e heures cinq minutes)La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Attention. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail... la séance est maintenant ouverte. Nous allons poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie); M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); et M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).
Document déposé
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Avant de passer à nos rencontres, je voudrais déposer un complément d'information qui nous est adressé par l'Association des industries forestières du Québec et qui est à l'endroit de tous les membres de la commission pour que les gens puissent en prendre connaissance.
Je demanderais donc au premier groupe, nos premiers invités, de bien vouloir s'approcher; il s'agit du Conseil de la nation Atikamekw. Alors, messieurs, si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît.
Document déposé
Pendant que les gens prennent place, je voudrais aussi déposer pour les membres de la commission une dernière version, à ce que je comprends, c'est-à-dire que c'est la troisième version. On avait reçu une version ce matin; on a reçu tout à l'heure une version corrigée de la dernière version. Nous allons donc la distribuer à tous les membres de la commission.
Auditions
Alors, messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission. J'aimerais, avant de procéder au dépôt de votre mémoire, que la personne responsable puisse se nommer et aussi nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Conseil de la nation Atikamekw
M. Awashish (Ernest): Oui, bonjour. Mon nom est Ernest Awashish, je suis le président du Conseil de la nation Atikamekw, Atikamekw Sipi. Je suis accompagné, à ma gauche, de Jean-Pierre Mattawa; c'est le représentant de la communauté Atikamekw d'Obedjiwan. Plus loin, à ma gauche également, il y a M. Simon Coocoo, qui est le coordonnateur du projet de mesures d'harmonisation pour le projet de scierie à Weymontachie, une autre communauté attikamek. À ma droite, je suis accompagné de notre conseiller juridique, Me Paul Dionne.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Messieurs, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura période d'échanges.
M. Awashish (Ernest): Merci. Je peux commencer?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, oui, vous pouvez y aller, M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Merci. ...Mme la Présidente. ...bonjour, M. le ministre, Mme la porte-parole ou le porte-parole de l'opposition, messieurs et madame ? je ne vois pas de madame, il y en avait une sur la liste ? les députés du Parti québécois et messieurs, madame ? je ne sais pas s'il y en avait une encore, elle était sur la liste aussi ? les députés de l'opposition. Je vous remercie de nous accueillir ici aujourd'hui. Je remercie également les membres de la commission d'accueillir les autres représentants attikameks qui m'accompagnent et qui sont assis en arrière de moi.
En nous présentant ici aujourd'hui, nous voulons faire valoir deux objectifs importants: dans un premier temps, nous cherchons, par nos recommandations contenues dans le mémoire principal, à modifier certaines dispositions du projet de loi n° 136 afin de rendre cette loi compatible avec les aspirations de la nation attikamek; dans un deuxième temps, nous voulons prendre l'occasion de notre présence ici pour exprimer certains principes de base dont devra, à notre avis, tenir compte le gouvernement du Québec lorsqu'il adopte des lois qui affectent nos vies, donc la vie des citoyens de la nation attikamek et leur territoire. À notre avis, ces principes ne peuvent être ignorés.
n(16 h 10)n En ce qui a trait au projet de loi lui-même, vous constaterez que nos recommandations témoignent d'une grande préoccupation. Nous sommes inquiets que le processus de consultation prévu ou suggéré par la loi soit inadéquat et ne réponde pas à nos attentes. La loi semble considérer que la nation attikamek et les autres nations autochtones affectées par ce projet de loi ne seront consultées qu'au même titre que les autres intervenants, par exemple les MRC, les zecs et les autres utilisateurs du territoire. Or, à notre avis, nous ne sommes pas des intervenants ordinaires. Ce que le législateur ne semble pas comprendre, c'est que les Attikameks et nos concitoyens, les autres nations, à la différence de tous les autres intervenants, nous ne sommes pas que des utilisateurs de la forêt ou des exploiteurs de la ressource forestière, nous sommes d'abord et avant tout les habitants permanents de ce territoire forestier. Notre épanouissement culturel dépend de l'intégrité écologique de la forêt et de sa capacité à supporter notre mode de vie.
En d'autres mots, si vous permettez une exploitation soutenue de la forêt sans réellement prendre au sérieux nos préoccupations, vous finirez pas éteindre la culture attikamek et la culture des autres nations. Et, si vous éteignez notre culture, vous faites disparaître notre nation. Nous savons collectivement de quoi nous parlons. Vous n'avez qu'à lire votre histoire, celle du Québec, du Canada et de l'Amérique en général. Vos ancêtres et vos contemporains ont tout fait pour prendre nos terres, nous déplacer de nos pays ancestraux, exploiter nos ressources naturelles pour le seul profit de vos gens. Nous nous rappelons que les politiques d'enlèvement de nos enfants, il n'y a pas si longtemps de ça, ont réussi à écraser chez eux le concept de leur propre identité en interdisant, d'une part, l'usage de nos langues et, d'autre part, de nos traditions. Maintenant, ces enfants-là, de l'époque, sont devenus nos pères et nos mères.
Vous nous présentez un projet de loi. Vous vous imaginez sans doute que les mesures de consultation contenues dans votre projet de loi sont suffisantes et témoignent de votre ouverture d'esprit et de votre sensibilité à notre égard. Tout ce que nous constatons, c'est que votre gouvernement a encore du chemin à faire. Il est évident que ceux et celles qui ont rédigé ce projet de loi n'ont aucune idée de qui nous sommes, de notre attachement à notre milieu, de la signification de la forêt dans notre culture. Vous-mêmes vous ne supporteriez pas l'idée que le gouvernement fédéral vous impose comme ça des lois qui ne tiendraient pas compte de la réalité constitutionnelle et légale du Québec. Vous auriez l'impression que des étrangers vous imposent leur volonté, et c'est ce que nous ressentons. Nous avons même l'impression, à la lecture du projet de loi, que vous voulez privilégier les grands exploitants commerciaux de la forêt. On a même eu l'impression que vous nous considériez comme une espèce nuisible au développement de la ressource. Or, nous ne sommes pas contre l'exploitation commerciale de la forêt. Nous voulons simplement que vous teniez compte de notre existence dans le territoire et que la survivance de notre culture dépend de la qualité de notre environnement. Nous voulons faire partie du processus décisionnel lorsque ces décisions affectent notre territoire. Nous voulons également participer aux retombées économiques de l'exploitation de ce qui nous appartient et qui nous revient de droit.
L'exploitation de la forêt a fait la fortune et le bien-être économique de vos gens. L'exploitation de la forêt nous a laissés dans la pauvreté et le désarroi. Pire encore, nous craignons même un jour la disparition de notre réalité nationale, celle de la nation attikamek. Au même titre que les Québécois cherchent à survivre en tant que société distincte dans un océan anglo-américain, vous devriez comprendre nos efforts pour protéger ce qu'il nous reste. Avec le peu de moyens mis à notre disposition, nous vous transmettons nos recommandations pour corriger les lacunes évidentes du projet de loi et de la loi. Vous verrez que nous avons cherché à améliorer le processus de consultation contenu dans le projet de loi. Nous ne voulons pas être consultés comme si nous n'étions qu'un intervenant parmi d'autres. Nous voulons être consultés sérieusement, car nos préoccupations sont particulières. Elles relèvent du fait que nous habitons cette forêt, et ce, depuis toujours.
Ce devoir de consultation sérieux que vous avez à notre égard n'est pas une invention de notre part; même le droit canadien constitutionnel le constate. Dès qu'il y a atteinte à nos droits aborigènes, vous devez nous consulter avant de procéder... pas n'importe quelle consultation qu'on pourrait qualifier de bidon, mais une consultation sérieuse. Vous n'avez qu'à le demander à vos experts légaux, ils vous le diront, ils vous le confirmeront en des termes que vous comprendrez. Que vous fassiez ce que vous voudrez, vous êtes dans l'obligation de reconnaître l'existence de notre droit aborigène sur notre terre. Ce droit, vous ne pouvez pas l'éteindre. Nous aimerions que vous sachiez que vous êtes chez nous et que nous devrions être maîtres chez nous. Toutes vos lois, celles qui nous affectent, doivent tenir compte de nos droits. Il est grand temps, à notre avis, que, au moment de la rédaction de vos projets de loi, vous fassiez appel à des experts légaux et environnementaux autochtones. Commencez à reconnaître notre présence ancienne sur ce territoire, sur ce continent et à notre contribution à l'épanouissement et au développement de la société québécoise et canadienne.
Donc, vous avez avec vous l'essentiel de nos recommandations qui visent la loi. Notre voeu, c'est que vous les lisiez avec sérieux, surtout avec une grande ouverture d'esprit.
Je voudrais m'entretenir avec vous maintenant de nos principes et des principales observations que nous avons faites. Je vous fais la lecture d'une partie de ce que nous considérons comme important. Ce qui suit devrait toujours préoccuper le législateur québécois, spécialement dans la rédaction de lois qui affectent l'existence des nations autochtones qui occupent et habitent ce territoire que vous avez appelé le Québec, mais que, nous, nous nommons, à notre manière, Nitaskinan, notre territoire. Dans un premier temps:
1° l'épanouissement culturel de la société attikamek est intimement relié à l'intégrité de son territoire et de sa capacité de supporter notre mode de vie.
2° les multiples activités traditionnelles représentent le lien sacré des Attikameks avec leur territoire et forgent la culture et les valeurs fondamentales attikameks. L'exercice des activités traditionnelles encadrées par les valeurs attikameks et en cohésion avec le mode de vie traditionnel est la garantie de la perpétuation de la culture et de la société attikamek;
n(16 h 20)n 3° le peuple attikamek sont les occupants permanents de Nitaskinan, et nous faisons partie intégrante de ce territoire, d'où l'existence d'un droit autochtone sur ce territoire, un droit que rien ni personne ne peut éteindre;
4° les Attikameks ont vu comment une mise en valeur des ressources est passée d'un mode d'exploitation manuel vers un mode ultramécanisé qui privilégie le rendement économique et financier et qui prédomine sur les valeurs humaines. Nous avons vu ainsi la mise en place d'un régime forestier qui favorise la production des matières ligneuses au détriment d'une stratégie de développement durable et sensible à la présence des habitants et utilisateurs traditionnels attikameks;
5° un développement qui respecte et répond aux besoins des Attikameks et des autres nations autochtones nécessite une révision en profondeur du plan d'affectation des terres afin que ce dernier reflète les droits, les besoins et les intérêts des Attikameks;
6° la nation attikamek affirme que la préservation d'une qualité du territoire apte à assurer notre survie culturelle découle du droit ancestral et du titre aborigène;
7° le territoire attikamek Nitaskinan supporte de multiples activités intensives de développement commercial depuis des décennies. La qualité de Nitaskinan exige que l'on fasse immédiatement un bilan du territoire et de prendre en compte l'évolution, la croissance et le cumul des impacts. Présentement, ce développement intensif menace l'intégrité de Nitaskinan, notre territoire;
8° il est urgent de réviser l'allocation des possibilités de mise en valeur des ressources afin que le territoire redevienne une assise sécuritaire d'un développement qui répondra à nos aspirations et à nos réalités;
9° nous nous attendons à ce que l'aménagement forestier soit soumis à un processus d'évaluation environnemental et social afin qu'il soit conforme à la stratégie de développement durable des premières nations. Il faut par exemple que la capacité de chaque territoire familial de supporter les activités traditionnelles soit préservée;
10° le processus d'évaluation environnemental doit précéder l'élaboration définitive du plan d'affectation ainsi que du calcul des possibilités, de l'élaboration des plans généraux, de la fixation des objectifs d'aménagement, de rendement soutenu et accru et du cadre normatif des travaux sylvicoles;
11°...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en conclusion, s'il vous plaît, M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je vais compléter tantôt. Je peux répondre à des questions.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, bon, d'accord. Parce que le temps est presque écoulé d'ailleurs.
M. Awashish (Ernest): Pas de problème.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Si vous voulez poursuivre durant la période d'échanges, je serais prête à céder la parole au ministre.
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, M. Awashish, merci aux représentants du Conseil de la nation Atikamekw d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour échanger sur la révision du régime forestier.
