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(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ce matin ses
consultations particulières sur la Loi constituant la Commission des
relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives,
c'est-à-dire le projet de loi 30.
Nous entendrons d'abord, cet avant-midi, la Corporation professionnelle
des conseillers en relations industrielles du Québec; plus tard, cet
après-midi, à 15 heures, la Centrale de l'enseignement du
Québec, suivie de la Chambre de commerce du Québec; et, en
soirée, nous rencontrons les gens du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec et le Conseil du patronat du Québec. Nous
terminerons avec les remarques finales du ministre et du critique de
l'Opposition.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais indiquer
que, pour notre formation politique, Mme la députée de Chicoutimi
remplacera le député d'Ungava.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien.
Corporation professionnelle des conseillers en
relations industrielles du Québec
J'invite maintenant les représentants de la Corporation
professionnelle des conseillers en relations industrielles à se
présenter à la table. Si on comprend bien, les relations
industrielles sont dures.
Une voix: Très dures.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que le
président de cette corporation est M. Pierre Girard. Bonjour, M. Girard.
Je vous demanderais, d'abord, de présenter les gens qui vous
accompagnent. Je vous indique que vous avez 30 minutes, au maximum, pour la
présentation de votre mémoire. Par la suite, les membres de la
commission engageront la discussion avec vous jusqu'à 13 heures.
M. Girard (Pierre): Merci, M. le Président, ainsi que MM.
les membres de la commission. Il me fait plaisir de vous présenter les
personnes qui m'accompagnent ce matin. À ma gauche, il y a Me Alain
Bond, qui est membre de la corporation et président de notre commission
des relations du travail. Il y a aussi M. René Mathieu, qui est membre
du conseil d'administration de la corporation et, dans la vie de tous les
jours, conseiller syndical à la FTQ. À ma droite, il y a M.
Claude Cadorette, directeur général de la corporation.
Moi-même, dans la vie de tous les jours, je suis vice-président
aux ressources humaines pour les Rôtisseries Saint-Hubert Ltée. Je
vais lire le mémoire de la corporation et il nous fera plaisir de
répondre à vos questions par la suite.
La Corporation professionnelle des conseillers en relations
industrielles du Québec est heureuse d'avoir été
invitée à présenter devant cette commission parlementaire
son point de vue sur le projet de loi 30, loi modifiant le Code du travail et
autres dispositions législatives. Vous comprendrez que, compte tenu du
court délai qui nous a été donné, le présent
mémoire ne fait que soulever certains points.
La corporation regroupe des spécialistes du milieu du travail de
tous genres, en relations patronales-syndicales, en santé et
sécurité du travail, en formation, en dotation, en
rémunération et en développement organisationnel. Ces
spécialistes oeuvrent dans tous les milieux - patronal, syndical,
académique - et dans tous les types d'entreprises - de services,
manufacturières, gouvernementales, bureaux de consultants, etc.
D'emblée, la corporation est d'accord avec l'un des buts du
projet de loi: tenter de régler les litiges entre les parties par la
voie de la médiation. Depuis plusieurs années, en effet, la
corporation privilégie cette approche. Elle s'était
prononcée publiquement sur ce point en 1984 devant la commission
consultative sur le travail, la commission Beaudry. Le projet de loi fait
toutefois peu de place à la médiation. Deux nouveaux articles du
code, introduits par l'article 38 du projet de loi, en traitent. Il s'agit des
articles 133 et 137.2: "133. La commission peut, avant de rendre une
décision, tenter d'amener les parties à s'entendre." "137.2 Les
personnes visées à l'article 137.1 peuvent convoquer les parties
intéressées à une réunion dans le but de les amener
à s'entendre ou pour conférer sur les
moyens propres à accélérer le règlement du
dossier." Les soulignements sont de nous.
Ces articles semblent laisser à l'appréciation de la
nouvelle Commission des relations du travail la décision de tenir une
étape de médiation ou non.
La corporation croit que le règlement par voie de
médiation devrait être privilégié. Bien sûr,
il ne faudrait pas que cela soit source de nouveaux délais et, en ce
sens, si la commission ou une personne désignée par elle en vertu
du nouvel article 137.1 s'apercevait de l'impossibilité d'en arriver
rapidement à une entente par médiation, ce processus devrait
être abandonné, pour faire place à une audition menant
à une décision. Advenant l'échec de la médiation,
nous disìons qu'une audition des prétentions respectives des
parties devrait avoir lieu. Certains organismes craignent que la commission
rende des décisions sans entendre les parties.
Aucun article du projet de loi ne dispense la commission du respect de
la règle de justice naturelle audi alteram partem, bien que l'article 6
abroge l'article 20 du code qui obligeait la commission à entendre les
parties avant de rendre une décision à la suite d'une plainte
formulée en vertu de l'article 15. En l'absence d'une disposition
spécifique, la corporation comprend que les règles de droit
trouveront leur application et qu'en conséquence la Commission des
relations du travail sera soucieuse de respecter l'obligation d'entendre les
parties avant toute décision. Bien qu'une telle obligation puisse
sembler à certains génératrice de délais, il est
essentiel de se rappeler qu'elle est à la base de tout processus
d'adjudication et qu'elle est nécessaire pour que justice soit rendue et
qu'apparence de justice soit maintenue. Nous insistons particulièrement
sur ce point. Bien qu'il semble y avoir une certaine imprécision dans la
loi, il nous apparaît que c'est un principe fondamental qui devrait
être clairement spécifié.
L'article 16 du projet de loi propose un nouvel article 33: "S'il y a
accord entre l'employeur et l'association de salariés sur l'unité
de négociation et que la commission constate le caractère
représentatif de l'association de salariés à
l'égard de cette unité, la commission l'accrédite
sur-le-champ, à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est
manifestement inappropriée." Les soulignés sont également
de nous. Ce pouvoir d'accréditation sur-le-champ n'est pas nouveau; il
reprend celui que détient actuellement l'agent d'accréditation
par l'article 28a du code. Ce qui est nouveau, toutefois, c'est la
possibilité pour la commission, bien qu'il y ait accord entre
l'association de salariés et l'employeur sur l'unité
d'accréditation, de refuser l'accréditation si elle jugeait
l'unité manifestement inappropriée.
Dans le contexte d'un accord entre les parties, une telle intervention
de la commission apparaît étrange et inappropriée. Lors de
sa présentation devant la commission Beaudry, la corporation avait
énoncé la proposition suivante: "Que l'entreprise locale demeure
le lieu privilégié des négociations et des relations
syndicales-patronales."
L'intervention du législateur ou de la commission doit avoir pour
but d'assister les parties ou de les inciter à un règlement. Si
les parties s'entendent sans que l'intérêt public ne soit mis en
péril, l'intervention de la commission n'a plus sa place. Si cet
amendement proposé visait à régler une situation
particulière, le pouvoir d'intervention de la commission devrait
être défini et précisé.
Par les articles 33 et 49, le Conseil des services essentiels est aboli
et ses activités sont transférées à la Commission
des relations du travail. La corporation est d'avis que le conseil a su,
malgré l'opposition manifestée en certains milieux, s'imposer aux
parties. Mentionnons, à titre d'exemple, la récente grève
des chauffeurs à l'emploi de la Société de transport de la
Communauté urbaine de Montréal ou celle des employés
manuels de la ville de Montréal. Dans les années passées,
ces grèves entraînaient des conséquences graves pour les
citoyens. À la suite de l'intervention du conseil et bien que le
gouvernement ait dû agir, des listes de services essentiels
proposées par le conseil ont été acceptées par les
syndicats concernés. De plus, le rôle du conseil est particulier
alors que la Commission des relations du travail est - nous citons le nouvel
article - "chargée d'administrer l'exercice du droit d'association et de
favoriser le règlement ordonné des conflits de travail et le
développement de saines relations du travail eu égard à
l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et la
bonne gestion des ressources humaines".
Le Conseil des services essentiels a reçu de l'Assemblée
nationale le mandat de protéger la santé et la
sécurité publiques. D'une part, la commission intervient dans le
domaine des relations du travail; d'autre part, le conseil intervient pour
protéger le public. Il s'agit donc de deux choses différentes. La
corporation croit que les services essentiels ne doivent pas devenir objet de
relations de travail. Ces services sont un droit détenu par les citoyens
et ne peuvent se transformer, entre les parties, comme une nouvelle arme dans
l'application du rapport de forces. Pour ces motifs, la corporation
suggère le maintien du Conseil des services essentiels. (11 h 45)
Si, toutefois, l'Assemblée nationale décidait de
l'abolition du conseil, la
corporation propose que ses activités soient
transférées à une division spécialisée de la
commission; cela, afin d'empêcher qu'une partie mette en doute la
crédibilité de l'ensemble de la commission alors que cette
crédibilité lui sera essentielle si elle veut jouer pleinement
son rôle de développer de saines relations du travail.
L'article 34 abroge l'actuel article 111.0.25 qui prévoyait que
seul le Procureur général pouvait requérir une injonction
lors du refus de respecter la suspension de l'exercice du droit de
grève. Cette suspension peut être décrétée
par le gouvernement lorsqu'il juge, lors d'une grève dans un service
public, que les services essentiels sont insuffisants et que cela met en danger
la santé ou la sécurité publique. Cette abrogation
implique que les règles du droit civil s'appliqueront: toute partie
intéressée pourra alors requérir de la Cour
supérieure l'émission d'une ordonnance. La corporation ne
connaît pas les raisons de cette modification d'une règle qui
existait depuis 1964. Avant l'adoption de l'article 111.0.25, l'article 99
édictait que seul le Procureur général pouvait demander
une injonction pour suspendre l'exercice du droit de grève dans un
service public.
L'article 38 introduit un nouveau chapitre VI au Code du travail et
crée la Commission des relations du travail. Dans ce chapitre, la
corporation aimerait commenter rapidement deux articles, soit les articles 114
et 115.
L'article 114 prévoit que les vice-présidents et les
commissaires sont nommés "après consultation des personnes et des
organismes intéressés". Nous traitions plus haut de la
nécessité de s'assurer que la commission jouisse d'une bonne
crédibilité, tant dans les milieux patronaux que dans les milieux
syndicaux. Le choix des commissaires est le premier test. Plus qu'une nouvelle
structure, le choix des commissaires pourra avoir un impact certain sur
l'évolution des mentalités. Un mauvais choix pourrait
également nuire à la crédibilité de l'organisme
récent. Un dénominateur commun devrait donc être
recherché, c'est-à-dire la compétence. Puisque, comme nous
l'écrivions au début de ce mémoire, la corporation
regroupe les spécialistes du milieu du travail, elle devrait être
retenue parmi les organismes intéressés qui seraient
consultés par le gouvernement avant la nomination des commissaires. La
corporation croit que la nomination du président devrait
également être précédée d'une consultation.
Le président étant l'âme dirigeante, le moteur d'une telle
commission, sa nomination sera l'un des gestes les plus déterminants
quant à l'acceptation, par les divers intervenants, de ce nouvel
organisme.
Quant a l'article 115, il précise que les commissaires sont
nommés pour un terme déterminé d'au plus cinq ans. Nous
entendons de plus en plus des protestations s'élever contre les mandats
à terme déterminé pour les membres des tribunaux
administratifs. Cela, en effet, peut nuire à l'indépendance et
à l'apparence d'indépendance requise pour tout décideur.
Nous comprenons, toutefois, que l'inamovibilité peut être,
à l'occasion, source de problèmes.
Sans avoir de solution miracle à proposer, la corporation croit
qu'un terme de cinq ans est trop court pour intéresser un praticien,
connu et accepté par les milieux patronaux et syndicaux, et le
convaincre de mettre de côté une pratique enrichissante sur le
plan professionnel.
En ce qui concerne l'abolition du Commissariat à la construction
et le transfert de ses responsabilités à la commission, la
corporation s'y oppose. En effet, l'industrie de la construction a, depuis de
nombreuses années, développé une philosophie qui lui est
propre. Cette industrie n'est pas comparable aux autres types d'industries.
Pour ces motifs, la corporation croit que l'ensemble des règles de cette
industrie devrait être confié à un organisme
spécialisé. La corporation ne s'oppose toutefois pas au transfert
des matières pénales aux tribunaux réguliers.
Enfin, la corporation désire émettre des réserves
quant au retrait du droit d'appel. Nous comprenons que le gouvernement veut par
là éviter de trop grands délais. Bien qu'il soit
inévitable qu'une procédure d'appel entraîne de nouveaux
délais, il ne faut pas croire que les parties utilisent cette
procédure à des fins dilatoires uniquement. Les décisions
rendues actuellement par les commissaires du travail et celles qui seront
rendues par la commission portent souvent sur des éléments
importants pour l'entreprise ou le syndicat. C'est l'importance de ces
décisions qui amène les parties à se prévaloir de
la procédure d'appel. En empêchant un tel recours, ne craint-on
pas une augmentation sensible du nombre d'évocations? II est vrai que
les dernières décisions de la Cour suprême ont
limité le champ d'intervention de la Cour supérieure, mais
l'absence d'une procédure d'appel pourrait inciter les parties à
multiplier les requêtes d'évocation. Or, il n'est pas souhaitable
que la commission, d'une évocation à l'autre, se fasse dicter par
les tribunaux réguliers sa façon d'agir.
Une autre solution qui pourrait être envisaqée et qui
pourrait aider à offrir une sécurité aux parties serait
que la commission siège par banc de trois membres. Cela pourrait aider
la commission à maintenir une même pensée d'une
décision à l'autre. 5ur cet aspect, il est étonnant que la
commission qui a le pouvoir, en vertu de l'article 137.3, d'énoncer des
politiques générales ne soit pas liée par ses politiques.
Si le but de ce pouvoir est d'éviter, entre les parties, des
litiges inutiles en faisant connaître l'interprétation de
la commission, le fait que celle-ci ne soit pas liée par ses politiques
pourrait entraîner l'effet contraire.
En terminant, je voudrais souligner que nous apprécions
énormément l'effort du gouvernement de favoriser l'approche
médiative plutôt que l'approche d'adjudication. Nous sommes
convaincus qu'il y a de nouvelles tendances en relations du travail et de
nouvelles tendances en matière de gestion des ressources humaines qui
privilégient la collaboration plutôt que l'affrontement. Nous
sommes tout à fait heureux de voir que les efforts vont dans ce sens.
Cependant, il faudrait se rappeler une chose fondamentale. Ce n'est pas en
changeant les structures uniquement que nous allons changer les
mentalités. Les structures peuvent agir comme un élément
facilitant. En ce sens-là, nous estimons que le projet qui est mis de
l'avant est fort intéressant et va dans le sens des valeurs auxquelles
nous croyons, c'est-à-dire la collaboration et non l'affrontement encore
une fois. Merci beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Girard. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier M.
Girard, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, pour avoir pris le temps
d'analyser, dans un premier temps, le mémoire que je leur avais fait
parvenir et, dans un deuxième temps, le projet de loi comme tel sur le
plan des principes.
Je resitue le contexte au moment où nous nous parlons.
L'Assemblée nationale a adopté, avant-hier, à
l'unanimité, les principes qui sous-tendent le projet de loi 30.
Maintenant, l'Opposition a apporté certaines réserves quant
à certains articles du projet de loi et je vous dirai également
que, du côté gouvernemental, nous en sommes à poursuivre
notre réflexion quant à la rédaction finale sur certains
articles et que ce n'est pas pris dans le ciment. C'est pourquoi votre
contribution de praticiens quotidiens des relations du travail nous est
tellement indispensable pour en arriver à bonifier le projet de loi de
façon qu'il soit le meilleur possible pour l'ensemble des
participants.
Vous me permettrez, en commençant, deux questions qui ne sont pas
soulevées dans votre mémoire. Par la suite, j'ai une série
de questions que votre mémoire soulève et des réponses
à apporter à certaines questions que vous soulevez dans votre
mémoire.
La première question - j'en profite souvent lorsqu'un membre du
Barreau accompagne les porte-parole; je me paie des avis juridiques gratuits,
comme ministre du Travail - s'adressera donc à Me Bond et concerne
l'interprétation qu'il donne, s'il lui donne une interprétation,
à toute la question du vote au scrutin secret qui doit être
ordonné lorsque le pourcentage des cartes signées est entre 35 %
et 50 %. Est-ce que, à votre avis, sur le plan des pourcentages, le
projet de loi 30 modifie quoi que ce soit au Code du travail, tel que nous le
connaissons actuellement?
M. Bond (Alain): Au départ, il y a l'article 37 du Code du
travail. L'article 37 oblige le commissaire à tenir un vote lorsqu'il y
a un minimum de 35 %. Cet article n'est pas touché par votre projet de
loi, on le laisse intact, on n'y touche pas. Si on revient aux 35 %, il y a
présentement dans le Code du travail l'article 28b qui traite du pouvoir
de l'agent d'accréditation, lorsqu'il constate un accord entre les
parties quant à ta description de l'unité et lorsqu'il y a au
moins 35 %, de demander que cela soit acheminé vers un vote. Il ne
m'apparaît pas si clair, à l'article 37 du Code du travail actuel,
lorsqu'il n'y a pas accord sur l'unité, donc, lorsque le dossier ne va
pas à un agent d'accréditation mais va à un commissaire du
travail, que le commissaire ne pourrait pas, à la rigueur, ordonner un
vote à moins de 35 %. Dans ce sens-là, je pense que le projet de
loi ne change rien à cette situation. Par contre, et ce serait en
matière de coloration, si vous me permettez, par rapport à un
autre article, peut-être l'actuel article 28b peut-il nous aider à
comprendre la difficulté de compréhension ou le trou, entre
guillemets - si c'est un trou - qu'il pourrait y avoir à l'article 37,
en l'interprétant à partir de l'article 28b qui prévoit
quand même qu'il faut un minimum de 35 % pour que cela soit
acheminé vers un processus de vote. Peut-être que dans ce sens
l'article 28b actuel nous aide-t-il à mieux comprendre l'article 37.
Chose certaine, je pense que l'article 37, lui, ne parle que d'une obligation
de tenir un vote lorsqu'il y a un minimum. L'article 28b, donc, nous aide
peut-être à comprendre le sens à donner à l'article
37. Si on fait tomber l'article 28b, peut-être que
l'ambiguïté reste telle quelle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de dégager
une entente sur l'ambiguïté, chose qui est souvent difficile.
L'ambiguïté n'est-elle pas la suivante, au moment où nous
nous parlons? Dans des cas exceptionnels, des cas de pratique déloyale,
il y a de la jurisprudence indiquant que, dans certains de ces cas-là,
il y a eu un vote de commandé, même si les 35 % n'étaient
pas atteints. Peut-on circonscrire l'ambiguïté?
M. Bond: Effectivement, il y a de la jurisprudence à cet
effet. Je pense que c'est très clair. Ce qui n'est peut-être pas
clair, c'est, si, dans d'autres circonstances, le
commissaire... C'est par ce biais-là que l'article 28b peut nous
être d'une quelconque utilité pour le clarifier. Ce qui serait
important... En tout cas, pour ce qui est de la corporation, je pense que c'est
une façon de voir les choses, je ne pense pas qu'on veuille, à la
corporation, par ce projet de loi, que la situation actuelle soit
changée. D'accord? Quant à nous, pour ce vote de 35 %, cela
devrait être le statu quo. Si cela ne semble pas suffisamment clair, je
pense que la corporation vous suggérerait de le clarifier dans le texte
de loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on en arrive à lamême interprétation, je n'ai pas d'objection à le
clarifier. Je vous dirais même que les indications que nous avons
reçues de la majorité des centrales syndicales qui ont
témoigné nous disent: Cela ne nous donne rien quand on n'a pas
les 35 %, on perd notre temps de commander un vote, etc. Ce qu'on tient
à s'assurer, c'est que la situation qui existe perdure, de ne pas
toucher au fond de façon à ne pas affecter les
susceptibilités des parties qui pourraient se sentir affectées.
Mais, sur le plan de l'interprétation, si votre corporation - et je vous
invite à le faire - a une clarification à nous suggérer
sur le plan de la rédaction, nous vous en saurions gré.
Deuxième point qui n'était pas traité dans votre
mémoire, mais sur lequel je souhaite vous poser une question: à
peu près toutes les parties qui, au moment où on se parle, sont
venues témoigner devant cette commission nous ont parlé de la
rédaction ou du libellé de l'article 112 et ont exprimé
des commentaires.
Une voix: C'est le détecteur de fumée. Une voix:
C'est une question brûlante.
Le Président (M. Charbonneau): Pourtant, il n'y a pas
encore une majorité de fumeurs. (12 heures)
Une voix: C'est un détecteur de mensonges.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. On peut continuer, M. le
Président.
Le Président (M. Charbormeau): Pour autant que vous
corrigiez vos propos, sernble-t-il. Allez-y!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons qu'à peu près
toutes les parties s'interrogeaient sur l'opportunité d'inclure,
à la fin de l'article 112: "aux droits et obligations des parties et
à la bonne gestion des ressources humaines". Ce que nous comprenons,
c'est que la partie patronale dit: Le droit de gérance des ressources
humaines appartient à la partie patronale, ce n'est pas un
critère dont on doit tenir compte lorsqu'on est un médiateur ou
un commissaire, etc. La partie syndicale nous a également fait des
représentations afin de le biffer disant: Au pis-aller, c'est l'affaire
du syndicat et du patronat, mais ce n'est surtout pas l'affaire de l'arbitre ou
du commissaire.
M. Girard: C'est fort intéressant comme question parce
que, effectivement, pas plus tard qu'hier soir, on avait une réunion de
notre bureau des administrateurs pour réviser le mémoire et cette
question a été soulevée. Comme la corporation
représente les praticiens oeuvrant tant du côté syndical
que du côté patronal, de même qu'en milieu scolaire, puisque
nous avons des professeurs d'université, le débat fut long. Donc,
je devrai donner une réponse nuancée. La réponse que je
pourrais donner est la suivante: Sur le plan des principes, comme corporation,
ce que nous privilégions, c'est une approche qui tienne compte des
nouvelles tendances - je l'ai dit tout à l'heure - en gestion des
ressources humaines. Par conséquent, dans la mesure où la
commission serait incitée à rendre des décisions en
respectant les principes qui doivent prévaloir au chapitre de la bonne
gestion des ressources humaines, la référence à cette
notion ne serait pas dangereuse pour nous. Elle serait même utile.
J'entends par principes de bonne gestion des ressources humaines les suivants:
que les parties doivent elles-mêmes trouver des solutions à leurs
problèmes; que les parties doivent se faire aider dans le sens de la
médiation, dans le sens du soutien et non pas abandonner leurs
responsabilités au profit d'un tiers qui tranche en leur lieu et place.
Dans la mesure où cette expression amènerait la commission
à tenir compte de ces valeurs, cela pourrait être
intéressant.
Cependant, l'autre point de vue est de dire que cela pourrait avoir
exactement l'effet contraire, dans le sens où le tiers, donc la
commission, se substituerait aux parties et déciderait de la valeur des
bons principes de gestion des ressources humaines, de ce qu'est la bonne
gestion des ressources humaines. En ce sens, ce serait d'aller exactement dans
le sens contraire des intérêts qu'on défend. Il y aurait
donc, probablement, avantage à éclaircir . cet aspect.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous indiquerai
immédiatement que la volonté gouvernementale dans le projet de
loi repose sur la première prémisse que vous avez établie.
On se rend compte que l'utilisation du mot "gestion" comme tel ne
correspond
pas au vocabulaire le plus approprié qui pourrait être
utilisé. Mais, compte tenu du fait que nous accordons beaucoup
d'importance, en tout cas, de ce côté-ci, au premier principe que
vous avez établi, encore une fois, si votre corporation pouvait apporter
un éclairage au gouvernement sur un vocabulaire mieux choisi pour
représenter la première partie de l'argumentation que vous venez
de faire, nous vous en saurions gré.
M. Girard: Nous sommes très intéressés par
votre demande. Nous allons nous pencher sur cet aspect parce que, pour nous,
c'est un aspect fondamental.
M. Paradis (Brorne-Missisquoi): À la page 3 de votre
mémoire, dans le premier paragraphe, vous indiquez que "certains
organismes craignent que la commission rende des décisions sans entendre
les parties". Vous mitigez un peu cette affirmation dans le deuxième
paragraphe, lorsque vous parlez du respect des règles de justice
naturelle, de la règle audi alteram partem en cas d'adjudication.
N'êtes-vous pas d'avis que la commission est soumise à la charte
canadienne et à la charte québécoise des droits et
libertés de la personne? Également, dans des cas d'adjudication,
à tout ce qu'on appelle les règles de justice naturelle, dont la
règle audi alteram partem, et que la commission ne pourrait fonctionner
en faisant fi de ces règles sans se retrouver en situation d'être
corrigée par les mécanismes que l'on sait.
M. Girard: En fait, c'est effectivement ce que nous
énonçons. Nous croyons que les règles de justice naturelle
doivent s'appliquer et qu'effectivement, si la commission n'en tenait pas
compte, elle pourrait faire l'objet de révision par des tribunaux. Mais
on n'insistera jamais assez sur cet aspect d'entendre les deux parties, parce
que, malheureusement, les organismes administratifs dans certains cas agissent
sans entendre les deux parties. Il ne faudrait pas perdre de vue cette notion
fondamentale, particulièrement dans le domaine des relations du travail,
qui repose encore une fois sur des relations du travail heureuses. Des
relations du travail productives, ce sont des relations du travail où
les parties se respectent et où les ententes sont
négociées par les deux parties.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 4 de votre
mémoire, vous parlez de l'article 16 du nouveau projet de loi et vous
soulignez - on va se comprendre rapidement, je tente d'épargner du
temps: "à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est
manifestement inappropriée". On parle d'une entente de gré
à gré. C'est que l'on vise, ce que l'on tente dans la
totalité des cas d'atteindre. Cela peut sembler bizarre qu'un
gouvernement qui a cet objectif inclue à la toute fin de l'article:
lorsqu'il y a entente de gré à gré, la commission peut
quand même intervenir si elle est d'avis que l'unité est
manifestement inappropriée. Je vais vous dire dans quel contexte nous
avons ajouté cette fin de phrase qui peut vous paraître curieuse.
Nous avons des cas où, pour diverses raisons, les parties en sont venues
à des ententes de gré à gré qui créent des
situations invivables dans un avenir très proche: 28 ou 29 unités
d'accréditation à l'intérieur de la même botte pour
fonctionner, etc. Cela fait que le fonctionnement devient intolérable
pour les travailleurs et pour le patronat. On dit: Dans les cas où c'est
manifestement inapproprié et que les parties en sont venues à une
entente de gré à gré pour des raisons externes, n'y
aurait-il pas lieu de permettre dans ces cas spéciaux à la
commission d'intervenir?
M. Girard: Dans un cas comme celui-là, ne devrait-on pas
plutôt intervenir, encore une fois dans le sens de la médiation et
inciter les parties à changer plutôt que de se substituer aux
parties? Encore une fois, le principe fondamental que l'on défend, c'est
de respecter la volonté des parties. On doit aller dans un sens de
responsabilisation. L'ensemble des entreprises les plus productives, et ce,
partout dans le monde, ce sont des entreprises qui tentent de plus en plus de
responsabiliser les travailleurs et les travailleuses, les employés.
Toute intervention qui a pour effet de se substituer à des ententes
librement consenties par des parties me semble dangereuse. C'est dans cette
perspective.
Je comprends bien votre argument qu'il peut y avoir des cas d'abus
manifestes, mais, même dans ces cas-là, si c'est aussi manifeste,
n'y aurait-il pas lieu d'intervenir par la voie de la médiation
plutôt que de l'adjudication?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, justement - je vais tenter de
poursuivre l'argument ou la discussion - si c'est manifeste, mais qu'il y a eu
entente et que l'on n'a pas les moyens d'intervenir parce que la loi ne nous
donne pas le pouvoir d'intervenir par la médiation, par la conciliation
pour corriger, à ce moment-là, on fait face à un fait
accompli et cela demeure tel quel.
M. Girard: Je comprends votre point de vue. Le point de vue que
je pourrais exprimer au nom de la corporation serait de dire: à l'ultime
limite et dans les cas vraiment extrêmes, mais cela ne devrait surtout
pas être une règle qui permettrait à un tiers d'intervenir
dans les affaires
consenties par les parties.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Auriez-vous une
sécurité - je vois l'avocat intervenir - additionnelle que cette
intervention serait encore plus limitée et plus balisée si, dans
la rédaction, on excluait "que la commission ne soit d'avis" et que l'on
dise: à moins que l'unité ne soit manifestement
inappropriée? Ce qui permettrait de se substituer à une autre
opinion, à une commission qui pourrait avoir tendance à trop
intervenir.
M. Bond: Je ne sais pas. À prime abord, je ne vois pas
très bien ce que cela change.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la règle de la double
juridiction, du double niveau de satisfaction. Si vous êtes en processus
d'évocation et que le texte de loi dit: à moins que la commission
ne soit d'avis, la Cour supérieure ne peut substituer à ce
moment-là son propre avis à celui de la commission.
M. Bond: Effectivement. On est d'accord là-dessus, sauf
que ne croyez-vous pas - et je reviens peut-être à votre question
de tout à l'heure - que, si c'est manifestement inapproprié et
que cela fait en sorte que cela ne fonctionne plus dans l'entreprise, le code
actuel nous permet des modifications, ne serait-ce que par une requête en
fusion, ce qui serait possible? Si, pour les deux parties, la situation devient
totalement intolérable, les deux parties ont intérêt
à modifier leur entente et le code actuel permet à la commission
de modifier cette entente par la suite, par une requête en fusion ou quoi
que ce soit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne dit pas que c'est
impossible. On vous dit qu'on vit présentement au Québec,
à certains endroits et dans certains cas qu'on peut vous identifier, des
situations qui ont évalué dans l'intenable et que les gens
s'accommodent de l'intenable pour divers motifs ou diverses raisons. Ce sont
des cas exceptionnels, peu nombreux, totalement exceptionnels.
M. Bond: C'est peut-être ma crainte, si vous le permettez,
M. le ministre, que, pour des cas vraiment exceptionnels, on donne un pouvoir
à un tiers d'intervenir dans des relations entre deux parties où
cela fonctionne. C'est ma crainte, si vous me le permettez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas exagérer le
nombre de cas que l'on retrouve, mais on se dit que, tant qu'à
légiférer, ne peut-on pas avoir une mesure d'exception pour les
cas exceptionnels, puisque que c'est très exceptionnel, de rendre, par
un libellé plus serré et mieux balisé, nos mesures
d'exception encore plus exceptionnelles.
M. Bond: C'est la position de la commission à la page 5.
S'il y a une situation bien particulière que l'on veut viser, tentons de
la définir, si possible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste à peine quatre
minutes, je crois. Je vais céder la parole, en vertu de la règle
de l'alternance, au critique de l'Opposition, pour revenir à la toute
fin.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je vous remercie, M. le ministre. M. le
Président, chers invités, moi aussi, je veux vous remercier, M.
Girard ainsi que les gens qui vous accompagnent d'avoir, dans un court
délai - vous l'avez mentionné - réagi et pensé
qu'il était de votre responsabilité de venir nous aider à
faire notre travail de parlementaires.
Je pense que des gens comme vous, qui possèdent, on le sait, une
vaste expertise du travail et des relations du travail, deviennent un
interlocuteur particulièrement privilégié comme organisme
parce que, tous les jours, par personne interposée, vous faites
effectivement des relations patronales-syndicales avec, bien sûr, toute
l'information que cela peut vous donner dans le vécu et dans le concret.
Même si le ministre rappelait, avec raison, qu'on s'est entendus sur le
principe, entre le principe, les beaux objectifs et le vécu quotidien de
ce qu'on retrouve particulièrement à l'intérieur de chaque
article, il peut arriver qu'il y ait lieu d'apporter des correctifs importants
et majeurs.
J'ai quelques questions et quelques commentaires. Un premier commentaire
qui va se terminer par une courte question. Je suis heureux de constater que
vous avez rappelé que l'approche médiative devrait être
privilégiée plutôt que l'approche d'affrontement; vous avez
même parlé de la collaboration, et ainsi de suite. Cependant, je
trouve que vous ne le jouez pas fort dans votre mémoire en disant
modestement à la page 2 - parce que c'est écrit aux articles 133
et 137.2 - que "la commission peut, avant de rendre une décision, tenter
d'amener les parties à s'entendre", même chose, tout en
reconnaissant que les soulignés étaient de vous. Ce que j'aurais
aimé savoir, d'une façon plus précise, c'est si vous iriez
jusqu'à préconiser qu'on mentionne: la commission doit?
M. Bond: Hum! Encore une fois, c'est une question
extrêmement intéressante
puisque cela a fait l'objet d'un long débat hier au conseil
d'administration de la corporation.
M. Gendron: Je m'en doute.
M. Bond: Pour ne rien vous cacher, vous voyez qu'il y a une
correction. C'est donc le résultat d'un consensus entre des positions
divergentes.
Oui, on était prêts à aller jusqu'à "doit".
Cependant, plusieurs collègues nous ont amenés à modifier
notre position parce que notre expérience - nous tous qui sommes des
praticiens en avons convenu - nous amène à dire que, dans
certains cas, il est manifeste qu'il sera impossible - et cela rejoint
peut-être l'argumentation de tout à l'heure dans un autre domaine
- d'en arriver à une entente par voie médiative. C'est la raison
pour laquelle, si on précisait "doit", ne ferait-on pas perdre de
l'argent et du temps aux parties et souvent à des parties qui n'ont pas
la même force ni les mêmes moyens financiers? Dans ce
sens-là, il nous semblait dangereux d'aller jusqu'à "doit". (12 h
15)
M. Gendron: Merci. C'est clair. Cependant, j'aimerais,
très succinctement-Quand vous dites que la corporation - vous parlez de
vous - croit que le règlement par voie de médiation devrait
être privilégiée, je ne pense pas que quelqu'un soit en
désaccord Ià-dessu6. Cependant, puisque vous êtes des
praticiens, comment fait-on cela, concrètement, comme
législateurs, pour être certains que ce sera
privilégié? Si ce n'est que d'avoir des intentions, on va parler
d'indépendance des commissaires, on va dire: II faut les laisser
tranquilles, c'est eux qui regardent cela. Comment le législateur
va-t-il faire cela pour se donner un minimum de garanties pour qu'effectivement
la première approche soit davantage privilégiée, mais un
peu plus consacrée, et qu'on puisse être capable de s'appuyer sur
quelque chose? Alors, vous qui êtes praticiens avez sûrement
quelques suggestions à nous faire.
M. Girard: Les suggestions pour ce qui est du texte sont
difficiles. La preuve, c'est qu'on a de la difficulté à
s'entendre ou à apporter un texte qui rallie tout le monde. Cependant,
au moment où les gens seront nommés à cette commission, le
président et les commissaires, notamment, il me semble que ce serait
extrêmement important que le gouvernement mentionne dans des orientations
écrites, de façon très précise, ce qu'on attend de
cette commission et à quel point il est important de privilégier
l'approche de médiation plutôt que l'approche d'adjudication. Il
me semble que c'est le minimun. Je pense que, dans les entreprises -je peux
vous parler de mon expérience -quand on tient à ce qu'une
orientation comme celle-ci soit suivie par l'ensemble des cadres, il faut
exposer nos valeurs, exposer notre politique de façon claire, nette et
précise. Je pense que, si la politique était très bien
exposée aux commissaires, ce serait un moyen de s'assurer que cette
approche sera effectivement privilégiée.
M. Gendron: Page A, toujours assez rapidement. L'Opposition et
moi-même sommes heureux que vous souligniez, à la page 4, que,
lorsqu'il y a accord entre l'employeur et l'association de salariés sur
l'unité de négociation, une telle intervention de la commission
apparaît étrange et inappropriée dans le contexte d'un tel
accord. Je partage le même point de vue. Je voulais simplement attirer
l'attention du ministre. Je l'ai souligné lors de mon discours en
deuxième lecture. Vous n'êtes pas le premier intervenant à
dire: Quand les parties conviennent que tout est "clean", que tout est
régulier, pourquoi faire alors... Je voudrais bien que le ministre en
tienne compte parce qu'il ne l'a pas souligné tantôt. Mais c'est
normal que vous partagiez le point de vue qu'une intervention peut
paraître étrange et inappropriée. J'avais exactement la
même prétention. Alors, merci d'avoir appuyé ce
commentaire.
Page 8 de votre mémoire, au sujet de la nomination des
commissaires. Je pense que vous soulignez avec raison que pour les
commissaires, de même que le président et les
vice-présidents, pour des raisons de notoriété,
d'autonomie, de pleine confiance, de crédibilité, tout est bon
à peu près à ce chapitre, je pense qu'il va falloir
être très vigilant et faire attention. J'aurais voulu cependant,
au lieu de partager entièrement les réserves et les
inquiétudes ou, du moins, l'assurance que vous exigez à ce sujet,
au lieu de partager tout cela, j'ai une question précise â vous
poser. Ne croyez-vous pas que tes postes de président et de
vice-président y gagneraient en termes d'autorité morale si la
nomination de ces gens était faite plutôt par l'Assemblée
nationale que par l'Exécutif, c'est-à-dire le gouvernement? Quel
est votre point de vue? Vous n'en avez pas parlé. J'aimerais avoir votre
point de vue là-dessus.
M. Girard: Tout ce que je vais faire, c'est de donner un point de
vue personnel parce qu'on ne s'est pas penché sur cette question au
bureau des administrateurs et de la commission. Je pense que toute position qui
serait prise par l'Assemblée nationale et qui aurait pour effet
d'accréditer davantage la crédibilité du président
serait souhaitable. Mais, encore une fois, je tiens à être
très démocratique et je vous dis que c'est mon opinion
personnelle. Je ne peux pas dire que c'est l'opinion de la corporation.
M. Gendron: Merci. Page 9 également,
je suis très heureux que vous ayez souligné avec
énormément d'exactitude, à ma connaissance, ce qui a
été relevé par tout le monde. Je ne sais qu'elles
étaient les intentions du ministre quand il a indiqué que le
terme des commissaires serait d'au plus cinq ans. Encore là, pour des
raisons d'autonomie et d'indépendance, vous avez très clairement
exprimé que vous souhaiteriez que le terme soit une période plus
longue sans nécessairement donner une pérennité infinie.
Vous avez convenu que cinq ans était inapproprié dans les
circonstances et je partage complètement votre point de vue. Je suis
convaincu que le ministre sera sensible à cette chose.
J'ai deux questions pour terminer. Une sur la non-inclusion ou l'absence
de point de vue sur ce qu'on appelle communément les pratiques
déloyales, les dispositions antibriseurs de grève, les
dispositions concernant le piquetage, qui est une réalité du
monde moderne dans les relations du travail en 1987. J'aimerais vous entendre
quelques minutes, puisque vous êtes des praticiens, des
spécialistes de ces questions, vous entendre pendant quelques minutes,
à savoir si vous croyez ou non, puisqu'à certains égards
vous avez suggéré qu'il y ait des morceaux qui soient
retirés de la Commission des relations du travail... Je pense que c'est
le cas des services essentiels. Vous dites que cela ne devrait pas aller
là. Même chose pour le Commissariat à la construction. Cela
veut donc dire que vous avez émis des avis: il y a des choses qui
doivent aller là, d'autres qui ne doivent pas y aller. J'aimerais vous
entendre sur toutes les références à la
réglementation concernant le piquetage et les dispositions antibriseurs
de grève. Selon vous, est-ce que, oui ou non, ce devrait être des
matières non exclues de la Commission du relations de travail? Quel est
votre point de vue là-dessus?
M. Girard: Évidemment, on n'a pas commenté cet
aspect parce que le délai qui nous a été donné
était court. On voulait plutôt se livrer à une analyse de
fond. Mais, puisque vous nous en donnez l'occasion, ce qui serait souhaitable,
c'est que le rôle de la commission soit élargi. Ce que nous avions
soumis devant la commission Beaudry, c'est d'éviter la
multiplicité des recours et d'avoir un organisme qui chapeauterait
vraiment l'ensemble des règles qui doivent régir le comportement
des parties en matière de relations du travail.
Cependant, la distinction que nous avons faite dans le mémoire
nous semble capitale et fondamentale. Je pense qu'il faudrait distinguer entre
les règles qui sont propres aux parties, l'arbitrage de ces
règles par un organisme et l'arbitrage qui doit aussi exister en
matière de conflits, lorsque l'intérêt public est en cause.
Lorsque l'intérêt public est en cause, par exemple, dans le cas
des services essentiels, on pense qu'on devrait avoir un autre organisme pour
donner un caractère de neutralité et surtout pour se soucier - je
pense que le caractère de neutralité n'est pas la meilleure
expression - des services essentiels avoir finalement deux organismes: un
premier dont le souci principal est de voir à ce que les règles
du travail soient bien appliquées et un autre organisme dont le souci
principal est d'assurer la protection du public. Je pense que ce sont deux
missions différentes. Si on ne confond pas ces missions, si on les
distingue bien, on va aller dans le sens de l'intérêt public.
M. Gendron: Auriez-vous une opinion, rapidement, sur une autre
pratique que l'on peut qualifier de déloyale, qui est le refus
d'embaucher en raison d'activités syndicales? Une telle disposition
devrait-elle être également incluse dans le projet de loi sur la
Commission des relations du travail ou si, selon vous, cela ne va pas
là?
M. Girard: Je dois vous répondre de la même
manière que je viens de le faire. Idéalement, toutes ces choses
devraient être sous l'autorité de la Commission des relations du
travail, en tenant compte, cependant, de la distinction que je viens de
souligner.
M. Gendron: Merci. Il y a également une question que je
trouve importante. Le ministre l'a soulignée un peu, mais, vous vous
n'en avez pas parlé, c'est normal, on ne peut pas parler de tout dans un
mémoire, surtout quand on n'a pas beaucoup de temps, comme cela a
été le cas. Mais, personnellement, contrairement à la
prétention du ministre, à l'article 112, lorsqu'il faisait
référence au fait que la commission devrait prendre des
décisions eu égard à beaucoup de choses mais, entre
autres, à la bonne gestion des ressources humaines, vous avez
répondu, comme un bon conseiller, je pense, en donnant les deux
orientations. Il y a deux façons de voir cela. Le ministre a choisi la
première prémisse en disant, à son point de vue, que la
première prémisse que vous avez posée en justifiant
l'inclusion vous agréait. J'aime mieux la seconde hypothèse, dans
le sens qu'il faut que cela soit carrément exclu parce que c'est du
domaine des parties. Il est dangereux que la Commission des relations du
travail puisse rendre des décisions en tenant compte de cette
disposition qui s'intitule la bonne gestion des ressources humaines, surtout si
le terme n'a été défini nulle part. Je donnais l'exemple
qu'on définit les termes dans une bonne convention collective. Chaque
fois qu'on parle de quelque chose, on essaie de savoir ce que cela veut dire.
Par la suite, quand on
y fait référence, on a une compréhension de la
définition des termes.
Je voudrais seulement savoir si vous partagez l'impression de plusieurs
personnes qui ont traité de cela, à savoir que c'est une notion
qui existe dans la réalité des relations du travail, mais qui est
à contre-courant, dans le sens que la plupart des parties souhaitent que
cette référence à la bonne gestion des ressources humaines
ne soit pas une chasse gardée, mais une préoccupation constante
des parties et que, pour être certain qu'il n'y ait pas de tiers qui
interprètent la façon, ce serait plus moderne et d'avenir de ne
pas faire référence à cela. Partagez-vous ce point de
vue?
M. Girard: Je l'ai dit tout à l'heure et je dois
être très précis là-dessus: les deux points de vue
sont défendus à l'intérieur de la corporation. Or, vous
avez vu notre position, c'est de ne pas en parler. Mais, vraiment, les deux
points de vue sont défendus et il y a de bons motifs, dans les deux cas,
d'intervenir.
Il y a une chose sur laquelle on s'entend à l'intérieur de
la corporation, cependant, les relations du travail font partie d'une saine
gestion des ressources humaines et qu'il ne faut pas dissocier le processus des
relations du travail du processus général de la gestion des
ressources humaines. En ce sens-là, c'est positif de l'avoir, mais, par
ailleurs, il y a un grand danger et cela irait à l'encontre de la
position que l'on défend. Si des tiers intervenaient et se substituaient
aux parties pour dire ce qu'est la bonne gestion des ressources humaines et si
cela avait pour effet d'apporter cette façon de voir, à l'avenir,
ce serait évidemment néfaste. Cela irait à l'encontre des
positions auxquelles on croit.
M. Gendron: J'aimerais avoir votre point de vue personnel, compte
tenu de votre expérience, puisque vous dites que chez vous il y a deux
tendances, et c'est honnête de le mentionner comme cela. Mais, par
définition, si on le mentionne, ne croyez-vous pas que l'on fait presque
obligation à la commission de s'en occuper? Là, vous venez
d'ajouter juste avant que je parle: Oui, mais si les tiers interviennent en
tenant compte de cela, je ne suis pas d'accord. Ne croyez-vous pas que ce sera
automatique que des tiers vont vouloir intervenir si on le laisse dans le
mandat de l'article 112? N'oubliez pas qu'à l'article 112, "Constitution
et organisation, il est dit: "II est institué un organisme" et ainsi de
suite.
Ma prétention, c'est qu'il est évident que les intrusions
répétées de la commission dans les rapports collectifs du
travail, dans la gestion par les employeurs de leurs ressources humaines sera
prétendue, c'est-à-dire que la commission va prétendre
qu'à partir du moment où c'est dans son mandat, elle doit en
tenir compte. Je voudrais simplement savoir si vous avez un jugement, si vous
partagez mes craintes ou si vous dites: Non, ce n'est pas parce que ce sera
là que la commission va s'en servir.
