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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'économie et du travail reprend sa
consultation particulière ce matin sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Je voudrais demander au préalable au secrétaire de
la commission s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les
remplacements sont les suivants: Mme Bélanger (Mégantic-Compton)
est remplacée par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Filion (Taillon) est
remplacé par M. Perron (Duplessis), M. Gobé (Lafontaine) est
remplacé par M. Forget (Prévost), M. Leclerc (Taschereau) est
remplacé M. Middlemiss (Pontiac), M. Lefebvre (Frontenac) est
remplacé par M. Paradis (Matapédia), M. Paré (Shefford)
est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Rivard (Rosemont) est
remplacé par Audet (Beauce-Nord).
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Je voudrais d'abord,
avant de commencer, donner l'ordre du jour ou l'ordre de l'audition des
organismes et des mémoires aujourd'hui.
D'abord, nous entendrons l'Association des scieries de la Rouge à
10 heures. Par la suite, l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec. Cet après-midi, à 14 heures, nous commencerons par
le Barreau du Québec suivi de l'Association des banquiers canadiens et
l'Association des industries forestières du Québec. En
soirée, nous entendrons l'Association nationale de l'industrie du bois
de sciage et le Fonds de recherches et de développement forestier.
S'il n'y a pas de questions préliminaires de la part des membres
de la commission, je vais appeler maintenant les représentants de
l'Association des scieries de la Rouge à se présenter devant
nous. Je crois que le président de l'association est M. Louis-Georges
Bélanger. C'est cela?
Alors, M. Bélanger, bienvenue. Si vous voulez prendre place et
nous présenter la personne qui vous accompagne. Je vous rappelle, comme,
sans doute, le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que
vous avez 12 minutes pour la présentation de votre mémoire et que
par la suite l'échange de propos avec les députés
ministériels durera 24 minutes. Il en sera de même avec les
députés de l'Opposition officielle. Cela va?
Association des scieries de la Rouge
M. Bélanger (Louis-Georges): Merci. Bonjour, M. le
Président, bonjour M. le ministre délégué aux
Forêts, bonjour M. le député des Laurentides, M.
Hétu, bonjour M. de l'Opposition, M. Perron, député de
Duplessis, bonjour à tous les autres membres de la députation. Je
me présente, mon nom est Louis-Georges Bélanger, président
de l'Association des scieries de la Rouge, membre de l'Association des
intervenants forestiers des Hautes-Laurentides qui est passée ici devant
cette commission hier. Je suis aussi président de la scierie Les
produits forestiers B et B Inc., de La Minerve. Je vous présente,
à mes côtés, M. Yvon Lussier, notre directeur
général, ingénieur forestier.
Je tiens à remercier M. le ministre délégué
aux Forêts, M. Albert Côté, pour l'invitation qu'il a faite
à notre association de participer aux travaux du groupe de consultation
sur le nouveau régime forestier et de nous avoir ainsi permis de faire
connaître notre point de vue en qualité d'association
représentant les intérêts communs de sept entreprises de
sciage de taille moyenne fonctionnant dans l'une des principales régions
récréo-touristique du Québec, les Laurentides.
Nous apprécions à sa juste valeur ce rôle
d'interlocuteur privilégié que nous confère le ministre et
veuillez croire que nous lui en sommes reconnaissants. Encore une fois, nous
sommes à même de constater cette volonté souventefois
exprimée par le ministre de vouloir consulter les principaux
intervenants du secteur forestier sur les aspects du contenu et des
modalités d'application du nouveau régime forestier qu'il
désire mettre en vigueur pour le 1er avril 1987. Nous ne pouvons que
souscrire à cette attitude du ministre et nous l'en
félicitons.
Nous sommes aujourd'hui parmi les derniers groupes d'intervenants du
secteur de la transformation du bois à nous présenter devant
cette commission et veuillez croire que nous avons suivi avec un
intérêt particulier les interventions faites au cours des derniers
jours par les autres représentants de ce secteur vital de
l'économie de la forêt. Dans l'ensemble, nos préoccupations
rejoignent les leurs et c'est pourquoi nous croyons que le gouvernement devra
en tenir compte dans son projet de loi final sur les forêts.
Tel que mentionné dans notre mémoire, notre association
souscrit à l'intention bien arrêtée du gouvernement de
modifier les pratiques actuelles de gestion forestière au Québec.
Il s'agît là, à notre avis, d'un choix de
société qui doit être fait dans le but de sauvegarder la
pérennité et le caractère socio-économique
primordial du secteur forestier via une intervention concertée de
l'état provincial et fédéral de l'industrie
forestière et de tous les autres intervenants du milieu forestier.
Cette brève introduction étant faite, je vous rappelle que
notre mémoire se subdivise en deux parties principales, à savoir:
Une première partie, de la page 4 à 12, traitant de notre
association et de ses membres, une seconde partie, de la page 13 à 38,
renfermant nos commentaires en relation avec les bases du régime
forestier proposé.
J'aborderai successivement avec la première partie et je
laisserai notre directeur générai, M. Lussier, le soin de voua
résumer la seconde.
Un mot sur notre association. Elle a été fondée en
novembre 1981 et son siège social est localisé à
Saint-Jovite. Elle regroupe, comme je le disais précédemment,
sept entreprises de sciage de taille moyenne, produisant individuellement de 4
000 000 à plus de 10 000 000 de p.m.p. de bois d'oeuvre résineux
et feuillu par année. Ces scieries fournissent des emplois permanents
à plus de 160 personnes, uniquement au niveau de la production en usine.
Elles constituent, chacune dans son milieu, un milieu socio-économique
pratiquement indispensable. Ces PME à caractère familial sont
Implantées dans leur milieu depuis plus de quinze ans. L'origine de
certaines d'entre elles remonte à la fin des années 1920.
En 1981, nos scieries ont, à la suite de la révocation des
concessions forestières de Consol et de CIP, en vue de la
création du parc du Mont-Tremblant, bénéfié pour la
première fois d'une garantie d'approvisionnement de cinq ans sur les
forêts domaniales. Il va sans dire que cette garantie, de même que
les allocations additionnelles de matières ligneuses qui nous ont
été accordées par le MER dans le cadre du plan provincial
d'allocations, et des provenances de récupération
accélérée des bois affectés par la tordeuse des
bourgeons de l'épinette, sont à la base du développement
que nous avons connu en dépit de la crise du début des
années quatre-vingt.
Sur forêt publique, nos scieries s'approvisionnent dans plusieurs
unités de gestion des régions administratives de Montréal
et de l'Outaouais. Toutefois, c'est dans l'unité de gestion de la
rivière Rouge, l'unité 61, qu'elles sont plus
particulièrement actives. Elles sont d'ailleurs seules
détentrices de conventions d'approvisionnement dans la forêt
domaniale de la Rouge.
De façon générale, nos garanties
d'approvisionnement sur forêt publique satisfont environ 60 % des besoins
en matière ligneuse de nos membres. Lesdits besoins sont
évalués sur une base de fonctionnement de 44 heures par semaine
et de 48 semaines par année. Chaque année, certaines de nos
scieries sont forcées de cesser temporairement leurs activités
faute de disposer d'un approvisionnement suffisant sur forêt publique.
D'autres arrivent tout de même à compléter leurs
approvisionnements chez les producteurs privés du Québec et des
États-Unis. Toutefois, ces dernières sources d'approvisionnement
sont souvent dispendieuses et sont considérées comme marginales
et n'offrent aucune sécurité.
Ceci dit, je laisse le soin à notre directeur
général d'aborder la seconde partie de notre mémoire,
M. Lussier (Yvon): La seconde partie du mémoire couvre les
pages 13 à 38. Je vais essayer d'être le plus bref possible
étant donné qu'il y a plusieurs termes techniques
là-dedans.
Pour commencer, disons qu'il est bien sûr que nous avons
axé notre mémoire sur les principaux thèmes du
régime forestier qui sont: la modification du rôle de
l'État, l'utilisation polyvalente de la forêt, l'introduction de
nouvelles règles de gestion et les modalités d'implantation du
nouveau régime.
Concernant la modification du rôle de l'État,
naturellement, nous sommes conscients qu'il nous faudra à l'avenir
aménager obligatoirement les territoires d'allocations en fonction des
articles 21 et 33, 'en fonction des objectifs de production fixés par le
ministre, tel que mentionné à l'article 28 de l'avant-projet.
Selon les données fournies par le MER et basées sur un volume
alloué de 30 000 000 de mètres cubes pour toutes les essences,
l'industrie devrait en moyenne débourser quelques 3,52 $ le mètre
cube annuellement, au chapitre de la seule remise en production des territoires
exploités. Ces charges varient substantiellement d'une zone de
tarification à l'autre, atteignant même quelque 9,96 $ le
mètre cube dans la zone 16 où oeuvrent, entre autres, les
scieries de notre association.
Le MER se réserve pour sa part la remise en production des zones
dites de "back-log", à l'article 35 de l'avant-projet, et fournit
gratuitement les plans pour le reboisement, article 36. Toutefois, il n'offre -
c'est remarquable - aucun engagement concret sur le rythme de
réalisation des travaux de remise en production des arbres du
"back-log", se limitant au budget que lui accordera le Trésor
provincial.
Nos commentaires sur ces aspects du régime sont les suivants:
Premièrement, l'approche préconisée reconnaît le
lien
indispensable devant exister entre l'exploitation et
l'aménagement des forêts. D'où le râle fondamental
que doit jouer l'industrie forestière dans la remise en production des
territoires exploités. Quelques lacunes subsistent toujours. Les
principales sont les suivantes, à notre avis: Premièrement, il
n'existe aucun consensus entre le MER et l'industrie sur le niveau annuel
d'allocations des matières ligneuses à retenir pour l'an I du
régime. Ce niveau est établi arbitrairement par le MER à
30 000 000 de mètres cubes pour tputes les essences, ce qui correspond
à peu près aux engagements du MER. Pourtant, la coupe
réelle moyenne des cinq dernières années se situe à
environ 22 000 000 de mètres cubes. Il convient donc d'établir ce
niveau, qui est à la base de la fixation des objectifs de production et,
partant, de l'établissement des coûts de remise en production.
Deuxièmement, il n'existe aucun consensus entre le MER,
l'industrie et les autres utilisateurs des ressources forestières sur le
mécanisme de partage des coûts de remise en production. L'approche
du MER traite essentiellement d'un partage 48-52, 52 pour l'industrie, sans
engagement formel du MER quant à sa part. Ce partage ne reflète
pas, à notre avis, la part des revenus retirés par chacun de
l'utilisation de nos ressources forestières.
Au sein même de l'industrie également, il convient de
mentionner qu'il n'y a aucun consensus d'établi sur le partage des
coûts propres à l'industrie.
Le rôle conféré à l'industrie. Sur ce point,
l'industrie du sciage exploite actuellement environ 70 %, grosso modo, des bois
de la forêt publique. Elle devrait donc prendre en charge les plus gros
engagements techniques et financiers, également, jusqu'à preuve
du contraire. Cela met deux problèmes en lumière? celui de la
capacité technique de l'industrie et celui de sa capacité
financière. Au point de vue technique, il est bien certain que les
petites entreprises comme la nôtre auront intérêt à
se regrouper pour être capables de s'assurer des services techniques
appropriés.
Sur le plan financier, comme le MER d'ailleurs l'a dit dans un document
qu'il a rendu public à un moment donné et qui a été
fait pour une soixantaine de scieries au Québec, nous sommes d'accord
pour dire que notre rentabilité, après étude, après
analyse, se compare à peu près aux chiffres du MER. Disons que le
MER prouvait, avec son document, que l'industrie du sciage ne pouvait en
réalité se payer les 3,52 $ le mètre cube, en moyenne,
pour les coûts de remise en production. Nous arrivons à peu
près à quelque chose de similaire. On est peut-être un peu
plus rentable que selon les chiffres du MER, mais on pourrait l'expliquer, au
cours des discussions, par beaucoup d'autres facteurs.
En réalité, cela veut dire que la clé de la
réussite du nouveau régime est justement basée sur
l'implication des utilisateurs dans l'aménagement de la forêt.
C'est ce que l'on doit viser en priorité.
Le deuxième point: l'utilisation polyvalente des forêts.
Nous appuyons fortement la question du manuel ou du guide sur les
modalités d'intervention en milieu forestier. On pense que c'est
déjà un bon rapprochement avec les autres gestionnaires de
ressources forestières. Par contre, il s'agit là d'une heureuse
initiative, mais nous la jugeons insuffisante. Comme nous le mentionnons dans
notre mémoire, nous doutons de l'existence d'une véritable
volonté politique en matière d'aménagement polyvalent de
la forêt publique. Si cette volonté existe, qu'attend-on pour
créer un ministère qui aurait juridiction sur l'ensemble des
ressources forestières en territoire public?
Toujours dans le même ordre d'idées, même si nous
sommes en accord avec la présence de parcs provinciaux sur domaine
public, qu'attend-an, par exemple, pour aménager la forêt de nos
parcs de récréation et plus spécifiquement de leurs zones
d'ambiance, de manière à en améliorer la qualité
tout en augmentant sa contribution à l'économie de la province?
Oui.
Le Président (M. Charbonnieau): Je constate que vous lisez
votre texte. Il n'y a pas d'objection, sauf que votre temps est presque
terminé, alors...
M. Lussier: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): ...je voudrais vous inviter
soit à résumer le reste de votre...
M. Lussier: Je résume le plus tôt possible.
Pour ce qui est de la question du rendement soutenu, nous sommes
complètement d'accord avec cela.
Maintenant, pour ce qui est des principes de fixation de la
possibilité de la forêt, naturellement, c'est fixé souvent
à partir de simulation, de sorte que ce n'est pas nécessairement
basé sur l'expérience. Il y a peut-être de petits points
dont on pourra discuter, en ce qui concerne la possibilité.
Sur le plan des conventions d'approvisionnement et d'aménagement,
c'est réaliste pour le ministre de penser les signer de 1987 à
1990; nous sommes d'accord avec cela. Nous appuyons le nouveau contrat comme
remplacement des modes de tenure actuels. Également, il est important de
mentionner que nous participerons, avec l'industrie d'ailleurs, à
l'élaboration d'un texte qui serait satisfaisant pour tout le
monde.
Tarification. On s'oppose à ce que la tarification soit
basée sur le volume garanti au lieu du volume exploité. En ce qui
concerne l'article 22, on est contre le fait que le rendement des usines soit
considéré comme un critère lors du renouvellement des
conventions d'approvisionnement. En fait, on trouve qu'à comparer des
rendements d'usine, le ministre va s'embarquer lui-même, je pense bien,
dans un "dead-line" d'où il ne pourra pas se sortir, à un moment
donné, parce que c'est difficile à comparer, des rendements
d'usine.
Lors de la première version de l'avant-projet de loi, il
était prévu de créer un conseil de recherche
forestière, un conseil permanent de la forêt et il y avait des
articles sur l'arbre emblématique du Québec. Nous
considérons qu'il est absolument indispensable que ce soit ramené
dans le texte du projet de loi.
Maintenant, il y a un point oublié bien important. On dit que les
concessions et les garanties d'approvisionnement seront annulées lors de
la signature des conventions d'approvisionnement ou lors de l'adoption du
projet de loi. On n'a pas parlé des cas où certaines de nos
entreprises ont présentement des ventes de bois sur pied consenties
à long terme sur concession. Lors de l'adoption de la loi,
qu'adviendra-t-il de ces ententes à long terme, de ces ventes de bois
sur pied, que l'on a sur concession? Est-ce que l'on va avoir un contrat pour
cela?
Disons que cela résume les principaux points. C'est dommage que
l'on n'ait pas plus de temps. Ce sont les points que je voulais
préciser.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord, merci beaucoup.
M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, bonjour, M. Bélanger, bonjour, M. Lussier. Il me fait
plaisir de vous revoir. On vous a rendu visite chez vous, l'été
dernier, et j'ai été impressionné par votre dynamisme. Je
vous félicite, comme gens d'une même région, de vous
regrouper, de former une association et aussi d'être à
l'affût de tout ce qui se passe du côté forestier,
principalement dans le domaine des feuillus. Je vous remercie de votre
collaboration avec le ministère dans toutes les demandes de consultation
et de concertation que l'on vous fait. Vous êtes toujours disponibles et
c'est tout à votre honneur. Je vous en remercie beaucoup.
Vous avez un. mémoire intéressant qui pose une foule de
questions. Je ne sais pas si l'on aura le temps de discuter de toutes. Si l'on
n'a pas le temps ici, on le fera certainement avec les fonctionnaires et avec
votre association.
Vous dites, à la page 9 de votre mémoire que "trois
contracteurs forestiers différents procèdent aux
opérations forestières, deux scieries ayant décidé
de recourir aux services du même contracteur". Vous continuez, au
paragraphe suivant: "L'intégration des coupes est assurée via le
recours aux services d'un seul contracteur forestier." Je vous en
félicite car tout cela s'est fait sur une base volontaire. Je pense que
vous avez compris qu'il y a des économies à faire à agir
ainsi. Est-ce que vous avez eu de la difficulté à convaincre
votre monde d'agir de cette façon?
M. Lussier: Dans le cas cité là, c'est venu par le
naturel des choses, disons. Étant donné que les deux
possédaient des conventions d'approvisionnement à peu près
dans le même territoire, ils ont décidé volontairement de
recourir aux services de l'entrepreneur. J'ai l'impression que, d'ici à
de que nos conventions soient abolies définitivement, cela va rester tel
quel pour ces deux-là en particulier.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous
continuez et je ne sais pas si c'est ce qui vous a amenés à
suggérer de constituer un bureau d'exploitation et d'aménagement
qui verrait à préparer et à transmettre les plans par
rapport au nouveau régime. Pourriez-vous nous parler un peu de ce bureau
d'exploitation et d'aménagement? Est-ce que ce bureau prendrait la
responsabilité totale de chacun des membres de votre groupe?
M. Lussier: Oui, exactement, M. le ministre. En fait, ce qui
arrive dans des cas comme le nôtre, les usines ont quand même des
garanties d'approvisionnement que l'on pourrait qualifier de modestes, je ne
sais pas si M. Bélanger l'a mentionné, mais notre
approvisionnement sur forêt publique représente environ 63 % de
nos besoins, besoins qui ne sont pas établis sur la base de trois quarts
par jour et de sept jours par semaine à l'année, mais
plutôt sur la base d'un quart journalier par jour et de 44 heures de
fonctionnement par semaine à. l'année. C'est pourquoi, pour des
gens qui ont de petites garanties d'approvisionnement, il y a quand même
une économie d'échelle à se regrouper pour engager des
compétences techniques qui seraient dans un même bureau et qui
s'occuperaient de la préparation de tous les plans et du contrôle
de nos objectifs de production sur le terrain, si on veut. Finalement, le
bureau rendrait le service à l'ensemble de nos membres, les sept.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que ce
bureau aurait un statut juridique de façon à être
solidairement et conjointement responsable des interventions que chacun de vos
membres aurait à faire en forêt au point de vue de
l'aménagement, disons? Peut-être
pas au point de vue des récoltes, mais au point de vue de
l'aménagement en ce qui nous concerne.
M. Lussier: Disons que la loi nous nuit un peu dans ce
sens-là parce qu'il est bien dit dans la loi que chaque
bénéficiaire de convention d'approvisionnement devra rencontrer
ses obligations. De sorte qu'on se pose la question justement, même si
notre bureau avait un statut juridique: Est-ce que la loi va permettre que ce
bureau devienne responsable des obligations d'une série d'utilisateurs
ou de sept utilisateurs, par exemple?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que cela
impliquerait que le territoire de vos membres soit regroupé?
M. Lussier: Absolument. Disons que le territoire qui serait
annexé à la convention d'approvisionnement et
d'aménagement, le territoire de chacun des membres formerait, à
mon avis, une grande unité d'aménagement, si on peut l'appeler
ainsi, parce qu'il est bien dit que chaque territoire de convention devient
pour les besoins de la cause une unité d'aménagement. Disons que,
si on regroupe sept unités d'aménagement, on peut quand
même, à mon avis, avec les connaissances que nous avons,
établir une possibilité pour ces sept unités. Ensuite, on
s'organisera avec la question de savoir comment l'exploiter et comment
l'aménager, mais ce sera le bureau qui pourra encercler toutes ces
responsabilités.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous ne voyez pas
de conflit entre vos membres, parce qu'il y en a qui reçoivent un peu de
résineux, un peu de feuillus. Est-ce qu'il y aurait des conflits
d'intérêts entre eux?
M. Lussier: Disons qu'à l'heure actuelle on commence un
peu à en discuter entre nous à la table, lors des séances
de notre conseil d'administration. À un moment donné, on va
peut-être se rendre à l'évidence que c'est la façon
de procéder la plus logique. Les conflits, je pense que si les
territoires d'approvisionnement sont bien délimités, il y a
moyen, en tout cas dans notre cas, de régler ces conflits.
Maintenant, il y a un point que je voudrais soulever ici. C'est qu'on
dit souvent que l'on s'approvisionne dans l'unité de gestion de la
rivière Rouge. Si on regarde cette unité, à
l'intérieur de laquelle il y a présentement un parc qui couvre 25
% du territoire de la forêt productive publique accessible et
peut-être la forêt la plus près ' également de nos
usines, nous nous attendons que, même en s'impliquant dans
l'aménagement, il peut arriver qu'éventuellement il y ait des
ruptures de stock qui soient provoquées justement par la présence
de ces grandes zones dont on peut dire qu'il n'y a aucun aménagement qui
se fait pour la matière ligneuse, en tout cas. Je veux bien croire que
c'est bon pour le loisir en plein air et tout cela, mais il y a quand
même de grandes zones qui ne sont pas aménagées du tout. Il
y a du bois qui se perd présentement là-dedans et l'industrie n'a
aucun droit de recours sur ces bois. C'est pourquoi je pense qu'il faut parler
maintenant de décloisonnement de certaines unités de gestion pour
voir cela dans un champ plus vaste, parce que, si on a un utilisateur qui est
complètement à côté de notre unité de gestion
et qui est membre de notre association - vous connaissez un cas pratique - il
faut l'amener à intégrer son unité dans la nôtre
également. Il ne faudrait pas que les unités de gestion
deviennent des petites guerres de clocher pour dire que cela vient barrer des
collaborations entre utilisateurs voisins. (10 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous faites une
agression aux parcs dans votre mémoire. Vous connaissez mon opinion
parce que l'été dernier on a discuté ensemble de cette
question. Je ne sais pas si vous êtes capable d'imaginer de quelle
manière on pourrait intervenir dans les parcs de façon à
protéger la récréation, l'allure, le paysage, etc.?
À mon avis, dans un parc, les arbres c'est quelque chose de vivant. On
ne peut pas les laisser mourir et ne rien faire. Même dans les parcs, si
on a des bâtisses on les entretient, tandis que la forêt on ne
l'entretient pas, on dit: Elle va mourir. Je ne sais pas si vous avez des
suggestions pratiques à nous faire de ce côté. Je pense
qu'il y aurait peut-être moyen de rejoindre . les objectifs dans les
parcs tout en permettant des interventions forestières.
M. Lussier: En partant, il faut dire que, premièrement,
l'industrie forestière est très mal perçue;
peut-être que cela va changer avec le nouveau régime forestier.
L'industrie forestière, en général, est mal perçue
par le public. C'est peut-être l'erreur d'un peu tout le monde.
Peut-être qu'on se vend mal face au public en général.
Peut-être qu'on crée plus d'animosité que d'autre chose
quelquefois.
Maintenant, je pense qu'avec le nouveau régime forestier, on va
se rendre compte que si on respecte un guide des modalités
d'intervention dans les forêts publiques autres que les parcs ou d'autres
zones où on n'a pas droit à l'heure actuelle de même
envisager de toucher un arbre... N'allez pas abattre un arbre dans un parc
parce que vous allez faire un sacrilège. On va vou3 poursuivre.
Je pense que dans un parc, ce qu'on a offert à maintes reprises,
c'est une
collaboration. Si l'industrie n'est pas voulue dans un parc, il n'y a
rien qui empêcherait le ministre délégué aux
Forêts et le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de
s'entendre pour empêcher que se dégrade la forêt des parcs.
Si on veut empêcher une forêt de se dégrader, veut veut pas,
il va falloir, à un moment donné, couper des arbres quelque part
et remplacer l'espace par une chose qui est plus belle à voir, qui a une
régénération.
Je pense que si l'industrie, même si elle offre son concours et
qu'on veut rester rigide avec les parcs et dire: On n'a pas droit à une
situation commerciale, il faudrait, de toute façon, qu'il y ait un
protocole d'entente entre les deux ministères pour assainir ces
forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans le parc du
mont Tremblant, il y a eu l'infestation de la tordeuse des bourgeons
d'épinette. Ce ne doit pas être joli actuellement.
M. Lussier: II y a des secteurs du parc du mont Tremblant, je
vais vous dire franchement, c'est facile de se promener avec des caméras
pour filmer comment une coupe à blanc c'est dégradé, ce
n'est pas beau à voir. Franchement, on n'a pas de temps à perdre
à aller visiter le parc du mont Tremblant, prendre des caméras
pour filmer des arbres qui tombent par terre. Des places où ce n'est pas
regardable, il y en a terriblement également.
Il aurait peut-être fallu intervenir parce que je pense que c'est
là également qu'il faut assurer la pérennité de nos
ressources, dans les parcs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous vous posez
des questions également... Voulez-vous dire quelque chose, M.
Bélanger?
M. Bélanger (Louis-Georges): J'aimerais ajouter, au niveau
des parcs. Je pense que lorqu'il y a eu des audiences publiques en novembre
1979 à Saint-Jérôme avant d'instituer le parc du mont
Tremblant, s'il y avait eu une consultation régionale et non une
consultation venant peut-être en priorité d'une grande ville comme
celle de Montréal je respecte beaucoup les gens qui demeurent là
et qui ont besoin de récréation - je pense que les
mémoires qui ont été présentés par
l'industrie forestière aurait peut-être emporté à
l'époque pour garder cette étendue forestière comme une
forêt qu'on pouvait utiliser pour l'approvisionnement des scieries et
l'économie régionale.
J'avais donné juste une opinion à ce moment et je me
disais: Si, devant cette commission, on allait dans l'est de Montréal
fermer toutes les usines de pétrole parce qu'on voit qu'il y a une
certaine pollution, peut-être qu'on serait mal vu, nous du nord, d'aller
intervenir dans un contexte comme celui-là.
Par contre, ces gens, avec toutes leurs connaissances et leur goût
de venir se récréer dans nos belles montagnes, ont quand
même créé un impact à notre industrie en faisant les
pressions nécessaires et le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche et le ministère de l'Énergie et des Ressources
se sont entendus sur un parc... Mais on peut donner l'exemple de la zone
d'affectation différée que nos représentants
régionaux, du ministère de l'Énergie et des Ressources
à l'époque, ont pu nous conserver. On leur a donné la
preuve qu'on a fait des opérations forestières qui ont, comme M.
Lussier vient de le mentionner, peut-être embelli ce patrimoine.
Je pense que s'il y a un moyen, avec le ministère du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche de revenir à la charge pour prouver
devant le ministère du MLCP qu'on peut continuer à faire des
opérations forestières soit en général ou par bloc,
comme il avait été décrété à ce
moment-là dans cette zone qu'on a appelé la ZAD, la zone
d'affection différée... Je pense qu'on n'est peut-être pas
les gros méchants loups, disons les entrepreneurs forestiers, on est
peut-être les bons prédateurs de la forêt, disons, comme le
loup peut l'être pour le cheptel, si vous voulez. Je pense qu'on aurait
beaucoup intérêt à au moins nous essayer à nouveau
pour l'étendue complète du parc dans des coupes d'assainissement
ou par secteur. À ce moment-là, les zones de
récréation pourraient être déplacées à
l'intérieur du parc, parce qu'il y a une étendue suffisamment
grande qui permet ce déplacement, puis les gens qui veulent se
récréer pourraient en profiter. Cela prend quand même 25 %,
disons, de notre forêt publique de notre région. Peut-être
qu'au niveau de la province, c'est minime quand on parle du parc du
Mont-Tremblant et qu'on est situé ici à Québec ou dans les
Cantons de l'Est ou ailleurs. Mais, chez nous, c'est très important et
c'est lourd de conséquences.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je comprends
l'importance du parc chez vous, certainement, mais on ne peut pas imaginer des
coupes... Il faudrait des coupes différentes, d'une façon
très particulière, et je préfère de beaucoup
l'approche, mettons, des centres de biosphères que l'approche des parcs,
en raison de la forêt vivante.
Maintenant, à la page 22 de votre mémoire, quand vous
parlez du partage des coûts, la proportion des coûts
d'aménagement devrait être assumée par les scieries
à 35 %. Cela est en raison du facteur de transformation ou d'utilisation
que vous faites dans vos scieries, c'est-à-dire que, quand vous rentrez
un billot de bois rond, vous en sortez 35 % en bois de sciage, en
planches et en madriers.
L'AMBSQ hier nous a suggéré 22,4 %.
M. Lussier: C'était assez facile à expliquer. Je
pense que quand eux se sont présentés, leurs 22,4 %, je ne pense
pas que c'était le contraire de ce qu'on, dit là. C'est parce que
eux partent au niveau d'une facture globale de la province. S'ils prennent, au
niveau de la province, que l'industrie du sciage coupe, supposons, 65 % - je
n'ai pas le chiffre officiel, il y en a qui disent 68 %, en tout cas, disons 68
% - s'il y en a 30 % et quelque qui font du sciage, ils disent qu'à ce
moment-là, ils paient 22,4 % de la facture. Ce doit être la
multiplication du 35 % par le 65 %, tout simplement. C'est de même que je
le comprends. Ce n'est pas une antinomie avec ce qu'on dit là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela veut dire que
vous êtes 13 % plus généreux qu'eux.
M. Lussier: Pardon?
M. Côté (Rivlère-du-Loup): Vous êtes 13
% plus généreux que L'AMBSQ.
M. Lussier: C'est-à-dire que nous, ce qui arrive, c'est
qu'on ne parle peut-être pas au niveau de la facture provinciale, on
parle au niveau de notre facture, en tant qu'exploitant principal d'un
territoire dans le nord de Montréal. Nous, quand on coupe un
mètre cube de bois, il y en a à peu près 35 % avec, et
même quelquefois c'est plus élevé, qui font du bois
d'oeuvre. Alors, si on dit qu'avec un mètre cube exploité, on
fait 35 % du volume en bois d'oeuvre, à ce moment-là, cela veut
dire qu'on paie 35 % des coûts, tout simplement. C'est de même
qu'on le voit.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aime mieux ce
raisonnement M. Lussier. C'est tout pour l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous me permettez, M. le
ministre. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Écoutez, M. le Président...
M. Bélanger (Louis-Georges): M. le Président, si
vous me le permettez, j'aimerais renchérir sur le 35 % si vous
m'accordez quelques instants...
Le Président (M. Charbonneau): Oui, pas de
problème.
M. Bélanger (Louis-Georges): II y a eu des intervenants
des Hautes-Laurentides hier qui nous ont précédés. Ils ont
traité beaucoup des bois feuillus. J'aimerais préciser qu'il y a
peut-être des essences particulières comme les bois feuillus, la
pruche et le pin blanc... Je vais vous donner un exemple concret. Dans le cas
de la pruche, disons, il y a eu de savantes expériences qui ont
été tenues de pair avec un concessionnaire forestier et des
représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources,
qui ont démontré que 35 % de la matière ligneuse d'une
tige était destinée au sciage. Mais lorsque nous, nous
transformons ces 35 % qui sont destinés à notre usine, on en sort
1 tonne à 1,10 tonne de copeaux par mille p.m.p. scié, ce qui
veut dire un autre 7,7 % ou 8 % approximativement. Cela démontre que le
chiffre que M. Lussier a mentionné dans le mémoire est
très représentatif, parce qu'on sort avec à peu
près 28 % de bois d'oeuvre, ce qui veut dire que, nous, en parlant de
partage des coûts, si on parle du bois franc, de la pruche - le pin, j'ai
moins d'expérience - mais je peux traiter de ces deux cas en particulier
qui représentent assez bien le 28 %. En général, M.
Lussier a inscrit ici 35 %. C'est une remarque que j'aimais souligner. S'il y a
des questions ou des chiffres que vous aimez qu'on vous avance, on peut aller
plus loin, disons, à l'extérieur de cette commission.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Merci,
M. Bélanger.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de
l'Opposition, remercier les représentants de l'Association des scieries
de la Rouge. II est remarquable de voir que vos recommandations vont à
peu près dans le même sens que celles de l'organisme des
Hautes-Laurentides que nous recevions hier.
Tout comme vous, je puis dire que ce mémoire aurait
nécessité beaucoup plus de temps en commission parlementaire. Je
crois que deux heures à cette commission n'auraient pas
été de trop, car beaucoup d'éléments auraient
été susceptibles d'être touchés par
différents membres de la commission, éléments pour
lesquels nous aurions sûrement pu obtenir certaines réponses de
votre part. Donc, nous ne sommes pas trop d'accord avec le rouleau compresseur
qui nous est imposé et qui nous passe dessus.
J'aurais quelques commentaires à formuler. À la page 2,
vous mentionnez la question de l'utilisation polyvalente des forêts
publiques qui soulève beaucoup d'intérêt chez vos membres.
Je dois admettre, au nom de l'Opposition qui était l'ancien
gouvernement, que sur la question des feuillus, le livre blanc a vraiment
manqué le bateau. On admet d'emblée que cela a été
une erreur de parcours probable-
ment car, dans le livre blanc, on met surtout l'accent sur les
résineux.
De plus, lorsque vous faites l'historique de votre regroupement, je
trouve, en passant, l'historique éloquent et les activités
économiques très intéressantes aux plans régional
et sous-régional, avec tout l'apport économique que vous
transmettez directement dans votre région et auprès des
travailleurs et des travailleuses de la forêt.
Vous faites une suggestion très intéressante, à la
page 20 de votre mémoire, lorsque vous dites que "la loi
définitive sur les forêts devra faire montre de plus de souplesse
afin de tenir compte des cas comme celui de l'unité de gestion de la
rivière Rouge, où il pourrait s'avérer passablement
compliqué de délimiter des territoires d'approvisionnement
individuels pour chacun des utilisateurs des bois résineux", cas que
vous citez en exemple.
Ce qui est intéressant surtout, c'est la suggestion que vous
faites que dans l'éventualité de ce qui vient d'être
mentionné, votre association "préconise qu'il n'y ait
préparation que d'un seul plan d'aménagement forestier couvrant
l'ensemble des unités d'aménagement annexées aux contrats
des bénéficiaires." Je pense que, pour ce qui est de la loi
finale, il faudra regarder cet aspect et voir exactement où on pourrait
se diriger. Votre mémoire ne porte pas à confusion
là-dessus. Vous savez exactement où vous vous en allez.
Maintenant, les questions. À la page 5, vous dites, au premier
paragraphe: "Toujours sur la scène régionale, l'association
entend travailler intensément à harmoniser davantage l'action des
secteurs forestiers, d'une part, et recréotouristiques, d'autre part".
Cette question a été soulevée par différents
intervenants de divers organismes qui se sont présentés devant
nous. Pourriez-vous expliquer la façon dont vous verriez cette
harmonisation dont vous parlez? Dans votre document, il n'est pas question de
l'harmonisation elle-même quant au fond.
M. Lussier: Cela est relié un peu à la
présentation que nous avons faite lors du sommet socio-économique
régional qui s'est tenu à Mirabel, il n'y a pas tellement
longtemps. À cette table siégeaient quand même des
personnes de tous les secteurs, tant forestier que récréatif, des
MRC et tout cela. On s'est rendu compte qu'on avait encore pas mal
d'idées à vendre et à brasser pour vraiment arriver
à communiquer avec les gens d'autres secteurs, comme le secteur
récréatif et le secteur touristique, qui trouvent, par exemple,
que les feuilles, c'est bien beau de voir cela jaune orange partout, mais,
à un moment donné, les feuilles tombent et, après cela, la
beauté est passée et on tombe en hiver.
Il reste qu'on croit qu'il y a moyen d'harmoniser. Mais pour harmoniser,
comme je le disais tantôt, il faut qu'il y ait une volonté
politique quelque part. À l'heure actuelle, on a l'impression, encore
là, qu'on aime bien voir les gouvernements satisfaire un peu tout le
monde, avoir un petit ministère pour satisfaire les chasseurs et un
ministère pour satisfaire la production de matières ligneuses.
(10 h 45)
II me semble que toutes ces activités en forêt devraient
être coiffées d'un même chapeau. Que ce soit la production
de matières ligneuses, que ce soit la chasse, que ce soit la
pêche, cela devrait être le même organisme ou le même
ministère qui chapeaute tout cela. Je ne pense pas même que M.
Côté soit contre cette idée; je ne le sais pas. Cela
vaudrait la peine que l'on envisage cette idée, au gouvernement. Cela
enlèverait peut-être un poste de ministre, mais quand même,
cela créerait peut-être quelques postes de sous-ministres. Je
pense que c'est ainsi qu'il faudrait l'envisager.
M. Perron: D'accord, merci de votre réponse. Aux pages 7
et 8 de votre mémoire, vous faites mention de la convention
d'approvisionnement qui est actuellement échue depuis le 31 mars 1986.
Est-ce que cette question est réglée?
M. Lussier: Cette question n'est pas réglée
actuellement. Elle est quand même en voie de se régler.
Naturellement, on a reçu des propositions d'approvisionnement du
ministère. On est un peu dans un vide juridique, car, au 31 mars 1986,
nos conventions d'approvisionnement de 1981 sont devenues échues. Elles
sont effectivement échues. Donc, en vertu de la loi, si elle est
adoptée telle quelle, on ne peut pas annuler un chose qui est
déjà annulée. Cela voudrait dire qu'il faudrait signer le
plus tôt possible nos conventions d'approvisionnement sur la base
antérieure pour que, quand le moment sera venu d'adopter la loi, nos
conventions soient annulées de façon plus légale, en fin
de compte. Dans la situation présente, on n'annule rien; c'est
annulé présentement. Cela devrait se régler assez
tôt, je pense. Je n'ai pas la réponse, on attend strictement le
retour de Québec.
M. Perron: Vous me permettrez de demander au ministre si ce
problème vécu par l'Association des scieries de la Rouge est en
voie de se régler. Si oui, pour quand?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Très
prochainement, M. le député.
M. Perron: Très prochainement, qu'est-ce que cela veut
dire?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme vous
l'a dit M. Lussier, c'est en voie de règlement. Il y a eu des
propositions et ce sera soumis prochainement au Conseil des ministres. Ce sera
reporté, il n'y a pas de problème.
M. Perron: Deux semaines? Trois semaines?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va prendre un
mois à peu près.
M. Perron: D'accord. Je me suis permis de poser la question au
ministre qui a très bien répondu pour une fois.
À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de coupes
intégrées. "L'intégration des coupes est assurée
via le recours aux services d'un seul entrepreneur forestier." La question que
je voudrais vous poser est la suivante: Croyez-vous qu'il soit
nécessaire que la loi sur les forêts donne le pouvoir au ministre
de nommer un maître d'oeuvre? Vous parlez en quelque sorte de
maîtrise d'oeuvre dans ce dossier qui vous concerne en tant
qu'association. Est-ce que vous croyez que le ministre devrait nommer un
maître d'oeuvre?
M. Lussier: Si on revient sur l'idée émise par M.
Côté tantôt qui parlait d'un statut juridique, par exemple,
pour un regroupement comme le nôtre, si le statut juridique du
regroupement est reconnu et si, naturellement, nos membres sont
également d'accord avec cela, à ce moment-là, c'est le
regroupement d'industriels qui deviendrait le maître d'oeuvre des travaux
d'aménagement ou de remise en production. On serait d'accord avec
l'idée du maître d'oeuvre à cette condition-là: que
l'on soit reconnu, avec un statut juridique.
M. Perron: Si je comprends bien votre mémoire, vous faites
la coupe des résineux ainsi que la coupe des feuillus. Lorsque vous
faites la coupe des feuillus qui est une priorité ppur votre
association, selon ce que j'ai compris de votre mémoire, quel est le
pourcentage, en mètres cubes, de résineux que vous dirigez vers
les papetières?
M. Lussier: Le pourcentage de résineux dirigés vers
les papetières? Il faut bien comprendre que nous, en forêt, on a
deux modes d'exploitation. Il faut dire que nos gars ont quasiment tous des
conventions d'approvisionnement en résineux et en feuillus, à
part quelques exceptions où c'est l'un ou l'autre. Pour ceux dont c'est
en résineux et en feuillus, il y a présentement deux modes
d'exploitation: certains font le bois tronçonné en forêt,
d'autres font le bois en longueur. Naturellement, ceux qui font le bois en
longueur amènent plus de bois en longueur à l'usine - un peu
comme dans le
Nord-Ouest québécois - et font des copeaux, alors que ceux
qui font le bois tronçonné en forêt produisent des bois
à pâte. Par exemple, dans la ZAD où l'on fait de la
récupération présentement, il peut se produire
jusqu'à 60 % de bois à pâte - vu que le bois est petit, ce
sont plutôt des bois de qualité pâte - et 40 % de bois de
sciage dans certaines opérations. Dans l'ensemble de nos conventions
normales, dans la ZEC de la Maison-de-Pierre, la proportion de bois à
pâte, normalement, ne dépasse pas 25 % du total des bois
coupés en grume, en forêt.
M. Perron: Est-ce que dans votre association, il y a des usines
qui font des copeaux? Quel est le tonnage moyen annuel de copeaux au cours des
cinq dernières années?
M. Lussier: On transforme environ 200 000 mètres cubes de
bois par année. Ce qui veut dire que l'on fait environ 40 %. En volume,
il y a environ 40 % du volume transformé qui fait des copeaux, d'une
façon générale.
M. Perron: Est-ce que les copeaux sont mélangés
résineux et feuillus?
M. Lussier: Non, ce ne sont pas les mêmes. Rendu au bout,
ce ne sont pas les mêmes qui les achètent.
M. Perron: Vous faites les deux.
M. Lussier: On fait les deux séparément.
D'ailleurs, on ne tranforme jamais en même temps des résineux et
des feuillus dans une usine de sciage: l'un après l'autre.
M. Perron: Merci. À la page 11, vous parlez de
l'importance de la forêt privée dans la région des
Laurentides. Vous dites que l'association demeure très
intéressée à conclure avec les producteurs
concernés une entente à long terme, l'assurant d'un volume
donné de bois résineux et feuillus. Vous êtes
informés que le livre blanc démontrait d'une façon assez
positive que le gouvernement devrait donner des garanties de suppléance.
Que pensez-vous de ces garanties de suppléance en vue de favoriser les
ententes à long terme que vous mentionnez dans votre mémoire?
M. Lussier: Je voyais surtout la garantie de suppléance
dans un cas. Par exemple, on dit tout le temps dans les sources
d'approvisionnement de chaque usine de transformation que toutes les sources
d'approvisionnement sont considérées. On aura la forêt
privée, des copeaux, des bois de forêt publique. De plus, la
garantie de suppléance, je la vois plutôt pour une usine, par
exemple, de pâtes et papiers dont
l'approvisionnement serait constitué majoritairement de copeaux
venant de scieries. À ce moment-là, si pour une raison ou pour
une autre, les scieries sont en défaut de faire face à leur
obligation de livrer tel tonnage de copeaux à la compagnie de
pâtes et papiers, il faudrait peut-être que cette compagnie ait une
certaine sécurité quant à son approvisionnement.
Dans un cas comme le nôtre, il y a peut-être un moyen de
"pooler" des copeaux entre usines de transformation pour essayer de compenser
pour le gars qui est en défaut. Sinon, il faudrait que les pâtes
et papiers aient une certaine latitude pour aller se procurer le volume,
peut-être même dans des bois ronds qui seraient en forêt
publique. C'est cela la garantie de suppléance.
M. Perron: Oui. Selon ce que vous venez de dire, vous endosseriez
le fait que le gouvernement, par le biais de certaines positions fermes,
devrait d'abord favoriser les copeaux avant la forêt publique.
M. Lussier: Oui, absolument.
M. Perron: J'ai une autre question, toujours dans le cadre du
même sujet. Pour permettre une meilleure harmonie dans le marché
de la matière ligneuse, est-ce que vous pourriez nous dire quelle est
votre opinion concernant la création d'un conseil permanent de la
forêt?
M. Lussier: Le conseil permanent de la forêt, cela m'a bien
surpris. Je ne sais pas si c'est une question de budget ou si on a peur des
comitoses ou de telles maladies, mais le conseil permanent de la forêt,
c'est quelque chose d'absolument indispensable. Je pense que cet organisme
devrait être créé. Il devrait même avoir des
ramifications régionales, compte tenu des disparités que l'on
observe dans les problèmes d'approvisionnement d'une région
à l'autre. Il y a des places où la forêt privée est
importante et d'autres places où elle ne l'est pas.
Je pense que le conseil permanent de la forêt peut vraiment
devenir l'outil indispensable au ministre éventuellement dans toutes les
décisions d'ordre administratif qu'il pourrait avoir à prendre.
Il pourrait naturellement avoir un rôle consultatif, et non pas
exécutif, mais il faut que le ministre soit informé par une
personne qui serait membre du conseil permanent de la forêt et qui
représenterait surtout les intérêts de l'industrie.
M. Perron: Donc, vous parlez aussi des intérêts
régionaux. Le conseil permanent serait formé à partir
d'intérêts régionaux avec l'ensemble des industriels, peu
importe la transformation que font les industriels?
M. Lussier: C'est cela. On y croit absolument.
M. Perron: Je peux vous dire, monsieur, que vous avez des
réponses claires, nettes et précises.
Plus loin dans votre document, à la page 17, vous parlez de
l'article 37 de l'avant-projet de loi. Je voudrais vous souligner en passant
qu'après lecture de l'article 37 de l'avant-projet de loi, je ne pense
pas que ce que vous dites au haut de la page: Le nouveau régime
forestier laisse place à un accroissement d'environ 5 000 000... Plus
loin, vous dites: "qui se traduira encore là par une augmentation des
revenus gouvernementaux.". Je suis d'accord avec la première partie,
mais je veux parler de la deuxième partie. Lorsqu'on regarde l'article
37, ce n'est pas nécessairement le cas que vous mentionnez, puisqu'il
prévoit qu'il n'y aura pas de droit de coupe si l'accroissement de la
possibilité est supérieur au rendement escompté. Est-ce
que vous êtes d'accord avec la gratuité prévue à
l'article 37?
M. Lussier: Je suis d'accord avec La gratuité
prévue. Il y a une affaire, par contre, qui me tracasse beaucoup. C'est
au chapitre des contrats d'approvisionnement et d'aménagement. C'est
que, quand viendra le temps de la révision du contrat après cinq
ans, on a l'impression qu'à cause des règlements et tout cela...
Le ministre, que tu fasses bien ta "job" ou que tu la fasses mal, peut avoir
à prendre une décision qui irait même à l'encontre
d'un utilisateur qui aurait bien fait sa "job" ou qui aurait même fait sa
"job" au-delà des espérances.
