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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 26, 1997 - Vol. 35 N° 45

Audition d'Hydro-Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


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Table des matières

Journal des débats


( Neuf heures quinze minutes)

Le Président (M. Sirros): Je constate que ça fait déjà un bout de temps qu'on a quorum. Alors, si on pouvait peut-être procéder à l'ouverture de nos travaux, ça serait déjà ça de fait. Alors, M. le ministre, peut-être que vous pouvez prendre place, vous êtes le premier à intervenir tantôt.

Alors, j'aimerais donc déclarer la séance ouverte et rappeler à tout le monde le mandat de cette commission, qui est d'entendre les dirigeants de la société Hydro-Québec dans le cadre du mandat de surveillance de cet organisme, qui a été adopté au mois de septembre par cette commission.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine).

Le Président (M. Sirros): Merci. Alors, en ouvrant la séance, je rappelle à tout le monde que, de façon exceptionnelle, le ministre a demandé d'être entendu avant le début de nos travaux. Alors, la parole va aller d'abord au ministre, reviendra par la suite aux membres de la commission pour des remarques préliminaires et d'ouverture; nous passerons par la suite aux dirigeants d'Hydro-Québec en commençant avec le président du conseil et le directeur général de l'entreprise par la suite. En souhaitant qu'on puisse avoir des échanges intéressants certes, mais également courts, dynamiques, pour qu'on puisse au maximum profiter du temps que nous avons à notre disposition, qui est, compte tenu du sujet, quand même assez limité. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.


Déclaration d'ouverture du ministre d'État des Ressources naturelles


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci. Mesdames, messieurs, chers collègues, en février dernier, je siégeais pour la première fois au sein de cette commission comme ministre responsable des Ressources naturelles du Québec. Depuis la tenue de ces travaux, beaucoup de chemin a été parcouru, et il me serait difficile de ne pas être fier du travail accompli. À cet égard, j'aimerais d'ailleurs souligner le dévouement et le travail acharné de l'équipe du ministère des Ressources naturelles, qui est dirigée par mon sous-ministre, M. Michel Clair.

Dès le début des travaux de cette commission, vous vous en souviendrez, j'avais formulé une première exigence: Hydro-Québec devait mettre de l'ordre dans ses pratiques. En effet, il était impératif – et là-dessus, il y avait un consensus de la part des Québécois et des Québécoises et même, je dirais, de la part de tous les membres de cette commission parlementaire – que le taux de rendement d'Hydro-Québec, c'est-à-dire le retour sur l'avoir propre, soit davantage performant pour les actionnaires et plus conforme à la réalité économique.

C'est en fonction de cette nécessité que l'équipe de direction de la société d'État a été modifiée en profondeur, et que nous avons accueilli l'arrivée de M. Ménard comme président du conseil d'administration et de M. Caillé comme président-directeur général. Leur mandat, et c'est l'orientation même de la nouvelle politique énergétique, est de faire d'Hydro-Québec l'une des meilleures sociétés productrices d'électricité au monde, et c'est en fonction de ce mandat que M. Caillé a entrepris non seulement de modifier les structures, mais également de changer les comportements. À ce chapitre, les choses sont d'ailleurs sur la bonne voie, puisqu'on annonce déjà un rendement sur l'avoir propre supérieur à ce qui était anticipé, à savoir: ce qui était anticipé, de 3,9 % et le réel est de 4,3 %.

Vous avez reçu ces derniers jours – ou en tout cas vous devez les recevoir je suppose, parce qu'on a fait distribuer des documents – trois rapports déposés par Hydro-Québec: L'engagement de performance 1996 , L'équilibre énergétique - Rapport au 31 décembre 1996 et L'engagement de performance 1997 . On peut y constater la bonne performance d'Hydro-Québec en dépit du contexte exigeant qui a prévalu en 1996. Le rapport général de suivi fait état de l'atteinte de 12 des 18 cibles déployées dans le cadre de l'engagement de performance 1996.

Au niveau des prix de l'électricité et de la rentabilité de l'entreprise, deux constats s'imposent. L'atteinte d'un bénéfice net de l'ordre de 520 000 000 $, soit 4 000 000 $ de plus que la cible exigée dans le plan d'action visant à accroître la rentabilité et la compétitivité d'Hydro-Québec. Vous vous rappellerez que les deux commandes du gouvernement, c'étaient 198 000 000 $ de compressions et 516 000 000 $ de bénéfices nets; on a atteint 520 000 000 $. Les charges d'exploitation s'établissent à 1 542 000 000 $ en 1996, c'est-à-dire 41 000 000 $ de moins que prévu dans le plan d'action.

En ce qui a trait à la qualité du service et du produit, le bilan est impressionnant: sept clients sur 10 se disent satisfaits de l'ensemble des services d'Hydro-Québec. Nous croyons que cela est lié à l'indice de continuité de services, qui s'est grandement amélioré depuis 1991. En effet, depuis lors, Hydro a connu la meilleure performance parmi les entreprises publiques d'électricité au Canada avec une amélioration de 51 %.

(9 h 20)

Je note finalement avec beaucoup de plaisir que de nouveaux contrats de travail ont été signés avec la majorité des employés syndiqués d'Hydro-Québec. Nous assistons là aussi à une action collective favorisant une réduction de la rémunération globale et permettant une plus grande souplesse dans l'aménagement du temps de travail et une meilleure utilisation de la main-d'oeuvre. À ce que je sache, il n'y a qu'un seul groupe qui n'a pas signé; il y a une entente sur le monétaire, il y a une divergence sur la souplesse dans l'affectation des tâches, et je dois vous dire ce qui me préoccupe le plus dans ce dossier... Et j'invite d'ailleurs les ingénieurs d'Hydro à s'asseoir avec Hydro et à trouver dans les meilleurs délais un règlement, puisque, à mon point de vue, il y va même de la sécurité ou du plus grand nombre d'emplois qu'on peut maintenir en ayant plus de souplesse dans les affectations.

Ce positionnement de notre société d'État, dans un axe de rentabilité accru, fera en sorte qu'elle soit à nouveau considérée comme étant le fer de lance de notre industrie de l'électricité, de notre économie et de notre image de marque sur les marchés étrangers. En collaboration avec ses partenaires dans les domaines de la conception, de l'ingénierie, du turbinage, de la construction de lignes de transport, de gestion des réseaux – en fait avec tous ceux et celles qui ont apporté leur savoir-faire à l'établissement de notre important parc énergétique – Hydro-Québec est en voie donc de diffuser le savoir-faire québécois au sein des marchés jusqu'alors inexplorés. Par ailleurs, il n'est pas question pour l'instant d'accorder une priorité absolue aux grands aménagements hydroélectriques, sans égard à la nature de la demande ou à la certitude de la prévision. En conséquence, les entreprises qui ont fondé leur croissance et leur prospérité sur leur participation à la réalisation de grands travaux devront nécessairement trouver de nouveaux marchés, si elles veulent conserver ou accroître leur expertise.

À ce titre, Hydro-Québec est bien placée pour leur faciliter l'accès aux marchés internationaux. Dernièrement, j'ai eu le plaisir de diriger des missions économiques au Mexique et au Costa Rica et d'ici quelques jours je me rendrai en Turquie et en Chine pour y promouvoir ce que j'appelle notre génie énergétique. Notre expertise et notre savoir-faire ont permis de tisser des liens d'amitié et d'affaires avec nos partenaires d'Amérique latine: 11 ententes ont été signées au Mexique et 35 au Costa Rica. En juin prochain, à Montréal, nous organisons d'ailleurs un colloque international sur l'énergie et en particulier sur l'énergie hydroélectrique. Des représentants de 26 pays membres de l'OLADE devraient être présents. L'objectif consiste à créer des liens afin de développer et de réaliser des projets énergétiques en partenariat. Je suis heureux aujourd'hui de dévoiler le programme préliminaire de cette vaste concertation énergétique, la plus grande à se tenir sur le continent américain. Je profite de l'occasion pour vous inviter, vous, les membres de cette commission, à participer en grand nombre. Ça permettrait sans doute aux membres de cette commission d'être plongés au coeur de l'action dans le secteur de l'énergie.

Hydro-Québec est un outil de développement que nous nous sommes donnés en fonction de nos aspirations comme société. C'est un outil où, on se le rappellera... C'est sans doute une des élections référendaires les plus marquantes qu'on ait eue au Québec en 1962, que le Québec s'est doté de cet outil de développement économique. C'est ce qui explique toute l'émotivité d'ailleurs qui entoure les décisions se rapportant à cette structure, à son comportement, à ses visions. Avec elle, nous avons voulu nous donner un outil économique de premier niveau pour prendre en main notre économie. Ce pacte social tient toujours, et nous n'avons pas l'intention de le briser. Je le dis à l'intention de ceux ou de celles que les décisions de la dernière année auraient pu inquiéter ou pour ceux qui se plaisent à alimenter ces fausses rumeurs. Ces décisions s'inscrivent également dans la continuité de notre consensus social de 1962. La réalité de 1997 nous confronte, elle explique notre volonté de percer de façon significative le marché ... mais cette volonté se situe toujours dans la poursuite de nos objectifs de 1962.

Nous souhaitons toujours que nos tarifs soient parmi les plus bas au monde. Nous voulons conserver nos avantages concurrentiels sans donner notre énergie aux grands consommateurs et surtout nous voulons recueillir les fruits que peut nous procurer l'ouverture des marchés, parce qu'au Québec nous avons justement misé sur l'ouverture et non sur le repli, sur la force de nos compétences, de notre savoir-faire, sur notre capacité à relever les défis de la concurrence. Le 5 mars dernier, le Conseil des ministres a adopté deux décrets pour la mise en vigueur du règlement 659 d'Hydro-Québec et de l'une des dispositions de la Loi sur la Régie de l'énergie également, pour l'autre règlement.

Le règlement 659 définit les conditions et les tarifs du service de transport sur les réseaux d'Hydro-Québec par des utilisateurs autres qu'Hydro-Québec aux fins du commerce de gros de l'électricité. La disposition de l'article 134 de la loi de la Régie de l'énergie, quant à elle, permet à une municipalité d'acheter de l'électricité de tout producteur ou distributeur, même étranger. En d'autres mots, le marché qui est ouvert par la concrétisation de la mise en vigueur de cet article 134, c'est un marché d'une valeur d'environ 155 000 000 $, ou l'équivalent de 2 % du potentiel d'Hydro-Québec, en échange d'un marché nord-américain de 25 000 000 000 $.

Cette décision du Conseil des ministres vient renforcer la volonté d'Hydro-Québec d'obtenir le statut de négociant sur les marchés américains. Une telle démarche exige une réciprocité au niveau de l'accès aux marchés de même qu'une non-discrimination dans la gestion des réseaux. Sept mois après le dépôt du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie, le 26 novembre dernier, je rendais publique la nouvelle politique énergétique intitulée L'énergie au service du Québec . Longtemps réclamée, cette politique, dont je suis particulièrement fier, correspond aux valeurs que nous privilégions et offre des réponses aux multiples défis auxquels nous sommes confrontés à l'aube du XXIe siècle.

Nous avons comme objectifs de mieux utiliser l'énergie et, je l'ai longuement signalé, de percer les marchés étrangers de façon significative, autant en y vendant de notre énergie qu'en y exportant notre savoir-faire et les produits de notre industrie énergétique. Nous souhaitons raffermir le rôle d'Hydro-Québec, ici et à l'étranger; nous souhaitons développer un nouveau partenariat avec les nations autochtones, donner des responsabilités accrues aux régions et développer un appui mieux structuré au domaine stratégique de la recherche et du développement. Et nous souhaitons que cela se fasse dans une perspective de développement durable. Nous voulons que ce développement nous profite maintenant et qu'il soit ouvert sur l'avenir.

Je me permettrai une parenthèse également pour vous dire que nous procéderons très bientôt à un processus de consultation sur la classification des rivières. Je sais que ça a fait jaser certains écolos ou certains groupes et même certains journalistes qui ne se cachent pas pour manifester leur manque de confiance aux gens des régions – même un journaliste est allé jusqu'à se permettre de dire que les gens en région ne connaissaient rien dans la classification des rivières; moi, de par nature, j'ai plutôt tendance à faire confiance au gros bon sens des gens et de cette ressource qu'ils ont et de leur laisser la parole – ils vivront avec leurs déclarations farfelues.

La Régie de l'énergie, maintenant. L'année dernière, je vous avais donc promis la création d'une Régie de l'énergie. C'est chose faite depuis décembre dernier alors que l'Assemblée nationale a voté en faveur de notre proposition à cet égard. Nous avons procédé rapidement, d'autant plus que la nécessité de cet outil faisait largement consensus. Dotée de pouvoirs décisionnels, la Régie assurera la transparence et l'équité dans le fonctionnement du secteur québécois de l'énergie dans la définition des tarifs d'électricité et de gaz naturel. Sa mise en place garantira la prise de décisions éclairées en ce qui a trait au choix d'investissement et à la participation du public aux débats entourant cette prise de décisions. Les interventions de la Régie assureront que toutes les possibilités de mieux utiliser l'énergie soient explorées et que l'efficacité énergétique soit considérée prioritairement. Ces réformes permettront également au Québec de tirer la meilleure part de l'ouverture des marchés, dossier sur lequel nous avons déjà commencé à travailler et avec beaucoup d'enthousiasme.

(9 h 30)

La création de la Régie viendra modifier le rôle des membres de cette commission parlementaire relativement aux tarifs et aux activités d'Hydro-Québec. Dorénavant, nous serons appelés à examiner périodiquement les grandes orientations et les objectifs généraux de la société d'État. Le dépôt de son nouveau plan stratégique en novembre prochain amènera les membres de cette commission à participer à l'examen de ces grands enjeux et au développement futur du secteur énergétique québécois. De son côté, la Régie de l'énergie disposera de connaissances requises pour véritablement contre-expertiser Hydro-Québec sur les dossiers plus opérationnels, en particulier les programmes commerciaux, le plan de ressources, le suivi et performance et bien sûr la question tarifaire. Et je vous dirai que le comité de sélection quant au choix des régisseurs, du président et du vice-président est terminé. J'ai eu le rapport tout dernièrement. Il s'agit maintenant de contacter les gens pour voir s'ils acceptent et je devrais, dès mon retour de mission, annoncer la composition du premier conseil de cette Régie.

En terminant, il convient d'insister sur le fait que nous vivons une période importante de repositionnement de notre industrie de l'énergie en général et de l'industrie de l'électricité en particulier. En peu de temps, nous avons su nous donner les outils qui nous permettront de développer harmonieusement ce secteur moteur de notre collectivité. Nous sommes maintenant tournés vers les marchés extérieurs et ce que nous exporterons, ce ne sera pas seulement le produit de l'énergie, ce seront aussi nos connaissances. Au cours des derniers mois, nous avons beaucoup fait, et j'ai le vif sentiment du devoir accompli. Collectivement, nous pouvons être fiers du chemin parcouru d'autant plus que la trajectoire a été définie à partir des remarques, des suggestions, des volontés politiques, du savoir-faire de nos employés, de nos dirigeants. Voilà qui est rafraîchissant et réjouissant. Nous avons gardé le cap, et aujourd'hui je me porte garant de la suite des choses, de l'atteinte des objectifs que nous nous sommes donnés. Et je terminerai en disant que les commissions parlementaires se succèdent et ne se ressemblent pas, mais il y a autant de franchise aujourd'hui qu'il y en a eu en février 1996. Merci.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le ministre. Ce qu'on avait prévu dans la suite de nos travaux, c'est de passer aux remarques préliminaires des membres, et je pense que c'est le vice-président de la commission, M. le député de Marguerite-D'Youville qui prendra la parole.


Remarques préliminaires


M. François Beaulne

M. Beaulne: M. le président du conseil, M. le président d'Hydro-Québec et les personnes qui vous accompagnent, chers collègues membres de la commission de l'économie et du travail. Le mandat de surveillance d'Hydro-Québec que nous nous sommes donné et dont nous amorçons aujourd'hui la première étape s'insère dans un contexte particulier. Normalement, les mandats de surveillance des commissions parlementaires sont l'occasion pour les députés d'interroger les dirigeants d'organismes sur leur gestion. Cette fois-ci, compte tenu des changements de direction qui se sont produits à Hydro-Québec, compte tenu également des changements législatifs majeurs qui ont eu cours au Québec par la création, entre autres, de la Régie de l'énergie, compte tenu enfin des changements majeurs structurels que vivent les marchés énergétiques nord-américains, nous avons cru préférable dans un premier temps échanger avec la direction d'Hydro-Québec sur quatre volets autour desquels s'articulent sa problématique et sa politique de développement, c'est-à-dire la restructuration des marchés de l'électricité, l'efficacité énergétique, les nouvelles filières d'énergie renouvelable ainsi que la recherche et le développement.

Même si la création de la Régie de l'énergie a soustrait aux parlementaires la responsabilité en matière de fixation des tarifs d'électricité, nous conservons toujours notre droit de regard sur les activités de notre principale société d'État. Les trois jours que nous passerons en compagnie des hauts dirigeants d'Hydro se veulent avant tout un échange franc et cordial où nous chercherons à comprendre et expliciter les grands enjeux de la politique de développement d'Hydro-Québec dans les secteurs que j'ai énumérés. Nous comprenons que pour des raisons de compétitivité il ne soit pas souhaitable d'étaler sur la place publique certaines données confidentielles. Nous nous attendons cependant à des réponses précises aux questions qui seront posées et que nous avons jugées pertinentes. Les discussions préliminaires que le député de Laurier-Dorion et moi-même avons eues en ce sens avec la direction d'Hydro-Québec laissent présager des échanges instructifs et fructueux. Je profite d'ailleurs ici de l'occasion pour saluer la collaboration que nous avons eue de la part du président Caillé et de son équipe.

Que l'on parle d'ouverture des marchés d'énergie ou de recherche et développement, nos interrogations générales à titre de représentants du peuple québécois, c'est-à-dire des actionnaires d'Hydro-Québec, sont de plusieurs ordres. Je n'en mentionnerai que quelques-uns. En matière de restructuration des marchés de l'électricité et de la déréglementation qui en est une des principales caractéristiques, quelles sont les conditions d'accès au marché américain? Y a-t-il un prix domestique à payer pour un accès plus ouvert à ce marché et, le cas échéant, quel serait-il? Hydro-Québec tire-t-elle pleinement partie de la commercialisation de ses investissements en matière de recherche et de développement? L'efficacité énergétique est-elle une panacée à la rationalisation de notre consommation énergétique? Vers quelle filière d'énergie renouvelable devrions-nous orienter nos efforts? Voilà autant de questions de fond que se posent les députés et à travers eux les Québécois et les Québécoises qu'ils représentent.

La nationalisation de l'électricité en 1962 et la création d'Hydro-Québec a été l'un des piliers de la révolution tranquille qui a fait entrer le Québec dans la modernité. Depuis, Hydro-Québec n'a cessé d'être le fleuron, ou le navire amiral de l'économie québécoise, comme plusieurs l'ont surnommée. Au cours des trois jours d'échanges que nous aurons avec vous, M. Caillé, ainsi que votre équipe, nous voulons nous assurer que les grandes orientations d'Hydro-Québec répondent aux objectifs qui ont motivé sa création de manière à ce que son créateur, René Lévesque, ne se retourne pas trop dans sa tombe.


M. Christos Sirros, président

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup, M. le vice-président. Alors, si vous me permettez à mon tour, j'aurais quelques remarques préliminaires pour situer un peu le cadre de ce débat. M. Caillé, M. Ménard, bienvenue, ainsi que les autres qui vous accompagnent.

Au Québec, je pense qu'on peut dire que qui dit énergie, dit Hydro-Québec, parce que dans l'imaginaire des Québécois énergie et électricité sont devenus synonymes, et effectivement, depuis la nationalisation d'Hydro-Québec, l'énergie électrique est devenue un levier important de notre développement tant économique que social. L'électrification rurale, l'établissement d'un prix uniforme dans tout le Québec et surtout l'insistance pour que les Québécois paient leur électricité le moins cher possible, ont bien ancré le volet social de ce levier de développement.

Au plan économique, nul n'a besoin d'insister sur les bienfaits d'avoir choisi l'eau comme source d'énergie prioritaire. Outre l'avantage comparatif que cette source ait pu donner à notre capacité d'attirer les industries à grande consommation énergétique, l'expertise technologique acquise et la réputation internationale pour la gestion des grands projets que nous nous sommes données nous ont effectivement très bien positionnés pour faire des affaires en développement international.

C'est ainsi que le débat public sur l'énergie qui a eu lieu en 1995 a suscité beaucoup d'intérêt. Voilà qu'après 35 ans on revoyait notre politique en cette matière. Dans son rapport rendu public l'an passé et après près d'un an de discussions et de consultations, la Table de consultation sur l'énergie ne retenait pourtant pas l'option de la déréglementation comme la voie à suivre. En fait, cette voie a peu retenu l'attention. Ce rapport de la Table de consultation accepte plutôt ces recommandations dans la perspective de la planification intégrée des ressources, un procédé qui donne un sens réel au développement durable que tout le monde dit vouloir promouvoir.

C'est ainsi qu'à la suite du dépôt du rapport de la Table de consultation et avant le dépôt de la politique gouvernementale cette commission a été saisie d'une proposition d'étudier, par le biais de ce mandat de surveillance, les enjeux inhérents à la restructuration des marchés, communément appelée la déréglementation. Tous les membres de cette commission voulaient ainsi signaler l'importance qu'ils accordent à un dossier qui devrait un jour faire l'objet de discussions au Québec, comme c'est le cas et comme ça a été le cas ailleurs. Les membres ont tous jugé qu'il serait important d'avoir cette discussion compte tenu de l'importance des conséquences sur plusieurs fronts.

Le mandat de cette commission, adopté en septembre, a pris une toute autre importance lorsqu'à la surprise générale – je pense que je peux dire – en décembre, le 31 décembre pour être plus exact, le gouvernement a publié un premier règlement permettant le transit libre d'électricité sur le territoire du Québec. Voilà d'un coup que le «wheeling» en gros devenait possible. C'est justement ce que la commission voulait examiner.

Pour les initiés, ce signal du transit libre, jumelé également au signal contenu dans le mandat donné par la loi 50 à la future régie à l'effet de proposer comment la poursuite de la déréglementation devrait se faire, a donc signifié qu'un changement fondamental d'orientation était en train de s'opérer. Cette restructuration des marchés qui commence aujourd'hui avec un marché ouvert pour ce qui est des ventes à des grossistes pourrait facilement nous amener à un marché québécois ouvert à la concurrence au détail.

Cette commission parlementaire est le seul lieu, et j'ose dire le seul vrai moment, que nous ayons pour commencer, et je pense dire bien commencer un examen sérieux et responsable des enjeux. Ne nous méprenons pas: prendre le chemin qui ultimement peut amener à la déréglementation au détail est aussi important comme choix que celui que nous avons exercé en prenant le chemin qui nous a amenés à la nationalisation.

(9 h 40)

Les conséquences sont nombreuses et elles ne se limitent pas seulement au strict plan commercial de l'entreprise qu'est Hydro-Québec. Elles touchent les consommateurs, les tarifs, la planification intégrée des ressources, l'efficacité énergétique, l'équité sociale, l'environnement et quoi d'autre.

Il ne s'agit pas d'être alarmiste, mais il s'agit d'être réaliste. On peut imaginer effectivement plusieurs scénarios. La concurrence pourrait se limiter au marché de gros ou elle pourrait aller jusqu'au détail. On pourrait avoir une bourse d'électricité gérée comme une bourse financière où producteurs et distributeurs transigeraient à des prix fixés à toutes les 30 minutes comme ça se fait en Alberta. On pourrait imaginer la continuité ou la fin de l'équité tarifaire régionale des baisses ou des hausses des prix pour les consommateurs résidentiels du Québec, l'utilisation accrue de nouvelles filières renouvelables comme l'éolienne ou le solaire ou l'utilisation accrue du thermique comme le gaz naturel ou même le charbon. On peut imaginer des fusions d'entreprises comme on peut imaginer le démantèlement d'Hydro-Québec ou sa scission.

Le nouveau contexte devant nous présente autant de possibilités, de risques, de dangers mais de défis également. Et à titre de députés, nous avons la responsabilité de songer sérieusement à toutes ces implications avant que nous soyons rendus trop loin et qu'il soit trop tard. Nous avons donc l'importante responsabilité de discuter, de réfléchir, d'analyser et de présenter nos recommandations en fonction des meilleurs intérêts de la collectivité.

Au cours des heures qui vont suivre, nous allons donc aborder avec les dirigeants d'Hydro-Québec un ensemble de questions et de sujets qui méritent la plus grande attention et qui concernent plus précisément la question de la restructuration des marchés d'électricité, les autres thèmes sur l'efficacité énergétique de recherche-développement, etc., qui seront abordés d'ici deux semaines.

Permettez-moi donc rapidement de vous donner le schéma que nous entendons suivre dans nos questions. Dans un premier temps, nous chercherons à nous donner un point commun de départ, à comprendre ensemble le contexte actuel. Quel est le bilan énergétique d'aujourd'hui? À quoi ressemblera-t-il dans un proche avenir? Comment se fait-il qu'on nous parle d'un risque de manquer d'énergie, alors que récemment on nous annonçait des grands surplus? Après avoir vendu les mérites d'une énergie renouvelable, allons-nous augmenter nos achats d'électricité de source thermique, voire peut-être même investir dans les centrales thermiques aux États-Unis? Toutes ces questions méritent des réponses afin de se situer dans le présent contexte.

Mais, au-delà du passé et du présent, nous allons devoir étudier sérieusement les possibilités qui se présentent devant nous pour les années à venir. On le sait tous, on nous l'a dit assez clairement, ce n'est pas pour diminuer nos coûts, mais pour faire des profits sur le marché d'exportation. Mais avant de révolutionner notre structure énergétique interne, il va falloir être sûr que les occasions d'exportation dont on parle existent vraiment et que les gains promis seront suffisants pour justifier de tels changements.

Au cours donc des prochaines heures, nous allons chercher à connaître la nature du marché américain. Ceci va nécessairement nous amener à poser des questions sur les prix et sur les conditions d'accès à ce marché. Quelle est la réciprocité attendue et où nous amène-t-elle? Les enjeux sont de taille. Personnellement – et je crois parler au nom de tous les membres de la commission – je ne suis pas prêt à conclure sur ces enjeux. On veut tous comprendre l'ensemble des conséquences de la création d'une véritable marché concurrentiel au Québec. Faudrait-il privatiser les centrales d'Hydro-Québec, s'ouvrir plus à la production privée? Comment allons-nous s'assurer que l'énergie produite par nos meilleures centrales les moins chères ne soit pas réservée au marché américain et que les Québécois ne soient pas pris, eux, à consommer l'électricité produite par les centrales plus coûteuses? Voilà des questions qui circulent déjà dans l'opinion publique. Qu'arrive-t-il de la planification intégrée des ressources? Est-elle compatible avec la restructuration? Je me rappelle très bien d'une mise en garde sans équivoque de Richard Drouin, votre prédécesseur, ici même au salon rouge, qui disait: Planification intégrée des ressources et déréglementation sont des concepts qui s'excluent mutuellement – disait-il. Avait-il raison?

Si nous tenons aujourd'hui cette première audience sur cette question, c'est que nous n'avons pas toutes les réponses. Peut-être faut-il restructurer le marché québécois, peut-être que les bénéfices dépasseront largement les coûts. Mais le contraire est également possible. Et c'est pourquoi je crois que les élus doivent discuter et réfléchir à ces questions avant que le point de non-retour soit atteint et que nous attendons avec intérêt les explications qui nous permettront de mieux comprendre pourquoi il semble y avoir une grande hâte de faire vite sur une question qui a reçu très peu d'attention publique jusqu'ici.

Alors, avec ces quelques mots, à moins qu'il y ait d'autres collègues qui veulent intervenir, MM. Ménard et Caillé, la parole va être à vous, et je pense bien que c'est M. Ménard qui va ouvrir le bal avec une présentation d'une dizaine de minutes, on me dit, sur les perspectives générales que vous voyez devant nous.


Présentation d'Hydro-Québec sur les perspectives d'avenir

M. Ménard (Louis-Jacques): Merci, M. le Président. M. le Président de la commission, Mmes et MM. les députés, au nom de mes collègues je voudrais au départ exprimer l'esprit dans lequel nous souhaitons aborder les travaux qui s'amorcent aujourd'hui et qui se poursuivront les 9 et 10 avril prochain.

À toutes les périodes de son histoire récente, le Québec a été confronté à des décisions stratégiques importantes pour le développement de son secteur énergétique. C'est dans cette perspective que nous devons considérer les progrès, les ajustements ou les adaptations qu'Hydro-Québec et toute l'industrie de l'énergie québécoise ont vécus en 1996. Chaque fois, nous avons pu tirer le meilleur parti de nos ressources naturelles lorsque les agents de développement, élus, gestionnaires ou experts ont su partager leur vision et tracer ensemble les meilleures orientations, s'entendre sur les conditions les plus propices à l'essor du Québec et de son économie.

Comme vous l'avez souhaité dans vos remarques, M. le Président, c'est donc dans un objectif d'échanges ouverts et fructueux que nous nous présentons devant cette commission. Au fil des travaux, nous aurons à débattre de nombreuses questions très importantes que vous avez évoquées dans vos propos. Nous partagerons avec vous les éléments de réponse dont nous disposons et nous tenterons ensemble d'esquisser les réponses qui nous manquent. Notre objectif est d'approfondir les réflexions en cours sur la définition des orientations du prochain plan stratégique d'Hydro-Québec, qui doit être déposé en novembre prochain. D'ailleurs, si les propositions à l'étude sont acceptées, le dépôt de ce plan ne serait que l'amorce d'un processus d'échanges et de révisions continuel qui nous amènerait à nous pencher périodiquement, avec cette commission, sur les enjeux du secteur énergétique québécois et sur les orientations à donner à son développement futur. De plus, nous soumettrons dorénavant à la Régie de l'énergie nos propositions tarifaires, nos programmes commerciaux et notre plan de ressources.

Pour en revenir aux travaux qui nous attendent aujourd'hui et dans deux semaines, j'aimerais prendre quelques minutes pour situer la donne à partir de laquelle nous pouvons envisager l'avenir à court et moyen terme d'Hydro-Québec. Commençons par un élément qui préoccupait tous les membres de cette commission, l'an dernier: la nécessité pour Hydro-Québec de redresser sa gestion et d'améliorer ses performances financières pour tenir compte des attentes de son actionnaire. Le ministre d'État des Ressources naturelles affichait à cet égard une grande détermination qu'Hydro-Québec a fait sienne.

Comme vous pouvez le constater à la lecture du rapport annuel 1996, le redressement est bien engagé. Notre bénéfice net a augmenté de 33,3 %, et tous nos ratios financiers ont connu une progression significative. Ces résultats ont été atteints sans réduire la qualité du service, sans compromettre l'entretien du réseau et sans détériorer le climat des relations de travail. Je veux vous assurer qu'Hydro-Québec maintiendra ce cap en 1997. Comme vous pourrez le voir à la lecture de l'engagement de performance 1997, nous prévoyons pour cette année un bénéfice net de 715 000 000 $ et, pour la première fois depuis 1989, nous devrions verser à notre actionnaire, le gouvernement du Québec, un dividende de plus de 300 000 000 $. Nous apporterons ainsi une contribution de plus en plus sensible à l'effort d'assainissement des finances publiques, comme y faisait référence le ministre des Finances dans son discours du budget, hier soir.

Un redressement était nécessaire et il a été amorcé par l'équipe qui nous a précédés à la direction d'Hydro-Québec. J'aimerais donc profiter de l'occasion pour souligner les efforts de M. Yvon Martineau, mon prédécesseur à la présidence du conseil. Je voudrais aussi mentionner la contribution de M. Benoit Michel, le président-directeur général de l'époque, qui avait entrepris une vaste revue des façons de faire d'Hydro-Québec. Les résultats de cette revue ont donné lieu à un diagnostic sur lequel s'appuient les principales modifications qui ont cours dans l'entreprise présentement. Nos employés sont au coeur du changement et du succès que nous connaissons. Leur contribution se doit d'être soulignée.

Le redressement de notre gestion doit maintenant déboucher sur une croissance de nos revenus, sur l'expansion de nos ventes au Québec et hors Québec ainsi que sur l'amélioration du rendement de nos filiales. Cela nous amène au coeur même des travaux que nous allons entreprendre. Quels sont les enjeux de l'heure? Comment Hydro-Québec les envisage-t-elle? Quelles conditions faut-il réunir? Quelles orientations faut-il retenir pour créer une prospérité qui serait profitable à la fois à Hydro-Québec et au Québec?

(9 h 50)

La politique énergétique publiée à l'automne établit le parcours à suivre, et la Régie de l'énergie en précisera prochainement certaines balises. Où en sommes-nous aujourd'hui et comment Hydro-Québec peut-elle jouer pleinement les différents rôles qu'on attend d'elle?

Abordons d'abord la question de l'ouverture des marchés. Le marché d'énergie s'ouvre comme d'autres le furent avant lui, tels ceux du transport aérien, routier, de la téléphonie, des télécommunications, des services financiers, pour n'en nommer que quelques-uns. Dans le domaine de l'énergie comme dans les autres, le Québec ne peut pas se permettre de rester à l'écart. Nous devons en tirer le meilleur parti possible, d'autant plus qu'Hydro-Québec dispose d'avantages concurrentiels majeurs pour réussir sur le marché continental de l'énergie. En décembre 1995, la firme Moody's Investors Services a confirmé nettement ces avantages en comparant la position concurrentielle de 29 entreprises d'électricité du Nord-Est américain, dont deux canadiennes, Hydro-Québec et New-Brunswick Power. Moody's a conclu qu'Hydro-Québec est la mieux placée de toutes pour profiter de l'ouverture des marchés dans le Nord-Est des États-Unis. La partie n'est pas gagnée pour autant. Le rythme s'accélère; nous devons bouger très rapidement, nous devons nous ajuster à une évolution frénétique des conditions du marché.

Le gouvernement du Québec a déjà adopté les décrets afin de mettre en place les conditions requises pour une ouverture des marchés de gros. À cet égard, je rappelle que nous sommes convaincus que la déréglementation de la production d'électricité nous donne la flexibilité requise pour nous affirmer pleinement sur le nouveau marché énergétique continental. Ces changements importants qui surviennent après plusieurs décennies de stabilité en inquiètent certains; alors, parlons-en franchement. Dans notre esprit, l'ouverture extraordinaire aux possibilités de croissance offertes par la continentalisation du commerce de l'énergie ne remet pas en cause les grands acquis socioéconomiques qu'a procuré au Québec le développement de son potentiel hydroélectrique, notamment l'uniformité des tarifs partout sur le territoire par catégories d'usagers, le niveau relativement peu élevé des tarifs résidentiels et une performance environnementale nettement meilleure que celle des provinces et des États voisins.

L'ouverture actuelle, rappelons-le, ne touche que le marché de gros, c'est-à-dire le marché des revendeurs. Pour ce qui est du marché de détail, la Régie de l'énergie aura à se prononcer sur la question et le gouvernement sera appelé à trancher ultérieurement. Mais j'ajouterai encore ceci, l'ouverture des marchés signifie aussi pour nous l'obligation d'accorder à nos clients plus d'importance que jamais auparavant. Voilà plusieurs années qu'Hydro-Québec cultive la préoccupation de sa clientèle. L'entreprise devra maintenant accentuer cet effort comme jamais auparavant, et ce, aussi bien sur le front de la qualité du service que celui des tarifs. En matière d'efficacité énergétique, Hydro-Québec a depuis longtemps fait siennes les priorités de la politique énergétique. Hydro-Québec a été un pionnier de l'efficacité énergétique, et nous entendons y poursuivre nos investissements lorsqu'il s'agit d'une alternative rentable. Cela dit, l'expertise qu'Hydro-Québec a développée en matière d'efficacité énergétique constitue aussi un actif exportable que nous avons commencé à mettre en valeur dans certains pays comme la Chine où la demande énergétique augmente à un rythme fulgurant.

En matière de recherche et développement, Hydro-Québec est toujours consciente du rôle prépondérant qu'elle doit jouer. Nous entendons poursuivre nos investissements en ce domaine en favorisant de plus en plus le développement de partenariats. Pour nous, la R & D constitue un moyen privilégié pour demeurer une entreprise de pointe et compétitive. La commercialisation des technologies ou des produits technologiques que nous développons doit elle aussi contribuer à la croissance de nos revenus. En outre, c'est en intégrant notre expertise et nos découvertes technologiques que nous pourrons nous positionner dans la nouvelle économie, celle de la valeur ajoutée, du savoir et de l'innovation. Nous connaissons des progrès très intéressants dans le domaine des accumulateurs, avec le projet ACEP financé en grande partie par les Américains et où nous sommes associés avec une firme japonaise. De même, la multinationale Mitsubishi se portait récemment acquéreur d'une partie de la propriété de Teqsim, une filiale de Nouveler qui commercialise un simulateur de réseau à la fine pointe technologique.

Le nouveau marché continental de l'énergie ouvre des perspectives fascinantes et stimulantes. Hydro-Québec a tout ce qu'il faut pour y réussir. Cependant, en abordant le dernier thème de nos discussions, les filières d'énergie renouvelable, j'ai une certaine inquiétude. Le Québec dispose d'une richesse incomparable qui lui est enviée partout dans le monde, sa richesse hydroélectrique. Grâce à cette ressource propre et renouvelable, le Québec profite de tarifs d'électricité parmi les plus bas au monde et d'une qualité de l'air unique en Amérique du Nord. Vue sous un angle plus terre à terre, la ressource hydroélectrique est à la base de la majeure partie de l'actif de 53 000 000 000 $ d'Hydro-Québec. Cet acquis, qui a été amassé par des générations de Québécoises et de Québécois, nous nous devons d'en défendre la réputation. Au moment où nous nous préparons à tirer profit de l'ouverture des marchés, nous devons nous attendre à être la cible d'oppositions visant à nous fermer les frontières ou à en rendre le passage plus difficile. L'hydroélectricité du Québec est une ressource propre, renouvelable et exploitée dans le respect de l'environnement. Les plus grands experts internationaux l'ont maintes fois reconnu; nous aussi devons le clamer haut et fort.

