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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, June 10, 1987 - Vol. 29 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 30 - Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ce matin ses consultations particulières sur la Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives, c'est-à-dire le projet de loi 30.

Nous entendrons d'abord, cet avant-midi, la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec; plus tard, cet après-midi, à 15 heures, la Centrale de l'enseignement du Québec, suivie de la Chambre de commerce du Québec; et, en soirée, nous rencontrons les gens du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le Conseil du patronat du Québec. Nous terminerons avec les remarques finales du ministre et du critique de l'Opposition.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais indiquer que, pour notre formation politique, Mme la députée de Chicoutimi remplacera le député d'Ungava.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien.

Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec

J'invite maintenant les représentants de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles à se présenter à la table. Si on comprend bien, les relations industrielles sont dures.

Une voix: Très dures.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que le président de cette corporation est M. Pierre Girard. Bonjour, M. Girard. Je vous demanderais, d'abord, de présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous indique que vous avez 30 minutes, au maximum, pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, les membres de la commission engageront la discussion avec vous jusqu'à 13 heures.

M. Girard (Pierre): Merci, M. le Président, ainsi que MM. les membres de la commission. Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. À ma gauche, il y a Me Alain Bond, qui est membre de la corporation et président de notre commission des relations du travail. Il y a aussi M. René Mathieu, qui est membre du conseil d'administration de la corporation et, dans la vie de tous les jours, conseiller syndical à la FTQ. À ma droite, il y a M. Claude Cadorette, directeur général de la corporation. Moi-même, dans la vie de tous les jours, je suis vice-président aux ressources humaines pour les Rôtisseries Saint-Hubert Ltée. Je vais lire le mémoire de la corporation et il nous fera plaisir de répondre à vos questions par la suite.

La Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec est heureuse d'avoir été invitée à présenter devant cette commission parlementaire son point de vue sur le projet de loi 30, loi modifiant le Code du travail et autres dispositions législatives. Vous comprendrez que, compte tenu du court délai qui nous a été donné, le présent mémoire ne fait que soulever certains points.

La corporation regroupe des spécialistes du milieu du travail de tous genres, en relations patronales-syndicales, en santé et sécurité du travail, en formation, en dotation, en rémunération et en développement organisationnel. Ces spécialistes oeuvrent dans tous les milieux - patronal, syndical, académique - et dans tous les types d'entreprises - de services, manufacturières, gouvernementales, bureaux de consultants, etc.

D'emblée, la corporation est d'accord avec l'un des buts du projet de loi: tenter de régler les litiges entre les parties par la voie de la médiation. Depuis plusieurs années, en effet, la corporation privilégie cette approche. Elle s'était prononcée publiquement sur ce point en 1984 devant la commission consultative sur le travail, la commission Beaudry. Le projet de loi fait toutefois peu de place à la médiation. Deux nouveaux articles du code, introduits par l'article 38 du projet de loi, en traitent. Il s'agit des articles 133 et 137.2: "133. La commission peut, avant de rendre une décision, tenter d'amener les parties à s'entendre." "137.2 Les personnes visées à l'article 137.1 peuvent convoquer les parties intéressées à une réunion dans le but de les amener à s'entendre ou pour conférer sur les

moyens propres à accélérer le règlement du dossier." Les soulignements sont de nous.

Ces articles semblent laisser à l'appréciation de la nouvelle Commission des relations du travail la décision de tenir une étape de médiation ou non.

La corporation croit que le règlement par voie de médiation devrait être privilégié. Bien sûr, il ne faudrait pas que cela soit source de nouveaux délais et, en ce sens, si la commission ou une personne désignée par elle en vertu du nouvel article 137.1 s'apercevait de l'impossibilité d'en arriver rapidement à une entente par médiation, ce processus devrait être abandonné, pour faire place à une audition menant à une décision. Advenant l'échec de la médiation, nous disìons qu'une audition des prétentions respectives des parties devrait avoir lieu. Certains organismes craignent que la commission rende des décisions sans entendre les parties.

Aucun article du projet de loi ne dispense la commission du respect de la règle de justice naturelle audi alteram partem, bien que l'article 6 abroge l'article 20 du code qui obligeait la commission à entendre les parties avant de rendre une décision à la suite d'une plainte formulée en vertu de l'article 15. En l'absence d'une disposition spécifique, la corporation comprend que les règles de droit trouveront leur application et qu'en conséquence la Commission des relations du travail sera soucieuse de respecter l'obligation d'entendre les parties avant toute décision. Bien qu'une telle obligation puisse sembler à certains génératrice de délais, il est essentiel de se rappeler qu'elle est à la base de tout processus d'adjudication et qu'elle est nécessaire pour que justice soit rendue et qu'apparence de justice soit maintenue. Nous insistons particulièrement sur ce point. Bien qu'il semble y avoir une certaine imprécision dans la loi, il nous apparaît que c'est un principe fondamental qui devrait être clairement spécifié.

L'article 16 du projet de loi propose un nouvel article 33: "S'il y a accord entre l'employeur et l'association de salariés sur l'unité de négociation et que la commission constate le caractère représentatif de l'association de salariés à l'égard de cette unité, la commission l'accrédite sur-le-champ, à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est manifestement inappropriée." Les soulignés sont également de nous. Ce pouvoir d'accréditation sur-le-champ n'est pas nouveau; il reprend celui que détient actuellement l'agent d'accréditation par l'article 28a du code. Ce qui est nouveau, toutefois, c'est la possibilité pour la commission, bien qu'il y ait accord entre l'association de salariés et l'employeur sur l'unité d'accréditation, de refuser l'accréditation si elle jugeait l'unité manifestement inappropriée.

Dans le contexte d'un accord entre les parties, une telle intervention de la commission apparaît étrange et inappropriée. Lors de sa présentation devant la commission Beaudry, la corporation avait énoncé la proposition suivante: "Que l'entreprise locale demeure le lieu privilégié des négociations et des relations syndicales-patronales."

L'intervention du législateur ou de la commission doit avoir pour but d'assister les parties ou de les inciter à un règlement. Si les parties s'entendent sans que l'intérêt public ne soit mis en péril, l'intervention de la commission n'a plus sa place. Si cet amendement proposé visait à régler une situation particulière, le pouvoir d'intervention de la commission devrait être défini et précisé.

Par les articles 33 et 49, le Conseil des services essentiels est aboli et ses activités sont transférées à la Commission des relations du travail. La corporation est d'avis que le conseil a su, malgré l'opposition manifestée en certains milieux, s'imposer aux parties. Mentionnons, à titre d'exemple, la récente grève des chauffeurs à l'emploi de la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal ou celle des employés manuels de la ville de Montréal. Dans les années passées, ces grèves entraînaient des conséquences graves pour les citoyens. À la suite de l'intervention du conseil et bien que le gouvernement ait dû agir, des listes de services essentiels proposées par le conseil ont été acceptées par les syndicats concernés. De plus, le rôle du conseil est particulier alors que la Commission des relations du travail est - nous citons le nouvel article - "chargée d'administrer l'exercice du droit d'association et de favoriser le règlement ordonné des conflits de travail et le développement de saines relations du travail eu égard à l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et la bonne gestion des ressources humaines".

Le Conseil des services essentiels a reçu de l'Assemblée nationale le mandat de protéger la santé et la sécurité publiques. D'une part, la commission intervient dans le domaine des relations du travail; d'autre part, le conseil intervient pour protéger le public. Il s'agit donc de deux choses différentes. La corporation croit que les services essentiels ne doivent pas devenir objet de relations de travail. Ces services sont un droit détenu par les citoyens et ne peuvent se transformer, entre les parties, comme une nouvelle arme dans l'application du rapport de forces. Pour ces motifs, la corporation suggère le maintien du Conseil des services essentiels. (11 h 45)

Si, toutefois, l'Assemblée nationale décidait de l'abolition du conseil, la

corporation propose que ses activités soient transférées à une division spécialisée de la commission; cela, afin d'empêcher qu'une partie mette en doute la crédibilité de l'ensemble de la commission alors que cette crédibilité lui sera essentielle si elle veut jouer pleinement son rôle de développer de saines relations du travail.

L'article 34 abroge l'actuel article 111.0.25 qui prévoyait que seul le Procureur général pouvait requérir une injonction lors du refus de respecter la suspension de l'exercice du droit de grève. Cette suspension peut être décrétée par le gouvernement lorsqu'il juge, lors d'une grève dans un service public, que les services essentiels sont insuffisants et que cela met en danger la santé ou la sécurité publique. Cette abrogation implique que les règles du droit civil s'appliqueront: toute partie intéressée pourra alors requérir de la Cour supérieure l'émission d'une ordonnance. La corporation ne connaît pas les raisons de cette modification d'une règle qui existait depuis 1964. Avant l'adoption de l'article 111.0.25, l'article 99 édictait que seul le Procureur général pouvait demander une injonction pour suspendre l'exercice du droit de grève dans un service public.

L'article 38 introduit un nouveau chapitre VI au Code du travail et crée la Commission des relations du travail. Dans ce chapitre, la corporation aimerait commenter rapidement deux articles, soit les articles 114 et 115.

L'article 114 prévoit que les vice-présidents et les commissaires sont nommés "après consultation des personnes et des organismes intéressés". Nous traitions plus haut de la nécessité de s'assurer que la commission jouisse d'une bonne crédibilité, tant dans les milieux patronaux que dans les milieux syndicaux. Le choix des commissaires est le premier test. Plus qu'une nouvelle structure, le choix des commissaires pourra avoir un impact certain sur l'évolution des mentalités. Un mauvais choix pourrait également nuire à la crédibilité de l'organisme récent. Un dénominateur commun devrait donc être recherché, c'est-à-dire la compétence. Puisque, comme nous l'écrivions au début de ce mémoire, la corporation regroupe les spécialistes du milieu du travail, elle devrait être retenue parmi les organismes intéressés qui seraient consultés par le gouvernement avant la nomination des commissaires. La corporation croit que la nomination du président devrait également être précédée d'une consultation. Le président étant l'âme dirigeante, le moteur d'une telle commission, sa nomination sera l'un des gestes les plus déterminants quant à l'acceptation, par les divers intervenants, de ce nouvel organisme.

Quant a l'article 115, il précise que les commissaires sont nommés pour un terme déterminé d'au plus cinq ans. Nous entendons de plus en plus des protestations s'élever contre les mandats à terme déterminé pour les membres des tribunaux administratifs. Cela, en effet, peut nuire à l'indépendance et à l'apparence d'indépendance requise pour tout décideur. Nous comprenons, toutefois, que l'inamovibilité peut être, à l'occasion, source de problèmes.

Sans avoir de solution miracle à proposer, la corporation croit qu'un terme de cinq ans est trop court pour intéresser un praticien, connu et accepté par les milieux patronaux et syndicaux, et le convaincre de mettre de côté une pratique enrichissante sur le plan professionnel.

En ce qui concerne l'abolition du Commissariat à la construction et le transfert de ses responsabilités à la commission, la corporation s'y oppose. En effet, l'industrie de la construction a, depuis de nombreuses années, développé une philosophie qui lui est propre. Cette industrie n'est pas comparable aux autres types d'industries. Pour ces motifs, la corporation croit que l'ensemble des règles de cette industrie devrait être confié à un organisme spécialisé. La corporation ne s'oppose toutefois pas au transfert des matières pénales aux tribunaux réguliers.

Enfin, la corporation désire émettre des réserves quant au retrait du droit d'appel. Nous comprenons que le gouvernement veut par là éviter de trop grands délais. Bien qu'il soit inévitable qu'une procédure d'appel entraîne de nouveaux délais, il ne faut pas croire que les parties utilisent cette procédure à des fins dilatoires uniquement. Les décisions rendues actuellement par les commissaires du travail et celles qui seront rendues par la commission portent souvent sur des éléments importants pour l'entreprise ou le syndicat. C'est l'importance de ces décisions qui amène les parties à se prévaloir de la procédure d'appel. En empêchant un tel recours, ne craint-on pas une augmentation sensible du nombre d'évocations? II est vrai que les dernières décisions de la Cour suprême ont limité le champ d'intervention de la Cour supérieure, mais l'absence d'une procédure d'appel pourrait inciter les parties à multiplier les requêtes d'évocation. Or, il n'est pas souhaitable que la commission, d'une évocation à l'autre, se fasse dicter par les tribunaux réguliers sa façon d'agir.

Une autre solution qui pourrait être envisaqée et qui pourrait aider à offrir une sécurité aux parties serait que la commission siège par banc de trois membres. Cela pourrait aider la commission à maintenir une même pensée d'une décision à l'autre. 5ur cet aspect, il est étonnant que la commission qui a le pouvoir, en vertu de l'article 137.3, d'énoncer des politiques générales ne soit pas liée par ses politiques. Si le but de ce pouvoir est d'éviter, entre les parties, des

litiges inutiles en faisant connaître l'interprétation de la commission, le fait que celle-ci ne soit pas liée par ses politiques pourrait entraîner l'effet contraire.

En terminant, je voudrais souligner que nous apprécions énormément l'effort du gouvernement de favoriser l'approche médiative plutôt que l'approche d'adjudication. Nous sommes convaincus qu'il y a de nouvelles tendances en relations du travail et de nouvelles tendances en matière de gestion des ressources humaines qui privilégient la collaboration plutôt que l'affrontement. Nous sommes tout à fait heureux de voir que les efforts vont dans ce sens. Cependant, il faudrait se rappeler une chose fondamentale. Ce n'est pas en changeant les structures uniquement que nous allons changer les mentalités. Les structures peuvent agir comme un élément facilitant. En ce sens-là, nous estimons que le projet qui est mis de l'avant est fort intéressant et va dans le sens des valeurs auxquelles nous croyons, c'est-à-dire la collaboration et non l'affrontement encore une fois. Merci beaucoup.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Girard. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier M. Girard, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, pour avoir pris le temps d'analyser, dans un premier temps, le mémoire que je leur avais fait parvenir et, dans un deuxième temps, le projet de loi comme tel sur le plan des principes.

Je resitue le contexte au moment où nous nous parlons. L'Assemblée nationale a adopté, avant-hier, à l'unanimité, les principes qui sous-tendent le projet de loi 30. Maintenant, l'Opposition a apporté certaines réserves quant à certains articles du projet de loi et je vous dirai également que, du côté gouvernemental, nous en sommes à poursuivre notre réflexion quant à la rédaction finale sur certains articles et que ce n'est pas pris dans le ciment. C'est pourquoi votre contribution de praticiens quotidiens des relations du travail nous est tellement indispensable pour en arriver à bonifier le projet de loi de façon qu'il soit le meilleur possible pour l'ensemble des participants.

Vous me permettrez, en commençant, deux questions qui ne sont pas soulevées dans votre mémoire. Par la suite, j'ai une série de questions que votre mémoire soulève et des réponses à apporter à certaines questions que vous soulevez dans votre mémoire.

La première question - j'en profite souvent lorsqu'un membre du Barreau accompagne les porte-parole; je me paie des avis juridiques gratuits, comme ministre du Travail - s'adressera donc à Me Bond et concerne l'interprétation qu'il donne, s'il lui donne une interprétation, à toute la question du vote au scrutin secret qui doit être ordonné lorsque le pourcentage des cartes signées est entre 35 % et 50 %. Est-ce que, à votre avis, sur le plan des pourcentages, le projet de loi 30 modifie quoi que ce soit au Code du travail, tel que nous le connaissons actuellement?

M. Bond (Alain): Au départ, il y a l'article 37 du Code du travail. L'article 37 oblige le commissaire à tenir un vote lorsqu'il y a un minimum de 35 %. Cet article n'est pas touché par votre projet de loi, on le laisse intact, on n'y touche pas. Si on revient aux 35 %, il y a présentement dans le Code du travail l'article 28b qui traite du pouvoir de l'agent d'accréditation, lorsqu'il constate un accord entre les parties quant à ta description de l'unité et lorsqu'il y a au moins 35 %, de demander que cela soit acheminé vers un vote. Il ne m'apparaît pas si clair, à l'article 37 du Code du travail actuel, lorsqu'il n'y a pas accord sur l'unité, donc, lorsque le dossier ne va pas à un agent d'accréditation mais va à un commissaire du travail, que le commissaire ne pourrait pas, à la rigueur, ordonner un vote à moins de 35 %. Dans ce sens-là, je pense que le projet de loi ne change rien à cette situation. Par contre, et ce serait en matière de coloration, si vous me permettez, par rapport à un autre article, peut-être l'actuel article 28b peut-il nous aider à comprendre la difficulté de compréhension ou le trou, entre guillemets - si c'est un trou - qu'il pourrait y avoir à l'article 37, en l'interprétant à partir de l'article 28b qui prévoit quand même qu'il faut un minimum de 35 % pour que cela soit acheminé vers un processus de vote. Peut-être que dans ce sens l'article 28b actuel nous aide-t-il à mieux comprendre l'article 37. Chose certaine, je pense que l'article 37, lui, ne parle que d'une obligation de tenir un vote lorsqu'il y a un minimum. L'article 28b, donc, nous aide peut-être à comprendre le sens à donner à l'article 37. Si on fait tomber l'article 28b, peut-être que l'ambiguïté reste telle quelle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de dégager une entente sur l'ambiguïté, chose qui est souvent difficile. L'ambiguïté n'est-elle pas la suivante, au moment où nous nous parlons? Dans des cas exceptionnels, des cas de pratique déloyale, il y a de la jurisprudence indiquant que, dans certains de ces cas-là, il y a eu un vote de commandé, même si les 35 % n'étaient pas atteints. Peut-on circonscrire l'ambiguïté?

M. Bond: Effectivement, il y a de la jurisprudence à cet effet. Je pense que c'est très clair. Ce qui n'est peut-être pas clair, c'est, si, dans d'autres circonstances, le

commissaire... C'est par ce biais-là que l'article 28b peut nous être d'une quelconque utilité pour le clarifier. Ce qui serait important... En tout cas, pour ce qui est de la corporation, je pense que c'est une façon de voir les choses, je ne pense pas qu'on veuille, à la corporation, par ce projet de loi, que la situation actuelle soit changée. D'accord? Quant à nous, pour ce vote de 35 %, cela devrait être le statu quo. Si cela ne semble pas suffisamment clair, je pense que la corporation vous suggérerait de le clarifier dans le texte de loi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on en arrive à lamême interprétation, je n'ai pas d'objection à le clarifier. Je vous dirais même que les indications que nous avons reçues de la majorité des centrales syndicales qui ont témoigné nous disent: Cela ne nous donne rien quand on n'a pas les 35 %, on perd notre temps de commander un vote, etc. Ce qu'on tient à s'assurer, c'est que la situation qui existe perdure, de ne pas toucher au fond de façon à ne pas affecter les susceptibilités des parties qui pourraient se sentir affectées. Mais, sur le plan de l'interprétation, si votre corporation - et je vous invite à le faire - a une clarification à nous suggérer sur le plan de la rédaction, nous vous en saurions gré. Deuxième point qui n'était pas traité dans votre mémoire, mais sur lequel je souhaite vous poser une question: à peu près toutes les parties qui, au moment où on se parle, sont venues témoigner devant cette commission nous ont parlé de la rédaction ou du libellé de l'article 112 et ont exprimé des commentaires.

Une voix: C'est le détecteur de fumée. Une voix: C'est une question brûlante.

Le Président (M. Charbonneau): Pourtant, il n'y a pas encore une majorité de fumeurs. (12 heures)

Une voix: C'est un détecteur de mensonges.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. On peut continuer, M. le Président.

Le Président (M. Charbormeau): Pour autant que vous corrigiez vos propos, sernble-t-il. Allez-y!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons qu'à peu près toutes les parties s'interrogeaient sur l'opportunité d'inclure, à la fin de l'article 112: "aux droits et obligations des parties et à la bonne gestion des ressources humaines". Ce que nous comprenons, c'est que la partie patronale dit: Le droit de gérance des ressources humaines appartient à la partie patronale, ce n'est pas un critère dont on doit tenir compte lorsqu'on est un médiateur ou un commissaire, etc. La partie syndicale nous a également fait des représentations afin de le biffer disant: Au pis-aller, c'est l'affaire du syndicat et du patronat, mais ce n'est surtout pas l'affaire de l'arbitre ou du commissaire.

M. Girard: C'est fort intéressant comme question parce que, effectivement, pas plus tard qu'hier soir, on avait une réunion de notre bureau des administrateurs pour réviser le mémoire et cette question a été soulevée. Comme la corporation représente les praticiens oeuvrant tant du côté syndical que du côté patronal, de même qu'en milieu scolaire, puisque nous avons des professeurs d'université, le débat fut long. Donc, je devrai donner une réponse nuancée. La réponse que je pourrais donner est la suivante: Sur le plan des principes, comme corporation, ce que nous privilégions, c'est une approche qui tienne compte des nouvelles tendances - je l'ai dit tout à l'heure - en gestion des ressources humaines. Par conséquent, dans la mesure où la commission serait incitée à rendre des décisions en respectant les principes qui doivent prévaloir au chapitre de la bonne gestion des ressources humaines, la référence à cette notion ne serait pas dangereuse pour nous. Elle serait même utile. J'entends par principes de bonne gestion des ressources humaines les suivants: que les parties doivent elles-mêmes trouver des solutions à leurs problèmes; que les parties doivent se faire aider dans le sens de la médiation, dans le sens du soutien et non pas abandonner leurs responsabilités au profit d'un tiers qui tranche en leur lieu et place. Dans la mesure où cette expression amènerait la commission à tenir compte de ces valeurs, cela pourrait être intéressant.

Cependant, l'autre point de vue est de dire que cela pourrait avoir exactement l'effet contraire, dans le sens où le tiers, donc la commission, se substituerait aux parties et déciderait de la valeur des bons principes de gestion des ressources humaines, de ce qu'est la bonne gestion des ressources humaines. En ce sens, ce serait d'aller exactement dans le sens contraire des intérêts qu'on défend. Il y aurait donc, probablement, avantage à éclaircir . cet aspect.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous indiquerai immédiatement que la volonté gouvernementale dans le projet de loi repose sur la première prémisse que vous avez établie. On se rend compte que l'utilisation du mot "gestion" comme tel ne correspond

pas au vocabulaire le plus approprié qui pourrait être utilisé. Mais, compte tenu du fait que nous accordons beaucoup d'importance, en tout cas, de ce côté-ci, au premier principe que vous avez établi, encore une fois, si votre corporation pouvait apporter un éclairage au gouvernement sur un vocabulaire mieux choisi pour représenter la première partie de l'argumentation que vous venez de faire, nous vous en saurions gré.

M. Girard: Nous sommes très intéressés par votre demande. Nous allons nous pencher sur cet aspect parce que, pour nous, c'est un aspect fondamental.

M. Paradis (Brorne-Missisquoi): À la page 3 de votre mémoire, dans le premier paragraphe, vous indiquez que "certains organismes craignent que la commission rende des décisions sans entendre les parties". Vous mitigez un peu cette affirmation dans le deuxième paragraphe, lorsque vous parlez du respect des règles de justice naturelle, de la règle audi alteram partem en cas d'adjudication. N'êtes-vous pas d'avis que la commission est soumise à la charte canadienne et à la charte québécoise des droits et libertés de la personne? Également, dans des cas d'adjudication, à tout ce qu'on appelle les règles de justice naturelle, dont la règle audi alteram partem, et que la commission ne pourrait fonctionner en faisant fi de ces règles sans se retrouver en situation d'être corrigée par les mécanismes que l'on sait.

M. Girard: En fait, c'est effectivement ce que nous énonçons. Nous croyons que les règles de justice naturelle doivent s'appliquer et qu'effectivement, si la commission n'en tenait pas compte, elle pourrait faire l'objet de révision par des tribunaux. Mais on n'insistera jamais assez sur cet aspect d'entendre les deux parties, parce que, malheureusement, les organismes administratifs dans certains cas agissent sans entendre les deux parties. Il ne faudrait pas perdre de vue cette notion fondamentale, particulièrement dans le domaine des relations du travail, qui repose encore une fois sur des relations du travail heureuses. Des relations du travail productives, ce sont des relations du travail où les parties se respectent et où les ententes sont négociées par les deux parties.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 4 de votre mémoire, vous parlez de l'article 16 du nouveau projet de loi et vous soulignez - on va se comprendre rapidement, je tente d'épargner du temps: "à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est manifestement inappropriée". On parle d'une entente de gré à gré. C'est que l'on vise, ce que l'on tente dans la totalité des cas d'atteindre. Cela peut sembler bizarre qu'un gouvernement qui a cet objectif inclue à la toute fin de l'article: lorsqu'il y a entente de gré à gré, la commission peut quand même intervenir si elle est d'avis que l'unité est manifestement inappropriée. Je vais vous dire dans quel contexte nous avons ajouté cette fin de phrase qui peut vous paraître curieuse. Nous avons des cas où, pour diverses raisons, les parties en sont venues à des ententes de gré à gré qui créent des situations invivables dans un avenir très proche: 28 ou 29 unités d'accréditation à l'intérieur de la même botte pour fonctionner, etc. Cela fait que le fonctionnement devient intolérable pour les travailleurs et pour le patronat. On dit: Dans les cas où c'est manifestement inapproprié et que les parties en sont venues à une entente de gré à gré pour des raisons externes, n'y aurait-il pas lieu de permettre dans ces cas spéciaux à la commission d'intervenir?

M. Girard: Dans un cas comme celui-là, ne devrait-on pas plutôt intervenir, encore une fois dans le sens de la médiation et inciter les parties à changer plutôt que de se substituer aux parties? Encore une fois, le principe fondamental que l'on défend, c'est de respecter la volonté des parties. On doit aller dans un sens de responsabilisation. L'ensemble des entreprises les plus productives, et ce, partout dans le monde, ce sont des entreprises qui tentent de plus en plus de responsabiliser les travailleurs et les travailleuses, les employés. Toute intervention qui a pour effet de se substituer à des ententes librement consenties par des parties me semble dangereuse. C'est dans cette perspective.

Je comprends bien votre argument qu'il peut y avoir des cas d'abus manifestes, mais, même dans ces cas-là, si c'est aussi manifeste, n'y aurait-il pas lieu d'intervenir par la voie de la médiation plutôt que de l'adjudication?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, justement - je vais tenter de poursuivre l'argument ou la discussion - si c'est manifeste, mais qu'il y a eu entente et que l'on n'a pas les moyens d'intervenir parce que la loi ne nous donne pas le pouvoir d'intervenir par la médiation, par la conciliation pour corriger, à ce moment-là, on fait face à un fait accompli et cela demeure tel quel.

M. Girard: Je comprends votre point de vue. Le point de vue que je pourrais exprimer au nom de la corporation serait de dire: à l'ultime limite et dans les cas vraiment extrêmes, mais cela ne devrait surtout pas être une règle qui permettrait à un tiers d'intervenir dans les affaires

consenties par les parties.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Auriez-vous une sécurité - je vois l'avocat intervenir - additionnelle que cette intervention serait encore plus limitée et plus balisée si, dans la rédaction, on excluait "que la commission ne soit d'avis" et que l'on dise: à moins que l'unité ne soit manifestement inappropriée? Ce qui permettrait de se substituer à une autre opinion, à une commission qui pourrait avoir tendance à trop intervenir.

M. Bond: Je ne sais pas. À prime abord, je ne vois pas très bien ce que cela change.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la règle de la double juridiction, du double niveau de satisfaction. Si vous êtes en processus d'évocation et que le texte de loi dit: à moins que la commission ne soit d'avis, la Cour supérieure ne peut substituer à ce moment-là son propre avis à celui de la commission.

M. Bond: Effectivement. On est d'accord là-dessus, sauf que ne croyez-vous pas - et je reviens peut-être à votre question de tout à l'heure - que, si c'est manifestement inapproprié et que cela fait en sorte que cela ne fonctionne plus dans l'entreprise, le code actuel nous permet des modifications, ne serait-ce que par une requête en fusion, ce qui serait possible? Si, pour les deux parties, la situation devient totalement intolérable, les deux parties ont intérêt à modifier leur entente et le code actuel permet à la commission de modifier cette entente par la suite, par une requête en fusion ou quoi que ce soit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne dit pas que c'est impossible. On vous dit qu'on vit présentement au Québec, à certains endroits et dans certains cas qu'on peut vous identifier, des situations qui ont évalué dans l'intenable et que les gens s'accommodent de l'intenable pour divers motifs ou diverses raisons. Ce sont des cas exceptionnels, peu nombreux, totalement exceptionnels.

M. Bond: C'est peut-être ma crainte, si vous le permettez, M. le ministre, que, pour des cas vraiment exceptionnels, on donne un pouvoir à un tiers d'intervenir dans des relations entre deux parties où cela fonctionne. C'est ma crainte, si vous me le permettez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas exagérer le nombre de cas que l'on retrouve, mais on se dit que, tant qu'à légiférer, ne peut-on pas avoir une mesure d'exception pour les cas exceptionnels, puisque que c'est très exceptionnel, de rendre, par un libellé plus serré et mieux balisé, nos mesures d'exception encore plus exceptionnelles.

M. Bond: C'est la position de la commission à la page 5. S'il y a une situation bien particulière que l'on veut viser, tentons de la définir, si possible.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste à peine quatre minutes, je crois. Je vais céder la parole, en vertu de la règle de l'alternance, au critique de l'Opposition, pour revenir à la toute fin.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je vous remercie, M. le ministre. M. le Président, chers invités, moi aussi, je veux vous remercier, M. Girard ainsi que les gens qui vous accompagnent d'avoir, dans un court délai - vous l'avez mentionné - réagi et pensé qu'il était de votre responsabilité de venir nous aider à faire notre travail de parlementaires.

Je pense que des gens comme vous, qui possèdent, on le sait, une vaste expertise du travail et des relations du travail, deviennent un interlocuteur particulièrement privilégié comme organisme parce que, tous les jours, par personne interposée, vous faites effectivement des relations patronales-syndicales avec, bien sûr, toute l'information que cela peut vous donner dans le vécu et dans le concret. Même si le ministre rappelait, avec raison, qu'on s'est entendus sur le principe, entre le principe, les beaux objectifs et le vécu quotidien de ce qu'on retrouve particulièrement à l'intérieur de chaque article, il peut arriver qu'il y ait lieu d'apporter des correctifs importants et majeurs.

J'ai quelques questions et quelques commentaires. Un premier commentaire qui va se terminer par une courte question. Je suis heureux de constater que vous avez rappelé que l'approche médiative devrait être privilégiée plutôt que l'approche d'affrontement; vous avez même parlé de la collaboration, et ainsi de suite. Cependant, je trouve que vous ne le jouez pas fort dans votre mémoire en disant modestement à la page 2 - parce que c'est écrit aux articles 133 et 137.2 - que "la commission peut, avant de rendre une décision, tenter d'amener les parties à s'entendre", même chose, tout en reconnaissant que les soulignés étaient de vous. Ce que j'aurais aimé savoir, d'une façon plus précise, c'est si vous iriez jusqu'à préconiser qu'on mentionne: la commission doit?

M. Bond: Hum! Encore une fois, c'est une question extrêmement intéressante

puisque cela a fait l'objet d'un long débat hier au conseil d'administration de la corporation.

M. Gendron: Je m'en doute.

M. Bond: Pour ne rien vous cacher, vous voyez qu'il y a une correction. C'est donc le résultat d'un consensus entre des positions divergentes.

Oui, on était prêts à aller jusqu'à "doit". Cependant, plusieurs collègues nous ont amenés à modifier notre position parce que notre expérience - nous tous qui sommes des praticiens en avons convenu - nous amène à dire que, dans certains cas, il est manifeste qu'il sera impossible - et cela rejoint peut-être l'argumentation de tout à l'heure dans un autre domaine - d'en arriver à une entente par voie médiative. C'est la raison pour laquelle, si on précisait "doit", ne ferait-on pas perdre de l'argent et du temps aux parties et souvent à des parties qui n'ont pas la même force ni les mêmes moyens financiers? Dans ce sens-là, il nous semblait dangereux d'aller jusqu'à "doit". (12 h 15)

M. Gendron: Merci. C'est clair. Cependant, j'aimerais, très succinctement-Quand vous dites que la corporation - vous parlez de vous - croit que le règlement par voie de médiation devrait être privilégiée, je ne pense pas que quelqu'un soit en désaccord Ià-dessu6. Cependant, puisque vous êtes des praticiens, comment fait-on cela, concrètement, comme législateurs, pour être certains que ce sera privilégié? Si ce n'est que d'avoir des intentions, on va parler d'indépendance des commissaires, on va dire: II faut les laisser tranquilles, c'est eux qui regardent cela. Comment le législateur va-t-il faire cela pour se donner un minimum de garanties pour qu'effectivement la première approche soit davantage privilégiée, mais un peu plus consacrée, et qu'on puisse être capable de s'appuyer sur quelque chose? Alors, vous qui êtes praticiens avez sûrement quelques suggestions à nous faire.

M. Girard: Les suggestions pour ce qui est du texte sont difficiles. La preuve, c'est qu'on a de la difficulté à s'entendre ou à apporter un texte qui rallie tout le monde. Cependant, au moment où les gens seront nommés à cette commission, le président et les commissaires, notamment, il me semble que ce serait extrêmement important que le gouvernement mentionne dans des orientations écrites, de façon très précise, ce qu'on attend de cette commission et à quel point il est important de privilégier l'approche de médiation plutôt que l'approche d'adjudication. Il me semble que c'est le minimun. Je pense que, dans les entreprises -je peux vous parler de mon expérience -quand on tient à ce qu'une orientation comme celle-ci soit suivie par l'ensemble des cadres, il faut exposer nos valeurs, exposer notre politique de façon claire, nette et précise. Je pense que, si la politique était très bien exposée aux commissaires, ce serait un moyen de s'assurer que cette approche sera effectivement privilégiée.

M. Gendron: Page A, toujours assez rapidement. L'Opposition et moi-même sommes heureux que vous souligniez, à la page 4, que, lorsqu'il y a accord entre l'employeur et l'association de salariés sur l'unité de négociation, une telle intervention de la commission apparaît étrange et inappropriée dans le contexte d'un tel accord. Je partage le même point de vue. Je voulais simplement attirer l'attention du ministre. Je l'ai souligné lors de mon discours en deuxième lecture. Vous n'êtes pas le premier intervenant à dire: Quand les parties conviennent que tout est "clean", que tout est régulier, pourquoi faire alors... Je voudrais bien que le ministre en tienne compte parce qu'il ne l'a pas souligné tantôt. Mais c'est normal que vous partagiez le point de vue qu'une intervention peut paraître étrange et inappropriée. J'avais exactement la même prétention. Alors, merci d'avoir appuyé ce commentaire.

Page 8 de votre mémoire, au sujet de la nomination des commissaires. Je pense que vous soulignez avec raison que pour les commissaires, de même que le président et les vice-présidents, pour des raisons de notoriété, d'autonomie, de pleine confiance, de crédibilité, tout est bon à peu près à ce chapitre, je pense qu'il va falloir être très vigilant et faire attention. J'aurais voulu cependant, au lieu de partager entièrement les réserves et les inquiétudes ou, du moins, l'assurance que vous exigez à ce sujet, au lieu de partager tout cela, j'ai une question précise â vous poser. Ne croyez-vous pas que tes postes de président et de vice-président y gagneraient en termes d'autorité morale si la nomination de ces gens était faite plutôt par l'Assemblée nationale que par l'Exécutif, c'est-à-dire le gouvernement? Quel est votre point de vue? Vous n'en avez pas parlé. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

M. Girard: Tout ce que je vais faire, c'est de donner un point de vue personnel parce qu'on ne s'est pas penché sur cette question au bureau des administrateurs et de la commission. Je pense que toute position qui serait prise par l'Assemblée nationale et qui aurait pour effet d'accréditer davantage la crédibilité du président serait souhaitable. Mais, encore une fois, je tiens à être très démocratique et je vous dis que c'est mon opinion personnelle. Je ne peux pas dire que c'est l'opinion de la corporation.

M. Gendron: Merci. Page 9 également,

je suis très heureux que vous ayez souligné avec énormément d'exactitude, à ma connaissance, ce qui a été relevé par tout le monde. Je ne sais qu'elles étaient les intentions du ministre quand il a indiqué que le terme des commissaires serait d'au plus cinq ans. Encore là, pour des raisons d'autonomie et d'indépendance, vous avez très clairement exprimé que vous souhaiteriez que le terme soit une période plus longue sans nécessairement donner une pérennité infinie. Vous avez convenu que cinq ans était inapproprié dans les circonstances et je partage complètement votre point de vue. Je suis convaincu que le ministre sera sensible à cette chose.

J'ai deux questions pour terminer. Une sur la non-inclusion ou l'absence de point de vue sur ce qu'on appelle communément les pratiques déloyales, les dispositions antibriseurs de grève, les dispositions concernant le piquetage, qui est une réalité du monde moderne dans les relations du travail en 1987. J'aimerais vous entendre quelques minutes, puisque vous êtes des praticiens, des spécialistes de ces questions, vous entendre pendant quelques minutes, à savoir si vous croyez ou non, puisqu'à certains égards vous avez suggéré qu'il y ait des morceaux qui soient retirés de la Commission des relations du travail... Je pense que c'est le cas des services essentiels. Vous dites que cela ne devrait pas aller là. Même chose pour le Commissariat à la construction. Cela veut donc dire que vous avez émis des avis: il y a des choses qui doivent aller là, d'autres qui ne doivent pas y aller. J'aimerais vous entendre sur toutes les références à la réglementation concernant le piquetage et les dispositions antibriseurs de grève. Selon vous, est-ce que, oui ou non, ce devrait être des matières non exclues de la Commission du relations de travail? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Girard: Évidemment, on n'a pas commenté cet aspect parce que le délai qui nous a été donné était court. On voulait plutôt se livrer à une analyse de fond. Mais, puisque vous nous en donnez l'occasion, ce qui serait souhaitable, c'est que le rôle de la commission soit élargi. Ce que nous avions soumis devant la commission Beaudry, c'est d'éviter la multiplicité des recours et d'avoir un organisme qui chapeauterait vraiment l'ensemble des règles qui doivent régir le comportement des parties en matière de relations du travail.

Cependant, la distinction que nous avons faite dans le mémoire nous semble capitale et fondamentale. Je pense qu'il faudrait distinguer entre les règles qui sont propres aux parties, l'arbitrage de ces règles par un organisme et l'arbitrage qui doit aussi exister en matière de conflits, lorsque l'intérêt public est en cause. Lorsque l'intérêt public est en cause, par exemple, dans le cas des services essentiels, on pense qu'on devrait avoir un autre organisme pour donner un caractère de neutralité et surtout pour se soucier - je pense que le caractère de neutralité n'est pas la meilleure expression - des services essentiels avoir finalement deux organismes: un premier dont le souci principal est de voir à ce que les règles du travail soient bien appliquées et un autre organisme dont le souci principal est d'assurer la protection du public. Je pense que ce sont deux missions différentes. Si on ne confond pas ces missions, si on les distingue bien, on va aller dans le sens de l'intérêt public.

M. Gendron: Auriez-vous une opinion, rapidement, sur une autre pratique que l'on peut qualifier de déloyale, qui est le refus d'embaucher en raison d'activités syndicales? Une telle disposition devrait-elle être également incluse dans le projet de loi sur la Commission des relations du travail ou si, selon vous, cela ne va pas là?

M. Girard: Je dois vous répondre de la même manière que je viens de le faire. Idéalement, toutes ces choses devraient être sous l'autorité de la Commission des relations du travail, en tenant compte, cependant, de la distinction que je viens de souligner.

M. Gendron: Merci. Il y a également une question que je trouve importante. Le ministre l'a soulignée un peu, mais, vous vous n'en avez pas parlé, c'est normal, on ne peut pas parler de tout dans un mémoire, surtout quand on n'a pas beaucoup de temps, comme cela a été le cas. Mais, personnellement, contrairement à la prétention du ministre, à l'article 112, lorsqu'il faisait référence au fait que la commission devrait prendre des décisions eu égard à beaucoup de choses mais, entre autres, à la bonne gestion des ressources humaines, vous avez répondu, comme un bon conseiller, je pense, en donnant les deux orientations. Il y a deux façons de voir cela. Le ministre a choisi la première prémisse en disant, à son point de vue, que la première prémisse que vous avez posée en justifiant l'inclusion vous agréait. J'aime mieux la seconde hypothèse, dans le sens qu'il faut que cela soit carrément exclu parce que c'est du domaine des parties. Il est dangereux que la Commission des relations du travail puisse rendre des décisions en tenant compte de cette disposition qui s'intitule la bonne gestion des ressources humaines, surtout si le terme n'a été défini nulle part. Je donnais l'exemple qu'on définit les termes dans une bonne convention collective. Chaque fois qu'on parle de quelque chose, on essaie de savoir ce que cela veut dire. Par la suite, quand on

y fait référence, on a une compréhension de la définition des termes.

Je voudrais seulement savoir si vous partagez l'impression de plusieurs personnes qui ont traité de cela, à savoir que c'est une notion qui existe dans la réalité des relations du travail, mais qui est à contre-courant, dans le sens que la plupart des parties souhaitent que cette référence à la bonne gestion des ressources humaines ne soit pas une chasse gardée, mais une préoccupation constante des parties et que, pour être certain qu'il n'y ait pas de tiers qui interprètent la façon, ce serait plus moderne et d'avenir de ne pas faire référence à cela. Partagez-vous ce point de vue?

M. Girard: Je l'ai dit tout à l'heure et je dois être très précis là-dessus: les deux points de vue sont défendus à l'intérieur de la corporation. Or, vous avez vu notre position, c'est de ne pas en parler. Mais, vraiment, les deux points de vue sont défendus et il y a de bons motifs, dans les deux cas, d'intervenir.

Il y a une chose sur laquelle on s'entend à l'intérieur de la corporation, cependant, les relations du travail font partie d'une saine gestion des ressources humaines et qu'il ne faut pas dissocier le processus des relations du travail du processus général de la gestion des ressources humaines. En ce sens-là, c'est positif de l'avoir, mais, par ailleurs, il y a un grand danger et cela irait à l'encontre de la position que l'on défend. Si des tiers intervenaient et se substituaient aux parties pour dire ce qu'est la bonne gestion des ressources humaines et si cela avait pour effet d'apporter cette façon de voir, à l'avenir, ce serait évidemment néfaste. Cela irait à l'encontre des positions auxquelles on croit.

M. Gendron: J'aimerais avoir votre point de vue personnel, compte tenu de votre expérience, puisque vous dites que chez vous il y a deux tendances, et c'est honnête de le mentionner comme cela. Mais, par définition, si on le mentionne, ne croyez-vous pas que l'on fait presque obligation à la commission de s'en occuper? Là, vous venez d'ajouter juste avant que je parle: Oui, mais si les tiers interviennent en tenant compte de cela, je ne suis pas d'accord. Ne croyez-vous pas que ce sera automatique que des tiers vont vouloir intervenir si on le laisse dans le mandat de l'article 112? N'oubliez pas qu'à l'article 112, "Constitution et organisation, il est dit: "II est institué un organisme" et ainsi de suite.

Ma prétention, c'est qu'il est évident que les intrusions répétées de la commission dans les rapports collectifs du travail, dans la gestion par les employeurs de leurs ressources humaines sera prétendue, c'est-à-dire que la commission va prétendre qu'à partir du moment où c'est dans son mandat, elle doit en tenir compte. Je voudrais simplement savoir si vous avez un jugement, si vous partagez mes craintes ou si vous dites: Non, ce n'est pas parce que ce sera là que la commission va s'en servir.

M. Girard: Sur le strict plan juridique, cela peut être dangereux. Sur le plan de la philosophie que l'on défend, on prétend que ce serait positif, mais sur le strict plan juridique, si on regarde l'histoire, si on regarde les qens qui interviennent, les décideurs, finalement, en matière de relations du travail, c'est bien sûr que cela peut être un élément sur lequel ils pourraient s'appuyer et qui pourrait empêcher une partie de prendre un bref d'évocation, puisque de plus en plus les brefs d'évocation sont limités par les nouvelles lois. Mais on n'a rien contre cela, on a dit que l'on se prononcerait là-dessus. On a dit aussi qu'à la limite il ne devrait pas y avoir des dénis de justice et, dans la mesure où il y a une telle mention dans l'article de loi, ce serait, dans des cas difficiles, pour une partie qui se croit lésée, de prendre un bref d'évocation, parce que la commission aurait agi de bonne foi en s'appuyant sur une disposition de la loi qui lui permet d'invoquer la bonne gestion des ressources humaines.

