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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 24, 1998 - Vol. 35 N° 93

Consultations particulières sur le document intitulé Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. François Beaulne, président
M. Norman MacMillan
M. Michel Côté
Mme Monique Simard
M. Robert Kieffer
*M. Donald Brisson, CSST
*M. Jacques Garon, CPQ
*Mme Louise Marchand, idem
*Mme Claudette Carbonneau, CSN
*Mme Marie Pepin, idem
*M. Henri Massé, FTQ
*Mme France Laurendeau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Beaulne): La commission de l'économie et du travail est réunie aujourd'hui pour procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec .

Avant de débuter nos travaux, je demanderais à notre secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, sur ce...

Une voix: M. MacMillan...

Le Président (M. Beaulne): Non, M. MacMillan est itinérant.

M. MacMillan: ...mon cher. Sans abri.

Le Président (M. Beaulne): Oui, c'est un député volant.

M. MacMillan: Et voilà! Merci.


Remarques préliminaires

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, sur cela, j'inviterais le ministre du Travail à nous faire quelques commentaires préliminaires.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, j'aimerais d'abord vous présenter les quelques personnes qui m'accompagnent: Mme Christiane Barbe qui est sous-ministre au ministère du Travail; Luc Desmarais qui est, lui, au ministère en recherche; Mme Annick Laberge qui est attachée politique à mon cabinet; Mario St-Laurent qui est également attaché politique; et madame du service juridique.

Alors, je voudrais saluer de façon particulière le député de Papineau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: C'est dommage que ça ne soit pas une commission où on parle soit du sport amateur ou du conditionnement physique au Québec, on aurait eu un plaisir fou, compte tenu de nos antécédents, le député de Papineau et moi, mais on accueille en plus un historien qui m'a parlé un jour avec presque abondance du coeur des silences et des temps forts du rapport Durham. Je me souviens, on avait échangé là-dessus à un moment donné. J'avais trouvé ça fort intéressant, moi qui dans ma jeunesse avait eu l'occasion d'enseigner toute cette période qu'on appelle la colonisation française en Amérique.

M. le Président, vous vous souviendrez que, à la fin de nos travaux qui avaient étudié le projet de loi n° 172 adopté et qui est devenu loi l'automne dernier, on avait convenu tous ensemble de se réunir à nouveau pour examiner plus en profondeur toute la problématique du travail des enfants. On avait convenu ça d'un commun accord. On s'est dit: Il faut aller plus loin dans notre réflexion.

Le projet de loi n° 172 avait pour but d'interdire le travail de nuit des enfants de moins de 16 ans entre 23 heures et 6 heures du matin, sauf certaines exceptions. De plus, on prévoyait, on prévoit là-dedans que l'employeur doit aménager les heures de travail de manière à ce que les enfants puissent être à la résidence familiale pendant cette période. Très important. C'était une première étape.

Aujourd'hui, au fond, on est réunis pour poursuivre cette réflexion. En se donnant un mandat d'initiative, les membres de la commission veulent mieux cerner toute la question avec l'aide et l'expertise des principaux intervenants qui s'intéressent à l'ensemble de cette problématique. Au fond, c'est un peu un débat de société qu'on amorce ensemble aujourd'hui, un débat aussi qui nous interpelle au niveau des valeurs.

Je tiens d'abord à remercier tous ceux et celles qui ont bien voulu répondre à l'invitation qu'on leur a faite de venir devant la commission nous faire part de leur opinion sur le travail des enfants et échanger avec nous sur l'opportunité de prendre d'autres mesures pour assurer adéquatement la protection des enfants et aussi leur réussite scolaire. M. le Président, ces personnes qui vont venir devant nous représentent à peu près tous les milieux: le milieu de l'éducation, le milieu du travail, les syndicats, les psychoéducateurs, les parents, bref toutes des personnes et des groupes qui en ont long à dire et qui connaissent l'ensemble de cette problématique. Il faut dire aussi que nous allons tout mettre en oeuvre pour que les parents aient leur juste part dans les travaux de cette commission, puisqu'ils parlent au nom de leurs jeunes, de leurs adolescents et de leurs enfants.

Donc, je remercie toutes ces personnes qui ont accepté et qui nous ont envoyé des mémoires fort intéressants que nous avons étudiés. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas le manque d'intérêt. Comme vous le voyez, il s'agit d'une question complexe et on va travailler, on va délibérer. On va rendre toute l'information disponible aux participants de manière à ce que nos travaux se fassent avec tout l'éclairage nécessaire pour répondre aux principales questions soulevées lors de l'adoption de la loi n° 172 sur le travail de nuit des enfants.

On vous a expédié un document de réflexion que vous avez pu certainement... Alors, là-dessus, on revoit, on essaie de passer en revue tout ce qui s'est fait un peu dans les pays européens, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, un peu partout. On a examiné les conventions internationales pertinentes également, et de façon à ce qu'on puisse répondre à ceux qui disent: Au Québec, c'est le néant quand on parle du travail des enfants. Ce n'est pas tout à fait le néant. Je ne vous dis pas qu'on n'a pas encore des pas immenses à franchir, mais ce n'est pas le néant, loin de là.

Mais, au-delà des textes de loi, les documents de réflexion développent aussi certains principes directeurs qui sont apparus les plus pertinents pour baliser notre réflexion sur la problématique du travail des enfants et adopter certaines mesures qui pourraient favoriser l'épanouissement de ces jeunes. Ces principes directeurs, je voudrais les évoquer devant vous très rapidement.

Il y a d'abord la responsabilité des parents à l'égard de leurs enfants, l'autorité parentale. Je me souviens, le député d'Argenteuil, lorsqu'il siégeait en cette Chambre et qu'il était critique de l'opposition, avait beaucoup mis l'accent là-dessus, la question de l'autorité parentale. Il avait également évoqué brillamment, je me souviens, la nécessité pour un jeune qui va à l'école d'aller à l'école. Lui, il disait: Le travail d'un jeune, c'est d'aller à l'école et de réussir. Et ça, là-dessus, il était clair. En tout cas, c'était sa position.

La réforme de l'éducation aussi a bien mis l'accent sur la réussite. L'âge scolaire obligatoire, c'est 16 ans. Donc, dans une société démocratique comme la nôtre, une société industrielle avancée, on a tout un défi qui est devant nous: c'est que l'enfant, le jeune, l'adolescent qui va à l'école doit réussir. Et il va à l'école jusqu'à 16 ans, c'est parce qu'on veut le préparer à la vie, le préparer au marché du travail ou le préparer à poursuivre ses études.

Par ailleurs, il faut examiner comment et de quelle manière on peut intervenir tout en respectant l'économie générale de nos lois actuelles. Vous savez, M. le Président, quand on parle des jeunes, bon, on parle de la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire, on parle du Code civil, le Code civil qui fait d'un jeune de 14 ans un être responsable presque à tous égards. Et, enfin, il y a le rôle de l'État qui, lui, doit se préoccuper du bien commun et du bien commun de tout le monde, incluant les enfants.

Donc, c'est un exercice qui se veut très sérieux dont l'enjeu est de bien circonscrire les besoins des jeunes, ce à quoi ils ont droit dans une société comme la nôtre et jusqu'où le travail qu'on leur demande ou le travail qu'ils font est pour le bien-être de leur personne et de leur épanouissement.

C'est une invitation sans détour, puisqu'il est beaucoup question ici des valeurs que l'on veut donner comme société et qu'on veut projeter pour nos jeunes. Nous le savons tous et toutes, et nous l'avons vécu au cours de l'adoption du projet de loi n° 172, discuter du travail des enfants, c'est définir des principes, des valeurs qui nous permettent de faire des choix, de prendre les bonnes décisions pour leur avenir, certes, mais aussi pour l'avenir de la société.

Ça étant dit, M. le Président, nous sommes maintenant mieux en mesure de discuter des deux questions importantes qui ont beaucoup retenu l'attention des membres de la commission et qui devraient être au coeur de nos discussions, à savoir le principe de la détermination d'un âge général d'admission à l'emploi ou de plusieurs âges d'admission à l'emploi. Dans la perspective où on accepte ce principe, il faut le ou les définir, c'est important, le nombre d'heures consacrées au travail pendant la période de fréquentation scolaire obligatoire et une troisième question qui se réfère plus spécifiquement aux dispositions adoptées l'automne dernier concernant le travail de nuit.

M. le Président, nous sommes en face, au fond, d'un débat très important. Il y a deux écoles: il y a ceux qui disent qu'on doit penser à fixer un âge, un âge très précis d'admission au marché du travail; il y en a qui s'y opposent, il y en a qui croient qu'on devrait plutôt procéder à un encadrement qui permette aux jeunes de fonctionner quand même à l'intérieur de notre société sans qu'il soit dans l'obligation du législateur de déterminer un âge.

(9 h 50)

Alors, je termine là-dessus. Je nous souhaite une bonne réflexion. C'est un débat important et ce que je voudrais, c'est que, quand on aura entendu tous nos intervenants qui sont invités à se présenter devant nous, il se dégage dans nos esprits une piste qui nous permette de mieux agir comme État, comme gouvernement et comme législateur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata, à nous faire ses commentaires.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Mes premières remarques seront pour, je dirais, souligner le travail de mon prédécesseur, le député d'Argenteuil, lors de l'étude du projet de loi n° 172, qui avait été à l'origine, je dirais, de cette commission parlementaire, de ce mandat d'initiative, en soulignant le fait que, dans le projet de loi n° 172, à l'époque on venait limiter l'heure comme telle du travail pour les enfants, mais, par le fait même, on se rendait compte qu'il n'y avait rien qui s'appliquait pour le travail en général des enfants qui est fait avant cette heure-là, avant 23 heures le soir. Donc, je tiens à souligner son travail et, je dirais, sa clairvoyance d'avoir suscité la commission parlementaire et fait en sorte qu'on est là aujourd'hui à se pencher sur cette problématique-là.

Deuxièmement, je tiens à remercier le ministre de nous donner l'occasion d'entendre des groupes et de réfléchir ensemble sur cette problématique-là qui n'est pas un phénomène nouveau, qui est un phénomène qui est là depuis, je dirais, des années et des années, le travail des enfants, qui a évolué en même temps que nos sociétés ont évolué, je dirais, que l'ère industrielle a battu son plein. Maintenant, qu'on pense aussi à l'ère des idées, le phénomène du travail des enfants est toujours là. Ce n'est pas un phénomène qui tend à se résorber, au contraire, et c'est nécessaire d'avoir une réflexion qui nous mènera, oui, à des pistes de solution, mais à des pistes de solution, je dirais, applicables.

Il faut faire attention pour ne pas tomber, selon moi, dans un canevas qui nous mènerait à adopter ou à mettre en place des règlements, ou des modifications législatives, ou quoi que ce soit qui, en bout de ligne, ferait en sorte qu'on ne peut pas les appliquer. Donc, on pourrait dire, d'un côté, oui on a légiféré, oui on a fait des choses, oui on a fait avancer la problématique, oui on s'est penché dessus, sauf que, de l'autre côté, on se rendrait compte peut-être que, au bout de six mois, au bout d'un an, ces législations-là ou ces modifications-là ne seraient pas applicables.

Donc, il y a un danger extrêmement important là. C'est pour ça que je tiens à faire ressortir ce matin, à mentionner la situation actuelle, juste pour voir la complexité de la législation qui peut s'appliquer ou qui ne s'applique pas à la problématique qu'on étudie. On a, par exemple, un nombre imposant de lois, des modalités relatives au travail des jeunes, mais qui soit ne s'appliquent pas, ou n'entrent pas en concordance, ou ne permettent pas, je dirais, de régler la situation, d'encadrer la situation sur laquelle on se penche ce matin.

On peut penser au Code civil, la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, la Loi sur les agents de voyage, juste pour vous montrer à quel point, dans différentes lois, il y a des éléments qui se rapportent au travail des enfants, et la Loi sur les assurances, la Loi sur le bâtiment, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, la loi sur les centres à la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, même la Loi sur les clubs de chasse et pêche, le Code de la sécurité routière, le Code des professions, la Loi sur les compagnies, en tout cas, la Loi sur les compagnies de télégraphe et de téléphone, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, la Loi sur les coopératives, la loi sur les courses de chevaux, la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes, la Loi sur les décrets de convention collective, la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, la Loi sur l'immigration au Québec, et là on peut en dire pendant plusieurs minutes.

La question que je me suis posée à la lecture de certains des mémoires qu'on a reçus, c'est de voir pourquoi, malgré toutes ces législations-là – et c'est une des questions que j'ai l'intention de poser souvent – on se rend compte qu'il y a un problème, que la situation laisse des marges de manoeuvre qui souvent tombent dans des abus. Moi, je suis d'accord avec le phénomène, pour dire que le premier travail d'un jeune, c'est d'abord la réussite scolaire. C'est ça qui va lui permettre d'avancer, c'est ça qui va lui permettre d'évoluer, c'est ça qui va lui permettre, à moyen terme, de prendre une place active dans la société et de devenir un atout pour la société québécoise. Donc, je vous dirais, il faut faire attention pour ne pas tomber dans le piège.

Je regarde dans mon comté, chez nous, dans Kamouraska-Témiscouata, et je suis sûr que dans d'autres comtés ça arrive aussi, il y a toujours un attrait pour les jeunes, je dirais, de 13 ans à 16, 17 ans d'abandonner graduellement l'école pour soit aller travailler chez des fermiers ou avoir différents petits emplois pendant la période de fréquentation scolaire qui pendant quatre, cinq ans vont leur permettre, oui, peut-être de s'acheter une première auto, peut-être de devenir des consommateurs au même titre que leurs aînés. Sauf qu'on se rend compte qu'à moyen terme cette tendance-là de manquer une journée d'école, de manquer deux jours d'école pour aller travailler chez un fermier ou ailleurs, bien c'est ça qui conduit à l'abandon scolaire et c'est ça qui fait que, peut-être à 16 ans, 17 ans, un revenu de 250 $ à 300 $ par semaine, c'est le fun, sauf qu'à 25 ans, quand t'as abandonné tes cours, quand tu veux fonder une famille, quand tu veux avancer dans la société, ça devient beaucoup moins drôle. Donc, là ça amène des conséquences de retour à l'école, et tout ça, donc de perte, je dirais, de temps et d'énergie.

Donc, il faut faire attention à ce phénomène-là. Mais, d'un autre côté aussi, il ne faut pas tomber dans l'abus et dire: Bien, regardez, en bas de tel âge, vous n'aurez plus le droit de travailler. Il va y avoir des sanctions pour les employeurs, et tout ça. La ligne, selon moi, est mince, mais on peut réussir, je crois, à avoir des législations intelligentes qui vont nous permettre d'atteindre les objectifs que l'on vise.

Donc, il faut, selon moi, ma première prémisse, avoir une réglementation flexible, une réglementation qui ne devient pas un fardeau et surtout éviter de mettre en place des lois ou des règlements qui sont non applicables et qu'on ne peut pas en pratique mettre en place, qui ne donneront rien et qui n'amélioreront en rien le phénomène auquel on fait face.

Je regardais dans les mémoires, M. le Président, aussi, on va en reparler un petit peu tantôt, notamment dans le mémoire de la CSST, il y a un certain nombre de questions qui sont soulevées, entre autres, quand on se rend compte que 753 enfants entre 1991 et 1996 déclarent un accident de travail. Je veux dire que c'est un phénomène, même s'il semble être à la baisse, qui est très inquiétant. Je veux dire par là: Est-ce que ça veut dire qu'il y a des jeunes de 15 ans et moins qui font des travaux pour lesquels ils n'ont pas les qualifications et qui entraînent un risque à leur santé et à leur sécurité?

Je pense que, dans ce sens-là, il faut aller dans un autre élément qu'avec plaisir j'ai retrouvé dans les recommandations, c'est la responsabilité des individus, des jeunes eux-mêmes, une première responsabilité qu'il ne faut pas laisser pour compte. Je pense que les jeunes sont capables de prendre leurs responsabilités et on doit les sensibiliser, qu'ils aient une prise de conscience à ce niveau-là, qu'ils se rendent compte des risques et des dangers qu'ils courent.

Il doit y avoir aussi une responsabilisation des parents. Comme mon prédécesseur l'a dit, le député d'Argenteuil, c'est fondamental que les parents s'impliquent, soient responsables à ce niveau-là et deviennent un peu les gardiens pour ne pas que les jeunes tombent dans, je dirais, un surplus ou un certain niveau qui remet en question la réussite scolaire.

Et la responsabilité des employeurs. Je pense que, dans la société dans laquelle on vit, on n'est plus en 1935 ou en 1940 où des enfants travaillaient de façon régulière pour subvenir aux besoins des familles. Ils devaient travailler dans des manufactures ou autres. Je pense qu'on n'en est plus là. Je dirais, à ce niveau-là: On parle de législation, mais on doit parler aussi de responsabilisation des employeurs. C'est fondamental que ces gens-là se rendent compte qu'il n'y a pas d'économie ou qu'il n'y a pas de raison qui peut faire en sorte que des abus comme ça soient tolérés, et ils doivent être les premiers responsables de la mise en place ou du respect des individus, des jeunes qui travaillent.

Je pense qu'un jeune de 15 ans et moins... Moi, je me souviens, j'ai commencé à travailler à 14 ans, je distribuais des produits laitiers. Mais il y a une certaine barrière où tu ne peux pas aller, que tu ne peux pas franchir...

Une voix: ...

M. Béchard: Oui, ça m'a aidé par la suite. Que tu ne peux pas franchir si tu ne veux pas compromettre ta réussite. Donc, c'est pour ça qu'il faut faire attention à deux phénomènes, le premier phénomène qui est de dire: Pendant la période de fréquentation scolaire, il doit y avoir des choses qui s'appliquent là, une responsabilisation qui se fait à ce moment-là. Et, en dehors des périodes de fréquentation scolaire, il faut faire attention pour ne pas tomber dans un vide où la seule raison qui sous-tend une législation soit la fréquentation scolaire. Je pense qu'il faut y aller aussi pour encadrer même ce qui se fait en dehors des périodes de fréquentation scolaire.

(10 heures)

M. le Président, dans les recommandations, ne pas établir un âge général d'admission à l'emploi, je pense que ce serait exactement le genre de mesure qu'il serait très difficile à mettre en place et je vous dirais que cette recommandation-là a une bonne vue de ce côté-ci. Toutes les autres recommandations, que ce soit d'interdire de faire effectuer plus de 15 heures de travail par semaine à un enfant lorsqu'il est tenu à la fréquentation scolaire obligatoire, comme je le disais, il ne faut pas oublier les périodes où il n'y a pas de fréquentation scolaire.

Ensuite, en ce qui a trait à la modification du projet de loi n° 172, pour que les dispositions sur le travail des enfants s'appliquent à tout enfant jusqu'à la fin de la période où il est tenu à la fréquentation scolaire, comme je le dis, la période hors fréquentation scolaire doit être aussi prise en compte, et on doit aussi être sensible au fait de tous ceux qui peuvent avoir accès à ces emplois-là pour devenir des consommateurs et remettre en question les études. Je pense qu'il faut être flexible, il faut être, je dirais, intelligent dans la façon dont on va tenter d'encadrer ce phénomène-là.

Je dirais en terminant, et je le répète, je pense qu'il faut des modifications très flexibles. Il faut se poser la question: Pourquoi, les législations en place et ce qu'on a actuellement dans nos différentes lois et règlements, malgré ces éléments-là, on vit ce phénomène-là du travail des enfants? Il faut voir comment on peut s'assurer que le tout se fasse, je dirais, dans la sécurité d'abord, dans la préoccupation que le premier travail des jeunes, c'est d'abord et avant tout la réussite scolaire et aussi qu'ils soient conscients des effets néfastes qu'il peut y avoir à abandonner les études pour aller travailler pendant quelques semaines ou quelques années pour des emplois qui à court terme semblent alléchants mais à moyen terme deviennent, je dirais, une barrière au plein développement de ces individus-là et à leur pleine participation au développement de la société québécoise.

Je suis heureux, moi aussi, de voir, M. le Président, qu'il y a beaucoup de groupes qui sont intéressés par cette problématique-là. Et, moi, je vous dirais que j'ai hâte d'entendre ces groupes-là. Il y a des courants de pensée qui semblent se dégager. Mais je pense qu'on a la responsabilité et qu'on a le devoir de se pencher sur ce phénomène-là et je vous dirais qu'il faut d'abord et avant tout ne pas oublier qu'il est question d'un phénomène de société, une problématique de société qui concerne tout le monde. Il ne faut pas oublier non plus de prendre le parti des enfants, de prendre le parti des jeunes, de prendre le parti de ceux qui formeront le Québec de demain et qui nous permettront en tant que société de relever les défis qui nous attendent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Y a-t-il d'autres députés qui veulent faire des remarques préliminaires? Allez-y, M. le député de Robert-Baldwin.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Jacques-Cartier.

Le Président (M. Beaulne): Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste très brièvement. Merci beaucoup. Je vais suivre avec intérêt les délibérations de cette commission, mais j'ai peut-être une suggestion à faire au ministre et à la commission. Je regarde un groupe fort intéressant d'adultes qui vont venir témoigner ici, mais on n'a pas trouvé un moyen pour consulter les adolescents. Quand j'étais jeune, je me rappelle, il y avait toujours les longues discussions des adultes qui se penchent sur la réalité des jeunes sans les consulter. Alors, je ne sais pas s'il y a un mécanisme pour le faire, mais je pense, comme père de deux adolescentes, qu'on a tout intérêt aussi à voir s'il y aurait un moyen de les consulter.

Je sais que le Conseil permanent de la jeunesse est sur la liste, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que les adolescents qui sont dans nos écoles secondaires qui doivent composer avec ces réalités. Alors, juste une suggestion à faire: s'il y avait moyen, en faisant le mandat de cette commission, de sonder et de consulter les adolescents dans nos écoles secondaires, peut-être que ce serait enrichissant. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. le député. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Oui, moi, juste un point que... Je ne sais pas, je n'ai pas eu la chance de lire tous les documents, mais je sais que les gens des syndicats vont être présents aujourd'hui, là, M. le ministre, et j'aimerais qu'on... Moi, là, toute l'histoire de l'affaire McDonald's, comme exemple, est-ce qu'on va pouvoir questionner ça? Je m'excuse, peut-être que je suis hors d'ordre, mais est-ce qu'on va pouvoir ensemble un peu en discuter de ça, là, M. le ministre, au courant de ces débats-là? Parce que je trouve ça aberrant personnellement qu'on se serve des syndicats pour des jeunes de 14, 15, 16 ans. Et dans tout ce débat-là je pense que ce serait important qu'on puisse en discuter.

M. Rioux: Oui, M. le Président...

Le Président (M. Beaulne): M. le député, effectivement, il y a plusieurs représentants syndicaux qui vont venir. Alors, si vous êtes avec nous pour les travaux de la commission, vous pourrez leur poser les questions que vous jugerez pertinentes à ce moment-là.

M. MacMillan: Mais est-ce qu'une fois que ça va être écouté sur tous les côtés, on pourra en discuter dans la commission ou dans les séances de travail?

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, dans le cas qui nous occupe, c'est-à-dire celui de McDonald's, c'est à ça que le député fait référence, ce n'est pas ça, l'objet de notre discussion en commission parlementaire, c'est le travail des jeunes, des enfants. Mais c'est un processus d'accréditation syndicale, hein? C'est un autre débat, mais on verra. Si les syndicats ont le goût d'en parler, ils pourront toujours le faire, mais ce n'est pas la tribune appropriée, je tiens à le dire.

M. MacMillan: Mais ça touche quand même ces jeunes-là, 14, 15 et 16 ans.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. le député, effectivement vous pourrez poser des questions dans ce sens-là lorsque les groupes pertinents se présenteront à la commission.

M. MacMillan: O.K. Merci.


Auditions

Le Président (M. Beaulne): Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires préliminaires que les collègues voudraient nous livrer? Bon, bien, dans les circonstances, j'inviterais alors le premier groupe à s'asseoir à la table de la commission. J'inviterais les représentants de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, à prendre place devant nous.

Je vous rappellerai qu'on a une heure d'échanges sur votre mémoire. Alors, je vous demanderais de résumer, si possible, à l'intérieur de 20 minutes votre présentation pour permettre aux deux formations politiques d'échanger avec vous et également je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription. Alors, allez-y.


Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)

M. Brisson (Donald): Merci, M. le Président. Alors, Donald Brisson, vice-président aux relations avec les clientèles et les partenaires, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Alors, je suis accompagné de Diane Rodier, qui est la professionnelle responsable des dossiers relatifs à l'éducation, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, c'est avec intérêt que la CSST répond à l'invitation de la commission parlementaire de l'économie et du travail qui s'est donnée pour mandat d'examiner en profondeur toute la problématique du travail des enfants au Québec.

Les recommandations qui apparaissent dans le document de réflexion soumis à la consultation par les membres de la commission n'ont pas vraiment d'impact sur les lois administrées par la Commission. Nous constatons que les auteurs du rapport ont pris en compte la portée et l'esprit de celles-ci. Toutefois, compte tenu de la place grandissante des élèves sur le marché du travail, nous croyons pertinent de présenter aux membres de la commission la situation des accidents chez les 15 ans et moins ainsi que la protection offerte par le régime québécois de santé et de sécurité du travail.

D'entrée de jeu, rappelons qu'en regard du travail des enfants la CSST a déjà été interpellée sur la détermination d'un âge minimal de travail. Or, l'exercice du pouvoir réglementaire de la CSST n'intervient, pour fixer un âge – et ça je pense que c'est important qu'on se le rappelle – qu'en rapport avec le danger que représente un travail identifié. C'est ce que nous illustrerons.

(10 h 10)

Notre mémoire présente, dans le volet législatif, les dispositions visant tant la prévention que la réparation des lésions. Un deuxième volet établit un portrait de la situation des accidents basé sur nos données statistiques. Pour compléter ces volets, nous décrirons les efforts qui sont faits en matière de formation en santé et sécurité du travail. Enfin, nous soulignerons les perspectives qui s'offrent à la société québécoise en marge du contexte législatif pour assurer le développement d'une authentique culture de prévention.

Alors, au niveau législatif, si nous jetons un coup d'oeil sur la Loi sur les établissements industriels et commerciaux, nous voyons que le comité sur le travail des enfants a examiné la pertinence d'établir un âge d'admission à l'emploi. Il est important de rappeler les circonstances de la disparition des dispositions à cet égard.

À la suite de la proclamation, le 1er janvier 1981, de l'article 285 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, cette loi a remplacé la Loi sur les établissements industriels et commerciaux. Cette dernière loi établissait alors que tout membre du personnel d'un établissement devait être âgé d'au moins 16 ans. C'est l'article 6. La loi prohibait également à toute personne âgée de moins de 16 ans de vendre des journaux ou de travailler dans les rues ou les places publiques à moins qu'elles ne sachent lire et écrire couramment. De plus, la loi prévoyait que de telles occupations ne devaient pas se prolonger après 20 heures, l'article 9.

La Loi sur les établissements industriels et commerciaux permettait toutefois aux employeurs d'utiliser du personnel d'au moins 15 ans durant les vacances scolaires si un inspecteur du gouvernement leur avait délivré un permis à cet effet, article 8.

Maintenant, quand on regarde la Loi sur la santé et la sécurité du travail, cette loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique de tous les travailleurs sans égard à leur âge. C'est l'article 2. La loi ne contient donc pas de dispositions établissant un âge minimum universel qui confère le droit de travailler. Elle prévoit toutefois qu'un employeur ne peut faire exécuter un travail par un travailleur qui n'a pas atteint l'âge déterminé par règlement pour exécuter ce travail. C'est l'article 53. En corollaire, la LSST reconnaît à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de pouvoir faire des règlements pour fixer l'âge minimum qu'un travailleur doit avoir atteint pour exécuter un travail qu'elle identifie.

Si on regarde l'état actuel de la situation, la CSST n'a donc pas le pouvoir réglementaire nécessaire afin d'imposer un âge minimum général pour travailler. Son pouvoir se limite à déterminer l'âge minimum requis pour exécuter certaines tâches spécifiques considérées comme plus dangereuses. Les dispositions réglementaires fixant un âge minimum pour exécuter certains types de travaux sont principalement regroupées dans le code de sécurité pour les travaux de construction, dans le règlement sur les établissements industriels et commerciaux et dans le règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines. Vous avez un exposé sommaire de ces dispositions qu'on a mis en annexe du mémoire qu'on vous a remis.

Maintenant, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Alors que la Loi sur la santé et la sécurité du travail vise à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a, elle, pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les travailleurs, et ce, sans égard à l'âge. C'est l'article 1.

La LATMP contient cependant certaines règles spécifiques applicables à des catégories particulières de travailleurs comme le travailleur étudiant, l'enfant qui fait l'objet de mesures volontaires dans le cadre de lois sur la protection de la jeunesse ou encore les camelots.

Alors, si on prend les travailleurs étudiants, les travailleurs étudiants sont couverts d'une certaine façon jusqu'à l'âge de 18 ans. À compter de 18 ans, c'est dans la plupart des cas le salaire minimum qui va s'appliquer et à partir de 21 ans, avec la démonstration du salaire gagné, il y a ajustement. De sorte qu'à ce niveau, comme on vous l'indique dans le mémoire, vous voyez la progression suivant que c'est avant 18 ans, 18 ans à 21 ans ou encore plus de 21 ans.