Je ne voudrais pas être mal compris. Hydro-Québec garde un oeil ouvert sur toutes les nouvelles filières d'énergie renouvelable. Nous n'entendons pas être dépassés par la technologie. Cependant, notre première responsabilité est de préserver l'actif de notre actionnaire, et il se compose, en matière de production et d'équipement, à 93 % d'hydroélectricité.

En terminant, à titre de président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, j'aimerais vous dire quelques mots sur la manière dont les membres de notre conseil s'acquittent de leur rôle. En tant que représentants de l'actionnaire, nous devons nous assurer que l'entreprise est bien gérée, et ce, en conformité avec sa loi constituante, avec ses règlements et avec la politique énergétique du Québec. Nous nous sommes dotés à cette fin d'un système de régie d'entreprise qui nous permet d'examiner tout domaine relevant de notre compétence et de nous assurer que les actionnaires rendent compte adéquatement de leur gestion. Ce système de régie d'entreprise est mis à jour régulièrement, et nous comptons faire rapport l'an prochain sur son évolution. Au cours des prochains mois, le conseil d'administration consacrera, vous le savez, une bonne partie de ses efforts à la préparation du plan stratégique en collaboration avec l'équipe de gestion. Nous voulons élaborer un plan qui établisse nos orientations des cinq prochaines années et qui définisse clairement le contexte et les opportunités d'affaires au Québec et sur les marchés étrangers.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, au terme de nos échanges, j'aimerais que nous repartions tous avec en tête de nouveaux horizons à explorer et une ouverture à de nouvelles façons de faire pour qu'Hydro-Québec atteigne sur la scène énergétique mondiale la situation à laquelle elle est en droit de prétendre et à laquelle elle prétend déjà.

Je vous remercie et je cède la parole à mon collègue André Caillé, qui abordera avec vous plus à fond le thème de la restructuration des marchés après quoi, nous serons heureux de répondre à vos questions.


Présentation d'Hydro-Québec sur la restructuration des marchés d'électricité

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup.

M. Caillé (André): Merci, M. le Président. Mmes, MM. membres de la commission, je suis très heureux et très fier de me présenter devant vous avec un nouveau Hydroquébécois qui est arrivé à Hydro-Québec à la tête du conseil d'administration en même temps que moi – ou à 10 jours d'intervalle – et je peux vous dire de lui que c'est une personne qui s'implique très rapidement et qui apprend très rapidement le contenu des dossiers dans le domaine de l'énergie. Je voudrais signaler également la présence dans cette salle de collègues, M. Vandal et Mme Nadeau, de même que la présence de collègues également d'Hydro-Québec, représentants des syndicats.

Une importante restructuration du marché électrique est présentement en cours en Amérique du Nord. On assiste – et je voudrais, M. le Président, référer les membres de cette commission à la page 2 d'un document qui vous est présentement ou qui vous a été distribué – à des changements d'une importance et d'une rapidité sans précédent. Ces changements, ils font apparaître deux des géants dans le cadre de transactions, de mégatransactions comme on les a qualifiées aux États-Unis. Deux de ces géants, le numéro un et le numéro deux, tel qu'il est indiqué à la page 2 du document, c'est-à-dire Enron et Duke Power, ont fait des acquisitions importantes; on parle de Portland General et de Panenergy. C'est des entreprises qui ont des revenus de près de 20 000 000 000 $, quand on les totalise les deux, et des avoirs de 21 000 000 000 $.

Le Président (M. Sirros): Avant que vous n'alliez plus loin, je pense qu'il y a un document qui est en train d'être déposé, à quoi réfère le...

M. Caillé (André): Alors, j'avais ma...

Le Président (M. Sirros): ...président. Je viens de le recevoir.

M. Caillé (André): Je vais reprendre.

Le Président (M. Sirros): Alors, s'il vous plaît, distribuez, parce que les...

M. Caillé (André): Excusez.

Le Président (M. Sirros): Ça serait peut-être plus facile de suivre vos propos.

M. Caillé (André): Avec le document, oui. Alors...

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Caillé (André): ...je peux attendre le temps que...

(10 heures)

Le Président (M. Sirros): Oui, donnez-nous deux minutes...

M. Caillé (André): ...les préposés distribuent le document.

Le Président (M. Sirros): ...pour compléter la distribution. Et, si je comprends bien, juste pour le déroulement de nos travaux, vous allez suivre un peu le schéma qui est inclus dans ce tableau?

M. Caillé (André): Oui, je vais référer assez souvent à ces tableaux et, quand, j'y référerai, j'y référerai à partir de la pagination qu'on y trouve.

Le Président (M. Sirros): Parfait. Alors, je pense qu'on peut poursuivre.

M. Caillé (André): Très bien. Alors, je disais donc qu'on assiste présentement à des changements d'une importance et d'une rapidité sans précédent sur la scène énergétique en Amérique du Nord, des changements qui font apparaître des géants dans le cadre de ce qui est appelé aux États-Unis des mégatransactions. Deux de ces géants – et là on est à la page 2 – à savoir Enron et Duke Power, qui ont acquis Portland General & Panenergy, ce sont des entreprises, comme vous le voyez ici, qui ont des revenus de 20 000 000 000 $US par année et qui ont des avoirs de près de 23 000 000 000 $ par année. Ces deux géants-là, ils sont actifs, comme vous le voyez sur la carte, en Nouvelle-Angleterre, dans un marché auquel le Québec s'est intégré, auquel Hydro-Québec s'est intégrée, avec la politique qui consistait à devancer la construction des grands barrages, quitte à exporter, jusqu'à ce que les besoins se fassent sentir au Québec, les surplus d'énergie produits. Ce que je veux dire en vous montrant ces tableaux, c'est que les changements, ils ont lieu, qu'ils ont lieu maintenant et qu'il y a des grands joueurs, des grands joueurs de notre taille qui sont présentement actifs dans le marché.

Cette restructuration est à bien des égards similaire à celle qu'ont vécue d'autres industries, comme on sait. On a assisté à des changements du genre dans les industries du camionnage, du transport ferroviaire, du transport aérien, des services financiers, de la téléphonie, des télécommunications, du gaz naturel, que l'on connaît mieux parce que c'est près de notre domaine, et maintenant de l'électricité, tous des secteurs traditionnellement monopolistiques et fortement réglementés qui sont passés ou sont en voie de passer à un environnement où les consommateurs et fournisseurs jouent un rôle central, et les organismes de réglementation, un rôle différent de celui qu'ils ont joué jusqu'ici.

Ces changements ont des effets positifs pour les consommateurs. C'est généralement ce qui est compris par le monde de la consommation. Transporté au secteur de l'électricité à Hydro-Québec ça soulève, bien sûr, de nombreuses questions d'ordre stratégique. Ça présente pour nous, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, des opportunités d'affaires extraordinaires, des opportunités d'affaires très importantes pour le Québec. Mais je reviendrai tantôt sur ces opportunités.

Avant, j'aimerais souligner certains développements spécifiques récents qui ont eu une profonde incidence sur la restructuration des marchés électriques québécois. Au Québec, comme mon collègue vient de le dire, l'année 1996 a été celle de l'introduction d'une nouvelle politique énergétique qui reconnaît cette profonde mutation du secteur à l'échelle du continent et de la loi créant la Régie de l'énergie. Hydro-Québec sera prête, dès que la Régie entrera en fonction, à présenter les différents dossiers menant à la définition des questions fondamentales, comme les bases de tarification de transport et de distribution de l'électricité ainsi que notre proposition quant aux tarifs de fourniture pour l'énergie électrique.

Aux États-Unis, l'année 1996 a vu l'agence réglementaire fédérale américaine, la FERC, dans une décision historique, fixer les règles d'ouverture des réseaux de transport électrique américains dans le but d'assurer l'ouverture complète du commerce électrique de gros – et je souligne «commerce électrique de gros» – aux États-Unis, c'est-à-dire l'électricité transigée entre des parties qui ne sont pas les consommateurs finaux d'énergie. La décision, connue sous le nom d'ordonnance 888, exigeait que tous les réseaux américains aient implanté ces règles pour le 1er janvier 1997, ce qui fut fait, simplement. Les règles de la FERC assurent deux choses: premièrement, l'accès non discriminatoire des tiers au réseau de transport et, deuxièmement, l'ouverture complète du marché de gros.

La FERC en a également profité pour promulguer des règles de réciprocité applicables aux entités étrangères, voire canadienne et mexicaine, qui souhaitent se prévaloir des avantages d'une participation directe sur le marché de gros aux États-Unis. Cette exigence de réciprocité n'est pas nouvelle en matière de commerce international, comme on sait; c'est plutôt d'ailleurs une approche très standard. Mais, ici, je tiens à être clair: la FERC n'oblige personne qui n'est pas sous sa juridiction – et c'est bien entendu le cas pour Hydro-Québec – à accepter cette réciprocité. Pour nous, c'est un choix. Elle dit simplement qu'une entreprise ne pourra participer en tant que joueur direct au niveau du marché électrique de gros aux États-Unis sans se conformer aux mêmes règles que celles acceptées par les entreprises américaines. C'est donc bien un choix pour nous.

C'est un choix fondamental à deux niveaux. Premier niveau: il déclenche des opportunités d'affaires importantes pour accroître nos revenus, accroître nos revenus sous la forme de ventes additionnelles en tant que joueur de plein titre dans le marché américain au gré de l'hydraulicité québécoise et en profitant de la complémentarité des marchés au sud du Québec pour lesquels la demande en été est plus forte, alors que c'est le contraire au Québec, et en ayant accès à la fois aux «power exchanges» régionaux et aux clients directs par la voie de transactions bilatérales. Un point très important, ici, à noter, c'est que le système américain au sud de Boston connaît une pointe en été par opposition à notre système qui connaît une pointe au nord de Boston, donc Québec, en hiver, d'où la complémentarité.

Deuxièmement, accroître nos revenus également sous la forme de services de stockage dans nos immenses réservoirs en profitant de notre capacité unique, unique en son genre à cet égard, la capacité de stockage en Amérique du Nord, ce qui nous donne la possibilité de séparer dans le temps les fonctions de production de celles de vente. Un producteur d'électricité, en utilisant du thermique, il doit vendre en même temps qu'il produit. Chez Hydro-Québec, on peut stocker pour vendre plus tard. Ils n'ont pas cette option-là. C'est un avantage stratégique extrêmement important dans le contexte actuel, tenant compte de ce que je vous disais à l'instant, à savoir que la pointe aux États-Unis, on la connaît en été – enfin, au sud de Boston – tandis que chez nous c'est en hiver.

De plus, l'obtention du statut de marchand nous assure qu'Hydro-Québec ne soit pas placée dans l'obligation de se faire intermédiariser sur ces marchés externes, marchés externes, je le répète, qui existent pour nous depuis l'implantation de la stratégie qui voulait qu'on devance la construction des ouvrages hydroélectriques au Québec, quitte à vendre, pendant une période de temps où on en avait pas besoin, les surplus aux États-Unis. Donc, on ne veut pas se faire intermédiariser sur ces marchés externes qui sont déjà nôtres, c'est-à-dire se faire obliger de vendre à un vendeur à la frontière du Québec avec le désavantage de s'éloigner de nos clients actuels de même que de nos clients potentiels futurs. Notre statut de marchand de gros aux États-Unis, assuré par un éventuel permis du FERC, représentera donc un déclencheur d'opportunités et une garantie d'accès indifférencié au marché de gros aux États-Unis.

(10 h 10)

Ce choix de demander un statut de marchand de gros aux États-Unis s'est présenté à plusieurs entités au Canada, dont Hydro-Québec. La première à agir fut TransAlta, en Alberta. On trouve ça à la page 6, incidemment, du document qu'on vous a remis. Elle s'est la première qualifiée, TransAlta, en ouvrant non seulement son réseau de transport, mais en participant de plus à la création d'une bourse d'échanges physiques. La seconde fut BC Hydro, en Colombie-Britannique, dont le réseau est essentiellement ouvert, mais dont la requête a été rejetée parce qu'elle s'écartait sans explication du standard contractuel américain, une situation que BC Hydro est en voie de corriger, selon notre compréhension des choses.

La troisième entreprise a été Ontario Hydro, dont la requête est toujours en suspens devant le FERC. Le contenu de cette requête traduit certaines hésitations de l'Ontario quant à l'ouverture; et je reviendrai sur ce point. Il y a également le cas du Manitoba qui accepte sur une base réciproque l'ouverture de son réseau, cette réciprocité étant limitée à quelques entreprises pour des raisons essentiellement géographiques. Et enfin il y a Hydro-Québec qui a soumis récemment, comme vous le savez, une requête amendée qui, nous croyons, est conforme au standard américain, ce qui devrait nous qualifier pour obtenir notre permis américain.

Un point important doit être signalé, ici. Et là je vous amène à un tableau qui montre les tarifs moyens. C'est le tableau à la page 7. Les entreprises qui se sont soit déjà conformées aux exigences du FERC ou sont, comme dans le cas d'Hydro-Québec, en voie de le faire ont en commun qu'elles sont des producteurs très compétitifs. Si vous regardez la situation au Canada sur ce tableau, pour la Colombie-Britannique, BC Hydro, c'est 0,038 $US par kilowattheure, nous-mêmes, Hydro-Québec, 0,036 $US, le Manitoba, 0,035 $US, bref toutes des entreprises qui appartiennent à une catégorie, c'est-à-dire des entreprises qui comptent sur l'hydroélectricité pour produire de l'énergie.

D'autres qui hésitent, comme Hydro Ontario, sont dans une situation fort différente. Regardez l'Ontario, à 0,056 $, et les Provinces maritimes à 0,047 $, 0,059 $ et 0,086 $. Si vous regardez le même tableau, aux États-Unis, vous allez constater qu'immédiatement au sud du Québec on trouve quoi? On trouve une région de prix très élevés. Alors, les règles, ici, elles semblent assez simples. C'est: l'hydroélectricité présente de meilleurs coûts et, par conséquent, des tarifs moyens plus bas partout en Amérique, d'où le fait que les entreprises hydroélectriques sont favorables à l'ouverture des marchés.

Et, deuxièmement, une deuxième conclusion: quant à nous, on devrait être encore plus encouragés parce que, quand on regarde les tarifs des gens situés immédiatement au sud de chez nous, c'est des tarifs très élevés, encore beaucoup plus élevés. Regardez la situation dans l'Ouest pour BC Hydro. Quand même, immédiatement au sud d'eux, c'est des gens qui ont des tarifs de 0,041 $, 0,047 $. Chez nous, ça va de 0,071 $ à 0,117 $, à moins que je ne m'abuse. Alors, voyez-vous pourquoi je dis que... Ça, c'est le premier point, puis c'est une réponse directe – on pourrait la détailler, bien entendu – pour ceux qui s'inquiètent qu'on pourrait être déplacés. C'est ça, la réalité des prix actuellement dans les marchés qui reflète, bien entendu – c'est toutes des entreprises bien réglementées – les coûts.

La conclusion est évidente: l'ouverture des marchés est perçue comme favorable pour les producteurs qui, comme Hydro-Québec, ont des coûts de production compétitifs. Il n'existe pas véritablement d'alternative à ce choix d'ouverture. En effet, ne pas ouvrir comporterait, selon nous – je parle toujours du marché de gros – des risques importants dont les consommateurs québécois feraient rapidement les frais. Refuser l'ouverture du marché de gros, ça signifie que nos ventes externes au Sud, aux États-Unis, passeraient par des intermédiaires qui prendraient nécessairement des commissions sur nos ventes externes et qui seraient aussi – quant à moi, c'est une chose encore plus importante – en position de faire l'arbitrage de leurs intérêts en tant que producteurs – parce que tous ces gens-là sont aussi des producteurs – et les nôtres, nos intérêts en tant que producteurs. Les baisses de revenus à l'externe, ça ne peut signifier, à terme, pour maintenir le même rendement, qu'une seule chose, c'est-à-dire des augmentations de tarifs au Québec ou encore des réductions de coûts encore plus grandes des charges d'exploitation d'Hydro-Québec.

Simplement pour mettre les choses en perspective, les marchés externes, ça représente, au cours des dernières années, pour Hydro-Québec, puis également dans le futur, de 500 000 000 $ à 750 000 000 $, dans le futur immédiat. Chiffres-là, transposés sur le total de nos ventes, c'est de 8 % à 10 %. Si on est touchés d'une façon significative, ici, en réduction, ça veut dire des augmentations de tarifs immédiatement qui vont être tout aussi significatives ou encore des réductions de coûts de charges d'exploitation à l'intérieur d'Hydro-Québec. Alors, voilà la situation. Nous, nous nous sommes dit: C'est un risque que l'on ne doit pas prendre. D'ailleurs, avec tous nos moyens et nos avantages, pourquoi attendrait-on avant de bouger sur ces marchés? Pourquoi voudrait-on être captifs d'intermédiaires avec des intérêts, encore une fois, divergents des nôtres? Pourquoi voudrait-on laisser une longueur d'avance aux Enron et Panenergy de ce monde, une longueur d'avance à nos concurrents? Notre choix était donc clair: recommander l'ouverture du réseau de transport au marché de gros. Et la suite, bien entendu, elle est connue.

Quelles sont les conséquences d'une telle décision? Et là je suis à la page 9 du document qui vous a été remis. D'abord, elle nous permet de mettre en place des stratégies qui protégeront nos revenus externes actuels. Deuxièmement, elle nous permet de commencer à mettre directement en valeur l'immense potentiel que représente la gestion commerciale du stockage. Il faut signaler qu'une telle décision signifie également que dorénavant, dans un marché ouvert, on va uniquement ajouter à notre capacité de production – comme je le répète depuis plusieurs semaines à nos fournisseurs du génie-conseil ou des entrepreneurs en construction – dans la mesure où nos coûts de production prévus se situeront évidemment en deçà des prix attendus sur le marché de gros à court et à moyen terme.

Certains diront: Oui, mais qu'est-ce que vous allez faire si quelqu'un réussit à vous déplacer chez un des 10 clients de gros au Québec, neuf municipalités et une coopérative, comme par exemple Hydro-Sherbrooke? Entre nous, si quelqu'un est capable de vendre moins cher que nous produisons, on va nous-mêmes, Hydro-Québec, acheter, on va se dépêcher d'acheter, à part ça, afin de faire quoi? Afin de placer cette énergie-là dans notre stockage pour la revendre plus tard à meilleur prix et faire un bénéfice. Et, si ce fournisseur, d'aventure, fait une vente à Hydro-Sherbrooke, ce qui n'est pas impossible, l'énergie se retrouvera néanmoins de la même manière, par effet de déplacement dans nos réservoirs, exactement à la même place. Disponible pour quoi? Disponible pour faire une vente à l'externe à meilleur prix.

(10 h 20)

Dans un contexte d'ouverture, comme vous pouvez le constater, les réservoirs du Québec, les réservoirs hydrauliques deviennent un outil stratégique extraordinaire. Certains diront: D'accord pour l'ouverture du marché de gros, mais qu'en est-il de l'ouverture du marché de détail? Est-ce qu'on n'est pas en train de décider de cela aussi? Je leur réponds non. Il n'y a aucune obligation qui découle d'un niveau d'ouverture à l'autre. D'ailleurs, la majorité des États aux États-Unis, où tout le marché de gros est pourtant ouvert, est loin d'avoir décidé quoi que ce soit sur cette question. L'ouverture au niveau du marché de détail, la libéralisation à laquelle fait référence la loi de la Régie, c'est le gouvernement... Selon la loi de la Régie, c'est le gouvernement du Québec qui la décidera, l'ouverture au marché de détail, et ceci, après avoir demandé et reçu avis de la future Régie de l'énergie.

On doit signaler qu'aux États-Unis le calendrier à cet égard semble vouloir s'accélérer. Des États importants – ceux à la page 10 du document – comme la Californie et la Pennsylvanie ouvriront leur marché de détail dès 1998. Notre souci de bien comprendre ces développements nous a conduits nous-mêmes à participer, avec des partenaires, bien entendu, à des projets-pilotes d'ouverture du marché de détail au New Hampshire. L'expérience acquise lors de ce projet-pilote a été très utile à l'entreprise. On a dépassé nos objectifs de vente, incidemment, en vendant de l'énergie verte. C'est le thème de la mise en marché. Le programme de marketing était basé sur le fait de l'énergie verte, et je constate qu'Enron a fait une grande percée, bien entendu, mais on a quand même vendu plus à plus cher qu'Enron en vendant de l'énergie verte.

Aux États-Unis, plusieurs États sont donc engagés sur la voie de l'ouverture pour l'ensemble de leur marché. C'est le cas de la Californie, je disais, de la Pennsylvanie, du Massachusetts et du New Hampshire. En France, on a pu le lire dans les journaux, la libéralisation se prépare plutôt par étapes. Cette dernière approche a le mérite de la simplicité, bien que d'autres voies soient également possibles, selon moi, et à ce moment-ci je ne voudrais surtout pas court-circuiter le travail de la Régie sur cette question. Je rappellerai seulement l'expérience du gaz naturel au Québec qui fut incidemment un précurseur en Amérique dans le domaine. Dans le gaz, l'ouverture s'est appliquée à tous les clients, bien qu'en pratique, dans les premières années, ce soient surtout les clients de forte consommation qui se sont prévalus de l'ouverture du marché. Mais, à chaque fois que ça s'est fait, c'est sans que ça pénalise les petits consommateurs.

Sur la façon de réaliser cette éventuelle ouverture du marché de détail, mon opinion personnelle est la suivante: j'émets l'hypothèse, à l'instar de l'expérience que nous avons menée au New Hampshire, qu'un projet-pilote québécois pourrait peut-être nous aider à préciser les meilleures modalités d'ouverture et l'intérêt réel, incidemment, des consommateurs québécois.

Je terminerai en insistant sur deux éléments qui représentent des acquis importants de l'expérience de l'aventure de l'hydroélectricité au Québec. Premier acquis important: l'uniformité des tarifs à l'échelle du Québec, de l'ensemble du territoire. Deuxième acquis important: le niveau attrayant des tarifs, incluant le niveau attrayant de tarifs résidentiels. La restructuration des marchés électriques ne comporte en soi aucun élément qui conduise à une remise en cause de ces acquis. La loi de la Régie prévoit la mise en place d'un tarif de fourniture d'énergie électrique complémentaire au tarif de transport et de distribution, conçu, bien sûr, de manière uniforme par catégories de clientèle, comme c'est déjà le cas pour le gaz naturel. Cette approche permet l'uniformité du coût de base pour un service complet.

Même dans un contexte d'ouverture du réseau de distribution au commerce de détail, ce tarif de fourniture, qui reflétera la valeur commerciale forcément très compétitive de la production électrique d'Hydro-Québec, sera toujours disponible à qui que ce soit. C'est en quelque sorte une offre standard qui sera toujours là, disponible à tout client québécois appartenant à quelque catégorie que ce soit et qui décidera de ne pas se prévaloir des alternatives, si des alternatives il y a. Je suggère toutefois – et c'est un point bien important – que, comme dans le gaz naturel au Québec, cette ouverture, si jamais on en décide, elle ne devrait être possible que dans la mesure où l'on pourra garantir que l'avantage qui en découle pour un client ou pour une catégorie de clients ne se traduise pas par un désavantage pour une autre catégorie de clients. Ce résultat a été accompli; cet objectif, plutôt, a été atteint dans le cas du gaz naturel.

Enfin, pour ceux qui s'inquiètent que le statut de société d'État d'Hydro-Québec soulève des questions dans l'opinion publique américaine – voyez la page 15 du document qui vous a été transmis – je vous ferai remarquer qu'aux États-Unis 25 % du marché est effectivement sous le contrôle d'intérêts gouvernementaux. On parle ici de Tennessee Valley Authority, de Bonneville Power Authority, de New York Power Authority, puis ils ne sont même pas tous nommés. Alors, le statut de société d'État ne nous diminue en rien, ne nous entache d'aucun défaut aux yeux de l'opinion publique américaine. Il y en a d'autres, sociétés d'État dans le domaine de l'énergie, puis pas des petites, des sociétés d'État, aux États-Unis. Il y a également aux États-Unis plusieurs agences municipales qui, comme en Ontario puis comme au Québec, font de la distribution de l'électricité.

Voilà, M. le Président. Je m'arrêterai là-dessus, étant bien entendu que je trouve... Les changements sont de nature et d'importance telles que je comprends parfaitement que des gens comme cette commission et des gens aussi dans le public en général se questionnent quant aux implications sur Hydro-Québec de tous ces changements, et bien sûr qu'on souhaite répondre plus directement à toutes les questions qui sont soulevées et à toutes les questions auxquelles on peut répondre à ce moment-ci sur la préparation de notre plan stratégique. D'autres réponses vous viendront donc au mois de novembre, je pense, à la date à laquelle on doit le soumettre. Merci de votre attention.

Le Président (M. Sirros): Merci pour votre présentation, M. Caillé. C'est fort intéressant, et je suis certain que ça soulève beaucoup de questions. J'aimerais juste faire un bref rappel avant de passer la parole au député de Groulx. Le souhait des membres, c'est qu'on puisse avoir des échanges dynamiques qui nous permettent d'aller au fond des choses. Donc, on souhaite très clairement que les réponses, comme les questions d'ailleurs, soient courtes, qu'on puisse avoir un échange qui ne se perde pas dans des fleuves de paroles de part et d'autre. Et, avec cette mise en garde, je passerai la parole au député de Groulx.


Discussion générale


Vente d'électricité aux États-Unis

M. Kieffer: Merci, M. le Président. M. Ménard, M. Caillé, il est très impressionnant, votre document. Vous avez vraiment couvert tous les angles. J'avais toute une série de questions qui ont en partie été répondues. Écoutez, je pense qu'on est conscients d'une chose: c'est que la déréglementation, elle est là, elle est là pour rester, aux États-Unis, c'est un processus évolutif. Actuellement, la FERC la situe au niveau du gros, mais on peut penser – et je fréquente assez souvent mes confrères américains, les parlementaires – que c'est dans leur tête d'aller beaucoup plus loin. Donc, on peut penser qu'à moyen terme on va se rendre jusqu'au résidentiel, à toutes fins pratiques.

Alors, deux questions. Vis-à-vis du marché américain, quelles sont, dans un avenir moyen, les filières énergétiques qui seront les plus compétitives? Parce que, quand je regarde votre tableau de tantôt, on parle, entre autres, de l'atomique. Moi, je pense que c'est appelé à disparaître. C'est ce qu'ils me disent là-bas, hein? Donc, quelles vont être les filières les plus compétitives? Est-ce qu'on va être capable d'y faire face, à ces filières-là?

(10 h 30)

Deuxième question. Le fameux pacte social hydroélectrique qui est ressorti de l'élection de 1962 et qui créait Hydro-Québec, vous en avez parlé tantôt, les quatre éléments que sont l'électrification à la grandeur du territoire, hein, les tarifs uniformes, la vocation de développer nos ressources hydroélectriques au maximum de leur capacité, est-ce qu'il est mis en danger? Est-ce qu'on risque de le remettre en question, pas à ce moment-ci mais sur un moyen et un long terme? Parce que c'est ça, nos préoccupations. Est-ce qu'on le préserve, ce pacte-là, dans l'éventualité où on irait aussi loin que le résidentiel, par exemple? Mais là je vous demande de faire la prospective, évidemment.

M. Caillé (André): Bien, alors je vais vous offrir une réponse courte, M. le Président. La meilleure filière pour répondre aux besoins additionnels aux États-Unis, c'est l'hydroélectricité. On vous a remis une feuille volante – si je peux l'appeler ainsi, je crois – tantôt, en même temps que le document auquel j'ai fait référence à plusieurs fois, et là il y a ici des prix. Regardez, ici, le prix du marché en Nouvelle-Angleterre. Ça s'appelle «comparaison des coûts de production d'électricité Hydro-Québec versus producteurs américains». Alors, celui qui risque de gagner, c'est celui qui est le moins cher. Le prix du marché actuel en Nouvelle-Angleterre, c'est 0,021 $, le prix d'une nouvelle usine, ce qu'il y a de mieux, au thermique, gaz naturel, cycle combiné, 0,04 $ – on est toujours en dollars US – le prix de notre tarif L au Québec, 0,019 $. On est toujours en dollars US.

Bien entendu, il y a – comment dire – un carnet de projets hydroélectriques, au Québec. Moi, je n'ai pas lancé la serviette d'une façon définitive là-dessus. Dans le cadre de la préparation du plan stratégique, j'ai demandé à ce qu'on révise ces projets et qu'on les révise dans un esprit très exactement comme on le fait pour nos charges d'exploitation, là, d'opération depuis un an dans le but de réduire les coûts. Puis réduire les coûts, c'est réduire le coût du financement temporaire puis c'est réduire les coûts associés à une normalisation au Québec de nos équipements, qui est plus élevée qu'ailleurs. Et j'ai bon espoir d'être en mesure de vous dire en novembre qu'il y a un projet important, significatif puis qu'on va commencer à parler de croissance plutôt que de parler de diminution puis de rationalisation. Mais il y a un critère pour que l'hydroélectricité québécoise soit là. Je pense qu'on y est déjà, mais on va être encore meilleurs qu'on ne le pense, en général, parce que je pense qu'il est possible de réduire les coûts. Premier élément.

En ce qui concerne le pacte social, nul ne peut atteindre un client sans passer par le transport et la distribution, et, comme je vous dis, la loi dit qu'il y aura un tarif de fourniture. Alors, l'Assemblée nationale n'a pas laissé entre les mains des régisseurs de cette future Régie l'idée qu'il y aurait des tarifs qui seraient les mêmes à travers le Québec, c'est dans la loi même. On va devoir, un, proposer, deux, eux, convenir, accepter, autoriser un tarif de fourniture égal pour tout le monde. Ce n'est pas une hypothèse, c'est une nécessité de la vie.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est au coeur des obligations du conseil d'administration dans la mesure où il a à s'assurer que non seulement la lettre, mais l'esprit de la loi d'Hydro est respecté. Alors, dans le contexte actuel, plus que jamais notre engagement à cet égard-là est ferme, puis je ne vois pas comment il en serait différemment.

Le Président (M. Sirros): M. le député, d'autres questions?

M. Kieffer: Ça va.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent.


Politique d'information de la population

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. Ménard, M. Caillé, l'ensemble des Québécois veulent que ça aille bien à Hydro-Québec parce que ça fait partie de tous nous autres. Dans vos remarques, tantôt, M. Caillé, vous disiez: Pourquoi on se priverait? Il faut y aller rapidement, ça fait partie d'opportunités. C'est ce que vous dites, Hydro-Québec. Bien sûr, parallèlement à ça, il faut y aller vite et il faut y aller bien. Une des façons de faire ça, c'est de voir l'ensemble de la population québécoise puis les gens dont c'est notre responsabilité être rassurés au fur et à mesure que vous faites des gestes, que vous vous placez. Je pense que le défi que vous avez et qu'on partage, c'est de nous assurer que la population du Québec va avoir le sentiment de participer au processus mais pas de se trouver devant des faits accomplis. Et ça, je pense que c'est un défi qu'on a. Peut-être que ce n'était pas la façon traditionnelle de penser, mais, à partir du moment où on se lance vers des marchés, où on change la façon de voir d'Hydro-Québec, il est important qu'on puisse sentir qu'on fait partie de ça.

Dans les remarques que le président vous a données tantôt, il vous a donné une série de questions sur lesquelles on s'est mis d'accord, et c'est ça, l'objet que ça doit faire des activités qu'on a dans la journée d'aujourd'hui et les deux autres qui vont suivre. Un premier geste dans ce sens-là, puis ça se veut constructif, ce qui aurait facilité nos travaux, c'est que les documents que vous nous distribuez ce matin, on ait pu les avoir à l'avance. Vous le saviez, les dates étaient fixées depuis déjà plusieurs semaines sinon plusieurs mois; ç'aurait facilité les travaux des membres de la commission plutôt que d'en prendre connaissance en même temps que la présentation de ce matin.

Vous dites qu'il faut aller bien, ça fait que, là, je pose des questions puis... Parce que c'est ça qu'on veut. On veut des échanges, on veut que vous répondiez à ça. Au mois de décembre, pendant qu'on était en commission puis pendant qu'on traitait de la création de la Régie de l'énergie, la préoccupation qu'on avait, les parlementaires des deux côtés, c'était qu'on voulait s'assurer qu'on ne se trouverait pas devant des faits accomplis. On voulait s'assurer de la protection des avantages qu'on a comme Québécois, et à chaque fois – et je vous réfère aux commentaires du ministre – il nous disait que toutes les précautions étaient prises pour ne pas qu'on se trouve dans une situation de faits accomplis. Pendant ces journées-là où on a échangé, en aucun moment – et j'y vais de souvenance – par exemple, il n'a été fait référence au fait qu'au moment où on était ici Hydro-Québec appliquait à la FERC, aux États-Unis – c'était en décembre – demande que vous avez retirée depuis ce temps-là, que le Conseil des ministres vous en a autorisé une deuxième et que vous l'avez faite en mars. Jamais, durant ces jours-là également, il n'a été question que vous vous porteriez acquéreur de l'aspect gaz, en aucun moment, pour assurer une complémentarité puis pour avoir accès à des marchés.

Pourquoi, à ce moment-là, ce n'était pas possible d'informer les parlementaires que nous sommes de ces activités-là qui avaient cours au même moment où on y était? Il me semble que ça, ça aurait eu comme résultat de diminuer les craintes qu'on exprime aujourd'hui.

M. Caillé (André): Quand j'étais à Gaz Métropolitain, je me souviens d'avoir participé à une rencontre à Hydro-Québec, une des rares, où a été discuté notre projet commun qu'on avait à l'époque – c'est en 1995 – de se lancer dans des expériences-pilotes de marché de détail. Moi, ce que je savais à ce moment-là, c'est qu'une application au FERC avait été faite ou était sur le point de se faire. J'aurais dû sûrement rappeler que la première application au FERC a été celle de nos prédécesseurs. Je ne sais pas exactement à quelle date, mais c'est certainement antérieur au 1er octobre 1996, quand, moi, j'ai été nommé. Il y a une première application qui a évolué par la suite, comme vous venez de le dire.

Votre deuxième question, c'est...

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais la première, c'était... Je peux peut-être y répondre, M. le député. Vous avez raison que nous avons une responsabilité – et la commission, ici, vient à point nommé – d'informer et de faire cheminer les Québécois et les Québécoises avec nous dans ce nouveau chapitre de l'évolution de l'industrie énergétique au Québec. Effectivement, André – on le voit depuis son arrivée – consacre beaucoup de temps à communiquer les enjeux, par les médias, par les différentes tribunes qui lui sont données, mais je vous dirai que la politique énergétique elle-même, la nouvelle politique énergétique qui a été déposée à l'automne puis qui a fait l'objet de discussions, elle prévoyait et prenait acte d'un certain nombre de réalités dont on va parler des conséquences, des implications dans les jours qui viendront. Alors, nous étions d'avis que le jeu, d'une part, de cette nouvelle politique et de la loi n° 50 comme telle qui s'en est dégagée ainsi que le travail de communication auquel se livrait André pouvaient certainement laisser prévoir certains des gestes que nous avons posés. Je conviens peut-être avec vous que ce n'était peut-être pas aussi limpide que vous auriez aimé, mais le fait est que le contexte, l'environnement était quand même assez palpable, à ce moment-là. Alors, il est important, disons, de rappeler cette réalité-là.

(10 h 40)

M. Caillé (André): M. le Président, je ne voudrais pas laisser le député sur l'impression que c'étaient les autres qui avaient fait ça puis qu'on a juste continué. Je pense que le point qu'il fait est juste, à savoir qu'on communique beaucoup, à Hydro-Québec – c'est ce que j'ai découvert en y arrivant – mais ça ne veut pas dire qu'on communique tout ce qui doit être communiqué. Je suis conscient que les Hydro-Québécois, il y en a beaucoup. Tous les Québécois et toutes les Québécoises sont Hydro-Québécois et Hydro-Québécoises et puis ils sont en droit d'avoir des réponses à leurs questions. Et, nonobstant nos programmes de communication, peut-être qu'on peut en rajouter. Alors, sur ce point précis de l'ouverture du marché de gros puis de la démarche, bien qu'elle ait été engagée avant, peut-être les gens avaient-ils simplement oublié puis on aurait dû le rappeler.

M. Ménard (Louis-Jacques): M. le député avait une question sur Gaz métropolitain. Je vais juste essayer d'y répondre, si vous permettez. D'une part, encore là, je pense que le rapprochement stratégique que nous avons pu faire avec Gaz métropolitain, on aurait pu en lire le sous-texte, à tout le moins dans la nouvelle politique énergétique, comme étant une des possibilités qui pouvaient se dégager. Par ailleurs, évidemment on avait affaire là à une société publique dont les titres se transigent en Bourse. Alors, de faire un débat – je sais que ce n'est pas ça que vous voulez dire – mais de faire un plat de la perspective d'une telle activité aurait pu indûment influencer les titres. Alors, c'est un peu la conjugaison de ces deux raisons-là qui a fait que, évidemment, quand c'est arrivé, vous l'avez appris un peu en même temps que tout le monde. Merci.

Le Président (M. Sirros): D'autres questions? Oui?