M. Gendron: Je reviens rapidement sur un élément dont j'ai parlé tantôt, mais j'avais fait une omission. Je voulais savoir... Vous avez indiqué que, pour ce qui est de la nomination, entre autres, des présidents et des vice-présidents, cela devrait être précédé d'une consultation. La question que je voudrais vous poser est la suivante: Croyez-vous que l'on devrait, quelque part dans le projet de loi, faire obligation au gouvernement de s'assurer qu'il y ait consultation? Il y a une différence entre exprimer cela dans un mémoire... Vous avez raison de dire: On va souhaiter que le gouvernement consulte. Cependant, compte tenu de l'importance de cette nouvelle commission, de la nécessité de lui conférer, avant même qu'elle n'existe, une notoriété importante, ne serait-ce pas envisageable d'avoir une disposition dans le projet de loi qui oblige le gouvernement à procéder à une consultation, à tout le moins ehe2 des instances aussi spécialisées dans le domaine que le patronat, les centrales syndicales et sûrement des gens qui, tous les jours, sont là-dedans?

M. Girard: Effectivement, pour le président, on souhaiterait qu'il y ait une obligation. C'est prévu dans le cas des vice-présidents, mais ce n'était pas prévu dans le cas du président. On souhaiterait une telle obligation.

Un dernier commentaire que je voudrais faire toujours sur la notion de gestion des

ressources humaines. Nous sommes très intéressés à l'invitation qui nous a été faite par le ministre de voir s'il n'y aurait pas moyen de réécrire l'article autrement, parce que vous comprendrez que c'est capital. On a dit que l'intervention du gouvernement, en présentant ce projet de loi, est fort intéressante parce qu'elle va dans le sens des nouveaux courants en gestion des ressources humaines. Donc, il ne faudrait pas escamoter le problème. En ce sens, si on pouvait bonifier l'article pour tenir compte des arguments invoqués de part et d'autre, ce serait avantageux, effectivement.

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, sur l'inclusion de deux juridictions ou de deux responsabilités et tes services essentiels. C'est strictement un commentaire sur les commentaires que vous avez émis. Cela fait 18 mois que j'occupe le poste de ministre du Travail et je vous dirai que l'élément services essentiels, dans des conflits que j'ai vécus - je pourrais même dire qu'on a vécus, dans certains cas...

M. Girard: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...modifie le rapport de forces et cela fait partie de l'ensemble du portrait. Lorsqu'on choisi de l'isoler, on fait abstraction - et c'est ma perception - d'une des réalités qui affectent le rapport de forces entre les parties et dont il faut tenir compte à toutes les étapes, autant celle de la conciliation, celle de la médiation que celle de l'adjudication, si c'est nécessaire. En tout cas, c'est une expérience de 18 mois et je vous la livre comme telle. Quant à l'autre élément que vous avez soulevé, l'abolition du Commissariat à la construction, je vous dirai que, sur le plan philosophique ou du fonctionnement, il n'y a pas plus de différence entre la construction dans l'autre secteur, le secteur privé, et le secteur public. J'ai eu des entretiens avec les représentants des travailleurs et des patrons du domaine de la construction. C'est une tentative que l'on fait. Ce sera en transit. Les gens de la construction ont réclamé, depuis plusieurs années, la création d'un tribunal de la construction. Ils pensent que, s'ils avaient une section, un secteur de la commission ou un vice-président à la construction avec une équipe de spécialistes, ils pourraient se trouver à l'aise à l'intérieur d'une telle commission et voir à leurs affaires. Cela vous paraît-il inapproprié?

M. Girard: Dans ce sens, on pourrait apporter la même nuance que celle qu'on a déjà apportée pour le Conseil des services essentiels, une division spécialisée pour la construction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à peu près l'objectif que l'on vise au moment où on se parle.

M. Girard: Cela irait selon l'esprit de notre mémoire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je vais demander au critique de l'Opposition et député d'Abitibi-Ouest de bien vouloir faire ses remarques finales.

M. Gendron: Mes remarques finales. Je pense que votre contribution est sûrement fort importante et positive en ce qui concerne la bonne conduite de nos travaux. Le problème qu'à l'Opposition, ce sont toujours les délais et la non-garantie du degré d'écoute du ministre. Je ne porte pas de jugement, À partir du moment où on a des auditions publiques, s'il est très attentif à tout ce que vous dites, ce sera une contribution des plus heureuses, surtout qu'il a souhaité que vous en ajoutiez. Il indique qu'il a encore besoin de vous pour bonifier certains articles et je suis convaincu qu'il a raison là-dessus. En conséquence, merci de votre contribution, surtout si elle ne s'arrête pas là.

Le Président (M. Théorêt): M. Girard, vos derniers commentaires.

M. Girard: Merci beaucoup de nous avoir entendus, nous avons été très honorés. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier. J'ai retenu, à part des éléments accessoires et importants que vous nous avez soulignés, peut-être l'approche philosophique du début, au moment où vous avez insisté sur le fait qu'on est en présence d'un changement de structure, mais que cela commande également, si on veut que cela fonctionne pour le mieux-être de tous les partenaires, un changement de mentalité. Le gouvernement peut légiférer un changement de structure et inviter les partenaires socio-économiques à inscrire une nouvelle philosophie dans le sens des changements de structure qui vont vers la prise en charge par les parties de leurs problèmes et éviter, autant que faire se peut, l'adjudication par un tiers.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, la

commission vous remercie.

Je suspends les travaux de la commission de l'économie et du travail jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaîtl La commission reprend ses travaux pour la consultation particulière sur le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Nous avons devant nous, cet après-midi, les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. Je demanderais à celui ou celle qui dirige le groupe, je ne sais pas si c'est Mme Francine Lamy ou M. Jean Bouliane, de bien vouloir nous présenter, s'il vous plaît, les gens qui les accompagnent.

Centrale de l'enseignement du Québec

Mme Lamy (Francine): Francine Lamy. M. Raymond Johnston, vice-président de la centrale, M. Jean Bouliane, directeur du service juridique et M. Jean-Marcel Lapierre, conseiller en relations du travail à la centrale.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie. Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour la présentation de votre mémoire et qu'après le reste du temps sera réparti entre les deux formations politiques pour échanger avec vous sur votre mémoire. Y a-t-il eu des copies du mémoire de déposées? Oui, on les a eues ce matin. Merci. Je vous cède la parole.

M. Johnston (Raymond): Est-ce que le micro fonctionne?

Le Président (M. Théorêt): Cela va, oui.

M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, M. le critique de l'Opposition et autres membres de cette commission parlementaire, il me fait plaisir, au nom de la CEQ, de vous présenter le mémoire que nous avons dû préparer dans un délai quand même relativement bref, mais avec beaucoup d'attention, beaucoup de soin et des nuits rognées, pour tout le monde que vous avez devant vous, pour arriver à passer à travers ce contrat dans le court délai dont on disposait.

Je ne m'étendrai pas sur la présentation de la CEQ. Je pense que presque tout le monde est familier avec notre organisation, mais je vous rappellerai cependant que, même si la CEQ est concentrée essentiellement dans le secteur public pour la grande majorité de son "membership", cette centrale représente aussi un bon nombre de travailleurs dans d'autres secteurs, notamment l'enseignement privé, le loisir, qui n'est pas du secteur public et parapublic de façon spéciale, les garderies, qui ne sont pas encore reconnues comme étant du secteur public, et dans le secteur des communications, en plus des gens qu'on représente aussi, par ailleurs, dans le domaine de la fonction publique et de la santé et des services sociaux.

Je ne m'étendrai pas non plus sur les services de la centrale que tout le monde devrait normalement connaître.

À l'instar de plusieurs autres organisations, nous avons revendiqué, notamment devant la commission Beaudry, l'institution d'une Commission des relations du travail. On pense que l'institution d'une telle commission constitue un pilier essentiel à l'application et probablement une étape importante d'une révision en profondeur du régime des rapports collectifs du travail.

Avec cette revendication de la création d'une Commission des relations du travail, nous poursuivions des objectifs importants sur lesquels je vais essayer de revenir: l'approche globale et intégrée, la déjudiciarisation et une certaine stabilisation des politiques d'application de la loi et des règlements.

Nous pensons que l'assiette juridictionnelle de la Commission des relations du travail doit être globale et générale en matière de relations du travail et plus particulièrement quant à l'ensemble des éléments qui concernent les rapports collectifs de travail.

Cette commission doit également, à notre point de vue, être investie de pouvoirs d'une portée générale, tant sur le plan des remèdes que sur le plan des moyens dont elle dispose pour aborder tous les aspects des problèmes.

Nous poursuivions aussi l'objectif de déjudiciarisation et une déjudiciarisation élargie nécessite, quant à nous, la mise en oeuvre d'une autre option à l'adjudication, dont le mandat d'agir comme catalyseur de la solution négociée des conflits.

Mais le rôle secondaire que nous voulons attribuer a l'adjudication en relations du travail ne devrait diminuer en rien la nécessité de simplifier le processus, de l'accélérer et de le rendre accessible. Par ailleurs, on doit avoir aussi le souci d'éviter que la mise en place de cette commission fasse en sorte que la Cour supérieure ne devienne, par ricochet, une instance d'appel en matière de rapports collectifs du travail. La commission, quant à nous, doit pouvoir apporter une solution finale aux conflits.

Quant à la stabilisation des politiques, on pense qu'il y a un bout qui peut être fait par l'approche globale et intégrée, mais il est possible également que même une

compétence globale amène certaines contradictions, cette fois-ci, à l'intérieur de l'organisme.

Donc, la stabilisation des politiques nécessite aussi un certain nombre de mesures supplémentaires et, là-dessus, nous croyons que la collégialité des membres qui composent cet organisme est un élément essentiel. La décision collégiale, à notre point de vue, serait davantage impartiale parce que institutionnelle et non pas individuelle et serait mieux reçue par les parties parce qu'elle gagnerait en crédibilité.

Quant aux règles de pratique et d'énoncés de politique du fonctionnement, on pense que la simplicité et la souplesse doivent toujours prévaloir. Les règles de pratique et les règles de procédure doivent être un guide et non un obstacle.

Les énoncés de politiques doivent être publics et la politique d'interprétation des textes législatifs doit être énoncées et élaborées, non pas dans le vide, non pas à partir d'appréciations globales, mais à partir des décisions rendues par la commission.

Il ne faudrait pas se retrouver - pour illustrer cela clairement, M. le ministre -avec un guide d'interprétation ou des énoncés de politiques qui auraient le même caractère que les directives internes de la CSST. Je pense que l'image parle toute seule.

À l'examen du projet de loi, on est porté à croire qu'il y a un fossé qui sépare les objectifs énoncés par le ministre et la concrétisation à l'intérieur du projet de loi. À la lecture des déclarations du ministre, on a l'impression que le ministre partaqe nos objectifs. Mais on constate par ailleurs que le projet de loi fait défaut quant à des aspects importants de cette politique.

On nous dit que le projet de loi vise essentiellement à favoriser le règlement négocié des problèmes de relations du travail. Il est assez étonnant, cependant, de penser que la commission ne soit pas investie du mandat de promouvoir la négociation collective.

On nous présente le projet de loi comme la solution à l'inefficacité du système actuel. Mais, par ailleurs, on maintient la compétence de plusieurs autres intervenants pour appliquer le code et on propose des textes ambigus et confus qui risquent d'alimenter les recours extraordinaires.

Par ailleurs, le projet de loi ne privilégie pas la collégialité. Et ce qui est encore inquiétant, c'est que le projet de loi est pauvre en garanties quant à l'indépendance de l'organisme proposé.

Nous avons aussi été étonnés et inquiétés de la place accordée aux pouvoirs de redressement de la commission en matière de grève illégale sans qu'on trouve par ailleurs de véritables équivalents pour assurer l'exercice des droits syndicaux, y compris le droit à la négociation collective. L'absence, notamment de juridiction de la commission sur l'application des mesures antibriseurs de grève est, à notre point de vue, un exemple assez évident du déséquilibre inhérent au projet de loi.

De plus, l'introduction des notions d'intérêt public - l'intérêt du public - et de la bonne gestion des ressources humaines comme balises du mandat de la commission appellent de façon à peine voilée un rétrécissement de la mission fondamentale du Code du travail de promouvoir la liberté et le droit de s'associer et de négocier collectivement.

Pour nous, le projet de loi, dans sa version actuelle, risque de produire un organisme qui ne sera pas apte à intervenir adéquatement et efficacement en matière de relations du travail et plus particulièrement en matière de rapports collectifs du travail. (15 h 15)

Je vais essayer de présenter sommairement chacun de ces points. Je vous signale d'abord qu'on a été étonné de voir la façon dont on crée, à l'article 112, ta Commission des relations du travail, avec un encadrement, avec des objectifs à poursuivre qui, à notre point de vue, imprèqnent une certaine forme de philosophie à l'application et à l'interprétation du code, mais pour les fins de la commission seulement. En résumé - on pourra peut-être y revenir - on considère cette approche comme partielle, partiale à plusieurs égards et susceptible de créer de la confusion dans les rôles. On pense que, si on doit déterminer quelque part la philosophie du Code du travail, il y aurait peut-être lieu, plutôt que de baliser l'exercice des pouvoirs de la commission par une déclaration du type de ce qu'on retrouve au projet de l'article 112, de penser à un préambule au Code du travail qui énoncerait clairement les finalités et les objectifs du code, de telle façon que les tribunaux qui auraient à l'interpréter seraient, comme les parties, dans la même ligne que la direction qui est donnée à la Commission des relations du travail. Cela ne veut pas dire que nous partageons la philosophie de l'article 112, mais j'y reviendrai.

Sur la notion de préambule, il y a des précédents. L'ancienne loi québécoise sur les différends ouvriers au Québec, le Code canadien du travail, la loi sur les relations du travail de l'Ontario et le rapport Beaudry l'avaient également recommandé. Nous pensons que, pour donner un sens au Code du travail, pour donner un sens aux rapports collectifs du travail, il faut que le préambule et les intentions des législateurs soient clairement exprimés. Il faut laisser une place importante à l'affirmation que le code doit encourager les libres négociations collectives. Il doit aussi souligner le consensus constaté tant à l'échelle canadienne qu'à l'échelle

québécoise et se raccorder aux engagements internationaux que le Québec a déjà contractés.

Là-dessus, on pense que le préambule du Code canadien du travail serait une formule intéressante à regarder dans le cadre de la recherche de l'expression claire de l'affirmation du droit et des libertés syndicales et de leur sens dans une loi sur le travail au Québec.

Par ailleurs, quand on examine l'article 112, au-delà du débat de savoir si on doit mettre les intentions et la philosophie dans un article qui crée la commission plutôt que dans un préambule, nous pensons que l'article qui nous est présenté est tout à fait inacceptable. On a souligné l'absence de l'encouragement de la négociation collective: aucune mention dans cette disposition qui veut encadrer l'exercice de la juridiction de la commission; le recours à un terme neutre comme "administrer", l'utilisation des mots "droit d'association" plutôt que "liberté et droit syndical"; aucune mention du fait que la finalité du code et la finalité du rôle de la commission devraient être orientées vers la recherche de bonnes conditions de travail pour les salariés auxquels ils s'adressent; le problème de l'utilisation du terme "ordonner" dans le règlement des conflits, à cause de ce que cela évoque par opposition à l'utilisation d'un terme ou d'une expression comme "règlement positif des conflits". L'insertion de la notion d'intérêt public - l'intérêt du public - qui est habituellement utilisée dans la législation pour restreindre l'exercice des droits syndicaux nous inquiète profondément. Selon l'expérience qu'on a, on craint que cette conception étroite de l'intérêt du public soit plutôt celle des besoins de services et de biens et que cela mette la commission sur la ligne de la répression plutôt que sur la ligne de la recherche des règlements négociés. La notion de bonne gestion des ressources humaines nous paraît aussi inacceptable.

On pense qu'il y a plusieurs éléments de la gestion des ressources humaines qui sont l'objet d'une négociation.

Si la commission doit "relativer" l'exercice des droits du code par une formule comme celle-là, cela revient à dire que la commission a le mandat de préserver, au-delà du rapport normal entre les parties, un droit de gérance pour l'employeur. Je vous rappelle, M. le ministre et M. le critique de l'Opposition, les propos tenus par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: cela peut également permettre à certains de venir plaider devant la commission que les droits prévus au Code du travail doivent se moduler, quant à leur exercice, selon la taille de l'entreprise.

La compétence de la commission, rapidement. Nous nous opposons à l'exclusion du personnel salarié de la commission, comme c'est prévu dans le projet de loi. Il y a des exclusions actuellement dans le code. Elles sont suffisantes. Exclure tout le personnel de la commission, cela revient à limiter le droit d'association. Là-dessus, il y a un examen attentif à faire.

Nous sommes d'accord avec la thèse qui prévaut à l'article 61 du projet de loi et qui veut opérer un transfert de la juridiction du Tribunal du travail dans la Loi sur la fonction publique à la Commission des relations du travail. Mais on pense que cela devrait aussi être l'occasion de préciser -puisqu'il y a une certaine forme d'ambiguïté pour l'instant - que l'article 45 du Code du travail s'applique aussi au personnel du gouvernement.

Sur la question de la construction, je ne parlerai pas longtemps. Je vais aborder la question de la compétence de la commission. On pense qu'il faut aller vers une compétence globale, intégrée et dans une large mesure exclusive à la commission. Pour nous, la solution efficace au problème de rapports collectifs du travail passe par un organisme investi d'une compétence globale sur l'ensemble des matières visées par le code, sauf pour les exceptions qui sont généralement acceptées. On les énumère dans notre mémoire. Je ne m'attarderai pas là-dessus. On constate cependant que le projet de loi multiplie les exceptions. Des matières comme le maintien des conditions de travail, l'imposition d'une première convention collective, les pratiques en cours de grève, c'est-à-dire le piquetage et le recours à des briseurs de grève, le refus de réintégrer à la suite d'un conflit de travail ou le refus d'embauche, on pense que ce sont des exceptions qui créent un déséquilibre dans les mandats de cette commission. Ces exceptions risquent aussi de rendre inefficace cette commission puisqu'elle devra probablement sanctionner des gestes illégaux qui auront été provoqués par l'absence de juridiction claire sur les éléments que l'on vient de mentionner.

Quant à l'accréditation et aux questions connexes, il y a un pas de fait dans la bonne direction avec les propositions faites.

Quant au devoir de juste représentation, nous sommes généralement d'accord avec la portée du projet de loi, mais je vous souligne que, sur le fond, nous sommes opposés au maintien de l'article 47.2 du Code du travail, comme nous l'étions au moment où cela a été adopté. L'expérience nous démontre que ces dispositions-là, loin de servir les objectifs prévus, servent plutôt d'échappatoire à l'exercice collectif de considération de la situation des groupes minoritaires à l'intérieur d'un syndicat.

Nous voulons souligner aussi qu'il serait opportun que, dans la deuxième vague de modifications, il y ait un réexamen en profondeur de cette question. Le Code du

travail crée un déséquilibre entre les parties syndicales et patronales: Il impose des obligations à la partie syndicale qui n'ont aucune contrepartie pour la partie patronale et, en plus, il impose des obligations pour lesquelles il n'y a pas de moyens pour les organisations syndicales.

Je ne m'attarderai pas sur les pratiques déloyales. Je vous souligne cependant deux problèmes particuliers: l'interprétation de l'article 15 du code qui est restrictif actuellement et qui mériterait une modification législative et le fait qu'il est tout à fait inacceptable que la commission n'ait pas de juridiction sur le refus d'embauche pour activités syndicales.

Je veux attirer plus particulièrement l'attention des membres de la commission sur le fait que le projet de loi évince les dispositions antibriseurs de grève de la compétence de la Commission des relations du travail. Je passe des grands bouts de notre mémoire parce qu'il est très volumineux. Cela me semble refléter une espèce d'incompréhension de la réalité et des pratiques déloyales des employeurs en cours de grève et l'impact que cela peut avoir sur la durée des conflits. La sanction pénale a posteriori ne règle rien là-dedans.

Je vais m'arrêter, compte tenu de la composition de notre centrale, sur l'approche générale qui concerne les secteurs public et parapublic et les services publics. Je suis rendu à la page 30 - c'est un survol rapide -pour ceux qui ont de la difficulté à me suivre. Nous avons toujours dit que nous étions favorables à un régime légal des rapports collectifs du travail qui soit applicable à tous et conçu en un tout intégré. À notre avis, des dispositions particulières dans les secteurs public et parapublic, notamment, ne devraient être adoptées que lorsqu'une situation spécifique le justifie et exclusivement dans cette mesure.

Rien ne justifie que, dans les secteurs public et parapublic, l'approche des rapports collectifs du travail ne soit pas d'abord et avant tout centrée sur le règlement des différends par la négociation collective. Nous sommes d'accord avec le transfert de juridictions du Conseil des services essentiels vers la commission, mais dans la mesure où ce que je viens de vous dire est imprimé dans le projet de loi.

Rapidement, je vous signale - à la page 32 - que, quant à nous, le principe de l'exclusivité de la compétence de la commission est posé en termes très ambigus à l'article 132. On pense que cela pourrait être interprété comme ne conférant qu'une exclusivité ponctuelle et partielle à la commission, alors que nous croyons que le Code du travail devrait exprimer l'exclusivité de la compétence sous forme de matières en prévoyant les exceptions et non pas seule- ment sous forme de procédure et en termes généraux.

(15 h 30)

Nous croyons que la commission doit aussi être investie exclusivement du pouvoir d'indemniser les parties pour le préjudice qu'elles ont subi en raison d'une contravention au Code du travail. Mais, par ailleurs, nous pensons que le pouvoir d'indemniser des tiers n'a pas sa place dans une loi qui concerne les rapports collectifs du travail.

Au chapitre 4, je vous rappelle rapidement que nous demandons une précision sur le pouvoir d'enquête. Nous sommes d'accord avec la philosophie de mettre l'accent sur la médiation, mais il ne faut pas être naïf. Les bonnes intentions la-dedans sont aussi liées, jusqu'à un certain point, aux moyens qui sont mis à la disposition d'un organisme comme celui-là.

Pour ce qui est de l'adjudication, je pense qu'il y a des précisions à apporter, notamment sur le pouvoir de rendre des décisions de nature provisoire et déclaratoire et également sur le refus d'exercer les pouvoirs de redressement.

Sur les pouvoirs de redressement, je vous signalerai, comme cela l'a été dans d'autres mémoires, qu'on a constaté que les employeurs n'étaient pas explicitement visés par le texte. Il y a des risques que le gouvernement, l'État employeur, et que les corporations qui constituent des personnes morales ne soient pas nécessairement visés par l'article tel qu'il est rédigé. Donc, il y aurait là-dessus à faire minimalement un effort de rédaction supplémentaire, ce que nous suggérons à la page 40.

J'attire aussi votre attention sur la portée de l'article 134. Cela a peut-être l'air d'avocasseries pour des gens qui veulent déjudiciariser, mais il y a là un problème d'écriture, assez substantiel, à notre point de vue. Je vais passer rapidement sur ces dispositions.

Je vous souligne le déséquilibre global dans l'approche d'une commission qui, en principe, est une commission qui doit pouvoir intervenir sur la contravention au code. Mais la loi, quant à elle, ne devrait pas présumer qu'une partie sera plus portée à contrevenir que l'autre. Il nous semble qu'à l'intérieur des dispositions il y a une certaine forme de partialité législative dans la façon d'énoncer les pouvoirs de la commission. A la page 43, nous faisons une suggestion de réécriture là-dessus.

Sur les recours, comme d'autres, nous pensons que la loi doit les prévoir. Il nous semble contestable qu'on puisse établir par règlement la naissance des recours et la façon dont ils naissent.

Sur la révision, nous pensons que l'expression "pour cause" est limitative. Nous vous suggérons une autre formule et nous

vous suggérons également que, dans le cadre de la révision, la commission siège en comité sur ces questions et non pas des individus révisant des décisions d'autres individus.

Le chapitre 5 est un chapitre important et je vais essayer de vous le résumer rapidement. Nous tenons à ce qu'une Commission des relations du travail viable dans le secteur des rapports collectifs du travail soit, d'abord, indépendante du gouvernement; deuxièmement, indépendante des parties et puisse agir, à ce titre, dans l'ensemble des rapports qu'elle aura avec les parties. Cela nécessite donc une certaine forme d'encadrement.

En ce qui a trait aux nominations, à la page 48, nous avons une suggestion là-dessus. Cela nécessite aussi un effort en ce qui concerne les mandats et le renouvellement des mandats, ce que nous traitons en pages 49 et 50 et surtout, on doit inviter le gouvernement à exclure le recours aux commissaires à temps partiel. Même si -d'ailleurs, à la lecture du projet de loi, on se rend compte de cela - l'absence de conflit d'intérêts qui est prévue dans le projet de loi s'appliquait seulement aux commissaires à temps plein. Les commissaires à temps partiel, vu qu'on reconnaît qu'ils doivent vaquer à d'autres occupations, ne sont pas soumis aux mêmes règles que les commissaires à temps plein. On pense que, par là, on peut recréer une certaine forme de représentation des parties à l'intérieur de la commission et en faire une commission représentative par le biais, ce qui doit être écarté au point de départ.

Page 51: le problème de l'indépendance de la commission à l'égard du gouvernement et particulièrement du ministre. J'attire votre attention là-dessus. On pense que l'article 131 doit être retiré.

Sur le fonctionnement général de la commission, nous l'avons dit...

Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse, le temps qui avait été prévu pour la présentation de votre mémoire est terminé, mais si j'ai le consentement... Selon vous, combien vous resterait-il de temps pour terminer votre...

M. Johnston: Cinq minutes.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, allez-y.

M. Johnston: Le fonctionnement de la commission. Nous privilégions le fait que la commission fonctionne sur une base collégiale - nous l'avons dit tantôt - question d'assurer que les décisions soient davantage institutionnelles que personnalisées.

Deuxièmement, c'est un facteur important de crédibilité pour l'organisation et, ultimement, cela pourrait peut-être réfréner les envies de contester la juridiction de la commission. Dans la mesure où on veut privilégier la collégialité, cela suppose qu'il y ait aussi certaines garanties quant au nombre de personnes qui composent la commission et, par le fait même, son personnel.

Nous pensons aussi que la conception que le projet de loi véhicule quant au rôle du président est abusive. Qu'on donne au président un rôle administratif de coordination, de "dispatchage" des dossiers, cela va, mais qu'on lui donne un pouvoir de directive qui, à la limite, pourrait faire de lui "la" commission, nous pensons qu'il y a un gros problème là-dedans.

Au sujet des énoncés de politique, j'en ai parlé brièvement tantôt, mais il y a une recommandation, à la page 54, que je vous demande de regarder. Je veux souligner qu'on est d'accord avec la disparition des trois paliers comme cela existe dans le régime actuel, mais il y a certaines précautions à prendre. On pense que le projet de loi devrait comporter des dispositions contenant ces précautions. On est d'accord avec le fait que les membres de la commission fassent de la médiation, mais il faudrait éviter que les membres de la commission qui ont tenté d'amener les gens à faire de la médiation soient aussi, le cas échéant, les personnes qui aient à rendre des décisions dans les cas où ils ont fait cette médiation. Cela nous apparaît une règle de justice naturelle qu'une loi de cette nature devrait normalement comprendre comme garantie minimale et apparente.

Sur toute la question de l'audition des parties, nous pensons qu'il y a des mesures qui s'imposent et qui doivent être prises afin que la Commission des relations du travail puisse procéder sans tenir d'audition, lorsque les circonstances le justifient, mais sans risquer de voir ses décisions annulées par la Cour supérieure. Il y a un effort de recherche à faire de ce côté, je l'admets, mais cela nous apparaît essentiel, si on ne veut pas, par ailleurs, ouvrir la porte à toute une série d'évocations, à toute une série de contestations, ce qui amènerait la paralysie complète de la commission.

Je résume en deux phrases notre chapitre 5 sur le Tribunal du travail. Nous pensons que le Tribunal du travail, à l'encontre des orientations qui apparaissent dans le projet de loi, doit être maintenu. Nous nous opposons à ce que toutes les poursuites pénales s'en aillent du côté des cours de sessions de la paix et nous pensons que le Tribunal du travail pourrait se voir confier un rôle complémentaire en matière de poursuite pénale, de même qu'un rôle complémentaire pour un bon nombre de dispositions que nous énumérons à l'intérieur de ce chapitre-là, notamment tout ce qui concerne les rapports individuels du travail.

Vous avez compris, M. le ministre,

comme je l'ai dit, qu'on était pour une compétence globale et exclusive de la commission et on est d'accord avec vous sur le fait qu'il n'y a pas d'appel devant le Tribunal du travail des décisions de la commission.

En matière pénale aussi, on souhaiterait qu'il y ait une autorisation de la commission avant d'aller sur ce terrain-là, parce qu'on ne pense pas qu'il y ait avantage pour quelque partie que ce soit que des amendes soient imposées à d'autres parties, s'il y a par ailleurs d'autres moyens de remédier aux difficultés.

Je résume brièvement notre conclusion. Nous acceptons, nous, dans la révision actuelle des règles concernant les rapports collectifs du travail, contrairement à la CSD qu'on a entendue hier soir, qu'il y ait une première étape qui soit la constitution d'une Commission des relations du travail. Nous pensons qu'il ne faut pas perdre de vue la deuxième étape, cependant; c'est très important. Et on va vous surveiller, les deux côtés de la Chambre, là-dessus; comptez sur nous!

Avec toutes les lacunes que nous avons trouvées à l'intérieur de ce projet de loi - je pourrais vous souligner que nous n'avons même pas fait mention des erreurs techniques dans notre mémoire, nous les avons retirées; il y a des erreurs techniques grossières qui apparaissent dans ce projet de loi, ce qui nous permet de croire que cela a été un peu, probablement, improvisé - nous croyons donc qu'il a besoin de modifications très substantielles pour que sorte de ce projet de loi, qu'apparaisse une Commission des relations du travail qui soit viable en matière de rapports collectifs du travail au Québec.

M. le ministre, à moins que je ne vous dérange, je vous signalerai que, si on veut une commission des relations du travail, nous ne voulons pas de la Commission des relations du travail que nous avons vue, élue, dans le projet de loi et qui ne correspond pas à celle que vous décriviez dans les objectifs que vous avez vous-même énoncés avant le dépôt du projet de loi et lors de sa présentation en première et en deuxième lectures.

Nous serions prêts à vous suivre sur bon nombre des énoncés que vous avez vous-même faits pour annoncer ce projet de loi, mais force nous est de constater qu'il y a un fossé important entre ce que vous avez annoncé et la traduction technique qui en a été faite dans ce projet-là.

Comme vous avez dit hier que nous n'avez cherché à tromper personne dans vos déclarations, il y a donc un problème de concordance entre les orientations que vous annoncez et la traduction technique de votre projet de loi.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce dernier commentaire, M. Johnston, nous allons maintenant passer à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vais d'abord céder la parole au ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, vous me permettrez, M. le Président, de remercier la CEQ pour son intérêt particulier. Vous avez dit dans vos premiers propos: Nous avons porté beaucoup d'attention et de soins, et la lecture de votre mémoire révèle que vous avez porté beaucoup d'attention et de soins, en effet, à ce projet de loi.

J'accepte tous vos propos, sauf... Et je m'inscris en faux immédiatement, lorsque vous parlez d'erreurs techniques grossières. Je ne me sens pas particulièrement visé, parce que vous savez de quelle façon un gouvernement et un ministre fonctionnent. Vous attaquez à ce moment-là les conseillers juridiques du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministère de la Justice, des firmes privées, etc., tout le monde qui a mis la main à la pâte. Je suis certain que vous êtes capable de trouver d'autres experts juridiques, d'ailleurs, c'est dans la nature des avocats d'être en mesure de contredire l'autre et de gagner leur vie ainsi. J'ai fait cela pendant cinq ans avant d'aller en pratique privée. (15 h 45)

Mais je tiens à vous souligner que, oui, il y a certains ajustements - je l'ai indiqué hier - à faire au projet de loi. Il y a certaines interprétations à clarifier et nous avons besoin de la collaboration des parties pour le faire. Mais je ne suis pas prêt à faire miens les propos que vous avez énoncés en ce sens qu'il y a des erreurs techniques grossières, parce que c'est large comme prise de position.

Comme je l'ai indiqué aux autres participants, hier ou avant-hier, l'Assemblée nationale a adopté les principes qui sous-tendent le projet de loi de façon unanime. L'Opposition a indiqué qu'elle avait des réserves et des questions sérieuses à poser. De notre côté, des réflexions et les gens qui ont comparu nous ont amenés à nous poser également certaines questions de façon à faire en sorte qu'on puisse clarifier, bonifier le projet de loi pour qu'il soit le moins contesté ou contestable possible et à profiter des audiences publiques pour amener les principaux partenaires socio-économiques, autant la partie patronale que syndicale, peut-être à s'acheminer dans le sens où elles ont réussi à le faire lors de certains conflits ou dans l'époque plus contemporaine, en laissant de côté de plus en plus, mais pas suffisamment, l'approche conflictuelle pour embrasser une approche de médiation, de

conciliation et régler elles-mêmes leurs problèmes.

Pour en revenir plus directement à votre mémoire, j'aurais beaucoup de questions à vous poser. Mais le temps qui m'est imparti m'oblige à me limiter également à des questions que j'ai tenté d'isoler et qui réapparaissent très importantes.

À la page 17 de votre mémoire, vous traitez de la question de la bonne gestion des ressources humaines que l'on retrouve à l'article 112 du projet de loi. Je vais poser la question que j'ai posée à peu près à tous les organismes. La partie patronale s'oppose à ce que l'on inclue une telle définition dans l'article 112, disant que c'est au droit de gérance du patron qu'on s'attaque lorsqu'on inclut une telle expression. La partie syndicale nous a dit jusqu'ici: Cette question appartient et aux patrons et aux syndiqués et le gouvernement n'a pas d'affaire à s'en mêler. Ce matin, nous avons eu des représentations intéressantes de la part des conseillers professionnels en relations industrielles qui ont dit: Si c'est ça que le gouvernement veut dire, c'est peut-être intéressant, mais en y mettant leur propre définition. Si ce n'est pas ça, c'est à rejeter.

Je voudrais savoir si, pour vous, cette notion est complètement â rejeter ou si elle n'est pas à améliorer et à définir de façon plus précise.

M. Johnston: Ma réponse va être simple: Oui, c'est à retirer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 20 de votre mémoire, je prends note que vous manifestez votre accord au fait que nous assujettissions le secteur de la construction. Vous êtes te premier groupe qui manifeste dans son mémoire clairement son accord. Je tiens à le souligner. Cela prouve jusqu'à quel point vous êtes allés dans le détail lors de l'analyse que vous avez effectuée.

M. Johnston: M. le ministre, si vous me permettez; j'ai compris aussi que la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec maintenant ne s'y opposait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez bien compris, mais ces gens ne l'avaient pas inscrit dans leur mémoire. C'est à la suite de discussions qu'on a soulevées avec M. Lavallée, entre autres, qui est président du secteur construction de la FTQ. À la page 21, vous traitez de la question de l'accréditation et de questions connexes. Au dernier paragraphe, vous dites: "Nous sommes également d'accord avec l'article 33 proposé par l'article 16 du projet de loi qui attribue à la commission la compétence de déterminer le caractère approprié de l'unité de négociation, malgré une entente entre les parties."

Il y a beaucoup d'intervenants qui nous ont suggéré de retirer cette partie de l'article, argumentant que, lorsqu'il y a entente entre les parties, ça devrait être là l'objectif recherché par le projet de loi. L'adjudicateur, la commission comme telle, dans son rôle d'adjudication ne devrait pas avoir le pouvoir de remettre en cause une entente de gré à gré intervenue entre les parties. Là-dessus, j'aimerais que vous élaboriez, parce que je pense que vous êtes le premier qui insistez pour que l'on conserve cet élément.

M. Johnston: Très simplement, notre réflexion sur cela nous amène à croire qu'il peut arriver que de gré à qré les parties conviennent d'une unité qui n'ait aucune espèce de viabilité à long terme et qu'accorder à la commission un pouvoir d'intervenir malgré une entente entre les parties, cela permet d'assurer la viabilité de l'unité d'accréditation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être argumenter a contrario de ce que j'ai fait jusqu'à présent, parce que, si c'est inscrit, c'est que cela a reçu un premier accord, mais non pas un accord définitif, du gouvernement et du ministre concerné. Alors, est-ce que cela ne risque pas d'inciter les parties à signer à peu près n'importe quoi pour s'en remettre par la suite à la commission pour qu'elle tranche?

M. Johnston: Vous pouvez faire toutes les hypothèses possibles et inimaginables. Quand les parties s'entendent, elles essaient de s'entendre sur la base de leurs intérêts respectifs, mais l'intérêt du régime et l'intérêt de la viabilité à long terme des unités, c'est une question qui dépasse l'opportunité immédiate, à notre point de vue.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 50 de votre mémoire, vous traitez des nominations à temps partiel. Quelques intervenants en ont traité, d'autres ont laissé cet élément de côté, mais vous le traitez globalement jusqu'à dire: "Nous proposons donc que les articles 116 et 121 proposés par le projet de loi soient amendés pour enlever toute référence à des nominations à temps partiel." Est-ce que cela inclut que vous auriez objection à ce que des commissaires à temps partiel puissent siéger dans des matières non litigieuses, là où le geste est strictement administratif?

M. Johnston: Écoutez, cela vous amène automatiquement, M. le ministre, à concevoir que le travail de la commission ou des membres de la commission va être fragmenté en tiroirs et nous, comme vous, je pense,

nous soutenons la thèse que l'opportunité d'avoir une Commission des relations du travail soulève un intérêt dans la mesure où il y a possibilité pour cette commission et les membres de cette commission d'avoir une approche globale des problèmes. À ce titre, je pense que vous êtes capable de comprendre qu'il y a une difficulté, parce que vous allez engendrer automatiquement un fonctionnement à tiroirs incompatible avec l'approche globale de la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 51, concernant l'indépendance de la commission et quant au libellé de l'article 131 du projet de loi qui dit: "La commission fournit au ministre tout renseignement ou tout document que celui-ci requiert sur ces activités." Et, vous indiquez: "Nous croyons donc impératif pour assurer l'indépendance de la commission que l'article 131 proposé par le projet de loi soit retiré." Vous mentionnez à un moment donné que cet article peut permettre au ministre du Travail, qui qu'il soit, de n'importe quel gouvernement, de s'ingérer dans le fonctionnement et les décisions comme telles de la commission.

M. Johnston: Nous pensons que cela peut ouvrir la porte à des pressions indues sur la direction et le personnel de la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vous indiquerai et je vous dirai pourquoi nous l'avons mis, quoique peut-être le libellé puisse être amélioré. Le domaine des relations du travail est un domaine qui a une sensibilité politique. Les décisions qui doivent être rendues doivent être rendues de façon totalement indépendante, nous en sommes. Maintenant, quel que soit le gouvernement en place, le ministre du Travail est, je ne dirai pas quotidiennement, mais hebdomadairement interrogé sur l'état des conflits comme tels et s'il n'obtient pas les renseignements, non dans le but d'influencer la décision, mais dans le but de fournir une information qui soit de caractère public aux membres de l'Assemblée nationale et par le fait même à la population, on peut se ramasser dans des situations difficiles pour quelque gouvernement que ce soit.

M. Johnston: Je suis capable de comprendre qu'un élu politique a le volonté de pouvoir supporter la charge qu'il assume comme ministre, mais, par ailleurs et malgré cela, à notre point de vue, même si cela peut peut-être laisser le ministre dans des situations un peu inconfortables, dans la mesure où on conçoit qu'il s'agit d'un organisme qui n'est pas dépendant du gouvernement, un organisme qui doit avoir une entière marge de manoeuvre à l'intérieur du mandat qui lui est donné. Nous pensons que les risques sont trop qrands de maintenir l'article 131 et de faire en sorte qu'un jour, demain ou après demain, un ministre se serve de ce pouvoir pour exercer des pressions politiques indues auprès de la commission.

Et, à tout prix, même si cela doit poser des problèmes de carrière politique pour le ministre, nous croyons qu'il faut écarter cela.

M. Gendron: Un petit aparté en vous laissant le droit de parole. Cela m'étortnerait que ce soient les vrais motifs pour lesquels vous voulez avoir cela. Compte tenu du genre de réponse que vous et vos collègues faites, cela m'étonnerait que vous manquiez d'information.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député d'Abitibi-Ouest, vous êtes mon troisième critique, les deux autres étaient satisfaits.

M. Johnston: Le ministre du Travail dispose quand même de personnel à l'intérieur de son ministère qui pourrait peut-être faire l'examen des dossiers litigieux, sans nécessairement être obligé de demander à la Commission des relations du travail de lui fournir au jour le jour l'évolution du dossier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et c'est pourquoi dans la formulation - si vous avez une façon de baliser davantage - nous avons tenté de le baliser en disant: "La commission fournit au ministre tout renseignement ou tout document que celui-ci requiert sur ses activités." Donc, elle fournit des renseignements. Cela ne va pas dans le sens que le ministre dicte des choses. Cela va dans le sens que la commission fournit des renseignements. On peut le libeller de quelque façon que ce soit, la nature humaine étant ce qu'elle est et les pressions étant ce qu'elles sont, quelqu'un pourrait tenter d'en profiter, mais on ne pense pas que le libellé actuel donne une ouverture légale à quelque ministre que ce soit pour le faire.

M. Johnston: Écoutez, je ne prétends pas que cela donne un pouvoir au ministre d'agir directement sur la commission, je n'ai jamais prétendu cela. D'accord?

Cependant, tout être intelligent peut comprendre que les commandes d'information supplémentaires, à répétition et de plus en plus pointues sur un dossier, peuvent avoir pour effet d'indiquer une volonté politique de direction du règlement de ce dossier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous répondrai que tout être intelligent peut

comprendre que cela dépend du contexte et je vais vous donner des exemples. Si vous avez un conflit qui touche le transport en commun à la ville de Montréal, des demandes répétées d'information n'indiquent pas un sens de direction, mais indiquent que la population veut savoir où le dossier s'en va à un moment donné et si vous prenez la même attitude dans un dossier où il y a trois employés d'impliqués dans le secteur privé, dans un secteur de fabrication de chaussures, cela ne veut pas dire la même chose, je suis d'accord avec vous.

M. Johnston: M. le ministre, je ne veux par entrer dans les détails, mais j'ai vécu moi-même une période de conflit où il y avait un conciliateur du ministère qui était assis avec nous pour tenter de résoudre les difficultés et, à un moment donné, il s'est choqué devant le comportement de la partie patronale. Cela a pris dix minutes avant qu'il reçoive un appel du ministère pour lui reprocher d'avoir fait une colère à la partie patronale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Du ministre du Travail actuel?

