heures trente et une minutes)La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la séance de la commission de l'économie et du travail est donc ouverte. Nous sommes réunis aujourd'hui pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion) et M. Brodeur (Shefford) remplace Mme Normandeau (Bonaventure).
Mémoire déposé
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, nous avons reçu un mémoire de la Chambre de commerce du Québec, qui est arrivé. Je dépose donc ce mémoire pour le bénéfice des membres de la commission.
L'ordre du jour aujourd'hui, vous savez que c'est des auditions. Donc, effectivement, nous avons plusieurs groupes que nous allons rencontrer aujourd'hui. Alors, en premier lieu, après les remarques préliminaires, nous rencontrerons donc la Commission d'accès à l'information; par la suite, le Bureau de normalisation du Québec; en après-midi, nous poursuivons avec le Groupe des responsables de la gestion des documents du gouvernement du Québec; le Bureau d'assurance du Canada; l'Association des banquiers canadiens; et nous terminerons la séance d'aujourd'hui avec le Barreau du Québec.
Alors, sur ce, l'ordre du jour étant celui-ci, M. le ministre, je serais prête, donc, à vous reconnaître pour vos remarques préliminaires.
Remarques préliminaires
M. David Cliche
M. Cliche: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Avant de livrer mes remarques préliminaires, je tiens à noter les gens qui m'accompagnent et qui auront à participer autant que moi, je l'espère, et que les députés de Maskinongé et de Chicoutimi à ce débat sur cet avant-projet de loi qui, je pense, est une pièce majeure. Alors, je suis flanqué à ma droite de Me Jeanne Proulx, du ministère de la Justice du Québec, qui a été la scribe, légiste au ministère de la Justice, et de M. Michel Rosciszeweski, qui est au Secrétariat de l'autoroute de l'information, au Conseil du trésor, donc qui travaille avec moi. Alors, ce sont les gens qui, lorsque le débat deviendra de haute voltige et technique, certains moments donnés, pourront prendre le relais.
Alors, on se souviendra que j'ai déposé cet avant-projet de loi, je pense, la toute dernière journée de l'Assemblée nationale, le 22 juin, parce que la majorité des entreprises québécoises sont déjà branchées à Internet et les familles l'adoptent de plus en plus. Mais, pour qu'Internet devienne un véritable lieu de service et de commerce, il faudra que les personnes et les entreprises aient pleinement confiance envers les moyens mis en oeuvre pour, notamment, contrôler l'accès au service, identifier les partenaires d'une transaction et protéger les renseignements personnels et la vie privée des utilisateurs.
Le gouvernement du Québec veut créer les conditions pour que les gens développent un sentiment de confiance à l'endroit des nouvelles technologies de l'information afin de favoriser la croissance rapide du commerce et des transactions électroniques. Il propose donc d'établir des assises juridiques permettant aux personnes et aux entreprises d'utiliser des documents électroniques comme preuves de transactions électroniques.
L'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des technologies de l'information s'inscrit dans la suite logique de la politique québécoise de l'autoroute de l'information adoptée en 1998, dont j'ai la responsabilité de mise en oeuvre. Il s'agit pour nous d'adapter notre cadre juridique aux nouvelles réalités des inforoutes et des technologies de l'information, qui, qu'on le veuille ou non, sont en train de changer profondément nos façons de communiquer, de s'informer, de s'instruire, de faire des affaires et également de s'amuser. Il faut en même temps prendre les précautions nécessaires pour que l'usage étendu de ces technologies ne puisse conduire à des situations qui risqueraient de remettre en question des droits fondamentaux auxquels tiennent jalousement les Québécois et les Québécoises en matière de protection des renseignements personnels et de protection des consommateurs.
Le gouvernement du Québec, parmi les solutions possibles, a choisi l'approche d'une loi d'application générale. Ainsi, cet avant-projet de loi, premièrement, s'inscrit dans les courants internationaux en la matière, deuxièmement, s'appuie sur les mêmes principes que ceux retenus dans les autres législations et, troisièmement, propose une formulation différente, car elle découle d'une vision globale ayant pour objectif d'enlever les obstacles au commerce électronique.
Plusieurs gouvernements ont légiféré au cours des dernières années en matière de signatures électroniques, de documents numériques, de responsabilité des intermédiaires dans les transactions, mais la plupart de ces législations ne sont pas parvenues à aménager un cadre juridique qui assure une neutralité de la loi envers les technologies utilisées pour produire des documents technologiques et communiquer ou transiger à l'aide de ceux-ci. C'est ce que le Québec vise avec cet avant-projet de loi, qui est qualifié par certains de novateur. Nous tenons également à ce que la future législation soit en harmonie avec les normes internationales en matière de technologies de l'information afin de ne pas créer au Québec de barrières inutiles aux avancées technologiques en cours, mais, tout au contraire, afin d'encourager l'usage de ces technologies dans tous les domaines d'activité d'une société moderne.
Ainsi, non seulement croyons-nous que l'avant-projet de loi respecte les principes de la loi type de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international sur le commerce électronique de 1996 et son projet de règle uniforme sur les signatures électroniques, mais nous croyons que l'avant-projet de loi fait un pas de plus en matière de neutralité technologique en faisant en sorte que tout document, quel que soit le type d'information qu'il comporte ou le support qu'il emprunte, puisse acquérir une valeur équivalente à celle du document papier à condition de respecter un certain nombre de règles. L'avant-projet de loi prévoit d'ailleurs la formation d'un comité multidisciplinaire afin de favoriser l'harmonisation des systèmes, des normes et des standards techniques mis en place. Ce comité sera chargé notamment de favoriser les compatibilités et l'interopérabilité des supports et des technologies de l'information sur le plan national, mais également sur le plan international.
L'avant-projet de loi vise essentiellement cinq objectifs: premièrement, adapter notre Code civil aux nouvelles réalités; deuxièmement, protéger notre droit privé unique des intrusions fédérales ? on pense ici à la Loi C-6; troisièmement, énoncer avec transparence les règles du jeu; quatro, assurer la continuité juridique et faciliter la preuve et, finalement, cinquièmement, développer le domaine financier.
L'avant-projet de loi s'appuie également sur trois principes généraux suivants, et ils sont majeurs: d'abord, la neutralité médiatique: permettre l'interchangeabilité des supports en supprimant les exigences de forme qui entraînent la nécessité d'utiliser un support plutôt qu'un autre; deuxièmement, la neutralité technologique: tenir compte, dans l'infrastructure juridique québécoise, des technologies de l'information faisant appel soit au papier, soit à l'électronique, soit à l'optique ou à d'autres procédés technologiques existants ou à venir ou encore à une combinaison de ces technologies; et, troisièmement, la neutralité juridique, qui fait en sorte qu'une règle de droit puisse s'appliquer quel que soit le support utilisé ou, inversement, une règle de droit doit pouvoir être satisfaite malgré l'utilisation des divers supports.
L'avant-projet de loi propose la mise en place dans le cadre juridique québécois des éléments qui permettent à la fois de normaliser l'usage des technologies de l'information et de faire en sorte qu'il réponde à la règle de droit. Le régime juridique proposé permettra d'assurer la continuité de l'application du droit en conservant le même régime juridique pour tous les documents, quel qu'en soit le support. Ce régime permettra ainsi d'établir la validité juridique d'un document et d'assurer le maintien de cette valeur depuis la création du document jusqu'à la fin de sa période d'utilité. Grâce à une loi habilitante, comme c'est le cas ici, on peut encadrer les moyens de donner aux documents dès le départ la valeur juridique qui leur convient plutôt que d'attendre la décision d'un tribunal à ce sujet.
L'avant-projet de loi propose donc d'adopter la notion de document, de diminuer le fardeau de la preuve ? je sais que ça va être amplement discuté ici ? de fixer les conditions de fiabilité du document, d'établir des règles permettant de relier une personne et un document technologique, de prévoir des règles relatives à l'identification et au repérage des personnes et des objets et, finalement, d'établir les règles relatives aux services de certification et de répertoire.
n(9 h 40)n Une fois adoptée ? l'espérons-nous, d'ici à l'automne, mais nous prendrons le temps nécessaire pour bien faire ? cette loi d'application générale offre plusieurs avantages: énoncer avec transparence les règles du jeu, assurer la continuité juridique et faciliter la preuve, conserver la compétence, le rôle et le mandat des institutions, favoriser l'innovation technologique, clarifier la concurrence pour les certificateurs et, finalement, comme je l'ai dit, développer le domaine financier. Un tel environnement, selon nous, procurera au Québec un avantage économique indéniable, soit celui de s'afficher comme un lieu où le commerce électronique est soutenu par la disponibilité d'une infrastructure technologique et l'accès à un encadrement légal et réglementaire sécuritaire.
Le cadre légal proposé n'entraînera pas de coûts particuliers, car il ne forcera personne à effectuer ses communications ou ses transactions au moyen de documents technologiques. Il reviendra à chacun d'investir dans des équipements technologiques qui correspondent à ses besoins de sécurité technologique et juridique. Une telle loi permettra de rentabiliser ses investissements et d'éviter des coûts supplémentaires importants en diminuant les risques juridiques découlant de l'utilisation des technologies de l'information. Les entreprises et les citoyens québécois pourront alors compter sur un cadre juridique intégré qui leur fournira des garanties juridiques sur la validité d'un document et sur l'interchangeabilité des supports.
Ces changements entraîneront éventuellement une réduction importante des coûts de production, de communication et d'archivage documentaire. Ils permettront également d'accélérer l'offre d'informations et de services personnalisés sur l'inforoute, notamment par l'État et le gouvernement du Québec. Grâce à cette loi, le gouvernement du Québec pourra accélérer l'utilisation des technologies de l'information pour fournir de meilleurs services aux citoyens et leur offrir la possibilité de communiquer avec lui efficacement et en toute confiance. De plus, les ministères et organismes, tout comme les entreprises, pourront réaliser des économies dans leurs activités de facturation pour des services et même pour la délivrance de permis.
Le gouvernement, en déposant un avant-projet de loi, a voulu lancer une large démarche de discussion et de consultation. Le gouvernement entend poursuivre ce travail de sensibilisation. En effet, afin d'aider à y voir clair, nous mettrons en ligne prochainement une version commentée de ce document qui permettra d'expliquer les termes et les concepts abordés dans ce projet législatif sans les contraintes de forme qu'impose le texte législatif. Les 17 mémoires déposés témoignent de l'intérêt et de l'importance de cet avant-projet de loi, et ce, malgré la période estivale et les délais relativement courts, nous en convenons.
Il s'agit d'un texte perfectible, je tiens à le dire, et c'est pour le parfaire que nous accueillons cette semaine des intervenants de tous les milieux pour être à l'écoute de leurs commentaires, de leurs critiques et de leurs suggestions. Car, en cette matière, il faut parvenir, je l'espère, à un consensus social sur les valeurs que nous tenons à protéger afin que les technologies de l'information contribuent à notre épanouissement collectif et à la croissance de notre économie dans un climat de confiance mutuelle.
Cet avant-projet de loi ? et je conclus là-dessus ? répond aux besoins des Québécois et des Québécoises. Il permet au Québec, qui est déjà en avance en matière de protection des renseignements personnels, de contribuer à aller de l'avant dans un domaine qui évolue rapidement. Je rappelle ici, en terminant, que tous les gouvernements ont visé à maintenir, sinon à étendre la compétence de l'État du Québec; tous les gouvernements ont enrichi le Code civil, il s'agit de notre héritage collectif. L'avant-projet de loi vise à moderniser certaines facettes de ce Code civil. Je souhaite que nous dégagions autour de cet avant-projet de loi des consensus comme ceux dont le Québec a fait sa marque de commerce.
Je termine en disant que je suis ici pour construire. Je fais appel à tous les intervenants qui vont venir pour nous indiquer ce qu'ils aimeraient voir amélioré, modifié ? c'est un avant-projet de loi ? et, également, je fais appel à l'usuelle collaboration positive, constructive de l'opposition officielle du Québec, du gouvernement, de l'Assemblée nationale pour qu'ensemble nous puissions éventuellement adopter ? à l'unisson, je l'espère ? une loi à l'Assemblée nationale dès cet automne. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de La Pinière, pour vos remarques préliminaires.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous entreprenons aujourd'hui la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information. Alors, permettez-moi d'abord de saluer le ministre délégué à l'Autoroute de l'information et mes collègues de la commission qui siègent avec nous, aussi bien mon collègue le député de Shefford que mes collègues de l'autre côté, Mme la Présidente, et aussi les invités qui vont se faire entendre.
J'exprime le voeu qu'à l'issue de nos travaux nous puissions aboutir à un véritable projet de loi qui réponde aux attentes des citoyens et des groupes partenaires qui se sont donné la peine de soumettre des mémoires, et certains d'entre eux viendront les présenter devant nous. Il faut rappeler qu'à maintes reprises le ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux a annoncé le dépôt et l'adoption, même, par l'Assemblée nationale d'un projet de loi pour sécuriser les transactions électroniques et favoriser le développement du commerce électronique au Québec. À la lumière de l'avant-projet qui nous est soumis aujourd'hui pour consultation, force est de constater que l'échéance de l'adoption d'un véritable projet de loi est encore une fois reportée.
En effet, cette loi était promise dans la politique gouvernementale rendue publique en avril 1998 et devait être en vigueur en décembre de la même année. Le ministre délégué a même annoncé dans un forum international sur les technologies de l'information qu'une loi serait adoptée au Québec en décembre 1999, ce qui est en soi une atteinte, on pourrait le dire, aux privilèges de l'Assemblée nationale. Il a réitéré ce même engagement lors de l'interpellation du 19 mars 1999, où il a promis le dépôt d'un projet de loi sur la sécurisation des transactions électroniques, a-t-il dit, dans les semaines suivantes. Si on devait se fier aux paroles du ministre délégué, ça ferait plus d'un an, presque un an et demi, que le Québec aurait été doté d'une loi sur la sécurisation des transactions électroniques. Or, nous sommes à la fin du mois d'août 2000, et tout ce que nous avons devant nous, c'est un avant-projet de loi qui apparaît, à la lecture de plusieurs mémoires ? et je les ai lus tous, Mme la Présidente ? comme étant déconnecté, pas mal, de tout ce qui se fait ailleurs dans le monde.
En effet, nous sommes ici dans un domaine de droit nouveau dont l'application déborde les frontières traditionnelles des pays et des États. Internet se déploie à l'échelle mondiale, les échanges et les transactions qui s'y rattachent n'ont plus de frontières, d'où l'importance de s'harmoniser avec les législations qui ont cours en cette matière dans le monde. D'ailleurs, c'est un constat que font tous les pays qui ont pris le virage de la société de l'information. En cette matière, l'OCDE, par exemple, ainsi que les instances des Nations unies et de la Communauté économique européenne travaillent en étroite collaboration pour développer des instruments juridiques internationaux applicables dans les différents pays.
Au lieu d'un projet de loi bien ficelé et adapté au contexte international et national, le ministre délégué arrive avec un avant-projet de loi jugé par plusieurs intervenants comme étant complexe, lourd, qui embrasse à la fois le secteur public et privé ainsi que les individus et les corporations. La portée générale de cet avant-projet de loi a des implications majeures sur la vie des entreprises publiques, parapubliques et privées et sur l'ensemble des citoyens, d'où l'importance, considérant le retard de près de deux ans dans ce dossier, de bien analyser les impacts juridiques, les impacts économiques, les impacts organisationnels de ce projet de loi. C'est ce que de nombreux groupes ont demandé, et non les moindres: le Barreau du Québec, la Chambre de commerce du Québec ? qui vient d'ailleurs de nous soumettre un petit document à cet effet ? et le Conseil du patronat, qui sont des partenaires majeurs et qui ont un intérêt particulier dans ce dossier dans la mesure où ce projet de loi affecte les entreprises, les citoyens et la communauté juridique dans son ensemble.
Or, le ministre délégué, qui a mis plus de deux ans pour déposer cet avant-projet de loi, a choisi de procéder à la hâte en convoquant une consultation en plein été, alors que les organismes et les experts sont moins disponibles pour le commenter en profondeur à cause de la période estivale. Malgré les représentations justifiées des groupes qui ont demandé un peu de temps pour bien se préparer à cette consultation et surtout pour nous, les parlementaires, pour mieux nous éclairer sur les enjeux que sous-tend ce projet de loi, le gouvernement a choisi de faire la sourde oreille et de passer outre à cette volonté du milieu. Pas étonnant que nous entreprenions aujourd'hui une consultation où de nombreux groupes n'ont pas pu participer, et leur présence aurait été fort souhaitable.
n(9 h 50)n Au chapitre de l'harmonisation de ce projet de loi avec les lois nationales et internationales existantes, il est utile de rappeler qu'il existe des législations qui ont été adoptées ou qui sont en cours d'étude et qui portent sur la problématique de la sécurisation des transactions électroniques. Plusieurs groupes constatent que le gouvernement du Québec a choisi de ne pas s'inscrire dans cette démarche d'harmonisation et d'opter pour une approche unique.
Au nombre des dispositifs législatifs existants ou en voie d'adoption, mentionnons la loi type sur le commerce électronique adoptée par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international puis par l'Assemblée générale des Nations unies en novembre 1996, la loi américaine signée le 30 juin 2000 par le président Clinton intitulée Electronic Signatures in Global and National Commerce Act, la loi canadienne Loi uniforme sur la preuve électronique ainsi que la Loi uniforme sur le commerce électronique, adoptées par la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada en 1998, la loi canadienne C-6, devenue le chapitre V des Lois du Canada le 13 avril dernier, visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique et modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la loi canadienne S-19, modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, présentée au Sénat le 29 mars 2000, afin de permettre aux sociétés par actions de communiquer avec leurs actionnaires par les nouvelles technologies de l'information, la loi de la Saskatchewan, qui s'appelle An Act Respecting Electronic Information and Documents, sanctionnée le 21 juin 2000, le projet de loi PL-88 à l'étude en Ontario, le projet de loi PL-31 au Manitoba, le projet de loi Bill 32 en Colombie-Britannique. On constate donc qu'on n'est pas les seuls, cette préoccupation concerne beaucoup de législations.
Alors qu'il y a urgence de rassurer les consommateurs et d'accélérer le développement du commerce électronique ? mentionnons, entre autres, que trois Québécois sur quatre sont réticents à donner leur numéro de carte de crédit sur Internet ? le ministre délégué semble complètement choisir une voie à part des expériences qui sont en cours ou qui sont déjà réalisées. En effet, plusieurs mémoires jugent le texte de l'avant-projet de loi tellement complexe, lourd et inaccessible pour le commun des mortels qu'il risque d'isoler le Québec sur les marchés mondiaux du commerce électronique et de freiner le développement de ce secteur névralgique de la nouvelle économie sur son territoire. C'est inquiétant. À notre avis, cet avant-projet de loi, qui a été préparé par les légistes, d'ailleurs, du ministère de la Justice ? et je reconnais Me Proulx; j'ai entendu parler de vous, puisque vous avez rencontré pas mal de groupes, donc j'ai eu des échos sur votre travail ? et présenté par le ministre délégué à l'Autoroute de l'information, est loin de répondre à l'objectif visé, celui de favoriser les transactions électroniques sécurisées et d'encourager les Québécois et les Québécoises à emprunter l'autoroute de l'information.
Nous allons entendre les groupes et les experts, des spécialistes, qui ont, dans un très court laps de temps et en plein été, analysé cet avant-projet de loi. Il est donc de notre devoir, des deux côtés de la Chambre, de s'assurer que le gouvernement et le ministre délégué soient attentifs aux commentaires que nous allons entendre.
En tout respect pour le travail des rédacteurs de cet avant-projet de loi, nous espérons que le tir pourra être corrigé rapidement. D'ailleurs, si on aborde le débat, déjà en partant, en disant que tout est beau, tout est fait, tout est complet, on se demanderait: Pourquoi est-ce qu'il y a une consultation? Le ministre doit donc revenir dès l'automne prochain avec un vrai projet de loi, mieux branché sur la réalité du commerce électronique, plus compatible avec les législations existantes et assez flexible pour permettre un véritable décollage des transactions électroniques au Québec.
Mme la Présidente, je voudrais, avec mon collègue et mes collègues qui vont se joindre à nous dans les prochains jours, vous assurer de la collaboration pleine et entière de l'opposition officielle. À titre de porte-parole de l'autoroute de l'information et des services gouvernementaux, c'est un dossier qui me préoccupe au plus haut point. J'ai eu l'occasion de questionner le ministre et d'autres ministres, ceux qui sont impliqués dans ce dossier-là, à quelques occasions en commission parlementaire. Je pense qu'il en va de l'avenir de notre économie et aussi du respect des droits fondamentaux, notamment en ce qui a trait aux renseignements personnels, au respect de la vie privée et à la confidentialité, et ce sont là des engagements que nous avons déjà contractés comme société et sur lesquels il y a un consensus. Donc, nous avons déjà une bonne base sur laquelle on peut bâtir.
Le projet de loi qui est devant nous, par certains aspects, peut paraître technique, mais, par ses implications, il est majeur, Mme la Présidente, parce qu'il touche tous les secteurs d'activité. Et surtout, une de mes préoccupations, c'est qu'une pièce de législation doit résoudre des problèmes et non pas en créer d'autres. Donc, nous avons le devoir d'analyser ce projet de loi attentivement pour nous assurer que nous sommes dans la bonne direction, que les mesures que nous allons adopter vont favoriser le développement du commerce électronique et, partant, de la nouvelle économie et non pas créer des barrières supplémentaires aux entreprises, aux petites et moyennes entreprises, et même au gouvernement dans ses transactions avec les citoyens.
Alors, j'aborde cette consultation avec beaucoup d'enthousiasme, Mme la Présidente, j'ai beaucoup d'attentes. J'espère qu'à l'issue de nos travaux nous allons pouvoir dégager un consensus fort dans l'intérêt des citoyens, dans l'intérêt de nos entreprises et dans l'intérêt surtout du rapport, également, entre l'État et les citoyens, les contribuables, car ils sont également concernés par cet enjeu-là au premier chef. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme la députée de La Pinière.
Auditions
Alors, je comprends donc que ça met fin à cette étape-ci des remarques préliminaires. Je demanderais donc aux représentants de la Commission d'accès à l'information de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.
Alors, Mme la présidente, Mme Stoddart?
Mme Stoddart (Jennifer): Jennifer Stoddart, c'est ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, madame, bienvenue à cette commission, d'abord.
Mme Stoddart (Jennifer): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Et, si vous voulez, avant de présenter votre mémoire, nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire cette présentation et que, par la suite, les échanges se feront de temps égal par rapport aux deux formations politiques.
Commission d'accès à l'information (CAI)
Mme Stoddart (Jennifer): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Justement, comme vous le savez, ça fait à peine six semaines que j'assume mes nouvelles fonctions, donc c'est ma première comparution en commission parlementaire. Je vous remercie aussi de nous avoir invités en premier lieu. À mon avis, ça témoigne de l'importance que vous mettez sur le respect de la vie privée. Je me fais accompagner, donc, par deux experts de mon bureau: à ma gauche, le chef du contentieux et secrétaire de la Commission, Me André Ouimet, et, à ma droite, M. Robert Parent, qui est directeur par intérim de la Direction de l'analyse et de l'évaluation. Il y a aussi d'autres personnes avec nous dans la salle si vous avez des questions très spécifiques portant sur les technologies de l'information.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, la Commission d'accès à l'information se réjouit du dépôt de cet avant-projet de loi. La sécurité juridique des communications sur l'inforoute représente actuellement tout un défi, et les enjeux en cause, comme vous savez, sont importants. Ils recoupent autant divers aspects de la vie quotidienne des citoyens et citoyennes que les conditions nécessaires à la poursuite des échanges économiques pour des industries traditionnelles et pour des industries qui se créent actuellement dans le nouveau contexte technologique.
À nos yeux, en général, on peut dire que l'avant-projet de loi est innovateur et audacieux. La Commission félicite le gouvernement de cette initiative, qui a le mérite, notamment, d'être fidèle à l'héritage du droit civil québécois. Elle a également le mérite d'assurer une pérennité aux principes juridiques qui y sont énoncés, permettant ainsi à ces principes de s'adapter à l'évolution technologique.
La Commission a déposé un avis sur l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information qui explique en détail notre position. Cet avant-projet, nous l'avons dit, est important. La Commission l'a étudié à la lumière des principes qui constituent le fondement même de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ? qu'on va appeler la Loi sur l'accès ? et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ? on va parler en termes de Loi sur le secteur privé. Du reste, ces principes se retrouvent dans l'ensemble des lois qui visent à protéger les données nominatives dans un nombre toujours plus grand de pays à travers le monde.
n(10 heures)n Il m'apparaît important de rappeler les principes qui sont en cause aujourd'hui. Il s'agit de la cueillette, de la conservation, de l'utilisation, de la communication et de l'accès aux renseignements personnels par la personne concernée.
Un mot sur chacun de ces principes qui cachent, disons-le, des réalités fort simples. D'abord, le principe de la cueillette veut dire qu'un organisme public ou une entreprise ne peut recueillir que les renseignements qui sont nécessaires à ses attributions ou à l'objet de ses dossiers. La conservation exige que les renseignements personnels doivent être conservés de façon à en assurer le caractère confidentiel. L'utilisation veut dire: Dans un organisme ou une entreprise, l'utilisation de renseignements personnels est réservée aux seules personnes qui en ont besoin dans l'exercice de leurs fonctions. La communication: Ce principe a pour effet qu'aucun renseignement personnel ne peut être communiqué, sauf exception, sans le consentement de la personne concernée. Et finalement l'accès veut dire que chaque individu possède un droit d'accès aux renseignements qui le concernent.
La Commission n'entend donc pas commenter tous les aspects de l'avant-projet de loi mais limiter ses commentaires à son domaine de compétence, qui est la protection des renseignements personnels. Disons-le tout de suite, à cet égard, l'avant-projet de loi respecte de façon générale les principes que je viens de vous décrire. Toutefois, cet avant-projet de loi soulève quand même certaines interrogations et amène la Commission à formuler des commentaires. Avant de ce faire, il nous faut cependant rappeler une distinction importante entre les termes «sécurité» et «communication».
En effet, comme le souligne l'avis de la Commission, la sécurité et la confidentialité sont deux notions qui visent des finalités fort différentes. La notion de confidentialité réfère à un ensemble de règles inscrites dans la législation qui couvrent toutes les phases de traitement de l'information, de la cueillette à la communication, en passant par la détention, l'utilisation et la communication. Un organisme public ou une entreprise peut avoir pris les moyens les plus perfectionnés sur le plan technologique pour assurer la sécurité d'une transmission de renseignements personnels, mais, si le destinataire n'est pas légalement autorisé à recevoir une telle communication, il y aura un réel bris de confidentialité.
Par exemple, serait illégale la communication d'un renseignement médical concernant une personne à une compagnie d'assurances si la personne n'y a pas consenti. Même si l'organisme qui communique ce renseignement a pris toutes les mesures de sécurité requises pour la transmission de renseignements, il y aurait tout de même illégalité. L'organisme ou l'entreprise doit se poser la question préalable suivante: Avons-nous le droit de communiquer ou de recueillir un tel renseignement?
La notion de sécurité n'est qu'un moyen qui a pour but de garantir le caractère confidentiel d'un renseignement. À cet égard, la Commission souligne dans son avis que l'avant-projet de loi réussit à bien distinguer, selon nous, ces deux notions. La personne qui communique un renseignement confidentiel doit s'assurer, dans un premier temps, que le destinataire a droit aux informations.
Ces notions préliminaires étant précisées, j'entends maintenant vous faire part de commentaires particuliers. Et nos commentaires vont porter sur les questions suivantes: le contrôle de l'accès aux renseignements personnels à caractère public, le lien entre les personnes et les documents technologiques, l'encadrement de l'utilisation de la biométrie et quelques questions afférentes aux principes de conservation et d'accès aux documents technologiques.
D'abord, le contrôle de l'accès aux renseignements personnels qui ont un caractère public. L'article 27 de l'avant-projet de loi vise à restreindre l'accès aux renseignements personnels qui ont un caractère public. Cette disposition aurait un impact majeur et important sur l'article 55 de la Loi sur l'accès. Ce dernier article précise qu'un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas confidentiel.
Cet article 27 propose une piste de solution intéressante à un problème longuement décrit déjà dans le rapport quinquennal de la Commission en 1997. Ainsi, chaque fois qu'une disposition législative prévoit le caractère public de renseignements personnels, une fin bien précise est visée. Ainsi, le caractère public des renseignements consignés dans un rôle d'évaluation permet aux citoyens de connaître, aux fins de comparaison, pour l'une ou l'autre des unités d'évaluation, l'identité et l'adresse du propriétaire ainsi que la valeur de ses immeubles. Consignés sur support papier, ces renseignements seront accessibles aux personnes qui prendront le temps de se déplacer pour les consulter ou qui formuleront une demande écrite pour les obtenir. Ces modes d'accès, qui, règle générale, étaient les seuls possibles lorsque ces lois ont reconnu un caractère public à certains renseignements, garantissent le respect de l'objectif visé par leur connaissance et ce caractère public.
Par contre, lorsqu'ils deviennent facilement accessibles par des moyens technologiques, on peut se demander si une communication massive de renseignements personnels ne vient pas détourner ou contourner cet objectif. L'obtention massive de renseignements personnels à caractère public respecte rarement la finalité visée par le législateur et ouvre facilement la voie à des activités de nature commerciale ou de sollicitation.
L'article 27 de l'avant-projet de loi limite la communication des renseignements personnels qui ont un caractère public lorsque l'accès à ces renseignements est rendu possible, par exemple, sur un site Internet d'un organisme public ou d'une entreprise du secteur privé. Dans une telle situation, l'utilisation d'une fonction de recherche extensive peut en effet être contrôlée.
La Commission se réjouit de cette initiative qui de fait constituerait un progrès quant à la protection des renseignements personnels. Cependant, la Commission entend discuter plus largement de toute cette question au moment des audiences de la commission parlementaire qui entreprendra ses travaux sur la révision de la Loi d'accès à partir du 12 septembre prochain.
Ensuite, j'aimerais passer à la question du lien entre les personnes et les documents technologiques. L'identification des personnes qui utilisent la technologie dans ces communications est au coeur de nos préoccupations comme société. Selon l'avant-projet de loi, la vérification de l'identité d'une personne pourra se faire à au moyen de divers documents.
Encore une fois, et la Commission l'apprécie, l'avant-projet de loi maintient une ligne de neutralité technologique. Ainsi, l'identité d'une personne pourrait être établie en se référant au registre prévu au Code civil du Québec ou à la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. La vérification de l'identité d'une personne pourra également être établie à partir de caractéristiques, connaissance ou objet qu'elle présente ou qu'elle possède. Un document technologique pourrait également servir à cette identification.
La Commission tient à rappeler que certaines lois interdisent l'utilisation d'identifiants créés à des fins précises. Ainsi, par exemple, la Loi sur l'assurance maladie stipule que la carte d'assurance maladie ne peut être exigée que pour vérifier l'identité et l'admissibilité d'une personne qui requiert des soins ou des services de santé. L'obligation d'exhiber son permis de conduire est également strictement encadrée par la législation québécoise. Respectant ce principe de la spécificité des identifiants, la Commission croit qu'il serait approprié de préciser que la vérification de l'identité d'une personne doit se faire dans le respect de la loi.
La Commission croit que les articles 45 et 46 de l'avant-projet, qui visent entre autres à maintenir confidentiels certains renseignements nécessaires à l'établissement de l'identité d'une personne, sont des articles très importants au regard de la protection des renseignements personnels.
Ainsi, l'article 45 prévoit que les renseignements confidentiels que contient un document qui sert à confirmer l'identité d'une personne doivent être protégés. Quant à l'article 46, il précise que le document technologique qui sert de preuve d'identité doit être protégé contre l'interception lorsque sa conservation ou sa transmission sur un réseau de communications rend possible l'usurpation de l'identité de la personne visée par ce document. De plus, ajoute ce même article, la confidentialité de ce document doit être protégée, le cas échéant, et sa consultation doit être journalisée.
La Commission comprend que ça veut dire, par exemple, que, lors d'une transaction entre un client et une entreprise, cette dernière devrait prendre des mesures spécifiques pour assurer la confidentialité des renseignements que fournit le client pour ainsi le prémunir contre une usurpation de son identité.
L'ensemble de ces mesures, estime la Commission, facilitera grandement les échanges entre le citoyen et l'administration publique et entre ce même citoyen et les entreprises avec lesquelles il fait affaire. En effet, les règles relatives à la fiabilité des documents et à l'identification des personnes éviteront que des personnes non autorisées puissent avoir accès à des renseignements personnels lorsque les nouvelles technologies de l'information serviront de base aux communications. Ainsi, l'usurpation de l'identité sera rendue plus difficile et l'exactitude des renseignements échangés sera mieux assurée.
n(10 h 10)n Ensuite, nous passons à la question de la biométrie comme outil d'identification. L'article 50 de l'avant-projet de loi ouvre la voie à la vérification et à la confirmation de l'identité d'une personne au moyen d'un procédé permettant de saisir des caractéristiques ou des mesures biométriques comme, par exemple, les empreintes digitales ou de la rétine ou bien encore la forme de la main.
L'utilisation de tels renseignements personnels à des fins d'identification, bien que rare actuellement sauf peut-être en matière criminelle, nous incite à une élémentaire prudence. Le recours à cette nouvelle technologie devrait en effet être sévèrement encadré par le législateur surtout afin que soit préservée l'intégrité physique des personnes et soit évitée la création de banques de données nominatives à ce sujet.
De l'avis de la Commission, l'avant-projet de loi édicte des règles qui manifestement limiteraient les effets indésirables de l'utilisation de la biométrie à des fins d'identification. Ce sont les conditions que l'on retrouve à l'article 50 et que je me permets de résumer ainsi: Nul ne peut exiger que la vérification ou la confirmation de l'identité d'une personne soit faite au moyen d'un procédé permettant de saisir des caractéristiques ou des mesures biométriques; que la volonté de la personne, c'est-à-dire son consentement, puisse être prise en compte afin que son identité soit établie par biométrie; réduire au minimum le nombre de données biométriques nécessaires à l'identification; que les renseignements biométriques requis ne servent qu'aux fins de l'identification, ces renseignements biométriques doivent aussi être détruits lorsque l'objet pour lequel ils ont été recueillis a été accompli, soit l'identification; et finalement la création d'une banque de données biométriques doit être divulguée à la Commission.
Dans la mesure où toutes ces conditions, qui sont prévues à l'article 50, seraient rendues obligatoires dans l'éventuelle législation, la Commission n'entend pas s'opposer à la cueillette de renseignements biométriques. Toutefois, au sujet de la dernière condition énumérée à l'article 50 de l'avant-projet de loi, soit celle qui énonce l'obligation de divulguer la création d'une banque de renseignements biométriques, la Commission croit qu'il serait plus approprié que son intervention puisse se faire a priori, c'est-à-dire avant que la banque de caractéristiques ou de mesures biométriques ne soit créée. Une telle intervention préalable lui permettrait de s'assurer du respect des conditions de l'article 50.
De plus, la Commission estime que le pouvoir d'ordonnance qui lui est reconnu par cet article 50 devrait également couvrir la communication des banques de données biométriques et non seulement leur confection, leur utilisation, leur consultation et leur conservation. En effet, la meilleure protection qui pourrait être offerte aux individus à ce sujet serait de restreindre considérablement la possibilité qu'auraient les organismes publics de pouvoir se communiquer entre eux de telles banques de données biométriques.
Finalement, les conditions de conservation et d'accès des documents technologiques. Nous faisons à ce sujet trois recommandations visant à renforcer la sécurité et la confidentialité dans lesquelles on conserve les documents technologiques.
Premièrement, il est primordial pour la vie démocratique que toute atteinte à la vie privée soit la moins intrusive possible et qu'elle se fasse en stricte conformité avec la loi, qu'un intermédiaire de services n'ait pas l'obligation de contrôler les activités afin de déceler celle qui pourrait être illicite, et, inversement, qu'intercepter du courrier électronique ou lire des documents de quelqu'un sous enquête par les forces de la sécurité publique ne doive se faire qu'en stricte conformité avec les principes du Code criminel. Nous espérons que c'est la seule interprétation possible du deuxième alinéa de l'article 30.
Dans le même ordre d'idées, pour une plus grande certitude juridique, la Commission croit que l'on pourrait préciser le rôle et les obligations des intermédiaires de services en vertu de la Loi d'accès et de la Loi sur le secteur privé.
Finalement, la consultation à distance des documents d'organismes publics permettrait un plus grand accès à l'information pour les citoyens. Toutefois, une telle consultation devrait se faire au préalable en assurant la sécurité et la confidentialité.
Donc, pour terminer, la Commission souligne son appui à cette initiative qui aurait, croit-elle, l'effet, entre autres, de clarifier l'application des principes contenus à la Loi d'accès et la Loi sur le secteur privé, dans le contexte des supports technologiques en évolution constante. Pour cette raison, elle souhaite que l'avant-projet de loi puisse être réduit à un projet de loi dans un avenir rapproché. Toutefois, elle souligne les dangers à la vie privée qui existent pour les citoyens si ces nouveaux modes de communication ne sont pas balisés adéquatement dès le début de leur utilisation.
Je vous remercie de votre attention, et une copie de mes notes sera déposée à la présidente de la commission pour reproduction, si vous souhaitez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, merci, Mme la présidente de la Commission. M. le ministre.
M. Cliche: D'abord, merci pour vos propos. J'ai également lu votre mémoire à fond, et c'est toujours rassurant pour un ministre de voir que la Commission d'accès à l'information, sur le fond, nous appuie. On est toujours un peu inquiet quand on sait que la Commission va se pencher sur nos textes, nos actions, et c'est le signe que vous jouez bien votre rôle et que vous êtes le chien de garde finalement auquel l'État reconnaît toute l'importance pour la protection des renseignements privés, et dans le domaine public et dans le domaine privé.
Avant de laisser la parole à d'autres, parce que j'ai exprimé le désir en réunion préalable que mes collègues députés puissent également intervenir, poser des questions ? il y a même le député de Chicoutimi, qui est avocat, qui m'a déjà posé des questions très pertinentes ? j'en aurais deux, si vous me permettez.
La première: Vous avez fait état dans votre mémoire de la volonté, à tout le moins de la possibilité, que les dispositions de ce projet de loi qui portent sur votre juridiction soient plutôt incorporées dans vos lois, et vous avez fait état d'une commission parlementaire qui porterait sur la révision des lois dont vous avez la responsabilité à l'automne. Pourriez-vous être plus explicite là-dessus? Comment voyez-vous ça, et est-ce qu'il y a d'autres lois au gouvernement du Québec qui sont en cours, qui ont force de loi et qui ont des implications sur les deux lois, la Loi sur l'accès et la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé, dont vous avez la responsabilité? Comment vous voyez ça? En d'autres termes, si nous devions aller dans ce sens-là, quel problème ça pose? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Stoddart (Jennifer): Si je comprends bien, l'avant-projet de loi que vous avez déposé en effet a le mérite d'aller plus loin dans la protection de la vie privée par rapport au problème ? enfin, parce que c'est un problème grandissant ? des renseignements personnels à caractère public, puisque dans l'avant-projet de loi vous avez suivi la solution qui a été soulevée par la Commission d'accès dès 1997, qui est le problème que posent les nouvelles technologies avec la diffusion massive, notamment à fins commerciales, des choses qui étaient prévues pour une utilisation beaucoup plus restreinte, par exemple la valeur de nos immeubles, notre adresse, notre nom, etc. Donc, nous sommes très contents que vous ayez incorporé dans cet avant-projet de loi ce principe.
Malheureusement, dans le projet de loi n° 122, qui est le projet de révision de la Loi d'accès, déposé ce printemps, il ne semblerait pas que le législateur ait prévu à ce moment-ci d'incorporer le même principe. Donc, la Commission, qui tient toujours à sa position sur le sujet depuis assez longtemps maintenant, souhaiterait une harmonisation et que, finalement, sur deux types de supports technologiques, le même principe soit observé par l'État, c'est-à-dire le respect de la finalité plus limitée, à l'origine, de la diffusion massive, enfin de la diffusion de renseignements personnels à caractère public.
Est-ce que Me Ouimet peut-être pourrait commenter sur les questions d'harmonisation avec d'autres législations aussi?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Me Ouimet.