Il y a une recommandation qui, je l'espère, pourrait être clarifiée. Vous souhaitez que, dans tout le processus de consultation sur les plans généraux, les consultations également sur les écosystèmes forestiers exceptionnels, les régimes particuliers, etc., vous recommandez de modifier ces articles pour inclure la notion de nation attikamek plutôt que de communauté autochtone. Je pense qu'il n'est pas question dans cette loi évidemment de nier l'existence de la nation attikamek. En 1985 ? vous le rappelez avec raison ? l'Assemblée nationale, de façon unanime, a reconnu l'existence d'un certain nombre de nations autochtones, dont la nation attikamek. Mais, nous, on a introduit la notion de communauté autochtone parce qu'on voulait que ce soit la communauté qui est touchée par le plan d'aménagement qui soit appelée à participer à la consultation. La nation attikamek étant constituée de plusieurs communautés, comme la nation innue est constituée de plusieurs communautés, il nous apparaissait, je dirais, plus nécessaire, plus important que ce soit la communauté qui soit appelée à participer. Je donne l'exemple des Innus. Un plan d'aménagement, dans la région du Lac-Saint-Jean, c'est clair que ça concerne directement la communauté innue de Mashteuiatsh, mais pas nécessairement celle de Natashquan, les deux communautés appartenant cependant à la même nation, à la nation innue.
Alors, je ne sais pas si vous comprenez le sens de cette démarche. Pourquoi voulez-vous que la notion de communauté autochtone, quand il s'agit de processus de consultation sur les plans d'aménagement, soit remplacée par le terme «nation Atikamekw»?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je comprends l'impératif qu'il faut généraliser et non pas que ça soit spécifique à la nation Atikamekw dans un projet de loi général qui touche tout le monde, je comprends ça. Mais, si vous permettez, avant de répondre ? elle est très simple, la réponse ? j'aimerais profiter de l'occasion, si vous permettez, Mme la Présidente, pour terminer ma présentation, parce qu'il y a des éléments qu'on considère qu'ils sont importants qu'on voudrait vous transmettre également. Est-ce que c'est possible?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ce serait sur le temps du ministre.
M. Brassard: C'est libre à vous. Libre à vous, vous avez...
M. Awashish (Ernest): Merci. Donc, nous n'étions rendus qu'à onzièmement dans nos préoccupations et nos principes:
11° on voulait que la gestion forestière puisse tenir compte de la réalité sociale des Attikameks et de son approche communautaire. Ces structures de gestion devraient permettre qu'on soit assuré d'un soutien et d'une formation et des équipes de gestion locales; ça nous assurerait également l'accessibilité aux données permettant de réaliser les analyses de caractérisation du territoire; ça nous assurerait également d'échanger les informations nécessaires à une gestion communautaire et forestière afin de traiter les données et les informations nécessaires à un aménagement intégré du territoire et des ressources;
12° ? il y en a 14 seulement ? la nation attikamek doit compter sur des formules de financement à long terme de façon à mettre en place un processus de formation et une planification à moyen et long termes des activités forestières;
13° il est prioritaire que les Attikameks participent à tout processus de planification et de suivi des opérations concernant l'exploitation de la ressource forestière; et, finalement:
14° les Attikameks ne s'opposent pas systématiquement au développement. Toutefois, nous tenons à participer de manière significative au développement des ressources, aux diverses activités sylvicoles, en autant que ça respecte nos valeurs et nos besoins. Puis, en terminant, je vais vous demander de me permettre de vous citer un de nos aînés attikameks, qui tenait à vous livrer le message qui suit. Je vais omettre la citation en attikamek. De toute façon, ça va être difficile de la reproduire sur le procès-verbal. Donc, je débute la citation en français. Donc, il vous disait ceci: «Dites-leur que nous n'avons jamais cédé notre territoire, que nous ne l'avons jamais vendu, que nous ne l'avons jamais échangé, de même que nous n'avons jamais statué autrement en ce qui concerne notre territoire.» Je me permets d'ajouter ceci, et je vous le dis très respectueusement, à ce que notre aîné nous avait dit: «Donc, nous n'avons jamais également été conquis par qui que ce soit, n'ayant jamais participé à aucune guerre, et, par le fait même, nous n'avons jamais signé d'acte de capitulation avec qui que ce soit.» Je vous remercie de m'avoir permis de terminer ma présentation.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...
n(16 h 30)nM. Awashish (Ernest): Puis, pour en revenir à la question du ministre: Pourquoi privilégier la nation attikamek par rapport à une consultation qui touche davantage les communautés autochtones? C'est que tout ce qui a trait au territoire attikamek relève du Conseil de la nation Atikamekw dans notre structure décisionnelle, chez nous, parce qu'on a reçu le mandat des trois communautés attikameks de négocier en leur nom une entente de principe qui porte sur les enjeux territoriaux et gouvernementaux et qui nous touchent directement. C'est tout simplement qu'on recommande que, en ce qui a trait à la nation attikamek, tout ce qui a trait au territoire, c'est le CNA qui a ce mandat-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
M. Brassard: Oui. Je comprends que c'est là votre mode de fonctionnement. Je n'ai pas à m'immiscer dans votre façon de fonctionner, sauf qu'il faut comprendre que, quand il s'agit de plans d'aménagement forestier, on ne peut pas faire autrement que de recourir au terme, je dirais, générique de «communautés autochtones», puisqu'il y a 13 nations autochtones sur le territoire québécois, composées chacune de plusieurs communautés, et nous, la façon d'impliquer les autochtones, c'est par le biais des communautés. Déjà, d'ailleurs, je vous signale que, pour ce qui est de la nation attikamek, nous avons des conventions d'aménagement forestier, déjà, de signées avec des communautés. Nous avons deux conventions d'aménagement forestier signées avec la communauté d'Obedjiwan et de Weymontachie. Il y a même un CAAF ? à deux A ? de conclu, un contrat de conclu avec la communauté attikamek d'Obedjiwan.
Alors, est-ce que je dois comprendre que dans l'avenir c'est le Conseil de la nation Atikamekw qui va être le porte-parole quand viendra le temps, par exemple, de la révision du CAAF de la communauté Obedjiwan? Peut-être que c'est ce que, vous, de votre côté, du côté de la nation attikamek, vous allez décider comme mode de fonctionnement au sein de la nation attikamek, mais il ne m'apparaît pas, à mon avis, opportun que l'Assemblée nationale cesse d'indiquer qu'il s'agit des communautés autochtones qui seront impliquées, consultées.
Si, dans votre mode de fonctionnement, vous voulez, je dirais, faire les démarches, ou la consultation, ou la conclusion de contrats ou de conventions au nom de l'une ou l'autre de vos communautés, c'est un mode de fonctionnement qui relève de vous. Je ne sais pas si vous comprenez que ça ne nous apparaît pas utile de modifier la Loi sur les forêts pour y introduire un mode de fonctionnement qui vous appartient.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Merci. Je comprends très bien votre point de vue, puis, pour répondre à une des questions, à savoir si dans l'avenir on va devoir faire en sorte que ce soit le Conseil de la nation Atikamekw qui procède à la signature de contrats, non, notre structure actuelle permet de faire en sorte que, en ce qui a trait aux ententes administratives... parce que, pour nous, les contrats d'aménagement forestier ? avec un A ? c'est une entente administrative, puis les communautés sont libres de signer parce que ça leur permet d'évoluer un peu en attendant la conclusion du traité.
Et ce que je mentionnais, c'est: En ce qui a trait à la consultation, la recommandation qu'on vous faisait, ce n'est pas la plus importante. Pour nous, c'est secondaire. Ce qui m'amène à vous dire que ce qui est le plus important pour nous, c'est la préoccupation qu'on a de vos projets de loi et des projets que vous mettez en oeuvre et qui portent atteinte à nos droits. Pour nous, c'est ça qui est le plus important, puis j'aimerais ça, vous entendre là-dessus si c'est possible.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Bien, vous comprendrez que, dans le cadre d'un processus de modification de la Loi sur les forêts, je ne pense pas que ce soit ni le forum approprié ni le véhicule approprié pour amorcer des négociations avec la nation attikamek sur l'exercice de ses droits, y compris de ses droits territoriaux. Je pense qu'il y a, en cette matière, d'autres forums et d'autres véhicules. Que vous veniez en commission pour vous exprimer et nous rappeler ces revendications de la nation attikamek, je ne suis pas réfractaire ni opposé à cela, mais ça m'apparaît évident que la Loi sur les forêts ne m'apparaît pas être le moyen ou le véhicule d'enclencher des négociations à caractère territorial. Tout en reconnaissant que je souhaite que, comme on l'a amorcé avec certaines communautés innues, s'amorcent également avec la nation attikamek des négociations plus globales sur l'exercice des droits autochtones, mais je ne pense pas que le véhicule de la Loi sur les forêts soit le véhicule approprié pour cette fin.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Awashish, vous avez un commentaire.
M. Awashish (Ernest): Merci, Mme la Présidente. C'est parce que ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on ne veut pas se servir de la Loi sur les forêts pour enclencher quelque négociation que ce soit. Ce dont nous voulons vous faire prendre conscience, c'est que le projet de loi n° 136 ainsi que les autres lois portent atteinte à nos droits. Lorsqu'il y a une coupe sur le territoire, ça affecte le milieu de vie des Attikameks: moins d'arbres, moins d'animaux, moins de possibilités d'exercer nos droits de chasse, de pêche. Je ne sais pas si vous comprenez et j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Brassard: Bien, je comprends très bien, puis c'est d'ailleurs...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Rapidement, M. le ministre.
M. Brassard: ...dans cette perspective-là... Je vais conclure là-dessus, parce que c'est quand même un échange intéressant. Je comprends très bien, mais c'est précisément dans cette perspective-là que nous avons prévu que les communautés autochtones soient impliquées dès le départ dans le processus d'élaboration des plans, pour que justement ces plans prennent en compte et tiennent compte des cultures autochtones, des modes de vie et des façons de faire particulières aux communautés autochtones. Et c'est ce qu'on veut formaliser dans la loi, une implication des communautés autochtones dans le but... pas pour le plaisir de vous impliquer, mais dans le but de faire en sorte que les plans d'aménagement et d'approvisionnement tiennent compte de vos spécificités culturelles et de votre culture propre. C'est ça, l'objectif.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. le ministre. Maintenant, je céderais donc la parole à la députée de Bonaventure, porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Awashish, M. Coocoo, M. Dionne, M. Ottawa, bonjour et bienvenue à cette commission. Merci pour la présentation de votre mémoire. Et, de toute évidence, avec votre présentation, les membres de cette commission seront en mesure de mieux comprendre ce qui motive la nation attikamek dans son rapport avec la forêt.
n(16 h 40)n D'entrée de jeu, je souhaiterais pouvoir avoir des précisions sur comment se vivent vos rapports avec... Parce que vous avez, à chaque jour, à transiger avec des bénéficiaires de CAAF, comment à chaque jour, se vivent ces rapports? Et vous avez affirmé tout à l'heure dans votre présentation ? et vous me permettrez de vous citer: On a l'impression souvent qu'on nous considère comme une espèce nuisible qui nuit au développement, effectivement, de la ressource. Alors, je dois vous dire que, lorsqu'on entend des choses comme celles-là, on se dit: Sur le terrain, ça doit être très difficile, les rapports ne doivent pas être très harmonieux. Alors, sur le terrain, dans vos échanges avec les bénéficiaires de CAAF, dans vos relations quotidiennes avec les industriels, de quelle façon tout ça se déroule?
Le Président (M. Lelièvre): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je vais vous demender une faveur, madame. J'aimerais poser une question au ministre sur une étape qui précède l'élaboration des plans généraux d'aménagement forestier puis je vais vous répondre très précisément.
Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure, est-ce que vous consentez à ce que le ministre réponde à cette question?
Mme Normandeau: Je consens, bien sûr, mais en autant que l'opposition puisse avoir toutes les minutes auxquelles elle a droit.
Le Président (M. Lelièvre): Bien, c'est-à-dire... Écoutez, je comprends que vous consentez à ce que votre temps soit utilisé, c'est le but de la demande qui a été formulée.
Mme Normandeau: Oui, oui, ça va.
M. Awashish (Ernest): Je vous remercie et je vous fais part de mon appréciation. J'aimerais entendre le ministre, si c'est possible, au sujet d'une des recommandations qu'on fait. On recommande qu'on procède d'abord et avant tout, avant d'élaborer quelque plan d'aménagement forestier que ce soit, à une évaluation environnementale pour déterminer c'est quoi, la qualité ou l'état du territoire dans lequel les opérations forestières sont projetées pour déterminer également avant tout sur quelles bases on doit se fier pour établir les calculs des possibilités forestières.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre. Est-ce que vous aviez terminé?
M. Awashish (Ernest): Oui.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Bien, j'ai presque envie de vous retourner la question et puis vous dire: Qu'est-ce que vous entendez par évaluation environnementale? Si vous entendez, par évaluation environnementale, ce qu'on retrouve explicitement dans la Loi de la qualité de l'environnement, c'est-à-dire la procédure très complexe qui consiste à faire une étude d'impact préalable, étude d'impact qui est déposée au ministère de l'Environnement et qui peut donner suite après ça à des audiences publiques devant le Bureau d'audiences publiques, je vous répondrai que je demande à réfléchir parce que ce n'était pas ça du tout dans notre esprit.