M. Cherry: En même temps, je pense que c'est là le véritable défi, et c'est pour ça qu'on le soulève de cette façon-là. Pour qu'on puisse s'associer à la démarche, on a besoin, comme Québécois, d'être rassurés avant, parce que autrement la crainte qu'on a, c'est d'être consolés après. C'est ça qu'il ne faut pas qu'il nous arrive comme Québécois. Ça, c'est un réflexe que j'ai eu avant d'être un politicien. Ce qui a fait le succès des activités dans lesquelles j'étais, c'est que posais les vraies questions pour obtenir les vraies réponses.

On est capables de comprendre, et je pense que c'est le député de Marguerite-D'Youville, le vice-président, qui a dit: On peut comprendre qu'il y a des aspects économiques qui vous empêchent de révéler certaines informations. Ça, on peut comprendre ça. Mais, quand il s'agit de vouloir procéder rapidement comme vous voulez le faire et que vous souhaitez que ça se fasse, en même temps les avantages qu'on a... Puis, quand on regarde les tableaux que vous nous donnez, tu sais, là, les 0,038 $ par rapport à ce qui nous environne à 0,071 $, ça, ça va toujours rester là. Quand même qu'on prendrait trois mois de plus pour le faire, ce n'est pas ça qui va faire qu'on va perdre des opportunités, au degré où la situation privilégiée que nous avons et que vous décrivez existe toujours. Mais pourquoi – et c'est là le défi – vous ne nous assurez pas qu'on puisse cheminer avec vous autres dans ce dossier-là?


Tarifs différenciés aux Îles-de-la-Madeleine

Et, quand vous disiez tantôt que ça fait partie de la mission d'Hydro-Québec de nous assurer que sur le territoire québécois tout le monde paie son énergie de la même façon, il y a, pour la première fois depuis 1962 – et on sait tous comment ça peut s'expliquer – une brèche: c'est que les gens des Îles-de-la-Madeleine, les nouveaux propriétaires, ceux qui vont agrandir à compter de maintenant, savent que, s'ils veulent continuer à utiliser l'énergie hydroélectrique, ils vont payer plus cher que les anciens. Ça a été introduit. Vous me direz: Ce n'est pas grand-chose, c'est isolé, ça s'explique, il y a du fuel qu'il faut qu'il soit transporté. Mais, pour la première fois, ce que, Hydro-Québécois, on a nationalisé pour s'assurer que tout le monde était traité de la même façon, là il y a un commencement de brèche et on a besoin d'être rassurés que ce n'est pas quelque chose qui va se multiplier.

Le Président (M. Sirros): Oui, M. Caillé.

M. Caillé (André): Oui. Un point sur les Îles-de-la-Madeleine. Quand je suis arrivé à Hydro-Québec, il y avait la proposition de faire des tarifs différenciés, pour les Îles-de-la-Madeleine, du reste du Québec, des tarifs dissuasifs. Peut-être, comme vous le dites, M. le député, qu'ils peuvent s'expliquer d'un point de vue économique, parce que l'électricité y est produite incidemment avec du thermique. Alors, comme je l'ai indiqué, c'est très cher, du thermique. On le voit, pas seulement aux États-Unis, on le voit aussi aux Îles-de-la-Madeleine. Quand j'ai été consulté sur cette question-là, je pense que j'ai dit: Un acquis, des tarifs uniformes partout, alors ce seront des tarifs uniformes, les mêmes tarifs aux Îles-de-la-Madeleine qu'ailleurs.

Il y a un élément qui a été corrigé. J'admets avec vous qu'on demande une contribution du client lorsqu'il convertit son chauffage à l'électricité ou qu'il construit une maison neuve, je pense, à l'électricité, ce qui n'existe pas ailleurs. On devrait avoir la même politique partout à cet égard-là. Elle n'est pas en place actuellement, mais je me suis fait le raisonnement suivant, déjà: Si on demande une contribution aux Îles basée sur des paramètres économiques, on devrait demander la même contribution, n'importe où ailleurs au Québec, basée très exactement sur les mêmes paramètres. Parce que c'est vrai que ça coûte plus cher, distribuer aux Îles, mais il ne faut pas conclure, parce que c'est plus cher aux Îles, que ça coûte exactement la même chose pour tout le monde, tous les autres clients dans tout le reste du Québec.

C'est sûr qu'il y en a, même sur l'île de Montréal, où ça va coûter plus cher, distribuer de l'électricité à un qu'à un autre. Et, si on prend ce raisonnement-là, finalement ça n'a pas de fin. Il faut, sur les contributions qu'on demande, les mêmes critères pour tous. Sur les tarifs, c'est un chiffre, hein, ce n'est pas des critères, alors c'est le même tarif pour tous. À ma connaissance, c'est en vigueur aux Îles-de-la-Madeleine, un tarif uniforme pour tous, et on a retiré ce tarif, enfin, cette proposition. Je pense c'était un tarif dissuasif.

Le Président (M. Sirros): Je pense, en fait, que ça a été suspendu plutôt que retiré, si ma mémoire est bonne. M. le député de Johnson... Je m'excuse. C'est terminé?

M. Caillé (André): Oui.

M. Cherry: Sur le dossier des Îles-de-la-Madeleine, il a été porté à mon attention – mais il s'agirait qu'on le vérifie ensemble – qu'une usine qui voudrait prendre de l'expansion et qui voudrait s'assurer que ce soit à partir de l'énergie de l'électricité – j'y vais de mémoire, là – on me dit que ça, ça lui coûterait 33 000 $ additionnels pour utiliser cette énergie-là. Et on m'a également rapporté que, pour une résidence, une construction neuve maintenant, parce qu'ils choisiraient d'utiliser l'électricité plutôt que d'autres formes énergies, il y aurait une facture additionnelle de 5 000 $. Si ces faits-là sont vrais, pour la première fois, et c'est à ça que je réfère, au degré où ça, c'est vrai, il y a une brèche dans l'uniformité, et là on dit: Parce que dans une région ça coûte plus cher pour te l'amener, l'énergie dont tu as besoin, si tu insistes pour prendre l'électricité, comme Québécois ça va te coûter plus cher. Et ça, là, l'inquiétude, c'est: Est-ce que ça, on peut trouver des justifications pour une application ailleurs éventuellement ou sur le territoire québécois?

M. Caillé (André): Encore une fois, je pense que, si on a des conditions économiques que l'on applique à la desserte de clients nouveaux, les mêmes exigences basées sur les mêmes calculs devraient s'appliquer à tous. C'est mon opinion personnelle.

M. Cherry: O.K.


Vente d'électricité aux États-Unis (suite)

M. Ménard (Louis-Jacques): Quant à votre première question, M. le député, à savoir notre empressement à déposer une application vis-à-vis du FERC dans le contexte que vous évoquez, on l'a dit dans la présentation, Dieu sait comme il y a des concurrents. Les Duke Power de ce monde s'enlignent pour se substituer à nous lorsque nos contrats viendront à échéance avec les clientèles que vous savez que nous avons dans le nord-est américain, clientèles qui représentent à peu près 10 % de notre chiffre d'affaires, actuellement. Il était important dès lors qu'on affiche nos couleurs à l'égard de cette clientèle-là, à savoir qu'on serait là pour continuer ces contrats-là ou bien même en engendrer d'autres. On parle d'un contexte compétitif – André l'a évoqué – qui est très, très agressif présentement puis qui nous imposait, pour protéger – c'est un des objectifs – nos revenus, d'afficher et de communiquer à ces clients-là qu'on serait là dans le nouveau contexte de marché de gros.

Le Président (M. Sirros): M. le député de... Une petite poursuite, si vous permettez.

M. Cherry: Oui. Je veux juste finir. Juste une question, parce que vous venez d'invoquer le FERC aux États-Unis. On sait qu'une des exigences du FERC, c'est d'assurer qu'on va charger des frais de transport. C'est pour ça qu'ils demandent des comptabilisations séparées, hein, production, transport... O.K. Donc, quand vous affichez ici un tableau qui dit: Hydro-Québec, 0,036 $ par rapport aux autres États pour aller livrer notre produit, qu'est-ce que ça modifierait dans le coût du 0,036 $ qui est affiché ici en comptabilisant les frais de transport qu'il faut se charger sur nos lignes? Et, en plus, pour aller la distribuer, à chaque fois qu'on change d'État ou de transporteur, il y a une tarification, vu qu'on s'attaque à ces marchés-là. Et c'est Jacques Ménard qui vient d'ouvrir cette réponse-là. Est-ce que c'est déjà comptabilisé dans les coûts ou est-ce qu'il faut l'ajouter? Et, si oui, qu'est-ce que ça change dans le total du coût à livrer?

M. Caillé (André): Tout est comptabilisé dans les coûts que vous avez là: c'est la marchandise, l'électricité elle-même, le pouvoir, le transport et la distribution. Et, ouverture ou pas ouverture, il n'y a rien qui change au niveau de ces données-là, soit au Québec ou soit chez eux, du reste. Quand on vendra aux États-Unis, on va vendre jusqu'à la frontière. On va supporter l'ensemble de ces coûts-là plus les coûts, hein, les tarifs de transport aux États-Unis sur les réseaux de transmission jusqu'à l'utilité publique, parce qu'on parle de marché de gros, ou à la municipalité à qui on aura vendu de l'énergie. Alors, ça, ça va varier selon les clients. Plus c'est loin, plus ça risque de coûter cher, forcément, en termes de réseau de transport.

(10 h 50)

Dimension additionnelle que chacun sait, il y a, dans la production au niveau du parc de production américain – vous m'arrêtez, M. le Président, si je déborde – ce qu'ils appellent chez eux des «stranded costs», c'est-à-dire des coûts qui ne seront pas récupérables par eux à partir du moment où ils vont vendre au prix du marché. La question qui se pose aujourd'hui aux États-Unis, c'est: Est-ce que ces coûts-là, ce sont les actionnaires de ces entreprises-là qui vont les assumer ou est-ce que ça sera les clients? Est-ce que ce sont les clients? La réponse, c'est qu'une partie ira aux uns et une partie aux autres. On ne sait pas à ce moment-ci quelle partie ira aux uns et aux autres; ça dépend de décisions des offices de réglementation. Si, par exemple, c'est placé dans les tarifs de distribution puis on est dans le marché de gros, on n'aura pas à supporter ces coûts-là; mais, si c'est placé dans les tarifs de transport, comme on va utiliser le système de transport pour rejoindre les clients de gros, on supportera une partie de ces coûts-là. Incidemment, quand ils viennent pour vendre chez nous, en sens inverse, ils vont devoir supporter très exactement la même chose, parce que c'est les mêmes tarifs dans un sens ou dans l'autre.

M. Ménard (Louis-Jacques): Si ce sont les actionnaires, bien, ça va être, disons, par des radiations au bilan tout simplement.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Je trouve ça intéressant de me retrouver à cette commission-là, M. Ménard, M. Caillé, parce que, dans les années quatre-vingt, je restais en banlieue de Sherbrooke – et j'y reste toujours, d'ailleurs – et j'ai été à l'origine d'une lutte pour uniformiser les tarifs d'électricité dans mon coin, à Saint-Denis-de-Brompton, où on payait les tarifs d'Hydro-Sherbrooke plus cher que les gens de l'autre coin de mon village, où ils payaient moins cher parce qu'ils étaient à Hydro-Québec. Alors, nous avons mené une lutte, un groupe dont j'étais le responsable, et nous avons obtenu ce que vous savez maintenant. Je comprends les Îles-de-la-Madeleine parce que, moi, c'était parce que j'étais un Hydro-Québécois que je sentais que c'était injuste que je paie plus cher parce que j'étais branché sur Hydro-Sherbrooke plutôt qu'Hydro-Québec, et c'était vraiment viscéral. C'était une question de valeur et c'est très profond chez nous, les Québécois. J'espère que les gens des Îles-de-la-Madeleine ne seront pas pénalisés comme, nous, nous l'étions dans ces années-là.

Deux petites questions rapides: Quelle est la probabilité que nous obtenions ce permis-là pour être des distributeurs en gros aux États-Unis?

M. Ménard (Louis-Jacques): Des objections, bien, il va y en avoir, mais les probabilités, bien malin est celui qui peut vous dire que c'est... C'est mathématique, là, mais...

M. Caillé (André): Moi, je pense que, comme je disais dans ma présentation, les probabilités sont très grandes parce que notre demande amendée respecte l'esprit d'accès non discriminatoire au réseau. Et on a même ajouté là-dedans la capacité, pour un éventuel producteur américain qui aurait une plainte, de s'adresser à la Régie de l'énergie. Alors, c'est là.

M. Ménard (Louis-Jacques): On nous a présenté un contrat type auquel on devait se conformer, puis le décret effectivement... ce contrat type là.

M. Boucher: Ma question était reliée au fait que je m'interroge sur la grandeur d'âme des Américains pour nous permettre de vendre notre électricité...

M. Ménard (Louis-Jacques): Vous avez raison.

M. Boucher: ...nous qui la produisons à bon compte, à eux qui la produisent à meilleur compte. Mais enfin, si vous me dites que la probabilité est bonne, tant mieux.

M. Caillé (André): M. le député, je pense important de comprendre, ici. J'ai rencontré des gouverneurs de différents États aux États-Unis. Un m'expliquait justement – je ne le nommerai pas, mais un m'expliquait – où les tarifs sont élevés, que finalement il en venait, lui, progressivement à la conclusion qu'il n'avait pas le choix d'ouvrir et de laisser venir de l'électricité, de l'énergie à moindres coûts. La raison est la suivante: c'est que, quand on a une structure industrielle et qu'on lui impose des tarifs plus élevés qu'autrement dans une situation où il y a une demande pour une production marginale additionnelle, la production marginale additionnelle, elle s'en va ailleurs. Et il y a plusieurs de ces gens, gouverneurs aux États-Unis, avec des gros chiffres, en ce qui concerne les prix, qui ont cette préoccupation-là. Bref, ils se disent: On peut ne pas ouvrir pour protéger nos producteurs d'énergie aujourd'hui, mais – puis votre question, c'était à moyen puis à long terme – on ne pourra faire ça ni à moyen ni à long terme parce qu'on va perdre la structure industrielle. Les gens vont aller produire ailleurs.

M. Boucher: Une dernière petite question. Vous avez peut-être répondu dans le document, mais je ne l'ai pas vu. Ça touche le libre marché. Si, les Québécois, on peut vendre aux Américains notre électricité plus cher qu'on la vend au Québec, dans un contexte de libre concurrence, est-ce que ceci ne provoquerait pas une augmentation des prix au Québec même, naturellement?

M. Ménard (Louis-Jacques): Non.

M. Caillé (André): Alors, si on peut vendre à des prix élevés, Hydro-Québec, aux États-Unis, ça va nous faire des revenus additionnels qui vont s'ajouter à l'ensemble de nos revenus, donc les revenus québécois, et ça va nous permettre d'atteindre plus rapidement un rendement satisfaisant, comme l'exprimait le ministre plus tôt, sans avoir à augmenter les tarifs au Québec ou encore à réduire les coûts de façon drastique à l'intérieur de l'entreprise.

M. Boucher: Ça, c'est dans un contexte où vous protégez le marché québécois.

M. Ménard (Louis-Jacques): Bien, c'est nos rendements financiers qui vont être affectés d'autant. Mais, au niveau du marché québécois, on l'a dit tout à l'heure à quelqu'un qui nous l'a demandé, on a une obligation juridique et autre de continuer à offrir des tarifs qui sont jugés par la Régie, disons, qui sont compétitifs et accessibles à tout le monde. Je ne vous suis pas, là.

M. Boucher: Je veux comprendre quelque chose, là. Faisons l'hypothèse théorique. On fait des hypothèses. Faisons l'hypothèse qu'on pourrait vendre toute notre électricité, hypothétiquement. C'est 25 000 000 000 $ que le ministre des Ressources naturelles nous disait, potentiels, 25 000 000 000 $.

M. Caillé (André): Alors, on ferme les lumières d'ici? Qu'est-ce qu'on fait?

M. Boucher: On peut vendre toute notre électricité aux États-Unis à 0,01 $ de plus, transport compris, etc.; 0,01 $ de plus. Pourquoi on vendrait notre électricité aux Québécois?

M. Caillé (André): Si vous me permettez, M. le Président. Parce que la loi que l'Assemblée nationale a adoptée fait obligation à Hydro-Québec de satisfaire les besoins des Québécois, l'obligation de servir.

Deuxièmement, en passant – je reviens à votre question – il ne faudrait pas trop critiquer les Américains, parce qu'on déréglemente la production. On ne peut pas par la suite dire à quelqu'un: Tu vends trop cher ou moins cher. Il n'y a plus de commentaires quant au prix. On peut parler de la réglementation du transport et de la distribution. C'est pour ça que j'insistais pour dire qu'il fallait être clair que la production était déréglementée, parce qu'ils ne pourront pas nous critiquer de vendre plus ou moins cher, ce n'est pas réglementé, ni par eux ni par qui que ce soit. Alors, c'est les acteurs qui décident du prix qu'ils mettent en marché.

M. Boucher: En somme, vous nous dites qu'on maintiendrait notre droit de répondre aux exigences de la loi québécoise.

M. Caillé (André): Ah! la loi. L'Assemblée nationale sait déjà, vous êtes déjà assurés de ça, nous avons l'obligation de desservir.

M. Ménard (Louis-Jacques): Il n'y a pas d'équivoque.

M. Caillé (André): C'est normal que ce soit ainsi.

Le Président (M. Sirros): Si je peux me permettre peut-être de juste prendre un peu cette lancée-là, est-ce que ça voudrait dire qu'on ne pourrait pas vendre plus cher aux Québécois que ce qu'on vendrait aux États-Unis? Parce que l'obligation est faite pour Hydro-Québec de fournir de l'électricité aux Québécois, de combler les besoins, mais est-ce que c'est aussi clair que vous laissez entendre que ça doit être au plus bas prix possible?

M. Caillé (André): Je vais vous répondre, M. le Président. On a l'obligation de servir le marché québécois et on a l'obligation d'offrir à tous tarif uniforme, tarif de fourniture décidé, approuvé par la Régie. Alors, c'est là que...

Le Président (M. Sirros): Doit-il être plus bas que ce qu'on pourrait vendre aux Américains? C'était, je pense, le sens de la question du député de Johnson.

M. Caillé (André): Peut-il? Oui, il peut. Il peut être plus bas que ce qu'on va vendre aux... Aux États-Unis, ce n'est pas réglementé. Alors, on va vendre au prix du marché, en passant. Ce n'est pas un...

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député de Johnson.

M. Boucher: Je veux bien, bien comprendre. Vous comprendrez que, quand on tombe dans le libre marché, la libre concurrence, on ne contrôle pas nécessairement les prix, hein? Moi, je veux bien comprendre que les prix de l'électricité au Québec, parce qu'on ouvre sur le marché américain, qui est plus avantageux pour nous, selon les données qu'on a, je veux bien comprendre que ça ne provoquera pas une hausse des prix d'électricité au Québec.

M. Caillé (André): Je vais vous répondre, monsieur.

M. Boucher: Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

M. Caillé (André): Oui, je comprends votre point. Si on parle du prix aux États-Unis, le prix, il est déréglementé, et c'est le marché, pas Hydro-Québec, c'est le marché tout seul qui va décider c'est quoi, le prix chaque jour, à toutes les 30 minutes, enfin, etc.

M. Boucher: Aux États-Unis.

M. Caillé (André): Quant au Québec, ici, obligation de servir, Hydro-Québec, obligation de servir selon des tarifs de fourniture décidés par la Régie. Quel sera le prix de la marchandise dans cesdits tarifs de fourniture? Je crois que c'est votre question. Alors, on part d'une situation présente, une situation aujourd'hui où on a un tarif global pour un service global qui inclut marchandise, transport, distribution, etc., et puis on s'en va en évolution par la suite. Et la même loi que vous avez adoptée à l'automne fait obligation à Hydro-Québec de soumettre un plan de ressources pour approvisionner ce marché québécois. C'est la Régie qui va approuver ce plan de ressources.

(11 heures)

Bien entendu qu'on va partir avec la situation présente, bien entendu que, advenant une augmentation du prix de la marchandise dans le tarif de fourniture, on va devoir s'en expliquer avec la future Régie. Mais pourquoi les prix augmenteraient-ils? C'est pour ça que, moi, à moins qu'il n'y ait... Je ne sais pas ce qui peut arriver. Franchement, je ne veux pas vous imaginer de scénarios qui font en sorte que les prix vont partir en augmentant de façon très, très grande pour le marché commercial, pour le marché ici, au Québec. Peut-être les gens ont-ils à l'esprit, quand ils expriment ces craintes, qu'on pourrait construire un grand barrage nouveau, et qu'il coûterait très cher et que le prix serait refilé aux Québécois. Mais ça non plus, ça ne va pas, parce que le plan des ressources doit être approuvé par la Régie. J'imagine que la Régie dira: Non. Alors, moi, je ne le proposerais même pas.

Le Président (M. Sirros): Je vois que ça suscite plusieurs mouvements autour de la table. On aurait tous le goût de participer, parce que j'aurais pu vous présenter un scénario, mais... Mme la députée de Marie-Victorin suivie par M. le député de Laprise, intercalés par quelqu'un de l'autre côté.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, M. Caillé...

Le Président (M. Sirros): Le député de Laprise, je m'excuse, le député de Roberval.

Mme Vermette: ... à la suite de vos propos, si j'écoute bien, bon, vous ne pouvez pas prévoir quels seront en fait les marchés ou en tout cas ce que ça pourrait apporter pour les prix.

Mais, moi, si je regarde ce qui s'est passé avec Bell Canada, quand on est arrivé avec la déréglementation, c'est-à-dire ce qu'on a fait, c'est qu'on a baissé le prix, en fait les tarifs des interurbains et on a augmenté pour le domestique.

Alors, ça nous fait peur un petit peu aussi pour la même chose, parce qu'on voudrait peut-être maintenir des prix très bas pour l'exportation et finalement augmenter. Même si on va devant la Régie... Vous allez dire: Ce n'est pas nous qui allons avoir à décider ça, c'est la Régie. Mais on regarde chez Bell Canada, ils ont le CRTC et, si on regarde comment réagit le CRTC, ce n'est pas une garantie, en tout cas pour l'ensemble des contribuables québécois.

M. Caillé (André): Je ne peux pas répondre pour la future Régie quant à son attitude comparée avec celle du CRTC. Par ailleurs, ce que je peux vous dire, c'est que, dans la loi québécoise concernant la Régie de l'énergie, il y a un pouvoir de directive du gouvernement sur la Régie. Si les membres de l'Assemblée nationale en décident ainsi, je suppose, si les membres du gouvernement décident qu'il n'y en aura pas, d'élimination de l'interfinancement, et qu'ils en font une directive, il n'y en aura simplement pas. Ça reste le pouvoir de l'Assemblée nationale. Je ne sais pas ce que c'était... Je ne connais pas assez la loi du CRTC pour vous dire si pareil pouvoir de directive est entre les mains du gouvernement là-bas.

Le Président (M. Sirros): Je sais que le député de Johnson veut revenir pour terminer un peu la lancée qu'il a initiée.

M. Boucher: O.K. Ça va être terminé, là. J'espère que mes craintes vont être complètement disparues. On sait que le marché américain est plus compétitif que le marché au Québec et ce serait dans ce contexte normal que l'énergie la moins dispendieuse du Québec aille pour l'exportation. Ça créerait évidemment un effet sur les tarifs québécois, ce serait un effet de nivellement. Vous saisissez ce que je veux dire?

M. Caillé (André): Oui. Alors, il n'y a aucun plan; il n'y a rien à l'agenda du genre de séparer en deux la production québécoise...

M. Boucher: ... en haut.

M. Caillé (André): ...pour dire: Bon, ça, celle-là, elle va être pour le Québec et elle va être plus chère parce que de toute façon ils sont captifs et les autres, on va vendre moins cher parce qu'ils ne sont pas captifs. Il n'y a pas de plan comme ça, et je vois mal une Régie approuver un plan des ressources de cette nature-là, parce qu'il faudrait qu'elle l'invente. Ce n'est certainement pas moi qui vais proposer un plan de cette nature-là, avec deux portefeuilles séparés. C'est non.

M. Boucher: Merci.

Le Président (M. Sirros): Moi, je vais vous poser la question suivante, pourtant. Le prix que vous marquez, c'est un prix moyen. N'y a-t-il pas un plan effectivement de défaire l'interfinancement, et donc de conduire à des augmentations de tarifs au résidentiel pour refléter au niveau commercial le coût plus juste, entre guillemets, et que c'est ce prix-là finalement qui va se retrouver filé aux Américains?

M. Caillé (André): Il n'y a pas de plan de ce genre.

Le Président (M. Sirros): Il y a un plan de désindexation au niveau de l'interfinancement.

M. Caillé (André): À Hydro-Québec, chez nous?

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Caillé (André): Non. Il y a des...

Le Président (M. Sirros): Ça a été évoqué ici à plusieurs reprises par les dirigeants d'Hydro-Québec. M. Caillé, je m'excuse, là...

M. Caillé (André): Mais un plan... Il n'y a pas de plan précis à ce moment-ci. Peut-être qu'il y en a eu dans le passé, je n'en sais rien, mais il n'y a pas de plan précis.

Je vais vous expliquer mon expérience gazière devant la même Régie, comment ça se passait. Gaz Métropolitain, à même ses grands clients industriels, a interfinancé ses clients résidentiels, c'est vrai. Incidemment, ce n'est pas ceci un phénomène québécois et ce n'est pas un phénomène d'entreprises d'État qui dépendent de commissions parlementaires. Plusieurs entreprises américaines privées capitalistes, sous la responsabilité d'offices de réglementation, ont de l'interfinancement à un niveau encore plus élevé. C'était une tendance très largement établie, puis c'est toujours dans le même sens. Il y a un endroit au monde où c'est différent puis je n'ai pas encore compris pourquoi, puis ça fait longtemps que je cherche, c'est en Belgique. Mais à part ça, ça va toujours dans le même sens. Alors, ce qu'il y avait pour Gaz Métropolitain, c'est qu'à chaque fois qu'on allait à la Régie il y avait les grands clients industriels qui supportent l'interfinancement, qui se présentaient bien entendu avec une thèse, une plaidoirie pour éliminer l'interfinancement. Et puis il y avait Gaz Métropolitain qui disait: Oui, mais attention, attention. Moi, je prétendais, en tout cas, que... Ces études de coûts de service qui concluent à un interfinancement, il faudrait peut-être voir comment elles sont faites. On pourrait questionner la façon dont on fait ces études-là. Par exemple, je vous dis juste un point, ces études ne tiennent nullement compte du fait qu'un client résidentiel choisit, en général pour 25 ans, sa source d'énergie tandis qu'un client commercial ou un client industriel, selon l'évolution, un jour il est en opération, un jour il ne l'est pas. Puis on ne tient pas compte de ça.

Alors, moi, je remets tout de suite en question d'abord ces études de coûts de service. Mais deuxièmement, je poursuis sur le cas Gaz Métropolitain, à chaque année la Régie finissait par dire qu'il y aurait une petite partie qui serait réduite de l'interfinancement, mais ça n'a jamais été très très significatif à ma connaissance. Dans le cas d'Hydro-Québec, il y a interfinancement. Je me propose de faire des études d'analyse de coûts de service, parce que, ça, vous savez c'est quoi ça. On prend tous ces coûts...

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Caillé (André): ...puis on les distribue à chacun des clients selon des hypothèses qui engendrent les coûts. Encore une fois, moi, je les remets en question ces hypothèses-là, et on va devoir – ça, c'est l'obligation de la loi encore une fois – soumettre ça à l'office de réglementation, à la Régie de l'énergie. Je pense que les clients industriels, ceux qui supportent l'interfinancement, ne changeront pas leur plaidoyer, mais je m'attends à ce que la Régie... contrairement à ce qui était le cas dans le cas du gaz, d'une présence des consommateurs résidentiels plus grande, beaucoup plus grande, et c'est seulement là le résultat qui va se produire en termes de modification à l'interfinancement. Et je vous soumettrai bien humblement que ceci n'a rien à voir avec la déréglementation puis l'ouverture des marchés.

Le Président (M. Sirros): Moi, M. Caillé, je veux me permettre juste une dernière intervention, je ne veux pas abuser de la position que j'occupe ici. Est-ce que le fait que vous allez vous retrouver sur le marché concurrentiel à l'exportation aux États-Unis, en soi ne va-t-elle pas mettre une pression pour que l'électricité que vous allez livrer au États-Unis soit au plus bas prix possible? Est-ce qu'on peut s'entendre sur ça? J'imagine que vous allez vouloir vendre l'électricité la moins chère, là, pour avoir le plus grand bénéfice possible au niveau des ventes les plus grandes. Est-ce qu'on peut s'entendre sur ça?

M. Caillé (André): On va vouloir, M. le Président, vendre l'énergie aux États-Unis au prix du marché aux États-Unis. On va...

Le Président (M. Sirros): Un peu en bas, un peu en bas pour avoir les contrats, j'imagine.

M. Caillé (André): Voilà, O.K. Mais, on va vouloir la vendre...

Le Président (M. Sirros): O.K.

M. Caillé (André): Ça n'a rien à voir avec l'interfinancement ou les coûts. On va vouloir la vendre au prix du marché, le plus près possible du prix du marché, peut-être un petit peu moins chère que celui qui, le dernier, a fait une offre, c'est entendu, pour gagner la vente.

Le Président (M. Sirros): Voilà. Et quand je parle de pression, si c'est le cas, à ce moment-là, si, vous, vous supportez au niveau de cette électricité, que vous allez vouloir exporter, un coût supplémentaire à cause du fait que vous supportez le résidentiel, n'y a-t-il pas là une pression à vous défaire de cet interfinancement? Et je vais répéter que, comme député et comme ministre, j'ai souvent vu Hydro-Québec venir avec l'exposé du problème de l'interfinancement.

M. Caillé (André): D'accord.

Le Président (M. Sirros): Alors, si vous êtes en train de me dire aujourd'hui que ce n'est plus un problème, que pour vous, c'est tout à fait correct et normal que le commercial et l'industriel financent le résidentiel, je pense que nos amis les journalistes ont une nouvelle aujourd'hui.

(11 h 10)

M. Caillé (André): O.K. Alors, je reprends. Alors, aux États-Unis on va vendre à un prix qui va être celui du marché, hein, la meilleure proposition sur le marché – c'est seulement comme ça qu'on va vendre – puis ça va devenir, cette proposition, le prix marché. Ça, ça va engendrer des revenus. D'accord? On revient au Québec. On aura des tarifs de fournitures qui vont nous donner des revenus, parce qu'on va en vendre au résidentiel, au commercial et à l'industriel. Jusqu'ici dans ma discussion aucune... Il n'est pas nécessaire, ici, là, pour faire le calcul total des revenus, de faire quelque analyse de coûts de service que ce soit ou de répartition de coûts de service. Les revenus, ça va être les volumes vendus multipliés par les tarifs au Québec et les volumes vendus multipliés par le prix marché aux États-Unis. Voilà pour les revenus.

Maintenant, parlons de l'allocation des coûts. Quelle qu'elle soit, l'allocation des coûts, le total, c'est le même. C'est très exactement le même. L'exercice de l'allocation des coûts consiste à les évaluer et à les répartir à 100 % dans les différentes catégories de clients. Le bénéfice pour Hydro-Québec, la ligne du bas, est invariable quel que soit le niveau d'interfinancement. C'est la mécanique qui veut ça. Complètement... Je suis d'accord avec vous... Je me suis souvenu par vos propos d'avoir lu distraitement, quand j'étais au Gaz, des propos de mes prédécesseurs qui représentaient Hydro-Québec à cette table et qui parlaient d'un grand niveau d'interfinancement, etc. Moi, ce que je dis: J'entends tout ça, comme je l'ai entendu souventefois à Gaz Métropolitain, mais je répète que je questionne la façon dont ces analyses sont faites.

Le Président (M. Sirros): M. le député d'Ungava.

Des voix: De Roberval.

Le Président (M. Sirros): Non, je m'excuse, de Roberval. Je m'excuse, j'ai un blanc de mémoire.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez nous autres on vient d'une région qui a vécu la nationalisation de l'électricité de façon différente de celle de Sherbrooke, parce que nous autres on a été un peu pénalisés par l'augmentation des coûts. Mais on l'a acceptée de bonne grâce face à l'importance que prenait la nationalisation de l'électricité pour nous autres, même si on savait que nos amis de Sherbrooke avaient l'indice de richesse beaucoup plus élevé que nous autres. On a quand même accepté de faire un partage sur le plan provincial, mais on n'accepterait pas aussi facilement peut-être de partager l'augmentation des coûts avec les Américains. C'est une première opinion sur les prix.

Maintenant, c'était une autre question que je voulais vous poser. À la page 7 de votre document que vous nous avez remis ce matin, on voit que l'énergie américaine est fabriquée avec du charbon, 55 %. Et vous savez que l'énergie au charbon est très polluante, et je crois que le Québec subit les mauvais côtés de cette pollution par les pluies acides qui viennent détériorer nos forêts, en particulier nos érablières. Alors, sur le plan technique, est-ce qu'il y a d'autres façons de produire l'énergie au charbon qui éliminerait... Parce qu'il a eu quand même plusieurs positions qui ont été prises du côté américain, qui veulent diminuer la pollution par les pluies acides, et je pense la production avec l'énergie du charbon, qui laisserait de la place à la production de l'énergie hydraulique? Est-ce qu'actuellement avec les Américains il y a possibilité de diminuer cette énergie qui est au charbon, qui est produite avec du charbon, et la remplacer par de l'énergie hydraulique?

M. Caillé (André): Oui, bien sûr. C'est notre ambition.

M. Laprise: C'est une alternative.

M. Caillé (André): C'est certainement notre ambition et quant à l'énergie produite avec du charbon qui pollue, qui produit du SO2, enfin du NO2, NO3, qui sont des pluies acides, il y a moyen qu'ils réduisent leur pollution, mais les chiffres qu'il y a ici vont augmenter, par ce que ça coûte. Ça va les rendre moins compétitifs, et on va compétitionner. Je pense que le point que vous soulevez, c'est: Quelle raisonnable assurance avons-nous de la part des Américains qu'ils auront, dans le secteur de l'énergie, des normes environnementales qui soient compatibles avec l'ouverture du marché? On ne peut pas exiger des choses ici, parce que, si on s'exige des choses, à nous, qu'ils ne s'exigent pas, bien, on sera moins compétitif et on ne veut certainement pas faire ça. Et comme on veut protéger l'environnement, on voudrait que les normes soient à tout le moins équivalentes. Et le traité de l'ALENA évidemment, comme il en a été souvent question dans d'autres filiales industrielles, est très important ici. L'ouverture des marchés, ça se fait en compétitionnant, mais il faut que les règles de la compétition soient équivalentes en ce qui concerne l'environnement et également – on n'en a pas parlé à date – quant au support qu'on doit donner à ce moment-ci au développement de d'autres formes d'énergies renouvelables que l'hydroélectricité; je veux parler de l'éolien et du solaire. Il faut que ça soit semblable, très semblable autrement on ne compétitionne pas sur les mêmes bases. Ce que j'en sais, aux États-Unis, les groupes environnementaux et les normes, les exigences ne peuvent aller que dans un sens plus élevé. Je pense que l'industrie du charbon va se faire imposer des normes de plus en plus restreintes, ce qui va faire en sorte que leur coût va s'élever et que leur production va diminuer. C'est la façon dont on va les amener à sortir du marché, en pratique.

Quant aux autres questions, peut-être que le président préfère qu'on en débatte plus tard, parce que j'ai vu que c'était séparé en quatre sessions, mais en tout cas... pour tout de suite, disons que même chose devrait s'appliquer quant à l'approche québécoise versus l'approche américaine au niveau d'énergies renouvelables qui ne sont pas l'hydroélectricité, à savoir le solaire et puis l'éolien.

M. Laprise: Merci.

Le Président (M. Sirros): Alors là, j'ai le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Vous nous avez fait part tantôt dans vos documents et évidemment dans les notions auxquelles nous nous sommes référées dans la préparation de cette commission, d'un marché potentiel de 25 000 000 000 $ dans le Nord-Est américain. Évidemment, 25 000 000 000 $, ça fait ouvrir les yeux bien grand à bien des entrepreneurs et bien des gens qui sont dans la production d'énergie. Ça va amener une compétition féroce. Hydro-Québec qui, avec son plan hydroélectrique, peut produire de l'électricité à relativement bon coût va sûrement tenter de prendre une part de ce marché-là. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y en a qui vont réagir agressivement pour essayer aussi d'aller chercher leur part de marché. Si leur production d'électricité est à un coût plus élevé et que... On avait entendu par le passé dire qu'on manquerait éventuellement d'énergie, ici, au Québec, ou de ressources pour produire de l'énergie, et que là on s'en va vers l'exportation. Devant les gens qui vont vouloir compétitionner, donc aller vers de nouvelles façons de produire de l'énergie – et je ne rentrerai pas dans les détails, on rentrera plus loin là-dessus éventuellement, mais si on peut juste faire référence aux antennes de télévision que nous avions il y a 40 ans, et puis après ça, c'étaient des antennes paraboliques, ça a été le câble, puis là on s'en va aux petites soucoupes grosses comme une assiette – je suis sûr que les Américains ne resteront pas inactifs devant un marché aussi important. Ils vont vouloir développer des nouveaux marchés. Est-ce que vous allez seulement, le surplus d'énergie, là, jouer avec le jeu des barrages, de remplir vos réservoirs et de les vider au bon moment, ou si dans votre plan que vous allez soumettre éventuellement, vous allez avoir de nouveaux investissements pour de nouveaux barrages?

