(Dix heures une minute)
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, très chers amis, bienvenue. Je déclare donc ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Permettez-moi de vous rappeler le mandat de cette commission. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation adressée à M. le ministre des Ressources naturelles par la députée de Bonaventure sur le sujet suivant: La politique énergétique.
Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bertrand (Portneuf) remplace M. Lelièvre (Gaspé); M. Paquin (Saint-Jean) remplace M. Kieffer (Groulx); et M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellante, Mme la députée de Bonaventure, aura un temps de parole de 10 minutes, suivie par M. le ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle, M. le ministre et un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusions, d'une part, au ministre et un temps de réplique égal à Mme la députée de Bonaventure.
De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit en rien la durée de l'interpellation. Enfin, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Ainsi, comme il est à peu près 10 h 2, je demanderais le consentement pour que nous puissions finir à 12 h 2. Est-ce que ça vous irait? Consentement? Consentement. Très bien. Sur ce, Mme la députée de Bonaventure, à vous la parole.
Exposé du sujet
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, comme je le fais habituellement, vous me permettrez de saluer le ministre et l'ensemble de ses collaborateurs et collaboratrices ce matin pour l'interpellation. Alors, le thème, pour les deux prochaines heures qui nous occuperont, est le suivant: La politique énergétique, et on pourrait rajouter: Bilan et perspectives quatre ans après son adoption.
Le ministre, en commission parlementaire et en Chambre, rappelle souvent toute l'admiration que j'ai pour la politique énergétique du Québec. Effectivement, M. le Président, je pense qu'on a de quoi être fier de la politique énergétique qui a été adoptée en 1996, qui s'appuie sur un très large consensus et ? c'est important de le rappeler ? qui origine d'un débat transparent auquel ont été conviés l'ensemble des intervenants du domaine de l'énergie au Québec. Évidemment, notre formation politique a donné à ce moment-là, en 1996, son aval, ce qui a conduit à l'adoption de la politique énergétique.
Le ministre de l'époque, qui est le député de Joliette, a pris le soin de souligner, à la page 4 de cette fameuse politique énergétique ? et vous me permettrez de le citer ? que cette politique «s'appuie sur des consensus explicites et effectifs. En déclenchant un débat public sur l'énergie, le gouvernement du Québec a fait en sorte que la nouvelle politique soit établie sur les bases les plus solides. La politique énergétique que nous déposons constitue en effet l'aboutissement d'un des plus vastes débats d'idées qu'ait connus le secteur énergétique québécois.» M. le Président, en déposant hier son projet de loi à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 116, le ministre des Ressources naturelles renie les engagements de son prédécesseur et de son gouvernement. Et ce qui est plus grave encore, c'est que le ministre des Ressources naturelles et son gouvernement ont choisi de faire voler en éclats tout le consensus qui a été établi en 1996 et qui a mené à l'adoption de cette politique énergétique.
Alors, dans ce contexte, M. le Président, on comprend difficilement, on s'explique difficilement que le ministre, aujourd'hui, dise qu'il est cohérent. Pour satisfaire les désirs d'Hydro-Québec et de son collègue des Finances ? qui veut faire d'Hydro-Québec, il est important de le rappeler, la nouvelle machine à imprimer de l'argent du gouvernement ? le ministre des Ressources naturelles a anéanti des années d'efforts consentis par tous les intervenants du domaine de l'énergie et de son gouvernement pour assurer une gestion saine, transparente et efficace de tout le secteur énergétique au Québec.
Aujourd'hui, je dois vous dire que la consternation, la frustration est grande chez les groupes qui ont participé au débat public de 1996. Avec le projet de loi qui a été déposé hier par le ministre, il est clair, pour tous ces groupes, que le gouvernement péquiste veut les museler, et ils sont nombreux aujourd'hui à dénoncer le geste posé par le ministre des Ressources naturelles et par son gouvernement.
En amputant la Régie de l'énergie d'importants pouvoirs, en soustrayant Hydro-Québec du contrôle de la Régie de l'énergie, le gouvernement du Parti québécois a choisi d'imposer aux citoyens du Québec un recul important en matière énergétique. Par son projet de loi, le ministre confirme qu'Hydro-Québec, qui est en situation de monopole, n'aura plus de comptes à rendre à personne. C'est le pire scénario que nous pouvions imaginer, puisque aujourd'hui les Québécoises et les Québécois ont perdu le contrôle de 50 % de leurs actifs.
C'est évidemment une décision qui est lourde de conséquences et qui confirme qu'Hydro-Québec sera dorénavant le seul maître à bord, puisqu'elle n'aura plus à justifier ses choix devant un organisme indépendant comme la Régie de l'énergie pour le développement de son réseau de production, qui représente 50 % des ses actifs et qui est le secteur le plus rentable.
Le projet de loi qu'a déposé le ministre confirme deux choses: d'une part, qu'il s'est écrasé devant Hydro-Québec et, d'autre part, qu'il s'est écrasé devant son collègue des Finances. C'est un scénario qui était prévisible, et vous me permettrez de citer un extrait d'un article paru dans le journal Les Affaires du 26 juin 1999 dans lequel on écrit, et je cite: «Il paraît de plus en plus évident que Québec se prépare à acquiescer à la demande d'Hydro. Le ministre Guy Chevrette, qui a dirigé l'élaboration de la politique de l'énergie et qui a fait voter la Loi sur la Régie de l'énergie, a été remplacé par Jacques Brassard, sur qui Lucien Bouchard semble avoir plus d'influence.» En d'autres termes, M. le Président, les Québécoises et les Québécois ont été exclus du deal entre Hydro-Québec et le premier ministre.
Le ministre des Ressources naturelles, hier, s'est justifié en affirmant qu'en amputant la Régie de l'énergie d'importants pouvoirs il protégeait et sauvegardait le fameux pacte social adopté lors d'une élection référendaire en 1962 sous Jean Lesage. Évidemment, Jean Lesage, on s'entend tous pour dire qu'il a été un homme de vision, un libéral qui a contribué d'une façon importante et extraordinaire à façonner le Québec d'aujourd'hui, tout comme Robert Bourassa, d'ailleurs, qui a mis en chantier tous les grands projets hydroélectriques qui font aujourd'hui la fierté des Québécois partout dans le monde. Alors, aujourd'hui, M. le Président, j'aimerais répondre à un certain nombre d'éléments au ministre sur le sujet.
Tout d'abord, le ministre des Ressources naturelles tente de démontrer qu'il s'érige en bon démocrate. Mais il sait bien qu'en réalité il ne fait que camoufler un débat qui le mettrait, lui et son gouvernement, dans une position très difficile vis-à-vis la population du Québec. D'ailleurs, hier, c'est à notre grand regret qu'il a refusé de tenir des consultations publiques sur les importantes modifications à la Loi de la Régie de l'énergie. Il a décidé seul ? et ça, c'est important ? de l'avenir de tout le secteur énergétique au Québec en faisait fi des nombreuses suggestions des intervenants de ce secteur. Le ministre nous a prouvé une chose, qu'il a eu de l'écoute pour un seul intervenant, soit Hydro-Québec.
Le ministre prétend également protéger le pacte social, mais refuse toute transparence quand il est question de la production d'électricité et d'Hydro-Québec. Comme le pacte social est une entente conclue entre le gouvernement et les Québécois, nous avons donc un droit légitime de participer pleinement à la gestion de notre patrimoine énergétique, qui a été confié à Hydro-Québec. Le ministre contrevient d'une façon éhontée et inacceptable à ce principe premier, ce qui nous laisse croire que la protection du pacte social est loin d'être sa véritable motivation. Plutôt que de nous assurer les tarifs les plus bas possible, le ministre a failli à la tâche et a choisi de se ranger du côté de son collègue des Finances.
n(10 h 10)n Un autre élément important, M. le Président, qui mérite d'être souligné ce matin: contrairement à Jean Lesage, le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles aujourd'hui n'ont eu et n'ont aucun mandat de la population pour apporter des modifications de cette ampleur à la Régie de l'énergie.
Pire, M. le Président, ils renient même les militants de leur propre formation politique, qui, en fin de semaine dernière, ont adopté une résolution pour préserver l'intégralité de la Loi sur la Régie de l'énergie. Si le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles n'ont pas d'écoute pour leurs propres militants, M. le Président, alors, dans ce contexte-là, il ne faut pas s'étonner qu'ils aient choisi, donc, d'ignorer la population sur cette importante question.
Dans ce contexte, M. le Président, je pense que le ministre des Ressources naturelles ne doit pas ? et c'est une erreur qu'il fait ? tenter de s'approprier tout l'héritage libéral, parce que, aujourd'hui, en déposant son projet de loi n° 116, il nous fait la démonstration que son gouvernement manque cruellement de vision et transgresse les principes fondamentaux de développement durable qui doivent donc nous orienter dans les choix que nous ferons en matière énergétique au Québec.
M. le Président, à la page 3 de la politique énergétique, on peut lire, et je cite ? et c'est évidemment le ministre de l'époque, le député de Joliette, qui soulignait: «La création d'une Régie de l'énergie, dotée de pouvoirs décisionnels, apportera transparence et équité dans le fonctionnement du secteur énergétique québécois, dans la définition des tarifs des entreprises réglementées.» Alors, M. le Président, sur la base d'une déclaration comme celle-là, le ministre des Ressources naturelles contrevient d'une façon importante à ce principe, qui avait été annoncé par son prédécesseur et qui est à la base même de la politique énergétique du Québec.
En conclusion, M. le Président, on se rend compte que les changements annoncés hier par le ministre des Ressources naturelles à la Loi de la Régie de l'énergie sont majeurs, et les Québécois feront tôt ou tard les frais de cette nouvelle orientation du gouvernement péquiste. Il y a plusieurs questions qui se posent, M. le Président, sur la base du projet de loi qui a été déposé hier, et, lorsqu'on les place en perspective de la politique énergétique, ces questions sont fort légitimes.
Par exemple: Qui va déterminer le taux de rendement d'Hydro-Québec Production? Qui va nous dire quand le taux de rendement d'Hydro-Québec Production sera excessif? Qui va nous dire si les décisions d'Hydro-Québec Production sont prises dans l'intérêt des Québécois? Et en qui, M. le Président, les Québécois vont placer leur confiance pour bénéficier des meilleurs tarifs?
Je souhaite que l'interpellation de ce matin, bien sûr, puisse nous donner plusieurs réponses à ce questionnement, qui est légitime et pour lequel, évidemment, plusieurs groupes qui sont interpellés par la question de l'énergie au Québec sont très inquiets. Le ministre nous a fait la démonstration hier, en déposant le projet de loi n° 116, M. le Président, qu'il s'inscrivait donc à l'encontre des principes premiers pour lesquels cette fameuse politique énergétique qui a été adoptée en 1996 a fait à ce moment la fierté des intervenants qui se sont impliqués pendant plusieurs mois, a fait à ce moment la fierté des Québécoises et des Québécois, qui ont fait confiance, évidemment, aux intervenants qui se sont prononcés pour permettre au Québec et aux Québécois et aux Québécoises d'avoir des orientations claires en matière de développement durable et en matière énergétique. Aujourd'hui, M. le Président, malheureusement, nous devons constater que le ministre des Ressources naturelles...
Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, Mme la députée.
Mme Normandeau: ...place donc le Québec sur la bien mauvaise voie. Merci.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Alors, M. le Président, nous avons, la députée de Bonaventure et moi, au moins une chose sur laquelle on est pleinement d'accord, c'est la politique énergétique du Québec. Elle a encore une fois exprimé toute son admiration pour cette politique articulée et complète qui porte sur toutes les dimensions du dossier énergétique au Québec.
Elle l'a citée à quelques reprises, mais elle ne va pas loin dans la politique, elle n'a pas dépassé la page 4. Je lui ai pourtant indiqué hier une page importante, qui est la page 21. Alors, il ne faut pas juste la brandir comme un drapeau, la politique, il faut la lire au complet aussi. Il ne faut pas s'arrêter à la page 4, il faut aller au moins à la page 21.
Alors, je vais y aller, moi, à la page 21. Ça porte sur la déréglementation, l'ouverture sur la déréglementation, et je vous en lis un paragraphe seulement ? c'est dans la politique ça aussi, là, ce n'est pas une invention, c'est dans la politique: «En même temps qu'il met en place la Régie de l'énergie, le gouvernement définit une orientation claire et ferme en vue de déréglementer la production d'électricité et confie à la Régie un mandat à cette fin.» Donc, c'était déjà annoncé, là. On n'a pas fait de cachotteries, il n'y avait pas de mystère, c'était déjà annoncé dans la politique que le gouvernement allait s'engager sur la voie de la déréglementation de la production d'électricité. Il n'y a pas là de mystère, on n'a pas à nous accuser d'un crime de cachotteries, c'était écrit. Mais encore faut-il qu'on dépasse la page 4.
Ceci étant dit, M. le Président, la députée de Bonaventure a longuement parlé du projet de loi que j'ai déposé hier. Je vais y revenir aussi, parce qu'il a été déposé hier, mais il s'est dit déjà beaucoup de choses qui sont fausses et sans fondement en guise de commentaires sur ce projet de loi.
D'abord, le mandat que le gouvernement a reçu, oui, c'est d'appliquer la politique, sans doute, mais c'est aussi de défendre les intérêts de la population. C'est un mandat général que tout gouvernement doit assumer, défendre les intérêts de la population. Et ça, ça signifie effectivement sauvegarder le pacte social qui a été conclu au début des années soixante. J'y reviens, parce que ce pacte social n'a jamais été remis en question au fil des années par aucun gouvernement, de quelque allégeance qu'il soit.
Ce pacte social est issu de la nationalisation de l'électricité, qui a été en quelque sorte autorisée ou souhaitée par la population à l'occasion d'une élection qu'on peut presque qualifier de référendaire, en 1962, conduite par René Lévesque et Jean Lesage. Je m'en rappelle très bien, parce que c'est la première fois que j'ai voté. J'ai voté pour la première fois en 1962, et c'est aussi la seule fois dans toute ma vie que j'ai voté libéral, n'est-ce pas, parce que j'étais pleinement d'accord avec ce que proposaient Jean Lesage et René Lévesque: nationaliser l'électricité et conclure un véritable pacte entre le peuple et le gouvernement, l'État. Ce pacte, il a toujours été maintenu.
