(Vingt heures cinquante-neuf minutes)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je déclare donc la séance de la commission ouverte. Nous allons procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Benoit (Orford) remplace M. Tranchemontagne (Mont-Royal) et M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace M. Poulin (Beauce-Nord).
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Nous allons donc procéder tout d'abord avec les remarques préliminaires. Alors, à ce moment-ci, je serais prête à vous reconnaître, M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Ah, Mme la Présidente, vous savez que je ne suis pas un partisan acharné des remarques préliminaires, parce que, comme vous le savez, ce projet de loi là fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. J'ai utilisé pleinement mon droit de parole d'une heure au moment de l'adoption du principe, et le droit de réplique de 20 minutes aussi, je l'ai utilisé pleinement. Donc, sur les principales dispositions du projet de loi n° 136, je pense avoir dit ce que je considérais comme important de dire à l'Assemblée nationale.
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(21 heures)
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Je voudrais cependant simplement évoquer de nouveau la commission parlementaire qui a eu lieu... qui s'est déroulée pendant plusieurs semaines en commission parlementaire. Nous avons, je vous le rappelle, reçu un nombre de mémoires impressionnants, 133 exactement, et nous en avons entendu une proportion très élevée, 113 qui ont fait l'objet de présentation devant les membres de la commission.
Il est évident que nous avons, tout de suite après la fin des travaux de cette commission, examiné avec soin les recommandations, les commentaires, le contenu des mémoires déposés pour identifier et bien cerner les modifications pertinentes qu'il convenait d'apporter au projet de loi.
Contrairement à ce que certains ont prétendu à l'Assemblée nationale au cours du débat, ce n'était d'aucune façon une commission ou une consultation bidon. Si on a fait cette consultation, si on a invité les intervenants intéressés à s'exprimer, c'est parce qu'on voulait tenir compte dans toute la mesure du possible de leurs commentaires et de leurs propositions. C'est ce qu'on a fait. Donc, on a conçu des modifications, des amendements que j'ai approuvés et transmis ensuite évidemment à l'Exécutif pour adoption, approbation par le Conseil des ministres. C'est, je dirais, en voie d'être complété, le processus est en voie d'être complété. Les comités ministériels se sont penchés sur les amendements que j'ai proposés. Le Conseil des ministres demain a à son ordre du jour les amendements au projet de loi n° 136. J'arrive tout juste du Comité de législation. Donc, il y aura des amendements. Je ne voudrais pas ce soir les révéler, ou les étaler, ou les déposer dans la commission parce que le Conseil ne les a pas encore approuvés, ça va se faire demain, mais il y aura des amendements dont certains substantiels.
Mais évidemment ces amendements ne portent pas sur toutes les dispositions, les 100 ? combien il y a d'articles du projet de loi? ? les 160 articles du projet de loi. Ça ne porte que sur un certain nombre d'articles. Ce qui veut donc dire que, comme le principe a été adopté, ça ne nous empêche pas, comme commission, de commencer à procéder à l'étude détaillée. Il est évident que, lorsqu'on arrivera à un article où nous savons pertinemment qu'il y a une modification qui est devant le Conseil des ministres pour adoption ou approbation, on va à ce moment-là suspendre l'étude de cette disposition pour y revenir plus tard, lorsque le Conseil m'aura autorisé à procéder à ces amendements.
Alors, ce sont là les précisions que je souhaitais apporter d'entrée de jeu comme remarques préliminaires, simplement pour indiquer qu'il y aura des amendements, plusieurs amendements, certains importants, certains substantiels, et que je devrais être en mesure jeudi de les déposer. Je pense que c'est la meilleure chose à faire: plutôt que de les déposer au moment où l'article concerné est sous étude, je les déposerai dès jeudi, tous en un seul tenant. À ce moment-là, ça permettra évidemment aux membres de la commission de pouvoir les examiner tous ensemble plutôt que l'un après l'autre, au fur et à mesure qu'on fera l'étude détaillée. Voilà ce que je me limiterai à dire pour le moment, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup. Je vais prendre quelques minutes, moi aussi, pour mes remarques préliminaires. D'entrée de jeu, je vous dirais que je suis assez surpris des premiers commentaires du ministre qui, j'ose espérer, ne retardera pas volontairement les travaux de la commission pour être sûr qu'on n'arrive pas à ces amendements trop vite. Ça serait dommage de voir un ministre filibuster son propre projet de loi. En tout cas, je ne sais pas si c'est la stratégie de l'autre côté, ça nous surprend, nous qui avons toujours été et qui sommes toujours constructifs.
M. Brassard: Ce n'est pas l'expérience que j'ai.
M. Béchard: C'est notre première expérience ensemble, M. le ministre, on verra. Mais je vous dirais d'entrée de jeu, Mme la Présidente, que c'est quand même important de savoir un petit peu où est-ce que le ministre s'en va. Et, quand il parle que certains aient pu dire en Chambre que la consultation que nous avons tenue était peut-être une consultation bidon, c'est vraiment de dire plutôt qu'on voulait s'assurer que ça ne soit pas bidon en voyant quels sont les amendements qui seraient apportés.
Parce que effectivement on se souvient que, depuis presque plus de deux ans maintenant, la question de la révision du régime forestier est sur la table. Il y a eu certaines consultations, on a entendu beaucoup de groupes, il y a eu les commissions parlementaires, beaucoup de gens qui sont venus, je dirais, de tous les secteurs. On ne peut pas dire uniquement du secteur des industriels ou du secteur de l'environnement ou d'autres, tout le monde, je pense, est venu. Il y avait dans la plupart des cas bien des recommandations importantes et, je dirais, souhaitables à voir apportées au projet de loi n° 136.
On comprendra aussi que ça peut être difficile pour le gouvernement à ce moment-ci de dire: Oui, nous avons dit oui à tous les amendements et nous allons tous les intégrer, tout ce qui a été proposé, sans problème. Ça, on comprend ça, effectivement. Mais je suis quand même surpris, Mme la Présidente, qu'on commence la commission parlementaire et qu'on nous dise: Bien là on ne sait pas encore, il va peut-être y avoir des modifications. Je sens que le ministre est très confiant de voir l'Exécutif l'approuver, et qui nous dit que ce sont des amendements majeurs. Donc, on se retrouve dans une situation où on commence l'étude d'un projet de loi où il y a certains amendements majeurs qui pourraient être déposés, mis en place, donc qui pourraient changer un peu la philosophie de ce projet de loi là. C'est peut-être un petit peu, je vous dirais, inquiétant, mais en tout cas j'ai bien hâte de voir tout ça quand ils seront déposés.
Par ailleurs, je vous dirais que c'est assez... D'un autre côté, on est toujours un petit peu surpris quand on arrive au bout d'un processus de deux ans, deux ans et un petit peu plus, de se faire dire par le gouvernement: Bon, bien, écoutez, on est à quelques jours de voir les amendements être adoptés par l'Exécutif. C'est un petit peu surprenant, parce qu'on se dit: Mon Dieu, ce n'est pas un manque de temps, je ne peux pas croire, ce n'est pas un manque de volonté, j'ose espérer. Surtout que ça fait maintenant presque un mois que la commission parlementaire comme telle a été terminée.
Donc, j'ose espérer que ce sont vraiment des amendements majeurs et qui changeront la philosophie du projet de loi. Parce que justement le ministre a sans doute reçu aujourd'hui une correspondance qui a été portée à l'attention, je pense, de la plupart sinon de la majorité ou de tous les députés, qui est signée par le président-directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et le président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec, qui rappellent certains points au ministre et qui veulent, comme ils le mentionnent, le sensibiliser sur les impacts prévisibles du projet de loi, s'il est adopté tel quel, sur la santé économique du Québec. Et certains des points qu'ils amènent... Bien sûr, ils parlent de l'impact économique de l'industrie comme telle, autant du sciage que des pâtes et papiers, mais ils parlent aussi qu'il est important de préserver la pérennité des ressources de la forêt tout en maintenant la compétitivité de l'industrie, compétitivité qui est déjà malheureusement sérieusement menacée, qu'il serait dangereux de fragiliser davantage par des lois, des règlements, des politiques ou des mesures administratives ayant des effets négatifs sur les approvisionnements ou les coûts d'opération. Cela se traduirait inévitablement par des pertes d'emplois dans les régions qui, pourtant, en ont besoin plus que jamais.
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(21 h 10)
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Et, si vous me permettez de faire une petite parenthèse là-dessus, Mme la Présidente, je pense que le ministre est parfaitement au courant de la situation qui prévaut dans certaines régions du Québec actuellement. Et je peux vous dire, pour avoir fait le tour de quelques comtés en fin de semaine dernière, dans le Bas-Saint-Laurent, entre autres, je peux vous annoncer que l'hiver va être très long. Dans le Bas-Saint-Laurent, quand on parle d'environnement d'affaires, quand on parle de l'impact des lois, des mesures qu'on adopte, je vous dirais qu'il y a une grande majorité des usines de sciage qui seront fermées l'hiver prochain, certaines de façon temporaire, certaines plus longue un petit peu.
Je vous dis, quand on entend, je dirais, les inquiétudes de l'AMBSQ et de même qu'au niveau de l'Association des pâtes et papiers, bien on comprend quel est l'impact de ces industries-là dans nos régions. Et, dans leur lettre, ils soulèvent, entre autres, certaines questions relatives également à la révision des calculs de possibilité, l'introduction du contrat d'aménagement forestier, la fixation d'une limite nordique, l'expansion des aires protégées et les revendications autochtones, qui ne sont que quelques-uns des éléments qui risquent d'entraîner des baisses d'attribution de matière ligneuse aux détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier et d'occasionner des coûts supplémentaires significatifs pour l'industrie.
Et une des grandes questions qui revient souvent, Mme la Présidente, c'est de savoir: Le projet de loi qu'on a entre les mains, le projet de loi n° 136, ça va coûter combien? Ça représente combien de plus pour les industriels? Ça représente combien d'argent de plus pour les utilisateurs de la forêt, pas juste les industriels, que ce soit au niveau de l'acériculture ou des autres domaines? C'est quoi, les retombées économiques, c'est-à-dire les impacts économiques de ce projet de loi là?
D'autre part, je vous dirais que certains, au niveau des contrats d'aménagement forestier, au niveau de la limite nordique, de l'augmentation des aires protégées, plusieurs, dans tous les domaines, se posent la question, c'est-à-dire: Comment on peut arriver à relever ce défi-là de préserver davantage d'espaces pour différentes utilisations alors qu'on est, dans bien des régions, dans des situations où la ressource est en diminution? Donc, il faudra avoir un plan pour minimiser les impacts soit de l'augmentation des aires protégées et des autres aménagements qu'on veut faire.
Au niveau des CAF ? les CAF à un A ? plusieurs disent que ça pourrait être une idée théoriquement intéressante, mais comment la pratiquer ou où la pratiquer et de quelle façon au moment où nous sommes dans une diminution comme telle des possibilités dans bien des régions?
Donc, plusieurs des questions qui sont dans la correspondance de l'AMBSQ ont été soulevées par d'autres groupes aussi lors de la commission. Et ça nous amène... Le ministre parle d'une série d'amendements qui vont être déposés jeudi. Moi, je vous dirais que j'ose espérer que, suite au dépôt de ces amendements-là... Parce que, on l'a vu, 113 groupes qui sont venus en commission parlementaire, c'est que ça touche beaucoup de monde, qu'il y a bien des gens qui sont impliqués et qu'il y a bien des gens qui veulent savoir ce qui va arriver avec ce projet de loi là. On a l'impression des fois qu'il n'y a pas grand monde qui suit ce qui se passe à l'Assemblée nationale. Je peux vous dire que, moi, depuis que je suis arrivé dans le dossier, je suis surpris de voir à quel point les gens suivent ça de très, très près, ce qui se passe au niveau du projet de loi n° 136. Et je les comprends, parce que ça a des impacts importants sur eux.
Donc, j'ose espérer que nous pourrons analyser ou au moins prendre le temps ? je ne fais pas de motion immédiatement pour entendre des groupes, là ? d'avoir un retour des différents groupes impliqués qui pourraient être touchés par les amendements que le ministre va amener. À moins qu'il nous dise que déjà ces groupes-là sont au courant des amendements qui risquent d'être amenés, qu'on les a déjà informés de ce qui pouvait s'en venir même s'ils ne sont pas encore passés à l'Exécutif. Donc, ça aurait été de présumer non seulement de ce qui se passe à l'Assemblée nationale, mais aussi au niveau de l'Exécutif. J'ose espérer que nous pourrons prendre le temps de recevoir les commentaires de ces gens-là et de peut-être même prévoir une plage horaire où les industriels et autres pourraient venir ? les autres groupes aussi, pas juste les industriels, que ce soit au niveau environnement, au niveau protection des forêts ? nous dire comment ils reçoivent ces amendements-là, parce que peut-être que ces amendements-là viendront enlever les irritants que nous avons entendus tout au long de la commission parlementaire, qui ont été faits.
L'autre élément, Mme la Présidente, quand le ministre parle d'amendements majeurs, je ne sais pas s'il est revenu sur deux idées qu'on avait mentionnées, l'idée d'un audit externe ou d'un inspecteur des forêts. Peut-être que c'est ça, l'idée majeure que présentement il cogite et qu'il tente de faire passer au niveau de l'Exécutif. Ça serait une belle preuve d'humilité, suite à son refus de la semaine dernière en Chambre, qu'il ait pu réussir à se tourner aussi vite et rejoindre une demande de plusieurs groupes au niveau de la gestion de la forêt. Il y a des groupes qui se disent: Bien, c'est peut-être la meilleure façon d'avoir une idée neutre de ce qui se passe en forêt.
Et, là-dessus, je relèverai, Mme la Présidente, que le ministre a souvent répété sur ces questions-là qu'il n'était pas question pour lui de se délester de ses responsabilités en ayant recours à un inspecteur des forêts ou à un audit externe. Je veux être sûr qu'il n'y a pas de malentendu là-dessus. Pour moi, pour nous, je pense, de ce côté-ci, il n'est pas question de demander au ministre de se départir de pouvoirs et de les donner à un audit externe ou au vérificateur des forêts, mais c'est plutôt pour nous une façon de mieux exercer les pouvoirs qu'il a entre les mains, et lui-même de rendre les données avec lesquelles il exerce ces pouvoirs-là beaucoup plus transparentes, plus neutres, plus accessibles, et de faire en sorte que ces données-là pourraient être validées, pourraient être vérifiées par cet inspecteur-là des forêts ou cet audit externe. Ce qui pourrait faire en sorte que, quand le ministre prend une décision dans une région ou dans une autre d'augmenter ou de diminuer les possibilités forestières, de revoir le type d'utilisation qu'on fait de la forêt dans certains secteurs, dans certains domaines, bien, cette décision-là, qu'il puisse dire qu'elle est basée sur les données exactes, mais également, pour tous ceux qui la remettraient en doute, bien que ces données-là pourraient être vérifiées par un inspecteur des forêts, un audit externe, de façon à faire en sorte que, peu importent les gens qui disent qu'on coupe trop de bois ou ceux qui disent qu'on pourrait en couper encore plus, on ait une idée exacte de ce qui se passe dans nos forêts. Et ça, je pense que ce serait une excellente idée. Je ne sais pas si c'est là-dessus que le ministre est en train de réfléchir par les temps qui courent, mais je pense que ce serait une excellente idée.
Et je reviens sur le fait que, pour nous, ce ne serait pas une question de faire en sorte qu'il ait moins de pouvoirs, mais ce serait une bonne façon de valider les données avec lesquelles il exerce ses pouvoirs et de rassurer un peu tout le monde qui dit, à tort ou à raison, puis qui remet en question les données du ministère des Ressources naturelles, qui dit: On ne comprend pas pourquoi on utilise tel ou tel indicateur. Qu'est-ce qu'on met dans la boîte noire pour décider des capacités d'approvisionnement et des volumes? Donc, pour nous... Cette idée-là avait été suggérée par ma collègue de Bonaventure précédemment. Je pense que l'idée d'avoir un inspecteur des forêts ou un audit externe est une excellente idée qui mériterait qu'on s'y attarde davantage.
L'autre élément aussi est relié au processus d'arbitrage qui disparaît. Plusieurs là-dessus se questionnent, se demandent pourquoi et se disent: Ce n'est peut-être pas la meilleure des décisions à prendre dans la situation actuelle. Parce que nombreuses sont les personnes qui sont venues nous dire que, par ce projet de loi là, même si dans le discours le ministre donnait l'impression de vouloir augmenter les partenariats, travailler de plus près avec les différents acteurs impliqués dans la forêt, que ce soit au niveau faunique, que ce soit au niveau de la récolte, de l'aménagement comme tel, elles ont l'impression que, dans bien des cas, à de nombreux articles, le ministre, par une petite phrase bien simple et souvent qui semble anodine, se donne beaucoup de pouvoirs quand il dit, que ce soit au niveau des contrats d'aménagement, des permis ou autre, qu'il peut assortir ces contrats-là ou ces permis-là de toute condition qu'il décide ou qu'il juge utile.
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(21 h 20)
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Donc, là-dedans, les gens regardent ça et ils se disent: Mais là on a, d'un côté, un ministre qui nous dit qu'il veut être plus transparent, qui veut agir de façon plus proche avec ses partenaires, mais en même temps il ne veut pas qu'on mette vraiment sur la place publique les données et qu'on dise si elles sont bonnes ou pas, ce que permettrait de faire un audit externe. Et, deuxièmement, sur les partenariats comme tels, bien il se donne énormément de pouvoirs discrétionnaires. En bout de ligne, les gens ont l'impression, disent: Bien, peu importe ce qu'on va mettre dedans, il y aura toujours cette guillotine-là qui nous pendra au-dessus de la tête et qui fait en sorte que le ministre pourra assortir tous ces éléments-là finalement des conditions qu'il juge nécessaires et utiles.
L'autre élément, Mme la Présidente, qui, pour nous, est important, c'est, je dirais, toute l'ouverture qu'on doit avoir au niveau des travailleurs sylvicoles. On l'a répété en commission, on a entendu des groupes là-dessus, on a visité des groupes cet été de travailleurs, et je pense que... Des fois, on n'ose même pas croire les conditions dans lesquelles ces gens-là travaillent. Je pense que, dans bien des cas, le projet de loi actuel pourrait être une belle occasion de reconnaître quelque part ces travailleurs-là, de leur reconnaître une certaine protection et de faire en sorte que ces travailleurs-là puissent avoir un meilleur statut dans ce qui se passe dans nos forêts.
On parle beaucoup, d'un côté, de la protection, de l'autre côté, des industriels, mais je pense qu'on ne peut pas non plus laisser de côté tous les utilisateurs de la forêt. La forêt publique appartient à tous, est utilisée par beaucoup de personnes, qu'on pense aux chasseurs, qu'on pense aux touristes, qu'on pense même aux gens qui, simplement pour la beauté de la chose, vont se promener en forêt. On a aussi des responsabilités face à ces gens-là. Dans bien des cas, c'est un équilibre qui est très, très fragile. Certains vous diront que ce n'est pas très payant de garder certaines forêts pour permettre aux oiseaux d'y aller puis aux gens d'aller les regarder, mais c'est quand même extrêmement important de garder cette diversité-là dans nos forêts.