Je pense que la réglementation ou, du moins, l'avant-projet de
loi donne peut-être trop de pouvoirs au ministre après cinq ans,
parce que je pense qu'il y a deux articles, 47 ou 49, qui semblent se
dédire un peu. À l'article 49, on dit: "À tous les cinq
ans, l'échéance du contrat est prorogée de cinq ans si
l'établissement servant à la transformation du bois fonctionne
normalement et si le bénéficiaire s'est conformé, au cours
des cinq années précédentes, aux obligations...", tandis
qu'à l'article 47 on dit: "À tous les cinq ans du contrat, le
ministre peut réviser le volume alloué, le
périmètre, l'étendue du territoire ou les objectifs de
production pour tenir compte...". On a l'impression que l'article 47 peut venir
débalancer l'article 49. Cela ne peut pas se faire aussi automatiquement
que cela après cinq ans, que l'on nous redonne le même territoire
et la même allocation qu'avant. On a l'impression qu'il y a redondance
là. Cela ne marche pas.
M. Perron: Merci, monsieur. À la page 22, vous parlez de
la fameuse question du
partage des coûts. Vous avez expliqué tout à
l'heure, si j'ai bien compris, que la différence qu'il y avait entre les
35 % mentionnés dans votre mémoire et les 23,4 % qui sont
mentionnés dans le mémoire de l'Association des manufacturiers de
bois de sciage du Québec, consistait surtout dans le fait que les 35 %
étaient en proportion de ce que vous faisiez, mais que cela ne
représentait pas l'ensemble du Québec.
M. Lussier: Pas nécessairement. Il peut y avoir
différents rendements. Même à l'intérieur de nos
usines, si on discutait sur un contrat précis d'approvisionnement et
d'aménagement d'une usine donnée, il y en a une qui peut avoir un
rendement de 40 %, 42 % dans son bois d'oeuvre...
M. Perron: L'autre 25 %...
M. Lussier: ...et l'autre peut avoir 25 %. C'est ce que cela veut
dire.
M. Perron: D'accord. Toujours en rapport avec le partage des
coûts, est-ce que vous êtes d'accord pour faire payer la remise en
production par le véritable utilisateur et non pas nécessairement
par le bénéficiaire?
M. Lussier: Vous voulez dire quoi? Qu'est-ce que vous entendez
par cela, le véritable utilisateur?
M. Perron: Par exemple, vous faites des copeaux et vous les
dirigez vers les pâtes et papiers...
M. Lussier: Oui, ce que je veux dire par là, c'est que le
coût de l'aménagement...
M. Perron: ...qui est l'utilisateur.
M. Lussier: ...doit être négocié entre les
utilisateurs, mais que chacun doit payer une quote-part équivalente
à la proportion du bois consommé dans son usine.
M. Perron: Parfait.
M. Lussier: C'est ce que cela veut dire.
M. Perron: Merci de la réponse. À ce sujet, n'y
aurait-il pas un danger qu'en contrepartie les papetières soient
tentées de bâtir une forêt taillée selon leurs
propres besoins?
M. Lussier: C'est-à-dire que je vois un autre petit
problème quand je parle des possibilités. Naturellement, on a
beaucoup discuté au cours des derniers jours sur les possibilités
du sciage, sur les possibilités des pâtes et papiers, etc. De
toute façon, que l'aménagement soit fait par les
papetières elles-mêmes ou qu'il soit fait par l'industrie du
sciage: lorsque l'on fait pousser des mètres cubes à l'hectare de
bois de fibres sur un territoire, je pense qu'à la fin, le
résultat va être quand même atteint, c'est-à-dire
qu'on va toujours avoir sur le territoire, de toute façon, que
l'industrie du sciage se perpétue ou qu'elle crève, après
l'accomplissement de travaux sur un certain nombre d'années, de la fibre
en croissance. Si l'industrie du sciage en venait, par différents
hasards, à prendre une moins grande importance dans l'économie de
la province, je pense que la fibre va pousser quand même. Que ce soit
n'imparte qui qui en fasse l'aménagement, la fibre sera quand même
sur le territoire.
M. Perron: Dans votre mémoire, vous mentionnez que vous
êtes favorable... En tout cas, vous ne l'avez pas défini
clairement, mais je voudrais vous poser la question suivante se rapportant
à la création d'un ministère des Forêts: Est-ce que
vous seriez favorable à la création d'un ministère des
Forêts, d'une part? Si oui, est-ce que vous préféreriez que
ce ministère des Forêts inclue le secteur des terres?
M. Lussier: Oui. En fait, premièrement, je pense qu'il
aurait été mieux que le ministère...
M. Perron: Cela donnerait plus de pouvoirs au ministre,
remarquez bien. (11 heures)
M. Lussier: Je le sais bien. Je ne pense pas que le ministre s'en
plaindrait non plus, remarquez bien, même s'il est en bonne relation avec
l'autre.
M. Perron: Nous non plus, mais l'autre est plus pesant.
M. Lussier: C'est un peu cela. C'est que le ministre est
délégué aux Forêts. Je pense qu'une loi sur les
forêts aurait eu encore beaucoup plus de poids avec un ministre des
terres et forêts. Des terres intégrées, moi aussi, je crois
à cela. Les terres et forêts, on est pour cela.
M. Perron: M. le Président, j'ai terminé pour le
moment.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député de Labelle, qui attendait avec impatience.
M. Hétu: Merci, M. le Président. M. Lussier et M.
Bélanger, félicitations pour votre mémoire. Maintenant,
vous venez de parler, il y a quelques minutes, du contrat d'approvisionnement
de cinq ans que vous mettez un peu en doute. Dans le moment, votre contrat
d'approvisionnement est de combien de temps?
M. Lussier: On a eu un contrat de cinq ans qui s'est
étendu du 1er avril 1981 au 31 mars 1986. On va nous renégocier
un contrat sur la même base, c'est-à-dire qu'on va avoir un
contrat de cinq ans commençant le 1er avril 1986 et s'étendant
jusqu'en 1990.
M. Hétu: Est-ce que ces contrats de cinq ans ne sont pas
révisables tous les ans?
M. Lussier: Le contrat comme tel, les volumes ne sont pas
renouvelables tous les ans, sauf que tous les ans il peut y avoir certains
ajustements de tarification ou des choses comme cela. Les permis reiiés
aux contrats, c'est tous les ans, mais les contrats, cela se perpétue
pour les cinq ans.
M. Hétu: Maintenant, vous parlez des parcs, surtout du
parc du Mont-Tremblant. Vous avez quand même un volume assez bon dans ce
parc. Quel est le pourcentage en feuillus et le pourcentage en résineux
que vous recueillez dans le moment?
M. Lussier: Quand vous dites qu'on coupe dans le parc du
Mont-Tremblant, il faut bien comprendre qu'on coupe dans la zone
d'aménagement différée. Maintenant, en vertu de la loi,
cette zone fait partie de la réserve Rouge-Mattawin, donc n'est pas
officiellement reconnue comme étant dans le parc. Il est
également précisé, dans les décrets
intérieurs, que cette zone va être intégrée au parc
du Mont-Tremblant à partir du 1er avril 1990 au plus tard.
Ce qui est arrivé dans le cadre des nouvelles conventions
d'approvisionnement, c'est que la plupart de nos gens ont une convention
principale, c'est-à-dire un approvisionnement principal, une garantie
principale venant d'un secteur qu'on appelle, dans notre coin, la ZEC du lac
Maison-de-Pierre. En fait, on coupe complètement dans une ZEC et on a
permis à trois industriels du groupe, et même quatre industriels
du groupe, d'aller faire une récupération des bois restant dans
la ZAO d'ici au moment où cela va être intégré au
parc du Mont-Tremblant.
Naturellement, ces bois, il faut bien comprendre que pendant le court
laps de temps qu'on a pour les récupérer, on va s'organiser pour
aller couper le maximum qu'on peut encore se procurer là. Comme je vous
le dis, il y a beaucoup d'épinettes de petite dimension... Pour faire du
sciage, il y en a une bonne partie, c'est plutôt du bois de
qualité pâte à l'intérieur. Les feuillus et les
érables qui sont là-dedans sont de qualité... Il y en a un
qui peut vous en parler, je vais laisser Louis-Georges vous en parler, sa
garantie est dans la ZAD.
M. Bélanger (Louis-Georges): En ce qui nous concerne, en
tant qu'utilisateurs dans la partie de la ZAD en ce qui concerne les bots
feuillus, c'est sûr qu'on va exploiter prioritairement le bouleau jaune
qui a déjà été passé par plusieurs autres
utilisateurs avant nous. C'est par petites concentrations et il faut le
chercher. C'est difficile de rentabiliser une opération, mais on est
prêt à faire l'effort, jusqu'en 1990, pour récolter le
reste du volume qu'il peut rester à récupérer dans le
secteur.
Par contre, dans le cas de l'érable, on est à peu
près à l'ère limite de la croissance, ce qui fait qu'on a
un érable qui est de qualité plus de trituration, de bols de
chauffage. Il y a un très faible pourcentage qui peut être
destiné à des usines de sciage. On considère, sans
être trop prophète, qu'il y a 5 % ou 10 % du volume qui peut
être utilisé en sciage, le reste est propice à la
trituration ou au bois de chauffage.
M. Hétu: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela va? M. le
député de Bertrand. Il reste deux minutes, me dit-on, pour votre
formation.
M. Parent (Bertrand): Deux minutes. M. Perron: Cela n'a
pas de bon sens.
M. Parent (Bertrand): J'ai trois questions rapides. D'abord, vous
avez deux membres qui ont des scieries qui font partie d'un consortium qui est
inactif actuellement. De quel consortium s'agit-il?
M. Lussier: C'est le consortium CEBEC Inc., qui regroupe
également des gens du sud de Québec, de la Beauce, de ces
endroits.
M. Parent (Bertrand): Qu'est-ce qui fait que c'est inactif
actuellement? Est-ce à cause des conditions du marché...
M. Lussier: C'est inactif parce qu'à un moment
donné il s'est développé un marché pour le bois
d'exportation. Maintenant, quand est arrivé la crise du début des
années quatre-vingt, le marché américain a pris de
l'ampleur et, aujourd'hui, c'est peut-être plus intéressant pour
nos gens de faire une production pour le marché américain que de
faire une production pour le marché européen, entre autres, ou du
Moyen-Orient. En fait, c'est inopérant, mais on ne
désespère pas de le remettre peut-être un jour, si les
conditions économiques ou si la conjoncture économique le
favorisent.
M. Parent (Bertrand): Je vous remercie. À la page 20 de
votre mémoire, lorsque vous mentionnez que la loi définitive sur
les forêts devrait faire montre de plus de souplesse afin de tenir compte
des cas
comme celui de l'unité de la gestion Rivière-Rouge, que
suggérez-vous de façon très précise afin
d'éviter qu'il arrive ce qui semble être pour vous quelque chose
qui pourrait être dangereux, même inévitable?
M. Lussier: C'est-à-dire qu'on voit venir cela un peu.
C'est que si chacun de nos gens qui sont quand même des usines de petite
et moyenne taille, et on n'est pas les seuls, à Rivière-Rouge,
c'est un exemple parmi tant d'autres... On dit qu'il va y avoir environ 400
conventions d'approvisionnement de signées. Si je regarde le nombre
d'entreprises, il y a peut-être une trentaine d'entreprises de
pâtes et papiers qui ont des garanties d'approvisionnement, il y a
peut-être 70 % des scieurs qui sont représentés par
l'AMBSQ, quelques associations de sciage comme l'ANIBS, l'AIHL et nous, mais il
y a peut-être encore là une soixantaine d'autres petits scieurs et
peut-être même plus que cela, je dirais plus d'une centaine, qui
sont encore des particuliers, présentement au Québec, et qui vont
avoir en vertu des dispositions du projet de loi, une garantie
d'approvisionnement. Alors, je pense bien que la loi, actuellement, si elle
impose à ces gens-là toutes les obligations qui sont
mentionnées, comme préparer le plan de cinq ans, préparer
des plans d'intervention annuels, et tout cela... Je me mets même
à la place d'une petite usine qui a 2000 mètres cubes
d'approvisionnement qui s'engage un ingénieur forestier, par exemple,
pour signer ses plans, qu'elle le prenne en pratique privée ou qu'elle
l'engage personnellement... Je ne mets qu'un salaire d'un ingénieur
forestier, même si je prenais un finissant, disons, à 25 000 $ par
année, et que je lui faisais diviser cela par 1000 mètres cubes,
vous voyez- là tout de suite qu'il manque d'argent rendu au bout.
C'est pour cela qu'il faut encourager, à mon avis, le
regroupement des petites entreprises pour en faire quand même des
unités viables parce que, sans cela, je pense que, si on nous
présente des coûts comme, par exemple 9,96 $ du mètre cube
pour la remise en production, on a beau être bien beau et bien fin, on
n'est pas capable de passer à travers, c'est impossible. Alors, il ne
faudrait surtout pas... Il faut que la loi ouvre la porte aux regroupements
d'entreprises, et je pense que M. Côté a amené une bonne
idée tantôt quand il a parlé de conférer un statut
légal. Naturellement, cela mérite d'être
étudié, parce que vous savez, nous autres, nos structures n'ont
pas la dimension pour avoir des avocats à plein temps dans notre
affaire, mais s'il y a un statut légal, je pense qu'on devrait
l'envisager. Il est acceptable.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Charbormeau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous remercie,
M. le Président. J'aurais quelques petites questions, s'il vous
plaît!
Hier, j'ai essayé avec l'Association des manufacturiers du bois
de sciage d'obtenir une définition de ce qu'est le bois de sciage.
Dans votre mémoire, vous dites qu'on devrait favoriser des
territoires de grande dimension pour vos membres, pour vos scieries. Qu'est-ce
que du bois de grande dimension, d'après vous?
M. Lussier: Quand on dit de bonne dimension pour le sciage,
même à l'heure actuelle, je me mets à la place de ceux qui
ont à récolter des bois dans la ZAD. Si on regarde un arbre, il
peut avoir six pouces, supposons, à la souche et montons graduellement,
des fois il y en a qui, rendus à 16 pieds, n'ont plus que trois pouces
et il y en a qui, rendus à 16 pieds, ont encore 5,5 pouces à 6
pouces pratiquement. On dit qu'un bois de qualité sciage... C'est bien
sûr que dans le cas où le bois est trop petit, même si on le
rentre à notre usine, en fin de compte... Par exemple, je vais vous
mentionner le cas d'une usine comme Forget ou d'une usine comme Riopel qui font
du bois résineux en longueur, ils ne peuvent pas prendre non plus
n'importe quoi. Par exemple, ils ne peuvent pas faire un permis, disons pour
couper 10 000 mètres cubes et rentrer à l'usine du bois de 60
décimètres cubes à la tige, et s'attendre à faire
un gros profit avec cela. Ce n'est pas avec du 2 sur 2 qu'on fait de l'argent
dans une usine de sciage.
C'est d'ailleurs ce qui pourrait expliquer un peu des chiffres qu'on a
entendus hier. C'est sûr que les compagnies qui coupent dans le nord de
la province avec du petit bois, si on les mettait sur la même base
d'approvisionnement, fonctionner à un quart comme nous autres, il n'y en
aurait pas une qui vivrait, parce que c'est la production qui fait la
rentabilité dans leur cas. Pour avoir une mince rentabilité,
elles sont obligés de produire, à mon avis, trois quarts par jour
et sept jours par semaine, et 365 jours par année, si elles sont
capables.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Hier, on a
démontré que les plus grandes industries de sciage étaient
peut-être les moins rentables.
M. Lussier: C'est un peu cela, mais, d'un autre
côté, il ne faut pas oublier non plus... Je ne pense pas non plus
qu'un gouvernement pourrait se permettre, à un moment donné, de
laisser tomber ces grandes entreprises dans des régions comme l'Abitibi,
par exemple, parce que je crois que ce serait un chaos économique
considérable.
C'est pour cela qu'on est devant une drôle de situation parce que
ce qu'on transforme en Abitibi, c'est quand même du bois à
pâte en grande partie et non pas du bois de qualité de sciage.
Nous autres, c'est la même chose. Reportons le problème de
notre côté, si on a seulement du bois de faible dimension, c'est
un peu ce qui explique la rentabilité de nos entreprises qui sont
petites. C'est qu'elles mettent quand' même en marché du bois de
plus grande dimension. Si un jour, on vient avec du bois tellement petit, on va
être obligé, en fin de compte, de faire comme une usine d'Abitibi.
Je ne vous dis pas qu'il va y en avoir sept qui vont demeurer en place, il va
peut-être n'en rester qu'une, mais elle va produire comme une usine
d'Abitibi, avec du petit bois, et elle va fonctionner aux trois quarts chaque
jour, à l'année.
M. Côté (Rîvière-du-Loup): Si je vous
parle de cela, M. Lussier, c'est parce que vous avez noté, à
l'article 10, la préoccupation du ministère d'attribuer du bois
aux bons endroits, aux bonnes industries. C'est pourquoi je cherche une
définition assez précise de tout cela.
M. Lussier: Excusez-moi. De toute façon, ce qui me
préoccupe, c'est le partage des territoires que vous allez faire
à un moment donné, quand tes concessions forestières vont
être présumément révoquées, entre l'industrie
des pâtes et papiers et l'industrie du sciage. C'est sûr que le
gros bois et le petit bois, dans la province, ne sont pas à la
même place. Il va falloir, à un moment donné, qu'il y ait
un mécanisme qui fasse que le gros bois aille aux entreprises de sciage
et ne passe pas dans les pâtes. À mon avis, ce sera à
négocier entre les deux industries concernées.
M. Bélanger (Louis-Georges): M. le Président, en
ce qui concerne la qualité de ce que l'on désigne comme billes de
sciage ou autres, il y a aussi le cas particulier des bois feuillus. Parfois,
vous allez avoir une tige d'une dimension importante, assez appréciable,
mais, par contre, en ce qui concerne la qualité, il y a des
défauts externes à la bille ou en son centre. On peut la rejeter
et elle peut être considérée comme bois à
pâte. Parfois, ce sont des choses importantes à définir.
Cela se présente aussi dans le cas de la pruche, selon le produit que
vous mettez en marché. Si l'on fait un produit de qualité, il
faut des tiges, des billes de qualité. Je pense qu'il faut une
définition. On ne peut pas toujours s'arrêter au
diamètre.
Si vous parlez d'un dérouleur, ce sont les outils de
transformation qui disent que, à un moment donné, on ne pourra
plus, peut- être, envoyer un bouleau jaune de six pouces pour le
"veneer", même s'il n'a pas un noeud parce que sa dimension n'est pas
assez grande. Vous pouvez avoir un billot de vingt pouces, mais s'il a des
défauts, il n'est pas considéré comme un "veneer". Cela
dépend des outils de transformation que l'on a à
l'intérieur de chacune de nos usines.
Le Président (M. Charbonneau): À moins que... Si
vous vouiez aller rapidement.
M. Perron: S'il pose une question, j'en pose une.
Le Président (M. Charbonneau): Cela peut être un
bon "deal". Je ne sais pas si le ministre est d'accord. Vous allez
arrêter cela?
M. Côté (Rivière-du-Loup): On va être
discipliné un peu, voyons donc!
Une voix: C'est une partie nulle. Des voix: Ha! Ha!
Ha!
Le Président (M. Charbonneau): Chacun va rester sur ses
frustrations. Alors, je demanderais au député de Duplessis de
remercier nos invités.
M. Perron: M. le président, au risque de me
répéter, je voudrais vous dire, ainsi qu'à votre
collègue, que votre mémoire est, pour nous de l'Opposition en
tout cas, un excellent mémoire, très bien articulé, comme
les gens qui l'ont présenté d'ailleurs. Il y a, à mon
avis, des positions régionales que vous avez exprimées dont on
devra tenir compte dans l'éventualité d'un projet de loi final et
ce, sur plusieurs plans. Vous pouvez être assurés que nous nous en
servirons sûrement pour faire comprendre au gouvernement la
nécessité d'en arriver à un projet de loi final qui
démontrera à l'ensemble de la population du Québec combien
il est important de protéger notre forêt québécoise,
de reboiser ce qui a été éliminé pour
différentes raisons au cours de plusieurs années et, bien
sûr, d'assurer en même temps un partage équitable entre les
pâtes et papiers, l'industrie du sciage, les coopératives
forestières et les propriétaires de boisés
privés.
Merci et, encore une fois, au nom de l'Opposition, bonne chance et bon
retour dans votre patrimoine.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
président Bélanger, M. Lussier, je vous remercie pour votre
mémoire et pour la discussion que nous avons eue ensemble. Nous
avons manqué de temps, évidemment, comme on l'a
souligné. Comme vous avez pu le constater, il y en a d'autres à
venir. Étant donné qu'il ne nous reste plus de temps, je ne vous
demande pas de répondre, mais devant l'importance des copeaux dans
l'approvisionnement des pâtes et papiers et aussi dans les revenus que
vous en retirez, est-ce que vous pensez qu'il serait opportun que tous les
copeaux provenant des terres publiques puissent être
considérés comme matière première et non comme
rebuts, comme c'était le cas dans le passé, évidemment, en
songeant à les tarifer comme le bois rond? Je ne vous demande pas de
répondre, je n'ai pas le temps.
Le Président (M. Charbonneau): Le président peut
utiliser sa discrétion pour permettre à nos invités de
répondre.
Une voix: Consentement. (11 h 15)
Le Président (M. Charbormeau): Monsieur le ministre, on
peut peut-être laisser...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais vous
rassurer sur la collaboration avec les ministères du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche et de l'Environnement en ce qui concerne les
interventions en forêt. J'ai présenté, avec ces deux
ministres, mes deux collègues, les cahiers d'intervention en forêt
et nous avons transmis à toutes les MRC impliquées et
concernées une carte d'affectation du territoire. C'est un début
prometteur pour l'aménagement polyvalent de la forêt. Je souhaite
que tous les utilisateurs de la forêt, que ce soient des chasseurs, des
pêcheurs ou des amateurs de plein air et vous les exploitants, vous vous
respectiez et qu'on travaille dans l'harmonie. Je termine en vous remerciant
encore une fois et j'espère bien avoir l'occasion prochaine de vous
revoir dans votre beau pays. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Écoutez, je pourrais
peut-être vous inviter à garder le mot de la fin en donnant
peut-être une brève réponse au ministre. Cela
atténuera sa frustration.
M. Bélanger (Louis-Georges): Je tiens à vous
remercier, M. le Président. Je tiens à remercier tous les membres
de cette députation, M. le ministre délégué aux
Forêts, M. Albert Côté, pour l'écoute attentive de
nos interventions. Je tiens à remercier aussi l'Opposition. On
apprécie beaucoup le fait que vous ayez trouvé notre
mémoire clair. On s'attend à une politique qui sera claire, qui
sera viable. C'est un voeu que l'on exprime en tant qu'industriels, parce qu'on
est là aujourd'hui et qu'on veut y être demain. On veut faire
notre part pour une région aussi importante que celle des Laurentides en
ce qui concerne le domaine forestier. On veut aussi une forêt qui va
avoir le statut de polyvalence au maximum. Comme M. le ministre l'a
mentionné tout à l'heure, on souhaite que nos MRC soient
très sensibilisées de la part des différents intervenants
forestiers, ici du ministère, de façon que nous, en tant
qu'entreprises importantes du milieu, soyons bien perçues, aussi bien
perçues que le secteur récréo-touristique, parce qu'on
croît qu'on peut vivre ensemble et apporter tous les deux un
complément dans l'aspect économique de notre région. Je
vous remercie beaucoup pour votre bonne attention, et on attend les
résultats positifs de nos différentes interventions. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Bon retour. J'invite
maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Je vois
que le président, M. Jean-Louis Brown, est présent. M. Brown,
bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Si vous
voulez bien débuter par la présentation des gens qui vous
accompagnent et par la suite je vous indique que vous aurez 18 minutes pour
présenter votre mémoire et que la période d'échange
de propos avec chaque côté durera respectivement 36 minutes.
Alors, sans plus tarder, M. Brown.
Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec
M. Brown (Jean-Louis): M. le Président, MM. les
députés, mon nom est Jean-Louis Brown, président de
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Les personnes
suivantes m'accompagnent: À ma droite, M. Michel Boudoux,
vice-président, M. Hervé Deschênes, trésorier;
à ma gauche, M. Yves Lachapelle, secrétaire adjoint et M. Marian
Fournier, membre du comité administratif.
Le professeur Marcel Lortie qui a dirigé le comité pour la
préparation de notre mémoire ne peut malheureusement se joindre
à nous pour des raisons de santé.
Étant donné le temps mis à notre disposition, je ne
livrerai ici que quelques extraits du mémoire que vous avez
déjà en main. Vous me poserez par la suite toutes les questions
qu'il vous plaira de poser sur l'ensemble du mémoire.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec
apprécie l'invitation qui lui a été adressée de se
prononcer devant la commission de l'économie et du travail sur
l'avant-projet de loi sur les forêts. L'ordre considère que sa
participation au débat entourant le nouveau régime forestier
s'inscrit précisément dans sa mission fondamentale de protection
des intérêts de la collectivité en matière
d'aménagement des ressources du milieu forestier.
Pour refléter le plus fidèlement possible le point de vue
de ses membres, l'ordre a sollicité leurs commentaires et a réuni
en séance intensive de travail un groupe d'experts représentatifs
de la profession. Les opinions émises dans ce mémoire sont donc
le fruit d'une large consultation et constituent une position officielle
entérinée par les instances décisionnelles de l'ordre.
Aménagement intégré des ressources. Par
définition l'aménagement intégré des ressources
implique une intégration des différentes juridictions
concernées dans l'aménagement et la gestion de toutes les
ressources du milieu forestier. Ces ressources sont nombreuses et chacune
possède son lot de lois, de règlements et de politiques. La
gestion intégrée de l'ensemble de ces ressources doit donc faire
appel à des mécanismes d'harmonisation clairement définis
entre les différentes législations. En outre, étant
donné les ressources financières limitées de l'État
et l'étendue du territoire, il y aurait certes avantage à
intégrer les opérations de contrôle et de surveillance sur
toutes les activités prenant place en milieu forestier.
À la suite de ces considérations, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. de modifier
l'avant-projet de loi sur les forêts, la loi sur les terres, la loi sur
les eaux et la loi sur la faune pour prévoir les mécanismes
propres à assurer un aménagement intégré des
ressources du milieu forestier. 2. de confier l'application de ces lois
à un ministre des Forêts. 3. de créer un ministère
des forêts ayant comme fonction principale la gestion de toutes les
ressources du milieu forestier.
Rendement soutenu. L'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec est d'avis que toutes les forêts du Québec devraient
être aménagées selon le principe du rendement soutenu, et
plus particulièrement les forêts de la zone de banlieue où
se retrouvent les forêts feuillues et mélangées riches en
essences de grande valeur.
Les objectifs de production devraient tenir compte du potentiel des sols
selon les différentes essences. Ils ne devraient pas être
basés uniquement sur le rendement actuel des forêts. Devant la
carence de données fondamentales pour déterminer les objectifs de
production en fonction du potentiel des sols et également pour appuyer
l'aménagement des forêts et du territoire forestier, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1.
d'accélérer la mise en oeuvre de la classification et de la
cartographie écologiques pour répondre aux besoins des
aménagistes; 2. que toutes les forêts du Québec soient
aménagées selon le principe du rendement soutenu et plus
particulièrement celles de la zone de banlieue où se retrouvent
les forêts feuillues et mélangées riches en essences de
grande valeur.
Protection des forêts. La protection des forêts est une
activité fondamentale en aménagement forestier. Des
équipes de combat spécialisées doivent être
prêtes à intervenir hâtivement dès qu'un foyer est
détecté, afin d'éviter la prolifération des
infestations. De même, il est impératif de se donner les moyens de
protéger les investissements en sylviculture en permettant un usage
contrôlé des pesticides dûment homologués, sans pour
autant négliger le développement des méthodes
alternatives.
Une des nouvelles mesures les plus positives concernant les insectes et
les maladies des plants d'arbres consiste dans le contrôle
phytosanitaire. Cette mesure démontre bien l'importance que le
gouvernement accorde à la qualité des arbres destinés au
reboisement. L'ordre constate avec satisfaction que le ministre entend mettre
sur pied sa propre équipe de spécialistes pour inspecter les
stocks de plants plutôt que de subir l'intervention d'agents provenant
d'autres ministères. En conséquence, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que le ministre
crée sans tarder des postes d'inspecteurs assignés au
contrôle phytosanitaire des plants forestiers, afin de mettre le
processus en marche et de préparer la réglementation qui
s'impose; 2. que ces fonctionnaires soient rattachés à une
direction différente de celle qui comprend les pépinières
et le reboisement, pour éviter qu'ils se retrouvent en situation de
conflit d'intérêts.
Forêts privées. L'ordre croit que l'avant-projet de loi
pourrait être amélioré en conservant certaines dispositions
de la loi actuelle et en y apportant des modifications. Sur ces questions,
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que le
gouvernement rétablisse, au chapitre de la loi, l'aide technique
individuelle aux petits propriétaires de forêts privées; 2.
que le statut de producteur forestier soit lié à l'obligation
d'assurer l'exécution et le suivi du plan simple de gestion; 3. que les
producteurs de bois des forêts privées soient assurés
d'écouler leurs produits à la condition qu'ils s'engagent
auprès des utilisateurs à produire une quantité de bois
définie à l'avance. Cette quantité de bois ne devrait pas
dépasser la possibilité de la forêt. En cas de
mésentente sur les prix, un tribunal d'arbitrage devrait être
constitué pour trancher les litiges; 4. que l'avant-projet de loi
prévoie les cas dans lesquels une unité d'évaluation
serait radiée du certificat de producteur forestier ou cesserait d'y
être inscrite; 5. que soit reporté dans la nouvelle loi l'article
156 de la loi actuelle sur les terres et forêts, relatif au gel de
l'évaluation foncière des plantations forestières.
Transformation de la matière ligneuse.
L'ordre est d'accord avec le ministre pour favoriser les utilisateurs
trouvant des usages valorisants à certaines essences laissées
pour compte actuellement.
L'article 23 amène la notion de disponibilité des
récoltes d'essences réputées secondaires. L'ordre
suggère la plus grande des prudences en cette matière, surtout
à l'égard des essences feuillues et résineuses, qui
pourraient au fil des ans et de l'évolution technologique devenir
importantes, voire principales. Le peuplier faux tremble en est l'exemple
classique. Réputé essence secondaire auparavant, il est
maintenant la source principale d'approvisionnement des fabricants de panneaux
gaufrés appelés à se substituer progressivement aux
contreplaqués résineux. Ne pas aménager la forêt en
rendement soutenu pour cette essence serait dramatique pour l'avenir de ce
secteur de transformation. De même, le ministre devrait faire des efforts
particuliers pour développer des modèles de rendement par secteur
d'activité et selon diverses technologies de transformation, grâce
aux plus récents développements de la recherche
opérationnelle et du génie industriel.
Cette approche permettrait au gouvernement de donner des indications
précises aux utilisateurs en vue d'une meilleure transformation des
ressources et d'une allocation plus judicieuse de la matière
ligneuse.
À la suite de ces considérations, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. de mettre sur pied
un système de suivi de l'activité industrielle à partir
des statistiques de production, d'expédition et d'exportation des divers
secteurs de transformation; 2. de réviser la fiscalité des
entreprises de transformation des ressources forestières de façon
à leur permettre d'investir dans les nouvelles technologies et les
équipements à haute productivité permettant une
utilisation maximale des ressources forestières; 3. de favoriser les
entreprises qui offrent les plus grandes retombées économiques au
Québec, soit par l'emploi d'une main-d'oeuvre plus qualifiée et
mieux rémunérée, soit par l'achat d'équipements
développés et fabriqués ici, soit par des retombées
fiscales plus importantes. Il faut favoriser les entreprises qui sont les plus
efficaces pour faire tourner l'économie québécoise.
Financement. La question du financement des activités du secteur
forestier au Québec est primordiale. Peu importe, en effet, qu'il y ait
écart sur les principes de gestion et les méthodes
d'aménagement, la mise en oeuvre efficace du nouveau régime
forestier ne peut se faire sans régler cet épineux
problème du financement. (11 h 30)
L'ordre éprouve de vives réticences à
l'égard de ce qui est énoncé au deuxième.
paragraphe de l'article 37, à savoir que le volume supplémentaire
alloué à un bénéficiaire au moment de la
révision quinquennale du contrat, parce qu'un rendement plus grand est
escompté, n'est pas compris dans le volume alloué pour
l'établissement des droits de coupe payables par le
bénéficiaire en vertu de l'article 4. Comme le volume
initialement alloué à chaque utilisateur est
déterminé en fonction de la possibilité de coupe et de la
disponibilité actuelle, sans aménagement intensif, cela revient
à dire que toute augmentation de productivité de la forêt
québécoise n'apportera aucun bénéfice à
l'État en tant que propriétaire forestier. Si les forêts
québécoises en arrivaient à produire autant que celles de
la Suède, soit trois mètres cubes par hectare-année de
bois résineux au lieu d'un mètre cube par hectare-année,
cela impliquerait que les deux tiers des bois coupés au Québec ne
seraient assujettis à aucun droit de coupe. Même dans le cas de la
hausse de rendement qui serait due à l'initiative des utilisateurs,
n'oublions pas que trois facteurs de production y auraient contribué: le
capital, le travail et le territoire.
Or, alors que le système proposé permettrait de
rémunérer les deux premiers facteurs, on semble considérer
tout simplement que l'utilisation du territoire et de son potentiel est
gratuite. Il y aurait certainement moyen, avec un peu d'imagination, de
développer une formule qui permette aux utilisateurs de profiter de
leurs investissements sans léser l'État propriétaire. Une
telle formule devrait permettre également à l'État de
retirer quelques bénéfices en retour de ses investissements en
recherche dans le domaine de l'aménagement forestier.
Enfin, il serait utile de développer une telle formule par souci
d'équité pour les utilisateurs eux-mêmes qui n'obtiendront
pas tous nécessairement des territoires de productivité
égale. Ceux qui tireront profit d'une plus grande productivité
devraient donc payer des droits proportionnels aux bénéfices
reçus.
L'ordre approuve le principe de tarification proposé voulant que
les frais d'aménagement forestier admissibles soient déduits des
droits de coupe. Toutefois, il est d'avis qu'un montant maximum soit
prévu pour ces frais admissibles de sorte que les droits de coupe ne
puissent être nuls ou même négatifs, comme il en a
déjà été question dans le cas des forêts
situées dans la zone pâte, ce qui signifierait alors que
l'exploitation serait subventionnée. Il n'est pas du tout évident
qu'il soit plus rentable pour l'État québécois d'investir
dans des subventions à l'industrie pour l'exploitation des forêts
nordiques plutôt que pour d'autres options, comme l'intensification de
l'aménagement des forêts méridionales ou le
développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés
visant à une meilleure utilisation des feuillus.
Un autre point important déjà soulevé par l'ordre
dans son mémoire d'octobre 1984 est la nécessité de
partager le financement de la gestion et de l'aménagement des
forêts entre les utilisateurs et les gouvernements en fonction des
bénéfices que chaque partie retire du secteur forestier. À
cet effet, l'ordre mentionnait qu'il jugeait indispensable et prioritaire de
reconduire l'entente fédérale-provinciale sur le renouvellement
forestier. L'ordre considère que le texte de loi devrait indiquer de
façon explicite que le ministre peut conclure de telles ententes avec
son homologue fédéral. Alors que la remise en production des
aires coupées et l'exploitation de la matière ligneuse, en
protégeant les autres ressources, sont des responsabilités des
utilisateurs, l'augmentation de la productivité des forêts, pour
sa part, apportera des bénéfices à la fois à
l'industrie, au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada qui
devraient en partager les coûts. L'ordre a été
déçu, à la lecture du texte de loi, de constater l'absence
de souci du gouvernement d'assurer le financement à long terme de
l'aménagement forestier. Le récent programme de modernisation des
usines de pâtes et papiers a permis des investissements de plus de 3 000
000 000 $ et on estime que l'industrie devra investir encore 4 000 000 000 $ au
cours de la prochaine décennie à la seule fin de conserver sa
part des marchés internationaux. Des investissements importants seront
requis également pour moderniser l'industrie du sciage. Dans un tel
contexte, comment ne pas voir la nécessité d'assurer un
approvisionnement à long terme en matière ligneuse? Si, comme le
stipule l'article 35, les travaux sylvicoles requis pour remettre en production
les arrérages sont exécutés par le ministre dans la mesure
qu'il détermine, cela signifie tout simplement que l'aménagement
forestier est soumis aux aléas des décisions budgétaires
annuelles. Or, des engagements financiers à long terme sont essentiels
en matière d'aménagement forestier puisque, comme l'a
souligné l'ordre dans son avis présenté au ministre en
avril 1986, il faut s'assurer que les plantations, après la mise en
terre, soient adéquatement protégées et entretenues en
fonction des objectifs de production visés. La non-protection des
investissements en foresterie est un gaspillage que l'État et la
collectivité québécoise ne peuvent se permettre.
Par suite de ces considérations, l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec recommande: 1. qu'un montant maximum soit
établi pour les frais d'aménagement forestier à
déduire des droits de coupe, de sorte que ceux-ci ne puissent être
nuls ou négatifs; 2. que le gouvernement assure par des engagements
fermes le financement à long terme de l'aménagement forestier au
Québec.
Recherche et développement. Notre foresterie doit être
constamment soutenue * par une recherche créatrice, appropriée
à nos besoins et tournée résolument vers l'avenir pour le
prévoir et même l'influencer.
Cette recherche devra être planifiée, orientée et
coordonnée par un organisme où les utilisateurs pourront faire
connaître leurs besoins, mais aussi où les chercheurs pourront se
faire entendre. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est
convaincu de la nécessité de créer un conseil de la
recherche forestière indépendant du gouvernement et regroupant
les divers intervenants du milieu forestier: les industriels, les
ministères intéressés, les producteurs de bois, les autres
utilisateurs, la communauté scientifique.
Le niveau et la stabilité du financement est une question
très préoccupante en foresterie. À cause de la nature
même de la forêt, la recherche forestière est une entreprise
à long terme et requiert des spécialistes de diverses
disciplines. Une diminution ou un arrêt du financement peut compromettre
le succès de plusieurs années d'efforts.
En matière de recherche forestière, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que soit
créé un conseil de la recherche forestière
indépendant du gouvernement et regroupant les divers intervenants du
secteur forestier; 2. que le financement de la recherche forestière soit
assuré d'une façon stable et continue.
Ressources humaines. Le succès des travaux exécutés
sur le terrain repose sur la disponibilité d'une main-d'oeuvre
intéressée, compétente et stable. L'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec est d'avis qu'il est urgent de
former des ouvriers sylvicoles et de leur assurer un emploi stable et bien
rémunéré.
La foresterie est plus qu'une simple récolte de matière
ligneuse. Elle doit respecter, voire optimiser, l'ensemble des ressources
forestières, en mettant en valeur le potentiel de production de
matière ligneuse. Le choix des méthodes d'extraction, de
régénération, d'amélioration et l'orientation des
peuplements ne peut être fait à la légère. Pour
éviter des erreurs coûteuses, le Québec a besoin d'un
nombre suffisant d'ingénieurs forestiers en fonction de la
complexité de la forêt et du niveau d'aménagement
recherché.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec
considère que le succès du nouveau régime forestier repose
sur les ressources humaines que l'on mettra à l'oeuvre pour atteindre
les objectifs visés. Conséquemment, l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec recommande: que le Québec se dote d'une
politique de formation et de stabilisation des ressources humaines
nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau régime
forestier.
Conclusion: L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec a
voulu présenter ses commentaires dans le but de contribuer à une
meilleure gestion des ressources forestières et d'assurer une
activité économique soutenue, voire accrue, dans le respect de
l'ensemble des ressources forestières pour le plus grand
intérêt de la collectivité.
À cet effet, l'ordre considère d'une part qu'il est urgent
d'aménager toutes les forêts selon le principe du rendement
soutenu, d'utiliser et de faire produire de façon optimale les
forêts existantes, d'assurer leur régénération et
d'inciter les utilisateurs à aménager intensément la
forêt en leur garantissant la récolte du fruit de leurs
efforts.
D'autre part, l'ordre recommande de ne pas aliéner l'ensemble du
territoire forestier sur l'unique base de la possibilité actuelle, sans
tenir compte du potentiel du territoire et des développements à
venir par l'application des techniques disponibles et des futurs
résultats de la recherche.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec
préconise plutôt une gestion dynamique du territoire qui permettra
de nouveaux développements, de nouvelles industries, à mesure que
nos connaissances évolueront et que le territoire forestier sera mieux
aménagé et plus productif. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. Je cède maintenant la parole au ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. Brown,
ainsi que vos collègues de l'Ordre des ingénieurs forestiers.
J'ai parcouru à une couple de reprises votre mémoire et j'en suis
très heureux parce que vous démontrez encore une fois votre souci
pour la forêt. Évidemment, c'est notre métier. Par contre,
avec la vigueur avec laquelle vous l'avez présenté ce matin, je
souhaite ardemment que l'Ordre des ingénieurs forestiers se fasse
entendre aussi fort, en toute occasion. Je vous invite en tout temps à
me faire part de vos recommandations et de vos conseils, comme je vous l'ai dit
à votre congrès, samedi dernier.
Au départ, je voudrais faire une mise au point à propos de
votre conclusion qui ne concorde pas avec le bas de la page 10 de votre
résumé où vous dites: Comme le volume initialement
alloué à chaque utilisateur est déterminé en
fonction de la possibilité de coupe et de la disponibilité
actuelle sans aménagement intensif... Je voudrais vous rassurer tout de
suite. C'est l'intention du ministère d'allouer les bois sur l'atteinte
d'un rendement annuel moyen impliquant la réalisation de travaux
intensifs d'aménagement par l'utilisateur. C'est sur cette base que nous
avons l'intention d'allouer les territoires, de faire nos allocations de bois.
Est-ce que c'est ce que vous souhaitez?
M. Brown: En fait, ce que l'on souhaite, c'est d'éviter
que l'on fasse disparaître certains utilisateurs et qu'ensuite l'on
partage le territoire, que l'on partage le gâteau de façon
à avoir suffisamment de fibres pour approvisionner les usines qui vont
rester, sans faire d'aménagement. On pense que, comme forestiers, on
doit s'orienter vers une utilisation qui va tendre le plus possible
progressivement vers le potentiel. Naturellement, ce n'est pas possible du jour
au lendemain de passer d'une moyenne d'un mètre cube à l'hectare,
par année, à une moyenne de trois mètres cubes, mais cela
doit être notre objectif, il ne faut pas le perdre de vue.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, sauf que, si
l'on alloue la forêt en tenant compte de l'obligation d'exécuter
des travaux par les utilisateurs et par le gouvernement, ce ne serait pas sur
la base de la possibilité actuelle, évidemment. C'est cela, la
question. La possibilité actuelle, dans les résineux
-épinette, sapin et pin gris - est de 18 000 000 de ' mètres
cubes à cause de la tordeuse du bourgeon de l'épinette. Avec
l'aménagement intensif, l'allocation devrait se faire sur la base de 21
400 000 mètres cubes de bois et il ne restera en disponibilité
qu'environ 4 000 000 de mètres cubes de bois, suivant les
aménagements intensifs que l'on prévoit. Soyez sans crainte, de
cette façon, on n'allouera pas toute la possibilité et toute la
disponibilité de la forêt du Québec. Je ne sais pas si cela
rejoint votre préoccupation. C'est sûr...
M. Brown: Vous permettez? M. Côté
(Rivière-du-Loup): Oui.
M. Brown: Vous nous rassurez un peu de ce côté, mais
je pense qu'il va falloir que l'on détermine cette possibilité du
territoire aussi, ce qui est difficile actuellement avec les données
dont on dispose. On ne voudrait pas que l'allocation du territoire se fasse de
façon définitive et que l'on se ramasse, dans dix ans, avec une
autre commission parlementaire, pour se dire qu'on a un carcan dont il faut se
défaire. On voudrait que l'allocation du territoire se fasse en
étant conscient qu'on la fait de notre mieux actuellement avec les
données dont on dispose et que l'on mette en oeuvre les moyens pour
avoir les données dont on a besoin. Ce serait utopique de vouloir
tripler la production du territoire du jour au
lendemain, mais il faut y penser, parce que c'est long. Nos traitements,
en foresterie, c'est long avant qu'ils portent fruit. (11 h 45)
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi
j'ai décalé un peu l'application du régime forestier pour
tenir compte, disons, de la collecte des données forestières les
plus précises, alors que celles que nous avons actuellement datent de
quinze ans. Comme il s'est produit beaucoup de perturbation en forêt
depuis, comme vous le savez, je pense que c'est plus équitable de se
baser sur des données plus récentes et qui sont plus conformes
à la réalité actuelle. Mais quand vous parlez de un
à trois mètres cubes, actuellement, ce qu'on prévoit comme
aménagement intensif... Nous avons actuellement un rendement en
forêt de 0,87 mètre cube à l'hectare, en moyenne, dans le
résineux. En se basant sur l'aménagement intensif que l'on
propose aux utilisateurs et au gouvernement, on prévoit un rendement de
1,23 mètre cube à l'hectare, ce qui n'est pas
exagéré. Cela m'a fait dire à d'autres intervenants ici
que nos projections étaient conservatrices, alors qu'on sait, comme vous
le mentionnez dans votre rapport, qu'en Suède le rendement est de 3
mètres cubes à l'hectare. C'est à peu près
semblable en Finlande. La Finlande a évidemement gagné cette
augmentation de rendement avec des travaux d'aménagement. Je suis
convaincu qu'on a des compétences au Québec pour en faire autant
ici. Il reste qu'il faut les adapter à notre climat, à notre
topographie, à notre sol et à nos essences, évidemment.
Est-ce que vous considérez que nos projections sont
exagérées dans ce sens?
M. Brown: Non, pas si vous les mettez à 1,27, si j'ai bien
saisi.
M. Côté (Rivière-du-Loup): 1,27, oui.
M. Brown: Non, on ne considère pas que c'est
exagéré, sauf que dans cette projection vous escomptez les
résultats des plantations qu'on va faire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, cela
représente le reboisement en forêt publique de 180 000 000
d'arbres résineux.
M. Brown: On est d'accord pour considérer le
résultat de ces plantations, mais à certaines conditions. Je
pense qu'il faut s'assurer, et c'est assez difficile dans le contexte des
budgets annuels, qu'on va pouvoir récolter le petit arbre qu'on plante.
Il faut s'assurer d'abord que la plantation a réussi, que par la suite
on va avoir les budgets nécessaires pour le dégager, ensuite
qu'on va pouvoir le protéger contre les épidémies, les
insectes et les maladies. Cela nous paraît un peu osé de
considérer que 100 % des plantations qu'on fait actuellement vont
pouvoir être récoltées, avec l'expérience dont on
dispose.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Tous les cinq ans
on va faire une évaluation, une révision de ce qui s'est fait et
en même temps c'est sûr qu'il y aura une révision des
possibilités. Cela ne veut pas dire que les allocations de chacun vont
être modifiées à cause de cela. C'est pourquoi le surplus,
on propose que ce soit un genre de boni aux utilisateurs, ceux qui font plus
d'aménagement. Il y a une possibilité énorme, quand on
pense passer de 1,23 à 2 ou à 2,5. On pourra quasiment doubler
notre possibilité avec des aménagements. C'est ce qu'on dit pour
la forêt privée. C'est assez facile de doubler la
possibilité de la forêt privée avec de bons
aménagements. C'est d'ailleurs vers cela qu'on se dirige en forêt
privée.