Mais, si vous voulez dire qu'il faut, préalablement à l'élaboration d'un plan d'aménagement et d'approvisionnement, bien connaître le territoire sur lequel ce plan va s'appliquer, bien connaître les écosystèmes forestiers qui s'y retrouvent, bien connaître aussi, vous concernant, les lieux patrimoniaux qui vous retrouvent, les activités que vous y tenez, et qu'on puisse également prendre en compte la dimension faunique, les habitats fauniques à préserver... si c'est ça, ce que vous voulez dire dans votre esprit, oui, je pense que c'est comme ça qu'on devra procéder, et c'est sur la base de ces informations et de ces connaissances qu'on sera en mesure de concevoir et de mettre en oeuvre un plan d'aménagement et d'approvisionnement qui va respecter la réalité forestière, la réalité faunique et la réalité aussi culturelle de vos communautés.
Le Président (M. Lelièvre): Selon nos procédures, je laisserai maintenant la parole à la députée de Bonaventure qui voudrait échanger aussi avec vous, à moins que vous ayez un commentaire. Ha, ha, ha!
Mme Normandeau: ...mon commentaire à formuler.
Le Président (M. Lelièvre): Mais vous comprenez que, comme président, je me dois aussi de me... Là, on était sur la période des...
M. Brassard: Ce n'est pas sans intérêt, ce qu'on fait là, mais c'est plutôt inédit. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Awashish (Ernest): Donc, je vais m'en tenir à ma promesse de vous répondre. Voyez-vous, quand on affirme qu'on serait comme une espèce nuisible, c'est un peu fort, j'en conviens, mais je crois que le fait qu'on ne nous connaisse pas... C'est notre devoir de promouvoir, en fait, notre identité. On a toujours dit qu'on avait toujours beaucoup à gagner à se faire connaître, puis c'est l'impression qu'on a sur le terrain, parce qu'on n'est pas considérés. Quand il y a une opération sur le territoire, il n'y a pas de communication, d'abord par la barrière de la langue, d'abord aussi par les craintes que ça peut susciter, puis c'est pour ça qu'on se sent comme ça. Puis je pense qu'il y a une responsabilité gouvernementale également à ce sujet-là.
Puis, si vous permettez, pour en revenir à nos préoccupations, c'est qu'on n'oblige plus les compagnies forestières à procéder à des inventaires fauniques avant d'adopter des plans d'aménagement forestier, tel qu'il était le cas il y a quelques années. On retrouvait ça dans les normes d'intervention forestière du Québec il y a quelques années, ça a été enlevé. On s'est posé la question: Pour quelle raison?
Le Président (M. Lelièvre): C'est une question que vous adressez...
M. Awashish (Ernest): Un commentaire général.
Le Président (M. Lelièvre): Un commentaire général.
M. Awashish (Ernest): S'il y en a qui veulent répondre à ça, j'apprécierais.
Le Président (M. Lelièvre): Toujours avec le consentement de Mme la députée de Bonaventure?
Mme Normandeau: Bien sûr, M. le Président.
Le Président (M. Lelièvre): Ha, ha, ha!
M. Brassard: Alors, M. Awashish, c'est évident que dans la perspective où on implique et les communautés autochtones et aussi un certain nombre d'autres intervenants dans le processus d'élaboration des plans... c'est clair que l'un des objectifs, c'est qu'on prenne en compte davantage que ce n'est le cas présentement toute la dimension faunique: protection des habitats, protection des espèces fauniques, gestion durable des espèces fauniques. C'est ça qui est l'objectif, pour que le plan d'aménagement ne soit pas ? on l'a dit souvent en cette commission ? uniquement un plan d'aménagement de la matière ligneuse, mais qu'il soit un plan de gestion intégrée des ressources, que donc on prenne en compte également les autres ressources qu'on retrouve en forêt. C'est ça, l'objectif aussi, et certainement que c'est aussi un objectif que vos communautés poursuivent sans aucun doute.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de... Excusez-moi.
M. Kelley: Jacques-Cartier.
Le Président (M. Lelièvre): Jacques-Cartier. Ha, ha, ha!
M. Kelley: Préalablement, je ne suis pas membre de la commission, alors je demande la...
Le Président (M. Lelièvre): Avant que vous preniez la parole, M. le député de Jacques-Cartier, on me signale que ça prend le consentement des membres de la commission.
M. Kelley: Exactement. Merci beaucoup, M. le Président.
M. Brassard: Nous le donnons.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, consentement accordé.
M. Kelley: À mon tour, j'aimerais dire bienvenue aux représentants du Conseil de la nation Atikamekw. Et je pense que c'est très important de rappeler qu'il y a un régime de droits, il y a des droits qui sont issus du passé, des engagements qui ont été pris loin dans notre passé. Et je sais que comment arriver à l'entente globale pour arrimer ces droits avec, entre autres, notre régime forestier, mais beaucoup d'autres domaines aussi, ça, c'est quelque chose qui a pris des années, et on n'est pas encore arrivés à un traité. Alors, il y a toujours... Comment est-ce que, à court terme, on peut aménager nos relations en attendant une signature d'une entente globale?
n(16 h 50)n Et vous avez mentionné au ministre la question d'une évaluation environnementale, mais, dans votre esprit, c'est quoi, les outils qu'il faut donner à la nation attikamek afin qu'elle puisse réaliser ce genre d'étude? Parce que je sais que le ministère le fait, je sais qu'il y a des recherches, des évaluations. Pour la nation, c'est difficile de refaire ce travail. Alors, comment est-ce qu'on peut s'assurer un véritable partenariat? On est toujours à court terme, on attend toujours la signature d'une entente plus globale, mais qu'est-ce qu'il faut faire pour bien s'assurer que la nation attikamek est partie prenante d'un processus semblable?
Le Président (M. Lelièvre): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): On l'avait mentionné dans notre présentation, c'est que, pour parler termes concrets, on reçoit de temps en temps une série de cartes pour nous consulter sur un plan annuel... On nous demande... Vous avez 45 jours pour répondre à cette consultation-là. Le problème, c'est comment lire les cartes, comment faire en sorte qu'on puisse intégrer... Là, je dois vous avouer, par exemple, qu'il y a eu du chemin de ce côté-là de parcouru avec les compagnies.
Le problème qu'on a, c'est qu'on n'a pas d'équipement, on n'est pas équipés comme on voudrait, dans nos communautés, avec des équipements géomatiques. D'abord, il faut s'assurer de la compatibilité aussi des logiciels, si c'est possible de s'échanger ces informations-là, de façon à permettre, dans la planification des aménagements forestiers, l'intégration de nos données et de nos préoccupations. Et, pour ça, ça prend du soutien financier, donc la formation aussi des équipes de gestion, comme on le mentionnait tantôt, puis donc il faut avoir accès aux données, données qui sont brutes, qui sont importantes, qui vont nous permettre de réaliser les analyses pour caractériser un territoire et nous permettre également de terminer le travail qu'on avait commencé il y a une dizaine d'années, qui consistait à faire l'inventaire de nos valeurs, de ce qu'on trouvait comme important à protéger: les sites historiques, les sites de sépulture, les sites de campement, les frayères, les ravages d'orignal, et j'en passe. Et ça nous permettrait d'échanger les informations qui sont nécessaires à une gestion communautaire, comme on le mentionnait, qui tendrait ? je dis bien «tendrait» ? vers une gestion intégrée des ressources. Puis la gestion forestière n'est qu'un volet de cette gestion-là.
Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.
M. Kelley: Est-ce qu'il reste du temps?
Le Président (M. Lelièvre): M. le député de Jacques-Cartier, en complémentaire?
M. Kelley: Oui, en complémentaire. Aussi, est-ce qu'il y a des projets que les retombées économiques du développement forestier peuvent aider le Conseil de la nation Atikamekw? Je sais qu'il y a quelques projets qui sont déjà en marche, mais, à court terme, est-ce qu'on peut faire mieux? Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire pour s'assurer que, dans le partage de la richesse forestière, il y aura une part plus importante... ou des retombées économiques plus importantes pour la nation attikamek?
Le Président (M. Lelièvre): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.
M. Kelley: Au juste, est-ce qu'il y a des projets à l'étude maintenant dans la nation attikamek où on peut s'assurer qu'il y aura des retombées économiques plus importantes de la récolte dans les forêts pour les membres de la nation attikamek?
Le Président (M. Lelièvre): M. Awashish.
M. Awashish (Ernest): Dans d'autres domaines que le secteur forestier? Il y en a plein.
M. Kelley: Oui, il y en a plein, mais est-ce qu'il y en a dans le domaine forestier?
M. Awashish (Ernest): Il y a actuellement un autre projet, comme le mentionnait M. le ministre, un projet de développement, de mise sur pied d'une usine de transformation à Wemotaci. Et il y en a une qui est en opération à Obedjiwan depuis un an et demi, à peu près.
M. Kelley: Et ça a réussi à générer des retombées économiques pour Obedjiwan ou...
M. Awashish (Ernest): Sur une population de 2 000, ça a créé à peu près 120 emplois.
M. Kelley: Combien? Pardon.
M. Awashish (Ernest): Cent vingt emplois environ: 60 en usine puis 60 sur le territoire.
M. Kelley: Parfait, merci.
(Consultation)
Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Awashish, M. Ottawa, M. Coocoo et M. Dionne, on vous remercie. Malheureusement, le temps que nous avions est déjà épuisé. Je vous remercie d'être venus devant la commission présenter vos observations. Nous avons reçu vos documents et pris bonne note que les observations juridiques... Vous nous dites que nous sommes en mesure de les lire, et je suis d'accord avec ça.
Et la commission va suspendre ses travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 57)
Le Président (M. Lelièvre): Alors, la commission va reprendre ses travaux. Je vois que les représentants de Domtar sont déjà en place. Alors, je vous souhaiterais tout d'abord la bienvenue devant la commission et vous inviterais à vous présenter en donnant vos fonctions pour les fins de transcription de nos débats.
Domtar inc.
M. Royer (Raymond): Merci, M. le Président. À ma droite, M. Jacques Girard, président du conseil d'administration de Domtar; à ma gauche, Gildas Minville, vice-président des opérations forestières du Québec; et, mon nom est Raymond Royer, je suis le président et chef de l'exploitation de Domtar.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, M. Royer, je crois que vous allez faire la présentation. Vous disposez d'un temps de 10 minutes, et, par la suite, nous avons une période d'échanges de part et d'autre ensemble.
M. Royer (Raymond): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission parlementaire, mesdames et messieurs, bon après-midi. Pour tirer avantage du temps qui nous est accordé, je résumerai mes propos en vous présentant notre vision du régime forestier québécois.
Domtar, dont le siège social est situé à Montréal et dont une partie importante de ses usines se situe en Abitibi, en Estrie, en Beauce et dans les Laurentides, est une compagnie de produits forestiers bien implantée au Québec. Notre entreprise jouit par ailleurs d'une envergure nord-américaine. Nous sommes le premier producteur de papiers fins et techniques au Canada. Plus de 90 % de notre chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars est réalisé à l'extérieur du Québec, principalement aux États-Unis. L'avenir de Domtar est donc intimement lié à l'avenir des forêts du Québec et à la capacité de notre entreprise à relever les défis de la qualité et de l'efficacité face à une concurrence internationale féroce.
Dans ce contexte, nous croyons que la modernisation du régime forestier québécois est impérative et nous souscrivons aux objectifs du gouvernement. Les commentaires que nous vous présentons sont toutefois influencés par l'environnement très compétitif dans lequel nous évoluons qui s'explique notamment par la mondialisation des marchés. Aussi, ils tiennent compte de l'aspect du développement des affaires et de la meilleure gestion de risque que doit nous permettre ce nouveau régime forestier.
n(17 heures)n Vu sous cet angle, nous croyons que ce dernier doit tenir compte de trois aspects particuliers. L'avenir de nos forêts dépend de la qualité de la gestion forestière que tous les utilisateurs en feront. L'application professionnelle et rigoureuse des meilleures règles de l'art devrait être à la base d'une gestion efficace et durable de la forêt. La promotion de l'excellence doit être valorisée dans l'utilisation des ressources forestières renouvelables qui sont un des piliers de la richesse collective québécoise. Il faut donc prévoir deux mécanismes: un premier, pour récompenser les entreprises qui dépassent les résultats escomptés en aménagement forestier et en utilisation de fibre; et, un deuxième, pour régler les différends qui peuvent surgir entre les nombreux utilisateurs légitimes du territoire forestier. Enfin, il faut améliorer nos relations d'affaires avec les communautés autochtones à partir des ressources forestières disponibles.