Il y a aussi toutes les questions acéricoles qu'il ne faut pas oublier. Il faut faire en sorte que l'acériculture dans certaines régions, dont le Témiscouata, dont la Gaspésie, où ça représente un potentiel de développement important et intéressant... qu'elles aient les conditions nécessaires au développement acéricole. Et revient dans tout ça, dans tout ce qu'on peut appeler l'environnement d'affaires et l'environnement de développement de nos forêts, toute la question des droits de coupe, des droits d'exploitation où bien des personnes se demandent comment on fait pour fixer exactement tous ces droits-là. On nous dit qu'on a de plus en plus de difficultés à planifier ce qui se passe.
Donc, la forêt est un domaine, je dirais, extrêmement intéressant, passionnant même, avec des retombées absolument importantes pour nos régions et, je vous dirais, qu'il faut prendre de tous les côtés en même temps. J'ose espérer que, dans les amendements qui nous seront déposés, on tiendra compte aussi d'un élément fondamental face au marché étranger, face au monde entier, c'est-à-dire un type de certification, de reconnaissance de l'efficacité de nos pratiques autant sylvicoles que, je dirais, de traitement de la ressource comme telle, de transformation de la ressource. Plusieurs parlent d'ISO 14000.
Donc, il y a beaucoup de choses à faire de ce côté-là. Et je pense qu'on a une belle occasion, par ce projet de loi là, de faire en sorte que la... de démontrer au monde entier que la forêt au Québec est gérée de façon proactive et non pas de façon réactive et que nous pouvons, nous-mêmes, fixer les normes mondiales en matière de cultures, de récoltes et de protection de la forêt québécoise. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Est-ce qu'il y a d'autres... Alors, Mme la députée de Bonaventure m'avait demandé la parole. Mme la députée de Bonaventure.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez d'entrée de jeu de saluer le ministre, également l'ensemble de ses collaborateurs et collaboratrices qui l'accompagnent ce soir. Je suis heureuse évidemment de joindre ma voix à celle de mon collègue le député de Kamouraska qui a pris la relève dans le dossier des ressources naturelles.
Ce soir, j'aimerais réitérer l'importance de l'exercice qui est en cours depuis quelques semaines. Évidemment, on a eu droit au dépôt du projet de loi en mai dernier, si ma mémoire est fidèle, un dépôt qui nous a conduit à entendre plus de 100 groupes en commission parlementaire. Et tout ça, bien sûr... Un exercice, donc, qui nous amène à discuter de la mise à jour de la Loi sur les forêts. C'est un exercice extrêmement important, Mme la Présidente, pour plusieurs raisons. En fait, je les résumerais peut-être à trois niveaux, trois volets.
Premièrement, c'est un exercice important pour l'avenir de nos forêts, donc pour assurer la pérennité de la ressource, et à mon sens ça doit être au coeur même du projet de loi qui est déposé. Deuxièmement, c'est un exercice important pour l'avenir des régions forestières. Ça aussi, c'est un élément extrêmement important ? mon collègue y a fait référence tout à l'heure. Il y a des centaines d'emplois, des milliers, même, d'emplois qui sont reliés au domaine forestier. Il y a plus de 250 municipalités au Québec qui vivent directement de la forêt, donc qui sont dépendantes de l'activité forestière. Alors, il faudra se demander si ce projet de loi va permettre aux régions forestières du Québec de continuer de tirer une certaine richesse du côté de l'exploitation forestière.
Un autre élément qui est extrêmement important, c'est tout l'avenir qui est relié à l'industrie forestière et ? mon collègue aussi y faisait référence ? tout l'aspect compétitivité de l'industrie. Et je pense que les gens qui sont venus en commission parlementaire, les groupes autant du domaine du sciage que du domaine, par exemple, des pâtes et papiers sont venus lancer, je vous dirais, une espèce de cri d'alarme sur la nécessité, dans un contexte de mondialisation qui nous rattrape, qui rattrape toutes les régions du Québec, donc, d'avoir un projet de loi qui puisse permettre à cette industrie de continuer d'évoluer dans un environnement d'affaires qui soit acceptable.
Évidemment, Mme la Présidente, nous nous attendions à un projet de loi, et qu'il soit déposé par le ministre, qui allait modifier en profondeur la Loi sur les forêts. Évidemment, cette attente, elle a été annoncée par l'ancien ministre des Ressources naturelles qui est l'actuel ministre des Transports, et le ministre nous avait promis, donc, un projet de loi qui allait y aller d'une refonte majeure sur la base... entourant la Loi sur les forêts.
Le ministre actuel a préféré plutôt y aller d'un projet de loi, je vous dirais, que je qualifierais peut-être de timide, incomplet. Et je m'appuie sur certains éléments. Il nous renvoie, par exemple, en 2002 pour la fameuse détermination de la limite nordique. Il nous renvoie également en 2002 pour la fameuse politique de rendement accru. Le ministre également nous promet et nous a promis après le dépôt de ce projet de loi une politique de consultation ? et je m'appuie sur un communiqué qu'il a émis le 30 mai dernier ? qui lui permettra de fixer des mécanismes et de préciser les instances qui seront consultées entourant ce nouveau projet de loi. Alors, ici, évidemment on fait référence aux CRD, aux forums forêt, aux groupes autochtones, etc.
Et ce qu'on se demande, c'est pourquoi le ministre n'a pas choisi le projet de loi, n'a pas choisi l'opportunité, donc, qui lui a été présentée, qui lui est offerte, dans le fond, de tout mettre sur la table tout de suite, donc à la fois nous présenter cette fameuse politique de consultation, tout de suite de mettre certains éléments entourant la délimitation de la limite nordique ou encore toute la question du rendement accru. Et ce dernier point, Mme la Présidente, je vous le rappelle, a permis à bon nombre de groupes de se questionner sur les orientations qu'entend prendre le ministre du côté du rendement accru.
Évidemment, le fait qu'on nous reporte ces aspects importants de cette mise à jour de la Loi sur les forêts en 2002 nous laisse croire... nous permet de nous questionner, et on se demande bien si le ministre était prêt, donc, à déposer ce fameux projet de loi. Ou encore, c'est une question qu'on s'est posée et qu'on a eu l'occasion d'exprimer en commission parlementaire: Est-ce que le ministre a voulu mettre de côté les éléments les plus contestables ou qui risquaient d'être contestés du projet de loi? Et je faisais référence au rendement accru, à la fameuse limite nordique. Alors, évidemment, c'est des questions, je pense, qui demeurent pleines et entières avec l'étude détaillée qui commence ce soir pour ce projet de loi sur les forêts.
Et, lorsqu'on prend un peu de recul ? et le recul que je prends, je me base bien sûr sur le fameux film de Desjardins qui a été diffusé ? c'est comme si on avait l'impression que le ministre avait peur de prendre le taureau par les cornes, c'est comme si le ministre avait certaines hésitations, y allait d'une façon... par étapes ? donc ce projet de loi est déposé ? y allait d'un étapisme qui nous permet de nous questionner sur les orientations et la vision qu'a le ministre entourant la mise à jour de la Loi sur les forêts.
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(21 h 30)
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Alors, Mme la Présidente, je pense qu'il est important de revenir aux trois éléments, là, qui me semblent essentiels et sur lesquels, je pense, on doit insister, évidemment des éléments qui nous permettent de questionner si effectivement le projet de loi qui est déposé va répondre à ces impératifs.
Tout à l'heure, je faisais référence à la nécessité d'assurer la pérennité de nos forêts et de la ressource. Évidemment, c'est un élément qui est extrêmement déterminant. Puis, sans vouloir tomber dans les clichés, Mme la Présidente, je pense qu'il est important de dire qu'on doit vraiment assurer une pérennité à cette ressource d'importance pour le Québec pour que les générations futures puissent en profiter.
Et il y a lieu évidemment de se questionner sur les outils dont nous disposons à l'heure actuelle pour avoir un portrait juste de nos forêts. Mon collègue de Kamouraska-Témiscouata faisait référence aux fameux calculs de la possibilité forestière, calculs ou méthode de calcul pour laquelle plusieurs intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire ont certaines interrogations. Et je prends à témoin les baisses d'approvisionnement qui ont été annoncées en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. J'ai eu l'occasion, lorsque le ministre est venu en Gaspésie, à Chandler, de lui livrer le fruit de certaines de mes interrogations sur le fait qu'on assistait, en Gaspésie, à des baisses d'approvisionnement d'une importance comme celle-là. Même si, en moyenne, la région est touchée par des approvisionnements de 19 %, il y a certaines aires communes qui voient leur approvisionnement diminuer jusqu'à 68 %.
Évidemment, dans un contexte comme celui-là, on se demande si tous les outils qu'on a dans notre coffre à outils... si on a tous les outils nécessaires justement pour qu'on puisse avoir un état de situation, un portrait juste de nos forêts. Et là le ministre évidemment s'est braqué lorsqu'il a eu l'occasion de me répondre. Il nous a dit: Écoutez, il n'est pas ici question d'accuser les fonctionnaires ou les ingénieurs forestiers du ministère. Et je tiens à lui rappeler ce soir, Mme la Présidente, que loin de moi l'idée de vouloir remettre en question la compétence des ingénieurs forestiers. Mais, lorsqu'on assiste à des baisses d'approvisionnement d'un ordre de grandeur comme celui-là ? 68 %, ce n'est pas rien, hein, c'est un chiffre qui se traduira par des impacts assez importants auprès de l'industrie dans la baie des Chaleurs, chez nous, ou sur les emplois ? je pense qu'on doit faire un exercice, je vous dirais, sincère puis on doit se questionner.
Et ce n'est pas un reproche qu'on fait. Moi, je me dis, en quelque part, si on n'a pas tous les outils qu'il nous faut dans notre boîte à outils, bien, est-ce qu'on peut prendre un moment d'arrêt et regarder ce dont on dispose justement? Et, s'il y a des correctifs à apporter, qu'on puisse les apporter, tout ça bien sûr dans l'optique qu'on doit assurer, donc, la pérennité de la ressource. Alors, évidemment j'invite le ministre, avec son équipe d'experts, peut-être à faire une réflexion de ce côté-là. Et je pense que c'est toute l'industrie et c'est toutes les communautés locales qui sont dépendantes de l'activité forestière qui y trouveraient leur bénéfice.
Évidemment, les consultations parlementaires ont mis en lumière certains enjeux, je vous dirais des nouveaux enjeux qui se dessinent dans le domaine forestier. Et ce qu'on a également constaté, c'est que les attentes sont nombreuses et multiples de la part des intervenants. Évidemment, il y a des gens qui sont venus livrer leurs attentes au niveau faunique, au niveau récréotouristique, au niveau environnemental, au niveau autochtone. La forêt privée également a décrié le fait qu'ils étaient les grands absents dans ce projet de loi.
Alors, la question qu'on doit se poser: Est-ce que ce projet de loi qui est déposé, qui nous interpelle à relever des défis qui sont majeurs, nous permettra effectivement de répondre aux attentes de tous les intervenants qui sont venus s'exprimer en commission parlementaire? Et, Mme la Présidente, je pense que la question est importante, parce que, à l'heure actuelle, sur la base des attentes qui ont été exprimées et qui bouillonnent dans le milieu depuis, quoi, cinq ans, six ans, sept ans, huit ans, je pense que, si ce projet de loi là n'est pas en mesure de donner satisfaction à tous ces intervenants, évidemment la marmite va continuer de bouillir et, à un moment donné, c'est le couvert qui risque d'exploser. Et je pense qu'à ce niveau-là le dossier autochtone en est une très, très belle illustration.
Alors, évidemment le défi en soi est énorme, de répondre à ces attentes de tous ces groupes qui ont des intérêts souvent qui semblent être aux antipodes, qui ne convergent pas nécessairement tous vers la même direction, mais je pense qu'on doit avoir une préoccupation particulière, le ministre doit avoir cette préoccupation justement pour permettre à tous ces gens de voir leurs attentes à tout le moins minimalement comblées. Parce que, évidemment, je pense que tout le monde est réaliste, hein, on ne pourra pas combler 100 % des attentes de tous les groupes qui sont venus en commission parlementaire. Mais il y a vraiment un défi de société qui se pose pour nous. Et la tâche, je vous dirais, je la qualifierais de titanesque. Mais je pense qu'il y a vraiment lieu de s'arrêter sur cette question-là, parce que, si on ne répond pas à ces attentes-là, je pense que la situation risque de se dégrader au cours des prochaines années.
Il y a certains groupes, puis je pense notamment à plusieurs chercheurs, qui sont venus nous proposer des nouvelles approches dans le domaine de la gestion forestière. Évidemment, je pense à ce groupe de l'Université du Québec ? je pense que c'est Rouyn-Noranda ou... en Abitibi ? qui nous a proposé une approche écosystémique. Évidemment, pour plusieurs de ces groupes, la façon de faire actuelle va nous conduire tout droit à la faillite. Et je fais le pont entre ces suggestions. Et il ne faut jamais perdre à l'esprit que l'objectif du maintien de la pérennité est extrêmement importante.
Alors, évidemment le ministre nous a exposé tout à l'heure qu'il allait déposer des amendements au projet de loi, qu'il a qualifiés lui-même de substantiels à certains égards. Alors, on doit se demander: Est-ce que le ministre est en mesure de nous proposer des amendements qui vont effectivement modifier en profondeur l'approche qu'on a envers la gestion de nos forêts? Alors, évidemment c'est une question qui demeure en suspens ce soir. Et ce serait intéressant de connaître de la part du ministre: Est-ce qu'il s'est penché là-dessus justement, sur ces nouveaux modes d'approche qui sont proposés par les experts qui sont venus se faire entendre? Alors, évidemment ça pourrait être intéressant d'entendre le ministre là-dessus.
Il y a également d'autres groupes, notamment au niveau de la récolte et de l'aménagement, qui sont venus nous proposer des nouveaux modes d'approche. Je me souviens, entre autres, de certains groupes qui sont venus nous parler de la nécessité d'avoir une sylviculture plus fine, donc la nécessité et l'obligation également d'avoir des pratiques forestières qui soient plus axées sur la réalité de chacune des régions. Alors, ici, on parle bien sûr de régionalisation des interventions. Et je dois vous dire que c'est un constat, nous, qu'on a tiré suite aux 17 jours, presque 20 jours de consultations qu'on a menées en août dans toutes les régions forestières, et c'est vraiment un point qui est revenu, je vous dirais, avec force dans à peu près toutes les régions forestières qu'on a visitées, qu'on soit au Saguenay?Lac-Saint-Jean, en Gaspésie, en Abitibi. Alors, ces gens-là, les aménagistes et les spécialistes de la récolte, nous ont dit évidemment que souvent ils se butent à des normes qui sont décidées à Québec, des normes qui ne tiennent pas compte justement de la réalité de chacune des régions. Alors, encore une fois, Mme la Présidente, on souhaite que le ministre tienne compte de cette recommandation, de ce souhait qui a été exprimé par plusieurs groupes.
Un autre élément important, c'est la fameuse question du rendement accru. Encore une fois, le ministre nous a livré un certain nombre d'éléments qui sont intéressants mais qui sont encore incomplets. En soi, le rendement accru est un principe intéressant, mais le ministre nous a fait la démonstration, a justifié, en fait, l'augmentation du rendement de nos forêts en nous indiquant que l'augmentation de la productivité allait nous permettre de combler des baisses d'approvisionnement dans certaines régions. Évidemment, de quelle façon on va entreprendre ce virage qui est en soi une révolution pour le Québec? Ça, le ministre est resté muet de ce côté-là. Quels sont les impacts sur l'environnement? Peut-être que mon collègue qui est responsable du dossier environnement, le député d'Orford, aura l'occasion de revenir là-dessus. Mais je pense que c'est extrêmement important.
Quand on parle d'intensification de l'aménagement, on fait bien sûr référence également à tout l'aspect du reboisement. Alors là ce qu'il faut se demander: Est-ce qu'on va reboiser dans le résineux? Est-ce qu'on va préférer reboiser dans le feuillu? Est-ce que le ministre a anticipé les nouveaux besoins sur le marché de l'industrie dans 10, ou 15 ans, ou 20 ans? Alors, je pense que c'est des questions qui sont extrêmement pertinentes, et évidemment c'est important de se pencher là-dessus tout de suite, parce que les décisions qui seront prises aujourd'hui, on en connaîtra les impacts seulement dans 10, 15 ans ou 20 ans.
Le troisième élément auquel je faisais référence dans mon introduction, c'est toute la question entourant l'avenir des forêts pour les régions, troisième élément, donc, je pense, Mme la Présidente, qui est important. Puis j'espère, je souhaite ardemment que ce projet de loi puisse répondre, donc, aux besoins des communautés qui sont dépendantes de la forêt.
Évidemment, je vous le soulignais tout à l'heure, il y a plus de 80 000 emplois au Québec qui sont reliés au domaine forestier, il y a plus de 250 municipalités qui vivent directement de la forêt. Il y a des chercheurs qui se sont penchés sur la question dans un livre qui s'intitule Gouvernance et territoires ruraux, qui font vraiment état d'une grande dépendance de ces communautés dans le domaine de la forêt et qui se questionnent sur la possibilité pour ces communautés de se réapproprier les activités forestières sur leur territoire. Et je pense que c'est une question qui se pose avec beaucoup d'acuité, Mme la Présidente, et de pertinence compte tenu que tout le concept de forêt habitée est un concept important pour des communautés rurales. Et plusieurs groupes sont venus nous faire la démonstration que ce genre de projet avait de l'avenir dans certaines régions forestières.
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(21 h 40)
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Mme la Présidente, au moment où le gouvernement du Parti québécois s'apprête à déposer une stratégie dans le domaine rural, je pense qu'il y a lieu de se questionner et de se demander si le projet de loi qui sera déposé permettra de répondre aux objectifs qui seront exprimés par le ministre des Régions sur l'importance de se doter au Québec d'une stratégie de la ruralité. Nous, on souhaiterait que ce soit une politique de la ruralité. Mais ça serait intéressant qu'on puisse faire bien sûr la jonction entre les deux.
Alors, un dernier élément, Mme la Présidente, qui est extrêmement important, c'est l'avenir de l'industrie forestière. Mon collègue y a fait abondamment référence en citant notamment une lettre qui a été cosignée par le président de l'AMBSQ et le président de l'AIFQ ? en fait, ils sont chacun, plutôt, pas présidents, mais directeurs. En fait, ils sonnent l'alarme, ces deux associations d'importance sonnent l'alarme et nous disent que, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, ça causera un préjudice important pour l'industrie forestière.
Évidemment, toute la question de la compétitivité est importante. J'y faisais référence tout à l'heure, la mondialisation aujourd'hui nous rattrape. En commission parlementaire, on nous a dit que les nouveaux concurrents, c'est la Russie, c'est des pays d'Amérique du Sud qui ont des rendements souvent 10 fois plus élevés que nous. Alors, évidemment, je pense que, dans un contexte comme celui-là, le gouvernement a la responsabilité de créer des conditions facilitantes pour leur permettre de continuer d'évoluer dans un contexte compétitif. Et je me souviens, Mme la Présidente, de plusieurs intervenants qui sont venus nous dire qu'à l'heure actuelle on ne sentait pas de la part du gouvernement une volonté politique ou gouvernementale d'assister l'industrie dans ce nouveau virage qu'elle doit obligatoirement prendre pour permettre au Québec de tirer son épingle du jeu.