M. Girard: Sur le strict plan juridique, cela peut être
dangereux. Sur le plan de la philosophie que l'on défend, on
prétend que ce serait positif, mais sur le strict plan juridique, si on
regarde l'histoire, si on regarde les qens qui interviennent, les
décideurs, finalement, en matière de relations du travail, c'est
bien sûr que cela peut être un élément sur lequel ils
pourraient s'appuyer et qui pourrait empêcher une partie de prendre un
bref d'évocation, puisque de plus en plus les brefs d'évocation
sont limités par les nouvelles lois. Mais on n'a rien contre cela, on a
dit que l'on se prononcerait là-dessus. On a dit aussi qu'à la
limite il ne devrait pas y avoir des dénis de justice et, dans la mesure
où il y a une telle mention dans l'article de loi, ce serait, dans des
cas difficiles, pour une partie qui se croit lésée, de prendre un
bref d'évocation, parce que la commission aurait agi de bonne foi en
s'appuyant sur une disposition de la loi qui lui permet d'invoquer la bonne
gestion des ressources humaines.
M. Gendron: Je reviens rapidement sur un élément
dont j'ai parlé tantôt, mais j'avais fait une omission. Je voulais
savoir... Vous avez indiqué que, pour ce qui est de la nomination, entre
autres, des présidents et des vice-présidents, cela devrait
être précédé d'une consultation. La question que je
voudrais vous poser est la suivante: Croyez-vous que l'on devrait, quelque part
dans le projet de loi, faire obligation au gouvernement de s'assurer qu'il y
ait consultation? Il y a une différence entre exprimer cela dans un
mémoire... Vous avez raison de dire: On va souhaiter que le gouvernement
consulte. Cependant, compte tenu de l'importance de cette nouvelle commission,
de la nécessité de lui conférer, avant même qu'elle
n'existe, une notoriété importante, ne serait-ce pas envisageable
d'avoir une disposition dans le projet de loi qui oblige le gouvernement
à procéder à une consultation, à tout le moins ehe2
des instances aussi spécialisées dans le domaine que le patronat,
les centrales syndicales et sûrement des gens qui, tous les jours, sont
là-dedans?
M. Girard: Effectivement, pour le président, on
souhaiterait qu'il y ait une obligation. C'est prévu dans le cas des
vice-présidents, mais ce n'était pas prévu dans le cas du
président. On souhaiterait une telle obligation.
Un dernier commentaire que je voudrais faire toujours sur la notion de
gestion des
ressources humaines. Nous sommes très intéressés
à l'invitation qui nous a été faite par le ministre de
voir s'il n'y aurait pas moyen de réécrire l'article autrement,
parce que vous comprendrez que c'est capital. On a dit que l'intervention du
gouvernement, en présentant ce projet de loi, est fort
intéressante parce qu'elle va dans le sens des nouveaux courants en
gestion des ressources humaines. Donc, il ne faudrait pas escamoter le
problème. En ce sens, si on pouvait bonifier l'article pour tenir compte
des arguments invoqués de part et d'autre, ce serait avantageux,
effectivement.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, sur
l'inclusion de deux juridictions ou de deux responsabilités et tes
services essentiels. C'est strictement un commentaire sur les commentaires que
vous avez émis. Cela fait 18 mois que j'occupe le poste de ministre du
Travail et je vous dirai que l'élément services essentiels, dans
des conflits que j'ai vécus - je pourrais même dire qu'on a
vécus, dans certains cas...
M. Girard: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...modifie le rapport de forces et
cela fait partie de l'ensemble du portrait. Lorsqu'on choisi de l'isoler, on
fait abstraction - et c'est ma perception - d'une des réalités
qui affectent le rapport de forces entre les parties et dont il faut tenir
compte à toutes les étapes, autant celle de la conciliation,
celle de la médiation que celle de l'adjudication, si c'est
nécessaire. En tout cas, c'est une expérience de 18 mois et je
vous la livre comme telle. Quant à l'autre élément que
vous avez soulevé, l'abolition du Commissariat à la construction,
je vous dirai que, sur le plan philosophique ou du fonctionnement, il n'y a pas
plus de différence entre la construction dans l'autre secteur, le
secteur privé, et le secteur public. J'ai eu des entretiens avec les
représentants des travailleurs et des patrons du domaine de la
construction. C'est une tentative que l'on fait. Ce sera en transit. Les gens
de la construction ont réclamé, depuis plusieurs années,
la création d'un tribunal de la construction. Ils pensent que, s'ils
avaient une section, un secteur de la commission ou un vice-président
à la construction avec une équipe de spécialistes, ils
pourraient se trouver à l'aise à l'intérieur d'une telle
commission et voir à leurs affaires. Cela vous paraît-il
inapproprié?
M. Girard: Dans ce sens, on pourrait apporter la même
nuance que celle qu'on a déjà apportée pour le Conseil des
services essentiels, une division spécialisée pour la
construction.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à peu près
l'objectif que l'on vise au moment où on se parle.
M. Girard: Cela irait selon l'esprit de notre mémoire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Je vais demander au critique de l'Opposition et député
d'Abitibi-Ouest de bien vouloir faire ses remarques finales.
M. Gendron: Mes remarques finales. Je pense que votre
contribution est sûrement fort importante et positive en ce qui concerne
la bonne conduite de nos travaux. Le problème qu'à l'Opposition,
ce sont toujours les délais et la non-garantie du degré
d'écoute du ministre. Je ne porte pas de jugement, À partir du
moment où on a des auditions publiques, s'il est très attentif
à tout ce que vous dites, ce sera une contribution des plus heureuses,
surtout qu'il a souhaité que vous en ajoutiez. Il indique qu'il a encore
besoin de vous pour bonifier certains articles et je suis convaincu qu'il a
raison là-dessus. En conséquence, merci de votre contribution,
surtout si elle ne s'arrête pas là.
Le Président (M. Théorêt): M. Girard, vos
derniers commentaires.
M. Girard: Merci beaucoup de nous avoir entendus, nous avons
été très honorés. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier.
J'ai retenu, à part des éléments accessoires et importants
que vous nous avez soulignés, peut-être l'approche philosophique
du début, au moment où vous avez insisté sur le fait qu'on
est en présence d'un changement de structure, mais que cela commande
également, si on veut que cela fonctionne pour le mieux-être de
tous les partenaires, un changement de mentalité. Le gouvernement peut
légiférer un changement de structure et inviter les partenaires
socio-économiques à inscrire une nouvelle philosophie dans le
sens des changements de structure qui vont vers la prise en charge par les
parties de leurs problèmes et éviter, autant que faire se peut,
l'adjudication par un tiers.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, la
commission vous remercie.
Je suspends les travaux de la commission de l'économie et du
travail jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaîtl La commission reprend ses travaux pour la consultation
particulière sur le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des
relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives.
Nous avons devant nous, cet après-midi, les représentants
de la Centrale de l'enseignement du Québec. Je demanderais à
celui ou celle qui dirige le groupe, je ne sais pas si c'est Mme Francine Lamy
ou M. Jean Bouliane, de bien vouloir nous présenter, s'il vous
plaît, les gens qui les accompagnent.
Centrale de l'enseignement du Québec
Mme Lamy (Francine): Francine Lamy. M. Raymond Johnston,
vice-président de la centrale, M. Jean Bouliane, directeur du service
juridique et M. Jean-Marcel Lapierre, conseiller en relations du travail
à la centrale.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.
Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour la présentation de votre
mémoire et qu'après le reste du temps sera réparti entre
les deux formations politiques pour échanger avec vous sur votre
mémoire. Y a-t-il eu des copies du mémoire de
déposées? Oui, on les a eues ce matin. Merci. Je vous cède
la parole.
M. Johnston (Raymond): Est-ce que le micro fonctionne?
Le Président (M. Théorêt): Cela va, oui.
M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, M. le
critique de l'Opposition et autres membres de cette commission parlementaire,
il me fait plaisir, au nom de la CEQ, de vous présenter le
mémoire que nous avons dû préparer dans un délai
quand même relativement bref, mais avec beaucoup d'attention, beaucoup de
soin et des nuits rognées, pour tout le monde que vous avez devant vous,
pour arriver à passer à travers ce contrat dans le court
délai dont on disposait.
Je ne m'étendrai pas sur la présentation de la CEQ. Je
pense que presque tout le monde est familier avec notre organisation, mais je
vous rappellerai cependant que, même si la CEQ est concentrée
essentiellement dans le secteur public pour la grande majorité de son
"membership", cette centrale représente aussi un bon nombre de
travailleurs dans d'autres secteurs, notamment l'enseignement privé, le
loisir, qui n'est pas du secteur public et parapublic de façon
spéciale, les garderies, qui ne sont pas encore reconnues comme
étant du secteur public, et dans le secteur des communications, en plus
des gens qu'on représente aussi, par ailleurs, dans le domaine de la
fonction publique et de la santé et des services sociaux.
Je ne m'étendrai pas non plus sur les services de la centrale que
tout le monde devrait normalement connaître.
À l'instar de plusieurs autres organisations, nous avons
revendiqué, notamment devant la commission Beaudry, l'institution d'une
Commission des relations du travail. On pense que l'institution d'une telle
commission constitue un pilier essentiel à l'application et probablement
une étape importante d'une révision en profondeur du
régime des rapports collectifs du travail.
Avec cette revendication de la création d'une Commission des
relations du travail, nous poursuivions des objectifs importants sur lesquels
je vais essayer de revenir: l'approche globale et intégrée, la
déjudiciarisation et une certaine stabilisation des politiques
d'application de la loi et des règlements.
Nous pensons que l'assiette juridictionnelle de la Commission des
relations du travail doit être globale et générale en
matière de relations du travail et plus particulièrement quant
à l'ensemble des éléments qui concernent les rapports
collectifs de travail.
Cette commission doit également, à notre point de vue,
être investie de pouvoirs d'une portée générale,
tant sur le plan des remèdes que sur le plan des moyens dont elle
dispose pour aborder tous les aspects des problèmes.
Nous poursuivions aussi l'objectif de déjudiciarisation et une
déjudiciarisation élargie nécessite, quant à nous,
la mise en oeuvre d'une autre option à l'adjudication, dont le mandat
d'agir comme catalyseur de la solution négociée des conflits.
Mais le rôle secondaire que nous voulons attribuer a
l'adjudication en relations du travail ne devrait diminuer en rien la
nécessité de simplifier le processus, de
l'accélérer et de le rendre accessible. Par ailleurs, on doit
avoir aussi le souci d'éviter que la mise en place de cette commission
fasse en sorte que la Cour supérieure ne devienne, par ricochet, une
instance d'appel en matière de rapports collectifs du travail. La
commission, quant à nous, doit pouvoir apporter une solution finale aux
conflits.
Quant à la stabilisation des politiques, on pense qu'il y a un
bout qui peut être fait par l'approche globale et intégrée,
mais il est possible également que même une
compétence globale amène certaines contradictions, cette
fois-ci, à l'intérieur de l'organisme.
Donc, la stabilisation des politiques nécessite aussi un certain
nombre de mesures supplémentaires et, là-dessus, nous croyons que
la collégialité des membres qui composent cet organisme est un
élément essentiel. La décision collégiale, à
notre point de vue, serait davantage impartiale parce que institutionnelle et
non pas individuelle et serait mieux reçue par les parties parce qu'elle
gagnerait en crédibilité.
Quant aux règles de pratique et d'énoncés de
politique du fonctionnement, on pense que la simplicité et la souplesse
doivent toujours prévaloir. Les règles de pratique et les
règles de procédure doivent être un guide et non un
obstacle.
Les énoncés de politiques doivent être publics et la
politique d'interprétation des textes législatifs doit être
énoncées et élaborées, non pas dans le vide, non
pas à partir d'appréciations globales, mais à partir des
décisions rendues par la commission.
Il ne faudrait pas se retrouver - pour illustrer cela clairement, M. le
ministre -avec un guide d'interprétation ou des énoncés de
politiques qui auraient le même caractère que les directives
internes de la CSST. Je pense que l'image parle toute seule.
À l'examen du projet de loi, on est porté à croire
qu'il y a un fossé qui sépare les objectifs énoncés
par le ministre et la concrétisation à l'intérieur du
projet de loi. À la lecture des déclarations du ministre, on a
l'impression que le ministre partaqe nos objectifs. Mais on constate par
ailleurs que le projet de loi fait défaut quant à des aspects
importants de cette politique.
On nous dit que le projet de loi vise essentiellement à favoriser
le règlement négocié des problèmes de relations du
travail. Il est assez étonnant, cependant, de penser que la commission
ne soit pas investie du mandat de promouvoir la négociation
collective.
On nous présente le projet de loi comme la solution à
l'inefficacité du système actuel. Mais, par ailleurs, on
maintient la compétence de plusieurs autres intervenants pour appliquer
le code et on propose des textes ambigus et confus qui risquent d'alimenter les
recours extraordinaires.
Par ailleurs, le projet de loi ne privilégie pas la
collégialité. Et ce qui est encore inquiétant, c'est que
le projet de loi est pauvre en garanties quant à l'indépendance
de l'organisme proposé.
Nous avons aussi été étonnés et
inquiétés de la place accordée aux pouvoirs de
redressement de la commission en matière de grève illégale
sans qu'on trouve par ailleurs de véritables équivalents pour
assurer l'exercice des droits syndicaux, y compris le droit à la
négociation collective. L'absence, notamment de juridiction de la
commission sur l'application des mesures antibriseurs de grève est,
à notre point de vue, un exemple assez évident du
déséquilibre inhérent au projet de loi.
De plus, l'introduction des notions d'intérêt public -
l'intérêt du public - et de la bonne gestion des ressources
humaines comme balises du mandat de la commission appellent de façon
à peine voilée un rétrécissement de la mission
fondamentale du Code du travail de promouvoir la liberté et le droit de
s'associer et de négocier collectivement.
Pour nous, le projet de loi, dans sa version actuelle, risque de
produire un organisme qui ne sera pas apte à intervenir
adéquatement et efficacement en matière de relations du travail
et plus particulièrement en matière de rapports collectifs du
travail. (15 h 15)
Je vais essayer de présenter sommairement chacun de ces points.
Je vous signale d'abord qu'on a été étonné de voir
la façon dont on crée, à l'article 112, ta Commission des
relations du travail, avec un encadrement, avec des objectifs à
poursuivre qui, à notre point de vue, imprèqnent une certaine
forme de philosophie à l'application et à l'interprétation
du code, mais pour les fins de la commission seulement. En résumé
- on pourra peut-être y revenir - on considère cette approche
comme partielle, partiale à plusieurs égards et susceptible de
créer de la confusion dans les rôles. On pense que, si on doit
déterminer quelque part la philosophie du Code du travail, il y aurait
peut-être lieu, plutôt que de baliser l'exercice des pouvoirs de la
commission par une déclaration du type de ce qu'on retrouve au projet de
l'article 112, de penser à un préambule au Code du travail qui
énoncerait clairement les finalités et les objectifs du code, de
telle façon que les tribunaux qui auraient à l'interpréter
seraient, comme les parties, dans la même ligne que la direction qui est
donnée à la Commission des relations du travail. Cela ne veut pas
dire que nous partageons la philosophie de l'article 112, mais j'y
reviendrai.
Sur la notion de préambule, il y a des précédents.
L'ancienne loi québécoise sur les différends ouvriers au
Québec, le Code canadien du travail, la loi sur les relations du travail
de l'Ontario et le rapport Beaudry l'avaient également
recommandé. Nous pensons que, pour donner un sens au Code du travail,
pour donner un sens aux rapports collectifs du travail, il faut que le
préambule et les intentions des législateurs soient clairement
exprimés. Il faut laisser une place importante à l'affirmation
que le code doit encourager les libres négociations collectives. Il doit
aussi souligner le consensus constaté tant à l'échelle
canadienne qu'à l'échelle
québécoise et se raccorder aux engagements internationaux
que le Québec a déjà contractés.
Là-dessus, on pense que le préambule du Code canadien du
travail serait une formule intéressante à regarder dans le cadre
de la recherche de l'expression claire de l'affirmation du droit et des
libertés syndicales et de leur sens dans une loi sur le travail au
Québec.
Par ailleurs, quand on examine l'article 112, au-delà du
débat de savoir si on doit mettre les intentions et la philosophie dans
un article qui crée la commission plutôt que dans un
préambule, nous pensons que l'article qui nous est
présenté est tout à fait inacceptable. On a
souligné l'absence de l'encouragement de la négociation
collective: aucune mention dans cette disposition qui veut encadrer l'exercice
de la juridiction de la commission; le recours à un terme neutre comme
"administrer", l'utilisation des mots "droit d'association" plutôt que
"liberté et droit syndical"; aucune mention du fait que la
finalité du code et la finalité du rôle de la commission
devraient être orientées vers la recherche de bonnes conditions de
travail pour les salariés auxquels ils s'adressent; le problème
de l'utilisation du terme "ordonner" dans le règlement des conflits,
à cause de ce que cela évoque par opposition à
l'utilisation d'un terme ou d'une expression comme "règlement positif
des conflits". L'insertion de la notion d'intérêt public -
l'intérêt du public - qui est habituellement utilisée dans
la législation pour restreindre l'exercice des droits syndicaux nous
inquiète profondément. Selon l'expérience qu'on a, on
craint que cette conception étroite de l'intérêt du public
soit plutôt celle des besoins de services et de biens et que cela mette
la commission sur la ligne de la répression plutôt que sur la
ligne de la recherche des règlements négociés. La notion
de bonne gestion des ressources humaines nous paraît aussi
inacceptable.
On pense qu'il y a plusieurs éléments de la gestion des
ressources humaines qui sont l'objet d'une négociation.
Si la commission doit "relativer" l'exercice des droits du code par une
formule comme celle-là, cela revient à dire que la commission a
le mandat de préserver, au-delà du rapport normal entre les
parties, un droit de gérance pour l'employeur. Je vous rappelle, M. le
ministre et M. le critique de l'Opposition, les propos tenus par la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: cela
peut également permettre à certains de venir plaider devant la
commission que les droits prévus au Code du travail doivent se moduler,
quant à leur exercice, selon la taille de l'entreprise.
La compétence de la commission, rapidement. Nous nous opposons
à l'exclusion du personnel salarié de la commission, comme c'est
prévu dans le projet de loi. Il y a des exclusions actuellement dans le
code. Elles sont suffisantes. Exclure tout le personnel de la commission, cela
revient à limiter le droit d'association. Là-dessus, il y a un
examen attentif à faire.
Nous sommes d'accord avec la thèse qui prévaut à
l'article 61 du projet de loi et qui veut opérer un transfert de la
juridiction du Tribunal du travail dans la Loi sur la fonction publique
à la Commission des relations du travail. Mais on pense que cela devrait
aussi être l'occasion de préciser -puisqu'il y a une certaine
forme d'ambiguïté pour l'instant - que l'article 45 du Code du
travail s'applique aussi au personnel du gouvernement.
Sur la question de la construction, je ne parlerai pas longtemps. Je
vais aborder la question de la compétence de la commission. On pense
qu'il faut aller vers une compétence globale, intégrée et
dans une large mesure exclusive à la commission. Pour nous, la solution
efficace au problème de rapports collectifs du travail passe par un
organisme investi d'une compétence globale sur l'ensemble des
matières visées par le code, sauf pour les exceptions qui sont
généralement acceptées. On les énumère dans
notre mémoire. Je ne m'attarderai pas là-dessus. On constate
cependant que le projet de loi multiplie les exceptions. Des matières
comme le maintien des conditions de travail, l'imposition d'une première
convention collective, les pratiques en cours de grève,
c'est-à-dire le piquetage et le recours à des briseurs de
grève, le refus de réintégrer à la suite d'un
conflit de travail ou le refus d'embauche, on pense que ce sont des exceptions
qui créent un déséquilibre dans les mandats de cette
commission. Ces exceptions risquent aussi de rendre inefficace cette commission
puisqu'elle devra probablement sanctionner des gestes illégaux qui
auront été provoqués par l'absence de juridiction claire
sur les éléments que l'on vient de mentionner.
Quant à l'accréditation et aux questions connexes, il y a
un pas de fait dans la bonne direction avec les propositions faites.
Quant au devoir de juste représentation, nous sommes
généralement d'accord avec la portée du projet de loi,
mais je vous souligne que, sur le fond, nous sommes opposés au maintien
de l'article 47.2 du Code du travail, comme nous l'étions au moment
où cela a été adopté. L'expérience nous
démontre que ces dispositions-là, loin de servir les objectifs
prévus, servent plutôt d'échappatoire à l'exercice
collectif de considération de la situation des groupes minoritaires
à l'intérieur d'un syndicat.
Nous voulons souligner aussi qu'il serait opportun que, dans la
deuxième vague de modifications, il y ait un réexamen en
profondeur de cette question. Le Code du
travail crée un déséquilibre entre les parties
syndicales et patronales: Il impose des obligations à la partie
syndicale qui n'ont aucune contrepartie pour la partie patronale et, en plus,
il impose des obligations pour lesquelles il n'y a pas de moyens pour les
organisations syndicales.
Je ne m'attarderai pas sur les pratiques déloyales. Je vous
souligne cependant deux problèmes particuliers: l'interprétation
de l'article 15 du code qui est restrictif actuellement et qui
mériterait une modification législative et le fait qu'il est tout
à fait inacceptable que la commission n'ait pas de juridiction sur le
refus d'embauche pour activités syndicales.
Je veux attirer plus particulièrement l'attention des membres de
la commission sur le fait que le projet de loi évince les dispositions
antibriseurs de grève de la compétence de la Commission des
relations du travail. Je passe des grands bouts de notre mémoire parce
qu'il est très volumineux. Cela me semble refléter une
espèce d'incompréhension de la réalité et des
pratiques déloyales des employeurs en cours de grève et l'impact
que cela peut avoir sur la durée des conflits. La sanction pénale
a posteriori ne règle rien là-dedans.
Je vais m'arrêter, compte tenu de la composition de notre
centrale, sur l'approche générale qui concerne les secteurs
public et parapublic et les services publics. Je suis rendu à la page 30
- c'est un survol rapide -pour ceux qui ont de la difficulté à me
suivre. Nous avons toujours dit que nous étions favorables à un
régime légal des rapports collectifs du travail qui soit
applicable à tous et conçu en un tout intégré.
À notre avis, des dispositions particulières dans les secteurs
public et parapublic, notamment, ne devraient être adoptées que
lorsqu'une situation spécifique le justifie et exclusivement dans cette
mesure.
Rien ne justifie que, dans les secteurs public et parapublic, l'approche
des rapports collectifs du travail ne soit pas d'abord et avant tout
centrée sur le règlement des différends par la
négociation collective. Nous sommes d'accord avec le transfert de
juridictions du Conseil des services essentiels vers la commission, mais dans
la mesure où ce que je viens de vous dire est imprimé dans le
projet de loi.
Rapidement, je vous signale - à la page 32 - que, quant à
nous, le principe de l'exclusivité de la compétence de la
commission est posé en termes très ambigus à l'article
132. On pense que cela pourrait être interprété comme ne
conférant qu'une exclusivité ponctuelle et partielle à la
commission, alors que nous croyons que le Code du travail devrait exprimer
l'exclusivité de la compétence sous forme de matières en
prévoyant les exceptions et non pas seule- ment sous forme de
procédure et en termes généraux.
(15 h 30)
Nous croyons que la commission doit aussi être investie
exclusivement du pouvoir d'indemniser les parties pour le préjudice
qu'elles ont subi en raison d'une contravention au Code du travail. Mais, par
ailleurs, nous pensons que le pouvoir d'indemniser des tiers n'a pas sa place
dans une loi qui concerne les rapports collectifs du travail.
Au chapitre 4, je vous rappelle rapidement que nous demandons une
précision sur le pouvoir d'enquête. Nous sommes d'accord avec la
philosophie de mettre l'accent sur la médiation, mais il ne faut pas
être naïf. Les bonnes intentions la-dedans sont aussi liées,
jusqu'à un certain point, aux moyens qui sont mis à la
disposition d'un organisme comme celui-là.
Pour ce qui est de l'adjudication, je pense qu'il y a des
précisions à apporter, notamment sur le pouvoir de rendre des
décisions de nature provisoire et déclaratoire et
également sur le refus d'exercer les pouvoirs de redressement.
Sur les pouvoirs de redressement, je vous signalerai, comme cela l'a
été dans d'autres mémoires, qu'on a constaté que
les employeurs n'étaient pas explicitement visés par le texte. Il
y a des risques que le gouvernement, l'État employeur, et que les
corporations qui constituent des personnes morales ne soient pas
nécessairement visés par l'article tel qu'il est
rédigé. Donc, il y aurait là-dessus à faire
minimalement un effort de rédaction supplémentaire, ce que nous
suggérons à la page 40.
J'attire aussi votre attention sur la portée de l'article 134.
Cela a peut-être l'air d'avocasseries pour des gens qui veulent
déjudiciariser, mais il y a là un problème
d'écriture, assez substantiel, à notre point de vue. Je vais
passer rapidement sur ces dispositions.
Je vous souligne le déséquilibre global dans l'approche
d'une commission qui, en principe, est une commission qui doit pouvoir
intervenir sur la contravention au code. Mais la loi, quant à elle, ne
devrait pas présumer qu'une partie sera plus portée à
contrevenir que l'autre. Il nous semble qu'à l'intérieur des
dispositions il y a une certaine forme de partialité législative
dans la façon d'énoncer les pouvoirs de la commission. A la page
43, nous faisons une suggestion de réécriture
là-dessus.
Sur les recours, comme d'autres, nous pensons que la loi doit les
prévoir. Il nous semble contestable qu'on puisse établir par
règlement la naissance des recours et la façon dont ils
naissent.
Sur la révision, nous pensons que l'expression "pour cause" est
limitative. Nous vous suggérons une autre formule et nous
vous suggérons également que, dans le cadre de la
révision, la commission siège en comité sur ces questions
et non pas des individus révisant des décisions d'autres
individus.
Le chapitre 5 est un chapitre important et je vais essayer de vous le
résumer rapidement. Nous tenons à ce qu'une Commission des
relations du travail viable dans le secteur des rapports collectifs du travail
soit, d'abord, indépendante du gouvernement; deuxièmement,
indépendante des parties et puisse agir, à ce titre, dans
l'ensemble des rapports qu'elle aura avec les parties. Cela nécessite
donc une certaine forme d'encadrement.
En ce qui a trait aux nominations, à la page 48, nous avons une
suggestion là-dessus. Cela nécessite aussi un effort en ce qui
concerne les mandats et le renouvellement des mandats, ce que nous traitons en
pages 49 et 50 et surtout, on doit inviter le gouvernement à exclure le
recours aux commissaires à temps partiel. Même si -d'ailleurs,
à la lecture du projet de loi, on se rend compte de cela - l'absence de
conflit d'intérêts qui est prévue dans le projet de loi
s'appliquait seulement aux commissaires à temps plein. Les commissaires
à temps partiel, vu qu'on reconnaît qu'ils doivent vaquer à
d'autres occupations, ne sont pas soumis aux mêmes règles que les
commissaires à temps plein. On pense que, par là, on peut
recréer une certaine forme de représentation des parties à
l'intérieur de la commission et en faire une commission
représentative par le biais, ce qui doit être écarté
au point de départ.
Page 51: le problème de l'indépendance de la commission
à l'égard du gouvernement et particulièrement du ministre.
J'attire votre attention là-dessus. On pense que l'article 131 doit
être retiré.
Sur le fonctionnement général de la commission, nous
l'avons dit...
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, le temps qui
avait été prévu pour la présentation de votre
mémoire est terminé, mais si j'ai le consentement... Selon vous,
combien vous resterait-il de temps pour terminer votre...
M. Johnston: Cinq minutes.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors,
allez-y.
M. Johnston: Le fonctionnement de la commission. Nous
privilégions le fait que la commission fonctionne sur une base
collégiale - nous l'avons dit tantôt - question d'assurer que les
décisions soient davantage institutionnelles que
personnalisées.
Deuxièmement, c'est un facteur important de
crédibilité pour l'organisation et, ultimement, cela pourrait
peut-être réfréner les envies de contester la juridiction
de la commission. Dans la mesure où on veut privilégier la
collégialité, cela suppose qu'il y ait aussi certaines garanties
quant au nombre de personnes qui composent la commission et, par le fait
même, son personnel.
Nous pensons aussi que la conception que le projet de loi
véhicule quant au rôle du président est abusive. Qu'on
donne au président un rôle administratif de coordination, de
"dispatchage" des dossiers, cela va, mais qu'on lui donne un pouvoir de
directive qui, à la limite, pourrait faire de lui "la" commission, nous
pensons qu'il y a un gros problème là-dedans.
Au sujet des énoncés de politique, j'en ai parlé
brièvement tantôt, mais il y a une recommandation, à la
page 54, que je vous demande de regarder. Je veux souligner qu'on est d'accord
avec la disparition des trois paliers comme cela existe dans le régime
actuel, mais il y a certaines précautions à prendre. On pense que
le projet de loi devrait comporter des dispositions contenant ces
précautions. On est d'accord avec le fait que les membres de la
commission fassent de la médiation, mais il faudrait éviter que
les membres de la commission qui ont tenté d'amener les gens à
faire de la médiation soient aussi, le cas échéant, les
personnes qui aient à rendre des décisions dans les cas où
ils ont fait cette médiation. Cela nous apparaît une règle
de justice naturelle qu'une loi de cette nature devrait normalement comprendre
comme garantie minimale et apparente.
Sur toute la question de l'audition des parties, nous pensons qu'il y a
des mesures qui s'imposent et qui doivent être prises afin que la
Commission des relations du travail puisse procéder sans tenir
d'audition, lorsque les circonstances le justifient, mais sans risquer de voir
ses décisions annulées par la Cour supérieure. Il y a un
effort de recherche à faire de ce côté, je l'admets, mais
cela nous apparaît essentiel, si on ne veut pas, par ailleurs, ouvrir la
porte à toute une série d'évocations, à toute une
série de contestations, ce qui amènerait la paralysie
complète de la commission.
Je résume en deux phrases notre chapitre 5 sur le Tribunal du
travail. Nous pensons que le Tribunal du travail, à l'encontre des
orientations qui apparaissent dans le projet de loi, doit être maintenu.
Nous nous opposons à ce que toutes les poursuites pénales s'en
aillent du côté des cours de sessions de la paix et nous pensons
que le Tribunal du travail pourrait se voir confier un rôle
complémentaire en matière de poursuite pénale, de
même qu'un rôle complémentaire pour un bon nombre de
dispositions que nous énumérons à l'intérieur de ce
chapitre-là, notamment tout ce qui concerne les rapports individuels du
travail.
Vous avez compris, M. le ministre,
comme je l'ai dit, qu'on était pour une compétence globale
et exclusive de la commission et on est d'accord avec vous sur le fait qu'il
n'y a pas d'appel devant le Tribunal du travail des décisions de la
commission.
En matière pénale aussi, on souhaiterait qu'il y ait une
autorisation de la commission avant d'aller sur ce terrain-là, parce
qu'on ne pense pas qu'il y ait avantage pour quelque partie que ce soit que des
amendes soient imposées à d'autres parties, s'il y a par ailleurs
d'autres moyens de remédier aux difficultés.
Je résume brièvement notre conclusion. Nous acceptons,
nous, dans la révision actuelle des règles concernant les
rapports collectifs du travail, contrairement à la CSD qu'on a entendue
hier soir, qu'il y ait une première étape qui soit la
constitution d'une Commission des relations du travail. Nous pensons qu'il ne
faut pas perdre de vue la deuxième étape, cependant; c'est
très important. Et on va vous surveiller, les deux côtés de
la Chambre, là-dessus; comptez sur nous!
Avec toutes les lacunes que nous avons trouvées à
l'intérieur de ce projet de loi - je pourrais vous souligner que nous
n'avons même pas fait mention des erreurs techniques dans notre
mémoire, nous les avons retirées; il y a des erreurs techniques
grossières qui apparaissent dans ce projet de loi, ce qui nous permet de
croire que cela a été un peu, probablement, improvisé -
nous croyons donc qu'il a besoin de modifications très substantielles
pour que sorte de ce projet de loi, qu'apparaisse une Commission des relations
du travail qui soit viable en matière de rapports collectifs du travail
au Québec.
M. le ministre, à moins que je ne vous dérange, je vous
signalerai que, si on veut une commission des relations du travail, nous ne
voulons pas de la Commission des relations du travail que nous avons vue,
élue, dans le projet de loi et qui ne correspond pas à celle que
vous décriviez dans les objectifs que vous avez vous-même
énoncés avant le dépôt du projet de loi et lors de
sa présentation en première et en deuxième lectures.
Nous serions prêts à vous suivre sur bon nombre des
énoncés que vous avez vous-même faits pour annoncer ce
projet de loi, mais force nous est de constater qu'il y a un fossé
important entre ce que vous avez annoncé et la traduction technique qui
en a été faite dans ce projet-là.
Comme vous avez dit hier que nous n'avez cherché à tromper
personne dans vos déclarations, il y a donc un problème de
concordance entre les orientations que vous annoncez et la traduction technique
de votre projet de loi.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce dernier commentaire,
M. Johnston, nous allons maintenant passer à la période
d'échanges avec les membres de la commission. Je vais d'abord
céder la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, vous
me permettrez, M. le Président, de remercier la CEQ pour son
intérêt particulier. Vous avez dit dans vos premiers propos: Nous
avons porté beaucoup d'attention et de soins, et la lecture de votre
mémoire révèle que vous avez porté beaucoup
d'attention et de soins, en effet, à ce projet de loi.
J'accepte tous vos propos, sauf... Et je m'inscris en faux
immédiatement, lorsque vous parlez d'erreurs techniques
grossières. Je ne me sens pas particulièrement visé, parce
que vous savez de quelle façon un gouvernement et un ministre
fonctionnent. Vous attaquez à ce moment-là les conseillers
juridiques du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, du ministère de la Justice, des firmes
privées, etc., tout le monde qui a mis la main à la pâte.
Je suis certain que vous êtes capable de trouver d'autres experts
juridiques, d'ailleurs, c'est dans la nature des avocats d'être en mesure
de contredire l'autre et de gagner leur vie ainsi. J'ai fait cela pendant cinq
ans avant d'aller en pratique privée. (15 h 45)
Mais je tiens à vous souligner que, oui, il y a certains
ajustements - je l'ai indiqué hier - à faire au projet de loi. Il
y a certaines interprétations à clarifier et nous avons besoin de
la collaboration des parties pour le faire. Mais je ne suis pas prêt
à faire miens les propos que vous avez énoncés en ce sens
qu'il y a des erreurs techniques grossières, parce que c'est large comme
prise de position.
Comme je l'ai indiqué aux autres participants, hier ou
avant-hier, l'Assemblée nationale a adopté les principes qui
sous-tendent le projet de loi de façon unanime. L'Opposition a
indiqué qu'elle avait des réserves et des questions
sérieuses à poser. De notre côté, des
réflexions et les gens qui ont comparu nous ont amenés à
nous poser également certaines questions de façon à faire
en sorte qu'on puisse clarifier, bonifier le projet de loi pour qu'il soit le
moins contesté ou contestable possible et à profiter des
audiences publiques pour amener les principaux partenaires
socio-économiques, autant la partie patronale que syndicale,
peut-être à s'acheminer dans le sens où elles ont
réussi à le faire lors de certains conflits ou dans
l'époque plus contemporaine, en laissant de côté de plus en
plus, mais pas suffisamment, l'approche conflictuelle pour embrasser une
approche de médiation, de
conciliation et régler elles-mêmes leurs
problèmes.
Pour en revenir plus directement à votre mémoire, j'aurais
beaucoup de questions à vous poser. Mais le temps qui m'est imparti
m'oblige à me limiter également à des questions que j'ai
tenté d'isoler et qui réapparaissent très importantes.
À la page 17 de votre mémoire, vous traitez de la question
de la bonne gestion des ressources humaines que l'on retrouve à
l'article 112 du projet de loi. Je vais poser la question que j'ai posée
à peu près à tous les organismes. La partie patronale
s'oppose à ce que l'on inclue une telle définition dans l'article
112, disant que c'est au droit de gérance du patron qu'on s'attaque
lorsqu'on inclut une telle expression. La partie syndicale nous a dit
jusqu'ici: Cette question appartient et aux patrons et aux syndiqués et
le gouvernement n'a pas d'affaire à s'en mêler. Ce matin, nous
avons eu des représentations intéressantes de la part des
conseillers professionnels en relations industrielles qui ont dit: Si c'est
ça que le gouvernement veut dire, c'est peut-être
intéressant, mais en y mettant leur propre définition. Si ce
n'est pas ça, c'est à rejeter.
Je voudrais savoir si, pour vous, cette notion est complètement
â rejeter ou si elle n'est pas à améliorer et à
définir de façon plus précise.
M. Johnston: Ma réponse va être simple: Oui, c'est
à retirer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 20 de votre
mémoire, je prends note que vous manifestez votre accord au fait que
nous assujettissions le secteur de la construction. Vous êtes te premier
groupe qui manifeste dans son mémoire clairement son accord. Je tiens
à le souligner. Cela prouve jusqu'à quel point vous êtes
allés dans le détail lors de l'analyse que vous avez
effectuée.
M. Johnston: M. le ministre, si vous me permettez; j'ai compris
aussi que la Fédération des travailleuses et travailleurs du
Québec maintenant ne s'y opposait pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez bien compris, mais ces
gens ne l'avaient pas inscrit dans leur mémoire. C'est à la suite
de discussions qu'on a soulevées avec M. Lavallée, entre autres,
qui est président du secteur construction de la FTQ. À la page
21, vous traitez de la question de l'accréditation et de questions
connexes. Au dernier paragraphe, vous dites: "Nous sommes également
d'accord avec l'article 33 proposé par l'article 16 du projet de loi qui
attribue à la commission la compétence de déterminer le
caractère approprié de l'unité de négociation,
malgré une entente entre les parties."
Il y a beaucoup d'intervenants qui nous ont suggéré de
retirer cette partie de l'article, argumentant que, lorsqu'il y a entente entre
les parties, ça devrait être là l'objectif recherché
par le projet de loi. L'adjudicateur, la commission comme telle, dans son
rôle d'adjudication ne devrait pas avoir le pouvoir de remettre en cause
une entente de gré à gré intervenue entre les parties.
Là-dessus, j'aimerais que vous élaboriez, parce que je pense que
vous êtes le premier qui insistez pour que l'on conserve cet
élément.
M. Johnston: Très simplement, notre réflexion sur
cela nous amène à croire qu'il peut arriver que de gré
à qré les parties conviennent d'une unité qui n'ait aucune
espèce de viabilité à long terme et qu'accorder à
la commission un pouvoir d'intervenir malgré une entente entre les
parties, cela permet d'assurer la viabilité de l'unité
d'accréditation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être argumenter
a contrario de ce que j'ai fait jusqu'à présent, parce que, si
c'est inscrit, c'est que cela a reçu un premier accord, mais non pas un
accord définitif, du gouvernement et du ministre concerné. Alors,
est-ce que cela ne risque pas d'inciter les parties à signer à
peu près n'importe quoi pour s'en remettre par la suite à la
commission pour qu'elle tranche?
M. Johnston: Vous pouvez faire toutes les hypothèses
possibles et inimaginables. Quand les parties s'entendent, elles essaient de
s'entendre sur la base de leurs intérêts respectifs, mais
l'intérêt du régime et l'intérêt de la
viabilité à long terme des unités, c'est une question qui
dépasse l'opportunité immédiate, à notre point de
vue.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 50 de votre
mémoire, vous traitez des nominations à temps partiel. Quelques
intervenants en ont traité, d'autres ont laissé cet
élément de côté, mais vous le traitez globalement
jusqu'à dire: "Nous proposons donc que les articles 116 et 121
proposés par le projet de loi soient amendés pour enlever toute
référence à des nominations à temps partiel."
Est-ce que cela inclut que vous auriez objection à ce que des
commissaires à temps partiel puissent siéger dans des
matières non litigieuses, là où le geste est strictement
administratif?
M. Johnston: Écoutez, cela vous amène
automatiquement, M. le ministre, à concevoir que le travail de la
commission ou des membres de la commission va être fragmenté en
tiroirs et nous, comme vous, je pense,
nous soutenons la thèse que l'opportunité d'avoir une
Commission des relations du travail soulève un intérêt dans
la mesure où il y a possibilité pour cette commission et les
membres de cette commission d'avoir une approche globale des problèmes.
À ce titre, je pense que vous êtes capable de comprendre qu'il y a
une difficulté, parce que vous allez engendrer automatiquement un
fonctionnement à tiroirs incompatible avec l'approche globale de la
commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 51, concernant
l'indépendance de la commission et quant au libellé de l'article
131 du projet de loi qui dit: "La commission fournit au ministre tout
renseignement ou tout document que celui-ci requiert sur ces activités."
Et, vous indiquez: "Nous croyons donc impératif pour assurer
l'indépendance de la commission que l'article 131 proposé par le
projet de loi soit retiré." Vous mentionnez à un moment
donné que cet article peut permettre au ministre du Travail, qui qu'il
soit, de n'importe quel gouvernement, de s'ingérer dans le
fonctionnement et les décisions comme telles de la commission.
M. Johnston: Nous pensons que cela peut ouvrir la porte à
des pressions indues sur la direction et le personnel de la commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vous indiquerai et je vous
dirai pourquoi nous l'avons mis, quoique peut-être le libellé
puisse être amélioré. Le domaine des relations du travail
est un domaine qui a une sensibilité politique. Les décisions qui
doivent être rendues doivent être rendues de façon
totalement indépendante, nous en sommes. Maintenant, quel que soit le
gouvernement en place, le ministre du Travail est, je ne dirai pas
quotidiennement, mais hebdomadairement interrogé sur l'état des
conflits comme tels et s'il n'obtient pas les renseignements, non dans le but
d'influencer la décision, mais dans le but de fournir une information
qui soit de caractère public aux membres de l'Assemblée nationale
et par le fait même à la population, on peut se ramasser dans des
situations difficiles pour quelque gouvernement que ce soit.
M. Johnston: Je suis capable de comprendre qu'un élu
politique a le volonté de pouvoir supporter la charge qu'il assume comme
ministre, mais, par ailleurs et malgré cela, à notre point de
vue, même si cela peut peut-être laisser le ministre dans des
situations un peu inconfortables, dans la mesure où on conçoit
qu'il s'agit d'un organisme qui n'est pas dépendant du gouvernement, un
organisme qui doit avoir une entière marge de manoeuvre à
l'intérieur du mandat qui lui est donné. Nous pensons que les
risques sont trop qrands de maintenir l'article 131 et de faire en sorte qu'un
jour, demain ou après demain, un ministre se serve de ce pouvoir pour
exercer des pressions politiques indues auprès de la commission.
Et, à tout prix, même si cela doit poser des
problèmes de carrière politique pour le ministre, nous croyons
qu'il faut écarter cela.
M. Gendron: Un petit aparté en vous laissant le droit de
parole. Cela m'étortnerait que ce soient les vrais motifs pour lesquels
vous voulez avoir cela. Compte tenu du genre de réponse que vous et vos
collègues faites, cela m'étonnerait que vous manquiez
d'information.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député
d'Abitibi-Ouest, vous êtes mon troisième critique, les deux autres
étaient satisfaits.
M. Johnston: Le ministre du Travail dispose quand même de
personnel à l'intérieur de son ministère qui pourrait
peut-être faire l'examen des dossiers litigieux, sans
nécessairement être obligé de demander à la
Commission des relations du travail de lui fournir au jour le jour
l'évolution du dossier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et c'est pourquoi dans la
formulation - si vous avez une façon de baliser davantage - nous avons
tenté de le baliser en disant: "La commission fournit au ministre tout
renseignement ou tout document que celui-ci requiert sur ses activités."
Donc, elle fournit des renseignements. Cela ne va pas dans le sens que le
ministre dicte des choses. Cela va dans le sens que la commission fournit des
renseignements. On peut le libeller de quelque façon que ce soit, la
nature humaine étant ce qu'elle est et les pressions étant ce
qu'elles sont, quelqu'un pourrait tenter d'en profiter, mais on ne pense pas
que le libellé actuel donne une ouverture légale à quelque
ministre que ce soit pour le faire.
M. Johnston: Écoutez, je ne prétends pas que cela
donne un pouvoir au ministre d'agir directement sur la commission, je n'ai
jamais prétendu cela. D'accord?
Cependant, tout être intelligent peut comprendre que les commandes
d'information supplémentaires, à répétition et de
plus en plus pointues sur un dossier, peuvent avoir pour effet d'indiquer une
volonté politique de direction du règlement de ce dossier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous répondrai que tout
être intelligent peut
comprendre que cela dépend du contexte et je vais vous donner des
exemples. Si vous avez un conflit qui touche le transport en commun à la
ville de Montréal, des demandes répétées
d'information n'indiquent pas un sens de direction, mais indiquent que la
population veut savoir où le dossier s'en va à un moment
donné et si vous prenez la même attitude dans un dossier où
il y a trois employés d'impliqués dans le secteur privé,
dans un secteur de fabrication de chaussures, cela ne veut pas dire la
même chose, je suis d'accord avec vous.
M. Johnston: M. le ministre, je ne veux par entrer dans les
détails, mais j'ai vécu moi-même une période de
conflit où il y avait un conciliateur du ministère qui
était assis avec nous pour tenter de résoudre les
difficultés et, à un moment donné, il s'est choqué
devant le comportement de la partie patronale. Cela a pris dix minutes avant
qu'il reçoive un appel du ministère pour lui reprocher d'avoir
fait une colère à la partie patronale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Du ministre du Travail actuel?