Il consiste en quoi, ce pacte social concernant l'électricité? Il consiste en ceci: des tarifs uniformes, on paie l'électricité le même tarif où qu'on soit sur le territoire québécois; des tarifs stables, qui ne bougent pas, ou qui bougent ou qui fluctuent très à la marge depuis 1998 ? n'oublions pas, les tarifs d'électricité sont gelés, puis ils vont être gelés jusqu'en 2004, c'est ce qui s'appelle stabilité tarifaire, on ne voit pas ça dans d'autres secteurs de l'énergie; et des tarifs bas, particulièrement pour les clients résidentiels ? les clients résidentiels, ça, c'est des millions de personnes, des millions de ménages au Québec, ça, c'est le peuple, c'est la population.
Des tarifs bas. Pourquoi des tarifs bas? Parce qu'il y a un phénomène qui s'appelle l'«interfinancement»: les clients résidentiels paient moins cher leurs tarifs parce que les autres catégories de consommateurs assument davantage les coûts, paient plus. C'est un phénomène connu qui existe depuis longtemps et qui fait partie du pacte social. Si vous modifiez ce phénomène-là, si vous changez l'interfinancement, ça va se traduire inévitablement par des hausses tarifaires pour les clients résidentiels.
Le gouvernement ne veut pas cela, le gouvernement se refuse à bouleverser le pacte social. Le gouvernement ne veut pas que les clients résidentiels se retrouvent avec une facture augmentée de 25 % à 30 %, on ne veut pas cela. Par conséquent, on veut maintenir l'interfinancement. C'est ça. On peut bien citer toutes sortes de chiffres puis citer toutes sortes de commentaires venant de toutes sortes d'intervenants, la réalité, c'est ça, c'est que le gouvernement ne veut pas que les clients résidentiels se retrouvent avec une facture d'électricité augmentée de 25 % à 30 %, il n'en est pas question.
n(10 h 20)n Donc, dans cette perspective-là, c'est évident que, s'il faut ? et c'est ça qu'on a constaté ? amender la Loi sur la Régie de l'énergie, on va le faire, et on le fait maintenant avec un projet de loi à cet égard, d'autant plus que la Loi sur la Régie de l'énergie, ce n'est pas l'équivalent du décalogue que Moïse a trouvé sur le mont Sinaï écrit sur des tables de pierre. La Loi de la Régie de l'énergie, c'est une loi comme bien d'autres, ça fait partie du corpus des lois du Québec. Et puis je ne vois pas pourquoi cette loi-là aurait un statut tout à fait particulier et unique, elle serait immuable, intouchable, intemporelle, on ne pourrait pas l'amender, l'Assemblée nationale ne pourrait pas l'amender.
En certains milieux, c'est l'opinion qu'on a: C'est une loi sacrée, c'est un texte sacré de nature quasi biblique ou évangélique. Bien voyons donc! On passe notre temps, à l'Assemblée nationale, à amender des lois pour les adapter à l'évolution des choses. On va faire la même chose avec la Loi sur la Régie de l'énergie, parce que, si la Loi de la Régie de l'énergie actuelle nous empêche de protéger l'interfinancement et nous empêche de maintenir les tarifs bas pour les clients résidentiels, on va la modifier, puis c'est ça qu'on va faire.
Donc, on parlait d'écoute, la députée de Bonaventure parlait d'écoute. Bien, le gouvernement, il est à l'écoute d'abord de la population. Je veux bien croire qu'il y a des intervenants, des groupes regroupés dans une coalition qu'on qualifie d'arc-en-ciel, je veux bien croire qu'ils ont droit de parole. D'ailleurs, ils l'exercent pleinement, ils parlent souvent et beaucoup, c'est leur droit bien légitime. Mais le gouvernement doit d'abord écouter le peuple.
Vous irez demander au peuple qui reçoit sa facture d'électricité à chaque mois qu'est-ce qu'il souhaite. Qu'est-ce qu'il souhaite? Il souhaite que la facture ne change pas, qu'il n'y ait pas d'augmentation de tarifs. C'est ça qu'il souhaite, c'est ça qu'il veut et c'est ça qu'on va lui donner, même si certains groupes sont en désaccord avec cette orientation fondamentale, certains groupes qui, il faut le dire, ne comprennent pas toujours.
Je lisais les commentaires des producteurs privés, de M. Lefrançois. Manifestement, il n'a pas compris. Il n'a pas compris que, pour la petite hydraulique ? parce que c'est ça qui le concerne, ça le concerne beaucoup, ça, la petite hydraulique ? Hydro-Québec Production ne sera pas de la partie. Il affirmait ? je voyais ça dans Le Devoir d'aujourd'hui ? il prétendait qu'Hydro-Québec Production allait se retrouver en concurrence avec les producteurs privés pour les petites centrales de 50 MW et moins. Bien non! Ce ne sera pas le cas. Les appels d'offres, ça va se faire dans chacune des filières, puis Hydro-Québec Production ne sera pas de la partie, ne sera pas dans la course. Alors là c'est vraiment mal comprendre les choses.
D'autre part, les grands consommateurs industriels, il faut savoir ce qu'ils souhaitent, là. C'est un peu bizarre de les retrouver avec les organisations de défense des consommateurs. Les grands consommateurs industriels, ce qu'ils veulent, c'est des baisses de tarifs et c'est l'abolition de l'interfinancement. Je pourrais vous citer une lettre de M. André Duchesne, de l'Association de l'industrie forestière. C'est ça qu'ils souhaitent, ils veulent abolir l'interfinancement pour se retrouver avec des baisses de tarifs pour les industriels.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien. En conclusion, M. le ministre.
M. Brassard: Alors, il faut savoir, il faut connaître les intérêts, il faut savoir identifier les intérêts véritables de ceux qui parlent.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien. Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole à la porte-parole officielle, Mme la députée de Bonaventure, pour une période de cinq minutes.
Argumentation
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je suis bien heureuse d'entendre le ministre nous dire qu'il a voté une fois dans sa vie pour le gouvernement libéral. Il a eu un moment de lucidité, évidemment, qu'on souhaiterait voir, un bon moment de lucidité, effectivement.
Le ministre insiste beaucoup sur le fait que la Loi de la Régie de l'énergie semble être un texte sacré et intouchable. Je lui rappellerai évidemment à juste titre que cette volonté de créer une régie de l'énergie, c'est une volonté de son gouvernement, de son prédécesseur, le ministre des Ressources naturelles de l'époque, le député de Joliette. Évidemment, à ce moment-là, on a créé une Régie de l'énergie pour s'assurer qu'Hydro-Québec, qui est un monopole d'utilité publique au Québec, donc, soit contrôlée, qu'on ait un mécanisme de régulation moderne, adapté, donc, aux nouvelles réalités qu'on retrouve partout en Amérique du Nord.
Ce matin, M. le ministre, les articles sont nombreux, évidemment, pour qualifier le projet de loi que vous avez déposé hier: dans Le Devoir, La Régie de l'énergie est amputée de ses pouvoirs; et, dans Le Devoir également, Ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque, rien de moins; dans La Presse, Hydro-Québec mise à l'abri de la Régie de l'énergie. Donc, je pense que d'invoquer les titres des articles qui sont parus ce matin témoigne du mécontentement partout dans la population et dans les groupes que vous minimisez, mais qui sont importants dans le domaine énergétique. Il y a même deux de vos collègues qui se sont opposés au projet de loi que vous avez déposé hier, donc le député de Joliette et le député d'Abitibi-Est.
M. le ministre, vous insistez beaucoup pour dire que le pacte social, effectivement, est un pacte qu'on doit protéger. Je pense qu'on s'entend tous sur cet aspect-là. Le pacte social, évidemment, contient des éléments importants: il faut maintenir des tarifs uniformes, des tarifs stables, des tarifs bas, donc, particulièrement pour tout le secteur résidentiel.
Lorsqu'on a procédé hier à la lecture du projet de loi n° 116, il y a un article qui a retenu notre attention, vous me permettrez de le lire. À l'article 15 du projet de loi n° 116, on peut lire la chose suivante: «La Régie ne peut modifier le tarif d'une catégorie de consommateurs afin d'atténuer l'interfinancement entre les tarifs applicables à des catégories de consommateurs.» Donc, dans le fond, ce qu'on comprend, c'est que vous auriez pu très bien déposer un projet de loi hier avec un article, l'article 15, pour qu'on puisse protéger l'interfinancement, qu'on puisse protéger, donc, ce qui vous semble cher et ce qui nous est cher également, soit d'avoir des tarifs les plus bas possible.
Alors, on a vraiment l'impression, M. le ministre, que vous avez pris une espèce de bazooka pour tuer un moustique et on se demande, évidemment, dans ce contexte-là: Pourquoi avoir présenté un projet de loi qui ampute d'une façon aussi importante les pouvoirs de la Régie de l'énergie?
Dans le fameux rapport duquel, évidemment, vous vous êtes inspiré pour présenter votre projet de loi, le fameux rapport de Merrill, Lynch... Je pense qu'il y a des choses importantes qu'on doit dire de ce fameux rapport, et je vais m'inspirer d'une étude qui a été préparée, donc, par des consultants en énergie et en gestion, le fameux rapport qui a été produit par Pierre Bolduc, qui est un ancien vice-président aux finances d'Hydro-Québec.
À la page 6 de son rapport, qui analyse évidemment l'étude de Merrill, Lynch, M. Bolduc nous dit la chose suivante: «L'hypothèse de base de Merrill, Lynch a été imposée par le ministre. Elle suppose qu'une réglementation de la production sur la base des coûts mènerait inévitablement à la correction de l'interfinancement qui favorise le secteur résidentiel. Elle va jusqu'à supposer que telle correction se ferait dès 2001 de façon brutale et instantanée, sans aucune transition qui tienne compte d'une perspective à moyen terme.» On ajoute la chose suivante: «Merrill, Lynch ne se prononce aucunement sur la vraisemblance d'un tel scénario et va même jusqu'à citer plusieurs exemples d'États américains où l'interfinancement a été justifié et maintenu dans un contexte de réglementation sur la base des coûts.» En conclusion, on nous dit la chose suivante: «La conclusion du rapport à l'effet qu'en laissant ses pleins pouvoirs à la Régie de l'énergie on risquait de voir une hausse des tarifs résidentiels de l'ordre de 27 % ne tient à rien d'autre, donc, qu'à un scénario invraisemblable dont tous les facteurs pertinents ne sont aucunement cautionnés par Merrill, Lynch et proviennent directement du ministère et d'Hydro-Québec.» Alors, la question, M. le Président, qu'on doit se poser: Quel est l'objectif que poursuit le ministre des Ressources naturelles? Pourquoi le ministre déploie tant d'énergie pour défendre son projet de loi n° 116? Parce que, M. le Président, c'est évident, le ministre des Ressources naturelles répond à une commande d'Hydro-Québec et à une commande de son collègue des Finances.
Alors, que le ministre ne vienne pas nous rassurer qu'il se porte en bon défenseur des consommateurs d'électricité au Québec alors que, dans les faits, on poursuit un objectif qui est non avoué. J'aimerais bien savoir, M. le Président, ce matin, quel est ce fameux objectif que poursuit le ministre des Ressources naturelles en déposant son projet de loi n° 116.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien. Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre, à vous la parole.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je n'ai pas eu le temps de parler tout à l'heure de la formation politique à laquelle j'appartiens et qui a tenu son congrès en fin de semaine, un congrès extraordinaire qui s'est déroulé dans l'harmonie et l'unité et qui a donné un vote de confiance massif à notre président, à notre chef.
n(10 h 30)n Alors, oui, il y a eu une motion d'urgence qui a été proposée à ce congrès qui voulait mandater l'aile parlementaire de faire en sorte que la Loi sur la Régie de l'énergie soit respectée dans toutes ses dispositions et que toutes ses dispositions soient mises en vigueur et les règlements qui en découlaient. Je suis intervenu sur cette motion, mon collègue le député de Groulx aussi, un militant également est intervenu, et la motion d'urgence a été massivement battue.
En matinée, effectivement, il y a eu une motion ? qui, elle, a été adoptée à majorité ? qui modifiait le programme à cet égard. Mais les 1 700 délégués ont refusé de mandater l'aile parlementaire pour que sa position soit un respect scrupuleux et un peu bête de toutes les dispositions de la Loi sur la Régie de l'énergie.
L'interfinancement, l'article 15. Bien, je suis content d'apprendre, comme me le signalait mon collègue de Saint-Jean, que, en étude détaillée, en commission parlementaire, la députée de Bonaventure va au moins voter pour un article de la loi, l'article 15 qui protège l'interfinancement. Tant mieux. Et elle se demande: Pourquoi d'autres dispositions? Pourquoi pas uniquement cette disposition-là?
Le gouvernement poursuit deux objectifs avec cette loi, il faut toujours se le rappeler. Le premier objectif, effectivement, c'est de sauvegarder le pacte social et donc des tarifs résidentiels bas grâce à l'interfinancement, donc maintenir l'interfinancement. Geler l'interfinancement, c'est effectivement le but de l'article 15.
Mais aussi le gouvernement poursuit un autre objectif, c'est de faire en sorte qu'Hydro-Québec, entreprise d'État dont les millions de Québécois sont les actionnaires, au fond, puisse poursuivre et continuer de progresser sur la voie de la rentabilité en faisant en sorte que ses dividendes et ses bénéfices aillent en croissant. Ce qui va arriver en 2004, puisque le taux de rendement sera autour de 10 %, ce qui n'a rien de scandaleux ou d'indécent, et que les bénéfices nets en 2004, à la fin du plan stratégique, seront de 1,6 milliard, donc 800 millions de dividendes.