Il y a également tout le processus d'arbitrage qui sera aboli, ce qu'on s'explique difficilement. Et je pense que c'est un peu étonnant de voir à quel point le ministre souvent se contredit, parce qu'il semble parler des deux côtés de la bouche en même temps, nous dire, d'un côté: Oui, oui, l'industrie, tous les emplois qui sont créés entourant l'industrie forestière, c'est important, mais, d'un autre côté, on veut abolir tout le processus d'arbitrage. Et là évidemment c'est des complications juridiques qui vont amener l'industrie à se défendre face à une décision qui leur a causé un préjudice. Alors, nous, on a envie de vous dire, Mme la Présidente, que ce n'est pas le temps pour l'industrie d'enclencher des démarches compliquées sur le plan civil devant les tribunaux, mais je pense que le ministre aurait plutôt la responsabilité d'être à l'écoute de ses besoins et de créer, comme je le soulignais tout à l'heure, des conditions facilitantes pour permettre à cette industrie-là de pouvoir évoluer.
Et un autre élément, pour les quelques secondes qui me restent, et j'insiste sur cet aspect, c'est l'inspecteur général des forêts. C'est une proposition que nous estimons constructive et qui permettrait, si le ministre veut bien y donner suite, à l'industrie, au ministre également, au ministère des Ressources naturelles de retrouver toute leur crédibilité suite notamment à la fameuse diffusion du film L'Erreur boréale. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la députée de Bonaventure. M. le député d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je ne voudrais pas allonger le débat moi non plus, mais, ayant fait la commission parlementaire, il me semble qu'il y a certains points plus importants qu'il nous faut mentionner ici avant d'aller article par article, parce que le ministre ne nous annonçant pas les amendements qu'il apportera à la loi, en tout cas, moi, je veux être sûr que j'ai bien compris certains... Sur 113 mémoires, il y a des gens qui nous ont dit des choses, et je veux être sûr que le ministre a bien compris ces points de vue là d'une façon particulière, et en espérant qu'il arrive à y trouver des solutions avec les amendements qu'il nous dit déposer éventuellement.
Je veux, dans un premier temps, souligner le travail exceptionnel de notre députée du comté de Bonaventure, qui a fait d'abord une tournée provinciale. Et on sait qu'un député de l'opposition n'a aucun moyen, il n'a pas de compte de dépenses, il n'a pas de chauffeur, il n'a pas de limousine, il n'a finalement... Et, si elle est organisée comme moi, elle partage sa recherchiste avec huit autres députés, alors elle a un huitième d'une recherchiste. Et elle a tout fait ça sur le bras. Elle a visité le Québec et elle l'a fait pendant tout le mois d'août. Et elle est arrivée en commission parlementaire très bien armée pour faire face à une batterie de fonctionnaires et bien sûr au ministre. Et chaque groupe qui venait, ou à peu près, elle les avait déjà rencontrés ou leur avait jasé.
Je veux aussi souligner notre nouveau porte-parole, le député de Kamouraska-Témiscouata qui maintenant s'occupe de foresterie, qui vient d'une région où les gens vivent de la foresterie et s'y connaissent en foresterie. Et le député, qui est issu de ce milieu-là, dont la famille, c'est des agriculteurs, ils sont producteurs eux-mêmes forestiers, il sait de quoi il parle. Et je pense que le ministre va trouver là un porte-parole de l'opposition drôlement dynamique.
Là, le ministre nous annonce qu'il va y avoir des amendements. Je vais sauter ce petit bout-là de ma présentation. J'étais pour lui dire qu'avant, pendant et après il n'y avait pas eu grand changements. Et je me demandais encore pourquoi on avait écouté 113 groupes. Là, il semble qu'il a soudainement compris. Je ne sais pas si c'est la lettre qu'on a reçue aujourd'hui qui l'a amené à ajouter quelques virgules. Très bien. Et je lui rappelle que le Québec, c'est 88 000 emplois, c'est 3 % du PIB, c'est 250 villes et villages du Québec qui vivent de la foresterie, et il nous faut en tout temps prendre ça très au sérieux.
Je veux rappeler au ministre que tout le monde, sans exception, le monde syndical, le collège des monseigneurs ? ils ne sont pas venus, mais ils l'ont fait dire par Le Devoir ? les environnementalistes, les compagnies, les travailleurs forestiers, les recherchistes, tous et leurs pères ont demandé une enquête indépendante sur notre forêt du Québec. Je pourrais, là-dessus, parler pendant le 20 minutes que j'ai pour dire au ministre: Si les bases sur lesquelles cette nouvelle politique que nous sommes après bâtir ne sont pas des bases solides, on va bâtir quelque chose qui ne sera pas solide. Et ce que, nous, on aurait aimé, de notre côté, c'est qu'on parte avec une base très solide, qu'on prenne un scientiste. Les gens avaient peur que ce soit un environnementaliste, que ce soit le BAPE. Très bien, on se serait ralliés, nous, à un Roger Nicolet de ce monde, un mathématicien, un ingénieur, un scientiste qui aurait, en bout de ligne, statué sur l'état de notre forêt au Québec. Et ça, on ne l'a pas eu et on le déplore. Et je rappelle au ministre que tout le monde qui est venu, ou à peu près, l'a dit avant d'arriver en commission parlementaire.
Pensant que c'était trop agressif pour le ministre, une enquête indépendante, on lui a suggéré, et beaucoup de groupes l'ont fait par la suite, un inspecteur général des forêts. Et on ne lâchera pas là-dessus parce qu'on est convaincus qu'on a raison. Et, encore là, à peu près tous ceux qui sont venus lui ont dit qu'un inspecteur général des forêts, c'était une solution tout à fait viable, qui ne coûterait pas cher et qui nous donnerait une idée d'où on s'en va avec notre forêt au Québec. Et, au-delà de nos débats politiques, nous aurions constamment une évaluation neutre, objective. On sait comment ça se passe dans le bureau du ministre. La compagnie vient le voir puis elle dit: M. le ministre, j'ai besoin d'un autre CAAF, sans ça je vais fermer, puis, vous savez, je vais transformer un peu si vous me donnez un peu plus d'arbres. Et puis on s'imagine à peu près le genre de pression qu'a le ministre, et il est obligé de vivre avec ça.
Alors, un inspecteur indépendant des forêts, lui, nous donnerait une situation précise. On le fait pour la situation financière du Québec. Les compagnies le font en ce moment. Les multinationales sont obligées d'avoir des auditions environnementales, elle ne peuvent plus vendre à leurs clients, leurs fournisseurs ne peuvent plus leur fournir si elles n'ont pas de ces auditions environnementales. Alors, ce qu'on dit au ministre: C'est ça qu'on vous demandait dans le projet de loi. Vous nous dites que vous faites des amendements. J'espère que c'est ça, l'amendement. Nous, ça nous aiderait à vous aider dans votre projet de loi si c'était ça, un des amendements, un inspecteur général des forêts.
L'autre point de convergence de tous ceux qui sont venus nous voir ? et ça, ça a commencé par le premier qui est venu jusqu'au professeur qui forme les enseignants à l'université ? pour ceux qui n'étaient pas là, je vous le donne entre mille: le calcul de la possibilité forestière. Le professeur qui enseigne aux étudiants en génie forestier est venu nous dire qu'il n'y a personne qui comprenait ça au Québec. Je l'ai requestionné ensuite pour être bien sûr que j'avais compris ce qu'il disait: Vous, enseignant à l'Université Laval, vous êtes après nous dire que personne ne comprend le calcul de la possibilité forestière au Québec? Il a dit: C'est en plein ça. Le ministre nous dit, lui, qu'il le comprend. Je suis fier pour lui, parce qu'il n'y a pas grand monde qui le comprend. Les MRC sont venues nous dire que c'était trop compliqué, les compagnies sont venues nous dire que c'était trop compliqué, les villes, les regroupements de villes, etc. Il n'y en a pas un, sur 113 mémoires, qui est venu nous dire que c'était clair, qu'il comprenait et puis que le citoyen, en bout de ligne, comprenait. Il y a un groupe qui a été proactif là-dedans, et je tiens à le souligner, c'est Domtar qui, eux, vont mettre effectivement sur informatique...
Une voix: Sur Internet.
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(21 h 50)
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M. Benoit: ...sur Internet, pour leurs clients. Et, eux, ils sont vraiment en avant du ministre, ils sont en avant du ministère, ils sont en avant de tout le monde. Et, eux, ils ont décidé qu'ils vont aller expliquer aux gens, dans chacune des régions où il s'exploite de la forêt, comment à peu près le calcul va les affecter. Mais il y en a un qui, lui, a dit: Moi, je n'attendrai pas après le ministère, on ne verra jamais la couleur de cette affaire-là, je vais aller de l'avant.
Alors, nous, on dit au ministre: Dans votre projet de loi, il n'y a pas grand-chose qui me rassure, moi, en tout cas, comme environnementaliste, que le calcul de la possibilité, il est fait pour qu'on comprenne. Et, si le ministre comprend, très bien, là, mais il n'y a pas grand monde... Et moi qui arrive du monde des affaires, c'était l'essence même de tout projet qu'on pouvait étudier: il fallait que le dernier de nos clients comprenne ce qu'on essayait de faire si on voulait lui vendre, sans ça on le perdait comme client, il allait ailleurs où le produit était aussi bon mais un peu plus simple. Ici, on est là qu'on gère. Aïe! On en gère, là, on en gère large. Et puis tout le monde est venu nous dire que le calcul de la base, personne ne le comprenait. Bien, moi, là, j'ai bien de la misère à voter pour un projet de loi ? je vous le dis tout de suite ? qui ne va pas changer grand-chose pour qu'on comprenne mieux.
Et je me souviens de cette dame de la MRC qui est venue quasiment nous implorer d'améliorer notre projet de loi, parce qu'elle disait: C'est des gros cahiers et ça nous réfère à un autre cahier, puis on s'en va... Hein, tu te souviens, Nathalie? Elle nous expliquait ça. Elle a dit: Il n'y a personne qui comprend. Puis, elle-même, elle était probablement ingénieur forestier dans la MRC. Alors, je vous le dis, ça, ça a été un des points de convergence le plus fort puis c'est l'essence même de ce qu'on essaie de faire.
Le rendement accru. Le rendement accru, je vais vous dire franchement, moi, je suis arrivé, j'étais drôlement contre cette histoire-là. C'est partagé, c'est drôlement partagé chez les gens qu'on a entendus. Les environnementalistes, ce qu'ils nous ont dit: C'est une manière pour le ministre de dire: Écoutez, on va créer des zones de protection, là, on veut monter ça jusqu'à 8 %. On est à 2,7 %, hein, on est à peu près dans le plus bas au monde. Là, tout le monde va s'énerver au Québec chez les forestiers, ça fait qu'on va leur dire: Énervez-vous pas trop, on va monter ça à 8 %, la protection des territoires, mais, sur 60 ans, on va vous augmenter votre production de 25 %.
Les expériences n'ont pas été très heureuses à bien, bien des endroits. Par contre, les universitaires sont venus nous dire que ce n'était pas si dramatique que ça. On va donner la chance au coureur. Là-dessus, on va dire au ministre: Continuez. De toute façon, il y aura une consultation sur cet aspect-là précis. Soixante ans, c'est long, hein. Le ministre ne sera plus là, moi non plus. En tout cas, j'ai bien hâte de voir. Et cette consultation-là, elle va être intéressante à suivre. Et j'espère qu'on va écouter les scientistes parce que, eux, ils avaient des choses à dire là-dessus. Au-delà des politiciens, ils avaient vraiment quelque chose à dire.
Et ça m'amène à vous dire que, quand on parle de politiques de recherche au Québec, ça aussi, ça a été décrié très fortement, très fortement, qu'on n'était drôlement pas avant-gardistes là-dedans, qu'on ne mettait pas les sommes nécessaires et qu'il y avait énormément d'ouvrage à faire dans cet aspect-là.
Un autre des points qui m'ont frappé tout au long de cette commission parlementaire là ? je ne l'ai pas dit au moment où on était devant les caméras, mais je vais le dire ici ce soir ? j'ai eu l'impression que le monde corporatif de la foresterie était un monde des années soixante-dix alors qu'on est rendu aux années 2000. À peu près tous les forestiers qui sont venus... En passant, il faut comprendre qu'il y a un drôle de syndrome dans une commission parlementaire comme celle-là. Ils sont tous bien polis avec le ministre parce qu'ils veulent un CAAF un peu plus grand, ils veulent une route un peu meilleure, ils veulent que les règlements sur les copeaux ne soient pas trop sévères. Alors, ils sont tous bien gentils avec le ministre, hein. Les vraies affaires, je ne suis pas sûr qu'elles se sont toutes dites en commission parlementaire. Et il y a eu beaucoup de «politically correct» dans tout ce qu'on a entendu là.
Ceci dit, beaucoup de corporations qui sont venues ? et c'est un jugement sévère ? sont encore à l'âge des années soixante-dix. Ils commençaient tous leur présentation, ou à peu près, en disant au ministre: Ça nous prendrait plus de coupe. Ça, c'est le discours des années soixante-dix. Il n'y en a plus, d'arbres, ou il y en a de moins en moins. En Gaspésie, on va couper 28 %. Et ces gens-là, je me suis demandé s'ils lisaient les mêmes journaux que moi, puis s'ils avaient vu le film de Desjardins, puis s'ils lisaient les mêmes études environnementales mondiales. Alors, ils sont venus nous dire, tous, tant qu'ils sont, puis ils étaient bien honnêtes avec eux-mêmes, que ça prenait plus d'arbres et plus de coupe d'arbres. Je ne le sais pas. Moi, je me serais attendu à ce que ces gens-là d'affaires viennent nous dire beaucoup plus qu'ils ont des nouvelles façons de transformer le bois, qu'ils vont le transformer sur place, qu'ils vont aller en deuxième puis en troisième transformation. Ce n'est pas ça que j'ai entendu. Et j'ai été déçu de beaucoup de ces gens-là. Je me serais attendu à ce qu'ils soient un petit peu plus loin que ça.
Beaucoup d'autres groupes qui sont venus n'ont pas trait à la foresterie. Je pense aux chasseurs, aux pêcheurs. Et, eux, ils nous ont dit que l'usage multiple de la forêt, ils y croient. J'ai été fort impressionné, par exemple, de la Fédération des chasseurs et des pêcheurs, M. Blais, de mémoire, qui nous a rappelé comment, lui, il voulait collaborer avec tout le monde, mais comment c'était bien compliqué de collaborer pour essayer d'avoir des droits de passage et un usage plus ouvert de la forêt. Et ça, c'est les années 2000. C'est les années 2000. Souvent, j'ai entendu des forestiers qui nous disaient: Bien, s'ils veulent participer, qu'ils paient.
Moi, je pense qu'il y a une équation qui doit se faire dans tout ça. Et il va falloir que le ministre fasse la part des choses dans un usage multiple de la forêt. Et il y a beaucoup de monde. Cette forêt-là, elle appartient à l'ensemble des Québécois. Ce n'est pas vrai qu'elle appartient juste aux forestiers. Et, moi, je pense que mes enfants ont le droit d'avoir accès aux forêts de l'Abitibi pour aller voir les oiseaux et respirer l'air frais, y faire de la marche ou du ski de fond. Et je ne crois pas que ce soit les compagnies qui doivent décider de son usage de cette forêt-là. Il y a une gestion intégrée qui doit se faire. Et j'espère que le ministre, là-dessus, nous arrivera avec des amendements.
L'environnement. Je finirai avec cet aspect-là, Mme la Présidente. Je vous rappellerai d'abord que l'opposition, elle a fait sa job. D'abord, on avait notre porte-parole en foresterie, on avait notre porte-parole des régions, on avait le porte-parole en matière autochtone qui était là puis il y avait le porte-parole en matière d'environnement. Alors, l'opposition, elle était là. Du côté du gouvernement, on était bien heureux d'avoir un ministre qui était là. Bien sûr que le ministre de l'Environnement n'était pas là. Et les autres députés, avec toute la sagesse qu'ils ont, venaient tous ou à peu près du Lac-Saint-Jean. Alors, pas sûr que la représentation était tout à fait balancée. Il y en avait un de la Gaspésie. Mais on aurait aimé du gouvernement qu'ils écoutent ces gens-là avec un autre oeil, une autre oreille, et puis qu'ils aient des gens en environnement puis qu'ils s'occupent aussi de la communauté autochtone. Et ça, ils n'étaient pas là. Bon, enfin, c'est le choix qu'ils ont fait. Nous, on y était.
Quant on est arrivé aux groupes environnementaux, ah, bien là les seules fois que le ministre a élevé la parole ? et je le prends au défi ? ça a été quand il y a eu des groupes d'environnement. Les CRE, ils ont mangé une volée de bois vert. Je ne sais pas qu'est-ce qu'ils ont eu le malheur de dire au ministre en... Aie! ils se sont fait mettre à leur place. Harvey Mead, le ministre s'est tenu après sa chaise tout le long de la présentation. Alors, le discours que sont venus faire les environnementalistes à cette commission-là, lui, ex-ministre de l'Environnement, là, je vais vous dire, ça n'a pas été entendu, et ça, j'en suis très convaincu.
Et les groupes qui sont venus, imaginez-vous donc qu'on leur parle, nous autres, de temps en temps, ils ne sont pas très heureux de cette commission parlementaire là. Et je vous rappellerai des articles dans Le Devoir, Massacre à la tronçonneuse, etc. Ils ne sont pas sortis très, très impressionnés de la commission parlementaire. Ils ont l'impression qu'ils n'ont pas été entendus et qu'il n'y aura rien dans le projet de loi qui va faire que l'environnement va être amélioré. J'avais l'occasion de parler au CRE provincial aujourd'hui, et un de leurs officiers me disait: Dites donc au ministre ce soir, quand vous allez lui parler, quand il va vous dire «des forêts en héritage», si c'est ça, l'héritage qu'il est après laisser à ses enfants, la forêt dans l'état où elle est là, que, nous, environnementalistes, on n'est pas très impressionnés ni du titre ni de la commission parlementaire. Alors, je m'étais engagé à le dire au ministre, je le dis au ministre.
Il n'y a pas rien que des affaires mauvaises, d'autre part, il faut être objectif, et la limite du nord est quelque chose de positif, dans la bonne direction. Alors, là-dessus, le ministre va aussi aller en consultation, et je pense que c'est une approche dans la bonne direction. Si on avait laissé les affaires aller, ils auraient probablement été jusqu'à la mer de Baffin. Alors là le ministre est après mettre une limite à tout ça, et je pense que c'est dans la bonne direction.
Il y a des oublis épouvantables. Les travailleurs sylvicoles... Et je pense que c'est la députée de Bonaventure qui est y revenue constamment pendant la commission parlementaire. On a eu des gens... Je vous dirais même que, dans les mémoires les plus intéressants, c'est souvent ce qui se produit, ce sont des gens de la base, hein. Je me souviendrai toujours du débat sur les heures d'ouverture où celle qui avait volé le show après deux mois, c'était une caissière de chez Steinberg qui, elle, nous avait dit: Moi, c'est bien de valeur, mais je ne veux pas travailler le dimanche. Elle avait volé le show carrément. C'était quelqu'un de la base.
Bien, ici, ça a été le planteur d'arbres, dans mon livre à moi, qui a volé le show quand il nous a dit... Lui, il est venu dénoncer d'abord les conditions, quand il nous expliquait que les fougères étaient ça de haut, puis que les sapins ne pouvaient pas pousser aussi vite que les fougères, puis, à cause de ça, on ne le payait pas pour ses sapins. Et je vous lirai une de ses phrases: «En 18 ans de plantation, je n'ai jamais vu quelque chose de cochon comme ça.» Et il nous disait comment son métier était difficile.