M. Johnston: Non, non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, d'accord. Je veux préciser parce que pour le Journal des débats j'aime les situations claires. À la page 56 du mémoire, la question de l'audition des parties, question importante que vous avez soulevée, vous concluez en recommandant que les mesures qui s'imposent soient prises afin que la Commission des relations du travail puissse procéder sans tenir d'audition lorsque les circonstances le justifient sans risque de voir ses décisions annulées par la Cour supérieure. Vous direz que les avis que nous recevons ou que nous avons reçus sont que, lorsqu'il s'agit d'une décision à caractère purement administratif telle que définie par la jurisprudence, cela ne porte pas à conséquence. Lorsqu'il s'agit d'une décision qui, suivant les critères jurisprudentiels établis, porte sur les droits des parties, cela pourrait porter à conséquence et, malgré toutes les ressources auxquelles nous avons fait référence pour construire le projet de loi, on ne semble pas être capable de trouver cette recette magique qui, dans le cas où les droits des parties sont affectés, dans le cas où la décision rendue satisfait aux critères jurisprudentiels d'une décision judiciaire ou quasi judiciaire, qu'on puisse mettre de côté une des règles de justice naturelle qui s'appelle la règle audi alteram partem. Est-ce que, du côté de la CEQ, vous avez été plus chanceux dans vos recherches? (16 heures)

M. Johnston: M. le ministre, vous sentez bien qu'au coeur de ce problème il y a tout le problème de l'accréditation. Il y a fort probablement moyen, par une procédure d'enquête très poussée, que cela soit possible de rendre des décisions sur dossier dans la majeure partie des cas. Mais il est également possible qu'il y ait des gens qui prétendent qu'il y a des décisions rendues sur dossier qui ne leur ont pas permis de se faire entendre et qui posent un problème. C'est particulièrement sur ces éléments que nous voudrions que la recherche se poursuive pour assurer la sécurité juridique du fonctionnement de !a Commission des relations du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je présume que la CEQ est quand même au courant de l'évolution jurisprudentielle quant à l'interprétation de la règle audi alteram partem où on est parti d'un formalisme, présence physique, etc., et où des critères plus commodes ont été élaborés par les tribunaux qui permettent une plus grande souplesse d'action.

M. Johnston: On est au courant de cela, mais je pense que vous devez être conscient que, dès le moment où une loi de cette nature sera adoptée, il y a des gens payés à fort tarif qui vont se faire un devoir de la tester.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. C'est pourquoi, lorsque vos éclairages nous permettent de baliser, de faire en sorte que cela prête moins flanc à une contestation, nous sommes ouverts à ce type de modification.

En vertu de la règle de l'alternance, je céderai maintenant la parole au critique de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. le Président, très rapidement, mes premiers mots seront pour remercier la Centrale de l'enseignement du Québec d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir, dans des délais très courts, des délais un peu inconvenants pour l'ampleur d'une réforme si jamais on est convaincu que les principes annoncés auraient dû se voir et se comprendre mieux dans le libellé même des principaux articles... Je pense que vous avez raison d'indiquer qu'il s'agissait là d'une réforme d'envergure et, en conséquence, je pense que votre mémoire atteste que vous l'avez compris comme cela parce que, là-dessus, la CEQ ne fait pas faux bond à celle que j'ai connue, ayant la capacité de produire des mémoires très étoffés, très articulés. Je pense qu'on pourra convenir, indépendamment des recommandations que vous faites - il n'y a

sûrement pas de différence chez personne -qu'il s'agit d'un des mémoires les plus développés et qui a touché le plus grand nombre de sujets possible sur lesquels il est sûrement intéressant pour des gens qui s'occupent de relations du travail, et en particulier pour le ministre, de recevoir des avis. Bien sûr, libre à lui de se laisser imbiber davantage, plus ou moins, beaucoup, passionnément, mais ce sont quand même de bons éléments. Je pense donc qu'on doit vous remercier.

Au tout début de votre mémoire, dans les deux ou trois premières pages, je pense qu'il y a des aspects qui sont très clairs, en ce qui me concerne. Vous dites: Nous voulions la nouvelle Commission de relations du travail, on est d'accord là-dessus. L'objectif: approche intégrée, déjudiciarisation, stabilisation des politiques d'application de la loi et des règlements, ainsi de suite. Par contre, vous avez mentionné aux pages 5 et 6 - et je pense que c'est très bien campé - que le fossé est très grand, très large, entre ce que vous avez lu dans les notes explicatives et ce qu'on peut lire ailleurs. Et je pense que cela commence à s'accréditer pas mal. Je pense qu'il y a de plus en plus d'intervenants qui ont cette prétention, à des chapitres peut-être différents, à des volets différents mais, globalement, il y a quand même à peu près dans tous les mémoires - le ministre devra en convenir - il y a une constante: II y a beaucoup d'écart entre les beaux principes valables auxquels tout le monde souscrivait. Le ministre a pris la peine de le rappeler à chaque début d'intervention, avec exactitude, disant qu'il y avait eu adoption de principe à l'unanimité. C'est un beau terme à l'Assemblée nationale. C'est exact que cela s'est passé comme cela parce que nous avions lu les notes explicatives, nous aussi, et on avait lu également d'autres choses, puisque, en deuxième lecture, on a quand même, comme Opposition, fait un long plaidoyer. J'ai utilisé tout mon temps d'une heure pour indiquer qu'il y avait énormément de trous, d'imprécisions - je n'emploierai pas les termes d'autres interlocuteurs qui vont passer au cours de la journée, un certain type de monument - parce que je trouvais que c'était quand même trop gros. Il n'en demeure pas moins que, sur le fond des choses, vous avez soulevé comme centrale syndicale des objections majeures sur plusieurs points et je vais revenir sur quelques-uns. Je voulais quand même faire ces commentaires.

Longuement et d'une façon très explicative, vous avez allégué qu'il serait intéressant d'innover et d'instaurer un préambule à cette loi. Vous êtes les premiers à faire cette suggestion, à moins que je ne me trompe. Je ne suis pas un spécialiste des questions de droit, je n'en suis pas malheureux pour autant. Je veux quand même essayer de questionner davantage. Est-ce à dire que cela serait échangeable par un article 112 qui serait moins général, flou, complètement discutable sur plusieurs aspects? Cela, vous l'avez fait. Autrement dit, en termes très clairs, M. Johnston, est-ce que vous tenez véritablement à expérimenter dans cette loi un préambule ou est-ce que c'est échangeable par un article 112 mieux serré, mieux défini, qui reprend les objectifs? Je pense que le mémoire est assez explicite, mais, comme vous l'avez fait tantôt très correctement, rapidement, est-ce que cela pourrait éventuellement s'échanger contre un article 112 plus serré? Si oui, qu'est-ce qu'on doit enlever et qu'est-ce qui doit rester?

M. Johnston: Je vais essayer de donner un bout de réponse puis je demanderai à Jean-Marcel Lapierre de compléter ma présentation sur des volets un peu plus techniques. Notre approche, c'est de dire: S'il y a une philosophie du code qui doit transparaître quelque part, ce n'est pas à un endroit où cela s'adresse à un organisme chargé de l'application du code, cela devrait être en préambule au code, de sorte que cela s'adresse à toutes les parties et à n'importe quelle instance judiciaire ou parajudiciaire qui pourrait être appelée à interpréter un jour ces dispositions. Ce n'est pas échangeable, quant à nous. Cela doit être un préambule, mais un préambule formulé dans la perspective qu'on vous a présentée. À cet égard, si cette condition était remplie, il y aurait moyen de raccourcir l'article 112 pour confier à la commission le mandat d'appliquer le code et de favoriser l'atteinte des objectifs qui apparaissent au préambule. Mais on ne place pas la commission sous dépendance d'objectifs qui sont définis juste à l'intérieur d'un article et les parties et d'autres tribunaux, le cas échéant, dans une situation différente.

M. Gendron: D'accord. À la page 21, ce n'est pas nécessaire de s'y référer parce que je vais identifier le sujet, c'est l'accréditation. On n'a pas eu beaucoup d'avis, on a eu plutôt d'autres avis qui étaient d'accord. Si la formule marche actuellement avec les agents d'accréditation et, lorsqu'il y a vérification rapide, ou même un peu plus lonque, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'incompatibilité, il n'y aurait pas d'erreur, tout est "clean", pour employer une expression connue. Je demeure toujours étonné - toujours pour les objectifs - vu qu'on dit: On veut raccourcir les délais, on veut simplifier, on veut rendre cela moins compliqué et on veut même - certains prétendent que c'est dans la loi, c'est un

objectif auquel on devrait souscrire faciliter l'accréditation. Faciliter la syndicalisation, il faut que cela commence quelque part. Si on n'est pas accrédité, cela ne facilite pas, c'est certain. Vous avez bien répondu tantôt, mais ma question va être précise. Vous dites: Pourquoi pensons-nous que cela doit être comme le ministre le suggère, c'est-à-dire abandonner quelque chose qui marche bien dans le régime actuel? Vous répondez que c'est parce que vous avez des doutes sur la viabilité et la longévité de l'accréditation. Je voudrais juste vous poser une question. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Est-ce que cela est arrivé fréquemment qu'au Québec des accréditations de gré à gré... C'était cela, votre expression. Vous avez dit: Quand c'est de gré à gré, c'est inquiétant parce qu'il n'y a pas de spécialistes qui regardent cela. Il peut y avoir des failles. Sur la longévité et la viabilité, il y a des problèmes. Surtout, vous portez un jugement - c'est votre expression exacte - vous dites qu'il s'agit d'un droit d'ordre public. Ce n'est même plus que les parties en cause. Je ne veux pas apprécier cela ou pas. Vous avez probablement raison. Je finis ma question: Est-ce qu'on a des éléments chiffrés qui nous permettent de dire que, dans les dix dernières années, cela marchait, non pas comme le ministre le préconise, mais comme je viens de l'expliquer, et que pour conclure il y a un danger de ne pas consacrer la viabilité, la longévité des accréditations?

M. Johnston: Notre évaluation n'est pas basée sur des données quantitatives. Quant à nous, il y a une question de principe derrière cette appréciation. Si vous le permettez, je demanderais à Francine Lamy qui m'accompagne de compléter cette réponse.

Mme Lamy: À ce chapitre, il faut bien comprendre que le projet de loi ne permet pas à la commission de refuser n'importe quelle entente entre les parties quant à l'accréditation. Il ne le permet que lorsque l'unité est manifestement appropriée. Or, partout à travers le Canada, si je ne me trompe ou, en tout cas, presque, les commissions de relations du travail ont toujours interprété leur pouvoir d'accréditation comme étant un pouvoir d'ordre public, si on peut dire, et qui, à ce titre, n'était pas lié par la seule entente des parties qui devaient s'assurer du fait que ces unités soient appropriées et donc viables. La relation entre l'unité appropriée et la viabilité de l'unité est toujours faite en termes clairs partout au Canada. Je pense que, à partir du moment où on accorde à la commission un pouvoir de refuser une accréditation, lorsqu'elle est manifestement inappropriée et donc, à sa face même, démontre qu'elle ne favorisera pas, par exemple, la négociation collective ou ne sera pas viable ou ne le sera que temporairement, il est important d'assurer que la commission puisse intervenir dans ces circonstances. Je pense que ce qu'il est important de souligner, c'est que ce pouvoir n'existe que lorsque l'unité est manifestement inappropriée. Ce n'est pas un pouvoir de refuser une accréditation lorsque les parties ne s'entendent pas, pour aucun motif.

M. Gendron: Je pense que votre explication est très correcte là-dessus. J'avais également vu cela à l'article 33. C'est lorsque c'est manifestement inapproprié. Je l'avais lu, sauf' que j'ai lu également que la commission l'accrédite. Donc, je dis que cela va toujours à la commission alors qu'avant les agents d'accréditation, lorsqu'il n'y avait pas de problème - je ne dis pas que cela arrivait dans tous les cas - pouvaient tout de suite sanctionner l'accréditation, ce qui n'est plus le cas. Rapidement, en termes de chiffres, puisque vous dites qu'actuellement c'est le régime canadien dans l'ensemble, est-ce que cela signifie que d'autres provinces sous le régime canadien ont déjà vécu sous notre régime actuel pour ce qui est de l'unité de l'accréditation, que des agents pouvaient ratifier ou sanctionner une accréditation?

Mme Lamy: À ma connaissance... M. Gendron: Non.

Mme Lamy: ...je pourrais vous répondre que non. Je pourrai ajouter, par exemple, que si notre système, à cet égard, fonctionnait effectivement quand même bien, il reste que l'entente, peut-être rarement, peut produire des accréditations qui ne répondent pas aux critères normaux et aux critères minimaux en termes de viabilité et de caractère approprié de l'unité. D'ailleurs, les commissaires et le Tribunal du travail ont toujours dit que, lorsque l'entente n'était pas intervenue à la période précise prévue au code pendant les quinze jours, ils n'étaient pas liés par l'entente des parties et ils pouvaient intervenir à cet égard.

M. Gendron: Merci. À la page 22, rapidement, vous avez indiqué que le devoir de représentation juste. Je pense que vous avez une remarque pertinente, sauf que vous dites à la fin: Nous désirons que toute cette question soit réexaminée à l'occasion de la révision prochaine des dispositions du Code du travail. Je veux seulement savoir... Je comprends bien cela. C'est simple à comprendre. Vous dites qu'il y aura une deuxième phase, c'est plus global. Je pense que cela peut prendre du temps et je suis inquiet. Dans la perspective où vous croyez que le forum pourrait être approprié, je vous

pose la question: Pourquoi cela n'était-il pas envisageable puisque vous dites: On regardera cela une autre fois? Pourquoi pensez-vous que cela n'était pas envisageable de regarder cela tout de suite dans cette réforme? Quels étaient les motifs qui vous amenaient à conclure que cela serait mieux? Est-ce parce que cela comprend des éléments que j'oublie ou que ce n'est pas le genre de projet de loi qui permettrait ce nouvel réexamen? (16 h 15)

M. Johnston: Nous avons développé cette approche à partir du moment où l'on a convenu que la création d'une vraie Commission des relations du travail, avec une compétence globale, intégrée, exclusive et avec toutes les garanties, cela pourrait être un élément intéressant en soi. On s'est dit: Si on essaie, à travers les revendications qu'on formule sur la commission, de modifier de façon très substantielle l'ensemble des dispositions du Code du travail, en même temps, on risque de se heurter à des difficultés assez importantes et, sur ce terrain, il faut dire qu'on a suivi le ministre dans l'étapisme de la réforme du Code du travail.

M. Gendron: Je ne croyais pas qu'il l'était lui aussi. Quant à l'autre section, je veux vous dire qu'on est complètement avec vous, M. Johnston, dans le sens qu'une réforme comme celle-ci qui retire du champ d'application une série de pratiques - et je ne les qualifierai même pas - sûrement toujours inhérentes au domaine des relations du travail, cela fait curieux. Je l'ai signalé à chacun des intervenants. La plupart des intervenants ont effectivement mentionné qu'une réforme comme celle-là devrait avoir des dispositions concernant, entre autres, la question du piquetage, toute la question des briseurs de grève, les pratiques particulières, la gestion d'une première convention, toute la question également de certaines pratiques concernant le congédiement pour motifs syndicaux appréhendés et ainsi de suite, peu importe, vous les avez définis bien mieux que moi. Je veux vous dire que, là-dessus, je partage votre point de vue, qu'on ne peut faire une réforme et dire que cela va être unique, que cela va être centralisé et que cela va être majeur et important, alors qu'à peu près l'essentiel des problèmes n'est pas touché sous prétexte qu'on regardera cela un de ces jours dans la grande réforme. Si l'on dit cela aujourd'hui, ce n'est pas parce que l'on ne parlait pas de piquetage dans le Code du travail que nous connaissons, qui est un Code du travail qui n'est pas si pire que cela, mais qui n'a pas subi d'amendements majeurs sur le fond des questions, qu'il ne doit pas intégrer des éléments modernes sur lesquels il y a lieu d'avoir des dispositions. Dans ce sens, je pense que vos remarques s'inscrivent dans la logique des choses, d'une réforme importante, et j'espère que le ministre en tiendra compte.

Pour ce qui est de la commission, je suis heureux de ce que vous avez mentionné en ce qui concerne autant les pouvoirs de redressement que tout le volet de l'autonomie de la commission, sa composition, son indépendance. Il n'y a pas beaucoup de choses à redire si ce n'est que vos recommandations sont claires, sont spécifiques. Je voulais seulement poser la même question que j'ai posée aux autres pour avoir un avis plus éclairé. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on maximiserait les chances de crédibilité sans tache - ou avec moindre tache, si vous me permettez l'expression - qu'on aurait une plus grande autonomie si au moins le président et les vice-présidents étaient nommés par l'Assemblée nationale plutôt que par l'exécutif, par le gouvernement?

M. Johnston: II y a deux facteurs à considérer là-dedans. Le premier, c'est qu'éventuellement la nomination par l'Assemblée nationale pourrait, effectivement, dégager une marge d'autonomie et d'indépendance plus grande pour les personnes qui seraient désignées par l'Assemblée nationale, parce que même si un gouvernement largement majoritaire à l'Assemblée nationale voulait, le cas échéant, faire des interventions directes auprès des membres de la commission, président et vice-présidents, cela deviendrait un peu gênant s'il était obligé de passer par l'Assemblée nationale parce que les personnes désignées par l'Assemblée nationale diraient au ministre ou à un membre du gouvernement: Je ne tiens pas mon mandat du gouvernement, je le tiens de l'Assemblée nationale.

Il y a un aspect intéressant là-dedans, celui de donner aux personnes qui sont là un moyen de résister à une intrusion de la part du pouvoir exécutif. Cependant, il faut aussi se dire que c'est quand même assez mineur quant aux conséquences, la nomination elle-même par l'Assemblée nationale dans le cadre d'un régime bipartite où, à toutes fins utiles, on se retrouve facilement avec des gouvernements qui ont une large majorité à l'Assemblée nationale, dans la plupart des cas. Je dis qu'il y a un intérêt, mais l'intérêt serait plus complet si votre intention était en même temps doublée d'une intention de proposer une réforme du mode de scrutin pour avoir une Assemblée nationale plus représentative.

M. Gendron: J'ai deux dernières questions; l'une est assez compliquée pour moi, peut-être pas pour vous. J'ai écouté attentivement votre mémoire. Malheureusement - et cela n'est pas votre faute -j'aurais aimé avoir plus de temps pour l'analyser davantage, mais je peux vous

garantir que je vais le relire à tête reposée parce que je le trouve étoffé et articulé» surtout - et là, je vais essayer de bien traduire ma question - par votre conclusion. J'ai lu cela attentivement et, à un moment donné, dans une dernière phrase, vous avez conclu: Écoutez, M. le ministre, on veut vous dire qu'on n'est pas capables, nous, de voir là la Commission des relations du travail qu'on voulait et qu'on avait lue dans les notes explicatives. Il me semble que cela se comprend si on lit votre mémoire. Il y a tellement de demandes de votre part et, pour l'instant, je ne les qualifie pas, je ne dis pas qu'elles sont opportunes ou inopportunes, mais je dis qu'il y en a un bon paquet. Compte tenu du temps, compte tenu des choses que je sais du ministre qui, lui, veut sortir dans une semaine avec son projet de loi adopté - je connais le nombre d'articles qu'il y a là-dedans, je sais comment la machine fonctionne - là, j'ai un problème parce que si quelqu'un me demandait: Pensez-vous, M. le député d'Abitibi-Ouest, que la CEQ était d'accord avec ce projet de loi? Je ne le sais pas. Je ne veux pas errer parce que j'aurai à expliquer un moment donné si la CEQ était d'accord et je ne suis pas capable de savoir si vous êtes d'accord. Là, vous dites: On le voulait, mais dans ce qu'on lit là, il n'y a rien de ce à quoi on s'attendait en gros. Ma question, compte tenu de ce que je viens de dire: Qu'est-ce que je vais répondre pour être vrai par rapport à votre position?

M. Johnston: Ce que vous pourriez répondre sans l'ombre d'un doute, c'est que nous serions d'accord avec un projet de loi substantiellement remanié dans le sens des recommandations que nous formulons...

M. Gendron: Ce bout-là est facile, mais...

M. Johnston: ...substantiellement remanié.

M. Gendron: Ce bout-là est facile, mais à partir du moment où je doute que, dans les faits, compte tenu de la volonté ministérielle, cela puisse aller dans ce sens-là, quelle serait votre position si, dans quatre jours, vous voyiez, qu'il y a eu quelques considérations sur des virgules importantes de la part du ministre, mais que vraiment sur les questions majeures il n'y a pas beaucoup de changements? À ce moment-là, est-ce que la CEQ dirait: Écoutez, c'est une Commission des relations du travail qu'on aimerait mieux ne pas voir ou si vous souhaiteriez la voir quand même?

M. Johnston: Je vais être clair et franc. Si le projet de loi devait substantiellement demeurer dans la forme qu'il a présentement, nous pensons honnêtement que l'adoption de ce projet de loi ne rendrait sûrement pas un vrai service au régime des rapports collectifs de travail au Québec.

M. Gendron: Ma dernière question. Vous avez indiqué, quant à la nomination, entre autres - je fais juste un commentaire - des commissaires à temps partiel... J'espère que le ministre va être attentif. La plupart ont convenu que ce ne serait pas la bonne formule. Je pense que vous aviez une bonne logique, rapide, en disant: On ne peut pas vouloir que tout soit là, que ce soit vraiment une commission d'envergure et, à un moment donné, avoir un fonctionnement spécialisé ou à tiroirs, selon votre expression, avec les commissaires à temps partiel pour les petites affaires parce que c'est ce qu'il a dit: Pour les petites affaires pas compliquées, on pourrait engager des commissaires à temps partiel. Il semble que, là-desssus, vous avez un point valable. Ma question finale: Le ministre, quant à la nomination de ces gens-là, n'a pas indiqué du tout ses intentions de faire des consultations ou des formes de consultations. Tous les groupes ont dit qu'ils aimeraient, en particulier les centrales syndicales qui, elles, n'ont pas souhaité la disparition du CCTMO, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et vous y faites une référence... Ma question n'est pas là-dessus, mais c'est relié. Dans un projet de loi qu'un jour le ministre va discuter, il fait sauter cela et il crée une nouvelle patente. Je veux seulement vous poser une question: Le jour où il y aura pour le ministre du Travail la volonté d'avoir une instance-conseil consultative qui lui donne des avis, croyez-vous que cette instance consultative, mais plus spécifiquement pour le domaine des relations du travail, non pas le volet du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - il y a deux chapeaux, ce n'est pas notre problème - devrait être davantage greffée à la Commission des relations du travail ou si, éventuellement, dans le sens où le ministre veut l'envoyer, on devrait créer une commission élargie, qu'on appellerait conseil consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu, qui comprendrait également le volet des relations du travail? C'est quoi, votre avis là-dessus?

M. Johnston: Pour être bref, notre avis sur cette question, c'est qu'il faut maintenir une instance particulière sur la question des rapports collectifs de travail au Québec, une instance consultative particulière du type du CCTMO. Nous pensons que ça devrait essentiellement comprendre à peu près le même mode de représentation.

Nous croyons aussi qu'il y aurait un vide à combler du côté de la représentation de la partie patronale. Il y a une partie

patronale importante au Québec qui n'est pas présente au conseil consultatif, c'est l'État employeur. Il faudra au moins corriger ça et je pense qu'il peut y avoir une instance consultative d'un autre type pour les autres volets que veut couvrir le ministre par son projet de loi.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant de traiter d'un autre projet de loi qui n'est pas devant nous aujourd'hui, mais sur lequel le député d'Abitibi-Ouest aime bien discuter et sur lequel on aura l'occasion de discuter amplement, j'aurais une question d'un ordre technique à poser, étant donné que vous vous êtes adressés particulièrement à l'ensemble des articles du Code du travail.

Nous avons eu des interprétations différentes de différents intervenants quant à l'application de l'article 37 du Code du travail, considérant le fait que l'article 28 est abrogé. La prétention gouvernementale -je vous la donne candidement - est en ce sens que la situation ante n'est absolument pas modifiée par l'actuel projet de loi. Quelle est la position de la CEQ quant à cet énoncé?

M. Johnston: Nous, on ne pense pas que ça entraîne des modifications majeures. Je ne pense pas que ça change fondamentalement le régime. La règle de la majorité est toujours maintenue.

M. Paradis (Brome-Missisquoi); Pour en revenir au Conseil consultatif du travail et la main-d'oeuvre, je vous inviterais à relire attentivement le rapport de la commission Beaudry sur le sujet, le programme du Parti libéral ou ce que vous devez avoir dans des dossiers chez vous.

Le but visé par le gouvernement est l'élargissement de la composition et du rôle du conseil consultatif, de façon à s'assurer, parce qu'il y a de l'interaction, selon nous, entre des politiques de sécurité du revenu, comme le salaire minimum, et les rapports collectifs de travail - on ne peut pas traiter ça en vase clos et isolé - qu'il y aurait avantage à ce que les partenaires socio-économiques très bien et très fortement structurés, soit dans le monde syndical ou dans le monde patronal, puissent collaborer avec des partenaires socio-économiques moins bien structurés.

En ce sens, j'ai eu des conversations avec des gens qui m'ont dit: Vous n'êtes pas obligé de modifier le conseil d'administration, comme tel; créez à l'intérieur du CCTMO, tel qu'il existe présentement, un comité d'emploi, un comité de sécurité du revenu, un comité mixte d'emploi ou de sécurité du revenu pour discuter de ces choses.

Si je vous lançais la question à l'inverse: Est-ce que le ministre du Travail, qui qu'il soit dans l'avenir, même s'il ne partage pas la double responsabilité que je partage présentement, ne pourrait pas recevoir des avis d'un Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, avec composition et mandat élargi où il y aurait un sous-comité dans lequel les travailleurs structurés et organisés sous forme syndicale représentés par les centrales syndicales et les employeurs structurés et organisés dans leur association professionnelle pourraient siéger et donner ces avis?

M. Johnston: Peut-être que c'est une hypothèse qu'on peut regarder. Mais il y a une autre hypothèse aussi, c'est qu'il y ait deux conseils et qu'à l'intérieur du deuxième conseil qui concerne les autres questions que les rapports collectifs du travail y ait aussi une représentation des organisations représentatives du monde syndical et du monde patronal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais revenir sur une question que vous avez traitée au tout début de vos échanges avec le député d'Abitibi-Ouest, la question d'un préambule. J'ai reçu comme ministre du Travail, à l'occasion de ces audiences, plusieurs demandes syndicales et patronales en ce sens d'aller plus loin, de faire autre chose que strictement s'attaquer aux structures des relations du travail, les simplifier en tentant de déjudiciariser, etc. (16 h 30)

Les demandes patronales vont dans un certain sens habituellement, et les demandes syndicales vont dans un autre sens. C'est à dessein que nous n'avons pas souhaité modifier, pour le moment - et je dis bien pour le moment - le rapport de forces qui avait été établi. Ce que nous visons par la modification de la structure, c'est de faire en sorte que davantage de conciliation et de médiation donne lieu à davantage de prise de responsabilités par les parties, que les parties règlent davantage entre elles leurs problèmes. On ne peut pas légiférer, je pense que je l'ai répété à maintes reprises, un changement de mentalité. Nous prétendons qu'un changement de cadre peut amener un changement de mentalité, mais la collaboration des parties nous est absolument essentielle pour que cela s'effectue dans le sens que nous souhaitons. Je vous dirai qu'à cette fin la commission aura la crédibilité que lui reconnaîtront les parties et les partenaires. Lorsque vous parlez de mode de nomination, de compétence des commissaires, du président, des vice-présidents et des commissaires, je vous répondrai tout simplement que le gouvernement, non plus que la société, ne peut se permettre d'effectuer des nominations qui pourraient porter une

atteinte vers le bas à la crédibilité d'un tel organisme.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ces commentaires vont mettre fin à la discussion et à la présentation de la Centrale de l'enseignement du Québec. M. Johnston, madame, messieurs, merci de votre participation.

M. Johnston: Me permettez-vous un mot?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, allez-y!

M. Johnston: Je voudrais d'abord souligner qu'on a été heureux, malgré le travail que cela nous a imposé, de pouvoir se présenter ici et exposer clairement notre point de vue sur cette question. Je voudrais aussi signaler qu'on a probablement avantage, avant qu'une étape supplémentaire soit accomplie au plan de l'adoption de ce projet de loi, à ce qu'il y ait des formes de consultation quelconques sur les modifications à apporter à ce projet de loi. Cela réapparaîtrait une démarche supplémentaire qui pourrait éventuellement donner un peu plus d'assurance au gouvernement quant à l'acceptabilité du projet de loi qui serait, le cas échéant, adopté par l'Assemblée nationale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais peut-être répliquer brièvement en vous indiquant que des gens qui ont comparu hier, à la suite de nos échanges, nous ont déjà contactés de nouveau dans le but de travailler à la bonification de certains articles. Je vous invite à le faire, ainsi que votre centrale, bien que je sache que cela va vous imposer un rythme de travail intensif pour une semaine et demie de plus.

M. Johnston: On y est habitué!

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, vous allez échanger des numéros de téléphone après. Alors, madame et messieurs, merci beaucoup et à la prochaine!

J'invite maintenant la Chambre de commerce du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 38)

Chambre de commerce du Québec

Le Président (M. Charbonneau): Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce du Québec. M. Létourneau, qui êtes un vieux routier du salon rouge et d'autres salles de commission de l'Hôtel du Parlement; comme vous le savez, vous avez un temps limité pour présenter votre mémoire et, avant de le faire, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Létourneau (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean-Paul Létourneau, je suis le vice-président exécutif de ta Chambre de commerce du Québec. Sont avec mot, ici, pour présenter ce mémoire aujourd'hui, Me Alain Bilodeau, vice-président aux ressources humaines de la compaqnie Steinberg Inc., président de notre comité de relations de travail et membre du conseil d'administration de la Chambre de commerce du Québec; à ma droite, M. Réjean Dufault, vice-président aux relations de travail de la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'ouest du Québec.

M. le Président, je veux tout d'abord remercier la commission de l'occasion qu'elle nous fournit de venir lui apporter les points de vue de la Chambre de commerce du Québec concernant le projet de loi 30. Me Alain Bilodeau sera notre porte-parole pour la présentation de ce mémoire et je lui cède immédiatement la parole. Merci, M. le Président.

M. Bilodeau (Alain): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. D'abord, je pense qu'il serait opportun de préciser que mon titre n'est pas vice-président aux ressources humaines de Steinberg Inc., mais plutôt vice-président en relations du travail; c'est une distinction qui va, peut-être, être utile tout à l'heure, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: J'aurai de très bonnes questions là-dessus.

M. Bilodeau: M. le Président, je voudrais commencer avec une note positive en indiquant que la chambre, a priori, ne s'oppose pas systématiquement à l'objectif que vise le projet de loi présenté par le gouvernement, à savoir la création d'une Commission des relations du travail.

Cependant, on a, comme vous vous en doutez, des réserves très sérieuses eu égard à un certain nombre d'éléments qui nous paraissent extrêmement importants, réserves sérieuses au point que, si le gouvernement n'y touchait pas du tout, on aurait une difficulté majeure ou même une impossibilité d'endosser même le principe, ce qui serait malheureux. Par ailleurs, on pense que les modifications proposées dans notre mémoire et dont vous n'avez pas eu le temps, je le conçois, de faire la lecture seraient constructives et de nature à atteindre, je pense, l'objectif que le gouvernement et les

gens de l'autre côté de la table, ceux de l'Opposition, le patronat et les syndicats peuvent atteindre, à savoir la création d'une commission et un certain changement. J'indique, pour ce qui est des objectifs de célérité, de rapidité et de délai, que, selon moi, c'est difficile de s'opposer à cela et, comme représentants d'un immense secteur du patronat au Québec, on est d'accord avec ces objectifs.

Cependant, la déjudiciarisation, un grand mot qu'on mentionne de temps à autre dans le contexte du présent projet de loi, n'a certainement pas la même signification pour tout le monde. C'est un grand mot qui, à mon avis, est mal compris. Cela ne doit pas être un objectif en soi et il ne faudrait pas croire nécessairement que la mise sur pied d'une commission aura pour effet de déjudiciariser au sens où les gens en général l'entendent. J'ai une dizaine de milliers d'employés syndiqués en Ontario, où on a une commission depuis des années. Il y en a en Colombie britannique, etc., et je peux dire, pour avoir pratiqué le droit comme le ministre pendant quelques années avant de faire autre chose, que le caractère de judiciarisation se compare beaucoup entre un "board" ou une commission et le système actuel du commissaire général ou du Tribunal du travail. Il faut faire attention au mot "déjudiciarisation". Cependant, les efforts de célérité, d'accélération du processus en général sont des efforts auxquels on souscrit.

On a examiné attentivement les objectifs que le ministre du travail poursuit, tels qu'il les a énoncés lors de son intervention en Chambre dans le cadre du débat sur l'adoption de principe du projet de loi 30, le 20 mai. On a examiné cela, d'une part, et on a évidemment examiné de façon détaillée le projet de loi lui-même et on doit vous dire que, selon nous, il devrait être modifié à plusieurs endroits. On a regroupé nos interventions ou les points qu'on veut faire valoir devant vous en quatre thèmes majeurs. C'est-à-dire, d'une part, le mandat de la commission, qu'on estime extrêmement large, et on vous indiquera où et pourquoi. D'autre part, la question de l'existence d'une série de pouvoirs discrétionnaires extrêmement vastes, exorbitants, à notre sens, ensuite l'ingérence de la commission dans nombre d'ententes privées et la révision des mécanismes d'accréditation. Tant et si bien que - on conclura de cette façon - on préférerait que le gouvernement prenne un peu de temps pour considérer ces aspects, car il y en a qui sont vraiment majeurs, quitte, si nécessaire, à reporter l'adoption de la loi à la session d'automne, plutôt que de l'adopter trop rapidement. À moins, évidemment, que le gouvernement ne déclare d'emblée son intention de donner suite à un certain nombre de préoccupations qu'on estime majeures.

Sur le premier point - et cela apparaît aux pages 4 et suivantes de notre mémoire -on parle de la question du mandat et d'une juridiction beaucoup trop vaste. Je vais commencer tout de suite avec l'article qui est probablement l'article clé, c'est l'article 112, qui confère trois mandats précis à la commission. Je vous indique tout de suite qu'on n'a pas de problème avec les deux premiers. Le mandat d'administrer l'exercice du droit d'association, on pense que c'est absolument normal; le mandat de favoriser le règlement ordonné des conflits de travail, on pense que c'est également normal et l'on endosse. Mais, avec le troisième, on a un problème sérieux: "favoriser le développement de saines relations du travail eu égard à l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et à la bonne gestion des ressources humaines". Là, évidemment, je pense qu'on conviendra que le pouvoir est extrêmement ambigu. On peut très bien expliquer l'existence des deux premiers, et on peut l'expliquer en regardant dans toutes les autres législations canadiennes où on a des commissions similaires. Elles ont toutes le pouvoir d'administrer le processus d'accréditation, d'administrer le processus des conflits de travail en général, mais, à ma connaissance, la faculté pour un homme de s'immiscer dans la question de la bonne gestion des ressources humaines, c'est une faculté qui est extrêmement ouverte et sujette à l'interprétation, qui est sujette à la discrétion, et on croit qu'il s'agit ici d'un empiétement définitif dans les pouvoirs et les droits de gérance que les entreprises doivent exercer.

Sur ce point, il m'apparaît que, pour des raisons qui sont peut-être diamétralement opposées, peut-être, les syndicats - enfin un bon nombre - sont également de l'avis que la référence à la bonne gestion des ressources humaines, à l'intérieur de l'article 112, constitue un point d'interrogation majeur; alors, je le soulève. Je vous rappelle que, comme il s'agit - en tout cas, je pense - de l'article qui confère à la commission son mandat ou sa juridiction, ce sera un article qui inévitablement, et là ne pensons pas à une semaine ou deux semaines, pensons à trois ans, cinq ans, dix ans... À chaque fois que les dispositions du Code du travail vont devoir être interprétées par la commission, elles vont toujours l'être en vertu des rèqles de droit qui disent que les dispositions s'interprètent les unes par les autres, etc., de façon à donner à l'ensemble leur sens; elles vont donc toujours l'être à la lumière de ce troisième pouvoir. On craint que cela dépasse de beaucoup les cadres qui sont normalement ceux d'une commission des relations du travail. C'est difficile actuellement de prévoir jusqu'à quel point cela peut aller. Je pense qu'on peut dire confortablement que cela pourrait aller fort loin, car

c'est laissé à la discrétion des individus.

Or, quelle est la conception que M. le commissaire Untel se fera, quant à lui, de la bonne gestion des ressources humaines? C'est un point d'interrogation. Malgré toute la bonne volonté du gouvernement et malgré toutes les tentatives que le gouvernement fera sans doute - et on lui demande de le faire - de nommer des gens qui vont être compétents, qui vont connaître leur affaire, on ne peut pas garantir évidemment qu'à long terme les gens, les humains étant ce qu'ils sont, on n'aura pas des interprétations fort divergentes, fort dangereuses et susceptibles de créer un climat de travail plus ambigu, finalement, qu'autre chose. Nous proposons que ces mots à l'article 112 disparaissent et qu'on confère à la commission les pouvoirs qui lui sont conférés partout ailleurs au Canada et actuellement au Québec, c'est-à-dire ceux d'administrer et de gérer le secteur comme tel des relations industrielles. À la page 5, on mentionne, pour terminer, sur la question de la gestion: "Ce mandat de favoriser le développement de saines relations de travail, eu égard notamment à la bonne gestion des ressources humaines, aussi vaste qu'imprécis, est un ajout qu'on ne retrouve pas dans les organismes similaires actuellement en fonction dans les autres provinces canadiennes. Il procède d'une philosophie interventionniste dont l'inefficacité a été largement démontrée au cours des 20 dernières années et qui étonne de la part d'un gouvernement qui, par ailleurs, affirme sa volonté de déréglementer." Je pense qu'on doit avouer qu'il y a là une possibilité d'intervention qui n'est pas nécessairement souhaitée; en tout cas, nous ne le souhaitons pas. C'était un des premiers thèmes quant à l'ampleur du mandat.

Un deuxième, c'est qu'il nous apparaît que le projet de loi, tel qu'il est actuellement, confère aux commissaires - et j'espère que cela sera au pluriel, cas par cas - des pouvoirs extrêmement larges, des pouvoirs de discrétion exorbitants. À la page 6 - et je voudrais citer au moins ce passage qui m'apparaît pertinent parce qu'il résume une série de commentaires que je vais faire par la suite - on dit: "Un jugement - mais c'est plutôt un procès - devant "juge" seul; qui n'est pas tenu d'entendre les parties avant de rendre une décision; qui, s'il les entend, décide du mode de preuve et des règles de procédure et de pratique appropriées; qui fonde, peut-être, son jugement sur des politiques générales qui par ailleurs ne le lient pas; qui n'est pas tenu de motiver sa décision par écrit; qui dispose de pouvoirs d'enquête, d'"injonction", de convocation quasi illimités; qui peut rendre des décisions provisoires ou, au contraire, refuser d'exercer ses pouvoirs malgré une contravention; qui peut ou non déposer sa décision au bureau du protonotaire de la Cour supérieure pour la rendre exécutoire; qui peut enfin réviser sa décision, toujours sans audition, mais dont la décision est sans appel; le tout dans le contexte du mandat très large dont nous avons parlé précédemment." C'est large, c'est exorbitant, c'est très discrétionnaire, c'est nouveau, c'est dangeureux, c'est inquiétant. C'est une série de qualificatifs que nous estimons appropriés dans le cas.

Sur le premier point à la page 7: Décision rendue par un seul commissaire. Sur cette question, j'ai examiné la constitution des tribunaux, des "board", ce qu'on appelle les "board" dans les provinces canadiennes, et, sauf erreur, M. le ministre, c'est -comme on dit en anglais - un "three-man-board", un "board" à trois qui qénéralement entend les litiges, les causes devant lui. Je peux mentionner l'AIberta, la Colombie britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario; j'ai vérifié également la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, et cela m'apparaît dans l'ensemble être toujours des "board" à trois.

Je croîs qu'il est important de prendre conscience de ceci, et spécialement dans notre société à nous, on est des Latins, on aime plaider, on aime argumenter, faire valoir notre point de vue. On aime faire cela, on n'aime pas se faire enlever ce droit. On aime aussi savoir, quand on perd, pourquoi on perd, et, quand on gagne, pourquoi on gagne. On est fait comme cela. Cela ne m'apparaît pas exagéré de demander que cela au moins continue d'exister comme garantie minimale, parce qu'on l'a actuellement. C'est très très important sur le plan psychologique à notre avis pour un justiciable, n'importe qui, que ce soit un salarié, un gestionnaire d'entreprise ou un syndicaliste, c'est important pour lui d'avoir non seulement la perception qu'il peut être entendu par quelqu'un, mais d'avoir la perception que, si la personne qui l'entend se trompe manifestement, il va avoir une chance de se reprendre devant quelqu'un d'autre. On a actuellement un droit d'appel et on n'est pas venu ici - et je commençais sur cette note positive, parce qu'il y a du positif - pour dire à la commission: On ne veut rien savoir du projet de loi 30. On ne veut rien savoir de la création d'une commission. On ne veut rien savoir du rejet du droit d'appel ou de l'existence d'un "cease and desist". On vous dit: Oui, on est prêt à regarder cela. On est prêt à regarder le principe de la création d'une commission spécialisée en matière de relations industrielles. On est même prêt à regarder la possibilité... Et c'est un effort considérable, car je vous dis que, sur le plan psychologique, c'est un confort particulier qu'on a et qu'on estime extrêmement important que ce droit d'appel. On l'a dans le moment. On est prêt à regarder peut-être

de changer les institutions, mais, de là à tomber devant un seul individu, on pense que cela est extrêmement dangeureux.

Quand il y a trois personnes dans un "board", à tout le moins vous avez la satisfaction psychologique que la chance qu'un individu parte sur une tangente totalement opposée à ce que l'ensemble de la commission a décidé pendant des années est beaucoup plus mince. Dieu sait que devant... Les hommes sont humains, il y a des tendances et un individu seul est beaucoup plus susceptible de dire, à un moment donné: Moi, c'est bien de valeur, comme homme, je ne crois pas à cette tendance que la commission a prise durant les deux ou trois dernières années et je décide à l'encontre, et puis il n'y a pas d'appel. Actuellement, on a une protection contre cela. On se dit: A tout le moins, considérez - on vous le demande sérieusement - de nous donner la chance d'avoir des individus qui sont assis à côté du président du tribunal et qui seraient en mesure, s'il s'agit de décider sur un point qui est tranché, qui a fait déjà l'objet de plusieurs décisions de la part de la commission, de l'empêcher finalement de s'écarter purement et simplement, pour enlever la continuité dont on a besoin d'avoir en matière de relations du travail.

On dit: Un des critères de qualité, finalement, d'un tribunal ou d'une commission, c'est celui de la perception publique des gens qu'on va avoir justice. Cette perception est beaucoup plus difficile quand il y a juste une personne et quand on sait qu'il n'y a aucun droit d'appel. Alors, si on devait considérer l'abolition d'un appel, c'est bien évident que nous serions en profond désaccord avec un commissaire qui siégerait seul. On serait peut-être plus ouvert à la possibilité de regarder un "board" à trois. Ou encore, comme alternative - et on va le voir un petit peu plus loin dans le présent mémoire - s'il devait y avoir un commissaire qui siège seul, qu'il y ait une possibilité d'appel devant trois commissaires, sur des questions de droit. Évidemment, cela devrait faire, je le conçois, l'objet d'une étude de coûts, c'est-à-dire ce que cela représente, car il y a un coût additionnel pour faire siéger trois personnes dans chacun des cas, c'est bien évident. Il y aurait peut-être un coût moindre en faisant siéger une personne et, ensuite, donner la possibilité d'en appeler sur des questions de droit devant trois commissaires. Mais il faut, pour satisfaire les justiciables, qu'il y ait plus d'un individu qui va se pencher sur leur cas, qui va les écouter et qui va décider de quelque chose qui est évidemment important pour les justiciables.

