroactive qui annule les effets d'une décision judiciaire, affecte les droits des citoyens et accorde à une société d'État d'importantes exemptions en matière environnementale dont la justification reste à démontrer.» Et, présentement, on invoque toutes sortes de choses. On invoque l'urgence. On a encore le temps de réagir avant la prochaine crise du verglas, on a encore le temps de compléter ou de réajuster la construction. Donc, on se pose des questions. On se pose des questions sur l'argumentation gouvernementale.
On continue la lettre, Mme la Présidente: «Le Barreau du Québec s'inquiète de cette façon de légiférer. Le respect du principe de primauté du droit constitue une condition incontournable de la liberté des individus et je répète, Mme la Présidente, une condition incontournable de la liberté des individus dans notre société et l'État, comme toute autre personne, y est assujetti.» Donc, ce qu'on nous démontre aujourd'hui, c'est que le gouvernement, lui, n'est assujetti à aucune loi. Lorsque la loi ou le règlement ne fait pas son affaire, on change la loi ou on change le règlement puis, tout d'un coup, ça devient légal. C'est le grand principe qu'on veut établir là par le projet de loi n° 42.
(12 h 40)
Et je continue la lettre, Mme la Présidente: «En matière de respect des lois, nous croyons que le gouvernement a une obligation d'exemplarité.» Donc, il est évident que le gouvernement n'est pas exemplaire dans ce cas-là. Malheureusement, tous les groupes ou tous les gens qui ont émis des opinions contraires à celle du gouvernement se sont fait traiter de groupuscules. Je ne sais pas si le ministre pense que le Barreau aussi est un groupuscule, puisque moins nombreux.
Une voix: ...
M. Brodeur: Le ministre nous dit qu'il va y penser. Imaginez-vous, Mme la Présidente, que le député d'Orford vient de déposer une motion pour entendre le Protecteur du citoyen. Si les gens du Val-Saint-François sont des groupuscules, si peut-être aussi les autochtones qui veulent se faire entendre concernant la rivière Churchill sont peut-être aussi des groupuscules... On sait que le distingué député de Joliette les appelle, les gens du Val-Saint-François, des gosseux de poils de grenouille. Le leader du gouvernement est quand même plus poli en les traitant de groupuscules. Est-ce que le Barreau est un groupuscule? Imaginez-vous, Mme la Présidente, le Protecteur du citoyen, qui est seul. On se demande qu'est-ce qu'il est, lui. Je ne sais pas comment le ministre pourrait traiter le Protecteur du citoyen si les gens du Val-Saint-François, si les opposants, si les gens de l'opposition sont des groupuscules, le Protecteur du citoyen... On s'imagine facilement que le vote des députés ministériels fera en sorte de rejeter probablement la motion du député d'Orford, de rejeter la proposition du député d'Orford comme ils ont...
M. Brassard: Question de règlement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
M. Brassard: Mme la Présidente, le député de Shefford nous prête des intentions et anticipe...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est de la présomption.
M. Brassard: ...la façon dont nous allons voter. Je pense que ce n'est pas réglementaire.
M. Brodeur: Est-ce que le ministre...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Shefford, effectivement, vous connaissez le règlement. Il vous reste à peine une minute, M. le député.
M. Brodeur: Il me reste à peine une minute, Mme la Présidente, et j'espère que dans cette minute ça donnera assez de temps au ministre pour réfléchir...
M. Brassard: Je réfléchis.
M. Brodeur: ...et, si j'ai bien compris son message, qu'il va accepter la motion d'entendre le Protecteur du citoyen. Mme la Présidente, il est aussi bien d'acquiescer à la motion, puisque... Il a voté contre ma motion, la semaine dernière, d'entendre le Barreau du Québec. Le Barreau a quand même réagi. J'espère que le Protecteur du citoyen va quand même réagir. Et j'espère qu'il va appeler encore la commission ici. J'espère qu'on ne sera pas devant un fait accompli, dans un bâillon qui va survenir la semaine prochaine. J'espère que le ministre n'a pas songé...