Vous recommandez dans votre mémoire, à la page 32, "de
réviser la fiscalité des entreprises de transformation des
ressources forestières de façon à leur permettre
d'investir dans les nouvelles technologies et les équipements à
haute productivité permettant une utilisation maximale des ressources
forestières." Vous rejoignez là un peu les recommandations qui se
font dans tout le pays, à savoir que la plupart des organismes
recommandent au gouvernement de ne plus subventionner directement les
compagnies pour des modernisations, etc., mais plutôt d'agir sur la
fiscalité. C'est ce que vous voulez dire?
M. Brown: C'est cela. On veut éviter justement de
subventionner des entreprises qui ne sont pas toujours rentables, de les garder
à flot à coups de subventions. On préfère que le
gouvernement intervienne au niveau de la fiscalité. De même, on
sera moins vulnérable vis-à-vis de nos voisins du Sud.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Brown, les
retombées directes pour le Québec sont cinq fois moins
importantes que celles du côté du fédéral, chaque
fois qu'on transforme un mètre cube de bois. Il faudrait, comme vous le
mentionnez dans votre rapport, qu'on réussisse à négocier
de nouvelles ententes avec le fédéral et que les provinces
s'harmonisent là-dessus dans tout le pays pour réussir à
intervenir de cette façon.
M. Brown: L'ordre souscrit entièrement au renouvellement
des ententes fédérales-provinciales.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais sur la
base... Quand on parle de subventions ou autres, cela serait inclus
là-dedans, parce qu'on parle de fiscalité.
M. Brown: D'accord.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous
êtes contre les projets de sauvetage d'usines ici et là. Lorsque
j'étais à REXFOR, cela m'est arrivé à quelques
reprises et j'ai la conviction que cela a été de bons sauvetages.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
M. Brown: Est-ce que vous avez...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je peux vous
aider, si vous voulez.
M. Brown: Vous êtes bien parti, continuez.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Quand je pense
à l'intervention qui a été faite à Tembec,
Béarn et Taschereau, je pense que ce n'étaient pas des sauvetages
désespérés. Si on regarde la qualité de vie, les
changements que ceci a apporté dans cette région, surtout au
Témiscamingue, je pense que cela a été une intervention
louable et favorable pour l'ensemble de la collectivité et le
gouvernement. Tembec a réussi, si vous voulez, à
réinvestir tous ses profits, au-delà de 70 000 000 $ environ.
Cela fait douze ans à peu près, et même avec tout cela,
Tembec a réussi à construire une usine qui s'appelle Temcell pour
utiliser du feuillu et autres et ainsi contribuer à l'économie de
la région. Je ne sais pas ce que vous avez contre cela.
M. Brown: On n'a rien contre cela, M. le ministre, mais il y a
des exemples aussi que vous n'avez pas fournis.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est vrai. M.
Brown: Et, c'est à ceux-là qu'on...
M. Côté (Rivïère-du-Loup): Je vous
laisse parler de ceux-là.
M. Brown: Je connais très bien l'exemple de Tembec qui est
un succès formidable. Je pense qu'il y a moyen de s'assurer, avant de
contribuer avec les deniers de l'État, si vraiment l'entreprise est
viable ou si on va devoir renouveler annuellement ou périodiquement les
subventions pour maintenir à flot un canard boiteux.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord, quand il
n'y a pas d'espoir au bout. Je vous parle de Béarn qui existe depuis ce
temps-là, de Taschereau qui a été remise à
l'entreprise privée. Je vous parle d'interventions dans Papier Cascades
à Cabano, de celle de Soucy qui n'ont pas fait tellement de bruit,
peut-être plus Tembec que les autres, mais qui ont évidemment
apporté un mieux-être à la collectivité et
également du côté forestier. Ce sont des interventions de
ce genre-là que vous souhaitez? Mon collègue de Duplessis parle
de l'intervention de Port-Cartier, mais Port-Cartier est une intervention
beaucoup plus lourde parce que nous sommes impliqués à 50 % et
dans l'approvisionnement de l'usine. C'est peut-être plus lourd un peu,
mais on garde l'espoir que REXFOR peut-être se débarrassera d'une
partie de ses actions dans Port-Cartier. Ce n'est pas REXFOR qui sera le
gérant à Port-Cartier. C'est important à mon sens de
laisser l'entreprise gérer. Cela va?
M. Brown: Cela va.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai pas
d'autre question pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter
la bienvenue à M. Brown, président de l'Ordre des
ingénieurs du Québec, ainsi qu'à ses collègues qui
l'accompagnent. Pour nous, de l'Opposition, c'est un mémoire qui
démontre non seulement une excellente qualité dans les
écrits, mais aussi une excellente qualité de l'ordre
lui-même avec tout son personnel.
Vous avez su, bien sûr, vous positionner sur l'ensemble de
l'avant-projet de loi par rapport aux enjeux majeurs face à notre
forêt collective québécoise.
Dans votre mémoire, vous parlez de choses extrêmement
importantes et vous faites allusion à l'article 37, en mentionnant qu'il
y aurait certainement moyen, avec un peu d'imagination, de développer
une formule qui permette aux utilisateurs de profiter de leurs investissements
sans l'État propriétaire.
Plus loin, vous mentionnez qu'une telle formule devrait permettre
également à l'État de retirer quelques
bénéfices en retour de ses investissements en recherche dans le
domaine de l'aménagement forestier.
Je peux vous assurer que nous sommes parfaitement d'accord avec l'ordre
parce que nous, de notre côté, on dit oui à un incitatif,
mais par contre, on dit non au deuxième paragraphe de l'article 37 qui,
en somme, rend caducs les effets de l'article 4 par rapport aux droits de coupe
qui devraient être payés. Remarquez que c'est un commentaire, mais
lorsque vous parlez d'une formule... Est-ce que vous pourriez expliciter
davantage la formule que vous croyez être indispensable pour ne pas
permettre ce qui arrive au deuxième paragraphe de l'article-37,
justement?
M. Brown: Avant de penser à la formule, il faudrait bien
connaître le
territoire. Actuellement, on n'a pas la connaissance de base qui nous
permettrait d'établir une telle formule de façon précise.
On ne connaît pas le potentiel de l'ensemble des sols forestiers au
Québec. Il existe une carte de potentiel, la carte d'inventaire des
terres du Canada, qui a été faite pour être publiée
à une échelle d'un dans deux cent cinquante millièmes. Il
nous faut une échelle à l'échelle du travail sur le
terrain. On travaille actuellement avec des moyennes. Une moyenne, c'est une
moyenne.
M. Perron: Qui ne sont pas toujours bonnes, d'ailleurs.
M. Brown: Cela ne veut rien dire. Cela veut dire quelque chose,
une moyenne, dans un bureau, mais sur le terrain cela ne veut pas dire
grand-chose. Un utilisateur de la forêt peut faire des travaux
énormes pour remettre son site en valeur et il ne dépassera pas
son objectif tandis que le voisin qui jouit d'un potentiel meilleur ne fera
rien et dépassera son objectif. C'est pourquoi on demande une carte
biophysique de la forêt québécoise.
M. Perron: Merci, M. Brown. Quant aux commentaires, j'ai
travaillé avec le mémoire que nous avons reçu pour me
préparer en fonction de la commission parlementaire. À la page 3
de votre mémoire, en matière d'aménagement forestier, vous
mentionnez les grandes lignes que nous endossons entièrement, à
savoir, par exemple, la nécessité de respecter la
possibilité forestière établie selon le principe de
rendement soutenu; le deuxième point, l'urgence d'aménager
très intensivement les forêts de la zone de banlieue, surtout sur
les sites è haut potentiel, ce qui permettrait une meilleure
rentabilité, pour nous, face aux usines de sciage et face aux usines de
transformation des pâtes et papiers; et, bien sûr, le
troisième point, qui a beaucoup d'importance aussi, la
nécessité de remettre en production, sur tout le territoire
forestier, les aires non régénérées.
D'autre part, plus loin dans votre mémoire, à la page 9,
vous dites: "L'intention manifestée de scinder l'actuelle Loi sur les
terres et forêts en lois sur les terres et sur les forêts, sous la
gouverne de deux ministres différents, constitue, à notre avis -
c'est vous qui parlez - un recul dans la recherche du développement
optimal de la forêt." Là-dessus, peu importe ce qui s'est
passé en 1979, lorsqu'il y a eu des changements à ce niveau, je
crois que l'on se doit aujourd'hui d'admettre qu'un gouvernement peut faire des
erreurs de parcours et nous sommes parfaitement d'accord avec votre position
sur cette question précise, à savoir qu'il y ait un
ministère des Terres et Forêts. Vous rejoignez en cela le fait que
le secteur des terres devrait être inclus dans le même
ministère, donc, le ministère des Forêts et Terres.
J'aurais une question à vous poser. À la page 11 de votre
mémoire, nous sommes parfaitement d'accord avec le principe que vous
énoncez lorsque vous parlez du bilan annuel de l'offre et de la demande
de matière ligneuse. On se rend compte, au cours de cette commission
parlementaire, qu'il y a plusieurs écoles de pensée. Il y a
l'école de pensée du gouvernement et du livre blanc qui dit que
ce bilan devrait être à tous les cinq ans. Il y a l'autre
école de pensée qui est la nôtre de l'Opposition, qui dit
que cela devrait être à tous les trois ans, au maximum. Vous nous
arrivez avec une hypothèse d'un an quant au bilan lui-même.
La question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-ce que vous
pourriez nous dire ce qui justifie votre position par rapport au bilan annuel,
face aux autres intervenants qui nous parlent de trois ans et de cinq ans?
M. Brown: En cinq ans ou en trois ans, il peut se passer beaucoup
de catastrophes, si l'on peut dire, au point de vue forestier. Que l'on pense
à l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, aux grands incendies, au chablis qui peuvent modifier
radicalement le visage forestier du Québec. C'est pour cela que l'on
veut avoir un bilan de l'offre et de la demande annuellement, de façon
à tenir compte immédiatement de tout ce qui peut... C'est un
instrument de gestion dynamique et à point. À chaque
année, on pourra allouer la matière ligneuse en tenant compte de
l'état de la forêt. (12 heures)
M. Perron: Dans une des recommandations que vous faites, à
la page 15, vous appuyez la création d'un ministère des
forêts ayant comme fonction principale la gestion de toutes les
ressources du milieu forestier. Si j'ai bien compris, vous voudriez que ce
même ministère s'occupe d'abord de la loi sur les terres, de la
loi sur les eaux et de la loi sur la faune pour prévoir les
mécanismes propres à assurer un aménagement
intégré des ressources du milieu forestier. Voici la question que
je vous pose: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait conflit
d'intérêts? En incluant tous ces secteurs d'activité que
nous avons au Québec, le ministère, le ministre lui-même,
serait-il en conflit d'intérêts parce qu'il serait en même
temps juge et partie?
M. Brown: Ce qu'on demandait, c'est un ministère des
forêts, les forêts en tant que écosystème,
c'est-à-dire que la forêt et le sol forestier devraient relever de
la juridiction d'un seul ministre. Dans le sol, il y a le milieu physique, il y
a les êtres
vivants, la faune et la forêt. Cela nous paraît tout
à fait naturel , que cela soit regroupé, parce que
l'aménagement des autres ressources forestières se fait lors de
l'exploitation forestière. La qualité des eaux,
l'aménagement des eaux en forêt va se faire au moment de
l'exploitation. L'aménagement de la faune va se faire au moment de
l'exploitation. La récréation en forêt ne serait pas
possible pour la masse. Ce serait le privilège d'une minorité
fortunée qui pourrait se payer des hydravions si l'industrie
forestière n'avait pas ouvert le territoire par les chemins. Il en est
de même pour l'aménagement, les traitements sylvicoles pour
favoriser l'orignal. Cela ne serait pas possible. Les associations de chasse et
de pêche ne pourraient pas se permettre le coût total de faire ces
aménagements si on ne pouvait pas bénéficier du fait qu'il
y a une machinerie, qu'il y a une expertise dans l'industrie forestière
qui pourrait contribuer à l'aménagement par des coupes
appropriées pour favoriser la faune, à condition que le surplus
de coûts occasionné par ces travaux spécifiques soit
payé par ceux qui vont en bénéficier.
M. Perron: J'aimerais maintenant faire un commentaire et vous
poser deux questions, à la fin. On sait que l'avant-projet de loi sur
les forêts et les documents connexes indiquent que les objectifs de
régénération des parterres de coupe devront être
atteints parcelle par parcelle. Je parle de l'avant-projet de loi. Mais on sait
aussi qu'en forêt publique, la surface occupée par les peuplements
mûrs équivaut à environ 60 % et leur volume compte pour
près des trois quarts. En forêt privée, ce sont les
peuplements jeunes qui occupent environ 60 % de la surface et leur volume
compte pour environ 70 % du volume global. Donc, on peut en arriver aux
chiffres suivants: dans le cas de la forêt publique, plus au nord, le
peuplement mûr, 60 % du territoire et 75 % du volume. On peut dire aussi
que ces dernières années, la surabondance des vieilles
forêts et la récupération des bois de tondeuse ont conduit
à une surcoupe dans différentes régions du Québec.
Dans le cas de la forêt privée, c'est plus au sud et les
peuplements jeunes sont environ 60 % du territoire et 75 % du volume. On peut
donc se demander comment il sera possible d'établir le rendement soutenu
que vous mentionnez en haut de la page 18 de votre mémoire. Ce qui est
important pour nous, ce n'est pas de couper davantage, mais de
régénérer la forêt de banlieue, tant publique que
privée. Je pense que vous êtes aussi d'accord
là-dessus.
Voici les questions que je voudrais vous poser. Vous parlez des sites
où la rotation est de 175 ans et plus. Vous avez déjà
mentionné cela antérieurement. Vous parlez aussi des sites
humides, des forêts à maturité, qui sont très
éloignées des usines, mais à peu de distance des aires de
coupe actuelle. Est-ce que, selon vous, l'avant-projet de loi peut permettre
des échanges de territoires? Croyez-vous que ces territoires puissent
comprendre l'arrérage, c'est-à-dire le "backlog"?
M. Brown: Si je comprends bien, vous voulez qu'il y ait des
industriels dans le sud qui se partagent une partie du sud, une partie du nord
du territoire où il y a des forêts mûres et des forêts
jeunes dans le sud?
M. Perron: On parle toujours dans le cas d'aménagement et
de coupe. Effectivement, il y a actuellement un problème qui existe.
Lorsqu'on parle d'une forêt nordique qui est actuellement à
maturité, qu'on prenne Harricana ou le nord d'Harricana, cette
région-là comme exemple, les forêts sont à
maturité. Par contre, elles sont assez éloignées des
usines de transformation, des pâtes et papiers et des usines de sciage,
et cela comporte énormément de coûts. D'autre part, les
accents qui sont mis dans la reforestation vont être remis dans ces
parterres de coupe qu'on va reboiser, avec, comme objectif, le reboisement, qui
est correct selon nous. Par contre, sur la question de temps... On peut dire
qu'un arbre prend à peu près de 125 à 175 ans à
pousser, pour être à maturité, pour être bon pour la
coupe, pour être bon pour les pâtes et papiers. Pourquoi ne pas
mettre l'accent sur les forêts de banlieue au maximum et même aller
jusqu'à la législation pour ce faire, pour donner une obligation
légale? C'est dans ce sens que j'aimerais que vous répondiez par
rapport à votre position.
M. Brown: C'est précisément ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est qu'on doit mettre l'aménagement intensif, on doit
mettre l'accent sur les meilleurs sites, dans la zone de banlieue, mais il y a
bien des façons de faire de la foresterie, de
régénérer la forêt. On peut la
régénérer au moment de la coupe, soit en favorisant
l'établissement d'une nouvelle régénération, soit
en protégeant la régénération qui est
déjà là. Je crois que c'est la façon de
procéder pour la plus grande partie du Québec. Le territoire est
tellement vaste que cela serait utopique de vouloir replanter partout. Par
contre, dans le sud du Québec, on a des sols à haut potentiel et,
là, je pense qu'il serait sage de commencer à planter, ne
serait-ce que pour acquérir l'expertise des plantations. On sait que nos
concurrents à l'échelle mondiale font beaucoup de plantations,
font beaucoup de coupes précommerciales pour éclaircir la
forêt et la faire pousser davantage.
La foresterie, c'est beaucoup plus que
des plantations, c'est beaucoup plus que des coupe à blanc. Il y
a toute une gamme de traitements sylvicoles qu'on n'a pas utilisée ou
peu utilisée. Je pourrais vous donner un exemple d'un traitement que la
compagnie CIP a fait dans des pins, dans la région de Mont-Laurier, la
région de la rivière à l'Aigle. La compagnie a
éclairci une pinède d'environ 90 ans, il y a une douzaine
d'années. Elle l'a éclaircie, elle a retiré un volume
important de bois; je pense que c'était dans les 50 %. Actuellement,
cette forêt a 200 mètres cubes à l'hectare et s'est accrue
en moyenne, au cours des dix dernières années, de sept
mètres cubes par hectare-année. Si on avait coupé cette
forêt à blanc, on aurait eu un volume de bois trois fois plus
gros, mais cela serait fini pour 150 ans peut-être. Et même, le pin
blanc ne serait pas revenu naturellement, il aurait fallu le planter. Avec ce
traitement, le pin blanc est revenu. Il y a du sapin, il y a beaucoup de sapin,
mais il y a suffisamment de pin blanc en régénération et
on a un couvert qui s'accroît à un volume intéressant: sept
mètres cubes par hectare par année. Ce ne sont pas des erreurs
d'échantillonnage. Elle est mesurée sur un hectare plein. Le bois
qui s'accumule sur ces tiges, on peut dire qu'un arbre de 30 cm, en 10 ans,
double son volume de bois, et un volume de qualité supérieure,
parce que c'est du bois sans noeud. Je pense qu'il y a de tels traitements,
surtout dans la forêt feuillue, dans la forêt du sud, on peut se
permettre de faire... On a la main-d'oeuvre à proximité, les gens
sont intéressés à travailler en forêt et on peut se
permettre d'aller beaucoup plus loin dans la sylviculture. Tandis que pour les
peuplements dans le Grand-Nord, c'est vrai, cela coûte cher et on est peu
intéressé d'y aller. Il ne faudrait pas investir trop dans ces
endroits, car le retour sur notre investissement ne sera pas aussi favorable
que celui dans les forêts du sud.
M. Perron: Merci, M. Brown. L'exemple que vous avez donné
est un exemple qui est très concret face à ce que nous devons
faire au Québec quant à la reforestation et aussi à
l'éclaircissement de certains boisés que nous avons.
Une dernière question, parce que mon collègue d'Ungava a
plusieurs questions à vous poser en rapport avec votre dossier. Est-ce
que vous pouvez nous donner des informations en rapport avec votre position se
rapportant à la génétique versus le reboisement, par le
biais des centres de production de plants que nous avons aujourd'hui?
M. Brown: C'est très important, si on veut rester
compétitif, de faire de la recherche en génétique
forestière. On n'est pas chanceux - on est chanceux et pas chanceux -
comparativement à l'agriculture, où l'on peut faire une
expérience en génétique avec des petits pois comme a fait
le moine Mendel, bien célèbre. À l'automne, il savait
exactement ce que son expérience donnait. Nous, en foresterie, cela
prend vingt ans, cinquante ans. Il faut que l'arbre ait le temps de
croître suffisamment pour produire un volume que l'on puisse
récolter avant de dire: Oui, cela vaut la peine de sélectionner
cette variété.
Imaginez-vous que vous sélectionnez une variété qui
est extraordinaire au point de vue croissance et qu'à tous les ans on
dit qu'on a des records de pluie, des records de gel, des records de
température - tous les jours, on vit cela, c'est formidable - au bout de
vingt ans une catastrophe vient détruire votre plantation. Si vous en
avez quelques-unes, ce n'est pas grave. Vous vous dites: Avec celle-là,
on ne prendra plus de chance; il y en a d'autres qui réussissent, on va
continuer avec ces variétés. Mais, si vous avez misé sur
un seul cheval, une seule variété, vous pouvez être
complètement à l'eau, vous pouvez perdre complètement vos
investissements.
M. Perron: Cela m'amène à une autre question
concernant la génétique. Quelle est votre position sur une
orientation qui serait extrêmement favorable à la
génétique elle-même?
M. Brown: Je suis extrêmement favorable au fait que l'on
fasse beaucoup de recherches en génétique, que l'on plante et que
l'on en fasse partout. Il faut commencer, et c'est urgent, parce qu'on a un
retard sur ce plan. C'est pour cela que c'est important de le faire. C'est
important d'essayer un ensemble de variétés, le plus grand nombre
de variétés. Je crois que le ministère est
déjà bien orienté dans ce sens. Il faut continuer, mais il
faudrait être prudent dans la généralisation des
résultats trop tôt. Il faut prendre un certain recul avant de
dire: Nous avons trouvé la formule magique.
M. Perron: Donc, si j'ai bien compris, vous seriez en somme
favorable à la création, même sur une base
législative ou une autre, d'un conseil consultatif de la recherche qui
pourrait ramasser l'ensemble de tout ce qui concerne la recherche, incluant la
génétique?
M. Brown: Nous l'avons proposé dans notre
mémoire.
M. Perron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Duplessis. La parole est maintenant au
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Brown, dans
l'extrait du mémoire, à la page 5, vous parlez de la protection
des forêts. Ensuite, plus spécifiquement, à la page 13,
vous dites que "les engagements financiers à long terme sont essentiels
en matière d'aménagement forestier puisque, comme l'a
souligné l'ordre dans son avis présenté au ministre en
avril 1986, il faut s'assurer que les plantations, après la mise en
terre, soient adéquatement protégées et entretenues en
fonction des objectifs de production visés. La non-protection des
investissements en foresterie est un gaspillage que l'État et la
collectivité québécoise ne peuvent se permettre". Est-ce
que, dans un premier temps, on peut conclure de tout cela que, pour
protéger les investissements, si l'on ne se donne pas des
méthodes d'intervention pour la lutte contre les maladies et les
insectes et contre les plantes susceptibles de nuire à la croissance des
jeunes plants... Si c'est cela, de quelle façon voyez-vous
l'intervention, la méthode, les produits utilisés pour assurer
que cette protection soit faite?
M. Brown: II y a plusieurs façons de procéder. Cela
dépend. Est-ce que c'est pour la végétation
concurrente?
M. Middlemiss: En les prenant individuellement, la
végétation, les maladies, de quelle façon voyez-vous
l'intervention et avec quels produits?
M. Brown: Concernant la végétation concurrente,
c'est sûr que l'emploi des herbicides est très commode en
foresterie, mais il faut s'assurer que ces herbicides ne causeront pas de
dommages à l'environnement, ne causeront pas de dommages à ceux
qui les manipulent et qu'il n'y aura pas d'accident non plus pour la
population. Une certitude à 100 %, ce n'est pas possible. Mais on sait
que l'on peut mettre les chances de notre côté en utilisant les
produits qui sont dûment homologués. Je pense que notre position
sur cela est très claire. On recommande également de faire une
recherche et de penser à trouver des méthodes alternatives. (12 h
15)
II y a quelques semaines, j'avais l'occasion d'assister à une
conférence qui avait Heu dans le cadre de notre association et on voyait
les problèmes reliés aux besoins d'utiliser ces pesticides et ces
herbicides. Par contre, on nous a montré une belle diapositive. On avait
une magnifique plantation qui n'avait jamais été
dégagée. La cause était que cette plantation avait
été faite dans un territoire qui avait été
brûlé. La plantation se portait merveilleusement bien sans avoir
eu besoin d'utiliser des pesticides.
C'est la même chose pour les insectes. Je pense qu'on doit
utiliser des produits. Quand le feu est pris, il faut l'éteindre. Mais
il faudrait peut-être garder des équipes de détection
précoce. Aussitôt qu'un foyer d'infestation est connu, on peut y
aller massivement. Au lieu d'arroser toute la province, on peut aller dans un
petit coin. Même si l'épidémie de la tordeuse des bourgeons
de l'épinette ne se manifeste qu'à tous les 25 ans, il est
très impartant que les politiciens ne l'oublient pas et qu'ils gardent
sur pied une équipe d'experts. On a développé une
expertise à la suite de ce que nous avons vécu au cours des
dernières années, et c'est très important de garder cette
expertise pour justement pouvoir détecter immédiatement toute
nouvelle prolifération.
M. Middlemiss: Maintenant, au point de vue des méthodes
d'arrosage dans le cas de la protection contre les plantes susceptibles de
nuire au reboisement, est-ce que vous trouvez que l'arrosage aérien est
plus efficace que d'autres méthodes?
M. Brown: Comparativement aux arrosages terrestres?
M. Middlemiss: Terrestres, oui.
M. Brown: L'arrosage aérien est beaucoup plus facile et
plus... On me dit que l'arrosage aérien est beaucoup plus efficace et
plus facile d'emploi que l'arrosage terrestre où on est plus susceptible
d'avoir des accidents et des déversements dans le milieu.
M. Middlemiss: Dans le cas de la tordeuse, est-ce qu'il y a un
produit qui est plus efficace que d'autres pour son utilisation?
M. Brown: Un produit qui est populaire maintenant, c'est le BT
qui est un insecticide biologique et qui, selon ce que l'on sait, ne serait pas
nocif pour l'environnement.
M. Middlemiss: Est-ce qu'il est aussi efficace pour le but pour
lequel on l'utilise, c'est-à-dire contrôler
l'épidémie?
M. Brown: II serait peut-être mieux de poser la question
à un spécialiste. Ce que j'en sais, c'est que c'est
peut-être un peu plus difficile pour la période d'application qui
est plus courte et que le coût est plus élevé, mais au
point de vue efficacité, cela pourrait être aussi efficace.
M. Middlemiss: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M, le Président. Je dois constater que
vous avez un mémoire qui est très étoffé,
très intéressant et où il y a des questions à
toutes les pages, finalement, qui pourraient soulever à elles seules des
débats complets sur le problème.
Je voudrais commencer mon intervention par une petite réflexion.
Vous revenez souvent sur le fait que c'est important de favoriser les
forêts du sud et qu'à cause des conditions climatiques des terres,
etc., on devrait mettre l'emphase sur le sud. Finalement, il se dégage
de cela qu'il n'y a pas grand-chose à faire dans le nord. On va prendre
ce qu'il y a à prendre et après, on verra. Je voudrais seulement
mettre en garde cette commission en disant que les gens du nord ne sont pas des
deux de pique. Ce sont des gens en chair et en os et qui ont des
problèmes comme les autres, des petits problèmes quotidiens et
qui ont aussi des investissements à défendre. Alors, quand on
vient ravager les forêts du nord et qu'on ne pense pas à de
véritables méthodes de rechange, c'est bien évident que
les méthodes appliquées au sud s'appliquent très peu au
nord. D'ailleurs, l'histoire nous l'a prouvé. Mais je pense qu'il est
absolument nécessaire que l'on considère le problème du
reboisement dans le nord avec toute l'emphase et toute l'importance qu'il a. Je
ne suis pas d'avis de dire qu'il faut favoriser absolument le sud aux
dépens du nord, car il ne faut pas oublier qu'il y a un grand nombre
d'entreprises, qu'il y a beaucoup de gens qui vivent dans le sud aux
dépens de l'exploitation des matières premières dans le
nord. Ceux qui habitent dans le nord ont aussi des problèmes. Ils ont
bien l'intention de conserver la valeur de leurs investissements et la
qualité de leur milieu de vie parce qu'ils veulent y vivre. Ils n'ont
pas l'intention de s'en venir dans le sud le jour où il n'y aura plus de
bois.
Cela étant dit, j'aimerais qu'on revienne sur les
problèmes de rendement, le rendement soutenu, ou les problèmes
d'allocation de coupe. Je pense que vous êtes l'organisme le mieux
qualifié ou avec lequel, finalement, on est bien placés pour
discuter de ce problème, ce qui nous semblait, d'ailleurs, un
problème grave.
À la page 18 de votre mémoire, vous dites: "De plus, nous
croyons que les plantations récentes et à venir ne devraient pas
entrer dans le calcul de la possibilité tant et aussi longtemps qu'on
n'aura pas évalué avec une assez grande probabilité la
chance de pouvoir les récolter." Dans vos interventions, vous semblez
éviter systématiquement le concept de rendement escompté,
qui est pourtant un concept qui a été mis en lumière dans
le texte qui a été déposé par le ministre,
l'avant-projet de loi, à l'article 37, où on parle,
effectivement, du rendement escompté. Par contre, vous nous parlez
beaucoup de rendement soutenu. Est-ce que la commission pourrait avoir la
définition stricte de ce qu'est pour vous un rendement soutenu?
M. Brown: M. le Président, avec votre permission, je me
permettrai de faire certaines rectifications au sujet de ce que le
député d'Ungava a dit dans son préambule concernant nos
positions sur les forêts du Nord.
M. Claveau: Cela me fait plaisir d'orienter le débat
là-dessus.
M. Brown: Ce que l'Ordre des ingénieurs forestiers
préconise, c'est la régénération de toutes les
forêts, mais il y a des façons de les
régénérer qui sont plus économiques. Vous
êtes d'accord avec moi qu'on n'ira pas investir à la Bourse 10 $
dans une action si on sait que le voisin peut nous en donner 10 fois plus... On
n'ira pas à l'endroit où cela paie le moins. Dans ie cas de la
foresterie, ce n'est pas exactement pareil. Je pense qu'on doit maintenir tout
le territoire forestier en production, mais si on doit faire des
investissements pour produire davantage, pourquoi ne pas le faire dans le sud
où il y a de la population? S'il y a de la population dans le nord qui
veut planter, je ne dis pas non, mais si la population est concentrée
dans le sud, ce ne serait pas logique de payer des avions pour la faire monter
au nord du 52e parallèle pour la faire planter, surtout si on sait que
les arbres ne réussiront probablement pas à survivre, ou qu'ils
vont vivoter longtemps. C'est surtout une question économique.
Concernant la définition du rendement soutenu, il y a plusieurs
rendements soutenus. Il y a le rendement soutenu optimum, c'est-à-dire
qu'on veut... On peut avoir un rendement soutenu avec la forêt qu'on a
actuellement, on peut faire disparaître des utilisateurs et garder 18 000
000 de mètres cubes par année, continuer à fonctionner
comme on fonctionne là, il y a des forêts qui se
régénèrent bien, d'autres qui se
régénèrent mal, mais ce n'est pas grave, on a un grand
territoire. C'est une façon d'avoir un rendement soutenu mais ce n'est
pas cela qu'on demande. On demande d'avoir un rendement soutenu avec des
objectifs de production qui sont assez élevés et qui nous
permettent justement de mettre en valeur le potentiel de nos sols forestiers.
Alors, c'est vers ce rendement soutenu qu'on demande... Les plantations sont
une façon d'avoir un rendement soutenu. Des plantations avec des arbres
améliorés génétiquement sont une façon
d'obtenir un rendement encore supérieur en produits recherchés.
Il y a aussi les forêts qui existent actuellement. Vous
savez qu'un arbre qui a déjà une dizaine de pouces de
diamètre ou une vingtaine de centimètres - utilisez le
système que vous voulez - lorsqu'on ajoute un cylindre autour de cet
arbre, même s'il ne mesure que quelques millimètres
d'épaisseur, c'est supérieur au cylindre qu'on va ajouter
à un arbre de deux centimètres, même si le cylindre a un
centimètre d'épaisseur. Alors, il faut utiliser la forêt
qui existe actuellement de façon optimum tant au point de vue
production.,. C'est un véhicule de production, cette forêt, et il
faut la faire produire de façon optimum et utiliser les produits,
également, de la meilleure façon possible- C'est dans cette
optique-là qu'on demande de faire un aménagement sur la base d'un
rendement soutenu. Mais ce n'est pas un rendement soutenu avec les bras
croisés.
M. Claveau: Merci. Je retiens de votre intervention un point,
entre autres, qui me semble primordial. Vous dites: Sur la base de la
forêt qui existe actuellement. Or, le ministre nous a expliqué
à plusieurs reprises que, pour lui, il y avait de la forêt sur
laquelle on pouvait compter à l'avenir, une forêt potentielle que
nous appelons la forêt électronique. C'est une forêt qui a
été calculée par les ordinateurs, mais qui n'a pas encore
fait ses preuves dans la réalité. Il semble réceptif
à l'idée qu'il y ait une partie des droits de coupe qui puisse
être accordée en fonction de cette forêt, dans
l'éventualité que plus tard elle sera disponible alors
qu'actuellement elle ne l'est pas.
À l'article 23 de l'avant-projet de loi, on peut lire: La
possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu correspond au
volume maximum de récolte annuelle de bois que l'on peut prélever
à perpétuité d'un territoire donné, sans diminuer
la capacité productive du milieu forestier et sans provoquer la rupture
de stock. Est-ce que dans ce texte vous voyez, en tant que spécialiste
du domaine forestier, une allusion stricte à la forêt existant
actuellement, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ou si vous pensez
que le ministre peut y inclure une portion de sa forêt
électronique qui, pour lui, est déjà une forêt
réelle?
M. Brown: Je peux vous dire que je souscris entièrement
à la définition que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi.
C'est vraiment selon le rendement maximal, sans endommager la capacité
productive du milieu. Maintenant, il y a plusieurs façons de
réaliser ce rendement optimal. Je ne peux pas présumer des
pensées du ministre à ce moment-ci.
M. Claveau: Est-ce que, d'après vous, ce rendement
maximal, ce volume de bois sur lequel on doit se baser doit prendre en
considération, au moment où l'on se parle, la forêt qui va
venir dans vingt ans, dans trente ans ou dans quarante ans, s'il doit
être fait strictement sur la base de la forêt que l'on
connaît, que l'on a pu cerner et mesurer à ce jour? Je pense que
c'est important de préciser ce point de vue.
M. Brown: C'est important. Ce que l'on dit dans notre rapport,
c'est qu'il faut être prudent en escomptant le rendement de jeunes
plantations, de plantations actuelles. Il faut peut-être mettre un
coefficient de sécurité selon le taux de succès de nos
plantations - si l'on a un taux de succès de 50 % ou de 75 %, c'est
différent - et selon les engagements que le gouvernement va prendre pour
protéger cette régénération. Une certitude à
100 %, c'est impossible. C'est pour cela que l'on demande un bilan annuel de
l'état de la forêt. Il peut arriver une catastrophe naturelle, un
immense feu de forêt. Il y a des printemps qui sont très secs et
où l'on perd beaucoup de forêt. Il n'y a personne qui peut avoir
la certitude annuelle, mais il faut quand même planifier et, étant
donné que l'on a beaucoup de forêts mûres, comme je le
disais tout à l'heure, jusqu'à un certain point, c'est logique de
penser ainsi.
M. Claveau: D'accord. C'est bien évident qu'au
Québec on est tout jeune, tout frais là-dedans. On ne
connaît pas encore ce que peut être le rendement de la forêt
dans cinquante ans, bien que les ordinateurs puissent nous donner des indices.
Est-ce que, à votre connaissance, il existe quelque part dans le monde
des gouvernements ou des sociétés qui ont développé
cette expertise et qui, par exemple, sont capables de dire fermement,
précisément: Si je plante 20 000 000 d'arbres aujourd'hui, je
vais récolter X mètres cubes de bois dans cinquante ans? Est-ce
que cette expertise existe ou si elle est carrément du domaine de
l'informatique?
Le Président (M. Théorêt): M. le
président, si vous voulez m'excuser trente secondes, je dois, à
ce moment-ci, demander le consentement de la commission pour dépasser 12
h 30. Merci. Si vous voulez répondre maintenant.
M. Brown: II existe des pays comme la Nouvelle-Zélande qui
ont cette expertise, qui ont commencé depuis plus longtemps. Ce n'est
pas impossible de prévoir. Je pense que, dans la vie, personne ne peut
prévoir jusqu'à quel âge il va vivre. Cela ne nous
empêche pas de vivre. Il faut quand même planter des arbres, il
faut quand même escompter le volume que l'on va récolter, mais
nous recommandons une prudence. On recommande de ne pas mettre un arbre en
terre et de se fermer les yeux, de faire un
acte de foi et dire: On va aller le récolter dans soixante ans.
Il faut quand même se payer une police d'assurance. Cela veut dire que
l'on doit s'assurer que nous allons prendre tous les moyens dont nous disposons
pour protéger ce petit arbre de façon qu'il puisse croître
et être récolté un jour. À ce moment-là, je
pense que l'on peut escompter son rendement.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un autre ordre
d'idées, vous faites référence, à la page 12 de
votre mémoire, au pouvoir réglementaire et à la
discrétion ministérielle. Vous dites: Ce pouvoir est si
étendu qu'il pourrait conduire à une interprétation
exagérément large de la loi. Est-ce que vous n'êtes pas eh
train de nous dire que, finalement, on fait un beau cadre de loi, on se fait
une belle façade de maison, quelque chose qui semblerait avoir de
l'allure mais qu'il y a tellement de perméabilité à
travers les murs qu'on ne saura pas si la façade va tenir longtemps? (12
h 30)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Perron: C'est une très bonne analogie.
M. Brown: C'est une très bonne analogie, si vous le dites,
mais peut-être qu'on serait porté à faire confiance
à M. Côté qui est un ingénieur forestier comme nous.
Cependant, il ne sera pas toujours là. Cela a été une
préoccupation de plusieurs de nos membres lorsqu'on a demandé des
commentaires concernant la quantité de possibilités de
réglementer du ministre. C'est pour cela que nous l'avons mis dans notre
mémoire.
M. Claveau: Est-ce que vous croyez qu'un tel projet de loi
pourrait être applicable et "gérable" par l'État avec
beaucoup moins de pouvoirs réglementaires et, surtout, beaucoup moins de
discrétion ministérielle?
M. Brown: Nous croyons que cela prend quand même un certain
nombre de règlements et de pouvoirs discrétionnaires du ministre.
On ne peut quand même pas lui lier les mains et prévoir toutes les
conditions possibles qui vont se présenter.
M. Claveau: Parallèlement à cela, il y a toute une
brique de réglementations qui est supposée nous tomber sur la
tête un jour ou l'autre. Est-ce que vous pensez qu'une bonne partie de
cette, réglementation dont on fait état dans un document à
part devrait être incluse dans le projet de loi lui-même?
M. Brown: Je ne crois pas que ce soit nécessaire de
l'inclure immédiatement dans le projet de loi. On aimerait
nécessairement la connaître avant d'endosser le projet de loi,
mais ce n'est pas nécessaire que ce soit inclus
immédiatement.
M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de La Peltrie.
M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Brown, d'autres
intervenants avant vous, la semaine passée et hier, ont fait état
de la question de recherche et de développement. Vous soulignez un point
et avec justesse dans votre rapport, à la page 41, et je cite le
deuxième paragraphe: "De même, pour rester compétitifs sur
les marchés, nous devrons améliorer constamment nos
méthodes d'extraction et de transformation de la matière
ligneuse, trouver de nouvelles utilisations pour les bois actuellement
sous-utilisés, développer de nouveaux produits et trouver de
nouveaux marchés." Je pense que, là-dessus, c'est tout à
fait juste de l'indiquer. On sait qu'au Québec, effectivement, on
exporte environ 40 000 000 000 $ provenant de cette industrie, notamment aux
États-Unis. Donc, c'est un secteur d'activité économique
majeur. Pour demeurer compétitifs, vous avez raison, on se doit de
trouver toutes sortes de façons pour améliorer la qualité
de nos produits et aussi diminuer les coûts dans l'industrie.
Donc, conséquemment, vous avez proposé que soit
créé un conseil de la recherche forestière
indépendant du gouvernement et regroupant les divers intervenants du
secteur forestier. J'aimerais que vous me décriviez, si possible, un peu
le modèle de ce que vous voyez comme mandat à ce conseil, sa
façon de fonctionner, premièrement. Deuxièmement, pourquoi
dites-vous: Indépendant du gouvernement?
M. Brown: Pour répondre immédiatement à la
dernière partie de votre question, je pense que les différents
intervenants qui vont siéger à ce conseil vont être
beaucoup plus libres, vont se sentir beaucoup plus importants s'ils sont sur le
même pied que le gouvernement. Au point de vue de la composition, ce
conseil pourrait avoir des membres de l'industrie, comme on l'a
déjà dit, des membres qui pourraient venir des différents
ministères concernés du gouvernement, différents
utilisateurs de la forêt privée également, et des gens des
milieux universitaires. Premièrement, le travail de ce conseil serait de
faire un inventaire de la recherche qui se fait, des moyens mis en oeuvre et
des besoins en recherche pour ensuite pouvoir planifier et orienter cette
recherche en conséquence.
M. Cannon: D'accord. Pourriez-vous me donner des indications
quant au mécanisme qui pourrait être mis en place au niveau du
financement de ce conseil.
M. Brown: À ce sujet, je pense que le financement pourrait
être fait par les gens qui ont un siège à ce conseil. La
participation ne serait pas égale pour tous les membres, parce que je
pense aux universités qui sont pauvres. On a une commission
parlementaire actuellement qui en discute... Il y a quand même les
chercheurs qui sont... Les compagnies, les utilisateurs, les industriels
pourraient fournir de façon plus substantielle. Je crois qu'un conseil
avec 100 000 $ ou 150 000 $ de budget pourrait fonctionner, avoir un
secrétariat et un permanent, un peu comme cela se passe en Colombie
britannique, par exemple, ou dans d'autres provinces.
M. Cannon: Comment cela fonctionne-t-il en Colombie
britannique?
M. Brown: C'est exactement cela. Si ma mémoire est bonne,
on aurait un conseil semblable à celui que je viens de vous
décrire.
M. Cannon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de La Peltrie. M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. À la page 23 de
votre mémoire, vous parlez des insectes et des maladies. Je comprends
assez mal votre position sur cette question précise. Je voudrais vous
souligner un point. En ce qui nous concerne, nous, de l'Opposition, je
comprends que le gouvernement doive conserver ses responsabilités en
matière d'expertise scientifique et de planification, mais pour nous, en
toute logique, confier les aspects opérationnels de la lutte contre les
insectes et maladies aux sociétés de conservation,
là-dessus, je crois qu'on a le droit de changer d'opinion.
À la suite de la présence des représentants des
sociétés de conservation du Québec, l'Opposition a
étudié cette question d'un organisme parallèle où
le gouvernement se garderait certains pouvoirs, mais quant à la mise en
pratique, par exemple, des arrosages, etc., ce serait fait par un organisme
privé. Là-dessus, l'Opposition est maintenant d'accord. Je peux
vous dire que, d'après la position des représentants des
sociétés de conservation, c'est que, pour nous, la logique veut
que la responsabilité décisionnelle soit également
partagée, cependant, entre le ministère de l'Énergie et
des Ressources et l'industrie elle-même.
Pourriez-vous nous expliquer davantage votre position lorsque vous
mentionnez, par exemple, à la page 23: En matière
d'épidémies d'insectes et de maladies, on constate que le
ministre se réserve la responsabilité d'intervenir pour assurer
la protection de la forêt. En spécifiant... etc., etc. Vous
finissez votre paragraphe en disant: "II faut donc se réjouir de cette
nouvelle orientation".
Voici la raison pour laquelle je vous pose cette question. J'aimerais
que vous expliquiez davantage, en tant que représentant de l'ordre, au
nom de l'ordre, en fait, votre position concernant les insectes et les maladies
des arbres.
M. Brown: On avait craint d'abord qu'en confiant la protection
contre les maladies et les insectes aux organismes de conservation qui
s'occupent de la protection contre le feu et qui le font de façon
admirable - je pense que tout te monde est d'accord avec cela - cela
réduise leur efficacité et que, par souci d'économie, on
n'engage pas suffisamment de personnes pour s'occuper des maladies des
insectes. C'est dans cette optique que nous nous réjouissons.
M. Perron: Une dernière question. Seriez-vous d'accord
avec le fait qu'il y ait un organisme parallèle qui ressemblerait
quelque peu aux sociétés de conservation, mais qui ne toucherait
strictement que le domaine des insectes et des maladies des arbres, où
on aurait une présence du ministère de l'Énergie et des
Ressources, bien sûr, ainsi que des représentants de l'industrie?
Cela pourrait être à frais partagés.
M. Brown: Nous n'avons pas étudié cette
alternative.
M. Perron: Vous n'avez pas étudié cette
alternative. Si jamais vous l'étudiez, j'aimerais en connaître les
résultats.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Je reconnais chez M. Brown ses propos de chercheur et je le
félicite. Je voudrais toutefois souligner que le rendement optimal moyen
établi par le ministère, soit 1,23 mètre cube à
l'hectare en résineux, se rapproche du potentiel de productivité
de la forêt. C'est sur cette base que nous allons allouer la
forêt.
En plus, on parle beaucoup de plantations et, M. Brown, vous transmettez
le message que j'essaie de transmettre à toute la population, à
savoir que le reboisement artificiel n'est pas la seule intervention qu'il faut
faire en forêt. Beaucoup d'autres
interventions sont valables. Lorsqu'on mise sur 1,23 mètre cube
à l'hectare, on tient compte aussi des autres interventions pour
lesquelles on appuie les propriétaires privés. Je dirais
même qu'au Québec on fait état qu'on n'a pas tellement de
tradition ou d'expérience du côté de l'aménagement
de la forêt, mais, par contre, je vous dirai - vous êtes
peut-être trop jeune, mais, moi, j'arrive à cet âge - qu'on
fait du reboisement au Québec depuis 65 ans, pas aussi
intensément qu'on le fait actuellement ou qu'on a l'intention de le
faire, mais on en fait depuis un bon nombre d'années.
Vous avez cité un exemple, et vous l'avez cité de bon
gré, celui de CIP dans un peuplement de pins rouges. Cela nous donne des
points de repère. D'autres aussi sont faits dans la province auxquels on
peut aussi se référer et miser un peu sur les résultats de
notre jardinage, si on veut employer ce terme. Je ne sais pas si vous
êtes en désaccord avec cette approche: 1,23 mètre cube
à l'hectare, c'est très conservateur au point de vue de
l'amélioration de la productivité de la forêt actuelle. On
tient aussi compte de la régénération naturelle dans les
futures exploitations. On tient compte des coupes de nettoiement et de
dégagement. On tient compte des conversions de peuplement. On tient
compte des éclaircies pour lesquelles on contribue largement. On tient
compte du drainage. On tient compte de toutes ces interventions. Dans votre
mémoire, vous mentionnez que la voirie forestière devrait...
C'est une mesure d'aménagement, bien sûr. On tient aussi compte de
tout cela. Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?