Le projet de loi n° 136 nous fournit une occasion idéale pour développer une politique de gestion intégrée des ressources qui s'appliquera, tant à la forêt publique qu'à la forêt privée. Il serait alors essentiel que cette politique de gestion soit confiée à un même organisme ou ministère afin que le territoire forestier puisse être développé et utilisé en fonction des intérêts de tous les utilisateurs. Nous insistons par ailleurs sur le partage des responsabilités juridiques et financières entre tous les utilisateurs qui retirent un bénéfice de l'utilisation de la forêt. Nous croyons que cette approche favorise une collaboration active et responsable de chacun des intervenants.
Nous partageons l'objectif du gouvernement d'accroître le caractère transparent du régime forestier. Il faut, en effet, rassurer le public quant à la gestion professionnelle de cette ressource naturelle dans le respect des règles de l'art les plus strictes. Nous sommes d'accord avec la proposition du projet de loi n° 136 à l'effet d'impliquer certains intervenants dans l'élaboration des plans généraux. D'ailleurs, nous avons indiqué, dans notre mémoire, que nous avions l'intention de mettre en application un tel processus dès les prochaines révisions des plans généraux.
Dans la préparation des plans quinquennaux, Domtar propose cependant une approche proactive fondée sur une mise à jour annuelle. Le principal intérêt de cette approche réside dans le fait que la population et les différents intervenants devraient être engagés dans l'élaboration des plans de façon continue plutôt que ponctuelle. Elle favoriserait une meilleure compréhension des enjeux et l'amélioration continue des performances. Dans cet esprit, dès le 24 octobre courant, Domtar donnera accès à ses plans d'aménagement forestier de l'Abitibi à tous, par le biais de l'Internet.
Dans le but de consolider notre position d'exportateur et de mieux rivaliser avec la concurrence mondiale, nous avons consenti des investissements importants dans nos usines de pâtes et papiers ainsi que dans nos scieries durant les dernières années sans pour autant demander un volume de bois supplémentaire. Ces investissements portent à la fois sur la formation de notre main-d'oeuvre et sur l'introduction de nouveaux équipements. Cependant, il faut comprendre que tout changement important dans la quantité et la qualité de la fibre disponible ainsi que sur le coût de son approvisionnement pourrait accentuer la volatilité du marché des produits forestiers, dont la fragilité est déjà bien connue, et éloigner davantage les investisseurs qui, déjà, se font plus rares.
Ce qui m'amène à vous parler des contrats d'aménagement forestier ou encore des CAF ? C-A-F ? mesures qui permettraient l'attribution de volumes à des personnes morales qui n'exploitent pas d'usine. Nous sommes préoccupés par cette proposition qui pourrait avoir des conséquences très néfastes pour l'industrie. Elle réduira l'approvisionnement déjà consenti pour la bonne marche des scieries auxquelles cet approvisionnement était destiné et brisera l'équilibre entre l'offre et la demande pour ainsi pénaliser un marché dont la fragilité est déjà très élevée.
Qui plus est, le projet de loi introduit une nouvelle mesure qui donne au ministre la possibilité d'émettre un permis ponctuel à un compétiteur qui pourrait ainsi venir récolter du bois provenant des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier qui ont déjà été attribués à un autre intervenant. Cette mesure perturbera totalement le marché du bois d'oeuvre. En effet, avec une telle mesure, le prix du bois ne sera plus déterminé par l'offre et la demande mais bien par la disponibilité additionnelle de bois qui pourrait envahir le marché.
À notre avis, aucune entreprise n'acceptera de consentir les investissements importants requis, tant pour la sylviculture que pour l'exploitation rationnelle de la forêt, si elle ne peut évaluer précisément les risques reliés à ces investissements. La même règle s'applique à Domtar qui aura besoin d'être fixée rapidement sur la garantie d'approvisionnement qui lui a déjà été consentie, de même que sur les marges de manoeuvre qui lui ont déjà été accordées.
M. le Président, nous estimons que le plus grand défi que nous pose la réforme du régime forestier concerne les communautés autochtones. Chez Domtar, nous visons beaucoup plus que le bon voisinage. Nous cherchons à établir un véritable partenariat d'affaires avec elle, comme en fait foi notre politique forestière. Le projet de loi n° 136 prévoit la participation des populations autochtones dans l'établissement des plans d'aménagement et vise principalement l'harmonisation avec les modes de vie traditionnels.
Tout en partageant cette vision des choses, nous estimons qu'il serait souhaitable d'aller encore plus loin. Il faut innover en élaborant et facilitant de véritables partenariats d'affaires avec nos voisins autochtones, comme nous l'avons fait pour la scierie de Nabakatuk, que nous détenons conjointement avec la première nation crie de Waswanipi, et avec l'entreprise forestière Mishtuk Corporation, avec laquelle nous avons établi un partenariat pour favoriser le transfert d'expertises aux autochtones. Nous croyons aux nombreux avantages de tels partenariats d'affaires avec les communautés autochtones, et nous suggérons la mise sur pied d'un fonds tiré des redevances forestières actuelles, en vue d'encourager des mesures d'harmonisation supplémentaires, de même que les projets de développement de l'emploi dans le domaine forestier. Domtar, pour sa part, est disposée à partager la ressource forestière disponible, à partager les revenus reliés à sa transformation et à transmettre ses connaissances technologiques.
Conclusion. Nous considérons le projet de loi n° 136 comme une première étape dans un processus d'amélioration continue. Bien sûr, plusieurs politiques restent encore à définir dans lesquelles il faudra notamment traiter des sujet suivants: les garanties d'approvisionnement à long terme, les coûts compétitifs de l'approvisionnement et les règles de l'art à partir desquelles le public pourra porter un jugement sur la gestion de la forêt. Nous nous engageons, quant à nous, à participer pleinement et activement à ce processus, en vue de convenir d'un régime juste et équitable, un régime économiquement viable, favorisant la protection de l'environnement et basé sur des mesures incitatives favorisant la confiance mutuelle entre tous ceux qui ont un rôle à jouer dans la gestion de la forêt. Je vous remercie.
Le Président (M. Lelièvre): Vous aviez terminé?
M. Royer (Raymond): J'avais terminé.
Le Président (M. Lelièvre): Le temps qui vous était alloué est presque terminé, mais vous pourriez compléter, de toute façon, dans les échanges si vous aviez des choses à rajouter tout à l'heure. Je vais céder la parole à M. le ministre.
n(17 h 10)nM. Brassard: M. Royer, M. Girard, M. Minville, merci de votre présence et de votre contribution aux travaux de la commission. Je pense que c'est un mémoire qui démontre très clairement que Domtar n'a pas d'inquiétudes et ne vit pas d'angoisse de s'engager dans la voie de la gestion intégrée des ressources, de s'engager dans la voie d'une plus grande implication d'un certain nombre d'intervenants dans le processus d'élaboration des plans. Ma foi, c'est réconfortant de constater cette volonté, de la part de Domtar, d'aller de l'avant et de s'impliquer et de participer à une révision en profondeur du régime forestier.
Vous avez commencé d'une certaine façon, parce que j'apprends que vous êtes la première entreprise forestière qui a, sur son site Internet, rendu public l'ensemble de ses plans d'approvisionnement et de ses plans annuels d'intervention; c'est ce que j'ai compris?
M. Royer (Raymond): Pour l'Abitibi, à compter du 24 octobre, et pour les autres régions, nous pensons compléter d'ici la fin de décembre.
M. Brassard: Et, à cet égard, est-ce que vous avez eu le souci de rendre ces plans, souvent assez complexes et difficiles d'accès, plus compréhensibles? Est-ce que vous avez un souci pédagogique?
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer.
M. Royer (Raymond): Oui. En fait, il y a des gens de votre ministère à qui nous faisons une présentation cet après-midi, d'ailleurs, à Val-d'Or, et les gens pourront voir non seulement la carte générale, mais, à même l'Internet, ils peuvent aller directement à l'endroit qu'ils visent, y inclus leur chalet, pour savoir comment les plans d'aménagement peuvent affecter leur chalet. Et nos plans d'aménagement, nous avons dit que nous étions pour les faire ? les plans quinquennaux ? de façon proactive, c'est-à-dire à chaque année, il y a une remise à jour et à chaque année, les gens peuvent prévoir, cinq ans à l'avance, ce qui va arriver dans nos projets de coupe. Alors, nous pourrons ainsi avoir les interventions des différents intéressés et être capables de discuter avec eux des problèmes qu'il y a.
C'est pour ça que nous proposons un règlement de différends, parce qu'à un moment donné il va y avoir des gens qui vont dire: Écoutez, votre route passe là, mais, moi, j'ai une pourvoirie ici, je voudrais que votre route passe là. Alors, il y aura peut-être des mésententes, et on suggère qu'il y ait un programme pour régler les différends ? d'ailleurs, c'est prévu dans la loi ? mais à l'intérieur même du système, à l'intérieur même de la législation qui existe.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Oui. Je comprends que vous êtes en train finalement de mettre en oeuvre ce que vous appelez et ce que l'AMBSQ appelle un plan quinquennal dynamique...
M. Royer (Raymond): Absolument.
M. Brassard: ...c'est-à-dire qui est en constante révision. Bien. Dans votre mémoire, vous faites référence au marché des bois provenant des forêts privées, et vous dites que, «dans un esprit d'intégration de la gestion des ressources, Domtar est d'avis que la mise en marché des bois provenant des forêts privées devra être englobée dans la Loi sur les forêts». Vous êtes une entreprise, évidemment, qui s'alimente beaucoup dans les forêts privées, surtout pour vos unités de production situées au sud du fleuve. Qu'est-ce que vous voulez dire par le fait que la mise en marché des bois en provenance des forêts privées devrait être englobée dans la Loi sur les forêts? Ça veut dire quoi dans votre esprit?
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer.
M. Royer (Raymond): Bien, ce n'est pas juste la mise en marché. En fait, c'est essayer d'avoir, dans un organisme, un ministère, un point de convergence de tous les intervenants qui peuvent aller en forêt, que ce soit en forêt privée ou en forêt publique, que ce soit pour fins touristiques ou autres, afin qu'il y ait un seul endroit où on puisse rencontrer toutes ces demandes ou toutes les requêtes des différents intervenants. Alors, ce n'est pas juste pour la mise en marché, c'est beaucoup plus large que ça.
M. Brassard: Oui, mais...
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: ...c'est parce que les forêts privées, évidemment, en vertu de la loi, ont un statut que je qualifierais de particulier, sans connotation constitutionnelle, là, un statut particulier, dans le sens où, évidemment, c'est des propriétés privées. Leur aménagement et leur mise en valeur se font par le biais de l'Agence ? la mise en valeur des forêts privées. La mise en marché se fait par le biais de plans conjoints, via les syndicats de producteurs de bois. Alors, évidemment, ça supposerait des amendements très substantiels à la loi si on devait traiter de la même façon les forêts publiques et les forêts privées.
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer.
M. Royer (Raymond): Le point qu'on voulait faire, ça touche à l'exploitation rationnelle, et tant au niveau de l'aménagement forestier que de l'exploitation, mais que ça soit toujours régi par un même organisme, de façon à ce que les gens qui exploitent leurs forêts privées soient aussi régis par ce même organisme là. Remarquez qu'on va y répondre partiellement à un moment donné, parce que les marchés américains demandent de plus en plus la certification des forêts. Alors, tout le monde va devoir quand même démontrer que les procédés en forêt sont certifiés, que ce soit par ISO ou que ce soit par d'autres normes environnementales ou de production reconnues aux États-Unis.
Le Président (M. Lelièvre): M. le ministre.
M. Brassard: Dernière question. Vous n'avez pas craint ? vous l'avez mentionné à la fin de votre intervention ? de prendre l'initiative et d'établir des partenariats avec des communautés autochtones. Est-ce que ça veut dire également que vous les avez d'ores et déjà impliquées dans le processus d'élaboration des plans d'aménagement et d'approvisionnement qui les touchent et qui les concernent? Est-ce que la loi évidemment va rendre formellement obligatoire? Je comprends que vous le faites déjà.
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer.
M. Royer (Raymond): Oui. Déjà, en Abitibi, nous avons commencé à le faire. Mais nos relations avec les autochtones remontent réellement à compter de 1996, où nous avons eu un programme bien spécifique, d'abord, par la création d'une scierie conjointement détenue avec les Cris de la première nation. Et, déjà, au Québec, nous avons une centaine d'employés autochtones, soit directement ou indirectement par l'entremise de contracteurs autochtones, pour faire de la sylviculture ou pour travailler directement dans nos scieries. Nous faisons la même chose en Ontario, et nous avons déjà 200 employés en Ontario qui sont d'origine autochtone.