M. Caillé (André): Ce à quoi je faisais référence, M. le Président, quand je parlais de ne pas avoir lancé la serviette sur le développement hydroélectrique par Hydro-Québec au Québec: j'ai demandé à mon arrivée que l'on ouvre les cartons, qu'on regarde chaque projet puis qu'on m'explique pourquoi on n'était pas capable de faire à meilleur compte. Ce que j'essaie de faire, c'est de développer, à l'intérieur de l'ensemble des projets potentiels non aménagés Hydro-Québec, un programme qui serait un programme rentable et un programme où le coût de revient serait inférieur au prix marché dans un marché de gros ouvert. Alors, on cherche donc des projets – je pense qu'on peut parler, là, de 0,03 $, 0,035 $ canadiens à la frontière – qui ont des coûts inférieurs à cela. Et ce ne serait pas un péché, comme j'ai dit à mes collègues, s'ils étaient significativement inférieurs à cela, parce que ça représenterait des bénéfices additionnels.

Moi, j'ai confiance qu'on va réussir à développer un programme de cette nature. Très honnêtement avec vous, il n'est pas développé; je ne le connais pas à ce moment-ci puis on a encore des travaux à faire, mais rassurez-vous, à cet égard on est loin d'avoir abandonné. Mais bien sûr il y a une contrainte de plus. Je l'ai expliqué aux ingénieurs-conseils, je l'ai expliqué aux manufacturiers et aux entreprises, aux constructeurs, aux entreprises de construction, ne venez pas me voir avec des projets qui excèdent à la frontière le prix que je leur disais, le prix marché. On parle de théorie, ça n'arrivera jamais. Il faut maintenant qu'on s'assoie ensemble, qu'on voie comment on peut réaliser, dans le respect de l'environnement et des populations où on fait nos aménagements, on peut faire des projets qui rencontrent les critères de prix. Ceux-là, on les fera; les autres, il va falloir s'abstenir de les faire parce que ça ne serait pas bon, et ça, ça représenterait un risque d'augmentation pour les tarifs québécois. On ne prend aucun risque.

(11 h 20)

M. Ménard (Louis-Jacques): M. le député, quant à l'autre partie de votre question sur les autres filières: est-ce que la concurrence très forte que vous avez évoquée va mener le cas échéant à d'autres recherches, d'autres développements sur la production d'autres formes d'énergies comme l'éolienne ou le solaire? Tant mieux effectivement; c'est à souhaiter qu'il y ait plus d'argent en recherche et développement que l'industrie consacre à ces filières-là. Et on sera tous gagnants, ici, au Québec, comme de l'autre côté de la frontière, le cas échéant.

M. Beaudet: Oui. M. le Président...

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Beaudet: ...on sait que l'une des raisons majeures pour lesquelles l'électricité au Québec est à bon marché, c'est qu'on a déjà amorti le coût de nos barrages. Avec la construction de nouveaux barrages, évidemment le coût de l'énergie produite par ces barrages-là va être plus élevé que celui de l'énergie actuelle produite par des barrages qui sont déjà amortis, où le paiement est déjà fait puis on l'a déjà oublié.

Alors, dans le développement des nouveaux barrages, je ne sais pas si on peut arriver à un coût d'électricité – je n'ai aucune compétence là-dedans – à 0,035 $CAN, comme vous le mentionnez, pour permettre la compétition avec le marché américain. Je n'ai aucune idée. Est-ce que ce sera possible ou non?

M. Caillé (André): Il le faut pour qu'on en fasse.

M. Beaudet: Est-ce que dans votre esprit, vous croyez que le harnachement de rivières, par la construction de barrages, pourrait permettre d'avoir un coût d'électricité au montant que vous vous êtes fixé ou si, comme disait M. le président du conseil tantôt, vous allez devoir développer de nouvelles sources, d'autres sources que l'hydroélectricité?

M. Caillé (André): Oui, deux éléments de réponse. La première c'est: oui, j'ai confiance qu'on puisse développer des projets hydroélectriques à moins...

M. Beaudet: C'est possible.

M. Caillé (André): ...du prix marché, ici, au Québec, par Hydro-Québec. Puis j'espère qu'on pourra avoir de bonnes nouvelles à cet égard-là; moi, j'en attends. Mais ceci n'implique pas qu'Hydro-Québec se désintéresse des autres sources d'énergie. Vous voyez, on a parlé, enfin on n'en a pas parlé ici ce matin, là, de développement international pour Hydro-Québec, pour HQI, à ce niveau, au niveau international.

Hydro-Québec, notre image de marque, c'est les énergies renouvelables. Il y a celles que nous connaissons et que nous maîtrisons mieux, selon moi, que quiconque au monde en ce moment. On a un parc hydroélectrique au Québec qui est extraordinaire. Ça a été bâti par plusieurs, puis plusieurs gouvernements se sont succédés, puis plusieurs parlementaires comme vous ont contribué à ça dans le passé. Je vous dis: On a, vous avez fait une chose extraordinaire; on a une machine impeccable, en très bon état. Des coûts attachés qu'on ne peut pas recouvrer dans le marché quand on fait un prix marché, on n'en a pas de ça. Là, on est encore un modèle unique. Tous les autres sont pris avec des coûts attachés qu'ils ne peuvent pas récupérer du marché.

Alors, l'image de marque, énergies renouvelables. Il y en a une qu'on contrôle parfaitement. Il y en a d'autres qui émergent puis qui s'améliorent dans le temps en termes de coûts, c'est l'éolien, c'est le solaire. Si on regarde à long terme – certains des membres de votre commission, M. le Président, invoquaient tantôt le long terme – on va tous être d'accord que, lorsque ces filières-là viendront en production, on aimerait ça être aujourd'hui avec mon successeur, ce ne sera pas moi peut-être, mais que mon successeur soit dans la même situation où, moi, je me trouve aujourd'hui, capable de vous répondre: On a bien fait. On a l'énergie renouvelable dans l'hydroélectricité, on contrôle ça; c'est une machine parfaite. On a fait la même chose avec l'éolien. On a fait la même chose avec le solaire.

On serait tous fiers de se dire ça. Il va le falloir, parce qu'à court terme les prix de ces énergies-là sont plus élevés. On le sait tous. Mais là, comment dire, il y a besoin de l'aide, de support, au point de départ, O.K., et je vois ça, moi, dans un contexte recherche et développement, un support à ces filières-là, pour qu'elles atteignent la maturité industrielle, pour qu'elles nous apportent le meilleur coût. On n'est peut-être pas à court terme, mais, si on raisonne juste sur le court terme, on ne sera pas présent dans ces filières-là à long terme. C'est ça qui va nous arriver.

Alors, il y a certainement quelque chose à faire ici. C'est faisable. On va avoir l'occasion d'en reparler, je suppose, plus tard. C'est faisable sans nuire à la position concurrentielle d'Hydro-Québec par rapport aux autres producteurs américains.

Le Président (M. Sirros): On va d'ailleurs pouvoir examiner ça plus à fond lors d'une prochaine séance quand on parlera justement des ressources renouvelables autres que l'eau.

M. Beaudet: M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui, je m'excuse. M. le député de d'Argenteuil.

M. Beaudet: Juste une brève question qui s'adresse toujours au marché nord-est américain. Quels sont les critères que vous avez utilisés pour arriver au 25 000 000 000 $? Qu'est-ce qui vous a donné ce chiffre-là? D'où il vient?

M. Caillé (André): C'est dans... On est dans un exercice de planification stratégique et mon expérience dans ce genre d'exercice, on fait ça... Il y a une équipe qui est animée par mon collègue Thierry Vandal où on prépare ce plan stratégique et il est important de donner au point de départ d'un exercice comme celui-là – j'ai toujours pensé quant à moi – une idée de ce qui est attendu pour être sûr que le produit qui arrive à la fin ne soit pas pour moi en deçà de l'attente. Et je me suis trouvé très réaliste quand j'ai comparé mes attentes avec celles du président de Duke Power. Le président de Duke Power, lui, il croit que 20 % de la capacité installée aux États-Unis est désuète et devra être remplacée d'ici l'an 2005. À 20 % des États-Unis, là, en supposant qu'on en prenne 5 % seulement, nous, de ça, on passe de 4 % à 6 % et 5 %, ça veut dire qu'on soit un joueur parmi 20, nous qui aujourd'hui, chiffres à l'appui, ressemblons plus à 1 parmi 5.

Alors, j'essayais de donner un objectif qui soit significatif. Ça l'est; ça double les ventes d'Hydro-Québec tout en étant réaliste. Mais ça, c'est un objectif au point de départ d'un exercice pour savoir jusqu'à quelle profondeur on doit le faire. Ça ne veut pas dire qu'il est faisable d'une part, non plus que ça veut dire qu'on va se limiter à ça si les opportunités sont plus grandes. C'est au mois de novembre qu'on pourra voir ça.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est ce qu'on va préciser dans le cadre de notre plan stratégique.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député? Alors, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Oui. Merci, M. le Président. M. Caillé, l'ouverture des marchés à la déréglementation ça amène et ça va amener une plus grande concurrence de marchés au niveau de l'énergie. Est-ce que ça exclut pour le futur les contrats de vente à tarifs fixes à long terme?

M. Caillé (André): Non. Ça n'exclut pas cela. Vous voulez dire les tarifs au Québec de vente à un prix fixe et à long terme?

M. Pelletier: Oui. Mais n'importe quel contrat, là, aux États-Unis, à l'exportation, là.

M. Caillé (André): Est-ce qu'on parle des contrats spéciaux?

M. Pelletier: À l'exportation.

M. Caillé (André): Ah, à l'exportation.

M. Pelletier: L'effet de déréglementation qui amène plus de compétition, est-ce que ça exclut davantage les contrats à long terme à tarifs fixes?

M. Caillé (André): Franchement, oui, à ce moment-ci. Plus tard dans le temps, on verra, il y aura peut-être... on reviendra au prix... à des contrats à long terme avec des utilités publiques, là, des vrais vendeurs, mais à court terme... Il faut s'attendre que dans les premières années ça va être du court terme.

M. Pelletier: Est-ce que dans le moment on a un... Est-ce qu'Hydro est pris dans le moment avec des contrats importants ou un pourcentage important de ses ventes avec des tarifs fixes très bas?

M. Caillé (André): Des tarifs fixes très bas, non. Bien, ça dépend par rapport à quoi, bas ou hauts. On a des contrats fermes à long terme qui se terminent le ou vers l'année de l'an 2000, et c'est des prix qui sont supérieurs au prix de marché. Alors, ce ne sont pas des prix bas dans le contexte actuel.

On en vend une autre partie actuellement sur le marché courant, le marché spot, et ceux-là ont des prix inférieurs parce que c'est le prix du marché spot. On a les deux.

M. Pelletier: Donc, aux États-Unis dans le moment on n'a pas de contrat à long terme à tarifs fixes.

M. Caillé (André): On en a eu qui arrivent à leur fin.

M. Pelletier: O.K. D'accord. O.K.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est à ces contrats-là que je faisais référence tout à l'heure. Vu que c'est assez à court terme, on parle quand même de trois à quatre ans, disons trois ans au plus, il est important de les protéger et d'afficher nos couleurs assez tôt.

M. Pelletier: Donc, pour les prochaines années étant donné que tout est en effervescence, on ne peut pas penser qu'il y aura de contrats à long terme à tarifs fixes.

M. Caillé (André): Non, pas au début.

M. Pelletier: Je reviens juste sur... parce qu'on a parlé des Îles-de-la-Madeleine pas mal tantôt. Avec les nouvelles technologies, là, est-ce qu'on n'est pas prêt à ce que l'éolien devienne aussi bon marché que le thermique?

(11 h 30)

M. Caillé (André): Ce n'est pas le cas présentement. J'ai des collègues dans l'industrie qui vous diraient qu'ils sont très très près de cela. Mais c'est certainement beaucoup moins cher, ça c'est vrai, quand ils vous disent que c'est beaucoup moins cher que ce que ça a été il y a cinq ans, il y a dix ans. Il y a une baisse rapide au niveau des coûts de l'éolien avec l'amélioration des technologies, etc. Actuellement, je ne pense pas qu'on puisse produire de l'électricité avec de l'éolien au prix de marché. Ce qui ne signifie pas qu'une grande entreprise comme nous doive se désintéresser de l'éolien, et c'est bien pour ça qu'on a volontarisé au Sommet – on avait déjà 40 MW, je crois, et on ajoute 100 MW – au Sommet du mois d'octobre, je crois, à Montréal, l'ajout d'une enveloppe de 100 000 000 000 d'éolien qu'on va acquérir du marché sur la base d'appels d'offres.

M. Pelletier: Mais dans le moment, le thermique aux Îles-de-la-Madeleine coûte encore moins cher que l'éolien, c'est ce que je comprends?

M. Caillé (André): Le thermique... C'est parce que de l'éolien seul... On ne pourrait pas se fier seulement à l'éolien, comme on peut comprendre, parce qu'une journée qu'il ne ventera pas, si c'est en hiver, bon, ça n'irait pas. Alors, il pourrait avoir une combinaison peut-être. Il y a des combinaisons avancées, mais c'est des modèles à développer, des arrangements à développer qui vont être faits sur mesure pour les Îles ou fait sur mesure pour un autre endroit. Mais ce n'est pas exclus du thermique avec de l'éolien.

M. Pelletier: En terminant, les grands dossiers ou les grands projets de barrage qui sont sur la table depuis quelques années, si on a bien compris tantôt, c'est que dans le moment aucun de ces grands projets là peut produire en bas de 0,035 $.

M. Caillé (André): Il y a des projets, comme Grande-Baleine par exemple, qui sont près de produire à ce prix-là. Ce que je veux vous dire, je pense, c'est que je ne me contente pas de ce qu'il y a dans les cartons. Avec les coûts qu'on trouve dans les cartons, on fait des efforts très importants pour réduire les charges d'opération, qui ont les impacts que l'on sait sur les ressources humaines à Hydro-Québec, très exactement de même façon, je crois, qu'on a le devoir de faire les mêmes efforts pour réduire les coûts de construction. Les nouveaux ouvrages, là, on les achète avec des dollars qui ressemblent en tous points aux dollars qu'on utilise pour rémunérer nos employés. Alors, c'est tous les secteurs d'activité, même si dans le deuxième cas, c'est de l'investissement, qu'on doit réviser pour réduire les coûts. À la fin de cela, ça va nous donner un coût pour un parc donné, qu'on vous présentera à l'automne je l'espère, le plus grand possible avec le coût le plus bas possible évidemment et que l'on pourra réaliser sans prendre de risque d'augmentation de tarif ou sans prendre de risque commercial. Parce que notre jugement, là, on va être obligé de le faire par rapport à un prix marché anticipé, pas par rapport à un contrat à long terme. Alors, on va être plus confortable, moi et vous, dans une situation où il y aura une marge et que cette marge-là soit la plus grande possible entre le coût et le prix marché anticipé.

M. Pelletier: Merci.

Le Président (M. Sirros): Ça va? M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci. À la page 9 de l'excellente présentation que vous avez donnée, le petit cahier, là, vous mentionnez différents avantages de l'ouverture du marché de gros au Québec et vous avez mentionné dans votre présentation également que fondamentalement l'aspect compétitif de notre potentiel, surtout en termes d'exportation, dépendait beaucoup de l'hydraulicité, c'est-à-dire de la quantité d'eau qu'il y a dans les réservoirs.

Alors, au mois de novembre dernier, il y avait un article de La Presse qui indiquait que le niveau des réservoirs se situait à 51 % de leur capacité. Mais peu importe le niveau de surplus ou de situation des réservoirs, la question que je me pose, c'est: Compte tenu de l'importance de l'hydraulicité comme base de toute cette percée aux États-Unis et de la nature compétitive de notre potentiel, qu'est-ce qui arriverait s'il y avait une baisse importante du niveau des réservoirs, qui se traduirait par une baisse importante de l'hydraulicité, donc du coût de production d'Hydro-Québec?

Vous mentionnez dans votre rapport particulier, ici, je le lis, là: «C'est en substituant temporairement la production hydroélectrique par la production thermique qu'il serait possible d'utiliser ce type de moyen pour hausser le niveau des réservoirs.» Est-ce que la substitution temporaire de l'énergie thermique pour compenser la baisse des réservoirs maintiendrait toujours le niveau compétitif de vos prix et quelle est l'incidence de l'utilisation, ne serait-ce que temporaire, de l'énergie thermique – on va suppléer à un manque d'hydraulicité – sur la compétitivité des prix que vous offririez sur le marché de l'exportation?

M. Caillé (André): Très bien. Alors, M. le Président, il faut comprendre que dans un contexte ouvert, par opposition à un contexte fermé... Je ne parlerai pas du niveau des barrages, là, mais je vais faire des hypothèses quant au niveau des barrages. Lorsque le niveau d'eau est élevé, lorsque l'hydraulicité est forte, nous sommes en affaires pour vendre de l'énergie. On en a beaucoup. Et c'est pour ça qu'on ne veut pas que les acheteurs le sachent de peur que ça ait l'effet de faire baisser le prix. Ça, c'est à forte hydraulicité. À basse hydraulicité, les niveaux sont faibles, nous sommes en situation de vendre du stockage. Forte ou faible hydraulicité, on est toujours en situation faire du commerce, mais, quand les réservoirs sont bas, on ne veut pas leur dire qu'ils sont bas parce qu'ils vont dire: T'as tellement de capacité de stockage qu'elle ne vaut pas cher. Alors, c'est pour ça qu'on définit comme une information commerciale stratégique le niveau d'eau dans les barrages.

Quand on a de la place – oublions bas ou haut – dans les barrages, si quelqu'un aujourd'hui même sur le marché, qu'il le fasse avec du thermique, du nucléaire – quand ça vient sur le marché, on ne sait pas toujours qui l'a fait – si quelqu'un dit qu'il est prêt à nous vendre, à New York ou à Boston, de l'énergie à 0,021 $, nous, on sait que trois jours de chaleur à New York, à l'été, le prix, ça va être 0,07 $. On l'achète. On l'achète, on interrompt proportionnellement une livraison qui ici va jusqu'à Boston, et l'eau se retrouve dans le barrage tout à fait prête pour être produite au moment de la canicule. Alors, dans quel degré on utilise du thermique? Dans le moment présent, je dois dire qu'on ne sait pas toujours la façon dont l'électricité a été produite. On le sait évidemment globalement dans l'ensemble du marché, mais celle qu'on achète, on ne sait pas d'où elle vient.

Dans le futur, est-ce que c'est considérable ... On se pose la question dans le cadre de plans stratégiques: Est-ce qu'on peut considérer opérer nous-mêmes? Quel avantage il y aurait à nous-mêmes avoir du thermique au gaz naturel aux États-Unis en conjonction avec des réservoirs qui pourront évoluer de situations de forte à faible hydraulicité? Il y a peut-être là une synergie, il y a peut-être là des économies d'échelle, quand on gère l'ensemble sous un même chapeau, pour maximiser nos bénéfices. C'est dans ce sens-là qu'on regarde la production thermique possiblement.

Pourquoi production thermique, gaz naturel? Eh bien, il ne faut pas se tromper sur les causes et les effets. On regarde thermique, gaz naturel, parce que c'est les nouvelles turbines, gaz naturel, cogénération; c'est ce qui produit chez-eux la deuxième meilleure chose comme moyen de produire de l'électricité à bas coût, par rapport à l'hydroélectricité québécoise bien entendu. O.K.? Alors, c'est pour ça qu'on regarde plutôt celle-là qu'une autre et c'est plutôt pour ça qu'on s'est intéressé à l'acquisition de Gaz Métropolitain et non pas intéressé au thermique parce qu'on a acquis Gaz Métropolitain.

M. Beaulne: Il y a quelques années, lorsqu'il s'est agi d'augmenter les exportations aux États-Unis, lorsqu'on discutait de la construction de Grande-Baleine, et ainsi de suite, une des exigences qu'avaient imposée les Américains à ce moment-là, c'était qu'on ait des lignes de transmission spéciales pour l'énergie qui irait aux États-Unis, c'est-à-dire qui ne dépendrait pas des pannes d'électricité qu'on pourrait avoir dans la distribution d'électricité au secteur domestique. Est-ce que dans les exigences qui sont faites à l'heure actuelle par le marché américain ou par les autorités réglementaires américaines concernant la vente d'électricité d'Hydro-Québec, l'exportation d'électricité, est-ce que cette exigence-là est toujours maintenue, d'une part, et, d'autre part, quelle est la priorité qui serait donnée par Hydro-Québec, dans ses lignes de transmission, au transport de l'électricité vendue aux États-Unis sous contrat par rapport à la distribution et à l'alimentation du secteur domestique?

M. Caillé (André): Québécois?

M. Beaulne: Québécois.

(11 h 40)

M. Caillé (André): Très bien. Alors, quant aux exigences concernant la façon d'opérer, d'interconnecter le réseau québécois avec le réseau américain, c'est une des questions que j'ai posées immédiatement à mon arrivée à Hydro-Québec, parce que j'avais eu vent des mêmes interrogations, des mêmes exigences qui avaient été posées sur Hydro-Québec par les Américains. La réponse. Le confort que nous avons aujourd'hui est le suivant: Il y a une association, un regroupement d'entreprises, dans le domaine du transport de l'électricité, qui regroupe à la fois des Canadiens, dont nous, et des Américains, qui a établi des normes quant aux actifs, quant aux équipements de transport. Et là, la deuxième question évidemment, ils se disent: Est-ce que nous sommes conformes ou pas?

Au mois d'octobre, on était pratiquement conformes. On avait un investissement additionnel à faire pour se rendre parfaitement conformes. Et puis, c'est un investissement bien sûr que j'ai accepté qu'on réalise. Alors, nous sommes conformes, mais il ne peut plus y avoir d'argumentaire du genre: On va vous en exiger plus. Alors, les normes, elles sont nord-américaines puis elles valent pour nous, elles valent pour eux, elles valent pour n'importe qui. On ne peut pas en demander plus à Hydro-Québec qu'on en demande à Hydro Ontario ou à TVA ou à Bonneville Power.

Deuxièmement, priorité quant au marché québécois versus le marché d'exportation, je rappelle que la loi fait obligation de fournir au Québec et qu'il faut gérer les exportations de façon à ne jamais se placer en situation où on ne peut pas fournir. Alors, il y a toutes sortes de façons de faire des calculs que... J'ai vu des courbes sur des dessins; je sais qu'elles vous ont déjà été présentées. Le maximum qu'on peut tirer de nos équipements, c'est de gérer de façon à ce que l'eau s'accumule d'accord, mais jamais en situation de déversement parce que ça, c'est gaspiller de l'argent. Et à l'autre extrémité ne jamais non plus gérer de façon à ce qu'on puisse manquer un jour. On réduit les exportations à zéro puis on n'est pas capable de fournir le marché québécois. Et pour faire ça, on regarde sur des horizons de deux à trois ans devant, en faisant des simulations les plus critiques.

Il y a des nouvelles idées, je ne sais pas si je dois vous en parler tout de suite. Dans un marché ouvert, ça change... pour faire la même chose, pour atteindre les mêmes objectifs, ça change les perspectives. On sait que de l'eau derrière des barrages, il y a personne qui va nous payer un intérêt là-dessus. Mais de l'eau transformée en électricité, vendue avec la capacité de rappeler la quantité d'énergie – si jamais il en manque – ça, ça fait des dollars et ça, ça rapporte. Je ne sais pas si vous me suivez. Mais tout ça, c'est une façon de faire plus de revenus avec très exactement les mêmes actifs, sans prendre aucun risque additionnel.

M. Beaulne: Donc, simplement pour récapituler, si je vous comprends bien, le niveau d'hydraulicité... Advenant qu'on ait, par exemple, une période de sécheresse importante au Québec, ça ne modifie pas notre position concurrentielle et advenant qu'une situation comme celle-là fasse en sorte qu'Hydro-Québec soit confrontée à une situation entre devoir répondre à ses contrats d'exportation et à desservir le marché domestique, votre priorité va au marché domestique.

M. Ménard (Louis-Jacques): Il n'y a pas d'équivoque là-dessus.

M. Caillé (André): Il n'y a pas d'équivoque.

Le Président (M. Sirros): J'ai plusieurs demandes d'intervention puis les choses vont dans un sens qui nous semble conduire à conclure qu'on se posait des questions qui semblent ne pas vraiment poser de questions. M. le député de Montmagny-L'Islet. Et on va revenir...

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Ça va être très court parce que c'est un peu dans le sens de notre collègue de Marguerite-D'Youville. Dans un marché d'exportation, le niveau de réservoir, comme notre collègue l'a mentionné, est important, et j'aimerais savoir à ce moment-ci en fait les statistiques sur les dernières années ou quelle région du Nord québécois est plus la propice à renouveler, accumuler le niveau de réservoir qui sécurise. On a Grande-Baleine qui n'est pas très loin de LG1, LG2, LG3 et LG4. Mais il y a aussi l'électricité qu'Hydro-Québec achète au Labrador. Est-ce que les réserves, la capacité de faire face... de stockage, comme vous l'avez employé tantôt, est plus sécurisante dans un secteur du Nord québécois que de l'autre?

M. Caillé (André): Vous me posez, M. le député, des questions qui avaient l'air de préoccupations que je partageais, et d'une façon absolument identique à vous, au moment où je suis arrivé à Hydro-Québec. J'ai essayé de comprendre comment... Quand on opère des moulins à eau, il faut comprendre comment ça fonctionne, la pluie et la neige. Alors, on parle à des météorologistes. Et puis là, j'ai essayé de savoir: Y a-t-il une région finalement où c'est systématiquement moins que ce qui était attendu ou des régions où c'est plus que ce qui était attendu? Il n'y a aucun moyen. La science, les connaissances actuelles en météorologie ne nous permettent pas de dire, par exemple: Le Labrador ou la région de la Baie-James est plus ou moins exposé à des...

M. Gauvin: Des variations.

M. Caillé (André): ...des précipitations qui vont être significativement en deçà ou au-dessus de la normale. Ils n'ont pas ce genre de moyen là. Le problème – et il faut comprendre – quand on leur pose cette question-là, ce qu'ils me disent – et puis je pense qu'ils ont raison – vous nous demandez de faire des prévisions pour dans trois ans. Parce que notre affaire, c'est sur deux ans; deux, trois ans, comme j'expliquais tantôt. Alors, les outils, il y en a certains qui existent, mais... Et les météorologistes ne s'avancent... ça m'a l'air des gens qui deviennent de plus en plus prudents. Alors ils ne s'avancent pas pour dire des choses comme ça. On ne peut pas savoir quelle région peut aller mieux, quelle région peut aller mal.

Mais il y a une chose qu'on peut se dire. Il y a eu un cycle – que vous connaissez, je ne vous révèle rien qui soit de l'information commerciale – si on arrête en 1995, on était dans un cycle de basse hydraulicité – ça a été dit, ça, ici – qui a été assez long. Et puis, il y a des gens pour me dire, toujours les mêmes météorologues, que ce cycle a l'air à être d'une période de sept ans, entre les hauts et les bas. Je veux dire, j'espère que c'est vrai. Pour moi puis mon collègue, vous pouvez vous imaginer, s'il y a beaucoup d'eau un jour, nous, là, comme on dit au Québec, on est en voiture, parce que ça va nous faire beaucoup d'énergie à vendre sans immobilisations, sans coûts additionnels. J'espère que c'est vrai. Mais là, après que j'ai dit ça à ces gens-là, ils me répondent: Il n'y a pas plus de probabilités dans un sens que dans l'autre, l'an prochain. Alors je suis revenu à mon point de départ.

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Gauvin: Quand le projet de Sainte-Marguerite avait été mis de l'avant, il y a des gens qui avaient avancé qu'il y avait plus de chances, ou les statistiques avaient démontré, que les précipitations étaient plus fréquentes, plus abondantes au Labrador et dans le secteur Côte-Nord que dans le secteur de la Baie-James. Est-ce qu'il n'y avait rien qui se...

M. Caillé (André): Les dernières années, c'est vrai, les dernières années, jusqu'à 1995, je pense que ça montre ça, effectivement. Mais les mêmes personnes nous disent: Ça ne prouve rien pour les années suivantes.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est rétrospectif, c'est tout. Ce n'était pas prospectif.

Le Président (M. Sirros): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caillé, bonjour, M. Ménard. Je me réfère aux pages 7 et 8 de votre document de présentation. Si je comprends bien ce que vous nous avez dit, quand on compare les tarifs de l'industrie nord-américaine, le Québec bénéficie d'une position privilégiée par rapport aux États de la Nouvelle-Angleterre. C'est ça?

Une voix: Oui.

M. St-André: Maintenant, page 8, vous expliquez brièvement pourquoi ça ne serait pas une bonne idée pour nous ouvrir au marché en quelque sorte, et vous dites: «Toute baisse des revenus à l'externe peut conduire à terme à des hausses tarifaires au Québec.» D'abord, j'aimerais que vous nous expliquiez concrètement ce qui, dans votre esprit – parce qu'actuellement on en vend de l'électricité aux États-Unis, on ne fonctionne pas dans un marché ouvert – pourrait conduire à une baisse de nos revenus à l'externe, si on n'ouvrait pas le marché.

(11 h 50)

M. Caillé (André): Très bien. Alors, actuellement on vend de deux façons. D'abord, on vend toujours à la frontière. Ça, c'est vrai. Et ce serait vraisemblablement, enfin possiblement, encore possible, même sans ouverture, de continuer de vendre à la frontière. On dit qu'on ne veut pas être intermédiarisé. Parce que sur des revenus de cette importance – 600 000 000 $, 700 000 000 $ – on ne veut pas que quelqu'un vienne prendre une marge sur nous. Ça, c'est un point.

Le deuxième point, qui est encore plus important, si c'est un Enron qui fait ça, supposons qu'on doive passer par un Enron, imaginez-vous que lui, Enron, il est actif dans le marché. Il a le statut que nous, on voudrait bien avoir, et nous, nous ne l'avons pas, et en plus de ça, c'est un producteur qui regarde à ses intérêts à court, moyen et long termes. J'ai crainte que lui dise: Bon, bien, écoute, Hydro-Québec, oui, mais ici juste dans telle perspective, parce qu'on préfère, nous – Enron, Pan Energy, tous ces gens-là – développer notre station thermique à tel endroit. Pourquoi ils nous aideraient? C'est comme demander à un vendeur d'automobiles de convaincre le vendeur de l'autre compagnie que ce n'est plus nécessaire de vendre, qu'il va les vendre à sa place.

Le Président (M. Sirros): M. Caillé, je regrette beaucoup de devoir faire ceci, parce qu'il y avait plusieurs autres questions qu'on aurait aimé aborder avant la reprise de nos travaux cet après-midi. Les cloches signalent un vote. Ça oblige les membres à suspendre les travaux et à aller voter. On n'aura pas le temps de revenir. Donc, on va revenir cet après-midi mais à la salle Louis-Joseph-Papineau, tout de suite après la période des affaires courantes, et ces échanges vont se poursuivre à ce moment-là.

Une voix: Très bien.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Sirros): Si on pouvait tranquillement prendre place, on pourrait reprendre nos travaux. Alors, je redéclare la séance ouverte. Peut-être juste rappeler que, suite à ce matin, on va continuer là où on était, mais il y a peut-être lieu de revoir la façon dont on fonctionnait, selon les discussions que j'ai eues avec des membres, et de revoir qu'on pourrait peut-être procéder par blocs de 20 à 30 minutes en alternance pour qu'on puisse peut-être vider plus de questions précises plutôt que de constamment échanger en alternance avec les différents membres. Alors, dorénavant on va procéder avec des blocs de 20 minutes en alternance entre chacun des côtés de la table, ce qui va permettre, j'espère, quand même à tous les membres de pouvoir participer, peut-être en permettant au président aussi de participer. Les autres vont arriver, j'imagine.

Alors, juste avant l'ajournement de ce midi, on avait trois autres intervenants qui étaient inscrits du côté ministériel. Il y avait le député de Roberval qui avait, je pense, la parole, à ce moment-là. Alors, peut-être qu'on peut recommencer avec ça puis vider les questions qui restaient avant de passer du côté de l'opposition. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Concernant la déréglementation, considérant que, nous autres, dans la région de Saguenay–Lac-Saint-Jean, on a quand même Alcan qui produit de l'énergie à très bon prix, en fait, pour elle-même d'abord, pour son alimentation d'usine, advenant le cas de la déréglementation, ça veut dire qu'elle pourrait produire à même les ressources qu'elle a, augmenter, accélérer peut-être ses turbines et produire davantage pour aller construire une usine d'aluminium, par exemple, aux États-Unis et alimenter son usine à même les barrages du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Est-ce que ça va faire partie d'une surveillance de la Régie ou ça va faire partie d'une responsabilité gouvernementale de surveiller ça?

M. Caillé (André): Oui. Dans le cas précis d'Alcan, Alcan a une entente avec Hydro-Québec qui fera en sorte que nous recevions le pouvoir, l'énergie qui serait en surplus dans ses installations. Alors, dans ce cas précis là, non, parce qu'on a une entente de long terme qui dit que ce n'est pas la façon dont on entend travailler ensemble.

Je ne pense pas vous révéler des secrets dans nos relations avec Alcan. Est-ce que c'est possible, par ailleurs, qu'un producteur québécois puisse exporter en produisant au Québec? La réponse, c'est bel et bien oui. Par exemple, celui qui pourra construire un ouvrage sur une rivière avec un aménagement de moins de 50 MW, comme la politique le dit, lui pourra transiter sur le réseau de transport d'Hydro-Québec pour aller rejoindre des clients à lui aux États-Unis. Oui, cette chose-là sera possible. On appelle ça le «wanning out» de l'énergie. C'est possible aussi qu'Hydro-Québec soit intéressée à acheter, dépendant du prix toujours. Si le prix est satisfaisant pour nous, c'est-à-dire en deçà d'un certain prix, on va se montrer intéressés; au-dessus d'un certain prix on ne se montrera pas intéressés. La frontière entre ces prix-là, c'est: quand c'est intéressant, le prix pour stocker pour vendre plus tard, on va acheter; dans le cas contraire, on va acheminer l'électricité des gens vers les marchés extérieurs ou vers les clients qui sont les leurs.

M. Laprise: C'est parce que vous comprenez bien ma question que, si, eux autres, à l'Alcan, voulaient aller construire une usine aux États-Unis, ils pourraient s'alimenter à même leur pouvoir du Saguenay–Lac-Saint-Jean. C'est ça que je veux dire, là.

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais ils sont producteurs privés, à toutes fins pratiques, puis, n'eût été de cette entente-là qu'on a avec eux autres, effectivement ils pourraient, comme producteurs privés, j'imagine, faire ça, mais ce n'est pas le cas.

M. Laprise: O.K.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est à cause de l'entente qu'on a avec eux.

M. Cherry: Sur le même sujet.

Le Président (M. Sirros): Bien, on avait essayé de... Peut-être que vous pouvez revenir tantôt, là. On va essayer de finir le 20 minutes qu'on disait tantôt.

Une voix: Une question de ce matin?

M. Cherry: Sur Alcan.

M. Laprise: C'est correct pour le moment, je reviendrai peut-être un peu plus tard dans d'autres...

Le Président (M. Sirros): Alors, après ça il y avait le député de La Peltrie. Il y a le député de Groulx, par la suite.

M. Côté: Merci, M. le Président. MM. Caillé et Ménard, bienvenue à cette commission. Il y a un an, dans le rapport d'Hydro-Québec sur l'équilibre énergétique et l'efficacité ainsi que l'hydraulicité, il était écrit et ça disait ceci: «Afin de privilégier la reconstitution des stocks énergétiques, en 1996, Hydro-Québec limitera ses ventes additionnelles à l'exportation.» Les ventes additionnelles nettes devaient s'élever à 6,5 TWh alors que les ventes ont été excédentaires de 9,4 TWh. Alors, comment expliquer le fait d'avoir vendu pour 9,4 TWh en excédentaire en 1996 sans avoir reconstitué les stocks énergétiques, alors qu'il était prévu seulement...

M. Caillé (André): O.K. Le critère, c'est au niveau de l'établissement de la quantité d'énergie qui peut être vendue à l'extérieur du Québec. C'est un critère qui dit que, au cours des deux ou trois prochaines années suivantes, on va faire l'hypothèse qu'on va être en régime sec et que, par conséquent, on n'exportera pas. On va limiter au minimum, sauf pour les contrats de long terme et fermes, qui s'éteignent, comme on l'a dit ce matin, vers l'an 2000. On n'exportera pas.

(15 h 30)

Évidemment, tout ça se passe en temps réel, n'est-ce pas? On est au mois de janvier, on est au mois de février, maintenant on regarde la quantité de neige, on regarde toutes sortes de choses puis on essaie de juger comment la situation se présente au moment où on prend la décision. Alors, ce qui a dû arriver ici – je n'étais pas là au mois de janvier de l'autre année – c'est qu'on devait se trouver confortable. Il me semble avoir vu des chiffres, de mémoire, qui disaient que les précipitations, c'était favorable. On était confortable dans les mois du début de l'année puis on a exporté. J'imagine que c'est le genre de décision qui aurait pu être prise. Mais à chaque fois on regarde: «C'est-u» opportun? Dans quelle situation on est par rapport à la sécurité d'approvisionnement?

M. Côté: Mais, par contre, je pense que ce qui avait été prévu, c'est avec une hydraulicité normale, et puis ça ne pouvait pas se lever de plus que 6,5 TWh. Alors, une poursuite de la faible hydraulicité, là, est-ce que ça viendrait limiter les ventes additionnelles de 1996 à celles qui avaient été préalablement engagées en 1995 ou avant, soit 4,8 TWh?

