heures trente-deux minutes)La Présidente (Mme Carrier-Perreault): La commission de l'économie et du travail va donc poursuivre ses travaux. Effectivement, ce matin, nous poursuivons la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Il n'y a pas de remplacement, Mme la Présidente.
Auditions
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, ce matin, nous rencontrons quatre groupes, nous avons quatre groupes avec qui nous pourrons échanger. Ce sont les quatre derniers groupes. La commission sur le projet de loi n° 136 va donc se terminer en fin d'avant-midi.
Nous accueillons donc, en tout premier lieu, M. Michel Vincent. Alors, si possible, si vous voulez bien vous approcher, M. Vincent. Bonjour, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura les périodes d'échange. Si vous voulez vous présenter aussi, en nous donnant vos fonctions, en fait, à quel titre vous venez à cette commission. C'est pour les besoins de la transcription.
M. Michel Vincent
M. Vincent (Michel): Alors, mon nom est Michel Vincent. Je suis professeur en économie forestière à l'Université de Moncton au Nouveau-Brunswick. Je suis moi-même économiste forestier et je viens présenter mon mémoire en mon nom personnel.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Vous pouvez procéder.
M. Vincent (Michel): Mme la Présidente de la commission, M. le ministre des Ressources naturelles, Mme la députée de Bonaventure, Mmes et MM. de la commission, en tant qu'économiste forestier, vous comprendrez que le concept de compétitivité de notre industrie forestière me préoccupe particulièrement. Il préoccupe aussi le ministère des Ressources naturelles du Québec, puisqu'il est clairement mentionné, à la page 26 du document de consultation, que le régime forestier doit, et je cite, «augmenter les retombées socioéconomiques qui découlent de l'utilisation du milieu forestier [...] de façon à favoriser la compétitivité de l'industrie québécoise».
Bien que la notion même de compétitivité demeure assez mal définie, je crois avoir démontré, dans le mémoire soumis à cette commission, que les entreprises québécoises de transformation des produits forestiers présentent des signes inquiétants de faiblesse face à leurs concurrentes internationales.
En utilisant les critères et indicateurs de développement forestier durable proposés par le Conseil canadien des ministres des Forêts, on s'aperçoit que les trois indicateurs de compétitivité classent immédiatement nos entreprises comme étant non compétitives. En effet, en plus de perdre constamment des parts de marché au profit de nos compétiteurs, nos compagnies sont moins rentables que leurs concurrentes étrangères et notre industrie est assujettie à des procédés de transformation provenant de ses propres concurrentes.
Le Québec ne peut se permettre de voir sa principale industrie manufacturière, sa plus grande source d'emplois, s'essouffler sans que tous et chacun en subissent aussi les effets négatifs. La révision du régime actuel apparaît donc comme une belle opportunité de s'attaquer réellement au problème de la compétitivité de l'industrie des produits forestiers.
Cette dégradation lente mais évidente de notre avantage concurrentiel me préoccupe d'autant plus que le discours de la grande majorité des intervenants s'étant présentés devant cette commission dépeint l'utilisation des ressources forestières comme une partie de bras de fer entre l'environnement et l'industrie ou, dit autrement, entre les intérêts corporatifs, d'une part, et les bénéfices sociaux, d'autre part. Ce discours provient d'une vision statique de la compétitivité, vision que nos concurrents délaissent au profit d'une conception dynamique basée sur la capacité d'adaptation et d'innovation des entreprises.
Que font nos concurrents, ceux qui sont les plus rentables, qui nous enlèvent nos parts de marché et nous obligent à utiliser une technologie développée par eux et pour eux? Que font-ils pour maintenir, voire augmenter leur part de marché, pour générer des profits supérieurs aux nôtres et pour développer des procédés qu'ils exportent ensuite chez nous? Pourtant, dans la majorité des cas, ces pays ne disposent ou ne disposaient pas, à l'origine, des ressources forestières à l'image des nôtres. Que s'est-il passé pour que des pays moins bien pourvus en ressources soient en voie de nous déloger d'une position qu'on occupe depuis des décennies?
Ces entreprises à succès, tout comme celles de tout autre domaine d'activité, fonctionnent dans un environnement économique et législatif les obligeant à se surpasser constamment. Ironiquement, on ne leur laisse pas, comme ici, un accès privilégié aux ressources. Cette situation les a amenés à délaisser leur stratégie concurrentielle, basée sur une politique du moindre coût, au profit d'une stratégie basée sur la différenciation de leurs produits. Ce changement d'attitude s'est produit à la suite d'une volonté de l'État d'imposer des objectifs à long terme.
Malheureusement, ce changement de cap ne semble pas sur le point de se produire au sein de notre industrie. Cette dernière réclame encore un accès de plus en plus grand pour une ressource pourtant convoitée par de plus en plus de groupes. En axant leur stratégie sur le moindre coût, il n'est pas surprenant que l'industrie québécoise proteste à chaque tentative d'augmentation des droits de coupe de la part de l'État. Pourtant, on voit de ces compagnies situées en territoire québécois qui ferment les portes de certaines de leurs usines pour investir ensuite dans des pays où ces droits de coupe sont plus élevés et où le milieu de travail est plus exigeant pour les entreprises.
Ainsi, depuis quelques années, les investissements en immobilisation des entreprises de pâtes et papiers d'ici sont plus importants à l'extérieur du pays qu'à l'intérieur. Il est surprenant de constater que, si le Québec perd des parts de marché, il en va autrement pour ces entreprises. Il se s'agit pas ici de juger le comportement de ces firmes mais plutôt de comprendre pourquoi elles agissent ainsi.
Le projet de loi modifiant la Loi sur les forêts est muet quant aux moyens qu'entend prendre l'État pour améliorer la compétitivité, puisque le gouvernement perçoit encore la compétitivité comme l'industrie le fait, à savoir de manière statique. Pourtant la loi n° 150 n'a pu freiner la détérioration de la position concurrentielle du Québec sur la scène internationale. Si nous avions de bonnes raisons de nous réjouir de l'adoption de ce nouveau régime il y a près de 15 ans, il y a maintenant lieu de s'inquiéter d'entendre encore en ces murs des groupes qui réclament rien de moins que son prolongement.
Dans le message provenant de l'ensemble des groupes régionaux, je crois percevoir un appel à l'aide afin que la principale richesse naturelle profite davantage à l'enrichissement collectif en fournissant des emplois à la fois bien rémunérés et stables. Nous ne pourrons atteindre cet objectif qu'avec une industrie forestière en santé, ce qui n'est pas le cas présentement. La population du Québec s'attend à plus qu'un nouveau régime forestier qui durera cinq, 10 ou 15 ans. Elle s'attend à un projet de société en matière de gestion des ressources forestières, un projet où tous y trouveront leur compte.
D'ailleurs, le désir du gouvernement de vouloir gérer les ressources de manière intégrée m'apparaît tout à fait judicieux. Peut-on cependant parler réellement de gestion intégrée des ressources lorsqu'une des ressources jouit dès le départ d'une importance démesurée face aux autres? Je suis un ardent partisan du concept de forêt habitée mais l'instauration d'un tel mode de gestion ne peut se réaliser sans enlever, dans un premier temps, une partie de l'approvisionnement des entreprises. Or, les garanties d'approvisionnement permettent aux compagnies forestières de bénéficier d'un levier financier indispensable à leur survie.
L'implantation à court terme d'un mode de gestion de type forêt habitée constituerait à mon sens une grave erreur parce qu'on tenterait de corriger en quelques années une situation qui dure depuis plus d'un siècle. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour maintenir le statu quo. Pour parler d'aménagement intégré des ressources, nous devrons avant tout diminuer la pression commerciale sur la forêt naturelle. Si les entreprises diminuent l'intensité de leurs récoltes sur la forêt naturelle, elles devront se tourner vers une forme artificielle de forêt, c'est-à-dire les plantations.
Certains pays voient leurs entreprises forestières s'approvisionner à presque 100 % à partir d'une très faible proportion du territoire, mais pour y arriver, ils y ont mis l'énergie et surtout le temps. Il faut résister à la tentation de prolonger le chemin d'accès dans la forêt boréale, en négligeant la forêt productive du sud. La révision du régime forestier actuelle arrive à point avec le nouvel ordre économique mondial.
n(9 h 40)n Nos concurrents ont compris qu'ils devaient mettre sur le marché des produits qui se différencient des autres. Ces efforts trouvent leur motivation dans l'incontournable certification environnementale. Les règles du jeu sont encore floues en matière de certification mais force nous est de constater qu'une fenêtre d'opportunités est maintenant ouverte. Ceux qui la franchiront en premier établiront ces règles auxquelles les autres devront se soumettre. Si les Suédois ont l'audace de faire la promotion de la biodiversité comme outil de différenciation, le Québec doit aussi montrer que ses produits possèdent des caractéristiques qui lui sont propres. Nous disposons d'un formidable outil de différenciation: notre mode de tenure des terres forestières. Aucun autre pays ne possède une telle proportion de terres publiques. Pourtant il a trop souvent été utilisé par nos concurrents pour nous accuser d'aide déloyale favorisant nos entreprises.
Pour mettre cet élément de différenciation en place, nous devrons mettre de l'avant des projets de gestion communautaire de type forêt habitée, et ce, sur la grandeur du territoire public, mais, je le répète, nous devrons avant tout assurer à l'industrie le niveau d'approvisionnement qui lui permette de se maintenir à flot.
Je reviens donc à la charge avec mon projet de société en matière de gestion des forêts. Le Québec pourrait immédiatement se doter d'un régime qui permettrait à ses entreprises de se démarquer sur la scène internationale en mettant en marché des produits avec des caractéristiques uniques. Une étiquette «made in Québec» signifierait que le bois provient d'une forêt aménagée selon le concept de forêt habitée. Aucun autre pays ne serait présentement en mesure de rivaliser avec un tel produit.
Ce mode de gestion permettrait aux régions de procéder à l'aménagement intégré de toutes les ressources forestières et de mettre en marché la matière ligneuse ainsi générée. Les autochtones pourraient aussi réaliser le type de foresterie qu'ils privilégient tout en mettant en marché une certaine quantité de matières ligneuses. Le Québec pourrait aller de l'avant avec le projet de réserve naturelle. Finalement, les propriétaires de forêts privées verraient enfin se réaliser le plein potentiel de leurs terres en établissant avec l'industrie des partenariats à long terme. La forêt privée constitue le noyau d'un tel projet. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser se poursuivre la rivalité entre la forêt privée et l'industrie. Ces deux entités doivent devenir des partenaires.
Tous les éléments sont en place pour aller de l'avant dans ce projet de société en matière de gestion des territoires forestiers. Il n'y manque maintenant que la manifestation d'une volonté ferme et inébranlable d'y parvenir. Il faut cependant se donner le temps d'y arriver sans causer de préjudice. Cet horizon dépasse la durée de vie du prochain régime. Nous devons donc non seulement écrire un nouveau régime mais aussi songer au contenu de celui qui lui succédera, peut-être même du suivant.
Le nouveau régime forestier doit énoncer les objectifs du projet de société et mettre en place les structures nécessaires. Il en va de la survie de notre industrie. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Vincent. Alors, nous allons procéder à la période d'échanges. M. le ministre.
M. Brassard: Alors, merci, M. Vincent, pour votre mémoire et votre présentation. C'est un mémoire qui est fort bien articulé et on sent très bien, on constate très bien qu'il y a, à la base de ce mémoire, une réflexion à la fois portant sur la dimension forestière mais également, je pense, aussi, la dimension économique de l'industrie forestière et des risques actuels qui existent quant à sa compétitivité. Alors, je vous remercie.
Il y a là aussi évidemment des pistes qui sont pour le moins innovatrices. Et j'aimerais, dans les quelques minutes, là, que nous avons pour échanger, essayer d'obtenir de votre part un certain nombre de clarifications. Si je comprends bien, vous souhaitez que l'on s'engage résolument vers la création de ce que vous appelez des forêts artificielles, à l'instar de certains pays qui sont engagés dans cette voie depuis un certain nombre d'années, donc des forêts artificielles à croissance rapide, si je comprends bien, sur des territoires situés à proximité des zones habitées pour faire en sorte que la pression sur les terres publiques diminue progressivement évidemment.
Et vous parlez aussi de la création d'une société. Je suppose qu'il s'agit d'une société d'État qui aurait cette tâche de mettre en place la solution que vous proposez et vous faites référence également au concept de forêt habitée, mais je constate très bien que votre concept de forêt habitée, ou votre définition de la forêt habitée, là, est assez différent de la définition du concept que certains intervenants, encore hier, tout au cours de la consultation, sont venus nous présenter ou réclamer.
Vous parlez d'un calendrier d'implantation aussi. D'abord, est-ce qu'il s'agit d'une société d'État? C'est l'État qui donnerait cette impulsion, là, vers la mise en place de forêts habitées, de forêts habitées de grande dimension, que je comprends? Et, concrètement, vous demandez ou vous dites qu'il faut un calendrier d'implantation pour cette nouvelle stratégie concurrentielle en fonction, dites-vous, de la capacité d'innovation des entreprises. Quelles seraient les étapes? Parce qu'on ne peut pas arriver comme ça, d'un coup sec ? implanter une pareille politique ? ça serait perturbateur. Comment y arriverait-on? Quelles seraient les phases d'implantation.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Vincent.
M. Vincent (Michel): Merci, M. le ministre. En fait, il y a encore beaucoup certainement de recherches à faire sur le travail. Par contre, ce que j'envisagerais immédiatement, ce serait une étape qui nous permettrait de nous diriger vers un moment où les entreprises de transformation ne trouveraient leur profit qu'en ne faisant que de la transformation du bois. Les entreprises de transformation aujourd'hui tiennent à être présentes en forêt pour la bonne raison que ça leur permet de garantir leurs approvisionnements. Je vois donc... mais ce n'est pas au niveau de l'approvisionnement que les industries forestières font des profits, c'est au niveau de la transformation et de la vente de leurs produits.
Donc, elles tiennent à être en forêt pour une seule chose, et je les comprends tout à fait: pour garantir leur approvisionnement. À partir du moment où on peut leur permettre de s'approvisionner d'une manière tout aussi intéressante sans qu'elles aient elles-mêmes à procéder aux opérations forestières... donc, je verrais un système à l'intérieur duquel les CAAF seraient délaissés par les entreprises, parce que les CAAF seraient moins intéressants que la forme d'approvisionnement qu'on leur proposerait. Mais tout ça, ça ne peut se faire seulement, premièrement, qu'avec une volonté de l'État de dire: On peut, par exemple, procéder à une dernière ronde de négociations des CAAF. Donc, on en a encore pour probablement quatre ou cinq ans, ensuite ces CAAF là durent 25 ans, donc on parle d'un horizon probablement de 25 ou 30 ans. Pourquoi 25 ou 30 ans? Ça correspond probablement aux premières éclaircies commerciales qu'on pourrait effectuer sur ces plantations-là. Donc, on pourrait commencer à parler de diminution de pression sur la forêt publique, mais pas tout de suite, pas immédiatement.
Je le répète, je suis un partisan du concept de forêt habitée, mais vouloir implanter le concept de forêt habitée immédiatement causerait un tort, à mon avis, irréparable à l'industrie forestière, parce que l'industrie n'est pas prête. L'industrie peut se préparer. L'industrie est capable. L'industrie possède un pouvoir d'adaptation et d'innovation qui est très grand, mais il faut lui permettre de le réaliser, ce pouvoir-là, en lui donnant des objectifs et non pas en lui imposant des méthodes. L'industrie est capable de trouver des solutions à ses problèmes, mais ça prend du temps. Le pouvoir d'adaptation de l'industrie, à mon sens, quand on parle d'un horizon de 25 ou 30 ans, en forêt, c'est très court.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: M. Vincent, vous savez que l'intention du gouvernement, enfin l'intention bien arrêtée du gouvernement, c'est de préparer d'ici deux ans, de concevoir, de préparer, de consulter aussi avant de la mettre en oeuvre, une politique de rendement accru, d'intensification de l'aménagement forestier, pas uniquement sur des terres publiques, mais aussi sur des terres privées. Donc, des terres privées, ça veut dire en zone habitée forcément.
Est-ce que vous pensez que ça pourrait être l'occasion, à ce moment-là, ou une voie à suivre qui permettrait d'en arriver à mettre en place ? un peu la proposition que vous faites de forêt habitée et donc de production très intensive de matière ligneuse en zone habitée, beaucoup sur les terres privées, ce qui, évidemment dans 25, 30 ans, 40 ans, en arriverait à permettre de réduire la pression sur la forêt publique?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vincent.
n(9 h 50)nM. Vincent (Michel): La réponse est claire à mon avis, la réponse est: Oui, tout à fait. C'est une étape. En fait, je vois cette politique de rendement accru non pas comme une fin en soi mais comme justement une première étape vers quelque chose qui s'avère très intéressant; il n'y a aucun doute. On pourra y accéder par exemple, y arriver à long terme en créant des partenariats entre l'industrie et la forêt privée, et ce, sans demander à l'État des sommes d'argent additionnelles. C'est là que se trouve le défi, en fait, d'arriver à mettre en sol des plants sans demander une aide additionnelle de l'État.
Par contre, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, l'État devra peut-être freiner sa tentation de vouloir imposer tout revenu provenant ou tout bénéfice provenant de ces plantations-là. Je réfère entre autres à la situation de la Nouvelle-Zélande où le gouvernement s'est justement retenu et a laissé à des entreprises et à des propriétaires le soin de créer des partenariats et de générer forcément des profits. Et aujourd'hui, ce n'est plus le cas parce que les profits générés par les plantations privées sont imposés comme n'importe quel autre profit, mais, dans un premier temps, l'État a laissé la chance aux entreprises, à ces partenariats-là de s'imposer, de se mettre en place.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord.
M. Brassard: Avec un statut fiscal spécial pour les plantations, quand vous faites référence à la Nouvelle-Zélande? Sur le plan fiscal, ils étaient traités de façon avantageuse.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vincent, très rapidement.
M. Vincent (Michel): Oui, tout à fait. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a fait bénéficier ces partenariats-là d'un statut fiscal temporaire privilégié.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Vincent, merci beaucoup pour votre mémoire qui amène plusieurs pistes intéressantes dont une qui, moi, m'intéresse beaucoup. Même si je suis porte-parole depuis quelques jours seulement en matière de ressources naturelles, j'en ai parlé déjà hier beaucoup et avant-hier, entre autres, de toute la question de la certification comme telle, face à la concurrence. Et, moi aussi, je suis de ceux qui croient, comme vous, que la meilleure façon de ne pas être à la remorque, c'est d'être les premiers. La meilleure façon de fixer les règles et de ne pas les subir, c'est de les fixer et d'être les premiers.
Et, moi, je voudrais vous entendre justement sur cette certification-là, ce que vous appelez le «made in Québec», quelle forme ça pourrait prendre. Est-ce que, par exemple, si on parle d'un certificat de qualité-Québec ou quoi que ce soit, joint à ça un guide qui pourrait même être disponible... Parce que, de plus en plus, sur divers marchés, quand on va vendre des produits forestiers, quels qu'ils soient, les acheteurs sont extrêmement intéressés, même les consommateurs unitaires qui achètent à petits volumes sont très intéressés et ils vont l'être encore de plus en plus, à savoir comment le produit est arrivé chez eux, et qu'est-ce qu'il pourrait y avoir là-dedans.