M. Brassard: Mais est-ce que, dans l'élaboration de vos plans d'aménagement sur des territoires où se situent des communautés autochtones, en plus de ces partenariats économiques, vous les avez impliquées dans le processus d'élaboration de vos plans?
M. Royer (Raymond): Oui, par des comités d'harmonisation. Alors, ça a déjà été fait. Mais là les autochtones de l'Abitibi vont pouvoir venir directement sur notre site ou encore nous appeler directement concernant les plans d'aménagement que nous avons.
M. Brassard: Merci.
Le Président (M. Lelièvre): Alors, merci, M. le ministre. Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Royer. M. Girard, M. Minville, bonjour à vous également. Merci pour la présentation de votre mémoire.
D'entrée de jeu, vous me permettrez de vous féliciter pour avoir joint à votre mémoire votre fameuse politique forestière, qui est très bien faite, qui est claire, qui dénote que Domtar, de toute évidence, a une vision en matière de foresterie. Je vous en félicite.
Ma première question porterait, à la page 16 de votre mémoire, sur la gestion intégrée des ressources. Évidemment, on comprend bien que vous êtes pour la vertu, mais vous soulignez qu'il y a des lacunes à l'heure actuelle sur le plan gouvernemental, et vous référez au fait qu'il y a un manque d'harmonisation entre les différents ministères. Et vous parlez de chevauchement, de zones grises dans l'application des lois et des règlements, et vous souhaiteriez qu'on puisse confier la tâche d'harmoniser les interventions, les lois et règlements à un gestionnaire unique. De quelle façon vous le voyez, ce gestionnaire unique? Je faisais référence à un superministère avec un autre intervenant qui est venu ici. De quelle façon vous le voyez, de votre côté? Est-ce que vous avez approfondi sur cette notion?
M. Royer (Raymond): Non. C'est pourquoi nous parlons d'un organisme ou d'un ministère à être établi par le gouvernement mais où tout serait centralisé au niveau des décisions, que ce soit la même porte à laquelle on puisse frapper pour régler différents problèmes qui peuvent relever de la gestion intégrée.
Le Président (M. Lelièvre): Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Concrètement, quotidiennement, Domtar, puisque vous faites référence à cet aspect-là dans votre mémoire, quel genre de difficultés auxquelles vous vous butez dans vos opérations quotidiennes, du fait justement qu'il y ait un manque d'harmonisation entre les différents ministères pour ce qui est de la gestion intégrée des ressources? Est-ce que vous avez des exemples concrets à nous donner?
M. Royer (Raymond): Que ce soit les gens qui veulent aller dans nos forêts pour fins touristiques, que ce soit les gens qui ont des pourvoiries, que ce soit les gens qui veulent aller faire de la chasse sur nos terrains ou qui veulent avoir des camps de chasse sur nos terrains, alors, c'est toutes des choses avec lesquelles nous sommes prêts à traiter. Nous sommes ouverts, parce que nous disons que les forêts peuvent être utilisées par les intervenants, en autant qu'ils aient une bonne raison. Alors, c'est pour nous assurer que, finalement, il y a quelqu'un qui prend la responsabilité de tout ça et que ce n'est pas nous seulement qui sommes pris à prendre des décisions pour savoir qui peut venir sur nos terrains ou qui ne peut pas venir sur nos terrains ou qui peut avoir une pourvoirie ou ne peut pas en avoir.
Mme Normandeau: Donc, dans les faits, on comprend, M. Royer, que, cette responsabilité-là, à l'heure actuelle, elle vous est dévolue comme industriels. C'est ça?
M. Royer (Raymond): C'est ça.
Mme Normandeau: Vous êtes un peu pris à régler des litiges ou à essayer de concilier des intérêts, et vous dites, dans le fond: Ce n'est pas notre rôle, à nous, de le faire.
M. Royer (Raymond): Bien, on dit que, si on se servait du projet de loi, on pourrait tout intégrer ça et harmoniser. C'est pour ça qu'après ça il y la clause de différends pour nous permettre, s'il y a des problèmes majeurs, de régler les différends.
Mme Normandeau: Bien. Vous avez beaucoup insisté sur la place des autochtones évidemment dans le projet de loi. Vous avez même dit: C'est un des plus grands défis auxquels le projet de loi nous convie.
Précédemment, nous avons entendu la nation Attikamek; vous suivra la nation huronne-wendat, et je sais que, évidemment, vous avez fait référence à un projet de partenariat dans une scierie entre Domtar et une communauté autochtone. Puisque c'est le plus grand défi, selon vous, auquel nous sommes interpellés, quels sont les mécanismes que nous pourrions mettre en place justement pour faciliter l'établissement de partenariat avec la communauté autochtone?
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer.
n(17 h 20)nM. Royer (Raymond): Merci. Nous suggérons, dans un premier temps, de regarder une façon d'investir au niveau de la formation et au niveau des choses avec lesquelles les autochtones sont familiers. Les autochtones vivent en forêt; donc, nous, on tire avantage de leurs qualités et de leurs talents lorsqu'on les utilise, par exemple, dans la sylviculture ou encore dans la récolte de la forêt. Ils donnent de très bons résultats. Nous en avons dans des usines aussi, mais je pense qu'il y aurait un endroit, là, en ce qui a trait à la récolte, en ce qui a trait à la sylviculture, où ils peuvent jouer un grand rôle qui serait fait, en fait, en relation avec les traditions qu'ils ont eux-mêmes d'être en forêt.
Mme Normandeau: Bien.
Le Président (M. Lelièvre): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui, messieurs. M. Royer, vous avez été choisie, si je comprends bien, par le Dow Jones une des 200 sociétés dans le monde qui tiennent compte des notions environnementales et des responsabilités sociales. Êtes-vous vraiment si en avant que ça de l'industrie?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lelièvre): M. Royer. Ha, ha, ha!
M. Royer (Raymond): C'est une question ou une affirmation?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Parce qu'il y aura d'autres questions ensuite; il y aura d'autres questions ensuite.
Le Président (M. Lelièvre): Un message de félicitation.
M. Royer (Raymond): Non, il est évident que, depuis trois ans, nous faisons un travail considérable, d'abord à l'interne. Les cours de formation que nous donnons aux gens à tous les niveaux, y inclus en forêt, vont représenter, cette année, entre cinq et 10 jours par personne. Comment les gens peuvent travailler davantage avec les clients, parce que, nous, on existe si on peut vendre nos produits; pour vendre nos produits, il faut qu'ils soient de qualité.
Alors, comment on peut concilier les exigences du client avec la ressource qui nous fait vivre? Parce que, nous, sans forêt, on n'existe pas. Alors, nous travaillons donc avec nos gens et différents niveaux de l'organisation pour être très sensibles à ce qui se passe.
C'est pour ça que nous avons pris certains engagements, par exemple, la certification de nos forêts. Nous avons dit que, à la fin de l'année 2002, toutes nos forêts auront été certifiées. Donc, ça veut dire que les pratiques que nous utilisons en forêt auront été reconnues, par les organismes environnementaux, comme étant satisfaisantes pour rencontrer les normes de ces organismes-là.
On le fait également parce que les clients, surtout les clients américains ou les clients japonais où nous vendons, vont refuser, bientôt, de prendre des produits qui n'auront pas ces certifications-là. Donc, il y a deux côtés, il y a la carotte et aussi le bâton. Mais, pour nous, c'est très, très important d'être, je dirais, à la mesure de la concurrence internationale.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le...
M. Benoit: Et vous m'amenez effectivement vers ma prochaine question. On entend, nous, les néophytes dans le monde de la foresterie, que notre réputation, au monde, n'est pas si reluisante que ça. Vous, qui êtes un grand vendeur de papier, est-ce que, effectivement, vous avez de la misère à vendre vos papiers ou vos bois à cause de la réputation, qui serait endommagée, du Québec à l'extérieur du Québec?
M. Royer (Raymond): Il y a eu réellement un remous concernant les produits qui venaient du Québec, et le remous, quant à moi, vient en partie parce que les gens ne comprennent pas bien les règles de l'art, et c'est pour ça que j'insistais tant à ce qu'on mette du temps à développer les règles de l'art, et surtout, à les rendre publiques.
Vous savez, l'Université Laval, c'est la seule université au Québec qui forme des ingénieurs forestiers. Il y a sept cégeps qui forment des techniciens. Alors, on a ici l'expertise et l'expérience qui pourraient nous donner les meilleurs règles de l'art au monde, en tenant compte, naturellement, de ce qui se passe ailleurs.
Alors, une fois qu'on aura bien établi quelles sont les règles de l'art, et on les utilise, mais de façon à être mesuré en fonction de ces règles de l'art là ? c'est pour ça qu'on parle de certification des pratiques forestières ? à ce moment-là, on va être capable de faire face à toute intervention qui n'est pas valable.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, rapidement, Mme la députée de Bonaventure, je pense que vous vouliez prendre la parole.
Mme Normandeau: Oui, peut-être une dernière question qui fait référence au sommaire, à la page 2, et vous soulignez que, dans le fond, sur le plan international, Domtar a réussi à se hisser à la septième position, l'an dernier, sur le marché nord-américain.
J'ai envie de vous demander quelles ont été les conséquences sur vos pratiques forestières? Parce que, souvent, on a l'impression que, pour justement augmenter leur compétitivité, nos industries doivent sacrifier certaines... je pense notamment à tout l'aspect environnemental, auquel faisait référence mon collègue, il y a deux minutes. Est-ce que vous avez été en mesure de concilier à la fois l'aspect compétitivité et la question environnementale? Et, si, oui, quelles ont été les conséquences dans vos pratiques forestières, chez Domtar, pour arriver à se hisser comme ça? Parce que vous avez fait un pas de géant, vous êtes passés de la 23e ou de la 22e place à la septième position.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, très rapidement, s'il vous plaît, M. Royer, parce que le temps est presque terminé.
M. Royer (Raymond): Oui. Bon. Alors, il y a deux choses que nous avons faites. D'abord, en regardant la ressource elle-même, nous avons travaillé sur la récupération, et nous sommes passés en produisant 1 000 pieds-planche. En 1997, nous utilisions 5 m³; à la fin de l'année prochaine on va utiliser 4 m³. Donc, beaucoup de travail sur la récupération de la fibre.
L'autre chose que nous avons faite, c'est sur la séparation des espèces. Nous avons spécialisé des usines pour traiter des espèces, et surtout, nous en aller vers la deuxième fabrication. Exemple, à Daveluyville, nous prenons du pin gris et nous en faisons des panneaux de pin collé; à Sullivan, en Abitibi, nous prenons de l'épinette et nous faisons des sommiers ou encore du bois pour la clôture.
Donc, nous avons mis beaucoup de temps sur la séparation des essences et sur la récupération. Et c'est pour ça qu'on a pu avoir ces résultats-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, messieurs, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposons. Je vous remercie de votre participation à cette commission.
Et je suspens les travaux, le temps de permettre au Conseil de la nation huronne-wendat de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
M. Royer (Raymond): Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 29)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre. Comme je le disais, nous accueillons donc les représentants du Conseil de la nation huronne-wendat.
Alors, messieurs, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, que nous passerons par la suite à la période d'échanges. S'il vous plaît, j'aimerais que le porte-parole principal se présente et nous présente aussi les personnes qui l'accompagnent.
Conseil de la nation huronne-wendat
M. Picard (Raymond): Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission. Mon nom est Raymond Picard, je suis directeur du développement économique au sein du Conseil de la nation huronne-wendat. Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Louis Lesage, biologiste wendat, et également, de M. Michel Mongeon, maître en aménagement du territoire et des ressources.
n(17 h 30)n Nous aurions avantage, suite à la présentation de Domtar, à être relocalisés, comme première nation, pour pouvoir bénéficier de partenariats plus solides et bénéficier également d'une entreprise qui fait des affaires avec les premières nations. Ha, ha, ha!
La nation huronne-wendat vous transmet ses salutations et est honorée de contribuer aux travaux de cette commission parlementaire. La nation s'attend à ce que votre commission parlementaire bonifie la présente loi sur les forêts, et ainsi, nous souhaitons que ces nouvelles modifications puissent faciliter la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable développée par l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que les premières nations ont des droits territoriaux et des besoins de développement socioéconomiques. Nous désirons que ces besoins soient entendus et encadrés par la présente réforme du régime des forêts. Chez nous, à Wendake, nous avons des aspirations de développement et de prise en charge du territoire. Wendake mise sur un projet d'aménagement intégré qui présente un outil de développements social, économique et un avenir meilleur pour nos jeunes ressources wendat. L'objectif de nos multiples représentations et du mémoire déjà déposé est de sensibiliser votre commission à l'importance que le projet de loi sur les forêts puisse s'harmoniser dans le futur avec les aspirations des différentes communautés autochtones du Québec. Tout au long de cette courte présentation, nous aimerions vous faire part de nos constats et de nos recommandations, mais, également, d'abord et avant tout, partager notre vision huronne-wendat de l'aménagement intégré des ressources.