À la page 8, sur la question de l'abrogation de l'obligation de tenir une audition, je pense que c'est inutile de dire que nous sommes en très profond en désaccord avec cela. L'article 6 du projet du loi abroge purement et simplement l'article 20, qui impose actuellement l'obligation d'entendre les parties. On trouve que cela est fondamental, non seulement en matière d'accréditation, mais également en d'autres matières. L'obligation d'entendre les parties apparaît actuellement au code à trois endroits, à ce que je sache, soit les articles 20, 32 et 50. On élimine, à chaque endroit, cette obligation. C'est bien évident que la chambre, sur cette question, ne peut faire autrement que de vous demander de porter une attention toute particulière à cette question qui, finalement, est une question de justice naturelle. On pourra argumenter que ce n'est pas nécessaire de mettre, dans un texte de loi, le principe audi alteram partem. Je vous dis qu'il est dans la loi actuellement. Pourquoi ne pas le laisser là? C'est clair. Le commissaire a l'obliqation d'entendre les parties. C'est une obligation qui constitue un minimum dans notre société démocratique, où on peut exercer nos droits, où on veut avoir l'impression qu'on les exerce correctement et qu'on est entendu. Alors, dès qu'un organisme exerce des pouvoirs de nature quasi judiciaire et est susceptible d'affecter les droits d'un tiers par ses décisions, je pense que cela va de soi qu'il faut que cet organisme soit tenu à la règle audi alteram partem. Ce principe est tellement bien ancré dans notre droit qu'on doit le laisser à l'intérieur de la loi. Si on parle d'enlever aux justiciables leur droit d'appel, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on en a un dans le moment et qu'on parle de l'enlever, à tout le moins, qu'on nous laisse le droit d'être entendu. Cela semble un minimum.

Sur les questions de choix de mode de preuve et droit d'édicter des règles de procédure et de pratique, encore là, il y a beaucoup de latitude laissée, suivant le projet de loi 30, à la commission. Cependant, le pire, c'est la question de l'intervention possible de sa propre initiative, À l'article 137.4 du code. Je pense qu'il s'agit encore d'une dose d'interventionnisme d'un organisme public qu'on a un peu de mat à concilier, encore une fois, avec la tendance du gouvernement de prôner une certaine déréglementation, une absence d'intervention à outrance de l'État ou des organismes publics dans la gestion des relations entre individus et entre groupes. Selon moi, il y a assez des cas où les parties se poursuivent l'une l'autre; au moins, lorsque les parties jugent bon de ne pas intervenir ou de ne pas amener une question donnée devant un tribunal, on ne devrait pas autoriser un commissaire, à sa discrétion, à intervenir lui-même de son propre chef. Nous sommes profondément en désaccord avec ce pouvoir d'intervention de sa propre initiative.

Un problème important qu'on veut

soulever à la page 10 du mémoire, c'est celui de l'énoncé de politiques générales. L'article 137.3 nous parle de la possibilité pour la commission d'énoncer des politiques générales. Je vous cite ici le ministre du Travail: "La disposition permettra de réduire l'incertitude des justiciables qui sauront à quoi s'attendre - je cite - et ne seront pas portés à faire appel à la commission dans les cas où les lignes directrices ou les politiques ont déjà été énoncées." C'est à la page 12 de la déclaration. (17 heures)

M. le ministre, sauf respect, ce double objectif, celui de réduire l'incertitude et aussi celui portant sur le nombre de recours à ta commission, n'est pas atteint par l'article 137.3 parce que, du même souffle, l'article indique que la commission n'est pas liée par ses propres politiques quand elle exerce ses pouvoirs juridictionnels. Je comprends cela. Cependant, constatez la difficulté que cela comporte, à ce moment-ci, pour un conseiller, pour un gestionnaire d'entreprise ou pour un avocat vis-à-vis d'une personne qui lui demande de l'aide ou un conseil: Bon, qu'est-ce que je vais faire? Et là, on lui dit: Écoutez, la loi dit cela, sur ce point X et la jurisprudence interprète la loi de deux façons. Il y a deux écoles et, souvent, il y en a trois. Il y en a une qui est plus créative que les deux autres, etc. Vous avez ensuite les politiques de la commission. Cependant, je dois vous dire que la commission n'est pas liée par ses politiques. Et là, vous me devez 100 $ pour vous avoir dit cela, pour vous avoir éclairé comme cela! C'est mêlant. C'est compliqué. C'est un degré de plus d'ambiguïté, à notre avis. À quoi cela sert-il d'énoncer des politiques? D'abord, est-ce que les politiques vont interpréter la loi? Cela serait probablement des interprétations ou une ligne de pensée ou une forme d'application suggérée de certaines dispositions nouvelles. On ne sait pas trop ce que cela serait. Mais cela ne lie pas.

Enfin, c'est un domaine de droit nouveau où on est un peu confus et on a l'impression que c'est de nature à ajouter encore plus d'ambiguïté à la loi actuelle. Alors, comme je l'indique à la page 11: "Nous croyons qu'un encadrement des rapports collectifs réduisant les pouvoirs discrétionnaires et la nomination de commissaires choisis pour leur compétence et leur impartialité reconnues seraient des mesures beaucoup plus efficaces qui auraient l'avantage d'assurer la stabilité du droit en s'appuyant sur la jurisprudence et non sur des politiques dictées par un organisme administratif."

Il y a une série de défauts au régime actuel que l'on connaît. En fait, dans tous les régimes qui sont basés sur la jurisprudence et les décisions judiciaires, c'est bien sûr qu'on a toujours la possibilité d'avoir des interprétations contradictoires, etc., mais cela présente l'avantage, dans une balance, à long terme et dans la majorité des cas, de donner une continuité, de nous donner des outils de travail et des éléments qui peuvent permettre aux gens de dire: Cela, on peut le faire. Cela, on ne peut pas le faire. Et y ajouter des énoncés de politiques, je pense que c'est quelque chose de très risqué et qui risque de contribuer à l'ambiguïté à notre avis.

Un autre point qui nous a beaucoup surpris a été la question de la possibilité, pour la commission, de rendre des décisions qui ne seraient pas motivées. On comprend que l'article 51 actuel serait abroqé, c'est celui qui oblige le commissaire du travail à rendre ses décisions par écrit et à les motiver. Encore une fois, je pense qu'on comprendra le "feeling" normal de toute personne, de tout gestionnaire, qu'il soit syndicaliste ou qu'il administre une entreprise, de vouloir savoir pourquoi il a gain de cause ou bien pourquoi il n'a pas gagné sa cause. C'est normal et c'est utile. Contrairement à certaines prétentions qui peuvent être faites, cela n'aurait pas pour effet, à mon avis, de multiplier les brefs d'évocation. Au contraire, cela aura pour effet de les limiter. J'ai l'impression que les décisions orales et non motivées seraient plus sujettes à être contestées devant les tribunaux. C'est mon interprétation personnelle. On vous demanderait également de regarder ce point-là.

Il y a un point qui n'est pas indiqué dans le mémoire, mais qui m'a fortement intrigué, c'est l'article 134, paragraphe 2, qui conférerait le pouvoir à une éventuelle Commission des relations du travail d'ordonner à une partie de faire connaître publiquement son intention de respecter la décision. Je vous concède que cela existe au fédéral, à ma connaissance, et M. Lapointe s'en est servi à quelques reprises, on a adoré cela - également au Manitoba; j'ai vu certaines décisions du "board" là-bas.

Je me demande si c'est nécessaire. C'est le genre d'article qui comporte un peu de ce qu'on appelle de l'humiliation, la nécessité de montrer quelqu'un du doigt. Vous, vous êtes un mauvais employeur. Vous êtes un mauvais syndicat. Vous êtes une mauvaise entreprise. Vous vous êtes mal comporté. Vous allez perdre votre cause, mais, non seulement vous allez perdre votre cause, vous allez écrire à tous vos employés, vous allez afficher cela dans vos édifices et vous allez dire: Je suis un mauvais employeur, je m'excuse de ne pas avoir respecté la loi et je vais la respecter à l'avenir. J'ai vu plusieurs cas comme celui-là. Je pense que cela n'est pas nécessaire. Je pense qu'on est peut-être rendu à un degré de maturité un peu plus élevé que

dans les années où on a inscrit dans quelques lois canadiennes, je le concède encore, ce pouvoir, mais j'apprécierais que le gouvernement puisse regarder la possibilité de réviser cela.

Sur les pouvoirs d'enquêter, de convoquer, d'ordonner, il y a, à notre avis, de petits irritants, quelques-uns sur lesquels on s'est posé quelques questions. Il y a, entre autres, la possibilité pour la commission, un commissaire ou un représentant de se procurer, chez l'employeur, toute information qui pourrait être utile. Je porte à votre attention que le mot "utile" est un mot extrêmement...

Une voix: Nécessaire.

M. Bilodeau: Oui, "nécessaire" serait déjà mieux, utile... J'ai essayé de penser à des informations qui ne seraient pas utiles ou qui seraient inutiles et j'ai de la misère. Aussi, un autre problème: Pourquoi le commissaire irait-il puiser les informations utiles ou nécessaires - et j'apprécie le mot "nécessaire" un peu plus - uniquement chez l'employeur? Parce que le bill 30 a l'air de suggérer que, chez les syndicats, on ne peut pas se procurer d'informations utiles ou nécessaires. Peut-être qu'on pourrait? D'accord.

Il y a également certaines considérations qui doivent être soulevées concernant le pouvoir de la commission, à l'article 137.2, de convoquer des réunions, on les qualifie de réunions forcées dans le moment, parce qu'on ne sait pas exactement quelle est l'intention en dessous de tout cela. On se pose des questions, on craint qu'elle ne prenne un caractère peut-être un peu plus "binding" qu'elle ne devrait prendre. Encore là, il y a une réserve qui est exprimée de la part de nos membres sur cette question et l'on voulait vous la communiquer.

À la page 14, vous remarquerez d'abord, sur la question du pouvoir de "cease and desist", sous réserve des commentaires qu'on a faits concernant le vaste mandat de la commission incluant la possibilité de s'ingérer dans la gestion des ressources humaines, qu'on n'a pas de position systématique à la question de "cease and desist". Sauf, par ailleurs, sur un article auquel je reviendrais tantôt, c'est-à-dire quand le commissaire a constaté une violation flagrante de la loi. Je reviendrai sur cela.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Bilodeau, le "tantôt", il faudrait qu'il s'accélère parce que, normalement, il vous reste encore à peu près deux minutes pour la présentation de votre mémoire.

M. Bilodeau: Alors, j'accélère.

Le Président (M. Charbonneau): Compte tenu de ce qu'il vous reste à compléter, pouvez-vous m'indiquer si vous pouvez synthétiser, quitte à ce que les membres de la commission...

M. Bilodeau: Si vous permettez, disons sept, huit minutes.

Le Président (M. Charbonneau): Adopté.

M. Bilodeau: Merci bien. Je vais donc passer aux points principaux. À la page 15, le refus d'exercer ses pouvoirs malgré une contravention à la loi. Nous disons: ou bien il y a une loi qui permet le "cease and desist" ou bien il n'y en a pas. S'il y a une loi et que l'on constate, effectivement, qu'il y a une violation à cette loi et que le tribunal l'exerce, on ne peut pas laisser la discrétion à un homme de juger, suivant le comportement des parties, s'il va accorder la requête ou non. Cela devient de l'arbitraire pur et simple et on ne peut que s'opposer à cette procédure.

Une mention sur le droit d'appel à la page 16. Je l'ai indiqué tout à l'heure, dans le cas où un "board" à trois ne serait pas retenu, une solution alternative serait peut-être de procéder devant une personne, quitte, par ailleurs, à avoir un appel sur les questions de droit devant un "board" à trois.

À la page 17, c'est le troisième thème, le premier étant l'intervention dans les ressources humaines, le deuxième étant la question des pouvoirs exorbitants; ici, c'est l'intrusion dans les ententes privées. Nous croyons que les ententes privées entre les syndicats et les employeurs doivent continuer d'être privilégiées. Nous croyons qu'on peut se tromper à l'occasion, mais il est préférable dans une balance, encore une fois, de laisser la possibilité aux parties de se tromper quant à leurs ententes 0,5 % du temps, plutôt que de permettre à un tribunal, comme règle, d'intervenir dans des ententes entre les parties où généralement les parties, 98 % du temps, le font conformément à leurs domaines respectifs qu'elles connaissent bien. On favorise évidemment, pour tous les articles concernés à la page 17, les ententes privées entre les parties.

Enfin, sur la question de l'accréditation, qui est le quatrième thème. On se pose carrément ta question: Le législateur a-t-il voulu, habilement, par des modifications à la loi et, en particulier, l'élimination de l'article 28, permettre l'introduction ou le dépôt des requêtes d'accréditation en dessous de 35 %? On espère que non. Je comprends mal le projet de loi. Je pense que l'ayant mal compris j'aurais plus tendance à l'interpréter comme donnant cette possibilité, dans lequel cas la chambre s'oppose, évidemment. À la page 19, il est important

de vous citer, encore une fois, si vous me permettez, M. le ministre, vous disiez: "Des efforts doivent maintenant être consacrés en vue d'aligner les fondements du système d'administration du régime d'accréditation sur les réalités économiques des années 87 et sur les nouvelles tendances qui caractérisent aujourd'hui les relations du travail au Québec." Je le soumets respectueusement, si on doit s'accoler un peu aux réalités économiques et sociales d'aujourd'hui, compte tenu du fait que nos gens ont évolué, sont plus éduqués, etc., il y a un consensus social, une attitude qui est beaucoup plus positive par rapport à celle qu'on avait il y a 20 ans.

Les réalités socio-économiques qu'on devrait favoriser - on l'a déjà dit devant la commission Beaudry - seraient de trois ordres: d'abord, un changement à l'article 45 pour toucher à la sous-traitance; deuxièmement, un assouplissement de la loi antibriseurs non pas pour l'éliminer, on ne veut pas charrier, mais pour la rendre semblable à nos voisins de l'Ontario, les "professional strike-breakers", et, troisièmement, une démocratisation des règles d'accréditation: c'est-à-dire un dépôt à 50 %, la possibilité pour les gens de voter s'ils sont membres de l'unité d'accréditation - on est les seuls au Canada où ils ne peuvent pas voter s'ils ne sont pas membres du syndicat, il faut qu'ils soient membres du syndicat; or, ce ne sont pas tous les membres de l'unité qui le sont - et la question de la possibilité de demander un vote supervisé dans certains cas, lorsque le syndicat ne veut pas aller à ses membres.

J'ai abrégé, compte tenu du délai. Je conclus, encore une fois, que vous aurez notre appui dans la mesure où ces revendications, que l'on considère normales, dans les circonstances que l'on connaît actuellement au Québec, seront retenues par le gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Bilodeau. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais remercier la Chambre de commerce du Québec et vous dire que j'attache beaucoup d'importance à votre mémoire. Vous mentionnez au début que vous regroupez "210 chambres locales, lesquelles comptent plus de 60 000 membres au Québec. De plus, la Chambre de commerce du Québec compte elle-même plus de 5600 entreprises" et, à moins de faire erreur, je vous dirai que c'est dans le secteur des petites et moyennes entreprises que vous regroupez le plus de membres. Oui, M. Létourneau.

M. Létourneau: Nous regroupons certainement au moins 95 % de toutes les grandes entreprises privées; comme elles sont très peu nombreuses - on en a compté 250 ou 300 au Québec et c'est à peu près tout -alors on a environ 95 % de l'ensemble des moyennes et grandes entreprises privées. Évidemment, puisque nous en avons maintenant presque 5600, le reste, ce sont des petites et moyennes entreprises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je vous remercie. Vous êtes actifs dans le comté chez nous et, si tous les députés intervenaient, ils vous diraient que vous êtes actifs dans leur comté également.

Je vais reprendre un texte que vous avez lu, parce qu'il m'a frappé, à la page 6: "Ce que le projet de loi 30 propose: un jugement devant "juge" seul; qui n'est pas tenu d'entendre les parties avant de rendre une décision; qui, s'il les entend, décide du mode de preuve et des règles de procédure et de pratique appropriées; qui fonde, peut-être, son jugement sur des politiques générales qui par ailleurs ne le lient pas; qui n'est pas tenu de motiver sa décision par écrit; qui dispose de pouvoirs d'enquête, d'"injonction", de convocations quasi illimités; qui peut rendre des décisions provisoires ou, au contraire, refuser d'exercer ses pouvoirs malgré une contravention; qui peut ou non déposer sa décision au bureau du protonotaire de la Cour supérieure pour la rendre exécutoire; qui peut enfin réviser sa décision, toujours sans audition, mais dont la décision est sans appel; le tout dans le contexte du mandat très large dont nous avons parlé précédemment."

Je vous dirai tout simplement que, si vous aviez raison et si on ne reprenait pas chacun des éléments, j'aurais de la difficulté à saisir le refus d'embarquer de certaines centrales syndicales ou le "oui mais" de certaines autres.

De façon à reprendre les éléments, vous me permettez d'aller à la page 20, dans vos conclusions, et de tenter de regarder ensemble très attentivement le deuxième paragraphe. Vous dites: "Le projet ne rencontre pas les objectifs poursuivis: la simplification proposée repose principalement sur une marge discrétionnaire inacceptable." Je vous soumettrai humblement que la simplification proposée sur le plan de la structure fait en sorte qu'un système à trois paliers, que nous connaissons présentement, va devenir, si le projet de loi est adopté, un système à un palier et qu'à notre avis il s'agit... En tout cas, je ne sais pas s'il s'agit d'une simplification, mais on peut au moins parler, sur le plan arithmétique, d'une réduction. (17 h 15) "Les ententes de gré à gré ne sont pas privilégiées dans les faits, on observe plutôt une ingérence virtuelle ou réelle dans les ententes négociées de bonne foi." Lorsqu'on introduit des notions, comme on l'a fait, de

conciliation et de médiation, lorsqu'on réserve l'adjudication comme tout dernier recours, j'ai de la difficulté à avaler le vocabulaire que vous utilisez.

Lorsque vous parlez d"'une ingérence virtuelle ou réelle dans les ententes négociées de bonne foi", le texte actuel du projet de loi - c'est bon de retourner au texte quelquefois; je pense que c'est à l'article 16 - parle d'intervention, lorsqu'il y a entente gré à gré, lorsque la commission est d'avis que "l'unité est manifestement inappropriée". Mais remarquez qu'à ce titre nous avons reçu des représentations de plusieurs groupes qui nous invitent à le retirer, alors que certains intervenants, minoritaires, nous invitent à le conserver, et que nous sommes en réflexion. Mais élargir la portée de cet article comme vous le faites relève d'une imagination fertile. "L'abolition du ticket modérateur lors de l'accréditation risque de provoquer des engorgements et des imbroglios aussi, sinon plus, irritants que ceux de l'actuel système." C'est toute la question de la conjugaison de l'article 37 du code qui demeure, j'imagine -je ne veux pas errer - de l'article 28 qui est aboli et du 35 %-50 %? C'est ça.

Les avis que nous avons fouillés, les personnes que nous avons interrogées sont toutes d'avis qu'il n'y a pas de modification substantielle à la situation actuelle. La quasi-totalité est d'avis qu'il n'y a aucune modification à la situation actuelle, situation qui est la suivante: pour ordonner un vote, il faut entre 35 % et 50 %, sauf en cas de pratique déloyale, et la jurisprudence le reconnaît. En bas de 35 %, il y a eu quelques cas exceptionnels où quelques votes ont été ordonnés. On ne fait que prendre cette situation qui existe dans le code actuel et la répéter dans le nouveau code. Là-dessus, je suis conscient qu'il faut être prudent et c'est d'autant plus facile d'être prudent que toutes les centrales syndicales qui sont venues témoigner nous ont dit: Le plancher de 35 %, c'est un plancher qui nous apparaît raisonnable. On ne vous demande pas d'aller plus loin que ce que le code comportait précédemment.

Donc, si vous avez des garanties additionnelles que vous désirez obtenir sur le plan du libellé, compte tenu de l'assentiment de la partie syndicale, nous sommes prêts à les offrir. Mais nous vous disons: Si on ne change rien, au fond, si la situation qui prévaut actuellement est la même que nous reconduisons, encore là, n'est-ce pas exagéré de parler de l'abolition du ticket modérateur? "Le projet n'offre pas de garanties suffisantes et de respect du droit des parties; les modifications apportées au régime d'accréditation n'intègrent pas les nouvelles réalités économiques." On peut en discuter longtemps. Nous avons insisté sur une approche qui tient compte plus de la petite et moyenne entreprise. Nous sommes conscients que les grandes entreprises, au Québec, la grande majorité, sont déjà syndiquées - je dis bien la grande majorité -et que le champ de développement en matière d'accréditation, et les statistiques du ministère nous le révèlent, s'en va vers la moyenne entreprise et la petite entreprise, comme telles. Donc, nous avions le souci des petites et moyennes entreprises et la simplification des niveaux, l'unification de l'intervenant, à notre avis, facilite la compréhension du système par un dirigeant de PME. "Le mandat qui est confié à la commission outrepasse largement ce qu'on est en droit de s'attendre d'un tel organisme." On s'est fait adresser par chaque intervenant syndical le reproche qu'on n'incluait pas tous les pouvoirs, entre autres, en matière de piquetage, entre autres, en matière de dispositions antibriseurs de grève, entre autres, en matière d'arbitrage de la première convention collective. On s'est fait reprocher de ne rien modifier à ce qui existait autrefois, de simplement prendre les pouvoirs qui sont dans des structures, de les simplifier et les unifier. Je tente de concilier vos propos avec ceux que j'ai entendus, depuis deux jours, d'une autre partie. "Enfin, le projet de loi s'écarte beaucoup trop de ce qui se fait dans les autres provinces pour prétendre à l'harmonisation et à la compétitivité." Je ne prétendrais pas que c'est l'harmonisation parfaite, mais on rêverait d'être capable de prétendre que, sur le plan de la structure et de l'encadrement, l'investisseur qui vient au Québec ne se retrouvera pas dans une structure complètement étrangère de ce qu'il connaît ailleurs, en Ontario ou dans les autres provinces canadiennes, ou, même, au plan fédéral. Le cadre lui serait plus familier, mais il y a des particularités. Notre économie est basée davantaqe sur la petite et moyenne entreprise que celle de l'Ontario. Et il faut tenir compte de ces petites particularités dans l'harmonisation. C'est un paragraphe - et c'est pourquoi je l'ai repris -qui est lourd dans ses accusations et je veux vous laisser l'occasion de maintenir ces accusations à la suite des échanges que nous avons eus ou de nous indiquer quelles seraient les modifications très spécifiques que nous pourrions faire, s'il vous reste des doutes, de façon à soulager votre esprit.

M. Bilodeau: M. le ministre, d'abord, je vous indique que la conciliation des propros tenus par le patronat et par les grands syndicats est généralement assez difficile à faire, parce qu'il y a lieu de s'attendre que les syndicats disent: Écoutez, vous avez une commission et elle n'a pas assez de

pouvoir. Il y a lieu de s'attendre également que le patronat vous suggère: Vous avez un changement de structure qui affecte nos institutions mêmes, et vous leur donnez trop de pouvoir. Ce qu'on vous dit ici, sur le premier point, je vous indique, M. le ministre, que ce n'est pas sur le nombre de paliers qu'on en a. Il n'y a pas d'accusation à ce sujet. D'ailleurs, il n'y a d'accusation nulle part dans le mémoire, il y a simplement des commentaires sur un projet de loi qui est au stade, actuellement, de l'étude par les représentations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est pour animer la discussion.

M. Bîlodeau: C'est cela. On anime la discussion et je dis: II ne s'agit pas du nombre de paliers. On est prêt à vous suivre pour le nombre de paliers. Ce qu'on vous dit concerne la grande marge discrétionnaire qui est laissée. On vous demande de considérer très sérieusement qu'il est plus opportun de laisser les relations du travail, à l'intérieur des entreprises, se faire entre les syndicats et les employeurs, qui sont de plus en plus "matures" au Québec, en passant. On vous dit: Mettez donc l'accent là-dessus plutôt que de dire: On va laisser cela à la discrétion d'un homme qui est un commissaire. On aime mieux se fier à notre jugement et au jugement de nos adversaires syndicaux quand c'est le temps de discuter et de régler nos problèmes. C'est ce qu'on dit, c'est sur la marge qu'on en a.

Deuxièmement, pour la question de l'ingérence virtuelle, on vous suggère encore une fois que les ententes qui peuvent... J'ai 28 000 employés syndiqués au Canada, 70 conventions collectives, et, régulièrement, je dois m'entendre avec mes collègues syndicaux pour définir ce que sera une unité de négociation à tel endroit et à tel autre endroit. On le fait constamment. Il y a des cas, peut-être, où un individu, dans son bon jugement, pourrait dire: Moi, je trouve que ce n'est pas raisonnable. Mais, nous, nous trouvons que c'est raisonnable. M. le ministre, je vous supplie de nous laisser le droit de trouver que c'est raisonnable. Si jamais il y a quelqu'un qui se sent brimé, il y a d'autres procédures dans la loi. Il y a des articles, comme l'article 39 sur la définition d'un statut de membre ou de non-membre de l'unité de négociation, etc. Je dis: Capitalisons sur les parties, comme possibilité de s'entendre, parce qu'on connaît notre métier, on connaît nos domaines respectifs.

Sur la question du 35 %, j'indique qu'il est probablement fort vrai, et c'est reconnu par les syndicats, que le 35 % est un plancher acceptable. D'ailleurs, je vous indique que c'est le plus bas en Amérique. J'ai "checké" chacune des juridictions canadiennes et certaines juridictions américaines et la possibilité de déposer une requête à 35 % est déjà ce qu'il y a de plus ouvert pour un syndicat, en Amérique. Comme c'est le cas, nous pensons qu'il serait peut-être prudent, si l'intention est de laisser cela ainsi, simplement de te préciser. Pourquoi? Je vais vous dire ceci, il est bien évident que M. Laberge, M. Larose ou leurs représentants ne déposeront pas des applications en accréditation avec 15 % et 20 %. C'est une perte de temps et d'argent. Cependant, vous avez évidemment la possibilité d'un dépôt à 30 %, d'un dépôt à 35 %, c'est déjà quand même assez substantiel. Ce que cela fait, c'est que cela crée tout un climat dans une entreprise - et là je vous parle d'une PME, je ne vous parle pas de la grande entreprise déjà organisée comme vous l'avez mentionné. On représente des milliers de PME. Vous vous trouvez dans une situation où le processus de l'accréditation est enclenché et vous congédiez quelqu'un pour quelque motif que ce soit: il y a une présomption contre vous. Vous vous ramassez à la cour, devant les tribunaux, vous faites tout cela, alors qu'il n'y a pas même l'existence d'un syndicat majoritaire, alors je dis: C'est déjà fait à 35%, on ne vous demande pas de l'abroger, on souhaiterait que ce soit à 50 % comme ailleurs, mais on ne vous demande pas de l'abroger. On vous dit: Considérez donc sérieusement la possibilité, à tout le moins, de laisser ce plancher-là dans la loi, c'est ce qu'on dit.

Et, enfin, je termine là-dessus, on s'entend qu'il n'y a pas d'accusations, il y a des revendications, mais nos revendications consistent à vous dire ceci: Actuellement, M. le ministre, on a le droit de se présenter devant le tribunal quasi judiciaire et de dire au tribunal ce qu'on pense: Voici notre version des faits et voici pourquoi on pense qu'on a raison. On a le droit de faire cela, ce n'est pas exagéré, on veut seulement continuer à avoir ce droit. On a le droit d'avoir une décision, du même tribunal, écrite et motivée. On vous dit: Laissez-nous la donc, on a un droit d'appel, on est prêt à regarder la possibilité de le mettre de côté parce qu'on comprend votre objectif de changer les structures, sous réserve, évidemment, d'avoir trois personnes ou un appel devant trois commissaires, mais on vous dit: Ne nous enlevez pas notre droit d'être entendus, à tout le moins. Si on regarde cela, cela ne m'apparaît pas déraisonnable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question de motiver les décisions, les représentations des intervenants sont quasi unanimes...

M. Bilodeau; Oui, sur audi alteram

partem, elles doivent l'être également.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur audi alteram partem, il y a des gens qui se plaignent que ce ne soit pas écrit dans la loi, etc. Il y en a d'autres qui nous font des représentations et j'avais le texte de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec qui nous dit: Aucun article ne dispense la commission du respect de la règle audi alteram partem et, lorsqu'une décision est rendue, s'il fallait que cette règle de justice naturelle ne soit pas respectée, elle donnerait immédiatement ouverture à évocation.

Voulez-vous qu'on aille plus loin, qu'on l'inscrive comme cela?

M. Bilodeau: Sincèrement, j'aimerais cela parce que, lorsque c'est inscrit, ce n'est pas forçant, le commissaire convoque les parties à une audition et c'est fini. Vous venez d'éviter des centaines de requêtes en évocation et qui vont se produire à l'avenir. Il va y avoir des perdants et il va y avoir des gagnants. Il va y avoir beaucoup de perdants sur le plan financier, il va y avoir des avocats qui vont faire de l'argent, mais ce n'est pas cela qu'on veut.

Vous recherchez des relations du travail saines, des relations du travail décentes, tout ce qu'on dit: Laissez donc aux deux parties, d'abord, la possibilité de s'entendre entre elles et, si elles sont capables et si elles sont assez "matures" pour le faire, laissez-les aller.

Deuxièmement, si elles ne s'entendent pas sur certains points, donnez-leur la possibilité d'aller devant un organisme - on vous suit pour l'organisme - mais dites-nous qu'il va y avoir trois personnes et dites-nous que l'organisme va avoir le devoir de nous entendre et qu'il va nous rendre une décision: c'est respecter les gens. Nous, on va respecter les décisions et il y aura moins d'évocations à ce moment-là, il y aura plus de clarté, à notre avis, moins d'ambiguïté. C'est ce qu'on demande.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question du banc où un commissaire siégerait seul ou du banc à trois, au moment où nous nous parlons, lorsque vous avez à vous présenter devant le commissaire du travail, siège-il seul pour rendre sa décision?

M. Bilodeau: II siège seul et je vous indique, tout de suite, que, s'il était question que le gouvernement considère de laisser l'institution où il y aurait un individu qui siège seul avec un appel à un tribunal, on vous suit à 100%.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, lorsque vous allez devant le Tribunal du travail, il siège seul.

M. Bilodeau: II siège seul, mais, d'abord, c'est un juge et il siège en appel de la décision du premier commissaire. On ne gagne pas toujours, mais on a l'impression... C'est très important, les justiciables ici, et, pour les Latins, c'est particulièrement vrai, on veut avoir l'impression que notre cause a été bien entendue et que, si l'individu se trompe manifestement, on a la chance de l'exprimer devant une autre personne.

Je comprends que si on a un "board" -il n'y a pas d'appel en Ontario et il n'y en a nulle part ailleurs...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne voulez quand même pas me dire - je veux qu'on soit clair là-dessus - qu'en cas de violation des règles de justice naturelle, même si vous vous retrouviez devant un commissaire seul, vous n'avez pas la possibilité d'évoquer en Cour supérieure.

M. Bilodeau: Ah! non, si on parle d'audi alteram partem, c'est une autre chose, c'est sûr. Que le commissaire soit seul...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne s'agit pas simplement d'audi alteram partem, là, mais de l'ensemble des règles de justice naturelle établies par la jurisprudence.

M. Bilodeau: Les règles de justice naturelle, il y en a deux: audi alteram partem, et nemo ejusdem in sua causa.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...in sua causa. (17 h 30)

M. Bilodeau: Pour la première, audi alteram partem, je vous concède qu'un homme soit seul ou qu'il y ait un tribunal à trois, la règle est respectée du simple fait d'avoir convoqué les parties. Donc, qu'il soit un ou trois, cela ne change rien. Vous avez raison. On ne parle pas de l'autre règle, ce n'est pas mis en cause ici. Alors, sur la question du respect de la règle, qu'il y ait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela fait longtemps que je n'ai pas pratiqué, mais les ouvertures au Code de procédure civile pour évocation sont plus nombreuses que ces deux règles. De mémoire. Je peux aller chercher mon code de procédure.

M. Bilodeau: Ah oui! Là, on embarque dans la question des excès de juridiction. C'est quand il y a un excès...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mémoire.

M. Bilodeau: ...de juridiction, c'est-à-dire quand le tribunal décide quelque chose qui l'amène à l'extérieur de sa juridiction, purement et simplement, ou encore lorsqu'il

viole une règle de justice naturelle comme celle qu'on vient de mentionner. L'audi alteram partem, c'est un automatique. Là, il y a non seulement un excès de juridiction, mais le tribunal, à toutes fins utiles, n'exerce pas sa juridiction devant les parties comme il devrait le faire. Il ne les convoque pas pour les entendre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais c'est un déni de justice.

M. Bilodeau: C'est un déni de justice.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment-là, il y a également une possibilité...

M. Bilodeau: En français, c'est un déni de justice de violer ces règles de justice naturelle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne veux pas qu'on se laisse avec l'impression que le justiciable est dépourvu de tout moyen devant un commissaire et est laissé à l'arbitraire. Il y a quand même le contrôle de...

M. Bilodeau: Ah non!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...nos institutions par les tribunaux de droit commun qui sont garanties dans la constitution canadienne. Je ne pense pas que les ententes du lac Meech aient changé quoi que ce soit.

M. Bilodeau: Non, vous avez bien raison sur cela. C'est sûr.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. C'est parce que cela circule ces jours-ci.

M. Bilodeau: Non. Vous avez raison sur ce point. Cependant, les raisons qui nous forcent ou qui nous amènent à demander qu'il y ait un "board" à trois personnes ne sont pas de cette nature. Elles sont de deux natures. Comme je vous le dis, il existe un confort psychologique indéniable pour n'importe quel justiciable de savoir que sa cause est entendue, surtout dans un domaine névralgique et délicat comme celui des relations du travail. Vous l'avez exprimé tout à l'heure. C'est important.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour les questions importantes, la possibilité demeure. Je vous indique qu'au moment où on se parle il n'y a pas une imposition, dans la loi, à un commissaire de siéger seul; la commission peut décider, dans une question qu'elle considère plus importante ou pour un motif qui lui appartient, de siéger à plusieurs membres. Cela va?

M. Bilodeau: Oui. On se comprend là-dessus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais votre demande stipule que, dans tous les cas, ce soit un minimum de trois.

M. Bilodeau: C'est, d'ailleurs, accepté dans l'ensemble des provinces canadiennes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais dans l'ensemble des provinces canadiennes, je vous ferai remarquer que la structure industrielle n'est pas nécessairement la même. Comme vous le savez, le gouvernement actuel est un gouvernement soucieux de justice, de droit et de liberté. C'est également un gouvernement soucieux du rapport coûts-bénéfices et notre structure industrielle formée d'une multitude de petites et moyennes entreprises fait en sorte que le volume des demandes n'est pas exactement le même, non plus.

M. Bilodeau: M. Peterson dit la même chose, également, à Toronto.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II a raison parce que nous ne sommes pas semblables.

M. Bilodeau: Je peux vous dire qu'il est aussi soucieux, du maintien des bonnes relations du travail en Ontario. En tout cas, j'y vais chaque semaine par obligation. Je vous dis qu'il y a une comparaison assez étonnante entre les deux. Le système de relations du travail en est un où on ne se sent pas un étranger comme en droit civil, par exemple. Si vous allez en droit civil et que vous essayez d'aller pratiquer là-bas, vous ne serez pas capable. Mais dans le domaine des relations du travail, vous allez saisir cela beaucoup plus vite parce qu'il y a des principes, des habitudes, il y a un comportement entre les gens, il y a des "feelings". Ce sont des relations du travail et cela se vit. C'est reconnu un peu partout. Vous avez le président du "board" et, dans certaines provinces, vous avez un assesseur patronal et un assesseur syndical. Dans d'autres, ce sont trois commissaires. Cela dépend des provinces. Mais il y a toujours cette institution.

Prenez un exemple, l'article 45 qui est un article très complexe. On sait comment il a été bafoué à gauche et à droite, même par le Tribunal du travail. Vous pourriez avoir un homme seul qui décide: Je prends cette direction. Alors, s'il y a deux personnes, elles vont dire en délibéré: Écoute, tu ne peux pas t'en aller comme cela. Au moins, respecte ce principe fondamental. On peut comprendre le bien-fondé de ta décision, mais sur ce point, ne charrie pas. Les gens se parlent ensemble.

Cela nous donne une garantie. On voudrait cette garantie. Pour le moment, M. le ministre, on l'a. On a un tribunal qui entend en appel. On ne veut pas vous demander qu'il y ait encore un tribunal en appel, mais on vous demande de considérer ce point très sérieusement.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Quelques mots d'abord pour souligner combien, compte tenu de votre présence dans toutes les régions du Québec, vu que la Chambre de commerce a des assises depuis longtemps qui sont également importantes, avec le type de relations qu'elle a fréquemment avec le monde de l'entreprise, le monde des affaires, le monde commercial, je pense que c'était requis que vous exprimiez votre point de vue sur un projet de loi qui a, quand même, des incidences majeures sur les relations du travail, même s'il a été présenté davantage comme une réforme de structure, et, en ce qui me concerne, c'est toujours cela. Au nom de l'Opposition, je veux vous remercier d'avoir accepté de venir donner votre point de vue.

Je pense qu'il y a, quand même, certaines choses sur lesquelles il y a consensus et il y a des éléments sur lesquels vous revenez, comme la plupart des intervenants. En ce qui me concerne, j'en citerai quelques-uns, avec raison, il y a également quelques questions que j'aimerais approfondir. Si on allait tout de suite dans l'introduction. J'aimerais que M. Létourneau, que je connais, réponde, si vous n'avez pas d'objection. Je n'ai rien contre M. Bilodeau. C'est qu'il me semble que le type de question que je vais poser, en premier lieu, devrait être davantage du ressort de M. Létourneau. Dans l'introduction, vous mentionné, au bas de la page, que "la Chambre du commerce du Québec serait disposée à appuyer le projet de créer une C.R.T., dans la mesure où des modifications majeures viendront limiter son mandat à des dimensions plus raisonnables, circonscrire sa discrétion incroyable! C'est peut-être moi qui ne comprends pas. Je ne comprends pas cela. Je fais seulement le lire, là. "Éliminer son interventionnisme exorbitant", vous avez bien expliqué cela. On peut être d'accord ou non, mais c'est très clair. Tout au long des pages 5 à 16, vous avez expliqué toutes les dimensions sur lesquelles vous croyez qu'il y a un interventionnisme exorbitant. Mais "circonscrire sa discrétion incroyable", je ne comprends pas. Si M. Létourneau pouvait également m'expliquer ce que signifiait exactement, pour vous, cette mention: "ajuster les mécanismes d'accréditation aux réalités économiques". Si on comprend que le droit à l'accréditation est un droit fondamental, pour ceux qui veulent l'exercer, en tout cas, pourquoi ne serait-il pas pur en soi et y aurait-il lieu de le relier à une notion de réalités économiques alors que des partisans d'autres thèses pourraient prétendre qu'il y a lieu de l'ajuster à d'autres types de réalités? Là, je demande jusqu'où le législateur, qui a à arbitrer et à interpréter des dispositions législatives dans les lois du travail, va se rendre s'il y a des considérations de cette nature.

M. Létourneau: M. le Président, en réponse à la question du représentant de l'Opposition, M. le député d'Abitibi-Ouest, je voudrais, tout d'abord, signaler que, pour ce qui est de l'aspect spécialité d'interprétation du projet de loi, je m'en remets à notre administrateur, Me Bilodeau. Cependant, pour autant que j'aie pu constater ce qui s'était passé à l'étude du projet de loi, la "discrétion incroyable", pour nous, est basée sur la perception et l'interprétation que nous avons eues de plusieurs sources, selon lesquelles, par exemple, la commission peut faire des règles et qu'ensuite les commissaires ne sont pas tenus de les respecter. Alors, on se dit que c'est une très large discrétion. On se donne la peine de se donner des règles d'interprétation et, après cela, on dit du même souffle, mais pas dans le même article, que cela ne lie pas les commissaires. C'est une très grande discrétion. "Décide du mode de preuve et des règles de procédure et de pratique appropriées", c'est encore, il nous semble, une très grande discrétion. "N'est pas tenu de motiver sa décision"; le commissaire qui rend sa décision n'est pas tenu de la motiver et, si je comprends bien - et là je laisserai Me Bilodeau l'interpréter - il n'est même pas tenu de l'écrire. Il peut rendre sa décision verbalement. Cela nous apparaît des genres de discrétions assez vastes et même trop vastes. "Ajuster les mécanismes d'accréditation". Nous avons fait cette observation après avoir interprété le projet de loi comme éliminant le plancher de 35 %. C'est l'inteprétation que nous avons eue de plusieurs sources qui nous disent: II n'y a plus de plancher de 35 %. S'il n'y a plus de plancher de 35 %, on vous demande à ce moment-là d'ajuster les mécanismes d'accréditation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Létourneau.

M. Létourneau: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec la permission et le consentement de l'Opposition, je suis obligé de revenir sur la question du plancher de 35 %. Il y a une prétention du ministre, du ministère, des avis que j'ai

reçus, que présentement ce plancher de 35 % s'applique généralement, mais il est possible dans certains cas - la jurisprudence est à cet effet - qu'on soit allé en dessous de 35 %, quelquefois. Si la Chambre de commerce maintient que je suis dans l'erreur, cela ne me fait rien qu'elle le maintienne, mais ce que l'on prétend, c'est qu'on maintient cette situation. On n'y change rien. Est-ce qu'on se trompe ou est-ce qu'on ne se trompe pas?

M. Létoumeau: M. le Président, en répondant à la fois à M. le ministre et au représentant de l'Opposition, si tel est le cas, étant donné le nombre de personnes compétentes que nous avons consultées et qui nous ont donné cette interprétation - c'est-à-dire l'interprétation selon laquelle il n'y avait plus de plancher compte tenu du projet de loi - et que vous avez dit, si j'ai bien compris, M. le ministre, que, compte tenu du fait que du côté syndical on vous a indiqué que le plancher ne les énervait pas, qu'ils le laissaient à 35 %, vous êtes prêt à me faire un amendement au projet de loi pour le préciser, c'est ce que nous aimerions qu'il soit fait. Si vous faites cela, cela satisfait notre requête sur la question de l'accréditation.

M. Gendron: Juste une seconde, M. Létouneau, avant de passer la parole à M. Bilodeau. Je suis d'accord avec vous, M. Létouneau; à partir du moment où "circonscrire sa discrétion incroyable" se rapportait à l'ensemble des éléments couverts aux pages 5 à 16, cela me satisfait. C'est que je l'avais vu autrement que comme un synonyme à "interventionnisme exorbitant". Mais, dans le fond, avec un sens exprimé différemment, cela signifie la même chose. Il y a trop de choses sur lesquelles la commission peut agir, intervenir et ainsi de suite sans nécessairement le justifier, le baliser ou l'exprimer, et vous avez dit: On voudrait que sa discrétion soit moindre, soit plus petite, plus faible. Est-ce cela? À ce moment-là, cela me va, parce que c'est une question de compréhension et c'est ma faute dans le sens que, si j'avais référé aux autres pages, j'aurais compris. Par contre, sur l'autre dimension, j'aimerais savoir ce que vous vouliez spécifier par "ajuster les mécanismes d'accréditation réalités économiques". Je me doute de votre réponse, mais je ne veux pas douter, je veux avoir la réponse.

M. Létouneau: Je demande à Me Bilodeau de poursuivre sur cette question, M. le Président.

M. Bilodeau: Tout d'abord, je voudrais simplement terminer sur la question du pouvoir discrétionnaire. Le plus large, à mon avis personnel, c'est la question de l'article 137.6 concernant la possibilité pour le tribunal de refuser de donner droit à une demande malgré qu'il constate une violation de la loi. C'est un pouvoir discrétionnaire, à ma connaissance, exorbitant et qui n'existe dans aucune juridiction canadienne. D'une part, on vous donne le pouvoir, par exemple, d'accorder un "cease and desist" s'il y a une grève illéqale ou un lock-out illegal, mais, d'autre part, on confère à un homme le soin d'apprécier: C'est vrai qu'il y a une grève illégale, mais je ne vous aime pas, vous, le requérant. Vous avez provoqué, vous n'êtes pas un bon qarçon. L'inverse est aussi vrai. Il y a un lock-out illégal, mais le syndicat a charrié dans ses demandes. L'employeur a le droit de faire un lock-out illégal. Cela n'a pas de bon sens. On suggère respectueusement que cela doit être regardé, parce que c'est une discrétion beaucoup trop large.