M. Brassard: Mme la Présidente, question de règlement.
Une voix: Il ne prête pas d'intentions, il soulève.
M. Brassard: Il m'impute des motifs et il me prête des intentions, cette fois-ci non pas à titre de ministre des Ressources naturelles mais de leader du gouvernement, et je pense qu'encore une fois ce n'est pas conforme à nos règles.
Une voix: C'est une interrogation.
M. Brodeur: Mme la Présidente, c'est une interrogation et, si je comprends, c'est que le bâillon serait, en fin de compte, un motif indigne qu'on pourrait donner au ministre.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est une question...
M. Brodeur: Donc, je pense, là... le ministre m'indique...
M. Brassard: Vous vous interrogez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est une question qui peut se poser effectivement.
M. Brassard: Il y a un point d'interrogation.
M. Brodeur: Le ministre m'indique que cette loi-là ne sera pas dans un éventuel bâillon. C'est ce que je comprends, M. le ministre.
M. Benoit: Pour moi, on n'aura pas de bâillon.
M. Gobé: Mme la Présidente.
M. Brodeur: Et j'espère que la commission sera rappelée, Mme la Présidente.
M. Benoit: On vient d'apprendre qu'on n'aura pas de bâillon.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Shefford.
M. Gobé: Question de directive, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de LaFontaine.
M. Gobé: D'éclaircissement technique. Est-ce que le leader peut se passer un bâillon à lui-même, à sa propre loi, en tant que ministre? Il n'y a pas conflit d'intérêts?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ce n'est vraiment pas une question de directive.
M. Brassard: Je vais réfléchir là-dessus.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai d'autres intervenants qui veulent intervenir. Donc, je ne voudrais surtout pas priver les gens de leur droit de parole. M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Oui, et ça va être très rapide. Merci, Mme la Présidente. C'est simplement pour réagir évidemment à la motion et en même temps à la lettre qui a été transmise par le bâtonnier. J'aimerais tout d'abord, moi aussi, mentionner, tout en étant membre du Barreau encore maintenant d'ailleurs, toute la déférence que j'ai envers l'institution qu'est le Barreau. Par contre, je suis plutôt surpris du contenu et aussi du moment où elle intervient.
Tout d'abord, je vous dirais que la lettre peut se résumer à... Elle est inutilement longue, je vous dirais au départ, parce qu'elle aurait pu se résumer en un paragraphe. Elle réaffirme évidemment la séparation des pouvoirs qui doit exister entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Et effectivement, c'est de tout temps un des fondements de notre Constitution et qu'on doit respecter. Par contre, ce dont la lettre ne fait pas mention d'ailleurs, c'est que le législatif a effectivement le pouvoir de se soustraire à certaines obligations et même de changer effectivement une situation de droit qui a été créée par un jugement. Et c'est un pouvoir qui existe. On sait qu'un des principes qui gouvernent au-dessus de tout niveau de notre Constitution, c'est la souveraineté du Parlement qui est sûrement moi, je crois le principe le plus fondamental qu'on puisse trouver en démocratie. Et ce pouvoir-là est exercé, doit être exercé à bon escient.
Vous savez, il n'est jamais agréable effectivement de modifier une décision judiciaire. Or, le fait de la modifier est une décision d'opportunités politiques et qui sont gouvernées par les intérêts supérieurs de notre pays, de notre peuple. Et dans ce cas-ci, la lettre n'y apporte rien de nouveau. Moi, je n'y trouve aucun argument qui pourrait faire en sorte qu'on puisse avancer dans notre réflexion, effectivement. Est-ce qu'on aurait dû ou pas le faire? Ce qu'on nous dit, c'est qu'on manque tout simplement aux obligations qui sont prévues dans certaines lois, mais on n'y apporte aucun autre argument quant à l'opportunité et au choix qui a été fait par le gouvernement d'agir dans ce cas-là.