M. Brown: Peut-être un mot concernant les objectifs qu'on
doit se fixer. Il faudrait évidemment les mettre assez haut, pas trop
haut pour pouvoir les atteindre et ne pas se décourager, mais il faut
être conscient qu'à mesure que la technologie va se
développer et que les résultats de la recherche vont nous
parvenir, on va pouvoir augmenter et s'ajuster de façon à faire
produire le sol au maximum. À mesure que nos connaissances seront plus
grandes, on va pouvoir, du moins je l'espère, faire beaucoup mieux que
1,27. Cela se fait ailleurs. Je crois qu'on n'est pas plus fou qu'ailleurs et
qu'on est capable de le faire aussi chez nous. Il s'agit de mettre des
capitaux, d'investir dans notre forêt. Jusqu'à maintenant, on
s'est servi de la forêt comme d'un compte en banque. On a puisé
dedans abondamment, mais on n'a pas réinvesti en forêt. Je pense
que les ingénieurs forestiers que je représente ici aujourd'hui
ont l'expertise nécessaire pour faire produire beaucoup plus la
forêt qu'on ne l'a fait dans le passé. On est capable de garder la
forêt belle tout en la faisant produire beaucoup et en respectant
l'ensemble des ressources du milieu forestier.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi je
suis d'accord avec ce que vous dites à la page 33, à savoir qu'il
est possible d'escompter un rendement supérieur de la forêt lors
de la révision quinquennale du contrat. Mais, d'ici à ces cinq
ans, on n'abuse pas du côté de l'évaluation. On a des
exemples au Québec. Vous en avez cité un, une couple
d'éclaircies qui donnent des rendements très favorables. Il y a
la forêt Montmorency; il y en a ailleurs et d'autres en ont fait sur leur
terrain privé. Les producteurs privés, petits et grands, ont
été de bons sylviculteurs, car ils ont fait des travaux autres
que le reboisement. Ce sont tous ces travaux qui nous donnent une
possibilité de 1,23 mètre cube à l'hectare comparativement
à 0,87 actuellement dans le résineux. Ce n'est pas
exagéré,
M. Brown: Mais il faut également tenir compte de chaque
site. C'est peut-être notre faiblesse actuelle, on travaille avec une
moyenne. On n'a pas une cartographie précise des sites. On va se la
donner et cela va prendre dix ans avant qu'on l'ait. Entretemps, il faut
travailler et il faut penser qu'on devra remettre en cause nos objectifs
à mesure qu'on connaîtra mieux notre territoire, son potentiel et
les moyens de le mettre en valeur. (12 h 45)
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'essaie, pour
suivre votre idée, de mettre sur pied ou d'accélérer la
préparation d'une cartographie écologique du Québec, de
façon que cela soit profitable à tous les intervenants, que ce
soit du côté des Transports, du MLCP, de l'aménagement de
la forêt. Cela nous prend une bonne carte de base, étant
donné l'importance de la forêt au Québec? je pense bien que
cela reviendrait au ministère des Forêts de prendre l'initiative
de préparer une carte écologique uniforme que tout le monde
serait capable d'interpréter.
L'article 28, quand vous parlez de votre peuplement de pins rouges, dit
exactement cela. À l'article 28 de l'avant-projet de loi, on dit: "Les
objectifs de production prévus au contrat sont fixés par le
ministre afin d'assurer, s'il s'agit de sapins, d'épinettes ou de pins
gris, le maintien de la possibilité forestière du territoire
à un niveau au moins égal au volume qui a été
alloué aux bénéficiaires ou, dans les autres cas - c'est
votre cas - afin de favoriser l'amélioration de la production d'essences
de qualité dans le territoire."
M. Brown: J'aimerais, si vous me permettez, M. le ministre, dire
un mot sur cet article concernant le rendement soutenu. Nous l'avons
critiqué, nous avons eu
certaines réticences parce que ce n'est pas clair, dans le cas du
feuillu ou des essences de valeur, cela ne nous est pas apparu... Vous
référez au livre blanc; dans ce cas-là, le feuillu
était en disponibilité, c'était bien clair. Dans votre
cas, ce n'est pas clair; et ce qui me le fait dire, c'est que le territoire est
garanti pour dix ans, dans le cas des feuillus de valeur et des pins, tandis
que pour le sapin, l'épinette et le pin gris, la garantie est de 25 ans.
Si on sait que ces forêts du sud s'aménagent, ce sont des
forêts qui sont très diversifiées au point de vue
composition, au point de vue essences et aussi au point de vue classes
d'âge et de dimensions des tiges, de sorte que lesdites essences
s'aménagent par des coupes que certains appellent sélectives et
que d'autres appellent jardinatoires. Les rotations, parce que dans ce
cas-là, on va couper moins de bois mais on va revenir plus souvent,
c'est autour d'une dizaine d'années lorsque l'on fait un
aménagement intensif. Au Québec, on pourrait avoir une rotation;
on a parlé de la forêt de Sainte-Véronique, c'est autour de
quinze ans où l'on peut revenir dans la forêt, je croîs,
pour prélever des tiges qui vont êtres mûres à ce
moment-là.
Si la garantie du territoire n'est que de dix ans, l'industriel qui va
traiter la forêt va être porté à se servir plus
généreusement et à récolter immédiatement
des tiges d'avenir parce qu'il va se dire: Dans dix ans, ce n'est pas moi qui
vais revenir. Alors, c'est ce qui fait qu'on va couper abusivement nos
forêts. C'est pour cela que nous n'aimons pas ce nombre de dix ans.
Surtout dans la forêt feuillue, c'est merveilleux: à tous les dix
ans, on peut venir récolter le fruit de notre travail de dix ans
auparavant.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai toujours
pensé que ce seraient les mêmes qui reviendraient au bout de dix
ans.
M. Brown: Bien, il faudrait leur dire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On trouvera une
façon de le dire, parce que c'est renouvelable au bout de dix ans. J'ai
toujours pensé que c'était le même. Et puis on veut donner
un statut, justement, qui soit très près de la
propriété privée, de façon à inciter
l'utilisateur à investir dans la forêt, mais on veut
également les assurer qu'ils pourront profiter de leur investissement.
La façon de le dire, je ne le sais pas, mes avocats m'ont dit: II faut
mettre un chiffre. Mettre un chiffre, comme vous l'avez mentionné, la
forêt, cela se renouvelle et c'est vivant si on l'entretient comme il
faut. Je ne serai certainement pas là et il y aura encore de la
forêt au Québec. Il n'y a personne dans la salle qui sera
là et il y aura encore la forêt si on y fait attention.
Je veux vous parler des arrosages des phytocides pour l'entretien des
plantations. On sait que si on fait des investissements, il faut les
protéger. À la suite d'une déclaration d'il y a quelques
années, on a dit: II n'y aura plus d'arrosages aériens concernant
les phytocides. Ce qui est malheureux parce que, si on regarde dans les autres
provinces... Je suis d'accord avec vous qu'il faut prendre des
précautions, il faut essayer de trouver d'autres méthodes, mais
il faut prendre les moyens qu'on est capable de supporter pour entretenir nos
investissements. C'est pourquoi dans la loi, vous avez remarqué qu'on
s'est donné le privilège d'utiliser le feu dirigé pour -
vous l'avez mentionné dans votre mémoire également -
l'entretien ou l'avenir des plantations, pour préparer le terrain aussi,
ce qui peut donner des résultats et éviter un arrosage, par
exemple, possiblement, dans certains peuplements, oui. Mais si on regarde en
Ontario, cette année, on a arrosé 60 000 hectares, avec les
glypbosates et le 2-4D, en Colombie britannique, 25 000 hectares, au
Nouveau-Brunswick, 35 000 et, nous, au Québec, 6000 hectares. C'est 6000
hectares, mais on l'a fait de façon manuelle. Les coûts sont
prohibitifs et le résultat du travail n'est pas bon, à comparer
aux arrosages. C'est pourquoi je vous demande ce qu'on va faire. Si on regarde
les coûts de tout cela et les expériences vécues... Si on
ne peut pas prendre les moyens - le feu ou ces arrosages aériens -- je
pense qu'on est mieux d'arrêter tout cela et de vivre avec ce qu'il nous
reste.
M. Brown: Comme on l'a mentionné dans notre rapport, on
est d'accord avec l'utilisation prudente de produits qui sont dûment
homologués et l'on recommande très fortement de faire des
recherches, de continuer à trouver d'autres méthodes. On voudrait
surtout éviter que, par notre caution, le gouvernement se croise les
bras et se dise: Ah! On peut toujours arroser avec des phytocides ou des
insecticides, on ne fera pas de recherche de ce côté, on va couper
dans ce budget. C'est ce point que je voudrais souligner de façon
particulière. Il faut toujours rechercher des solutions de rechange.
Peut-être que, dans l'avenir, les produits que l'on considère sans
danger, sans risque pour l'environnement ou pour la santé c'était
le cas pour le DDT - on s'apercevra que ce sont des produits dommageables. Il
faut être prudent. On recommande la plus grande prudence. On n'est pas
contre, à outrance, l'utilisation de ces produits mais on veut
être prudent.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si vous regardez
du côté de l'agriculture, on emploie souvent les mêmes
produits, dix, douze fois par été. Ce sont évidemment des
produits homologués par le gouvernement fédéral. En
forêt, on va les utiliser une ou deux fois en cinquante ans, au
maximum. H y a une différence de fréquence et une
différence de quantité aussi à utiliser. En agriculture,
on les mange, ces produits. Sans cela, je pense que les agriculteurs auraient
des problèmes de rentabilité.
M. Brown: Je suis d'accord avec votre point de vue. C'est un fait
que, actuellement, en agriculture, on utilise beaucoup de pesticides, et
beaucoup plus qu'en forêt.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Et plus
fréquemment.
M. Brown: Et plus fréquemment.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est
également vrai sur nos parterres.
M. Brown: C'est exact. D'ailleurs, l'Ordre des agronomes a fait
une sortie en ce sens. Je voyais cela dans les journaux. On s'empoisonne dans
nos beaux petits quartiers résidentiels.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Une dernière question, M. le député de
Duplessis?
M. Perron: Une question à deux volets, M. le
Président.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Perron: Je vais faire vite parce que le temps est
écoulé ou presque. Dans votre mémoire, il n'est pas clair
dans mon esprit que vous établissez clairement votre position face
à l'approvisionnement en rapport avec la forêt publique, copeaux
et boisés privés. Est-ce que vous pourriez éclaircir vos
positions sur les priorités à donner à ces trois
secteurs?
Deuxième question. À la page 26, lorsque vous parlez des
producteurs de boisés privés afin de les assurer d'écouler
leurs produits à un moment donné, s'il y a mésentente sur
les prix entre les acheteurs et les vendeurs, vous dites qu'un tribunal
d'arbitrage devrait être constitué pour trancher les litiges. On
sait qu'actuellement il y a déjà un genre de tribunal qui
s'appelle la Régie des marchés agricoles, qui s'occupe de cette
question précise et qui a réglé, jusqu'à un certain
point, les problèmes qu'il y avait dans l'Outaouais, à un certain
moment donné, entre l'industrie forestière et une ou deux
coopératives, je crois. Pourriez-vous nous dire si vous parlez de la
création d'un autre organisme? Si vous parlez de cela, je connais un
président du Conseil du Trésor qui s'appelle M. Gobeil, qui va
sauter en l'air. Moi, je suis d'accord.
Le Président (M. Théorêt): M. le
président.
M. Perron: Les deux questions.
M. Brown: Concernant votre première question, pour ce qui
est des priorités, c'est évident que c'est une question de bon
sens. On ne doit pas laisser des copeaux pourrir ou laisser du bois se
gâter sur le bord du chemin de campagne. Il faut que ces gens soient
assurés de pouvoir écouler leur production. D'autre part, il faut
que les utilisateurs, les acheteurs soient assurés d'un
approvisionnement. On ne peut pas obliger une usine de pâtes et papiers
à acheter un grand volume, un volume X de "pitoune" ou de copeaux si le
vendeur ne s'oblige pas lui-même à fournir cette quantité.
D'un autre côté, il faut avoir un mécanisme qui soit assez
souple pour qu'aucune des parties ne soit à la merci de l'autre. Vous
savez qu'au point de vue de la libre entreprise, on essaie d'avoir le meilleur
prix. L'acheteur essaie d'avoir le prix le plus bas et ça joue dur. Je
pense qu'il faudrait prévoir des mécanismes qui permettent
l'écoulement des produits sans nécessairement qu'aucune des
parties ne soit lésée.
M. Perron: Cela va être dur à trouver si ce n'est
pas dans la loi.
M. Brown: On compte beaucoup sur nos parlementaires et sur
nos...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. Une dernière question au ministre
délégué aux Forêts.
M. Perron: II y l'autre partie de ma question, M. le
Président, se rapportant au tribunal d'arbitrage.
M. Brown: En ce qui concerne le tribunal d'arbitrage, encore
là, je pense que cela peut être un autre organisme. Mais si M.
Gobeil veut que ce soit la Régie des marchés agricoles, ce sera
aux producteurs de bois et aux compagnies, avec le gouvernement, de choisir
lequel des tribunaux d'arbitrage est le plus approprié pour
résoudre leurs litiges. Ce n'est pas à nous, à ce
niveau-ci, d'aller plus loin.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le député de Duplessis, si vous voulez faire
les remarques et les remerciements habituels.
M. Perron: Oui, j'ai deux commentaires avant de remercier. Nous
ne sommes pas sûrs que M. Gobeil va décider d'aller de
l'avant avec un tribunal d'arbitrage tel que vous le préconisez
dans votre mémoire. Il va plutôt s'en tenir à la
Régie des marchés agricoles.
D'autre part, vous avez mentionné tout à l'heure le fait
qu'on devait accélérer les recherches quant aux phytocides
à employer dans le domaine forestier. Je peux vous dire que nous sommes
parfaitement d'accord là-dessus. Je crois qu'il faut régler ce
fameux litige qui existe depuis de nombreuses années entre les
intervenants environnementaux et les intervenants forestiers. Je présume
qu'une étude sur les phytocides à employer pourrait effectivement
permettre à toutes les parties de s'entendre. Il faut mettre l'accent
sur les recherches qui s'imposent dans ce domaine. Il faut faire cela le plus
vite possible à cause de tout ce qui est en train de se faire
actuellement dans la reforestation.
M. le président Brown, je voudrais vous remercier ainsi que votre
équipe pour votre mémoire. Vous pouvez être assurés
qu'il y a plusieurs éléments que nous, en tant qu'Opposition
officielle, nous allons retenir pour argumenter avec le ministre
délégué aux Forêts et le ministre de
l'Énergie et des Ressources, qui est son tuteur, pour permettre
d'améliorer nettement le projet de loi que nous aurons devant nous d'ici
quelque temps. Merci, M. le président, à vous et à votre
équipe.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'ai fait bien attention, étant donné mon
affiliation à l'Ordre des ingénieurs, de ne pas le
privilégier. Vous ne m'en voudrez pas de vous le faire remarquer. J'ai
parcouru votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et beaucoup
de satisfaction devant la qualité du travail que vous nous avez
présenté. Je suis d'accord aussi avec la création d'un
conseil de recherche forestière. Il restera à déterminer
de quelle façon il sera composé.
Quand vous parlez du financement et de la recherche de ce comité,
il faudrait évidemment aussi trouver une formule agréable
à tout le monde et possible pour tout le monde. Lors de la campagne
électorale - ce n'est peut-être pas pour cela que j'ai
gagné mes élections - je disais qu'il était temps de
remettre la forêt aux professionnels. Il y a un organisme qui est venu
nous signaler cela, hier. Là-dessus aussi j'appuie votre mémoire
qui dit qu'on devrait utiliser les ingénieurs forestiers plus
fréquemment. Je demande à tous les gens qui interviennent en
forêt d'écouter les conseils de ces ingénieurs et des
chercheurs qui font partie de la faculté.
Je vous remercie de votre intervention et de votre mémoire.
J'espère bien que les occasions ne manqueront pas de discuter à
nouveau de toutes ces questions-là très prochainement. Merci
encore une fois.
Le Président (M. Théorêt): M. le
président, au nom des membres de la commission, nous vous remercions de
votre présence et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
Avant de suspendre les travaux, je vous rappelle qu'effectivement
ceux-ci reprendront par l'audition du Barreau du Québec et ce sera
à 14 heures précises. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 14 h 8)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur
la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Je vois que déjà les représentants du
Barreau se sont installés à la table. Si vous voulez, s'il vous
plaît, M. le président, nous présenter les deux
collègues qui vous accompagnent.
Barreau du Québec
M. Ménard (Serge): Certainement. Je suis Serge
Ménard, le bâtonnier du Québec. Je suis accompagné,
à ma gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur, qui est la directrice de notre
service de recherche et, à ma droite, de Me Marie-Michèle
Daigneault qui a particulièrement travaillé à la
préparation du présent mémoire et qui, d'ailleurs, le
présentera après quelques mots d'introduction.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je vous
rappelle, comme, j'imagine, le Secrétariat des commissions vous en a
averti, que vous avez douze minutes pour la présentation de votre
mémoire; par la suite, chaque formation politique a vingt-quatre minutes
pour échanger avec vous sur votre mémoire. Je vous cède la
parole, M. le président.
M. Ménard: Je vous remercie, M. le Président.
Alors, M. le Président, MM. les députés, mesdames,
messieurs, le Barreau du Québec est heureux de répondre à
l'invitation de la commission de l'économie et du travail et de
présenter ses commentaires sur l'avant-projet de loi sur les
forêts; il tient à vous remercier de lui fournir l'occasion
d'exprimer ses vues sur ce que sera le nouveau régime de gestion des
forêts du
domaine public.
Un des rôles du Barreau, comme vous le savez, consiste à
mettre à la disposition des élus et du public son expertise comme
institution et les connaissances de ses membres, principalement en
matière législative. À cet effet, le principal but
poursuivi par le Barreau du Québec dans sa démarche à
l'égard de l'exploitation des boisés du domaine public est de
remplir son rôle de protection du public. Il est à noter que le
public comprend ici tout autant le ministre que les exploitants forestiers ou
les tiers créanciers de ces derniers, bref, tous les intervenants
possibles dans ce domaine de législation.
C'est pourquoi, bien que le 8arreau soit conscient que le régime
actuel d'exploitation forestière ait probablement besoin d'une
révision afin que les forêts publiques soient mieux
gérées ou dans un but de mettre plus à contribution les
entreprises forestières, il considère que certains principes de
droit essentiels se doivent d'être respectés dans
l'établissement de ce nouveau régime. Le Barreau du Québec
veut donc par sa présentation d'aujourd'hui essayer de proposer des
solutions afin que la transition entre le régime actuel et celui qui
sera mis sur pied se fasse de façon que tous les
intéressés voient leurs droits respectés et, en second
lieu, tenter de cerner les principes de droit importants que le
législateur, lorsqu'il délègue des pouvoirs
réglementaires ou discrétionnaires, se doit de respecter.
Je dois ajouter que le Barreau est toujours heureux de compter parmi ses
membres des gens de toutes les formations politiques et, à moins que des
droits fondamentaux ne soient affectés, le Barreau respectera toujours
le choix des élus qui est le choix de la population. C'est, par
conséquent, pour aider le législateur à atteindre les buts
qu'il s'est proposés dans la loi que, principalement, nous allons faire
les suggestions suivantes. C'est donc Me Marie-Michèle Daigneault,
à ma droite, qui a particulièrement travaillé sur ce
mémoire qui vous en fera la présentation.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
Mme Daigneault (Marie-Michèle): À la suite des
propos de M. le bâtonnier, Serge Ménard, j'essaierai de
résumer le plus succinctement possible aux membres de la commission les
points principaux et les règles de droit que le Barreau a
considérés importants à l'égard du nouveau
régime de gestion forestière et à l'égard surtout
des modalités pour établir ce nouveau régime de gestion
forestière.
Évidemment, notre première intervention va porter sur ce
qui est le pivot de la loi, soit la mise sur pied du nouveau régime par
la résiliation des concessions actuelles et des contrats actuels aux
bénéficiaires et, en conséquence, par l'extinction des
droits des créanciers. Donc, en conséquence de la nouvelle toi
qui serait mise sur pied, les bénéficiaires actuels verraient
leur contrat d'approvisionnement éteint ou perdraient leur concession
forestière sans qu'aucun recours ne puisse être exercé ou
qu'aucune compensation ne puisse être réclamée.
Non seulement le gouvernement, dans cette transition, agirait-il un peu
de façon unilatérale, mais on peut s'interroger aussi sur ce
qu'il adviendrait des investissements ou des coûts imputés aux
améliorations ou aux infrastructures actuelles. Bien entendu, il y a un
mécanisme, si Je bénéficiaire satisfait aux
critères» de la nouvelle loi, pour que lui soit octroyé un
nouveau contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Mais a quel prix
et à quelles conditions?
Le Barreau a trouvé un peu difficile l'analyse de la loi dans ce
domaine puisque l'avant-projet de loi nous référait à des
règlements qui n'avaient pas encore été
édictés. Donc, on peut s'interroger. Le nouveau contrat
comportera-t-il les mêmes conditions et les mêmes droits de coupe?
Portera-t-il sur le même territoire? Pas nécessairement. Ce qui
nous apparaît clair, c'est que, malgré ces modifications, des
mécanismes de compensation ne seront quand même pas
prévus.
Le Barreau a aussi été surpris de certaines obligations
qui seront imposées par la nouvelle loi qui serait en vigueur et qui
pourraient être difficiles d'application. Entre autres, dans le cas des
articles 20 et 84, où on donne l'obligation aux compagnies de
dénoncer préalablement tout changement dans le contrôle de
leur corporation, le Barreau s'est interrogé sur la façon
concrète d'appliquer une telle disposition dans les cas, entre autres,
de compagnies qui émettent des actions en vertu de la Loi sur les
valeurs mobilières, puisque, dans ces cas, bien souvent la corporation
comme telle n'a pas de contrôle sur les transactions qui s'effectuent
à la Bourse.
Mais, il n'y a pas que les droits des bénéficiaires qui
ont été affectés. Le Barreau désire aussi souligner
que les créanciers voient leurs créances mises en péril
par l'entrée en vigueur de l'article 101 de l'avant-projet de loi. Le
Barreau est un peu déconcerté, si je puis dire, devant une telle
atteinte aux droits des créanciers qui ont quand même
négocié de bonne foi des contrats de financement avec les
concessions forestières actuelles et qui, par l'entrée en vigueur
de cet article, pourraient voir de plein droit leur droit de créance
éteint à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Évidemment, le Barreau considère inacceptable que des tiers de
bonne foi qui n'ont pas été partie à des
négociations en
vertu du régime actuel entre le ministre et les
bénéficiaires de contrats voient ainsi leurs droits
écartés du revers de la main.
C'est pourquoi le Barreau, afin de minimiser l'impact de cette atteinte
aux droits des créanciers proposait dans son mémoire d'inviter
les créanciers aux négociations qui auraient cours entre le
ministre et les bénéficiaires de contrats en vertu de l'article
106.1 ou, à défaut, que le ministre ait une obligation
d'enregistrer ou, à l'égard des biens et des immeubles
concernés, de faire une déclaration des nouvelles obligations,
à charge de payer une compensation pour que les créanciers ne
perdent pas tous leurs droits, privilèges, peu importent les droits
réels qu'ils auraient. Cette façon de procéder, pour le
Barreau, pourrait minimiser les contestations qui pourraient avoir lieu eu
égard à la propriété subséquente du
gouvernement à l'égard des terres à la suite de l'adoption
de la loi.
Un deuxième point important que le Barreau a envisagé dans
son mémoire est, évidemment, la question des pouvoirs
réglementaires et de l'immense discrétion qui seraient
accordés au ministre qui serait chargé de l'application de la
loi. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire,
l'avant-projet de loi est rempli de dispositions où le gouvernement se
voit accorder des pouvoirs de réglementation. Donc, mis à part
déjà la vingtaine de domaines dans lesquels Je gouvernement peut
réglementer, qui sont énoncés à l'article 88,
à toutes les étapes de la loi, on voit que le gouvernement peut
réglementer, ce qui signifie qu'à toutes les étapes de la
loi, le moindrement qu'il y aurait une lacune, le gouvernement pourrait combler
des vides par voie réglementaire. À part l'article 88, on
retrouve des pouvoirs réglementaires à une vingtaine d'autres
endroits dans la loi sur quand même une loi qui ne comporte qu'une
centaine d'articles. Donc, le Barreau considère qu'il faudrait agir avec
prudence à ce stade-là.
Le Barreau croit que cette façon de légiférer n'est
pas souhaitable parce que cela peut mener à de l'incertitude et à
de la confusion si on se réfère à des règlements
qu'on ne connaît pas nécessairement. Je donne un exemple de cette
situation. Si on prend les articles 104 et suivants de la loi qui disent que
les concessions actuelles seront révoquées, l'exploiteur
forestier actuel qui voudrait savoir s'il va satisfaire aux normes
édictées en vertu de la nouvelle loi devrait,
premièremnet, se référer à un règlement pour
savoir ce qu'est une usine de transformation du bois. Par la suite, ayant
trouvé s'il entre ou non dans les catégories
édictées par règlement, il devrait encore se
référer, pour savoir s'il se conforme aux normes
édictées par la nouvelle loi, à d'autres
règlements, premièrement, qui ne sont pas encore
édictés, donc dont il a été difficile
d'apprécier les effets; deuxièmement, le
bénéficiaire aussi, en vertu de la nouvelle loi,
dépendrait de la discrétion du ministre. Sur ce dernier point, le
Barreau désire attirer l'attention de la commission sur le fait
qu'attribuer une telle discrétion à toutes les étapes de
l'application de la loi est non seulement une source d'incertitude pour le
lecteur de la loi, mais est aussi une porte ouverte à la contestation
judiciaire de ces décisions discrétionnaires.
Ainsi, à certains endroits dans l'application de la loi, le
ministre se voit attribuer carrément des pouvoirs qui sont normalement
exercés par les tribunaux judiciaires, que ce soit en matière de
résiliation unilatérale de contrats, d'appréciation du
critère de l'intérêt public, de la fixation d'une
indemnité en vertu de l'article 27, des droits de saisie sans
autorisation préalable ou de la révocation de permis. Ce sont des
fonctions qui doivent être normalement sanctionnées par les
tribunaux judiciaires et qui, dans l'avant-projet de loi, se trouvent
attribuées au ministre. De plus, le ministre a le pouvoir, en vertu des
articles 9, 10 et 23, d'établir des directives qui vont lier par la
suite les bénéficiaires de contrats. Le Barreau s'est
interrogé fortement sur la force probante de ces directives et leur
opposabilité aux exploiteurs forestiers parce que, bien qu'il y ait une
obligation de publication stipulant que le ministre doit mettre à la
disposition des exploiteurs forestiers les directives, il n'y a quand
même pas une obligation de publicité qui garantirait la
connaissance par tous les gens et l'opposabilité par le fait même
de ces directives.
En plus, en regard de l'attribution de discrétions au ministre,
le Barreau a voulu souligner aussi trois dangers principaux, si on peut dire.
Premièrement, le danger que le ministre, à travers ces nombreuses
directives ou discrétions qu'il effectuera chaque jour, s'emprisonne
lui-même dans des décisions et des directives antérieures
qu'il aura édictées et ce, pour ne pas changer les
modalités qu'il avait édictées, de peur d'ouvrir la porte
à des poursuites judiciaires s'il changeait d'idée. Un exemple de
cela, c'est qu'un exploiteur lié par des directives ou par une
décision administrative prise par le ministre et qui, par la suite d'un
changement de politique du ministre, verrait ses conditions d'exploitation
modifiées pourrait facilement, à ce moment-là, contester
l'exercice de la discrétion du ministre.
Un deuxième point qui est apparu dangereux dans l'exercice d'une
si grande discrétion par le ministre est le risque qu'on ait recours au
ministre pour régler les problèmes quotidiens de l'application de
la loi. Le Barreau pense que ce n'est pas le travail du ministre de
régler les différends qui peuvent survenir entre les
différents
intervenants soumis à l'application de la loi. Donc, c'est un
risque qui pourrait survenir si on lui donne une si grande
discrétion.
Troisièmement, de cette grande discrétion qui est
accordée au ministre, le Barreau n'a vu qu'un pas au risque de
transformer des pouvoirs réglementaires en pouvoirs de discrétion
administrative. À la lecture de l'ensemble de la loi, il semble y avoir
une tendance qu'on pourrait qualifier de dangereuse de laisser une part
d'appréciation au ministre dans l'application des règlements.
Cette attitude ou cette façon de procéder peut être
dangereuse dans le sens qu'il n'y a qu'une marge très mince entre cette
façon de procéder et d'exercer sa discrétion et le
principe, qui doit être respecté, qu'on ne doit pas transformer
des pouvoirs réglementaires en pouvoirs discrétionnaires. Les
tribunaux, je pense, ont été unanimes sur cet aspect, qu'un
règlement doit établir des normes objectives, des normes qui sont
uniformes et applicables à tous et, en conséquence, dès
qu'il y aura une discrétion qui sera laissée au bon jugement d'un
ministre ou d'un fonctionnaire, ces règlements pourront être
invalidés.
Le Président (M. Charbonneau): Me
Daigneault, je m'excuse de vous interrompre. Pourriez-vous m'indiquer
s'il vous en reste encore pour longtemps, parce que le temps est
écoulé pour la présentation?
Mme Daigneault: Non, pas plus. C'était le plus gros de mon
intervention. Il me reste trois petits points à souligner.
Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de
problème. Il y a consentement? Alors, vous pouvez continuer.
Mme Daigneault: Pour conclure sur cet aspect de la
réglementation et de la discrétion, le Barreau s'est
étonné que, dans la forme actuelle du projet de loi, on ne se
retrouve pas avec un outil complet de travail, mais qu'on se retrouve un peu
dans un dédale juridique dans lequel le législateur n'a pas
vraiment exercé sa compétence législative, mais a
plutôt dressé les grandes lignes d'une intervention en
matière d'exploitation forestière.
De plus, cette façon de légiférer, en renvoyant
constamment à de la réglementation, nous semble aller à
rencontre de la position qui veut, justement, qu'on cesse de toujours renvoyer
à des règlements et qu'on travaille avec une loi qui est un outil
complet en elle-même.
J'aimerais ensuite vous parler de l'arbitrage qui est établi
à l'article 48. En premier lieu, il semble important de souligner que la
procédure d'arbitrage, aux yeux du Barreau, ne devrait pas être
limitée à un seul aspect du contrat, soit la modification du
volume alloué, mais devrait probablement être ouverte à
plusieurs modalités du contrat.
Deuxièmement, le Barreau désire attirer l'attention sur le
fait que les récentes modifications qui ont été
apportées aux règles de pratique des cours civiles ont permis un
meilleur contrôle des délais d'audition, ainsi qu'une
amélioration de l'efficacité des tribunaux civils. Donc,
l'arbitrage ne semble plus offrir les mêmes avantages qu'il offrait
auparavant, si l'on considère les coûts que cela entraîne:
coûts des arbitres, des recherchistes, etc. et souvent les délais
prolongés dans la durée du délibéré. Donc,
sur l'efficacité même de la procédure d'arbitrage, le
Barreau désire peut-être souligner ses interrogations à ce
point.
Quatrièmement, le Barreau désire souligner fortement que
les pouvoirs de saisie qui sont accordés au ministre aux articles -il y
a différents articles - 5, 85, 93 et suivants - apparaissent pour le
moins disproportionnés par rapport aux obligations qu'ils sanctionnent.
Ainsi déjà, en vertu de l'article 86, un exploitant d'un
établissement a l'obligation de tenir un registre de la provenance du
bois qu'il possède. En appliquant l'article 85, l'exploitant forestier
se verrait encore obligé de divulguer sous serment d'où provient
le même bois. À défaut de le faire, le ministre pourrait
saisir ses biens et en disposer comme il le pense. Le Barreau s'interroge
fortement sur la disproportion qui existe à cet effet-là et
désire aussi mettre en garde les membres de la commission sur la
légalité même de ces pouvoirs, à savoir qu'il n'y a
aucune exigence de motifs sérieux d'avoir effectué une
infraction. Il y a de la discrétion dans la décision de saisir.
Il n'y a aucune autorisation judiciaire préalable qui est exigée.
Donc, il ne faut pas oublier que la saisie est un recours exceptionnel et, de
la façon dont l'article qui octroie les pouvoirs de saisie au ministre
est rédigé actuellement, le Barreau s'est interrogé
fortement pour savoir si, devant les tribunaux, ces dispositions
résisteraient à l'analyse des critères établis par
les chartes québécoise et canadienne en regard des saisies
abusives.
En dernier lieu, j'aimerais souligner l'article 111 de l'avant-projet de
loi où on permet au gouvernement de modifier par voie
réglementaire les omissions qui pourraient se retrouver dans la loi.
Évidemment, le Barreau a déjà exprimé sa position
sur une telle façon de procéder dans des mémoires sur la
réglementation et les techniques de législation. Il ne peut que
manifester son opposition à une telle façon de procéder,
puisqu'il s'agit alors d'une façon détournée de ne pas se
soumettre au processus de modification législative tel
qu'édicté.
Donc, ceci complète en gros les
principaux points sur lesquels le Barreau voulait attirer l'attention de
la commission. Si vous avez des questions, nous sommes là.
Le Président (M. Charbonneau): Nul doute que nous aurons
des questions, madame. Je voudrais saluer Me Ménard et lui souhaiter
bonne chance pour son mandat de bâtonnier.
M. le ministre, c'est à vous d'ouvrir le bal.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Ménard. Il me fait plaisir de vous revoir,
ainsi que vos collègues qui vous accompagnent, Me Daigneault et Me
Vadboncoeur.
Mes premières remarques vont peut-être nous replacer dans
l'ancienne Loi sur tes terres et forêts. Comme expert en la
matière, vous allez l'appréciez. Nous ne l'avons pas mis dans
l'avant-projet de loi. L'article 4 de l'ancienne loi se lisait comme suit: "Le
gouvernement peut passer les arrêtés nécessaires pour
mettre à effet les dispositions de la présente loi, suivant leur
vrai sens, ou dans le but de pourvoir aux cas qui peuvent se présenter,
et pour lesquels il n'est pas établi de dispositions dans la
présente loi." C'était un pouvoir beaucoup plus grand au point de
vue des règlements et de la discrétion que tout ce que contient
l'avant-projet de loi actuel. Je voudrais avoir votre, opinion sur un pouvoir
semblable.
M. Ménard: C'est exact. Maintenant, nous sommes convaincus
que vous vouliez améliorer le présent régime. D'ailleurs,
cette loi poursuit des buts évidents auxquels tous les
Québécois vont souscrire. Maintenant, c'est, justement, parce que
vous vouliez l'améliorer que nous avons cru bon d'aller dans le
même sens que vous. D'ailleurs, pour le Barreau, nous allons dans le
même sens qu'un mémoire que nous avons déjà soumis
sur les techniques de législation qui disait qu'au fond
l'Assemblée nationale devrait déléguer de moins en moins
souvent ses pouvoirs par voie de règlements. C'étaient des
habitudes comme celles-là que nous dénoncions. Je pense que vous
avez fait un pas dans la bonne direction, mais pas aussi grand que nous croyons
que vous devriez le faire. (14 h 30)
M. Côté (Rîvière-du-Loup): Je vous
remercie. La plupart des règlements auxquels on fait
référence dans l'avant-projet de loi, je dirais 90 % et plus,
font actuellement partie des règlements des terres et forêts. En
enlevant celui-là, évidemment, on s'enlève une marge de
manoeuvre extraordinaire. Cet article été utilisé à
quelques reprises dans le passé par le ministère. Cela nous
donnait la chance, comme on dit, "de pourvoir aux cas qui peuvent se
présenter et pour lesquels il n'est pas établi de
dépositions dans la présente la loi." Dans ce temps-là, on
allait loin.
Je vous parlerai maintenant de...
Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le ministre, je voudrais ajouter un
point à ce que le bâtonnier a dit tout à l'heure, il pourra
peut-être compléter. Des pouvoirs qui seraient accordés par
voie réglementaire au gouvernement, il y en a déjà
beaucoup dans l'avant-projet de loi, mais ce qui est inquiétant
également, c'est qu'à plusieurs égards le ministre peut,
en plus des règlements existants, imposer des conditions à des
cas précis. Cela peut être un peu plus inquiétant parce
qu'un exploitant peut faire une demande de permis et remplir les conditions
prévues par règlement et le ministre peut, en vertu de
l'avant-projet de loi, dire: Moi, je vous imposerais des conditions
supplémentaires qui sont X, Y et Z et que vous ne remplissez
malheureusement pas. Donc, je me vois dans l'obligation de vous refuser le
permis en question.
Le voisin, lui, pourrait se présenter et, pour différentes
raisons, le ministre pourrait accorder, cette fois-ci, le permis en question.
Non seulement c'est cette prolifération de règlements, qui peut
peut-être être utile pour l'application de la loi, mais c'est
également la discrétion supplémentaire à ce pouvoir
réglementaire qui est accordée au ministre qui font un peu peur
au Barreau.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Madame, dans
l'avant-projet de loi, on définit et on précise qui sera
admissible pour obtenir un contrat d'approvisionnement et d'aménagement
forestier. Ce n'est pas discrétionnaire. Ce n'est pas par
règlement, non plus. Vous parlez des conditions additionnelles qui
s'ajouteront par la suite. Les conditions additionnelles seront
précisées dans le manuel d'aménagement forestier qui est
le principal des règlements.
Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, je lis, à titre
d'exemple, l'article 81 de l'avant-projet de loi. "Nul ne peut construire un
établissement servant à la transformation du bois et faisant
partie d'une catégorie déterminée par règlement -
cela va sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du ministre -
passe encore -aux conditions qu'il détermine." Cela crée une
série additionnelle de conditions qui ne sont pas nécessairement
portées à la connaissance du requérant et qui risquent de
ne pas l'être en fait. À la suite de leur application, le
requérant peut se voir refuser son permis. Le deuxième
alinéa est dans le même sens, d'ailleurs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai
demandé au service juridique du ministère -on va en discuter avec
plaisir - d'insérer dans la loi tout ce qui est possible comme
règlements ou conditions de façon à répondre aux
aspirations et à sécuriser tous les intervenants forestiers,
ainsi que les investisseurs. Il ne faut pas qu'il y ait de vide
juridique» il faut que ce soit clair. C'est la raison pour laquelle c'est
un avant-projet de loi. C'est pour être capable de recevoir vos
recommandations et d'en tenir compte. C'est ma volonté d'insérer
tout ce qui est possible comme règlements à l'intérieur de
la Loi sur les forêts. Cela fait déjà quelque temps que je
l'ai demandé. Grâce à vos recommandations et à nos
échanges, probablement qu'on en ajoutera d'autres dans la loi, ce sera
plus précis. Remarquez bien que je ne tiens pas à avoir de
discrétion parce que c'est toujours difficile d'exercer une
discrétion. Plus il y aura de règlements, moins il y aura de
discrétion.
Mme Vadboncoeur: D'autant plus, si vous me le permettez, que
l'exercice d'une discrétion par un ministre, quel qu'il soit, ne
s'attache pas à la personne, il s'attache au poste, à la
fonction. Donc, cet exercice risque d'entraîner des contestations
judiciaires pour les raisons que je vous ai données tout à
l'heure. C'est qu'une compagnie pourrait se voir refuser un permis alors que la
compagnie suivante se le verrait accorder, ou vice versa. Il y aurait
peut-être une contestation devant les tribunaux à ce niveau.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous avez fort
probablement raison de nous le signaler, mais cela existait abondamment dans
l'ancienne loi, "aux conditions qu'il détermine." C'était
toujours la fin d'un paragraphe. C'était toujours comme cela que
ça se terminait.
M. Ménard: Oui, c'est une situation qu'on a
continuellement dénoncée et qui est mauvaise pour
l'Assemblée nationale aussi. Si dans une loi vous référez
tout aux règlements et que les règlements réfèrent
tout au ministre ensuite, il y a une érosion du pouvoir
législatif de ceux qui doivent décider. Je comprends que, surtout
dans les cas techniques comme ceux-ci, quand il s'agit de combattre des
épidémies, te ministre a besoin d'interventions rapides. Il nous
semble que cela devrait être, dans la mesure du possible, limité
à ces cas et ne pas avoir cette clause omnibus qui amènera
toujours la tentation de faire des lois très courtes, des
règlements un peu plus longs et, finalement, des directives du ministre
de plus en plus longues. Je comprends que votre première intention comme
nouveau ministre est de faire le contraire. Vous voulez garder le pouvoir
éventuel de boucher les trous qu'on n'aura pas vus à
l'Assemblée.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est sûr
qu'on ne peut pas tout prévoir. Évidemment, pour gérer et
aménager la forêt, il y a des imprévus. Il faut avoir la
possibilité et la liberté de le faire. C'est pourquoi il y aura
toujours un minimum de règlements et de discrétion.
J'en viens à la propriété des bois que vous
signalez dans votre mémoire et à l'acquittement des droits
prescrits. Je ne sais pas de quelle façon cela se réfère
également aux pouvoirs de saisie qu'on veut se donner. Je ne sais pas de
quelle façon on peut assurer que les redevances de l'État seront
payées autrement que de dire: Le bois demeure la propriété
de l'État tant et aussi longtemps que les droits ne sont pas
acquittés. C'est le principal de la question.
M. Ménard: Ce n'est pas tellement ces pouvoirs de saisie
qui nous préoccupent que les pouvoirs de saisie punitifs que vous avez
à la fin de la loi. C'est ceux-là qu'on trouve un peu forts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous dites dans
votre mémoire: "Du moment que le bois est coupé." Quand le bois
est coupé, cela ne veut pas dire que les redevances sont payées.
Si le bois est coupé, il demeure la propriété de
l'État. C'est notre devoir de protéger les redevances de
l'État.
Mme Daigneault: Si vous me le permettez, à l'article 5,
entre autres, on fait référence à un double critère
soit la coupe du bois et l'arrivée à destination. On voyait
difficilement l'application de cela, dans certains cas. Par exemple, si le bois
est coupé par tel concessionnaire qui va le porter à une autre
industrie de transformation, à ce moment-là, si le ministre a des
droits de saisie, de quelque forme que ce soit, si l'industrie a
déjà commencé la transformation en papier de ce bois qui
lui à été livré, le ministre pourrait interrompre
toutes les activités d'un tiers qui n'est même pas partie à
la question des droits de redevances. C'est pourquoi on suggérait que
dans ces cas-là, les règles civiles de saisie du Code de
procédure en main tierce soient applicables. Donc, dans un cas comme
celui-là, les sommes que l'industrie de transformation du bois en papier
devrait donner à notre concessionnaire pour payer la livraison du bois
qu'il a reçu pourraient être saisies par le ministre en main
tierce et lui être versées à ce moment-là. Donc, le
ministre serait autant protégé par cette procédure parce
qu'il recevrait de fait, de l'argent, au lieu de se retrouver avec un lot de
bois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Me
Daigneault, vous réalisez que, attachées au permis annuel
d'intervention, il y a des conditions.
Mme Daigneault: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Évidemment,
ces conditions doivent être respectées. Le paiement des redevances
en est une. La destination des bois en est une autre, de temps à autre.
Le permis est, évidemment, donné à ces " conditions. C'est
pour faire respecter les conditions du permis d'intervention qu'on fait cela.
S'il y a une saisie de faite et que le gouvernement récupère ses
redevances immédiatement, le bois sera libéré.
Mme Daigneault: Exact.
M. Côté (Rivière-du-Loup): La saisie sera
levée. Dans l'ancienne loi, on disait que "le bois marchand coupé
en vertu d'un permis est sujet et affecté au paiement des droits dus
à la couronne aussi longtemps et en tout endroit qu'il peut être
trouvé, qu'il soit encore en billes ou qu'il ait été
converti en madriers, planches ou autrement." On disait: "Tout officier ou
chargé de la perception de ces droits peut suivre, saisir et
détenir ce bois partout où il est trouvé jusqu'à ce
que les droits soient payés et que le paiement soit suffisamment
garanti.
Mme Daigneault: À l'égard de la compagnie
même qui exécute les coupes, etc., le Barreau a souligné
que, probablement, c'était la mesure appropriée que de
procéder à la saisie et de garder ces bois tant que les droits
n'avaient pas été payés. Là où le Barreau
avait peut-être une crainte, c'est dans l'exemple que je viens de vous
donner où des tiers seraient impliqués. Dans notre
mémoire, on a bien souligné que c'est peut-être le bon
moyen de rappeler à l'ordre le concessionnaire en défaut dans des
cas comme cela. C'est juste quand il y a des tiers qui sont impliqués
qu'on désirait souligner ce problème qui pourrait arriver.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous n'assimilez
pas cela, mettons, à quelqu'un qui va acheter des bois? N'est-ce pas son
obligation ou sa préoccupation de s'assurer que les droits ont
été payés, que les redevances ont été
payées? C'est la même chose dans le cas de recel. Si vous
possédez des articles qui ont été volés, du point
de vue légal, il arrive quoi?
M. Ménard: II faut savoir qu'ils ont été
volés.
M. COté (Rivière-du-Loup): Si vous ne le savez
pas?
M. Ménard: Si vous ne le savez pas, vous ne commettez pas
le crime de recel. Et, si vous l'avez acheté d'un commerçant en
semblable matière, en droit civil... D'abord, on va parler de droit
criminel. En recel, le crime est dans l'intention, dans la connaissance et dans
le désir d'accaparer quelque chose qui a été volé.
Mais, en droit civil, quand quelqu'un acquiert quelque chose de ce qu'on
appelle un commerçant en semblable matière - et cela s'applique
particulièrement dans le commerce du bois -on ne peut saisir, si je ne
me trompe, qu'en payant à celui-là ce qu'il a payé, en
l'indemnisant des frais qu'il a encourus. Nous pensons là-dessus...
Remarquez que cette loi-ci n'est pas pire que l'ancienne, je vous l'accorde.
Sur ce point, c'est évident, mais nous pensons que la meilleure
façon est que, justement, le gouvernement s'assure que ces droits sont
payés et non les acheteurs de bois. Je trouve que c'est un fardeau
terrible à mettre sur les acheteurs de bois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une des
conditions, mais il y a aussi la destination qui est une des conditions. Il
faudrait peut-être prendre d'autres mesures pour intervenir, pour les
permis d'intervention, en ce qui concerne la destination, pour ne pas
pénaliser celui qui se porte acquéreur de bois dont les droits ne
seraient pas payés et qui les paierait. Cela irait comme cela? Je n'ai
pas d'autre question pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre? M.
le député...
Mme Vadboncoeur: J'aurais peut-être là-dessus un
petit commentaire à faire sur l'article 50 où on dit que le
ministre peut résilier en tout temps un contrat si le
bénéficiaire fait défaut de payer les droits prescrits. Je
pense qu'on est tous d'accord pour que les droits prescrits soient
payés, mais cela nous semblait un peu drastique, cette annulation
unilatérale. Encore faut-il donner un avis de défaut au
débiteur et lui donner l'occasion de remédier à son
défaut et les résiliations, normalement, ne se font pas de
façon unilatérale. Toute résiliation de contrat doit
être prononcée par le tribunal. Alors, cela complète
peut-être un peu la réponse qu'on a donnée tout à
l'heure.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Au nom' de
l'Opposition, je voudrais remercier M. le président du Barreau du
Québec ainsi que les deux dames qui l'accompagnent. Si vous permettez,
je voudrais vous souligner que je ne suis pas membre du Barreau mais,
cependant, j'accepte très bien ce que vous
avez dit dès le début, à savoir que vous êtes
compréhensifs au fait que, d'un côté comme de l'autre de la
Chambre, il y ait des avocats députés à l'Assemblée
nationale.
D'autre part, comme ancien syndicaliste qui a eu à travailler
avec plusieurs conventions collectives qui étaient souvent très
complexes, sans me déclarer avocat, je peux vous dire que j'ai eu
l'occasion de travailler en réalisant toute la complexité des
conventions collectives et des suites à cause de certains
précédents qui avaient été créés en
jurisprudence. (14 h 45)
D'autre part, puisque vous avez mentionné - à moins que je
ne me trompe -que vous n'êtes pas d'accord avec l'abolition des
concessions forestières sans compensations financières, je peux
vous avouer qu'en ce qui a trait à l'Opposition, là-desssus, nous
sommes parfaitement d'accord, pour une fois, avec le gouvernement pour qu'il y
ait effectivement abolition des concessions forestières sans
compensations financières pour différentes raisons dont une des
principales est, bien sûr, qu'il faut régler un problème
qui existe depuis de nombreuses années. Depuis le temps que l'on en
parle, il faut agir une fois pour toutes au sujet de cette question
précise qui soulève beaucoup d'appréhension dans la
population du Québec. C'est effectivement une volonté populaire
qui s'est exprimée au cours des dernières années de faire
que les concessions forestières soient abolies.
