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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, December 3, 1996 - Vol. 35 N° 27

Consultations particulières sur le projet de loi n° 76 - Loi instituant le Fonds de partenariat touristique


Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 - Loi sur la Régie de l'énergie


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Table des matières

Consultations particulières sur le projet de loi n° 76 – Loi instituant le Fonds de partenariat touristique

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 – Loi sur la Régie de l'énergie


Autres intervenants
M. François Beaulne, président
M. Robert Kieffer
M. Réal Gauvin
M. Michel Côté
M. Benoît Laprise
M. Rosaire Bertrand
M. Régent L. Beaudet
M. Richard Le Hir
Mme Cécile Vermette
*M. Ulric Blackburn, UMQ
*M. Jean Therrien, idem
*Mme Jacinthe B. Simard, UMRCQ
*M. Michel Fernet, idem
*M. André Caillé, HQ
*M. Yves Filion, idem
*M. Yves Rheault, GMI
*Mme Ghislaine Larocque, idem
*M. Rock Marois, Gazifère inc.
*M. Michel Audet, CCQ
*M. Pierre Martin, idem
*M. Maurice Turgeon, idem
*M. Bill Namagoose, GCCQ
*M. Brian Craig, idem
*M. Alan Penn, idem
*M. Gérald A. Ponton, (AMEQ)
*M. Manuel Dussault, idem
*M. Barkev Setrakian, idem
*M. André Duchesne, (AIFQ)
*M. Denis Jean, idem
*M. Pierre Vézina, idem
*M. Christian Fournelle, AQME
*M. Gaston Cantin, idem
*M. Jean-Thomas Bernard, GREEN
*M. Jean-François Lefebvre, GRAME
*M. Dominique Neuman, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures vingt-six minutes)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail est réunie ce matin pour terminer les consultations particulières et les auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 76. Alors, ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir M. Ulric Blackburn, le maire de Chicoutimi et président de l'Union des municipalités du Québec, qui nous livrera ses commentaires sur le projet de loi n° 76. On me fait remarquer que M. Blackburn n'est pas président, mais qu'il représente l'Union des municipalités du Québec.

Avant de procéder, je demanderais à notre secrétaire s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Donc, j'annonce que M. MacMillan (Papineau) va remplacer Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).


Consultations particulières sur le projet de loi n° 76

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. Blackburn, avant de débuter nos échanges, je vous rappelle que vous avez un maximum de 15 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, les parlementaires des deux côtés pourront vous interroger. Alors, la parole est à vous, M. Blackburn.


Auditions


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Blackburn (Ulric): Merci, M. le Président. Je suis le maire de Chicoutimi, Ulric Blackburn, je suis ex-président de l'Union des municipalités du Québec. Actuellement, je suis président ex officio, encore jusqu'au mois de mai. J'ai avec moi M. Jean Therrien, de l'Union des municipalités du Québec.

M. le Président, mesdames, messieurs, l'Union des municipalités du Québec est le principal regroupement de municipalités québécoises. Les municipalités membres de l'UMQ regroupent 80 % de la population du Québec, gèrent 87 % des budgets municipaux globaux et emploient 94 % de la main-d'oeuvre en milieu municipal.

L'UMQ remercie la commission de l'économie et du travail de recevoir ses commentaires sur le projet de loi n° 76, qui vise, comme vous le savez, à instituer le Fonds de partenariat touristique affecté à la promotion et au développement touristique. Le financement de ce Fonds de partenariat touristique sera assuré, entre autres, par la mise en place d'une taxe spécifique sur l'hébergement. Cette taxe pourrait être appliquée dans toutes les régions touristiques du Québec qui en feront la demande par le biais de leurs associations touristiques régionales respectives. Les sommes ainsi retournées aux régions participantes devront être utilisées dans le respect des modalités qui seront convenues dans le cadre d'un protocole à intervenir entre Tourisme Québec et les associations touristiques régionales, les ATR.

M. le Président, mesdames, messieurs, cette mesure soulève inquiétude et déception chez les membres de l'Union des municipalités du Québec, car les sommes ainsi perçues sur le territoire des municipalités iront directement gonfler les coffres régionaux. Or, les municipalités jouent un rôle de premier plan dans le développement de l'industrie touristique québécoise par le biais des offices et des corporations de développement touristique.

Il existe présentement au Québec une cinquantaine d'offices et de corporations de développement touristique oeuvrant au niveau municipal ou intermunicipal. Ces organismes, dont le mandat consiste à développer et à promouvoir l'industrie touristique de leurs milieux respectifs, interviennent sur un territoire qui, excluant celui de Laval et des communautés urbaines de Montréal et de Québec, regroupe plus de 600 municipalités.

Selon une étude réalisée en 1993, les municipalités investissent annuellement plus de 11 000 000 $ – et ça doit être plus que ça aujourd'hui – dans le développement et la promotion du tourisme québécois par l'entremise de ces organismes. Contrairement aux ATR, qui bénéficient à la fois d'une aide financière directe et d'une reconnaissance formelle de Tourisme Québec, les offices de tourisme sont essentiellement financés par les municipalités.

(11 h 30)

Il est certain que le produit touristique québécois ne serait pas ce qu'il est sans le travail et les efforts consentis par les municipalités dans ce domaine. Pour cette raison, il serait raisonnable que les municipalités qui financent un office de tourisme aient accès, du moins en partie, à cette nouvelle source de revenus dédiée au développement touristique.

Il ne s'agit pas uniquement ici de récompenser les municipalités pour les efforts multiples et variés qu'elles consacrent au développement de l'industrie touristique, mais surtout de stimuler encore davantage les investissements municipaux dans le développement de cette industrie en élargissant l'accès aux retombées économiques.

La remise aux municipalités d'une partie de la taxe sur les nuitées perçue sur leur territoire constituerait un pas intéressant vers la diversification des sources de revenus des municipalités tout en stimulant l'implication des municipalités en matière de développement économique et touristique. Afin d'éviter l'éparpillement des ressources financières, un seul office de tourisme pourrait être reconnu par territoire de MRC.

Ainsi, l'UMQ demande que le projet de loi soit modifié afin que les revenus provenant de la taxe spécifique sur l'hébergement soient partagés à parts égales – ça veut dire 2 $: 1 $, 1 $ – entre l'association touristique régionale et les municipalités qui financent un office de tourisme. Le partage à parts égales du 2 $ sur les nuitées entre les offices de tourisme mandataires des municipalités et les ATR mandataires du gouvernement donnerait tout son sens au terme «partenariat», élément central de ce projet de loi.

Voilà, M. le Président, mesdames et messieurs, ce que j'avais à vous dire ce matin.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Blackburn. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour débuter les échanges.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord vous remercier de votre présentation, M. le maire, et votre collaborateur aussi. Comme vous le savez peut-être, la démarche d'aujourd'hui s'inscrit avant l'acceptation même du principe de ce projet de loi. Et donc, l'objectif de notre discussion de ce matin, c'est une information, une consultation pour éventuellement améliorer nos décisions. Dans ce contexte-là, j'aimerais ça vous poser quelques questions, puis il y a quelques personnes aussi, de part et d'autre, qui vont vouloir vous en poser.

Dans votre document, vous indiquez que, selon une étude de 1993, les municipalités investissent annuellement plus de 11 000 000 $ dans le développement et la promotion du tourisme québécois par l'entremise de leurs offices municipaux de tourisme. J'imagine que ce 11 000 000 $ là comprend vos dépenses d'infrastructures touristiques.

M. Blackburn (Ulric): Non, c'est pour le fonctionnement des offices, la publicité.

Mme Dionne-Marsolais: Parce que, hier, dans une présentation de la Fédération québécoise des offices de tourisme, on a donné des investissements totaux... Remarquez que l'étude est plus récente, là. C'est une étude de...

M. MacMillan: En 1993; 11 400 000 $ en 1992, à la page 3...

Mme Dionne-Marsolais: ...1995. L'étude que nous avons ici est l'étude de mai 1995, celle qui a été présentée par la Fédération québécoise des offices de tourisme. Et l'on dit que, dans les dépenses moyennes des offices répartis dans l'ensemble du territoire, ce serait 2 200 000 $, pour l'ensemble des offices de tourisme québécois, en promotion seulement. Ils ont partagé, eux, le total des dépenses de développement et de promotion, le développement comprenant les infrastructures, l'accueil, un tas de dépenses, de sorte que ça ferait à peu près 200 000 $ par municipalité. Alors, je voudrais juste réconcilier les chiffres, parce que le 11 000 000 $...

M. Blackburn (Ulric): Deux cent mille dollars par municipalité, d'investissements, pour faire de la promotion?

Mme Dionne-Marsolais: Non...

M. Blackburn (Ulric): Il y a quelque chose qui ne va pas, madame.

Mme Dionne-Marsolais: ...deux cent mille dollars de dépenses totales par municipalité... par office, pardon, par office. C'est l'étude qui est ici. On parle...

M. Blackburn (Ulric): Ah! madame, je ne comprends pas cette statistique-là. Je m'excuse, mais je ne comprends pas cette statistique-là, parce que, seulement l'Office du tourisme et des congrès de Chicoutimi, c'est un budget qui dépasse les 500 000 $. Il peut y avoir...

Mme Dionne-Marsolais: Oui, mais c'est son budget total, c'est ce que je vous dis. Ça confirmerait... Son budget de publicité pourrait être plus bas que 500 000 $. Parce que, dans son budget, il y a les salaires, il y a l'administration...

M. Blackburn (Ulric): Oui, d'accord.

Mme Dionne-Marsolais: ...il y a les dépenses afférentes à différentes activités.

M. Blackburn (Ulric): Oui, oui, bien sûr. Quand on parlait du 11 000 000 $, il peut peut-être y avoir aussi certains travaux. Quand on donne, par exemple, des activités, il peut y avoir peut-être un peu d'investissements dans ça; je ne peux pas nier ça. Mais je sais que l'ensemble des dépenses de nos offices municipaux, à part les salaires... Chez nous, ce n'est quand même pas extraordinaire, je pense qu'il y a trois employés puis des supplémentaires, l'été. Le budget va plus en promotion qu'en salaires. Je suis très sûr de ça. On est allé même encore en France cette année...

Mme Dionne-Marsolais: Oui, d'accord. Dans le document que j'ai sous les yeux, on parle en moyenne, du budget moyen des offices: 46 % du budget moyen d'opération de ces organismes, en 1992, était affecté au poste de salaires et avantages sociaux, ce qui fait du sens, là, ce n'est pas...

M. Blackburn (Ulric): Ça dépend des offices, bien sûr.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, d'accord. En tout cas, je pense que c'est important. Je crois que le chiffre de 11 000 000 $ que vous avez présenté ici, à la page 2 de votre document, ça comprend et le développement et la promotion touristique.

M. Blackburn (Ulric): Oui, oui, d'accord.

Mme Dionne-Marsolais: Parce que, sinon, ça m'apparaîtrait beaucoup...

M. Blackburn (Ulric): On est d'accord.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Deuxièmement...

M. Blackburn (Ulric): Puis c'est des chiffres de 1993, comme on a dit tout à l'heure.

M. Therrien (Jean): ...seulement ajouter que votre question faisait référence à des infrastructures, puis on avait compris que vous parliez d'infrastructures...

Mme Dionne-Marsolais: Pas des routes, là. Non, non.

M. Therrien (Jean): ...béton, musées et choses comme ça. Mais, si vous parlez du festival de folklore de la ville de Drummondville ou de «La fabuleuse» de La Baie, il y a beaucoup d'argent qui va là puis qui vient des municipalités.

Mme Dionne-Marsolais: Ou des centres d'information que vous avez aussi à assumer, qui sont des édifices...

M. Therrien (Jean): Oui, tout à fait...

Mme Dionne-Marsolais: ...avec du personnel. D'accord. J'ai une petite question, moi, sur toute votre notion, quand vous parlez de l'implication des municipalités. Qu'est-ce qui vous fait croire que le partage de ces fonds-là devrait se rapprocher davantage des municipalités? Parce que l'objectif qu'on poursuit avec notre fonds, c'est de favoriser le développement de la promotion essentiellement, parce que – et on va vous remettre une copie des notes de présentation que j'ai faites à l'ouverture de cette commission parlementaire – on constate, à l'expérience et du Québec et de destinations concurrentes, que pour chaque dollar que l'on investit en promotion on retire en moyenne quatre dollars en recettes touristiques.

Puis, deuxièmement, il semble aussi très clair que la Colombie-Britannique, qui a pris la même mesure en 1990, aujourd'hui, se retrouve avec des taux de croissance de 25 % à 30 % au niveau de ces activités, de ces recettes touristiques justement parce qu'elle a retourné ces fonds-là à son industrie touristique, pour la promotion touristique. Et c'est l'intention de notre fonds. C'est pour ça d'ailleurs qu'on dit: C'est la première fois qu'on va avoir un fonds qui va être constitué d'une contribution que l'on espère généralisée à travers le Québec, mais qui sera volontaire par région et qui sera retournée à la région, selon les termes d'un protocole d'entente, comme les protocoles que l'on signe avec l'association touristique une fois par trois ans ou à peu près. Parce que vous réalisez qu'il y a 18 associations touristiques régionales à travers tout le Québec. Il y a pas mal plus de municipalités, ça commence à être... Et la promotion touristique, ça se fait sur une personnalité régionale, même sur une destination globale.

M. Blackburn (Ulric): Bien, écoutez, je pense que... D'abord, je peux vous dire que, par exemple, dans chacune des municipalités – en tout cas, je parle de chez nous – le tourisme d'affaires et de congrès, ce sont les municipalités qui s'en occupent, madame. J'étais en train de dire, madame, qu'en ce qui concerne le tourisme d'affaires et de congrès ce sont les offices municipaux qui s'en occupent, de ça. Il y a beaucoup d'argent qui se place dans cette affaire-là.

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

(11 h 40)

M. Blackburn (Ulric): Moi, ce que je dis puis ce qu'on dit, à l'Union des municipalités: On veut partager avec les offices, avec les ATR, les associations touristiques régionales et faire de la publicité en commun. On en fait déjà et, à ce moment-ci, on peut s'entendre avec ces gens-là pour faire de la publicité au bon endroit puis au bon moment. C'est sûr que, si on travaille main dans la main, comme on le disait tout à l'heure, c'est certain qu'on va réussir mieux que de demander simplement à une organisation régionale de faire de la publicité pour chacune des municipalités aussi. Parce qu'on va continuer à en faire, on va continuer à faire de la publicité. Le plus bel exemple que je peux vous donner, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, c'est que, quand nous allons faire de la publicité en dehors du Québec et en dehors du Canada, on le fait ensemble avec les municipalités et l'ATR.

Mme Dionne-Marsolais: Mais, à ce moment-là, il y a plusieurs représentants d'offices qui siègent sur les conseils d'administration touristiques régionaux, aussi?

M. Blackburn (Ulric): Oui, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. O.K. Je peux peut-être laisser la place à mes autres collègues.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Oui. M. le Président, en poursuivant un peu le raisonnement de Mme la ministre, moi, je viens de la région des Laurentides. Il y a une ATR. Vous le savez tous, la région des Laurentides, c'est un des centres privilégiés, ou qui se veut privilégié, du développement touristique. Sauf que, la région des Laurentides, ce n'est pas du mur-à-mur. Il y a des sous-régions qui ont comme première industrie le tourisme puis il y a d'autres sous-régions qui n'ont pas comme première industrie le tourisme. Puis, si je prends mon comté à moi, c'est clair que le tourisme n'est pas notre priorité, même si c'est une priorité régionale. O.K. Moi, je suis dans le bas des Laurentides, ça s'appelle l'automobile, quand elle marche... Bon.

Alors, quand l'ATR nous parle en tant qu'organisme représentant une région, je peux comprendre les objectifs qu'elle se donne, les scénarios qu'elle développe et les stratégies mises en place pour mettre sur la carte l'industrie touristique. Qu'est-ce qui vous empêcherait, à titre de participant régional au développement touristique – et quand je dis «qu'est-ce qui vous empêcherait», je ne parle pas de l'UMQ nécessairement, mais les municipalités ou les MRC – d'être, et je pense que vous l'êtes, mais d'assumer votre rôle et votre place à l'intérieur des ATR, d'y amener votre fric, s'il y a lieu, pour que le développement du tourisme au niveau d'une région soit cohérent et soit en synergie entre les différents intervenants?

Moi, ça me préoccupe, parce que vous parlez d'éviter l'éparpillement. Mais le projet de la ministre, il vise à concentrer à l'intérieur de 16 ou 18 ATR – je ne sais pas combien il y en a au Québec, 16 ou 18 – l'effort d'en arriver à présenter un produit québécois touristique valable. Puis là vous nous arrivez en disant: Non, non, il faut répandre ça à travers toutes les MRC qui en font. Moi, je vois ça comme de l'éparpillement. Je vois ça comme du sérieux éparpillement, surtout s'il n'y a rien qui vous empêche d'aller occuper une place à l'intérieur des ATR et de faire valoir votre point de vue. Première question.

Deuxième question. Vous demandez, ensuite de ça, qu'une partie des sommes amassées dans ce projet-là...

Une voix: Il est après faire un discours, là.

M. Kieffer: Bien, je ne fais pas un discours, M. le député, j'essaie de présenter mon point de vue. Merci. Deuxième point. Vous demandez que les MRC, ou enfin les villes qui ont des offices de tourisme, puissent profiter de ce fonds-là. On le sait que ce fonds-là provient du 2 $ par nuitée qui va être collecté par les hôteliers. Quelle est votre contribution, vous autres, les municipalités? Allez-vous percevoir un 2 $ par... Pourquoi est-ce que vous auriez droit à une partie du fonds dédié qui vient exclusivement des hôteliers de par la perception qu'ils font de 2 $? Expliquez-moi ça. Les deux questions, j'y tiens et je trouve que c'est important.

M. Blackburn (Ulric): Moi, je pense que d'abord au niveau de... On travaille avec les associations touristiques régionales actuellement. On a un représentant.

M. Kieffer: Et pourquoi vous ne les intégrez pas?

M. Blackburn (Ulric): Quoi? Les associations touristiques?

M. Kieffer: Bien oui.

M. Blackburn (Ulric): Bien, il y en a une pour quatre MRC, chez nous. Il y en a une pour quatre MRC, chez nous, une ATR.

M. Kieffer: Continuez.

M. Blackburn (Ulric): Puis les offices, nous autres, chez nous... On a un mandat aussi de faire de la publicité pour amener les gens chez nous.

M. Kieffer: Puis vous trouvez que l'ATR ne pourrait pas faire cette job-là comme il le faut?

M. Blackburn (Ulric): En collaboration avec les municipalités, on peut le faire, parce que chacun aurait sa partie pour travailler, puis on travaillerait avec l'ATR. Mais pourquoi tout donner l'argent à l'ATR, alors que, dans les municipalités, depuis des années et des années, nous payons pour faire de la publicité, pour faire venir des gens chez nous, pour faire venir des gens à Jonquière, pour faire venir des gens à La Baie.

Prenez «La fabuleuse», de La Baie, ce n'est pas l'ATR qui organise «La fabuleuse» à La Baie. Ce n'est pas l'ATR qui s'occupe du Zoo de Saint-Félicien. Elle s'occupe de faire une certaine publicité. C'est les municipalités qui mettent de l'argent là-dedans. C'est les municipalités du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui ont organisé le Zoo de Saint-Félicien et qui mettent encore de l'argent dans le Zoo de Saint-Félicien.

La ville de Chicoutimi vient de mettre, l'année passée, 50 000 $ dans le Zoo de Saint-Félicien pour développer; c'est du développement, ça, en même temps. Mais on veut faire partie... et on veut travailler avec l'ATR, mais on veut avoir une partie de cet argent-là pour pouvoir faire aussi notre publicité chez nous. On est capable d'en faire, puis mieux, souvent, que les ATR.

M. Kieffer: À ce moment-là, ça va être quoi, votre contribution?

M. Blackburn (Ulric): Bien, nous autres, si vous nous donnez 1 $, chez nous, ça va rapporter peut-être à une municipalité comme Chicoutimi – je vais vous donner un exemple – peut-être 200 000 $, je ne sais pas, je fais un chiffre comme ça, là, 200 quelques milles dollars par année. Mais j'ai un budget qui dépasse le 500 000 $. La balance, je vais faire de la publicité avec ça, voyons. C'est ce que je vous dis.

Moi, je pense qu'on fait fausse route en pensant qu'on va toujours avoir juste un organisme régional ou par MRC qui va faire la publicité, si les municipalités n'ont pas cet intérêt ou cette facilité de participer avec ces gens-là pour en arriver à faire un front commun dans le développement économique sur le tourisme.

M. Kieffer: ...ça va.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Blackburn. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Oh! C'est déjà à moi, merci. Bienvenue, M. le maire de Chicoutimi. On a eu des gens hier de la Fédération québécoise des offices de tourisme. Je comprends votre point de vue, parce que chez vous c'est un budget assez... c'est énorme, 500 000 $ pour le tourisme. Est-ce que l'ATR, chez vous, c'est régional? Est-ce que c'est l'ATR du Lac-Saint-Jean ou de...

M. Blackburn (Ulric): Saguenay–Lac-Saint-Jean.

M. MacMillan: Saguenay–Lac-Saint-Jean. Est-ce qu'ils ont un budget énorme de publicité? J'ai lu, suite au déluge que vous avez eu l'été passé, qu'ils étaient impliqués beaucoup pour faire de la publicité et qu'il y a eu des ajouts d'argent. C'est parce que vous avez mentionné que, l'ATR, peut-être que vous feriez une meilleure job qu'eux. Je ne suis pas sûr de ça.

M. Blackburn (Ulric): Mais je n'ai pas dit ça. J'ai dit qu'on travaillerait ça en commun.

M. MacMillan: Oui, mais, hier, les gens de la Fédération étaient d'accord, M. Blackburn, que, conjointement, la Fédération du tourisme du Québec avec les ATR, ensemble, avec un plus gros budget, réussiraient encore bien mieux à faire de la meilleure publicité pour chacune des régions. Est-ce que vous serez d'accord avec ça?

M. Blackburn (Ulric): Oui. Ensemble, oui.

M. MacMillan: Mais ça ne marche pas comme ça chez vous?

M. Blackburn (Ulric): Oui, ça marche... On a une ATR pour quatre MRC, chez nous. On a une ATR pour quatre MRC, mais, à travers les quatre MRC, je pense qu'il y a une MRC qui a une ATR ou deux, deux qui font partie ensemble... Chez nous, la population du Saguenay – Chicoutimi, Jonquière, La Baie – ça représente 150 000 habitants. Il y a trois offices de tourisme. Peut-être qu'on arrivera à ce moment-là, si on s'entend sur une répartition, à en faire seulement une. Peut-être. Mais, pour le moment, l'argent qu'on met, nous autres, comme municipalité... C'est nous qui les finançons et c'est nous qui faisons la promotion.

M. MacMillan: Alors, vous faites deux promotions. L'ATR fait de la promotion et puis...

M. Blackburn (Ulric): Bien, dépendamment, mon cher monsieur...

M. MacMillan: ...l'Office du tourisme fait de la promotion aux mêmes endroits? International ou juste au Québec ou...

M. Blackburn (Ulric): Non. Quand on fait de la promotion à l'extérieur, je l'ai dit tout à l'heure, on y va avec l'ATR, on travaille avec l'ATR.

M. MacMillan: Vous le faites déjà, là?

M. Blackburn (Ulric): Oui.

M. MacMillan: Ah bon!

M. Blackburn (Ulric): Sauf qu'il y a d'autres promotions aussi qu'on peut faire et qu'on fait.

M. MacMillan: Effectivement, mais vous ne pensez pas... Je comprends que vous voulez récupérer une partie du 2 $ – on peut comprendre ça, c'est un autre débat peut-être – mais je pense, et je vous le dis très honnêtement, qu'ensemble avec l'ATR vous allez faire de la meilleure promotion que si vous le faites tout le monde individuellement. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec ça?

(11 h 50)

M. Therrien (Jean): Je veux juste préciser, si M. Blackburn me permet, préciser et éliminer peut-être une confusion. Présentement, sur le terrain, les ATR et les offices travaillent souvent très bien ensemble et ils ont bien partagé le domaine de promotion. Les deux ne se marchent pas sur les pieds, et les offices font surtout de la promotion de congrès et d'affaires, ce qui est très difficile pour l'ATR de faire cela. Donc, il y a déjà une bonne partition entre les deux niveaux d'intervention. Et ce que les municipalités font valoir, c'est que cet effort-là, il n'est quand même pas négligeable, il devrait même être accentué dans les prochaines années et qu'il y a donc intérêt à accentuer l'argent qu'on y met.

Les municipalités québécoises, leur source de revenu est essentiellement basée sur le foncier, et cette source-là ne permet pas aux municipalités de retrouver l'investissement qu'elles font en matière de développement économique et touristique. Ça fait des années que l'Union des municipalités du Québec demande au gouvernement d'avoir un certain accès aux taxes liées à la consommation pour encourager les municipalités qui font déjà du développement économique et qui veulent en faire plus à avoir une certaine retombée économique directe de l'achalandage que représente ce développement-là sur leur territoire. Et ça, les municipalités ne l'ont pas présentement. Comme c'est sur le foncier, que vous en fassiez ou que vous n'en fassiez pas, ça ne change pas grand-chose dans votre budget municipal. Et c'était, à notre avis, un bel exemple, ce 2 $, le partager avec les municipalités qui font des efforts. Il y en a 575, au Québec, sur 1 400, ce n'est pas toutes, mais il y en a un certain nombre, et on pourrait les encourager à accentuer leur effort dans ce secteur-là.

M. MacMillan: Moi, je pense que – je veux dire, je ne veux pas partir un débat avec vous, M. X – ...

Des voix: Therrien.

M. MacMillan: ...M. Therrien, c'est de couper la poire en deux, quand même, si on fait ça. Si on envoie 1 $ chez vous – un exemple – puis 1 $ à l'ATR, on n'aura pas les mêmes... Le but du 2 $, c'est de faire de la promotion côté international. Je ne suis pas tout d'accord avec ça, moi. Il y en a une partie, je pense, qui devrait aller dans un fonds. Mais, ça, c'est un autre débat. Mais Mme la ministre va avoir un forum au mois de février et il serait peut-être la bonne place... Et peut-être que l'UMQ pourrait demander à Mme la ministre d'attendre pour passer la loi immédiatement et d'attendre au mois de février pour que tous les gens du tourisme, les municipalités, l'UMQ, l'UMRCQ puissent se faire entendre pour vraiment avoir une loi sur le tourisme au Québec qui serait en accord avec tout le monde, pas seulement Montréal.

M. Blackburn (Ulric): Moi, je pense qu'il faut aller de l'avant. C'est une bonne idée de prélever 2 $ – chapeau! là – c'est une bonne idée, puis je ne pense pas qu'il faille attendre, il faut aller de l'avant. Mais il faut comprendre qu'à un certain moment donné on ne peut pas non plus demander aux municipalités que tout l'argent qui va être collecté chez elles s'en aille à l'ATR puis que spécifiquement seulement l'ATR puisse faire de la publicité. Il faut qu'on ait les moyens chez nous aussi. Et pourquoi on ne partagerait pas ce montant-là? Il faut le faire, il faut y aller. C'est ça qu'on vous demande. Puis on va être prêt à travailler avec les ATR puis on va être prêt à essayer de s'associer ensemble pour faire un travail en commun dans différents domaines. Mais il faut penser que, les municipalités, actuellement on fait aussi de la publicité. M. Therrien disait tout à l'heure, puis avec raison, que, quand on parle de congrès puis quand on parle de tourisme d'affaires, quand on parle de touristes qui viennent, c'est les municipalités qui vont les chercher la plupart du temps. C'est pour ça que je pense que, en tout cas...

M. MacMillan: Je vais passer la parole à mon collègue pour terminer.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je suis Réal Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, qui est un secteur très reconnu sur le plan touristique, comme d'autres régions au Québec d'ailleurs. Pour revenir un peu sur le même sujet puis voir ça de façon différente, je trouve intéressant d'abord que vous apportiez cet élément-là. C'est un peu nouveau, ce débat-là, et je le trouve tout à fait intéressant. Je veux juste voir avez vous, M. Blackburn, pour l'ensemble du Québec – on a pris la problématique de Chicoutimi, vous nous l'avez bien décrite – d'autres régions au Québec. Je pourrais prendre des exemples de ma région.

Prenons une MRC où il y a une ville d'importance, au sein de cette MRC, qui est peut-être 50 % ou 60 % de la population, comme la MRC de Montmagny, par exemple, ou la ville de Montmagny, il y a peut-être 60 %. De quelle façon vous allez... C'est parce que le danger que je vois – et je voudrais voir de quelle façon vous voyez ça – ça serait de diluer les moyens financiers possibles pour une région, à partir du dollar, de ce 2 $, la moitié de ce 2 $, dans la région. Il n'y aurait pas lieu de voir si ce n'est pas chacune des MRC qui pourrait toucher le 2 $ et donner des mandats à l'ATR, ce qui est tout à fait à l'inverse de ce qui est présenté dans le projet de loi, sur le plan régional – et c'est évident qu'ils réagiraient, parce que le projet de loi, dans le moment, ne voit pas ça – ou si on continue peut-être, vous continuez à réfléchir à la façon dont vous le faites: On aimerait avoir notre part, soit 1 $, et on pourrait faire de la promotion régionale avec l'ATR, ça nous permettrait aussi d'avoir des budgets pour faire de la promotion plus locale, d'une part? La ville en fait déjà. La plupart des villes en font déjà à partir de leur office. Ça s'ajouterait, ça serait un budget additionnel pour faire du développement, c'est-à-dire ajouter pour mieux faire connaître la région sans négliger ce qui se fait déjà, d'une part. Je reviens à ma première partie. Il n'y a pas un risque de diluer le développement nouveau de la promotion?

M. Blackburn (Ulric): À mon sens, non, parce que, définitivement, actuellement on en fait déjà, puis on va en faire un peu plus, puis on va continuer à mettre de l'argent, nous autres. Le dollar ne financera pas nos offices comme ça. C'est un ajout qu'on va donner à ce qu'on donne déjà comme municipalités pour faire de la publicité, de la promotion. Et quand l'association touristique s'en va dans différents endroits pour faire de la promotion, les gens des municipalités, on y va puis on paie. C'est nous qui payons pour y aller, ce n'est pas l'ATR qui paie pour ça. C'est nous qui payons pour y aller. Alors, je pense qu'on ajoute à ça, puis on ajoute de la crédibilité, puis on ajoute du travail intéressant et de la promotion, ce qui va faire que plus de gens vont venir dans notre secteur.

M. Gauvin: De cette façon-là, l'ATR reçoit, comme vous le décrivez, un mandat de la municipalité ou des municipalités pour faire de la promotion régionale.

M. Blackburn (Ulric): Oui.

M. Gauvin: En fait, c'est ce mandat-là, mais je pense que vous le reconnaissez, d'une part. Évidemment, ce qu'on ressent en région plus souvent que pas, c'est qu'il y a des offices du tourisme qui sont très présents puis qui jouent un rôle plus remarqué sur la promotion ou le développement d'initiatives nouvelles, sur la promotion, que l'ATR peut le faire, parce qu'elle est plus loin. Et je parle toujours à partir des exemples d'une région comme la mienne. Donc, l'office joue un rôle très important, et c'est pourquoi je trouvais intéressante cette idée que vous apportez. Ma seule inquiétude est: plus on va diluer les ressources, plus on va être obligé d'établir des consensus pour faire du développement régional sur le plan d'une grande région. Évidemment, on peut tous y réfléchir. On va voir comment va tourner le débat. Mais je reste à penser que, l'office local du tourisme, solliciter l'ATR régionale pour avoir sa part de retombées du 2 $ serait, à mon avis, plus difficile. Et c'est peut-être mon passé d'ancien maire qui me fait penser que ça me serait apparu plus facile que le 2 $ puisse aller à la MRC et donner un mandat à l'ATR. Évidemment, si les associations touristiques régionales étaient ici, ce n'est peut-être pas comme ça qu'elles le verraient.

M. Blackburn (Ulric): Écoutez, je pense que, là, on ajoute encore un palier qui s'appelle la MRC. Donc, je ne suis pas d'accord avec ça. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.

M. Gauvin: Non, parce que vous êtes le maire d'une grande ville.

M. Blackburn (Ulric): Ha, ha, ha! Non seulement ça, mais on travaille très bien avec les MRC, vous savez. On travaille très bien, chez nous, avec la MRC. D'ailleurs, je suis le préfet suppléant de notre MRC, et on travaille très bien avec la MRC. Mais c'est encore ajouter un palier pour en arriver à la MRC. Après ça, on va distribuer ça aux ATR puis aux municipalités. Non, je ne suis pas d'accord avec ça.

M. Gauvin: C'était ça. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Mme la ministre, vous avez demandé la parole. Il vous reste une minute.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, certainement. D'abord, on prend bonne note de vos commentaires, et ils sont importants. Ce que je comprends, c'est que l'enjeu des municipalités, c'est toute la question de la promotion du tourisme d'affaires et des congrès. Je pense que l'ATR, c'est un outil pour faire de la promotion et du développement touristique. Ce que vous nous dites et ce que je retiens, c'est qu'il faut que nous prévoyions, dans le protocole éventuellement qui sera établi avec l'association touristique, avec les associations touristiques régionales, un volet sur le tourisme d'affaires et des congrès, parce que certaines municipalités et certaines régions ont un objectif de développement de ce type de tourisme là qui actuellement n'est peut-être pas aussi développé au niveau de la promotion qu'on le souhaiterait. Et je pense que ça, c'est quelque chose qui est très recevable et très réaliste et je vais en tenir compte dans nos discussions.

Par contre, l'objectif de ce fonds-là, c'est d'établir une masse critique pour faire de la promotion. Alors, que cette promotion-là soit intégrée à différents produits pour l'ensemble des marchés internationaux ou locaux, selon le cas, je pense que c'est ça qui est important, et on peut très bien l'harmoniser avec les éléments du projet de loi tel qu'il est. Alors, je vous remercie beaucoup de votre présentation.

(12 heures)

M. Blackburn (Ulric): En terminant, je veux vous remercier aussi. Le 2 $, ça va rapporter quoi, 20 000 000 $, au Québec?

Mme Dionne-Marsolais: Si toutes les régions y souscrivent et contribuent, on estime autour de 25 000 000 $, si tout le monde... Mais, comme je vous dis, vous savez que c'est volontaire, donc, ça...

M. Blackburn (Ulric): C'est un beau montant qu'on peut répartir avec les gens qui veulent faire de la publicité et la faire comme il faut.

Mme Dionne-Marsolais: Exactement. Et ça pourrait aller nous chercher 100 000 000 $ de revenus, si on faisait tout ça comme il faut.

M. Blackburn (Ulric): Et je voudrais aussi vous dire que dernièrement – ce n'est pas un exemple à donner trop trop, là – notre ATR, chez nous, a eu certains problèmes, et ce sont les municipalités qui ont payé pour la sortir du trou.

Mme Dionne-Marsolais: C'est vrai. Je suis bien au courant, M. le maire. Je dois vous dire que j'ai même été mise à contribution, comme ministre responsable du Tourisme. Alors, on fait...

M. Blackburn (Ulric): Soit dit en passant, mais je pense que...

Mme Dionne-Marsolais: Il faut aider les gens qui ont des problèmes à l'occasion. Vous savez, on en a déjà discuté. C'est normal, ça.

M. Blackburn (Ulric): C'est ça. Et il faut...

M. MacMillan: Ce n'est pas toutes les régions qui ont des problèmes avec les ATR.

M. Blackburn (Ulric): Pardon?

M. MacMillan: Ce n'est pas toutes les régions qui ont des problèmes...

M. Blackburn (Ulric): Non, non. J'ai parlé de la mienne, je n'ai pas dit les vôtres.

Mme Dionne-Marsolais: Non, ce n'est pas parce qu'il y en a une qui...

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Blackburn, M. Therrien, la commission vous remercie d'avoir participé à ces consultations.

J'appelle maintenant Mme Jacinthe B. Simard, de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec.

Mme Simard, la commission vous souhaite la bienvenue. Comme vous étiez présente à la présentation de ceux qui vous ont précédée, vous connaissez les règles, je ne les répéterai pas. Alors, la parole est à vous pour nous présenter votre position.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

Mme Simard (Jacinthe B.): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mme et MM. les députés, bonjour. Pour cette présentation, je serai accompagnée de M. Michel Fernet, à ma gauche, qui est le directeur général de l'UMRCQ, et de M. Marc-André Doyle, à ma droite, qui est un conseiller politique à l'Union. Alors, je vous remercie de nous entendre à cette étape-ci du processus et je pense qu'en tant qu'union municipale nous avons des choses intéressantes à vous communiquer.

Au niveau du contexte, nous assistons depuis quelques années à un processus de restructuration en profondeur de l'économie canadienne et québécoise, comme les économies des autres pays occidentaux. Ce processus impose aux gouvernements supérieurs des ajustements majeurs remettant en cause non seulement les finances et les services publics, mais aussi le rôle même de l'État. Ces ajustements suscitent à leur tour nombre de réflexions auprès des communautés locales et régionales sur la nécessité de décentraliser les responsabilités gouvernementales vers les institutions municipales.

Dans tous les pays industrialisés, le mouvement de restructuration se cristallise autour des petits territoires à fort sentiment d'appartenance. C'est à ce niveau d'intervention que se créent le plus facilement les partenariats, les collaborations interentreprises qui se définissent: les projets collectifs générateurs d'emplois, d'innovation, de dynamisme et de richesse. La nouvelle économie exige des structures souples, configuratives et à géométrie variable, et décentralisées au palier le plus près de l'entreprise et du citoyen.

C'est dans ce contexte que la ministre déléguée à l'Industrie, au Commerce et au Tourisme dépose le projet de loi n° 76 instituant le Fonds de partenariat touristique. Ce fonds vise à renforcer et soutenir la promotion et le développement du tourisme québécois, particulièrement au niveau international. Une partie importante du financement du fonds sera assurée par une taxe de 2 $ par nuitée applicable à partir du 1er avril 1997 dans toutes les régions touristiques du Québec qui en feront la demande par le biais de leur association touristique régionale.

Les revenus générés seront retournés dans leurs régions et utilisés conformément à un protocole d'entente convenu entre Tourisme Québec et chacune des ATR. Chaque ATR couvre approximativement le territoire d'une région administrative. Quelque 25 000 000 $ sont en jeu, dont 8 700 000 $ pour les territoires de Montréal et Laval. Cela laisse une enveloppe possible de 16 300 000 $ pour les autres régions, si elles y participent. Montréal et Laval ont déjà annoncé leur participation, tandis que d'autres régions du Québec semblent réticentes à y participer.

Les associations touristiques régionales sont au secteur touristique ce que les conseils régionaux de développement sont au secteur industriel. Les offices de tourisme correspondent aux commissariats industriels locaux. Les unités autonomes de gestion, ATR, constituent à la fois le mécanisme de consultation-concertation régional et le bras administratif de Tourisme Québec. Elles en dépendent aussi financièrement. Les offices tirent leurs revenus du local et des MRC. Enfin, le tourisme d'affaires est une responsabilité quasi exclusive des offices municipaux et intermunicipaux de tourisme.

Les commentaires sur le projet de loi. Le projet de loi prévoit, à l'article 17.7, que les sommes visées au paragraphe 5 de l'article 17.3 et les intérêts s'y rattachant sont versés aux associations touristiques régionales représentant les régions touristiques où la taxe spécifique sur l'hébergement s'applique. Par cet article, la ministre fait le choix des ATR comme sites de concertation des intérêts régionaux et comme sites de redistribution des argents perçus. Cet énoncé prend assise sur plusieurs postulats qu'il nous semble opportun de questionner.

Premièrement, la concertation régionale efficace, postulat numéro 1. Les ATR sont des organismes gouvernementaux efficaces, en ce sens qu'ils réussissent à créer une concertation régionale en matière de promotion et de développement touristique. S'il est vrai que les ATR détiennent un mandat en ce sens, il est moins évident qu'elles atteignent leurs objectifs efficacement. S'il est indéniable que certaines régions ont développé un concept touristique par le biais de leurs ATR, il faut aussi reconnaître que plusieurs ATR traduisent des tensions et des désaccords profonds entre le milieu hôtelier, les offices de tourisme et Tourisme Québec.

Comment un organisme administratif du ministère peut-il assumer à la fois ses fonctions de contrôle administratif, des fonctions de consultation-concertation du milieu? Il y a là un anachronisme que la fédération des offices de tourisme et de congrès du Québec semble avoir constaté. En effet, la fédération a mandaté, lors de son dernier colloque, un comité spécial sur les difficultés de travail avec les ATR. Chez nos MRC membres, on a souvent l'impression que les ATR fonctionnent en vase clos et ne tiennent compte des consultations que lorsqu'elles vont dans le sens des projets ministériels.

De fait, il se crée énormément plus de concertation et de développement de produits touristiques par le bas que par le haut. C'est au niveau des municipalités et des MRC que se cristallise le projet touristique collectif. C'est encore au niveau des municipalités et des MRC que se jouent les choix d'investissement les plus importants en matière d'infrastructures et de services municipaux. C'est enfin au niveau municipal et des MRC que se fait l'arbitrage des choix d'aménagement du territoire, de l'occupation des sols et de la protection des paysages, des normes de densification et de construction. C'est encore et toujours au niveau des municipalités et des MRC que se développent ces partenariats interentreprises, ces partenariats privé-public afin de dynamiser les secteurs locaux à la réalisation des projets collectifs. Les offices de tourisme et congrès jouent en ce sens un rôle de premier plan qui mérite d'être connu, d'être reconnu et renforcé. Ils sont, comme les municipalités et les entreprises, les créateurs réels du produit touristique.

(12 h 10)

Le postulat 2, la redistribution régionale. Utiliser les ATR permettrait une forme de redistribution de la richesse en s'assurant que la promotion et le développement bénéficient à l'ensemble régional. Appartient-il aux partenaires non imputables de se définir une vocation de redistribution? La plupart des acteurs concernés se plaignent déjà de la trop grande dispersion de l'offre touristique. L'administration du fonds par le palier régional n'accentuerait-elle pas cette dispersion? Pourquoi ne pas clairement viser le renforcement des pôles actuels de développement touristique, qui généreront le produit de la taxe? Il appartient au premier chef à ceux qui financent le développement touristique et à ceux qui supportent ces investissements par le biais d'équipements collectifs municipaux de décider du type de promotion et de développement touristique de leur territoire. Rien ne les empêche de se regrouper, d'identifier des intérêts régionaux, de partager à deux ou plusieurs territoires de MRC des stratégies de promotion et de développement. Le mouvement doit s'induire du bas vers le haut et non pas l'inverse.

Le postulat 3, la masse critique. Il est impossible d'organiser la promotion touristique sur la base des territoires de MRC, il y en aurait trop. Non seulement cet énoncé est-il faux, mais il nie la réalité de la nouvelle économie. Ce n'est pas impossible parce que cela n'a jamais été essayé! Les bureaucrates du ministère du Tourisme ne conçoivent la réalité qu'à partir d'une approche centralisée. La nouvelle économie exige une approche éclatée, configurative, faisant preuve de souplesse et de créativité.

La promotion pourrait très bien s'organiser par territoire d'ATR, en agrégeant une partie des promotions locales. L'efficience de la promotion locale serait beaucoup plus contrôlable que la portée des campagnes régionales. En laissant aux offices de tourisme l'organisation de la promotion par territoire de MRC, nous serions à même de cibler précisément la clientèle internationale par créneau de produits et par territoire. Nous serions donc en mesure de multiplier les promotions adaptées à des clientèles spécifiques pour des territoires, des installations et des investissements précis. La région ne permettrait pas cette flexibilité et cette rapidité dans l'action.

Le projet de loi n° 76 est un modèle parfait pour Montréal et Laval. Ces territoires sont à la fois villes-régions, MRC et ATR. Il serait cependant inefficient et inefficace d'implanter le même modèle en région.

En conclusion, l'écart avec la position gouvernementale. L'UMRCQ ne comprend pas la volonté de la ministre d'utiliser la structure régionale de son ministère, les ATR, aux fins de génération de consensus et de gestion du Fonds de partenariat touristique, eu égard aux positions de son propre gouvernement. Le 6 septembre dernier, les porte-parole du comité interministériel sur la décentralisation déclaraient que le gouvernement privilégierait dorénavant les territoires de MRC ou de communautés urbaines comme territoires de référence pour l'organisation de la décentralisation. Lors du sommet sur l'emploi, le chantier régions-municipalités a clairement retenu un mode d'intervention reconnaissant le territoire de référence des MRC. Un débat musclé autour du rôle des organismes régionaux de concertation a conduit à reconnaître que l'État devait coordonner ses actions et déconcentrer de ses enveloppes à des organismes ou agences couvrant les territoires de MRC.

Nous croyons que, dans ce contexte, le Fonds de partenariat touristique devrait être un instrument de support aux interventions locales. La volonté du milieu d'y participer devrait donc se manifester sur la base du territoire des MRC, et la responsabilité de gestion en découlant devrait aussi s'y exercer. L'État ne devrait intervenir au niveau régional que lorsque les acteurs locaux y auront identifié un intérêt commun.

Il y a donc un mouvement de fond visant à responsabiliser le milieu et à décentraliser les activités au palier le plus proche des citoyens. Nous osons croire que le gouvernement parle aussi au nom de Tourisme Québec. Nous osons croire que la logique d'intervention qui prévaudra dans les autres secteurs de développement économique tels la forêt, l'agriculture, le support à l'entreprise et à l'emploi pourra aussi s'appliquer au secteur touristique.

Alors, notre position en tant qu'Union des municipalités régionales de comté. Essentiellement, l'UMRCQ demande la reconnaissance du travail de développement et de promotion déjà effectué sur les territoires de référence des MRC. Nos intervenants ont largement fait la preuve de leur capacité de gestion. Nous appuyons le projet de création du Fonds de partenariat touristique, mais laissons au milieu le choix d'y participer et la responsabilité de sa gestion.

Enfin, nous privilégions la diminution des interventions de l'État et la responsabilisation des communautés. Notre proposition se dit comme suit:

Que la ministre mandate les MRC pour organiser, en collaboration avec les offices du tourisme et des congrès, la consultation sur le projet de Fonds de partenariat touristique;

Que les partenaires reconnaissent un seul office de tourisme et de congrès par MRC;

Qu'il soit possible à un office de tourisme et de congrès de desservir deux ou plusieurs MRC contiguës participantes;

Que les hôteliers participants à un office puissent fixer le niveau de la taxe selon ce qu'ils perçoivent comme acceptable pour leur marché spécifique;

Que la nouvelle taxe soit perçue par territoire de MRC et redistribuée aux offices de tourisme et de congrès via les MRC.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Simard. Je cède maintenant la parole à la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Merci M. le Président, merci, Mme Simard ainsi que vos collaborateurs, pour le travail que vous avez fait. Je comprends que vous appuyez la création d'un fonds de partenariat touristique. Maintenant, vous appuyez aussi le fait qu'on laisse le choix aux gens. Et c'est ce que notre fonds veut faire, on veut laisser le choix aux régions d'y participer ou de ne pas y participer.

Puisqu'on est dans une session de consultations, j'aimerais apporter quelques corrections à votre mémoire, parce qu'il y a des erreurs de compréhension. D'abord, à la page 1, quand vous dites, au dernier paragraphe, que les associations touristiques régionales sont au secteur tourisme ce que les conseils régionaux de développement sont au secteur industriel, c'est absolument faux, ça. Et quand vous dites qu'elles dépendent financièrement du gouvernement, je pense qu'il y a une représentante... La directrice générale de l'ATRAQ est ici, elle pourra vous remettre le petit document de l'ATRAQ dans lequel on lit que le budget est de l'ordre de 25 000 000 $, et ça ne compte pas la contribution que le gouvernement, qui est de l'ordre de 7 000 000 $ au total, leur accorde moyennant un certain nombre d'activités.

L'association touristique régionale, c'est l'intervenant, dans la région, qui regroupe les intervenants des secteurs touristiques privé et public. C'est un organisme sans but lucratif qui est autonome et qui travaille avec nous de concert avec notre activité de promotion, de développement intégré au niveau du Québec, mais qui répond, qui est dirigé, qui est contrôlé par les intervenants eux-mêmes, touristiques de la région. Il n'y a personne de Tourisme Québec là-dessus. Et c'est pour ça d'ailleurs que, l'an passé, on a signé avec les associations touristiques régionales – il y en a 18 – un protocole d'entente qui prévoit, pour trois ans, un certain nombre d'objectifs et de résultats à atteindre et un budget correspondant de la part de Tourisme Québec, moyennant les résultats engagés. Alors, c'est très important parce que toute votre argumentation est basée là-dessus. Ce ne sont pas des organismes gouvernementaux, et je crois que, dans certaines régions...

Je vais laisser la parole à mes collègues, parce qu'on est là pour avancer dans l'évolution vers le projet de loi. Vous avez entendu mes commentaires tout à l'heure au niveau du tourisme d'affaires et des congrès, et je pense qu'à ce niveau-là c'est un secteur qui est assez jeune, au niveau de l'ensemble des régions du Québec, et qu'il faut encourager. Et c'est certainement un volet que nous allons vraiment préciser pour encourager davantage le rayonnement régional là-dessus et la venue de congrès et d'affaires dans les différentes régions.

L'autre point que j'aimerais identifier, c'est que les créateurs du produit touristique, ce sont les entreprises. Elles peuvent être à but lucratif ou à but non lucratif. Mais c'est souvent des organismes sans but lucratif qui se forment, qui développent quelque chose, ou des entreprises ou des entrepreneurs. Alors, pour ce qui est de l'ensemble de votre mémoire et des objectifs que vous mentionnez, nous y souscrivons, et le projet de loi nous permet de les rencontrer. Et je pense que c'est en y donnant suite qu'on va pouvoir consolider les différents axes et, comme vous le dites bien, se rapprocher des intervenants du milieu. Moi, j'arrête à cette étape-ci, je ferai des remarques de conclusion, de toute façon, tout à l'heure.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la ministre. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Trois courtes questions sans préambule. Ha, ha, ha!

Une voix: ...

(12 h 20)

M. Kieffer: Oui, c'est pour ça, j'apprends. À la page 3, vous dites: «La promotion pourrait très bien s'organiser par territoire d'ATR en agrégeant une partie des promotions locales.» J'aimerais bien que vous m'expliquiez ce que ça signifie. Est-ce que ça veut dire que vous acceptez le territoire mais que vous n'acceptez pas la structure? Parce que vous posez la question...

Des voix: ...

M. Kieffer: Page 3: «La promotion pourrait très bien s'organiser par territoire d'ATR...» Donc, vous trouvez que le territoire d'ATR, quelque part, ça a de l'allure. O.K. Première question.

Deuxième question. Vous dites, toujours à la page 3: «Rien ne les empêche de se regrouper, d'identifier des intérêts régionaux, de partager à deux ou à plusieurs territoires de MRC...» Ça commence à ressembler à un territoire d'ATR, ça aussi. Donc, encore une fois, en quoi les ATR sont-elles incapables de remplir ce rôle que vous voulez confier à des regroupements de MRC?

Et troisième petite question: «Appartient-il à des partenaires non imputables de se définir une vocation de redistribution?» Que je sache, les préfets de MRC ne sont pas imputables en ce moment, à tout le moins pas devant les citoyens. Ils ne sont pas élus. S'ils étaient élus on pourrait se poser la question différemment. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Mme Simard.

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, concernant les territoires – je vais répondre à votre première question – on croit, nous, qu'il faut absolument qu'il y ait des intérêts qui viennent de la base et qu'on remonte ces intérêts-là pour pouvoir produire une publicité qui serait plus adaptée. Alors, concernant les territoires, on pense que ça peut convenir à une, deux ou trois MRC, dépendamment de la volonté des élus et dépendamment également de leur vocation. Mais ça ne recoupe pas, dans bien des cas, la région administrative.

Prenez, par exemple, en Montérégie, il y a 17 MRC. Alors, on comprend bien que, s'il faut avoir une ATR qui est à l'échelle de la région administrative, à ce moment-là, on se retrouve avec une difficulté qui peut être très importante. Alors que, dans d'autres cas, nous avons aussi des MRC qui n'ont que 8 000 de population et, pour elles, avoir une ATR, ça serait vraiment difficile de la voir bien fonctionner. Donc, dépendamment des situations, on pourrait voir également des regroupements de MRC.

L'autre élément, sur la redistribution et l'imputabilité des préfets, je qualifie que l'imputabilité des préfets, elle est à peu près au même niveau que l'imputabilité d'un ministre, à ce stade-ci, puisque l'imputabilité nous vient...

M. Kieffer: C'est mon préfet qui va être content de vous entendre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard (Jacinthe B.): ...par délégation et est indirecte, comme celle d'un ministre. Le ministre n'est pas élu au suffrage universel non plus et pourtant il a le pouvoir discrétionnaire de dispenser des fonds publics.

Et la redistribution. J'ai entendu dire également dernièrement que les MRC ou les élus municipaux n'avaient pas nécessairement l'imputabilité de redistribuer des argents qu'ils n'avaient pas à percevoir. J'entends régulièrement le gouvernement du Québec revendiquer des enveloppes du gouvernement fédéral, eh bien, je pense qu'on peut le faire, nous, à peu près au même chapitre au niveau de la redistribution.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Simard (Jacinthe B.): Maintenant, j'apporterais peut-être une précision concernant une question qui est venue de Mme la ministre tout à l'heure sur l'exemple de notre argumentation, qui est pour une partie basée à l'effet que les ATR regroupent de très grands territoires, à l'heure actuelle, qui sont à l'échelle de la région administrative, pour la plupart. Il y a quelques exceptions, nous en vivons une dans ma région. Cependant, à cette échelle, il est assez difficile de trouver des créneaux pour pouvoir aller chercher une clientèle cible à l'extérieur du pays. Lorsque nous avons à aller vendre une région pour aller chercher une clientèle internationale, à notre point de vue, il faut cibler des créneaux spécifiques en tourisme. Et si on veut y arriver à l'échelle d'une région administrative, selon nous, il est beaucoup plus difficile de trouver des créneaux spécifiques et de réussir cet exercice-là. Alors, lorsqu'on arrive dans une région qui est à l'échelle de la MRC ou de quelques MRC regroupées, il est parfois beaucoup plus facile de trouver des créneaux spécifiques et d'aller chercher aussi une clientèle spécifique à l'extérieur du pays.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Simard. M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. Mme la présidente, dans votre mémoire, à la page 3, la redistribution régionale, le postulat 2, lorsque vous dites «Pourquoi ne pas clairement viser le renforcement des pôles actuels de développement touristique?», qu'est-ce que vous entendez par là, directement et spécifiquement? Parce que, d'abord, vous avez exprimé votre accord avec le projet de loi.

Mme Simard (Jacinthe B.): Oui.

M. Côté: Mais pourquoi vous considérez que les ATR ne sont pas qualifiées pour assurer la promotion touristique régionale? Et vous, vous dites que «le renforcement des pôles actuels...» J'aimerais que vous apporteriez une nuance face à ça.

Mme Simard (Jacinthe B.): Souvent, les pôles actuels sont subdivisés, alors, ils ne sont pas nécessairement à l'échelle même de l'ATR. Alors, c'est pour ça qu'on se retrouve aussi avec des offices de tourisme ou encore des ATR qui sont séparés par secteurs, parce que justement ils ont des créneaux de définition qui sont différents, et c'est cette spécificité-là qu'il faut aller rechercher.

Alors, moi, je pense qu'effectivement, quand je vous parlais tout à l'heure de créneaux spécifiques, les pôles où il y a une desserte qui est particulière, il faut justement, par la base, la renforcer. Cependant, il faut, je pense, à travers une redéfinition, éviter de noyer des spécificités à travers un trop grand territoire. C'est ainsi qu'on perd la saveur de ce que l'on veut vendre. Lorsque vous arrivez...