Je peux vous dire que je demeure surpris du contenu de la lettre, encore une fois, et je tiens à le mentionner. Je vous dirais même que, le ministre va lui écrire, mais, à titre de membre du Barreau, je crois aussi que je vais me permettre de lui écrire parce que, tant pour le contenu qu'au moment où elle intervient, j'ai rarement vu d'ailleurs... Je vous ferai remarquer que l'ancien bâtonnier n'est pas intervenu alors que le projet de loi est connu depuis quand même un petit bout de temps, et on n'a pas eu d'autres interventions. Alors, de son propre chef, sur un terrain qui me semble assez particulier quant aux commentaires qu'il apporte, je trouve ça très particulier qu'un bâtonnier prenne cette position-là, je peux vous dire. Et, moi aussi, je me permettrai de lui faire certains commentaires, avec toute la déférence que je lui dois aussi.
Alors, c'était tout simplement mes commentaires, Mme la Présidente, et je demeure tout à fait encore convaincu qu'effectivement le gouvernement... Oui, je suis membre du Barreau, mais, maintenant, je suis aussi membre de cette Assemblée nationale et, à titre de parlementaire, représentant de la population, je suis convaincu que nous avons pris la meilleure décision pour les intérêts de l'ensemble de la population. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Chicoutimi. Mme la députée de Bonaventure, toujours sur la motion.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Oui, toujours sur la motion, Mme la Présidente. Merci. Tout d'abord, je suis très surprise d'entendre le député de Chicoutimi, qui, lui-même, est avocat de formation, livrer de tels commentaires et s'étonner du contenu de cette lettre rédigée par le Barreau du Québec. C'est étonnant parce qu'il me semble que les propos du député de Chicoutimi contreviennent d'une façon claire, nette et évidente au principe de droit, à sa pratique, lui, comme avocat. Alors, moi, je suis extrêmement surprise. Si on suit bien le jugement, le raisonnement des propos du député de Chicoutimi, on doit donc comprendre que tout ce qui est moral peut devenir légal.
Écoutez, j'aurais certains commentaires à émettre. Tout d'abord, à la question que j'ai posée au ministre des Ressources naturelles ce matin, à savoir s'il acceptait l'offre de collaboration du Barreau du Québec pour procéder à une révision de la loi n° 42 qui permettrait d'être à la fois légal, qui respecterait donc les principes de légalité et d'égalité, le ministre s'est fait un peu évasif en nous soulignant qu'il allait formuler une réponse assez substantielle au bâtonnier. Le ministre a été plus clair en refusant, cette fois-ci, d'une façon assez évidente, cette offre de collaboration que lui formule le Barreau du Québec. Alors, c'est décevant, Mme la Présidente, d'entendre le ministre refuser effectivement une collaboration d'une institution comme le Barreau du Québec qui possède une solide expertise dans le domaine du droit. C'est décevant, Mme la Présidente, parce que le projet de loi n° 42, l'opposition officielle l'a décrié au cours des dernières semaines avec force et vigueur. Le ministre des Ressources naturelles a tenté de diminuer les propos, la portée des arguments que l'opposition officielle a invoqués à ce moment-là. Cependant, on doit admettre que l'opposition officielle avait raison, puisque le Barreau du Québec est venu confirmer sur toute la ligne le caractère abusif du projet de loi n° 42.
Tout à l'heure, le ministre nous donnait un exemple d'une loi rétroactive qui a été adoptée par les libéraux, en 1990. Cependant, je vais vous dire que c'est un argument qui ne tient pas. C'est un argument qui ne tient pas et, pour preuve, en 1994, l'ancien premier ministre, M. Parizeau, dans le dossier de Grande-Baleine, après des études d'impact, d'évaluation environnementale, d'à peu près 256 000 000 $ aujourd'hui, si on actualisait ces données-là, on parlerait de 500 000 000 $ après, quoi, 10 ans, 11 ans d'études sur un projet d'importance comme celui-là, le premier ministre décidait d'écarter complètement le projet et de dire non à Grande-Baleine. Alors, aujourd'hui, le ministre fait des gorges chaudes avec, quoi, plus de 300 000 000 $, alors qu'on n'a pas du tout été gêné à l'époque de mettre au rancart un projet d'une importance comme celui de Grande-Baleine.