Enfin, les Québécois commencent depuis quelques années à retirer les fruits des investissements massifs qu'ils ont consentis au cours des 30 dernières années. Ça m'apparaît tout à fait normal et légitime. Mais, pour que cela se poursuive, pour que la rentabilité augmente, que les dividendes augmentent et que le taux de rendement augmente, il ne faut pas qu'Hydro-Québec Production soit encarcanée dans des règles et l'objet de contraintes décidées par la Régie en matière de production, particulièrement son taux de rendement. Si la Régie impose un taux de rendement de 10 % en production à Hydro-Québec, bien là c'est clair qu'Hydro-Québec va être obligée de demander des hausses de tarifs en distribution. On n'aura pas le choix si on veut qu'elle maintienne le même niveau de dividendes et le même niveau de bénéfices nets. C'est ça, la réalité.
Alors, il faut à la fois protéger le pacte social et donc l'interfinancement et les tarifs bas résidentiels, mais, en même temps, il faut donner la liberté de manoeuvre à Hydro-Québec pour réduire ses charges et augmenter ses bénéfices nets et ses dividendes, donc être de plus en plus rentable pour le plus grand bien de tous les Québécois, qui sont les actionnaires mêmes d'Hydro-Québec. C'est ça qu'on poursuit et c'est pour ça qu'il ne faut pas juste, dans une disposition de la loi, protéger l'interfinancement. Il faut autre chose aussi, il faut déréglementer la production.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Portneuf.
M. Roger Bertrand
M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir, en effet, à cette interpellation sur la politique énergétique, notamment pour mettre en relief certains aspects de la politique et notamment du projet de loi qui sont très importants pour le développement économique et social de nos communautés et des régions. Et ça me surprend que la députée de Bonaventure mette l'accent uniquement sur un article, puisque d'autres articles ? et je vais l'illustrer ? ont une importance majeure pour le développement économique de nos communautés.
Je rappellerai, M. le Président, que la politique énergétique prévoit déjà, quant à ses objectifs, que l'on fasse la promotion du développement économique, finalement, du Québec et de ses régions. On vise par cette politique à assurer l'augmentation de la richesse, de la création d'emplois, le développement, l'encouragement des industries ou des entreprises à forte valeur ajoutée, et on nous invite, par cette politique, à saisir toutes les occasions justement que nous offrent notamment les marchés mondiaux pour faire en sorte qu'on puisse créer cette richesse au Québec et la répartir de la meilleure façon possible au sein de nos communautés.
Or, il arrive précisément, M. le Président, que cette politique et le projet de loi qui est déposé aujourd'hui nous permettent de continuer à avancer. Une politique ? et c'est vrai pour la politique énergétique ? ce n'est pas quelque chose de statique, là, c'est un organisme vivant qui doit pouvoir évoluer en fonction de l'évolution de la collectivité et des défis qui sont devant nous. Or, nous avons toujours, notamment au niveau du développement des régions, des défis importants à relever.
Alors, je vais vous illustrer de quelle façon la politique et le projet de loi qui est déposé, à titre d'exemple, nous permettent de travailler utilement dans le développement économique et social des différentes régions du Québec. Le projet de loi maintient, réaffirme, réappuie, redonne toute l'importance que cette disposition-là mérite, donc au pouvoir du gouvernement d'établir des conditions particulières pour des projets ayant des retombées économiques significatives pour nos communautés.
Au cas où ceci aurait échappé à ma collègue de Bonaventure, qui me semble nous annoncer une fixation sur l'article 15 en termes d'appui, j'attire son attention sur l'article 63, qui est directement pertinent à cette disposition. Je vais vous dire comment ça peut aider au développement économique de nos communautés, en prenant l'exemple des défis et des opportunités qui sont aujourd'hui devant tous ceux et celles qui s'intéressent, au fond, à la serriculture, c'est-à-dire aux cultures en serres, et je donnerai, de façon plus précise, l'illustration que constitue la production qui s'est de plus en plus développée, au Québec, au cours des dernières années, en ce qui regarde les tomates de serre.
On veut donc permettre à une telle industrie de croître raisonnablement dans le cadre d'un environnement décentralisé, au bénéfice des régions, donc, et également d'un développement durable. Il faut comprendre que le marché québécois de la tomate de serre de qualité est à peine développé à 50 %, au niveau du marché québécois, et que des opportunités importantes se présentent dans tout le Nord-Est américain.
On a donc intérêt à faire en sorte que, dans la serriculture, et notamment au niveau des tomates de serre, on puisse mettre sur le marché et développer davantage les ventes de tomates de qualité. Et on est actuellement, il faut le reconnaître, limité au niveau de l'offre ici, au Québec, et non pas au niveau de la demande. Il n'existe aucune raison actuellement pour que le Québec ne devienne pas, au cours des prochaines années, un fournisseur important de tomates hydroponiques sur ces marchés, ce qui implique plusieurs dizaines de millions de dollars d'investissement, éventuellement.
Les coûts de construction plus élevés qu'on connaît au Québec, la température également, font en sorte qu'on doit considérer, peut-être effectivement ajuster une certaine tarification pour faire en sorte que les conditions climatiques fraîches, combinées à l'éclairage artificiel qu'on connaît, qu'on peut connaître davantage au Québec, contribuent à augmenter notre production, au grand bénéfice non seulement des consommateurs, mais également de ceux qui y travaillent.
Je terminerai là-dessus, M. le Président. Il faut comprendre que c'est beaucoup d'emplois. La très grande majorité des emplois dans ce secteur-là consiste justement en des emplois non spécialisés. Beaucoup de gens étaient sur l'assurance chômage, sur l'aide sociale, auparavant, et maintenant travaillent dans des serres, ce qui implique non seulement un avantage pour la région, un avantage pour ces travailleurs-là, mais également un avantage pour le Québec, comme gouvernement, qui en tire des avantages au niveau des taxes et des impôts. Donc, avantageux pour tous. Bravo, M. le ministre!
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Portneuf. Je cède maintenant la parole à la députée de Bonaventure.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Je souhaiterais revenir sur la déclaration du ministre, tout à l'heure, qui nous a dit que la Régie de l'énergie ne devait pas tout contrôler et devait donner à Hydro-Québec une certaine latitude. Cependant, c'est étonnant d'entendre ça parce que justement son gouvernement a créé la Régie de l'énergie, et la création de cet organisme est au coeur de la politique énergétique. Alors, on est en droit de se demander pourquoi, en 1996, c'était bon de créer une Régie de l'énergie qui allait assumer tous les pleins pouvoirs et que, aujourd'hui, le gouvernement choisit de changer de cap de façon importante.
Je souhaiterais revenir sur la page 21 de la politique énergétique et la page 23 également, puisque le ministre, contrairement à ses affirmations, je vais le rassurer et lui dire que j'ai fait évidemment une grande lecture de l'ensemble de la politique énergétique, contrairement à ce qu'il a supposé. À la page 21 de la politique énergétique, on lit la chose suivante: «La Régie donnera son avis au gouvernement sur les façons de déréglementer ou de soustraire de sa compétence en tout ou en partie la production d'électricité. Il reviendra ensuite au gouvernement de donner suite aux recommandations de la Régie.»n(10 h 40)n Ça, c'est important, M. le Président, parce que, dans les choix qu'a faits le gouvernement, on n'a pas laissé à la Régie de l'énergie justement le choix d'émettre son avis en matière de déréglementation. On a préféré s'en remettre à cinq experts, mais je devrais dire à un expert, puisque c'est des recommandations de Merrill, Lynch qui ont été retenues et qui ont motivé le gouvernement et le ministre des Ressources naturelles dans ces choix qui ont conduit à l'adoption du projet de loi n° 116.
Autre élément important, M. le Président, c'est tout le volet exportation, parce que le projet de loi n° 116 nous confirme que dorénavant tout le volet de production d'Hydro-Québec sera retiré, donc, de la Régie de l'énergie, de la juridiction de la Régie de l'énergie. Ça, je dois vous dire que c'est inacceptable parce qu'Hydro-Québec, qui est une société d'État, qui est un monopole, qui appartient aux Québécois, se doit minimalement d'être contrôlée par une instance indépendante. Et le gouvernement a fait le choix de confier ce mandat à la Régie de l'énergie.
À la page 23 de la politique énergétique, au niveau des exportations, ça, c'est important, on lit la chose suivante: «Les contrats d'exportation d'Hydro-Québec devront également être soumis à la Régie de l'énergie. Cette compétence vise toujours le même objectif: il s'agit de permettre à la Régie de vérifier l'impact éventuel des exportations sur les tarifs des consommateurs québécois et de s'assurer que les exportations ne lèsent pas les intérêts des consommateurs.» Alors, avec la décision qu'a prise le ministre avec le projet de loi n° 116 qui retire à la Régie de l'énergie son droit de regard sur les exportations, comment voulez-vous, M. le Président, que les consommateurs québécois soient assurés justement que les exportations ne lèsent pas leurs intérêts? Quelles garanties le ministre des Ressources naturelles peut nous confier aujourd'hui?
Un autre recul important, c'est celui qui a trait aux préoccupations sociales et environnementales, donc, qui étaient contenues dans la politique énergétique et qui sont, à mon sens, des éléments fondamentaux et qui sont à la base même de toute politique en matière de développement durable. L'article 5 du projet de loi est explicite. En fait, on retire toute la question qui tient compte...
Et vous me permettrez de lire l'ancien article de la Loi de la Régie de l'énergie qui nous dit: «Dans l'exercice de ses fonctions, la Régie favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable. À cette fin, elle tient compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales.» Tout ce volet-là, cette partie-là, a été retranché dans le nouveau projet de loi qui a été déposé, et l'article 5, le nouvel article 5 dans le projet de loi n° 116, ne fait pas du tout mention de cet aspect-là, donc des préoccupations économiques, sociales et environnementales.
Alors, j'aimerais bien qu'on puisse entendre le ministre. Quand il nous dit qu'il s'agit là d'un gain majeur pour le Québec, quand le ministre nous rassure à l'effet que le Québec est résolument engagé vers la voie du développement durable, vous me permettrez, M. le Président, donc, d'être en désaccord avec le ministre, puisque le projet de loi qu'il a déposé confirme que le gouvernement du Parti québécois met, de façon définitive, toutes les préoccupations économiques, sociales et environnementales de côté, et ça, c'est une perte pour l'ensemble de la population du Québec. Et j'aimerais évidemment que le ministre puisse nous livrer ce matin quelles sont les garanties ou qu'est-ce qu'il avait derrière la tête justement en retirant ces aspects-là, ces préoccupations d'ordre économique, social et environnemental de la Loi de la Régie de l'énergie.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, madame. Alors, M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je dirai d'abord qu'on peut bien insister beaucoup, de l'autre côté, sur la Régie de l'énergie et la Loi de la Régie de l'énergie, mais je voudrais dire cependant que la politique énergétique du Québec, là, ce n'est pas juste la Régie de l'énergie, c'est aussi l'Agence de l'efficacité énergétique, c'est aussi une politique en matière de développement régional, c'est aussi une politique en matière de développement des énergies renouvelables et nouvelles, c'est aussi une politique en matière de gaz naturel. Bon.
C'est beaucoup de choses, la politique énergétique au Québec. Bien sûr, c'est une régie aussi. Mais je trouve ça un peu désolant de voir qu'en certains milieux on ait un comportement et une attitude que je qualifierais de religieuse à l'égard de la Régie. C'est comme si c'était une espèce de dogme intouchable et que la Loi sur la Régie de l'énergie était un peu considérée comme une espèce de texte sacré révélé, probablement venant d'en haut, qu'on ne doit surtout pas modifier ou amender. Bon.
Enfin, c'est une attitude, moi, qui n'est pas la mienne. Je suis d'accord avec le député de Portneuf à cet égard: une politique énergétique, ça doit évoluer. La réalité évolue, la réalité change et les besoins aussi, pas juste au Québec, mais ailleurs dans le monde, puis il faut s'adapter. Et, si ça exige des modifications, bien, on les fait.
Concernant les exportations. D'abord, disons que la mission première reconfirmée d'Hydro-Québec, c'est d'approvisionner en électricité les Québécois. C'est ça, sa mission première, et on garantit que cette mission va être respectée et convenablement assumée par Hydro-Québec en introduisant dans le projet de loi le patrimoine, le contrat patrimonial. Le contrat patrimonial, ça, ça veut dire que la production actuelle de 165 TWh est réservée aux Québécois à un tarif fixe, qui ne changera pas. Et donc Hydro-Québec, par le contrat patrimonial, va assumer pleinement son mandat d'approvisionner, d'abord et avant tout, les Québécois. Il n'est pas question qu'on se retrouve au Québec avec une pénurie parce que Hydro-Québec exporte. Ça, c'est sûr, c'est évident, et on prend les mesures puis on prend les dispositions à cet effet.
Pour ce qui est de l'exportation, d'abord, ça a beaucoup changé, le domaine des exportations. Aujourd'hui, des contrats à long terme, des ventes à long terme sur les marchés d'exportation, ça ne se fait plus, ça ne se pratique plus. C'est le marché à court terme maintenant qui fonctionne de plus en plus. Et, de plus en plus, ce qu'Hydro-Québec va faire, au fur et à mesure que ses contrats à long terme vont arriver à échéance, c'est d'opérer sur le marché à terme, de vendre... Des fois, c'est d'heure en heure, hein, et c'est 24 heures par jour de vente, c'est un marché au comptant.
Alors, Hydro-Québec vend quand les prix sont élevés puis achète quand les prix sont bas et, à ce moment-là, elle stocke l'énergie, elle emmagasine dans ses réservoirs. C'est comme ça maintenant que ça... et ça marche et c'est rentable. Alors, on ne peut pas assujettir ça à la Régie de l'énergie. Ça fonctionne non seulement au jour le jour, mais d'heure en heure.
D'autre part, la Régie de l'énergie, dans son avis, a dit au gouvernement que les exportations, ça devrait ne pas être intégré dans la base tarifaire, mais ça devrait être à la charge de l'actionnaire. Donc, s'il y a des profits, c'est l'actionnaire qui les empoche. S'il y a des pertes, bien, c'est l'actionnaire qui les assume aussi. Bien, c'est ce qu'on fait. Une disposition dans la loi... C'est très clair que les exportations n'affecteront pas la réglementation tarifaire, n'affecteront pas les tarifs internes, domestiques. C'est à la charge de l'actionnaire qui en assume les pertes ou les profits. C'est comme ça que ça va fonctionner.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Jean.