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(22 heures)
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Alors, les travailleurs sylvicoles, dans le projet de loi, il n'y a rien pour eux, et c'est malheureux. Je pense qu'il devrait y avoir une ouverture de ce côté-là.
Au niveau formation, il n'y a pas grand-chose.
Alors, c'est ça, Mme la Présidente, l'opération a été bien menée par le ministre, on a écouté beaucoup de monde. On les a entendus, on les a écoutés, mais je ne suis pas sûr que ça va, en bout de ligne, changer quelque chose au projet de loi. On a bien hâte, de notre côté, de connaître les amendements que le ministre va faire connaître. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député d'Orford. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je ne prendrai pas trop de temps, Mme la Présidente, mais je tiens à dire quelques mots au moins sur le projet de loi, par intérêt, par souci de donner une suite un peu aux quelques auditions auxquelles j'ai assisté.
Il me semble, d'entrée de jeu, qu'il faut dire que... Bon, c'est une révision de la loi sur le régime forestier qui, 15 ans plus tard, aurait permis normalement à tous ceux qui sont autour de la table et à tous ceux qui sont venus s'exprimer lors des audiences de s'approprier un peu la loi. Et pourtant on se trouve devant une situation où il me semble qu'à peu près tout le monde se présente en disant qu'ils sont insatisfaits du travail que le ministre nous a présenté, que ce soit au niveau des écologistes, que ce soit au niveau des industriels. Juste aujourd'hui, on recevait des lettres tant des scieurs que des producteurs de pâtes et papiers nous disant qu'ils sont très inquiets, pour des raisons différentes probablement de celles des écologistes puis d'autres groupes. Mais il me semble que, après 15 ans à opérer avec un régime forestier qui a quand même modernisé à l'époque la situation qui prévalait ici, ça aurait été l'occasion de vraiment présenter une révision en profondeur et majeure, qui aurait permis à tout le monde de s'approprier la loi et de sentir qu'effectivement on tirait tous dans la même direction qui serait celle de la protection de nos forêts, Mme la Présidente.
Il est donc décevant de voir qu'après avoir entendu 113 groupes, ou à peu près, le ministre n'a pas repris son projet de loi pour donner un vrai écho aux auditions qu'on a organisées puis préparées. On a passé beaucoup de temps à les écouter, ces groupes-là. On les a écoutés avec un projet de loi qui leur avait été présenté, lequel ils commentaient. Ils ont commenté, on les a questionnés, on a appris des choses, et le ministre poursuit le processus avec exactement le même projet de loi, sans amendements. Il nous a annoncé, semble-t-il, tout récemment, qu'il y a des papillons à apporter. Mais un papillon, c'est un papillon. Et le nom dit quelque chose aussi: «papillon», c'est quelque chose de léger, c'est quelque chose de volatile, ça va à gauche, à droite, ça va avec le vent un peu.
Si ça avait été une véritable consultation, ça nous aurait permis de prendre un temps d'arrêt après les consultations, de reformuler le projet de loi en fonction de tout ce qu'on avait entendu et de revenir en commission parlementaire avec le fruit des réflexions que les gens nous avaient amenées ici, et un projet de loi qui aurait probablement pu recueillir, accueillir beaucoup plus de participation de la part de tout le monde au niveau des appuis qu'on aurait pu donner. Ça, sur le processus, alors une première déception.
Je ne sais pas si on nous appelle pour un vote?
Une voix: ...
M. Sirros: On va le savoir. Ça, c'est un premier commentaire sur le processus comme tel et une certaine déception, là.
Deux, trois autres affaires sur lesquelles je voudrais juste dire quelques mots. Le concept du rendement accru. Je trouve ça un peu... Comment je peux dire, là? Je comprends pourquoi le ministre ne le met pas de l'avant tout de suite. Il dit: Bien, je l'adopte en principe et puis je vais consulter après pour voir comment ça va fonctionner. Parce que c'est un concept qui est un peu comme si on décide de...
Une voix: On tire après le sapin.
M. Sirros: Bien, c'est ça, on tire après le sapin. Ou, pour prendre un autre genre de métaphore, on décide, je ne sais pas, moi, de faire nos achats en escomptant nos augmentations de salaire futures. C'est assez aléatoire. Il peut y avoir des grèves, il peut y avoir des coupures de salaire, il peut y avoir toutes sortes de choses, et tu te ramasses à un moment donné avec l'incapacité de payer pour ce que tu as acheté. On peut se ramasser, donc, avec une situation où on va baser les calculs forestiers sur une théorie d'un rendement accru, on va accorder des droits à des gens sur cette base-là, puis, 60 ans plus tard, on va se ramasser avec une situation, on va dire: Oups! ce n'était pas exactement comme ça que ça devait marcher. Il me semble qu'il y avait beaucoup de questionnement sur ça, et, moi, c'est un concept qui me laisse un peu anxieux face à l'avenir de nos forêts.
La deuxième chose, c'est le concept de crédibilité de la situation forestière. J'ai été déçu, l'année passée, je l'avais dit au ministre, de voir sa réaction, le rejet du revers de la main de toutes les préoccupations qui avaient été amenées sur la place publique par le film qui avait pu être sensationnaliste, ou peu importe, mais ça soulevait quand même un questionnement réel, un questionnement réel sur la façon dont le rendement était calculé, un questionnement réel sur la limite nordique. Et là, encore une fois, le ministre nous parle de l'instauration éventuelle d'une limite nordique; il est incapable aujourd'hui de nous dire où est-ce qu'elle va être, cette limite nordique là. Donc, on pellette en avant. L'adoption aujourd'hui du concept et du principe, on va le faire, mais là on va aller plus tard sur la consultation pour l'établir. On aurait pu peut-être le faire tout de suite.
Mais, de façon plus large, ça aurait été intéressant qu'on puisse effectivement décider de faire une évaluation externe de la situation des forêts au Québec pour enlever tout soupçon de la part de tout le monde, ce qui aurait donné encore plus de crédibilité par la suite au gouvernement puis au ministre de baser les octrois de CAAF, etc., sur la base de cette évaluation externe. Ça aurait enlevé tous les arguments à tous ceux qui aujourd'hui disent: Le processus est entaché parce que le ministre est à la fois juge et partie; c'est lui qui doit à la fois gérer les ressources naturelles et, en même temps, stimuler le développement économique. Et on n'est pas trop, trop, trop certain au niveau de la protection des forêts. Tout ça dans une ère où le concept d'économie verte finalement prend de plus en plus des racines. Et, si on veut vraiment être compétitif ultimement, il va falloir faire la démonstration sur la place publique et mondialement que nous faisons vraiment du développement durable non seulement dans les mots, mais dans les faits. Et une évaluation externe aurait permis d'asseoir cette façon de faire de façon plus solide. À défaut de ça, on se dit: Bien, peut-être qu'il devrait y avoir un inspecteur général des forêts. Et je pense que mes collègues sont revenus beaucoup sur ça, et ce serait probablement quelque chose qu'on voudrait voir dans les amendements du ministre, quoique je doute quelque part qu'il va l'amener, Mme la Présidente. J'ai des doutes.
L'autre chose qui m'a frappé durant les audiences auxquelles j'ai assisté, ça a été la présentation des Cris. De façon plus spécifique, l'argument majeur qui est présenté, qui a un fondement, selon moi, c'est le fait que le Québec a signé une convention qui a l'effet d'un traité, accorde des droits particuliers dans ce traité-là, reconnaît l'existence de droits, reconnaît l'existence de certaines pratiques qui doivent avoir un effet réel dans la vie de tous les jours. Et là on adopte, à côté de ça, des lois sans prendre la peine de voir comment est-ce qu'on va agencer les deux, sans déterminer comment est-ce que les deux vont opérer ensemble.
Les Cris réclament, et je pense que c'est même quelque part dans la Convention, c'est assez volumineux, je ne me rappelle pas de toutes les clauses au moment où on se parle, mais les Cris disent que, finalement, la Convention de la Baie James, étant donné que c'est un traité, étant donné que les traités sont reconnus également par la Constitution, a préséance sur les lois. Les lois doivent faire en sorte que, quand il y a conflit entre les deux, c'est la Convention qui a préséance. On faisait remarquer également que ce genre de façon de procéder existe déjà dans nos pratiques par rapport à la chasse, par rapport à la pêche, par rapport à certaines autres activités et d'autres lois et que, quand les dispositions de ces lois entrent en conflit avec la Convention de la Baie James, c'est la Convention de la Baie James qui a préséance.
Tout au moins, on se serait attendu à ce qu'au moment où on fait une révision majeure de la Loi sur les forêts le ministre ait au moins prévu cette problématique-là puis propose une façon d'agencer les deux cadres législatifs: la Convention de la Baie James, d'une part, et la Loi sur les forêts, d'autre part. Ça aurait pu être, par exemple, minimalement par le début d'un processus réel de négociations avec les Cris pour trouver un mécanisme de conciliation des différends. Au lieu de ça, on se retrouve devant les tribunaux. Je me rappelle encore une fois du ministre qui avait comme balayé du revers de la main les prétentions, comme si on n'avait pas signé la Convention de la Baie James, comme si on ne l'avait pas, à maintes reprises, tenue comme un exemple pour tout le monde à suivre dans la façon de traiter avec les autochtones.
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(22 h 10)
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Donc, on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche tout le temps, il va falloir ? et ce n'est pas juste une critique au ministre, je pense que collectivement... Depuis 25 ans maintenant que la Convention existe, il y a plein de gouvernements qui ont passé à côté d'un certain nombre de dispositions, et ce serait peut-être, à un moment donné, le temps de s'asseoir et au moins poursuivre les efforts de négociations de la Convention qui avaient été commencés dans les années quatre-vingt-dix, si ma mémoire est bonne, où on avait entamé un processus de mise en application de la Convention de façon réelle. Au-delà des dispositions qui sont effectivement mises en avant dans plusieurs domaines, il reste encore des domaines, certains chapitres de la Convention qui soulèvent toutes sortes de questions.
Alors, c'étaient les quelques points que je voulais faire, Mme la Présidente, juste pour ramener ces choses-là sur la table et demander si le ministre, dans ses amendements qu'il propose d'amener, ne pourrait pas aussi réfléchir à certains de ces éléments aussi. Alors, voilà.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires surtout sur le volet que mon collègue de Laurier-Dorion vient d'aborder, la question autochtone. Et je veux commencer en rappelant à quel point nos consultations publiques sont un très grand succès, parce que nous avons réussi à avoir... je pense que c'était six témoins issus des premières nations qui ont jugé bon de venir témoigner devant la commission parlementaire. Je pense que, ça, c'est un grand succès en soi, parce que trop souvent on a reproché aux premières nations d'uniquement faire affaire avec le gouvernement fédéral et d'avoir des relations des fois difficiles ou même non existantes avec le gouvernement du Québec.
Alors, je pense que le fait que le projet de loi n° 136, la question d'une refonte du régime forestier, ait intéressé... De mémoire, on a eu les présentations de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, du Grand Conseil des Cris, des Micmacs de Restigouche, des Hurons, Hurons-Wendat, des Atikamekw et du Conseil innu Mamuitun. Le fait que ces groupes aient jugé bon, ces nations et leurs représentants, de venir ici, en soi, c'est un grand succès. Alors, en premier lieu, le fait qu'ils aient participé à nos délibérations, je pense qu'on a tout intérêt à regarder comme il faut, et c'est une gamme d'opinions, ce n'est pas monolithique, ils ne sont pas venus ici avec juste un message, c'est plusieurs messages. Mais je pense que, dans les modifications que le ministre va proposer dans les travaux de la commission parlementaire, il faut voir un écho, un reflet du fait que les autochtones soient venus, que les premières nations soient venues, parce que la forêt, pour eux autres, c'est un enjeu majeur, un enjeu très, très important.
Mais ce n'est pas uniquement les autochtones qui sont venus pour livrer ce message. Moi, je me rappelle toujours de la présentation de M. Raymond Royer, qui est le président et le chef de la direction de Domtar, qui est venu le 17 octobre, de mémoire, et qui a dit: «Nous estimons que le plus grand défi que nous pose la réforme du régime forestier concerne les communautés autochtones.» Alors, je pense que Domtar est venue pour dire que, ça, c'est vraiment un enjeu primordial. Et je pense que, si on veut parler d'un développement durable, si on veut parler d'établir et maintenir des relations harmonieuses avec les premières nations du Québec, on a tout intérêt à regarder dans les mémoires qu'ils ont déposés ici et à voir s'il y a un meilleur arrimage qu'on peut faire même avec nos propres lois.
Je pense que la présentation qui a été faite par M. Ernest Awashish, du Conseil de la nation Atikamekw, indiquait que, même à l'intérieur de la loi n° 65, qui a été adoptée, qui a changé les règlements, que le Conseil exécutif... le langage avec lequel on traite les communautés et les nations autochtones... qui était censée être une loi-cadre pour l'ensemble des lois du gouvernement du Québec, ça, c'est une loi qui a été adoptée par l'Assemblée nationale il y a à peine un an, elle n'est même pas respectée dans la façon dont nous avons formulé les dispositions du projet de loi n° 136. Juste au niveau d'une cohérence avec notre propre cadre... Et ça a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Il y avait un appui bipartisan au projet de loi n° 65 à l'époque pour dire qu'il faut changer nos moyens de composer, de faire les négociations avec les nations autochtones. Alors, premier test: Est-ce qu'on est cohérent avec nous-mêmes? Est-ce qu'on est cohérent avec le projet de loi n° 65 adopté à l'Assemblée nationale il y a un an? La réponse, c'est non. Alors, je pense qu'au niveau de la formulation, au niveau de la façon dont on veut entretenir les relations avec les premières nations, ça, c'est le premier de nos défauts.
Mais également, comme je l'ai dit, il y avait une gamme de personnes ici, mais il faut reconnaître qu'on est dans un régime de droit ici, qu'il y a des traités, qu'il y a des engagements qui ont été pris antérieurement, loin dans notre histoire des fois, et qu'on peut les respecter, on peut les mettre dans notre loi maintenant ou on peut ouvrir la porte aux contestations juridiques. Depuis 15 ans, et ce n'est pas unique au Québec, mais à travers le Canada, à travers l'Amérique du Nord, on a vu une augmentation du nombre de fois que les premières nations ont dû aller devant les cours protéger leurs droits, établir leurs droits, parce que des fois on parle de documents qui ont été signés il y a très longtemps. Mais, règle générale, et je pense qu'il faut l'admettre, les cours donnent raison aux premières nations, qu'elles ont un mot à dire, qu'il faut, d'une façon beaucoup plus ordonnée, beaucoup plus structurée, établir les partenariats.
Alors, ce n'est pas juste le ministre, au moment qu'il juge opportun: De temps en temps, je veux les consulter, ou peut-être qu'on va soumettre à leur, même pas approbation, mais juste qu'on va les rendre au courant de quelques propositions qu'on veut faire dans un régime forestier. Ça, c'est des genres de propositions qui ne sont pas assez solides. Et je pense qu'à travers l'ensemble des témoins des premières nations qui sont venus il y avait un très grand intérêt à établir des partenariats.
Et on va traiter le cas des Cris à part, parce que, ça, c'est différent, parce qu'il y a une Convention de la Baie James, alors on est dans un régime différent. Mais, si je prends soit les Attikameks, soit les Hurons, même les Micmacs, ils cherchent un terrain d'entente, ils cherchent un moyen: Est-ce qu'on peut, d'une façon beaucoup plus explicite, beaucoup plus concrète dans le projet de loi n° 136, reconnaître un rôle pour les premières nations, les droits des premières nations, et dire que ce n'est pas juste un autre intervenant? Parce que trop souvent, dans nos lois, on dit: On a des intervenants: les MRC, les chasseurs, les pêcheurs, les autochtones; on les met sur un pied d'égalité. Et il faut comprendre qu'on est dans un régime de droit. Ils ne sont pas juste un autre intervenant. Ils ont des droits qui varient d'une nation à l'autre, d'une région du Québec à une autre. L'histoire est toujours différente, mais il faut composer avec la réalité qu'il y a des droits.
Et, moi, je serais beaucoup plus rassuré qu'avant d'aller de l'avant on ait une certaine sécurité juridique, que ce qu'on est en train de mettre de l'avant à travers les nombreux arrêts de la Cour suprême, soit Sparrow ou Côté-Adams, Van der Peet, Marshall, Delgamuukw, et ça continue, il y a une grande série, dans les années quatre-vingt-dix, d'arrêts de la Cour suprême qui sont censés nous guider comme législateurs, de mettre en place des régimes... Et pourquoi inviter les premières nations, dès aujourd'hui, à aller en cour? Est-ce qu'il y a moyen d'avoir la sécurité juridique nécessaire, que le projet de loi qu'on va mettre de l'avant ici va mettre en place les balises nécessaires pour une reconnaissance des droits autochtones, pour un partenariat qui sera durable?
Parce qu'on a vu... et je pense qu'à travers les mémoires, même si on prend... Il y avait une conclusion qui était assez dure. Les Micmacs ? si je peux retrouver mes papiers ? leur conclusion était: «Québec's forestry regime must provide a just settlement for our denial of access to forestry resources in order to insure the economic and social advancement of our people. Our constitutionally recognized rights must not be ignored. They provide a solid basis for peaceful coexistence and resource sharing through negotiation, accommodation and agreement to achieve just, comprehensive and sustainable solutions.»n(22 h 20)n Alors, on voit dans la première phrase peut-être, Mme la Présidente, que c'est une déclaration de leurs droits et que ça semble être difficile, mais, si on va un petit peu plus loin, il y a une ouverture pour l'accommodement, il y a une ouverture sur les négociations, il y a une reconnaissance qu'il va y avoir des ententes qui sont compréhensives et qui nous amènent sur un développement durable.
Alors, je pense que, ça, c'est les thèmes qui peuvent rallier l'ensemble des intervenants dans le secteur forestier et je pense qu'on a tout intérêt à voir dans les modifications: Est-ce qu'il y a moyen de renforcer le projet de loi n° 136? Est-ce qu'il y a moyen d'écouter surtout, comme je dis, les cinq intervenants: l'Assemblée des premières nations, les Micmacs, les Hurons, les Attikameks et les Innus, les non-conventionnés, si je peux dire ça entre guillemets, qui sont venus et qui, je pense, ont démontré une très grande ouverture juste par leur présence même, de dire qu'ils sont prêts à s'asseoir avec le gouvernement du Québec, qu'il y a un intérêt dans le développement durable? Ils ont un intérêt de participer dans nos travaux. Ça, c'est déjà un progrès. Et je pense qu'il faut le souligner, et il faut s'assurer que, dans les modifications qui sont proposées au projet de loi, on donne suite.