Je vous indique aussi un autre petit point qui m'a sauté aux yeux, c'est dans le cas où également il pourrait y avoir une réparation prévue par la procédure de grief. Je me pose une question ici, parce que, dans le cas d'une demande de "cease and desist", par exemple, le commissaire pourrait dire: Mais pourquoi ne faites-vous pas un grief en vertu de la convention collective, une réclamation en dommages et intérêts par voie de grief. Cela a été reconnu dans l'arrêt Polymer Corp. par la Cour suprême. Donc, je n'émets pas le "cease and desist". Laissons aller la grève illégale et, en temps et lieu, vous ferez un grief, vous réclamerez les dommages et intérêts. Je suis convaincu que ce n'est pas là le but du gouvernement. Je vous demande de le vérifier.

Sur l'aspect économique, tout à l'heure dans ma présentation j'ai mentionné trois choses. J'ai indiqué, d'abord, que les préoccupations socio-économiques dont il était question avaient trait, d'une part, à la question du dépôt des requêtes en accréditation et je vous ai dit qu'on avait, évidemment, une préférence très claire à la majorité absolue, soit 50 %. J'ai mentionné que le droit de déposer une requête en accréditation était subordonné à l'acquisition de 50 % des membres dans la presque totalité des juridictions canadiennes, sauf, je croîs, en Colombie britannique où c'est 45 %. (17 h 45)

M. Gendron: Cela va. Je voudrais juste que vous vous en teniez à la réalité économique. Je ne vois toujours pas dans ce que vous dites de réalité économique.

M. Bilodeau: D'accord.

M. Gendron: Qu'est-ce que vous entendez par: On va accorder une accréditation basée sur les réalités économiques? C'est juste le sens que vous

donnez à cela et pourquoi , vous prétendez que cela serait exigeable. C'est seulement cela que je veux savoir.

M. Bilodeau: Je ne pense pas qu'il y ait d'association directe avec le terme "réalités économiques"; on n'avait pas à l'esprit, à ce moment-là, les règles, les mécanismes de l'accréditation, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Ah bon! Cela règle mes problèmes.

M. Bilodeau: On avait à l'esprit les deux autres éléments que j'ai mentionnés, c'est-à-dire, d'une part, les changements à l'article 45. Être porte-parole de la Chambre de commerce, donc de milliers de petites entreprises au Québec, et ne pas faire mention du problème majeur que constitue l'article 45 dans les cas de sous-traitance, c'est quasiment ne pas faire notre travail correctement. C'est là un problème de réalités économiques. Deuxièmement, un assouplissement de la loi "antiscabs" pour des raisons qu'on ne veut pas reprendre ici, j'en conviens, mais on l'a mentionné, et un phénomène de démocratisation des règles relatives à l'obtention du mandat de grève et du droit de grève, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. C'était plutôt cela qu'on avait l'esprit.

M. Gendron: Ça, ça va, parce que je voulais quand même qu'on se comprenne bien, compte tenu que nos débats sont enregistrés. Je faisais référence à l'introduction. Vous terminiez votre affaire en disant: "et ajuster les mécanismes d'accréditation..." Vous ne parliez pas de la sous-traitance et de tout cela. La sous-traitance, je suis d'accord que c'est un problème. On en entend parler, on est député, on a des représentations. Je n'ai aucune espèce de gêne à aborder ce débat-là, n'importe quand, avec qui que ce soit.

M. Bilodeau: Ce n'était pas relié aux mécanismes, sous réserve de notre souci de voir, c'est bien important, l'expression normale de la majorité. C'était cela.

M. Gendron: Merci.

M. Létourneau: M. le Président, est-ce que nous devons bien comprendre qu'il y aura un amendement ou quelque chose qui précisera que le plancher est bien là?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez bien compris.

M. Létourneau: Oui, merci.

M. Gendron: Là-dessus, je voulais vous dire ceci, parce que vous ne pouvez pas nous suivre partout. Sans prétendre être avocat, parce que je ne le suis pas, effectivement, dans le projet de loi - le ministre va se le rappeler - en deuxième lecture, comme dans les remarques préliminaires, j'ai fait valoir qu'il y avait, quand même, une certaine confusion. Nous aussi, nous avons quand même les moyens d'engager - mais moins que le gouvernement - quelques conseillers et les quelques-uns qui m'avaient conseillé prétendaient non pas nécessairement que le plancher disparaissait, mais qu'il y avait quelque chose, quand on lisait cela attentivement, qui était loin d'être clair. Je ne partageais pas l'interprétation du Conseil du patronat et la vôtre, à savoir que le plancher avait sauté, mais je partage la vôtre qu'il y a nécessité d'écrire quelque chose de mieux pour éviter le doute dans toutes les têtes. Je pense que vous aviez raison de le souligner. À la page 4, moi, j'étais très heureux que vous signaliez... Le ministre y est encore revenu, il y est revenu sur chaque mémoire, mais je ne comprends toujours pas s'il avait vu cette partie-là ou s'il y a une intention cachée, ce qui ne me surprendrait pas, mais je n'ai pas le droit d'exprimer des doutes trop longuement. Je veux vous féliciter, en tout cas, comme Chambre de commerce, parce que là-dessus il y a unanimité. Je n'ai jamais compris que "favoriser le développement de saines relations du travail eu égard à l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et à la bonne gestion des ressources humaines" devait être compris à l'article 112, parce qu'il semble c'est aller dans - je vais appeler cela ainsi - du droit nouveau, pas au sens de droit, mais au sens d'une notion tellement large qu'il est inadmissible que des gens qui ont à arbitrer, trancher, juger, porter des jugements sur des mécanismes qui réqissent nos relations du travail ne s'en tiennent pas à ce qui est en règle générale du domaine des relations du travail.

La Chambre de commerce, effectivement, a une prétention. Vous pouvez vous dire: Cela nous appartient et je ne veux même pas embarquer là-dedans. Les centrales syndicales pourraient dire: Nous aussi, nous avons un droit de regard. Justement, les deux nous ont dit, tout le temps: Voulez-vous bien enlever cela? Là-dessus, je pense que vous aviez raison de le souligner: Ce n'est pas un amendement, ce n'est pas un texte. Cela n'a pas d'affaire là. Je veux que vous sachiez que c'est mon point de vue et celui de l'Opposition. On n'a pas d'affaire à faire des références à la bonne gestion. Ici, nous n'avons pas le temps dans les minutes qu'on a, mais qu'il y a de la belle écriture là-dessus dans ce qu'on a reçu d'un peu partout et, entre autres, le mémoire de ceux qui sont partenaires avec le patronat, pas les conseillers, mais tout le secteur de

l'alimentation. Les entreprises en alimentation ont produit un excellent mémoire...

Une voix: L'ADA.

M. Gendron: L'ADA, l'Association des détaillants en alimentation, a produit quelque chose de très étoffé là-dessus et j'espère que le ministre du Travail s'y référera. Il va comprendre qu'il n'y a pas lieu d'apporter des amendements, mais qu'il y a lieu de biffer ces deux dispositions.

Des pages 5 à 16, je trouve que le ministre a fait un bon "round-up". Je pense qu'à la page 6 il y a lieu de lire, relire et relire. Mais, même si on lit cela souvent, je suis obligé - il ne l'a peut-être pas dit ainsi - de trouver que c'était correct de le dire comme vous l'avez dit si vous le pensez, mais cela ne correspond pas à la lecture qu'on fait du projet de loi. S'il fallait que ce soit les notes explicatives du projet de loi, c'est sûr qu'il n'aurait jamais eu notre accord de principe, parce qu'on trouve qu'il y en a pas mal.

M. Bilodeau: Cela met de la couleur dans le débat, comme le disait le ministre.

M. Gendron: Oui. Je le répète: Je ne dis pas que vous n'auriez pas dû le dire, surtout que vous l'avez justifié par la suite. Je ne veux pas commenter les pages 5 à 16.

M. Bilodeau: C'est cela qui est important.

M. Gendron: Dans les pages 5 à 16, vous avez été d'une clarté, d'une précision et vous avez mentionné des choses qui, effectivement, ont attiré l'attention du ministre et aussi de l'Opposition, en particulier sur des décisions rendues par un commissaire seul. Cela me fatigue, comme individu et non pas comme spécialiste de ces questions, que, sur toutes les décisions, ce soit un commissaire seul. J'ai expliqué cela, d'ailleurs, dans mon discours de deuxième lecture. Il me semble qu'il y a des types de décisions reliées à des pratiques déloyales, reliées à des conséquences pour des individus qui sont tellement importantes que, à tout le moins, sur ces aspects il devrait y avoir la sécurité d'un banc.

J'aurais une question à vous poser. Est-ce qu'il serait envisageable de laisser, quand même un certain nombre de décisions être rendues par un commissaire seul, mais qu'à tout le moins, sur les révisions, sur des décisions de révision... Je pense que vous l'avez dit. Je veux savoir s'il y aurait moyen de régler cela avec vous?

M. Bilodeau: C'était, en fait, la solution qu'on suggérait. Cela demanderait probablement une étude coûts-bénéfices, mais la solution était la suivante: s'il doit y avoir un individu seul qui siège sur les questions générales, il faut qu'il y ait une possibilité de révision devant un "board" à trois. Évidemment, on va se faire dire que cela équivaut à un appel et qu'il y aura des délais. On essaie d'être soucieux d'arriver au même objectif, mais ce n'est pas facile. On se dit: On ne veut pas s'opposer systématiquement aux changements que vous voulez faire, mais on ne veut pas, non plus, laisser aller notre droit de nous faire entendre par plus d'une personne. Je pense que la solution serait certainement acceptable par la chambre si on avait un droit de révision devant un banc de trois commissaires. Cela serait acceptable, il n'y a pas de doute pour nous.

M. Gendron: Également, quant à l'initiation de la révision, vous savez ce que je veux dire. Selon le projet de loi prévu, c'est uniquement la commission qui décide s'il y en a un ou non.

M. Bilodeau: Il n'y a aucun mécanisme, il n'y a rien du tout de prévu.

M. Gendron: Là-dessus, il me semble -en tout cas, je l'avais évoqué - que cela aussi, c'est gros qu'une personne concernée n'ait pas la possibilité de demander une révision. Vous avez le même point de vue.

M. Bilodeau: C'est le point d'interrogation majeur. On aimerait avoir, évidemment, cette possibilité et on vous demande de le considérer très sérieusement. Je pense que cela vaut aussi pour toutes les autres parties.

M. Gendron: Sur le pouvoir d'audition, vous dites: C'est abrogé dans le projet de loi et vous avez raison. L'abrogation de l'obligation de tenir une audition, personnellement, je ne suis pas contre et l'Opposition n'est pas contre. Mais, tel que c'est écrit, je trouve que cela va loin et que ce n'est pas assez précisé. La question que je vous pose est la suivante. Qu'est-ce que cela vous dirait d'introduire dans le projet de loi, à tout le moins - et là, j'aimerais que le ministre aussi soit attentif - un critère d'appréciation de l'opportunité de ne pas tenir d'audition? Est-ce que c'est envisageable, dans un projet de loi comme celui-là, de dire: Pour certaines choses, oui, on peut abroger l'obligation de tenir une audition, mais instaurer un mécanisme d'appréciation de l'opportunité de tenir ou de ne pas tenir d'audition?

M. Bilodeau: C'est une question très difficile parce que, là, on joue avec des termes, avec des mots, et on n'a pas de

texte devant nous. Si on pouvait distinguer ce qui est purement administratif de ce qui relève du contentieux, on aurait peut-être le début d'une solution. D'accord?

M. Gendron: Oui.

M. Bilodeau: II y a des choses qui sont purement administratives et qui ne méritent pas ou n'ont pas nécessairement assez d'importance pour être soumises à un tribunal. Il y a des matières, par ailleurs, qui sont contentieuses, par définition et qu'on va devoir entendre. Alors, peut-être qu'on pourrait concevoir que, dans certaines matières administratives... Vous savez, si un syndicat dépose à 80 % une requête, il n'y aura certainement pas de contentieux sur la majorité; d'ailleurs, l'employeur n'aura pas un mot à dire sur le caractère représentatif: Il y a 80 % ou 85 %, mais, par exemple, il y a une mésentente sur le caractère de membre ou de non-membre de l'unité de négociation d'un certain groupe ou d'un individu. Là, le contentieux est déplacé essentiellement de l'accréditation. Ce n'est plus dans l'accréditation que le contentieux se trouve, il est déplacé sur l'existence d'un statut pour un groupe ou pour un individu. Dans certains cas, il y aurait peut-être donc lieu de déterminer les fonctions administratives et contentieuses. Mais ce qui est important, évidemment, c'est que, si une partie estime qu'un point est véritablement contentieux et litigieux et qu'elle a des représentations à faire sur ce point, bien, là, qu'on lui donne le droit d'être convoquée à ce moment. Mais pour les matières administratives - je conçois que, dans certains cas, ce serait "boarder line", plus difficile à déterminer - il n'y aurait pas nécessairement besoin d'une audition.

M. Gendron: D'accord. À la page 17, je voudrais juste, encore là, vous rappeler que moi, j'étais heureux de constater que vous préféreriez ce qui s'applique actuellement concernant les agents d'accréditation. Lorsque des demandes d'accréditation ont été analysées et qu'elles ne sont pas contestées, qu'il n'y a pas de problème, moi, j'ai compris que vous préféreriez que les dispositions prévues au Code du travail demeurent et non pas ce qui est prévu au projet de loi, soit que même les cas d'accord, les cas d'entente doivent être portés devant la commission et qu'un commissaire doit les accréditer. Je sais que le ministre - on a eu plusieurs discussions sur cela - ajoute toujours que - juste une minute, c'est l'article 16 - l'article 33, introduit pour l'article 16 du projet de loi, finit par "à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est manifestement inappropriée". J'en suis. Mais votre propos était plus large que cela, puisque vous dites à un moment donné:

Quand on veut éviter les inqérences dans des cas où manifestement les deux parties sont de bonne foi et s'entendent, si les tenants de l'autre thèse, eux veulent l'amener pareil à la commission - dans certains cas, c'est arrivé et je pense que vous l'avez très bien expliqué dans votre mémoire - il semble ici que ce qu'il faut privilégier, en tout cas, pour la PME et pour éviter les délais et rendre cela plus facile, c'est la règle générale et non pas l'exception. Dans les cas où les parties s'entendent, pourquoi ne pas les laisser pouvoir agréer l'accréditation? C'est bien cela que vous souhaitez voir demeurer.

M. Bilodeau: C'est exactement le sens de notre intervention et j'ai cité mon exemple personnel. Je traite avec plusieurs syndicats. J'ai 70 conventions collectives, 28 000 employés syndiqués au Canada. C'est bien sûr que quasiment dans le cours normal des choses, on a à adresser des questions. Un individu pourrait bien être d'avis que cela n'est manifestement pas correct, mais on est de cet avis pour des raisons qu'on comprend, qu'on vit ensemble dans la réalité. Moi, je pense clairement que c'est préférable à ce moment-là, là où c'est possible pour les parties de s'entendre, de privilégier cette entente et de dire: Bien, si vous vous trompez dans 1 % des cas, trompez-vous. On n'amendera pas la loi, parce que 99 %, c'est assez bon. Je pense que c'est notre thèse, on privilégie beaucoup plus cela.

M. Gendron: Je vous remercie. Compte tenu de conditions horaires, mon temps est expiré.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être un mot pour réitérer les énoncés que j'ai faits quant aux 35 %-50 %. Si vous avez, sur le plan des amendements, un texte qui pourrait s'incorporer au projet de loi à nous proposer, j'inviterais la Chambre de commerce à faire cet effort et à nous le proposer dans les meilleurs délais. Je vous remercie en terminant de votre présentation et je vous assure que nous tiendrons compte de plusieurs des points que vous avez soulevés.

M. Bilodeau: Nous allons y donner suite avec plaisir et on tient également à -vous remercier de nous avoir permis de nous faire entendre. C'est bien apprécié.

M. Gendron: Bien, je veux vous dire également merci. Sauf que, pour la dernière partie, moi, je ne peux pas vous dire à ce moment-ci que le ministre va tenir compte de vos revendications. Je vous dirai, quand je

vous reverrai, jusqu'à quel point il a été attentif.

M. Létourneau: M. le Président, avec nos remerciements, je voudrais signaler, en terminant, qu'un de nos membres, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, a été fort déçu de ne pas avoir été convoqué, parce qu'il se sent directement visé par certains articles du projet de loi. Alors, je transmets ce message qui nous vient d'un de nos membres, en vous laissant le soin de juger de l'opportunité d'y donner suite. Évidemment, notre recommandation serait que vous l'entendiez, si vous en avez la possibilité.

Le Président (M. Charbonneau): Je crois, M. Létourneau, compte tenu de l'horaire que nous avons, que cela va être assez difficile de l'entendre en audience publique. Cependant, le message est fait et, si d'un côté ou l'autre de la Chambre, on juge à propos de contacter cette association patronale, je pense que les gens prendront les dispositions pour le faire. Sur ceci, je voudrais vous remercier d'avoir participé à cette consultation particulière, vous souhaiter un bon retour et vous dire: À la prochaine. Quant à la commission, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures où nous reprendrons la consultation.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour des consultations particulières sur le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives. J'invite maintenant les représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à prendre place, s'il vous plaîtl

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission. Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour présenter votre mémoire ou faire des interventions. Après coup, les différentes formations politiques discuteront avec vous selon un temps partagé. Je vous demanderais également de bien vouloir nous présenter les collègues qui vous accompagnent.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Merci, M. le Président. Ceux qui m'accompagnent sont, à mon extrême droite, Jean-Guy Fréchette, vice-président de l'exécutif provincial; à ma droite, Clément Daigle, également vice-président; à ma gauche, Roland St-Jean, vice-président également; Jean Robert, qui est vice-président, et, à l'extrême gauche, Jean Laporte, mon adjoint. Les autres personnes invitées, compte tenu de certains autres problèmes, sont absentes, mais on sera en mesure de répondre, je pense.

Messieurs, nous tenons à vous remercier d'avoir accepté que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec fasse part de son opinion à la présente commission parlementaire relativement au projet de loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec souscrit d'emblée à la nécessité de rechercher un nouveau mode de fonctionnement et de développer une philosophie de gestion des relations du travail qui vise à privilégier le règlement plutôt que l'adjudication par des tiers et que, conséquemment, il faille chanqer le fonctionnement des organismes actuels et y substituer des outils susceptibles d'aider les parties à régler entre elles les conflits qui les opposent.

Cependant, même si nous sommes en acccord avec la création d'une commission des relations du travail qui assumerait les fonctions et les pouvoirs qui lui seraient dévolus selon le projet de loi, il n'en demeure pas moins que nous estimons que des améliorations additionnelles devraient être apportées au projet de loi afin de conserver le Tribunal du travail, tout en lui attribuant des responsabilités additionnelles.

Nos commentaires toucheront trois aspects du projet de loi, soit l'amoindrissement des droits des employés, le maintien du Tribunal du travail et la syndicalisation des employés.

Amoindrissement des droits des employés. Notre première considération à ce chapitre vise particulièrement l'article 2 du projet de loi qui veut prévoir que le "refus d'employer une personne contrairement au premier alinéa de l'article 14 ne donne pas ouverture à une plainte à la commission". Quand on connaît déjà les difficultés que nous rencontrons dans l'application, tant de l'esprit que de la lettre, de l'actuel article 14 du Code du travail, l'introduction d'une telle disposition ne peut qu'amplifier les difficultés rencontrées et n'aura pour conséquence que d'amener les personnes concernées à faire appel aux tribunaux de droit commun, ce que semble vouloir éviter, tout au moins dans son esprit, le parrain du projet de loi qui souhaite que l'on instaure un nouveau climat de relations du travail.

Une des modifications les plus importantes envisagées par ce projet de loi

est indiquée à l'article 15 qui vise à éliminer dorénavant l'obligation, pour l'éventuelle commission, de procéder à une enquête tenue en présence des associations en cause et des employeurs à la suite d'une requête en accréditation. La principale justification qui est à la base d'une telle modification semblerait être l'objectif de réduire les délais qui sont actuellement impartis avant l'adjudication d'une telle accréditation. Cette philosophie est également confirmée sur les matières prévues à l'article 15 du Code du travail actuel par l'abrogation de l'article 20 du code.

Cependant, nous estimons qu'il n'est pas possible de passer outre aux règles les plus élémentaires de justice naturelle, soit le droit à l'audition des parties. En effet, s'il est essentiel que justice soit rendue, il est également nécessaire que la perception des principaux intéressés soit effectivement qu'une telle justice a été rendue. La possibilité d'attribution d'une telle accréditation qui pourrait s'effectuer en catimini ne serait certainement pas de nature à créer un climat de confiance. Nous soutenons donc que les dispositions actuelles du Code du travail devraient être maintenues et nous sommes en désaccord avec le fait que la commission posséderait une certaine discrétion quant à l'audition des parties concernées par une telle requête. D'autant plus que le projet de loi fait en sorte que toute autre association intéressée ne pourrait dorénavant plus intervenir lors du processus, cette possibilité étant limitée selon les dispositions du projet de loi uniquement à l'association en cause.

Nous nous interrogeons sérieusement sur l'indépendance que posséderont les commissaires nommés à cette commission en vertu de l'article 115 du projet de loi, étant nommés pour un terme d'au plus cinq ans, particulièrement à l'égard du gouvernement qui procède à leur nomination et qui, par surcroît, est l'un des plus importants employeurs, sinon le plus important, assujetti aux dispositions du code et, conséquemment, sujet à des décisions des commissaires. Nous avons encore frais à la mémoire les aventures de certaines personnes en autorité dans des régies, commissions ou organismes dont les décisions ou opinions ont déplu à leur employeur immédiat, le gouvernement. Nous croyons au contraire que les commissaires doivent posséder une totale autonomie et indépendance et ne peuvent être l'objet de pressions indues de quiconque.

Nous sommes également au regret de constater l'aberration qui aura cours si le projet de loi est sanctionné dans sa forme actuelle, notamment par la disposition de l'article 31 qui vise à prévoir que "une contravention à l'article 109.1 ne donne pas ouverture à une plainte à la commission".

L'introduction d'une telle disposition nous permet ainsi de prétendre que le projet de loi confirmera la règle de deux poids deux mesures, puisque, si la nouvelle commission aura pour mandat d'ordonner à toute personne, association ou groupe d'associations de cesser de faire, de ne pas faire, ou d'accomplir un acte pour se conformer au code, ou pour remédier aux conséquences d'une contravention, notamment à la suite d'une grève, d'un ralentissement d'activités ou d'un lock-out ou d'un non-respect des services essentiels, la même commission n'aura pas juridiction pour intervenir advenant le cas où un employeur ne se conformerait pas aux dispositions de l'article 109 du Code du travail.

Les travailleurs n'auront donc pas d'autre alternative que de faire appel aux tribunaux de droit commun avec tout ce que cela présuppose de difficultés ou de contraintes et, éventuellement, de délais, ce qui semble contraire au principe de déjudiciarisation qui a servi de guide au parrain du projet de loi.

L'ensemble de ces constatations nous amène à vous formuler la recommandation suivante:

Maintien du Tribunal du travail.

En effet, nous estimons que la situation serait particulièrement propice pour accorder au Tribunal du travail des droits plus étendus que ceux qu'il possède à l'heure actuelle.

Nous croyons effectivement que le tribunal devrait posséder, tout comme la commission ontarienne, le droit de recevoir les plaintes alléguant la violation de l'ensemble des articles des lois sur les relations du travail au Québec, tout comme il en est de même pour le Conseil canadien des relations du travail.

Plutôt que d'avoir à être tranchées par bref d'évocation ou injonction auprès des tribunaux de droit commun, nous estimons effectivement que toutes les matières relevant du domaine des relations de travail devraient être référées à un seul et unique tribunal.

Nous estimons que les personnes qui sont appelées à porter jugement sur de tels litiges doivent posséder une connaissance particulière du milieu, chose qui n'est pas toujours possible lorsqu'on fait appel aux tribunaux de droit commun. Le Tribunal du travail pourrait ainsi avoir juridiction sur l'ensemble des lois qui ont trait de près ou de loin aux conditions de travail des salariés du Québec, qu'ils fassent ou non partie d'une association syndicale.

On peut fort aisément prétendre que l'expérience actuelle des appels soumis au Tribunal du travail sur des décisions rendues par les commissaires justifie l'abolition d'un tel tribunal. Cependant, il aurait été souhaitable que les statistiques soient décortiquées, aux fins de rendre publique la provenance des divers appels (employeurs ou

syndicats). Sur la base de ces données, peut-être aurions-nous constaté la nécessité que des changements importants soient également envisagés à la mentalité de certains représentants. Nous prétendons, peut-être à tort, nous le souhaitons, qu'une grande partie des appels proviennent de la partie patronale qui se refuse à accepter encore en 1987 le fait syndical.

On peut toujours tenter de justifier cette même abolition du Tribunal du travail par le fait que la jurisprudence qui est ressortie des diverses décisions n'a pas été des plus uniformes. Dans certains domaines, il est parfois difficile, sinon impossible, de tracer une ligne directrice commune pour l'ensemble du système, par rapport aux questions que le tribunal est appelé à trancher. On doit cependant noter que cette constatation vaut également pour d'autres tribunaux, et nous ne croyons pas que le fait que la nouvelle commission puisse, en vertu de l'article 137.3, énoncer des politiques générales sur l'application des dispositions du Code du travail qui sont de son ressort, réglera toutes les situations, puisque le même projet de loi prévoit que ces politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Une telle orientation ne donne aucune assurance qu'effectivement une jurisprudence uniforme sera ainsi rendue.

D'autre part, de tels énoncés ne liant pas la commission, comment peut-on espérer que les personnes concernées puissent exercer le recours approprié, compte tenu que les énoncés de politiques peuvent éventuellement être modifiés par des décisions formelles tant de la commission que des tribunaux de droit commun? Qu'adviendra-t-il des individus qui, sur la base des énoncés de politiques, n'ont pas exercé de recours pour constater ultérieurement que l'énoncé de politiques n'était pas conforme aux dispositions du code? Une chose est sûre, c'est qu'on n'aura pas réussi par ces dispositions à réduire "l'incertitude des justiciables", un objectif pourtant souhaité par le ministre. (20 h 15)

Nous estimons donc qu'il n'est que plus que temps que le Québec se dote d'un véritable Tribunal du travail qui verrait à l'application du Code du travail ainsi que des diverses lois ayant trait aux conditions de travail des salariés du Québec.

Quant à la syndicalisation des employés, à la lecture des dispositions de l'article 1 du projet de loi, force nous est de constater que les employés qui relèveront de la Commission des relations du travail, même s'ils sont assujettis à la Loi sur la fonction publique, ne pourront être membres d'aucune association syndicale et ce, compte tenu que le projet de loi prétend à la confidentialité de leur emploi.

Nous comprenons mal une telle décision puisque, essentiellement, les employés qui proviennent du Bureau des commissaires du travail ou du Conseil des services essentiels, qui sont actuellement considérés comme des salariés pouvant appartenir à une association, continueront à exercer les mêmes attributions au sein de l'éventuelle commission. Cependant, ces employés deviendront automatiquement exclus des dispositions de la convention collective qui les régit actuellement.

Compte tenu que la nature de leur travail ne subira guère de changements et que ces employés, pour la plupart d'entre eux, ne possèdent aucun pouvoir discrétionnaire, effectuant généralement du travail de soutien, nous comprenons mal que le fait d'être éventuellement considérés comme des employés syndiqués puisse être préjudiciable à l'application des dispositions du Code du travail.

Nous estimons donc que les employés de la commission, qui n'ont aucun pouvoir décisionnel dans l'attribution d'une requête en accréditation ou dans toute autre matière qui pourrait constituer une violation du Code du travail, devraient être considérés comme des salariés pouvant appartenir à une association de salariés.

Nous nous interrogeons également sur la destination des agents d'accréditation actuels qui ne seraient pas transférés à l'éventuelle commission, selon les dispositions de l'article 95 du projet de loi. Nous comprenons d'autant plus mal cette décision qu'une telle catégorie d'employés sera nécessaire pour effectuer le travail relié aux diverses requêtes en accréditation et ce, même s'ils ne posséderont pas de pouvoir d'adjudication d'une requête en accréditation, un tel pouvoir relevant dorénavant des commissaires.

Voilà donc, en bref, les quelques commentaires que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec avait à vous soumettre en regard du projet de loi qui constituerait la Commission des relations du travail et qui modifie éqalement certaines dispositions législatives.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le Président. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, je voudrais remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'avoir pris le temps d'étudier le projet de loi qui vise la création d'une Commission des relations du travail. Mes questions porteront sur le mémoire essentiellement présenté et, immédiatement, j'adresserais une question à propos de la page 1, en bas, au dernier paragraphe, lorsque vous dites: "Quand on connaît déjà les difficultés que nous éprouvons dans l'application tant de l'esprit que de la lettre

de l'article 14 actuel du Code du travail, l'introduction d'une telle disposition ne peut qu'amplifier les difficultés", etc. Vous parlez de l'article 14 qui ne donne pas ouverture à une plainte à la commission.

Ma question est la suivante: Est-ce que ce que nous proposons change, dans les faits, la pratique quotidienne que vous avez à vivre au moment où l'on se parle?

M. Harguindeguy: C'est qu'éventuellement, ce qu'on souhaiterait... La philosophie qu'on poursuit avec notre mémoire, c'est de faire en sorte que, dans les relations du travail, pour les employés syndiqués... Il me semble qu'il serait approprié qu'il y ait un seul lieu où les décisions se prendraient. L'ajout de l'article 14.1, le fait qu'une plainte ne peut être déposée, contrairement à la situation actuelle où il y a une plainte, même pénale, qui peut être déposée au Tribunal du travail en vertu du code, nous prive de ce recours. Finalement, on va devoir se retrouver devant la Cour supérieure et éventuellement devant la Cour d'appel. Où vont être les recours si on n'a pas d'appel auprès du Tribunal du travail, lequel n'existe plus selon le projet de loi? La commission ne pouvant pas non plus étudier la plainte, les recours vont nécessairement aller aux tribunaux de droit commun, d'après nous.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenu à vérifier vos propos. Vous avez raison, les plaintes se retrouveront devant ce qu'on appelle le système de droit commun, non pas à la Cour supérieure, mais à la Cour des sessions de la paix comme telle.

M. Harguindeguy: Avec tout ce qui s'ensuit, c'est-à-dire les brefs d'évocation, la Cour supérieure...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais vous dire que cela se retrouvait devant le Tribunal du travail avec tout ce qui, possiblement, pouvait s'ensuivre, l'évocation, la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême.

M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'on estime que, si l'on veut déjudiciariser, il est peut-être temps de faire en sorte qu'on ait réellement un Tribunal du travail au Québec qui ait juridiction sur toutes les matières, et même sur l'application des normes minimales de travail et que, finalement, on ait du monde spécialisé dans le secteur. Quand on va devant les tribunaux de droit commun, et même à la Cour des sessions de la paix, on peut se retrouver devant des gens qui n'ont aucune expérience dans le domaine des relations du travail et Dieu sait, quand même, comme on travaille généralement dans un contexte particulier. Dès le moment où l'on parle de relations du travail, on traite généralement de ressources humaines. Donc, on a affaire à des humains et les perceptions ne sont pas nécessairement les mêmes que dans les affaires et c'est cela qu'on voudrait éviter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez tellement raison que, lorsque nous avons eu des discussions avec le ministère de la Justice quant à la récupération des juges, parce que ce sont des juges de la Cour provinciale qui siègent présentement au Tribunal du travail, nous avons recommandé à notre collègue de la Justice de former à la Cour provinciale un banc spécialisé. Comme vous le savez sans doute, Yves Ouellette, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, est en train de terminer des travaux pour le compte du ministère de la Justice quant à l'indépendance des commissaires qui siègent à plusieurs commissions gouvernementales ainsi que d'autres recommandations visant à assurer un meilleur fonctionnement des tribunaux de droit commun qui sont de juridiction provinciale, soit la Cour provinciale, la Cour des sessions de la paix, le Tribunal de la jeunesse, etc. Ce qui circule au moment où on se parle, c'est que les mandats des commissaires devraient être allongés de façon à assurer une meilleure indépendance et que la question des bancs spécialisés à la Cour provinciale comme telle est loin d'avoir été rejetée au moment où nous tenons ces propos.

J'aurais une deuxième question qui porte sur un élément très important du projet de loi. Cela a été soulevé par plusieurs parties qui se sont déjà présentées devant nous. Vous retrouvez cela à la page 2 de votre mémoire, à peu près à la mi-page, où l'on traite de la question du respect des règles les plus élémentaires de justice naturelle et vous citez comme exemple le droit à l'audition des parties. Je vous dirai que j'ai prêté une attention toute particulière à l'ensemble des groupes qui ont traité de cette question et qu'un des intervenants nous a suggéré ou mentionné la possibilité de rédiger l'article différemment de façon à assurer une audition des parties lorsque la décision serait de nature judiciaire ou quasi-judiciaire, mais pas nécessairement avec audition lorsque la décision serait strictement de nature administrative, c'est-à-dire qu'elle n'affecterait pas, entre autres, les droits des parties. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil un article qui prévoirait, comme règle générale, l'audition des parties, sauf dans certains cas de nature purement administrative listés comme exception?

M. Harguindeguy: Cela va dépendre des exceptions qui vont être prévues aussi, parce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je ne veux pas vous embarquer avec un chèque en blanc.

M. Harguindeguy: Non, non, mais pour ce qui est des règles administratives, on vit quand même l'expérience. De façon générale, le gouvernement adopte des lois, en fait, qui énoncent... Il y a beaucoup d'énoncés de principe, on met des balises, mais finalement ce sont les règlements qui, après cela, déterminent les droits de chacun. Bien souvent, les droits ou les pouvoirs des organismes sont plus importants dans les règlements que dans la loi. Alors, si vous me parlez des règles administratives, il s'agira de savoir lesquelles vont être élaborées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment, je vous parlerais d'un amendement législatif qui établirait possiblement - et je vous le dis simplement à titre indicatif -comme règle générale l'audition des parties, sauf que les exceptions prévues seraient des exceptions administratives pour ne pas justement que, sur la question administrative, il y ait automatiquement audition des parties.

M. Harguindeguy: S'il y a la possibilité de simplifier, en fait, les délais et de les réduire tout en assurant au moins aux gens concernés que justice sera rendue, je pense qu'on n'aura pas d'opposition comme telle. Mais il faut qu'on puisse assurer que les parties vont se faire entendre sur certains cas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, sur les questions administratives, il y aurait peut-être...

M. Harguindeguy: Non, mais, sur les questions de droit au moins, que les gens aient le droit de faire valoir leur point de vue. Et le projet de loi ne prévoit pas cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, pas dans sa forme actuelle, je suis d'accord avec vous. Au bas de la page, vous mentionnez: "D'autant plus que le projet de loi fait en sorte que toute autre association intéressée ne pourrait dorénavant plus intervenir lors du processus, cette possibilité étant limitée selon les dispositions du projet de loi uniquement à l'association en cause." Nous tenons à vous rassurer que nous prenons bonne note de cet élément.

Maintien du Tribunal du travail. J'ai tenté de concevoir votre argumentation quant au maintien du Tribunal du travail dans son ensemble. J'y vois deux possibilités d'interprétation. Premièrement, le Tribunal du travail peut être maintenu comme il existe et, à ce moment-là, il siège en appel, pour donner un exemple, des décisions rendues par la nouvelle Commission des relations du travail et sur d'autres sujets que vous avez mentionnés dans votre mémoire. Cela, à notre avis, sur le plan de la judiciarisation des relations du travail, peut créer deux niveaux de possibilités d'évocation, soit l'évocation de la décision du commissaire et l'évocation de la décision du juge du Tribunal du travail comme tel. Deuxièmement, ce que vous nous demandez se retrouve, sans qu'il ait l'appellation ou le titre de "juge", entre les mains du commissaire. L'ensemble de ces pouvoirs se retrouvant là sur le plan de la judiciarisation, à ce moment-là, il n'existe plus qu'un seul niveau sur lequel les procureurs de l'une ou de l'autre des parties pourront harponner leurs motifs d'évocation. J'aimerais bien saisir s'il s'agit pour vous de maintenir le tribunal au-dessus ou en appel de la commission ou de transformer ce que nous appelons une commission en un tribunal en changeant le nom de "commissaire" à "juge" et en lui donnant un peu plus de pouvoirs.

M. Harguindeguy: Plutôt que de faire allusion à la Cour des sessions de la paix, on estime que ces causes devraient se retrouver au Tribunal du travail et que toutes les matières qui relèvent des relations du travail relèvent de ce tribunal. Cela n'empêchera pas les brefs d'évocation. On peut quand même, dans le projet de loi ou dans la loi, cerner les matières qui peuvent faire l'objet d'un appel. Si vous parlez de questions administratives ou de contester les décisions des commissaires, on peut peut-être les cerner pour que les décisions des commissaires soient finales, à la rigueur. Cela existe dans d'autres matières, dans d'autres commissions ou d'autres régies; les décisions qui y sont prises ne sont pas "appelables", sauf si on peut avoir un bref d'évocation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que c'est l'objectif visé dans le projet de loi. Le bref d'évocation porte quand même sur tous les éléments déterminés au Code de procédure civile et on ne peut pas, comme législateurs, faire fi du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et des tribunaux de droit commun.

M. Harguindeguy: Mais même à l'heure actuelle, cela existe. Des brefs d'évocation sont déposés sur des sentences arbitrales qui sont pourtant des tribunaux convenus entre des parties. Je pense qu'on n'éliminera jamais cette possibilité. Mais on estime que, plutôt que de faire référence dans tous les districts à des tribunaux... Même si on veut décentraliser le dépôt des appels, je ne pense pas que cela aiderait à régler la situation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais

traiter d'un sujet qui a peut-être été abordé par d'autres parties dans les mémoires, mais sur lequel vous insistez, et je pense que vous êtes l'interlocuteur le mieux placé pour insister: la syndicalisation des employés de la commission. Pourquoi le projet de loi tel que présenté prévoit-il la non-syndicalisation du personnel? Vous avez mentionné un élément dans votre texte. Je tiendrais à vous dire que oui, il y a un caractère confidentiel aux tâches accomplies ou qui devront être accomplies par l'ensemble des employés de la commission. Les rôles de conciliation et de médiation, entre autres, confiés à du personnel de la commission et à du personnel de soutien pour ces moyens de conciliation et de médiation devraient, selon nous, être exclus.

Nous allons ajouter le caractère essentiel, à cause du vaste mandat de la CRT, du rôle qu'a à jouer la CRT et la totale disponibilité requise de la CRT pour les services aux parties, et syndicale et patronale. Nous pouvons vous faire remarquer qu'au Code du travail, au moment où on se parle, des organismes sont exclus; vous les connaissez sans doute bien, mais je tiens quand même, pour le bénéfice des membres de la commission, à les rappeler: les membres du Conseil exécutif, les membres du Conseil du trésor, le personnel du Vérificateur général, les membres de la Commission de la fonction publique et le personnel de l'Office des ressources humaines. Le dernier, je pense, qui a été inscrit à cette liste, c'est l'IRIR. Nous considérons que cette commission a besoin, pour le moins, d'autant d'indépendance que les groupements ci-dessus mentionnés. (20 h 30)

M. Harguindeguy: Si je peux me permettre, l'IRIR n'est pas compris dans les organismes confidentiels. Il est exclu de l'application de Loi sur la fonction publique, donc, ses employés, ne sont pas, dès le point de départ, des salariés reconnus comme fonctionnaires. C'est l'IRIR qui détermine leurs conditions de travail. Pour ce qui est du Conseil du trésor, du Conseil exécutif, de l'Office des ressources humaines et de la Commission de la fonction publique, ce dont vous avez parlé, même s'ils le sont à l'heure actuelle, cela ne veut pas dire qu'on est nécessairement d'accord. On a déjà eu gain de cause dans des cas d'exclusion où le Tribunal du travail avait tranché que les personnes n'étaient pas tenues de la confidentialité. Il y a eu des amendements à la loi qui ont fait en sorte que leur travail est devenu confidentiel. Si on transpose la situation actuelle, entre autres, au Bureau des commissaires du travail, vous avez des employés de bureau ou des techniciens qui travaillent à diverses requêtes d'accréditation - sauf les agents à l'accréditation qui sont tenus à la confidentialité, qui sont exclus, qui sont non syndicables - les employés de bureau sont actuellement syndicables. Ils sont même membres du syndicat. Si on regarde ceux du Conseil des services essentiels, ils sont également des salariés au sens du Code du travail, même s'ils ne sont pas des fonctionnaires au sens de la loi. Je pense que les gens vont quand même continuer à oeuvrer dans ce secteur et à remplir quasiment les mêmes responsabilités. Ils n'auront pas de pouvoir décisionnel. Ce ne sont pas eux qui vont trancher entre les parties. On comprend mal pourquoi ils seraient reconnus comme non syndicables.

D'autre part, ce n'est pas parce que les commissaires vont rendre des décisions que nécessairement cela veut dire que les employés qui sont leurs subalternes sont tenus à la confidentialité. À ce moment-là, tous les employés de la Cour des sessions de la paix, de la Cour provinciale et de la Cour supérieure, qui sont des membres chez nous, devraient aussi être exclus. Ils n'ont pas à trancher, mais à travailler à des cas qui sont aussi litigieux et sur lesquels le gouvernement peut être en appel, en bref d'évocation; ou cela peut être aussi le syndicat. Je ne pense pas que leur confidentialité soit mise à l'épreuve. Je comprends mal le fait que, parce qu'il y a un élément de confidentialité et qu'ils portent une étiquette syndicale, c'est nécessairement catastrophique. Je pense que la confidentialité demeure quand même, comme cela existe d'ailleurs pour tous les fonctionnaires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous amener sous un autre argument. Vous avez, oui, la question de la confidentialité, mais vous avez la question du rôle essentiel qu'ils ou qu'elles ont à jouer à certaines périodes et dans certains conflits. Vous pouvez vous imaginer - et il faut le faire lorsqu'on est législateur; plusieurs parties, tant patronales que syndicales, nous ont imaginé les pires scénarios en fonction de l'application du texte que nous avons devant nous - le cas où la commission aurait à intervenir dans un domaine des services essentiels où la santé et la sécurité du public seraient menacées et que la convention collective de ces employés arriverait à échéance au même moment.

M. Harguindeguy: Je ne vois aucune difficulté. D'ailleurs, on le précise à notre page 6; on dit que nous estimons que les employés de la commission qui n'ont aucun pouvoir décisionnel dans l'attribution d'une requête ou dans les autres matières qui constituent une violation au code devraient être syndicables.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Stricte-

ment pour ce qui est du personnel de soutien, je vous dirais que je suis pris dans des situations quelquefois où, s'il fallait que mon personnel de soutien immédiat ne soit pas là, et à cause des responsabilités que le premier ministre m'a confiées, je serais en mauvaise position pour agir.

M. Harguindeguy: Non, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai absolument besoin de ce personnel de soutien pour agir dans l'intérêt public.

M. Harguindeguy: Oui, mais dans les cabinets de ministres, on a accepté que tous les employés qui sont là soient considérés comme non syndicables, pour toutes sortes de raisons, pas seulement pour la confidentialité. Il y a aussi d'autres aspects qui interviennent. Généralement, le principe qui a été retenu par le législateur au début de l'introduction d'une telle définition, c'était la confidentialité dans le sens des relations du travail entre les employés et les patrons. Ceux qui étaient intermédiaires, comme dans les bureaux de personnel, ceux qui ont la possibilité d'intervenir dans les dossiers des individus qui sont leurs confrères de travail, on a reconnu que peut-être là il pourrait y avoir certains conflits d'intérêts, en tout cas, intérêts entre guillemets, mais certains conflits. Je prends l'exemple, actuellement, du Bureau des commissaires du travail qui accorde des accréditations. Les personnes qui reçoivent les dépôts de requêtes au comptoir du ministère, qui estampillent les cartes de membre ou les procédures sont actuellement des gens syndiqués depuis déjà de nombreuses années. C'est même par une décision du Tribunal du travail qu'ils ont été reconnus comme étant syndicables, non tenus à la confidentialité. Est-ce que le fait, aujourd'hui, d'être chapeauté par une commission - parce qu'on change le nom - rend les attributions plus confidentielles qu'elles ne l'étaient auparavant? C'est sur cela qu'on s'interroge. Ce n'est pas parce qu'ils portent le titre de syndiqués qu'ils vont favoriser un syndicat ou l'autre, ils l'ont eu. On a même déposé, en tant que syndicat des fonctionnaires, une requête en accréditation pour des membres chez nous et on n'a pas été plus favorisés par eux que d'autres syndicats. Je pense que les gens ont des règles à suivre et ont aussi, quand même, un certain professionnalisme à respecter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que vous allez quand même convenir avec moi que le personnel du Bureau des commissaires du travail qui sera transféré ou qui sera appelé à être transféré à la commission aura un rôle plus étendu que celui qu'il a présentement. Il ne conservera pas le même rôle.