M. Caillé (André): Si on parle de l'avenir, il faut en juger dans l'hypothèse où on a un marché ouvert. On doit se demander... Le point, ici, c'est d'assurer la sécurité d'approvisionnement des clients québécois. Alors, dans un marché ouvert, si, par exemple – bon, mettons ça l'an prochain pour que ce soit hypothétique – on a une opportunité de faire une vente tout en ayant la possibilité en même temps de racheter une quantité d'énergie, de s'acheter une police d'assurance, puis si on trouve que le prix est bon puis que les chances sont que ça, ça va être une bonne affaire pour nous, on peut faire ça. La sécurité vient-elle du niveau de l'eau, à ce moment-là? Non, elle vient de la garantie qu'on a de pouvoir récupérer de l'énergie qu'on a vendue, dans un premier temps. Comme je le disais ce matin, évidemment de l'argent on peut obtenir de l'intérêt, mais de l'eau derrière les barrages on ne peut pas obtenir de l'intérêt. Il y a un calcul économique d'optimisation à faire à chaque fois. Mais je peux vous rassurer que ça n'a pas changé. Je pense que mes prédécesseurs avaient le même principe: c'était s'assurer que la sécurité d'approvisionnement au Québec, elle était là et s'assurer aussi que ça, ça ne soit pas garanti en s'exposant à des mesures qu'on a appelées dans le passé «mesures dites extraordinaires», hein? On essaie d'optimiser au plan économique également, et pour l'ensemble des années, pas seulement pour une année.

M. Côté: J'aurais une question additionnelle, M. le Président. Dans le rapport d'Hydro-Québec justement au 31 décembre 1996, ça semble indiquer un surplus d'énergie et ça disait que, tant en énergie qu'en puissance, aucun nouveau moyen ne serait requis avant 2004 et 2005. Alors que vous accordiez une entrevue à La Presse le 15 février dernier, lorsque vous avez dit: Je cherche de l'énergie, je pense qu'on va en manquer, même d'autres porte-parole aussi d'Hydro-Québec ont fait des déclarations un peu dans le même sens. D'après vous, est-ce que le parc d'équipements existants est suffisant pour répondre aux besoins québécois en énergie à court ou à moyen terme? Parce que, là, il semble y avoir deux messages.

M. Caillé (André): C'est ça. Oui. Alors, la...

M. Côté: J'aimerais un peu de clarification.

M. Caillé (André): Excusez-moi. M. le Président, la réconciliation de ces deux messages est la suivante: si on regarde le marché québécois et si on prend en considération l'obligation d'Hydro-Québec de fournir, ce que nous avons comme parc d'équipements est satisfaisant pour assurer la sécurité d'approvisionnement des Québécois jusqu'à quelques années après le tournant du siècle. C'est vrai. Quand je disais: Je pense que nous allons manquer d'énergie, c'était dans le contexte d'un marché ouvert où on se donne un objectif de vente qui est supérieur à vendre seulement les besoins des Québécois. Alors, si on en ajoute, évidemment...

Ce matin, M. le président lui-même, je pense, faisait référence à des propos qui étaient miens également, là, d'augmenter le pourcentage du marché nord-américain détenu par Hydro-Québec de 4 % à 6 %. Bien, c'est évident que, si on augmente de 50 %, va falloir trouver l'énergie à quelque part. Et là, bien, à ce moment-là il en manque. Et c'est là que j'enchaînais pour dire: Il nous faut, ici, trouver, développer des projets, un portefeuille de projets qu'on peut réaliser, parce que c'est le mandat d'Hydro-Québec puis on y reste fidèle, mais, par ailleurs, il faut réaliser ça à un prix qui soit inférieur au prix marché, parce qu'il n'est pas question... Ce n'est plus la même stratégie que dans le passé, là. Ce n'est pas une stratégie de devancement d'équipements, il est question ici de faire dès le départ des projets qui vont nous revenir à un coût de revient inférieur au prix vendant, au prix prévu dans le marché, et ça, le plus qu'on pourra en trouver, le plus qu'on aura du succès. En quantité, bien, ce sera juste mieux pour Hydro-Québec, pour l'actionnaire et ce sera juste mieux pour les clients également, parce que, si on peut trouver des revenus provenant d'ailleurs, bien, ça fera les mêmes rendements sans avoir à augmenter les tarifs puis ça va être bon pour les employés aussi sans avoir à comprimer les dépenses.

M. Ménard (Louis-Jacques): Et ça, c'est d'autant plus vrai, étant donné les perspectives inflationnistes qui sont très basses puis aussi le marché du Québec qui est quand même assez mature. Alors, si on met ces deux facteurs-là ensemble...

M. Caillé (André): C'est ainsi que dans un sens on en manque puis dans l'autre ou en a suffisamment.

M. Côté: Merci, c'est clair.

Le Président (M. Sirros): Il reste encore un peu de temps, oui. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. Caillé, M. Ménard, quelques petites questions. Vous avez affirmé ce matin qu'il y avait à peu près 20 % des équipements de production d'électricité aux États-Unis qui allaient devenir vétustes dans les années qui viennent.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est les Américains qui disent ça.

M. Kieffer: Oui, les Américains. C'est ça.

M. Ménard (Louis-Jacques): Certains, oui.

M. Kieffer: Bon, ils évaluent à peu près leur parc à 20 %.

M. Ménard (Louis-Jacques): Surtout du nucléaire.

M. Kieffer: Bon, c'est ça. Moi, j'aimerais savoir dans quelle filière surtout. Vous me dites: C'est le nucléaire surtout. C'est à peu près...

M. Caillé (André): Il y a du nucléaire là-dedans. C'est le président de Duke Power qui tenait des propos comme ça. Il y en a qui croient que plusieurs usines nucléaires n'obtiendront pas une prolongation de leur permis d'opération, pour toutes sortes de raisons en général reliées à la sécurité. Alors, si ces usines-là ne sont plus opérées, évidemment ce n'est pas que le marché de l'énergie a augmenté, c'est que la capacité de production a diminué.

La même chose est vraie de certaines usines thermiques, au charbon, qui, pour des raisons environnementales, qui, pour des raisons de prix – parce que c'est trop cher, c'est tellement inefficace que ça devient trop cher – sont désuètes. Évidemment, autant de personnes, autant d'évaluations quant au pourcentage du marché qui est désuet.

M. Kieffer: Mais on peut en conclure qu'il y a effectivement une partie du parc à remplacer dans les années qui viennent, et ça, ça va vous donner effectivement la possibilité d'installer...

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est ça. Ça crée...

M. Kieffer: En tout cas, ça vous donne une chance de vous installer sur le marché américain.

M. Ménard (Louis-Jacques): Oui, c'est ça.

M. Caillé (André): C'est une fenêtre.

M. Kieffer: Et ces installations-là, on les retrouve pas mal dans l'Est américain; je pense, entre autres, à l'énergie nucléaire.

Vous venez de dire tantôt que votre paramètre quant à la construction de nouveaux équipements, c'est les coûts du marché. Ça «veut-u» dire que vous seriez preneurs non seulement au Québec, mais possiblement aux États-Unis quant à la construction de nouveaux équipements? Et il me vient à l'idée, comme ça, par hasard, Sable Island. Je sais que vous êtes preneurs dans Sable Island, et c'est correct, ça va permettre le développement du Québec. Mais ça «pourrait-u» aller aussi loin, par exemple, qu'Hydro, en joint venture, en alliance stratégique, installant des équipements vis-à-vis du gaz en territoire américain même?

M. Caillé (André): Alors, voici, pour ce qui est du gaz provenant de Sable Island et de la transformation de ce gaz-là en électricité aux États-Unis, en territoire américain, oui, c'est une possibilité, c'est une affaire à envisager. On n'a pas encore décidé de faire ça, mais c'est une affaire qu'on se doit d'envisager. Ce que ça permettrait de faire à Hydro-Québec, c'est de contracter à long terme du transport sur le réseau de TQM que l'on souhaite prolonger jusque dans les Maritimes. Ça donne un client au réseau. Parce que, pour justifier un pipeline, il faut essentiellement deux choses: il faut des producteurs qui sont d'accord pour produire du gaz puis il faut des transporteurs, quelqu'un qui est prêt à contracter pour transporter le gaz vers le marché, autrement il n'y a pas de projet. Alors, Hydro pourrait être d'un grand secours à sa filiale si on contractait sur le pipeline. C'est vrai. On ferait ça aux États-Unis préférablement au Québec. La raison, ici, elle est économique: ça coûte moins cher de faire voyager du gaz que de faire voyager de l'électricité. Donc, vaut mieux transporter le gaz, et ça supporterait du même coup un autre projet de la filiale qui est le projet PNGTS, qui amène le gaz vers Boston, puis ça serait économique de le faire.

(15 h 40)

Maintenant, l'ensemble de tout ça en territoire américain, si jamais on en arrive là, encore une fois, il n'y a pas de décision de prise de ce genre-là, mais c'est le genre de spéculation, c'est le genre d'analyse, c'est le genre de projet qu'on analyse dans le cadre du plan stratégique qu'on est en train de développer. On ferait certainement ça avec des partenaires, peut-être des partenaires qui sont associés eux-mêmes – pourquoi pas – aux pipelines. Puis là, bien, ça faciliterait les choses devant l'Office national de l'énergie pour obtenir l'autorisation de construire ici, au Québec, pour supporter la route canadienne, comme on dit, par opposition à la route qui va directement de la Nouvelle-Écosse à Boston, et ça aiderait à transformer le Québec en une plaque tournante – une expression que je n'ai pas utilisée depuis un bout de temps, mais qui me revient à l'esprit – pour le gaz naturel. Je pense que ce serait une bonne chose pour consolider le bilan énergétique québécois, parce que encore une fois on sait qu'on est bien pourvus en ressources hydroélectriques puis on sait qu'on va tenter d'optimiser le développement de nos ressources hydroélectriques, en passant, hein? C'est une chose bien importante, dans le contexte d'une question comme celle que vous venez de poser, que je veux dire. On va tenter d'optimiser, pas en prenant des risques, là, mais on va tenter d'optimiser, certain, au maximum. On ne lance pas la serviette. Je pense qu'il commence à être temps qu'on commence à parler de croissance puis de changer une période de réduction, de coupures et de tout ce que vous savez pour une période de croissance. En tout cas, on essaie de faire ça, de développer un plan qui permette de faire ça. Tant mieux si on peut faire en même temps une consolidation du réseau de gaz, c'est l'économie québécoise qui va s'en porter mieux.

M. Kieffer: Il me reste encore du temps? Abordons maintenant la question des «stranded costs» ou des coûts attachés. C'est effectivement un problème majeur dans l'Est américain. Ils sont associés avec l'énergie nucléaire, et votre définition ou ma définition des «stranded costs», c'est les coûts que le producteur ne peut pas charger au client parce que le client, il n'en prendra pas, de son électricité. On s'entend à peu près sur la définition?

M. Caillé (André): On s'entend, on s'entend.

M. Kieffer: O.K. Vous dites que, là où ils seraient répercutés, à ce moment-là, ce serait soit au niveau de la distribution ou du transport. Moi, je pense plutôt que ça va être au niveau du transport.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ou des actionnaires, qui vont peut-être...

M. Kieffer: Mon feeling, là... Bon. Ça signifie que, à chaque fois qu'Hydro va transporter l'électricité aux États-Unis, il y a un «stranded cost» dont elle devra assumer une partie, comme tous les autres producteurs qui voudront utiliser ces moyens de transport là. C'est bien ça? On se comprend?

M. Ménard (Louis-Jacques): Oui.

M. Kieffer: Vous me dites, par ailleurs, qu'Hydro-Québec n'a pas d'équipement qui pourrait provoquer des «stranded costs». En d'autres mots, notre parc est suffisamment performant pour ne pas avoir à vivre cette situation-là. Vous évaluez le coût moyen de l'électricité au Québec, transport compris, à 0,036 $ du kilowattheure américain. C'est bien ça?

M. Caillé (André): Oui. Je vais regarder le petit tableau, page 7.

M. Kieffer: Votre tableau, là, c'est ça, il le donne à 0,036 $, transport compris.

M. Caillé (André): Oui, je le reconnais.

M. Kieffer: Bon. Et vous avez aussi dit qu'il n'est plus question de construire des équipements qui vont au-dessus du coût du marché. Si j'y vais unité par unité, SM 3, elle va coûter combien au kilowattheure? Moi, on m'a dit 0,045 $, 0,05 $. «Ç'a-tu» de l'allure?

M. Caillé (André): C'est l'ordre de grandeur, oui, de ce que je me souviens. Mais SM 3, c'est la stratégie de devancer des affaires pour les...

M. Kieffer: C'est clair.

M. Caillé (André): ...puis essayer d'exporter le surplus pour un temps.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est la dernière qui était faite de même.

M. Caillé (André): Et, effectivement, en plus de ça, si vous regardez l'économique d'une exportation, comme j'ai entendu dans certains propos, c'est sûr que ce n'est pas rentable, faire ça, mais les avantages économiques se trouvent dans le devancement pour le Québec parce qu'on crée de l'emploi, de la construction, etc., puis après ça on essaie de trouver la rentabilité. Bien, la rentabilité, elle n'y est plus, c'est sûr.

M. Kieffer: Il n'y en a plus, là.

M. Caillé (André): Elle n'y est plus parce qu'on charge aux exportations le coût marginal sur des équipements qu'on a sciemment décidé de réaliser à un coût supérieur au prix marché. Bien, ça, là...

M. Ménard (Louis-Jacques): Puis, pour justifier ça, ça prenait un contexte, à l'époque, inflationniste, ça prenait un contexte de croissance de marché et tout, puis peut-être que c'était bien logique à ce moment-là, effectivement. Dans le contexte actuel...

M. Kieffer: Donc, SM 3, théoriquement, pourrait devenir un «stranded cost».

M. Caillé (André): Bien, on le met dans le parc, dans l'ensemble.

M. Kieffer: Oui, je le sais, que vous le mettez dans le parc énergétique complet.

M. Ménard (Louis-Jacques): Dans le portefeuille.

M. Caillé (André): Bien, dans l'ensemble.

M. Kieffer: Mais les États américains font la même chose.

M. Ménard (Louis-Jacques): Non.

M. Caillé (André): Les États américains, c'est que ceux qui sont pris avec des coûts sur leur parc globalement... Le producteur qui a des coûts dans son parc nucléaire, je ne le sais pas... J'en ai vu à 0,11 $, moi, même dans l'État de New York, IPP à 0,19 $.

M. Ménard (Louis-Jacques): Il y a des proportions bien différentes.

M. Caillé (André): Et c'est qu'il se retrouve avec des «stranded costs», un producteur, à partir du moment où il ne peut pas recouvrer ça du marché. Mais c'est une moyenne, c'est l'ensemble.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est une notion d'espérance de réalisation. Bref, il y a des... Je suis bien votre raisonnement, là, puis c'est intéressant. Ça serait de dire que ce qui est un «stranded cost», c'est tout coût qui présentement puis à court ou moyen terme ne pourrait pas toucher ou aller atteindre un prix de marché. Alors, à ce raisonnement-là, vous pourriez dire: Écoutez, on regarde à court ou moyen terme, puis, si effectivement on ne peut pas espérer voir un marché se développer autour de 0,05 $ ou de 0,04 $, bien, bref, tout montant au-dessus de ça serait un «stranded cost».

La réalité, c'est que, quand on parle des infrastructures puis on parle de «decommissioning» – comment on dit ça? – de remettre dans les boules à mites, dans le fond, puis de fermer des centrales nucléaires dont les coûts de fermeture n'ont pas été comptabilisés à l'époque, donc doivent être engagés, là vous parlez de «stranded costs» qui vous amènent à des choses de 0,10 $ et plus, 0,10 $, 0,15 $, bref, des montants qui sont d'un autre ordre de grandeur, d'une autre proportion. Votre question est bien posée pareil, mais...

M. Caillé (André): Pour éclaircir la situation, voyez-vous, vous avez une utilité publique américaine qui est dans la production, dans le transport, mettons, dans la distribution, qui se retrouve avec des coûts de production qu'elle ne pourra pas récupérer du marché, hein, un coût moyen de production qu'elle ne pourrait pas récupérer du marché. On appelle ça «coûts non récupérables», «coûts attachés», «stranded costs». Bon, bien, alors, là, il faut réduire la base de tarification. Il faut faire des radiations, en pratique.

M. Ménard (Louis-Jacques): Son bilan.

M. Caillé (André): Qui va payer?

M. Ménard (Louis-Jacques): L'actionnaire.

M. Caillé (André): Les gens croient – puis là je reviens un peu plus loin dans votre question – que les régies vont dire: En moyenne, tant de pour cent, les actionnaires. Pour la balance, ils vont dire: À cette utilité publique – qui, je rappelle, est dans le transport également – ça va être reconnu comme une base de tarification «deemed», en anglais, présumée, ajoutée à la base de tarification de transmission. Ça risque d'être comme ça. L'idée, ça va être transport ou distribution, mais ça va être pour faire en sorte que ceux qui vont venir compétitionner paient leur part.

M. Kieffer: Bien, c'est exact.

M. Caillé (André): C'est ça. C'est donc nous.

M. Kieffer: Ça veut dire que ça va coûter moins cher aux exportateurs américains de transiter en territoire québécois parce qu'on n'a pas ce problème de «stranded costs» que ça va coûter à Hydro d'aller vendre aux États-Unis, parce qu'il va falloir qu'Hydro assume une partie de ces coûts-là.

M. Caillé (André): Oui. Mais regardez la géographie et vous allez voir que leurs distances... Ils vont avoir leurs «stranded costs», mais leurs distances sont moins grandes que les nôtres. Dans le cas de notre transmission, nous, on inclut tout. On commence à Radisson, on commence à Churchill Falls; c'est loin. C'est neuf, c'est performant, c'est tout ce que vous voudrez, là, mais c'est loin et je pense que notre coût de transport réglementé de même que leur coût de transport – la plupart d'entre eux, en tout cas – réglementé, plus les coûts attachés, ça devrait s'équivaloir, à la fin. En tout cas, les ordres de grandeur sont bien semblables.

M. Kieffer: O.K. Dernière question, M. le Président, très courte.

Le Président (M. Sirros): En toute dernière, là. Vous êtes...

M. Kieffer: Oui, toute dernière.

Le Président (M. Sirros): O.K.

M. Kieffer: À la page 18 de votre Engagement de performance , vous évaluez, pour l'année qui vient, les ventes d'électricité. Et là je m'intéresse uniquement à régulières hors Québec puis court terme hors Québec. Régulières hors Québec, je comprends que c'est les contrats à long terme et à court terme, c'est le spot.

M. Caillé (André): Oui.

M. Kieffer: O.K. Vous évaluez ça à 12 TW. L'an passé, vous étiez à 19. Vous avez un manque à gagner de sept. Va falloir que vous achetiez du spot en tabarnouche en période creuse pour remplir le réservoir, hein! Je me «trompe-tu» quand je fais cette remarque-là?

M. Ménard (Louis-Jacques): Où vous êtes, encore?

M. Caillé (André): On en vend moins.

M. Kieffer: Je suis à 18, en bas.

M. Caillé (André): Oui.

M. Ménard (Louis-Jacques): Oui. Vente d'électricité.

M. Kieffer: Votre tableau.

M. Ménard (Louis-Jacques): Au Québec, 142, 144, 146. Prévisions.

M. Caillé (André): Prévisions 1997.

M. Ménard (Louis-Jacques): Régulières hors Québec, 10.

M. Kieffer: 1996-1997. Si on additionne 1996, les régulières hors Québec puis les...

M. Caillé (André): On en a vendu 19. C'est ça?

M. Kieffer: Oui, puis l'autre, vous êtes à 12.

M. Caillé (André): Oui, 19, puis l'autre, on va en vendre 12. Bon, bien, on va en vendre...

M. Kieffer: C'est ça, ça fait que vous êtes en déficit de sept par rapport à l'an dernier.

M. Caillé (André): On réduit nos ventes de sept, selon ces prévisions-là. C'est ça. Mais ça ne veut pas dire qu'on est obligés de l'acheter pour revenir à 18. Il n'y a pas d'obligation à revenir à 18.

M. Kieffer: Oui, mais ce que ça me dit, c'est que notre hydraulicité... Moi, si j'avais à conclure quelque chose, c'est que l'hydraulicité est faible.

M. Ménard (Louis-Jacques): Bien, les prix là-dedans?

M. Caillé (André): Ouais... Enfin...

M. Ménard (Louis-Jacques): Tout à coup on n'aime pas les prix?

M. Kieffer: Là, j'interprète vos chiffres.

M. Ménard (Louis-Jacques): Tout à coup on n'aime pas les prix?

M. Caillé (André): Je sais où on s'en va avec ça. Je veux dire, on veut parler du niveau d'hydraulicité, à ce moment-ci.

M. Kieffer: Oui.

M. Caillé (André): Est-ce qu'on a beaucoup de stockage à vendre ou est-ce qu'on a beaucoup d'énergie à vendre? C'est ça, la question. Je voudrais bien vouloir vous répondre d'une façon précise puis j'aimerais surtout établir aujourd'hui une tendance, une façon de faire qui serait convenable pour tout le monde, M. le Président, par la suite, à savoir que c'est une information commerciale stratégique. Mais je ne veux pas m'en excuser. Juste comme ça, je vais vous donner des exemples de ce qui s'est produit. Tennessee Valley Authority, société d'État fédérale américaine, et Bonneville Power Authority, société d'État fédérale américaine, depuis 12 à 18 mois, ne publient plus ces chiffres-là. Depuis que Bonneville Power avait décidé de ne pas les publier – puis finalement, comme vous le savez, il y a eu une inondation dans l'Ouest de l'Amérique, c'était l'été passé, ça – puis qu'il y a eu une commission qui a fait une enquête puis qu'elle a révélé qu'il y avait beaucoup d'eau dans les réservoirs – c'était cohérent, jusque-là – l'effet sur les prix vendants, frontière de l'Orégon-Californie, 0,01 $ en moins le lendemain. C'est depuis ce temps-là que tout le monde dit: Fini, on essaie de faire comme eux autres, on est mieux de ne pas en parler.

Mais je veux bien répondre à vos questions, si on peut le faire d'une façon hypothétique. Si jamais...

(15 h 50)

M. Kieffer: Non, ça me va. C'est beau.

Le Président (M. Sirros): On peut-être recommencer avec ça.

M. Kieffer: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Et je prendrai un peu la relève du député, parce qu'il ne s'agit pas de vous faire dévoiler des choses secrètes. L'année passée, les représentants ont affirmé ici que les barrages étaient à un niveau de 55 % de stockage, données publiques. Dans la presse, tout récemment on lisait que ça se situait à 51 %. L'année passée, effectivement Hydro-Québec disait qu'il va falloir réduire nos exportations. Parce que j'essaie de comprendre, M. Caillé, depuis ce matin, où est l'urgence dans cette affaire, un. Deux, j'essaie de comprendre où est le vrai marché aux États-Unis, à quel prix se situe le vrai marché. Et, trois, j'essaie de comprendre quels sont les impacts pour nous, ici, au niveau de nos développements futurs, y inclus les lignes de transmission, etc.

Mais, pour commencer avec l'équilibre, si l'année passée on nous disait qu'il va falloir réduire nos exportations parce que nos stocks étaient très bas – on citait 55 %, donc on peut imaginer que ça se situe quelque part là, sans vous demander à la virgule près – entre une prévision qui dit: On doit baisser nos exportations pour justement garantir la fiabilité du réseau, j'imagine... Il y avait une fois un ministre qui disait: On va bientôt s'éclairer à la chandelle. Je pense que votre secrétaire le connaissait bien. Est-ce que vous pouvez nous garantir aujourd'hui que les niveaux sont à un niveau tel qu'il n'y a aucun danger de se lancer dans le marché de l'exportation agressivement par rapport aux besoins des Québécois?

Juste avant de vous passer la parole, j'aimerais revenir à un changement fondamental qui est en train de s'opérer. Je pense que le député de Groulx l'a touché quand il a essayé de voir si Sainte-Marguerite pouvait être un «stranded cost». Mais Sainte-Marguerite a été conçu en fonction des besoins du Québec, et, jusqu'à maintenant, notre planification a toujours été en fonction des besoins des Québécois. Là, on est en train de passer à une conception qui nous amène à une planification de nos développements en fonction d'une utilité qu'on veut vendre, d'une commodité qu'on vend. Donc, ce n'est plus les besoins des Québécois qui deviennent la barre avec laquelle on va décider ce qu'on développe, mais c'est vraiment ce qu'on peut vendre. Alors, la première question sur la fiabilité du réseau.

M. Caillé (André): D'abord, si vous me permettez, M. le Président, je vais inverser la première puis la deuxième de vos deux questions, à savoir le marché et l'urgence. Si on commence par le marché, je disais ce matin qu'il y a deux opportunités pour Hydro-Québec dans ce marché ouvert. Mais on va pouvoir en parler sur base d'hypothèse. Si l'hydraulicité est élevée, si les niveaux sont élevés, on est très vendeurs d'énergie, on est moins vendeurs de stockage parce qu'on a moins de place pour mettre de l'eau derrière nos barrages. Ce qu'on ne voudrait pas qu'il arrive, en passant, puis que personne n'a évoqué jusqu'ici, c'est que, supposons qu'on a une très grande hydraulicité. Nos niveaux deviennent très élevés, on vend du stockage, on refoule ça en arrière; arrive une crue, et on déverse. On perd de l'argent si ça, ça arrive.

M. Kieffer: Ce n'est pas arrivé souvent.

M. Caillé (André): C'est rare.

Une voix: On parle pour parler.

M. Caillé (André): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): À 51 %, 55 %, j'imagine qu'on n'est pas là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Parce que la vraie question, M. Caillé, c'est...

M. Caillé (André): Je m'excuse de la diversion. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Si vous permettez, la vraie question, c'est de savoir combien d'années de faible hydraulicité on peut supporter sans se retrouver dans une situation de perspective de chandelle.

M. Caillé (André): C'est toujours le même calcul. On n'a pas changé les calculs. En tout cas, ils n'ont pas été changés depuis que, moi, je suis là. C'est toujours qu'on regarde deux ou trois années à l'avance de faible hydraulicité pour s'assurer qu'il y a toujours de l'énergie derrière nos barrages pour supporter la demande de l'ensemble du territoire du Québec.

Je reviens au marché aux États-Unis et à l'urgence.

Le Président (M. Sirros): Mais peut-être juste vous interrompre, avant ça, dans le sens d'un dialogue. Si on est actuellement, donc, dans une situation où le stockage est relativement bas – on parlait de 55 % l'année passée, et vous me dites qu'il faut prévoir devant nous deux, trois ans de possibilité de faible hydraulicité – j'imagine que ça devient difficile, à ce moment-là, d'exporter beaucoup, d'où la question de l'urgence.

M. Caillé (André): Oui. En répondant à votre deuxième question, je vais répondre à celle-là.

Le Président (M. Sirros): Correct.

M. Caillé (André): Il y a deux marchés aux États-Unis: vente de l'énergie, vente du stockage. Et je vous ferai remarquer que, dans ces circonstances, haut ou bas, là, on est dans le marché pour l'une ou l'autre des deux commodités. D'accord? Alors, à partir de là, on n'a pas besoin de raisonner pour savoir s'il y a beaucoup d'eau ou pas beaucoup d'eau derrière les barrages, c'est toujours le cas. On sera toujours en situation de vendre l'un et l'autre des deux services.

Maintenant, l'urgence. L'urgence, je disais, ce matin: Nos grands compétiteurs qui nous observent, Enron, Panenergy et Duke Power, eux, là, ils sont déjà dans le marché. Je vais vous donner un exemple. Enron, qui nous observe ici aujourd'hui, elle a passé de 0 TWh à 65 TWh de vente d'électricité en un an, presque la moitié d'Hydro-Québec. Vous avez vu, je vous ai montré ce matin où géographiquement ils étaient. Je vous disais, à la dernière commission parlementaire... Je ne sais pas si l'expression est bonne, mais, en tout cas, j'étais un peu impatient d'aller compétitionner parce que même eux, ils sont dans le marché, aujourd'hui, dans notre marché. Bien sûr, dans l'hypothèse où on ouvre – si on n'ouvre pas, bien, là, on est à la frontière puis c'est autre chose – ils sont dans notre marché.

Bref, votre question n° 2, oui, on est toujours dans le marché, que ce soit pour acheter de l'énergie, pour la revendre plus tard dans le marché de gros, parce que le prix aujourd'hui, il passerait à 0,02 $ puis on aurait l'espoir de la vendre à 0,03 $, de valoriser les actifs que les Québécois puis les Québécoises ont payés, de leur donner une valeur parce qu'on peut en faire quelque chose d'utile. C'est ça, la différence. Les réservoirs moins remplis ont une valeur. L'espace derrière les réservoirs vides, ça a maintenant une valeur. Avant, ça n'en avait peut-être pas, parce que, si on se limite au Québec, bien, là, c'était inutile de stocker, donc valeur nulle au stockage. Urgence. Eux, ils sont là, ils sont présents dans le marché.

Votre troisième question, c'était: impact sur le futur. Eh bien, là, je dois dire, pour revenir en même temps à Sainte-Marguerite... Je me répète, je pense. L'intention, ici, ce n'est pas puis je ne recommanderai pas de construire des ouvrages pour satisfaire des besoins qui sont en arrière, à l'extérieur du Québec, et qui ont des coûts de revient qui sont au-delà des prévisions de prix. Faire ça, c'est s'exposer à faire des pertes, c'est l'évidence, puis ce n'est pas ça qu'on veut faire. Alors, on ne fera pas ça. On va commencer par travailler pour réduire nos coûts. Ceux qu'on pourra faire, on les fera; ceux qu'on ne pourra faire, on aura le courage de ne pas les faire.

Maintenant, j'apporte une nuance à cause de votre remarque sur la rivière Sainte-Marguerite. À un moment donné, on sera peut-être aussi, dans le futur, je ne le sais pas, dans une situation où, pour satisfaire les besoins québécois, parce qu'il y aura eu une croissance de la demande ici de faire un aménagement comme Sainte-Marguerite, dont le coût peut être supérieur au prix à l'exportation, on n'aura pas le choix, parce qu'on va se dire: On veut toujours être en situation de satisfaire parce qu'on en a l'obligation légale par la loi; tous les besoins québécois. Ça, je suis d'accord avec ce volet-là, mais c'est tout à fait autre chose et je ne pense que, au cours des cinq prochaines années ou quatre années et demie, cette situation-là risque de se présenter, c'est-à-dire du temps où, moi, je me retrouverai avec mon collègue ici, à la tête d'Hydro-Québec.

(16 heures)

Vous me demandez aussi, quatrièmement: Est-ce que vous pouvez donner une garantie que les besoins des Québécois seront satisfaits au cours des prochaines années? Je peux vous dire que nous gérons très exactement, comme Hydro-Québec a toujours été gérée, en prenant bien soin de s'assurer que, trois ans dans le futur, en supposant que ça soit un scénario très pessimiste – il y a des fois que je trouve qu'on est un peu pessimiste, mais enfin un scénario très pessimiste – les besoins soient satisfaits.

Les moyens, les réserves pourront prendre deux natures si le marché est ouvert. Ça peut être de l'énergie qu'on aura vendue sur laquelle on a encore la main attachée pour la faire revenir. Tout ça se gère dans le temps, en temps réel. Si aujourd'hui on ne commande pas des ventes pour l'été, on ne les fera pas à bon prix cet été. Peut-être faut-il faire les ventes puis acheter des polices d'assurance pour pouvoir les racheter au cas où la neige fonde moins bien ou, enfin, je ne sais trop. Si jamais l'eau est là, bien on a fait le gain; si jamais l'eau n'est pas là, bien on défait l'entente, on défait le contrat et on revient à la même place que si on n'avait rien. Je ne sais pas si c'est clair pour vous, ça? Mais il y a toutes sortes de possibilités de gestion des barrages dans un marché ouvert qu'il n'y a pas quand on est juste sur le marché québécois.

M. Cherry: Pour enchaîner là-dessus, M. Caillé – et là je reprends votre expression, vous dites qu'on n'a qu'à se prémunir d'une police d'assurance au cas où – est-ce que la FERC accepterait comme condition qu'on prend l'engagement, on cible un marché, qu'on va fournir là, mais on dit: Si jamais il nous arrivait quelque chose, l'électricité qu'on vient de s'engager à vous vendre, on ne vous la vend plus, trouvez-vous en d'autre ailleurs, nous autres, on la reprend parce qu'on en a besoin chez nous? «C'est-u» le genre de deal qui dure longtemps, vous pensez?

M. Caillé (André): La FERC n'a pas un mot à dire par rapport à ça, parce que la production, c'est déréglementé. Mais le contrat va nous obliger aux mêmes exigences que vous venez d'évoquer.

M. Cherry: Parce que – et là corrigez-moi si j'ai des informations qui ne sont pas exactes – dans les réglementations de la FERC, on dit qu'une des exigences, c'est que celui qui a accès à ce marché-là ne peut pas avoir accès à plus que 20 % du marché. En d'autres mots, même s'il y a un besoin là de 1 000 000 000 $, nous autres, on ne peut pas. Ils ne peuvent pas dépendre de plus que d'un fournisseur, 20 %.

M. Ménard (Louis-Jacques): ...ou de sécurité économique.

M. Cherry: C'est ça. Donc, à ce moment-là, je suis exact là-dedans.

M. Caillé (André): Le principe du FERC, c'est qu'ils veulent vraiment installer un vrai marché qui fonctionne comme un marché, quoi, des échanges qui fonctionnent comme dans un marché. Alors, ils ont un principe qui dit qu'aucune entreprise ne doit exercer une dominance de marché.

M. Cherry: Oui. C'est ça.

M. Caillé (André): À partir de 20 %, ils commencent à s'interroger. À 40 %, c'est sûr qu'ils décrochent. Ça s'appelle «market dominants», à ce moment-là. C'est vrai dans plusieurs secteurs, ça. Moi, je l'ai vu dans le papier. C'est la même chose. Pour avoir un vrai marché, il ne faut pas que quelqu'un domine le marché.

M. Cherry: Donc, M. Caillé, quand bien même que demain matin on dirait qu'il y a là un potentiel de 25 000 000 000 $ de marché, ils ne nous laisseront pas aller même si on avait tout ce qu'il fallait – on sait bien qu'on n'est pas équipé pour le faire – ils ne nous laisseraient pas aller pour tout ça. Ils ne pourraient pas être dépendants uniquement d'un fournisseur comme nous autres.

M. Ménard (Louis-Jacques): Même avant eux autres, nous, on doit s'imposer les restrictions que vous connaissez, les déclencheurs que vous connaissez pour s'assurer qu'on ne dépasse pas un certain seuil pour assurer la sécurité des approvisionnements ici.

M. Cherry: O.K.

M. Ménard (Louis-Jacques): Alors, la première discipline, elle est interne à nos propres règlements et à nos façons de faire.

M. Cherry: Donc, ce que j'aime et qu'on vient de préciser, c'est que, nous autres, les Québécois, quand on dit qu'il y a un potentiel de marché de 25 000 000 000 $, on pense que la planète est à genoux devant nous autres...

M. Ménard (Louis-Jacques): Oui, oui.

M. Cherry: ...pour notre produit. Non, non, mais la vérité, là, c'est qu'il ne peut pas tout être à nous autres, ce marché-là...

M. Ménard (Louis-Jacques): Non.

M. Cherry: ...pour des arguments de sécurité nationale et des choses que t'invoquais tantôt, Jacques. Donc, je pense qu'il est important de ramener ça, là, à sa véritable affaire. Deuxième... Oui.

M. Caillé (André): Mais 20 % du marché de la Nouvelle-Angleterre, ça fait beaucoup, ça fait vraiment beaucoup.

M. Cherry: Non, non, je ne suis pas en train de minimiser ça, là. Chaque vente qu'on peut faire, c'est tant mieux pour nous autres.

M. Caillé (André): Voilà.

M. Cherry: Mais de là à créer la perception...

M. Caillé (André): Ce n'est pas 100 %.

M. Ménard (Louis-Jacques): Qu'on va envahir le...

M. Cherry: ...que tout ça est à nos portes et en autant qu'on veuille bien aller leur vendre, il n'y a pas tout à fait ça.

M. Caillé (André): D'accord. D'accord avec vous.

M. Cherry: Deuxièmement, même la partie du marché que, nous autres, on cible comme étant bien à nous autres, là, il y a des gens autour qui, eux autres aussi, pensent que c'est la leur et vont tenter de faire des conditions pour ne pas que ça arrive.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ça se passe présentement.

M. Caillé (André): Tentent présentement, tentent présentement.

M. Cherry: Bien sûr.

M. Caillé (André): Aujourd'hui.

M. Cherry: Bien oui, ils sont déjà dans ce marché-là, eux autres. O.K. Oui, vas-y, finis ça.

Le Président (M. Sirros): Moi, je veux revenir sur...

M. Cherry: Non, non, on va aller au bout de ces affaires-là.

Le Président (M. Sirros): ...les chiffres que vous avez ici qui aussi créent l'impression que les marchés sont à genoux devant nous, parce que vous affichez, sur ce tableau-ci à la page 7, le chiffre de 0,036 $ comme coût moyen pour le Québec et vous mettez après les États de la Nouvelle-Angleterre à 0,095 $, 0,095 $, 0,117 $, 0,101 $, etc.

Alors, si je regarde ça, puis je me dis: Bon, si je compétitionne contre ça, je vais construire tout ce que je veux, je vais pouvoir la vendre. Ai-je raison de dire que ce n'est pas des vrais chiffres, ça, dans le sens que, ça, ce n'est pas le coût de production, mais c'est les coûts totaux qui incluent et le transport, et la distribution, et les «stranded costs», et l'électricité qu'Hydro va finalement vendre par le biais d'un grossiste à un résident va aussi avoir ces mêmes coûts ajoutés? Alors, pouvez-vous me donner une idée c'est quoi, la vraie compétition qu'on a là-dedans?