Moi, je disais hier, par exemple, qu'il faudrait... Certains parlent de certification de ISO 14000 qui s'en vient. Moi, c'est plus large que ça. Ce n'est pas uniquement de savoir qu'est-ce qui se fait dans la bâtisse, comment est travaillé le bois mais c'est surtout ce qui se fait avant: quelles sont nos pratiques, quelles sont nos méthodes sylvicoles, combien on prend de pourcentage de la ressource par rapport à ce qu'on laisse, nos méthodes de reboisement et tout ça. Sans embarquer dans votre forêt artificielle ? on en reparlera ? mais juste sur la certification comme telle, et est-ce que ça peut se faire, ça, sans nécessairement entrer dans votre concept de forêt artificielle?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vincent.
M. Vincent (Michel): Oui. En fait, il faut comprendre quelque chose au sujet de la certification. Une chose, premièrement, c'est qu'on ne reculera pas, on ne reviendra pas en arrière. La certification est là pour y rester. C'est la façon dont je le comprends. Par contre, ça va être quoi, la certification, dans cinq ans ou 10 ans? Même les spécialistes dans le domaine ont de la difficulté à dépeindre la situation qui va prévaloir dans quelques années. Donc, on ne sait pas vraiment c'est quoi mais on s'en va vers quelque chose.
Comme je l'ai dit dans mon allocation aujourd'hui, les règles du jeu sont encore assez floues. On ne sait pas on s'en va vers quoi mais on sait que l'État ou la compagnie ou l'industrie qui va établir ces règles du jeu là va avoir le rôle de leader ou de précurseur et va pouvoir établir les règles du jeu. Donc, dans toutes les industries à succès, qu'il s'agisse de n'importe quel domaine, dans n'importe quel pays, les entreprises à succès ont basé leur succès sur une différence et non pas sur une similitude. On peut penser à n'importe quel secteur, qu'il s'agisse de l'automobile, qu'il s'agisse de l'informatique ou de la mode, les succès sont basés sur des similitudes et non sur des différences.
Alors, qu'est-ce qui peut différencier le produit made in Québec? À mon sens, une chose: son mode de tenure. Donc, si on met sur le marché aujourd'hui un produit que personne d'autre ne peut concurrencer parce que personne d'autre ne peut l'imiter, un produit, donc, basé sur le fait que les communautés forestières prennent elles-mêmes leurs décisions, et ce, sans causer de tort à l'industrie, on a un produit qui est tout à fait inimitable, et c'est la plus grande qualité d'un élément de différenciation, c'est sa difficulté à être reproductible, et aucun autre pays ne pourrait mettre en marché de la même sorte.
M. Béchard: Selon vous, la mise en place d'une telle certification, est-ce que ça permettrait aussi de rassurer non pas seulement les marchés extérieurs, mais aussi de rassurer les Québécois et Québécoises sur les façons, les méthodes qui sont utilisées pour, je dirais, traiter ou travailler cette ressource naturelle qu'est la forêt? Est-ce que vous voyez aussi un volet important de ce côté-là, peut-être, de démystifier et de vulgariser les pratiques, les méthodes et, en même temps, de rassurer les gens, qui, au cours des deux dernières années, sont, en tout cas, beaucoup plus sensibles qu'ils n'étaient à nos façons de faire en forêt? Est-ce que vous voyez aussi ce volet-là dans votre certification?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Vincent.
M. Vincent (Michel): Absolument, ça fait partie intégrante de la certification que j'envisage pour les entreprises québécoises. On parle souvent de certification sur ce qui se passe en forêt, un autre mode de certification, qu'est-ce qui se passe dans l'usine, puis ensuite les marchés décident, mais il va falloir aller plus loin que ça. C'est une première étape, mais on s'en va vers une certification globale à l'intérieur de laquelle l'ensemble du processus devra être mis en application. Et, si on veut être proactif ? on n'a pas nécessairement montré qu'on l'était ou qu'on avait l'intention de l'être ? dans la certification environnementale, on va mettre de l'avant ce qui nous différencie et on va forcer avec ça. Et ce qui nous différencie, notre élément de différenciation, c'est notre mode de tenure. Mais la façon de différencier nos produits québécois, c'est d'utiliser ce mode de tenure là par l'application de concepts de forêt habitée. Donc, la forêt habitée ou le mode de gestion de forêt communautaire va nous permettre, à long terme, de rassurer la population, puisque c'est elle qui va prendre les décisions, les décisions vont provenir de la population. Et je tiens à souligner que la forêt habitée de la Côte-Nord ou de la Gaspésie ou de l'Abitibi sont trois concepts différents, puisqu'ils répondent à des besoins différents.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député.
M. Béchard: C'était justement une de mes prochaines questions, c'est-à-dire: Comment on peut, à l'intérieur de ce processus-là, avoir un processus qui est assez souple pour, justement, permettre de reconnaître les différences et les nécessaires différences dans les façons de faire d'une région à l'autre, d'une forêt à l'autre? Il n'y a pas une forêt qui se ressemble au Québec, là; il n'y a pas une grande forêt québécoise, il y a plusieurs forêts québécoises. C'est toujours le problème quand on fixe des normes ou des règles, tu dis: Est-ce que c'est trop large ou est-ce que ça ne correspond pas assez à la réalité? Est-ce que c'est applicable dans tous les cas? Comment on peut relever ce défi-là? En tout cas...
Puis l'autre... Non, je reposerai une autre question sur l'autre partie. Mais, juste là-dessus, sur la marge de manoeuvre qu'on doit laisser...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous êtes peut-être mieux de poser vos deux questions, M. le député...
M. Béchard: Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...il reste à peine trois minutes.
M. Béchard: Il reste trois minutes?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Trois minutes. Alors, pour que M. Vincent ait le temps de répondre...
M. Béchard: O.K. L'autre après: Si vous avez une minute pour parler un peu de recherche et développement, quelle est votre appréciation du système actuel? Il y a des gens qui sont venus nous dire que, finalement, c'était tellement important, la recherche et développement en forêt, mais, d'un autre côté, que c'était tellement peu organisé qu'il se faisait peu de choses par rapport aux besoins. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Vincent (Michel): En fait, pour ce qui est du concept de forêt habitée applicable à différentes régions, je serais très mal placé de dire: Ce qui est bon pour les gens de l'Abitibi, c'est ça, puis les gens de la Gaspésie, c'est ça, puis les gens de l'Estrie, c'est autre chose. À partir du moment où le gouvernement va afficher sa volonté claire de dire aux entreprises: On s'en va vers telle situation, vers tel objectif, il va falloir s'asseoir, il va falloir que les gens de la Gaspésie disent ce qu'ils veulent, les gens de l'Abitibi disent ce qu'ils veulent comme forêt, comme gestion. Donc, ça va provenir des régions essentiellement, et on ne devra pas imposer quoi que ce soit aux régions. Les régions devront nous dire ce qu'elles désirent comme mode de gestion.
n(10 heures)n Maintenant, pour terminer, au niveau de la recherche et du développement, je crois que l'infrastructure de recherche et de développement au Québec est très bien établie et elle est très efficace. Elle est malheureusement sous-financée, la structure de recherche n'a pas les moyens d'aller de l'avant et d'être proactive. La recherche se fait surtout en appliquant des procédés étrangers à notre situation, ce qui n'est pas nécessairement ma conception durable de la recherche et du développement. On a des particularités ici, et il faut les mettre en application. On n'a pas le financement pour le faire présentement.
M. Béchard: Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, M. Vincent, merci pour votre participation à cette commission.
Je vais suspendre les travaux pendant quelques instants pour permettre au prochain groupe de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 1)
(Reprise à 10 h 2)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous rencontrons maintenant l'Association des conseillers forestiers de la Gaspésie?Les Îles-de-la-Madeleine. Monsieur, bonjour, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, qu'il y aura, par la suite, période d'échange. Mais, avant de présenter votre mémoire, j'aimerais que vous puissiez vous présenter ainsi que votre nom et votre titre, à quel titre vous êtes ici ce matin.
Association des conseillers forestiers
de la Gaspésie?Les ÎlesM. Émond (Martin): Oui. Bonjour. Mon nom est Martin Émond. Je suis ingénieur forestier. Ça fait depuis environ 15 ans que j'opère puis que je fais des opérations forestières puis de l'aménagement forestier au niveau de la forêt privée.
Je tiens d'abord à remercier la commission de me donner la chance de venir vous présenter ce mémoire. Ce que je vais faire, c'est peut-être... D'abord, je devrais m'excuser pour Geneviève qui n'a pas pu être présente ce matin, Geneviève Poirier, qui était chargée de projet au niveau de la recherche qui s'est faite au niveau du mémoire. Elle avait des examens au niveau de son droit. Ça fait que ce que je vais faire, c'est que je vais vous lire simplement trois extraits de notre dit mémoire, je pense, qui résument bien la situation de ce qu'on veut dire à la commission. D'abord, je vais vous lire le résumé.
Le régime forestier actuel n'est pas équitable envers les divers intervenants. Certains sont totalement exclus, les conseillers forestiers indépendants, alors que d'autres sont avantageusement traités: les organismes de gestion en commun. Ce mémoire a pour principal objectif de dénoncer la situation à la fois intolérable et inacceptable que vivent les conseillers indépendants, ainsi qu'obtenir la modification de la Loi sur les forêts et les autres dispositions législatives s'y rapportant de manière à rétablir une situation d'équité pour tous les acteurs concernés par l'aménagement durable de nos forêts.
Nous avons commencé par décrire la situation actuelle de gestion et d'exploitation forestière qui règne au Québec, et en particulier, surtout pour la forêt privée; ensuite, nous avons dénoncé des injustices et discriminations auxquelles les conseillers indépendants sont confrontés telles que l'attribution des enveloppes budgétaires ou encore la non-représentativité des conseillers indépendants des conseils d'administration des agences régionales de mise en valeur; finalement, nous avons soumis des solutions que nous considérons appropriées et équitables pour résoudre cette problématique.
En dernier lieu, vous trouverez, aux dernières pages du mémoire, un tableau synoptique regroupant l'ensemble des revendications et solutions apportées par les conseillers forestiers indépendants pour une mise à jour du régime forestier qui inclut le domaine privé.
De plus, il m'apparaît important de vous mentionner que le processus de formation d'une association provinciale regroupant les conseillers forestiers indépendants étant présentement en cours, le Réseau des associations de conseillers forestiers indépendants du Québec, le RACIQ, est sur le point de naître officiellement. Malencontreusement, faute de temps, nous ne pouvons pas remettre ce mémoire au nom du RACIQ, les procédures légales n'étant pas terminées. C'est pourquoi il a été déposé au nom de l'Association des conseillers forestiers de la Gaspésie?les-Îles-de-la-Madeleine. Cependant, bien que ce mémoire origine d'une région en particulier, l'Association a été à l'écoute des besoins des conseillers forestiers de partout à travers la province. Ainsi, les problématiques qui y sont exposées ont une étendue provinciale.
Finalement, j'aimerais terminer en faisant un peu un rappel au niveau des revendications et des solutions qu'on propose au niveau de la commission. La première revendication, c'est d'obtenir la modification de la Loi sur les forêts et les autres dispositions législatives s'y rapportant, tels lois et règlements touchés indirectement ou directement, pour faire en sorte que les conseillers indépendant soient reconnus au même titre que les autres représentants des propriétaires et aient ainsi accès au conseil d'administration des agences régionales de mise en valeur de la forêt privée.
Nous demandons aussi une restructuration complète des agences régionales de mise en valeur permettant d'octroyer un siège dans chaque agence régionale aux conseillers indépendants, leur permettant de représenter les propriétaires de lots boisés laissés pour compte;
Aussi, nous demandons d'anéantir toute discrimination entre les organismes de gestion en commun et les conseillers indépendants, ainsi qu'entre le domaine public et le domaine privé.
Que les conseillers forestiers indépendants reçoivent la reconnaissance et le respect de leurs pairs et du ministère en tant qu'intervenants professionnels en milieu forestier. Nous demandons aussi d'avoir accès au programme de créations d'emplois au même titre que les groupements forestiers ou les coopératives forestières; d'assurer que les conseillers indépendants accrédités sur un territoire donné reçoivent un budget minimum garanti permettant leur viabilité; que le MRN augmente sa part dans les budgets alloués aux agences régionales pour répondre aux réels besoins exprimés par les propriétaires. Nous demandons aussi la reconnaissance de l'Association provinciale des conseillers forestiers indépendants comme intervenants actifs lors des prochaines rencontres du comité de suivi du Sommet de la forêt privée. Et, finalement ? c'est un petit peu une petite pensée qu'on voulait laisser à la commission ? que le gouvernement conçoive qu'il devrait exister une seule forêt au Québec avec un programme de mise en valeur unifié et cohérent. Ça sera tout.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Émond. Nous allons passer à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Merci, d'abord, M. Émond, d'être venu nous présenter votre point de vue et celui également, je comprends, des conseillers forestiers indépendants, de la Gaspésie et des Îles. Mais je comprends qu'il y a une association nationale qui est en gestation pour vous regrouper un peu partout à travers le Québec. C'est à la veille d'être créé formellement et officiellement.
Moi, j'aimerais bien comprendre d'abord votre situation. Après, je pense que le député de Gaspé aussi aura sûrement des questions à vous poser. Je comprends la situation de la façon suivante ? puis vous me direz si je me trompe, là ? c'est qu'actuellement les propriétaires de boisés privés, en matière d'aménagement forestier, font soit affaire ou sont représentés ou ont des liens avec soit des organismes de gestion en commun, soit des syndicats de producteurs de bois membres de la Fédération des producteurs affiliés à l'UPA, ou ? il y en a un certain nombre, une certaine proportion ? qui passent par des conseillers indépendants, donc des professionnels comme vous pour faire leurs plans d'aménagement, bon, les conseiller en matière de gestion puis d'aménagement de leurs boisés.
Jusqu'à maintenant, je ne fais pas d'erreur sur la description de la situation. Et ce que vous dites, c'est que les propriétaires de boisés privés qui transitent ou passent par les syndicats de producteurs ou par les organismes de gestion en commun sont représentés au sein des conseils d'administration de l'agence, ont des sièges. Par contre, les propriétaires de boisés privés qui font appel à vos services n'ont pas de siège, sont mal ou pas suffisamment représentés, de là votre revendication principale d'avoir un siège. Mais le siège, il serait accordé à qui, aux conseillers indépendants qui représenteraient les propriétaires de boisés privés qui font appel à vos services? La situation et votre revendication centrale, est-ce que je l'ai bien saisie?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
n(10 h 10)nM. Émond (Martin): M. le ministre, vous avez bien saisi la situation. C'est qu'on représente... Si je vous donne un exemple concret, dans mon cas, je représente environ 150 propriétaires dans mon secteur; de la part du groupement forestier, c'est à peu près l'équivalent. Dans mon sens, au niveau du conseil d'administration aussi, les propriétaires au niveau d'un groupement forestier ont une voix au niveau du conseil d'administration pour les défendre.
On nomme aussi les syndicats des producteurs de bois comme représentants des propriétaires, mais, en fait, leur rôle principal, c'est la mise en marché. Ça fait qu'ils représentent plus une catégorie de propriétaires qui font de la mise en marché, sauf que, dans nos propriétaires à nous, il y en a qui font de la mise en marché mais il y en a d'autres qui font juste de l'aménagement forestier, c'est-à-dire qui font l'éducation de jeunes peuplements, qui ne font pas forcément de la mise en marché.
Ça fait qu'on pense qu'il y a une catégorie de propriétaires qui n'a pas une voix pour parler au niveau des agences régionales de mise en valeur de forêts privées.
M. Brassard: Et c'est un domaine qui n'est pas unique ou exclusif à la Gaspésie?Les Îles mais dans d'autres régions forestières?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Dans notre consultation, on avait même un pas d'avance en Gaspésie, parce que, après s'être débattus beaucoup, on a réussi à avoir un siège au niveau du conseil mais avec un droit de parole seulement, il n'y avait pas de droit de vote. Ça fait qu'on pouvait émettre des opinions. Ça a été très difficile mais on l'a obtenu. Dans d'autres régions, puis la plupart des régions ? je prends le Bas-Saint-Laurent ou les autres régions ? à notre connaissance, dans la recherche, on n'a pas trouvé d'autres régions qui avaient obtenu un siège avec un droit de parole au niveau d'un conseil d'administration d'une agence.
M. Brassard: Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Émond, et bienvenue à notre commission. Merci pour votre mémoire. Je vous dirais d'entrée de jeu que je comprends très bien votre revendication, mais j'aimerais savoir de votre part quels sont les principaux messages que vous voulez faire passer au sein des conseils d'administration sur lesquels vous voulez être. C'est quoi, le rapport d'influence que vous voulez amener? Qu'est-ce qui, présentement, dans vos revendications, n'est pas pris en question? J'imagine que ce n'est pas juste d'avoir un siège pour avoir un siège là: il y a des messages à faire passer. Quels seraient ces principaux messages-là que vous voulez envoyer et faire passer au sein des conseils d'administration?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Je crois que ce qui est très important au niveau de la forêt privée, c'est le contact qu'on a avec les propriétaires, c'est d'avoir, à la base, l'information qui pourrait faire changer des choses au niveau de nos agences régionales. On est privilégiés d'avoir ce contact-là. Par contre, quand on ne peut pas l'exprimer ou faire changer des choses... Pour ma part, le siège, c'est la possibilité justement de faire changer des choses, d'amener de l'amélioration pour mieux représenter les propriétaires puis d'avoir un meilleur programme au niveau de l'aménagement de la forêt privée.
M. Béchard: Mais, concrètement là ? je comprends que vous voulez faire changer les choses ? qu'est-ce qui ne fonctionne pas ou qu'est-ce qui, selon vous, présentement, est laissé pour compte et fait en sorte... justifierait votre présence sur les conseils d'administration? C'est quoi, le message que vous voulez faire passer?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Le message principal, je crois que c'est la représentativité de tous les propriétaires de boisés privés: pas une certaine catégorie qui font affaire avec certains organismes. C'est la représentativité de tous les propriétaires de boisés privés qui n'ont pas tous la même opinion puis qui n'ont pas tous les mêmes besoins, tout simplement.
M. Béchard: O.K. Est-ce que, dans votre esprit, cette représentation-là pourrait varier d'une région à l'autre, d'une organisation à l'autre? Comment vous voyez ça? Est-ce qu'il y a des endroits où il serait justifié d'avoir, vous dites, un poste? Est-ce qu'il pourrait être justifié d'en avoir plus? Est-ce qu'il y a d'autres endroits où c'est moins nécessaire? Parce que, avant de se lancer là-dedans, il y a peut-être des endroits où ce n'est absolument pas nécessaire, d'autres endroits où ça l'est plus. Est-ce que vous voyez une seule façon d'être représentés sur les conseils d'administration?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Lorsqu'on a fait notre recherche au niveau provincial, je pense qu'on a parlé à 90 % des conseillers forestiers indépendants qui ne font pas partie d'un organisme de gestion en commun, puis il y avait une énorme frustration dans toutes les régions de ne pas pouvoir émettre des opinions, de ne pas pouvoir changer les choses, d'avoir un droit de vote pour pouvoir changer des choses, puis de mieux représenter les propriétaires de boisés privés. Je pense que, dans toutes les régions, le besoin s'est exprimé d'avoir une représentativité puis un droit de vote au niveau des agences régionales.