En terminant, Mme la Présidente, il y a également la question des Cris, parce que les Cris ont une Convention de la Baie James. On vient de le fêter à l'Assemblée nationale, ça fait 25 ans maintenant. Mais ça, c'est une convention qui a déjà donné suite à quelques régimes distincts. On voit ça dans l'environnement, il y a d'autres ententes qui découlent de la Convention de la Baie James parce qu'ils ont un statut qui est différent des autres premières nations du Québec. Et je pense qu'on a tout intérêt... Si le ministre dit non à la notion d'avoir un régime distinct, est-ce qu'il y a des accommodements qu'on peut mettre dans le projet de loi n° 136 pour avoir un meilleur arrimage? Parce qu'on a un litige qui a déjà duré trois, quatre ans sur le régime forestier chez les Cris. Ça va aller à d'autres cours, et je pense que c'est rendu à la Cour d'appel, de mémoire, ça va aller à la Cour suprême, je pense, tout le monde est convaincu de ça. C'est dommage, parce qu'il y a des ressources qui sont déployées à la cour plutôt qu'à la table de négociations pour trouver, peut-être, une entente, un terrain d'entente qui peut nous amener avec un développement beaucoup plus harmonieux. Parce que, veux veux pas, les cours, règle générale, ont donné raison aux premières nations. On peut être pour, on peut être contre, mais on a regardé les traités, on a regardé les situations des premières nations au Canada et au Québec, et, règle générale, il y a une reconnaissance qu'ils ont un statut autre que, comme j'ai dit, un simple intervenant dans le dossier.
Alors, je pense qu'on a tout intérêt, dans les travaux de la commission, de s'assurer qu'on peut bonifier le rôle que les nations autochtones peuvent jouer dans le régime forestier. On peut aller au-delà d'un simple pouvoir d'être consulté et de vraiment mettre certaines obligations que... Moi, je pense que, si on peut investir aujourd'hui dans un plus grand rôle et une plus grande reconnaissance de la place des autochtones, un développement durable devient beaucoup plus faisable et possible. Et on peut répondre à l'invitation de M. Royer, de Domtar, qui a dit que ça, c'est vraiment, pour la forêt du Québec, l'enjeu numéro un, d'établir des relations plus harmonieuses dans l'objectif d'avoir un développement durable de nos forêts où tout le monde, la société québécoise dans son ensemble, y compris les premières nations du Québec, peut participer et profiter d'un développement durable et harmonieux des forêts du Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Étude détaillée
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, cela met donc fin à la période des remarques préliminaires. Je serais donc prête à appeler maintenant l'article 1 du projet de loi. Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Juste avant, Mme la Présidente, si vous permettez, juste une petite question de directive de la part du ministre. Je comprends qu'il nous a annoncé une série d'amendements sans qu'il nous dise exactement c'est quoi. Est-ce qu'on peut avoir une idée d'à partir de où ça commence, les amendements, et quelles sont les sections qui vont être les plus changées? Parce que, des fois, on pourrait être appelé à voter certains articles tout de suite. Par exemple, on a, dans les premiers articles, des choses relatives où on change, où on ajoute les mots «contrat d'aménagement forestier». Si jamais il y a des amendements qu'il dépose où il élimine complètement la notion de contrat d'aménagement forestier, bien il ne faudrait pas les voter à ce moment-ci. Je voudrais juste voir où ça commence puis où ça finit, tout ça, là, avant qu'on commence l'étude article par article.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Oui, c'est clair, Mme la Présidente, que, lorsqu'on arrivera à un article qui sera éventuellement l'objet d'un amendement, et ça...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous allez nous aviser.
M. Brassard: Bien, c'est évident, je vais vous aviser. On va suspendre, on va passer à l'article suivant, et on y reviendra à partir de jeudi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, M. le député de Kamouraska-Témiscouata?
M. Béchard: O.K. Allons-y.
Loi sur les forêts
Gestion des forêts du domaine public
Interventions en milieu forestier
Permis d'intervention
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, article 1: L'article 6.1 de la Loi sur les forêts (L.R.Q., chapitre F-4.1) est modifié par la suppression, dans la première ligne, de «Sous réserve du premier alinéa de l'article 73.3.3,».
Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Alors, Mme la Présidente, pourquoi enlever cette partie du texte actuel? C'est parce que, justement, l'article 73.3.3 sera abrogé, puisqu'il porte sur les modalités de paiement des droits, lesquelles seront remplacées par un mode de facturation mensuelle basée sur les volumes récoltés, mesurés ou estimés. Donc, on apporte des modifications à toute la question des paiements des droits, et, pour ce faire, l'article 73.3.1 à 73.3.4, ces articles seront abrogés. Alors, puisqu'ils seront abrogés, évidemment, à l'article 6.1, il faut cesser de faire référence à un article qui sera abrogé.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui. Vous dites, M. le ministre, que vous pensez changer les modalités de paiement. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu ? vous dites que vous passez aux modalités de paiement mensuel ? en quelques mots, par rapport à ce que c'était avant? Et quelles sont les modifications qu'on apporte avec ça? Au niveau mensuel, est-ce que ça veut dire que ce sont les mêmes... Quels sont les recours, par exemple, qu'il peut y avoir et sur combien de temps, si on n'est pas d'accord, qu'il y a des contestations, et tout ça? Est-ce que ça s'applique à ce niveau-là?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: À l'article 71 du projet de loi, on retrouve...
(Consultation)
M. Brassard: Ce qu'on ajoute à 71 par 54, c'est la phrase suivante: «Ces droits sont exigibles du bénéficiaire selon les échéances que détermine le gouvernement par voie réglementaire.» Et l'intention du gouvernement, c'est d'instaurer des paiements mensuels. C'est ça?
Une voix: Oui.
n(22 h 30)nM. Béchard: Je comprends qu'on va changer ça, que, par voie réglementaire, on change les échéances, mais, si on compare actuellement versus ce nouvel article là, pourquoi on a fait ça, pourquoi on modifie les échéances de la façon dont on le fait?
(Consultation)
M. Brassard: Je vais demander à M. Ledoux de...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, alors... Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Je n'ai rien contre M. Ledoux, là, mais j'aimerais bien entendre le ministre là-dessus, à moins qu'il nous garantisse que tout ce que va dire M. Ledoux, c'est comme si ça sortait de sa propre bouche et qu'il en est...
M. Brassard: Généralement, en commission, c'est comme ça que ça se passe.
M. Béchard: Bien, l'autre commission où j'étais avant, normalement, c'était le ministre qui répondait, sans vouloir faire de comparaison entre ministres.
M. Brassard: Là, on entre sur un sujet de nature très technique, le paiement des droits, comment ça se passait. Je peux bien vous déposer un document étoffé là-dessus, comment ça se passait, mais je pense que M. Ledoux est en mesure de vous l'expliquer avec plus de précision.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Ledoux.
M. Béchard: Est-ce qu'on en comprend que le ministre...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député.
M. Béchard: Parce que c'est quand même le ministre qui est imputable de la loi en bout de ligne, là. Je veux être sûr qu'il comprenne parfaitement ce qui se passe là-dedans. Puis qu'au premier article il ne soit pas capable de nous expliquer ce qu'est le système actuel, je dirais, de tarification, de façon dont on exige les droits du bénéficiaire et les échéances, ça m'inquiète un petit peu, là. C'est pour ça. Je n'ai pas de problème à ce que M. Ledoux réponde, mais je trouve ça un petit peu particulier que, dès le départ, on parle de paiement de droits et qu'on réfère à...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que je comprends, M. le député, qu'il n'y a pas consentement pour que M. Ledoux réponde à la question que vous avez posée?
M. Béchard: Bien, en commençant... C'est parce que je ne voudrais pas que ça devienne une tradition dans la commission, qu'on fasse la commission, moi et M. Ledoux. Je n'ai rien contre M. Ledoux, mais je pense que c'est le ministre, quelque part, qui est responsable aussi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça veut dire qu'il n'y a pas consentement?
M. Béchard: Non.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
(Consultation)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Mme la Présidente, actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on estime évidemment les droits payables par un bénéficiaire et on les divise en 12 versements. Peu importe si dans l'année, à certaines périodes évidemment, il y a des récoltes plus importantes, et même, à certaines périodes de l'année, il n'y a aucune récolte, on divise en 12 versements égaux. Ce qu'on introduit comme mesure par voie réglementaire et ce qu'on va faire, ça va être: à chaque mois, les paiements de droits vont correspondre au bois récolté et mesuré, donc vont varier au cours de l'année. C'est ça qu'on va instaurer.
M. Béchard: O.K. Donc, on passe d'un système où on y allait sur des estimations. On disait: Pendant l'année, il va se récolter tant de mètres cubes. Puis on le divisait tout simplement.
M. Brassard: Donc, ça veut dire tant de droits. Tel montant, on le divisait par 12, mais ça ne correspondait pas nécessairement au niveau de récolte étalé sur l'année.
M. Béchard: Ça, ça pouvait provoquer, par exemple, que, dans un mois ou deux mois où il y a beaucoup plus de récolte, on se serve de cet argent-là... On le stockait puis on disait: On étale tout simplement les paiements. Mais qu'est-ce qui vous amenait... Ça, est-ce que c'est une demande de l'industrie ou d'ailleurs? Parce que, à la limite, ça peut être avantageux pour eux dans certaines conditions mais désavantageux dans d'autres aussi.
M. Brassard: C'est par souci d'équité, pour que l'État, à qui ces droits sont dus, soit payé, je dirais, en temps réel.
M. Béchard: O.K.
M. Brassard: Sinon, c'était, dans bien des cas, leur faire un certain cadeau, d'une certaine façon, puisqu'ils payaient certains mois des droits qui étaient inférieurs à ce qu'ils auraient dû payer si on avait instauré le paiement bois mesuré, droits payés.
M. Béchard: Qu'est-ce qui se passait quand, par exemple, au niveau de l'estimation au cours de l'année vous étiez au-dessus ou en dessous? Il y avait un processus de réajustement à la fin?
M. Brassard: Des ajustements. Il y avait des ajustements à la fin de la période.
M. Béchard: À la fin de l'année, on disait: Voici, on tire la ligne, voici ce qui est réel. O.K.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, l'article 1 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Adopté. Article 2. L'article 9 de cette loi, modifié par l'article 140 du chapitre 40 des lois de 1999, est de nouveau modifié par le remplacement, partout où ils se trouvent dans le troisième alinéa, des mots «aire commune» par les mots «unité d'aménagement».
M. le ministre.
M. Brassard: Bien, ça, c'est une modification de concordance parce que l'expression «aire commune» ne sera plus utilisée, elle sera remplacée par l'expression «unité d'aménagement». Donc, il faut évidemment faire la modification de concordance pour que désormais, à l'article 9, il ne soit plus question, on ne fasse plus référence au concept d'«aire commune» mais au concept d'«unité d'aménagement».
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. J'aimerais... C'est peut-être le moment de clarifier ce qui est la différence fondamentale entre les deux appellations et qu'est-ce qui nous amène aujourd'hui à avoir cette modification-là dans le vocabulaire, pourquoi on arrive à cette modification-là, on passe à l'unité d'aménagement plutôt qu'à une aire commune. Est-ce qu'il y a des implications à quelque niveau que ce soit? Ce n'est sûrement pas juste un changement de vocabulaire poétique, là, il doit y avoir des choses derrière ça. Qu'est-ce qu'on amène par cette modification-là d'«unité d'aménagement» au lieu d'«aire commune» et qu'est-ce que ça implique dans la gestion, je dirais, quotidienne de la forêt?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: On utilise déjà et on utilisait déjà le terme d'«unité d'aménagement». Il correspond davantage au concept qu'on veut introduire dans la loi ou à ce qui existe déjà. C'est une unité territoriale de base d'aménagement forestier. Donc, le concept ou l'expression d'«unité d'aménagement» correspond davantage à la réalité qu'on veut décrire, qu'on veut cerner, c'est-à-dire une unité territoriale, donc une portion de territoire, et cette unité territoriale est en quelque sorte la base de l'aménagement forestier, de travaux d'aménagement forestier, de travaux sylvicoles. Donc, le terme d'«unité d'aménagement» est plus approprié que le terme d'«aire commune».
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Merci, oui. C'est parce qu'il y a des gens, M. le ministre, qui me faisaient remarquer que, dans le fond, «aire commune» représentait davantage la multiplicité des usages possibles de ces aires-là et que maintenant, en voyant les mots «unité d'aménagement» arriver, bien ils voient peut-être une restriction ou une diminution du type d'usage qu'il peut y avoir. Bien, ils disent: Est-ce que ce sera vraiment des unités uniquement vouées à l'aménagement comme tel, alors qu'avant ça, quand on parlait d'«aire commune», bien on visait peut-être une utilisation plus large, en tout cas. Est-ce que, dans la pratique, là, au lieu de dire que ça correspond davantage, il y a, quand on parle maintenant d'unités d'aménagement par rapport aux aires communes, un changement dans le type de vocation ou d'utilisation de choses qui peuvent être faites sur ces mêmes territoires là, ces mêmes unités ou aires là?
n(22 h 40)nM. Brassard: Non. Aire commune, l'adjectif «commune» faisait évidemment référence au fait que, sur une portion de territoire, il y avait plusieurs détenteurs de contrats, donc, qui avaient des droits en commun sur un même territoire. C'est pour ça que cette expression-là a été introduite dans la loi. Mais le terme d'«unité d'aménagement» ne signifie pas qu'on va se retrouver devant un territoire où il y aura un seul usage ou une seule utilisation qui est l'utilisation de la matière ligneuse. Mais il est évident que la référence à l'aménagement est capitale, parce que les détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement ont des responsabilités et des obligations en vertu de la loi puis en vertu de leurs contrats de procéder non seulement à des récoltes, mais également à de l'aménagement des territoires qui leur sont octroyés.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va. L'article 2 est donc adopté.
Catégories de permis d'intervention
L'article 3. L'article 10 de cette loi est modifié:
1° par le remplacement, dans le paragraphe 5°, des mots «ou récréatif» par les mots «, récréatif ou agricole»;
2° par le remplacement, dans le paragraphe 7°, de «ponctuelle visée à l'article 24.1» par les mots «à des fins d'expérimentation ou de recherche».
Alors, M. le ministre, explication.
M. Brassard: D'abord, le paragraphe 5°, Mme la Présidente, de l'article 10, c'est en vue d'introduire la possibilité pour le ministre de délivrer un permis d'intervention à des fins agricoles. Donc, le récréatif demeure, mais aussi on ajoute à des fins agricoles. Par exemple, on pense à l'établissement de bleuetières, qui est considéré comme une activité agricole. Alors, ça, c'est l'explication ou la justification de l'ajout du terme «agricole» à l'article 5.
Le paragraphe 7° de l'article 10, lui, est modifié en concordance avec la modification proposée à l'article 18 du projet de loi qui modifie l'article 24.1 de la Loi sur les forêts. Cet article-là ne référera plus expressément à la notion de récolte ponctuelle à des fins d'expérimentation ou de recherche ou pour l'exécution d'une garantie de suppléance. D'abord, la récolte de bois à des fins expérimentales ne concerne que des bois non attribués par contrat, et généralement ça ne touche que de faibles volumes. Alors, l'intervention ponctuelle va faire l'objet de nouvelles modalités plus spécifiques, là, qui vont apparaître à l'article 76 du projet de loi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Ça va, M. le député de Kamouraska-Témiscouata?
M. Béchard: Une petite question. Je pense que mon collègue aussi...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous voulez intervenir?
M. Béchard: ...a une question. Mais, juste pour savoir, quand on parle, entre autres, que les bleuetières sont d'un usage considéré comme agricole, quels sont les autres usages. Est-ce qu'on pourrait envisager d'autres usages qui sont aussi considérés comme agricoles et qui pourraient se faire en forêt? Est-ce qu'il y d'autres types ou c'est vraiment spécifiquement pour les bleuetières, là?
M. Brassard: Pour le moment, je n'en vois pas d'autres.
M. Béchard: Il y a d'autres types de cultures, peut-être, agricoles qui sont illicites, mais...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Est-ce qu'il y en apparaîtra d'autres dans l'avenir? Peut-être. Mais, pour le moment, «agricole», évidemment, ça concerne l'établissement de bleuetières. Est-ce qu'un jour il y aura d'autres activités, la culture de framboises ou d'autres fruits? Je l'ignore, là. Mais, pour le moment, ça nous réfère à l'établissement de bleuetières, mais il vaut mieux avoir un terme plus générique comme «agricole» au cas où il y aurait des permis ou des demandes de permis à d'autres fins que d'établir des bleuetières.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Sans qu'on soit obligé de changer la loi.
M. Brassard: Bien, voilà.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Dans ces cas-là, est-ce que l'usage pour un aménagement faunique, récréatif ou agricole... Est-ce qu'il faudra spécifier dans le permis quel type d'usage?
M. Brassard: Oui.
M. Béchard: On peut penser aux champignons, par exemple.
M. Brassard: Oui.
M. Béchard: Il ne faudrait pas que ça soit d'autres usages illicites, qui se font actuellement dans les champs de maïs, là, qui soient considérés comme agricoles, mais est-ce qu'il faudra spécifier...
M. Brassard: Oui.
M. Béchard: ...le type d'usage autre qui pourra être fait, qui sera permis?
M. Brassard: Tout à fait. Le permis va l'indiquer nommément.
M. Béchard: O.K.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que ça peut arriver que le ministère cherche à octroyer un permis d'intervention aux autochtones? Est-ce qu'on peut avoir à envisager un autre critère pour, je ne sais pas, les fins traditionnelles d'utilisation d'une communauté autochtone? Moi, je vais avouer dès le départ, je connais un petit peu le droit autochtone. Je ne suis pas très familier avec le régime forestier, alors un permis d'intervention... Est-ce que ça peut arriver qu'on aura besoin d'un critère d'une façon ponctuelle? Parce que, si j'ai bien compris, ça, c'est des permis assez restreints. Ce n'est pas comme un CAAF ou le reste, on cherche vraiment quelque chose de très ponctuel.
Est-ce que ça peut arriver que, pour les fins traditionnelles d'une communauté ? un petit peu dans l'esprit de l'arrêt Marshall où on parle vraiment d'un commerce très, très limité pour les fins d'une bande ou d'une communauté autochtone ? on aura besoin, dans un nouveau texte de régime forestier, du pouvoir du ministère d'octroyer un permis d'intervention ponctuelle de ce genre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
(Consultation)
M. Brassard: Les communautés autochtones ou les autochtones pourraient requérir ce genre de permis là. Alors, ils ne sont pas exclus, mais ils n'ont pas non plus de statut distinct ou particulier. Ils pourraient demander un permis pour récolter des arbustes, par exemple, à des fins de médecine traditionnelle, je ne sais trop. Et, à ce moment-là, ça pourrait être couvert par cette disposition-là.
M. Kelley: Je pense, le sens de ma question: Il y a assez de souplesse dans sa formulation actuelle pour prévoir ces genres de situations? Parce que, si on revient à l'arrêt Marshall, on parle des «eels», anguilles ? est-ce que c'est ça? ? ce n'est pas un pouvoir «at large» de faire le commerce des anguilles, mais à une fin très restrictive. L'arrêt Marshall cherchait à trouver un moyen, un arrimage entre une pêche commerciale limitée... Mais, dans la forêt, pour les fins traditionnelles, pour les fins des besoins d'une communauté autochtone ? comme le premier paragraphe ? pour les fins domestiques, couvrir les besoins, mettons, d'une communauté autochtone qui veut aller faire une récolte ponctuelle pour les fins de besoins d'une communauté autochtone.
C'est juste que je veux chercher qu'en respectant les décisions des dernières décennies de la Cour suprême, entre autres, on laisse assez de place au ministère ici pour octroyer ces genres de permis ponctuels, si j'ai bien compris la nature des permis visés par le nouveau 10, le texte intégré ici.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: De toute façon, les récoltes ponctuelles, elles sont aussi accessibles aux autochtones. Les autochtones peuvent également...