M. Roger Paquin
M. Paquin: Merci, M. le Président. La députée de Bonaventure indiquait tantôt que, selon elle, la politique pécherait par rapport aux objectifs de développement durable, alors qu'en réalité cette politique en est la meilleure illustration récente dans l'ensemble des politiques. Et ça vient que très souvent ? c'est une tendance qu'on remarque chez l'opposition ? on prête une grande attention au lobby, à ceux vivant des inconvénients, des répercussions qui leur paraissent négatives à des stratégies qui sont, pour l'ensemble de la collectivité, éminemment positives; eh bien, ça fait en sorte qu'ils perdent de vue les objectifs mêmes et les fondements mêmes des politiques adoptées.
Voyez-vous, M. le Président, dans la politique énergétique, le point central, la volonté centrale, ce qui a fait qu'on a adopté cette politique-là, on l'a appelé l'objectif global, on le trouve à la page 11. Il dit que c'est de s'adapter aux changements en cours et en tirer partie dans la perspective du développement durable et de le faire de façon continue et de le faire de façon réfléchie. C'est une politique, d'entrée de jeu, évolutive et qui repose sur quatre préoccupations.
D'abord, les quatre objectifs définis à la politique sont les suivants: assurer aux Québécois les services énergétiques requis au meilleur coût possible. C'est la préoccupation sociale. Elle découle du pacte de 1962, pacte Maîtres chez nous, qui voulait que le Québec s'engage dans ce développement-là tous azimuts de façon à notamment procurer aux citoyens... et, en retour, procurer aux citoyens des dividendes.
n(10 h 50)n Il y avait aussi le deuxième objectif: promouvoir de nouveaux moyens de développement économique pour faire en sorte de créer de l'emploi, de créer de la richesse, de trouver des retombées économiques importantes pour le Québec. Cette préoccupation-là économique, elle était aussi accompagnée d'une préoccupation environnementale: respecter et rétablir les équilibres environnementaux.
En fait, M. le Président, on ne dira jamais assez à quel point l'hydroélectricité est une énergie éminemment propre, écologique et que, ce faisant, lorsqu'on procède, à l'intérieur de la mission d'Hydro-Québec, à nous doter de ce qu'il faut en termes de production, on fait toujours attention à l'aménagement du territoire, à la biodiversité, à l'amélioration du milieu et même, dans certains des aspects de la politique actuelle, on va vers la biomasse pour la fabrication d'électricité. On fait toujours attention à ceci dans l'ensemble de la politique. On a des engagements internationaux pour que les gaz à effet de serre soient les moindres possible et également éviter les changements climatiques, et tout ça. L'hydroélectricité va dans ce sens-là.
Enfin, il y a l'autre dimension: la dimension de l'équité et de la transparence, qui est toujours présente non seulement pour les individus qui actuellement bénéficient de la politique énergétique, mais aussi au niveau collectif, au niveau des collectivités et au niveau générationnel.
En fait, lorsque vous unissez les quatre principes actuels de la préoccupation sociale, de la préoccupation économique, de la préoccupation environnementale, de la préoccupation de l'équité, vous avez exactement la définition de ce que c'est qu'une politique de développement durable. Le gouvernement du Québec pratique cette politique-là dans le domaine de l'énergie, bien sûr, il la pratique aussi dans les autres législations que l'on a.
On peut se souvenir que l'ensemble des stratégies autour du droit de produire, c'est la même stratégie de développement durable. Lorsqu'on prend en considération la réorganisation de notre territoire dans sa régionalité, dans sa ruralité, dans son urbanité et qu'on veut le faire pour consolider les communautés de base, M. le Président, ce qu'on fait, c'est du développement durable.
La loi qui est portée à l'attention de l'Assemblée nationale, la loi n° 116, s'inscrit exactement dans le sens de cette démarche-là. Et je vous réitère qu'en plus de cette perspective-là la politique portait, dans sa définition même, la volonté d'ouverture à la déréglementation et sa démarche évolutive. Je cite la page 21: «En même temps qu'il met en place la Régie de l'énergie, le gouvernement définit une orientation claire et ferme en vue de déréglementer la production d'électricité et confie ce mandat à la Régie.» M. le Président, nous sommes ici devant une politique qui vit son évolution normale eu égard aux contraintes actuelles, mais, surtout, elle est fondamentalement l'illustration même d'une politique de développement durable.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole à la critique officielle et députée de Bonaventure.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Je souhaiterais revenir sur toute la question de la Régie de l'énergie, parce que c'est un élément qui est fondamental et qui est très important. Dans sa déclaration ministérielle, votre prédécesseur, M. le ministre, a très bien campé quel était le rôle et qu'est-ce que le gouvernement attendait de la Régie de l'énergie. Vous me permettrez de le citer.
Le député de Joliette a souligné à ce moment que «la Régie de l'énergie est la pièce maîtresse de la politique énergétique. Il s'agit d'un instrument indispensable pour assurer la concurrence entre les différentes formes d'énergie tout en préservant les intérêts des Québécois et des Québécoises. La Régie pourra contre-expertiser Hydro-Québec sur ses demandes de hausses tarifaires, le public sera invité à se prononcer lors de la tenue d'audiences publiques.» Et d'ajouter: «Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques.» Alors, M. le Président, il serait intéressant d'entendre le ministre, ce matin, nous dire maintenant, avec le projet de loi n° 116 qui a été déposé, de quelle façon Hydro-Québec, maintenant, pourra être contre-expertisée d'une façon satisfaisante, de quelle façon le gouvernement, comme ça se faisait dans le passé, ne sera pas à la fois gestionnaire et actionnaire, donc, pour prendre... à la fois régulateur et actionnaire pour prendre les décisions qui concernent la tarification, les tarifs d'électricité au Québec.
Alors, M. le Président, je pense que, hier, nous parlions de grande noirceur, qu'on est revenu, avec le projet de loi n° 116, à une façon de fonctionner que nous avons déplorée pour le passé et pour laquelle la politique énergétique a été déposée. Et je vous rappelle que, lorsqu'on a déposé la politique énergétique, on l'a fait justement dans le but de contre-expertiser d'une manière satisfaisante et d'une manière plus efficace Hydro-Québec.
Un autre élément important, M. le Président, le ministre nous a dit tout à l'heure que, si la Régie de l'énergie impose une baisse du taux de rendement à Hydro-Québec Production, cela va se traduire inévitablement par une hausse des tarifs résidentiels. Donc, ce qu'il nous dit, c'est: La Régie de l'énergie, en imposant une baisse du taux de rendement à Hydro-Québec Production, aurait un effet à la hausse sur les tarifs qui sont consentis aux consommateurs d'électricité au Québec. Dans ce contexte-là, il y a une question fort légitime qui se pose, M. le Président. Si la Régie de l'énergie, donc, ne peut pas tenir compte du taux de rendement d'Hydro-Québec Production, comment la Régie peut tenir compte du taux de rendement d'Hydro-Québec Production, alors qu'elle n'a même pas accès, la Régie de l'énergie, elle n'a même pas droit de regard sur tout le volet de production?
Parce que c'est ce que le projet de loi n° 116 confirme, M. le Président. On a retiré tout le volet de production de la juridiction de la Régie de l'énergie. D'un côté, le ministre nous dit: Écoutez, non, non, non, si la Régie de l'énergie continue d'effectuer le travail pour lequel elle a été créée et décidait de diminuer le rendement d'Hydro-Québec, il pourrait y avoir un effet à la hausse sur les tarifs d'électricité du Québec. Nous, on se dit, sur la base de la déclaration et de l'argument du ministre: Mais comment le ministre peut prétendre que la Régie, donc, qui diminuerait le taux de rendement, augmenterait les tarifs d'électricité, alors qu'elle n'a même pas accès aux coûts de production d'Hydro-Québec? Alors, de toute évidence, M. le Président, l'argument du ministre ne tient pas la route.
Un autre élément important, le ministre a inscrit son projet de loi, le projet de loi n° 116, dans une tendance lourde qu'on constate partout en Amérique du Nord. Et il nous a comparé l'exemple du Québec à celui de l'Ontario. Et c'est important et c'est intéressant de comparer Hydro Ontario avec Hydro-Québec. Et, si on veut comparer des pommes avec des pommes, je pense que le ministre aurait intérêt à choisir un autre exemple. Ce qu'on constate dans les faits, c'est qu'Hydro Ontario, en prenant le virage de toute la déréglementation, a aussi pris le virage de la privatisation. Ce qui a été annoncé par le gouvernement ontarien, c'est que dans 10 ans Hydro Ontario ne sera plus en situation de monopole, puisque Hydro Ontario contrôlera seulement 35 % des actifs, donc, d'Hydro Ontario.
Alors, la question qu'on se pose, M. le Président: Est-ce que c'est l'intention, la direction qu'entendent prendre le ministre des Ressources naturelles et son gouvernement à l'effet que, d'un côté ? lorsqu'on parle de... le ministre semble nous dire qu'on se dirige vers... ? on amende la Loi de la Régie de l'énergie pour répondre à des impératifs de déréglementation sur le marché nord-américain, mais qu'en même temps il y aurait un objectif, qui n'est pas avoué, à l'effet que le gouvernement et Hydro-Québec se dirigeraient, donc, auraient choisi de se diriger vers la privatisation?
Alors, il faut remettre les choses dans leur perspective, M. le Président. Lorsqu'on compare Hydro-Québec à Hydro Ontario, le contexte est bien différent en Ontario. Le gouvernement s'est engagé à la fois sur la voie de la déréglementation et de la privatisation. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre des Ressources naturelles là-dessus.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, madame. Alors, M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, d'abord, on a eu recours à beaucoup d'images corporelles pour décrire les intentions du gouvernement à l'égard de la Régie de l'énergie. J'ai entendu dire qu'on voyait dans les journaux d'aujourd'hui qu'on voulait l'amputer, comme si elle avait des bras, qu'on voulait l'édenter, comme si elle avait des dents. J'ai même déjà lu qu'on voulait l'émasculer, comme si elle avait des attributs masculins. Alors, j'ai tout entendu sur la Régie, et, si elle était à l'image du corps humain, elle se retrouverait avec pas beaucoup de membres et d'attributs, mais enfin. Ce n'est pas le cas.
n(11 heures)n Encore une fois, nous nous inscrivons dans une tendance lourde sur le plan mondial qui vise à soustraire à la réglementation la production d'électricité. Est-ce que ça veut dire que la Régie de l'énergie va se transformer pratiquement en un objet symbolique qui n'aura plus rien à faire? Bien sûr que non! La Régie continue de conserver beaucoup de pouvoirs et de compétences, d'abord en matière de transport de l'électricité et en matière de distribution d'électricité, et donc en matière tarifaire aussi.
Je lisais dans certains articles qu'on s'apprêtait à enlever toute compétence en matière tarifaire à la Régie. Bien voyons donc! Bien sûr que non! Elle continue d'avoir des compétences en matière tarifaire. Elle va même avoir des compétences nouvelles en matière de production, puisque, pour ce qui est des nouveaux besoins d'électricité, on va maintenant procéder par appels d'offres, et la procédure d'appel d'offres sera d'abord autorisée et approuvée par la Régie et surveillée par la Régie également. Donc, la Régie va continuer de jouer un rôle en matière de production, un rôle de surveillance pour que la procédure d'appel d'offres soit pleinement respectée. Alors, on n'ampute pas, on n'édente pas puis on n'émascule pas la Régie, la Régie est encore une instance régulatrice avec beaucoup de pouvoirs et de compétences.
En matière de taux de rendement, c'est clair, là-dessus, tous les experts le disent, si vous laissez la production sous la compétence de la Régie, c'est évident qu'elle va fixer un taux de rendement qui est de beaucoup inférieur à celui qui existe présentement, qui est de l'ordre de 18 % en production. Hydro-Québec fait 18 % de taux de rendement en production, c'est ça qui lui permet d'assumer un rendement négatif en distribution. Ce n'est pas difficile à comprendre, ça. Elle fait 18 %, puis c'est vrai qu'elle va faire probablement plus au cours des années comme taux de rendement en production, et c'est ça qui lui permet justement d'assumer un rendement négatif en distribution et de ne pas avoir à imposer des augmentations de tarifs en distribution, particulièrement aux clients résidentiels.
Il y a un arrimage là qu'il faut comprendre. Si vous encarcanez Hydro-Québec Production avec un taux de rendement inférieur à celui qui existe présentement, c'est évident qu'il y a deux choses à faire: ou alors vous augmentez les tarifs, particulièrement les tarifs résidentiels, ou alors l'État, le gouvernement doit encore revenir à une situation qu'on a connue pendant longtemps, c'est-à-dire presque pas de bénéfices puis presque pas de dividendes, ce qui est anormal pour une entreprise d'État. Alors, voilà.
Maintenant, un mot sur la privatisation. C'est clair que le gouvernement ne s'engage pas dans cette voie-là. Ce n'est pas le temps, à partir du moment où Hydro-Québec commence à faire des profits, des bénéfices et donc est en mesure de verser des dividendes aux actionnaires, c'est-à-dire aux millions de Québécois, de privatiser puis, maintenant que ça va bien puis que ça rapporte, de permettre maintenant que ce soient des détenteurs d'actions, donc ceux qui ont les moyens d'acheter des actions, qui retirent les fruits de cette rentabilité-là.
Bien non, c'est sûr qu'on ne privatisera pas! Maintenant qu'Hydro-Québec devient de plus en plus rentable, c'est aux millions de Québécois, c'est au peuple québécois d'en profiter. Voilà. C'est ça, la réponse du gouvernement en matière de privatisation. Alors, n'essayons pas de dresser cet épouvantail, il n'est pas question de privatiser Hydro-Québec d'aucune façon.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Portneuf.