M. Béchard: Merci. Je pense que ma collègue de Bonaventure a aussi des questions.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...a aussi des questions. Ça va. Donc, par alternance, je céderais la parole au député de Gaspé. M. le député.
M. Lelièvre: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Émond. Vous mentionnez, dans votre mémoire, qu'il est important que la forêt privée joue un rôle majeur, qu'il est important de la développer. On sait par ailleurs que chaque propriétaire privé, pour la mise en marché de ses bois, normalement, devrait passer par l'agence de mise en marché. On sait aussi qu'il y a eu des inventaires forestiers. On sait aussi que les propriétaires privés s'engagent à faire des livraisons de bois, ne le font pas toujours ou le font tardivement. Votre présence au sein de l'agence, en quoi pourrait-elle contribuer à améliorer cette situation? Parce qu'on sait que, en Gaspésie, actuellement, il y aurait, selon le Syndicat des producteurs de bois de la Gaspésie, environ entre 600 et 150 000 m³ de bois récoltables qu'on pourrait mettre en marché face au problème des diminutions des approvisionnements.
J'aimerais voir quel rôle les conseillers privés pourraient jouer là-dedans, parce que chaque conseiller, pour ainsi dire, vous recrutez vos clients, vous recrutez les propriétaires, vous leur faites des propositions, vous connaissez votre territoire, vous êtes dans le secteur ? je crois, de Denis-Riverin, si je ne me trompe pas ? et donc j'aimerais voir quel rôle vous pourriez jouer là-dedans pour faire en sorte que votre présence au sein de l'agence, avec un droit reconnu de droit de parole, droit de vote, une représentativité efficace, pourrait nous permettre de compter sur une synergie entre la forêt privée et la forêt publique?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Je crois que, un des rôles importants que l'on pourrait jouer, c'est la connaissance du territoire puis la connaissance de nos propriétaires. C'est un gros atout au niveau d'une agence d'avoir le portrait le plus vrai des propriétaires de boisés privés avec qui on fait affaire.
Par exemple, je vous donnerais, dans mon secteur, au niveau des propriétaires de boisés privés: il y a eu un gros changement quand le bois de pâte par rapport au bois de sciage, la demande du bois de pâte est tombée à zéro puis la demande du bois de sciage a augmenté, puis là on passe d'une bûche de 4 pi à une bûche de 8 pi avec des propriétaires qui ne sont pas équipés et qui n'ont pas la formation, puis qui n'ont pas les instruments pour faire de l'exploitation au niveau du sciage. Ces choses-là, on peut les amener au niveau de l'agence pour aller chercher peut-être des programmes de formation ou des incitatifs au niveau de ces propriétaires-là à faire le transfert de connaissances pour peut-être amener ces gens-là à faire plus d'aménagement puis amener une meilleure productivité de leurs lots boisés, une meilleure rentabilité de leurs lots boisés. Je pense que c'est un des rôles principaux. C'est la connaissance au niveau des propriétaires puis qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer la situation. C'est non négligeable.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: Mais est-ce que ce n'est pas le rôle du Syndicat des producteurs de bois de travailler avec ses membres et de faire ce travail-là et non pas celui de l'agence? Celui de l'agence, dans le fond, elle est là pour coordonner l'ensemble des activités sur le territoire au niveau de la forêt privée, mais il y a déjà des mécanismes en place. Êtes-vous en train de nous dire que, ce travail-là, il n'y a pas de réflexion qui s'est faite, puis ça ne se fait pas ou que c'est en marche, mais que ça ne va pas assez vite selon vos prévisions et selon le potentiel qu'on pourrait mettre en valeur?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Le milieu de la forêt privée, c'est assez particulier. Je trouve que c'est un milieu quasiment de travailleur social au niveau de la forêt privée. C'est un milieu d'éducation, mais c'est un milieu où il faut que tu agisses directement avec ces gens-là. Tu ne peux pas être situé dans un bureau, faire de la mise en marché puis faire juste un prélevé comme le rôle du Syndicat qui fait de la mise en marché puis qui va chercher un prélevé sur le bois, mais il n'y a aucun contact qui se fait, sauf une assemblée de secteur qui se fait annuellement, par année. Ce n'est pas de même que tu peux faire de l'aménagement forestier au niveau de la forêt privée. Il faut vraiment avoir un contact, avec ces gens-là, direct, puis ce contact-là, c'est les conseillers forestiers qui l'ont.
M. Lelièvre: J'ai encore du temps, Mme la présidente?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Gaspé, il reste deux minutes.
n(10 h 20)nM. Lelièvre: Est-ce que vous avez envisagé la possibilité ou, dans vos discussions avec les propriétaires privés, est-ce que vous avez perçu qu'ils seraient ouverts, par exemple, à une espèce de contrat qui pourrait être passé entre un groupe de producteurs et des gens qui font la récolte avec une industrialisation légère, mais s'assurer, dans le fond, que, lorsqu'un propriétaire demande un permis pour couper du bois puis s'engage à livrer du bois, le travail puisse être fait et qu'on puisse au bout de la ligne avoir, selon les échéanciers prévus, la livraison de la matière ligneuse à l'usine? Est-ce qu'il y a une possibilité ? ou si le travail vous paraît colossal ? de faire cet exercice-là, d'amener les propriétaires, dans le fond, à avoir un comportement d'affaire au lieu d'avoir un comportement artisanal, si je puis m'exprimer ainsi ? sans être péjoratif là? Parce que je sais qu'ils vont récolter leur bois à la date ou à la période qui leur semble la plus propice pour eux, selon la disponibilité qu'ils ont. Et la plupart du temps, ils font ça aussi en marge d'autres activités personnelles.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste quelques secondes à peine pour répondre à la question, M. Émond.
M. Émond (Martin): Je pense qu'il y a une volonté au niveau des propriétaires de boisés privés d'aménager leurs lots et de mettre en marché ces bois-là. Il y a des contraintes non négligeables comme la mise en marché des bois feuillus qui causent des problèmes au niveau de la mise en marché d'un lot boisé mais je n'ai pas vu de réticences, au niveau d'un propriétaire qui a de l'aménagement à faire, pour mettre en marché. Si on lui propose une formule alternative, par exemple, d'avoir une équipe de travail qui va faire les travaux, ce propriétaire-là ne sera pas réticent à une idée comme ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, avant de céder la parole à la députée de Bonaventure, j'ai besoin, bien sûr, du consentement de la commission, puisque, Mme la députée, depuis quelques jours, ayant accédé à d'autres fonctions, n'est plus membre de notre commission. Je présume qu'il y a consentement.
M. Brassard: ...misère à s'en détacher.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Quelle générosité de nos amis d'en face, Mme la Présidente, j'apprécie beaucoup. Ça me touche.
M. Émond, bonjour. J'ai pris évidemment connaissance de votre mémoire mais je tiens à vous rassurer: un des cosignataires de votre mémoire est mon voisin de bureau de comté, donc, je connais très bien la réalité à laquelle vous êtes confrontés.
Si on résume, dans le fond, vous vous dites victimes d'iniquité parce que vous n'avez pas accès au programme d'aide financière qui vous permettrait de travailler sur des plans d'aménagement pour les propriétaires de lots privés. Concrètement, tout ça se traduit par une exclusion de certains propriétaires de lots privés pour ce qui est de l'aménagement. Alors, dans un contexte où on parle beaucoup de rendement accru, d'intensification de l'aménagement, où plusieurs intervenants sont venus nous dire: C'est important que la forêt privée soit interpellée ou ne soit pas exclue de ce processus d'intensification de l'aménagement, je pense que ce que vous soulevez est très pertinent dans le contexte actuel.
Dans les faits, comment, comme conseillers indépendants, vous arrivez à vous organiser, avec les agences, par exemple? Parce que vous revendiquez une place, un siège au conseil d'administration. Est-ce que vous arrivez à vous entendre avec l'Agence, par exemple, de mise en valeur de la forêt privée en Gaspésie pour, justement, qu'on puisse dégager des budgets auprès des conseillers indépendants?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): L'entente est très difficile, c'est toujours la négociation. On ne se sent pas au même niveau que les autres intervenants qui ont un droit de vote au niveau d'un conseil d'administration. Ça fait que, à chaque fois qu'on revendique une chose, c'est toujours de revenir et de revenir, et il faut toujours revenir là-dessus. Et, c'est drôle à dire, mais il faut peut-être rendre ça public un peu pour montrer qu'il y a vraiment une injustice qui se fait. C'est un petit peu... Pour ma part, je crois qu'il y a un certain conflit d'intérêts qui existe au niveau des agences, et la solution qu'on apporte, c'est peut-être pour régler un peu ces conflits d'intérêts là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Un conflit d'intérêts, en fait, entre qui et qui? L'agence, les groupements, les coops? Peut-être nous préciser davantage de ce côté-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): C'est un conflit d'intérêts que je vois entre les partenaires. Si je prends, par exemple, les deux représentants de la forêt privée qui sont le Syndicat des producteurs de bois et les organismes de gestion en commun, je vais vous donner un exemple très simple: quand on est venus pour se faire accréditer au niveau d'une agence, l'organisme de gestion en commun n'était pas en faveur d'une accréditation d'un autre conseiller. Ce que je trouvais curieux, c'est qu'il avait le droit de vote là-dessus. C'est des choses comme ça qui se sont produites peut-être à la formation des agences au début mais qui vont peut-être se replacer un peu dans le temps. Mais je crois que, quand les gens qui devraient être là à table sont bien représentés puis sont au même niveau, ces choses-là disparaissent tranquillement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Est-ce qu'il reste encore un peu de temps?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il vous reste encore cinq minutes.
Mme Normandeau: Cinq minutes, cinq grosses minutes. Là, ce que vous demandez, dans le fond, c'est une modification à la Loi sur les forêts pour vous garantir un siège au conseil d'administration de l'agence. Est-ce qu'on doit comprendre que... Vous avez dit, lors de votre introduction, que vous représentez, quoi, 115 propriétaires de lots privés ou plus d'une...
M. Émond (Martin): Cent cinquante.
Mme Normandeau: Cent cinquante? Est-ce qu'on doit comprendre que ces 150 propriétaires-là, à l'heure où on se parle, sont exclus des mesures leur permettant de travailler sur des plans d'aménagement, compte tenu que vous n'avez pas, vous, comme conseillers indépendants, accès aux programmes existants?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): On a quand même accès à une enveloppe budgétaire. Ce que je veux dire surtout, c'est que ces propriétaires-là n'ont presque pas droit de parole au niveau d'une agence, ils ne sont pas représentés ou mal représentés. C'est une catégorie de propriétaires qui est mal représentée au niveau de l'agence régionale. Ça peut nous exclure parfois au niveau ? si je prends un exemple ? des enveloppes budgétaires au niveau d'une agence. Lorsqu'il y a répartition au niveau des conseillers forestiers, ça a amené que, dans les premières années de l'Agence, on avait un budget gelé pour les organismes de gestion en commun; il y avait un montant ? presque la moitié du budget ? qui était gelé pour ces organismes de gestion en commun là auquel, nous, on ne pouvait pas avoir accès, auquel nos propriétaires ne pouvaient pas avoir accès. On a reçu ce qui se donnait au niveau de l'aide individuelle, qui était séparée en deux.
Ça fait que, si je fais un résumé, les organismes de gestion en commun ont un budget, presque la moitié du budget d'une agence ? dans notre cas, c'est la moitié du budget de l'Agence ? plus 50 % du budget d'aide individuelle qui est alloué à l'Agence. Nous autres, on s'est ramassé avec 50 % pour nos propriétaires, qui sont, d'après moi, aussi nombreux que les propriétaires qui sont sous l'aide regroupée.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Et de quelle façon on a calculé, justement, ces règles-là? Parce que là vous nous dites: 50 % de l'aide individuelle que vous avez récoltée. Alors, qui décide du partage de l'enveloppe entre les organismes de gestion en commun et vous autres, par exemple, les conseillers indépendants? Ça revient au conseil d'administration de l'Agence?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Émond.
M. Émond (Martin): Oui, c'est revenu au conseil d'administration. Ça s'est fait, justement, avec les membres en place, l'organisme de gestion en commun, le Syndicat des producteurs de bois, l'industrie, le ministère puis les représentants municipaux dans les premières années de l'Agence. On était exclu, même, au niveau de ce CA là; on n'avait même pas un siège pour nous représenter, avec un droit de parole, on n'était pas là. Cela s'est fait à ce moment-là.
Mme Normandeau: Bien.
M. Émond (Martin): Ça fait que c'est pour ça qu'on perçoit une certaine inégalité, un déséquilibre, parce que tout ce qui s'est fait au départ, c'était sans la considération de nouveaux intervenants au niveau de la forêt privée qu'étaient les conseillers forestiers indépendants.
Mme Normandeau: Et puis, sur le conseil d'administration, siègent des représentants des OGC. C'est pour ça que vous parlez de conflits d'intérêts, c'est ça? Parce que c'est eux aussi qui ont une voix dans le partage de l'enveloppe qui vous est allouée? Est-ce que c'est ce qu'on doit comprendre par rapport au fait que vous ayez fait référence tout à l'heure au fait qu'il peut y avoir des conflits d'intérêts?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement, M. Émond.
M. Émond (Martin): Oui, je pense que c'est effectivement ça. Quand tu votes sur une distribution budgétaire qui te touche, je crois qu'il y a un conflit d'intérêts.
Mme Normandeau: Juste en terminant, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste 30 secondes.
Mme Normandeau: ...combien de propriétaires de lots privés vous représentez, cette Association des conseillers forestiers de la Gaspésie? Combien au total?
M. Émond (Martin): Aux alentours de 500, 550 propriétaires.
Mme Normandeau: Donc, 500 propriétaires exclus à l'heure actuelle de l'aide financière. Parfait.
M. Émond (Martin): De notre région uniquement. Là, au niveau de la province, c'est plus.
M. Brassard: Pas exclus.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, malheureusement, c'est tout le temps dont on disposait. M. Émond, merci de votre participation à cette commission.
Je vais suspendre les travaux quelques instants pour qu'on puisse permettre à l'autre groupe de s'installer.
(Suspension de la séance à 10 h 29)
(Reprise à 10 h 30)
Le Président (M. Lelièvre): Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le représentant du Collectif de citoyens de la ville de Québec ? vous êtes M. Vachon? ? en vous rappelant que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et, par la suite, il y aura une période d'échanges, comme vous avez pu le constater tout à l'heure. Donc, je comprends que votre nom, c'est Martin Vachon?
Collectif de citoyens de la ville de Québec
M. Vachon (Martin): Exactement. Merci. Donc, M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs de la commission, bonjour. Pour être certain de ne rien oublier durant les 10 brèves prochaines minutes qui me sont accordées, vous me permettrez donc de lire mes notes textuellement.
Donc, je suis ici en tant que simple citoyen de Québec qui, avec des collègues, nous nous intéressons aux questions d'aménagement du territoire et de développement régional, et nous nous sentions interpellés par vos démarches à présenter notre point de vue à la commission. Nous ne sommes pas des experts qui représentons une corporation avec des intérêts à défendre pour des membres, nous avons seulement le désir de participer à la démocratie selon l'état de nos connaissances.
Ces connaissances proviennent de notre formation universitaire d'abord, en géomatique, géographie, sciences politiques, sociologie, aménagement du territoire et développement régional, puis d'une légère expérience de travail, dans mon cas en politique municipale, et de la poursuite d'études, toujours dans mon cas, dans le cadre d'un doctorat en sociologie sur les aspects institutionnels de la gestion de l'eau au Québec.
Nous devons également mentionner que les médias jouent un rôle majeur dans notre perception de l'environnement, de l'économie et de la politique en matière de forêt. C'est souvent par ce discours médiatique ambiant que nous réagissons, que nous nous forgeons une opinion. Ce que vous entendrez donc ici peut être considéré comme une partie de l'opinion publique dont on parle si souvent quand on dit qu'il faut consulter la population.
Maintenant, l'essentiel de notre mémoire en huit points. Premièrement, les objectifs de notre mémoire. En résumé, nous avons voulu tenir compte des approches en matière de connaissances en environnement et en sociologie du développement, et orienter la démarche vers le moyen et le long termes, c'est-à-dire une orientation de 50 à 150 ans.
Deuxièmement, à propos des objectifs du nouveau régime qui est proposé par le gouvernement. Vous le savez, les objectifs du nouveau régime forestier ne font pas l'unanimité et la confusion règne parmi les intéressés qui vous en font mention, souvent sous forme de critique. Comme première proposition, nous jugeons qu'une démystification, une vulgarisation est nécessaire, comme tant d'autres intervenants l'ont mentionné, pour que les néophytes en la matière puissent au moins se sentir en confiance. Mais attention! ceci ne veut pas dire de s'engager dans une vaste campagne de relations publiques pour convaincre, quoique la tentation à cet effet soit souvent présente lors de nouveaux projets d'envergure, publics comme privés. L'appel à un organisme indépendant nous semble alors de rigueur.
Troisième point: la forêt et les emplois régionaux. On associe plus souvent qu'autrement la forêt à des emplois de terrain, comme les bûcherons, les planteurs, ou encore à une activité de première transformation de la matière ligneuse. Or, nous croyons que, pour soutenir le développement régional, il est nécessaire de maintenir ces activités. Toutefois, nous croyons qu'il y a là un danger important dont nous voyons les manifestations depuis plusieurs années, c'est-à-dire la dépendance régionale à une économie monoindustrielle primaire. Nous savons ce que cela peut provoquer lorsque la ressource forestière, pour soutenir ces emplois, diminue considérablement: mises à pied massives de travailleurs qui peuvent difficilement se recycler dans d'autres secteurs de l'économie et sont alors happés par le chômage de longue durée. À notre avis, cette situation demande implacablement des alternatives. Parmi celles-ci, revenons sur la diversification des économies dépendantes de la forêt, démarche qui s'inscrit dans le long terme. Non seulement cette avenue permettrait de diversifier l'économie des régions, mais ce sont également les compétentes des habitants de ces territoires qui se diversifient, augmentant par le fait même leur capacité d'innovation face à des situations économiques et sociales mouvantes et limitant leur dépendance face à l'extérieur, dont l'État et la grande entreprise. Dans ce sens, la mise en place des centres locaux de développement ? entre autres initiatives ? bien que imparfaits, sont les bienvenus mais néanmoins timides. Il est à espérer que la fameuse politique de développement rural aille dans le sens de support aux collectivités locales pour les initiatives innovantes susceptibles de diversifier l'économie, dans l'optique où cette politique finisse par voir le jour, bien entendu.
Quatrièmement, le calcul de la possibilité forestière. Nous voulons encore une fois insister sur les risques reliés aux connaissances incomplètes relatives à la dynamique des écosystèmes forestiers sur lesquels sont basés les calculs de la possibilité forestière. Ces risques nous poussent à croire que la meilleure position à adopter actuellement est celle du principe de précaution. Le principe de précaution veut dire de demeurer extrêmement conservateur dans les prévisions. Dans notre cas, ceci veut dire d'établir la possibilité forestière en deçà des résultats de calculs les plus conservateurs. On est certainement capables d'établir ce sous-seuil avec les connaissances dont nous disposons actuellement, comme c'est le cas dans d'autres domaines. Ne peut-on pas appliquer cette logique à la matière ligneuse, quitte à prendre le risque de couper moins que ce que la forêt produit? Nous croyons que si cela se produit, si nous atteignons un surplus ligneux, alors, nous serons devant un beau problème qui n'est pas irréversible comme peut l'être la surexploitation.