De plus, si l'on veut régler sur le fond le dossier sur la
question forestière, je crois - au nom de l'Opposition - qu'il faut
améliorer nettement ce que nous avons actuellement comme avant-projet de
loi, par le biais d'une loi qui est conforme à l'ensemble de certains
voeux que vous avez exprimés et de certains voeux qu'ont exprimés
d'autres organismes. Il faut faire en sorte, bien sûr, que les fonds
publics qui serviraient à compenser aillent de l'avant et soient mis en
disponibilité pour débourser tout ce qui est nécessaire
afin d'apporter un reboisement très important dans certaines
régions du Québec.
Puisque le ministre délégué aux Forêts a fait
allusion au fait que l'article 109 abolissait l'article 4 de la loi actuelle,
vous me permettrez de vous dire que j'ai certains doutes. C'est le seul
commentaire que je vais faire sur ce que dit le ministre
délégué aux Forêts. Si je me reporte à
l'article 111 de l'avant-projet de loi, pour moi, c'est du pareil au
même. Lorsque je dis "du pareil au même", quand on parle à
l'article 111 de "provisoire et transitoire" et que je ne vois aucune date
relativement à la question provisoire et transitoire, je peux vous dire
que, pour moi, c'est permanent, tant et aussi longtemps que l'article 113 n'est
pas appliqué. La grande crainte que j'ai, comme vous d'ailleurs, c'est
le fait que l'article 113 applique surtout l'ensemble de ce projet de loi par
le biais de la réglementation.
Je voudrais toucher l'aspect réglementation surtout, puisque mon
collègue du comté de Bertrand, comme il a cette
responsabilité, va surtout s'adresser à vous pour ce qui touche
l'industrie. Dans votre mémoire, à la page 21, vous mentionnez
que la grande majorité des règlements aurait pu être
déjà rédigée à l'état de projet et
être présentée au même moment que l'avant-projet de
loi. Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. Plus loin, vous
mentionnez qu'il arrive souvent que des dispositions précises de la
réglementation puissent être inscrites dans la loi
elle-même. Je fais référence à ce que vous avez
mentionné. Là-dessus aussi, nous sommes parfaitement d'accord,
après avoir étudié le projet de loi, à cause de
toute la réglementation et à cause de tous les pouvoirs
discrétionnaires qui sont donnés à l'intérieur de
l'avant-projet de loi. C'est sûr et certain qu'à un moment
donné, surtout s'il n'y a pas de clarification apportée dans la
loi, on va se ramasser devant un vide juridique à cause du laps de temps
qui va s'écouler entre l'entrée en vigueur de la loi et
l'entrée en vigueur des règlements eux-mêmes qui sont des
règlements tout à fait nouveaux, à cause du nouveau
régime forestier que le gouvernement veut appliquer.
D'autre part, vous avez mentionné - je parlais de la
réglementation - l'immense discrétion qui a été
accordée au ministre à toutes les étapes de l'application
de cette nouvelle loi. J'en conviens, et c'est la raison pour laquelle je veux
vous poser les deux questions suivantes. Vous me permettrez, avant, de vous
faire remarquer que, comme ancien syndicaliste ayant eu à travailler sur
des conventions collectives très complexes qui obligeaient, dans
certains cas, des lettres d'entente pour clarifier certains articles, je ne
peux pas faire autrement que d'endosser votre position sur la
réglementation et sur les pouvoirs discrétionnaires du ministre
et du gouvernement.
J'ai deux questions. La première concerne les dispositions
précises qui pourraient être inscrites dans la loi
elle-même. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples
précis concernant des dispositions qui pourraient être inscrites
dans la loi? Remarquez que, si je vous pose cette question, c'est à
cause de votre formation juridique qui pourrait nous permettre, en tant que
parlementaires qui n'avons pas tous votre formation, de nous éclairer
subtantiellement sur la façon dont devrait être amenée la
future loi sur les forêts qui englobera l'ensemble de nos forêts du
Québec.
Mme Daigneault: Si vous me permettez,
si on se réfère à l'article 88, on voit les
domaines où on pourrait procéder par voie législative
plutôt que par voie réglementaire: prescrire les conditions
générales pour accorder les contrats, au paragraphe 8. Dans la
loi, on prévoit, à plusieurs endroits, les conditions selon
lesquelles le ministre peut résilier les contrats, mais on ne
prévoit pas nécessairement les lignes générales
selon lesquelles on peut accorder les contrats. Il est évident que,
quand on entre en négociations avec des exploitants forestiers, il y a
toujours des conditions particulières qui vont s'appliquer, qui devront
être discutées à ce moment-là et qui ne peuvent
probablement pas se retrouver dans la loi. Relativement aux conditions
générales des contrats ou aux conditions de modification des
contrats, le Barreau pensait qu'il y aurait moyen d'établir quand
même des principes de base qui seraient appliqués à tous
les contrats et qui, selon nous, représenteraient les conditions
générales selon lesquelles les contrats pourraient être
octroyés.
M. Ménard: On ne peut pas rédiger cela cet
après-midi, de but en blanc comme cela, car ce n'est pas comme cela
qu'on rédige une loi.
M. Perron: Non, non.
M. Ménard: Ce n'est pas possible.
M. Perron: Non, non, je comprends très bien. D'ailleurs,
ma deuxième question aura rapport à ce que vous venez de
mentionner. Si je comprends bien, madame, vous venez de nous répondre
que, dans la loi elle-même, par le biais de certains articles, on
élimine certains paragraphes de l'article 88 pour les inclure dans la
loi, ce qui enlèverait des pouvoirs réglementaires ainsi que des
pouvoirs discrétionnaires.
Mme Daigneault: Ce qui compléterait la loi et qui en
ferait un outil plus intéressant. À l'article 81 - on en parlait
tout à l'heure... Il y a des façons ou des catégories
déterminées par règlement. On voit souvent dans des lois
des références à des annexes ou, même à
l'intérieur d'une loi, les catégories, les établissements
remplissant tel et tel critère qui sont entérinés par le
gouvernement. C'est dans des articles particuliers, dans quelques articles ou
dans des chapitres qui seraient ajoutés à l'avant-projet de loi.
Au lieu de nous référer à un règlement, on pourrait
retrouver les dispositions pertinentes dans la loi même.
Évidemment, cela se fait dans les cas où il n'y a pas de question
ponctuelle ou quand on ne vise pas une situation particulière. Quand on
parle de conditions générales, etc., ou des pouvoirs du ministre
en telle matière, on n'aurait pas besoin de se référer
à un règlement à ce moment, on l'aurait dans la loi
même.
M. Perron: Merci de votre réponse, madame. Maintenant,
j'en viens justement à ce que vient de soulever M. Ménard, le
président du Barreau du Québec. Je comprends très bien.
Remarquez qu'on ne peut pas cet après-midi, sur le coin de la table,
rédiger des amendements à l'avant-projet de loi qui aient pour
effet de réduire la réglementation et les pouvoirs
discrétionnaires ministériels.
La question que je voudrais vous poser est la suivante. Comme vous
êtes quotidiennement impliqués dans des lois qui contribuent
à créer la jurisprudence dont je parlais tout à l'heure,
soit au niveau syndical ou au niveau juridique, à la suite de
différentes décisions de différents juges de
différentes cours, seriez-vous prêts à recommander, par
écrit, des amendements à l'avant-projet de loi pour qu'on ait une
meilleure loi finale, qui pourraient être transmis à l'ensemble
des membres de la commission, d'un côté comme de l'autre? Je sais
que c'est une question assez coriace à laquelle répondre.
Cependant, je crois que, comme législateur, on devrait obtenir de vous
des précisions très importantes pour ne pas permettre ce que vous
avez mentionné au cours de votre mémoire, ce fameux vide
juridique qu'on craint beaucoup. La réponse est à vous.
Mme Vadboncoeur: Le Barreau du Québec a toujours
été heureux de collaborer avec le législateur dans la
proposition d'amendements législatifs ou réglementaires. Vous
l'avez souligné vous-même, il s'agit d'un contrat substantiel. Je
peux vous dire que le Barreau est disposé à le faire, mais tout
dépend dans quel délai cela devra être fait. Si on nous
demande des amendements législatifs, vous n'êtes pas sans savoir
que cela suppose la formation d'un groupe d'étude et qu'il faudra
nous-mêmes consulter à gauche et à droite, en plus de tous
les autres projets de loi sur lesquels on doit travailler. Cela requiert quand
même un temps assez considérable. Si on dispose du temps voulu, on
est prêt à le faire.
M. Ménard: Je voudrais quand même vous enlever
certaines illusions que vous pouvez avoir sur les qualités qu'a
nécessairement tout avocat. Rédiger des lois...
Le Président (M. Charbonneau): On se fait beaucoup
d'illusions!
M. Ménard: Oui, mais c'est peut-être bon. Comme
cela, vous allez apprécier leur vraie richesse. C'est comme pour les
législateurs. Vous savez, rédiger des lois, ce
n'est pas à la portés de tout avocat. Quand le ministre
parlait d'un vide juridique, je comprends parfaitement. Il voulait s'assurer
que, s'il y a des vides, il aura le pouvoir de les combler quand viendront les
problèmes de l'administration courante.
Mais rédiger des lois, c'est un art, un art qui s'enseigne de
plus en plus mais il y a justement de moins en moins de gens qui sont
prêts. Vous avez les spécialistes. Mais aussi cela dépend
de ce qu'on veut mettre dans une loi. Cela dépend de la volonté
des élus. Rédiger une loi, c'est en fait traduire en termes
juridiques convenables la volonté des élus et ne pas aller
au-delà de la volonté des élus, et aussi la traduire le
plus correctement possible. Pour cela, il faut savoir quelle est votre
volonté politique. Cela suppose que vous faites des choix, cela suppose
que ces choix sont faits par... C'est pour cela que je pense personnellement...
Je suis bien content de savoir que mon directeur du service des recherches est
prêt à prendre de gros contrats, parce que ce n'est pas moi qui
vais rédiger cela. Mais je pense que la meilleure façon, c'est
d'utiliser les avocats qui sont spécialistes de ces méthodes de
rédaction, qui travaillent dans les ministères et qui peuvent
être mis au courant de la volonté du ministre ou du gouvernement
et la traduire dans des lois.
Par conséquent, notre rôle c'est plutôt de vous dire:
Ici, on pense que vous allez trop loin. C'est le cas notamment dans les
pouvoirs de saisie. Non seulement vous allez trop loin, mais vous allez
tellement loin que c'est probablement contre la charte et cela risque
d'être invalidé par les tribunaux et vous ne serez pas plus
avancés. Pour la rédiger la loi, il faut d'abord connaître
votre volonté et ensuite la traduire. Cela, c'est un travail de
spécialiste qui n'est pas à la portée... Je pense que les
gens du service de recherche sont meilleurs que moi là-dessus.
Même là, ce n'est pas à la portée de tout le monde,
de tous les avocats.
M. Perron: M. Ménard, je comprends très bien votre
position et disons que je l'accepte volontiers, parce qu'effectivement vous
avez raison de mentionner qu'il y a des personnes qui sont versées dans
le domaine de la législation, autant au Québec qu'ailleurs, que
ce soit pour les lois québécoises, canadiennes ou
internationales. Rien n'empêche cependant que si vous avez certaines
recommandations à faire parvenir aux membres de la commission se
rapportant à certains articles de la loi, comme l'article 88, par
exemple, qui pourrait porter à confusion par rapport à toute la
réglementation que cela peut inclure, cela nous permettrait à
nous, en tant que législateurs, de corriger certaines situations qui
pourraient éventuellement être aberrantes pour l'ensemble de
l'industrie du sciage au
Québec, l'ensemble de l'industrie des papetières, en fait,
l'ensemble de tout le domaine forestier où on a à corriger
certaines lacunes existantes.
M. Ménard: Cela c'est un contrat qu'on peut prendre.
M. Perron: D'accord. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: M. le Président, nous accueillons avec
beaucoup d'intérêt le mémoire du Barreau du Québec.
Nous remercions M. le bâtonnier et ses deux collègues pour leur
présentation. Dans le passé, vous avez toujours apporté
des suggestions dont les gouvernements ont pris note et qui ont aidé
à bonifier les projets de loi dans lesquels vous êtes intervenus.
(15 heures)
Premièrement, je voudrais vous signaler que, lorsque vous dites
dans votre mémoire qu'il est difficile de mesurer la portée de
l'article 8 parce qu'il se réfère à la Loi sur les terres
qui n'est pas encore déposée, je peux vous assurer que je vais
déposer ce projet de loi au début de l'automne. C'est notre
intention de procéder à l'étude du projet de loi sur les
terres et à l'étude du projet de loi sur le régime
forestier avant l'adoption du présent projet de loi.
En ce qui concerne vos commentaires sur l'article 111, je serais
porté à croire qu'il faudrait peut-être y apporter des
modifications parce que cela soulève évidemment des
problèmes qui pourraient être assez sérieux concernant
toute l'approche, tous les droits qui seraient conférés et
l'ouverture à certains abus. Je crois que je partage un peu vos
préoccupations.
Vous avez mentionné que certains droits du projet de loi sont
plutôt de la nature du droit judiciaire que législatif. Cela me
préoccupe parce que je crois qu'il y a une distinction à faire
entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. À moins
qu'il y ait vraiment des raisons d'urgence, je pense qu'on devrait garder les
deux pouvoirs complètement séparés. Je voudrais que vous
me donniez des exemples du pouvoir judiciaire contenu dans le projet de loi. Je
sais que vous avez soulevé l'article 50 qui dit que le ministre peut
résilier en tout temps un contrat. Est-ce que ce n'est pas le ministre
comme cocontractant, et non pas le ministre à titre de ministre
délégué aux Forêts? Autrement dit, ce pourrait
être le sous-ministre. On aurait pu dire: Le sous-ministre ou celui qui
signe le contrat pour le ministère. Est-ce que ce n'est pas une clause
qui se trouve dans tout contrat? Entre
vendeur et acheteur, on insère souvent des clauses disant que,
advenant tel ou tel cas, le vendeur peut résilier le contrat. Cela
n'enlève pas, à l'article 50, le droit d'aller devant les
tribunaux. On ne dit pas dans l'article 50: Vous ne pouvez pas aller devant les
tribunaux. Pourriez-vous préciser un peu plus, donner des exemples
où il y a un pouvoir judiciaire attribué au ministre dans le
projet de loi?
Mme Daigneault: À l'article 50, encore plus si le ministre
est considéré comme un cocontractant, devrait-il faire
sanctionner l'annulation du contrat par les tribunaux judiciaires. Une
constatation doit être faite que les conditions n'ont pas
été rendues, et on n'a pas à décider
nous-mêmes qu'il n'y a plus de contrat. Donc, c'est dans ce sens qu'on
disait que, dans des cas comme celui-là, il y avait des pouvoirs
judiciaires attribués au ministre.
Il y a d'autres cas, entre autres à l'article 27 quand on parle
des modifications aux aires d'exploitation, où on donne au gouvernement
la possibilité de fixer une indemnité équitable. C'est
évident que si l'indemnité fait l'affaire des deux parties, si,
en contrepartie, le concessionnaire se trouve bien compensé, il n'y aura
pas de contestation. Dans un cas où il y aurait une dissension entre les
parties, en dernier lieu, c'est le gouvernement qui va statuer que c'est une
indemnité équitable, alors que c'est un critère de la
nature de ceux qui pourraient être attribués normalement par les
tribunaux judiciaires.
M. Ciaccia: Même dans Particle 27, quand on se
réfère à une indemnité équitable, est-ce
que, par implication, ce n'est pas vraiment un droit qu'on donne de s'en
référer aux tribunaux? Si ce n'est pas équitable qui
déterminera? Si l'autre partie se sent lésée, le
concessionnaire ou l'autre qui n'a pas eu d'indemnité
équitable... Il n'y a rien dans le projet de loi qui dit qu'on
enlève les recours. On voit souvent dans certains projets de loi qu'un
article enlève les recours devant les tribunaux et cela va être la
décision finale du ministre dans certains projets de loi. C'est pour
certains cas spécifiques. Ici, on ne le voit pas. C'est pour cela que
j'essayais de comprendre votre commentaire et peut-être de
suggérer qu'on ne s'attribue pas vraiment des pouvoirs judiciaires parce
que, si finalement un concessionnaire ou une des parties se sent
lésée, sent que le ministre a agi arbitrairement, elle pourrait
toujours aller devant les tribunaux.
Deuxième question: En ce qui concerne l'article 101, avez-vous
analysé la nature des droits qu'on révoque? Vous mentionnez,
à juste titre, qu'il y a une révocation de certains droits.
Est-ce que les droits qui existent - parce que les concessions sont
renouvelables à tous les ans - ce sont des droits qui sont un peu
précaires? Autrement dit, est-ce que vous avez vraiment analysé
la nature des droits qui sont révoqués?
Mme Daigneault: En fonction de l'article 101 ou...
M. Ciaccia: Oui.
Mme Daigneault: ...de l'article 104, de la révocation des
concessions? Si on parle de l'article 101, on parle des privilèges.
M. Ciaccia: Non, mais on dit à l'article 101 que "tout
privilège, hypothèque ou droit réel (...) sont
éteints de plein droit". Est-ce que vous avez analysé la nature
des droits qui sont éteints? Parce qu'il y a des droits existants.
L'article 101 les éteint. Est-ce qu'on éteint quelque chose qui
vraiment existe? Est-ce qu'il y a des droits réels ou si ce sont
vraiment des droits précaires?
Mme Daigneault: Si vous me permettez, je pense que du point de
vue de l'article 101 on ne parle pas des droits qui existent entre le ministre
et le bénéficiaire du contrat. On parle vraiment des droits des
tiers qui ont négocié de bonne foi des ententes et qui ont des
hypothèques ou des droits réels en fonction des contrats de
financement. Donc, à ce moment, l'entente entre le
bénéficiaire et le créancier est vraiment réelle.
Je pense que dans ce cas on ne peut pas parler de droits précaires. Cela
se rattache vraiment aux infrastructures de la compagnie. S'il y a un
nantissement sur les biens mobiliers, cela s'attache aux biens mobiliers de la
compagnie, etc. Dans ce sens, ce n'est pas rattaché au droit
d'exploitation forestière que le ministre va accorder dans l'entente
avec le bénéficiaire.
M. Ciaccia: Je pense que vous avez raison en ce qui concerne les
droits des tiers, les droits de financement. Je pensais plutôt aux droits
de fond du concessionnaire.
Mme Daigneault: Le droit d'exploiter la concession. Je ne pense
pas que dans le cas de l'article 101 ce soit... En tout cas, pour nous, quand
on parle de "privilège, hypothèque ou droit réel grevant
un droit de coupe," cela implique, à ce moment, les tiers.
Le Président (M. Charbonneau): À ce moment-ci, je
demanderais le consentement de3 membres de la commission. Je pense que le
ministre, de toute évidence, a encore quelques questions.
M. Ciaccia: Combien de temps?
Le Président (M. Charbonneau): Cela dépend de ce
dont vous avez besoin. Il reste huit minutes du côté de
l'Opposition. On m'indique que ces huit minutes sont un peu serrées. On
peut faire une entente à savoir que vous preniez quelques minutes de
plus. Cela donnera un peu plus de temps du côté du
député de Bertrand.
M. Ciaccia: Si vous pouviez me donner le loisir de poser une
autre question.
Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de
problème.
M. Ciaccia: Consentement pour une autre question?
M. Théorêt: Le temps que vous allez prendre pour une
autre question, l'Opposition va le prendre après. C'est ce qu'on vient
de nous dire. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, en autant que
l'Opposition aura le même temps supplémentaire.
Le Président (M. Charbonneau): Par
expérience...
M. Ciaccia: Nous sommes magnanimes. Nous ne voulons pas enlever
du temps à l'Opposition. Nous sommes magnanimes. J'aurais donc
aimé avoir ces concessions, ce traitement, quand j'étais dans
l'Opposition. La volonté du peuple. Je ne peux aller contre la
volonté du peuple.
Le Président (M. Charbonneau): N'ouvrez pas une canne de
vers, M. le ministre. On est peut-être mieux d'en rester au bois et aux
méandres juridiques cet après-midi.
M. Ciaccia: Je voudrais poser une autre question sur les pouvoirs
de saisie. Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous faites part de vos
réticences face à la rédaction des articles 85, 86, 93 et
94. Vous soulevez que ces dispositions ne semblent pas respecter les chartes
canadienne et québécoise des droits, ce qui pourrait donner lieu
à la contestation de leur validité. Tout en vous rappellant que
plusieurs de ces dispositions se trouvent dans la loi actuelle, est-ce que vous
pourriez préciser votre pensée à ce sujet et me donner un
peu plus de détails?
M. Ménard: Si vous commencez à l'article 93,
dès qu'il y a du bois que l'on voudrait saisir qui est mêlé
à d'autres bois, cet autre bois devient saisissable. Je trouve que c'est
y aller un peu fort, sans compter que plus loin on verra qu'il appartient
à celui qui est saisi de prouver que son bois n'est pas dans une
catégorie saisissable. À l'article 94, on prévoit la
procédure très sommaire à partir de laquelle on peut
saisir du bois: Tout employé du ministère faisant partie d'une
catégorie déterminée à cette fin par le ministre
peut saisir les bois coupés, déplacés ou enlevés
sans permis sur les terres ou à l'égard desquels il y a des
droits qui n'ont pas été acquittés et les mettre sous
bonne garde. On peut saisir également les véhicules, les
instruments ayant servi à commettre l'infraction. Cela toujours avec
l'idée que l'article 96 dit qu'il incombe à celui dont le bois
est saisi de prouver qu'il détient un permis et que les droits prescrits
ont été acquittés. Donc, il incombe à celui qui se
trouve à avoir dans sa pile de bois un petit peu de bois sur lequel les
droits n'auraient pas été acquittés ou à tout le
moins sur lesquels on prétend que les droits n'ont pas été
acquittés, d'établir que ses camions ne doivent pas être
saisis, que sa machinerie ne doit pas être saisie par un simple
employé du ministère. Généralement, les saisies de
ce type se font après autorisation judiciaire sur au moins la signature
d'un affidavit ou d'une déclaration sous serment que des motifs
raisonnables et probables de croire à un certain état de faits
justifient la saisie. On trouve que ces pouvoirs seraient vraisemblablement
jugés comme exorbitants et constitueraient certainement une infraction
à l'article 8 de la déclaration canadienne des droits,
c'est-à-dire que ce serait probablement jugé comme une saisie
abusive.
M. Ciaccia: Est-ce que ces droits du gouvernement n'existent pas
maintenant? Ce sont des droits qui peuvent exister dans d'autres lois. Est-ce
que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a ces
mêmes droits? Est-ce que vous avez constaté dans votre
expérience des difficultés dans le passé à
l'application de ces droits? Est-ce quelque chose de nouveau?
Mme Daigneault: Si vous me permettez, entre autres, il y a la Loi
sur les transports, je pense, qui établit des dispositions semblables.
Cette loi, entre autres, se réfère à des critères,
c'est-à-dire qu'il doit y avoir des motifs sérieux de croire
qu'une infraction a été commise à l'égard de la
loi, etc. On ne fait pas que faire référence à des
inspecteurs, on détermine dans ces cas Ies fonctionnaires qui peuvent
procéder à la saisie, soit des agents de la paix ou des membres
de la Sûreté du Québec, etc., qui peuvent stopper sur une
route des camions s'il y a des infractions qui ont été commises
à la loi. Ce sont des critères de cette sorte qu'on ne retrouve
pas dans l'article actuel qui nous font craindre qu'à ce moment ce soit
considéré comme étant trop large par les tribunaux et qui
nous font craindre que, si jamais cette saisie est contestée, la
façon dont le pouvoir de saisie est accordé ne résisterait
pas aux attaques qui seraient
portées. On ne parle pas à ce moment du droit du ministre,
soit le droit de contrôler les bois qui sont déplacés sans
permis ou, comme on disait tout à l'heure, des redevances qui n'avaient
pas été payées. Sauf que, dans la façon de le
contrôler, il y aurait peut-être lieu d'établir des
critères un peu plus précis, de façon que les juges qui
auront à analyser la façon dont la saisie s'est effectuée
puissent se référer à des critères bien
établis. C'est dans ce sens que les pouvoirs de saisie nous
apparaissaient exorbitants. (15 h 15)
M. Ciaccia: Alors, si je vous...
M. Ménard: La réponse à votre question,
c'est oui. Il y en a dans d'autres lois. Vraisemblablement, au fur et à
mesure que les avocats y verront des difficultés et auront des clients
qui ont intérêt à le contester, ils vont le contester en
vertu de la charte. C'est un avertissement qu'on vous donne à l'avance.
Les contestations en vertu de la charte sont relativement récentes,
même en lois provinciales, en vertu de la déclaration canadienne
des droits. Mais vous ne seriez vraiment pas avancés si - c'est dans
l'intérêt du ministre aussi éventuellement vous aviez une
contestation en vertu de la charte et qu'elle était maintenue par les
tribunaux; vous vous trouveriez à perdre des droits de saisie qui sont
importants pour l'application de la loi. Ils sont tellement importants que,
à notre avis, ils devraient être rédigés de
façon à passer éventuellement le test de la charte.
Mais, vous avez raison, M. le ministre, dans d'autres lois, il y a des
dispositions semblables, actuellement, au Québec.
M. Ciaccia: Si je comprends les propos de Mme Ménard,
c'est que vous vous ne... Excusez-moi, c'est Mme Daigneault. Ce à quoi
vous vous opposez, ce n'est pas à accorder ce droit, mais à la
façon dont il est accordé. Autrement dit, le gouvernement, le
ministère, le ministre pourrait avoir les droits qui sont
proposés dans le projet de loi, mais vous voudriez les contraindre un
peu mieux, les baliser, modifier la rédaction de cesdits articles. Vous
ne vous opposez pas au droit qui est accordé, au fond.
M. Ménard: Plus précisément, si vous voulez,
en langage juridique, je dirais qu'il est nécessaire que le ministre ait
des pouvoirs de saisie. Cependant, les pouvoirs de saisie qui sont
accordés ici sont tellement vastes, imprécis qu'ils risquent de
ne pas passer le test de la charte devant les tribunaux. Le ministre risque
donc de les perdre, alors que dans toute loi il doit y avoir un
élément punitif et il doit y avoir des moyens d'appliquer les
règlements. Dans ce sens-là, ce que je vous dis, c'est que le
ministre a besoin de pouvoirs de saisie, mais ceux-ci sont trop larges, il
risque de les perdre tous s'il les garde dans ce langage. Même là,
on est d'accord avec la charte et on trouve que c'est
exagéré.
M. Ciaccia: Merci.
Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez un commentaire
supplémentaire là-dessus. La façon dont la section 2, donc
les articles 93 et suivants sont rédigés, ils sont
insérés dans le chapitre VI qui s'intitule "Dispositions
pénales"... Or, on ne sait pas si les saisies vont se faire en vertu du
droit pénal ou du droit civil, parce que c'est dans la section des
dispositions pénales; par contre, les contestations aux saisies se font
en vertu du Code de procédure civile. Alors, si on veut mettre les
pouvoirs de saisie dans un contexte pénal, il y aurait peut-être
lieu d'ajouter, comme critère, justement, s'il y a des motifs
raisonnables de croire qu'une infraction a été commise ou...
Si on place plutôt les saisies dans un contexte civil, à ce
moment-là qu'on se réfère au Code de procédure
civile, mais là il y aura soit une autorisation judiciaire, soit au
moins un bref de saisie qui sera émis à la suite de la production
d'un affidavit.
Alors, il faudrait savoir où on se situe, au niveau pénal
ou au niveau civil.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre? M.
le député de Bertrand. Vous avez huit minutes plus onze.
Une voix: Dix-neuf!
M. Parent (Bertrand): Alors, je n'en abuserai pas. Je vous
remercie beaucoup. Étant donné qu'il y a plusieurs questions qui
ont reçu réponse de la part des membres du Barreau à la
suite des questions du ministre de l'Énergie et des Ressources, je
m'attarderai moins sur certains points malgré qu'il me reste encore
quatre ou cinq questions à poser.
De façon générale, je pense que je peux dire qu'on
partage, en tout cas de ce côté-ci, au plus haut point, le rapport
que vous avez déposé devant la commission, en ce sens que vous
allumez des lumières rouges importantes qui, j'espère, vont
être prises en considération par le gouvernement, à savoir
que, essentiellement, se trouvent à l'intérieur de l'avant-projet
de loi des trous mais, par contre, se trouvent aussi des pouvoirs très
grands et beaucoup de réglementation.
Sans faire de politique, veuillez me croire, on se rend compte en tant
qu'homme politique, et cela vaut certainement pour le ministre, que, même
si on a la volonté d'aller contre la déréglementation,
d'aller contre une réglementation, devrais-je dire, beaucoup plus
accrue, il reste que l'avant-
projet de loi, à mon avis, est un bel exemple que, même si
on ne veut pas tellement de règlements, on se ramasse avec beaucoup de
règlements. Les exemples que vous avez apportés sur plusieurs
articles, je prendrai quelques exemples tantôt, en témoignent de
façon importante.
Votre passage ici, à la commission, s'avérera très
important si les avertissements que vous avez servis aux membres de la
commission et au gouvernement peuvent être retenus. On ne peut pas, en
l'espace d'une heure, vous en conviendrez, passer dans tous les dédales
et essayer d'avoir, de votre part, toutes les recommandations.
Moi, ce que je retiens et ce que j'aimerais que la commission puisse
retenir, c'est que nous avons, à partir de vos commentaires, à se
poser beaucoup de questions quant à cette latitude. Je n'accepte pas, de
la part du ministre délégué aux Forêts, qu'il nous
dise: C'était comme cela avant. Je comprends, c'est une belle excuse. Je
pense qu'on est là pour faire avancer les choses. La nouvelle loi, comme
vous l'avez mentionné, c'est une loi qui devrait être la plus
parfaite possible.
Sans compter que les pouvoirs discrétionnaires qui sont
donnés, soit par réglementation ou autre de la part du ministre,
risquent de le placer dans une position délicate. Lorsqu'on se ramasse
avec beaucoup de décisions à prendre et qui ne sont pas vraiment
du ressort politique, je pense que cela pourrait placer le gouvernement
à l'intérieur de ce projet de loi - c'est ce que j'ai retenu de
votre rapport - dans une position qui est déjà un peu
délicate.
Dans le cas spécifique de l'article 22, où vous donnez un
exemple - il n'en a pas été question - de l'utilisation du terme
"notamment"... On ouvre une grande porte à ce moment. Je relis l'article
22, deuxième paragraphe: "Ce volume est établi par le ministre
pour la durée du contrat en tenant compte notamment du volume moyen..."
L'attention que vous portez, l'exemple que vous donnez dans votre
mémoire et qu'il faut bien comprendre, c'est que cela ouvre une porte.
Entre autres: notamment en tenant compte du volume des bois. Cela peut laisser
présumer sur ces expressions qui sont utilisées...
Peut-être sont-elles utilisées ailleurs, mais ce que j'y
comprends, c'est que cela ouvre des grandes portes et cela pourrait amener, de
la part du ministre, certainement à être beaucoup plus
spécifique à l'intérieur du projet de loi.
À l'article 25 aussi, on se retrouve avec l'expression "sur un
même territoire" à laquelle vous faites allusion. Une
réponse, peut-être, pourrait m'être donnée à
la suite de cette question: Est-ce que, accompagnant la loi, il y aurait
possibilité d'avoir une carte sur laquelle sont bien
déterminés les territoires de façon qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté concernant les allocations quant à l'expression
"sur un même territoire"?
Au sujet de l'article 81, pour passer rapidement, on en a discuté
tantôt, je pense que c'est un des articles qui montre, de façon
très spécifique, avec les derniers termes, qui donne
"l'autorisation du ministre aux conditions qu'il détermine"... C'est un
autre bel exemple. Je pense que le ministre lui-même ne voudrait pas se
ramasser avec ces problèmes demain matin et avoir à donner tous
les éclaircissements quant aux autres conditions à être
déterminées.
Relativement aux articles suivants, 85, 86, 93 et 94, vous dites qu'ils
sont des pouvoirs disproportionnés en regard des obligations. En les
relisant et à partir des explications que vous avez données
tantôt concernant les pouvoirs de saisie, je suis de votre avis. Les
commentaires apportés tantôt par le ministre semblaient ne pas
aller dans le même sens. Mais je peux vous dire qu'essentiellement c'est
de donner beaucoup de pouvoirs concernant l'étendue des
dégâts qu'il pourrait y avoir, si je puis m'exprimer ainsi.
Enfin, là aussi, je pense qu'il devrait y avoir des corrections
à l'article 101, dont on a aussi discuté brièvement
tantôt. En fait, c'est une autre question que je vous adresse: Est-ce
qu'il serait possible de penser mettre en annexe de la loi un contrat type qui
pourrait prévoir plusieurs des clauses et des règlements et qui
pourrait être inclus comme faisant partie intégrante de la loi,
étant donné la grande complexité de l'application?Est-ce que c'est quelque chose de pensable, d'utilisable, de
réalisable? Si oui, je pense qu'on pourrait y travailler de façon
que, lorsque le projet de loi viendra ici dans sa version finale, il puisse
être présenté devant la commission. Tant qu'à la
proposition qu'a faite tantôt mon collègue, le
député de Duplessis, de faire appel à l'expertise du
Barreau, je dois dire que j'aimerais beaucoup que le travail se fasse par les
gens à l'intérieur, comme cela se fait habituellement, mais qu'il
soit un peu colligé et travaillé en étroite collaboration
avec vous autres, de façon que vous puissiez apporter ce que
j'appellerais l'expertise finale, pour éviter qu'il y ait trop de trous
et que vous puissiez aller de l'avant avec cela parce que ça me semble
quelque chose de très lourd. Cela pourrait créer certains
précédents quant aux demandes qu'on pourrait faire au Barreau
éventuellement pour rédiger ou recorriger certaines lois. Cela me
semble important que vous apportiez le maximum de lumière, mais dans les
versions finales à partir de l'éclairage que vous nous avez
apporté.
Je termine mes commentaires et mes questions avec l'article 111.
Là-dessus, le ministre de l'Énergie et des Ressources semblait
être d'accord avec vous autres aussi. Je sui3 d'emblée d'accord
que c'est
une très grande porte qui est ouverte là, une
espèce de clause qui ramasse tout, qui permettrait... Pour les fins de
ceux qui ne l'ont pas à portée de la main, je vais le lire: "Le
gouvernement peut, par règlement, prendre toute autre disposition
provisioire et transitoire permettant de suppléer à toute
omission pour assurer l'application de la présente loi." C'est une
clause fourre-tout, si vous me passez l'expression, mais qui est une arme
à deux tranchants, ce qui veut donc dire, à toutes fins utiles,
que le gouvernement pourrait par cela remettre en question plusieurs autres
articles ou omissions à l'intérieur de la loi et venir,
même à l'intérieur de cet article, peut-être en
contradiction avec d'autres éléments.
Je termine en vous disant que ce que je retiens de ce
côté-ci, c'est essentiellement des avertissements sérieux
qui ont été faits de façon très professionnelle. Je
dois dire que l'ensemble des autres mémoires qui ont été
présentés à ce jour étaient beaucoup plus sur te
fond et non pas sur tout l'aspect technique et l'aspect juridique. De
là, votre expertise et votre son de cloche deviennent de plus en plus
importants. Je pense que le gouvernement et le ministre devraient prendre en
sérieuse considération ces différentes demandes pour
s'assurer, en tout cas, que les points que vous apportez soient au moins
regardés de très près. Peut-être avez-vous certaines
réponses par rapport aux points que j'ai mentionnés?
Mme Vadboncoeur: M. le Président, en ce qui concerne la
carte qui pourrait être annexée au projet de loi, il ne nous
appartient pas, au Barreau, je pense, de déterminer si on veut d'une
carte ou pas et comment elle se fera, d'autant plus que notre mémoire
s'interroge d'ailleurs sur la signification de l'article auquel vous avez fait
allusion tout à l'heure, M. le député. Quand on cite
l'expression "même territoire"...
Une voix: L'article 25. (15 h 30)
Mme Vadeboncoeur: L'article 25. On s'interrogeait nous aussi
à savoir si c'était le même territoire au point de vue des
limites territoriales ou si un recoupement de territoires était
également visé par cela. Donc, si on se pose la question
nous-mêmes, on serait bien malvenus de faire une carte et de l'annexer au
projet de loi. Je pense que la question pourrait s'adresser au ministre.
Quant au contrat type, encore là, je pense qu'il nous est
difficile, au Barreau du Québec, même dans un esprit de
collaboration avec les gens du ministère, de déterminer un
contrat type, alors que l'on n'a pas la version finale, ni les intentions
politiques finales du gouvernement à l'égard du projet de
loi.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, j'aurais un
commentaire bref à faire là-dessus. Les deux questions concernant
l'annexe et la carte étaient beaucoup plus adressées à
vous dans le sens de la faisabilité et de l'acceptabilité comme
telles pour voir cela en annexe, étant donné que c'est quelque
chose qui pourrait apporter beaucoup d'éclaircissements. Bien sûr,
la réponse politique, je pense que le ministre pourra nous la donner.
C'était votre version sur le plan de l'acceptabilité et de la
faisabilité...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Bertrand. Pardon?
Mme Vadboncoeur: J'aurais un commentaire additionnel à
ajouter sur le contrat type. Vous savez que les annexes à des lois font
partie intégrante de la loi. J'ai beaucoup d'hésitation à
mettre un contrat type comme partie intégrante d'une loi parce qu'il
peut exister, comme dans tout autre contrat, des clauses à ajouter.
Enfin, vous savez comme moi qu'un contrat est fait par deux parties et que
c'est la loi des parties qui les guide, finalement. Alors, mettre un contrat
type en annexe à la loi m'apparaîtrait un peu délicat parce
que j'ai l'impression que cela mettrait dans un carcan les gens qui auront
à s'en servir.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Bertrand. Je cède maintenant la parole au
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. C'est sûr que les
membres de la commission vont attendre avec impatience les suggestions que vous
pourrez faire éventuellement, au cours des prochaines semaines, quant
à certains amendements. Nous allons effectivement tenir compte des
amendements que vous allez nous proposer, tout en sachant très bien que
vous avez un laps de temps assez court face aux objectifs du gouvernement se
rapportant au projet de loi final qu'il veut déposer, si possible, au
début de la session afin que cela soit réglé avant le 31
décembre 1986. Quant à nous, nous sommes prêts à
attendre, je peux vous l'assurer. Avec un projet de loi-cadre comme
celui-là, il faut absolument que nous ayons une loi qui soit potable,
une loi qui soit conforme aux objectifs du livre blanc, objectifs qui ont
même été endossés par l'actuel gouvernement.
Je tiens, au nom de l'Opposition officielle, à vous remercier, M.
Ménard, comme président du Barreau du Québec, ainsi que
vos deux collègues qui vous ont accompagné au cours de cette
période où nous avons entendu votre organisme qui, pour
nous, a beaucoup d'importance, en particulier sur le plan de la
législation du Québec. Merci à vous trois.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis. Au nom des membres de la commission, nous
nous excusons auprès des gens qui sont debout. Nous avons fait une
demande; si une salle plus grande se libère -il y a plusieurs
commissions qui siègent simultanément - nous vous inviterons
peut-être à y aller afin que tous les gens puissent s'asseoir. En
attendant, nous nous excusons. Je cède maintenant la parole au ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
bâtonnier Ménard, Mme Daigneault, Mme Vadboncoeur, au nom de mes
collègues, il me reste à vous remercier de votre participation
à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. C'est un avant-projet de loi qui est important. Il est tellement
important que, nous, du parti gouvernemental, avons jugé qu'il
était nécessaire de recevoir les meilleures recommandations des
groupes intéressés à la forêt et à
l'économie du Québec, ainsi que des groupes
intéressés à l'utilisation polyvalente de la
forêt.
Vous pouvez vous imaginer qu'à la suite des recommandations que
vous nous faites sur les différents articles de l'avant-projet de loi
nous passerons, le ministre de l'Énergie et des Ressources et
moi-même, de nombreuses et longues heures le mois prochain avec les
conseillers juridiques du ministère pour tenir compte de vos
recommandations en vue d'améliorer ce projet de loi.
On constate qu'il y a eu une évolution très marquée
depuis quelques années seulement. Il y a un temps où on
rédigeait des lois et où on laissait beaucoup de pouvoirs
discrétionnaires. Aujourd'hui, on en laisse moins. On fait aussi
attention aux droits des personnes. On fera évidemment une
révision en profondeur et nous allons travailler fort pour tenir compte
de vos recommandations et pour faire en sorte que ce soit une loi
modèle. Je vous remercie encore tous les trois de votre
participation.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. De mon
côté, je voudrais remercier le Barreau du Québec et je puis
vous assurer que nous allons prendre très au sérieux les
recommandations que vous avez faites.
Nous réalisons que, dans plusieurs cas, certains articles peuvent
ouvrir la porte à des abus. Je crois que c'est le rôle du
législateur d'essayer autant que possible de limiter ce genre de clause
pour rendre une loi aussi claire que possible et pour définir les droits
des personnes qui seront affectées. Le problème que nous allons
avoir, c'est que nous sommes dans un nouveau régime forestier. Alors,
comment marier les exigences d'un nouveau régime qui n'a pas encore
été mis en application et qui soulève plusieurs questions
avec les suggestions que vous faites? Vous pouvez être assurés que
nous allons regarder cela très sérieusement et apporter des
modifications pour resserrer le projet de loi afin de protéger tous ceux
qui en seront affectés.
Le Président (M- Théorêt): Merci, M. le
ministre. Mesdames, messieurs, merci de votre présence ici et bonne fin
de journée.
J'invite maintenant l'Association des banquiers canadiens à
prendre place à l'avant, s'il vous plaît!
M. Humberto Santos, qui êtes le président, je vous invite
à nous présenter vos collègues. J'en profite pour vous
rappeler que vous avez douze minutes pour la présentation de votre
mémoire et que chaque formation politique dispose de 24 minutes pour
échanger avec vous. Je vous cède maintenant la parole.
Association des banquiers canadiens
M. Santos (Humberto): Merci, M. le Président. À mon
extrême gauche, Me Pierre D'Etcheverry, de la Banque Royale; à ma
gauche, Me Wilbrod Gauthier, conseiller juridique de l'association; à ma
droite, Me SDFerron, de l'association des banquiers et, finalement, M. Carol
Charbonneau, de la Banque Nationale. Je suis moi-même de la Banque
Nationale.
M. le Président, MM. les ministres et MM. les membres de la
commission parlementaire, au nom du comité du Québec de
l'Association des banquiers canadiens, je suis très heureux de vous
présenter les grandes lignes du mémoire que nous vous avons
envoyé il y a déjà quelque temps.
En sommaire, l'Association des banquiers canadiens est totalement
d'accord avec le principe de la réforme proposée, mais elle
craint que certaines dispositions de i'avant-projet mettent en péril les
garanties détenues par les institutions prêteuses sur les biens
des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et ceci
pourrait avoir comme résultat direct de forcer les institutions
financières à restreindre considérablement leurs
politiques de crédit aux entreprises forestières. Leur
développement pourrait donc en souffrir.
De plus, connaissant globalement l'aspect économique de
l'industrie, nous voudrions vous dire que la rentabilité de l'industrie
forestière risque d'être compromise par les coûts et les
responsabilités immédiates qui sont proposés
par l'avant-projet de loi. L'impact de ce possible manque de
rentabilité ou rentabilité réduite est important. Tout
d'abord, les coûts d'opération plus élevés
pourraient rendre les compagnies québécoises moins
compétitives dans un marché qui est déjà
très compétitif et ensuite, sans doute, cela pourrait amener une
baisse de la demande pour le bois québécois, ce qui pourrait
amener une hausse du chômage dans l'industrie.
Nous suggérons que les mesures soient mises en place de
façon progressive afin de permettre aux compagnies forestières de
minimiser les impacts sur leur rentabilité et de prendre
l'expérience pour accomplir efficacement les activités
prévues dans l'avant-projet de loi. Le mémoire que nous avons
présenté se réfère spécifiquement et en
détail à des articles de l'avant-projet. Nous aimerions
maintenant les commenter brièvement.
L'article 5 et le droit de suite du ministre. Étant donné
que ce sont les institutions prêteuses qui financent, en
définitive, les coupes du bois, l'association demande que l'article 5
soit modifié afin que le droit de propriété sur le bois
passe au bénéficiaire du contrat d'approvisionnement dès
sa coupe pour pouvoir être donné en garantie et que le droit de
suite du ministre soit retranché de la loi.
L'article 19 et la cession en garantie des contrats d'approvisionnement.
Étant donné que ni l'avant-projet de loi, ni le projet de contrat
d'approvisionnement ne prévoient !a possibilité d'une cession en
garantie d'un tel contrat, l'association demande que la cession en garantie
soit clairement autorisée dans la loi et dans le contrat. L'article 19
devrait également prévoir le droit du créancier de faire
enregistrer cette cession et de disposer du contrat advenant le défaut
du débiteur ainsi que les modalités de fonctionnement du
système d'enregistrement des actes affectant le contrat.
D'autre part, l'ABC, l'Association des banquiers canadiens, est d'avis
que le contrat d'approvisionnement dans son ensemble n'est pas suffisamment
précis et demande d'être consultée lors de
l'élaboration du texte final de ce document. Si possible, l'ABC demande
que le texte du contrat apparaisse en annexe de la loi afin d'en assurer la
pérennité.
Les articles 59 à 80 sur la protection des forêts. En
matière de protection des forêts, l'ABC est d'avis que le
gouvernement doit éviter de faire supporter par les entreprises
forestières toutes les responsabilités et les charges
financières découlant de la réforme afin de ne pas
compromettre la rentabilité de ces entreprises. Comme je le disais tout
à l'heure, un processus progressif serait beaucoup plus acceptable.
L'article 93 et la saisie du bois. Afin de ne pas mettre injustement en
péril les garanties détenues par les institutions
prêteuses, l'ABC demande que l'article 93 soit modifié afin de
permettre au prêteur de' faire opposition et de soustraire à la
saisie, sur présentation d'une preuve satisfaisante, le bois autre que
celui visé à l'article 93 et affecté d'une garantie
lorsque ce bois est mêlé à du bois de la forêt
publique faisant l'objet d'une infraction à la loi.
L'article 94 et la saisie des véhicules et autres instruments.
L'association est d'avis que l'article 94 contrevient à la Charte des
droits et libertés de la personne et met en péril les garanties
détenues par les institutions prêteuses en permettant au ministre
de faire saisir et vendre le bois, les véhicules et les instruments du
bénéficiaire d'un contrat sans autre forme de procès.
L'association demande donc que toute saisie pratiquée par le ministre
soit sujette aux règles prévues à cet effet au Code de
procédure civile.
L'article 97 et le droit d'opposition; L'association demande plusieurs
modifications à l'article 97. Tout d'abord, cet article devrait
établir une procédure claire et efficace permettant aux
prêteurs détenant des sûretés enregistrées
auprès du ministre sur les biens faisant l'objet de la saisie
d'être avisés de cette saisie en temps opportun. De plus, le
délai prévu pour faire opposition à la saisie devrait
être porté à 30 jours.