Si on prend maintenant les camelots. La Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles prévoit que l'employeur d'un camelot est tenu personnellement au paiement des prestations que la CSST accorde à ce camelot en vertu de la loi; c'est l'article 332. Suivant la loi, un camelot, c'est une personne physique, quel que soit son âge, qui, moyennant rémunération, effectue la livraison à domicile d'un quotidien ou d'un hebdomadaire. C'est l'article 2.

Dans l'état actuel des choses, le distributeur du journal ou le sous-distributeur, lorsqu'un contrat de sous-distribution a été conclu, est considéré comme l'employeur du camelot, et ceux-ci se sont prévalus de leur droit de changer de statut et de payer des cotisations à la CSST plutôt que d'être tenus personnellement au paiement des prestations – c'est l'article 348 – de sorte que, si l'employeur se prévaut de l'article 348 au lieu d'être tenu personnellement responsable, il paie une cotisation à la CSST comme n'importe quel employeur suivant sa masse salariale déclarée. Exception faite de ces quelques particularités, un camelot qui est victime d'une lésion professionnelle sera donc indemnisé comme tout autre travailleur qui est un étudiant à temps plein, si tel est le cas.

Les gardiens d'enfants. Alors, au niveau des gardiens d'enfants, à moins que ce soit un domestique tel que défini par la loi, ce n'est pas comme telle une activité assujettie à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles parce que le gardien d'enfants, c'est quelqu'un qui oeuvre à l'intérieur d'une maison privée. Alors, je pense que vous avez la distinction entre quelqu'un qui est sur des lieux de travail, quelqu'un qui va oeuvrer à l'intérieur d'une maison privée comme gardien d'enfants et quelqu'un qui est domestique et dont le lieux de travail, c'est la maison privée.

La situation des accidents de travail maintenant chez les jeunes de 15 ans et moins – quelqu'un y a fait allusion tout à l'heure. Vous avez les statistiques qu'on vous a ventilées, par année, de 1991 à 1996, et vous voyez que d'année en année il y a une baisse de sorte qu'on peut se poser plusieurs questions, à savoir: C'est quoi qui fait en sorte que ça s'améliore? Est-ce que c'est la contribution de tout le monde? Est-ce que c'est la contribution de certains programmes en particulier? Mais je pense qu'un constat qu'on peut faire, c'est que d'année en année la situation s'améliore.

Alors, si on regarde au niveau de la majorité des blessures chez les 15 ans et moins, c'est survenu aux doigts, aux mains et enfin au dos. Elles ont été occasionnées par le fait d'être frappé par un objet, écrasé ou coincé; sont généralement en cause les outils à main non mécaniques, les surfaces du sol et les planchers. Et, quand on regarde notre période de référence, de 1991 à 1996, on déplore un décès en 1993 dans le secteur bâtiments et travaux publics. Aucun autre décès n'est survenu depuis. Il importe de le souligner si l'on compare la situation des dernières années avec celle allant de 1986 à 1990. Pendant la période de 1986 à 1990, on a compté six décès. Donc, il y a une amélioration au chapitre des accidents.

(10 h 20)

Maintenant, face à ces accidents qui surviennent, est-ce que les jeunes sont suffisamment préparés? Est-ce qu'ils sont suffisamment éveillés avant d'entrer sur le marché du travail? Alors, c'est là qu'on parle de formation en santé et sécurité et qu'on parle d'éducation à la prévention. Alors, même s'il revient à l'employeur de s'assurer que tout travailleur ait la formation, l'information et la supervision nécessaire pour assurer son travail sécuritaire, nous croyons qu'il importe d'inculquer des notions de santé et de sécurité le plus tôt possible. D'ailleurs, les partenaires socioéconomiques conviennent de l'importance de développer une culture vivante et authentique de prévention chez les jeunes.

Voyons comment la Commission a collaboré jusqu'ici avec le ministère de l'Éducation pour assurer cette intégration de la santé et de la sécurité dans l'enseignement. Puisque l'école est le lieu privilégié pour rejoindre les futurs travailleurs et employeurs, nous avons concentré nos efforts, d'une part, en formation professionnelle et technique et, d'autre part, en formation générale. Le programme de formation personnelle et sociale nous permettait de sensibiliser les jeunes à la prévention. Alors, si on regarde ce qu'on a fait et ce qu'on fait actuellement au niveau de la formation professionnelle et technique, la CSST collabore étroitement avec le ministère de l'Éducation.

Nous avons un comité permanent qui a pour fonction d'assurer l'intégration des éléments de santé et de sécurité dans des programmes d'études, et ce, au fur et à mesure de leur développement et de leur révision. Alors, au niveau de la formation professionnelle et technique, c'est très attaché, et il y a toujours un module santé et sécurité dans chacun des volets. Au niveau de la formation générale des jeunes, on vous a donné certains exemples dans le mémoire, qui vous indiquent qu'on tente de rejoindre l'ensemble de la clientèle pour tenter toujours d'inculquer cette valeur de prévention, cet éveil à la prévention.

Maintenant, si on regarde l'éducation et la prévention dans le contexte de la réforme de l'école primaire et secondaire, les auteurs du document de réflexion sur le travail des jeunes identifient l'appui à la réforme comme un moyen privilégié pour favoriser la réussite scolaire. La réforme est aussi le moyen à privilégier, puisqu'elle entraîne la refonte des programmes pour développer le sens de la prévention et de la sécurité avant même l'accès au marché du travail.

Le défi, dans le domaine de la prévention, c'est de faire en sorte que celle-ci devienne une valeur au même titre que la protection de l'environnement. Tous s'accordent aujourd'hui sur l'importance de protéger notre planète; apprendre à protéger sa santé, sa sécurité et celle de son entourage, c'est tout aussi important. En ce domaine, évidemment la CSST ne peut pas agir seule parce que ce n'est pas là sa mission première. Nous voulons donc partager notre vision de l'éducation à la prévention et susciter des appuis pour une action cohérente et concertée, puisque la prévention touche plusieurs domaines, que ce soit des accidents de la route, que ce soit tous les accidents, jusqu'aux accidents dans les loisirs et les sports.

Nous souhaitons voir intégrer la notion d'éveil au risque au niveau préscolaire, parce qu'il est important de rendre les enfants capables de repérer et d'éviter les dangers qu'ils peuvent rencontrer. La compétence devrait aussi être renforcée au niveau primaire, parce qu'en plus de reconnaître les dangers les enfants doivent apprendre à évaluer les risques qui peuvent en résulter et apprendre aussi à contrôler ces risques. À la fin du secondaire, l'élève devrait être en mesure de détecter, anticiper et contribuer à la réduction et à l'élimination des dangers. Les programmes de science et technologie et sciences physiques doivent contribuer à la compréhension des phénomènes physiques et chimiques: électricité, mécanismes en mouvement, bruit, rayonnement, risques reliés aux conditions d'éclairage, etc.

L'enjeu pour la société québécoise tout autant que pour la CSST, c'est de développer une culture de prévention avant même l'accès au marché du travail, non dans le sens de faire porter le poids de la prévention sur les épaules des individus ou des seuls travailleurs, mais dans le sens de former une nouvelle génération pour rendre les futurs administrateurs, les futurs employeurs et les futurs travailleurs capables d'améliorer leur milieu pour assurer leur santé et leur sécurité.

En conclusion, M. le Président, en matière de législation relative à la santé et à la sécurité des enfants, selon nous il n'y a pas lieu de prévoir de nouvelles dispositions, puisque le régime actuel protège les travailleurs sans égard à leur âge. La Commission multiplie les efforts pour multiplier et favoriser la prise en charge des questions de santé et de sécurité.

Concernant les jeunes travailleurs, tous reconnaissent qu'ils sont plus exposés aux risques, étant moins expérimentés. Toutefois, si l'enjeu est de développer une culture de prévention, la Commission ne peut agir seule, mais elle peut contribuer avec les autres à y parvenir. C'est pourquoi, en regard du travail des jeunes, pour compléter les efforts déployés au plan législatif, les partenaires du monde du travail et du milieu scolaire ont tout intérêt à se concerter pour préparer adéquatement les jeunes aux diverses réalités par l'éveil aux risques et l'éducation à la prévention.

Dès lors, la Commission entend collaborer avec ceux qui sont interpellés par l'éducation et la prévention afin de soutenir le ministère de l'Éducation qui, dans le contexte de la réforme, est à redéfinir les compétences liées à la santé et au bien-être. En procédant ainsi, nous pensons que nous réussirons à former une nouvelle génération d'employeurs, d'administrateurs et de travailleurs respectueux de leur propre santé et sécurité et de celles de leur entourage, évidemment tout ceci en poursuivant nos efforts dans le cadre de la mission qui nous est dévolue dans le domaine de la prévention et même en accentuant nos efforts pour favoriser la prise en charge des questions de santé et de sécurité pour, évidemment, la génération actuelle, c'est-à-dire les employeurs actuels, les administrateurs actuels et les travailleurs actuels, y compris les jeunes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Brisson. Alors, j'invite le ministre à ouvrir ces échanges avec vous. M. le ministre.

M. Rioux: Merci, M. le Président. J'ai presque le goût d'adresser à la CSST mes félicitations d'avoir bien compris le sens de la loi n° 74, en tout cas sur le financement de la CSST, et qui prévoit, disons, un très solide mouvement vers la prévention. Même on veut mutualiser le risque en invitant les employeurs à se concerter afin de faire beaucoup plus de prévention sur les lieux de travail. Et surtout, on a réussi, je crois, en partie, à convaincre les employeurs que faire de la prévention, c'est payant; il y a de l'argent à faire dans la prévention.

Mais cette culture de la prévention des accidents, même auprès des jeunes – évidemment il y a plusieurs mesures qui ont été prises au cours des dernières années; je pense qu'il faut le reconnaître et se dire qu'on est bien parti puis qu'il va falloir continuer – ça m'amènerait à vous poser la question suivante: Lorsque vous faites l'analyse, depuis 1991, par exemple, du nombre d'accidents, quand la CSST a décidé d'intervenir, est-ce que c'est qu'à cette époque-là le nombre d'accidents était considérable? Je sais que vous parlez de 251 ou 252, mais est-ce qu'on peut penser qu'avant cette date-là il y avait beaucoup d'accidents de travail chez les jeunes? Qu'est-ce qui vous a mis la puce à l'oreille à l'époque?

(10 h 30)

M. Brisson (Donald): Je ne peux vraiment pas vous dire ce qui a mis la puce à l'oreille à l'époque parce que je n'étais pas là, sauf que je pense que ce qui s'est produit et qui a favorisé un éveil, c'est l'avènement du programme Formation personnelle et sociale. Quand le ministère de l'Éducation a décidé d'instaurer et de mettre en application le programme Formation personnelle et sociale, il y avait un volet santé et, dans ce volet santé, il y avait tout l'aspect prévention. Je pense que ça a suscité, au niveau de tous les responsables de la prévention, que ce soit en santé, que ce soit en santé et sécurité du travail, que ce soit en sécurité routière, une réflexion qui a amené les gens à regarder un peu leur situation et à se dire, compte tenu de cette situation-là, qu'est-ce qu'on pourrait faire au niveau d'une meilleure sensibilisation, d'un meilleur éveil pour les gens qui vont arriver sur le marché du travail et, par ailleurs, ceux qui sont sur le marché du travail, quelles sont les mesures qu'on peut mettre en place pour amener une meilleure concertation entre les employeurs et la CSST?

M. Rioux: Mais est-ce qu'on pouvait voir, par exemple, ou détecter si c'était du côté du commerce ou du côté de l'industrie où on retrouvait le plus grand nombre d'accidents de travail chez les jeunes?

M. Brisson (Donald): Non.

M. Rioux: Non?

M. Brisson (Donald): Non. Je pense que c'était un phénomène... Et je pense que ce qui a amené aussi, quand on regarde les statistiques, à un moment donné, une diminution, il y a certainement des mesures qui ont été prises, parce que le nombre a augmenté. Si on regarde actuellement le nombre d'étudiants qui sont sur le marché du travail par rapport au nombre qu'ils étaient avant, je pense qu'on se rend vite compte que c'est devenu un phénomène assez généralisé. Alors, il faut dire que, si on a réussi à diminuer le nombre en fonction d'une clientèle qui a augmenté, je pense qu'il y a eu une meilleure sensibilisation et il y a eu un meilleur éveil. Il y a des mesures qui ont été prises.

M. Rioux: Moi, j'aimerais, M. Brisson, avoir vos commentaires sur la question que je voudrais vous poser. Il est de pratique dans l'industrie que, avant d'avoir une carte de compétence ou d'avoir une licence d'entrepreneur, il y a une obligation de se former à la santé et sécurité au travail. Est-ce que, selon vous, ce serait pensable qu'un jeune, avant d'entrer sur le marché du travail, comme jeune, il reçoive la même formation que n'importe quel autre travailleur ou n'importe qui qui se pointe dans l'industrie?

M. Brisson (Donald): Si on regarde actuellement au niveau de la formation professionnelle et technique, étant donné qu'il y a un module de santé et sécurité dans chacune des spécificités professionnelles, je pense que l'objectif que vous soulevez est atteint à ce niveau-là. Évidemment, c'est adapté au niveau de la formation. Je ne vous dis pas, là, que c'est parfait.

M. Rioux: Non.

M. Brisson (Donald): Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas d'amélioration à faire, mais je pense qu'il y a une bonne base, il y a un bon départ. Le problème est le suivant: c'est que, si on arrive à sensibiliser et à développer la valeur prévention au niveau des gens qui sont dans la formation professionnelle et technique et qu'on oublie ceux qui sont en formation générale, c'est-à-dire les futurs administrateurs, les futurs employeurs, là on peut arriver sur le marché du travail avec une dichotomie de valeurs, de sorte qu'il va y avoir une partie des employés qui vont être sensibilisés et une autre partie qui ne seront pas sensibilisés.

Si on veut en arriver à bien faire vivre le paritarisme pour atteindre nos objectifs de santé et de sécurité du travail, je pense qu'on devrait faire un effort pour que les jeunes soient formés en conséquence et arrivent sur le marché du travail avec les mêmes valeurs.

M. Rioux: Donc, vous seriez d'accord pour que le jeune soit doté d'un certificat ou d'une attestation quelconque, qu'il ait suivi des cours en prévention avant de se pointer sur le marché du travail. Vous seriez d'accord avec ça?

M. Brisson (Donald): Oui, parce que c'est là que je vois la réforme au niveau de l'intégration. C'est là que je vois la réforme au niveau de l'intégration. Parce que, sans nécessairement avoir un certificat, si on réussit à faire en sorte qu'un enseignant puisse atteindre des objectifs de français en inculquant, à l'aide d'exercices de santé et sécurité, des valeurs de santé et sécurité, bien je pense qu'à ce moment-là on va avoir progressé puis on va avoir atteint notre objectif.

M. Rioux: Allons plus loin, M. Brisson. Y «a-tu» des endroits où on devrait interdire carrément que des jeunes aient accès à ce type d'emploi?

M. Brisson (Donald): Si on regarde actuellement dans la réglementation, il y a des secteurs qui sont visés et, à moins qu'il y ait des secteurs nouveaux qui poussent ou à moins qu'il y ait des emplois qu'on ne connaît pas, nous, on pense que c'est suffisant.

M. Rioux: Vous avez le pouvoir d'interdire certaines activités comme Commission? Vous avez le pouvoir de le faire.

M. Brisson (Donald): Oui, par réglementation. D'ailleurs, on l'a fait. Vous avez en annexe, ce qu'on a fait actuellement.

M. Rioux: Dans le dynamitage, par exemple.

M. Brisson (Donald): Oui. Alors, ça, c'est fait. Les boutefeux, ça, il y a un âge minimum.

M. Rioux: Ça, ça prend 20 ans.

M. Brisson (Donald): Oui. Alors, c'est pour ça que dans...

M. Rioux: Je trouve que vous n'en parlez pas bien, bien, de ça.

M. Brisson (Donald): Non, mais on vous a mis toute la réglementation, en annexe, là-dessus.

M. Rioux: Mais je pensais que vous alliez plaider ça avec force, mais vous êtes plutôt discrets. On peut en parler.

M. Brisson (Donald): Bien, on l'a par règlement. Je pense que c'est une bonne force, ça, le règlement.

M. Rioux: O.K. Moi, j'aimerais savoir... Il y a une affaire qui me fatigue un peu. Quand vous dites, à un moment donné, dans votre papier, la question du camelot qui est une personne physique, quel que soit son âge, et qui travaille moyennant rémunération, bon, vous dites, à ce moment-là, qu'il a une responsabilité personnelle, il est tenu personnellement au paiement des prestations. Après ça, à la page suivante, là vous dites: S'il travaille pour quelqu'un ou un sous-distributeur sur un contrat de sous-distribution, il est considéré comme l'employeur du camelot. Là, il peut changer de statut si c'est son employeur qui paie pour lui les cotisations à la CSST. Moi, j'aimerais savoir si c'est systématique, ça. Est-ce que c'est sur une base systématique que le changement se fait?

M. Brisson (Donald): Actuellement, c'est partagé. Actuellement, il y a des employeurs qui se sont prévalus de cet article pour cotiser suivant leur masse salariale et il y a d'autres employeurs qui sont toujours tenus personnellement responsables. Dans quelle proportion, par exemple, je ne peux pas vous le dire, mais je sais que les deux cas existent actuellement.

M. Rioux: Est-ce que la CSST accueillerait ça comme une bonne nouvelle si, un jour, vous aviez des pouvoirs accrus pour intervenir et interdire certaines activités de jeunes en bas de 16 ans? Comment ça serait reçu par une machine comme la vôtre? Ou 14 ans.

M. Brisson (Donald): D'accord. Peu importe l'âge. Comme c'est toujours relié au danger, bien il faudrait que le danger soit bien identifié et que ce soit vraiment vu comme un réel danger compte tenu de l'âge, comme on l'a fait pour les autres au niveau de l'annexe qu'on vous a donnée. Alors, je pense que ce qui est important, c'est de regarder: Est-ce qu'il y a véritablement un danger compte tenu des âges? Parce que je ne vois pas d'autre issue où on pourrait, nous, dire: On va se baser sur d'autres facteurs pour intervenir. Je pense que c'est vraiment la notion de danger. Bon. Si on prend, par exemple, au niveau du dynamitage, je pense que c'est évident. Le travail dans les mines, je pense que c'est évident. Alors, il faudrait avoir un emploi qui donne une telle évidence pour qu'on puisse en arriver à dire: C'est vraiment dangereux pour des jeunes en bas âge.

M. Rioux: Étant donné que vous avez fait de la prévention une sorte de culte, je pensais que vous iriez un peu plus loin, étant donné qu'on est en pleine réforme de l'éducation, pour situer la place de la prévention dans le cadre de la réforme scolaire, justement.

M. Brisson (Donald): Vous savez qu'on n'est pas maître d'oeuvre, nous, de la réforme de l'éducation.

M. Rioux: Je ne veux pas dire que vous êtes timides, mais j'aurais peut-être tendance à vous le dire pareil.

M. Brisson (Donald): Ce qu'on essaie de faire, c'est d'en arriver à développer ce que j'appellerais une coalition de tous ceux qui sont interpellés au niveau de la prévention pour qu'une fois qu'on se sera entendus on puisse rencontrer le ministère de l'Éducation et on puisse arriver avec des activités planifiées. Par exemple, dans la question du préscolaire, c'est quels éléments de prévention qu'on doit mettre au préscolaire et c'est qui qui est concerné. Si on arrive au primaire, c'est quoi les éléments, c'est quoi la gradation, c'est qui qui est concerné. La même chose au secondaire. Parce que la santé et la sécurité du travail, on en parle quand dans l'évolution, on en parle à quel moment et à quel moment faut-il en parler pour qu'on puisse développer notre culture de prévention?

Alors, dans ce sens-là, il y a d'autres intervenants aussi qui sont concernés. Si je prends, par exemple, le travail à la ferme, bien le ministère de l'Agriculture est concerné, l'UPA est concernée, d'autres associations sont concernées. Si on pouvait s'entendre, avoir une espèce de coalition, si on pouvait s'entendre tous ensemble pour en arriver et dire: En termes de développement de valeurs prévention, en termes de création de mentalités prévention, en termes de développement culture de prévention, voici comment, nous, on voit ça, l'ensemble, et par la suite s'asseoir avec le ministère de l'Éducation et dire où il faut l'intégrer, comment il faut l'intégrer et quels sont les instruments qu'il faut développer pour l'intégrer. Parce qu'il faut se dire que la façon pédagogique, ça regarde l'Éducation; les contenus, ça nous regarde. Je pense qu'il faudrait en arriver à développer ce genre de coalition, et là je pense qu'on représenterait une force de frappe au niveau de l'intégration dans les programmes.

(10 h 40)

M. Rioux: Très bien, merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Brisson, Mme Rodier, merci pour votre présentation, merci pour votre mémoire. Ça a soulevé un certain nombre de questions. Notamment, la première, si on regarde à la page 4 de votre mémoire, en ce qui a trait à l'indemnité de remplacement du revenu, c'est indiqué que c'est 73 $ par semaine jusqu'à l'âge de 18 ans et que, par la suite, c'est sur la base du salaire minimum. Je voudrais savoir sur quelle base ou sur quels éléments vous allez pour fixer ce montant-là à 73 $ pour les moins de 18 ans. Parce que, si on calcule selon le nombre d'heures qu'on veut mettre en place, c'est-à-dire 15, ça revient à 5 $ l'heure. «C'est-u» un calcul comme ça sur lequel vous vous basez?

M. Brisson (Donald): Dans le fond, il faut essayer de déterminer quelque chose d'assez objectif sans avoir, disons, un salaire fixe. C'est ce qui a été déterminé et qui se situe un peu en bas du salaire minimum.

M. Béchard: O.K. Est-ce que pour vous, si on regarde la tranche de 15-18 ans, ça semble équitable, ça semble respecter... Il n'y a pas de problème avec ce montant-là ou vous n'avez pas d'opinion là-dessus?

M. Brisson (Donald): Disons qu'actuellement on ne s'est pas interrogés sur ce facteur-là.

M. Béchard: O.K. Et, par la suite, c'est sur la base du salaire minimum. Ça, ça va.

M. Brisson (Donald): Oui, parce que, par la suite, c'est plus facile de le déterminer en fonction du salaire réel que l'individu va gagner, tandis qu'en bas de 18 ans c'est assez difficile de le faire.

M. Béchard: Donc, le problème, la difficulté à le déterminer en bas de 18 ans démontre un peu, je dirais, le trou et les zones grises qu'il y a dans les autres législations, puis c'est dur d'encadrer quelque chose qui ne l'est pas à l'avance.

L'autre question qui m'a surpris, c'est au niveau de la garde d'enfants. La garde d'enfants, à moins qu'elle ne soit faite par un domestique tel que défini dans la loi, n'est pas comme telle une activité assujettie. Ça veut dire que tout ce qui peut arriver à un gardien ou une gardienne qui ne demeure pas là... C'est très large. Je veux dire, il y a des gens qui gardent des enfants à la semaine, mais qui ne sont peut-être pas considérés comme des domestiques comme tels.

M. Brisson (Donald): Bon, si on regarde la définition de «domestique», il faut se lier à la définition de la loi. Parce qu'il reste une chose, quand on reconnaît l'individu comme travailleur, c'est qu'à ce moment-là les conditions de travail, si vous voulez, la gestion des lieux de travail – parce que la LSST, dans le fond, c'est la gestion des lieux de travail – c'est assujetti à la gestion des lieux de travail, de sorte qu'à ce moment-là, bien, il peut y avoir de l'inspection. Tandis que, quand on arrive avec du gardiennage sporadique par des enfants et que ça se fait dans des maisons privées, là la LSST qui s'applique aux milieux de travail ne couvre pas ces milieux de travail là. Alors, au niveau des normes, au niveau de l'inspection, au niveau des comités, au niveau des programmes de prévention, bien c'est sûr que ça ne peut pas s'appliquer. Alors, c'est dans ce sens-là que ce n'est pas considéré un travailleur au sens de la loi.

M. Béchard: O.K. Est-ce que vous avez, à la CSST, une espèce de registre ou une compilation de ces employeurs-là qui déclarent des domestiques pour que la loi s'applique? Est-ce que vous avez une idée de combien de personnes et combien de gens sont couverts par ce régime-là?

M. Brisson (Donald): Je ne peux pas vous répondre là-dessus.

M. Béchard: Non? O.K.

M. Brisson (Donald): Je n'ai pas de statistiques à cet effet-là.

M. Béchard: O.K. Je veux revenir sur le tableau que vous avez présenté, l'évolution du nombre d'accidents chez les 15 ans et moins, 1991 à 1996. La première chose que je voudrais savoir est en ce qui a trait aux accidents comme tels. On parle chez les 15 ans et moins, mais la tranche 15-18 ans est exclue de ce tableau-là. Je me demandais pourquoi cette tranche-là était exclue de ces statistiques-là parce que la question que je me pose, 15 ans et moins, c'est vraiment des enfants, mais cette tranche-là, en tout cas, mon premier réflexe puis, je dirais, le sens commun me diraient que c'est dans cette tranche-là qu'il y a le plus de risques d'avoir des accidents de travail, parce que c'est là que souvent les employeurs, après un an, même s'il a été engagé pour telle ou telle fonction, vont l'élargir. Quinze ans et moins, je veux dire, c'est vraiment, en tout cas dans ma tête, plus spécifique. Je voudrais savoir pourquoi les statistiques 15 ans et moins et la tranche 15-18, ce que ça peut représenter.

M. Brisson (Donald): Bon. Alors, vous avez entièrement raison. Quand on a fait le mémoire, on s'est liés au document de travail qui parlait de 15 ans et moins, sauf qu'après y avoir pensé on s'est dit: Probablement que les gens vont être intéressés à avoir aussi 16 et 19 ans. Alors, avant de partir, j'ai fait sortir un tableau pour les 16 et 19 ans. Alors, on pourra vous le faire parvenir avec plaisir. Évidemment, c'est sûr que les populations sont beaucoup plus importantes, sauf que la même tendance de décroissance qu'on retrouve aux 15 ans et moins, on la retrouve chez les 16 et 19 ans. Ça va nous faire plaisir de vous fournir un tableau.

M. Béchard: O.K. Oui. Parfait. Puis, en même temps, est-ce que ce tableau-là démontre si c'est la même proportion ou est-ce que c'est plus important? Vous dites que c'est la même tendance. On l'a en chiffres absolus, mais, en pourcentage, est-ce que ce sont les mêmes? Les tendances qu'on voit là au niveau du commerce, les autres services, l'agriculture et l'ensemble des autres secteurs, ce qu'on voit comme statistiques, je dirais, chez les 18 ans, 19 ans et moins et l'ensemble de la population active, est-ce que ce sont à peu près les mêmes tendances, le même nombre d'accidents et le même nombre de... Est-ce que les mêmes secteurs sont touchés de la même façon?

M. Brisson (Donald): Je vais vous les donner.

M. Béchard: Vous avez tout ça? O.K. L'autre question...

M. Brisson (Donald): Je vais vous donner les différences: au niveau du commerce, vous avez 27 % tandis que vous avez 17 % dans votre document; au niveau des autres services commerciaux et personnels, vous avez 26 % alors qu'on avait 42 % dans l'autre; au niveau de l'agriculture, c'est 12 % pour les moins de 15 ans alors que c'est seulement 3 % pour les 16 à 19 ans; ensemble des autres secteurs, c'était 29 % pour les 15 ans et moins et vous avez 44 % pour les 16 à 19 ans.

M. Béchard: O.K. Deux questions là-dessus. Dans les autres secteurs, est-ce que vous l'avez décortiqué un petit peu plus ou vous l'avez tout mis sur la même... parce que ça englobe beaucoup de choses, autres secteurs? Ça doit être assez impressionnant, la quantité de secteurs que vous incluez là-dedans.

M. Brisson (Donald): Non, on ne l'a pas fait parce que les statistiques, c'est des statistiques standard qu'on sort. Je n'ai pas demandé d'exploitation particulière au niveau de ces statistiques-là compte tenu du temps qu'on avait et aussi pour préparer notre mémoire de présentation.

M. Béchard: En ce qui a trait aux accidents comme tels, on a le type, mais, selon vous, est-ce que ces accidents-là sont davantage dus, je dirais, à un manque d'encadrement en milieu de travail comme tel? C'est sûr qu'il y a la formation qui est importante, vous en avez parlé, mais, dans le milieu de travail comme tel, une fois rendu dans l'entreprise, est-ce que c'est le manque d'encadrement? Est-ce que c'est, je dirais, l'élargissement des fonctions qu'on demande et, je dirais, la diversité des tâches qu'on donne sans toujours s'assurer que les gens ont l'expérience nécessaire et requise pour le faire? Au-delà du type, qu'est-ce qui, selon vous, est davantage responsable des accidents de travail?

M. Brisson (Donald): Moi, je vous dirais, il y a trois facteurs. Je ne peux pas donner une prédominance à chacun des facteurs. Il y a la question de la formation, il y a la question de l'expérience et il y a la question de l'encadrement. Alors, je pense que ce sont les trois principaux facteurs, sauf que je ne peux pas vous dire dans quel pourcentage est plus fort tel facteur que tel autre. Mais je pense qu'on peut s'entendre pour dire: C'est autour de ces trois facteurs-là.