Cinquième point: le développement durable. La question du développement durable est inhérente à celle de la gestion intégrée de la forêt. Il s'agit, en fait, de combiner développement humain et intégrité environnementale pour les générations actuelles et futures. Dans cette optique, le développement durable implique la notion de responsabilité individuelle et collective. Or, il appert que cette responsabilité est rudement mise à l'épreuve actuellement. Voici deux aspects seulement: Le premier concerne la responsabilité de l'État qui doit s'assurer de la pérennité de l'environnement en soi et des ressources qu'il procure; le second aspect concerne la responsabilité des exploitants forestiers, petits ou gros. Cette responsabilité appelle, du moins moralement, les exploitants à partager les fruits de leur travail avec la collectivité locale, régionale comme nationale. Un moyen d'assurer ce partage est celui des redevances au gouvernement.
Notre questionnement est le suivant: Ces redevances sont-elles suffisantes et sont-elles utilisées pour le bien commun? Permettez-nous d'en douter, d'après les connaissances dont nous disposons à travers le message véhiculé dans la société et auquel nous avons accès. Notre jugement est que les parties des redevances qui sont retournées aux forestières pour l'aménagement forestiers n'ont pas nécessairement toutes leurs raisons d'être. Pourquoi l'État devrait-il payer des forestières pour qu'elles remettent un territoire en condition d'exploitation après y avoir cueilli les ressources? Les compagnies coupent-elles gratuitement nos forêts? À qui profitent vraiment les retours sur les redevances aux forestières? À leurs actionnaires? C'est malheureusement ce que nous sommes tentés de croire. Pourtant, le gouvernement a grandement besoin de cet argent, entre autres via le Fonds forestier, pour effectuer les recherches spécifiques, améliorer ses connaissances sur son territoire, et ainsi, peut-être, améliorer ses calculs de rentabilité forestière et assurer un suivi économique, environnemental et social efficace pour l'ensemble de la société actuelle et future.
Sixième point: l'aménagement forestier. Notre point de départ, ici, considère les cycles forestiers naturels. Nous ne sommes pas des écologistes radicaux. Nous estimons que l'être humain fait partie de l'écosystème global, donc, que nous devons accepter que nos activités aient un impact sur l'environnement. Toutefois, comme tant d'entre vous, nous voulons limiter ces impacts. C'est pourquoi nous réagissons, car nous avons l'impression que nos activités ont des impacts négatifs trop importants. Nous demeurons sceptiques face à des techniques de gestion forestière qui ont démontré leurs limites. Nous savons depuis un certain temps que les feux de forêt font partie du cycle normal de régénération; nous savons aussi qu'empêcher tout feu de forêt correspond souvent à bourrer un baril de poudre qui explose encore mieux quand se produit l'étincelle; nous savons aussi qu'une certaine monoculture intensive est dommageable, notamment par la vulnérabilité de certaines espèces à des maladies ou à des parasites.
Nous croyons que les connaissances scientifiques, même si elles sont bien avancées, nous enseignent au moins une chose: encore le principe de précaution. Et surtout, dans l'enthousiasme de la recherche d'un rendement accru, nous voulons vous faire part de notre crainte liée à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés, les OGM. La tentation est certainement grande de profiter de ces avancées biotechnologiques pour repeupler des forêts qu'on imaginerait plus résistantes et plus productives, mais la remise en question de ces technologies à l'échelle de la planète n'est-elle pas suffisante pour se garder de prendre ce risque? Nous ne voulons pas nous faire alarmistes, nous voulons seulement mettre toutes les chances de notre côté pour ne pas atteindre des situations regrettables.
Septième point: les unités d'aménagement forestier. Nous proposons ici d'adopter des critères biophysiques pour la définition des unités d'aménagement forestier. Ces critères ? nous ne sommes pas les premiers à le mentionner ? mènent directement à l'approche par bassin versant. Nous préférons les bassins versants au découpage administratif parce que la ressource ligneuse est un produit de l'environnement et elle en dépend directement. La cohésion de gestion demande qu'on utilise des référents biophysiques. Déjà, beaucoup de données relatives aux bassins versants sont disponibles au gouvernement, ce qui pourrait faciliter et accélérer la tâche. De cette façon, on pourrait également faire d'une pierre, deux coups, en combinant cette expertise de gestion forestière par bassin versant avec les visées de gestion de l'eau par bassin versant qui, de toute évidence, semblent engagées par le ministère de l'Environnement. Ceci implique donc la question de collaboration interministérielle que nous n'aborderons pas ici, quoiqu'elle soit intimement liée à une gestion intégrée.
Huitièmement et enfin, mode général de gestion de la forêt. On doute de l'efficacité sociale et environnementale du processus actuel de gestion de la forêt. Cette impression repose sur l'attitude de bon père de famille qui se dégage du gouvernement en général et du MRN en particulier dans le cas qui nous intéresse ici. Nous sommes d'accord que bon nombre de ressources, de connaissances et d'expertises se trouvent au sein du ministère, mais pas la totalité. Une qualité impressionnante de savoir-faire se retrouve, de fait, entre les mains des acteurs locaux et régionaux et elle doit être prise en compte et valorisée davantage.
n(10 h 40)n Vous me direz que, entre autres, c'est le but de la consultation générale. Nous sommes d'accord mais c'est insuffisant. Nous croyons fermement qu'il serait nécessaire d'assurer une implication réelle des principaux acteurs régionaux et locaux, et ce, dès le début du processus et de façon continue. Par implication, nous entendons un véritable processus de régionalisation, de délégation et de décentralisation des pouvoirs à des instances locales et régionales dont les MRC. Nous sommes persuadés que c'est par la confiance démontrée par le gouvernement du Québec aux régions, en leur donnant les compétences légales nécessaires, que celles-ci pourront participer activement et quotidiennement ? nous insistons là-dessus ? et avec toute l'expertise et la connaissance que l'habitation d'un territoire peut apporter à une gestion efficace de la forêt. Cela ne veut pas dire d'éliminer toute planification à l'échelle nationale, au contraire, puisqu'elle est nécessaire pour la coordination. Mais cela veut dire de responsabiliser le local et le régional en en faisant un acteur à part entière du développement et de l'aménagement du territoire. Nous nous questionnons toujours sur les limites et réticences à une décentralisation effective. De quoi a-t-on peur lorsqu'on aborde la question de la décentralisation?
Pour conclure les cinq points principaux de notre mémoire: une vulgarisation de la gestion de la forêt par un organisme indépendant; l'adoption du principe de précaution; la diversification de l'économie régionale, de concert avec le ministère des Régions; la définition des unités d'aménagement selon l'approche par bassins versants, de concert avec le ministère de l'Environnement; et la décentralisation des pouvoirs et compétences pour une gestion intégrée effective et régionale de la forêt, dernier point sur lequel nous aimerions particulièrement vous entendre. Merci.
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon, merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder la parole au ministre des Ressources naturelles.
M. Brassard: Merci, M. le Président. M. Vachon, bienvenue parmi nous, devant cette commission, et merci pour votre mémoire, votre contribution aux travaux de cette commission. Je pense que vous touchez plusieurs éléments importants de notre régime forestier. Je voudrais en aborder quelques-uns avec vous.
D'abord, concernant la participation à l'élaboration des plans de différents intervenants ? vous savez qu'on a un certain nombre de dispositions dans le projet de loi à cet égard ? vous dites cependant que tout groupe intéressé devrait participer à l'élaboration des plans. Bon, ce qui est un principe généreux en soi, mais je dois me soucier, moi, et me préoccuper aussi de la faisabilité puis de faire en sorte que le processus demeure efficace. Est-ce que vous considérez que ce qu'on retrouve dans la loi relativement à la participation à l'élaboration des plans est suffisant? Est-ce qu'on doit y ajouter des intervenants? Qu'est-ce que vous me suggérez comme approche pour s'assurer d'une bonne participation mais également s'assurer qu'on n'alourdisse pas le processus de la préparation des plans, le rendant ainsi inefficace?
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon.
M. Vachon (Martin): Merci. En fait, le principal point justement touche ? vous l'avez abordé ? la question de faire en sorte que le processus ne soit pas alourdi par la participation de l'ensemble des intérêts sur un territoire. Ce qui nous pousse à croire que ça pourrait être justement d'autant plus efficace de réduire la dépendance des régions et des localités face aux décisions et aux orientations qui sont prises essentiellement au central. C'est-à-dire que nous croyons qu'il serait possible de pouvoir laisser davantage de liberté entre autres aux MRC ? nous avons abordé la question un peu ? pour que celles-ci puissent justement sentir qu'elles ont un poids de responsabilité et par là, donc, elles doivent sentir qu'elles ont l'obligation de rendre davantage de produits, c'est-à-dire un produit qui va les toucher directement. C'est-à-dire que, lorsqu'une collectivité se sent entièrement responsable de son territoire, elle ne s'en remet pas à une instance autre ? dans notre cas, qui se trouve à être supérieure, donc le ministère. Donc, pouvoir laisser plus de liberté et plus de latitude responsabilise le milieu qui, nous l'espérons, dans un objectif évidemment de moyen et long termes, peut favoriser l'implication, donc la responsabilisation de ces individus, de ces organisations du territoire, qu'ils ne vont pas s'en remettre à une expérience ou à une expertise extérieure; donc, la responsabilisation pour faire en sorte que les organisations du territoire puissent être libres mais conséquentes dans leur choix, étant donné qu'ils seront les seuls responsables de leurs propres décisions.
Évidemment, tout cela doit s'inscrire dans un cadre général... des orientations générales, comme on retrouve déjà dans différents ministères, un cadre qui se trouve à être relativement souple pour pouvoir laisser toute la maniabilité aux niveaux régional et local principalement pour les MRC, donc des élus, pour pouvoir recevoir toute la responsabilité, pour pouvoir se sentir totalement responsables de leur territoire. C'est par là que nous croyons que va se développer cette expertise et ce désir de pouvoir s'impliquer davantage, au lieu de croire qu'il y a peut-être d'autres personnes qui vont le faire à notre place, donc des fonctionnaires provinciaux. Voilà.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Oui, je comprends. D'ailleurs, c'est un peu ce qu'on souhaite voir se produire. À partir du moment où la MRC, qui est une instance démocratique, est représentative d'un certain nombre de municipalités sur un territoire donné, à partir du moment où la MRC est impliquée dès le départ dans le processus, elle a, à ce moment-là, toute la marge de manoeuvre possible pour, sur son territoire, impliquer tout intervenant intéressé, qu'il soit environnementaliste ou forestier ou économique. Ce sera à la MRC de...
Je comprends bien que c'est ça que vous souhaitez. Et là il n'y a rien dans la loi, évidemment, qui va encadrer puis fixer des obligations à la MRC pour tenir, sur son territoire, toute espèce de consultation. Ce sera à la MRC de prendre l'initiative à cet égard puis de mettre en oeuvre, sur son territoire, le processus le plus adéquat et le plus convenable.
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon.
M. Vachon (Martin): Je suis très content de l'apprendre. D'ailleurs, disons que l'expérience que nous avons pu avoir dans nos discussions avec des préfets, des maires ou des directeurs généraux de MRC, l'information que nous avons pu avoir depuis, disons, peut-être cinq ans que nous nous intéressons à ces questions, nous ont toujours laissé croire, justement, qu'il y avait une espèce de carcan qui les empêchait peut-être de se développer comme ils le désiraient, par exemple, de pouvoir prendre des décisions sur l'aménagement de la villégiature par rapport aux aires de coupe, sur différents aménagements, différentes orientations que la MRC aurait voulu prendre, mais que, à cause des orientations d'aménagement de la province, ça leur était impossible.
Ceci dit, si je me trompe, tant mieux. Je veux dire, si les MRC ont toute la possibilité de pouvoir faire les aménagements et si elles ont toute la latitude qu'elles désirent et si tout ce qu'il reste, c'est qu'elles prennent justement ce droit et qu'elles prennent toutes les initiatives qui leur sont possibles et qu'elles désirent, alors, dans ce cas, tant mieux. Ce sera donc à l'avenir à confirmer.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre, vous disposez encore de trois minutes.
M. Brassard: Oui. Alors, je voudrais juste aborder la question de la politique de rendement accru ? qui est évidemment à concevoir et à mettre en oeuvre par la suite, on a jusqu'en 2002 pour le faire. Vous dites: Il faut évidemment s'assurer que, dans la forêt québécoise, la biodiversité soit préservée et sauvegardée, ce avec quoi, évidemment, je suis parfaitement d'accord. Mais est-ce que vous pensez qu'une politique de rendement accru ou d'intensification de l'aménagement est tout à fait compatible avec cet objectif de maintien de la biodiversité ou si vous pensez qu'il y a une incompatibilité de principe?
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon.
M. Vachon (Martin): Je vois que c'est une question que vous aimez bien poser aux gens qui viennent vous présenter... Ha, ha, ha!
M. Brassard: Oui. Ha, ha, ha!
n(10 h 50)nM. Vachon (Martin): Effectivement, oui. Écoutez, je crois que ce serait mentir que de dire non, que de répondre non à cette question. Évidemment, ce sont toujours les bons voeux qui sont émis par les personnes qui ont la responsabilité, justement, de maintenir et rendements et biodiversité; nous le voyons en agriculture, entre autres. Donc, cette question a pu être déjà posée dans d'autres circonstances, par exemple pour apporter de l'eau au moulin au développement du modèle agricole. Nous savons toutefois que, même si tout le monde était d'accord qu'il y a moyen d'améliorer la productivité et de maintenir la biodiversité, nous voyons quand même quels sont aujourd'hui les résultats de cette approche. Nous savons ? nous avons beaucoup de réticences; je ne parle pas seulement en mon nom, mais je parle au nom de tous ceux qui ont pu émettre des commentaires à ce propos ? que les résultats démontrent que la biodiversité, dans plusieurs occasions, dans plusieurs cas, tend à être réduite suite à l'intrusion notamment des organismes génétiquement modifiés. Donc, c'est sur la base de quelques expériences, dont celle en agriculture entre autres, que nous pouvons douter, justement, que les moyens puissent être ? comment dire ? certains et puissent être sûrs que la biodiversité ne sera pas réduite suite à l'emploi de mesures pour améliorer la productivité.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Je comprends, je comprends très bien. Mais vous parlez d'organismes génétiquement modifiés, les OGM. Ça suscite à travers le monde un débat souvent passionné, j'en conviens, mais il n'a jamais été question de ça dans une politique de rendement accru ou d'aménagement intensif à venir. Quand on parle, par exemple, de plants à croissance rapide, ça n'a rien à voir avec les organismes génétiquement modifiés, d'aucune façon. Merci.
M. Vachon (Martin): En fait, c'est que nous sommes au fait qu'il y a déjà des recherches qui sont développées dans le sens de pouvoir atteindre ou plutôt pouvoir développer des espèces forestières, des espèces d'arbres qui vont pouvoir justement résister davantage à certains parasites et à certaines maladies, dont à l'Université Laval, entre autres: il y a certaines recherches qui sont faites en ce sens-là. Et c'est plutôt une crainte ou une inquiétude, plutôt, pour prévenir les coups que nous voulons émettre, justement, notre point de vue. Merci.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. le ministre, M. Vachon. Et maintenant, je vais céder la parole au député de Kamouraska-Témiscouata qui dispose d'un temps de 10 minutes également.
M. Béchard: Merci beaucoup. Bonjour, M. Vachon, ça me fait plaisir de vous recevoir, et merci pour votre mémoire. Je voulais, étant donné que vous représentez un collectif de citoyens, élaborer un peu avec vous sur justement la complexité des données. Et on l'a vécu ? ça fait deux ans qu'on le vit, finalement ? il y a ceux d'un côté qui disent qu'il va y avoir des ruptures de stocks et que la forêt est en danger et, de l'autre côté, les gens qui se font rassurants. Mais je me dis: Pour les gens ? et on le vit à tous les jours, on n'est pas des spécialistes là-dedans, tous et toutes ? comment on peut faire en sorte que des données si complexes que, dans bien des cas, même les ingénieurs forestiers ont de la misère à comprendre, sur les calculs de possibilités, et qui arrivent à des écarts considérables, comment on peut rendre ça accessible aux gens et que les gens soient capables de se faire une opinion sur ce qui se passe et qu'ils ne soient pas uniquement la proie de perceptions qui se véhiculent de part et d'autre? Comment on peut aider les gens à se faire une idée au-delà des images-chocs, et tout ça, mais avec des données claires, simples et précises? Est-ce que c'est possible de relever ce défi-là? Parce que beaucoup de gens en ont parlé, mais quand on regarde la façon dont on fait les choses, dont on calcule, je vous dirais que c'est tout un défi à relever d'être capable d'expliquer ça aux gens et que les gens soient capables de se faire une idée. Est-ce que c'est possible, et selon quelle méthode on devrait le faire si on veut arriver à atteindre cet objectif-là?
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon.
M. Vachon (Martin): Je suis tout à fait d'accord que c'est effectivement une tâche qui peut sembler titanesque. Sauf que... nous revenons ici sur le point qui veut rapprocher la décision du citoyen. Donc, nous avons abordé la question de régionalisation, délégation et décentralisation, et nous avons aussi insisté sur le point de la quotidienneté, c'est-à-dire que ça ne soit pas seulement des consultations ou des émissions de données, de plans et tout ça qui se fassent de façon ponctuelle mais plutôt que ce soit vraiment intégré dans les pratiques quotidiennes des instances locales qui, elles-mêmes, doivent nécessairement, avec le poids de la responsabilité, consulter leur population. Et même cette population, sachant que ça se trouve à être des élus locaux ou régionaux ? donc, ici, en termes de MRC ? qui prennent davantage de décisions, ils seront nécessairement appelés à s'intéresser davantage à cette question et à faire les pressions pour avoir les possibilités de comprendre, donc de pouvoir vulgariser et de pouvoir rendre, justement, compréhensibles toutes ces données, donc, rapprocher non seulement l'information ponctuelle mais rapprocher la décision, de façon à ce que le ponctuel devienne quotidien dans le mode de gestion de la forêt.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Merci, M. le Président. Et vous êtes convaincus que c'est possible de rapprocher cette information-là, de la rendre quotidienne, mais dans sa façon, dans la simplicité de l'information. Moi, sur le fait qu'on peut bien rendre disponibles tous les calculs et tout ça, mais est-ce que les gens vont comprendre? Et c'est là-dessus, moi, que j'ai beaucoup de questions, que je me demande. On peut bien dire qu'il y a des gens qui sont venus témoigner ici, ils vont dire: On a accès aux données dans le fond, on va aller voir les gens puis ils vont nous les donner, mais justement on ne comprendra jamais ce qu'ils vont nous donner, d'être capables de mettre ça en perspective.