M. Johnston: Non, non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, d'accord. Je veux
préciser parce que pour le Journal des débats j'aime les
situations claires. À la page 56 du mémoire, la question de
l'audition des parties, question importante que vous avez soulevée, vous
concluez en recommandant que les mesures qui s'imposent soient prises afin que
la Commission des relations du travail puissse procéder sans tenir
d'audition lorsque les circonstances le justifient sans risque de voir ses
décisions annulées par la Cour supérieure. Vous direz que
les avis que nous recevons ou que nous avons reçus sont que, lorsqu'il
s'agit d'une décision à caractère purement administratif
telle que définie par la jurisprudence, cela ne porte pas à
conséquence. Lorsqu'il s'agit d'une décision qui, suivant les
critères jurisprudentiels établis, porte sur les droits des
parties, cela pourrait porter à conséquence et, malgré
toutes les ressources auxquelles nous avons fait référence pour
construire le projet de loi, on ne semble pas être capable de trouver
cette recette magique qui, dans le cas où les droits des parties sont
affectés, dans le cas où la décision rendue satisfait aux
critères jurisprudentiels d'une décision judiciaire ou quasi
judiciaire, qu'on puisse mettre de côté une des règles de
justice naturelle qui s'appelle la règle audi alteram partem. Est-ce
que, du côté de la CEQ, vous avez été plus chanceux
dans vos recherches? (16 heures)
M. Johnston: M. le ministre, vous sentez bien qu'au coeur de ce
problème il y a tout le problème de l'accréditation. Il y
a fort probablement moyen, par une procédure d'enquête très
poussée, que cela soit possible de rendre des décisions sur
dossier dans la majeure partie des cas. Mais il est également possible
qu'il y ait des gens qui prétendent qu'il y a des décisions
rendues sur dossier qui ne leur ont pas permis de se faire entendre et qui
posent un problème. C'est particulièrement sur ces
éléments que nous voudrions que la recherche se poursuive pour
assurer la sécurité juridique du fonctionnement de !a Commission
des relations du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je présume que la CEQ est
quand même au courant de l'évolution jurisprudentielle quant
à l'interprétation de la règle audi alteram partem
où on est parti d'un formalisme, présence physique, etc., et
où des critères plus commodes ont été
élaborés par les tribunaux qui permettent une plus grande
souplesse d'action.
M. Johnston: On est au courant de cela, mais je pense que vous
devez être conscient que, dès le moment où une loi de cette
nature sera adoptée, il y a des gens payés à fort tarif
qui vont se faire un devoir de la tester.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. C'est pourquoi, lorsque
vos éclairages nous permettent de baliser, de faire en sorte que cela
prête moins flanc à une contestation, nous sommes ouverts à
ce type de modification.
En vertu de la règle de l'alternance, je céderai
maintenant la parole au critique de l'Opposition officielle.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, très rapidement, mes
premiers mots seront pour remercier la Centrale de l'enseignement du
Québec d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir,
dans des délais très courts, des délais un peu
inconvenants pour l'ampleur d'une réforme si jamais on est convaincu que
les principes annoncés auraient dû se voir et se comprendre mieux
dans le libellé même des principaux articles... Je pense que vous
avez raison d'indiquer qu'il s'agissait là d'une réforme
d'envergure et, en conséquence, je pense que votre mémoire
atteste que vous l'avez compris comme cela parce que, là-dessus, la CEQ
ne fait pas faux bond à celle que j'ai connue, ayant la capacité
de produire des mémoires très étoffés, très
articulés. Je pense qu'on pourra convenir, indépendamment des
recommandations que vous faites - il n'y a
sûrement pas de différence chez personne -qu'il s'agit d'un
des mémoires les plus développés et qui a touché le
plus grand nombre de sujets possible sur lesquels il est sûrement
intéressant pour des gens qui s'occupent de relations du travail, et en
particulier pour le ministre, de recevoir des avis. Bien sûr, libre
à lui de se laisser imbiber davantage, plus ou moins, beaucoup,
passionnément, mais ce sont quand même de bons
éléments. Je pense donc qu'on doit vous remercier.
Au tout début de votre mémoire, dans les deux ou trois
premières pages, je pense qu'il y a des aspects qui sont très
clairs, en ce qui me concerne. Vous dites: Nous voulions la nouvelle Commission
de relations du travail, on est d'accord là-dessus. L'objectif: approche
intégrée, déjudiciarisation, stabilisation des politiques
d'application de la loi et des règlements, ainsi de suite. Par contre,
vous avez mentionné aux pages 5 et 6 - et je pense que c'est très
bien campé - que le fossé est très grand, très
large, entre ce que vous avez lu dans les notes explicatives et ce qu'on peut
lire ailleurs. Et je pense que cela commence à s'accréditer pas
mal. Je pense qu'il y a de plus en plus d'intervenants qui ont cette
prétention, à des chapitres peut-être différents,
à des volets différents mais, globalement, il y a quand
même à peu près dans tous les mémoires - le ministre
devra en convenir - il y a une constante: II y a beaucoup d'écart entre
les beaux principes valables auxquels tout le monde souscrivait. Le ministre a
pris la peine de le rappeler à chaque début d'intervention, avec
exactitude, disant qu'il y avait eu adoption de principe à
l'unanimité. C'est un beau terme à l'Assemblée nationale.
C'est exact que cela s'est passé comme cela parce que nous avions lu les
notes explicatives, nous aussi, et on avait lu également d'autres
choses, puisque, en deuxième lecture, on a quand même, comme
Opposition, fait un long plaidoyer. J'ai utilisé tout mon temps d'une
heure pour indiquer qu'il y avait énormément de trous,
d'imprécisions - je n'emploierai pas les termes d'autres interlocuteurs
qui vont passer au cours de la journée, un certain type de monument -
parce que je trouvais que c'était quand même trop gros. Il n'en
demeure pas moins que, sur le fond des choses, vous avez soulevé comme
centrale syndicale des objections majeures sur plusieurs points et je vais
revenir sur quelques-uns. Je voulais quand même faire ces
commentaires.
Longuement et d'une façon très explicative, vous avez
allégué qu'il serait intéressant d'innover et d'instaurer
un préambule à cette loi. Vous êtes les premiers à
faire cette suggestion, à moins que je ne me trompe. Je ne suis pas un
spécialiste des questions de droit, je n'en suis pas malheureux pour
autant. Je veux quand même essayer de questionner davantage. Est-ce
à dire que cela serait échangeable par un article 112 qui serait
moins général, flou, complètement discutable sur plusieurs
aspects? Cela, vous l'avez fait. Autrement dit, en termes très clairs,
M. Johnston, est-ce que vous tenez véritablement à
expérimenter dans cette loi un préambule ou est-ce que c'est
échangeable par un article 112 mieux serré, mieux défini,
qui reprend les objectifs? Je pense que le mémoire est assez explicite,
mais, comme vous l'avez fait tantôt très correctement, rapidement,
est-ce que cela pourrait éventuellement s'échanger contre un
article 112 plus serré? Si oui, qu'est-ce qu'on doit enlever et
qu'est-ce qui doit rester?
M. Johnston: Je vais essayer de donner un bout de réponse
puis je demanderai à Jean-Marcel Lapierre de compléter ma
présentation sur des volets un peu plus techniques. Notre approche,
c'est de dire: S'il y a une philosophie du code qui doit transparaître
quelque part, ce n'est pas à un endroit où cela s'adresse
à un organisme chargé de l'application du code, cela devrait
être en préambule au code, de sorte que cela s'adresse à
toutes les parties et à n'importe quelle instance judiciaire ou
parajudiciaire qui pourrait être appelée à
interpréter un jour ces dispositions. Ce n'est pas échangeable,
quant à nous. Cela doit être un préambule, mais un
préambule formulé dans la perspective qu'on vous a
présentée. À cet égard, si cette condition
était remplie, il y aurait moyen de raccourcir l'article 112 pour
confier à la commission le mandat d'appliquer le code et de favoriser
l'atteinte des objectifs qui apparaissent au préambule. Mais on ne place
pas la commission sous dépendance d'objectifs qui sont définis
juste à l'intérieur d'un article et les parties et d'autres
tribunaux, le cas échéant, dans une situation
différente.
M. Gendron: D'accord. À la page 21, ce n'est pas
nécessaire de s'y référer parce que je vais identifier le
sujet, c'est l'accréditation. On n'a pas eu beaucoup d'avis, on a eu
plutôt d'autres avis qui étaient d'accord. Si la formule marche
actuellement avec les agents d'accréditation et, lorsqu'il y a
vérification rapide, ou même un peu plus lonque, on
s'aperçoit qu'il n'y a pas de problème, il n'y a pas
d'incompatibilité, il n'y aurait pas d'erreur, tout est "clean", pour
employer une expression connue. Je demeure toujours étonné -
toujours pour les objectifs - vu qu'on dit: On veut raccourcir les
délais, on veut simplifier, on veut rendre cela moins compliqué
et on veut même - certains prétendent que c'est dans la loi, c'est
un
objectif auquel on devrait souscrire faciliter l'accréditation.
Faciliter la syndicalisation, il faut que cela commence quelque part. Si on
n'est pas accrédité, cela ne facilite pas, c'est certain. Vous
avez bien répondu tantôt, mais ma question va être
précise. Vous dites: Pourquoi pensons-nous que cela doit être
comme le ministre le suggère, c'est-à-dire abandonner quelque
chose qui marche bien dans le régime actuel? Vous répondez que
c'est parce que vous avez des doutes sur la viabilité et la
longévité de l'accréditation. Je voudrais juste vous poser
une question. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Est-ce que
cela est arrivé fréquemment qu'au Québec des
accréditations de gré à gré... C'était cela,
votre expression. Vous avez dit: Quand c'est de gré à gré,
c'est inquiétant parce qu'il n'y a pas de spécialistes qui
regardent cela. Il peut y avoir des failles. Sur la longévité et
la viabilité, il y a des problèmes. Surtout, vous portez un
jugement - c'est votre expression exacte - vous dites qu'il s'agit d'un droit
d'ordre public. Ce n'est même plus que les parties en cause. Je ne veux
pas apprécier cela ou pas. Vous avez probablement raison. Je finis ma
question: Est-ce qu'on a des éléments chiffrés qui nous
permettent de dire que, dans les dix dernières années, cela
marchait, non pas comme le ministre le préconise, mais comme je viens de
l'expliquer, et que pour conclure il y a un danger de ne pas consacrer la
viabilité, la longévité des accréditations?
M. Johnston: Notre évaluation n'est pas basée sur
des données quantitatives. Quant à nous, il y a une question de
principe derrière cette appréciation. Si vous le permettez, je
demanderais à Francine Lamy qui m'accompagne de compléter cette
réponse.
Mme Lamy: À ce chapitre, il faut bien comprendre que le
projet de loi ne permet pas à la commission de refuser n'importe quelle
entente entre les parties quant à l'accréditation. Il ne le
permet que lorsque l'unité est manifestement appropriée. Or,
partout à travers le Canada, si je ne me trompe ou, en tout cas,
presque, les commissions de relations du travail ont toujours
interprété leur pouvoir d'accréditation comme étant
un pouvoir d'ordre public, si on peut dire, et qui, à ce titre,
n'était pas lié par la seule entente des parties qui devaient
s'assurer du fait que ces unités soient appropriées et donc
viables. La relation entre l'unité appropriée et la
viabilité de l'unité est toujours faite en termes clairs partout
au Canada. Je pense que, à partir du moment où on accorde
à la commission un pouvoir de refuser une accréditation,
lorsqu'elle est manifestement inappropriée et donc, à sa face
même, démontre qu'elle ne favorisera pas, par exemple, la
négociation collective ou ne sera pas viable ou ne le sera que
temporairement, il est important d'assurer que la commission puisse intervenir
dans ces circonstances. Je pense que ce qu'il est important de souligner, c'est
que ce pouvoir n'existe que lorsque l'unité est manifestement
inappropriée. Ce n'est pas un pouvoir de refuser une
accréditation lorsque les parties ne s'entendent pas, pour aucun
motif.
M. Gendron: Je pense que votre explication est très
correcte là-dessus. J'avais également vu cela à l'article
33. C'est lorsque c'est manifestement inapproprié. Je l'avais lu, sauf'
que j'ai lu également que la commission l'accrédite. Donc, je dis
que cela va toujours à la commission alors qu'avant les agents
d'accréditation, lorsqu'il n'y avait pas de problème - je ne dis
pas que cela arrivait dans tous les cas - pouvaient tout de suite sanctionner
l'accréditation, ce qui n'est plus le cas. Rapidement, en termes de
chiffres, puisque vous dites qu'actuellement c'est le régime canadien
dans l'ensemble, est-ce que cela signifie que d'autres provinces sous le
régime canadien ont déjà vécu sous notre
régime actuel pour ce qui est de l'unité de
l'accréditation, que des agents pouvaient ratifier ou sanctionner une
accréditation?
Mme Lamy: À ma connaissance... M. Gendron: Non.
Mme Lamy: ...je pourrais vous répondre que non. Je pourrai
ajouter, par exemple, que si notre système, à cet égard,
fonctionnait effectivement quand même bien, il reste que l'entente,
peut-être rarement, peut produire des accréditations qui ne
répondent pas aux critères normaux et aux critères
minimaux en termes de viabilité et de caractère approprié
de l'unité. D'ailleurs, les commissaires et le Tribunal du travail ont
toujours dit que, lorsque l'entente n'était pas intervenue à la
période précise prévue au code pendant les quinze jours,
ils n'étaient pas liés par l'entente des parties et ils pouvaient
intervenir à cet égard.
M. Gendron: Merci. À la page 22, rapidement, vous avez
indiqué que le devoir de représentation juste. Je pense que vous
avez une remarque pertinente, sauf que vous dites à la fin: Nous
désirons que toute cette question soit réexaminée à
l'occasion de la révision prochaine des dispositions du Code du travail.
Je veux seulement savoir... Je comprends bien cela. C'est simple à
comprendre. Vous dites qu'il y aura une deuxième phase, c'est plus
global. Je pense que cela peut prendre du temps et je suis inquiet. Dans la
perspective où vous croyez que le forum pourrait être
approprié, je vous
pose la question: Pourquoi cela n'était-il pas envisageable
puisque vous dites: On regardera cela une autre fois? Pourquoi pensez-vous que
cela n'était pas envisageable de regarder cela tout de suite dans cette
réforme? Quels étaient les motifs qui vous amenaient à
conclure que cela serait mieux? Est-ce parce que cela comprend des
éléments que j'oublie ou que ce n'est pas le genre de projet de
loi qui permettrait ce nouvel réexamen? (16 h 15)
M. Johnston: Nous avons développé cette approche
à partir du moment où l'on a convenu que la création d'une
vraie Commission des relations du travail, avec une compétence globale,
intégrée, exclusive et avec toutes les garanties, cela pourrait
être un élément intéressant en soi. On s'est dit: Si
on essaie, à travers les revendications qu'on formule sur la commission,
de modifier de façon très substantielle l'ensemble des
dispositions du Code du travail, en même temps, on risque de se heurter
à des difficultés assez importantes et, sur ce terrain, il faut
dire qu'on a suivi le ministre dans l'étapisme de la réforme du
Code du travail.
M. Gendron: Je ne croyais pas qu'il l'était lui aussi.
Quant à l'autre section, je veux vous dire qu'on est complètement
avec vous, M. Johnston, dans le sens qu'une réforme comme celle-ci qui
retire du champ d'application une série de pratiques - et je ne les
qualifierai même pas - sûrement toujours inhérentes au
domaine des relations du travail, cela fait curieux. Je l'ai signalé
à chacun des intervenants. La plupart des intervenants ont effectivement
mentionné qu'une réforme comme celle-là devrait avoir des
dispositions concernant, entre autres, la question du piquetage, toute la
question des briseurs de grève, les pratiques particulières, la
gestion d'une première convention, toute la question également de
certaines pratiques concernant le congédiement pour motifs syndicaux
appréhendés et ainsi de suite, peu importe, vous les avez
définis bien mieux que moi. Je veux vous dire que, là-dessus, je
partage votre point de vue, qu'on ne peut faire une réforme et dire que
cela va être unique, que cela va être centralisé et que cela
va être majeur et important, alors qu'à peu près
l'essentiel des problèmes n'est pas touché sous prétexte
qu'on regardera cela un de ces jours dans la grande réforme. Si l'on dit
cela aujourd'hui, ce n'est pas parce que l'on ne parlait pas de piquetage dans
le Code du travail que nous connaissons, qui est un Code du travail qui n'est
pas si pire que cela, mais qui n'a pas subi d'amendements majeurs sur le fond
des questions, qu'il ne doit pas intégrer des éléments
modernes sur lesquels il y a lieu d'avoir des dispositions. Dans ce sens, je
pense que vos remarques s'inscrivent dans la logique des choses, d'une
réforme importante, et j'espère que le ministre en tiendra
compte.
Pour ce qui est de la commission, je suis heureux de ce que vous avez
mentionné en ce qui concerne autant les pouvoirs de redressement que
tout le volet de l'autonomie de la commission, sa composition, son
indépendance. Il n'y a pas beaucoup de choses à redire si ce
n'est que vos recommandations sont claires, sont spécifiques. Je voulais
seulement poser la même question que j'ai posée aux autres pour
avoir un avis plus éclairé. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on
maximiserait les chances de crédibilité sans tache - ou avec
moindre tache, si vous me permettez l'expression - qu'on aurait une plus grande
autonomie si au moins le président et les vice-présidents
étaient nommés par l'Assemblée nationale plutôt que
par l'exécutif, par le gouvernement?
M. Johnston: II y a deux facteurs à considérer
là-dedans. Le premier, c'est qu'éventuellement la nomination par
l'Assemblée nationale pourrait, effectivement, dégager une marge
d'autonomie et d'indépendance plus grande pour les personnes qui
seraient désignées par l'Assemblée nationale, parce que
même si un gouvernement largement majoritaire à l'Assemblée
nationale voulait, le cas échéant, faire des interventions
directes auprès des membres de la commission, président et
vice-présidents, cela deviendrait un peu gênant s'il était
obligé de passer par l'Assemblée nationale parce que les
personnes désignées par l'Assemblée nationale diraient au
ministre ou à un membre du gouvernement: Je ne tiens pas mon mandat du
gouvernement, je le tiens de l'Assemblée nationale.
Il y a un aspect intéressant là-dedans, celui de donner
aux personnes qui sont là un moyen de résister à une
intrusion de la part du pouvoir exécutif. Cependant, il faut aussi se
dire que c'est quand même assez mineur quant aux conséquences, la
nomination elle-même par l'Assemblée nationale dans le cadre d'un
régime bipartite où, à toutes fins utiles, on se retrouve
facilement avec des gouvernements qui ont une large majorité à
l'Assemblée nationale, dans la plupart des cas. Je dis qu'il y a un
intérêt, mais l'intérêt serait plus complet si votre
intention était en même temps doublée d'une intention de
proposer une réforme du mode de scrutin pour avoir une Assemblée
nationale plus représentative.
M. Gendron: J'ai deux dernières questions; l'une est assez
compliquée pour moi, peut-être pas pour vous. J'ai
écouté attentivement votre mémoire. Malheureusement - et
cela n'est pas votre faute -j'aurais aimé avoir plus de temps pour
l'analyser davantage, mais je peux vous
garantir que je vais le relire à tête reposée parce
que je le trouve étoffé et articulé» surtout - et
là, je vais essayer de bien traduire ma question - par votre conclusion.
J'ai lu cela attentivement et, à un moment donné, dans une
dernière phrase, vous avez conclu: Écoutez, M. le ministre, on
veut vous dire qu'on n'est pas capables, nous, de voir là la Commission
des relations du travail qu'on voulait et qu'on avait lue dans les notes
explicatives. Il me semble que cela se comprend si on lit votre mémoire.
Il y a tellement de demandes de votre part et, pour l'instant, je ne les
qualifie pas, je ne dis pas qu'elles sont opportunes ou inopportunes, mais je
dis qu'il y en a un bon paquet. Compte tenu du temps, compte tenu des choses
que je sais du ministre qui, lui, veut sortir dans une semaine avec son projet
de loi adopté - je connais le nombre d'articles qu'il y a
là-dedans, je sais comment la machine fonctionne - là, j'ai un
problème parce que si quelqu'un me demandait: Pensez-vous, M. le
député d'Abitibi-Ouest, que la CEQ était d'accord avec ce
projet de loi? Je ne le sais pas. Je ne veux pas errer parce que j'aurai
à expliquer un moment donné si la CEQ était d'accord et je
ne suis pas capable de savoir si vous êtes d'accord. Là, vous
dites: On le voulait, mais dans ce qu'on lit là, il n'y a rien de ce
à quoi on s'attendait en gros. Ma question, compte tenu de ce que je
viens de dire: Qu'est-ce que je vais répondre pour être vrai par
rapport à votre position?
M. Johnston: Ce que vous pourriez répondre sans l'ombre
d'un doute, c'est que nous serions d'accord avec un projet de loi
substantiellement remanié dans le sens des recommandations que nous
formulons...
M. Gendron: Ce bout-là est facile, mais...
M. Johnston: ...substantiellement remanié.
M. Gendron: Ce bout-là est facile, mais à partir du
moment où je doute que, dans les faits, compte tenu de la volonté
ministérielle, cela puisse aller dans ce sens-là, quelle serait
votre position si, dans quatre jours, vous voyiez, qu'il y a eu quelques
considérations sur des virgules importantes de la part du ministre, mais
que vraiment sur les questions majeures il n'y a pas beaucoup de changements?
À ce moment-là, est-ce que la CEQ dirait: Écoutez, c'est
une Commission des relations du travail qu'on aimerait mieux ne pas voir ou si
vous souhaiteriez la voir quand même?
M. Johnston: Je vais être clair et franc. Si le projet de
loi devait substantiellement demeurer dans la forme qu'il a
présentement, nous pensons honnêtement que l'adoption de ce projet
de loi ne rendrait sûrement pas un vrai service au régime des
rapports collectifs de travail au Québec.
M. Gendron: Ma dernière question. Vous avez
indiqué, quant à la nomination, entre autres - je fais juste un
commentaire - des commissaires à temps partiel... J'espère que le
ministre va être attentif. La plupart ont convenu que ce ne serait pas la
bonne formule. Je pense que vous aviez une bonne logique, rapide, en disant: On
ne peut pas vouloir que tout soit là, que ce soit vraiment une
commission d'envergure et, à un moment donné, avoir un
fonctionnement spécialisé ou à tiroirs, selon votre
expression, avec les commissaires à temps partiel pour les petites
affaires parce que c'est ce qu'il a dit: Pour les petites affaires pas
compliquées, on pourrait engager des commissaires à temps
partiel. Il semble que, là-desssus, vous avez un point valable. Ma
question finale: Le ministre, quant à la nomination de ces
gens-là, n'a pas indiqué du tout ses intentions de faire des
consultations ou des formes de consultations. Tous les groupes ont dit qu'ils
aimeraient, en particulier les centrales syndicales qui, elles, n'ont pas
souhaité la disparition du CCTMO, le Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre et vous y faites une référence... Ma question
n'est pas là-dessus, mais c'est relié. Dans un projet de loi
qu'un jour le ministre va discuter, il fait sauter cela et il crée une
nouvelle patente. Je veux seulement vous poser une question: Le jour où
il y aura pour le ministre du Travail la volonté d'avoir une
instance-conseil consultative qui lui donne des avis, croyez-vous que cette
instance consultative, mais plus spécifiquement pour le domaine des
relations du travail, non pas le volet du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu - il y a deux chapeaux, ce n'est pas notre
problème - devrait être davantage greffée à la
Commission des relations du travail ou si, éventuellement, dans le sens
où le ministre veut l'envoyer, on devrait créer une commission
élargie, qu'on appellerait conseil consultatif sur l'emploi et la
sécurité du revenu, qui comprendrait également le volet
des relations du travail? C'est quoi, votre avis là-dessus?
M. Johnston: Pour être bref, notre avis sur cette question,
c'est qu'il faut maintenir une instance particulière sur la question des
rapports collectifs de travail au Québec, une instance consultative
particulière du type du CCTMO. Nous pensons que ça devrait
essentiellement comprendre à peu près le même mode de
représentation.
Nous croyons aussi qu'il y aurait un vide à combler du
côté de la représentation de la partie patronale. Il y a
une partie
patronale importante au Québec qui n'est pas présente au
conseil consultatif, c'est l'État employeur. Il faudra au moins corriger
ça et je pense qu'il peut y avoir une instance consultative d'un autre
type pour les autres volets que veut couvrir le ministre par son projet de
loi.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant de traiter d'un autre projet
de loi qui n'est pas devant nous aujourd'hui, mais sur lequel le
député d'Abitibi-Ouest aime bien discuter et sur lequel on aura
l'occasion de discuter amplement, j'aurais une question d'un ordre technique
à poser, étant donné que vous vous êtes
adressés particulièrement à l'ensemble des articles du
Code du travail.
Nous avons eu des interprétations différentes de
différents intervenants quant à l'application de l'article 37 du
Code du travail, considérant le fait que l'article 28 est abrogé.
La prétention gouvernementale -je vous la donne candidement - est en ce
sens que la situation ante n'est absolument pas modifiée par l'actuel
projet de loi. Quelle est la position de la CEQ quant à cet
énoncé?
M. Johnston: Nous, on ne pense pas que ça entraîne
des modifications majeures. Je ne pense pas que ça change
fondamentalement le régime. La règle de la majorité est
toujours maintenue.
M. Paradis (Brome-Missisquoi); Pour en revenir au Conseil
consultatif du travail et la main-d'oeuvre, je vous inviterais à relire
attentivement le rapport de la commission Beaudry sur le sujet, le programme du
Parti libéral ou ce que vous devez avoir dans des dossiers chez
vous.
Le but visé par le gouvernement est l'élargissement de la
composition et du rôle du conseil consultatif, de façon à
s'assurer, parce qu'il y a de l'interaction, selon nous, entre des politiques
de sécurité du revenu, comme le salaire minimum, et les rapports
collectifs de travail - on ne peut pas traiter ça en vase clos et
isolé - qu'il y aurait avantage à ce que les partenaires
socio-économiques très bien et très fortement
structurés, soit dans le monde syndical ou dans le monde patronal,
puissent collaborer avec des partenaires socio-économiques moins bien
structurés.
En ce sens, j'ai eu des conversations avec des gens qui m'ont dit: Vous
n'êtes pas obligé de modifier le conseil d'administration, comme
tel; créez à l'intérieur du CCTMO, tel qu'il existe
présentement, un comité d'emploi, un comité de
sécurité du revenu, un comité mixte d'emploi ou de
sécurité du revenu pour discuter de ces choses.
Si je vous lançais la question à l'inverse: Est-ce que le
ministre du Travail, qui qu'il soit dans l'avenir, même s'il ne partage
pas la double responsabilité que je partage présentement, ne
pourrait pas recevoir des avis d'un Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, avec composition et mandat élargi où il y aurait
un sous-comité dans lequel les travailleurs structurés et
organisés sous forme syndicale représentés par les
centrales syndicales et les employeurs structurés et organisés
dans leur association professionnelle pourraient siéger et donner ces
avis?
M. Johnston: Peut-être que c'est une hypothèse qu'on
peut regarder. Mais il y a une autre hypothèse aussi, c'est qu'il y ait
deux conseils et qu'à l'intérieur du deuxième conseil qui
concerne les autres questions que les rapports collectifs du travail y ait
aussi une représentation des organisations représentatives du
monde syndical et du monde patronal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais revenir sur une question
que vous avez traitée au tout début de vos échanges avec
le député d'Abitibi-Ouest, la question d'un préambule.
J'ai reçu comme ministre du Travail, à l'occasion de ces
audiences, plusieurs demandes syndicales et patronales en ce sens d'aller plus
loin, de faire autre chose que strictement s'attaquer aux structures des
relations du travail, les simplifier en tentant de déjudiciariser, etc.
(16 h 30)
Les demandes patronales vont dans un certain sens habituellement, et les
demandes syndicales vont dans un autre sens. C'est à dessein que nous
n'avons pas souhaité modifier, pour le moment - et je dis bien pour le
moment - le rapport de forces qui avait été établi. Ce que
nous visons par la modification de la structure, c'est de faire en sorte que
davantage de conciliation et de médiation donne lieu à davantage
de prise de responsabilités par les parties, que les parties
règlent davantage entre elles leurs problèmes. On ne peut pas
légiférer, je pense que je l'ai répété
à maintes reprises, un changement de mentalité. Nous
prétendons qu'un changement de cadre peut amener un changement de
mentalité, mais la collaboration des parties nous est absolument
essentielle pour que cela s'effectue dans le sens que nous souhaitons. Je vous
dirai qu'à cette fin la commission aura la crédibilité que
lui reconnaîtront les parties et les partenaires. Lorsque vous parlez de
mode de nomination, de compétence des commissaires, du président,
des vice-présidents et des commissaires, je vous répondrai tout
simplement que le gouvernement, non plus que la société, ne peut
se permettre d'effectuer des nominations qui pourraient porter une
atteinte vers le bas à la crédibilité d'un tel
organisme.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ces
commentaires vont mettre fin à la discussion et à la
présentation de la Centrale de l'enseignement du Québec. M.
Johnston, madame, messieurs, merci de votre participation.
M. Johnston: Me permettez-vous un mot?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, allez-y!
M. Johnston: Je voudrais d'abord souligner qu'on a
été heureux, malgré le travail que cela nous a
imposé, de pouvoir se présenter ici et exposer clairement notre
point de vue sur cette question. Je voudrais aussi signaler qu'on a
probablement avantage, avant qu'une étape supplémentaire soit
accomplie au plan de l'adoption de ce projet de loi, à ce qu'il y ait
des formes de consultation quelconques sur les modifications à apporter
à ce projet de loi. Cela réapparaîtrait une démarche
supplémentaire qui pourrait éventuellement donner un peu plus
d'assurance au gouvernement quant à l'acceptabilité du projet de
loi qui serait, le cas échéant, adopté par
l'Assemblée nationale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais peut-être
répliquer brièvement en vous indiquant que des gens qui ont
comparu hier, à la suite de nos échanges, nous ont
déjà contactés de nouveau dans le but de travailler
à la bonification de certains articles. Je vous invite à le
faire, ainsi que votre centrale, bien que je sache que cela va vous imposer un
rythme de travail intensif pour une semaine et demie de plus.
M. Johnston: On y est habitué!
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, vous
allez échanger des numéros de téléphone
après. Alors, madame et messieurs, merci beaucoup et à la
prochaine!
J'invite maintenant la Chambre de commerce du Québec.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 38)
Chambre de commerce du Québec
Le Président (M. Charbonneau): Je souhaite la bienvenue
aux représentants de la Chambre de commerce du Québec. M.
Létourneau, qui êtes un vieux routier du salon rouge et d'autres
salles de commission de l'Hôtel du Parlement; comme vous le savez, vous
avez un temps limité pour présenter votre mémoire et,
avant de le faire, je vous demanderais de présenter les personnes qui
vous accompagnent.
M. Létourneau (Jean-Paul): Merci, M. le Président.
Mon nom est Jean-Paul Létourneau, je suis le vice-président
exécutif de ta Chambre de commerce du Québec. Sont avec mot, ici,
pour présenter ce mémoire aujourd'hui, Me Alain Bilodeau,
vice-président aux ressources humaines de la compaqnie Steinberg Inc.,
président de notre comité de relations de travail et membre du
conseil d'administration de la Chambre de commerce du Québec; à
ma droite, M. Réjean Dufault, vice-président aux relations de
travail de la Fédération des caisses populaires Desjardins de
Montréal et de l'ouest du Québec.
M. le Président, je veux tout d'abord remercier la commission de
l'occasion qu'elle nous fournit de venir lui apporter les points de vue de la
Chambre de commerce du Québec concernant le projet de loi 30. Me Alain
Bilodeau sera notre porte-parole pour la présentation de ce
mémoire et je lui cède immédiatement la parole. Merci, M.
le Président.
M. Bilodeau (Alain): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission. D'abord, je pense qu'il serait opportun de
préciser que mon titre n'est pas vice-président aux ressources
humaines de Steinberg Inc., mais plutôt vice-président en
relations du travail; c'est une distinction qui va, peut-être, être
utile tout à l'heure, M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: J'aurai de très bonnes questions
là-dessus.
M. Bilodeau: M. le Président, je voudrais commencer avec
une note positive en indiquant que la chambre, a priori, ne s'oppose pas
systématiquement à l'objectif que vise le projet de loi
présenté par le gouvernement, à savoir la création
d'une Commission des relations du travail.
Cependant, on a, comme vous vous en doutez, des réserves
très sérieuses eu égard à un certain nombre
d'éléments qui nous paraissent extrêmement importants,
réserves sérieuses au point que, si le gouvernement n'y touchait
pas du tout, on aurait une difficulté majeure ou même une
impossibilité d'endosser même le principe, ce qui serait
malheureux. Par ailleurs, on pense que les modifications proposées dans
notre mémoire et dont vous n'avez pas eu le temps, je le conçois,
de faire la lecture seraient constructives et de nature à atteindre, je
pense, l'objectif que le gouvernement et les
gens de l'autre côté de la table, ceux de l'Opposition, le
patronat et les syndicats peuvent atteindre, à savoir la création
d'une commission et un certain changement. J'indique, pour ce qui est des
objectifs de célérité, de rapidité et de
délai, que, selon moi, c'est difficile de s'opposer à cela et,
comme représentants d'un immense secteur du patronat au Québec,
on est d'accord avec ces objectifs.
Cependant, la déjudiciarisation, un grand mot qu'on mentionne de
temps à autre dans le contexte du présent projet de loi, n'a
certainement pas la même signification pour tout le monde. C'est un grand
mot qui, à mon avis, est mal compris. Cela ne doit pas être un
objectif en soi et il ne faudrait pas croire nécessairement que la mise
sur pied d'une commission aura pour effet de déjudiciariser au sens
où les gens en général l'entendent. J'ai une dizaine de
milliers d'employés syndiqués en Ontario, où on a une
commission depuis des années. Il y en a en Colombie britannique, etc.,
et je peux dire, pour avoir pratiqué le droit comme le ministre pendant
quelques années avant de faire autre chose, que le caractère de
judiciarisation se compare beaucoup entre un "board" ou une commission et le
système actuel du commissaire général ou du Tribunal du
travail. Il faut faire attention au mot "déjudiciarisation". Cependant,
les efforts de célérité, d'accélération du
processus en général sont des efforts auxquels on souscrit.
On a examiné attentivement les objectifs que le ministre du
travail poursuit, tels qu'il les a énoncés lors de son
intervention en Chambre dans le cadre du débat sur l'adoption de
principe du projet de loi 30, le 20 mai. On a examiné cela, d'une part,
et on a évidemment examiné de façon
détaillée le projet de loi lui-même et on doit vous dire
que, selon nous, il devrait être modifié à plusieurs
endroits. On a regroupé nos interventions ou les points qu'on veut faire
valoir devant vous en quatre thèmes majeurs. C'est-à-dire, d'une
part, le mandat de la commission, qu'on estime extrêmement large, et on
vous indiquera où et pourquoi. D'autre part, la question de l'existence
d'une série de pouvoirs discrétionnaires extrêmement
vastes, exorbitants, à notre sens, ensuite l'ingérence de la
commission dans nombre d'ententes privées et la révision des
mécanismes d'accréditation. Tant et si bien que - on conclura de
cette façon - on préférerait que le gouvernement prenne un
peu de temps pour considérer ces aspects, car il y en a qui sont
vraiment majeurs, quitte, si nécessaire, à reporter l'adoption de
la loi à la session d'automne, plutôt que de l'adopter trop
rapidement. À moins, évidemment, que le gouvernement ne
déclare d'emblée son intention de donner suite à un
certain nombre de préoccupations qu'on estime majeures.
Sur le premier point - et cela apparaît aux pages 4 et suivantes
de notre mémoire -on parle de la question du mandat et d'une juridiction
beaucoup trop vaste. Je vais commencer tout de suite avec l'article qui est
probablement l'article clé, c'est l'article 112, qui confère
trois mandats précis à la commission. Je vous indique tout de
suite qu'on n'a pas de problème avec les deux premiers. Le mandat
d'administrer l'exercice du droit d'association, on pense que c'est absolument
normal; le mandat de favoriser le règlement ordonné des conflits
de travail, on pense que c'est également normal et l'on endosse. Mais,
avec le troisième, on a un problème sérieux: "favoriser le
développement de saines relations du travail eu égard à
l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et
à la bonne gestion des ressources humaines". Là,
évidemment, je pense qu'on conviendra que le pouvoir est
extrêmement ambigu. On peut très bien expliquer l'existence des
deux premiers, et on peut l'expliquer en regardant dans toutes les autres
législations canadiennes où on a des commissions similaires.
Elles ont toutes le pouvoir d'administrer le processus d'accréditation,
d'administrer le processus des conflits de travail en général,
mais, à ma connaissance, la faculté pour un homme de s'immiscer
dans la question de la bonne gestion des ressources humaines, c'est une
faculté qui est extrêmement ouverte et sujette à
l'interprétation, qui est sujette à la discrétion, et on
croit qu'il s'agit ici d'un empiétement définitif dans les
pouvoirs et les droits de gérance que les entreprises doivent
exercer.
Sur ce point, il m'apparaît que, pour des raisons qui sont
peut-être diamétralement opposées, peut-être, les
syndicats - enfin un bon nombre - sont également de l'avis que la
référence à la bonne gestion des ressources humaines,
à l'intérieur de l'article 112, constitue un point
d'interrogation majeur; alors, je le soulève. Je vous rappelle que,
comme il s'agit - en tout cas, je pense - de l'article qui confère
à la commission son mandat ou sa juridiction, ce sera un article qui
inévitablement, et là ne pensons pas à une semaine ou deux
semaines, pensons à trois ans, cinq ans, dix ans... À chaque fois
que les dispositions du Code du travail vont devoir être
interprétées par la commission, elles vont toujours l'être
en vertu des rèqles de droit qui disent que les dispositions
s'interprètent les unes par les autres, etc., de façon à
donner à l'ensemble leur sens; elles vont donc toujours l'être
à la lumière de ce troisième pouvoir. On craint que cela
dépasse de beaucoup les cadres qui sont normalement ceux d'une
commission des relations du travail. C'est difficile actuellement de
prévoir jusqu'à quel point cela peut aller. Je pense qu'on peut
dire confortablement que cela pourrait aller fort loin, car
c'est laissé à la discrétion des individus.
Or, quelle est la conception que M. le commissaire Untel se fera, quant
à lui, de la bonne gestion des ressources humaines? C'est un point
d'interrogation. Malgré toute la bonne volonté du gouvernement et
malgré toutes les tentatives que le gouvernement fera sans doute - et on
lui demande de le faire - de nommer des gens qui vont être
compétents, qui vont connaître leur affaire, on ne peut pas
garantir évidemment qu'à long terme les gens, les humains
étant ce qu'ils sont, on n'aura pas des interprétations fort
divergentes, fort dangereuses et susceptibles de créer un climat de
travail plus ambigu, finalement, qu'autre chose. Nous proposons que ces mots
à l'article 112 disparaissent et qu'on confère à la
commission les pouvoirs qui lui sont conférés partout ailleurs au
Canada et actuellement au Québec, c'est-à-dire ceux d'administrer
et de gérer le secteur comme tel des relations industrielles. À
la page 5, on mentionne, pour terminer, sur la question de la gestion: "Ce
mandat de favoriser le développement de saines relations de travail, eu
égard notamment à la bonne gestion des ressources humaines, aussi
vaste qu'imprécis, est un ajout qu'on ne retrouve pas dans les
organismes similaires actuellement en fonction dans les autres provinces
canadiennes. Il procède d'une philosophie interventionniste dont
l'inefficacité a été largement démontrée au
cours des 20 dernières années et qui étonne de la part
d'un gouvernement qui, par ailleurs, affirme sa volonté de
déréglementer." Je pense qu'on doit avouer qu'il y a là
une possibilité d'intervention qui n'est pas nécessairement
souhaitée; en tout cas, nous ne le souhaitons pas. C'était un des
premiers thèmes quant à l'ampleur du mandat.
Un deuxième, c'est qu'il nous apparaît que le projet de
loi, tel qu'il est actuellement, confère aux commissaires - et
j'espère que cela sera au pluriel, cas par cas - des pouvoirs
extrêmement larges, des pouvoirs de discrétion exorbitants.
À la page 6 - et je voudrais citer au moins ce passage qui
m'apparaît pertinent parce qu'il résume une série de
commentaires que je vais faire par la suite - on dit: "Un jugement - mais c'est
plutôt un procès - devant "juge" seul; qui n'est pas tenu
d'entendre les parties avant de rendre une décision; qui, s'il les
entend, décide du mode de preuve et des règles de
procédure et de pratique appropriées; qui fonde, peut-être,
son jugement sur des politiques générales qui par ailleurs ne le
lient pas; qui n'est pas tenu de motiver sa décision par écrit;
qui dispose de pouvoirs d'enquête, d'"injonction", de convocation quasi
illimités; qui peut rendre des décisions provisoires ou, au
contraire, refuser d'exercer ses pouvoirs malgré une contravention; qui
peut ou non déposer sa décision au bureau du protonotaire de la
Cour supérieure pour la rendre exécutoire; qui peut enfin
réviser sa décision, toujours sans audition, mais dont la
décision est sans appel; le tout dans le contexte du mandat très
large dont nous avons parlé précédemment." C'est large,
c'est exorbitant, c'est très discrétionnaire, c'est nouveau,
c'est dangeureux, c'est inquiétant. C'est une série de
qualificatifs que nous estimons appropriés dans le cas.
Sur le premier point à la page 7: Décision rendue par un
seul commissaire. Sur cette question, j'ai examiné la constitution des
tribunaux, des "board", ce qu'on appelle les "board" dans les provinces
canadiennes, et, sauf erreur, M. le ministre, c'est -comme on dit en anglais -
un "three-man-board", un "board" à trois qui qénéralement
entend les litiges, les causes devant lui. Je peux mentionner l'AIberta, la
Colombie britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario; j'ai
vérifié également la Saskatchewan, la
Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, et cela m'apparaît dans l'ensemble
être toujours des "board" à trois.
Je croîs qu'il est important de prendre conscience de ceci, et
spécialement dans notre société à nous, on est des
Latins, on aime plaider, on aime argumenter, faire valoir notre point de vue.
On aime faire cela, on n'aime pas se faire enlever ce droit. On aime aussi
savoir, quand on perd, pourquoi on perd, et, quand on gagne, pourquoi on gagne.
On est fait comme cela. Cela ne m'apparaît pas exagéré de
demander que cela au moins continue d'exister comme garantie minimale, parce
qu'on l'a actuellement. C'est très très important sur le plan
psychologique à notre avis pour un justiciable, n'importe qui, que ce
soit un salarié, un gestionnaire d'entreprise ou un syndicaliste, c'est
important pour lui d'avoir non seulement la perception qu'il peut être
entendu par quelqu'un, mais d'avoir la perception que, si la personne qui
l'entend se trompe manifestement, il va avoir une chance de se reprendre devant
quelqu'un d'autre. On a actuellement un droit d'appel et on n'est pas venu ici
- et je commençais sur cette note positive, parce qu'il y a du positif -
pour dire à la commission: On ne veut rien savoir du projet de loi 30.
On ne veut rien savoir de la création d'une commission. On ne veut rien
savoir du rejet du droit d'appel ou de l'existence d'un "cease and desist". On
vous dit: Oui, on est prêt à regarder cela. On est prêt
à regarder le principe de la création d'une commission
spécialisée en matière de relations industrielles. On est
même prêt à regarder la possibilité... Et c'est un
effort considérable, car je vous dis que, sur le plan psychologique,
c'est un confort particulier qu'on a et qu'on estime extrêmement
important que ce droit d'appel. On l'a dans le moment. On est prêt
à regarder peut-être
de changer les institutions, mais, de là à tomber devant
un seul individu, on pense que cela est extrêmement dangeureux.
Quand il y a trois personnes dans un "board", à tout le moins
vous avez la satisfaction psychologique que la chance qu'un individu parte sur
une tangente totalement opposée à ce que l'ensemble de la
commission a décidé pendant des années est beaucoup plus
mince. Dieu sait que devant... Les hommes sont humains, il y a des tendances et
un individu seul est beaucoup plus susceptible de dire, à un moment
donné: Moi, c'est bien de valeur, comme homme, je ne crois pas à
cette tendance que la commission a prise durant les deux ou trois
dernières années et je décide à l'encontre, et puis
il n'y a pas d'appel. Actuellement, on a une protection contre cela. On se dit:
A tout le moins, considérez - on vous le demande sérieusement -
de nous donner la chance d'avoir des individus qui sont assis à
côté du président du tribunal et qui seraient en mesure,
s'il s'agit de décider sur un point qui est tranché, qui a fait
déjà l'objet de plusieurs décisions de la part de la
commission, de l'empêcher finalement de s'écarter purement et
simplement, pour enlever la continuité dont on a besoin d'avoir en
matière de relations du travail.
On dit: Un des critères de qualité, finalement, d'un
tribunal ou d'une commission, c'est celui de la perception publique des gens
qu'on va avoir justice. Cette perception est beaucoup plus difficile quand il y
a juste une personne et quand on sait qu'il n'y a aucun droit d'appel. Alors,
si on devait considérer l'abolition d'un appel, c'est bien
évident que nous serions en profond désaccord avec un commissaire
qui siégerait seul. On serait peut-être plus ouvert à la
possibilité de regarder un "board" à trois. Ou encore, comme
alternative - et on va le voir un petit peu plus loin dans le présent
mémoire - s'il devait y avoir un commissaire qui siège seul,
qu'il y ait une possibilité d'appel devant trois commissaires, sur des
questions de droit. Évidemment, cela devrait faire, je le
conçois, l'objet d'une étude de coûts, c'est-à-dire
ce que cela représente, car il y a un coût additionnel pour faire
siéger trois personnes dans chacun des cas, c'est bien évident.
Il y aurait peut-être un coût moindre en faisant siéger une
personne et, ensuite, donner la possibilité d'en appeler sur des
questions de droit devant trois commissaires. Mais il faut, pour satisfaire les
justiciables, qu'il y ait plus d'un individu qui va se pencher sur leur cas,
qui va les écouter et qui va décider de quelque chose qui est
évidemment important pour les justiciables.