M. Harguindeguy: Non, pas celui-là. Mais les services essentiels, dans le cas d'une éventuelle grève ou d'une négociation, sont quand même négociés au gouvernement aussi. On établit des services essentiels partout, dans tous les ministères et dans tous les organismes. On va même plus loin que la lettre et l'esprit. On va plus dans l'esprit de la loi pour assurer des services à la population que dans la lettre comme telle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à vous dire que ce que vous me dites là, c'est vrai dans la plupart des cas.

M. Harguindeguy: Chez nous, dans tous les cas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être que, chez vous, c'est dans tous les cas, mais je n'ai pas simplement à considérer chez vous comme ministre du Travail. Depuis 18 mois, j'ai vécu, heureusement, très peu d'expériences où ce n'était pas le cas. Et, à ce moment-là, il faut avoir les outils pour agir.

M. Harguindeguy: Oui, mais on négocie quand même au...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et je dis bien "très peu".

M. Harguindeguy: Au gouvernement du Québec, on négocie depuis 1966. À toutes les négociations, il y a une entente sur les services essentiels. Même si la loi prévoit actuellement la possibilité pour le Tribunal du travail de statuer sur l'exclusion ou la reconnaissance des services essentiels, cela n'a jamais présenté de difficulté. Je pense qu'il faut dissocier les services essentiels pour le maintien de certains services afin de faire en sorte que l'administration fonctionne et que la population ait les services auxquels elle est en droit de s'attendre et la nature confidentielle de leur emploi. Dans les dispositions actuelles, les modifications que vous apportez font en sorte qu'automatiquement, qu'ils soient essentiels ou non, ils vont être exclus de notre association syndicale, et ce, pendant la durée de la convention collective.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais bien savoir si, dans votre intervention, vous vous portez garant que les autres syndicats, dans les domaines où ils oeuvrent, vont également, lorsque c'est requis, offrir les services essentiels avec la même ouverture que vous les offrez.

M. Harguindeguy: Ils ne seront pas des employés de la commission. Je peux me

porter garant pour les employés de la commission parce qu'éventuellement on souhaite à les représenter. Mais je ne peux pas me porter garant pour les autres syndicats dans d'autres domaines. Je ne me porte pas garant du secteur hospitalier, scolaire et du reste; à chacun ses bébés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je vais, en vertu de la règle de l'alternance, demander...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique de l'Opposition et député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je voudrais simplement souhaiter la plus cordiale des bienvenues à M. Harguindeguy ainsi qu'à ses collaborateurs et les remercier d'avoir, dans un court délai et avec les moyens du bord, convenu qu'il leur appartenait de présenter leur avis sur un projet de loi qui, comme cela a été annoncé par le ministre, représente quand même des changements majeurs, à tout le moins dans les notes explicatives. On annonçait quelque chose d'important, de majeur dans chacun des articles. C'est pour cela qu'on tenait des audiences et qu'on est convaincu qu'il y a des faiblesses, des trous majeurs à certains endroits. Vous avez fait le choix de prendre trois éléments, trois aspects et c'est un peu normal, compte tenu du genre de clientèle qui est la vôtre. Vous vous êtes probablement prononcé davantage sur les sujets sur lesquels vous vous sentiez plus habile, plus à l'aise, plus armé pour justifier votre point de vue.

J'ai quelques commentaires à faire avant de passer aux questions. Je crois que vous avez souligné, à quelques endroits, des aspects qui mériteront sûrement d'être approfondis lors de l'étude article par article et, en particulier, certains principes, entre autres celui d'avoir droit à une audition. Je pense que vous avez clairement exprimé que, pour vous, c'étaient vraiment des dispositions qui venaient affaiblir ce qui existe déjà dans le projet de loi et qu'en conséquence cela vous souriait. Il y a aussi le fait que vous vous préoccupiez de couvrir syndicalement les personnes qui oeuvreront dorénavant à la nouvelle Commission des relations du travail, mais qui ne sont pas directement associées à des décisions en termes de responsabilités. Je pense que c'était normal que ce soit soulevé et remis en question puisqu'il n'y en a pas beaucoup qui l'ont fait. Sous réserve, le ministre a mentionné que vous étiez le seul groupe. Je pense qu'il y a également la FTQ. On a un mémoire pour le vérifier, mais il n'y a pas beaucoup de groupes qui ont souligné le fait qu'il y aurait lieu d'envisager la syndicalisation du personnel. J'y reviendrai dans quelques secondes.

Je tiens à vous souligner que, en ce qui me concerne, votre dernière remarque relativement aux agents d'accréditation, je la partage. J'avais déjà indiqué, d'ailleurs, dans mon discours de deuxième lecture que je trouvais curieux qu'il n'y ait pas plus de précisions quant à la disposition de ce personnel qui, tout compte fait, n'a rien à voir avec la nécessité des orientations politiques d'un gouvernement qui apporte des changements majeurs. Cela n'a rien à voir avec les employés comme tels et en conséquence il me semble qu'il y a lieu de ne rien économiser pour offrir les meilleures garanties possible à ces personnes.

J'ai quelques commentaires et quelques questions. Pour ce qui est de la nomination, à la page 3 de votre mémoire, vous dites au milieu du paragraphe: "Nous sommes également au regret de constater l'aberration qui aura cours si le projet de loi est sanctionné dans sa forme actuelle, notamment par la disposition de l'article 31 qui vise à prévoir que "une contravention à l'article 109.1 ne donne pas ouverture à une plainte à la commission".

Je comprends cela et c'est clair. Mais là, vous dites: Cela va instaurer un régime de deux poids, deux mesures et vous expliquez que la nouvelle commission aura le mandat de pouvoir ordonner à toute personne, etc. J'arrête là. À la fin, vous dites: "...la même commission n'aura pas juridiction pour intervenir advenant le cas où un employeur ne se conformerait pas aux dispositions de l'article 109 du Code du travail.

Je l'avais cet après-midi, mais là, je ne l'ai pas sur moi. Est-ce à dire que l'article 109 du Code du travail te! qu'il existe aurait des dispositions uniquement quand c'est l'employeur qui n'y se conforme pas? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

M. Harguindeguy: L'article 109.1, c'est l'utilisation des "scabs".

M. Gendron: D'accord, c'est cela que je ne savais pas.

M. Harguindeguy: À l'article 109.1, c'est l'utilisation des "scabs". Cela veut dire que la commission... S'il y a une grève légale et que l'employeur utilise des "scabs", le syndicat ne pourra pas porter plainte. Il va falloir qu'on aille au tribunal de droit commun, alors qu'en vertu de l'article 134 la commission, dans notre cas à nous, on peut nous ordonner de cesser de faire des choses. Alors, on estime que...

M. Gendron: Là, cela me va parce que je n'avais pas la référence au Code du travail. Justement, puisqu'on parle de cela, c'est un aspect quand même un peu inquiétant dans le projet de loi qu'on dise... Il y a plusieurs intervenants qui ont dit: La

nouvelle Commission des relations du travail devrait avoir des pouvoirs forts, unifiés, centralisés, peu importent les expressions, et il y a plusieurs dispositions dans le projet de loi qui confient à la commission la juridiction exclusive en matière de pratiques déloyales, une série de pratiques déloyales que vous connaissez. Vous, vous n'avez pas traité de cet aspect. Voici la question que je pose précisément: C'est quoi, votre avis, par rapport à l'éventualité d'inclure dans la nouvelle Commission des relations du travail des dispositions antibriseurs de grèves et des dispositions concernant le piquetage? Même si vous ne l'avez pas traité dans votre mémoire, est-ce que vous avez une opinion sur cela comme groupe de syndiqués important et ayant vécu ces problèmes à quelques reprises? Est-ce que vous croyez concrètement que des dispositions devraient être prévues à la nouvelle Commission des relations du travail concernant les dispositions antibriseurs de grèves et une réglementation éventuelle généralisant les principes entourant le piquetage? (20 h 45)

M. Harguindeguy: En fait, pour l'utilisation des briseurs de grèves, le Code du travail n'est pas modifié. Cela veut dire que l'interdiction demeure sauf que les recours pour la partie syndicale ne se font pas à la commission ou à un éventuel tribunal du travail; c'est ailleurs. Pour ce qui est de réglementer sur le piquetage, je pense qu'il y a déjà des jurisprudences d'établies de l'introduire dans la loi comme telle. Si l'on regarde ce qui est reconnu actuellement comme légitime, nous n'aurons pas de difficultés. Ce que nous souhaitons, finalement, c'est que, dans le domaine des relations du travail et dans tous les conflits que cela génère, les parties n'aient à faire appel qu'à une seule institution, contrairement à la situation actuelle où toutes sortes de démarches s'effectuent et occasionnent des délais. D'ailleurs, on aurait souhaité obtenir certaines statistiques pour connaître quels groupes déposent le plus d'appels, auprès du Tribunal du travail, des décisions rendues particulièrement sur des actes comme les articles 14 et 15 où des décisions rendues sont souvent appelées; il aurait été intéressant de savoir quels sont les pourcentages des appels déposés par la partie syndicale et par la partie patronale. Quant à nous, il nous semble que c'est peut-être plus le côté patronal qui utilise un tel recours, notamment dans les cas de congédiements pour activités syndicales, suspensions, déplacements. Du moins si je me fie à ce que l'on vit dans certains ministères, c'est l'expérience qui nous est donnée. Alors, si je la transpose ailleurs, j'ai l'impression que cela doit être identique.

M. Gendron: M. Harguindeguy, je sais que les dispositions antibriseurs de grèves sont ailleurs. Voici ma question: Puisque vous venez de mentionner que normalement vous souhaitez que les parties fassent référence ou se rapportent à une seule instance qui gère l'ensemble des relations du travail, puisque dans à peu près n'importe quelle situation conflictuelle vous avez l'une ou l'autre des situations qui s'appliquent, c'est-à-dire antibriseurs de grèves ou piquetage, est-ce que vous ne croyez pas que cela devrait être rapatrié à la Commission des relations du travail plutôt que d'être laissé au Code du travail?

M. Harguindeguy: En tout cas, si c'est là notre instance, on estime que tout devrait être sous la même responsabilité parce que, dans un conflit, il y a quand même bien des éléments qui doivent être évalués. Parfois, les syndiqués font la grève, peut-être parce que l'employeur tient à ce que cela se fasse; à l'inverse, l'employeur pose des gestes parce que le syndicat le souhaite aussi. Je pense que c'est l'ensemble de la situation dans le contexte particulier d'une négociation ou du conflit qui doit être évalué, ce que parfois les tribunaux de droit commun ne font pas. L'aspect humain, conflictuel qui existe, à notre sens, est trop souvent oublié quand on fait affaire à des tribunaux civils; il nous semble donc qu'on aurait intérêt à avoir un organisme qui aurait juridiction sur ces matières de relations du travail.

M. Gendron: À la page 3 également, vous avez traité, en une phrase, de l'indépendance que doivent posséder les commissaires nommés à cette commission. Vous avez fait référence à la durée du mandat qui était trop courte, parce que, tel qu'exprimé, c'est au plus cinq ans. Là-dessus, je pense que cela ne devrait pas causer de problème, tout le monde a dit que cela n'avait pas d'allure. Probablement qu'à ce moment-là le ministre va comprendre; quand tout le monde dit que cela n'a pas de bon sens, cela devrait lui donner assez d'indications.

Je suis un peu étonné que vous ayez uniquement un avis sur la durée du mandat. Il me semble qu'il y a pas mal plus que cela qui entoure toute la notion de consacrer davantage de crédibilité, d'indépendance, de notoriété non seulement aux commissaires, mais également au processus de nomination du président, du vice-président. Est-ce qu'on laisse cela ouvert comme cela l'est? Si le ministre décide d'en nommer quatorze, ce sont ses affaires. Avez-vous des avis là-dessus, sur le nombre?

Une voix: ...

M. Gendron: Oui, je sais, mais le ministre est membre du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Collégialité.

M. Gendron: Je sais cela. J'aimerais, si vous avez des avis... Si vous n'en avez pas, libre à vous, mais j'aurais aimé que vous étoffiez davantage toute la question des commissaires de la commission. Est-ce que, par exemple, pour vous, ce n'est ni chaud ni froid une nomination par l'exécutif versus une nomination faite par l'Assemblée nationale? Comme dans certaines commissions, entre autres je pense à la Commission des droits et libertés de la personne où c'est le cas, le président et le vice-président sont nommés par l'Assemblée nationale... Est-ce que vous voyez une différence, toujours sur l'aspect de consacrer un peu plus de notoriété, de crédibilité, d'indépendance à la commission?

M. Harguindeguy: On ne s'est pas arrêté sur la notion de qualité des commissaires qui seraient nommés parce qu'il nous semble que cela va de soi que les gens qui seront là seront des gens futés dans le domaine, qui auront quand même une certaine fiabilité si on veut que les parties se plient aux décisions. Cela prend des gens... On s'est dit que probablement le gouvernement appliquerait au moins cette règle. Cependant, nous, en tant que syndicat concerné directement par les décisions des commissaires, éventuellement, comme c'est le gouvernement qui nomme, dans notre cas particulier, le gouvernement c'est aussi notre employeur. On estime qu'à ce niveau les gens doivent avoir une certaine indépendance parce que, s'ils sont à la merci des décisions qu'ils rendent, on aurait peut-être des décisions qui ne seraient pas nécessairement à notre avantage et qui ne refléteraient peut-être pas non plus une justice qui se devra d'être rendue.

Alors, on s'est peut-être beaucoup plus attardé sur la question du mandat parce qu'on estime que les gens doivent être libres de rendre les décisions qui s'imposent selon les faits et la preuve qui y a été administrée. Sur le reste, il nous semble que cela irait de soi, sauf que bien souvent on essaie de se limiter à l'essentiel sachant que malheureusement l'Assemblée nationale, le gouvernement en place, n'en tiennent pas toujours compte pour promouvoir des amendements. Alors, on s'est attardé uniquement à l'essentiel.

M. Gendron: À la page 4, encore là, vous avez touché un point qui a été évoqué par d'autres. Plusieurs prétendent que le Tribunal du travail comme tel devrait demeurer, quitte à ce que, au contraire, on lui ajoute certaines responsabilités. Sur cet aspect, je pense que votre point de vue est clairement exprimé et que vous souhaitez davantage le maintien du Tribunal du travail plutôt que l'incorporation. Je veux tout simplement vous indiquer qu'en ce qui concerne l'Opposition nous allons regarder cela de très près.

C'est un point de vue. Tant qu'on n'aura pas vu fonctionner la nouvelle Commission des relations du travail, cela peut être difficile de porter un jugement sur les carences qu'occasionnerait la structure d'intégration du Tribunal du travail. Je pensais que c'étaient davantage les matières sur lesquelles ils avaient juridiction qui intéressaient les parties, mais vous, probablement compte tenu de son expertise, de sa pratique et de la jurisprudence qui s'y est développée, vous trouvez que cette instance est crédible et qu'elle doit demeurer.

M. Harguindeguy: Plutôt que de faire appel à la Cour des sessions de la paix où on pourrait éventuellement être aussi englobés, on estime qu'il y a quand même d'excellents juqes actuellement au Tribunal du travail qui ont une expertise, même s'ils ne s'entendent pas sur l'interprétation ou les décisions pour les rendre identiques. On donne des exemples de cas sur lesquels il y a eu trois jurisprudences différentes ou trois décisions différentes. Cela arrive dans toutes les cours aussi, vous savez. Il y a des tribunaux, même la Cour des sessions de la paix ou la Cour provinciale où, bien souvent, les juges statuent de façon différente et ne suivent pas nécessairement la même ligne de conduite. Donc, on vit cela partout. Même dans les commissions et les réqies gouvernementales, bien souvent, des décisions quelque peu contradictoires sont rendues qui n'éclaircissent pas plus la situation.

Je pense qu'on sera inévitablement appelés à vivre avec cela, à moins qu'il n'y ait une décision collégiale et que, chaque fois, on n'exige qu'une décision collégiale soit prise et là, je pense qu'on alourdirait le processus. Donc, il faut s'habituer à vivre avec. Sauf que faire appel à la Cour des sessions de la paix, à notre avis, c'est prendre des risques parce que, même si le ministre a parlé tantôt d'avoir peut-être une chambre particulière pour le travail, ce n'est pas nécessairement sûr que, pour des questions monétaires, on ne regroupera pas éventuellement les juges, parce que, là aussi, il y a des financières, des réductions et, en fait, des interventions indirectes qui surviennent et on ne voudrait pas les vivre.

M. Gendron: À la page 5, vous faites une référence qui a été reprise par plusieurs intervenants. Je ne veux pas tellement que vous m'expliquiez le sens de l'évocation, à l'article 137.3, que les politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Je comprends cela. Lorsque vous mentionnez que c'est quelque

chose d'un peu étonnant, j'aimerais savoir, d'après vous, ce qui pouvait justifier le législateur d'envisager que ces politiques de la commission ne la lient pas dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Est-ce que vous voyez des motifs particuliers? Autrement dit, est-ce que vous avez une justification à une telle disposition?

M. Harguindeguy: Je pourrais peut-être faire le parallèle avec une situation qu'on vit au gouvernement. J'imagine que vous connaissez pas mal les gens impliqués aussi. Prenons la directive du Conseil du trésor sur l'embauche ou l'utilisation des employés occasionnels. C'est un énoncé de politiques également. Est-ce qu'on peut dire qu'il est effectivement appliqué de façon uniforme et globale partout? Ce n'est pas vrai. Les énoncés de politiques changent au gré du vent, pratiquement. On en vit trop souvent, nous, au gouvernement, pour accepter que, dans ce domaine qui est important, on vive strictement avec des énoncés de politiques. C'est finalement l'impossibilité, quant à nous, de connaître l'heure juste, de savoir quels sont les recours et les procédures exacts, puisqu'on dit que cela ne lie pas la commission. Qu'est-ce qui nous dit qu'éventuellement les gens, sur la base d'énoncés politiques, diront: Je n'ai pas de droit, je ne fais pas d'appel, alors que d'autres vont foncer pour finalement constater des changements? On estime que certaines choses doivent être bien connues de tout le monde et immuables. Si cela prend un amendement à la loi, au moins qu'on le fasse si cela permet à tous les intervenants au moins de se faire entendre. Des énoncés de politiques, il n'y a pas de procédure non plus qui permette... Ce n'est pas comme un règlement du gouvernement où il y a une prépublication de 30 jours dans la Gazetteofficielle et où on a le droit de faire appel et ainsi de suite. Si je prends l'exemple des occasionnels, on pourrait en parler longtemps; on prendrait toute la soirée et une partie de la nuit pour donner tous les exemples des énoncés de politiques qui ne sont pas suivis.

M. Gendron: C'est drôlement fait. Je voulais avoir l'explication que vous y voyiez, sauf qu'après l'explication que vous venez de donner cela veut dire que vous êtes convaincus que cette disposition devrait être retirée.

M. Harguindeguy: C'est ce qu'on recommande.

M. Gendron: C'est ce que vous recommandez.

M. Harguindeguy: Quant à nous, cela n'a pas sa place.

M. Gendron: La retirer carrément. Le dernier commentaire va être sur la syndicalisation. Je vous avoue que j'écoutais attentivement les explications que vous avez données et je prétends que, oui, vous avez donné des explications qui méritent d'être analysées davantage. Concernant le personnel qui ne peut pas intervenir directement dans le pouvoir décisionnel concernant l'attribution d'une requête en accréditation ou autres, je pense que ce problème devrait être fouillé davantage. Je veux juste savoir ceci: Est-ce que ces gens qui ont sûrement entendu parler du projet de loi et qui éventuellement pourraient se voir offrir des transferts, étant donné que la plupart oeuvrent actuellement à l'une ou l'autre des diverses instances qui sont substituées, que ce soit le Bureau des commissaires du travail, le Tribunal du travail, le Conseil des services essentiels, je parle, bien sûr, des employés de soutien, des fonctions d'employés de bureau, ainsi de suite? Est-ce qu'il y a des gens qui vous ont fait des représentations, à ce moment?

M. Harguindeguy: Bien, chez nous, les membres directement concernés, oui, parce qu'ils sont déjà syndiqués à l'heure actuelle et voient donc venir leur disparition.

M. Gendron: Oui, oui, pour eux, j'en suis pas mal sûr.

M. Harguindeguy: Concernant les agents en accréditation, il y en a quelques-uns qui s'interrogent, bien sûr, même s'ils ne sont pas syndiqués. Je pense qu'ils frappent à plusieurs portes pour essayer d'avoir au moins certaines informations. Pour les employés des services essentiels, à ma connaissance, ils se sont adressés à une autre centrale pour déposer une requête en accréditation. Mais je pense que ce qui figure dans les dossiers de la requête en accréditation des employés de la commission, c'est la distinction qu'il y a à apporter entre la confidentialité et les services essentiels. Est-ce qu'on peut dire qu'au Québec il y a un organisme ou une instance qui est aussi importante que l'Assemblée nationale? Sûrement pas. À l'Assemblée nationale, les employés sont syndiqués avec nous. On est en négociations, cela n'empêche pas l'Assemblée nationale de siéger quand même. Je pense à tout le personnel de soutien, sauf les pages qui sont occasionnels et qui sont non syndicables, ce qu'on déplore aussi; les autres sont syndiqués chez nous et je ne pense pas qu'en période de négociations vous ayez à subir des conflits dans les services que les gens sont appelés à vous rendre. Là aussi on a établi des services essentiels pour s'assurer que l'Assemblée nationale continue à siéger. Si la commission est plus importante que l'Assemblée nationale et qu'il faille les mettre non syndicables pour

s'assurer qu'en tout temps ils vont donner des services, je pense que c'est un peu exagéré.

M. Gendron: Mais est-ce que vous ne croyez pas - et là c'est un point de vue que j'aimerais avoir de votre part - qu'il y a un aspect où une Commission des relations du travail renouvelée, à palier unique, avec possiblement, selon les indications du ministre, sûrement pas dans ce qu'on peut voir dans le projet de loi... Mais, s'il y avait des phases subséquentes à des modifications importantes du Code du travail qui auraient comme conséquence que cette Commission des relations du travail, qu'il envisage de créer, pourrait devenir une instance qui en gros - juste pour s'exprimer rapidement - en gérerait beaucoup, en gérerait gros, en gérerait grand... Est-ce que d'avance il n'y a pas une espèce d"'entache" ou d'entrave à la crédibilité de l'instance pour des parties, l'une ou l'autre, de voir qu'il y a du personnel syndicable à l'intérieur d'une telle instance, indépendamment - encore là, je veux juste avoir votre point de vue - des niveaux de responsabilités? Si cette boîte a à fonctionner pas nécessairement pour des motifs que les commissaires ou les gens qui auront à prendre des décisions, devront toujours être accompagnés - c'est une expression dans le temps - du personnel de soutien, mais si cela forme vraiment un tout, voici ma question précise: Vous, est-ce que vous croyez que cela peut entacher la crédibilité de l'instance?

M. Harguindeguy: Je ne le crois pas. Je ne pense pas que le fait d'être syndiqué présuppose que les gens ne sont pas plus professionnels que d'autres. Je ne pense pas non plus que le fait qu'ils soient syndiqués, cela modifie quand même leur comportement et leur point de vue. À ce moment, est-ce qu'on devrait demander que même les juges qui originent parfois... Est-ce que des avocats et qui prônent la thèse syndicale ou patronale ne devraient pas être nommés juges non plus parce qu'un jour ils auront à trancher? Je pense qu'il y a quand même des règles à respecter. Si éventuellement du favoritisme était exercé, je pense que des mesures disciplinaires pourraient se prendre aussi. Mais l'expérience l'a démontré jusqu'à présent: depuis nombre d'années que les gens sont syndiqués, entres autres, les commissaires du travail, je ne pense pas qu'on puisse prétendre qu'il y ait eu des procédures entachées d'irrégularités parce que des employés syndiqués ont traité le dossier. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre cela et dire qu'un employé a favorisé telle ou telle centrale par rapport à une autre parce qu'il favorise plus cette centrale. L'expérience est là quand même depuis des décennies, contrairement peut-être aux services essentiels où les employés étaient des salariés non syndiqués, jusqu'à présent. Ils n'ont peut-être pas jugé à propos de le faire, mais quand le Conseil des services essentiels a été institué, je ne pense pas que l'Assemblée nationale ait envisagé de considérer ces employés comme non syndi-cables. Ils n'ont pas été exclus. Est-ce que, parce qu'ils vont devenir des fonctionnaires, ils doivent être exclus? C'est cette distinction qu'on ne comprend pas.

M. Gendron: La possibilité d'influences internes, vous n'en voyez pas. D'après vous, des possibilités d'influences internes - ces gens ont le droit de parler... Il se pourrait que ces gens, compte tenu du fait qu'ils appartiendraient sûrement à un groupe, à une centrale quelconque...

Une voix: ...

M. Gendron: Je sais que vous souhaitez que cela avance. Vous avez dit que, normalement, ce sont des fonctionnaires, cela devrait être le syndicat des fonctionnaires. Vous, de l'influence qui aurait une connotation négative, vous n'en voyez pas.

M. Harguindeguy: II faut quand même aussi admettre que, dans la fonction publique, on vit également avec ce qu'on appelle un code d'éthique, contrairement à d'autres organismes. Je ne pense pas que, dans le secteur hospitalier ou scolaire, vous ayez un code d'éthique qui régisse le travail des employés et leur comportement. Donc, déjà là, vous avez des règles additionnelles qui sont applicables aux employés de l'État, ce qui va de soi. Et il me semble que cela devrait être suffisant pour les garder syndiqués. Le fait d'être syndiqué, cela permet aussi aux employés qui sont les premiers concernés de faire valoir éqalement leurs droits, pas seulement en temps de négociation, mais en temps d'application aussi. Alors qu'à l'heure actuelle ils sont quand même un peu des gens non syndiqués et à la merci du bon vouloir de leurs patrons à bien des niveaux, je ne dis pas que cela va mal partout, mais cela ne va pas nécessairement bien partout non plus.

M. Gendron: Je vous remercie, M. Harguindeguy.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre. -

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que les questions posées font le tour des préoccupations soulevées dans le mémoire. Je tiens à vous remercier d'avoir insisté sur ces points. Vous avez insisté sur des points que les autres parties, par souci de priorité sans doute, ont choisi de ne pas élaborer

nécessairement. Je vous dirai que, comme ministre responsable, j'accorderai une attention particulière aux droits des employés actuellement en place.

M. Harguindeguy: On vous remercie et, si vous avez besoin d'autres informations ou d'autres opinions, on est à votre disposition.

Le Président (M. Théorêt): M. le président, merci. M. le...

M. Gendron: Oui. Je voudrais remercier M. Harguindeguy et son groupe, surtout, comme je l'ai mentionné, d'avoir eu le mérite de présenter leur point de vue et d'avoir insisté sur des points où ils croyaient qu'il était légitime d'insister. Je pense que, chaque fois que des intervenants prennent la peine de présenter un mémoire sur une réforme importante, c'est participer à sa bonification et c'est dans ce sens qu'il faut travailler. J'ai été très heureux d'avoir votre contribution.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président et merci à vos collègues.

Je vais suspendre nos travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 3)

(Reprise à 21 h 11)

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux et j'ai le plaisir, M. le président du Conseil du patronat, ainsi que vos collègues, de vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues à cette commission et de vous remercier de votre présence ici ce soir. Je vois votre très nombreuse délégation. Je vous fais part que vous avez trente minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Si vous voulez avoir d'autres intervenants pour le présenter en partie, libre à vous, évidemment. Je vous demanderais dans un premier temps de bien vouloir nous présenter les collègues qui vous accompagnent à la table en avant, M. le président.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. Gendron, d'abord, la présentation des collègues. À mon extrême gauche, M. André Martel, président-directeur général de l'Association des détaillants en alimentation, Me Claude Le Corre, avocat chez Martineau, Walker, Me Luc Beaulieu, avocat chez Ogilvy, Renault. À ma droite très immédiate, Me Philippe Casgrain, avocat chez Byers, Casgrain, Me Pierre Beaudoin, avocat chez Gagnon, De

Billy et M. Gilles Lavallée conseiller principal en relations du travail a Alcan. Merci.

La façon dont nous allons procéder, M. le Président: étant donné que je suis convaincu que vous avez lu très attentivement notre mémoire, et le ministre également, je vais en passer des bouts et essayer de le résumer de façon à donner la parole, à la fin de nos trente minutes, vers les vingt-cinq minutes, à un porte-parole qui est avec nous. Il représente une de nos 126 associations, qui n'a pas pu se faire entendre dans ce débat à cause des délais et, d'autre part, à cause de l'urgence, semble-t-il, qu'il y avait pour cette commission de recevoir les mémoires. M. Martel fera un exposé de cinq minutes. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Le mémoire. Au début de mai 1987, lors du dépôt à l'Assemblée nationale du projet de loi 30, le CPQ disait ne pas partager l'analyse faite par le ministre du Travail de la situation qui prévaut actuellement au Bureau du commissaire général du travail et au Tribunal du travail, et qui justifiait, selon le ministre - mais partout où on utilisera dans notre mémoire le mot ministre, on pourra plutôt sous-entendre le ministère - le dépôt du projet de loi 30.

Le CPQ - et c'est moi qui ai eu l'occasion de l'exprimer - ajoutait cependant qu'il étudierait sérieusement les propositions législatives susceptibles de répondre à ses interrogations et à son analyse, qu'il leur accorderait automatiquement un préjugé favorable - un vocabulaire bien connu - et qu'il y réagirait ultérieurement. Cette étude effectuée en collaboration avec de nombreux spécialistes est maintenant complétée. J'insiste sur le mot "nombreux" spécialistes. De tous les organismes, sans interroger ce qu'ont fait les autres, qui se présentent devant votre commission, M. le Président, je pense qu'on pourrait probablement afficher la plus longue liste des personnes qui ont été consultées. Autant le CPQ exprimait son désaccord hier avec l'analyse faite par le ministre pour justifier le dépôt de son projet de loi, autant il exprime aujourd'hui son désaccord avec le contenu du projet de loi. Selon le CPQ, en effet, il s'agit d'un projet qui va plus loin que ce que suggérait la commission Beaudry dont les propositions, à cet égard, ont été rejetées par l'ensemble du patronat. Il s'agit d'un projet que d'aucuns ne se gênent pas pour qualifier de monument à l'arbitraire - on démontrera un peu plus tard en quoi - d'un projet qui va a contre-courant de la tendance qui se dessine dans l'administration gouvernementale, à savoir le non-interventionnisme étatique, d'un projet qui permettrait dorénavant à l'État de gérer les relations de travail et les ressources humaines dans les entreprises québécoises par Commission des relations du travail interposée, d'un projet, en somme, qui

propose le changement pour le changement et d'un point important - qui a été souligné ici par de nombreux intervenants également du côté syndical - qui fait fi de l'indépendance judiciaire et qui fait du Code du travail un outil administratif et non plus une loi à être gérée dans le cadre d'un système judiciaire ou quasi judiciaire.

Nous justifions ci-après le jugement sévère que nous portons sur ce projet de loi, projet qui n'est d'aucune façon, selon nous, favorable aux entreprises québécoises et qui ne peut vraiment prétendre être l'instrument d'une amélioration des relations patronales-syndicales.

Donc, premier volet: désaccord avec l'analyse qui est venue appuyer le projet de loi. Le ministre du Travail exprime clairement ses motifs à l'appui du dépôt dans le mémoire de présentation qu'il soumettait en janvier dernier au Conseil des ministres et qu'il reprenait à l'Assemblée nationale dans le cadre du débat de deuxième lecture. Sans reprendre tous les arguments invoqués par le ministre, disons que ceux-ci touchent essentiellement les éléments suivants: la multiplicité des instances et des recours, la judiciarisation du régime, les délais et la complexité du système comme frein à la syndicalisation.

Tout en reconnaissant l'exactitude de certains éléments de cette analyse - cela nous apparaît important de le dire parce que, même si c'est sévère, il reste que dans l'analyse il y a de très bons points et de très bons éléments; d'ailleurs, on va y revenir un peu plus tard - dont le fait que dans le passé on a pu déplorer, tant du côté patronal que syndical, certains délais dans l'application de la loi, délais qui honnêtement ne posent plus aujourd'hui vraiment de problème, nous ne pouvons partager l'ensemble de l'analyse faite par le ministère.

Le premier point: la judiciarisation. On le prend comme exemple. Nous croyons que l'analyse n'est pas exacte sur ce point et que l'hypothèse de la trop grande judiciarisation du régime n'est pas fondée. Les statistiques relatives aux décisions contestées du tribunal et des commissaires du travail pour les années 1980, 1981, 1982 et 1983 sont connues et on les présente en annexe à notre mémoire. Je rappelle que ce ne sont pas les chiffres du patronat, que ce sont les chiffres du ministère du Travail. Ce tableau révèle que, pour l'année 1983, il n'y s eu au total que 67 décisions contestées, dont 28 % par les syndicats - nous, on trouve cela tout à fait normal - sur un total de 6423. Le pourcentage des décisions contestées n'est donc que de 1,04 %. Par ailleurs, pour les années 1980 à 1983 inclusivement, il y a eu 29 214 dossiers ouverts et seulement 189 de ces dossiers ont fait l'objet de contestations, dont toujours 59 par les syndicats. Le pourcentage de décisions contestées, plus ou moins 1 %.

Ces données sont également confirmées par une étude plus récente réalisée pour le compte de la commission Beaudry par Me Yves-Marie Morissette, de l'Université McGill, et dont l'étude ministérielle ne semble pas avoir tellement tenu compte. Cette étude établit clairement, elle aussi, que le nombre de décisions du commissaire général du travail constestées devant les tribunaux est relativement peu important comme le démontre le tableau ci-après. Je ne le reprends pas, M. le Président. Encore là cela tourne autour de 1 %.

L'analyse du ministère indique qu'il y aurait lieu de penser que les ordonnances d'un nouveau conseil seraient plus efficaces, plus appropriées et, donc, qu'elles éviteraient ce recours, qualifié d'excessif, qui, pour nous, ne l'est pas, aux tribunaux. Les fameux "cease and desist orders" de certaines provinces du Canada anglais, cela fonctionnerait bien chez nous, nous dit-on. Mais, voici quelques questions: Est-ce que cela fonctionnerait aussi bien chez nous, chez les Latins que nous sommes? Comme tels, nous avons peut-être des réactions et des attitudes, dans le domaine des relations de travail, différentes des anglophones. Mais, il faut bien s'en rendre compte, lorsqu'une injonction n'est pas respectée, c'est parce que le juge qui l'a émise n'a aucune notion de ce qu'est la réalité des relations du travail. S'il arrive qu'une loi est défiée, c'est que le gouvernement, à son tour, a totalement perdu le contact avec la réalité ou encore qu'il poursuit de sombres desseins.

Par ailleurs, une ordonnance d'un membre d'un nouveau conseil des relations du travail, qu'elle plaise ou non à l'une ou l'autre des parties, serait scrupuleusement et instantanément respectée par toutes les parties! Pour nous, M. le Président, c'est de l'angélisme de croire cela.

Parlons maintenant des délais. Il n'est plus vrai de dire qu'ils sont exagérément longs. En effet, selon les plus récentes statistiques dont on dispose - et là-dessus on peut toujours âe chicaner à 1 % près - le délai moyen avant qu'une décision ne soit prise au sujet d'une requête en accréditation était passé de 7,5 mois en 1978-1979 à 3,12 mois en 1983-1984. C'est sûr que 7,53, c'était long, mais, en 1986-1987, cela tournerait autour de 1,78 mois. Vous me permettrez le commentaire suivant: C'est là un délai sensiblement plus court que celui qu'enregistre la commission d'appel en matière de lésions professionnelles mise sur pied il y a à peine vingt mois par le gouvernement québécois et dont le délai moyen est d'environ six mois entre l'appel et la décision. Et on vient juste de la mettre sur pied.

Quant à nous, ces délais pourraient être

raccourcis encore, semble-t-il, car plusieurs de ces délais ne sont pas dus aux dispositions du Code du travail, mais, notamment, à la pénurie de personnel affecté au Bureau du commissaire général du travail et à la trop grande diversité des fonctions confiées à ce personnel. Là-dessus, on cite un certain nombre de statistiques où on compare, par exemple, le volume de travail effectué ici au Québec au volume de travail effectué en Ontario, en Colombie britannique et au fédéral, de même que le nombre d'employés affectés à ces différents dossiers. On constate, les statistiques le démontrent, que le Québec doit disposer de beaucoup plus de requêtes que l'Ontario avec un personnel de loin inférieur en nombre. Je n'insiste pas là-dessus parce que M. Gendron, lors du débat en deuxième lecture, avait d'excellentes statistiques, un peu plus récentes que les nôtres, qui mettaient encore plus en évidence que notre dossier est exact là-dessus.

Si on ne retient que les requêtes en accréditation, on observe la même situation. On a encore un certain nombre de statistiques qui nous montrent carrément que le problème n'est pas si dramatique qu'on veut bien nous le faire savoir. C'était vrai -j'ai cité les 7,5 mois - il y a un certain temps, mais ce n'est plus vrai aujourd'hui.

Un point important, finalement: la législation québécoise récente - récente de quelques années, cinq ans - a ajouté à la charge de travail des commissaires de nouvelles responsabilités qui n'ont rien à voir avec le Code du travail quant à l'application de la Charte de la langue française, de la Loi sur les normes du travail, de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, etc.

Il y a trois ans, quelque 70 % des dossiers traités au Bureau du commissaire général du travail n'avaient rien à voir avec les accréditations et, selon ce qu'on a pu voir comme récentes statistiques, le pourcentage est maintenant passé à 83,5 %. La question qu'on pose: Est-ce qu'il se pourrait que le véritable problème en soit plutôt un de mandats multiples et de charges de travail, et non de dispositions du code qu'il faudrait modifier? Le rapport cogeri commandé par l'ex-gouvernement sur l'administration du Bureau du commissaire général du travail a bien démontré que les principaux problèmes actuels, dont celui des délais qui pourraient être diminués encore, tiennent surtout à des questions d'administration. Pourquoi ne pas trouver des solutions administratives à des problèmes administratifs?

Troisième dossier: l'accès à la syndicalisation. Finalement, le régime actuel ne faciliterait pas toujours l'accès à la syndicalisation. C'est très clair dans le mémoire soumis en janvier dernier au Conseil des ministres, (référence page 14). Il appartiendrait au gouvernement - toujours selon cette analyse - de remédier à cet état de fait, à savoir cette espèce de statu quo qu'on a dans la syndicalisation au Québec. Or, nous, bien sûr, ne partageons pas ce point de vue. Le rôle du gouvernement n'est pas de mettre sur pied des mécanismes qui n'auraient pour objectif que de contrer le plafonnement du taux de syndicalisation au Québec et, quand on compare la situation québécoise dans le secteur privé à celle qu'on connaît aux États-Unis, au Japon et ailleurs, on a un record, on a une situation qui n'est pas préjudiciable aux travailleurs québécois. Il faut donc chercher ailleurs que dans le code les raisons du plafonnement, sinon de la décroissance du taux de syndicalisation au Québec. On vous cite des spécialistes des relations de travail, Arthurs, Carter et Glassbeek, que tout le monde nous cite quand cela fait son affaire, qui nous disent carrément ici que les procédures québécoises au niveau de l'accréditation sont probablement parmi les plus larges et les plus ouvertes que l'on retrouve au Canada.

Pour nous, il y a d'autres raisons -évidemment, ce sont des questions d'analyse; on peut ne pas partager nos raisons - qui peuvent être évoquées pour expliquer le phénomène du plafonnement. Il y en a au moins une à laquelle vous allez, croit-on, souscrire: L'État, depuis des années et à bon droit, est intervenu dans un certain nombre de dossiers: les normes du travail, par exemple, la santé et la sécurité du travail, les personnes handicapées, l'accès à l'égalité. Il y a eu toute une série de lois proposées par l'État qui font que, maintenant, le syndicalisme, jusqu'à un certain point, n'a plus toujours sa même raison d'être dans certaines entreprises parce qu'on a donné, par voie législative, des conditions de travail qui pouvaient, dans certains cas, satisfaire les travailleurs québécois.

De toute façon, on termine ce volet en disant que tous les sondages révèlent qu'au Québec près de huit travailleurs non syndiqués sur dix ne désirent pas nécessairement l'être. Il ne faut pas ajuster nos lois en fonction d'un objectif qui n'est pas l'objectif recherché par les travailleurs non syndiqués.

En définitive, comme juqement un peu global sur cela, notre régime a à peine quinze ans; on y a travaillé, au régime mis en place actuellement. Ses structures, encore jeunes, pourraient être améliorées - et là-dessus on partage l'analyse du ministre -pour répondre plus adéquatement aux problèmes identifiés. Mais, il nous apparaît qu'un effort sérieux pour l'aider à se rendre à maturité, à la satisfaction des parties intéressées, pourrait fort bien représenter une meilleure avenue que ce qui nous est proposé.

Nous avions une Commission des relations du travail jusqu'en 1969. La loi a

été modifée, cette année-là, pour mettre sur pied les structures actuelles. Est-ce que la création - c'est interrogatif encore une fois - de nouvelles structures ne risque pas d'entraîner des problèmes d'adaptation plus grands que ceux que l'on dit vouloir régler' Simplement comme référence: vous êtes, pour plusieurs, des juristes. Cela va prendre au moins cinq ans avant de se donner une certaine jurisprudence à laquelle les parties pourront faire confiance; cela, c'est du vécu très réel pour tous les juristes qui oeuvrent dans le domaine du travail.

Deuxième volet, M. le Président, les attentes du patronat. Il n'est pas inutile de rappeler - le patronat l'a signalé maintes fois au lendemain de la publication du rapport de la commission Beaudry, dont le projet de loi nous semble s'inspirer largement, mais en allant plus loin - que la création d'une nouvelle Commission des relations du travail n'est d'aucune façon une demande patronale. Il s'agit essentiellement là d'une requête syndicale, vieille de plusieurs années maintenant - mon ami Louis Laberge est venu vous le confirmer très clairement hier - alors que les délais posaient beaucoup plus de problèmes que cela n'est le cas aujourd'hui.

Le projet de loi n'est donc pas une réponse aux demandes patronales. Il ignore, d'ailleurs, la totalité des représentations patronales faites au cours des dernières années et visant à faire amender certains aspects du Code du travail qui, pour le monde patronal, posent véritablement problème. On a ainsi raté une belle occasion, tout au moins, de signifier qu'on était prêt à faire disparaître un certain nombre d'irritants. Des irritants, vous les connaissez bien, ce sont les dispositions antibriseurs de grève et la question de la sous-traitance dont l'encadrement est beaucoup trop rigide, quant à nous, au Québec.

Cela n'apporte pas de réponses aux problèmes soulevés par le patronat et, en plus, cela ajoute de nouveaux irritants. On mentionne, à titre d'exemple, l'article 13 du projet de loi qui abroge les articles 28 à 30 du code actuel, ce qui signifie qu'il ne sera plus strictement obligatoire, dorénavant, qu'un syndicat compte au moins 35 % de membres pour réclamer la tenue d'un vote de représentation syndicale. Nous souhaitons que le ministre nous pose, à nous aussi, la question: Pourquoi les 35 % permettraient-ils plus facilement l'accréditation? Merci, M. le ministre.