Et ça amène un autre point aussi ? et on l'a vécu notamment dans ma région, l'été dernier ? c'est une question de qui croire. On peut bien nous envoyer toutes sortes de données, mais les gens souvent... on a eu le Conseil régional de développement du Bas-Saint-Laurent qui dit: On est un peu pris entre l'arbre et l'écorce, c'est-à-dire que d'un côté on a les industriels qui nous disent une chose, qu'ils sont des fournisseurs d'emplois, et tout ça, et d'un autre côté, on a le ministère qui nous dit autre chose. Qui croire? Et comment en arriver à avoir une instance neutre qui aurait peut-être le mandat justement de vulgariser les données, mais aussi de donner l'opinion claire?
Est-ce que la mise en place d'un inspecteur des forêts ou quelqu'un quelque part qui est capable de donner une opinion neutre et qui n'est pas parti pris ni d'un côté ni de l'autre, ça vous apparaîtrait être une solution intéressante pour justement vulgariser, rendre disponibles, mais en même temps fournir une espèce de caution morale aux données qui sont diffusées et qui servent, dans bien des cas, à prendre des décisions extrêmement importantes pour l'avenir de régions?
Le Président (M. Lelièvre): M. Vachon.
M. Vachon (Martin): Il faut dire que ? en fait, vous le savez mieux que moi, certainement ? devant justement cette masse d'information et cette complexité, en tant que simple citoyen ou même des gens qui sont davantage impliqués dans la question, on baisse régulièrement les bras. On baisse les bras parce qu'on trouve ça d'abord trop compliqué et, deuxièmement, parce qu'on se dit que, de toute façon, les décisions vont être prises ailleurs.
Je dois vous avouer là-dessus que justement la participation à une commission comme celle-ci peut souvent être considérée comme étant un geste inutile pour un simple citoyen parce qu'on se dit que, de toute façon, c'est déjà canné, que les décisions sont prises à l'extérieur. Toutefois, pour remédier à cette situation, nous croyons que les individus, les gens sont davantage enclins à s'intéresser à une situation lorsqu'ils sont directement confrontés au problème; de là, toute l'importance justement de ramener l'information et le pouvoir au sein des collectivités pour que les collectivités puissent se sentir ? et je reviens là-dessus parce que c'est un élément essentiel de notre proposition. Lorsqu'ils sentent qu'ils ont un poids de responsabilité, c'est alors que les individus et les acteurs locaux vont nécessairement s'approprier le droit et le besoin également de comprendre les problématiques et de s'intégrer dans la gestion justement de ces problèmes pour trouver la solution étant donné qu'ils sont les principaux responsables et donc là, ils n'auront pu nécessairement l'impression que les décisions vont être prises ailleurs. Donc, ils ont le poids de la décision. Voilà.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Merci, M. le Président. Je vous entendais parler beaucoup aussi, dans votre présentation, du rôle des régions, de rapprocher les décisions des régions et d'avoir peut-être plus de décentralisation et plus de marge de manoeuvre.
J'aimerais aussi vous entendre sur un autre élément qu'on pousse au Parti libéral du Québec, c'est la question des redevances sur les ressources naturelles, d'avoir une partie de ces redevances-là qui pourraient demeurer dans la région et aider justement à la diversification de l'économie, à la deuxième ou troisième transformation. Qu'est-ce que vous pensez d'un concept comme ça? Et de donner plus de marge de manoeuvre aux régions, de leur donner un certain contrôle sur les ressources naturelles qui sont prélevées de la région et qui vont ailleurs, donc qui servent à enrichir la collectivité? Pensez-vous que c'est souhaitable d'avoir un système comme ça, de redevances sur les ressources naturelles, pour justement, au-delà de dire aux MRC ou aux autres instances, CLD: Vous allez faire des réunions pour décider à peu près de ce qu'on veut faire, mais là, on va vous donner les moyens, à partir de vos ressources naturelles, de mettre en place les possibilités de diversification de l'économie et, dans le cas de perte d'emplois par exemple liée à la forêt ou à la première transformation de la forêt, de vous donner les marges de manoeuvre pour passer à d'autres transformations et pas toujours attendre après le budget du ministre des Finances pour faire quelque chose?
n(11 heures)nM. Vachon (Martin): Effectivement, la cohésion demande justement que, quand on parle de responsabilisation du milieu, on parle également de pouvoir avoir entre les mains les moyens financiers qui peuvent leur permettre une partie de cette responsabilisation. Néanmoins, il est clair que les revenus tirés du travail en forêt ne peuvent pas être entièrement consacrés à la diversification de l'économie régionale.
C'est un bien commun, nous en convenons, et donc ça doit être réparti également à travers la province, à travers tous les habitants et citoyens de la province. Sauf que, si on fait référence à des aspects davantage comparatifs entre les régions, nous savons que Montréal, par exemple, peut profiter grandement de ces ressources, donc de la concentration de la main-d'oeuvre, des infrastructures, des connaissances, et tout ça. Qu'est-ce que les régions ont? Elles ont aussi, dans une certaine mesure, ces connaissances, ces expertises, mais dans une moins grande mesure que les grands centres, et ce sur quoi elles peuvent compter beaucoup, c'est justement sur une partie de leurs ressources naturelles.
Donc, il est de notre avis que les redevances doivent tenir compte de ces avantages comparatifs, donc de pouvoir... comme à Montréal ou à Québec, on va souvent retourner une partie, non pas sous forme de redevances ou quelque forme que ce soit, mais sous une autre forme plus diffuse. Mais dans les régions, ils veulent nécessairement qu'on reconnaisse qu'il y a une partie des avantages ou plutôt des revenus de ces avantages comparatifs là entre régions qui doit demeurer en région, et donc nécessairement... Bon, on ne veut pas se lancer dans une guerre de chiffres à savoir si ça doit être 30 % ou 25 % ou 75 % des redevances, mais sur une question de principe, effectivement, c'est un revenu, tout comme on pourrait appliquer la même logique sur les revenus énergétiques, par exemple, sur des travaux de barrage électrique ou autre chose. Voilà.
M. Béchard: Merci beaucoup. Merci, M. Vachon.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Vachon, au nom de la commission, je vous remercie. Soyez assuré que vos remarques et votre contribution seront prises en compte au même titre que tous les autres intervenants, que les membres de cette commission depuis deux mois et demi siègent et entendent des groupes, et soyez assuré qu'il y aura d'autres décisions qui seront prises à la suite des observations qui nous auront été formulées, rassurez-vous, sur le processus de consultation.
Je vais suspendre quelques instants pour nous permettre de procéder avec le prochain groupe qui est Mouvement au Courant.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président (M. Lelièvre): La commission va reprendre ses travaux. Nous recevons maintenant Mouvement au Courant. Alors, je vous inviterais à vous présenter, à décliner vos nom et prénom pour les fins d'enregistrement de nos discussions et de nos débats, en vous rappelant que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation et par la suite vous pourrez compléter, si ça n'est pas terminé, par une période d'échanges avec chacun des groupes parlementaires qui, eux aussi, disposeront d'un temps de 10 minutes. Alors, bienvenue devant cette commission, et vous pouvez procéder.
Mouvement au Courant
M. Burcombe (John): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Je m'appelle John Burcombe, porte-parole du Mouvement au Courant. Le Mouvement au Courant est un groupe de bénévoles, vieux de 10 ans, avec deux grands buts: premièrement, de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et, deuxièmement, de promouvoir la participation publique dans les processus décisionnels. Nous avons déjà intervenu dans le dossier forêts devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et lors des consultations en 1998 sur la mise à jour du régime forestier.
Nous croyons que les retouches au régime visées par le projet de loi sont insuffisantes et qu'une commission parlementaire ? avec respect pour cette commission ? n'est pas vraiment la tribune appropriée pour discuter à fond l'avenir de nos forêts. Pour nous et bon nombre de groupes, il y a besoin d'une enquête par une commission indépendante, à l'instar des débats sur l'eau, pour révéler la situation actuelle et recueillir des opinions afin de bâtir une nouvelle politique forestière. Vu le rejet de cette idée par le ministère des Ressources naturelles, nous avons décidé de présenter notre position ici à cette commission.
Premièrement, au sujet de la participation publique. Même si le public est dépourvu de l'opportunité de débattre à fond les fondements d'une nouvelle politique forestière, il doit être impliqué dans la planification de l'exploitation et l'aménagement de nos forêts dès le début. Et le début, pour nous, de la planification, c'est la collecte de données et la présentation au moyen de cartes d'inventaires écologiques, par exemple. Ces informations, en combinaison avec les objectifs socioéconomiques et de conservation, seraient intégrées dans ce qu'on appelle les «plans d'affectation des terres du domaine de l'État». C'est ce que nous allons appeler «plans d'affectation du territoire».
Alors, ces plans devraient être ensuite assujettis à d'autres études d'impact environnemental et à des audiences publiques d'une instance, soit le BAPE ou une autre instance indépendante. Pour nous, les plans d'aménagement du territoire devraient tenir compte du territoire requis pour la protection de l'habitat, nécessaire pour le maintien de la biodiversité et en même temps pour la création des aires protégées. Le public devrait participer aussi par la suite aux plans généraux d'aménagement forestier et même aux plans annuels d'intervention. De plus, évidemment, il faut trouver une façon de participation convenable aux autochtones.
Maintenant, au sujet des aires protégées. C'est en juillet de cette année que les ministres de l'Environnement, de la Faune et des Parcs, et des Ressources naturelles annonçaient conjointement le cadre d'orientation en vue d'une stratégie québécoise sur les aires protégées. Selon les ministres, cette stratégie devrait notamment augmenter, d'ici l'an 2005, la superficie en aires protégées de manière à atteindre une représentation de l'ordre de 8 % du territoire du Québec et, en même temps, intégrer les aires protégées dans tout le processus d'affectation du territoire, d'allocation de ressources, de droits et de privilèges liés au territoire et de ressources à caractère public.
Bien que le chiffre de 8 % s'avère insuffisant pour nous pour représenter la diversité biologique du Québec, il est néanmoins impératif que cette stratégie soit élaborée incessamment afin d'incorporer les nouvelles aires protégées dans les plans d'affectation du territoire. Seulement une fois ces plans approuvés, devrait-on procéder au découpage des unités d'aménagement forestier et à la confection des plans généraux d'aménagement forestier.
Maintenant, un peu plus sur ces plans. Avec la suppression des plans quinquennaux, ce sont les plans généraux d'aménagement forestiers révisés tous les cinq ans qui deviendront le principal outil de gestion. Comme point de départ, les plans de gestion doivent être conformes aux plans d'aménagement du territoire. Le document d'information du ministère identifie diverses entités qui devraient participer à la confection des plans généraux d'aménagement. Pour nous, il faut ajouter les groupes environnementaux à la liste des participants. Chaque plan général devrait être assorti d'une étude d'impacts environnementaux et assujetti à des audiences publiques du BAPE. Les industriels demandent plus de souplesse dans les plans annuels d'intervention. Pour nous, ces plans devraient indiquer clairement tout écart par rapport au plan général et devraient être assujettis aussi à une consultation publique.
n(11 h 10)n Maintenant, à l'égard de la possibilité forestière, le régime forestier est bâti sur l'hypothèse qu'on peut calculer avec précision la productivité de la forêt et l'exprimer en termes de possibilité forestière, soit ? et c'est selon le document Des forêts en héritage, la définition ? la quantité de bois produite chaque année par la forêt lorsqu'on l'aménage. Cependant, la crédibilité du calcul de la possibilité forestière fut remise en question, certainement, par le document de référence qui a été présenté pour la mise à jour du régime forestier et aussi par le film L'Erreur boréale, qui a bien sensibilisé le public sur ce sujet, et même, plus récemment, par le fait que le ministère a dû réviser à la baisse des contrats d'approvisionnement dans le Bas-Saint-Laurent. De plus, le ministre n'a toujours pas rédigé ? ce qui est promis depuis 1991 ? une publication de vulgarisation scientifique qui présente les méthodes de calcul de la possibilité forestière et leurs conséquences sur la gestion des forêts du Québec.
Pour nous, suite à l'examen du Manuel d'aménagement forestier, nous tirons la conclusion que la possibilité forestière ne se calcule pas avec précision. Elle dépend d'une multitude de variables, dont plusieurs aléatoires, de sorte qu'on pourrait, au mieux, établir une fourchette de résultats fondés sur différents scénarios d'évolution des variables. Or, il semble que le ministère ne veut pas admettre cette imprécision, ainsi mettant à risque le futur de nos forêts et de l'industrie forestière. Cette situation deviendrait encore plus préoccupante si le ministère seul était responsable du calcul. Pour nous, la prudence est de mise.
Nous croyons que, dorénavant, le ministère devrait fournir une fourchette de valeurs pour la possibilité forestière et choisir un chiffre en dessous de la moyenne dans l'attribution de contrats. Une pénurie future de bois pourrait coûter cher en compensation aux industriels. Pour nous, le ministère devrait réaliser comme priorité le document de vulgarisation tant attendu.
Merci pour m'avoir laissé faire cette présentation, et je suis prêt pour les questions, M. le Président.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. Burcombe. Je vais maintenant laisser la parole au ministre des Ressources naturelles.
M. Brassard: Je vous remercie, M. Burcombe, pour votre participation aux travaux de cette commission. Une première question concernant le calcul de possibilité. Vous en faites état dans votre mémoire, vous indiquez que le ministère, par une méthode imprécise de calcul de possibilité, met en péril ainsi l'avenir des forêts et donc aussi de l'industrie forestière. Vous indiquez également... vous ajoutez que la situation deviendrait encore plus préoccupante si le ministère devenait le seul responsable du calcul de possibilité forestière.
Alors, c'est précisément ce que nous apportons comme modification à la loi. On précise dans la loi que, effectivement, le calcul de la possibilité forestière sera une responsabilité de l'État. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas un cheminement conjoint pour le déterminer, ce calcul, mais la responsabilité, ça sera une responsabilité de l'État, et vous indiquez dans votre mémoire que ça ne devrait pas être le cas.
Alors, j'aimerais savoir: Si ce n'est pas une responsabilité de l'État, ça va être la responsabilité de qui de faire le calcul de la possibilité forestière? Parce qu'il me semble que s'il y a un élément qui doit, de toute évidence, faire partie de la mission de l'État en matière de gestion de la forêt, c'est précisément de déterminer la possibilité forestière. Alors, qui le ferait ou comment ça se ferait si, selon vous, ça ne doit pas être une responsabilité de l'État?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Burcombe.
M. Burcombe (John): Alors, M. le ministre, ce qu'on voit comme problème associé à cette... si c'est uniquement le ministère qui est responsable, c'est que les industriels peuvent par la suite revenir sur leur contrat en indiquant à l'État: Voici ce que vous nous avez promis. Par exemple, si on voit que le rendement n'est pas à la hauteur de ce qu'on pensait ? ce qui est le cas en Gaspésie, apparemment ? les industriels peuvent revenir et dire: Vous nous avez promis une certaine quantité de bois. Maintenant, si vous ne pouvez pas le livrer, on demanderait des compensations. Et c'est plutôt cet aspect plus ou moins légal ou le fait qu'il y a des contrats que le gouvernement a promis de respecter, et, si les industriels ne sont pas d'accord avec le calcul de la possibilité forestière, ils peuvent par la suite dire alors: Vous avez promis une certaine quantité, vous ne livrez pas cette quantité, alors nous demandons une compensation. C'est dans cet aspect-là qu'on pense qu'il faut au moins s'assurer que les industriels sont d'accord avec les calculs de l'État. C'est dans cette vision, vraiment, qu'on veut que ça ne soit pas seulement l'État qui soit responsable de cette façon de faire, et le résultat sera reconnu par les industriels. C'est peut-être un peu différent de ce que j'ai présenté.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Oui, je comprends, mais ce que vous voulez, au fond, c'est une responsabilité conjointe ou partagée en matière de calcul de la possibilité forestière. Ça ne m'apparaît pas ? en tout cas, je vous le dis bien ouvertement ? être une voie acceptable. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire d'efforts pour en arriver à s'entendre, mais, à un moment donné, il faut trancher, et c'est à l'État de trancher, puisqu'il s'agit d'un patrimoine collectif et d'un patrimoine public. Ce sera à l'État de trancher. Et il est clairement indiqué dans les attributions de volumes, c'est clair, que ces attributions doivent respecter la possibilité forestière. Alors, je ne pense pas que les industriels puissent poursuivre le gouvernement ou poursuivre l'État parce qu'il y a eu baisse d'attributions suite à une baisse de possibilité. C'est clair que, dans les contrats ou dans les CAAF, les attributions doivent respecter la possibilité. Alors, si la possibilité baisse, les attributions baissent aussi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Burcombe.
n(11 h 20)nM. Burcombe (John): Alors, dans ce cas, M. le ministre, notre point sur la prudence de peut-être donner une fourchette de chiffres pour la possibilité forestière, je crois que ça prend beaucoup son importance, parce que nous ne voyons pas vraiment comment on peut calculer avec précision la possibilité forestière. Le ministère devrait bien indiquer toutes les imprécisions dans ce calcul pour arriver avec des chiffres dans lesquels ils ont au moins une marge de manoeuvre.
M. Brassard: Ça, là-dessus, j'ai bien compris votre point de vue à cet égard. Vous souhaitez, vous recommandez que... Comme le calcul de la possibilité peut comporter certaines imprécisions, il faut à ce moment-là appliquer le principe de précaution. C'est ce qu'on fait. Bien, je pense en tout cas que c'est ce qu'on fait. Parce que vous avez évoqué les baisses de possibilité en Gaspésie puis dans le Bas-Saint-Laurent. C'est précisément parce qu'on a appliqué le principe de précaution qu'on a annoncé de pareilles baisses de possibilité, parce que, si on n'avait pas appliqué le principe de précaution puis qu'on avait pris intégralement les données ou les propositions des industriels, on ne serait pas arrivé avec des baisses de cet ordre-là. Alors, là-dessus, je suis d'accord que, quand il y a un certain degré d'imprécision dans une méthode de calcul, il faut effectivement ? je suis pleinement d'accord avec vous ? appliquer le principe de précaution. Je pense que c'est ce qu'on a fait, en tout cas, certainement dans la dernière génération des plans généraux.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Burcombe.
M. Burcombe (John): Mme la Présidente, je crois que le ministère a dû véhiculer cette possibilité que les chiffres avancés ne sont pas si précis qu'ils étaient présentés auparavant. C'est le moment pour le ministère de vraiment indiquer comment ces chiffres sont calculés, on attend toujours une vulgarisation des calculs de la possibilité forestière, et, avec ça, peut-être viendra le point qu'on ne peut pas le calculer avec aussi de précision qu'on voulait.
M. Brassard: Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Béchard: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Burcombe, bienvenue et merci pour votre mémoire et vos suggestions. Un des éléments à la base de votre présentation est relié beaucoup à l'implication comme telle des gens, et je reviens sur ce thème, un peu comme je l'ai fait avec celui qui vous a précédé. Il y a un défi au niveau de l'implication des gens et, moi, quand je regarde votre processus, vous les impliquez dès le début, vous donnez l'information avec des cartes et des inventaires, avec les objectifs socioéconomiques et tout ça.