À la page 8, sur la question de l'abrogation de l'obligation de
tenir une audition, je pense que c'est inutile de dire que nous sommes en
très profond en désaccord avec cela. L'article 6 du projet du loi
abroge purement et simplement l'article 20, qui impose actuellement
l'obligation d'entendre les parties. On trouve que cela est fondamental, non
seulement en matière d'accréditation, mais également en
d'autres matières. L'obligation d'entendre les parties apparaît
actuellement au code à trois endroits, à ce que je sache, soit
les articles 20, 32 et 50. On élimine, à chaque endroit, cette
obligation. C'est bien évident que la chambre, sur cette question, ne
peut faire autrement que de vous demander de porter une attention toute
particulière à cette question qui, finalement, est une question
de justice naturelle. On pourra argumenter que ce n'est pas nécessaire
de mettre, dans un texte de loi, le principe audi alteram partem. Je vous dis
qu'il est dans la loi actuellement. Pourquoi ne pas le laisser là? C'est
clair. Le commissaire a l'obliqation d'entendre les parties. C'est une
obligation qui constitue un minimum dans notre société
démocratique, où on peut exercer nos droits, où on veut
avoir l'impression qu'on les exerce correctement et qu'on est entendu. Alors,
dès qu'un organisme exerce des pouvoirs de nature quasi judiciaire et
est susceptible d'affecter les droits d'un tiers par ses décisions, je
pense que cela va de soi qu'il faut que cet organisme soit tenu à la
règle audi alteram partem. Ce principe est tellement bien ancré
dans notre droit qu'on doit le laisser à l'intérieur de la loi.
Si on parle d'enlever aux justiciables leur droit d'appel, parce qu'il ne faut
pas oublier qu'on en a un dans le moment et qu'on parle de l'enlever, à
tout le moins, qu'on nous laisse le droit d'être entendu. Cela semble un
minimum.
Sur les questions de choix de mode de preuve et droit d'édicter
des règles de procédure et de pratique, encore là, il y a
beaucoup de latitude laissée, suivant le projet de loi 30, à la
commission. Cependant, le pire, c'est la question de l'intervention possible de
sa propre initiative, À l'article 137.4 du code. Je pense qu'il s'agit
encore d'une dose d'interventionnisme d'un organisme public qu'on a un peu de
mat à concilier, encore une fois, avec la tendance du gouvernement de
prôner une certaine déréglementation, une absence
d'intervention à outrance de l'État ou des organismes publics
dans la gestion des relations entre individus et entre groupes. Selon moi, il y
a assez des cas où les parties se poursuivent l'une l'autre; au moins,
lorsque les parties jugent bon de ne pas intervenir ou de ne pas amener une
question donnée devant un tribunal, on ne devrait pas autoriser un
commissaire, à sa discrétion, à intervenir lui-même
de son propre chef. Nous sommes profondément en désaccord avec ce
pouvoir d'intervention de sa propre initiative.
Un problème important qu'on veut
soulever à la page 10 du mémoire, c'est celui de
l'énoncé de politiques générales. L'article 137.3
nous parle de la possibilité pour la commission d'énoncer des
politiques générales. Je vous cite ici le ministre du Travail:
"La disposition permettra de réduire l'incertitude des justiciables qui
sauront à quoi s'attendre - je cite - et ne seront pas portés
à faire appel à la commission dans les cas où les lignes
directrices ou les politiques ont déjà été
énoncées." C'est à la page 12 de la déclaration.
(17 heures)
M. le ministre, sauf respect, ce double objectif, celui de
réduire l'incertitude et aussi celui portant sur le nombre de recours
à ta commission, n'est pas atteint par l'article 137.3 parce que, du
même souffle, l'article indique que la commission n'est pas liée
par ses propres politiques quand elle exerce ses pouvoirs juridictionnels. Je
comprends cela. Cependant, constatez la difficulté que cela comporte,
à ce moment-ci, pour un conseiller, pour un gestionnaire d'entreprise ou
pour un avocat vis-à-vis d'une personne qui lui demande de l'aide ou un
conseil: Bon, qu'est-ce que je vais faire? Et là, on lui dit:
Écoutez, la loi dit cela, sur ce point X et la jurisprudence
interprète la loi de deux façons. Il y a deux écoles et,
souvent, il y en a trois. Il y en a une qui est plus créative que les
deux autres, etc. Vous avez ensuite les politiques de la commission. Cependant,
je dois vous dire que la commission n'est pas liée par ses politiques.
Et là, vous me devez 100 $ pour vous avoir dit cela, pour vous avoir
éclairé comme cela! C'est mêlant. C'est compliqué.
C'est un degré de plus d'ambiguïté, à notre avis.
À quoi cela sert-il d'énoncer des politiques? D'abord, est-ce que
les politiques vont interpréter la loi? Cela serait probablement des
interprétations ou une ligne de pensée ou une forme d'application
suggérée de certaines dispositions nouvelles. On ne sait pas trop
ce que cela serait. Mais cela ne lie pas.
Enfin, c'est un domaine de droit nouveau où on est un peu confus
et on a l'impression que c'est de nature à ajouter encore plus
d'ambiguïté à la loi actuelle. Alors, comme je l'indique
à la page 11: "Nous croyons qu'un encadrement des rapports collectifs
réduisant les pouvoirs discrétionnaires et la nomination de
commissaires choisis pour leur compétence et leur impartialité
reconnues seraient des mesures beaucoup plus efficaces qui auraient l'avantage
d'assurer la stabilité du droit en s'appuyant sur la jurisprudence et
non sur des politiques dictées par un organisme administratif."
Il y a une série de défauts au régime actuel que
l'on connaît. En fait, dans tous les régimes qui sont basés
sur la jurisprudence et les décisions judiciaires, c'est bien sûr
qu'on a toujours la possibilité d'avoir des interprétations
contradictoires, etc., mais cela présente l'avantage, dans une balance,
à long terme et dans la majorité des cas, de donner une
continuité, de nous donner des outils de travail et des
éléments qui peuvent permettre aux gens de dire: Cela, on peut le
faire. Cela, on ne peut pas le faire. Et y ajouter des énoncés de
politiques, je pense que c'est quelque chose de très risqué et
qui risque de contribuer à l'ambiguïté à notre
avis.
Un autre point qui nous a beaucoup surpris a été la
question de la possibilité, pour la commission, de rendre des
décisions qui ne seraient pas motivées. On comprend que l'article
51 actuel serait abroqé, c'est celui qui oblige le commissaire du
travail à rendre ses décisions par écrit et à les
motiver. Encore une fois, je pense qu'on comprendra le "feeling" normal de
toute personne, de tout gestionnaire, qu'il soit syndicaliste ou qu'il
administre une entreprise, de vouloir savoir pourquoi il a gain de cause ou
bien pourquoi il n'a pas gagné sa cause. C'est normal et c'est utile.
Contrairement à certaines prétentions qui peuvent être
faites, cela n'aurait pas pour effet, à mon avis, de multiplier les
brefs d'évocation. Au contraire, cela aura pour effet de les limiter.
J'ai l'impression que les décisions orales et non motivées
seraient plus sujettes à être contestées devant les
tribunaux. C'est mon interprétation personnelle. On vous demanderait
également de regarder ce point-là.
Il y a un point qui n'est pas indiqué dans le mémoire,
mais qui m'a fortement intrigué, c'est l'article 134, paragraphe 2, qui
conférerait le pouvoir à une éventuelle Commission des
relations du travail d'ordonner à une partie de faire connaître
publiquement son intention de respecter la décision. Je vous
concède que cela existe au fédéral, à ma
connaissance, et M. Lapointe s'en est servi à quelques reprises, on a
adoré cela - également au Manitoba; j'ai vu certaines
décisions du "board" là-bas.
Je me demande si c'est nécessaire. C'est le genre d'article qui
comporte un peu de ce qu'on appelle de l'humiliation, la
nécessité de montrer quelqu'un du doigt. Vous, vous êtes un
mauvais employeur. Vous êtes un mauvais syndicat. Vous êtes une
mauvaise entreprise. Vous vous êtes mal comporté. Vous allez
perdre votre cause, mais, non seulement vous allez perdre votre cause, vous
allez écrire à tous vos employés, vous allez afficher cela
dans vos édifices et vous allez dire: Je suis un mauvais employeur, je
m'excuse de ne pas avoir respecté la loi et je vais la respecter
à l'avenir. J'ai vu plusieurs cas comme celui-là. Je pense que
cela n'est pas nécessaire. Je pense qu'on est peut-être rendu
à un degré de maturité un peu plus élevé
que
dans les années où on a inscrit dans quelques lois
canadiennes, je le concède encore, ce pouvoir, mais
j'apprécierais que le gouvernement puisse regarder la possibilité
de réviser cela.
Sur les pouvoirs d'enquêter, de convoquer, d'ordonner, il y a,
à notre avis, de petits irritants, quelques-uns sur lesquels on s'est
posé quelques questions. Il y a, entre autres, la possibilité
pour la commission, un commissaire ou un représentant de se procurer,
chez l'employeur, toute information qui pourrait être utile. Je porte
à votre attention que le mot "utile" est un mot extrêmement...
Une voix: Nécessaire.
M. Bilodeau: Oui, "nécessaire" serait déjà
mieux, utile... J'ai essayé de penser à des informations qui ne
seraient pas utiles ou qui seraient inutiles et j'ai de la misère.
Aussi, un autre problème: Pourquoi le commissaire irait-il puiser les
informations utiles ou nécessaires - et j'apprécie le mot
"nécessaire" un peu plus - uniquement chez l'employeur? Parce que le
bill 30 a l'air de suggérer que, chez les syndicats, on ne peut pas se
procurer d'informations utiles ou nécessaires. Peut-être qu'on
pourrait? D'accord.
Il y a également certaines considérations qui doivent
être soulevées concernant le pouvoir de la commission, à
l'article 137.2, de convoquer des réunions, on les qualifie de
réunions forcées dans le moment, parce qu'on ne sait pas
exactement quelle est l'intention en dessous de tout cela. On se pose des
questions, on craint qu'elle ne prenne un caractère peut-être un
peu plus "binding" qu'elle ne devrait prendre. Encore là, il y a une
réserve qui est exprimée de la part de nos membres sur cette
question et l'on voulait vous la communiquer.
À la page 14, vous remarquerez d'abord, sur la question du
pouvoir de "cease and desist", sous réserve des commentaires qu'on a
faits concernant le vaste mandat de la commission incluant la
possibilité de s'ingérer dans la gestion des ressources humaines,
qu'on n'a pas de position systématique à la question de "cease
and desist". Sauf, par ailleurs, sur un article auquel je reviendrais
tantôt, c'est-à-dire quand le commissaire a constaté une
violation flagrante de la loi. Je reviendrai sur cela.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Bilodeau, le "tantôt", il faudrait qu'il s'accélère
parce que, normalement, il vous reste encore à peu près deux
minutes pour la présentation de votre mémoire.
M. Bilodeau: Alors, j'accélère.
Le Président (M. Charbonneau): Compte tenu de ce qu'il
vous reste à compléter, pouvez-vous m'indiquer si vous pouvez
synthétiser, quitte à ce que les membres de la commission...
M. Bilodeau: Si vous permettez, disons sept, huit minutes.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté.
M. Bilodeau: Merci bien. Je vais donc passer aux points
principaux. À la page 15, le refus d'exercer ses pouvoirs malgré
une contravention à la loi. Nous disons: ou bien il y a une loi qui
permet le "cease and desist" ou bien il n'y en a pas. S'il y a une loi et que
l'on constate, effectivement, qu'il y a une violation à cette loi et que
le tribunal l'exerce, on ne peut pas laisser la discrétion à un
homme de juger, suivant le comportement des parties, s'il va accorder la
requête ou non. Cela devient de l'arbitraire pur et simple et on ne peut
que s'opposer à cette procédure.
Une mention sur le droit d'appel à la page 16. Je l'ai
indiqué tout à l'heure, dans le cas où un "board" à
trois ne serait pas retenu, une solution alternative serait peut-être de
procéder devant une personne, quitte, par ailleurs, à avoir un
appel sur les questions de droit devant un "board" à trois.
À la page 17, c'est le troisième thème, le premier
étant l'intervention dans les ressources humaines, le deuxième
étant la question des pouvoirs exorbitants; ici, c'est l'intrusion dans
les ententes privées. Nous croyons que les ententes privées entre
les syndicats et les employeurs doivent continuer d'être
privilégiées. Nous croyons qu'on peut se tromper à
l'occasion, mais il est préférable dans une balance, encore une
fois, de laisser la possibilité aux parties de se tromper quant à
leurs ententes 0,5 % du temps, plutôt que de permettre à un
tribunal, comme règle, d'intervenir dans des ententes entre les parties
où généralement les parties, 98 % du temps, le font
conformément à leurs domaines respectifs qu'elles connaissent
bien. On favorise évidemment, pour tous les articles concernés
à la page 17, les ententes privées entre les parties.
Enfin, sur la question de l'accréditation, qui est le
quatrième thème. On se pose carrément ta question: Le
législateur a-t-il voulu, habilement, par des modifications à la
loi et, en particulier, l'élimination de l'article 28, permettre
l'introduction ou le dépôt des requêtes
d'accréditation en dessous de 35 %? On espère que non. Je
comprends mal le projet de loi. Je pense que l'ayant mal compris j'aurais plus
tendance à l'interpréter comme donnant cette possibilité,
dans lequel cas la chambre s'oppose, évidemment. À la page 19, il
est important
de vous citer, encore une fois, si vous me permettez, M. le ministre,
vous disiez: "Des efforts doivent maintenant être consacrés en vue
d'aligner les fondements du système d'administration du régime
d'accréditation sur les réalités économiques des
années 87 et sur les nouvelles tendances qui caractérisent
aujourd'hui les relations du travail au Québec." Je le soumets
respectueusement, si on doit s'accoler un peu aux réalités
économiques et sociales d'aujourd'hui, compte tenu du fait que nos gens
ont évolué, sont plus éduqués, etc., il y a un
consensus social, une attitude qui est beaucoup plus positive par rapport
à celle qu'on avait il y a 20 ans.
Les réalités socio-économiques qu'on devrait
favoriser - on l'a déjà dit devant la commission Beaudry -
seraient de trois ordres: d'abord, un changement à l'article 45 pour
toucher à la sous-traitance; deuxièmement, un assouplissement de
la loi antibriseurs non pas pour l'éliminer, on ne veut pas charrier,
mais pour la rendre semblable à nos voisins de l'Ontario, les
"professional strike-breakers", et, troisièmement, une
démocratisation des règles d'accréditation:
c'est-à-dire un dépôt à 50 %, la possibilité
pour les gens de voter s'ils sont membres de l'unité
d'accréditation - on est les seuls au Canada où ils ne peuvent
pas voter s'ils ne sont pas membres du syndicat, il faut qu'ils soient membres
du syndicat; or, ce ne sont pas tous les membres de l'unité qui le sont
- et la question de la possibilité de demander un vote supervisé
dans certains cas, lorsque le syndicat ne veut pas aller à ses
membres.
J'ai abrégé, compte tenu du délai. Je conclus,
encore une fois, que vous aurez notre appui dans la mesure où ces
revendications, que l'on considère normales, dans les circonstances que
l'on connaît actuellement au Québec, seront retenues par le
gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Bilodeau. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais remercier la Chambre de
commerce du Québec et vous dire que j'attache beaucoup d'importance
à votre mémoire. Vous mentionnez au début que vous
regroupez "210 chambres locales, lesquelles comptent plus de 60 000 membres au
Québec. De plus, la Chambre de commerce du Québec compte
elle-même plus de 5600 entreprises" et, à moins de faire erreur,
je vous dirai que c'est dans le secteur des petites et moyennes entreprises que
vous regroupez le plus de membres. Oui, M. Létourneau.
M. Létourneau: Nous regroupons certainement au moins 95 %
de toutes les grandes entreprises privées; comme elles sont très
peu nombreuses - on en a compté 250 ou 300 au Québec et c'est
à peu près tout -alors on a environ 95 % de l'ensemble des
moyennes et grandes entreprises privées. Évidemment, puisque nous
en avons maintenant presque 5600, le reste, ce sont des petites et moyennes
entreprises.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je vous remercie. Vous
êtes actifs dans le comté chez nous et, si tous les
députés intervenaient, ils vous diraient que vous êtes
actifs dans leur comté également.
Je vais reprendre un texte que vous avez lu, parce qu'il m'a
frappé, à la page 6: "Ce que le projet de loi 30 propose: un
jugement devant "juge" seul; qui n'est pas tenu d'entendre les parties avant de
rendre une décision; qui, s'il les entend, décide du mode de
preuve et des règles de procédure et de pratique
appropriées; qui fonde, peut-être, son jugement sur des politiques
générales qui par ailleurs ne le lient pas; qui n'est pas tenu de
motiver sa décision par écrit; qui dispose de pouvoirs
d'enquête, d'"injonction", de convocations quasi illimités; qui
peut rendre des décisions provisoires ou, au contraire, refuser
d'exercer ses pouvoirs malgré une contravention; qui peut ou non
déposer sa décision au bureau du protonotaire de la Cour
supérieure pour la rendre exécutoire; qui peut enfin
réviser sa décision, toujours sans audition, mais dont la
décision est sans appel; le tout dans le contexte du mandat très
large dont nous avons parlé précédemment."
Je vous dirai tout simplement que, si vous aviez raison et si on ne
reprenait pas chacun des éléments, j'aurais de la
difficulté à saisir le refus d'embarquer de certaines centrales
syndicales ou le "oui mais" de certaines autres.
De façon à reprendre les éléments, vous me
permettez d'aller à la page 20, dans vos conclusions, et de tenter de
regarder ensemble très attentivement le deuxième paragraphe. Vous
dites: "Le projet ne rencontre pas les objectifs poursuivis: la simplification
proposée repose principalement sur une marge discrétionnaire
inacceptable." Je vous soumettrai humblement que la simplification
proposée sur le plan de la structure fait en sorte qu'un système
à trois paliers, que nous connaissons présentement, va devenir,
si le projet de loi est adopté, un système à un palier et
qu'à notre avis il s'agit... En tout cas, je ne sais pas s'il s'agit
d'une simplification, mais on peut au moins parler, sur le plan
arithmétique, d'une réduction. (17 h 15) "Les ententes de
gré à gré ne sont pas privilégiées dans les
faits, on observe plutôt une ingérence virtuelle ou réelle
dans les ententes négociées de bonne foi." Lorsqu'on introduit
des notions, comme on l'a fait, de
conciliation et de médiation, lorsqu'on réserve
l'adjudication comme tout dernier recours, j'ai de la difficulté
à avaler le vocabulaire que vous utilisez.
Lorsque vous parlez d"'une ingérence virtuelle ou réelle
dans les ententes négociées de bonne foi", le texte actuel du
projet de loi - c'est bon de retourner au texte quelquefois; je pense que c'est
à l'article 16 - parle d'intervention, lorsqu'il y a entente gré
à gré, lorsque la commission est d'avis que "l'unité est
manifestement inappropriée". Mais remarquez qu'à ce titre nous
avons reçu des représentations de plusieurs groupes qui nous
invitent à le retirer, alors que certains intervenants, minoritaires,
nous invitent à le conserver, et que nous sommes en réflexion.
Mais élargir la portée de cet article comme vous le faites
relève d'une imagination fertile. "L'abolition du ticket
modérateur lors de l'accréditation risque de provoquer des
engorgements et des imbroglios aussi, sinon plus, irritants que ceux de
l'actuel système." C'est toute la question de la conjugaison de
l'article 37 du code qui demeure, j'imagine -je ne veux pas errer - de
l'article 28 qui est aboli et du 35 %-50 %? C'est ça.
Les avis que nous avons fouillés, les personnes que nous avons
interrogées sont toutes d'avis qu'il n'y a pas de modification
substantielle à la situation actuelle. La quasi-totalité est
d'avis qu'il n'y a aucune modification à la situation actuelle,
situation qui est la suivante: pour ordonner un vote, il faut entre 35 % et 50
%, sauf en cas de pratique déloyale, et la jurisprudence le
reconnaît. En bas de 35 %, il y a eu quelques cas exceptionnels où
quelques votes ont été ordonnés. On ne fait que prendre
cette situation qui existe dans le code actuel et la répéter dans
le nouveau code. Là-dessus, je suis conscient qu'il faut être
prudent et c'est d'autant plus facile d'être prudent que toutes les
centrales syndicales qui sont venues témoigner nous ont dit: Le plancher
de 35 %, c'est un plancher qui nous apparaît raisonnable. On ne vous
demande pas d'aller plus loin que ce que le code comportait
précédemment.
Donc, si vous avez des garanties additionnelles que vous désirez
obtenir sur le plan du libellé, compte tenu de l'assentiment de la
partie syndicale, nous sommes prêts à les offrir. Mais nous vous
disons: Si on ne change rien, au fond, si la situation qui prévaut
actuellement est la même que nous reconduisons, encore là,
n'est-ce pas exagéré de parler de l'abolition du ticket
modérateur? "Le projet n'offre pas de garanties suffisantes et de
respect du droit des parties; les modifications apportées au
régime d'accréditation n'intègrent pas les nouvelles
réalités économiques." On peut en discuter longtemps. Nous
avons insisté sur une approche qui tient compte plus de la petite et
moyenne entreprise. Nous sommes conscients que les grandes entreprises, au
Québec, la grande majorité, sont déjà
syndiquées - je dis bien la grande majorité -et que le champ de
développement en matière d'accréditation, et les
statistiques du ministère nous le révèlent, s'en va vers
la moyenne entreprise et la petite entreprise, comme telles. Donc, nous avions
le souci des petites et moyennes entreprises et la simplification des niveaux,
l'unification de l'intervenant, à notre avis, facilite la
compréhension du système par un dirigeant de PME. "Le mandat qui
est confié à la commission outrepasse largement ce qu'on est en
droit de s'attendre d'un tel organisme." On s'est fait adresser par chaque
intervenant syndical le reproche qu'on n'incluait pas tous les pouvoirs, entre
autres, en matière de piquetage, entre autres, en matière de
dispositions antibriseurs de grève, entre autres, en matière
d'arbitrage de la première convention collective. On s'est fait
reprocher de ne rien modifier à ce qui existait autrefois, de simplement
prendre les pouvoirs qui sont dans des structures, de les simplifier et les
unifier. Je tente de concilier vos propos avec ceux que j'ai entendus, depuis
deux jours, d'une autre partie. "Enfin, le projet de loi s'écarte
beaucoup trop de ce qui se fait dans les autres provinces pour prétendre
à l'harmonisation et à la compétitivité." Je ne
prétendrais pas que c'est l'harmonisation parfaite, mais on
rêverait d'être capable de prétendre que, sur le plan de la
structure et de l'encadrement, l'investisseur qui vient au Québec ne se
retrouvera pas dans une structure complètement étrangère
de ce qu'il connaît ailleurs, en Ontario ou dans les autres provinces
canadiennes, ou, même, au plan fédéral. Le cadre lui serait
plus familier, mais il y a des particularités. Notre économie est
basée davantaqe sur la petite et moyenne entreprise que celle de
l'Ontario. Et il faut tenir compte de ces petites particularités dans
l'harmonisation. C'est un paragraphe - et c'est pourquoi je l'ai repris -qui
est lourd dans ses accusations et je veux vous laisser l'occasion de maintenir
ces accusations à la suite des échanges que nous avons eus ou de
nous indiquer quelles seraient les modifications très spécifiques
que nous pourrions faire, s'il vous reste des doutes, de façon à
soulager votre esprit.
M. Bilodeau: M. le ministre, d'abord, je vous indique que la
conciliation des propros tenus par le patronat et par les grands syndicats est
généralement assez difficile à faire, parce qu'il y a lieu
de s'attendre que les syndicats disent: Écoutez, vous avez une
commission et elle n'a pas assez de
pouvoir. Il y a lieu de s'attendre également que le patronat vous
suggère: Vous avez un changement de structure qui affecte nos
institutions mêmes, et vous leur donnez trop de pouvoir. Ce qu'on vous
dit ici, sur le premier point, je vous indique, M. le ministre, que ce n'est
pas sur le nombre de paliers qu'on en a. Il n'y a pas d'accusation à ce
sujet. D'ailleurs, il n'y a d'accusation nulle part dans le mémoire, il
y a simplement des commentaires sur un projet de loi qui est au stade,
actuellement, de l'étude par les représentations.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est pour animer la
discussion.
M. Bîlodeau: C'est cela. On anime la discussion et je dis:
II ne s'agit pas du nombre de paliers. On est prêt à vous suivre
pour le nombre de paliers. Ce qu'on vous dit concerne la grande marge
discrétionnaire qui est laissée. On vous demande de
considérer très sérieusement qu'il est plus opportun de
laisser les relations du travail, à l'intérieur des entreprises,
se faire entre les syndicats et les employeurs, qui sont de plus en plus
"matures" au Québec, en passant. On vous dit: Mettez donc l'accent
là-dessus plutôt que de dire: On va laisser cela à la
discrétion d'un homme qui est un commissaire. On aime mieux se fier
à notre jugement et au jugement de nos adversaires syndicaux quand c'est
le temps de discuter et de régler nos problèmes. C'est ce qu'on
dit, c'est sur la marge qu'on en a.
Deuxièmement, pour la question de l'ingérence virtuelle,
on vous suggère encore une fois que les ententes qui peuvent... J'ai 28
000 employés syndiqués au Canada, 70 conventions collectives, et,
régulièrement, je dois m'entendre avec mes collègues
syndicaux pour définir ce que sera une unité de
négociation à tel endroit et à tel autre endroit. On le
fait constamment. Il y a des cas, peut-être, où un individu, dans
son bon jugement, pourrait dire: Moi, je trouve que ce n'est pas raisonnable.
Mais, nous, nous trouvons que c'est raisonnable. M. le ministre, je vous
supplie de nous laisser le droit de trouver que c'est raisonnable. Si jamais il
y a quelqu'un qui se sent brimé, il y a d'autres procédures dans
la loi. Il y a des articles, comme l'article 39 sur la définition d'un
statut de membre ou de non-membre de l'unité de négociation, etc.
Je dis: Capitalisons sur les parties, comme possibilité de s'entendre,
parce qu'on connaît notre métier, on connaît nos domaines
respectifs.
Sur la question du 35 %, j'indique qu'il est probablement fort vrai, et
c'est reconnu par les syndicats, que le 35 % est un plancher acceptable.
D'ailleurs, je vous indique que c'est le plus bas en Amérique. J'ai
"checké" chacune des juridictions canadiennes et certaines juridictions
américaines et la possibilité de déposer une requête
à 35 % est déjà ce qu'il y a de plus ouvert pour un
syndicat, en Amérique. Comme c'est le cas, nous pensons qu'il serait
peut-être prudent, si l'intention est de laisser cela ainsi, simplement
de te préciser. Pourquoi? Je vais vous dire ceci, il est bien
évident que M. Laberge, M. Larose ou leurs représentants ne
déposeront pas des applications en accréditation avec 15 % et 20
%. C'est une perte de temps et d'argent. Cependant, vous avez évidemment
la possibilité d'un dépôt à 30 %, d'un
dépôt à 35 %, c'est déjà quand même
assez substantiel. Ce que cela fait, c'est que cela crée tout un climat
dans une entreprise - et là je vous parle d'une PME, je ne vous parle
pas de la grande entreprise déjà organisée comme vous
l'avez mentionné. On représente des milliers de PME. Vous vous
trouvez dans une situation où le processus de l'accréditation est
enclenché et vous congédiez quelqu'un pour quelque motif que ce
soit: il y a une présomption contre vous. Vous vous ramassez à la
cour, devant les tribunaux, vous faites tout cela, alors qu'il n'y a pas
même l'existence d'un syndicat majoritaire, alors je dis: C'est
déjà fait à 35%, on ne vous demande pas de l'abroger, on
souhaiterait que ce soit à 50 % comme ailleurs, mais on ne vous demande
pas de l'abroger. On vous dit: Considérez donc sérieusement la
possibilité, à tout le moins, de laisser ce plancher-là
dans la loi, c'est ce qu'on dit.
Et, enfin, je termine là-dessus, on s'entend qu'il n'y a pas
d'accusations, il y a des revendications, mais nos revendications consistent
à vous dire ceci: Actuellement, M. le ministre, on a le droit de se
présenter devant le tribunal quasi judiciaire et de dire au tribunal ce
qu'on pense: Voici notre version des faits et voici pourquoi on pense qu'on a
raison. On a le droit de faire cela, ce n'est pas exagéré, on
veut seulement continuer à avoir ce droit. On a le droit d'avoir une
décision, du même tribunal, écrite et motivée. On
vous dit: Laissez-nous la donc, on a un droit d'appel, on est prêt
à regarder la possibilité de le mettre de côté parce
qu'on comprend votre objectif de changer les structures, sous réserve,
évidemment, d'avoir trois personnes ou un appel devant trois
commissaires, mais on vous dit: Ne nous enlevez pas notre droit d'être
entendus, à tout le moins. Si on regarde cela, cela ne m'apparaît
pas déraisonnable.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question de motiver les
décisions, les représentations des intervenants sont quasi
unanimes...
M. Bilodeau; Oui, sur audi alteram
partem, elles doivent l'être également.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur audi alteram partem, il y a
des gens qui se plaignent que ce ne soit pas écrit dans la loi, etc. Il
y en a d'autres qui nous font des représentations et j'avais le texte de
la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du
Québec qui nous dit: Aucun article ne dispense la commission du respect
de la règle audi alteram partem et, lorsqu'une décision est
rendue, s'il fallait que cette règle de justice naturelle ne soit pas
respectée, elle donnerait immédiatement ouverture à
évocation.
Voulez-vous qu'on aille plus loin, qu'on l'inscrive comme cela?
M. Bilodeau: Sincèrement, j'aimerais cela parce que,
lorsque c'est inscrit, ce n'est pas forçant, le commissaire convoque les
parties à une audition et c'est fini. Vous venez d'éviter des
centaines de requêtes en évocation et qui vont se produire
à l'avenir. Il va y avoir des perdants et il va y avoir des gagnants. Il
va y avoir beaucoup de perdants sur le plan financier, il va y avoir des
avocats qui vont faire de l'argent, mais ce n'est pas cela qu'on veut.
Vous recherchez des relations du travail saines, des relations du
travail décentes, tout ce qu'on dit: Laissez donc aux deux parties,
d'abord, la possibilité de s'entendre entre elles et, si elles sont
capables et si elles sont assez "matures" pour le faire, laissez-les aller.
Deuxièmement, si elles ne s'entendent pas sur certains points,
donnez-leur la possibilité d'aller devant un organisme - on vous suit
pour l'organisme - mais dites-nous qu'il va y avoir trois personnes et
dites-nous que l'organisme va avoir le devoir de nous entendre et qu'il va nous
rendre une décision: c'est respecter les gens. Nous, on va respecter les
décisions et il y aura moins d'évocations à ce
moment-là, il y aura plus de clarté, à notre avis, moins
d'ambiguïté. C'est ce qu'on demande.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question du banc où
un commissaire siégerait seul ou du banc à trois, au moment
où nous nous parlons, lorsque vous avez à vous présenter
devant le commissaire du travail, siège-il seul pour rendre sa
décision?
M. Bilodeau: II siège seul et je vous indique, tout de
suite, que, s'il était question que le gouvernement considère de
laisser l'institution où il y aurait un individu qui siège seul
avec un appel à un tribunal, on vous suit à 100%.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, lorsque vous allez
devant le Tribunal du travail, il siège seul.
M. Bilodeau: II siège seul, mais, d'abord, c'est un juge
et il siège en appel de la décision du premier commissaire. On ne
gagne pas toujours, mais on a l'impression... C'est très important, les
justiciables ici, et, pour les Latins, c'est particulièrement vrai, on
veut avoir l'impression que notre cause a été bien entendue et
que, si l'individu se trompe manifestement, on a la chance de l'exprimer devant
une autre personne.
Je comprends que si on a un "board" -il n'y a pas d'appel en Ontario et
il n'y en a nulle part ailleurs...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne voulez quand même
pas me dire - je veux qu'on soit clair là-dessus - qu'en cas de
violation des règles de justice naturelle, même si vous vous
retrouviez devant un commissaire seul, vous n'avez pas la possibilité
d'évoquer en Cour supérieure.
M. Bilodeau: Ah! non, si on parle d'audi alteram partem, c'est
une autre chose, c'est sûr. Que le commissaire soit seul...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne s'agit pas simplement d'audi
alteram partem, là, mais de l'ensemble des règles de justice
naturelle établies par la jurisprudence.
M. Bilodeau: Les règles de justice naturelle, il y en a
deux: audi alteram partem, et nemo ejusdem in sua causa.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...in sua causa. (17 h 30)
M. Bilodeau: Pour la première, audi alteram partem, je
vous concède qu'un homme soit seul ou qu'il y ait un tribunal à
trois, la règle est respectée du simple fait d'avoir
convoqué les parties. Donc, qu'il soit un ou trois, cela ne change rien.
Vous avez raison. On ne parle pas de l'autre règle, ce n'est pas mis en
cause ici. Alors, sur la question du respect de la règle, qu'il y
ait...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela fait longtemps que je n'ai
pas pratiqué, mais les ouvertures au Code de procédure civile
pour évocation sont plus nombreuses que ces deux règles. De
mémoire. Je peux aller chercher mon code de procédure.
M. Bilodeau: Ah oui! Là, on embarque dans la question des
excès de juridiction. C'est quand il y a un excès...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mémoire.
M. Bilodeau: ...de juridiction, c'est-à-dire quand le
tribunal décide quelque chose qui l'amène à
l'extérieur de sa juridiction, purement et simplement, ou encore
lorsqu'il
viole une règle de justice naturelle comme celle qu'on vient de
mentionner. L'audi alteram partem, c'est un automatique. Là, il y a non
seulement un excès de juridiction, mais le tribunal, à toutes
fins utiles, n'exerce pas sa juridiction devant les parties comme il devrait le
faire. Il ne les convoque pas pour les entendre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais c'est un déni de
justice.
M. Bilodeau: C'est un déni de justice.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment-là, il y
a également une possibilité...
M. Bilodeau: En français, c'est un déni de justice
de violer ces règles de justice naturelle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends ce que vous voulez
dire, mais je ne veux pas qu'on se laisse avec l'impression que le justiciable
est dépourvu de tout moyen devant un commissaire et est laissé
à l'arbitraire. Il y a quand même le contrôle de...
M. Bilodeau: Ah non!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...nos institutions par les
tribunaux de droit commun qui sont garanties dans la constitution canadienne.
Je ne pense pas que les ententes du lac Meech aient changé quoi que ce
soit.
M. Bilodeau: Non, vous avez bien raison sur cela. C'est
sûr.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. C'est parce que cela
circule ces jours-ci.
M. Bilodeau: Non. Vous avez raison sur ce point. Cependant, les
raisons qui nous forcent ou qui nous amènent à demander qu'il y
ait un "board" à trois personnes ne sont pas de cette nature. Elles sont
de deux natures. Comme je vous le dis, il existe un confort psychologique
indéniable pour n'importe quel justiciable de savoir que sa cause est
entendue, surtout dans un domaine névralgique et délicat comme
celui des relations du travail. Vous l'avez exprimé tout à
l'heure. C'est important.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour les questions importantes, la
possibilité demeure. Je vous indique qu'au moment où on se parle
il n'y a pas une imposition, dans la loi, à un commissaire de
siéger seul; la commission peut décider, dans une question
qu'elle considère plus importante ou pour un motif qui lui appartient,
de siéger à plusieurs membres. Cela va?
M. Bilodeau: Oui. On se comprend là-dessus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais votre demande stipule que,
dans tous les cas, ce soit un minimum de trois.
M. Bilodeau: C'est, d'ailleurs, accepté dans l'ensemble
des provinces canadiennes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais dans l'ensemble des
provinces canadiennes, je vous ferai remarquer que la structure industrielle
n'est pas nécessairement la même. Comme vous le savez, le
gouvernement actuel est un gouvernement soucieux de justice, de droit et de
liberté. C'est également un gouvernement soucieux du rapport
coûts-bénéfices et notre structure industrielle
formée d'une multitude de petites et moyennes entreprises fait en sorte
que le volume des demandes n'est pas exactement le même, non plus.
M. Bilodeau: M. Peterson dit la même chose,
également, à Toronto.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II a raison parce que nous ne
sommes pas semblables.
M. Bilodeau: Je peux vous dire qu'il est aussi soucieux, du
maintien des bonnes relations du travail en Ontario. En tout cas, j'y vais
chaque semaine par obligation. Je vous dis qu'il y a une comparaison assez
étonnante entre les deux. Le système de relations du travail en
est un où on ne se sent pas un étranger comme en droit civil, par
exemple. Si vous allez en droit civil et que vous essayez d'aller pratiquer
là-bas, vous ne serez pas capable. Mais dans le domaine des relations du
travail, vous allez saisir cela beaucoup plus vite parce qu'il y a des
principes, des habitudes, il y a un comportement entre les gens, il y a des
"feelings". Ce sont des relations du travail et cela se vit. C'est reconnu un
peu partout. Vous avez le président du "board" et, dans certaines
provinces, vous avez un assesseur patronal et un assesseur syndical. Dans
d'autres, ce sont trois commissaires. Cela dépend des provinces. Mais il
y a toujours cette institution.
Prenez un exemple, l'article 45 qui est un article très complexe.
On sait comment il a été bafoué à gauche et
à droite, même par le Tribunal du travail. Vous pourriez avoir un
homme seul qui décide: Je prends cette direction. Alors, s'il y a deux
personnes, elles vont dire en délibéré: Écoute, tu
ne peux pas t'en aller comme cela. Au moins, respecte ce principe fondamental.
On peut comprendre le bien-fondé de ta décision, mais sur ce
point, ne charrie pas. Les gens se parlent ensemble.
Cela nous donne une garantie. On voudrait cette garantie. Pour le
moment, M. le ministre, on l'a. On a un tribunal qui entend en appel. On ne
veut pas vous demander qu'il y ait encore un tribunal en appel, mais on vous
demande de considérer ce point très sérieusement.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Quelques mots d'abord pour souligner combien, compte
tenu de votre présence dans toutes les régions du Québec,
vu que la Chambre de commerce a des assises depuis longtemps qui sont
également importantes, avec le type de relations qu'elle a
fréquemment avec le monde de l'entreprise, le monde des affaires, le
monde commercial, je pense que c'était requis que vous exprimiez votre
point de vue sur un projet de loi qui a, quand même, des incidences
majeures sur les relations du travail, même s'il a été
présenté davantage comme une réforme de structure, et, en
ce qui me concerne, c'est toujours cela. Au nom de l'Opposition, je veux vous
remercier d'avoir accepté de venir donner votre point de vue.
Je pense qu'il y a, quand même, certaines choses sur lesquelles il
y a consensus et il y a des éléments sur lesquels vous revenez,
comme la plupart des intervenants. En ce qui me concerne, j'en citerai
quelques-uns, avec raison, il y a également quelques questions que
j'aimerais approfondir. Si on allait tout de suite dans l'introduction.
J'aimerais que M. Létourneau, que je connais, réponde, si vous
n'avez pas d'objection. Je n'ai rien contre M. Bilodeau. C'est qu'il me semble
que le type de question que je vais poser, en premier lieu, devrait être
davantage du ressort de M. Létourneau. Dans l'introduction, vous
mentionné, au bas de la page, que "la Chambre du commerce du
Québec serait disposée à appuyer le projet de créer
une C.R.T., dans la mesure où des modifications majeures viendront
limiter son mandat à des dimensions plus raisonnables, circonscrire sa
discrétion incroyable! C'est peut-être moi qui ne comprends pas.
Je ne comprends pas cela. Je fais seulement le lire, là.
"Éliminer son interventionnisme exorbitant", vous avez bien
expliqué cela. On peut être d'accord ou non, mais c'est
très clair. Tout au long des pages 5 à 16, vous avez
expliqué toutes les dimensions sur lesquelles vous croyez qu'il y a un
interventionnisme exorbitant. Mais "circonscrire sa discrétion
incroyable", je ne comprends pas. Si M. Létourneau pouvait
également m'expliquer ce que signifiait exactement, pour vous, cette
mention: "ajuster les mécanismes d'accréditation aux
réalités économiques". Si on comprend que le droit
à l'accréditation est un droit fondamental, pour ceux qui veulent
l'exercer, en tout cas, pourquoi ne serait-il pas pur en soi et y aurait-il
lieu de le relier à une notion de réalités
économiques alors que des partisans d'autres thèses pourraient
prétendre qu'il y a lieu de l'ajuster à d'autres types de
réalités? Là, je demande jusqu'où le
législateur, qui a à arbitrer et à interpréter des
dispositions législatives dans les lois du travail, va se rendre s'il y
a des considérations de cette nature.
M. Létourneau: M. le Président, en réponse
à la question du représentant de l'Opposition, M. le
député d'Abitibi-Ouest, je voudrais, tout d'abord, signaler que,
pour ce qui est de l'aspect spécialité d'interprétation du
projet de loi, je m'en remets à notre administrateur, Me Bilodeau.
Cependant, pour autant que j'aie pu constater ce qui s'était
passé à l'étude du projet de loi, la "discrétion
incroyable", pour nous, est basée sur la perception et
l'interprétation que nous avons eues de plusieurs sources, selon
lesquelles, par exemple, la commission peut faire des règles et
qu'ensuite les commissaires ne sont pas tenus de les respecter. Alors, on se
dit que c'est une très large discrétion. On se donne la peine de
se donner des règles d'interprétation et, après cela, on
dit du même souffle, mais pas dans le même article, que cela ne lie
pas les commissaires. C'est une très grande discrétion.
"Décide du mode de preuve et des règles de procédure et de
pratique appropriées", c'est encore, il nous semble, une très
grande discrétion. "N'est pas tenu de motiver sa décision"; le
commissaire qui rend sa décision n'est pas tenu de la motiver et, si je
comprends bien - et là je laisserai Me Bilodeau l'interpréter -
il n'est même pas tenu de l'écrire. Il peut rendre sa
décision verbalement. Cela nous apparaît des genres de
discrétions assez vastes et même trop vastes. "Ajuster les
mécanismes d'accréditation". Nous avons fait cette observation
après avoir interprété le projet de loi comme
éliminant le plancher de 35 %. C'est l'inteprétation que nous
avons eue de plusieurs sources qui nous disent: II n'y a plus de plancher de 35
%. S'il n'y a plus de plancher de 35 %, on vous demande à ce
moment-là d'ajuster les mécanismes d'accréditation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Létourneau.
M. Létourneau: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec la permission et le
consentement de l'Opposition, je suis obligé de revenir sur la question
du plancher de 35 %. Il y a une prétention du ministre, du
ministère, des avis que j'ai
reçus, que présentement ce plancher de 35 % s'applique
généralement, mais il est possible dans certains cas - la
jurisprudence est à cet effet - qu'on soit allé en dessous de 35
%, quelquefois. Si la Chambre de commerce maintient que je suis dans l'erreur,
cela ne me fait rien qu'elle le maintienne, mais ce que l'on prétend,
c'est qu'on maintient cette situation. On n'y change rien. Est-ce qu'on se
trompe ou est-ce qu'on ne se trompe pas?
M. Létoumeau: M. le Président, en répondant
à la fois à M. le ministre et au représentant de
l'Opposition, si tel est le cas, étant donné le nombre de
personnes compétentes que nous avons consultées et qui nous ont
donné cette interprétation - c'est-à-dire
l'interprétation selon laquelle il n'y avait plus de plancher compte
tenu du projet de loi - et que vous avez dit, si j'ai bien compris, M. le
ministre, que, compte tenu du fait que du côté syndical on vous a
indiqué que le plancher ne les énervait pas, qu'ils le laissaient
à 35 %, vous êtes prêt à me faire un amendement au
projet de loi pour le préciser, c'est ce que nous aimerions qu'il soit
fait. Si vous faites cela, cela satisfait notre requête sur la question
de l'accréditation.
M. Gendron: Juste une seconde, M. Létouneau, avant de
passer la parole à M. Bilodeau. Je suis d'accord avec vous, M.
Létouneau; à partir du moment où "circonscrire sa
discrétion incroyable" se rapportait à l'ensemble des
éléments couverts aux pages 5 à 16, cela me satisfait.
C'est que je l'avais vu autrement que comme un synonyme à
"interventionnisme exorbitant". Mais, dans le fond, avec un sens exprimé
différemment, cela signifie la même chose. Il y a trop de choses
sur lesquelles la commission peut agir, intervenir et ainsi de suite sans
nécessairement le justifier, le baliser ou l'exprimer, et vous avez dit:
On voudrait que sa discrétion soit moindre, soit plus petite, plus
faible. Est-ce cela? À ce moment-là, cela me va, parce que c'est
une question de compréhension et c'est ma faute dans le sens que, si
j'avais référé aux autres pages, j'aurais compris. Par
contre, sur l'autre dimension, j'aimerais savoir ce que vous vouliez
spécifier par "ajuster les mécanismes d'accréditation
réalités économiques". Je me doute de votre
réponse, mais je ne veux pas douter, je veux avoir la
réponse.
M. Létouneau: Je demande à Me Bilodeau de
poursuivre sur cette question, M. le Président.
M. Bilodeau: Tout d'abord, je voudrais simplement terminer sur la
question du pouvoir discrétionnaire. Le plus large, à mon avis
personnel, c'est la question de l'article 137.6 concernant la
possibilité pour le tribunal de refuser de donner droit à une
demande malgré qu'il constate une violation de la loi. C'est un pouvoir
discrétionnaire, à ma connaissance, exorbitant et qui n'existe
dans aucune juridiction canadienne. D'une part, on vous donne le pouvoir, par
exemple, d'accorder un "cease and desist" s'il y a une grève
illéqale ou un lock-out illegal, mais, d'autre part, on confère
à un homme le soin d'apprécier: C'est vrai qu'il y a une
grève illégale, mais je ne vous aime pas, vous, le
requérant. Vous avez provoqué, vous n'êtes pas un bon
qarçon. L'inverse est aussi vrai. Il y a un lock-out illégal,
mais le syndicat a charrié dans ses demandes. L'employeur a le droit de
faire un lock-out illégal. Cela n'a pas de bon sens. On suggère
respectueusement que cela doit être regardé, parce que c'est une
discrétion beaucoup trop large.