Je vais reprendre l'exemple, qui est extrême, de la Montérégie. Si on essaie aujourd'hui de trouver, tous et chacun ici, qu'est-ce qu'on chercherait pour vendre la Montérégie comme étant une région à rechercher pour une clientèle cible, c'est excessivement difficile à définir, parce que justement il y a tellement grand de territoire et tellement de créneaux différents qu'on ne retrouve plus le créneau spécifique.

Lorsque, souvent, vous vous dirigez en France et que vous voulez aller chercher un créneau, par région, vous savez à peu près ce que vous allez y retrouver. Alors qu'ici, à l'effet que les territoires sont très grands, on ne peut plus retrouver cette spécificité-là. Donc, il faut renforcer nos pôles qui sont forts, qui ont une identité, et il faut, à l'échelle internationale, aller vendre le nom par rapport au produit. Et là vous allez chercher le client qu'il vous faut, alors que, si vous voulez tout vendre en même temps, bien, je pense qu'on charge trop le mulet et puis effectivement on ne réussit pas à le vendre pour la clientèle qu'on veut aller chercher.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Roberval.

M. Laprise: C'est un peu comme une pharmacie qui veut vendre des pommes de terre, elle n'en vend pas en trop... Maintenant, moi, je voudrais vous poser une question bien directe. Est-ce que votre perception de décentraliser les argents versus le milieu serait de nature à faciliter les consensus et les partenariats entre les différents organismes des régions? Est-ce que ce serait un élément qui pourrait influencer vraiment ce partenariat qu'on veut dans ces régions?

Mme Simard (Jacinthe B.): Moi, je pense que, si c'est pour vendre l'image d'une MRC ou de quelques MRC, la contribution municipale serait beaucoup plus facile au développement touristique. Pourquoi? Parce que les élus y verraient une relation directe entre l'argent qu'ils auraient investi dans la promotion et leur développement. À l'heure actuelle, à l'échelle de la région administrative, pour un maire qui se retrouve peut-être avec 70 municipalités, est-ce que, lorsque l'ATR va faire sa promotion, il va y retrouver son compte? Pas sûr. Pas sûr que, pour lui, c'est évident, alors que, si c'est sur le territoire de la MRC ou de quelques MRC où elles se sont associées en volontariat, la contribution municipale pourra être beaucoup plus évidente et acceptable parce que le retour sur l'investissement serait sûrement plus garanti pour l'élu, ce qu'on ne retrouve pas lorsque souvent on nous sollicite à l'échelle de la région administrative.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Simard. Il reste deux minutes à la formation ministérielle. Avec le consentement des collègues de l'opposition, je céderais la parole au député de Charlevoix.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président. Je pense qu'on s'éloigne beaucoup du sujet concernant le 2 $, parce que, dans le fond, on parle beaucoup de structures depuis une heure, une heure et demie. Je lis la convocation de Mme la ministre pour un forum de l'industrie touristique et j'imagine que tout ça va être sûrement discuté lors du forum. Mais ce que je voudrais plutôt savoir, ce qui me préoccupe, il y a deux éléments...

(12 h 30)

Dans les conclusions, quand l'UMRCQ propose que la ministre mandate les MRC – et on parle beaucoup de l'Office du tourisme et des congrès, quant à moi, c'est très différent – par MRC etc., l'ATR n'est pas là du tout, dans cette... style consultation ou définition pour établir des consensus; est-ce que ça veut dire qu'on devrait les oublier complètement, c'est-à-dire donner un mandat à l'UMRCQ et oublier complètement les ATR? L'UMQ n'est pas là non plus. Premier point d'interrogation.

Le deuxième. J'aimerais plutôt vous entendre sur le contenu. Vous qui avez de l'expérience dans les régions, vous qui avez de l'expérience dans les municipalités, le 2 $, est-ce que, oui ou non... En plus, vous avez dit sans le définir que vous êtes favorable. Mais est-ce que c'est quelque chose d'intéressant? Est-ce que c'est une mesure intéressante? Est-ce que c'est une mesure qui devrait être applicable à la grandeur du Québec? Est-ce que vous y voyez des difficultés pour les hôteliers qui vont avoir à le collecter, ce 2 $ là? Je ne veux pas discuter, moi, des structures, je veux discuter du fameux 2 $, basé sur votre expérience dans vos régions – on dit que Laval et Montréal, ce n'est pas mal accepté, ça – vous autres, dans vos régions.

Mme Simard (Jacinthe B.): Concernant l'Office du tourisme, on le voit parfois, il peut se situer au niveau de seulement une ville, dépendamment de la densité du territoire. Et l'ATR se situerait, elle, beaucoup plus au niveau d'une ou des MRC, dépendamment aussi des besoins et des spécificités régionales. Peut-être que nos recommandations ne sont pas assez précises là-dessus, mais c'est ainsi qu'on le voit.

Maintenant, pour ce qui est du 2 $ par nuitée, nous y souscrivons, et à l'effet également que ce serait à la discrétion des régions d'y souscrire ou pas. Alors, à ce moment-là, dépendamment de la vocation, dépendamment du dynamisme et de ce que les gens veulent s'offrir comme promotion, ils auront le choix d'y adhérer ou pas. Je trouve que la proposition est excellente.

M. Bertrand (Charlevoix): Y voyez-vous des difficultés d'application, des éléments très, très pointus?

Mme Simard (Jacinthe B.): Sauf pour les éléments qu'on apporte en recommandation, à savoir que, s'il pouvait y avoir un lien avec la MRC, nous, on verrait également une possible implication de la part du monde municipal, qui pourrait être beaucoup plus facile s'il y avait un lien avec les élus de la MRC.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme Simard. Voulez-vous ajouter...

Mme Simard (Jacinthe B.): Oui, monsieur, un instant. M. le Président, M. Fernet aimerait ajouter un mot, s'il vous plaît.

Le Président (M. Beaulne): Oui, très brièvement, parce que la parole est maintenant à l'opposition.

M. Fernet (Michel): Je peux revenir après.

M. MacMillan: Non, vas-y, vas-y. D'abord que tu n'es pas trop long.

M. Fernet (Michel): On n'a pas oublié l'ATR. Vous retrouvez dans le texte les phrases qui mandataient l'ATR en temps et lieu. En fait, la base du document, c'est d'abord le niveau local et, en cela, on l'a dit dans le document, ça reflète l'orientation gouvernementale d'à peu près tout ce qui bouge au Québec en ce moment, y compris Communication Québec, qui s'en va rejoindre... plus proche du citoyen sur la base des MRC, le message gouvernemental aux citoyens. Mais on a dit: D'abord, l'Office fait son boulot de promotion spécialisée, spécifique. Mais tous les offices pourraient, et c'est ça qu'on n'a pas dit dans les recommandations finales en réponse à la question de M. le député de Charlevoix... Lorsqu'ils auront l'intérêt, le goût et qu'ils voudront se donner un message à l'échelle de la région administrative, volontairement, ils vont trouver là des créneaux intéressants et, volontairement, ils mettront de l'argent pour ce message régional, ou cette tournée régionale, ou cette mission d'aller à l'international. Tous pour un, un pour tous, au fond, dans ce type de chose là. Et la base du travail restera par ailleurs plus près des gens qui ont mis le 2 $. Vous voyez? Alors, les gens ont intérêt à mettre le 2 $ parce qu'ils vont avoir davantage de contrôle dessus. Et l'essentiel du travail se fera à partir des offices.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, pour les fins de la transcription, c'était M. Michel Fernet qui avait la parole. Maintenant, je cède le micro au député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Merci de vos interventions. On entend toute une autre opinion, si vous voulez, sur qui devrait être le porte-parole du tourisme dans chacune des régions, et vous allez aux MRC. Chez nous, comme exemple, on avait le CRD, le Conseil régional de développement, qui avait une table, un axe, qui avait la forêt, l'agriculture, le tourisme. Et ces gens-là, avec l'ATR et les gens du tourisme, les MRC de nos régions – il y en a cinq – se sont assis alentour d'une table et ont regardé les priorités du tourisme, ce qui est important, et ont sorti des points – sans vous les mentionner – et c'est devenu un partenariat, chez nous, avec l'ATR, les MRC, le Conseil régional de développement. Mais là, tout retransmettre ça aux MRC, je veux dire, c'est un autre débat, je pense, Mme Simard. Le 2 $ est là pour le développement international. Moi, j'ai des opinions différentes, qu'il y a des argents qui devraient aller dans un fonds pour aider le tourisme dans chacune de nos régions, au point de vue capital de risque. En tout cas, c'est une autre affaire. C'est pour ça qu'on demande, nous, qu'il y ait un forum, qu'on retarde la loi puis qu'on aille au forum au mois de février pour en discuter.

Mais je dois vous dire honnêtement que je ne suis pas d'accord qu'on retourne tout ça aux MRC puis que l'ATR devienne... Je sais bien que, les ATR, ça ne fonctionne pas partout à 100 %. Mais vous ne trouvez pas que... vous n'en avez pas assez, les MRC, dernièrement, avec tout ce que le gouvernement envoie chez vous, et récupérer en plus le tourisme? Pourquoi ne pas devenir un bon partenaire, comme ça existe dans beaucoup de régions, avec les ATR, les offices du tourisme, mettre tout ça dans la même banque? Puis – sacrifice! – au bout de la ligne, la boule, elle va être grosse puis on va avoir d'aussi bons résultats que ce que vous dites, régionalement, faire venir du tourisme national, si vous voulez, dans des régions que les Québécois vont aller visiter, chez vous ou chez nous.

Mme Simard (Jacinthe B.): Pourquoi on doit se détacher de l'échelle de la région administrative pour vendre à l'extérieur? Je l'ai indiqué tout à l'heure, c'est pour développer des créneaux spécifiques à des parties de régions administratives. À l'heure actuelle, je vous l'ai démontré. Peut-être que chez vous, dans votre région, c'est excellent. Mais si aujourd'hui je vous demande: Qu'est-ce qui décrit votre région, comme produits à l'extérieur? Si je me rendais dans un autre pays puis que je leur demandais: Votre région à vous, quels produits on y trouve? est-ce que vous pensez qu'on serait en mesure de me le dire rapidement?

M. MacMillan: Peut-être que non, mais...

Mme Simard (Jacinthe B.): Bon!

M. MacMillan: Je pourrais vous répondre, si vous voulez, mais...

Mme Simard (Jacinthe B.): Vous, vous pouvez me répondre parce que vous vivez dans votre région.

M. MacMillan: Mais tout le monde vit chacun dans sa région!

Mme Simard (Jacinthe B.): Bien sûr, parce que, vous, vous connaissez... Mais comment vous vendre à l'extérieur?

M. MacMillan: Ah! d'accord.

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, il faut développer une entité territoriale qui va donner des créneaux spécifiques et, ainsi, vous allez pouvoir vendre par la suite la région à l'international, avec son nom et son produit, et cibler la clientèle. Il y a...

M. MacMillan: Mais il ne faut pas seulement développer l'international, puis ça, je l'ai dit dès le début. Il y a des régions encore, comme chez nous, que je connais plus que votre région, mais il y a des gens, à 25 km ou à 30 km, qui ne savent même pas que – je ne sais pas – le mont Sainte-Marie... Il faut que ce soit développé parmi nos régions, inviter nos gens de nos régions, les gens de Québec à aller à Baie-Saint-Paul, comme exemple. Il y a sûrement des gens de Québec qui ne savent même pas que Baie-Saint-Paul... qui ne vont pas visiter... Il y a des argents là qu'on laisse dormir, si vous voulez, puis qu'on ne va pas chercher pour les amener chez nous. Mais au point de vue international, commencer, l'Outaouais, faire sa publicité seule puis après, la Montérégie, faire ça seule puis, chez vous, faire ça seul, c'est un autre débat, Mme Simard. Je ne pense pas qu'on pourrait atteindre...

Le but que la loi veut amener, c'est de développer et d'augmenter et de compétitionner avec les autres provinces du Canada, comme la Colombie-Britannique, pour dire: Chez nous, au Québec, bien, venez nous visiter. Mais, après que vous soyez arrivés ici, c'est à nous autres de pogner les petits boss, avec les petits... – j'étais pour dire d'autre chose – les Japonais puis de dire: Bien, là, tu peux aller à Baie-Saint-Paul, tu débarques à Mirabel... mais, là, à Mirabel, on est là, nous autres, tu peux aller chez nous, au Casino, à Hull, tu peux aller au mont Sainte-Marie, on peut aller au Casino de Charlevoix, puis tout ça. C'est là qu'il faut travailler, pas seulement, juste individuellement. Je trouve que c'est individuel un peu, votre affaire.

Mme Simard (Jacinthe B.): Bien, lorsqu'on fait du développement touristique au niveau local, nous, quand on investit dans la promotion, c'est justement pour venir chercher les gens dans la région de Québec...

M. MacMillan: Tant mieux!

Mme Simard (Jacinthe B.): ...ceux qui sont nos voisins. Mais ce qu'on réclame, c'est que, lorsqu'on vend Charlevoix...

M. MacMillan: Qu'il y ait une partie qui aille à la MRC.

Mme Simard (Jacinthe B.): ...ce qu'on espère, c'est que ça s'en aille au moins à l'international, parce qu'à ce moment-là, si, au niveau local... Lorsqu'on investit pour vendre soit Baie-Saint-Paul ou la MRC de Charlevoix ou notre vocation culturelle, nous, au niveau local, vous seriez peut-être bien surpris de savoir combien, au niveau municipal, on injecte en argent. Et on le fait parce qu'on vend notre nom, puis on vend nos produits, puis on vend notre identité, et c'est là que ça devient intéressant. Mais lorsqu'on me demande, moi, pour vendre la grande région administrative de Québec, bien, pour mes contribuables, c'est loin d'être évident, il faut que ça se passe à un autre niveau. Mais, pour ce qui est de l'ATR, elle, elle doit vendre le nom du milieu avec son produit, et il faut que ce soit ce nom-là qu'elle vende à un autre niveau, et c'est ce qu'on attend d'elle. Remarquez, peut-être qu'il se passe d'autres choses ailleurs, mais, nous, c'est ce qu'on attend d'une ATR.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Montmagny-L'Islet.

(12 h 40)

M. Gauvin: Oui. Mme Simard, M. Fernet, je pense que je vais revenir dans le même sujet. Je vous invite, Mme Simard, au nom de votre organisme, à continuer à nous faire réfléchir dans ce sens-là. C'est le message que je reçois depuis quelques jours et quelques semaines de ma région. Et je souhaiterais que Mme la ministre aussi soit consciente que le service qu'offrent les ATR dans les régions du Québec est assez différent. La perception de l'organisme est assez différente d'une région à l'autre, d'une part. Je ne suis pas là pour les condamner, mais elle est assez différente d'une région à l'autre. Et vous allez voir qu'à partir de la même formation politique, vous allez comprendre qu'on a des positions, dépendant de la région qu'on représente ou l'expérience que nous avons, qui peuvent être assez différentes.

L'ATR est perçue, et je pense que c'est comme ça, à mon avis, qu'elle est... C'est un mandataire de l'Office du tourisme québécois, du ministère, en fait. C'est l'organisme auquel Tourisme Québec se réfère. Subventionnée si elle joue bien son rôle, moins subventionnée si elle ne le joue pas à la satisfaction du ministère ou de Tourisme Québec, d'une part. Et madame pourra me corriger si c'est une perception qui n'est pas bonne.

Une région comme celle que je représente, Chaudière-Appalaches. Vous allez voir que je pense que c'est assez facile d'écrire pourquoi, à mon avis, si le 2 $ s'en va dans une caisse régionale, ça va être plus difficile pour les régions de recevoir d'abord le retour de leur juste part. Parce que, Chaudière-Appalaches, on peut voir ça comme trois régions, trois sous-régions. Vous avez la Côte-du-Sud. Vous pouvez regrouper quatre ou cinq MRC qui ont des intérêts communs. N'allez pas vous imaginer que, si l'ATR Chaudière-Appalaches décide d'investir dans du développement nouveau de publicité pour attirer les étrangers dans notre région et qu'on veut vendre, au niveau de la Côte-du-Sud, l'attrait de la Côte-du-Sud, qui est de Beaumont à La Pocatière, par exemple, le tourisme dans les îles, Grosse île, l'île aux Grues, nommez-en... Et la côte sud va de plus en plus visiter nos amis de Charlevoix, via l'île aux Coudres. Donc, l'attrait pour le fleuve Saint-Laurent, à une période de l'année, est important pour attirer des étrangers, soit des gens d'autres régions du Québec ou d'autres provinces ou des Américains. Évidemment, ce n'est pas sûr que la région de Lévis, que la MRC Desjardins et Chutes-de-la-Chaudière est très emballée de voir prendre un budget important pour aller développer ce que souhaiteraient ces quatre, cinq MRC là.

Donc, moi, je dis: Si on était capable de trouver une solution où le transfert, le 2 $, si c'est souhaité par la région, soit imposé, soit en proportion évalué, je pense, au prorata des institutions ou de l'argent collecté, soit retourné en région, qu'eux autres donnent un mandat – et je prends toujours le même exemple, que ça soit la Beauce – à l'ATR de la région Chaudière-Appalaches, un mandat qui est l'image des aspirations de cette région-là... Parce que le monde municipal – et ce n'est pas à moi de faire ce débat-là, mais je prends une minute pour le faire, parce que vous êtes beaucoup mieux placés que moi pour le faire – a investi beaucoup d'argent dans le développement touristique, est devenu un partenaire très important du gouvernement du Québec ou des structures du gouvernement du Québec. Parce que, si vous avez vu développer des offices du tourisme locaux ou régionaux, c'est à partir des investissements municipaux.

Et, moi, je termine en disant: Je m'inquiète que la caisse s'en aille à l'ATR de notre région. Et vous avez des régions aussi différentes, parfois, diversifiées sur le plan touristique. Que ces gens-là soient obligés d'aller supplier leur part... Parce qu'on sait tous très bien que le conseil d'administration de l'ATR est représenté – ça peut varier, ce n'est pas ce que je conteste – par des gens... ça peut être des hôteliers, des restaurateurs du monde socioéconomique et autres. Et la facilité de s'assurer qu'il y ait équité pour chacune des régions n'est pas nécessairement évidente pour ces gens-là, d'une part. Parce que, je reviens, à une saison donnée, ça peut arriver que ça soit la Côte-du-Sud qui ait avantage à influencer l'ATR de notre région. À un autre moment donné, si vous défendez la saison des sucres, c'est la Beauce, et tout le monde va le reconnaître.

Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je veux juste décrire à mes collègues comment certaines régions du Québec sont assez différentes d'autres au niveau de la structure ATR et des structures municipales ou régionales. Parce que la région Chaudière-Appalaches, ça représente 10 MRC. Mon collègue parlait de cinq MRC, et je conçois que ça doit être beaucoup plus facile, cinq MRC, avec un bureau régional touristique, sur une région qui est assez, je pense, concentrée.

Mme Simard (Jacinthe B.): Alors, vous avez décrit dans d'autres mots l'essence de notre mémoire. Parce que c'est ce que l'on voit, soit une ou des MRC, dépendamment des besoins, et, par la suite, s'il y a vraiment un besoin particulier pour que ça aille à l'échelle de la région administrative pour vendre un nom, à ce moment-là, je pense qu'il faut que ça se fasse au niveau de l'échelle administrative. Mais, si on veut performer, il faut vraiment ramener à une ou des MRC et que ces gens-là soient intéressés par la suite d'y injecter de l'argent, parce que ce sera le nom de leur région avec leurs besoins qui seront vendus.

M. Gauvin: M. le Président, juste une courte question qui va plutôt s'adresser à la ministre – je sais qu'elle va conclure tantôt – tout simplement pour voir comment on pourrait vivre ça. En supposant, Mme la ministre, que la région, comme celle que je... Je vous parle de celle-là parce que je la connais mieux que d'autres. On pourrait, si vous me donniez de la documentation, parler d'autres. En supposant que dans la région de la Côte-du-Sud, qui peut regrouper quatre ou cinq MRC à l'intérieur de l'ATR, il n'y ait pas consensus pour adhérer au projet que la loi permet – aller chercher le 2 $ pour développer notre région – est-ce qu'il y a moyen qu'une sous-région d'une région puisse y adhérer? Là on commence peut-être à compliquer les situations. Mais est-ce que ma région va être – j'emploie ce mot-là – pénalisée parce que l'ensemble de la région Chaudière-Appalaches ne veut pas y adhérer? Parce qu'il ne faut pas se le cacher – ce qu'un aubergiste de ma région me disait – quand nous allons faire, dorénavant, si on y adhère, la facture, la chambre, 70 $ plus le 2 $ qui est transféré à la région, nous allons avoir l'air d'une sous-région qui y a adhéré pour se développer davantage, d'autres vont percevoir ça comme une région un peu plus mesquine que d'autres, qui a sauté sur la possibilité d'aller chercher un mode de financement, une nouvelle taxe au détriment ou à l'avantage d'une autre sous-région de notre région. Je sais que vous allez être en mesure de nous expliquer comment vous voyez une situation comme celle-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): C'est une bonne question, M. le député. Je suis sûr que la ministre va s'y adresser dans quelques minutes.

Alors, ceci termine nos consultations. Vous étiez le dernier groupe. On vous remercie de vous être déplacés ce matin devant la commission. Et maintenant j'inviterais les porte-parole gouvernementaux et de l'opposition à nous adresser leurs remarques finales.

Mme Simard (Jacinthe B.): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, madame.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 12 h 49)

Le Président (M. Beaulne): Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue le député de Papineau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de tourisme, pour ses remarques finales sur ces consultations.


Remarques finales


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier les groupes qui ont accepté l'invitation de la commission au cours de ces deux jours. Comme je l'ai mentionné moi-même à la ministre au début de nos travaux, la presque totalité des intervenants lui ont demandé de ne pas agir trop rapidement. Comme nous, ils estiment qu'il est nécessaire, avant de mettre en place un fonds de partenariat touristique, d'adopter un nouveau règlement sur les établissements touristiques – une chambre et plus – et de discuter des modalités de ce fonds au forum de l'industrie touristique annoncé pour février prochain.

Comme l'ont dit plusieurs intervenants, trop de questions demeurent sans réponse sur les modalités et les orientations de ce fonds. C'est pour cette raison que je demande à la ministre de prendre le temps d'analyser attentivement toutes les représentations qui lui ont été faites, de laisser aux intervenants le temps de consulter leurs membres et enfin de susciter une discussion large et publique sur l'opportunité de créer un pareil fonds en février prochain avec l'ensemble de l'industrie québécoise. Merci, M. le Président.

(12 h 50)

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais remercier tous ceux qui ont fait des présentations. Et, à la lumière des commentaires qu'ils ont émis durant cette consultation, je pense qu'il y a un certain nombre de constatations que j'aimerais faire.

Il semble très clair que la recherche de nouvelles sources de financement est importante si on veut consolider le financement de l'industrie. Donc, il est incontournable d'aller chercher de nouvelles sources de financement; et, à cet égard, la contribution sur l'hébergement, c'est une formule qui a fait ses preuves chez nos concurrents et que, dans l'ensemble, les organismes qui ont présenté des réflexions reconnaissent comme une voie possible.

D'autre part, en offrant cette mesure à toutes les régions du Québec et non seulement à Montréal, le gouvernement a indiqué et confirme que nous nous préoccupons du développement de toutes les régions du Québec, tout en respectant leur rythme de développement. La mesure, je le rappelle, elle est facultative pour chacune des régions touristiques, qui devront établir les consensus nécessaires pour son implantation.

Un mot, bien sûr, surtout après ce que nous avons entendu ce matin, sur le choix des associations touristiques régionales comme intervenants et comme interlocuteurs privilégiés pour Tourisme Québec. Il est important de rappeler que les associations touristiques régionales remontent à 1978, à peu près, je pense, au même moment que les MRC, d'ailleurs, et aujourd'hui on en compte 18, qui sont très actives dans le développement et dans la mise en marché touristique du Québec. Il y a 15 associations touristiques régionales et trois offices des congrès et du tourisme, à Québec, à Montréal et à Laval.

Aujourd'hui, ces associations-là regroupent plus de 5 000 membres du secteur privé qui sont répartis dans toutes les régions du Québec, et la majorité des offices municipaux sont aussi membres. Hier, on a parlé de l'hébergement comme pourcentage des membres des ATR. Les données que nous avons obtenues ce matin nous indiquent que, si on exclut Montréal et Laval parce qu'elles sont déjà engagées, elles ont fait l'unanimité, c'est à peu près 42 % des membres des ATR qui sont du secteur de l'hébergement. Donc, c'est un pourcentage important. Ils ont une voix importante au sein des conseils d'administration des ATR, c'est un interlocuteur important dans les ATR.

Une autre précision sur les ATR: le budget global d'opération de ces organismes à but non lucratif, c'est 25 000 000 $, sans compter le 7 000 000 $ que le gouvernement leur accorde en appariement des efforts de promotion et de publicité qu'ils font. Ces organismes sont donc des associés, pour ne pas dire des partenaires de Tourisme Québec, et ils le sont à l'intérieur d'un protocole d'entente qui leur

confère un statut d'interlocuteurs privilégiés quant à l'établissement des priorités régionales, quant à l'orientation et aux politiques de promotion et de développement touristique dans leur région, tout en étant responsables de la concertation dans leur milieu. Et je pense que le critique de l'opposition va être d'accord avec moi, quand on fait de la vente dans le secteur du tourisme, c'est une destination que l'on vend, qui est située sur un continent donné, avec une personnalité touristique particulière. Alors, il faut bien tenir compte de ces caractéristiques quand on veut faire de la promotion efficace, surtout en concurrence sur le marché international.

Donc, on a entendu aussi que la concertation était une voie importante, et je vous dirais qu'elle est même obligée. Et le fonds, par son caractère facultatif, notre projet constitue une incitation très importante à la concertation régionale. Alors, si l'industrie touristique québécoise veut être une force de frappe significative sur les marchés internationaux, si elle veut consolider sa maturité, la concertation, c'est une voie obligée. Et le président des Associations touristiques régionales associées du Québec, Jean Thiffault, a même souligné que le projet ne se ferait pas contre la volonté des hôteliers mais en concertation avec eux. Et les pourcentages que je vous ai donnés tout à l'heure, 40 % des membres sont des hôteliers, c'est clair que ce sera fait avec eux.

Quant au forum de l'industrie touristique qui se tiendra dans les prochains mois, je pense qu'il permettra à tous les partenaires de l'industrie d'échanger sur les priorités d'action qui encadreront l'utilisation de ce fonds. Par contre, pourquoi y a-t-il importance de passer ce projet de loi à cette étape-ci? C'est qu'en passant le projet de loi, il franchira les étapes normales d'un projet de loi, ce qui nous permettra d'envisager dès la saison estivale prochaine des applications dont nous déciderons des priorités lors du forum. Mais le processus de concertation, d'engagement sera déjà amorcé.

Le projet de loi n° 76, c'est une étape capitale à ce chapitre à ce moment-ci. Il permet de garantir que les fonds recueillis grâce à la contribution sur l'hébergement et à l'abolition de la détaxation des forfaits seront vraiment affectés à la promotion et au développement du tourisme dans une perspective de régionalisation de la promotion touristique. Ce n'est pas là une orientation administrative de Tourisme Québec, c'est un engagement que le gouvernement prend en proposant l'adoption de ce projet de loi, et c'est aussi un engagement cohérent avec la vision de régionalisation du gouvernement.

Alors, je remercie tous ceux qui ont apporté, de leurs questions, de leurs efforts, de leurs rédactions, de leurs mémoires, un éclairage additionnel à nos discussions que nous allons poursuivre au printemps prochain et qui vont nous permettre, à l'été, je l'espère, et à l'automne prochain, une plus grande affluence touristique internationale dans toutes les régions du Québec.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la ministre. Alors permettez-moi à mon tour, comme président de la commission, de remercier les groupes qui se sont présentés devant nous et de souligner, pour les fins de la transcription, l'excellent esprit de collaboration dans lequel se sont déroulées ces consultations, et de souligner également la qualité des interventions et des questions tant de la part des collègues de l'opposition que des collègues du côté ministériel.

La commission ayant terminé son mandat de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 76, j'ajourne nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 9)


Consultations particulières sur le projet de loi n° 50

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Je rappelle aux collègues du parti ministériel et de l'opposition ainsi qu'aux visiteurs que le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie.

Avant de débuter nos travaux, je demanderais à notre secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Gatineau) remplace Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).

(15 h 10)

Le Président (M. Beaulne): Merci. Avant de procéder à l'audition des groupes, je demanderais aux deux porte-parole officiels... d'abord au ministre d'État aux Ressources naturelles de nous livrer ses remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Il y a neuf mois presque jour pour jour, à l'intérieur de ces mêmes murs, dans le même local, pratiquement assis sur les mêmes chaises, on demandait à Hydro-Québec de couper dans le gras, de diminuer le nombre de V.P., de réduire ses dépenses de près de 200 000 000 $, d'atteindre des bénéfices nets de l'ordre de 516 000 000 $, de changer la culture de gestion à l'intérieur de l'entreprise, d'arrêter les folies – c'est l'expression même qu'on utilisait – de ne pas couper uniquement dans les régions, etc. Neuf mois plus tard, je suis particulièrement fier des résultats, M. le Président, puisqu'il y a une nouvelle direction, un nouveau P.D.G. – un nouveau président – il y a une réduction du nombre de vice-présidents – il a fondu comme neige au soleil, 35 contre huit – il y a eu les atteintes des objectifs de réduction budgétaire, la signature d'un nouveau contrat collectif qui, soit dit en passant, a été adopté par trois des syndicats majeurs – donc, je tiens à féliciter les deux parties, M. le Président – la mise en place de nouveaux programmes en efficacité énergétique – l'enveloppe thermique qui a été annoncée au cours du Sommet, programme qui pourra atteindre 400 000 000 $, au niveau de l'enveloppe thermique – il y a eu une stratégie de mise en marché des produits de l'IREQ en voie d'amélioration par la filiale de HQI, qui est en voie de se mettre sur pied de façon concrète, et également il y a eu un 500 MW d'annoncé qui sera disponible pour la transformation secondaire, pour des tarifs particuliers, en toute transparence, sans contrat secret, mais qui pourra permettre à de l'industrie de pouvoir s'implanter au Québec et de créer des emplois, et ce, encore dans le cadre du Sommet sur l'économie et l'emploi.

Comme vous pouvez le constater, donc, après neuf mois, on a accouché de quelque chose, c'est le cas de le dire. Et, comme vous le savez tous, il y a quelques jours, je rendais publique également la nouvelle politique énergétique du Québec. Dans l'ensemble, celle-ci a été bien accueillie tant par la population du Québec que par les différents acteurs du secteur énergétique. Il est important de se rappeler que nous avons préparé cette politique en donnant suite à de nombreuses recommandations du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie, ce qui constitue une première puisque jamais au Québec, jamais au Québec, une politique énergétique n'avait été élaborée à la suite d'un aussi large débat public. Et la pièce maîtresse du rapport de la Table et de la politique qui s'en est suivie, c'est la création d'une régie de l'énergie.

Vous n'êtes pas sans savoir que le secteur du gaz naturel est réglementé par la Régie du gaz naturel depuis 1988, mais qu'Hydro-Québec n'était pas assujettie à ce type de régie. Le gouvernement, qui agissait simultanément comme actionnaire principal et défenseur des intérêts des consommateurs lors de l'analyse des hausses tarifaires en commission parlementaire, se retrouvait dans une position un peu délicate, merci. Tous les parlementaires siégeant autour de cette table savent combien il était difficile, voire impossible, d'examiner en profondeur les demandes des hausses de tarifs et les activités de la société d'État dans le court laps de temps dont une commission parlementaire dispose. Quant aux pétrolières, elles n'étaient soumises à aucun mécanisme de réglementation, avec le résultat que certaines pratiques ont menacé ponctuellement l'existence même de la libre concurrence. Rappelons-nous la récente guerre des prix de l'essence. C'est donc par souci de transparence et d'équité à l'égard de chaque source d'énergie que la création d'une régie de l'énergie s'imposait. D'ailleurs, celle-ci a été réclamée par l'ensemble des participants au débat public sur l'énergie qui souhaitaient que tout le secteur énergétique soit soumis à un même mécanisme de réglementation transparent et équitable.

Le gouvernement propose d'accorder à la Régie des pouvoirs qui s'étendront à toutes les formes d'énergie avec l'objectif premier de favoriser la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable. La Régie de l'énergie sera un organisme juridiquement distinct du ministère des Ressources naturelles et son mandat sera, premièrement, de fixer ou modifier les tarifs d'électricité et du gaz naturel, approuver le plan de ressources des distributeurs, autoriser les projets des distributeurs et les exportations d'électricité, assurer une meilleure utilisation de l'énergie par une planification intégrant les préoccupations sociales, économiques et environnementales, surveiller et enquêter sur les prix de la vapeur et des produits pétroliers, fixer annuellement un montant par litre d'essence ou de carburant diesel au titre des coûts d'exploitation, examiner les plaintes des consommateurs de gaz naturel ou d'électricité sur l'application d'un tarif ou d'une condition de fourniture, donner un avis au ministre sur toute question énergétique et, entre autres, avis sur le phénomène de la déréglementation et également sur les moyens de libéraliser la production d'électricité.

La Régie de l'énergie interviendra avant tout dans les secteurs où il existe des monopoles, soit l'électricité et le gaz naturel. Comme les autres organismes de même type, la Régie sera dotée de responsabilités à l'égard des activités ayant un impact possible sur la tarification, soit sur la production, le transport, la distribution, la fourniture, y compris l'emmagasinage pour le gaz naturel. Dans un contexte de libéralisation des marchés, cela se traduit par l'utilisation des réseaux actuels de transport de l'énergie pour permettre aux producteurs d'électricité d'accéder aux marchés externes. Cela suppose aussi que les lignes de transport cessent d'être des voies réservées pour devenir de réelles autoroutes de transport.

Les décisions de la Régie en matière de tarifs sont finales et sans appel. Elles ne pourront être renversées par le Conseil des ministres et ne seront pas soumises aux impondérables politiques du moment. De la même façon, les contrats spéciaux seront sous la juridiction de la Régie de l'énergie, sauf si le gouvernement utilise son pouvoir de retirer, en vertu de certaines modalités, ces contrats spéciaux définis dans la loi dans le but de fixer des tarifs qui pourraient avoir un impact sur le développement économique du Québec. Mais ce processus s'effectuera également dans la plus grande transparence.

La Régie exercera des pouvoirs de surveillance des produits pétroliers actuellement assumés par le ministère des Ressources naturelles. Ses responsabilités seront étendues à l'ensemble des produits pétroliers. Le gouvernement souhaite que la Régie puisse donner un avis consultatif sur les prix de ces produits énergétiques. La tenue d'audiences publiques constituera l'un des moyens d'éviter les dysfonctionnements tel que celui connu dernièrement dans le domaine de l'essence.

Lors d'un litige, il appartiendra à la Régie, dans le cas de l'essence, de déterminer le montant fixé au titre des coûts d'exploitation, pour le calcul des coûts que doit supporter un détaillant.

Par la création de la Régie de l'énergie, nous vivons la réalisation d'un autre objectif essentiel de la politique énergétique. Nous voulons nous assurer que les possibilités de mieux utiliser l'énergie soient systématiquement exploitées et que la réalisation d'économie d'énergie soit considérée comme prioritaire.

C'est la raison pour laquelle nous demandons à Hydro-Québec et aux distributeurs gaziers de présenter un plan de ressources devant la Régie. Il s'agit pour eux de déterminer les moyens qu'ils comptent utiliser pour répondre à la demande anticipée. L'application de ces plans, ces plans de ressources, dis-je, ayant un impact sur les tarifs, il faut donc que cette application soit établie selon une approche correspondant à la planification intégrée des ressources et que la Régie les approuve, c'est-à-dire que l'on tiendra compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux ainsi que des risques découlant des choix énergétiques. Cela signifie aussi que la Régie s'assurera que les économies d'énergie rentables soient incluses dans le plan de ressources de l'entreprise.

J'ai mentionné que la Régie de l'énergie disposera d'un pouvoir général d'enquête et d'analyse. Ainsi, à la demande du gouvernement ou de son propre chef, l'organisme, c'est-à-dire la Régie, pourra examiner une question et soumettre ses recommandations à l'attention du gouvernement. Tout sujet intéressant le secteur de l'énergie peut être considéré. Par exemple, les enjeux de l'ouverture des marchés du secteur de l'électricité, la prévision de la demande énergétique, l'évolution de la réglementation en Amérique du Nord, voilà autant d'exemples dont pourra s'occuper la Régie.

La Régie de l'énergie donnera au gouvernement son avis sur les modalités de déréglementer la production d'électricité. Elle pourra aussi être chargée d'analyser la restructuration des marchés intérieurs de l'électricité dans le contexte de l'ouverture prochaine du réseau de transport d'Hydro-Québec au transit de l'électricité. En d'autres mots, la Régie sera l'organisme de consultation par excellence en matière énergétique.

Les Québécois et les Québécoises qui le souhaitent pourront se faire entendre également sur le développement et l'évolution du secteur énergétique. Ayant le pouvoir de tenir des audiences publiques sur toute question relevant de sa compétence, la Régie veillera à ce que les choix énergétiques se fassent en toute transparence et en connaissance de cause.

(15 h 20)

Il est également essentiel que le consommateur bénéficie d'un traitement équitable. Aussi, l'organisme sera habilité à intervenir pour traiter les plaintes des consommateurs. Suite au premier traitement d'une plainte par le distributeur, le consommateur insatisfait pourra en saisir la Régie. L'organisme se prononcera par ordonnance à laquelle le distributeur devra se conformer, puisque aucun autre mécanisme d'appel n'est prévu. La Régie de l'énergie traduira de manière concrète et cohérente les actions à entreprendre afin de placer l'énergie au service des Québécois et des Québécoises, de construire un développement durable qui soit respectueux des générations à venir, tout en tirant pleinement partie des changements que nous vivons.

La création de la Régie de l'énergie constitue l'aboutissement de l'un des plus vastes débats d'idées qu'ait connu le secteur énergétique québécois, débats auxquels ont participé tous les courants de la société. À l'aube du prochain millénaire, cette Régie permettra au Québec d'assurer son avenir en lui permettant d'utiliser pleinement les possibilités qui lui sont offertes.

Quant à la tenue de cette commission parlementaire, elle s'inscrit dans le cadre de la démarche d'ouverture et de transparence initiée en février 1996. Nous voulons nous assurer que ce projet de loi réponde bien aux attentes des organismes les plus concernés par la question de l'énergie. Nous avons donc invité leurs représentants à venir nous rencontrer pour nous faire part de leurs commentaires. Et, en terminant, je les remercie à l'avance de bien vouloir apporter leur contribution aux travaux de cette commission. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à notre collègue le député de Saint-Laurent et porte-parole officiel de l'opposition.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Effectivement, il y a presque neuf mois, exactement les 27 et 28, en fin de février 1996, on était aux mêmes endroits, presque les mêmes partenaires de chaque côté, et je me souviens que les médias avaient rapporté qu'il existait à cette commission une rare unanimité sur les correctifs à apporter à Hydro-Québec. Nous avions décidé de mettre de côté la partisanerie, qui est la raison même de nos existences, de nos formations respectives, pour indiquer de façon on ne peut plus claire à la direction d'Hydro-Québec le souhait que, comme législateurs, comme membres de l'Assemblée nationale... quelle sorte d'orientation nous souhaitions qu'Hydro-Québec, entre autres, prenne comme directive.

Les changements ont été exécutés: un président à plein temps a été nommé, il y a eu une réduction de vice-présidents et, le ministre l'a signalé également, des propositions de conventions collectives, ils se sont mis ensemble. Les indications étaient venues en partie, lors de ces travaux-là, à l'effet que nous souhaitions, comme législateurs, qu'ils saisissent le message pour se donner un cadre qui permettrait d'atteindre les objectifs que nous souhaitions qu'ils atteignent. Certains groupes ont à date entériné l'offre et, apparemment, les autres s'apprêteraient à faire de même. Donc, il semble que, dans cet aspect-là du dossier des relations, on ne peut que se féliciter du travail que, comme commission, ensemble, on a fait et que les messages ont été bien reçus.

Mes remarques seront brèves, parce que, évidemment, le but de l'exercice des jours qui viennent, c'est d'entendre les groupes et qu'ils nous donnent leur vision des importants enjeux qui sont présentés dans le projet de loi n° 50. Il est important de remercier les groupes. Certains ont fait valoir ce matin par l'entremise des médias qu'ils auraient souhaité avoir plus de temps, un avis plus long pour mieux se préparer. Certains indiquent même que le ministre tente de faire ça rapidement. Son orientation à lui, il l'a déjà exprimée, ça fait suite à une table de consultation qui a duré 18 mois. Donc, certains auraient pu prétendre qu'à cause de la Table de consultation qui a duré 18 mois et à laquelle énormément de partenaires qu'on va réentendre dans les jours qui viennent... certains prétendent même que l'exercice que nous allons faire n'est pas nécessaire ou ne serait pas nécessaire. Mais, par contre, depuis que le projet de loi est devant nous, est connu, et depuis la politique de l'énergie, de plus en plus nous prenons connaissance de groupes qui feront connaître leurs réactions à ce projet de loi.

Les commentaires que nous avons retenus, et il est normal que nous le fassions dans nos responsabilités respectives, c'est que certains des partenaires qui ont collaboré, en temps et en efforts, à la Table de consultation soutiennent ne pas retrouver des aspects des consensus qui ont été faits à la Table. Ils disent que certains des aspects qu'ils ont établis, certains des consensus qui ont été établis à la Table ne se retrouvent pas dans le projet de loi, et certains ont exprimé de vives inquiétudes, des mots comme... et on n'a qu'à prendre la lecture du cahier de presse, des mots sont utilisés, comme «déception», comme «trahison», dans certains cas, «réaction mitigée». Parce que certains se sentent déçus, certains étaient... Bien sûr, le voeu était la création d'une régie de l'énergie, mais à l'intérieur de laquelle ils s'étaient donné la peine de concentrer sur tous les modes de fonctionnement, sur la vision, les pouvoirs, les orientations, et ils prétendent ne pas retrouver toutes ces préoccupations-là qui ont fait l'objet des travaux précédemment décrits. Alors, devant ces protestations, bien sûr, l'opposition officielle, on va profiter de cette maintenant nécessaire consultation pour écouter avec attention les différents points de vue relativement à cette pièce législative.

Je l'ai dit tantôt, depuis sa présentation à l'Assemblée nationale, le projet de loi soulève, sur certains aspects, des vives inquiétudes. Certains ont décrit la façon de procéder comme une précipitation du gouvernement au chapitre, entre autres, de la déréglementation et les recours accrus à la production privée sont sources de questionnement. De plus, il y a des mesures contenues dans le projet de loi qui, selon certains, auront pour effet de mettre en péril la planification du développement de l'énergie sur le territoire et d'exercer une pression à la baisse sur les prix par les futurs clients industriels américains, ce qui aurait comme résultat, certains soutiennent... ce qui inciteraient Hydro-Québec à se rattraper par des hausses de tarifs sur les citoyens, la clientèle résidentielle, sur une clientèle plus captive, sur vous, sur moi, sur nous, les citoyens et citoyennes du Québec. S'il s'avérait que le résultat de la mise sur pied de la Régie pouvait avoir de telles conséquences, il est important de les soulever maintenant et qu'ensemble, comme parlementaires, nous prenions les mesures nécessaires pour nous assurer que les gens qui nous ont donné comme mandat de faire ces travaux retrouvent ce souci, cette préoccupation de leurs représentants à l'Assemblée nationale.

Donc, au tout début, je demande au ministre – au début de ces travaux – d'être vraiment, comme celui qui vous parle, attentif, d'écouter une fois de plus. Puis je sais que, des fois, surtout quand on a des responsabilités comme les siennes, on a un horaire chargé, on est bousculé, mais il est important de bien écouter ces gens-là. C'est pour la première fois qu'on décide de faire ça, et le point de vue des intervenants du milieu énergétique... Mais, maintenant, il faut retenir ce qu'ils ont à dire et non tenter d'en faire abstraction.

Cette pièce législative propose la mise en place d'une régie qui sera appelée à jouer un rôle déterminant. Je vois le ministre qui sourit. Ça m'indique qu'il est bien disposé à...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: ...souscrire à ces remarques.

M. Chevrette: Je «peux-tu» vous rassurer tout de suite?

M. Cherry: ...

M. Chevrette: Avec le bilan que j'ai fait des neuf mois, les neuf autres sont de bon augure.

M. Gauvin: On va les vivre un par un, là.

M. Cherry: Oui.

Une voix: C'est long, une grossesse.

M. Cherry: Bien sûr...

Des voix: ...

(15 h 30)

M. Cherry: Et je le dis au début, il n'est pas question pour nous de remettre en cause le bien-fondé de la création de cette nouvelle structure, mais de bien nous assurer de surveiller la manière dont elle agira. Je pense que c'est ça, le but. Une fois qu'on aura entendu les gens, on verra, suite aux suggestions qui nous seront faites, et ensuite, bon, on travaillera article par article pour bonifier le projet.

Donc, l'expertise des intervenants du milieu énergétique, ça fait notre fierté au Québec. Et comme on a développé quelque chose qui est un peu unique, qui déborde, et ça, de façon... avec beaucoup de fierté, les frontières du Québec, du pays, c'est reconnu, il est important de bien nous situer là-dedans. Donc, l'expertise de ces gens-là, ce qu'ils vont venir nous dire, c'est important que ça soit pris en considération. Il y va, il me semble, du meilleur intérêt de l'ensemble de la population québécoise.

Donc, avec ces mots, M. le Président, ça termine mes remarques préliminaires, et je serais disposé maintenant à entendre le premier groupe.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Alors, les remarques préliminaires étant terminées, j'invite maintenant les représentants d'Hydro-Québec à prendre place à la table de la commission.

Alors, M. Caillé, la commission de l'économie et du travail vous souhaite la bienvenue à ses auditions particulières. Je vous rappelle que vous avez un temps de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, chacune des formations représentées autour de la table... l'opposition et l'équipe ministérielle disposeront de 15 minutes chacune pour vous interroger et échanger sur votre présentation. Et je demanderais également, pour les fins de la transcription, que vous puissiez vous identifier lorsque vous prendrez la parole.


Auditions


Hydro-Québec (HQ)

M. Caillé (André): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, c'est avec beaucoup de fierté que je me présente devant vous pour la première fois à titre de président d'Hydro-Québec. M. Filion, qui m'accompagne, est un Hydro-Québécois de longue date, il est devenu directeur général adjoint le 7 novembre dernier.

Je remercie le ministre et le porte-parole de l'opposition officielle pour leurs bonnes paroles au tout début. J'espère que je continuerai à faire l'unanimité encore longtemps, l'unanimité parmi vous. Je vous remercie beaucoup, et à l'avance, également pour le bon accueil ou l'accueil que vous ferez à nos commentaires.

La mise en place d'une régie de l'énergie, ça marque un tournant bien important, selon nous, à Hydro-Québec, dans le domaine de l'énergie. Elle va contribuer, je n'en ai pas de doute, à modifier les pratiques courantes et à nous amener à une réglementation économique, le tout dans un contexte de développement durable de même que dans un contexte de recherche de plus d'efficacité énergétique. Par cette loi, le gouvernement s'assure que, premièrement, le prix de l'électricité, comme le prix des autres sources d'énergie, ça va être établi avec toute la rigueur et toute la transparence qui sont requises, et, deuxièmement, on s'assure, je crois, que tous les acteurs vont être traités avec équité. Quand je parle de tous les acteurs, je parle de tous les fournisseurs d'énergie, de même que des clients, bien entendu.

Hydro-Québec souscrit à tous les principes qui sous-tendent le projet de loi et souhaite que la future Régie de l'énergie soit établie le plus rapidement possible. À cet égard, je m'en voudrais de ne pas souligner ici tous les travaux et tous les efforts qui vont être requis pour mettre en place une telle régie de l'énergie. Ce ne sera pas, je pense, chose facile, et je pense qu'on ne doit pas négliger de mettre tous les efforts, d'accorder à cette régie toutes les ressources qui vont lui être requises pour mener à bien son mandat.

Le projet de loi doit tenir compte du nouveau contexte nord-américain. Comme le transport aérien et comme le domaine des télécommunications sont devenus des domaines déréglementés, maintenant c'est au tour du domaine de l'énergie d'être déréglementé et de subir une restructuration majeure. C'est un défi. C'est un défi pour Hydro-Québec. C'est un défi également pour toutes les entreprises dans le domaine de l'énergie qui oeuvrent ici, au Québec. Et, quant à nous, on a l'intention de se hisser au premier rang des entreprises sur notre continent.

Pour ce faire, Hydro va devoir s'adapter à accroître sa capacité et sa rapidité d'intervention. D'ici peu, l'environnement énergétique va être complètement différent. L'ouverture des marchés de gros et la déréglementation en cours aux États-Unis en témoignent déjà largement. Mais plus que tout, ça va être l'accès au marché de détail, l'accès direct aux consommateurs qui va modifier nos façons de faire. Et Hydro-Québec entend profiter de ces mutations, de ces changements pour poursuivre son développement dans le marché à l'échelle de l'Amérique du Nord. Pour nous, ce n'est plus seulement le marché du Québec qui nous concerne, c'est le marché de l'ensemble de l'Amérique. À court terme, l'ouverture du réseau de transport est l'un des aspects qui va être le plus remarqué, qui va être le plus notable.

Cette ouverture à des fournisseurs hors du Québec va marquer le début, le signal de départ d'une nouvelle ère. Dorénavant, un fournisseur hors Québec, il va pouvoir emprunter notre réseau de transmission pour acheminer de l'énergie à ses clients situés ailleurs; ailleurs aux États-Unis ou encore ailleurs au Canada. Hydro-Québec va pouvoir faire de même sur le réseau de ses fournisseurs, ses fournisseurs qui sont actuellement actifs ailleurs que chez nous, au Québec. On va avoir accès, donc, à leur réseau pour acheminer à notre tour de l'énergie du Québec à nos clients, à des clientèles qu'on va développer, nous, ailleurs aux États-Unis comme ailleurs au Canada. Ce principe de réciprocité est fondamental. De fait, c'est la clé de la déréglementation. Il faut bien se dire que nul ne pourra se soustraire à ce principe-là. Il est forcément requis par nous comme par nos voisins. La FERC aux États-Unis, par exemple, va rendre cette réciprocité exigible. Ceux qui ne la donneront pas, ne l'accorderont pas, ils n'auront plus accès au marché américain.

Le projet de loi doit faire une distinction nette entre le transport et la distribution. Compte tenu de l'ouverture des réseaux, le projet de loi, selon nous, ne distingue pas avec toute la clarté qui est souhaitable entre le transport et la distribution. Cela est d'autant plus souhaitable que ce sont là deux activités distinctes pour lesquelles une entreprise intégrée comme Hydro-Québec doit isoler ses coûts et tout ce qui s'y rattache. Notre mémoire propose des modifications de manière à refléter les caractéristiques propres à ces deux activités.

Le gouvernement a bien fait, le gouvernement, je devrais dire, a très bien fait de ne pas réglementer la production. En parallèle avec la restructuration de l'industrie, on assiste à une redéfinition de la nature et de la portée de la réglementation. C'est ainsi que la segmentation des activités des entreprises intégrées a pour résultat de maintenir, premièrement, un encadrement réglementaire des monopoles naturels que sont le transport et la distribution, alors que l'activité de production devient non réglementée lorsque ce n'est pas déjà le cas. En cette matière, nous invitons le gouvernement à procéder avec diligence, et ce, pour une raison bien simple et bien évidente, elle est la suivante: pendant que nous en discutons, nos concurrents ont beau jeu d'accroître leur part de marché en utilisant une souplesse que nous ne nous sommes pas encore accordée.

Cela dit, pour assurer la protection des consommateurs et la bonne conduite d'un processus de planification intégrée des ressources, Hydro-Québec supporte l'approche de soumettre à la Régie annuellement, premièrement, le plan des ressources du distributeur, d'Hydro-Québec distribution, et, deuxièmement, les tarifs de fourniture d'Hydro-Québec, lesquels vont inclure les conditions d'approvisionnement en énergie de même que les conditions et tarifs de transport et de distribution, des tarifs qui vont être – je parle du tarif de fourniture – uniformes et disponibles à travers tout le territoire du Québec.

(15 h 40)

Hydro-Québec, M. le Président, ne craint pas du tout la concurrence des projets privés de 50 MW ou encore des projets de cogénération. D'abord, il faut relativiser les choses. Il s'agit bien ici de projets de 50 MW, alors que la puissance installée d'Hydro-Québec est de 35 000 MW. Deuxièmement, il n'y a rien qui interdit dans la loi à Hydro-Québec de développer des partenariats pour réaliser de tels projets, des partenariats avec des entreprises privées ou encore des partenariats avec des communautés locales, comme on l'a fait tout récemment, je pense, il y a deux semaines, avec Hydro-Ilnu au Lac-Saint-Jean. Troisièmement, le projet de loi – chose très importante – ne crée pas d'obligation pour Hydro-Québec quant à l'achat de l'énergie produite. Hydro-Québec n'a donc pas à craindre d'avoir à acheter de l'énergie à un prix supérieur à ce que le marché pourrait supporter.

Hydro-Québec, M. le Président, ne craint pas non plus l'arrivée de producteurs étrangers sur le marché québécois. Ceux qui doivent s'inquiéter, dans un contexte de déréglementation, ce sont ceux dont les coûts sont élevés. Ceux qui sont avantagés, ce sont ceux dont les coûts de production sont bas, et c'est à cette deuxième catégorie, c'est nettement à cette deuxième catégorie qu'appartient Hydro-Québec. La déréglementation, ce n'est pas un risque pour nous, c'est un tremplin. Et, encore une fois, au moment où nous souhaitons accroître notre part du marché américain, un marché – je vous le rappelle – de quelque 200 000 000 000 $ annuellement, il est souhaitable que notre entreprise puisse lutter à armes égales avec ses concurrents. Pour toutes ces raisons, il nous apparaît logique que la production au Québec ne soit pas réglementée.

En terminant, M. le Président, j'aimerais souligner encore une fois que l'énergie, c'est un métier québécois et que tout doit être fait, tout doit être mis en oeuvre pour préserver, voire pour accroître notre avance. On pourra faire beaucoup si on atteint à temps la bonne vélocité. Et je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Caillé. Alors, je passerai maintenant la parole au ministre d'État aux Ressources naturelles pour échanger avec vous.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, dans un premier temps, je voudrais remercier les représentants d'Hydro pour leur présentation, et je dois convenir, je pense, avec tous les représentants de l'Assemblée nationale que vous n'avez pas trop peur de la déréglementation, à vous écouter parler, et que peut-être les parlementaires voudraient, eux, d'autre part, connaître en tout cas les recommandations que pourrait faire une éventuelle régie dans les six mois, si ma mémoire est fidèle, un délai que l'on fixe. Est-ce que vous trouvez ce délai-là trop long? Première question.

M. Caillé (André): A priori, M. le ministre, je trouve toujours les délais longs. Alors, six mois, effectivement, il me semble que ça pourrait être écourté, surtout si on s'inspire de la façon dont on a déréglementé l'industrie du gaz naturel, justement par la façon... très exactement de la façon que nous proposons ici, à savoir l'établissement d'un tarif de fourniture qui vient garantir, encore une fois, à tous les consommateurs, ce qui est important, parce qu'une régie, c'est là pour protéger les clients et s'assurer en même temps que l'investisseur fasse un rendement raisonnable, mais également pour protéger l'ensemble de la clientèle... Alors, à travers le tarif de fourniture, la Régie va pouvoir s'acquitter de cette responsabilité-là parce que, le tarif de fourniture, il va comprendre les conditions d'approvisionnement en plus, bien sûr, du tarif de transport puis de distribution. Alors, pour conclure ma réponse, si on adopte la même attitude qu'on a adoptée pour le gaz naturel, on pourrait probablement faire encore plus rapidement.