M. Kelley: Non, ça, je comprends, mais je regarde ça sur l'autre angle. Est-ce que les sept critères qui sont ici sont assez compréhensifs pour prévoir les demandes qui peuvent venir des nations autochtones? C'est tout.
M. Brassard: Ils rentrent dans le cadre général, mais il y a d'autres dispositions dans la loi où on peut adopter des règles particulières, à des conditions particulières aux communautés autochtones, en regard évidemment de leurs activités traditionnelles. C'est prévu également dans la loi, la possibilité d'instaurer des conditions et des règles spécifiques, propres aux communautés autochtones, compte tenu justement de l'exercice de leurs activités traditionnelles. Ça, c'est possible, on le verra plus loin dans le projet de loi.
M. Kelley: Parfait.
n(22 h 50)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): L'article... Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: C'est parce que je me dis, ces permis-là d'intervention qui peuvent être délivrés sont délivrés sur des territoires, dans bien des cas, qui peuvent être déjà alloués, qui sont déjà attribués. Donc, je voulais savoir, le processus... À un moment donné, vous décidez d'implanter une bleuetière. Je comprends que ça ne peut peut-être pas prendre énormément de territoire, puis ça se fait dans des conditions spécifiques, mais tout le processus de négociation ? imaginons une culture qui, à un moment donné, viendrait carrément en conflit avec l'usage que veut faire du territoire public celui qui a le CAAF ou autre ? comment se fait cette négociation-là?
M. Brassard: Oui, plus loin. Il y a des dispositions, plus loin dans le projet de loi, qui prévoient les conditions d'octroi d'un permis de cette nature-là, lorsque ça se passe ou ça va se passer sur un territoire qui est déjà sous contrat. Alors, ça, on énumère les objets de permis d'intervention. Plus loin, on verra comment ça va s'encadrer.
M. Béchard: Et puis, en tout cas, sans aller trop en avant, est-ce que c'est le même processus que ce soit l'un ou l'autre des usages qui sont là? Parce que ce sont des usages, qu'on regarde au niveau des activités minières ou d'autres types, qui peuvent prendre plus de territoire qu'un autre. Est-ce qu'on a tout le même processus? Juste peut-être en quelques mots.
M. Brassard: Non, il y aura des particularités.
M. Béchard: À chacun de ces items-là?
M. Brassard: Il y aura des particularités, oui. Quand il s'agit d'érablières, par exemple, il y aura des particularités puis des règles; il y a une section particulière dans la loi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Oui, Mme la Présidente, merci. Simplement peut-être un élément de précision de la part du ministre. Je veux lui relater une petite expérience dans le comté relativement au fait que, dans le projet de loi, on souligne, on précise que les aménagements de type agricole sont maintenant reconnus, et je fais référence ici, par exemple, aux bleuetières. Bon, remarquez que c'est une très bonne chose que ce soit contenu dans le projet de loi. Cependant, ce que je constate, c'est que, dans les faits, la machine ou le ministère n'est pas prêt nécessairement à reconnaître cette activité-là sous un volet forestier.
Chez nous, on a eu une expérience, et là il y a tout un débat qui s'est engagé entre le MAPAQ et le ministère des Ressources naturelles. Le MAPAQ, le ministère soutenait que c'était une activité qui relevait davantage du MAPAQ, plus qu'une activité relevant du domaine forestier. Évidement, j'ai plaidé en faveur de l'entreprise et du projet en insistant sur le fait que, comme ministre, vous alliez proposer des amendements dans ce sens-là. Mais, au ministère, sur le terrain, les fonctionnaires dans les différentes directions régionales ? en tout cas, chez nous, c'est comme ça ? on n'est pas encore prêt à faire face à cette nouvelle philosophie là sur l'aspect multiressources qui sont dans le domaine de forestier. Alors, je ne sais pas si c'est du travail qui va être fait, là...
M. Brassard: Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Oui. Quand on a rencontré, en commission, la Fédération des producteurs de bleuets, on a justement échangé sur cet aspect-là, et c'est là qu'on a convenu qu'il y aurait un comité MAPAQ-MRN justement pour, je dirais, aborder cette problématique là puis s'efforcer de départager les rôles et les tâches, un peu comme on l'a fait avec succès d'ailleurs dans le cas des érablières, où il y a eu un comité interministériel qui a réfléchi sur toute la question des érablières en terres publiques, sur terres publiques, sur forêts publiques, et on en est arrivé à développer des consensus sur les façons de faire entre le MAPAQ, le MRN et la Fédération des producteurs acéricoles. On veut faire une démarche semblable ou similaire dans le cas des producteurs de bleuets.
Mme Normandeau: Bien. Parce que, juste en terminant, Mme la Présidente, ça donne droit évidemment à tout un débat qui va au-delà de la sémantique entre le MAPAQ et le MRN. Puis, pendant ce temps-là, c'est le promoteur évidemment qui écope et qui se fait dire: Bien, non, non, ce n'est pas nous autres, c'est le MRN. Non, non, ce n'est pas nous autres, c'est le MAPAQ. Alors, à un moment donné, il faut éviter ça pour permettre à des projets comme ceux-là de voir le jour.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, l'article 3 est-il adopté? Adopté
Article 4. L'article 11.2 de cette loi est modifié par l'insertion, dans la deuxième ligne du quatrième alinéa et après le mot «forestier», des mots «ou un contrat d'aménagement forestier».
Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Oui. Bien, c'est pour préciser évidemment que le bénéficiaire d'un contrat d'aménagement forestier, comme on va l'introduire plus loin par l'article 69, doit être consulté au même titre qu'un bénéficiaire de contrat d'approvisionnement et d'aménagement ? les deux A ? préalablement à la délivrance d'un permis d'intervention pour la récolte de bois de chauffage à des fins commerciales.
Actuellement, on doit consulter, en vertu de la loi, le bénéficiaire de CAAF à deux A pour des récoltes de bois de chauffage à des fins commerciales. Comme on introduit un nouveau concept ou un nouveau véhicule qui est le contrat d'aménagement forestier à un seul A, avec des obligations semblables, alors il faut évidemment, dans le cas d'un permis d'intervention pour la récolte de bois de chauffage à des fins commerciales, préciser également que ce bénéficiaire devra être aussi consulté.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui. Mme la Présidente, je comprends que ce n'est peut-être pas le moment comme tel de partir...
M. Brassard: Vous concluez que le contrat d'aménagement forestier à un seul A va demeurer dans le projet de loi. C'est exact.
M. Béchard: Merci de la spécification. On avait des doutes. Peut-être que c'est un des éléments qui ont de la difficulté à passer à l'Exécutif. Mais je vous dirais ? sans faire le débat au complet là-dessus, on le refera dans les sections qui concernent le CAF à un A ? vous savez, M. le ministre, il y a beaucoup de gens qui sont venus en commission et qui le disent encore aujourd'hui, sur ces fameux contrats d'aménagement forestier, les CAF à un A, comment... On a un exemple où on donne certaines responsabilités équivalentes des CAF à des CAAF. Comment on va être capable de mettre en place ou de trouver ces fameux CAF là?
Puis, c'est drôle, parce que l'article qu'on est en train d'étudier, on dit justement qu'il faut consulter les gens qui sont bénéficiaires de ces permis-là. Je me pose la question bien franchement. On crée une attente, on crée une attente importante au niveau des CAF. Comment on va arriver à répondre à ces attentes-là? Et ce seraient quelles forêts? De quelle façon? Où est-ce qu'on va prendre ça? En quelques mots, puis on refera le débat plus tard aussi, mais juste pour avoir une idée en partant, parce qu'on a un bel exemple d'un type d'usage où on donne au bénéficiaire du contrat d'aménagement forestier certaines possibilités.
Et aussi, quand on voit plus bas, dans le dernier alinéa qui est là, «le permis indique, le cas échéant, toute condition que le ministre détermine», ça aussi, c'est un élément important de savoir, qu'est-ce que ça peut inclure, cette condition-là, ce permis-là. Est-ce que vous avez des précédents? Quand on dit «toute condition que le ministre détermine», pour bien des gens, ça peut être inquiétant. C'est un peu comme dire: C'est un droit de veto à la fin que le ministre peut avoir là-dessus.
Mais, si on le prend en deux étapes, la première étape de ma question, c'est vraiment de savoir: Le contrat d'aménagement forestier, on va partir ça d'où, comment? Je sais que vous avez créé beaucoup, beaucoup d'attentes d'un côté, mais beaucoup, beaucoup de craintes de l'autre aussi, et j'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, à ce moment-ci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Oui. D'abord, une simple remarque sur ce que vous appelez le droit de veto, où l'on dit que «le permis indique, le cas échéant, toute condition que le ministre détermine». Alors, c'est un droit de veto qui a été introduit par Albert Côté, parce qu'il est déjà dans la loi. Ça, ce n'est pas modifié, c'est maintenu.
M. Béchard: Non, non, mais...
n(23 heures)nM. Brassard: Deuxièmement, le contrat d'aménagement forestier, c'est vrai que c'est un nouveau concept qui comporte évidemment plus de souplesse, parce qu'il ne sera pas nécessaire pour le bénéficiaire d'avoir un permis d'usine, d'avoir une usine. Je pense que ça a été relativement bien accueilli. Cependant, j'ai évité de laisser planer l'espoir qu'on allait multiplier les contrats d'aménagement forestier à travers le Québec. Mais, quand on amende une loi ou un régime forestier, évidemment on l'amende pour assez longtemps. Le dernier remonte à 1986. Donc, ça veut dire que c'est pour une quinzaine d'années, peut-être plus.
Alors donc, dans l'immédiat, si je regarde la situation actuellement sur le plan forestier, c'est évident qu'il n'y a pas beaucoup, ou il y en a très peu, de volumes disponibles. Il y en a peut-être en certaines régions, dans d'autres il n'y en a plus du tout. Ils sont presque tous attribués. Dans certains cas, même, comme dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, on a été dans l'obligation pas très agréable de réduire la possibilité et, donc, de réduire les attributions. Mais la situation peut évoluer. Dans certaines régions, il sera possible de recourir à ce nouveau concept ou ce nouveau véhicule; dans d'autres il faudra attendre probablement un certain nombre d'années.
Mais il m'apparaissait important que, dans un processus de révision du régime forestier, on introduise dans la Loi sur les forêts un véhicule de cette nature, parce que c'était demandé par beaucoup de monde, beaucoup d'organismes locaux et régionaux qui, évidemment, ne sont pas propriétaires d'une usine puis n'ont pas l'intention non plus d'aller jusque-là, d'être propriétaires d'une usine, mais qui ont le goût et le désir de s'impliquer en matière d'aménagement forestier puis d'oeuvrer dans ce secteur-là et qui ne pouvaient pas le faire actuellement parce que le CAAF à deux A exige d'avoir une usine, le contrat d'approvisionnement et d'aménagement étant là pour approvisionner une usine bien précise.
Alors, c'est un peu pour répondre, c'est largement pour répondre à cette volonté maintes fois exprimée au cours des consultations, particulièrement les consultations régionales, qu'on a introduit ce concept-là, tout en reconnaissant et tout en avisant tout le monde, j'ai bien pris soin de le dire à plusieurs reprises, qu'on ne pourra pas dans l'immédiat multiplier les contrats d'aménagement forestier partout sur le territoire compte tenu évidemment de la situation et du manque de volumes disponibles.
M. Béchard: Oui. Moi, ce qui m'inquiète un petit peu, M. le ministre, c'est que présentement, vous le savez sûrement, il y a plusieurs personnes qui disent que... Dans les diminutions d'approvisionnement qu'on observe actuellement, certains disent: Le ministre recule pour prendre de l'air, et on voit de quelle façon il va le réattribuer. Et ça, je dirais qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui sont inquiets là-dessus. Ils disent: Bien là on a peut-être diminué la capacité d'un petit peu plus, puis, dans deux, trois ans, quand va venir le temps de réattribuer ou d'attribuer de nouveaux volumes, là on va favoriser les CAF à un A. Et ça inquiète les gens qui ont des usines. Mais je pense qu'au niveau... La préoccupation est là.
J'aimerais savoir quel sera votre... Comment définir la priorité entre dire: Bien, voici, il y a des nouveaux volumes quelque part, peut-être même à l'intérieur d'un CAAF à deux A, on le réattribue à l'intérieur d'un CAF à un A? Comment faire cet arbitrage-là? Sur quels critères? Je comprends que ce sera une décision de la part du ministre, là, mais comment ça va se choisir? Entre dire: Bien, voici, je redonne... Il y a des gens, je pense, de mémoire, en commission parlementaire, qui sont même venus dire: On a eu des diminutions de volumes; bien, avant d'en donner sous d'autres formes, on aimerait bien... assurez-nous de revenir aux volumes où on est puis, après ça, vous donnerez des CAF à un A. Et c'est un peu cette politique-là, dans l'attribution, qui est dans une zone grise.
Je ne sais pas si vous pouvez nous l'éclaircir rapidement à ce moment-ci pour savoir de quelle façon ça se fera et voir si les gens qui ont perdu des volumes peuvent se dire: On a une chance de ravoir ces volumes-là dans l'avenir si les possibilités forestières nous le permettent, ou si on va définitivement les perdre puis, quand ces volumes-là réapparaîtront, ce sera les CAF à un A et les organismes qui effectivement l'ont demandé, dans bien des cas, qui vont peut-être même avoir fait de la pression. Je suis sûr que, dès le lendemain de l'adoption du projet de loi avec les CAF à un A, les demandes vont rentrer au ministère, puis: On veut un CAF à un A. Comment vous allez faire l'arbitrage entre les deux?
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Le principal critère, M. le Président, c'est qu'il faut éviter de mettre en péril l'approvisionnement des usines existantes. Il y a comme une sorte, je dirais, de principe de droit acquis qui devra être respecté. Il y a des contrats d'approvisionnement et d'aménagement actuellement qui permettent d'alimenter des usines. C'est évident que la première chose qu'il faut faire, c'est de faire en sorte que ces usines puissent opérer et fonctionner convenablement avec un approvisionnement adéquat et suffisant avant de penser à en attribuer ou à les attribuer via des contrats d'aménagement forestier. C'est évident qu'il ne faut pas que le recours à ce nouveau véhicule, ça ait pour effet de compromettre ou de mettre en péril l'approvisionnement des usines existantes. Ça serait aberrant d'agir ainsi.
M. Béchard: Mais en tout cas, de mémoire, je n'ai pas été vérifier dans la partie qui concerne les CAF, mais ce que vous venez de dire, pourquoi ne pas l'introduire quelque part dans la loi? Je comprends que c'est votre orientation, mais peut-être que demain matin il pourrait arriver un autre ministre avec des intentions moins nobles que les vôtres, et faire en sorte qu'effectivement il se dise: Bien, écoutez, les usines ont appris à fonctionner avec des volumes moindres; maintenant qu'il y a des nouveaux volumes qui arrivent, on va les maintenir dans le même état.
Parce que là, je dirais, il y a un certain clivage qui va forcément se faire avec les diminutions d'approvisionnement, puis je suis convaincu que, d'ici quelques mois et au plus quelques années, il y a des scieries qui vont être carrément remises en question. Donc, elles ne rouvriront pas, à ce moment-là. Et je ne sais pas comment on pourrait l'introduire, soit dans la loi ou dans un énoncé de politique, mais d'avoir une espèce de garantie systématique sur ce que vous venez de dire là, c'est-à-dire qu'avant d'y aller dans des nouvelles formes d'attribution on va s'assurer de ne pas remettre en péril celles qui existent ou du moins les ramener à un niveau ou à un volume qui leur permet de tourner 12 mois par année au lieu de huit, ou des choses comme ça.
Comment rassurer ces gens-là puis aussi en même temps gérer un peu les attentes en région? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui se disent: Bien, écoutez, les usines, dans le fond, elles marchent huit, neuf, 10 mois par année. Ce n'est jamais trop sûr. Bien, si on y allait avec d'autres projets ou d'autres façons de faire, ça serait peut-être plus sûr. Sans être certain des résultats, je veux dire, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen soit par un énoncé soit par une déclaration ou quoi que ce soit de dire: Bien, voici de quelle façon ça va fonctionner? Et c'est clair et c'est une politique gouvernementale indépendamment du ministre qui sera là si jamais quelqu'un qui a des moins bonnes intentions que vous arrivait.
M. Brassard: Oui. Bien, évidemment on pourra en discuter de façon plus approfondie au moment où on abordera spécifiquement dans le projet de loi le contrat d'aménagement forestier, là. Pour le moment, évidemment on ajoute cette expression-là, mais c'est un article qui porte sur les permis de récolte de bois de chauffage commercial.
M. Béchard: Oui, oui, je comprends.
M. Brassard: Mais c'est clair que d'abord ça ne va porter que sur des volumes disponibles. Il faut que ce soient des volumes disponibles. Et, avant de les accorder, aussi il faudra qu'on examine la situation actuelle des approvisionnements d'usines. Est-ce que les usines sont suffisamment approuvées? On va évidemment tenir compte de ces divers éléments. Il y aura aussi une consultation qui va se faire, on le verra. On va consulter le milieu. Est-ce qu'il y a lieu d'attribuer des volumes disponibles par contrat d'aménagement à tel organisme? On va faire une consultation pour s'assurer évidemment qu'on réponde bien et qu'on réponde correctement à une attente réelle du milieu concerné ou de la communauté concernée.
n(23 h 10)nLe Président (M. Lelièvre): M. le député de Kamouraska.
M. Béchard: Oui. Bien, on va y revenir effectivement, mais juste que, moi, je voudrais tout de suite que ce qui... Il va falloir quelque part définir clairement la notion de volume disponible. À partir de quel moment... Si on regarde, disons, sur un échéancier de trois ans, par exemple, rapidement, puis on se dit: Bon, telle industrie a été réduite de 15 % dans son approvisionnement; si on augmente de 10 %, ou 12 %, ou 13 %, est-ce que c'est seulement passé le 15 % que ça devient un volume disponible ou c'est: à partir du moment où il y a une réduction de 15 %, bien le premier pour cent qui revient, c'est ça, le volume disponible? En tout cas, toutes ces notions-là, il faudra les regarder aussi pour ne pas faire en sorte que, si une usine a eu 20 % de moins d'approvisionnement, aussitôt qu'il y a 1 % qui revient, bien là tout le monde arrive, puis on ne veut plus que l'usine l'ait, mais il faut le donner autrement. Toute la notion de volume disponible est extrêmement importante.
Puis, quand vous parlez aussi de consulter le milieu, je veux bien consulter le milieu, mais en bout de ligne vous savez comme moi que la consultation, parfois ça gonfle beaucoup, beaucoup les attentes, puis à un moment donné il faut trancher. Mais on en rediscutera plus loin.
L'autre élément sur lequel je voulais revenir, quand vous disiez tantôt que le droit de veto dont je parlais avait été amené par un de vos prédécesseurs, je voulais savoir un exemple de ces conditions-là que le ministre détermine. Ça peut être quoi, par exemple? Parce que vous le ramenez aussi ailleurs dans d'autres articles que vous amenez aujourd'hui, là. C'est quoi, ce type de conditions là?
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Bien, ça peut être relié, par exemple, à des activités à caractère faunique. Pensons à la chasse, la chasse au gros gibier, la chasse à l'orignal. En forêt, vous connaissez les chasseurs de gros gibier, ils n'aiment pas beaucoup être dérangés quand ils sont en activité. Alors, c'est évident que ça pourrait être ? c'est un exemple ? une condition. Oui, vous avez le droit... un permis pour faire la récolte de bois de chauffage de façon commerciale, mais vous ne devrez pas faire de récolte pendant la période de chasse à l'orignal. C'est ce genre de restriction là ou de condition là.