Je vous indique aussi un autre petit point qui m'a sauté aux
yeux, c'est dans le cas où également il pourrait y avoir une
réparation prévue par la procédure de grief. Je me pose
une question ici, parce que, dans le cas d'une demande de "cease and desist",
par exemple, le commissaire pourrait dire: Mais pourquoi ne faites-vous pas un
grief en vertu de la convention collective, une réclamation en dommages
et intérêts par voie de grief. Cela a été reconnu
dans l'arrêt Polymer Corp. par la Cour suprême. Donc, je
n'émets pas le "cease and desist". Laissons aller la grève
illégale et, en temps et lieu, vous ferez un grief, vous
réclamerez les dommages et intérêts. Je suis convaincu que
ce n'est pas là le but du gouvernement. Je vous demande de le
vérifier.
Sur l'aspect économique, tout à l'heure dans ma
présentation j'ai mentionné trois choses. J'ai indiqué,
d'abord, que les préoccupations socio-économiques dont il
était question avaient trait, d'une part, à la question du
dépôt des requêtes en accréditation et je vous ai dit
qu'on avait, évidemment, une préférence très claire
à la majorité absolue, soit 50 %. J'ai mentionné que le
droit de déposer une requête en accréditation était
subordonné à l'acquisition de 50 % des membres dans la presque
totalité des juridictions canadiennes, sauf, je croîs, en Colombie
britannique où c'est 45 %. (17 h 45)
M. Gendron: Cela va. Je voudrais juste que vous vous en teniez
à la réalité économique. Je ne vois toujours pas
dans ce que vous dites de réalité économique.
M. Bilodeau: D'accord.
M. Gendron: Qu'est-ce que vous entendez par: On va accorder une
accréditation basée sur les réalités
économiques? C'est juste le sens que vous
donnez à cela et pourquoi , vous prétendez que cela serait
exigeable. C'est seulement cela que je veux savoir.
M. Bilodeau: Je ne pense pas qu'il y ait d'association directe
avec le terme "réalités économiques"; on n'avait pas
à l'esprit, à ce moment-là, les règles, les
mécanismes de l'accréditation, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Ah bon! Cela règle mes problèmes.
M. Bilodeau: On avait à l'esprit les deux autres
éléments que j'ai mentionnés, c'est-à-dire, d'une
part, les changements à l'article 45. Être porte-parole de la
Chambre de commerce, donc de milliers de petites entreprises au Québec,
et ne pas faire mention du problème majeur que constitue l'article 45
dans les cas de sous-traitance, c'est quasiment ne pas faire notre travail
correctement. C'est là un problème de réalités
économiques. Deuxièmement, un assouplissement de la loi
"antiscabs" pour des raisons qu'on ne veut pas reprendre ici, j'en conviens,
mais on l'a mentionné, et un phénomène de
démocratisation des règles relatives à l'obtention du
mandat de grève et du droit de grève, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure. C'était plutôt cela qu'on
avait l'esprit.
M. Gendron: Ça, ça va, parce que je voulais quand
même qu'on se comprenne bien, compte tenu que nos débats sont
enregistrés. Je faisais référence à l'introduction.
Vous terminiez votre affaire en disant: "et ajuster les mécanismes
d'accréditation..." Vous ne parliez pas de la sous-traitance et de tout
cela. La sous-traitance, je suis d'accord que c'est un problème. On en
entend parler, on est député, on a des représentations. Je
n'ai aucune espèce de gêne à aborder ce
débat-là, n'importe quand, avec qui que ce soit.
M. Bilodeau: Ce n'était pas relié aux
mécanismes, sous réserve de notre souci de voir, c'est bien
important, l'expression normale de la majorité. C'était cela.
M. Gendron: Merci.
M. Létourneau: M. le Président, est-ce que nous
devons bien comprendre qu'il y aura un amendement ou quelque chose qui
précisera que le plancher est bien là?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez bien compris.
M. Létourneau: Oui, merci.
M. Gendron: Là-dessus, je voulais vous dire ceci, parce
que vous ne pouvez pas nous suivre partout. Sans prétendre être
avocat, parce que je ne le suis pas, effectivement, dans le projet de loi - le
ministre va se le rappeler - en deuxième lecture, comme dans les
remarques préliminaires, j'ai fait valoir qu'il y avait, quand
même, une certaine confusion. Nous aussi, nous avons quand même les
moyens d'engager - mais moins que le gouvernement - quelques conseillers et les
quelques-uns qui m'avaient conseillé prétendaient non pas
nécessairement que le plancher disparaissait, mais qu'il y avait quelque
chose, quand on lisait cela attentivement, qui était loin d'être
clair. Je ne partageais pas l'interprétation du Conseil du patronat et
la vôtre, à savoir que le plancher avait sauté, mais je
partage la vôtre qu'il y a nécessité d'écrire
quelque chose de mieux pour éviter le doute dans toutes les têtes.
Je pense que vous aviez raison de le souligner. À la page 4, moi,
j'étais très heureux que vous signaliez... Le ministre y est
encore revenu, il y est revenu sur chaque mémoire, mais je ne comprends
toujours pas s'il avait vu cette partie-là ou s'il y a une intention
cachée, ce qui ne me surprendrait pas, mais je n'ai pas le droit
d'exprimer des doutes trop longuement. Je veux vous féliciter, en tout
cas, comme Chambre de commerce, parce que là-dessus il y a
unanimité. Je n'ai jamais compris que "favoriser le développement
de saines relations du travail eu égard à l'intérêt
du public, aux droits et obligations des parties et à la bonne gestion
des ressources humaines" devait être compris à l'article 112,
parce qu'il semble c'est aller dans - je vais appeler cela ainsi - du droit
nouveau, pas au sens de droit, mais au sens d'une notion tellement large qu'il
est inadmissible que des gens qui ont à arbitrer, trancher, juger,
porter des jugements sur des mécanismes qui réqissent nos
relations du travail ne s'en tiennent pas à ce qui est en règle
générale du domaine des relations du travail.
La Chambre de commerce, effectivement, a une prétention. Vous
pouvez vous dire: Cela nous appartient et je ne veux même pas embarquer
là-dedans. Les centrales syndicales pourraient dire: Nous aussi, nous
avons un droit de regard. Justement, les deux nous ont dit, tout le temps:
Voulez-vous bien enlever cela? Là-dessus, je pense que vous aviez raison
de le souligner: Ce n'est pas un amendement, ce n'est pas un texte. Cela n'a
pas d'affaire là. Je veux que vous sachiez que c'est mon point de vue et
celui de l'Opposition. On n'a pas d'affaire à faire des
références à la bonne gestion. Ici, nous n'avons pas le
temps dans les minutes qu'on a, mais qu'il y a de la belle écriture
là-dessus dans ce qu'on a reçu d'un peu partout et, entre autres,
le mémoire de ceux qui sont partenaires avec le patronat, pas les
conseillers, mais tout le secteur de
l'alimentation. Les entreprises en alimentation ont produit un excellent
mémoire...
Une voix: L'ADA.
M. Gendron: L'ADA, l'Association des détaillants en
alimentation, a produit quelque chose de très étoffé
là-dessus et j'espère que le ministre du Travail s'y
référera. Il va comprendre qu'il n'y a pas lieu d'apporter des
amendements, mais qu'il y a lieu de biffer ces deux dispositions.
Des pages 5 à 16, je trouve que le ministre a fait un bon
"round-up". Je pense qu'à la page 6 il y a lieu de lire, relire et
relire. Mais, même si on lit cela souvent, je suis obligé - il ne
l'a peut-être pas dit ainsi - de trouver que c'était correct de le
dire comme vous l'avez dit si vous le pensez, mais cela ne correspond pas
à la lecture qu'on fait du projet de loi. S'il fallait que ce soit les
notes explicatives du projet de loi, c'est sûr qu'il n'aurait jamais eu
notre accord de principe, parce qu'on trouve qu'il y en a pas mal.
M. Bilodeau: Cela met de la couleur dans le débat, comme
le disait le ministre.
M. Gendron: Oui. Je le répète: Je ne dis pas que
vous n'auriez pas dû le dire, surtout que vous l'avez justifié par
la suite. Je ne veux pas commenter les pages 5 à 16.
M. Bilodeau: C'est cela qui est important.
M. Gendron: Dans les pages 5 à 16, vous avez
été d'une clarté, d'une précision et vous avez
mentionné des choses qui, effectivement, ont attiré l'attention
du ministre et aussi de l'Opposition, en particulier sur des décisions
rendues par un commissaire seul. Cela me fatigue, comme individu et non pas
comme spécialiste de ces questions, que, sur toutes les
décisions, ce soit un commissaire seul. J'ai expliqué cela,
d'ailleurs, dans mon discours de deuxième lecture. Il me semble qu'il y
a des types de décisions reliées à des pratiques
déloyales, reliées à des conséquences pour des
individus qui sont tellement importantes que, à tout le moins, sur ces
aspects il devrait y avoir la sécurité d'un banc.
J'aurais une question à vous poser. Est-ce qu'il serait
envisageable de laisser, quand même un certain nombre de décisions
être rendues par un commissaire seul, mais qu'à tout le moins, sur
les révisions, sur des décisions de révision... Je pense
que vous l'avez dit. Je veux savoir s'il y aurait moyen de régler cela
avec vous?
M. Bilodeau: C'était, en fait, la solution qu'on
suggérait. Cela demanderait probablement une étude
coûts-bénéfices, mais la solution était la suivante:
s'il doit y avoir un individu seul qui siège sur les questions
générales, il faut qu'il y ait une possibilité de
révision devant un "board" à trois. Évidemment, on va se
faire dire que cela équivaut à un appel et qu'il y aura des
délais. On essaie d'être soucieux d'arriver au même
objectif, mais ce n'est pas facile. On se dit: On ne veut pas s'opposer
systématiquement aux changements que vous voulez faire, mais on ne veut
pas, non plus, laisser aller notre droit de nous faire entendre par plus d'une
personne. Je pense que la solution serait certainement acceptable par la
chambre si on avait un droit de révision devant un banc de trois
commissaires. Cela serait acceptable, il n'y a pas de doute pour nous.
M. Gendron: Également, quant à l'initiation de la
révision, vous savez ce que je veux dire. Selon le projet de loi
prévu, c'est uniquement la commission qui décide s'il y en a un
ou non.
M. Bilodeau: Il n'y a aucun mécanisme, il n'y a rien du
tout de prévu.
M. Gendron: Là-dessus, il me semble -en tout cas, je
l'avais évoqué - que cela aussi, c'est gros qu'une personne
concernée n'ait pas la possibilité de demander une
révision. Vous avez le même point de vue.
M. Bilodeau: C'est le point d'interrogation majeur. On aimerait
avoir, évidemment, cette possibilité et on vous demande de le
considérer très sérieusement. Je pense que cela vaut aussi
pour toutes les autres parties.
M. Gendron: Sur le pouvoir d'audition, vous dites: C'est
abrogé dans le projet de loi et vous avez raison. L'abrogation de
l'obligation de tenir une audition, personnellement, je ne suis pas contre et
l'Opposition n'est pas contre. Mais, tel que c'est écrit, je trouve que
cela va loin et que ce n'est pas assez précisé. La question que
je vous pose est la suivante. Qu'est-ce que cela vous dirait d'introduire dans
le projet de loi, à tout le moins - et là, j'aimerais que le
ministre aussi soit attentif - un critère d'appréciation de
l'opportunité de ne pas tenir d'audition? Est-ce que c'est envisageable,
dans un projet de loi comme celui-là, de dire: Pour certaines choses,
oui, on peut abroger l'obligation de tenir une audition, mais instaurer un
mécanisme d'appréciation de l'opportunité de tenir ou de
ne pas tenir d'audition?
M. Bilodeau: C'est une question très difficile parce que,
là, on joue avec des termes, avec des mots, et on n'a pas de
texte devant nous. Si on pouvait distinguer ce qui est purement
administratif de ce qui relève du contentieux, on aurait peut-être
le début d'une solution. D'accord?
M. Gendron: Oui.
M. Bilodeau: II y a des choses qui sont purement administratives
et qui ne méritent pas ou n'ont pas nécessairement assez
d'importance pour être soumises à un tribunal. Il y a des
matières, par ailleurs, qui sont contentieuses, par définition et
qu'on va devoir entendre. Alors, peut-être qu'on pourrait concevoir que,
dans certaines matières administratives... Vous savez, si un syndicat
dépose à 80 % une requête, il n'y aura certainement pas de
contentieux sur la majorité; d'ailleurs, l'employeur n'aura pas un mot
à dire sur le caractère représentatif: Il y a 80 % ou 85
%, mais, par exemple, il y a une mésentente sur le caractère de
membre ou de non-membre de l'unité de négociation d'un certain
groupe ou d'un individu. Là, le contentieux est déplacé
essentiellement de l'accréditation. Ce n'est plus dans
l'accréditation que le contentieux se trouve, il est
déplacé sur l'existence d'un statut pour un groupe ou pour un
individu. Dans certains cas, il y aurait peut-être donc lieu de
déterminer les fonctions administratives et contentieuses. Mais ce qui
est important, évidemment, c'est que, si une partie estime qu'un point
est véritablement contentieux et litigieux et qu'elle a des
représentations à faire sur ce point, bien, là, qu'on lui
donne le droit d'être convoquée à ce moment. Mais pour les
matières administratives - je conçois que, dans certains cas, ce
serait "boarder line", plus difficile à déterminer - il n'y
aurait pas nécessairement besoin d'une audition.
M. Gendron: D'accord. À la page 17, je voudrais juste,
encore là, vous rappeler que moi, j'étais heureux de constater
que vous préféreriez ce qui s'applique actuellement concernant
les agents d'accréditation. Lorsque des demandes d'accréditation
ont été analysées et qu'elles ne sont pas
contestées, qu'il n'y a pas de problème, moi, j'ai compris que
vous préféreriez que les dispositions prévues au Code du
travail demeurent et non pas ce qui est prévu au projet de loi, soit que
même les cas d'accord, les cas d'entente doivent être portés
devant la commission et qu'un commissaire doit les accréditer. Je sais
que le ministre - on a eu plusieurs discussions sur cela - ajoute toujours que
- juste une minute, c'est l'article 16 - l'article 33, introduit pour l'article
16 du projet de loi, finit par "à moins qu'elle ne soit d'avis que
l'unité est manifestement inappropriée". J'en suis. Mais votre
propos était plus large que cela, puisque vous dites à un moment
donné:
Quand on veut éviter les inqérences dans des cas où
manifestement les deux parties sont de bonne foi et s'entendent, si les tenants
de l'autre thèse, eux veulent l'amener pareil à la commission -
dans certains cas, c'est arrivé et je pense que vous l'avez très
bien expliqué dans votre mémoire - il semble ici que ce qu'il
faut privilégier, en tout cas, pour la PME et pour éviter les
délais et rendre cela plus facile, c'est la règle
générale et non pas l'exception. Dans les cas où les
parties s'entendent, pourquoi ne pas les laisser pouvoir agréer
l'accréditation? C'est bien cela que vous souhaitez voir demeurer.
M. Bilodeau: C'est exactement le sens de notre intervention et
j'ai cité mon exemple personnel. Je traite avec plusieurs syndicats.
J'ai 70 conventions collectives, 28 000 employés syndiqués au
Canada. C'est bien sûr que quasiment dans le cours normal des choses, on
a à adresser des questions. Un individu pourrait bien être d'avis
que cela n'est manifestement pas correct, mais on est de cet avis pour des
raisons qu'on comprend, qu'on vit ensemble dans la réalité. Moi,
je pense clairement que c'est préférable à ce
moment-là, là où c'est possible pour les parties de
s'entendre, de privilégier cette entente et de dire: Bien, si vous vous
trompez dans 1 % des cas, trompez-vous. On n'amendera pas la loi, parce que 99
%, c'est assez bon. Je pense que c'est notre thèse, on privilégie
beaucoup plus cela.
M. Gendron: Je vous remercie. Compte tenu de conditions horaires,
mon temps est expiré.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être un mot pour
réitérer les énoncés que j'ai faits quant aux 35
%-50 %. Si vous avez, sur le plan des amendements, un texte qui pourrait
s'incorporer au projet de loi à nous proposer, j'inviterais la Chambre
de commerce à faire cet effort et à nous le proposer dans les
meilleurs délais. Je vous remercie en terminant de votre
présentation et je vous assure que nous tiendrons compte de plusieurs
des points que vous avez soulevés.
M. Bilodeau: Nous allons y donner suite avec plaisir et on tient
également à -vous remercier de nous avoir permis de nous faire
entendre. C'est bien apprécié.
M. Gendron: Bien, je veux vous dire également merci. Sauf
que, pour la dernière partie, moi, je ne peux pas vous dire à ce
moment-ci que le ministre va tenir compte de vos revendications. Je vous dirai,
quand je
vous reverrai, jusqu'à quel point il a été
attentif.
M. Létourneau: M. le Président, avec nos
remerciements, je voudrais signaler, en terminant, qu'un de nos membres,
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, a
été fort déçu de ne pas avoir été
convoqué, parce qu'il se sent directement visé par certains
articles du projet de loi. Alors, je transmets ce message qui nous vient d'un
de nos membres, en vous laissant le soin de juger de l'opportunité d'y
donner suite. Évidemment, notre recommandation serait que vous
l'entendiez, si vous en avez la possibilité.
Le Président (M. Charbonneau): Je crois, M.
Létourneau, compte tenu de l'horaire que nous avons, que cela va
être assez difficile de l'entendre en audience publique. Cependant, le
message est fait et, si d'un côté ou l'autre de la Chambre, on
juge à propos de contacter cette association patronale, je pense que les
gens prendront les dispositions pour le faire. Sur ceci, je voudrais vous
remercier d'avoir participé à cette consultation
particulière, vous souhaiter un bon retour et vous dire: À la
prochaine. Quant à la commission, les travaux sont suspendus
jusqu'à 20 heures où nous reprendrons la consultation.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour des consultations particulières sur le projet de loi 30, Loi
constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses
dispositions législatives. J'invite maintenant les représentants
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à prendre
place, s'il vous plaîtl
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la
commission. Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour présenter
votre mémoire ou faire des interventions. Après coup, les
différentes formations politiques discuteront avec vous selon un temps
partagé. Je vous demanderais également de bien vouloir nous
présenter les collègues qui vous accompagnent.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Merci, M. le Président. Ceux
qui m'accompagnent sont, à mon extrême droite, Jean-Guy
Fréchette, vice-président de l'exécutif provincial;
à ma droite, Clément Daigle, également
vice-président; à ma gauche, Roland St-Jean,
vice-président également; Jean Robert, qui est
vice-président, et, à l'extrême gauche, Jean Laporte, mon
adjoint. Les autres personnes invitées, compte tenu de certains autres
problèmes, sont absentes, mais on sera en mesure de répondre, je
pense.
Messieurs, nous tenons à vous remercier d'avoir accepté
que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec fasse part de
son opinion à la présente commission parlementaire relativement
au projet de loi constituant la Commission des relations du travail et
modifiant diverses dispositions législatives.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec souscrit
d'emblée à la nécessité de rechercher un nouveau
mode de fonctionnement et de développer une philosophie de gestion des
relations du travail qui vise à privilégier le règlement
plutôt que l'adjudication par des tiers et que, conséquemment, il
faille chanqer le fonctionnement des organismes actuels et y substituer des
outils susceptibles d'aider les parties à régler entre elles les
conflits qui les opposent.
Cependant, même si nous sommes en acccord avec la création
d'une commission des relations du travail qui assumerait les fonctions et les
pouvoirs qui lui seraient dévolus selon le projet de loi, il n'en
demeure pas moins que nous estimons que des améliorations additionnelles
devraient être apportées au projet de loi afin de conserver le
Tribunal du travail, tout en lui attribuant des responsabilités
additionnelles.
Nos commentaires toucheront trois aspects du projet de loi, soit
l'amoindrissement des droits des employés, le maintien du Tribunal du
travail et la syndicalisation des employés.
Amoindrissement des droits des employés. Notre première
considération à ce chapitre vise particulièrement
l'article 2 du projet de loi qui veut prévoir que le "refus d'employer
une personne contrairement au premier alinéa de l'article 14 ne donne
pas ouverture à une plainte à la commission". Quand on
connaît déjà les difficultés que nous rencontrons
dans l'application, tant de l'esprit que de la lettre, de l'actuel article 14
du Code du travail, l'introduction d'une telle disposition ne peut qu'amplifier
les difficultés rencontrées et n'aura pour conséquence que
d'amener les personnes concernées à faire appel aux tribunaux de
droit commun, ce que semble vouloir éviter, tout au moins dans son
esprit, le parrain du projet de loi qui souhaite que l'on instaure un nouveau
climat de relations du travail.
Une des modifications les plus importantes envisagées par ce
projet de loi
est indiquée à l'article 15 qui vise à
éliminer dorénavant l'obligation, pour l'éventuelle
commission, de procéder à une enquête tenue en
présence des associations en cause et des employeurs à la suite
d'une requête en accréditation. La principale justification qui
est à la base d'une telle modification semblerait être l'objectif
de réduire les délais qui sont actuellement impartis avant
l'adjudication d'une telle accréditation. Cette philosophie est
également confirmée sur les matières prévues
à l'article 15 du Code du travail actuel par l'abrogation de l'article
20 du code.
Cependant, nous estimons qu'il n'est pas possible de passer outre aux
règles les plus élémentaires de justice naturelle, soit le
droit à l'audition des parties. En effet, s'il est essentiel que justice
soit rendue, il est également nécessaire que la perception des
principaux intéressés soit effectivement qu'une telle justice a
été rendue. La possibilité d'attribution d'une telle
accréditation qui pourrait s'effectuer en catimini ne serait
certainement pas de nature à créer un climat de confiance. Nous
soutenons donc que les dispositions actuelles du Code du travail devraient
être maintenues et nous sommes en désaccord avec le fait que la
commission posséderait une certaine discrétion quant à
l'audition des parties concernées par une telle requête. D'autant
plus que le projet de loi fait en sorte que toute autre association
intéressée ne pourrait dorénavant plus intervenir lors du
processus, cette possibilité étant limitée selon les
dispositions du projet de loi uniquement à l'association en cause.
Nous nous interrogeons sérieusement sur l'indépendance que
posséderont les commissaires nommés à cette commission en
vertu de l'article 115 du projet de loi, étant nommés pour un
terme d'au plus cinq ans, particulièrement à l'égard du
gouvernement qui procède à leur nomination et qui, par
surcroît, est l'un des plus importants employeurs, sinon le plus
important, assujetti aux dispositions du code et, conséquemment, sujet
à des décisions des commissaires. Nous avons encore frais
à la mémoire les aventures de certaines personnes en
autorité dans des régies, commissions ou organismes dont les
décisions ou opinions ont déplu à leur employeur
immédiat, le gouvernement. Nous croyons au contraire que les
commissaires doivent posséder une totale autonomie et
indépendance et ne peuvent être l'objet de pressions indues de
quiconque.
Nous sommes également au regret de constater l'aberration qui
aura cours si le projet de loi est sanctionné dans sa forme actuelle,
notamment par la disposition de l'article 31 qui vise à prévoir
que "une contravention à l'article 109.1 ne donne pas ouverture à
une plainte à la commission".
L'introduction d'une telle disposition nous permet ainsi de
prétendre que le projet de loi confirmera la règle de deux poids
deux mesures, puisque, si la nouvelle commission aura pour mandat d'ordonner
à toute personne, association ou groupe d'associations de cesser de
faire, de ne pas faire, ou d'accomplir un acte pour se conformer au code, ou
pour remédier aux conséquences d'une contravention, notamment
à la suite d'une grève, d'un ralentissement d'activités ou
d'un lock-out ou d'un non-respect des services essentiels, la même
commission n'aura pas juridiction pour intervenir advenant le cas où un
employeur ne se conformerait pas aux dispositions de l'article 109 du Code du
travail.
Les travailleurs n'auront donc pas d'autre alternative que de faire
appel aux tribunaux de droit commun avec tout ce que cela présuppose de
difficultés ou de contraintes et, éventuellement, de
délais, ce qui semble contraire au principe de déjudiciarisation
qui a servi de guide au parrain du projet de loi.
L'ensemble de ces constatations nous amène à vous formuler
la recommandation suivante:
Maintien du Tribunal du travail.
En effet, nous estimons que la situation serait particulièrement
propice pour accorder au Tribunal du travail des droits plus étendus que
ceux qu'il possède à l'heure actuelle.
Nous croyons effectivement que le tribunal devrait posséder, tout
comme la commission ontarienne, le droit de recevoir les plaintes
alléguant la violation de l'ensemble des articles des lois sur les
relations du travail au Québec, tout comme il en est de même pour
le Conseil canadien des relations du travail.
Plutôt que d'avoir à être tranchées par bref
d'évocation ou injonction auprès des tribunaux de droit commun,
nous estimons effectivement que toutes les matières relevant du domaine
des relations de travail devraient être référées
à un seul et unique tribunal.
Nous estimons que les personnes qui sont appelées à porter
jugement sur de tels litiges doivent posséder une connaissance
particulière du milieu, chose qui n'est pas toujours possible lorsqu'on
fait appel aux tribunaux de droit commun. Le Tribunal du travail pourrait ainsi
avoir juridiction sur l'ensemble des lois qui ont trait de près ou de
loin aux conditions de travail des salariés du Québec, qu'ils
fassent ou non partie d'une association syndicale.
On peut fort aisément prétendre que l'expérience
actuelle des appels soumis au Tribunal du travail sur des décisions
rendues par les commissaires justifie l'abolition d'un tel tribunal. Cependant,
il aurait été souhaitable que les statistiques soient
décortiquées, aux fins de rendre publique la provenance des
divers appels (employeurs ou
syndicats). Sur la base de ces données, peut-être
aurions-nous constaté la nécessité que des changements
importants soient également envisagés à la
mentalité de certains représentants. Nous prétendons,
peut-être à tort, nous le souhaitons, qu'une grande partie des
appels proviennent de la partie patronale qui se refuse à accepter
encore en 1987 le fait syndical.
On peut toujours tenter de justifier cette même abolition du
Tribunal du travail par le fait que la jurisprudence qui est ressortie des
diverses décisions n'a pas été des plus uniformes. Dans
certains domaines, il est parfois difficile, sinon impossible, de tracer une
ligne directrice commune pour l'ensemble du système, par rapport aux
questions que le tribunal est appelé à trancher. On doit
cependant noter que cette constatation vaut également pour d'autres
tribunaux, et nous ne croyons pas que le fait que la nouvelle commission
puisse, en vertu de l'article 137.3, énoncer des politiques
générales sur l'application des dispositions du Code du travail
qui sont de son ressort, réglera toutes les situations, puisque le
même projet de loi prévoit que ces politiques ne lient pas la
commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Une telle
orientation ne donne aucune assurance qu'effectivement une jurisprudence
uniforme sera ainsi rendue.
D'autre part, de tels énoncés ne liant pas la commission,
comment peut-on espérer que les personnes concernées puissent
exercer le recours approprié, compte tenu que les énoncés
de politiques peuvent éventuellement être modifiés par des
décisions formelles tant de la commission que des tribunaux de droit
commun? Qu'adviendra-t-il des individus qui, sur la base des
énoncés de politiques, n'ont pas exercé de recours pour
constater ultérieurement que l'énoncé de politiques
n'était pas conforme aux dispositions du code? Une chose est sûre,
c'est qu'on n'aura pas réussi par ces dispositions à
réduire "l'incertitude des justiciables", un objectif pourtant
souhaité par le ministre. (20 h 15)
Nous estimons donc qu'il n'est que plus que temps que le Québec
se dote d'un véritable Tribunal du travail qui verrait à
l'application du Code du travail ainsi que des diverses lois ayant trait aux
conditions de travail des salariés du Québec.
Quant à la syndicalisation des employés, à la
lecture des dispositions de l'article 1 du projet de loi, force nous est de
constater que les employés qui relèveront de la Commission des
relations du travail, même s'ils sont assujettis à la Loi sur la
fonction publique, ne pourront être membres d'aucune association
syndicale et ce, compte tenu que le projet de loi prétend à la
confidentialité de leur emploi.
Nous comprenons mal une telle décision puisque, essentiellement,
les employés qui proviennent du Bureau des commissaires du travail ou du
Conseil des services essentiels, qui sont actuellement considérés
comme des salariés pouvant appartenir à une association,
continueront à exercer les mêmes attributions au sein de
l'éventuelle commission. Cependant, ces employés deviendront
automatiquement exclus des dispositions de la convention collective qui les
régit actuellement.
Compte tenu que la nature de leur travail ne subira guère de
changements et que ces employés, pour la plupart d'entre eux, ne
possèdent aucun pouvoir discrétionnaire, effectuant
généralement du travail de soutien, nous comprenons mal que le
fait d'être éventuellement considérés comme des
employés syndiqués puisse être préjudiciable
à l'application des dispositions du Code du travail.
Nous estimons donc que les employés de la commission, qui n'ont
aucun pouvoir décisionnel dans l'attribution d'une requête en
accréditation ou dans toute autre matière qui pourrait constituer
une violation du Code du travail, devraient être considérés
comme des salariés pouvant appartenir à une association de
salariés.
Nous nous interrogeons également sur la destination des agents
d'accréditation actuels qui ne seraient pas transférés
à l'éventuelle commission, selon les dispositions de l'article 95
du projet de loi. Nous comprenons d'autant plus mal cette décision
qu'une telle catégorie d'employés sera nécessaire pour
effectuer le travail relié aux diverses requêtes en
accréditation et ce, même s'ils ne posséderont pas de
pouvoir d'adjudication d'une requête en accréditation, un tel
pouvoir relevant dorénavant des commissaires.
Voilà donc, en bref, les quelques commentaires que le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec avait à vous soumettre
en regard du projet de loi qui constituerait la Commission des relations du
travail et qui modifie éqalement certaines dispositions
législatives.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
Président. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, je voudrais
remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'avoir
pris le temps d'étudier le projet de loi qui vise la création
d'une Commission des relations du travail. Mes questions porteront sur le
mémoire essentiellement présenté et, immédiatement,
j'adresserais une question à propos de la page 1, en bas, au dernier
paragraphe, lorsque vous dites: "Quand on connaît déjà les
difficultés que nous éprouvons dans l'application tant de
l'esprit que de la lettre
de l'article 14 actuel du Code du travail, l'introduction d'une telle
disposition ne peut qu'amplifier les difficultés", etc. Vous parlez de
l'article 14 qui ne donne pas ouverture à une plainte à la
commission.
Ma question est la suivante: Est-ce que ce que nous proposons change,
dans les faits, la pratique quotidienne que vous avez à vivre au moment
où l'on se parle?
M. Harguindeguy: C'est qu'éventuellement, ce qu'on
souhaiterait... La philosophie qu'on poursuit avec notre mémoire, c'est
de faire en sorte que, dans les relations du travail, pour les employés
syndiqués... Il me semble qu'il serait approprié qu'il y ait un
seul lieu où les décisions se prendraient. L'ajout de l'article
14.1, le fait qu'une plainte ne peut être déposée,
contrairement à la situation actuelle où il y a une plainte,
même pénale, qui peut être déposée au Tribunal
du travail en vertu du code, nous prive de ce recours. Finalement, on va devoir
se retrouver devant la Cour supérieure et éventuellement devant
la Cour d'appel. Où vont être les recours si on n'a pas d'appel
auprès du Tribunal du travail, lequel n'existe plus selon le projet de
loi? La commission ne pouvant pas non plus étudier la plainte, les
recours vont nécessairement aller aux tribunaux de droit commun,
d'après nous.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenu à vérifier
vos propos. Vous avez raison, les plaintes se retrouveront devant ce qu'on
appelle le système de droit commun, non pas à la Cour
supérieure, mais à la Cour des sessions de la paix comme
telle.
M. Harguindeguy: Avec tout ce qui s'ensuit, c'est-à-dire
les brefs d'évocation, la Cour supérieure...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais vous dire que cela se
retrouvait devant le Tribunal du travail avec tout ce qui, possiblement,
pouvait s'ensuivre, l'évocation, la Cour supérieure, la Cour
d'appel, la Cour suprême.
M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'on estime que, si l'on veut
déjudiciariser, il est peut-être temps de faire en sorte qu'on ait
réellement un Tribunal du travail au Québec qui ait juridiction
sur toutes les matières, et même sur l'application des normes
minimales de travail et que, finalement, on ait du monde
spécialisé dans le secteur. Quand on va devant les tribunaux de
droit commun, et même à la Cour des sessions de la paix, on peut
se retrouver devant des gens qui n'ont aucune expérience dans le domaine
des relations du travail et Dieu sait, quand même, comme on travaille
généralement dans un contexte particulier. Dès le moment
où l'on parle de relations du travail, on traite
généralement de ressources humaines. Donc, on a affaire à
des humains et les perceptions ne sont pas nécessairement les
mêmes que dans les affaires et c'est cela qu'on voudrait
éviter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez tellement raison que,
lorsque nous avons eu des discussions avec le ministère de la Justice
quant à la récupération des juges, parce que ce sont des
juges de la Cour provinciale qui siègent présentement au Tribunal
du travail, nous avons recommandé à notre collègue de la
Justice de former à la Cour provinciale un banc
spécialisé. Comme vous le savez sans doute, Yves Ouellette, de la
Faculté de droit de l'Université de Montréal, est en train
de terminer des travaux pour le compte du ministère de la Justice quant
à l'indépendance des commissaires qui siègent à
plusieurs commissions gouvernementales ainsi que d'autres recommandations
visant à assurer un meilleur fonctionnement des tribunaux de droit
commun qui sont de juridiction provinciale, soit la Cour provinciale, la Cour
des sessions de la paix, le Tribunal de la jeunesse, etc. Ce qui circule au
moment où on se parle, c'est que les mandats des commissaires devraient
être allongés de façon à assurer une meilleure
indépendance et que la question des bancs spécialisés
à la Cour provinciale comme telle est loin d'avoir été
rejetée au moment où nous tenons ces propos.
J'aurais une deuxième question qui porte sur un
élément très important du projet de loi. Cela a
été soulevé par plusieurs parties qui se sont
déjà présentées devant nous. Vous retrouvez cela
à la page 2 de votre mémoire, à peu près à
la mi-page, où l'on traite de la question du respect des règles
les plus élémentaires de justice naturelle et vous citez comme
exemple le droit à l'audition des parties. Je vous dirai que j'ai
prêté une attention toute particulière à l'ensemble
des groupes qui ont traité de cette question et qu'un des intervenants
nous a suggéré ou mentionné la possibilité de
rédiger l'article différemment de façon à assurer
une audition des parties lorsque la décision serait de nature judiciaire
ou quasi-judiciaire, mais pas nécessairement avec audition lorsque la
décision serait strictement de nature administrative,
c'est-à-dire qu'elle n'affecterait pas, entre autres, les droits des
parties. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil un article qui
prévoirait, comme règle générale, l'audition des
parties, sauf dans certains cas de nature purement administrative listés
comme exception?
M. Harguindeguy: Cela va dépendre des exceptions qui vont
être prévues aussi, parce que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je ne veux pas vous embarquer
avec un chèque en blanc.
M. Harguindeguy: Non, non, mais pour ce qui est des règles
administratives, on vit quand même l'expérience. De façon
générale, le gouvernement adopte des lois, en fait, qui
énoncent... Il y a beaucoup d'énoncés de principe, on met
des balises, mais finalement ce sont les règlements qui, après
cela, déterminent les droits de chacun. Bien souvent, les droits ou les
pouvoirs des organismes sont plus importants dans les règlements que
dans la loi. Alors, si vous me parlez des règles administratives, il
s'agira de savoir lesquelles vont être élaborées.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment, je vous
parlerais d'un amendement législatif qui établirait possiblement
- et je vous le dis simplement à titre indicatif -comme règle
générale l'audition des parties, sauf que les exceptions
prévues seraient des exceptions administratives pour ne pas justement
que, sur la question administrative, il y ait automatiquement audition des
parties.
M. Harguindeguy: S'il y a la possibilité de simplifier, en
fait, les délais et de les réduire tout en assurant au moins aux
gens concernés que justice sera rendue, je pense qu'on n'aura pas
d'opposition comme telle. Mais il faut qu'on puisse assurer que les parties
vont se faire entendre sur certains cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, sur les questions
administratives, il y aurait peut-être...
M. Harguindeguy: Non, mais, sur les questions de droit au moins,
que les gens aient le droit de faire valoir leur point de vue. Et le projet de
loi ne prévoit pas cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, pas dans sa forme actuelle,
je suis d'accord avec vous. Au bas de la page, vous mentionnez: "D'autant plus
que le projet de loi fait en sorte que toute autre association
intéressée ne pourrait dorénavant plus intervenir lors du
processus, cette possibilité étant limitée selon les
dispositions du projet de loi uniquement à l'association en cause." Nous
tenons à vous rassurer que nous prenons bonne note de cet
élément.
Maintien du Tribunal du travail. J'ai tenté de concevoir votre
argumentation quant au maintien du Tribunal du travail dans son ensemble. J'y
vois deux possibilités d'interprétation. Premièrement, le
Tribunal du travail peut être maintenu comme il existe et, à ce
moment-là, il siège en appel, pour donner un exemple, des
décisions rendues par la nouvelle Commission des relations du travail et
sur d'autres sujets que vous avez mentionnés dans votre mémoire.
Cela, à notre avis, sur le plan de la judiciarisation des relations du
travail, peut créer deux niveaux de possibilités
d'évocation, soit l'évocation de la décision du
commissaire et l'évocation de la décision du juge du Tribunal du
travail comme tel. Deuxièmement, ce que vous nous demandez se retrouve,
sans qu'il ait l'appellation ou le titre de "juge", entre les mains du
commissaire. L'ensemble de ces pouvoirs se retrouvant là sur le plan de
la judiciarisation, à ce moment-là, il n'existe plus qu'un seul
niveau sur lequel les procureurs de l'une ou de l'autre des parties pourront
harponner leurs motifs d'évocation. J'aimerais bien saisir s'il s'agit
pour vous de maintenir le tribunal au-dessus ou en appel de la commission ou de
transformer ce que nous appelons une commission en un tribunal en changeant le
nom de "commissaire" à "juge" et en lui donnant un peu plus de
pouvoirs.
M. Harguindeguy: Plutôt que de faire allusion à la
Cour des sessions de la paix, on estime que ces causes devraient se retrouver
au Tribunal du travail et que toutes les matières qui relèvent
des relations du travail relèvent de ce tribunal. Cela n'empêchera
pas les brefs d'évocation. On peut quand même, dans le projet de
loi ou dans la loi, cerner les matières qui peuvent faire l'objet d'un
appel. Si vous parlez de questions administratives ou de contester les
décisions des commissaires, on peut peut-être les cerner pour que
les décisions des commissaires soient finales, à la rigueur. Cela
existe dans d'autres matières, dans d'autres commissions ou d'autres
régies; les décisions qui y sont prises ne sont pas "appelables",
sauf si on peut avoir un bref d'évocation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que c'est l'objectif
visé dans le projet de loi. Le bref d'évocation porte quand
même sur tous les éléments déterminés au Code
de procédure civile et on ne peut pas, comme législateurs, faire
fi du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure
et des tribunaux de droit commun.
M. Harguindeguy: Mais même à l'heure actuelle, cela
existe. Des brefs d'évocation sont déposés sur des
sentences arbitrales qui sont pourtant des tribunaux convenus entre des
parties. Je pense qu'on n'éliminera jamais cette possibilité.
Mais on estime que, plutôt que de faire référence dans tous
les districts à des tribunaux... Même si on veut
décentraliser le dépôt des appels, je ne pense pas que cela
aiderait à régler la situation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais
traiter d'un sujet qui a peut-être été abordé
par d'autres parties dans les mémoires, mais sur lequel vous insistez,
et je pense que vous êtes l'interlocuteur le mieux placé pour
insister: la syndicalisation des employés de la commission. Pourquoi le
projet de loi tel que présenté prévoit-il la
non-syndicalisation du personnel? Vous avez mentionné un
élément dans votre texte. Je tiendrais à vous dire que
oui, il y a un caractère confidentiel aux tâches accomplies ou qui
devront être accomplies par l'ensemble des employés de la
commission. Les rôles de conciliation et de médiation, entre
autres, confiés à du personnel de la commission et à du
personnel de soutien pour ces moyens de conciliation et de médiation
devraient, selon nous, être exclus.
Nous allons ajouter le caractère essentiel, à cause du
vaste mandat de la CRT, du rôle qu'a à jouer la CRT et la totale
disponibilité requise de la CRT pour les services aux parties, et
syndicale et patronale. Nous pouvons vous faire remarquer qu'au Code du
travail, au moment où on se parle, des organismes sont exclus; vous les
connaissez sans doute bien, mais je tiens quand même, pour le
bénéfice des membres de la commission, à les rappeler: les
membres du Conseil exécutif, les membres du Conseil du trésor, le
personnel du Vérificateur général, les membres de la
Commission de la fonction publique et le personnel de l'Office des ressources
humaines. Le dernier, je pense, qui a été inscrit à cette
liste, c'est l'IRIR. Nous considérons que cette commission a besoin,
pour le moins, d'autant d'indépendance que les groupements ci-dessus
mentionnés. (20 h 30)
M. Harguindeguy: Si je peux me permettre, l'IRIR n'est pas
compris dans les organismes confidentiels. Il est exclu de l'application de Loi
sur la fonction publique, donc, ses employés, ne sont pas, dès le
point de départ, des salariés reconnus comme fonctionnaires.
C'est l'IRIR qui détermine leurs conditions de travail. Pour ce qui est
du Conseil du trésor, du Conseil exécutif, de l'Office des
ressources humaines et de la Commission de la fonction publique, ce dont vous
avez parlé, même s'ils le sont à l'heure actuelle, cela ne
veut pas dire qu'on est nécessairement d'accord. On a déjà
eu gain de cause dans des cas d'exclusion où le Tribunal du travail
avait tranché que les personnes n'étaient pas tenues de la
confidentialité. Il y a eu des amendements à la loi qui ont fait
en sorte que leur travail est devenu confidentiel. Si on transpose la situation
actuelle, entre autres, au Bureau des commissaires du travail, vous avez des
employés de bureau ou des techniciens qui travaillent à diverses
requêtes d'accréditation - sauf les agents à
l'accréditation qui sont tenus à la confidentialité, qui
sont exclus, qui sont non syndicables - les employés de bureau sont
actuellement syndicables. Ils sont même membres du syndicat. Si on
regarde ceux du Conseil des services essentiels, ils sont également des
salariés au sens du Code du travail, même s'ils ne sont pas des
fonctionnaires au sens de la loi. Je pense que les gens vont quand même
continuer à oeuvrer dans ce secteur et à remplir quasiment les
mêmes responsabilités. Ils n'auront pas de pouvoir
décisionnel. Ce ne sont pas eux qui vont trancher entre les parties. On
comprend mal pourquoi ils seraient reconnus comme non syndicables.
D'autre part, ce n'est pas parce que les commissaires vont rendre des
décisions que nécessairement cela veut dire que les
employés qui sont leurs subalternes sont tenus à la
confidentialité. À ce moment-là, tous les employés
de la Cour des sessions de la paix, de la Cour provinciale et de la Cour
supérieure, qui sont des membres chez nous, devraient aussi être
exclus. Ils n'ont pas à trancher, mais à travailler à des
cas qui sont aussi litigieux et sur lesquels le gouvernement peut être en
appel, en bref d'évocation; ou cela peut être aussi le syndicat.
Je ne pense pas que leur confidentialité soit mise à
l'épreuve. Je comprends mal le fait que, parce qu'il y a un
élément de confidentialité et qu'ils portent une
étiquette syndicale, c'est nécessairement catastrophique. Je
pense que la confidentialité demeure quand même, comme cela existe
d'ailleurs pour tous les fonctionnaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous amener sous un autre
argument. Vous avez, oui, la question de la confidentialité, mais vous
avez la question du rôle essentiel qu'ils ou qu'elles ont à jouer
à certaines périodes et dans certains conflits. Vous pouvez vous
imaginer - et il faut le faire lorsqu'on est législateur; plusieurs
parties, tant patronales que syndicales, nous ont imaginé les pires
scénarios en fonction de l'application du texte que nous avons devant
nous - le cas où la commission aurait à intervenir dans un
domaine des services essentiels où la santé et la
sécurité du public seraient menacées et que la convention
collective de ces employés arriverait à échéance au
même moment.
M. Harguindeguy: Je ne vois aucune difficulté. D'ailleurs,
on le précise à notre page 6; on dit que nous estimons que les
employés de la commission qui n'ont aucun pouvoir décisionnel
dans l'attribution d'une requête ou dans les autres matières qui
constituent une violation au code devraient être syndicables.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Stricte-
ment pour ce qui est du personnel de soutien, je vous dirais que je suis
pris dans des situations quelquefois où, s'il fallait que mon personnel
de soutien immédiat ne soit pas là, et à cause des
responsabilités que le premier ministre m'a confiées, je serais
en mauvaise position pour agir.
M. Harguindeguy: Non, mais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai absolument besoin de ce
personnel de soutien pour agir dans l'intérêt public.