Je peux juste ajouter qu'actuellement dans le marché américain il y a des entreprises qui sont actives, actuellement, aujourd'hui même, puis, pendant qu'elles agissent, eh bien, nous, on n'est pas encore prêts à passer à l'action.

M. Chevrette: Que répondez-vous à certains groupes écologiques qui disent que ce que désire Hydro-Québec risque de mettre en péril toute la dimension écologique du système qui visait, par exemple, par la réglementation, à assujettir à des règles strictes, à des normes plus sévères? Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Caillé (André): Deux choses essentiellement. Premièrement, la loi de l'environnement continue à s'appliquer intégralement. Deuxièmement, en ce qui concerne la préoccupation... concernant la recherche de l'efficacité énergétique, quand on dit qu'Hydro-Québec est prête à soumettre à la Régie le plan d'approvisionnement, le plan des ressources pour Hydro-Québec, distribution au Québec, bien, à travers ça, on va pouvoir faire très exactement ce qui avait été anticipé, à savoir faire une planification intégrée, etc. Je ne vois pas ce que ça vient changer réellement.

M. Chevrette: Vous semblez maintenant déterminé, comme je n'ai jamais entendu de la part d'Hydro-Québec à venir jusqu'à ce jour, sauf dans des rencontres particulières, statutaires, vous semblez déterminé à faire face à la déréglementation de façon très agressive, dans le bon terme du mot, sur les marchés externes. Est-ce à dire que vous iriez jusqu'à vous porter acquéreur, par exemple, en territoire américain de certaines entreprises pour pouvoir mieux concurrencer sur place même?

M. Caillé (André): Premièrement, pour exporter, on doit évidemment transporter l'électricité. Pour ce qui est du réseau de transmission québécois sur notre territoire, depuis les régions de production jusqu'à la frontière Canada ou Québec–États-Unis ou Québec-Ontario, les capacités sont déjà là. Par ailleurs, si on regarde ce qui se passe juste de l'autre côté de la frontière, entre nous et l'Ontario et entre nous et les États de la Nouvelle-Angleterre, là il y aurait peut-être nécessité d'addition aux capacités de transport. Oui, on est intéressé à ce que ces capacités se développent et, si on est l'agent qui fait en sorte que ces capacités additionnelles deviennent nécessaires, on voudrait certainement en profiter également en tant qu'investisseur.

De la façon dont ça se fait en général, c'est par l'établissement de partenariats. Ce sera des partenariats entre Hydro-Québec et des entreprises qui évoluent en Nouvelle-Angleterre. Alors, ça, c'est possible, dans un premier temps, du point de vue transmission. Je n'exclus pas non plus – puis je pense qu'il ne faut pas l'exclure – des prises de participation dans des entreprises de distribution, parce que la deuxième phase inévitable de ce processus, c'est la déréglementation du marché au détail. Alors, on sait que, dans ce nouvel environnement, entre 30 % et 40 % du marché va demeurer alimenté par les entreprises... alimenté en énergie par les entreprises de distribution. Alors, une participation dans des entreprises de distribution peut nous amener du marché à Hydro-Québec, du marché de base. Alors, je n'exclus pas cette opportunité-là non plus. De la même façon, ça se fera en partenariat avec des entreprises voisines.

M. Chevrette: Vous avez affirmé très clairement que c'était heureux de déréglementer la production privée – vous avez dit «la production», j'ai supposé que vous vouliez dire la production privée – et qu'on leur offrira, à l'intérieur de cette nouvelle politique, avec l'aide de cette Régie, des tarifs de transit permettant de vendre leur électricité sur les marchés externes – sur les marchés externes, j'ai bien dit, aussi. Mais, d'autre part, croyez-vous que... Prenons un exemple. Qu'il y ait six, ou sept, ou huit projets de cogénération de 50 MW et plus – ça commence à faire un lot de mégawatts intéressant, 300, 400, supposons – et ils transitent sur les marchés américains par les lignes de transport d'Hydro-Québec, croyez-vous que les Américains vont endurer très longtemps de ne pas avoir la réciproque?

M. Caillé (André): Je m'excuse, je n'ai pas compris la dernière partie.

M. Chevrette: Croyez-vous que les Américains toléreraient très longtemps de voir des compagnies québécoises, pour le producteur privé, exporter leur électricité aux États-Unis puis les Américains ne pourraient avoir la réciproque sur le marché interne québécois?

M. Caillé (André): Ils ne le toléreront pas du tout, comme, nous, on ne le tolérerait pas, je suppose. On ne tolérerait pas que eux aient accès aujourd'hui à notre marché sans nous offrir la réciprocité. Vous nous voyez ici aujourd'hui, cet après-midi, en train de discuter si on doit ouvrir notre marché aux Américains, mais que... même si eux ne veulent pas ouvrir le leur? Je pense qu'on serait tous du même avis pour dire non, puis ça s'arrêterait rapidement là. Ils ne sont pas différents de nous; c'est la même logique. Alors, ça ne sera pas très longtemps, en effet. Il faut penser faire ça simultanément.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez fait une évaluation de la part du marché qui est vulnérable ou encore quels sont les secteurs les plus vulnérables qui pourraient permettre l'entrée de mégawatts américains, si vous me permettez l'expression?

(15 h 50)

M. Caillé (André): Oui. Alors, le risque pour Hydro-Québec, il est pratiquement inexistant, M. le ministre. La raison est fort simple. C'est que, pour pénétrer sur le marché québécois, il faudra concurrencer Hydro-Québec, parce que, dans mon modèle, dans ce que je vous propose, la production d'Hydro-Québec n'est pas réglementée non plus. Alors, ils seraient obligés de concurrencer avec Hydro-Québec. Or, je ne vois pas un cogénérateur établi aux États-Unis qui aurait à payer le prix pour le gaz naturel, pour l'investissement dans la cogénération, la transmission aux États-Unis, la transmission au Québec, la distribution au Québec, venir concurrencer avec ce qui se fait de moins cher en Amérique du Nord. Je veux dire, ce n'est pas demain la veille. Ça, ça n'arrivera pas. Mais ça n'arrivera pas non pas parce qu'on n'offre pas la réciprocité, ça n'arrivera pas parce que les conditions économiques, les possibilités pour eux n'existent pas, parce qu'on est moins cher. C'est pour ça qu'on dit qu'on n'a pas peur.

M. Chevrette: Moi, je vais m'arrêter là, parce que je trouve ça bon de vous le faire dire. Vous savez tout ce qu'on entend? Donc, venant de la bouche d'une personne qui a à la fois été dans une production déréglementée, arrivant dans une production réglementée mais en voie de déréglementation, c'est sans doute plus crédible que des personnes ici, autour de la table. Et je m'arrête pour laisser la place à mon collègue, pas Groulx, mais du comté de Groulx.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. Caillé, bienvenue. J'ai souvent l'occasion de rencontrer les parlementaires américains qui, effectivement, surtout dans le Nord-Est, mais pas uniquement dans le Nord-Est, ont eu à se poser sérieusement des questions sur la déréglementation. Le Rhode Island est déjà déréglementé. Le Vermont, ça s'en vient. Le Maine aussi, bon, etc. Tout s'en va vers la déréglementation. Et une des clés de la déréglementation, c'est évidemment le transport, vous l'avez très bien souligné tantôt. J'aimerais que vous précisiez. Quand vous dites que nos lignes de transmission ont la capacité pour assumer cette déréglementation, est-ce que vous voulez entendre par là qu'on peut ajouter encore beaucoup d'électricité sur nos lignes de transmission, et, si oui, combien, c'est quoi, notre potentiel de croissance vis-à-vis notre stock existant? Puis de là viendrait une deuxième question: Lorsqu'on aura atteint le max, qu'est-ce qui va arriver? À l'intérieur même du Québec – vous l'avez dit par rapport aux marchés étrangers – mais à l'intérieur, est-ce qu'à ce moment-là on irait vers des partnerships avec l'entreprise privée ou autre?

M. Caillé (André): Alors, premièrement, le système actuel, de transmission actuel, tant ici qu'aux États-Unis, a déjà permis à Hydro-Québec d'exporter beaucoup plus que ce qu'on va exporter cette année. J'ai demandé à mon collègue de préciser ces données-là à l'instant. Alors, déjà, on peut faire plus avec ce qui existe.

Deuxièmement, on pourra faire encore plus, mais, si on veut connaître une croissance au-delà du maximum qu'on a déjà atteint, là il est possible que ce soit nécessaire d'investir sur des réseaux de transmission aux États-Unis. Dans ce cas-là, oui, nous le ferions et très probablement en partenariat avec d'autres, parce que, encore une fois, le fait qu'on exporte plus crée une opportunité d'affaire. Aussi bien que cette affaire, on y soit participant pour pouvoir en profiter.

Ce sera tous des projets, bien entendu, rentables, qui procureraient aux investisseurs un rendement juste et raisonnable. Aux États-Unis, dans les bases actuelles, je ne sais pas, 11 % à 12 % de rendement après impôt. Ce serait intéressant, donc, financièrement et ça permettrait d'exporter plus. On gagnerait deux fois.

Pour ce qui est de la capacité, laquelle on peut accroître déjà, je vais demander à M. Filion de vous donner la réponse précise.

M. Filion (Yves): Oui. À votre question, je pense qu'on est assez bien équipé en interconnexions avec les réseaux américains, plus particulièrement la Nouvelle-Angleterre et l'État de New York; notre capacité est de plus de 5 000 MW. Comme vous le savez aussi, nous avons des contrats d'énergie garantis à long terme, mais qui vont prendre fin à l'horizon 2000. Donc, c'est extrêmement important pour Hydro-Québec de développer un marché pour remplacer ces contrats-là, parce qu'il va y avoir des capacités qui vont se libérer. Même dans le contexte actuel... je vous rappelle qu'en 1995 nous avons exporté 25 TWh sur nos réseaux voisins, donc c'est une quantité extrêmement importante d'énergie, si vous la comparez à la production totale qui est d'environ 160 TWh, au Québec, durant la même année.

Donc, il y a des capacités disponibles pour faire beaucoup d'affaires et, je dirais également, surtout pour mettre en valeur la capacité de stockage des réservoirs hydroélectriques d'Hydro-Québec qui permet de faire des transactions dans des périodes creuses et/ou encore dans des périodes où le marché est plus rentable pour Hydro-Québec.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Filion. Alors, je cède la parole au ministre, en vous rappelant, M. le ministre, qu'il vous reste trois minutes.

M. Chevrette: C'est beau. Merci. M. Caillé ou M. Filion, la Régie de l'énergie, telle que vous la concevez dans le projet de loi, aide-t-elle au développement économique de la société d'État, comme tel, oui ou non, en respectant, oui ou non, toutes les normes environnementales, par rapport à ce qui est véhiculé dans certains milieux?

M. Caillé (André): Je pense que le développement futur puis le respect des normes environnementales, pour nous en tout cas, c'est une question complètement indépendante. Il n'y a pas de remise en question de quelque norme ou de quelque règlement environnemental que ce soit à travers la création d'une régie. Ce n'est pas une façon de passer à côté de quelque règle qui existe déjà. Et la Régie pourra juste, j'imagine, concourir plus à l'objectif environnemental, surtout si on pense au niveau du plan des ressources du distributeur, en ce qui concerne Hydro-Québec, qui devra être soumis puis où on devra démontrer qu'on a fait les meilleurs choix, etc.

M. Chevrette: Sur le plan de la préparation à faire face à la déréglementation, est-ce que la Régie correspond à une mesure moderne pour s'inscrire dans le cadre d'un corridor complètement déréglementé sur le plan des formes d'énergie?

M. Caillé (André): Je pense qu'une régie et, par conséquent, l'implantation d'une réglementation économique, ça convient parfaitement pour protéger les intérêts des consommateurs et des investisseurs dans les fonctions qui sont celles de transport et de distribution et qu'une régie va être en mesure aussi de protéger très adéquatement les consommateurs par le tarif de fourniture en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement, sans avoir à réglementer la production.

M. Chevrette: Dernier petit point...

M. Caillé (André): Incidemment, c'est comme ça que ça se fait partout, on n'a rien inventé. Le modèle que nous proposons ici, la réglementation par le tarif de fourniture, ça existe, à ma connaissance, à travers le Canada et aux États-Unis de la même façon.

M. Chevrette: En passant, j'ai bien noté les spécificités plus grandes que vous demandez – et je m'adresse surtout à nos légistes – entre transport et distribution. J'avais la même interrogation et je suis content de voir qu'on aura l'occasion de le clarifier au niveau de l'étude article par article. Je vous remercie infiniment.

M. Caillé (André): Je vous remercie.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Caillé. Maintenant, je cède la parole au député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Dans les 15 minutes qui nous sont allouées, j'ai déjà mon collègue d'Argenteuil qui m'a indiqué qu'il aura une question, également le député d'Iberville, donc je vous indique que je ne prendrai pas trop, trop de temps dans les préambules.

Pour vous dire d'abord, dans un premier temps, qu'on n'est pas surpris qu'Hydro-Québec soit en faveur de ça. Il est bien évident, et vous l'avez indiqué dès le départ, il semble que vous y voyez l'avenir. Le ministre l'a souligné, et je tiens à le redire, pour quelqu'un comme celui qui vous parle, qui a passé sa vie dans le secteur privé, c'est un ton nouveau et qui est agréable à entendre pour une société comme Hydro-Québec, on a besoin de ça. Quand on parle d'une agressivité des marchés, c'est ça. Ça nous appartient, c'est à nous autres, ça, Hydro-Québec.

(16 heures)

Alors, les gens qui nous mandatent s'attendent à ce que, parmi les... Je vais mettre la première question, puis même si, à deux reprises, en réponse au ministre, vous avez dit: Il faut protéger le consommateur par la Régie puis, en même temps, il faut protéger l'investisseur... Les Québécois, là, à qui c'est à eux autres, de quelle façon vous diriez qu'ils peuvent se sentir rassurés par la création de la Régie de l'énergie? Parce qu'on n'a qu'à continuer à répéter que le tarif d'Hydro-Québec, c'est le plus bas en Amérique du Nord, donc ça justifie... à chaque fois que tu le montes un peu plus, il reste toujours plus bas par rapport aux autres. Mais les Québécois n'ont pas investi là-dedans pour être au même prix que les autres, ils ont investi pour que ça veuille dire quelque chose pour eux autres.

Alors, je vous offre l'occasion de rassurer les gens qui peuvent être inquiets: De quelle façon? Et, à chaque fois que vous ajoutez: il faut que l'investisseur aussi y trouve son compte, l'investisseur, ça, c'est le gouvernement du Québec, parce que c'est lui qui nous représente... Vous avez un actionnaire unique. Quand l'investisseur dira, le ministre des Finances vous dira: Moi, je m'attends cette année à ce que vous me donniez comme rendement... la contribution d'Hydro-Québec dans les finances de l'État est de 500, ou même une commande additionnelle de 50, récemment. Comment est-ce que tout ça peut être tenu en compte et que le citoyen du Québec pourra toujours retrouver son compte dans cette approche-là?

M. Caillé (André): Oui, M. le député. Dans une entreprise privée, effectivement il y a une dynamique entre trois groupes différents qui s'établit: d'un côté, les clients; de l'autre côté, l'actionnaire; et également les employés. C'est une dynamique, il se crée une dynamique où se rencontrent les intérêts des trois groupes.

Dans une société d'État, depuis deux mois je constate que c'est très exactement la même chose. C'est sûr que les clients et les Québécois ont des attentes élevées vis-à-vis d'Hydro-Québec, comme ils ont des attentes élevées vis-à-vis de toutes les entreprises qui évoluent au Québec. Incidemment, ce n'était pas différent dans l'entreprise que j'ai présidée auparavant.

Ce qu'une régie leur apporte, c'est que ça leur dit que ça va être traité en toute équité et en toute transparence. Il va y avoir un débat où les gens pourront être représentés et puis on va pouvoir aller dans des points très, très précis. Je pense qu'avec la présence d'une régie on s'assure du même coup un point très fondamental, je pense, un acquis au Québec sur lequel il n'est pas question de revenir, c'est l'uniformité des tarifs à travers le Québec, quelle que soit la région où on habite. Une régie, ça apporte ça également. Une régie, ça garantit qu'on sera traité – quand on dit «équité», là – que ce sera traité en fonction de ce que ça coûte. Et ça ne veut pas dire... parce qu'il y en a, des gens qui se sont inquiétés, vous ne l'avez pas mentionné là, mais il y a des gens qui s'inquiètent, des clients, de l'élimination abrupte, définitive, en une fois, de l'interfinancement, ou encore de l'intrafinancement. On parle moins d'intrafinancement même s'il y en a plus. On parle surtout d'interfinancement parce que ça oppose les catégories de clients, tandis que de l'intrafinancement, ça oppose des clients à l'intérieur d'une même catégorie.

Les gens peuvent être rassurés, je pense. Ce n'est pas parce qu'il y aurait une régie que du jour au lendemain on va éliminer complètement tout ce qu'on a... toutes les pratiques qu'on a eues là, l'effet des pratiques qu'on a eues pendant de nombreuses années. Il faut, selon moi, et c'est nous, Hydro-Québec, qui allons proposer des tarifs de fourniture à la Régie, et vous pouvez vous attendre qu'il va y avoir une continuité. On ne dira pas d'un coup sec: Il faut changer 30 % ou 20 % ou je ne sais pas quel chiffre qu'on peut mettre de l'avant, parce qu'il y a des règles commerciales aussi, puis je suis certain qu'une régie n'approuverait pas, hein. Elle prendrait en considération des changements brusques et s'opposerait à des changements brusques, ne les autoriserait pas. Alors, ça, une régie, ça joue ce rôle-là.

Quant à l'actionnaire, bien, l'actionnaire... ça assure à l'actionnaire un rendement dit juste et raisonnable sur ses investissements. Et la différence dans une société d'État, évidemment, c'est que les clients sont également les investisseurs. Alors, si on veut dire, dans ce cas-ci: Les Québécois seront doublement protégés, à la fois à titre de clients et à la fois à titre d'investisseurs, c'est à nous, les gestionnaires, et ça c'est notre métier, à nous, les gestionnaires, de faire en sorte que les deux soient satisfaits. Et une régie, incidemment, ça approuve rarement des tarifs qui ne lui sont pas soumis, ça approuve ou désapprouve ce qui lui est soumis. Ça aussi, on réalise ça pleinement à Hydro-Québec, comme dans les autres entreprises, du reste.

Quant aux employés, il y a une dynamique normale aussi qui doit exister. C'est normal qu'on doive aller s'expliquer quant aux conditions qu'on offre à nos personnels, et ces conditions-là, on va vouloir les comparer avec quoi? On va les comparer avec le marché, et il faudra établir la raisonnabilité de nos conditions par rapport à celles du marché. On s'emploie déjà à faire ça, je n'ai pas d'inquiétudes qu'on puisse y arriver.

M. Cherry: O.K. Merci. Bien sûr, vous utilisez les mots «raisonnable»... je ne m'attendrais pas à ce que vous disiez autre chose que «vous avez l'intention d'être raisonnable». Toute ma vie, moi, j'ai tenté de négocier avec des employeurs qu'ils exerceraient leur droit de gérance de façon raisonnable, mais, comme c'était tellement large, ils n'acceptaient pas d'y mettre ce mot-là parce que ça prêtait trop à interprétation.

On a souvent reproché, l'administration d'Hydro-Québec, les gens qui vous ont précédé disaient au gouvernement: Vous demandez à Hydro-Québec de jouer un rôle social, vous demandez à Hydro-Québec d'être présent en région, vous demandez à Hydro-Québec... Avez-vous l'intention de continuer à tenir compte de ces demandes-là? Est-ce que, ça, ce sont des choses que vous allez faire valoir devant la Régie de l'énergie ou si, tout simplement, par des mesures de rationalisation, de rentabilité, de profitabilité, vous ne viendrez pas pour justifier en disant: Nous, il nous faut agir de telle et telle façon, même si c'est au détriment des régions, si c'est pour satisfaire les besoins de l'actionnaire? Alors, comment est-ce que vous pensez pouvoir continuer à vous acquitter du rôle que les Québécois s'attendent qu'Hydro-Québec va jouer?

M. Caillé (André): Une entreprise en bonne santé va contribuer encore plus, puis une entreprise gérée selon les modes qu'on évoquait tantôt, dits de réglementation économique et en bonne santé, va pouvoir contribuer plus au développement économique et social qu'une entreprise qui serait différente, qui serait dans une situation contraire à celle-là.

On se rend parfaitement compte, je me rends parfaitement compte qu'Hydro-Québec joue un rôle important dans l'économie québécoise, un rôle très, très important, un rôle unique. Il n'y a pas d'autres entreprises qui jouent un rôle plus grand que ça, qu'Hydro-Québec, dans l'économie québécoise, notamment en région. Alors, quand il faut exercer ici, c'est l'exercice du bon jugement puis c'est l'exercice de la raison. Tantôt, quand on utilisait l'expression «raisonnable», incidemment, en réglementation, c'est appuyé sur une jurisprudence qui existe au niveau de la réglementation quant à la signification des mots «équitable» et «raisonnable». Ça laisse un peu moins de marge de manoeuvre ou un peu moins de discrétionnaire à ceux qui ont porté les jugements.

Je reviens au développement régional. Donc, nous sommes parfaitement conscients du rôle que nous avons à jouer et nous sommes disposés à l'assumer. Moi, je ne vois pas que l'on doive opposer d'une façon catégorique rentabilité d'Hydro-Québec, développement économique québécois ou encore tarifs d'électricité. Il faut surtout travailler à réconcilier l'ensemble des trois préoccupations. Mais pas en faire juste une, ça ne sera jamais complètement acceptable.

M. Cherry: La raison pour laquelle j'invoque ca, vous comprendrez, c'est que vos prédécesseurs nous disaient que votre compétiteur maintenant, avec lequel vous êtes sûrement très familier, Gaz Métropolitain, n'avait pas les mêmes exigences, les mêmes pressions, donc qu'Hydro-Québec était assujetti à des demandes de son actionnaire que la compétition n'avait pas. Maintenant, vous avez cette responsabilité-là. Je suis heureux de vous entendre dire que vous allez continuer à vivre avec ça, tout en assumant ce rôle moteur. Ça, ça me semble essentiel. Les Québécois ont besoin d'être rassurés sur ces propos-là, et vous comprendrez que, comme législateurs de toutes les régions du Québec, vous allez avoir des représentations périodiques à cet effet-là.

Dans un deuxième temps, M. Caillé, vous avez mentionné la possibilité, le potentiel, qu'on peut faire, d'affaire aux États-Unis. Vous avez mentionné ça en termes de milliards. Même de façon agressive, mais tout en étant réalistes – on a le droit d'être agressifs, d'être optimistes – mais, en même temps, quelle est la part du marché? C'est quoi, le potentiel que vous pensez, sur une période que je vous offre de pouvoir établir – deux ans, trois ans, cinq ans – où vous pensez que normalement, équipés comme on l'est, à l'intérieur d'une déréglementation, Hydro-Québec pourrait s'attendre de pouvoir acquérir comme marché additionnel?

M. Caillé (André): Alors, nous sommes à 8 000 000 000 $ comme marché actuellement. Le marché est de 200 000 000 000 $. On est ce qui se fait de mieux, je pense, en tant qu'entreprise dans le domaine de l'hydroélectricité.

Le premier objectif, ça va être de revenir au plus tôt à rencontrer les maximums déjà atteints en termes d'exportation, de ventes, donc hors Québec. Ça, c'est dans un premier temps. Et vous allez peut-être nous trouver insatiables. Enfin, j'espère vous surprendre, parce qu'on va se montrer insatiables. Je ne vois pas beaucoup de limites – je n'aimerais pas m'imposer des limites, en tout cas au point de départ – quant à un pourcentage du marché total. Chose certaine, au plus tôt le maximum d'exportations. C'est bon incidemment pour réconcilier les objectifs, qui pourraient être différents, de clients actionnaires et de fournisseurs, du développement économique des régions. Plus on va avoir du succès dans ce grand marché nord-américain, meilleures seront les conditions ici, et ça, c'est très, très important. Ça, c'est un des moyens qu'on veut avoir.

(16 h 10)

Vous m'avez rappelé tantôt ma vie antérieure. J'en profite pour faire une demande, si vous voulez. Il y a une chose qu'on avait à Gaz Métropolitain, et qu'ils ont encore, qu'on leur envie. Ça s'appelle la flexibilité commerciale. Je sais comment on faisait à une certaine époque. Imaginez-vous, c'était facile. C'est qu'il n'y a qu'à prendre connaissance des tarifs et des conditions d'Hydro-Québec et, avec la flexibilité commerciale, venir s'installer juste en dessous. Le marché serait beaucoup plus sain et ça serait plus sain pour eux aussi – je ne sais pas s'ils vous diront ça tantôt, ça serait plus sain pour eux aussi – si on disposait de la même flexibilité commerciale, pas plus, pas moins. Incidemment, une régie, j'imagine, normaliserait ces conditions. Hein, on ne peut pas donner une flexibilité à un qu'on n'est pas prêt à donner à l'autre. Et là, bien, que le meilleur gagne après ça. Si j'ai une demande à faire – je n'y avais pas pensé, mais je vous remercie de me le rappeler – la même flexibilité commerciale pour Hydro-Québec que pour Gaz Métropolitain.

M. Cherry: O.K. Une dernière courte. Je sais que, dans certains endroits au Québec, il y a des municipalités qui distribuent l'électricité, qui tiennent à le faire puis qui le font bien. Dans certains cas, même certains songent à faire du partenariat ou se servir de ça pour des entreprises dans leur milieu. Est-ce qu'il y a là un potentiel que vous voyez? Y «a-tu» quelque chose qui va changer ou est-ce que ça, ça va être maintenu?

M. Caillé (André): Les relations que nous avons avec les réseaux municipaux existent, existent depuis de nombreuses années. Je pense qu'ils étaient là, ces réseaux municipaux, à l'origine même d'Hydro-Québec. L'intention, c'est de continuer à collaborer avec les municipalités qui ont conservé les réseaux qu'elles avaient au moment de la nationalisation. Il n'est pas dans nos intentions, par ailleurs, de faire des ventes de réseaux aux municipalités ou à qui que ce soit d'autre. Comme je l'ai dit et comme le ministre l'a dit, je pense, également, il n'est pas question de privatisation ou de municipalisation ici.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député d'Argenteuil, en vous rappelant qu'il reste deux minutes à votre formation politique.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, l'électricité va voyager rapidement. Merci d'être venus nous rencontrer, M. Caillé et M. Filion. J'ai deux volets à ma question, rapidement.

Vous avez parlé tantôt qu'Hydro-Québec aimerait se comporter comme un investisseur à l'extérieur du Québec. Est-ce qu'il serait envisageable que d'autres entrepreneurs veuillent faire la même chose au Québec? Et j'ai bien saisi, dans votre document et aussi dans vos paroles, que le transport, la distribution et la production étaient des événements séparés. Et est-ce qu'il serait envisageable éventuellement qu'il y ait une privatisation d'une partie d'Hydro-Québec actuelle, soit le transport ou la distribution, qui devienne privatisée? Parce que, comme investisseurs, vous pourriez juger, un jour, que ce n'est pas un bon investissement puis que quelqu'un d'autre voudrait en prendre charge. C'est ma première question.

Ma deuxième a trait à l'article 73, où vous mentionnez la nécessité d'obtenir l'autorisation, pour conclure un contrat avec le marché extérieur, de vous adresser au gouvernement, et vous demandez de suspendre cet article-là. Pourriez-vous vous adresser à cet article-là particulièrement, s'il vous plaît?

M. Caillé (André): Quant à la possibilité de se joindre à des investisseurs privés dans des projets de développement outre-frontières, la réponse, c'est oui, on est prêt à faire ça en partenariat. À partir du moment où on dit: On est prêt à le faire en partenariat, dans la plupart des cas, comme vous le savez sûrement, aux États-Unis, il s'agit d'entreprises privées. Alors, ce serait nécessairement des partenariats avec des entreprises privées pour ce qui est du développement de transport ou de distribution sur le territoire des États-Unis. Il n'est pas exclu de développer des partenariats non plus avec nos voisins, Nouveau-Brunswick ou Ontario. On parle d'Hydro Ontario ou de New Brunswick Power.

Quant à la privatisation de transport, de distribution ou de production, ici, sur notre territoire, au Québec, non, il n'en est pas question. Je pense que la privatisation – enfin, il n'en est pas question pour nous, je devrais dire – je pense que toute forme de... que la privatisation actuellement, c'est perçu très négativement. Et, quant à moi, la responsabilité que je me vois, c'est, à ce moment-ci, au moment où j'arrive, de rationaliser cette entreprise telle qu'elle est. Au moment, avec un rendement de 4 %, la dernière chose à laquelle penser, c'est de penser à privatiser. Il faut d'abord penser à rentabiliser. Parce que privatiser à ce moment-ci, vous n'aimeriez pas, des deux côtés de la Chambre, comme vous dites ici, le genre de rapport que je vous ferais quant à ce qu'on devrait rayer des livres en termes d'équité pour le gouvernement. Alors, première étape, rentabiliser. Il n'est pas question de privatiser un morceau ou un autre.

L'autre volet, le troisième volet de votre question, c'est concernant les contrats d'exportation. On a proposé que les contrats qui étaient pour des durées plus courtes que deux ans ne soient pas visés par le gouvernement, en indiquant que nous comprenions, pour des contrats de durée plus longue, plus que deux ans, qu'il était normal que le gouvernement ait un moment pour étudier les dossiers puis prendre ses décisions, parce qu'il s'agit ici, hein, dans le domaine de l'énergie, de ressources naturelles. Alors, plus court que deux ans, on voit ça comme du court terme puis, plus que deux ans, comme du long terme, puis donc, là, un engagement pris au niveau des ressources naturelles québécoises. Donc, nécessité pour le gouvernement de faire la décision.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Caillé. La collaboration et la magnanimité étant en quelque sorte la marque de commerce de notre commission depuis le début de nos travaux, autant ce matin qu'aujourd'hui, et étant donné qu'il vous restait trois minutes sur votre présentation, je crois avoir le consentement de mes collègues pour permettre au député d'Iberville de poser quelques questions. Allez-y, M. le député d'Iberville.

M. Le Hir: Oui, j'aurais deux questions à vous poser. La première: Croyez-vous que les Américains vont réagir positivement à vos démarches éventuelles d'acquisition d'entreprises de transport s'ils n'obtiennent pas en contrepartie la possibilité d'en faire autant ici, du fait qu'Hydro-Québec est une entreprise nationalisée? Et est-ce que ce n'est pas cette situation qui risque d'ouvrir la première brèche dans le monopole d'Hydro-Québec?

M. Caillé (André): Alors, ma réponse est la suivante: c'est que je ne crois pas, parce que l'entreprise privée américaine reconnaît toute la force d'Hydro-Québec... Et c'est incroyable, tous ceux qui souhaitent nous rencontrer présentement pour faire valoir leur candidature à titre de partenaires d'Hydro-Québec. Alors, non seulement nous serions les bienvenus, un des partenaires bienvenus, mais nous sommes des partenaires recherchés, puis, bien entendu, c'est pour les raisons qu'on s'est dites plus tôt, à savoir que les gens reconnaissent très bien que notre coût est parmi les plus bas en Amérique du Nord. Alors, ça fait de nous d'excellents partenaires. Alors, ça va se situer plutôt, la discussion, entre nous et les entreprises privées nord-américaines. Je ne vois pas que le gouvernement américain intervienne pour voir quelque chose de déplacé, là, quant à notre attitude.

M. Le Hir: Alors, ma deuxième question, ça concerne la planification intégrée des ressources. Je me souviens, il y a deux ans, alors que je siégeais à un comité consultatif sur la politique énergétique, de chauds débats entre les différents joueurs du secteur de l'énergie sur la méthodologie qu'on devait employer relativement au calcul de la planification intégrée des ressources. La première des choses: Est-ce que, maintenant, il y a un consensus entre les partenaires sur cette question, ou bien si vous attendez que ce soit la Régie qui fixe les règles du jeu?

M. Caillé (André): Alors, je pense que les règles du jeu, oui, vont être fixées par la Régie après qu'elle aura entendu, comme c'est l'habitude dans un forum réglementaire, les différentes parties.

Quant à moi, personnellement, j'avoue que vous me renvoyez, M. le député, à des discussions que j'ai eues à une certaine époque, et là je me demande quels étaient très exactement mes arguments pour pouvoir y réagir. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Le Hir: Je me souviens que, en tant que président de Gaz Métropolitain, vous aviez une attitude différente du président d'Hydro-Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Caillé (André): Oui. Ha, ha, ha!

Une voix: Ça n'a pas changé.

M. Caillé (André): Je me souviens aussi que c'était sur la valeur des externalités.

Une voix: Exact.

M. Caillé (André): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Alors, merci, M. Caillé. Comme vous avez pu le constater, les échanges auraient pu durer encore longtemps. La commission vous remercie ainsi que votre adjoint d'être venus nous présenter vos vues. Merci.

M. Caillé (André): Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Je suspends pour une minute pour laisser le temps aux représentants de Gaz Métropolitain et Gazifère de s'installer à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant d'écouter les représentants de Gaz Métropolitain et Gazifère, je vais céder la parole à M. le ministre, qui doit s'absenter brièvement.

M. Chevrette: Oui, je suis convoqué pour un dossier particulier au Comité des priorités. C'est ma collègue de l'Industrie et du Commerce qui me remplacera. Je m'excuse auprès de Gaz Métro. Je vais vous lire et relire. Je vous remercie d'être venus témoigner, et je m'excuse grandement de ne pas être des vôtres.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Alors, je vous rappellerai que, puisque vous êtes regroupés en deux représentations simultanées, vous aurez une heure pour l'ensemble de l'échange avec les parlementaires, c'est-à-dire une demi-heure de présentation, 15 minutes pour chaque groupe – vous n'êtes pas obligés de prendre tout ce temps, mais c'est à votre disposition – et, par la suite, une période de 15 minutes à chacune des formations politiques pour poser des questions. Alors, sur ce, je vous demanderais de vous identifier pour les fins de la transcription.


Gaz Métropolitain inc. (GMI) et Gazifère inc.

M. Rheault (Yves): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, mon nom est Yves Rheault, je suis président du conseil d'administration de Gaz Métropolitain et président et chef de la direction par intérim. Je vous présente mes collègues: à mon extrême gauche, Donald Hotte, qui est le directeur de la réglementation; à ma gauche, Richard Lassonde, qui est le directeur... vice-président, Affaires juridiques; à ma droite, Ghislaine Larocque, qui est la vice-présidente des activités de distribution gazière au Québec. Et je vais laisser le soin à M. Marois de présenter son collègue.

M. Marois (Rock): Bonjour, je suis Rock Marois, je suis le directeur général de Gazifère inc., et mon collègue est Jean Morel, notre procureur juridique.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Rheault, vous avez la parole.

M. Rheault (Yves): Très bien. Alors, merci tout d'abord de permettre à Gaz Métropolitain d'exprimer ses points de vue concernant ce projet de loi visant la création de la Régie de l'énergie. Nous allons essayer, d'une direction de Gaz Métropolitain à l'autre, de faire preuve de la plus grande consistance et de la plus grande flexibilité.

Vous me permettrez tout d'abord de souligner le fait que Gaz Métropolitain a participé au fil des années au processus de redéfinition de la politique énergétique québécoise. Les différentes interventions de l'entreprise ont toujours été fondées sur la poursuite du développement économique du Québec dans le respect du développement durable. Et nous avons toujours soutenu au fil des ans, premièrement, que la politique énergétique devait favoriser une concurrence des diverses formes d'énergie, fondée sur une base économique objective et transparente. Ce que l'on souhaitait également, c'est que les consommateurs puissent faire des choix éclairés sur la base des coûts véritables de fourniture des différentes sources d'énergie auxquelles ils ont accès. Et ce sur quoi on insistait principalement, c'est que les distributeurs d'énergie soient soumis à un traitement équitable et que le tout soit encadré par un organisme de réglementation indépendant, compétent et efficace, fonctionnant selon des règles économiques et financières généralement reconnues.

Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits de la nouvelle politique énergétique de même que du projet de loi n° 50 sur la Régie de l'énergie. Néanmoins, nous pensons que certaines précisions ou améliorations pourraient être apportées afin de répondre plus adéquatement aux orientations gouvernementales publiées dans la nouvelle politique énergétique. De fait, nos commentaires vont principalement porter sur trois points. Premièrement, les principes du développement durable et leur application par la nouvelle Régie; deuxièmement, l'instauration d'un régime de traitement équitable entre les différentes formes d'énergie, ce que nous avons appelé de manière plus commune «common level playing field»; et, finalement, le traitement des plaintes des consommateurs. Pour l'information des membres de cette commission, dans notre mémoire, à l'annexe 1, vous retrouverez l'ensemble des modifications que nous proposons.

En ce qui concerne d'abord les principes du développement durable et leur application par la nouvelle Régie de l'énergie, Gaz Métropolitain supporte la volonté du gouvernement de fonder sa nouvelle politique énergétique sur le développement durable. Nos commentaires porteront davantage sur son application et plus particulièrement sur la nécessité de préciser ce qu'on entend par préoccupations économiques, sociales et environnementales.

De fait, ces préoccupations constituent les objectifs qui sont inhérents à la politique énergétique du gouvernement du Québec. Il revient donc à celui-ci d'en déterminer la teneur. Pour ce faire, nous pensons que le gouvernement pourrait, conformément aux recommandations de la Table de consultation, s'appuyer sur des consensus établis dans le cadre d'une audience publique convoquée par la future Régie de l'énergie, pourrait analyser ces externalités sur une base scientifique. Gaz Métropolitain considère que de tels consensus sont essentiels avant même que la Régie puisse appliquer lesdits concepts.

Dans le projet de loi, le gouvernement annonce aussi une consultation sur la déréglementation de la production électrique. La déréglementation vécue dans le domaine gazier à compter de 1985 a été à la fois bénéfique tant pour les consommateurs que pour l'industrie gazière en général. Sur cette base, nous croyons que le modèle développé dans le domaine gazier est un gage de succès de la démarche dans le domaine électrique et qu'il sera à même de procurer tant aux clients qu'aux industriels des bénéfices tout à fait similaires.

Le processus de déréglementation peut avoir également un impact sur l'identification et l'évaluation des externalités. Le processus de déréglementation qui est vécu dans l'industrie électrique actuellement aux États-Unis est intéressant à cet égard. On remarque qu'un bon nombre d'autorités réglementaires américaines adaptent leur approche de planification intégrée des ressources et la traduisent essentiellement par des actions concertées dans le domaine de l'efficacité énergétique. Une telle approche a, selon nous, l'avantage de mieux servir les clients en contribuant à leur croissance, dans le cas des entreprises, à leur développement par la réduction de leur facture énergétique. Elle a aussi pour effet de réduire les impacts environnementaux reliés à la consommation d'énergie pour la société. En plus de cadrer avec l'orientation du gouvernement, nous croyons que l'approche américaine gagnerait à faire l'objet d'une analyse approfondie dans le cadre de l'audience publique que nous suggérons et qui serait convoquée par la Régie.

À l'issue des audiences sur la déréglementation et sur la détermination des externalités et suivant l'avis de la Régie, le gouvernement pourrait alors adopter des directives ou des règlements plus précis sur l'application par la Régie de tels objectifs gouvernementaux. Nous proposons donc des modifications aux articles 5, 49, paragraphe 10°, 71, 72 et 111 du projet de loi, qui vont dans ce sens.

(16 h 30)

Le deuxième point qui apparaît extrêmement important aux yeux de Gaz Métropolitain est de s'assurer que la Régie mette en place un régime qui permette un traitement équitable entre les différentes formes d'énergie. On revient donc au concept de «common level playing field».

Une des principales recommandations du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie, qui est d'ailleurs reprise dans la politique énergétique, consiste en l'établissement d'un traitement équitable entre les distributeurs d'énergie. Il importe que le client soit à même de choisir la bonne énergie pour un usage donné, en fonction de programmes commerciaux et de tarifs établis selon des paramètres similaires pour chacun des distributeurs énergétiques. Selon nous, certaines dispositions du projet de loi n° 50 ont pour effet de remettre quelque peu en question ce principe.

De fait, le premier article que je souhaiterais aborder est l'article 75 qui prévoit qu'Hydro-Québec de même que les distributeurs opérant des systèmes municipaux soient tenus de fournir l'électricité à toute personne qui en fait la demande dans le territoire où s'exercent leurs droits exclusifs. En vertu de l'article 76, un distributeur de gaz naturel est aussi tenu de fournir et de livrer du gaz naturel à toute personne qui le demande. L'obligation du distributeur de gaz naturel, cependant, n'est pas absolue. Le distributeur de gaz naturel peut être dispensé de l'obligation de répondre à une telle demande d'un consommateur si la Régie considère que cela peut avoir pour effet de compromettre la rentabilité ou l'efficacité des opérations de l'entreprise du distributeur ou encore est susceptible de compromettre la sécurité d'approvisionnement d'un autre consommateur.

Il existe donc à cet égard une différence de traitement entre les distributeurs d'électricité et de gaz naturel. Nous croyons que cette différence de traitement porte atteinte à la nécessaire équité entre les différentes formes d'énergie. Il s'avère donc essentiel que l'obligation de desservir d'Hydro-Québec soit elle aussi assujettie à une dispense. Et la nouvelle politique énergétique reconnaît d'ailleurs que l'obligation de desservir d'Hydro-Québec, bien que justifiée pour les besoins de base, ne saurait être absolue. De fait, le gouvernement souligne, à la page 68 de sa politique énergétique, que la Régie de l'énergie devra préciser les conditions de l'application de l'obligation de desservir en définissant des principes équivalents pour l'ensemble des distributeurs d'énergie réglementée. Gaz Métropolitain appuie cette orientation.

Il importe donc que cette volonté gouvernementale soit reflétée dans le projet de loi et qu'Hydro-Québec soit dispensée de la desserte non rentable d'un nouveau client s'il existe une alternative. Dans le secteur du chauffage résidentiel, cette alternative existe déjà. De plus, nous croyons que le développement de filières énergétiques plus décentralisées et faisant appel à de petites unités de production pourrait aussi offrir une alternative à la desserte par Hydro-Québec, même en ce qui concerne l'éclairage et la force motrice.

En conséquence, afin d'assurer que la Loi sur la Régie de l'énergie reflète bien les intentions gouvernementales, Gaz Métropolitain propose d'amender le libellé de l'article 78 en y insérant un quatrième paragraphe qui se lirait comme suit:

«La Régie peut, à la demande d'un consommateur ou d'un distributeur d'électricité, dispenser ce dernier de donner suite, en tout ou en partie, à une demande faite en vertu de l'article 75 lorsqu'une alternative énergétique est disponible au consommateur et lorsqu'une telle demande a pour effet de compromettre la rentabilité ou l'efficacité des opérations de l'entreprise du distributeur ou est susceptible de compromettre la sécurité d'approvisionnement d'un autre consommateur.»

Afin d'assurer un traitement équitable entre les différentes formes d'énergie, il importe également de porter une attention toute particulière à la tarification. La détermination de la structure du capital du distributeur et du rendement raisonnable qu'il sera autorisé à réaliser est une étape cruciale ayant une incidence directe sur les coûts de distribution de l'électricité et du gaz naturel et, par conséquent, sur la situation concurrentielle de ces deux formes d'énergie.

Il ne saurait y avoir de régime équitable pour les deux formes d'énergie au niveau de la réglementation économique de l'électricité et du gaz naturel si la Régie n'applique pas les mêmes principes pour établir les composantes, un, de la base de tarification d'Hydro-Québec, deux, de la structure du capital et, d'autre part, de la fixation du taux de rendement pour ses sociétaires, dans le cas de Gaz Métropolitain, et pour son actionnaire, dans le cas d'Hydro-Québec.

Il est primordial que les critères qui vont présider à la détermination du rendement raisonnable applicable à un distributeur d'électricité et de gaz naturel soient ceux qui s'appliquent sur les marchés financiers à des compagnies privées oeuvrant dans le même secteur d'activité. Sur la base de ces principes, Gaz Métropolitain propose des modifications aux articles 32. 1°, 49. 3°, 49. 5° et 51 du projet de loi.

Gaz Métropolitain reconnaît que l'application de ces principes représente un changement important dan le mode de détermination des tarifs d'Hydro-Québec. La réduction souhaitée au niveau de l'interfinancement entre les classes de tarifs d'Hydro-Québec pourrait aussi avoir un impact tarifaire important sur certaines catégories de consommateurs. Bien que l'application initiale des critères économiques objectifs s'avère essentielle, Gaz Métropolitain reconnaît qu'il faille atténuer le plus possible les chocs tarifaires. Des mesures particulières pourraient être mises de l'avant par la Régie de l'énergie. De plus, l'article 52 prévoit les différents éléments devant être reflétés dans un tarif de fourniture de gaz naturel. Il n'existe, sauf erreur, aucune disposition similaire pour l'électricité. Il nous apparaît donc impératif que le libellé de l'article 52 couvre aussi la fourniture d'électricité ou encore qu'un nouvel article soit élaboré afin de rectifier la différence de traitement apparente. Dans un contexte de déréglementation, il importe que le coût de production de l'électricité reflète les conditions du marché. De plus, il faut s'assurer que le tarif de fourniture reflète intégralement le prix payé par le distributeur au producteur, comme c'est le cas dans le domaine gazier.

Finalement, les distributeurs d'électricité et de gaz naturel doivent aussi disposer de la même flexibilité et des mêmes obligations afin de pouvoir adapter leurs programmes commerciaux aux conditions de la concurrence d'un marché énergétique dynamique. M. Caillé a donc la réponse à la question qu'il soulevait tout à l'heure. Quant à l'article 49, le libellé proposé au paragraphe 11° vise à reconnaître la situation actuelle de la société en commandite Gaz Métropolitain, où des taxes et impôts présumés sont reconnus comme éléments du coût de service du distributeur. Il doit en être de même pour les différentes taxes et impôts qu'Hydro-Québec est dispensée de payer.

Et, finalement, pour traiter de la question spécifique de l'emmagasinage de gaz naturel et pour mieux traduire la situation de fait, Gaz Métropolitain propose un ajout au deuxième paragraphe de l'article 51, et cette dernière modification cadre bien avec la volonté gouvernementale évoquée dans la récente politique énergétique, à savoir de développer le stockage géologique au Québec. Cet élément constitue une composante névralgique de tout système de distribution de gaz naturel puisqu'il permet d'optimiser la gestion des approvisionnements gaziers en fonction de la demande des consommateurs. Compte tenu des risques élevés dans le développement géologique de tels réservoirs, il importe que la Régie de l'énergie ait le loisir de choisir une méthode de tarification qui a permis et qui permettra pareil développement au Québec, soit une tarification fondée sur les coûts évités.

(16 h 40)

Le dernier point que nous souhaitions traiter concerne le traitement des plaintes des consommateurs. Les dispositions des articles 85 à 100 du projet de loi font de la Régie de l'énergie le tribunal de dernière instance en matière d'application d'un tarif ou d'une condition de fourniture et de transport d'électricité et de gaz naturel. Le projet de loi élargit les pouvoirs de l'actuel Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité. Présentement, ce Commissaire traite les plaintes des consommateurs résidentiels et n'a qu'un pouvoir de recommandation. La Régie aura un pouvoir décisionnel final et sans appel sur toute plainte émanant d'un consommateur. Le projet de loi permet donc le cumul, au niveau de la Régie, de fonctions administratives, soit la régulation économique et juridictionnelle, soit le traitement des litiges. Ce cumul ne nous apparaît pas souhaitable compte tenu des objectifs du projet de loi n° 130, qui porte sur la justice administrative et qui propose de dissocier les fonctions administratives et juridictionnelles, et évidemment en fonction d'une décision qui vient à peine d'être rendue, le 21 novembre dernier, par la Cour suprême du Canada et à laquelle nous référons dans notre mémoire.

Gaz Métropolitain croit qu'il est important que les consommateurs disposent d'une instance pouvant traiter leurs plaintes. Il est clair que la Régie voit à l'application des tarifs; toutefois, il faudrait distinguer cette fonction du pouvoir de régler des litiges commerciaux entre clients et distributeurs. Les tribunaux de droit commun sont déjà compétents à cet égard. Si le gouvernement jugeait nécessaire et d'intérêt public de rendre accessible aux consommateurs de gaz et d'électricité un nouveau recours devant un organisme autre que les tribunaux civils, nous suggérons de prendre en considération les principes suivants: 1. que le même organisme ne soit pas celui qui décide de la tarification et qui juge des plaintes; 2. que la procédure d'examen des plaintes ne soit accessible qu'aux clients résidentiels, comme cela est présentement le cas au niveau du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité.

L'instance choisie devrait s'assurer de l'application du tarif approprié et ne pourrait établir de nouvelles règles de tarification.

Finalement, avant de conclure, vous me permettrez quelques mots sur l'article 146. L'article 146 du projet de loi prévoit que le mandat des régisseurs de la Régie du gaz naturel prend fin à la date d'entrée en vigueur de la Loi sur la Régie de l'énergie. La continuité réglementaire a une importance particulière pour Gaz Métropolitain, compte tenu que nous aurons des dossiers qui ont déjà été soumis à la Régie du gaz naturel. Afin d'assurer la transition la plus harmonieuse possible vers la Régie de l'énergie et la préservation de l'expertise développée au fil des ans à la Régie du gaz naturel, Gaz Métropolitain propose que le projet de loi prévoie qu'à la date d'entrée en vigueur de la Loi sur la Régie de l'énergie les régisseurs de la Régie du gaz naturel qui n'auront pas été nommés à la nouvelle Régie soient considérés comme des régisseurs en surnombre jusqu'à l'expiration de leur mandat. Ceci est possible en vertu du deuxième paragraphe de l'article 7 du projet de loi.

Alors, je vous remercie de votre attention et je passe la parole à mon collègue, M. Marois, qui est le président et directeur général de Gazifère, de Hull.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. Marois, vous avez la parole.

M. Marois (Rock): M. le Président, Mme la ministre, Mme et MM. les députés, en tant que distributeur de gaz naturel déjà assujetti à la Régie du gaz naturel et qui sera assujetti à la juridiction de la nouvelle Régie de l'énergie, Gazifère est heureuse de pouvoir participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie.

Nous souhaitons que nos commentaires, préoccupations et suggestions sauront bonifier cette loi qui aura des répercussions majeures sur la scène énergétique québécoise. Gazifère désire aussi féliciter le gouvernement pour son initiative d'avoir tenu un vaste débat public sur l'énergie qui a mené au rapport de la Table de consultation «Pour un Québec efficace». Il est évident que ce rapport, qui a fait l'objet d'un consensus des membres de la Table de consultation, a grandement inspiré la nouvelle politique énergétique du gouvernement: «L'énergie au service du Québec.»

De façon générale, nous sommes favorables à la création d'une Régie de l'énergie qui aurait un pouvoir décisionnel sur Hydro-Québec. Tel que nous l'avions mentionné dans notre mémoire déposé dans le cadre du débat public sur l'énergie, nous sommes confiants qu'une telle Régie favorisera un traitement plus équitable des distributeurs gaziers et d'électricité.

Nous avons annexé à notre mémoire un document qui présente l'ensemble de nos commentaires, préoccupations ou suggestions sur le projet de loi n° 50. Ici, je vais m'attarder à trois préoccupations majeures, soit le traitement équitable ou le principe du «level playing field», la notion de développement durable et la justification énergétique des projets. Au niveau du traitement équitable ou du principe de «level playing field», un des principaux objectifs visés par l'établissement d'une Régie de l'énergie est de créer un traitement équitable ou un «level playing field» pour le gaz naturel et l'électricité.

Nous sommes d'avis que le projet de loi n° 50 contribue grandement à la création du «level playing field» tant recherché de tous. Par contre, nous croyons que le projet de loi doit être modifié à certains égards afin que l'objectif du «level playing field» soit vraiment atteint. Je vais traiter ici de cinq points, soit: le pouvoir de directive du gouvernement, les contrats spéciaux d'électricité, le taux de rendement, les tarifs et conditions de transport d'électricité ainsi que l'obligation de desservir.

Au niveau du pouvoir de directive du gouvernement, le gouvernement a reconnu qu'à l'intérieur de sa politique énergétique son pouvoir de directive serait strictement encadré et que ce pouvoir de directive doit cependant être considéré comme exceptionnel. Nonobstant ce fait, nous devons exprimer certaines préoccupations à l'égard du pouvoir de directive du gouvernement face à la Régie de l'énergie. Le pouvoir de directive du gouvernement à l'endroit de la Régie se retrouve à plus d'un endroit dans le projet de loi n° 50. Il y a naturellement les articles 109 et 110 qui traitent spécifiquement du sujet, mais il y a aussi les articles 49.10° et l'article 72 qui traitent des directives de la Régie.

Nos préoccupations concernent plus spécifiquement l'article 49.10°, qui prévoit que la Régie de l'énergie devrait «tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales que peut lui indiquer le gouvernement» lorsqu'elle fixe ou modifie les tarifs.

Un des principes fondamentaux en réglementation est celui du «stand alone». Ce principe est à l'effet qu'une entreprise réglementée doit être évaluée selon ses propres caractéristiques sans égard à qui en est le propriétaire. Nous croyons que ce principe doit s'appliquer sine qua non à la réglementation d'Hydro-Québec par la nouvelle Régie. De plus, ce principe devrait guider le gouvernement dans l'élaboration de toute directive qu'il pourrait adopter à l'égard de la nouvelle Régie. Selon nous, il faudrait éviter que le gouvernement adopte des directives précises qui auraient pour effet de limiter le pouvoir décisionnel de la Régie au niveau des tarifs d'Hydro-Québec, ce que nous croyons que l'article 49. 10° lui permettrait de faire.

Nous sommes d'avis que la Régie doit avoir un pouvoir décisionnel concernant tous les éléments de la tarification d'Hydro-Québec et non un pouvoir de recommandation. Selon nous, les directives du gouvernement à l'égard de la Régie devraient être de nature générale et ne pas s'appliquer spécifiquement à Hydro-Québec. L'expertise et la compétence de la Régie feront en sorte qu'elle tiendra compte des critères tels que les chocs tarifaires et la capacité de payer des consommateurs dans toutes ses décisions tarifaires, incluant celles s'appliquant à Hydro-Québec.

Nous croyons que le gouvernement n'a pas à se substituer à la Régie à cet égard. La Régie du gaz naturel doit déjà exercer ce genre de jugement dans l'établissement des tarifs des distributeurs de gaz naturel. De plus, les actionnaires de ces derniers n'ont aucun pouvoir de directive face à la Régie du gaz naturel. Pourquoi Hydro-Québec devrait-elle être traitée différemment? En d'autres mots, si la nouvelle Régie est suffisamment compétente pour tenir compte d'un ensemble de facteurs dans l'établissement des tarifs des distributeurs de gaz naturel, nous osons croire que le gouvernement reconnaîtrait la même compétence dans la fixation des tarifs d'électricité. La Régie est compétente ou elle ne l'est pas. Par conséquent, on demande que le paragraphe 10° de l'article 49 soit retiré du projet de loi. Puis je vais y revenir tantôt, à cet élément-là.

Au niveau des contrats spéciaux – puis ça été confirmé par M. le ministre tantôt – le projet de loi n° 50 prévoit un amendement à la loi d'Hydro-Québec qui ferait en sorte que le gouvernement fixe à l'égard d'un contrat spécial qu'il détermine, visant une puissance additionnelle ou nouvelle à facturer de 10 MW ou plus, les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est fournie par la société à un client industriel. Cette volonté du gouvernement de soustraire les contrats spéciaux d'électricité de la juridiction de la Régie est confirmée dans la politique énergétique.