La comparaison avec les autres provinces et le fédéral. Une des raisons les plus souvent invoquées réside dans le fait qu'on doive se mettre à la mode des institutions fédérales et des autres provinces, dont la Colombie britannique. Notons, d'abord, que la réforme proposée dans le projet de loi 30 va beaucoup plus loin que le régime fédéral actuel, que le régime ontarien, que le régime actuel de la Colombie britannique - l'autre n'est pas encore en vigueur - et, là-dessus, nous nous posons immédiatement des questions. Au moment où nous voulons faire la réforme, on sait qu'en Colombie britannique on fait une toute nouvelle réforme qui sera totalement différente de ce que l'on peut vivre actuellement chez nous. On le fait au nom de quelles raisons? Essentiellement, à cause de deux raisons: le système actuel, que l'on se propose de mettre sur pied ici, se serait judiciarisé et il y aurait trop de délais dans le régirne. Mais, ce qui est important - vous le voyez en page 11 de notre mémoire -c'est de dire que la réforme proposée en Colombie britannique s'accompagne d'une réforme globale du Code du travail. Cela nous apparaîtrait important, si on veut proposer ici une réforme de ce genre, qu'on la fasse de façon beaucoup plus globale. (21 h 30)

Cela nous amène à l'étude du projet de loi 30. On ne croit pas, en toute honnêteté, que le projet de loi 30 soit nécessaire pour corriger certains des problèmes que posent les structures actuelles du Bureau du commissaire général et du Tribunal du travail. Nous avons, cependant, nonobstant notre approche globale, fait une analyse sérieuse, objective du projet et force nous est de conclure que non seulement il ne réglera pas les problèmes actuels, mais qu'il en créera quantité d'autres et que le ministre, le gouvernement et l'Opposition devraient y repenser deux fois avant d'y donner suite, tout au moins à court terme.

Voici pourquoi, en résumé, de façon très partielle, puisque nous nous en tiendrons surtout au mandat et aux pouvoirs de la nouvelle commission. Le mandat. Vous en avez entendu parler beaucoup à cette commission, le mandat qui est confié a la nouvelle commission l'amènerait à se préoccuper de la bonne gestion des ressources humaines. On voit d'ici la portée très large de cet article. Outre le fait que le législateur utilise des mots qu'il ne définit pas, donnant ainsi un pouvoir discrétionnaire très large à la commission il ne la confine plus aux seules relations de travail, il étend ses pouvoirs à la gestion des ressources humaines.

On nous permettra d'exprimer notre désaccord avec un mandat aussi large confié à un organisme dont le rôle devrait être exclusivement d'appliquer des dispositions du Code du travail et non de les administrer comme le prévoit le texte de l'article 112.

L'article 137 confère à la commission des pouvoirs extraordinaires. La commission n'est pas obligée de tenir des auditions. Elle n'est pas obligée de motiver ses décisions. Elle n'est pas liée par ses propres politiques et, bien plus, ses décisions (qui peuvent

n'être que provisoires en toute matière) ne peuvent être portées en appel. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse là d'orientations qui amélioreraient le régime actuel, d'autant qu'il y a lieu de prévoir que le système se judiciarisera bien davantage - on essaiera de vous en faire la démonstration tout à l'heure - notamment par des requêtes en évocation déposées à la Cour supérieure ou encore par des plaintes relatives à la violation des droits reconnus clairement par la Charte des droits et libertés.

Quant à l'impossibilité d'en appeler des décisions de la commission, selon les dispositions de l'article 137.10, nous ne pouvons également y souscrire quand on constate qu'une décision pourra être prise par un seul membre du personnel de la commission qui, pourra être un employé à temps partiel en plus, et que ce membre pourra prendre cette décision sans audition, selon le mode de preuve qu'il décidera, et sans la motiver.

Rappelons, par ailleurs, que le gouvernement québécois a reconnu lui-même il y a deux ans, dans le dossier de la CSST, que ce qu'il propose aujourd'hui dans le projet de loi n'a pas de sens. On se rappelle, en effet, que les décisions de la CSST étaient, pour la plupart, finales et sans appel. Rappelez-vous, c'était avant la loi 42. M. Cusano va se le rappeler très clairement.

Devant cette situation que vous avez décriée avec nous, M. Cusano, le gouvernement, - parce que la CSST était juge et partie - a proposé et là, à la satisfaction de tout le monde, que toutes les décisions de la CSST, tant d'ordre médical qu'administratif -et on vous a félicité, M. Cusano, d'avoir piloté ce dossier-là - puissent être portées en appel devant la nouvelle commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Là, on a mis sur pied une commission d'appel à l'extérieur des cadres de la CSST, justement pour avoir un recours à l'extérieur. Par le projet de loi 30, on recréerait dans le Code du travail la situation qu'on vient justement de changer parce qu'on avait un certain nombre de problèmes avec cette situation-là.

Finalement, le projet de loi, au-delà du mandat et des pouvoirs discrétionnaires et absolus qu'il donne à la Commission des relations du travail dont les décisions ne pourront être portées en appel, comporte également toute une série de propositions auxquelles il est difficile de souscrire. C'est le cas d'un certain nombre d'articles: l'article 131 qui donne un pouvoir énorme au ministre du Travail; l'article 24 qui, en abrogeant les articles 49 à 51.1 du code, abolit toute obligation de motivation des décisions de la commission; les articles 115 et 116, c'est tout le problème de l'indépendance de cette commission qui a été posé, je pense, par tous les intervenants qui ont comparu devant vous; l'article 134.3 qui permet l'intervention de la commission dans le contenu même de la convention collective alors que toutes les parties, patronales et syndicales, lorsqu'elles ont négocié une convention collective, considèrent que c'est leur outil et ne sont pas d'accord pour qu'il y ait intervention de l'extérieur, notamment en ce qui concerne la procédure de grief. L'article 133 du code donnerait un rôle de médiation et de conciliation à la commission, alors même que son rôle véritable en est un d'adjudication. N'y aurait-il pas conflit, là, entre les deux rôles, adjudicateur et médiateur?

En conclusion, M. le Président, certains motifs... On le répète parce que souvent le ministre dit: Ce n'est pas vrai que mon affaire est toute croche. Nous autres aussi, on est d'accord: il y a des choses qui sont correctes. Il y a bon nombre de problèmes qui sont allégués avec lesquels on est d'accord, mais l'analyse tant des motifs qu'il exposait dans son mémoire que du projet de loi lui-même ne permet pas de conclure qu'il soit nécessaire de mettre la hache dans les structures actuelles pour atteindre certains des objectifs recherchés.

Quant à nous, il est possible d'améliorer le système actuel, tout comme il est possible de réduire les coûts qu'implique le système actuel pour les entreprises et les syndicats, tout comme il est possible, dans le système actuel, d'introduire, si on le souhaite, des mécanismes de conciliation et de médiation avec lesquels on est d'accord, tout comme il est possible de réduire les délais si on s'en donne la peine au plan administratif ou encore en libérant les structures actuelles de responsabilités qui ne sont pas les leurs.

Le régime peut être facilement amélioré, mais beaucoup de spécialistes nous disent que, même sans amélioration, il est encore préférable au monument à l'arbitraire que nous propose le projet de loi 30. Ce n'est pas peu dire de l'analyse qu'ils font de ce projet qui s'inscrit exactement dans la foulée des propositions du rapport Beaudry, rejetées d'emblée par le patronat, un patronat qui a réclamé des amendements aux dispositions antibriseurs de grève, aux limites à la sous-traitance, aux lois 17 et 42 touchant le régime de santé et de sécurité, mais non au Bureau du commissaire général du travail et au Tribunal du travail.

Il s'agit là, M. le Président, de notre position de fond. Par ailleurs, nous vous avons fait tenir une annexe qui comporte à peu près 70 pages. Je vais la lire parce qu'on y verra une ouverture que certains autres ne voient pas. La première partie est une analyse technique qui soulève les questions les plus pertinentes quant au projet de loi. Pour nous, alors qu'on nous propose un changement de structures, c'est un changement de fond. Pour nous, que cela

s'appelle une commission des relations de travail, une commission des relations industrielles, on n'a pas de problème avec cela. C'est le fond qui nous intéresse. Alors, dans la première partie, on soulève les questions les plus pertinentes quant au fond.

La deuxième partie de notre analyse technique propose un certain nombre d'amendements au projet de loi qui, et je le lis comme on l'écrit, "permettraient d'éviter le pire" si le législateur décidait éventuellement d'y aller. Si vous le permettez, on y reviendra au moment de la discussion parce que ce sont les points d'appui qu'on peut avoir dans le débat qu'on aura un peu plus tard.

Ainsi que je vous l'ai indiqué au tout début, je vais maintenant demander à un de mes collègues de s'exprimer car on a eu énormément de demandes de la part de nos associations - je vous rappelle qu'il y en a 126 - pour participer à cette commission. Évidemment, on ne peut pas faire intervenir tout le monde. On en a choisi un qui va s'exprimer durant les cinq minutes qui me restent, je pense, M. le Président. Cinq minutes et demie?

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): II s'agit de M. André Martel.

Le Président (M. Théorêt): Oui.

M. Dufour (Ghislain): II est le président de l'Association des détaillants en alimentation.

Le Président (M. Théorêt): J'invite donc Me Martel à procéder avec son exposé.

M. Martel (André): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. Gendron, distingués membres de la commission, évidemment, vous conviendrez avec moi que cinq minutes, c'est très peu pour faire le résumé d'un mémoire d'environ 26 pages que nous avons cru nécessaire de soumettre au bénéfice des membres de la commission et ce, même si nous n'avons pu réussir à avoir voix au chapitre à titre d'association invitée pleinement à participer aux délibérations de la commission.

Cinq minutes, c'est, évidemment, très peu également pour faire l'analyse technique d'un projet de loi comme le projet de loi 30 qui, à notre humble avis, est plus qu'un changement de détails ou un changement administratif, mais qui constitue un changement fondamental au sein de notre système de relations de travail.

Puisque cinq minutes c'est très peu, je voudrais en profiter immédiatement pour remercier M. Ghislain Dufour, du Conseil du patronat, d'avoir bien voulu accepter de nous céder les cinq dernières minutes pour vous dire en quelques mots et en quelques minutes pourquoi l'Association des détaillants en alimentation du Québec est ici aujourd'hui, ainsi que les motifs qui nous font rejeter ce projet de loi 30.

Tout d'abord, M. le ministre, je voudrais vous mentionner que je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean-Louis Poirier, de M. André Morin et de M. Guy Piuze qui sont respectivement vice-président ressources humaines de Provigo, Hudon et Daudelin Ltée et Métro-Richelieu Inc., ainsi que par Me Louis Bernier, de la firme Martineau, Walker, avocats, à Montréal.

M. le ministre, M. le Président, la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour vous manifester clairement notre appui total à la prise de position du Conseil du patronat du Québec dans ce dossier. Nous sommes également ici pour vous dire que nous avons été quelque peu consternés après avoir fait une analyse du projet de loi, consternés parce que nous sommes d'avis que la Commission des relations du travail possédera des pouvoirs excessifs, exorbitants du droit commun et consternés également parce que nous sommes convaincus que ce projet de loi élimine certaines garanties et certaines protections qui» pourtant, sont reconnues comme élémentaires et fondamentales dans nos sociétés. Si nous sommes ici, c'est également pour vous dire que nous sommes contre le projet de loi 30.

L'Association des détaillants en alimentation du Québec est un organisme sans but lucratif dont le mandat est de faire la promotion des intérêts professionnels socio-économiques des détaillants indépendants en alimentation. Dans le présent dossier, nous avons l'appui total de Métro-Richelieu Inc., Provigo (Distribution) Inc., Hudon & Daudelin et Steinberg (Distribution) Inc. Le secteur alimentaire, M. le ministre, représente 20 000 entreprises dont plus de 12 000 sont cataloguées comme des épiceries conventionnelles générant également 10 000 000 000 $ de ventes par année. C'est également 125 000 emplois et des investissements de 1 000 000 000 $ par année.

Le secteur de la distribution alimentaire, M. le Président, c'est également 40 % de nos établissements qui sont liés par un certificat d'accréditation. C'est également 50 % de nos employés qui font partie d'un syndicat. Je pense qu'avec de telles données l'Association des détaillants en alimentation du Québec devrait avoir voix au chapitre. À cet effet, j'aimerais simplement vous mentionner que, sous réserve, évidemment, de certains éléments qui apparaissent bien-fondés, le mémoire qui a été rendu public et qui porte la date du 8 janvier 1987 ne

reflète pas, quant à nous, la réalité dans le secteur de la distribution alimentaire. Pour nous, nous n'avons aucune hésitation à affirmer que notre système de relations de travail va bien et que les parties en sont satisfaites.

Nous nous posons donc les questions suivantes. Pourquoi changer les règles du jeu? Pourquoi rompre l'équilibre actuel? Finalement, pourquoi balayer du revers de la main plus de quinze ans d'efforts qui ont été faits par les parties? Quant à nous, respectueusement, nous vous soumettons que le tout n'était pas nécessaire, bien au contraire.

Quant au niveau du projet de loi lui-même, nous avons mentionné que nous étions d'avis que cette Commission des relations du travail bénéficierait de pouvoirs excessifs. Pour nous, le fait que la commission pourrait, finalement, dicter aux employeurs ses lignes de conduite et ses directives quant à la façon de gérer leurs ressources humaines, en vertu de l'article 112, constitue un pouvoir excessif. Je pense qu'aucun employeur, particulièrement au niveau de la PME dans notre secteur, ne peut accepter que son droit de gérance le plus fondamental soit remis entre les mains d'un tiers, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une commission.

Nous avons également mentionné, M. le ministre, que nous étions d'avis que ce projet de loi éliminait certaines de nos garanties pourtant jugées fondamentales. Qu'on pense à la possibilité de rendre des décisions sans audition, sans appel. Qu'on pense également à la possibilité d'avoir des décisions non écrites et non motivées. Je pense qu'il s'agit là de la suppression de libertés pourtant fondamentales. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà eu la chance ou le bonheur de tenter d'expliquer à un employeur, à un propriétaire de PME, qu'au moment de l'étude du caractère représentatif il doit se retirer et laisser le soin à un tiers de juger, hors sa présence. C'est déjà difficile de réaliser ce tour de force. Eh bien, maintenant, lorsque nous serons obligés d'expliquer à nos clients qu'il est tout à fait normal qu'une décision soit rendue hors leur présence, qu'un congédiement ou une ordonnance de réintégration puisse être décrété hors leur présence, sans qu'on leur en fournisse les motifs, sans que cette décision ne soit rendue par écrit et ce, sans droit d'appel, je pense que cela deviendra de plus en plus difficile.

Je sais que ça peut faire l'objet d'un débat, mais à notre avis, une requête en accréditation pourrait être déposée même si le syndicat possède moins de 35 % des effectifs. Je pense qu'encore une fois peu d'employeurs accepteront de tels changements.

En conséquence, M. le ministre, à notre humble avis, nous croyons que les employeurs dans le secteur de la distribution alimentaire auront tous l'impression d'être à la merci du système et que, malheureusement, on risque de vivre une situation où ces employeurs perdront la crédibilité qu'ils ont actuellement dans le système des relations de travail. Pour nous, la perte de crédibilité sera nécessairement la preuve que le système sera voué à l'échec. (21 h 45)

Contrairement à l'objectif que vous visiez, nous assisterons à une plus grande judiciarisation, à des délais encore plus nombreux, à une complexité juridique à laquelle nous n'avions même pas pensé. Pour tous ces motifs, M. le Président, M. le ministre, nous recommandons respectueusement d'abandonner le projet de loi 30 tel que rédigé actuellement ou de le reporter à la prochaine session, afin qu'une analyse plus poussée soit effectuée sur les articles de ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Martel. Je vais maintenant donner la parole au ministre qui va échanger avec vous et, après, au critique officiel de l'Opposition. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, je rappellerai la mise en situation qui est la suivante. Avant-hier, l'Assemblée nationale du Québec adoptait, de consentement unanime, les principes qui sous-tendent le projet de loi 30, créant une Commission des relations du travail. Je dis et je souligne que l'Opposition, même si elle a donné son accord, avait des réserves sur certains points et des questions sur d'autres. Je vous dis également que le gouvernement a bien indiqué, au moment de l'adoption du principe, qu'au plan des modalités, des aménagements, des agencements, des balises pouvaient s'imposer et que le gouvernement ne se sentait pas figé par le libellé des articles.

Je profite de l'occasion pour remercier spécifiquement l'équipe technique du Conseil du patronat du Québec qui a fait une analyse, article par article, qui a nécessité beaucoup de temps, de talent, d'énergie et d'efforts. Je tiens à rassurer M. Martel: il ne paie pas ses contributions au Conseil du patronat pour rien. On a vraiment pris le temps de faire ces études et cette analyse et de les communiquer au gouvernement du Québec de façon qu'on puisse s'en inspirer.

Je soulignerai tout simplement, en débutant, que d'autres associations patronales ont déjà comparu devant cette commission, qu'elles ont émis des réserves et des désaccords qui concordent avec certains points que souliqne le Conseil du patronat du Québec. Mais, au meilleur de ma connaissance et de ma souvenance, autant l'Association des

manufacturiers canadiens, section Québec, que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, que la Chambre de commerce du Québec qui était devant nous cet après-midi, que - mais ce n'est peut-être pas une association patronale, c'est une association mixte, ils nous l'ont indiqué, composée de représentants patronaux, syndicaux et universitaires - la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles, nous ont indiqué qu'elles voyaient d'un bon oeil le principe et certainement les modalités de simplification de l'appareil à trois paliers que nous connaissons actuellement en matière d'accréditation. Ces corporations patronales et mixtes ne rejettent pas du revers de la main, comme semble le faire le Conseil du patronat, les suggestions de ramener à un niveau les décisions en matière d'accréditation, ce qui a pour effet de simplifier et d'apporter une contribution à la déjudiciarisation du système que nous connaissons actuellement. J'aimerais obtenir de M. Dufour son accord ou son désaccord strictement sur cet élément de simplification qui vise à ramener de trois niveaux à la question de la décision en matière d'accréditation.

M. Dufour (Ghislain): Avant d'arriver à cela, M. le ministre, je voudrais vous dire qu'on ne fait pas exactement la même lecture que celle que vous faites du mémoire de l'AMC, de la Fédération de l'entreprise indépendante ou de la Chambre de commerce de la province. Les trois vous ont demandé un report à l'automne, compte tenu... Oui, vous allez le faire. On est prêt à se conformer à une analyse très objective, par toute autre personne, des mémoires, mais, dans les trois cas, on vous a demandé un report à l'automne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, M. Dufour, vous pouvez dire qu'ils ont demandé cela. Je pense qu'on va vous dire: Oui, cela a été demandé, mais ce n'est pas la question que je vous ai posée...

M. Dufour (Ghislain): Non, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question que je vous ai posée porte sur le principe de la simplification. Étant donné qu'on est limité dans le temps - vous pouvez, et c'est votre liberté, faire toutes les diversions que vous voulez - j'aimerais que l'échange soit constructif sur le plan et des principes et des modalités, et je vous invite à répondre aux questions sans vous y obliger.

M. Dufour (Ghislain): Je ne fais pas de diversions, je fais une correction, M. le ministre. Il ne faut quand même pas laisser croire que tous ces organismes...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. M. Dufour, je veux qu'on ait des échanges francs et honnêtes. Je n'avais pas parlé de la conclusion des mémoires que vous avez mentionnés, mais vous êtes libre d'en parler.

M. Dufour (Ghislain): Tout comme vous n'avez pas parlé du Barreau, vous n'avez pas parlé de la CSD et vous n'avez pas parlé de la CEQ qui s'opposent au projet de loi pour à peu près les mêmes raisons que nous. Nous, qu'on change le système actuel, on n'est pas contre cela. Qu'on simplifie tout le système, on n'est pas contre cela, non plus. Ce sont certains des points que j'ai essayé de mentionner tout à l'heure dans notre mémoire, en disant: On ne rejette pas toute l'analyse du ministre. On dit que l'analyse nous conduit à des propositions avec lesquelles on peut être d'accord pour un certain nombre d'entre elles. Mais quand on arrive aux conclusions que vous nous proposez, on ne peut pas être d'accord. Mais à votre question très précise: Est-ce qu'on est d'accord pour simplifier le système? C'est oui.

Je vais vous donner un exemple et vous allez comprendre. Quand, dans le temps, un employeur attendait un an, un an et demi avant d'avoir une décision sur un congédiement - je vous l'ai déjà dit - on avait les mêmes maudits problèmes que les syndicats qui se chicanent pour une question d'accréditation. Quand vous êtes obligé de réembaucher le gars un an et demi après et de lui payer sa "rétro", vous avez un problème. Et on était d'accord sur cela. Je pense que, tous ensemble, on a essayé d'améliorer le régime et ce n'est plus vrai que cela dure autant que cela. Mais, simplification, M. le ministre? Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les mêmes organismes auxquels nous avons adressé des questions quant à l'uniformisation pancanadienne, sujet sur lequel vous nous avez invités à poser des questions, sans nous dire qu'il s'agissait d'une uniformisation parfaite - même, nous avons insisté, de notre côté, sur le fait que nous visions une certaine uniformisation, mais qui tienne compte de certaines particularités de la structure économique du Québec, car on a plus de petites et moyennes entreprises au Québec qu'il n'y en a en Ontario - se sont quand même montrés assez sympathiques ou favorables à ce qu'un investisseur se retrouve dans un cadre ou dans une structure qui s'apparente avec ce qu'il pourrait retrouver ailleurs dans les autres juridictions provinciales canadiennes ou au niveau de la juridiction fédérale sur le plan de la structure.

M. Dufour (Ghislain): D'accord. Là-dessus, on vous fait un petit reproche de ne

prendre qu'une partie des comparaisons. On voudrait que vous preniez aussi la comparaison "antiscabs", la comparaison sous-traitance, etc. Mais, sous réserve du point que je viens de traiter et qui est très important, je demande à Claude Le Corre de parler de la structure de la Colombie britannique pour vous montrer qu'on n'est pas dans le même schéma ici, Luc Beaulieu vous parlera du fédéral et de l'Ontario.

M. Le Corre (Claude): Je pense que j'ai ici la loi de la Colombie britannique. La structure est différente et l'approche aussi. Un de vos premiers objectifs, par exemple, la déjudiciarisation, n'est pas du tout abordé de la même manière. Pour donner un seul exemple, en arbitrage, il y a quatre forums possibles, alors qu'au Québec il y en a un seul. Alors, si on dit que, pour cet objectif, on s'est inspiré d'une province aussi avancée que la Colombie britannique, c'est inexact. La commission est formée de représentants paritaires et non pas de gens simplement nommés par le ministre. Le mode de nomination n'est pas...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous arrêter? Est-ce que vous souhaiteriez une commission paritaire?

M. Le Corre: Ce serait sûrement préférable à une commission dont on ne connaît pas le mode de nomination. Un des reproches du Conseil du patronat, c'est qu'on ne sait pas qui va être nommé, comment on va faire les nominations. Et le bouquet, ce qui est particulier à la loi du Québec et qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, c'est que vous pouvez avoir une commission formée de cinq personnes avec le président qui décide à l'encontre des quatre autres. Cela n'existe dans aucune autre province. Dans les grands principes différents de ceux de la Colombie britannique, en particulier, l'obligation d'audition existe partout, avec des règles à suivre pour cette audition. Vous avez fait disparaître cela pour cette commission qui n'a pas l'obligation de motiver ses décisions, ni de les rendre par écrit, ni d'être entendue...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Là, vous tombez sur ce qu'on appelle la question de l'application des règles de justice naturelle. C'est un sujet qui est important, qui a été abordé et sur lequel le gouvernement est prêt à apporter des amendements afin de s'assurer de l'application des règles de justice naturelle. Je ne voudrais pas que l'on déborde. Je parlais strictement de la structure.

M. Le Corre: Pour ce qui est de la structure, c'est une structure différente, c'est une structure paritaire, comme je l'ai dit. Pour ce qui est de la nomination, le mandat est non pas pour un maximum de cinq ans, mais pour cinq ans fermes et ne peut être révoqué que par l'Assemblée nationale. L'indépendance du judiciaire est beaucoup plus assurée dans le système de la Colombie britannique que dans le système proposé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas vous empêcher de traiter de ces questions qui sont importantes, qui ont été soulevées tant par les parties syndicales que patronales, en ce qui concerne l'importance et la crédibilité que devront avoir les commissaires sur le plan de l'indépendance, sur la question de l'application des règles de justice naturelle qui doivent être améliorées dans le texte que nous avons. Je voulais limiter le débat à la structure, parce que je suis, moi aussi, limité par l'ordre de la Chambre pour ce qui est du temps.

M. Le Corre: Si vous appelez structure strictement le mode de nomination et le titre de la commission, oui, le titre est semblable. Ce qui est important, c'est comment cette structure va agir et avec quels pouvoirs. Dans le comment, il y a des différences énormes, parce qu'elle est très encadrée. Il y a paraphrase d'un article de la loi de la Colombie britannique avec l'article 112, mais notre article 112, qui donne les pouvoirs à la commission, est beaucoup plus large. Il n'y a pas, par exemple, la notion de gestion de ressources humaines qui est donnée comme pouvoir à la commission de la Colombie britannique.

Au chapitre des pouvoirs, il y a le pouvoir de rendre, par exemple, en certaines occasions dans un cadre précis, des ordres intérimaires, pas des ordres intérimaires en tout temps pour toutes causes comme dans le projet de loi actuel. Je pense que si on regarde la constitution...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, mais là on tombe dans les pouvoirs, dans les mandats. Je vous remercie. Moi, je voulais juste savoir sur le plan de la structure. Vous me dites que ce n'est pas tout à fait pareil; je comprends que c'est là le sens de votre intervention. Maintenant, on est limité dans le temps et il y a une question qui m'a paru, à la suite de discussions que j'ai eues avec des membres du Conseil du patronat, assez essentielle et primordiale, la question des fameux 35 %-50 %.

On a déjà indiqué devant cette commission parlementaire que le régime québécois à 35 % est ce qu'il y a de plus favorable au plan syndical, en tout cas au Canada, et quelqu'un qui a effectué des vérifications dans certains États américains nous dit qu'à comparer avec certains États américains, sans avoir la totalité de

l'Amérique du Nord, c'est ce qu'il y a de plus avantageux.

La prétention du gouvernement - elle peut être juste comme elle peut être fausse - est que nous ne changeons pas, avec le projet de loi qui est devant nous, les règles du jeu en ce qui concerne la proportion 35 %-50 %. Plusieurs intervenants, qui ont consulté leurs experts, de gros bureaux d'avocats, etc., nous ont dit: Le gouvernement a raison, il ne change pas les règles du jeu. Certains autres intervenants nous ont dit: Même si vous nous dites cela, nous conservons des inquiétudes à savoir qu'il y a une possibilité, même lorsqu'il y a moins de 35 % des travailleurs qui ont signé leur carte, de commander un vote.

Je voudrais avoir bien précisément et bien clairement la position du Conseil du patronat sur cet élément.

M. Dufour (Ghislain): D'accord. Elle ressemble beaucoup à celle de la Corporation des conseillers en relations industrielles que vous avez citée en exemple tout à l'heure. Elle vous a dit justement que cela permettrait, pas d'accréditer, mais de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Commander le vote.

M. Dufour (Ghislain): ...demander un vote, lorsqu'il y a moins de 35 %. C'est Luc Beaulieu qui va vous faire en deux volets la démonstration très évidente de cela. Mais, pour ne rien échapper, parce qu'on a parlé de la Colombie britannique et qu'on n'a pas parlé du fédéral, ni de l'Ontario - on n'a pas le temps, M. le ministre - je vous dis qu'on pourrait vous faire exactement la même démonstration pour ces derniers.

M. Beaulieu (Luc): Je commencerais par dire, question d'information, qu'en Ontario le "board" est obligé de décréter un vote lorsque le seuil est de 45 %.

Maintenant, revenons aux 35 %. Toute de suite, je vous dis qu'il est possible, sous le code actuel - on ne conteste pas cela -qu'un commissaire ordonne la tenue d'un scrutin d'accréditation, même si le seuil de 35 % n'est pas atteint. Seulement, il ne peut faire cela que dans des cas très exceptionnels. J'ai fait quelques recherches de jurisprudence récente et c'est dans deux cas. Je vous dis que c'est très exceptionnel et que cela prend une preuve convaincante qui est faite devant un commissaire d'une ingérence flagrante de l'employeur sur ses salariés, qui brime leur liberté d'expression de sorte qu'il est possible que le syndicat ait eu de la misère à faire signer des cartes d'adhésion. Le deuxième cas, c'est lorsqu'il y a un maraudage intersyndical. Parce qu'an a tendance à oublier que l'intimidation peut venir d'ailleurs que de l'employeur et que, dans les mêmes circonstances, la volonté des salariés est affectée.

Cela dit, exception faite de ces cas d'entrave de l'employeur ou d'intimidation d'un syndicat maraudeur, les règles du jeu, actuellement dans le code, sont établies clairement et elles sont établies au niveau de l'agent d'accréditation. C'est à l'article 28 b du code actuel qu'on explique que l'agent d'accréditation doit tenir un scrutin secret lorsqu'il y a entre 35 % et 50 %. Cet article, qui, à notre avis, dispose des règles du jeu dans des circonstances normales - je dis bien des circonstances normales -est aboli par le projet de loi.

(22 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 37?

M. Beaulieu: C'est l'article 13 qui abolit, si mon souvenir est exact, cet article 28 b. Qu'est-ce qu'il nous reste? II nous reste l'article 32 qui, au niveau du test de la volonté, n'est pas changé, l'article 32 qui dit que le commissaire peut se satisfaire du caractère représentatif, notamment par le calcul de l'effectif ou la tenue d'un vote au scrutin secret. Évidemment, il ne le fera pas par le calcul de l'effectif, puisqu'on présume qu'il n'y a même pas 35 %. Donc, il va tenir un vote et il reste le fameux article 37 qu'on vous cite à grand renfort pour vous convaincre que cela ne change rien. Eh bienl L'article 37, il faut le lire.

L'article 37 dit que le commissaire doit ordonner un vote, lorsqu'on lui prouve qu'il y a 35 %. Ce que cela dit, c'est que le commissaire a les mains liées quand un syndicat lui prouve qu'il a 35 % de signatures. Il n'a pas le choix. C'est ça que cela dit, il a les mains liées. Comme, M. le ministre, vous êtes juriste, vous aussi, vous savez très bien que le mot "doit", c'est une obligation. Cela ne dit pas, par contre, lorsque le seuil des 35 % ne sera pas atteint, qu'il ne disposera pas d'une discrétion qui figure à l'article 32 actuel. Mais, je vous dis, étant donné la présence de l'article 28 b dans le code actuel, que la discrétion à l'article 32 que possède le commissaire d'ordonner un vote en bas de 35 %, à cause de la balise de 28 b, il ne l'exerce que dans des cas où il est convaincu par une preuve d'ingérence, comme je vous l'expliquais. C'est là qu'il l'exerce. Si on enlève cette règle-là, je vous dis que, maintenant, étant donné que c'est totalement discrétionnaire - on n'a qu'à lire l'article 32 - il ne sera pas obligé de se satisfaire de telle ou telle entrave pour ordonner un vote. C'est dans ce sens-là qu'on vous dit que les règles du jeu sont modifiées. La fameuse balise des règles du jeu qui existe dans le code a été abolie. C'est là qu'est le danger.

Je terminerai en vous disant, M. le ministre, qu'un procureur syndical très habile, et il y en a, pourra même invoquer un

argument d'interprétation comme le suivant: Écoutez, auparavant les règles du jeu, c'était 35 %, il fallait le démontrer à l'agent d'accréditation et le législateur a fait tomber cette balise-là. C'est donc qu'il voulait ouvrir maintenant la porte en bas du seuil des 35 %. C'est un argument qu'on entend souvent plaider par les avocats, l'interprétation par la loi antérieure. Eh bien, ils vont pouvoir, en plus, rajouter cela pardessus. Je vous dis que le danger est réel et présent. Je pense qu'on ne doit pas attendre qu'il y ait un commissaire qui nous dise -pas le Tribunal du travail parce qu'il sera aboli - on ne doit pas attendre qu'un procureur syndical nous plaide cela et qu'un commissaire nous dise: C'est bien vrai, vu que la balise a été abolie, j'ai maintenant ce pouvoir-là. Je pense que le danger existe. Vous devez le reconnaître. On vous demande au moins de maintenir le statu quo, que la balise des 35 % soit la règle ordinaire et que l'exception soit confirmée dans le code. En enlevant cela, l'exception risque de devenir maintenant la règle. C'est tout.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, Me Beaulieu. Cet après-midi, j'ai dit aux représentants de la chambre de commerce que ce n'était pas l'intention du gouvernement de modifier les règles du jeu quant à cette prescription. Je vous indiquerai que les centrales syndicales qui ont comparu devant cette commission et que nous avons interrogées sur le sujet nous indiquent qu'elles ne sont pas - en tout cas, pour le moment - intéressées, elles non plus, à discuter de la modification de ces 35 %. Dans les circonstances, le gouvernement se sent très à l'aise d'inscrire dans les modifications toutes les balises nécessaires pour donner les garanties aux citoyens qui le demandent que les règles du jeu vont demeurer pour le moins inchangées. Nous avons demandé, et ce n'est pas facile sur le plan technique, me dit-on, sur le plan de la rédaction, à la chambre de commerce de nous soumettre une rédaction qu'elle considérait appropriée et nous vous lançons la même invitation.

M. Beaulieu: Nous acceptons avec joie.

M. Dufour (Ghislain): Oui, tout en soulignant que, dans tout le dossier, c'est un élément. Ce n'est pas cela qui est en cause dans notre mémoire, c'est la philosophie globale. Je pense là-dessus...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Je pourrais, M. Dufour, revenir sur la question de la motivation des décisions, etc., mais je pense que le Conseil du patronat a eu, tout au long de nos sessions, des observateurs sur place qui ont été à même de vous informer sur les remarques que nous avons formulées. Je vous dis que, comme gouvernement et comme gouvernement libéral, nous sommes très sensibles à ce qu'on appelle le respect des règles de justice naturelle et que nous sommes conscients que le présent projet de loi tel que libellé a besoin de bonification dans le sens de ces préoccupations. On pourrait reprendre les questions de l'indépendance, de la bonification, etc., je n'y ai pas d'objection.

Si mon collègue de l'Opposition a quelques questions en vertu de la règle de l'alternance, je lui cède la parole.

M. Gendron: Je peux bien y aller tout de suite, mais ma première remarque avant de vous saluer, sera pour dire que j'ai une position plus confortable, ce soir, que celle que j'ai déjà eue face au Conseil du patronat. Je peux vous dire que cela fait quand même deux grosses journées qu'on travaille ensemble et je trouvais le ministre un peu plus calme lors de la présentation des autres mémoires. Il ne se pressait pas, après 17 minutes de son temps, de me faire l'offre en vertu du principe de l'alternance, d'y aller tout de suite. Je peux bien y aller tout de suite. De toute façon, il avait sa demi-heure, sans s'énerver. Je pense qu'il est dans une position un peu moins confortable que la mienne ce soir.

Je veux quand même vous saluer d'une façon spéciale, parce qu'on peut être en accord ou non, il reste que vous avez sûrement fouillé très à fond le projet de loi déposé par le ministre concernant la création d'une nouvelle Commission des relations du travail. C'est l'un des premiers mémoires qu'on a reçus et on a eu l'occasion de le regarder plus avant. En plus du mémoire déposé, il y a une annexe qui est passablement sophistiquée et qui, en ce qui me concerne, me servira par la suite, si jamais le ministre décide de poursuivre l'adoption de ce projet de loi.

J'en profite également pour saluer M. Martel d'une façon spéciale, parce que j'ai été aussi très impressionné - là, je ne parle pas des arguments comme tels - de la recherche très fouillée du mémoire de l'Association des détaillants en alimentation. Quant à moi, il s'agit d'un mémoire très articulé, très étoffé. On peut partager les opinions qu'il contient ou non, c'est un autre point de vue, mais chose certaine, vous avez fait longuement vos devoirs et, en conséquence, on doit vous remercier.

M. le ministre a commencé à peu près toutes ses interventions de la même façon en disant: Écoutez, ce projet de loi a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, on va vous mettre au fait; il disait cela aux intervenants. Donc, l'Assemblée nationale a adopté le principe du projet de loi créant une Commission des relations du travail, c'est exact. Je n'ai pas à avoir honte de la

position qu'on a prise, je suis capable de l'expliquer. Cependant, dans un débat quand même assez long, d'une heure, après avoir expliqué que, oui, l'Opposition sera d'accord, parce qu'il s'agit là - il n'y a pas de cachette en ce qui nous concerne... Créer au Québec une nouvelle Commission des relations du travail, cela nous apparaissait à nous, tout autant quand nous étions au pouvoir qu'actuellement, oui, comme un mécanisme, une instance, avec des modifications appropriées, qui permettrait d'envisager un contexte de relations du travail qui, globalement, devrait donner, selon notre analyse à l'époque, de meilleurs résultats pour l'ensemble des parties.

Je veux seulement prendre quelques minutes pour dire à M. Dufour et au Conseil du patronat qu'ils ont pris la peine de dire que les bases de justification du ministre pour faire cette réforme ne sont pas exactes, ne sont pas fondées et vous appelez cela, avec raison je pense, l'analyse, toute la partie avec laquelle le ministre dans ses notes explicatives justifiait le dépôt du projet de loi. Je tiens à vous rappeler à ce sujet que j'ai également mentionné à peu près à tous les intervenants qu'en ce qui nous concerne il y a un écart qui est quand même assez profond entre les notes explicatives du projet de loi et le libellé même de plusieurs articles, et cela, concernant plusieurs éléments que vous avez essayé de préciser et que d'autres ont précisés davantage. Je pense que c'est pourquoi les audiences, si le ministre est très attentif, très souple, très ouvert, devraient permettre de corriger beaucoup d'imprécisions. Vous avez choisi, parce que c'était peut-être d'actualité, de consacrer un nouveau monstre. Après celui du lac Meech, vous avez parlé du monstre de l'arbitraire, de monument de l'arbitraire - c'est votre choix - mais on est d'accord avec vous qu'il y a des dispositions là-dedans qui, effectivement, sont abusives, manquent de précision et le fait que nous ayons entendu plusieurs groupes nous faire des suggestions devrait à tout le moins obliger le ministre à en tenir compte et à s'orienter vers une nouvelle Commission des relations du travail qui va s'en tenir davantage à la gestion des mécanismes de relations du travail plutôt qu'à toute autre ouverture comme c'est le cas dans le mandat. J'y reviendrai dans quelques secondes. Mais, concernant l'analyse, je ne peux pas reprendre vos chiffres sur la déjudiciarisation, parce que j'ai de sérieux doutes que cela ne déjudiciarisera pas autant qu'il l'a prétendu. Cependant, il y a des chances que, oui, cela déjudiciarise un peu, si certains amendements peuvent être apportés.

Sur les délais, vous n'avez sûrement pas inventé les chiffres qu'il y a là. Vous m'avez même cité mon discours de deuxième lecture. J'avais moi-même étoffé mon discours de deuxième lecture en Chambre de certains chiffres. Tout le monde prétend que c'est toujours trop lent et que cela prend toujours trop de temps, mais, quand on regarde cela, effectivement il y a eu une correction importante concernant le temps et, au fil des années, on a passablement réduit les délais. J'étais heureux de constater que, dans le mémoire des détaillants en alimentation, pour un ex-ministre membre de l'ex-gouvernement, il y avait quand même un jugement qualitatif sur l'efficacité, selon vous toujours, du système actuel qui, tout compte fait, n'était pas si terrible que cela. Le système des relations du travail au Québec n'est pas si dramatique que cela. Alors, il y avait une petite flatterie là. Certains prétendent que, durant tout le temps qu'on était là, c'était tellement pourri, tellement grave que je me serais attendu à une analyse terrible. Mais ce n'est pas ce que cela disait.

Je pense que les relations du travail au Québec ont évolué dans le bon sens. On ne peut pas parler d'un climat plus positif, d'un climat économique meilleur et plus sain et, d'un autre côté, prétendre que nos relations du travail sont tellement mal foutues et également que les intervenants syndicaux et syndiqués n'ont pas, eux aussi, droit au mérite dans cette évolution positive non seulement de l'économie, mais des relations du travail. Donc, sur toute la partie analyse, je ne suis pas touché. Ce sont des chiffres. C'est votre point de vue et je pense que ce sont des éléments intéressants à obtenir.

Là, on arrive au contenu même du projet de loi et j'ai des problèmes. J'ai l'impression, M. Dufour, que, si on essayait de clarifier une série d'éléments, votre position ne changerait pas. C'est votre droit, mais j'ai l'impression que vous demeureriez opposé à l'adoption de ce projet de loi, compte tenu, selon vous, de ses nombreuses failles. En conséquence, il n'est pas facile de dire que, si on réussissait à apporter des amendements à telle ou telle place, il y aurait une plus grande, non pas collaboration, parce qu'elle est acquise, mais un point de vue qui permettrait de partager, à des degrés peut-être pas aussi élevés que celui du gouvernement et que celui de l'Opposition et d'envisager un accord non seulement sur le principe, mais sur plusieurs modalités. Est-ce que cela ferait que le Conseil du patronat dirait: Écoutez, on pense que c'est à essayer, que ce projet de loi est viable à condition, bien sûr, qu'en particulier sur des dispositions aussi exagérées qu'à l'article 137 - j'y reviendrai dans quelques secondes, parce que j'ai quand même quelques questions - de même que sur certaines dispositions que vous mentionnez à la page 14 de votre mémoire, il y ait des corrections importantes? Peut-être cela pourrait-il faire un pas assez en

avant pour dire: Écoutez, c'est à essayer? Vous continueriez peut-être à vous sentir inquiets, mais vous pourriez dire que c'est à essayer.

J'y vais plus maintenant avec quelques questions et commentaires. Vous soulignez, relativement au mandat, et cela a été le cas de tout le monde... Je ne sais pas où le ministre avait la tête, je l'ai dit à plusieurs reprises, quand il a prétendu que cela conférait un haut degré d'indépendance et de stabilité que de dire que ce sera une commission où les commissaires ont un mandat inférieur à cinq ans. Maximum cinq ans; c'est ce que cela veut dire, à moins que je ne sache pas lire. Il est évident que, là-dessus, je pense qu'il a compris. Et je suis convaincu qu'il va apporter une modification, parce que cela n'a pas de bon sens.

Pour ce qui est du mandat, je partage votre avis. Ce ne sera pas fréquent. Vous prétendez, quant au mandat, que toutes les dispositions concernant la bonne gestion des ressources humaines n'ont pas d'affaire là, que c'est du droit nouveau. Là-dessus, je n'ai pas le temps d'en faire la lecture, vous l'avez probablement fait plus que moi, mais, à cet égard, le mémoire des détaillants en alimentation est passablement explicite et il dit pourquoi cela n'a pas affaire là. C'est sûr que, si le ministre se donne la peine de lire cela, cela ne se peut pas qu'il ne comprenne pas cela et qu'il ne soit pas convaincu qu'il faut effacer cela. Il faut corriger le mandat. (22 h 15)

Concernant l'article 137, vous dites: "Ainsi, la commission n'est pas obligée de tenir d'audition." C'est ma première question et je vous donne droit de réplique sur ce que j'ai dit. Ce ne sont pas mes affaires, mais si vous voulez réagir, cela me fera plaisir. Concernant l'article 137, vous dites: "Ainsi, la commission n'est pas obligée de tenir d'audition. Elle n'est pas obligée de motiver ses décisions. Elle n'est pas liée par ses propres politiques. Et, bien plus, ses décisions (qui peuvent n'être que provisoires en toute matière) ne peuvent être portées en appel." Sauf le fait que ces décisions ne peuvent pas être portées en appel et celui de dénoncer certains aspects comme de ne pas tenir d'audition et de n'être pas obligée de motiver ses décisions, si jamais on vous demandait ce que le Conseil du patronat voudrait pour ces aspects, quelles améliorations importantes à l'article 137 de même qu'à l'article 137.10 sur la possibilité d'aller en appel il voudrait, verriez-vous là des bonifications majeures et, en conséquence, cela pourrait-il changer votre état d'esprit général face aux grandes orientations de la Commission des relations du travail?