M. Ouimet (André): Oui, merci. En fait, ce que prévoit l'article 26, c'est une approche sectorielle. Pour ce qui est des documents technologiques, on prévoit une limite à l'utilisation de fonctions de recherche extensive, alors que, dans la révision des lois de protection de renseignements personnels qui s'engage le 12 septembre prochain, malheureusement, on ne fait pas l'harmonisation avec cette disposition-là. C'est ce que la Commission souhaiterait, qu'on fasse une telle harmonisation pour un problème qui est maintenant généralisé à travers le monde, c'est-à-dire: Avec l'utilisation des technologies, l'accès à des renseignements à caractère public est de plus en plus facile.
M. Cliche: Bien, vous avez répondu à ma question. Je comprends que vous êtes d'accord avec nous de garder cette disposition. Il en reviendra à l'autre commission de considérer le bien-fondé de vos représentations.
Mme Stoddart (Jennifer): Exactement.
n(10 h 20)nM. Cliche: L'autre question que je voudrais aborder avec vous, elle est très importante, j'y accorde beaucoup d'importance, c'est la notion de mesures biométriques et la constitution de fichiers et de mesures biométriques, que ça soit l'empreinte digitale, l'iris, où non seulement on peut reconnaître un individu, mais où on nous dit qu'il est même possible de déterminer la condition même physique de l'individu par son iris. On s'est tous vu dans le miroir le matin, des fois, la condition de notre iris laisse à désirer. Mais vous suggérez là une reconnaissance a priori. En principe, je trouve ça intéressant. On va se pencher sur vos commentaires comme tous les autres.
Mais la question qui se pose à ce moment-là, dans la mesure où je partage les propos de ma critique officielle de l'opposition que nous voulons encadrer les transactions électroniques, que nous voulons nous assurer que les lois reflètent de façon évidente nos valeurs sociétales, comme celle de la protection des renseignements privés, pour laquelle protection nous sommes les plus avancés au monde, et on est fier de le dire... Ceci étant dit, il ne faut pas alourdir et faire en sorte que ce soit un frein aux transactions électroniques.
Donc, comment voyez-vous ça? Est-ce qu'il y a d'autres cas où, a priori, des gestionnaires de renseignements privés, soit dans le domaine public ou dans le domaine privé, ont à venir vous voir a priori pour faire approuver leur liste? Est-ce que ça existe? On parle de quoi en termes de délais? Quelle est la mécanique que vous voyez si nous demandions a priori? Et le corollaire, si c'était le cas, est-ce qu'il ne faudrait pas à ce moment-là penser à une mesure législative qui fasse en sorte que les fichiers existants ? peut-être en existe-t-il? ? soient par la même occasion soumis à la Commission pour vérification et approbation? Comment vous voyez ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): La Commission d'accès a pris la position depuis, je pense, bientôt une décennie qu'elle souhaiterait idéalement avoir son mot à dire dans la constitution de toutes sortes de banques, enfin toutes les banques de données nominatives, encore une fois pour assurer un plus grand respect de la vie privée des gens et voir que les données nominatives ne soient pas constituées inutilement. Le législateur n'a pas cru bon de lui donner ce pouvoir. Elle n'a un pouvoir que sur l'utilisation, l'échange de l'information ainsi colligée.
Cependant, elle revient donc à ses principes qu'elle maintient toujours: Constituer des banques de données personnelles sur des gens peut être extrêmement dangereux. Dans le cas de la biométrie ? je pense que c'est possiblement la technologie la plus envahissante que nous ayons connue jusqu'à maintenant ? elle trouve que, dans ce cas donc un peu d'exception par rapport aux technologies déjà existantes, sa demande est amplement justifiée.
Quant au temps, je ne pense pas que ça soit un frein au commerce électronique. Je pense qu'il s'agirait tout simplement d'un frein aux gens qui ne penseraient pas, par exemple, au principe de base dans le respect de la vie privée qui est le critère de la nécessité. Est-ce qu'il faut absolument que je constitue une banque de données biométriques? Est-ce que je ne pourrais pas passer par un moyen plus simple, plus classique, moins envahissant dans la vie privée? S'il faut que ceux qui songent à utiliser cette technologie viennent devant la Commission, peut-être qu'ils vont penser: Peut-être que je peux le faire autrement. Et c'est ça qu'on souhaite, qu'on ait recours le moins possible aux technologies envahissantes quand elles ont un impact sur la vie privée, non pas pour enfreindre l'efficacité des transactions, mais quand il y a un rapport à la vie privée.
Si la Commission avait ce pouvoir, je ne vois pas que ça serait plus compliqué que pour d'autres avis que la Commission donne déjà sur l'utilisation, la nécessité, enfin la manipulation des fichiers. Il s'agit d'un délai de quelques mois.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Oui, M. le ministre, vous aviez...
M. Cliche: Ça va.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vais laisser la parole maintenant à la députée de La Pinière. Mme la députée.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout d'abord, Mme Stoddart, je voudrais vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues à cette première commission où vous venez nous rencontrer à titre de présidente de la Commission d'accès à l'information. Je vous félicite pour votre nomination et je vous souhaite un franc succès dans la réalisation de votre mandat.
Je pense que la Commission d'accès à l'information est appelée à jouer un rôle majeur, de premier plan, face à ces enjeux colossaux auxquels on doit faire face comme société, parce que, effectivement, on s'est donné des balises, on s'est donné des instruments juridiques pour protéger la vie privée, les renseignements personnels, et là nous sommes face à une autoroute qui traverse justement la vie privée, qui ne connaît pas ses balises, qui ne les reconnaît pas aussi, et vous avez devant vous un enjeu et des défis très stimulants et très, très importants. Alors, je voudrais, avec votre équipe, vous féliciter encore une fois et vous souhaiter bonne chance dans vos fonctions.
J'ai eu l'occasion de questionner votre prédécesseur sur le rôle de la Commission d'accès à l'information face à ces enjeux que pose l'autoroute de l'information, et vous en avez abordé quelques aspects, tantôt, dans l'échange que vous avez eu avec mon collègue. En effet, la Commission d'accès à l'information a un rôle qui est important, mais je ne pense pas que la Commission ait ? vous l'avez dit vous-même ? le pouvoir, puisque vous le réclamez, notamment d'exercer un certain contrôle a priori et non pas a posteriori. Mais surtout, ce qui m'inquiète et me préoccupe, c'est que je ne pense pas que la Commission d'accès à l'information ait suffisamment d'outils et suffisamment de moyens, à la fois financiers et en ressources humaines, pour faire face à ce défi.
Parce que vous l'avez dit vous-même, s'il fallait, par exemple, qu'on vous donne le pouvoir d'agir a priori au niveau de la constitution des banques de données, ça vous prendrait des expertises pour ça. Et je plaide pour que le gouvernement, qui ouvre ce débat sur les enjeux de l'autoroute de l'information, puisse être suffisamment préoccupé et conscient de ce qu'on peut demander à la Commission d'accès à l'information, si on veut minimalement maintenir les acquis que nous avons jusqu'à maintenant.
J'ai discuté dernièrement avec un groupe d'experts, sur la vie privée justement et les technologies de l'information, qui me disaient ? pas à la blague mais sérieusement: Vous savez que les véritables légistes en matière de non-respect de la vie privée, ce n'est plus les parlementaires, c'est les informaticiens, parce que c'est eux finalement qui déterminent les paramètres techniques par lesquels l'information va cheminer, va être communiquée, conservée, diffusée, etc.
Donc, toutes les balises que nous nous sommes données à ce jour pour protéger les renseignements personnels et la vie privée sont en danger si on ne prend pas conscience collectivement qu'il y a finalement des dangers réels et qu'il faudrait mettre en place les ressources et les moyens pour y faire face. Ça, c'est le premier commentaire d'ordre général.
Maintenant, pour revenir à l'entretien que vous aviez tantôt ? je voudrais continuer là-dessus ? quand vous demandez, par exemple pour les banques de données biométriques, que la Commission d'accès à l'information puisse avoir un pouvoir de contrôle a priori et non après la création des banques de données, je voudrais juste vous donner un exemple ? ce n'est pas dans le domaine de la biométrie, mais il illustre bien: lorsque le gouvernement a lancé, avec beaucoup de fracas d'ailleurs, le projet du courriel gratuit pour les Québécois. Ce projet-là a été lancé, et la Commission d'accès à l'information a agi a posteriori, quelques mois après ? je pense six mois après que le projet ait été lancé. Elle est arrivée à la conclusion que ce projet-là ne respectait pas les normes minimales de respect de la vie privée. Donc, le gouvernement devait, en fait, refaire ses devoirs.
Donc, vous avez raison de vous assurer qu'au point de départ on sache quelle information on recueille, à quelle fin on la recueille, qui la recueille, comment elle va être diffusée, à quelle fin elle va être utilisée si on veut, encore une fois, minimalement sauvegarder nos acquis. Alors, voilà pour cet élément-là.
n(10 h 30)n Je voudrais, Me Stoddart, vous demander si vous avez, en préparation de votre mémoire, regardé les législations existantes. Parce que, dans plusieurs mémoires qu'on va entendre, on nous dit que l'approche du gouvernement du Québec dans ce dossier ne va pas dans le sens de ce qui a été fait ailleurs. Est-ce que vous avez réfléchi sur cet aspect-là? Et, si oui, est-ce que vous pouvez nous donner votre commentaire là-dessus?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la présidente.
Mme Stoddart (Jennifer): Le mandat de la Commission est de donner l'avis en fonction des lois qu'elle a le mandat d'appliquer, de surveiller l'application, qui sont des lois québécoises. Nous sommes restreints aux attributs de notre mandat dans notre mémoire, et on se prononce en fonction de ce qu'on connaît, qui est la protection de la vie privée au Québec et l'accès aux renseignements personnels.
Cependant, nous n'avons pris que de connaissance générale les différences d'approches qu'il y a au Québec et ailleurs au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Donc, nous ne prétendons pas à une expertise sur les différences de ces approches, sauf pour constater que l'approche québécoise est plus générale, qu'elle reflète bien les principes et l'approche d'une société de droit civil et donc s'apparente un peu plus, si je comprends bien, à l'approche européenne qu'à l'approche américaine ou des provinces de «common law» ou du fédéral.
Donc, je pense, en soi, que ça semble être une approche qui reflète l'approche québécoise dans plusieurs domaines et qui est plus un héritage des principes du Code civil qu'une approche particulière pour ce sujet-là, c'est-à-dire qu'elle reflète la culture juridique dans laquelle le Québec est. Peut-être qu'il y a mon collègue qui pourrait ajouter quelque chose.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Ouimet.
M. Ouimet (André): Ce qui est important de retenir aussi par rapport à cet avant-projet, c'est qu'il n'est pas prépondérant sur la Loi sur l'accès. Ça veut donc dire que et la Loi sur l'accès aux documents dans le secteur public et la loi sur le secteur privé continueraient à s'appliquer. Ce qui est conforme à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Par exemple, en Europe, il y a une directive européenne qui a imposé une législation nationale à chacun des États membres de l'Union. Cette directive reprend un certain nombre de principes qui sont à peu près semblables à ce que Mme Stoddart a lu tantôt, les principes généraux qui gouvernent la protection des renseignements personnels. Ça veut donc dire que, lorsqu'on a lu l'avant-projet de loi, on l'a lu en fonction des lois de protection de renseignements personnels. Dans la mesure où on reconnaît toujours la prépondérance des lois de protection de renseignements personnels, c'est elles qui vont s'appliquer.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Le Barreau du Québec s'est exprimé, a exprimé beaucoup d'inquiétude par rapport à ce projet de loi. Entre autres, dans une lettre qui a été envoyée au premier ministre, le bâtonnier du Québec dit ceci: «Ce projet de loi modifie substantiellement les règles de responsabilité et de preuve du Code civil, de même que plusieurs dispositions en matière de protection de la vie privée.» Est-ce que vous partagez l'inquiétude du Barreau du Québec par rapport à ces dispositions-là?
Mme Stoddart (Jennifer): Seulement dans la mesure que nous l'avons soulignée. À notre avis, on trouve qu'en général il reprend plutôt adéquatement les principes expliqués dans la Loi d'accès et la loi sur le secteur privé, sauf les différences, notamment la biométrie, le renforcement de quelques questions de responsabilité dans l'accès aux documents, dont j'ai fait part. Évidemment, pour nous, dans l'optique de la vie privée, ce sont des questions peut-être accessoires, la question de la protection de la vie privée. Je ne sais pas si le Barreau réfère exactement au même problème. C'est difficile de commenter sans savoir sur quels exemples le Barreau base ses appréhensions.
Mme Houda-Pepin: Également, dans votre mémoire, vous avez expliqué la différence entre la notion de sécurité et de confidentialité. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus au niveau des technologies de l'information, connaissant l'étanchéité de ce système-là?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Oui. En fait, en général, on trouve, dans l'avant-projet de loi, qu'on distingue bien non seulement l'obligation de garder la transmission des renseignements, qu'elle soit faite dans un mode et avec des moyens sécuritaires, mais aussi que la confidentialité, c'est-à-dire l'accès par des personnes qui sont habilitées à connaître ces renseignements-là, soit aussi stipulée. Alors, on trouve qu'on reprend ces deux notions-là, en général, à notre satisfaction, dans l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. La notion de responsabilité des intermédiaires, elle est jugée trop complexe et trop ambiguë. Est-ce que vous avez des précisions à apporter là-dessus de votre point de vue?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Oui. C'est parmi les choses sur lesquelles on porte des commentaires, que, nous, on a une certaine compréhension de leurs obligations. On souhaiterait que ça soit justement validé. Est-ce que c'est bien la bonne compréhension? Par exemple, on avait dit que toute la question de l'étanchéité ou de la protection du courrier ou enfin des transmissions électroniques, par rapport aux services de sécurité publique, est une question essentielle. Vous savez que c'est discuté dans d'autres pays, tout ça. Alors, nous référons là à l'article 30. Nous disons: Voici notre interprétation, mais il faudrait que ça soit clair, dans un projet de loi, que nul ne peut avoir accès à ces données-là, à ces documents-là, sauf en conformité avec la loi ou, si nécessaire, un mandat de perquisition ou des choses comme ça. Donc, oui, il y a des exemples comme ça, des aspects qui devraient être clarifiés.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, j'essaie de faire un peu d'alternance.
Mme Houda-Pepin: Oui, Allez-y, allez-y.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Maskinongé.
M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. C'est très simple. J'aimerais juste connaître la démarche que vous proposez concernant l'identification des personnes. Vous proposez quoi au juste, en simplifiant? Comment on peut simplifier la démarche, comment on peut s'organiser, pas seulement en simplifiant? Mais vous le résumez de quelle manière au juste?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Je pourrais le résumer comme suit, mes collègues ont peut-être des nuances à ajouter. On trouve que l'avant-projet de loi est assez clairement rédigé à cet effet-là sauf qu'il pourrait être renforcé par la stipulation qu'on doit respecter ce qui est déjà dans d'autres législations. Et l'idée d'avoir, vous savez, une carte qui sert à tout, qui refait constamment surface, serait un danger à éviter, et peut-être qu'il y a des ajouts possibles au projet de loi à cet égard-là. Mais nos commentaires sur cet aspect-là sont plutôt positifs parce que l'avant-projet de loi semble tenir compte des besoins de sécurité et de confidentialité et qu'on peut s'identifier par plusieurs moyens. Donc, ça ouvre la porte à une certaine flexibilité. Il faut juste peut-être faire attention de ne pas, par exemple, demander la carte d'assurance maladie dont l'utilisation est déjà encadrée par la loi. Que ça soit clair pour les gens qui lisent cette loi-là qu'on ne peut pas demander la carte d'assurance maladie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. M. le député de Maskinongé, ça va? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui, merci, Mme la Présidente. Ça va être très bref aussi. Simplement, c'est un domaine très particulier. M. le ministre soulignait tantôt que j'étais effectivement avocat de formation, mais je vous dirais que je n'ai pas une grande formation au niveau des technologies de l'information et même au niveau de l'application de la Loi d'accès à l'information. Et c'est fort intéressant de lire le mémoire et votre recommandation sur laquelle, moi, je vous dirais que ça me semble évident à l'effet que vous ayez a priori une idée... J'imagine que votre objectif d'agir a priori sur la fabrication de banques de données, c'est d'établir des paramètres, j'imagine, qui font faire en sorte que vous ayez la possibilité tout d'abord de savoir effectivement qu'il y a une banque de données, même si elle n'est pas utilisée, du moins qu'il existe une banque de données et que certaines informations doivent être détruites, d'établir un peu le cadre. J'imagine que c'est de cette façon-là que vous le voyez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Oui, c'est ça, exactement, et de questionner la nécessité. Vous savez, il y a une tendance à penser que certaines technologies sont des panacées universelles à toutes sortes de problèmes. Je pense que cette commission a déjà commenté l'utilisation de caméras de surveillance vidéo qui balaieraient les lieux publics au cas où quelque chose pourrait arriver. C'est une tendance générale de penser: Bon, ça va coûter moins cher, on va avoir un moyen technologique rapide. C'est extrêmement envahissant, c'est extrêmement intrusif dans notre vie privée que de penser qu'on est surveillé, que des gens ont des empreintes de notre main, de parties de notre corps, etc., et que, donc, on ne peut pas s'en sortir, parce que l'image même de notre corps est prise dans une banque. Alors, c'est dans toutes ces tendances d'une société à technologie avancée que la Commission souhaiterait avoir son mot à dire sur la constitution même des banques, parce que ce n'est peut-être pas nécessaire dans tous les cas.
M. Bédard: Avez-vous une idée actuellement... Bien, j'imagine ou je suppose que c'est vraiment exploratoire. Avez-vous une idée un peu ? parce que vous êtes confrontés un peu à ça, j'imagine, ou il y a une réflexion qui s'est sûrement entamée auprès de la Commission ? sur les paramètres qui pourraient définir effectivement une utilisation ou une création d'une banque de données à ce niveau-là, sur les critères généraux qui...
Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Les critères généraux reprennent les critères de protection de la vie privée: Est-ce qu'il y a nécessité? C'est-à-dire, est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens qui enfreignent moins la protection de la vie privée qui ne peuvent pas être utilisés? Des fois, il faut, par exemple dans les intérêts de la science, qu'on prélève des parties de notre vie privée pour les fins de la science, par exemple. Ce n'est pas possible de le faire autrement, c'est dans le but d'améliorer notre santé. Ça, c'est un exemple. Mais, si c'est simplement parce que ça coûterait un petit peu moins cher à la personne qui veut assurer la sécurité des lieux que d'embaucher quelqu'un pour les surveiller, on pourrait le questionner dans notre société. Est-ce que, simplement pour sauver quelques sous, on va balayer la vie privée et mettre tout le monde sous surveillance des caméras? Ça, c'est un exemple des critères qu'on regarderait.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Chicoutimi.
n(10 h 40)nM. Bédard: Oui. Une dernière question très simple, et c'est sur la forme. J'ai lu certains mémoires et, je vous dirais, pas tous encore. Mais vous, par rapport aux dispositions qui touchent l'accès à l'information, est-ce que vous jugez que, sur la forme, le projet de loi est, selon vous, cohérent? Parce que je n'ai pas lu de proposition à ce niveau-là, et, souvent, on tente, surtout dans une législation qui est très particulière, d'établir une forme qui va être intelligible pour les gens en général, évidemment, parce que tout le monde va y avoir accès. Alors, vous, est-ce que vous avez trouvé, d'abord, la forme intelligible? Et est-ce qu'elle rencontre, je vous dirais, vos attentes à ce niveau-là?La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Je demanderais au chef du contentieux de répondre sur les questions plus juridiques. Mais j'ai écouté vos propos de part et d'autre ici. Avant, il faut dire que c'est très rare, la loi qui est de lecture facile. C'est un problème général, dans notre société, d'accès à la justice. Quelle loi... Avez-vous lu le Code criminel récemment? Ce n'est pas très évident, qu'est-ce que vous pouvez faire légalement ou non. On le comprend par notre éducation, pas par la lecture du Code criminel.
Alors, c'est sûr, cet avant-projet de loi n'est pas quelque chose... de la lecture de grand public, je pense, mais, en ça, étant donné la complexité du sujet, je pense qu'il rejoint le problème de beaucoup de législations. Moi, en le lisant, qui suis relativement une personne nouvellement arrivée au domaine, j'ai trouvé que, en termes juridiques, ça me semblait exprimé clairement, à mon avis. Mais peut-être que le chef du contentieux pourrait ajouter des...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Me Ouimet.
M. Ouimet (André): Merci. Je voudrais juste préciser que les deux lois de protection de renseignements personnels qu'on s'est données, autant dans le secteur public que privé, c'est la toile de fond qui vise à protéger les renseignements personnels. Mais ces lois-là prévoient justement qu'on peut avoir dans d'autres lois des mesures plus sévères de protection de renseignements personnels, et l'avant-projet de loi reflète cela, c'est-à-dire qu'on a certaines mesures qui sont plus sévères, plus restrictives, qui visent à mieux protéger des renseignements personnels, parce que c'est un domaine particulier, comme ça existe dans d'autres secteurs. Si on regarde le secteur de la santé, par exemple, la Loi sur les services de santé et les services sociaux a des dispositions particulières en matière de protection des renseignements personnels, parce qu'on estime que ça doit être mieux protégé. Alors, il y a un certain nombre de lois au Québec qui, rassemblées ensemble, constituent le corpus de lois qui protègent les renseignements personnels des citoyens du Québec.
Si vous permettez, je reviendrais juste sur la biométrie. Tantôt, vous avez parlé comment la Commission pourrait situer son intervention au niveau de la biométrie. Par exemple, nous, on suit des projets, ce qui se passe en Ontario notamment, où il y a une utilisation assez massive de biométrie pour un certain groupe de population, et le Commissaire à la vie privée de l'Ontario a eu à donner des avis, a prévu avec le gouvernement ontarien une façon particulière d'agir qui fait en sorte qu'on ne constitue pas comme tel une banque de données biométriques. Alors, l'intervention de la Commission, au Québec, pourrait aussi se situer peut-être dans ce sillon-là, questionner l'organisme ou l'entreprise qui vient nous voir puis qui dit: Moi, je veux recueillir des signes biométriques. Nous, on pourrait dire: Bien, vous pouvez recueillir mais pas dresser une banque de données. Parce que c'est là qu'est le problème. C'est que lorsqu'on a une banque de données, ça suscite toujours la convoitise, des gens veulent y avoir accès. C'est là qu'on a un problème.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Ouimet. Maintenant, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes en train de discuter d'un avant-projet de loi de portée générale mais qui s'applique au Québec, n'est-ce pas. Sa portée n'est pas extra territoriale pour le Québec. Or, la caractéristique d'Internet, des réseaux, des systèmes de communication, des serveurs, c'est qu'ils véhiculent des informations sans aucune considération de frontière. Alors, les valeurs qui nous sont chères, le respect des renseignements personnels, de la vie privée, etc., comment on va réellement les assurer quand on sait qu'une entreprise de New York ou du Mexique ou de n'importe où... Après tout, on a reçu un bon message I LOVE YOU des Philippines qui a détruit pas mal de nos fichiers. Donc, on voit l'ampleur du phénomène. Comment ce projet de loi va nous protéger contre l'invasion, l'intrusion dans la vie privée des citoyens du Québec qui viendrait de l'extérieur du Québec? Parce que lorsqu'on parle des banques de données, des mégafichiers, c'est des choses qui se communiquent virtuellement. Pourriez-vous élaborer là-dessus?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Je ne suis pas sûre que cet avant-projet de loi, pas plus que d'autres initiatives qu'on peut prendre, chacun dans son domaine, peut nous donner une garantie absolue contre l'invasion, d'autres lieux extraterritoriaux, de ces nouvelles technologies. Je pense que c'est clair, en droit constitutionnel, le Québec ne peut légiférer que ce qui est de son ressort. Et ça, ça demeure, que ce soit cet avant-projet de loi ou d'autres choses. Donc, il y a cette application-là.
Par ailleurs, la question de la normalisation mondiale, extraterritoriale du Québec, des protections pour les renseignements personnels est une question, donc, qui devient de plus en plus importante. Je dirais que, parallèlement à l'adoption éventuelle de ce projet de loi, toute tentative que nous pouvons faire de travailler de concert afin de créer un consensus interétatique sur la protection des renseignements personnels est extrêmement importante et lorsqu'il y a un groupe ou une coalition qui partage les mêmes valeurs, ça a plus de poids. Je prends l'exemple de la Communauté européenne qui s'est posée les mêmes problèmes que vous, face à des pays extrêmement puissants technologiquement, et qui a adopté une directive qui protège beaucoup plus les renseignements personnels qu'on a l'habitude de le faire aux États-Unis et qui actuellement est en train de devenir une entente avec les États-Unis sur l'utilisation des renseignements personnels sur le sol européen et sur l'utilisation des renseignements privés ressortissant de la Communauté européenne en dehors de la Communauté européenne.
Donc, je pense que ce que le Québec peut faire va mieux protéger les gens du Québec et va quand même agir comme une contrainte pour les entreprises agissant sur le sol québécois ou l'équivalent du sol québécois, maintenant, en principe de droit comparé. Donc, je pense que c'est quand même important. Il y a des précédents importants et ça a un impact.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Donc, vous constatez, tout comme moi, qu'on peut adopter des législations et se donner des objectifs mais, finalement, on n'est pas capable d'avoir une prise réelle sur ce phénomène-là qui est planétaire.
Je voudrais revenir aux commentaires que je faisais au début de mes échanges avec vous, Me Stoddart, concernant la demande que vous faites que la Commission d'accès à l'information ait le pouvoir de contrôle a priori sur la constitution des banques de données. Je voudrais savoir si la Commission d'accès à l'information, telle qu'elle est composée actuellement, a les ressources nécessaires pour effectuer ce genre de mandat.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Stoddart.
n(10 h 50)nMme Stoddart (Jennifer): Merci. Mme la députée, dans les quelques semaines depuis que j'ai assumé ces fonctions, il m'est clair qu'il est nécessaire de faire une révision des ressources, des connaissances et des expertises disponibles à la Commission d'accès à cause justement du caractère sensible et très technologique, très scientifique de certaines de ces fonctions. Je vais donc entamer au cours des prochaines semaines ce genre de révision et, si nécessaire, je demanderai au gouvernement des ressources additionnelles.
Si vous me dites: Demain matin, est-ce qu'on est équipé pour le faire? Je dirais: Demain matin, probablement que non. Donc, il va de pair, selon moi, que, si nous demandons d'assumer cette fonction, au moment où la législation vient en vigueur, il faudrait avoir des expertises et des ressources pour que justement le phénomène auquel vous faites allusion, c'est-à-dire l'impact de la technologie, ne soit pas à toutes fins pratiques débridé, puisque nous n'avons pas les ressources ou les expertises pour mettre les lois en vigueur de façon efficace. C'est un problème et un enjeu très importants. On peut avoir des beaux principes, si on ne peut pas les mettre en vigueur, ça ne sert à rien d'avoir des principes. C'est un peu le défi de la Commission que je préside.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Très brièvement, Mme la Présidente. En tout cas, j'en arrive à la même conclusion que vous. En attendant que vous ayez des ressources, si on vous accorde le pouvoir d'exercer ce contrôle-là... Et, moi, je pense que oui, parce que je pense que c'est important qu'on puisse savoir, dans ce monde de constitution de banques de données, d'informations nominatives... D'autant plus, on l'oublie souvent, que nous sommes dans une société de l'information, c'est-à-dire que l'information devient le produit fondamental autour duquel s'articule l'économie. C'est là où se concentrent le plus d'emplois, c'est là où se créent le plus d'entreprises, c'est là où se font le plus d'investissements, c'est le secteur technologique qui est le plus en croissance, et ainsi de suite. Et ça, c'est à l'échelle mondiale, et nous sommes au coeur de ce débat.
Donc, nous sommes dans une société de l'information. Et, si on veut prendre ce virage, il faut se donner les outils, les moyens, les ressources pour y arriver. La Commission d'accès à l'information est appelée à jouer, à mon avis, un rôle primordial, et il faudrait que vous ayez ces ressources-là.
Mais, en attendant, la Commission d'accès à l'information, dans ce dossier de l'autoroute de l'information, a déjà publié une sorte de petit document de sensibilisation, mais, en règle générale, vous n'agissez pas de votre propre initiative sur ces enjeux, vous attendez que le gouvernement vous demande un avis. Est-ce que je me trompe?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Stoddart, rapidement. Je pense que le temps de la période d'échanges achève de ce côté-ci.
Mme Stoddart (Jennifer): D'accord. Dans le peu de temps que j'ai été déjà à la Commission, je constate que nous réagissons sur les demandes d'avis. Cependant, ce que nous faisons, c'est que nous surveillons et nous suivons les développements technologiques, les développements dans le domaine de la protection des renseignements personnels, non seulement ici, mais ailleurs à travers le monde, de sorte à pouvoir faire des avis appropriés en temps et lieu.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. M. le ministre, il reste trois minutes à votre formation politique.
M. Cliche: Trois minutes. Quelques commentaires pour terminer cette présentation. D'abord, je vous remercie, vous avez très bien fait ça, pour la première fois. J'imagine qu'on aura le plaisir de vous réentendre. Mais j'aimerais peut-être me soulever un peu par rapport aux questions qu'on vient de traiter en disant, en ce qui vous concerne, que vous êtes un partenaire essentiel. On communique très souvent avec vous, et, tout au long de l'élaboration de notre architecture inforoutière, soit par des avis, soit par des groupes de travail, par des consultations, vous êtes un partenaire essentiel.
Mais j'aimerais tout simplement souligner une question qui a été soulevée par ma collègue de La Pinière et qui va revenir tout au long de ces trois jours d'audience, parce que ça a été soulevé par certains groupes: Est-ce que le Québec fait de façon différente par rapport à d'autres législations? Et à ça, je pense qu'il ne faut pas avoir peur de dire oui, dans certains cas.
Il va de soi que répondre par l'affirmative implique une notion de caractère novateur de cette législation, mais il faut également savoir que ce caractère novateur de cette législation ne fait que refléter des valeurs sociétales. Le Québec, me dit-on, est la société la plus avancée en termes de législation et de protection des renseignements privés, tant dans le domaine public que dans le domaine privé. On peut en être fier, le monde vient s'inspirer chez nous. Votre prédécesseur, je le voyais souvent partir pour des périples internationaux ? ce qui est sans doute déjà votre cas ou le sera ? mais les gens viennent voir ce que nous faisons et comment nous sommes à l'avant-garde de la protection des renseignements privés, de sorte que ce projet de loi là, que certains groupes qui vont venir devant nous ces jours-ci qualifient de novateur et d'avant-gardiste, peut quelquefois donner l'impression qu'on fait des choses différemment. Mais on peut se le dire également qu'au Québec des fois nous devons faire des choses différemment pour répondre à nos valeurs sociétales.
Quant à la question internationale ? et je vais terminer là-dessus ? qui a été soulevée, il faut quand même reconnaître que nous agissons à la limite de notre juridiction et de l'application de nos lois sur notre territoire. Mais je dois également souligner que nous sommes très actifs au niveau international, via, la plupart du temps, la délégation canadienne, où Mme Proulx participe, où les gens de la Commission d'accès à l'information participent. Je pense également à l'Office de la protection du consommateur qui tenait, au printemps dernier, à Québec, une réflexion, qui mettait autour de la même table tous les offices de protection du consommateur qui se posent les mêmes questions que nous.
Alors, je peux dire que, même si nous sommes à l'avant-garde, cet avant-gardisme peut profiter à l'ensemble des sociétés qui font face aux mêmes discussions et aux mêmes problèmes que nous, et je sais que l'exemple québécois ? cette législation, ce projet de loi ? est très regardé par les législations voisines, par les États-Unis, par l'Europe, qui possiblement pourraient s'inspirer de ce que nous faisons au Québec.
Mais il ne faut pas aborder, je pense, les débats dans cette commission en voyant au caractère novateur un caractère négatif pour l'amélioration de cet avant-projet de loi; au contraire, que le caractère novateur puisse être tout simplement le fait que nous soyons une société avec des valeurs sociétales différentes des autres.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. le ministre. Alors, Mme Stoddart, Me Ouimet, M. Parent, merci de votre présentation. Je vais suspendre quelques instants, le temps de donner la possibilité à l'autre groupe de venir s'installer pour son témoignage.
(Suspension de la séance à 10 h 58)
(Reprise à 10 h 59)
Le Président (M. Kieffer): Alors, nous recevons maintenant le Bureau de normalisation du Québec. Mesdames, messieurs, avant que nous débutions, je vous demanderais de vous présenter, à la suite de quoi vous aurez une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire et un autre 40 minutes pour répondre aux questions de part et d'autre. Alors, à vous la parole.
Bureau de normalisation du Québec (BNQ)
M. Girard (Jacques): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Jacques Girard, je suis le directeur du Bureau de normalisation. Je peux vous présenter les gens qui m'accompagnent, si vous me permettez: Mme Drouin qui est conseillère juridique; Mme Danielle Allard qui est responsable de l'activité de normalisation au BNQ en termes de procédure de nos droits d'accréditation, etc., dont on va vous parler pendant la présentation; et finalement, Mme Beaupré qui est responsable du développement des affaires et des communications.
n(11 heures)n La présentation de ce matin va être plutôt courte. On a déposé notre mémoire, effectivement, et Mme Allard va reprendre essentiellement, je dirais, le contenu du mémoire, mais de façon abrégée au moyen de tableaux. Si c'était possible, peut-être ? on en a des copies pour les gens ? qu'on pourrait les distribuer tout de suite avant de commencer.
Le Président (M. Kieffer): On va les faire distribuer.
M. Girard (Jacques): Parfait. En fait, la liasse de documents paraît peut-être un peu épaisse. Il y aurait des choses bien sûr pour références, mais ce qui est important, c'est les tableaux qui sont complètement sur le dessus de la pile, les autres documents étant des références soit de guides internationaux ou de guides utilisés par nos organismes accréditeurs.
Le Président (M. Kieffer): Alors, nous vous écoutons.
M. Girard (Jacques): Parfait. Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission de l'économie et du travail, au nom du Bureau de normalisation du Québec, je tiens à vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée d'apporter des précisions que nous estimons de nature à permettre d'améliorer l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information.
Essentiellement ? si vous voulez suivre la présentation sur le premier document ? le rôle que nous nous sommes donné ici est celui d'apporter des précisions qui sont de nature sémantique ou structurale, principalement en regard avec le système formel de normalisation internationale, de façon à permettre d'apporter les clarifications qui sont nécessaires.
Essentiellement, notre intervention est basée sur des dispositions de l'Organisation mondiale du commerce qui sont transposées dans le chapitre qui touche l'Accord sur les obstacles techniques au commerce que vous avez à la troisième page et qui dit essentiellement que, en matière de normalisation et de procédures d'évaluation de la conformité, le sens qu'on donne aux définitions qu'on va préconiser ici, ce matin, est celui des définitions adoptées dans le système des Nations unies et par les organismes internationaux à activité normative.
Le BNQ, dont vous avez la mission reproduite à la quatrième page, est un organisme qui est membre du système national de normes qui est un système qui comprend des organismes et des personnes qui s'occupent de l'élaboration, de la promotion et de la mise en oeuvre des normes volontaires au
Canada.
La normalisation, qu'est-ce que c'est? En fait, c'est une activité propre à établir, face à des problèmes réels ou potentiels, des dispositions destinées à un usage commun et répété et qui vise à l'obtention du degré optimal d'ordre dans un contexte donné. Ça concerne non seulement la formulation des normes, mais leur diffusion, leur mise en application. Et ça présente d'importants avantages, notamment par une meilleure adaptation des produits, des processus et des services aux fins qui leur sont assignées. Et ça va permettre aussi de prévenir les obstacles au commerce et de faciliter la coopération technologique.
Donc, dans ce sens-là, le fait que d'entrée de jeu le recours à la normalisation soit un élément important de cet avant-projet de loi, ça nous permet de tout indiquer pour assurer la concertation en vue d'harmoniser les systèmes et les normes techniques permettant la communication au moyen de documents technologiques.
Il y a quand même des précisions qu'on souhaitait apporter au chapitre de la normalisation internationale. À certains endroits dans l'avant-projet de loi ? c'est précisé de façon plus claire dans le mémoire, là, je n'ai pas nécessairement les références devant moi ? on parle d'organismes internationaux de normalisation. Cette utilisation de la désignation «organisme international de normalisation» n'est pas tout à fait appropriée. Dans un contexte international de normalisation, on considère qu'il y a seulement trois organisations au niveau international ? vous l'avez sur la diapositive qui est intitulée Système international de normalisation ? on considère qu'il y a seulement trois organisations faîtières en matière de normalisation qui sont l'ISO, l'Organisation internationale de normalisation, la CEI, qui est la Commission électrotechnique internationale, et l'UIT qui est l'Union internationale des télécommunications.
À la base, la définition d'organisation internationale de normalisation, le premier principe que doivent respecter des organisations comme l'ISO, la CEI et l'UIT pour se permettre de se désigner comme des organismes internationaux de normalisation, c'est de permettre l'accès à un organisme national dans chaque pays qui est intéressé, et c'est ce que font l'ISO, la CET et l'Union internationale des télécommunications; ils ont un membre dans chaque pays. Au Canada, ce membre-là, c'est le Conseil canadien des normes et c'est l'organisme national de normalisation qui coordonne toutes les activités en matière de normalisation au Canada. Dans d'autres pays, comme la France, c'est l'AFNOR qui joue ce rôle-là. Au niveau de l'Angleterre, c'est le BSI, le British Standards Institution. En Allemagne, le DIN. Je vais passer la dénomination allemande de l'organisme. Donc, trois organismes internationaux de normalisation, un organisme national de normalisation dans chacun des pays membres.
Au niveau du Canada, donc, le Conseil canadien des normes joue ce rôle-là. Et ce que fait le Conseil canadien des normes en matière d'élaboration de normes, il s'inspire de principes internationaux, ceux qui sont établis, par exemple, dans le guide ISO-CEI 59 dont on vous a fourni une copie, et ceux qui sont aussi inclus à l'annexe III du chapitre qui traite des obstacles techniques au commerce de l'Organisation mondiale du commerce. Ces principes-là, le Conseil canadien des normes les traduit, en principe, applicables à l'échelle canadienne, et il utilise ces principes-là pour venir accréditer des organismes d'élaboration de normes, qui est une dénomination plus canadienne, je dirais, le terme international approprié étant un organisme à activités normatives.
Des organismes à activités normatives, il y en a quatre au Canada. Il y a passablement de règles à respecter, et on n'est pas peu fier, comme organisme rattaché au gouvernement du Québec, de pouvoir dire que, nous, on est un des quatre organismes qui respecte les critères qui sont établis, au niveau canadien et au niveau international, en matière d'activités normatives. Les trois autres organismes sont la CSA, l'Association canadienne de normalisation, l'ONGC, qui est l'Office des normes générales du Canada et ULC, en français: le Laboratoire des assureurs du Canada; mais l'acronyme, c'est Underwriters' Laboratories of Canada.
Que font-ils, ces organismes à activités normatives? Qu'est-ce qui fait que le Conseil canadien des normes peut les reconnaître comme tels? Il y a, en fait, la définition de normes qui intervient de façon importante. Ces organismes-là établissent donc des normes et, dans le sens de la définition de l'ISO et de l'Organisation mondiale du commerce, quand on parle d'une norme, on parle d'un document qui est établi par consensus, qui est approuvé par un organisme reconnu ? en l'occurrence, c'est cette reconnaissance-là que le BNQ a ? et qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, qui garantissent un niveau d'ordre optimal dans un contexte donné.
Au coeur de cette définition-là, il y a le mot «consensus», qu'on prend soin de venir définir plus précisément. Quand on élabore des règles de procédure sur la façon de développer des normes, le principe fondamental qu'on doit respecter, c'est celui d'atteindre le consensus. Le consensus, il est défini, encore une fois, au niveau international, comme un accord général qui est caractérisé par l'absence d'opposition ferme à l'encontre de l'essentiel du sujet émanant d'une partie importante des intérêts en jeu et par un processus de recherche, de prise en considération des vues de toutes les parties concernées et de rapprochement des positions divergentes éventuelles. Et on dit que le consensus ? et c'est respecté dans nos comités de normalisation aussi ? n'implique pas nécessairement l'unanimité.
n(11 h 10)n Comment on met ça en pratique, en fait, ce processus de recherche, de prise en considération des vues de toutes les parties concernées? C'est que le BNQ, dans ses travaux d'élaboration de normes, va toujours élaborer des normes à partir d'un comité tripartite équilibré, qui représente un équilibre donc entre les intérêts des fournisseurs, des produits ou du service qu'on vise à normaliser, des utilisateurs de ce produit ou de ce service-là ? donc, on parle de clients, de consommateurs ? et de l'intérêt général, qui est un troisième groupe où on va regrouper les autorités de réglementation, les experts techniques, les universités, les laboratoires. En fait, les groupes qui n'appartiennent ni aux fournisseurs ni aux clients consommateurs sont intégrés dans un troisième groupe d'intérêt général.