Le secteur multiressources de la nation huronne-wendat a entrepris un aménagement intensif du territoire forestier du Tourilli, dont elle est responsable de la gestion faunique depuis 1987. Ce territoire fait partie du territoire traditionnel, et malgré que restreint, peut constituer une amorce de la mise en application d'une approche d'aménagement intégré des ressources.
La mise en valeur concomitante de l'ensemble des ressources de ces territoires vise à promouvoir la création d'emplois dans une approche de développement durable de notre territoire. La nation entend ainsi se donner les meilleurs outils disponibles afin de mettre en place un modèle d'aménagement intégré des ressources sur ce territoire. Ce modèle d'aménagement sera également basé sur les valeurs autochtones et sur les valeurs davantage wendat, et ce, pour le bénéfice de l'ensemble de la communauté et des utilisateurs.
Ce projet implique la réalisation soutenue d'activités sylvicoles à caractères forestier et faunique et d'activités à caractères strictement faunique et récréotouristique afin de soutenir le développement. La nation participe, avec l'ensemble des utilisateurs du milieu, aux activités de gestion intégrée de ce territoire.
L'optimisation du développement d'un territoire restreint impose une mise en valeur intégrée de l'ensemble des potentiels que recèle ce territoire afin de produire le plus d'emplois possible tout en préservant rigoureusement la qualité écologique et culturelle de ce territoire, et ce, dans une approche de conformité avec le rôle que joue le territoire dans la culture autochtone.
Donc, qualité du territoire, développement intégré, aménagement intégré, optimisation des potentiels de mise en valeur, partenariat, réseautage, intégration à l'économie locale et régionale sont des éléments indissociables de développement durable dans la philosophie de notre première nation.
Notre projet s'inscrit également dans l'atteinte des objectifs gouvernementaux qui stipulent de mettre en place des conditions facilitantes au développement économique des nations et communautés autochtones, de bâtir une approche de développement économique adaptée culturellement au milieu autochtone, de responsabiliser et d'accompagner les communautés dans le choix de leurs priorités. Favoriser la création d'emplois pour nos jeunes est également une de nos grandes priorités.
Quels sont nos constats et recommandations suite aux expériences vécues au sein même de notre organisation? Dans le cadre du présent document que nous allons distribuer aux membres, le mémoire, nous abordons notre analyse en fonction des possibilités de mise en valeur des ressources humaines, territoriales, naturelles, technologiques et financières.
Nous soumettons les constats de plusieurs années de gestion d'activités à caractère faunique ? en 1987, j'étais un des jeunes signataires, un des jeunes chefs à signer l'entente de cogestion avec le gouvernement du Québec concernant l'exploitation du secteur Tourilli ? et de deux années pratico-pratiques où nous avons développé en matière de travaux sylvicoles et d'aménagement intégré. Nos constats sont suivis de recommandations nécessaires à l'épanouissement même de nos valeurs et de notre culture.
En matière de gestion du territoire, la nation wendat est limitée à intervenir sur un territoire restreint. Il faut vivre l'expérience au quotidien et il faut vivre une expérience en forêt, il faut vous inviter à venir visiter et comprendre quelles sont nos capacités et quelles sont nos limites territoriales, comment il faut être créatifs pour pouvoir développer avec le peu de possibilités que nous avons. On doit le faire d'une façon intensive en optimisant tous les potentiels de mise en valeur. Le territoire doit fournir rapidement les conditions optimales pour mettre en place des opportunités de développement en ce qui a trait aux ressources fauniques, forestières, récréotouristiques et récréoculturelles. De plus, ce territoire se doit de devenir un site de ressourcement pour les membres de notre première nation.
Les pressions exercées sur la forêt nécessiteront de plus en plus d'interventions sylvicoles, d'éducation de peuplements ou de jardinage de la forêt pour en assurer une productivité optimale. Des coupes d'éclaircie précommerciale et commerciale sont donc appelées à se multiplier sur des grandes superficies. Ces traitements sylvicoles peuvent être très dommageables sur la faune si on oublie d'y introduire les exigences des diverses espèces fauniques. Et il faut comprendre que notre projet est vraiment basé sur l'expérience pratico-pratique mais aussi sur toute la dimension de l'importance que nous apportons et que nous attachons à la faune, à la culture, à la flore, et je pense que c'est une de nos priorités.
Quelles sont nos recommandations sur cette dimension-là du territoire? Dans le but d'avoir accès aux possibilités de développement afin que la nation chemine vers son autosuffisance économique, il est capital d'assurer notre participation aux travaux d'amélioration de la productivité de l'ensemble des ressources à la base du plan de développement intégré par l'entremise des travaux admissibles en paiement des droits de coupe, d'avoir accès à un CAAF ou à une CAF en partenariat avec des acteurs locaux ou à une participation à une seconde ou une troisième transformation.
Peut-être souligner que, dans le secteur Tourilli, l'expérience vécue des deux dernières années fut une expérience en partenariat avec l'ensemble des acteurs du milieu. On a travaillé avec la compagnie Gestofor, on a associé un ensemble d'acteurs importants au développement et dans notre approche même. Et je pense que, si on a une réussite aujourd'hui, c'est lié à ces partenariats-là que nous avons faits et à toutes les relations que nous avons établies pour assurer la viabilité de notre projet.
En ce qui regarde la gestion des ressources, la nation doit s'assurer d'une participation réelle à la gestion des ressources avec le pouvoir décisionnel que cela signifie sur tout territoire où elle est impliquée. Un développement compatible avec les valeurs et les orientations d'aménagement proposées par la nation dans la mise en valeur du territoire devrait être considéré comme une exigence d'un aménagement forestier durable.
Nos recommandations, nos grandes orientations et nos grandes compréhensions, c'est qu'il est nécessaire que la nation puisse participer aux décisions sur la mise en valeur du territoire et des ressources, à une révision en profondeur du plan d'affectation, au calcul des possibilités, aux orientations et aux objectifs relativement au rendement soutenu et au rendement accru, aux organismes de gestion et de développement intégré en matières forestières et fauniques du circuit écotouristique régional dans le but de s'assurer de la mise en valeur de l'ensemble des ressources dans une perspective de préservation de la qualité du territoire.
Compte tenu de l'état du territoire et des ressources, la nation se doit de participer à l'amélioration des possibilités de développement et de la qualité des ressources de ce territoire. La nation se doit également d'offrir à ses membres des possibilités de développement propres à la culture huronne en offrant de réelles possibilités de développement.
On croit également que la nation doit être impliquée dans la révision du plan d'affectation des terres et également au processus de caractérisation du territoire et de priorisation des ressources à la base de l'affectation des terres et aux objectifs de rendement soutenu et accru des ressources à la base du développement intégré.
n(17 h 40)n En matière de ressources humaines, notre expérience nous permet d'apporter un peu de bagage concret vécu au cours des deux dernières années, c'est-à-dire que nos travaux ont sollicité la participation ? il faut comprendre que c'est un projet multiressource, multination ? de huit autres premières nations, ce qui représente un échantillonnage assez large de la réalité autochtone. Aussi, on ne peut qu'insister sur l'ensemble des problèmes sociaux dans lesquels sont plongées les communautés autochtones.
Les activités sylvicoles présentent des conditions de travail excessivement exigeantes. Le niveau de ces exigences impose que les travailleurs se spécialisent dans certains types d'activités afin qu'ils retirent une rémunération acceptable. Aujourd'hui, les ressources humaines doivent être en mesure de faire face à la spécialisation du travail polyvalent, à l'aménagement intégré et au développement de l'employabilité à travers une gamme d'activités complémentaires. Il faut faire de la sylviculture un travail attrayant ? trois minutes, madame...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous avez bien compris.
M. Picard (Raymond): ...ça va aller ? diversifié et stable qui mettra en valeur l'ensemble des potentiels du milieu forestier.
Les recommandations, c'est qu'on veut davantage bénéficier. Il faut comprendre aussi le cadre normatif qui est très, très restrictif et orienté vers la production unique de matière ligneuse qui nuit à la motivation des travailleurs puis les exclut également de la participation culturelle à la mise en valeur des ressources.
Et on dit également que la polyvalence des travailleurs est une option essentielle à la prolongation de l'employabilité afin de faire de l'ouvrier sylvicole un travailleur valorisé par l'impact qu'il a sur la qualité de notre héritage naturel.
Donc, on veut davantage, dans nos recommandations, bénéficier de programmes de soutien aux travailleurs en phase de réintégration. On dit aussi que les stratégies sylvicoles doivent devenir des facteurs d'harmonisation et non d'exclusion. On veut également diversifier, bien les rémunérer et les orienter vers des portées multiressources. Il faut faciliter la formation polyvalente des travailleurs multiressources afin d'augmenter la disponibilité des compétences dans le domaine de la saine pratique sylvicole, de l'aménagement intégré et polyvalent en rendant possible le renforcement ponctuel. Il faut également continuer à favoriser les projets multinations.
En matière de ressources financières, peut-être juste vous souligner que nous avons travaillé, participé et collaboré en partenariat avec tout près de 22 partenaires financiers. C'est une dynamique drôlement intéressante mais exigeante, comme gestionnaire. Il ne faudrait pas que notre gouvernement du Québec fonctionne de cette façon-là, continue, parce que ça paralyserait le système pour un petit bout. Nous, on est obligés de le faire au quotidien pour pouvoir en arriver à des résultats et mettre des gens à l'emploi.
Au niveau technologique, il faut également comprendre que l'application rigoureuse des normes ministérielles est un obstacle, et c'est vraiment un obstacle, puis il faut le voir sur le terrain parce que, en théorie, ça s'applique bien, mais en pratique, sur le terrain, c'est une dynamique autre. Et on dit bien que l'application rigoureuse de ces normes-là ministérielles est un obstacle à l'aménagement intégré des ressources et, du même coup, à l'optimisation de l'emploi en fonction de l'ensemble des potentiels offerts par un territoire.
Mme la Présidente, en conclusion, ça serait de vous souligner que, si la nouvelle loi s'oriente vers le développement durable, celle-ci doit se faire parallèlement avec la stratégie de développement durable mise de l'avant par l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador pour les premières nations autochtones du Québec. On vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Picard. Nous passons donc tout de suite à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.
M. Brassard: Merci, M. Picard, M. Lesage, M. Mongeon, de votre contribution aux travaux de la commission et de vos recommandations, de votre mémoire qui sera examiné de façon très approfondie, surtout vos recommandations.
Pour le bénéfice de la commission et pour être mieux informé, je comprends d'abord que, dans le secteur Tourilli de la réserve faunique des Laurentides, l'entente que vous avez conclue et résignée porte d'abord et avant tout sur des activités liées à la pêche et à la chasse. C'est bien ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Oui, M. le ministre.
M. Brassard: Aussi la partie travaux sylvicoles, parce que je comprends aussi que vous vous êtes impliqués également dans un autre volet qui est le volet plus forestier, dans des travaux d'aménagement, des travaux sylvicoles. Est-ce que ces travaux-là se font dans le même secteur ou si c'est sur un territoire plus étendu?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Pour répondre peut-être à votre question, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'effectivement on a une entente de cogestion avec le gouvernement du Québec depuis 1987, entente que nous avons reconduite suite à des négociations et qui demeure encore dans une perspective d'un partenariat avec le gouvernement du Québec, où on exerçait initialement des activités de chasse et de pêche, c'est-à-dire où l'ensemble des Québécois deviennent des utilisateurs de notre ressource.
C'est un territoire de 387 km² où, suite à une analyse d'une planification stratégique, le secteur développement économique, chez nous, a dit comment on peut faire en sorte qu'on puisse rentabiliser et développer et ajouter des vocations nouvelles à un secteur de façon à le développer et à aller chercher ses pleins potentiels. De là est apparue l'initiative de mettre en place un projet multiressource, c'est-à-dire d'effectuer de la gestion intégrée sur un territoire qui n'est pas le nôtre actuellement mais qui, dans le passé, était territoire de nos ancêtres et qui aujourd'hui n'est pas territoire nécessairement de la nation huronne-wendat, mais sur lequel on développe des projets multiressources et de gestion intégrée.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Mais quand vous avez dit tout à l'heure que vous aviez impliqué huit autres nations autochtones dans votre projet, c'est pour ça que j'ai compris que votre projet, en matière de gestion intégrée des ressources et en matière de travaux sylvicoles et d'aménagement, était plus large. Comment en êtes-vous arrivés à impliquer huit autres nations autochtones? C'est le recrutement des travailleurs sylvicoles qui ne s'est pas limité à votre nation? C'est ça que je dois comprendre?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Effectivement, Mme la Présidente, lors de notre planification au projet, nous avions décidé d'ouvrir la formation aux autres premières nations. Nous avons donc fait de la sollicitation auprès des autres premières nations autochtones du Québec afin de voir l'intérêt et également de permettre cette formation-là et fournir des ressources compétentes aussi aux autres premières nations, éventuellement, dans des initiatives de projets similaires au nôtre qui pourraient se développer dans d'autres premières nations.