Par ailleurs, le dernier paragraphe de cet article devrait être
plus précis et parler de la valeur marchande des biens saisis. De plus,
il devrait être modifié afin de fixer la caution au moindre de la
valeur marchande des biens saisis ou du montant des créances dues
à l'État.
Enfin, cet article devrait préciser la nature des droits du
ministre sur les biens saisis et, très important, le rang des
différentes créances affectant ces biens par rapport à la
créance du ministre. (15 h 45)
L'article 101 et l'extinction des garanties. L'association demande au
gouvernement de revoir les articles 98 et suivants afin d'assurer le respect
des droits acquis antérieurement à la réforme et de ne pas
pénaliser injustement les institutions prêteuses détenant
déjà des garanties sur les biens des entreprises
forestières.
En conclusion, M. le Président, l'Association des banquiers
canadiens ne peut qu'accorder son appui total au projet du gouvernement
d'implanter un nouveau régime forestier au Québec afin d'assurer
de façon beaucoup plus efficace la protection, la conservation,
l'exploitation rationnelle et, par conséquent, la survie de cette
richesse si importante et malheuresement si fragile que constitue la
forêt.
Cependant, une telle réforme ne peut
se faire qu'à certaines conditions et dans le respect des droits
et intérêts de toutes les parties impliquées dans les
diverses opérations reliées à l'exploitation
forestière. De façon plus particulière, la réforme
du régime forestier québécois doit nécessairement
tenir compte des aspects financiers reliés à l'exploitation de
nos forêts et éviter de mettre en péril le financement des
entreprises forestières en remettant en cause la valeur des
sûretés détenues par les institutions prêteuses et en
forçant ces dernières è restreindre de ce fait leur
politique de crédit aux entreprises forestières.
Nous souhaitons donc qu'afin d'assurer un juste équilibre entre
la protection des forêts et la survie des entreprises forestières
et d'éviter une remise en cause globale du crédit accordé
à ces entreprises par les institutions prêteuses le gouvernement
tienne compte des remarques contenues dans le présent mémoire et
ne pénalise pas injustement les institutions prêteuses et les
entreprises forestières en leur faisant supporter tout le poids de la
réforme.
M. le Président, messieurs les ministres, messieurs les membres
de la commission, encore une fois, nous vous remercions de nous avoir
donné l'opportunité de faire des commentaires sur l'avant-projet
de loi et nous osons espérer que nos réflexions seront prises en
considération lors de la préparation finale de la loi. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le ministre délégué aux
Forêt3.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. M. Santos, c'est à nous de vous remercier de votre
participation à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi
concernant les forêts. Vos recommandations et votre examen de cet
avant-projet de loi nous seront certainement d'un grand secours.
Si vous avez écouté ce que les représentants du
Barreau nous ont dit précédemment, vous pouvez être
assurés que nous ferons tout notre possible pour améliorer cette
loi. Vous pouvez être assurés aussi que nous ne voulons pas qu'il
y ait de vide juridique de façon à mettre en péril vos
prêts et les marges de crédit que vous avez accordées
à l'industrie. Ce n'est pas notre intention de réduire la
sécurité que vous demandez et que vous avez déjà
actuellement envers l'industrie forestière.
Également, ce n'est pas notre intention de mettre en péril
l'industrie forestière elle-même avec des obligations qui
dépasseraient leur capacité de payer. C'est pourquoi il y a eu un
comité formé pour examiner toutes ces questions. Soyez
assurés que, avec l'aide du service juridique de notre ministère
et du ministère de la Justice, nous tiendrons compte de tout cela.
En attendant, je voudrais vous parler de l'article 5, de la
première remarque que vous faites dans votre mémoire. Dans le
résumé des recommandations, vous dites: "Étant
donné que ce sont les institutions prêteuses qui financent en
définitive les coupes de bois, l'Association des banquiers demande que
l'article 5 soit modifié afin que le droit de propriété
sur le bois passe au bénéficiaire du contrat d'approvisionnement
dès sa coupe." Pourquoi pas avant?
M. Santos: M. le ministre, avant, cela appartient au
gouvernement; nous n'avons certainement pas encore avancé quoi que ce
soit au bénéficiaire du contrat. Cependant, les institutions
prêteuses, généralement, avancent les fonds pour faire la
coupe et le transport du bois. C'est là que le bois devient une garantie
à nos financements.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dès sa
coupe, cela n'implique pas que les redevances ont été
payées et que tout s'est fait dans l'ordre. Si c'est du bois qui a
été coupé sans permis ou sans autorisation ou sans
redevance, cela ne nous avance pas du côté du percepteur des
redevances pour le gouvernement.
M. Gauthier (Wilbrod): M. le ministre, il n'y a aucun doute que
l'idéal serait que le titre de propriété du bois passe au
moment où les droits sont acquittés. Pour répondre
à votre question plus précisément, il pourrait passer
même avant la coupe. À partir du moment où le permis
d'intervention a alloué le droit de coupe à celui qui l'a obtenu,
la propriété pourrait passer à partir du moment où
les droits sont payés, sous réserve peut-être de la
rétrocession automatique de ces droits si le bois n'est jamais
coupé. Mais, dans la mesure où il est coupé, il aurait
été la propriété de celui qui a le contrat
d'approvisionnement et, en même temps, le permis d'intervention, car il
doit détenir les deux si je comprends la façon dont la loi est
structurée. À ce moment-là, le critère de passage
du titre de propriété serait le paiement des droits. À
partir de ce moment-là, presque - pas entièrement, car il y a
d'autres obligations - toutes les questions de droit de saisie
postérieures seraient résolues.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si la banque
intervenait avant, c'est elle qui garantirait le gouvernement, en plus et vous
seriez obligés de surveiller votre client.
M. Gauthier (Wilbrod): Pourquoi la banque vous garantirait-elle?
Tant et aussi longtemps que les droits ne sont pas payés, le bois
appartient au gouvernement. À partir du moment où les droits sont
payés, le gouvernement a accordé le droit de couper
le bois à celui qui détient le permis d'intervention;
alors, il s'en va avec son bois. Qu'est-ce que la banque aurait à
garantir?
M. Côté (Rivière-du-Loup): La plupart du
temps, le bois est coupé avant que les droits aient été
payés.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais, à supposer qu'il soit
coupé, à ce moment-là, il demeure la
propriété de la couronne si les droits ne sont pas
payés.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Gauthier (Wilbrod): Alors, vous pourriez avoir des cas
où les droits sont payés avant que le bois soit coupé et,
là...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pas de
problème.
M. Gauthier (Wilbrod): ...le bois appartiendrait au
détenteur du permis d'intervention et du contrat d'approvisionnement et
d'aménagement. Il y aurait le cas où les bois sont coupés,
mais, avant d'être enlevés des terres du gouvernement, les droits
sont payés; là, il n'y a pas encore de problème. Si les
bois sont enlevés par la suite sans que les droits aient encore
été payés, le bois demeure la propriété du
gouvernement. À ce moment, tant et aussi longtemps qu'il demeure la
propriété du gouvernement, je me demande même pourquoi il y
aurait dans cette loi plus précisément des droits de saisie
lorsqu'il y a déjà en droit commun, dans le Code civil, le droit
de revendication du propriétaire. Vous pouvez toujours revendiquer le
bois. Il est à vous, il est au gouvernement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vos
collègues du Barreau viennent de nous dire qu'il faut maintenir les
droits de saisie pour des cas d'urgence, car on met des conditions à
l'exploitation de la forêt. Le paiement des redevances, la destination
des bois, ce sont toutes ces conditions qui font que le permissionnaire accepte
un permis.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est ce que je disais. Il y a,
évidemment, d'autres cas pour lesquels la saisie est utile. Là,
ce n'est pas la saisie pour protéger le droit de propriété
de la couronne, c'est pour assurer que le bois sera vraiment utilisé
à l'usine à laquelle il était destiné, que ce soit
une scierie, une usine à papiers ou à pâtes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): À l'article
19, vous parlez de la cession en garantie des contrats d'approvisionnement. La
cession en garantie n'est pas clairement autorisée dans le projet de
loi. Elle ne l'était pas avant, d'ailleurs, dans l'ancienne loi. Vous
avez quand même fonctionné avec l'ancienne loi. Avez-vous une
suggestion pour qu'on l'inscrive pour ainsi répondre à vos
inquiétudes?
M. Gauthier (Wilbrod): Vous nous dites que la cession en garantie
n'était pas autorisée en vertu de l'ancienne loi. Avec tout le
respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Elle
n'était pas clairement autorisée spécifiquement dans le
projet.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais c'était si clairement
implicite que même la couronne, même le gouvernement, par la loi et
par ses règlements, avaient établi un processus d'enregistrement
où le cessionnaire était obligé de faire enregistrer sa
cession, ici, au ministère, afin qu'elle soit reconnue. Donc,
c'était reconnu sous l'ancien régime.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, pas dans la
loi.
M. Gauthier (Wilbrod): Je crois qu'à partir du moment
où la loi avait créé un registre tenu par le ministre,
cela était reconnu.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est bien, pour
l'instant, M. le Président.
M. Gauthier (Wilbrod): À l'article 30 de la loi actuelle,
d'ailleurs, il est bien dit: "À la diligence des
intéressés: a) les cessions ou transports et les nantissements
consentis par les premiers acquéreurs ou concessionnaires, des droits
qu'ils possèdent sur les terres publiques et les hypothèques et
autres droits réels consentis par eux et affectant ces droits, de
même que les quittances des nantissements." S'il était
prévu que l'on avait le droit de les faire reconnaître, cela doit
être parce qu'on avait le droit de les faire, au départ.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela vaut pour
toutes les transactions, me dit-on?
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
M. Côté (Rivîère-du-Loup): Est-ce que
vous aimeriez qu'on le mette dans la Loi sur les forêts?
M. Gauthier (Wilbrod): II me semble que oui.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Duplessis, qui sera suivi par M. le
député de Roberval immédiatement après.
M. Perron: M. le Président, je voudrais remercier M.
Santos, ainsi que ses collègues qui l'accompagnent. Nous avons
constaté que votre mémoire est effectivement un mémoire
à caractère technique sur lequel on voudrait vous poser quelques
questions afin de clarifier certaines inquiétudes que vous avez en tant
que représentants d'institutions financières.
C'est sûr que votre position s'adresse surtout au gouvernement,
ainsi qu'aux membres de la commission, bien sûr, dans le but d'amender
certains articles de l'avant-projet de loi afin d'obtenir un projet de loi
final potable pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec
qui travaillent dans le secteur forestier, soit dans le domaine de la
transformation ou encore dans des institutions comme les vôtres qui se
trouvent à financer les industries concernées.
Pour les besoins de la cause, je voudrais céder la parole
à mon collègue de Roberval qui a plusieurs questions à
vous poser au sujet de votre position sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Je reviendrai plus tard, d'ailleurs.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Merci, M. le Président. Je
remercie l'Association des banquiers canadiens de nous présenter ses
commentaires et ses recommandations pour l'élaboration de ce projet de
loi. Je trouve bien légitime, comme l'ensemble des parlementaires, je
pense, que l'Association des banquiers se préoccupe de faire en sorte
que les garanties sur l'exploitation forestière d'une entreprise
puissent être de véritables garanties et, par le fait même,
améliorent, j'imagine, les conditions de prêt et de financement
qui seront faites à l'entreprise. Donc, finalement, tout le monde risque
d'en bénéficier.
C'est là ma première question, je l'adresse à celui
qui voudra bien y répondre dans votre groupe. J'ai cru comprendre,
à la lecture du mémoire - je fais peut-être erreur - que
l'ancien système, qui était en place et qui sera
vraisemblablement remplacé par l'avant-projet de loi actuel qui
deviendra éventuellement un projet de loi, permettait aux institutions
bancaires d'obtenir de meilleures garanties. Est-ce que c'est exact? Si ce
n'est pas le cas, j'aimerais que l'on m'explique cela.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est exact, d'abord parce que les
institutions financières ont toujours tenu pour acquis et, à mon
avis avec raison, que, contrairement à ce que prétendait M. le
ministre tout à l'heure, les concessions forestières accordaient
un droit réel sur le bois. Ce qu'elle n'accordait pas, la concession
forestière, c'était tout simple- ment le droit ultime de couper
le bois sans permis; il fallait obtenir le permis. II fallait bien que
l'expression "concession forestière" veuille dire quelque chose. Le
législateur avait employé l'expression "concessions
forestières" dans un article lorsqu'il voulait parler des concessions
forestières et, dans d'autres articles, il parlait de permis de coupe
lorsqu'il voulait parler de permis de coupe et il parlait de droits de coupe
lorsqu'il voulait parler de droits de coupe. (16 heures)
Dans la loi de 1974, il a parié de ventes de bois debout. Il a
parlé de garanties d'approvisionnement. C'est une notion
différente, mais qui prévoyait que c'était donné
sous forme de droits de coupe sur pied. Des droits de coupe sur pied, ce sont
des droits réels définis dans le Code civil comme tels, des
droits réels immobiliers. On peut hypothéquer cela, en droit.
C'est cela que les institutions financières, telles les banques, avaient
et voudraient avoir encore.
Je comprends qu'avec le nouveau régime forestier on veut faire
disparaître -il y a des raisons que le législateur croit valables
et on les respecte - ces notions antérieures de "concessions
forestières" et de "garanties d'approvisionnement" parce qu'on veut
réorganiser l'allocation de la forêt, son exploitation, les
travaux sylvicoles, etc. Il reste que, dans le processus d'annuler sans
compensation les droits des gens qui exploitent la forêt en
remplaçant cela, pour ainsi dire, par un contrat d'approvisionnement et
d'aménagement, il faut quand même que le contrat donne des droits.
C'est cela que les banquiers veulent savoir. Quels droits peuvent être
vraiment cédés en garantie en vertu du contrat? La formule du
contrat n'est pas encore adoptée par règlement, ni bien
connue.
Malheureusement, comme l'a mentionné le bâtonnier tout
à l'heure, la loi ne va pas assez loin dans la description des droits du
titulaire du contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Si on pouvait
mieux comprendre les droits, on pourrait saisir mieux la nature des
sûretés qu'on peut obtenir. Il est certain qu'on ne peut pas
obtenir une servitude, c'est-à-dire une sûreté sur un droit
réel immobilier. Donc, on ne peut pas obtenir une sûreté
immobilière à moins que la propriété du bois ne
passe au titulaire du permis d'intervention et du contrat d'approvisionnement
et d'aménagement. Cela va de soi; autrement, il n'a rien à offrir
pour garantir ses emprunts. Or, il a besoin d'argent au moment où il
coupe le bois.
M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie. Dans la même
veine toujours, j'imagine que c'est là l'origine de votre recommandation
stipulant que les banquiers ou les prêteurs soient consultés lors
de la
rédaction du contrat et de l'entente entre le ministre et
l'exploitant. Vous rne direz si c'est exact. Je vous vois opiner de la
tête. J'imagine que je suis dans la bonne voie.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
M. Gauthier (Roberval): Quelle serait cette forme de
participation? Est-ce que vous prévoyez ou souhaiteriez-vous que chaque
institution prêteuse puisse être présente lors de l'ensemble
des négociations ou est-ce qu'il s'agit d'une consultation large au
moment où on établit les grands principes de l'ensemble des
contrats qui serviront pour l'ensemble des exploitants?
M. Gauthier (Wilbrod): Je pense qu'il appartiendrait au
gouvernement de déterminer le processus. Tout ce qu'on veut que le
gouvernement comprenne, c'est que les banquiers sont là pour collaborer
et pour faire des suggestions, même précises si on le
désire, sur des textes de loi ou autrement ou simplement sur des
questions de principe.
M. Gauthier (Roberval): Je comprends bien qu'il s'agit pour le
gouvernement de déterminer les modalités d'implication ou
d'association des banquiers dans le processus, mais, tout de même, vous
êtes ici. Vous nous avez fait un certain , nombre de recommandations fort
précises. Puisqu'il s'agit de l'une de vos recommandations -vous ne
l'expliquez pas en détail, sauf erreur - vous avez certainement un point
de vue que vous souhaitez transmettre à la commission. C'est dans ce
cadre que je vous pose la question.
M. Gauthier (Wilbrod): Nous pourrions présenter
éventuellement des textes dans un très bref délai qui
pourraient résoudre les problèmes dont le mémoire fait
état.
M. Gauthier (Roberval): D'accord.
M. Santos: Je pourrais ajouter aussi, M. le député,
que ce serait l'avis de l'ensemble des institutions financières et que
le groupe qui travaillerait avec l'association n'aurait pas à transiger
avec sept ou huit banques. Ce seraient les représentants de
l'association qui feraient le travail.
M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie. Dans l'état
actuel des choses... Vous le mentionnez à la page 2, je me permets de
citer un passage de votre mémoire: "Certaines dispositions - c'est au
milieu de la page 2 - de l'avant-projet de loi, si elles étaient
adoptées, risqueraient notamment de forcer les institutions
prêteuses à modifier en profondeur leur politique de crédit
aux entreprises forestières afin de les rendre beaucoup plus
restrictives étant donné la diminution de la valeur des garanties
offertes."
Ce que je lis là-dedans, c'est que l'avant-projet de loi tel que
présenté, tel que travaillé actuellement, s'il ne
contenait pas de modifications substantielles, c'est donc dire que les
entreprises forestières - c'est une annonce qui est très
sérieuse et très précise - peuvent s'attendre à
avoir d'énormes problèmes dans le financement. Cela pourrait
représenter quoi? J'imagine que les institutions prêteuses
retrouvent, même si la garantie semble moins bonne, une certaine forme de
garantie dans l'avant-projet de loi. Est-ce qu'il y a une proportion qu'on peut
établir? Vous évaluez le risque comme étant, je ne sais
pas, deux fois, trois fois supérieur. J'imagine que vous êtes
habitué à fonctionner dans ce genre de chose. Ces
difficultés peuvent représenter quoi?
M. Santos: Comme vous le savez, M. le député, en
général, les institutions financières prêtent en
fonction de ces garanties. Nous avons un droit de fiduciaire envers les
dépôts que la population met chez nous et, donc, on doit s'assurer
qu'à un certain moment, lorsque quelqu'un vient chez nous pour avoir son
dépôt, on ait l'argent pour le lui payer.
Dans ce contexte, nous prenons des garanties et le coût du
crédit va généralement avec le genre de garantie qu'on
nous donne. Si la garantie est excellente, le prix va être en
conséquence, il va être plus bas. Si les garanties ne sont pas
là ou si elles sont très riquées, on se pose des questions
à savoir si on va être capable de les avoir un jour. Si,
malheureusement, on a des difficultés, le prix va être en
conséquence.
Normalement, malgré que ce ne soit pas la croyance populaire, les
institutions financières n'aiment pas faire des reprises. On est les
derniers à aller reprendre quelque chose parce que, normalement, on
n'est pas capables de les revendre au bon prix. On cherche toujours à
donner la chance au coureur et à ne pas faire de saisies. Cependant, en
dernier lieu, parfois il faut le faire. Quand on le fait, il faut avoir un prix
pour cela et il faut avoir une valeur quelconque.
C'est dans ce contexte que nous prévoyons que les
négociations avec les compagnies forestières seraient plus
difficiles. On n'est pas en train de faire du "blackmail", pas du tout. C'est
strictement une position qu'on pense juste et il y a des compagnies, selon
leurs actifs, qui n'auraient peut-être aucunement besoin qu'on prenne des
garanties sur le bois. Il y en a d'autres où, peut-être, il en
faudrait, selon les circonstances.
M. Gauthier (Roberval): Dans le sens où venez
d'intervenir, on a parlé tout à l'heure
du droit de suite. On a réclamé du ministre que le bois
puisse appartenir à l'entreprise forestière dès le
paiement des droits de coupe. Cela vous semblait une façon plus
intéressante d'obtenir une garantie sûre et certaine. Moi,
j'oppose "droit de suite" à "contrôle a posteriori." Je me dis: Si
le gouvernement cessait de suivre en quelque sorte l'exploitation, l'action de
couper l'arbre, celle de l'envoyer à destination, etc... Dans le fond,
le gouvernement est une espèce de chien de garde pour faire en sorte que
les exploitations forestières de l'entreprise ABC Ltée - je ne
crois pas qu'il y ait de scierie de ce nom - soient suivies par le gouvernement
et, de fait, votre droit est protégé. Si on enlève le
droit de suite et si on autorise une entreprise à devenir
propriétaire du bois dès le paiement du droit de coupe, cela
implique que le gouvernement va faire un contrôle a posteriori parce que,
si l'entreprise n'envoie pas son bois au même endroit, au bon endroit, il
va y avoir pénalité par la suite.
Vous pouvez toujours nous répondre: Oui, mais notre
créance est bonne. Le bois est là. On était couvert. Sauf
que, comme cela arrive souvent, l'institution prêteuse, qui va financer
l'exploitation forestière de ABC, c'est aussi l'institution
prêteuse qui finance les équipements et l'organisation de ABC.
S'il y a un contrôle a posteriori, un peu comme l'impôt, en quelque
sorte - c'est un contrôle a posteriori - et que le gouvernement
reconnaît que l'entreprise ABC a été délinquante,
j'imagine que le gouvernement va se tourner de bord comme il le fait dans le
cas de l'impôt, et qu'il va mettre une saisie sur les équipements.
À ce moment-là, à mon avis, l'institution prêteuse a
peut-être protégé ses investissements, a peut-être
protégé l'argent qu'elle a prêté pour l'exploitation
forestière, mais compromet gravement l'argent qu'elle a
prêté pour faire fonctionner l'entreprise.
Est-ce que ce n'est pas vous donner, finalement, une obligation comme
institution bancaire de suivre de A à Z l'opération en lieu et
place du gouvernement que de réclamer la propriété
immédiatement après?
M. Gauthier (Wilbrod): Le régime actuel, c'était
cela. Il n'y a pas de mystère à cela. Evidemment, l'institution
financière prend encore un risque, mais il est moindre parce qu'elle a
au moins une sûreté qu'elle peut exercer par les recours que lui
donne le Code civil et le Code de procédure civile.
Vous avez référé au droit de suite. Le droit de
suite auquel vous faites allusion... je n'avais pas compris cette expression
dans ce sens dans l'avant-projet de loi. C'est un nouveau sens à lui
donner parce que le droit de suite, en droit traditionnel, c'est un accessoire
du droit de saisie, c'est le droit d'aller saisir en main tierce, de suivre les
choses même si elles quittent l'endroit où elles devaient rester.
Vous me parlez du droit de suite que le ministre voudrait avoir pour s'assurer
que le bois va vraiment à destination et sert à
l'opération de l'usine à laquelle sont rattachés le permis
d'intervention et le contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Soit,
c'est désirable que le ministre puisse contrôler cela, mais le
droit de suite ne donnera pas au ministre plus de droit que le droit de saisie
qu'une sûreté va donner aux banquiers. C'est encore une question
d'organisation, de système et de contrôle.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va.
M. Gauthier (Roberval): J'ai encore quelques questions, si vous
le permettez. Je vais me retrouver dans les pages de votre mémoire.
Vous parlez, à un moment donné... Vous faites
déjà des prêts sur des concessions forestières. Il y
a une chose qui me préoccupe qui est un peu en dehors des
préoccupations que vous avez exprimées dans ce mémoire,
mais pour laquelle vous pouvez peut-être nous donner des indications.
On a parlé abondamment dans cette commission de la valeur.
Qu'est-ce que cela vaut, le bois debout? II y a des gens qui prétendent
que, selon les points de vue, cela vaut plus ou moins cher. Je ne voudrais pas
entrer dans des détails fastidieux pour la commission, mais est-ce qu'il
est possible que vous - les institutions bancaires - nous expliquiez quels sont
les critères, finalement, comment vous faites, comment une banque fait
pour dire: Ce morceau de bois vaut tant? Cela varie-t-il régionalement,
selon les espèces et selon la crédibilité de l'entreprise
ou selon la destination du bois? Comment faites-vous pour évaluer cela,
vous autres, les banques?
M. Charbonneau (Carol): C'est établi en fonction du
coût, des coûts pour l'abattage, le transport... Donc, à
partir de ces coûts établis, on dit: Cela vaut tant et on
prête à 75 % de la valeur des comptes à recevoir qui sont
reliés à cela et à 50 % de la valeur quand ce sont des
stocks.
M. Gauthier (Roberval): D'après votre mémoire
également, je pense que vous trouvez les clauses 93 et 94 nettement
abusives. Effectivement, on dit... Il y a, entre autres, la clause qui dit que
le bois qui est enlevé sans permis ou illégalement -ou je ne sais
pas comment on peut appeler cela - lorsqu'il est mêlé à
d'autre bois coupé, lui, légalement, le ministre saisit la
totalité du lot de bois. (16 h 15)
Vous qui faites du prêt, j'imagine que cela doit être
à peu près le seul domaine où
il y a des pouvoirs aussi étendus qui peuvent être
donnés à quelqu'un de saisir un ensemble, une quantité.
Alors, c'est un commentaire que je me permets de vous faire pour vous dire que
nous réclamerons du ministre, en ce qui concerne la saisie
éventuelle des machineries sur lesquelles vous pouvez avoir des liens...
En ce qui concerne la saisie d'un ensemble de bois coupé, on trouve
également que c'est énorme comme pouvoir. Je pense que le
ministre a probablement saisi l'ensemble des préoccupations et du
Barreau et de l'Association des banquiers. Je dois vous dire que l'Opposition
est également entièrement d'accord avec cette
"exagération".
Je vous remercie infiniment de ces réponses et je ne doute pas
que si on avait une période de temps plus longue pour discuter à
fond de cela, on aurait avantage à discuter plus longuement avec les
banquiers, entre autres, des fameux contrats, du contenu des fameux contrats et
quelles seront les garanties. Il n'y va pas que de l'intérêt des
banquiers là-dedans, parce que les banquiers vont prêter dans la
mesure où ils ont des garanties. Je comprends là-dedans
l'intérêt des scieries à faire en sorte que ces contrats
soient clairs. J'ose croire que le ministre retiendra vos recommandations
à cet égard. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je crois, messieurs,
que mon collègue a indiqué que ce n'est pas l'intention, ce ne
sont pas les objectifs du projet de loi de réduire ou de rendre
impossibles ou beaucoup plus difficiles les droits que vous pouvez exercer pour
ne pas réduire des marges de crédit et pour ne pas réduire
la méthode de financement des membres de l'industrie.
Je voudrais cependant vous poser quelques questions. Au sujet de
l'article 101, vous avez fait part de vos préoccupations sur le respect
des garanties, compte tenu de l'article 101. Comme nous l'avons dit
précédemment, nous avons l'intention d'apporter certaines
modifications à cet article. Pourriez-vous nous indiquer quelles
seraient, selon vous, les mesures qui pourraient être prises?
M. Gauthier (Wilbrod): À partir du moment où le
gouvernement fait disparaître tous les droits des concessionnaires, des
bénéficiaires de garantie d'approvisionnement et tout, il n'y a
plus de droit de coupe. Par conséquent, sans changer tout le principe de
la loi, on ne peut pas éviter de dire quelque chose comme ce qui est dit
dans l'article 101. Ce que les banquiers veulent mettre de l'avant, c'est
vraiment la proposition suivante: que la législation puisse permettre de
remplacer adéquatement les droits qui tombent par des
sûretés sur d'autres droits qui seraient accordés par les
contrats.
Cela présente cependant une difficulté. Je vous avoue que
je n'ai pas de réponse toute faite. La difficulté, c'est le rang
des sûretés. Et c'est là que cela devient une injustice
terrible pour telle ou telle institution financière qui a
prêté en premier rang sur la garantie des droits de coupe et une
autre qui a prêté un an plus tard. Les deux sûretés"
étant au même niveau, qu'est-ce qu'il va y avoir? La course par
les prêteurs successifs pour voir qui va arriver le premier avec sa
nouvelle sûreté? La conséquence est embêtante. La
réponse exacte, par un texte, je ne peux pas dire que je la connais,
mais je serais bien prêt à faire des suggestions en temps et lieu,
et cela ne me prendrait pas de temps à en faire.
Ce n'est pas facile à résoudre parce que la nouvelle loi
va faire sauter toutes les sûretés d'un coup. Quand on parle de
compensation, c'est cela que les banquiers ont à l'esprit, c'est la
possibilité de se replacer avec des sûretés
différentes de leur nature, peut-être, sur des droits
différents, mais quand même des sûretés qui auraient
essentiellement le même rang qu'elles avaient auparavant. C'est cela
l'essentiel de notre représentation.
M. Ciaccia: Peut-être que j'accepterais votre suggestion de
nous faire des suggestions sur...
M. Gauthier (Wilbrod): Oui... On va en faire.
M. Ciaccia: Si vous en avez, certainement. Concernant l'article
5, vous demandez deux choses: que la propriété passe au
bénéficiaire dès la coupe du bois pour pouvoir être
donnée en garantie et que soit retranché le droit de suite du
ministre. Dans tel cas, ne croyez-vous pas que la créance de la couronne
serait ainsi très affaiblie? Quel serait l'effet pratique de votre
proposition sur l'ordre des créances entre les prêteurs et la
couronne?
M. Gauthier (Wilbrod): Le rang de la couronne pourrait être
protégé par rapport au rang du créancier par un article de
loi. Il pourrait être protégé comme on protège dans
bien d'autres lois le rang du privilège de la couronne, dans les lois
fiscales, par exemple. Cela pourrait être fait.
M. Ciaccia: On pourrait inclure dans le projet de loi que le rang
ou les montants dus à la couronne seront perçus prioritairement
au droit du prêteur ou à tout autre droit?
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
M. Ciaccia: Vous pourriez accepter une telle clause dans le
projet de loi?
M. Gauthier (Wilbrod): Je pense que oui, parce qu'à ce
moment-là le banquier serait placé dans la situation suivante:
s'il veut avoir le premier rang, il n'a qu'à payer les droits. Ainsi, il
exerce sa sûreté, mais, au moins, il a une sûreté
contre du bois qui appartient à son débiteur. C'est ce qu'on
veut.
M. Ciaccia: Très bien. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Une première
question. Puisqu'on parle justement des approvisionnements et des garanties,
jusqu'à quel point les institutions bancaires sont-elles prêtes ou
peuvent-elles prêter sur la base d'un rendement escompté,
c'est-à-dire sur la base de garanties d'approvisionnement à
venir, mais qui n'existent pas encore dans la forêt réelle?
M. Santos: Vous parlez maintenant d'une analyse de risque qui
n'existe pas?
M. Claveau: Je parle du problème de l'octroi de droits de
coupe en fonction d'une forêt potentielle, soit ce que le ministre avance
dans son avant-projet de loi: "De la possibilité d'octroyer des droits
de coupe plus élevés que ce que la forêt actuelle
permet...", parce qu'on prétend, avec les politiques de reboisement,
qu'il va y avoir une forêt qu'on va pouvoir escompter plus tard.
M. Santos: Pour le moment, je pense qu'il serait difficile de se
prononcer directement sur cette question. Mais, comme vous le savez, faire des
engagements à long terme sur des questions hypothétiques, je
pense qu'on aurait de la difficulté à accepter cela pour le
moment.
M. Gauthier (Wilbrod): J'ajouterai, cependant, qu'essentiellement
la situation ne serait pas tellement différente de celle dans laquelle
le prêteur est lorsque le banquier prête sur une récolte qui
n'est même pas encore poussée.
M. Claveau: Mais, là, il y a
l'assurance-récolte.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais tout cela peut être
regardé, peut être envisagé. Le fait que l'arbre n'existe
pas encore n'est pas fatal à la possibilité de financement.
M. Claveau: Mais cela le rend plus difficile.
M. Gauthier (Wilbrod): Nécessairement, il y a
l'évaluation du risque. À ce moment-là, le banquier
prêtera moins par rapport à ce sur quoi on veut prêter.
M. Santos: II y a aussi, M. le député, l'aspect du
terme. Il est évident que, lorsqu'on fait des prêts sur
récolte, normalement, c'est à très courte
échéance, c'est dans les douze mois à venir. Si vous
parlez d'un prêt à x % ou à "prime" plus quelque chose dans
sept ans, dix ans ou quinze ans, c'est une tout autre affaire.
M. Claveau: D'accord. Merci pour votre réponse. Une autre
question. Au début de votre intervention, vous avez fait allusion au
fait que, si l'industrie forestière avait à défrayer une
large part des coûts d'aménagement et de reboisement, cela aurait
un impact négatif sur sa rentabilité. Vous dites que l'on met les
compagnies dans une situation financière précaire et que c'est
sûrement par le fait même plus difficile pour elles d'aller sur le
marché des prêts. Par contre, il y a l'autre côté de
la médaille. On se trouve dans une situation où les
réserves étant de moins en moins nombreuses, la rupture de stock
étant de plus en plus prévisible à court terme, les
compagnies se retrouvent aussi dans une situation assez précaire sur le
plan financier, sur le plan de l'approvisionnement. Il y a aussi le fait que
vos garanties en bois debout s'en vont en diminuant tout le temps. Je me
demande jusqu'à quel point vous n'êtes pas pris entre l'arbre et
l'écorce pour...
M. Santos: M. le député, ce qu'on demandait et ce
qu'on voulait strictement mentionner dans notre paragraphe, c'est qu'il y ait
réellement une balance, une ligne très étoite qu'il faudra
suivre pour que toutes les parties ne soient ni lésées ni
avantagées. Vous avez raison, on était peut-être mal pris,
mais tout le monde serait mal pris si les compagnies devenaient non
compétitives sur le marché mondial. Ce sera plus difficile
immédiatement; cependant, il faut qu'elles voient à la
reforestation, car autrement on n'aura plus de matière première
d'ici à quelques années.
C'est une ligne, une balance qu'on voit, et les banquiers sont aussi
prêts à faire des compromis pour que cette ligne soit maintenue.
Sî de l'argent est dépensé pour la protection des
forêts contre les incendies, les insectes, etc., il va falloir du
financement. Cela se fait avec de l'argent. Donc, nous devrons aussi aller de
ce côté. C'est une ligne plus balancée qu'aller d'un
"swing" à l'autre.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le député d'Ungava, le temps alloué
à votre formation étant maintenant terminé, avec votre
permission, je vais céder la parole au député de La
Peltrie.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Un peu dans la
même ligne qu'a suivie mon collègue d'Ungava, diriez-vous de
façon générale que la santé financière de
l'industrie, dans la province de Québec, est saine? Est-elle en position
difficile? Quelle est votre appréciation ou votre évaluation au
moment où on se parle?
M. Santos: C'est très difficile pour nous de nous
prononcer dans une assemblée comme celle-ci et de vous faire des...
C'est trop général.
M. Cannon: Je ne veux pas vous demander de commencer à
étaler les états financiers de la compagnie ABC, comme dirait mon
collègue, mais, de façon générale, j'aimerais
connaître votre appréciation comme banquier. Êtes-vous
satisfait de la façon dont cela va?
M. Santos: Lorsqu'on a passé la période très
difficile de 1981-1982, alors que les banques ont repris possession de presque
toute la machinerie qu'il y avait dans le Grand-Nord, les débusqueuses,
etc., on a fait de grands pas. Nous sommes beaucoup plus "bullish", si on peut
utiliser un terme anglais, sur l'industrie qu'auparavant. D'ailleurs, on fait
notre part de ce côté.
M. Cannon: Bon. Pourriez-vous préciser davantage lorsque
vous dites que le nouveau régime forestier pourrait essentiellement
créer des problèmes en ce qui a trait à la position
concurrentielle que détient actuellement le Québec sur le
marché international? Pourriez-vous m'identifer des points précis
où le nouveau régime forestier viendrait créer un impact?
Est-ce au chapitre du coût de la production?
M. Santos: C'est évident que, pour être le "low-cost
producer" - et, pour être concurrentiel, il faut que vous soyez le
"low-cost producer" - on n'a pas de chiffres exacts, car cela dépend de
la situation de chacune des compagnies, où elles en sont dans leur
programme de reforestation, etc. Toutefois, il est évident que, s'il
faut dépenser de l'argent, cela augmentera les coûts de
production, et il faudra que quelqu'un paie. Ce quelqu'un sera peut-être
le consommateur québécois ou aussi le client aux
États-Unis. Donc, à ce moment-là, il va falloir que
l'industrie concurrence les autres producteurs qui, eux, dans des conditions
climatiques beaucoup plus propices, ont déjà de grands
avantages.
En appuyant totalement la proposition que le gouvernement fait ici dans
cet avant-projet de loi, il faut quand même qu'on aille dans cette ligne
de balance que je mentionnais au député d'Ungava, qu'on marche
dans une ligne bonne pour tout le monde et où il faut faire bien
attention.
M. Cannon: Sauf que, dans l'ensemble, vous me dites - je retiens
un peu - que la santé financière de l'industrie, de façon
générale, est bonne comparée avec celle des années
1980 et 1981; c'est l'évidence même, on se comprend
là-dessus.
M. Santos: II y a encore des difficultés, vous êtes
bien au courant, ce n'est pas un secret des dieux. Il est évident - et
vous êtes bien au courant dans toutes les industries et dans les
industries financières -que c'est le "low-cost producer" d'aujourd'hui
qui est capable d'afficher les meilleurs profits, d'assurer l'emploi à
ses employés et de payer des dividendes à ses actionnaires.
Quand on fait cela, on s'assure réellement qu'on s'en va dans la
bonne direction. Donc, comment faire un compromis entre les deux parties? C'est
difficile, on l'admet. On n'a pas de réponse, mais on vous demande
strictement d'essayer de balancer vos demandes et de donner un peu de temps
afin que les gens s'ajustent aux nouvelles demandes. (16 h 30)
M. Cannon: Mais, par ailleurs, le phénomène
d'augmentation de nos exportations vers l'étranger depuis les
dernières années a quand même été un indice
encourageant de développement de marché, qui ferait en sorte que,
possiblement, l'industrie pourrait absorber...
M. Santos: Je laisserai sans doute les personnes bien plus au
courant des détails vous le dire; je ne pourrais pas vous dire. C'est
encourageant dans le sens que l'on voit qu'il y a de l'activité. Je ne
peux pas juger, personnellement, si notre industrie serait capable d'absorber
cela du jour au lendemain, sans aucun problème. Je crains le
contraire.
M. Cannon: Sauf qu'il vous est difficile d'affirmer que cela
créerait des problèmes au niveau de notre
compétitivité, si vous n'êtes pas en mesure d'affirmer que
vous avez des chiffres de base pour faire ce constat.
M. Santos: On a des chiffres qui nous viennent d'un peu partout
et qui nous disent que cela pourrait être 10 % de plus. Est-ce vrai ou
n'est-ce pas vrai? C'est une chose à voir. Mais, 10 % c'est 10 %, Il n'y
a pas beaucoup de compagnies qui ont une marge bénéficiaire de 10
%. Donc, qu'est-ce que cela veut dire?
M. Cannon: Cela pourrait coûter 10 % de plus en termes de
coûts de production...
M. Santos: Ce sont les chiffres... M. Cannon: ...pour
l'industrie.
M. Santos: ...qu'on donne de gauche à droite, oui.
M. Cannon: D'accord, merci.
M. Gauthier (Wilbrod): Si vous me le permettez...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de La Peitrie. Oui, si vous voulez terminer,
peut-être en additionnelle.
M. Gauthier (Wilbrod): La question des coûts et de la
facilité d'exporter nos produits, c'est beau jusqu'au moment où
les pays voisins, comme cela s'est produit récemment, décident de
bloquer les importations dans leur pays. Celui qui a encouru le coût ici
est obligé de l'avaler et cela passe en gros motton.
Une voix: Je suis bien d'accord avec vous.
Le Président (M, Théorêt): Merci. M. le
ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. M. Santos, vous soulignez dans votre rapport, à la
page 8, vos inquiétudes. Je lis: "...relativement à
l'aménagement et à la protection des forêts contre les
incendies, les maladies et les épidémies risquent
d'entraîner des dépenses additionnelles fort importantes pour les
entreprises forestières et de contribuer à réduire de
façon appréciable la rentabilité des opérations
forestières."
Je veux vous rassurer sur ce point, parce que, actuellement, les
entreprises forestières font partie d'une société de
conservation et les frais de protection sont partagés entre tous les
adhérents. Les frais du combat d'incendies sont supportés par le
gouvernement. C'est notre intention de procéder de façon
semblable pour les épidémies. On n'a pas l'intention de reporter
tous les risques, de faire supporter les frais de protection contre les feux et
contre les insectes par les bénéficiaires des contrats
d'approvisionnement et d'aménagement. Cela se fera comme cela se fait
actuellement. À moins qu'un bénéficiaire ne soit
accusé de négligence, ait mis le feu ou autres, cela est
prévu dans la loi actuelle ou dans l'ancienne loi, mais la
responsabilité est partagée entre tous les membres d'une
société de conservation.
Vous avez parlé des objets du contrat, tout à l'heure.
L'article 21, à mon avis, décrit pas mal bien les objets du
contrat, M. Gauthier, à savoir que le contrat alloue annuellement
à son bénéficiaire un volume provenant d'un territoire
délimité par le ministre en vue d'assurer le fonctionnement d'un
établissement: "...à charge pour le bénéficiaire
d'aménager le territoire". C'est un objet du contrat, c'est bien
défini. C'est le droit du bénéficiaire.
M. Gauthier (Wilbrod): Est-ce que vous me posez la question?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui.
M. Gauthier (Wilbrod): M. le ministre, qu'est-ce que c'est, en
droit "allouer un volume"?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Allouer, c'est
autoriser.
M. Gauthier (Wïlbrod): Cela n'a jamais été
utilisé dans des textes législatifs auparavant, "allouer un
volume". C'est ce qui nous inquiète comme avocat et c'est ce qui
inquiète aussi les membres du Barreau, pas seulement les banquiers.
Lorsque vous parlez d'allouer un volume ou lorsque vous parlez ailleurs
d'exclusivité de récolte, qu'est-ce que c'est comme notion, en
droit? Est-ce que ce sont des droits que l'on peut offrir en
sûreté à quelqu'un? On croit que non. C'est pour cela qu'on
trouve que la définition des éléments du contrat est
insuffisante. On dit non pas qu'on ne comprend pas ce que vise
généralement l'intention du contrat, on le comprend; mais c'est
la nature des droits, pas seulement la nature des obligations- que les
titulaires éventuels et les banquiers veulent connaître. C'est
cela qui n'est pas clair. Allouer un volume: Est-ce qu'il nous le vend? Est-ce
qu'il nous le donne? Est-ce qu'il nous donne des droits sur ce volume? On ne le
sait pas. Allouer un volume, en droit, ça ne veut rien dire, à
mon humble avis.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce que vous voulez
avoir, ce sont des droits réels.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, des droits réels immobiliers;
pas avant que les droits au gouvernement aient été payés,
mais après.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Concernant votre
remarque au sujet de l'article 101, soyez assuré qu'on ne veut pas
diminuer vos droits et j'ai demandé aux conseillers juridiques de faire
en sorte qu'il n'y ait pas de vidé juridique de ce côté. Ce
que nous vous offrons dans le nouveau projet, à mon avis, c'est
peut-être supérieur à ce qui avait été offert
dans le passé. C'est notre intention de le rendre supérieur.
C'est
pourquoi vous avez offert votre collaboration pour consultation tout
à l'heure et soyez assuré que les avocats du ministère
auront recours à vos lumières. C'est gentil de votre part et nous
le souhaitons ardemment.
M. Gauthier (Wilbrod): Merci.
Le Président (M. Théorêt)! Merci, M. le
ministre. J'inviterai maintenant le porte-parole de l'Opposition à faire
les remerciements d'usage, le député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci au nom de mon collègue, le
député de Duplessis, et de mes collègues de la commission
parlementaire. J'aimerais vous remercier de l'éclairage que vous nous
avez apporté. Il est évident que ça va planer sur
l'ensemble des discussions qui vont avoir lieu lors du projet de loi qui,
supposons-nous, doit être déposé l'automne prochain pour
son adoption d'ici à Noël.
Il est évident que vos préoccupations sont
différentes de celles de celui qui possède l'usine, mais elles
sont du même niveau, je pense. C'est de s'assurer que l'on ait une
capacité de rembourser l'argent que vous avez prêté et,
d'un autre côté, de faire fonctionner l'usine que nous
possédons.
Dans ce contexte, soyez assuré de l'apport de l'Opposition. Comme
vous avez fait mention que vous pourriez faire parvenir des documents
supplémentaires en termes de proposition, une des façons nous
permettant de les avoir assurément, c'est de les faire parvenir au
secrétaire de la commission qui les distribuera à tous les
membres de la commission.
Je vous remercie d'avance et je peux vous assurer que l'Opposition fera
son travail pour permettre que vos craintes soient dissipées lors de
l'étude du projet de loi. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rïvîère-du-Loup): Encore
une fois, merci, M. Santos ainsi que votre groupe, de votre participation
à cette commission parlementaire. Étant donné l'importance
du secteur et pour vous et pour les Québécois, votre contribution
sera certainement positive et appréciée. Soyez assuré que
nous communiquerons avec vous pour la consultation ultérieure de
façon que le projet de loi reflète bien les garanties que nous
voulons vous donner et qui n'affecteront pas notre industrie. Je vous remercie
sincèrement.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: De mon côté, M. le Président, je
voudrais remercier l'Association des banquiers canadiens. Je crois que votre
mémoire a démontré qu'il y a des améliorations
à apporter au projet de loi. C'est pour ça que c'est un
avant-projet de loi. Ce n'est pas encore la première lecture du projet
de loi. Je pense que vous avez abordé le sujet d'une manière
très positive et je crois que, nous aussi, nous réagissons d'une
façon positive et c'est un véritable exemple de l'utilité
d'une telle commission pour entendre les préoccupations des
différents intervenants et également la réaction du
gouvernement de vraiment vouloir apporter les modifications nécessaires
pour protéger l'industrie et tous ceux qui oeuvrent dans ce secteur. Je
vous remercie, encore une fois, de votre mémoire et de votre
présentation.
M. Santos: Vous pouvez compter sur toute notre collaboration, M.
le ministre et M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): MM. les banquiers,
je vous remercie et bonne fin de journée. J'invite maintenant tout
spécialement l'équipe technique de l'Association des industries
forestières du Québec à installer son projecteur et son
écran et j'invite les membres de l'association à s'installer
à l'avant, s'il vous plaît.
Afin de permettre à ces gens de s'installer, nous allons
suspendre pour quelques instants. S'il vous plaît, ne quittez pas la
salle.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 43)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît! Celui qui va faire la présentation est le
même que celui qui changera les disquettes? Vous êtes là?
Alors, j'invite le président, M. Hamel, à bien vouloir
présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
AEFQ
M. Hamel (Denis): M. le Président, je vous remercie
d'abord, au nom de l'Association des industries forestières du
Québec, de nous permettre aujourd'hui d'être entendus à
cette commission à la suite de notre mémoire, que vous avez
déjà reçu, sur l'avant-projet de loi sur la forêt.
D'abord, voici les membres de l'association qui sont ici présents cet
après-midi: à mon extrême gauche, M. Bill Martin,
vice-président du conseil d'administration de l'AIFQ et qui, dans la vie
privée, est vice-président à l'administration et aux
ressources naturelles de CIP Inc.; M. Gilbert Tardif, qui est vice-
président du conseil d'administration à l'AIFQ et aussi
président et directeur général des Industries Maibec.