Le Président (M. Kieffer): Mme Allard, si vous me permettez, petite remarque. Vous avez déjà 11 minutes; si vous voulez faire valoir votre point de vue sur l'avant-projet de loi lui-même, il vous reste neuf minutes. Je veux que vous en soyez consciente, c'est tout ce que je vous dis, là, il vous reste neuf minutes d'exposé.
Mme Allard (Danielle): Oui. Quand même, ces précisions-là qu'on fait ici sont importantes pour comprendre. Donc, un comité de normalisation qui est formé de trois groupes d'intérêt. Et le rôle du BNQ dans un comité comme celui-là, c'est d'agir comme coordonnateur des travaux. Le BNQ n'est pas en soi un organisme qui a nécessairement la compétence technique des sujets qu'il vise à normaliser. Ce qu'il va faire, le BNQ, c'est qu'il va réunir ensemble les intérêts qui sont concernés et il va agir comme coordonnateur, «facilitateur» des travaux.
L'article de l'avant-projet de loi, en fait, qui est directement touché par cette précision-là, c'est celui qui traite de l'établissement d'un comité multidisciplinaire dont le BNQ serait un membre. En fait, le BNQ ne peut être un membre d'un comité comme ça en raison de son expertise personnelle, propre, mais il peut représenter les intérêts de membres de comités de normalisation.
Donc, voilà en ce qui touche la normalisation et les précisions qu'on jugeait nécessaires d'apporter par rapport à l'utilisation qui est faite de termes comme «organisme de normalisation» et «organisme à activités normatives» dans le mémoire.
Le deuxième point qu'on voulait aborder, c'est celui, en fait, de l'évaluation de la conformité parce qu'il en est question dans le mémoire aussi, où on parle d'une accréditation volontaire des organismes qui vont faire de la certification des fournisseurs de services. À ce chapitre là, c'est... Donc, l'évaluation de la conformité ? vous avez aussi une définition qui est reproduite dans les diapositives ? on parle de toute activité dont l'objet est de déterminer directement ou indirectement si des exigences applicables sont satisfaites.
Et la hiérarchie d'un système pour l'évaluation de la conformité ? qui est le genre de système dans lequel le BNQ oeuvre parce que le BNQ, c'est un organisme à activités normatives mais c'est aussi un organisme d'évaluation de la conformité ? vous avez, dans le schéma pour les hiérarchies du système d'évaluation de la conformité, en fait, trois niveaux qui interviennent en matière d'évaluation de la conformité.
On parle tout d'abord d'un organisme d'accréditation qui est l'organisme qui va reconnaître la compétence d'autres organismes d'évaluation de la conformité. Dans un système comme le système national de normes, l'organisme qui fait de l'accréditation, c'est le Conseil canadien des normes, et il le fait en fonction de guides qui sont établis à l'échelle internationale, le guide 61 en ce qui touche l'accréditation d'organismes qui font de l'évaluation de conformité pour des systèmes qualité, pour des systèmes de gestion environnementale, pour des systèmes de certification de produits et, selon le guide 58, pour les organismes qui font de l'accréditation de laboratoires; donc, un organisme d'accréditation au niveau du Canada qui va reconnaître la compétence de différents organismes.
Je vous ai mentionné les activités que le BNQ avait. Donc, c'est un organisme registraire de systèmes qualité. C'est un de 20 et quelques organismes registraires dont la compétence a été reconnue par le Conseil canadien des normes. Le BNQ, c'est aussi un organisme de certification, un de 20 organismes dont la compétence est reconnue par le Conseil canadien des normes. Et on est aussi un organisme qui fait de l'évaluation de laboratoires dans le cadre du programme PALCAN, qui est le Programme canadien d'accréditation des laboratoires, et on le fait pour le Conseil canadien des normes qui, lui, va accréditer ces laboratoires-là. Donc, le BNQ est un organisme qui, lui, peut venir donner une assurance écrite qu'un produit ou un service ou un système de gestion est conforme aux exigences qui sont spécifiées dans une norme.
Donc, ces différents rôles que le BNQ joue au niveau du système national de normes, ils sont reproduits sur la dernière diapositive: donc, l'élaboration de normes, qu'on fait selon le Guide 59; l'évaluation de la conformité, qu'on fait suivant le Guide 65 à l'international; l'enregistrement de systèmes suivant les normes ISO 9000, ISO 14 000; l'évaluation de laboratoires pour l'accréditation par le Conseil canadien des normes; et une nouvelle activité plus récente au niveau du BNQ, qui est la certification HACCP en matière d'innocuité alimentaire.
Donc, si on voulait apporter ces précisions-là ici, c'est que, par rapport à l'avant-projet de loi, on pense qu'il est nécessaire de regarder ce qui existe déjà en matière de système de normalisation et d'évaluer si on veut tirer profit de ce système qui existe déjà au niveau national et qui a sa parenté au niveau international. On parle, entre autres, d'assurer de ne pas créer d'obstacles techniques non nécessaires au commerce ou, si on veut, comme c'est le cas dans l'avant-projet de loi, établir un système parallèle qui n'offrirait peut-être pas toute la transparence et la crédibilité que le BNQ juge être en droit d'apporter.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça met fin à votre présentation, Mme Allard?
Mme Allard (Danielle): Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le ministre.
M. Cliche: Oui. Merci de votre présentation qui peut paraître, dans un premier temps, très générale mais qui est importante à cette étape-ci. Je vais avoir des questions assez spécifiques à vous poser quant au rôle éventuel que vous pourriez, voudriez ou auriez éventuellement à jouer dans la mise en oeuvre de cette loi-là. Je porte spécifiquement référence à l'article 68 du projet de loi, et j'aimerais vous entendre sur trois aspects fondamentaux de cet article-là, qui est un article majeur de l'avant-projet de loi.
D'abord, c'est la notion de reconnaissance... Je vais commencer par le 68, 3°: «de favoriser la standardisation des certificats et des répertoires». Je vais vous dire notre idée, puis j'aimerais vous entendre sur le rôle que vous pourriez jouer. Notre idée, c'est éventuellement qu'il y ait une reconnaissance de tiers certificateurs qui puissent émettre un certificat d'authentification, d'identité, soit sous forme numérique, soit une carte avec une puce. Mais nous, ce qu'on juge important, c'est que ceci soit fait avec un encadrement qui fasse en sorte qu'au minimum il y ait un lien entre les registres d'état civil, où on a la liste des citoyens et citoyennes du Québec, mais également la liste des entreprises. J'oublie toujours le nom de ce bureau-là, mais il y a une liste des entreprises.
Une voix: L'IGIF.
Une voix: L'Inspecteur général des institutions financières.
M. Cliche: L'Inspecteur général de surveillance... Bon. Alors...
Une voix: Des institutions financières.
M. Cliche: Des institutions financières. Merci. Alors, ma question est la suivante: À cet égard, est-ce que le BNQ pourrait être l'organisme qui, après avoir, par consensus, dites-vous ? et on serait un des intervenants à l'établissement de ce consensus ? ...être ce bureau qui pourrait éventuellement reconnaître des tiers qui, à leur tour, pourraient émettre des pièces qui permettraient de s'identifier correctement dans les échanges électroniques? Comment vous voyez ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Oui, c'est tout à fait le lien qu'on espérait que vous pourriez tirer de cette présentation-là. En fait, c'est que le BNQ peut agir comme coordonnateur en matière de... tenir compte des préoccupations de chacun pour venir élaborer une norme ou un système de normes ? parce qu'il n'y a pas nécessairement une seule norme qui sera nécessaire ? qui va venir encadrer toute l'activité d'authentification, de certification pour assurer la transparence du système, donc l'élaboration d'une norme, et ensuite agir comme tierce partie indépendante en vertu de la reconnaissance qu'il a au niveau du Conseil canadien des normes ? transparence qui est aussi reconnue au niveau international du fait de la parenté avec les guides internationaux ? pour venir attester qu'une entreprise qui émet un certificat ou qui conduit des activités touchées par les sujets des normes se conforme bel et bien à la norme et que c'est fait de façon indépendante, selon un processus qui, lui, est bien établi, qui est transparent et ouvert au public.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
n(11 h 20)nM. Cliche: Alors, ceci m'amène à ma deuxième et, en fait, troisième questions. Je pense que je vais les jumeler de par votre intervention. Ce que vous nous dites, c'est que le BNQ pourrait émettre éventuellement, homologuer des tiers certificateurs qui en font la demande.
Mme Allard (Danielle): Oui.
M. Cliche: Alors, donc, ma question porte sur la notion de consensus versus l'impact qu'un tel consensus peut avoir dans la société, en termes d'adhésion à ce consensus versus ce pouvoir habilitant qu'on se donne dans l'article 68 que le gouvernement québécois pourrait, par règlement, si je peux m'exprimer ainsi, reprendre le fruit des consensus par lesquels on déterminerait un procédé d'un système ou d'une technologie ou le choix de tiers, etc. Est-ce que vous avez des cas, et vous avez senti le besoin, une fois que vous avez atteint un consensus ou ce consensus-là, de référer, dit-on ici, au ministre responsable de l'implantation et développement des technologies de l'information, moi-même ou mon successeur, faire appel à l'État pour qu'il y ait une réglementation qui vienne appuyer ce consensus?
Comprenez-vous le sens de ma question? Nous, on s'est gardé la porte à ce qu'il y ait une réglementation qui vienne appuyer un consensus ou qui vienne donner force de loi à des consensus, à ce moment-là automatiquement applicables, si votre bon travail dégageant consensuellement des normes n'avait pas assez d'attraits. Comment vous voyez ça? Parce que ce que je tiens à vous dire, c'est que, dans beaucoup de mémoires que j'ai tous lus, dans plusieurs mémoires, ils posent ces questions-là: Est-ce que l'État doit intervenir, obliger certains aspects ou est-ce que l'État ne doit pas, tout simplement, rendre disponibles des normes et une façon de se conduire et laisser le libre choix à l'entreprise, à ses employés, ou à d'autres, d'y adhérer? Pourriez-vous éclaircir ma lanterne?
Mme Allard (Danielle): Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors...
Mme Allard (Danielle): Si vous me permettez, je vais laisser le soin à M. Girard, le directeur du BNQ, de vous répondre.La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Girard.
M. Girard (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Votre question est tout à fait pertinente, M. le ministre, et permettez-moi de faire une distinction entre les règles ou le pouvoir de normalisation qu'a le BNQ, en matières consensuelles, et sa capacité aussi de faire de l'évaluation de conformité.
En fait, l'appel que vous faites au consensus par les méthodes qui sont les nôtres en matière de développement de normes volontaires ou de codes volontaires, effectivement, peut ne pas toujours convenir au législateur et, dans ce cas-là, c'est toujours au législateur d'intervenir et d'y aller d'une réglementation ou de...
Vous demandiez tout à l'heure un exemple. Je peux vous donner un exemple du ministère de l'Environnement, par exemple, qui, pour les eaux usées à la campagne, a décidé de se doter d'une norme, ou tenté de se doter d'une norme plutôt que d'y aller par règlement technique qui serait compliqué. Donc, un groupe d'experts a élaboré une norme qui vient dire de quelle façon les eaux de résidences isolées doivent être traitées et quelles doivent être les conditions de sorties. Ça, je pense que ça appartient tout à fait au gouvernement de dire sur quoi elle appartient, quelles sont les limites pour la santé, etc.
Donc, la norme que le BNQ a développée est une norme de performance. On dit ce que doit faire l'appareil donné, et le ministre dit, au bout de ça: Maintenant, si on veut l'installer pour que ce soit vraiment simple, il doit porter une marque de certification ? l'autre volet du BNQ ? à savoir qu'on va le soumettre à des essais et, si le BNQ le déclare conforme à la norme, on peut l'installer. Donc, c'est les deux volets. Mais si jamais le travail consensuel n'avait pas donné, je dirais, au ministère, une forme d'assurance que la santé des gens est suffisamment conservée, il aurait pu tout simplement se retirer et remettre un très lourd règlement technique en vigueur plutôt que d'y aller de la norme consensuelle. Donc, c'est deux aspects vraiment séparés.
Le BNQ a aussi le pouvoir en matière de certification ou ? on fait attention de ne pas trop prendre le mot «certification» pour ne pas porter à confusion mais ? de reconnaissance de la conformité. Cette activité-là peut être en lien directement sur une loi, sur un règlement technique, sur une norme consensuelle ou sur tout autre document reconnu. Donc, notre activité de reconnaître la conformité n'est pas seulement en lien sur les normes que l'on développe ou d'autres normes internationales existantes mais on peut très bien aussi développer un programme de certification, carrément pour venir appuyer un programme ou un règlement technique qui serait développé par un ministère. À ce titre, ce n'est pas un exemple développé par un ministère, mais je peux vous dire que, avec l'entreprise privée, on a développé un programme de certification pour reconnaître l'implication sociale des entreprises ou le bon comportement comme citoyen corporatif des entreprises. C'est un programme tout à fait privé qui n'est pas consensuel à la base, l'élaboration de ce programme-là, mais, nous, de par nos façons de faire, on vient dire, on vient garantir que telle entreprise rencontre les exigences de ce programme-là, mais tout à fait encadrée. Je ne sais pas si ça répond à vos...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
M. Cliche: Oui, ça répond. Juste une question peut-être à double volet. Je me souviens très bien de cet exemple-là parce que j'étais à l'Environnement lorsqu'on avait lancé ce concept. Ça impliquait Premier Tech à Rivière-du-Loup et les fosses septiques à tourbe.
M. Girard (Jacques): Ça les implique encore, d'ailleurs.
M. Cliche: Je me souviens que ça avait été très complexe parce qu'on sortait de la réglementation pour amener ça dans le monde de la normalisation. Alors, la question... Là, on fait plus dans la fosse septique que dans les nouvelles technologies de l'information, mais le résultat de ça, quelques années plus tard: Est-ce que les entreprises adhèrent à cette certification? En d'autres termes, est-ce qu'il y a des entreprises qui font fi de ça et qui pourraient être tentées d'installer des équipements qui ne sont pas conformes à ces normes que vous avez élaborées?
Et les mêmes questions pourraient se poser dans les nouvelles technologies de l'information. Supposons que vous dégagez des normes par lesquelles on pourrait reconnaître des tiers certificateurs pour l'identification éventuelle et des personnes et des entreprises. Ce que vous nous dites, c'est qu'une fois que vous avez fait ça, s'il s'avérait que x certificateurs dans le champ, sans qu'ils adhèrent à votre consensus, opèrent, à ce moment-là, le gouvernement pourrait, par réglementation, faire en sorte qu'on passe du consensus à adhésion volontaire à une réglementation d'application générale. J'essaie de faire une analogie avec le dossier de l'environnement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Girard.
M. Girard (Jacques): En fait, pour répondre à la première partie de votre question, M. le ministre, c'est que le nouveau règlement sur les eaux usées vient tout juste d'être publié en juin et il laisse une période de trois ans maintenant aux fabricants pour obtenir leur certificat. Donc, ça continue à prendre du temps et à faire l'objet de longues discussions. Il y a des programmes, par contre, qui vont beaucoup plus rapidement, bien sûr, et dans ce sens-là, un document consensuel élaboré, si un ministère décide de le reconnaître par renvoi réglementaire, il devient partie de ce règlement ou partie de cette loi et il devient obligatoire. En fait, il peut avoir été développé de façon volontaire mais le ministre, par son pouvoir, vient lui donner un caractère tout à fait réglementaire et obligatoire. Et, dans le même sens, après ça, s'il veut demander une reconnaissance, parce que de dire: Vous devez être conforme à la loi ou à la norme, c'est une chose, mais, s'il veut aller plus loin, il peut demander qu'il soit certifié conforme à cette loi. C'est là que vient jouer le rôle ? l'évaluateur ? de la conformité. Ces personnes-là...
M. Cliche: ...règlement, vous pouvez certifier qu'il est conforme au règlement?
M. Girard (Jacques): On vient certifier qu'il est conforme à la norme.
M. Cliche: À la norme.
M. Girard (Jacques): Et on pourrait aussi, si c'est la demande, plutôt que d'élaborer une norme sur un sujet donné, c'est un règlement qui doit être appliqué intégralement et dont vous demandez la conformité; on va développer un programme pour certifier que telle entreprise se conforme intégralement au règlement que vous voudriez voir appliqué.
M. Cliche: Il y a les deux scénarios possibles, là.
M. Girard (Jacques): Tout à fait.
M. Cliche: Ça prend combien de temps à élaborer? Je termine. Ça prend combien de temps? Supposons qu'on dit que le BNQ serait le comité tel que décrit en 1968 avec tout le mandat qu'on y retrouve là. De votre expérience ? je sais que vous avez déjà participé à une réunion de travail en juin avec mes gens; il y a un embryon de ce comité de réflexion sur l'harmonisation technologique ? mais, de votre expérience, ça peut prendre combien de temps à opérationnaliser ça puis de dégager un consensus écrit sur... On parle en termes de mois ou d'années.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): On parle en termes d'années, là.
M. Cliche: D'années?
n(11 h 30)nMme Allard (Danielle): Avant, si on parle du processus d'élaboration des normes et de la mise en place de l'activité d'évaluation de la conformité, là, on parle de quelques années, un peu plus de deux ans, je dirais, pour le faire. Ce qui va déterminer le fait de pouvoir le faire plus ou moins rapidement, c'est évident que le processus de recherche du consensus est tributaire de l'intérêt que ça présente pour les parties concernées, de l'effort qu'elles veulent bien y mettre. Parce que ces gens-là qu'on invite à un comité de normalisation, ils y viennent de façon bénévole et volontaire. Donc, si les gens souhaitent ne pas se réunir plus souvent qu'une fois par mois, bien, ça rallonge le processus d'autant. C'est sûr que ce n'est pas un processus qu'on mène... En termes de temps réel à le faire, ça ne correspond pas à la durée. Parce que la durée peut être plus ou moins longue, selon l'intérêt que les gens ont pour un processus comme celui-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Girard et Mme Allard et mesdames du Bureau de normalisation du Québec, merci pour le mémoire, pour la présentation que vous en avez faite. En effet, c'est un mémoire qui peut paraître, à prime abord, très technique, ce qu'il est, mais, très souvent, c'est dans la sémantique que se trouvent certains enjeux, et, pour vous, vous l'avez bien expliqué.
Vous avez fait un travail assez minutieux. Vous avez parcouru et analysé le projet de loi et vous êtes arrêtés à certains articles qui semblent vous interpeller plus particulièrement. Entre autres, vous relevez qu'il y a un système international de normalisation avec des acteurs bien reconnus à côté desquels on ne peut pas passer, mais, en même temps, vous exprimez des inquiétudes par rapport au fait que le projet de loi puisse établir un système parallèle, ce qui mettrait éventuellement en danger l'intégrité et la transparence du système tel qu'il existe actuellement. À votre avis, les trois organismes internationaux qui sont reconnus et accrédités dans ce domaine, c'est d'abord l'ISO, la CEI et l'Union internationale des télécommunications.
Vous soulevez des problématiques plus pointues par rapport à certains articles. Je voudrais avoir quelques clarifications. Par exemple, à l'article 67. L'article 67 stipule, au deuxième paragraphe, que le président du Comité multidisciplinaire qui va se créer doit être membre du Bureau de normalisation du Québec. Donc, ça, ça vous interpelle au premier chef. Est-ce que je vous ai bien comprise quand vous avez dit qu'un membre du Bureau de normalisation ne peut pas siéger sur le comité multidisciplinaire parce que vous souhaiteriez garder une certaine objectivité, une certaine neutralité?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Non. En fait, c'est le mot «membre» qui nous interpelle. Parce que le Bureau de normalisation du Québec n'est pas une association qui a des membres, c'est un organisme qui a du personnel, dont le rôle est de voir à faciliter des travaux de normalisation. Donc, le fait qu'on mentionne que le président doive être un membre du Bureau de normalisation du Québec, c'est...
Mme Houda-Pepin: C'est le terme de...
Mme Allard (Danielle): C'est le terme de «membre» qui n'est pas...
Mme Houda-Pepin: C'est le concept de «membre» qui vous dérange, parce que vous n'avez pas de membership en tant que tel, vous n'avez pas de...
Mme Allard (Danielle): C'est ça. Donc, pour corriger cet article-là, on pourrait dire: Le Bureau de normalisation du Québec présidera le comité, ou quelque chose comme ça. C'est parce que c'est vraiment le Bureau de normalisation du Québec et ses employés qui peuvent agir à ce niveau-là et non pas des membres du Bureau de normalisation du Québec.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: O.K. Vous avez un conseil d'administration ou c'est seulement du personnel?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Nous n'avons pas de conseil d'administration.
Mme Houda-Pepin: O.K. D'accord. Donc, c'est un membre, le directeur, le président de l'organisme, que vous pensez être la personne qui devrait siéger sur le comité multidisciplinaire? C'est ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Girard.
M. Girard (Jacques): En fait, le Bureau peut déléguer quelqu'un qu'il croit apte à remplir cette fonction-là.
Mme Houda-Pepin: D'accord.
M. Girard (Jacques): Dans ce sens-là, je ne voudrais pas, peut-être, qu'on enchâsse que c'est telle activité propre du Bureau.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais ce n'est pas un membre comme tel parce que vous n'avez pas d'adhérent. D'accord.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Girard.
M. Girard (Jacques): En fait, je reviens au début, nos observations étaient vraiment sémantiques et de cet ordre-là. Il n'y a pas de...
Mme Houda-Pepin: J'ai bien compris que c'était de la sémantique. C'est pour ça que je vous ai posé la question de clarification, pour qu'on soit sur la même longueur d'ondes.
M. Girard (Jacques): Merci, madame.
Mme Houda-Pepin: Et puis également, dans votre mémoire, à la page 3, vous référez à l'article 69 qui justement parle des organismes de normalisation. Et, si j'ai bien compris, vous vous questionnez sur le statut que pourrait avoir le Bureau de normalisation du Québec à l'intérieur de cette série d'organismes. Vous voulez vous faire reconnaître comme l'organisme qui va chapeauter, qui va coordonner la normalisation en rapport avec la certification et l'identification. C'est bien ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): En fait, le but d'apporter ces précisions-là en particulier par rapport à l'article 69, je pense que ce n'est pas à nous de déterminer... On ne veut pas se substituer au législateur pour déterminer quelle approche va être prise en matière de normalisation. Ce qu'on vous dit ici, c'est qu'on peut le faire.
Et, par rapport à l'article 69, la précision qu'on souhaitait voir apparaître, c'était... Parce que, à différents endroits dans le mémoire, on réfère à des organismes internationaux de normalisation tels que stipulés à l'article 69. Et le problème qu'on avait en lisant l'article 69, c'est que, parmi les organismes qui sont mentionnés là, d'après ce que j'ai essayé de mettre en évidence dans ma présentation, le Bureau de normalisation du Québec est un organisme à activités normatives, ce n'est pas un organisme international de normalisation; le Conseil canadien des normes n'est pas un organisme international de normalisation, c'est un organisme national de normalisation; l'Internet Engineering Task Force, le World Wide Web Consortium ne sont pas des organisations internationales de normalisation parce qu'ils ne répondent à aucun des trois critères d'organismes qui font des organismes à activités normatives.
En fait, ils ne sont pas des organisations internationales de normalisation parce qu'ils n'ont pas un répondant identifié dans chaque pays. Ils ne produisent pas des normes au sens de l'ISO, les Nations unies et l'Organisation mondiale du commerce et ils ne respectent pas le principe du consensus dans l'élaboration des documents qu'ils font.
L'Organisation internationale de normalisation et l'Union internationale des télécommunications sont les seuls organismes qu'on peut qualifier d'organisations internationales de normalisation. Et c'est plutôt en rapport avec les articles qui faisaient référence à cet article-là qu'il y a un problème: soit qu'on change l'article 69 pour vraiment identifier les différents niveaux d'organismes de normalisation et on doit aussi modifier les articles qui y font référence.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci. Bien, vous voyez, vous m'avez bien éclairée parce que c'est justement ce que je pensais, mais je voulais que vous puissiez l'illustrer vous-même. Parce que, en effet, à l'article 69, on y réfère.
On n'est pas encore rendu à étudier article par article; nous sommes dans une consultation. Mais, comme vous soulevez des questions pointues puis qui réfèrent à des articles, autant bénéficier de votre expertise tout de suite pour clarifier ça.
Et, en effet, les organismes qui sont mentionnés à l'article 69 ne sont pas au même niveau de compétence, si je comprends bien, dans la mesure où, dans ces organismes-là, il y a des organismes de normalisation nationale ou internationale, mais il y a aussi des organismes qui sont, je dirais, des organismes de coordination mais qui n'ont pas pour fonction principale la normalisation.
Ce que vous souhaiteriez, c'est qu'on ne puisse pas mettre sur le même pied d'égalité tous ces organismes-là puis qu'on parle des choses de normalisation quand il s'agit de normalisation puis qu'on dégage les autres responsabilités qui ne touchent pas à ce secteur-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): C'est ça. Parce que les organismes internationaux de normalisation ? l'ISO, la CEI, l'Union internationale des télécommunications ? ils élaborent des normes et ils le font avec les différents pays membres, et surtout l'ISO et la CEI conjointement, ce sont eux qui dictent les règles en matière de normalisation. C'est le rôle prépondérant qu'ils jouent mais ils peuvent aussi élaborer des normes.
Les organismes nationaux ? et c'est différent dans chaque pays ? mais, si on se réfère au cas spécifique du Canada, le Conseil canadien des normes n'est pas un organisme qui élabore des normes. C'est un coordonnateur du système national de normalisation et un accréditeur des organismes qui exercent différentes fonctions au sens large de la normalisation, c'est-à-dire l'élaboration de normes, la certification de produits, la certification de systèmes de qualité.
n(11 h 40)n Le Conseil canadien des normes accrédite et il n'a, à ce jour, accrédité que seulement quatre organismes qui élaborent des normes. En fait, le Bureau de normalisation du Québec, comme organisme à activités normatives, membre du Système national de normes, peut élaborer autant des normes qui ont une portée québécoise que des normes qui sont ensuite publiées comme normes nationales du Canada, parce qu'on est accrédité et reconnu pour cette fonction par le Conseil canadien des normes.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Comment s'articule le rapport entre le Bureau de normalisation du Québec, le Conseil canadien des normes puis les instances internationales? Est-ce que les règles sont déterminées au niveau international et appliquées nationalement et provincialement, si on peut dire, ou est-ce qu'il y a une marge de manoeuvre pour vous de dicter vos propres règles et de les faire valider et accréditer par les instances internationales?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Oui. En fait, ce qu'on fait, c'est qu'on a nos façons de faire et elles sont différentes ? on le sait tout à fait bien ? dans le vécu quotidien, des façons de faire de CSA, d'ULC ou de l'ONGC. Il y a quand même un processus de base qui doit être respecté, entre autres, de voir à l'établissement du consensus au sein du comité de normalisation, d'offrir le document à l'enquête publique. Mais, dans la mesure où on respecte les principes généraux édictés au niveau international, le Conseil canadien des normes va reconnaître nos procédures.
Ce qu'on fait, en fait, c'est qu'on n'a pas à normaliser les façons de faire de chaque organisme à activités normatives. Chacun a la marge de manoeuvre nécessaire pour dire: Dans mon contexte particulier, je vais fonctionner de cette façon-là et je prétends respecter les critères nationaux et internationaux. Et c'est ce que le Conseil canadien des normes vient vérifier chez nous. Comme il est satisfait quand il vient le faire, bien, il nous accrédite pour ces fonctions-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: C'est beau. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, c'est terminé. M. le député de Maskinongé.
M. Désilets: Moi, j'aurais une petite question, parce que vous m'avez piqué ou intrigué beaucoup, tantôt. D'abord, j'ai bien aimé votre présentation. Ça m'a permis d'apprécier puis de connaître un petit peu plus et pas mal plus, je dirais même, votre rôle. On en entend souvent parler, mais on se dit: Qu'est-ce qu'ils viennent faire dans le décor? Mais c'est intéressant de connaître que vous avez un rôle important à jouer là-dedans.
En fait, ce que je comprends, c'est que vous offrez vos services pour... vous vous impliquez au niveau du comité multidisciplinaire d'harmonisation, si je comprends. Le BNQ pourrait se situer là-dedans, là, puis faire ce rôle-là. C'est ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Girard.
M. Girard (Jacques): Merci...
M. Désilets: C'est ça, la question, c'est: Vous voulez vous intégrer au niveau du projet pour assurer que les normes soient... C'est ce que j'ai compris. Vous avez la crédibilité de faire l'harmonisation de tout le monde. C'est bien ça?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Girard.
M. Girard (Jacques): En fait, oui, en présentant nos façons de faire, aussi, de quelle façon elles sont accréditées et en lien avec l'international. Ce qu'on veut démontrer, c'est qu'on pourrait être un interlocuteur que nous croyons tout à fait valable et crédible.
M. Désilets: Privilégié.
M. Girard (Jacques): Et c'est dans nos façons de faire de former les comités, de les animer, de s'assurer de leur représentativité par rapport au milieu et par rapport à des sujets. Donc, c'est quelque chose avec lequel on travaille, je dirais, quotidiennement, pour cette partie-là qui est du comité dont vous parlez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député.
M. Désilets: La question à laquelle... C'est que, Mme Allard, je crois, lorsque vous avez répondu tantôt à M. le ministre que ça pourrait prendre deux ans ou deux ans et demi, on ne sait pas le temps, avant d'arriver à un consensus, moi, là-dessus, ça me dérange un petit peu. C'est que, dans le temps, dans le délai, je trouve ça long. On sait que, en informatique, en plus, une technologie de pointe, des fois, les normes peuvent changer rapidement, et là, prendre deux ans, deux ans et demi avant d'arriver à un consensus, j'ai l'impression peut-être qu'on pourrait manquer le bateau des fois ou...
Mme Allard (Danielle): Non. Ce que j'ai dit, en fait, c'est que ce n'est pas seulement...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant! Oui, Mme Allard.
Mme Allard (Danielle): Excusez-moi. Ce n'est pas seulement le développement du consensus, c'est l'élaboration de la norme, le processus d'enquête publique qu'il est nécessaire qu'on conduise après la publication de la norme et la mise en place d'un programme d'évaluation de la conformité. On peut envisager quelque chose de l'ordre de deux ans à deux ans et demi.
Je conçois que ça puisse paraître long, et je vois aussi votre préoccupation en matière de l'évolution rapide des technologies. Mais il faut quand même voir que, en matière de normalisation, le rôle qu'a à jouer un organisme comme le Bureau de normalisation du Québec, c'est de faire en sorte qu'on établisse une norme qui ne soit pas un frein à l'évolution technologique, donc, une norme qui est plus basée sur des critères de performance plutôt que de venir dire: Les technologies qu'on reconnaît, ce sont celles qui font a, b, c, d ou celles qui font, de façon alternative, a, c, d, e.
Ce qu'on fait, le défi qui est présenté à un comité de normalisation, dans un contexte comme celui-ci peut-être plus que dans tout autre, c'est de faire en sorte que, la norme, elle tienne compte du fait que la technologie va continuer d'évoluer et que, au moment où on sera prêt à la mettre en application, bien, il y a peut-être de nouvelles technologies qui se seront pointées mais ce sera... À ce moment-là, c'est la norme qui doit être suffisamment bien élaborée pour permettre d'accommoder toutes les technologies possibles.
M. Désilets: Ça, je veux bien...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé.
M. Désilets: Oui, en terminant. Ça, je veux bien, parce que c'est un peu l'idée du projet de loi de ne pas s'attarder à quelques énoncés mais d'aller sur le fond. Puis c'est pour ça aussi qu'on est différent de certaines législations qui ont déjà légiféré parce qu'on va sur le fond au lieu de s'attarder sur quelques énoncés.
Moi, je conviens que c'est un consensus, mais est-ce possible, dans votre consensus ? je reviens encore sur les délais ? c'est-à-dire on s'assoit et puis, au lieu de x temps, mais, pour en arriver à un consensus, on le coupe de moitié. Parce que tout le monde a intérêt à ce que ça se fasse d'une façon assez rapide tout en respectant le fond puis en respectant un peu les principes de mise en application. Mais, moi, je pense, s'il n'y a pas de délai d'arrêté un peu dans le temps, on laisse recours et puis il y en a un dans le groupe qui met le trouble et puis il dérange tout le monde finalement puis tout le monde est perdant.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Girard.
M. Girard (Jacques): Merci. En fait, qu'il y en ait un qui mène le trouble, ça, ce n'est pas grave; on a des règles pour s'occuper de ça. Mais, de convaincre un groupe donné, par exemple, du bien-fondé de, ça peut être drôlement plus compliqué. Et, dans ce sens-là, le sujet auquel on s'attaque aussi, on doit en tenir compte.
Je vous dirais qu'on va établir une norme sur le sirop d'érable en six mois ou à peu près, ça va bien. Il y a des producteurs, il y a des gens qui le vendent puis qui veulent le transformer puis des gens qui veulent l'acheter; donc, tout le monde est pressé commercialement. C'est un produit dont on peut faire le tour assez rapidement; les producteurs, on les connaît.
Mais, arriver avec une norme qui touche le commerce électronique, qui touche la vie privée, on voudrait bien être optimiste puis vous dire: Le processus consensuel fait que, dans six mois, ça va être fait, mais je pense que ça serait illusoire de vous dire ça aujourd'hui puis je pense qu'on est mieux de vous dire vraiment de quoi il retourne.
Par contre, encore une fois, je veux insister, on ne veut en aucune façon se substituer au législateur, et c'est ça, la grosse différence. Nous, on ne peut pas décréter qu'une norme est en vigueur. Notre système nous oblige à démontrer le consensus clairement. Tandis que le législateur a un pouvoir qui lui est donné par le peuple, puis à un moment donné, c'est lui qui peut décider et il doit le faire, je pense.
Alors, en tout temps du processus, s'il arrive une obligation ou quoi que ce soit, le législateur a toujours le pouvoir de reprendre les travaux et de dire: Bon, bien, c'est fini puis on s'en va là, parce que ça risque d'être trop long ou parce qu'il y a ci ou parce qu'il y a ça.
Ce qu'on dit, par contre, c'est que, si on réussit à y arriver par consensus avec les groupes intéressés, on pense que ça a beaucoup d'impact sur l'adhésion générale des groupes intéressés par la suite. Tout le monde se sent un peu interpellé, y a participé directement, a compris l'opinion de l'autre. Ça s'est déjà fait, ça, dans le passé. Donc, il n'y a pas beaucoup de publicité à faire par la suite.
Comme Danielle vous disait, on a une étape qui s'appelle l'enquête publique où le document, une fois qu'il fait l'objet du consensus du comité de normalisation, est envoyé à tout groupe d'intérêt qui, on pense, peut avoir quelque chose à dire là-dessus, puis on suscite les commentaires. Donc, peut-être qu'un comité de normalisation peut avoir de 20 à 25 personnes ou membres, au niveau de l'enquête publique, on peut rejoindre 150, 200 organismes ou individus intéressés à. Donc, on élargit de beaucoup encore la portée puis la connaissance du document.
n(11 h 50)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Écoutez, le temps qu'on avait pour la partie ministérielle est terminé. À moins qu'il y ait consentement. Je sais que le ministre avait une question ou deux à poser. On profite toujours du moment où nos invités sont là. Alors, M. le ministre.
Mme Houda-Pepin: Oui, oui, pas de problème.
M. Cliche: Juste une question. Là, je vois ici l'Internet Engineering Task Force, le World Wide Web Consortium, etc. À votre connaissance, à l'échelle d'un territoire comme le territoire du Québec, est-ce qu'il y a des exercices similaires qui visent...
Notre objectif, nous, c'est l'interopérabilité et l'interchangeabilité des systèmes. Idéalement, ce que j'ai à l'esprit, c'est que un détenteur éventuel d'une identité électronique pourrait, à partir de cette même identité, avoir accès à l'ensemble du réseau ouvert et pouvoir faire affaire avec tout le monde, au lieu que, éventuellement, on se retrouve, sur notre territoire, avec quelqu'un qui se retrouve avec 10 clés, qui lui ont été émises par autant d'organismes, qui a son système fermé et son système. Alors, c'est ça, l'idée.
À votre connaissance ? puis là, je veux un peu dégonfler le ballon du caractère novateur ? est-ce que ça se fait ailleurs? Est-ce qu'il y a des États, selon vous, qui ont des objectifs similaires qui visent à une harmonisation, sur le territoire, pour l'interopérabilité des systèmes?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Girard.
M. Girard (Jacques): Merci. En fait, la question de l'interopérabilité des systèmes est souvent une partie de beaucoup d'efforts sur le commerce électronique comme tel, où, nous, pour notre part, le BNQ, on a un effort présentement, au niveau canadien ? qui a débuté avec l'Office de la protection du consommateur puis qu'on a amené, après ça, au niveau canadien ? sur le commerce électronique, où on agit sur trois volets: les bonnes pratiques commerciales, la confidentialité ? ou ce qui a été nommé en anglais «privacy» ? et la sécurité.
L'aspect de sécurité, je vous dirais, au niveau international, l'étude n'est pas complètement terminée, mais on trouve beaucoup de choses. Comme, par exemple, ce qu'on appelle le Comité numéro 1 conjoint de l'ISO et de la CEI a déjà une norme en préparation sur l'aspect de l'interopérabilité ou de clés publiques, clés privées.
Donc, effectivement, à différents niveaux, il y a des choses qui se font, et c'est une de nos obligations de procéder. Dès qu'on est chargé d'un mandat de normalisation, la première chose que l'on doit faire: vérifier au niveau canadien, niveau américain, niveau international qu'est-ce qui existe déjà.
Étant donné qu'on est signataire de l'Accord de l'OMC sur les échanges internationaux, c'est notre première règle, et les organismes de normalisation qui ont signé comme adhérents ? dont le Canada ? on reçoit l'information des autres pays, qu'est-ce qu'ils sont en train de normaliser là-dessus. Donc, il y a des efforts qui se font présentement, et je pense que ceux qui sont les plus avancés sont les travaux qui se font conjointement par deux organismes de normalisation internationale: l'ISO et la CEI.
Je voudrais peut-être juste aussi ajouter une petite chose, vue de l'autre côté de la lorgnette, pour les organismes qu'on appelle internationaux de normalisation. C'est qu'actuellement beaucoup d'organisations à activités normatives tentent de se faire reconnaître comme organisme international, pour justement dire devant l'Organisation mondiale du commerce: Bien, on est un organisme international. Et, dans ce sens-là, on devrait tenir compte de ce qu'ils font.
Mais il y a une forte différence entre l'ISO, par exemple, où des pays nomment des représentants, et un organisme qui est dans un État donné. Prenons les États-Unis ? je donne un exemple ? qui normalisent beaucoup au niveau du pétrole. Ils utilisent des gens de différents pays pour établir leurs normes. Mais, finalement, c'est l'organisme américain qui sanctionne et diffuse la norme.
Dans ce sens-là, ce ne sont pas des organismes internationaux, et dans ce sens-là aussi, beaucoup d'initiatives en matière d'Internet sont faites par des groupes qui sont des consortiums, en fait, souvent, qui vont inviter des gens de différents pays à donner une opinion mais qui vont eux-mêmes prendre la responsabilité de publication finale. Et ça ne représente pas nécessairement l'intérêt ou l'opinion des pays concernés mais des individus qui ont été invités.
Je ne sais pas si la nuance est claire, là, pour finir de montrer l'autre côté insidieux, à bien essayer de reconnaître comme il faut ce qu'est un organisme de normalisation.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, mesdames, monsieur, merci pour votre participation à cette commission. Et, là-dessus, je vais donc suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi, où nous nous retrouverons pour rencontrer les autres groupes.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 14 h 4)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Attention, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Nous accueillons donc à ce moment-ci de nos travaux le Groupe des responsables de la gestion des documents du gouvernement du Québec. Alors, M. Sylvain Sénécal, vous êtes vice-président, si vous voulez, avant de nous présenter votre mémoire, nous présenter la personne qui vous accompagne.