M. Harguindeguy: Oui, mais dans les cabinets de ministres, on a
accepté que tous les employés qui sont là soient
considérés comme non syndicables, pour toutes sortes de raisons,
pas seulement pour la confidentialité. Il y a aussi d'autres aspects qui
interviennent. Généralement, le principe qui a été
retenu par le législateur au début de l'introduction d'une telle
définition, c'était la confidentialité dans le sens des
relations du travail entre les employés et les patrons. Ceux qui
étaient intermédiaires, comme dans les bureaux de personnel, ceux
qui ont la possibilité d'intervenir dans les dossiers des individus qui
sont leurs confrères de travail, on a reconnu que peut-être
là il pourrait y avoir certains conflits d'intérêts, en
tout cas, intérêts entre guillemets, mais certains conflits. Je
prends l'exemple, actuellement, du Bureau des commissaires du travail qui
accorde des accréditations. Les personnes qui reçoivent les
dépôts de requêtes au comptoir du ministère, qui
estampillent les cartes de membre ou les procédures sont actuellement
des gens syndiqués depuis déjà de nombreuses
années. C'est même par une décision du Tribunal du travail
qu'ils ont été reconnus comme étant syndicables, non tenus
à la confidentialité. Est-ce que le fait, aujourd'hui,
d'être chapeauté par une commission - parce qu'on change le nom -
rend les attributions plus confidentielles qu'elles ne l'étaient
auparavant? C'est sur cela qu'on s'interroge. Ce n'est pas parce qu'ils portent
le titre de syndiqués qu'ils vont favoriser un syndicat ou l'autre, ils
l'ont eu. On a même déposé, en tant que syndicat des
fonctionnaires, une requête en accréditation pour des membres chez
nous et on n'a pas été plus favorisés par eux que d'autres
syndicats. Je pense que les gens ont des règles à suivre et ont
aussi, quand même, un certain professionnalisme à respecter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que vous allez quand
même convenir avec moi que le personnel du Bureau des commissaires du
travail qui sera transféré ou qui sera appelé à
être transféré à la commission aura un rôle
plus étendu que celui qu'il a présentement. Il ne conservera pas
le même rôle.
M. Harguindeguy: Non, pas celui-là. Mais les services
essentiels, dans le cas d'une éventuelle grève ou d'une
négociation, sont quand même négociés au
gouvernement aussi. On établit des services essentiels partout, dans
tous les ministères et dans tous les organismes. On va même plus
loin que la lettre et l'esprit. On va plus dans l'esprit de la loi pour assurer
des services à la population que dans la lettre comme telle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à vous dire
que ce que vous me dites là, c'est vrai dans la plupart des cas.
M. Harguindeguy: Chez nous, dans tous les cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que, chez vous,
c'est dans tous les cas, mais je n'ai pas simplement à considérer
chez vous comme ministre du Travail. Depuis 18 mois, j'ai vécu,
heureusement, très peu d'expériences où ce n'était
pas le cas. Et, à ce moment-là, il faut avoir les outils pour
agir.
M. Harguindeguy: Oui, mais on négocie quand même
au...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et je dis bien "très
peu".
M. Harguindeguy: Au gouvernement du Québec, on
négocie depuis 1966. À toutes les négociations, il y a une
entente sur les services essentiels. Même si la loi prévoit
actuellement la possibilité pour le Tribunal du travail de statuer sur
l'exclusion ou la reconnaissance des services essentiels, cela n'a jamais
présenté de difficulté. Je pense qu'il faut dissocier les
services essentiels pour le maintien de certains services afin de faire en
sorte que l'administration fonctionne et que la population ait les services
auxquels elle est en droit de s'attendre et la nature confidentielle de leur
emploi. Dans les dispositions actuelles, les modifications que vous apportez
font en sorte qu'automatiquement, qu'ils soient essentiels ou non, ils vont
être exclus de notre association syndicale, et ce, pendant la
durée de la convention collective.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais bien savoir si, dans
votre intervention, vous vous portez garant que les autres syndicats, dans les
domaines où ils oeuvrent, vont également, lorsque c'est requis,
offrir les services essentiels avec la même ouverture que vous les
offrez.
M. Harguindeguy: Ils ne seront pas des employés de la
commission. Je peux me
porter garant pour les employés de la commission parce
qu'éventuellement on souhaite à les représenter. Mais je
ne peux pas me porter garant pour les autres syndicats dans d'autres domaines.
Je ne me porte pas garant du secteur hospitalier, scolaire et du reste;
à chacun ses bébés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je vais, en vertu de la
règle de l'alternance, demander...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique de l'Opposition et député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais simplement souhaiter la plus cordiale des
bienvenues à M. Harguindeguy ainsi qu'à ses collaborateurs et les
remercier d'avoir, dans un court délai et avec les moyens du bord,
convenu qu'il leur appartenait de présenter leur avis sur un projet de
loi qui, comme cela a été annoncé par le ministre,
représente quand même des changements majeurs, à tout le
moins dans les notes explicatives. On annonçait quelque chose
d'important, de majeur dans chacun des articles. C'est pour cela qu'on tenait
des audiences et qu'on est convaincu qu'il y a des faiblesses, des trous
majeurs à certains endroits. Vous avez fait le choix de prendre trois
éléments, trois aspects et c'est un peu normal, compte tenu du
genre de clientèle qui est la vôtre. Vous vous êtes
probablement prononcé davantage sur les sujets sur lesquels vous vous
sentiez plus habile, plus à l'aise, plus armé pour justifier
votre point de vue.
J'ai quelques commentaires à faire avant de passer aux questions.
Je crois que vous avez souligné, à quelques endroits, des aspects
qui mériteront sûrement d'être approfondis lors de
l'étude article par article et, en particulier, certains principes,
entre autres celui d'avoir droit à une audition. Je pense que vous avez
clairement exprimé que, pour vous, c'étaient vraiment des
dispositions qui venaient affaiblir ce qui existe déjà dans le
projet de loi et qu'en conséquence cela vous souriait. Il y a aussi le
fait que vous vous préoccupiez de couvrir syndicalement les personnes
qui oeuvreront dorénavant à la nouvelle Commission des relations
du travail, mais qui ne sont pas directement associées à des
décisions en termes de responsabilités. Je pense que
c'était normal que ce soit soulevé et remis en question puisqu'il
n'y en a pas beaucoup qui l'ont fait. Sous réserve, le ministre a
mentionné que vous étiez le seul groupe. Je pense qu'il y a
également la FTQ. On a un mémoire pour le vérifier, mais
il n'y a pas beaucoup de groupes qui ont souligné le fait qu'il y aurait
lieu d'envisager la syndicalisation du personnel. J'y reviendrai dans quelques
secondes.
Je tiens à vous souligner que, en ce qui me concerne, votre
dernière remarque relativement aux agents d'accréditation, je la
partage. J'avais déjà indiqué, d'ailleurs, dans mon
discours de deuxième lecture que je trouvais curieux qu'il n'y ait pas
plus de précisions quant à la disposition de ce personnel qui,
tout compte fait, n'a rien à voir avec la nécessité des
orientations politiques d'un gouvernement qui apporte des changements majeurs.
Cela n'a rien à voir avec les employés comme tels et en
conséquence il me semble qu'il y a lieu de ne rien économiser
pour offrir les meilleures garanties possible à ces personnes.
J'ai quelques commentaires et quelques questions. Pour ce qui est de la
nomination, à la page 3 de votre mémoire, vous dites au milieu du
paragraphe: "Nous sommes également au regret de constater l'aberration
qui aura cours si le projet de loi est sanctionné dans sa forme
actuelle, notamment par la disposition de l'article 31 qui vise à
prévoir que "une contravention à l'article 109.1 ne donne pas
ouverture à une plainte à la commission".
Je comprends cela et c'est clair. Mais là, vous dites: Cela va
instaurer un régime de deux poids, deux mesures et vous expliquez que la
nouvelle commission aura le mandat de pouvoir ordonner à toute personne,
etc. J'arrête là. À la fin, vous dites: "...la même
commission n'aura pas juridiction pour intervenir advenant le cas où un
employeur ne se conformerait pas aux dispositions de l'article 109 du Code du
travail.
Je l'avais cet après-midi, mais là, je ne l'ai pas sur
moi. Est-ce à dire que l'article 109 du Code du travail te! qu'il existe
aurait des dispositions uniquement quand c'est l'employeur qui n'y se conforme
pas? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?
M. Harguindeguy: L'article 109.1, c'est l'utilisation des
"scabs".
M. Gendron: D'accord, c'est cela que je ne savais pas.
M. Harguindeguy: À l'article 109.1, c'est l'utilisation
des "scabs". Cela veut dire que la commission... S'il y a une grève
légale et que l'employeur utilise des "scabs", le syndicat ne pourra pas
porter plainte. Il va falloir qu'on aille au tribunal de droit commun, alors
qu'en vertu de l'article 134 la commission, dans notre cas à nous, on
peut nous ordonner de cesser de faire des choses. Alors, on estime que...
M. Gendron: Là, cela me va parce que je n'avais pas la
référence au Code du travail. Justement, puisqu'on parle de cela,
c'est un aspect quand même un peu inquiétant dans le projet de loi
qu'on dise... Il y a plusieurs intervenants qui ont dit: La
nouvelle Commission des relations du travail devrait avoir des pouvoirs
forts, unifiés, centralisés, peu importent les expressions, et il
y a plusieurs dispositions dans le projet de loi qui confient à la
commission la juridiction exclusive en matière de pratiques
déloyales, une série de pratiques déloyales que vous
connaissez. Vous, vous n'avez pas traité de cet aspect. Voici la
question que je pose précisément: C'est quoi, votre avis, par
rapport à l'éventualité d'inclure dans la nouvelle
Commission des relations du travail des dispositions antibriseurs de
grèves et des dispositions concernant le piquetage? Même si vous
ne l'avez pas traité dans votre mémoire, est-ce que vous avez une
opinion sur cela comme groupe de syndiqués important et ayant
vécu ces problèmes à quelques reprises? Est-ce que vous
croyez concrètement que des dispositions devraient être
prévues à la nouvelle Commission des relations du travail
concernant les dispositions antibriseurs de grèves et une
réglementation éventuelle généralisant les
principes entourant le piquetage? (20 h 45)
M. Harguindeguy: En fait, pour l'utilisation des briseurs de
grèves, le Code du travail n'est pas modifié. Cela veut dire que
l'interdiction demeure sauf que les recours pour la partie syndicale ne se font
pas à la commission ou à un éventuel tribunal du travail;
c'est ailleurs. Pour ce qui est de réglementer sur le piquetage, je
pense qu'il y a déjà des jurisprudences d'établies de
l'introduire dans la loi comme telle. Si l'on regarde ce qui est reconnu
actuellement comme légitime, nous n'aurons pas de difficultés. Ce
que nous souhaitons, finalement, c'est que, dans le domaine des relations du
travail et dans tous les conflits que cela génère, les parties
n'aient à faire appel qu'à une seule institution, contrairement
à la situation actuelle où toutes sortes de démarches
s'effectuent et occasionnent des délais. D'ailleurs, on aurait
souhaité obtenir certaines statistiques pour connaître quels
groupes déposent le plus d'appels, auprès du Tribunal du travail,
des décisions rendues particulièrement sur des actes comme les
articles 14 et 15 où des décisions rendues sont souvent
appelées; il aurait été intéressant de savoir quels
sont les pourcentages des appels déposés par la partie syndicale
et par la partie patronale. Quant à nous, il nous semble que c'est
peut-être plus le côté patronal qui utilise un tel recours,
notamment dans les cas de congédiements pour activités
syndicales, suspensions, déplacements. Du moins si je me fie à ce
que l'on vit dans certains ministères, c'est l'expérience qui
nous est donnée. Alors, si je la transpose ailleurs, j'ai l'impression
que cela doit être identique.
M. Gendron: M. Harguindeguy, je sais que les dispositions
antibriseurs de grèves sont ailleurs. Voici ma question: Puisque vous
venez de mentionner que normalement vous souhaitez que les parties fassent
référence ou se rapportent à une seule instance qui
gère l'ensemble des relations du travail, puisque dans à peu
près n'importe quelle situation conflictuelle vous avez l'une ou l'autre
des situations qui s'appliquent, c'est-à-dire antibriseurs de
grèves ou piquetage, est-ce que vous ne croyez pas que cela devrait
être rapatrié à la Commission des relations du travail
plutôt que d'être laissé au Code du travail?
M. Harguindeguy: En tout cas, si c'est là notre instance,
on estime que tout devrait être sous la même responsabilité
parce que, dans un conflit, il y a quand même bien des
éléments qui doivent être évalués. Parfois,
les syndiqués font la grève, peut-être parce que
l'employeur tient à ce que cela se fasse; à l'inverse,
l'employeur pose des gestes parce que le syndicat le souhaite aussi. Je pense
que c'est l'ensemble de la situation dans le contexte particulier d'une
négociation ou du conflit qui doit être évalué, ce
que parfois les tribunaux de droit commun ne font pas. L'aspect humain,
conflictuel qui existe, à notre sens, est trop souvent oublié
quand on fait affaire à des tribunaux civils; il nous semble donc qu'on
aurait intérêt à avoir un organisme qui aurait juridiction
sur ces matières de relations du travail.
M. Gendron: À la page 3 également, vous avez
traité, en une phrase, de l'indépendance que doivent
posséder les commissaires nommés à cette commission. Vous
avez fait référence à la durée du mandat qui
était trop courte, parce que, tel qu'exprimé, c'est au plus cinq
ans. Là-dessus, je pense que cela ne devrait pas causer de
problème, tout le monde a dit que cela n'avait pas d'allure.
Probablement qu'à ce moment-là le ministre va comprendre; quand
tout le monde dit que cela n'a pas de bon sens, cela devrait lui donner assez
d'indications.
Je suis un peu étonné que vous ayez uniquement un avis sur
la durée du mandat. Il me semble qu'il y a pas mal plus que cela qui
entoure toute la notion de consacrer davantage de crédibilité,
d'indépendance, de notoriété non seulement aux
commissaires, mais également au processus de nomination du
président, du vice-président. Est-ce qu'on laisse cela ouvert
comme cela l'est? Si le ministre décide d'en nommer quatorze, ce sont
ses affaires. Avez-vous des avis là-dessus, sur le nombre?
Une voix: ...
M. Gendron: Oui, je sais, mais le ministre est membre du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Collégialité.
M. Gendron: Je sais cela. J'aimerais, si vous avez des avis... Si
vous n'en avez pas, libre à vous, mais j'aurais aimé que vous
étoffiez davantage toute la question des commissaires de la commission.
Est-ce que, par exemple, pour vous, ce n'est ni chaud ni froid une nomination
par l'exécutif versus une nomination faite par l'Assemblée
nationale? Comme dans certaines commissions, entre autres je pense à la
Commission des droits et libertés de la personne où c'est le cas,
le président et le vice-président sont nommés par
l'Assemblée nationale... Est-ce que vous voyez une différence,
toujours sur l'aspect de consacrer un peu plus de notoriété, de
crédibilité, d'indépendance à la commission?
M. Harguindeguy: On ne s'est pas arrêté sur la
notion de qualité des commissaires qui seraient nommés parce
qu'il nous semble que cela va de soi que les gens qui seront là seront
des gens futés dans le domaine, qui auront quand même une certaine
fiabilité si on veut que les parties se plient aux décisions.
Cela prend des gens... On s'est dit que probablement le gouvernement
appliquerait au moins cette règle. Cependant, nous, en tant que syndicat
concerné directement par les décisions des commissaires,
éventuellement, comme c'est le gouvernement qui nomme, dans notre cas
particulier, le gouvernement c'est aussi notre employeur. On estime qu'à
ce niveau les gens doivent avoir une certaine indépendance parce que,
s'ils sont à la merci des décisions qu'ils rendent, on aurait
peut-être des décisions qui ne seraient pas nécessairement
à notre avantage et qui ne refléteraient peut-être pas non
plus une justice qui se devra d'être rendue.
Alors, on s'est peut-être beaucoup plus attardé sur la
question du mandat parce qu'on estime que les gens doivent être libres de
rendre les décisions qui s'imposent selon les faits et la preuve qui y a
été administrée. Sur le reste, il nous semble que cela
irait de soi, sauf que bien souvent on essaie de se limiter à
l'essentiel sachant que malheureusement l'Assemblée nationale, le
gouvernement en place, n'en tiennent pas toujours compte pour promouvoir des
amendements. Alors, on s'est attardé uniquement à
l'essentiel.
M. Gendron: À la page 4, encore là, vous avez
touché un point qui a été évoqué par
d'autres. Plusieurs prétendent que le Tribunal du travail comme tel
devrait demeurer, quitte à ce que, au contraire, on lui ajoute certaines
responsabilités. Sur cet aspect, je pense que votre point de vue est
clairement exprimé et que vous souhaitez davantage le maintien du
Tribunal du travail plutôt que l'incorporation. Je veux tout simplement
vous indiquer qu'en ce qui concerne l'Opposition nous allons regarder cela de
très près.
C'est un point de vue. Tant qu'on n'aura pas vu fonctionner la nouvelle
Commission des relations du travail, cela peut être difficile de porter
un jugement sur les carences qu'occasionnerait la structure
d'intégration du Tribunal du travail. Je pensais que c'étaient
davantage les matières sur lesquelles ils avaient juridiction qui
intéressaient les parties, mais vous, probablement compte tenu de son
expertise, de sa pratique et de la jurisprudence qui s'y est
développée, vous trouvez que cette instance est crédible
et qu'elle doit demeurer.
M. Harguindeguy: Plutôt que de faire appel à la Cour
des sessions de la paix où on pourrait éventuellement être
aussi englobés, on estime qu'il y a quand même d'excellents juqes
actuellement au Tribunal du travail qui ont une expertise, même s'ils ne
s'entendent pas sur l'interprétation ou les décisions pour les
rendre identiques. On donne des exemples de cas sur lesquels il y a eu trois
jurisprudences différentes ou trois décisions différentes.
Cela arrive dans toutes les cours aussi, vous savez. Il y a des tribunaux,
même la Cour des sessions de la paix ou la Cour provinciale où,
bien souvent, les juges statuent de façon différente et ne
suivent pas nécessairement la même ligne de conduite. Donc, on vit
cela partout. Même dans les commissions et les réqies
gouvernementales, bien souvent, des décisions quelque peu
contradictoires sont rendues qui n'éclaircissent pas plus la
situation.
Je pense qu'on sera inévitablement appelés à vivre
avec cela, à moins qu'il n'y ait une décision collégiale
et que, chaque fois, on n'exige qu'une décision collégiale soit
prise et là, je pense qu'on alourdirait le processus. Donc, il faut
s'habituer à vivre avec. Sauf que faire appel à la Cour des
sessions de la paix, à notre avis, c'est prendre des risques parce que,
même si le ministre a parlé tantôt d'avoir peut-être
une chambre particulière pour le travail, ce n'est pas
nécessairement sûr que, pour des questions monétaires, on
ne regroupera pas éventuellement les juges, parce que, là aussi,
il y a des financières, des réductions et, en fait, des
interventions indirectes qui surviennent et on ne voudrait pas les vivre.
M. Gendron: À la page 5, vous faites une
référence qui a été reprise par plusieurs
intervenants. Je ne veux pas tellement que vous m'expliquiez le sens de
l'évocation, à l'article 137.3, que les politiques ne lient pas
la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Je comprends
cela. Lorsque vous mentionnez que c'est quelque
chose d'un peu étonnant, j'aimerais savoir, d'après vous,
ce qui pouvait justifier le législateur d'envisager que ces politiques
de la commission ne la lient pas dans l'exercice de ses fonctions
juridictionnelles. Est-ce que vous voyez des motifs particuliers? Autrement
dit, est-ce que vous avez une justification à une telle disposition?
M. Harguindeguy: Je pourrais peut-être faire le
parallèle avec une situation qu'on vit au gouvernement. J'imagine que
vous connaissez pas mal les gens impliqués aussi. Prenons la directive
du Conseil du trésor sur l'embauche ou l'utilisation des employés
occasionnels. C'est un énoncé de politiques également.
Est-ce qu'on peut dire qu'il est effectivement appliqué de façon
uniforme et globale partout? Ce n'est pas vrai. Les énoncés de
politiques changent au gré du vent, pratiquement. On en vit trop
souvent, nous, au gouvernement, pour accepter que, dans ce domaine qui est
important, on vive strictement avec des énoncés de politiques.
C'est finalement l'impossibilité, quant à nous, de
connaître l'heure juste, de savoir quels sont les recours et les
procédures exacts, puisqu'on dit que cela ne lie pas la commission.
Qu'est-ce qui nous dit qu'éventuellement les gens, sur la base
d'énoncés politiques, diront: Je n'ai pas de droit, je ne fais
pas d'appel, alors que d'autres vont foncer pour finalement constater des
changements? On estime que certaines choses doivent être bien connues de
tout le monde et immuables. Si cela prend un amendement à la loi, au
moins qu'on le fasse si cela permet à tous les intervenants au moins de
se faire entendre. Des énoncés de politiques, il n'y a pas de
procédure non plus qui permette... Ce n'est pas comme un
règlement du gouvernement où il y a une prépublication de
30 jours dans la Gazetteofficielle et où on a le droit de
faire appel et ainsi de suite. Si je prends l'exemple des occasionnels, on
pourrait en parler longtemps; on prendrait toute la soirée et une partie
de la nuit pour donner tous les exemples des énoncés de
politiques qui ne sont pas suivis.
M. Gendron: C'est drôlement fait. Je voulais avoir
l'explication que vous y voyiez, sauf qu'après l'explication que vous
venez de donner cela veut dire que vous êtes convaincus que cette
disposition devrait être retirée.
M. Harguindeguy: C'est ce qu'on recommande.
M. Gendron: C'est ce que vous recommandez.
M. Harguindeguy: Quant à nous, cela n'a pas sa place.
M. Gendron: La retirer carrément. Le dernier commentaire
va être sur la syndicalisation. Je vous avoue que j'écoutais
attentivement les explications que vous avez données et je
prétends que, oui, vous avez donné des explications qui
méritent d'être analysées davantage. Concernant le
personnel qui ne peut pas intervenir directement dans le pouvoir
décisionnel concernant l'attribution d'une requête en
accréditation ou autres, je pense que ce problème devrait
être fouillé davantage. Je veux juste savoir ceci: Est-ce que ces
gens qui ont sûrement entendu parler du projet de loi et qui
éventuellement pourraient se voir offrir des transferts, étant
donné que la plupart oeuvrent actuellement à l'une ou l'autre des
diverses instances qui sont substituées, que ce soit le Bureau des
commissaires du travail, le Tribunal du travail, le Conseil des services
essentiels, je parle, bien sûr, des employés de soutien, des
fonctions d'employés de bureau, ainsi de suite? Est-ce qu'il y a des
gens qui vous ont fait des représentations, à ce moment?
M. Harguindeguy: Bien, chez nous, les membres directement
concernés, oui, parce qu'ils sont déjà syndiqués
à l'heure actuelle et voient donc venir leur disparition.
M. Gendron: Oui, oui, pour eux, j'en suis pas mal sûr.
M. Harguindeguy: Concernant les agents en accréditation,
il y en a quelques-uns qui s'interrogent, bien sûr, même s'ils ne
sont pas syndiqués. Je pense qu'ils frappent à plusieurs portes
pour essayer d'avoir au moins certaines informations. Pour les employés
des services essentiels, à ma connaissance, ils se sont adressés
à une autre centrale pour déposer une requête en
accréditation. Mais je pense que ce qui figure dans les dossiers de la
requête en accréditation des employés de la commission,
c'est la distinction qu'il y a à apporter entre la
confidentialité et les services essentiels. Est-ce qu'on peut dire qu'au
Québec il y a un organisme ou une instance qui est aussi importante que
l'Assemblée nationale? Sûrement pas. À l'Assemblée
nationale, les employés sont syndiqués avec nous. On est en
négociations, cela n'empêche pas l'Assemblée nationale de
siéger quand même. Je pense à tout le personnel de soutien,
sauf les pages qui sont occasionnels et qui sont non syndicables, ce qu'on
déplore aussi; les autres sont syndiqués chez nous et je ne pense
pas qu'en période de négociations vous ayez à subir des
conflits dans les services que les gens sont appelés à vous
rendre. Là aussi on a établi des services essentiels pour
s'assurer que l'Assemblée nationale continue à siéger. Si
la commission est plus importante que l'Assemblée nationale et qu'il
faille les mettre non syndicables pour
s'assurer qu'en tout temps ils vont donner des services, je pense que
c'est un peu exagéré.
M. Gendron: Mais est-ce que vous ne croyez pas - et là
c'est un point de vue que j'aimerais avoir de votre part - qu'il y a un aspect
où une Commission des relations du travail renouvelée, à
palier unique, avec possiblement, selon les indications du ministre,
sûrement pas dans ce qu'on peut voir dans le projet de loi... Mais, s'il
y avait des phases subséquentes à des modifications importantes
du Code du travail qui auraient comme conséquence que cette Commission
des relations du travail, qu'il envisage de créer, pourrait devenir une
instance qui en gros - juste pour s'exprimer rapidement - en gérerait
beaucoup, en gérerait gros, en gérerait grand... Est-ce que
d'avance il n'y a pas une espèce d"'entache" ou d'entrave à la
crédibilité de l'instance pour des parties, l'une ou l'autre, de
voir qu'il y a du personnel syndicable à l'intérieur d'une telle
instance, indépendamment - encore là, je veux juste avoir votre
point de vue - des niveaux de responsabilités? Si cette boîte a
à fonctionner pas nécessairement pour des motifs que les
commissaires ou les gens qui auront à prendre des décisions,
devront toujours être accompagnés - c'est une expression dans le
temps - du personnel de soutien, mais si cela forme vraiment un tout, voici ma
question précise: Vous, est-ce que vous croyez que cela peut entacher la
crédibilité de l'instance?
M. Harguindeguy: Je ne le crois pas. Je ne pense pas que le fait
d'être syndiqué présuppose que les gens ne sont pas plus
professionnels que d'autres. Je ne pense pas non plus que le fait qu'ils soient
syndiqués, cela modifie quand même leur comportement et leur point
de vue. À ce moment, est-ce qu'on devrait demander que même les
juges qui originent parfois... Est-ce que des avocats et qui prônent la
thèse syndicale ou patronale ne devraient pas être nommés
juges non plus parce qu'un jour ils auront à trancher? Je pense qu'il y
a quand même des règles à respecter. Si
éventuellement du favoritisme était exercé, je pense que
des mesures disciplinaires pourraient se prendre aussi. Mais
l'expérience l'a démontré jusqu'à présent:
depuis nombre d'années que les gens sont syndiqués, entres
autres, les commissaires du travail, je ne pense pas qu'on puisse
prétendre qu'il y ait eu des procédures entachées
d'irrégularités parce que des employés syndiqués
ont traité le dossier. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre
cela et dire qu'un employé a favorisé telle ou telle centrale par
rapport à une autre parce qu'il favorise plus cette centrale.
L'expérience est là quand même depuis des décennies,
contrairement peut-être aux services essentiels où les
employés étaient des salariés non syndiqués,
jusqu'à présent. Ils n'ont peut-être pas jugé
à propos de le faire, mais quand le Conseil des services essentiels a
été institué, je ne pense pas que l'Assemblée
nationale ait envisagé de considérer ces employés comme
non syndi-cables. Ils n'ont pas été exclus. Est-ce que, parce
qu'ils vont devenir des fonctionnaires, ils doivent être exclus? C'est
cette distinction qu'on ne comprend pas.
M. Gendron: La possibilité d'influences internes, vous
n'en voyez pas. D'après vous, des possibilités d'influences
internes - ces gens ont le droit de parler... Il se pourrait que ces gens,
compte tenu du fait qu'ils appartiendraient sûrement à un groupe,
à une centrale quelconque...
Une voix: ...
M. Gendron: Je sais que vous souhaitez que cela avance. Vous avez
dit que, normalement, ce sont des fonctionnaires, cela devrait être le
syndicat des fonctionnaires. Vous, de l'influence qui aurait une connotation
négative, vous n'en voyez pas.
M. Harguindeguy: II faut quand même aussi admettre que,
dans la fonction publique, on vit également avec ce qu'on appelle un
code d'éthique, contrairement à d'autres organismes. Je ne pense
pas que, dans le secteur hospitalier ou scolaire, vous ayez un code
d'éthique qui régisse le travail des employés et leur
comportement. Donc, déjà là, vous avez des règles
additionnelles qui sont applicables aux employés de l'État, ce
qui va de soi. Et il me semble que cela devrait être suffisant pour les
garder syndiqués. Le fait d'être syndiqué, cela permet
aussi aux employés qui sont les premiers concernés de faire
valoir éqalement leurs droits, pas seulement en temps de
négociation, mais en temps d'application aussi. Alors qu'à
l'heure actuelle ils sont quand même un peu des gens non syndiqués
et à la merci du bon vouloir de leurs patrons à bien des niveaux,
je ne dis pas que cela va mal partout, mais cela ne va pas
nécessairement bien partout non plus.
M. Gendron: Je vous remercie, M. Harguindeguy.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre. -
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que les questions
posées font le tour des préoccupations soulevées dans le
mémoire. Je tiens à vous remercier d'avoir insisté sur ces
points. Vous avez insisté sur des points que les autres parties, par
souci de priorité sans doute, ont choisi de ne pas élaborer
nécessairement. Je vous dirai que, comme ministre responsable,
j'accorderai une attention particulière aux droits des employés
actuellement en place.
M. Harguindeguy: On vous remercie et, si vous avez besoin
d'autres informations ou d'autres opinions, on est à votre
disposition.
Le Président (M. Théorêt): M. le
président, merci. M. le...
M. Gendron: Oui. Je voudrais remercier M. Harguindeguy et son
groupe, surtout, comme je l'ai mentionné, d'avoir eu le mérite de
présenter leur point de vue et d'avoir insisté sur des points
où ils croyaient qu'il était légitime d'insister. Je pense
que, chaque fois que des intervenants prennent la peine de présenter un
mémoire sur une réforme importante, c'est participer à sa
bonification et c'est dans ce sens qu'il faut travailler. J'ai
été très heureux d'avoir votre contribution.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président et merci à vos collègues.
Je vais suspendre nos travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 3)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Théorêt): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux et j'ai le plaisir, M. le
président du Conseil du patronat, ainsi que vos collègues, de
vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues à cette commission et de
vous remercier de votre présence ici ce soir. Je vois votre très
nombreuse délégation. Je vous fais part que vous avez trente
minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Si vous
voulez avoir d'autres intervenants pour le présenter en partie, libre
à vous, évidemment. Je vous demanderais dans un premier temps de
bien vouloir nous présenter les collègues qui vous accompagnent
à la table en avant, M. le président.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. M. le
ministre, M. Gendron, d'abord, la présentation des collègues.
À mon extrême gauche, M. André Martel,
président-directeur général de l'Association des
détaillants en alimentation, Me Claude Le Corre, avocat chez Martineau,
Walker, Me Luc Beaulieu, avocat chez Ogilvy, Renault. À ma droite
très immédiate, Me Philippe Casgrain, avocat chez Byers,
Casgrain, Me Pierre Beaudoin, avocat chez Gagnon, De
Billy et M. Gilles Lavallée conseiller principal en relations du
travail a Alcan. Merci.
La façon dont nous allons procéder, M. le
Président: étant donné que je suis convaincu que vous avez
lu très attentivement notre mémoire, et le ministre
également, je vais en passer des bouts et essayer de le résumer
de façon à donner la parole, à la fin de nos trente
minutes, vers les vingt-cinq minutes, à un porte-parole qui est avec
nous. Il représente une de nos 126 associations, qui n'a pas pu se faire
entendre dans ce débat à cause des délais et, d'autre
part, à cause de l'urgence, semble-t-il, qu'il y avait pour cette
commission de recevoir les mémoires. M. Martel fera un exposé de
cinq minutes. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Le mémoire. Au début de mai 1987, lors du
dépôt à l'Assemblée nationale du projet de loi 30,
le CPQ disait ne pas partager l'analyse faite par le ministre du Travail de la
situation qui prévaut actuellement au Bureau du commissaire
général du travail et au Tribunal du travail, et qui justifiait,
selon le ministre - mais partout où on utilisera dans notre
mémoire le mot ministre, on pourra plutôt sous-entendre le
ministère - le dépôt du projet de loi 30.
Le CPQ - et c'est moi qui ai eu l'occasion de l'exprimer - ajoutait
cependant qu'il étudierait sérieusement les propositions
législatives susceptibles de répondre à ses interrogations
et à son analyse, qu'il leur accorderait automatiquement un
préjugé favorable - un vocabulaire bien connu - et qu'il y
réagirait ultérieurement. Cette étude effectuée en
collaboration avec de nombreux spécialistes est maintenant
complétée. J'insiste sur le mot "nombreux" spécialistes.
De tous les organismes, sans interroger ce qu'ont fait les autres, qui se
présentent devant votre commission, M. le Président, je pense
qu'on pourrait probablement afficher la plus longue liste des personnes qui ont
été consultées. Autant le CPQ exprimait son
désaccord hier avec l'analyse faite par le ministre pour justifier le
dépôt de son projet de loi, autant il exprime aujourd'hui son
désaccord avec le contenu du projet de loi. Selon le CPQ, en effet, il
s'agit d'un projet qui va plus loin que ce que suggérait la commission
Beaudry dont les propositions, à cet égard, ont été
rejetées par l'ensemble du patronat. Il s'agit d'un projet que d'aucuns
ne se gênent pas pour qualifier de monument à l'arbitraire - on
démontrera un peu plus tard en quoi - d'un projet qui va a
contre-courant de la tendance qui se dessine dans l'administration
gouvernementale, à savoir le non-interventionnisme étatique, d'un
projet qui permettrait dorénavant à l'État de gérer
les relations de travail et les ressources humaines dans les entreprises
québécoises par Commission des relations du travail
interposée, d'un projet, en somme, qui
propose le changement pour le changement et d'un point important - qui a
été souligné ici par de nombreux intervenants
également du côté syndical - qui fait fi de
l'indépendance judiciaire et qui fait du Code du travail un outil
administratif et non plus une loi à être gérée dans
le cadre d'un système judiciaire ou quasi judiciaire.
Nous justifions ci-après le jugement sévère que
nous portons sur ce projet de loi, projet qui n'est d'aucune façon,
selon nous, favorable aux entreprises québécoises et qui ne peut
vraiment prétendre être l'instrument d'une amélioration des
relations patronales-syndicales.
Donc, premier volet: désaccord avec l'analyse qui est venue
appuyer le projet de loi. Le ministre du Travail exprime clairement ses motifs
à l'appui du dépôt dans le mémoire de
présentation qu'il soumettait en janvier dernier au Conseil des
ministres et qu'il reprenait à l'Assemblée nationale dans le
cadre du débat de deuxième lecture. Sans reprendre tous les
arguments invoqués par le ministre, disons que ceux-ci touchent
essentiellement les éléments suivants: la multiplicité des
instances et des recours, la judiciarisation du régime, les
délais et la complexité du système comme frein à la
syndicalisation.
Tout en reconnaissant l'exactitude de certains éléments de
cette analyse - cela nous apparaît important de le dire parce que,
même si c'est sévère, il reste que dans l'analyse il y a de
très bons points et de très bons éléments;
d'ailleurs, on va y revenir un peu plus tard - dont le fait que dans le
passé on a pu déplorer, tant du côté patronal que
syndical, certains délais dans l'application de la loi, délais
qui honnêtement ne posent plus aujourd'hui vraiment de problème,
nous ne pouvons partager l'ensemble de l'analyse faite par le
ministère.
Le premier point: la judiciarisation. On le prend comme exemple. Nous
croyons que l'analyse n'est pas exacte sur ce point et que l'hypothèse
de la trop grande judiciarisation du régime n'est pas fondée. Les
statistiques relatives aux décisions contestées du tribunal et
des commissaires du travail pour les années 1980, 1981, 1982 et 1983
sont connues et on les présente en annexe à notre mémoire.
Je rappelle que ce ne sont pas les chiffres du patronat, que ce sont les
chiffres du ministère du Travail. Ce tableau révèle que,
pour l'année 1983, il n'y s eu au total que 67 décisions
contestées, dont 28 % par les syndicats - nous, on trouve cela tout
à fait normal - sur un total de 6423. Le pourcentage des
décisions contestées n'est donc que de 1,04 %. Par ailleurs, pour
les années 1980 à 1983 inclusivement, il y a eu 29 214 dossiers
ouverts et seulement 189 de ces dossiers ont fait l'objet de contestations,
dont toujours 59 par les syndicats. Le pourcentage de décisions
contestées, plus ou moins 1 %.
Ces données sont également confirmées par une
étude plus récente réalisée pour le compte de la
commission Beaudry par Me Yves-Marie Morissette, de l'Université McGill,
et dont l'étude ministérielle ne semble pas avoir tellement tenu
compte. Cette étude établit clairement, elle aussi, que le nombre
de décisions du commissaire général du travail
constestées devant les tribunaux est relativement peu important comme le
démontre le tableau ci-après. Je ne le reprends pas, M. le
Président. Encore là cela tourne autour de 1 %.
L'analyse du ministère indique qu'il y aurait lieu de penser que
les ordonnances d'un nouveau conseil seraient plus efficaces, plus
appropriées et, donc, qu'elles éviteraient ce recours,
qualifié d'excessif, qui, pour nous, ne l'est pas, aux tribunaux. Les
fameux "cease and desist orders" de certaines provinces du Canada anglais, cela
fonctionnerait bien chez nous, nous dit-on. Mais, voici quelques questions:
Est-ce que cela fonctionnerait aussi bien chez nous, chez les Latins que nous
sommes? Comme tels, nous avons peut-être des réactions et des
attitudes, dans le domaine des relations de travail, différentes des
anglophones. Mais, il faut bien s'en rendre compte, lorsqu'une injonction n'est
pas respectée, c'est parce que le juge qui l'a émise n'a aucune
notion de ce qu'est la réalité des relations du travail. S'il
arrive qu'une loi est défiée, c'est que le gouvernement, à
son tour, a totalement perdu le contact avec la réalité ou encore
qu'il poursuit de sombres desseins.
Par ailleurs, une ordonnance d'un membre d'un nouveau conseil des
relations du travail, qu'elle plaise ou non à l'une ou l'autre des
parties, serait scrupuleusement et instantanément respectée par
toutes les parties! Pour nous, M. le Président, c'est de
l'angélisme de croire cela.
Parlons maintenant des délais. Il n'est plus vrai de dire qu'ils
sont exagérément longs. En effet, selon les plus récentes
statistiques dont on dispose - et là-dessus on peut toujours âe
chicaner à 1 % près - le délai moyen avant qu'une
décision ne soit prise au sujet d'une requête en
accréditation était passé de 7,5 mois en 1978-1979
à 3,12 mois en 1983-1984. C'est sûr que 7,53, c'était long,
mais, en 1986-1987, cela tournerait autour de 1,78 mois. Vous me permettrez le
commentaire suivant: C'est là un délai sensiblement plus court
que celui qu'enregistre la commission d'appel en matière de
lésions professionnelles mise sur pied il y a à peine vingt mois
par le gouvernement québécois et dont le délai moyen est
d'environ six mois entre l'appel et la décision. Et on vient juste de la
mettre sur pied.
Quant à nous, ces délais pourraient être
raccourcis encore, semble-t-il, car plusieurs de ces délais ne
sont pas dus aux dispositions du Code du travail, mais, notamment, à la
pénurie de personnel affecté au Bureau du commissaire
général du travail et à la trop grande diversité
des fonctions confiées à ce personnel. Là-dessus, on cite
un certain nombre de statistiques où on compare, par exemple, le volume
de travail effectué ici au Québec au volume de travail
effectué en Ontario, en Colombie britannique et au
fédéral, de même que le nombre d'employés
affectés à ces différents dossiers. On constate, les
statistiques le démontrent, que le Québec doit disposer de
beaucoup plus de requêtes que l'Ontario avec un personnel de loin
inférieur en nombre. Je n'insiste pas là-dessus parce que M.
Gendron, lors du débat en deuxième lecture, avait d'excellentes
statistiques, un peu plus récentes que les nôtres, qui mettaient
encore plus en évidence que notre dossier est exact
là-dessus.
Si on ne retient que les requêtes en accréditation, on
observe la même situation. On a encore un certain nombre de statistiques
qui nous montrent carrément que le problème n'est pas si
dramatique qu'on veut bien nous le faire savoir. C'était vrai -j'ai
cité les 7,5 mois - il y a un certain temps, mais ce n'est plus vrai
aujourd'hui.
Un point important, finalement: la législation
québécoise récente - récente de quelques
années, cinq ans - a ajouté à la charge de travail des
commissaires de nouvelles responsabilités qui n'ont rien à voir
avec le Code du travail quant à l'application de la Charte de la langue
française, de la Loi sur les normes du travail, de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, etc.
Il y a trois ans, quelque 70 % des dossiers traités au Bureau du
commissaire général du travail n'avaient rien à voir avec
les accréditations et, selon ce qu'on a pu voir comme récentes
statistiques, le pourcentage est maintenant passé à 83,5 %. La
question qu'on pose: Est-ce qu'il se pourrait que le véritable
problème en soit plutôt un de mandats multiples et de charges de
travail, et non de dispositions du code qu'il faudrait modifier? Le rapport
cogeri commandé par l'ex-gouvernement sur l'administration du Bureau du
commissaire général du travail a bien démontré que
les principaux problèmes actuels, dont celui des délais qui
pourraient être diminués encore, tiennent surtout à des
questions d'administration. Pourquoi ne pas trouver des solutions
administratives à des problèmes administratifs?
Troisième dossier: l'accès à la syndicalisation.
Finalement, le régime actuel ne faciliterait pas toujours l'accès
à la syndicalisation. C'est très clair dans le mémoire
soumis en janvier dernier au Conseil des ministres, (référence
page 14). Il appartiendrait au gouvernement - toujours selon cette analyse - de
remédier à cet état de fait, à savoir cette
espèce de statu quo qu'on a dans la syndicalisation au Québec.
Or, nous, bien sûr, ne partageons pas ce point de vue. Le rôle du
gouvernement n'est pas de mettre sur pied des mécanismes qui n'auraient
pour objectif que de contrer le plafonnement du taux de syndicalisation au
Québec et, quand on compare la situation québécoise dans
le secteur privé à celle qu'on connaît aux
États-Unis, au Japon et ailleurs, on a un record, on a une situation qui
n'est pas préjudiciable aux travailleurs québécois. Il
faut donc chercher ailleurs que dans le code les raisons du plafonnement, sinon
de la décroissance du taux de syndicalisation au Québec. On vous
cite des spécialistes des relations de travail, Arthurs, Carter et
Glassbeek, que tout le monde nous cite quand cela fait son affaire, qui nous
disent carrément ici que les procédures québécoises
au niveau de l'accréditation sont probablement parmi les plus larges et
les plus ouvertes que l'on retrouve au Canada.
Pour nous, il y a d'autres raisons -évidemment, ce sont des
questions d'analyse; on peut ne pas partager nos raisons - qui peuvent
être évoquées pour expliquer le phénomène du
plafonnement. Il y en a au moins une à laquelle vous allez, croit-on,
souscrire: L'État, depuis des années et à bon droit, est
intervenu dans un certain nombre de dossiers: les normes du travail, par
exemple, la santé et la sécurité du travail, les personnes
handicapées, l'accès à l'égalité. Il y a eu
toute une série de lois proposées par l'État qui font que,
maintenant, le syndicalisme, jusqu'à un certain point, n'a plus toujours
sa même raison d'être dans certaines entreprises parce qu'on a
donné, par voie législative, des conditions de travail qui
pouvaient, dans certains cas, satisfaire les travailleurs
québécois.
De toute façon, on termine ce volet en disant que tous les
sondages révèlent qu'au Québec près de huit
travailleurs non syndiqués sur dix ne désirent pas
nécessairement l'être. Il ne faut pas ajuster nos lois en fonction
d'un objectif qui n'est pas l'objectif recherché par les travailleurs
non syndiqués.
En définitive, comme juqement un peu global sur cela, notre
régime a à peine quinze ans; on y a travaillé, au
régime mis en place actuellement. Ses structures, encore jeunes,
pourraient être améliorées - et là-dessus on partage
l'analyse du ministre -pour répondre plus adéquatement aux
problèmes identifiés. Mais, il nous apparaît qu'un effort
sérieux pour l'aider à se rendre à maturité,
à la satisfaction des parties intéressées, pourrait fort
bien représenter une meilleure avenue que ce qui nous est
proposé.
Nous avions une Commission des relations du travail jusqu'en 1969. La
loi a
été modifée, cette année-là, pour
mettre sur pied les structures actuelles. Est-ce que la création - c'est
interrogatif encore une fois - de nouvelles structures ne risque pas
d'entraîner des problèmes d'adaptation plus grands que ceux que
l'on dit vouloir régler' Simplement comme référence: vous
êtes, pour plusieurs, des juristes. Cela va prendre au moins cinq ans
avant de se donner une certaine jurisprudence à laquelle les parties
pourront faire confiance; cela, c'est du vécu très réel
pour tous les juristes qui oeuvrent dans le domaine du travail.
Deuxième volet, M. le Président, les attentes du patronat.
Il n'est pas inutile de rappeler - le patronat l'a signalé maintes fois
au lendemain de la publication du rapport de la commission Beaudry, dont le
projet de loi nous semble s'inspirer largement, mais en allant plus loin - que
la création d'une nouvelle Commission des relations du travail n'est
d'aucune façon une demande patronale. Il s'agit essentiellement
là d'une requête syndicale, vieille de plusieurs années
maintenant - mon ami Louis Laberge est venu vous le confirmer très
clairement hier - alors que les délais posaient beaucoup plus de
problèmes que cela n'est le cas aujourd'hui.
Le projet de loi n'est donc pas une réponse aux demandes
patronales. Il ignore, d'ailleurs, la totalité des
représentations patronales faites au cours des dernières
années et visant à faire amender certains aspects du Code du
travail qui, pour le monde patronal, posent véritablement
problème. On a ainsi raté une belle occasion, tout au moins, de
signifier qu'on était prêt à faire disparaître un
certain nombre d'irritants. Des irritants, vous les connaissez bien, ce sont
les dispositions antibriseurs de grève et la question de la
sous-traitance dont l'encadrement est beaucoup trop rigide, quant à
nous, au Québec.
Cela n'apporte pas de réponses aux problèmes
soulevés par le patronat et, en plus, cela ajoute de nouveaux irritants.
On mentionne, à titre d'exemple, l'article 13 du projet de loi qui
abroge les articles 28 à 30 du code actuel, ce qui signifie qu'il ne
sera plus strictement obligatoire, dorénavant, qu'un syndicat compte au
moins 35 % de membres pour réclamer la tenue d'un vote de
représentation syndicale. Nous souhaitons que le ministre nous pose,
à nous aussi, la question: Pourquoi les 35 % permettraient-ils plus
facilement l'accréditation? Merci, M. le ministre.