M. Caillé (André): O.K. Alors, vous avez raison. Ça le dit. D'ailleurs, le tableau dit: Tarifs d'électricité. C'est les tarifs de vente d'électricité par État et province. Ça veut dire, comme vous venez de l'indiquer, que c'est la marchandise, plus le transport, plus la distribution. Alors, pour avoir les chiffres, là... Et, pour chaque catégorie de clients, il va y avoir des tarifs de transport qui vont dépendre de son coefficient d'utilisation. On revient à... du coût de service, mais on va essayer de simplifier pour un client moyen. Au niveau du T, c'est à peu près 0,015 $. Au niveau du D, si on a des marchés commerciaux, par exemple, c'est peut-être 0,012 $. Donc, à notre 0,036 $ canadien, à moins que je ne m'abuse, il faut enlever 0,027 $. Alors, ça nous donnerait, dans ce cas-là, 0,009 $.

Dans leur cas, moi, je pense qu'on ne se trompe pas beaucoup, là, si on soustrait les mêmes chiffres pour le transport puis pour la distribution chez eux que chez nous. Parce que vous l'avez bien indiqué ici, forcément c'est avant la déréglementation, alors les «stranded costs», ils sont dedans, ils sont déjà dedans. Alors, il faut soustraire transport et distribution. Peut-être, la meilleure façon de faire, plutôt que de vous induire en erreur, on vous fera parvenir un tableau où on aura soustrait le T puis le D. Mais attendez-vous à ce que le transport au Québec, pas de «stranded costs», mais... plus grand. Là-bas, des «stranded costs», c'est, enfin...

Le Président (M. Sirros): Pas la comparaison au Québec, je voudrais savoir l'électricité qui est produite par... J'ai ici une facture de l'État du New Hampshire qui est dans un projet expérimental, effectivement, qui est déjà au détail, parce que ça s'en vient, ça aussi. À l'analyse de tous les coûts, le coût de l'électricité, c'est 24 % à peu près. D'une facture de 100 $, là, c'est à peu près 24 $. Tout le reste, c'est d'autres coûts, un peu comme les taxes à la gazoline. O.K. Alors, le vrai coût là-bas, selon la facture que j'ai ici, là, doit être quelque part de 0,24 $ sur 100 $.

Une voix: De 24 $ sur 100 $

Le Président (M. Sirros): De 24 $ sur 100 $. Je m'excuse. Donc, 80 % à peu près, c'est des coûts extra. Alors, est-ce qu'on peut faire la comparaison de... Chez le consommateur américain, une fois que l'électricité québécoise aurait passé à travers tout le système d'ajout de coûts, ce 80 %, elle aussi va devoir le supporter, le coût final chez le consommateur américain va être quoi pour qu'on ait une idée de: On compétitionne avec qui et à quel prix?

M. Caillé (André): Oui. On me dit que, avant le projet-pilote, le prix, ce n'était pas 24 $, c'était 50 $, hein, beaucoup plus élevé, et on a été dans ce marché-là, pour la marchandise. Donc, c'était beaucoup plus élevé avant qu'après. L'effet de la déréglementation, ça a fait baisser les prix. Ce sont des projets-pilotes. Il y a des gens ici qui ont voulu faire un – je ne sais pas comment on le dit en français, alors je vais utiliser, avec votre permission, l'expression anglaise – «loss leader», notamment Enron qui a vendu ici de l'électricité à 0,02 $ pour entrer dans le marché. O.K.

M. Cherry: Est-ce qu'Hydro-Québec...

M. Caillé (André): Alors, est-ce qu'on peut supporter 0,02 $ à long terme quand on voit que la structure de coût est d'autres choses? Non. Alors, il ne faut pas partir de la facture après déréglementation; il faut partir de la facture avant déréglementation, bien sûr.

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais ces prix-là ici, c'est des prix «intrastate», disons, avant le décloisonnement du marché comme tel, présentement. Ça ne prête pas flanc à la dynamique qui va se passer puis qui va avoir une influence à la baisse sur les prix aux États-Unis, entre autres, là, à cause de nous autres.

Le Président (M. Sirros): Il reste juste trois minutes.

M. Kieffer: Juste une petite question. C'est parce que... O.K.

Le Président (M. Sirros): Oui et non. Soyons...

M. Kieffer: Ce que vous dites, c'est que la facture dont on vient de vous parler n'est pas le reflet du marché réel. «C'est-u» ça que vous nous dites?

(16 h 10)

M. Caillé (André): C'est le reflet après déréglementation dans le cadre d'un projet-pilote. Avant, c'était deux fois ça.

M. Kieffer: Donc, dans le vrai monde où il n'y aurait pas de projet-pilote, ce n'est pas comme ça que ça se passerait.

M. Caillé (André): C'est ça. Mais, si on veut comparer avant et avant, il faut comparer avant.

Le Président (M. Sirros): Ce n'est pas ce que j'ai compris, M. le député.

M. Kieffer: Bien, c'est ça.

Le Président (M. Sirros): Sur votre question technique, ce n'est pas ce que j'ai compris, là.

M. Kieffer: Non, ça va. Je n'en dis pas plus.

Le Président (M. Sirros): J'ai compris que...

M. Caillé (André): Il faut comparer avant avec avant et après avec après.

Le Président (M. Sirros): Alors, il y a M. le député de Saint-Laurent et, par la suite, ça va de l'autre côté pour 20 minutes.

M. Cherry: Une rapide question. Après ça, je vais enchaîner avec... Je pense qu'il y a un complément de réponse qui devrait intéresser mon collègue de Roberval.

Est-ce que, nous, Hydro-Québec, pour avoir accès à un marché, on ne pourrait pas faire la même chose que vous venez de décrire et accepter, pour une période de temps x, de vendre à perte pour bien s'installer dans le marché et éventuellement... Est-ce que ça, c'est possible?

M. Caillé (André): L'expérience du New Hampshire ne nous demande pas de faire ça. Comme je vous l'ai dit, on s'était fixé des objectifs sous une bannière «énergie verte», et on a dépassé nos objectifs au New Hampshire. Alors, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire du «loss leader» pour pénétrer. Enfin, l'expérience-pilote montre que ça n'a pas été nécessaire.

M. Cherry: O.K. Donc, ce que vous me dites... O.K.

M. Caillé (André): Parce que c'est vrai aussi, 20 % de tout le marché, il n'y a pas assez de potentiel hydraulique...

M. Cherry: Non, non.

M. Caillé (André): ...au Québec pour faire ça.

M. Cherry: Peut-être. En tout cas. L'autre question, c'est que...

Le Président (M. Sirros): Une dernière, M. le député.

M. Cherry: ...mon collègue de Roberval a commencé avec la question sur Alcan qui, dans sa région, produit de l'électricité, et sa question était: Est-ce que Alcan pourrait se servir de son surplus d'électricité pour aller alimenter une usine ailleurs que sur le territoire québécois? Et votre réponse a été: Avec l'entente que Alcan a avec Hydro-Québec, il est entendu qu'on achète les surplus. Hydro achète les surplus. O.K.

Mais là je me replace dans le contexte de la libre circulation. Alcan aurait un surplus d'électricité dans sa région, aurait une usine pour laquelle elle a besoin d'énergie à l'extérieur du Québec, et là vous êtes obligés de lui donner accès aux lignes de transmission. Est-ce qu'à ce moment-là ce que je viens de décrire pourrait s'avérer, dans les faits, que les surplus d'Alcan, dans le moment, qu'elle est obligatoirement obligée de céder à Hydro-Québec, elle pourrait les envoyer dans une usine qui serait la sienne, dans laquelle elle aurait des intérêts, plus près de son marché aux États-Unis? Est-ce que ça, c'est possible?

M. Caillé (André): Le contrat d'Alcan avec Hydro est valide après déréglementation. Donc, ça va toujours passer par Hydro-Québec, qu'on ouvre ou qu'on n'ouvre pas le marché. La réponse, c'est ça. C'est ça, le sens de l'entente qu'on a prise avec eux.

Une voix: Ils sont attachés.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ils n'ont pas le droit de faire ce que vous évoquez...

M. Caillé (André): Non.

M. Ménard (Louis-Jacques): ...dans le fond, ce que vous dites.

M. Caillé (André): Je ne pense pas que ça...

M. Ménard (Louis-Jacques): Le contrat ne le permet pas.

Le Président (M. Sirros): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. Caillé, les contrats d'exportation qui viennent à échéance au cours des prochaines années, c'est l'ensemble des contrats, est-ce que le renouvellement de ces contrats-là nous met en... Je reformule ma question: Est-ce que la fin de ces contrats-là nous donnera la possibilité d'améliorer notre situation?

M. Caillé (André): La réponse à ça, c'est non. C'est la majorité des contrats qui viennent à échéance. Ces contrats-là avaient été négociés dans un contexte de prix fort élevés. Je doute qu'on puisse les renouveler dans les mêmes conditions, les prix sont plus élevés que les prix du marché. Alors, on va pouvoir continuer à exporter, mais de penser qu'on va en revendre... J'ai vu des contrats, je pense, entre 0,05 $ et 0,06 $. Le prix du marché, ce n'est pas ça. Les clients ne rachèteront pas à ce prix-là.

M. Pelletier: O.K., merci. Il y a une autre question. L'an passé, j'avais un petit peu de difficulté avec le poste des ventes à court terme hors Québec. À la page 17 des engagements de performance, je vois qu'en 1996 les ventes à court terme ont été de 251 000 000 $. Est-ce que vous pourriez me donner ce qui avait été budgeté? Ça, c'est le résultat, 251 000 000 $, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait me dire ce qui avait été budgeté?

M. Caillé (André): On va vérifier, si vous voulez. Je n'ai pas souvenance.

M. Pelletier: O.K. Parce que ce poste-là, cette année, est diminué de 200 000 000 $.

M. Ménard (Louis-Jacques): Comparativement à l'année précédente, oui.

M. Pelletier: Oui.

M. Caillé (André): Ventes à court terme hors Québec.

M. Pelletier: Oui.

M. Caillé (André): 100 000 000 $.

M. Ménard (Louis-Jacques): Les ventes spot.

M. Caillé (André): 350 000 000 $ à 250 000 000 $.

M. Pelletier: 200 000 000 $.

M. Ménard (Louis-Jacques): Les ventes spot, oui.

M. Caillé (André): Les spot?

M. Ménard (Louis-Jacques): Bien, dans le fond, c'est ça, là.

M. Caillé (André): 350 000 000 $ à 250 000 000 $.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est des ventes spot, ça, oui.

M. Caillé (André): Alors, je vais vérifier.

M. Pelletier: C'est que l'an... O.K.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est une question de fait, là, on va trouver le chiffre.

M. Pelletier: Je vais juste compléter. L'an passé, lorsque j'essayais d'avoir des renseignements à ce poste-là, on me disait: La diminution importante est due à notre faible taux... les réservoirs. Comme il y a une énorme différence à la baisse cette année. Je pourrais croire qu'il n'y a plus d'eau dans les réservoirs.

M. Caillé (André): Encore une fois, on revient à la question. J'essaie de protéger l'entreprise.

M. Pelletier: D'accord. Sauf que, pour nous autres ici, en commission parlementaire, l'année passée et cette année, au niveau de ce poste-là, on ne sait jamais où on va avec. Ce poste-là, c'est toujours un poste genre balancier. Il y a un coussin à quelque part, dans le sens qu'on peut... Bien, vous pouvez peut-être me répondre que c'est toujours dépendamment de la pluie qui tombe, mais on n'est jamais capable de se faire une idée exacte de où on va avec nos revenus à ce niveau-là.

M. Caillé (André): Je pense que c'était géré de cette façon-là effectivement, comme coussin. On vendait les surplus anticipés. Je n'ai pas fait d'analyse beaucoup par rapport au passé, c'est l'impression que ça m'a donné. C'était: on vend les surplus puis, si t'as un coussin, on en vend plus ou moins. C'est ce que j'ai compris de la situation. Donc, il devenait, dans un contexte comme celui-là, difficile à apprécier à l'avance parce qu'on dépend de la nature, disait-on.

Mais, encore une fois, on va essayer de se trouver des moyens pour atténuer les fluctuations, s'il y en a, des moyens pour faire ça, sans pour autant prendre des risques quant à la satisfaction des besoins des Québécois. En passant, dans le passé, il ne se vendait pas de capacité de stockage, alors c'était zéro. Ou il y avait de l'eau et on faisait une vente ou, s'il y avait pas d'eau, on ne faisait rien.

M. Ménard (Louis-Jacques): La notion de stockage n'existait pas.

M. Caillé (André): La notion de stockage n'existait pas.

M. Ménard (Louis-Jacques): Pour votre question quant au budget, M. le député, on va la trouver. Je la cherche, là, mais je ne pense pas que j'aie ça ici, le budget 1996.

Le Président (M. Sirros): Alors, ça va? Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, étant donné les implications et les enjeux majeurs, je pense que ce serait important de circonscrire la part du marché américain véritable dont on parle ici; lorsqu'on parle de potentiel d'exportation, de quoi on parle véritablement. Parce que, dans le journal Le Soleil , en février de cette année, vous aviez affirmé qu'Hydro-Québec pourrait aller chercher de 4 % à 6 % du marché nord-américain. Nord-américain, je suppose que vous incluez tous les États-Unis là-dedans.

Or, il me semble que, à la fois pour des raisons d'ordre technique, des raisons d'ordre économique également sur lesquelles vous avez un peu abordé et sur la base de certains critères dont celui qu'on appelle couramment le «Network Capability Distance», le NCD, en réalité, nos exportations, à moins de faire des acquisitions de compagnies existantes à l'intérieur des États-Unis, sont plutôt limitées aux États limitrophes du Québec, c'est-à-dire les États de New York, Vermont, New Hampshire. Alors, j'aimerais que vous nous précisiez un peu, là. Quand on parle du marché nord-américain, là on parle de quoi exactement?

(16 h 20)

M. Caillé (André): D'accord. Quand je parlais avec les gens du Soleil , effectivement j'ai parlé de part de marché actuelle qui était de l'ordre de 4 % qui pourrait devenir de 6 %. Comme je le disais ce matin, ça, c'est un objectif qu'on établit au point de départ d'une démarche de planification stratégique. Parce que, pour arriver à 6 %, O.K., encore va-t-il falloir se conforter qu'on a les moyens de trouver l'énergie qui correspond à ça, O.K., et à quel moment ça, ça peut arriver dans le temps. Parce qu'il y a des quantités très importantes d'énergie. On ne pourra pas produire ça, comme ça, du jour au lendemain. On va donc étaler ça dans le plan stratégique au cours des prochaines années. Les projets dont on pourra se satisfaire qu'on est capable de ramener les coûts en deça des prix marché, ça, c'est d'une part. D'autre part, il y a à évaluer exactement vers quels marchés cette énergie-là sera acheminée.

Moi, aux États-Unis, je vois les marchés traditionnels, comme vous le dites, là, les États limitrophes, le Vermont, le New Hampshire, le Maine, et je vois aussi la grande région de New York, et puis je suis tenté de regarder vers le Midwest. Alors, j'ai demandé à nos gens: Vous allez me regarder à l'intérieur de ça ce qu'on peut y faire, nous, quel rôle on pourrait y jouer. Les stratégies commerciales pourront varier d'un marché à un autre, etc. Mais, avant de soulever trop d'intérêt de la part de nos compétiteurs à ce que je dis, je suis peut-être aussi bien de m'arrêter là, parce que ça aussi, les stratégies commerciales, j'aimerais bien savoir les leurs, moi-même. Mais je ne pense pas que je vous révèle des secrets en disant que le marché ici, là, peut être scindé en trois. Il faut regarder dans chacun d'eux, il faut voir ce qu'on pourrait y faire maintenant, il faut voir ce qu'on pourrait y faire à plus long terme.

Quant à la perspective que vous évoquez: Est-ce qu'on va acheter de l'électricité aux États-Unis? je peux répondre: Oui, certainement, quand le prix sera à un prix qui va déclencher l'opération de stockage pour nous; oui, quand un client voudra se servir de notre service de stockage. Ça va être tout comme si on en achetait et possiblement – je l'ai évoqué en parlant de Sable Island tantôt – de la production thermique dans le marché même, dans la mesure où on trouvera une façon d'opérer ces productions thermiques en synchronisme avec les opérations hydroélectriques sur le territoire du Québec.

Nous sommes et nous demeurerons essentiellement une entreprise hydroélectrique. Le gaz naturel, pour nous, là, c'est un complément stratégique, ce n'est pas quelque chose qui peut être... Évidemment, quand on regarde la taille, là, c'est même beaucoup trop petit pour quelqu'un qui pourrait penser que ça puisse devenir autre chose qu'un complément stratégique.

M. Ménard (Louis-Jacques): Le but étant de nous aider à gérer puis à optimiser nos actifs, dans le fond.

M. Beaulne: Sur un point un petit peu technique qui peut préoccuper également certains collègues. Justement, quand on s'étend au-delà des régions strictement limitrophes, moi, ce que je comprends, c'est que, d'après le fameux critère NCD, là, la distance moyenne sur laquelle s'établit le rayonnement d'une entreprise est d'à peu près 584 km. Alors, la question que je vous pose, c'est: Si Hydro-Québec conclut une entente de vente d'électricité ou d'achat d'électricité au-delà de cette distance de 584 km, est-ce que vous pourriez faire l'objet de sanctions économiques ou légales de la part des Américains?

M. Caillé (André): On va respecter les contraintes de transport, bien entendu, mais on peut le faire. Si on parle de New York, il y a déjà des ventes...

M. Beaulne: Non, non, je parle d'au-delà de... Parce que vous parliez du Midwest. Le Midwest, c'est un peu plus que 584 km.

M. Caillé (André): O.K. Dans ce temps-là, on le fait par...

M. Ménard (Louis-Jacques): On le fait par substitution.

M. Caillé (André): On le fait par substitution. Quand c'est plus loin, on peut... Par exemple, le thermique, on peut le faire. Du gaz naturel, c'est moins cher dans la région de Chicago. On peut le faire là et réduire... Du gaz naturel qui s'en va pour faire de l'électricité, qui part de là pour aller dans la région où on l'a vendu puis, nous, on refoule dans les réservoirs, c'est ça.

M. Ménard (Louis-Jacques): Un système ouvert, c'est bien différent.

M. Caillé (André): Il faut comprendre que la convergence, là, ce que ça veut dire, c'est qu'il y a une continuité physique réelle entre le gaz et puis l'électricité. Du gaz, c'est convertible en électricité; puis de l'électricité, c'est convertible en gaz. Je m'explique. On pourrait, à un moment donné, dire: On va livrer plus d'électricité et puis on va arrêter cette usine, on va stopper le fonctionnement de cette usine thermique parce que le prix du gaz est devenu très élevé, en pointe aux États-Unis, à quelque part.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ça coûte plus cher que l'eau.

M. Caillé (André): Je me souviens, la dernière année, à Gaz Métropolitain, en quelques semaines, on avait vraiment fait des résultats extraordinaires parce que, ponctuellement, le prix était là. Alors, si on avait eu la capacité de gérer les deux à la fois, c'est sûr qu'on aurait été encore plus loin. Il y a une continuité parfaite. On peut aller d'un à l'autre au gré des opérations. Ce qu'il s'agit de satisfaire, c'est les obligations contractuelles des clients dans une sorte d'énergie puis dans l'autre type d'énergie. Alors, oui, ça se fait plus loin, mais, à ce moment-là, il faut le faire par swap, déplacement.

M. Ménard (Louis-Jacques): La chaîne de valeur ajoutée d'un BTU, là, c'est de la technologie, c'est du capital puis c'est du carburant, ça peut être de l'eau, ça peut être du gaz. Dans le système ouvert dont on parle, on peut jouer avec ces trois variables-là, on parle surtout de la dernière, là, du carburant, pour être capable de faire ces arbitrages-là puis optimiser nos actifs actuels.

M. Beaulne: Mais, à ce moment-là, si vous utilisez les techniques de swap que vous avez décrites, quelle est l'incidence...

M. Ménard (Louis-Jacques): Ce n'est pas swaps financiers, là.

M. Caillé (André): C'est des swap...

M. Ménard (Louis-Jacques): Ce n'est pas des swaps financiers, là, physiques.

M. Caillé (André): ...physiques.

M. Beaulne: Non, non, non. Mais quelle est l'incidence sur le bénéfice net de l'opération d'utiliser ces techniques-là? Parce que je sais très bien qu'on peut nous dire: Ça se fait, il y a toutes sortes d'arrangements qui peuvent être faits, mais, nous, ce qui nous préoccupe ici, c'est de savoir et d'avoir la certitude, dans la mesure du possible évidemment, parce que les marchés évoluent, jusqu'à quel point... Si on se lance dans cette voie-là et en utilisant les différents mécanismes que vous avez décrits et, on vous le concède, qui existent, quelle est l'incidence de tout ça, en bout de ligne, sur la compétitivité de nos prix? Est-ce que l'effort en vaut véritablement la chandelle par rapport aux modifications de notre structure actuelle du marché d'électricité qu'on va devoir effectuer pour quand même faire un bout de chemin pour satisfaire les exigences des autorités américaines?

M. Caillé (André): Oui. Alors, bien entendu, des swaps physiques comme ça, de cette nature, ce que je décrivais à l'instant, on ne fait ça que s'il y a un bénéfice, on ne fait pas ça s'il n'y a pas de bénéfice, puis on fait ça sur le marché spot. On le fait parce qu'il y a un bénéfice; si on ne l'a pas, on ne le fait pas. Alors, on sait le résultat avant de commander l'action dans ces cas-là.

Maintenant, dans une entreprise, tout est question d'optimisation. On a le devoir, comme gestionnaire, vis-à-vis l'actionnaire de réaliser les meilleurs résultats possible compte tenu des actifs qui sont mis sous notre gérance puis compte tenu des façons dont on peut les utiliser. Quant aux conséquences, je pense que c'est ce que vous évoquez sur le marché québécois. Je ne peux répéter que... Ce n'est jamais fait, ça, pour... Jamais, ça, ça ne peut conduire à une augmentation des tarifs pour les Québécois. Ce qu'on cherche, là, écoutez, c'est des revenus additionnels à partir des mêmes outils, strictement les outils que vous avez mis entre nos mains, c'est ça, des revenus meilleurs pour augmenter notre bénéfice, sans toujours avoir à faire ce que j'ai évoqué déjà plusieurs fois jusqu'ici, aujourd'hui.

M. Beaulne: Alors, pour revenir à ma question du début, en termes de part de marché, quand vous parliez de 4 % ou 6 % du marché nord-américain, en réalité, si on s'en tient aux États limitrophes que vous avez mentionnés, ce n'est plus 4 % ou 6 %.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est plus.

M. Beaulne: C'est moins. Ça veut dire combien, à ce moment-là? Ça veut dire combien?

M. Caillé (André): Je n'ai pas compris la question.

M. Beaulne: Vous avez mentionné qu'on avait un potentiel intéressant de 46 % du marché nord-américain. Par contre, tout à l'heure, quand on a parlé des critères de transport, de distance de 580 km et autres, vous avez convenu que, dans un premier temps, la stratégie, c'était normal d'essayer de centrer davantage sur les États limitrophes. Vous en avez mentionné quelques-uns, New York, ainsi de suite. Donc, en termes de pourcentage du marché américain, ce n'est pas 4 % ou 6 % du marché américain, parce que ça doit être une proportion plus petite, étant donné qu'on parle d'États beaucoup plus ciblés.

M. Ménard (Louis-Jacques): Bien, le marché nord-américain, on parle de 200 000 000 000 $.

M. Caillé (André): Alors, le marché américain, c'est 200 000 000 000 $. 25 % de ce marché nous est accessible, en respectant toutes les contraintes. 25 % de 200 000 000 000 $, ça fait 50 000 000 000 $. On n'atteindra pas 50 000 000 000 $. Quand on passe de 4 % à 6 %, on passe de 8 000 000 000 $, comme aujourd'hui, à 12 000 000 000 $, et puis on a pas mal d'énergie à produire. Il y a un marché qui peut supporter notre développement, mais toujours conditionnellement au fait qu'on est capable ici, au Québec, de faire du développement à des coûts économiques qui rencontrent les prix marché. En passant, par rapport au marché américain, on ne parle pas de très gros chiffres, ici.

(16 h 30)

M. Beaulne: Juste une dernière question pour laisser la place à mes collègues. Lorsque la Régie de l'énergie... Je sais que les critères... Je ne sais pas où on en est avec la Régie de l'énergie au niveau de l'établissement des coûts de production. La Régie doit établir quels sont les coûts qui entrent dans un «pricing» adéquat. Dans l'établissement de ce prix-là qui serait autorisé par la Régie pour la distribution d'électricité aux clients résidentiels ou commerciaux au Québec, est-ce que vous allez demander ou est-ce que la Régie va prendre en considération les coûts additionnels que Hydro-Québec va avoir pour sa vente d'électricité à l'extérieur ou si, ça, ça va être exclu de la composante du prix?

M. Caillé (André): Alors, la Régie va prendre en considération, quand elle va faire ça, le plan d'approvisionnement du distributeur, Hydro-Québec qui distribue de l'énergie au Québec seulement. Alors, on va devoir... Les travaux sont en cours pour préparer – comme je le disais ce matin – les bases de tarification pour le transport, pour la distribution, coût du capital, etc. Il y a un gros exercice à faire. On va soumettre à la Régie un tarif de distribution, un tarif de transport et un tarif pour marchandise, qui fait notre fameux tarif de fourniture. On va commencer essentiellement et globalement, au niveau global, avec les tarifs que vous voyez déjà, qui sont approuvés. On n'introduira pas une discontinuité ce jour-là, mais le travail qu'on a demandé, c'est: on part avec les tarifs comme ils sont et on établit la distribution.

Par la suite, l'an deux. L'an deux de ça, même chose. La Régie va devoir approuver le plan des ressources. Là, elle va se poser des questions sur la planification intégrée des ressources, le plan des ressources du distributeur au Québec. Là, la Régie va prendre une décision et va établir de nouveaux ou conserver les mêmes tarifs de fourniture au Québec. C'est comme ça que ça va se faire d'année en année.

Évidemment, si les coûts de la production additionnels pour supporter le marché américain sont plus grands que les prix marché, bien la Régie, je pense qu'elle va nous dire non. Si les coûts additionnels pour servir le marché américain sont plus bas, eh bien, là peut-être qu'il y aura... Enfin, je ne sais pas ce que la Régie décidera, mais ça va être sa décision. Parce que ça va des deux côtés, ça. S'ils sont plus hauts, est-ce qu'on les introduit dans le plan de ressources québécois? Mais, s'ils sont plus bas, est-ce qu'on fait encore la même chose? Je ne sais pas. Ça va être à la Régie de décider de ces choses-là. Ça peut évoluer dans un sens comme dans l'autre, ça. On n'a pas pris de décision définitive à cet égard-là, mais il y a une affaire qui est certaine, je peux vous rassurer, les tarifs de fourniture, quand on va les avoir, ils vont ressembler en dollars et en cents la première année au point de départ, c'est-à-dire où nous sommes. Ça va être basé sur un plan de ressources que la Régie va accepter à chaque année par la suite.

Le Président (M. Sirros): Peut-être, avant de passer la parole, est-ce que je peux vous demander: Quand vous allez plaider devant la Régie, pour lequel des scénarios allez-vous plaider?

M. Caillé (André): Lequel des deux scénarios?

Le Président (M. Sirros): Oui. De les inclure ou ne pas les inclure à l'intérieur du calcul québécois?

M. Caillé (André): Honnêtement, je ne sais pas. Je ne sais pas ce que la Régie elle-même va en penser. Je pense qu'on devrait avoir une discussion avec la Régie pour établir les principes avant de faire le choix. Après, il faudra s'en tenir aux principes. Parce que la Régie, son rôle, c'est de protéger l'actionnaire, bien sûr, un taux de rendement raisonnable, etc., mais c'est aussi et surtout, n'est-ce pas, de protéger les clients. Elle va vouloir s'assurer que les tarifs sont justes et raisonnables. C'est l'expression consacrée depuis des décennies. Dans toutes les lois que je connais, dans tous les pays, c'est l'expression qui est utilisée pour qualifier les tarifs.

Le Président (M. Sirros): Il y a M. le député d'Argenteuil qui avait une question à vous poser.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. À vous écouter, on voit bien que vous suivez l'exemple des banques qui voient fluctuer le dollar aujourd'hui, alors ils en achètent ou ils en revendent. Ce que vous allez faire, ça va être du storage ou de la vente, dépendant de la montée ou de la baisse de prix sur le marché étranger ou sur le marché chez nous.

Ceci dit, évidemment le marché nord-américain, c'est un marché très lucratif dans lequel vous vous orientez – comme vous l'avez dit tantôt – le plus vite possible. Vous êtes déjà actionnaire à 44 % de Green Mountain, si je ne me trompe pas. Est-ce que, dans vos plans, et je ne parle pas, là, dans 20 ans, court terme ou moyen terme court, vous avez l'intention de faire d'autres acquisitions aux États-Unis, non pas juste des constructions nouvelles avec le projet de gaz de Sable Island, mais de faire du partenariat avec une autre entreprise ou d'acquérir une autre entreprise dans le marché de la Nouvelle-Angleterre ou nord-est américain?

M. Caillé (André): Au niveau de la Nouvelle-Angleterre, ce que l'on a actuellement, c'est, enfin à travers Gaz Métropolitain, 44 % de Vermont Gas qui, elle-même, est détenue à 100 % par la société en commandite Gaz Métropolitain. Dans Green Mountain Power, ce qu'on a, c'est un pourcentage d'un partnership.

M. Beaudet: 44,4 %.

M. Caillé (André): Je pense que votre chiffre est bon. Ça correspond à la réalité. Alors, l'intention quant au développement de capacité. Dans le cadre du plan stratégique, on regarde deux choses. La première, c'est qu'on pourrait vouloir construire à partir de rien.

M. Beaudet: Scratch.

M. Caillé (André): ...«green field», O.K., parce que, comme je l'ai dit, les turbines modernes, c'est ce qui produit au meilleur coût.

M. Beaudet: C'est plus efficace. L'efficacité.

M. Caillé (André): On peut installer ça sur un terrain vierge, non pas à un endroit où il y a eu on ne sait trop quelle activité qui a pu polluer le terrain, puis on ne sait pas à quoi on s'engage quand on achète une partie du sol, etc. Bon. Ça, c'est une option. Si on fait ça, en passant, ça sera toujours avec des partenaires qui ont la technologie thermique et des partenaires locaux. Ça fait que Hydro toute seule aller opérer une usine, là, ça n'arrivera pas, ce n'est pas dans nos cartes.

D'autre part, pour toutes sortes d'autres actifs – je pense que c'est un point très important, celui-là, les utilités publiques – les régies aux États-Unis, je pense qu'elles vont en venir à demander aux utilités publiques qui ont des «stranded costs» de faire l'évaluation de ces «stranded costs» en passant par le test du marché. Et je m'explique. C'est facile pour une utilité publique, où que ce soit aux États-Unis, d'aller voir son régisseur, puis de dire: Très bien. Le gouvernement a changé les règles du jeu. Moi, il y a 1 000 000 000 $ ici d'actifs que je ne pourrai pas recouvrer parce que les tarifs, les prix de marché ne peuvent pas rencontrer mes coûts.

M. Beaudet: C'est désuet.

M. Caillé (André): C'est désuet. J'ai tout fait ça parce que vous me l'aviez demandé, etc. Mais je pense que la Régie va dire: On n'évaluera pas les «stranded costs» de cette façon-là. Vous allez mettre en vente 25 % des actifs qui, soi-disant, comportent des coûts non récupérables. Alors, le test du marché. Il y a des entreprises qui vont s'amener et qui vont concurrencer entre elles pour acquérir le 1 000 000 000 $. Évidemment, dans mon histoire typique, c'est quelqu'un qui va là, puis il dit: Moi, je veux récupérer la valeur aux livres, etc. Mais, dans le marché aux États-Unis, dans les transactions que j'ai montrées ce matin, dans les mégatransactions, les multiples de la valeur aux livres sont élevés dans ces transactions-là. Alors, peut-être que le fait de recourir au marché pour évaluer les «stranded costs», c'est ça qui va les faire baisser le plus, d'une part. Une réalité de la vie.

Deux, peut-être qu'on sera dépendant de la nature de ces actifs-là, dépendant de leur localisation, dépendant des partenariats qu'on pourra établir. Peut-être qu'on sera intéressé, puis on n'a pas une éternité pour agir, là. Je pense que je réponds dans le contexte de votre question, là. Certainement, dans le plan stratégique, il faut voir ce qu'on a à faire. C'est comme maintenant.

M. Beaudet: Ça presse.

M. Caillé (André): Oui. Alors, on peut regarder ces deux choses-là. On n'en écarte aucune. On n'est pas rendu assez avancé pour dire: On va écarter une option puis en garder d'autres, là.

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais, dans le plan stratégique de cet été, là, qu'on va déposer d'ici octobre, novembre, on va essayer de baliser les contextes dans lesquels on fait ces participations-là et ce que le conseil va vouloir savoir.

M. Beaudet: Dans les «stranded costs», là, évidemment c'est des immobilisations qui ont été... c'est des jeux comptables, là. Finalement, ils vont transférer leurs bénéfices par des pertes, puis ça a déjà tout été amorti ou pour une bonne partie.

M. Ménard (Louis-Jacques): Non. Bien, c'est justement ça. C'est des actifs non amortis qui sont encore aux livres, disons, en termes de valeur aux livres à des valeurs qui sont trop élevées.

M. Beaudet: Je comprends, mais ils vont le faire. Ils vont le faire. Je suis d'accord, mais éventuellement ils vont le faire.

M. Ménard (Louis-Jacques): Par radiation ou bien autrement, oui.

M. Beaudet: C'est ça. Alors, ces compagnies-là, si elles aménagent tous leurs «stranded costs» puis qu'elles les passent aux consommateurs, elles ne seront jamais capables de les déduire de leurs profits. Il y a un jeu comptable, là, qui va éventuellement faire que les «stranded costs», sur une période de cinq, 10 ou 15 ans, là, ils vont disparaître, une bonne partie en tout cas.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ils devraient s'estomper dans la mesure où la tarification leur permet d'aller chercher des...

M. Beaudet: Leur permet de faire des profits.

M. Caillé (André): Non, non. Premièrement, il n'y en aura peut-être pas autant qu'on le pense quand ça subira le test du marché. Deuxièmement, je ne pense pas que les régies vont accepter que 100 % des coûts non récupérables soient simplement transférés au niveau de charges sur le transport ou la distribution, le transport principalement. Donc, ça ne sera pas aussi élevé que prévu.

(16 h 40)

Mais vous savez d'où ça vient, les «stranded costs»? Ici, on est en face, aux États-Unis, d'une industrie qui est centenaire et plus, à qui on a dit, au point de départ: Il y a des gros investissements à faire. Vous serez des monopoles; on va vous donner des monopoles. On va dire: Installez-vous, développez ça. Vous allez avoir un rendement raisonnable, pas garanti mais pas loin, et puis allez-y parce qu'il y a beaucoup d'investissements. Puis, comme vous allez avoir un rendement raisonnable, vous n'aurez pas de difficulté à lever l'argent dans les marchés.

Vous laissez ça fonctionner pendant un siècle jusqu'à temps que tous les besoins de la population soient satisfaits, parce que c'est là qu'on est. C'est pour ça que la croissance de la demande additionnelle dans nos sociétés est rendue faible. Bien, c'est sûr qu'ils ont gardé des équipements, lesquels, s'il n'y avait pas eu la protection de la réglementation, ne seraient déjà plus là parce que ça coûterait bien trop cher à opérer. Ils auraient décidé de les fermer. Là, d'un coup sec, on dit: Fini, plus de protection. Bien là on dit: «Stranded costs», il faut charger ça ici, on va chercher ça là, etc. Mais n'oubliez pas, il y a une notion dans les lois partout, c'est les investissements prudemment acquis par un gestionnaire ou un propriétaire agissant en bon père de famille.

M. Ménard (Louis-Jacques): Qui sont acceptables.

M. Caillé (André): Sur une période de 100 ans, ceux qui ont tenu en vie des usines qui auraient dû être fermées il y a 30 ans, ça pourrait heurter l'un ou l'autre des deux concepts du bon père de famille ou d'agir avec diligence, là, moi, je pense. C'est pour ça que 100 %, les régies ne reconnaîtront pas ça. Les entreprises sont dans de mauvais draps à cause de ça.

M. Ménard (Louis-Jacques): L'autre élément à la Régie, c'est de s'assurer que, même après ces tests de marché là qu'a évoqués André, ayant fait ce travail-là, les «stranded costs» qui resteront ne constituent pas des barrières à l'entrée qui finissent par essentiellement effacer ou nier l'accès à leur propre marché du fait que ça devient des tarifs confiscatoires, là. Alors, ça va être entre les deux, finalement, que les régies individuellement vont statuer sur les «stranded costs» acceptables.

Le Président (M. Sirros): Ça va, M. le député? Moi, j'aimerais qu'on parle un peu de la demande que vous avez faite au FERC. C'est la deuxième. Vous avez retiré la première parce que vous avez jugé qu'elle ne passerait pas.

M. Caillé (André): La troisième.

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est la troisième.

Le Président (M. Sirros): Troisième et deuxième dans deux ou trois mois, là, récemment, depuis votre arrivée, disons.

M. Caillé (André): Moi, quand je suis arrivé, la première, est-ce qu'il y était? C'est la deuxième, oui, vous avez raison. Il y en avait une qui était... et je ne sais pas ce...

Le Président (M. Sirros): De toute façon, ce que je veux dire, ça a été retiré parce que vous avez jugé qu'elle ne passerait pas.