M. Béchard: Est-ce que vous avez pensé ou est-ce que vous êtes sensible au phénomène des travailleurs autonomes chez les jeunes? Est-ce que, selon vous, c'est un phénomène qui peut prendre de plus en plus de place, c'est-à-dire les jeunes, sans nécessairement avoir de lien d'emploi, je ne sais pas, se partent une petite entreprise l'été pour le fun, ou en finissant de travailler, ou quoi que ce soit, en finissant d'aller à l'école, par eux-mêmes, décident de partir quelque chose? Est-ce que vous avez déjà eu des choses là-dessus, sur ce phénomène-là? C'est sûr, 15 ans et moins, c'est peut-être un peu précoce pour ça, mais chez les 18 ans et moins qui pourraient se partir ça, puis comment on peut réussir à s'assurer de la sécurité de ces jeunes-là?

(10 h 50)

M. Brisson (Donald): Je vous avoue qu'on ne s'est pas penchés du tout sur ce phénomène-là.

M. Béchard: O.K. Tantôt, vous parliez de toute la question de la loi qui a été modifiée pour améliorer la formation, et tout ça, parce qu'il y a eu des statistiques là-dessus qui disent qu'il y aurait 65 % des travailleurs qui ne seraient pas couverts par ces modifications-là. Je pense que c'est, entre autres, la FTQ qui soulève ce phénomène-là. Comment vous réagissez à ça? Est-ce que c'est un manque de moyens? Est-ce que c'est un manque de collaboration? Est-ce que ce chiffre-là est vrai et est applicable aussi?

M. Brisson (Donald): Si vous parlez de 65 % de travailleurs à qui il manquerait la formation que j'ai illustrée tout à l'heure au niveau des modules à l'intérieur de la formation personnelle et technique, bien là ce qu'il faut se dire, c'est que, si tous les travailleurs qui sont sur le marché du travail ont un secondaire V, bien, à ce moment-là, la formation leur a été donnée. Mais je pense qu'il faut être réaliste et il faut se dire que, sur l'ensemble du marché du travail, il y a une proportion importante de travailleurs qui n'ont pas complété un secondaire V. Alors, c'est une des raisons qui peut expliquer qu'il y ait 65 % à qui il peut manquer la formation. S'ils avaient poursuivi et ils avaient obtenu un diplôme de secondaire V, ils auraient eu cette formation-là.

Et là ça vient renforcer l'idée que, si on avait, au niveau de la formation générale jusqu'en secondaire III, primaire avec préscolaire, une évolution de la valeur prévention, bien, sans avoir la formation générale, au moins, il y aurait toujours l'éveil à la prévention, de sorte que peut-être que ce 65 % là pourrait diminuer. Et là ça deviendrait intéressant pour la société québécoise, à ce moment-là.

M. Béchard: Est-ce que, selon vous, les programmes de prévention sont présents dans tous les secteurs? Est-ce qu'il y a des grands secteurs qui sont oubliés et qui sont, je dirais, source d'un plus grand risque d'accidents de travail, notamment chez les jeunes? Est-ce que tous les secteurs, selon vous, sont couverts par cette prévention-là?

M. Brisson (Donald): Non. Tous les secteurs ne sont pas couverts au niveau des modules qui sont enseignés à la formation professionnelle et technique, parce que c'est lié tout simplement au secteur de la formation professionnelle et technique. Vous avez une foule d'entreprises qui engagent des jeunes qui n'ont pas cette formation-là. Alors, c'est sûr que tous les secteurs ne sont pas couverts à ce niveau-là.

M. Béchard: Ça va, oui. Moi, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. M. Brisson, j'ai beaucoup apprécié votre approche en matière de prévention puis de santé et sécurité. Pour y avoir oeuvré un certain nombre d'années, je pense que je suis très sensible à cet aspect-là. Et, lorsque vous parlez de culture puis de valeurs, je pense que ça doit débuter très tôt et puis faire partie de l'éducation comme telle, faire partie des programmes en matière d'éducation, parce que tout ça est relié à des attitudes et des comportements en matière de prévention pour l'avenir. Donc, il faut que ce soient des valeurs qui soient cultivées très tôt.

Et puis ce qui est souhaitable également, c'est, je pense, que, de plus en plus, lors de l'embauche du personnel, ce critère-là de prévention ou de santé et sécurité fasse partie intégrante, comme tout autre critère de sélection, pour voir si réellement ces employés-là ont cette culture-là ou cette notion-là à l'esprit. En tout cas, j'apprécie beaucoup cette partie-là de votre vision et de votre philosophie de prévention.

Dans votre mémoire, à la page 5, lorsque vous parlez des camelots, dans le haut, un camelot qui est victime de lésion professionnelle qui sera donc indemnisé, à l'exception faite de quelques particularités. C'est quoi, les quelques particularités que vous laissez sous-entendre?

M. Brisson (Donald): Ce qui arrive, c'est que, quand on dit: Comme tout autre travailleur qui est étudiant à temps plein, si on regarde un camelot et que c'est un étudiant à temps plein, alors on va appliquer un peu ce qu'on disait au niveau des travailleurs étudiants, sauf qu'il peut arriver des cas où les camelots ne sont pas des étudiants, ni à temps partiel ni à temps plein, mais qu'ils sont des jeunes. Alors, à ce moment-là, sur quelle base on va partir l'indemnisation? Alors, là, à ce moment-là, il y a lieu de regarder et de dire: Est-ce que c'est le 73 $ ou est-ce que c'est un autre facteur qu'il faut considérer? Alors, c'est pour ça qu'il peut y avoir certaines exceptions là-dedans. C'est dans ce sens-là. Mais, par exemple, quand on regarde le marché, la majorité, c'est des étudiants, même si on s'en va vers une société où ça va être de plus en plus des retraités, parce qu'on commence à regarder la société et puis je pense que les retraités deviennent des camelots pour s'occuper.

M. Côté: Ensuite, au niveau de vos statistiques en termes d'accidents, on constate que, depuis 1991, il a une diminution en termes d'accidents. Alors, lorsqu'il arrive un accident, il y a deux volets: on peut avoir un accident sans perte de temps, si vous voulez, ou encore c'est seulement que des soins qu'on peut recevoir, ou encore avec des indemnités pour un certain nombre de jours.

Mais ce que j'aimerais savoir, moi, c'est lorsque vous dites que la moyenne des jours indemnisés est de 22 jours, moi, je trouve ça quand même assez important en termes de gravité d'accidents, parce que les accidents, il y a la gravité puis il y a le nombre de jours perdus qui comptent. C'est bien beau lorsqu'on diminue le nombre d'accidents, ça, je suis bien d'accord que plus on en diminue, plus on est supposé aussi diminuer le nombre en termes de gravité, mais est-ce qu'il y a eu aussi une diminution en termes de gravité des accidents?

M. Brisson (Donald): J'ai constaté la même chose que vous puis je me suis posé la même chose que vous. Il va falloir regarder ça.

M. Côté: Mais vous devez sûrement avoir des statistiques à cet effet-là?

M. Brisson (Donald): C'est parce qu'on n'a pas fait sortir la ventilation. C'est ça. Alors, il faudrait tout le ventiler.

M. Côté: Est-ce que ça serait trop vous demander de faire ça assez rapidement...

M. Brisson (Donald): Disons que je prends...

M. Côté: ...puis de le faire parvenir pour le bénéfice de la commission, par exemple?

M. Brisson (Donald): Ça va. Alors, je le prends en note et, si c'est possible de l'exploiter immédiatement et rapidement, ça va nous faire plaisir de vous le faire parvenir.

M. Côté: Parce que ça serait un éclairage nouveau, je pense, cet aspect-là.

Le Président (M. Beaulne): M. Brisson, peut-être que vous pourrez le faire parvenir à la secrétaire de la commission et nous le distribuerons à l'ensemble des députés.

M. Brisson (Donald): Oui. Parfait. D'accord.

M. Côté: J'ai une dernière question, M. le Président. Dans le nombre de vos accidents en termes de statistiques, est-ce que c'est tous des accidents indemnisés? Uniquement?

M. Brisson (Donald): Oui.

M. Côté: Est-ce qu'on pourrait l'avoir aussi pour l'ensemble des accidents déclarés? Est-ce que ça, c'est uniquement des accidents déclarés et indemnisés?

M. Brisson (Donald): Oui.

M. Côté: Mais, par contre, il peut y avoir des accidents déclarés puis qui n'ont pas eu d'indemnisation nécessairement. Visites de médecin, ça, est-ce que c'est...

M. Brisson (Donald): Est-ce que c'est déclaré et indemnisé? Est-ce que c'est seulement déclaré? Celle-là, c'est indemnisé.

M. Côté: Ici, c'est seulement les accidents indemnisés.

M. Brisson (Donald): Oui.

M. Côté: Mais je pense qu'on doit voir aussi l'autre partie également, parce que ça existe, ça.

M. Brisson (Donald): Non. Je comprends très bien. Je comprends. On va essayer de regarder. Je pense que ça existe. On va le regarder. Oui.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député? M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. M. Brisson, vous dites, dans votre mémoire, que l'enjeu pour la société québécoise tant que pour la CSST, c'est de développer une culture de prévention avant même l'accès au marché du travail. Dans d'autres mémoires aussi, on mentionne que les gens ont constaté qu'il y a peu d'information à jour sur le travail des jeunes, sur la condition d'emploi, la rémunération, les heures travaillées, le lien entre le travail et la réussite scolaire, etc. Je sens qu'il y aurait peut-être un manque d'enquête ou de recherche envers tout ce débat-là.

(11 heures)

Je comprends le rôle que la CSST a à remplir, mais est-ce que vous ne seriez pas les gens qui ne pourraient pas se concerter, la CSST, les employeurs, les parents, les jeunes, pour aller chercher ce manque d'information là qui semble manquer, d'après plusieurs des mémoires qu'il y a sur la table? Est-ce que vous pensez que vous, la CSST, pourriez être le pivot ou les gens qui pourraient concerter tout ça?

M. Brisson (Donald): Je ne sais pas si on peut être vraiment le leader dans ce que vous soulignez, mais c'est sûr qu'on est toujours intéressés à contribuer à améliorer le développement de la culture de prévention.

M. MacMillan: Je ne veux pas vous emmener à avoir d'autres règlements plus difficiles envers les employeurs, prenez-moi pas sur ce côté-là, mais qu'il y ait vraiment des recherches pour l'emploi des jeunes, qu'avant de prendre position la Commission, avec des futurs règlements ou une nouvelle loi, on ait vraiment une étude carrément sur c'est quoi, l'emploi des jeunes.

Je reviens à tantôt, ma position de syndicaliser même les jeunes de 16 ans, 17 ans, dans certains endroits, je trouve ça aberrant, tant qu'à moi en tout cas, peut-être pour 18 ans et plus, mais il faudrait mettre sur la table et en discuter, ça devrait comprendre tout cet enjeu-là qu'on a sur la table.

M. Brisson (Donald): Parce que, nous, en fait, il y a deux volets sur lesquels on travaille: on travaille sur le volet accident des jeunes et on travaille sur le volet prévention pour qu'il y ait moins d'accidents. Mais l'ensemble de la problématique au niveau des jeunes au travail, bien nous autres, c'est seulement ces deux volets là qu'on touche. Si on peut contribuer pour améliorer dans le reste, on n'a pas de problème.

M. MacMillan: Mais pour aider à ces deux volets là, vous ne pensez pas que des recherches encore plus approfondies ou des enquêtes avec tout le monde concerté ensemble n'aiderait pas la cause?

M. Brisson (Donald): Quand c'est lié aux accidents, parce que nous autres, il faut quand même se dire que notre mission est liée aux accidents; à partir de ça, si on peut en arriver à développer des meilleurs programmes de prévention parce qu'on a mieux identifié des accidents. Mais on ne touchera pas – et ce n'est pas notre mission de toucher – à l'ensemble et à l'équilibre, par exemple, entre le travail des jeunes et les études. Sauf que ce qu'on peut dire, c'est que, si à un moment donné l'enfant travaille trop et se consacre à temps plein à ses études, bien là, on peut identifier une lacune et dire: Ça serait quoi, le moyen pour améliorer cette lacune-là?

Dans ce sens-là, je pense que l'entente Conseil du patronat et CEQ amène une bonne sensibilisation au niveau des employeurs. Et ce que je trouve intéressant là-dedans, c'est qu'on amène les gens à s'améliorer plutôt que de pousser les gens à le faire. Et je pense que c'est toujours plus intéressant d'avoir une approche qui va faire en sorte qu'on va amener les gens à, plutôt que dire: Je les pousse et je les brusque à.

M. MacMillan: Une campagne de sensibilisation. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Papineau. Alors, Mme Rodier, M. Brisson, la commission vous remercie.

Je vais suspendre une minute pour permettre au groupe suivant, les représentants du Conseil du patronat, de s'approcher à la table de la commission.

(Suspension de la séance à 11 h 3)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos consultations. Alors, j'invite maintenant les représentants du Conseil du patronat du Québec à nous livrer leurs commentaires dans le contexte de ces consultations particulières. Alors, vous connaissez les règles de fonctionnement. Je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription, en vous rappelant que nous avons une heure pour l'ensemble de nos échanges.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Garon (Jacques): Je vous remercie, M. le Président. Mon nom est Jacques Garon. Je suis directeur de la recherche au Conseil du patronat du Québec, et ma collègue, Me Louise Marchand, travaille également au sein du Conseil du patronat.

Alors, M. le Président, le Conseil du patronat du Québec tient à remercier les membres de la commission parlementaire sur l'économie et le travail de lui permettre de livrer ses commentaires sur les modifications proposées à la Loi sur les normes du travail, au titre du travail des jeunes.

Pour le CPQ, cette question en est une d'importance, une préoccupation de société, et c'est dans cette perspective que nous nous proposons de commenter les modifications envisagées. Nous nous permettons par ailleurs de rappeler à cette commission que le Conseil du patronat avait, avec la CEQ, pris l'initiative de proposer une politique incitative qui avait et qui rencontre toujours, je dois le souligner, l'assentiment et l'adhésion des employeurs.

Le sort des jeunes est une question qui préoccupe le CPQ depuis fort longtemps. L'accès à une éducation de qualité tant au niveau du primaire que du secondaire, du collégial ou des institutions de haut savoir de même que la formation technique ou professionnelle dans un environnement qui favorise le choix de l'école le plus longtemps possible sont toutes des questions qui ont fait l'objet d'études et d'interventions. Les emplois pour les jeunes chômeurs, la sécurité des travailleurs qui débutent leur apprentissage et leur intégration harmonieuse dans le monde des adultes sont également des thèmes qui nous préoccupent.

Les employeurs sont en effet conscients que notre richesse collective se fonde sur l'avenir de nos enfants, et à ce titre autant qu'à celui de parents – ce qu'ils sont pour la plupart – les dirigeants des grandes, petites ou moyennes entreprises du Québec se soucient du sort des jeunes et estiment que, s'il est un devoir que nous devons prioriser, c'est bien celui de protéger ce que notre collectivité a de plus précieux, c'est-à-dire ses enfants. C'est une préoccupation de société.

Les employeurs souhaitent par ailleurs que l'encadrement parental et social transmette aux jeunes le goût, le sens et la valeur du travail bien fait et gratifiant qui permet de se réaliser pleinement, de trouver sa place et de jouer un rôle actif et véritable au sein de notre société dans le respect de leurs droits et l'apprentissage de la responsabilité et de l'autonomie.

(11 h 10)

En septembre 1996, le Conseil du patronat du Québec et la Centrale de l'enseignement du Québec élaboraient une politique conjointe dont le but était de sensibiliser les entreprises à la nécessité de pratiques volontaires balisant l'embauche et le travail des jeunes. Cette politique était issue d'une réflexion menée par les deux organisations. Pour le Conseil du patronat, il semblait nécessaire de faire un certain nombre de constats. D'abord, les employeurs étaient et sont toujours inquiets du taux alarmant de décrochage scolaire. Les statistiques d'alors faisaient état d'un taux de décrochage oscillant entre 35 % et 40 % au secondaire. Les données actualisées dénombrent un taux qui serait bien moindre si l'on en croit la récente étude du Centre métropolitain de lutte au décrochage scolaire.

Le Conseil du patronat avait en outre recueilli des statistiques dans le milieu scolaire qui tendaient à démontrer qu'il pouvait y avoir une corrélation entre le travail et le décrochage scolaire. Les études publiées ne pouvaient toutefois établir de liens directs et immédiats entre le décrochage scolaire et le travail des jeunes, et c'est pourquoi le CPQ se gardait bien de tirer une conclusion générale. Bien d'autres facteurs peuvent en effet contribuer au décrochage scolaire, dont le fait que les jeunes cessent d'éprouver un attrait pour l'école et l'absence de stimulation de leur milieu immédiat les amenant à investir dans leur apprentissage.

À cet égard, d'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation écrivait en 1992, dans son document Quinze ans et déjà au travail , qu'il n'y aurait pas cependant de relation, et je cite, «de cause à effet entre l'emploi rémunéré et le décrochage scolaire. Des recherches et des opinions d'experts affirment que l'abandon résulte d'un processus complexe alors qu'une multitude de facteurs doivent être considérés». Fin de la citation.

Le Conseil ajoutait que le travail rémunéré pouvait devenir, en dehors des autres conditions, un facteur risquant d'entraîner le décrochage scolaire et qu'à ce titre, comme il était le geste ultime qui suit tout un ensemble varié de difficultés vécues par les jeunes, il fallait lui accorder une certaine importance.

Par ailleurs, se basant sur diverses études, la présidente de la CUQ avait déclaré alors: «Diverses études réalisées indiquent que, au-delà d'un certain seuil, 15 à 20 heures par semaine, on peut établir une corrélation entre le travail à temps partiel et le rendement scolaire.» Fin de la citation.

L'autre préoccupation majeure des deux organismes était la tendance à la hausse du nombre d'accidents de travail impliquant des jeunes. À cet égard, le CPQ écrivait alors, et je cite: «Il est triste de voir des jeunes indemnisés pour des accidents du travail avant même qu'ils ne soient préparés à entrer sur le marché du travail.» Fin de la citation. La politique conjointe reçut un accueil chaleureux des employeurs qui y virent une façon de réaliser leur mission sociale, cette fois au bénéfice des jeunes, et les pratiques qui ont cours encore démontrent que, dans la grande majorité des cas, les entreprises adhèrent à cette façon de faire afin d'encourager la valorisation du travail chez les jeunes tout en les incitant à la réussite scolaire et en protégeant leurs travailleurs les plus vulnérables.

Comme il l'avait fait au cours des discussions au Conseil consultatif et de la main-d'oeuvre, le Conseil du patronat du Québec soulignait, lors de son passage à la commission parlementaire de novembre dernier, que la problématique du travail des enfants devait être abordée de façon globale et qu'il était essentiel que des études fouillées viennent en étayer l'approche pour s'assurer que tous les éléments du problème soient pris en compte. Dans notre esprit, cette question était et est toujours d'une importance telle qu'il faut se garder d'improviser des mesures qui pourraient ne pas correspondre à la réalité vécue par les milliers de jeunes Québécois qui travaillent en dehors de leurs heures d'école. C'est donc dans cette veine que nous avions souhaité être partenaires à la réflexion sur les modes d'intervention.

Le CPQ se permet donc de manifester sa déception devant la précipitation à légiférer et de souligner qu'il est fort difficile de se prononcer aussi rapidement sur une question fondamentale sans disposer de données récentes sur l'état de la situation et sans que tous les groupes intéressés ne fassent état de leurs préoccupations en la matière. À notre avis, il eut fallu d'abord disposer d'études documentées pour bien circonscrire la problématique à laquelle les jeunes sont confrontés.

En outre, il eut été essentiel que le gouvernement procède à une étude des impacts économiques et sociaux avant de proposer des amendements législatifs à la Loi sur les normes, dont il faut par ailleurs être certain qu'ils n'auront pas d'effets pervers et qu'ils atteindront véritablement les objectifs ciblés. La question est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, et il fallait mûrir notre réflexion collective afin de ne pas poser de gestes que nous pourrions plus tard regretter.

Nous tenons par ailleurs à féliciter les auteurs du Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec , qui ont dû, à la vapeur, résumer les données existantes dont des statistiques datant du début de la décennie de même que la législation comparée des pays européens, américains et celles des provinces canadiennes pour alimenter la réflexion dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle doit être accélérée.

Tout en reconnaissant qu'il est incontestable qu'un enfant de moins de 13 ans doit consacrer son temps d'abord à l'école et, pour le reste, à sa vie d'enfant, le Conseil du patronat est sceptique quant à la nécessité d'une législation qui déterminerait un âge général d'admission à l'emploi.

Nous nous rangeons, à cet égard, à la proposition contenue au document de réflexion proposé par le ministère du Travail, qui s'appuie sur la législation actuelle pour recommander, et je cite: «de ne pas établir un âge général d'admission à l'emploi». Fin de citation. Les auteurs se fondent notamment sur le Code civil du Québec, sur la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur la protection de la jeunesse. Les auteurs du rapport analysent donc la législation qui nous régit et indiquent de façon fort judicieuse que le législateur a consacré la capacité du mineur dans la mesure prévue par la loi et que les dispositions du Code civil du Québec qui traitent de l'emploi ou du travail du mineur, et je cite, «sont révélatrices du degré d'autonomie que le législateur reconnaît à l'enfant dans l'exercice de ses droits et des responsabilités qui s'y rattachent». Fin de la citation.

Les auteurs soulignent par ailleurs que cette autonomie n'est pas absolue et ils distinguent les limites que les lois sectorielles imposent pour protéger les besoins des enfants et assurer leur protection. Nous nous permettons de souligner que, dans ses interventions concernant les enfants, le législateur se doit de manifester le plus grand respect pour l'autorité parentale, qu'il consacre lui-même à l'article 599 du Code civil du Québec, et prenne bien garde de s'y substituer. En vertu de cette autorité parentale, et je cite: «les pères et mères ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation. Ils doivent nourrir et entretenir leur enfant». Fin de la citation.

C'est donc aux parents d'abord et avant tout qu'il appartient de déterminer ce qui rencontre l'intérêt de leur enfant. Quant au caractère primordial et aux paramètres de cet intérêt, le Code nous dit, à l'article 33, et je cite: «Les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits. Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.» Fin de la citation.

Il convient de noter ici que le critère de l'intérêt de l'enfant ne saurait être applicable aux seules décisions des tribunaux, il doit préciser à toute décision le concernant. Dès lors, ce sont aux parents, au premier chef, qu'il revient de prendre les décisions concernant les enfants, et ce n'est que lorsque ceux-ci n'agissent pas dans le meilleur intérêt de leur enfant qu'il y a lieu d'intervenir. D'ailleurs, c'est dans cet esprit que la Loi sur la protection de la jeunesse a été conçue.

Il nous semble donc que le législateur se substituerait aux parents en adoptant une norme qui édicte un âge général d'admission à l'emploi, dans la mesure où les parents québécois s'acquittent très majoritairement de leur devoir de surveillance à cet égard. Au surplus, cette immixtion dans le rôle parental nous paraît d'autant plus inutile que les usages québécois du monde du travail ne la justifient aucunement.

Nous sommes d'autant plus en accord avec ces affirmations que, si l'on admet que les menus travaux, c'est-à-dire garde des enfants, distribution de journaux, tonte de pelouse, etc. devront être exclus de la loi, on pourrait en venir au résultat ridicule de permettre à des enfants de moins de 13 ans, par exemple, si cet âge était retenu comme âge général d'admission à l'emploi, d'effectuer ces menus travaux pour une durée qui dépasse le nombre d'heures de travail que les jeunes ayant atteint 13 ou 14 ans seraient autorisés à faire.

Enfin, il y a lieu de s'inquiéter du sort qu'une telle législation pourrait faire aux enfants artistes, les petits comédiens ou ceux qui ont déjà trouvé leur place au Cirque du Soleil, par exemple, qui pourraient ne plus pouvoir exercer un métier, encadré de balises certes mais reconnu et accepté socialement et qu'ils seraient lourdement pénalisés.

En d'autres termes, une loi prévoyant un âge général d'admission devrait être pondérée de tellement d'exceptions que son efficacité pourrait en être compromise. Faut-il rappeler en outre que, lorsque l'on prétend édicter une règle générale assortie d'exceptions, il faut s'assurer que toutes les exceptions auront été prévues?

Nous ajouterons qu'il est intéressant de noter qu'aucune province canadienne n'a déterminé d'âge minimum d'accès à l'emploi de façon stricte et précise. D'autre part, le document de réflexion indique bien qu'une norme spécifique n'est pas indispensable pour satisfaire aux conventions internationales sur les droits des enfants et assurer la protection des enfants, dans la mesure où la législation québécoise actuelle y pourvoit par les balises actuelles.

Le Conseil du patronat est donc d'avis qu'il n'y a pas lieu d'établir un âge général d'admission à l'emploi, puisque rien dans le quotidien des enfants du Québec ne le justifie, qu'il faut continuer de faire confiance aux parents et aux employeurs et qu'il faut se garder de légiférer pour quelques rares exceptions, surtout quand d'autres mesures de protection existent déjà.

(11 h 20)

En ce qui a trait au nombre d'heures de travail permises, encore là le Conseil du patronat s'interroge sur l'utilité de modifications à la loi, puisqu'il semble, selon les statistiques, déjà anciennes par ailleurs, que l'on ne soit pas en mesure de démontrer que la situation soit à ce point aiguë qu'il faille intervenir. D'autant plus que les données disponibles démontrent que l'écart de la moyenne scolaire pour les matières de base entre les élèves qui travaillent 10 heures ou moins par semaine et ceux qui travaillent entre 16 et 20 heures est de 2,9 points de pourcentage.

L'approche préventive étant par ailleurs toujours préférable à des modes curatifs, il ne faut certainement pas attendre que le mal devienne endémique. Mais nous réitérons que les pratiques actuelles du monde du travail sont suffisamment policées et qu'une législation additionnelle ne changera pas vraiment la situation du plus grand nombre. Dans le cadre d'une réflexion globale, il convient en outre de s'interroger sur les motivations des jeunes entrés sur le marché du travail. Les auteurs d'une étude citée par le Conseil supérieur soulignent que 76,8 % des jeunes qui occupent un emploi disent vouloir acquérir une expérience du marché du travail.

Nous sommes inquiets de ces jeunes qui doivent travailler sinon pour systématiquement aider leurs parents, particulièrement dans les cas toujours plus nombreux de familles monoparentales, mais pour se donner les outils requis pour continuer à fréquenter l'école, que ce soit pour se payer une carte d'autobus, une paire de jeans ou pour ajouter un gâteau à leur maigre lunch. Si le législateur va de l'avant parce qu'il le juge nécessaire, et c'est son choix, nous sommes d'avis qu'il y a lieu de moduler la législation éventuelle en tenant compte de l'âge des jeunes et en prévoyant des exceptions pour ne pas pénaliser ceux qui n'ont aucun problème à concilier travail et études ou ceux qui n'en ont vraiment pas le choix. Ainsi, nous sommes convaincus que la limite de 15 heures de travail par semaine ne devrait s'appliquer qu'aux jeunes de 13 et 14 ans et qu'il y aurait lieu de hausser cette limite à 20 heures de travail par semaine pour les jeunes de 15 et 16 ans afin de permettre à ceux qui ont la possibilité d'occuper un emploi pendant leurs heures libres et durant l'été puissent le faire en toute liberté.

Nous rappellerons par ailleurs à ce stade que bien que la politique conjointe du CPQ et de la CEQ ait recommandé aux employeurs de ne pas embaucher les jeunes pour plus de 15 heures de travail par semaine, il s'agissait d'une pratique incitative et non coercitive et que la nuance est de taille. D'autre part, à la lumière des réactions qui ont suivi l'adoption de cette politique, nous soumettons que les employeurs adhèrent majoritairement à cette philosophie et qu'ils sont généralement conscients de l'importance de ne pas surcharger leurs jeunes employés dans le but justement de laisser le plus de place possible à l'étude et à la réussite scolaire.

Comme les limites d'heures maximales qui seraient prescrites par la Loi sur les normes de travail risqueraient de causer préjudice à plusieurs jeunes particulièrement à ceux dont les parents estiment qu'ils sont aptes à travailler plus longtemps tout en réussissant à l'école de même qu'aux jeunes dont la situation économique familiale commande qu'ils aient plus de latitude, il y aurait lieu que la loi prévoie que l'obtention par l'employeur de l'autorisation ou du consentement des parents permette d'excéder les limites.

Nous ne préconisons pas qu'il faille en outre obtenir l'autorisation de la Commission des normes du travail ou de tout autre organisme. Cette demande d'autorisation doit demeurer souple et facile à gérer tant pour les jeunes et leurs parents que pour les employeurs. Et nous croyons que l'ajout d'une autorisation administrative serait lourde sinon inutile parce que cette décision appartient aux parents et que ceux-ci s'acquittent généralement fort bien de leur devoir de surveillance. Agir autrement équivaudrait à s'immiscer dans la vie des familles pour vérifier d'abord et sanctionner ensuite une décision qui relève du domaine privé.

En ce qui concerne la bonification du projet de loi n° 172, dans la mesure où la recommandation du document de réflexion de modifier la loi n° 172 de manière à ce que les dispositions sur le travail des enfants s'appliquent à tout enfant jusqu'à la fin de la période où il est tenu à la fréquentation scolaire n'est faite que pour des fins de concordance à la Loi sur l'instruction publique, nous y souscrivons.