Groupe des responsables de la gestion
des documents du gouvernement du Québec
M. Sénécal (Sylvain): Oui, bien sûr. Il s'agit de Mme Diane Baillargeon, qui est responsable des affaires législatives à l'Association des archivistes du Québec, et qui va présenter une partie de la présentation avec moi. D'accord?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous pouvez procéder, monsieur.
M. Sénécal (Sylvain): Merci beaucoup. Le Groupe des responsables de la gestion des documents du gouvernement du Québec a été créé en mars 1993 à l'initiative des Archives nationales du Québec. Il compte actuellement plus de 70 membres qui oeuvrent au sein des principaux ministères et organismes gouvernementaux. Sa mission s'énonce ainsi: Dans un véritable esprit de partenariat avec les ministères, les organismes du gouvernement du Québec et des groupes de concertation, favoriser l'échange et la concertation entre les membres et susciter des initiatives dans le but de promouvoir l'excellence dans le domaine de la gestion documentaire.
À ce titre, notre Groupe cherche à soutenir ses membres dans le difficile passage de la gestion des documents sur support papier à la gestion des documents électroniques afin qu'ils deviennent des agents influents et initiateurs de projets en matière de gestion électronique de l'information. Nous cherchons aussi à favoriser l'échange d'expertise et la circulation de l'information ayant un impact sur les fonctions de gestion de l'information gouvernementale et sur les pratiques professionnelles de nos membres. Et enfin nous cherchons à exercer un rôle d'influence auprès de toutes les instances dont les travaux ont un impact déterminant sur les fonctions de gestion de l'information gouvernementale et sur les pratiques professionnelles de nos membres.
Quant à elle, l'Association des archivistes du Québec, créée en 1967, regroupe la majorité des archivistes du Québec et des communautés francophones du Canada, soit environ 600 archivistes ou gestionnaires de documents administratifs oeuvrant dans des organismes publics et privés, comme les ministères, les commissions scolaires, les universités et les collèges, les villes et les municipalités, les diocèses, les communautés religieuses, les institutions financières, les organismes d'affaires, les industries et commerces, etc. Cette association a évidemment à coeur cette importante part du patrimoine culturel que sont les archives sous leur forme électronique.
Le GRGD et l'AAQ accueillent, dans l'ensemble, favorablement l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information. À n'en pas douter cet effort permettra de favoriser les échanges électroniques sur une base juridique plus claire. Notre mémoire se situe donc dans la perspective d'encourager l'adoption d'un tel avant-projet tout en tentant de lever certaines ambiguïtés, particulièrement quant aux fonctions de gestion documentaire impliquées par certains des articles de l'avant-projet. Ayant participé activement aux activités gouvernementales en matière d'ingénierie documentaire, en plus de participer à des discussions sur les aspects juridiques associés à la gestion des documents électroniques, nous sommes en accord avec les grands principes comme avec les visées de cet avant-projet.
Notre participation d'aujourd'hui se veut donc simplement une présentation des activités de gestion documentaire et une démonstration de la contribution de la fonction documentaire et archivistique à la validité juridique des documents électroniques.
Selon l'avant-projet de loi, on peut lire: Constitue un document toute information délimitée et structurée de façon tangible ou logique, selon le support qui la porte, et qui est intelligible sous forme d'écrit, d'image ou de son. Le document peut être rédigé au moyen de tout mode d'écriture, y compris d'un système de symboles transcriptibles sous l'une de ces formes ou en un autre système de symboles. Nous souscrivons à cette définition dans la mesure où son caractère générique permet d'englober de façon très large la notion de document quel que soit le qualificatif qu'on lui accole, qu'il soit document administratif, document d'archive ou de référence, par exemple.
Toutefois, il nous semblerait utile de définir aussi le terme «information» qui fait partie de la définition même de «document». Il nous semble que ce point est important, puisque la définition du document vise à permettre la dissociation du support et de l'information en vue d'introduire le concept d'interchangeabilité des supports, tout en préservant la notion de document juridiquement valable. L'information structurée demeure donc l'élément central du concept de document. Le document est dans son essence une information délimitée, structurée et intelligible. Par ailleurs, un document réparti est constitué, selon l'avant-projet, de fragments d'information. Il semble donc que la notion d'information relève alors plus d'une certaine finalité communicationnelle du document que des éléments qui le composent comme tels.
Ceci semble renforcé par le fait qu'au chapitre I, dans les dispositions générales, l'objet de la loi est d'assurer la sécurité juridique des communications effectuées par les personnes, les associations, les sociétés et l'État, au moyen de documents, quel qu'en soit le support. Le document est plus que la somme de ses parties, c'est-à-dire l'information qu'il renferme, le document est plus qu'un amalgame de données électroniques, c'est un tout qui possède une valeur plus grande que la somme de ses parties. Le document permet d'agir, il est alors considéré document administratif, et nous devons le gérer; il permet aussi de faire valoir des droits, il possède alors une valeur juridique; il permet aussi de témoigner des actions opposées, ce peut être alors un document d'archive; et il permet évidemment de s'informer et de connaître, on parle alors parfois d'un document à valeur de référence.
n(14 h 10)n Ainsi, une définition de l'information qui, nous semble-t-il, respecte l'esprit de la loi devrait permettre de bien situer l'intention de communication d'une personne physique ou morale en cause. Ceci aurait certainement l'avantage de montrer qu'une information n'est qu'un fragment tant que ne peut véritablement être constituée l'expression de la volonté d'une personne au travers de cette intention. Une définition du terme «information» en ce sens permettrait ainsi de rendre moins ambiguë la définition d'un document réparti tel que formulée à l'article 4.
Nous sommes particulièrement heureux de constater qu'au coeur même de l'avant-projet de loi on introduit la notion de cycle de vie du document. Ce cycle de vie consiste ni plus ni moins en l'ensemble des activités documentaires liées à l'exploitation correcte du document, et c'est le rôle du gestionnaire de document et de l'archiviste de maintenir les méthodes de gestion et les outils nécessaires à la réalisation de ces activités.
L'article 5 de l'avant-projet assoit ainsi la fiabilité du document sur la préservation de son intégrité tout au long de son cycle de vie, c'est-à-dire au moment de sa création, de son transfert, de sa consultation, sa transmission, sa conservation, son archivage ou encore sa destruction, ce qui compose chacun des éléments du cycle de vie. Cette notion nous apparaît centrale dans l'avant-projet et devrait être définie plus explicitement qu'elle ne l'est actuellement.
Chacune des valeurs que l'on confère au document détermine certaines obligations de gestion, certains gestes particuliers et certaines normes quant aux activités liées au cycle de vie des documents particuliers qui sont en cause. Ainsi, selon qu'un document aura une valeur administrative fugace ou une valeur historique particulière, les conditions de conservation de ce document varieront grandement et elles aideront à préserver cette valeur à long terme, d'où le besoin de prise en compte dès le départ de cette notion de cycle de vie.
Les valeurs juridiques, financières, administratives, historiques de référence et autres des documents ne sont préservées, révélées et mises en action que dans le contexte de ce cycle de vie au moyen d'une organisation, c'est-à-dire de l'indexation, de la classification, de la conservation évidemment, et d'une protection adéquate, car ainsi on assure la fiabilité et la pérennité non seulement des documents, mais surtout des droits et responsabilités dont ils sont les instruments premiers.
Les systèmes permettant de gérer les documents de leur création jusqu'à leur destruction ou leur conservation permanente, ce sont les membres du GRGD qui sont chargés de les maintenir dans les ministères et les organismes, en collaboration avec les archivistes.
Un tel avant-projet place les disciplines du domaine documentaire au coeur des décisions concernant la validité juridique du document électronique. Les normes de gestion des documents, à tous les stades de leur cycle de vie, assurent l'exécution complète, correcte, transparente et vérifiable des activités menées à bien à l'aide de tels documents. Les fonctions documentaires se trouvent ainsi plus directement que jamais au centre des préoccupations de la gestion des ressources informationnelles, puisque dépendent de ces actions beaucoup plus directement qu'auparavant l'intégrité et la fiabilité, et donc la valeur des documents.
L'article 5 nous dit que l'information est fiable dans la mesure où son intégrité est assurée et que l'appréciation de cette intégrité est relative aux mesures de sécurité prises pour protéger le document au cours du cycle de vie. C'est vrai, mais la protection de l'information, pour nécessaire qu'elle soit, n'est pas une activité suffisante pour assurer la préservation des différentes valeurs qui peuvent être conférées au document. Les normes de gestion, les pratiques et façons de faire qui déterminent la réalisation des activités du cycle de vie des documents, soit leur création, leur transfert, leur conservation, etc., sont aussi importantes, car elles sont constitutives de la préservation de la valeur même de ces documents.
Mme Baillargeon (Diane): C'est pour cette raison que nous recommandons...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon (Diane): Alors, c'est pour cette raison que nous recommandons que les articles 5 et 6 de l'avant-projet de loi tiennent compte non seulement des mesures de sécurité, mais aussi des mesures de gestion des documents, tant dans l'appréciation de l'intégrité que dans les prescriptions réglementaires que le gouvernement devra émettre afin d'assurer l'intégrité des documents.
Les normes auxquelles on pense ici ne sont pas uniquement technologiques, mais aussi aux normes de type ISO sur la gestion des documents, qui établissent des critères de base d'une saine gestion documentaire dans les organisations, aux diverses normes internationales de description des documents ainsi qu'au langage documentaire normalisé permettant un accès plus uniforme à l'information.
Par ailleurs, la mission du comité multidisciplinaire à mettre en place en vertu de l'article 68 de l'avant-projet de loi devrait, selon nous, être, entre autres, de garantir la fiabilité d'un document technologique par les mesures de sécurité et de gestion nécessaires pour en assurer l'intégrité au cours de son cycle de vie, y compris lors de sa phase inactive.
Pour bien marquer la distinction entre la valeur juridique et patrimoniale des documents, citons, par exemple, l'article 7 de l'avant-projet de loi. Celui-ci indique que le fait que les documents porteurs de la même information mais sur des supports différents présentent des différences en ce qui a trait à l'emmagasinage ou à la présentation de l'information ou le fait de comporter de façon apparente ou sous-jacente de l'information différente relative au support ou à la sécurité de chacun des documents ne porte pas atteinte à leur intégrité. De même, ne portent pas atteinte à leur intégrité les différences quant à la pagination du document, au caractère tangible ou intangible des pages, à leur format, à leur présentation recto ou verso, à leur accessibilité en tout ou en partie ou aux possibilités de repérage séquentiel ou thématique de l'information.
L'intention de cet article est claire, c'est-à-dire qu'il vise à ne pas faire reposer la fiabilité et l'intégrité du document sur des éléments de présentation superficielle des informations portés par le document. Toutefois, il faut être prudent ici, car, si ces éléments ainsi que ceux relatifs à l'organisation de l'information, telle la pagination, ne sont pas en jeu dans la valeur juridique des documents, ils peuvent l'être lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur historique, patrimoniale ou de référence des documents qui peuvent exiger un format original pour être mis en valeur.
Les caractéristiques spécifiques portées par un document au moment de sa création que sont la signature visuelle, les dispositions générales de l'information, la pagination, etc., sont constitutives de cette valeur. Il serait donc bon de préciser dans cet article que l'on parle spécifiquement de caractéristiques du document en autant qu'il est considéré sous l'angle juridique.
L'importance de ce type de caractéristiques pour la détermination des valeurs historique et patrimoniale est primordiale. Par exemple, l'article 9 stipule que des documents sur des supports différents peuvent avoir la même valeur juridique si chacun d'eux est fiable et porte la même information. L'un peut remplacer l'autre et ils peuvent être utilisés simultanément ou en alternance. De plus, ces documents peuvent être utilisés aux mêmes fins, notamment à titre d'original ou de copie qui en tient lieu.
Or, ici, le thème «valeur historique ou patrimoniale» ne peut se substituer à «valeur juridique» justement pour les raisons évoquées plus haut. La valeur historique ou patrimoniale englobe des caractéristiques relatives aussi à un support particulier. En ce sens, les actions découlant de cet article doivent être balisées à l'intérieur du cadre de l'article 23 qui permet de définir quels sont les documents qui doivent être conservés alors même qu'ils ont fait l'objet d'un transfert.
Par ailleurs, l'article 10 de l'avant-projet de loi indique que, en cas de divergence entre l'information d'un document ayant fait l'objet d'un transfert du support papier vers un autre support et de celle du document qui en résulte, le document sur support papier prévaut. Cet article nous semble plus ou moins cohérent en regard des éléments précédents. De plus, il est inutile, dans la mesure où l'on peut détruire le document après sa numérisation, selon les modalités spécifiées par la loi. Il s'agit ici d'une prévalence inutile du papier sur l'électronique. Nous suggérons de remplacer le terme «support papier» par celui de «support d'origine». Cette même notion de support d'origine pourrait aussi être utilisée à l'article 19.
Par ailleurs, quelle est la portée réelle de cet article? S'applique-t-il à l'impression d'un document papier produit grâce à un logiciel de traitement de texte? Faudra-t-il à l'avenir mentionner sur tout document imprimé le transfert effectué et faire une déclaration de transfert pour chaque impression? Si tel est le cas, nous doutons fortement que cet article puisse être applicable. Le régime de preuve des documents sur support papier, presque tous produits à partir d'un logiciel, risque d'en être grandement compliqué. Comme il n'est pas spécifié, dans le cas où plusieurs documents font l'objet d'un transfert, que la comparaison doit être faite document par document, faut-il en comprendre que l'échantillon peut être invalidé?
Par ailleurs, nous nous interrogeons aussi sur l'article 17 qui prévoit que les conditions par lesquelles un document original ou une copie dont l'information a été transférée vers un support faisant appel à une technologie différente peut être détruit. Le premier alinéa spécifie que, dans le cas où le document est en la possession d'une personne morale, d'une société, d'une association ou de l'État, le transfert doit avoir été autorisé par une personne qui y est en autorité ou qui est responsable de la conservation du document.
Il nous semble que cette condition devrait être assortie de la réserve indiquée à l'article 23, paragraphe 5, soit de s'assurer, dans le cas des documents en possession de l'État ou d'une personne morale de droit public, que le transfert et la destruction qui en résultent sont faits selon le calendrier de conservation établi conformément à la Loi sur les archives. En effet, l'article 7 de la Loi sur les archives oblige tous les organismes réputés publics à établir et à tenir à jour un calendrier de conservation, lequel doit indiquer, outre les informations concernant les périodes de conservation et la disposition finale, le support d'information.
De plus, l'article 8 stipule que les organismes doivent faire approuver leur calendrier de conservation ainsi que toutes les modifications, dans le cas de l'État, ou dans le cas d'ajout de nouveaux documents, pour les personnes morales de droit public. Or, le transfert de documents sur un nouveau support crée, à n'en point douter, de nouveaux documents. Cette exigence est d'ailleurs faite aux organismes publics par les Archives nationales du Québec.
n(14 h 20)n L'inclusion en toutes lettres dans le projet de loi sur la normalisation aurait l'avantage de ne plus laisser place à l'interprétation sur la notion de nouveaux documents dans le cas de transfert de support et permettrait aux ANQ de jouer adéquatement leur rôle de gardien du patrimoine archivistique québécois.
Pour bien saisir l'ensemble des enjeux, il faut se rappeler que les activités gouvernementales liées au déploiement de l'autoroute de l'information couvre trois grands volets: le volet technique, qui définit les grands principes ainsi que les normes et règles qui dictent les pratiques de gestion électronique, le volet administratif, qui établit le cadre de gestion de ces pratiques, et le volet juridique, qui détermine les obligations légales et réglementaires liées à l'exercice de ces pratiques.
Ces trois volets sont indissociables et nécessaires à l'établissement de la validité juridique des documents électroniques. Les gestionnaires de documents et les archivistes, de par leur rôle d'organisateurs des documents et de gardiens des valeurs administratives, légales et historiques des documents, apportent des éléments différents en matière de gestion, d'indexation, de repérage, de conservation et d'exploitation des documents. Leur expertise en ces domaines est nécessaire tout au long du cycle de vie des documents.
C'est à ce titre que nous demandons à ce que le gouvernement fasse appel aux Archives nationales du Québec de même qu'à la communauté archivistique représentée par le GRGD et l'AAQ afin d'élaborer la réglementation relative aux critères de reconnaissance des documents à valeur historique ou patrimoniale tels que présentés à l'article 23 et que cette même communauté soit consultée en ce qui concerne l'élaboration de la réglementation relative à l'utilisation des fonctions extensives de recherche et sur les activités de journalisation de l'accès aux documents dont il est question aux articles 27 et 28 de l'avant-projet de loi et de lui faire une place au sein du comité multidisciplinaire prévu à l'article 68. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Mme Baillargeon. Alors, nous allons donc maintenant commencer la période d'échanges. M. le ministre.
M. Cliche: Merci de votre présentation. C'est un domaine assez fascinant qu'est le vôtre. Vous êtes en grande partie responsable de la mémoire collective de notre peuple et de son État.
Ma question va porter sur deux aspects. D'abord, un aspect sur lequel je vais revenir, vous avez évoqué à la toute fin, une réglementation nécessaire, mais, avant de vous entendre là-dessus ? parce que, si on pouvait se passer de réglementation, idéalement on pourrait le faire, mais, si nécessaire, on le fera ? ma première question, c'est: Tous les aspects que vous abordez et qui sont abordés dans l'avant-projet de loi en ce moment, est-ce que dans le monde actuel papier, qui est sans doute le vôtre en ce moment, le cycle de vie comporte les mêmes phases? Autrement dit, nous essayons de nous assurer que l'encadrement en ce moment qui s'applique au monde papier, dans lequel nous vivons de moins en moins, s'applique ipso facto, selon les mêmes règles, au monde d'un support autre que celui du papier.
De sorte que ma question est la suivante: Est-ce que l'avant-projet de loi, tel que vous le lisez, vous interpelle ou est différent en ce qui concerne le cycle de vie d'un document dans le monde actuel? Autrement dit, est-ce qu'on change les règles ou si vous avez vraiment l'impression que nous avons atteint l'objectif de faire en sorte que les règles applicables en ce moment dans le monde papier soient transposées dans le nouveau monde permis par les technologies de l'information?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): À mon avis, oui. Personnellement, à cette lecture-là, et pour l'ensemble de nos membres, on s'est reconnu dans cette notion de cycle de vie là. Ce ne sont pas des activités nouvelles, hein? Que l'on parle d'un document papier ou d'un document électronique, ce document-là devra être mis en dossier, ce dossier-là devra être rangé, il devra être repéré, récupéré, transféré, il devra éventuellement être conservé aussi, pour un certain temps, et être détruit ou être conservé de façon plus longue, permanente même.
À ce titre-là, je crois que les activités qui ont été évoquées autour de la notion de cycle de vie sont tout à fait pertinentes. Le but de la présentation, c'était de les mettre encore plus de l'avant, je dirais, jusqu'à un certain point, parce que, surtout dans l'environnement électronique, vous êtes face à un document immatériel, électronique, et la fiabilité qu'on peut avoir dans ce document-là repose pour beaucoup sur les gestes qu'on a posés auparavant sur ce document-là. Et ces gestes-là, on les retrouve évidemment autour de chacune des activités de ce cycle de vie là.
Les activités du gestionnaire de documents et de l'archiviste traditionnellement tournent autour des différentes activités qui sont évoquées là. Elles doivent, à notre avis, vraiment être prépondérantes. Bon, je suis d'accord avec vous, on peut discuter d'un besoin de normes ou de réglementations autour de ce cycle de vie là, mais il existe et il se met en place un peu partout des modèles de fonctionnement standardisés autour de ces différentes fonctions-là qui nous permettent de nous assurer non seulement que le document a été bien protégé, mais que toutes les activités dont il est affecté ont été complétées de façon satisfaisante.
Alors, pour répondre tout simplement à votre question, oui, je crois que le cycle de vie est là, mais, je dirais, il devrait être mis beaucoup plus à l'avant-plan, certainement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Cliche: Alors, ceci m'amène à ma deuxième question. Donc, vous vous reconnaissez dans le cycle de vie.
Vous avez fait référence, dans votre présentation, à un système ISO pour les archivistes et là vous me parlez de réglementation. Pourriez-vous me dire, en termes simples, qu'est-ce qui existe en ce moment, par la normalisation ISO, en termes de gestion du document dans son cycle de vie et, s'il a besoin d'aller au-delà, pourquoi est-ce que vous pensez qu'une réglementation serait nécessaire pour aller au-delà de la gestion du cycle de vie d'un document dans le monde de la normalisation ISO, en ce moment?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): Actuellement, il y a une norme ISO en préparation et dans les derniers stades de son approbation. Nous avons travaillé, au niveau du GRGD, à bonifier, je dirais, les versions préliminaires de cette norme-là. Ce qu'elle vise essentiellement, c'est de fournir un encadrement général au volet «gestion» de la problématique documentaire, c'est-à-dire quels sont, dans une grande organisation, une entreprise par exemple, les moyens dont une entreprise peut se doter, quel rôle elle doit mettre en place, pour s'assurer que les fonctions documentaires soient menées à bien de façon correcte.
Cette norme-là n'est pas, actuellement, officiellement mise en place, elle va l'être dans les prochaines semaines. Elle est accompagnée d'un certain guide de pratiques recommandées autour de certaines de ces activités-là. Mais ça ne se veut qu'un guide pratique suggérant aux organismes des moyens spécifiques pour mener à bien ces différentes activités du cycle de vie.
Chaque organisation doit se doter de façons de faire autour de ce cycle de vie là, des façons de faire autour de la conservation, de l'indexation, qui sont plus de l'ordre d'une réglementation que d'une norme extrêmement générale, qui se veut plus une norme qualité, je dirais, de gestion au sens large.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre, avez-vous d'autres questions pour l'instant?
M. Cliche: J'en aurais une autre, mais je voudrais laisser la chance à... peut-être une dernière, là. Est-ce qu'en ce moment il existe une réglementation qui détermine les critères par lesquels on détermine qu'un document a une valeur archivistique, historique et patrimoniale? Est-ce que ça existe, ça, ou si c'est notre avant-projet de loi qui ferait en sorte qu'un tel règlement détermine, par exemple, qu'un papyrus ou que l'Acte de Québec, etc., ne peut pas être numérisé et qu'il devra toujours être conservé en archives, dans son support original?
Mme Baillargeon (Diane): Je vais répondre.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon (Diane): En ce moment, ce qui existe, c'est la Loi sur les Archives, et c'est par la Loi sur les Archives que les organismes publics soumettent un calendrier de conservation. Le calendrier de conservation détermine les périodes de conservation, mais aussi la disposition finale des documents.
Doit-il être conservé? Peut-il être éliminé ou échantillonné? Il n'y a pas de réglementation à ce niveau-là. C'est les Archives nationales qui jouent, à ce moment-là, leur rôle et qui analysent les propositions qui sont faites par les organismes publics qui soumettent leur calendrier de conservation en disant: Voici, on est prêt, nous, à éliminer certains documents sur support papier parce qu'ils ont été numérisés, par exemple, ou microfilmés.
Il y avait évidemment un certain nombre de réglementations lorsqu'existait la Loi sur la preuve photographique de documents, qui a été remplacée par les articles 28, 40 à 42 du Code civil. Ces articles-là vont être abolis par l'avant-projet de loi et remplacés par le cadre réglementaire qui est à l'intérieur de l'avant-projet de loi.
Les Archives nationales ont aussi émis un guide sur la numérisation, où elles édictent un certain nombre de critères que doit rencontrer un organisme avant qu'elles l'autorisent à éliminer des documents sur support papier qui ont été numérisés. Et tout ça tourne évidemment sur la capacité de récupérer l'information à long terme, l'intelligibilité des systèmes, la lisibilité de l'information, les normes, par exemple, de format: JPEG... Bon, c'est assez technique, là, mais, à l'intérieur de ce guide-là ? qui est un guide, hein, ce n'est pas une norme, ce n'est pas un règlement gouvernemental, et ce serait vraiment votre projet de loi, votre avant-projet de loi, qui viendrait introduire une telle réglementation ? on se dit: S'il y a une réglementation comme ça qui doit être édictée, il faut que les spécialistes du milieu participent à édicter de cette réglementation-là.
n(14 h 30)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Sénécal, Mme Baillargeon, merci beaucoup pour la présentation du mémoire et les explications que vous nous avez données. Vous représentez le Groupe des responsables de la gestion des documents du gouvernement du Québec et vous dites: C'est une association qui a été créée, je pense, en 1993 et qui regroupe 70 membres. Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le profil des gestionnaires des documents au gouvernement, quel est leur horizon professionnel?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): Oui. Leur profil au sens diplomation ou type d'emploi?
Mme Houda-Pepin: Exactement. Est-ce que c'est des bibliothécaires? Est-ce que c'est des archivistes? Est-ce que c'est des administrateurs? Je voudrais connaître le profil des gestionnaires de la...
M. Sénécal (Sylvain): Oui. Bon. Je dirais que, en général ? il y a évidemment des catégories professionnelles et techniques dans le domaines ? mais, de façon générale, les gestionnaires de documents et les archivistes suivent grosso modo le même type de formation universitaire. Donc, c'est une formation universitaire soit de premier cycle, donc avec un certificat en gestion de documents ou en archives, ou encore un diplôme de deuxième cycle, une Maîtrise en bibliothéconomie ou en sciences de l'information. Évidemment, dans ces domaines-là, ce ne sont pas des domaines cloisonnés entre la gestion d'une bibliothèque ou des archives ou d'un poste de classement à la limite; donc, on partage un même corpus de base de cours en ce domaine-là. Mais c'est grosso modo la formation des gens dans le domaine.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci. La raison pourquoi je vous pose cette question, c'est parce que je cherche à mieux définir un peu les intérêts que vous avez derrière ce que vous proposez. Parce que je constate que, dans votre mémoire, vous revenez souvent, vous insistez beaucoup sur la nécessité d'intégrer le concept de gestion des documents dans le projet de loi. Donc, ce n'est pas pour rien que vous le réclamez, c'est parce que vous représentez une profession où la gestion des documents a une signification particulière pour vous. Et je comprends que, pour les bibliothécaires, c'est leur formation, c'est la raison d'être aussi de leur ? les bibliothécaires, les techniciens de documents, de documentation, etc.
Je constate, moi, dans ce métier, que les bibliothécaires et les gestionnaires de documents ont été en quelque sorte ? puis vous me corrigerez si je me trompe ? marginalisés dans leur milieu de travail par les changements technologiques. Si je prends, je ne sais pas, moi, une bibliothèque, là où on gère des documents, il fut un temps où le bibliothécaire était le maître de sa bibliothèque. C'est lui qui gérait et qui administrait. Puis, à un moment donné, on a commencé à former des administrateurs qui, eux, sont venus prendre la fonction de gestion dans la bibliothèque, et les bibliothécaires sont devenus presque des techniciens. Je ne veux pas diminuer le rôle mais je vous dis et vous me corrigerez.
Et là, on a affaire à un nouveau profil qui se dessine, c'est celui des informaticiens ou des gens qui connaissent l'informatique et qui viennent aussi s'approprier une partie des tâches qui étaient autrefois faites par les gestionnaires de documents. Jusque là vous me suivez? Est-ce que c'est correct? Bon. Parfait. Donc, je comprends, partant de cette analyse, votre préoccupation, c'est que vous voulez absolument que les gens qui ont cette formation, qui ont des outils aussi pour conserver, pour traiter, pour indexer, pour, en fait, transférer des documents correctement et conformément à la loi, puissent avoir leur place dans le projet de loi. Par ailleurs, vous êtes 70 personnes ? vous le dites ? membres de la fonction publique gouvernementale, alors que les autres professions sont beaucoup plus dominantes, si je comprends bien.
Alors, expliquez-moi un peu ? peut-être au bénéfice de mes collègues ? qu'est-ce qu'il y a derrière ces inquiétudes? Pourquoi vous voulez que, dans ce projet de loi plus particulièrement, on puisse reconnaître le rôle des gestionnaires de documents?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): Merci. Beaucoup de choses! Je vais tenter d'y répondre le plus correctement possible. Comment prendre ça? La fonction de gestion, au sens large des ressources informationnelles, si on s'en tient à une définition de cet ordre-là, on peut considérer qu'un informaticien qui ne joue que dans les données d'une base de données est un gestionnaire de l'information. On peut considérer que quelqu'un qui travaille dans une boîte de communication est un gestionnaire d'information à ce moment-là. Quelqu'un qui, à la limite ? j'étire un petit peu ? produit même un document, qui gère, qui travaille sur des versions spécifiques de documents, pourrait être considéré dans ce lot-là.
Ce qu'on dit ici, d'une part, c'est que, traditionnellement, dans une perspective ? vous n'avez peut-être plus de papier ? du monde de l'information, le gestionnaire de documents, sa tâche primordiale a été de s'assurer de la bonne organisation de ces documents-là, de son repérage, et de faire en sorte que le document suive son cours normal dans le cycle de vie du document vers des centres d'entreposage semi-actifs et vers les archives historiques. C'est son rôle premier. Le rôle du gestionnaire de documents, je dirais, en ce sens-là, utilise plus la problématique du document considéré comme un produit fini, qui a une certaine valeur, que vous devez gérer. Et, à ce titre-là, il y a certaines tâches qui lui ont été dévolues, essentiellement sur le papier. Au fur et à mesure qu'on entre dans la problématique de la production de ces mêmes documents-là d'un point de vue électronique, de son échange électronique, etc., je dirais que ça a été plus l'apanage des informaticiens au long des années, et on a de plus en plus naturellement délaissé les problématiques associées au cycle de vie du document. Comment s'assurer qu'un document ? et non pas simplement une donnée informatique, puisqu'on reste dans le monde documentaire, qui possède une valeur juridique, une valeur administrative, une valeur historique quelconque ? comment peut-il être conservé à très long terme sur support informatique? L'informaticien vit à l'intérieur du monde des données, du monde de l'information considérée sous forme d'une donnée qui doit être archivée au sens informatique du terme, maintenue à long terme sur un disque ou sur une bande magnétique. Le rôle du gestionnaire de documents, c'est plutôt de préserver la valeur de cette chose-là en tant qu'elle est un document, et ça, c'est parler d'archives, ça, c'est parler d'un repérage qui est beaucoup plus axé sur une description de ce document-là en regard de la fonction qu'on veut mener à bien à l'aide de ce document-là. Alors, tout ça pour dire que nous essayons simplement, en tant que gestionnaires de documents, de faire valoir l'importance de ce cycle de vie là. Parce que si on ne le fait pas à l'intérieur d'un seul avant-projet de loi comme celui-ci, on devra de toute façon stipuler, pour chacune des lois qui touchent au domaine documentaire, les conditions spécifiques de gestion liées à ce cycle de vie là. Bon. Ceci pour la partie très théorique de la chose.
Je ne vous cache pas que cet exposé-là que je fais, évidemment, transparaît sur la place comme telle du gestionnaire de documents dans les ministères et organismes et en général dans les entreprises. Alors, évidemment, notre groupe est en même temps un groupe qui s'efforce non seulement de faire reconnaître les dimensions de gestion associée non pas aux données ou aux documents, mais aussi de se doter des moyens pour pouvoir faire ce travail-là correctement. Et donc, en même temps, effectivement, nous voulons, comme organisme, mettre de l'avant l'apport que nous, comme spécialistes du domaine documentaire, pouvons avoir dans cette problématique-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, est-ce que...
Mme Houda-Pepin: Oui. Merci. Donc, je vous ai bien compris comme ça, j'ai bien compris votre message, je l'ai saisi de la façon dont on s'est expliqué là-dessus.
La notion de support papier versus support d'origine. J'ai trouvé l'idée intéressante de parler de support d'origine, mais je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi est-ce que vous ne considérez pas le papier comme étant un support de référence. Pourquoi est-ce que vous proposez de remplacer «support papier» par «support d'origine»? C'est quoi, la raison derrière ça?
n(14 h 40)nLa Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Sénécal...
M. Sénécal (Sylvain): Pardon? Oui.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce que c'est vous qui répondez?
M. Sénécal (Sylvain): À la page 8.
Une voix: C'est à l'article 10.
M. Sénécal (Sylvain): À l'article 10. O.K. C'est que, ici, on fait référence à l'article qui dit que, lors «d'un transfert du support papier vers un autre support et de celle du document qui en résulte, le document sur support papier prévaut» nécessairement. C'est, à mon sens, simplement de confiner, cet article-là, seulement au support papier versus un transfert vers l'électronique, alors qu'on peut parfaitement considérer qu'on transfère sur des supports différents autres que le papier. C'est uniquement pour cette raison-là. On pourrait passer de l'électronique au microfilm ou du microfilm jusqu'à l'électronique, par exemple. C'est pour donner plus de souplesse à cette chose-là et non pas assurer une prépondérance du papier.
Mme Houda-Pepin: O.K. Allez-y, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, j'ai M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Oui. Merci, Mme la Présidente. D'ailleurs, c'était une de mes questions. Alors, vous avez bien répondu. Je voulais un exemple, effectivement, d'autre support d'origine, puis vous avez donné un bon exemple.
Je voulais d'abord vous féliciter pour la clarté de votre mémoire, parce que c'est un domaine, effectivement, qui n'est, à certains égards, pas tellement évident, et c'est pour ça que je veux vous demander certaines précisions au niveau plus technologique. Et, à partir du principe que je n'ai pas une grande connaissance à ce niveau-là, alors, je vais prendre votre mémoire à la page 11 ? c'est par rapport aux choix technologiques, et c'est les remarques qu'on a eues ? où vous traitez de la certification, et vous dites dans votre mémoire que, d'abord, le projet de loi repose sur beaucoup d'éléments décrivant des solutions technologiques possibles de gestion de l'intégrité du document électronique tout au long de son cycle de vie. «Nous nous questionnons sur la faisabilité de certains points de l'avant-projet de loi comme...». Attendez. Est-ce que c'est ça? Ah oui! Et là, vous terminez en disant: «Nous considérons aussi que les solutions technologiques à mettre en place pour respecter l'avant-projet de loi ne sont pas matures actuellement.» J'aimerais avoir des explications un peu là-dessus, de façon à vulgariser pour un simple mortel.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): Oui, merci. Il nous apparaissait, à la lecture de l'avant-projet ? surtout, effectivement, sur ces points-là ? qu'on dresse un portrait des moyens de certification et de signature électronique possibles actuellement. Tout au long, je dirais, de l'avant-projet ? il est mentionné, par exemple en ce qui concerne les activités possibles de journalisation de l'information, C'est-à-dire, donc, qu'on peut demander dans certains cas qu'on puisse retracer qui a accès à un document électronique qui aurait été mis, par exemple, sur un site Internet, on peut demander à limiter les capacités de recherche sur certains documents de cette façon-là. On peut demander, donc, certaines restrictions ou certaines utilisations particulières. Dans certains cas et pour certains types de documents, ça peut être techniquement difficile pour une organisation de procéder à la mise en place de fonctionnalités de cette nature-là à relativement court terme. Ça semble être, je dirais, d'un poids assez imposant sur les épaules d'un petit organisme, par exemple, qui devrait limiter, pour des raisons de sécurité ou de confidentialité, la nature de certains documents, et c'est dans ce sens-là qu'on se posait ce type de question là, mais peut-être plus ? c'était une suggestion ? renvoyer sous forme réglementaire ces éléments-là, O.K.
M. Bédard: Là, vous parlez de choix mais vous dites que les solutions technologiques ne seront pas matures. Donc, autrement dit, qu'elles sont portées à évoluer ou qu'elles ne sont pas fiables actuellement?
M. Sénécal (Sylvain): Elles sont portées à évoluer, et je m'interroge essentiellement sur le fait que, parce qu'elles sont portées à évoluer ? et à évoluer relativement rapidement, convenons-en ? peut-être qu'elles seraient mieux placées dans le cadre d'une réglementation qui serait...
M. Bédard: ...la modifier plus régulièrement?
M. Sénécal (Sylvain): Qui serait appelée à être modifiée régulièrement, mais en faisant plutôt référence à ces éléments-là qu'en les stipulant peut-être un peu trop précisément à ce moment-ci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, M. le député de Chicoutimi? Mme la députée de La Pinière, est-ce que... Oui, M. le ministre, il y a du temps.
M. Cliche: Quelle est la proportion d'archives que vous traitez en base numérique en ce moment versus en base papier? Et quelle est l'évolution récente de ces pourcentages et l'évolution prévue de ces pourcentages? Est-ce que, effectivement, il y a de moins en moins de papier et de plus en plus de support technologique? Quelle est l'évolution que les archivistes avez vue et voyez venir là?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon (Diane): Je ne pourrai pas vous donner des chiffres mais c'est clair qu'il y a une évolution constante vers les documents sur support électronique. Le papier prévaut encore. C'est encore la majorité, il ne faut pas se le cacher. Il y a aussi toutes sortes de documents électroniques, de la très grosse banque de données à notre chiffrier électronique, à notre logiciel de base de données dans notre ordinateur, il y a une multiplicité de formes de documents électroniques.
En ce moment, on regarde par exemple au niveau des Archives nationales qui sont supposées être les gardiens de la mémoire, ils ne sont pas en mesure en ce moment de recevoir les documents électroniques. Non. Ce qui se fait, c'est que les Archives nationales, lorsqu'il y a des documents qui sont électroniques, qui ont une valeur permanente, qui doivent être conservés en permanence, on demande encore à ce moment-là aux ministères et aux organismes gouvernementaux de les conserver eux-mêmes parce que, si les Archives nationales recevaient l'ensemble de ces documents-là, ils ne seraient pas en mesure, en ce moment, de les rendre accessibles à la population. Parce qu'il faut savoir que les bases de données sont multiples, les systèmes qui les ont produites sont multiples, et il faut donner un accès à l'ensemble de ces situations-là. En ce moment, ce n'est pas encore possible.
Donc, si on regarde dans nos services d'archives, en ce moment, ce qu'il y a, il y a surtout du papier. Il y a évidemment d'autres types de support: des films, des photographies, etc., mais pour ce qui est des documents électroniques, les Archives nationales n'en reçoivent pas encore. Mais ça devrait, ça, tendre à s'achever. Et il faut penser que, d'ici les prochaines années, la situation va s'inverser et les Archives nationales vont commencer à recevoir des versements de documents informatiques et qu'il faudra, à ce moment-là, être en mesure d'assurer l'intelligibilité et l'intégrité de ces données-là. Parce qu'il faut aussi penser que, dans plusieurs cas, lorsqu'on a des banques de données, comme par exemple la RAMQ ou la SAAQ, c'est des banques de données énormes, et ce qui sera conservé en permanence sera peut-être une extraction de cette banque-là. Mais il faudra s'assurer que l'extraction ait toutes les qualités requises, autant au point de vue juridique et aussi patrimonial pour témoigner des activités de ces organismes producteurs.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Sénécal, vous vouliez ajouter.
M. Sénécal (Sylvain): Oui, simplement ajouter rapidement que le gouvernement, dans son ensemble, s'est doté d'un système de gestion documentaire qui lui permet de gérer au travers, je dirais, de la Loi sur les archives et de la réglementation qui a suivi, le cycle de vie du document papier, du bureau vers des centres de conservation semi-actifs, vers la destruction ou la conservation permanente, pour un assez vaste ensemble de documents papier du gouvernement. Il n'y a pas encore actuellement d'équivalent électronique d'un cycle de vie organisé comme ça et c'est ça qui est à quelque part en jeu dans cette notion-là de cycle de vie, une mise en place plus concrète de ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Oui, merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous avez mentionné à quelques reprises l'importance de définir le concept de l'information, bien que vous estimiez que la notion de document soit assez claire à vos yeux.
Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi c'est important de définir le concept de l'information dans ce projet de loi? Et, si je peux aller un petit peu plus loin, vous demander quelle serait la définition que, vous, vous pouvez proposer pour l'information?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Sénécal.
M. Sénécal (Sylvain): Merci. Croyez-le ou non, je n'en ai pas amené avec moi. Ha, ha, ha! C'est triste. Je pourrai vous les faire parvenir, ça me fera...
Mme Houda-Pepin: Ça, c'est bien, oui.