M. Roger Bertrand
M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, je rappelle que cette politique, elle est là pour prendre tout son espace, toute son ampleur dans les différents volets, et notamment sur le volet développement économique. J'aimerais vous proposer, M. le Président, qu'on revienne peut-être un petit peu plus près du terrain, non pas que les discussions sur les principes et les grands ensembles n'ont pas leur pertinence, au contraire, mais je pense qu'on a intérêt à essayer de voir comment s'incarne une telle politique et comment elle s'incarnera d'autant mieux dans une perspective de développement local et régional, avec une autre illustration concernant, cette fois-ci, une région que mon collègue député de Laviolette et moi-même représentons.
J'en réfère à une autre disposition qui implique une actualisation encore plus large d'un des éléments de la politique et qui a échappé encore une fois à la députée de Bonaventure, il s'agit de l'article 60. Alors, si elle appuie uniquement l'article 15, il faudrait qu'elle nous dise si elle est toujours pour le développement régional sur le plan économique et social.
L'article 60 dit: «Toute municipalité régionale de comté peut également faire, modifier ou abroger des règlements ou, selon le cas, des résolutions relativement à la constitution avec une entreprise du secteur privé d'une société en commandite pour produire de l'électricité au moyen d'une centrale hydroélectrique dont la puissance attribuable à la force hydroélectrique du domaine de l'État est égale ou inférieure à 50 MW.» Alors, de quoi il est question? C'est de permettre à une MRC d'être leader et partenaire dans l'implantation d'une minicentrale au grand bénéfice de sa communauté, au grand bénéfice du développement local et régional. Alors, quand j'entends des ténors, sur le plan panquébécois, venir s'inquiéter de cette disposition ? parce que, au fond, on va de cette façon permettre à un plus large champ de représentations, éventuellement, d'être intéressées par cette disposition-là ? moi, ça ne m'inquiète pas du tout. Qu'on permette à une MRC, avec des partenaires, de travailler utilement à son développement économique et social, je crie: Bravo!
Voici l'illustration, M. le Président. Dans la MRC de Mékinac, on travaille depuis maintenant au-delà d'une dizaine d'années sur un projet, justement, de minicentrale hydroélectrique de moins de 50 MW. On considère ce projet comme étant un projet structurant pour le milieu, il a été inscrit dans les priorités du CLD il y a déjà longtemps de même que dans le schéma d'aménagement.
Pourquoi c'est si important? C'est que, pour une petite communauté comme celle-là ? très importante pour la communauté, mais, à l'échelle de l'ensemble du Québec, numériquement, c'est peut-être moins important, il ne faut pas les oublier ? c'est un projet générateur d'emplois, bien sûr pendant les travaux de construction, mais, également, les revenus tirés de l'exploitation d'une telle centrale seraient réinvestis dans le développement économique du territoire.
Les élus de la région de Mékinac nous disent qu'ils sont convaincus qu'il n'y a pas meilleur moyen de développer leur territoire que de leur permettre justement d'avoir ce genre d'implication, et je suis tout à fait d'accord. On veut mettre en place un projet rassembleur avec la participation des municipalités, bien sûr de la MRC, de la population, de l'entreprise privée. On considère, dans cette région-là, que le gouvernement, en posant ce geste, pose un geste de solidarité et de partenariat.
Il faut dire, M. le Président, que la MRC de Mékinac est l'une des 10 MRC, je veux dire, les moins développées sur le plan économique, malgré les efforts vaillants de ses promoteurs, et elle tient à se donner ce genre d'outils fonctionnels. Elle estime aussi que le sentiment d'appartenance des citoyens à une région ne peut exister que si on donne à cette région et à ses acteurs un minimum d'outils et de leviers de développement.
Alors, de quoi on parle? On parle, dans un milieu comme celui-là, de la réalisation d'un projet qui peut impliquer plusieurs millions d'investissements, on parle de générer des profits qui vont être réinvestis dans le développement économique du territoire, et non seulement dans le développement économique, M. le Président, mais dans le développement social aussi. Je suis sûr que ça intéresse la députée de Bonaventure. Une partie des profits pourraient donc servir au développement social, bonifier par exemple le portefeuille de l'économie sociale dont dispose le CLD, s'il s'agit par exemple d'appuyer davantage le transport adapté.
Alors, pour toutes ces raisons, moi, je vous dis une chose: Est-ce qu'on a oublié, dans l'analyse que fait l'opposition officielle, l'intérêt des régions, de celle, par exemple, de la Gaspésie? Est-ce qu'on ne reconnaît pas qu'il y a dans ce projet de loi là des dispositions qui, même si elles ne font pas tout à fait l'affaire des ténors à l'échelle panquébécoise, vont faire l'affaire des milieux, des régions? C'est des choses qui vont contribuer au développement économique et social de nos communautés, et je les appuie, ces dispositions, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le député de Portneuf. Mme la députée de Bonaventure.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Je souhaiterais revenir sur tout l'aspect du taux de rendement, parce que c'est un élément important qui est vraiment loin d'être clair sur la base des arguments que nous sert le ministre. Je me réfère au rapport de Merrill, Lynch, à la page 82, à l'annexe A du rapport. On peut constater, sur les données qu'avance Merrill, Lynch, que, pour l'année 2000, le taux de rendement de tout le secteur production ? qui concerne donc 50 % des actifs d'Hydro-Québec ? est de 15,8 %; au niveau du transport, on a un taux de rendement de 9,8 %; au niveau du secteur distribution, là on a un taux de rendement qui est négatif, puis pas à peu près, on parle de moins 27 %; pour un taux de rendement total pour l'année 2000 de 6,5 %.
n(11 h 10)n Sur la base du projet de loi qui a été déposé par le ministre, on nous confirme le retrait de tout le volet production de la juridiction de la Régie de l'énergie. Dans ce contexte-là, si la Régie de l'énergie n'a plus accès, donc, aux coûts de production d'Hydro-Québec et conséquemment à son taux de rendement, on doit donc conclure que la Régie de l'énergie, dans le futur, lorsqu'il s'agira d'établir un taux de rendement satisfaisant pour Hydro-Québec, se basera uniquement sur les taux de rendement du secteur transport et du secteur distribution.
Alors, dans ce contexte-là, on est en droit de s'attendre à ce que la Régie de l'énergie, pour, justement, qu'on puisse avoir un taux de rendement positif, elle arrive à la conclusion qu'on doive augmenter les tarifs des consommateurs d'électricité au Québec, parce qu'on a un taux de rendement au niveau distribution qui s'inscrit de façon négative dans l'ordre de 27 %, donc moins 27 %, versus 9,8 % pour le secteur transport.
Dans ce contexte-là, M. le Président, il y a une autre question qui se pose: Si la Régie de l'énergie n'a plus accès à tout le volet production d'Hydro-Québec, n'a plus accès à son taux de rendement, quel organisme indépendant va déterminer si le taux de rendement de tout le volet production est acceptable? Est-ce que ce sera 20 %, 25 %, 15 %? À partir d'aujourd'hui, M. le Président, il n'y a plus aucun organisme qui va avoir un droit de regard pour déterminer quel sera le taux acceptable de rendement pour Hydro-Québec Production.
Hier, le ministre des Ressources naturelles, dans une entrevue qu'il a accordée à Michel Morin à Radio-Canada, m'a fait un peu sursauter en affirmant que, si Hydro-Québec Production avait un taux, à un moment donné, de rendement de plus de 20 %, là, peut-être que le gouvernement pourrait consentir une baisse des tarifs des consommateurs d'électricité au Québec. Alors, de façon très arbitraire, le ministre des Ressources naturelles nous dit: Écoutez, oui, si le taux de rendement est à plus de 20 %, là, peut-être qu'on pourra donner une baisse de tarifs aux consommateur d'électricité du Québec.
Alors, moi, je dois vous dire, M. le Président: Comme mécanisme de régulation moderne et efficace, on a déjà vu mieux. Là, c'est le ministre des Ressources naturelles, sur la base de ses responsabilités, qui va être en mesure, donc, de déterminer si les consommateurs d'électricité au Québec ont droit à une baisse. Le ministre, dans son projet de loi, prend le soin de souligner que le coût au kilowattheure va maintenant s'établir à 0,028 $, et il nous rassure en nous disant: Écoutez, c'est un tarif qui est très, très bas, qui respecte l'esprit même du pacte social.
Faisons un scénario, M. le Président, qui nous projette dans l'avenir. Dans 10, 15, 20 ans, quand Hydro-Québec aura terminé de payer toutes les grandes infrastructures, quand on aura remboursé la dette sur les grands barrages, les grands ouvrages qui ont été faits, là on est en droit de s'attendre à ce que le taux au kilowattheure soit en deçà du 0,028 $ qui a été annoncé par le ministre comme un tarif dit patrimonial. Alors, M. le Président, dans ce contexte-là, on a vraiment un problème, là! On prend une décision aujourd'hui à court terme sans se soucier des impacts pour l'avenir.
Alors, en termes de contre-expertise, de façon satisfaisante pour Hydro-Québec, j'aimerais bien qu'on puisse entendre le ministre, parce que le scénario qui semble se dessiner n'est pas aussi rose et positif que semble le laisser croire le ministre. Alors, la Régie de l'énergie, qui aujourd'hui est une instance, est un organisme de régulation indépendant qui n'aura plus accès aux coûts de production d'Hydro-Québec et, conséquemment, ne sera plus en mesure de déterminer le taux de rendement de tout le volet production, devra ? et c'est l'hypothèse, donc, à laquelle on arrive lorsqu'on regarde les chiffres qui ont été soumis par Merrill, Lynch ? peut-être, dans un futur assez rapproché, pour s'assurer d'avoir un taux de rendement acceptable pour tout le secteur rendement et transport, augmenter les tarifs des consommateurs d'électricité au Québec. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Je vous remercie beaucoup, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, d'abord un mot sur cette question de contre-expertise. Il y en a qui sont vraiment obsédés par ça. Ils veulent absolument qu'on fasse un procès devant la Régie des 30 dernières années, parce que c'est ça qui arriverait, là. Tu sais, si on faisait un examen des coûts, avec audiences publiques devant la Régie, puis ça durait des mois et des mois, qu'est-ce que vous pensez qui arriverait? Ça tournerait en procès, puis là on commencerait à dire: Cet investissement-là puis cette décision-là qu'on a prise en telle année de construire tel barrage pour produire tant de mégawatts, ça, là, ce n'est pas une décision pertinente puis, donc, ce n'est pas un actif prudemment acquis et utile. On va l'enlever. C'est comme ça que ça se passerait, puis il y en a qui meurent d'envie de faire ça, je le sais bien.
Voyons donc! Je m'en rends bien compte en lisant les déclarations, il y en a qui meurent d'envie de faire le procès d'Hydro-Québec en long et en large et sur la place publique. Bien, ça n'arrivera pas, il n'y en aura pas, de procès. Les investissements qui ont été faits, ils sont faits, les équipements qui sont en place, ils sont en place, les barrages qui ont été construits, ils sont construits puis ils produisent, puis il n'y aura pas de procès là-dessus. Et il y aura un contrat patrimonial à un taux garanti à 2,79.
La députée commence à comprendre un peu toute la question des taux de rendement, je le reconnais, là, elle commence à comprendre, parce que, effectivement, en production, le taux de rendement va être appelé à augmenter, et c'est justement ce qui nous permet de ne pas avoir à nous présenter devant la Régie, à ce qu'Hydro-Québec Distribution se présente devant la Régie pour demander des hausses de tarifs, c'est pour ça. C'est parce que les taux de rendement en production sont élevés et vont probablement croître au fil des années. Et il se pourrait effectivement que le tarif au kilowattheure pour ce qui est du contrat patrimonial, du patrimoine, donc de la production actuelle, puisse être appelé à baisser, jamais augmenter. La loi dit: Le gouvernement pourra envisager ou prendre la décision de baisser le tarif patrimonial. Bien oui, une décision du gouvernement! Le gouvernement va gouverner, le gouvernement va décider.
Des fois, quand j'entends la députée de Bonaventure, qui aspire pourtant à prendre le pouvoir, qui fait partie de l'opposition officielle qui aspire à gouverner, je me dis: Elle ne veut pas gouverner, parce que, à tout bout de champ, elle veut remettre à d'autres instances non élues le soin de décider. En matière de tarif patrimonial, on le fixe dans la loi puis on prévoit que le gouvernement pourra le baisser. S'il se rend compte que le taux de rendement en production atteint des niveaux jugés trop élevés, on le baissera, au grand bénéfice de la population. Ce n'est pas une bonne décision, ça? Ça va être une bonne décision, une décision qui va se prendre dans l'intérêt des consommateurs, donc dans l'intérêt de la population.
Alors, M. le Président, je pense que la députée de Bonaventure comprend maintenant très bien, puis, quand on regarde les tableaux qui se retrouvent dans l'étude de Merrill, Lynch, c'est évident et c'est clair que, en distribution, vous avez un rendement négatif global de moins 27 %. Et, si on arrive à un rendement global de 6,5 % pour l'ensemble des activités d'Hydro-Québec, c'est parce qu'on fait presque 16 % de taux de rendement en production et on fait presque 10 % de taux de rendement en transport. Puis ça, en transport, ça ne changera pas tellement, puis les décisions de la Régie, je ne pense pas qu'elles permettent à Hydro-Québec d'augmenter au-delà de 9,8 %, au-delà de 10 % le taux de rendement en transport, je ne pense pas que ça arrive.
Bien oui, c'est ça! Et le taux de rendement en production, il va augmenter parce que, effectivement, avec l'amortissement puis le fait qu'Hydro-Québec réduit ses charges et ses coûts, le taux de rendement en production va augmenter, la proportion de l'avoir propre de l'actionnaire va aussi augmenter. Bien, c'est formidable, ça! Tant mieux! Tant mieux, on va se retrouver avec une entreprise d'État rentable. Alors, réjouissons-nous, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de Saint-Jean.