En conclusion, nous nous permettons d'ajouter, M. le Président, que, si l'on veut que le message de priorisation de la réussite scolaire rejoigne vraiment les intéressés, l'adoption de modifications à la Loi sur les normes de façon ponctuelle, rapide, et nous le répéterons, sans données factuelles actualisées et en l'absence d'études d'impact sur les effets éventuels ne devra pas être la seule réponse. Il faut à notre avis conjuguer tous les efforts pour mobiliser les enfants, les parents, les éducateurs et tous les intervenants par des campagnes de sensibilisation et d'information.

Dans cette perspective, la concertation entre tous les ministères concernés s'impose pour que la main gauche n'ignore pas ce que fait la main droite. De plus, la consultation de tous les autres partenaires sera indispensable afin que cet effort conjugué ne soit pas improvisé. C'est animé de cet esprit de concertation que le Conseil du patronat et la CEQ avaient élaboré leur politique. Et, pour notre part, nous soumettons que nous avons atteint notre objectif de sensibilisation des employeurs à la réalité des jeunes Québécois qui étudient et travaillent.

Nous espérons que ces commentaires enrichissent la réflexion des membres de la commission et nous vous en remercions.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre, à vous la parole.

M. Rioux: J'aimerais faire deux, trois petites remarques avant de poser mes questions au Conseil du patronat. Je trouve étrange un peu que vous parliez de toute la précipitation qui a entouré la préparation du document synthèse qui vous a été acheminé. Vous mettez en doute la valeur des études qui ont été portées à notre attention jusqu'à maintenant. Vous nous dites également qu'il y aurait lieu d'approfondir davantage et de pousser plus loin notre réflexion.

Je voudrais vous dire que les gens qui sont invités à venir témoigner ici, à venir donner leur opinion, ça, ce sont les gens les plus intéressés et probablement les plus intéressants. Vous allez voir défiler ici des éducateurs, des psycho-éducateurs, des psychopédagogues, commissions scolaires, Centrale de l'enseignement du Québec, Conseil du patronat, les syndicats, les parents d'élèves et des jeunes aussi qui vont venir nous dire un peu ce qu'ils pensent.

J'ai un petit peu de difficulté à recevoir vos remarques, en tout cas vos remarques attribuées à cette partie-là de votre intervention où vous semblez dire: Ce qui a été fait jusqu'à maintenant, ça manque de profondeur, ce n'est pas suffisamment sérieux. Une autre nécessité aussi de commencer un deuxième sprint, de consulter tout le monde et essayer d'aller plus loin. Ça, c'est mes premières remarques.

J'aurais aimé que vous vous réjouissiez par ailleurs qu'une commission parlementaire s'attarde à étudier l'ensemble de la problématique du travail des jeunes. Moi, je me souviens, il y a deux ans, en commission parlementaire sur l'étude des crédits du ministère, on avait convenu d'un commun accord – le critique de l'opposition, c'était le député de LaFontaine à l'époque – ensemble de fouiller toute la question et d'aller le plus loin possible. On a bougé depuis ce temps-là. Les libéraux avaient fait un bout de chemin en 1993 – moi, je trouve un travail assez bien fait – qu'on a pris en compte dans notre analyse. On ne réinvente pas la roue. Et après subséquemment on est arrivé avec la loi n° 172. Ça, ça a été la première étape. On s'est dit: Il faut aller maintenant consulter les intervenants et leur permettre de venir nous dire ce qu'ils pensent.

Vous l'avez dit dans votre discours: C'est un problème de société. Ça nous interpelle dans nos valeurs profondes, ça, tout ce débat-là. Alors, c'est pour ça qu'on tient la commission parlementaire.

Moi, j'aurais une question précise. Je ne vois pas de contradiction nécessairement dans votre discours, mais vous plaidez avec force le respect de l'autorité parentale. Mais en même temps vous êtes d'accord pour dire: Il faudrait mettre un nombre d'heures qu'il ne faut pas dépasser si le jeune... 15 à 16 ans, 20 heures de travail, s'il est de 13, 14 ans, 15 heures. J'essaie de saisir tout votre plaidoyer en faveur de l'autorité parentale et, d'autre part, l'ouverture que vous faites. Vous dites: Oui, oui, oui, le travail des enfants, c'est acceptable dans la mesure où les jeunes ont 13, 14 ans ou 15, 16 ans. J'aimerais ça que vous nous décortiquiez ça un peu. Vous avez peut-être des études que je n'ai pas.

M. Garon (Jacques): Oui, alors, M. le président, en réponse au ministre, deux choses. La première sur le fait que vous mentionnez les études. Je dois vous dire que j'ai été personnellement impliqué avec le directeur des études de la CEQ, pendant un an et demi, à faire la recherche sur ce qui pouvait motiver les abandons scolaires et, au contraire, motiver la réussite scolaire dans le milieu éducatif, particulièrement auprès des jeunes, sans distinction, formation générale, formation professionnelle, formation technique à un degré moindre, parce que là on se trouve à être 16 à 18 ans.

Et on a convenu d'un commun accord, après un an et demi d'études, que le problème était excessivement complexe, que nos deux seules organisations n'avaient peut-être pas tous les éléments, et de loin, pour en arriver à des conclusions évidentes. Et c'est pourquoi la CEQ s'est reliée alors à des mesures incitatives d'où la charte des jeunes que nous avons proposée. Alors, on peut dire qu'on a été précurseur dans le domaine.

(11 h 30)

Donc, les entreprises ont eu un esprit d'ouverture à cette chose parce qu'ils sont peut-être des PME, ils sont peut-être des grandes entreprises, mais ils sont aussi des parents. Alors, tout le monde est concerné par ce problème, s'il y en a un. Moi, je ne suis pas du tout convaincu, M. le ministre, que c'est un problème de société extraordinaire au Québec, Dieu merci. À mon avis, ça ne l'est pas.

Ceci dit, il peut y avoir des cas d'exception. Mais, à ce jour, votre interlocuteur précédent a bien démontré qu'il faut encore pousser pour avoir plus d'information que ce soit sur les accidents du travail, sur les indemnités ou dans d'autres domaines qui justifient la complexité du décrochage scolaire. Alors, c'est pourquoi nous tenons à dire que... Et nous avons félicité le travail du ministère sur l'étude qui a été faite, parce que c'est tout de même révélateur, mais il faut bien avouer que, actuellement, il nous manque encore beaucoup de données pour avoir une vue panoramique de la proposition qui est discutée, et ce n'est pas évident.

Deuxièmement, l'ouverture, vous faites allusion à l'ouverture que nous manifestons, mais nous disons bien: Si législation il doit y avoir... Nous sommes convaincus que ce n'est pas nécessaire de légiférer. Nous avons des mesures incitatives. On a vu, par ailleurs, qu'il y a des progrès qui se manifestent dans ce domaine. Est-ce qu'on doit, s'il va y avoir législation, prévoir tellement de mesures d'exception qu'alors, là, on va finir au groupe-conseil sur la déréglementation parce que ça ne va pas avoir d'allure. C'est la question que nous posons. S'il y a des mesures incitatives qui fonctionnent, est-ce qu'on doit nécessaire légiférer sur cette question?

M. Rioux: M. Garon, quand un jeune étudie, un jeune de 15, 16 ans est aux études, et qu'en même temps il travaille une vingtaine d'heures, c'est presque du travail à demi temps, c'est la moitié de la semaine normale de travail qui est de 40 heures, généralement, n'avez-vous pas l'impression que le fait de cautionner ça, c'est un risque énorme pour la réussite? Vous l'avez évalué, ça, j'imagine, avec la CEQ?

M. Garon (Jacques): Tout à fait. Le grand problème... M. le ministre, je vais vous répondre bien franchement. Moi, personnellement, en tant que parent, ce n'est certainement pas ça que je préconiserais pour mes enfants, mais ils ont le bonheur et la chance de peut-être ne pas être dans le besoin. Il y a des milieux socioéconomiques qui sont tellement défavorisés que je ne sais pas, si on limitait ce genre d'activité, c'est-à-dire on réglementait de façon beaucoup plus sévère le nombre d'heures, si finalement vous ne nuiriez pas à énormément de jeunes qui n'ont pas d'autre moyen de poursuivre peut-être leurs études. Et ça, ça nous est confirmé par des centres spécialisés.

Alors, c'est excessivement difficile de se poser juge pour dire à ces jeunes: Attention, à partir de maintenant, on va vous limiter parce que, même si vous êtes des familles monoparentales, vous êtes dans les familles les plus défavorisées, vous n'allez plus pouvoir continuer à travailler comme vous le faisiez, même à temps partiel ou presque, parce que maintenant on va baliser ça pour favoriser votre insertion à la réussite scolaire. Et peut-être qu'on va voir exactement l'effet inverse et que ça va être très pervers. À la limite, on pourrait se retrouver avec un marché noir ou, en tout cas, les jeunes ne suivront pas la réglementation. Alors, vous me direz: Bon. Bien, si c'est interdit, les employeurs ne pourront pas le faire, mais là vous allez avoir des pressions sociales énormes pour que ça ne se fasse pas dans les règles de la loi.

Mme Marchand (Louise): Si je peux me permettre, M. le ministre, d'intervenir, sans compter que, et c'est d'ailleurs soulevé dans le document de réflexion, si la loi, les modifications législatives étaient libellées telles que proposées, ce qu'on risquerait de voir, c'est qu'un jeune travaille pour plus d'un employeur pour cumuler plus d'heures que celles que lui permet la loi avec un seul employeur. Je ne sais pas du tout de quelle façon on va pouvoir contrôler ça.

Je veux revenir, si vous me permettez, à vos remarques préliminaires, M. le ministre, concernant ce que vous avez appelé nos critiques concernant les études qui ont été faites. Au contraire, M. le ministre, ce que l'on dit dans le mémoire, c'est que les études ne sont pas suffisamment récentes, les données ne sont pas actualisées pour nous donner un portrait global de la situation. Les dernières statistiques, M. le ministre, et c'est révélé encore une fois par le document de réflexion, remontent à 1993. Alors, il y a quand même cinq ans, et en cinq ans le visage du Québec a changé, vous en conviendrez.

Alors, je pense qu'il faut, avant que d'aborder la question, se doter de données réelles, actualisées, factuelles qui nous permettraient vraiment de poser des gestes réfléchis. Si, à ce moment, le législateur estime que la situation est suffisamment aiguë pour intervenir, il pourra le faire, puis, à ce moment-là, ce sera peut-être plus facile pour tous les partenaires d'en arriver à un consensus. Mais tout le monde se pose la question de la même façon, M. le ministre.

M. Rioux: Les cumuls d'emplois, c'est seulement 15 %. Il en reste 85 % qui n'ont pas de cumul d'emplois. On ne peut pas ignorer ça. Vous parliez tout à l'heure de jeunes qui cumulent des emplois...

Mme Marchand (Louise): Qui pourraient cumuler.

M. Rioux: ...qui travaillent pour deux ou trois employeurs.

Mme Marchand (Louise): Oui, mais ce que je dis, c'est que, si le législateur intervient et limite le nombre d'heures dans une semaine, comment va-t-on empêcher un jeune de cumuler deux emplois? Je ne parle pas des statistiques actuelles, mais je dis: Éventuellement, comment pourra-t-on faire pour empêcher un jeune de cumuler plus d'un emploi et de faire, toujours avec... On regardait la limite de 15 heures, à titre d'exemple. Alors, il fera 15 heures chez un employeur, puis il en fera sept, huit, neuf chez un autre employeur. Comment est-ce qu'on va contrôler ça, M. le ministre?

M. Rioux: J'aimerais aborder la question de l'autorité parentale. J'aimerais y revenir. Vous semblez en faire un principe fondamental. Puis, d'ailleurs, vous nous dites clairement: On ne voit pas pourquoi le législateur pourrait se substituer à l'autorité parentale. C'est eux autres qui analysent le mieux la situation faite aux jeunes dans leur famille et comment... Ils analysent aussi leur comportement, si, oui ou non, ils doivent travailler ou pas, dans quelle mesure ils doivent travailler 15 ou 20 heures. Vous évoquez également que, dans l'ensemble canadien, il n'y en a pas, de législation.

Alors, comment on va contrer les jeunes qui, si on les laisse à eux-mêmes, pourraient travailler 25 heures par semaine ou encore des parents qui ont intérêt à ce que leurs jeunes travaillent parce que ça vient arrondir les fins de semaine ou ça vient arrondir les fins de mois? Ça aussi, c'est une préoccupation qui est très importante dans la tête de certains parents, de certains citoyens. Et aussi, l'autre élément, il faut mettre les jeunes à l'abri des exploiteurs. On l'a vu, il y a certains cas qui ont été portés à notre attention, qui ont été rapportés dans les journaux, de situations qui n'étaient pas toujours très, très roses.

Remarquez que je ne suis pas un partisan que l'État remplace les parents, ce n'est pas ça, mais il reste qu'on est devant un problème qui n'est pas simple. Ça ne se tranche pas au couteau. Mais, par ailleurs, je vous écoute, vous autres, puis on dirait que vous avez trouvé la formule. Ça m'embête. J'aurais peut-être tendance à vous dire, si j'étais méchant: Donnez-nous vos études qu'on les lise.

M. Garon (Jacques): Si vous me permettez, M. le Président, en réponse à la question du ministre, vous avez tout à fait raison, c'est un problème excessivement complexe. La preuve, c'est que le législateur, quand il a fait la révision du Code civil, a pris des années pour en arriver à cette réforme. Or, dans le Code civil, il a été extrêmement prudent en voulant bien camper le droit des enfants, et en même temps le droit des parents, et en même temps le droit à l'autodétermination, d'une certaine façon, de ces mêmes enfants. Il a fait un compromis. Et le compromis, on le retrouve exactement dans ce qu'il a mis dans le Code civil.

Donc, en nous basant là-dessus, c'est là où nous disons qu'il y a bien d'autres études, et bien d'autres savants, et des juristes, et des sociologues qui se sont penchés sur la question pendant des années pour en arriver finalement à reconnaître que le droit des parents était fondamental, que le droit des enfants était fondamental et que – je suis tout à fait d'accord avec vous – c'est excessivement difficile de concilier l'apport des uns et des autres dans ce que nous voulons achever ici. C'est excessivement difficile. C'est pourquoi c'est un problème de société.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Je suis très sensible aux éléments que vous amenez dans votre mémoire, notamment au niveau de la flexibilité. Vous parlez de la politique que vous avez mise en place avec la CEQ. J'aimerais ça si ça vous est possible d'élaborer peut-être un petit peu plus sur cette politique-là. Qu'est-ce que ça implique? Quel genre de mesures ou quel genre de phénomène vous avez mis en place pour tenter d'encadrer? Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu là-dessus, là, pour nous dire un peu de quoi il en retourne et, de cette façon-là, peut-être que ça pourrait, comme l'a mentionné le ministre, servir d'exemple à différentes autres mesures?

(11 h 40)

M. Garon (Jacques): Oui. Alors, le document de réflexion, d'ailleurs, reproduit un petit peu ce qu'on a appelé, nous, notre charte des jeunes. Pour l'essentiel, une fois qu'on s'est mis d'accord avec la CEQ sur la problématique, nous, on s'est dit: Le message, maintenant, il ne faut pas qu'il s'arrête là. C'est une bonne chose d'écrire quelque chose, mais qu'est-ce qui va se passer par la suite? Alors, ce qui s'est passé par la suite, c'est que, vous le savez probablement, le Conseil du patronat, c'est une espèce de confédération patronale à laquelle participent 126 associations sectorielles et environ 500 entreprises, et, à travers nos associations sectorielles et les membres corporatifs, nous couvrons environ 70 % de la manoeuvre du Québec.

Alors, le message qu'on a passé à toutes nos associations sectorielles et à tous nos membres corporatifs, c'était d'abord de leur décrire ce que nous avions fait et l'accord sur lequel on avait conclu cette entente avec la CEQ. Ensuite, on leur a dit: Il faut mettre ça en application. Mois après mois, quand nous avons nos rencontres avec nos associations sectorielles, à travers nos bulletins, nous aimons bien rappeler et avoir aussi des rencontres sur ce sujet pour voir que ces politiques sont toujours dans l'esprit des entreprises, dans l'esprit des associations, pour que ça se dissémine, lentement mais sûrement, à travers tout le système.

Alors, c'est de cette façon que nous pouvons affirmer que nous pensons qu'il y a eu des progrès, en tout cas du côté des employeurs, sur cette question.

M. Béchard: Mais il y a un élément qu'il faut toujours avoir en tête, c'est l'effet du travail sur le décrochage scolaire. Est-ce que, selon vous, la mise en place d'une politique volontaire, la mise en place d'incitatifs... Et ça, j'ai bien aimé ça dans votre mémoire, on parle d'incitatifs beaucoup plus que de taper sur les doigts ou quoi que ce soit. Parce qu'on parle de la responsabilité des parents, on parle de la responsabilité des jeunes, mais ce qu'on vise, c'est, d'abord et avant tout, d'encadrer un peu le patronat, un peu les patrons. Donc, c'est important d'y aller, selon moi, de façon incitative, de façon flexible.

C'est parce que je vois dans ça beaucoup de possibilités de contournement. Moi, je me dis: On a beau mettre en place n'importe quelle réglementation, on a beau la rendre la plus rigide possible, avoir les meilleurs papiers possible, puis dire: Aussitôt que vous vous écartez un peu, on va vous taper sur les doigts, et tout ça, moi, ma peur, je vous dirais, c'est que, si on va trop loin, si on va de façon trop précise et qu'on encadre trop, les perdants vont être les jeunes, parce qu'il n'y aura plus d'emplois pour les jeunes. Ils vont dire: C'est rendu trop complexe, c'est rendu trop compliqué. Mais, d'un autre côté, il ne faut pas tomber dans l'abus non plus. Est-ce que, selon vous, selon les gens que vous représentez, il y a, de bonne foi, cette préoccupation-là ou est-ce qu'on doit absolument y aller d'encadrement très, très sévère, très, très strict et que, à ce moment-là, bien ça devient dangereux que ce soit les jeunes qui soient pénalisés de façon inverse?

M. Garon (Jacques): Bien, vous avez tout à fait raison, notre mémoire tend à démontrer qu'il faut des mesures incitatives, sauf que vous parlez d'encadrement plus strict des employeurs. Or, tout le propos qu'on a développé jusqu'à maintenant, c'était de dire que c'est un défi de société. Les employeurs ont certainement leur part à faire là-dedans, mais on parle des commissions scolaires, on parle des parents, on parle des enfants.

Là, il y a des commissions scolaires qui effectivement ont pris les choses en main, celle de Saint-Jérôme, par exemple, où il y a eu des progrès assez fantastiques, parce que les employeurs ont dit: Ce n'est pas vrai que les enfants vont travailler, quel que soit leur âge, en tout cas jusqu'à 16 ans, plus de 15 heures par semaine. C'est la politique qu'ils ont adoptée dans ce petit coin du Québec. Bien, moi, j'espère que ça va faire tache d'huile et que ça, c'est le premier balbutiement vers quelque chose qui est en train de bien devenir, bien s'ancrer dans les moeurs non seulement des employeurs, mais de la société québécoise. Alors, ça, c'est vraiment l'exemple typique de mesures incitatives qui, j'ai bien confiance, vont faire taches d'huile.

Ceci dit, c'est vrai qu'on n'empêchera pas des poches de pauvreté dans certains quartiers de Montréal ou ailleurs au Québec et que, là, comme vous le disiez, des mesures réglementaires pourraient avoir l'effet exactement pervers de ce que le législateur voudrait comme objectif.

Mme Marchand (Louise): Au titre du décrochage scolaire, M. le Président, il y a une étude très, très récente du Centre métropolitain de lutte au décrochage scolaire dont La Presse donnait un extrait en début de semaine. J'ai parlé hier au directeur général de cet organisme et il serait peut-être intéressant que la commission... Si la commission le désire, je m'engage à lui transmettre copie des ces statistiques que j'ai obtenues, moi, en fin d'après-midi vendredi et que je n'ai pas pu inclure au mémoire.

Les statistiques sont vraiment étonnantes. Elles dégonflent les perceptions que nous-mêmes avions quand la politique conjointe CPQ-CEQ a été élaborée au titre du taux de décrochage scolaire. Et ce que ça démontre actuellement, c'est que, dans la grande région de Montréal, le taux de décrochage scolaire serait de 30 % avant qu'on déduise le 10 % des jeunes qui ne peuvent pas, de toute façon, atteindre leur cinquième secondaire et que, dans l'ensemble du Québec, l'étude extrapolée sur cinq ans donne une moyenne d'à peu près 23 % à 24 %. Et ce que cette étude nous démontre également, c'est que, pour avoir un véritable portrait de la situation, il faudrait procéder à une étude longitudinale sur une période de 10 ans, ce qui nous permettrait de suivre les cohortes des jeunes qui décrochent en secondaire II, secondaire III ou secondaire IV, etc.

À la conversation que j'ai eue avec le directeur de cet organisme qui est installé dans le centre-sud de Montréal – je crois que c'est le quartier Hochelaga-Maisonneuve – il me disait: Si le législateur pouvait venir voir ce que, nous, on voit de ces jeunes qui nous viennent au centre et qui veulent retourner à l'école, mais qui n'ont pas le choix que d'aller travailler pour aller à l'école... Et, quand on en parle dans notre mémoire, ce n'est pas une vue de l'esprit. Avec l'augmentation des familles monoparentales – j'ai fait du divorce pendant sept ans, je sais très bien qu'il y en a beaucoup – je pense qu'il faut s'inquiéter de ces jeunes qui n'ont pas le choix. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on parle d'effets pervers que la législation pourrait induire si on ne prend pas garde.

M. Béchard: Donc, il faut être très prudent pour s'assurer qu'on ne vise pas le mauvais coupable. C'est un peu le message que vous faites. O.K., parfait. En tout cas, pour moi, c'est clair.

On va les rencontrer plus tard cette semaine, mais, dans le mémoire de la Fédération des commissions scolaires du Québec, eux parlent d'une expérience où ils disent: Malheureusement, la commission scolaire a constaté que des entreprises de services comme McDonald's et Sobey's sont moins réceptives à ces arguments. On engage une forte proportion de jeunes d'âge scolaire.

Là où je veux en venir, la question que je me demande, c'est: Au niveau de la sensibilisation, au niveau, je dirais, de la volonté de collaborer des employeurs, les PME seraient-elles plus sensibles que les très grandes entreprises? On manque souvent d'études là-dessus, mais est-ce que vous avez ciblé des types d'entreprises qui sont peut-être moins sensibles au travail des jeunes et à respecter un peu les jeunes que d'autres, c'est-à-dire des entreprises qui, par exemple, elles, tant que le jeune veut travailler , que ce soit 10, 15, 20, 25 heures, 30 heures par semaine, ils n'ont pas de problème, pour justement, ce qu'on disait tantôt, mettre un peu les jeunes à l'abri des exploiteurs, ce que le ministre a mentionné? Est-ce que vous avez une idée de quel genre d'entreprise peuvent être ces exploiteurs-là?

M. Garon (Jacques): En réponse à votre question, on n'est pas partis du même principe. On est partis du principe qu'un employeur, qu'il soit d'une PME de cinq employés ou d'une multinationale de 25 000 personnes, les personnes qui ultimement engagent des jeunes sont aussi des parents. C'est à ce titre d'employeur et de parents simultanément que l'on s'adresse. Alors, on ne fait aucune différenciation sur la taille ou le secteur dans lequel oeuvre l'entreprise.

M. Béchard: O.K. Il y a un autre mémoire, celui de la FTQ, où ils parlaient d'un consensus sur cette question qui avait été établi au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, un consensus qui portait sur différents points, qui portait, entre autres, sur une définition du travail qui implique un lien d'emploi avec un employeur à des fins lucratives, sur l'établissement à 13 ans de l'âge minimal d'admission à l'emploi rémunéré dans le cadre d'une relation employeur-employé, la détermination d'une durée maximale de travail durant la période de fréquentation scolaire établie en fonction de l'âge des jeunes. En tout cas, il y avait différents points. Vous participez aux travaux de ce... Est-ce que vous faites partie de ce consensus-là dont fait mention la FTQ, consensus qui aurait été établi au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre?

M. Garon (Jacques): Oui. Encore une fois, avec – si vous avez bien lu le rapport de la présidente de la Commission consultative de la main-d'oeuvre – l'avis de la CPQ selon lequel on n'est pas d'accord avec un âge plancher, on l'a dit dans notre mémoire. Par ailleurs, la mesure incitative que nous avons nous-mêmes préconisée pour l'ensemble des employeurs, c'est que ça ne dépasse pas 15 heures. Ceci dit, on reconnaît qu'il y a des enfants, après tout, qui pourraient très bien faire 20 heures. Dans les propres études du document de réflexion, on voit que, pour certains élèves, les taux de réussite scolaire sont plus évidents que pour d'autres, mais on ne peut pas généraliser. On ne peut pas, certainement, généraliser.

Par ailleurs, c'est trop ténu comme évidence, à l'heure actuelle, en tout cas à notre avis, de dire qu'il y a une corrélation évidente entre un taux de décrochage et les heures de travail. Il y a une multitude d'autres facteurs qui entrent en considération. De pointer uniquement ça du doigt, je pense que ce serait faire erreur.

(11 h 50)

M. Béchard: O.K. Tantôt, vous avez mentionné qu'avant la mise en place de votre politique il y avait une augmentation du nombre d'accidents de travail impliquant les jeunes, qu'il y avait une augmentation, mais tantôt on a rencontré la CSST et, selon leurs chiffres, c'est complètement l'inverse, ça décroît. Je ne sais pas si c'est les mêmes études ou encore le manque d'études ou quoi que ce soit, mais qu'est-ce qui, selon vous, explique cette différence-là?

M. Garon (Jacques): Non, non, il faut se replacer dans le temps. Là, on parle d'avant les statistiques dénombrées, c'est-à-dire pour les cinq dernières années, je pense, c'est ce que mentionnait la CSST. Nous, au moment où on a fait notre étude avec la CEQ, ça remonte à quand même quatre ans. Alors, on parlait d'années antérieures. Alors, depuis ce temps-là, et j'ai été heureux de l'apprendre, on voit une décroissance dans ce sens et je pense que c'est de bon augure.

M. Béchard: Donc, vous, vos chiffres étaient avant ceux de la CSST, ce qui explique la différence.

M. Garon (Jacques): Oui, oui, oui. Tout à fait. Tout à fait. Tout comme le taux de décrochage scolaire qu'on mentionne, de 35 % à 40 %, bien aujourd'hui, si on en croit les études plus récentes, ça serait probablement la moitié.

M. Béchard: À la page 6 de votre mémoire, vous parlez du danger et de se garder d'improviser des mesures qui pourraient ne pas correspondre à la réalité vécue. J'aimerais ça que vous me donniez, pour, je dirais, les galées de la commission puis pour les suites de ce dossier-là, quels sont, selon vous, les types de mesures qu'il faut absolument proscrire et éviter de mettre en place?

M. Garon (Jacques): L'esprit dans lequel nous voyons cette problématique, c'est que les jeunes qui travaillent par nécessité, non pas par choix... Parce que ça, je pense que l'éthique au travail, c'est certainement quelque chose qui est bien dans les moeurs et qu'il faut promouvoir. Mais on a fait mention de beaucoup de jeunes. Et l'étude à laquelle ma collègue faisait référence mentionne effectivement, dans les quartiers les plus défavorisés, que les jeunes vont au travail, et ce n'est pas par choix, mais c'est parce qu'ils sont issus de familles qui quelquefois vivent sous le seuil de pauvreté.

Alors, qu'est-ce que vous faites pour ces jeunes? Comment vous balisez en même temps le fait de pouvoir dire à ces jeunes et à ces familles que la réussite scolaire, c'est ce qu'il y a de plus important pour votre avenir, mais que, si vous n'avez pas le droit de travailler plus qu'un certain nombre d'heures, si le législateur va vers cette fin, bien, à ce moment-là, vous n'allez pas pouvoir poursuivre vos études? Comment est-ce qu'on résout le dilemme? Je n'ai pas la réponse à la question, mais je pense que c'est un problème sociétal extrêmement complexe et qu'il faut faire très attention de ne pas donner de réponse rapide à quelque chose d'aussi complexe.

Mme Marchand (Louise): Je pourrais peut-être ajouter, si vous permettez, M. le Président, que ce qu'on suggère, en conclusion de notre mémoire, c'est qu'il y ait effectivement un effort de concertation et de sensibilisation. Effectivement, pour certains jeunes, il peut y avoir un problème de concilier le travail et l'étude, encore faudrait-il savoir exactement dans quelle proportion, etc.

Mais est-ce qu'on ne doit pas, comme société, envoyer plutôt un message, une concertation, puis c'est un peu dans ce sens-là que la CEQ et le CPQ avaient concerté leurs efforts, pour envoyer un message de réussite scolaire, de l'importance de l'effort, de l'importance de la réussite scolaire autant au niveau de l'accession à l'emploi que de la réalisation personnelle? Est-ce que ce n'est pas ça qu'on doit faire avant de légiférer? Signer une espèce de pacte social, tout le monde, les parents d'abord, parce que c'est eux qui donnent la permission ou ne la donnent pas à leurs enfants. Si les employeurs offrent des emplois, encore faut-il que les parents autorisent les jeunes à aller travailler. Alors, c'est aux parents à jouer ce rôle-là en premier lieu. Les parents.