Nous sommes d'avis que la Régie de l'énergie devrait avoir un pouvoir décisionnel sur l'ensemble des tarifs et conditions d'Hydro-Québec. La compétence et la discrétion de la Régie lui permettraient d'établir des tarifs pour les contrats spéciaux d'électricité qui seraient dans l'intérêt public. Tel est le cas présentement avec la Régie du gaz naturel qui a dû approuver des tarifs de développement pour la cogénération qui étaient dans l'intérêt public. Nous ne voyons pas de distinction fondamentale entre l'établissement des tarifs pour des projets spéciaux au gaz naturel et des contrats spéciaux d'électricité pour certains clients industriels. Dans les deux cas, il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs afin que les tarifs soient justes et raisonnables et dans l'intérêt public. Puis, à cet égard, M. le ministre a été quand même candide à plusieurs reprises en indiquant que la Régie sera mieux outillée que le gouvernement pour évaluer l'intérêt public et approuver des tarifs soit d'électricité ou de gaz.

(16 h 50)

Au niveau du taux de rendement, je n'élaborerai pas, parce que notre position est identique à celle de Gaz Métropolitain, et on croit que le taux de rendement du distributeur d'électricité doit être établi de la même façon qu'il a établi le taux de rendement des distributeurs gaziers. Par contre, je vais élaborer sur le sujet des tarifs et conditions de transport.

À l'intérieur de sa politique énergétique, le gouvernement indique qu'il a décidé pour la première fois d'envisager la possibilité de tarifs de transit d'électricité. Par ailleurs, le projet de loi n° 50 prévoit que la Régie fixe les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée sur demande d'Hydro-Québec. On retrouve ceci à l'article 48, deuxième alinéa. Ceci a pour effet d'empêcher la Régie de fixer ou de modifier les tarifs et conditions à sa propre initiative ou à la demande d'une partie intéressée. Il s'agit d'un traitement préférentiel d'Hydro-Québec qui n'a pas sa place dans ce projet de loi.

Au niveau de l'obligation de desservir, encore une fois, notre position est identique à celle de Gaz Métro, on croit que l'obligation de desservir d'Hydro-Québec ne doit pas être absolue, puis ça fait juste rejoindre la volonté du gouvernement telle qu'exprimée dans sa politique énergétique.

Le prochain sujet que j'aimerais traiter est la notion du développement durable. Ici aussi, nos idées ressemblent à celles de Gaz Métro, mais je vais quand même élaborer parce qu'on l'approche un peu différemment. Le projet de loi prévoit que la Régie devrait favoriser, dans l'exercice de ses fonctions, la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable. On retrouve ceci à l'article 5. Plus spécifiquement, elle devrait tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales. La Table de consultation du débat public sur l'énergie avait reconnu qu'il ne s'agit pas d'une tâche aisée et que l'identification des externalités, leur évaluation et leur prise en compte s'appuieront avant tout sur des consensus démocratiquement définis, identifiés en audience publique puis validés par le gouvernement. Je pense qu'on ne reviendra jamais assez là-dessus pour dire qu'il faut vraiment évaluer avec soin ces préoccupations-là, parce que personne ne peut être contre le principe, mais c'est l'application qui représente le vrai défi.

L'obtention des consensus démocratiquement définis est essentielle pour assurer le traitement équitable des différentes sources d'énergie soumises à la réglementation de la Régie. Plus spécifiquement, les préoccupations économiques, sociales et environnementales que le gouvernement pourrait indiquer à la Régie dans l'exercice de ses fonctions devront s'appliquer à toutes les formes d'énergie sans discrimination. De plus, la quantification des externalités devra faire l'objet d'un consensus à la lumière des difficultés qu'ont rencontrées d'autres juridictions dans un tel exercice. On a juste à penser à l'Ontario, qui a déjà appuyé, en principe, l'approche de planification intégrée des ressources mais qui en est encore seulement à la gestion de la demande à cause de la complexité que ça entraîne.

Nous recommandons que le projet de loi n° 50 soit modifié afin de clairement indiquer que les préoccupations économiques, sociales et environnementales dont la Régie devrait tenir compte dans l'exercice de ses fonctions – et que ce soient des préoccupations qui soient indiquées par le gouvernement ou non, parce qu'il y a certains articles qui prévoient que ça va être suite à des directives du gouvernement, d'autres non – devront résulter d'un consensus démocratiquement défini et identifié en audiences publiques. Pour ce faire, nous suggérons qu'un énoncé à cet effet soit ajouté à l'article 5 et que l'article 5 soit modifié en ajoutant un quatrième alinéa afin d'indiquer que la Régie devra tenir une audience publique pour obtenir le consensus sur de telles préoccupations.

Il faudra aussi s'assurer que le reflet des préoccupations économiques, sociales et environnementales ne vienne pas modifier artificiellement les signaux que les tarifs devront envoyer aux consommateurs afin que le marché puisse choisir la meilleure source d'énergie pour une application donnée. La difficulté de quantifier adéquatement les externalités nous préoccupe grandement à cet égard. Afin d'éviter que les préoccupations économiques, sociales et environnementales portent atteinte au principe de la vérité des prix, nous proposons que soit retiré du projet de loi n° 50 le paragraphe 10° de l'article 49.

Tantôt, j'ai mentionné que cet alinéa devait être retiré pour une autre raison, la raison de limiter les directives du gouvernement, mais, ici aussi, on recommande qu'il soit retiré parce qu'on croit que la Régie devrait tenir compte des préoccupations reliées au développement durable, mais non lors de la fixation des tarifs. Nous ne croyons pas que cette modification porterait atteinte à la volonté que la Régie exerce ses fonctions dans une perspective de développement durable, car l'article 71 du projet de loi prévoit que le plan de ressources que devront soumettre les distributeurs d'électricité devrait tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales. Ça fait que c'est vraiment à cet endroit-là que les distributeurs devront en tenir compte et non lors de la fixation des tarifs.

Nous sommes d'avis qu'il est tout à fait approprié de tenir compte de telles préoccupations dans l'élaboration des plans de ressources en autant que ces préoccupations aient fait l'objet d'un consensus et s'appliquent équitablement aux différentes sources d'énergie, mais qu'il n'est pas approprié d'en tenir compte lors de la fixation et de la modification des tarifs.

Finalement, il faudra apporter une attention particulière à la conciliation des objectifs de tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales et d'assurer aux Québécois le service énergétique requis au meilleur coût possible.

Finalement, j'aimerais conclure en exprimant certaines préoccupations au niveau de la justification énergétique des projets. L'article 72 prévoit entre autres que la Régie devra tenir compte de la justification des besoins énergétiques lorsqu'elle étudiera une demande pour acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés à la production, au transport ou à la distribution d'électricité ou au transport ou à la distribution du gaz naturel.

La Table de consultation du débat public sur l'énergie a pris le soin de prévoir dans son rapport que la justification énergétique des projets doit être confiée exclusivement à la future Régie. Avons-nous prévu retirer ce mandat du BAPE afin d'éviter toute situation fâcheuse où la nouvelle Régie et le BAPE divergeraient d'opinion sur la justification énergétique d'un projet? En effet, la politique énergétique reconnaît que le processus d'autorisation des investissements par la Régie et la procédure d'évaluation prévue en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement se dérouleront séparément.

Peut-être juste avant de conclure, j'aimerais aussi mentionner qu'on partage les mêmes préoccupations que Gaz Métro au niveau de la transition vers la nouvelle Régie. Donc, on appuie entièrement la recommandation de Gaz Métro à cet effet-là. Je vous remercie beaucoup de l'opportunité que vous nous avez laissée.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Marois. Je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce qui remplace le ministre Chevrette pour la fin de l'après-midi. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup, messieurs et madame, de cette présentation et de cette réflexion. Il y a beaucoup de choses dans vos mémoires. Il y a un certain nombre de questions que j'aimerais peut-être soulever, parce que, dans ce qu'on essaie de faire, bien sûr, on essaie d'établir des règles du jeu équitables, on essaie aussi de prévoir des composantes qui pourraient éventuellement influencer la tarification et la qualité du service de manière favorable pour les abonnés.

Vous avez mentionné dans le mémoire de Gaz Métropolitain, vous avez parlé de toute cette notion de l'obligation de desservir un client. J'aimerais ça que vous nous expliquiez un petit peu, là, votre position par rapport à votre secteur et votre réflexion par rapport à notre société d'État qui, finalement, a une mission d'État aussi. Elle a une histoire, cette société-là, et, à l'origine, sa raison d'être était de rendre le service partout à travers le Québec au meilleur coût possible, de mémoire, là, compatible avec une saine administration financière. Alors, j'aimerais que vous nous expliquiez de façon un petit peu plus concrète ce que cette demande-là ou cette suggestion que vous nous faites peut vouloir dire pour le consommateur québécois.

M. Rheault (Yves): Très bien, Mme la ministre. Quand on s'en remet, dans un premier temps, au régime applicable à Gaz Métropolitain, Gaz Métropolitain a l'obligation de desservir, sauf que dans des cas où il est démontré qu'il n'est pas rentable pour Gaz Métropolitain de desservir un client ou une catégorie de clients, la Régie du gaz naturel peut exempter Gaz Métropolitain de le faire dans la mesure où ça affecte soit les opérations de l'entreprise soit sa rentabilité.

(17 heures)

Dans le cas d'Hydro-Québec, on reconnaît l'importance pour Hydro-Québec de desservir les besoins de base des Québécois. Par ailleurs, il peut arriver, dans le cas de la desserte d'un certain nombre de clients, que des sources d'énergie alternatives soient disponibles, notamment pour le chauffage, ce qui permettrait à Hydro-Québec d'éviter en fait une desserte de clients qui est non rentable pour elle et ce qui permettrait à ses clients de pouvoir avoir accès à une source d'énergie alternative qui, au plan économique, ne pourrait pas être nécessairement plus coûteuse, en fait, qu'une desserte par la voie de l'électricité. Alors, c'est de cette façon-là que nous voyons les choses. Et, à la limite, au plan de l'éclairage et de la force motrice, ce que l'on dit, il peut peut-être arriver qu'il y ait des installations décentralisées qui puissent permettre de répondre à ces besoins primaires, qui pourraient éviter à Hydro-Québec d'encourir une desserte qui, pour elle, en fait, s'avérerait non rentable.

Mme Dionne-Marsolais: Je comprends votre commentaire, mais je me mets dans la peau du consommateur qui habite une région éloignée, où, de toute façon, quelle que soit la source d'énergie qu'on lui livrera, ce sera une source d'énergie extrêmement coûteuse et probablement non rentable pour l'entreprise, à moins d'une tarification excessive. Est-ce qu'il n'y a pas une autre façon d'aborder et d'assumer cette responsabilité-là, pour une société d'État, mais pas d'avoir différentes sources d'énergie qui sont possibles mais qui peuvent être quand même liées ou livrées, produites et livrées par la société d'État? Parce qu'on touche à l'essence même de notre société d'État, ce qui est un peu différent par rapport à une société privée.

M. Rheault (Yves): Vous me permettrez, Mme la ministre, de m'en référer à un exemple précis que je connais bien. Les sept municipalités de la Basse et Moyenne-Côte-Nord sont desservies par un système d'approvisionnement en produits pétroliers qui leur permet d'assurer leurs besoins en chauffage, ce qui évite à Hydro-Québec de pouvoir utiliser sa propre source d'énergie pour desservir ces clients-là, ce qui impliquerait pour elle, en fait, des déboursés importants. Alors, ça permet de satisfaire les besoins des clients, des Québécois en question, sans nécessairement que ça puisse impliquer de la part d'Hydro-Québec des coûts exorbitants pour assurer leur desserte. Et je crois comprendre, en fait, que d'autres régions vivent, peuvent vivre des situations similaires.

Mme Dionne-Marsolais: Moi, je dois vous dire que j'ai une petite réserve sur votre suggestion qui reprend le libellé de l'article 78. J'ai des inquiétudes parce que je trouve... Je ne dis pas qu'on ne peut pas y réfléchir et l'améliorer, là. Mais je trouve que c'est un petit peu trop vague quand on dit: «lorsqu'une telle demande a pour effet de compromettre la rentabilité ou l'efficacité des opérations de l'entreprise du distributeur ou est susceptible de compromettre la sécurité d'approvisionnement d'un autre consommateur.» Vous ne me convainquez pas là-dessus. Là, j'ai une petite réflexion.

L'autre élément, c'est une question peut-être un peu technique. À la page 7 de votre document, vous dites, en parlant de développer le stockage géologique au Québec...

M. Rheault (Yves): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: ...vous dites: «Cet élément constitue une composante névralgique de tout système de distribution de gaz naturel puisqu'il permet d'optimiser la gestion des approvisionnements gaziers en fonction de la demande des consommateurs. Compte tenu des risques élevés [...] il importe que la Régie ait le loisir de choisir une méthode de tarification qui permette pareil développement au Québec, soit une tarification fondée sur les coûts évités du – ou au – distributeur.» Qu'est-ce qui se fait ailleurs dans ce contexte-là pour que vous nous arriviez avec une idée comme ça, qui n'est pas bête, là? Mais est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de ce qui se fait dans d'autres États comparables?

M. Rheault (Yves): Bien, évidemment, pour pouvoir comparer avec d'autres provinces ou d'autres États, il faut d'abord, en fait, comparer notre situation géologique au Québec avec celle d'autres provinces ou d'autres États. Je pense qu'il y a une réalité que l'on doit reconnaître au Québec, c'est que la géologie est peu propice, en fait, à créer des aires de stockage naturelles pour emmagasiner le gaz naturel, ce qui doit être fait idéalement sous forme souterraine pour faire en sorte qu'on puisse stocker à des coûts économiques. Et historiquement, on a pu, dans le passé, tenter de faire en sorte que le distributeur gazier puisse insérer dans sa base de tarification les dépenses d'investissement requises pour effectuer les travaux et les études nécessaires pour développer de nouveaux sites de stockage. Or, c'était, dans un sens, un peu injuste de demander à l'ensemble des clients de Gaz Métropolitain d'assumer le risque de tels déboursés financiers compte tenu des risques géologiques inhérents aux travaux. Et ce qui a été proposé dans le passé, c'est de faire en sorte que le distributeur gazier puisse s'assurer qu'un fournisseur de services en matière de stockage lui fournisse des services à un tarif comparable à ce que le distributeur pourrait trouver auprès d'autres sources d'approvisionnement, en stockage, se rappelant qu'au Québec Gaz Métropolitain, sur les 25 000 000 000 pi³ qu'elle stocke, environ 80 % sont actuellement stockés en Ontario. Comme on a une géologie qui est peu propice, ce que l'on souhaite, c'est d'inciter des promoteurs privés, des entreprises privées québécoises à risquer des argents, compte tenu, en fait, des limites de la géologie québécoise, et de faire en sorte que, dans la mesure où le distributeur ne paie pas des tarifs plus élevés pour stocker son gaz, le rendement, en fait, soit en ligne avec les risques financiers et les risques géologiques pris par les promoteurs en question.

Alors, ce principe-là a déjà été appliqué dans le passé par la Régie du gaz naturel dans le cas de deux projets. Je pense que ça a donné des résultats concluants pour Gaz Métropolitain et pour les promoteurs. Et ce que l'on dit ici, c'est que, comme ça a eu des effets positifs dans le passé, ce que l'on souhaite, c'est que cette formule-là soit perpétuée dans la nouvelle loi de la Régie de l'énergie.

Le Président (M. Beaulne): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, merci, M. le Président. Alors, ma question s'adresse à M. Rheault. Dans nos bureaux de comté, on a souvent des plaintes... en fait, pas des plaintes, mais des problèmes, et les gens ne savent pas trop comment... Alors, je sais que vous avez un processus présentement, qui est en vigueur chez vous, lorsque des gens ont des plaintes. Comment il fonctionne chez vous par rapport à Hydro-Québec? Je suis plus habituée avec Hydro-Québec qu'avec chez vous. Est-ce que vous préconisez que le même système pourrait s'appliquer à cette Régie présentement? Et est-ce que ça devrait s'appliquer uniquement au niveau du résidentiel ou s'appliquer aussi au niveau de certains commerces? Parce que, plus souvent qu'autrement, maintenant... avant, c'était beaucoup du résidentiel, mais maintenant on a beaucoup de plaintes venant de certains commerces, entre autres, des PME.

M. Rheault (Yves): Très bien. Alors, vous me permettrez de demander à Mme Larocque, qui est vice-présidente responsable de la distribution gazière au Québec chez Gaz Métropolitain et dont une des responsabilités est justement de recevoir et de traiter les plaintes en question, de faire le point sur la façon dont ça se passe actuellement, et peut-être que M. Marois aussi pourra rajouter, vous faire part de l'expérience de Gazifère de Hull par la suite.

Mme Larocque (Ghislaine): Alors, voilà, chez Gaz Métropolitain, comment on fonctionne avec les plaintes depuis déjà quelques années, en tout cas depuis que je suis là, moi, au moins quatre ans, on reçoit des demandes des clients. Il faut d'abord faire une distinction des fois entre demande et plainte. Certains clients souhaitent avoir plus d'information, une plus grande compréhension de ce qu'ils peuvent avoir reçu comme facturation, information ou services. Alors, ils font appel, dans certains cas, directement au service concerné chez Gaz Métropolitain. Si la réponse ne les satisfait pas, ils ont la possibilité d'une deuxième instance, qui est directement à mon bureau, où je reçois finalement les gens qui, après avoir contacté les personnes directement responsables du service ou de l'information qu'ils questionnaient, s'ils n'ont pas reçu de réponse satisfaisante, s'adressent à moi. À ce moment-là, j'ai l'occasion de revoir leur demande, de comprendre leur insatisfaction, d'étudier et de prendre une décision par rapport à cette demande-là.

Si jamais, à cette étape-là, le client n'est toujours pas satisfait, il a la possibilité à l'heure actuelle de se référer à la Régie qui, elle, va à nouveau entendre le client, prendre les informations chez nous et finalement prendre une décision par rapport à ce dossier-là. C'est très rare qu'on se rend à cette dernière étape, qui est celle d'un litige en bonne et due forme, bien documenté, où nos avocats, de part et d'autre, sont appelés à intervenir. Dans la majorité des cas, c'est réglé au niveau du service directement responsable, et à quelques occasions c'est réglé à mon bureau à moi.

Il peut arriver que des clients, ne connaissant pas ou ne voulant pas tout de suite suivre ce processus, s'adressent directement à la Régie. La première question que la Régie va poser à ce moment-là au client, c'est: Avez-vous discuté avec le distributeur? Donc, on retourne le client au distributeur pour une étape première et une deuxième dont je viens de vous parler et, si ce n'est pas satisfaisant, le client peut toujours se référer à la Régie.

Le Président (M. Beaulne): Madame.

Mme Vermette: Oui. Quand vous parlez des clients, est-ce que c'est uniquement au niveau des gens, au niveau des... voyons...

Mme Larocque (Ghislaine): Résidentiel, vous voulez dire?

Mme Vermette: Oui, résidentiel.

(17 h 10)

Mme Larocque (Ghislaine): Non, quand je vous parle du traitement des plaintes, c'est pour tout type de client. On a environ 150 000 clients chez Gaz Métropolitain, il y a une centaine de plaintes qui arrivent à mon bureau à moi annuellement.

Mme Vermette: Et ma seconde question: Par rapport à votre expérience, est-ce que vous recommanderiez que la Régie que nous allons mettre sur pied s'inspire du même processus que chez vous? Est-ce que ça devrait être décisionnel? Ou de quelle façon voyez-vous que devraient être traitées les plaintes?

Mme Larocque (Ghislaine): Bon, à cet effet-là, il y a des éléments dans le projet de loi qui sont intéressants, toute la première partie qui explicite les responsabilités du distributeur. On est d'avis que le distributeur doit avoir une politique de plaintes, exprimer clairement à ses clients, à sa clientèle, comment il peut procéder et qu'il doit prendre le temps d'étudier les insatisfactions des clients.

Pour ce qui est de la deuxième partie, est-ce qu'on doit maintenir... Comme je vous dis, on n'a pas eu à utiliser ce système-là. Ce qu'on se demande, c'est: Est-ce que c'est nécessaire et est-ce que ça ne dédouble pas des services qui peuvent déjà exister à d'autres égards, un peu comme M. Rheault vient de vous mentionner, avec, entre autres, ce qui est prévu au niveau des tribunaux habituels avec lesquels les gens peuvent faire affaire lorsqu'ils sont insatisfaits? Alors, la question est plus là. Actuellement, nous, on fonctionne avec le processus au niveau de la Régie du gaz naturel et on peut vous dire que c'est un fonctionnement qui est adéquat.

Le Président (M. Beaulne): Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: En terminant, une petite question. J'aimerais avoir votre avis. Vous avez parlé, à la fin – je parle à M. Marois, peut-être, de Gazifère – à la page 8, vous parlez du mandat du BAPE et de la nouvelle Régie. Quel est votre avis, par rapport, justement, au mandat du BAPE et à la nouvelle Régie, sur la justification énergétique de certains projets? Vous soulevez la question, mais j'aimerais avoir votre avis, votre réflexion là-dessus.

M. Marois (Rock): Bien, ce que j'indique ici, c'est que la justification énergétique des projets devrait être une exclusivité de la Régie de l'énergie. Le BAPE ne devrait pas se prononcer sur la justification énergétique du projet. Puis, dans le passé, le BAPE s'est prononcé. Ça fait que là je fais juste dire: Si on ne modifie pas le mandat du BAPE, on va s'emboutir dans une situation dans l'avenir... Puis on peut avoir un bel exemple: un projet de cogénération, le BAPE a à se prononcer si le projet de cogénération est bon ou mauvais au niveau environnemental, mais pas dire s'il est justifié au niveau énergétique.

Le Président (M. Beaulne): Mme la ministre...

M. Marois (Rock): Ça fait que je pense que... Juste pour clarifier, on devrait peut-être modifier le projet de loi pour ajouter le mot «exclusivement», à l'article 72.

Le Président (M. Beaulne): Alors, maintenant, je cède la parole au représentant de l'opposition officielle, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, madame, messieurs, je veux vous remercier pour la qualité de vos mémoires. Et, de façon particulière, ce qui nous aide comme législateurs, c'est le format de présentation que vous avez tenu par rapport au projet et aux modifications que vous souhaitez avec l'argumentation. Ça, ça va faciliter notre travail au niveau de l'étude article par article.

Brièvement, il y a les trois aspects que je veux couvrir, et mes collègues d'Iberville et d'Argenteuil, dans l'ordre que je les nomme, souhaitent pouvoir intervenir sur le 15 minutes.

Vous me direz si j'ai bien saisi – et ça s'adresse autant à vous deux, là. Les règles du jeu pour les objectifs qu'on souhaite que la Régie produise, c'est que le «level playing field», ça, c'est les règles du jeu «basic», «bottom of the game». S'il y a des choses qui peuvent être utilisées par la Régie pour favoriser – je reprends un mot, là – la société d'État, si c'est ça, on fait «double standard», «double set of rules», puis c'est là que l'objectif qui est recherché ne serait pas atteint. Donc, tout repose là-dessus. Et je le dis parce que, au moment où j'ai eu à discuter, par exemple, avec le ministre sur le nombre de groupes qu'on souhaitait entendre – évidemment, nous, on insiste toujours pour qu'il y en ait plus, puis, bon... Alors, le ministre m'a dit: S'il y a ce qu'on appelle dans notre jargon un os ou deux ou trois là-dedans, indique-le et on va y travailler en conséquence. Donc, je profite du travail de la commission pour indiquer que, comme opposition officielle, pour nous, il sera bien, bien, bien important d'être complètement rassurés que le «level playing field» va être quelque chose qui va être facilement «common for everybody». Autrement, on se sera fait des beaux discours encore une fois. Et si la société d'État souhaite y aller de façon agressive puis démarcher, il faut qu'elle reconnaisse en même temps que ça va être les mêmes règles du jeu pour tout le monde. Et ça, là-dessus, dans vos deux mémoires, vous y touchez.

Deuxièmement – et la ministre vient d'en parler – vous avez parlé, vous avez donné comme exemple, pour que le gaz puisse être compétitif au Québec, qu'il serait important qu'on puisse avoir des quantités de stockage qui sont accessibles, donc pour pouvoir répondre... les coûts de transport. Si je retiens bien ce que vous avez commenté, vous avez dit que, présentement, 80 % de votre stockage est en Ontario parce que ça se prête mieux là-bas, la composition des sols et tout ça, par rapport à ici. Donc, s'il était souhaité que vous amélioriez votre stockage ici, les coûts que ça pourrait représenter, il faudrait que la Régie en tienne compte dans la tarification que vous pouvez faire. Autrement, si on ne le permet que pour l'Hydro puis on ne le permet pas pour le stockage du gaz, on viendrait – et je prends ça comme exemple – déréglementer et fausser les règles du jeu au départ. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

Et, troisièmement, dans votre mémoire, vous faites référence à l'expertise unique que les régisseurs, à la Régie du gaz, ont accumulée au cours des années – ça fait de très nombreuses années que ça existe – une expertise qui est un peu unique. Et vous soulevez des inquiétudes – et je veux vous entendre là-dessus aussi – à propos de l'article 146, qui verrait à la disparition de ces gens-là. Vous faites une suggestion. J'aimerais vous entendre, pourquoi vous souhaitez privilégier l'expertise qui existe présentement.

M. Rheault (Yves): Très bien. D'abord, le principe du «common level playing field», je pense que vous avez pu vous rendre compte, comme vous l'avez mentionné, M. le député, que Gazifère de Hull et nous avons de ce côté-là, en fait, des préoccupations et des objectifs qui sont similaires. Ce que l'on souhaite – et je vais le répéter – c'est que la base de tarification, les principes qui vont permettre d'établir la base de tarification d'Hydro-Québec soient les mêmes que ceux qui permettent d'établir la base de tarification de Gaz Métropolitain et de Gazifère de Hull, la base de tarification étant l'ensemble des actifs qui sont requis pour assurer, en fait, la distribution de l'électricité ou du gaz naturel auprès des clients.

S'assurer également que la structure de capital de l'entreprise électrique et de l'entreprise gazière soit établie, en fait, selon des principes que l'on retrouve dans les milieux financiers privés, dans les secteurs que l'on appelle, nous, les «utilities», qui fournissent l'électricité et le gaz naturel partout en Amérique du Nord. S'assurer également que le taux de rendement qui sera fixé par la Régie le soit en fonction de principes financiers qui s'appliquent aux entreprises privées qui distribuent de l'électricité et du gaz naturel. Alors, ce sont des principes qui, quant à nous, sont importants.

S'assurer également que, dans le tarif de distribution, dans le tarif chargé aux différentes catégories de consommateurs, Hydro-Québec, évidemment, puisse refléter son tarif de transport et refléter également son tarif de fourniture d'électricité, comme on le fait, en fait, du côté du gaz naturel quand on s'approvisionne, pour le moment tout au moins, du côté des producteurs de l'Ouest canadien. Alors, ce sont des principes qui, quant à nous, doivent absolument être bien reflétés dans ce projet de loi ci pour faire en sorte qu'on soit assurés qu'on ait un régime qui traite de manière équitable tous les distributeurs de gaz et d'électricité. Et, finalement, en bout de ligne, ce sont que les consommateurs et les entreprises qui ne s'en porteront que mieux si ces mêmes principes-là, en fait, sont établis, parce qu'on aura établi les principes d'une saine concurrence entre les deux entreprises.

Et en ce qui concerne les programmes commerciaux, là aussi, tout ce que l'on souhaite, c'est que les programmes commerciaux soient régis de la même façon par la Régie de l'énergie. Et en ce qui concerne Gaz Métropolitain, les programmes commerciaux qui ont été utilisés jusqu'à maintenant ont toujours été visés, approuvés par la Régie du gaz naturel et ils visent une chose: faire en sorte que ça ait des retombées positives, pas seulement sur la clientèle à laquelle s'appliquent ces programmes commerciaux là, mais également l'ensemble des consommateurs, parce que ça finit par développer, en fait, des ventes additionnelles et ça finit par avoir un coût de service, ça peut provoquer un coût de service par unité à la baisse pour l'ensemble des consommateurs.

(17 h 20)

Le second point auquel vous faites référence, en ce qui concerne les tarifs d'emmagasinage. Oui, c'est clair, en fait, qu'au Québec on doit se donner les moyens pour inciter les entreprises à investir encore davantage pour développer de la capacité de stockage souterraine. Les difficultés géologiques, comme je le mentionnais, sont quand même élevées au Québec; et, pour encourager, en fait, les promoteurs à soutenir leurs investissements dans de tels types de projets, tout ce que l'on demande, c'est de faire en sorte que la méthodologie qui était appliquée dans le passé par la Régie du gaz naturel, qu'on appelle la méthodologie des coûts à éviter, soit perpétuée dans la nouvelle Loi sur la Régie de l'énergie. Alors, on ne demande rien de plus que la façon dont ces projets-là étaient traités dans le passé. On veut être sûr, en fait, qu'il n'y ait pas d'équivoque quant à la façon dont les choses étaient faites dans le passé par rapport à celle avec laquelle on envisage de le faire.

Pour ce qui est de notre recommandation quant au fait de permettre une transition harmonieuse entre la Régie du gaz naturel et la Régie de l'énergie, je pense qu'il faut considérer ça comme étant une demande non seulement importante, mais presque impérative, parce que Gaz Métropolitain et Gazifère de Hull continuent de traiter régulièrement avec la Régie du gaz naturel. Alors, il y a des dossiers qui sont en continuelle, je dirais, mouvance. Alors, ce serait extrêmement difficile si, à une date donnée, on faisait en sorte que ces dossiers-là puissent être traités, en fait, par d'autres régisseurs. Et ce qui est aussi important en ce qui concerne Gaz Métropolitain, c'est que Gaz Métropolitain est une compagnie, une société dont 20 % des actionnaires sont publics. Donc, c'est important de les rassurer quant au fait qu'il y aura une certaine continuité quant au traitement réglementaire et c'est important aussi que ces actionnaires du public aient la conviction qu'il n'y aura pas de soubresauts qui peuvent remettre en cause le fonctionnement de l'entreprise et, forcément, remettre en cause leur investissement. Et, pour Gaz Métropolitain, le fait d'avoir rendu publique l'entreprise en 1993, ça a été, en fait, une façon de lever des fonds pour poursuivre un programme de développement ambitieux, un programme d'investissement ambitieux, et, aujourd'hui, ces gens-là qui ont choisi d'investir dans Gaz Métropolitain ont non seulement permis à l'entreprise de se développer, mais en même temps ont pu, en fait, bénéficier eux-mêmes d'un investissement intéressant.

Alors, pour toutes ces raisons-là, nous pensons que c'est important de favoriser une transition entre la Régie du gaz naturel et la Régie de l'énergie.

M. Cherry: O.K.

M. Marois (Rock): M. le Président, j'aimerais ça peut-être commenter très brièvement le concept du...

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. Marois, allez-y.

M. Marois (Rock): ...«level playing field». J'ai escamoté une section, à la page 2 de mon mémoire, lors de la présentation, qui traite de la crédibilité de la nouvelle Régie, au deuxième paragraphe. D'après moi, la crédibilité de la nouvelle Régie, c'est le principal facteur qui va déterminer son succès à long terme. Puis ce qui va déterminer sa crédibilité, c'est justement le traitement équitable des organismes qu'elle réglemente. Puis je pense qu'avec la nouvelle... la loi qui est déposée, le projet de loi qui est déposé présentement, on est probablement à 90 %, 95 % de l'objectif. On est tout près.

Par contre, il y a certains éléments qui ne sont pas clairs, quant à moi, qui soulèvent des préoccupations puis qui laissent peut-être un peu trop de place à la subjectivité. On a eu des indications tout récemment. Si je me souviens, la semaine passée, à la conférence de presse du ministre, lorsqu'il a dévoilé la politique énergétique, en réponse à un journaliste qui a mentionné que, si le choc tarifaire suite aux études d'allocation du coût de service puis à la réduction de l'interfinancement était trop élevé, le gouvernement était pour intervenir pour limiter les augmentations de tarifs... puis on retrouve un peu la même chose à la page 26 de la politique énergétique, où on mentionne que la Régie fera des recommandations au gouvernement puis, après ça, le gouvernement va émettre des directives pour baliser. Bien, pour moi, ça, ça ne peut pas marcher. C'est ces genres de choses là qu'il faut clarifier tout de suite dans le projet de loi. Je ne mets pas en doute la bonne volonté du gouvernement, mais je me dis: C'est à l'avantage de tout le monde que les règles soient claires en partant pour justement éviter que le traitement ne soit pas équitable où ça compte. En d'autres mots, je pense que la volonté est là, mais il faut juste s'assurer que l'application le soit aussi.

M. Cherry: O.K. Richard.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Iberville.

M. Le Hir: Merci. Alors, moi, j'aurais deux, trois petites questions pour M. Rheault, M. Marois. Est-ce que vous croyez que, dans un contexte de déréglementation des marchés et de concurrence accrue qu'on va connaître, il serait souhaitable, à supposer même que ce soit possible, que la future Régie en vienne à imposer aux entreprises sous sa juridiction une méthodologie de planification intégrée des ressources différente de celle qui est généralement utilisée aux États-Unis?

M. Rheault (Yves): Écoutez, nous, ce que l'on pense, et je m'en remets à la recommandation que l'on faisait, on pense que la meilleure façon pour Gaz Métropolitain de jouer son rôle en matière de planification intégrée des ressources, c'est de continuer à investir énormément sur le développement, la recherche et le transfert technologiques de manière à faire en sorte que les consommateurs de Gaz Métropolitain puissent avoir accès de plus en plus à des technologies performantes et à faire en sorte qu'ils puissent gérer plus efficacement leurs installations ou leur facture énergétique. Parce que les données que nous avons sont à l'effet que de réduire de 1 $ la facture énergétique des consommateurs industriels, ça a plus de retombées non seulement au niveau des économies d'énergie, mais ça a plus de retombées en termes d'emplois que d'investir 1 $ en infrastructures. Alors, de là le souci de pouvoir de plus en plus être soucieux du développement de nouvelles technologies gazières, de l'application de nouvelles technologies gazières pour faire en sorte qu'on rende accessibles ces technologies à nos clients pour qu'ils puissent faire des économies au niveau des volumes consommés, et je pense que c'est surtout là-dessus que nous voyons, en fait, le rôle que pourrait y jouer Gaz Métropolitain.

Je ne sais pas si mon collègue, de son côté, a sa vision des choses.

M. Marois (Rock): Peut-être juste deux choses. Vous mentionnez les États-Unis. Sans être un expert, j'ai l'impression que, là aussi, il y a probablement beaucoup de diversité d'un État à l'autre, puis ils sont... Ça fait qu'en d'autres mots il n'y a pas nécessairement de consensus. Mais je ferais peut-être une analogie avec une décision. Souvent, on dit que la meilleure décision, c'est la décision qui est effectivement mise en application. C'est un peu ça aussi. Je pense qu'il va falloir... On revient avec notre obligation de s'entendre sur ce qu'on veut mettre en application. Il faut, je pense, en arriver à un consensus pour être capables de vivre avec ce qu'on veut appliquer comme planification intégrée des ressources. Ça fait qu'en d'autres mots, je pense, ce n'est pas tant de calquer ce qui se fait ailleurs mais de dire: Nous autres, en tant que Québécois, c'est quoi qu'on est prêts à vivre avec? Parce qu'à un moment donné, si on va trop loin, je pense que là on risque d'entrer trop dans la subjectivité puis d'avoir des mesures qui ne sont probablement pas justes et équitables envers tout le monde.

M. Le Hir: Ou économiques.

M. Marois (Rock): Ou économiques.

M. Rheault (Yves): Oui, justement, dans ce sens-là, M. le député, M. Le Hir, je veux juste vous faire part de l'expérience. Gaz Métropolitain est actionnaire à 100 % du distributeur gazier du Vermont, où la régie de l'État a établi il y a quelques années... a forcé tous les distributeurs d'énergie à appliquer un plan intégré de ressources. Puis je dois vous dire que les résultats ne sont pas très satisfaisants. Les distributeurs ont encouru beaucoup d'argent. Ça n'a pas eu beaucoup d'effets tellement... ça n'a pas eu d'effets très positifs, en fait, sur la clientèle. Alors, je pense qu'il faut essayer de tenir compte de toutes ces situations-là et adapter, en fait, nos propres moyens en fonction des besoins de la clientèle québécoise.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Iberville, c'est malheureusement tout le temps que nous avons pour entendre le groupe Gaz Métropolitain et Gazifère. Nous vous remercions d'être venus nous livrer vos commentaires, et je suspends une minute pour permettre aux représentants de la Chambre de commerce du Québec de prendre place à la table de la commission. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 29)

(Reprise à 17 h 32)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder à l'audition du mémoire de la Chambre de commerce du Québec. Bonjour, bienvenue à la commission pour ces auditions particulières sur le projet de loi n° 50. Je vous rappellerai que vous avez un maximum de 15 minutes de présentation, et, par la suite, nous pourrons échanger avec vous pour une période maximale d'une demi-heure. Alors, M. Audet, à vous la parole.


Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Audet (Michel): Merci. Je remercie la commission de nous recevoir. Je voudrais présenter les gens qui sont avec moi: à ma droite, Pierre Martin, qui est associé chez Hickson, à Québec, et M. Maurice Turgeon, à ma gauche. Pierre est le premier vice-président du conseil de la Chambre de commerce du Québec. Donc, ils répondront aux questions auxquelles je ne pourrai pas répondre.

M. le Président, notre mémoire n'est pas très long, je voudrais en lire l'essentiel, puisqu'on l'a fait délibérément assez court pour pouvoir le présenter. C'est peut-être la façon la plus simple de le résumer.

Donc, pour plusieurs raisons, la Chambre et ses 4 200 membres corporatifs, ses 220 chambres de commerce locales devaient s'intéresser à la politique énergétique parce que, évidemment, beaucoup de nos membres oeuvrent là-dedans, parce que c'est un secteur qui intéresse beaucoup de régions du Québec. Certaines de ces régions sont d'ailleurs inquiètes actuellement des réorganisations en cours à Hydro-Québec, et on l'évoquera plus loin.

L'objectif essentiel de la politique énergétique est de fournir l'énergie, qu'elle soit électrique, gazière ou pétrolière, au meilleur prix possible. Le moyen le plus efficace d'atteindre cet objectif consiste à favoriser la concurrence la plus ouverte possible entre les sources d'énergie. Il en résultera une allocation efficace des ressources et de meilleurs prix pour les consommateurs.

La Chambre de commerce du Québec est satisfaite, de façon générale, de la politique qui a été annoncée par le gouvernement en cette matière. Cette politique permettra de mieux ajuster le Québec à l'économie nord-américaine, d'en tirer une meilleure part, ce dont nous nous réjouissons. Ainsi, le gouvernement s'attaquera aux problèmes suscités par l'ouverture des marchés de l'électricité en déréglementant et en fournissant aux producteurs québécois, notamment à Hydro-Québec, des règles du jeu comparables à celles des concurrents. De plus, le gouvernement donnera la possibilité à Hydro-Québec d'obtenir des tarifs plus conformes aux exigences de l'économie en accordant un pouvoir décisionnel en cette matière à la nouvelle Régie de l'énergie.

Un aspect cependant anachronique sur lequel nous insisterons beaucoup, parce que nous nous préoccupons beaucoup de cette politique et de la loi n° 50, est cette volonté de contrôler les prix des produits pétroliers. Cette décision est difficilement compatible avec le contexte de déréglementation de l'énergie et, on doit dire, avec le contexte justement des règles de la concurrence que le gouvernement veut mettre de l'avant et vient en contradiction avec la politique de déréglementation du gouvernement annoncée au dernier sommet économique.

Dans son mémoire présenté dans le cadre du débat sur l'énergie, en septembre 1995, la Chambre a soutenu que, pour s'assurer que les règles du marché se reflètent dans sa gestion, il est clair, et je cite, que «le mode de contrôle d'Hydro-Québec devra être modifié en profondeur». Et là on a cité justement le cas de l'expérience américaine, où ce sont précisément des régies qui font ce travail. On notait cependant qu'on était un peu sceptique, étant donné, ici, la division des pouvoirs qu'il y a entre le politique et ces régies quant à la possibilité de créer une régie complètement indépendante du pouvoir politique. Nous recommandions donc la plus grand prudence en créant cette régie, pour éviter une structure bureaucratique justement qui ne ferait qu'alourdir le processus de décision.

En somme, la Chambre ne s'opposait pas et ne s'oppose toujours pas à la création d'une régie de l'énergie. Compte tenu toutefois du mandat dévolu au ministère de l'Énergie, elle craignait une confusion des rôles politiques et administratifs. La loi n° 50 créant la Régie de l'énergie ne lève que partiellement ces appréhensions exprimées l'an dernier par la Chambre.

Tout en reconnaissant – justement, on va traiter des rapports entre la future Régie et le gouvernement – que le gouvernement pose le geste qu'il faut en accordant les pouvoirs décisionnels et exclusifs à la Régie en matière de tarification, la Chambre s'interroge sur certaines prérogatives de l'État qui viennent modifier tout cela.

Ainsi, après avoir fait valoir à bon droit que la tarification doit correspondre à un taux de rendement normal, compte tenu du marché, le document sur la politique énergétique fait état de la nécessité pour la Régie de mettre fin à l'interfinancement, de favoriser la filière éolienne, de financer l'Agence de l'efficacité énergétique, tout en laissant le gouvernement décider des tarifs et conditions auxquels l'électricité est fournie à un client industriel pour une puissance additionnelle ou nouvelle à facturer de 10 MW ou plus, tout cela en respectant la capacité de payer de la clientèle et en incitant les fournisseurs à améliorer leurs performances. À cela s'ajoute le pouvoir général du ministre, prévu dans la loi à l'article 109, de donner des directives sur l'orientation et les objectifs généraux à poursuivre.

Sans vouloir dramatiser outre mesure, il faut se rendre à l'évidence que le défi est énorme, donc, compte tenu que la Régie contrôle de diverses façons gaz, électricité et hydrocarbures. La Chambre estime que la politique énergétique et la loi n° 50 n'ont pas clarifié suffisamment le rôle de cette nouvelle Régie et lui confient même certaines fonctions qui devraient normalement appartenir à un ministère ou à un autre organisme qui n'a pas de fonction régulatrice. Ce manque de clarté risque de mener à la mise en place de deux lourdes structures parallèles, l'une pour le ministère, l'autre pour la Régie.

De l'avis de la Chambre il ne devrait pas appartenir à la Régie, par exemple, de faire la promotion d'une filière énergétique ou de financer l'Agence de l'efficacité énergétique ou même de fixer les coûts d'exploitation que doit supporter le détaillant d'essence ou de carburant dans la zone de vente d'un détaillant. Non seulement ces tâches ne semblent pas pertinentes à une régie, mais, de plus, elles risquent de gonfler la facture d'opération de cet organisme, qui sera considérable.

Si le gouvernement veut vraiment se doter, comme il le laisse clairement entendre dans le document de la politique énergétique, d'une capacité de contre-expertiser Hydro-Québec et s'il veut poursuivre en améliorant son intervention dans la distribution du gaz, il serait sage d'en rester là. Que la Régie fasse ses frais en facturant ses clients, rien de plus normal. Qu'elle serve de canal pour financer des activités qui n'ont rien à voir avec la réglementation, même si elles sont mineures, cela ne pourra que nuire à la bonne marche de la Régie.

À cet égard, il convient de noter que la politique énergétique ne donne aucun chiffre quant aux coûts éventuels de la Régie, pas plus que ceux de l'Agence de l'efficacité énergétique d'ailleurs. Aucune étude bénéfices-coûts ne nous est soumise. La tarification et la taxation sont des vases communicants et, dans un cas comme dans l'autre, c'est le même client qui paie.

Évidemment, on peut sans doute trouver une justification pour confier à la Régie des mandats qui n'ont rien à voir avec la réglementation, et certaines sont déjà explicitées dans le document de politique. Ainsi, on peut y lire, au sujet de la quote-part d'énergie éolienne à prévoir dans le plan des ressources d'Hydro-Québec, qu'en agissant ainsi on vise à accélérer le développement de cette filière considérée comme prometteuse. Mais, compte tenu du potentiel hydroélectrique du Québec et du peu de succès de nos expériences en matière éolienne, il serait sans doute prudent de vérifier davantage les promesses de cette filière avant d'en imposer la promotion à la Régie et à Hydro-Québec.

Je voudrais maintenant aborder la question de la distribution des produits pétroliers. En effet, il y aurait peu de choses à redire à la loi n° 50 en matière de distribution des produits pétroliers si le gouvernement n'avait décidé d'introduire à la hâte l'article 59 particulièrement qui donne à la Régie des pouvoirs exorbitants de contrôle. Je cite: «La Régie fixe annuellement, pour le calcul des coûts que doit supporter un détaillant en essence ou en carburant diesel, un montant, par litre, au titre des coûts d'exploitation; elle peut fixer des montants différents selon les régions qu'elle détermine.»

Cette disposition introduite par le gouvernement – on l'a mentionné – à la dernière minute pour tenter de calmer la guerre des prix dans les produits pétroliers nous semble inopportune et prématurée, de l'avis même d'ailleurs du comité qui avait été créé par le ministre de l'Énergie pour le conseiller sur la question. Mais, soyons clairs, la Chambre ne veut prendre partie, là-dedans, ni pour les détaillants indépendants ni pour les grandes pétrolières. Vous comprendrez qu'on a des membres dans les deux groupes. Elle prend partie cependant pour les consommateurs, là-dedans, et elle veut donc que ces derniers aient les coûts les plus bas. Donc, de ce point de vue, on sait que les gens vont venir exprimer leur point de vue, ils vont venir exprimer également la complexité que ça représente, et, nous autres, on a voulu s'élever un peu au-dessus puis dire: Quelque soit le parti, il ne s'agit pas de faire des amendements qui vont donner une rente à l'un ou à l'autre, il faut s'assurer que le consommateur soit le gagnant là-dedans.

(17 h 40)

Or, on constate que la marge d'exploitation qui sera autorisée par la Régie, qui peut varier de 0,04 $ à 0,08 $ le litre, fera supporter aux consommateurs domestiques et aux entreprises privées, notamment aux PME, des coûts additionnels pouvant atteindre 250 000 000 $ par année. Dans le contexte économique actuel, on considère que c'est intolérable et insupportable tant pour les consommateurs que pour les PME. D'une part, le gouvernement introduit la surveillance des prix dans le périmètre de la responsabilité de la Régie; d'autre part, il décide que c'est la Régie qui fournira aux détaillants le moyen pertinent à la poursuite des fournisseurs devant les tribunaux.

Le gouvernement fait fixer par la Régie le montant des coûts d'exploitation, énumère dans la loi les coûts que doit supporter le détaillant et spécifie qu'une entreprise qui vend au détail de l'essence ou du carburant à un prix inférieur à ce qu'il coûte à un détaillant commet une faute envers ce détaillant. Cela revient, en définitive, à fixer un prix minimum pour l'essence et le carburant. Et on sait qu'en cette matière il y a des expériences qu'on pourrait évoquer tout à l'heure, de prix minimum, qui se sont avérées tout à fait catastrophiques.

Dans ce système, donc, plus le prix de l'essence et du diesel sera élevé à la pompe, moins il y aura de poursuites vis-à-vis du distributeur. C'est une approche qui protège les détaillants, sans égard à leur efficacité, leur taille et la qualité de leur gestion. C'est un système qui pousse les prix à la hausse, qui impose une taxe aux consommateurs pour permettre aux détaillants de rester en affaires. C'est un système qui stimule l'arrivée dans un secteur de nouveaux joueurs, alors que tout le monde s'entend pour dire qu'il y en a déjà beaucoup trop par rapport à ce qui se passe ailleurs.

La Chambre de commerce du Québec est donc d'avis que les consommateurs seront les victimes de cette politique, comme c'est le cas là où les systèmes du genre existent, que le gouvernement du Québec va trop loin en fixant une forme de prix de référence pour l'essence et le carburant diesel. Cette politique pourrait d'ailleurs entraîner le gouvernement dans des dédales coûteux de contrôle et de vérification dont on n'a pas les moyens et que la situation actuelle ne justifie aucunement. Je suis certain que beaucoup de gens vont venir vous donner des exemples des complexités que ça va représenter.

La Chambre recommande donc de modifier substantiellement l'article 59 de façon à permettre à la Régie de s'assurer qu'il existe une concurrence effective dans la distribution des produits pétroliers. C'est la seule façon de protéger efficacement les consommateurs, qu'ils soient domestiques ou industriels.

Enfin, je voudrais aborder le dernier point, il portera sur la structure organisationnelle d'Hydro-Québec, sujet qu'on a déjà abordé dans le passé. Un des changements majeurs qui se produit présentement dans le monde de l'électricité est sans doute les nouvelles règles qui sont mises au point pour assurer le transport de l'électricité. À bien des égards, ce changement rejoint celui qui s'est produit dans le transport du gaz il y a déjà quelques années.

Comme tout le monde le sait, il s'agit de donner et d'avoir accès au réseau de transport de l'électricité pour permettre d'acheter ou de vendre au meilleur prix. C'est dans cette perspective que la Chambre avait proposé en septembre 1995, dans le cadre du débat sur l'énergie, qu'Hydro-Québec soit scindée en centres de coûts différents de façon à clarifier les mandats, les objectifs et l'imputation des coûts et des bénéfices. Cette façon de faire aura l'avantage de rendre plus transparente l'analyse de la tarification du transport.

Du point de vue de la Chambre, cette division d'Hydro-Québec s'imposera de plus en plus. Une société de production doit pouvoir comparer ses coûts et ses bénéfices avec ses compétiteurs et même avec les producteurs privés du Québec. Une société de transport doit pouvoir transiger dans son domaine et établir clairement ses coûts et ses bénéfices. La Chambre maintient que cette proposition, donc, de 1995 est toujours valable, et on croit d'ailleurs savoir qu'il y a du travail qui se fait à Hydro en ce sens, qu'elle pourrait grandement atténuer les problèmes de tarification et d'analyse coûts-bénéfices. En connaissant mieux les coûts de ses grandes divisions, Hydro pourra plus facilement éviter l'interfinancement entre les catégories de consommateurs.

Enfin, la Chambre voudrait profiter de l'occasion qui lui est offerte aujourd'hui pour refléter les vives inquiétudes de plusieurs régions du Québec quant à l'impact que pourrait avoir la restructuration actuelle d'Hydro-Québec sur les emplois en région. Personne ne s'oppose à la nécessité d'un allégement de la structure administrative d'Hydro-Québec pour en réduire les coûts. Nos chambres, en région, veulent toutefois s'assurer que cette réingénierie ne conduise pas à une centralisation accrue au détriment des emplois en région.

En conclusion, M. le Président, la Chambre de commerce réitère son accord général avec la politique énergétique mise de l'avant par le gouvernement, de la même façon avec de très nombreux éléments de la loi n° 50, mais elle estime cependant que le mandat de la Régie de l'énergie devrait être limité à l'essentiel, c'est-à-dire la réglementation des monopoles de gaz et d'électricité. La Chambre s'oppose au contrôle des prix des produits pétroliers prévu par la loi; cela réduira la concurrence et augmentera les prix aux consommateurs. Il faut plutôt demander à la Régie, donc, de s'assurer qu'une saine concurrence existe dans le secteur pétrolier, plutôt que de l'atténuer, comme va faire le projet de loi, soit dit en passant.

La Chambre suggère qu'une analyse sérieuse soit faite de la structure corporative d'Hydro-Québec, dans le cadre de la libéralisation des marchés et du transport de l'électricité, et que l'on s'assure que les régions ne subissent pas indûment les coûts de cette réorganisation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Audet. Et je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, M. Audet, merci bien de votre présentation et de votre accord général avec la politique énergétique mise de l'avant par le gouvernement. Moi, je vais vous poser deux questions avant de passer la parole à mes collègues. La première a trait justement au contrôle des prix des produits pétroliers. Et, puisque vous énoncez dans votre conclusion que vous préférez que nous demandions à la Régie de nous assurer d'une saine concurrence dans le secteur pétrolier, vous avez certainement une idée de ce que la Régie devrait faire ou du mandat qu'on devrait lui donner pour assurer cette saine concurrence, dans le contexte de la dynamique du marché et de l'étendue des services québécois dans ce secteur-là.

Deuxièmement, j'aimerais que vous nous donniez aussi, encore là, vos suggestions quant à la façon dont nous pouvons nous assurer de l'indépendance de la Régie du pouvoir politique, parce que c'est un élément, je pense, qui préoccupe tout le monde et sur lequel vos réflexions sauront certainement contribuer à une valeur ajoutée à nos discussions.

Le Président (M. Beaulne): M. Audet.

M. Audet (Michel): Merci. Alors, écoutez, peut-être que mes collègues pourront y ajouter quelques mots, mais, c'est évident, votre question est effectivement une question très pertinente, et on se l'est posée, et certainement que les législateurs se la sont posée. Est-ce qu'il y a moyen d'avoir un projet de loi sur le contrôle des produits pétroliers qui ne fait pas le contrôle? Je pense que c'est par définition... C'est pour ça que, nous, on n'a pas voulu entrer dans la mécanique, parce qu'à partir du moment où tu embarques là-dedans justement tu es obligé de déterminer des marges. Et là ce qu'on a surtout regardé, c'est l'impact du projet de loi actuel.

Quant à la solution de rechange, la concurrence dans le domaine, elle existe. Elle existe tellement que c'est justement pour l'atténuer qu'on veut faire ce projet de loi là. Alors, ce qu'on dit, c'est que... Et je suis moi-même dans un organisme et... Même, dans ma fonction antérieure, j'ai déjà été également frotté à ce genre de question là. Et c'est à ce moment-là d'ailleurs qu'avait été mis en place un organisme qui faisait la surveillance des prix des produits pétroliers dans les régions, parce que les régions se plaignaient précisément qu'il y avait des abus dans les prix des produits dans certaines régions. Le même problème se pose actuellement, et je le vis au sein de la Chambre de commerce du Québec. Il y a beaucoup de plaintes dans certaines régions à cause de ça. Et, précisément, on fait également cet exercice-là. Donc, je suis très sensibilisé à la question que vous soulevez. Cependant, ce n'est pas, à mon sens...

Il existe, dans le domaine du pétrole, effectivement des guerres de prix à l'occasion. Il ne faut pas cependant exagérer leur importance. Il y en a eu une très sévère ces derniers temps qui a effectivement donné lieu à ce projet de loi là, mais ce n'est pas, quand même, quelque chose qui se produit de façon si générale, et quand elle se produit... Et, là-dessus, je veux citer simplement le rapport qui a été établi par le comité que le ministre a mis de l'avant, qui disait ceci, et je le cite. Le rapport dit que la guerre des prix est le résultat d'un déséquilibre du marché et tient à ce que quelqu'un veut maintenir ou s'approprier des parts de marché. Donc, il s'agit d'un phénomène de saine concurrence. Donc, c'est un reflet de la concurrence. Ce n'est pas parce qu'il y a une guerre de prix qu'il faut s'organiser pour qu'il n'y en ait plus. Parce que là vous allez – moi, je le prends à l'inverse – assurer des rentes de situation, il va y avoir un autre type de concurrence.

Je vais vous donner l'exemple qui s'est produit dans les années soixante-dix: le prix minimum du pain. On a établi au Québec à l'époque un prix minimum du pain pour protéger les petits fabricants de pain, pour empêcher qu'ils soient absorbés par les gros fabricants. Les gros fabricants ont établi une telle marge avec ça qu'ils ont acheté les petits pareil et puis ils se sont eux-mêmes consolidés pour s'assurer que personne d'autre ne pouvait entrer et les déranger dans le domaine. Alors, en disant ça, je ne veux pas faire d'allusion aux gros et aux petits, les gros étant les pétrolières et les petits étant les indépendants. Au contraire, dans ce domaine-là, il existe des gros dans les indépendants puis il existe des petits dans les grandes. Donc, parce que vous avez là-dedans des variations selon les zones, selon les régions, ça va être un cauchemar de gérer ça.