M. Roger Paquin
M. Paquin: M. le Président, on parle beaucoup de l'électricité, on parle beaucoup de ces ressources-là, mais la politique énergétique du Québec, ce n'est pas que cela, c'est plus large que ça. Il y a des gens qui travaillent à faire en sorte que notre efficacité soit de plus en plus grande, je pense à l'Agence d'efficacité énergétique. Ce sont des gens qui travaillent très souvent dans l'ombre, mais dont l'efficacité est redoutable.
n(11 h 20)n On se préoccupe souvent de savoir quelles sont les formes d'énergie qui sont les moins coûteuses, celles qui reviennent le moins cher. Alors, moi, j'ai un mot, M. le Président, pour désigner ces sources d'énergie là, je les appelle des «négawatts», c'est-à-dire les watts qu'on ne dépense pas, les watts qu'on n'engage pas, soit parce qu'on est efficace dans les dispositifs que l'on utilise soit parce que les procédés qu'on utilise nous permettent d'en utiliser moins. L'Agence d'efficacité énergétique assure, dans une perspective de développement durable, la promotion de l'efficacité énergétique au Québec pour toutes les sources d'énergie dans tous les secteurs d'activité, et cela au bénéfice de l'ensemble des régions du Québec.
Il faut rappeler que l'Agence d'efficacité, c'est une équipe d'une trentaine de personnes, des spécialistes, des ingénieurs, des économistes, mais également des architectes et des gens qui travaillent à faire des communications et de l'information du public, qui bénéficie de ressources financières quand même appréciables, puisque le budget est environ de 5 millions de dollars pour une année.
Mais, pour les trois prochaines années, il y a aussi un budget de 3 millions supplémentaire qui va du côté d'un programme pour aider la clientèle à faibles revenus et un autre 3 millions de dollars, M. le Président, pour le développement de différents partenariats. Pour les clientèles à faibles revenus, ce dont il s'agit essentiellement, c'est de travailler à l'éducation et à un conseil personnalisé auprès des gens à faibles revenus sur le comportement énergétique dans son ensemble et la réalisation de travaux mineurs en vue d'améliorer l'efficacité énergétique dans leur logement.
Mais, pour ce qui est des partenariats, il faut en signaler un très grand nombre. Alors, on a des partenariats avec l'Association des constructeurs du Québec et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, avec l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie, avec la CEQ, avec des chambres de commerce, avec des forums d'énergie, avec des municipalités, avec des MRC, avec l'Office d'efficacité des ressources naturelles du Canada et avec plusieurs organismes communautaires. Alors, les tâches sont à la fois d'identifier des possibilités, mais aussi de faire de l'éducation et de procéder à des transformations dans le milieu.
On peut parler des principales réalisations récentes de l'Agence. Je voudrais mentionner le programme Novoclimat, également le Service d'analyse diagnostique d'énergie des habitations existantes, le Programme institutionnel et puis des projets de démonstration et de recherche en développement dans lesquels on a injecté beaucoup de ressources. Mais je m'en voudrais de passer sous silence une réalisation qui a eu lieu il y a seulement deux jours, M. le Président, et au cours de laquelle le gouvernement, en partenariat avec l'Université Laval, a procédé, il y a donc deux jours, le 9, au lancement de la Chaire économique d'énergie électrique.
Alors, son financement est assuré à 75 % par le gouvernement du Québec et la société Hydro-Québec, ce qui représente des sommes importantes, et ça permet d'atteindre quatre objectifs: la réalisation d'études par des chercheurs indépendants, la concertation des organismes de recherche intéressés à l'analyse du marché de l'énergie, la formation d'étudiants de deuxième et troisième cycles spécialisés en économie de l'énergie et la constitution d'un groupe multidisciplinaire de chercheurs partageant des intérêts pour l'économie de l'énergie. Alors, ce partenariat, M. le Président, va se concrétiser au cours des prochains mois notamment par l'établissement d'indicateurs d'efficacité énergétique adéquats à la prise de décisions.
À cet effet, l'Agence et la Chaire mettront l'accent sur la collecte de données nécessaires à une bonne évaluation des diverses interventions en efficacité énergétique et de leur incidence sur la consommation d'énergie. Alors, dans un contexte où on est très soucieux de gérer l'économie de l'énergie de la façon la plus efficace possible, M. le Président, à la recherche des «négawatts», je pense qu'il faut saluer le travail de l'Agence d'efficacité énergétique.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Je cède maintenant la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Claude Béchard
M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, on est habitué de se voir le vendredi matin, mais dans d'autres circonstances que dans cette commission.
D'abord, je remercie ma collègue de Bonaventure de me laisser quelques instants pour parler d'une question qui me tient beaucoup à coeur et qui tient toute ma région à coeur, et c'est la question de la valorisation de la biomasse et plus particulièrement du dossier Boralex à Cabano, l'usine de cogénération, qui se situe, je dirais, dans les objectifs... On voit ça à la page 79 de la politique énergétique, sur les centrales de cogénération utilisant la biomasse forestière, sur l'impact économique que ça peut avoir pour des régions.
Juste pour dresser un petit portrait du projet de Cabano, c'est un projet qui, présentement, se base sur une richesse du territoire de la région, c'est-à-dire les résidus de bois; on parle de 200 000 à 300 000 tonnes de potentiel de résidus de bois. Et, si on compare un peu, moi, ce qu'on me dit, c'est que cet atout énergétique là, c'est un peu comme si on était assis sur de 200 000 à 300 000 barils de pétrole léger.
Donc, c'est une richesse extrêmement importante pour la région. Ce qui en est fait jusqu'à tout récemment et encore, c'est que ces résidus de bois là, on essaie de les expédier un petit peu partout, un peu pour s'en débarrasser, et on connaît les impacts que ça peut avoir au niveau de l'environnement. Et, d'ailleurs, dans le projet de loi qui est présenté par le ministre, on se rend compte aussi de l'impact négatif que ça peut avoir, l'enfouissement et l'accumulation des résidus forestiers.
Le projet Boralex à Cabano, c'est un projet de 43 millions de dollars, un projet qui générerait 150 emplois à court terme, c'est-à-dire pour la construction comme telle, et de 25 à 30 emplois de façon permanente pour la suite, pour les opérations. Il y avait dans ce projet-là plusieurs intentions. D'abord, c'est de faire en sorte que l'usine Norampac de Cabano puisse utiliser l'énergie produite par cette centrale pour augmenter sa capacité de production et pour faire en sorte de ne pas travailler sur l'augmentation de l'énergie qu'elle a à produire, mais plutôt de se garder dans le coeur de son entreprise, c'est-à-dire de développer ses produits et d'augmenter la productivité de l'usine.
Il y a eu, au cours des dernières semaines, différentes rencontres, différentes conversations et qui ont mené à un consensus: que, d'une part, il fallait une modification législative pour permettre, pour faire en sorte que l'usine Boralex, qui est une entreprise privée, puisse vendre à Norampac, qui est à côté, et ça, c'était impossible. Il semble que le projet de loi qui a été déposé viendrait corriger cette situation.
Cependant ? et ça, je tiens à le souligner ? quand on avait entendu parler de ces modifications législatives, moi, j'avais soumis le souhait que cette modification-là, qui est attendue, qui est demandée, ne soit pas noyée dans un ensemble de mesures ou d'autres dispositions législatives qui pourraient être très controversées. Et, à lire les journaux ce matin et à entendre les gens et, surtout, entendre les commentaires très pertinents de ma collègue de Bonaventure, je pense que c'est le cas. On se retrouve devant une pièce législative qui est très, très controversée, qui est très contestée aussi, et on a l'impression, finalement, que ce qui est amené au niveau de la biomasse, c'est un peu le petit morceau de sucre pour faire avaler le sirop qui ne goûte pas bon, pour faire avaler, je dirais, le petit morceau pour faire passer mieux la pilule, et, cependant, il y a des gros risques que cela ne soit pas adopté.
Cependant, les modifications législatives, M. le ministre, vous le savez sans doute, ce n'est pas tout dans la conclusion de la réalisation de ce projet-là. Il y a aussi un autre élément extrêmement important qui est relié au service d'équilibrage et de secours, c'est-à-dire le tarif énergétique qu'Hydro-Québec voudra consentir à Norampac Cabano si jamais l'usine de cogénération tombait en panne ou avait des problèmes au niveau du fonctionnement.
Il ne faut pas que, d'un côté, on permette par des modifications législatives qu'un projet se réalise, même si on l'inclut dans un projet de loi très contesté et que c'est un peu le morceau de sucre pour faire avaler le sirop qui ne goûte pas bon, mais qu'en plus, de l'autre côté, on ne se rende pas au bout comme tel du projet en ne faisant pas de pressions au niveau d'Hydro-Québec pour que les tarifs de secours, d'équilibrage permettent la réalisation du projet. Et, si on ne fait pas ces deux aspects-là, c'est-à-dire les modifications législatives et les tarifs de secours et d'équilibrage, toutes les conditions ne sont pas réunies pour réaliser le projet.
Donc, M. le ministre, j'aimerais savoir si, du côté des tarifs d'équilibrage, des tarifs de secours, il y a des choses qui vont être faites pour qu'éventuellement il soit possible que le projet se réalise et pour faire en sorte qu'éventuellement le projet soit mis en place, même si, comme je l'ai mentionné, je suis très déçu de voir que ces amendements-là...
Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui. Alors, en conclusion. Merci beaucoup, M. le député.
M. Béchard: ...se retrouvent dans un gros projet de loi qui est très contesté et contestable.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui. Alors, merci beaucoup, M. le député, et je tiens à vous dire que, quelles que soient les circonstances, c'est toujours un plaisir pour moi que de vous retrouver vendredi matin en cette Chambre. Alors, je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Ça doit être la complicité des jeunes députés, ça, j'imagine.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Ha, ha, ha!
n(11 h 30)nM. Brassard: Ha, ha, ha! M. le Président, d'abord, je dirais d'entrée de jeu que l'affirmation du député à l'effet que le projet de loi est largement contesté m'apparaît un peu grosse comme affirmation, parce que je suis sûr qu'au fur et à mesure que le projet de loi va être bien compris la contestation va s'atténuer et finir par disparaître. Par exemple, les producteurs privés, leur porte-parole, M. Lefrançois, membre de la Coalition Arc-en-ciel, quand il va comprendre que Hydro-Québec Production ne fera pas partie de la procédure d'appel d'offres dans la filière petites hydrauliques, que Hydro-Québec Production ne sera pas là et ne sera pas en concurrence avec les petits producteurs privés, il va sans doute probablement nuancer sa position.
Ceci étant dit, il n'était pas question de commencer à faire toute une série de projets de loi: un projet de loi pour permettre aux MRC de s'impliquer dans le développement, un projet de loi pour permettre à des entreprises de développer, de valoriser la biomasse. Tout ça, ça va ensemble, ça fait partie de la politique énergétique, ça fait partie des compétences d'Hydro-Québec en particulier, et, dans le cas présent, on diminue la compétence, on réduit la compétence d'Hydro-Québec.
Parce que pourquoi le projet de Boralex, à Cabano, ne peut pas se réaliser? Pourquoi il ne peut pas se réaliser? Parce qu'il y a une disposition dans la loi qui dit que la distribution d'électricité est un droit exclusif d'Hydro-Québec. Eh bien, dans le cas de la valorisation énergétique de la biomasse, c'est-à-dire, au fond, des déchets forestiers, on va diminuer ce droit exclusif, on va même l'enlever, cette exclusivité, dans ce cas-là.
Ce qui va permettre à Boralex de construire... de donner suite à son projet à Cabano, qui est un projet de quelque 22 MW sur le site même de l'usine Norampac. Et il ne sera pas nécessaire, là, de conclure un contrat de vente ferme à Hydro-Québec Distribution, ce ne sera pas nécessaire. Cependant, il va falloir, oui, c'est vrai, un tarif d'équilibrage, et, quand la loi sera adoptée, on va demander à Hydro-Québec Distribution de se présenter devant la Régie ? ceux qui pensent que la Régie n'aura plus de pouvoirs ? pour se faire autoriser un tarif d'équilibrage. C'est comme ça que ça va marcher.
Effectivement, en plus, plus largement, toute cette question de la biomasse forestière est un problème majeur, un problème surtout environnemental, dans bien des régions du Québec, qu'il convient de régler, de résoudre. Et il y a une étude du ministère des Ressources naturelles qui a fait le tour de cette problématique, qui met en évidence qu'environ une centaine de mégawatts supplémentaires de cogénération pourraient être produits à partir des écorces encore disponibles dans plusieurs régions du Québec.
Il faut cependant ne pas tout utiliser la biomasse à des fins énergétiques, parce que la biomasse peut être utilisée à d'autres fins aussi. Il y a des procédés qui sont en voie d'être développés, par exemple, en matière de pyrolyse, de fabrication d'éthanol mais aussi de fabrication de panneaux. Il y a des nouveaux produits qui pourront apparaître sur les marchés très bientôt à partir de la biomasse forestière, et donc il serait sage et prudent de ne pas utiliser toute cette biomasse pour des fins énergétiques.
Mais, d'ores et déjà, on peut affirmer qu'il y en a au moins une centaine, de mégawatts, qu'on pourrait utiliser, de cogénération qui pourrait être produite à partir des écorces, et ça, ça veut dire plusieurs projets à travers le Québec. Celui de Cabano est tout près... il pourrait voir le jour assez rapidement, mais il y en a d'autres également dans d'autres régions forestières qui pourraient également être réalisés à la suite de l'adoption de la loi.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole, pour une période de cinq minutes, au député de Portneuf.
M. Roger Bertrand
M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. J'aimerais intervenir en indiquant, premièrement, au député de Kamouraska-Témiscouata que, s'il estime que les commentaires de sa collègue députée de Bonaventure sont très pertinents, je l'inviterais à lui parler peut-être davantage de la disposition à laquelle il référait et qui l'intéresse au plus haut point et qu'on retrouve à l'article 19 du projet de loi.