À mon extrême-droite, M. Guy Dufresne, qui est administrateur de
l'AIFQ, président du comité de protection de la forêt pour
l'Association canadienne des pâtes et papiers et qui est aussi premier
vice-président, groupe pâtes et papiers, à la Consol
Bathurst. Et, directement à ma droite, M. André Duchesne,
président-directeur général de l'Assocation des industries
forestières du Québec à qui on demanderait de faire
l'exposé de circonstance cet après-midi.
Le Président (M, Théorêt): Merci, M. le
président. Avant de vous céder la parole, il y a une
intervention, je pense, du député de Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président. Compte tenu que nous
devons entendre ce mémoire pour une période d'environ deux heures
trente, l'Opposition officielle donne tout de suite son accord pour prolonger
passé 18 heures et prendre le temps nécessaire pour terminer avec
l'industrie forestière l'étude du mémoire en question.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je tiens
évidemment pour acquis qu'à ce moment-ci l'Opposition donne
également son accord pour aller au-delà de 22 heures pour
entendre les autres organismes de ce soir?
M. Perron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis.
Je vous rappelle, comme sûrement le secrétariat de la
commission vous l'a mentionné, que vous avez trente minutes pour la
présentation de votre mémoire et que chaque formation politique a
soixante minutes pour en discuter avec vous.
Je cède maintenant la parole au présentateur.
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président.
Messieurs les ministres, Messieurs les députés - puisque cet
après-midi mesdames les députées ne sont pas avec nous,
j'espère que je ne leur ai pas fait peur - nous avons
préparé quelques diapositives qui vont nous permettre d'illustrer
rapidement l'essentiel du mémoire que l'association vous a soumis.
D'entrée de jeu, je tiens à vous souligner que
l'Association des industries forestières du Québec
considère l'avant-projet de loi dont on discute présentement
comme un progrès très net par rapport à la situation
actuelle. L'AIFQ tient à réitérer son accord avec la
plupart des orientations de l'avant-projet de loi. Cependant, plusieurs
modalités importantes méritent d'être corrigées et
nous allons les mentionner. Je vous souligne, M. le Président, avant de
débuter, que nous avons déposé deux corrections au
mémoire que nous avons soumis, notamment en ce qui a trait à nos
remarques relatives à l'article 100, dont vous avez entendu parler un
peu déjà.
L'Association des industries forestières du Québec
regroupe 27 sociétés membres qui couvrent presque tout le secteur
papetier au Québec. Ces sociétés aussi transforment
environ le quart du bois de sciage qui est transformé au Québec.
Elles génèrent près de 50 000 emplois directs et leurs
activités touchent plus de 75 % de la matière ligneuse. Elle
représente plus du tiers des investissements en région,
c'est-à-dire Montréal exclu. Leur contrôle est fortement
canadien et québécois, ce qui est un changement important par
rapport à la situation qui prévalait il y a vingt ans.
La nature du problème, je crois, est exprimée sur le
graphique que vous avez devant vous. Nous traitons strictement de sapin,
d'épinette et de pin gris, La courbe en blanc indique les
récoltes successives au cours des 25 dernières années. Le
réel c'est ce qui est en jaune, la base concrète, la
possibilité actuelle du territoire. Le possible c'est ce qui est en
orange, c'est ce qu'il est possible d'atteindre en fonction des
différentes hypothèses sylvicoles que nous allons retenir
collectivement. Le rêve, ce que le député de Duplessis a
appelé la forêt électronique, c'est ce qui est en bleu, les
allocations qui ont été consenties dans le passé sans
fondement par rapport à la forêt. Je vous signale que, pendant la
période allant jusqu'en 1972, le taux de croissance de la récolte
forestière était de l'ordre de 400 000 mètres cubes par
année; l'effet de la politique actuelle a porté ce taux de
croissance entre 1972 et 1980 à près de 800 000 mètres
cubes; depuis 1980, il est retombé à quelque chose qui ressemble
beaucoup plus à 200 000 mètres cubes. Et la tendance, qui est en
vert, vous me permettrez de supposer que c'est une tendance optimiste puisque
s'il n'y a pas de changement elle risque fort d'être beaucoup plus
près de l'horizontale.
Dans son mémoire "Éléments de solution"
déposé en septembre 1984, l'AIFQ a énoncé un
certain nombre de principes qui doivent être respectés pour
établir le nouveau régime forestier du Québec. C'est
d'abord le respect de la forêt elle-même. Au point de vue de la
matière ligneuse, il s'agit d'assurer le rendement soutenu de la
forêt en ne récoltant pas plus que la possibilité
forestière. Du point de vue des autres produits de la forêt, il
s'agit, pour ce qui concerne l'industrie, . de protéger les fonctions de
production, donc de s'assurer que l'on ne détruit pas ces autres
utilisations. Il faut aussi protéger efficacement cette forêt, et
ce, contre tous les
fléaux, et notamment contre la végétation
concurrente en ce qui a trait aux jeunes peuplements et aux plantations. L'AIFQ
a alors aussi insisté sur un partage des responsabilités qui soit
adéquat. L'État doit s'occuper des objectifs collectifs et du
contrôle des activités industrielles. L'industrie, quant à
elle, sera dans son domaine de spécialité si elle a charge de
réaliser les objectifs au moindre coût. Quant au partage des
coûts, il doit se faire de façon équitable entre tous les
utilisateurs parce que tous retirent des bénéfices de
l'activité forestière et de la forêt en
général.
La solution proposée par le gouvernement consiste à donner
à l'industrie un contrat d'approvisionnement et d'aménagement
forestier. Ce contrat se base sur une allocation qui respecte la
possibilité du territoire alloué par le contrat. L'AIFQ insiste
pour que cette possibilité sait réelle et actuelle. L'allocation
est basée sur la récolte des cinq dernières années
en forêt publique. L'AIFQ tient à vous rappeler que cette
récolte a été d'environ 21 000 000 de mètres cubes
chaque année.
Le contrat fait disparaître aussi l'exclusivité
territoriale. L'AIFQ n'y voit pas d'objection fondamentale, mais je reviendrai
tantôt sur des questions de gestion qui devront être
réglées. Finalement, le contrat assure l'écoulement des
copeaux et des bois des producteurs privés. Il faut se rappeler qu'au
cours des cinq dernières années, la récolte
effectuée par les compagnies papetières en forêt publique a
été minimale pour toutes sortes de raisons.
Les obligations du bénéficiaire de contrat, selon l'AIFQ,
doivent se limiter à trois points. D'abord, le maintien de la
possibilité de base du territoire sous contrat; cela est la
possibilité qui est obtenue en régénérant Ies
peuplements récoltés. Ensuite, le respect des autres fonctions de
production dont je vous parlais il y a un instant. À cet effet, nous
comptons respecter le guide des modalités d'intervention en milieu
forestier. Finalement, je dirais, pour que le gouvernement puisse jouer son
rôle, qu'il faudra produire des plans et des rapports, nous
l'espérons, en quantité respectable.
Du côté du MER, lui aussi doit avoir des obligations. Celle
qui est prévue à l'heure actuelle consiste à ne pas
allouer de volumes qui dépassent la possibilité. Nous
répétons que l'AIFQ y souscrit à condition que ce soit la
possibilité actuelle du territoire. Le MER devrait aussi prendre en
charge les frais résultant d'objectifs de production qui sont accrus
au-delà de cette possibilité. Ce n'est pas clairement inscrit,
dans l'avant-projet de loi à tout le moins. Ces objectifs accrus sont
rendus nécessaires parce qu'il y a eu, dans le passé, une
allocation excessive. C'est donc la responsabilité collective de
défrayer ces frais d'atteinte de ces objectifs.
Le MER doit aussi respecter les droits des bénéficiaires
de contrats. Encore une fois, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces droits
sont très mai définis dans l'avant-projet. Le MER doit remettre
en production les aires mal régénérées dans le
passé. L'avant-projet témoigne positivement de cela, mais laisse
au ministre toute la latitude du rythme auquel cela doit se faire. Ce rythme
doit être précisé. Enfin, en cas de retrait de territoires
qui seraient destinés à d'autres fins qu'à la production
de matière ligneuse, il faudra prévoir une compensation
adéquate.
La question du territoire non exclusif se présente avec un
certain nombre de difficultés d'application pratique. L'avant-projet
confère à chacun l'exclusivité de sa récolte et
nous croyons que cela veut dire que chaque utilisateur a le droit de
récolter le bois qui lui est alloué. On peut prévoir de
nombreux conflits. La solution proposée par l'AIFQ consiste à
désigner un maître d'oeuvre pour chaque territoire sous contrat et
à inscrire dans la loi et dans le contrat les droits et les devois
spécifiques du maître d'oeuvre et des autres utilisateurs du
territoire.
Le mécanisme de désignation, de préférence,
serait une entente de gré à gré des
bénéficiaires de contrats qui doivent oeuvrer sur le même
territoire. À défaut, le ministre doit désigner, lors de
la signature des contrats, qui sera maître d'oeuvre sur le territoire.
C'est la seule façon, à notre avis, d'éviter une
intervention journalière du ministre dans les opérations
industrielles.
La question de la réglementation a déjà
été commentée devant vous. À notre avis, les
règlements qui sont prévus présentement sont trop nombreux
et mal orientés vers des recettes plutôt que vers des objectifs.
Il faut que la réglementation mette en valeur les objectifs à
atteindre. Le choix des moyens doit revenir aux bénéficiaires de
contrats. Il faut que les recettes toutes faites soient rejetées et que
la place soit donnée aux décisions des forestiers sur le terrain;
c'est l'endroit où l'aménagement se fait. Nous croyons disposer
des forestiers compétents pour prendre ces décisions. Si leur
nombre venait à manquer, il faudra en former. Enfin, là où
la réglementation doit s'exercer, c'est dans l'évaluation de la
performance des bénéficiaires de contrats. Il faut, à cet
effet, des critères explicites dans la loi et la
réglementation.
La pierre d'angle du nouveau régime est le respect de la
possibilité. Il s'agit de récolter d'une façon constante
et perpétuelle un volume de bois qui ne soit pas en diminution.
L'industrie fait déjà face au cycle économique, elle a
besoin d'une base d'approvisionnement qui soit stable, et le niveau, je vous le
rappelle, d'histoire
récente, est de 21 000 000 de mètres cubes par
année,. Cette base, c'est aussi celle du régime. À cet
effet, l'AIFQ réclame un mode de calcul de la possibilité qui
soit clair et compris -de tous les intervenants. Les hypothèses de
calcul doivent se conformer à l'expérience vécue et il ne
faudrait pas répéter ici l'aventure de Perrette et de son pot au
lait, la fable de La Fontaine.
Il faut d'ores et déjà prévoir aussi un
mécanisme de révision au contrat parce qu'à mesure qu'on
acquerra de l'expérience et à mesure que nos données
forestières deviendront meilleures, probablement que les chiffres de
possibilité devront être révisés et cela doit se
faire sans léser ni le bénéficiaire ni la
collectivité représentée par le MER.
Un point crucial qu'il faut souligner est celui de la protection. C'est,
à notre avis, le meilleur des traitements sylvicoles,
c'est-à-dire celui qui a le plus bas coût marginal par
mètre cube disponible. Il est indispensable d'inscrire formellement dans
la loi la protection contre les feux, contre les insectes, contre les maladies,
contre la végétation concurrente pour les jeunes peuplements et
plantations et, aussi, le suivi des autres menaces; l'exemple classique, ce
sont les pluies acides. Le Québec ne peut investir en aménagement
forestier sans protéger ses investissements. Quant au mécanisme
de décision, nous avons un exemple qui fonctionne très bien
depuis plusieurs années dans le domaine de la protection contre le feu.
Nous suggérons que, dans le plus grand respect des compétences de
l'industrie et du MER, ce type de décision conjointe et de partage des
coûts soit appliqué aux autres fléaux. (17 heures)
Si vous doutez de l'importance de la protection, laissez-moi vous
rappeler l'exemple de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette. Entre 1975 et 1985, la récolte industrielle a
été d'environ 225 000 000 de mètres cubes au
Québec. La tordeuse, elle, a bouffé environ 230 000 000 de
mètres cubes. Apparemment, ce n'est pas fini, si on se fie au cahier des
possibilités et des disponibilités. Le coût d'une
protection adéquate contre la tordeuse, en extrapolant à partir
des coûts réels subis jusqu'à maintenant par le
gouvernement dans cette épidémie, est estimé à
environ 0,90 $ du mètre cube. Si je me fie aux chiffres fournis par le
gouvernement quant au coût marginal de production d'un mètre cube,
grâce à la sylviculture qui nous est proposée, on
obtiendrait alors 23 $ du mètre cube. C'est un rapport de 25 à 1.
Même des ajustements dans ces chiffres, parce que je pense que certains
ajustements seront nécessaires dans les estimations gouvernementales, ne
pourront annuler cette différence énorme. Je vous signale qu'il
faudra quand même protéger, si on veut être sûr de
récolter. À notre avis, la protection est un point de
départ.
Le processus de transition a fait l'objet de plusieurs débats
déjà; la révocation sans compensation des concessions et
de tout le reste. En fait, ce que l'avant-projet de loi prévoit, c'est
une confiscation des droits réels, sans entente préalable, sans
compensation ultérieure. Cette confiscation s'adresse, non seulement aux
concessionnaires - c'est vraisemblablement ce qui est visé -mais aussi
aux détenteurs de garanties d'approvisionnement, aux signataires
d'ententes particulières qui ont souvent permis la relance d'usines et,
enfin, aux créanciers intéressés dans tout ce
processus.
Un contrat peut se résilier, mais il faut y mettre les formes.
C'est toute la crédibilité du gouvernement dans le cadre des
nouveaux contrats d'approvisionnement et d'aménagement qui est en jeu.
Selon l'AIFQ, la révocation doit se faire suivant certaines conditions
qui s'appliquent à tous les types de contrats. On doit fournir au
bénéficiaire un territoire qui soit aussi économiquement
exploitable que son ancien territoire. On doit respecter, au moment de
l'allocation, la possibilité du territoire qu'on lui alloue. La
révocation doit se faire seulement après la conclusion d'une
entente. S'il arrive que le territoire est réduit, le premier choix du
territoire résiduel doit aller au bénéficiaire. Enfin, je
répète qu'il faut préciser dans la loi les nouveaux droits
des bénéficiaires de contrats.
Le partage des coûts, évidemment, est un sujet très
important. L'industrie reconnaît son obligation de contribuer aux frais
de l'aménagement forestier. Cette obligation se traduit principalement
dans le maintien de la possibilité du territoire sous bail. C'est un
bien collectif que l'industrie reconnaît devoir garder en bon
état. Mais une obligation de même nature doit être reconnue
aussi pour tous les autres utilisateurs de la forêt, en fonction de leur
utilisation.
Finalement, nous avons une obligation collective qui est celle
d'optimiser la façon dont nous allons gérer la forêt pour
viser une solution de moindre coût, en fonction de l'ensemble des
bénéfices retirés et maintenir la
compétitivité de toute l'industrie.
Je vous prie de noter en passant que si le MER remet à
l'industrie la gestion de la forêt, il devrait réaliser certaines
économies qu'il pourrait verser en sylviculture.
Toute cette question des coûts est intimement reliée
à l'établissement d'objectifs réalistes pour la production
forestière. Ces objectifs ne seront réalistes que s'ils sont
conformes aux besoins actuels des usines, qui sont jusqu'à maintenant
d'environ 21 000 000 de mètres cubes par année. Cette courbe est
à peu près standard de rendement décroissant. Dans la
partie bleue de la courbe, vous avez la zone où on
aimerait être, c'est-à-dire celle où chaque dollar
dépensé génère pour l'ensemble de la
société plus d'un dollar de revenu. La partie verte est celle que
l'on devrait éviter. C'est celle où, pour chaque dollar
dépensé, nous obtenons moins d'un dollar de
bénéfice supplémentaire.
Le niveau optimum, évidemment, est entre les deux. On peut
supposer que le ministère a établi ce niveau optimum pour
correspondre à 26 400 000 mètres cubes par année qui est
l'objectif en sapins, épinettes et pins gris qui nous a
été formulé. Compte tenu de l'imprécision de
certaines données forestières, je pense qu'on doit
procéder avec beaucoup de prudence et s'organiser pour être
à coup sûr dans la partie bleue de la courbe, quitte à
grimper lentement jusqu'au niveau optimum, plutôt que de se trouver dans
l'extrême de la partie verte où, en fait, nous dépenserons
de l'argent pour rien. Je vous fais remarquer aussi qu'une courbe semblable
pourrait être tracée en ce qui concerne la qualité des bois
que l'on cherche à produire alors que celle-ci ne s'adresse qu'à
la quantité.
Plus précisément, les coûts de remise en production
des territoires récoltés doivent être fonction d'objectifs
réalistes. Régénérer hectare par hectare toute la
superficie récoltée au Québec n'est probablement pas un
objectif réaliste, parce que trop coûteux. Ce que nous devons
viser, c'est de maintenir et augmenter la possibilité au moindre
coût.
Dans le cas du reboisement, donc, il faut penser qualité
plutôt que quantité. Il faut régénérer les
meilleurs sites avec des essences appropriées. Cela veut dire planter un
bon arbre au bon endroit et, surtout, il faut entretenir les jeunes peuplements
naturels ou plantés contre la végétation concurrente,
sinon leur régénération serait un gaspillage.
En ce qui a trait aux modalités d'intervention, le guide qui nous
a été fourni récemment devrait permettre d'obtenir des
rapports plus harmonieux entre les différents utilisateurs du
territoire. Il persiste, cependant, un noeud en ce qui a trait aux coûts;
c'est celui de l'affectation dont le processus n'est pas encore
complètement finalisé, d'après ce que nous comprenons.
Est-ce que ce sera les MRC, le MER ou le COMPADR qui prendra la
décision finale? Vous comprendrez que notre coeur est sûrement
avec le MER. Quand nous connaîtrons ce processus nous pourrons
développer un mécanisme de partage équitable des
coûts qui tiendra compte des bénéfices retirés par
chacun.
Enfin, un point technique: la question de la tarification.
L'avant-projet de loi prévoit relier la tarification directement
à la valeur marchande des bois sur pied. L'AIFQ tient à vous
souligner que plusieurs erreurs d'estimation en plus et en moins - de graves
erreurs d'estimation - sont possibles et vous recommande que la valeur
marchande soit plutôt un indice du niveau de la tarification qu'un
chiffre de valeur brute qui devrait être appliqué
aveuglément.
La tarification devra de plus - peut-être que la valeur marchande
le fait - tenir compte de la concurrence tant entre les différents
secteurs de l'industrie qu'entre ce qui se passe à l'extérieur du
Québec. Elle devra tenir compte des contraintes d'exploitation. Elle
devra tenir compte des droits des bénéficiaires de contrats,
parce que certains contrats existent à l'heure actuelle qui touchent
à la tarification. C'est un droit qui ne peut pas être
balayé. Elle devra également tenir compte des cycles
économiques et notamment prévoir une possibilité
d'étalement dans des conditions difficiles.
Bâtir une forêt pour l'avenir, M. le ministre, suppose que
l'on connaît précisément la situation en ce qui a trait aux
marchés internationaux dans lesquels les produits forestiers
québécois sont vendus. Sur ces marchés, l'industrie fait
face à une perpétuelle remise en question, la concurrence est
féroce et la qualité, souvent, est le seul facteur qui nous
permet d'obtenir un prix qui assure la rentabilité de nos usines. Le
défi, c'est d'améliorer la compétitivité tout en
créant un lien entre l'utilisateur et la forêt. Le Québec
doit relever ce défi pour que l'industrie forestière puisse
continuer à être le principal moteur socio-économique du
Québec.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président CM. Théorêt): Merci. Je porte
à l'attention des gens qui sont debout à l'arrière et sur
les côtés de la salle que, s'ils veulent suivre les débats
de cette commission, ils peuvent le faire à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine où un système, non pas radiophonique,
mais d'"audio" a été installé. Alors, si vous voulez vous
asseoir à l'aise là et écouter les débats, vous
pouvez le faire.
M. le président, si vous voulez continuer la présentation
de votre mémoire -si on peut rallumer les lumières ici - je porte
à votre attention qu'il vous reste quatre minutes pour la conclusion de
votre mémoire.
M. Hamel (Denis): Notre exposé est terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Alors, je
cède la parole maintenant au ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Messieurs de l'Association des industries forestières
du Québec, cela fait longtemps qu'on vous attend, si on peut en
juger par l'assistance. Évidemment, votre mémoire
reflète l'importance que l'industrie des pâtes et papiers occupe
au Québec depuis de nombreuses années, je dirais depuis cent ans
et plus.
Si vous voulez, je vais poser quelques questions avant d'aller plus
loin. Je vous remercie sincèrement de votre participation à nos
différents comités antérieurement à cette
commission. J'espère que cette collaboration se prolongera dans
l'avenir.
Quand vous parlez d'allouer des contrats sur la possibilité
actuelle, cela veut dire qu'il faut réduire de 3 000 000 de
mètres cubes. Avez-vous une idée de qui on devrait
réduire?
M. Duchesne: M. le ministre, peut-être faudra-t-il
réduire de 3 000 000 de mètres cubes. Ce qui se produit, vous le
savez, c'est que les chiffres dont nous disposons à l'heure actuelle
pour calculer la possibilité souffrent au point de vue technique d'une
couple de défauts importants. Vous êtes en train, au
ministère, d'améliorer les données qui sont disponibles et
vous avez même prévu de ne signer des contrats qu'après que
les données améliorées en seront disponibles.
La position de l'AIFQ est que, dans un premier temps, à tout le
moins, vous devez vous fier sur ce qui existe et ne pas augmenter
au-delà de la possibilité de base, c'est-à-dire celle qui
est produite en assurant la régénération, les obligations
des bénéficiaires de contrats. S'il s'avère, à la
lueur des calculs, qu'il demeure un problème - ce dont nous doutons
beaucoup - à ce moment-là, il faudrait peut-être
répartir entre les différents utilisateurs la différence.
Je crois que cette répartition ne doit pas se faire a priori puisque,
s'il y a un problème, il résulte d'une allocation excessive qui
n'est la responsabilité d'aucune des industries, d'aucune des
compagnies, mais bien une responsabilité collective. (17 h 15)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si le
ministère a alloué dans le passé plus que le rendement
soutenu ou la possibilité de la forêt, c'est à la demande
de certains intervenants; ce n'est pas de plein gré que le
ministère l'a fait. C'est arrivé de tous bords et de tous
côtés comme actuellement. Je peux vous dire qu'il y a des demandes
pour augmenter encore les permis de 4 000 000 à 5 000 000 de
mètres cubes. Ce ne sont pas des demandes qui ont été
sollicitées. Si l'engagement du bénéficiaire est de
maintenir la possibilité actuelle du territoire - la possibilité
actuelle du territoire est basée sur un rendement très bas, car
dans le passé, on n'a rien fait pour améliorer tellement le
rendement de la forêt - cela veut dire qu'on a l'intention de ne rien
faire en forêt. C'est cela?
M. Hamel (Denis): Au contraire, ce n'est pas l'intention de ne
rien faire en forêt. Justement, on reconnaît qu'il y a des lacunes
à combler et l'industrie est prête à prendre des
responsabilités jusqu'à ce niveau. On revient toujours aux
mêmes questions de la définition même de la
possibilité. Je demanderais à M. Tardif d'exprimer son point de
vue là-dessus.
M. Tardif (Gilbert): Bien sûr, le calcul de la
possibilité tel qu'il existe, comme on l'a calculé au
ministère, c'est 18 600 000. Nous-mêmes de l'industrie, on a fait
quelques recherches à ce point de vue et, en vérifiant les
hypothèses qui ont présidé à ce calcul, il semble,
dans certains cas, que ces hypothèses seraient très
conservatrices. D'après nos propres calculs, ceux qui ont
été faits par nos propres conseillers, il semblerait que 21 000
000, qui est à peu près égal à la consommation
actuelle, serait la possibilité, dirait-on, de base au Québec
dans le cours normal des choses. Bien sûr, si on ne fait rien pour le
moment, la possibilité ne sera plus de 21 000 000, elle va baisser. Si
on ne remet pas en production tous les territoires, cela veut dire que la
possibilité va diminuer. Pour garder au moins ces 21 000 000, il faut
faire des efforts. Il faut reboiser, il faut introduire d'autres traitements
sylvicoles. C'est ce à quoi nous nous référons ici comme
niveau de départ pour la mise en oeuvre du nouveau régime
forestier.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce que vous me
dites, M. Tardif, c'est que notre évaluation de la possibilité de
18 000 000 est trop faible et que ce serait 21 000 000. Cela correspondrait aux
coupes actuelles.
M. Tardif: Oui, à peu près. Dans l'ensemble du
Québec, bien sûr. Dans certaines régions, il peut arriver
qu'il y ait surexploitation.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, il y a des
cas particuliers, évidemment. C'est que nos allocations sont
basées sur un rendement assez modéré, à savoir 1,23
mètre cube à l'hectare, alors qu'on sait fort bien que, dans
d'autres pays ou même dans les provinces voisines, même dans nos
propres plantations, le rendement est supérieur à cela. Le
rendement ne correspond pas nécessairement au reboisement seulement. Il
correspond à toutes les interventions que l'on suggère en
forêt, à savoir faire des coupes d'éclaircie
précommerciales, des coupes de conversion de peuplement, favoriser la
régénération naturelle, etc. Ce n'est pas un rendement
exagéré comme estimation. Quand vous parlez de l'allocation sur
la possibilité actuelle, pour nous c'est 18 000 000.
M. Tardif: Là, il faudrait peut-être
s'asseoir ensemble et étaler nos chiffres. Ce n'est pas tellement
facile d'arriver à démontrer que l'un a raison plus que l'autre.
Je pense qu'il y aurait certainement lieu de confronter nos hypothèses
de départ et nos propres calculs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est sûr
qu'on va continuer à discuter là-dessus, mais c'est que les 18
000 000 sont basés sur un rendement de 0,87 mètre cube à
l'hectare, ce qui correspond aux pratiques de récolte actuelles. Si on
veut rester là, cela veut dire qu'on a l'intention de ne rien faire.
M. Tardif: On dit que, si on ne fait rien, ce chiffre va baisser
parce qu'en somme il va y avoir d'autres territoires qui ne vont pas bien se
régénérer et où le peuplement forestier va se
détériorer. Pour garder au moins le niveau actuel, il faut faire
des interventions.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Tout au long de la
semaine - la semaine dernière aussi -même si la semaine n'est pas
tellement avancée, on a parlé de copeaux. L'industrie du sciage,
l'ANIBSQ en particulier, demande une priorité pour les copeaux.
C'est-à-dire que la production de copeaux passerait avant le bois
provenant des forêts publiques devant alimenter votre industrie. La
forêt privée demande une priorité également. Je
voudrais avoir votre opinion sur. cette question, parce que cela n'a pas
été inscrit dans l'avant-projet de loi de la même
façon que je vous le demande.
M. Hamel (Denis): Je vais demander à M. Martin de
répondre à cette question.
M. Martin (Bill): Nous, nous croyons qu'un point fondamental est
de suivre la règle du marché libre, avec les fibres qui viennent
de l'extérieur, disons, de nos concessions, de nos contrats. Il est
très évident, avec l'expérience de chaque compagnie dans
la province, en particulier les papetières, quand on achète les
copeaux et le bois provenant de terrains privés, certes, de temps en
temps, on frappe des points en litige, mais ils sont résolus. Je suis
très confiant que, si on. continuait à suivre ce principe, le
territoire qui nous est accordé serait sous notre
responsabilité.
Pour ce qui est de l'achat des fibres provenant de l'extérieur,
on suivra les besoins de chacun de nous et les règles du marché
libre. Je crois que cela va fonctionner comme il faut.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On a fait
état hier de surplus de copeaux. Est-ce que vous suggérez - si on
prend la peine de stocker des copeaux alors qu'il n'y a pas de marché,
je pense qu'on prend des risques inconsidérés - qu'il y a moyen
de faire quelque chose dans ce domaine?
M. Martin: Au lieu de chercher une formule pour une situation
comme telle, il y a toujours l'option, pour les propriétaires de
scieries, d'offrir ces copeaux en surplus à un prix inférieur
à celui du marché.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez, M.
Martin, on s'est plaint depuis quelque temps, que les copeaux étaient
vendus trop bon marché et qu'ils concurrençaient même la
forêt privée. Vous parlez d'un prix inférieur car il y a un
surplus. C'est évident - et je vous rejoins un peu sur ce point - que,
lorsqu'il y a une surproduction, les prix sont à la baisse.
M. Martin: Je vous assure, M. le ministre, que, dans le cas de
nos compagnies, cette situation que je viens de décrire s'est produite
comme telle et nous avons acheté ces surplus de copeaux.
M. Duchesne: M. le ministre, je pourrais peut-être apporter
un complément de réponse à ce sujet, à même
des chiffres qui vous ont été fournis déjà en
commission parlementaire. Entre 1979 et 1984, la consommation de copeaux des
compagnies papetières a augmenté de 25 %. La consommation de bois
en provenance de la forêt privée est demeurée constante.
Celle de bois en provenance des concessions qui existent encore a
diminué de 45 %.
Il faut dire, M. le ministre, que la consommation totale de l'industrie
papetière a diminué de 10 %, même si nous avons
augmenté la quantité de produits que nous avons
générés. C'est dû à une meilleure utilisation
de la fibre principalement. Mais je crois que, dans les faits, M. le ministre,
la priorité aux copeaux et la priorité au bois de la forêt
privée, vous avez là la preuve qu'elles existent.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme cela, M.
Duchesne, vous êtes d'accord avec ce qu'on propose dans l'avant-projet de
loi, à savoir que l'on tiendra compte des autres sources
d'approvisionnement, sans leur donner la priorité absolue, comme il
était suggéré précédemment.
M. Hamel (Denis): C'est toujours ce qu'on retient de
l'évolution du dossier de la gestion des ressources - effectivement, la
notion de priorité, on s'y oppose depuis le début, comme vous le
savez; on le faisait même dans le premier mémoire qui a
été déposé sur le livre blanc à
l'époque - que les volumes sont utilisés. D'une façon
générale, je pense qu'il n'y a pas d'argument en ce qui
concerne la disponibilité de cette matière. Elle trouve
éventuellement un acheteur ou un destinataire.
Si, occasionnellement, des surplus se présentent, habituellement
cela se produit à l'occasion de fermeture temporaire d'usines pour des
raisons de force majeure ou pour des raisons planifiées. L'argument qui
est revenu à l'occasion, qu'en n'utilisant pas cette source de fibre on
épuise plus rapidement la forêt, je pense qu'il n'existe pas, car,
lorsque cela n'est pas utilisé, c'est parce que les usines en question
sont fermées. Cela veut dire que ce n'est pas un choix entre la
forêt et cette disponibilité de fibres. C'est un arrêt total
de l'utilisation de la matière temporairement.
Quand on voit que les volumes eux-mêmes se consomment
éventuellement de toute façon, le seul argument qui milite en
faveur de la priorité est celui d'aller chercher des prix plus
élevés. Je pense qu'il faudrait qu'on dise cela très
honnêtement. Est-ce qu'on veut des prix plus élevés, une
priorité qui donnerait l'occasion d'augmenter les prix ou si, vraiment,
on veut faire augmenter l'utilisation de cette forme de ressources?
M. Côté (Rivière-du-Loup): On a même
suggéré, à une occasion, que tous les bois devraient
passer par les scieries pour être, finalement, transformés ou
achetés en copeaux par l'industrie des pâtes et papiers.
Là-dessus, je vous félicite; grâce aux efforts que vous
avez faits dernièrement concernant la modernisation de l'usine, le TMCD,
etc., vous avez augmenté votre facteur d'utilisation et vous avez en
même temps diminué la pollution. Mais, par contre, que
penseriez-vous si tous les bois passaient au sciage avant d'aller chez vous?
Parce que vous ne pouvez quasiment pas l'accepter aujourd'hui. Le sciage
fournit 50 % de vos besoins.
M. Tardif: Je pense à cette hypothèse où,
disons, ce qu'on appelle l'utilisation optimale de la fibre repose sur le fait
de la plus grande exigence du produit. On dit que, par exemple, les bois
à pâte, ce sont des bois de trituration. On peut accepter des bois
de toutes tailles, alors que pour les bois de sciage, en fin de compte, on est
plus exigeant au point de vue de la qualité et de la quantité.
Évidemment, exiger que tous les bois passent par l'usine, bien
sûr, ne conduit pas nécessairement à une utilisation
optimale. Dans certains cas, cela pourrait même créer des
problèmes, parce que les bois ne se retrouvent pas toujours à une
distance économique d'une scierie.
Cette notion d'optimalité peut être étendue. On peut
penser, par exemple, à l'utilisation de coupe intégrée, en
vertu de laquelle, par exemple, un propriétaire de territoire
trouverait, en association avec une usine de papier et de sciage, le moyen
d'affecter au mieux les bois qui sont là. D'une part, les bois de petite
taille pourraient être dirigés directement à l'usine de
pâtes et papiers, les bois de plus grande taille à l'usine de
pâtes; les copeaux pourraient également aller à l'usine.
Mais, cela n'est pas dans tous les cas et je pense que ce serait
irréaliste de penser qu'on doive, de prime abord, instituer cela comme
principe d'aménagement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais la tendance
veut que cela aille de même aujourd'hui. C'est une tendance qui se
développe suivant les tableaux que vous m'avez déjà
donnés. Vous parlez de distance. Il y a 650 usines de sciage qui sont
commerciales au Québec, 645 exactement, et il y a 57 usines de
pâtes et papiers. Donc, les chances que les distances soient plus
raisonnables à partir du producteur sont du côté des
scieries,
M. Duchesne: Le seul point, M. le ministre, qui suscite certaines
réserves à cet effet, c'est le fameux mythe que l'on doive passer
a priori par le sciage parce que c'est mieux pour une raison quelconque. Ce qui
est le mieux, c'est la meilleure utilisation possible en termes de
retombées pour tout le Québec; ce que l'on doit viser dans le
régime forestier, c'est d'optimiser les retombées pour le
Québec. Il y a des cas où cela passe par le sciage, il y a des
cas où cela ne passe pas par le sciage. Le régime doit être
neutre à cet effet et permettre d'optimiser et de maximiser les
retombées, et non pas d'orienter a priori parce que l'on risque de ne
pas avoir la meilleure solution.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous
parlez un peu du partage des coûts. Il y a eu différentes
propositions, vous en avez certainement eu connaissance. On dît qu'on
devrait peut-être partager les coûts, suivant le pourcentage de
transformation dans chacune des usines, soit une usine de sciage, soit une
usine de pâtes et papiers. Le sciage, ils sont arrivés avec deux
chiffres, dans le fond: avec 22,4 % et 35 % du bois qui est transformé
en sciage, selon qu'on utilise toutes les sources d'approvisionnement, tous les
secteurs des deux industries ou seulement un secteur.
Est-ce que vous pensez que ce serait une approche qui serait
envisageable, le partage des coûts pour l'aménagement?
M. Dufresne (Guy): M. le ministre, je pense que l'industrie est
très consciente qu'elle doit absorber sa part des coûts. Quelle
part des coûts et de quels coûts? Je pense que, si l'industrie a
choisi de prendre le libre marché, cela doit se faire dans la
négociation avec le libre marché. On doit aussi regarder
quelle sorte de coût d'aménagement. Si on aménage un
territoire pour en faire du bois de sciage et si on aménage le
même territoire pour en faire du bois à pâte, les
coûts sont différents. Alors, je pense que dans la libre
négociation, ces coûts seront tenus en considération, comme
les coûts d'énergie, lorsque l'énergie a monté, ont
été tenus en considération ou tout autre changement dans
les coûts au cours des dernières années. (17 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voulais vous
parler aussi de l'entretien des reboisements que l'on projette de faire, soit
du côté de l'héritage du passé, soit du
côté des coupes futures. Je veux aussi vous parier de l'usage de
phytocides parce qu'on ne voudrait pas investir en forêt, en reboisement,
sans protéger nos investissements. Quelle façon
privilégiez-vou3 pour l'entretien des futures plantations?
M. Dufresne: Du côté de la protection - c'est un
domaine qui m'est très cher, je pense que vous le savez - pour
l'ensemble de la province et aussi du pays, je pense que, si on ne fait pas une
protection adéquate, chaque dollar qu'on met dans les plantations ne
sera pas vraiment rentable à long terme. J'utilise souvent l'expression:
II y a 18 élections à cette Assemblée-ci, à peu
près, entre le temps où on plante un arbre et le temps où
on le récolte. Je pense que cela nous prend une politique à long
terme pour pouvoir récolter ces arbres et cette politique doit
être non pas discrétionnaire, mais elle doit être inscrite
dans la loi de façon claire de façon qu'on protège notre
forêt contre le feu - on l'a mentionné, on a le meilleur
système - contre les insectes et aussi, quand la plantation est jeune,
il faut la protéger contre les mauvaises herbes et les autres arbres qui
pourraient pousser pour empêcher cette plantation.
Il existe à l'heure actuelle des moyens. Il s'agit de voir si on
est capable, avec la recherche, de trouver d'autres moyens meilleurs que
ceux-là, mais on doit utiliser les moyens actuels, non pas pour tuer
tous les insectes qui existent dans cette forêt, mais pour garder notre
forêt verte. C'est un peu comme le fermier qui, lui, utilise, à 95
%, des produits chimiques. Il le fait non pas pour tuer tous les insectes, mais
pour garder la récolte qu'il fait chaque année. Alors, je pense
que c'est très important que cela soit inscrit dans la loi. Aussi, il
faudrait peut-être inscrire dans la loi de faire le bon dosage dans
l'utilisation. De ce côté-là, j'utiliserais l'exemple de la
médecine. L'aspirine, c'est un produit toxique. Si on en prend une
bouteille, on meurt, mais, si on prend une aspirine, cela peut nous soulager de
quelques maux. Ce sont des exemples très simples, supersimples, et je
pense qu'ils illustrent très clairement la nécessité
d'avoir la protection, d'utiliser les bons moyens de façon continue et
à long terme.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M.
Dufresne. Je savais que j'aurais une réponse claire avec vous et que la
protection de nos investissements et de notre forêt vous tient à
coeur énormément.
Il y a des exemples qui sont à voir comme la forêt
Montmorency où le ministère a dépensé de l'argent
pour les arrosages pendant quelques années avec des produits chimiques
et, les deux ou trois dernières années, aux BT. La forêt
Montmorency est un îlot de forêt verte dans un parc -anciennement
un parc - de bois mort. Quand j'y suis allé dernièrement, je
m'informais auprès des gens de la faculté pour savoir s'il y
avait encore du petit gibier. Ils ont dit: Certain qu'il y a du petit gibier
ici, c'est à voir. Donc, on n'a pas tout tué. Évidemment,
comme vous le dites, il faut prendre beaucoup de précautions quand on
utilise des produits semblables, tout comme quand on utilise des aspirines. Il
faut, évidemment, continuer à faire de la recherche dans ce
domaine et, si on découvre de meilleurs moyens, je pense qu'on devra les
prendre. Il ne faudrait pas ralentir nos recherches sur cette question.
Pour l'instant, M. le Président, je vais céder la parole
à un autre. Je reviendrai plus tard.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre délégué aux Forêts. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à M. le président Hamel,
ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, soit les représentants de
l'Association des industries forestières du Québec.
Pour nous, c'est sûrement un excellent mémoire qui ne porte
pas à confusion quant à la position de l'Association des
industries forestières du Québec, car vous y exprimez clairement
ce que vous pensez et vous précisez même votre position face au
nouveau régime forestier.
Bien sûr, les diapositives qui nous ont été
présentées expliquent davantage votre position, en plus de donner
des informations additionnelles sur nos problèmes forestiers
vécus au Québec au cours des dernières années,
ainsi que sur les projections d'avenir. Votre industrie est sûrement
importante et le mémoire est, d'ailleurs, à la hauteur de son
importance.
À la page 8, vous soulignez que l'arrivée, bientôt,
d'un nouveau régime forestier viendra corriger le régime de 1972
qui confiait à l'État québécois toutes les
responsabilités de la gestion des forêts. Vous dites,
à la page 9, qu'il est grand temps qu'une nouvelle politique
forestière vienne créer un sentiment d'appartenance envers la
forêt. Là-dessus, nous sommes aussi parfaitement d'accord.
Un nouveau mode de tenure remplacera les concessions forestières,
soit le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier.
Jusqu'ici, nous sommes d'accord avec vous et avec la nouvelle politique
forestière dans ses grandes lignes. L'article 22, qui établit les
conditions du volume alloué sur la forêt publique, livre aux
papetières le marché de la matière ligneuse libre de toute
contrainte, contrairement à ce . qu'affirmait le livre blanc, entre
autres en enlevant la priorité aux bois des copeaux et aux bois des
forêts privées et en rejetant les garanties de suppléance
mentionnées dans le livre blanc.
De plus, l'avant-projet de loi s'abstient de créer le Conseil
permanent de la forêt, un organisme de concertation où auraient pu
être discutés tous les problèmes de mise en marché
de la matière ligneuse par l'ensemble des intervenants. Vous dites,
à la page 15, que la formule retenue, pour le volume alloué sur
la forêt publique, assure l'écoulement des copeaux et des bois
provenant de la forêt privée. Pourtant, depuis quelques jours,
nous avons entendu les propriétaires de boisés privés et
les propriétaires d'usines de sciage nous dire éprouver certaines
difficultés à vendre leur volume. On a même parlé de
quelque 150 000 000 tonnes de copeaux encore invendues, actuellement en
entreposage, à défaut d'obtenir des prix satisfaisants.
D'ailleurs, j'ai de fortes réserves concernant l'affirmation
faite par l'un d'entre vous quant aux approvisionnements en copeaux lorsqu'on
parle, par exemple, de libre marché et du fait que les producteurs de
copeaux devraient réduire leurs prix lorsqu'on sait, selon les
informations que nous avons obtenues et qui ont fait l'objet d'études du
ministère de l'Énergie et des Ressources, en plus de faire
l'objet d'études de l'industrie du sciage, que le coût pour la
production d'une tonne métrique de copeaux est actuellement d'environ
102 $ par rapport à 70 $ que paient les utilisateurs de copeaux pour
l'achat de chaque tonne.
J'ai plusieurs questions à vous poser sur votre mémoire.
La première est celle-ci. Comment pensez-vous que l'avant-projet de loi
modifiera la situation que je viens d'exposer et assurera un meilleur
écoulement des bois, si rien n'est fondamentalement changé dans
le marché de la matière ligneuse? C'est ma première
question.
M. Duchesne: Je pense que l'avant-projet de loi, M. le
député, va changer un certain nombre de choses. Si vous me
permettez de reprendre ce que vous avez déclaré en
préambule, la forêt publique ne sera pas livrée aux
papetières dans le cadre du nouveau régime forestier, puisque les
papetières, on vous l'a déjà dit en commission
parlementaire, récoltent à l'heure actuelle, en forêt
publique, environ le tiers du volume récolté. On peut donc
s'attendre qu'elles aient droit à des allocations qui
équivaudront au tiers de ce volume total disponible.
Quant aux questions de marché, il est bien clair qu'il y a des
avantages au niveau du bois de la forêt privée en ce qui a trait
au nouveau régime forestier. Le nouveau régime s'applique
à une situation de rareté qui est celle dans laquelle nous nous
engageons de plus en plus. Dans une situation de rareté, on peut
s'attendre que les prix évoluent en fonction de cette rareté dans
un marché qui se rapproche beaucoup plus du marché type de
l'offre et de la demande. La forêt privée dispose d'avantages
très compétitifs pour la production de matière ligneuse:
le meilleur climat, la proximité des usines, la main-d'oeuvre à
proximité aussi et des chemins d'accès qui sont,
évidemment, défrayés en grande partie par l'État.
Elle devrait donc être en mesure de produire la matière ligneuse
dans une situation de rareté qui s'étendrait à la grandeur
du Québec, de façon très compétitive avec la
forêt publique. Il y aura donc une tendance à utiliser le
potentiel de la forêt privée d'une façon plus
complète que le potentiel de la forêt publique tant qu'on n'aura
pas atteint tout ce potentiel, je pense.
Pour ce qui est des copeaux, le gros chiffre de 150 000 tonnes qu'on
vous mentionnait représente environ 20 jours de consommation. Je pense
que le coût de production de copeaux comme le calcul de la
possibilité, comme un paquet d'autres choses dont nous devons juger dans
une situation d'incertitude, dépendent d'un certain nombre
d'hypothèses. Ce sont ces hypothèses qui permettent de
déterminer, dans le cas où on a une coproduction - puisque c'est
comme cela qu'on appelle ça maintenant - de sciage et de copeaux, la
part du coût de production qui revient à chacun»
Tout ceci, M. le député de Ouplessis, fait partie
intégrante de l'environnement du nouveau régime forestier. L'AIFQ
est d'avis que, dans une situation où chacun devra faire pousser le bois
qu'il voudra récolter tantôt, le libre marché constitue une
situation adéquate pour donner à chacun le revenu qui lui est
dû.
M. Perron: Merci, M. le président. D'abord,
là-dessus, je ne vous en tiens pas grief, car on a chacun notre opinion
qui est différente; on rencontre cela dans la majorité des
commissions parlementaires et même à l'extérieur des
commissions parle-
mentaires. Je comprends très bien que les papetières
mettent surtout l'accent sur la fameuse question du libre marché. Cela
ne règle, cependant, pas le problème qu'ont actuellement les
propriétaires de l'industrie du sciage parce que 150 000 tonnes de
copeaux pour ces usines représentent beaucoup pour elles alors que, pour
vous, cela représente, en fait, ce que vous avez mentionné, soit
seulement 20 jours de production.
En d'autres mots, si j'ai bien compris, les usines de pâtes et
papiers peuvent manger 150 000 tonnes de copeaux en 20 jours. Oui, M. le
président?
M. Hamel (Denis): Excusez-moi de vous interrompre
là-dessus parce que je veux quand même apporter cette nuance-ci.
Lorsqu'on parle de surplus de copeaux de 150 000 tonnes, j'aimerais quand
même les voir. Ce n'est pas à un seul endroit. C'est quand
même réparti à quelques endroits.
M. Perron: Non, non.
M. Hamel (Denis): C'est le résultat de cycles à
répercussion. Ces gens-là ont des difficultés à
écouler leur bois d'oeuvre comme nous avons des problèmes
à écouler notre papier journal ou notre pâte cycliquement.
Cela a un effet se répercutant jusque dans la forêt, y compris sur
les copeaux en passant. Alors, les surplus ne sont pas un
phénomène de refus des papetières de les utiliser. On veut
des copeaux.
M. Perron: Mais à votre prix.
M. Hamel (Denis): C'est naturel aussi parce que, si on ne vend
pas notre papier journal, on ne peut pas le payer.
M. Perron: C'est cela qu'on appelle le libre marché.
M. Hamel (Denis): Absolument. Je pense que les industriels du
bois de sciage le comprennent également. Pour l'instant, dans leur cas,
on parle de deux choses. On parle de l'utilisation des volumes et on parle
aussi de relever les prix des copeaux. J'aimerais qu'on parle de l'un et de
l'autre, s'il le faut.
M. Perron: D'accord.
M. Hamel (Denis): Ce n'est peut-être pas par une politique
forestière qu'on va nécessairement régler le cas du prix
des copeaux. (17 h 45)
M. Perron: D'accord. M. le président, compte tenu de ce
que vous venez de mentionner, j'ai une question additionnelle à vous
poser en rapport avec cela. Est-ce que vous seriez d'accord, compte tenu de
votre position, que le gouvernement traite les copeaux comme de la
matière première et établisse une tarification lors de
leur vente à une papetière?