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faut s'assurer que la concurrence existe. La concurrence existe effectivement. Actuellement, elle existe, la concurrence. Elle existe tellement, encore une fois, qu'on veut la réduire. Donc, on prétend, nous, que la situation n'est pas si mauvaise que ça. Ce qu'il faut, c'est que le marché lui-même se discipline. Le prix est un mécanisme de discipline. Quand vous vendez trop longtemps en bas du prix, vous avez un sérieux problème à rencontrer vos fins de mois tôt ou tard. Et ça, ça s'applique à tous, les grands et les petits. D'ailleurs, les faits ont démontré que souvent les petits ont beaucoup de souplesse et réussissent souvent à s'adapter davantage.

Ce qu'on dit, nous: On prend le parti des consommateurs. On ne va pas présenter un projet de loi alternatif, parce que, encore une fois, on ne veut pas le contrôle des prix là-dedans. On dit qu'il faut trouver le moyen effectivement de faire en sorte que les gens soient au courant qu'il y a de la concurrence, de s'assurer qu'ils puissent aller s'approvisionner là où c'est moins cher. C'est très bon. Mais, moi, je pense que ce n'est pas dans le projet de loi actuel qu'on va trouver nos réponses. Là-dessus, je demanderai peut-être à mes collègues de faire d'autres suggestions s'ils en ont.

Au sujet de la deuxième question, au sujet de la Régie, on a déjà évoqué là-dedans un certain nombre de fonctions qui sont à moitié politiques et qui pourraient créer des problèmes. Vous me posez la question: Comment s'assurer de cette indépendance? Écoutez, c'est une question très importante. Là aussi, on sait que le pouvoir politique, c'est le ministre qui l'exerce. Et le ministre de l'Énergie ne pourra pas se lever en Chambre – je regrette de le dire comme ça – et dire: Ce n'est pas de mes affaires, c'est l'affaire de la Régie. Quelqu'un va dire: Écoutez, la Régie, elle dépend de qui, hein? On sait comment ça marche un peu.

(17 h 50)

Alors, ce que l'on dit, c'est qu'il faut quand même, là-dedans, être conscient que, même si on dit qu'elle sera indépendante, il y aura toujours ce risque-là. Je pense que le projet de loi prend un certain nombre de précautions, mais on dit quand même que, si ça n'avait pour effet, à la fin, que d'ajouter une nouvelle structure, par exemple en matière d'évaluation, d'une fixation des prix de l'électricité qui, à la fin, ramène une autre commission parlementaire et un deuxième débat ici, au niveau politique, là, vous allez avoir une duplication et des coûts très importants.

Là aussi, la solution n'est pas simple, c'est clair. Mais je pense qu'il va falloir, dans mon esprit à moi, que le ministre et le gouvernement acceptent de se départir de ce qui est actuellement peut-être des prérogatives en matière de fixation de prix et les confier clairement et dire: C'est la Régie qui va intervenir et non moi. Je ne sais pas si ça va être possible de le faire au plan politique. On sait qu'on peut le dire, et ça ne vaut souvent que pour une période de temps donnée. Mais je pense que ce problème-là existe actuellement et je pense qu'il n'y a pas de solution, à mon avis, absolue, sinon une réponse politique. Est-ce que, Pierre, tu voudrais ajouter autre chose?

M. Martin (Pierre): Pas pour le moment, ça peut aller.

Mme Dionne-Marsolais: Je continue? Est-ce qu'on a encore du temps?

Une voix: Oui.

Mme Dionne-Marsolais: Ce que vous venez de dire, M. Audet, ça n'exclut pas la possibilité pour le ministre de donner des directives sur l'orientation et les objectifs généraux à atteindre. Alors, votre petit commentaire de la page 2, il est comme...

M. Audet (Michel): C'est qu'on le met là en disant effectivement que ça montre que le ministre se garde... ce qui est dans d'autres lois. On sait que ça ne veut pas dire une directive sur la fixation. Cependant, il y a quand même là dedans une démarche qui est tout à fait normale. C'est un organisme qui appartient à l'État, donc c'est normal que l'État lui donne à l'occasion des directives. Mais il faudrait peut-être préciser quel type de directives il va lui donner. Est-ce que c'est des directives, des «guidelines» qui sont plutôt politiques ou, disons, de politique énergétique ou si c'est des «guidelines», disons, qui sont d'un autre ordre? Alors, c'est ce qui devrait être précisé, quand on parle de directives, parce que, ça existe dans d'autres lois et ça vise, par exemple, à dire que, si le ministre justement... C'est pour éviter que le ministre s'implique dans la société et dire: Si tu interviens... Je sais que ça existe dans la loi d'Hydro-Québec. Si Hydro-Québec obtient une directive, le ministre doit convoquer une commission parlementaire, et il y a un débat sur la directive. Est-ce que ce n'est pas ça qu'il faudrait faire pour éviter justement qu'il y ait une démarche plus grande? Peut-être que, même, c'est déjà prévu. Mais je pense que c'est le moyen, à mon avis, peut-être le plus efficace pour éviter que ces directives deviennent une ingérence dans la gestion de la Régie.

Mme Dionne-Marsolais: Dans vos réflexions, vous parlez toujours des centres de coûts séparément pour Hydro-Québec, dans le chapitre sur la structure organisationnelle d'Hydro-Québec. La société a déjà revu son organisation interne et elle distingue maintenant ses activités de production de celles de transport, et je pense que ces distinctions-là son importantes, au fur et à mesure de l'intégration des marchés d'énergie Nord-Sud. Est-ce que vous avez une vision un petit peu différente ou davantage précise sur ça ou si c'est aussi flou que les autres?

M. Audet (Michel): Non, c'est que, lorsqu'on avait présenté... On a rappelé là-dedans une position qu'on avait soutenue il y a déjà un an et demi, justement lors du débat sur l'énergie, finalement, où on recommandait ça, mais depuis, finalement... Je ne dis pas que c'est ça qui a amené la réflexion d'Hydro-Québec, mais on sait qu'il y a une réflexion là-dessus à Hydro-Québec qui se fait. Et, au contraire, on l'en félicite, parce qu'on pense que, si on veut se coller aux préoccupations des coûts et du marché, c'est la chose à faire. Donc, je l'ai noté d'ailleurs, c'est quelque chose qui va dans le bon sens.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, concrètement, ils ont fait ce qu'il fallait faire, là-dessus.

M. Audet (Michel): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Audet et vos acolytes. Ma question, c'est lorsque vous mentionnez, à la page 3 de votre mémoire, que «la Chambre estime que la politique énergétique [...] n'ont pas clarifié suffisamment le rôle de la nouvelle Régie» puis que ce manque de clarté risque de mener à la mise en place de deux structures qui sont assez différentes puis lourdes. Par contre, vous dites aussi que certaines fonctions devraient normalement appartenir à un ministère ou à un organisme. Est-ce que vous pouvez nous apporter certaines précisions face à ça?

M. Audet (Michel): Oui. Je pense qu'on a d'ailleurs évoqué des cas. Par exemple, on a mentionné la promotion de l'énergie éolienne, on a mentionné l'Agence de l'efficacité énergétique. Ce sont là des fonctions qui sont des fonctions de promotion, des fonctions qui ne sont pas des fonctions d'une régie. Si on veut faire une vraie régie, il faut s'en tenir à des fonctions de régie, carrément, qui touchent justement le contrôle et l'évaluation, donc, qui est faite et être capable de contre-expertiser, comme on dit, ce que font les gens qui soumettent des propositions. À partir du moment où vous donnez des fonctions de promotion, des fonctions de développement à un organisme de contrôle, vous le placez en partant dans une situation où il va être au moins en apparence de conflit d'intérêts parfois lorsqu'il va rendre des décisions.

Alors, c'est ce qu'on dit. Alors donc, c'est à la fois une question de structure et c'est une question également de s'assurer que les décisions ne seront pas, en quelque sorte, au départ, mises en cause parce qu'on soupçonnera la Régie de prendre un biais favorable pour des raisons... pour rencontrer ses propres objectifs dont elle a à rendre compte dans son mandat. Alors, je pense que, si on fait une Régie, il faut que les fonctions soient très claires, que ce soient des fonctions de régie et qu'on sorte de la Régie ce qui est du domaine de la promotion et ce qui est du domaine du développement, ce qui est du domaine plus, d'ailleurs, de la vente, donc plus du domaine – je m'excuse de l'expression – politique, à ce moment-là.

M. Côté: J'aurais peut-être une autre question également.

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y, M. le député.

M. Côté: Est-ce que l'arrivée dans le secteur de nouveaux joueurs, alors que tout le monde s'entend pour dire qu'il y en a déjà beaucoup trop par rapport à ce qui se passe ailleurs ou par rapport au marché, donc, compte tenu de cette stagnation-là de la demande qui est observée – puis ça, c'est depuis plusieurs années déjà – puis que les prévisions du ministère des Ressources naturelles ne voient pas tellement d'augmentation de ce côté-là, pouvez-vous nous expliquer en quoi le fait de tenir compte des coûts d'exploitation pour déterminer le prix... Est-ce que ça stimulerait l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché?

M. Audet (Michel): Bien, écoutez, évidemment, on ne peut pas présumer du comportement d'un nouvel arrivant. Mais, moi, si je sais en partant que j'ai un prix de base pratiquement garanti, donc mes risques sont très limités par rapport à la situation actuelle. Si vous allez actuellement vous ouvrir une station d'essence et que le concurrent situé pas très loin peut baisser les prix et vous placer en difficulté, vous avez une réflexion, une décision d'affaires à prendre, il y a un risque important. Là, vous dites, il ne pourra pas aller en bas, donc, il ne pourra pas baisser son prix en bas du niveau que vous savez, parce que c'est le même partout dans une zone donnée. Donc, vous allez être capable d'entrer, il va y avoir de nouveaux joueurs. Alors qu'actuellement le marché doit, au dire d'ailleurs autant des détaillants indépendants que des grandes pétrolières... Il y en a beaucoup trop actuellement, on nous le dit, en tout cas, il y en a trop, compte tenu des volumes, par rapport à ce qui se passe ailleurs. Si cela avait pour effet d'en ajouter d'autres, en se répartissant un volume de je ne sais pas combien de milliards de litres par année pour un nombre plus élevé, c'est évident qu'on va baisser le nombre moyen vendu dans chacun des établissements, donc il y a des gens qui vont avoir plus de difficulté.

Et la crainte là-dedans, c'est que ceux qui sont le mieux placés, ce sont ceux qui ont des beaux sites et qui ont d'autres instruments de promotion. Et là je ne veux pas entrer là-dedans parce qu'on n'est pas spécialiste de la question. Mais comment allez-vous gérer, par exemple, qu'un Canadian Tire situé au coin de... je ne sais pas, ici, à Sainte-Foy, sur le boulevard Laurier... Vous rentabilisez son terrain en faisant sa station d'essence. Et là il est assuré que quelqu'un qui sort du magasin va dire: Au fait, même si je vais ailleurs, je n'aurai pas de meilleurs prix ailleurs, parce que tout le monde a le même prix, donc, je vais faire mon plein là. Alors, ces gens-là, vous leur donnez une rente de situation additionnelle, puisque, là, l'autre, il n'a même pas la possibilité de baisser son prix, sans quoi il peut être assujetti à des poursuites. Alors, je pense que, par définition, ça peut permettre à des gens d'entrer et ça peut permettre aussi à ceux qui sont déjà bien situés dans le domaine de consolider des positions. Et je ne dis pas, là-dessus... Il n'y a pas de vérité absolue. Ça va dépendre beaucoup des zones, ça va prendre des territoires, il y a des secteurs où ça ne se fera peut-être pas. Mais c'est des risques qu'on mentionne là-dedans. C'est évidemment que, quand vous établissez un prix minimum, c'est le risque qu'on encourt. Est-ce que mes collègues ont d'autres commentaires?

(18 heures)

M. Turgeon (Maurice): ...peut-être ajouter un court commentaire. Parce qu'il y a des effets de volume, là-dedans, qui sont très importants. C'est évidemment que, s'il y a moins de volume par unité de distribution, les coûts fixes d'exploitation, la part relative des coûts fixes d'exploitation va monter. Et, quand vous allez établir les coûts d'exploitation sur cette base-là, automatiquement vous allez donner une meilleure position aux gros détaillants par rapport aux petits; c'est automatique. Vous donnez une rente additionnelle aux gros, et ça me paraît évident que là il y a un problème pour faire entrer des gens... Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y aura plus de monde qui sera susceptible d'aller vers un prix fixé, mais, en réalité, tout ça va diminuer leurs volumes, va donner des ventes additionnelles à ceux qui ont des volumes importants.

M. Côté: Est-ce que vous voulez dire qu'il va y avoir un manque d'équité, à ce moment-là?

M. Turgeon (Maurice): Bien, je ne dirais pas que c'est de l'équité, parce que je ne pense pas qu'en cette matière on puisse parler d'équité au sens strict, mais, en tout cas, c'est évident qu'il y a un avantage qui va être donné à ceux qui ont déjà des volumes et qui vont avoir des volumes plus importants. Et les nouveaux qui vont entrer, dépendant du volume qu'ils vont avoir, ils vont être encouragés à rentrer parce qu'il y a un minimum.

M. Audet (Michel): Si vous me permettez juste une question...

Le Président (M. Beaulne): Bien, M. Audet, malheureusement, le temps est écoulé...

M. Audet (Michel): Oui. O.K. Merci.

Le Président (M. Beaulne): ...à la formation gouvernementale, est passé, et vous pourrez peut-être continuer si une question semblable se pose.

M. Audet (Michel): O.K.

Le Président (M. Beaulne): Mais je me dois maintenant, par souci justement d'équité, de céder la parole à notre collègue le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Il est intéressant de noter, puis je vais enchaîner là, c'est parce qu'il semble que ce que vous soulevez de façon plus vigoureuse, c'est l'intervention que le gouvernement a faite au niveau d'établir un prix pour le pétrole.

Une voix: C'est ça.

M. Cherry: Au moment où la décision a été prise et, évidemment, on a pris cette décision-là, le gouvernement, en fonction de la réaction, des guerres de l'essence, puis de la perception qui était véhiculée, puis des campagnes médiatiques qui étaient... à l'époque, c'était que, bon, les gros étaient pour manger les petits puis qu'ils étaient pour disparaître. On n'a qu'à regarder les chiffres – et mon collègue me glissait cette information-là tantôt, quand on a regardé les dossiers ensemble. On regarde qu'au Québec le nombre de stations-service par rapport au volume, par rapport à la population, on comprend pourquoi les gens du milieu disent qu'il y en a trop. On n'a qu'à regarder combien il y en a par nombre de 1 000 habitants dans les autres provinces, et même aux États-Unis, on comprend. C'est ça qui est la résultante, on permet à tout le monde. Donc, le gouvernement est intervenu. Et quand il a décidé d'établir un type de réglementation, en même temps il a mandaté un comité pour se pencher sur la situation et lui présenter un rapport. Je n'ai obtenu copie de ce rapport-là que très, très récemment, mais qui était... la lettre de son signataire était dirigée au ministre le 8 octobre 1996. Et quand on arrive aux conclusions puis aux recommandations, et quand on regarde le geste qui a été posé, on ne se reconnaît pas dans les conclusions des travaux du comité.

Alors, je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ce document-là...

Une voix: Oui, oui.

M. Cherry: ...mais ça me semble soutenir en très, très grande partie l'intervention que vous faites. Bien sûr, ça peut sembler, pour les gens qui nous écoutent, dire: Comment se fait-il que les chambres de commerce, qui parlent au nom des entreprises, des entrepreneurs, au nom des... Bon, comment ça se fait qu'elles viennent nous dire que... Elles «sont-u» en train de se plaindre que les compagnies font trop d'argent? Mais, évidemment, vous prenez aussi la partie du consommateur et vous dites que le résultat de cette décision gouvernementale là a comme conséquence que les grandes qui, elles, selon votre approche, peuvent opérer à des coûts moindres, mais, comme l'obligation leur est faite de charger plus, ça a comme résultat que ça met dans les poches des pétrolières, si je reprends vos chiffres, 250 000 000 $, mais le résultat, c'est que ces argents-là sont sortis des poches des consommateurs.

Une voix: C'est ça.

M. Cherry: Quand on prend connaissance, comme je vous disais, de 9.1, à la page 113 du document, ça dit que le comité conclut que les prix du gros au Québec reflètent bien les prix internationaux au port de New York, qu'il y a trop d'essenceries au Québec, que la rationalisation du réseau est irréversible et inévitable – ça, c'est le rapport qui dit ça – et que la productivité moyenne au Québec est bien inférieure à celle de l'Ontario et du Canada, que la guerre des prix est un signe de saine concurrence.

J'arrête 30 secondes la lecture pour vous dire que depuis que cette intervention-là, gouvernementale, est faite il y a de plus en plus de gens qui nous font des représentations pour dire que: On ne haïssait pas ça de temps en temps des guerres des prix, ça nous permettait de faire le plein d'essence à meilleur marché, et que là ils ne retrouvent plus ça maintenant et ils ont l'impression qu'ils font les frais maintenant de ça. Et je le dis parce que de plus en plus des gens nous font des représentations à cet effet-là. Là, maintenant, on a décidé d'établir des normes qui ont pour résultats ceux que, vous, vous indiquez et ceux des plaintes de certains consommateurs.

L'industrie est en mutation et les détaillants sont obligés de développer d'autres sources de revenus pour compenser la faible rentabilité de l'essence et, comme dans d'autres secteurs, ils devront s'adapter ou disparaître. On n'a qu'à regarder les centres de distribution service maintenant qui sont devenus des dépanneurs, qui vendent un tas d'articles qui, bien souvent, n'ont aucun rapport avec l'industrie de l'essence, mais c'est la façon que ces entreprises-là ont trouvée pour rentabiliser. Évidemment, ils ont des endroits privilégiés qu'ils ont acquis à grands frais, qui investissent de l'argent, mais qui leur permettent de rentabiliser ça. Si ce n'est pas la même chose des petits! Tu sais, c'est un peu les règles du marché.

Alors, les marges de commercialisation sont déjà plus élevées au Québec qu'en Ontario ou que celles des États-Unis. Tout ça, c'est dans leur rapport. Alors, la majorité des études indiquent que les lois sont au détriment du consommateur et que, de plus, la tendance est à la déréglementation. Sans mentionner, bien sûr, que le gouvernement du Québec, lors de son dernier Sommet, où vous étiez présent, s'est engagé à déréglementer.

Alors, devant ces faits, j'aimerais ça vous permettre de prendre un peu de temps pour commenter sur ces effets-là.

M. Audet (Michel): Bien, écoutez, vous avez fait allusion au rapport. Moi-même, j'y avais fait allusion à propos de la guerre des prix, précisément où on disait que c'était un phénomène qui reflétait la saine concurrence, et ce que vous avez noté, on l'avait nous-mêmes noté. Cependant, on n'a pas voulu, là-dessus, en faire évidemment le centre de notre intervention. On a voulu prendre l'analyse, plus l'analyse du projet de loi tel qu'il est.

Lorsque vous dites – vous parlez des consommateurs – cependant, que l'on a voulu prendre parti pour les consommateurs, c'est vrai. Mais on a voulu prendre parti pour tous les consommateurs. N'oublions pas que les PME, elles ne s'approvisionnent pas, eux autres, aux raffineries. Elles vont s'approvisionner aussi à un poste d'essence. Alors, eux autres aussi vont être assujettis à des prix plus élevés. Ils vendent en Ontario. Les concurrents sont en Ontario, ils sont ailleurs, ils sont au Nouveau-Brunswick, ils sont aux États-Unis. Donc, il faut se rendre compte que eux aussi sont touchés par ça. Alors, on touche aussi, soit dit en passant, non seulement les consommateurs, mais également les producteurs, donc les gens, les entreprises là-dedans, les PME particulièrement, qui sont leurs clients.

Là-dessus, je pense que vous avez noté à juste titre, je pense, que le rapport faisait état du fait qu'il y avait, pour le moment en tout cas.. notre situation au Québec est loin de démontrer que les marges ne sont pas satisfaisantes. Ceci dit, il y a un problème, c'est que les volumes ne sont pas assez importants. Lorsque vous vendez, je ne sais pas, moins de 1 000 000 de litres par année, puis avec ce que ça représente comme marge, bien, ça ne fait pas effectivement des... Si vous en vendez 3 000 000, bien, vous avez effectivement de quoi faire un revenu qui commence à être décent. Et si vous en vendez davantage, c'est encore mieux. C'est évidemment que les volumes sont importants.

C'est pourquoi, d'ailleurs, ça va être un des défis, ça, de la Régie, de gérer... Vous savez, chaque poste, par définition, c'est lié à l'endroit, au site. Donc, presque chaque site va avoir effectivement, va presque, devrait presque avoir un niveau de prix pratiquement différent, puisqu'il va avoir un avantage. Et comme on fixe le prix dans une zone qui va être assez large, selon que vous êtes dans un endroit où vous pouvez aller chercher 5 000 000, 6 000 000 de volume, de litres par année, et où, à un autre endroit, vous en avez 500 000 ou 1 000 000, vous allez avoir deux mondes, un monde de différences entre les deux. Alors, c'est une des difficultés de gérer ça.

Donc, nous, on a pris le parti, là-dedans, comme on le disait tantôt, de croire que la concurrence et également la simplicité des règles du marché sont la meilleure façon de refléter les meilleurs prix actuellement. Et, évidemment, ça peut créer à l'occasion des guerres de prix. Mais je signale là-dessus que, encore une fois, les guerres de prix, ce n'est pas quelque chose d'unique dans le domaine pétrolier. Vous irez voir dans le domaine du détail, dans à peu près tous les domaines de ce temps-ci, les prix augmentent peu, les prix à la consommation augmentent peu. Donc, la concurrence est féroce pour se chercher des parts de prix. Dans tous les secteurs industriels, je pourrais en nommer beaucoup d'autres, vous avez des gens qui coupent les prix pour maintenir des parts de marché. Alors, c'est un phénomène qui n'est pas nouveau. Il faut trouver effectivement une façon que les gens se disciplinent. Malheureusement, le prix, quand les gens sont en concurrence, c'est encore le meilleur mécanisme de discipline, je pense. Je n'en vois pas beaucoup de meilleur que ça.

M. Cherry: O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, de venir nous rencontrer, de partager avec nous vos préoccupations qui sont les mêmes, en fait. Puis vous vous adressez surtout aux consommateurs, aux PME et à la création d'emplois. On sait qu'au Québec il y a presque le même nombre de stations de gazoline qu'en Ontario, à quelques centaines près. On sait que le ratio par 1 000 habitants, on est le plus haut en Amérique du Nord. On sait que le débit moyen des stations de gazoline, c'est presque deux fois moins au Québec qu'en Ontario et c'est trois fois moins qu'aux États-Unis. Alors, il y en a beaucoup trop, de stations de gazoline. Une fois qu'on a dit ces chiffres-là, M. le Président, et j'ai apprécié votre comparaison avec les petites boulangeries dans les années soixante-dix, elles sont toutes disparues, les petites boulangeries, pour revenir depuis quatre, cinq ans, et pourquoi? À cause de la qualité du produit, du service qui nous est donné, de la fraîcheur du pain et de son bon goût.

(18 h 10)

J'ai quand même une préoccupation. Si on faisait disparaître aujourd'hui, à cause de la concurrence, les indépendants – il est possible qu'on en arrive là – est-ce que ce serait souhaitable pour le consommateur d'arriver à la disparition des indépendants? Les guerres de prix dont on a bénéficié au cours des mois de l'été, bien, vont disparaître évidemment, parce que les multinationales ont toutes à peu près les même coûts et, bien, évidemment partagent leurs coûts avec le consommateur. Est-ce que ce serait souhaitable de voir la disparition des indépendants et, si non, quel mécanisme suggérez-vous pour qu'on puisse les garder en fonction? Parce que, si on joue le rôle des petites boulangeries, bien, ils vont disparaître.

M. Audet (Michel): Non seulement ce n'est pas souhaitable, mais j'espère qu'ils vont toujours rester là, parce que c'est ça qui crée effectivement, je dirais, l'émulation et qui permet justement d'avoir des meilleurs prix pour les consommateurs. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense que les indépendants au Québec, leur part a toujours oscillé entre 15 et 25, 20... autour de 20, 22, 23 %, donc ils ont à peu près le quart, à peu près 20 % du marché, donc à peu près entre le quart et près du quart du marché. Donc, ce n'est pas une situation où ils sont, comme tels, menacés.

Ce qu'il est important de savoir aussi, c'est que des indépendants, il y en a qui sont très efficaces qui ne disparaîtront jamais, et il y a beaucoup de pétrolières qui vont avoir des difficultés avant de... Il y en a qui sont moins efficaces, comme il y en a des grandes... Alors, c'est pour ça que la... Moi, je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire: C'est les grandes pétrolières par rapport aux... Je pense qu'il y a des pétrolières, des grandes pétrolières qui sont obligées de faire du ménage, elles sont obligées d'en faire, puis qui doivent en faire, comme peut-être il y a des indépendants aussi qui vont devoir le faire.

Mais le but là-dedans, ce n'est pas de dire: Untel doit continuer. Je pense que le marché va s'en occuper, et c'est ça qui est... Le risque actuellement de la proposition, selon nous... c'est qu'on introduit un mécanisme qui va peut-être donner de l'oxygène pendant un certain temps, qui va peut-être reporter un problème, qui va permettre à des gens qui sont peut-être un peu moins efficaces... Des deux côtés. Comme je vous dis, notre position n'est pas en faveur des grandes; au contraire, on a un préjugé favorable, comme beaucoup de monde, pour les indépendants là-dedans. Sauf qu'on dit cependant: Assurons-nous qu'on vise que les moyens qu'on a vont atteindre les objectifs qu'on veut bien atteindre. Et, moi, je pense que... Je vais vous dire franchement, je ne sais pas quelle sera la réaction, je n'ai pas vu le mémoire des pétrolières, mais, si j'étais dans leur peau, je dirais: Bien, écoutez, si vous me garantissez un prix minimum, au fond, là, moi, je vais aller concurrencer sur autre chose puis je vais aller en chercher des... je vais aller chercher ma part de marché pareil.

Donc, ce n'est pas évident que, là-dedans, cette position-là est loin d'être nécessairement partagée. On a voulu prendre une position de principe général justement et non pas qui se distance, qui nous permet d'être un peu... de s'élever un peu au-dessus du débat puis de dire: Est-ce que c'est la façon d'atteindre un objectif par ailleurs très louable, de maintenir effectivement une concurrence saine et particulièrement un secteur d'indépendants là-dedans? On croit, nous, que c'est un moyen qui est extrêmement risqué, qui risque d'avoir l'effet inverse de celui qui est prévu.

Est-ce que mes collègues ont d'autres commentaires?

M. Beaudet: M. le Président, si je comprends bien – moi, pas si je comprends bien, je comprends très bien – le prix plancher pour vous, c'est quelque chose auquel on doit s'objecter?

M. Audet (Michel): Bien, écoutez, si, par... C'est non seulement un prix plancher dont on parle...

M. Beaudet: Ça fausse la...

M. Audet (Michel): ...mais c'est qu'il va y avoir même des poursuites intentées si vous êtes à l'écart. Donc, ça devient un prix... c'est un prix dicté. Ce n'est plus...

M. Beaudet: Oui, oui.

M. Audet (Michel): Alors donc, ce n'est plus un prix plancher. C'est ça, la notion.

M. Beaudet: C'est comme le prix du pain.

M. Audet (Michel): C'est que, si on avait un prix indicatif et qu'on savait que, mettons, autour de ça, qui peut exagérer, ou je ne sais pas, moi... Mais ce n'est pas le cas. Si quelqu'un passe à côté, il y a des poursuites qui vont être intentées par les concurrents vis-à-vis d'autres. Alors, ça, c'est un mécanisme de dénonciation qui ouvre la porte, d'ailleurs en passant, à beaucoup d'abus. Alors, ça aussi, c'est quelque chose auquel on devrait réfléchir, parce qu'il peut y avoir des poursuites frivoles et qui visent d'autres objectifs que celui strictement de défendre l'intérêt du consommateur.

M. Turgeon (Maurice): Peut-être ajouter quelque chose là-dessus. À mon avis en tout cas, ça ressemble plus à un prix ascenseur qu'à un prix plancher, parce que les prix en question vont varier selon les coûts d'exploitation. Donc, ça veut dire que plus il y a de petits dans le marché, moins il y a de volume par unité de petits, plus les coûts d'exploitation relatifs montent et plus, si on veut assurer une marge, il faut monter les prix en même temps. Alors, c'est une espèce de prix ascenseur, si vous voulez, qui va s'ajuster, de façon pas automatique mais sur la base des constatations de la Régie, avec les coûts des détaillants et les prix, évidemment, qui sont payés au niveau des multinationales ou des grands distributeurs. Alors, à mon avis, c'est un peu plus astucieux qu'un prix plancher au sens strict.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Iberville, il vous reste une minute. Allez-y.

M. Le Hir: Ce ne sera pas bien long. J'ai noté votre phrase: «C'est un système qui pousse les prix à la hausse et qui impose une taxe aux consommateurs pour permettre aux détaillants de rester en affaires.» Je vous avoue qu'en voyant le mot «taxe» j'ai fait comme tout le monde à l'heure actuelle, j'ai sursauté, et j'aimerais que vous reveniez un petit peu là-dessus.

M. Audet (Michel): Bien, évidemment, c'est l'équivalent.. on dit que c'est l'équivalent d'une taxe, puisque, si, par exemple, le prix moyen... Si vous définissez que c'est 0,08 $, supposons, le litre, le prix, parce que la moyenne, comme vient de dire mon collègue ici, est de 0,08 $ dans le domaine, il y en a qui peuvent peut-être être à 0,09 $, mais il y en a qui sont à 0,04 $. Celui qui est à 0,04 $, vous définissez que c'est 0,08 $, lui, là, c'est l'équivalent... dans son cas, lui, il vendrait, il pourrait vendre 0,04 $ de moins, peut-être un peu moins, il s'en garderait peut-être un peu plus, peut-être que ça serait 0,03 $. Mais l'écart entre les deux, c'est comme si vous imposiez une taxe pour assurer que tout le monde effectivement vende au prix plus haut. Alors, c'est ça. La taxe a pour effet, comme vous le savez, de monter les prix à la pompe. Donc, c'est équivalent d'une taxe à la pompe pour monter le prix d'un bon nombre de gens, dans le cas d'un bon nombre d'entreprises.

Dans d'autres cas, ça va être à peine suffisant, et ça, bien sûr, pour rencontrer leurs coûts. Ça, c'est clair. Mais là, vous allez être assujettis à des pressions, parce qu'ils vont dire effectivement: Ce n'est pas assez haut. Donc, la Régie va régulièrement être harcelée par des gens qui vont dire: Ce n'est pas suffisant. Donc, comme toute taxe, ayez-en un petit peu plus, ha, ha, ha! arrondissez-la. Et puis les autres vont dire: Bien, écoutez, tant mieux, parce que, moi, ça me permet d'améliorer, d'arrondir ma rente. Parce que vous créez une rente avec ça, c'est clair, enfin, c'est le sentiment... en termes économiques, c'est l'équivalent d'une rente.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Audet.

M. Audet (Michel): Merci.

Le Président (M. Beaulne): Avant d'ajourner les travaux de la commission, est-ce qu'il y aurait consensus pour permettre à la ministre de l'Industrie et du Commerce, qui a remplacé le ministre des Ressources naturelles au pied levé, de se retirer de la commission?

Une voix: Accepté.

Le Président (M. Beaulne): Allez-y, Mme la ministre.

M. Cherry: À regret. À regret, on accepte.

Mme Dionne-Marsolais: Je peux dire un petit mot avant de partir?

M. Beaudet: Pas qu'on n'aime pas le ministre de l'Énergie.

M. Cherry: Non, non, mais on préfère la ministre. Mais, à regret, on accepte qu'elle se retire.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, on en prend note, MM. les députés.

M. Beaudet: C'est plus agréable...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: C'est plus agréable de vous regarder...

Mme Dionne-Marsolais: Merci. J'espère que ce n'est pas juste pour le look.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne-Marsolais: Alors, je voudrais remercier les gens de la Chambre de commerce pour leur présentation et leur dire que, comme vous avez dit, M. Audet...

Une voix: ...

Mme Dionne-Marsolais: Écoute-moi donc deux minutes! Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Il vous dérange.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, oui, oui, c'est ça, il distrait le monde.

Vous avez pris parti envers la concurrence, vous avez dit ça tout à l'heure, à l'époque. Mais le devoir du gouvernement, c'est d'établir un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux de l'industrie, et c'est ce que nous avons fait dans les circonstances sur ce dossier-là. Alors, je vous remercie des remarques que vous nous avez faites et de la valeur ajoutée des discussions que nous avons eues.

M. Audet (Michel): Merci.

Mme Dionne-Marsolais: Au nom du ministre de l'Énergie, qui l'a fait verbalement tantôt. Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Merci, Mme la ministre. J'ajourne les travaux de la commission à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 18)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît!.

La commission de l'économie et du travail poursuit ses consultations particulières sur le projet de loi n° 50. Et nous avons le plaisir d'accueillir ce soir, à 20 heures, les représentants du Grand Conseil des Cris. Malheureusement, contrairement à la liste des représentants qui vous a été distribuée, M. Matthew Coon Come ne sera pas des nôtres. Il est remplacé par M. Bill Namagoose, qui est devant moi, et M. Alan Penn et M. Brian Craig l'assisteront pour la présentation.

Alors, sur ce, je vous rappelle les règles de la participation à ces auditions. Vous avez un total de 45 minutes pour échanger avec les parlementaires; 15 minutes pour votre présentation; et, par la suite, chaque formation politique a 15 minutes pour échanger avec vous. Alors, sur ce, je vous laisse la parole, M. Namagoose, pour votre présentation.


Grand Conseil des Cris du Québec (GCCQ)

M. Namagoose (Bill): (S'exprime dans sa langue).

First of all, I'd like to apologize on behalf of Grand Chief Matthew Coon Come who was scheduled to be here. He couldn't make it because there is serious illness in his family, and I hope him well. I'm sure we will try our best. I'm not Matthew Coon Come. My name is Bill Namagoose. I am the executive director of the Grand Council of the Crees. And I would like to make my presentation in English as of I cannot function in French at this level. And there will be a French portion of our presentation much later, from Brian Craig.

On behalf of the Cree Nation, I would like to thank the commission permanente de l'économie et du travail for this opportunity to express our concerns relating to the proposed Loi sur la Régie de l'énergie.

As you are well aware, the Crees have been uniquely affected by the energy policies and practices of the Québec government. It is our traditional lands which have been used to service the electricity needs of Québec. The complex La Grande, which provides approximately half of the electric energy used in Québec, has caused and continues to cause drastic impacts to our environment and our way of life. It floods 12 000 km² of prime wildlife habitat and has caused massive mercury contamination of the fish, as well as other major impacts. This fact alone would be sufficient to give us an important place in the reflections on Québec's energy future.

But this is not all. The Great Whale project, which would now be nearing completion if we had not gone to extraordinary lengths to fight it, would have visited similar destruction on another part of our territory. As we learned from reading the energy policy released this week, the proposed megaproject, for which the Crees never have and will never give consent, has not been cancelled, but has been delayed, awaiting the appropriate moment to be recalibrated, segmented and relaunched. There thus can be no doubt that the evolution of the energy debate continues to be of critical interest to the Cree people.

If we have learned anything over the years, it is that the projects that destroy our lands are driven by economic arguments. We have learned that these arguments are often false.

If Hydro-Québec has financial difficulties today, they are largely due to the burden of supporting the debt incurred in building equipment that exceeds by 3 000 MW what would have been needed to serve Québec's needs. Revenue from exporting the surplus cannot support those costs, because the export price is well below the cost of the La Grande phase 2 developments, which took place on Cree lands, increasing and aggravating the damage caused by the original project.

Imagine how much worse Hydro-Québec's situation would be today if its surplus were twice as large. The moment Great Whale was commissioned, interest expenses would have jumped by $1 000 000 000 a year, as the $13 000 000 000 in construction costs hit the balance sheet. Meanwhile, the 16 TW the complex would produce every year would have been sold on the spot market, producing less than $400 000 000 a year in revenues. The shortfall of some $600 000 000 a year would have to be made up through rates, resulting in a rate increase of 8 % or more across the board.

This is not the first time we've raised these points. Following the release of the public debate report, we wrote to Premier Lucien Bouchard, on May 15 of this year. In that letter, we applauded certain positive elements in the report, but advised the Premier that its recommendations, if enacted, would constitute a serious infringement on the rights of the Cree people including those set forth in the James Bay and Northern Québec Agreement. The letter detailed these infringements and proposed high-level discussions to ensure that these problems would be resolved before any legislative actions were taken pursuant to the report.

Unfortunately, that letter fell on deaf ears. Apart from a brief acknowledgement from the Minister of State for Natural Resources, it went unanswered – no substantive response to the issues we raised, and no response to our request for a meeting to explore the issues together. Instead, the Government simply went ahead and tabled legislation which incorporates all problems we saw last May.

We sincerely hope that the commission permanente will take these matters more seriously, lest we find ourselves obliged one day to take our arguments to another less amicable forum. These are steps which we take with reluctance when doors are closed to us in Québec.

Now, I would like to speak about the proposed Régie, which is in violation of the James Bay and Northern Québec Agreement. Under section 71 of Bill 50, Hydro-Québec must submit a resource plan to the Régie for approval, proposing strategies to establish equilibrium between supply and demand of electrical energy, and taking into account environmental, social, economic preoccupations as well as the risks which flow from resource choices.

This resource plan seems to differ from the present development plan of Hydro-Québec. Indeed, section 21.3 of the Hydro-Québec Act, which indicates that Hydro-Québec must establish a development plan and submit it for approval to the government, will be amended by Bill 50 to replace the words «development plan» by «strategic plan».

Hydro-Québec will therefore have to establish its strategic plan subject to the approval of the government. The strategic plan is not defined in the legislation. Once this plan has been approved by the government, Hydro-Québec will propose to the Régie a resource plan following the strategies already approved by the government in the strategic plan. Therefore, the resource plan could provide for the development of specific hydroelectric projects in James Bay territory if the strategic plan requires such development.

Furthermore, under the first paragraph of article 72, Hydro-Québec must obtain the authorization of the Régie to acquire, build or dispose of immovables or of assets destined for the production, transport or distribution of electricity.

Insofar as the resource plan envisioned in section 71 provides for the development of specific projects in the James Bay territory, or the immovables envisioned in section 72 are located in Cree territories in Northern Québec, these approval powers of the Régie interfere with the jurisdiction of the committees set up under section 22 of the James Bay and Northern Québec Agreement, and thus are in violation of the James Bay and Northern Québec Agreement.

(20 h 20)

The James Bay and Northern Québec Agreement was executed in November 11, 1975 and was approved, given effect to and declared valid by the James Bay and Northern Québec Agreement Settlement Act of 1976 and An Act approving Agreement concerning James Bay and Northern Québec, 1976. And also, as ruled by the Federal Court of Canada in Attorney General of Quebec vs. the Cree Regional Authority, the James Bay and Northern Québec Agreement has a legislative character. Moreover, pursuant to sections 25, 35 and 52 of the Constitution Act of 1982, the treaty rights of the James Bay Crees under the James Bay and Northern Québec Agreement are affirmed, recognized, guaranteed, entrenched and protected in the Constitution of Canada.

The James Bay and Northern Québec Agreement specifically provides that all future developments in the territory are subject to a review and evaluation process in which the Crees are represented and in which their rights and particular interests are taken into consideration. Powers granted to the Régie in sections 71 and 72 violate these provisions of the Agreement.

Moreover, the James Bay and Northern Québec Agreement, in sections 22 and 23, contemplated the establishment of environmental and social protection regimes applicable to the northern part of Québec. Section 22 of the Agreement concerns more particularly the environment and future development of the James Bay territory, and establishes at paragraph 22.2.2 a regime which provides for, and I quote:

«a. A procedure whereby environmental and social laws and regulations and land use regulations may, from time to time, be adopted, if necessary, to minimize the negative impact of development in or affecting the territory upon the native people and the wildlife resources of the territory;

«b. An environmental and social impact assessment and review procedure established to minimize the environmental and social impact of development when negative on the native people and the wildlife resources of the territory;

«c. A special status and involvement for the Cree people over and above that provided for in procedures involving the general public through consultation or representative mechanisms, whenever such is necessary to protect or give effect to the rights and the guarantees in favor of native people established by and in accordance with the Agreement.»

This is a fundamental part of the James Bay and Northern Québec Agreement. Paragraph 22.2.4 also established the guiding principles of the regime, which include the protection of the hunting, fishing, trapping rights of native people in the territory and their own rights in category 1 lands with respect with developmental activity affecting the territory; the environmental and social protection regime whith respect to minimizing the impacts on native people by developmental activity affecting the territory.

The Agreement provides for an impact assessment regime capable of substantially influencing project planning and design at an early stage. As a requirement for impact assessment and review, paragraph 22.5.1 of the JBNQA provides that a proponent of a development project shall submit a project description to the administrator during the preliminary planning stage. Paragraph 22.1.7 provides the following.

Paragraphs 22.1.7 and 22.5.1 of the Agreement are clear. The committees established under the James Bay and Northern Québec Agreement have exclusive jurisdiction to review all energy projects proposed to be located on the James Bay territory and may reject such projects when appropriate.

We refer to page 7, «Exports and deregulation». The second major issue that concerns the Cree people, the Cree nation is the strong emphasis on exports in the new energy, policy coupled with the weak and ineffectual regulatory role over exports given to the Régie. Intimately related to the renewed interest in electricity exports is the Government's commitment to deregulate electricity, which flies in the face of the recommendations of the public debate on energy.

Exports have a great potential to increase demand for energy and thus to drive energy development projects. In the case of Great Whale, the projects wouldn't have been planned at all if it weren't for the enormous export objective of the 1988 energy policy. The agreement we signed in 1975 with the government of Québec was not an agreement to sell our rivers to the Americans. I must remind you that megaprojects on the destructive scale of the Great Whale project could never be built today in the United States.

For all its differences with the 1988 energy policy it replaces, the new energy policy tabled last week under the title «L'énergie au service du Québec» is remarkably similar to the old one in its emphasis on electricity exports. The emphasis on long-term firm contracts has disappeared only to be replaced by energy deregulation, opening of markets and restructuring. Nevertheless, the bottom line is the same. The Government proposes a policy based on deregulating electricity in order to increase exports and thereby to increase the need for new generating facilities.

The decision is primarily embodied in section 164 of Bill 50, which requires the Régie to advise the government within six months on how it should deregulate generation, in whole or in part. It should be noted that the Régie is not even required to hold public hearings before reporting to the government, and that the government would have the power to eliminate generation from the Régie's mandate by decree without even having to amend the Act.

Moreover, the market liberalization process in the energy policy is in fact just a partial one, affecting exports. Québec's market still remains close to American power producers. If American producers can provide power from facilities which are less destructive to the environment and to aboriginal peoples than those proposed by Québec, then they should have open access to that market as well.

Deregulation implies very important changes, and this matter should be reviewed separately, carefully, in order to assess the impacts. The Grand Council of the Crees of Québec therefore recommends that section 164 be striken from Bill 50.

Now I would like to ask my colleague Brian Craig to continue on page 10, on the issue of the special contracts.

M. Craig (Brian): Je vois que je n'ai que deux ou trois minutes, alors je vais juste faire un petit résumé de ce qu'il y a dedans.

On demande, en ce qui concerne des contrats spéciaux, qu'ils soient soumis au processus en dessous de la Régie. On voit que les contrats de plus de 10 MW sont exclus de la juridiction de la Régie et on pense que dans le passé on se plaignait beaucoup ici, au Québec, à cause du fait qu'il n'y avait pas d'information sur les contrats avec les alumineries. Et ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est qu'on ne pourra pas avoir de contrats comme ça dans l'avenir, des contrats secrets. Et alors, à cause de ça, on demande que les contrats avec les alumineries soient rendus publics et que les contrats dans le futur soient soumis au processus.

En ce qui concerne les audiences publiques, on voit que l'article 25 devrait être amendé de manière à rendre obligatoire la tenue d'audiences publiques pour tous les plans de ressources, les contrats d'exportation et les contrats à tarifs spéciaux.

En ce qui concerne la composition de la Régie, on demande que l'article 9 soit amendé de manière à indiquer clairement que les membres de la Régie doivent être objectifs et à l'abri de toute ingérence politique. En outre, les régisseurs devraient posséder des connaissances spécialisées dans le domaine de l'énergie.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Craig. Alors, maintenant, le temps de la présentation étant terminé, je vais passer la parole à M. le ministre des Ressources naturelles pour qu'il puisse échanger avec vous. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, quelques commentaires pour rectifier certains points. Et vous pourrez m'arrêter au besoin, si vous voulez traduire pour le porte-parole.

Tout d'abord, le processus environnemental n'a rien de changé par rapport à la venue ou à l'apparition de la Régie. Je ne sais pas qui peut dire ça, mais l'étude d'impact, les études environnementales de toute nature, tout le processus environnemental est maintenu intégralement.

(20 h 30)

Deuxièmement, je dois dire aussi que, pour ce qui est des grandes alumineries, notre gouvernement a fait connaître clairement son intention. Il n'est plus question d'accorder des tarifs particuliers à de grandes alumineries, dont le ratio investissement-emploi est 1 000 000 $ pour un emploi, mais on favoriserait en toute transparence, à partir d'un bloc de 500 MW qui est disponible, qui a été annoncé au Sommet, des projets de seconde transformation, de deuxième transformation, dont le ratio investissement-emploi est de beaucoup supérieur aux grandes industries énergivores qu'on a connues par les alumineries. Ça a été annoncé avec assez d'emphase au Sommet que l'on a vécu tout dernièrement.

Troisièmement, il n'est pas de notre intention, il n'a jamais été de notre intention et il est clair, en vertu je ne me souviens pas de quel article du projet de loi, en vertu de l'article 72 du projet de loi, qu'«une autorisation visée au présent article ne dispense pas Hydro-Québec ou un distributeur de gaz naturel de demander une autorisation par ailleurs exigée en vertu d'une loi.» Nous prétendons... en tout cas, ce qu'on veut dire par là, c'est que les lois et les conventions existantes, comme la Convention de la Baie James, seront respectées. Donc, c'était pour répondre à un autre argument de votre mémoire.

Il y avait un autre point sur lequel je voulais également parler, c'est que vous dites dans votre mémoire – je ne me souviens plus où, je le cherche, mais vous allez me le dire, j'en suis sûr – que les Américains pourraient produire une énergie à meilleur coût. Quel type d'énergie, et quelle assurance avez-vous qu'elle est moins polluante que l'énergie hydroélectrique? Ça, c'est ma première question.

M. Namagoose (Bill): Well, it's been a wellknown position of the Cree Nation that the cleanest source of energy that we can obtain is through conservation measures through the existing Hydro-Québec grid. There is more than... We don't favour the export or importation of American electricity or energy. We promote the conservation measures on the existing Hydro-Québec grid. According to our experts, there is... Great Whales, on the existing Hydro-Québec energy grid, that... with conservation measures, and create just as many jobs, and that does not require a huge capital investment.

But there is already exchange of electricity between Québec and the Americans. We understand there have been several agreements to exchange energy. Perhaps there are some clean sources of energy, through conservation measures, that can be freed up by the Americans to exchange with Québec. But we don't propose any new purchase, or exports... import.

M. Chevrette: One minute. If you read, at page 11, the last paragraph, you write: «Si ces derniers peuvent produire de l'énergie à partir d'installations moins destructives pour l'environnement et les nations autochtones que celles qui sont proposées par le Québec, ils devraient également avoir un accès libre à ce marché.» Est-ce que vous pourriez me donner quelle filière américaine est moins destructive pour l'environnement – j'aimerais ça le savoir – et moins chère aussi et moins nocive pour les nations autochtones? Parce que c'est une affirmation, ça, je suppose que c'est basé sur quelque chose. J'aimerais savoir, parce qu'on les cherche, nous.

M. Craig (Brian): C'est juste que, dans votre projet de loi, la libéralisation proposée n'est pas une vraie libéralisation, c'est juste une libéralisation partielle des exportations. Une vraie libéralisation comprendrait la possibilité que les Américains puissent exporter de l'électricité au Québec. Aussi, ce qu'on voit c'est que, sur le réseau américain, il y a très souvent de l'électricité supplémentaire qui pourrait être vendue ici. Et, l'hiver, l'État de New York vend des fois de l'électricité au Québec, dans le cas où le Québec en a besoin.

M. Chevrette: Je vous arrête. Ce n'est pas encore là ma question. S'il y a de l'énergie excédentaire aux États-Unis produite par du charbon, qui pollue à mort, comment pouvez-vous aller aux États-Unis dire que l'hydroélectricité pollue chez vous à mort, alors que vous seriez d'accord pour importer de l'énergie qui pollue à mort aux États-Unis? Parce que vous affirmez qu'elle serait moins destructive pour l'environnement. J'espère que vous ne comparez pas le charbon à l'électricité!

M. Craig (Brian): Bien, on pourrait toujours fermer Tracy ou les autres producteurs d'électricité, ici, au Québec, qui sont soit un grand risque ou polluants. Et aussi, aux États-Unis, on a des producteurs d'électricité qui utilisent des projets de cogénération, qui utilisent le gaz naturel, qui utilisent le... Il y a des programmes pour l'efficacité énergétique et il y a une grande possibilité d'un échange sur ces bases-là. Donc, le principe d'un marché ouvert, ça serait de prendre avantage de ces opportunités-là si elles se présentent au Québec.

M. Chevrette: Oui, mais on va se comprendre un petit peu. Je vais essayer de m'expliquer plus calmement, plus clairement. Si un groupe comme le vôtre décidait d'aller faire croisade en territoire américain sur la pollution de l'hydroélectricité, comment pouvez-vous me recommander, ici, correctement puis sérieusement, j'en suis sûr, d'importer de l'électricité produite avec du charbon ou du «bunker» ou du mazout, aux États-Unis, qui a un effet dévastateur en territoire américain? Vos valeurs environnementales, que vous promenez d'un endroit à l'autre, doivent être cohérentes, je suppose. Comment le justifiez-vous? Parce que, moi, j'aime bien ça, quelqu'un de cohérent.

M. Craig (Brian): On pourrait toujours, comme je viens de dire, tourner la question en rond en disant que vous ne pourrez pas exporter de l'électricité aux États-Unis sans fermer votre centre nucléaire. Il y a toujours de l'électricité produite ici et aussi aux États-Unis par des génératrices qui ne sont pas dites acceptables au niveau de l'environnement. Donc, on ne propose pas qu'on importe de l'électricité produite seulement par le mazout des États-Unis, mais il y a de l'électricité tout proche d'ici qui est produite aux États-Unis par des génératrices qui sont moins polluantes que les génératrices qui utilisent le mazout, par exemple. Il y a aussi la possibilité de projets éoliens aux États-Unis; le Vermont a une possibilité, le Québec a une grande possibilité de ça aussi. Mais c'est juste le principe de marché ouvert qui est en jeu. Ce n'est pas un marché ouvert qu'on propose.

M. Chevrette: Bien, vous semblez être d'accord, en tout cas, pour l'export-import, j'ai bien compris ça. Puis si je vous demandais de me hiérarchiser les filières énergétiques, quelle est la première que vous favoriseriez?

M. Namagoose (Bill): Yes. I just explained a while ago that we are, on our record, saying that the best source of energy right now in Hydro-Québec... well, in Québec, that's through conservation measures through the existing Hydro-Québec grid, and there is no other option. You're asking us to choose the best source of energy, but that is the source of energy that is the cleanest, the existing capacity that can be generated from the... freed up from the existing capacity.

M. Chevrette: Pour vous, c'est l'hydroélectricité, la source la plus propre?

(20 h 40)

M. Penn (Alan): Je ne suis pas sûr que le charbon, l'oxydation du carbone, c'est le seul critère valable de comparaison, pour répondre à M. Chevrette. Mais, si on se fixait comme objectif l'équivalence de carbone oxydé en fonction de l'hydroélectricité versus les centrales à gaz ou à charbon, je pense qu'il y aurait déjà un débat sérieux à mener. Les chercheurs de l'Université de Montréal, au Québec et ailleurs au Canada ont pu démontrer effectivement que, selon le type de réservoir, selon le type de bief d'amont, la décomposition du carbone serait l'équivalent ou près de l'équivalent du carbone oxydé, CO2, à travers la production d'une quantité équivalente d'énergie dans une centrale conventionnelle à gaz ou à charbon. Donc, on ne peut pas simplement conclure que l'aménagement hydroélectrique est neutre par rapport aux gaz atmosphériques. Mais, en plus, il y a des questions d'inondation, des pertes d'habitats lacustres ou riverains ou de terres humides qui ne sont pas prises en considération dans ce genre de bilan et d'équivalence.

M. Chevrette: Quelle est votre position sur un développement éventuel de Lower Churchill?

M. Penn (Alan): Mais, d'après ce que je connais du système... Moi?

M. Chevrette: Ah! n'importe lequel, je veux une réponse.

M. Penn (Alan): En tout cas. C'est une centrale essentiellement au fil de l'eau, en aval de la centrale actuelle, Smallwood, et les impacts, sur le plan environnemental, ne sont pas de même envergure que les impacts du complexe Churchill Falls qu'on connaît actuellement. Donc, c'est un ajout relativement minime en termes d'impact écologique.

M. Chevrette: Est-ce que vous soutenez toujours les deux miniprojets de centrale avec des turbines de surface, pour Laforge 2 et Brisay? Est-ce que ce sont toujours deux projets que vous préconisez pour fins d'alimentation en remplacement des réseaux autonomes au gaz que vous avez?

M. Namagoose (Bill): We understand that there is massive fluctuation of flooding in that area between the two reservoirs which causes a lot of disruption for the people that are using the land. As part of a remedial measure, it was recommended by some energy experts or some engineers that the reservoirs be channeled properly, be controlled to minimize the flooding. And by channeling and minimizing the flooding, there is potential for recuperating some energy from the water flow.

We understand there is a remedial measure to remedy the situation between those two reservoirs. We don't know why Hydro-Québec, I guess, mismanaged and misdesigned the... complex and omitted to include a couple hundred of megawatts. I think that's unacceptable that they had left an area of this size devastated when they could have minimized the impacts and still recovered more energy.

M. Chevrette: Seriez-vous satisfaits du fait que vous pourriez présenter à la Régie votre projet de petite centrale hydroélectrique à Waskaganish comme alternative à tout autre projet de construction proposé par Hydro-Québec?

M. Namagoose (Bill): Well, look. We understand it was kind... It is a mini-hydro. It's around of the river. There is no flooding, which is... It's always the Cree obsession that it is the cleanest source of energy. There's no destruction. It's our natural harness of a naturel system, in its natural state.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier et souhaiter un prompt rétablissement au chef Matthew Coon Come.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Dites-nous donc en quoi votre perception de la table de concertation de l'énergie... en quoi le projet de loi n° 50 diffère des travaux auxquels vous avez participé lors de la table de concertation sur l'énergie.

M. Craig (Brian): Pour répondre de façon complète à votre question... Même, je pense que je pourrais vous fournir une réponse écrite plus tard. Mais je dois juste vous dire, au début, que la Régie proposait... Ce qu'on comprenait à l'époque, c'était que la Régie serait une régie neutre et qu'il y aurait des garanties que les membres de la Régie ne seraient pas touchés ou ne seraient pas politiquement impliqués. Aussi, on pensait que les projets d'exportation d'énergie et aussi les contrats de vente d'énergie à l'industrie seraient soumis au processus. Pourquoi pas, si le principe, c'est la transparence et si le principe, c'est de planifier une politique rationnelle pour le Québec. Ces contrats d'énergie devraient être soumis au processus, et c'est ça qu'on a compris à l'époque.