L'école aussi, l'école qui ne doit pas baisser ses exigences non plus quand les jeunes arrivent et que, parce qu'ils ont travaillé, ils n'ont pas fait leurs devoirs. La réforme, à cet égard-là, sera d'une importance extrême: comment on la vivra, cette réforme-là, comment ça se concrétisera dans le réel, jusqu'à quel point on misera et on mettra de l'importance sur la réussite scolaire, les enseignants, les directeurs d'école, enfin tous les intervenants, les employeurs aussi, bien entendu.

Et les exemples de Saint-Jérôme... Et il y a Chaudière-Appalaches aussi dont j'ai entendu parler. Il y a une expérience extraordinaire qui s'est vécue là, tout le monde s'est donné la main. C'est peut-être ça, le premier rôle qu'on a à jouer, de lancer un message aux jeunes avant de légiférer. On ne pense pas que ce soit suffisant d'adopter une législation. On pense que c'est beaucoup plus important d'envoyer un message aux jeunes, de se concerter comme société. Et, s'il faut légiférer, bien on verra à le faire à ce moment-là.

M. Béchard: Donc, si je vous ai bien compris, avant de tenter de limiter le travail des jeunes, il faut d'abord tenter d'améliorer la réussite scolaire et investir dans le réseau de l'éducation au lieu de couper. De cette façon-là, si c'est plus facile d'accéder aux études supérieures, si c'est plus facile d'avancer au niveau scolaire, peut-être que tout simplement on aura moins besoin de travailler pour le faire.

Mme Marchand (Louise): Il faut très certainement envoyer un message de l'importance de la réussite scolaire, en effet.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Merci, M. le Président. M. Garon, Mme Marchand, vous savez, il y a parfois des raisonnements qui peuvent être extrêmement dangereux. Et celui que vous venez de soutenir à l'égard des enfants qui auraient le besoin économique de travailler parce qu'ils proviennent de milieux défavorisés ou parce que leurs parents sont moins fortunés, en justifiant qu'il ne faudrait pas intervenir au plan de la législation pour leur permettre ou leur empêcher, c'est exactement la même argumentation de ceux qui étaient contre le fait que l'État intervienne pour légiférer pour que la scolarisation soit obligatoire jusqu'à 16 ans.

Les familles disaient: On a besoin que nos enfants aillent travailler, puis une septième année, c'est bien assez. Et, à ce moment-là, la société québécoise a dit: Oui, il y a des responsabilités et des droits fondamentaux que les parents ont, plus tard, on a ajusté le droits des enfants, mais on croit quand même nécessaire qu'il est important de légiférer pour dire: Les enfants doivent fréquenter l'école jusqu'à 16 ans, parce que, justement, on ne peut pas totalement se fier sur la bonne volonté des uns et des autres et, oui, parce qu'il y a des pressions économiques qui font en sorte que, dans certains groupes, ces pressions économiques sont tellement fortes qu'il y a une incitation à aller plutôt vers le travail que de rester à l'école.

Alors, dans un champ qui est différent, il reste celui quand même de la nécessité de l'intervention de l'État concernant le travail de mineurs, d'enfants qui, oui, ont un certain nombre de droits conférés par le Code civil à partir de 14 ans, il faut voir s'il n'y a pas une pertinence de légiférer pour qu'au minimum les valeurs qu'on pense que la société devrait véhiculer par rapport à ce domaine-là soient traduites et consignées pour que l'ensemble puisse être protégé. Vous savez que les premières interventions des États en matière de travail ont toujours concerné le travail des enfants, pas seulement pour les protéger contre l'exploitation des employeurs, mais aussi contre les besoins des familles.

Moi, je vais être d'accord avec vous sur un certain nombre de choses. On manque de données, c'est vrai, celles-ci ne sont peut-être pas assez actuelles. Mais on sait que, depuis cinq ans – enfin, ça fait cinq ans, les dernières données – les heures d'ouverture des commerces sont plus longues – on voit ça jusqu'à minuit, maintenant – on sait que le nombre de familles monoparentales a augmenté, on est capable de vérifier un certain nombre d'indicateurs de pauvreté qui peuvent peut-être nous permettre de croire que ça s'est peut-être davantage accentué que régressé.

Et, moi, où j'ai été étonnée... Parce que j'avais suivi avec attention votre pacte avec la CEQ – ça fait juste un an et demi, ça, ça ne fait pas très longtemps – et je trouvais que c'était une belle initiative. Et là vous parlez d'une limite d'âge. Vous dites: Ne pas embaucher à moins de 13 ans. Vous dites: Durée du travail, ne pas faire travailler plus de 15 heures semaine. Je lis aussi l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre – vous en êtes membres toujours, j'imagine – cet avis-là ressemble beaucoup au contenu de votre entente qui s'appelle politique.

(12 heures)

Alors, moi, j'ai beaucoup de misère à suivre votre argumentation par rapport à l'avis du Conseil qui, lui, dit: Non, il faudrait légiférer, oui il faut avoir d'autres données, etc., mais il dit: Oui, mais, malgré tout, il faut légiférer dans le même sens que vous le faites. Treize ans, au fond, c'est l'âge... Au fond, est-ce qu'il y a un mal à ce que la société dise: À l'exception des travaux de camelot ou de gardiennage, les enfants au primaire, ça ne travaille pas? C'est ça, au fond, le message que la société, on va envoyer: Va à l'école. Puis, quand tu es au secondaire, jusqu'à l'âge de 16 ans, ton activité principale doit être ton étude et le travail est, s'il y a travail, en complément. Au fond, c'est l'esprit de l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main d'oeuvre et je pense que c'était l'esprit de votre politique. Alors, j'ai de la misère à vous suivre aujourd'hui.

M. Garon (Jacques): M. le Président, si vous permettez, deux courtes réponses. La première, c'est que ce que nous avons préconisé avec la CEQ, ce n'est pas une législation, mais des mesures incitatives qui vont dans ce sens.

Deuxièmement, il y a 41 lois au Québec qui protègent les enfants en âge de travailler de moins de 18 ans, dont la moitié concerne les employeurs. C'est dans le document de réflexion du ministère du Travail. Alors, est-ce qu'on a besoin d'autres législations pour renforcer ce que 40 lois nous protègent déjà?

Le Président (M. Beaulne): Brièvement.

Mme Simard: Oui, brièvement. Certainement, si vous avez... Je comprends que votre politique était incitative, mais vous avez jugé, à ce moment-là, que toutes les lois spécifiques n'étaient pas suffisantes et vous avez senti le besoin d'intervenir. Et l'avis du Conseil du travail dit que, oui, il faut intervenir par législation, si ce n'était qu'il y a un âge minimum qui est de 13 ans. Ce n'est peut-être pas excessif.

Moi, je suis d'accord que, quand les lois sont trop rigides, elles peuvent avoir des effets pervers. Quand je lis qu'un tas de pays ont signé les conventions internationales puis qu'on sait que ces droits-là sont violés, ce n'est pas ça du tout l'effet recherché. Mais justement, ici, parce qu'on n'a pas de problème gigantesque ou comparable à ceux d'autres pays, il y a quand même un certain nombre de choses qu'on peut consigner. Et on sait que les pressions parfois sont telles que l'incitatif, eh bien, n'arrive pas à atteindre le but recherché.

Alors, pourquoi avez-vous changé d'avis depuis l'avis du Conseil du travail et de la main-d'oeuvre? C'est ça que je veux savoir.

M. Garon (Jacques): M. le Président, on n'a jamais changé d'avis. Vous venez vous-même de dire qu'il n'y a pas tellement de problèmes au Québec dans ce sens. Au Mexique, c'est en dessous de 14 ans qu'il est interdit de travailler, en dessous de 14 ans. Mais regardez ce qui se passe au Mexique. Est-ce que ça a changé quoi que ce soit au travail des enfants? Certainement pas. Mais on n'est pas au Mexique, on est au Québec. Au Québec, il n'y a pas ce problème. Alors, pourquoi légiférer si on a un encadrement légal qui, déjà, nous définit des balises qui, selon la plupart des intervenants, vont être probablement satisfaisantes. Parce qu'on progresse. S'il y avait vraiment un problème aigu, bien, personne, et certainement pas les employeurs, ne s'objecterait à quoi que ce soit.

Ce que nous disons simplement, c'est: Laissons un peu la chance aux choses... Pourquoi encore légiférer? Parce que vous allez devoir adopter tellement d'exceptions pour tous les cas qui vont se présenter qu'on se demande si ça va être vraiment pratique.

Mme Simard: M. Garon, le Conseil consultatif recommande de légiférer. Je vous pose la question: Etiez-vous d'accord? Vous êtes membre...

M. Garon (Jacques): Non, on n'était pas d'accord sur la...

Mme Simard: Vous aviez signifié ça? Est-ce que, dans votre mémoire, c'est écrit?

M. Garon (Jacques): Tout à fait.

Le Président (M. Beaulne): Bon. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, à mon tour, je comprends fort bien le besoin de flexibilité. Je comprends aussi qu'on veut avoir quelque chose qui est plutôt volontaire, mais, au bout de la ligne, dans le document, la politique que vous avez faite avec la Centrale d'enseignement, vous avez identifié les problèmes, les choses qui sont troublantes.

Entre autres, je regarde l'article 6 et on parle du travail de nuit. En bas de 16 ans, effectivement, laisser quelqu'un travailler, on pense, entre autres, dans un dépanneur, de garder la caisse de 23 heures le soir jusqu'à 6 heures le matin, peut-être que ce n'est pas évident. Est-ce que vous avez assez de confiance dans les mesures incitatives pour qu'il n'y ait pas de devoir de mettre ça dans une loi ou est-ce qu'on peut convenir que vraiment c'est trop jeune, à cause du problème de criminalité, et tout ça, d'avoir quelqu'un en bas de 16 ans seul dans un dépanneur la nuit? C'est trop dangereux. Tout comme nous avons déjà fait dans une série de mesures, la CSST était ici, on a déjà un pouvoir réglementaire pour identifier les travaux dangereux. Est-ce que, dans ce sens-là, on peut dire: Pour les enfants en bas de 16 ans, le travail de nuit est trop dangereux et, au-delà des mesures d'inciter le monde, il faut légiférer pour l'interdire? Je pose la question.

Mme Marchand (Louise): Au titre du travail de nuit, on se souviendra que le législateur a adopté des modifications à la loi sur les normes et on a souscrit à ces modifications. On était ici en novembre 1996 et, à cet égard, on a souscrit à la modification proposée par le législateur.

À votre question de dire: Est-ce que nous avons suffisamment confiance? à ce stade-ci, je vous répondrais oui. Nous avons suffisamment confiance. Et je pense qu'il y a des raisons d'ordre pratique, d'abord, en outre du souci qu'ils ont parce qu'ils sont eux-mêmes des parents. Ça, mon collègue l'a souligné à quelques reprises, effectivement la majorité des employeurs, ce sont des parents aussi. Alors, il y a un souci, là, qui est inhérent à leur premier devoir, celui d'être parent.

Par ailleurs, il y a des raisons d'ordre pratique. Il n'est pas très pratique pour un employeur d'avoir un jeune de 14 ans ou de 15 ans pompiste à 23 heures ou à 22 heures, 22 h 30 le soir. D'ailleurs, je pense que, de fait, il faudrait voir, il faudrait faire des enquêtes, mais mon intuition, empiriquement, je vous dirais que la majorité des employeurs ne recourront pas à des jeunes qui ne sont pas capables de prendre la responsabilité d'un travail qui pourrait leur faire encourir des risques et faire encourir des risques à leur employeur également. Alors, quand ce serait juste à ce titre-là...

Mais, par ailleurs, je pense qu'il y a quelque chose de plus fondamental. Il y a un souci. C'est pour ça qu'on dit au législateur, à ce stade-ci... Oui, M. le ministre posait des questions en début: Qu'est-ce que vous faites pour les parents qui n'acquittent pas bien leurs responsabilités? Qu'est-ce que vous faites pour les employeurs qui pourraient exploiter des jeunes? Je pense que, si on documentait cette démarche-là plutôt que de l'évoquer de façon peut-être plus théorique que véritablement réelle, on aurait peut-être des voies qui s'ouvriraient à nous et on saurait davantage de quelle façon on doit les emprunter.

M. Kelley: Oui. Mais c'est juste parce que le travail de nuit, je pense qu'on a quand même vu assez d'incidents avec, pas si jeune que ça, mais quand même des jeunes employés qui étaient pris par les actes de criminalité. Vous avez même, vous autres, suggéré 21 heures 30 au lieu de 23 heures. Alors, c'est encore plus restrictif que le cadre législatif existant.

Je ne sais pas, moi, je peux imaginer facilement le dépanneur, la personne qui s'en occupe la nuit est malade, n'arrive pas. On a un jeune costaud de 15 ans. On va dire: Il est capable. On va faire ça une fois ou une couple de fois. C'est le genre de chose qui arrive dans la vraie vie. C'est juste est-ce que le travail de nuit, pour vous autres, pose un lieu dangereux assez grave où il faut légiférer pour dire que c'est absolument interdit de laisser un jeune de 15 ans travailler la nuit, oui ou non?

M. Garon (Jacques): Oui, tout à fait, mais la législation a été passée là-dessus.

M. Kelley: Non, je sais, mais je veux... Parce que dans votre esprit...

M. Garon (Jacques): Et la réponse du Conseil du patronat a été très claire là-dessus. Il est impensable de faire travailler des jeunes qui vont jusqu'à l'âge scolaire obligatoire de 16 ans pendant la nuit. Point final. La réponse est non.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député? M. le ministre, vous avez une minute pour conclure.

M. Rioux: Oui. J'aimerais dire aux gens du patronat québécois que l'effort qui a été fait avec la CEQ, c'est louable. Puis prenez bien en compte ce que je vous dis. J'étais très content, moi, lorsque ça s'est produit. On a vu, là, qu'il y avait un effort du côté du patronat et des syndicats à faire quelque chose.

Mais, quant à la réussite scolaire, les chiffres que j'ai sont troublants. Aussitôt qu'un jeune passe le cap du 15 heures de travail par semaine, vous voyez chuter ses résultats académiques de façon fantastique. J'ai ici un document qui me dit que 41 % des élèves qui travaillent 20 heures et plus par semaine au secondaire se retrouvent dans le quartile le plus faible quant à la moyenne, n'est-ce pas? Et ceux qui sont dans le quartile le plus fort, c'est ceux qui consacrent 12 %. Vous comprendrez bien que ça ne peut pas laisser un parent d'élève indifférent, ça ne peut pas laisser un commissaire d'école ou un directeur général de commission scolaire indifférent et ça ne peut pas laisser, non plus, le législateur indifférent. C'est pour ça que, lorsque vous adhérez aux 20 heures, j'ai de la difficulté à vous suivre.

Je voudrais aussi qu'on soit prudent lorsqu'on utilise l'argument des familles qui sont dans le besoin. Il y a seulement 4 % des jeunes qui travaillent par nécessité. Ce sont les chiffres que nous avons présentement. Ça s'explique dans un certain sens, parce que, si vous remarquez les prestations fournies aux familles monoparentales, vous avez le revenu de base de 15 000 $, mais, aussitôt qu'il y a un enfant qui arrive dans le décor, c'est 3 749 $; s'il y en a un deuxième, c'est 6 129 $; s'il y en a un troisième, c'est 8 500 $; et 10 900 $, presque 11 000 $, s'il y en a un quatrième.

(12 h 10)

Alors, il faut faire attention quand on plaide la pauvreté qui oblige le jeune à travailler pour venir en aide à sa famille, comme vous le disiez, M. Garon. C'est pour ça que je dis: Bon, bien sûr qu'on n'a peut-être pas les chiffres qui font votre affaire, mais il reste que j'ai hâte d'entendre les pédagogues tout à l'heure, j'ai hâte d'entendre les spécialistes de l'éducation, parce qu'un jeune qui travaille 21 heures ou 20 heures et que ça reçoit la caution du législateur et de l'État, c'est quand même un signal qu'on envoie à la société, qui dit: Pour le jeune qui va à l'école, travailler ou se scolariser, ça a peut-être à peu près la même valeur. Attention! Attention! Je pense qu'on a des objectifs de réussite, on a des objectifs de lutter contre le décrochage. Je pense qu'on est tous convoqués à beaucoup, beaucoup, beaucoup de prudence.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Béchard: Oui. Premièrement, j'aimerais, si possible, avoir les chiffres dont faisait mention le ministre. Mais, moi, je vous dirais une chose, c'est qu'il faut extrêmement, aussi, faire attention pour ne pas réduire la question à uniquement les chiffres. Quand on parle qu'il y a peut-être juste 4 % qui le font par nécessité, je vous dirais que peut-être que c'est vrai, mais quel est le niveau de nécessité qu'on admet? Et, quand on regarde la société de consommation dans laquelle on vit, pour plusieurs jeunes, ce travail-là n'est peut-être pas par nécessité, mais il est peut-être juste un moyen d'être moins exclu, de ne pas se sentir à part des autres, et ça, il ne faut pas l'oublier, cet effet-là. Si les jeunes, on réduit leur capacité de travail, si on les empêche de travailler, on produit de l'exclusion. Parce qu'ils ne peuvent pas avoir les derniers souliers à la mode ou quoi que ce soit parce que leurs parents ne sont pas capables de les acheter, peut-être qu'on crée un autre phénomène aussi d'exclusion. Mais il ne faut pas tomber dans l'extrême, ni d'un côté ni de l'autre, puis je pense que, là-dessus, on s'entend.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Alors, sur ce, M. le ministre, je prends pour acquis que vous allez distribuer à la commission les deux tableaux auxquels vous faisiez allusion. La commission vous remercie, Me Marchand, M. Garon, de vous être présentés ici, ce matin. Et j'ajourne nos travaux, notez bien l'heure, à 16 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons nos consultations particulières sur le travail des jeunes, et j'inviterais les représentants de la CSN, de la Confédération des syndicats nationaux, à s'approcher à la table de la commission.

Alors, la commission vous souhaite la bienvenue. Nous avons à peu près une heure d'échange avec vous et nous vous demanderions de vous présenter avant de faire vos commentaires, pour les fins de la transcription. Et puis, bon, bien, la parole est à vous.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je voudrais, dans un premier temps, vous présenter la personne qui m'accompagne. Il s'agit de Marie Pepin, qui est au Service juridique de la CSN, et c'est, parmi ses dossiers, sa responsabilité que de suivre notamment les conventions internationales sur le travail des enfants. Quant à moi, je suis Claudette Carbonneau, première vice-présidente de la CSN.

Je voudrais, d'entrée de jeu, saluer l'initiative du ministre du Travail du gouvernement du Québec en vue de se donner les moyens de poursuivre la réflexion au-delà de l'adoption de la loi n° 172 qui, elle, régit le travail de nuit des enfants, de poursuivre, donc, une réflexion sur l'incidence que peut avoir sur le développement des enfants le travail et sur le devoir de protection qui nous incombe en général, comme société, à l'égard des jeunes. Je voudrais aussi en profiter pour souligner la qualité de la recherche d'appuis qui accompagne cette réflexion et qui se trouve colligée dans le Document de réflexion sur le travail des enfants .

Je dirais, d'entrée de jeu, que, comme centrale syndicale, nous comptons dans nos rangs un certain nombre de jeunes travailleuses et travailleurs mais peu ou carrément pas d'enfants ni encore d'élèves du niveau secondaire. Cependant, la question du travail des enfants nous préoccupe à plusieurs chefs. Je dirais, d'une part, qu'on n'a pas à faire de long discours sur l'importance de la fréquentation et de la réussite scolaire, autant dans la société d'aujourd'hui que dans la société de demain; il s'agit là d'une question clé.

D'autre part, nous sommes conscients de notre rôle comme acteur social à l'égard du développement de la jeunesse, à l'égard de la protection de l'intégrité physique et psychologique des jeunes et nous nous reconnaissons aussi un certain nombre de responsabilités au plan international où, depuis un certain nombre d'années, et c'est fort heureux, on sent se développer des initiatives et une plus grande sensibilité pour mettre un terme à cette forme d'exploitation tout à fait éhontée qu'est le travail des enfants à travers le monde.

Je voudrais aussi souligner que nous sommes membres du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qu'à ce titre-là nous avons participé au comité ad hoc sur le travail qui a eu à examiner le document de réflexion du ministère et que c'est un peu dans la foulée des travaux et des consensus dégagés au CCTM que nous ramenons un certain nombre de recommandations qui sont inspirées du document de réflexion et que nous souhaiterons, bien sûr, compléter dans notre présentation par d'autres recommandations qui vont dans la même lignée, mais qui nous apparaissent nécessaires si on recherche à long terme une législation qui soit en phase avec les objectifs poursuivis, une législation qui soit pertinente et efficace.

Peut-être, au départ, placer ce que nous entendons par le travail des enfants. Il s'agit, dans l'esprit des recommandations que nous formulons, d'activités lucratives qui excluent, par exemple, le travail de camelot, le gardiennage de personnes, les activités artistiques et aussi le travail non rémunéré dans une petite entreprise familiale. Bref, ce qu'on vise, c'est un emploi entraînant rémunération et qui amène le travailleur ou la travailleuse à participer à des charges sociales.

À l'encontre des recommandations qui découlent du document de consultation, nous souhaitons un âge général d'admission à l'emploi. Pourquoi? Eh bien, je pense que, dans un premier temps, ça relève des engagements internationaux contractés par le Québec et qu'on retrouve consignés notamment au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de même qu'à la Convention relative aux droits de l'enfant. Ces engagements, de notre point de vue, ne peuvent être satisfaits strictement en ne ciblant que certains secteurs dangereux ou encore en adoptant des interdits fondés sur le risque que pourrait faire courir la présence des enfants pour la sécurité d'autrui – et là je réfère à des exemples comme les surveillants-sauveteurs.

L'esprit des conventions internationales, de notre point de vue, vise à assurer aux enfants leur plein développement, et nous croyons que, pour ce faire, ça impose une certaine balise, balise qui, en quelque sorte, viendrait donner leur plein effet à la législation sur la fréquentation scolaire obligatoire et qui viserait aussi à protéger l'intégrité physique et l'intégrité psychologique des jeunes. Nous soumettons qu'introduire dans la législation un âge d'accès à l'emploi, c'est aussi conforme à l'esprit du Code civil et à d'autres législations québécoises; je pense, entre autres, à la Loi de protection de la jeunesse.

Pour ce qui est du Code civil, on retrouve, à l'article 33, la nécessité de prendre des décisions en fonction de l'intérêt des enfants et dans le respect de leurs droits. C'est ainsi que le Code civil – et c'est d'ailleurs une très vieille disposition qui remonte aux législations du Bas-Canada – prévoit qu'effectivement, dès 14 ans, un enfant est considéré comme étant majeur pour tout acte relatif à l'emploi. Alors donc, on voit, bien qu'il ne s'agisse pas, à proprement parler, d'une législation du travail, qu'il y a quand même une balise qui est fondée sur l'âge qu'on retrouve au Code civil. Dans le même esprit, je soulignerais que la Loi de protection de la jeunesse interdit aussi d'inciter un enfant à un travail disproportionné en fonction de ses capacités. Elle permet, dans cette foulée-là, l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse qui, bien sûr, n'intervient que dans des situations exceptionnelles à ce chapitre.

Nous pensons qu'un âge... parce que c'est souvent un argument invoqué à l'encontre d'une législation sur un âge d'accès à l'emploi. Je voudrais, quant à moi, soumettre que légiférer dans cette direction-là, ce n'est pas s'opposer, en quelque sorte, à l'autorité parentale. J'en veux pour exemple le suivant: je pense que personne dans la société québécoise n'oserait prétendre que, parce que nous avons une législation qui régit l'âge obligatoire pour la fréquentation scolaire, il y a là une contradiction ou une négation de l'importance de l'autorité parentale. Je pense qu'au contraire une telle législation serait davantage le reflet de valeurs profondément ancrées et largement partagées dans la société québécoise en faveur du développement de l'enfant.

(16 h 20)

Cette législation-là, bien sûr, on va la vouloir respectueuse des droits de l'enfant, mais aussi respectueuse du fait que l'acquisition progressive de l'autonomie fait partie de la formation. Alors, c'est pourquoi, bien que nous souhaitions un âge d'accès à l'emploi, nous n'irons pas jusqu'au terme de l'âge prévu pour ce qui est de la fréquentation scolaire obligatoire dans la direction d'une interdiction totale du travail. Maintenant, pour ce qui est de cet âge d'accès à l'emploi, nous recommandons que, en bas de 13 ans, ce qui coïncide, au fond, avec la fin du cycle primaire des études, aucun travail ne soit permis, et ce, ni en cours d'année scolaire ni durant les vacances.

L'autre champ de préoccupation que nous avons, c'est de limiter en quelque sorte les heures de travail permises pour les enfants au-delà de 13 ans à l'intérieur d'une semaine. Là-dessus, bien sûr, je pense qu'il faut voir derrière notre réflexion la volonté de soutenir le développement des enfants en appuyant une réforme de l'éducation qui favorise la réussite scolaire. Alors, on a tenté, à ce chapitre-là, de consulter la littérature existante sur le sujet. Nous avons pris connaissance de l'étude de Beauchesne-Dumas réalisée en 1993 où on apprend des choses intéressantes, entre autres que 40 % des enfants du niveau secondaire sont au travail à temps partiel, ce qui n'est pas mince dans une société. On apprend aussi, au chapitre de l'incidence sur les résultats scolaires, que les jeunes qui travaillent entre une heure et 10 heures par semaine, ça a plutôt une incidence positive sur leurs résultats scolaires, alors que, au-delà de 20 heures, les incidences deviennent davantage négatives.

On a pu consulter aussi une enquête qui a été réalisée auprès de jeunes qui eux-mêmes, dans leur perception, évaluent à 15 heures la balise pour ne pas nuire au succès de leurs études. Alors, cette enquête-là nous apprend aussi que 30 % des jeunes disent travailler pour répondre à des besoins. Encore là, disons que l'étude ne va pas très loin. Il s'agit du témoignage des jeunes, il s'agit de leur perception, et la notion même de besoins est une notion extrêmement large qui peut recouvrir une foule de réalités. Et, quoi qu'il en soit, sur cette question-là, je pense qu'on ne peut pas se permettre, dans la société québécoise, de considérer que le travail des enfants est en quelque sorte un palliatif aux nécessaires politiques de soutien du revenu ou d'aide à la famille. On apprend enfin, dans cette enquête réalisée auprès des jeunes, que la première raison qui les amène sur la marché du travail, c'est la recherche d'une certaine autonomie financière.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur une étude qui a été réalisée par le ministère des Affaires sociales en 1992, au moment où il a produit la Politique en matière de périnatalité. Il y a là-dedans, à mon sens, une donnée intéressante dans le sens où on constate cet énorme problème des grossesses en bas âge dans les milieux défavorisés. Et ce qu'on constate, c'est que, à l'intérieur de ces milieux-là, les jeunes filles qui sont au travail sont moins sujettes à des grossesses en bas âge. Le document met très clairement en valeur qu'il s'agit là de jeunes qui, au fond, trouvent dans le travail une valorisation qui leur permet d'échapper à ce problème social des grossesses en bas âge.

Toute cette littérature, bien sûr, elle est intéressante, mais, à notre sens, elle est aussi incomplète. Elle mériterait d'être davantage fouillée et surtout d'être actualisée. Cependant, elle nous incite à une certaine prudence de ne pas être trop restrictifs dans la limitation des heures de travail pour les enfants de 13 ans et plus, dans le sens où on pense que ça pourrait les encourager à recourir au double emploi. Alors, c'est ce qui nous amène, au fond, à ramener le consensus du CCTM et à inciter une législation pour les 13 et 14 ans qui fixe à 15 heures-semaine le nombre maximal d'heures de travail et, pour les jeunes de 15 et 16 ans, à 20 heures. Bien sûr, nous serions en faveur d'une disposition permettant des dérogations, et ce, à deux conditions, d'une part qui est l'autorisation des parents et d'autre part aussi une autorisation de la Commission des normes du travail. Nous appuyons la recommandation du document de réflexion qui vise à ce que la disposition s'applique jusqu'à la fin de la période de fréquentation scolaire.

Comme autre champ de préoccupation, il y a bien sûr l'intégrité physique et psychique. Alors, là-dessus, je voudrais attirer votre attention sur des statistiques de la CSST où on retrouve les données suivantes: entre 1988 et 1991, il y a 7 352 jeunes entre 11 ans et 16 ans qui ont été victimes de lésions professionnelles. La majorité de ces jeunes oeuvre dans le secteur des services et dans le commerce. La même étude relate cinq décès et neuf lésions permanentes. Il y a aussi des données intéressantes dans cette étude sur la formation en santé-sécurité où on peut d'ores et déjà noter des déficiences. L'étude de Beauchesne-Dumas nous rappelle que ce type de formation n'est dispensé aux jeunes qu'à 85 % dans le secteur du commerce et à 65 % dans le secteur des services et de la production. Alors, on pense qu'à ce chapitre-là une étude plus poussée s'impose, et, à la page 10 de notre mémoire, vous trouverez donc les trois recommandations qui suivent.