Comment faire en sorte... C'est quand même... Puis d'un autre côté, il ne faut pas tomber non plus dans le panneau, ce ne sont pas des données simples, ce n'est pas des choses qui, dans bien des cas, sont faciles à comprendre. Comment peut-on faire en sorte que cet outil-là que vous proposez, vos plans d'affectation des terres ou du territoire, soit facilement compréhensible d'une part? Et, d'autre part, comment s'assurer de la validité de ces données-là? Qui ferait ces données-là? Qui aurait la charge de les mettre en place?
Et, troisièmement, je dirais, quand je regarde votre proposition par rapport au BAPE, est-ce que vous trouvez des gens là-dessus qui ont déjà fait ces propositions-là au niveau du ministère de l'Environnement ou au niveau du BAPE? Il y a des gens qui disent: C'est un peu remettre l'avenir ou la gestion des forêts à un autre ministère, à un arbitre qui, dans le fond, n'est pas toujours neutre.
Sur ces trois éléments-là, c'est-à-dire rendre les informations compréhensibles, deuxièmement, faire en sorte que ces plans d'affectation soient montés sur des bonnes données, qui va valider les données? Et, finalement, je vous dirais, est-ce que le BAPE est vraiment un bon outil? Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres outils à mettre en place à la place de ça? Entre autres, je pense, par exemple, à un inspecteur des forêts.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Burcombe.
M. Burcombe (John): Jusqu'à date, tous les plans d'aménagement forestier étaient présentés d'une façon très inaccessible, qu'on peut presque dire. Il faut que ce soit fait beaucoup plus ouvertement. Il y a des moyens de consultation qui sont bien rodés au Québec, dont le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, quoique, même si on n'utilise pas, peut-être, directement ce Bureau, au moins, utiliser les méthodes qu'ils ont trouvées pour impliquer le public. Et je ne suis pas sûr que donner cette possibilité aux MRC, ce qui était la proposition du dernier intervenant... je ne suis pas sûr que les MRC soient des bons facilitateurs de la consultation publique. De ce que j'ai vécu moi-même avec les MRC, elles n'ont pas vraiment un très grand esprit d'ouverture ni une culture de consultation participative. Il faut trouver d'autres moyens, expérimenter d'autres façons de faire. Je crois que l'exemple de la Colombie-Britannique devrait être regardé, parce que, là, on a eu des confrontations beaucoup plus importantes entre le public et le gouvernement sur ces pratiques forestières qu'ici au Québec, et, finalement, ils sont arrivés avec des modes de consultation qui ont été acceptés par le gouvernement, l'industrie et le public.
Mais, pour ce qui est des données, de la source des données, je crois que, jusqu'ici, de ce que je comprends, c'est uniquement le ministère des Ressources naturelles qui fournit les données. Pour moi, le ministère de l'Environnement devrait être intimement impliqué aussi parce que, quand on parle des aires protégées, de la biodiversité, c'est des enjeux environnementaux qui devraient être considérés. Alors, il faut que ce ne soit pas seulement le ministère des Ressources naturelles qui fournisse l'information, mais aussi le ministère de l'Environnement, avec la cartographie écologique, par exemple, pour qu'on connaisse bien le territoire avant de décider quel type d'aménagement on va faire. Alors, je ne sais pas si ça répond un peu à vos questions.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député.
M. Béchard: Oui, mais je reviens sur un point. C'est parce que... Je n'ai rien contre le ministère de l'Environnement ni contre le BAPE ? ça peut être une solution à regarder ? mais, encore là, je reviens avec ce que je vous posais comme question: Ne croyez-vous pas qu'il pourrait être encore plus intéressant d'avoir ? et dans l'esprit d'avoir vraiment quelqu'un de neutre et de non rattaché ni à l'Environnement ni aux Ressources naturelles ? une espèce d'arbitre entre les deux ou une personne qui, au moins, assurerait la validité des données, d'avoir un inspecteur des forêts? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là d'inspecteur des forêts?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Burcombe.
M. Burcombe (John): Oui, si c'est un peu comme un vérificateur général en forêt. C'est ce que, peut-être, vous visez. Oui, ça, ça pourrait être une façon de rassurer, peut-être, la population que tout est fait selon les meilleures connaissances et ouvertement. Mais, pour moi, la simple institution d'un vérificateur ne résout pas le problème de la consultation publique. Il faut qu'il y ait beaucoup plus d'efforts à ce niveau afin que la population soit impliquée dans toutes les étapes du processus de planification.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
n(11 h 30)nM. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Il y a un autre point que je voulais aborder avec vous. Vous savez, dans le projet de loi qui est présentement sur la table, la possibilité d'appel ou le recours, si les industriels ne sont pas d'accord avec les données qui leur sont fournies, disparaît. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne décision de faire disparaître ces possibilités-là, à un moment donné, d'appel ou, je dirais, pas de contestation, mais de pouvoir avoir un recours si jamais il y a une différence entre les données du ministère, du ministre, et celles des industriels? Est-ce que vous croyez que le processus de consultation que vous voulez mettre en place serait un bon outil pour éviter d'avoir ces appels-là? Si on dit qu'on enlève l'arbitrage d'un côté, est-ce que vous croyez que ça peut être compensé ou, même si on a un processus de consultation très élaboré, il faudrait quand même garder le processus d'arbitrage pour avoir un recours à un moment donné, quelque part, et que ça ne devienne pas uniquement la bonne volonté du ministre qui décide et que c'est final, il n'y a pas de recours?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Burcombe.
M. Burcombe (John): Je crois que, s'il y avait un processus de planification beaucoup plus ouvert et transparent, ça devrait éliminer les «méconceptions» des deux côtés. Mais, si on veut retenir ou non la possibilité d'appel des décisions, je ne me suis pas vraiment penché trop sur ces questions. Peut-être l'institution du Vérificateur peut solutionner ce problème.
M. Béchard: Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Burcombe, je vous remercie, au nom des membres de la commission, d'être venu échanger avec nous. Vous êtes effectivement le dernier porte-parole de groupes que nous rencontrons ce matin et suite à une très longue série de rencontres.
Alors, je vais suspendre quelques instants. Par la suite, nous pourrons passer aux remarques finales.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprise à 11 h 33)
Remarques finales
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous reprenons donc nos travaux pour mieux les terminer. Nous passons donc maintenant à la période des remarques finales. Je vous rappelle que, pour ces remarques, il y a 30 minutes qui sont allouées au parti de l'opposition officielle et 30 minutes du côté du parti ministériel.
Alors, je serais donc prête à vous reconnaître, M. le député de Kamouraska-Témiscouata et porte-parole en matière de ressources naturelles.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente, pour ces remarques finales qui arrivent dans un contexte particulier dans mon cas. Effectivement, j'ai pris un peu le dossier à la volée, au cours des derniers jours, et je peux vous dire que j'ai été agréablement surpris, surtout très impressionné par la consultation qui a eu lieu. Et je ne pourrais commencer les remarques sans, d'abord, remercier et féliciter tous les groupes qui ont déposé un mémoire et tous ceux qui ont été entendus; on me parle d'environ ? je pense, c'est 112, 113 ? groupes qui auront été entendus. Il s'agit d'une très vaste consultation, consultation qui, j'ose espérer, aura des suites et permettra au ministre des Ressources naturelles d'améliorer son projet de loi n° 136.
Je ne peux pas, non plus, passer sous silence tout le travail qui a été fait par ma collègue de Bonaventure. Le dossier des forêts lui tenait très à coeur. Et, au cours des derniers mois, elle a, je pense, fait un travail exceptionnel, notamment par des tournées qu'elle a faites au cours du mois d'août, où elle a rencontré plusieurs groupes un peu partout au Québec, dans toutes les régions. Et je pense qu'elle se situe très bien dans la lignée des représentants du Parti libéral du Québec en matière de forêts et de ressources naturelles qui ont eu un impact majeur sur la gestion des forêts publiques au Québec. On peut penser à Kevin Drummond, en 1971, qui, le premier, s'est attaqué au régime des concessions forestières.
Il y a eu aussi la mise en place du premier régime forestier par le ministre Albert Côté. Et, finalement, je vous dirais, toute la stratégie de protection des forêts qui a été adoptée par le ministre M. Sirros, qui, en même temps, a initié la démarche qui a conduit au Sommet sur la forêt privée.
Donc, je pense que ma collègue de Bonaventure, par son travail au cours des derniers mois, se situe dans cette lignée-là et fait en sorte que j'aurai dorénavant de très grands souliers à chausser; et de très grands souliers à chausser, d'autant plus qu'on arrive à un moment extrêmement important dans l'avenir de nos forêts.
Je vous dirais qu'au cours des deux dernières années il y a eu un travail important qui a été fait au niveau de l'opinion publique. Et ce travail-là a été fait, souvent, qu'on le veuille ou non, de façon... Je pense que tout le monde a mis l'épaule à la roue. Et je pense que de plus en plus de Québécois se sentent interpellés par la gestion des ressources naturelles et plus particulièrement par la gestion de nos forêts.
Et je vous dirais qu'on reprend le flambeau et on veut travailler, je veux travailler dans le même esprit qui était celui de ma collègue, c'est-à-dire d'améliorer le régime forestier dans un plus grand souci de transparence, et surtout, de façon résolument tournée vers l'avenir. On ne gère pas les forêts pour hier. On ne gère pas les forêts pour l'année passée. On doit gérer les forêts pour l'avenir de la ressource et de ses impacts pour le Québec. Parce que l'industrie forestière, ça représente 3 % du produit intérieur brut; c'est 80 000 emplois directs qui dépendent de l'industrie forestière et c'est 250 municipalités qui vivent directement de la forêt.
Et je vous dirais que, chez nous, dans mon comté, dans le Kamouraska-Témiscouata, et plus particulièrement dans le Témiscouata, on peut voir, tous les jours, l'importance de la ressource forestière. Et on peut aussi voir, tous les jours, la détermination des gens qui y travaillent pour faire en sorte que la ressource soit encore là pour plusieurs générations.
On a aussi l'objectif, je pense, que tout le monde doit avoir, c'est-à-dire d'assurer la pérennité de la ressource, de maintenir la biodiversité, de protéger les écosystèmes, et surtout, d'avoir un aménagement durable. Et je vous dirais que les derniers mois, au niveau de l'aménagement durable, viennent nous poser plusieurs questions.
Dans certains cas, on a vu que la diminution des possibilités forestières est arrivée à un moment où on n'a pas l'impression que le gouvernement était prêt à y faire face. Et ça, je le dis en connaissance de cause, parce que, dans ma propre région, on se rend compte que les emplois qui ont été perdus ou qui vont l'être dans les prochains mois, il n'y a pas encore d'alternatives efficaces, et il faut éviter justement d'arriver avec ces problématiques-là, parce que c'est une question de confiance. Et si le lien de confiance entre les citoyens et citoyennes du Québec et ceux qui gèrent leurs ressources se brise, bien, je pense qu'on a à ce moment-là de très gros problèmes qui vont se dessiner, et on peut arriver dans des situations où les gens vont se poser de plus en plus de questions et vont être de plus en plus exigeants face aux gestionnaires des ressources naturelles.
Je voudrais rapidement faire le tour des constats qui avaient été faits suite à la tournée de ma collègue de Bonaventure, et je vous dirais, d'entrée de jeu, que ces constats-là demeurent suite à la consultation que nous avons eue.
n(11 h 40)n Les constats, rapidement. On voulait une plus grande transparence; c'est ce que les gens ont dit tout l'été. La population veut participer de plus en plus à la gestion des forêts publiques, entre autres. Les gens disaient et disent toujours que la diversité du territoire empêche une foresterie unique, mur à mur; on ne peut pas faire la même chose dans toutes les régions de la même façon. Les intervenants du domaine de la forêt privée nous ont dit qu'ils déploraient le peu de place qui leur était réservé dans ce projet de loi.
Cinquièmement, les acteurs de la forêt privée souhaitaient être partie prenante dans le débat; non seulement ils n'ont pas de place, ils veulent être partie prenante. Les gens veulent qu'on parle de plus en plus de concertation, pas seulement de consultation mais de concertation. Les industriels rencontrés indiquent qu'il est de plus en plus difficile, au niveau des droits de coupe, de faire des prévisions économiques et de développement à long terme, parce qu'ils ne savent jamais trop, d'année en année, ce à quoi s'attendre.
Les intervenants s'inquiétaient aussi du pouvoir discrétionnaire qui est conféré au ministre dans le présent projet de loi, c'est-à-dire qu'on donne de plus en plus de pouvoirs au ministre et de moins en moins de recours à ceux qui pourraient, quelque part, le contester; ça, c'est revenu aussi, présentement, dans la consultation.
On déplorait aussi le fait que la confirmation des budgets pour les travaux d'aménagement forestier arrive trop tardivement. Et je vous dirais, Mme la Présidente: Ça fait trois ans que je suis député, et que, à chaque printemps, c'est la même chose. On attend, on attend, les gens sont incertains, les gens ne le savent pas, et à la dernière minute, les chiffres arrivent. Comment peut-on prévoir au niveau économique? Comment ces gens-là peuvent-ils prévoir leurs travaux, prévoir ce qu'ils vont faire, prévoir où ils vont travailler quand on apprend ces nouvelles-là à la dernière minute? Ce sont des gens qui, dans bien des cas, ont des familles, des gens qui doivent se poser des questions: Est-ce qu'on va avoir du travail chez nous? Est-ce qu'on devra s'expatrier? Donc, là-dessus, il y a un gros problème.
Et, aussi, un des constats qu'on a relevés, c'est la valorisation des travailleurs sylvicoles. Ce sont des gens, pour en connaître plusieurs, qui travaillent dans des circonstances souvent extrêmement difficiles, et ces gens-là n'ont pas de protection. Ces gens-là travaillent, je dirais, d'année en année, un peu de façon aléatoire; ils ne savent pas trop qu'est-ce qui les attend. Il faut trouver une façon de valoriser le rôle et les fonctions des travailleurs sylvicoles, de même que leurs conditions de vie. Il y avait aussi toutes les réactions qui ont été formulées sur les C-A-F, et du fait qu'avec les CAF on n'était pas sûr que finalement il y avait assez de ressources pour arriver avec un nouveau palier comme ça.
Des gens disaient qu'on voulait en savoir plus sur le rendement accru; quatorzièmement, que le territoire au-delà de la limite nordique, beaucoup de gens souhaitaient qu'il soit sous aménagement; et le dernier constat que ma collègue de Bonaventure relevait, c'était au niveau du principe de gestion intégré des ressources et que ce concept risquait de demeurer un concept vide si les orientations n'étaient pas définies clairement.
Voilà pour le constat de la tournée et qui a été fait au début de cette consultation.
Au cours de cette consultation, que j'ai suivie avant même d'être porte-parole en matière de Ressources naturelles, certains points sont ressortis de façon très claire. Le premier et qui a soulevé plusieurs questions à tous les niveaux, de tous les groupes, est relié à la transparence. Et la transparence, tous en ont parlé et tous veulent que le processus soit de plus en plus transparent. Et, du côté de l'industrie forestière, on le demande.
Même l'Association de l'industrie forestière, qui disait: Si on ne fait pas une meilleure job en termes d'image de notre industrie vis-à-vis du public, on va tous y perdre. Les gens ont demandé ? d'autres coalitions ? une enquête publique indépendante. Bon, ça dénote, je pense, un besoin de faire en sorte qu'il y ait plus de transparence.
L'Association des propriétaires de machinerie forestière du Québec, qui disait, elle aussi, qu'elle souhaitait plus de transparence du ministère en ce qui a trait aux données officielles du domaine de la forêt publique.
Et il y a même le Syndicat canadien de la fonction publique qui disait: «On n'a pas réussi vraiment à doter le Québec d'une gestion transparente de la ressource forestière susceptible de garantir sa pérennité, tout comme son partage entre les nombreux utilisateurs.» Il y a un défi important à ce niveau-là, M. le ministre ? au niveau de la transparence ? et si ce défi-là n'est pas relevé, le lien de confiance entre les citoyens et leur gouvernement actuel risque d'être définitivement rompu.
Un autre point important, Mme la Présidente, est relié à la participation du public. On a encore entendu, ce matin, les gens veulent participer à l'élaboration des plans, veulent avoir leur mot à dire, mais les gens veulent surtout comprendre. C'est beau, de participer; c'est beau, de dire à des gens: Allez chercher les huit boîtes qu'il y a là-bas et voici ce que c'est, la forêt, dans votre région, mais il faut trouver une façon de vulgariser, il faut trouver une façon de faire comprendre aux gens ce qui se passe, de façon à éviter que, dans bien des cas, les gens aillent d'un côté ou de l'autre, selon les perceptions et selon, je dirais, les capacités des différentes campagnes qui peuvent se faire au niveau de la publicité et autres. Les gens veulent savoir, veulent avoir les vraies données, et veulent surtout une information compréhensible.
Ce qui est ressorti de plusieurs des gens qui sont venus aussi en commission, est la nécessité d'avoir une foresterie adaptée aux régions. On ne peut pas faire la même chose, partout au Québec, de la même façon. Il faut trouver des outils, il faut trouver des moyens pour permettre aux régions d'avoir des façons différentes de faire, d'avoir une diversité suffisante dans les méthodes d'aménagement, dans les méthodes aussi de cueillette et de gestion de la forêt pour qu'elle puisse répondre aux différences régionales et aux différentes forêts. Il n'y a pas une seule grande forêt au Québec; il y a plusieurs forêts dans les régions qui sont différentes les unes des autres. Il faut donc se doter d'outils pour éviter une gestion mur à mur de la forêt. Les gens de la Fédération des producteurs de bois sont aussi venus, ont déposé une pétition qui demande d'assurer la priorité au bois de la forêt privée dans l'approvisionnement de l'industrie forestière. Même les gens du privé veulent avoir leur mot à dire dans l'actuel projet de loi.
Il y a un point qui a soulevé beaucoup de questions et qui en soulève encore beaucoup et c'est un point relié au fait que le ministre a annoncé qu'on passait d'un rendement soutenu à un rendement accru. Plusieurs des groupes qui sont venus ici sont venus nous dire qu'on a encore de la difficulté à vraiment évaluer la valeur, le potentiel et les répercussions des travaux sylvicoles, et se questionnent beaucoup sur le comment on va passer d'un rendement soutenu à un rendement accru.
Beaucoup de gens ont des doutes là-dessus, et une des grandes craintes qu'il y a, c'est que si c'est un élément qui est uniquement basé sur un besoin économique rapide, il y a des chances que, si on n'étudie pas cette question-là de façon très précise, dans 10 ans, dans 15 ans, bien, on se dise: Ça n'a pas fonctionné, et à ce moment-là, on arrivera avec des surprises et il sera peut-être trop tard pour revenir en arrière.
Donc, on ne peut pas prendre un tel virage sans tenir compte des particularités de chacune des forêts et de faire en sorte que ceux et celles qui sont intéressés par cette question-là puissent être impliqués. Que ce soient les centres de recherche qui sont impliqués, que ce soient les industriels, que ce soient les travailleurs sylvicoles, il faut que les gens puissent participer à cette politique-là et qu'encore une fois ce ne soit pas uniquement des consultations pour des consultations, mais qu'on tienne compte de l'opinion de ces gens-là avant de passer au niveau du rendement accru.