M. Cherry: O.K. À la page 5 de votre mémoire, vous soulevez qu'il y a une distinction entre la Loi sur Hydro-Québec et... Je vais lire: «Ce plan de ressources semble différer du plan de développement actuel d'Hydro-Québec. En effet, l'article 21.3 de la Loi sur Hydro-Québec, qui indique qu'Hydro-Québec doit établir un plan de développement et le soumettre à l'approbation du gouvernement, sera amendé par le projet de loi n° 50 – qui est l'article 121 – de manière à remplacer l'expression «plan de développement» par «plan stratégique».» Qu'est-ce qui semble vous troubler dans l'utilisation de ces mots-là de façon telle que vous les exprimez dans votre mémoire?

M. Craig (Brian): Il n'y a pas de définition de plan stratégique. Ça contiendrait quoi exactement? Est-ce que le gouvernement, par exemple, exigerait qu'un tel barrage soit construit dans l'avenir, au lieu d'exiger qu'Hydro-Québec planifie ses activités, pour produire de l'électricité avec certains buts en vue, certains objectifs en vue? C'est le manque de définition qui nous inquiète et c'est... Le processus de revue environnementale en vertu de la Convention de la Baie James prévoit que, quand les projets sont soumis au processus, il y aurait une période d'évaluation: si le projet est le meilleur choix, si c'est bien conçu et si c'est nécessaire. Et ces questions économiques devraient être répondues au début du processus pour procéder à une revue environnementale.

M. Cherry: Donc, vous croyez que l'utilisation de ces mots-là demanderait des clarifications, pour tenter de vous rassurer. Vous pensez qu'ici ce n'est pas aussi clair que l'autre façon dont c'était exprimé avant.

M. Craig (Brian): On aimerait avoir des clarifications, oui.

M. Cherry: J'ai bien compris que vous seriez prêts à me faire parvenir par écrit les distinctions entre la table de concertation de l'énergie et le projet de loi n° 50. Vous allez me le faire parvenir, j'ai bien compris?

M. Craig (Brian): Oui, bien sûr.

M. Cherry: Merci. À la commission, pour tout le monde, pour que tout le monde partage.

M. Chevrette: Vous n'aurez pas de privilège ici.

M. Craig (Brian): O.K.

M. Cherry: Pour que tout le monde partage. Non, non...

M. Chevrette: Pas de privilège à l'opposition. À tout le monde.

M. Craig (Brian): Ha, ha, ha! C'est la transparence.

Le Président (M. Beaulne): Oui. M. Craig, vous faites parvenir ça à la présidence de la commission et nous le distribuerons aux autres collègues. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, moi aussi, je trouve que, dans le rapport, il y a ou une confusion ou une mauvaise interprétation. Quand vous dites que, dans la Loi sur Hydro-Québec, ils ont le privilège d'offrir un plan de développement et que maintenant on devrait le changer pour un plan stratégique, est-ce que, dans votre interprétation de la loi, ça sous-tend que la Régie de l'énergie n'aura plus le contrôle sur le développement d'Hydro-Québec et qu'Hydro-Québec pourra se développer à son bon vouloir, sans aucune régie, aucun contrôle, d'aucune façon?

(20 h 50)

M. Penn (Alan): Oui. Une des préoccupations qui découle de votre question, c'est la phrase qui dit: Lorsqu'elle étudie – la Régie étudie – une demande visée au présent article – ça, c'est l'article 72 – elle doit tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales que peut lui indiquer le gouvernement.» Ça nous paraît potentiellement restrictif.

M. Beaudet: Oui, mais je pense que la Régie garde le contrôle. Le gouvernement pourra approuver le plan de développement d'Hydro-Québec. Hydro-Québec va devoir quand même faire appel à la Régie avant de mettre en place son nouveau développement, ses nouvelles installations. Ils vont devoir se soumettre à la direction de la Régie. Et, dans la loi, on dit très bien que, la Régie, son énoncé est sans retour, sans appel.

M. Penn (Alan): D'après notre lecture de ce texte exactement, ça semble limiter la portée de l'enquête que pourrait mener la Régie.

M. Beaudet: C'est ça. Moi, je suis intéressé à ça, parce qu'on veut vraiment faire un partage entre le politique et la Régie. Alors, si vous me dites qu'il y en a un, rôle, ou qu'il y a un croisé quelque part, je voudrais bien le voir, parce qu'elle nous est importante, cette démarche-là. Je ne voudrais pas que le ministre des Ressources puisse aller jouer dans la Régie éventuellement. Alors, je comprends que le ministre va s'abstenir de telles interventions, comme j'ai confiance en lui, mais le prochain ministre, je ne le connais pas. Alors, si c'est dans ce sens-là, il serait important que vous nous souleviez le conflit que vous voyez entre l'intervention du gouvernement directement avec Hydro-Québec et le rôle qu'Hydro pourrait jouer sans passer par la Régie. Parce que la Régie est incontournable, si ma compréhension du projet de loi est claire.

Le Président (M. Beaulne): M. Penn.

M. Penn (Alan): Je veux simplement ajouter le commentaire que, à l'intérieur des plans de développement actuels d'Hydro-Québec, il y a une certaine latitude, une certaine marge de manoeuvre pour Hydro-Québec d'aborder la question de la gestion environnementale de l'ensemble de son parc d'équipements, de l'ensemble de ses réservoirs au Québec, en fonction de la répartition de la demande intra-annuelle. Et, pour nous, il n'est pas évident que la Régie pourrait enquêter sur la gestion de l'ensemble des équipements d'Hydro-Québec. Mais, compte tenu de l'ampleur du système et du fait qu'Hydro-Québec gère environ 25 000 km² de réservoirs au Québec, presque autant de terre que les terres en production agricole, il me semble que cet aspect de la gestion de l'ensemble de l'équipement hydroélectrique au Québec devient important. Mais ce n'est pas évident que la Régie pourrait enquêter sur cet aspect de la production énergétique au Québec.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. En page 9 de votre mémoire, en caractères gras, deuxième paragraphe, vous dites: «Par conséquent, le projet de loi n° 50 devrait être amendé de manière à ce que soient retirés de la compétence de la Régie tous les projets de développement devant se situer sur le territoire sujet à la CBJNQ – Convention de la Baie James – en ce qui a trait tant à l'approbation des projets qu'aux plans de ressources.» S'il faut soustraire ces travaux-là ou ces projets-là à la Régie, on les soumettrait à qui? Parce que le but de créer une régie, c'est que, tout ce qui regarde l'énergie, on soumette ça à la Régie. Si vous nous proposez de soustraire ça et qu'il y en ait, de ces projets-là, à qui est-ce que vous suggérez... Ce serait quoi, le mécanisme que vous suggérez qui prendrait soin des projets et qui ne serait pas soumis à la Régie?

M. Namagoose (Bill): There was a régie set up in the James Bay and Northern Québec Agreement, and that is the régie under section 22 of the James Bay and Northern Québec Agreement. And the projects have been and should be... well, in the past, have been submitted to that process, Great Whale and all the annexes to the La Grande complex. So all the future projects should be submitted to that régie, as already defined in the James Bay and Northern Québec Agreement.

M. Chevrette: Je vous demanderais de répéter parce que je voudrais bien savoir... Il y a une régie dans la Convention?

Le Président (M. Beaulne): Mr. Namagoose, could you please repeat because the Minister did not quite get...

M. Namagoose (Bill): There is already a régie set up in the James Bay and Northern Québec Agreement, defined under section 22. That is the régie that the future projects in the territory covered by the Agreement should be submitted to.

M. Cherry: You're right. You're saying that, under the James Bay Agreement, there is already a régie. What you're suggesting is, when a project should apply to that region, instead of being submitted to the Régie, it should be submitted to the one that is already spelled out under the James Bay Agreement. Have I got you right?

M. Namagoose (Bill): Yes. Yes, projects in that territory should be submitted to the James Bay and Northern Québec Agreement, in the territory covered by the James Bay and Northern Québec Agreement.

M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait clarifier ça? Parce qu'il faut quand même pas laisser l'impression qu'il y avait une régie de créée dans la Convention de la Baie-James. Ce sont des comités chargés d'étudier de façon spécifique les questions environnementales, mais, de toute façon, Hydro-Québec devait revenir devant le gouvernement pour avoir un décret. Il ne faut pas laisser croire qu'il y avait une régie. Une régie comme il y a là, ce n'est pas un comité sur l'environnement!

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le ministre, on a apprécié vos précisions. Alors, poursuivez.

M. Chevrette: ...environnementales prévues là continuent de prévaloir. C'est clair, on respecte la Convention, mais ce n'est pas une régie. Vous lui redonnerez du temps si vous voulez, mais je pense que ça valait la peine qu'on clarifie ça.

M. Cherry: Non, non, c'est parce qu'il y a des affirmations qui, si on ne demande pas de précisions ou si on ne les relève pas, pourraient laisser des interprétations qui ne sont pas...

M. Chevrette: Absolument.

M. Cherry: ...conformes aux faits.

Le Président (M. Beaulne): Oui, M. Penn.

M. Penn (Alan): D'après ma connaissance des décrets actuels, effectivement, des projets d'Hydro-Québec situés sur le territoire de la Baie-James, ces décrets sont basés sur les mêmes études environnementales que celles présentées au ministère de l'Environnement pour autorisation. Il s'agit des mêmes documents. Et, si je peux ajouter un commentaire, pour le moins, il nous semble qu'il y a une certaine ambiguïté dans les rôles respectifs de la Régie et du ministère de l'Environnement et de la Faune. Quels sont les documents et quelle est la séquence de procédure d'autorisation?

M. Chevrette: Il faut s'entendre, là. N'essayons pas de charrier n'importe quoi dans le public. Tout le processus environnemental demeure le même. La Régie ne vient en rien modifier le processus environnemental, les obligations environnementales, les autorisations environnementales, les permis environnementaux. On «s'entend-tu», là? Ça ne change rien là-dessus. N'essayons pas de faire croire au public que la Régie vient soustraire le gouvernement, ou Hydro-Québec, ou Gaz Métro, ou n'importe quel producteur, y compris vous autres... si vous étiez des producteurs, vous seriez assujettis quand même au processus d'évaluation environnementale. Il faut se le dire, là. Il y en a quelques-uns qui s'essaient de dire ça, y compris dans la presse écrite. S'il vous plaît, si on ne lit pas la loi, au moins, qu'on ne l'interprète pas libéralement. Et ça n'a rien à voir avec votre formation politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaulne): Bon. Est-ce que vous voulez poursuivre? Il reste deux minutes.

M. Cherry: Alors, une dernière clarification. Dans la page 11 de votre mémoire, l'avant-dernier paragraphe, qui réfère principalement l'article 164 du projet de loi: «stipule que la Régie devrait faire connaître au gouvernement d'ici six mois la façon dont il devrait déréglementer la production, en tout ou en partie.» Et là vous ajoutez: «Notons que la Régie n'est même pas obligée de tenir des audiences publiques avant de faire rapport au gouvernement et que le gouvernement aurait le pouvoir de retirer la production du mandat de la Régie par décret, sans même devoir amender la loi.» Est-ce que ça, ça vient en contradiction avec les travaux de la table de concertation? Qu'est-ce qui vous fait écrire ça comme ça dans votre mémoire?

(21 heures)

M. Craig (Brian): Bien sûr. L'impression que j'avais, c'était que l'article 164 avait été ajouté juste à la fin du processus de rédaction de ce projet de loi et que... Vraiment, on ne sait pas d'où ça vient. Ça ne représente pas vraiment la réflexion qui a été menée dans le processus public.

M. Cherry: O.K. Donc, ça, ça ne marche pas avec ça. C'est ce que vous me dites?

M. Craig (Brian): C'est ça.

M. Cherry: O.K. C'est tout, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Saint-Laurent.

M. Chevrette: Je «peux-tu» vous demander la possibilité de clarifier une chose?

Le Président (M. Beaulne): Oui. Est-ce qu'on peut avoir le consensus, le ministre voudrait poser une question de clarification? Allez-y, M. le ministre.

M. Chevrette: Ce que je voudrais dire, c'est que le processus environnemental général demeure exactement ce qu'il était. Le processus prévu dans la Convention va être respecté à tous points de vue. Il y a trois grands gains, si on compare la situation antérieure des autochtones ou des Cris par rapport à la situation actuelle. Le premier, c'est qu'il a un rôle plus déterminant dans la classification des rivières. Deux, il y a un forum sur lequel vous pouvez intervenir maintenant, c'est devant une régie; avant, vous ne pouviez intervenir nulle part. Et, trois, il y a une possibilité de partenariat entre la communauté autochtone et Hydro-Québec. On en a fait la preuve la semaine dernière, à Mashteuiatsh, en annonçant un projet conjoint Hydro-Québec et nation autochtone. C'est un plus par rapport à la situation d'avant. Ça, je pense qu'on peut se dire ça.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour votre mémoire. Mr. Namagoose, Mr. Penn, Mr. Craig, thank you for your presentation and please convey our best regards to Chief Matthew Coon Come.

M. Namagoose (Bill): I will. Thank you.

Le Président (M. Beaulne): J'invite maintenant les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec ainsi que l'Association des industries forestières du Québec à prendre place à la table, et je suspends pour une minute, pour permettre à nos invités de circuler.

(Suspension de la séance à 21 h 2)

(Reprise à 21 h 5)

Le Président (M. Beaulne): Bienvenue, messieurs. Alors, la commission vous souhaite la bienvenue, M. Ponton, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, de même que M. Duchesne, de l'Association des industries forestières.

Comme vous avez une présentation conjointe, pour ainsi dire, ou vos deux groupes ensemble, le temps qui est alloué aux échanges avec vos deux groupes sera d'une heure, avec 15 minutes de présentation pour chacun des groupes et, par la suite, 15 minutes pour chaque formation politique. Si vous le voulez bien, M. Ponton, nous vous écoutons.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ) et Association des industries forestières du Québec ltée (AIFQ)

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, je vous remercie beaucoup. D'entrée de jeu, j'aimerais cependant préciser que je devrai malheureusement quitter avant la fin de l'heure parce que j'ai des engagements très tôt demain matin. Avec votre permission, M. Barkev Setrakian, président du comité énergie de l'Alliance des manufacturiers, est avec moi pour, en toute connaissance, répondre aux questions que la commission pourrait entretenir, ainsi que M. Manuel Dussault, qui est directeur de la recherche et de l'analyse à l'Alliance des manufacturiers.

M. le Président, M. le ministre, membres de l'opposition, Mmes et MM. les députés, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, qui résulte de la fusion de l'Association des manufacturiers et de l'Association des exportateurs, représente un pan entier de l'économie du Québec. Le secteur manufacturier est responsable de près de 22 % de notre produit intérieur brut, 18,5 % des emplois, et les exportations sont une des sources les plus importantes de la croissance économique.

Un des défis les plus importants qui confronte le Québec actuellement est, comme vous le savez sans doute, la création de richesse, d'emplois et la nécessité d'une plus grande compétitivité. Les gouvernements ont partout une responsabilité importante pour favoriser la croissance de l'économie et la création de richesse et d'emplois dans le contexte de la mondialisation de l'économie.

L'Alliance a participé activement aux débats publics sur l'énergie pour faire connaître l'importance d'une politique énergétique transparente, juste et compétitive. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que l'Alliance a accueilli l'intention du gouvernement de créer une Régie de l'énergie et le dépôt du projet de loi à cet égard.

L'importance de la création de la Régie nécessite cependant que le ministre des Ressources naturelles fasse rapport à l'Assemblée nationale sur l'impact de la loi sur le secteur énergétique dans un délai de trois ans après sa mise en vigueur afin de s'assurer que nous avons fait les meilleurs choix. Cette recommandation, qui est absente du projet de loi, s'inscrit d'ailleurs des résultats du consensus du Sommet sur l'économie et l'emploi qui s'est tenu à Montréal à la fin octobre et qui résulte directement des recommandations concernant la déréglementation.

Nous nous réjouissons de la création de la future Régie de l'énergie qui sera un instrument essentiel au développement d'une économie plus vigoureuse et d'une plus grande compétitivité de nos entreprises, tout en garantissant la transparence des décisions en matière d'énergie au Québec, et je préciserais: la dépolitisation du processus d'approbation des tarifs. La Régie de l'énergie permettra une gestion du secteur de l'énergie par des experts selon des principes économiques indépendants de partisanerie ou d'aléas politiques. Mais cette Régie devra opérer à peu de frais, de manière flexible et maintenir une grande efficacité au service des consommateurs industriels et domestiques.

Le cadre législatif du projet de loi proposé permettra de plus une adaptation à l'évolution du libre marché nord-américain à l'avantage des entreprises québécoises. Nous saluons la création de la Régie, car elle permettra aussi de traiter les différentes sources d'énergie d'une façon plus juste et équitable. Entre les mêmes sources d'énergie, la concurrence devrait aussi être la plus libre et la plus parfaite possible. Une plus grande compétition permettra aux manufacturiers de bénéficier de prix plus compétitifs. La concurrence permettra aussi aux entreprises productrices d'énergie et autres entreprises oeuvrant dans le domaine de l'énergie d'augmenter leur compétitivité, d'offrir de nouveaux services et produits selon la demande et de trouver de nouveaux marchés pour leurs produits et leur expertise à l'échelle internationale. La société québécoise en profitera dans son ensemble.

(21 h 10)

Il est aussi essentiel de rappeler que nous devons nous assurer que l'ensemble du Québec, incluant les consommateurs d'énergie, puisse profiter de la libéralisation des marchés énergétiques qui est en cours aux États-Unis et à laquelle on ne saurait échapper. Le Québec doit se positionner d'une façon stratégique et avantageuse. L'Alliance offre d'ailleurs sa collaboration la plus totale à la préparation de l'étude que devrait entreprendre la Régie sur ce sujet.

Nous saluons particulièrement la disposition du projet de loi qui stipule que la Régie doit, dans les six mois de l'entrée en vigueur de l'article 4, donner son avis au gouvernement sur les façons de déréglementer le marché de l'énergie. La Régie devra aussi étudier l'impact de la libéralisation des marchés et la meilleure stratégie à adopter pour l'économie du Québec. La prospérité économique et le développement durable ne sont pas contradictoires mais bien complémentaires. Le développement durable du Québec est fondamental, et la nouvelle politique énergétique: «L'énergie au service du Québec», que nous appuyons généralement, reflète cette priorité. Les manufacturiers ont d'ailleurs fait d'énormes progrès en matière de gestion énergétique dans les dernières années.

La politique énergétique du Québec, en ce qui concerne l'environnement, ne peut être différente de celle de nos concurrents, mais le gouvernement a toujours le rôle de fixer les grands paramètres environnementaux à atteindre et les entreprises ont la responsabilité de les atteindre de la façon la plus efficace possible. L'article 49 du projet de loi permet entre autres que ceci s'accomplisse en précisant ce qui suit. Lorsqu'elle fixe ou modifie un tarif, la Régie doit notamment tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales que peut lui indiquer le gouvernement. De plus, les politiques et la réglementation environnementales demeurent toujours en vigueur. Il importe toutefois que les préoccupations environnementales fassent l'objet d'un consensus démocratiquement établi sur des bases scientifiques. C'est pourquoi nous croyons que des audiences publiques de la Régie sur ce sujet sont nécessaires.

M. le Président, en ce qui concerne l'aspect plus particulier du prix de l'essence, ce dernier est, au Québec, parmi les plus élevés au Canada, et les propositions du gouvernement du Québec à l'égard des prix des produits pétroliers ne feront qu'ajouter à ces coûts. Le marché est efficace et il existe déjà des lois assurant le libre fonctionnement des marchés. Les propositions gouvernementales ne sont donc ni nécessaires ni requises en ce qui concerne les prix des produits pétroliers.

Nous sommes à l'aube d'une transformation importante du marché énergétique québécois. Certains peuvent craindre cette période de changement, mais, selon nous, elle recèle des opportunités pour le Québec, en autant que nous sachions les saisir et nous donner les instruments pour en profiter. D'abord, le train qui s'avance vers nous, il ne sert à rien de vouloir l'arrêter, il faut au contraire en tirer profit. La Régie de l'énergie est un tel outil. Une évaluation, cependant, des impacts, encore une fois, de la Régie sur le secteur de l'énergie au Québec, après une période de trois ans, ce qu'on appelle communément la clause «sunset», nous apparaît cependant très nécessaire afin de s'assurer que nous fassions les meilleurs choix et déterminer les correctifs qui pourraient être nécessaires une fois qu'on aura vécu l'application du dispositif législatif.

M. le Président, je vous remercie, et mes collègues demeureront à la disposition de la commission pour entretenir cette dernière des questions qu'elle voudra bien nous adresser. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Ponton. Est-ce que M. Duchesne voudrait faire la présentation au nom de son groupe?

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Duchesne, je suis le président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. J'ai avec moi ce soir M. Guy Berger, qui est le président de notre comité de l'énergie. Quand cette fonction-là lui laisse du temps, il travaille comme directeur de l'entretien et de service chez F.F. Soucy à Rivière-du-Loup; à ma droite, j'ai M. Denis Jean, qui est le vice-président directeur, pâtes et papier, pour Donohue, qui représente le conseil d'administration de l'Association; et, finalement, au bout de la table, M. Pierre Vézina, qui est notre directeur énergie, à l'Association.

On vous remercie de nous écouter ce soir. L'Association des industries forestières du Québec regroupe une trentaine d'entreprises qui représentent plus de 97 % de la capacité de production en pâtes et papier et plus de la moitié de la capacité de production en bois de sciage au Québec.

Au niveau économique, l'industrie forestière a une très grande importance pour le Québec. On injecte chaque année dans l'économie de la province, grâce à nos exportations, plus de 10 000 000 000 $ en provenance de l'étranger; c'est 21 % des revenus d'exportation du Québec. On procède à des investissements massifs depuis très longtemps; depuis une dizaine d'années, c'est au-delà de 1 000 000 000 $ par année dans toutes les régions du Québec. C'est le quart de l'ensemble des investissements manufacturiers au Québec. C'est la moitié en région. L'industrie crée au-dessus de 200 000 emplois directs, indirects et induits. Alors, vous vous rendez compte que c'est des centaines de millions de dollars qui sont injectés dans les régions grâce à l'activité de l'industrie forestière.

L'industrie accueille avec beaucoup d'intérêt la mise en place d'une Régie de l'énergie et l'ouverture, même si on la trouve un petit peu timide, du gouvernement québécois face à la déréglementation des marchés de l'énergie. Les membres de l'AIFQ sont convaincus qu'une concurrence accrue dans la production de l'électricité sera positive pour toutes les catégories de consommateurs. Le monopole qui continue de s'exercer aujourd'hui dans le secteur de la production de l'électricité va devoir se transformer afin de devenir plus dynamique. La transformation sera bénéfique pour tous les secteurs: celui du transport, celui de la distribution de l'électricité, même si on conçoit qu'ils vont demeurer des monopoles naturels.

Dans son ensemble, le projet de loi présenté par le gouvernement du Québec répond aux attentes de l'industrie. Le mode de réglementation proposé sera en effet plus transparent et permettra à l'ensemble des acteurs du secteur de l'énergie de faire connaître leur position et de défendre leurs droits. Une commission parlementaire, vous le savez, c'est à la fois juge et partie en matière de fixation de tarif, puis ça a démontré ses limites. Enfin, la mise en place d'un personnel qualifié va permettre à la Régie de prendre des décisions qui sont équitables puis qui vont établir sa crédibilité rapidement.

Les membres de l'Association tiennent toutefois à souligner que l'ouverture du gouvernement en ce qui a trait à la production privée n'est pas très grande. Il y a des leçons à tirer, je pense, de l'expérience des pays étrangers qui ont déjà déréglementé le marché de l'électricité. Même si, au Québec, le caractère de notre parc de production est principalement hydroélectrique, la mise en place d'une réelle compétition entre tous les producteurs, y compris Hydro-Québec, serait positive pour l'ensemble des usagers. On peut songer au paiement d'une redevance hydraulique, par exemple, qui s'appliquerait à tous les producteurs d'énergie électrique. On peut songer à l'implantation d'un opérateur indépendant pour le réseau de transport. Ce sont des choses dont il faudra discuter dans les audiences publiques que tiendra la Régie sur les questions de déréglementation de la production.

Notre mémoire traite d'un certain nombre d'articles qui sont ceux pour lesquels on a des choses à dire, des commentaires à apporter, des changements à apporter. Vous pouvez supposer que, pour les articles qu'on n'a pas mentionnés, on est à peu près d'accord.

Alors, l'article 2, on pense qu'il faudrait y rajouter deux définitions, celle de «producteur» d'électricité» et celle de «fourniture d'électricité».

À l'article 8, on pense que le processus de sélection des régisseurs, c'est quelque chose de très important puis que ça doit être carrément identifié par le gouvernement de façon à assurer la transparence et puis l'intégrité des décisions. On suggère de remplacer le «peut» par «doit», puisque c'est important pour la crédibilité de la Régie.

À l'article 32, pour éviter toute confusion, on pense qu'il faudrait préciser que la méthode d'allocation du coût de service s'applique à l'ensemble des activités d'Hydro-Québec: la production, le transport, la distribution et les services auxiliaires, et pas seulement à la production ou pas seulement à tout ça dans un paquet.

À l'article 36, c'est les frais de participation aux audiences publiques, pour les personnes qui sont justifiables. Nous autres, on pense qu'en pratique c'est rare que 100 % des frais soient remboursés, mais, pour s'assurer que les gens qui vont venir devant la Régie ont quelque chose à y faire, on recommande que le remboursement soit limité à 90 %.

À l'article 48, au sujet des tarifs et des conditions auxquels l'électricité est fournie par Hydro-Québec, d'après nous, le mot «fournie» est insuffisant, il faudrait préciser: produite, transportée et distribuée, pour être bien sûrs qu'on va distinguer puis qu'on ne mettra pas tout ça dans le même paquet.

Un peu plus loin dans l'article, on dit que, sur demande d'Hydro-Québec, «la Régie fixe ou modifie les tarifs». Pour nous autres, en toute équité puis transparence, ça ne doit pas être sur demande d'Hydro-Québec. C'est quelque chose qui peut être demandé par tout le monde ou bien qui devient automatique, mais pas simplement sur demande d'Hydro-Québec, auquel cas il y a juste Hydro-Québec qui pourrait les faire fixer.

(21 h 20)

À l'article 49, concernant les économies d'énergie, on est d'accord avec le principe du cloisonnement des programmes d'efficacité énergétique par groupes de consommateurs, mais le projet de loi ne parle pas de l'organisme responsable de l'évaluation et de la réalisation des programmes d'efficacité énergétique. Nous autres, on pense que ça devrait être précisé et que ça soit un organisme indépendant des fournisseurs d'énergie qui participe à la préparation et à l'évaluation de ces programmes.

À l'article 60, le gouvernement va approuver un tarif de transit là-dedans. Nous, on pense que le gouvernement devrait s'assurer que les producteurs d'électricité qui consomment l'énergie qu'ils produisent, comme les papetières, devraient se voir garantir la possibilité d'utiliser les lignes de transport d'Hydro-Québec pour alimenter leurs usines, autrement dit pour pouvoir transférer d'une usine qui en produit puis qui en a trop à l'autre usine de la même entreprise qui en manque.

Au sujet des articles 111 et 113, là encore on pense que, pour éviter toute ambiguïté puis assurer que les décisions vont être transparentes, le gouvernement devrait déterminer, et non pas se limiter à pouvoir déterminer par règlement, les critères de ces deux articles-là.

Au sujet de l'article 122, l'industrie est ouverte à l'utilisation de contrats spéciaux afin de stimuler le développement économique du Québec. Mais, si le gouvernement recourt à une mesure comme ça, il ne faut pas que les coûts de la mesure soient assumés par les consommateurs d'électricité, surtout pas uniquement par ceux du secteur industriel ou commercial. D'autant plus que le secteur résidentiel bénéficie d'un interfinancement. Alors, s'il est pour y avoir des pertes à encourir suite à une aventure comme ça, bien, le gouvernement doit retirer ces pertes-là des dividendes qu'il s'attend de recevoir d'Hydro-Québec. La Régie devrait s'assurer que ces contrats ne touchent aucunement les bases tarifaires et notamment les nouveaux modes de tarification comme les tarifications en temps réel, qui sont basées sur les mécanismes de l'offre puis de la demande.

Au sujet de l'article 164, qui est un article excessivement important, l'avis que va fournir la Régie puis les décisions que va prendre le gouvernement en matière de déréglementation, bien, vous savez l'impact que ça a. On demande que l'analyse comprenne l'ensemble du secteur énergétique: la production, le transport, la distribution, les services auxiliaires, et pas uniquement le domaine de la production d'électricité. Même si le gouvernement a pris position en matière de déréglementation dans le cadre de sa politique énergétique, le secteur bouge énormément, très rapidement, puis il n'est pas improbable qu'à court terme on doive réévaluer la position. Hydro-Québec pourrait être obligée d'offrir aux États du nord-est américain, par exemple, qui auront mis en place un marché de détail une possibilité d'exporter au Québec. Alors, c'est une hypothèse, mais c'est une situation très compétitive, puis il ne faut pas que l'industrie manufacturière québécoise soit assujettie aux impératifs commerciaux d'Hydro-Québec.

Il y a des questions pratiques là-dedans, comme le mode d'opération du système de transport. C'est bien beau d'avoir un tarif de transit, mais, sans remettre les monopoles naturels qui existent, il faut établir des conditions qui permettent la transparence, l'équité puis la distribution des coûts d'énergie au Québec.

Concernant le chapitre II, sur les audiences publiques, on remarque qu'il n'y a pas de délai de spécifié pour la durée puis la tenue des audiences. Pour nous, il faut prescrire des délais, tant pour la Régie que pour les requérants, pour s'assurer que tout va procéder rondement puis qu'on n'arrivera pas avec des décisions trop tard.

Et, finalement, au chapitre VI, dans les obligations des distributeurs, on remarque qu'il n'y a aucun mécanisme de remboursement des trop-perçus qui est prévu à la fermeture annuelle des livres des distributeurs d'énergie. Nous, on croit que ce mécanisme-là, qui était présent dans la Loi sur la Régie du gaz naturel, devrait être maintenu dans la Loi sur la Régie de l'énergie et que le retour des trop-perçus aux consommateurs devrait s'appliquer autant à Hydro-Québec qu'aux distributeurs de gaz naturel.

Alors, M. le Président, les enjeux de la transformation du secteur énergétique sont excessivement importants pour l'économie québécoise. Il est essentiel d'avoir une vision qui est axée sur les réalités économiques, environnementales et sociales. En définissant clairement un cadre de fonctionnement et en assurant la transparence et l'équité dans la tarification de l'énergie par le biais de la Régie, le gouvernement met en place un élément fondamental de sa police énergétique. L'industrie des pâtes et papiers accueille cette initiative de façon très positive. Elle encourage le gouvernement à poursuivre dans la voie de déréglementation du secteur de la production d'électricité. Les membres de l'Association sont convaincus qu'une industrie stimulée par une compétition est plus dynamique et travaille continuellement à améliorer sa performance. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Comme vous avez été assez expéditifs, les deux groupes, dans la présentation de votre point de vue, ça nous laisse un peu plus de temps pour les échanges et alors nous aurons 20 minutes de part et d'autre. Allez-y, M. le ministre.

M. Chevrette: Je vais commencer par le premier qui s'est exécuté. Tout d'abord, je vais aller droit au but, je vais aller directement au pétrole, parce que c'est la partie sur laquelle vous vous objectez dans le mémoire, et je voudrais, bien sûr, comprendre, par une petite question assez brève au départ: Considérez-vous normal, admissible et acceptable qu'une pétrolière vende plus cher au prix du gros à un détaillant indépendant qu'à ses propres essenceries?

M. Dussault (Manuel): Oui, M. Chevrette. Écoutez, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'on croit que la libre concurrence est ce qui va bénéficier aux consommateurs, qu'il faut laisser cette libre concurrence là s'exercer et puis que, dans les cas où il n'y a pas nécessairement de libre concurrence, il y a d'autres lois qui s'appliquent.

M. Chevrette: Je vais vous reposer ma question: S'il n'y a pas de loi qui existe, trouvez-vous normal que, dans une société où il y a un réseau de vendeurs indépendants, on leur vende plus cher qu'au prix du détail aux propres essenceries appartenant à la pétrolière? Ma question est très précise et très pointue.

M. Dussault (Manuel): Il me semble que ça fait partie de la libre concurrence. C'est ma réponse.

M. Chevrette: Ce n'est pas la libre concurrence! Trouvez-vous ça loyal en matière de pratique commerciale? Deuxième question, d'abord.

Le Président (M. Beaulne): M. Setrakian.

M. Setrakian (Barkev): Juste peut-être pour ajouter un peu à l'argument de M. Dussault, un marché libre, ultimement, a tendance à amener les prix plus bas et, ultimement, le consommateur va en bénéficier. Pour répondre spécifiquement à votre question, dans un marché libre aujourd'hui, est-ce que tout est parfait? Non. La question que vous avez posée: Est-ce que la situation est correcte aujourd'hui? Probablement pas. C'est pour ça qu'une Régie de l'énergie devrait regarder, dans ces conditions-là. Mais l'un n'est pas contradictoire à l'autre, si vous saisissez ce que je dis là.

M. Chevrette: J'ai de la misère à vous suivre, pour être honnête. Je vais vous poser ça différemment. Vous vous appelez la compagnie pétrolière Y. Je suis le petit X indépendant. Vous me suivez jusque là?

M. Setrakian (Barkev): Oui, oui, je vous suis.

M. Chevrette: Je me présente chez vous. Vous me vendez votre pétrole à 0,40 $ le litre et vous affichez, à vos propres essenceries, à 0,38 $. Trouvez-vous que c'est admissible, en matière de pratiques commerciales?

M. Setrakian (Barkev): Non, ce n'est pas admissible, mais la solution n'est pas de réglementer l'industrie.

M. Chevrette: Mais ce n'est pas non plus de faire craquer tout le monde.

M. Setrakian (Barkev): Je suis d'accord.

M. Chevrette: Quel moyen vous prendriez pour ne pas faire craquer ces mêmes gens, d'abord?

M. Setrakian (Barkev): Bien, peut-être que la discussion ce soir ne s'applique pas à cela. On n'est pas ici ce soir afin de solutionner des points spécifiques; je ne pense pas. Mais ce qu'on propose, c'est que le marché devrait être libre et que ultimement le consommateur soit gagnant.

M. Chevrette: Êtes-vous membre de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante?

M. Setrakian (Barkev): Non.

M. Chevrette: Est-ce que vous savez que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est d'accord avec la réglementation minimale ou un contrôle minimal en ce qui regarde le pétrole?

M. Setrakian (Barkev): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez étudié leur point de vue?

(21 h 30)

M. Dussault (Manuel): J'ai suivi dans les journaux l'argument de la FCEI. Ce que je vous dis, M. le ministre, c'est que je pense que, dans le cadre de la libre concurrence des marchés qui s'ajustent, dépendant des circonstances, on considère que le marché de l'essence, à ce point-ci, va s'ajuster. Il y a des guerres de prix, c'est certain. Normalement, s'il y a des pratiques qui ne sont pas stables ou qui ne durent pas, ces pratiques-là vont cesser. C'est ce qu'on a connu cet été. Je pense que, dans le cas de l'essence, pour faire bénéficier les consommateurs, on vous incite vraiment à laisser le libre marché fonctionner. Je pense que, si vous voulez faire bénéficier les consommateurs le plus possible, c'est de laisser ce libre marché fonctionner.

M. Chevrette: Mais je pense qu'on ne se comprend pas. Ne croyez-vous pas qu'il y a une différence entre une guerre des prix entre pétrolières et un abus de pouvoir d'une pétrolière vis-à-vis ces acheteurs indépendants en gros? Est-ce que vous ne voyez pas là une différence fondamentale? Franchement, là, entre nous deux, en se regardant dans le blanc des yeux, vous ne trouvez pas qu'il y a une différence entre Esso, qui pourrait concurrencer Ultramar, entre Irving, qui voudrait déclencher une guerre des prix avec l'ensemble des pétrolières, puis une pétrolière qui fait crever un réseau d'indépendants qui, bien souvent, va dans des endroits où une pétrolière ne veut pas aller, où le marché n'est pas assez gros? On «peut-u» se parler comme il faut puis franchement, là?

M. Dussault (Manuel): Oui. Mais je pense qu'on se comprend. C'est juste qu'on n'est pas d'accord, M. Chevrette.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous laisseriez faire ça pareil?

Une voix: ...

M. Chevrette: Ah! vous autres, ça ne vous dérange pas, ça?

M. Dussault (Manuel): Mais on n'est pas d'accord.

M. Chevrette: C'est correct.

M. Dussault (Manuel): Puis on n'est pas d'accord sur les solutions à apporter.

M. Chevrette: Bien, si vous en avez, vous les ferez valoir, parce que, nous autres, on n'en trouve pas d'autres.

M. Dussault (Manuel): Mais on vous en a fait valoir une, c'est de...

M. Chevrette: Bien oui, déréglementer à outrance, laisser faire ça.

M. Dussault (Manuel): Ce n'est pas de déréglementer, c'est de laisser le libre marché fonctionner.

M. Chevrette: Bien oui.

M. Dussault (Manuel): Bien, ne pas ajouter de règlements.

M. Chevrette: Oui, je comprends que les manufacturiers du Québec, ils s'en foutent qu'un réseau indépendant crève si c'est la libre concurrence. Mais, moi, je vois une différence entre la libre concurrence, personnellement, là... C'est vrai que je n'étais pas manufacturier, j'étais enseignant, où on ne comprend pas vite, là! Mais, comme enseignant, puis comme député, puis comme ministre, puis comme citoyen, puis comme consommateur, je vois une grosse différence entre la libre concurrence entre des pétrolières puis une pratique déloyale en matière de commerce, en vendant plus cher au prix du gros qu'au prix du détail. Moi, je vois ça une différence majeure.

M. Dussault (Manuel): Je pense que vous avez droit à votre opinion. Ce que je vous dis, c'est qu'il y a un libre marché et il y a des règles sur la concurrence qui s'appliquent au Canada aussi. Je pense que vous avez bien...

M. Chevrette: Ah! la collusion, la loi de la collusion, je la connais.

M. Dussault (Manuel): Vous avez bien exprimé votre point de vue. J'espère qu'on a aussi bien exprimé le nôtre.

M. Chevrette: Bien oui, mais c'est parce que je pensais que vous aviez compris la différence entre une pratique déloyale et une libre concurrence. C'est tout. Je m'aperçois que votre perception va jusqu'à permettre à des pétrolières de faire craquer n'importe quel réseau indépendant. C'est ça que ça veut dire.

M. Setrakian (Barkev): On ne voudrait pas vous laisser sur cette impression-là, parce que c'est deux «issues» qui sont complètement différentes. Des pratiques déloyales vont exister dans un marché libre comme dans un marché réglementé. C'est deux «issues» complètement séparées. Et puis je pense que ce ne serait pas correct devant cette audience de mettre les deux ensemble, de les combiner, absolument pas.

M. Chevrette: C'est votre droit le plus strict, et je respecte ça. Puis je suppose que vous respectez également mon analyse. Pensez-vous que c'est intéressant de réglementer, vous? Pensez-vous que, s'il n'y avait pas eu la folie de juillet, on serait obligés de faire ce qu'on fait là?

M. Setrakian (Barkev): L'expérience a démontré que dans toutes les industries, que ce soit au niveau de la télécommunication ou bien dans d'autres industries qui ont été déréglementées les cinq dernières années, au bout de la ligne, c'est le consommateur qui a été gagnant.

M. Chevrette: O.K. En ce qui regarde la Régie, vous êtes d'accord. Y «a-tu» d'autres points sur lesquels je voulais vous questionner? Ce ne sera pas long.

Je retiens votre suggestion, je la trouve fort intéressante, la question de faire rapport à l'Assemblée nationale, dans le secteur énergétique, trois ans après sa mise en vigueur, pour ce qui est de la Régie. Je trouve ça intéressant comme approche, une réévaluation de la question.

Maintenant, on va passer dans le bois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il y a des choses que je ne comprends pas dans votre mémoire. Tout d'abord, au haut de la page 8. Je l'avais ici, c'est ça ici...

(Consultation)

M. Chevrette: Dans votre mémoire au complet, en haut de la page 8, vous soulignez que la future Régie devrait tenir des audiences publiques en matière d'environnement dans la perspective «que les préoccupations environnementales fassent l'objet d'un consensus démocratiquement établi sur des bases scientifiques». Et ma question est la suivante. J'aimerais que vous m'explicitiez davantage votre position, compte tenu que vous précisez, à la dernière phrase de la page 7, vous dites ceci: «De plus, les politiques et la réglementation environnementales demeurent toujours en vigueur.» Comment conciliez-vous le rôle que vous voulez faire jouer à la Régie en matière environnementale, à la page 8, par rapport à ce que vous demandez de maintenir, à la page 7?

M. Dussault (Manuel): Dans le cadre de l'étude par la Régie de la planification intégrée des ressources et des questions de développement durable, la Régie va avoir à se pencher sur les aspects environnementaux du secteur énergétique. Alors, on croyait nécessaire, dans ce cadre-là, de préciser que, pour nous, le développement durable, ça se fait d'abord au niveau local, ça se fait avec les citoyens, ça se fait dans un processus qui évolue, mais c'est aussi en même temps fondé sur des bases scientifiques. Alors, si la Régie, par exemple, regardait des questions d'externalités, il faudrait que ces questions-là soient abordées sur des bases scientifiques aussi.

M. Chevrette: Mais, si le BAPE... Est-ce que vous présumez que le BAPE ne pourrait pas contre-expertiser de façon scientifique?

M. Dussault (Manuel): Ma compréhension des choses, c'est que le BAPE, c'est pour les nouveaux projets, les projets concrets, alors que ce que la Régie va regarder, c'est l'aspect environnemental général de l'énergie.

M. Chevrette: O.K. Je me demandais pourquoi... comment concilier ça.

Bon, passons à l'autre. Vous voulez qu'on déréglemente davantage. Est-ce que vous ne pensez pas, avant de déréglementer trop, trop vite, qu'on doit prendre le temps un petit peu de voir clair puis essayer d'avoir des avis de la Régie, qui sont des experts?

M. Duchesne (André): Bien, je pense que c'est le sens de notre mémoire, M. le ministre. On pense que c'est une première étape dans la déréglementation. On vous encourage tout simplement à continuer et à prendre des mesures pour que ça se fasse avec le plus de sécurité possible. Quand on vous demande, par exemple, de vous assurer qu'on ventile les coûts de production, les coûts de livraison, ainsi de suite, ça fait partie de ces mesures-là de prudence. Mais, effectivement, c'est, dans notre esprit, un début de déréglementation qu'il va falloir continuer dans l'avenir.

M. Chevrette: Maintenant, l'approvisionnement de vos usines à partir de... je suppose que vous faites un projet de cogen, parce que j'imagine que c'est ça que vous voulez dire, et vous voudriez utiliser les lignes d'Hydro pour alimenter d'autres usines qui sont vôtres, donc c'est sur le marché interne, ça, parce que vous marquez «à l'intérieur du Québec». Moyennant un tarif de transit, dites-vous?

M. Jean (Denis): C'est ça.

M. Chevrette: Indépendamment du fait qu'on... Vous voudriez qu'on fasse un article d'exception, parce qu'à court terme on ne déréglemente pas sur le marché interne, seule Hydro-Québec demeure maître à bord, le distribue. Ce que vous voulez, c'est utiliser les lignes de transport et avoir un article particulier pour ceux qui produiraient de l'énergie à partir de projets de cogen, je suppose. C'est ça que vous voulez dire?

M. Duchesne (André): Entre autres.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y a d'autres exemples?

M. Duchesne (André): M. Jean pourrait commenter là-dessus, si vous voulez.

(21 h 40)

M. Jean (Denis): Ce qu'on voudrait faire, c'est... Il arrive à l'occasion, ou dans certaines usines, qu'on a des surplus énergétiques qui pourraient être utilisés dans d'autres usines. Ce qu'on a comme alternative actuellement, c'est de vendre l'énergie à Hydro-Québec, qui nous offre un prix qui est très bas sous prétexte qu'elle ne peut pas la vendre plus cher que ça. Mais, nous, on pense qu'on pourrait l'utiliser dans d'autres usines, c'est l'énergie qui nous appartient. On pourrait l'utiliser dans d'autres usines qui paient beaucoup plus cher que ce qu'Hydro-Québec nous offre.

M. Chevrette: «J'ai-tu» bien compris? Les autres usines «sont-u» à vous?

M. Jean (Denis): Oui, c'est à nous.

M. Chevrette: C'est vos propres usines.

M. Jean (Denis): Nos propres usines.

M. Vézina (Pierre): Je vous rappellerai aussi que ces moyens de production là, l'alternative également qui reste, en dehors de livrer à Québec, ce serait, avec l'ouverture que vous donnez à l'exportation dans votre politique, d'utiliser ces surplus-là vers un marché d'exportation, sur un marché spot qui est relativement bas. Ça donnerait l'opportunité de vendre de l'énergie à plus bas coût à possiblement des compétiteurs américains.

M. Chevrette: Oui, mais je vais vous demander: Est-ce que ça vaut autant pour l'hydraulique que pour la cogen?

M. Vézina (Pierre): Actuellement, on utilise ces deux moyens-là.

M. Chevrette: Non, mais, ce que vous écrivez là, vous autres, dans votre esprit si ce n'est pas dans l'écrit, est-ce que ça vaut autant pour l'hydraulique que pour la cogen?

M. Vézina (Pierre): Oui, effectivement. Actuellement, il y a...

M. Chevrette: Vous savez à quelle aberration ça peut nous mener. Il y avait eu des droits consentis, hydrauliques, à certaines compagnies qui pourraient même, à cause des surplus énergétiques que, potentiellement, elles pourraient avoir... c'est qu'elles pourraient même passer par les lignes d'Hydro pour aller à l'extérieur du Québec.

M. Vézina (Pierre): Mais c'est le projet de déréglementation que vous proposez.

M. Chevrette: Je pense à Maclaren, entre autres. Je pense à Abitibi-Price.

M. Vézina (Pierre): Exact, à Donohue, à Maclaren, on peut en nommer plusieurs.

M. Chevrette: Parce que les baux consentis à l'époque et les droits l'étaient en fonction d'un approvisionnement propre, n'étaient pas pour en faire un commerce de quelque nature que ce soit. Ça change la nature ou la mission première, en tout cas. Non?

M. Vézina (Pierre): Mais ce qu'on vous demande finalement, c'est justement, c'est qu'on puisse l'utiliser, cette énergie-là, à l'intérieur du Québec pour nos propres usines. On ne vous demande pas de l'exporter.

M. Jean (Denis): Lorsqu'on produit de l'énergie et qu'Hydro la revend à un prix moins cher à l'extérieur du Québec, on pense que ce serait plus raisonnable de la faire profiter aux entreprises du Québec.

M. Chevrette: O.K. Ça, je comprends ça.

Le Président (M. Beaulne): Ça va?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Beaulne): Il reste à peine une minute. M. le député de Laprise... de Roberval.

M. Chevrette: M. Laprise, de Roberval.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: M. Roberval de Laprise.

M. Laprise: C'était pour savoir si... Dans le transfert de l'énergie d'une usine à l'autre, à ce moment-là, vous paieriez également le transit sur la ligne prévue?

M. Jean (Denis): Oui.

M. Laprise: Tel que prévu pour l'exporter ailleurs.

M. Jean (Denis): Oui.

M. Vézina (Pierre): Pour la transporter en fonction de la longueur sur laquelle on la transportera.

M. Jean (Denis): En fonction du parcours qui est utilisé.

M. Laprise: Maintenant, est-ce que vous accepteriez, à ce moment-là, une clause de développement – ça pourrait être un incitatif au développement d'une entreprise, à de la valeur ajoutée à vos entreprises... Est-ce que vous accepteriez que la Régie mette une clause qui favorise la valeur ajoutée au produit? Si elle permet une chose comme ça, est-ce qu'elle pourrait également exiger une valeur ajoutée?

M. Duchesne (André): Je pense que la question est fondamentale. Si on veut utiliser ça, c'est pour mettre de la valeur ajoutée sur l'énergie. Alors, la clause est automatique dans notre esprit, on veut incorporer cette énergie-là à un produit qu'on vend avec beaucoup plus de valeur ajoutée sur le marché d'exportation. Dans une tonne de papier journal, par exemple, il y a 125 $ d'énergie électrique au tarif courant. Alors, on vend une tonne de papier journal bien plus cher que 125 $.

M. Jean (Denis): C'est vraiment d'avoir la valeur ajoutée ajoutée au Québec au lieu d'être ajoutée à l'extérieur du Québec.

M. Laprise: Mais, moi, quand je parle de la valeur ajoutée, si tu me parles de la valeur ajoutée à la transformation du produit de base qui est le bois, par exemple...

M. Duchesne (André): C'est ça. Il y a une synergie naturelle entre l'énergie hydroélectrique du Québec et puis l'industrie forestière du Québec, qui utilise une ressource renouvelable aussi.

M. Laprise: O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Ma première remarque, ma première question ira à l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Dans le troisième paragraphe, première page du résumé, vous dites: «Nous saluons particulièrement la disposition du projet de loi qui stipule que la "Régie doit, dans les six mois de l'entrée en vigueur de l'article 4, donner son avis au gouvernement sur les façons de déréglementer" le marché de l'énergie», qui est l'article 164. Et presque chacun des intervenants à date a mis en importance l'article 164. «La Régie devra étudier l'impact de la libéralisation des marchés en Amérique du Nord et la meilleure stratégie à adopter pour le développement économique du Québec.»

Bien sûr, à date, tout le monde nous a dit: Il faut y aller, il faut être agressif. Vous avez invoqué tantôt que, pendant que, nous, on est en train d'essayer de décider, d'autres bougent et que ça va rapidement. Mais, en même temps – et là je veux vous permettre de clarifier votre position – pourquoi vous vous sentez à ce point-là enthousiastes quand, selon des informations qu'on a ramassées, c'est que dans les six mois, ça semble – les mots qui sont ici: «Ça apparaît tout à fait irréaliste pour la nouvelle Régie d'élaborer un avis sur la déréglementation, lorsqu'elle devra consacrer les six premiers mois de son existence à édicter ses règles de fonctionnement – et là, c'est quelque chose que, pour la première fois, on fait ici – ...il a fallu entre trois et cinq ans aux régies de l'énergie américaines, déjà en place depuis plusieurs années, pour restructurer leur marché de l'électricité.»

Le ministre a dit tantôt: Il faut quand même se positionner puis prendre le temps de bien, bien agir. Alors, moi, je vous dis, je comprends pourquoi vous dites: Il faut y aller, il faut être à l'aise. Mais, en même temps, comme c'est tout à fait quelque chose de nouveau... Bien sûr, on peut profiter de l'expérience des autres, mais il me semble que, quand on pense qu'aux États-Unis, avec des régies déjà en place, ils ont pris entre trois et cinq ans pour arriver au point où, vous, vous dites qu'ici, au Québec, on serait tout prêt en dedans de six mois de tout faire ça, là... Aidez-nous à comprendre ça.

M. Setrakian (Barkev): Si je comprends votre question, c'est que les six mois, c'est une période très courte.

M. Cherry: Trop courte, oui.

M. Setrakian (Barkev): O.K. Je peux quasiment remettre la question à vous en disant qu'on est déjà en retard versus d'autres provinces peut-être et les États-Unis, où ces régies-là existent aujourd'hui. Donc, il y a du rattrapage à faire.

M. Cherry: Ça, j'ai compris ça, oui.

M. Setrakian (Barkev): Alors, je serais quasiment tenté de vous remettre la question et puis de dire: Est-ce qu'on a vraiment le temps, est-ce qu'on peut se permettre le temps au-delà de six mois? Supposons qu'au lieu de six mois c'est 12 mois. Est-ce qu'on peut se permettre d'attendre 12 mois avant de mettre cette stratégie-là en place?

M. Cherry: Je ne veux pas qu'on s'amuse à se retourner des questions. Mais, comme on veut que ce soit quelque chose qui soit bien fait, c'est une première, là, il est important, et Hydro-Québec, ça, c'est tout à nous autres, il est bien, bien important qu'on sécurise les actionnaires, le gouvernement puis les citoyens du Québec. Et quand on regarde qu'ailleurs, dans des situations identiques, les groupes ont pris entre trois et cinq ans, est-ce que vous me dites: Vu qu'on est en retard, même si... parce qu'on est en retard, six mois, c'est presque six mois de trop, on aurait dû être prêt il y a six mois passés, donc, dans les circonstances, allons-y? Je ne suis pas certain qu'à l'intérieur de votre entreprise vous suggéreriez de procéder avec un risque comme celui-là, à moins que vous me disiez que, maintenant, des méthodes modernes ou l'expérience d'autres nous permettent d'être optimistes à ce point-là. C'est sur ça que je veux vous entendre.

M. Setrakian (Barkev): Je comprends votre préoccupation. Mais, dans l'entreprise privée, lorsqu'une action... s'il faut prendre une action, il faut prendre l'action dans un délai donné; il faut livrer la marchandise, il faut prendre les actions. Ça, ça implique qu'il faut que le travail soit fait correctement. Je ne suggérerai jamais qu'au bout de six mois on vienne à bout, à mettre une stratégie en place qui n'a pas d'allure. Non. Mais on pense que six mois, c'est raisonnable pour mettre cette stratégie-là en place.

M. Chevrette: Des fois, je ne suis pas d'accord, mais, des fois, je suis d'accord avec eux autres. On va publier avant Noël un tarif de transit, un règlement de 191 articles. Quand on veut, on peut. La chose la plus difficile au monde, c'est de vouloir.

M. Cherry: Ça, c'est des belles phrases puis c'est le fun, si c'était juste à moitié vrai!

M. Chevrette: Non, mais c'est tout à fait vrai. On dépose ça.

M. Cherry: Mais c'est parce que, dans la pratique, je veux voir les gens qui viennent ici et qui disent au gouvernement: Allez-y, bravo!

M. Chevrette: Ça se fait.

M. Cherry: Franchement, là, sur quoi vous vous basez, quand on compare comment d'autres font ça ailleurs, le temps qu'ils prennent?

M. Chevrette: Il y en a partout.

M. Cherry: Pourquoi ici, six mois, tout le monde est bien confortable avec ça, puis allons-y, là? Je viens du secteur privé puis je sais comment ça fonctionne dans la vraie vie. Mais, rendu au gouvernement, pouvez-vous espérer de façon logique que six mois, ça va être bien correct, là, tu sais? On «peut-u» se parler franchement, comme dirait le ministre, tu sais?

(21 h 50)

M. Setrakian (Barkev): Bien, il faudrait peut-être changer les choses au gouvernement, rendre le gouvernement un peu plus rapide, plus efficace.

M. Cherry: Un peu plus rapide!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Beaucoup plus rapide.

M. Cherry: De trois à cinq ans à six mois. Noël, c'est le 25 décembre. Dans votre cas, c'est le 2.

M. Setrakian (Barkev): Vous savez qu'en ce temps-ci il y a des compagnies au sud de la frontière qui viennent déjà frapper à la porte d'Hydro-Québec pour parler d'énergie, parler d'exportation, puis on n'a pas une stratégie en place, on ne sait pas quoi répondre, on ne sait pas quoi faire. Il est temps qu'on mette une stratégie en place. Premièrement, prendre avantage de ce marché-là qui s'ouvre au sud de la frontière, il ne faut pas manquer le bateau, il y a tout un marché lucratif, mais en même temps s'assurer qu'on protège nos entreprises ici et qu'on ne perd pas l'avantage concurrentiel qu'on a dans la province. Mais, aujourd'hui, cette stratégie n'existe pas. Alors, si vous pensez que, six mois, c'est trop, je ne suis pas d'accord. Peut-être qu'il faudrait le faire en trois mois.