Rapidement, j'en fais la lecture: que la CSST soit mandatée pour faire une étude sur les accidents de travail et les lésions professionnelles dont sont victimes les jeunes et qu'elle en identifie les causes et cible les secteurs à risque; que la CSST recommande au ministre du Travail de hausser l'âge général d'admission dans les secteurs d'emplois identifiés à risque, voire même de l'interdire dans certains secteurs, si besoin est; que la CSST soit mandatée pour faire une campagne de sensibilisation auprès des employeurs sur la nécessité de donner de la formation aux jeunes.

Pour ce qui est de l'incidence sur la réussite scolaire, bien sûr, on dispose d'un certain nombre de données, mais on les trouve encore trop parcellaires et surtout elles méritent d'être actualisées. Alors, voilà pourquoi vous retrouvez cette recommandation en page 11: nous souhaitons que le ministre du Travail demande aux ministères concernés de réaliser en collaboration avec les intervenants dans le milieu scolaire une étude sur l'impact du travail des jeunes au niveau secondaire. Nous souhaitons aussi une révision de la loi dans une période de deux ans pour, dans la foulée des études qui seraient réalisées, pouvoir valider, au fond, la décision qui aura été prise et s'ajuster aux objectifs que nous poursuivons.

Notre dernière préoccupation concerne effectivement l'importance de faire un travail de sensibilisation, et c'est la recommandation qu'on va retrouver à la page 13: que soit confiée au directeur de la Commission des normes du travail l'obligation de collaborer avec le ministère de l'Éducation afin de sensibiliser les jeunes, les parents, les employeurs aux nouvelles dispositions sur le travail des jeunes dans le cadre de la promotion de l'importance de la réussite scolaire. Alors, c'est clair qu'une législation, c'est une pièce importante, mais ça ne doit pas nous dispenser de la nécessaire sensibilisation à l'égard de l'ensemble de la société.

(16 h 30)

En conclusion, je soulignerais deux autres préoccupations, l'importance que la Commission des normes soit dotée de ressources suffisantes pour opérer un suivi adéquat de ces dispositions législatives et l'importance aussi d'amender la loi des normes de façon à ce que les sanctions pénales qui y sont prévues soient appliquées aussi dans le cas de non-application des dispositions concernant le travail des enfants.

Alors, je m'arrête là.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, et j'invite le ministre à vous poser quelques questions ou à formuler des commentaires. M. le ministre.

M. Rioux: Oui. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la CSN. Je suis très content d'entendre vos commentaires et surtout de nous faire part de vos préoccupations qui sont considérables.

Vous avez évoqué, Mme Carbonneau, tout à l'heure, l'idée que le Québec ne serait pas conforme aux conventions internationales auxquelles on adhère. Je ne pense pas que le Québec ait été jugé très sévèrement par les autres pays ou les autres pays signataires des ententes et que les engagements internationaux auxquels on souscrit sur le travail des enfants, on n'ait été blâmé par quiconque. Jusqu'à ce jour en tout cas il n'y a eu aucun commentaire à ce sujet de la part du Comité des droits de l'homme ou du comité des droits de l'enfant qui ont des responsabilités bien précises de ce côté-là.

Mais ce n'est pas là mon intérêt pour les questions que je veux vous poser. Si on regarde les conventions internationales, avez-vous l'impression qu'il faille absolument mettre un âge d'entrée sur le marché du travail pour respecter ces conventions-là?

Mme Carbonneau (Claudette): Deux choses peut-être là-dessus. Dans notre mémoire, vous trouverez au fond un complément par rapport à notre conformité, à la conformité du Québec par rapport aux conventions internationales. On n'a pas du tout évoqué que quelque reproche ou quelque poursuite ait été engagé à l'encontre du Québec, mais vous retrouvez, en page 2 de notre mémoire, des citations qui proviennent précisément de deux pactes.

D'abord le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, où on retrouve – puisque le Québec a ratifié cette convention en avril 1976 – la nécessité de fixer les limites d'âge au-dessous desquelles l'emploi salarié de la main-d'oeuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi et de fixer un âge minimum ou des âges minimums d'admission à l'emploi. Alors, c'est un extrait. Le deuxième extrait provient de la Convention relative aux droits des enfants, laquelle a aussi été ratifiée par le Québec en 1991. Quand on consulte la littérature internationale, il me semble que partout on fait référence à cet âge minimum.

Et de toute façon on a des habitudes aussi, au Québec, d'intervenir par voie législative, dans le sens de la protection de l'enfant et pour favoriser son plein développement. On le fait pour la fréquentation scolaire, et c'est heureux qu'on le fasse. Il me semble qu'on devrait aussi le faire pour le milieu du travail.

M. Rioux: Mme Carbonneau, j'aimerais que vous m'expliquiez un tout petit peu le système. Vous recommandez un système à deux volets, hein, le système d'autorisation, là, l'autorisation des parents, l'autorisation de la Commission des normes du travail. J'aimerais que vous m'expliquiez ça davantage. C'est quoi, vous voulez dire exactement?

Mme Carbonneau (Claudette): En fait, ce qu'on dit: 13 ans et moins, pas de travail du tout en aucune circonstance; 13 ans, 14 ans, une limite permise de 15 heures; 15 ans, 16 ans, limite permise de 20 heures. Dans certaines circonstances, on pourrait déroger et aller au-delà de cette balise de 15 heures ou 20 heures, auquel cas on procéderait par dérogation. Et là il faudrait remplir deux conditions: d'une part, l'autorisation des parents et, d'autre part, l'autorisation de la Commission des normes.

Pourquoi ouvrir sur une telle dérogation? Je pense que c'est important. La réalité du travail peut être très différente selon le type de travail qu'on est amené à accomplir. Je ne suis pas certaine, par exemple, que travailler dans une bibliothèque relativement peu achalandée ait les mêmes conséquences sur la réussite scolaire que de faire un travail très, très, très intensif plus tard en soirée et avec un grand nombre d'heures.

Alors, c'est en ce sens-là qu'on ne veut pas d'une balise aveugle, bête, qui ne permette aucune considération. Mais on se dit qu'on ne doit pas non plus s'orienter sur l'examen de tous les cas à la pièce. Il y aurait donc une norme générale en fonction de l'âge, tantôt 15 heures, tantôt 20 heures, et une possibilité de dérogation dans des cas exceptionnels.

M. Rioux: Mais, Mme Carbonneau, si on s'embarquait dans un système de dérogation – on se plaint souvent que notre système est bureaucratisé, que c'est lourd – il n'y a pas un risque là-dedans?

Mme Carbonneau (Claudette): Nous croyons très certainement qu'avec une balise générale du 15 heures et du 20 heures la dérogation ne concernerait que quelques cas d'exception. Il me semble que c'est fort différent de s'orienter dans cette direction-là plutôt que de réclamer un examen quasi à la pièce de chacun des cas. Parce que la règle, elle est là, c'est le 15 heures, c'est le 20 heures en fonction de l'âge. Le reste, c'est l'exception.

M. Rioux: Mais vous savez que la dérogation, ça ouvre des portes, et la tendance, bien, c'est de sauter dedans. Ce n'est pas mince.

Mme Pepin (Marie): M. le ministre, si vous me permettez, ce que la proposition vise et ce qu'elle dit, c'est selon les modalités à déterminer, lesquelles peuvent différer selon l'âge. Il nous semblait, bien qu'on ne l'ait peut-être pas précisé de façon aussi stricte, que les modalités, ce serait dans les circonstances exceptionnelles. On pensait que ces modalités-là seraient discutées avant d'être adoptées par ailleurs et qu'elles pourraient aussi être soumises au CCTM ou aux intervenants dans le domaine.

Vraiment, l'esprit de cette proposition-là, c'était dans des circonstances exceptionnelles. Alors, ce n'était pas dans le but qu'à tous les jours il y ait des étudiants qui demandent des dérogations, qui fassent des pressions sur leurs parents: Moi ci, moi ça, puis après s'en aller à la Commission pour dire: Aïe! Je l'ai, l'autorisation de mes parents, là, maintenant. Ce n'est pas ça du tout qui est en cause présentement. Je pense qu'un organisme est capable de fixer, une fois les modalités déterminées, est capable de lui-même les appliquer de façon suffisamment stricte qu'il n'aura pas à répondre à ce genre de demande là à tous les jours aussi.

M. Rioux: Si j'insiste un peu là-dessus, c'est que, pensez-y deux minutes, lorsqu'un jeune travaille 20, 21 heures par semaine et qu'en plus il se présente avec une dérogation pour pouvoir aller jusqu'à 25...

Une voix: C'est beaucoup.

M. Rioux: J'imagine que vous avez soupesé ça dans votre tête d'adulte, que c'est du travail à demi-temps, ça, là, 20 heures, 21 heures par semaine. Si le jeune ou la jeune veut en faire 25 heures, là est-ce qu'on n'est pas en train de le pousser en dehors de l'école? Puis, s'il y voit, lui, son intérêt puis qu'il n'aime pas beaucoup l'école par surcroît, vous ne trouvez pas qu'on cautionne un dérapage très sérieux?

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, moi, je suis très, très sensible à ce que vous amenez. D'ailleurs, je pense que, quand on revient avec d'autres recommandations commandant une réflexion plus poussée et des études plus poussées, c'est que précisément on se rend compte que même en normant il demeure des risques pour la réussite scolaire, pour assurer le plein développement des jeunes.

Je vous dirais que cette perspective de dérogation est en quelque sorte, pour nous, une position de compromis, puisque nous avons valorisé, à l'intérieur du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, l'obtention d'un consensus.

Alors, on se dit: Pour des situations vraiment exceptionnelles... Parce que vous avez raison, l'école, c'est exigeant, ça commande des études en dehors des heures scolaires, et s'ajoutent à cela des heures qui peuvent être très importantes de travail. Alors, je pense qu'il faut regarder ça avec beaucoup d'attention.

Voilà pourquoi on ramène, oui, cette recommandation qui fait partie du consensus, qui ouvre sur une perspective de dérogation, mais dans des situations totalement exceptionnelles.

M. Rioux: Mme Carbonneau, est-ce que votre évaluation de l'ensemble du portrait des jeunes qui travaillent... Autour de 15 heures, ça ne vous dérange pas trop, que le jeune ait 15, 16 ans, là n'est pas votre... Mais, quand t'arrives à 20 heures, avez-vous un problème avec ça, vous?

(16 h 40)

Mme Carbonneau (Claudette): Ça fait de très longues semaines.

M. Rioux: Allons au-delà de la CSN, personnellement.

Mme Carbonneau (Claudette): Ça fait de très longues semaines.

M. Rioux: C'est de la besogne, ça, aller à l'école à temps plein, puis travailler à demi-temps. Ça fait une semaine et demie par semaine.

Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. Et ce qu'on constate au fond, ce que nous a appris la littérature qu'on a pu consulter, si 40 % des jeunes du niveau secondaire sont au travail, la variante entre les jeunes provenant de milieux défavorisés et les autres jeunes dans la société, elle tient souvent au nombre d'heures de travail effectuées par ces jeunes-là. Et de ce côté-là être totalement permissif, c'est aussi se placer en situation de contrevenir à un principe qui nous est cher, qui est celui d'accorder l'égalité des chances, parce qu'on sait à quel point la fréquentation scolaire et la réussite scolaire sont des clés majeures pour l'avenir et de la société québécoise et de ces jeunes citoyens.

M. Rioux: Mais au nom de la réussite, vous l'avez évoqué tout à l'heure, j'ai beaucoup aimé ça quand vous avez dit: Pour nous, la réussite scolaire est une priorité. On s'inscrit dans la démarche du gouvernement, qui vise à valoriser la réussite scolaire, mais en même temps qu'on dit qu'on valorise la réussite scolaire on est d'accord pour que le jeune travaille 21 heures ou 20 heures et, en plus, on ouvre la porte à une dérogation. Il n'y a pas une contradiction là-dedans?

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez. On n'est pas d'accord, comme règle générale, à ce qu'un jeune travaille 21 heures. La limite supérieure d'heures qu'on vise, c'est le 20 heures, donc déjà pas 21 heures. D'autre part, la dérogation ne vise qu'après examen, qu'après adoption d'une réglementation à traiter des cas vraiment exceptionnels. En plus, dans notre position, nous amenons la nécessité de poursuivre la réflexion, et de le faire autrement que de façon intuitive, sur la base d'études sérieuses, parce que, au fond, ce qui nous motive à vous demander de légiférer, c'est précisément notre attachement à la réussite scolaire et à la défense du plein développement des enfants puis de leur intégrité physique puis psychologique.

M. Rioux: Très bien. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire qui amène certains éléments qui, je dirais, sont nouveaux ou dont on n'a pas encore entendu parler. Pour continuer, pendant que je vous écoutais échanger avec le ministre je faisais le calcul pour les plus vieux, les 15-16 ans. Au secondaire, si je me souviens bien, c'est pas loin de 25 heures de cours par semaine. Si on ajoute à ça 20 heures de travail par semaine, on est rendu à 45 heures, si on ajoute à ça au moins une heure par jour pour ne serait-ce que réviser tout ça, on est rendu à 50 heures. Moi, je trouve qu'à 50 heures par semaine j'ose espérer qu'ils vont pouvoir faire une dizaine d'heures le samedi parce qu'ils vont manquer de temps. Ça m'amène à me poser la question...

Il y a une chose qui transcende, je pense, de votre mémoire, c'est de dire: On n'a pas de données précises, on manque de données, on manque d'éléments pour aller plus loin dans la législation, présentement. On parle d'études qui datent de quelques années, et même j'ai vu quelque part que vous parlez, à la page 9, des accidents de travail et des maladies professionnelles. On parle de chiffres de 1988 à 1991 puis ce matin la CSST a déposé des chiffres de 1991 à 1996 qui vont dans une tendance complètement inverse. Je suis toujours curieux de savoir ce qui s'est passé en 1991, mais en tout cas.

Pour revenir sur le nombre d'heures, ce que je veux... C'est que je trouve ça un petit peu paradoxal que d'un côté on dise qu'on n'a pas beaucoup de données pour avancer, on y va un peu à tâtons, qu'on en a besoin de plus, mais que de l'autre vous vous campiez de façon aussi précise dans le nombre d'heures. Et, je dirais, c'est des critères bien établis, 13-14 ans puis... Je me demande comment vous faites pour arriver avec des choses aussi précises alors que vous dites en prémisses qu'on manque d'études, que ce n'est pas précis, que ce n'est pas clair, qu'il faudrait aller plus loin avant de légiférer.

Mme Carbonneau (Claudette): C'est-à-dire qu'on ne dit pas qu'il y a complètement absence d'études; on dit qu'on en a peu, on dit qu'on aurait intérêt à en développer davantage. Néanmoins, on ne peut pas faire abstraction qu'il existe des choses là-dessus. D'autre part, au fond nos recommandations s'appuient sur la lecture qu'on peut faire de la situation actuelle. On est effectivement dans un vide juridique total. Alors, ce n'est pas une incitation aux jeunes à travailler, 25, 26, 21 heures, 22 heures. Ce n'est pas ça. L'absence de législation qui traite de cette question-là permet tous les abus dans la situation actuelle.

Alors, notre position, c'est de tenter de baliser les choses, de le faire avec l'éclairage et la connaissance qu'on peut avoir actuellement, en se disant: Ne dormons pas, comme société québécoise, sur nos lauriers; donnons-nous le moyen d'approfondir davantage la réalité et obligeons-nous à un mécanisme de révision dans une période de deux ans. Alors, c'est essentiellement ça. Il ne faut pas voir au fond dans ces recommandations-là essentiellement une incitation à ce que les jeunes travaillent plus et plus. C'est le reflet du constat qu'il n'y a rien actuellement dans la législation qui contrevienne à ces situations qui peuvent être abusives et qui peuvent surtout entacher considérablement l'avenir des jeunes.

D'autre part, quand vous soulignez sur le nombre d'heures de travail en additionnant, bon, la présence à l'école, nécessairement les travaux scolaires qui en découlent, je vous dirais que là-dessus je suis très, très sensible au fait qu'une semaine de travail de 50 heures et plus, c'est énorme, hein? On trouve ça inacceptable, on a fait des représentations pour voir diminuer la semaine régulière de travail pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au Québec. Je ne vous dirai pas le contraire, 50 heures, c'est beaucoup.

Par ailleurs, les études dont on dispose sur cette question-là tendent à démontrer qu'au fond les premières heures de travail grugent davantage, je dirais, sur le temps de loisirs et sur le fait de regarder la télévision qu'elles n'ont d'effets négatifs sur les résultats scolaires. Et on ne peut pas nier non plus, en fonction des études dont on dispose, que dans certaines circonstances il semble y avoir une corrélation entre un nombre limité d'heures de travail et la réussite scolaire. Alors, à partir de ça, on fonctionne avec ce qu'on connaît, on constate les limites de ce qu'on connaît, on se dit que ça ne doit pas être un frein pour agir maintenant; on doit se donner des balises, quitte à se permettre d'approfondir le débat et s'obliger à une révision dans deux ans.

M. Béchard: Moi, là-dessus, je vous dirais que je suis très craintif du précédent que ça pourrait créer de donner une balise à ce point large, en la révisant après deux ans. Imaginez-vous toutes les représentations qu'on pourrait avoir, tous les phénomènes qui pourraient se créer, là, dire: Bien, coudon, pourquoi vous l'avez fait dans ce temps-là? Oui, c'est urgent, oui, il y a un vide juridique, mais, moi, je me dis: C'est un dossier qui est tellement important qu'avant d'aller là-dedans je pense que c'est fondamental d'avoir toutes les données nécessaires et toutes les données dont on a besoin.

L'autre point sur lequel je voulais me pencher, c'est sur votre recommandation, là, après consentement des parents et de la Commission des normes, sur excéder le nombre d'heures autorisées, la dérogation. S'il y a une chose que vous dites, dans votre communiqué de presse, c'est que le gouvernement doit prévoir l'injection de sommes suffisantes pour financer l'application de ces différentes mesures et que la mise en place... Ce n'est pas tout de faire des mesures, il y en a déjà, je pense qu'il y a déjà 30, 40 lois qui prévoient différentes formes pour encadrer le travail des enfants, puis on se rend compte qu'il y a quand même un vide et que ça marche plus ou moins bien.

Moi, je trouve qu'à vouloir trop l'encadrer, puis ma peur dans votre processus de dérogation, c'est que ça devienne tellement lourd et compliqué, qu'en bout de ligne c'est les jeunes qui sont pénalisés. Parce que les employeurs vont dire: Bien, voyons donc, ça devient trop complexe, ça devient trop compliqué.

Est-ce que, quand vous parlez de l'application, une des choses qui n'est pas à la base de cette application-là, c'est d'abord, comme vous le mentionnez plus loin, la sensibilisation, mais deuxièmement la souplesse, peu importe les mesures réglementaires et législatives qui pourraient être mises en place? Et votre processus de dérogation ça ne se peut pas qu'il vienne un petit peu a contrario avec ce principe-là de base?

(16 h 50)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, je répète que la question de la dérogation, ce n'est quand même pas l'essentiel de nos recommandations, bien au contraire. Et je comprends au fond, dans vos questions, que vous appelez à une certaine souplesse. On a cru y répondre par ce mécanisme-là, mais je vous dirais que l'essentiel des recommandations qu'on formule sont plutôt en direction d'une action législative qui régisse l'âge d'accès à l'emploi et qui balise le nombre d'heures pour des objectifs de réussite scolaire. Et on ne veut pas et on ne croit pas que ce soit souhaitable de se placer en position que le bien soit l'ennemi du meilleur.

M. Béchard: Moi, je vous dirais, en ce qui a trait à vos recommandations de la CSST, je trouve qu'elles sont tout à fait valables. Peut-être une dernière question, parce que mes collègues ont quelques questions, simple curiosité. On a parlé beaucoup ce matin qu'on rencontrait des groupes, mais qu'on rencontrait peu de jeunes comme tels; sachant que vous avez quand même une aile jeunesse à la CSN, est-ce que vos représentants jeunes ont été consultés là-dessus? Est-ce qu'ils ont participé à ce mémoire-là? Et quelles étaient leurs recommandations ou leurs appréhensions face à la mise en place d'une telle législation?

Mme Pepin (Marie): À la vitesse où il a fallu produire un mémoire, je vous dirai qu'il a été difficile de se consulter nous-mêmes et que le comité des jeunes, dans ce contexte-là, on a pris connaissance plus de leur position que d'une consultation physique. On a acheminé le mémoire hier à 17 heures, je crois, avec retard et nous nous en excusons, mais nous aurions aimé avoir plus de temps. Et je crois qu'au CCTM ça a été exprimé à maintes et maintes reprises: Pourquoi allons-nous si vite quand avoir quelques mois de plus nous aiderait tellement? Mais en ce qui regarde le Comité des jeunes de la CSN, je ne vous apprendrai peut-être pas, mais peut-être cherchez-vous à ce que j'en informe les autres personnes, que le Comité des jeunes ne souhaite pas d'âge général d'admission à l'emploi. Ce n'est pas la position du Comité des jeunes. Mais voilà, ce n'est nécessairement partagé par...

Mme Carbonneau (Claudette): Par ailleurs, je dois dire qu'on fait quand même écho à une sensibilité qui est très présente dans la réflexion du Comité des jeunes de la CSN à savoir de constater que l'acquisition de l'autonomie sur une base progressive fait aussi partie de la formation. Alors, voilà pourquoi on se positionne de façon plus nuancée; on pense que pour les très jeunes on doit interdire le travail, mais qu'au delà de ça ça appelle à quelque chose de plus nuancé à titre de balises, parce qu'on peut reconnaître qu'effectivement le travail, même effectué par des jeunes, peut avoir des incidences positives et constitue une occasion de développer progressivement son autonomie.

M. Béchard: Peut-être une dernière question ou une remarque, ou tout ça en même temps. Vous avez soulevé un point que je trouve intéressant sur le fait de la rapidité avec laquelle il a fallu... Tout le monde se demande un peu pourquoi. C'est certain qu'il y a un vide, c'est certain que présentement peut-être certaines situations font en sorte qu'on a besoin de cette législation-là, sauf que je vous dirais, et j'espère que ce n'est pas le cas, que, moi, ce que j'en pense, quand j'ai vu ça arriver à la vitesse avec laquelle on a dû se pencher là-dessus, j'ai l'impression qu'on voulait se donner bonne bouche et qu'on voulait dire qu'on avait fait quelque chose pour réglementer ça, réglementer le travail au niveau des jeunes, du côté gouvernemental. J'espère que ce n'est pas le cas.

Et je vous dirais que ma plus grande crainte face à ça, et je suis certain que vous allez suivre aussi les travaux à ce niveau-là, c'est que d'abord et avant tout, avant de mettre en place une autre pièce réglementaire, une autre pièce législative, il faut qu'elle soit applicable, il faut qu'elle vise à régler les problèmes qu'on veut régler et que ce ne soit pas simplement pour mettre dans un bilan politique ou dans quelque bilan que ce soit, mais que ce soit sur le terrain, applicable, et que ça vise vraiment à cerner et à régler les problèmes qu'on vise.

Et, moi, je vous dirais que, si on se rend compte aujourd'hui qu'on a besoin de ça, je pense que c'est mon collègue d'Argenteuil avant les Fêtes qui a fait en sorte qu'on soit ici aujourd'hui. Et je vous dirais que, oui, le plus vite possible, mais il faut surtout éviter de tourner les coins trop ronds. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Prairie.

Mme Carbonneau (Claudette): Juste, peut-être là, une remarque. Je veux être tout à fait claire sur notre conception de la vitesse d'exécution. Il me semble que c'est une chose de réclamer une, deux, trois semaines de plus pour fouiller davantage la consultation et de s'en remettre à des résultats d'études qui prendront des années avant de se réaliser. Alors, il y a vite et vite là, et on ne reprochera très certainement pas au gouvernement de vouloir légiférer en cette matière-là. Je vous souligne qu'au moment du débat sur la loi n° 172 bien sûr on accueillait favorablement le fait qu'il y ait une première intervention sur le travail de nuit, mais c'est malgré tout une loi qui nous a laissés insatisfaits et qui ne couvrait pas adéquatement l'ensemble du champ que soulève la problématique du travail des enfants.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, Mme la députée de La Prairie, en vous rappelant qu'il vous reste quatre minutes.

Mme Simard: Oui, oui. Semble-t-il que l'empressement était davantage au collègue de l'opposition qui voulait faire ça avant mars, donc c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui. Je salue l'initiative aussi.

Maintenant, moi, je veux revenir sur la question de l'âge d'admissibilité. Moi, ce que j'ai bien compris, ce que vous avez dit, c'est: Bon, pas de travail avant 13 ans. Mais pour vous le travail exclut camelots, gardiens d'enfants, travail dans une entreprise familiale non rémunéré. Alors, essentiellement ça veut dire que ce qu'on exclut avant 13 ans, c'est le travail dans les établissements commerciaux, industriels, enfin, au sens du travail salarié traditionnel. Je vous ai bien compris, hein?

Mme Carbonneau (Claudette): Exact.

Mme Simard: C'est ça. Et c'est l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, Conseil auquel vous appartenez. Qu'est-ce qui amené le Conseil à prendre position? Parce qu'on a pu constater, avec les données qu'on a, que ce n'est pas répandu, le travail industriel commercial en bas de 13 ans. Il y a peut-être des cas qui existent là, mais ce n'est pas un problème largement répandu. Mais qu'est-ce qui a fait, malgré ce fait-là, que vous ayez pensé, au Conseil, qu'il fallait légiférer sur cette question-là? Est-ce que c'est parce que vous voulez que ça soit une valeur de société au fond qui soit consignée dans une législation? Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, il y a très certainement beaucoup de valeurs de société derrière nos préoccupations. Par ailleurs, quand on constate les statistiques émanant de la CSST, c'est quand même, là, un type d'emploi réglementé où il y a des charges sociales. C'est ça qu'on voit consigné là-dedans. Et ce n'est pas rien de constater que sur une période de trois ans on nous parle de 7 300 et quelques.

Mme Simard: Moi, je parle avant 13 ans, avant l'âge de 13 ans.

Mme Carbonneau (Claudette): Ah! Avant l'âge...

Mme Simard: Avant l'âge de 13 ans. Parce que vous demandez qu'avant 13 ans là...

Mme Carbonneau (Claudette): En fait, cette statistique-là, elle n'est pas suffisamment ventilée, mais elle inclut à partir de 11 ans. Donc, il y a très certainement des cas à 11 ans là aussi.

Mme Simard: Je reviens encore, là. Vous dites qu'il y a peut-être eu des excès, il y en a peut-être. Mais là vous dites, de façon formelle: Il n'y a plus de travail dans les établissements commerciaux avant 13 ans. C'est ce que vous recommandez et c'est ce que le Conseil recommande.

Mme Carbonneau (Claudette): C'est de l'ordre des choix de société, et je pense que c'est notre façon de répercuter une position positive dans le débat international qui a cours actuellement sur le travail des enfants. Et, de ce côté-là, on ne peut pas se placer adéquatement, je pense, dans ce débat-là si on n'est pas nous-mêmes une société qui prêche par l'exemple.

Mme Pepin (Marie): Je n'ai pas grand-chose à rajouter sur ce que Mme Carbonneau vient de dire. On était très conscients, on en était tous très conscients à la CCTM, que les enfants en bas de 13 ans ne se retrouvent pas dans le secteur manufacturier, qu'ils se retrouvent peut-être dans du secteur de travail à domicile, lequel on n'est pas capable de contrôler. Dans le domaine agricole, on sait que ça existe aussi. Quand c'est familial, ça va, ou autrement... C'est difficile de contrôler ça.

(17 heures)

Par ailleurs, c'est que nous sommes conscients que nous ne voulons pas de ça. Ça existe malgré tout ici. On va nous dire: De façon exceptionnelle. Soit, mais, quand ça se produit, on n'est pas capable d'intervenir. Et c'est ce qui s'est produit. Je comprends que c'est peut-être l'épiphénomène, l'été dernier, quand on a réalisé qu'avec une enfant de 10 ans on ne pouvait pas intervenir lorsqu'elle vend du chocolat pour un employeur et qu'elle est dans une autre ville et loin de sa famille, et ça, on ne peut rien faire. On nous dit: Oui, il y a la Loi sur la protection de la jeunesse. Bien, le directeur de la protection de la jeunesse a dit: Non. Moi, je ne peux pas intervenir parce que les parents sont d'accord. Ça s'est passé au mois d'août, ça. Enfin, ce type de comportement là, pour nous, l'intérêt de l'enfant doit primer et c'est ce qu'on veut réaffirmer. Un enfant en bas de 13 ans ne devrait pas travailler.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée, malheureusement, votre temps est épuisé. Alors, je cède la parole au député de Papineau.

M. MacMillan: Deux petites questions, Mme Carbonneau. Pour vous, un enfant, c'est quel âge?

Mme Pepin (Marie): Vous posez la question à Mme Carbonneau?

M. MacMillan: Allez-y.

Mme Pepin (Marie): Très souvent, les définitions dans les conventions internationales vont dire qu'un enfant a moins de 18 ans. Alors, on vit un peu avec cette difficulté-là, parce que c'est aussi une question de valeurs et de comportements dans une société auxquels on doit s'adapter. Est-ce que nous allons considérer que c'est en bas de 18 ans? Évidemment, on a fait le choix de considérer que des jeunes étaient en apprentissage avant ça et qu'on ne les considérait pas au même niveau. À 17 ans, ce n'est pas la même chose qu'à 11 ans.