Beaucoup de gens se sont interrogés sur le pouvoir discrétionnaire que le ministre se donne en enlevant l'arbitrage, le droit d'appel, et plusieurs se disent: Bien, d'un côté, on veut plus de transparence, on veut plus de place pour la population, plus de place pour les intervenants, et en bout de ligne, le ministre enlève des possibilités à ces gens-là au niveau des recours possibles.
Et plusieurs personnes relient cette question-là au fait que, si on élargit le pouvoir discrétionnaire du ministre, comment on va faire, en bout de ligne, pour vraiment valider les données et vraiment avoir confiance? Et, là-dessus ? sur les méthodes, sur les façons de faire ? je peux vous dire que j'ai été très surpris de voir, malgré ce qu'on a vécu dans les dernières semaines, dans les derniers mois, dans plusieurs régions du Québec, au niveau justement des diminutions d'approvisionnement, que l'actuel gouvernement, depuis 1995 ? depuis qu'il est en poste ? a, selon ses propres documents, selon la Direction de la gestion des stocks forestiers... on se rend compte que le gouvernement actuel a attribué 3 millions de mètres cubes supplémentaires et ce 3 millions de mètres cubes supplémentaires là a été attribué depuis 1995, alors qu'actuellement on a l'impression qu'on vit une crise et qu'on est en manque d'approvisionnement, et dans certains cas, on parle même de rupture de stock.
Donc, les gens ont un gros problème de confiance à ce niveau-là. Comment, d'un côté, on peut dire qu'il y a une diminution des approvisionnements, et de l'autre, se rendre compte que, depuis les cinq dernières années, on a augmenté de 3 millions de mètres cubes les approvisionnements en forêt, et ça, selon des méthodes que bien des gens remettent en doute?
Ça amène beaucoup de questionnement sur les nouveaux pouvoirs discrétionnaires que le ministre veut se donner. D'un côté, on dit qu'il faut gérer plus efficacement et qu'il y a moins de ressources; de l'autre côté, on se rend compte que le gouvernement actuel a donné 3 millions de mètres cubes supplémentaires, au cours des cinq dernières années. Donc, c'est très questionnable.
n(11 h 50)n Par ailleurs, au niveau des C-A-F, justement dans ces questions-là de, savoir s'il y a moins de ressources, comment on peut arriver avec une nouvelle formule? Plusieurs personnes sont venues dire qu'il faudrait peut-être, avant d'aller avec ces nouvelles formules-là, sécuriser les approvisionnements des joueurs qui sont déjà sur le terrain.
Il faut mettre ça en considération aussi, d'un autre côté, avec la nécessité de mettre en place une vieille promesse, je dirais, du Parti québécois ? du gouvernement péquiste ? qui est reliée aux forêts habitées. Donc, comment faire en sorte que tout ça puisse être conciliable? Je vous dirais que les gens se posent beaucoup de questions.
Il y a aussi, Mme la Présidente, tout l'aspect, je dirais... On a parlé, au cours des dernières minutes, de l'aspect gestion du ministère, au niveau du régime forestier. Il y a un aspect qui est extrêmement important, je pense, pour plusieurs et pour moi en particulier, c'est l'importance de la forêt pour les régions.
Je vous dirais d'abord que c'est de plus en plus difficile à accepter, autant pour les travailleurs, autant pour les intervenants, de voir, à la dernière minute, arriver les confirmations de montants, au printemps, pour savoir quels seront les travaux qui seront faits.
Comment peut-on faire de la planification, comment peut-on prévoir ce qu'on va faire quand on reçoit l'enveloppe et qu'on reçoit les montants au début de mai et que les travaux doivent commencer rapidement? C'est extrêmement difficile, et il y a beaucoup de travail à faire là-dessus.
Les gens qui sont venus nous rencontrer, entre autres, les gens de la Conférence des coopératives forestières nous l'ont dit: Pour consolider l'industrie de l'aménagement forestier, ça nous prend des travailleurs; pour avoir des bons travailleurs, il faut leur donner de bonnes conditions de travail. Et la première condition de travail est de leur garantir un travail et d'essayer de faire en sorte que la précarité que vivent ces gens-là, bien, qu'on puisse l'anéantir. Parce que, sinon, il y a toujours la conséquence de cet élément-là, si on ne met pas les sommes à temps, on rend l'entreprise de l'aménagement forestier précaire, on essouffle la main-d'oeuvre, et par le fait même, on fait en sorte qu'on démotive, dans bien des cas, des gens qui sont des travailleurs extrêmement importants.
Il faut, on a comme défi... et j'ose espérer que le ministre reverra certains éléments de son projet de loi actuel. Il faut absolument valoriser le rôle des travailleurs sylvicoles. Ce sont ces gens-là qui travaillent pour l'avenir de nos forêts, ce sont ces gens-là qui travaillent dans nos forêts, ce sont ces gens-là qui développent les forêts de demain. Donc, il faut faire en sorte que ces gens-là soient valorisés et qu'on les reconnaisse à leur juste valeur.
On parle beaucoup de la forêt en termes de ressource, mais il ne faut pas oublier que la forêt, c'est aussi un milieu de vie, c'est aussi un milieu où se côtoient énormément de choses. On peut penser à la faune, on peut penser aux capacités touristiques, on peut penser aussi à tout l'aspect récréatif. Il faut trouver, avec une véritable gestion intégrée, une véritable vision de la forêt, une façon de faire en sorte que ces gens-là se côtoient et non pas que ces gens-là s'affrontent. Et ça, c'est un défi extrêmement important, d'éviter que, au niveau de la ressource et de sa gestion, on puisse être capable de tenir compte de tous ceux et celles qui interviennent sur le territoire, tous ceux et celles qui y vivent, et de faire en sorte qu'il y ait un avenir de ce côté-là.
Et je réitère, comme je l'ai mentionné il y a quelques minutes, qu'il est extrêmement important de voir, peut-être dans le projet de loi actuel, où se situe la volonté ministérielle en ce qui a trait au concept de forêt habitée. On a eu la déclaration de Maniwaki, et on a eu l'occasion, par le fait même, d'avoir deux visions qui se sont affrontées la même journée: la vision du Parti québécois de la forêt habitée, que les gens sont venus nous présenter, qui impliquait une hausse des redevances forestières pour financer la forêt habitée, et en même temps, de faire en sorte de sortir des forêts habitées les gens qui ont des CAAF présentement.
On a eu, par la suite, le groupe HABITAFOR, de la Gaspésie qui, au contraire, a dit: On peut le faire avec les gens qui ont les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, et sans augmenter les redevances sur les ressources naturelles. J'ose espérer que ce sera la voie que le ministre va suivre.
On a beaucoup de gens qui sont venus nous parler aussi des redevances sur les ressources naturelles, que beaucoup de bois et beaucoup de ressources partent et que les régions rurales, comme le disait Solidarité rurale, que, dans un contexte de déclin démographique des populations rurales, il est urgent de mettre en place des moyens et des actions afin que celles-ci puissent à nouveau en vivre.
Et je le répète, Mme la Présidente, je crois beaucoup à ce concept de redevances sur les ressources naturelles. Nous en avons parlé dans toutes les régions, au cours des derniers mois, et je pense que l'intérêt qu'on a trouvé s'est répercuté ici, lors de cette commission.
Il y a un impact sur les régions, il y a aussi un impact économique extrêmement important de la forêt, et je pense que je vais vous citer Abitibi-Consolidated, qui a bien résumé ce que représentait, pour eux, l'actuel projet de loi lorsqu'il disait que, si on considère uniquement les pertes potentielles de possibilité forestière que nous avons estimées pour deux éléments, à savoir 90 000 m³ pour les modalités particulières du milieu nordique, 8 % des attributions, eux disent que, finalement, «de telles baisses de possibilité pourraient se traduire par l'arrêt d'une bonne partie de nos opérations forestières, une fermeture de l'équivalent de deux scieries, et à moyen terme, la fermeture définitive de machines et d'usines à papier. Le tout pourrait représenter la perte de plus de 1 000 emplois directs liés à nos activités et une diminution considérable de l'activité économique dans plusieurs régions du Québec.» Donc, je pense que ce sont des données qui peuvent faire réfléchir ? et je l'espère ? le ministre.
Là-dessus, je veux vous dire que tout ce qu'on vient de mentionner, plusieurs pourraient voir ça comme des problèmes, comme des éléments à concilier, mais ça représente, Mme la Présidente, un très beau défi. Ça représente un très beau défi, parce que, comme le disait un intervenant, ce matin, il va falloir aller d'un côté auquel, moi, je crois beaucoup.
C'est celui d'un type de certificat qu'on pourrait appeler un «certificat forêt qualité Québec», par exemple, et se servir de cet outil-là pour à la fois rassurer les gens sur ce qui se passe au Québec, mais en même temps, être proactifs et fixer nous-mêmes les nouvelles normes en termes d'exploitation forestière, en termes de façons de faire au niveau des travaux sylvicoles, en termes de récupération des matières ligneuses, en termes de traitement de nos forêts, et faire en sorte que le Québec soit un leader au niveau forestier, et que ce soit nous qui fixions les normes. C'est toujours la meilleure façon de ne pas avoir à vivre avec des normes qui sont difficiles, c'est de les fixer nous-mêmes, et de devenir des leaders à ce niveau-là.
Une des façons de le faire passe, selon nous, également par la mise en place d'un inspecteur général des forêts, qui serait un intervenant neutre, qui viendrait dire: Voici quelles sont les données réelles, voici quels sont les vrais chiffres. Et ça, je me souviens qu'au début de la commission, Mme la Présidente, tous les intervenants d'en face, tous les représentants gouvernementaux se sont élevés contre cette idée-là.
Mais tout le monde, en commission parlementaire ? ou presque ? est venu dire qu'il s'agissait d'une très bonne idée. Ils disaient: Qu'on l'appelle un audit externe, qu'on l'appelle un inspecteur général des forêts, il faut avoir quelqu'un, quelque part, qui va nous donner les bonnes données et qui va valider les données qui circulent sur le terrain, que ce soit une personne neutre. Qu'on arrête, comme certains l'ont mentionné, cette guerre de chiffres entre le ministère et les industriels, à savoir qui a raison, qui a tort, et qu'on ait quelqu'un d'indépendant, un inspecteur général des forêts ou un audit externe pour venir dire quels sont les chiffres.
Ça, ça se situe dans l'une des étapes importantes, qui est liée à la mise en place d'un certificat forêt qualité Québec qui va reconnaître les pratiques, qui va rassurer les gens au Québec et qui va nous servir de tremplin face à l'économie mondiale. Nous n'aurons pas à subir les normes des autres; nous allons les fixer. Ça, je pense que ça passe par cette mise en place là d'un certificat forêt qualité Québec.
Je pense que ce n'est pas une question d'augmenter les coûts. C'est plutôt une question de faire en sorte que tous et toutes vont prendre, je dirais, un pas dans le domaine de la reconnaissance de la qualité des travaux qui se font déjà ici qui va permettre aux marchés extérieurs de se rendre compte qu'au Québec on fait bien les choses, qu'on les fait encore mieux que les gens pensent et qu'il faut continuer de les faire ainsi.
n(12 heures)n Donc, si on fait ce certificat-là, avec un inspecteur général des forêts, je pense qu'on réussit à amener beaucoup de transparence dans le processus, on fait en sorte de rassurer les gens. À la limite, on peut les faire participer davantage, et il y a un élément qu'il ne faut pas négliger non plus quand on parle de cette nécessité-là d'augmenter, je dirais, les connaissances que les gens ont sur ce qui se passe présentement dans nos forêts au Québec: il faut prendre aussi un virage majeur au niveau de la recherche et du développement. Et nous avons des instituts, nous avons des groupes de recherche, nous avons des gens qui sont extrêmement avancés dans leurs travaux. Bien, il faut leur donner un coup de pouce à ces gens-là et surtout faire en sorte que leurs travaux puissent eux aussi venir servir de tremplin à la gestion de la forêt au Québec.
Donc, Mme la Présidente, en terminant, je pense qu'on peut parler de défi pour les prochaines semaines. L'opposition, avec ma collègue de Bonaventure, nous avons toujours travaillé de façon constructive, nous espérons continuer de le faire, nous espérons que le ministre le fera aussi et qu'il tiendra compte des différentes revendications que les groupes sont venus faire ici. Et je peux vous assurer que, si le ministre va dans les éléments que nous avons mentionnés, nous serons ravis, nous allons travailler avec lui à ce niveau-là. Mais j'ose espérer qu'il ne manquera pas le rendez-vous qu'il a présentement avec l'histoire des grands ministres des Ressources naturelles pour non seulement faire de la gestion à courte vue, mais pour vraiment donner à l'industrie forestière et à la gestion des forêts au Québec toute la marge de manoeuvre dont elles ont besoin et faire en sorte que nos méthodes, nos façons de faire deviennent un exemple pour d'autres économies.
Et je dirais, en terminant, que je veux remercier bien sûr ma collègue de Bonaventure, mes collègues attachés politiques qui ont travaillé aussi avec moi, mes collègues députés qui sont là ce matin ainsi que, je pense, tous les gens qui ont pris la peine de se déplacer pour venir nous rencontrer et rencontrer les gens du ministère. Donc, merci à tout le monde. J'ose espérer que nous aurons des travaux constructifs dans les prochaines semaines.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Alors, M. le ministre, pour vos remarques finales.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais moi aussi remercier les centaines de personnes et d'organismes qui ont préparé des mémoires et qui sont venus nous rencontrer et échanger avec cette commission. Je veux leur dire qu'ils ont été, je pense, le témoignage vivant que la forêt est au coeur de nos vies en nous faisant part de leurs expériences, en partageant avec nous leurs compétences, leur vision des choses. Tous ces participants, tous ces intervenants sont venus nous livrer un message sans équivoque sur l'obligation que nous avons, comme société, de laisser des forêts en héritage. En cinq semaines, nous avons donc entendu exactement 113 mémoires sur 133 reçus, ce qui n'est peut-être pas un record mais une bonne performance, des mémoires qui se distinguent par leur qualité et, dans beaucoup de cas, par leur vision des choses et aussi, je pense, tous par cet attachement particulier à la forêt qui fait de nous, les Québécois, un peuple de faiseurs de forêts.
Nous aurons eu cette chance inestimable d'échanger avec des gens venus de partout au Québec, des personnes provenant de tous les horizons de la société, exprimant des courants d'idée variés, il faut dire, parfois divergents, c'est arrivé, et proposant une foule de mesures qui nous permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, c'est-à-dire profiter de la révision du régime forestier québécois pour l'améliorer, l'ajuster, l'adapter à de nouvelles réalités et ainsi maintenir le Québec dans le peloton de tête dans le monde en matière d'aménagement forestier, en matière de foresterie.
L'histoire de la foresterie québécoise ne commence pas avec la commission parlementaire sur le projet de loi n° 136. Elle ne se terminera pas non plus avec la fin de cette commission. Elle va demeurer évolutive, cette histoire, dans la mesure où elle s'enracinera dans la tradition démocratique de consultation et de transparence qui nous a justement amenés, en 1987, à se doter d'un régime forestier visant à assurer la pérennité de la ressource dans le respect des autres usagers, en vue de favoriser le développement socioéconomique de nos régions.
Mon collègue de Kamouraska-Témiscouata a cité certains ministres libéraux, dont je reconnais volontiers la contribution, mais je voudrais aussi ajouter quand même que, si c'est M. Côté qui a fait adopter la loi sur le nouveau régime forestier en 1986, la préparation avait commencé à la fin du deuxième mandat du gouvernement Lévesque, et, entre autres, mon collègue Jean-Pierre Jolivet, de Laviolette, y a apporté une contribution aussi significative.
Et aux femmes et aux hommes qui sont venus nous rencontrer, qui sont venus partager avec nous, je dis donc merci. À mes collègues aussi, députés de l'Assemblée nationale, aux fonctionnaires qui nous accompagnent, je veux les remercier d'avoir eu cette grande capacité d'écoute. La force et la valeur de cette commission reposent justement sur cette capacité, cette détermination que nous avons de nous engager individuellement et collectivement dans la recherche de solutions pour améliorer notre régime forestier.
Au moment de la publication du bilan et des enjeux du régime forestier, en 1998, le ministère des Ressources naturelles affichait clairement ses couleurs. Ce document de réflexion aura suscité une large participation aux consultations menées conjointement par les divers conseils régionaux de concertation et le ministère, dans toutes les régions du Québec. Le défi que nous lancions à tous les intervenants était on ne peut plus clair. Après avoir mis fin aux concessions forestières, après plus de 10 années d'application concrète sur le terrain du nouveau régime forestier, en tenant compte des nouvelles réalités et des nouveaux défis, comment pourrions-nous passer à une autre étape cruciale de la foresterie québécoise, celle de l'harmonisation et de la cohabitation?
Des 500 mémoires reçus lors de cette consultation régionale, comme des 133 déposés sur le projet de loi n° 136, nous pouvons déjà en tirer quelques conclusions. D'abord, les orientations, les bases et le fondement même du régime forestier de 1987 font encore l'objet d'un large consensus, il y a eu quelques divergences, je ne dis pas unanimité, là, mais un très large consensus pour ne pas toucher au fondement de ce régime mis en place à la fin des années quatre-vingt.
Plusieurs des propositions qui nous ont été soumises méritent qu'on s'y attarde. Toutes cependant ne se retrouveront pas dans le projet de loi, d'abord parce que ce n'est pas la place, parce qu'il y a certaines de ces mesures ou de ces propositions qui demandent tout simplement des ajustements à une réglementation déjà existante; d'autres pourraient se traduire par de nouveaux règlements tandis que certaines autres nécessiteront la collaboration d'autres ministères. Je donne l'exemple de la formation du développement de la main-d'oeuvre en sylviculture. Il y a un comité interministériel, je l'ai déjà mentionné, qui est déjà en place à cet égard. Pour les aires protégées, c'est un peu la même chose, les intentions du gouvernement sont connues et il y a aussi une concertation interministérielle qui s'est mise en branle.
Le régime forestier de 1987 représentait en soi, on peut dire, presque une véritable révolution, et, en déposant le projet de loi n° 136, j'ai le sentiment d'amener moi aussi une part d'innovation ou de nouveauté. La coresponsabilité m'apparaît toujours comme un enjeu déterminant parce qu'elle permettra d'atteindre les standards requis en matière d'aménagement.
La participation effective à la planification de l'aménagement forestier des autochtones et de ceux qui ont une responsabilité de gestionnaires du territoire et des ressources est aussi un élément-clé de la révision du régime. Il me semble que, à partir de ces deux principes fondamentaux, il nous sera possible de mieux cohabiter, de mieux harmoniser les usages et, surtout, d'être tous ensemble conjoints et solidaires quant à notre obligation de résultat. L'accessibilité à la ressource, la création et le partage de la richesse nécessitent effectivement d'ouvrir de nouvelles pistes de collaboration entre l'État, les détenteurs de contrats d'aménagement et d'approvisionnement, les gestionnaires des terres publiques et des autres ressources pour développer un partenariat avec les acériculteurs, les communautés autochtones, les producteurs de bleuets, les organismes fauniques, les communautés rurales, etc.