M. Cherry: O.K. Merci beaucoup. Vas-y donc, Régent.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Cet après-midi, lors de la comparution du groupe de la Chambre de commerce, on a mentionné qu'on avait, au Québec, le plus grand nombre de stations de gazoline, qu'on avait aussi la plus faible production de litres par station en Amérique du Nord, que chaque station, en moyenne, délivre deux fois moins qu'en Ontario et trois fois moins qu'aux États-Unis. Malheureusement, le ministre a dû s'absenter cet après-midi pour des raisons importantes, et on avait cité le problème des petites boulangeries au début des années soixante-dix, où on avait réglementé le prix du pain pour sauver les petites boulangeries. Or, M. le ministre, via M. le Président, les petites boulangeries ont toutes été bouffées par les grosses pour réapparaître 15 ou 20 ans plus tard. Et la seule raison pourquoi elles sont réapparues, c'est parce que le pain est meilleur, le service est meilleur, la qualité du produit est meilleure. Alors, est-ce que de faire la démarche de réglementer sur le prix du pétrole, on ne se retrouvera pas dans la même situation où les gros vont acheter les petits puis, éventuellement, les petits vont réapparaître parce qu'ils vont nous donner un meilleur service et qu'on va se sentir dans un endroit plus familial, qu'on va aller voir notre garagiste qu'on connaît?

Je comprends que le ministre a trouvé que les mesures avaient été déloyales au cours de l'été. Moi, je vais vous dire, j'en ai profité. J'ai trouvé que ma voiture me coûtait moins cher à remplir de gazoline. Oui, il y a eu un conflit cet été, et, malheureusement, c'est les indépendants qui l'ont commencé. Et on s'est retrouvés avec un conflit important. Je n'ai pas à discuter si on doit fixer le prix pour les indépendants pour favoriser leur survie, mais ma question: Est-ce que vous croyez que, si on diminuait le nombre de stations de gazoline au Québec, on pourrait favoriser la survie des indépendants, on pourrait augmenter leur marge de profit et leur rentabilité puis, en même temps, on augmenterait le débit moyen par station de gazoline? Il va sans dire que, s'il y en a moins, on devrait vendre plus de gazoline par station. Est-ce que vous pensez que c'est peut-être une mesure à laquelle on pourrait s'intéresser, nous, ici, à la commission?

M. Setrakian (Barkev): Je ne suis pas spécialiste en la matière.

M. Beaudet: Nous non plus.

M. Setrakian (Barkev): C'est une façon de réglementer, ce que vous proposez. Au bout de la ligne, le résultat, on ne le sait pas. Je n'ai pas de réponse à vous donner. Ça peut être le bon choix, ça peut être le mauvais choix. Mais j'ai beaucoup aimé la façon dont vous avez fait votre présentation, en disant: Peut-être que, dans la première phase, les stations indépendantes disparaîtront, ne seront pas capables de faire concurrence, mais que peut-être avec le temps il y en a qui vont être capables d'offrir quelque chose au-delà du produit, un service, une meilleure qualité, et qu'on reverra peut-être même certains de ces services indépendants, stations indépendantes, qui resteront en opération, même dans la période transitoire. Encore une fois, la façon la plus sécuritaire, la meilleure, c'est de laisser le marché libre exercer les forces puis, finalement, au bout de la ligne, comme vous avez fait allusion aux petites boulangeries, même en tant que consommateurs, vous-même et moi-même, on a profité des prix bas durant l'été. C'est exactement ce qui va arriver, le prix du pétrole va baisser. Pourquoi, au Québec, on devrait payer plus cher que dans les autres provinces? Pourquoi?

Le Président (M. Beaulne): Ça va? M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Oui, M. le Président. Sur le mémoire de l'Association des industries forestières du Québec, d'abord – c'est la deuxième fois que je le fais aujourd'hui – merci pour la façon dont votre mémoire est conçu, surtout article par article où vous souhaitez des modifications appropriées. Ça facilite le travail qu'on aura à faire lors du travail article par article.

Vous n'êtes pas le premier groupe qui souhaitez que la Régie s'assure de comptabiliser la production, le transport... et vous souhaitez que ça soit une meilleure façon, une façon plus transparente de pouvoir comptabiliser les coûts. Est-ce que vous y voyez là une utilisation dans le projet, ce que vous avez soulevé tantôt, que vous pourriez prendre un surplus d'énergie dans une usine, le faire transporter pour le réutiliser dans une autre usine, si j'ai bien compris, qui serait la vôtre, et qui vous permettrait d'utiliser votre surplus d'énergie plutôt que d'être obligé de le revendre à Hydro-Québec à moindre prix, qui, elle, le revend en faisant un profit? Est-ce que c'est des situations qui, dans le concret, permettraient à une industrie comme la vôtre de... Ce n'est pas juste un scénario potentiel, c'est vraiment quelque chose que vous pourriez faire. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Duchesne (André): Oui, effectivement, il y a deux aspects à cette demande de précision. Vous en soulignez un. Si on est pour avoir la possibilité de transférer d'une usine à l'autre de l'énergie autogénérée, que ce soit par cogénération ou autrement, effectivement c'est intéressant qu'on soit assuré que le tarif de transit va représenter vraiment quelque chose qui est le coût réel pour Hydro-Québec et avec, éventuellement, les marges de bénéfice ou quoi que ce soit que la Régie lui accordera. Donc, ça vaut la peine de ventiler dans ce cas-là. Mais, comme je disais à M. le ministre tantôt, on est dans une première phase de déréglementation et, à notre avis, on va s'en aller vers davantage de déréglementation dans l'avenir, puis il faut préparer ça déjà en s'assurant qu'on est en mesure de faire cette distinction entre les différentes phases qui surviennent avant la livraison de l'électricité au client. Et je pense qu'il faut commencer à bâtir les données et la méthodologie à ce moment-ci pour être capable d'avoir les outils qu'il nous faut quand on ira plus loin dans la déréglementation. Donc, il y a deux volets, deux aspects, deux avantages.

M. Cherry: O.K. Est-ce que vous voyez, évidemment après que ça aurait fait l'objet d'un débat public, mais est-ce que vous voyez qu'éventuellement on pourrait se diriger vers des formes de privatisation quelconque de certains de ces services-là? Après un débat public, bien sûr, là.

M. Duchesne (André): Ça fait partie des options qu'on va devoir considérer puis que la Régie va nous permettre d'analyser, finalement. Encore une fois, il y a des choses qui sont déjà dans la politique énergétique, puis il y a des choses que la Régie va devoir recommander au gouvernement. Pour le moment, je ne pense pas qu'on ait de position d'établie sur les étapes subséquentes, sinon qu'on sait qu'il va falloir aller plus loin. Je ne peux pas aller plus loin que ça à ce moment-ci, à moins que mes collègues aient des commentaires à rajouter.

(22 heures)

M. Vézina (Pierre): Peut-être un point pratique sur la question du transport et puis pour quelle raison on intervient à l'article 48. Comme M. le ministre vient de le dire, il va y avoir un tarif de transit qui va être publié avant Noël. Ce tarif-là n'aura pas été étudié par personne. Il va avoir été proposé par Hydro-Québec. Dans le tarif de transit, ils peuvent inclure ce qu'ils veulent, même une partie de leur coût de production, à la limite, et c'est un tarif de transit qu'ils offrent aux exportateurs. Alors, on voit tout de suite qu'il y a une certaine contradiction, si personne ne se penche sur les vrais prix ou le vrai coût du transit. Alors, quand on lit, à l'article 48: «Sur demande d'Hydro-Québec, la Régie fixe ou modifie les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée», ça veut dire qu'il n'y a personne d'autre qu'Hydro-Québec qui peut demander une modification de son tarif de transit. C'est un petit peu aberrant!

M. Cherry: O.K. C'est ce que vous avez soulevé dans la présentation de votre mémoire, tantôt, en disant que ça ne devrait pas se limiter uniquement à Hydro-Québec, si on a bien...

M. Vézina (Pierre): C'est ça. Oui. Puis ça pose aussi le problème, toute la question de l'accès au réseau. Si Hydro-Québec est à la fois propriétaire et le seul gestionnaire du réseau, il va dire à n'importe quel compétiteur que son réseau est plein et qu'il ne peut pas transporter son énergie. On pose un autre problème. C'était le commentaire que je voulais ajouter.

M. Cherry: C'est une des difficultés quand on est un peu prisonnier d'un distributeur unique, vous ne pouvez pas faire autre chose qu'utiliser les lignes qui sont à sa disposition. Il n'a qu'à vous dire – et je reprends vos propos – que ses lignes sont au maximum, qu'il ne peut pas en prendre d'autres, et là vous auriez beau avoir les surplus que vous voulez bien pouvoir transporter, ce serait impossible. Donc, il faut...

M. Duchesne (André): D'un autre côté, il faut reconnaître qu'on ne veut pas avoir 12 réseaux de transmission d'énergie au Québec.

M. Cherry: Bien sûr.

M. Duchesne (André): Alors, la Régie doit intervenir à ce niveau-là puis s'assurer justement de la transparence des tarifs pour tout le monde.

Le Président (M. Beaulne): Il reste trois minutes à notre échange. Si j'ai le consentement des collègues de l'opposition, le député de La Peltrie voudrait poser une question. Ça va, M. le député de Saint-Laurent? Allez-y, M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Alors, merci, M. le Président, de votre générosité, et aussi l'opposition, mais ça passe par le président. Alors, mes commentaires s'adressent à l'Alliance des manufacturiers. Dans votre mémoire, en tout cas, je trouve que c'est très réjouissant. D'ailleurs, il y a des mots, même, qui me font peur à certains moments, lorsque vous dites: Nous nous réjouissons de la création de la future Régie de l'énergie, nous saluons la création de la Régie. Vous dites que ça va être un instrument essentiel pour le développement d'une économie plus rigoureuse, une compétition qui va permettre aux manufacturiers de bénéficier de meilleurs prix. Vous mentionnez aussi que ça va contribuer à la création de la richesse et d'emplois.

Vous savez comme moi qu'au Québec la grande majorité des emplois sont créés par la petite et moyenne entreprise, particulièrement la petite entreprise. Est-ce que vous croyez sincèrement que ces petites entreprises là vont pouvoir continuer à se développer et à survivre dans un marché qui est plus ouvert, qui est moins réglementé, ainsi de suite?

M. Dussault (Manuel): Tout à fait. Écoutez, je vais vous dire, on le voit au niveau des exportations, au niveau... Dès aujourd'hui, les PME en profitent, font des affaires, créent des emplois, puis c'est un marché libre. Alors on pense que, sous un marché plus libre dans le domaine de l'énergie, il y a plusieurs PME qui vont aussi pouvoir en profiter et se développer, se renforcer puis découvrir des nouveaux marchés, puis exporter, comme elles le font déjà.

Si je peux ajouter, vous avez très bien fait de noter tous les mots positifs dans notre document. Je pense que vraiment on perçoit cette initiative comme une initiative très, très positive pour l'économie.

M. Côté: Même après ce qui est arrivé, comme cet été, au niveau de la guerre de l'essence, donc, il y avait des indépendants qui étaient en danger, par rapport à ce qu'il y avait, des grosses entreprises nationales qui étaient prêtes à les engloutir. Est-ce que ça ne peut pas se répéter dans un monde ouvert comme celui que vous préconisez?

M. Setrakian (Barkev): Non. Pourquoi vous assumez que ce phénomène-là devrait arriver? C'est quoi, votre hypothèse? On ne le voit pas de cette façon-ci. Les PME sont très efficaces, très rigoureuses, et puis on pense qu'elles sont capables de compétitionner dans un marché déréglementé, dans un marché énergétique qui est déréglementé. Elles sont capables.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Alors, c'est tout le temps que nous avons pour échanger avec vous. Je vous remercie au nom de la commission.

J'inviterais maintenant l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie et le Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à prendre place à la table.

Je suspends pour une minute.

(Suspension de la séance à 22 h 6)

(Reprise à 22 h 9)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons passer maintenant aux échanges avec l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie et le Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Vous avez 15 minutes pour votre présentation et, par la suite, 15 minutes pour chaque formation. Alors, allez-y. Si vous voulez vous identifier pour les fins de la transcription, s'il vous plaît.


Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie (AQME) et Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (GREEN)

M. Fournelle (Christian): D'accord. J'aimerais présenter, à ma gauche, Gaston Cantin, qui est membre du conseil d'administration à l'AQME et qui est aussi le président du comité Formation continue. Il est conseiller en ressources matérielles et techniques à la Régie de la santé et des services sociaux de Québec. Je suis Christian Fournelle, président du conseil d'administration de l'AQME et président-directeur général de l'Agence canadienne de commercialisation et de distribution Québec inc.

(22 h 10)

D'entrée de jeu, l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie félicite le gouvernement du Québec pour le dépôt du projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, et souhaite son adoption dans les meilleurs délais. En août 1995, à l'invitation du ministre des Ressources naturelles, l'AQME a déposé un mémoire, lors du débat sur la politique énergétique du Québec. L'AQME est heureuse que cette démarche de consultation et le consensus dégagé aient abouti rapidement au dépôt du projet de loi.

L'AQME représente un grand nombre de consommateurs d'énergie. Ils partagent tous un intérêt commun pour la gestion efficace et réfléchie du développement, de la production, du transport, de la distribution, de l'utilisation et de la récupération de l'énergie sous toutes ses formes, traditionnelles et nouvelles. Aujourd'hui, l'AQME répond avec plaisir à l'invitation du ministre de commenter le projet de loi sur la Régie de l'énergie. Elle répondra favorablement aux invitations du ministre chaque fois qu'il sera question d'énergie, d'efficacité énergétique ou de l'intérêt de ses membres.

Par ailleurs, l'AQME est heureuse de constater que le gouvernement a tenu compte de plusieurs des idées qu'elle a avancées dans le cadre du débat public sur l'énergie. L'AQME offre au ministre et à son ministère toute sa collaboration et son expertise, développées depuis 10 ans, en matière énergétique. Avec cette pièce législative, l'AQME croit que le Québec peut envisager plus sereinement la déréglementation et l'ouverture des marchés nord-américains de l'énergie.

Principale tribune d'échange sur l'efficacité énergétique, l'AQME a pour mission de contribuer à la promotion de la maîtrise de l'énergie au Québec par l'utilisation et l'exploitation optimales des ressources dans le respect des préoccupations environnementales du public. Forte de l'expertise de ses 700 membres, qui se recrutent parmi les producteurs et les distributeurs d'énergie, parmi les consommateurs corporatifs et institutionnels ainsi que parmi les fabricants de biens et de services reliés à l'énergie, l'AQME, au cours des 10 dernières années, a maintenu le cap sur la gestion efficace des différentes formes d'énergie. Au cours de cette même période, l'AQME a été de tous les débats sur l'énergie, qu'ils aient été initiés par le gouvernement ou par l'industrie.

Dès sa création, l'AQME a eu pour partenaire le ministère des Ressources naturelles, avec qui elle a établi des paramètres de convergence en matière énergétique. D'ailleurs, en août dernier, l'AQME est intervenue dans le débat public sur l'énergie. À cette occasion, elle a encore répété l'antienne selon laquelle la maîtrise de l'énergie peut contribuer de façon significative au développement économique de la société québécoise pour la prochaine décennie et qu'avec les actions adéquates le Québec peut se positionner sur la scène internationale comme chef de file reconnu pour son expertise dans le secteur de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

L'AQME remercie le ministère des Ressources naturelles et tout particulièrement son ministre de lui donner l'occasion encore une fois d'exprimer ses vues sur le projet de loi sur la Régie de l'énergie. L'AQME aurait souhaité avoir plus de temps pour analyser le projet de loi et faire de plus amples recommandations au gouvernement. Elle apporte donc une contribution modeste à l'amélioration du projet de loi, avec les recommandations et commentaires qui suivent.

La nouvelle politique énergétique du Québec procède du consensus dégagé autour de la Table de consultation du débat public sur l'énergie et, pour la première fois, d'une vision globale du développement durable, une approche qu'applaudit avec enthousiasme l'AQME. Maintes fois évoquée, discutée abondamment en août dernier, la Régie de l'énergie est la première pièce maîtresse de la politique énergétique du Québec. Elle confère à celle-ci une ossature solide sur laquelle peuvent se greffer d'autres éléments de politique, dont, entre autres, l'Agence de l'efficacité énergétique, pour laquelle l'AQME a un intérêt particulier.

À l'article 5 du projet de loi, l'AQME constate avec plaisir que, malgré le contexte où la dépendance énergétique ne constitue pas aujourd'hui une préoccupation majeure, le gouvernement fait du développement durable en matière énergétique une priorité. En ce sens, l'horizon du gouvernement est indépassable, et je cite: «La Régie favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective durable, en tenant compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales, ainsi que de l'équité au plan individuel comme au plan collectif. Elle assure également la conciliation entre l'intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable des distributeurs.»

La Régie de l'énergie est conçue selon un modèle pragmatique et éprouvé. Telle que proposée, la Régie confère aussi à la majorité des membres de l'AQME, pour peu qu'ils s'attardent à l'analyse de ses implications, les outils inventifs susceptibles, pour les uns, d'accroître leur efficacité énergétique dans le contexte d'une plus grande concurrence entre les énergies et, pour les autres, de se tailler une part grandissante du marché énergétique continental et mondial. Pour cela, l'AQME vous sait gré d'avoir établi cette nouvelle donne de notre secteur industriel.

Sur le siège social de la Régie de l'énergie. Les débats récents autour de l'économie de la région métropolitaine de Montréal rendent délicate la position de l'AQME sur le siège social de la Régie. Nous voulons néanmoins souligner au gouvernement que ce siège social revient naturellement à la région métropolitaine de Montréal, compte tenu de la forte concentration des sièges sociaux d'entreprises productrices ou distributrices d'énergie et des consommateurs industriels qui s'y trouvent. Plus généralement, on retrouve dans cette région le plus fort bassin de consommation d'énergie au Québec et, par conséquent, la plus forte concentration d'intervenants auprès d'organismes sectoriels de régulation. Pour ces raisons, l'AQME considère que la Régie assumerait mieux ses responsabilités au chapitre des inspections, des enquêtes, mais surtout lors des audiences publiques, si elle exerçait ses pouvoirs dans la région métropolitaine de Montréal.

Sur la procédure de sélection des régisseurs et du comité de sélection. L'article 8 du projet de loi établit une procédure de sélection des régisseurs et prévoit la constitution d'un comité de sélection. L'article 111 confère au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement cette procédure et la composition du comité de sélection. L'article 40 édicte que les décisions de la Régie sont sans appel.

On retrouve dans la nouvelle politique énergétique du Québec la volonté du gouvernement de doter le Québec d'une régie indépendante et crédible vis-à-vis des différents intervenants engagés. Cette volonté ne nous semble pas clairement traduite par le projet de loi. Historiquement, à la Régie du gaz naturel, par exemple, on a assisté à quelques dérapages dans les nominations des régisseurs. D'instinct, l'AQME considère possible le risque de voir à moyen et long terme la Régie de l'énergie se politiser. L'AQME propose au gouvernement d'innover. Avant de nommer les régisseurs de la Régie de l'énergie, tel que prévu à l'article 7 du projet de loi, le gouvernement pourrait établir par règlement, à l'article 8, en plus d'une procédure, des critères stricts de sélection des régisseurs.

L'AQME croit que l'actuel gouvernement mettra tout en oeuvre pour assurer la transparence du processus de nomination des membres du comité de sélection et des régisseurs. Pour l'aider à y parvenir, elle propose de retrouver dans les critères de sélection des régisseurs des exigences de compétence et d'expertise technique en matière énergétique, exception faite pour le président, qui serait recruté parmi les juges de la Cour du Québec pour un mandat de sept ans.

L'AQME propose également que le gouvernement, par règlement, établisse d'autres critères tout aussi stricts pour le choix des membres du comité de sélection ainsi que les règles de fonctionnement de ce comité. L'AQME souhaite être représentée sur le comité de sélection et que les autres membres de ce comité soient recrutés en nombre suffisant dans les milieux académiques et industriels de l'énergie.

Enfin, l'AQME souhaite que les mandats des régisseurs n'arrivent pas à échéance en même temps. En décalant les mandats dans le temps, le gouvernement assurerait à la Régie la continuité dans ses travaux. Ainsi revu, le processus de nomination des membres du comité de sélection et celui des régisseurs par le gouvernement, avec la contribution de l'industrie, seraient encadrés dans des règles plus transparentes. Parce que ce mode de nomination est au coeur du projet de loi et parce que les décisions de la Régie sont sans appel, l'AQME veut s'assurer de l'impartialité et de la crédibilité des régisseurs et du processus de leur sélection.

Sur les audiences publiques. Les articles 25 et suivants du projet de loi traitent des audiences publiques selon une approche qui n'assure pas nécessairement aux participants l'application des règles de justice naturelle. En effet, les observations et l'argumentation dont on y parle ne sont pas l'équivalent d'une preuve faite en public avec droit de contre-interroger les parties. L'approche préconisée entache la transparence des audiences publiques et pourrait, à la limite, rendre un tel exercice futile. Pourtant, la nouvelle politique énergétique du Québec indique clairement que l'approche quasi judiciaire souhaitée par le gouvernement permettrait un examen rigoureux des questions qui sont confiées à la Régie. Et je cite: «L'analyse en audiences publiques des demandes de modification tarifaire permet la participation du public et l'intervention dans les discussions de toutes les parties intéressées.» Notre compréhension du texte législatif tel que rédigé ne nous permet pas de dire que cet objectif serait pleinement atteint.

Sur le plan des ressources. L'article 31 du projet de loi prévoit que la Régie a compétence exclusive pour approuver le plan de ressources d'Hydro-Québec et de tout distributeur de gaz naturel. L'AQME soumet que l'application de cet article à toutes les sources d'approvisionnement en énergie aurait le mérite d'assurer davantage la planification intégrée des ressources.

L'AQME a développé une expertise en matière d'efficacité énergétique. Elle veut s'assurer que les plans de ressources des distributeurs d'énergie sont harmonisés. Pour cela, elle souhaite voir inscrite dans la loi la consécration de son expertise au chapitre de l'efficacité énergétique et son rôle conseil auprès de la Régie quand celle-ci entame le processus d'approbation et d'harmonisation des plans de ressources. L'AQME souhaite que la Régie, avant d'approuver un plan de ressources, s'assure que les distributeurs y ont inclus les mesures d'économie d'énergie rentables qui satisfont le test de la neutralité tarifaire.

(22 h 20)

L'AQME souhaite aussi que le gouvernement impose à ses ministères et organismes les règles leur permettant d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments qui leur appartiennent.

Sur l'Agence de l'efficacité énergétique. Plus qu'un rôle complémentaire, l'AQME propose l'instauration d'un véritable partenariat entre elle et l'Agence de l'efficacité énergétique. Elle souhaite que la Régie de l'énergie prévoie que l'Agence soumette, au même titre que les distributeurs d'énergie, un plan de développement prévoyant les actions et les missions qu'elle entend remplir au chapitre de l'efficacité énergétique à court, moyen et long terme.

Ce plan de développement permettra à la Régie de tenir compte de façon systématique de toutes les externalités qui pourraient affecter l'harmonisation, la planification intégrée des ressources et les décisions énergétiques. L'AQME veut également assurer à l'Agence des sources stables de financement pour lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la promotion et la réalisation d'économies d'énergie. À cet effet, le gouvernement doit, par règlement, prévoir qu'un pourcentage fixe de redevances annuelles versées à la Régie soit réservé à l'Agence pour ses fins d'information, de promotion, de veille commerciale et technologique et de recherche en matière d'efficacité énergétique.

Sur la tarification et l'interfinancement. L'AQME a souvent répété que les consommateurs doivent payer les coûts réels pour le bon usage. Puisque l'objectif de réduire sinon d'éliminer l'interfinancement est maintenant acquis, la Régie devrait prévoir certains mécanismes visant à réduire l'impact de ses décisions sur les consommateurs. Ainsi, un distributeur doit pouvoir étaler sur une période de temps certaines hausses tarifaires pour permettre au consommateur et, en général, au marché d'absorber plus facilement ces ajustements. De telles dispositions permettraient surtout aux grands consommateurs de considérer et mieux planifier leurs investissements en matière d'efficacité énergétique.

Au dernier alinéa de l'article 49, l'AQME souhaite que la Régie ait plutôt l'obligation, pour un consommateur ou une catégorie de consommateurs, de fixer un tarif afin de financer les économies d'énergie non rentables pour le distributeur mais rentables pour ce consommateur ou cette catégorie de consommateurs.

Sur les délais de prises de décision. Dans le passé, les décisions de la Régie du gaz naturel étaient quelquefois appliquées rétroactivement, faisant subir aux consommateurs des hausses soudaines de leur facture énergétique. Les hausses tarifaires appliquées rétroactivement ont été la source de problèmes importants, notamment pour les grands consommateurs de gaz naturel. Cette situation était essentiellement attribuable aux longs délais nécessaires à cette Régie pour étudier les cas de hausses tarifaires avant de rendre une décision.

Fort heureusement, la Régie de l'énergie a déjà l'obligation, prévue à l'article 18, de rendre ses décisions avec diligence. Nous croyons qu'il faut aller plus loin. L'AQME souhaite voir le législateur imposer à la Régie de l'énergie un délai maximum pour rendre une décision concernant une hausse tarifaire. De plus, ces décisions ne devraient jamais s'appliquer rétroactivement.

Sur les directives. L'AQME approuve les dispositions des articles 109 et 110 concernant les directives que le ministre peut donner à la Régie sur l'orientation et les objectifs généraux à poursuivre. Le fait que ces directives soient approuvées au préalable par le gouvernement et déposées devant l'Assemblée nationale leur confère une plus grande légitimité. Ces dispositions garantissent surtout la transparence des volontés gouvernementales.

En conclusion, voici, brièvement exposés, les commentaires et recommandations de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie au sujet du projet de loi portant sur la création de la Régie de l'énergie. Notre contribution à ce débat se veut positive. Plusieurs dispositions du projet de loi s'inspirent de l'actuelle Loi sur la Régie du gaz naturel. Nous voulons que la nouvelle loi implique davantage le secteur privé par le biais du milieu associatif, dans un esprit de plus grande coopération. À ce sujet, l'AQME réitère son offre de soutien expert au ministre, à son ministère et à la nouvelle Régie de l'énergie. Elle veut ainsi souligner sa volonté de prendre une part importante dans l'édification d'un organisme qui sera appelé à jouer un rôle majeur dans l'industrie au cours des prochaines années.

Enfin, l'AQME est convaincue que cette loi, dans le cadre plus global de la nouvelle politique énergétique du Québec, favorisera l'adaptation des entreprises au défi de la déréglementation du secteur énergétique. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que, maintenant, vous voudriez faire une présentation au nom de votre groupe?

Une voix: Nous? Oui.

Le Président (M. Beaulne): Vous avez un maximum de 15 minutes, et ensuite on procédera aux échanges.

M. Bernard (Jean-Thomas): O.K. À ma droite, il y a mon collègue. Michel Roland et moi-même, nous sommes tous les deux membres du Groupe de recherche en économie de l'énergie et des ressources naturelles, à l'Université Laval, et aussi professeurs réguliers au département d'économique.

L'analyse du projet de la Régie de l'énergie et sa mise en opération prochaine constituent l'aboutissement d'une longue démarche de consultation publique qui a été réalisée en bonne partie par la Table établie à cet effet. Puisque nous avons participé activement à toutes les étapes de cette consultation, nous voulons exprimer notre satisfaction générale à l'égard de la démarche adoptée et du projet de loi qui est devant nous.

Certains points à l'égard de la création de la Régie méritent d'être soulignés de façon particulière. Mentionnons le caractère décisionnel de ses activités, son autonomie à l'égard du pouvoir politique, le champ de ses analyses, qui porteront principalement sur les tarifs, les plans de développement, les ressources et les exportations, la transparence de ses analyses à travers des audiences publiques et, finalement, l'objectif d'équilibre entre les besoins et les coûts dans une perspective de développement durable.

Malgré cet appui favorable au projet de loi dans son ensemble, nous aimerions exprimer trois remarques ou réserves. La première portera sur le chapitre V, qui traite de la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers, la seconde sur le rôle et le fondement des tarifs et, finalement, la troisième, sur l'autonomie de la Régie et le rôle du ministère.

Donc, passons aux remarques sur le chapitre V, à savoir celui qui porte sur la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers. Lorsque nous considérons les champs d'activité de la Régie prévus dans le projet de loi, nous reconnaissons qu'ils sont généralement conformes aux champs d'activité des commissions ou régies de même nature au Canada et aux États-Unis. Cependant, il y a une exception, et c'est la surveillance des prix de l'essence et du diesel. Voici nos observations à ce sujet.

La surveillance par la Régie, à notre avis, rendra ineffective l'application de la Loi sur la concurrence à ce secteur d'activité et rendra illégale une pratique commerciale qui n'était pas en soi prohibée, c'est-à-dire la vente à perte. Deuxième point. Ces surveillance et réglementation ont été introduites pour le bénéfice des distributeurs des produits pétroliers et non des consommateurs. Il est rare d'entendre des consommateurs se plaindre des guerres de prix. En pratique, la loi permettra, à toutes fins utiles, l'établissement de prix plancher. Ceci constitue un frein à la concurrence sur les prix. Il est tout de même surprenant qu'au moment où divers gouvernements, incluant celui du Québec, tendent à favoriser la déréglementation en vue d'atteindre une plus grande efficacité économique cette loi mettra en place un mécanisme de contrôle des prix pour un bien qui, somme toute, a été et est toujours disponible. Il ne s'agit pas d'un argument de la sécurité de l'offre.

Comme point de comparaison, pour expliquer un peu la complexité de ce mécanisme-là, nous aimerions rappeler l'expérience toujours en vigueur de la réglementation du prix du lait sur la base des coûts, comparaison relativement analogue. Ceci s'est avéré très complexe, puisqu'il ne s'agit pas évidemment d'un seul producteur ou d'un seul distributeur, comme Hydro-Québec ou Gaz Métro, où, là, on fait la liste des coûts et on les analyse, mais, dans le cas de la distribution des produits pétroliers, comme dans le cas des fermes laitières, il s'agit d'entreprises opérant dans des conditions très diverses. Les gens sont propriétaires, les gens sont locateurs, c'est combiné avec un garage, c'est combiné parfois également avec un service d'alimentation. Il y a toutes sortes de formes de distribution. Ce qui va arriver, c'est que, probablement, on va calculer des coûts moyens pour ces ensembles-là. Bien, les coûts moyens, ça favorise des gens puis ça en pénalise d'autres. Lorsqu'on vise la moyenne, évidemment, un prix qui sera basé sur le prix moyen va favoriser les gens qui ont des coûts inférieurs à ça; par contre, ça sera insuffisant pour les gens qui ont des coûts qui seront supérieurs à ça. Donc, ça créera encore de ces difficultés.

Le troisième point. Nous aimerions proposer un mécanisme simple d'application qui pourrait limiter la portée du double rôle que jouent les compagnies pétrolières comme raffineurs, donc grossistes pour les indépendants, et comme distributeurs, donc concurrents pour les mêmes indépendants. Il s'agirait d'exiger d'être à même de livrer en quantité suffisante – ça restera à établir – des produits pétroliers à tous les clients qui en font la demande, incluant les autres détaillants. L'ampleur des pertes potentielles mettrait un frein à la concurrence désordonnée, dans cette obligation-là.

(22 h 30)

Un autre point. Compte tenu de l'état actuel du projet, nous accordons évidemment peu de chances à notre suggestion d'être retenue. C'est pourquoi il faudrait prévoir un mécanisme d'ajustement automatique des marges de distribution selon une formule d'inflation, moins les gains tendanciels en productivité, à la fois pour le bénéfice des consommateurs, tout en rendant la réglementation plus souple.

J'aimerais passer maintenant quelques observations sur le rôle des tarifs et leur fondement dans les coûts. Lors de la consultation publique au cours des deux dernières années, nous avons présenté diverses analyses visant à supporter la proposition que les prix devraient mieux refléter les coûts de production. Le projet de loi créant la Régie reflète certaines de ces préoccupations, en particulier en ce qui a trait au taux de rendement de l'avoir propre d'Hydro-Québec. Dans nos analyses, nous avons aussi souligné le coût d'usage des cours d'eau pour fins de production hydroélectrique, qui devrait donner lieu normalement à des redevances, comme c'est le cas dans les autres provinces. Non seulement c'est le cas dans les autres provinces, mais c'est le cas aussi pour les producteurs privés au Québec. Il est à espérer que cette omission sera corrigée par la suite. J'aimerais également mentionner que, dans un contexte d'ouverture du marché, ce serait une mesure qui nous mettrait probablement à l'abri de certaines attaques commerciales qui pourraient venir des Américains.

Finalement, quelques brèves remarques également sur l'autonomie de la Régie et le rôle du ministère. Encore une fois, nous sommes tout à fait d'accord avec la grande autonomie qui est prévue pour les opérations de la Régie, et c'est ce qui devrait certainement être privilégié à court terme. Il faut penser que la belle unanimité qui s'est créée autour de la Régie risque de s'effriter rapidement. Tout le monde là-dedans y a vu un peu son intérêt. On pourrait rappeler ça rapidement. Évidemment, Gaz Métro voulait qu'Hydro-Québec soit traitée sur le même pied. Hydro-Québec, je pense qu'ils sont bien contents, peut-être, de voir que le gouvernement va s'éloigner un peu d'eux. Il y a différents groupes aussi qui ont pensé que ce serait un bon forum où ils pourront exprimer leur point de vue. Mais il faut penser que les régies, c'est des tribunaux administratifs. Alors, à un moment donné, il va se créer des problèmes et il faudra qu'elle tranche, puis ce n'est pas tout le monde qui va être satisfait des décisions qui seront prises par la Régie, puis ils risquent de se pencher vers le gouvernement. Alors, je pense que, dans les premiers moments de la Régie, il faudra résister à cette tentation-là.

Maintenant, je vais tenir des propos qui vont vous paraître un peu contradictoires par rapport à ce que je viens de dire. C'est que, si on regarde l'expérience des régies dans les autres régions... Il faut dire que les régies d'électricité aux États-Unis, ça existe depuis le tournant du siècle. Alors, on a une très longue expérience là-dedans. Ça existe non seulement pour l'électricité, mais ça existe pour les chemins de fer, les télécommunications, et ainsi de suite. Alors, ce qu'on a observé, c'est que, assez fréquemment, dans le temps il s'est développé une relation d'absorption, de symbiose entre les personnes qui réglementent et les gens qui sont réglementés. Et, en général, c'est des industries qui, à long terme, sont devenues sujettes à des taux de croissance de la productivité relativement faibles. D'ailleurs, c'est ce qui a été une cause principale du mouvement de déréglementation que l'on observe: on voulait obtenir plus de ces industries-là. Donc, à plus long terme, il faut avoir d'autres mécanismes qui peuvent rentrer en cause.

Si on regarde un peu ce qui se passe aujourd'hui – évidemment, on en a parlé beaucoup, de la déréglementation, un peu à l'échelle du monde, dans le secteur de l'électricité; évidemment, ça a été dans le gaz et d'autres industries – bien, la source, ce qui a mis ça en oeuvre, bien, il y a plusieurs organismes qui ont initié ça dans différents pays. Parfois, c'est les gouvernements, hein, ça a été la politique du gouvernement qui a déréglementé, ça a été fréquemment le cas. Parfois, c'est les régies elles-mêmes, comme le FERC, aux États-Unis, c'est de sa propre initiative, évidemment en accord avec le gouvernement, mais qui décide de changer les règles. Parfois aussi, ça a été les cours, les cours de justice qui ont pris des décisions, comme le cas des télécommunications aux États-Unis, hein, c'est une poursuite en justice qui a finalement amené la fin du monopole de Bell.

Alors, à plus ou moins long terme, le ministère devra garder son rôle de bougie qui a une vision de long terme. Et sans rentrer dans les affaires quotidiennes de la Régie – je ne veux pas être en contradiction avec ce que j'ai dit initialement – mais, à plus long terme, ils devront garder ce rôle potentiel de surveillance et de bougie en ce qui a trait en particulier à la croissance de la productivité, au changement de la structure de l'industrie, et ainsi de suite. Alors, on vous remercie d'avoir pris ce temps pour écouter ces quelques propos.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, maintenant, je cède la parole à M. le ministre pour participer à un échange.

M. Chevrette: Puis j'en ai une avalanche, je n'aurai jamais le temps de tout poser.

Le Président (M. Beaulne): Vous avez 15 minutes.

M. Chevrette: Mais je vais vous en poser une directe, parce que vous venez de finir, puis, après ça, je terminerai par l'AQME. Vous allez m'expliquer votre mécanisme de régulation du pétrole, je n'ai rien compris.

M. Bernard (Jean-Thomas): Ah, mon Dieu!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous ne voulez pas qu'on réglemente, mais vous avez une proposition à nous faire. Puis j'ai testé alentour de moi, puis je ne suis pas seul, donc...

M. Bernard (Jean-Thomas): O.K. Je vais reprendre ça.

M. Chevrette: J'ai l'humilité de vous demander de me faire comprendre.

M. Bernard (Jean-Thomas): Oui, oui, je vais vous reprendre ça.

Disons, la difficulté actuelle, c'est que, comme il a été décrit par les gens antérieurement, ça peut amener à des pratiques déloyales, hein, perçues comme des pratiques déloyales. Mais j'aimerais rappeler, dans ce contexte-là, qu'il existe une Loi sur la concurrence où les pratiques déloyales peuvent être étudiées. Puis, d'ailleurs, l'industrie pétrolière, c'est une des industries qui a un carnet les plus actifs devant l'application de la Loi sur la concurrence, ils ont des dizaines de plaintes continuellement là-dessus, parce que les gens se promènent, puis ils voient que les prix sont différents, puis ils se demandent: Pourquoi, moi, je n'ai pas ces prix-là? et ainsi de suite. Alors, ils vont se plaindre au bureau de la politique de la concurrence. Puis il y a eu, au début des années quatre-vingt, une très grande enquête sur la question du volume, et ainsi de suite.

M. Chevrette: C'est plus facile de s'entendre à cinq...

M. Bernard (Jean-Thomas): Oui.

M. Chevrette: ...qu'à 40, 50.

M. Bernard (Jean-Thomas): Oui, oui. Donc, c'est une industrie qui a... puis pas uniquement au Canada, aux États-Unis aussi, ça fait l'objet de critiques multiples. Nous, le mécanisme qu'on voulait suggérer, ça s'avère un mécanisme relativement simple qui permettrait aux indépendants de se prémunir contre des attaques des raffineurs. Le problème, c'est que c'est des grossistes puis c'est des vendeurs, eux autres aussi. Alors, entre les deux, il y a une marge, puis les indépendants, ils essaient de vivre là-dedans.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, lorsqu'un détaillant qui est relié à un raffineur coupe les prix – on va le dire de façon raisonnable, évidente, comme vous avez dit tout à l'heure – il vend à 0,38 $ puis le grossiste est en train de vendre à 0,40 $, nous, ce que l'on dit, c'est que le détaillant devrait être en mesure de rencontrer des demandes raisonnables de toute personne, incluant les autres détaillants. Alors, un autre détaillant, au lieu d'aller chez le raffineur, ira 10, 15 km plus loin, 20 km plus loin, faire le plein, puis il fait le plein à 0,38 $.

Une voix: Un camion-citerne.

M. Bernard (Jean-Thomas): Un camion-citerne, puis tu dis: Je fais le plein, moi, à 0,38 $. Et si l'autre n'est pas capable de respecter ceci, bien, ça, c'est un prix qu'on appelle déloyal. Il dit: Écoute, tu n'es pas capable de vendre à ce prix-là puis c'est ça que tu affiches. Alors, là, je pense que, si cette pratique-là était mise en force...

M. Chevrette: C'est un peu fou, ça. Harnois l'a fait.

M. Bernard (Jean-Thomas): Oui.

M. Chevrette: Puis ça a valu probablement la campagne de publicité d'Ultramar. Mais ce que je veux dire...

M. Bernard (Jean-Thomas): Non, non, c'est la même chose que ce qu'on a pour la publicité déloyale. Lorsqu'on fait une annonce qu'on vend des souliers à 25 $, bien, tu n'en as pas juste une paire; là, tu es sujet à poursuite; il faut que tu en aies, des souliers. Alors, quand tu annonces que tu vends de l'essence à 0,38 $, tu en as à vendre à 0,38 $ puis tu vends à ceux qui se présentent.

M. Chevrette: En tout cas, il faudrait le creuser davantage, je n'en suis pas convaincu. Mais, peu importe, vous n'êtes pas là pour... Je vous ai demandé votre point de vue, je vous remercie.

L'AQME, vous souhaitez que la Loi sur la Régie prévoie que l'Agence de l'efficacité énergétique soumette, comme les distributeurs, un plan d'énergie... un plan, pas d'énergie, mais un plan de développement de ses activités. Vous faites ça à la page 8 de votre mémoire. Je voudrais savoir: Est-ce que l'examen du plan de développement de l'Agence serait relié à son financement à même les redevances relevées par la Régie?

M. Fournelle (Christian): On fait une distinction entre les deux. On mentionne que l'Agence doit avoir des revenus stables pour être en mesure d'appliquer ses programmes. Donc, on le distingue entre les deux. Mais, pour permettre à la Régie d'intervenir... ce qu'on voulait plutôt souligner, c'est que, pour permettre à la Régie d'intervenir et de faire une analyse bien intégrée des programmes de ressources d'Hydro-Québec et de Gaz Métro, il est important qu'elle connaisse aussi les plans de développement de l'Agence qui va faire la promotion de programmes d'efficacité énergétique. Ça fait que c'était dans un but de permettre à la Régie d'avoir une vue globale, et c'est comme ça qu'on le présentait.

(22 h 40)

M. Chevrette: À votre page 8 toujours, prenez votre deuxième paragraphe... «C'est-u» le deuxième? C'est le premier. Je vous lis ça, et je suis convaincu que tous les députés veulent comprendre aussi: «L'AQME souhaite que la Régie, avant d'approuver un plan de ressources, s'assure que les distributeurs y ont inclus les mesures d'économie d'énergie rentables qui satisfont le test de la neutralité tarifaire.» Vous êtes des experts; nous autres, on est des profanes. Expliquez-nous donc ce que ça veut dire.

M. Fournelle (Christian): Lorsqu'on présente cet argument, on veut tout simplement s'assurer que, lorsque les programmes vont être présentés... Il est facile pour un fournisseur de déguiser des tarifs en disant: Bon, bien, moi, je vais faire de la promotion d'efficacité énergétique de l'autre côté. Ça fait que c'est beaucoup plus dans ce but-là qu'on le soulignait, où on demande d'avoir des programmes et une analyse qui va permettre de bien mettre en perspective l'ensemble des programmes d'efficacité énergétique qui vont être soumis. Que ce soient des programmes qui sont directement reliés aux producteurs, parce que ça favorise les producteurs, que ce soient les programmes de l'Agence qui devraient être là pour favoriser directement le consommateur, il doit y avoir un arrimage entre ces programmes-là, et c'est dans cette perspective-là qu'on peut arriver à déterminer s'il y a effectivement neutralité tarifaire. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

M. Chevrette: Plus ou moins, pour être honnête.

M. Fournelle (Christian): O.K.

M. Cantin (Gaston): Bien, si vous me permettez, M. le ministre, moi, ce que j'aimerais...

M. Chevrette: Réessayez-vous.

M. Cantin (Gaston): Pardon?

M. Chevrette: Réessayez-vous.

M. Cantin (Gaston): Réessayer. Tout simplement, ce que ça signifie, c'est qu'on souhaiterait que les tarifs, ce soit une chose puis que les programmes d'efficacité énergétique ou les subventions rattachées aux programmes d'efficacité énergétique soient autre chose, que ça soit dissocié, dans le sens suivant: c'est qu'on n'amène pas des subventions cachées, qu'on n'amène pas des projets en autofinancement et qu'en contrepartie, tout ça, on le paie, en fin de course, sur des tarifs pour lesquels il y avait une petite clause quelque part qui dise: Dans telle et telle... dans certaines éventualités, il y avait ci, il y avait ça, bon, voilà, puis ça coûte plus cher.

M. Chevrette: C'est beau. Une tarification qui refléterait la vérité des prix est-elle un préalable, selon vous, à l'intégration des programmes d'efficacité énergétique dans les plans de ressources?

M. Cantin (Gaston): Pardon? J'ai...

M. Chevrette: Je vous la répète lentement. Une tarification reflétant la vérité des prix est-elle un préalable à l'intégration des programmes d'efficacité énergétique dans les plans de ressources?

M. Fournelle (Christian): Définitivement. Étant donné que les programmes d'efficacité énergétique nécessitent, je ne dirais pas plusieurs mois avant de voir le jour, mais plusieurs années, il y a une planification de la part des consommateurs à allouer des ressources financières pour l'implantation de ces technologies-là. Il est important qu'ils le fassent sur les vrais tarifs. Imaginez-vous, si on part sur des programmes d'efficacité énergétique où on s'aperçoit que les coûts, demain matin, se mettent à descendre, bien, tous les investissements qui sont faits viennent de tomber à l'eau et ça devient du gaspillage. Ça fait qu'à ce niveau-là il est important, oui.

M. Chevrette: Professeur, je voudrais demander... Parce que vous savez que le projet de loi sur la Régie aborde la question de la déréglementation de la production de l'électricité. J'aimerais savoir, dans le cadre d'une telle déréglementation, selon vous, comment, à votre avis, évoluerait le prix de l'électricité. En d'autres mots, comment voyez-vous la déréglementation jusqu'au marché de détail?

M. Bernard (Jean-Thomas): Évidemment, il y a deux scénarios possibles: il y aurait une déréglementation qui serait limitée au Québec, hein, c'est-à-dire si on fait abstraction de ce qui se passe aux États-Unis, puis une déréglementation ouverte, également, sur le marché américain puis les voisins. Évidemment, c'est plus réaliste d'envisager la deuxième parce que, déjà, les Américains sont relativement avancés sur la voie de la déréglementation. Puis si jamais, un jour, on déréglemente nous aussi, bien, ça sera probablement dans un contexte d'ouverture.

Mais c'est peut-être plus facile d'expliquer qu'est-ce qui se passerait si on déréglementait seulement ici. Alors, ça va nous expliquer qu'est-ce qui va se passer également sur le marché américain. Si on déréglementait seulement ici, moi, je pense que les tarifs, globalement, augmenteraient. Cependant, il existe des périodes de l'année où, évidemment, ils augmenteraient, c'est-à-dire la période de l'hiver, ça coûte plus cher à produire, et ainsi de suite, puis, à ce moment-là, les tarifs seraient plus hauts. Par contre, il y a d'autres périodes de l'année où les tarifs seraient plus bas. Donc, il y aurait des gens qui pourraient gagner ou perdre, selon leur période de consommation. Parce que, dans mon esprit à moi, la déréglementation implique aussi des variations de prix dans le temps. Déréglementer pour garder les prix uniformes durant toute l'année, c'est une déréglementation partielle, et évidemment on veut prendre avantage de l'intensité de la demande selon l'hiver et selon l'été. Alors, dans ce contexte-là, je pense que globalement les prix augmenteraient parce que ça finirait par refléter ce que ça coûte à la marge pour développer.

Là, encore une fois, il faut penser que les sites hydroélectriques au Québec, ils ont été développés par ordre de coûts croissants puis, à la marge, comme vous savez, ça coûte plus cher évidemment que ce qu'on a fait dans le passé. Présentement, le bénéfice que l'on gagne sur les sites qui ont déjà été développés fournit de l'interfinancement global aux sites qui ont coûté plus cher à développer. Mais, dans un marché déréglementé, l'interfinancement disparaît. Ça voudrait dire, ça, par contre – puis je suis très favorable à ça – c'est que la production hydroélectrique deviendrait immensément rentable, on pourrait faire des profits, puis là ça pourrait être transféré à son actionnaire. Peut-être que l'actionnaire pourrait nous consentir quelques petites baisses de taxes. Alors, moi, j'aimerais bien cet équilibrage-là.

Si, maintenant, on ouvre sur le marché américain, c'est bien clair, pour une fois que la nature nous a bien favorisés, dans deux sens, c'est qu'eux autres ils ont une pointe d'été puis, nous autres, on a une pointe d'hiver... Donc, lorsqu'on vend sur le marché américain l'été, c'est très rentable. Puis il faut penser à un deuxième point, c'est que la région qui est immédiatement au sud est très pauvre en électricité; ils n'ont pas de ressources indigènes, eux autres; c'est produit à partir du nucléaire, du charbon, du gaz naturel, puis il reste encore du mazout. Puis les prix sont deux, trois fois plus élevés qu'au Québec. Alors, si on ouvrait... évidemment, il résulterait de ça une baisse aux États-Unis parce qu'on augmenterait l'offre qui viendrait d'ici, puis évidemment, pour libérer cette électricité-là, bien, il faudrait que les Québécois en consomment moins. Alors, la façon d'indiquer aux Québécois d'en consommer moins, c'est de faire augmenter les prix. Mais l'opération serait immensément rentable puis ça ferait augmenter notre niveau de vie.

M. Chevrette: Je vous remercie. Vous ne serez pas surpris si je m'absente quelques minutes parce que j'ai une urgence. Je vous remercie de votre témoignage, les deux groupes.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. L'AQME, en page 6 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous dites: «...le gouvernement pourrait établir par règlement à l'article 8, en plus d'une procédure, des critères stricts de sélection des régisseurs.» Pourriez-vous nous décrire ce serait quoi, des règlements stricts? Ce serait quoi, des exigences que vous verriez, là?

M. Fournelle (Christian): On considère qu'il est important qu'ils aient un profil énergétique global, ça veut dire... ou du moins que, parmi l'ensemble des régisseurs, on retrouve des gens qui ont le profil aussi bien gazier, électrique, mais au niveau des énergies renouvelables. Si vous voulez étudier des projets éoliens, il faut avoir un peu d'expertise à ce niveau-là et si vous voulez faire l'ensemble de l'analyse de ces dossiers-là en ayant comme préoccupation des concepts d'efficacité énergétique, il faut au moins que les gens aient des notions à ce niveau-là. Donc, c'est dans un but d'une vision globale qu'on dit que les critères devront favoriser le profil de ces gens-là, tout simplement.

M. Cherry: O.K. Au même paragraphe, vous terminez en disant que le président serait recruté parmi les juges de la Cour du Québec.

M. Fournelle (Christian): Oui.

M. Cherry: C'est la première fois qu'on voit ça dans un mémoire. Pourquoi?

M. Fournelle (Christian): Ha, ha, ha! Bon, voici. Ce qu'on souhaitait avoir comme président, évidemment, c'est une personne qui va avoir à intervenir d'autorité dans des décisions et prendre une décision en faveur d'une partie. Et on veut recommander tout simplement le profil d'une personne qui est habilitée à faire l'analyse de tels dossiers complexes et en ayant toujours comme approche la protection du consommateur. On voyait chez les juges cette habilité de le faire, mais on ne savait pas comment l'exprimer. On a dit «des juges», mais ça peut... du moment que ce n'est pas des gens du domaine technique qui ont déjà des idées toutes préconçues. Bien, à ce moment-là, ça pourrait peut-être favoriser...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournelle (Christian): On l'est, hein! Ça fait qu'on peut peut-être porter un jugement.

M. Cherry: O.K. Dans la même page, vous souhaitez, et je pense que c'est sage, que «les mandats des régisseurs n'arrivent pas à échéance en même temps», bien sûr pour assurer le maintien d'une qualité, d'une compétence, puis tout ça. Avez-vous une idée de la durée des mandats des régisseurs?

(22 h 50)

M. Fournelle (Christian): Bien, ça tombe plus, je pense, dans la quincaillerie du gouvernement. Si vous attribuez des mandats de cinq ans, nous, ça ne nous pose aucun problème. Il faut comprendre que l'expertise ne se créera pas en trois ans, puis les dossiers peuvent être longs, et comme on veut implanter des programmes avec des visions à moyen et à long terme, bien, il faut permettre aux gens de pouvoir se réaliser. Ce qu'on trouvait important, c'est qu'il y ait continuité dans les dossiers et que les gens ne partent pas tous en même temps puis se ramasser avec une équipe neuve à remonter très rapidement.

M. Cherry: Donc, ça pourrait être deux à cinq, deux à six, deux à sept pour assurer que...

M. Fournelle (Christian): Oui, un mécanisme comme ça.

M. Cherry: O.K. À la page 7 de votre mémoire, premier paragraphe, au milieu, vous dites: «L'approche préconisée entache la transparence des audiences publiques.» De quelle façon?

M. Fournelle (Christian): Bon, dans la mesure où on fait le parallèle avec les règles de justice naturelle, où vous présentez votre requête et vous êtes en mesure de faire le contre-interrogatoire pour bien comprendre, bien argumenter. Si vous présentez votre dossier et que c'est la seule activité que vous avez pour vous représenter, bien, on considère qu'il n'y a pas d'échange qui permet de bien faire connaître les positions de part et d'autre. C'est pour ça qu'on préconise... pour ne pas que ce soit d'entrée de jeu déjà tout organisé, bien, on se dit: Qu'il y ait des échanges entre les participants.

M. Cherry: En page 8, dernier paragraphe: «Le gouvernement doit, par règlement, prévoir qu'un pourcentage fixe des redevances annuelles versées à la Régie soit réservé à l'Agence pour ses fins d'information, de promotion, de veille commerciale et technologique et de recherche en matière d'efficacité énergétique.» Avez-vous une idée de ce que ça pourrait être?

M. Fournelle (Christian): Non. Ce qui est important pour nous, c'est d'assurer des revenus stables à l'Agence pour pouvoir permettre de faire un travail de longue haleine. Donc, si elle peut se faire couper les vivres d'une année à une autre, on considère que c'est très difficile de mettre de l'avant des programmes et d'accomplir le mandat comme on l'a décrit au niveau de l'Agence. Ça fait qu'il est important qu'elle ait des revenus un peu plus stables puis lui permettre de bien travailler.

M. Cherry: O.K. En page 9, dernier paragraphe – ce sera ma dernière question, mon collègue d'Argenteuil en a d'autres – vous dites que votre organisme «souhaite voir le législateur imposer à la Régie de l'énergie un délai maximum pour rendre une décision concernant une base tarifaire». C'est quoi, le délai maximum, ça devrait être pas plus que?

M. Fournelle (Christian): Ah, mon Dou! On ne voulait pas le fixer, on laisse plus les gens le faire. C'est dans un but d'efficience en matière de gestion de savoir que vous avez un délai de tant, vous devez travailler à l'intérieur de ça. Mais le point qu'on voulait essentiellement faire ressortir, c'est beaucoup plus de... Si vous dépassez le temps limite et puis que vous adoptez une augmentation tarifaire au niveau du transport ou de la distribution, ne venez pas appliquer ça rétroactivement pour les gestionnaires. Il faut comprendre que, dans la majeure partie des cas, ces dépenses-là sont très difficiles à absorber. Donc, si les gens sont.. s'ils ne peuvent pas le faire, bien, au moins qu'ils puissent bloquer dans le temps leurs décisions, tout simplement. Ça fait que c'est aux gens de la Régie à déterminer dans quel temps ils peuvent prendre de tels genres de décisions, à mettre de l'avant les mécanismes en termes de durée sur leur consultation et leur temps de réflexion pour prendre une décision.

M. Cherry: O.K.

Le Président (M. Beaulne): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Messieurs, je vous remercie d'être venus nous présenter vos mémoires et vos réflexions. M. Bernard, j'aimerais savoir... vous avez mentionné des frais d'utilisation de l'eau, comme pour les centrales privées. Seriez-vous capable d'élaborer un peu là-dessus? Parce qu'il est évident que c'est une source de revenus, que même l'actionnaire unique d'Hydro-Québec pourrait s'abstenir d'aller chercher des dividendes en allant juste chercher des frais d'utilisation de l'eau, puis ça aurait peut-être l'air moins louche. Et ce serait fixé...

M. Bernard (Jean-Thomas): Excusez, là. Je n'ai pas tout à fait compris sur quoi vous voulez mettre l'accent, là. Vous savez que présentement il n'y en a pas, de frais d'usage des rivières...