Mme Carbonneau (Claudette): Je pense que notre référent, c'est encore les âges retenus dans la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire. Tu sais, il y en a un, référent, dans la société québécoise. Alors, c'est un peu celui-là qui balise nos interventions.

M. MacMillan: Je me demande comment vous poser la question depuis ce matin, mais je vais aller vous la poser directement. Est-ce qu'on devrait syndicaliser ces enfants-là?

Mme Carbonneau (Claudette): Sûrement pas, si on s'objecte à les faire travailler, les moins de 13 ans.

M. MacMillan: Vous avez dit quoi? Sûrement pas?

Mme Carbonneau (Claudette ): Sûrement pas pour les moins de 13 ans. Notre position est à l'effet que tout travail rémunéré, en bas de 13 ans, devrait être interdit par voie législative.

M. MacMillan: En bas de 13 ans. Un enfant, à 14 ans, à 15 ans, à 16 ans, à 17 ans... C'est ça, depuis tout à l'heure on parle d'enfant qui a le droit de travailler. Un enfant de moins de 13 ans, vous dites qu'il n'a pas le droit de travailler, mais vous parlez d'enfants qui devraient travailler 15 heures ou 20 heures par semaine. Alors, c'est encore des enfants. Est-ce qu'on devrait les syndicaliser?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, il n'y a rien dans la législation québécoise qui interdise l'accès à la syndicalisation en fonction de l'âge. Je pense qu'une telle mesure n'est pas souhaitable. Ceci étant dit, ça n'enlève rien à la portée de devoir réfléchir sur l'incidence qu'a le travail en bas âge, notamment sur la réussite scolaire.

M. MacMillan: Ce matin, on a dit la même chose. Est-ce qu'il ne serait pas important qu'il y ait une concertation parents-syndicats-employeurs, vraiment de prendre... Est-ce que le législateur devrait prendre la place des parents, jusqu'à 16 ans ou 17 ans? C'est ce que j'ai de la misère à accepter. Les parents ont un rôle majeur à jouer avec des enfants.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien sûr.

M. MacMillan: Est-ce qu'on ne pourrait pas aller plus loin dans le projet de loi ou la consultation? C'est correct, on va finir mardi prochain, mais est-ce qu'il ne devrait pas y avoir, encore plus approfondi, plus de recherches, plus d'enquêtes pour vraiment savoir de quoi on a besoin ici, au Québec, et de parler de syndicalisation des jeunes, exemple, McDonald, des affaires comme ça?

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, il y a quand même deux aspects dans votre question. D'une part, vous nous dites que... Je m'excuse.

M. MacMillan: Vous parlez de ma dernière question?

Mme Carbonneau (Claudette): Ah! Sur l'accès à la syndicalisation?

M. MacMillan: Non, non, je veux dire... Ça aussi, ça fait partie...

Une voix: La concertation.

Mme Carbonneau (Claudette): Ah! La concertation.

M. MacMillan: La concertation de tout le monde inclus, même les syndicats.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, quand vous dites que ça contrevient à l'autorité parentale, vous êtes en train de me dire que toute action législative qui touche des jeunes contreviendrait à l'autorité parentale. Je vous souligne qu'il existe une loi, elle n'est contestée par personne, c'est celle qui régit la fréquentation scolaire obligatoire. Ce n'est pas un scandale. Le Code civil contient aussi des dispositions de cet ordre-là. La Loi de protection de la jeunesse vise à baliser un peu la question des abus.

Alors, en ce sens-là, ça ne m'apparaît pas contrevenir à l'autorité parentale, d'aucune façon. Je pense qu'au contraire l'existence d'une telle législation serait le reflet de valeurs sociales largement partagées, et ça laisse tout un champ large d'exercice à l'autorité parentale pour dire: Oui, j'encourage mon enfant à prendre tel type de travail, à y travailler tant d'heures; je vise plutôt à le lui interdire, à l'orienter vers d'autres secteurs. Il me semble que tout ce débat-là reste. Et ce n'est pas une mesure exceptionnelle, dans une société civilisée, que de légiférer sur des sujets qui interpellent des droits aussi fondamentaux.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de Papineau, c'est malheureusement tout le temps que nous avons à notre disposition pour échanger avec les représentantes de la CSN. Mesdames, la commission vous remercie. Je suspends une minute pour demander aux représentants de la FTQ de s'approcher de la table de la commission.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Beaulne): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer nos travaux, parce que je vous rappelle que nous devons terminer à 18 heures tapant.

Alors, j'inviterais les représentants de la FTQ à nous faire leur présentation, en vous rappelant que nous terminons nos échanges à 18 heures et que plus la présentation sera succincte, plus ça donnera l'occasion aux députés d'échanger avec vous. Alors, messieurs, allez-y, en vous identifiant pour les fins de la transcription.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Henri Massé, secrétaire général de la FTQ; à ma gauche, M. Jean-Pierre Néron du Service de recherche; et, à ma droite, Mme France Laurendeau, aussi du Service de recherche de la FTQ.

On voudrait d'abord, M. le Président... Pardon?

M. Rioux: Est-ce que vous avez présenté le jeune homme qui vous accompagne?

M. Massé (Henri): Oui, Jean-Pierre Néron.

Le Président (M. Beaulne): Alors, allez-y, M. Massé.

M. Massé (Henri): On voudrait d'abord vous remercier, M. le Président et MM. et Mmes de la commission, de votre opportunité de nous présenter devant cette commission. On avait déjà appuyé les dispositions du projet de loi n° 172, mais, à l'instar d'autres organisations, nous trouvions que le projet de loi n'allait pas assez loin et on avait demandé qu'on en redébatte en commission parlementaire. Donc, on vous remercie de l'avoir fait de façon aussi rapide.

(17 h 10)

Si on est ici, c'est d'abord parce que nous sommes préoccupés de protéger les jeunes contre l'exploitation et aussi parce que nous avons à coeur la réussite scolaire, parce que nous voulons que la main-d'oeuvre québécoise future soit qualifiée, recherchée par les employeurs. C'est pour ça que nous participons à la présente commission parlementaire.

D'entrée de jeu, je voudrais vous dire, comme centrale syndicale, que nous sommes préoccupés d'emploi, et la FTQ est en faveur du travail des jeunes. Travailler quand on est jeune, c'est une occasion de prendre des responsabilités, de mesurer la valeur de l'argent et de prendre de l'expérience sur le marché du travail. Mais les études doivent demeurer la priorité des jeunes.

Nous croyons qu'il est important de distinguer entre le travail forcé – on parlait de conventions internationales tantôt – et le travail des jeunes. Il y a la Fédération des travailleurs et travailleuses de la Colombie-Britannique – qui est notre pendant, à la FTQ, en Colombie-Britannique – qui avait une définition où on disait: «Child work implies there is still time to attend school, learn important life skills, and socialize with family and friends, while child labour implies a situation where the child is forced to work in circumstances which harm his or her physical, emotional and intellectual development.»

Nous croyons que le travail forcé n'est pas le fait de la majorité des enfants au Québec. Cependant, nous croyons que certains enfants poussés par le chômage, la pauvreté et la misère de leur famille doivent travailler dans des conditions très difficiles nuisibles à leur santé et à leur développement. Ce travail-là est inacceptable. Ce n'est pas aux enfants, je pense, de faire vivre leurs parents, mais l'inverse.

C'est un débat de société, dans le fond, qu'on est en train de discuter ici aujourd'hui. Les enfants sont vulnérables aux valeurs de consommation qui imprègnent notre société et dont nous sommes aussi responsables. Ils sont aussi découragés par les maigres perspectives d'avenir qui semblent s'offrir à eux. Le petit boulot apparaît alors comme un moyen d'être plus autonome et de se procurer immédiatement des vêtements, des disques et toutes sortes de biens.

Nous avons un rôle important à jouer pour renverser ces tendances sociales, que je qualifierais de lourdes, qui minent l'avenir de nos enfants. D'abord, il faut redonner aux jeunes l'espoir que les études mènent à l'emploi en intervenant vigoureusement sur le développement économique et sur la création d'emplois. Ensuite, il faut remettre en cause des valeurs sociales qui conduisent nos enfants à vouloir gagner de l'argent à tout prix en pratiquant nous-mêmes le partage, l'entraide et la solidarité qui font une société plus humaine. Enfin, concrètement, il faut prendre soin de nos enfants et faire en sorte que le travail s'harmonise bien avec les autres aspects de leur vie: la famille, les amis, les loisirs et les études.

Nous, on pense que les lois sont insuffisantes. Il y a deux provinces canadiennes, à l'heure actuelle, soit la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick... En Colombie-Britannique, l'âge minimum a été fixé à 15 ans. Au Nouveau-Brunswick, le travail est interdit aux moins de 14 ans dans certaines industries, garages, stations-service, restaurants où on voit beaucoup de jeunes au Québec, et fixe à 16 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi tout en permettant des dérogations accordées par le ministre du travail.

Il faut rappeler qu'au Québec, jusqu'en 1980, l'âge était, dans la Loi des établissements industriels et commerciaux, fixé à 16 ans. Aux États-Unis, la législation américaine fixe à 14 ans l'âge pour accéder au marché du travail.

Je vais passer très rapidement sur les recommandations. Je pense que c'est des recommandations qui sont semblables à ce que vous a présenté tantôt la CSN. C'est un compromis qui est intervenu entre les différents partenaires au niveau du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre: fixer l'âge à 13 ans; il y a une modulation de 15 à 20 heures selon l'âge de 14 ou 15 ans; la possibilité de dérogation en vertu de l'autorisation de la Commission des normes du travail; l'exclusion du travail effectué par les enfants dans le cadre de programmes d'apprentissage du ministère de l'Éducation; et l'inclusion dans la loi d'une disposition prévoyant explicitement que le gouvernement compte informer et sensibiliser la population aux objectifs de la loi.

Ça, c'est un des éléments que, nous, à la FTQ, nous trouvons fort importants. On peut avoir des normes minimales très précises, mais, dans ce domaine-là, il y a beaucoup, je dirais, de jobines, il y a beaucoup de travail, même, qui se fait au noir. Donc, il y a toujours un système parallèle qui pourra réussir à passer à travers les mailles de la loi des normes minimales de travail. Mais on pense, nous, que, si on informait, si on sensibilisait et si on faisait en sorte que les différents partenaires dans la société, les parents, les commissions scolaires, les syndicats, les employeurs, se sensibilisent au problème, au phénomène que de plus en plus d'enfants travaillent et que ça nuit à la réussite scolaire, il y a quelque chose de valable à faire.

Donc, il faut institutionnaliser, autrement dit, cette concertation-là. Il y a eu des expériences à Saint-Jérôme. On nous rapporte que ces expériences-là fonctionnent assez bien. Moi, j'ai vu une autre expérience sur la Côte-Nord où il y a eu beaucoup, mais beaucoup, beaucoup de décrochage scolaire – le taux de décrochage scolaire était autour de 50 % – et où les employeurs et les syndicats se sont unis ensemble, puis, bon, ils ont dit: Ça ne regarde pas le travail uniquement des enfants de 13 ans à 16 ans, ça va un peu plus loin. Ils se sont dit: On devrait peut-être dorénavant embaucher des jeunes qui ont un diplôme scolaire pour faire en sorte d'encourager les autres à terminer leurs études. Mais c'est un exemple de mobilisation où le monde a pris ça en main en disant: On fait face à des phénomènes qui n'ont plus aucun sens et il faut se donner des moyens pour régler ces problèmes-là.

Nous, on pense qu'il devrait y avoir une espèce de mécanique de concertation assez institutionnalisée pour faire en sorte que les différents partenaires de la société, encore une fois, regardent ça. L'expérience de Saint-Jérôme nous semble être une expérience à regarder très attentivement. Bon, il y en a eu d'autres, ensuite. Il y a eu le Conseil du patronat et la CEQ qui ont essayé de travailler sur un modèle, mais, comme ce n'est pas assez institutionnalisé comme modèle, comme il n'y a pas assez d'appui, je pense, du gouvernement en arrière de cette concertation-là, bon, ça n'a pas donné grand résultats, on le sait.

Donc, nous, on souhaite que l'entente intervenue au CCTMO, Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, se traduise le plus rapidement par une législation sur le travail des enfants. Et, au-delà de la législation, bien il faut mettre des mécanismes de concertation importants, encore une fois, dans la société pour être capables de régler convenablement ou de suivre cette problématique de façon sérieuse.

On va dans le même sens que les intervenants précédents, je pense qu'il faut continuer les études puis le suivi au niveau de la Commission des normes minimales de travail pour être capables de mieux cerner ce problème-là encore dans l'avenir. On pense, nous, qu'à chaque année il devrait y avoir un rapport où on ferait état des plaintes émises en vertu de ces dispositions: le nombre, la nature, la caractéristique des enfants concernés, l'état des permis de dérogation émis par la Commission des normes du travail, l'état des accidents du travail, des maladies professionnelles, de concert avec la CSST, un bilan des recherches et enquêtes sur les réalités mal connues du travail des enfants, un bilan de la campagne d'information et de sensibilisation. On convient qu'il y a encore du travail à faire pour mieux cerner ce phénomène-là.

Bon. On parlait tantôt des camelots, par exemple, qui sont exclus, et c'est un bel exemple, parce que, nous, les camelots, les enfants qui vont faire leur petite ronne d'une heure, d'une heure et quart le matin, on n'a pas de problème avec ça, mais vous remarquerez, sur les rues, un peu partout, que les camelots sont en train de vieillir et que c'est peut-être en train de devenir un véritable emploi. Ça, quand on le regarde comme il faut, ça paraît dérisoire, puis on pourrait dire: Bon, bien, camelot, paf! Bon, on est d'accord avec une dérogation pour le moment, mais on pense que ça vaut la peine d'être étudié. La société évolue et on se rend compte qu'il y a des choses qui changent. Ce n'est pas juste ici, nos voisins du Sud, c'est la même chose. Donc, je pense qu'il faut prendre le temps de donner un bon suivi et de regarder l'ensemble du phénomène.

On a dit: Pas de travail du tout en bas de 13 ans. Encore là, nous, on est conscients qu'il y aura quelques cas d'exception. Je voudrais juste vous donner un exemple. Un enfant qui va faire du cinéma, par exemple, pendant une couple d'heures. Bon, déjà, il y a un protocole d'entente avec les artistes – suite à une question de tantôt, d'ailleurs, ils sont syndiqués – il y a un protocole pour bien encadrer ça, qu'il n'y ait pas de fatigue, que ça ne soit pas nuisible à la santé de l'enfant, puis tout ça. Mais ça, je pense bien qu'on va rencontrer quelques autres phénomènes comme ça.

(17 h 20)

Donc, il faut continuer à travailler là-dessus. Je pense qu'il n'y a personne qui a la vérité complète à ce moment-ci, sauf qu'il y a une chose qui demeure très claire dans notre esprit: le travail des enfants est un phénomène qui est en augmentation au Québec. Bon, on a parlé des âges de 13 à 16 ans. Le phénomène des jeunes qui dépassent 16 ans est en augmentation de façon fort importante aussi au Québec. On est rendus avec des entreprises qui fonctionnent presque uniquement avec le travail des enfants; un phénomène qu'on ne connaissait pas il y a une dizaine d'années et qui nous frappe de plein front. C'étaient nos remarques.

Le Président (M. Beaulne): Ça y est?

M. Massé (Henri): Oui.

Le Président (M. Beaulne): Ah bon! Allez-y, M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, ce n'est pas une boutade, mais je pose la question. J'écoutais le secrétaire général de la FTQ tout à l'heure qui disait que les camelots vieillissaient. C'est peut-être une excellente raison pour ne pas mettre d'âge...

M. Massé (Henri): Bien, nous, on ne pense pas.

M. Rioux: ...ne pas fixer d'âge d'entrée.

M. Massé (Henri): On pense qu'il faut mettre un...

M. Rioux: Je ne voudrais pas être discriminant.

M. Massé (Henri): Hein?

M. Rioux: Je ne voudrais pas qu'on soit discriminants non plus.

M. Massé (Henri): Non. Bien, discriminant, moi, je pense qu'on a une Commission des normes minimales, je pense qu'on a du monde assez intelligent, assez flexible pour regarder toutes ces questions-là avec gros bon sens. Quand on parle de dérogation, ça ne repose pas sur la tête de chaque enfant, ça; les dérogations vont reposer sur le genre de travail, le genre de classification, ce qui se fait exactement. Il y a peut-être des genres de travaux où les heures pourraient être un peu plus longues, puis ça ne serait pas nuisible du tout aux activités des enfants. On pourrait penser, par exemple, de travailler dans une bibliothèque très peu fréquentée, bon, où le jeune se ramasse là trois à quatre heures par soir puis un peu la fin de semaine, mais, en même temps, il a toutes les capacités d'étudier. Il y a ce genre de... Ça s'adresse au travail; ça ne s'adresse pas à l'enfant.

M. Rioux: M. le Président, moi, j'aimerais qu'on revienne un tout petit peu sur cette question de dérogation. On l'a abordée avec la CSN, j'y reviens avec la FTQ. Ça a été expérimenté en Ontario, cette histoire-là, et ça s'est avéré une méchante trappe qu'on a ouverte. Je me demande si on vise véritablement le bien des jeunes quand on demande une dérogation, parce que, dans votre esprit, M. Massé, un jeune qui travaille 21 heures ou 20 heures, quand il demande une dérogation pour faire plus d'heures, il est en temps supplémentaire, j'imagine.

M. Massé (Henri): Je n'ai pas regardé ça dans ce sens-là.

M. Rioux: Vous n'avez pas regardé ça sous cet aspect-là?

M. Massé (Henri): Non, non, non. On n'est pas rendus là. Moi, je voudrais juste vous dire, M. le ministre, qu'à l'heure actuelle il n'y a rien. À l'heure actuelle, on a des jeunes qui travaillent 35, 40 heures par semaine. Il y en a. Bon, on voit dans les statistiques officielles que ça peut tourner entre 5 %, 6 %, 7 %, 8 %, selon les études qu'on regarde. Moi, je pense que c'est un phénomène qui est sous-estimé. Encore une fois, il y en a beaucoup qui sont en train de passer à travers les mailles des normes minimales là-dessus.

C'est pour ça qu'on complète en disant: En plus des normes minimales, en plus de mettre un âge minimal, en plus de mettre une modulation, il faut absolument qu'il y ait un mécanisme de concertation où l'ensemble des partenaires dans la société vont se mobiliser autour de cette question-là. Mais c'est un phénomène qui est grandissant. On peut se fermer les yeux, puis dire: Bon, il n'existe pas, mais il existe.

M. Rioux: Je comprends l'ampleur du phénomène. Je comprends ça. Mais, quand vous ouvrez la porte à une dérogation pour faire encore plus d'heures, qu'un jeune de 15-16 ans puisse faire 25 heures de travail par semaine, où est-ce que vous placez la primauté de la réussite scolaire?

M. Massé (Henri): C'est dans ce sens-là qu'on vous dit: Il y a des cas... Moi, je pense, il y a des cas... Ça fonctionne selon les activités. Il y a certains cas probablement où ça sera possible. On disait même qu'en bas de 13 ans on ne voyait pas de dérogation du tout, mais probablement qu'il y aura des cas à étudier très, très, très attentivement lorsque la commission devra compléter ses travaux. Bon. Il y a des cas assez exceptionnels ou il y a des cas assez rares.

M. Rioux: Mais, au Conseil consultatif, on a dû porter à votre attention les statistiques qui sont venues de la CEQ et des spécialistes de l'éducation, qui disent que passé 20 heures la réussite scolaire tombe, le jeune est en difficulté sur le plan pédagogique.

M. Massé (Henri): Moi, je vous dirais que tous les travaux qu'on a menés au CCTMO, bon, les parties avaient différentes positions. Au niveau syndical, la FTQ plus particulièrement, on aurait souhaité un nombre d'heures inférieur. Maintenant, il faut regarder un peu ce qui s'est passé. Au niveau des employeurs, je veux dire, il y avait une opposition à toute limite du niveau de l'âge, il y avait une opposition à toute limite du nombre d'heures aux normes minimales de travail là-dessus.

Donc, il y a eu des discussions. Il y a eu plusieurs rencontres où il est sorti le compromis qu'on vous présente aujourd'hui. Même le Conseil du patronat était d'accord. Après ça, ils se sont désolidarisés une fois les travaux terminés sur la question de l'âge minimal. Mais, encore une fois, même si ce n'est pas parfait, même si ce n'est pas l'instrument idéal, la proposition idéale, ça présente au moins une espèce de solution. Ça envoie un signal aussi dans la société.

Moi, je pense qu'il est important à ce moment-ci, quand on regarde un peu ce qui se passe autour de nous, qu'on commence à parler ouvertement de commencer à baliser ces questions-là. Il est fort clair que, si on n'avait pas eu ce genre de compromis là, vous seriez probablement face à des positions très, très divergentes du côté patronal, du côté syndical. Moi, en tout cas, je me suis toujours dit que des fois, quand c'est trop controversé, ça permet au gouvernement de ne pas agir. On aimait mieux arriver à un compromis qui n'était peut-être pas idéal, mais qui va nous permettre d'aller de l'avant.

M. Rioux: Ça va.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Massé, Mme Laurendeau, M. Néron, bienvenue. Merci de votre mémoire. Je vous dirais que, quand j'ai entendu parler des heures travaillées en bibliothèque, je me suis dit quasiment que 25 heures par semaine, ce n'est pas assez. S'ils pouvaient passer plus d'heures à travailler dans une bibliothèque, ça serait encore mieux, ça leur permettrait d'étudier, ce n'est pas beaucoup fréquenté.

Moi, juste pour revenir sur la dérogation, vous avez mentionné vous autres mêmes qu'il y a beaucoup, beaucoup – et, moi aussi, je crois que c'est un phénomène qui est sous-estimé – plus d'heures qui se font que ce qui est vraiment déclaré. Ma peur avec le système de dérogation que vous proposez et ce qui est amené, c'est que ça devienne tellement compliqué que, un, ça tanne les boss; que, deux, les jeunes ne veillent pas trop embarquer là-dedans parce qu'ils ne savent pas où ça s'en va, comment ça va finir et s'ils vont perdre leur job ou pas; et que, trois, ça ouvre carrément la porte à dire: Regarde, passé 20 heures, fais-les, on n'en parle plus, et mets ça sur le côté. Vous n'avez pas peur que ça crée ce genre d'approche là ou ce genre d'attitude là?

M. Massé (Henri): Bien, je ne le sais pas. Si on regarde la vie de tous les jours, d'abord au niveau des normes minimales, à l'heure actuelle, c'est 43 heures, si je ne me trompe pas, on est passé de 44 heures à 43 heures, il y en a une série, de dérogations. Et, quand on regarde ce qui s'est passé à travers la commission, habituellement on est fort à l'aise avec le genre de dérogations qu'il y a eu parce que ça a respecté en gros l'esprit de la loi.

Maintenant, il y a des circonstances particulières où du monde travaille cinq jours de 12 heures et, ensuite, ils peuvent être six jours en congé. Il y a toutes sortes de circonstances. On a la même chose dans nos lois, des fois, de santé et sécurité, sur de la mécanique. On est accoutumés à vivre un peu avec ça, là. Le Code canadien, au niveau des heures de travail, permet une série de dérogations. Habituellement, je pense, moi, que ça a été appliqué avec gros bon sens. On a vu la crise du verglas, par exemple, où il y a encore eu quelques passes. Encore là, c'est avec gros bon sens. Moi, ça ne me fait pas peur, ça.

M. Béchard: Toujours dans les possibilités de voir qu'il y ait des gens qui ne soient pas inclus là-dedans ou qui passent à côté d'une nouvelle législation, je pense que, et vous avez parlé de l'évolution du marché du travail, il y a tout le phénomène des travailleurs autonomes. Moi, je vous dirais que plus ça va, plus je crois qu'effectivement, dans le nombre de travailleurs qui peuvent faire en sorte qu'on ait des surprises en ce qui a trait au travail des jeunes et des enfants, moi, je crois qu'il y a de plus en plus de jeunes qui, pour de nombreuses tâches comme, par exemple, souffler des cours ou quoi que ce soit, sont des travailleurs autonomes. Ce sont de vraies petites entreprises, très jeunes, 12 ans, 13 ans, 14 ans. Si on regarde les jeunes qui ouvrent les cours l'hiver, il n'y a pas de lien, là.

(17 h 30)

Mon problème, moi, c'est toujours, quand on amène une loi ou qu'on veut amener une réglementation ou légiférer, que ces phénomènes-là, les travailleurs autonomes... C'est sûr que c'est volontaire, ils le font comme ils le veulent. S'ils le font de cette façon-là, souvent c'est parce qu'ils ne veulent pas être encadrés dans quoi que ce soit. Comment on peut faire pour susciter l'adhésion de ces gens-là ou de faire en sorte qu'ils prennent conscience de l'impact négatif? Tu sais, tu ne pourras pas ouvrir des cours toute ta vie le soir, là, c'est impossible, puis avec l'impact que ça peut avoir. Il y a des campagnes de sensibilisation, mais, selon vous, qu'est-ce qui peut marcher, dans ce sens-là, pour aller chercher cette clientèle-là de travailleurs autonomes, les sensibiliser à cette problématique-là du travail parce qu'ils n'en ont pas, de liens d'emploi comme tels?

Mme Laurendeau (France): De ce côté-là, les travailleurs autonomes, c'est sûr qu'ils ne sont pas couverts par la loi parce que, bon, la loi ne les couvre pas. D'ailleurs, c'est une de nos critiques, en tout cas. On a des travailleurs autonomes qu'on tente de syndiquer. Mais c'est clair que la sensibilisation va se faire par les écoles en particulier. On veut que ce soit un mouvement social et que ça les rejoigne par les endroits où ils se trouvent.

Ce n'est pas certain, par ailleurs, que les travailleurs autonomes font plus d'heures. Il y a cette tendance-là que vous dites, et c'est vrai, les jeunes se prennent en main, développent de l'entrepreneurship, et on pense que ce n'est pas mauvais en soi. Évidemment, on pense aussi que ce n'est pas nécessairement des emplois de l'avenir, d'ouvrir des cours l'hiver. Alors, la prise de conscience, elle va se passer par l'entremise de la campagne de sensibilisation qu'on veut large et où on veut que plusieurs personnes s'impliquent, plusieurs groupes sociaux, les employeurs, les écoles, les parents. Les syndicats aussi, on veut être mis à contribution puis on veut informer les jeunes de leurs droits, on veut informer les jeunes des risques aussi pour leur avenir de travailler trop. On veut aussi les soutenir là-dedans. Alors, moi, je pense qu'on va les rejoindre par les lieux où ils se trouvent.

On veut aussi que les jeunes se mobilisent eux-mêmes et prennent conscience eux-mêmes, dans les regroupements qu'ils contrôlent, de ces réalités-là. On va aller les rencontrer. On veut qu'il y ait une mobilisation et que leurs organismes de concertation régionaux et locaux s'impliquent là-dedans. C'est pour ça qu'on pense qu'il faut que la loi s'applique par d'autres moyens que simplement un petit article dans la loi. Il faut qu'il y ait une prise en charge.

M. Béchard: Donc, c'est beaucoup plus, je dirais, une... Je pense que, dans le document de travail qui a été déposé, on a toute la série des lois qui peuvent s'appliquer dans ces cas-là et on se rend compte que, malgré ça, il y a des trous. Moi, je suis très sensible à la partie de votre mémoire où vous dites «une loi applicable, des choses applicables». Pour que ce soit applicable, je suis d'accord avec vous que ça prend l'adhésion de tout le monde à tous les niveaux. Donc, je pense que, côté législation, il faut viser beaucoup plus une approche de conciliation, je dirais, d'appui volontaire ou d'adhésion volontaire qu'une loi répressive ou des règlements répressifs. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée-là? Est-ce qu'il faut y aller plus en suscitant l'adhésion ou en disant: Bien, regardez, c'est ça, ça et ça, et, si vous ne le faites pas, vous allez avoir tel, tel, tel recours?

M. Massé (Henri): Bien, faut avoir les deux. Faut avoir les deux parce que, même si on disait: On s'oriente juste vers la concertation, puis il faut travailler moins d'heures, puis tout ça, à quelle place on va fixer les balises? Quelles cibles on va se donner? On pense, nous, que la loi des normes minimales...

Encore une fois, ce qu'on vous dit, là, 15 heures puis 20 heures, on aurait souhaité ça un peu autrement, mais on n'est pas tout seuls dans cette société-là et je pense que des fois c'est mieux d'avoir des compromis qui vont être applicables, puis qui peuvent être respectés, puis que le monde puisse travailler dans le même sens après que pas de compromis, puis là une norme, puis il n'y a personne qui travaille autour. Mais, encore une fois, je pense qu'il faut envoyer un signal clair.

Si vous m'aviez parlé de ce débat-là il y a une couple d'années, pour moi, il n'y en avait pas, de problème avec le travail des enfants. J'ai commencé à travailler dans ces dossiers-là puis à être plus préoccupé, puis on m'a démontré bien des situations qui n'avaient aucun sens. Bien, il y a pas mal de monde qui n'est pas toujours conscient de ces problèmes-là dans la société. Je pense que c'est à force de les côtoyer qu'on s'en rend compte. Mais, si on n'est pas capable de se donner à travers la loi des normes minimales quelques mécanismes, quelques orientations, quitte à ce que ce soit un peu plus flexible dans le temps puis qu'on se dise: Si on a mal visé, on change...