La comparaison avec les autres provinces et le fédéral.
Une des raisons les plus souvent invoquées réside dans le fait
qu'on doive se mettre à la mode des institutions fédérales
et des autres provinces, dont la Colombie britannique. Notons, d'abord, que la
réforme proposée dans le projet de loi 30 va beaucoup plus loin
que le régime fédéral actuel, que le régime
ontarien, que le régime actuel de la Colombie britannique - l'autre
n'est pas encore en vigueur - et, là-dessus, nous nous posons
immédiatement des questions. Au moment où nous voulons faire la
réforme, on sait qu'en Colombie britannique on fait une toute nouvelle
réforme qui sera totalement différente de ce que l'on peut vivre
actuellement chez nous. On le fait au nom de quelles raisons? Essentiellement,
à cause de deux raisons: le système actuel, que l'on se propose
de mettre sur pied ici, se serait judiciarisé et il y aurait trop de
délais dans le régirne. Mais, ce qui est important - vous le
voyez en page 11 de notre mémoire -c'est de dire que la réforme
proposée en Colombie britannique s'accompagne d'une réforme
globale du Code du travail. Cela nous apparaîtrait important, si on veut
proposer ici une réforme de ce genre, qu'on la fasse de façon
beaucoup plus globale. (21 h 30)
Cela nous amène à l'étude du projet de loi 30. On
ne croit pas, en toute honnêteté, que le projet de loi 30 soit
nécessaire pour corriger certains des problèmes que posent les
structures actuelles du Bureau du commissaire général et du
Tribunal du travail. Nous avons, cependant, nonobstant notre approche globale,
fait une analyse sérieuse, objective du projet et force nous est de
conclure que non seulement il ne réglera pas les problèmes
actuels, mais qu'il en créera quantité d'autres et que le
ministre, le gouvernement et l'Opposition devraient y repenser deux fois avant
d'y donner suite, tout au moins à court terme.
Voici pourquoi, en résumé, de façon très
partielle, puisque nous nous en tiendrons surtout au mandat et aux pouvoirs de
la nouvelle commission. Le mandat. Vous en avez entendu parler beaucoup
à cette commission, le mandat qui est confié a la nouvelle
commission l'amènerait à se préoccuper de la bonne gestion
des ressources humaines. On voit d'ici la portée très large de
cet article. Outre le fait que le législateur utilise des mots qu'il ne
définit pas, donnant ainsi un pouvoir discrétionnaire très
large à la commission il ne la confine plus aux seules relations de
travail, il étend ses pouvoirs à la gestion des ressources
humaines.
On nous permettra d'exprimer notre désaccord avec un mandat aussi
large confié à un organisme dont le rôle devrait être
exclusivement d'appliquer des dispositions du Code du travail et non de les
administrer comme le prévoit le texte de l'article 112.
L'article 137 confère à la commission des pouvoirs
extraordinaires. La commission n'est pas obligée de tenir des auditions.
Elle n'est pas obligée de motiver ses décisions. Elle n'est pas
liée par ses propres politiques et, bien plus, ses décisions (qui
peuvent
n'être que provisoires en toute matière) ne peuvent
être portées en appel. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse
là d'orientations qui amélioreraient le régime actuel,
d'autant qu'il y a lieu de prévoir que le système se
judiciarisera bien davantage - on essaiera de vous en faire la
démonstration tout à l'heure - notamment par des requêtes
en évocation déposées à la Cour supérieure
ou encore par des plaintes relatives à la violation des droits reconnus
clairement par la Charte des droits et libertés.
Quant à l'impossibilité d'en appeler des décisions
de la commission, selon les dispositions de l'article 137.10, nous ne pouvons
également y souscrire quand on constate qu'une décision pourra
être prise par un seul membre du personnel de la commission qui, pourra
être un employé à temps partiel en plus, et que ce membre
pourra prendre cette décision sans audition, selon le mode de preuve
qu'il décidera, et sans la motiver.
Rappelons, par ailleurs, que le gouvernement québécois a
reconnu lui-même il y a deux ans, dans le dossier de la CSST, que ce
qu'il propose aujourd'hui dans le projet de loi n'a pas de sens. On se
rappelle, en effet, que les décisions de la CSST étaient, pour la
plupart, finales et sans appel. Rappelez-vous, c'était avant la loi 42.
M. Cusano va se le rappeler très clairement.
Devant cette situation que vous avez décriée avec nous, M.
Cusano, le gouvernement, - parce que la CSST était juge et partie - a
proposé et là, à la satisfaction de tout le monde, que
toutes les décisions de la CSST, tant d'ordre médical
qu'administratif -et on vous a félicité, M. Cusano, d'avoir
piloté ce dossier-là - puissent être portées en
appel devant la nouvelle commission d'appel en matière de lésions
professionnelles. Là, on a mis sur pied une commission d'appel à
l'extérieur des cadres de la CSST, justement pour avoir un recours
à l'extérieur. Par le projet de loi 30, on recréerait dans
le Code du travail la situation qu'on vient justement de changer parce qu'on
avait un certain nombre de problèmes avec cette situation-là.
Finalement, le projet de loi, au-delà du mandat et des pouvoirs
discrétionnaires et absolus qu'il donne à la Commission des
relations du travail dont les décisions ne pourront être
portées en appel, comporte également toute une série de
propositions auxquelles il est difficile de souscrire. C'est le cas d'un
certain nombre d'articles: l'article 131 qui donne un pouvoir énorme au
ministre du Travail; l'article 24 qui, en abrogeant les articles 49 à
51.1 du code, abolit toute obligation de motivation des décisions de la
commission; les articles 115 et 116, c'est tout le problème de
l'indépendance de cette commission qui a été posé,
je pense, par tous les intervenants qui ont comparu devant vous; l'article
134.3 qui permet l'intervention de la commission dans le contenu même de
la convention collective alors que toutes les parties, patronales et
syndicales, lorsqu'elles ont négocié une convention collective,
considèrent que c'est leur outil et ne sont pas d'accord pour qu'il y
ait intervention de l'extérieur, notamment en ce qui concerne la
procédure de grief. L'article 133 du code donnerait un rôle de
médiation et de conciliation à la commission, alors même
que son rôle véritable en est un d'adjudication. N'y aurait-il pas
conflit, là, entre les deux rôles, adjudicateur et
médiateur?
En conclusion, M. le Président, certains motifs... On le
répète parce que souvent le ministre dit: Ce n'est pas vrai que
mon affaire est toute croche. Nous autres aussi, on est d'accord: il y a des
choses qui sont correctes. Il y a bon nombre de problèmes qui sont
allégués avec lesquels on est d'accord, mais l'analyse tant des
motifs qu'il exposait dans son mémoire que du projet de loi
lui-même ne permet pas de conclure qu'il soit nécessaire de mettre
la hache dans les structures actuelles pour atteindre certains des objectifs
recherchés.
Quant à nous, il est possible d'améliorer le
système actuel, tout comme il est possible de réduire les
coûts qu'implique le système actuel pour les entreprises et les
syndicats, tout comme il est possible, dans le système actuel,
d'introduire, si on le souhaite, des mécanismes de conciliation et de
médiation avec lesquels on est d'accord, tout comme il est possible de
réduire les délais si on s'en donne la peine au plan
administratif ou encore en libérant les structures actuelles de
responsabilités qui ne sont pas les leurs.
Le régime peut être facilement amélioré, mais
beaucoup de spécialistes nous disent que, même sans
amélioration, il est encore préférable au monument
à l'arbitraire que nous propose le projet de loi 30. Ce n'est pas peu
dire de l'analyse qu'ils font de ce projet qui s'inscrit exactement dans la
foulée des propositions du rapport Beaudry, rejetées
d'emblée par le patronat, un patronat qui a réclamé des
amendements aux dispositions antibriseurs de grève, aux limites à
la sous-traitance, aux lois 17 et 42 touchant le régime de santé
et de sécurité, mais non au Bureau du commissaire
général du travail et au Tribunal du travail.
Il s'agit là, M. le Président, de notre position de fond.
Par ailleurs, nous vous avons fait tenir une annexe qui comporte à peu
près 70 pages. Je vais la lire parce qu'on y verra une ouverture que
certains autres ne voient pas. La première partie est une analyse
technique qui soulève les questions les plus pertinentes quant au projet
de loi. Pour nous, alors qu'on nous propose un changement de structures, c'est
un changement de fond. Pour nous, que cela
s'appelle une commission des relations de travail, une commission des
relations industrielles, on n'a pas de problème avec cela. C'est le fond
qui nous intéresse. Alors, dans la première partie, on
soulève les questions les plus pertinentes quant au fond.
La deuxième partie de notre analyse technique propose un certain
nombre d'amendements au projet de loi qui, et je le lis comme on
l'écrit, "permettraient d'éviter le pire" si le
législateur décidait éventuellement d'y aller. Si vous le
permettez, on y reviendra au moment de la discussion parce que ce sont les
points d'appui qu'on peut avoir dans le débat qu'on aura un peu plus
tard.
Ainsi que je vous l'ai indiqué au tout début, je vais
maintenant demander à un de mes collègues de s'exprimer car on a
eu énormément de demandes de la part de nos associations - je
vous rappelle qu'il y en a 126 - pour participer à cette commission.
Évidemment, on ne peut pas faire intervenir tout le monde. On en a
choisi un qui va s'exprimer durant les cinq minutes qui me restent, je pense,
M. le Président. Cinq minutes et demie?
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Dufour.
M. Dufour (Ghislain): II s'agit de M. André Martel.
Le Président (M. Théorêt): Oui.
M. Dufour (Ghislain): II est le président de l'Association
des détaillants en alimentation.
Le Président (M. Théorêt): J'invite donc Me
Martel à procéder avec son exposé.
M. Martel (André): Merci, M. le Président. M. le
ministre, M. Gendron, distingués membres de la commission,
évidemment, vous conviendrez avec moi que cinq minutes, c'est
très peu pour faire le résumé d'un mémoire
d'environ 26 pages que nous avons cru nécessaire de soumettre au
bénéfice des membres de la commission et ce, même si nous
n'avons pu réussir à avoir voix au chapitre à titre
d'association invitée pleinement à participer aux
délibérations de la commission.
Cinq minutes, c'est, évidemment, très peu également
pour faire l'analyse technique d'un projet de loi comme le projet de loi 30
qui, à notre humble avis, est plus qu'un changement de détails ou
un changement administratif, mais qui constitue un changement fondamental au
sein de notre système de relations de travail.
Puisque cinq minutes c'est très peu, je voudrais en profiter
immédiatement pour remercier M. Ghislain Dufour, du Conseil du patronat,
d'avoir bien voulu accepter de nous céder les cinq dernières
minutes pour vous dire en quelques mots et en quelques minutes pourquoi
l'Association des détaillants en alimentation du Québec est ici
aujourd'hui, ainsi que les motifs qui nous font rejeter ce projet de loi
30.
Tout d'abord, M. le ministre, je voudrais vous mentionner que je suis
accompagné aujourd'hui de M. Jean-Louis Poirier, de M. André
Morin et de M. Guy Piuze qui sont respectivement vice-président
ressources humaines de Provigo, Hudon et Daudelin Ltée et
Métro-Richelieu Inc., ainsi que par Me Louis Bernier, de la firme
Martineau, Walker, avocats, à Montréal.
M. le ministre, M. le Président, la raison pour laquelle nous
sommes ici aujourd'hui, c'est pour vous manifester clairement notre appui total
à la prise de position du Conseil du patronat du Québec dans ce
dossier. Nous sommes également ici pour vous dire que nous avons
été quelque peu consternés après avoir fait une
analyse du projet de loi, consternés parce que nous sommes d'avis que la
Commission des relations du travail possédera des pouvoirs excessifs,
exorbitants du droit commun et consternés également parce que
nous sommes convaincus que ce projet de loi élimine certaines garanties
et certaines protections qui» pourtant, sont reconnues comme
élémentaires et fondamentales dans nos sociétés. Si
nous sommes ici, c'est également pour vous dire que nous sommes contre
le projet de loi 30.
L'Association des détaillants en alimentation du Québec
est un organisme sans but lucratif dont le mandat est de faire la promotion des
intérêts professionnels socio-économiques des
détaillants indépendants en alimentation. Dans le présent
dossier, nous avons l'appui total de Métro-Richelieu Inc., Provigo
(Distribution) Inc., Hudon & Daudelin et Steinberg (Distribution) Inc. Le
secteur alimentaire, M. le ministre, représente 20 000 entreprises dont
plus de 12 000 sont cataloguées comme des épiceries
conventionnelles générant également 10 000 000 000 $ de
ventes par année. C'est également 125 000 emplois et des
investissements de 1 000 000 000 $ par année.
Le secteur de la distribution alimentaire, M. le Président, c'est
également 40 % de nos établissements qui sont liés par un
certificat d'accréditation. C'est également 50 % de nos
employés qui font partie d'un syndicat. Je pense qu'avec de telles
données l'Association des détaillants en alimentation du
Québec devrait avoir voix au chapitre. À cet effet, j'aimerais
simplement vous mentionner que, sous réserve, évidemment, de
certains éléments qui apparaissent bien-fondés, le
mémoire qui a été rendu public et qui porte la date du 8
janvier 1987 ne
reflète pas, quant à nous, la réalité dans
le secteur de la distribution alimentaire. Pour nous, nous n'avons aucune
hésitation à affirmer que notre système de relations de
travail va bien et que les parties en sont satisfaites.
Nous nous posons donc les questions suivantes. Pourquoi changer les
règles du jeu? Pourquoi rompre l'équilibre actuel? Finalement,
pourquoi balayer du revers de la main plus de quinze ans d'efforts qui ont
été faits par les parties? Quant à nous, respectueusement,
nous vous soumettons que le tout n'était pas nécessaire, bien au
contraire.
Quant au niveau du projet de loi lui-même, nous avons
mentionné que nous étions d'avis que cette Commission des
relations du travail bénéficierait de pouvoirs excessifs. Pour
nous, le fait que la commission pourrait, finalement, dicter aux employeurs ses
lignes de conduite et ses directives quant à la façon de
gérer leurs ressources humaines, en vertu de l'article 112, constitue un
pouvoir excessif. Je pense qu'aucun employeur, particulièrement au
niveau de la PME dans notre secteur, ne peut accepter que son droit de
gérance le plus fondamental soit remis entre les mains d'un tiers,
particulièrement lorsqu'il s'agit d'une commission.
Nous avons également mentionné, M. le ministre, que nous
étions d'avis que ce projet de loi éliminait certaines de nos
garanties pourtant jugées fondamentales. Qu'on pense à la
possibilité de rendre des décisions sans audition, sans appel.
Qu'on pense également à la possibilité d'avoir des
décisions non écrites et non motivées. Je pense qu'il
s'agit là de la suppression de libertés pourtant fondamentales.
Je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà eu la chance ou
le bonheur de tenter d'expliquer à un employeur, à un
propriétaire de PME, qu'au moment de l'étude du caractère
représentatif il doit se retirer et laisser le soin à un tiers de
juger, hors sa présence. C'est déjà difficile de
réaliser ce tour de force. Eh bien, maintenant, lorsque nous serons
obligés d'expliquer à nos clients qu'il est tout à fait
normal qu'une décision soit rendue hors leur présence, qu'un
congédiement ou une ordonnance de réintégration puisse
être décrété hors leur présence, sans qu'on
leur en fournisse les motifs, sans que cette décision ne soit rendue par
écrit et ce, sans droit d'appel, je pense que cela deviendra de plus en
plus difficile.
Je sais que ça peut faire l'objet d'un débat, mais
à notre avis, une requête en accréditation pourrait
être déposée même si le syndicat possède moins
de 35 % des effectifs. Je pense qu'encore une fois peu d'employeurs accepteront
de tels changements.
En conséquence, M. le ministre, à notre humble avis, nous
croyons que les employeurs dans le secteur de la distribution alimentaire
auront tous l'impression d'être à la merci du système et
que, malheureusement, on risque de vivre une situation où ces employeurs
perdront la crédibilité qu'ils ont actuellement dans le
système des relations de travail. Pour nous, la perte de
crédibilité sera nécessairement la preuve que le
système sera voué à l'échec. (21 h 45)
Contrairement à l'objectif que vous visiez, nous assisterons
à une plus grande judiciarisation, à des délais encore
plus nombreux, à une complexité juridique à laquelle nous
n'avions même pas pensé. Pour tous ces motifs, M. le
Président, M. le ministre, nous recommandons respectueusement
d'abandonner le projet de loi 30 tel que rédigé actuellement ou
de le reporter à la prochaine session, afin qu'une analyse plus
poussée soit effectuée sur les articles de ce projet de loi.
Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Martel.
Je vais maintenant donner la parole au ministre qui va échanger avec
vous et, après, au critique officiel de l'Opposition. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, je
rappellerai la mise en situation qui est la suivante. Avant-hier,
l'Assemblée nationale du Québec adoptait, de consentement
unanime, les principes qui sous-tendent le projet de loi 30, créant une
Commission des relations du travail. Je dis et je souligne que l'Opposition,
même si elle a donné son accord, avait des réserves sur
certains points et des questions sur d'autres. Je vous dis également que
le gouvernement a bien indiqué, au moment de l'adoption du principe,
qu'au plan des modalités, des aménagements, des agencements, des
balises pouvaient s'imposer et que le gouvernement ne se sentait pas
figé par le libellé des articles.
Je profite de l'occasion pour remercier spécifiquement
l'équipe technique du Conseil du patronat du Québec qui a fait
une analyse, article par article, qui a nécessité beaucoup de
temps, de talent, d'énergie et d'efforts. Je tiens à rassurer M.
Martel: il ne paie pas ses contributions au Conseil du patronat pour rien. On a
vraiment pris le temps de faire ces études et cette analyse et de les
communiquer au gouvernement du Québec de façon qu'on puisse s'en
inspirer.
Je soulignerai tout simplement, en débutant, que d'autres
associations patronales ont déjà comparu devant cette commission,
qu'elles ont émis des réserves et des désaccords qui
concordent avec certains points que souliqne le Conseil du patronat du
Québec. Mais, au meilleur de ma connaissance et de ma souvenance, autant
l'Association des
manufacturiers canadiens, section Québec, que la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, que la
Chambre de commerce du Québec qui était devant nous cet
après-midi, que - mais ce n'est peut-être pas une association
patronale, c'est une association mixte, ils nous l'ont indiqué,
composée de représentants patronaux, syndicaux et universitaires
- la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles,
nous ont indiqué qu'elles voyaient d'un bon oeil le principe et
certainement les modalités de simplification de l'appareil à
trois paliers que nous connaissons actuellement en matière
d'accréditation. Ces corporations patronales et mixtes ne rejettent pas
du revers de la main, comme semble le faire le Conseil du patronat, les
suggestions de ramener à un niveau les décisions en
matière d'accréditation, ce qui a pour effet de simplifier et
d'apporter une contribution à la déjudiciarisation du
système que nous connaissons actuellement. J'aimerais obtenir de M.
Dufour son accord ou son désaccord strictement sur cet
élément de simplification qui vise à ramener de trois
niveaux à la question de la décision en matière
d'accréditation.
M. Dufour (Ghislain): Avant d'arriver à cela, M. le
ministre, je voudrais vous dire qu'on ne fait pas exactement la même
lecture que celle que vous faites du mémoire de l'AMC, de la
Fédération de l'entreprise indépendante ou de la Chambre
de commerce de la province. Les trois vous ont demandé un report
à l'automne, compte tenu... Oui, vous allez le faire. On est prêt
à se conformer à une analyse très objective, par toute
autre personne, des mémoires, mais, dans les trois cas, on vous a
demandé un report à l'automne.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, M. Dufour, vous pouvez
dire qu'ils ont demandé cela. Je pense qu'on va vous dire: Oui, cela a
été demandé, mais ce n'est pas la question que je vous ai
posée...
M. Dufour (Ghislain): Non, mais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question que je vous ai
posée porte sur le principe de la simplification. Étant
donné qu'on est limité dans le temps - vous pouvez, et c'est
votre liberté, faire toutes les diversions que vous voulez - j'aimerais
que l'échange soit constructif sur le plan et des principes et des
modalités, et je vous invite à répondre aux questions sans
vous y obliger.
M. Dufour (Ghislain): Je ne fais pas de diversions, je fais une
correction, M. le ministre. Il ne faut quand même pas laisser croire que
tous ces organismes...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. M. Dufour, je veux qu'on ait
des échanges francs et honnêtes. Je n'avais pas parlé de la
conclusion des mémoires que vous avez mentionnés, mais vous
êtes libre d'en parler.
M. Dufour (Ghislain): Tout comme vous n'avez pas parlé du
Barreau, vous n'avez pas parlé de la CSD et vous n'avez pas parlé
de la CEQ qui s'opposent au projet de loi pour à peu près les
mêmes raisons que nous. Nous, qu'on change le système actuel, on
n'est pas contre cela. Qu'on simplifie tout le système, on n'est pas
contre cela, non plus. Ce sont certains des points que j'ai essayé de
mentionner tout à l'heure dans notre mémoire, en disant: On ne
rejette pas toute l'analyse du ministre. On dit que l'analyse nous conduit
à des propositions avec lesquelles on peut être d'accord pour un
certain nombre d'entre elles. Mais quand on arrive aux conclusions que vous
nous proposez, on ne peut pas être d'accord. Mais à votre question
très précise: Est-ce qu'on est d'accord pour simplifier le
système? C'est oui.
Je vais vous donner un exemple et vous allez comprendre. Quand, dans le
temps, un employeur attendait un an, un an et demi avant d'avoir une
décision sur un congédiement - je vous l'ai déjà
dit - on avait les mêmes maudits problèmes que les syndicats qui
se chicanent pour une question d'accréditation. Quand vous êtes
obligé de réembaucher le gars un an et demi après et de
lui payer sa "rétro", vous avez un problème. Et on était
d'accord sur cela. Je pense que, tous ensemble, on a essayé
d'améliorer le régime et ce n'est plus vrai que cela dure autant
que cela. Mais, simplification, M. le ministre? Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les mêmes organismes
auxquels nous avons adressé des questions quant à
l'uniformisation pancanadienne, sujet sur lequel vous nous avez invités
à poser des questions, sans nous dire qu'il s'agissait d'une
uniformisation parfaite - même, nous avons insisté, de notre
côté, sur le fait que nous visions une certaine uniformisation,
mais qui tienne compte de certaines particularités de la structure
économique du Québec, car on a plus de petites et moyennes
entreprises au Québec qu'il n'y en a en Ontario - se sont quand
même montrés assez sympathiques ou favorables à ce qu'un
investisseur se retrouve dans un cadre ou dans une structure qui s'apparente
avec ce qu'il pourrait retrouver ailleurs dans les autres juridictions
provinciales canadiennes ou au niveau de la juridiction fédérale
sur le plan de la structure.
M. Dufour (Ghislain): D'accord. Là-dessus, on vous fait un
petit reproche de ne
prendre qu'une partie des comparaisons. On voudrait que vous preniez
aussi la comparaison "antiscabs", la comparaison sous-traitance, etc. Mais,
sous réserve du point que je viens de traiter et qui est très
important, je demande à Claude Le Corre de parler de la structure de la
Colombie britannique pour vous montrer qu'on n'est pas dans le même
schéma ici, Luc Beaulieu vous parlera du fédéral et de
l'Ontario.
M. Le Corre (Claude): Je pense que j'ai ici la loi de la Colombie
britannique. La structure est différente et l'approche aussi. Un de vos
premiers objectifs, par exemple, la déjudiciarisation, n'est pas du tout
abordé de la même manière. Pour donner un seul exemple, en
arbitrage, il y a quatre forums possibles, alors qu'au Québec il y en a
un seul. Alors, si on dit que, pour cet objectif, on s'est inspiré d'une
province aussi avancée que la Colombie britannique, c'est inexact. La
commission est formée de représentants paritaires et non pas de
gens simplement nommés par le ministre. Le mode de nomination n'est
pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous
arrêter? Est-ce que vous souhaiteriez une commission paritaire?
M. Le Corre: Ce serait sûrement préférable
à une commission dont on ne connaît pas le mode de nomination. Un
des reproches du Conseil du patronat, c'est qu'on ne sait pas qui va être
nommé, comment on va faire les nominations. Et le bouquet, ce qui est
particulier à la loi du Québec et qu'on ne retrouve nulle part
ailleurs, c'est que vous pouvez avoir une commission formée de cinq
personnes avec le président qui décide à l'encontre des
quatre autres. Cela n'existe dans aucune autre province. Dans les grands
principes différents de ceux de la Colombie britannique, en particulier,
l'obligation d'audition existe partout, avec des règles à suivre
pour cette audition. Vous avez fait disparaître cela pour cette
commission qui n'a pas l'obligation de motiver ses décisions, ni de les
rendre par écrit, ni d'être entendue...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Là, vous tombez sur ce
qu'on appelle la question de l'application des règles de justice
naturelle. C'est un sujet qui est important, qui a été
abordé et sur lequel le gouvernement est prêt à apporter
des amendements afin de s'assurer de l'application des règles de justice
naturelle. Je ne voudrais pas que l'on déborde. Je parlais strictement
de la structure.
M. Le Corre: Pour ce qui est de la structure, c'est une structure
différente, c'est une structure paritaire, comme je l'ai dit. Pour ce
qui est de la nomination, le mandat est non pas pour un maximum de cinq ans,
mais pour cinq ans fermes et ne peut être révoqué que par
l'Assemblée nationale. L'indépendance du judiciaire est beaucoup
plus assurée dans le système de la Colombie britannique que dans
le système proposé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas vous empêcher
de traiter de ces questions qui sont importantes, qui ont été
soulevées tant par les parties syndicales que patronales, en ce qui
concerne l'importance et la crédibilité que devront avoir les
commissaires sur le plan de l'indépendance, sur la question de
l'application des règles de justice naturelle qui doivent être
améliorées dans le texte que nous avons. Je voulais limiter le
débat à la structure, parce que je suis, moi aussi, limité
par l'ordre de la Chambre pour ce qui est du temps.
M. Le Corre: Si vous appelez structure strictement le mode de
nomination et le titre de la commission, oui, le titre est semblable. Ce qui
est important, c'est comment cette structure va agir et avec quels pouvoirs.
Dans le comment, il y a des différences énormes, parce qu'elle
est très encadrée. Il y a paraphrase d'un article de la loi de la
Colombie britannique avec l'article 112, mais notre article 112, qui donne les
pouvoirs à la commission, est beaucoup plus large. Il n'y a pas, par
exemple, la notion de gestion de ressources humaines qui est donnée
comme pouvoir à la commission de la Colombie britannique.
Au chapitre des pouvoirs, il y a le pouvoir de rendre, par exemple, en
certaines occasions dans un cadre précis, des ordres
intérimaires, pas des ordres intérimaires en tout temps pour
toutes causes comme dans le projet de loi actuel. Je pense que si on regarde la
constitution...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, mais là on tombe
dans les pouvoirs, dans les mandats. Je vous remercie. Moi, je voulais juste
savoir sur le plan de la structure. Vous me dites que ce n'est pas tout
à fait pareil; je comprends que c'est là le sens de votre
intervention. Maintenant, on est limité dans le temps et il y a une
question qui m'a paru, à la suite de discussions que j'ai eues avec des
membres du Conseil du patronat, assez essentielle et primordiale, la question
des fameux 35 %-50 %.
On a déjà indiqué devant cette commission
parlementaire que le régime québécois à 35 % est ce
qu'il y a de plus favorable au plan syndical, en tout cas au Canada, et
quelqu'un qui a effectué des vérifications dans certains
États américains nous dit qu'à comparer avec certains
États américains, sans avoir la totalité de
l'Amérique du Nord, c'est ce qu'il y a de plus avantageux.
La prétention du gouvernement - elle peut être juste comme
elle peut être fausse - est que nous ne changeons pas, avec le projet de
loi qui est devant nous, les règles du jeu en ce qui concerne la
proportion 35 %-50 %. Plusieurs intervenants, qui ont consulté leurs
experts, de gros bureaux d'avocats, etc., nous ont dit: Le gouvernement a
raison, il ne change pas les règles du jeu. Certains autres intervenants
nous ont dit: Même si vous nous dites cela, nous conservons des
inquiétudes à savoir qu'il y a une possibilité, même
lorsqu'il y a moins de 35 % des travailleurs qui ont signé leur carte,
de commander un vote.
Je voudrais avoir bien précisément et bien clairement la
position du Conseil du patronat sur cet élément.
M. Dufour (Ghislain): D'accord. Elle ressemble beaucoup à
celle de la Corporation des conseillers en relations industrielles que vous
avez citée en exemple tout à l'heure. Elle vous a dit justement
que cela permettrait, pas d'accréditer, mais de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Commander le vote.
M. Dufour (Ghislain): ...demander un vote, lorsqu'il y a moins de
35 %. C'est Luc Beaulieu qui va vous faire en deux volets la
démonstration très évidente de cela. Mais, pour ne rien
échapper, parce qu'on a parlé de la Colombie britannique et qu'on
n'a pas parlé du fédéral, ni de l'Ontario - on n'a pas le
temps, M. le ministre - je vous dis qu'on pourrait vous faire exactement la
même démonstration pour ces derniers.
M. Beaulieu (Luc): Je commencerais par dire, question
d'information, qu'en Ontario le "board" est obligé de
décréter un vote lorsque le seuil est de 45 %.
Maintenant, revenons aux 35 %. Toute de suite, je vous dis qu'il est
possible, sous le code actuel - on ne conteste pas cela -qu'un commissaire
ordonne la tenue d'un scrutin d'accréditation, même si le seuil de
35 % n'est pas atteint. Seulement, il ne peut faire cela que dans des cas
très exceptionnels. J'ai fait quelques recherches de jurisprudence
récente et c'est dans deux cas. Je vous dis que c'est très
exceptionnel et que cela prend une preuve convaincante qui est faite devant un
commissaire d'une ingérence flagrante de l'employeur sur ses
salariés, qui brime leur liberté d'expression de sorte qu'il est
possible que le syndicat ait eu de la misère à faire signer des
cartes d'adhésion. Le deuxième cas, c'est lorsqu'il y a un
maraudage intersyndical. Parce qu'an a tendance à oublier que
l'intimidation peut venir d'ailleurs que de l'employeur et que, dans les
mêmes circonstances, la volonté des salariés est
affectée.
Cela dit, exception faite de ces cas d'entrave de l'employeur ou
d'intimidation d'un syndicat maraudeur, les règles du jeu, actuellement
dans le code, sont établies clairement et elles sont établies au
niveau de l'agent d'accréditation. C'est à l'article 28 b du code
actuel qu'on explique que l'agent d'accréditation doit tenir un scrutin
secret lorsqu'il y a entre 35 % et 50 %. Cet article, qui, à notre avis,
dispose des règles du jeu dans des circonstances normales - je dis bien
des circonstances normales -est aboli par le projet de loi.
(22 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 37?
M. Beaulieu: C'est l'article 13 qui abolit, si mon souvenir est
exact, cet article 28 b. Qu'est-ce qu'il nous reste? II nous reste l'article 32
qui, au niveau du test de la volonté, n'est pas changé, l'article
32 qui dit que le commissaire peut se satisfaire du caractère
représentatif, notamment par le calcul de l'effectif ou la tenue d'un
vote au scrutin secret. Évidemment, il ne le fera pas par le calcul de
l'effectif, puisqu'on présume qu'il n'y a même pas 35 %. Donc, il
va tenir un vote et il reste le fameux article 37 qu'on vous cite à
grand renfort pour vous convaincre que cela ne change rien. Eh bienl L'article
37, il faut le lire.
L'article 37 dit que le commissaire doit ordonner un vote, lorsqu'on lui
prouve qu'il y a 35 %. Ce que cela dit, c'est que le commissaire a les mains
liées quand un syndicat lui prouve qu'il a 35 % de signatures. Il n'a
pas le choix. C'est ça que cela dit, il a les mains liées. Comme,
M. le ministre, vous êtes juriste, vous aussi, vous savez très
bien que le mot "doit", c'est une obligation. Cela ne dit pas, par contre,
lorsque le seuil des 35 % ne sera pas atteint, qu'il ne disposera pas d'une
discrétion qui figure à l'article 32 actuel. Mais, je vous dis,
étant donné la présence de l'article 28 b dans le code
actuel, que la discrétion à l'article 32 que possède le
commissaire d'ordonner un vote en bas de 35 %, à cause de la balise de
28 b, il ne l'exerce que dans des cas où il est convaincu par une preuve
d'ingérence, comme je vous l'expliquais. C'est là qu'il l'exerce.
Si on enlève cette règle-là, je vous dis que, maintenant,
étant donné que c'est totalement discrétionnaire - on n'a
qu'à lire l'article 32 - il ne sera pas obligé de se satisfaire
de telle ou telle entrave pour ordonner un vote. C'est dans ce sens-là
qu'on vous dit que les règles du jeu sont modifiées. La fameuse
balise des règles du jeu qui existe dans le code a été
abolie. C'est là qu'est le danger.
Je terminerai en vous disant, M. le ministre, qu'un procureur syndical
très habile, et il y en a, pourra même invoquer un
argument d'interprétation comme le suivant: Écoutez,
auparavant les règles du jeu, c'était 35 %, il fallait le
démontrer à l'agent d'accréditation et le
législateur a fait tomber cette balise-là. C'est donc qu'il
voulait ouvrir maintenant la porte en bas du seuil des 35 %. C'est un argument
qu'on entend souvent plaider par les avocats, l'interprétation par la
loi antérieure. Eh bien, ils vont pouvoir, en plus, rajouter cela
pardessus. Je vous dis que le danger est réel et présent. Je
pense qu'on ne doit pas attendre qu'il y ait un commissaire qui nous dise -pas
le Tribunal du travail parce qu'il sera aboli - on ne doit pas attendre qu'un
procureur syndical nous plaide cela et qu'un commissaire nous dise: C'est bien
vrai, vu que la balise a été abolie, j'ai maintenant ce
pouvoir-là. Je pense que le danger existe. Vous devez le
reconnaître. On vous demande au moins de maintenir le statu quo, que la
balise des 35 % soit la règle ordinaire et que l'exception soit
confirmée dans le code. En enlevant cela, l'exception risque de devenir
maintenant la règle. C'est tout.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, Me Beaulieu. Cet
après-midi, j'ai dit aux représentants de la chambre de commerce
que ce n'était pas l'intention du gouvernement de modifier les
règles du jeu quant à cette prescription. Je vous indiquerai que
les centrales syndicales qui ont comparu devant cette commission et que nous
avons interrogées sur le sujet nous indiquent qu'elles ne sont pas - en
tout cas, pour le moment - intéressées, elles non plus, à
discuter de la modification de ces 35 %. Dans les circonstances, le
gouvernement se sent très à l'aise d'inscrire dans les
modifications toutes les balises nécessaires pour donner les garanties
aux citoyens qui le demandent que les règles du jeu vont demeurer pour
le moins inchangées. Nous avons demandé, et ce n'est pas facile
sur le plan technique, me dit-on, sur le plan de la rédaction, à
la chambre de commerce de nous soumettre une rédaction qu'elle
considérait appropriée et nous vous lançons la même
invitation.
M. Beaulieu: Nous acceptons avec joie.
M. Dufour (Ghislain): Oui, tout en soulignant que, dans tout le
dossier, c'est un élément. Ce n'est pas cela qui est en cause
dans notre mémoire, c'est la philosophie globale. Je pense
là-dessus...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Je pourrais, M.
Dufour, revenir sur la question de la motivation des décisions, etc.,
mais je pense que le Conseil du patronat a eu, tout au long de nos sessions,
des observateurs sur place qui ont été à même de
vous informer sur les remarques que nous avons formulées. Je vous dis
que, comme gouvernement et comme gouvernement libéral, nous sommes
très sensibles à ce qu'on appelle le respect des règles de
justice naturelle et que nous sommes conscients que le présent projet de
loi tel que libellé a besoin de bonification dans le sens de ces
préoccupations. On pourrait reprendre les questions de
l'indépendance, de la bonification, etc., je n'y ai pas d'objection.
Si mon collègue de l'Opposition a quelques questions en vertu de
la règle de l'alternance, je lui cède la parole.
M. Gendron: Je peux bien y aller tout de suite, mais ma
première remarque avant de vous saluer, sera pour dire que j'ai une
position plus confortable, ce soir, que celle que j'ai déjà eue
face au Conseil du patronat. Je peux vous dire que cela fait quand même
deux grosses journées qu'on travaille ensemble et je trouvais le
ministre un peu plus calme lors de la présentation des autres
mémoires. Il ne se pressait pas, après 17 minutes de son temps,
de me faire l'offre en vertu du principe de l'alternance, d'y aller tout de
suite. Je peux bien y aller tout de suite. De toute façon, il avait sa
demi-heure, sans s'énerver. Je pense qu'il est dans une position un peu
moins confortable que la mienne ce soir.
Je veux quand même vous saluer d'une façon spéciale,
parce qu'on peut être en accord ou non, il reste que vous avez
sûrement fouillé très à fond le projet de loi
déposé par le ministre concernant la création d'une
nouvelle Commission des relations du travail. C'est l'un des premiers
mémoires qu'on a reçus et on a eu l'occasion de le regarder plus
avant. En plus du mémoire déposé, il y a une annexe qui
est passablement sophistiquée et qui, en ce qui me concerne, me servira
par la suite, si jamais le ministre décide de poursuivre l'adoption de
ce projet de loi.
J'en profite également pour saluer M. Martel d'une façon
spéciale, parce que j'ai été aussi très
impressionné - là, je ne parle pas des arguments comme tels - de
la recherche très fouillée du mémoire de l'Association des
détaillants en alimentation. Quant à moi, il s'agit d'un
mémoire très articulé, très étoffé.
On peut partager les opinions qu'il contient ou non, c'est un autre point de
vue, mais chose certaine, vous avez fait longuement vos devoirs et, en
conséquence, on doit vous remercier.
M. le ministre a commencé à peu près toutes ses
interventions de la même façon en disant: Écoutez, ce
projet de loi a été adopté à l'unanimité
à l'Assemblée nationale, on va vous mettre au fait; il disait
cela aux intervenants. Donc, l'Assemblée nationale a adopté le
principe du projet de loi créant une Commission des relations du
travail, c'est exact. Je n'ai pas à avoir honte de la
position qu'on a prise, je suis capable de l'expliquer. Cependant, dans
un débat quand même assez long, d'une heure, après avoir
expliqué que, oui, l'Opposition sera d'accord, parce qu'il s'agit
là - il n'y a pas de cachette en ce qui nous concerne... Créer au
Québec une nouvelle Commission des relations du travail, cela nous
apparaissait à nous, tout autant quand nous étions au pouvoir
qu'actuellement, oui, comme un mécanisme, une instance, avec des
modifications appropriées, qui permettrait d'envisager un contexte de
relations du travail qui, globalement, devrait donner, selon notre analyse
à l'époque, de meilleurs résultats pour l'ensemble des
parties.
Je veux seulement prendre quelques minutes pour dire à M. Dufour
et au Conseil du patronat qu'ils ont pris la peine de dire que les bases de
justification du ministre pour faire cette réforme ne sont pas exactes,
ne sont pas fondées et vous appelez cela, avec raison je pense,
l'analyse, toute la partie avec laquelle le ministre dans ses notes
explicatives justifiait le dépôt du projet de loi. Je tiens
à vous rappeler à ce sujet que j'ai également
mentionné à peu près à tous les intervenants qu'en
ce qui nous concerne il y a un écart qui est quand même assez
profond entre les notes explicatives du projet de loi et le libellé
même de plusieurs articles, et cela, concernant plusieurs
éléments que vous avez essayé de préciser et que
d'autres ont précisés davantage. Je pense que c'est pourquoi les
audiences, si le ministre est très attentif, très souple,
très ouvert, devraient permettre de corriger beaucoup
d'imprécisions. Vous avez choisi, parce que c'était
peut-être d'actualité, de consacrer un nouveau monstre.
Après celui du lac Meech, vous avez parlé du monstre de
l'arbitraire, de monument de l'arbitraire - c'est votre choix - mais on est
d'accord avec vous qu'il y a des dispositions là-dedans qui,
effectivement, sont abusives, manquent de précision et le fait que nous
ayons entendu plusieurs groupes nous faire des suggestions devrait à
tout le moins obliger le ministre à en tenir compte et à
s'orienter vers une nouvelle Commission des relations du travail qui va s'en
tenir davantage à la gestion des mécanismes de relations du
travail plutôt qu'à toute autre ouverture comme c'est le cas dans
le mandat. J'y reviendrai dans quelques secondes. Mais, concernant l'analyse,
je ne peux pas reprendre vos chiffres sur la déjudiciarisation, parce
que j'ai de sérieux doutes que cela ne déjudiciarisera pas autant
qu'il l'a prétendu. Cependant, il y a des chances que, oui, cela
déjudiciarise un peu, si certains amendements peuvent être
apportés.
Sur les délais, vous n'avez sûrement pas inventé les
chiffres qu'il y a là. Vous m'avez même cité mon discours
de deuxième lecture. J'avais moi-même étoffé mon
discours de deuxième lecture en Chambre de certains chiffres. Tout le
monde prétend que c'est toujours trop lent et que cela prend toujours
trop de temps, mais, quand on regarde cela, effectivement il y a eu une
correction importante concernant le temps et, au fil des années, on a
passablement réduit les délais. J'étais heureux de
constater que, dans le mémoire des détaillants en alimentation,
pour un ex-ministre membre de l'ex-gouvernement, il y avait quand même un
jugement qualitatif sur l'efficacité, selon vous toujours, du
système actuel qui, tout compte fait, n'était pas si terrible que
cela. Le système des relations du travail au Québec n'est pas si
dramatique que cela. Alors, il y avait une petite flatterie là. Certains
prétendent que, durant tout le temps qu'on était là,
c'était tellement pourri, tellement grave que je me serais attendu
à une analyse terrible. Mais ce n'est pas ce que cela disait.
Je pense que les relations du travail au Québec ont
évolué dans le bon sens. On ne peut pas parler d'un climat plus
positif, d'un climat économique meilleur et plus sain et, d'un autre
côté, prétendre que nos relations du travail sont tellement
mal foutues et également que les intervenants syndicaux et
syndiqués n'ont pas, eux aussi, droit au mérite dans cette
évolution positive non seulement de l'économie, mais des
relations du travail. Donc, sur toute la partie analyse, je ne suis pas
touché. Ce sont des chiffres. C'est votre point de vue et je pense que
ce sont des éléments intéressants à obtenir.
Là, on arrive au contenu même du projet de loi et j'ai des
problèmes. J'ai l'impression, M. Dufour, que, si on essayait de
clarifier une série d'éléments, votre position ne
changerait pas. C'est votre droit, mais j'ai l'impression que vous demeureriez
opposé à l'adoption de ce projet de loi, compte tenu, selon vous,
de ses nombreuses failles. En conséquence, il n'est pas facile de dire
que, si on réussissait à apporter des amendements à telle
ou telle place, il y aurait une plus grande, non pas collaboration, parce
qu'elle est acquise, mais un point de vue qui permettrait de partager, à
des degrés peut-être pas aussi élevés que celui du
gouvernement et que celui de l'Opposition et d'envisager un accord non
seulement sur le principe, mais sur plusieurs modalités. Est-ce que cela
ferait que le Conseil du patronat dirait: Écoutez, on pense que c'est
à essayer, que ce projet de loi est viable à condition, bien
sûr, qu'en particulier sur des dispositions aussi exagérées
qu'à l'article 137 - j'y reviendrai dans quelques secondes, parce que
j'ai quand même quelques questions - de même que sur certaines
dispositions que vous mentionnez à la page 14 de votre mémoire,
il y ait des corrections importantes? Peut-être cela pourrait-il faire un
pas assez en
avant pour dire: Écoutez, c'est à essayer? Vous
continueriez peut-être à vous sentir inquiets, mais vous pourriez
dire que c'est à essayer.
J'y vais plus maintenant avec quelques questions et commentaires. Vous
soulignez, relativement au mandat, et cela a été le cas de tout
le monde... Je ne sais pas où le ministre avait la tête, je l'ai
dit à plusieurs reprises, quand il a prétendu que cela
conférait un haut degré d'indépendance et de
stabilité que de dire que ce sera une commission où les
commissaires ont un mandat inférieur à cinq ans. Maximum cinq
ans; c'est ce que cela veut dire, à moins que je ne sache pas lire. Il
est évident que, là-dessus, je pense qu'il a compris. Et je suis
convaincu qu'il va apporter une modification, parce que cela n'a pas de bon
sens.
Pour ce qui est du mandat, je partage votre avis. Ce ne sera pas
fréquent. Vous prétendez, quant au mandat, que toutes les
dispositions concernant la bonne gestion des ressources humaines n'ont pas
d'affaire là, que c'est du droit nouveau. Là-dessus, je n'ai pas
le temps d'en faire la lecture, vous l'avez probablement fait plus que moi,
mais, à cet égard, le mémoire des détaillants en
alimentation est passablement explicite et il dit pourquoi cela n'a pas affaire
là. C'est sûr que, si le ministre se donne la peine de lire cela,
cela ne se peut pas qu'il ne comprenne pas cela et qu'il ne soit pas convaincu
qu'il faut effacer cela. Il faut corriger le mandat. (22 h 15)
Concernant l'article 137, vous dites: "Ainsi, la commission n'est pas
obligée de tenir d'audition." C'est ma première question et je
vous donne droit de réplique sur ce que j'ai dit. Ce ne sont pas mes
affaires, mais si vous voulez réagir, cela me fera plaisir. Concernant
l'article 137, vous dites: "Ainsi, la commission n'est pas obligée de
tenir d'audition. Elle n'est pas obligée de motiver ses
décisions. Elle n'est pas liée par ses propres politiques. Et,
bien plus, ses décisions (qui peuvent n'être que provisoires en
toute matière) ne peuvent être portées en appel." Sauf le
fait que ces décisions ne peuvent pas être portées en appel
et celui de dénoncer certains aspects comme de ne pas tenir d'audition
et de n'être pas obligée de motiver ses décisions, si
jamais on vous demandait ce que le Conseil du patronat voudrait pour ces
aspects, quelles améliorations importantes à l'article 137 de
même qu'à l'article 137.10 sur la possibilité d'aller en
appel il voudrait, verriez-vous là des bonifications majeures et, en
conséquence, cela pourrait-il changer votre état d'esprit
général face aux grandes orientations de la Commission des
relations du travail?