M. Béchard: O.K.
Le Président (M. Lelièvre): Il n'y a pas d'autres questions? Est-ce que l'article 4 est adopté?
M. Béchard: Oui.
Le Président (M. Lelièvre): Adopté. Article 5: L'article 13 de cette loi est modifié:
1° par l'addition, à la fin du premier alinéa, du paragraphe suivant:
«5° tout autre renseignement ou document requis par le ministre.»;
2° par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant:
«Lorsque le permis porte sur une aire destinée à la production forestière comprise dans une unité d'aménagement visée par un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier ou un contrat d'aménagement forestier, le ministre doit avoir au préalable consulté le bénéficiaire concerné.»M. Brassard: Alors, ça concerne évidemment les érablières, hein, permis de culture et d'exploitation d'érablières. Ce qu'on ajoute, c'est que ce détenteur de permis devra fournir tout autre renseignement ou document requis par le ministre. Pourquoi? Pour que le ministre puisse requérir toute information pertinente, par exemple un plan d'affaires, pour démontrer ou prendre conscience, connaissance du sérieux de la solvabilité d'une personne avant de délivrer un permis pour la culture et l'exploitation d'une érablière à des fins acéricoles.
Alors, c'est une exigence qui faisait partie des recommandations du comité interministériel dont j'ai fait état tout à l'heure, qui a analysé toute la problématique du dossier agricole et dont le rapport a été rendu public au printemps dernier, en mai 2000. Alors donc, pour exiger du requérant un certain nombre de documents pour s'assurer que c'est sérieux, son plan de mise en production, qu'il a un plan d'affaires, qu'il est solvable puis que donc... Parce que c'est un permis de cinq ans, hein, qu'on accorde. Alors, une durée de cette nature, ça apparaît important, puis tous les intervenants étaient d'accord évidemment avec cette disposition-là, d'avoir un certain nombre d'exigences.
L'autre ajout. Il faut évidemment comprendre que ces permis pour une érablière font parfois déjà partie de superficies productives d'une unité d'aménagement, et ça peut avoir des incidences évidemment sur les volumes attribués par contrat, un contrat d'aménagement d'approvisionnement dans cette unité d'aménagement, ça peut avoir des incidences aussi sur la planification des activités de récolte des bénéficiaires de contrat. Alors donc, l'utilité, à tout le moins au préalable, de consulter les bénéficiaires concernés.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui. Bien, moi, sur «tout autre renseignement ou document requis par le ministre», effectivement, puis on l'entend souvent en région, c'est souvent une nécessité d'avoir, entre autres, le plan d'affaires, et tout ça. Puis les gens disent, bien: Pourquoi ne pas le demander avant d'avoir une meilleure idée de ce qui va arriver, et notamment au niveau du développement et de la solidité des projets qui sont là?
Cependant, je vous dirais, quand on voit le texte de cette façon-là, je me demande: Est-ce qu'il y a, par règlement ou autre, certaines garanties que ce type de documents là ou le type de renseignements qu'on va demander sera équivalent d'une région à une autre? C'est-à-dire pour ne pas que ça devienne indirectement dans certaines régions une façon de réduire ou de diminuer le nombre de permis qui sont octroyés alors que dans d'autres il pourrait y avoir des conditions beaucoup plus souples. Par exemple, un endroit on demande un plan d'affaires bien détaillé, on demande le type d'exploitation, comment on veut fonctionner, tout ça, et, dans d'autres régions, on dit: Bof! donne-nous un pro forma 81/2 X 11, ça va être bien correct.
Comment on peut avoir une certaine, là, je dirais, qualité et uniformité dans les demandes? Est-ce qu'on demande, par exemple, je ne sais pas, moi, que ce soit des CLD ou SADC qui aient préparé les plans d'affaires, que ce soit fait par une firme comptable ou quoi que ce soit, pour être sûr que dans toutes les régions les gens aient à peu près les mêmes critères à rencontrer?
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Ça m'apparaît tout à fait pertinent, et c'est évident qu'il faut éviter ce genre de situation là, où dans telle région on est très exigeant puis que dans telle autre on fait preuve presque de laxisme. Alors, il faudra que, par directive administrative, on uniformise d'une certaine façon les exigences qu'on va imposer ou qu'on va demander à ces détenteurs de permis.
Mais je pense que c'est une expression assez courante qu'on retrouve dans bien des lois et qui a un caractère général justement pour permettre aussi une certaine flexibilité.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Est-ce que, par exemple, M. le ministre, «tout autre renseignement», ça pourrait aller aussi loin que demander ou, je dirais, presque obliger les gens à ne pas utiliser certains produits qu'ils utilisent actuellement au niveau de l'acériculture? Est-ce que ça pourrait aller jusque-là? On parle de la fameuse pilule, dont j'oublie le nom scientifique, là, mais vous savez sans doute ce dont je parle. Est-ce que, avant de délivrer de nouveaux permis ou avant de renouveler les permis, on pourrait aller aussi loin que dire: Bien, sur ce type d'exploitation là, on n'en permet pas puis, si jamais on en retrouve, on va suspendre le permis? Est-ce que ça pourrait aller aussi loin que ça?
n(23 h 20)nLe Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
(Consultation)
M. Brassard: Alors, effectivement... Là, on est au niveau de la délivrance du permis, évidemment, mais c'est évident que le permis, on va en parler plus loin, devra comporter un certain nombre de règles, de conditions et de normes. Entre autres, il se pourrait, il est possible qu'une des conditions porte sur ce dont vous avez parlé, cette espèce de comprimé qu'on utilise. Alors, le permis va comporter des règles, des conditions d'exploitation de l'érablière.
M. Béchard: O.K. Donc, selon vous, ça, ce serait plus dans les aspects, je dirais, de base du permis. Si jamais on en vient à interdire ces produits-là, ce serait dans la base et non pas dans «tout autre renseignement ou document». Ce qui ferait en sorte que ce serait de façon uniforme. Tous ceux qui ont des permis d'érablière pourraient se voir éventuellement dire: Si vous voulez avoir votre permis ou le renouveler, une des conditions de base, c'est d'interdire le recours à ce type de produit là dont, l'efficacité, plusieurs la remettent en question, et notamment nos acheteurs. Donc, vous voyez plus ça comme... Si vous aviez à en venir là, ce serait davantage dans les conditions de base du permis comme tel.
M. Brassard: On y reviendra. Mais je vous rappelle que, dans 14, on dit que «le permis autorise son titulaire à cultiver et à exploiter l'érablière qui y est décrite et à faire les travaux nécessaires à cette fin, conformément aux normes que prescrit le gouvernement par voie réglementaire, pour l'entaillage des érables et pour les autres travaux requis par cette culture et cette exploitation». Par le biais de 14, on peut imposer, dans le permis, un certain nombre de règles et de normes à respecter par le détenteur.
M. Béchard: O.K. Donc, ça nous ramène à cet élément-là que vous ajoutez à cinquièmement, qui est finalement beaucoup plus sur le plan d'affaires, comme vous mentionnez, les documents requis, la solvabilité des gens, la structure de la compagnie dans certains cas, et tout ça, là. Est-ce que ça pourrait aller aussi loin que dire, par exemple... Parce que c'est quand même un des éléments qui, à la limite, peuvent faire en sorte que quelqu'un n'ait pas le permis. On a entendu beaucoup, dans la délivrance des nouvelles érablières, la dernière vague, les fameux tirages au sort où tout le monde, tous ceux qui avaient de la parenté avaient foncièrement plus de chances d'avoir une érablière que d'autres qui avaient moins de parenté, parce qu'il y avait moins de noms dans le chapeau.
Est-ce que, à la limite, l'utilisation future et la délivrance, si on y va avec un nouveau processus ou de quelque façon que ce soit pour attribuer de nouvelles érablières, bien, je dirais, l'espèce de structure corporative ferait partie de ces types de renseignements là, ce qui pourrait faire en sorte que, à un moment donné, bien, si c'est la cinquième érablière exploitée par la même personne, mais sous des noms différents, bien qu'on puisse avoir, quelque part, la possibilité d'aller chercher ces renseignements-là puis dire à la personne: Écoutez, ce n'est pas de même qu'on marche?
M. Brassard: Tout à fait.
M. Béchard: O.K.
Mme Normandeau: Deux questions...
Le Président (M. Lelièvre): Oui, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: ...M. le Président, d'ordre très pratico-pratique. La première porte effectivement sur le plan d'affaires. Qui va analyser le plan d'affaires qui sera déposé, sachant que les ingénieurs au ministère ont de très grandes compétences au niveau forestier mais peut-être moins dans l'analyse comme telle du plan d'affaires? Est-ce qu'on va statuer, par exemple, sur la rentabilité du projet ou c'est juste une pièce, dans le fond, justificative? De un.
De deux, au niveau de l'entente, la consultation préalable sera faite auprès du bénéficiaire concerné dans l'éventualité où on octroie un volume destiné à des activités acéricoles. Si on n'arrive pas à s'entendre, qu'est-ce qui se passe? De deux, est-ce que le bénéficiaire sera compensé pour des volumes qui lui seront soustraits, qui seront dirigés plutôt vers une exploitation acéricole? Trois questions.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: La première, c'était?
Mme Normandeau: La première, c'était: Qui va analyser le plan d'affaires?
M. Brassard: Ah, oui, ça va être les directions régionales.
Mme Normandeau: Est-ce qu'on va aller, par exemple, jusqu'à parler de statuer sur la rentabilité du projet ou le plan d'affaires, dans le fond, est juste un document qu'un promoteur va déposer? Parce qu'il y a toute analyse financière à faire entourant évidemment le dépôt d'un projet de plan d'affaires, et tout dépendamment de l'ampleur évidemment du projet en question. Si on parle de 25 000 entailles, de 50 000 entailles, évidemment l'investissement est différent.
M. Brassard: Il faudra que, dans les directions régionales, parce que c'est là que ça va se faire, on trouve et qu'on ait, je dirais, sous la main le personnel compétent, l'expertise requise pour faire ce genre d'évaluation. Parce que, à partir du moment où on en fait une condition, c'est évident qu'il va falloir que quelqu'un qui ait la compétence requise fasse l'analyse du plan d'affaires pour donner un avis sectoriel pertinent et approprié. Alors, il faudra trouver le personnel requis.
Une voix: On a des comptables, des économistes en masse.
M. Brassard: Ah! bon. Alors, ce qu'on me dit, c'est qu'au ministère il n'y a pas juste des ingénieurs forestiers, il y a aussi des comptables et des économistes.
Une voix: Des biologistes.
M. Brassard: Ah! Il y a même des biologistes? Alors donc, on trouvera le personnel approprié pour faire ce genre d'analyse.
La deuxième question. Bien, évidemment, à partir du moment où on dit: Au préalable, consulter le bénéficiaire concerné, bien c'est une consultation, donc on n'accorde pas en quelque sorte un droit de veto au bénéficiaire, mais on le consulte. L'objectif évidemment de toute la politique qu'on a conçue ensemble, le MAPAQ, le MRN et la Fédération des producteurs acéricoles, c'est d'en arriver à une véritable cohabitation de l'activité forestière et de l'activité acéricole. C'est tout à fait possible, ça se fait, ça se pratique. Il faut que ça puisse se propager davantage, cette cohabitation-là.
Mme Normandeau: Dans un contexte, M. le ministre, où on n'arrive pas à s'entendre, donc, ce qu'on comprend, c'est que, vous, comme ministre, vous pourriez effectivement trancher.
M. Brassard: Oui.
Mme Normandeau: Trancher bien sûr dans le contexte, on comprend, en faveur de...
M. Brassard: Oui, bien là...
Mme Normandeau: ...l'activité acéricole.
M. Brassard: ...puisqu'on consulte, évidemment le bénéficiaire concerné va être en mesure d'indiquer quels sont les inconvénients que ça va lui causer. On va les examiner, les évaluer, les mesurer, ces inconvénients. Et c'est à partir de cette évaluation-là qu'une décision sera prise.
Mme Normandeau: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans le contexte, justement d'aller plus loin et de préciser les mécanismes d'arbitrage qui pourraient se mettre en branle dans l'éventualité où effectivement on n'arrive pas à s'entendre et qu'il y a une impasse? Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité d'amender, là, et d'apporter un correctif à l'article qui est présenté?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: C'est une décision qui est de nature ministérielle, et évidemment il faudra que le ministre, quel qu'il soit, fasse preuve de prudence et analyse bien tous les impacts et toutes les facettes du dossier.
(Consultation)
M. Brassard: Oui, ça, c'est relativement... La superficie qu'on va consacrer chaque année à la production acéricole, ça va être, je dirais, le fruit d'une concertation avec la Fédération des producteurs acéricoles...
Une voix: Et l'industrie.
M. Brassard: ... ? l'industrie, oui, oui ? et l'industrie forestière concernée pour que.. Parce que ce n'est pas évident que les acériculteurs souhaitent que les superficies soient telles que ça ait des effets nuisibles sur les prix des produits. Alors, ça, ça va se faire en concertation avec les concernés, aussi bien l'industrie que les producteurs acéricoles.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.
n(23 h 30)nMme Normandeau: Juste une dernière remarque avant de passer la parole à mon collègue. Je comprends évidemment, là, le voeu qu'exprime le ministre, mais dans la vraie vie, évidemment, malgré toutes vos bonnes intentions, vous savez très bien comme nous que vous allez peut-être vous buter à des industriels qui sont plus coriaces. Dans cette optique-là... Puis on parle beaucoup, puis c'est une remarque qui a été faite par plusieurs intervenants en commission parlementaire, le fameux pouvoir discrétionnaire du ministre dans ce projet de loi là. Je pense qu'on en a ici une illustration. Puis ça peut être évidemment celui ou celle qui va vous remplacer dans le futur. Alors, quelles sont les garanties objectives qu'on peut mettre en place justement pour offrir un mécanisme de règlement ou d'arbitrage qui, effectivement, ne soit pas, là, assujetti au bon vouloir ou à la discrétion d'un ministre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Il s'agit de terres publiques, il s'agit de forêts publiques, et donc, à partir de là, sur cette base-là, la décision quant à l'attribution, aussi bien pour des fins forestières qu'acéricoles, de superficie, c'est une décision ministérielle, qui relève du ministre. Et c'est pour ça qu'on parle ici de consultation et qu'on ne prévoit pas évidemment une espèce de droit de veto du bénéficiaire. Prévoir un droit de veto du bénéficiaire, c'est présupposer que le bénéficiaire de contrat dispose d'un pouvoir de disposer de terres publiques et de forêts publiques, donc d'un bien collectif. Ça relève de l'État et ça relève de celui qui assume la mission de l'État en cette matière, c'est-à-dire le ministre.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Mais, pour poursuivre là-dessus, M. le ministre ? parce que, effectivement, il y a des régions où ça peut très bien aller, il va y avoir une entente où tout le monde collabore ? je vous dirais que, dans bien des cas, pour qu'il y ait une entente, il faut qu'il y ait certaines compensations au niveau peut-être d'autres essences. Les industriels sont prêts à laisser des choses aller en acériculture et veulent compenser par d'autres types d'approvisionnement.
Mais, en bout de ligne, si, à un moment donné, il n'y en a pas, d'entente, avec cet article-là, vous avez le pouvoir de dire: Bien, c'est bien de valeur, mais il y en a une, entente, puis on augmente les volumes au niveau de l'acériculture. Ça peut être parfaitement bien fondé puis ça peut être parfaitement défendable en termes de création d'emplois, de développement régional, et tout ça, mais sauf que, je vous dirais, le détenteur de CAAF, sans dire qu'il doit avoir un droit de veto sur l'utilisation de la forêt publique ? ce n'est pas l'esprit ? comment on pourrait, à quelque part, lui donner, sans dire un recours clair et précis, mais peut-être un moyen de se défendre puis quelque part continuer la négociation ou quoi que ce soit?
C'est un peu ça, moi, que je me dis. J'essaie de voir. Dans une région comme les nôtres, autant le Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, où il y a un fort potentiel acéricole, où il y a de fortes pressions pour développer l'acériculture, à un moment donné, il faut qu'il y ait un certain équilibre aussi entre les deux. Et là je me dis: Bon, bien, il arrive, demain matin, un ministre qui dit: Bien, moi, je m'en vais dans l'acériculture à 100 %, puis tout ce qui est attribuable à ce niveau-là, on le fait, puis au diable les industriels! Bien là ils se retrouvent avec pas beaucoup de recours de l'autre côté. Et c'est pour ça...
Puis, en plus, qu'on enlève la possibilité d'arbitrage plus loin, je suis bien d'accord que c'est une décision ministérielle, mais il n'y aurait pas peut-être un moyen moins abrupte ou une façon de faciliter une certaine négociation et dire: Bien, il y aura un processus à l'intérieur duquel... Si l'industriel n'est pas d'accord avec le volume qu'on donne en acériculture, bien il pourra au moins, je ne sais pas, moi, à l'intérieur d'un délai de trois mois ou de deux mois, présenter ses arguments puis dire qu'est-ce que ça aura comme conséquence chez eux, et tout ça. Je ne sais pas, je cherche une formule pour dire: Bien, au moins, que ce soit un processus un peu plus défendable que de dire: Bon, bien, si on n'est pas d'accord, en bout de ligne, voici, je tranche, et c'est ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Brassard: La consultation, ça vise à ça. Ça vise à permettre au bénéficiaire d'exposer son point de vue, de faire une démonstration concernant ses intérêts, de montrer quel tort ou inconvénient ça peut lui causer. C'est ça, le but de la consultation. Et donc, ça va être pris en compte puis pris en considération, d'une part.
D'autre part, ce n'est pas exclu, la compensation n'est pas exclue de façon absolue. Il peut arriver, il est possible d'envisager une certaine forme de compensation, mais il ne faut pas que ça soit une obligation.
(Consultation)
M. Brassard: Quand c'est possible, il y aura compensation. Évidemment, est-ce qu'il peut arriver des cas où c'est absolument impossible de compenser? On verra. Mais il y a une disposition où, dans toute la mesure du possible, on va compenser le bénéficiaire pour les inconvénients, les pertes de volume, au fond, que ça va entraîner. C'est évident que, sur le plan forestier, ça va entraîner des pertes de volume. Alors, dans toute la mesure du possible, on va s'efforcer de compenser.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Ce que j'en comprends, c'est l'importance que vous accordez au fait de préalablement consulter le bénéficiaire concerné, parce que, dans bien des cas, ça va peut-être être sa seule façon, je vous dirais, de faire valoir son point puis ses intérêts.