M. Brassard: Ça veut dire que, dans votre projet, le volet formation de travailleurs sylvicoles était un volet essentiel, c'est-à-dire que vous cherchiez à former des travailleurs pour que, par la suite, ça devienne en quelque sorte leur activité principale.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Effectivement, nous avions associé CERFO, le centre d'enseignement et de recherche associé au cégep de Sainte-Foy, pour faire en sorte que nos travailleurs puissent avoir les meilleures formations sur le marché, également qu'on puisse leur donner des outils pour un avenir meilleur.
M. Brassard: Dans votre mémoire, vous parlez de faire en sorte que la nation s'assure d'une participation réelle à la gestion du territoire et des ressources avec le pouvoir décisionnel que cela signifie sur tout le territoire où elle est impliquée. Est-ce que vous pourriez préciser davantage votre position? Quelle est la nature de ce pouvoir décisionnel que vous réclamez? Et quel est le territoire aussi? Bien, enfin...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lesage...
M. Brassard: Parce que, dans le projet de loi, comme vous l'avez remarqué, les communautés autochtones seront directement impliquées dès le début du processus d'élaboration des plans. Vous, vous parlez de participation réelle mais, surtout, vous parlez de pouvoirs décisionnels. Alors, évidemment, ça va beaucoup plus loin que ce qu'on retrouve dans le projet de loi. J'aimerais que vous me précisiez votre pensée là-dessus.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): J'inviterais peut-être M. Mongeon, qui est un collaborateur associé, à répondre à votre question.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Mongeon.
n(17 h 50)nM. Mongeon (Michel): Merci, Mme la Présidente. Ce pouvoir-là, pour qu'il soit vraiment effectif sur les activités, il faut qu'il soit en mesure d'influencer la façon dont la sylviculture peut être réalisée sur un territoire de façon à ce que cette sylviculture-là en soit une qui soit orientée vers le multiressource, c'est-à-dire qu'il puisse intégrer les autres dimensions du territoire, soit la faune ou certaines dimensions culturelles. Le cadre normatif, actuellement, ne permet pas, à l'intérieur du programme, surtout des travaux qui sont admissibles en paiement des droits de coupe, d'insérer ces dimensions-là, c'est-à-dire qu'il est impossible d'arriver, à grande échelle, à réaliser des travaux multiressources à l'intérieur du cadre normatif, qui est beaucoup plus répandu que des projets spécifiques, soit à l'intérieur du volet 1 ou du volet 2, et ce pouvoir réel là doit être, en fin de compte, de pouvoir déterminer les règles à appliquer lors de l'exécution des travaux et de la planification et de leur localisation sur le terrain.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Brassard: Bien, je veux essayer de comprendre. Actuellement, évidemment, les travaux qui sont admissibles à du financement, ce sont des travaux sylvicoles, des travaux qui portent sur la dimension forestière: c'est le reboisement, les travaux d'éclaircie précommerciale, etc.
Quand vous dites que vous êtes emprisonnés dans les normes, ce que vous dites, c'est que vous ne pouvez pas faire des travaux qui, vraiment, portent sur d'autres ressources que la ressource forestière et que, compte tenu des normes et du mode de financement, ces travaux-là ne peuvent pas être financés. Et ce que vous souhaiteriez, si je comprends bien, c'est que, dans une perspective de gestion intégrée des ressources, le financement de divers types de travaux soit rendu possible.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Mongeon.
M. Mongeon (Michel): Exactement. Cependant, il faut que les stratégies qui sont décidées soient faites dans un cadre de gestion intégrée, O.K., où les acteurs qui sont en présence soient en mesure de débattre et de décider des normes à appliquer, de façon à ce que tout l'ensemble des ressources du milieu soit aménagé en même temps que la forêt, de façon à faire de la stratégie sylvicole une mesure d'harmonisation et non pas une mesure avec laquelle on doit beaucoup plus se battre pour essayer de la coincer en quelque part, où l'harmonisation peut être faite. Si la stratégie sylvicole elle-même devient un facteur d'harmonisation, c'est beaucoup plus facile de faire de l'aménagement intégré.
M. Brassard: Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs; c'est presque bonsoir. M. Picard, M. Lesage, M. Mongeon, merci pour la présentation de votre mémoire.
Pour nous situer un peu plus sur l'expérience vécue ? parce que, évidemment, la série de recommandations qui est contenue dans votre mémoire s'appuie sur une expérience terrain ? vous avez fait référence tout à l'heure au territoire de Tourilli. Quel est le statut du territoire? Est-ce qu'on est en domaine public? Quel est le statut, exactement, de ce territoire-là?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Picard.
M. Picard (Raymond): C'est du domaine public et c'est une cogestion que nous avons avec le gouvernement du Québec.
Mme Normandeau: Bien. Un élément qui a retenu notre attention fait référence, à la page 6, à la place des jeunes dans votre communauté. On en parle très peu, de la jeunesse, évidemment, dans les communautés autochtones. Chez vous, les jeunes, en termes de pourcentage, quel est le pourcentage de jeunes dans votre communauté, dans votre nation?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Mme la Présidente, je peux peut-être vous indiquer que, lorsque nous avons fait la planification même de notre projet, il y a deux ans, nous avons sollicité le secteur de l'éducation chez nous et le secteur de l'emploi pour faire en sorte qu'on puisse avoir toutes les données possibles sur les jeunes, mais également quel est le pourcentage de jeunes qui ont déjà eu une implication à la forêt ou qui ont une formation ou qui ont un intérêt. Quel est le pourcentage exact? J'aurais de la misère à y répondre aujourd'hui. Mais, à l'époque, on dénombrait tout près de 35 membres de la nation chez nous qui avaient un intérêt ou une formation quelconque qui pouvait les amener à l'emploi chez nous dans ce domaine-là, donc sur une population résidente ? mais on parle de 35 jeunes qui ont une formation ? à Wendake de tout près de 1 000 membres.
Mme Normandeau: C'est important parce que ça pose toute la question bien sûr de la relève de vos travailleurs sylvicoles et puis ? vous l'avez souligné tout à l'heure ? d'offrir un travail attrayant à ces jeunes-là. J'aimerais, par contre, que vous puissiez nous en dire davantage sur ? et c'est contenu à la page 7 ? «bénéficier des mesures de soutien des travaux sylvicoles pour atteindre une production maximale du territoire Tourilli». Est-ce que c'est possible de préciser le sens de cette demande? Dans le fond, parce que c'est un besoin que vous exprimez pour votre nation, le fait d'atteindre une production maximale en bénéficiant de mesures de soutien des travaux sylvicoles, à quoi ça fait référence plus particulièrement?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lesage.
Une voix: Page 7.
Mme Normandeau: Oui, page 7, Besoins de la nation. Deuxième besoin.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Lesage...
Une voix: ...
M. Picard (Raymond): Écoutez, on s'excuse, là, madame.
Mme Normandeau: Oui, bien sûr, il n'y a aucun problème, je vous cite ça textuellement: «Bénéficier des mesures de soutien des travaux sylvicoles pour atteindre une production maximale du territoire Tourilli». Alors, à quoi plus spécifiquement vous faites référence?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Lesage.
M. Lesage (Louis): Peut-être d'avoir simplement des mesures qui vont favoriser justement la pleine exploitation du territoire tout en favorisant l'exploitation de toutes les ressources disponibles du milieu. Donc, on ne parle pas juste de matière ligneuse, mais on parle de production faunique en termes de production, donc de favoriser des travaux qui vont mettre en valeur des espèces fauniques. Donc, c'est d'optimaliser un peu tout le territoire Tourilli, le territoire sur lequel on travaille actuellement.
Mme Normandeau: Est-ce que vous vous êtes fixé des objectifs à atteindre? Est-ce qu'il y a déjà un plan d'action qui a été déterminé, qui est en branle?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lesage.
M. Lesage (Louis): Peut-être, d'abord, avant d'avoir des objectifs à atteindre, il faut savoir ce qu'on a en termes de potentiel. Donc, lorsqu'on veut faire l'aménagement intégré des ressources, il faut savoir les ressources qu'on a, il faut savoir les milieux qui vont favoriser tels types de travaux pour favoriser telle espèce faunique, par exemple. Donc, il faut d'abord très bien connaître son territoire et c'est la clé du succès pour l'aménagement intégré des ressources. Nous, on a l'avantage de travailler sur un petit secteur d'environ 400 km² et le travail est quand même considérable de connaître tous les potentiels du milieu; alors, c'est déjà un travail énorme en soi. Une fois qu'on va avoir fixé, qu'on va connaître tous les potentiels, à ce moment-là il sera plus facile de dire: Bon, bien, dans cinq ans, 10 ans, on veut atteindre tel objectif.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard, vous vouliez ajouter?
M. Picard (Raymond): Peut-être... Mme la Présidente, ça me revient, là, pourquoi on avait inscrit les potentiels de mise en valeur. Je pense qu'il faut se replonger dans le temps lorsqu'on avait fait notre planification stratégique et on disait: Où on veut être dans cinq ans, comme exemple? On se regardait puis on disait: Effectivement, on est une équipe de jeunes ? j'aime m'introduire dans cette équipe de jeunes là. Et, effectivement, on a associé... ? lorsque tantôt je parlais de M. Louis Lesage qui est docteur en biologie, c'est un jeune Wendat de notre communauté ? c'est un ensemble de ressources qu'on a associées à notre projet pour être capables également de partager une même vision de ce qu'on pouvait faire d'un secteur. Et, lorsqu'on regardait, à ce moment-là, nous, on avait une vision du secteur Tourilli en disant: Il y a la chasse et la pêche. Qu'est-ce qu'on peut faire avec ce secteur-là? Comment on peut aller chercher ces pleins potentiels? Qu'est-ce qu'on peut faire comme développement dans ce secteur-là? Quels types d'autres activités on peut y associer? Et, de là, on a parlé du multiressource, tout ce qui s'appelle «aménagement intégré du territoire», on a développé la motoneige, on a un relais de motoneige en partenariat avec les gens de Saint-Raymond de Portneuf, on a de très bonnes relations avec autant le Club de motoneige de Saint-Raymond de Portneuf qu'avec un ensemble de joueurs et d'acteurs de la région. Et, dans le fond, on facilite et on permet le développement de l'économie locale de Saint-Raymond en contribuant, en achetant dans la communauté de Saint-Raymond mais également en achetant auprès de notre première nation.
Et, tantôt, on va venir peut-être... on fait un ensemble de démarches et de représentations auprès du gouvernement du Québec depuis déjà... On a vu dans les journaux, il y a quelques semaines, quelques mois, qu'on parlait du parc de la Jacques-Cartier, un partenariat entre le gouvernement du Québec et la première nation de Wendake dans un projet commun, un partenariat au niveau du parc de la Jacques-Cartier. Bien, il y a toute la dimension écotouristique, ethnotouristique et ethnoculturelle qu'on veut développer en partenariat avec des joueurs-clés, que ce soit la SEPAQ, la FAPAQ. Donc, on parle beaucoup, on négocie, on travaille étroitement avec la SEPAQ.
n(18 heures)n Donc, lorsqu'on parle d'optimisation des potentiels, de mise en valeur, c'est de dire qu'est-ce qu'on peut faire d'un petit territoire de 400 km, comment on peut développer les pleins potentiels de ce secteur-là, permettre d'avoir une faune adéquate, permettre d'avoir une flore adéquate, permettre les pleins potentiels, dans le fond, d'avoir une forêt qui soit à l'image de notre première nation, c'est-à-dire où on se sent à l'aise, où on s'identifie à ce lieu-là. C'est comme ça qu'on a développé notre approche et c'est dans cette perspective-là qu'on a développé un projet global.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Oui, avant de céder la parole à mon collègue. Toujours à la page 7, vous faites référence au rendement accru. Et, dans le fond, ce que vous revendiquez ou ce que vous demandez, c'est que la possibilité forestière qu'on va réussir à dégager, après des interventions d'intensification de l'aménagement, vous souhaiteriez que cette marge de manoeuvre là vous soit octroyée pour, par exemple, mettre en place des projets de deuxième, de troisième transformation ou encore de première transformation. À l'heure actuelle, le ministre n'a pas statué sur le fait que le dégagement de la possibilité forestière liée au rendement accru serait réservé, par exemple, aux bénéficiaires de CAAF. Alors, vous, dans le fond, c'est clair de votre côté, ce qu'on va dégager sur votre territoire, vous souhaiteriez que ça vous revienne, plutôt que de laisser ça dans les mains du ministre pour qu'il puisse s'en servir un peu comme bon lui semble. Alors...