(12 h 50)
Une voix: Pendant l'élection.
Mme Normandeau: Pendant l'élection, absolument, et notre collègue de Laurier-Dorion, qui était porte-parole à ce moment-là, a pris quand même le temps de le souligner. On était en pleine période référendaire.
Alors, Mme la Présidente, le ministre déploie énormément d'énergie depuis plusieurs semaines pour justifier un acte illégal qui a été commis. Le jugement Rousseau a été clair. Mon collègue d'Orford tout à l'heure a souligné qu'il a lu le jugement d'un couvert à l'autre. C'est ce qu'à peu près tous les membres de cette commission, enfin de ce côté-ci de la table, ont fait. Et le ministre insiste beaucoup pour dire et tente de nous faire croire que l'adoption de la loi actuelle va permettre effectivement de légaliser des équipements qui ont été construits, qui ont été faits à partir d'une démarche qui a été jugée illégale.
Cependant, ce que le ministre prend bien soin à chaque fois d'omettre, c'est que la juge Rousseau, dans son jugement, à la page 84, effectivement nous parle d'une loi spéciale. Mais elle ne nous parle pas d'une loi spéciale qui doit être adoptée aujourd'hui, mais elle nous parle d'une loi spéciale qui aurait dû être adoptée pendant le verglas. Pour elle, ç'aurait été bien simple, il aurait fallu donc rappeler l'Assemblée nationale à ce moment-là et adopter une loi spéciale qui aurait permis, sans le flafla qu'on connaît actuellement, là, sans bon, je vais essayer d'utiliser un terme qui est parlementaire tomber dans tous les débats qu'on a actuellement, si on avait simplement rappelé l'Assemblée nationale et qu'on avait effectivement adopté une loi spéciale de même nature qu'une loi, par exemple, dans le temps, lorsqu'on parle de grève illégale ou encore on fait souvent référence aux lois sur les mesures de guerre.
Ça aurait été très, très simple donc de rappeler l'Assemblée nationale pour légaliser tout le processus. Aujourd'hui, on n'en serait pas là. Aujourd'hui, les citoyens du Val-Saint-François n'auraient pas dépensé d'énergie. Là, on parle des citoyens du Val-Saint-François et aussi des préfets de la région de la Montérégie. Le bâtonnier, le Barreau du Québec n'aurait pas perdu d'énergie. Le ministre, qui n'est pas le père du projet de loi dans une certaine mesure puisqu'il a été ministre seulement depuis l'automne dernier... Donc, on se ramasse avec un problème gigantesque parce qu'on n'a pas effectivement respecté les institutions, parce qu'on n'a pas respecté les lois en vigueur. Et aujourd'hui, on a le culot de reprocher à l'opposition officielle d'invoquer des arguments qui, au dire du gouvernement, ne tiennent pas, alors que le bâtonnier du Québec et l'honorable juge Jeannine Rousseau vont exactement dans le même sens que l'opposition. Après ça, on nous reproche de poigner les nerfs un petit peu puis de paniquer.
Alors, ici, c'est bien simple, Mme la Présidente et je vais peut-être conclure là-dessus c'est malheureux, il y a des actes illégaux qui ont été commis. Aujourd'hui, on veut adopter une loi qui va nous permettre de légaliser tout le processus sous prétexte d'intérêt supérieur des Québécois. Mais quel est-il, cet intérêt supérieur, quand les citoyens sont eux-mêmes brimés dans leurs droits les plus fondamentaux et quand le bâtonnier du Québec vient reconnaître effectivement que la loi, dans toute sa longueur, c'est une loi qui est de nature abusive et qui, malheureusement, contrevient d'une façon éhontée à l'ensemble de nos lois? Alors, le gouvernement parle de respect. Moi, je pose la question: Qui respecte qui dans le processus actuel? Qui respecte quoi dans le processus actuel?