Autre principe du projet de loi n° 136: la consultation du public. La population fera, quant à elle, l'objet d'une politique qui sera déposée au gouvernement et pour laquelle je me suis engagé à tenir une consultation.
n(12 h 10)n Je réaffirme ce matin mon intérêt pour cette autre source de développement que représentent les activités récréatives ou récréotouristiques qui se développent en territoire forestier. La forêt aussi cache des écosystèmes exceptionnels que nous devons protéger. Ce principe est inscrit lui aussi dans le projet de loi. Et vous me permettrez, à cet égard, Mme la Présidente, de déposer un premier document qui porte sur l'implication des autres ministères, dont particulièrement celui de l'Environnement et de la FAPAQ, la Société de la faune, dans la gestion des forêts. Alors, ça m'apparaît important parce que c'est revenu à plusieurs reprises au cours de la consultation, où on ne semblait pas toujours bien connaître les implications d'autres ministères en matière de gestion de la forêt, particulièrement le ministère de l'Environnement et la FAPAQ, Société de protection de la faune.
D'autre part, le principe du rendement accru, inscrit lui aussi au projet de loi, a suscité plusieurs réflexions et beaucoup de commentaires qui m'amènent également ce matin à déposer un premier document, très préliminaire, mais qui jette les bases de la réflexion que nous devons mener tous ensemble avant que je dépose un projet articulé de politique de rendement accru au Conseil des ministres, au gouvernement. Alors, dépôt également de ce document.
La forêt habitée a occupé aussi une large place dans nos discussions. Ce que favorise le projet de loi, c'est l'application sur l'ensemble du territoire public de mesures qui étaient prévues dans le concept de forêt habitée au départ, par exemple, la participation des tiers à l'élaboration du plan général d'aménagement forestier, le contrat d'aménagement forestier comme nouveau véhicule. Tout cela pourra s'appliquer dans tout le Québec forestier. Mais, en matière de forêt habitée, je pense que ma réflexion ne s'arrête pas là. Il faudra la poursuivre et envisager d'autres mesures tout en préservant, je pense, la diversité en cette matière.
Quant au contrôle et au suivi des activités d'aménagement forestier, nous nous entendons tous sur leur nécessité. Cependant, il faut convenir que la panoplie de moyens proposés pour atteindre l'objectif visé nécessite elle aussi une plus large réflexion. On a aussi beaucoup parlé de redevances, Mme la Présidente. Je dirais qu'il y a bien là une forte pression. On veut soit les abaisser, parce qu'on les juge trop élevées, ou les augmenter, c'est arrivé également, ou encore les redistribuer aux régions ou à des fonds de recherche ou des fonds de tout autre nature. Toutes les pistes à l'égard des redevances ont été, à l'occasion de cette consultation en commission parlementaire, ouvertes. Je voudrais ce matin quand même en profiter pour apporter un certain nombre d'informations à l'égard des redevances. D'abord, quand on entend certains intervenants qui souhaitent un retour des redevances en région, on pourrait être porté à conclure que toutes les redevances forestières s'en vont dans le fonds consolidé ou au trésor public et n'en ressortent pas ou sont utilisées par le ministre des Finances pour financer l'administration publique, les dépenses de l'État, des divers ministères. Ce n'est pas exact, c'est loin d'être exact.
Prenons l'année 1999-2000, par exemple, qui est connue: redevances forestières autour de 350 millions de dollars. Là-dessus, il y en a déjà 175 millions, la moitié, qui servent à financer les travaux d'aménagement, les travaux sylvicoles, les travaux de reboisement. Donc, ça, c'est déjà un retour en région. Ça ne se fait pas au parc Lafontaine ou sur la rue Sainte-Catherine, ça, là. Ça se fait en région, ces travaux sylvicoles et d'aménagement. Il y a déjà la moitié des redevances qui retournent en région pour financer les travaux d'aménagement forestier et les travaux sylvicoles. En plus, le programme de mise en valeur de ressources du milieu forestier... et on a vu combien les intervenants tenaient beaucoup à ce programme-là, bien, il est financé par les redevances aussi, c'est 32,5 millions de dollars. Ça s'ajoute aux 175. Il faut aussi penser également aux 34 millions, ça, c'est en crédits budgétaires, mais 34 millions pour l'aménagement forestier de la forêt privée, et aux 22 millions pour le Programme de création d'emplois en forêt.
Quand on ajoute tout ça, on arrive à quelque 230 millions sur 350 millions de redevances versées par les entreprises forestières. Alors, je pense qu'on peut continuer de discuter de retours ou des redevances, souhaiter qu'on utilise davantage ces redevances pour du développement en région, c'est tout à fait légitime, mais je pense qu'il faut aussi quand même tenir compte du fait bien réel qu'une très grande partie de ces redevances se retrouvent en région. Bien sûr, ça ne transite pas par les municipalités, ça ne transite pas par les MRC. Les MRC, quand elles réclament des redevances, c'est parce qu'elles souhaitent pouvoir en gérer l'utilisation, je comprends ça. Mais, si ça ne passe pas par les MRC, ça ne veut pas dire que ça ne se retrouve pas en région. Très largement donc, ça se retrouve en région.
À différentes occasions au cours de la commission, je me suis montré aussi ouvert à certaines propositions et j'ai même pris, dans certains cas, des engagements. Je les rappelle. Entre autres, il m'apparaît plus important d'appliquer avec plus de rigueur le principe de résidualité, qui est déjà contenu dans la loi. Je pense qu'aussi je me suis engagé pour que la politique de consultation comporte un volet pédagogique ou qu'on insiste beaucoup sur la vulgarisation des documents très complexes actuellement en matière de planification forestière. Il faudra aussi rendre publique l'information sur le mesurage, parce qu'il se dit toutes sortes de choses souvent très farfelues sur le mesurage. Alors, on rendra publique l'information sur le mesurage. Il faudra assurer la présence également des travailleurs sylvicoles au sein du comité interministériel sur la formation et le développement de la main-d'oeuvre sylvicole. Je me suis engagé aussi à maintenir dans la loi l'expression «recherche forestière», recherche quand il s'agit d'utiliser les ressources du fonds forestier. Amener une certaine souplesse aux normes nationales auxquelles nous ne pouvons pas échapper ? il en faut ? de manière à mieux tenir compte des réalités régionales et des réalités terrains, ça aussi ça a été largement réclamé. Il faudra également regarder très sérieusement la possibilité de libéraliser l'exportation de copeaux, créer également un comité interministériel sur le développement de l'industrie du bleuet. C'est un engagement que j'ai pris à l'égard de cette industrie. Il faudra aussi apporter des amendements à la loi, permettant au ministre du Revenu de modifier son interprétation relative à l'application de la TPS et de la TVQ au programme de la mise en valeur de la forêt privée. Ça va faire partie des amendements qu'on apportera de nouveau.
Mme la Présidente, mon devoir et ma responsabilité de faire des choix seront basés sur des notions d'équité et sur la nécessité de concilier les préoccupations sociales, économiques, environnementales qui nous ont été exprimées tout au long des travaux de cette commission. J'aurai à faire des choix parce que, là, on s'en est bien rendu compte que ce n'était pas l'unanimité sur certains points. Il y avait des divergences parfois profondes sur certains sujets parmi les intervenants qui ont défilé devant nous. Alors, ça veut dire, à ce moment-là, qu'il faudra bien trancher et il faudra bien faire un choix. C'est ma responsabilité. En termes clairs, j'aurai à tenir compte de la préservation d'une activité économique parfaitement légitime et tellement importante pour les régions, particulièrement les régions ressources, vitale pour les régions ressources, donc tenir compte de la préservation d'une activité économique on ne peut plus légitime, qui est liée à la forêt québécoise, et d'une préoccupation tout aussi légitime d'assurer l'accessibilité et la protection des diverses ressources du milieu forestier.
n(12 h 20)n La suite des choses, Mme la Présidente, oui, il y aura sans aucun doute des modifications qui seront apportées à la loi. On va y travailler tout de suite, et donc c'est loin d'être une consultation bidon à laquelle on s'est livré. Ça va paraître dans des modifications qu'on apportera au projet de loi. Ensuite, évidemment on franchira les étapes législatives qu'on connaît bien, l'adoption du principe, l'étude détaillée en commission et évidemment l'intention, encore une fois, si l'Assemblée nationale le veut bien, de faire adopter le projet de loi avant l'ajournement de décembre, pour commencer la mise en vigueur à partir de 2001.
Alors, après deux consultations, une régionale, une nationale, qui a entendu plus de 110 mémoires sur 133 ? je parle de cette consultation en commission parlementaire ? il me reste donc, comme on dit familièrement, à livrer la marchandise, ce que je m'engage à faire au cours de la présente session. Nous bouclerons ainsi une opération qui aura duré presque quatre ans, qui aura mis à contribution des centaines et des centaines de personnes et qui nous permettra de faire du régime forestier québécois un des plus performants au monde ? au monde ? parce qu'il favorisera, entre autres, l'harmonisation, la cohabitation, le développement du milieu forestier dans une perspective de développement durable et dans une perspective de gestion intégrée des ressources. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Les documents sont donc déposés, et je tiens à préciser que les membres de la commission en ont déjà reçu la copie.
Alors, M. le député de Gaspé, adjoint parlementaire au ministre des Ressources naturelles, vous vouliez faire quelques remarques finales.
M. Guy Lelièvre
M. Lelièvre: Oui, merci, Mme la Présidente. Comme vous le savez, depuis plusieurs mois, nous avons participé à cette commission, depuis le mois d'août même, la mi-août, nous partageons plusieurs jours-semaine, ici, avec nos collègues de l'opposition et notre formation politique.
L'exercice qui a été fait, comme l'a mentionné le ministre, est la suite de ce qui a été fait en 1998. J'ai eu l'occasion de participer aux consultations régionales qui ont été faites en Gaspésie. Différents intervenants sont venus en région nous présenter leurs observations de toute nature: les représentants d'organismes de protection de l'environnement, les gestionnaires de zecs, les détenteurs aussi de droits, les détenteurs de CAAF, et ces quelque 110 organismes que nous avons rencontrés ici, en commission parlementaire, ont contribué énormément à nous faire voir toutes les facettes du territoire québécois, de la Gaspésie à l'Abitibi, du sud du Québec jusqu'au Grand Nord du Québec. Donc, on a pu entendre aussi les communautés autochtones, les groupes écologiques, des chercheurs également sont venus nous faire part de leurs représentations, l'état d'avancement de leurs travaux, leurs perceptions également. Et cet exercice, j'espère qu'il a été suivi par la population, parce que ça a sûrement permis d'en apprendre davantage sur la dimension nationale qu'occupe l'industrie forestière au Québec et tous les autres usages que l'on en fait, qu'on pense, par exemple, aux gestionnaires de zecs, qu'on pense au récréotouristique, les parcs, les réserves, etc.
Alors, cet exercice nous a permis d'avoir une vue complète, une vue d'ensemble du territoire québécois, et, avec les engagements que le ministre a pris et également la révision de la loi, la révision du règlement sur les normes d'intervention en forêt, qui est un des règlements les plus importants parce qu'il couvre la totalité du territoire québécois sous toutes ses facettes, avec les autres ministères qui sont impliqués, il nous reste à accomplir, comme parlementaires, la noble tâche et l'ambitieuse tâche de procéder à l'étude éventuelle du projet de loi que nous allons débattre ici, en commission parlementaire, que nous allons débattre aussi à l'Assemblée nationale avec le concours de l'opposition. Parce que, jusqu'à date, on peut dire que ça a été des échanges qui nous ont permis de fouiller davantage différents aspects selon les préoccupations de chacune des formations politiques.
Moi, je voudrais remercier particulièrement les gens de la région de la Gaspésie qui, sans mettre de côté les participants des autres régions, nous ont apporté quand même une contribution très importante à cette commission, qui nous ont fait voir des facettes qui, jusqu'à ce jour, aujourd'hui même... Ce matin, il y a eu un représentant des gens qui travaillent dans la forêt au niveau des consultants indépendants, qui nous a apporté des éclaircissements sur le fonctionnement d'un nouvel organisme qui a été créé il y a quelques années. Et je pense qu'il y a des pistes à explorer pour en arriver à trouver des solutions qui vont nous permettre éventuellement, dans chacune de nos régions, d'adapter des mesures particulières.
Donc, Mme la Présidente, je voudrais également laisser un peu de temps à mes collègues. Je sais que le temps file très vite, parce qu'à chaque fois que nous voulions intervenir dans cette commission les présentations étaient très intéressantes et les échanges aussi étaient très intéressants. Alors, je remercie également tous ceux qui nous ont supportés, tant du ministère, pour nous permettre de mener à bien nos travaux ici, devant cette commission.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de Dubuc.
M. Jacques Côté
M. Côté (Dubuc): Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de faire plaisir, d'apporter quelques remarques finales à ces audiences. Que faut-il en retenir? Contrairement à ceux qui disent et qui diront que ces audiences publiques ont été inutiles et qu'il aurait fallu, par exemple, une enquête publique et indépendante, ces personnes-là qui n'ont, en fait, que des regrets, moi, au contraire, je fonde beaucoup d'espoir. Mais je fonde surtout l'espoir que le ministre, et après avoir écouté tous les groupes qui représentent des milliers de personnes au Québec, pourra traduire cette écoute dans certains amendements qui seront apportés au présent projet de loi. D'ailleurs, il l'a lui-même affirmé tout à l'heure, il y aura des amendements au projet de loi.
Nous avons entendu beaucoup de choses intéressantes au cours des dernières semaines. On a parlé de gestion participative, de gestion intégrée, de gestion adaptée, de récolte ponctuelle, d'aménagement forestier, de forêt habitée, de zonage forestier, de rendement accru, de développement durable, de contrôle, de transparence, de limites nordiques, et j'en passe. Mais, à travers tous ces concepts que l'on doit appliquer à la réalité, il faut que la nouvelle loi sur les forêts soit le reflet d'une véritable politique forestière québécoise. Le régime forestier actuel ne peut plus demeurer ce qu'il était. La forêt doit être un levier de développement économique pour plusieurs groupes et non pas pour un seul groupe. Elle doit contribuer à la prospérité du Québec et, à cet effet, elle est un élément structurant de l'économie de nos régions. À ce titre, vous ne serez donc pas surpris, Mme la Présidente, si je vous dis que je favorise davantage l'implication des coopératives forestières dans l'aménagement forestier. Elles doivent à mon avis y jouer un rôle primordial. Cela aurait pour conséquence de favoriser le développement local et régional et assurerait ainsi avec une plus grande stabilité aux emplois qui y sont attachés.
Je laisse donc à votre jugement, M. le ministre, cette réflexion et je remercie sincèrement tous les intervenants qui se sont présentés devant cette commission et qui nous ont livrés une quantité d'informations toutes aussi pertinentes les unes que les autres. J'espère qu'elles seront étudiées avec grand soin et qu'elles feront avancer les débats afin que le Québec puisse jouir d'une forêt d'avenir. Merci.
n(12 h 30)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Dubuc. Alors, M. le député de Chicoutimi, tout en vous signalant qu'il reste à peine trois minutes à votre formation.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Alors, c'est mon habitude d'ailleurs de prendre la parole lorsqu'il reste très peu de temps, Mme la Présidente. Je vais me faire d'ailleurs très, très bref. Alors, tout simplement... Évidemment, je ne veux pas revenir sur les commentaires qui ont été faits de la part de mes deux collègues de la région et celui de la région de la Gaspésie, mais simplement dire que, l'ensemble des travaux, ce fut pour nous, membres de la commission, très intéressant et ? mon collègue l'a soulevé ? l'utilité de la démarche qu'on a faite pendant ces semaines, sur près de deux mois, qui nous a permis de rencontrer l'ensemble des intervenants du domaine et d'avoir les positions de chacun dans une démarche très constructive, ça nous a permis de constater effectivement que le régime, bien qu'imparfait à certains égards, répond à plusieurs des attentes et mérite d'être amélioré. C'est la voie qui a été choisie et on n'a vu personne, pas personne mais très peu, dans une extrême minorité, remettre en cause les bases de notre système au niveau du régime forestier.
Simplement, de façon très pratique et comme il me reste très peu de temps, je vais me limiter à certains éléments qui ont attiré mon attention, et vous comprendrez qu'ils ont une saveur plutôt régionale et c'est dû à la position que j'occupe, soit celle de député d'une région. Mes commentaires valent pour ma région, mais aussi pour l'ensemble de régions. Alors, il y avait des éléments d'ailleurs que le ministre a soulevés dans ses commentaires, soit ceux concernant le mesurage, et je n'y reviendrai pas. Je me souviens avoir entendu les travailleurs au niveau de la forêt qui invoquaient des problèmes par rapport au fait que souvent ils n'avaient pas leur juste part et que normalement les entreprises ? même, je me souviens de la problématique où ils coupaient du bois et le bois restait en forêt ? ne pouvaient toucher l'argent, effectivement. Ils ne pouvaient avoir leur dû et c'est eux qui devaient payer pour des équipements qui étaient très coûteux. Alors, il y avait une problématique que le ministre avait soulevée, je me souviens, et que, moi, je considère qu'il faut effectivement voir les solutions.
Il y avait au niveau de la stabilité des travailleurs sylvicoles... Alors je vais me limiter, je vois que vous commencez à me faire des gros yeux, Mme la Présidente, alors je vais me limiter. Il y avait la situation des copeaux, mais j'ai vu l'ouverture du ministre effectivement et je crois que nous aurons une solution pour les scieries indépendantes. Je crois que leur mémoire a été particulièrement percutant. Tout le domaine des redevances, le palier des redevances, il y a une proposition qui originait de ma région effectivement, que j'ai trouvée intéressante par rapport au palier qu'on pourrait créer et tout le domaine... Je vais terminer avec ça. C'est un domaine d'avenir et au coeur de nos préoccupations régionales, soit la transformation. Et souvent c'est revenu, mais d'une façon un peu disparate, il faut bien le dire, sans solutions réelles, mais elle mérite qu'on s'y attarde et qu'on tente d'y trouver des solutions pour encourager la transformation.
Alors, je vous remercie, Mme la Présidente, de votre patience et je remercie tous les membres de la commission.
Mémoires déposés
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le député de Chicoutimi. Alors, c'est effectivement le cas, on a terminé. Moi, à ce moment-ci, je voudrais déposer la liste des mémoires, des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus. Je vous signale cependant que les mémoires sont disponibles et que chacun des membres de la commission les a reçus. Je voudrais aussi signaler aux gens qui sont ici, dans la salle, que, par rapport au dépôt qui a été fait tout à l'heure par le ministre, les deux documents sont disponibles, donc vous pouvez tout de suite en prendre connaissance.
Et, pour ma part, je voudrais finalement remercier... vous comprendrez que je tiens à remercier le personnel du Secrétariat des commissions, principalement Mme Ford, Mme Lavoie qui ont travaillé très fort. C'est assez complexe, c'est lourd, une commission comme celle-là, parce qu'il y a beaucoup de monde. Je voudrais aussi vous remercier, mes collègues membres de la commission, pour votre sens de la discipline. C'est vrai qu'à l'occasion la présidente n'a pas le choix de faire de gros yeux, mais il faut quand même tenir nos horaires très serrés. Je voudrais aussi bien sûr vous remercier par rapport à la collaboration que vous avez manifestée tout au long de cette commission.
M. Brassard: On était ponctuels aussi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ponctualité, discipline et collaboration, tout cela facilitant effectivement le travail de la présidente. Alors, là-dessus, puisque la commission a vraiment terminé son mandat, j'ajourne donc les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 34)