M. Caillé (André): On a demandé de suspendre l'audition parce qu'on voulait bénéficier de l'expérience de BC Hydro qui s'est vu...

Le Président (M. Sirros): Refuser.

M. Caillé (André): Bien, enfin, refuser, lui aussi, je pense qu'il a été remis à plus tard par le FERC parce que le FERC n'était pas convaincu...

Le Président (M. Sirros): Alors, qu'est-ce que vous avez ajusté?

M. Caillé (André): C'est l'accès non discriminatoire au réseau. Notamment, on a prévu une procédure de plaintes qui aboutit à la Régie. Les Enron de ce monde pourront aller à la Régie puis dire qu'ils ont demandé de la capacité additionnelle ou dire qu'ils sont traités injustement par Hydro-Québec, producteur qui se sert le premier ou qui se sert en les désavantageant toujours.

Le Président (M. Sirros): Comment garantissez-vous cette non-discrimination?

Une voix: Comment?

Le Président (M. Sirros): Comment est-ce que vous garantissez cette non-discrimination?

M. Caillé (André): La non-discrimination, d'abord, il y a des cotes de conduite à établir dans l'entreprise. Nos gens de production ne peuvent pas avoir des rapports privilégiés par rapport à un autre producteur avec nos gens de transport. Alors, il va falloir établir une distance. C'est là qu'on établit un code de conduite où on va pouvoir démontrer que notre façon de gérer notre transport est une façon «fair», transparente.

Le Président (M. Sirros): J'imagine que c'est en lien avec la restructuration que vous avez faite. Vous avez maintenant cinq divisions, le transport en étant une.

M. Caillé (André): Disons qu'on avait déjà décidé de restructurer de cette façon-là honnêtement, mais cette restructuration-là nous permet de faciliter les choses. Je réfléchis présentement à la possibilité d'avoir... On a, à l'intérieur de l'entreprise, le conseil d'administration, vous le savez, puis on a aussi un comité de gestion où moi-même et les vice-présidents exécutifs nous rencontrons. Peut-être faudrait-il que... Ça donnerait encore des garanties additionnelles si on pouvait dire qu'il y a deux comités de gestion puis que les gens de transport n'y côtoient pas les gens de production. C'est essentiellement les modifications que nous avons faites.

M. Ménard (Louis-Jacques): L'autre élément également, M. le Président, c'est qu'il va falloir que cette division transport affiche à tout moment ses disponibilités sur le réseau et les tarifs d'accès à ces disponibilités-là, qu'ils soient quotidiens, qu'ils soient à l'heure, qu'ils soient au mois. Ces disponibilités-là vont être affichées en temps réel à quiconque veut les acheter.

Le Président (M. Sirros): C'est que vous voulez dire quand vous parlez de séparation fonctionnelle dans...

M. Caillé (André): Oui, c'est ça.

M. Ménard (Louis-Jacques): Organisationnelle. Disons, on n'est pas obligé d'aller aussi loin que le rapport Macdonald le proposait...

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Ménard (Louis-Jacques): ...en Ontario, là. Chez nous, on pense qu'on peut isoler cette organisation-là et la faire évoluer à distance avec nous, mais également à distance avec les autres producteurs.

Le Président (M. Sirros): Pour que ça soit clair pour tout le monde, le rapport Macdonald en Ontario suggérait que ça soit complètement...

M. Ménard (Louis-Jacques): Scindé corporativement.

Le Président (M. Sirros): ...scindé même en plusieurs morceaux.

M. Ménard (Louis-Jacques): Une nouvelle entité.

Le Président (M. Sirros): Vous, vous avez choisi de faire une organisation interne et de dire au FERC: Bien, nous sommes séparés fonctionnellement...

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est ça.

Le Président (M. Sirros): ...veuillez croire, s'il vous plaît, que nous serons...

M. Caillé (André): Nous sommes séparés fonctionnellement. Voici notre code de conduite. Vous pourrez vérifier qu'on le respecte, notre code de conduite, ou pas. Vous pourrez porter plainte à la Régie ici, au Québec, comme quoi vous avez eu un traitement qui n'était pas équitable, discriminatoire.

Le Président (M. Sirros): Puis-je comprendre, à ce moment-là...

M. Ménard (Louis-Jacques): On pense que ça, ça apporte les réponses qu'avait à l'esprit FERC quand ils ont dit: Il nous manque des explications dans le cas de BC Hydro. J'ai oublié tantôt..

Le Président (M. Sirros): Est-ce que je peux comprendre que c'est...

M. Ménard (Louis-Jacques): Pardon. J'ai oublié tantôt une dimension très importante à votre question. L'autre changement qu'on a apporté, évidemment c'est le «willing in», l'ouverture du marché de gros.

Le Président (M. Sirros): O.K. Est-ce que je peux comprendre que, si le FERC dit: Ce n'est pas suffisant, vous, vous n'irez pas jusqu'à dire: On va faire une troisième demande, puis on va effectivement se scinder, puis se former en compagnie, plusieurs compagnies de distribution de production, de transport, ou est-ce que c'est une voie que vous pourriez même envisager?

M. Caillé (André): Moi, je pense que c'est suffisant et que nous allons avoir le succès. Moi, je n'ai pas de doute que ça, c'est totalement suffisant et que nos avocats...

Le Président (M. Sirros): Quand on est député puis qu'on ne veut pas répondre à une question, on dit que c'est hypothétique. Mais je vous pose la question: Si le...

M. Caillé (André): Je n'ai pas votre...

Le Président (M. Sirros): ...FERC refuse la demande, allez-vous formuler une troisième demande?

M. Caillé (André): Oui, bien je pense que je vais vous répondre que c'est une question...

Le Président (M. Sirros): Avez-vous un plan B?

M. Caillé (André): Je pense que je vais vous répondre, avec toute la déférence, la politesse que je vous dois, que c'est une question hypothétique.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ce n'est pas dans notre intérêt d'aller dire au FERC...

M. Caillé (André): Parce qu'on parle hors de cette salle, n'est-ce pas.

M. Ménard (Louis-Jacques): Si ça restait ici, ça serait autre chose.

M. Cherry: Oui, oui. O.K. Dans la demande qui est présentement devant le FERC, la dernière, je réfère à celle-là, c'est un M. Lindsay, je pense, de New York, qui a dit ça. Est-ce que j'ai le bon nom?

M. Ménard (Louis-Jacques): Pardon?

M. Cherry: La firme de New York qui pilote votre dossier, c'est Lindsay? C'est ça?

M. Caillé (André): C'est eux autres, oui, c'est Lindsay.

M. Cherry: Lindsay, O.K., juste pour bien m'assurer que...

Une voix: On l'a dans le mémoire.

M. Cherry: Lui, dans sa demande, il dit que, dans les premières années, dans les prochaines années, comme on n'a pas de surplus nécessairement, ils n'ont pas à se préoccuper qu'il pourrait y avoir une invasion importante, en d'autres mots, à cause de nos capacités. C'est ce qui est invoqué dans le document. En même temps, il dit que, quand il y aura une fourniture le moindrement importante qui devrait être faite à des clients qu'on pourrait faire aux États-Unis, il nous faudra construire des lignes de transmission additionnelles, parce que celles qu'on a là servent à nos besoins. Dans les coûts éventuels de la construction d'une nouvelle ligne, est-ce que ça, là...

M. Caillé (André): Ça devrait être supporté par les exportations.

M. Cherry: Ça devrait être supporté par les exportations.

M. Caillé (André): Bien oui.

M. Cherry: Parce que, ce que je comprends aussi, c'est que quelqu'un, pour le «willing in», ce que vous avez invoqué dans vos dernières remarques, si on disait: Nous utilisons le maximum de la capacité de nos lignes, donc, même si vous avez un client chez nous, on ne peut pas vous donner une partie de nos lignes pour que vous veniez servir votre client, ça, là, le FERC pourrait dire: «We are not playing a fair game», et ça pourrait jouer contre nous autres.

M. Caillé (André): Le FERC, ce qu'il va dire, c'est que, s'il y a une demande d'une entreprise pour construire une ligne, dans le sens contraire, on va devoir démontrer, nous autres... Ou on dit oui ou on dit non, parce que le client n'est pas prêt à contracter. Mais, si le client est prêt à contracter puis à payer pour le transport, etc., tout ce qu'il y a à payer, bien on va s'exécuter, c'est des revenus pour nous autres. Mais, dans le cas contraire, ça n'existe pas. Donc, ce qu'on a à démontrer, c'est qu'on traiterait cet Américain éventuel très exactement de la même manière qu'on traiterait notre propre bras de production au Québec. C'est juste ça qu'on a à démontrer, pas plus. On n'a pas automatiquement à faire...

M. Ménard (Louis-Jacques): Faire plus d'efforts.

(16 h 50)

M. Caillé (André): Parce que nos gens de production pourraient avoir des projets auxquels on dirait: Non, le transport, ça ne va pas. Bien, de la même manière avec les autres. Alors, vraiment, le principe, c'est non discriminatoire, règles de conduite, et il faut démontrer, et il y a une procédure de plaintes.

M. Cherry: Donc, de la même façon, pour répondre à un client qu'on aurait recruté, s'il fallait construire de nouvelles installations, indépendamment des lignes de transmission, il faudrait que ça, ça soit impliqué dans le coût.

M. Caillé (André): Bien certain.

M. Ménard (Louis-Jacques): Au moins.

M. Cherry: Mais ça ne ferait pas partie de l'ensemble des structures existantes au Québec avec lesquelles, si on les comptabilisait ensemble, vous pourriez vous présenter devant la Régie et invoquer... Vous voyez ce que je veux dire, là?

M. Caillé (André): Oui, oui, oui.

M. Ménard (Louis-Jacques): Oui, mais ça...

M. Cherry: La préoccupation premièrement exprimée ce matin, c'est de protéger les Québécois et de nous assurer que...

M. Caillé (André): Mais vous donnez...

M. Cherry: ...à chaque fois qu'on va se trouver un client, tout ce que ça va prendre pour lui donner satisfaction, c'est lui qui va en absorber les coûts, mais, d'aucune façon, une partie de ces coûts-là ne pourrait être repassée à la clientèle québécoise.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ça ferait partie effectivement de la discipline financière à laquelle le conseil d'administration assujettirait la direction, dans la mesure où on nous appellerait à faire une immobilisation aux États-Unis pour servir un client américain. Le IRR, le taux de rendement interne d'un tel projet, dont on aurait une participation de 10 %, 15 %, 20 %, 25 % avec d'autres, devrait être tel que – étant donné la valeur présente du contrat que vous évoquez, M. Cherry – tout ça est tel qu'il immunise les actifs du Québec contre un ressac dans une situation comme celle-là. Donc, on le regarderait sur une base «freestanding» effectivement, une base autonome, une base indépendante, et ce serait le raisonnement qu'on suivrait dans ce cas-là.

M. Caillé (André): Je vais vous dire que ceci est d'autant vrai que le goulot d'étranglement ne se trouvera pas au Québec, il va se trouver aux États-Unis. Alors, à l'évidence, une capacité additionnelle aux États-Unis, ça ne sert pas les besoins québécois.

M. Ménard (Louis-Jacques): Il va y avoir sûrement des coentreprises aux États-Unis en transmission, parce qu'il y a des problèmes d'infrastructures, de communication et de transmission présentement parce que le système n'a pas été conçu pour une industrie ouverte, fluide comme celle qui est en voie de se créer présentement. Le système d'autoroutes, il a été bâti pour des «cloisters», des marchés fermés et des commerces «intrastate». Alors, il va se faire des coparticipations de ce côté-là, comme il va s'en faire à l'égard des actifs de production thermique auxquels André a fait référence tout à l'heure, sûrement.

Le Président (M. Sirros): D'accord. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: J'aimerais qu'on discute du charbon. On n'en a à peu près pas parlé et, pourtant, c'est la première source d'approvisionnement en électricité aux États-Unis, hein, ça compte pour 55 %. On peut l'accuser de tous les torts: c'est polluant, ce n'est pas des infrastructures modernes, etc., moi, je ne pense pas que ça va être remplacé demain matin. Ne serait-ce que le temps qu'il faudrait pour construire des infrastructures de remplacement, que ce soit au gaz, que ce soit le solaire ou, en tout cas, toute autre chose, ce n'est pas pour demain matin qu'on va remplacer le charbon.

Moi, quand je parle aux Américains, là, je parle à la fois aux Américains du Nord-Est, ceux qui subissent les effets polluants du charbon. Ils ne la trouvent pas drôle, ils ne la trouvent vraiment pas drôle comme nous autres. Et, quand je parle aux gens du Midwest, qui sont les producteurs de cette pollution – hein, c'est surtout dans le Midwest où la concentration des usines de charbon se retrouve – eux autres, quand je leur parle et que je leur dis: Le Clean Air Act, les mesures de contrôle de la pollution, ça vous «achale-tu», ça n'a pas l'air à les achaler trop, trop.

Par ailleurs, il semblerait que leurs prix de revient, leurs coûts de production soient très bas. Moi, j'aimerais ça connaître le coût de production réel. On peut le voir un peu par la carte, parce que, si on regarde le Nord Dakota, le Sud Dakota, ils ont des prix autour de 0,05 $, 0,06 $.

M. Caillé (André): C'est moins cher.

M. Kieffer: C'est moins cher. C'est quoi, le coût réel, le coût de production réel de l'électricité produite au charbon?

M. Caillé (André): Alors, on me dit que c'est aux environs de 0,03 $, mais dans une situation où – enfin, eux-mêmes le disent, comment dire, ils respectent sûrement la législation américaine...

M. Kieffer: Bien, ils s'achètent des...

M. Caillé (André): ...je ne voudrais pas dire que les entreprises américaines ne la respectent pas – disons qu'ils ne surveillent pas l'application d'une façon très assidue, mettons. Ce qu'on peut dire, c'est que ce coût ne risque... d'augmenter avec une surveillance assidue. Parce que, on peut réduire de beaucoup la pollution causée par le charbon au niveau des particules, en tout cas, qui sont émises, et voire même réduire les émissions de produits acides, mais ça coûte très cher. Puis, quand ça coûte très cher, évidemment ça se reflète à un endroit, ça se reflète dans le prix. Quand je vois ces chiffres-là, moi, je me les explique... Dans la région du Midwest, au sud du Grand Lac Supérieur, ce qu'on voit, c'est moins cher. C'est à cause de ça, c'est à cause d'une présence extrêmement abondante de charbon dans le bilan énergétique de ces régions-là.

De combien le prix augmenterait s'il y avait des réglementations très strictes, tant du point de vue des précipitations acides que des précipitations de particules? On parle de gros coûts. Alors, ça peut être de 20 %. Est-ce que ça va arriver ou est-ce que ça n'arrivera pas? Je ne le sais pas, là, à vrai dire, je ne suis pas capable de donner d'échéancier à ça, mais il n'y a personne qui va admettre évidemment avec nous aux États-Unis que les normes ne sont pas respectées par certains.

Une chose est certaine, c'est que, de ce que je me souviens d'une époque lointaine au ministère de l'Environnement, les plus grandes sources de précipitations acides en Amérique du Nord, elles proviennent justement de cette région-là, puis elles affectent... Parce que les vents prédominants amènent ça en grande partie au-dessus de la Nouvelle-Angleterre, où les prix sont très élevés, si vous avez remarqué, c'est pour ça qu'ils l'apprécient encore moins; pour l'électricité, ils n'ont pas l'avantage de bas prix, mais ils ont la pollution. Puis aussi le sud de l'Ontario et le Québec sont affectés par cela.

Alors, nous, c'est certain que le marché s'ouvrant, on devient des interlocuteurs, et il n'y a rien qui empêchera, pas juste Hydro-Québec, mais Hydro-Québec et d'autres, là, à terme, certainement Hydro-Ontario, de se présenter puis de faire notre point devant les organismes américains quant à la pollution que, nous, on reçoit de leurs installations puis dans une compétition, donc, qui n'est pas juste, qui n'est pas saine. Parce qu'ils n'ont pas les coûts, ils peuvent polluer.

M. Kieffer: Puis, à 0,03 $, vous êtes encore compétitif?

M. Caillé (André): À 0,03 $, on est encore compétitif. Ça, c'est le coût total. Le coût marginal est plus bas que ça, parce que le coût marginal, il n'a pas à payer pour le capital.

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais vous aviez raison de vous préoccuper ici... Prenant votre raisonnement, encore là, ceux qui font l'électricité au charbon le font encore pour leur État respectif, mais dans une dynamique de commerce «interstate» et puis internationale. Si quelqu'un avait espoir d'en vendre au Canada puis au Québec, bien là, disons, évidemment il y aurait toute une dynamique de pressions qui serait mise en place, qui pourrait peut-être jeter une douche froide sur ceux qui pensent qu'effectivement ils pourraient vendre ce genre d'énergie là librement, facilement, sans ambages, là, à des marchés d'exportation. C'est sûr qu'il y aurait une tendance, de part et d'autre, de s'assurer qu'on ait le plancher de niveau puis que les contraintes environnementales et les obligations environnementales soient comparables d'une juridiction à une autre. Alors, je pense que c'est à ça que fait référence André.

M. Kieffer: Ce qu'on m'a expliqué aussi, c'est que, pour contourner le Clean Air Act – que je connais peu, là, elle ne semble pas avoir beaucoup de dents, cette loi-là, et elle permet d'acheter des licences prouvant sa bonne qualité de non-pollueur – ce qui permet à l'industrie du charbon énergétique de passer à côté, c'est qu'elle achète d'autres compagnies, leur licence, alors que ces compagnies-là n'en ont pas nécessairement besoin. Bon, il y a un vrai marché à ce niveau-là.

M. Ménard (Louis-Jacques): Peux-tu vérifier comment ça marche?

M. Caillé (André): Ça ne s'appelle pas des permis de pollution, mais ça s'appelle des permis...

M. Ménard (Louis-Jacques): D'émission.

(17 heures)

M. Caillé (André): ...d'émission de SO2, qui sont émis aux différents producteurs, qui peuvent être acquis par un producteur pour augmenter ses émissions. Donc, ça a une valeur, mais, à l'achat, ça s'ajoute dans son coût. Nous, à Hydro-Québec, ce qu'on a tenté d'obtenir de l'Association canadienne d'électricité, c'est deux choses. La première, c'est que les grands ouvrages hydroélectriques soient reconnus comme des sources d'énergies renouvelables comme les petits aménagements hydroélectriques. Et deuxièmement, en ce qui concerne les émissions atmosphériques, si le compromis par rapport à une taxe sur le carbone pouvait être dans un premier temps ces permis d'émissions qui finissent par refléter à tout le moins une partie ou sinon le coût de la pollution atmosphérique au niveau des coûts de revient de l'énergie.

Moi, j'ai toujours pensé que dans un marché qui s'ouvrirait – ici, il y a une chose très importante du point de vue environnement, du point de vue efficacité énergétique et il y a d'autres éléments comme ceux-là – il faut établir une base de compétition équivalente. Le Québec n'a pas à rougir de son dossier environnemental du point de vue des émissions atmosphériques. On le sait tous, on est largement en avant des autres, voire même des autres provinces canadiennes, alors on a intérêt plus que n'importe qui à être le chien de garde pour faire en sorte, par nos interventions – ailleurs au Canada comme ailleurs aux États-Unis – qu'on se retrouve sur des bases compétitives égales.

Les permis d'émissions, ils ont déjà, je pense, aux États-Unis en ce qui concerne le SO2 – il faudrait que je vérifie – il me semble que c'était une affaire qui était déjà faite, et on pourrait avoir la même chose au Canada. Déjà ça rétablirait des équilibres qui sont nécessaires, parce que je pense qu'on n'atteint pas, le gouvernement fédéral n'atteint pas les objectifs auxquels il s'était engagé, à Rio, je crois, à une conférence internationale sur les émissions atmosphériques.

M. Ménard (Louis-Jacques): Il n'y a pas grand monde qui se conforme à Rio.

M. Caillé (André): Alors, des permis d'émissions pourraient être une première étape, mais on va continuer à travailler très fort. Moi, je pense qu'il faut que les grands ouvrages hydroélectriques soient reconnus comme des sources d'énergies renouvelables, parce qu'en pratique, c'est ça qu'elles sont. J'aimerais, moi, faire la discussion avec les gens qui ne le croient pas, juste à la limite entre les petits ouvrages et les grands ouvrages, pour regarder cet ouvrage qui est juste marginalement plus grand que celui qu'on dit renouvelable. Qu'est-ce qu'il y a de si différent du premier? S'il est supposé se construire une différence, j'aimerais bien voir où est-ce que c'est qu'elle se construit la différence.

Pour moi, il est assez clair que l'énergie hydroélectrique, c'est une énergie renouvelable. Il y en a d'autres, des énergies renouvelables, qui sont des filières auxquelles une grande entreprise comme nous, qui a une grande image de marque dans ce domaine-là, doit s'intéresser. Je l'ai dit ce matin, il y a l'éolien et il y a le solaire également. On devrait s'intéresser dans une perspective, je dirais pour le futur, mais dont on devrait s'intéresser sur une base de recherche et de développement. S'il y a une entreprise hydroélectrique dans le domaine des recherches de la production renouvelable qui, à cause de notre taille, doit s'intéresser au développement des autres filières qui ont la même caractéristique, c'est bien nous. C'est ça, notre image de commerce. C'est ça, notre marque, alors...

M. Kieffer: Est-ce que vous considérez les producteurs d'énergie provenant du charbon comme étant vos principaux compétiteurs?

M. Caillé (André): Les meilleurs, comme j'ai dit ce matin, c'est ceux qui utilisent les turbines à gaz dernière génération; très efficace, grande capacité. C'est les meilleurs.

M. Kieffer: C'est 0,04 $ le kilowattheure, eux autres, non?

M. Caillé (André): Oui, mais maintenant ceux qui sont les plus nombreux après, en nombre, il n'y en a pas beaucoup de ces nouvelles usines là parce que justement la technologie est nouvelle, mais, si vous me parlez en quantité de production aux États-Unis, nos plus grands compétiteurs, c'est les gens du charbon, 55 % du bilan énergétique. Votre chiffre est absolument vrai. C'est ça.

M. Kieffer: Donc, si c'est eux vos principaux compétiteurs, ne serait-ce qu'en quantité d'énergie qu'ils sont capables d'écouler sur le marché américain et si vous voulez pénétrer le marché américain, il va falloir que vous prépariez une campagne...

M. Ménard (Louis-Jacques): Bien, ils vont se déplacer, ils vont se faire déplacer.

M. Kieffer: ...forte, forte. Il va falloir sensibiliser...

M. Caillé (André): Mais ils sont quand même Mid-Ouest et vers l'Ouest.

M. Kieffer: Oui, en tout cas, moi, ce que je me fais dire c'est...

M. Caillé (André): Mais ceci étant dit...

M. Kieffer: ...qu'ils s'en viennent.

M. Caillé (André): Bien certain qu'ils s'en viennent. Certain.

M. Ménard (Louis-Jacques): On va les voir livrer des batailles au New Hampshire et dans ces États-là, la bataille n'est pas gagnée pour eux autres.

M. Kieffer: Non, non, mais... En tout cas, moi, je pense qu'il ne faut pas laisser aller. C'est dans ce sens-là.

M. Caillé (André): Il faut les suivre à la trace. Il faut les étudier, ça, c'est sûr. Ça, c'est absolument sûr.

M. Kieffer: Puis sensibiliser.

D'accord. Merci.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: J'aimerais revenir aux implications d'ouverture et des transactions que la nouvelle donne du marché pourrait vous amener à conclure avec des partenaires ou d'autres aux États-Unis. On sait qu'à l'heure actuelle nos réserves hydroélectriques ainsi que notre production au Québec suffisent à notre demande et qu'on peut en exporter un certain surplus. Ma question est la suivante: Dans un contexte de déréglementation, advenant que la demande au Québec augmente – ce qu'elle va faire inévitablement, on espère que la conjoncture économique va faire en sorte que la demande d'électricité au Québec va augmenter – dans un contexte comme celui-là, est-ce que l'impact à moyen et à long terme de cette ouverture pourrait vouloir dire qu'on n'aurait plus jamais besoin ou qu'on dirait adieu à des grands projets d'ingénierie style Grande-Baleine ou autres – puisque le prix que vous pourriez obtenir en achetant de l'électricité soit de producteurs américains qui, en Nouvelle-Angleterre entre autre, sont en train de se doter de centrales électriques dont la puissance globale, si ma mémoire est bonne, équivaut à peu près à un tiers de celle d'Hydro-Québec, donc qui serait peut-être en mesure de vous fournir de l'électricité à un prix intéressant – voudrait dire qu'au fond, lorsque la demande d'énergie au Québec se ferait sentir ou qu'on déciderait de se lancer dans des grands projets de développement économique, vous ne seriez plus dans l'obligation de procéder à des travaux d'ingénierie importants au Québec parce que vous pourriez répondre à la nouvelle demande québécoise en achetant de l'électricité des États-Unis? En d'autres mots, plus besoin de construire de grands barrages et des choses de ce genre-là.

M. Caillé (André): Ma réponse sera très, très claire: Non. L'ouverture des marchés ne signifie pas que, advenant une croissance de la demande au Québec puis la disponibilité d'énergie à bas prix aux États-Unis, cela signifie, implique l'abandon pour toujours des grands projets hydroélectriques au Québec. Ma réponse, c'est non.

Par ailleurs...

M. Beaulne: Mais sur quoi vous basez-vous pour dire non?

M. Caillé (André): O.K. Parce que, moi, j'ai rouvert les cartons, on a regardé les projets et j'ai demandé à ce qu'on me définisse des façons de faire qui fassent en sorte que nos projets, ils soient rentables, le plus rentable possible. Non seulement on ne voudra pas regarder, mais on va être bien content de prendre nos propres développements. Et ça bien entendu, c'est une tâche bien importante également. On ne voudrait pas dire: Écoutez, au Québec on va faire avec nos grands barrages même si ça coûte plus cher puis même si on impose à notre clientèle, industrielle et autre, des tarifs plus élevés. On veut garder l'avantage de ça, c'est important.

Les prix de l'électricité, on le sait, ça commande beaucoup au niveau du développement économique; on les veut les plus bas possible. Alors, ma réponse à ça, c'est non.

M. Beaulne: Bon, êtes-vous en train...

M. Caillé (André): Maintenant, si on regarde les chiffres...

M. Beaulne: Bon, c'est ça. Êtes-vous en train de nous dire en réalité que par rapport... si on prenait... Prenons les chiffres tels qu'ils existent aujourd'hui. Alors, si je comprends bien votre réponse, vous êtes en train de nous dire que, si aujourd'hui vous aviez à faire face à une éventualité comme celle-là, que vous preniez une comparaison des prix auxquels vous auriez accès, à des sources énergétiques aux États-Unis ou ailleurs ou à Hydro-Québec ou quel que soit par rapport aux coûts de construction d'une nouvelle centrale comme Grande-Baleine, vous êtes en train de nous dire que même avec les prix d'aujourd'hui, si vous faisiez cette analyse coûts-bénéfices, ce serait meilleur marché d'aller vers une infrastructure style Grande-Baleine? Est-ce cela que vous êtes en train de nous dire?

M. Caillé (André): Oui. Les chiffres sont les suivants. La feuille volante de ce matin, ça disait: Nouvelle usine, gaz naturel, cycle combiné – on parle ici d'addition de capacité de production – 0,04 $US quelque part aux États-Unis. Il y a quelqu'un qui a ça, qui met ça en marché, parce que c'est de la demande additionnelle et puis on veut faire de la capacité additionnelle. Ce fournisseur éventuel, il faut qu'il amène son électricité à la frontière, d'accord? Et pour l'amener à la frontière ça lui coûte aux États-Unis...En passant, les «stranded costs» ça joue dans un sens comme dans l'autre. Alors, il y a mettons 0,015 $. Ça va lui coûter 0,055 $US amener cette électricité-là à la frontière du Québec. D'accord?

Prenons le cas de Grande-Baleine, 0,005, 0,055 $CAN. Alors, c'est 0,055 multiplié par 1,4 à peu près qui se compare avec 0,05 $. Notre meilleur choix, ça va être de développer notre potentiel hydroélectrique, si on le regarde sur cette base-là. Si on fait une décision d'investisseur pour ajouter de la capacité, Hydro-Québec, nous, on va dire: Non, meilleure usine aux États-Unis, pas bon. On aime mieux notre propre affaire, puisque c'est pour consommation ici. Parce que votre hypothèse, c'était qu'on veut, je ne sais pas, développer ici la... On a un besoin additionnel au Québec.

(17 h 10)

Le Président (M. Sirros): Mais M. Caillé – si M. le député le permet, juste sur ça – pourquoi quelqu'un bâtirait une usine thermique aux États-Unis et là transporter l'électricité, s'il pouvait construire exactement la même usine au Québec? C'est-à-dire que vous parlez de 0,04 $ et vous ajoutez 0,015 $ de coûts de transport, etc., en supposant que quelqu'un va construire l'usine aux États-Unis quand il aura le loisir de venir la construire à côté de là où il veut la vendre. Et là il va vendre à 0,04 $, et vous avez Grande-Baleine.

M. Caillé (André): C'est ça. Et là on veut... À ce moment-là, il faudrait dire qu'au Québec, quand on va vouloir faire ça, d'accord, on enlève, on retire le 0,015 $. On est toujours à 0,04 $ US.

Le Président (M. Sirros): Oui.

M. Caillé (André): Donc, on est à 0,056 $CAN, Montréal, normes environnementales, etc., etc. Je ne sais pas si on dit oui ou si on dit non, en tout cas, il va être obligé de passer par un processus, mettons. O.K. Et ça, ça se compare à mon 0,05 $, Grande-Baleine, livré à Montréal. Je vous dis également...

Le Président (M. Sirros): Oui, sauf que lui, il va le construire dans deux ans. Je m'excuse, là. Lui, il va le construire dans deux ans et vous, Grande-Baleine, ça va vous prendre huit ans pour le construire.

M. Caillé (André): Ah, bien, il va falloir qu'on planifie nos affaires en conséquence.

Le Président (M. Sirros): Oui, mais...

M. Caillé (André): Il va falloir qu'on organise nos... Mais là on fonctionne dans un scénario où on s'est ouvert au marché, je vous fais remarquer.

Le Président (M. Sirros): Je me suis embarqué un peu sur le temps du député de Marguerite-D'Youville. Je m'excuse, là. Je ne veux pas me restreindre. Ha, ha, ha!

M. Caillé (André): Je pense que la question est très importante, d'ailleurs. La remarque est très importante, celle que vous faites, M. le Président; votre remarque est très importante.

M. Beaulne: Non, mais effectivement, M. Caillé, vous avez parfaitement raison, et c'est dans le sens où c'est important de vider cette question-là et de l'expliciter. Parce qu'on conçoit très bien qu'à court terme tout ça puisse avoir des avantages, mais à moyen et à long terme vous comprendrez que nous notre préoccupation, comme députés, c'est de faire en sorte que, si des nouveaux travaux d'infrastructures sont nécessaires pour répondre à la demande québécoise d'abord et également à la demande d'exportation, ce soient nos ingénieurs, ce soient nos entreprises qui en bénéficient plutôt que de faire bénéficier les Américains ou ceux qui auraient des avantages ou des longueurs d'avance par rapport à nous. C'est ça qui est important.

M. Caillé (André): Oui. Je comprends très bien votre préoccupation, puis on la même, exactement la même. Encore une fois, 0,056 $CAN versus 0,05 $, on a l'avance déjà avec les coûts que nous avons. Ça, c'est avant d'avoir travaillé, hein, je dis bien. On fait des efforts extraordinaires à Hydro-Québec pour réduire les charges d'opération. On doit à nos employés, hein – il faut les nommer, parce qu'on sait comment on réalise les réductions – on doit à nos employés de faire les mêmes, mêmes efforts pour nos coûts de construction, mais là mon 0,05 $ n'est plus 0,05 $, il...

M. Ménard (Louis-Jacques): Mais dans l'exemple que vous donnez, il y aurait évidemment, dans l'esprit d'Hydro-Québec, un préjugé dans le sens de l'autonomie énergétique du Québec et bien sûr que dans l'exemple qu'on a là le choix serait facile entre acquérir une capacité ou un contrat à long terme d'un producteur dit américain et s'assurer d'une autonomie énergétique en bâtissant nos propres oeuvres. Au Québec, la décision va être quand même assez facile à prendre. Le préjugé d'Hydro-Québec, de par son existence même, de par ses paramètres et des principes qui ont mené à son fondement, va être à l'effet que l'ouvrage qui serait privilégié puis sur lequel on se pencherait, ça serait celui de développer notre capacité ici, au Québec, avec les effets de levier que vous avez évoqués, M. le député.

M. Beaulne: Bien, je pose la question parce que je suis un peu intrigué. Si je me reporte à quelques années, lorsque la politique du premier ministre Bourassa à l'époque était de construire Grande-Baleine et des grands projets d'infrastructure entre autres, principalement justifiés pour l'exportation d'électricité aux États-Unis, là, aujourd'hui... On a interrompu la construction de Grande-Baleine pas seulement à cause des Cris puis les autres, là, mais parce qu'on avait déterminé que la demande...

M. Ménard (Louis-Jacques): Le marché avait changé.

M. Beaulne: ...québécoise, pour toutes sortes de raisons, ne justifiait pas ces grands barrages et que, d'autre part, le marché d'exportation américain à ce moment-là n'était pas suffisamment mûr pour nous. Or, aujourd'hui vous nous dites que le marché américain est mûr pour nous. On a des scénarios très excitants, très emballants de potentiel de marché. Alors, moi, la question que je vous pose dans ce contexte-là, compte tenu également des structures de coûts que vous venez de nous expliquer: Pourquoi on ne se relancerait pas dans la construction de Grande-Baleine?

M. Caillé (André): La réponse, c'est: Actuellement, Grande-Baleine, 0,05 $, livré à Montréal, je trouve ça un peu cher. Je pense qu'on... Je reviens sur ce que je disais: On peut faire mieux que ça. Il faut aller chercher mieux que ça. Je rappelle que, si on – c'est facile à calculer – réussit à réduire les coûts de 20 %, par exemple – j'ai rencontré l'ingénieur-conseil encore une fois, les entrepreneurs, etc., quand on est face à l'alternative on ne fait rien ou on fait quelque chose, les gens sont imaginatifs au Québec – alors, si on enlevait 20 %, nous voici à 0,04 $, à Montréal. On commence à avoir de l'intérêt pour construire ou développer une partie Grande-Baleine ou d'autres, en autant que... Si on est limité au marché québécois, il faudrait que la demande y soit, au marché québécois. Mais, si on regarde dans l'ensemble, on va vouloir s'assurer que Grande-Baleine, dans l'ensemble de notre portefeuille de développement...

Je parle de croissance. Il faut changer, je pense. Ça vaut la peine. Il y a assez d'hypothèses qui nous confortent pour regarder, changer d'attitude entre on ne fait plus rien au Québec, on reste comme on est, puis croissance. Reprise de la croissance, reprise de l'activité. On enlève 20 % au bon prix: moi, je vais vous faire la recommandation de construire.

M. Ménard (Louis-Jacques): Au bon prix de revient, Grande-Baleine peut ajouter beaucoup de valeur dans le portefeuille énergétique d'Hydro-Québec dans le contexte actuel. Mais au bon prix de revient. Actuellement, là, le conseil en a été sensibilisé puis la direction réexamine les hypothèses pour mettre en question les hypothèses qui sous-tendent le 0,05 $, 0,055 $ du kilowatt dont parle André. Puis c'est drôle, lorsqu'on le réexamine, bien, on ne nous décourage pas de l'idée que c'est peut-être possible d'en réduire les coûts effectivement.

Alors, vous avez raison, M. le député, ce n'est pas exclu, dans certaines conditions, qu'on revisite Grande-Baleine, mais pas dans l'état actuel du dossier.

M. Caillé (André): Je voudrais ajouter, M. le Président, que 0,04 $, même avec mon 20 %, là, ça ne rencontre pas encore les prix de marché, ça. C'est pour ça que je parle d'un portefeuille qui... Le portefeuille devrait être meilleur que ça pour arriver vraiment au prix de marché. Ça nous en prend des moins chers que celui-là pour mélanger... pour se faire un portefeuille de projets pour l'avenir qu'on développera au gré des ententes qu'on pourra prendre avec les populations, etc. Enfin, vous connaissez cette dynamique. Il y a une dynamique sociale d'attachée à ces développements-là également.

Alors, dans un portefeuille, si ça rencontre le prix du marché, oui. Juste ça, comme ça, pris isolément, on serait obligé de dire non, même à 0,04 $. Mais ça commence à être intéressant quand ça diminue, si on peut le mettre avec d'autres projets qui rencontrent les critères.

Le Président (M. Sirros): M. Caillé, on va passer de ce côté-ci. J'ai l'impression que, si vous êtes en train de nous dire que Grande-Baleine commencerait peut-être même à être envisageable, j'imagine qu'à Terre-Neuve, Labrador, Lower Churchill, ils doivent dire: Merci pour nous ouvrir, parce qu'ils sont bien en bas de Grande-Baleine. Là, ils viennent d'avoir un accès au marché américain par nos lignes. Donc, la concurrence, avant d'envisager Grande-Baleine, j'imagine que Brian Tobin va penser à aller chercher quelques sous aux États-Unis pour construire Lower Churchill. Si Hydro-Québec peut vendre aux États-Unis, j'imagine qu'il va dire la même chose. Et en plus peut-être qu'éventuellement il va pouvoir vendre au Québec. Et avant d'envisager Grande-Baleine, il faudrait aussi, j'imagine, compléter les possibilités d'usines de cogénération qui vont vendre leur électricité à moins cher aussi, parce qu'elles vont avoir le profit de la vente de vapeur en plus. Alors, j'ai de la difficulté à comprendre, si vous regardez sérieusement, là, Grande-Baleine dans un avenir plus ou moins long.