Mme la députée de Bonaventure a essentiellement parlé de deux choses jusqu'à présent. Premièrement, la Régie elle-même, son fonctionnement, ce qu'elle devient. Et, deuxièmement, comme seul article, semble-t-il, qui mérite un peu sa considération, l'article 15 sur la fourniture patrimoniale. Je ne prétends pas que, lorsque la députée de Bonaventure dit qu'il n'y a que cet article qui mérite, à toutes fins pratiques, d'être adopté, je ne prétends pas qu'elle disconviendrait que d'autres articles, éventuellement, pourraient faire l'objet d'un certain intérêt. Mais c'est quand même ce qu'elle a dit.
Or, j'insiste encore une fois là-dessus, ce projet de loi et différents volets de la politique énergétique que le présent projet de loi n° 116 vient, d'un certaine façon, réaffirmer, appuyer, vient concrétiser, d'une certaine façon, différents articles du projet de loi viennent offrir beaucoup d'espoirs en termes de développement à nos communautés.
Je référais tout à l'heure, par exemple, à l'article 60, qui permet désormais à une MRC, je lui ai très bien expliqué, je crois, d'envisager d'être partenaire actif et même leader dans l'implantation d'une centrale hydroélectrique de moins de 50 MW avec tous les avantages que cela peut représenter non seulement en termes d'investissements dans la construction même, mais également dans l'orientation des revenus et des profits qu'on peut tirer d'une telle exploitation au bénéfice de la communauté.
Et je mentionne ce que me faisait savoir récemment le préfet de la MRC de Mékinac qui disait: «Nous demandons ? il parlait au nom, à ce moment-là, de l'ensemble de la MRC ? au gouvernement du Québec de reconnaître la volonté du milieu de se prendre en main et de développer des outils financiers qui permettront de maintenir une qualité de vie dans le milieu rural.» Il me semble que c'est une disposition qui doit intéresser tous les parlementaires, et je suis sûr que les paroles de la députée de Bonaventure ont probablement dépassé sa pensée. Je suis sûr qu'elle est d'accord avec une telle disposition.
Autre disposition intéressante, j'y ai également fait référence, je pense qu'il est important de se le rappeler, c'est celle ? l'article 63 ? qui permettra au gouvernement de fixer, à l'égard de certains projets, des tarifs et des conditions auxquels l'électricité serait distribuée par la société à un consommateur ou une catégorie de consommateurs permettant, justement, dans cet exemple que j'ai donné, à l'industrie des serres au Québec de prendre de l'expansion au bénéfice, encore une fois, de nos régions, au bénéfice de tous ceux et celles qui ont droit, aussi, de vivre. Même si on demeure dans la région de Mékinac, ou dans la région de Portneuf, ou dans la région de Bonaventure, si on peut se servir de cet outil-là comme levier de développement économique permettant à des entreprises d'accroître leur production actuelle ou carrément de démarrer de nouvelles productions, bien, moi, je me dis: Tant mieux!
D'autant plus que, quand je mentionnais la tomate, tout à l'heure, c'est important. C'est vrai qu'il fait plus froid, ça prend plus d'électricité et d'énergie, mais en même temps les conditions qu'on retrouve au Québec, combinées à l'éclairage artificiel, permettent de produire des tomates de très grande qualité en termes de saveur et d'innocuité, et 12 mois par année. Donc, une forte valeur ajoutée, même si on est dans un secteur réputé comme étant un peu traditionnel, on parle aussi de production à valeur ajoutée à ce moment-là, en même temps que, bien sûr, le développement économique.
Alors, moi, je suis convaincu, à moins qu'on me dise le contraire, là, que tous, ici, on est intéressés à appuyer les efforts de nos milieux dans le développement économique et social. Et ce n'est pas vrai, ça, uniquement pour les régions périphériques ou éloignées. Une région comme celle de Portneuf, carrément entre Montréal et Québec, a de la difficulté à faire sa place simplement parce que le pouvoir d'attraction des deux régions est tellement fort qu'il faut, à un moment donné, qu'on puisse compter sur ce genre de leviers pour aider la communauté, justement, et les entreprises du secteur à concrétiser ces projets qui sont bénéfiques pour l'ensemble de notre communauté. Je vous remercie, M. le Président.
n(11 h 40)nLe Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le député de Portneuf. Mme la critique officielle, à vous la parole.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. En réaction aux réponses qu'a livrées le ministre à mon collègues député de Kamouraska sur le projet de Boralex, de toute évidence, sur la base d'explications qu'a fournies le ministre, je pense que les gens de Cabano et Boralex ne sont pas près de voir ce projet-là, là, se concrétiser au cours des prochaines semaines. Et c'est dommage parce qu'il y a toute une mécanique qui va se mettre en branle.
Il y a des questions, aussi, techniques qui se posent, comme, par exemple: Quelle sera l'instance qui va répartir la biomasse à travers, évidemment, le choix qui se fait? Il y a des questions techniques comme celle-là, et c'est désolant de voir que le projet de Boralex devra attendre encore quelques semaines et plusieurs mois. Et, évidemment, de ce côté-ci de cette Chambre, on partage la préoccupation de notre collègue et on souhaite que ce projet de loi se concrétise le plus rapidement possible.
Pour ce dernier cinq minutes, M. le Président, je souhaiterais qu'on aborde toute la question du choix des filières qui sont faites par le gouvernement et à partir desquelles le gouvernement se base pour sa politique énergétique. À la page 42 de la politique énergétique, on souligne que la Régie de l'énergie devra émettre des recommandations au gouvernement sur le choix des filières. Et ce qu'on souligne, à ce moment-là, c'est que le gouvernement, à partir des recommandations de la Régie, définira les critères finalement utilisés pour l'examen du plan de ressources d'Hydro-Québec en incluant les externalités environnementale, économique et sociale.
Dans le projet de loi qui a été déposé hier, on fait référence aux quotes-parts qui seront fixées par le gouvernement sur le choix, justement, de ces filières, de certaines sources d'énergie. Alors, le projet de loi souligne qu'on attribue au gouvernement le pouvoir de fixer la quote-part et le prix maximal de certaines sources d'énergie: on fait référence ici à l'énergie éolienne, à la petite hydraulique. Alors, ce que je souhaiterais savoir, ce matin, M. le Président, de la part du ministre: Est-ce que, dans le choix de ces sources d'énergie, des quotes-parts qui seront fixées, on va tenir compte de l'avis de la Régie de l'énergie, notamment, sur l'énergie éolienne et sur la petite hydraulique?
Alors, on sait que la Régie de l'énergie a émis deux avis d'importance, notamment, donc, sur la petite hydraulique et l'énergie éolienne. Et vous savez très bien, M. le ministre, et je vous ai déjà interpellé là-dessus en commission parlementaire, que toute la question, par exemple, de l'énergie éolienne est une question qui interpelle la région de la Gaspésie. J'aimerais rassurer, évidemment, le député de Portneuf et lui dire que, si le gouvernement fait les bons choix, les choix judicieux en matière de la filière éolienne, toute la Gaspésie va bénéficier des retombées.
Sauf que ce qui se passe en ce moment, M. le député de Portneuf, c'est que votre gouvernement n'a pas été en mesure, depuis un an et demi, depuis la publication de l'avis de la Régie de l'énergie sur l'énergie éolienne, d'orienter et de camper ces choix très clairs pour permettre à notre région, et au Québec tout entier, d'être des leaders mondiaux sur le plan de la production d'énergie éolienne. Alors donc, des questions d'importance sur le choix des filières qui seront faites.
Un autre élément important, M. le Président, que je souhaiterais aborder, c'est toute la question, en terminant, du prix de l'essence, évidemment une question qui interpelle le ministre des Ressources naturelles. Dans sa région, il y a une coalition qui a été formée qui a demandé à la Régie de l'énergie d'enquêter sur les taxes qui sont dévolues aux régions, spécifiques et périphériques pour certaines régions ? la Gaspésie est de celles-là, le Saguenay?Lac-Saint-Jean ? et la Régie de l'énergie a rendu sa décision.
Vous me permettrez de citer un extrait de cette décision, la Régie nous dit: «Il n'apparaît donc pas justifié, selon la Régie, d'entreprendre une nouvelle enquête à ce moment-ci. Si d'autres travaux spécifiques devaient être faits dans l'étude des rabais de taxe, leur niveau, leur calcul et le processus de leur attribution aux consommateurs, ceux-ci pourraient, le cas échéant, être entrepris par les instances gouvernementales appropriées.» Ce que la Régie de l'énergie nous dit, M. le Président, c'est qu'elle a déjà fait une étude, elle renvoit la balle au gouvernement, elle dit au gouvernement: Écoutez, vous avez une responsabilité de vous assurer que les rabais de taxe qui ont été consentis à certaines régions spécifiques et périphériques, on puisse assurer que le rabais de taxe qui a été consenti bénéficie effectivement aux consommateurs de la région du ministre, aux consommateurs de la Gaspésie, aux consommateurs de l'Outaouais.
Alors, lorsque la Régie renvoie le gouvernement à ses devoirs, est-ce que le ministre peut nous dire qu'elle sera la stratégie que lui, comme ministre des Ressources naturelles, il entend prioriser pour s'assurer que les consommateurs de carburant dans sa région puissent bénéficier effectivement des rabais de taxe qui ont été consentis par le passé? Et je vais vous dire que c'est mon prédécesseur, M. Gérard D. Levesque, qui avait consenti des rabais de taxe, donc à la fin des années quatre-vingt. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme la députée de Bonaventure. Donc, nos travaux avancent bon train. Nous en sommes en quelque sorte rendus à la dernière phase de cette interpellation, une phase conclusion, et je céderai donc la parole à M. le ministre pour une période de 10 minutes.
Conclusions
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Quelques réponses d'abord aux interrogations de la députée de Bonaventure. Premièrement, en ce qui concerne la biomasse, sa répartition, la quantité qu'il est opportun de valoriser sur le plan énergétique, tout cela se fait par le biais d'un règlement géré par le ministère des Ressources naturelles et forcément adopté par le gouvernement. C'est le gouvernement qui décide. C'est le ministère des Ressources naturelles qui gère la forêt mais qui gère aussi également les résidus forestiers et qui est en mesure d'en connaître les volumes et de déterminer ce qui peut être utilisé pour des fins énergétiques.
Relativement aux quotes-parts pour ce qui est des filières d'énergie, des filières nouvelles, des filières dites renouvelables, comme l'éolienne, la petite hydraulique, bien, j'ai en main des avis de la Régie de l'énergie. La dernière date de décembre 1999, juste à la fin de l'année 1999, portant sur la petite hydraulique. Il y a là des recommandations qui vont nous inspirer très largement pour la suite des choses.
Nous aurons, une fois la loi adoptée, à prendre des décisions quant à ces filières, déterminer les quotes-parts et donner une directive après coup à Hydro-Québec pour qu'elle intègre dans son plan d'approvisionnement, dans son porte-feuille de ressources, ces quotes-parts avec des prix. Évidemment, dans chacune de ces filières, il y aura une procédure d'appel d'offres qui va s'appliquer mais qui va s'appliquer par filière, c'est-à-dire que ? encore une fois, je reviens sur la déclaration de M. Lefrançois ? Hydro-Québec Production ne sera pas en concurrence avec les producteurs privés pour ce qui est de la filière petite hydraulique. Hydro-Québec Production, c'est 50 MW et plus; 50 MW et moins ne la concerne pas.
Troisièmement, pour ce qui est du prix de l'essence, effectivement la Coalition a fait une demande à la Régie. C'est son droit, elle pouvait le faire. La Régie a répondu ? ça n'a pas pris la forme d'un rapport ? par une longue missive de plusieurs pages au président, Daniel Giguère, également maire de Jonquière. Il a répondu, il a fait un certain nombre de rappels. Il y a beaucoup de références à l'étude très approfondie sur le marché des carburants qu'elle a faite en Abitibi-Témiscamingue et au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Et, effectivement, elle s'exprime sur le rabais de taxe. Mais ce qu'elle dit sur le rabais de taxe, la Régie: Le rabais de taxe est de 0,0465 $ le litre. Bien, le rabais de taxe, il est là, il est présent. Je veux dire: Les consommateurs au Saguenay?Lac-Saint-Jean puis en Abitibi-Témiscamingue et en Gaspésie, ils paient 0,0465 $ du litre de moins de taxe. Ils ne la paient pas, cette taxe-là. Le rabais, il s'applique.
Est-ce que ça signifie que ça se traduit mécaniquement et en parfaite corrélation dans le prix à la pompe et dans la marge bénéficiaire? Bien là je pense que la Régie revient avec un bon nombre de ces commentaires et de ces analyses de son rapport pour démontrer que ces marchés-là... Et particulièrement le marché de ma région est un marché qui a des caractères tout à fait particuliers. Et la Régie, de nouveau, mentionne, dans sa missive au président de la Coalition, en particulier, qu'il y a beaucoup plus d'essenceries par rapport à la population, d'une part, et donc, par conséquent, que le débit moyen d'une essencerie dans la région chez nous est de beaucoup inférieur au débit moyen de l'essencerie moyenne au Québec, et ça a évidemment un effet direct sur la marge bénéficiaire.
Je vous cite la Régie: «En conséquence ? écrit-elle ? la différence entre les prix de vente affichés dans le marché de l'essence du Saguenay?Lac-Saint-Jean et ceux des grands centres s'explique principalement par une infrastructure de vente où l'on retrouve deux fois plus de stations-service par véhicules que dans les grands centres et où les débits de vente annuelle moyens sont substantiellement inférieurs à ceux de l'ensemble du Québec.» Alors, compte tenu de ces conditions particulières du marché chez nous comme en Abitibi-Témiscamingue, bien, ça a un effet sur les marges bénéficiaires. C'est ce que la Régie rappelle. Mais, pour ce qui est de la taxe, bien, le rabais, il s'applique. Quand je fais le plein chez nous, à Alma, c'est sûr que je paie 0,0465 $ de moins de taxe, alors que je le paie si je fais le plein ici ou à Montréal. Il est là le rabais de taxe. Il n'est pas escamoté, il ne disparaît pas, il est là. Voilà.
n(11 h 50)n Moi, je voudrais, M. le Président, prendre les quelques minutes qui me restent pour revenir essentiellement sur l'objectif fondamental poursuivi par le gouvernement. Le gouvernement a une obsession. Il y en a, dans certains milieux, qui sont obsédés par l'intégrité de la Régie de l'énergie. Le gouvernement, lui, il est obsédé par le maintien, et la préservation, et la sauvegarde du pacte social relatif à l'électricité au Québec. Je vous rappelle que ce pacte social qui aura bientôt 40 ans comporte trois éléments fondamentaux: l'uniformité des tarifs d'électricité sur l'ensemble du réseau du Québec; stabilité des tarifs principalement associée au choix de l'hydro-électricité et à son importance dans le bilan énergétique du Québec; et, troisièmement, des tarifs d'électricité peu élevés, en particulier dans le secteur résidentiel. Et ça, c'est un fait. Actuellement, c'est un fait.