M. Dufour (Ghislain): Je vais demander ensuite à Me Casgrain de réagir sur la problématique globale. Mais, concernant la question précise à savoir si cela ferait que nous serions d'accord avec le projet, il y a juste deux éléments, finalement, dans ce dossier, c'est le mandat et les pouvoirs. Tout tourne autour de cela. On a déjà dit, à un moment donné - on l'avait dit d'ailleurs, dans le temps, à la commission Beaudry qui appelait cela une nouvelle Commission des relations du travail - que les titres, cela ne nous déranqe pas tellement. On a même été d'accord pour garder le Tribunal du travail. La commission Beaudry, d'ailleurs, n'abolissait pas le Tribunal du travail. Oui, pour des fins très particulières, on est d'accord avec cela, mais gardez quand même le Tribunal du travail. N'envoyez pas tous les dossiers de la CSST, par exemple, ou tous les autres dossiers de relations du travail à la Cour provinciale. On va avoir le même problème. Les parties vont dire: C'est cela, les juges de la Cour provinciale ne connaissent rien en relations du travail et on se retrouve devant eux.

C'est une question globale, M. Gendron, que vous posez. On dit: Si, au-delà de la réforme des structures, on ne fait pas une réforme de fond... Ce n'est pas la réforme des structures qui nous fatigue ici, c'est la réforme de fond. Tout tient dans ce qu'on disait tout à l'heure, le mandat, la non-possibilité de tenir des auditions, la non-possibilité... Un commissaire à temps partiel en plus - on pourra reparler de l'indépendance judiciaire tout à l'heure -pourrait régler - parce que la commission des services essentiels est rendue là - une grève dans un hôpital, une grève dans le transport en commun, sans tenir d'audition et en se foutant des règles de la commission, parce que le commissaire n'est pas obligé de tenir compte des règles de procédure de la commission. Il n'est pas obligé de motiver sa décision et tout cela est sans appel. Alors, changez tout cela et vous allez refaire un projet de loi. C'est cela qu'on dit, au fond. Que tout cela soit recoiffé - appelons cela pour ne pas se chicaner - commission des relations de je-ne-sais-pas-trop-quoi, alors déjà, on a avancé. Ce que vous proposez vous-même par votre propre dialectique, c'est un amendement, mais un amendement majeur à tout le projet de loi. Comment ce qui nous est proposé là ne pourrait-il pas fonctionner? Je demande à Philippe de dire comment les parties vont se retrouver dans le système qui nous est proposé.

Le Président (M. Théorêt): Me Casgrain.

M. Casgrain (Philippe): Je ne voudrais pas que vous croyiez que j'ai été amené ici pour vous démontrer comment un avocat peut, avec avocasserie, réussir à contrer l'exercice d'une loi. Cependant, je vous dirai

ceci. J'ai eu une première réaction en lisant le projet de loi tel que rédiqé. Je le dis avec beaucoup de respect pour le ministre que je connais bien. Je me suis dit, à première vue: Si on n'y touchait pas du tout, ce serait donc beau! C'est tellement truffé de pièges à bref d'évocation qu'on peut en avoir pour très longtemps à se promener devant les tribunaux avec ce projet de loi tel que rédigé. À première vue.

Vous parlez de l'article 137, M. Gendron. Je vais vous donner un exemple de ce qui pourrait arriver. Vous savez, quand on propose des projets de loi, c'est tellement facile de dire comme Shakespeare: "First, let us kill all the lawyers!" Si on élimine les avocats, les juges et surtout ceux qui ont une connaissance judiciaire du processus, on a toujours l'impression que ce sera tellement plus beau et plus simple, mais il arrive malheureusement qu'on revient quand même à la surface tout le temps.

Je donnerai l'exemple suivant. Je suppose, par exemple, tel que c'est rédigé, qu'un commissaire décide d'expliquer à un syndiqué ou à un patron qu'il a tort. La cause s'instruit de la façon suivante: il n'y a pas de preuve de recueillie, il n'y a pas de documents qu'on garde, il n'y a aucun écrit quelconque. De plus, on s'arrange pour ne pas lui dire pourquoi on va le condamner. Et, une fois qu'on lui a expliqué qu'il est condamné, sans appel, naturellement comment pourrait-il le faire, d'ailleurs, il n'a aucun document disponible et aucune preuve recueillie pour le faire - on va plus loin que cela, on dit même, dans la loi: En plus, monsieur, je peux même vous ordonner de vous lever et de déclarer publiquement que vous êtes d'accord avec ma décision. C'est aussi vrai que cela, c'est dans la loi, en blanc et noir. On peut dire, par exemple: Vous irez le déclarer sur le plancher de l'église, pendant le carême avec de la cendre sur le dos.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Casgrain: Ou encore avec un cierge à la main ou à l'occasion d'une réunion de famille.

Vous pensez que c'est amusant, mais c'est un fait que c'est dans la loi. Les gens vous disent: Nous ne l'avons pas vu. Je ferais un compliment aux rédacteurs de la loi, elle est très bien rédigée, de façon, justement, à mettre tous ceux qui s'y retrouveront dans un corridor si étroit qu'ils n'en sortiront jamais. Elle est administrative, il y a une clause privative, il n'y a pas d'appel, il n'y a pratiquement pas de décision, il n'y a aucun dossier. Autant dire qu'on livre les gens pieds et poings liés à un fonctionnaire. C'est comme cela qu'elle se lit au départ. Vous demandez quoi faire pour l'améliorer, vous m'excuserez de vous dire:

J'aime mieux avoir un commissaire qui dit ce qu'il a pensé, qui me l'écrit - s'il est capable d'écrire - et qu'il me le dise de façon intelligente pour avoir la chance, éventuellement, s'il rend un jugement de fou, d'aller en appel de son jugement. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas tellement compliqué.

On n'arrête pas de nous dire: On déjudiciarise. Bref de prohibition, "My eye"! Le juge de la Cour supérieure est là pour s'occuper de réformer des décisions de tribunaux quasi administratifs parce qu'elles font défaut de respecter la justice naturelle. Je ne suis pas contre cela, c'est là pour tout le monde, cela protèqe tout le monde. Mais on voudrait enlever cela aussi.

M. Gendron: ...M. Casgrain, parce que vous racontez cela avec énormément de pratique et de couleur. Probablement que vous avez raison, mais je vous arrête juste sur un point. Vous dites que tout cela pourrait se passer... Je vais essayer d'être aussi drôle que vous, mais moins en termes juridiques. Un commissaire à temps partiel, je ne suis pas sûr qu'il sait écrire, il n'a pas le pouvoir d'écrire, alors je vais aller en révision, et il n'y a pas de dossier.

M. Casgrain: Tenez-vous bien, si vous allez en appel, c'est à lui que vous retournez. Vous lui demandez, le lendemain, de changer d'idée. Vous dites: Vous vous êtes trompé hier, êtes-vous d'accord encore aujourd'hui? Il dit: Non, non, non, tu vas déclarer que j'avais raison.

M. Gendron: Voilà. M. Casgrain, par exemple, admettez-vous que, quand on fait le relevé de ce sur quoi le Tribunal du travail s'est prononcé, ce sur quoi les commissaires du travail avaient à statuer, il y a quand même un certain volume de décisions pour lesquelles il me semble que ce n'est pas tellement justifié de prévoir un mécanisme d'appel? C'est ce que je pense, mais je veux avoir votre point de vue. Je l'ai dit en deuxième lecture, je l'ai dit à plusieurs groupes, il me semble que... Par exemple, si on veut me "sacrer" dehors pour, supposément, avoir orchestré une grève illégale comme syndiqué et que cela se termine par un congédiement, personnellement, j'ai peur de cela. Je vais demander au ministre qu'il y ait un droit d'appel là-dessus parce que ce n'est pas de même nature qu'une demande d'accréditation.

Je voudrais juste savoir si vous ne pouviez pas calibrer le fait qu'on dise qu'il n'y a pas d'appel. Cela semble gros, vous avez raison. Mais, quand on le dégrossit, il y a des niveaux dans le cadre même des relations du travail qui - je peux me tromper - ne requièrent pas un appel. Si on statuait... Je pense que le ministre a même offert - je

n'en suis pas sûr - à un moment donné de faire une certaine liste où l'on prévoirait... C'était pour les cas de révision?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, c'était strictement pour les... questions d'auditions, que la règle soit l'audition des parties, sauf dans certains cas où on ferait la liste des cas administratifs où cela ne touche pas les droits des parties.

M. Gendron: C'est cela, où il n'y aurait pas d'audition. Supposons que je reviens sur cet exemple, je prétends que c'est "offrable" - il l'a fait au niveau des demandes d'audition - à plusieurs endroits dans le projet de loi, par un amendement. Si on regardait cela avec vous...

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais là, on vient de changer toute l'approche face au projet de loi. Je vais vous donner un exemple et je pense qu'on va se comprendre. De ce temps-ci, il y a de nombreuses requêtes au Bureau des commissaires du travail simplement pour changer le nom de la compagnie qui s'est francisée. Cela engorge le bureau parce que cela prend du temps. Il y en a beaucoup et il paraît que ce sont les plus grosses requêtes, actuellement, au Bureau des commissaires du travail. C'est bien évident que là-dessus, on ne se chicanera pas longtemps. Mais, dans le "work load" du Bureau des commissaires du travail, c'est énormément de travail. Mais ce n'est pas de ça dont on parle. On parle des plaintes pour activités syndicales, on parle... Les requêtes en accréditation, on veut un droit d'appel là-dessus et je suis sûr que les travailleurs le veulent aussi. Gilles, veux-tu ajouter quelque chose là-dessus?

M. Lavallée (Gilles): M. le Président, Me Casgrain vous a donné un peu la réaction du juriste et j'aimerais vous donner un peu celle du praticien en relations du travail. Je suis juriste de profession, mais j'ai fait des relations du travail assez longtemps qu'il y a parfois de mes collègues du Barreau qui ne me reconnaissent plus. Ce qui me frappe et ce qui m'agace, c'est que la commission a le mandat de favoriser, de développer de saines relations du travail. Comment se font de saines relations du travail? Communication? Écouter l'autre? Expliquer sa position et favoriser la réaction? Au fond, c'est de la communication et la commission dit: C'est pour vous autres que ça marche comme cela. Les relations du travail, ça se fait de même, mais ce n'est pas ma règle. Je fais ce que je veux, je n'explique pas, etc. Cela me paraît bien drôle comme fonctionnement d'un organisme qui devrait favoriser le développement de saines relations du travail. Je trouve qu'il y a une contradiction quasiment essentielle.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez aussi, parce que vous avez quand même touché à plusieurs éléments dans la problématique globale. Vous touchez au nerf quand vous touchez à l'indépendance judiciaire, au mandat et à la question des pouvoirs discrétionnaires. Ce sont les trois articles de la loi.

Sur la question de l'indépendance judiciaire, pour nous, c'est majeur. Si on ne fait pas des choses importantes là-dessus, on ne pourra pas y souscrire. Je demanderais à Pierre Beaudoin justement d'en parler rapidement.

M. Beaudoin (Pierre): Nous n'avons pas eu le plaisir d'entendre les commentaires que vous avez faits à ceux qui ont soulevé la question. Toutefois, je crois comprendre de ce que vous dites que vous vous êtes engagé à garantir le respect de certaines règles de justice naturelle, à garantir le respect de l'audition dans certains cas et aussi au niveau de l'indépendance judiciaire. Évidemment, c'est la qualité de la nomination de la personne qui est nommée, le processus de nomination... Je ne sais pas ce qui a été dit ici depuis deux jours, mais c'est évident que, si on veut que les employeurs aient une crédibilité dans l'éventuel système, il est absolument nécessaire que ces personnes-là jouissent d'une indépendance totale. L'histoire des libertés fondamentales est tributaire du respect d'une certaine procédure, d'une apparence de justice. Pour nous, c'est un point fondamental que je comprends que vous vous êtes, d'une certaine manière, engagé à respecter dans le projet de loi.

M. Dufour (Ghislain): On pourrait ajouter à ça, parce que dans toute la problématique, il y a un autre élément qui est important, celui de l'ajout de pratiques déloyales. Il y en a un certain nombre qui est déjà identifié, mais ce que les gens n'ont pas vu, c'est l'ajout d'un paquet de pratiques déloyales. Me Beaulieu vous en cite quelques-unes qui font partie de la problématique.

M. Beaulieu: Cela nous amène à un sujet où, vous avez dû le constater quand vous avez pris connaissance de la mince revue de presse qui couvre ce projet de loi -là, on a tendance à parler de changement de structures. Je vais vous citer un changement qui est loin d'être un changement de structures. On fait passer un ensemble de pratiques déloyales - si vous avez lu le mémoire, on en a fait une énumération qui n'est pas exhaustive - de la juridiction exclusive qui était pénale à une juridiction concurrente avec la commission. Je n'en citerai qu'une, par exemple, le défaut de négocier de bonne foi qui est prévu à l'article 53 du code actuel. Présentement,

cela ne peut faire l'objet que d'une plainte qui est maintenant pénale, à cause de la formulation de l'article 132 qui dit: à l'exclusion de tout autre tribunal, connaît et dispose d'une contravention ou même d'une contravention appréhendée." Je profite de l'occasion pour vous dire que la notion de "contravention appréhendée" "at large" comme ça, je n'ai pas vu ça dans d'autres lois. J'ai vu des grèves appréhendées, mais des contraventions appréhendées, je n'ai jamais vu ça dans d'autres lois "at large" comme ça. (22 h 30)

Je reviens sur mon exemple du devoir de négocier de bonne foi. Il est important pour les employeurs. Je vais vous donner un scénario qui peut se produire. Vous avez un employeur qui décide, par exemple, de déménager son usine pour de saines raisons d'affaires. Le syndicat prétend que ses plans de déménagement auraient dû être dévoilés dans le contexte d'une négociation collective. Il envoie son avis de cessation collectif d'emploi aux termes de la loi de la qualification de la main-d'oeuvre à ses employés, disons avec deux mois de délai. Le syndicat dépose une plainte qui là, maintenant, est de juridiction de la commission et, donc, ce ne sont pas des pouvoirs d'amende, mais des pouvoirs de redressement énormes qu'on connaît au projet de loi. Il présente une demande disant que cela constitue une violation du devoir de négocier de bonne foi. On aurait dû nous dire cela. On aurait peut-être pu négocier des concessions. Enfin, j'évite les motifs.

Vous savez que la commission qui dispose de pouvoirs interlocutoires, qu'on a qualifiés ici de décisions provisoires non encadrées, reçoit la plainte. Son rôle est engorgé. Alors, dans la notion de décisions provisoires existe, bien évidemment, l'ordonnance qu'on appelle statu quo ante, c'est-à-dire la gel de la situation. Alors, dès réception de la plainte parce que le déménagement est imminent, la commission interdit à l'employeur de procéder à son déménagement en disant: Attendez, j'ai une plainte, il faut prendre une décision. C'est déjà un premier changement majeur qui n'existe pas actuellement. On intervient. On arrête le processus de déménagement et, parce qu'on a le droit d'avoir des décisions déclaratoires en toute matière, encore une fois, la notion de contravention appréhendée est une notion de jugement déclaratoire. On demande à la commission, avant que les faits n'aient lieu de déclarer - parce qu'on dit que c'est une contravention appréhendée -ce qui se passerait si cela arrivait. Étant donné qu'on demande un jugement déclaratoire, j'imagine qu'on va être obligé de l'écrire pour déclarer ce que c'est. La commission nous dit: Oui, oui, cela serait une infraction.

Le déménagement arrive. Évidemment, comme il y a une ordonnance de statu quo ante, il y a un problème. Quand le déménagement va-t-il avoir lieu? La commission a déjà rendu une décision déclaratoire. Donc, ce serait une violation. Mais les faits ne sont pas arrivés. Présumons qu'il y a une levée du statu quo ante en disant: Étant donné qu'on a émis un jugement déclaratoire comme quoi ce n'était pas correct, l'employeur ne procédera pas. L'employeur procède quand même en disant: Quand je vais plaider mes faits, la vraie cause, je vais réussir à leur démontrer que ce n'est pas une violation du devoir de négocier de bonne foi.

On se présente devant la commission. On a un jugement déclaratoire antérieur. Vous savez qu'il y a un système de politiques qui existe. Et on vient plaider la cause après que la commission nous ait dit: On vous a déjà dit que ce n'était pas correct, mais on veut faire la preuve des faits. On annonce cela comme étant un changement de structures. Je vous dis que j'ai choisi l'exemple d'une telle pratique déloyale, mais il y en a toute une série. Pour moi, M. le ministre et M. le député, je ne pense pas qu'on puisse qualifier cela de changement de structures. Quand on parle de changements de fond, c'en est un important.

M. Gendron: Merci de l'éclairage. Rapidement, parce que le temps file pas mal, mais il me reste dix minutes et le ministre aussi. Je veux absolument qu'il les prenne. Il est plus au "bat" que moi. J'espère, en tout cas, qu'il se considère plus au "bat" que moi pour les changements à apporter.

Deux petites choses rapides. Vous dites, à un moment donné, qu'on sent que c'est bien plus toute la philosophie et les orientations qu'il y a derrière cela qui causent des problèmes. Mais on ne réqlera pas cela ce soir entre nous deux. Je veux régler deux petites affaires vite. En matière de pratique déloyale, à moins que je ne comprenne rien, j'ai vu que dans le projet de loi, les nouveaux aqents avaient des pouvoirs nouveaux en termes d'enquête, de conciliation et de médiation. Cela m'apparaissait un nouveau palier et un nouveau pouvoir qu'il fallait saluer correctement avant d'arriver à une audition formelle. Juste là-dessus, est-ce que j'ai raison ou tort?

M. Dufour (Ghislain): On a dit carrément dans notre mémoire que tout ce qui s'appelle conciliation, médiation, on est d'accord avec cela. D'ailleurs, on a toujours appuyé le service de prévention médiatrice qui existe déjà au ministère du Travail. On est d'accord avec cela. Sauf que notre difficulté, c'est: Comment un bonhomme va-

t-il pouvoir être en même temps conciliateur et médiateur et décider de la pénalité?

Prenons dans le cas de services essentiels dans les secteurs public et parapublic, par exemple. Il a le dossier. Il essaie de faire la médiation et la conciliation. Cela ne fonctionne pas. Le lendemain, il est adjudicateur. Et, trois mois après, il se retrouve avec les mêmes personnes. C'est tellement important qu'en Colombie britannique, alors qu'on vient de déposer le projet de loi, après le débat public qui vient de se faire, on vient de créer deux vice-présidences, une pour la médiation et la conciliation et une pour les cas de règlement de litiges. Tout de suite, déjà, on vient de voir que la formule qu'on nous propose ici ne pourrait pas fonctionner. Ils viennent déjà de la modifier. Cela m'apparaît important.

M. Gendron: L'autre aspect que je voulais vérifier, c'est que, lorsque j'ai vu l'expression "contravention appréhendée", je l'ai signalée au tout début des audiences. Je cite un bout de phrase que j'avais mentionné: Le nouvel article 132 prévoit que la commission peut entendre une plainte concernant une contravention appréhendée. J'ai dit: Ceci me semble donner ouverture à des abus et à beaucoup de stratégies inutiles. Cela, c'est mon point de vue. Mais, quand je l'ai vu là, j'ai dit... Cela fait plusieurs fois que le ministre nous dit: Écoutez, c'est pour prévoir certains cas des fois. Alors, j'ai pensé que la contravention appréhendée était envisageable pour le respect au moins du maintien des services essentiels. J'ai pensé que c'était peut-être pour cela qu'il l'a mise générale puisqu'il intègre le Conseil des services essentiels à la Commission des relations du travail et là il y aurait une logique, à mon avis. Je veux juste savoir si vous partagez mon avis: une contravention appréhendée serait légitime dans la perspective où on veut s'assurer que les services essentiels soient mieux respectés. Est-ce que je raisonne comme il faut?

M. Beaulieu: Je vous dirais que vous faites face à un problème qui revient tout le temps dans le projet de loi.

M. Gendron: Oui, oui...

M. Beaulieu: Vous êtes en train de me parler de ce qu'on appelle, nous, des cas d'ouverture à l'application d'un article.

M. Gendron: Cela, il y en a beaucoup.

M. Beaulieu: C'est cela. Alors, je vous suggère, à la lumière de ce qui existe au fédéral - vous me parlez des services essentiels - de limiter la notion d'appréhension aux cas de conflits, c'est-à- dire aux grèves ou aux ralentissements d'activités. Cela, c'est correct. Mais quand on fait une...

M. Gendron: Dites-le au ministre.

M. Beaulieu: Oui, oui, mais je vous propose que la grève appréhendée: C'est cela que vous visez?

M. Gendron: Moi, c'est cela que je vise.

M. Beaulieu: Qu'on le précise, mais qu'on n'aille pas parler de contravention appréhendée. Les mots "doit faire" ou les obligations, dans le code, on en trouve à peu près à tous les trois articles, parce que, là, on a autant de contraventions réelles que de contraventions appréhendées, c'est évident. Alors, si c'est cela, comme je vous le dis, c'est un problème qui revient constamment dans le projet de loi. Il s'agit d'énumérer les cas d'ouverture. C'est la même chose pour les décisions provisoires et le pouvoir de révision. Sur tous les articles, on pourrait tenir ce même vocabulaire.

M. Gendron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais revenir sur quelques exemples que je prétends être de l'incompréhension entre la partie gouvernementale et le Conseil du patronat. M. Dufour a mentionné qu'en Colombie britannique, ils ont commis une erreur, ils ont créé deux vice-présidences aux services essentiels. Je vous dirai tout simplement qu'à l'occasion de la comparution de la FTQ, M. Laberge était accompagné de M. Lavallée, qui est le président de FTQ-Construction. Ce dernier réclame, depuis 1984, l'installation au Québec d'un tribunal de la construction spécialisé dans les domaines de la construction et habilité à régler tous les litiges en matière de construction. On a traité avec lui de la possibilité d'instituer, comme la loi le permet, une vice-présidence à la construction et d'essayer de voir si cela fonctionnait et si cela pouvait apporter satisfaction aux parties. On a eu aussi l'occasion, lors de la comparution d'une autre partie, de distinguer un vice-président ou une vice-présidente aux services essentiels de façon qu'il y ait une certaine interaction mais également une certaine indépendance pour ne pas créer le genre de conflits que vous évoquez et qui pourraient être négatifs. Il faut assurer à l'intérieur du même appareil certaines vocations plus spécifiques à certains indidivus.

Je ne peux pas laisser passer les propos

alarmistes de mon bon ami, M. Casgrain. Je ('écoutais faire des descriptions de situations qui ne peuvent être possibles que dans des pays ou des sociétés où il n'y a pas de charte des droits et libertés et où il n'y a pas de système judiciaire qui jouisse d'un pouvoir de surveillance quant aux droits fondamentaux des citoyens. Moi, je m'imaginais... J'étais content quand la charte québécoise des droits et libertés est entrée en vigueur. J'ai certains droits qui sont protégés par cette charte et j'en suis fier. J'étais content lorsque le Parti libéral a cessé d'utiliser, comme le faisait le précédent gouvernement, les clauses "nonobstant" quant à la charte...

M. Gendron: II y a trois exemples que je peux vous donner.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans toutes les lois, même dans les lois privées, il y avait des clauses "nonobstant". Je ne pense pas, de toute façon, que le projet de loi qui est devant nous, à moins que cela ne m'ait échappé, contienne une clause "nonobstant" quant à l'application de tous les droits et toutes les libertés individuelles qui sont prévus à la charte canadienne des droits et libertés et je ne pense pas non plus qu'il y ait exclusion du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Je ne pense pas qu'il y ait eu des modifications récentes, que les ententes du lac Meech aient fait en sorte que la Cour supérieure n'a plus de pouvoir de surveillance sur nos tribunaux. Mais je ne veux pas que le justiciable se retrouve, dans la mesure du possible, dans l'obligation d'avoir à plaider soit le pouvoir de surveillance, soit l'application de la charte québécoise, soit l'application de la charte canadienne. Quant à certains éléments comme la motivation des décisions, la question d'entendre les parties, etc., qui sont des règles de justice naturelle clairement établies par la jurisprudence, au moment où nous nous parlons, je tiens à vous assurer bien sincèrement que des modifications seront apportées.

M. Casgrain: J'espère que, M. le ministre... Moi, je vous écoute, mais ce n'est pas facile de prendre le texte que vous avez là et d'aller tout retrouver cela dedans. Je ne sais pas quand vous allez faire cela ou si vous entendez le faire demain ou cette nuit. Entre vous et moi, il y a beaucoup de travail là-dedans. Je ne vous blâme pas, mais je vous dis une chose, c'est que je respecte ce que vous dites, je suis enchanté de vous l'entendre dire. Ce que je vous donne comme exemple, croyez-moi, ce n'est pas de la caricature. Si j'avais à le plaider, c'est comme cela que je le plaiderais et je gagnerais, à part cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des fois, vous en gagnez!

M. Casgrain: Vous avez plaidé vous aussi, vous savez ce que c'est que d'aller en appel. Seulement, ce que je vous dis, c'est que, quant à la rédaction - là-dessus, je reviens à la question de M. Gendron - il y a, à mon sens, beaucoup de travail à faire pour que ce ne soit pas trop lourd et qu'en même temps cela réponde aux aspirations qu'on a, à savoir: Comment devront-elles être motivées? Quel sera le mode de preuve?Allez-vcus laisser le soin à ces derniers de déterminer leurs règles de preuve ou si vous allez mettre dans la loi ce qu'elles doivent être, comment la décision va être rendue, comment cela va être fait et à quelle enseigne. Ce n'est pas facile. Tout ce qu'on vous dit...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense qu'il y a une expérience gouvernementale quand il s'agit d'inclure le maximum de garanties quant au respect des règles de justice naturelle. Mais, si vous me parlez des règles de pratique des diverses commissions ou régies gouvernementales comme telles, le ou les gouvernements ont pris des décisions dans la création de régies antérieures qui offrent plus ou moins de garanties. Nous irons vers plus de garanties que moins de garanties.

M. Casgrain: Plus ou moins, c'est là que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ces exemples existent et ils sont prêts. J'aimerais également vous rappeler, je pense que vous le savez... Vous semblez vous inquiéter de la somme de travail que cela peut représenter. II s'agit quand même d'un projet de loi qui compte approximativement une centaine d'articles. Nous avons déjà - je pense que c'est à votre connaissance -plusieurs nuits de passées sur l'analyse article par article et nous n'avons aucune objection à y passer les quelques autres nuits qui s'annoncent...

Le Président (M. Théorêt): M. le président Dufour.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, en parlant de Jean Lavallée, le ministre me donne une ouverture étant donné qu'il n'y a eu personne de l'industrie de la construction qui est venu en commission. J'ai ici...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M.

Lavallée n'aimerait pas entendre cela.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Jean

Lavallée n'aimerait pas entendre dire qu'il n'est pas une personne de l'industrie de la construction.

M. Dufour (Ghislain): Non, du côté patronal, j'entends.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Dufour (Ghislain): J'ai ici - je pense que cela a été déposé à la commission parlementaire - une lettre de l'Association de la construction de Montréal...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Dufour (Ghislain): ...qui présente un point de vue tout à fait opposé à celui que Jean Lavallée vous a exprimé. J'en lis juste deux paragraphes: La loi qui régit les relations du travail dans l'industrie de la construction étant une loi sectorielle, il importe ne pas y mêler, quant à l'interprétation qui en est faite, des instances étrangères. C'est quand on transfère le commissaire de la construction sous la juridiction de la Commission des relations du travail. Et, l'ACMQ, qui est l'un de nos très nombreux membres dissidents face au projet de loi, dit: Nous sommes donc en désaccord avec les articles 74 à 76 inclusivement du projet de loi 30 et nous en demandons la suppression, de façon que soient maintenus le poste et les fonctions de commissaire de la construction et qui ce s'ensuit. Comme le disait une centrale syndicale hier, on est loin de faire l'accord là-dessus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je me permets de vous préciser que c'était également l'opinion de Jean Lavallée jusqu'à ce qu'on en discute et qu'il voit la possibilité de créer une vice-présidence à la construction.

M. Dufour (Ghislain): Bon! Il semble qu'il y a bien des inconnues autour de ce projet de loi...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non.

M. Dufour (Ghislain): ...M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à se parler qu'on s'informe mutuellement.

Le Président (M. Théorêt): Alors, messieurs...

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais avoir une conclusion, M. le Président?

Le Président (M. Théorêt): Vous allez sûrement en avoir une. Je voulais juste vous rappeler, M. le président Dufour, qu'effectivement vous allez avoir une conclusion et que ce sera la même chose pour le député d'Abitibi-Ouest et le ministre. Mais je voudrais faire part immédiatement aux membres présents en cette salle qu'immédiatement après, le député d'Abitibi-Ouest aura 20 minutes pour faire sa conclusion du qrand dossier; il en sera de même pour le ministre.

Alors, M. Dufour, à vous la parole pour la conclusion. (22 h 45)

M. Dufour (Ghislain): La conclusion, elle part un peu de l'intervention de M. Gendron. D'ailleurs, je le cite quand il disait, en débat de deuxième lecture: On aura beau modifier les structures toutes les semaines, tous les quinze jours, à l'année, s'il n'y a pas d'évolution des mentalités, je ne suis pas sûr qu'on aura corrigé fondamentalement nos mécanismes de relations du travail. C'est quelque chose qu'on partaqe et on ne voit pas, justement, dans les mécanismes qui nous sont proposés une façon de modifier les problèmes, et il y en a des accrochages actuellement entre les parties. La question aussi était fondamentale chez M. Gendron: Si on s'attarde à analyser l'article 112, à enlever un mot, à l'article 137, à en enlever trois ou en ajouter deux, est-ce que vous seriez d'accord? On n'a aucune espèce d'objection à fonctionner comme cela, sauf qu'on vous dit que l'approche devra être globale. Actuellement, et même après cette commission parlementaire, M. le ministre, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on est d'accord avec votre projet de loi. Il y a trop de choses fondamentales qui sont en cause. Je pense que c'est tout à fait positif de notre part de dire: C'est un projet de loi trop important pour être bousculé dans une fin de session. Vous y avez déjà mis énormément d'heures. Nos gens en ont mis énormément. Tout le monde qui s'est succédé ici est venu vous livrer à peu près le même message, qu'il s'agisse du Barreau ou des centrales syndicales, sauf peut-être la FTQ. C'est un dossier qui engage les 20 prochaines années. L'autre régime de 1969, on le remet en cause 18 ans plus tard, alors qu'on commence à peine à le connaître et à avoir une jurisprudence. C'est évident que c'est très engageant pour le futur. Je peux vous dire que, dans le contexte actuel, vous n'avez pas l'accord patronal. Je viens tout juste de recevoir un mémoire qui vient de l'Association des manufacturiers de bois de sciage et des PME qui nous disent carrément qu'elles ne peuvent appuyer le projet de loi actuellement. Je pourrais les multiplier à l'infini, j'en ai 126. Si vous en voulez, on va vous en envoyer qui montrent carrément le problème qu'on rencontre ici ce soir. Je vous remercie.

Conclusions

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. Dufour. Je vais maintenant céder la parole, pour la conclusion de ce débat, au député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Je pense que pour ce qui est des principales remarques que je vais faire, j'aurai l'occasion d'y revenir puisque le ministre ne nous pas mentionné d'autres indications à ce moment-ci. Il nous a laissé voir, en tout cas, en ce qui concerne l'Opposition, qu'il avait l'intention de procéder, et rapidement, à l'adoption article par article de son projet de loi créant la nouvelle Commission des relations du travail. Je sais qu'on va continuer la semaine prochaine mais vous avez quand même indiqué que vous vouliez l'avoir d'ici à la fin de la session. Vu que je sais qu'il ne reste pas des mois et des semaines de session, il va falloir patiner vite.

Je voudrais juste rappeler certains principes. Il est exact - je n'ai pas l'habitude d'être gêné de mes opinions - que l'Opposition a donné son accord aux principes de ce projet de loi puisque le principe qu'on y voyait, c'était de créer une nouvelle Commission des relations du travail, assurer le libre exercice du droit d'association, administrer, bien sûr, le processus d'accréditation, assurer le respect du Code du travail, disposer de différents pouvoirs, etc. Je pense que le principe... À partir du moment où la commission Beaudry avait eu l'occasion de faire le tour du Québec et d'entendre énormément de représentations de toute nature, la commission Beaudry a suggéré la création d'une nouvelle instance regroupant les divers paliers en un seul- M. Dufour, je respecte le fait que vous ayez mentionné tantôt qu'il s'agissait davantage d'une nouvelle appellation mais moi, ce n'est pas ce que j'ai vu dans la commission Beaudry. Je ne crois pas que la commission Beaudry ainsi que les commissaires suggéraient la création d'une nouvelle Commission des relations du travail uniquement pour faire disparaître le Tribunal du travail, le Bureau des commissaires du travail ou le Conseil des services essentiels. Je pense que sa réflexion l'avait amenée à dire qu'avec cette nouvelle instance, en apportant, bien sûr, d'autres correctifs, nous pourrions avoir un nouveau régime de relations de travail qui permette de progresser par rapport aux objectifs qu'un gouvernement doit poursuivre envers les premiers intéressés.

Je pense que cela nous a été rappelé également par M. Hétu. Même s'il était contre, je tiens à vous signaler qu'il était contre en gros parce qu'il disait justement qu'il n'y a rien dans cela qui confère de meilleures garanties de syndicalisation ou de meilleurs accès à la syndicalisation. Cela a été l'essentiel de son plaidoyer. Je ne peux pas vous donner une copie de son mémoire puisqu'il n'en avait pas mais, essentiellement, il est presque toujours revenu sur cela. Il a dit: Bon, je ne vois pas, dans la réforme du ministre du Travail préconisant une nouvelle Commission des relations du travail, assez d'éléments qui me permettent de dire: Oui, ce sera plus facile; oui, il y aura moins de délais, il y aura moins de complications et il y aura moins de judiciarisation. Sur cela, par contre, je ne reviens pas sur ce que j'ai dit. Moi, j'ai l'impression que vous aviez raison de me citer. C'est davantage une réforme de mentalité, et de toute façon, ce n'est pas plus la loi déposée qu'une autre qui va corriger cela, ce n'est pas seulement un projet de loi qui modifiera les mentalités. Ce sont beaucoup plus les philosophies, les orientations, le contexte, ce que nous sommes, notre passé historique, tout cela mis ensemble qui fait qu'à un moment donné, des gens prétendent que, oui, il y a moyen de vivre, dans un cadre déterminé, des relations du travail qui soient satisfaisantes pour chacune des parties. Cela a assez évolué au Québec pour être en mesure de croire qu'un encadrement régissant nos relations du travail est requis, pour autant qu'il est le plus souple possible et qu'il a toujours, comme orientation, faciliter les échanges, les discussions, éviter les mécanismes d'affrontement pour qu'il y ait énormément de dialogues, de communications, avant d'arriver à ce que le tout - je vais m'exprimer comme je le pense - soit transféré dans des instances officielles où l'implication des spécialistes est trop forte, au sens général du terme, que ce soient des avocats, des juristes ou des juges. Il me semble que, plus les relations du travail restent entre les mains des parties, plus on a des chances d'avoir un régime de relations du travail qui progresse.

Après avoir dit cela, c'est sûr que je suis obligé, après deux jours très intenses... Mon dilemme, c'est que j'aurais besoin d'une période de refroidissement, d'un "cooling-off", pour apprécier davantage ce que j'appellerais les grands créneaux qui ont été constamment répétés. Tout autant dans le domaine syndical que patronal, à certains égards, il y a des constances, par exemple, par rapport à des dispositions imprécises, arbitraires, interprétatives, même par des gens qui ne sont pas juristes, ce qui est mon cas. Je lis certains articles et je trouve que cela n'a pas de bon sens, je lis des choses qui n'ont pas de bon sens.

Mon problème fondamental, et c'est le problème également de la formation politique que je représente, même si on a donné notre accord au principe, je n'ai pas dit que je

marcherais jusqu'à la fin, en troisième lecture, sans problème. J'aurai à consulter l'équipe de l'Opposition officielle pour lui dire que, globalement, dans l'ensemble des mémoires, il y a eu beaucoup de craintes, d'appréhensions, d'éléments sur lesquels le ministre devra déposer des éléments concrets de précision, d'ouverture, de clarification pour s'assurer qu'il y ait plus de correspondance entre - et là-dessus, je n'en démords pas - les notes explicatives, qui, normalement, préfigurent un projet de loi, et ce projet. On dit ce que le projet de loi a comme objectif. Je n'ai aucun problème à vivre avec les notes explicatives, mais j'en ai de plus en plus avec chacune des dispositions prévues aux articles qui suivent, que ce soit en ce qui concerne le mandat, que ce soit en ce qui concerne la composition de la commission, la garantie d'autonomie et de très grande crédibilité de ces commissaires. Quand vous parliez, par exemple - si j'avais le temps de revenir à votre article, je ne me le rappelle pas - des commissaires à temps partiel, je ne suis pas d'accord là-dessus. C'est un exemple. Je ne suis pas d'accord qu'il n'y ait pas un droit d'audition, je ne suis pas d'accord que ce soit sans appel, surtout. Je prétends qu'il y a des choses qui peuvent être sans appel, mais, pour d'autres, cela n'a pas de bon sens? Des congédiements et des pratiques déloyales qui font référence à des comportements d'individus, que ce soit réglé uniquement par une personne et que, effectivement, je n'aie pas de recours lorsque je suis concerné, que je n'aie pas la capacité de prendre acte de certains documents où sont écrits les jugements qui sont portés, je trouve cela préjudiciable. Je pense toujours que c'est du travail de correction, article par article. Si on réussissait à clarifier non pas toutes les imprécisions, ce n'est pas possible, mais un grand nombre d'imprécisions, un grand nombre d'articles où vous-même prétendiez que c'est sur cette base-là que vous aviez le droit d'utiliser l'expression "monument de l'arbitraire"... Si, effectivement, comme législateur, comme membre de cette Assemblée nationale, j'ai la conviction qu'on a laissé le moins d'arbitraire possible, il me semble, en toute objectivité, qu'on aurait franchi un pas en avant avec cette nouvelle instance en regroupant des paliers qui sont actuellement disparates et qui ont peut-être comme conséquence de judiciariser davantage. Je persiste à croire que plusieurs intervenants ont levé plus de doutes que j'en avais, mais c'est le propre d'avoir des audiences et d'entendre des gens qui vivent ces situations. On a eu l'occasion d'entendre, hier, je ne me rappelle pas exactement quel groupe, plutôt je me le rappelle, les praticiens qui sont tous les jours dans l'action: les spécialistes en relations industrielles. À plusieurs endroits, ils ont signalé qu'il y avait trop d'imprécisions pour verser rapidement là-dedans sans que nous en évaluions davantage les conséquences.

Voilà les commentaires que je voulais faire. J'aurai l'occasion, après une journée d'intermède, d'être plus précis, dans une meilleure synthèse de ce qui nous a été dit et de ce qui revient le plus souvent et le plus longuement. Mais, pour moi aussi, les journées étant ce qu'elles sont, je ne peux pas à la fois prendre une journée et faire le tour des éléments qui sont revenus le plus souvent et être capable d'en faire la synthèse, quand on vient à peine d'entendre votre mémoire. Parce que, ce soir, il faut dire que ce sont surtout le mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le vôtre. En conséquence, dès le début du processus qui suivra, j'aurai également d'autres remarques qui synthétiseront peut-être plus certains points sur lesquels l'Opposition exigera des garanties formelles pour que le gouvernement puisse compter sur notre appui.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre, vos remarques finales.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, très brièvement, M. le Président, vous me permettrez, dans un premier temps, de remercier les représentants du Conseil du patronat qui nous ont apporté un dossier technique détaillé, fouillé, sérieux et responsable.

Je vous dirai tout simplement que, comme d'autres parties qui se sont présentées devant nous, le Conseil du patronat a déploré le fait que le gouvernement, et je pense que c'est venu à deux ou trois reprises dans la bouche de M. Dufour, n'ait pas eu ce qu'on appelle une approche globale, pour toucher à la fois aux structures et au fond des relations du travail comme telles. Je pense que c'était le reproche principal que nous a adressé, à peu près à la même heure hier soir, dans cette même salle, le président de la CSD, M. Hétu, qui, pour des motifs différents, nous reprochait de ne pas toucher au fond.

Le gouvernement ne prétend pas que le projet de loi qui est déposé constitue une approche globale. Il s'agit d'une approche qui vise seulement à modifier les structures. Des comités de travail sont présentement à l'oeuvre quant à la codification de nos lois du travail qui sont dispersées un peu partout et, également, quant au fond, comme tel, du Code du travail. Mais nous prétendons quand même que cette modification de structures va dans le sens de tenter d'influencer, ce que nous qualifions de positif, le comportement des partenaires dans le secteur des

relations du travail. Depuis 18 mois, avec les cadres et les outils que nous avons, dans chacune de nos interventions, nous avons tenté d'influencer le plus possible chacune des parties concernées pour qu'elles règlent entre elles leurs litiges, plutôt que de se fier sur un tiers pour adjuger. Je tiens à souligner que la réponse, autant du côté syndical que patronal, a été positive dans la très grande majorité des dossiers.

Dans son champ de compétences, qui est principalement l'accréditation, nous pensons que la Commission des relations du travail doit agir dans la même direction, soit de procéder par conciliation, par médiation et d'insister pour que les parties règlent entre elles leurs litiges. Finalement, si elles ne peuvent régler entre elles leurs litiges, qu'il y ait adjudication. Mais, comme l'a souligné le critique de l'Opposition, dans son discours en deuxième lecture, comme vous l'avez répété ce soir et comme plusieurs intervenants l'ont répété au cours de cette commission, un changement de structures ne comporte pas nécessairement un changement de mentalité. Le législateur peut légiférer des structures qui s'apparentent un peu plus à une table de discussion qu'à une arène de boxe, qui incitent davantage les parties à s'asseoir à la table et à régler elles-mêmes leurs différends qu'à prendre les gants, à se confronter et à tenter de se tapocher. Nous aurons besoin de la collaboration de toutes les parties impliquées pour que ces changements de structures favorisent un changement de mentalité.

Je terminerai en vous disant que plusieurs amendements sérieusement fondés nous ont été proposés par les parties, que les techniciens qui travaillent à mon cabinet et au ministère sont déjà à l'oeuvre dans le sens d'acquiescements que j'ai déjà donnés au cours de cette commission et que nous évaluons, au moment où nous nous parlons, la possibilité d'apporter un acquiescement à d'autres consensus qui se sont établis au cours de ces journées d'audiences.

Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier non seulement le Conseil du patronat, mais toutes les parties qui sont venues faire part de leur vécu quotidien aux parlementaires que nous sommes. Je pense que les objectifs visés sont partagés par la très grande majorité des personnes qui se sont présentées devant nous. Il est maintenant de notre devoir, et je considère que cela constitue un défi, de transposer, dans la rédaction finale de la loi, des principes qui offrent de meilleures garanties d'indépendance, de respect des règles de justice naturelle pour améliorer les chances d'en arriver à un système de relations du travail qui soit moins conflictuel et qui fasse davantage appel à la bonne volonté des parties pour qu'elles règlent leurs conflits entre elles. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre.

M. Dufour, M. Martel, qui avez présenté un mémoire fort étoffé, même si vous n'avez pu le présenter dans son entier, et, croyez-moi, il a été très bien lu, je vous remercie au nom des membres de la commission de l'économie et du travail de vous être déplacés pour venir nous faire part de votre point de vue, ici, ce soir.

La commission de l'économie et du travail ayant rempli le mandat qui lui avait été confié, j'ajourne donc les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 3)

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