M. Sénécal (Sylvain): Ça me fera plaisir de le faire.
Mme Houda-Pepin: Mais pourquoi, alors, c'est important?
n(14 h 50)nM. Sénécal (Sylvain): Oui. Donc ? je l'ai évoqué rapidement dans ma présentation tantôt ? dans l'univers électronique, ça devient complexe d'identifier ce qu'est même un document. C'est pour ça que, dans l'avant-projet de loi, on parle entre autres choses de documents répartis. On pense entre autres, comme documents répartis, à l'image d'un formulaire dont vous auriez le blanc de formulaire conservé à un endroit et les données que j'y ai inscrites électroniquement à un autre endroit. Le document réparti, valide juridiquement, serait donc l'assemblage juridiquement certifié correct de ces deux choses-là. O.K. C'est une image de ce qu'est un document réparti. On peut avoir beaucoup d'autres images de ce que peut être actuellement un document électronique. C'est possible de considérer qu'un manuel d'entretien de véhicule, par exemple, soit complètement électronique et qu'il ne soit que l'amalgame de plusieurs autres documents: des photographies, une description du véhicule, évidemment la partie entretien, tout ça dans un collage qui est physiquement réparti un peu partout.
Il est donc possible de considérer plusieurs, je dirais, cas de figure de ce que peut être un document. Je crois que la définition qui est ici de ce qu'est un document est intéressante dans la mesure où elle est générique et elle ne présuppose pas de la valeur possible du document qui doit être géré dans le cycle de vie. Puis ça lui donne toute sa force. Mais, par contre, d'un autre côté, pour éviter que tout puisse être un document, à cause des cas de figure que je présente, il me semblait important de pouvoir préciser que la notion d'information ici était quelque chose somme toute relié, je dirais, à l'intention de la personne qui utilise ce document-là. Ce n'est pas des fragments épars d'information, des collages de données, ici et là, qui peuvent constituer en soi un document.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais revenir sur cette notion de destruction des documents. Vous avez dit que l'autorisation de transfert qui est stipulée à l'article 13 devrait être assortie de la réserve indiquée à l'article 23, notamment que «on s'assure, dans le cas des documents en la possession de l'État et d'une personne morale de droit public, que le transfert et la destruction qui en résultent sont faits selon le calendrier de conservation établi conformément à la Loi sur les archives».
Je peux comprendre que ce calendrier de conservation établi selon la Loi sur les archives soit facilement applicable dans la civilisation papier, mais, dans la civilisation électronique, comment vous transposez cette disposition?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon (Diane): Au niveau de la Loi sur les archives, il est clairement stipulé que tous les documents, quel que soit leur support, sont soumis à la loi. À partir du moment où un organisme est réputé public, donc fait partie de la liste des organismes qui sont à l'annexe de la loi, ils doivent établir et tenir à jour un calendrier de leur délai de conservation de leurs documents, quel que soit le support de production.
À l'intérieur même, maintenant, des modalités, il est évident que, lorsqu'un organisme produit des documents informatiques, électroniques, et qu'il soumet un calendrier de conservation, les champs qu'il est amené à compléter sont différents. On demande un autre type d'information pour les documents papier que pour les documents électroniques. C'est plus complexe, mais c'est d'autant plus important que, très souvent, au moment où les informaticiens ont conçu les banques de données, ils n'ont pas pensé à cet aspect-là des choses.
On se bute souvent à des informaticiens qui ont produit une banque de données qui fonctionne très bien pour les activités quotidiennes et journalières mais qui n'a pas été prévue pour prendre un extrait de la banque pour le conserver en permanence un certain moment donné. Ce qui arrive à ce moment-là, c'est que justement, au moment où les archivistes et les gestionnaires de documents s'assoient avec les informaticiens pour essayer d'évaluer combien de temps on va la conserver cette information-là sur notre banque de données, ils se rendent compte qu'ils n'avaient jamais pensé à cet aspect-là des choses. C'est d'autant plus important à ce moment-là de pouvoir faire inscrire dans des calendriers de conservation la durée de conservation et la disposition finale, autant pour des documents papier que les documents informatiques et documents électroniques.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée.
Mme Houda-Pepin: Vous venez de nous démontrer que les gestionnaires de documents sont des personnages importants au gouvernement, parce que non seulement ils s'assurent que les choses se font selon les règles de l'art en matière de gestion des documents, mais qu'ils ont même le loisir d'éduquer les informaticiens.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, M. le ministre.
M. Cliche: Tout simplement, ce que je retiens de votre présentation, c'est l'importance que vous avez déjà mais que vous aurez encore beaucoup plus grande dans l'avenir, compte tenu du passage vers le support électronique, haute technologie de l'information, dans les années à venir, même si je comprends que les Archives nationales du Québec demeurent encore en mode papier ? films, photographies, etc. ? je comprends de votre intervention que le passage est inévitable. Il va venir et vous offrez votre collaboration pour déterminer un cadre qui va permettre de suivre, dans un cycle de vie qui a été jusqu'à ce jour papier, un cycle de vie qui sera sur un autre support, et je pense que votre contribution pourrait être importante. Ce qui reste à déterminer: Est-ce que ce sera via des méthodes usuelles d'encadrement comme une normalisation style ISO ou par réglementation? On aura à en discuter, mais on aura certainement le plaisir de vous interpeller là-dessus pour aller plus loin à l'intérieur de ça.
On espère qu'éventuellement... moi, je suis aux nouvelles technologies de l'information. Je regardais, quand je vous écoutais, ce manuscrit de Louis-Joseph Papineau qui est devant nous, là, et on convient que ceci sera possiblement numérisé pour que ce soit en ligne pour nos enfants qui étudient l'histoire de ce patriote, mais on comprend qu'on ne détruira jamais une telle archive. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Sénécal, Mme Baillargeon, merci pour votre participation à cette commission.
Je suspends donc les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de pouvoir s'installer.
(Suspension de la séance à 14 h 57)
(Reprise à 14 h 59)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc poursuivre nos travaux. Nous recevons maintenant le Bureau d'assurance du Canada. Alors, M. Guay, je crois. Si vous voulez, monsieur, nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
Bureau d'assurance du Canada (BAC)
M. Guay (Louis H.): Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser à M. Medza le soin de le faire parce que M. Medza était directeur général et je pense que c'est une figure bien connue. Il était directeur... Il est directeur général du Bureau d'assurance du Canada. Je devais venir sans lui, mais il m'a accompagné finalement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous nous avez donc... M. Medza.
n(15 heures)nM. Medza (Raymond): Alors, Mme la Présidente, je m'excuse de ma présence. Mon nom est Raymond Medza, je suis directeur général du Bureau d'assurance du Canada. Je suis accompagné de Me Louis Guay qui est le vice-président adjoint au Bureau d'assurance du Canada et qui assumera ma succession comme porte-parole de l'industrie à compter de janvier 2001, moment où j'irai vers d'autres activités. Nous sommes également accompagnés par M. Denis Guertin qui est premier vice-président et directeur régional au Québec et au Nouveau-Brunswick pour la compagnie d'assurances Belair, donc des gens qui utilisent fort bien l'information.
Alors, brièvement, je vous rappelle un peu qui est le Bureau d'assurance du Canada, le BAC, qu'on connaît plus sous cette appellation. Nous sommes bien sûr les représentants des sociétés d'assurance de dommages, de la majorité d'entre elles, d'ailleurs, au Québec. Sans aller dans trop de chiffres, nous sommes évidemment des employeurs importants ici, au Québec; on regroupe quelque 21 000 personnes qui gagnent leur vie à partir de notre industrie d'assurance de dommages. On ne parle pas d'assurance vie, strictement d'assurance habitation, personnelle et d'entreprise.
Notre industrie a déversé, en 1999, 2,8 milliards d'indemnités, c'est-à-dire réinjecté dans l'économie de l'argent qui permet évidemment d'aller chercher des taxes aussi, là, parce qu'on achète des produits avec ça, ce sont des indemnités de dommages, de réparations. Donc, notre industrie, c'est la protection contre les sinistres. Évidemment, on a un rôle social très important au niveau de la prévention et au niveau de l'information.
Maintenant, au niveau des nouvelles technologies, je dois avouer que notre industrie n'est pas très, très loin, comparée à certains types de commerces; nous ne sommes pas parmi celles qui en font le plus grand usage, actuellement, pour toutes sortes de contraintes d'ailleurs que nous vous expliquerons un peu plus tard, mais c'est extrêmement compliqué de demander plusieurs informations, souvent personnelles, à des gens, d'en garantir la sécurité et également d'être capables de retransiger avec eux de façon à ce que nous ayons les bonnes informations pour les bons produits qu'ils nous ont sollicités, qu'ils aient la livraison d'un produit qui est adéquat, et qu'au moment d'un sinistre il n'y ait pas de confusion quant à la valeur des documents que nous avons entre nous échangés. Bon, je ne serai pas très technique parce que, personnellement, je ne suis pas technicien; je laisserai ça à des gens plus spécialisés.
Mais l'intérêt pour nous est existant dans le domaine des nouvelles technologies. Plusieurs de nos membres, notamment Belair et d'autres, sont très présents dans le commerce électronique et ils vont l'être davantage parce qu'ils sont à le développer. Alors, c'est très utilisé pour la promotion actuellement mais aussi pour la vente; un peu moins pour le service, mais ça, c'est dans l'avenir prochain. Alors, nos commentaires seront évidemment assez généraux, parce que malheureusement on n'a pas eu suffisamment de temps pour réunir dans cette période, entre le moment du dépôt et maintenant, les personnes qui étaient des représentants de nos membres qui auraient été techniciens. Alors, on en a consulté quelques-uns, mais ça reflète assez bien, je dois dire, ce que l'industrie... De façon générale, je dois vous dire que le BAC supporte la démarche du gouvernement de mettre en place une législation qui va assurer que les documents technologiques vont être recevables, acceptables et encadrés.
Par contre, nous devons dire deux choses. Premièrement ? et ça, c'est un discours que vous avez souvent entendu de notre part et d'autres ? c'est que toute législation ne doit pas nuire à la compétitivité d'un secteur vis-à-vis de l'extérieur. Si nous sommes dans des contraintes telles que, quand on arrive à l'extérieur, nos coûts d'exploitation sont relevés, c'est nos concurrents qui ont l'avantage, et on n'est pas capable de s'exporter. Peut-être que ça évite à certains de venir envahir nos marchés, mais nous, ça évite aussi qu'on en sorte, et donc, ça, c'est moins intéressant.
Deuxièmement, les technologies de l'information touchent aussi ? et d'ailleurs, nos prédécesseurs en ont parlé dans leur mémoire ? la confidentialité de l'information. Il y a déjà une loi qui existe. Alors, il ne faudrait pas recréer dans une autre loi d'autres règles qui viennent encore augmenter... Arrimons-les donc à la loi qui, déjà, prévoit le contrôle de la protection des renseignements personnels, pour qu'on n'ait pas à se référer à 12, 13 lois pour comment on protège les renseignements personnels, parce que, si chacun le fait, on va le faire en technologie, on va le faire pour les assurances, on va le faire pour la règle des ingénieurs, on va le faire pour tout le monde. Faisons un cadre général et assujettissons à cette loi-là.
Troisièmement, il nous apparaît que la loi qui nous est présentée est très complexe et très élaborée et, peut-être, un peu plus détaillée qu'il ne serait nécessaire ? à notre avis, bien sûr ? et même difficile à interpréter pour certaines personnes très initiées. Alors, dans ces domaines, je vais laisser le soin à mes deux collègues de vous faire part de leurs commentaires, et, tout de suite après, on pourra répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Guay.
M. Guay (Louis H.): Merci. Alors, le mémoire écrit qu'on vous a présenté est divisé en deux parties.
Dans un premier temps, ce qu'on a voulu faire, c'est élaborer sur les principes qui, selon nous, devraient guider le législateur dans la mise en place d'une loi sur le commerce électronique ou une loi comme l'avant-projet de loi qui est présenté.
Dans la deuxième partie du mémoire, ce qu'on a fait, c'est une liste, en fin de compte, d'exemples d'articles de l'avant-projet de loi qui, à notre avis, posent des problèmes d'interprétation, et donc peut-être d'application. Je vais vous avouer que, comme M. Medza l'a mentionné, on a manqué d'un peu de temps pour, je dirais, s'asseoir avec les gens de technique, parce que c'est nécessaire de s'asseoir avec des gens de technique pour comprendre cet avant-projet de loi. Donc, on a manqué de temps, un peu, pour élaborer sur la deuxième partie, et je pense que, de toute façon, compte tenu de notre propos, c'est une liste d'exemples d'articles, comme je l'ai dit, qui posent des problèmes d'application. Mais, en définitive, on pense que c'est tout le projet de loi, en réalité, qu'il faudrait revoir, question de l'harmoniser avec les législations équivalentes dans les autres pays, et la deuxième partie de notre mémoire... même si le gouvernement allait corriger les quelques points qu'on a mentionnés, je pense que ça ne ferait pas de l'avant-projet de loi un produit plus acceptable en soi. Alors, notre principale recommandation ? et je vais y venir tout à l'heure ? c'est vraiment de revoir le projet.
C'est dans cette présentation-là, aujourd'hui, devant vous, que je vais m'attarder sur cette question-là, parce que, de toute façon, au niveau du BAC, notre expertise, c'est vraiment dans ce domaine-là, à savoir quels sont les guides, quels sont les grands principes qui devraient être utilisés par le législateur pour élaborer une loi, et non pas le côté technique. On a des gens dans nos sociétés membres qui sont des techniciens, mais on va laisser la chance à d'autres groupes qui sont beaucoup plus habiles que nous et beaucoup plus connaissants que nous d'élaborer sur les questions techniques et les problèmes techniques.
Alors, quand on a regardé, au départ, l'avant-projet de loi, on a essayé de se mettre dans l'optique de dégager les grands principes, comme je vous le disais tout à l'heure, on a fait quelques recherches. Alors, devinez où on est allé. Internet. On a consulté, évidemment, Internet pour voir ce qui se faisait à l'échelle mondiale, parce qu'on sait tous que, d'un coup de clic ou de souris, on peut se promener à travers le monde. Alors, on est allé voir ce qui se faisait dans le monde là-dessus et on a rapidement réalisé qu'il y avait plusieurs pays qui avaient déjà adopté ou étaient sur le point d'adopter des législations pour contrôler le commerce électronique.
On a constaté aussi que ces lois-là référaient, dans la majorité des cas, à la loi type sur le commerce électronique qui a été développée par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, et l'ONU a adopté, en fin de compte, cette loi-là en novembre 1996. Alors, on a consulté cette loi-là, la loi de l'ONU. Cette loi-là, de la façon dont elle est présentée, elle est accompagnée d'un guide explicatif qui en explique en fait les principales dispositions et qui présente les objectifs généraux de la loi. J'en ai retenu deux: premièrement, écarter les obstacles juridiques qui entravent la reconnaissance des communications électroniques; deuxièmement, éliminer l'incertitude quant à leur effet ou la validité juridique de ces communications-là. Alors, quand on regarde la loi de l'ONU, on se rend compte que, finalement, c'est un texte qui contient un ensemble de règles internationalement acceptables sur la manière de créer un environnement juridique plus sûr pour ce qu'on appelle le commerce électronique.
Le guide qui est joint avec la loi de l'ONU explique que cette loi-là peut aussi aider les États membres à pallier les désavantages causés par une législation nationale qui serait inappropriée, ce qui peut effectivement entraver le commerce international, un peu comme M. Medza le mentionnait tout à l'heure. Alors, les auteurs de ce guide ? non pas le BAC, mais, vraiment, les auteurs de ce guide ? sont aussi d'avis que les disparités entre les régimes juridiques nationaux qui régissent l'utilisation des techniques de l'information, des communications électroniques et les incertitudes que cela entraîne contribuent à limiter les possibilités qu'ont les entreprises d'accéder aux marchés internationaux et inversement. Finalement, ce guide recommande aux États d'incorporer dans leurs législations des procédures semblables ou équivalentes à celles qui sont proposées par la loi type, étant donné que c'est une loi qui a été élaborée de façon à être dite neutre quant à la technique d'information.
n(15 h 10)n Alors, de tout ceci, de nos recherches, on a retenu quatre objectifs qui sont, selon nous, les quatre objectifs que le législateur devrait avoir à l'esprit dans l'élaboration de sa législation: premièrement, on veut écarter les obstacles juridiques, ce que je pense qu'on atteint en fait avec l'avant-projet de loi ? c'est le reste qui se complique un peu, là; deuxièmement, éliminer les incertitudes; troisième objectif, on devrait avoir à l'esprit d'éviter les disparités entre les régimes juridiques et, quatrièmement, mais non le moindre, créer si possible une loi neutre quant à la technique, c'est-à-dire une loi qui est applicable de la même façon aux communications électroniques et aux communications sur support papier. Alors, selon nous, il va de soi, je pense, que les objectifs que je viens d'énoncer devraient être communs, en réalité, à tous les pays qui cherchent à élaborer une loi sur le commerce électronique, donc y compris le Québec.
L'analyse comparative qu'on a faite des législations des autres pays, je pense que ça nous permet d'affirmer que la plupart de ces pays-là ont choisi une approche semblable à celle qui est proposée par l'ONU, c'est-à-dire une approche neutre quant à la technique et un cadre général plutôt qu'une loi qui va régir dans le détail la façon dont les communications doivent se présenter pour être valables par la suite juridiquement. Alors, dans ces législations-là, en majorité, ce qu'on retrouve, c'est qu'on ne voit pas de règles, par exemple, techniques qui régissent les procédés par lesquels les documents électroniques peuvent être transférés, conservés ou consultés, comme le fait l'avant-projet de loi. En bref, les législations que nous avons regardées ? qui comportent d'ailleurs au maximum une vingtaine d'articles, par opposition à la loi du Québec, qui en compte presque 100 ? s'inspirent, selon nous, des objectifs que nous venons d'énoncer, qui ont été mis de l'avant par l'ONU.
Plus près de nous, la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada émettait les commentaires suivants concernant la loi type, et je cite: «La loi type vise à rendre la loi neutre quant aux moyens de communication, c'est-à-dire applicable de la même façon aux communications électroniques et aux communications sur support papier. Elle le fait en proposant des équivalences fonctionnelles au papier, c'est-à-dire des méthodes permettant d'atteindre par des moyens électroniques les objets sous-jacents à l'obligation d'utiliser la documentation papier. À cette fin, elle préconise une approche neutre quant à la technique, c'est-à-dire une approche qui ne précise pas la technique à utiliser pour atteindre cette équivalence fonctionnelle. Le résultat pourrait être considéré comme un texte de loi minimaliste. Les règles peuvent sembler très simples, voire évidentes. Elles sont également souples, de façon à pouvoir être respectées de plusieurs manières. Cependant, elles constituent un pas en avant vital vers la certitude. Elles permettent de transformer les questions liées à la capacité, par exemple: Ai-je l'autorisation de le faire par des moyens électroniques, par des questions de preuve comme: Ai-je respecté la norme? C'est là une différence radicale. Dans bien des cas, les communications électroniques sont faites entre des personnes qui ont convenu de procéder de cette façon.» Fin de la citation ici.
Selon nous, l'avant-projet de loi qui est proposé actuellement déroge de façon assez importante à cette règle-là de généralité et d'approche neutre. Avec près d'une centaine d'articles, nous croyons que l'avant-projet de loi sur les nouvelles technologies de l'information entre dans un niveau de détail qui, à notre avis, n'est pas nécessaire, du moins pas au premier chef. De plus, le style de rédaction qui a été utilisé et l'utilisation assez abondante de termes techniques rendent la compréhension du texte difficile, et même très difficile d'accès, même aux personnes qui sont initiées. Bien que la structure de l'avant-projet de loi soit logique, la rédaction est tortueuse, selon nous. Par comparaison, la loi type de l'ONU ou d'autres législations comparables sont beaucoup plus accessibles quand on lit les textes de loi côte à côte. Nous ne mettons pas en doute les efforts qui ont été consacrés à l'élaboration de cet avant-projet de loi là, il nous semble que c'est un travail qui est colossal. Mais, parfois, le mieux est l'ennemi du bien, et nous craignons sérieusement que l'approche utilisée par le législateur québécois ait un impact négatif sur le développement du commerce électronique au Québec, parce qu'elle diffère drastiquement ? assez drastiquement, en tout cas ? de la tendance observée ailleurs.
Nous craignons plus particulièrement que les particularités du régime du Québec génèrent des incertitudes qui entraîneront des difficultés, inévitablement, et ça, ça risque de limiter, en fin de compte, les possibilités qu'ont les entreprises d'ici d'accéder aux marchés internationaux et l'inverse. Il nous semble que, s'il est un domaine pour lequel les règles du jeu devraient être harmonisées le plus possible avec celles des autres pays, c'est bien en matière de commerce électronique. Or, dans sa forme actuelle, nous ne croyons pas que l'avant-projet de loi, malheureusement, atteigne cet objectif-là, et c'est pourquoi nous recommandons, en définitive, de modifier l'avant-projet de loi afin de l'harmoniser... Et, ici, nous ne voulons pas dire de copier de façon intègre ou intégrale ou tout à fait de façon conforme la loi de l'ONU ? c'est une loi-cadre, c'est une loi-type ? mais de faire un effort d'harmonisation avec cette loi-là et les lois qui existent dans les pays qui pratiquent le commerce électronique et qui ont déjà adopté des lois semblables ou qui sont sur le point de le faire. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça met fin à votre présentation, si je comprends bien?
M. Guay (Louis H.): C'est ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, M. le ministre.
M. Cliche: Merci de votre présentation. Je tiens à signaler le travail de Belair, qui est maintenant connu parmi les chefs de file de services en ligne. J'espère que notre projet de loi, lorsqu'il sera loi, va permettre que vous passiez aux véritables affaires en ligne, avec un document en bonne et due forme et une signature qui a valeur légale, parce que ce que je retiens de votre présentation... ? qui me laisse, je dois le dire, perplexe, parce que je vous écoutais sur l'ensemble des objectifs que vous avez: neutralité technologique, arrimage avec le monde, simplicité, ne pas créer un fardeau supplémentaire pour les lois québécoises et de faire en sorte que, par analyse comparative, nous soyons assurés qu'elle soit technologiquement neutre, que ce soit une loi habilitante à laquelle les entreprises puissent se référer, mais qui ne soit pas automatiquement une chape de plomb sur les épaules, que ça soit simple, c'est les objectifs que nous poursuivons ? alors, je veux juste vous dire que, sur les objectifs à atteindre, nous sommes exactement sur la même longueur d'ondes.
Une fois qu'on a dit ça, je vais laisser la parole une minute à Me Proulx, qui a rédigé le texte et qui est notre experte en termes de ce projet de loi type des Nations unies et du guide de sa mise en oeuvre, et je pense qu'elle m'a donné une lecture qui diverge un peu de la vôtre, dans la mesure où ce que je comprends, c'est qu'il n'y a pas d'État ? comme vous l'avez dit, je pense ? qui a appliqué à la lettre la proposition ? et les Nations unies reconnaissent à chaque État non seulement la possibilité, mais le devoir de modifier eu égard aux lois d'application générale en cours chez eux ? et que nous voulons que notre projet de loi soit plus simple d'application que ce qui avait été proposé par ce guide des Nations unies.
Alors, avant de laisser la parole à Me Proulx ? qui va vous expliquer pourquoi, selon nous, notre projet de loi est plus simple et va être de portée plus porteuse pour le développement économique du Québec que cette loi des... ? j'aimerais que vous m'indiquiez dans notre avant-projet de loi là où nous ne sommes pas technologiquement neutres, parce qu'on a fait vraiment attention pour traiter tous les supports sur un même pied d'égalité, et l'objectif de notre ministère, du législateur, c'est de faire en sorte que les lois applicables au commerce, aux transactions dans le domaine papier maintenant s'appliquent ipso facto, sans plus, sans moins, au monde des transactions électroniques. Alors, je vous entends conclure, et vous avez redit à plusieurs occasions que, selon vous, notre avant-projet de loi n'était pas technologiquement neutre. J'aimerais que vous m'indiquiez où, parce que j'ai encore relu l'avant-projet de loi puis je ne l'ai pas vu. Alors, s'il y a un endroit, indiquez-nous-le, on est ouverts. Après ça, j'aimerais, si vous me permettez, quand on donnera la parole à Me Proulx, que vous tombiez dans les technicalités de notre avant-projet de loi versus le projet de loi type des Nations unies.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Guay.
M. Guay (Louis H.): D'accord, merci. Je ne suis pas un technicien, je vais tenter de répondre à votre question. Il y a une personne qui m'a assisté dans la préparation du mémoire, qui n'est pas un spécialiste... en fait, qui est notre directeur des services informatiques à l'interne, qui se décrivait lui-même comme un généraliste en informatique. J'ai découvert le monde de l'informatique quand j'ai préparé ce document-là, je vais vous avouer que je n'étais pas initié du tout. Et je ne me prétends pas plus initié ou presque pas plus que je l'étais, sauf que, quand je me suis assis avec cette personne-là ? qui se décrivait, comme je vous dis, comme un généraliste ? j'ai dû m'asseoir avec la personne pour parler de concepts comme «biclé», «cryptographie» et d'échange de renseignements de certification. Je dois vous avouer que ces concepts-là, moi, je n'étais pas familier du tout avec ça. Je pense que d'aller s'asseoir avec une personne qui connaît bien un domaine pour comprendre une loi au départ, ça peut être quand même normal et acceptable, sauf que, quand cette personne-là m'a dit que, selon elle, ce projet de loi là devait être, pour être mieux compris, interprété avec un spécialiste en sécurité informatique, je vais vous avouer que je me suis posé de sérieuses questions, parce que la personne me disait carrément: Écoute, moi, je lis ça et je pense que ça veut dire ceci, mais je ne suis pas sûr, parce que je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine-là particulier de l'informatique. Je me pose la question: Est-ce que c'est normal? Je pense que poser la question dans ce domaine-là, c'est y répondre.
n(15 h 20)n Mais donc, les concepts avec lesquels j'ai dû jongler, à tout le moins pour saisir un peu l'esprit et l'essence du projet de loi, ce sont un peu les concepts que je vous ai énumérés: certification, transfert de renseignements, cryptographie, biclé. Et peut-être que je vais demander à M. Guertin, qui est ici, qui, lui, est encore plus sur le terrain ? je ne pense pas que lui non plus, ce soit un spécialiste, mais je pense que c'est un monsieur qui connaît quand même assez bien le domaine ? de peut-être vous donner ses impressions sur, lui aussi, sa première lecture du document.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Guertin.
M. Guertin (Denis): Merci. Je pense que, pour essayer de répondre à la question de M. le ministre, je crois que, lorsqu'on dit «technologiquement neutre» ou «techniquement neutre», on fait aussi référence au processus; non seulement à la technologie qui est utilisée, mais au processus pour y parvenir. Donc, souvent, dans l'avant-projet de loi, ce qu'on trouve, c'est qu'on donne non seulement l'objectif et l'encadrement nécessaire pour qu'un document électronique soit reconnu comme fiable et non altéré, mais on donne aussi toute une série de règles ? j'irais jusqu'à dire «une recette» ? pour y parvenir.
Sur les processus, à mes yeux, l'avant-projet de loi n'est pas neutre. Exemple: on dit qu'on doit, lorsqu'il y a des conversions technologiques, utiliser un registre de dysfonctionnement, ce qui est une pratique normalement courante lorsqu'il y a des conversions technologiques. Dans un monde comme aujourd'hui, si vous regardez l'industrie des services financiers ? et notre groupe le premier ? il y a eu beaucoup d'activités, dans les dernières années, d'acquisition de portefeuilles ou d'acquisition de compagnies, ce qui a souvent demandé aux entreprises de faire des conversions technologiques du portefeuille qui a été acheté au nouveau.
Par contre, il n'y a jamais eu, à ma connaissance ? et je dois avouer que je ne suis pas un expert légal ni technologique ? cette précision-là, au niveau du contexte légal, quant au mode d'emploi pour faire une conversion technologique. C'est là que ça nous semble un peu préoccupant de dire à une entreprise: Voici comment tu devras y parvenir, d'autant plus que notre expérience est qu'un texte de loi, ça ne se change pas aisément et que les méthodologies et les processus peuvent évoluer rapidement; ce qui est bien aujourd'hui peut être différent dans deux ou cinq ans quant à la façon d'y parvenir. Pour nous, je pense, pour rajouter au commentaire de Me Guay, c'est peut-être sur cet aspect-là aussi qu'il y a une préoccupation.
M. Cliche: Me Proulx, juste pour le...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Me Proulx.
Mme Proulx (Jeanne): Oui. Je vous remercie beaucoup, messieurs. Simplement, j'ai l'habitude de travailler à la CNUDCI aussi ? je vais y aller dans 15 jours ? donc je connais très bien les documents en question. Ce que je dois vous dire, c'est que les gens, par exemple, de la loi uniforme ? avec qui je travaille aussi... Tout le monde, nous convenons qu'il faut être neutre technologiquement et qu'il faut réussir à faire une équivalence fonctionnelle pour que tous les documents, quel qu'en soit le support, aient la même valeur. Le consensus, il est là, et c'est effectivement l'objectif que nous cherchons à atteindre.
Maintenant, le projet de loi de la CNUDCI, pour votre information, même si les gens reconnaissent la valeur de ces deux concepts qui ont été mis de l'avant par la CNUDCI, n'a pas été recopié et n'a pas été reproduit, sauf pour un article spécifique que les gens sont allés rechercher, qui est l'article 5, qui dit que l'effet juridique, la validité ou la force exécutoire d'une information ne sont pas déniés au seul motif que cette information est sous forme de message de données. Cette disposition ? puisqu'il y a beaucoup de difficulté à obtenir des consensus au niveau international ? n'est pas une disposition véritablement de reconnaissance juridique, c'est une disposition qui vous dit que, si vous faites des documents technologiques ? parce qu'ils ne seront pas seulement électroniques, il y en aura avec du... il y en aura avec d'autres technologies, c'est pourquoi nous prenons un terme neutre, aussi ? ça ne vous dit pas si votre document est valide, ça vous dit: Vous pouvez vous aventurer avec, vous pouvez le présenter, mais on ne pourra pas vous le refuser pour le seul motif qu'il est sous forme de message de données.
Donc, il ne s'agit pas véritablement d'une reconnaissance juridique d'une équivalence complète de valeur. Ce que nous avons tenté de donner pour, justement, donner une longueur d'avance aux gens du Québec pour leur commerce, c'est de dire que, lorsque le document présente les qualités de fiabilité et d'intégrité ? les mêmes, d'ailleurs, que sur support papier ? à ce moment-là, vous aurez une pleine valeur juridique. Donc, l'avant-projet de loi est très neutre, comme je vous dis, il ne précise pas et il ne fait pas un choix technologique comme tel.
Maintenant, aussi, les domaines qui ont été traités dans le projet de loi de la CNUDCI ne traitent pas de l'ensemble de la problématique qui est là en question et des problématiques que nous touchons, par exemple comme la certification, et des problématiques que nous touchons au niveau du rôle des intermédiaires. Le problème qui se trouve au niveau international et dans les différentes juridictions, contrairement au Québec, c'est qu'ils doivent adopter de nombreuses lois pour compléter le domaine, c'est-à-dire que, que ce soit en matière de certification, que ce soit en matière de responsabilité des intermédiaires, les lois s'accumulent, et ils n'ont pas encore réglé le problème des archives non plus. Alors donc, il faut aller rechercher l'ensemble des lois, ce qui n'a pas été réglé par la CNUDCI, non plus que la CNUDCI ne peut pas, de par son mandat ? et ce n'est pas un reproche ? traiter de la protection du consommateur et ne peut pas non plus traiter de la protection de la vie privée, ce que nous devons faire absolument pour que les gens aient confiance et qu'ils achètent et fassent du commerce électronique. Donc, cet ensemble-là est incomplet.
Cependant, là où vous avez des problèmes au niveau de la certification, je vous dirai que les prochains travaux que nous sommes en train de finaliser à la CNUDCI... C'est que l'article 7 de la loi, qui porte sur la signature, a fait l'objet, évidemment, d'éloges par sa neutralité, parce que, au moins, on ne venait pas changer les droits nationaux en matière de signatures, mais sauf que personne ne pouvait savoir comment l'appliquer, d'où la nécessité de préparer des règles pour l'application de ces signatures. Dans le projet de règles qui est à l'étude et qui devrait être finalisé en septembre, ce que les gens ont convenu de traiter, c'est le domaine de la certification, de manière à établir les responsabilités, les conduites qui doivent être adoptées tant par la personne dont l'identité sera certifiée que par celle qui va se fier au certificat et celle qui va délivrer le certificat. Donc, l'avant-projet de loi rend compte de cette problématique dans l'esprit même de ce qui se fait au niveau international et l'a inscrit déjà dans ce secteur-là.
n(15 h 30)n Maintenant, pour la section de la cryptographie asymétrique et des biclés, il ne s'agit, dans le contexte de la certification, que d'une des méthodes possibles. L'avant-projet de loi dit expressément ? à l'article 41, si je ne m'abuse ? que le lien entre les personnes et les documents, il peut être fait par tout procédé, y compris une combinaison de procédés. Je vous donne un exemple actuel, votre NIP à la banque. Eh bien, c'est une combinaison de procédés qui combine le papier et l'électronique. Alors, nous, nous tenons à conserver toutes ces combinaisons-là. Même si le NIP ne peut pas être qualifié comme étant une signature, vous allez à votre banque, vous signez un document papier à la banque et vous acceptez la responsabilité. Donc, à ce moment-là, ce n'est pas votre NIP qui vous identifie, c'est le lien qu'il y a à la banque avec le numéro que vous avez inscrit. Donc, cette technologie-là, pour nous, pourvu qu'on puisse faire le lien, ça suffit.
Pourquoi on a parlé maintenant de la crypto? Parce que ça existe et que les gens nous disaient qu'ils avaient besoin de faciliter l'emploi de cette technologie par la création d'une présomption qui affirmerait que l'identité de la personne, ça correspond à la... Dans une biclé, il y a une partie publique et une partie privée. Donc, la personne qui utilise la partie privée, c'est celle qui est mentionnée pour la partie publique.
On nous a demandé spécifiquement de renforcer et d'aider les gens pour l'application de ce secteur-là. Pour la définition des termes, vous les trouvez dans le dictionnaire sur la sécurité informatique de l'Office de la langue française dont nous nous sommes largement inspirés pour avoir le terme juste et vous en avez une définition exacte.
Maintenant, si le fait de créer cette présomption-là, dont l'unique but est de faciliter la preuve pour les gens et c'est la majorité des gens... Parce que tous les gens en Europe, les gens qui ont fait les directives européennes vont s'orienter vers l'utilisation de ce système, et ici aussi, ce sera utilisé, et nous voulions aider les gens qui allaient le faire en leur fournissant une preuve. Et ce n'est pas lieu de créer cette présomption dans la loi, peut-être pourrions-nous le faire dans le cadre d'un règlement, puisque la technologie va évoluer, mais ça ne rend pas le projet de loi moins neutre que d'en parler et que de donner une présomption qui va faciliter la preuve, qui va éviter de nombreux débats juridiques en la matière. Alors, c'est simplement pour ça. C
C'est sûr que, pour les gens, c'est difficile de voir ces mots-là la première fois. Je vous jure que, moi-même, quand j'ai eu à me familiariser, j'ai lu les dictionnaires au complet et je me suis informée sur la sécurité informatique, logique, opérationnelle, de gestion et tout. C'est difficile, mais les gens devront vivre avec ces biclés. Alors, il faut, un jour, qu'on l'expose, mais, si vous préférez que nous le mettions dans une section réglementaire pour aider les gens ? encore une fois, c'est pour aider et faciliter l'emploi de ces choses ? à ce moment-là, on pourrait le mettre là plutôt que dans la loi. Mais l'essence de la loi, elle, n'est pas de choisir une des technologies, bien au contraire.
Le Président (M. Kieffer): Bien. Mme Proulx, vous avez terminé?
Mme Proulx (Jeanne): Oui.
Le Président (M. Kieffer): Alors, je vous donne la parole, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Medza, M. Guay et M. Guertin, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Vous avez fait un effort considérable d'analyse comparative des différentes législations existantes, et tout ça a été fait en si peu de temps parce que, en effet, les groupes n'ont pas eu suffisamment de temps pour se préparer à cette consultation. Vous soulevez des questions très pertinentes dans votre mémoire sur lesquelles j'aimerais revenir.
Je dois juste vous rassurer, en partant, que vous n'êtes pas le seul groupe à soulever les questionnements que vous avez mentionnés, notamment en ce qui a trait à la neutralité technologique et en ce qui a trait aussi à la portée du projet de loi par rapport à ses implications.
Ce matin, on a reçu une lettre, en fait, de la Chambre de commerce du Québec, ce n'est pas peu, c'est quand même un organisme important, très sérieux, et je voudrais vous lire quelques passages pour vous rassurer que vous êtes en fait en train de soulever des questions très pertinentes.
Alors, la Chambre de commerce du Québec dit: «L'avant-projet de loi à l'étude devant la commission de l'économie et du travail suscite chez la communauté d'affaires québécoise beaucoup plus de questions qu'il n'apporte de réponses. En effet, sans entrer dans une analyse article par article de la législation proposée, cette dernière apparaît être, pour la Chambre de commerce du Québec, d'une très grande complexité et elle comporte un très grand nombre de difficultés techniques qu'il convient d'approfondir étant donné l'impact qu'elle pourrait avoir sur les entreprises. Ainsi, les dispositions traitant notamment de preuve d'accréditation, de certification, d'intermédiaire et de dispensateur de services de clé publique et privée sont celles qui suscitent, parmi les analystes et les juristes que nous avons consultés, les plus grandes interrogations.»
Et on continue en disant que «ce projet de loi touche toutes personnes et entreprises ayant recours au commerce électronique et il lie les notions de document et de signature, alors que, dans d'autres juridictions, on préfère définir séparément ces notions pour les fins du commerce électronique.»
Bref, la Chambre de commerce aborde dans le même sens que vous, dans le sens qu'ils soulèvent la problématique de l'harmonisation des législations, particulièrement le projet de loi qui est devant nous, avec les dispositifs législatifs internationaux.
Alors, nous sommes dans une consultation sur un avant-projet de loi. Donc, c'est très important que l'on puisse écouter les préoccupations des différents groupes et en tenir compte, parce que, des fois, on peut estimer qu'on est parti des bons principes ? et on ne conteste pas le principe général, on est d'accord ? on peut même partir du principe qu'on a fait ce qu'il fallait, mais c'est lorsqu'on se voit dans l'oeil de l'autre qu'on réalise que peut-être il y a des manquements, que peut-être il y a des choses à changer. Alors, ça, c'était pour le commentaire général. Je trouve que votre mémoire est très fouillé. Vraiment, je vous en félicite.
Vous avez soulevé, au nombre des questionnements, toute la problématique des définitions des termes. Et ce n'est pas pour faire un jeu de sémantique, c'est parce que ça pose problème. Entre autres, dans le projet de loi, on parle de technologies de l'information, et vous, vous préférez qu'on parle de documents électroniques. J'aimerais que vous élaboriez sur cet aspect-là. Vous avez également suggéré un ajout de sections des définitions des termes et un guide d'utilisation, un peu un guide explicatif.
Nous sommes, en effet, dans un domaine de droit nouveau et, par conséquent, il est très important que l'on sache de quoi on parle, tout le monde. Juste avant vous, on a écouté un groupe qui est venu nous parler de la nécessité de définir le concept d'information. C'est très pertinent, nous sommes en train de parler de l'autoroute de l'information et des technologies de l'information. Il est important que l'on sache exactement de quoi on parle.
Alors, si vous voulez y aller d'abord avec ces éléments-là, parce qu'il me semble important que l'on parle le même langage, qu'on comprenne les mêmes choses, parce que c'est une législation, ce n'est pas de la littérature qui pourrait prêter à des différentes interprétations, évidemment, et le législateur a tout intérêt à être le plus clair possible pour éviter justement toute ambiguïté sur les concepts fondamentaux liés à ce projet de loi.
M. Guay (Louis H.): D'accord. Alors, j'ai saisi surtout deux questions dans votre propos. Tout d'abord, la question de parler de document électronique versus de document technologique...
Mme Houda-Pepin: Versus les technologies de l'information.
M. Guay (Louis H.): Versus les technologies de l'information. Je pense que, en tant que juriste, moi, je voyais ça comme une façon, peut-être, de mieux définir le champ d'application de la loi. Il est malheureusement trop fréquent qu'on rencontre des lois...
En tout cas, je le dis en toute déférence, là, parce que ce n'est pas facile de rédiger une loi. Mais le champ d'application d'une loi, c'est vraiment quelque chose qui peut poser un problème sérieux. Et je pense que, si on parlait de document électronique, tout en le définissant et en reconnaissant que tel ou tel genre de communication peut entrer dans cette définition-là, on aurait peut-être une meilleure perception de ce que le projet de loi vise vraiment, premièrement.