M. Dufour (Ghislain): Je vais demander ensuite à Me
Casgrain de réagir sur la problématique globale. Mais, concernant
la question précise à savoir si cela ferait que nous serions
d'accord avec le projet, il y a juste deux éléments, finalement,
dans ce dossier, c'est le mandat et les pouvoirs. Tout tourne autour de cela.
On a déjà dit, à un moment donné - on l'avait dit
d'ailleurs, dans le temps, à la commission Beaudry qui appelait cela une
nouvelle Commission des relations du travail - que les titres, cela ne nous
déranqe pas tellement. On a même été d'accord pour
garder le Tribunal du travail. La commission Beaudry, d'ailleurs, n'abolissait
pas le Tribunal du travail. Oui, pour des fins très
particulières, on est d'accord avec cela, mais gardez quand même
le Tribunal du travail. N'envoyez pas tous les dossiers de la CSST, par
exemple, ou tous les autres dossiers de relations du travail à la Cour
provinciale. On va avoir le même problème. Les parties vont dire:
C'est cela, les juges de la Cour provinciale ne connaissent rien en relations
du travail et on se retrouve devant eux.
C'est une question globale, M. Gendron, que vous posez. On dit: Si,
au-delà de la réforme des structures, on ne fait pas une
réforme de fond... Ce n'est pas la réforme des structures qui
nous fatigue ici, c'est la réforme de fond. Tout tient dans ce qu'on
disait tout à l'heure, le mandat, la non-possibilité de tenir des
auditions, la non-possibilité... Un commissaire à temps partiel
en plus - on pourra reparler de l'indépendance judiciaire tout à
l'heure -pourrait régler - parce que la commission des services
essentiels est rendue là - une grève dans un hôpital, une
grève dans le transport en commun, sans tenir d'audition et en se
foutant des règles de la commission, parce que le commissaire n'est pas
obligé de tenir compte des règles de procédure de la
commission. Il n'est pas obligé de motiver sa décision et tout
cela est sans appel. Alors, changez tout cela et vous allez refaire un projet
de loi. C'est cela qu'on dit, au fond. Que tout cela soit recoiffé -
appelons cela pour ne pas se chicaner - commission des relations de
je-ne-sais-pas-trop-quoi, alors déjà, on a avancé. Ce que
vous proposez vous-même par votre propre dialectique, c'est un
amendement, mais un amendement majeur à tout le projet de loi. Comment
ce qui nous est proposé là ne pourrait-il pas fonctionner? Je
demande à Philippe de dire comment les parties vont se retrouver dans le
système qui nous est proposé.
Le Président (M. Théorêt): Me Casgrain.
M. Casgrain (Philippe): Je ne voudrais pas que vous croyiez que
j'ai été amené ici pour vous démontrer comment un
avocat peut, avec avocasserie, réussir à contrer l'exercice d'une
loi. Cependant, je vous dirai
ceci. J'ai eu une première réaction en lisant le projet de
loi tel que rédiqé. Je le dis avec beaucoup de respect pour le
ministre que je connais bien. Je me suis dit, à première vue: Si
on n'y touchait pas du tout, ce serait donc beau! C'est tellement truffé
de pièges à bref d'évocation qu'on peut en avoir pour
très longtemps à se promener devant les tribunaux avec ce projet
de loi tel que rédigé. À première vue.
Vous parlez de l'article 137, M. Gendron. Je vais vous donner un exemple
de ce qui pourrait arriver. Vous savez, quand on propose des projets de loi,
c'est tellement facile de dire comme Shakespeare: "First, let us kill all the
lawyers!" Si on élimine les avocats, les juges et surtout ceux qui ont
une connaissance judiciaire du processus, on a toujours l'impression que ce
sera tellement plus beau et plus simple, mais il arrive malheureusement qu'on
revient quand même à la surface tout le temps.
Je donnerai l'exemple suivant. Je suppose, par exemple, tel que c'est
rédigé, qu'un commissaire décide d'expliquer à un
syndiqué ou à un patron qu'il a tort. La cause s'instruit de la
façon suivante: il n'y a pas de preuve de recueillie, il n'y a pas de
documents qu'on garde, il n'y a aucun écrit quelconque. De plus, on
s'arrange pour ne pas lui dire pourquoi on va le condamner. Et, une fois qu'on
lui a expliqué qu'il est condamné, sans appel, naturellement
comment pourrait-il le faire, d'ailleurs, il n'a aucun document disponible et
aucune preuve recueillie pour le faire - on va plus loin que cela, on dit
même, dans la loi: En plus, monsieur, je peux même vous ordonner de
vous lever et de déclarer publiquement que vous êtes d'accord avec
ma décision. C'est aussi vrai que cela, c'est dans la loi, en blanc et
noir. On peut dire, par exemple: Vous irez le déclarer sur le plancher
de l'église, pendant le carême avec de la cendre sur le dos.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Casgrain: Ou encore avec un cierge à la main ou
à l'occasion d'une réunion de famille.
Vous pensez que c'est amusant, mais c'est un fait que c'est dans la loi.
Les gens vous disent: Nous ne l'avons pas vu. Je ferais un compliment aux
rédacteurs de la loi, elle est très bien rédigée,
de façon, justement, à mettre tous ceux qui s'y retrouveront dans
un corridor si étroit qu'ils n'en sortiront jamais. Elle est
administrative, il y a une clause privative, il n'y a pas d'appel, il n'y a
pratiquement pas de décision, il n'y a aucun dossier. Autant dire qu'on
livre les gens pieds et poings liés à un fonctionnaire. C'est
comme cela qu'elle se lit au départ. Vous demandez quoi faire pour
l'améliorer, vous m'excuserez de vous dire:
J'aime mieux avoir un commissaire qui dit ce qu'il a pensé, qui
me l'écrit - s'il est capable d'écrire - et qu'il me le dise de
façon intelligente pour avoir la chance, éventuellement, s'il
rend un jugement de fou, d'aller en appel de son jugement. C'est aussi simple
que cela. Ce n'est pas tellement compliqué.
On n'arrête pas de nous dire: On déjudiciarise. Bref de
prohibition, "My eye"! Le juge de la Cour supérieure est là pour
s'occuper de réformer des décisions de tribunaux quasi
administratifs parce qu'elles font défaut de respecter la justice
naturelle. Je ne suis pas contre cela, c'est là pour tout le monde, cela
protèqe tout le monde. Mais on voudrait enlever cela aussi.
M. Gendron: ...M. Casgrain, parce que vous racontez cela avec
énormément de pratique et de couleur. Probablement que vous avez
raison, mais je vous arrête juste sur un point. Vous dites que tout cela
pourrait se passer... Je vais essayer d'être aussi drôle que vous,
mais moins en termes juridiques. Un commissaire à temps partiel, je ne
suis pas sûr qu'il sait écrire, il n'a pas le pouvoir
d'écrire, alors je vais aller en révision, et il n'y a pas de
dossier.
M. Casgrain: Tenez-vous bien, si vous allez en appel, c'est
à lui que vous retournez. Vous lui demandez, le lendemain, de changer
d'idée. Vous dites: Vous vous êtes trompé hier,
êtes-vous d'accord encore aujourd'hui? Il dit: Non, non, non, tu vas
déclarer que j'avais raison.
M. Gendron: Voilà. M. Casgrain, par exemple, admettez-vous
que, quand on fait le relevé de ce sur quoi le Tribunal du travail s'est
prononcé, ce sur quoi les commissaires du travail avaient à
statuer, il y a quand même un certain volume de décisions pour
lesquelles il me semble que ce n'est pas tellement justifié de
prévoir un mécanisme d'appel? C'est ce que je pense, mais je veux
avoir votre point de vue. Je l'ai dit en deuxième lecture, je l'ai dit
à plusieurs groupes, il me semble que... Par exemple, si on veut me
"sacrer" dehors pour, supposément, avoir orchestré une
grève illégale comme syndiqué et que cela se termine par
un congédiement, personnellement, j'ai peur de cela. Je vais demander au
ministre qu'il y ait un droit d'appel là-dessus parce que ce n'est pas
de même nature qu'une demande d'accréditation.
Je voudrais juste savoir si vous ne pouviez pas calibrer le fait qu'on
dise qu'il n'y a pas d'appel. Cela semble gros, vous avez raison. Mais, quand
on le dégrossit, il y a des niveaux dans le cadre même des
relations du travail qui - je peux me tromper - ne requièrent pas un
appel. Si on statuait... Je pense que le ministre a même offert - je
n'en suis pas sûr - à un moment donné de faire une
certaine liste où l'on prévoirait... C'était pour les cas
de révision?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'était strictement
pour les... questions d'auditions, que la règle soit l'audition des
parties, sauf dans certains cas où on ferait la liste des cas
administratifs où cela ne touche pas les droits des parties.
M. Gendron: C'est cela, où il n'y aurait pas d'audition.
Supposons que je reviens sur cet exemple, je prétends que c'est
"offrable" - il l'a fait au niveau des demandes d'audition - à plusieurs
endroits dans le projet de loi, par un amendement. Si on regardait cela avec
vous...
M. Dufour (Ghislain): Oui, mais là, on vient de changer
toute l'approche face au projet de loi. Je vais vous donner un exemple et je
pense qu'on va se comprendre. De ce temps-ci, il y a de nombreuses
requêtes au Bureau des commissaires du travail simplement pour changer le
nom de la compagnie qui s'est francisée. Cela engorge le bureau parce
que cela prend du temps. Il y en a beaucoup et il paraît que ce sont les
plus grosses requêtes, actuellement, au Bureau des commissaires du
travail. C'est bien évident que là-dessus, on ne se chicanera pas
longtemps. Mais, dans le "work load" du Bureau des commissaires du travail,
c'est énormément de travail. Mais ce n'est pas de ça dont
on parle. On parle des plaintes pour activités syndicales, on parle...
Les requêtes en accréditation, on veut un droit d'appel
là-dessus et je suis sûr que les travailleurs le veulent aussi.
Gilles, veux-tu ajouter quelque chose là-dessus?
M. Lavallée (Gilles): M. le Président, Me Casgrain
vous a donné un peu la réaction du juriste et j'aimerais vous
donner un peu celle du praticien en relations du travail. Je suis juriste de
profession, mais j'ai fait des relations du travail assez longtemps qu'il y a
parfois de mes collègues du Barreau qui ne me reconnaissent plus. Ce qui
me frappe et ce qui m'agace, c'est que la commission a le mandat de favoriser,
de développer de saines relations du travail. Comment se font de saines
relations du travail? Communication? Écouter l'autre? Expliquer sa
position et favoriser la réaction? Au fond, c'est de la communication et
la commission dit: C'est pour vous autres que ça marche comme cela. Les
relations du travail, ça se fait de même, mais ce n'est pas ma
règle. Je fais ce que je veux, je n'explique pas, etc. Cela me
paraît bien drôle comme fonctionnement d'un organisme qui devrait
favoriser le développement de saines relations du travail. Je trouve
qu'il y a une contradiction quasiment essentielle.
M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez aussi, parce que
vous avez quand même touché à plusieurs
éléments dans la problématique globale. Vous touchez au
nerf quand vous touchez à l'indépendance judiciaire, au mandat et
à la question des pouvoirs discrétionnaires. Ce sont les trois
articles de la loi.
Sur la question de l'indépendance judiciaire, pour nous, c'est
majeur. Si on ne fait pas des choses importantes là-dessus, on ne pourra
pas y souscrire. Je demanderais à Pierre Beaudoin justement d'en parler
rapidement.
M. Beaudoin (Pierre): Nous n'avons pas eu le plaisir d'entendre
les commentaires que vous avez faits à ceux qui ont soulevé la
question. Toutefois, je crois comprendre de ce que vous dites que vous vous
êtes engagé à garantir le respect de certaines
règles de justice naturelle, à garantir le respect de l'audition
dans certains cas et aussi au niveau de l'indépendance judiciaire.
Évidemment, c'est la qualité de la nomination de la personne qui
est nommée, le processus de nomination... Je ne sais pas ce qui a
été dit ici depuis deux jours, mais c'est évident que, si
on veut que les employeurs aient une crédibilité dans
l'éventuel système, il est absolument nécessaire que ces
personnes-là jouissent d'une indépendance totale. L'histoire des
libertés fondamentales est tributaire du respect d'une certaine
procédure, d'une apparence de justice. Pour nous, c'est un point
fondamental que je comprends que vous vous êtes, d'une certaine
manière, engagé à respecter dans le projet de loi.
M. Dufour (Ghislain): On pourrait ajouter à ça,
parce que dans toute la problématique, il y a un autre
élément qui est important, celui de l'ajout de pratiques
déloyales. Il y en a un certain nombre qui est déjà
identifié, mais ce que les gens n'ont pas vu, c'est l'ajout d'un paquet
de pratiques déloyales. Me Beaulieu vous en cite quelques-unes qui font
partie de la problématique.
M. Beaulieu: Cela nous amène à un sujet où,
vous avez dû le constater quand vous avez pris connaissance de la mince
revue de presse qui couvre ce projet de loi -là, on a tendance à
parler de changement de structures. Je vais vous citer un changement qui est
loin d'être un changement de structures. On fait passer un ensemble de
pratiques déloyales - si vous avez lu le mémoire, on en a fait
une énumération qui n'est pas exhaustive - de la juridiction
exclusive qui était pénale à une juridiction concurrente
avec la commission. Je n'en citerai qu'une, par exemple, le défaut de
négocier de bonne foi qui est prévu à l'article 53 du code
actuel. Présentement,
cela ne peut faire l'objet que d'une plainte qui est maintenant
pénale, à cause de la formulation de l'article 132 qui dit:
à l'exclusion de tout autre tribunal, connaît et dispose d'une
contravention ou même d'une contravention appréhendée." Je
profite de l'occasion pour vous dire que la notion de "contravention
appréhendée" "at large" comme ça, je n'ai pas vu ça
dans d'autres lois. J'ai vu des grèves appréhendées, mais
des contraventions appréhendées, je n'ai jamais vu ça dans
d'autres lois "at large" comme ça. (22 h 30)
Je reviens sur mon exemple du devoir de négocier de bonne foi. Il
est important pour les employeurs. Je vais vous donner un scénario qui
peut se produire. Vous avez un employeur qui décide, par exemple, de
déménager son usine pour de saines raisons d'affaires. Le
syndicat prétend que ses plans de déménagement auraient
dû être dévoilés dans le contexte d'une
négociation collective. Il envoie son avis de cessation collectif
d'emploi aux termes de la loi de la qualification de la main-d'oeuvre à
ses employés, disons avec deux mois de délai. Le syndicat
dépose une plainte qui là, maintenant, est de juridiction de la
commission et, donc, ce ne sont pas des pouvoirs d'amende, mais des pouvoirs de
redressement énormes qu'on connaît au projet de loi. Il
présente une demande disant que cela constitue une violation du devoir
de négocier de bonne foi. On aurait dû nous dire cela. On aurait
peut-être pu négocier des concessions. Enfin, j'évite les
motifs.
Vous savez que la commission qui dispose de pouvoirs interlocutoires,
qu'on a qualifiés ici de décisions provisoires non
encadrées, reçoit la plainte. Son rôle est engorgé.
Alors, dans la notion de décisions provisoires existe, bien
évidemment, l'ordonnance qu'on appelle statu quo ante,
c'est-à-dire la gel de la situation. Alors, dès réception
de la plainte parce que le déménagement est imminent, la
commission interdit à l'employeur de procéder à son
déménagement en disant: Attendez, j'ai une plainte, il faut
prendre une décision. C'est déjà un premier changement
majeur qui n'existe pas actuellement. On intervient. On arrête le
processus de déménagement et, parce qu'on a le droit d'avoir des
décisions déclaratoires en toute matière, encore une fois,
la notion de contravention appréhendée est une notion de jugement
déclaratoire. On demande à la commission, avant que les faits
n'aient lieu de déclarer - parce qu'on dit que c'est une contravention
appréhendée -ce qui se passerait si cela arrivait. Étant
donné qu'on demande un jugement déclaratoire, j'imagine qu'on va
être obligé de l'écrire pour déclarer ce que c'est.
La commission nous dit: Oui, oui, cela serait une infraction.
Le déménagement arrive. Évidemment, comme il y a
une ordonnance de statu quo ante, il y a un problème. Quand le
déménagement va-t-il avoir lieu? La commission a
déjà rendu une décision déclaratoire. Donc, ce
serait une violation. Mais les faits ne sont pas arrivés.
Présumons qu'il y a une levée du statu quo ante en disant:
Étant donné qu'on a émis un jugement déclaratoire
comme quoi ce n'était pas correct, l'employeur ne procédera pas.
L'employeur procède quand même en disant: Quand je vais plaider
mes faits, la vraie cause, je vais réussir à leur
démontrer que ce n'est pas une violation du devoir de négocier de
bonne foi.
On se présente devant la commission. On a un jugement
déclaratoire antérieur. Vous savez qu'il y a un système de
politiques qui existe. Et on vient plaider la cause après que la
commission nous ait dit: On vous a déjà dit que ce n'était
pas correct, mais on veut faire la preuve des faits. On annonce cela comme
étant un changement de structures. Je vous dis que j'ai choisi l'exemple
d'une telle pratique déloyale, mais il y en a toute une série.
Pour moi, M. le ministre et M. le député, je ne pense pas qu'on
puisse qualifier cela de changement de structures. Quand on parle de
changements de fond, c'en est un important.
M. Gendron: Merci de l'éclairage. Rapidement, parce que le
temps file pas mal, mais il me reste dix minutes et le ministre aussi. Je veux
absolument qu'il les prenne. Il est plus au "bat" que moi. J'espère, en
tout cas, qu'il se considère plus au "bat" que moi pour les changements
à apporter.
Deux petites choses rapides. Vous dites, à un moment
donné, qu'on sent que c'est bien plus toute la philosophie et les
orientations qu'il y a derrière cela qui causent des problèmes.
Mais on ne réqlera pas cela ce soir entre nous deux. Je veux
régler deux petites affaires vite. En matière de pratique
déloyale, à moins que je ne comprenne rien, j'ai vu que dans le
projet de loi, les nouveaux aqents avaient des pouvoirs nouveaux en termes
d'enquête, de conciliation et de médiation. Cela m'apparaissait un
nouveau palier et un nouveau pouvoir qu'il fallait saluer correctement avant
d'arriver à une audition formelle. Juste là-dessus, est-ce que
j'ai raison ou tort?
M. Dufour (Ghislain): On a dit carrément dans notre
mémoire que tout ce qui s'appelle conciliation, médiation, on est
d'accord avec cela. D'ailleurs, on a toujours appuyé le service de
prévention médiatrice qui existe déjà au
ministère du Travail. On est d'accord avec cela. Sauf que notre
difficulté, c'est: Comment un bonhomme va-
t-il pouvoir être en même temps conciliateur et
médiateur et décider de la pénalité?
Prenons dans le cas de services essentiels dans les secteurs public et
parapublic, par exemple. Il a le dossier. Il essaie de faire la
médiation et la conciliation. Cela ne fonctionne pas. Le lendemain, il
est adjudicateur. Et, trois mois après, il se retrouve avec les
mêmes personnes. C'est tellement important qu'en Colombie britannique,
alors qu'on vient de déposer le projet de loi, après le
débat public qui vient de se faire, on vient de créer deux
vice-présidences, une pour la médiation et la conciliation et une
pour les cas de règlement de litiges. Tout de suite, déjà,
on vient de voir que la formule qu'on nous propose ici ne pourrait pas
fonctionner. Ils viennent déjà de la modifier. Cela
m'apparaît important.
M. Gendron: L'autre aspect que je voulais vérifier, c'est
que, lorsque j'ai vu l'expression "contravention appréhendée", je
l'ai signalée au tout début des audiences. Je cite un bout de
phrase que j'avais mentionné: Le nouvel article 132 prévoit que
la commission peut entendre une plainte concernant une contravention
appréhendée. J'ai dit: Ceci me semble donner ouverture à
des abus et à beaucoup de stratégies inutiles. Cela, c'est mon
point de vue. Mais, quand je l'ai vu là, j'ai dit... Cela fait plusieurs
fois que le ministre nous dit: Écoutez, c'est pour prévoir
certains cas des fois. Alors, j'ai pensé que la contravention
appréhendée était envisageable pour le respect au moins du
maintien des services essentiels. J'ai pensé que c'était
peut-être pour cela qu'il l'a mise générale puisqu'il
intègre le Conseil des services essentiels à la Commission des
relations du travail et là il y aurait une logique, à mon avis.
Je veux juste savoir si vous partagez mon avis: une contravention
appréhendée serait légitime dans la perspective où
on veut s'assurer que les services essentiels soient mieux respectés.
Est-ce que je raisonne comme il faut?
M. Beaulieu: Je vous dirais que vous faites face à un
problème qui revient tout le temps dans le projet de loi.
M. Gendron: Oui, oui...
M. Beaulieu: Vous êtes en train de me parler de ce qu'on
appelle, nous, des cas d'ouverture à l'application d'un article.
M. Gendron: Cela, il y en a beaucoup.
M. Beaulieu: C'est cela. Alors, je vous suggère, à
la lumière de ce qui existe au fédéral - vous me parlez
des services essentiels - de limiter la notion d'appréhension aux cas de
conflits, c'est-à- dire aux grèves ou aux ralentissements
d'activités. Cela, c'est correct. Mais quand on fait une...
M. Gendron: Dites-le au ministre.
M. Beaulieu: Oui, oui, mais je vous propose que la grève
appréhendée: C'est cela que vous visez?
M. Gendron: Moi, c'est cela que je vise.
M. Beaulieu: Qu'on le précise, mais qu'on n'aille pas
parler de contravention appréhendée. Les mots "doit faire" ou les
obligations, dans le code, on en trouve à peu près à tous
les trois articles, parce que, là, on a autant de contraventions
réelles que de contraventions appréhendées, c'est
évident. Alors, si c'est cela, comme je vous le dis, c'est un
problème qui revient constamment dans le projet de loi. Il s'agit
d'énumérer les cas d'ouverture. C'est la même chose pour
les décisions provisoires et le pouvoir de révision. Sur tous les
articles, on pourrait tenir ce même vocabulaire.
M. Gendron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais revenir sur quelques
exemples que je prétends être de l'incompréhension entre la
partie gouvernementale et le Conseil du patronat. M. Dufour a mentionné
qu'en Colombie britannique, ils ont commis une erreur, ils ont
créé deux vice-présidences aux services essentiels. Je
vous dirai tout simplement qu'à l'occasion de la comparution de la FTQ,
M. Laberge était accompagné de M. Lavallée, qui est le
président de FTQ-Construction. Ce dernier réclame, depuis 1984,
l'installation au Québec d'un tribunal de la construction
spécialisé dans les domaines de la construction et
habilité à régler tous les litiges en matière de
construction. On a traité avec lui de la possibilité d'instituer,
comme la loi le permet, une vice-présidence à la construction et
d'essayer de voir si cela fonctionnait et si cela pouvait apporter satisfaction
aux parties. On a eu aussi l'occasion, lors de la comparution d'une autre
partie, de distinguer un vice-président ou une vice-présidente
aux services essentiels de façon qu'il y ait une certaine interaction
mais également une certaine indépendance pour ne pas créer
le genre de conflits que vous évoquez et qui pourraient être
négatifs. Il faut assurer à l'intérieur du même
appareil certaines vocations plus spécifiques à certains
indidivus.
Je ne peux pas laisser passer les propos
alarmistes de mon bon ami, M. Casgrain. Je ('écoutais faire des
descriptions de situations qui ne peuvent être possibles que dans des
pays ou des sociétés où il n'y a pas de charte des droits
et libertés et où il n'y a pas de système judiciaire qui
jouisse d'un pouvoir de surveillance quant aux droits fondamentaux des
citoyens. Moi, je m'imaginais... J'étais content quand la charte
québécoise des droits et libertés est entrée en
vigueur. J'ai certains droits qui sont protégés par cette charte
et j'en suis fier. J'étais content lorsque le Parti libéral a
cessé d'utiliser, comme le faisait le précédent
gouvernement, les clauses "nonobstant" quant à la charte...
M. Gendron: II y a trois exemples que je peux vous donner.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans toutes les lois, même
dans les lois privées, il y avait des clauses "nonobstant". Je ne pense
pas, de toute façon, que le projet de loi qui est devant nous, à
moins que cela ne m'ait échappé, contienne une clause
"nonobstant" quant à l'application de tous les droits et toutes les
libertés individuelles qui sont prévus à la charte
canadienne des droits et libertés et je ne pense pas non plus qu'il y
ait exclusion du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Je ne
pense pas qu'il y ait eu des modifications récentes, que les ententes du
lac Meech aient fait en sorte que la Cour supérieure n'a plus de pouvoir
de surveillance sur nos tribunaux. Mais je ne veux pas que le justiciable se
retrouve, dans la mesure du possible, dans l'obligation d'avoir à
plaider soit le pouvoir de surveillance, soit l'application de la charte
québécoise, soit l'application de la charte canadienne. Quant
à certains éléments comme la motivation des
décisions, la question d'entendre les parties, etc., qui sont des
règles de justice naturelle clairement établies par la
jurisprudence, au moment où nous nous parlons, je tiens à vous
assurer bien sincèrement que des modifications seront
apportées.
M. Casgrain: J'espère que, M. le ministre... Moi, je vous
écoute, mais ce n'est pas facile de prendre le texte que vous avez
là et d'aller tout retrouver cela dedans. Je ne sais pas quand vous
allez faire cela ou si vous entendez le faire demain ou cette nuit. Entre vous
et moi, il y a beaucoup de travail là-dedans. Je ne vous blâme
pas, mais je vous dis une chose, c'est que je respecte ce que vous dites, je
suis enchanté de vous l'entendre dire. Ce que je vous donne comme
exemple, croyez-moi, ce n'est pas de la caricature. Si j'avais à le
plaider, c'est comme cela que je le plaiderais et je gagnerais, à part
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des fois, vous en gagnez!
M. Casgrain: Vous avez plaidé vous aussi, vous savez ce
que c'est que d'aller en appel. Seulement, ce que je vous dis, c'est que, quant
à la rédaction - là-dessus, je reviens à la
question de M. Gendron - il y a, à mon sens, beaucoup de travail
à faire pour que ce ne soit pas trop lourd et qu'en même temps
cela réponde aux aspirations qu'on a, à savoir: Comment
devront-elles être motivées? Quel sera le mode de preuve?Allez-vcus laisser le soin à ces derniers de déterminer
leurs règles de preuve ou si vous allez mettre dans la loi ce qu'elles
doivent être, comment la décision va être rendue, comment
cela va être fait et à quelle enseigne. Ce n'est pas facile. Tout
ce qu'on vous dit...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense qu'il y a une
expérience gouvernementale quand il s'agit d'inclure le maximum de
garanties quant au respect des règles de justice naturelle. Mais, si
vous me parlez des règles de pratique des diverses commissions ou
régies gouvernementales comme telles, le ou les gouvernements ont pris
des décisions dans la création de régies
antérieures qui offrent plus ou moins de garanties. Nous irons vers plus
de garanties que moins de garanties.
M. Casgrain: Plus ou moins, c'est là que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ces exemples existent et ils sont
prêts. J'aimerais également vous rappeler, je pense que vous le
savez... Vous semblez vous inquiéter de la somme de travail que cela
peut représenter. II s'agit quand même d'un projet de loi qui
compte approximativement une centaine d'articles. Nous avons déjà
- je pense que c'est à votre connaissance -plusieurs nuits de
passées sur l'analyse article par article et nous n'avons aucune
objection à y passer les quelques autres nuits qui s'annoncent...
Le Président (M. Théorêt): M. le
président Dufour.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, en parlant de Jean
Lavallée, le ministre me donne une ouverture étant donné
qu'il n'y a eu personne de l'industrie de la construction qui est venu en
commission. J'ai ici...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M.
Lavallée n'aimerait pas entendre cela.
M. Dufour (Ghislain): Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Jean
Lavallée n'aimerait pas entendre dire qu'il n'est pas une
personne de l'industrie de la construction.
M. Dufour (Ghislain): Non, du côté patronal,
j'entends.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Dufour (Ghislain): J'ai ici - je pense que cela a
été déposé à la commission parlementaire -
une lettre de l'Association de la construction de Montréal...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...qui présente un point de vue tout
à fait opposé à celui que Jean Lavallée vous a
exprimé. J'en lis juste deux paragraphes: La loi qui régit les
relations du travail dans l'industrie de la construction étant une loi
sectorielle, il importe ne pas y mêler, quant à
l'interprétation qui en est faite, des instances
étrangères. C'est quand on transfère le commissaire de la
construction sous la juridiction de la Commission des relations du travail. Et,
l'ACMQ, qui est l'un de nos très nombreux membres dissidents face au
projet de loi, dit: Nous sommes donc en désaccord avec les articles 74
à 76 inclusivement du projet de loi 30 et nous en demandons la
suppression, de façon que soient maintenus le poste et les fonctions de
commissaire de la construction et qui ce s'ensuit. Comme le disait une centrale
syndicale hier, on est loin de faire l'accord là-dessus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je me permets de vous
préciser que c'était également l'opinion de Jean
Lavallée jusqu'à ce qu'on en discute et qu'il voit la
possibilité de créer une vice-présidence à la
construction.
M. Dufour (Ghislain): Bon! Il semble qu'il y a bien des inconnues
autour de ce projet de loi...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non.
M. Dufour (Ghislain): ...M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à se parler qu'on
s'informe mutuellement.
Le Président (M. Théorêt): Alors,
messieurs...
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais avoir une
conclusion, M. le Président?
Le Président (M. Théorêt): Vous allez
sûrement en avoir une. Je voulais juste vous rappeler, M. le
président Dufour, qu'effectivement vous allez avoir une conclusion et
que ce sera la même chose pour le député d'Abitibi-Ouest et
le ministre. Mais je voudrais faire part immédiatement aux membres
présents en cette salle qu'immédiatement après, le
député d'Abitibi-Ouest aura 20 minutes pour faire sa conclusion
du qrand dossier; il en sera de même pour le ministre.
Alors, M. Dufour, à vous la parole pour la conclusion. (22 h
45)
M. Dufour (Ghislain): La conclusion, elle part un peu de
l'intervention de M. Gendron. D'ailleurs, je le cite quand il disait, en
débat de deuxième lecture: On aura beau modifier les structures
toutes les semaines, tous les quinze jours, à l'année, s'il n'y a
pas d'évolution des mentalités, je ne suis pas sûr qu'on
aura corrigé fondamentalement nos mécanismes de relations du
travail. C'est quelque chose qu'on partaqe et on ne voit pas, justement, dans
les mécanismes qui nous sont proposés une façon de
modifier les problèmes, et il y en a des accrochages actuellement entre
les parties. La question aussi était fondamentale chez M. Gendron: Si on
s'attarde à analyser l'article 112, à enlever un mot, à
l'article 137, à en enlever trois ou en ajouter deux, est-ce que vous
seriez d'accord? On n'a aucune espèce d'objection à fonctionner
comme cela, sauf qu'on vous dit que l'approche devra être globale.
Actuellement, et même après cette commission parlementaire, M. le
ministre, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on est d'accord avec votre
projet de loi. Il y a trop de choses fondamentales qui sont en cause. Je pense
que c'est tout à fait positif de notre part de dire: C'est un projet de
loi trop important pour être bousculé dans une fin de session.
Vous y avez déjà mis énormément d'heures. Nos gens
en ont mis énormément. Tout le monde qui s'est
succédé ici est venu vous livrer à peu près le
même message, qu'il s'agisse du Barreau ou des centrales syndicales, sauf
peut-être la FTQ. C'est un dossier qui engage les 20 prochaines
années. L'autre régime de 1969, on le remet en cause 18 ans plus
tard, alors qu'on commence à peine à le connaître et
à avoir une jurisprudence. C'est évident que c'est très
engageant pour le futur. Je peux vous dire que, dans le contexte actuel, vous
n'avez pas l'accord patronal. Je viens tout juste de recevoir un mémoire
qui vient de l'Association des manufacturiers de bois de sciage et des PME qui
nous disent carrément qu'elles ne peuvent appuyer le projet de loi
actuellement. Je pourrais les multiplier à l'infini, j'en ai 126. Si
vous en voulez, on va vous en envoyer qui montrent carrément le
problème qu'on rencontre ici ce soir. Je vous remercie.
Conclusions
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie,
M. Dufour. Je vais maintenant céder la parole, pour la conclusion de ce
débat, au député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Je pense que pour ce qui est des principales
remarques que je vais faire, j'aurai l'occasion d'y revenir puisque le ministre
ne nous pas mentionné d'autres indications à ce moment-ci. Il
nous a laissé voir, en tout cas, en ce qui concerne l'Opposition, qu'il
avait l'intention de procéder, et rapidement, à l'adoption
article par article de son projet de loi créant la nouvelle Commission
des relations du travail. Je sais qu'on va continuer la semaine prochaine mais
vous avez quand même indiqué que vous vouliez l'avoir d'ici
à la fin de la session. Vu que je sais qu'il ne reste pas des mois et
des semaines de session, il va falloir patiner vite.
Je voudrais juste rappeler certains principes. Il est exact - je n'ai
pas l'habitude d'être gêné de mes opinions - que
l'Opposition a donné son accord aux principes de ce projet de loi
puisque le principe qu'on y voyait, c'était de créer une nouvelle
Commission des relations du travail, assurer le libre exercice du droit
d'association, administrer, bien sûr, le processus
d'accréditation, assurer le respect du Code du travail, disposer de
différents pouvoirs, etc. Je pense que le principe... À partir du
moment où la commission Beaudry avait eu l'occasion de faire le tour du
Québec et d'entendre énormément de représentations
de toute nature, la commission Beaudry a suggéré la
création d'une nouvelle instance regroupant les divers paliers en un
seul- M. Dufour, je respecte le fait que vous ayez mentionné
tantôt qu'il s'agissait davantage d'une nouvelle appellation mais moi, ce
n'est pas ce que j'ai vu dans la commission Beaudry. Je ne crois pas que la
commission Beaudry ainsi que les commissaires suggéraient la
création d'une nouvelle Commission des relations du travail uniquement
pour faire disparaître le Tribunal du travail, le Bureau des commissaires
du travail ou le Conseil des services essentiels. Je pense que sa
réflexion l'avait amenée à dire qu'avec cette nouvelle
instance, en apportant, bien sûr, d'autres correctifs, nous pourrions
avoir un nouveau régime de relations de travail qui permette de
progresser par rapport aux objectifs qu'un gouvernement doit poursuivre envers
les premiers intéressés.
Je pense que cela nous a été rappelé
également par M. Hétu. Même s'il était contre, je
tiens à vous signaler qu'il était contre en gros parce qu'il
disait justement qu'il n'y a rien dans cela qui confère de meilleures
garanties de syndicalisation ou de meilleurs accès à la
syndicalisation. Cela a été l'essentiel de son plaidoyer. Je ne
peux pas vous donner une copie de son mémoire puisqu'il n'en avait pas
mais, essentiellement, il est presque toujours revenu sur cela. Il a dit: Bon,
je ne vois pas, dans la réforme du ministre du Travail
préconisant une nouvelle Commission des relations du travail, assez
d'éléments qui me permettent de dire: Oui, ce sera plus facile;
oui, il y aura moins de délais, il y aura moins de complications et il y
aura moins de judiciarisation. Sur cela, par contre, je ne reviens pas sur ce
que j'ai dit. Moi, j'ai l'impression que vous aviez raison de me citer. C'est
davantage une réforme de mentalité, et de toute façon, ce
n'est pas plus la loi déposée qu'une autre qui va corriger cela,
ce n'est pas seulement un projet de loi qui modifiera les mentalités. Ce
sont beaucoup plus les philosophies, les orientations, le contexte, ce que nous
sommes, notre passé historique, tout cela mis ensemble qui fait
qu'à un moment donné, des gens prétendent que, oui, il y a
moyen de vivre, dans un cadre déterminé, des relations du travail
qui soient satisfaisantes pour chacune des parties. Cela a assez
évolué au Québec pour être en mesure de croire qu'un
encadrement régissant nos relations du travail est requis, pour autant
qu'il est le plus souple possible et qu'il a toujours, comme orientation,
faciliter les échanges, les discussions, éviter les
mécanismes d'affrontement pour qu'il y ait énormément de
dialogues, de communications, avant d'arriver à ce que le tout - je vais
m'exprimer comme je le pense - soit transféré dans des instances
officielles où l'implication des spécialistes est trop forte, au
sens général du terme, que ce soient des avocats, des juristes ou
des juges. Il me semble que, plus les relations du travail restent entre les
mains des parties, plus on a des chances d'avoir un régime de relations
du travail qui progresse.
Après avoir dit cela, c'est sûr que je suis obligé,
après deux jours très intenses... Mon dilemme, c'est que j'aurais
besoin d'une période de refroidissement, d'un "cooling-off", pour
apprécier davantage ce que j'appellerais les grands créneaux qui
ont été constamment répétés. Tout autant
dans le domaine syndical que patronal, à certains égards, il y a
des constances, par exemple, par rapport à des dispositions
imprécises, arbitraires, interprétatives, même par des gens
qui ne sont pas juristes, ce qui est mon cas. Je lis certains articles et je
trouve que cela n'a pas de bon sens, je lis des choses qui n'ont pas de bon
sens.
Mon problème fondamental, et c'est le problème
également de la formation politique que je représente, même
si on a donné notre accord au principe, je n'ai pas dit que je
marcherais jusqu'à la fin, en troisième lecture, sans
problème. J'aurai à consulter l'équipe de l'Opposition
officielle pour lui dire que, globalement, dans l'ensemble des mémoires,
il y a eu beaucoup de craintes, d'appréhensions,
d'éléments sur lesquels le ministre devra déposer des
éléments concrets de précision, d'ouverture, de
clarification pour s'assurer qu'il y ait plus de correspondance entre - et
là-dessus, je n'en démords pas - les notes explicatives, qui,
normalement, préfigurent un projet de loi, et ce projet. On dit ce que
le projet de loi a comme objectif. Je n'ai aucun problème à vivre
avec les notes explicatives, mais j'en ai de plus en plus avec chacune des
dispositions prévues aux articles qui suivent, que ce soit en ce qui
concerne le mandat, que ce soit en ce qui concerne la composition de la
commission, la garantie d'autonomie et de très grande
crédibilité de ces commissaires. Quand vous parliez, par exemple
- si j'avais le temps de revenir à votre article, je ne me le rappelle
pas - des commissaires à temps partiel, je ne suis pas d'accord
là-dessus. C'est un exemple. Je ne suis pas d'accord qu'il n'y ait pas
un droit d'audition, je ne suis pas d'accord que ce soit sans appel, surtout.
Je prétends qu'il y a des choses qui peuvent être sans appel,
mais, pour d'autres, cela n'a pas de bon sens? Des congédiements et des
pratiques déloyales qui font référence à des
comportements d'individus, que ce soit réglé uniquement par une
personne et que, effectivement, je n'aie pas de recours lorsque je suis
concerné, que je n'aie pas la capacité de prendre acte de
certains documents où sont écrits les jugements qui sont
portés, je trouve cela préjudiciable. Je pense toujours que c'est
du travail de correction, article par article. Si on réussissait
à clarifier non pas toutes les imprécisions, ce n'est pas
possible, mais un grand nombre d'imprécisions, un grand nombre
d'articles où vous-même prétendiez que c'est sur cette
base-là que vous aviez le droit d'utiliser l'expression "monument de
l'arbitraire"... Si, effectivement, comme législateur, comme membre de
cette Assemblée nationale, j'ai la conviction qu'on a laissé le
moins d'arbitraire possible, il me semble, en toute objectivité, qu'on
aurait franchi un pas en avant avec cette nouvelle instance en regroupant des
paliers qui sont actuellement disparates et qui ont peut-être comme
conséquence de judiciariser davantage. Je persiste à croire que
plusieurs intervenants ont levé plus de doutes que j'en avais, mais
c'est le propre d'avoir des audiences et d'entendre des gens qui vivent ces
situations. On a eu l'occasion d'entendre, hier, je ne me rappelle pas
exactement quel groupe, plutôt je me le rappelle, les praticiens qui sont
tous les jours dans l'action: les spécialistes en relations
industrielles. À plusieurs endroits, ils ont signalé qu'il y
avait trop d'imprécisions pour verser rapidement là-dedans sans
que nous en évaluions davantage les conséquences.
Voilà les commentaires que je voulais faire. J'aurai l'occasion,
après une journée d'intermède, d'être plus
précis, dans une meilleure synthèse de ce qui nous a
été dit et de ce qui revient le plus souvent et le plus
longuement. Mais, pour moi aussi, les journées étant ce qu'elles
sont, je ne peux pas à la fois prendre une journée et faire le
tour des éléments qui sont revenus le plus souvent et être
capable d'en faire la synthèse, quand on vient à peine d'entendre
votre mémoire. Parce que, ce soir, il faut dire que ce sont surtout le
mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et
le vôtre. En conséquence, dès le début du processus
qui suivra, j'aurai également d'autres remarques qui
synthétiseront peut-être plus certains points sur lesquels
l'Opposition exigera des garanties formelles pour que le gouvernement puisse
compter sur notre appui.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre, vos remarques
finales.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, très
brièvement, M. le Président, vous me permettrez, dans un premier
temps, de remercier les représentants du Conseil du patronat qui nous
ont apporté un dossier technique détaillé, fouillé,
sérieux et responsable.
Je vous dirai tout simplement que, comme d'autres parties qui se sont
présentées devant nous, le Conseil du patronat a
déploré le fait que le gouvernement, et je pense que c'est venu
à deux ou trois reprises dans la bouche de M. Dufour, n'ait pas eu ce
qu'on appelle une approche globale, pour toucher à la fois aux
structures et au fond des relations du travail comme telles. Je pense que
c'était le reproche principal que nous a adressé, à peu
près à la même heure hier soir, dans cette même
salle, le président de la CSD, M. Hétu, qui, pour des motifs
différents, nous reprochait de ne pas toucher au fond.
Le gouvernement ne prétend pas que le projet de loi qui est
déposé constitue une approche globale. Il s'agit d'une approche
qui vise seulement à modifier les structures. Des comités de
travail sont présentement à l'oeuvre quant à la
codification de nos lois du travail qui sont dispersées un peu partout
et, également, quant au fond, comme tel, du Code du travail. Mais nous
prétendons quand même que cette modification de structures va dans
le sens de tenter d'influencer, ce que nous qualifions de positif, le
comportement des partenaires dans le secteur des
relations du travail. Depuis 18 mois, avec les cadres et les outils que
nous avons, dans chacune de nos interventions, nous avons tenté
d'influencer le plus possible chacune des parties concernées pour
qu'elles règlent entre elles leurs litiges, plutôt que de se fier
sur un tiers pour adjuger. Je tiens à souligner que la réponse,
autant du côté syndical que patronal, a été positive
dans la très grande majorité des dossiers.
Dans son champ de compétences, qui est principalement
l'accréditation, nous pensons que la Commission des relations du travail
doit agir dans la même direction, soit de procéder par
conciliation, par médiation et d'insister pour que les parties
règlent entre elles leurs litiges. Finalement, si elles ne peuvent
régler entre elles leurs litiges, qu'il y ait adjudication. Mais, comme
l'a souligné le critique de l'Opposition, dans son discours en
deuxième lecture, comme vous l'avez répété ce soir
et comme plusieurs intervenants l'ont répété au cours de
cette commission, un changement de structures ne comporte pas
nécessairement un changement de mentalité. Le législateur
peut légiférer des structures qui s'apparentent un peu plus
à une table de discussion qu'à une arène de boxe, qui
incitent davantage les parties à s'asseoir à la table et à
régler elles-mêmes leurs différends qu'à prendre les
gants, à se confronter et à tenter de se tapocher. Nous aurons
besoin de la collaboration de toutes les parties impliquées pour que ces
changements de structures favorisent un changement de mentalité.
Je terminerai en vous disant que plusieurs amendements
sérieusement fondés nous ont été proposés
par les parties, que les techniciens qui travaillent à mon cabinet et au
ministère sont déjà à l'oeuvre dans le sens
d'acquiescements que j'ai déjà donnés au cours de cette
commission et que nous évaluons, au moment où nous nous parlons,
la possibilité d'apporter un acquiescement à d'autres consensus
qui se sont établis au cours de ces journées d'audiences.
Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier non seulement le
Conseil du patronat, mais toutes les parties qui sont venues faire part de leur
vécu quotidien aux parlementaires que nous sommes. Je pense que les
objectifs visés sont partagés par la très grande
majorité des personnes qui se sont présentées devant nous.
Il est maintenant de notre devoir, et je considère que cela constitue un
défi, de transposer, dans la rédaction finale de la loi, des
principes qui offrent de meilleures garanties d'indépendance, de respect
des règles de justice naturelle pour améliorer les chances d'en
arriver à un système de relations du travail qui soit moins
conflictuel et qui fasse davantage appel à la bonne volonté des
parties pour qu'elles règlent leurs conflits entre elles. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre.
M. Dufour, M. Martel, qui avez présenté un mémoire
fort étoffé, même si vous n'avez pu le présenter
dans son entier, et, croyez-moi, il a été très bien lu, je
vous remercie au nom des membres de la commission de l'économie et du
travail de vous être déplacés pour venir nous faire part de
votre point de vue, ici, ce soir.
La commission de l'économie et du travail ayant rempli le mandat
qui lui avait été confié, j'ajourne donc les travaux sine
die.
(Fin de la séance à 23 h 3)