Mais vous savez comme moi, M. le ministre, que, dans ces attributions-là, dans bien des cas, ça va inclure beaucoup d'industriels au sein d'une même région. C'est une espèce de méga-entente régionale. En bout de ligne, vous savez comme moi que, si à un moment donné il y en a un... Il suffirait juste qu'il y en ait un qui soit peut-être davantage orienté dans le bois franc et que, lui, bien il n'en ait pas, de compensation possible dans la région ? si on y va au niveau de l'acériculture, pour lui, il n'y en a pas; il peut y avoir quelque chose qui se fait au niveau du tremble pour un autre industriel, un échange de différentes essences, mais il y en a un quelque part que ça ne marche pas pour lui ? et là ce que j'en comprends, c'est qu'il y a deux choses qui peuvent arriver: le ministre tranche puis, point final, il y a l'entente et, lui, il passe; ou l'autre chose, qui est peut-être encore pire et plus diviseuse au niveau régional, c'est que rapidement ces gens-là vont se ramasser pointés du doigt comme étant ceux et celles qui font carrément avorter une entente possible dans la région et vous, ou le ministre, ou la personne qui vous remplacera à un moment donné aura le beau rôle en disant: Bien, regarde, c'est lui qui n'est pas d'accord, puis c'est de sa faute. On va lui régler son problème. Il va y en avoir une, entente, puis c'est lui le pire. Puis cette personne-là se retrouve, je dirais, avec aucun recours si ce n'est qu'en plus de passer pour le gars qui empêche sa région de se développer au niveau acéricole il peut perdre certains volumes, puis, en bout de ligne, il n'y a pas d'autre recours.
C'est un peu tout ça, M. le ministre, que je trouve assez particulier, cette façon de fonctionner là quand on dit... Puis on peut bien le consulter, mais, dans bien des cas, ça va être juste le mettre au courant de ce qui s'en vient pour lui, là.
M. Brassard: Comme je le répète ? on a retrouvé l'article ? le ministre va attribuer au bénéficiaire visé par une réduction de volume un volume équivalent à celui soustrait dans une ou plusieurs unités d'aménagement si la possibilité forestière le permet, bien évidemment. Alors donc, il y a un mécanisme de compensation qui est prévu dans la loi, d'une part. D'autre part, les volumes récoltés, même si une superficie est attribuée pour des fins acéricoles, il y a donc des volumes récoltés quand même, dans une proportion moindre. La récolte est moindre, de moindre ampleur que s'il n'y avait pas de production acéricole. Et les volumes récoltés vont approvisionner l'usine du bénéficiaire de contrat. Ça aussi, c'est une disposition qu'on va retrouver dans la loi également.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui. Mais, M. le ministre, vous mentionnez bien: Si la possibilité forestière le permet.
M. Brassard: Tout à fait.
n(23 h 40)nM. Béchard: Mais, si elle ne permet pas, est-ce que ça pourrait aller aussi loin que de dire: Il n'y aura pas de nouvelles attributions au niveau de l'acériculture, à des fins acéricoles, parce qu'il y a une nécessité de compenser les gens qui perdent ces volumes-là ou qui perdent ces attributions de volume là à des fins acéricoles? Est-ce que ça pourrait aller jusque-là? Si on n'est pas capable de compenser... Puis vous allez peut-être me dire qu'on est dans l'hypothétique, mais, pour certains, présentement, avec les diminutions d'approvisionnement, c'est extrêmement important de savoir ça. Ils sont déjà diminués au global. Si, en plus, dans le futur, on y va avec de nouveaux volumes en acériculture ? je n'ai rien, absolument rien contre l'acériculture ? ces gens-là se disent: Bien là il n'y en a plus, de compensation, parce que l'ensemble de ma région est en diminution de volumes. Je peux bien augmenter un petit peu en trembles quelque part, mais ça ne vient pas régler mon problème à moi au niveau du bois franc.
Alors là est-ce que ça peut aller aussi loin que de dire: Tant qu'il n'y aura pas des volumes disponibles pour compenser pour tout le monde, bien il n'y a pas d'entente possible en acériculture parce que ça remettrait trop de choses en question, encore une fois? Puis c'est parce que vous dites que ce sont des décisions ministérielles, mais ce sont des décisions ministérielles sans appel. Parce que là, si on ne le règle pas là-dedans, une fois que la décision est tombée, c'est fini. Ça fait que c'est pour ça que je pense que ces gens-là aimeraient bien lire demain, dans le Journal des débats de l'Assemblée nationale, comment ça va se passer, ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Béchard: Moi, je leur envoie pour qu'ils le lisent, mais je n'envoie pas que des bouts.
M. Brassard: S'il y a impossibilité de compenser parce que la possibilité forestière n'est pas là et que l'absence de compensation met en péril l'entreprise, met en péril son approvisionnement, c'est évident que ça va peser dans la balance pour une décision éventuelle, d'une part.
D'autre part, il faut faire la distinction aussi, vous le savez très bien, entre le résineux puis le feuillu. S'il y a des baisses très substantielles de possibilités forestières, c'est d'abord et avant tout dans le résineux. C'est pas mal moins grave dans le feuillu. Même, à certains égards, il y a des augmentations de possibilités pour certaines essences de feuillus. Alors donc, la situation est moins dramatique, parce que là, quand on parle de production acéricole, évidemment on est dans le feuillu; la situation est moins dramatique que dans le résineux.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Mais je serais quand même prudent là-dessus, quand vous dites que les possibilités sont peut-être moins dramatiquement affectées que dans le résineux au niveau du feuillu. Parce qu'il y a des cas où, si on enlève... D'une part, la capacité d'approvisionnement peut demeurer la même, mais, si on enlève des volumes au profit de l'acériculture, automatiquement on vient diminuer les volumes au niveau des feuillus.
Quand vous parliez de compensation, est-ce que ça peut aussi aller à des compensations financières ou c'est uniquement des compensations en termes de volumes d'attribution et autres?
M. Brassard: En matière ligneuse.
M. Béchard: Il n'y a aucune compensation financière ou autre de quelque programme que ce soit qui peut être envisagée? Il n'y a aucune compensation financière?
M. Brassard: Non, c'est de la compensation en matière ligneuse.
M. Béchard: Point.
M. Brassard: Oui.
(Consultation)
M. Brassard: Il peut y avoir compensation effectivement de nature financière lorsqu'il y a eu des aménagements ou des travaux qui n'étaient pas couverts par des crédits de redevance.
M. Béchard: C'est-à-dire?
M. Brassard: Par exemple, des chemins forestiers, un camp, des bâtiments, ce n'est pas couvert, ça, ce n'est pas admissible en vertu des crédits sur redevance. Ce n'est pas couvert, ce n'est pas admissible. Là, il pourrait y avoir une compensation. À un autre article, il y aura une compensation financière. Un autre article le prévoit. Mais, pour tout ce qui est couvert par les paiements de redevance, c'est des compensations en matière ligneuse.
M. Béchard: Mais ça, c'est pour le territoire qu'on laisse. Par exemple, demain matin, moi, je suis un industriel...
M. Brassard: C'est pour les aménagements qui se retrouvent dans la superficie qui est l'objet du permis.
M. Béchard: C'est ça. Donc, il y a une nouvelle vocation acéricole.
M. Brassard: C'est ça.
M. Béchard: Donc, là on peut être compensé financièrement. Quand vous dites qu'on peut être compensé sous forme de matière ligneuse, jusqu'où ça peut aller? Est-ce qu'il faut que ça demeure dans la même région? Est-ce que vous pouvez compenser plus loin dans le territoire? C'est n'importe où au Québec? C'est...
M. Brassard: ...
M. Béchard: Non, non, non, mais je veux dire...
M. Brassard: C'est dans la région.
M. Béchard: Ce n'est pas nécessairement dans la même unité d'aménagement.
M. Brassard: Ce n'est pas nécessairement dans la même unité d'aménagement.
M. Béchard: O.K. Parce que, à ce moment-là, il peut y avoir des coûts de transport et autres qui en découlent aussi. C'est beaucoup moins avantageux pour une usine.
M. Brassard: Sauf qu'on va tenir compte de la localisation géographique de son usine. On n'ira pas lui donner des compensations à 500 km.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Mme la Présidente, comme vous pouvez le constater, il y a quand même beaucoup d'éléments qui, à quelque part, sont dans le gris. Je ne dirais pas que c'est l'inconnu total, mais est-ce que vous avez l'intention de déposer une politique, ou des orientations ou au moins une ligne de conduite face à ces nouveaux développements là, une espèce de schème de pensée qui vous guidera dans votre décision de dire: Oui, on attribue; non, on n'attribue pas; oui, on compense; non, on ne compense pas? C'est quoi, les lignes directrices qui vous orienteront là-dedans pour au moins que, d'un côté, les industriels sachent à quoi s'attendre puis, de l'autre côté, les gens qui attendent aussi après de nouvelles mises en production au niveau de l'acériculture sachent également à quoi s'attendre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: En vertu des dispositions qu'on adoptera ultérieurement, c'est clair que le principe de la compensation va s'appliquer, avec la condition évidemment reliée à la possibilité forestière. Mais le principe de la compensation va s'appliquer. C'est ça, je dirais, la référence ou le critère. On va tout mettre en oeuvre pour compenser en matière ligneuse dans l'unité d'aménagement où il se retrouve ou dans d'autres à proximité, pour faire en sorte que son niveau d'approvisionnement ne soit pas affecté.
Alors, s'il arrive qu'il y a des cas où on n'est pas en mesure de compenser, bien là c'est évident qu'il faudra faire une analyse plus fine puis une évaluation de ce que ça signifie comme impact sur l'entreprise et sur le fonctionnement de son usine. Alors, on n'a pas intérêt, par de pareilles décisions, à mettre en péril le fonctionnement d'une usine, à mettre en péril l'approvisionnement d'une usine. Si, dans des cas précis, on se trouve devant une situation comme celle-là puis qu'on n'est pas en mesure de compenser, bien je pense que, quel que soit le ministre en poste, il devra prendre en compte et prendre en considération l'ensemble de ces données là. Et ça peut aller jusqu'à ne pas donner suite à la demande de permis, ça peut aller jusque-là. Il n'y a pas obligation de donner un permis.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, M. le député de Kamouraska-Témiscouata?
M. Béchard: Non. Non, puis pour une raison assez simple, c'est parce que vous serez d'accord avec moi qu'il y a une grande différence entre diminuer l'approvisionnement puis mettre l'usine en péril. Certains vont dire qu'à 1 m³ de moins l'usine est en péril, puis d'autres, ils ont une plus grande marge de manoeuvre.
Donc, moi, je reviens avec mon argument que je pense que ce serait extrêmement intéressant que vous puissiez déposer une politique à ce niveau-là, et sinon... Parce que je regarde dans certains cas, des ententes qu'on voit, ça se négocie beaucoup au niveau local. Souvent, les gens connaissent eux-mêmes leurs possibilités. Ils disent: Bon, bien on est capables de dégager tant de milliers de mètres ou de territoires pour l'acériculture.
Le rôle du ministère, dans ces cas-là... Dans le cas où il y a une entente, là, qui est là, puis on vous dit, par exemple: Tout ce qui manque pour réussir l'entente, c'est que vous compensiez en trembles, que vous compensiez en autres essences de feuillus, et tout ça, comment le ministère joue avec ça? Est-ce que, vraiment, il donne le coup de pouce puis il dit: Oui, on va tout faire pour que ça arrive, on va compenser puis on va finaliser les négociations? Est-ce que vous favoriseriez plus, à ce moment-là, vraiment selon chaque territoire? Parce que beaucoup qui sont venus en commission parlementaire nous ont dit qu'ils ne voulaient surtout pas que la forêt soit gérée de façon mur à mur, donc pareille partout. Les forêts sont différentes d'une région à l'autre aussi.
n(23 h 50)n Finalement, à la fin de l'échange, le ministère a un droit de regard sur l'attribution, et tout ça, un droit de décision finale. Est-ce que vous êtes plus favorable à des solutions qui viennent de chacune des régions, qui peuvent être adaptées de façon... et que le ministère, à ce moment-là, ne fasse que donner le coup de pouce final et s'assurer que les compensations soient là ou si vous avez l'intention de jouer un rôle vraiment proactif là-dedans et dire: Il faut des ententes sur l'acériculture, il faut augmenter le volume en acériculture au Québec?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: D'abord, premièrement, il faut que ça se passe sur une base régionale. Il faut que ça se passe sur une base régionale. La mise en oeuvre de dispositions comme celles-là, ça ne peut pas se faire sur le plan national. Il faut que ça se fasse régionalement. Le ministère doit être un facilitateur, doit être proactif, doit aider les différents intervenants forestiers et acéricoles à en arriver à s'entendre. C'est ce qui s'est fait déjà dans certaines régions et c'est ce qu'on veut faire aussi dans l'avenir.
Il y a un processus, par conséquent, de concertation et, je dirais, de concertation de tous les partenaires et de tous les... Il faut avoir un comportement partenaire, et ça se pratique déjà. Ce ne sera pas une innovation, là, ça se pratique déjà. Et on veut que ça continue dans cette perspective-là.
Actuellement, ce qu'on fait justement dans le Bas-Saint-Laurent, c'est précisément ? dans le Témiscouata, donc je pense que c'est dans votre circonscription ? un processus de cette nature-là, où il y a des transferts de CAAF qui vont permettre de dégager des superficies qu'on va pouvoir consacrer à l'activité acéricole. Tout cela se fait par la négociation. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu encore de la part du ministère, pas plus que du ministre, je dirais, un comportement despotique ou coercitif. On a soutenu, encouragé et aidé la négociation, et je pense qu'on va pouvoir y arriver par cette voie-là sans trop de problèmes.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député.
M. Béchard: Selon vous, c'est un processus qui peut prendre combien de temps?
M. Brassard: Je pense qu'il est à la veille d'aboutir. Il est à la veille d'aboutir.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Une autre question?
M. Béchard: Oui, je reviens sur... Je vois, dans votre dernier ajout, vous dites vraiment: «Le ministre doit avoir au préalable consulté le bénéficiaire concerné.» Donc, ce n'est pas «peut» ou quoi que ce soit, c'est vraiment une obligation de consultation que vous vous donnez.
M. Brassard: Oui, oui, tout à fait.
M. Béchard: Est-ce qu'on peut envisager que, dans les autres articles de cette loi-là... Parce que j'ai noté qu'il y a d'autres endroits où... Quand vous mentionnez: «Tout autre renseignement ou document requis», ou toute autre condition, ou quoi que ce soit requis par le ministre, est-ce qu'on peut envisager que cette obligation-là de consulter le ou les bénéficiaires concernés puisse être ajoutée dans d'autres sans enlever le pouvoir décisionnel du ministre, mais au moins que les bénéficiaires soient consultés, soient informés des intentions du ministre, aussi connaissent les conséquences de tout ça? Est-ce qu'on pourrait penser avoir cette obligation-là de consultation?
Parce que, quand vous dites que... Dans certains articles, de mémoire, vous mentionnez: Le ministre peut ajouter toute autre condition qu'il juge utile ou qu'il juge nécessaire. Est-ce qu'il n'y aurait pas utilité, comme on le fait là, parce que je le retrouve, à ce moment-là d'envisager d'avoir ce même processus là? Et, si on arrive avec de nouvelles conditions, si on arrive avec de nouveaux renseignements qu'on demande, bien qu'on informe les bénéficiaires de ça et du pourquoi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Là, on verra au fur et à mesure, parce que, là, j'aimerais savoir: Est-ce que le député a en tête un cas bien concret ou un dossier bien concret où l'obligation de consulter serait requise? C'est parce que j'ai de la difficulté à concrétiser la pensée du député, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député, voulez-vous concrétiser votre pensée?
M. Béchard: Bien oui, bien oui. Sans la concrétiser, c'est juste que peut-être que, nous aussi, on a des amendements qu'on devra passer à l'exécutif pour voir quand on va les déposer.
M. Brassard: Ha, ha, ha!
M. Béchard: Ha, ha, ha! Non, c'est parce que je dénote, dans ces cas-là, au niveau de l'acériculture, que vous vous donnez cette obligation-là de consulter les bénéficiaires avant d'aller de l'avant, et tout ça. Dans d'autres cas plus loin, on ne retrouve pas cette même obligation là. C'est pour ça que je vous dis: Si...
M. Brassard: Ça dépend. Là, c'est parce qu'on est dans un dossier ou dans un cas précis où il y a cohabitation sur un même territoire. Là, il y a cohabitation. Alors là ça nécessite ou ça exige la consultation. Mais, dans d'autres cas aussi, quand, dans d'autres dispositions, on précise que, par exemple, les gestionnaires de zecs ou de pourvoiries vont devoir participer à l'élaboration des plans des détenteurs de contrat, de CAAF, c'est dit d'une autre façon, c'est exprimé d'une autre façon. Mais, là aussi, on a un autre cas de cohabitation de différents usagers, et il y a un processus de consultation qui est également requis et aussi obligatoire de par la loi.
Je pense qu'à chaque fois qu'il y a cohabitation, qu'il y a, sur un même territoire, plusieurs usagers, plusieurs utilisateurs, on prévoit ? peut-être pas nécessairement avec le même libellé, là ? qu'il doit y avoir consultation et implication.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, ça va?
M. Béchard: Ça va.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): L'article 5 est donc adopté?
M. Béchard: Sur division, celui-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Sur division. Article 6: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 13, du suivant:
«13.1. Le ministre refuse de délivrer le permis si le demandeur a été, au cours des cinq ans précédant sa demande, titulaire d'un tel permis ayant fait l'objet d'une révocation ou d'un refus de renouvellement, sauf pour un motif prévu à l'article 17.2.» Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Ça prévoit donc que le ministre doit refuser de délivrer un permis de culture et d'exploitation d'érablière à des fins acéricoles lorsque la personne concernée a déjà fait l'objet d'une révocation ou d'un refus de renouvellement d'un tel permis au cours des cinq dernières années, sauf si le non-renouvellement découlait de la nécessité d'utiliser ce territoire pour un usage d'utilité publique et non pas d'un manquement du titulaire de permis aux obligations qui lui incombaient en vertu de la loi.
Je précise que c'est aussi à la demande du comité interministériel qui comprenait, comme vous le savez, également la Fédération des producteurs acéricoles.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Juste à titre d'information, quels sont les types de fautes qui peuvent être commises et qui conduisent au non-renouvellement ou à la non-délivrance? Qu'est-ce qu'on retrouve le plus souvent? Est-ce que c'est la non-exploitation des superficies? On s'est dit: On a pris le volume puis, après cinq ans, on n'a pas rempli les obligations. Est-ce que c'est d'autres types de... Qu'est-ce qu'on retrouve le plus souvent?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, très rapidement.
M. Brassard: Oui. Bien, ça peut être ça. Il y a des règles à respecter relativement à la capacité d'entaillage, par exemple, de l'érablière. Il y a des règles à respecter aussi relativement à la récolte de matière ligneuse, parce qu'il y a des activités forestières aussi qui se déroulent sur un territoire acéricole. Alors donc, il y a un certain nombre de conditions, d'exigences qui se retrouvent dans le permis. Le permis est assorti d'un certain nombre de conditions qu'on retrouve d'ailleurs plus loin dans le projet de loi. On y ajoute un certain nombre de conditions, mais il y en avait déjà, d'ailleurs, dans la loi actuelle. Et c'est lorsqu'il y a eu manquement à ces conditions, manquement flagrant, manquement constaté, que le refus de renouvellement, par exemple, peut intervenir.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, ça va?
M. Béchard: Non. Toujours, sauf dans les cas...
n(minuit)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Bien là c'est parce qu'on a un problème.
M. Brassard: Sauf dans les cas...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À moins qu'il y ait consentement puis qu'on finisse de discuter.
M. Brassard: ...où le territoire est requis pour utilisation, pour usage d'utilité publique.
M. Béchard: Mais on reviendra, parce que j'ai deux ou trois petites choses rapides. On reviendra là-dessus.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ce que je comprends, c'est qu'on poursuivra donc la discussion à notre prochaine rencontre. Là-dessus, j'ajourne donc les travaux sine die.
(Fin de la séance à 0 h 1)