M. Brassard: Wo! Wo! Wo!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Normandeau: Ha, ha, ha! Ça, c'est l'arbitraire du ministre auquel on a fait référence à plusieurs reprises dans le projet de loi, mais peut-être vous entendre là-dessus.
M. Brassard: Le bon jugement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Attention! À ce moment-ci, avant de céder la parole à nos invités, j'ai besoin d'un consentement pour que nous puissions prolonger, compte tenu de l'heure, nos travaux de quelques minutes, bien sûr. Alors, merci.
M. Mongeon, vous vouliez ajouter, tout à l'heure, et, M. Picard, vous vouliez répondre à la dernière question. Alors, M. Mongeon, pour l'autre...
M. Mongeon (Michel): C'est pour répondre au premier volet, que vous avez soulevé tantôt, au niveau de bénéficier des mesures de soutien aux travaux sylvicoles. Actuellement, c'est un projet multination. Lorsqu'on fait de la formation de jeunes travailleurs, on a mentionné aussi, tantôt, qu'il y a beaucoup de communautés qui se retrouvent avec des problèmes sociaux assez importants. Un des objectifs, c'est de pouvoir assurer une certaine réinsertion sociale, et surtout une réinsertion au milieu du travail de ces travailleurs-là.
Cependant, dans le cadre actuel, où les travaux ne sont payables qu'en fonction de la productivité et d'une productivité orientée surtout vers l'augmentation en matière ligneuse, soit, par exemple, au niveau de l'éclaircie précommerciale, il est très difficile de pouvoir encadrer les travailleurs de façon à les garder à l'emploi s'il n'y a pas une certaine disponibilité pour être capable de travailler ou d'assurer un support à ces travailleurs-là pour qu'ils puissent maintenir le rythme de travail et aussi s'assurer que, par leur implication en aménagement intégré, ça les valorise et qu'ils veuillent continuer aussi. Ça fait que ces mesures de soutien ne soient pas qu'au niveau de l'exécution de travail, mais aussi d'un certain support au niveau de l'encadrement du personnel humain.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Mongeon. Et maintenant M. Picard pour répondre à l'autre question.
M. Picard (Raymond): Oui. Mme la Présidente, je serais quelque peu mal à l'aise que le ministre annonce, ce soir, que le rendement accru nous soit rendu disponible. Peut-être que ça pourrait se faire à un autre moment, mais peut-être que, ce soir, je serais un petit peu gêné et mal à l'aise. Mais ce qu'il faut comprendre, je pense, c'est que notre première nation effectue l'ensemble des interventions et associe des ressources de qualité pour faire en sorte justement d'accroître le rendement et faire en sorte qu'on ait un rendement accru de la forêt. Et, dans cette perspective-là, je pense que notre première nation serait tout à fait reconnaissante que le gouvernement reconnaisse cette intervention-là et ces implications-là.
Parce que, pour nous, il y a des coûts à cela. Pour le gouvernement, c'est un rendement, mais, pour nous, il y a des coûts associés. Parce que ça veut dire, pour nous, que, pour avoir un rendement accru, il faut associer de l'expertise, il faut associer des ressources de qualité. On associe, chez nous, des techniciens en forêt, des techniciens en aménagement faunique, hein. Nos lacs, nos cours d'eau, ces choses-là, il y a des aménagements tout au long des périodes estivales; on investit de la grosse argent. On investit des argents dans la forêt elle-même, comme telle, en associant des ressources puis en faisant de la gestion intégrée du territoire. Et je pense que, dans le moment en tout cas, il semble que certains partenaires reconnaissent cette implication-là de notre première nation comme étant un certain modèle en matière de gestion intégrée du territoire. Et je pense que, dans cette perspective-là, ça serait tout à fait, pour nous, une plus-value justement puis une reconnaissance du travail que nous effectuons. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, merci. Il reste quelques minutes. Je pense que vous aviez eu un consentement, déjà, tout à l'heure. Alors, M. le député.
Une voix: On va le poursuivre.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci beaucoup et bienvenue aux représentants de la nation huronne-wendat. Juste pour revenir parce que souvent on apprend beaucoup de choses sur les projets qui sont déjà en marche, soit Tourilli et le nouveau projet de formation. Combien de personnes sont visées? C'est quoi l'ampleur de ces projets? Combien de personnes sont formées à date? Et juste parce que je suis peu familier avec les besoins de la formation sylvicole, c'est quoi? Qui fait la formation? Est-ce qu'il y a des besoins additionnels qui ne sont pas encore comblés? Parce que je pense que c'est vraiment les retombées économiques, le partage de la richesse des forêts, c'est ça qui est promoteur de l'avenir pour aider les nations autochtones à avoir une meilleure performance ou une qualité de vie améliorée dans les nations autochtones. Est-ce qu'il y a des besoins? Est-ce qu'il y a des besoins non comblés dans le domaine de la formation qui sont importants ou que vous voulez soulever?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Picard.
M. Picard (Raymond): Merci, Mme la Présidente. Peut-être vous souligner que, l'an passé, nous avons formé tout près d'une trentaine de travailleurs, où on a mis en formation, où on a associé. Aussi, il faut dire que ce n'est pas une formation seulement que dans l'aménagement forestier et sylvicole, il faut comprendre qu'on a associé la SOPFEU également. On a formé nos gens comme combattants d'incendie. On les a formés également sur des mesures d'urgence. Tous ces volets-là ont été couverts. Et même que, cette année, nous avons aussi associé l'école de Duchesnay pour faire en sorte que nos travailleurs aient un «coaching» sur le terrain, au quotidien. Donc, on a associé des ressources de l'école de Duchesnay qui est une école spécialisée dans le domaine de la foresterie.
C'est sûr qu'une des problématiques, c'est la question de la rétention à l'emploi, c'est-à-dire qu'il y a un départ volontaire malgré que, ce qu'on constate également, certaines ressources vont retourner dans leurs communautés où tantôt elles vont exercer ce métier-là, parce que ces communautés-là sont en train également de développer des initiatives similaires ou des projets d'aménagement. Donc, c'est un plus. Je pense que chaque contribution que nous effectuons est un plus. Cette année, nous avons également formé une trentaine de ressources supplémentaires que nous avons mises à l'emploi.
Il faut comprendre que, lorsqu'on parle de Tourilli et de multiressource, c'est tout près de 80 emplois. Pour une première nation comme la nôtre, où on parle de résidents sur réserve de tout près de 1 000 membres et 2 500 membres sur et hors réserve, lorsqu'une telle initiative est réalisée et concrétisée, bien, ça veut dire que 80 personnes ne sont pas sur des mesures d'emploi gouvernementales, mais sont à l'emploi de notre première nation. Et c'est ça que ça représente comme économie pour le gouvernement, mais également ça veut dire pour nous une diminution des problèmes sociaux. Et ça, je pense que c'est important. Merci.
M. Kelley: Ça, c'est très important. Et on a vu que le domaine forestier, soit le projet...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est un commentaire, j'imagine, parce qu'il reste peu de temps.
M. Kelley: O.K. Parfait. Je l'assume. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je suis désolée, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Non, non, ce n'est pas grave.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Gaspé, tout en vous signalant qu'il reste six minutes à votre formation politique.
M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Il y a beaucoup d'aspects de votre présentation, de votre mémoire, qui ont été couverts, qui ont été explorés. Je vois que, dans votre mémoire, vous travaillez à vous donner un plan de développement à moyen puis à long terme. J'imagine que la forêt en fait partie, mais ce n'est pas juste la forêt, il doit y avoir d'autres composantes de ce plan d'action.
J'ai vu dans votre mémoire qu'il y a un endroit que vous voulez développer, un concept de développement récréoculturel basé sur la mise en valeur de la culture huronne-wendat. Est-ce que c'est associé au projet forestier, relié à la forêt directement? Parce que c'est une petite phrase qui amène beaucoup d'interrogations puis, en même temps, qui peut être très porteuse aussi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Picard.
n(18 h 10)nM. Picard (Raymond): Effectivement, lorsqu'on parle de l'ensemble de nos interventions ou des orientations que nous avons émises à nos projets, la dimension ethnoculturelle, toute cette dimension-là fait partie... Parce qu'il va y avoir tantôt une dimension d'interprétation, une dimension d'enseignement et de formation à la forêt. Ce qu'on veut, nous, c'est d'être un joueur actif, un partenaire aussi, un acteur important qui sera associé à différentes initiatives de première nation, de gouvernement, et où on sera un acteur qui pourra justement faire de la formation des utilisateurs de la forêt, tantôt développer des initiatives en partenariat où il y aurait la dimension ethnoculturelle, ethnotouristique, mais également toute la dimension d'enseignement, de formation, d'interprétation de la forêt.
M. Lelièvre: Je comprends que, cet aspect-là, il n'est pas encore développé, ça fait partie de votre plan de développement à venir.
M. Picard (Raymond): Ça fait...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Excusez, Mme la Présidente. Ça fait effectivement partie des orientations à plus long terme. C'est certain que, nous, ce qu'on s'est dit comme priorité, c'est de consolider nos entreprises. Moi, comme directeur au développement économique, c'était de consolider et de développer Tourilli; par la suite y associer de nouvelles vocations dont la dimension de gestion intégrée du territoire et un projet multiressource; par la suite y ajouter toute autre dimension qui va venir fermer la boucle de ce projet-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: ...projet de deuxième, de troisième transformation de la matière ligneuse ou autre.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Picard.
M. Picard (Raymond): Et pas plus tard que dernièrement, on est encore en train de réfléchir sur des projets en développement, et je pense que c'est clair pour nous qu'à plus long terme ça voudrait dire qu'on va développer autour de nouveaux projets, de nouveaux volets de transformation éventuellement. Mais c'est certain qu'il doit y avoir un ensemble de négociations qui vont nous conduire à ça éventuellement.
M. Lelièvre: En tout cas, ça semble très intéressant. On va suggérer à la commission peut-être d'aller faire une visite chez vous.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ce n'est pas loin. Alors, M. Lesage, vous vouliez ajouter...
M. Picard (Raymond): Mais peut-être, Mme la Présidente, ajouter qu'on l'a fait encore dernièrement, on a invité un ensemble de partenaires québécois, des hauts fonctionnaires et des fonctionnaires de différents ministères, on leur a fait une visite, avec eux, guidée, sur le secteur Tourilli, et on leur a fait vivre une expérience au secteur Tourilli, et ils ont été très surpris. On a même vu en direct des orignaux, des chevreuils, ces gens-là ont été surpris de voir... Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, mais...
M. Lelièvre: Au début de votre présentation, vous aviez invité la commission à s'y rendre. Ha, ha, ha!
M. Picard (Raymond): Ha, ha, ha! Je suis toujours disponible.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lesage, vous vouliez ajouter là-dessus?
M. Lesage (Louis): Oui, j'aurais juste un très bref commentaire. C'est que, nous, on vise à mettre en place l'aménagement intégré des ressources. Alors, quand on dit «des ressources», c'est toutes les ressources possibles du milieu. Par exemple, monsieur citait tout à l'heure l'ethnotourisme. Mais si on veut développer de manière efficace et de la bonne manière cette vision-là, si on fait des travaux forestiers sur le terrain, il faut que ces travaux-là soient aussi bons pour les touristes qui vont venir. Donc, c'est la mise en valeur de toutes les ressources comme, par exemple, l'ethnotourisme, via, en toile de fond, la forêt et les travaux qui vont s'y faire.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, messieurs, merci pour votre participation à cette commission.
Avant de procéder à l'ajournement de nos travaux, je voudrais, au nom des membres de la commission, remercier les représentants du Centre d'enseignement et de recherche en foresterie du cégep de Sainte-Foy d'avoir bien voulu accepter de reporter leur présentation à la semaine prochaine pour accommoder les parlementaires qui avaient des réunions des deux côtés. Alors, merci, messieurs. J'ajourne donc, là-dessus, les travaux à demain matin, 9 h 30, au salon du Conseil législatif.
(Fin de la séance à 18 h 13)