M. Beaudet: Sauf les privés.

M. Bernard (Jean-Thomas): ...pour Hydro-Québec, sauf pour le privé, mais qu'il y en a pour les services publics ailleurs au Canada: Hydro Ontario en paie, le BC Hydro en paie, le Manitoba. Évidemment, l'idée derrière ça, ce n'est pas de faire payer davantage le consommateur en soi. Parce que, comme consommateur, j'aime ça, les petites factures! Ça, c'est le lot de tout consommateur. L'idée, c'est de faire utiliser les ressources de façon plus efficace. C'est que, comme j'expliquais tout à l'heure, il y a des ressources qui ont été développées qui ne coûtaient pas cher puis, aujourd'hui, à la marge, ça coûte plus cher. Alors, c'est ça qu'on veut refléter au consommateur puis c'est la différence entre les deux qu'on veut faire percevoir. À la marge, hein, ça coûte plus cher.

Puis il y a un point qui a été soulevé de temps en temps ici, c'est qu'on parle des économies d'énergie. Bien, il faut se rappeler qu'au Québec les tarifs d'électricité sont parmi les plus bas au monde, hein. Il y a le Manitoba, la Colombie-Britannique. Partout ailleurs au monde, c'est plus élevé. Donc, le Québec, c'est un des territoires les plus infertiles pour les économies d'énergie, parce que les gens, dans leurs décisions, ils regardent ce que ça leur coûte de l'utiliser puis ils regardent ce que ça coûte de ne pas l'utiliser. Alors, c'est bien clair que, si ailleurs ils paient beaucoup plus cher, bien, ils vont investir davantage pour ne pas avoir à payer ce gros prix là.

Alors, nous, par contre, à la marge, on sait que les sites coûtent de plus en plus cher, puis c'est ça qu'on veut refléter au consommateur, puis c'est dans cet esprit-là qu'on dit: On devrait avoir des redevances qui, elles, diraient: Écoutez, ce site-là, il n'a pas coûté cher, mais, en fait, quand on achète... à présent, on est en train de développer ça; alors, on va te charger ça.

M. Beaudet: O.K. À l'AQME, vous dites, à la page 8: «Plus qu'un rôle complémentaire, l'AQME propose l'instauration d'un véritable partenariat entre elle et l'Agence de l'efficacité énergétique.» Est-ce que vous croyez qu'il s'agit de demander aux entreprises, qui sont les producteurs de l'énergie, de supporter l'Agence plutôt qu'une institution gouvernementale qui le ferait à l'aide de subventions ou... Est-ce que ça ne devrait pas être, exemple, Gaz Métropolitain, Hydro-Québec, ou Gazifère, ou d'autres qui, par leurs fonds, veulent conserver ces ressources énergétiques, alors subventionneraient cet organisme plutôt que de demander au gouvernement: Bien, donne-moi des fonds? Puis là vous dites: On la met en danger parce que le gouvernement coupe les fonds à un moment donné, en donne un peu plus, en donne un peu moins. Alors, si c'est vous autres qui la subventionnez, vous ne nous demanderez plus rien.

M. Fournelle (Christian): Bien, ce qu'il faut...

M. Beaudet: Je trouverais ça pas mal bon, moi.

M. Fournelle (Christian): Ha, ha, ha! On va regarder. Vous avez vu dans le passé – il y a un petit historique – à un moment donné, Hydro-Québec avait des surplus, a sorti des programmes; vous en avez acheté pas cher. À un moment donné, ils se sont aperçus, oups! ce n'était pas le vrai coût. Ils sont revenus en arrière, ils ont racheté des contrats. Là, c'est Gaz Métro qui est revenu avec des programmes pour favoriser... Du côté des clients, ça a été un peu l'enfer, parce que vous faites des investissements, ça n'a pas été rentable, on recommence puis on se promène.

Il y a des programmes d'efficacité énergétique qui peuvent favoriser les producteurs ou les distributeurs, on le reconnaît, et c'est propre à eux et c'est de leur responsabilité de les faire valoir dans un marché, si je peux dire, de libre compétition. C'est-à-dire, si Gaz Métro veut compétitionner Hydro-Québec, elle a le champ libre. Par contre, il y a des mesures d'efficacité énergétique qui favorisent le consommateur, et ce n'est pas Gaz Métro ou Hydro-Québec qui a tout avantage à le faire. D'ailleurs, Hydro-Québec déplorait qu'elle avait à supporter beaucoup d'activités en efficacité énergétique dans le passé puis que Gaz Métro n'avait pas nécessairement les mêmes responsabilités.

Donc, on reconnaît que l'Agence a une responsabilité pour bien défendre les consommateurs. Du côté des consommateurs... évidemment, vous avez de grandes entreprises qui ont un certain pouvoir de négociation, mais, au niveau résidentiel, ce n'est pas tout à fait le même cas. Et lorsque vous regardez les mandats qui sont confiés à l'Agence, bien, on parle de formation, on parle de veille technologique, de recherche et développement. Si vous voulez qu'une industrie forte de l'efficacité énergétique se développe, il faut lui donner un organisme qui va avoir comme mandat premier de voir à la promotion de l'efficacité énergétique. Que ça soit payé à même la Régie, nous, on trouve ça très correct en autant que ça assure des revenus stables, comme on le disait tantôt.

(23 heures)

M. Beaudet: Oui, c'est ça, mais vous demandez... évidemment vous allez demander au gouvernement de supporter cet organisme-là. Alors, ce ne serait pas le premier organisme où des entrepreneurs fournissent les fonds, comme la Commission des normes du travail. Et puis la Commission des normes du travail, elle n'est pas là juste pour l'employeur, elle est aussi là pour l'employé. Alors, la même chose pour l'Agence. Elle pourrait tout aussi bien être pour le producteur d'énergie et le distributeur et le transporteur que pour le consommateur. Sauf que celui qui en bénéficie à un moment donné, parce qu'il a une protection de son énergie, donc qui lui permet une plus grande évolution sur une plus longue échelle, d'une part, ça lui permettrait, lui, de la conserver en même temps que le consommateur qui, lui, bénéficierait, parce qu'on lui montre comment l'économiser.

M. Fournelle (Christian): Mais, si je comprends bien, l'Agence pige son argent de la Régie, et la Régie va la chercher du côté des producteurs.

M. Beaudet: Oui, mais, si c'est fait par la Régie, il n'y aura plus de problème, parce qu'à ce moment-là la Régie va donner un budget à l'Agence, ça va finir là puis ça va être clair. Actuellement, c'est le gouvernement.

M. Fournelle (Christian): Oui.

M. Beaudet: Puis là c'est «so, so», c'est: Dépendant comment je me sens.

M. Fournelle (Christian): C'est pour ça que, nous autres, on dit qu'appliquer un pourcentage fixe assurerait à l'Agence des revenus. Ça fait que ça éviterait qu'à un moment donné, pour des raisons qui déplaisent aux producteurs, on coupe les revenus.

M. Beaudet: On dit la même chose, sauf que, moi, je vous dis: Demandez au privé de le faire, puis vous, vous me dites: Demandez à la Régie de le faire. Alors, vous enlevez l'intermédiaire.

M. Fournelle (Christian): Oui, c'est parce que demander à Gaz Métro ou à Hydro-Québec de le faire... Ils vont le faire indirectement, mais ça passe par...

M. Beaudet: Que vous le fassiez par la Régie ou que vous le fassiez...

M. Fournelle (Christian): ...la Régie. Oui.

M. Beaudet: Oui, correct. Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Il reste à la formation ministérielle deux minutes. Alors, M. le député de Roberval, vous avez deux minutes.

M. Laprise: Juste un instant. Merci beaucoup, M. le Président. Vous attachez beaucoup d'importance au choix des régisseurs, à la sélection des régisseurs. Est-ce que vous verriez la possibilité que les consommateurs soient représentés sur ce conseil-là par un citoyen ordinaire qui pourrait être nommé régisseur sur cette Régie-là?

M. Fournelle (Christian): Il faut comprendre que le régisseur, lorsqu'il fait des recommandations, la Régie est sans appel, donc la décision a quand même des impacts importants. Dans un secteur très pointu, permettre à M. Tout-le-Monde de s'y glisser, il faut avoir une expertise pour pouvoir le faire. Que des organismes de consommateurs fassent partie du comité de sélection pour s'assurer du profil des régisseurs, moi, je n'y vois pas d'objection.

M. Laprise: C'est bien. Merci.

M. Fournelle (Christian): Merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, c'est tout le temps que nous avions à consacrer à un échange avec vous. Merci de vous être déplacés.

J'appelle maintenant le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie.

Je suspends une minute.

(Suspension de la séance à 23 h 3)

(Reprise à 23 h 5)

Le Président (M. Beaulne): Nous accueillons maintenant le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie. D'abord, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la commission, également au nom du ministre des Ressources naturelles qui a dû s'absenter d'urgence il y a à peine quelques minutes. Alors, nous souhaitons qu'il revienne pendant votre présentation. Mais, toutefois, nous allons procéder comme prévu, selon notre échéancier.

Nous avons 45 minutes pour l'ensemble de notre échange, c'est-à-dire 15 minutes de présentation et, par la suite, 15 minutes de période de questions de la part de la formation gouvernementale et de l'opposition. Alors, vous avez la parole. Si vous voulez bien vous identifier pour les fins de la transcription.


Groupe de recherche appliquée en macro-écologie (GRAME)

M. Lefebvre (Jean-François): Merci. Donc, je suis Jean-François Lefebvre, je suis économiste de formation et président du GRAME. Et j'ai à côté de moi Me Dominique Neuman, avocat spécialisé en consultations gouvernementales et qui est aussi vice-président à la recherche au GRAME. Je lui cède la parole pour le début de la présentation.

M. Neuman (Dominique): Merci. Alors, M. le Président, MM., Mmes les députés, d'abord, notre organisme, le GRAME, le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie, tient en premier lieu à féliciter le gouvernement d'avoir posé, avec le dépôt de ce projet de loi et celui de la politique énergétique la semaine dernière, les premiers jalons de ce que sera une nouvelle politique intégrée des différentes filières énergétiques du Québec tant au niveau de la production, du transport, de la distribution et de la gestion de la demande.

Le Québec dispose du potentiel de ressources et du potentiel au niveau de son expertise industrielle et environnementale qui lui permettent de se positionner de façon spectaculaire à l'intérieur des nouveaux marchés en émergence au niveau mondial et d'effectuer des choix lui permettant de maximiser à la fois son développement économique et la gestion durable de son environnement. Le Québec ne doit surtout pas se réfugier dans l'inaction craintive face à l'ouverture des marchés. Une attente de quelques années ou même de quelques mois suffirait à rater un potentiel économique majeur, ce qui limiterait d'autant plus nos options environnementales et de développement pour l'avenir.

Historiquement, les Québécois ont figuré parmi ceux qui ont le plus encouragé et le plus bénéficié de la libéralisation des échanges avec les États-Unis dans le cadre de l'accord Canada-US puis de l'ALENA. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans la situation où notre électricité est disponible à des prix concurrentiels dans de nouveaux marchés en expansion. Il en est de même de notre expertise industrielle. Par ailleurs, par la localisation géographique de nos réseaux gaziers, nous pouvons, comme le souligne la politique énergétique, devenir la plaque tournante nord-américaine dans ce secteur.

Le marché mondial subit une profonde restructuration qui continuera pendant au moins cinq ans. De nouvelles façons de concevoir les choses auront à être développées pour en bénéficier pleinement, ce qui implique que le gouvernement dispose pendant cette période cruciale de tous outils nécessaires pour se positionner et d'une capacité d'agir et de réagir rapidement.

Le cadre des options économiques et réglementaires à la disposition du gouvernement, l'arsenal d'outils dont le gouvernement dispose lui-même évolue très rapidement avec l'ALENA et son accord environnemental parallèle, avec les exigences de réciprocité américaines et avec les exigences de l'OMC, qui elles-mêmes auront à se concilier avec les exigences internationales du Sommet de Rio, ce qui fera l'objet ce mois-ci de discussions au sommet de l'OMC à Singapour.

L'ordonnance FERC 888 américaine d'avril dernier n'est pas la dernière des mesures quasi protectionnistes américaines avec lesquelles le gouvernement aura à jongler pour maintenir sa position et ses capacités d'expansion sur les marchés internationaux. Des mesures réglementaires de contrôle ou d'approbation auront parfois à être remplacées, au Québec, par des mesures fiscales de tarification, de permis échangeables, de normalisation ou d'autres instruments, justement pour s'adapter aux limites qui nous viendront de ces normes internationales.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement doit garder la capacité d'utiliser et de combiner ces différents leviers à mesure que la situation internationale le justifiera. C'est pourquoi l'objet principal de notre mémoire est d'attirer l'attention des parlementaires sur la nécessité pour le gouvernement de garder le contrôle ultime des décisions qui auront à être prises.

La création d'une Régie de l'énergie impartiale et indépendante était une nécessité, particulièrement dans le domaine tarifaire, en vue d'assurer l'équité entre les filières énergétiques et de dépolitiser le prix de l'électricité au Québec. Là-dessus, l'argument maintes fois répété des augmentations de tarif, qui sont faibles en période préélectorale et plus élevées les autres années, nous convainc.

(23 h 10)

Mais le rôle de la Régie ne se limitera pas à la tarification. Par le biais de l'approbation des plans de ressources des grands distributeurs énergétiques et l'approbation spécifique de projets de construction, acquisition et disposition, restructuration, achats et exportations, la Régie se trouvera investie du mandat d'intervenir dans la quasi-totalité des aspects de la politique énergétique elle-même.

Là-dessus, nous n'avons pas d'objection encore à ce que la Régie exerce cette juridiction, mais celle-ci ne devrait pas être sans appel. Le gouvernement devrait disposer, comme pour bon nombre d'autres tribunaux administratifs qui oeuvrent dans des domaines sensibles, du pouvoir de réviser de façon discrétionnaire les décisions de la Régie, au moins en ce qui a trait aux pouvoirs des articles 71, 72, 73 – c'est l'approbation des plans de ressources et des projets spécifiques – et peut-être également aux pouvoirs tarifaires, dans la mesure où ces derniers auront à tenir compte des faits environnementaux et sociaux – ça, c'est les articles 48 et 49.

Le pouvoir de directive en amont que se réserve le gouvernement aux articles 109 et 110 est insuffisant pour garantir la cohérence continue entre les orientations gouvernementales et les décisions cruciales qu'aura à prendre la Régie dans l'ensemble du marché et dans une période où ce sera l'incertitude qui sera le facteur dominant. Ce pouvoir de directive est également insuffisant pour assurer l'adaptation rapide de nos décisions à l'évolution des cinq prochaines années.

Les régisseurs désignés par le gouvernement auront à être choisis sur la base de leur compétence tant juridique qu'économique et environnementale et sur la qualité, l'objectivité et la force de leur jugement. Nous sommes convaincus qu'ils le seront. Mais les meilleurs régisseurs possible ne seront toujours pas des élus, et c'est dans les mains des élus et du gouvernement que l'avenir énergétique du Québec devra continuer de reposer.

Un premier exemple en matière de tarification nous permet d'illustrer le besoin de maintenir un droit de dernier regard au gouvernement. L'article 49, paragraphe 10°, permet à la Régie d'intégrer les considérations environnementales lors de la fixation des tarifs. Nous applaudissons cette initiative qui permet de favoriser l'intégration des vrais coûts dans la fixation des prix. C'est donc dire qu'une filière énergétique moins acceptable environnementalement, par exemple une filière énergétique qui produit davantage de gaz à effet de serre, coûtera plus cher. Il s'agit là d'une décision acceptable. Mais ce qui l'est moins, c'est que le surplus du prix résultant de la nocivité environnementale bénéficie nécessairement au distributeur. Est-ce le distributeur qui aura le mandat de réparer la nocivité environnementale? Dans certains cas, peut-être, ça arrivera, mais dans d'autres cas ce seront d'autres instances ou le gouvernement lui-même qui auront à gérer la réparation des effets dommageables sur l'environnement. Il serait donc logique que le surplus de prix soit transmis à ces autres instances et non au pollueur.

Si le gouvernement disposait d'un droit de révision des décisions tarifaires de la Régie il lui serait loisible, après que la Régie eut tenu des audiences publiques et déterminé le coût environnemental de cette filière énergétique, de convertir en une taxe ou en une forme particulière de redevance le surplus de prix, de sorte que le prix au consommateur resterait effectivement augmenté, mais que le bénéfice de ce prix serait distribué là où il servirait justement à répondre au besoin environnemental.

Le gouvernement pourrait également, sur le même principe, coordonner le surplus de prix avec une politique, à venir peut-être, de permis échangeables. La Régie ne pourrait pas, elle seule, gérer ce genre de mesure. C'est pourquoi il est nécessaire qu'il y ait une intégration entre les mesures qu'adopterait la Régie et les autres outils dont le gouvernement dispose. Et c'est pourquoi nous proposons qu'en dernier recours, même dans des domaines tarifaires, le gouvernement puisse disposer d'un pouvoir de faire varier les décisions qui seraient prises pour les adapter aux autres mesures qu'il désire prendre.

Je vais passer la parole à M. Jean-François Lefebvre, qui va parler davantage de ce point-là, et je vais revenir éventuellement, s'il nous reste du temps, sur d'autres aspects de notre mémoire.

Le Président (M. Beaulne): Oui, et je vous ferai remarquer qu'il vous reste six minutes.

M. Lefebvre (Jean-François): Oui, c'est beau. Comme vous voyez, le mémoire s'intitule «Les incitatifs économiques, compléments essentiels de la future Régie de l'énergie». C'est qu'on voit comme une bonne chose, une très bonne chose de tenir compte des coûts environnementaux et sociaux dans la prise en compte des choix d'approbation ou non des projets, sauf qu'il y a un danger. Et ce qui s'est vu dans plusieurs régies relativement similaires aux États-Unis, c'est d'arriver à la situation où on évalue un projet en donnant un coût environnemental qu'on intègre dans le choix. C'est-à-dire qu'on estime qu'une centrale au charbon est très polluante, on donne une valeur à cette pollution-là et on arrive à un coût de l'énergie produite, mais c'est un coût théorique, c'est une étude que l'on fait. Et on le fait pour différentes filières et, à ce moment-là, on peut faire une décision d'accepter ou non un projet. Ça, c'est une chose.

C'est très bien, au moment où on accepte les projets, de tenir compte de ces enjeux-là. Sauf que c'est très bien dit et dans la politique et dans le rapport de la table sur l'énergie, mais également dans la politique, qu'il faut influencer le prix là où ça a un impact sur les consommateurs et les producteurs, ça a un impact sur les choix décisionnels. Et il faut voir que, pour les entreprises et pour les consommateurs, c'est le prix qu'ils paient réellement à la fin qui compte et non pas le prix qui est indiqué dans un rapport qui est mis sur une tablette après que l'étude a été faite ou que le projet a été autorisé. Donc, il y a deux étapes.

C'est sûr qu'il y a une partie tarifaire qui peut intégrer une partie des coûts environnementaux. Mais, se limiter à cette partie-là, il y a un risque, dans le sens: est-ce qu'on dirait que, le gaz naturel étant plus polluant que l'hydroélectricité, on va permettre à Gaz Métro d'augmenter ses tarifs? Donc, c'est un peu une absurdité, dans le sens que l'énergie la plus polluante, on lui permettrait, à cette entreprise-là, de faire plus d'argent et on limiterait les possibilités d'Hydro-Québec d'avoir des gains financiers, parce qu'on dirait: Vous, vous êtes moins polluants. Donc, ça ne peut pas être seulement en autorisant une hausse de tarif, en disant: Vous êtes plus polluants. Et ça nous apparaît quand même clair que la Régie n'aura pas pouvoir de taxation, pas dans le sens qu'on entend, comme le pouvoir gouvernemental.

Et, sans taxation, à ce moment-là, il n'y a pas réelle internalisation des coûts environnementaux. C'était pourtant mis un peu partout dans la politique énergétique et c'était mis comme priorité du rapport de la table sur l'énergie de faire en sorte qu'une politique énergétique fondée sur un développement durable implique normalement que les prix des produits incluent l'ensemble des coûts économiques, environnementaux et sociaux. Et ça, il y a de plus en plus de consensus sur cette question-là. Et ce qu'il est important de voir, c'est qu'à partir du moment où il y a une libéralisation des marchés la fiscalité est probablement le seul instrument que le gouvernement détient encore qui permette d'orienter la conservation et la production.

Et, dans notre cas, c'est à notre avantage, dans la mesure où le fait d'internaliser les coûts environnementaux, c'est une façon de promouvoir les énergies et les secteurs dans lesquels on est très forts, dont tout le secteur de l'hydroélectricité, où il y a 15 % d'emplois qui ont été perdus les 18 derniers mois – c'est un secteur qui est en chute libre, qu'on est en train de laisser s'effondrer – alors qu'on aurait le potentiel, grâce à une fiscalité qui compléterait les autres mandats de la Régie, pour faire en sorte qu'on créerait des marchés, tout en ayant la libéralisation des échanges qui nous permettrait d'atteindre des marchés américains également. Donc, on aurait un potentiel pour se développer.

Mais là il faut voir à l'importance de compléter les pouvoirs actuels proposés à la Régie par un système de permis échangeable et par les premières amorces d'une fiscalité qui tiendrait compte des coûts environnementaux. Et ce qu'on ajoute aussi à la fin de notre mémoire, c'est que la seule façon de rendre politiquement acceptable ces mesures-là... Et ça n'a été étudié par aucune des dernières commissions, surtout celle sur l'énergie. Mais ça n'a pas été étudié, dans le sens que ce qui a été étudié, c'est: Est-ce qu'on fait une taxe sur le carbone, par exemple? Et là on a dit: Oui, mais ça va entraîner des distorsions dans l'économie ou ça va entraîner des coûts pour certains secteurs. On n'a pas évalué le potentiel de réduction d'autres taxes qui pourrait être permise. Et c'est vers cette option-là qu'il faudrait aussi s'aligner. Donc, c'est un complément au mandat de la Régie, mais c'est probablement ce qui permettrait à la Régie de l'énergie de jouer pleinement son rôle, dans la mesure où il y a des politiques gouvernementales complémentaires et cohérentes. Nous reste-t-il quelques secondes?

Le Président (M. Beaulne): Quelques secondes.

M. Lefebvre (Jean-François): Bon. Conclusion, mon cher?

(23 h 20)

M. Neuman (Dominique): Oui. Simplement une dernière remarque sur l'article 164 de la loi. Donc, nous sommes d'accord avec le mandat de recherche qui est confié à la Régie et le délai de six mois. Nous ne demandons pas d'attendre davantage, de retarder l'évolution nécessaire pour s'adapter à ce qui est en train de se passer de l'autre côté de la frontière. Nous pensons que, de l'étude que fera la Régie sur ce phénomène de la déréglementation, pourraient venir d'autres changements, autres que ceux, même, qui sont envisagés à l'article 164; par exemple, toute la structure des articles 71, 72 et 73. Ils sont basés sur la notion du fait que la Régie supervise les activités d'un distributeur et contrôle les activités de production de ce distributeur. Peut-être que dans cinq ans ça n'aura plus tellement de sens, ce genre de notion. Peut-être que les compagnies que nous avons seront, peut-être en en gardant le nom, subdivisées en cloisons bien étanches.

Et, avec l'arrivée de nouveaux joueurs sur le terrain, se posera la question: Est-ce que nous contrôlons les producteurs en eux-mêmes – puisqu'il y aura un plus grand nombre de producteurs, ce ne seront pas seulement les distributeurs qui seront les principaux producteurs – ou est-ce que nous ne les produisons plus? Mais, actuellement, tel que c'est structuré, on se trouve dans la situation où l'énergie qui est produite par un petit producteur d'électricité et qui est vendue à Hydro-Québec est contrôlée par la Régie par le biais du contrat de vente à Hydro-Québec. L'énergie qui est vendue par le petit producteur de l'autre côté de la frontière à travers l'accès aux lignes d'Hydro-Québec n'est pas contrôlée. Même chose pour le gaz: les contrats d'exportation de gaz ne sont pas contrôlés, ceux d'hydroélectricité le sont. Il faudrait voir un peu à intégrer, à savoir quels sont les objectifs que nous nous fixons et à maintenir une certaine équité entre les différentes filières. Ou bien nous contrôlons complètement un certain type d'activité et de production ou bien nous en sortons, mais il y a un équilibre à faire. Je pourrais répondre davantage à des questions sur cet élément.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Tout d'abord, vous me voyez un peu surpris par la teneur du mémoire, je vais vous dire pourquoi tantôt. Mais je voudrais, dans un premier temps, vous remercier de la part que vous avez apportée et que vous apportez de façon constante au débat énergétique au Québec par vos prises de position, par votre approche, je dirais, positive. Je connais beaucoup de groupes qui se caractérisent par leur opposition perpétuelle, alors que vous avez plutôt le réflexe de dire ce que vous pensez et, quand c'est positif, de le dire également. C'est une autre façon de se faire considérer, non seulement par la marginalisation, mais par, si j'ai bien compris, une compétence doublée également d'un sens pratique des choses, et d'une manière constructive. Donc, c'étaient mes premiers mots. Je vous ai suivis sans que vous le sachiez puis je vous ai vus à quelques occasions, y compris à GrapÉlec, je crois, l'autre jour, avec notre ami, à votre droite. Mais je demeure surpris, parce que vous êtes les seuls, à ce que je sache – à venir jusqu'à date, en tout cas, c'est sûr – qui voyez un rôle assez important au gouvernement ou aux élus, entre guillemets, aux élus avec un grand E.

Et, à la page 7 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous parlez des... «Là-dessus – au deuxième paragraphe – nous n'avons pas d'objection à ce que la Régie exerce cette juridiction, mais celle-ci ne devrait pas être sans appel. Le gouvernement devra disposer, comme bon nombre d'autres tribunaux administratifs qui oeuvrent dans des domaines sensibles, de réviser de façon discrétionnaire les décisions de la Régie.» Vous voyez ça comme un mécanisme normal et non pas un mécanisme extraordinaire, que le gouvernement puisse intervenir, si on parle de neutralité du tribunal, qui, soit dit en passant, n'est pas juridique, il est administratif – parce qu'il y en a qui disent quasi judiciaire, mais ce n'est pas judiciaire, donc... on a entendu quelquefois aujourd'hui l'expression, mais c'est un tribunal administratif – vous voyez ça, vous, comme une mesure acceptable et courante et inscrite dans la loi et non pas comme une mesure extraordinaire d'intervention?

M. Neuman (Dominique): Ce qui est en train de devenir le principal mandat... Peut-être que la Régie avait été initialement... Peut-être, son idée émanait d'une volonté de faire contrôler par un organisme indépendant la tarification, peut-être que c'est de là que c'est né. Mais, graduellement, par les articles 71, 72 et 73, la Régie se met à superviser pas mal de choses. À peu près tout le développement énergétique, tous les grands choix politiques passeront par la Régie, par le biais de son pouvoir: 71, l'approbation des plans de ressources; 72, l'approbation d'une série d'opérations de projets des grands distributeurs; 73, les exportations d'Hydro-Québec.

Après avoir mis tant d'efforts pour bâtir une politique énergétique du Québec, est-ce que le gouvernement, l'État souhaite s'en délester, et s'en délester de façon irrémédiable à un groupe de sept régisseurs qui probablement seront les meilleures personnes du monde, avec la meilleure volonté du monde, mais qui ne seront pas des élus, qui auront à naviguer littéralement dans le brouillard? On ne sait pas exactement ce que nous réservent les ordonnances suivantes de la FERC, par exemple. Est-ce qu'il y aura d'autres mesures de réciprocité qui nous seront exigées, par exemple des réglementations au détail auxquelles nous devrons nous conformer? Donc, il n'y a pas déjà de spécialistes dans ce domaine; c'est nouveau. Même aux États-Unis, il y en a à peine.

Il serait normal que le gouvernement ait le dernier mot à dire là-dessus, d'autant plus que la Régie... Et je reviens à mon exemple sur la tarification, tout à l'heure. Pour effectuer ses choix, le gouvernement a un arsenal de mesures: tarification, mesures fiscales, permis échangeables, les mesures qu'il peut imposer par le biais des contrats avec le gouvernement pour exiger qu'une entreprise respecte certaines normes en plus des normes réglementaires. La Régie n'aura nécessairement qu'un petit nombre des éléments de cet arsenal à sa disposition. Si jamais, à cause d'une prochaine norme FERC, telle et telle mesures de tarification que la Régie aurait pu imposer, par exemple au niveau des tarifs de transport, deviennent impossibles, mais qu'il y a d'autres mesures économiques, fiscales que le gouvernement a à sa disposition, qu'il pourrait utiliser pour atteindre le même objectif, par exemple éviter un dumping américain d'énergie à bon marché qui pourrait même compétitionner avec nos propres énergies...

M. Chevrette: Oui, mais si... Je vais vous donner un exemple.

M. Neuman (Dominic): Oui.

M. Chevrette: La Régie est saisie d'une demande d'augmentation tarifaire d'Hydro-Québec au mois de mars prochain, par exemple. Hydro-Québec demande 3 %, et la Régie lui dit: C'est 2,5 %. Avec la formule que vous proposez – le gouvernement déclencherait des élections au mois d'avril – il dit: Moi, 2,5 %, ça ne marche pas, compte tenu de la conjoncture, nous croyons que... pas d'augmentation cette année. On ne tombe pas dans le vice où on est présentement? C'est sur ça que je veux vous entendre.

M. Lefebvre (Jean-François): C'est que la Régie permet quand même de dépolitiser en partie puis de dire que, d'une certaine façon, on laisse, sauf si on considère qu'il y a des conditions extraordinaires...

M. Chevrette: Est-ce qu'une élection c'est une condition extraordinaire?

M. Lefebvre (Jean-François): Quand je parle de conditions extraordinaires, je parlerais, par exemple...

M. Chevrette: Excusez.

M. Lefebvre (Jean-François): Mais c'est une condition qui arrive de façon très régulière. Mais je parle d'une condition, peut-être, qui arrive de façon moins régulière, qui serait, par exemple, l'adoption par le gouvernement et d'un système de permis échangeable et d'une politique fiscale qui serait apte à développer des marchés à long terme pour l'hydroélectricité, qui permettraient de créer des marchés à long terme. Il suffit d'avoir une très petite taxe sur le carbone et des permis échangeables. Même avec un ensemble d'exemptions pour un ensemble d'entreprises qui ne voudraient pas y toucher, il y a moyen de combiner un ensemble de mesures comme ça qui feraient qu'on serait capable, par exemple, de lancer le projet Grande-Baleine. Donc, je donne une hypothèse. Ça pourrait être d'autres projets peut-être moins importants. Mais, à ce moment-là, une décision qui serait prise, de la Régie, de regarder uniquement à très court terme la demande... Le gouvernement pourrait dire: On a des politiques qui vont justifier qu'on est capable de se lancer dans la relance des gros développements hydroélectriques parce qu'on sait que, grâce à notre fiscalité, on va favoriser l'hydroélectricité et on va faire en sorte que, quand Grande-Baleine va être en place puis que, dans 10, 12 ans... Vous savez les délais pour des projets comme ça. Donc, des mesures très progressives peuvent permettre de faire en sorte qu'on est certain, dans 12 ans, d'avoir des marchés.

(23 h 30)

Mais, à ce moment-là, étant donné la situation actuelle de la Régie, il peut y avoir une crainte de prendre une décision en sachant que ce n'est pas les régisseurs qui ont entre les mains ce qui permettrait de justifier cette décision-là. On ne peut pas lancer le projet de Grande-Baleine actuellement, sauf si on a une politique pour favoriser la substitution de combustibles fossiles par l'hydroélectricité et puis percer de nouveaux marchés, l'auto électrique et autres, mais surtout la substitution, c'est là qu'il y a les marchés les plus réalistes. Donc, si on a une politique qui va dans ce sens-là, à ce moment-là le gouvernement pourrait avoir conservé le droit de dire: Je regrette, vous devez retourner à vos devoirs, parce qu'on a une vision de ce qui devrait être le développement économique du Québec et on sait qu'on a pris les instruments économiques qui vont faire en sorte qu'on puisse à ce moment-là justifier à long terme les projets.

C'est sûr que le processus devrait idéalement être intégré, dans le sens que la Régie devrait au fur et à mesure avoir les informations du gouvernement et les politiques. Ce qu'on veut dire en fait, c'est qu'il y ait un certain droit de dernier recours pour que le gouvernement puisse éventuellement garder un pouvoir, mais tout en ayant un consensus actuellement pour dire qu'à court terme on considère que ce qui va être sorti de la Régie... on leur laisse le bénéfice du doute au moins les premières années, pour dire qu'on l'accepte comme étant la décision mais qu'il reste légalement une possibilité, tout en ayant une façon de le formuler, pour qu'on s'entende que ça ne doit pas être utilisé nécessairement à chaque élection ou à chaque année pour modifier les décisions. Mais qu'il reste quand même un certain pouvoir d'appel.

Vous savez, M. le ministre, qu'il y a énormément de scepticisme maintenant vis-à-vis de certains groupes de pression... une partie de la population vis-à-vis des élus, mais je pense qu'il ne faut pas tomber dans le piège non plus. Vous êtes les personnes qui représentez vraiment la population, et je pense qu'il faut... on a toujours, au GRAME, respecté fondamentalement le jeu de la démocratie puis les enjeux, et je pense que c'est normal qu'il puisse rester un certain pouvoir. Mais, comme j'ai dit, je suis d'accord avec vous que ça ne doit pas revenir comme actuellement où l'ensemble des décisions énergétiques reviennent... surtout si on crée une régie, ce n'est pas pour rien, c'est pour déléguer une partie.

M. Chevrette: Mais, si vous prenez le processus qu'on pense en tout cas... qu'on a présenté. Le plan stratégique, le plan global, la vision à long terme est présentée aux élus. Le plan de ressources est présenté à la Régie. Le gouvernement a un pouvoir de directive. C'est assez pesant, un pouvoir de directive vis-à-vis le tribunal administratif, quand même. Mais je comprends que vous voudriez une coche au-dessus de tout ça, vous autres, c'est de dire: Écoutez, c'est vrai que l'actionnaire pourrait dire: Les perspectives d'avenir du plan stratégique nous permettent d'envisager qu'avec l'agressivité que montre, par exemple, Hydro-Québec sur le marché nord-américain en termes de ventes d'électricité... nous laissent croire que si nous commencions un projet immédiatement, qui est Eastmain, ou Grande-Baleine, peu importe, on fait assez confiance en notre société d'État en tant qu'actionnaire unique qu'est le gouvernement, donc en l'occurrence... c'est même le ministre des Finances, si on pousse à la rigueur, dans nos lois... pas à la rigueur, mais à la limite, dans nos lois, le seul actionnaire, c'est le ministre des Finances, si j'ai bien compris.

À partir de là, on dit, nous autres: Commencez. Mais, devant la Régie, il faudrait qu'il y ait une neutralité tarifaire tant et aussi longtemps, parce que la Régie pourrait dire: Tu n'en as pas besoin en vertu de la demande, de Grande-Baleine ou de Eastmain; donc, si tu le fais, on ne te donne aucune augmentation de tarif pour faire face à ces projets-là. Et je dois dire que la neutralité... Ils pourraient aller très loin dans le jugement; ça, c'est un fait. Mais vous ne croyez pas que ce ne seraient pas des gens déconnectés, ça? Ils vont vivre sur la même planète que nous autres; puis je suis d'accord avec vous qu'on va choisir des compétences, comme vous l'avez dit au niveau de votre exposé au début.

Je ne sais pas. Je crains que ce soit interprété comme une façon déguisée de refaire exactement ce qui se faisait, alors qu'ici ça a brassé dans ce salon rouge là, puis, comme par hasard, sur l'implication du pouvoir politique, on est tombés d'accord pour une des rares fois, mais on est tombés d'accord pareil pour dire qu'il faudrait que ce soit expertisé par des gens neutres, compétents, et essayer d'enlever toute la pression politique lors d'une élection ou d'un référendum. Je comprends ce que vous dites, il faut se garder des portes pour être capables d'avoir une vision à long terme pour le développement économique à partir des énergies moins polluantes en plus. Je comprends tout ça.

M. Lefebvre (Jean-François): Mais, là-dessus, je vous ramènerais, je pense, à... L'essentiel de notre mémoire est beaucoup plus sur l'utilisation des instruments économiques comme complément. Le fait qu'on considère que ça serait pertinent de laisser un certain poids au gouvernement par-dessus la Régie, je dirais que ce n'est pas un point essentiel pour nous...

M. Chevrette: O.K.

M. Lefebvre (Jean-François): ...dans le sens qu'on l'appuie, on le mentionne, ça peut prendre différentes formes, et si vous considérez qu'il y a suffisamment, présentement, de garanties pour que le gouvernement puisse effectivement orienter la Régie, bon, ça peut être très acceptable. Là où il y a une lacune sur laquelle on veut insister beaucoup plus, c'est le fait que, quoiqu'il arrive à ce niveau-là, s'il n'y a pas de politique fiscale pour compléter ce que la Régie fait, tout ce qui est écrit dans les deux rapports, celui de la table ronde puis la politique énergétique... quand on parle de la nécessité d'internaliser les coûts environnementaux, «internaliser les coûts environnementaux», ça veut dire de faire en sorte qu'il y a quelque chose dans le prix qui a fait qu'on a changé le prix pour avoir vraiment internalisé ces coûts-là. Donc, ce n'est pas seulement une étude qui doit être faite. C'est sûr que c'est une partie du travail.

Puis, là-dessus, on peut amener certaines contributions. On a fait un modèle, justement pour votre ministère, on a fait un modèle informatisé qui pourrait servir pour la Régie justement comme outil de gestion. C'est un modèle informatisé de gestion des ressources par monétisation des externalités. C'est un modèle comptable qui permet d'intégrer tous les coûts environnementaux et sociaux et qui permet, de façon très souple, de modifier les valeurs selon ce que donneront les connaissances scientifiques plus tard. Mais n'empêche que la monétisation des coûts, c'est une chose; l'internalisation, c'est une autre. Il faut faire les deux, selon nous.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Si j'ai bien retenu, parmi les propos que vous avez tenus, vous dites qu'il vous semble que l'unanimité, ou la table de concertation pour la création d'une régie, avait été principalement... l'unanimité s'était faite autour de la tarification, mais que là, maintenant, quand vous voyez les pouvoirs qui sont attribués à la Régie, principalement les articles qu'on vient de débattre, 71, 72, 73, là, vous trouvez que ça ne doit pas être uniquement la Régie qui a la décision finale, parce qu'il y va trop des impératifs économiques puis qu'un gouvernement ne peut pas laisser la Régie se substituer à ses responsabilités. Si j'ai bien compris. Alors, si ça va dans ce sens-là...

C'est parce que l'objectif, c'est qu'on dépolitise ça, ça s'applique puis on est d'accord quand ça arrive à la tarification. Mais, quand on voit les pouvoirs qui sont ceux de la Régie en vertu de ce projet de loi là, là vous trouvez qu'il y a quelqu'un qui tente de se décharger de ses responsabilités, ou il ne peut pas laisser ce type de responsabilités là à une régie, soit-elle formée par les gens les plus compétents. Vous dites: Ça, c'est une responsabilité politique et ça doit revenir à ceux qui ont été élus de prendre ces décisions-là ou tout au moins indiquer fortement les orientations. Est-ce que je vulgarise bien, là?

M. Neuman (Dominique): Oui, c'est ça. Le projet de loi, là-dessus, n'est pas fondamentalement différent de ce qui était envisagé au départ par la table. Et nous sommes d'accord qu'il puisse y avoir cette analyse neutre par des experts indépendants, mais qu'au bout de la ligne ce ne soit pas par une accumulation de décisions sur plusieurs années. Ces experts, qui sont probablement les gens avec la meilleure volonté du monde mais qui se substituent au gouvernement et même contredisent ce que le gouvernement souhaite réaliser par les autres instruments qu'il continue d'avoir... La fiscalité, peut-être qu'il y aura un système de permis échangeable qui sera mis en place sous une forme ou une autre. On ne sait pas s'il y aura lieu, à la Régie, d'intervenir dans ce système ou non. Si jamais le gouvernement, un jour, souhaite ou a besoin de remplacer une exigence tarifaire par une mesure fiscale pour se conformer à une exigence de réciprocité américaine par exemple, le gouvernement a besoin de garder une influence de dernier recours, qu'il n'ait pas les mains liées par des décisions qui auraient pu être prises par des non-élus.

(23 h 40)

Mais nous ne sommes pas en train de remettre en cause le fait que ces questions fassent l'objet d'une analyse par la Régie. S'il n'y a pas lieu pour le gouvernement d'intervenir, je ne pense pas qu'on se retrouverait dans la situation où, tous les ans ou en période électorale, il y aurait une pression incroyable sur le gouvernement pour qu'il modifie à la baisse des tarifs qui auraient été acceptés ou qu'il les rehausse par la suite. Le gouvernement, s'il n'y a pas lieu d'intervenir, dira: Bon, un groupe d'experts indépendants a jugé que tel tarif était justifié, nous n'avons pas de raison d'intervenir, et ça se limite à ça.

M. Lefebvre (Jean-François): Je répondrai très brièvement en disant: Quelles grandes décisions on a prises dans les dernières années qui ont influencé l'énergie au Québec? Quand on a construit la Baie James, c'était une décision. Ça a été, selon nous, une très bonne décision; on a d'autres confrères, ils ne sont peut-être pas d'accord, mais on considère que c'était une très bonne décision. Et je pense qu'il y a un consensus quand même assez large maintenant là-dessus, et cette décision-là n'aurait peut-être pas été prise par des individus qui n'auraient pas senti qu'ils ont un certain pouvoir d'influence, qui auraient senti qu'ils sont des régisseurs, qu'ils ont un petit pouvoir dans un organisme et qui n'auraient pas nécessairement eu le courage politique, ce qu'on appelle le courage politique.

Et c'est dans ce sens-là qu'on considère que, oui, la Régie doit être comme elle est constituée en général, donc pour l'ensemble des décisions quotidiennes. Quand j'appelle «les décisions quotidiennes», je veux dire les petits choix qui vont être faits à chaque année pour savoir si c'est 2 % ou 3 % d'augmentation de tarif pour l'électricité, par exemple. Puis ce n'est pas un choix de société aussi important que le fait de dire: On lance le projet Grande-Baleine. Et, dans ce sens-là, le gouvernement doit se garder un petit garde-fou qui est le fait de dire que, dans la législation, et c'est très important, on ait le moyen, à partir du moment où on va reprendre confiance, puis je pense qu'il faut qu'on reprenne confiance en nos moyens, on a été capables de faire 12 000 MW puis de les placer sans perte puis avec des gains économiques, puis là on hésite à faire 3 000 MW à la Baie James... bon, à ce qu'on appelle la deuxième Baie James, à Grande-Baleine. Et, souvent, à cause d'une opposition écologiste qui était souvent non scientifique et non fondée en grande partie...

M. Chevrette: Et qui font des ravages ailleurs.

M. Lefebvre (Jean-François): Pardon?

M. Chevrette: Qui font des ravages aux États.

M. Lefebvre (Jean-François): Mais autre chose, une campagne de réhabilitation de l'hydroélectricité – bon, ça, je l'ai mentionné à la réunion de GrapÉlec – une campagne de réhabilitation de l'hydroélectricité. On a perdu, Hydro a perdu encore récemment des nouveaux contrats aux États-Unis à cause de la mauvaise image qu'on a, et c'est incroyable et c'est épouvantable qu'on soit... alors que l'Alberta produit à 95 % avec du charbon. Est-ce que vous avez déjà vu un groupe d'écologistes faire une conférence de presse? Quand on va avoir un peu plus de ressources, je pense qu'on va le faire, on va l'organiser nous-mêmes, la conférence de presse, puis on va le faire, dénoncer l'Alberta, qui produit à 95 % à partir du charbon, et aucun écologiste se lève pour dénoncer ça comme un problème. On est prêts à le faire, on demande des ressources, d'ailleurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: C'est l'heure du commercial, c'est ça.

M. Chevrette: À franchise totale.

M. Lefebvre (Jean-François): Mais, tout ça, ça nous amène à dire qu'effectivement, si Hydro et d'autres intervenants peuvent lancer une vraie campagne de réhabilitation de l'hydroélectricité aux États-Unis, dans un contexte où ni le Québec, ni le Canada, ni les États-Unis respectent les engagements en matière de changements climatiques, et que Clinton a lancé récemment, tout de suite après sa réélection, un message, puis ça, ça a circulé de façon quand même importante au niveau des fonctionnaires, comme quoi il voulait que le gouvernement américain fasse respecter les engagements environnementaux, y compris les engagements pris à Rio... Donc, notre hydroélectricité, il y a des marchés énormes pour si on est prêt à aller les chercher. Mais ce qu'il faut, c'est que, quand on bâtit un outil législatif comme la Régie, il ne faut pas qu'on se mette les bâtons dans les roues puis faire en sorte qu'on ne soit plus capable de se développer parce qu'on s'est mis des obstacles. Il faut qu'on élimine les petites chicanes quotidiennes grâce à la Régie, mais qu'on regarde, qu'on se dote des moyens pour permettre de relancer notre développement. C'est là qu'on dit que, oui... oui à la Régie, oui à l'ensemble du processus.

Puis, M. Chevrette, vous disiez qu'on avait une attitude positive, c'est qu'au lieu... Ce qu'on considère, c'est comme un marteau, ça peut servir pour construire, ça peut servir pour briser une vitre, bon. C'est un outil, ce n'est pas une fin, et on ne peut pas discuter de l'outil seulement, il faut discuter de la fin. Et la fin, c'est de développer l'économie du Québec, c'est de développer notre potentiel, c'est de réussir – parce qu'on ne peut pas juste se protéger du vent de déréglementation – à percer dans le contexte de déréglementation puis à se positionner comme les meilleurs, puis les plus environnementaux, puis ceux qui peuvent percer au niveau du marché du Nord-Est américain. Puis ça, on peut le faire si on oriente la Régie pour qu'elle nous favorise, qu'elle favorise notre développement, qu'elle réduise les petites chicanes de clocher, mais qu'on garde la possibilité de pouvoir relancer des projets parce qu'on va avoir repris confiance en nous.

Puis on est dans un contexte où on doit reprendre confiance en nous, parce qu'on est dans un contexte d'ouverture de nouveaux marchés. Puis un contexte de sensibilité plus grande vis-à-vis des problèmes environnementaux aussi, mondiaux. Je fais attention à «mondiaux», parce que c'est une vision très micro-écologique qui a fait en sorte qu'on s'est opposé aux projets. À partir du moment où une vision plus macro-écologique va reprendre surface, puis c'est en train de se faire présentement, on va réévaluer... l'analyse coûts-bénéfices va changer. Noyer trois, quatre épinettes, ça devient moins important quand on peut réduire de milliers de tonnes les gaz à effet de serre puis respecter nos engagements au niveau de la pollution de l'air. Bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: Écoutez, lors de la présentation du projet de loi, au niveau de son acceptation du principe, le doyen de l'Assemblée nationale, le député de Mont-Royal, dans son intervention, disait que, si la Régie avait existé à l'époque, et ça rejoint un peu les propos que vous avez tenus, il est loin d'être convaincu qu'on aurait la Baie James aujourd'hui.

M. Lefebvre (Jean-François): Mais c'est notre crainte. C'est pour ça qu'on a mis... je veux dire, même pour la PIR, on avait des très grandes réticences. Mais, comme j'ai dit, ce n'est pas juste sur l'outil, c'est sur la façon de l'utiliser. Et si on l'appliquait de la façon dont ça a été utilisé aux États-Unis, la PIR, ça aurait été une catastrophe pour le Québec.

M. Cherry: Ça va être une catastrophe au Québec, qu'il dit. Écoute bien ça, là!

M. Lefebvre (Jean-François): On aurait bloqué notre développement économique au nom de considérations pseudo environnementales et on aurait évité de réduire... Là, on a réduit notre pollution, on a réduit nos émissions de gaz à effet de serre de 17 % en 20 ans, pendant que les autres Canadiens les augmentaient de 55 %. Ceux qui nous dénoncent comme étant les criminels sur le plan environnemental, bon, à certains moments, il faut mettre les choses à leur place. Puis ça, c'est important, il faut se donner des outils pour pouvoir poursuivre dans ce sens-là, malgré le fait qu'on va continuer à avoir certains groupes de pression qui vont se manifester. Sauf qu'il ne faut pas leur donner tout le pouvoir, parce qu'on se donne des outils trop centralisés qui font en sorte que c'est trop soumis aux groupes de pression. C'est pour ça qu'il faut qu'il reste comme une certaine... D'où l'importance de ramener, même si ce n'est pas dans votre mandat premier aujourd'hui, qui est la loi sur la Régie... il faut poursuivre au niveau des instruments économiques, les permis échangeables puis les autres incitatifs économiques.

M. Chevrette: J'aurais une petite question, 30 secondes. Supposons que, dans six mois – je dis bien «supposons», parce que je ne peux pas présumer de ce que la Régie répondra dans son mandat de six mois – supposons que la déréglementation de la production, c'est positif puis qu'on s'en va vers la déréglementation de la production, la Régie ne peut plus nous empêcher de faire Eastmain ou Grande-Baleine si on veut le faire, puisque la production serait déréglementée.

M. Lefebvre (Jean-François): C'est qu'on ne peut pas enlever tout processus, non plus, d'évaluation des projets et...

M. Chevrette: Ah bien! environnemental, ça, vous avez raison, mais je l'ai dit depuis le début.

M. Neuman (Dominique): Oui, mais il faudrait voir exactement ce que la déréglementation impliquerait. Comme je l'ai mentionné, il n'est pas certain que le seul résultat possible d'accepter la déréglementation soit un retrait complet du secteur de la production. Il pourrait y avoir...

M. Chevrette: Oui, mais vous demandez que ce soit le gouvernement qui le fasse, puis c'est ça qu'on dit: c'est le gouvernement, par décret, qui va procéder. Regardez le mandat. Regardez le mandat, là.

M. Lefebvre (Jean-François): Si vous voulez nous rassurer en nous disant que vous gardez le pouvoir, c'est ce qu'on demande.

M. Neuman (Dominique): Mais, par exemple, il me semble que...

M. Chevrette: On en discutera, d'abord.

M. Neuman (Dominique): S'il y a une déréglementation avancée, toute la structure des articles 71, 72, 73, toute la structure de ces trois articles ne fonctionne plus, puisqu'ils sont basés sur une conception sur laquelle on réglemente les activités de production d'un distributeur. Peut-être que ces notions-là, dans cinq ans, apparaîtront comme un non-sens. Donc, il me semble que... en tout cas, j'imagine que la Régie fera un travail et recommandera probablement, je l'espère, une gamme peut-être diversifiée de mesures qui pourraient être insérées un peu partout dans le projet de loi. Et, notamment, il faudrait s'interroger sur l'étendue de nos pouvoirs de tarification et de variation de tarifs pour l'énergie qui circule: Est-ce qu'on doit fixer un tarif unique? Est-ce qu'on peut pénaliser l'électricité qui provient d'une usine de charbon dans le Midwest américain, qui envoie à travers la frontière des gaz à effet de serre... est-ce qu'on peut la pénaliser en lui fixant un tarif plus élevé ou est-ce que les ordonnances actuelles ou à venir nous empêcheront de faire cela? Si on ne peut pas le faire, est-ce qu'on a d'autres mesures fiscales qui existent et donc qui sont hors du contrôle de la Régie? Et c'est une des raisons, pour permettre l'harmonisation de ces mesures, pour lesquelles il nous semble nécessaire de prévoir un pouvoir de dernier recours du gouvernement. Des exemples de ce pouvoir de dernier recours, le BAPE, le CRTC, pour ces deux tribunaux, puis il y en a d'autres; les gouvernements ont le pouvoir de réviser des décisions de ces tribunaux. Ça ne pose pas de crise majeure pour le fonctionnement ordinaire de ces tribunaux, qui sont respectés, mais, des fois, il arrive que le gouvernement ait besoin, pour toutes sortes de raisons, de décider autrement.

(23 h 50)

M. Cherry: Est-ce que je dois comprendre que vous seriez à l'aise pour le véritable pouvoir de la Régie au niveau de la tarification, mais que, quand il s'agit des autres décisions de développement, et tout ça, à ce moment-là, vous croyez que le gouvernement ne devrait pas se décharger de sa responsabilité avec une régie?

M. Neuman (Dominique): Une des raisons principales, qui est mentionnée à la page 7, où nous suggérions un pouvoir de dernier recours au gouvernement, était ces pouvoirs de 71, 72, 73. Mais également, on a mentionné dans le texte également, peut-être au niveau de la tarification, et l'exemple qu'on a donné, c'est: Si on veut remplacer une hausse de tarif par une taxe, comment est-ce qu'on fait? Si on considère que telle source d'énergie, telle source d'énergie produite est plus polluante, donc ça a des coûts environnementaux plus grands, on va... Pour refléter le vrai coût, l'énergie coûtera plus cher. Ce prix additionnel est donné aux producteurs. Est-ce que le producteur utilise cette somme additionnelle pour dépolluer, ou quoi que ce soit? Non. Peut-être qu'il y aurait lieu de partir de la base du calcul de la Régie, de dire: Tel est le vrai coût, on va le charger, mais en deux parties: un tarif plus une taxe, et la taxe irait au gouvernement, qui l'utiliserait à bon escient, pour dépolluer.

M. Lefebvre (Jean-François): Ou bien pour d'autres choses, pour n'importe quoi. Sinon, on a le principe du pollueur-payé, pas le pollueur-payeur. On arrive au principe du pollueur-payé. Plus vous êtes pollueur, plus on vous permet de hausser vos tarifs, plus on vous permet de faire de l'argent. Et si on dit que, au contraire, on ne veut pas vous favoriser parce que vous êtes pollueur, on va vous garder des bas tarifs. Donc, le gaz, on va le laisser à un bas tarif, il va concurrencer l'hydroélectricité parce qu'il ne paie pas ses coûts environnementaux, on va perdre les marchés pour notre énergie propre produite au Québec, on va perdre des jobs au Québec parce qu'on permet à une énergie polluante qui vient de l'extérieur de venir nous concurrencer puis de faire du dumping ici. Donc, il y a une absurdité. Et la seule façon de sortir de ce cercle vicieux là, qui est de ne pas favoriser d'une façon ou d'une autre le pollueur, c'est par les taxes. Et toutes les craintes puis toutes les fois qu'il y a eu des obstructions puis que le projet de taxe a été rejeté dans différentes commissions, c'est parce qu'ils n'étudiaient que le fait de taxer sans avoir le mandat de regarder comment est-ce qu'on peut recycler les revenus de la taxe.

Et ce qu'il faut faire, c'est, au plus vite, des études très sérieuses sur comment on peut recycler les revenus de taxes environnementales pour permettre la baisse d'autres formes de taxation. Ce qui permet de rendre politiquement acceptables, à ce moment-là, les taxes environnementales qu'on considère comme nécessaires, parce que, sinon, on est pris, on ne peut pas internaliser les coûts si on n'a pas de taxes et, si on a des taxes, on ne peut pas les rendre acceptables politiquement si on ne baisse pas d'autres taxes ailleurs. Bien, faisons-le! Faisons l'exercice de penser à comment on pourrait créer des taxes environnementales et qui permettraient, à ce moment-là, de baisser nos taxes. Bon, le GRAME a organisé un colloque sur l'écofiscalité il y a une semaine et demie...

Le Président (M. Beaulne): M. Lefebvre, malheureusement, je dois vous interrompre. Le temps alloué à cet échange est terminé. Alors, au nom de la commission, je vous remercie d'avoir participé à nos travaux.

M. Lefebvre (Jean-François): Merci.

Le Président (M. Beaulne): Et j'ajourne la commission jusqu'à demain, 11 heures, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 23 h 54)


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