Deuxièmement, vous avez parlé de définition. Je pense que ça serait une amélioration. Tout à l'heure, Me Proulx a parlé de consulter le dictionnaire. J'ignorais que ce dictionnaire-là existait. Alors, je vais sûrement me le procurer. Je dois avouer d'ailleurs ? j'ouvre une parenthèse ? que j'ai une grande admiration pour Me Proulx et je suis un peu jaloux des connaissances qu'elle semble posséder parce que, moi, je suis encore juste un simple juriste et je regardais ça avec mes yeux de juriste. Mais ? je ferme la parenthèse ? je pense que, effectivement, au niveau des définitions, ce serait une amélioration d'au moins inclure les concepts-clés.
n(15 h 40)n Troisièmement ? je pense que vous aviez un troisième élément qui n'était pas une question, mais que vous avez mentionné ? la question de savoir: Est-ce que ça ne serait pas utile d'avoir un guide explicatif? Je pense que, s'il y avait une chose à considérer dans le cadre de l'élaboration de cet avant-projet de loi là, ce serait justement un guide. Parce que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure ? et c'est le témoignage que je viens vous rendre, puis je pense que M. Guertin va pouvoir témoigner aussi à cet égard-là ? c'est que, même pour des gens qui sont quand même relativement initiés ? je ne dis pas des gens qui sont au bas niveau, moi-même, je le suis ? ce qu'on m'a dit, c'est qu'on lit le document et on ne sait pas toujours exactement de quoi il s'agit.
Alors, cette imprécision-là, ça crée de l'incertitude, et je pense que c'est exactement l'objectif opposé auquel on veut arriver. En tout cas, moi, je peux rendre compte de ces témoignages-là. Je pense que M. Guertin aussi peut dire quelques mots à cet égard-là.
Le Président (M. Kieffer): M. Guertin.
M. Guertin (Denis): Merci. Tout à fait. On m'a demandé, effectivement, dans les derniers jours, de jeter un coup d'oeil sur l'avant-projet de loi, et comme, moi-même, je ne suis pas non plus un spécialiste de la technologie...
Peut-être, pour mieux vous situer, une des raisons aussi, non seulement parce que je suis responsable chez Belair, mais c'est parce que je parraine aussi un projet de commerce électronique à l'échelle des compagnies du groupe auquel on appartient au Canada. Donc, on a actuellement un projet qui déborde les frontières du Québec et qui va à l'échelle du Canada.
J'ai demandé à une personne, chez nous, du groupe de technologie, qui est une architecte de systèmes et de données... Je me suis dit: Avec cette personne-là je devrais tout saisir, ha, ha, ha! et je dois avouer qu'à quelques reprises et même dans le contexte où Belair a quand même acquis une «certaine» ? et je dis bien une certaine, entre guillemets ? expérience au niveau du commerce électronique et des documents qui s'y rattachent, on a dû s'y prendre à deux ou trois reprises ? je vous donne vraiment une expérience concrète ? pour s'assurer qu'on comprenait bien l'esprit de l'article et qu'est-ce qu'il visait dans son intention.
Et c'est là que je rejoins Me Guay lorsqu'on parle d'un guide qui pourrait nous aider, pour être bien sûrs que... Parce que je pense qu'avec toute la bonne volonté du monde... tout à l'heure, on signalait le côté un peu précurseur de Belair et ça fait l'objet probablement de cet avant-projet de loi ci, mais il y a un vide juridique actuellement. Il y a un vide auquel plusieurs agences, gouvernement, ministères semblent s'intéresser. Moi, pour vous dire, je dois au moins interagir avec quatre à cinq niveaux différents, ici, au Québec, et, comme on a un projet à la grandeur du Canada, vous pouvez comprendre la complexité.
Quand on veut évoluer... et le groupe auquel on appartient, on a commis des sommes assez importantes pour développer notre stratégie de commerce électronique. Lorsqu'il y a des imprécisions, lorsqu'il y a des complexités, la réaction, je pense, de toute bonne entreprise sage, c'est, tout à coup, de mettre un frein, parce que, là, on craint, on se dit: Nous, on voulait aller de l'avant ? et on veut toujours aller de l'avant ? et on comprend que ce projet de loi vise à encadrer.
Moi, je dois vous dire, pour Belair, c'est plus que bienvenue, parce qu'un vide juridique ça fait toujours peur, parce qu'on se dit: Est-ce qu'on va développer et investir dans des solutions pour lesquelles, dans un an, on va nous dire: Ce n'étaient pas les bonnes, avec tout le risque financier que ça peut comporter.
C'est dans cet esprit-là, je pense, qu'on a regardé l'avant-projet de loi, et avec nos gens, notre personne de technologie, on a passé quelques heures, même hier, à nouveau, je veux dire, c'est le temps, juste avant, de me rafraîchir, et il y avait encore plusieurs articles où on se disait: On pense que ce qu'on vise par cet article-là est la chose suivante.
C'est très inquiétant quand, nous, on se retourne de bord puis on dit: Bien, maintenant, on a une équipe de développement technologique qui, la semaine prochaine, doit commencer à développer. C'est la réaction qu'on a eue.
Le Président (M. Kieffer): C'est tout, M. Guertin?
M. Guertin (Denis): Oui.
Le Président (M. Kieffer): Mme la députée, de nouveau.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. En fait, vous illustrez très bien, M. Guertin, par votre expérience pragmatique, les embûches auxquelles, non seulement vous, mais d'autres entreprises pourraient se heurter.
Parce que, vous l'avez si bien expliqué, cette législation doit en fait être un instrument facilitateur pour permettre l'expansion du commerce électronique, la sécurisation des transactions électroniques, c'est un projet de loi qui vise en fait à bâtir la confiance des citoyens, des entreprises dans les nouvelles technologies de l'information. Et si on doit trouver que c'est assez rébarbatif, assez ambigu, assez complexe et assez lourd, vous avez parfaitement raison, il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui vont vouloir embarquer là-dedans. Et c'est pour ça qu'il est important que, dès aujourd'hui, on puisse clarifier ces enjeux-là, écarter effectivement les obstacles pour l'implantation et le développement du commerce électronique, éliminer les incertitudes, créer un environnement favorable, et aussi, mieux positionner nos entreprises dans le cadre de la concurrence internationale. Alors, donc, c'est primordial.
Ce qui m'amène à la page 8 de votre document où vous parlez justement des articles 8 à 16, que vous qualifiez de dispositifs assez lourds et très exigeants. Vous y êtes, dans la page 8, de votre mémoire? En fait, vous dites: «Les articles 8 à 16. Les dispositions de ces articles nous paraissent beaucoup plus lourdes et exigeantes que la plupart des dispositions équivalentes des autres lois portant sur le commerce électronique, et notamment l'article 9, évidemment, de la Loi type de l'ONU...» à laquelle vous référez.
Donc, vous revenez toujours à cette notion d'harmonisation des législations comme étant un moyen, non seulement de s'inscrire dans une démarche internationale, mais aussi un moyen de permettre aux entreprises québécoises, tout en prenant le virage du commerce électronique, de mieux se positionner sur le plan international. Alors, j'aimerais que vous nous disiez un peu qu'est-ce que vous trouvez de lourd et d'exigeant dans les dispositions 8 à 16 du projet de loi?
Le Président (M. Kieffer): M. Guay.
M. Guay (Louis H.): Oui. Je vais essayer de répondre à cette question très précise. Écoutez, la structure logique de l'avant-projet de loi, je pense que je la saisis. On parle de reconnaître les documents qui ont une valeur, en fait, des documents technologiques, et on essaie de cerner la notion de ce que c'est, un document. Et, ensuite, on enchaîne en disant: Bien, on va reconnaître ce document-là s'il est fiable. Et on va le reconnaître, évidemment, comme fiable s'il est intègre. Jusqu'ici je pense que le raisonnement est assez simple, mais je pense que la structure: très logique.
Quand on parle de la détermination de la valeur juridique ? je dois avouer que, ce bout-là, je l'ai revu avec une personne-ressource qui était plus calée que moi en termes techniques ? je vais vous donner mon commentaire de juriste: Il me semble que cette partie de la loi, dans d'autres législations que j'ai regardées, tient dans à peu près deux ou trois articles, maximum. Alors, c'est évident que, quand on arrive avec huit articles ? ou en fait... oui, c'est ça, huit articles ? c'est le processus, en fait, auquel il faut se livrer pour comprendre de quoi il s'agit qui est lourd et complexe, peut-être plus que ce qu'on veut aborder là-dedans qui est tout simplement de dire qu'un document, peu importe le support qu'il a, a une pleine valeur juridique s'il est fiable. Parce que c'est ça, la règle, qu'on veut mettre en place. Mais là, on enchaîne évidemment en expliquant.
Peut-être qu'il y aurait moyen, avec la structure actuelle de l'avant-projet de loi, de voir quelles sont les dispositions qui, comme Me Proulx le suggérait tout à l'heure, peuvent être traitées par règlement. Parce qu'il me semble... Puis, tout à l'heure, je dois avouer que j'ai compris peut-être une partie additionnelle de l'avant-projet de loi quand vous avez expliqué comment vous vous y êtes pris. Mais, peut-être qu'une des façons d'aborder la chose, ce serait de dire que, effectivement, telle ou telle disposition pourrait être traitée par règlement parce que ça ne fait tout simplement que donner des exemples ou suggérer une façon de le faire ou un processus pour arriver à l'objectif.
Alors, je ne peux pas vous répondre très précisément quels sont les mots qui font en sorte qu'on trouve ça complexe; c'est l'ensemble de la présentation, en fait. Alors, si je peux me permettre ? à moins que M. Guertin ou M. Medza aient des commentaires additionnels ? je pense que c'est ça, l'esprit, un peu de nos commentaires.
Mme Houda-Pepin: Très rapidement, et je vais laisser le...
Le Président (M. Kieffer): Mme la députée de La Pinière, oui.
Mme Houda-Pepin: Sur la question de préciser les choses par règlement, comme législateurs, comme parlementaires, on aime mieux avoir le contenu d'un projet de loi clair, précis, qui soit compris également de tous, que de laisser des dispositions très importantes se définir par voie de règlement, ce qui laisse beaucoup de place à l'arbitraire.
Je ferme la parenthèse là-dessus, et je laisse la parole à la partie gouvernementale.
Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.
M. Cliche: Oui, M. le Président, si je comprends, il nous resterait...
Le Président (M. Kieffer): Quatre minutes.
Une voix: Amplement...
M. Cliche: ...quatre minutes. Me Proulx aimerait dire un mot. Elle s'est engagée à un bref...
n(15 h 50)nMme Proulx (Jeanne): C'est pour vous rassurer aussi par rapport aux autres législations. Par exemple, la législation fédérale a donné quelques notions de signature et a tout mis par règlement et les notions de signature qu'elle a mises ne respectent pas ni notre droit civil ni la définition qu'il y a dans la disposition générale de la CNUDCI.
La disposition ontarienne: eux, ils n'ont pas été neutres, si vous voulez, technologiquement. Nous, on vous donne la possibilité de faire tous vos documents sans exception, contrairement aux autres juridictions, où nous n'avons pas commencé à dire qu'on ne pourra pas faire les testaments, qu'on ne pourra pas faire les procurations, qu'on ne pourra pas faire les registres, les transferts. Ce qu'on veut, c'est que vous puissiez faire tous vos documents, et c'est pourquoi on a une définition générale de «document», pour que vous puissiez le faire en entier.
Et c'est très important pour vous, notamment au niveau des testaments. Vous avez des clauses testamentaires dans tous les contrats d'assurances. Eh bien, si vous adoptiez la clause ontarienne, vous auriez des problèmes avec la clause testamentaire. Donc, ça, ce n'est pas un avantage. Nous, on n'a pas voulu limiter du tout ce qui peut être fait, sauf à un seul égard, en matière de protection du consommateur, sous les représentations de l'Office. Donc, à ce moment-là, il n'y a pas véritablement de danger.
Quant à l'idée d'un guide, comme il m'est souvent, moi, demandé de fournir des explications, puisque je me suis arrêtée à chacun des domaines pour m'en sensibiliser et sensibiliser aux vôtres aussi, si on me demande d'en faire un, c'est bien évident que ça me fera plaisir, parce que je crois que, lorsque les gens parce qu'ils ne connaissent pas l'ensemble des problématiques qui ne sont pas traitées, encore une fois, dans aucune des législations, eh bien, ça a l'air plus simple de mettre juste l'article 5 de la CNUDCI parce que c'est ça qu'ils font; donc, ce n'est pas long, mais, de simplement dire aux gens: Allez vous débrouiller devant le tribunal, eh bien, ça n'est pas un atout au plan du commerce.
Donc, on voulait donner absolument un véritable atout en reconnaissant la valeur juridique, et, en allant de façon peut-être un peu plus détaillée, on peut revoir, comme je vous dis, les détails. Si les gens ne veulent pas qu'on donne d'exemples... Parce que, quand on ne mettait pas d'exemples, on nous disait d'en mettre; quand on en met, ils nous disent de les enlever.
M. Cliche: Une minute?
Le Président (M. Kieffer): Une minute et demie. M. le ministre, il y avait M. Medza, je sens qu'il voulait intervenir. Je vous donne 30 secondes, M. Medza.
M. Cliche: M. Medza, allez-y.
M. Medza (Raymond): M. le Président, brièvement, je voudrais rassurer le ministre que, bien sûr, dans une commission parlementaire, on ne peut pas discuter de tous les aspects. Je voudrais vous rassurer, Me Proulx, que nous sommes disponibles pour discuter davantage avec vous de façon à façonner une loi qui puisse être simple.
Mais, en affaires, vous savez, on dit toujours: Prenez une décision la plus sévère possible, parce que c'est toujours facile de reculer. Mais, dans une loi, il faut toujours prendre la loi la plus petite parce que c'est très difficile de reculer dans une loi.
Le Président (M. Kieffer): On a compris votre recommandation, M. Medza. M. le ministre, il vous reste une minute.
M. Cliche: Bien, moi, je pense que vos propos sont très pertinents, et que ce soit au niveau d'un guide explicatif, d'intégrer des définitions, ce que j'ai déjà demandé à quelques occasions, mais je ne suis pas un juriste et on m'informe que, en vertu du Code civil et de notre pratique, ça ne se fait pas, on ne peut pas avoir de définitions dans des lois, mais je partage avec vous cette volonté ferme de simplification, et idéalement, pour un non-juriste, un non-spécialiste, ce projet de loi là, cette loi éventuelle là devrait se lire et se comprendre à la première lecture, et je dois convenir avec vous de ce caractère un peu aride.
Je trouve ça quand même appréciable que ça vienne de votre part, parce que, la prochaine fois que je lirai mon contrat d'assurance...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: ...qui est toujours d'une clarté et d'une simplicité absolues, surtout quand c'est écrit très petit en bas de la page, et qu'on est encore trop orgueilleux pour s'acheter des lunettes...
M. Medza (Raymond): Nous préparerons un guide.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: Alors, je penserai à vous. Mais, blague à part, je tiens à vous dire que nous partageons cette volonté. Je retiens également ? je termine ? que vous sentez le besoin de combler ce vide, et nous voulons le faire.
On ratisse très large dans notre projet de loi, comme on l'a expliqué, mais on va tout faire pour prendre en considération vos propos qui rejoignent beaucoup des nôtres.
Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Il vous reste trois minutes, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Je vais essayer d'en prendre moins, M. le Président. Je voudrais vous remercier vraiment, parce que vous nous avez sensibilisés à plusieurs aspects très pertinents de cet avant-projet de loi qui est devant nous.
Moi, j'aurais souhaité qu'on ait véritablement un projet de loi pour qu'on sache vraiment de quoi on discute. Quoi qu'il en soit, on est à cette étape-là de consultation sur un avant-projet de loi. Mais, ce qui est important de dire, c'est que nous sommes dans une zone de droit nouveau, qu'il y a plusieurs éléments dont on ne mesure pas l'impact réel au moment où on se parle. Et, moi, je réagis toujours quand on me dit: Les technologies de l'information, c'est un problème technique. Oui, c'est technique, mais, très souvent, c'est des problématiques aussi de nature politique et de nature économique.
Vous l'avez dit vous-même, quand vous avez des choix à faire, des choix d'affaires et que vous savez que ce n'est peut-être pas la bonne solution, le bon choix technologique, donc, il est très important que l'on soit sensibilisé, qu'on soit informaticien ou pas, puis on n'a pas besoin d'être tous informaticiens pour s'intéresser aux technologies de l'information. La preuve, elles s'intéressent à nous, indistinctement.
J'ai bien apprécié aussi le fait que vous souligniez avec beaucoup d'emphase, dans votre mémoire, l'importance d'éviter les disparités entre les différents régimes juridiques, parce que Internet, les commerces électroniques, ça se déploie à l'échelle internationale. Les frontières qu'on connaît, les frontières traditionnelles n'ont plus aucune signification, et même si on se donne des balises ici, il est important que l'on sache qu'on est dans un univers qui est un univers mondial et qu'il est dans l'intérêt de nos entreprises, en fait, d'avoir les outils législatifs qui vont leur permettre de performer, non seulement au Québec, mais aussi à l'échelle internationale.
C'est ça, le commerce international. Ça a une dimension locale mais ça a aussi une dimension internationale, et c'est ça qu'on va essayer de faire. Avec votre mémoire, on a un éclairage nouveau qui nous arrive. Vous avez fait un travail important, je tiens à le souligner.
L'analyse comparative que vous avez faite avec les autres législations, les autres dispositifs législatifs, c'est très pertinent. Et, moi, je vais revenir encore à votre mémoire, lorsqu'on va procéder aux autres étapes d'étude de ce projet de loi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Kieffer): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière.
Messieurs, je vous remercie. Les échanges ont été très éclairants, c'est le cas de le dire.
Je vais maintenant suspendre les travaux quelques minutes pour permettre les poignées de mains et permettre à l'autre groupe de venir à l'avant. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 58)
(Reprise à 16 h 01)Le Président (M. Kieffer): Messieurs dames, est-ce que je puis vous rappeler, s'il vous plaît, qu'il y a d'autres groupes? Mme la sous-ministre, nous vous attendons impatiemment.
Alors, j'invite maintenant l'Association des banquiers canadiens à prendre place. Alors, je pense que vous connaissez les règles. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, à la suite de quoi il y aura des échanges pour combler l'heure, donc un 40 minutes d'échanges. Je vous inviterais, avant de débuter votre mémoire, à vous présenter, madame et messieurs. À vous la parole.
Association des banquiers canadiens (ABC)
M. Desroches (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Pierre Desroches. Je suis vice-président exécutif à la Banque nationale. Toutefois, je suis ici en ma qualité de premier vice-président du Comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens connue sous l'acronyme ABC.
Avant d'aller plus loin, vous me permettrez de vous présenter les gens qui m'accompagnent. D'abord, Me Christine Carron, de la firme d'avocats Ogilvy, Renault et M. Jacques Hébert, directeur Québec de l'Association des banquiers canadiens.
D'abord, vous parler de notre Association. Notre Association regroupe toutes les banques à charte faisant affaires au Québec où elle comptait, en 1999, plus de 40 000 employés, 1 655 succursales et 2 400 guichets automatiques. C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui avec mes collègues pour vous soumettre les commentaires de notre industrie sur l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information. J'en profite d'ailleurs pour vous remercier de votre aimable invitation.
L'ABC tient tout d'abord à féliciter le gouvernement du Québec de l'initiative visant à mettre en oeuvre la présente consultation générale qui, sans contredit, permettra de faire progresser le débat sur des questions aussi importantes que la reconnaissance juridique et l'utilisation des nouvelles technologies de l'information dans la vie quotidienne. À une époque où les échanges d'informations par le biais des nouvelles technologies se multiplient à un rythme sans cesse croissant, il importe de s'assurer que les moyens utilisés soient non seulement efficaces, mais également légaux, fiables, sécuritaires et respectueux de la vie privée des citoyens.
Les banques, pour qui l'utilisation des nouvelles technologies revêt une importance capitale dans leurs opérations courantes, sont directement concernées par les diverses législations qui ont été présentées ou qui le seront sous peu dans les provinces canadiennes afin de reconnaître la réalité du commerce électronique. L'industrie bancaire appuie donc toute initiative législative et réglementaire qui vise à favoriser les échanges électroniques.
L'avant-projet de loi faisant l'objet de la présente consultation est à la fois avant-gardiste et ambitieux en ce qu'il tente non seulement de donner un cadre juridique aux échanges réalisés à l'aide de nouvelles technologies, mais aussi d'encadrer ceux qui pourront être faits à l'avenir par des technologies jusqu'à maintenant inconnues. Qui plus est, il veut donner effet au principe de neutralité technologique. Dans ce sens, l'ABC ne peut que louer l'initiative du gouvernement du Québec.
L'ABC constate que l'avant-projet de loi n'est pas une simple reproduction de lois modèles, mais constitue plutôt un véritable code de portée beaucoup plus étendue qui reflète et précise des concepts-clés qu'on retrouve dans ces lois modèles. Si l'avant-projet de loi semble, en apparence, plus complet par rapport à d'autres lois similaires, il ne péche toutefois pas par excès de clarté et apparaît à plusieurs égards inutilement complexe. De plus, nous estimons qu'il demeure trop ambitieux sur certaines questions, notamment en modifiant les règles générales du droit en matière de preuve, plutôt que de se restreindre à préciser les moyens nécessaires pour que les documents technologiques se conforment aux règles de droit actuel.
Permettez-nous d'insister également sur le fait que cette loi, si elle était adoptée intégralement, imposerait un lourd fardeau aux entreprises voulant se servir des nouvelles technologies, ce qui risquerait d'avoir pour effet de les détourner des nouveaux modes de communication plutôt que de les inciter à les utiliser davantage, ce qui n'est certes pas l'objectif du gouvernement.
Finalement, l'avant-projet de loi propose un régime qui nous apparaît, à certains égards, fort complexe et plusieurs de ses dispositions mériteraient, à notre avis, d'être clarifiées ou améliorées. Mais, avant d'aborder l'étude de certaines de ces dispositions, nous aimerions attirer votre attention sur une question que l'ABC juge d'importance primordiale dans une législation semblable, à savoir la notion de signature électronique.
Nous croyons que la définition de signature que l'on retrouve au Code civil devrait être harmonisée avec cet avant-projet de loi en éliminant de cette définition l'idée de l'apposition d'une marque qui pourrait signifier qu'un geste physique doit être posé ou que le résultat de l'action de signer doit être matériel, tangible et qu'il doit être constaté visuellement sur l'acte lui-même. En effet, le libellé actuel de cette définition risque de ne pas offrir la flexibilité voulue pour répondre de façon satisfaisante aux besoins de la technologie actuelle ni pour s'adapter aux percées technologiques futures. Le temps qui nous est alloué ainsi que la nature parfois très technique de plusieurs de nos commentaires sur l'avant-projet de loi ne nous permettent pas d'aborder ceux-ci en détail, mais nous aimerions toutefois attirer l'attention des membres de la commission sur au moins trois points extraits de notre mémoire qui nous apparaissent particulièrement problématiques.
Le premier point sur lequel nous aimerions attirer votre attention concerne l'article 7 de l'avant-projet de loi. Cet article reconnaît ce qui deviendra sûrement une façon courante de conserver un document à l'aide de nouvelles technologies, en spécifiant que le fait que des documents porteurs de la même information mais sur des supports différents et présentant des disparités en ce qui a trait à l'emmagasinage ou à la présentation de l'information ne porte pas atteinte à leur intégrité. Certes, cette règle permettrait beaucoup de souplesse et d'économie dans la conservation et la reconstitution de documents, et nous sommes en faveur d'un tel principe.
Il faut toutefois être conscient du fait que la validité même d'un document dépend souvent de son format. Par conséquent, il faut songer, à notre avis, à l'opportunité d'ajouter à cette disposition un moyen de mettre en preuve ultérieurement le format du document lorsque celui-ci n'aura pas été conservé. À titre d'exemple, la Loi sur la protection du consommateur demeure un des nombreux cas où le format du document affecte sa validité. En cas de réclamation par un consommateur, la mise en preuve du contenu du recto verso du document ainsi que la taille des caractères de certaines mentions obligatoires et autres particularités du format du document original pourraient s'avérer indispensables.
J'aimerais mieux reprendre ce cas-là parce que je pense que j'ai escamoté une ligne. En cas de réclamation par un consommateur, la mise en preuve du contenu du recto verso du document ainsi que la taille des caractères de certaines mentions obligatoires et autres particularités du format du document original pourraient s'avérer indispensables.
Certes, prévoir que la non-conservation de ces caractéristiques du document ne porte pas atteinte à son intégrité est une règle de droit qui permet beaucoup de souplesse dans la conservation des documents, mais ne serait-il pas utile de prévoir en même temps des règles particulières quant à la mise en preuve du format du document qui aura été conservé sans égard au format original lorsque la validité du document dépend du format?
Notre deuxième point concerne l'article 18. Les articles 17 et suivants traitent du transfert de l'information vers un support faisant appel à une technologie différente. Lorsqu'un tel transfert sera effectué par une personne morale, l'article 18 prévoit qu'il devra être appuyé par une documentation qui risque, à notre avis, d'être, dans bien des cas, difficile sinon même impossible à fournir. En effet, en plus de comporter l'indication des documents à être transférés, du procédé utilisé pour le transfert, des dysfonctionnements survenus lors du transfert et des correctifs pour y remédier, le transfert devra, selon les termes de l'article 18, être appuyé d'une déclaration par la personne qui l'a supervisé attestant que les documents qui ont fait l'objet du transfert n'ont pas été altérés au cours du transfert et que les documents qui y résultent portent la même information.
n(16 h 10)n Nous croyons que cette déclaration devrait plutôt attester qu'au meilleur de la connaissance de la personne les documents qui ont fait l'objet du transfert n'ont pas été altérés au cours du transfert. Sinon, le coût du transfert de toute une banque ou d'une série de documents pourrait devenir tout à fait prohibitif, compte tenu de l'obligation de vérifier mot à mot chacun des documents ainsi transférés.
Enfin, mentionnons que l'exigence de l'alinéa 2 de l'article 18 à l'effet de joindre la déclaration aux éléments structurants ou au support nous semble obscure et mériterait d'être clarifiée. Nous nous interrogeons notamment sur ce que signifie les mots «éléments structurants», qui ne sont définis nulle part dans l'avant-projet de loi.
Notre troisième point concerne l'article 65. Celui-ci précise que les prestataires de services de certification ou de répertoire ainsi que l'émetteur, le titulaire et le détenteur des biclés et le détenteur et l'utilisateur d'un certificat sont tenus à des obligations de moyens. En spécifiant l'existence d'une obligation de moyens, le législateur québécois se conforme à une norme prévalant en matière de certification par référence à la personne raisonnable, prudente et diligente. Nous endossons ce principe. Le législateur choisit cependant d'innover, aux second et troisième paragraphes de l'article 65, en tentant d'abord d'instaurer une forme de régime de responsabilité «en l'absence de toute faute» pour ensuite interdire tout régime d'exclusion de responsabilité.
Ces deux paragraphes sont libellés en ces termes: «À moins qu'ils puissent se dégager de leur responsabilité, ils sont tenus conjointement de réparer tout préjudice résultant de la communication en raison de l'inexactitude ou de l'invalidité du certificat ou d'un renseignement contenu au répertoire. Toutefois, en l'absence de faute de leur part, la réparation du préjudice est assumée à parts égales par ceux-ci.
«Nul ne peut exclure la responsabilité qui lui incombe en vertu du présent article.» L'imposition d'une responsabilité conjointe plutôt que solidaire entre coauteurs d'actes préjudiciables en proportion avec la gravité des fautes attribuables à chacun nous apparaît souhaitable en cas d'inexactitude ou d'invalidité du certificat ou du répertoire. Cet objectif est, à notre avis, atteint sans qu'il soit nécessaire cependant d'utiliser l'expression «à moins qu'ils puissent se dégager de leur responsabilité» en début du second alinéa, puisque l'absence de faute ? et non de responsabilité, qui est un mauvais choix de mot ? constitue une défense pleine et entière à l'allégation d'inexécution d'une obligation de moyens. En plus d'être inutile, cette expression porte à confusion en ce qu'elle paraît incompatible avec le troisième paragraphe de l'article 65.
Par ailleurs, l'introduction d'une forme de régime de responsabilité sans faute en fin du second paragraphe nous laisse perplexes, puisqu'elle déroge aux principes généraux de responsabilité. Nous nous interrogeons sur la pertinence même d'introduire un régime de responsabilité sans faute dans cette législation et nous croyons que cette question devrait faire l'objet d'un examen approfondi. Toutefois, si le législateur décidait après réflexion de conserver ce principe, nous croyons à tout le moins que les dispositions proposées devraient être claires, ce qui n'est pas le cas, selon nous, dans l'avant-projet de loi. C'est pourquoi nous suggérons, en page 13 de notre mémoire, une nouvelle rédaction à l'article 65, à notre avis plus limpide.
En conclusion, l'Association des banquiers est heureuse de l'initiative prise par le gouvernement du Québec pour adapter sa législation à l'utilisation croissante des nouvelles technologies de l'information. L'industrie bancaire encourage d'ailleurs fortement les mesures qui permettront de faciliter les échanges électroniques tout en en assurant la sécurité, la confidentialité et la fiabilité.
Cet avant-projet de loi, nous l'avons souligné, fait preuve d'avant-gardisme à plusieurs égards, et, à ce titre, nous en sommes de façon générale satisfaits.
Toutefois, comme nous l'avons exposé dans notre mémoire, il mériterait d'être clarifié sous plusieurs aspects. Certains termes gagneraient à être mieux définis, et sa rédaction aurait avantage à être allégée pour en assurer une meilleure compréhension. De plus, nous maintenons que la notion de signature électronique aurait avantage à être mieux cernée dans le Code civil du Québec.
Nous espérons que nos commentaires s'avéreront utiles dans le cadre de l'élaboration de la version plus définitive du projet de loi. De plus, nous espérons vivement avoir l'occasion de travailler avec vous dans les semaines et les mois qui viennent afin d'assurer la mise en place de la meilleure loi possible, et, à cet égard, notre entière collaboration vous est acquise. Je vous remercie d'avoir accepté d'entendre notre point de vue. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Desroches. Alors, M. le ministre.
M. Cliche: Merci beaucoup de votre mémoire qui nous interpelle sur des enjeux assez spécifiques, sur des articles assez spécifiques. Nous allons les prendre en considération. Nous partageons les objectifs généraux que vous avez de clarification dans certains cas, de réduire au plus possible le fardeau. Alors, au-delà de ces commentaires préliminaires où on vous dit qu'on va prendre en considération, avec grande ouverture, tous vos commentaires spécifiques, j'ai une question... En fait, j'en ai plusieurs, mais je vais me limiter à deux.
La première porte sur votre référence à la notion de signature que vous dites électronique. Or, ce que vous nous suggérez en fait de faire, c'est d'extirper du Code civil toute référence papier ou manuscrite à la signature. Donc, est-ce que je dois comprendre que vous nous proposez plutôt d'avoir une définition technologiquement neutre de la signature?
M. Desroches (Pierre): Absolument.
M. Cliche: En ce sens, ce n'est pas une signature électronique que vous suggérez. Vous suggérez plutôt que nous arrivions à, ce qui est notre objectif, un projet de loi et éventuellement une loi technologiquement neutre, ce qui se rapproche de la notion de document.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): En fait, c'est une signature technologique plutôt que...
M. Cliche: Donc, on est sur la même longueur d'onde. Naturellement, on a de longs débats, on aura encore des débats: Est-ce qu'on va modifier le Code civil suite à notre projet de loi ou est-ce que notre projet de loi vient s'ajouter au Code civil qui est ipso facto modifié? Ça, ce sont des choses qu'on regarde alors avec le ministère de la Justice mais, là-dessus, on est sur la même longueur d'onde.
Mais, compte tenu de vos commentaires éminemment positifs, et je les reçois d'emblée, il y a une question que vous ne soulevez pas, ici, qui a été soulevée par d'autres, et j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, dans mes discours politiques, je me fais toujours un point d'honneur de dire que nous sommes sans doute au Québec les plus grands utilisateurs de la carte guichet. Et on me dit, les chiffres, que plus des trois quarts des transactions bancaires des individus en ce moment se font avec les cartes Interac, les cartes guichet, et que nous serions en avance sur le Canada et nous serions possiblement en avance sur l'Europe. Nous serions possiblement les heureux champions des transactions bancaires électroniques. Je tiens à le dire parce que, si les Québécois ont adopté ce mode, c'est parce qu'ils y ont trouvé un mode efficace, comme on veut le donner au commerce électronique. Ils y ont confiance. Et on sait très bien que, en utilisant ce mode également, on va à l'international et on peut utiliser nos cartes guichet que ce soit aux États-Unis, en Europe, en Allemagne, un peu partout.
Alors, ma question porte sur quelque chose que vous n'abordez pas, mais j'aimerais vous entendre parce que les gens qui vous ont précédés l'ont tous abordée: Comment voyez-vous la notion d'interopérabilité et du fait que nous voudrions que cette loi soit conforme avec ce qui se fait à l'international? J'aimerais vous entendre sur la façon dont vous avez fait en sorte, le monde des banques, le monde des transactions en circuit fermé qui va bientôt s'ouvrir avec une législation comme ça, que vous avez pu vous arrimer au monde et j'aimerais vous entendre porter un jugement, entre guillemets, sur notre avant-projet de loi quant aux possibilités que vous vous arrimiez avec nous. On a un code de normalisation. On a déjà commencé à travailler avec certains de vos membres et on va certainement relever l'invitation, l'offre que vous nous faites de continuer à travailler ensemble, mais j'aimerais vous entendre sur comment vous percevez notre effort d'harmonisation avec l'international et notre volonté.
M. Desroches (Pierre): Bon, je vais...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Pardon.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est pour la transcription.
M. Desroches (Pierre): Je vais tenter de répondre à la première. D'abord, vous avez absolument raison: le Québec est probablement l'une des provinces dont les gens sont compatibles et sont accessibles à cette technologie-là. Il se traite 1,4 milliard de transactions par année en matières technologiques et les banques utilisent le Québec, à plusieurs égards, pour faire des essais, tenter des nouvelles technologies, voir si la technologie est à point, ce qui veut dire que le Québec est probablement l'une des provinces dans lesquelles... Et vous remarquez que l'Association des banquiers canadiens utilise souvent même le Québec comme terrain d'essai, pour certains bancs d'essai de nouvelles technologies.
J'aimerais, dans l'autre partie de votre question, vous référer peut-être à Mme Carron qui pourrait vous donner peut-être un peu plus de détails quant à la compatibilité avec l'international.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Carron.
Mme Carron (Christine): Oui, justement, en réponse à votre question, les membres du comité des affaires juridiques de l'Association abondent tous dans le même sens et applaudissent cette initiative de la part du gouvernement. L'harmonisation sur le plan international est un élément-clé pour les entreprises québécoises. Il faut dire que ces entreprises sont les clientes des banques. Alors, on le perçoit comme une étape très importante. Tous les membres de ce comité ont remarqué avec plaisir les dispositions qui font référence, par exemple, à une accréditation par divers organismes internationaux. Donc, pour répondre précisément à la question, on est très en faveur de cet aspect de l'avant-projet.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
n(16 h 20)nM. Cliche: Si vous me permettez ? vous avez fait une question très spécifique concernant l'article 65 ? je vais, Mme la Présidente, vous demander d'inviter Me Proulx à poser une question, parce que, moi, au-delà des commentaires très, très pointus que vous faites, je me réjouis de voir que... c'est réconfortant de voir, je pense, qu'on est dans la bonne lancée, mais je dis à vous comme je dis aux autres: Je partage avec vous cette volonté de simplification.
Est-ce que je dois, avant de donner la parole à Me Proulx, comprendre que le fardeau auquel vous faites référence en haut de la page 2 de votre mémoire, ce lourd fardeau, comme vous dites... Si nous éclaircissions et intégrions vos commentaires, est-ce qu'on se trouverait à alléger ce fardeau ou est-ce qu'il y a d'autres aspects auxquels vous faites référence quant au fardeau ? ce qu'on ne veut surtout pas faire ? qu'on imposerait aux entreprises québécoises?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Je pense que, si les éléments qui sont contenus dans notre présentation étaient tenus en compte, ça allégerait de façon assez substantielle le fardeau des entreprises et les obligations des entreprises par rapport à leur facilité ou leur accessibilité à transiger à travers le commerce électronique. Absolument.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Proulx.
Mme Proulx (Jeanne): Je vous remercie, monsieur et maître, de vos commentaires. J'ai apprécié particulièrement que vous fassiez une suggestion pour l'article 65. C'est la troisième phrase qui vous pose problème: «Toutefois, en l'absence de faute de leur part, la réparation du préjudice est assumée à parts égales par ceux-ci.» J'aimerais que vous nous aidiez dans ce secteur-là, puisque je dois retourner encore, dans 15 jours, discuter, à la CNUDCI, avec les autres intervenants sur ce secteur-là. À la dernière réunion, bien sûr, les travaux sont arrivés à conclure que chacun doit avoir une règle de conduite minimale, donc qui est reflétée ici: l'obligation de moyens. Mais il y a une question qui est en suspens: Qui devra supporter le risque lorsque finalement personne n'a réellement fait de faute?
Est-ce qu'on doit imposer, par exemple... si, avec la Nasdaq, par exemple, au cours d'une transaction où on a fait appel à un certificat mais que la correction sur le certificat n'a pas pu être faite, puisqu'il y a eu, à un moment donné, un bris technique en raison des tempêtes solaires... Ça arrive, et ça arrive plus souvent maintenant, qu'on s'en rend compte au moins. Et donc effectivement chacun des trois principaux intervenants, par exemple celui qui a voulu faire sa transaction, celui qui s'est fié au certificat et celui qui l'a délivré, n'ont pas vraiment commis de faute. Donc, quelqu'un devra payer la facture. Alors, est-ce que vous pourriez nous aider à déterminer qui pourra la payer?
Et, si on ne dit rien, par exemple, ce qu'on pourrait, on pourrait supprimer cette phrase. À ce moment-là, en supprimant la phrase, nous n'aurions pas supprimé le problème, cependant on aurait laissé le soin aux tribunaux de le faire un jour et éventuellement. Cependant, on nous dit qu'il faut enlever des incertitudes, ce pourquoi nous avons tenté une approche qui répartissait le risque de façon égale. Est-ce que vous pourriez nous éclairer sur le fait de qui pourrait porter le risque et si on doit laisser le problème sans solution?
M. Desroches (Pierre): Mme Carron.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carron.
Mme Carron (Christine): Encore une fois, il faut comprendre que tous les membres de comités des affaires juridiques de l'Association se sont réunis pour discuter précisément de cette question, parce que c'est un secret de Polichinelle que l'industrie bancaire a de forts sérieux projets à agir comme prestataire de services de certification. Et on a applaudi de façon quasiment unanime l'approche prise par le gouvernement à cet article, c'est-à-dire, lorsqu'il n'y a pas de faute, pourquoi est-ce qu'on devrait faire payer le préjudice subi par un des intervenants dans le système qui n'était pas fautif? La solution qui semble avoir été retenue ici, abstraction faite des problèmes techniques du langage employé pour l'exprimer, est que, dans ces circonstances, lorsque personne n'est en faute, le préjudice est réparé à parts égales ou, enfin, la perte est subie à parts égales entre les divers intervenants à la transaction. Et nous avons trouvé que, dans ce sens-là, c'est une amélioration par rapport à d'autres lois modèles qui ont presque peur de faire face à cette problématique.
Laisser au tribunal le soin de trancher la question causerait, de l'avis de tous les membres du comité, des problèmes. D'abord, parce que les tribunaux ne sont pas souvent versés en la matière dans l'aspect technique des problèmes. Deuxièmement, la solution la plus facile serait souvent de faire payer celui qui a les plus grandes poches pour payer et répondre à la perte en question et, lorsqu'on est en train de parler d'une situation où il n'y a pas eu de faute nous la trouvons injuste.
Également, sur le plan d'affaires, faire autrement est de nature à laisser planer beaucoup de doutes et d'augmenter le risque relié à offrir ce type de services et à pousser les prestataires de ce type de services par tous les moyens d'exclure leur faute à un point tel que le certificat n'aurait presque plus de validité ou d'utilité pour l'utilisateur.