J'ai ici, ça se retrouve dans l'étude de Merrill, Lynch, un tableau fort instructif et éloquent, à la page 22, parce qu'on compare les tarifs au Québec à ce qui se pratique un peu partout en Amérique du Nord aussi bien en résidentiel qu'en petite et moyenne puissance ou en grande puissance. Et, en matière de résidentiel, si vous donnez l'indice 100 à Montréal, c'est-à-dire au Québec ? puisqu'il y a uniformité des tarifs ? eh bien, il y a un seul endroit en Amérique du Nord où c'est un peu plus bas qu'ici, pour les tarifs résidentiels, c'est à Winnipeg, c'est au Manitoba. Indice 100 à Montréal, indice 98 à Winnipeg.
Vous payez 0,0603 $ du kilowattheure à Montréal. Le seul qui est plus bas, c'est à Winnipeg, à 0,0589 $ du kilowattheure. Ailleurs, je vais vous donner des exemples: à Boston, c'est 0,1657 $ pour le résidentiel; à New York, c'est 0,1911 $ du kilowattheure pour le résidentiel; à Chicago, 0,1185 $; à Toronto, 0,0923 $, en Ontario; ici, c'est 0,06 $ du kilowattheure, tarif, sauf à Winnipeg, le plus bas dans toute l'Amérique du Nord, pour le résidentiel.
Mais c'est la même chose pour la petite puissance et moyenne puissance et la grande puissance également. Parce que les grands industriels, hein, versent des larmes actuellement, en disant: On perd notre avantage comparatif, nos tarifs sont trop élevés par rapport à ce qui se pratique ailleurs. Ce n'est pas ce que dit le tableau qu'on retrouve dans l'étude Merrill, Lynch, bien au contraire.
Encore une fois, sauf à Winnipeg et à Edmonton, partout ailleurs en Amérique du Nord, les tarifs grande puissance sont nettement plus élevés qu'à Montréal, c'est-à-dire au Québec. C'est ça, la réalité. Et le prix moyen de l'électricité, au Québec, c'est 0,036 $, la moyenne toutes catégories, 0,036 $. Il y a juste, encore une fois, au Manitoba que c'est le plus bas, à 0,035 $. En Colombie-Britannique, c'est la même chose, et partout ailleurs c'est nettement plus élevé, particulièrement dans le Nord-Est des États-Unis, ça atteint des 0,105 $, 0,107 $ du kilowattheure. C'est ça, la réalité, et c'est ça qu'on veut préserver et garantir aux Québécois. C'est ça, l'objectif du gouvernement. C'est ça que je dis à la population.
Au-delà des dogmes qu'on affiche, au-delà des dogmes affichés en certains milieux, je dis à la population: L'objectif du gouvernement, c'est de préserver le pacte social puis de faire en sorte que, pendant des années et des années encore, les Québécois puissent bénéficier de bas tarifs résidentiels. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Question de règlement, simplement pour assurer la députée qu'elle pourra prendre un 10 minutes complet, même si ça dépasse ce qu'on a prévu.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Alors, il y a consentement, bien sûr. Ha, ha, ha! Alors, Mme la porte-parole officielle, à vous la parole pour une période de 10 minutes.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Ce matin, je constate qu'on a trop peu de temps, évidemment, deux heures uniquement pour discuter d'une question d'importance comme la politique énergétique qui embrasse des secteurs d'activité qui sont très, très larges. Le ministre, les députés ministériels, ce matin, dans leurs plaidoiries nous ont vanté les mérites de la politique énergétique. Je dois vous dire que, de ce côté-ci, on partage leur vision des choses si effectivement ils en ont une bonne. La politique énergétique du Québec adoptée en 1996 sur la base d'un consensus et d'un très large débat public transparent est une bonne politique. Cependant, ce que le ministre des Ressources naturelles et ses collègues n'ont pas dit, les députés ministériels, c'est que le projet de loi n° 116 qui a été adopté et qui a été présenté par le ministre et qui confirme le retrait de certains pouvoirs à la Régie de l'énergie, qui ampute la Régie de l'énergie de pouvoirs importants handicape d'une façon importante toute la politique énergétique du Québec.
Le ministre, en faisant ce choix, M. le Président, donc s'inscrit à contre-courant des intentions qui avaient été annoncées par son prédécesseur, le député de Joliette, à l'effet que la Régie de l'énergie devait être la pièce maîtresse de la politique énergétique du Québec. Aujourd'hui, on régresse sur le plan de la gestion des affaires en matière énergétique au Québec, parce que le ministre nous a confirmé que, en retirant des pouvoirs importants à la Régie, en retirant notamment tout le volet production d'Hydro-Québec à la Régie de l'énergie, on handicape, on ampute d'une façon importante des éléments à la base, des éléments qui sont fondamentaux et qui sont contenus dans la politique énergétique.
Le ministre, ce matin, M. le Président, n'a pas réussi donc à justifier la nécessité de retirer tout le volet production de la Régie de l'énergie. Le ministre n'a pas répondu aux inquiétudes de l'opposition. Par exemple, il ne nous a pas rassurés sur l'organisme maintenant qui serait disposé à contre-expertiser d'une façon satisfaisante Hydro-Québec. Le ministre n'a pas, également, rassuré les consommateurs d'électricité au Québec. Au-delà du gel tarifaire de 2004, est-ce que les consommateurs d'électricité du Québec connaîtront des baisses de tarifs? Le ministre n'a pas été en mesure de nous rassurer là-dessus, et les pires scénarios sont à craindre sur une augmentation éventuelle des tarifs d'électricité après 2004.
Le ministre nous a également, dans sa démonstration, démontré que c'est le ministre des Finances et Hydro-Québec qui sont à la base, qui sont à l'origine du projet de loi n° 116, hein, un projet de loi qui vient, comme je le soulignais tout à l'heure, amputer d'une façon importante, handicaper d'une façon importante la politique énergétique du Québec. Le ministre des Ressources naturelles nous confirme aujourd'hui, M. le Président, qu'Hydro-Québec est aujourd'hui investie d'une nouvelle mission. Hydro-Québec maintenant sera, au dire du ministre des Finances, la nouvelle machine à imprimer de l'argent du gouvernement.
Évidemment, c'est surprenant de voir que le ministre des Ressources naturelles se réjouit d'un changement de cap comme celui-là. Sur la base de ses responsabilités, le ministre des Ressources naturelles n'a pas à cautionner un tel changement de cap. Le ministre des Ressources naturelles doit, d'abord et avant tout, s'assurer que les consommateurs d'électricité au Québec bénéficie des meilleurs tarifs d'électricité. Ça, c'est la responsabilité qui incombe, d'abord et avant tout, au ministre des Ressources naturelles.
n(12 heures)n Le changement d'orientation de mission qui est dévolu maintenant à Hydro-Québec n'a pas reçu l'aval de la population, n'a pas reçu l'aval des intervenants du domaine énergétique. Le gouvernement du Parti québécois, M. le Président, n'a pas reçu de mandat de la population pour autoriser Hydro-Québec à s'orienter dans cette nouvelle mission qui sera donc de produire des bénéfices de plus en plus importants pour le gouvernement. Et le ministre évidemment tente de s'approprier l'héritage libéral, l'héritage de Jean Lesage. Mais je dois vous dire aujourd'hui que le ministre n'est pas à la hauteur. Le ministre n'est pas à la hauteur, parce que Hydro-Québec n'a pas à être une machine à imprimer de l'argent du gouvernement. Hydro-Québec doit, d'abord et avant tout, offrir des tarifs bas, stables et uniformes à l'ensemble des consommateurs d'électricité du Québec.
Le ministre, par-dessus le marché, qui tente de s'ériger en bon démocrate, a refusé hier d'entendre des groupes qui sont interpellés, qui sont concernés par le projet de loi n° 116. Et je lui lance encore l'appel et je lui demande encore une fois: Est-ce que le ministre est prêt à tenir des consultations en commission parlementaire, des consultations particulières, par exemple, pour entendre les groupes qui sont intéressés à venir se prononcer sur cette importante question?
Le ministre, évidemment... et ce serait tout à son honneur, M. le Président, de répondre favorablement à la demande que je lui ai lancée hier, à la demande que je lui réitère aujourd'hui, à la demande qui est formulée par des groupes qui ont consacré énormément d'efforts et d'énergie lorsqu'ils se sont impliqués dans le débat public en 1996, et ces groupes ont contribué aussi à construire la politique énergétique du Québec. Je pense que ce serait un minimum de respect que de leur permettre de venir s'exprimer en commission parlementaire sur une question d'importance comme celle-là.
Alors, M. le Président, le ministre des Ressources naturelles, évidemment, utilise un ton qui est assez surprenant à plusieurs égards, le ministre est sur la défensive, et je pense que ça témoigne de son grand malaise pour toute cette question de la déréglementation, des pouvoirs qu'on a amputés à la Régie de l'énergie. Mais j'aimerais peut-être reprendre un à un, puisqu'il me reste encore un peu de temps, les arguments qui sont à la base même des choix qu'a faits le ministre des Ressources naturelles et qui ont conduit le ministre à proposer et à déposer le projet de loi n° 116.
Tout d'abord, les faits saillants du projet de loi sont à l'effet que la Régie de l'énergie se voit consentir de nouveaux pouvoirs. On se demande, M. le Président, quels sont ces nouveaux pouvoirs. Le constat que nous en faisons de ce côté-ci et le constat qui est fait de la part de tous les intervenants, c'est que la Régie de l'énergie est amputée de pouvoirs importants. Il faut se souvenir que tout le volet production, à partir d'aujourd'hui, à Hydro-Québec, la Régie de l'énergie n'aura plus aucun regard sur tout ce volet-là, qui, en passant, concerne 50 % des actifs d'Hydro-Québec.
Le respect de la politique énergétique adoptée en 1996. Le ministre nous dit: Écoutez, ce projet de loi là s'inscrit tout à fait dans le sens de la politique énergétique du Québec. Alors, j'aimerais lui rappeler, M. le Président, que c'est faux, c'est complètement faux. La page 21 qui confirme à la Régie de l'énergie la capacité d'émettre un avis sur toute la question de la déréglementation a été littéralement bafouée, parce que le ministre a préféré s'en remettre à Merrill, Lynch, à des avis d'experts internes dont la partialité, évidemment, peut être mise en question.
Le ministre nous dit également, M. le Président, qu'il s'agit de fixer un prix moyen du contrat patrimonial à 0,028 $ le kilowattheure et le volume patrimonial d'énergie à 165 TWh. Là-dessus, je lui rappellerais que l'article 15 du projet de loi n° 116, qui oblige la Régie de l'énergie à tenir compte de l'interfinancement, aurait suffi à lui seul à préserver tout cet héritage patrimonial pour les consommateurs d'électricité au Québec.
Ce qui est déplorable, M. le Président, c'est que la politique énergétique, qui prévoyait la création d'une instance, d'un mode de régulation... En créant la Régie de l'énergie, on voulait se doter d'un mode de régulation moderne. Là, ce qu'on constate dans les faits, c'est que le ministre et son gouvernement, qui ont mis en branle, qui ont mis de l'avant cette politique, reculent d'une façon importante. Et c'est la politique, maintenant. C'est l'arbitraire du ministre des Ressources naturelles, du premier ministre, du ministre des Finances qui maintenant va orienter les choix en matière d'électricité au Québec. Et, en termes de cohérence et de vision, de ce côté-ci de cette Chambre, on a déjà vu mieux.
C'est déplorable parce qu'il y a des pas de géant qui ont été faits depuis plusieurs années au Québec en matière d'efficacité, en matière d'énergie, en matière d'efficacité énergétique également. Et là j'ai l'impression, M. le Président, qu'on revient à des anciens réflexes et qu'on veut garder en vase clos, donc, toute cette question de contrôle énergétique.
Il y a d'autres éléments intéressants, M. le Président, je pense, qui méritent d'être soulignés, c'est cette idée de lancer un projet-pilote d'ouverture des marchés de détail à la concurrence pour des nouveaux projets industriels. Alors, ce qu'on constate dans les faits, c'est qu'Hydro-Québec va s'ériger, pourra s'ériger en concurrent sur ce nouveau marché. Et on se demande, par exemple, quels sont les tarifs de transport qui seront dévolus par Hydro-Québec pour permettre finalement une libre concurrence sur ce nouveau marché. Le ministre nous rassure, tente de nous rassurer en nous disant que le projet de loi n° 116 s'inscrit dans une tendance lourde en Amérique du Nord à l'effet qu'il faut déréglementer tout le marché, et le ministre nous parle de libre concurrence.
Mais ce que nous disons, de ce côté-ci de cette Chambre, M. le Président, c'est que le ministre des Ressources naturelles et son gouvernement, le gouvernement péquiste, annoncent un grand objectif, celui de la libre concurrence, qui est un semblant de libre concurrence. L'objectif qu'on poursuit, c'est de faire en sorte qu'Hydro-Québec, dans le futur, devienne plus que jamais roi et maître pour toute la question du devenir des tarifs d'électricité au Québec, parce que Hydro-Québec ne sera plus, maintenant, pour tout le volet production, soumis à la juridiction de la Régie de l'énergie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme la députée. Alors, très chers collègues, comme vous le savez, ces travaux étaient télédiffusés en direct. Donc, vous me permettrez, en votre nom, de saluer celles et ceux qui ont suivi nos délibérations. Et, puisque la commission a accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 6)