Alors, Mme la Présidente, on a eu droit à quelques exemples, depuis le début de cette session, sur cette espèce de réflexe qu'a le gouvernement actuel d'adopter des lois pour légaliser des actions qui, elles, ont été faites de façon illégale. L'ensemble de mes collègues l'ont fait avec beaucoup de brio, ont illustré effectivement tout à l'heure, le député de Chomedey ont illustré donc brillamment et éloquemment ce réflexe que l'on déplore d'adopter des lois qui viennent légaliser toute une démarche qui, elle, a été reconnue illégale. Et, encore une fois, les arguments, depuis quelques semaines, qu'invoque l'opposition officielle, ce n'est pas des arguments que nous avons inventés. Et je tiens à le rappeler aux membres de cette commission, l'argumentaire qu'a proposé l'opposition officielle depuis le début repose sur le jugement de l'honorable juge Jeannine Rousseau. Aujourd'hui, on a un avis du Barreau du Québec qui vient nous confirmer qu'effectivement le jugement de la juge Jeannine Rousseau, c'est un jugement qui est impeccable en soi, mais que la juge Jeannine Rousseau donc a dit vrai. Les arguments que nous reprenons, nous ne les avons pas inventés, ils viennent de la bouche de gens extrêmement crédibles, et je suis convaincue que le ministre ne questionnera pas la crédibilité et les membres de cette commission ne questionneront pas la crédibilité de la juge Jeannine Rousseau et également des membres du Barreau du Québec, puisque vous en faites probablement partie, M. le député de Chicoutimi.
Alors, Mme la Présidente, je vais m'arrêter ici, puisque nos travaux achèvent et que j'imagine que l'ensemble des membres de cette commission ont très faim. Alors, voilà pour la fin de mon...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est surtout, Mme la députée de Bonaventure, que votre temps de parole est terminé.
Mme Normandeau: Ah! d'accord.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, sur cette motion, puisque tout le monde a fait son intervention, est-ce que la motion qui a été présentée par le député d'Orford est adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Brassard: Vote. Vote, madame.
Mise aux voix
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vote. Vote. On appelle le vote. Mme la secrétaire, si vous voulez procéder.
La Secrétaire: Alors, le proposeur, M. Benoit (Orford)?
M. Benoit: Pour, madame.
La Secrétaire: Mme Normandeau (Bonaventure)?
Mme Normandeau: Pour.
La Secrétaire: M. le ministre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre?
La Secrétaire: M. le ministre?
M. Brassard: Contre.
La Secrétaire: Mme Blanchet (Crémazie)?
Mme Blanchet: Contre.
La Secrétaire: M. Kieffer (Groulx)?
M. Kieffer: Contre.
La Secrétaire: M. Désilets (Maskinongé)?
M. Désilets: Contre.
La Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?
M. Lelièvre: Contre.
La Secrétaire: M. Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: Contre.
La Secrétaire: Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vais m'abstenir, Mme la secrétaire.
M. Brodeur: Je tiens à souligner, madame, si j'avais droit de vote, que je serais pour.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je pense que, écoutez, compte tenu de l'heure...
La Secrétaire: Elle est rejetée, la motion.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La motion...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Excusez! Pardon! Il faut terminer quand même nos travaux. Alors, la motion est donc rejetée. Et, compte tenu de l'heure, j'ajourne donc les travaux... Oui, M. le député d'Orford... de Shefford, pardon.
M. Brodeur: Je voudrais tout simplement demander au ministre si on sera rappelés en commission bientôt, avant la fin des travaux parlementaires.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien, écoutez, là je pense que...
M. Brassard: J'avais d'abord pensé à dimanche.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Demain, c'est votre fête.
Mme Normandeau: Je vous invite en Gaspésie pour la commission, pour siéger.
M. Brassard: Peut-être aussi, oui, ce serait intéressant.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Peut-être samedi, puisque c'est son anniversaire. Alors, on va en profiter pour souhaiter bon anniversaire au ministre.
Une voix: Bonne fête, M. le ministre!
M. Brassard: Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, là-dessus, j'ajourne donc les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 58)