Alors, si vous voulez vraiment créer en six mois, encourager une industrie, une entreprise d'offrir de véritables services utiles au consommateur, nous trouvons que l'approche est vraiment celle à être favorisée: Enlever l'ambiguïté, enlever l'incertitude et établir une règle de droit qui est juste et équitable. C'est une longue réponse, je m'excuse.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Desroches, M. Hébert, Me Carron, merci pour votre mémoire et félicitations. Il est très bien documenté, très bien argumenté. Vous êtes dans un domaine, le secteur financier, qui s'est adapté le mieux et le plus rapidement à tout ce qui touche les technologies de l'information. Et tantôt le ministre délégué vous parlait d'utilisation de la carte Interac par des Québécois. C'est vrai, c'est une carte qui est populaire, c'est une carte débit. Évidemment, on est loin du commerce électronique, il faut se le dire parce que le Québec, malheureusement, demeure en retard dans ce domaine.
Vous avez, dans votre mémoire, parlé du projet de loi comme étant ambitieux, parfois complexe, qui a une portée assez large. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la partie de l'avant-projet de loi qui vous semble complexe ou qui embrasse trop? Quels sont les articles qui vous fatiguent par rapport à ça?
M. Desroches (Pierre): En fait...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Excusez. Je vais me discipliner. Je vais y arriver, vous allez voir. Dans le document qu'on a soumis, il y a une série d'articles qu'on a soulignés à l'intérieur duquel... Je pense que les points que j'ai soumis dans ma présentation, surtout en ce qui a trait à l'entreposage et puis toute cette référence-là, je pense que cette partie-là est très complexe.
Mme Houda-Pepin: L'article 7, 18 et l'article 65?
M. Desroches (Pierre): C'est ça.
Mme Houda-Pepin: C'est ceux-là.
M. Desroches (Pierre): Ce sont des articles qui, d'après nous, sont très complexes actuellement et mériteraient d'être allégés, et d'enlever un peu le fardeau à l'intérieur de ces articles-là. Est-ce que Mme Carron, vous avez d'autres points que vous aimeriez...
Mme Houda-Pepin: Parce que ça m'intéresse beaucoup.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de La Pinière.
n(16 h 30)nMme Houda-Pepin: Ce que vous suggérez est très pertinent. J'aimerais savoir: Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on retranche, s'il y a lieu de retrancher ou de modifier, dans ces articles-là pour que ce soit à votre satisfaction?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Carron.
Mme Carron (Christine): Je pense qu'il est impossible, dans le présent contexte et le temps qui nous est alloué, de répondre de façon adéquate, mais on a des documents de travail, avec des suggestions, qu'on pourrait vous faire parvenir, à votre demande, pour justement... certains des textes. On a donné un exemple. Par exemple, lorsqu'on parle de l'article 18, la déclaration qui serait requise, au lieu d'exiger une déclaration de la part de la personne ayant assisté à ce transfert d'un support à un autre qu'aucun des documents n'a été altéré ? ce qui me semble, comme juriste, une affirmation impossible à donner, à moins de procéder par une comparaison mot à mot du document tel qu'il existait sur le premier support avec le document tel qu'il existe sur le nouveau ? on a donné des suggestions comme, par exemple, exiger plutôt une déclaration que, compte tenu du nombre de dysfonctionnements, de la nature des dysfonctionnements, des correctifs qui ont été apportés, et ainsi de suite, on n'a pas de raison de croire que les documents ont été altérés. Donc, on a des suggestions concrètes, comme ça, qu'on pourrait vous fournir pour chacun des articles en question, si vous le désirez. Et ça nous ferait plaisir de travailler de plus près avec vous. On ne souhaite que d'améliorer la loi.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: C'est aussi notre objectif. Et on va vous lire avec grand intérêt lorsque vous allez nous soumettre ces documents-là. J'apprécierais beaucoup.
Vous avez également, dans votre mémoire, dit que ce projet de loi impose un lourd fardeau aux entreprises qui risque de les détourner finalement de l'objectif visé qui est celui d'encourager le commerce électronique, les transactions électroniques sécurisées.
Est-ce que vous pouvez nous dire comment est-ce que vous voyez ces embûches dans le projet de loi et comment on peut éventuellement les éliminer ou les amoindrir?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Avant de vous céder la parole, s'il y a des documents qui doivent suivre, compte tenu que nous sommes en commission, ça serait intéressant de faire parvenir ces documents-là au Secrétariat de la commission et, effectivement, nous pourrons en tenir compte, bien sûr, la porte-parole de la commission et du ministère. Alors, Mme Carron.
Mme Carron (Christine): C'est toujours de la même nature. On a déjà parlé de l'article 18, mais, si on regarde aussi l'article 19, par exemple, qui le suit, on fait face un peu à la même problématique, on a besoin de clarifier le texte, on a besoin d'enlever ce qui semble ? et peut-être qu'on comprend ou lit mal ? être un fardeau lourd pour les entreprises qui veulent vraiment s'informatiser et faire plein usage des nouvelles technologies de l'information. Alors, l'article 19 aussi est un autre exemple. Et il nous ferait plaisir de vous faire parvenir une liste exhaustive de ces exemples-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Peut-être ajouter une chose. C'est que souvent, dans ce qui va arriver dans la dynamique du commerce électronique, les institutions financières vont devenir des financiers de ces organisations-là. Et plus l'approche ou plus la loi implique une lourdeur très grande, plus ça va imposer aux institutions financières à avoir des contrôles pour, un, analyser le risque, la notion de risque à l'intérieur de ça. Plus vous avez une complexité qui pourrait...
En fait, je vous donne un exemple, bien franchement: Quelqu'un arrive chez nous puis il a ? je ne sais pas, moi ? 500 000 $ de recevables nés de commerce électronique. Les banques ou les institutions financières vont dire: Bien, quelle est la proportion de ces comptes recevables là qui peuvent être contestés de la part du citoyen ou de la personne en commerce avec? Et plus vous avez une complexité, parce que le temps va faire que ces choses-là vont être contestées sur une base légale ou pas, plus les banques vont être obligées d'augmenter leur marge pour dire: Bien, on va financer 60 % des recevables, 50 %, 40 % des recevables. Pourquoi? Parce que le potentiel de contestation va être énorme à l'intérieur. Plus on allège, plus on rend claires et précises les obligations des commerçants et des fournisseurs de services, plus on assainit la valeur de la résultante qui est, en fait, le commerce et qui peut être des recevables, et plus on facilite à l'entreprise sa capacité de générer du financement à travers ça. Et c'est souvent cette dynamique-là. C'est pour ça qu'on joue un peu le rôle d'essayer de jeter un éclairage de quelqu'un qui, lui, va en faire, mais qui va également en financer énormément.
Et ça va devenir une question extrêmement importante, parce qu'une grande partie du commerce va se faire maintenant à travers ces véhicules-là. Et pour maintenir la capacité des institutions financières, dans l'ensemble, de jouer leur rôle, on devra alléger le système et rendre les vérifications que les institutions vont faire chez les entreprises assez faciles, dans le sens où on va pouvoir constater assez facilement si l'entreprise est bien structurée, bien organisée et qu'elle répond à des normes qui sont standard. C'est dans ce sens-là qu'on dit que l'industrie favorise une clarification de l'ensemble de la dynamique du commerce électronique et des responsabilités qui s'y rattachent.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Nous avons entendu des groupes qui sont venus avant vous nous sensibiliser à l'importance de l'harmonisation de la législation dans ce domaine, dans le domaine des technologies de l'information et des transactions électroniques. Et c'est un fait que, comme on est dans un domaine de droit nouveau, Internet, c'est international, ça ne reconnaît pas de frontières. Est-ce que, vous, dans le milieu financier, dans le secteur financier, qui est un secteur international évidemment, vous avez regardé le projet de loi dans ses implications au niveau de l'harmonisation? Comment ça peut favoriser le secteur bancaire canadien ou pas, dépendamment des différentes dispositions qui sont dans l'avant-projet de loi?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Hébert, je pense que vous vouliez ajouter tout à l'heure, puis effectivement je ne m'en suis pas rendue compte. Alors, vous pouvez y aller.
M. Hébert (Jacques): Je voulais simplement dire, tantôt, en fait ajouter ceci. Retournons quelques mois en arrière. Vous vous souvenez du bogue de l'an 2000. Lorsqu'on a parlé de ça aux gens d'affaires, ça semblait tellement gros, tellement énorme que les gens ne voulaient pas y croire, et le résultat eut été catastrophique. Alors, on a dû faire une démarche vers les gens d'affaires, «on» étant les chambres de commerce, l'Association des banquiers, l'Ordre des comptables agréés, le gouvernement du Québec via le MIC, et j'en oublie. Donc, on a organisé des conférences, des rencontres, et on a amené tranquillement les gens d'affaires à penser que, finalement, ce n'était pas si gros que ça et qu'il y avait des solutions.
Alors, le message, dans notre mémoire, quand on dit: Attention à la lourdeur du projet de loi, c'est ceci: Si c'est tellement compliqué, vous pourriez éventuellement détourner des gens d'affaires vis-à-vis cette chose fantastique qu'on appelle les transactions électroniques. Donc, le message, il est tout simple: Attention, faites ça simplement, autrement vous allez faire une belle parade et vous serez seuls dedans, les gens ne vous suivront pas. Donc, il faut faire très attention à ça.
Quant à votre question sur l'harmonisation comme telle, bien, il est impossible, pour l'Association des banquiers canadiens, de faire des commentaires sans avoir bien sûr dans sa pensée les transactions internationales et l'harmonisation. Pourquoi? Parce que le monde, maintenant, c'est devenu un grand village.
On a dit, dans nos commentaires, que votre avant-projet de loi tel qu'il est actuellement est très avant-gardiste et, en ce sens, on trouve ça très encourageant. Et quand on pense harmonisation, bien, si vous êtes en avance sur les autres législations, ce qui est chouette, c'est que c'est les autres gouvernements qui devront, et d'autres paliers de direction, peut-être s'harmoniser à la loi qui sera présentée par le Québec. Et je dois dire que ce ne serait pas la première fois que le Québec serait en avance dans un domaine.
Alors, avant de parler d'harmonisation, gardez en tête que, nous, nous sommes en faveur, oui, d'une harmonisation ? ça, c'est certain ? parce que ça simplifie la tâche des gens d'affaires et des institutions financières quelles qu'elles soient. Et il est certain que, lorsqu'il s'agira de discuter d'harmonisation comme telle, nous serons derrière vous pour, si vous le souhaitez, qu'on vous conseille.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci.
M. Desroches (Pierre): J'aurais juste un point.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Vous savez, on a une partie de nos affaires, qui sont des affaires internationales, dans lesquelles il existe une certaine forme d'harmonisation internationale. Que ce soit au niveau des transferts, que ce soit la validité des lettres de crédit internationales, que ce soit des garanties que l'on offre sur une base internationale, il y a eu une certaine forme d'harmonisation. Il y a une très grande partie des affaires bancaires qui sont faites sur une base internationale, dans lesquelles on a cette forme d'harmonisation là.
n(16 h 40)n On n'entre pas dans la jungle, où il n'existe pas de chemin, il y a juste quelques embûches qu'il faut éviter. En fait, ça existe déjà. Et, comme le disait Me Carron tout à l'heure, je pense qu'il faut... À cette étape-ci, je pense que penser à une harmonisation va être très bénéfique. Ça va nous empêcher, probablement, de faire des expériences malheureuses. Et on n'est pas obligé de passer par la noyade pour apprendre à nager. Je pense qu'on peut faire l'exercice d'une certaine forme d'harmonisation, actuellement, qui va nous sauver énormément de temps et d'argent.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie. Alors, M. le ministre.
M. Cliche: Avant de vous suggérer de donner la parole à Me Proulx qui aurait une question à poser sur l'article 18... C'est un peu le monde à l'envers, où c'est le ministre porteur de la législation qui voudrait modérer les ardeurs des banquiers quant à leur enthousiasme. Et je nous mets en garde lorsque vous dites que l'avant-projet de loi est avant-gardiste et ambitieux et qu'on innove dans cette volonté d'harmonisation, de neutralité technologique, d'accréditation, d'homologuer des tiers certificateurs. Je comprends que les banques ont un projet en tête, d'autres ont un projet en tête, j'en conviens. Mais le défi qui est le nôtre ? qui est le mien certainement ? c'est de faire en sorte que cet avant-gardisme ne soit pas perçu comme excluant le Québec de la mouvance internationale. Parce qu'on a vraiment fait le tour de l'ensemble des législations, de l'ensemble de ce qui s'est fait. On pense y avoir ratissé ce qui se faisait, ce qui, à notre point de vue, était limitatif. On a noté les portes qui étaient ouvertes vers des horizons nouveaux. Et je suis très conscient que cet avant-projet de loi, il est effectivement avant-gardiste. Mais je tiens à vous le dire parce que d'autres groupes, qui vous ont précédés et qui vont vous suivre, notamment le Barreau du Québec dans quelques minutes, nous en font le reproche, d'être trop avant-gardiste et que cet avant-gardisme pourrait faire en sorte que ça pourrait exclure, qu'on pourrait être perçu comme étant à l'exclusion compte tenu de cette avant-garde.
Alors, je suis content de vous entendre parce que vous voyez l'essence de notre avant-projet de loi et, pour moi, c'est rassurant lorsque l'Association des banquiers canadiens et les gens du Québec que vous êtes venez nous appuyer. Mais j'ai ce problème politique là d'expliquer aux gens: Oui, il y a une notion d'avant-gardisme là-dedans, mais cet avant-gardisme là n'est pas une exclusion du Québec. Par contre, le Québec pourrait ? et là il ne faut pas être trop ambitieux ? devenir un point de référence. Parce que les discussions que j'ai eues avec M. Carter, notamment, de la Banque Nationale chez vous, les gens des caisses et les gens qui participent à mon forum de l'inforoute, la vision que nous avons, cette architecture globale avec un système homogène, interopérable, où, éventuellement, suite à une certification d'une identité sur une carte électronique, avec une seule carte, une seule clé, on pourrait avoir accès à l'ensemble des réseaux ouverts des transactions électroniques sur notre territoire, dans une perspective de sécurité, de protection des renseignements privés, d'interopérabilité, cette vision que nous avons, elle est effectivement avant-gardiste. Et, si on réussit en ce sens, nous serons, je dois le dire tout modestement, peut-être une ou deux longueurs d'avance par rapport à des juridictions, notamment américaines, où il y a tellement une gerbe de petites institutions bancaires: Jos Bleau et fils Bank au coin de la rue. Ici, on a l'avantage d'avoir des grandes institutions bancaires en lesquelles les gens ont confiance, donc.
Mais je vous mets en garde par rapport à ce caractère avant-gardiste et je nous mets en garde parce que, des fois, avant-gardiste, c'est nouveau, on innove, et l'innovation des fois est assimilée par des gens à l'inconnu, et l'inconnu peut refroidir les gens. Les gens sont peu enclins à aller vers l'inconnu. Alors, moi, je partage ce que vous dites ? on a assez réfléchi ensemble ? mais des fois... Ce n'est pas mon meilleur argument en ce moment. Il faut être capable de faire la démonstration que c'est technologiquement neutre, que c'est simple, que c'est une loi habilitante, à laquelle les entreprises pourront se rattacher. Mais ce n'est pas une loi qui s'applique partout, tout le temps, où tout le monde doit obligatoirement passer par cette loi-là. Si quelqu'un veut faire des échanges électroniques sans faire référence à un document ou une signature, bon, grand bien lui en fasse, mais c'est à ses risques.
Alors, il me reste encore un morceau, je pense, une part de pédagogie à faire pour faire comprendre que cet avant-gardisme, entre guillemets, n'est pas une exclusion du Québec; au contraire, il pourrait être un atout pour les entreprises sur notre territoire.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Je pense que vous avez fait la question et vous avez donné une partie de la réponse aussi à l'intérieur de votre question en disant: Effectivement, c'est avant-gardiste. Mais je pense que c'est avant-gardiste parce que vous êtes le gouvernement qui commence vraiment à s'asseoir, à y penser. Et ça va devenir déshabilitant ou habilitant dans son contenu, et je pense que vous l'avez bien référé à l'intérieur de ça. Je pense que, étant un des premiers gouvernements à s'avancer dans ce secteur d'activité là, il est temps... Je pense qu'on est rendu à un niveau où le commerce électronique prend tellement d'importance qu'il faut s'y pencher, il faut le faire, mais ça va être dans son contenu, dans sa réglementation qu'il va, en fait, soit nous exclure ou créer une barrière à l'entrée.
Et je pense que c'est tout ça qu'on essaie de dire, c'est qu'il faut tout faire à cette étape-ci. On peut enrichir cette loi-là pendant encore des années, et je suis persuadé que, dans 10 ans d'ici ou dans cinq ans d'ici ou dans trois, on va enrichir cette loi-là. Pourquoi? Parce qu'on va découvrir de nouvelles choses. Mais je pense que, au départ, d'être trop ambitieux, à vouloir franchir trop de terrain probablement nous créerait plus de problèmes à l'intérieur. C'est pour ça qu'on dit: Attention, oui, le principe est très valable, on est rendu à une étape où il faut commencer à s'y pencher, il faut s'y arrêter. Attention de ne pas aller trop loin, attention de ne pas tout de suite créer des barrières à l'entrée. Et c'est dans ce sens-là qu'est le commentaire qu'on a fait à l'intérieur de notre document en disant: Vous êtes avant-gardistes, mais vous pouvez devenir facilement ambitieux à l'intérieur en voulant régler tous les problèmes. Mais je ne suis pas sûr que tous les problèmes vont être réglés au départ. Créons un cadre dans lequel on ne sera pas emprisonnés dans des choses, mais où on va pouvoir vraiment évoluer au rythme de la technologie. Et là, dans ce sens-là, l'Association des banquiers va vous appuyer et va vous donner son aide, je pense, de façon unilatérale.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Desroches. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais corriger le commentaire du ministre délégué concernant le Barreau du Québec. On n'a pas lu le même mémoire, en tout cas, parce que, moi, je n'ai pas lu que le Barreau du Québec disait que le Québec n'était pas avant-gardiste ou était contre l'avant-gardisme. Le Barreau du Québec avait des commentaires très sérieux concernant un certain nombre de dispositions qui sont discutables. Je pense qu'il faut être suffisamment ouverts pour accepter la critique. Si on est là pour discuter d'un avant-projet de loi sur une consultation, c'est quelque part parce qu'on commence à défricher un terrain qui n'est pas tout à fait connu de tous, et il faut aborder ce débat avec beaucoup d'ouverture.
Alors, ceci étant dit, je voudrais également vous dire, M. Desroches, que je suis aussi fière des fois quand le Québec innove mais, en la matière, on suit davantage qu'on n'innove. Je vous rappelle ? vous n'étiez pas là ce matin ? que, le ministre, ça fait deux ans qu'il a promis un projet de loi. Il a même annoncé qu'il serait adopté en décembre 1999 et, aujourd'hui, on est encore en train d'étudier un avant-projet de loi. Alors, ceci étant, il existe déjà une vingtaine de législations et de réglementations de par le monde, à commencer par les Nations unies, l'OCDE, le Canada, les États-Unis, l'Australie, l'Irlande, qui se sont déjà penchées sur cette question-là et qui ont une longueur d'avance. Alors, on peut avoir suffisamment d'humilité pour dire qu'on est en train d'analyser cette problématique, parce qu'on est dans le droit nouveau, mais que l'avant-gardisme, c'est un terme en tout cas qu'on regarderait dans le dictionnaire pour dire que ça sera peut-être pour une autre fois.
Je voudrais également vous demander, M. Desroches: Comment définiriez-vous la signature électronique? Parce que, dans votre mémoire, vous y faites allusion. À la page 3, entre autres, mais aussi dans d'autres parties de votre mémoire, vous dites que le législateur québécois devrait profiter de l'occasion pour insérer à l'article 2827 du Code civil du Québec une définition de la signature électronique qui mettrait clairement l'emphase sur les notions de liens ou d'associations de renseignements électroniques avec un document électronique comme l'ont fait d'autres législatures ou d'autres législateurs. Vous définiriez ça comment, la signature électronique?
M. Desroches (Pierre): Je demanderais à Me Carron peut-être de donner l'une des définitions qu'on avait élaborées.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carron.
n(16 h 50)nMme Carron (Christine): Un des problèmes ? il y a deux problèmes ? et c'est discuté dans la doctrine, par les commentateurs, quasiment de façon unanime, il y a toute la question quant à savoir si la législation actuelle serait interprétée de façon assez large pour inclure une signature technologique parce qu'on utilise des mots, comme «apposer» et comme «marque» dans ces définitions de ce que c'est, une signature. Alors, l'idée serait plutôt d'enlever ces mots-là et d'utiliser des mots neutres sur le plan technologique. Vous avez le même problème avec la notion d'adresse, et, déjà, les provinces ont tenté de faire un pas vers l'harmonisation, par exemple, des lois sur la protection du consommateur et de tenter de régler cette notion d'adresse. Est-ce que l'adresse à laquelle on devrait envoyer quelque chose pourrait... Et, lorsqu'on lit dans des lois «peut aussi comprendre une adresse électronique», si on veut vraiment favoriser le commerce électronique... Et on a des lois sur la protection du consommateur qui utilisent un langage un peu archaïque pour définir ce que c'est, une signature, et ce que c'est, une adresse, ou, par absence de définitions, laissent planer des doutes. Qui va prendre le risque de s'embarquer dans ce type d'entreprise ou s'aventurer sur ce terrain-là sans cette clarification?
Alors, l'idée qu'on favorise, ça serait de clarifier d'abord la notion d'adresse et d'enlever de l'article du Code civil toute référence aux mots «apposer» et «marque». On pourrait vous faire, encore une fois, parvenir avec l'autre documentation des suggestions concrètes à ce sujet-là, si vous le désirez.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Toujours au même endroit, madame. Ha, ha, ha!
Mme Carron (Christine): Oui. Ha, ha, ha!
Mme Houda-Pepin: Toujours à la commission.
Une voix: De la culture aussi. Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il faut tous en bénéficier, voyez-vous. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci. Sur la validité juridique d'un document, versus le format ? vous dites que c'est essentiel que l'on puisse tenir compte du format ? est-ce que vous pouvez nous illustrer ça par un exemple?
M. Desroches (Pierre): Bien, en fait...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. Desroches.
M. Desroches (Pierre): Je m'excuse. Lorsque vous entreposez de l'information, surtout en matière technologique, vous allez entreposer et vous allez extraire une partie de l'information, et cette information-là peut être altérée en la transformant ou en l'entreposant. Si vous reconstituez votre document, il va arriver des situations dans lesquelles le document, par rapport à l'original, ne sera pas identique. Les caractères peuvent être différents, le format peut être différent, la grosseur, les rectos versos peuvent être différents, et là il arrive une difficulté, c'est de dire comment cette situation-là va être traitée. Et, maître, vous me corrigerez si je m'égare. Mais comment cette situation-là va être traitée lorsqu'on aura à faire la preuve de ce document-là?
Le meilleur exemple, toute la notion de la Loi de protection du consommateur sur les billets à ordre ou les contrats. Ils vous spécifient la taille, souvent, des caractères, la disposition des caractères, la clarté du document comme tel, et vous pouvez avoir une situation dans laquelle le document a été allégé lorsqu'il a été entreposé, il a été entreposé à des endroits même différents, une partie du document à un endroit, une partie à l'autre. Lorsque vous allez reconstituer avec des technologies, vous pouvez vous retrouver dans une situation où le document n'est pas du tout pareil à l'original. Et, dans une situation de même, est-ce qu'on peut arriver avec des contestations ou est-ce qu'il y a un aménagement possible pour arriver à ce que ce document-là fasse preuve de ce qui est survenu comme contrat entre deux parties? Est-ce que...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Me Carron.
Mme Carron (Christine): Si je pouvais ajouter à ça. Évidemment, on fait beaucoup d'économies en préservant, en conservant des documents sans égard à leur format, il n'y a aucun doute. Et on est en faveur, de façon générale, de cette disposition qui le permet et qui dit en même temps que ce n'est pas parce que le document aurait été conservé sans référence à son format qu'il n'a pas valeur d'original. Par ailleurs, lorsque la validité du document dépend de son format, en partie, ce que nous suggérons est un ajout à cette disposition qui expliquerait les précautions à prendre ou prescrirait les standards à prendre pour qu'on puisse, sans avoir conservé le format, mettre en preuve par la suite ce que c'était, le format. Par exemple, ça pourrait être un élément structurant, conservé avec le document, qui fait référence à un répertoire de formats qui serait gardé par l'entreprise en question. Ça pourrait être un certain nombre de choses qui nous permettent, d'une part, de faire des économies et, d'autre part, de quand même mettre en preuve par la suite cet aspect parfois indispensable.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement terminé du côté de l'opposition officielle. Me Proulx, il vous reste à peine une minute.
Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente, est-ce que vous me permettrez très rapidement. Tantôt, j'avais permis au ministre de déborder.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, oui. Bien, s'il y a consentement. Sur consentement, vous savez, Mme la députée, qu'on peut faire beaucoup de choses.
Mme Houda-Pepin: Oui, je sais.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: Il y a consentement.
Mme Houda-Pepin: Très bien. Vous savez, Mme la Présidente, que, cette période, c'est pour les parlementaires. Me Proulx, elle pourra toujours faire un téléphone, rencontrer les gens, prendre un lunch. C'est la pratique. Donc, laisser un peu plus de temps peut-être aux parlementaires de poser les questions dont ils ont besoin.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Posez votre question, Mme la députée.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): On va essayer de répondre quand même assez rapidement.
Mme Houda-Pepin: Très rapidement. Dernièrement, le milieu financier a fait l'objet de manchettes justement touchant la sécurisation des transactions électroniques. On avait parlé des fameux NIP qui avaient été subtilisés, dernièrement, en Abitibi, des gens qui ont réussi à percer le système pour avoir accès à des numéros de cartes de crédit. Est-ce que ce projet de loi peut aider le milieu financier au niveau de la sécurisation des transactions électroniques, tel que libellé?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hébert.
M. Hébert (Jacques): Si vous me permettez, je dois apporter quand même un éclaircissement sur votre introduction. Quand il y a eu des problèmes avec les NIP, dans chaque cas, c'est que le marchand était un fraudeur. Il faut savoir que le marchand avait placé une caméra dans son établissement qui permettait de lire lorsque la personne poinçonnait le NIP. Ça, c'est très important de le savoir.
Même chose pour les vols avec les cartes de crédit. Jamais le système d'une banque n'a été percé, jamais. On a vu d'autres compagnies à qui c'est arrivé qui ne sont pas des banques. Je suis désolé. Donc, notre système, je dois l'affirmer ici, est absolument sécuritaire jusqu'à preuve du contraire.
Pour ce qui est du projet de loi comme tel, il est certain que lorsqu'il sera terminé ? on parle de l'avant-projet de loi, pardon ? il sera important pour nous d'avoir une garantie quelconque à l'effet qu'effectivement, s'il est mis en place, notre clientèle, pour qui nous existons ? sans quoi, on n'existerait pas ? pourra faire des transactions en toute sécurité.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, M. Hébert. Alors, il reste une minute. Me Proulx, très rapidement, avec une réponse très brève, s'il vous plaît.
Mme Proulx (Jeanne): Oui, voilà. C'est parce que je trouve votre suggestion intéressante et je me demande... Voyez-vous, la lourdeur...
Mme Houda-Pepin: Remarquez, Mme la Présidente, que c'est la première fois...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est une question de règlement ou une question...
Mme Houda-Pepin: Oui, oui, une question de règlement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, ce serait selon quel article?
Mme Houda-Pepin: C'est la première fois que je vois dans une commission un fonctionnaire poser des questions à des gens en consultation. C'est généralement les parlementaires qui font ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ah! Mme la députée de La Pinière, écoutez, il n'y a aucun problème à ce que les gens prennent la parole. Je n'ai pas d'autres parlementaires qui m'ont demandé la parole. Il reste une minute à l'enveloppe accordée, allouée au parti ministériel. Alors, c'est les règles. On va respecter les règles.
Me Proulx, s'il vous plaît.
Mme Proulx (Jeanne): L'objet des articles que vous trouvez lourds et que nous convenons qu'il convient d'abréger vers 17, 18 ou 19 est justement de ménager des preuves pour qu'on ne vienne pas dire qu'il y a eu fraude dans le secteur. Alors, est-ce que vous seriez satisfaits si on inscrivait, comme type de documentation requis, de documenter le format, par exemple, à l'article 18?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Carron.
Une voix: Est-ce que vous pourriez, Me Carron, bien poursuivre?
Mme Carron (Christine): Alors, si je saisis bien la question, vous songez à ajouter, par exemple, à cet article-là...
Mme Proulx (Jeanne): Ou à remplacer des choses par cette exigence.
Mme Carron (Christine): Par?
Mme Proulx (Jeanne): Par l'exigence de documenter le format comme vous le suggériez.
Mme Carron (Christine): Oui, définitivement.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Desroches, M. Hébert, Me Carron, pour votre participation à cette commission. Je vais donc suspendre pour quelques instants, le temps à l'autre groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 h 4)
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Nous allons donc reprendre les travaux et souhaiter la bienvenue aux membres du Barreau du Québec. Me Laporte, je crois? Alors, Me Laporte, vous connaissez la règle: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y a 20 minutes d'accordées à chacun des partis pour échanger avec vous. Alors, avant de nous présenter votre mémoire, Me Laporte, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Barreau du Québec
M. Laporte (Danyel): Je vais vous présenter Me Suzanne Vadboncoeur, qui est celle qui va faire part des commentaires du Barreau du Québec. Me Vadboncoeur va vous présenter les deux autres membres du Comité.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, Mme la Présidente. Alors, Mmes, MM. les députés et représentants des différents ministères, il me fait plaisir de me retrouver dans cette enceinte, que je connais depuis de nombreuses années, en compagnie de mes collègues.
Alors, à ma droite, Me Danyel Laporte, qui est président du Comité du Barreau sur... on l'a appelé «sur l'inforoute», c'est un petit peu plus court que «sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information». Donc, Me Laporte est avocat de pratique privée à Laval et il est également représentant du Barreau sur ce qu'il est convenu d'appeler le SIIJ, qui est le système intégré d'information de justice.
À mon extrême gauche, Me Claude Gravel, qui est avocat de pratique privée ici, à Québec. Il est également président du Comité du Barreau sur l'information juridique. Alors, il nous semblait utile d'avoir des représentants d'autres comités du Barreau qui s'occupent justement d'information juridique et d'accessibilité à l'information sur notre comité.
Finalement, à ma gauche immédiate, le professeur Jean-Claude Royer, qui est professeur ici, à la Faculté de droit de l'Université Laval, en droit de la preuve. Il est auteur de nombreux ouvrages fort connus en droit de la preuve. Alors, Me Royer est notre personne-ressource en cette matière.
Le monde occidental, et plus particulièrement l'Amérique du Nord, vit depuis environ cinq ans un essor sans précédent sur le plan de son développement technologique, notamment au niveau des techniques de communication qui empruntent de plus en plus la voie électronique. Le commerce électronique, à peu près inutilisé il y a à peine cinq ans, se développe de façon vertigineuse et est appelé, d'ici quelques années, à devenir la principale source d'activités commerciales.
Depuis quelques années, on assiste, dans différentes juridictions, à l'adoption de législations offrant aux commerçants et aux consommateurs un encadrement juridique permettant de conférer aux transactions qui s'opèrent par voie électronique une plus grande certitude sur le plan des droits et obligations des parties contractantes. Je vais évidemment vous faire grâce de l'énumération.
Mentionnons quand même la Loi type sur le commerce électronique adoptée par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, qui a été adoptée en 1996 et qui sert, depuis ce temps, de modèle à diverses autres juridictions, sinon la plupart. Le mémoire fait état de diverses autres législations qui sont intervenues ailleurs aux États-Unis. Enfin, plusieurs provinces canadiennes ont emboîté le pas en présentant ou en adoptant des projets de loi en cette matière. La Saskatchewan a vu sa loi recevoir la sanction royale le 21 juin dernier. Par ailleurs, des projets de loi sont présentement à l'étude en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique.
Le Barreau du Québec, résolument engagé dans le virage technologique, ne pouvait ignorer cet avant-projet de loi. Il se voit par contre dans l'obligation de déplorer le peu de temps laissé aux divers organismes pour réagir et commenter en profondeur cette volumineuse pièce législative et tous les impacts qu'elle ne manquera pas d'avoir sur la vie quotidienne de la plupart des citoyens et des entreprises du Québec.
Il s'agit d'un domaine relativement nouveau qui nécessite de se familiariser avec les lois ou projets de loi existants afin d'analyser l'avant-projet de loi québécois dans une optique de droit comparé. Le texte législatif québécois présente des notions nouvelles et introduit dans notre droit de nouveaux concepts juridiques, en plus de modifier de façon substantielle plusieurs de nos règles de droit civil, notamment les règles de preuve.
Deux ans ont été nécessaires pour en arriver au texte présentement sous étude. Il nous semble que quelques mois supplémentaires auraient été bénéfiques pour tout le monde, tant pour les organismes appelés à se prononcer que pour le gouvernement.
Compte tenu de ce qui précède, le mémoire du Barreau du Québec se veut évidemment plus sommaire qu'à l'habitude. Cependant, vous remarquerez, en seconde partie du mémoire, la partie qui présente les commentaires spécifiques. Tous les chapitres sont commentés et plusieurs articles le sont aussi parce que la lecture de l'avant-projet de loi a suscité tellement de questions et d'interrogations chez les membres du comité qui se sont réunis d'ailleurs trois journées et une quatrième en conférence téléphonique pour l'étude du mémoire... Donc, ça a suscité énormément de questions et je pense que le Barreau ne pouvait passer sous silence les nombreuses questions suscitées par la lecture de l'avant-projet de loi. C'est certain qu'on n'a pas pu aller en profondeur, encore une fois, dans l'analyse de tous les impacts de ces dispositions, ce qu'on aura, j'espère, l'occasion de faire dans une étape ultérieure.
n(17 h 10)n Donc, on peut se demander si l'avant-projet de loi a suivi d'abord une démarche appropriée. Est-ce qu'on s'est interrogé à savoir si les lois actuelles, notamment le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé permettaient de les résoudre, les problèmes? Et, dans l'hypothèse où elles seraient insuffisantes pour ce faire, s'est-on demandé si on ne pourrait pas les amender plutôt que de créer une nouvelle loi?
Cet avant-projet de loi comporte plusieurs objectifs, l'un d'entre eux est certainement d'assurer une uniformisation des normes juridiques. Un autre pourrait être celui d'encourager les personnes physiques, associations et entreprises à prendre le virage technologique, à utiliser le plus possible les nouvelles technologies de l'information non seulement dans leurs transactions commerciales, mais également à de simples fins de communication.
Le Barreau du Québec non seulement partage ces objectifs, mais aussi se réjouit de ce que le gouvernement ait décidé d'emboîter le pas à diverses autres juridictions et de légiférer en cette matière. Il est toutefois d'avis que l'avant-projet de loi québécois, tant par sa forme que par son contenu, atteint difficilement ou saura atteindre difficilement ces objectifs.
Cette présentation est basée sur quelques points. Donc, l'atteinte de cet objectif, qui consiste à favoriser et encourager l'utilisation par les personnes physiques, les associations, les entreprises des nouvelles technologies de l'information et que le Barreau partage d'emblée, risque d'être mise en péril à cause de l'unicité du modèle québécois qui ressort du texte de l'avant-projet de loi et de la complexité des règles qu'il préconise. Le fait que l'avant-projet se démarque de la plupart des législations existantes ou à l'étude ailleurs au pays et dans le reste de l'Amérique du Nord notamment, de même que les règles complexes et contraignantes qu'il impose constitueront un frein à l'utilisation des moyens électroniques et auront ainsi un effet contraire à celui recherché. On peut d'ores et déjà imaginer le fardeau très lourd que représentent ces deux caractéristiques pour les petites et moyennes entreprises qui, faut-il le rappeler, constituent la majorité des entreprises au Québec. Et que dire des particuliers pour qui la rédaction de cet avant-projet est plutôt indigeste. Quelle compréhension auront-ils de ces nouvelles règles? Se sentiront-ils vraiment protégés et confiants lorsqu'ils transigeront par voie électronique?
L'unicité du modèle québécois repose sur plusieurs aspects que le comité décrit aux pages 6 et suivantes du mémoire du Barreau. Alors, je vous énumère quelques-uns des aspects qui font que l'avant-projet se démarque beaucoup de tout ce qui se fait ailleurs. Alors, contrairement aux autres textes législatifs qui prévoient spécifiquement certaines exceptions, notamment les testaments ou les fiducies créées par testament, par exemple, le champ d'application de l'avant-projet québécois n'est aucunement limité.
Deuxième point. À cause de la définition du mot «document» contenu à l'article 3 de l'avant-projet, sa portée, la portée de l'avant-projet, est infiniment plus étendue, la loi québécoise touchant toutes les activités, commerciales ou autres, impliquant la création ou la communication d'un document, peu importe son support, que cette activité soit individuelle, bipartite ou multipartite, que les parties soient des particuliers, des sociétés, des associations ou des personnes morales, celles-ci pouvant être de droit privé ou de droit public.
Troisième point. Contrairement à ce qu'on est habitué de voir dans la façon civiliste de rédiger les lois, où on se limite à des énoncés de principe concis et précis, alors que les lois des provinces de common law sont rédigées, quant à elles, de façon très détaillée, la loi québécoise va beaucoup plus dans les détails que les autres lois du même type, ailleurs en Amérique du Nord. Comptant 99 articles, alors que les autres en comptent entre 25 et 50 environ, elle établit un tout nouveau régime de responsabilité en énonçant toutes et chacune des obligations touchant la conservation, le transfert, la consultation et la transmission du document; elle privilégie clairement une technique de signature électronique, la cryptographie asymétrique, et en explique même le fonctionnement; elle crée toute une procédure de repérage des personnes, des documents et des objets pouvant faire l'objet d'une communication et met sur pied un système complexe de répertoires et de certifications, ce que les autres lois évidemment ne font pas.
Autre point. Alors que les autres projets de loi ou lois utilisent des concepts déjà connus, l'avant-projet de loi québécois introduit dans notre droit de nouveaux concepts tels «pleine valeur juridique», «valeur juridique», «sécurité juridique», «collationnement», «support», «cycle de vie d'un document», «communication», «règle de droit» ? et là j'entends règle de droit qui n'est pas dans le sens de l'expression anglophone «rule of law», c'est tout à fait différent ? «espace nominatif local», «espace nominatif universel», etc.
Autre point. Les autres législations ont des définitions similaires. Par exemple, on retrouve dans à peu près toutes les législations des définitions analogues du mot «électronique» ou des mots «document électronique» ou «message de données», alors que la définition de «document», contenue dans l'avant-projet de loi, est non seulement différente, mais a une portée évidemment beaucoup plus large.
Contrairement aux autres législations, l'avant-projet de loi crée un régime de responsabilité unique et propose une série de règles assez complexes régissant les droits et obligations qui entourent les différents stades d'utilisation d'un document électronique. Contrairement aux autres encore une fois, l'avant-projet de loi crée un nouveau régime de preuve, et, enfin, les critères d'équivalence fonctionnelle ne sont pas les mêmes, dans l'avant-projet de loi, que dans les autres législations.
La quantité et la complexité des règles. Bien que le Barreau soit favorable à ce que la législation québécoise prévoie des dispositions favorisant la communication de documents technologiques à l'intérieur des entreprises, entre les entreprises et les consommateurs et entre les entreprises elles-mêmes, il nourrit de sérieuses réserves à l'égard de certaines orientations de l'avant-projet de loi. Alors, la complexité de ces règles est traduite dans les différents points que j'énumère aux pages 8 et suivantes. Je vais en prendre quelques-unes.
Donc, on veut que tous, individus comme entreprises, soient soumis éventuellement à des normes de sécurité prescrites par règlement du gouvernement. Que le gouvernement prescrive des normes pour les documents qu'il reçoit ou qu'il transmet nous semble normal, mais les communications privées doivent demeurer privées et le gouvernement ne doit pas s'y immiscer en imposant au secteur privé des normes ou mesures réglementaires sur la façon d'assurer l'intégrité des documents et encore moins sur les conditions d'utilisation d'un support ou d'une technologie spécifique. Il revient à chacun de prendre les moyens pour être en mesure de prouver, en cas de besoin, que la technologie utilisée est fiable et que les documents transmis offrent des garanties suffisantes pour pouvoir s'y fier.