(17 h 20)

M. Caillé (André): C'est ça. Bien, il y a Grande-Baleine dans son ensemble, il y a Grande-Baleine en partie, il y a Lower Churchill. Incidemment, le prix est plus vers les 0,03 $, de Lower Churchill.

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'on a une option sur Lower Churchill, nous? Est-ce qu'on a une option?

M. Caillé (André): Pardon?

Le Président (M. Sirros): Est-ce qu'on a une option, nous, sur Lower Churchill?

M. Caillé (André): C'est très difficile de savoir très exactement où nous en sommes. On m'a demandé de conduire des discussions avec une contrepartie à Terre-Neuve. Ce que nous faisons, et on regarde les possibilités, comme ça a été dit dans les médias par les deux premiers ministres, celui du Québec et celui de Terre-Neuve–Labrador, à savoir: On regarde l'avenir et c'est sûr que l'avenir, ce n'est pas Upper Churchill, parce que Upper Churchill... C'est Churchill...

Le Président (M. Sirros): Lower Churchill.

M. Caillé (André): Alors, c'est Lower Churchill; ça, je ne pense pas révéler de secret en disant ça. Et on le regarde dans un contexte où on va faire un projet rentable, un projet dont les coûts, bons pour eux, bons pour nous, rentable, je veux dire, qu'on va être capable de trouver du marché, un marché qui correspond à ce que ça coûte.

Le Président (M. Sirros): Pourquoi ils le feraient pas tout seuls maintenant?

M. Caillé (André): Mais c'est plutôt vers 0,03 $...

Une voix: Hein?

Le Président (M. Sirros): Pourquoi ils le feraient pas tout seuls maintenant?

M. Caillé (André): Ah, bien, c'est eux autres mêmes...

Le Président (M. Sirros): Et pourquoi...

M. Caillé (André): ...qui ont demandé. Vous savez, l'expertise... Hydro-Québec au niveau du savoir-faire et de l'expertise, on est recherché.

Le Président (M. Sirros): On n'est pas les seuls qui ont construit des barrages, quand même.

M. Caillé (André): Pardon?

Le Président (M. Sirros): On n'est pas les seuls qui ont construit des barrages.

M. Caillé (André): Bien...

Le Président (M. Sirros): Et j'imagine que, s'il y a une partie qui est prise avec un contrat qu'elle n'aime pas et qu'elle menace de faire toutes sortes de choses, à moins de lier les deux, je vois mal que l'autre va dire: Venez, venez, venez prendre aussi une part des profits de Lower Churchill.

M. Caillé (André): Je ne suis pas... Je suis mal placé...

Le Président (M. Sirros): Je ne sais pas, là. Je n'essaie pas de jouer au...

M. Caillé (André): Oui, c'est ça. Je suis un peu mal placé pour vous dire pourquoi ils ne devraient pas nous choisir évidemment, mais enfin... Ils veulent nous parler. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Sirros): Non, mais c'est parce que je pense que s'ils veulent nous parler, c'est parce qu'il doit y avoir, j'imagine, un lien avec ce qui les embête.

M. Caillé (André): Il y a un lien avec ses avantages, certain. Les deux premiers ministres ayant convenu qu'on travaillait vers le futur et qu'on travaillait dans les plus grands avantages possibles et pour les Terreneuviens et pour les Québécois...

Une voix: Mutuels.

M. Caillé (André): ...l'avantage mutuel de tous et, s'il y avait un scénario de développement pour Lower Churchill qui rencontre ces critères-là, tout le monde en serait content. Effectivement, tout le monde en serait content. Alors, nous travaillons. Lower Churchill n'est pas écarté et va tomber au bas de la table, mais c'est clair, tant pour eux que pour nous, que ce que nous sommes prêts à construire, ce dans quoi nous sommes prêts à investir, ce sont des projets où les revenus sont plus grands que les dépenses. On partage évidemment le même avis. Tant mieux s'il y a quelque chose à faire, mais on n'en est pas au point où je puisse vous dire: C'est telle, telle, telle chose et voici le calendrier, voici combien ça coûte. Il y a des travaux à faire – avec eux, on fait ça conjointement – avant de pouvoir en arriver à une conclusion. On a convenu de part et d'autre de garder ça pour nous.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai trois préoccupations – pour faire suite, entre autres, au questionnement de mon collègue – avec Grande-Baleine. J'ai cru comprendre ce matin, et puis vous l'avez répété encore tout à l'heure, que vous avez mandaté vos ingénieurs pour qu'ils trouvent des solutions, que ce soient des matériaux ou encore des façons de faire pour diminuer les coûts, de sorte que l'on puisse continuer à développer, et j'en suis fort heureuse parce qu'il faut dire que Grande-Baleine, c'est un choix que le gouvernement actuel a décidé de faire à son arrivée, de l'abandonner. J'aurais souhaité qu'on puisse trouver justement des moyens pour pouvoir continuer, surtout étant donné que c'est un projet économique important dans un contexte de ralentissement. Donc, si on peut bien sûr poursuivre les efforts dans ce sens-là et le rentabiliser, ce serait souhaitable.

Cependant, dans un contexte de libre marché, si j'ai bien compris tout à l'heure, bien sûr, nous, on peut vendre de l'électricité, mais les Américains peuvent le faire également et ils pourraient venir aussi développer ici. Bon. Admettons cependant que les Américains viendraient développer une centrale thermique. Finalement, à mon avis, moi, je ne pense pas que ce soit un choix que les Québécois aient fait, puisqu'on a cette propreté dans l'hydroélectricité et aussi on n'a pas, quand même, ce... En tout cas, moi, ces centrales thermiques me font toujours peur, et on ne se sent jamais à l'aise avec ça. Est-ce qu'on a des moyens, dans un libre marché, est-ce que nous par contre on peut avoir nos critères, on peut empêcher, compte tenu que l'hydroélectricité est à la disposition des gens... Comment est-ce qu'on va pouvoir contrôler ces centrales thermiques? Est-ce qu'il va y avoir une réglementation, des critères? Sur quoi on va se baser pour permettre, par exemple, la construction de centrales thermiques?

M. Caillé (André): Oui. On a au Québec l'autonomie pour se donner les lois et les réglementations environnementales que l'on souhaite; il en existe déjà, comme on sait. Et la loi qui existe prévoit la consultation publique, c'est-à-dire des audiences publiques tenues par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE. C'est un des moyens qui est à notre portée pour contrôler, pour faire les décisions qui conviennent en ce qui concerne l'établissement d'usines thermiques de cogénération au gaz naturel. Depuis que je suis à Hydro-Québec, j'ai rencontré, à leur demande, les promoteurs de ces usines de cogénération, et la compréhension que j'en ai à ce moment-ci, c'est à moins qu'Hydro-Québec en achète... Parce qu'ils regardent la carte, enfin tous les ajustements, et puis ils se disent: À moins qu'Hydro-Québec en achète à tel prix, nous, on ne construit pas. Alors, au moment où nous nous parlons, il est à peu près clair pour moi qu'il y a une barrière économique, une barrière à la rentabilité, qui fait en sorte qu'Hydro-Québec n'achètera pas à 0,05 $, hein, les cogénérateurs; le prix de marché, ce n'est pas ça. Alors, on dit: On n'achète pas.

La nouvelle politique ne fait plus obligation à Hydro-Québec d'acheter des producteurs privés, que ce soit les petites rivières, les petits aménagements hydroélectriques ou que ce soit les usines de cogénération. Alors, on dit: Très bien, nous... Produisez si vous voulez produire, mais dites-nous qui est votre client que l'on puisse transporter l'électricité que vous produisez jusqu'à votre client. Et, quand je dis ça, on me dit: Dans ces conditions... enfin, on me fait comprendre que, dans ces conditions, il n'y en aura pas.

Mme Gagnon-Tremblay: Là, si je comprends bien, c'est davantage au niveau du prix. Mais cependant, est-ce que nos lois pourraient être contestées? Dans un contexte de libre marché où les Américains viennent ici, est-ce qu'on ne pourrait pas à un moment donné nous dire que nos lois sont... pourraient être contestées et qu'on va trop loin, et que, naturellement dans un contexte de libre marché, il faudrait bien sûr assouplir notre réglementation ou nos lois? Alors, c'est ça que je me demande. Une fois que, nous, on a déjà le pied là-bas, eux, s'ils veulent mettre le pied ici, est-ce qu'ils ne pourraient pas contester ces lois qui sont les nôtres, qui sont quand même assez exigeantes à ce niveau-là dans un contexte de libre marché?

M. Caillé (André): De ce que j'ai vu, moi, aux États-Unis – mais surtout en Nouvelle Angleterre je dois dire, là, le Mid West, je connais moins – pour avoir tenté de faire des pipelines au Vermont, je vous assure que les exigences environnementales sont très, très élevées. Alors, pour qu'il s'installe des usines de cogénération l'autre côté de la frontière, par exemple, pour exporter au Québec ou même produire: très très élevées, les exigences environnementales. Je vais vous dire certainement aussi sinon plus élevées. Je pense que mon idée, c'était de vous dire qu'elles sont plus élevées qu'au Québec encore. J'hésitais un peu pour ne pas donner l'idée à personne de les rendre plus exigeantes pour Hydro-Québec.

Mme Gagnon-Tremblay: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Oui. Il reste encore quelques minutes.

(17 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Bon, avec cette ouverture de marché, on comprend qu'il est important pour le Québec de poser ses pions sur l'échiquier, et ce que vous faites ou ce que vous vous apprêtez à faire est davantage à moyen et à long terme. Ce n'est pas du court terme, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas du court terme. Mais justement il y a tout le réseau aussi de distribution. Vous parliez tout à l'heure d'infrastructures, mais il va falloir que les Américains aussi développent les routes. Ils n'ont pas nécessairement toutes les routes, comme on peut les avoir peut-être ici, nous autres, pour faciliter la distribution d'hydroélectricité. Donc, est-ce que vous avez l'impression qu'on est plus ouvert aux lobbyistes environnementaux, entre autres, parce qu'on sait ce qui s'est déjà passé. Je ne parle pas au niveau environnemental, là, pollution, mais pollution par la vue où, quand on parle des lignes électriques, même dans nos propres régions, ici, au Québec, quand il s'agit de passer une ligne électrique, il a fallu qu'Hydro développe toute une culture et travaille avec les gens du milieu pour leur faire accepter justement ces lignes. Mais est-ce qu'aux États-Unis vous sentez qu'ils ont une approche qui est semblable, là, ou qu'ils vont accepter facilement le développement de ces routes face à ces nombreux lobbyistes environnementaux?

M. Caillé (André): Il y a autant de difficultés à ouvrir de nouveaux corridors aux États-Unis qu'il peut y en avoir au Québec. Bon, par exemple, j'imagine que, si un nouveau corridor était proposé pour transporter de l'électricité du Bas-Churchill jusqu'à Montréal, qu'il y aurait certainement des discussions puis de vives oppositions. Alors, on peut dire que c'est essentiellement la même chose aux États-Unis qu'au Québec. Alors, ce qu'il faut faire, ce qui atténue de beaucoup les choses, c'est tenter d'ajouter de la capacité aux corridors existants. Ça, c'est plus facile parce que, là, il n'y a pas nécessité de tailler littéralement dans la forêt, de tailler littéralement dans les zones humides, etc. Alors, en général, ça, c'est beaucoup plus facile. C'est d'ailleurs ce qu'on avait fait à Gaz Métropolitain avec le PNGTS. Ça suit des corridors de service préétablis. Ils sont déjà là. Et c'est comme ça que c'est plus facile d'accepter d'un point de vue environnemental. La même chose est possible au niveau des corridors hydroélectriques existants. Il y a des technologies pour transporter plus d'électricité à l'intérieur des mêmes corridors qui transportent aujourd'hui. Je rappelle qu'il y a déjà... On a déjà exporté vers les États-Unis 25 TWh – Je ne me souviens plus de l'année, là, 25 TWh. Donc, il y a déjà pas mal de capacité. Il y a des ajustements à faire, comme vous le laissez entendre, de leur côté, c'est-à-dire au sud de la frontière. Et les ajustements, bien, on va tenter de chercher à les faire en partenariat avec d'autres, etc., qui ont les mêmes intérêts que nous, hein, parce que les clients, pour avoir accès à une source qui va leur donner un bon prix, sont prêts à investir également. Alors, il s'agit de regarder à l'intérieur des corridors établis qu'est-ce qui peut être fait. J'en connais un, entre autres, le CRT, Cedars Rapids transmission.

M. Ménard (Louis-Jacques): Transmission. C'est là qu'il va y avoir des coparticipations dont je parlais tout à l'heure.

M. Caillé (André): Notamment dans l'État de New York.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Sirros): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Dites-moi quelle est la possibilité du scénario suivant: À l'heure actuelle, le contexte, c'est qu'Hydro-Québec contrôle quoi 97 %, 98 %, à part de sept, huit municipalités, là, qui vendent, distribuent le service?

M. Caillé (André): Dix.

M. Cherry: Dix, bon, O.K.

M. Caillé (André): Neuf municipalités et une coopérative.

M. Cherry: Dans un contexte de libre circulation, quelle est la possibilité que quelqu'un vendrait à une ville ou à une région...

M. Caillé (André): Oui.

M. Cherry: ...de l'énergie...

M. Caillé (André): Oui.

M. Cherry: ...laquelle énergie, les citoyens auraient accepté qu'on va la vendre meilleur marché, mais ce qui faciliterait l'installation d'une entreprise dans une région où on en a besoin? Au degré où ce scénario-là est possible, ça a un impact direct sur ce qu'a Hydro-Québec et qu'elle vend dans le moment qui serait maintenant remplacé par un autre. En d'autres mots, ce qui aujourd'hui est limité à 10, à part d'Hydro-Québec, là, il n'y a que dix...

M. Caillé (André): Acheteurs.

M. Cherry: ...villes, municipalités ou coopératives qui distribuent l'électricité. Est-ce que le scénario que je soulève a du potentiel? Puis, à ce moment-là, «c'est-u» quelque chose qui peut arriver dans le temps? Puis, là, comment est-ce qu'on pourrait faire pour prendre soin de ça, là? Parce que, à chaque fois que quelqu'un rentre pour venir en vendre, pour des raisons que j'invoque, des citoyens d'une région disent: Nous autres, pour nous tenir en vie, on a besoin de tel type d'industrie et on est prêts à lui vendre, comme région, l'électricité à meilleur marché qu'elle nous coûte, mais ça va créer des jobs et ça va générer de l'emploi.

M. Caillé (André): Alors...

M. Cherry: À ce moment-là, est-ce qu'Hydro... On perd un client. Puis, à ce moment-là, on fait quoi avec?

M. Caillé (André): Prenons l'exemple d'Hydro-Sherbrooke.

M. Cherry: Oui.

M. Caillé (André): Il faudrait que le prix soit bas, comme je le disais ce matin – je ne reviens pas sur les explications – pour qu'ils puissent nous déplacer puis il faudrait que ça ait été fait sans qu'on soit assez vites pour l'avoir acheté nous-mêmes, là. Mais supposons que ça arrive à 0,021 $ si on veut, quelque chose de l'ordre de grandeur de 0,02 $ de l'énergie qui est vendue à Hydro-Sherbrooke. Actuellement, on vend à 0,035 $ au tarif L.

Une voix: Moins 0,015 $.

M. Caillé (André): Moins 0,015 $, oui, c'est ça, pour le...

Une voix: Transport.

M. Caillé (André): ...transport. Et Hydro-Sherbrooke, elle, vend à des tarifs qui sont ceux publiés par Hydro-Québec et approuvés dans le contexte actuel par le gouvernement. C'est ma compréhension des choses. Bref, si leur coût d'énergie diminue et les revenus restent les mêmes, bien, il y a un plus grand bénéfice de fait par Hydro-Sherbrooke, par la ville de Sherbrooke. Bon, si la ville de Sherbrooke, et, là, il faut aller au niveau du ministère des Affaires municipales, elle, la ville de Sherbrooke a-t-elle le pouvoir de subventionner un développement sur son territoire? Je ne sais pas exactement comment ça fonctionne, mais ça dépendrait, à ce moment-là, de la Loi sur le ministère des Affaires municipales. Bref, Sherbrooke, propriétaire d'Hydro-Sherbrooke, a le droit d'utiliser les profits d'Hydro-Sherbrooke de la façon dont la loi des affaires municipales lui permet de le faire, je suppose.

M. Ménard (Louis-Jacques): Au taux de la taxe foncière, j'imagine, dans votre exemple.

Le Président (M. Sirros): M. Caillé, une dernière question avant de passer... Combien de temps avant qu'on soit dans le «retail...» ici?

M. Caillé (André): Honnêtement, je ne le sais pas. Je pense qu'on sous-estime la nécessité, le temps que ça prend ou le travail qu'il y a à faire pour établir les procédures, pour donner les garanties que j'évoquais ce matin, notamment la garantie que l'avantage de l'un ne s'en va pas en désavantage de tout le monde, là, parce qu'on n'aurait rien changé dans l'économie québécoise si on fait sauver 100 000 $ à un pour le charger à tous les autres. Il n'y a rien de changé. Alors, il faut faire tout cet examen-là. Le déclenchement du processus c'est à nous, Hydro-Québec, je pense, là, et ça ne peut pas commencer six mois avant qu'on soumette, nous-mêmes, quelque chose à la Régie, laquelle Régie a six mois et le gouvernement, je ne sais pas s'il y a des délais par la suite, là, après qu'il a reçu avis de la Régie, première considération. Aux États-Unis, ce que je vois, c'est qu'il y en a qui sont sur le point, là, ils parlent de 1998, il y en a d'autres qui n'en parlent pas, n'en discutent même pas du tout. Il y a des États américains qui n'en parlent même pas...

M. Ménard (Louis-Jacques): C'est État par État.

M. Caillé (André): Ça se fait État par État au niveau des régies locales. Quant à nous, au Québec, j'aime l'idée, quant à moi – je ne sais pas si elle sera reçue par la Régie – de faire un projet-pilote pour identifier les problématiques qui pourraient surgir. Dans le moment, on en est à l'ouverture du marché de gros, à l'élaboration d'un plan stratégique, avantages, désavantages, les soucis, les réponses aux questions qu'on se pose, nous-mêmes, et je sais qu'il y en a beaucoup d'autres qui se posent des questions sur l'ouverture du marché de détail avant qu'on fasse, bien entendu, une proposition, si on n'en fait jamais une à la Régie, quand on en fera une. Ça veut dire, on parle d'années, là, on ne parle pas de...

Le Président (M. Sirros): Quelques années?

M. Caillé (André): ...on ne fera pas ça le mois prochain.

Le Président (M. Sirros): À votre connaissance, est-ce que c'est quelque chose qui peut se faire par décret, ou est-ce que c'est quelque chose que les lois actuelles empêcheraient?

M. Caillé (André): La loi dit que le gouvernement doit prendre avis...

Une voix: C'est l'article 167.

M. Caillé (André): ...et je comprends que c'est l'intention...

Le Président (M. Sirros): ...de la Régie.

M. Caillé (André): ...du gouvernement de promulguer l'article, et de demander avis à la Régie, et c'est ça quand c'est nous qui déclenchons, parce que l'article 167 commence par «Sur proposition d'Hydro-Québec...»

Le Président (M. Sirros): Donc, par la suite, c'est la Régie, au gouvernement...

M. Caillé (André): Six mois pour donner...

Le Président (M. Sirros): Décret gouvernemental.

M. Caillé (André): ...après décret gouvernemental.

Le Président (M. Sirros): Mais jamais ça ne revient ici.

M. Ménard (Louis-Jacques): «Proposition d'Hydro-Québec, la Régie doit, dans les six mois de l'entrée en vigueur du plan [...] donner son avis au gouvernement...» Non, on ne parle pas spécifiquement, ici, de la commission. On parle seulement de la Régie et du gouvernement.

Le Président (M. Sirros): C'est ce que j'avais compris. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Pour un peu poursuivre dans la ligne, M. le Président, ce qui est intéressant lorsqu'on regarde le débat sur la déréglementation résidentielle – c'est de ça qu'on parle – aux États-Unis, actuellement il y a cinq État effectivement qui ont dit oui à la déréglementation, là, dans des délais qui vont de l'an prochain jusqu'à...

M. Ménard (Louis-Jacques): ...jusqu'à l'an 2000.

M. Kieffer: ...2000 à peu près. Il y en a seulement deux qui ont dit un non clair, il y en a 13 qui sont dans le statu quo, il y a en a 28 qui sont à l'étude. Donc, le groupe dominant, c'est le groupe qui étudie des perspectives. Mais ce qu'il y a de plus intéressant là-dedans, et ça répond en partie aux préoccupations de la présidence, c'est que, sur les cinq qui ont dit oui à la déréglementation, il y en a quatre qui sont dans le Nord-Est...

M. Caillé (André): ...et qui ont des coûts élevés.

M. Kieffer: Il y a la Californie qui a dit oui, et ensuite de ça c'est la Pennsylvanie, le Rhode Island, le Vermont, et dans le Mass, là, il est encore à l'étude, là...

M. Caillé (André): Le New Hampshire.

M. Kieffer: Le New Hampshire, voilà, c'est ça. Et tous les autres États de la Nouvelle-Angleterre élargie, là, moi je l'amène à peu près jusqu'à l'État de Washington, qui sont à peu près nos clients, ils sont tous à l'étude. Alors, on sent clairement, et ça s'explique, d'ailleurs, juste par les tarifs qu'ils payent, eux ils n'ont pas le choix.

(17 h 40)

M. Caillé (André): Bien voilà. C'est ça. Tous ceux qui ont des prix élevés, ils disent on va ouvrir le marché.

M. Kieffer: C'est très, très clair. Alors...

M. Caillé (André): Ceux qui ont un prix bas...

M. Kieffer: Alors, je pense qu'il faut que le Québec... il faut qu'on soit conscients de ça, là.

M. Caillé (André): Oui, oui.

M. Kieffer: Le fer de lance de la déréglementation poussé actuellement en Amérique du Nord, c'est dans le Nord-Est qu'il se retrouve, en dehors de la Californie.

M. Caillé (André): Et en Californie.

M. Kieffer: Oui. C'est ça.

Tantôt vous avez ouvert sur la possibilité de construire de nouvelles infrastructures si la demande, si le positionnement qu'on avait dans cet exercice de déréglementation là nous amenait effectivement à envisager nos capacités de fournir à la demande et votre barème était: Bon bien, il faut que les coûts soient en dessous des prix du marché, que ce soit rentable. Ce qu'on n'a pas du tout abordé et qui pourrait permettre d'augmenter la fourniture d'énergie aux Américains, ce sont des mesures d'économie d'énergie. Il y a deux façons d'avoir plus d'énergie, hein: Ou bien tu construis des barrages, ou bien tu en emploies moins chez vous.

Est-ce que vous avez des évaluations sur ce que coûte un panier de mesures d'économie d'énergie en cents kilowattheure? Est-ce que vous vous êtes déjà posé cette question-là?

M. Caillé (André): Bien oui. Il y a beaucoup d'études dont j'ai pris connaissance qui ont été réalisées au cours des dernières années à Hydro-Québec qui disent que telle mesure coûte et rapporte donc tant. Et quand les coûts évités de même que les... tout en tenant compte du revenu perdus, sont avantageux, on devrait faire et supporter l'investissement parce que c'est bon pour Hydro-Québec. Je pense que c'est là qu'est votre question...

M. Kieffer: Oui.

M. Caillé (André): ...dans une perspective d'ouverture.

M. Kieffer: Mais aussi dans la perspective où vos prédécesseurs n'ont jamais été portés, portés sur la chose. Ce n'était pas leur préoccupation première. C'étaient beaucoup plus des constructeurs que des économiseurs d'énergie.

M. Caillé (André): Oui. Dans une perspective où c'est rentable pour Hydro-Québec, des mesures d'efficacité énergétiques, ouverture ou pas des marchés, c'est très exactement la même place parce que l'économie énergétique est une façon de s'approvisionner. Si ça rencontre les prix du marché, c'est une bonne affaire. Alors...

M. Kieffer: Par contre, actuellement, on est perçus comme étant en surplus d'énergie.

M. Caillé (André): Oui.

M. Kieffer: Alors, on ne pousse pas trop sur les mesures d'économie d'énergie. Je prends juste le thermostat, par exemple. Moi, je suis bien chanceux, je reste à Longueuil, je l'ai eu. Mais tout le Québec devait l'avoir, puis il y a à peu près juste Longueuil qui l'a eu.

M. Caillé (André): Oui.

M. Kieffer: Vous avez laissé tomber...

M. Caillé (André): C'était un projet-pilote.

M. Kieffer: Vous avez laissé tomber ce projet-là.

M. Caillé (André): Vous savez, j'ai...

M. Kieffer: Vous n'êtes pas orienté en ce moment vers les économies d'énergie.

M. Caillé (André): Je n'ai pas apporté... M. le Président, je n'ai pas apporté mon livre.

Le Président (M. Sirros): Je vous rappelle tout simplement qu'on a une thématique spécifique sur l'efficacité énergétique.

M. Kieffer: Oui. C'est parce que je la posais vraiment dans la perspective, et je suis d'accord avec vous que... mais, vraiment dans la perspective de l'ouverture des marchés, est-ce que c'est un paramètre?

M. Caillé (André): Dans une perspective d'ouverture des marchés, la problématique est très exactement la même que dans une non-ouverture des marchés, à savoir, quand c'est mieux d'économiser que de construire, on devrait économiser, on devrait investir dans l'économie plutôt que d'investir dans...

M. Kieffer: «C'est-u» compétitif? «C'est-u» en bas de 0,035 $ en général?

M. Caillé (André): J'ai lu, comme je disais, un gros livre de briefing. J'avais probablement plus de questions que vous et, comme on a retardé la séance sur l'efficacité énergétique, je n'ai pas encore posé mes questions à l'intérieur d'Hydro-Québec.

M. Kieffer: Bon, on se reverra à ce moment-là.

M. Caillé (André): Les gens ont juste vu que j'en avais beaucoup.

M. Kieffer: On se reverra.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.


Effets de la restructuration des marchés sur le pacte social existant à Hydro

M. Beaulne: M. le président, comme je vois que le temps file, il est déjà 17 h 45, et nous avions décidé de consacrer ce premier bloc de questions à l'ouverture des marchés, je vais vous poser la question directement: Est-ce que vous pouvez nous affirmer aujourd'hui, sur la base des échanges que nous avons eus, que l'ouverture des marchés, la déréglementation qu'elle entraîne, ne mettra pas en péril ce qu'on a traditionnellement appelé le pacte social électrique au Québec qui est composé essentiellement des trois volets suivants: l'interfinancement du secteur résidentiel et du secteur commercial, l'équité interrégionale, c'est-à-dire l'accès à travers le territoire à un prix équitable de l'énergie, et, troisièmement, la propriété collective des infrastructures existantes?

M. Caillé (André): Très bien.

M. Beaulne: Alors, est-ce que, aujourd'hui, suite à une journée d'échanges là-dessus, vous êtes en mesure de nous dire, par rapport aux conditions d'accès au marché américain que vous savez que vont vous imposer les autorités américaines, qu'on peut y aller en respectant les trois bases de notre pacte social à l'équité?

M. Caillé (André): Pour ce qui est des tarifs uniformes à travers les Québec, ouverture ou pas, la loi en fait une obligation. Pour ce qui est de l'existence de tarifs uniformes à travers le Québec, ouverture ou pas, la loi en fait une exigence, ouverture des marchés ou pas.

Pour ce qui est de l'interfinancement, en ce qui me concerne, ça n'a pas à voir avec l'ouverture ou pas. Je peux vous affirmer ça. Par ailleurs, c'est la Régie qui, après avoir entendu les différents groupes de consommateurs, va se prononcer sur l'interfinancement. Quant à moi, je répète ce que j'ai dit il y a quelques mois devant la même commission, il n'y a pas de plan sous-entendu ici, là, pour éliminer drastiquement un changement catégorique au niveau de l'interfinancement puis une croissance phénoménale des tarifs résidentiels. Mais, encore une fois, ce n'est pas relié avec l'ouverture des marchés.

Troisièmement, en ce qui concerne le statut d'Hydro-Québec, société d'État ou entreprise privée, il n'y a pas d'agenda à Hydro-Québec, ni de son côté, ni du mien, pour privatiser Hydro-Québec, pour vendre Hydro-Québec. Et il n'y pas d'agenda comme ça à Hydro-Québec. J'ai pris soin d'ajouter, ce matin, de l'information concernant la structure de l'industrie aux États-Unis pour dire qu'il n'y a pas juste ici qu'il y a des sociétés d'État dans le domaine de l'énergie. Chez nos voisins du Sud, reconnus mythiques du point de vue de l'entreprise privée, etc., bien, même chez eux ils ont encore les sociétés d'État que M. Roosevelt avait créées à une autre époque. Puis, ce n'est pas d'hier, en passant, qu'ils les ont. Ce n'est pas un accident là, ils les ont puis ils ont eu longtemps du temps pour y penser.

M. Ménard (Louis-Jacques): Je veux juste renchérir là-dessus.

M. Caillé (André): Ça n'a pas à voir, du tout.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ce n'est pas du tout dans nos termes de référence, ça ne l'a pas été dans les termes de référence lorsqu'on m'a invité à me joindre à Hydro-Québec. D'ailleurs, ce qui est dans mes termes de référence, c'est de rentabiliser davantage Hydro-Québec dans le cadre du respect des principes que vous avez énoncés, M. le député.

Puis, quand je regarde – un commentaire personnel ici – ce qui est arrivé dans le cas du CN, par exemple, qui a été privatisé – et qu'on l'a fait supposément dans le contexte, également, de vouloir le rentabiliser davantage, ça s'est fait par après – les optimisations de coût qui se sont faites là-bas auraient aussi bien pu se faire, selon moi également, au moment où cette société-là appartenait, dans ce cas-là, au gouvernement fédéral. Alors, la notion de rentabilisation et de déréglementation puis de l'arrimer nécessairement avec un supposé agenda de privatisation n'est pas une notion que moi j'accepte et puis qui n'est pas dans mes termes de référence non plus, ni de ceux du conseil d'administration.

M. Beaulne: Alors, je comprends que ça, ça s'applique au marché en gros. Est-ce que les mêmes dispositions...

M. Ménard (Louis-Jacques): Ça s'applique à tout Hydro, là.

M. Beaulne: ...est-ce que vous pourriez affirmer la même chose pour ce qui concerne le marché du détail?

M. Ménard (Louis-Jacques): En ce qui concerne...

M. Beaulne: Vis-à-vis la privatisation.

M. Ménard (Louis-Jacques): Vous parlez des tarifs là, vous ne parlez pas du détail?

M. Beaulne: Vis-à-vis les trois éléments que j'ai mentionnés.

M. Ménard (Louis-Jacques): Ce que je viens de vous dire s'applique à la fonction de distribution, à la fonction de transport et à la fonction de production, bref, à Hydro-Québec que vous connaissez aujourd'hui. Alors, il n'y a pas de...

M. Caillé (André): Tarifs de fournitures uniformes. Si un client obtient d'un producteur qu'on ne connaît pas aujourd'hui, Enron, pour le nommer, un prix meilleur – ça, c'est dans l'hypothèse où on aurait décidé d'ouvrir les marchés de détail – que le prix de fournitures d'Hydro-Québec, et, quant à moi, il va pouvoir démontrer que son avantage n'est pas au désavantage des autres, en bon québécois, «no cherry picking», bien, lui, il aura son avantage mais ça n'enlèvera rien aux autres, qui vont continuer à bénéficier de tarifs établis par Hydro-Québec, par la Régie sur une base territoriale, l'ensemble du territoire.

M. Ménard (Louis-Jacques): Puis, c'est un principe qui est sacré.

M. Beaulne: Bon. Moi, ça va.

Le Président (M. Sirros): Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Juste un éclaircissement, là, j'ai peut-être mal compris. Vous me dites: Si une région ou un groupe réussit à obtenir de l'électricité à un meilleur coût, que, lui, ça va être son avantage...

M. Ménard (Louis-Jacques): Une papetière, disons, je ne sais pas là.

M. Beaudet: ...puis il s'arrangera avec, mais que le restant, lui, de la province continuera de bénéficier du même tarif d'Hydro-Québec.

M. Caillé (André): Il ne faut pas que ce soit aux dépens des autres.

M. Beaudet: Ce ne sera pas aux dépens de autres, mais lui va avoir un meilleur coût que ce que les autres auront à partir d'Hydro.

M. Caillé (André): C'est ça.

M. Beaudet: Est-ce que...

(17 h 50)

M. Caillé (André): En supposant que ça, ça arrive.

M. Beaudet: ...le même fournisseur pourrait élargir son marché aussi, toujours à son coût inférieur.

M. Caillé (André): Bien, si on ouvre le marché de détail, on ne l'ouvre pas pour certains clients seulement, je suppose.

M. Beaudet: C'est ça alors il pourra continuer. O.K. Non, mais je veux bien que ça soit clair...

M. Caillé (André): Oui, je vous remercie...

M. Beaudet: Pas pour un individu...

M. Caillé (André): ...c'est une précision...

M. Beaudet: ...mais pour l'ensemble...

M. Caillé (André): Je comprends.

M. Beaudet: ...ça peut se répandre.

M. Ménard (Louis-Jacques): Non, non, O.K.

M. Caillé (André): Je comprends votre point, c'est une précision importante.

Le Président (M. Sirros): Comme il nous reste un peu de temps, l'autre préoccupation qu'on avait, la planification intégrée des ressources. Je vous citais ce matin Richard Drouin, qui disait que, finalement, c'est mutuellement exclusif. Si on arrive à la déréglementation au détail, c'est impossible de faire de la planification intégrée des ressources. Êtes-vous d'accord?

M. Caillé (André): Si on...

Le Président (M. Sirros): Si on arrive au détail, si on arrive à une déréglementation au détail, il est impossible de faire la planification intégrée des ressources.

M. Caillé (André): La loi actuelle – je ne sais pas dans quel contexte Richard a dit cela – mais la loi actuelle impose à Hydro-Québec incidemment, et à Gaz Métropolitain également, de soumettre son plan des ressources. Là c'est clair et net et c'est indépendant de l'ouverture ou de la non-ouverture des marchés. On sera dans l'obligation de soumettre un plan des ressources, de dire à la Régie: Cette année, pour alimenter le marché du Québec, voici ce que nous utilisons, quelle production.

Le Président (M. Sirros): Mais ce n'est pas la planification intégrée des ressources, M. Caillé.

M. Caillé (André): Non bien, laissez-moi...

Le Président (M. Sirros): Vous arrivez...

M. Caillé (André): Dans le cadre de cet exercice-là, on a à dire si on a un besoin additionnel, à quelle place qu'on va le prendre. Est-ce qu'on va prendre celui-là ou celui-là? Est-ce qu'on va prendre des mesures d'efficacité énergétique? C'est là que la question va se poser, j'imagine. La Régie va peut-être dire: Non, non. On n'a pas besoin de production additionnelle ici. On préfère que vous investissiez dans un programme pour installer des thermostats ou alors vous prendrez... Ça fait partie d'un plan de ressources également la notion d'efficacité énergétique. L'obligation est là. C'est la loi qui l'a faite. J'imagine que le législateur a voulu s'assurer qu'indépendamment de tous les autres changements, que l'exercice de planification des ressources qui était souhaité, ça soit là et incidemment pour tous les distributeurs. Enfin, je suis sûr que c'est vrai pour nous et pour Gaz Métropolitain.

M. Ménard (Louis-Jacques): Est-ce que M. Drouin évoquait que dans un contexte de déréglementation des marchés de détail toute considération environnementale serait jetée par-dessus bord, qu'essentiellement ça serait la concurrence sauvage? Évidemment, je ne sais pas combien d'hypothèses il a accrochées et qu'il a alignées pour arriver à cette conclusion-là, que vous me citez. On n'a pas le contexte, M. le Président.

Le Président (M. Sirros): Moi, ma compréhension, j'essaie de revenir à ce que je voulais dire. Je vais revenir à ce que je voulais dire. Ma compréhension de la planification intégrée des ressources, c'est un procédé qui permettait également d'inclure dans le prix...

M. Caillé (André): Les externalités.

Le Président (M. Sirros): ...les externalités.

M. Caillé (André): C'est la même chose.

Le Président (M. Sirros): Comment est-ce qu'on peut inclure les externalités quand le prix est déterminé strictement par les forces du marché?

M. Caillé (André): Le tarif de fourniture, plan de ressources, Hydro-Québec à partir de nos équipements, efficacité énergétique, comme je l'ai dit tantôt, coût des externalités. J'imagine que la Régie va nous demander... Mais j'imagine que...

Le Président (M. Sirros): À la limite, est-ce que la Régie peut vraiment exister dans un marché libre où le prix est établi...

M. Caillé (André): Oui.

Le Président (M. Sirros): ...en libre concurrence? Mais la cloche nous appelle, ce qui veut dire qu'on va mettre fin encore une fois à nos travaux.

M. Caillé (André): Je termine là-dessus. Il y a une notion très importante dans cette loi qui s'applique au gaz et à l'électricité, tarif de fourniture, plan des ressources. Plan des ressources, c'est là que s'intègre toutes les dimensions de la planification intégrée.

Le Président (M. Sirros): Plan de ressources et planification intégrée dépendent de la même chose?

M. Caillé (André): Non, non. C'est à l'intérieur du plan de ressources.

Le Président (M. Sirros): Cela étant dit, on va ajourner jusqu'au 9 avril, à 9 heures, mercredi, et on se verra entre-temps pour décider comment procéder. Alors, c'est ajourné.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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