Nous autres, c'est pour ça qu'on veut suivre ce phénomène-là de façon constante. On ne veut pas couler ça dans le béton pendant des années. Si vraiment c'est inutile puis si on pense que ça n'a rien donné, on la regardera; ou, si on pense que ça a vraiment été utile puis qu'il faudrait la resserrer un peu davantage, quitte à avoir une certaine souplesse sur d'autres côtés, on la regardera. Mais, à ce moment-ci, encore une fois, si on n'est pas capable de regarder ça dans ce sens-là, moi, je pense qu'on ne voit pas les vrais phénomènes qui sont en train de se dessiner dans notre société. Puis, une fois qu'on va avoir fini, nous, avec les 13-16 ans – puis on a des mécanismes de concertation en place, puis tout ça – ce n'est pas nécessairement par le bout des normes qu'on va le régler.

Mais vous avez beaucoup de jeunes aujourd'hui de 16 ans à 20 ans qui travaillent leurs 40 heures et leurs 50 heures par semaine, puis là, après ça, on leur demande de performer à l'école. Bon, moi, je pense qu'il y a des responsabilités de tout le monde là-dedans: il y a la responsabilité des parents, il y a la responsabilité puis les devoirs de l'État. On peut dire que l'instruction est gratuite au Québec ou presque, et, bon, je pense que les jeunes aussi, pour se créer un avenir qui a de l'allure, ont certaines responsabilités. Là, on fait face à un phénomène qui est de taille. Je ne nommerai pas d'entreprise ici, mais on pourrait en nommer des dizaines qui fonctionnent uniquement avec le travail des jeunes, aujourd'hui.

M. Béchard: On a eu – je pense que c'est ça – le mémoire de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je vais vous lire les trois dernières lignes: «Malheureusement, la commission scolaire a constaté que des entreprises de services comme McDonald's et Sobeys sont moins réceptives à ces arguments. Or, elles engagent une forte proportion de jeunes d'âge scolaire.» C'est probablement dans les exemples que vous...

M. Massé (Henri): Ah, puis on peut en ajouter. Je pourrais vous en mettre une vingtaine sur la liste.

M. Béchard: Ça, ça nous a amenés, ce matin, à des échanges. Selon vous, est-ce que ces grandes entreprises là sont moins sensibles que les PME ou l'entreprise moyenne québécoise? Selon vous, là, est-ce qu'il y a des classes d'entreprises où le travail des enfants est vraiment beaucoup plus problématique? Ces cas-là, c'en est des bons, mais est-ce que, selon vous, il y a des endroits ou il y a des secteurs d'activité où c'est moins problématique?

M. Massé (Henri): C'est difficile de répondre sans catégoriser. Si on parle des enfants de 16 à 17, 18 ans – je ne sais pas où ça arrête, l'âge d'un enfant, j'en ai déjà rencontré de 50 ans, mais... – il y a des entreprises qui vivent uniquement sur le travail des jeunes. Là, encore une fois, on ne veut pas le corriger par le biais des normes, mais on dit: Le mécanisme de concertation qui va servir pour les moins de 16 ans pourrait servir aussi à évaluer ce... un peu comme la commission scolaire de Saint-Jérôme le fait. Là, il y a des entreprises qui définitivement n'ont aucune sensibilité parce que leur rendement puis leurs profits, ils les font avec des jeunes qui sont non syndiqués. Des bénéfices sociaux, bon, il y a le 4 % du salaire minimum qui s'applique puis la CSST, puis, pour le reste, il n'y a rien. Il y a d'autres entreprises – mais on les connaît aussi – qui vont aller plus sur le travail des jeunes. C'est de petite taille, en général. Mais c'est difficile, je pense, de...

M. Béchard: O.K. On parle de cette nécessaire concertation pour que ça fonctionne, mais je vous dirais que ce matin on a eu le Conseil du patronat qui, lui, ne semble pas du tout favorable à l'idée de légiférer. Pour eux, il y en a assez, de lois; il s'agit de les mettre en application. Puis, avant de légiférer, faut avoir des études d'impact, faut savoir vraiment ce que ça va donner comme tel.

J'ai deux questions. La première: Comment pensez-vous qu'on peut s'assurer que le Conseil du patronat et que les entreprises embarquent dans ce processus de concertation là? Et, deux – un peu la même question que j'ai posée à la CSN tantôt: Est-ce que vous considérez qu'on a assez de données présentement pour aller de l'avant avec une législation et des recommandations aussi pointues et aussi claires que celles que vous amenez suite aux recommandations du CCTM?

M. Massé (Henri): Sur la concertation, bon, le Conseil du patronat nous a lâchés sur le consensus sur l'élément du 13 ans. Maintenant, ils travaillent avec la CEQ, durant l'année scolaire, depuis une année. Quand on leur parle, je pense qu'ils admettent qu'on n'est pas allés très, très loin avec ça, là. Ils disent: Il ne faudrait pas aller nécessairement à l'âge minimal de 13 ans, mais je suis convaincu que, dans un système de concertation un peu plus institutionnalisé où tout le monde a un peu d'obligations, puis, bon, on n'aurait pas de problème. Et les autres partenaires patronaux que je connais, je dirais, sont même emballés à cette idée-là de dire: Bon, faut faire quelque chose, là, ça n'a plus d'allure.

J'ai oublié votre deuxième question.

M. Béchard: La deuxième question, c'est... Parce que, eux autres, ce qu'ils demandaient, c'était d'avoir beaucoup d'études d'impact, de savoir exactement quels résultats on allait obtenir ou vers quoi on s'en allait; autrement dit, ne pas créer quelque chose sur lequel on se rendrait compte, dans quelques années, que l'effet voulu est complètement à côté. Avant d'embarquer dans tout processus de réglementation et de législation qui viendrait alourdir le fardeau réglementaire des entreprises, c'est de savoir exactement quels seraient les résultats.

Moi, je vous demandais, par rapport à ça: Est-ce que vous croyez, vous, qu'on a assez d'éléments, présentement, assez d'études, assez de données pour y aller de propositions aussi strictes et aussi claires que celles que vous amenez?

M. Massé (Henri): Ah oui, on est convaincus. On est convaincus. Maintenant, on admet qu'il y a certaines données qui nous échappent. On est convaincus qu'il y a encore un peu de travail à faire là-dessus, par exemple. C'est bien beau de dire que les enfants de moins de 13 ans ne travaillent pas du tout... J'ai donné un exemple, tantôt. Bon, il y a quelques affaires qu'on va être obligés de creuser un peu plus.

(17 h 40)

Au niveau des dérogations, bien, je pense que c'est dans la pratique que ça va se faire. Mais, encore une fois, ça fait longtemps qu'on en parle. C'est même le gouvernement du Québec qui nous a conviés, l'automne passé, sur cette question-là, et vous nous aviez conviés dans des délais très rapides parce qu'il y avait une situation qui préoccupait. Bon, vous avez décidé de faire un premier bout, on était d'accord avec ça, mais on a dit: Ça ne va pas assez loin, faut faire l'autre bout après, continuer d'étudier ce phénomène-là. Nous, on est toujours dans le même esprit de la consultation puis du travail à faire. Mais, encore une fois, on vous le dit, nous autres, on n'a pas de doute qu'il faut absolument mettre des balises dès le départ. S'il y a quelques problèmes par la suite, je pense que, comme on l'a toujours fait dans cette société-là, avec des débats, on est capables de s'ajuster.

M. Béchard: Vous seriez d'accord et même ce serait peut-être une recommandation qu'il y ait, dans cette législation-là, si jamais il y a législation, ce qu'on appelle une clause crépusculaire, c'est-à-dire qu'on la revoie de façon régulière, de façon rapide et qu'on s'ajuste le plus possible. Ça, c'est une autre mention.

M. Massé (Henri): On n'aurait pas de problème avec ça.

M. Béchard: Pas de problème avec ça.

M. Massé (Henri): Non.

M. Béchard: O.K. Merci. Moi, ça va.

Le Président (M. Beaulne): Ça va? Bon. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, M. le Président. M. Massé, Mme Laurendeau, M. Néron, il y a deux éléments que je veux aborder, un qui a à voir avec votre mémoire et le malaise que j'en ressens, puis je vais vous l'expliquer – vous l'avez soulevé tantôt, de toute façon – et la position du CPQ qui, l'automne dernier... Moi aussi, je les écoutais attentivement, et puis ils me semblaient, à l'époque, beaucoup plus enlignés sur leur volonté de circonscrire le problème et d'essayer d'y trouver des solutions.

Votre mémoire, comme celui de la CSN, est très, très près de celui du CCTMO, hein? Bon. Ça découle des consensus qui se sont dégagés, et on peut facilement vivre avec ce type de situation là. Pourtant, le CPQ, lui, il vous a lâchés, hein, puis il ne vous pas juste lâchés sur l'âge d'entrée, là, il vous a lâchés aussi sur les limites d'heures. Il dit: Oui, s'il faut absolument que... bien, on en mettra. Mais le message, c'est qu'il ne faut pas en mettre. Quand on pense que la moyenne d'heures étudiées au secondaire, elle se situe entre trois et cinq heures par semaine à peu près – hein, c'est ça que les études nous disent – moi, je ne trouve pas ça beaucoup. J'ai passé ma vie dans l'enseignement puis je vous jure que trois puis cinq heures par semaine, ça ne fait pas des enfants très, très forts. Puis, par ailleurs, pour des enfants du même âge qui n'étudient pas plus que trois à cinq heures, on est prêt à leur reconnaître qu'ils ont le droit de travailler 15 heures jusqu'à 15 ans, puis vous êtes même prêts à monter à 20 heures de travail pour les 15-16 ans.

Si ce n'était du compromis, là, que vous avez fait au niveau du CCTMO, vous ne trouvez pas que 20 heures, c'est beaucoup quand les jeunes ne consacrent pas plus que quatre à cinq heures par semaine à leurs études, avec tout l'effet d'entraînement que vous avez relevé par la suite, d'ailleurs, parce que, dès qu'on dépasse le 16 ans, qu'on arrive à 17, 18, 19, 20 ans, là c'est 40 heures, 45 heures qu'on travaille par semaine tout en continuant ses études? Vous ne trouvez pas qu'on leur indique quelque part une voie à suivre qui est laxiste au minimum?

M. Massé (Henri): Mais, écoutez, d'abord je vous dirais d'entrée de jeu qu'à la FTQ, lorsque nous faisons des consensus, on les respecte. C'est pour ça qu'on passe pour des partenaires sociaux qui ont une certaine fiabilité. Ce n'est pas parce que le Conseil du patronat a lâché qu'on va, nous autres, laisser tomber les autres. Ce n'est pas un consensus qui s'est fait en deux minutes, ça, là. Il y a eu au moins une dizaine de séances de travail, de discussions, de téléphones qui se sont faits à gauche et à droite – bon, vous savez comment ça marche – et on a convenu de ce compromis-là.

Encore une fois, moi, je vous le dis, ce n'est pas parfait, mais, entre rien puis ça, j'aime mieux ça. Moi, je suis convaincu que, s'il n'y a pas ce genre de consensus comme ça, qui n'est pas parfait, on va se ramasser nulle part. On aime mieux partir avec ça, puis on regardera à travers le temps comment on peut améliorer, comment on peut bonifier ou comment on peut retraiter, si jamais on s'est trompés, mais on ne pense pas qu'on se trompe.

M. Kieffer: Pour le reste?

M. Massé (Henri): Pour le reste?

M. Kieffer: Vos positions à l'intérieur de vos instances entre le temps consacré à l'étude versus le temps consacré au travail, ça vous pose quoi comme problématique?

M. Massé (Henri): Ah! bien, on aimerait autant qu'il n'y ait pas de travail du tout, sauf que ça, je pense que c'est le genre de société idéale. On a un phénomène aujourd'hui où on voit que les jeunes travaillent de plus en plus; on le déplore. C'est un phénomène de société. Bon, les jeunes, moi, je pense, sont un peu plus matérialistes qu'on pouvait l'être avant. C'est quand même nous autres qui les avons élevés, là, ils ne se sont pas élevés tout seuls. C'est un phénomène de société. Il faut s'interpeller là-dessus, tout le monde. C'est pour ça que, quand on parle d'organismes de concertation, puis tout ça, moi, je pense qu'il faut se poser les vraies questions tout le monde en même temps. Bon, là, c'est un peu comme si ça allait tout seul. Il faut s'interpeller là-dessus.

Je pense que, encore une fois, si on veut le faire, il faut poser quelques gestes qui vont nous interpeller dans les prochaines semaines, dans les prochains mois puis dans les prochaines années, autrement ça va rester du domaine du voeu pieux. Alors, on pourrait faire un parallèle avec beaucoup d'autres choses. Moi, je pense, entre autres, par exemple, à l'intégration des personnes handicapées dans nos milieux de travail. Bon, on parle de quota. Le monde ne veut pas de quota, mais, quand il n'y a pas de quota, quand on regarde ce qui se passe sur le terrain, il ne se passe pas grand-chose. On peut multiplier ça à l'infini. On peut regarder, par exemple, l'insertion des femmes dans les métiers non traditionnels. Ce qu'on fait comme gouvernement, ce qu'on fait comme syndicats, ce qu'on fait, un peu tout le monde, là, on s'interpelle, nous autres aussi.

Là, on est face à un phénomène qui est aussi important et qui est en nette croissance, à moins qu'on ne le voie pas, mais qui est en nette croissance, et je pense que, si on veut le stopper, si on veut l'endiguer, faut poser des gestes, autrement on se reparlera encore dans cinq ans puis on sera encore exactement autour du même phénomène, du même problème, mais de façon beaucoup plus importante.

M. Kieffer: Il y a un deuxième volet que je veux aborder avec vous, puis je vais vous présenter un scénario et je vais vous demander si vous pensez que votre mémoire peut, en partie ou en totalité... ou, en tout cas, adresse la question. Il n'y a personne à date qui a relevé dans son mémoire que le travail des jeunes était lié aussi à la surconsommation ou à la consommation excessive de produits.

M. Massé (Henri): On l'a dit, tantôt.

M. Kieffer: Mais on a plutôt insisté sur le fait que les jeunes travaillaient pour subvenir à leurs besoins primaires parce qu'on vivait en situation souvent de monoparentalité, hein, les familles monoparentales. On a associé ça beaucoup au facteur dit de pauvreté qui est effectivement un facteur réel, mais qui n'est pas l'unique facteur. Moi, je pense que le marché à très bien compris que les jeunes étaient une classe de consommateurs dont il pouvait tirer beaucoup, beaucoup d'argent puis qu'il y consacre donc des parties importantes de son budget en publicité. Ce n'est pas un hasard s'ils le font, c'est parce qu'il y a là une clientèle qui est prête à dépenser des sous. O.K.? Ça, c'est le premier élément de mon scénario.

Le deuxième élément de mon scénario, c'est que cette publicité-là s'adresse principalement aux besoins secondaires et tertiaires des jeunes, mais pas aux besoins primaires des jeunes. Cette publicité, en général, éloigne les jeunes de l'éducation, du processus éducatif. Ce n'est pas ça qu'on projette dans les publicités pour les jeunes; on projette, dans les publicités de jeunes, ce qui les intéresse dans la vie: c'est les souliers à 200 $, c'est toutes sortes de produits ou de services qui n'ont rien à voir avec le processus éducatif.

La surconsommation chez les jeunes, évidemment ça nécessite des heures de travail supplémentaires beaucoup plus grandes en termes d'heures que si elle s'adressait uniquement à leurs besoins essentiels de poursuivre leur démarche éducative ou autre. La surconsommation des heures de travail, bien, ça a un impact direct sur la réussite. Moi, j'en suis convaincu, ça a un impact direct sur la réussite. Donc, ça a un impact direct sur l'échec, hein, ça a un impact direct sur le décrochage qui coûte énormément cher à la société québécoise. Donc, tout ce côté...

(17 h 50)

Vous l'avez peut-être mentionné dans votre mémoire, mais je trouve qu'on ne revient pas suffisamment sur cet élément-là, sur ce volet-là aussi de dire que le marché y trouve son profit. Les jeunes sont des consommateurs effrénés de produits qui sont mis là. Est-ce qu'uniquement les mémoires qu'on nous présente, de limiter leur entrée sur le marché du travail, de limiter le nombre d'heures, sont suffisants pour contrer ce phénomène qui est peut-être inévitable, mais qu'on pourrait à tout le moins civiliser? Je voudrais avoir votre perception de cette réalité-là.

M. Massé (Henri): Ah! je pense que vous avez raison, c'est un phénomène de société important, c'est une réalité qui est là. On peut travailler à bien des niveaux, mais...

Mme Laurendeau (France): Bien, je voudrais ajouter que je ne pense pas que c'est par quelques petits articles dans la Loi sur les normes qu'on va renverser ces phénomènes de société là, j'en suis convaincue. Mais on n'est pas là pour régler tous les problèmes de la société. On va essayer de s'attaquer à quelque chose de très pointu, et puis il faudrait qu'on travaille aussi sur nous-mêmes si on veut travailler sur les valeurs de consommation parce que, on le dit dans notre mémoire, c'est nous autres qui leur avons montré ça, aux jeunes, là. Ça ne leur est pas venu comme ça tombé du ciel. Alors, moi, je pense que, si on fait une véritable campagne de sensibilisation, va falloir travailler ces valeurs de consommation et va falloir peut-être s'interroger, nous aussi, comme parents, comme enseignants, puis va falloir travailler là-dessus. Mais on ne renversera pas ces valeurs-là du jour au lendemain.

Moi, je suis une concrète, je ne suis pas une idéaliste puis je pense que la FTQ est très concrète aussi. Alors, on veut ça, faudrait que ce soit concret, qu'on aille travailler avec eux autres sur leur budget, sur leur avenir puis que des entreprises dans des régions fassent comme on l'a fait sur la Côte-Nord puis en Beauce en disant: Pas de secondaire V, on n'embauche pas. Alors, est-ce que votre avenir, c'est le petit boulot? Non. Alors, c'est sur ça qu'il faut travailler, puis en profondeur, mais ça va demander un travail, donc, assez important. Ce n'est pas juste quelques articles dans la loi. C'est pour ça qu'on insiste sur l'aspect pratique. Je pense que c'est faisable, mais ça ne réglera pas tout votre problème.

M. Kieffer: Mais vous voyez la nécessité que ce soit accompagné aussi de campagnes de sensibilisation, là.

Mme Laurendeau (France): Bien, c'est nécessaire, c'est ça qui est dans notre mémoire. C'est dans notre mémoire, puis on vous a mis une annexe. On vous a proposé des affaires, dans l'annexe, concrètes puis on veut y participer, là, on est prêts à y contribuer.

M. Kieffer: Le Conseil du patronat, il «serait-u» prêt, vous pensez?

Mme Laurendeau (France): Là-dessus, oui.

M. Massé (Henri): Oui, oui, je suis convaincu.

M. Kieffer: Oui?

M. Massé (Henri): Oui, oui, oui.

Mme Laurendeau (France): Sûr.

M. Kieffer: Oui? On serait capable d'aller chercher leur accord et leur appui sur ça?

M. Massé (Henri): J'en suis pas mal convaincu. En tout cas, vous le leur demanderez. Je ne veux pas répondre en leur nom, là, mais...

M. Kieffer: Non, mais vous les rencontrez assez...

M. Massé (Henri): ...à date, ils ont accepté de participer à ces efforts-là, ça fait que je ne vois pas pourquoi ils ne le feraient pas.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: C'est beau. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Ça va? Alors, M. le député de Jacques-Cartier, il vous reste trois minutes.

M. Kelley: Je veux juste revenir sur l'ampleur du problème, surtout qu'on propose un plancher à 13 ans. Il y a combien d'enfants de 12 ans dans notre société qui travaillent? Est-ce qu'on en a une idée précise? Sur la page 6 de votre mémoire, on dit: «Nous croyons que certains enfants, poussés par le chômage, la pauvreté et la misère de leur famille, doivent travailler dans des conditions très difficiles, nuisibles à leur santé et à leur développement», etc. Mais est-ce qu'on a une idée de chiffrer ça? Parce que, de l'extérieur, quand je regarde ça, moi, je pense à la région montréalaise où on voit des jeunes en difficulté plus souvent. C'est les sans-abri, c'est les personnes qu'on trouve sur les trottoirs et dans les parcs dans le centre-ville. Mais est-ce qu'on a une idée du nombre d'enfants qui sont touchés? Avant de lancer un grand bateau législatif, c'est quoi, l'ampleur du problème, selon vos réflexions?

M. Massé (Henri): Bien, écoutez, dans les chiffres qu'on a vus, là, inventoriés, les chiffres officiels, dépendant de l'âge, on parle d'un phénomène qui est entre 4 %, 5 %, et 7 %, dépendant des études, mais, nous, on pense que le phénomène est beaucoup plus large. Maintenant, combien de points de pourcentage? Je ne saurais vous répondre. C'est pour ça qu'on demande de continuer à creuser ces questions-là, d'avoir des analyses un peu plus fines, et je pense que jamais, jamais, même avec des analyses plus fines, on ne sera capable de connaître la vraie réalité parce qu'une bonne partie de ces petites... Moi, j'appelle ça des jobines. Une bonne partie de ces jobines-là, je veux dire, on ne les voit nulle part, mais c'est un phénomène qu'on voit partout. On les voit, les jeunes en ville un peu partout.

M. Kelley: Juste une dernière question. Pour les 15-16 ans, on sait fort bien qu'il y a des jeunes qui ne sont malheureusement pas faits pour l'école – je ne peux pas l'exprimer autrement – des personnes qui peuvent travailler, qui peuvent avoir tout l'encadrement possible, qui peuvent avoir les meilleurs enseignants et les meilleurs parents du monde, mais dont l'école n'est pas leur destin. Est-ce qu'on a réfléchi que peut-être ça risque de nuire à ce genre de personnes qui vont commencer dès 15, 16 ans à travailler dans d'autres métiers, dans d'autres directions parce qu'elles savent fort bien déjà que ce n'est pas par l'école qu'elles vont réussir? Alors, je ne sais pas, c'est une catégorie de personnes, mais, quand j'étais à l'école, il y avait des personnes, malgré les efforts, les... Elles ont travaillé fort pour leur réussite scolaire. Est-ce que ça risque de nuire à la possibilité d'ouvrir d'autres portes non scolaires pour ce genre de personnes?

M. Massé (Henri): Moi, je ne penserais pas. D'abord, je dirais que ce n'est pas les jeunes qui ne sont pas faits pour l'école, je dirais que c'est l'école qui n'est pas faite pour les jeunes, dans bien des cas. Il y a la Loi de l'instruction publique, là. L'instruction est obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, si je ne me trompe pas, au Québec, donc on ne peut pas déroger à ça, faut continuer à encourager nos jeunes à aller aux études. Bon, on a commencé, à un moment donné, il y a un programme qui s'appelle aujourd'hui l'Apprentissage en milieu de travail. Ça démarre très, très lentement, mais il y a quelque 400 à 500 places, cette année. Si on était capable de pousser sur un système comme ça, on aurait beaucoup de jeunes, comme vous venez de le souligner, qui ont une intelligence manuelle. Une dextérité manuelle, là, il y a du monde qui pense que ce n'est pas intelligent, ça, mais ça l'est. C'est quoi, la différence entre un médecin puis un chirurgien, tu sais? Souvent, c'est... Bon. C'est la même chose dans les métiers traditionnels.

On a souvent des jeunes qui décrochent, mais, s'ils étaient en apprentissage, à travailler, comme vous le dites, à apprendre un bon métier, puis là s'ils avaient un peu de difficultés en maths, en français ou dans une autre matière, bien, ils aiment leur métier ou elles aiment leur métier, ça leur donne une chance d'aller... Bon, on travaille là-dessus. Encore une fois, ce n'est pas nécessairement facile à mettre sur pied, mais je pense que ça n'a rien à voir avec ce qu'on dit là. En tout cas, on parle encore d'entre 15 heures et 20 heures permises par semaine. Le jeune, ça lui laisse amplement le temps de se familiariser au travail aussi.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: Deux petites questions rapides, M. Massé. L'autorité parentale, on ne peut pas dire que c'est ce qui ressort le plus dans votre mémoire. Moi, j'aimerais que vous nous disiez le rôle que doivent jouer les parents lorsqu'il s'agit de décider du travail d'un jeune, tout en modulant ça selon l'âge. Moi, je comprends que l'État a des devoirs, a des responsabilités, mais la famille aussi a des responsabilités vis-à-vis des jeunes qui s'en vont sur le marché du travail. Est-ce qu'en mettant un âge d'entrée sur le marché du travail on ne risque pas de soulever la colère des parents?

M. Massé (Henri): Bien, je ne pourrais pas vous répondre à ça de façon... Je pense que la société n'est pas monolithique. Il y a certainement des parents qui ne seront pas d'accord avec ça, il y a certainement beaucoup de parents qui seront d'accord avec ça. Maintenant, moi, je ne peux pas vous répondre exactement là-dessus.

M. Rioux: Mais la gestion, la vie d'un enfant, c'est de la responsabilité des parents. Qu'est-ce qu'on va faire avec un enfant jusqu'à 15 ans, 16 ans, 13 ans, 14 ans?

M. Massé (Henri): Oui, mais je pense qu'en même temps les parents ont besoin du support de l'État. Il y a des lois sur l'instruction publique obligatoire jusqu'à 16 ans. Tant qu'à ça, on pourrait dire: On enlève ça, puis les parents décideront oui ou non. Encore une fois, toute cette question-là est un phénomène de société qui, moi, je pense, dépasse parfois la compétence des parents. En tout cas, on se tue à dire ça depuis le début. C'est pour ça qu'à la FTQ on trouve fort important, au-delà des normes minimales, d'accommoder ça ou d'accompagner ça d'une espèce d'encadrement institutionnel de sensibilisation puis que les partenaires se parlent.

Moi, M. le ministre, je vous le dis bien humblement, il y a eu une expérience à Saint-Jérôme, à la commission scolaire de Saint-Jérôme, où les partenaires se parlent, où il y a beaucoup d'entreprises qui ont décidé de ne plus embaucher d'enfants de moins de tel âge, où il y a beaucoup d'entreprises qui ont décidé de ne plus embaucher plus que tant d'heures. Sur la Côte-Nord où on avait un phénomène de décrochage scolaire, ça dépassait le 50 %. Ah, le monde s'est pris en main, là. On faisait face à un phénomène de décrochage scolaire qui dépassait le 50 %. Bon. Mais, quand on regarde ça dans l'ensemble du Québec, même si ces expériences-là sont là depuis quelques années, on voit que ça piétine puis on voit que... Bon, moi, je pense que l'État a le rôle d'accompagner ça et par le biais de normes et par le biais de mécanismes d'appui.

M. Rioux: Vous avez évoqué le cas de la Colombie-Britannique, tout à l'heure. Vous disiez que vous avez eu des communications avec vos collègues syndiqués de la Colombie-Britannique au sujet de l'âge. On parlait de 16 ans, vous avez parlé de 16 ans comme âge d'entrée. Ce n'est pas une question...

M. Massé (Henri): Colombie? Je ne le sais pas. Quinze ans.

(18 heures)

M. Rioux: ...de le rattacher à la santé et sécurité. Quand on parle de 16 ans, «c'est-u» rattaché au danger pour la santé, ou la sécurité, ou la moralité du jeune? «C'est-u» dans cette perspective-là que la Fédération des travailleurs de l'Alberta...

Mme Laurendeau (France): On n'a pas compris ça, mais peut-être qu'on s'est trompés dans notre interprétation. Moi, ce que je comprenais de la loi... Puis il y avait une disposition qu'on a lue au CCTM et qui m'apparaissait assez claire là-dessus. Moi, je ne suis pas une avocate, je ne suis pas une spécialiste des lois, mais, même s'il n'y avait rien ailleurs, ça ne nous empêcherait pas de faire quelque chose.

M. Rioux: Non, non, non, mais, lorsqu'on cite l'exemple d'une autre province canadienne, évidemment ça fait toujours image et ça t'amène à réfléchir. Mais je voulais avoir une précision au sujet de la Colombie-Britannique parce que je suis un petit peu étonné.

M. Massé (Henri): On est partis des normes qui existaient puis on n'a pas...

Mme Laurendeau (France): On a lu ça puis on a compris ça comme ça.

M. Massé (Henri): Il y a l'Europe, d'ailleurs... Je veux bien croire qu'on...

M. Rioux: Le patronat québécois a dû vous informer que, lorsqu'il s'agit de décider si un lieu de travail est propice à l'embauche d'un jeune, c'est l'employeur qui décide, en Colombie-Britannique. Il a dû vous informer de ça, le Conseil du patronat.

M. Massé (Henri): Je n'en ai pas entendu parler.

M. Rioux: Non? Ils vous ont caché ça.

Le Président (M. Beaulne): M. le ministre.

M. Rioux: J'espère que ce n'est pas dû à ça que vous avez eu votre schisme.

M. Massé (Henri): Ils disent tout au ministre, mais, nous autres, ils ne nous disent pas tout.

M. Rioux: Ils ne disent pas tout... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, madame, M. le ministre, c'est malheureusement tout le temps que nous avons à notre disposition. La commission vous remercie, et j'ajourne nos travaux jusqu'à demain, 10 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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