Il y a également une orientation obligeant le secteur privé à recourir à des procédés de traitement, à des normes ou standards techniques de transfert de support, à des normes et standards pour la constitution de répertoires d'identification des personnes établis par un des organismes de normalisation, et mentionnés à l'article 69.
Une autre disposition de la loi empêchant toute preuve quant à la fiabilité ou à la qualité mauvaise ou inférieure du procédé, du système ou de la technologie. En effet, l'article 16 de l'avant-projet de loi prévoit qu'on ne peut qu'en prouver une mauvaise application. On ne peut pas prouver la qualité mauvaise ou inférieure du procédé ou du système, et on n'est pas sûr que cet empêchement ne pourrait pas être attaqué sur la base de la Charte des droits et libertés. Enfin, il y en a toute une quantité, là, je vous fais grâce de la lecture de tout ça.
Quant à l'uniformisation des normes juridiques ? je suis à la page 12 du mémoire ? le processus de normalisation vise d'abord et avant tout à établir des normes, comme le mot lui-même l'indique, mais aussi il vise à une certaine standardisation des objets ou produits auxquels ces normes s'appliquent. À l'analyse, on peut toutefois se demander si l'avant-projet de loi atteint ce but. En effet, plutôt que de compléter les lois existantes, tels le Code civil du Québec, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et j'ajouterais même la Loi sur la protection du consommateur, le législateur a choisi d'ajouter au corpus législatif une toute nouvelle loi dont les dispositions, loin de s'harmoniser aux règles existantes, y sont souvent contraires.
n(17 h 20)n On ne peut certes pas parler d'harmonisation lorsque le nouveau texte législatif modifie substantiellement les règles actuelles du fardeau de preuve. En effet, alors que, en vertu du droit actuel, celui qui invoque un écrit au soutien du droit qu'il veut faire valoir doit en prouver la provenance et la fiabilité, l'avant-projet, à son article 15, semble renverser ce fardeau. Et je cite: «Il n'y a pas lieu de faire la preuve de la fiabilité d'un document, à moins que celui qui la conteste n'établisse, par prépondérance de preuve, qu'il y a eu atteinte à l'intégrité du document.», fin de la citation.
En outre, compte tenu de la définition très large de la notion de document à l'article 3 de l'avant-projet de loi et de l'extension qui en est donnée à toutes les lois du Québec par l'article 70, cette nouvelle règle de preuve s'appliquera à tout document quel qu'il soit, c'est-à-dire tant un écrit authentique, sous seing privé ou autre, peu importe son support, qu'à une image ou à un enregistrement sonore. Quelle règle prévaudra: celle du Code civil ou celle de la loi nouvelle? Plusieurs débats judiciaires en perspective.
On ne peut davantage parler de normalisation lorsque, par les présomptions de fiabilité qui leur sont reconnues, on donne aux documents dits technologiques une valeur probante plus grande qu'aux écrits traditionnels ou lorsqu'on tente de mettre de côté la règle de la meilleure preuve ou encore que, par le biais de l'article 33 de l'avant-projet, on risque de faire accroc aux règles de formation du contrat.
Le même raisonnement pourrait être invoqué à l'égard des dispositions de l'avant-projet qui créent un régime spécifique d'accès aux documents, de protection de la vie privée, de protection des renseignements personnels dans un contexte de communication électronique. Pourquoi ne pas amender et compléter les deux lois existantes sur le sujet plutôt que d'établir un régime parallèle et risquer ainsi de créer des divergences, donc des applications différentes et, partant, des débats judiciaires tout aussi inutiles que coûteux pour les justiciables?
Au niveau de l'introduction de nouveaux concepts et de l'utilisation d'un vocabulaire non juridique et non familier, laissez-nous simplement vous dire ceci: L'étude et l'interprétation de l'avant-projet de loi ont été rendues beaucoup plus laborieuses en raison de l'introduction de concepts et de mots nouveaux ou dont l'utilisation n'est pas fréquente en matière juridique. Ainsi, des expressions comme «sécurité juridique», «valeur juridique» ou «pleine valeur juridique», «support», «communication», «règles de droit», «éléments structurants», «délimitation et structuration de l'information», «cycle de vie d'un document», «fiabilité d'un document», «collationnement», «journalisation», «identifiant», et j'en passe, ont nécessité qu'on réfléchisse évidemment sur leur signification et le sens qu'on pouvait leur donner dans le contexte particulier de cette loi. Certaines expressions peuvent même différer d'interprétation selon le chapitre où elles se trouvent. Je vous donne simplement à titre d'exemple l'expression «valeur juridique» qui tantôt peut avoir le sens de comporter des effets juridiques et tantôt avoir davantage le sens de valeur probante.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce que vous concluez bientôt, Me Vadboncoeur, parce qu'il vous reste à peine une minute et demie?
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je conclus. Parfait. Il faut donc déplorer que plusieurs articles de l'avant-projet de loi ouvrent la porte à de nombreuses interprétations, ce qui compliquera sensiblement les choses au lieu de les simplifier. Cela occasionnera sans doute beaucoup d'incertitudes sur le plan de l'interprétation judiciaire et, par voie de conséquence, freinera l'utilisation des nouvelles technologies et du commerce électronique, retardant d'autant le développement économique du Québec, à cet égard déjà malheureusement un peu en retard.
Et je termine. Plutôt que d'encourager l'utilisation des nouvelles technologiques chez les personnes physiques, comme chez les associations, sociétés, personnes morales, cet avant-projet de loi, dans l'état actuel des choses, risque fort de provoquer la réaction contraire. Non seulement le Québec sera-t-il isolé à cause de l'unicité du modèle québécois, mais cet isolement aura sans doute un effet négatif dans son développement économique et affaiblira son potentiel concurrentiel sur le plan international. En conséquence, le Barreau du Québec suggère de reprendre l'exercice en s'inspirant davantage des autres lois ou des autres textes législatifs existants, notamment la loi uniforme de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada, la loi type de la CNUDCI, dont ce sont d'ailleurs inspirés la majorité des autres états, et en intégrant au Code civil et aux deux lois québécoises existantes ? et je reviens avec la Loi sur la protection du consommateur qui avait été oubliée ? en matière de renseignements personnels, les modifications appropriées. Ceci termine la présentation.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, Me Vadboncoeur. Alors, M. le ministre.
M. Cliche: Bien, merci de votre présentation. Je dois dire qu'elle me surprend un peu parce que, honnêtement ? je vais vous le dire ? elle détonne un peu avec les autres 17 ou 16 mémoires que nous avons reçus, qui, quoi que étant éloquents en termes de commentaires, de modifications, de demandes à peu près unanimes d'éclaircissements au niveau des définitions, d'élagage dans des textes qui apparaissent un peu complexes à des non-avocats comme moi, ça, là-dessus, on est d'accord. Mais qu'il y ait une divergence à ce point prononcée entre notre approche et la critique que vous en faites sans, d'autre part, que vous ameniez des recommandations concrètes dans la façon dont, selon vous, on devrait réécrire le texte de façon complète, je trouve que le document du Barreau nous pose énormément de questions. J'aimerais échanger sur quelques-unes avec vous, rapidement, parce qu'il y a là, je pense, incompréhension profonde entre notre volonté et ce que vous en percevez.
D'abord, la prémisse de base de votre exposé, c'est une réticence, une inquiétude, parce que selon vous nous ne sommes pas un calque de la proposition de la Loi des Nations unies, et ça, j'en conviens que nous n'en sommes pas un calque, pas plus que ni l'une ni l'autre des juridictions extérieures au Québec qui ont adopté des législations. La plupart des législateurs y ont extirpé l'article 5 de ce projet de loi, mais, sciemment, nous avons pris connaissance de ce projet de loi et de tous les autres. Nous nous en sommes inspirés pour arriver à des approches fondamentales que je veux partager avec vous parce que je conviens avec vous que c'est un avant-projet de loi; donc, le rédacteur se remettra à l'oeuvre suite à cette commission. La plupart des gens nous ont exprimé leur volonté de s'asseoir avec nous et de continuer à travailler avec nous.
Mais je veux juste vérifier certaines choses avec vous, si la distance n'est pas trop grande pour penser qu'on pourrait avoir une collaboration subséquente. D'abord, c'est sur le fondamental: nous voulons une loi qui soit technologiquement neutre. Alors, si vous me demandez de définir un document électronique, de définir une signature électronique et d'introduire de telles définitions dans le Code civil, on a un problème de fond parce que, nous, notre volonté, c'est d'extirper des lois actuelles, du corpus législatif actuel, des références au monde papier, pour s'assurer que des principes fondamentaux de neutralité médiatique, neutralité juridique et interopérabilité des supports soient quelque chose de réel. Donc, là, il y a un os, entre guillemets, là, et j'aimerais vous entendre sur pourquoi vous semblez exclure la possibilité que le Québec légifère de façon quelque peu différente par rapport aux propositions des Nations unies de 1996 qui, je vous le rappelle, de toute façon n'ont pas été suivies par l'ensemble des législateurs. Ça, c'est le premier élément. Et cette question fondamentale là, si on a une réponse à ceci, à ce moment-là, les choses périphériques, comme le fait que vous voudriez qu'on exclue les testaments, les fiducies, nous, on veut laisser à l'utilisateur le soin de déterminer le support qu'il veut utiliser pour le document qu'il juge bon de créer. Ça, c'est la première chose.
Le deuxième élément, vous dites: La loi québécoise est trop dans des détails, elle compte 99 articles. Soit! Mais notre loi, nous voulons faire une loi qui va encadrer l'ensemble des éléments qui vont nous permettre de donner une loi habilitante pour encadrer les transactions électroniques. Et là, je veux parler des questions qui vont au-delà des législations actuelles dans d'autres États, notamment les questions de certification, d'authentification d'individus ou de personnes morales, les questions de protection des renseignements ? vous savez qu'on a les législations les plus avancées au Québec par rapport à nos voisins et un peu partout, ce qui se fait à l'OCDE. Donc, de ce côté-là, j'aimerais vous entendre sur: Est-ce qu'il faut avoir un projet de loi absolument à 22 articles pour qu'il soit acceptable? de sorte que...
n(17 h 30)n Vous nous dites que, selon vous, notre avant-projet de loi crée un nouveau régime juridique et modifie le régime juridique. Et là, ça me pose une grande difficulté de fond parce que, si c'est votre croyance, on a un problème de fond majeur parce que, notre volonté, elle est à l'inverse; notre volonté, c'est de faire en sorte de ne pas créer de nouveaux régimes juridiques, de ne pas recréer le corpus législatif unique au Québec mais de faire en sorte que ce corpus s'applique ipso facto aux transactions électroniques. Alors, j'aimerais vous entendre. Est-ce que nous sommes à ce point loin, dans la mesure où le Barreau tient absolument à ce que ça soit la loi des Nations unies et rien d'autre, que ça soit 22 articles, que ça soit une définition de document électronique. Est-ce que vous êtes vraiment mal à l'aise avec notre approche fondamentale qui en est une de neutralité technologique, d'interopérabilité, de neutralité médiatique? J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on est vraiment dans une collision à 180 degrés ou si vous pensez qu'une meilleure compréhension de notre projet de loi pourrait ramener les membres du Barreau dans de meilleures dispositions?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je ne voudrais pas que, M. le ministre, vous pensiez qu'on est dans des mauvaises dispositions, loin de là. Bien au contraire, je pense que Me Proulx, qui vous accompagne, me connaît depuis suffisamment longtemps que... Ce n'est pas du tout la question.
Quand vous parlez de loi technologiquement neutre, je veux bien. Mais, quand vous dites «extirper des lois existantes», c'est là où on diverge peut-être. Les autres provinces n'ont pas un régime juridique codifié comme au Québec. Et on s'est demandé pourquoi on ne pourrait pas, plutôt que de créer une nouvelle loi tout à fait distincte des autres, distincte de tout le reste du corpus législatif, compléter les dispositions déjà existantes soit au Code civil soit dans les lois sur la protection, et là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'on est à l'avant-garde d'un paquet d'autres juridictions en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, la protection de la vie privée. Donc, je pense qu'on n'est pas si loin que ça à cet égard, et peut-être que les autres, là-dessus, pourront me compléter.
Quand vous mentionnez qu'on veut exclure les testaments ou les fiducies, ce n'est pas ça. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté exprimée à ce point à l'effet qu'on veut absolument que le champ d'application soit restreint ou, en tout cas, ne s'applique pas, notamment aux testaments et aux fiducies.
On a fait des constats, nous, écoutez. J'ai pris la peine de le dire au début, et je pense que vous avez reçu quelques lettres du bâtonnier. La période de réflexion a été extrêmement courte. Donc, on n'a pas pu étudier à fond, comme vous avez pu le faire sans doute, tous les impacts du projet. Donc, permettez-nous des fois d'être un petit peu moins en profondeur dans les commentaires.
Donc, ce n'est pas du tout la volonté d'exclure les testaments ou les fiducies, absolument pas, mais on constate que le champ d'application, à cause de votre «technologiquement neutre», est excessivement large.
Troisièmement, quand...
M. Cliche: Mais ça, ça vous pose un problème, ça.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Bien, ça pose une problème si ça chambarde toutes les règles de...
M. Cliche: La neutralité de support, par rapport à l'application de nos lois, peut vous poser un problème.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): En matière de preuve, en tout cas, ça peut peut-être causer un problème... Oui.
M. Cliche: Parce que ça, c'est fondamental dans notre approche.
M. Royer (Jean-Claude): Voyez-vous, le problème, c'est... Je pense que, pour atteindre l'objectif que vous voulez atteindre, de faire une loi neutre, ce serait plus facile de l'atteindre en modifiant les lois actuelles, autant que possible ? peut-être que ce ne sera pas toujours possible, mais, dans toute la mesure du possible ? que, en créant des règles distinctes dans une loi distincte, parce que, en créant des règles distinctes dans une loi distincte, à ce moment-là... Et ces règles-là, telles qu'on en a examiné plusieurs, modifient, changent des règles fondamentales dans le Code civil puis dans le Code de procédure civile, puis le Code civil, il ne date pas de Napoléon 1er, vous l'avez adopté en 1994, après qu'il y ait eu de nombreuses études et de nombreux rapports sur le fardeau de la preuve. Puis, d'ailleurs, dans la loi elle-même, le mot «document», qui ne fait aucune distinction entre les contrats et les faits matériels, alors que tout le Code civil fait cette distinction-là, y compris dans le domaine des inscriptions informatisées, à ce moment-là, vous établissez des règles de preuve complètement différentes sur le plan de la recevabilité de la preuve et de la valeur probante.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le ministre.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Si vous voulez que...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): ...compléter...
M. Cliche: O.K., d'abord. Ce que j'essaie de comprendre, c'est que vous suggérez que nous modifiions le Code civil d'abord pour y intégrer des notions de neutralité. Mais, à notre perspective, notre notion de document remplaçait les notions de contrat, de testament ou d'autres références. On donnait un sens large à la notion de document, et il en était du ressort de celui qui créait un document de lui...
M. Royer (Jean-Claude): En donnant...
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui, mais...
M. Cliche: Mais les règles du contrat continuent à s'appliquer au document, là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. M. Royer.
M. Royer (Jean-Claude): C'est-à-dire, en donnant un sens aussi large à la notion de document, vous avez, probablement sans le réaliser, modifié de nombreuses règles dans le Code civil.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le ministre.
M. Cliche: Alors, qu'est-ce que vous nous suggérez?
M. Royer (Jean-Claude): Bien, ce que je suggère... Il y a deux possibilités: ou bien on donne une définition restrictive de la notion de document dans une loi spéciale, ou bien on veut garder cette notion large de document. Mais là, on procède par amendement aux lois existantes pour ne pas créer des règles différentes.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va. Alors, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je m'excuse, peut-être pour compléter ce que le professeur Royer disait. C'est que, en ne distinguant plus les différents types de documents, on applique exactement les mêmes règles à tout ce qu'il y a de documents dans le Code civil actuel, c'est-à-dire autant les actes authentiques que semi authentiques, que sous seings privés, que les autres écrits, que les contrats, les actes unilatéraux, enfin, tout ce que vous pouvez imaginer comme documents pouvant exister, et c'est ça qui nous cause un certain problème.
Parce que les règles de preuve sont différentes selon qu'elles s'appliquent à des écrits qui ont pour effet de décrire un acte juridique des autres qui ne décrivent pas d'acte juridique, des écrits non signés par rapport aux écrits signés; je veux dire, des règles qui diffèrent complètement. Alors, en universalisant la notion de document, vous risquez de mettre en péril toutes ces différences de règles.
M. Cliche: Si vous me permettez...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le ministre.
M. Cliche: ...également une autre approche. Mais là, je pense qu'on est plus dans le monde de l'incompréhension mutuelle.
Vous pensez que nous voudrions que le gouvernement, par règlement, oblige les entreprises privées à utiliser certaines technologies, certaines façons de faire. Or, je veux vous rassurer. Ce n'est pas du tout ça, notre approche, et si la lecture de notre avant-projet de loi vous a donné cette impression, il faut revoir la rédaction. Parce que, ce que nous avons en tête ? nous en avons parlé avec les banquiers, nous avons parlé avec le Bureau de la normalisation du Québec ? c'est de créer un corpus de normes qui, bien sûr, intégrera l'ensemble des normes internationales existantes pour les transactions électroniques. Vous avez la liste dans l'avant-projet de loi, et cette norme pourrait devenir l'outil du Bureau de la normalisation du Québec qui pourrait accréditer les entreprises qui veulent utiliser ces normes dans leurs transactions électroniques.
On prend un peu la route de l'ISO. Il n'y a pas une entreprise du Québec qui est obligée de devenir ISO. Il n'y a pas une entreprise du Québec qui serait obligée d'adhérer à ces normes et de se faire accréditer, soit dans sa certification d'une identité, selon des normes de reconnaissance de l'identité, soit dans des règles de pratique ou de transactions électroniques.
Donc, c'est vraiment notre approche, le gouvernement cependant pouvant se garder le pouvoir résiduel de réglementation dans l'éventualité où, pour des raisons d'intérêt public, le gouvernement voudrait réglementer et faire en sorte que ce qui est une norme à adhésion volontaire pourrait éventuellement se métamorphoser, éventuellement, en règlement d'application obligatoire. Mais, là-dessus, je pense qu'on est plutôt dans le monde de l'incompréhension parce que vous ne comprenez pas qu'on veut faire une loi applicable dans l'ensemble des transactions électroniques.
Ce sera à l'entreprise de décider si elle veut s'y référer pour une meilleure sécurité des transactions. Mais j'arrête là-dessus. On semble avoir une approche quelquefois passablement différente quant à l'approche générale, là. C'est ça qui m'inquiète.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'était un commentaire. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Me Vadboncoeur, Me Jean-Claude Royer, Me Gravel et Me Laporte, je vous souhaite la bienvenue à notre commission.
J'ai lu votre mémoire avec grand intérêt, et contrairement à ce que le ministre pense, en banalisant les divergences d'opinion, en les réduisant à un problème d'incompréhension, je crois que vous avez apporté un éclairage très important pour mieux comprendre les enjeux que sous-tend cet avant-projet de loi sur les transactions électroniques.
Je dois aussi vous dire que j'ai été très sympathique ? je l'ai mentionné, ce matin, dans mes remarques préliminaires ? à votre demande de vouloir extensionner de quelques semaines pour vous donner le temps de mieux analyser les impacts ? et ils sont multiples ? de cet avant-projet de loi. Malheureusement, le gouvernement, ayant décidé de procéder, bien que le ministre, lui, ça fait deux ans qu'il raconte publiquement que le projet de loi est déjà adopté par l'Assemblée nationale avant même qu'il ne soit déposé.n(17 h 40)nUne voix: Ça fait deux ans...
Mme Houda-Pepin: Ceci étant, depuis la politique sur l'autoroute de l'information, le gouvernement a annoncé que cette loi-là allait être déposée, et vous avez repris ce discours-là. Premier discours que vous avez fait: Vous avez annoncé en février que la loi allait être adoptée par l'Assemblée nationale. Bon. Et vous l'avez même dit dans un forum international sur les technologies de l'information.
Nous sommes là, aujourd'hui, et l'avant-projet est devant nous et il est très problématique, en effet. Je pense que nous sommes heureux de vous avoir avec nous pour pouvoir nous donner justement votre point de vue sur les différentes dispositions de cet avant-projet de loi.
Vous avez soulevé des questions fondamentales, à mon point de vue. La première, c'est en ce qui a trait à l'harmonisation de cette législation avec les législations existantes, tant au plan international qu'au plan national, et surtout, au niveau du Québec. Et c'est vrai, vous l'avez dit, et vous n'êtes pas le seul à l'avoir dit, le Québec a choisi une démarche unique. Et vous avez raison d'exprimer vos inquiétudes quant à l'isolement du Québec dans ce modèle unique, alors que le monde va dans une autre direction.
Vous avez également soulevé un certain nombre de questionnements par rapport aux concepts nouveaux qui ont été introduits dans ce nouveau projet de loi. Et c'est à juste titre, je pense, que ces commentaires ont été faits, parce que nous sommes dans un domaine de droit nouveau, et il faut que tous les parlementaires comprennent le sens que l'on veut donner à ces concepts-là, ce qui n'est pas encore clair au moment où on se parle.
Vous avez également mis le doigt sur une question qui me préoccupe concernant la portée du projet de loi, la page 8 en particulier. Le fait que le projet de loi embrasse et le privé et le public et les individus, ça enlève effectivement la liberté de choisir aux citoyens et ça établit des normes qui vont encadrer la pratique des transactions électroniques, indistinctement de qui les utilise.
Tout ça m'amène à vous demander, parce que, dans votre mémoire aussi, vous jugez que le projet de loi n'est pas technologiquement neutre... À la page 11, vous parlez aussi de cette liberté de choix et d'irritants qui risquent de freiner, en quelque sorte, les transactions électroniques. À quel endroit dans le projet de loi vous trouvez qu'il n'est pas technologiquement neutre, à votre avis, cette notion de neutralité technologique?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Écoutez, le fait que l'avant-projet explique la technologie de la cryptographie asymétrique, en décrive le fonctionnement, nous semble, nous, lecteurs indépendants, un choix que privilégie le gouvernement. Je ne dis pas que le gouvernement interdit toute autre forme de signature ou toute forme de façon d'établir un lien entre le document et la personne; ce n'est pas ce qu'on dit. Mais on dirait qu'il y a quand même une préférence à cause des dispositions ? assez nombreuses finalement ? qui concernent cette technologie-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Oui, merci, Mme la Présidente. Sur la notion d'harmonisation, vous soulignez effectivement, à la page 14, qu'il y a une absence d'harmonisation à l'intérieur même des lois du Québec et vous déplorez l'instauration d'un régime spécifique de protection de la vie privée. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? En quoi est-ce que ce projet de loi introduit un régime spécifique de protection de la vie privée?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Écoutez, je pense que, sans entrer dans les détails, parce que, encore une fois, on n'a pas eu le temps d'aller vraiment dans le détail, sauf qu'il est assez évident, à la lecture de l'avant-projet, que cet avant-projet propose certaines règles de protection de la vie privée.
Par exemple, l'article 37 dit: «Lorsque la loi déclare confidentiels des renseignements que comporte un document, leur confidentialité doit être protégée par un moyen approprié au mode de transmission, y compris sur des réseaux de communications ouverts ou fermés», puis là, on parle de chiffrement du document puis, bon... Alors, c'est un petit peu comme les règles de preuve dont le professeur Royer parlait tantôt. Plutôt que de venir compléter les lois existantes, il y a un nouveau corpus législatif. Si, jamais, puis on n'a pas eu le temps de faire l'exercice, ces règles-là entraient en conflit avec les règles existantes dans les lois existantes, lesquelles prévaudront? C'est une incertitude juridique certaine, une incertitude certaine. Enfin, c'est un peu bizarre, mais c'est comme ça.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Oui, merci beaucoup. À la page 33 de votre mémoire, vous parlez des achats en ligne, en fait, en signalant que l'article 48 de l'avant-projet de loi pourrait paralyser le commerce électronique et empêcher, jusqu'à interdire qu'une personne, dont on aurait usurpé l'identité, puisse se défendre. C'est une affirmation qui me semble sérieuse. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce qu'il y a derrière cette affirmation?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Laporte.
M. Laporte (Danyel): C'est un peu, si vous me permettez, le libellé de l'article 48 lui-même. Je me permets de vous le lire.
«Lorsque la loi exige le consentement d'une personne pour l'accomplissement d'un acte réalisé au moyen d'un document technologique, l'identité de cette personne doit être établie préalablement à son accomplissement et le procédé utilisé pour l'exprimer ne doit pas permettre sa répudiation pour cause d'erreur d'identité.» Il peut y avoir, pour ceux qui sont familiers avec, exemple, les modems câbles... un modem câble, que ça soit pour un individu, est toujours branché sur le réseau. Sauf que je peux vous dire, par expérience, que beaucoup de gens ne savent pas qu'il est nécessaire, même si on a un modem câble à la maison, d'avoir un pare-feu pour bloquer l'accès de l'extérieur sur notre propre ordinateur personnel.
Je vais vous donner un exemple: Personnellement, j'ai un pare-feu sur mon ordinateur personnel à la maison et le logiciel me permet de voir quelles sont les tentatives d'infractions qui ont été faites sur mon ordinateur à chaque jour. Et, même si je suis un individu, il y a, peu importe la journée, un minimum de deux tentatives d'infraction sinon trois, où quelqu'un, par des moyens, tente d'accéder au système. Il y a ce qui existe... Je peux vous donner un exemple: les chevaux de Troie, un petit logiciel. Si on réussit à permettre l'installation... Bon, lorsqu'on emprunte une disquette de quelqu'un et qu'on se retrouve avec un cheval de Troie sur notre système, quelqu'un qui peut être n'importe où dans le monde peut accéder à notre ordinateur parce qu'il a la clé pour entrer, un cheval de Troie, et une fois entré sur notre système, peut, en utilisant notre identité, accéder à d'autres sites. Et, à ce moment-là, l'article, cet article-là entre autres, dit que, si on a exprimé notre consentement, on peut sembler avoir exprimé notre consentement, et ce n'est pas la personne véritable à qui appartient l'ordinateur qui a exprimé son consentement parce qu'un pirate informatique a réussi à pénétrer son système. C'est un exemple. On se questionne à ce niveau-là. Donc, on empêche une personne de pouvoir répudier un consentement.
Évidemment, si on parle de toute la signature électronique, c'est autre chose. Mais si on vise... et l'analyse qu'on en a faite, parce que, bon, on a eu peu de temps, c'était une des craintes qui étaient soulevées, c'est-à-dire qu'on puisse utiliser notre ordinateur, utiliser l'identité qui peut apparaître sur notre ordinateur pour accéder à notre ordinateur et laisser l'impression que c'est la personne qui a communiqué. C'est un exemple parmi tant d'autres, là, que je vous donne à ce moment-là.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci. Pour revenir sur la notion de la complexité, de la lourdeur du projet de loi et des concepts nouveaux qui peuvent poser des problèmes au niveau de l'interprétation, certains ont suggéré d'avoir un guide d'utilisation.
n(17 h 50)n Est-ce que vous trouvez que c'est une façon qui pourrait aider à décongestionner le projet de loi et le rendre plus comestible, plus compréhensible? Ou est-ce que vous trouvez qu'il faut le réécrire au complet, qu'il faut reprendre vraiment l'exercice à zéro?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Me Royer.
M. Royer (Jean-Claude): Moi, je pense qu'il faut reprendre l'exercice. Il faudrait reprendre d'abord l'exercice, d'une part, en distinguant le commerce électronique, les communication de l'État avec les citoyens, puis les communications des personnes entre elles.
Le dernier aspect, moi, à première vue, je ne vois pas la nécessité d'y toucher: les simples communications qui ne concernent pas le commerce.
En ce qui concerne le commerce électronique des parties entre elles ? et même l'État quand il est commerçant ou consommateur, il serait régi par ça ? là, on devrait reprendre l'opération, à mon avis, de la façon suivante.
On devrait d'abord se demander quels sont véritablement les problèmes concrets que ça pose. Deuxièmement, dans quelle mesure ces problèmes concrets sont actuellement solutionnés ou non par les lois actuelles. S'ils ne sont pas solutionnés, en totalité ou en partie, là, on pourrait légiférer et, à mon avis, on devrait, dans toute la mesure du possible, légiférer en modifiant les lois actuelles.
Je pense que la même opération pourrait se faire également pour la question des communications du gouvernement avec les citoyens, compte tenu qu'il y a encore beaucoup de lois statutaires qui les réglementent.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, Me Royer. Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: C'est une perspective tout à fait différente, en fait, de ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, puis je trouve ça très intéressant parce que je crois qu'il ne faut pas se fermer, d'emblée, et surtout à ce stade-ci, aux différentes perspectives qui nous sont proposées. Je trouve le raisonnement très, très pertinent aussi de dire: C'est quoi, le problème qu'on veut régler, au fait? Et la solution pourrait venir à partir d'un bon diagnostic: comment on peut le régler. Et je trouve que c'est intéressant, les éléments que vous amenez, et c'est très, très constructif et enrichissant, Mme la Présidente, pour nous.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça conclut votre intervention, Mme la députée de La Pinière? Oui, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Si je peux rajouter. Merci, Mme la Présidente. Quant au guide d'utilisation, il ne faut quand même pas oublier que c'est une loi, là; ce n'est pas une marchandise qu'on va acheter dans un magasin, où il y a un mode d'emploi, là.
Si on veut vraiment faciliter l'utilisation des techniques d'information, qu'on fasse quelque chose de compréhensible puis que tout le monde peut comprendre.
Vous mentionniez tantôt qu'il faudrait que les parlementaires comprennent les nouveaux concepts. Je suis bien d'accord avec vous, mais il faudrait aussi que les utilisateurs les comprennent. Et le guide d'utilisation, à ce que je sache, ça n'a jamais valu devant les tribunaux, ça. Alors, ce n'est pas ça qui va empêcher des conflits puis des difficultés d'interprétation, loin de là. Alors, je pense qu'on devrait peut-être simplifier le langage et simplifier les obligations.
Encore une fois, il y a peut-être eu effectivement une mauvaise compréhension de notre part, et le Barreau est tout à fait ouvert à en discuter avec vous, M. le ministre, et avec Me Proulx également, mais ça nous semble être excessivement gros et complexe comme règles que l'on impose à tout le monde, y compris aux particuliers.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci. Alors, j'ai plusieurs questions du côté des ministériels. Il reste à peu près six minutes; donc, j'espère que les questions vont être courtes et que les réponses vont être les plus directes possible. Alors, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. J'apprécie le dernier commentaire, d'ailleurs, sur l'ouverture, parce que j'ai lu le mémoire ? et c'est le premier que j'ai lu d'ailleurs ? et j'ai trouvé... Tout d'abord, il était convaincant, dans le sens que, quand c'est le premier, c'est un domaine qui est quand même assez particulier. Alors, j'ai trouvé ça intéressant, sauf qu'à la lecture de tous les autres évidemment... J'imagine que vous avez pris connaissance des autres mémoires un peu? Non, vous n'en avez pas pris; alors, ça sonne faux un petit peu, vous êtes un peu à contre-courant. On a même entendu les représentants des banques, qui sont des gens quand même assez, disons, sécuritaires, et qui, face aux changements, sont assez réfractaires ? qui sont, au contraire, très ouverts à cette nouvelle législation.
J'étais surpris sur le ton un peu fermé, je vous dirais. Mais là, je suis content de voir que, bon, il y a une ouverture. Effectivement, c'est un domaine qui est très complexe et qui peut amener certains chambardements.
Vous ameniez des notions par rapport au fait de changer certaines... au lieu de faire une loi-cadre, d'aller plutôt dans les lois particulières. Sauf que, moi, j'y vois un intérêt au niveau... D'abord, il faut agir rapidement au niveau de la sécurité des transactions parce qu'on sait que c'est un domaine qui est en pleine expansion.
Ce que j'ai compris de votre mémoire, l'esprit, c'est de laisser un peu aux tribunaux ? et c'est d'ailleurs la voie qu'a choisie certaine autre Législature ? le soin de déterminer de quelle façon ça va s'orienter. Et, ça, je trouve ça dangereux par rapport à l'avancement très rapide du commerce électronique entre autres. J'aime mieux plutôt y aller avec une législation qui est complète en soi, qui peut être améliorée et qui sera même ? moi, je le pense ? modifiée avec le temps parce que c'est un domaine qui évolue très rapidement. Et c'est pour ça que vos commentaires par rapport... Et avec l'ouverture dont vous faites preuve au niveau, entre autres, du langage... Et j'ai vu certains commentaires par rapport à la valeur probante, il y avait des éléments au niveau juridique qui étaient intéressants. Et je crois que le texte de loi peut être amélioré dans cet esprit-là.
Mais, vous voyez un peu, au niveau de la sécurité, je pense que c'est l'élément le plus fondamental auquel les gens s'attendent le plus, soit de sécuriser ces transactions-là et de faire en sorte de donner une sécurité effectivement, tant au niveau financier qu'au niveau des particuliers, au niveau plutôt des institutions financières ? les entreprises ? que les particuliers.
Je lisais l'ensemble des commentaires que vous faisiez, sur lesquels vous vous opposez ? je vous dis ça en tout respect ? je ne les trouvais pas tous très convaincants. On n'aura peut-être pas le temps... On aura peut-être l'occasion d'en discuter. Mais, entre autres, sur la Charte des droits, j'avais de la misère à saisir, moi, à partir de quel article effectivement on pouvait contester ça à partir de la Charte des droits.
L'unicité. Vous savez, l'important, c'est l'harmonisation. Qu'on prévoie des conséquences différentes pour les particuliers ici, il n'y a pas de problème. Au contraire, si on a une législation qui est globale et les commerçants et ceux qui transigent savent quelle est la législation qui s'applique, il n'y aura pas de problème, au contraire.
En tout cas, je vous fais part de mes commentaires pour vous entendre par la suite.
Une voix: On n'aura pas le temps.
M. Bédard: Oui, on n'aura pas le temps, malheureusement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bédard: Il y avait l'autre...
Une voix: Continue...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste trois minutes, M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Une minute?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Trois.
M. Bédard: Alors, je vais continuer. Simplement vous dire, c'est par rapport à la notion... Je veux vous entendre sur la notion de signature aussi; on faisait le commentaire tantôt. Peut-être parce que je pense qu'ils n'étaient pas inclus dans le mémoire, l'Association des banquiers disait que, bon, suite aux modifications, il faudrait effectivement modifier la définition de signature qu'on a dans le Code civil. Et je me demandais si vous aviez regardé cette chose-là ou si éventuellement vous allez le regarder parce que c'est un élément que je trouve important au niveau de la sécurité.
Alors, c'est très rapide; je n'avais pas beaucoup de temps. Il y aurait d'autres éléments que j'aurais aimé approfondir, malheureusement. Mais vous comprenez un peu l'esprit dans lequel je m'inscris.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Plusieurs ont le goût d'intervenir, alors je serai brève. Ha, ha, ha!
D'abord, il faut bien comprendre que cet avant-projet là, ce texte législatif là, s'applique à bien d'autres choses qu'aux transactions électroniques. C'est beaucoup plus large que ça et ça fait plusieurs commentaires que j'entends ici, dire: On veut encadrer les transactions électroniques. On n'a rien contre ça, bien au contraire. Qu'on se limite à encadrer les transactions électroniques, on va être bien heureux. Mais c'est beaucoup plus que ça, ce que cette loi-là fait, la première des choses. Et, quand vous dites: Harmoniser, si les gens savent quelles règles s'appliqueront ici, au Québec, tout le monde va être sécurisé. Mais les transactions électroniques, là, ça se fait à travers le monde, cette affaire-là. Ce n'est pas... Alors...
M. Bédard: Elles se font actuellement pareil en vertu du régime normal, alors ça n'empêche pas Bombardier de vendre des avions.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Oui, oui, effectivement. Elles se font pareil. Il s'en fait tous les jours. Alors, c'est sûr que si on se démarque, nous, du reste des législations...
Là-dessus, j'aimerais éventuellement avoir l'occasion d'en reparler avec le ministre, parce que je pense que les lois des autres provinces ont pas mal le même canevas. Donc, si différents commerçants à travers les États-Unis, par exemple, le Canada puis l'Europe veulent faire des transactions électroniques avec les gens d'ici, je ne suis pas sûre que tout le monde va connaître comment ça marche. Je ne suis pas certaine, si on se démarque à ce point. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui voulaient...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, à ce moment-ci, j'aurais besoin d'un consentement pour laisser répondre les autres membres du comité qui voudraient répondre à la question du député de Chicoutimi.
Je comprends donc qu'il y a consentement. Alors, Me Gravel.
Mme Houda-Pepin: Très brièvement, parce que j'ai une question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, mais là, je vais avoir besoin d'un double consentement aussi, compte tenu qu'on va dépasser 18 heures.
Des voix: ...on aura l'occasion...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui.
n(18 heures)nMme Houda-Pepin: Alors, voulez-vous régler le problème du double consentement tout de suite?
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'est parce que, là, j'ai commencé par en demander un pour laisser terminer. Moi, comme présidente ici, il faut que j'aie un consentement pour qu'on puisse poursuivre après 18 heures, compte tenu qu'il reste cinq minutes à la députée de l'opposition aussi. Alors, ça va?
Mme Houda-Pepin: Il y a consentement, Mme la Présidente.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Bien là, oui, il y a consentement. Je comprends qu'il y a donc consentement pour laisser répondre les membres du Comité. Nos petits problèmes techniques étant réglés, alors, Me Gravel.
M. Gravel (Claude): Peut-être juste un commentaire d'ordre très général. Je pense que vous l'avez souligné à juste titre, c'est un domaine qui évolue très rapidement. À titre d'exemple, en 1994, les opinions qu'on obtenait des experts nous disaient: Les technologies de l'information, ça va être sur cédérom. Et il y a plusieurs entreprises qui ont fait des choix technologiques sur cédérom et qui se sont retrouvées à contre-courant très rapidement, ayant fait des investissements importants.
Je procède par analogie. Si une loi ou si des dispositions législatives doivent être souples, c'est bien une de celles-là, et, si on va trop en profondeur et on s'immisce trop dans la régulation... on va prendre, par exemple, au niveau de ce qu'on soulignait à la page 32: si, jamais, la tendance du monde extérieur est dans une autre direction, on va devoir amender, réamender, etc., d'où la prudence d'avoir un encadrement large mais sans nécessairement tomber dans le détail.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Oui, Mme la Présidente. Alors, très brièvement, je ne voudrais pas que vous partiez sous l'impression que vous êtes les seuls à avoir amené des commentaires du genre que vous avez exprimés. La Chambre de commerce du Québec nous a soumis, aujourd'hui, sa position. Elle est très, très éloquente et elle va exactement dans le sens des éléments que vous avez amenés.
Nous avons entendu, il y a quelques instants, juste avant vous, le Bureau d'assurance du Canada qui a soulevé toute la problématique de l'harmonisation de la législation au plan international, l'importance pour le Québec de s'inscrire dans cette démarche pour ne pas pénaliser justement les entreprises québécoises au niveau de la concurrence internationale.
Nous avons également le Conseil du patronat du Québec, qui ne se présente pas justement faute de temps, et qui a également soulevé toute la question de la complexité, le caractère nébuleux du projet de loi, la difficulté aussi au niveau de l'harmonisation également, et il y a plusieurs groupes...
Peut-être que mon collègue n'a pas eu la chance de lire tous les mémoires. Mais, à la lumière de ce que nous avons entendu aujourd'hui et à la lumière de ce que nous allons entendre dans les prochains jours, je peux vous assurer que les commentaires que vous avez faits et les suggestions aussi que vous avez apportées sont largement partagés par le groupe que nous avons entendu et que nous allons rencontrer.
Je vous remercie infiniment pour l'éclairage que vous nous avez apporté; ça va être extrêmement utile. C'est un mémoire qui va être une référence pour l'étude de ce projet de loi. Merci.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je comprends donc que c'est la fin de l'intervention.
Mme Houda-Pepin: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je voudrais remercier, bien sûr, Me Vadboncoeur, Me Laporte, Me Royer, Me Gravel, pour votre participation à cette commission.
Et, à ce moment-ci, j'ajourne donc les travaux à demain matin, 10 h 30. Et là, j'attire l'attention des parlementaires parce que c'est un petit peu exceptionnel: 10 h 30, demain matin, en cette salle.
Donc, voilà, les travaux sont ajournés.
(Fin de la séance à 18 h 4)