M. Dufresne: Je pense que non. On l'a déclaré
très clairement, pour notre papier journal, quand on le vend à 90
% ou à 92 % à l'extérieur, ou pour notre pâte, on
n'a pas une tarification, on n'a pas quelqu'un qui nous établit une
tarification. Quand les taux de change varient en plus ou en moins, c'est cela
qu'il faut qu'on absorbe, c'est cela. Si on dit que, pour un secteur de
l'industrie, cela va être une tarification et que, pour le reste, vous
autres, vous allez prendre toutes les variations du marché, on ne peut
pas fonctionner. Ou bien on est dans un système de libre marché,
de libre entreprise, ou bien on ne l'est pas.
M. Perron: Merci. Remarquez que, pour obtenir concrètement
des informations sur le fond des problèmes qui sont vécus, je me
fais en quelque sorte l'avocat du diable et je pense que vous le comprenez.
Une autre question. Vous avez mentionné tout à l'heure la
forêt privée. Compte tenu aussi de ce que vous avez
mentionné et comme la forêt privée est la plus proche des
usines de transformation que vous possédez ou encore des usines de
sciage, je voudrais savoir pourquoi vous n'êtes pas d'accord pour
accorder la priorité d'achat de votre matière ligneuse aux
propriétaires des boisés privés. Cela est clairement
ressorti, mais on n'a pas dit exactement pourquoi. Est-ce que c'est encore une
question de libre marché?
M. Hamel (Denis): D'une façon générale, M.
le député, on considère que la forêt privée
fournit, quand même, environ 20 % des besoins de l'industrie
forestière au Québec présentement. Je parle d'industries
de sciage et de papetières réunies. Ces 20 % se
répartissent, quand même, de 0 % dans certaines régions
jusqu'à environ 40 % et 50 % dans certains autres endroits. En d'autres
mots, cela atteint des proportions assez importantes dans des régions
où la disponibilité est là et pour autant que cela puisse
être aussi une source permanente, fiable, stable d'approvisionnement que
les entreprises forestières de transformation vont être en mesure
d'absorber.
Si on doit, cycliquement, encore une' fois, produire des
quantités de bois qui varient constamment, on ne peut pas intervenir
auprès d'une papetière et lui dire soudainement d'arrêter
de produire dans sa propre forêt, qu'on a des surplus à lui faire
absorber. Le système est beaucoup plus complexe que cela. Il y a des
gens qui sont déjà là en forêt. Certains de nos
travailleurs ont des équipements de très grande valeur
qu'ils doivent financer; on leur a promis de travailler huit, neuf et
dix mois par année pour les aider à financer leur
équipement de Timberjack ou d'autres sortes, leurs "skidders" et tout.
Ces gens ont besoin, justement, d'une certaine sécurité et qu'on
ne les plante pas là chaque fois qu'une quantité de bois devient
disponible sous forme de copeaux ou même dans la forêt
privée.
Alors, d'une façon générale, les volumes
s'absorbent, mais on ne peut pas d'une façon rapide, immédiate ou
spontanée se virer de bord et tout arrêter, retourner en
arrière juste parce que quelqu'un arrive devant nous pour nous offrir
des volumes additionnels. Alors, il y a un équilibre qui va avec les
besoins que l'on a et aussi avec les circonstances qui peuvent se
présenter sur les marchés.
M. Perron: Merci, M. le Président. Aux pages 49 à
51 de votre mémoire, vous parlez du partage des coûts. Vous dites
que l'avant-projet de loi ne mentionne en aucune façon de solution
à ces problèmes actuellement vécus. Dans votre
mémoire soumis au gouvernement en septembre 1984, à la suite de
la publication de "La Problématique du secteur forestier", vous
recommandiez à la page 48 dudit mémoire: "Que tous les
utilisateurs de la forêt participent aux coûts de son
aménagement en proportion des bénéfices qu'ils en
retirent."
Comme La nouvelle politique forestière obligera celui qui
récolte à aménager, hier, les manufacturiers de bois de
sciage sont venus nous dire que la répartition des frais
d'aménagement devrait être basée sur le volume ligneux
finalement retenu par chaque secteur au niveau de ses produits finis. En se
basant sur l'étude de mai 1985 d'un économiste forestier à
l'emploi du ministère de l'Énergie et des Ressources, l'AMBSQ a
indiqué que, même si le secteur du sciage récolte 64 % du
volume sur la forêt publique, elle n'en retient que 22,4 % comme bois de
sciage et en revend 41,6 % aux papetières sous forme de copeaux.
En conséquence, l'AMBSQ a annoncé qu'elle est prête
à payer sa portion des frais d'aménagement selon le volume
ligneux retenu comme bois de sciage, c'est-à-dire près de 23 %.
La question que je vous pose est celle-ci: Est-ce que votre association est
prête à accepter cette base de discussion? Sinon, quelle serait
votre position de départ pour partager les frais d'aménagement
entre les papetières, les scieurs et les autres?
M. Dufresne: C'est un peu dans la même veine que la
question qui m'a été posée par M. le ministre. La
réponse, c'est: Oui, mais dans un système de libre marché.
En d'autres termes, quand les coûts . augmentent pour une raison qui est
juste et valable, je pense que le marché normalement les reflète.
Le prix du marché va aussi refléter, comme je l'ai
expliqué tantôt, le fait qu'un aménagement soit fait pour
remettre la possibilité au niveau actuel et non pour essayer, si un
type, une compagnie, ABC pour en prendre une, décidait de faire un
aménagement beaucoup plus élevé et voulait repasser tous
ses coûts parce qu'elle l'a décidé... Je pense que le libre
marché va permettre cela, il va faire que les coûts vont passer,
comme ils ont toujours passé, avec le temps, dans le système.
L'autre avantage d'un tel système, c'est que celui qui coupe va
faire plus attention pour faire son aménagement et bien le faire au
moindre coût. Cela est aussi très important si on veut demeurer
compétitif au niveau international.
M. Perron: Merci. Hier, l'industrie du bois de sciage a
cité une étude de la firme Mallette, Major, Martin et du groupe
Poulin, Thériault Ltée, démontrant que, de 1980 à
1984, 18 usines de sciage, qui récoltent 33,4 % des bois de la
forêt publique, ont présenté un profit net avant
impôt de seulement 0,21 $ le mètre cube. Est-ce que votre
association a procédé à une étude similaire en
rapport avec l'industrie papetière?
M. Hamel (Denis): D'abord, je voudrais juste vous signaler que
l'AIF est quand même la représentante de 25 % des entreprises
produisant du bois de sciage au Québec. On a également chez nous
des producteurs de bois de sciage assez importants. Malheureusement, nous
n'avons pas assisté à la présentation du mémoire de
l'AMBSQ, hier, ce qui veut dire qu'à certains égards on peut se
faire prendre de court un peu. Mais, il reste quand même... Tout à
l'heure, il a été signalé un point, à savoir que si
on devait parler... On emploie plusieurs pourcentages qui sont utilisés
à l'intérieur d'un mémoire différent du
nôtre, y compris les 22,4 % d'un montant qui... Tout à l'heure, M.
Dufresne signalait qu'il est assez important que l'on retienne 22 % d'un
montant qui peut être assez élevé si on veut parler d'un
aménagement en vue éventuellement de faire du bois de sciage ou
du bois à pâte. Alors, 22 % du bois de sciage, cela peut
être extrêmement dispendieux pour le bois de sciage et pour
l'industrie papetière, et, également, si on doit retenir ces
données pour ce qui serait éventuellement du bois de pulpe, ce
serait beaucoup moins de 78 %.
Il y a, par contre, lorsque l'on traite de nouvelles données
comme celles des rendements financiers des entreprises de bois de sciage... Les
nôtres aussi vivent assez difficilement, celles qui sont
intégrées ou celles qui sont associées ou partenaires
à bien des égards. M. Dufresne a d'autres réflexions
à faire là-dessus, qu'il voudrait
vous transmettre. Je vais lui laisser l'occasion de s'exprimer.
M. Dufresne: Je pense que l'on doit regarder la
rentabilité vis-à-vis des autres industries qui sont canadiennes
ou québécoises. De ce côté-là, si on regarde
les cinq dernières années, selon les chiffres publiés de
certaines compagnies, l'industrie des pâtes et papiers avait un rendement
sur équité un peu moindre que celui de l'ensemble des
manufacturiers canadiens. Quand vous allez chercher des fonds, car vous
n'êtes pas sans savoir que l'industrie a investi des sommes
considérables pour la modernisation et a augmenté sa dette, quand
vous allez voir les banquiers qui étaient ici tout juste avant nous, ils
regardent ces chiffres et, même si les chiffres sont plus gros, le
pourcentage du rendement est très important. C'est dans ce contexte
qu'on doit dire que, lorsqu'on compare une industrie ou une partie d'une
industrie à une autre, c'est comme comparer des pommes et des
oranges.
Je ne veux pas juger des chiffres que vous avez mentionnés. Tout
ce que je dis, c'est que, pour être concurrentiel et pour continuer
à progresser, il faut qu'on ait un rendement concurrentiel, de
façon qu'on ait les capitaux nous permettant de continuer la
modernisation de nos usines.
M. Perron: D'ailleurs, puisque vous avez parlé de
l'Association des banquiers canadiens, je crois que vous êtes sur la
même longueur d'onde quand vous disiez tout à l'heure, lors de
votre exposé, alors que je parlais de la forêt électronique
et que vous en parliez de votre côté, que cela ne devrait pas
être inclus. Les banquiers sont exactement dans la même
position.
À ce moment, on croit que les banques auraient beaucoup de
problèmes à prêter à des institutions comme les
vôtres, soit pour l'aménagement, la construction ou
l'agrandissement, si on utilisait la forêt électronique.
M. Hamel (Denis): Absolument.
M. Perron: Les banques ne prêteront pas
là-dessus.
M. Hamel (Denis): C'est par coïncidence que les banquiers
sont passés juste avant nous. C'était intéressant quand
même de voir leurs préoccupations. Si l'on retient
l'expérience du fameux programme de modernisation
fédéral-provincial, auquel les deux gouvernements ont
contribué pour 240 00Q 000 $, avec une certaine publicité qui
leur était favorable à cette époque, leur part de ce qui
était investi à cette époque représentait environ 2
500 000 000 $, au Québec seulement.
Cet endettement existe actuellement dans l'industrie et il s'est
poursuivi en termes d'immobilisations importantes. Les rapports annuels de
toutes nos entreprises le transmettent assez clairement. Il y a eu des
investissements considérables. Si on parle maintenant d'investir dans la
forêt, ce ne sont plus nécessairement des immobilisations. C'est
une ressource vulnérable à certains égards et, de
là à investir au rythme déjà suggéré
qui représenterait, pour une usine de papier journal de 350 000 tonnes
par année, un investissement nécessaire de 3 500 000 $ à 4
000 000 $ de plus par année, à tous les ans pendant 50 ans, avant
qu'elle puisse bénéficier de l'arbre dans lequel elle a
peut-être commencé à investir... Cet engagement est quand
même considérable. Ce n'est pas surprenant de voir plusieurs
personnes, autant chez les banquiers que chez les industriels eux-mêmes,
se préoccuper de ce phénomène.
M. Perron: Remarquez que je ne remets pas en discussion ce que
vous venez de dire. Je pense que cela fait partie de l'ensemble des
opérations.
À la page 51 de votre mémoire, concernant la
capacité concurrentielle de l'industrie forestière, vous
mentionnez que, pour maintenir sa part du marché mondial, l'industrie
doit être en mesure d'affronter la concurrence. Là-dessus, j'en
conviens. Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez pris connaissance
d'études effectuées par le ministère de l'Énergie
et des Ressources concernant les coûts d'implantation du nouveau
régime forestier ainsi que les impacts relatifs à la
capacité concurrentielle des papetières, soit globalement ou
encore usine par usine, selon la situation de l'usine dans le
Québec?
M. Hamel (Denis): Non. Aucune étude n'a été
faite à cet effet. Jusqu'à maintenant, on a entretenu surtout des
données généralisantes, c'est-à-dire que c'est
plutôt une moyenne à l'ensemble de la province. On sait
très bien que les répercussions d'un nouveau régime vont
plus loin que le simple coût additionnel de l'aménagement
proposé, car le réaménagement du territoire lui-même
est déjà un très gros facteur. Bien des gens vont se
retrouver ailleurs d'où ils sont présentement, avec des nouveaux
coûts d'éloignement qui se présenteront dans certains cas
et de rapprochement pour d'autres, heureusement. L'équilibre n'est pas
encore déterminé, ni par région ni par entreprise
individuelle.
M. Perron: Merci, M. le président. Je voulais vous poser
une question tout à l'heure. Je voudrais y revenir. Elle concerne un
autre sujet, le conseil permanent de la forêt. Êtes-vous favorable
à la création d'un tel conseil? Si oui, de quelle façon
verriez-vous sa composition?
(18 heures)
M. Duchesne: M. le député, je pense que le concept
du conseil permanent de la forêt n'a pas été défini
encore assez clairement à notre avis pour qu'on puisse se prononcer
définitivement. Le livre blanc prévoyait des dispositions
générales. Je vous avoue franchement que nous avons, à ce
moment-là, craint que cela puisse s'étendre jusqu'à des
décisions qui pourraient être prises par le conseil quant à
la survie d'usines. Nous voyons difficilement des représentants
d'entreprises décider de la rentabilité d'entreprises
concurrentes. Si le conseil devait avoir un tant soit peu une influence de
cette nature, nous croyons, de loin, que vous aurez beaucoup de
difficultés à y faire participer l'industrie, à tout le
moins.
M. Perron: Donc, si j'ai bien compris, monsieur, vous
n'êtes pas nécessairement contre la création d'un tel
conseil permanent de la forêt, mais vous n'en feriez pas
nécessairement partie.
M. Duchesne: Nous ne sommes pas contre la concertation, loin de
là. Nous sommes pour tous les mécanismes qui permettent
d'amenuiser les problèmes que l'on peut rencontrer. Mais la formulation
qui avait été proposée à ce moment-là ne
nous permet pas, à ce stade-ci, de dire si nous sommes pour ou contre ce
qui était proposé de façon sommaire.
M. Perron: Merci. À la page 40 de votre mémoire,
vous dites que la remise en production des aires récoltées peut
constituer la participation de votre industrie au financement des
activités sylvicoles. Vous dites, à la page 41, et je cite: "Les
documents qui accompagnent l'avant-projet de loi exigent, au contraire, la
régénération formelle de toutes les superficies
récoltées, hectare par hectare. Le coût de mise en
application d'une telle pratique sera nécessairement prohibitif. Elle
empêchera, par exemple, la récolte des territoires situés
dans la zone pâte, puisque d'ores et déjà il s'agit de
peuplements qui ne sont pas rentables à récolter. Elle bloquera
aussi la récolte des peuplements difficiles à
régénérer partout au Québec, même si ces bois
sont essentiels à la survie des usines." Vous terminez en disant: "Le
Québec ne peut se permettre de perdre de tels volumes ligneux." Au cours
de l'étude des mémoires, certains ont avancé que la
nouvelle politique forestière devrait permettre la récolte des
bois dans des zones où le droit de coupe est négatif pour autant
que l'utilisateur remette en production des territoires situés plus au
sud. Est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion sur cette façon de voir
les choses?
M. Duchesne: Vous allez augmenter de beaucoup la
complexité des contrats d'approvisionnement et d'aménagement que
vous allez devoir signer comme gouvernement, en tentant d'appliquer un
mécanisme comme celui-là. L'objection que nous avons à cet
effet est une objection qui a pour but de maximiser les rendements sur l'argent
investi, qu'il soit investi par l'industrie ou par la collectivité
directement. Quand on nous demande de régénérer une
superficie située soit dans le secteur de la Baie James, soit sur
certains territoires de petites dimensions, généralement, qui se
situent un peu partout au Québec, à l'intérieur même
de zones très productives et où le coût de
régénération risque d'être très
élevé à cause de difficultés particulières
à ces sites-là, on nous prive en même temps,
individuellement comme entreprise et collectivement comme
société, de l'efficacité supplémentaire que l'on
pourrait obtenir en investissant les mêmes sommes sur des sites plus
productifs. Par contre, d'aller jusqu'à la suggestion que vous nous
faites amène la difficulté de savoir qui gère quelles
dépenses. La position de l'association est celle-ci: si on va payer pour
une dépense sylvicole, on tient à en superviser
l'exécution. Ce qui fait que, peut-être, dans la partie du
gouvernement, si telle partie il y avait, vous pouvez considérer,
à ce moment-là, dans la partie du gouvernement un transfert d'une
zone moins productive à une zone plus productive, mais pas à
l'intérieur de la responsabilité financière qui sera
confiée à chacune des entreprises. Cela m'apparaît beaucoup
trop complexe.
M. Perron: Je crois que la réponse que vous venez de
donner est très claire. M. le Président, si vous permettez, je
vais passer la parole à un autre collègue ministériel.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Je reviendrai plus tard.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous parlez de la tarification et vous suggérez qu'on
tienne compte de certains éléments. Vous parlez de la
concurrence, des contraintes d'exploitation, des droits des
bénéficiaires de contrat, des cycles économiques. Est-ce
que vous croyez qu'on devrait tenir compte aussi des pressions qui sont
exercées par d'autres pays, notamment les États-Unis, pour faire
augmenter les droits de coupe que ces pays jugent trop bas au
Québec?
M. Duchesne: M. le ministre, ces
pressions, vous le savez, quand on compare des prunes avec des prunes et
des bananes avec des bananes, n'ont pas de fondement technique. Je crois que la
révision de sa politique que le Québec est en train de faire doit
être indépendante d'une situation qui est éminemment
politique chez nos voisins du Sud.
M. Ciaccia: Peut-être que c'est politique, mais ils ont
imposé une taxe sur les produits de la Colombie britannique. Cela a
causé de sérieux problèmes, des pertes d'emploi. Les
montants d'argent, à la suite de l'imposition de cette taxe, vont aux
États-Unis. Alors, il y a une perte pour la Colombie britannique en
termes d'emploi et il y a une augmentation des revenus aux États-Unis.
Est-ce que ce ne serait pas préférable plutôt, pour
éviter une telle taxe qui va aller aux Américains, qu'on prenne
cela en considération et qu'au lieu de nous faire imposer une taxe
à l'exportation, ce qui va augmenter les revenus des États-Unis -
parce que, même si vous dîtes qu'au niveau technique il n'y a pas
de fondement, c'est un risque à courir - on tienne compte de cette
position des Américains? Si on augmente les droits de coupe au
Québec, ces sommes vont rester au Québec, tout en tenant compte
aussi des positions de la négociation. Les droits de coupe
n'augmenteraient pas nécessairement au même niveau que la taxe de
27 % qu'ils veulent nous imposer.
M. Duchesne: M. le ministre, vous avez un sérieux
problème sur les bras. Ou vous retournez cette nouvelle taxe, ce nouveau
droit de coupe à l'industrie sous forme d'une plus grande participation,
d'une façon ou d'une autre, sylviculture ou autre chose, et, à ce
moment-là, on vous revient avec le même problème en disant
qu'il y a une nouvelle subvention, ou vous ne la retournez pas et, de toute
façon, vous avez un problème d'emploi parce qu'une partie de
l'industrie n'est plus compétitive.
Alors, vous comprendrez que c'est un problème très
sérieux. L'AIFQ n'a jamais pris position sur ce sujet en particulier et
sur la façon la plus efficace de contrer éventuellement la menace
que vous nous mentionnez. Si vous désirez que l'on vous transmette une
position officielle, je vais devoir retourner à mes membres.
M. Ciaccia: Oui. Quand vous dites qu'on est pris dans une
situation où on retourne l'argent, d'une certaine façon, à
l'industrie ou bien qu'on prend ces sommes, qu'on les garde et qu'on rend
l'industrie moins compétitive, tout dépend de ce que l'on peut
négocier au lieu de cette taxe américaine. Si on peut
négocier quelque chose de raisonnable qui n'affectera pas trop... Toute
taxe peut avoir un effet sur les emplois, mais il s'agit de savoir si on va
courir le risque sur 200 emplois ou sur 2000 emplois.
M. Duchesne: Un moindre mal, M. le ministre, est un mal quand
même.
Une voix: M. le ministre, je pense que M. Tardif a une
intervention.
M. Tardif: Je pense que l'industrie canadienne est un peu
coincée à ce moment-ci avec une taxe américaine ou une
sorte d'impôt qu'an s'imposerait nous-mêmes. Je pense tout de
même que cela ne peut pas faire partie d'une politique forestière.
C'est une situation temporaire qui résulte du surplus des exportations,
du surplus sur le marché américain de bois en provenance du
Canada. Ils cherchent un moyen de repousser outre-frontières ces bois et
pensent qu'ils vont le faire en imposant une taxe de façon à
diminuer les exportations et à réduire la production canadienne.
Je pense que pour nous c'est peut-être un choix momentané de dire:
On va se taxer nous-mêmes pour empêcher une situation pire s'ils
nous taxent eux-mêmes. Je pense que cela ne peut pas faire partie d'une
politique forestière. C'est temporaire, et, dès que la crise sera
passée, il faudra revenir à une situation plus normale.
M. Ciaccia: Vous dites que toute tarification peut être
modifiée au fur et à mesure...
M. Tardif: Oui.
M. Ciaccia: ...que les conditions changent; vous dites que cela
ne fait pas partie d'une politique forestière, mais on est pris avec le
problème aujourd'hui.
M. Tardif: Oui.
Une voix: Le problème...
M. Ciaccia: Si le problème change, comme lorsqu'on tient
compte dans votre tarification de la concurrence, des contraintes
d'exploitation, celle-ci aussi peuvent changer au fur et à mesure que
votre industrie évolue. Les montants ne sont pas coulés dans le
ciment. On fait face à ces principes, à ces conditions
maintenant. Dans ce sens-là, cela aurait pu être quelque chose
dont vous auriez pu tenir compte dans l'élaboration de la
tarification.
M. Hamel (Denis): Je pense que la démonstration est assez
bien faite, dans le cours des délibérations là-dessus, du
désir des législateurs américains d'ajouter des lois
compensatoires sur l'industrie du bois de sciage. Justement, ce n'est pas un
phénomène nouveau. Cela fait longtemps
qu'ils reconnaissent que, dans certaines régions du Canada, les
redevances ne sont pas aussi élevées qu'aux États-Unis, et
cela, pour de bonnes raisons. Il y a le transport, en particulier, et la
disponibilité de la matière dans des conditions favorables
d'exploitation. Mais le phénomène actuel est strictement
commercial, voulu par des pressions des producteurs de bois d'oeuvre
américains qui reprochent aux Canadiens de contrôler les prix
à la baisse. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres secteurs qui
nous intéressent, soit celui du papier journal, en particulier,
où, justement, ce sont Ies Américains qui décident des
prix à la baisse présentement. Il est impossible pour les
Canadiens d'intervenir en rajustant les prix en remontant. Alors, l'argument
qui existe en faveur du bois d'oeuvre pour les producteurs américains de
"lumber", c'est qu'ils veulent que, par l'imposition d'un droit compensatoire,
on soît obligés d'augmenter nos prix aux États-Unis pour
récupérer ce droit-là, ce qui leur permettrait de venir se
placer à peut-être 10 $ au 20 $ en dessous le millier de pieds de
planche pour aller récupérer peut-être 20 $, 30 $ ou 40 $
de plus qu'ls obtiennent présentement. Dans le cas du papier journal, ce
ne serait pas le cas du tout. Ce serait vraiment le chaos total à ce
moment-là.
M. Ciaccia: Est-ce que cela va vraiment avoir un effet sur vos
exportations? Est-ce que cette taxe n'est pas vraiment attachée au bois
d'oeuvre? Ce n'est pas attaché aux pâtes et papiers. Combien
exportez-vous de produits manufacturiers? On me donne, comme chiffres, 3 200
000 000 $ dans les pâtes et papiers.
M. Hamel (Denis): II n'y a pas de droit compensatoire qui
s'annonce sur le papier mais, sur le bois d'oeuvre, c'est un facteur.
M. Cîaccia: Oui. Cela affecte la tarification sur les
coupes et les droits de coupe. Alors, je ne pense pas que cela vise les
pâtes et papiers.
M. Hamel (Denis): Pas pour l'instant.
M. Ciaccia: À la page 48 de votre mémoire, vous
dites que "le Québec demeure la seule région au monde où
les droits de coupe ne sont pas reliés à la qualité des
bois récoltés mais plutôt à la destination de ces
bois. Il en résulte une situation dans laquelle le bois de haute
qualité destiné au sciage génère, pour le
gouvernement, des revenus moindres que le bois de plus petite dimension
destiné aux pâtes et papiers". Que proposez-vous
concrètement? Vous dites que "cette situation doit être
reconsidérée". Que proposez-vous concrètement? (l8 h
15)
M. Dufresne: Je pense qu'on a regardé, au cours des
dernières années... Le Québec est la seule place qu'on
connaisse où les droits de coupe pour le sciage sont plus bas que ceux
des pâtes et papiers. Si on se fie à ce qui existe ailleurs dans
le monde, on se dit, nous, qu'un minimum acceptable, ce serait qu'au moins ils
soient égaux. C'est une situation qu'on a mentionnée dans le
passé à la suite d'études qui ont été faites
et une position que l'on tient encore comme recommandation.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné aussi, dans votre
présentation... Vous avez parlé des coûts de
régénération et de reboisement et, si je comprends bien
votre proposition, les responsabilités de l'industrie devraient se
limiter aux dépenses à rendement croissant -la partie bleue,
c'est cela que vous nous avez montré - et le ministère devrait se
charger des dépenses à rendement décroissant,
c'est-à-dire le reboisement. Est-ce que j'ai mal compris votre
position?
M. Duchesne: Oui, je pense, M. le ministre, que ce qu'on essayait
de montrer à ce moment-là, c'était que, quel que soit
celui qui paie, il ne devrait pas être intéressé, à
moins que d'autres facteurs interviennent, à dépenser un dollar
pour générer 0,50 $ de bénéfice
supplémentaire. Quand on dépense de l'argent
supplémentaire, il faut que cela rapporte au moins autant que la
dépense supplémentaire. C'est une question de coût marginal
et de bénéfice marginal et cela s'applique aussi bien au
gouvernement qu'à l'industrie.
Évidemment, il y a dans le cas de l'industrie, une
facilité à calculer les bénéfices et les
dépenses qui est plus grande que dans le cas du gouvernement où
toutes sortes de facteurs qui sont traditionnellement difficiles à
évaluer doivent entrer en ligne de compte, mais le principe demeure
quand même.
M. Ciaccia: Bon, une fois que vous avez mentionné ce
principe, le fait demeure qu'il va y avoir du reboisement pour remédier
à une situation où il n'y en a pas eu dans le passé.
Est-ce que vous me dites que l'industrie devrait partager tous les coûts,
les coûts de la régénération, les 21 000 000 de
mètres cubes, et le coût du reboisement pour remédier
vraiment à ce qui n'a pas été fait dans le passé?
Prenez-vous la position que tous ces coûts-là devraient être
partagés par l'industrie?
M. Dufresne: Je pense, M. le ministre, que dans le passé
l'industrie a suivi les règles qui étaient en vigueur à ce
moment-là pour la forêt publique. Ce que l'industrie dit, c'est:
On propose de payer pour remettre la forêt au niveau des 21 000 000 000
et de la
distribuer de cette façon-là. Si, à ce
moment-là, le gouvernement veut augmenter cette possibilité pour
des raisons d'allocations, à ce moment-là, le gouvernement paiera
cette facture.
Si, d'un autre côté, c'est l'industrie qui veut profiter de
cette chose-là, elle pourra payer, certes, mais à ce
moment-là, ce sera un choix et l'industrie investira des sommes d'argent
comme on l'a fait dans notre forêt privée au cours des
années. Si vous regardez ce qu'on a fait, nous, comme compagnie, dans
notre forêt privée, on a réinvesti de ce
côté-là de façon à avoir un meilleur
rendement. On connaissait les règles du jeu dans la forêt
privée. Dans la forêt publique, les règles du jeu
étaient différentes.
M. Ciaccia: Les règles du jeu, je peux comprendre,
étaient différentes mais l'industrie en a
bénéficié aussi. Les règles n'étaient pas
imposées parce qu'on croyait qu'il y avait une abondance; on se
réveille un matin et on dit: Ouf! Ce n'est pas la situation! Il faut
s'engager dans le reboisement.
Je cherche le raisonnement, je me pose la question: L'industrie
n'a-t-elle pas bénéficié de ces règles du jeu dans
le passé, même si elles n'étaient pas plus contraignantes
pour l'industrie?
M. Dufresne: Je pense qu'il y a deux côtés à
cette chose-là: II y a eu, d'une part, une allocation plus haute que la
possibilité. Il y a eu aussi la perte due à la protection non
adéquate de la forêt. Alors, on en a
bénéficié d'un côté, en ce sens qu'on a
exploité la forêt de la façon qui était
dictée par le gouvernement et, d'un autre côté, je pense
que le gouvernement en a bénéficié et l'ensemble de la
société québécoise, en produisant une
économie concurrentielle avec les autres producteurs, non pas ceux du
Québec, mais ceux de l'extérieur.
M. Duchesne: À ce moment, M. le ministre, dans cet ancien
contexte d'abondance de matières ligneuses, je vous souligne que le
gouvernement remettait moins de 0,05 $ pour chaque dollar récolté
en sylviculture et en gestion de la forêt. Je vous signale aussi que,
chaque fois qu'un mètre cube de bois est récolté et
transformé au Québec, en taxes, redevances et impôts de
toutes sortes prélevés directement sur l'activité de
l'industrie forestière et sur les revenus de ses employés, le
gouvernement atteint des revenus d'au-delà de 30 $. C'est plus que
n'importe quel profit de l'industrie.
M. Ciaccia: Notre politique d'aménagement vise à
faire en sorte que le volume récolté annuellement permette la
récupération la plus rapide possible des stocks mûrs
disponibles sans provoquer de ruptures de stocks. Ce sont les objectifs de
notre politique d'aménagement. Êtes-vous favorables à cette
orientation?
M. Hamel (Denis): Moi, je pense qu'il faut comprendre encore une
fois que si l'évaluation de la capacité actuelle on la limite
à 18 600 000, qui est une donnée qu'on remet en question,
d'ailleurs, dans l'exposé original, et qu'on veuille atteindre le seuil
de la récolte qui est situé autour de 21 000 000 comme tel, si la
répartition du territoire selon les nouvelles allocations était
de telle sorte qu'on puisse établir clairement quel est le besoin,
justement, de pratiquer non pas seulement des..., d'assister la
régénération naturelle pour se rapprocher des 21 000 000
et d'ajouter à cela au besoin du reboisement pour atteindre le niveau de
21 000 000, je pense que l'industrie embarque là-dedans. C'est une
compréhension que l'on a. L'industrie actuelle.
Si on veut, du même coup, introduire un nouveau programme et
porter cette capacité de 21 000 000 à 26 000 000, cette
augmentation additionnelle, est-ce qu'elle est destinée à des
futures allocations? Si c'est le cas, on voudrait que les futurs alloués
ou les futures locataires soient ceux qui devront payer la note. Que le
gouvernement fasse l'investissement et qu'il le leur facture en
conséquence éventuellement.
M. Ciaccia: Vous êtes d'accord avec les orientations. C'est
juste l'interprétation des orientations que vous...
M. Hamel (Denis): Les niveaux dans la répartition des
coûts. Également aussi, de donner une chance, à la suite de
l'allocation qui sera faite, à l'évaluation sur le terrain de la
capacité réelle de régénération naturelle
lorsque tout le monde s'occupe vraiment très bien de son territoire. Et
d'établir justement si après quelques années ce qu'on
avait évalué comme un niveau de 18 600 000, de 19 000 000 ou de
20 000 000... Il faut savoir si le soin qu'on apporte à la
régénération, naturelle n'a pas de lui seul permis
d'atteindre des niveaux qui sont très élevés sans avoir
à embarquer dans des programmes très dispendieux de reboisement
et surtout s'il n'y a pas de protection apportée à l'effort de
reboisement ou de régénération.
Je pense qu'il faut vraiment s'établir d'abord des principes
d'amélioration de la régénération naturelle et de
la protection de la forêt telle qu'elle existe aujourd'hui avant de
s'embarquer à planter des petits.
M. Ciaccia: J'ai une autre question sur la réglementation.
Beaucoup d'intervenants se plaignent qu'il y a trop de règlements dans
l'avant-projet de loi. Est-ce que c'est possible... C'est une critique, je
crois, que
plusieurs autres ont faite. Est-ce qu'il faudrait être plus
précis dans la loi? Je pense bien qu'on ne peut pas éviter de
règlements dans les lois, spécialement dans une loi de ce genre
où on commence un nouveau régime forestier. Est-ce que vous avez
des exemples de pouvoirs réglementaires qui devraient être inclus
dans la loi? Vous vous plaignez qu'il y en a trop. Est-ce que vous auriez des
exemples disant que les règlements devraient être limités
à tel ou tel sujet, devraient contenir certaines balises, certains
critères?
M. Duchesne: Oui, M. le ministre. Il y a un champ en particulier
qui doit apparaître quelque part probablement dans la
réglementation, c'est celui de l'évaluation de la performance des
bénéficiaires de contrats. Nous crayons que l'essentiel de la
réglementation en ce qui a trait aux relations entre les
bénéficiaires de contrats et le gouvernement, qui
représente la collectivité, doit se faire par le biais de
l'évaluation de la performance. C'est la garantie que nous aurons tous,
comme individus, comme Québécois, que l'industrie utilise la
forêt à bon escient. Or, il faut fournir à l'industrie des
critères d'évaluation. Il faut lui indiquer sur quelles bases on
va évaluer sa performance. Ces bases nous paraissent importantes et
généralement absentes à ce stade-ci.
M. Dufresne: M. le ministre, si je peux ajouter un point. On a
mentionné lors de la présentation que le rôle du
gouvernement était du côté des objectifs et du
contrôle. Je pense que, dans ces deux catégories, cela prend de la
réglementation. Le rôle de l'industrie est un rôle de
réalisation et, de ce côté, peut-être faut-il moins
de règlements de façon que l'industrie puisse trouver des
meilleures méthodes au moindre coût et avoir les mêmes
objectifs.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Duplessis, pardon, d'Ungava,
excusez-moi.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Au début de la
discussion, vous avez fait un voeu qui vous honore. Vous avez dit qu'il
semblait évident, en tout cas que vous souhaitiez que le nouveau
régime forestier permette d'optimiser les retombées de
l'industrie forestière pour l'ensemble des Québécois. Il
était question aussi, entre autres, du fait qu'il y a du bois qui doit
servir pour le papier et d'autre qui va au sciage, que ce n'est pas tout le
bois qui doit passer par le sciage, etc. Mais, depuis cette affirmation, on
s'est embarqué dans un dédale de considérations techniques
et on n'a pas eu la chance de revenir là-dessus. À la limite, ce
que je crains, c'est qu'à force de poursuivre l'ombre, on perde la
bête, la bête, ou l'objet étant de créer ou de mettre
en place un régime forestier qui optimise les retombées pour
l'ensemble des Québécois. À partir de cette affirmation
qui est sage en soi, il est clair que, traditionnellement ou historiquement,
l'industrie papetière a joui ou jouit encore de parterres de coupe
exceptionnellement intéressants en comparaison avec les parterres de
coupe dans lesquels doit se débattre à l'occasion l'industrie du
sciage.
Dans mon comté, je suis bien placé pour le voir, lorsque
les papetières coupent des arbres gros comme cela, dans du bois de 12,
15, 18 et 20 pouces alors que, juste à côté, la scierie
doit faire preuve de toute son imagination pour réussir à sortir
un 2 x 4 à partir de 2 épinettes dans du bois de...
J'espère que le souhait que vous avez émis n'est pas un simple
voeu pieux. À partir du moment où vous avez émis ce
souhait, je suppose, en tout cas, que votre organisation ou que l'industrie
papetière est prête à réviser, en fait, ses
positions ou ses avantages par rapport à certains parterres de coupe
dont elle jouit actuellement. C'est une hypothèse que je fais, mais
c'est vous qui l'avez dit. Je me demande jusqu'à quel point cela ne
restera pas un voeu pieux et jusqu'à quel point finalement, en tant
qu'industrie, vous seriez prêts à réviser vos positions,
vos parterres de coupe, sans égard à ce que d'aucuns d'entre vous
appellent des droits acquis, afin de permettre, justement, cette optimisation
de la ressource en ce qui concerne l'industrie du sciage en particulier. (18 h
30)
M. Hamel (Denis): J'aimerais, si possible, corriger ce qui est un
mythe courant, savoir la question de l'accessibilité ou d'une jouissance
qu'on attribue à des grandes compagnies, de posséder de grands
territoires, de gros bois. Je ne sais pas, je n'en vois pas souvent de ces gros
bois-là. Effectivement, cette perception, on devrait arrêter de la
projeter. S'il y a eu une époque dans les coupes des
générations passées, d'avant-dernière
génération ou de générations
précédentes de coupe, si effectivement les bois étaient
très gros... Partout les phénomènes de coupe, on revient
maintenant à couper pour la deuxième ou la troisième fois
à la même place et on ne coupe pas si gros que cela.
L'industrie forestière, en général, et surtout les
papetières qui y vont pour de gros volumes, se retrouvent justement
à couper du bois qui, en général, est assez petit mais en
grande quantité. C'est vrai qu'il y en a du bois à bien des
places et on est bien content de l'avoir quand on peut. Il y a eu des reculs
importants dans les domaines qui, précédemment, étaient
occupés
surtout par les grandes compagnies, pour diverses raisons, des raisons
de création de parcs, de réserves, de pourvoiries, de ZEC, de
limites autour des cours d'eau pour faire place à des scieries qui sont
implantées, pour bien des raisons, par association, par
intégration du bois de sciage dans ces territoires... Si vous regardez
au nord du Lac-Saint-Jean, vous allez voir qu'il y a bien plus de coupes
destinées au sciage d'abord qu'il s'en fait pour les papeteries. Alors,
ce phénomène-là, je pense qu'on devrait peut-être
arrêter de l'entretenir. Je sais que cela a été
répété à maintes reprises par divers intervenants
au cours de la commission parlementaire, mais je pense que cela a fait son
temps. M. Duchesne a peut-être un commentaire à ce propos.
M. Duchesne: Peut-être. Mon expérience de forestier
me dit, M. Claveau, que si vous tracez une ligne quelque part au Québec
et que vous mettez un scieur à gauche et une papetière à
droite, le gros bois, il se trouve toujours à droite et si vous faites
le contraire, le gros bois, il vient à gauche.
M. Claveau: D'accord. Non, mais...
M. Perron: Vous parlez des zones de pâtes.
M. Duchesne: Pardon?
M. Claveau: C'est évident que si on est dans la zone de
pâtes...
M. Duchesne: Non, la zone de pâtes, c'est une région
particulière au Québec qui est dans le Grand Nord. Effectivement,
tout le monde reconnaît que c'est du bois qui est assez vieux, de 120,
130, 150 ans et qui n'est pas beaucoup plus gros que six ou huit pouces, mais
ce n'est pas n'importe qui qui va aller le chercher parce qu'il va être
cher à aller chercher. Il est disparate et il est loin.
M. Claveau: Juste une petite question complémentaire. Il
reste que moi aussi, pour avoir parcouru peut-être en utilisateur la
forêt qui va peut-être avoir à payer un jour, je ne le sais
pas...
Une voix: Cela l'inquiète.
M. Claveau: ...cela m'inquiète beaucoup d'ailleurs, oui.
J'ai aussi eu à parcourir et à rencontrer
régulièrement les industriels autant du sciage que de l'industrie
papetière et il reste qu'il y a, effectivement, dans certaines
régions des parterres de coupe très intéressants et
très alléchants pour le sciage et qui sont actuellement
destinés directement au papier, aux "chippers", comme on dit
communément.
Dans votre optique, est-il envisageable, sans aller en Cour
suprême, de modifier cette utilisation du bois?
M. Dufresne: Je pense que les scieurs, si on regarde les chiffres
qui ont été donnés, coupent à peu près les
trois quarts, d'après ce qu'on a dit, alors, il doit en rester moins de
ces choses-là. Je sais qu'au cours des années, il y a eu beaucoup
de scieries qui ont coupé sur les territoires justement pour essayer de
prendre avantage et optimiser. Or, le phénomène va
peut-être se continuer. Mais quand on est rendu aux trois quarts, il n'y
a quand même pas la même marge qu'il y avait il y a vingt ans.
M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rïvière-du-Loup): Merci, M. le
Président. J'aurais plusieurs questions mais je vais commencer par
celle-ci. Quand vous mentionnez le cas où il y aurait plusieurs
intervenants et plusieurs bénéficiaires sur le même
territoire, vous souhaitez qu'il n'y ait qu'un seul maître d'oeuvre. Je
vous dirai que moi aussi je le souhaite quand ce sera de gré à
gré, mais quand ce ne sera pas de gré à gré, vous
dites que le ministre devrait le désigner, mais avez-vous une
idée qui je devrais désigner?
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Duchesne: Oui, M. le ministre. Je pense que, dans le
mémoire, nous vous fournissons à ce sujet une couple
d'indications. Il est évident que vous devez viser à la fois le
bénéficiaire qui détient la capacité de faire le
travail et celui qui vous apparaîtra le plus fiable pour le faire. Ceci
ne qualifie aucunement le type de bénéficiaire que vous devrez
désigner. Ce que l'on vous recommande finalement, c'est d'éviter
d'avoir à prendre des décisions journalières pour
régler des problèmes d'exploitation de plusieurs
bénéficiaires de contrat sur le même territoire. La
décision de désignation se prend essentiellement une fois pour
toutes. C'est pourquoi nous vous recommandons aussi de préciser à
la fois les droits et les devoirs de celui qui devra agir comme maître
d'oeuvre.
M. Côté (Rïvière-du-Loup): M.
Duchesne, si personne ne veut se porter volontaire pour être
maître d'oeuvre, cela va être un problème
sérieux.
M. Hamel (Denis): Vous devriez pouvoir l'imposer à ce
moment-là, à savoir qui s'occupera de l'aménagement,
quitte à faire
partager les coûts à ses colocataires. C'est normal.
M. Jolivet: II dit: La constatation canadienne le
permet-elle?
M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait
imposer un intervenant hors du groupe, s'il n'y a personne qui est volontaire.
Cela irait jusque là? Du type REXFOR?
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Duchesne: M. le ministre, si vous allez à des
extrémités comme cela, j'ai l'impression que vous risquez de
trouver un volontaire.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: C'est sûr qu'on est porté à
penser...
M. Côté (Rivière-du-Loup): M.
Duchesne, vous n'aviez pas de meilleure réponse?
M. Duchesne: Non, mais je la trouve très bonne.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans votre
exposé, vous avez parlé du partage des responsabilités
entre l'État et l'industrie, de la réalisation des objectifs.
Quand vous parlez du contrat d'approvisionnement et d'aménagement
forestier, vous êtes évidemment favorable au respect de la
possibilité actuelle du territoire alloué. On a une petite
différence d'opinion sur la possibilité. Mais vous l'assimilez
à 21 000 000 mètres cubes de bois. Sur les territoires,
l'objectif est de faire produire la forêt québécoise
à 1,23 mètre cube à l'hectare. Si on alloue 21 000 000 de
mètres cubes, comme vous le souhaitez, avec un objectif de 1,23
mètre cube à l'hectare, cela donne 17 000 000 de mètres
cubes d'hectares. Là-dessus, ce serait notre calcul. C'est notre
objectif, notre souhait. Est-ce que vous considérez que 1,23
mètre cube à l'hectare, comme objectif de production, est
exagéré?
M. Duchesne: Non, je ne pense pas, M. le ministre, que l'objectif
exprimé en ces termes soit exagéré. Par contre, j'ai
l'impression, à tort ou à raison, que vous croyez que nous avons
affirmé que la possibilité actuelle était de 21 000 000
mètres cubes. C'est la demande qui est de 21 000 000. Les estimations
que nous faisons à l'heure actuelle sont que la possibilité doit
se trouver à peu près là, mais nous attendons impatiemment
les nouvelles données forestières qui vont nou3 permettre de
confirmer ou d'infirmer cette évaluation.
On est d'accord, à toutes fins utiles, sur l'objectif de
satisfaire les besoins actuels. Il restera du potentiel à
développer pour développer les besoins futurs. Ce que l'on vous
dit, c'est que ce potentiel peut se développer de deux façons.
S'il s'avère que, sur la possibilité de base actuelle,
c'est-à-dire celle qui est produite en assurant la
régénération des peuplements récoltés avec
un rendement aussi grand que les peuplements actuels, on n'a pas besoin
d'allouer tout le territoire, c'est une option qui est ouverte. Mais,
même si on a alloué tout le territoire, le niveau de
productivité actuel de la forêt, en utilisant cette base, n'est
certainement pas le niveau du potentiel de la forêt. Ce que nous vous
disons, c'est que s'il faut dépasser cette base, le gouvernement
devrait, dans un premier temps, en tout cas, combler le déficit
causé par les allocations excessives qui ont permis l'implantation des
usines qui consomment plus que la possibilité de base et, ensuite,
laisser à celui qui paiera l'usufruit de la nouvelle tranche de
possibilité. Si c'est l'industrie qui décide sur son territoire
d'exploiter le potentiel à un niveau plus élevé, c'est
elle qui va payer pour produire cette matière ligneuse, c'est elle qui
devrait en être propriétaire. Si c'est le gouvernement qui, dans
le contrat d'approvisionnement et d'aménagement, demande à une
industrie d'en faire plus, c'est le gouvernement qui devrait payer le
coût marginal.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non, ce n'est
pas... Je vous demande si c'est exagéré de vous demander de
remettre en production les territoires de coupe que vous exploiterez.
Évidemment, vous prendrez les meilleurs moyens - là-dessus, j'en
suis - les plus économiques, mais, comme résultat, si on vous
demande de faire produire la forêt à 1,23 mètre cube
à l'hectare, vous serez évidemment obligés de prendre soin
de la régénération naturelle et de faire du reboisement
parce qu'il y a 40 % des coupes qui ne se régénèrent pas
adéquatement. C'est l'objectif, c'est ce qu'on vous propose. C'est
là-dessus que je vous demande si vous trouvez cela
exagéré. Si vous faites cela, on va atteindre l'objectif de 1,23
mètre cube à l'hectare. Sur cette base, on vous allouera, comme
territoire, 17 000 000 d'hectares. C'est évident que le territoire ne
peut pas tout être alloué. II y a tout le territoire de la
Basse-Côte-Nord et de la Côte-Nord qui n'est pratiquement pas
alloué, où il y a des surplus. Vous ne pensez pas qu'on va vous
allouer cela dans...
M. Tardif: Les 17 000 000 d'hectares auxquels vous vous
référez, c'est ce que vous appelez la forêt productive
actuelle...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Productive
accessible.
M. Tardif: ...accessible, que vous prévoyez
répartir entre les intervenants.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela. Pour
le choix des moyens, j'en suis. Vous parlez, dans votre exposé, duchoix des moyens pour les bénéficiaires de contrat, à
savoir de prendre les moyens sylvicoles appropriés pour atteindre les
objectifs. J'en suis là-dessus, je ne veux pas que le ministère
vous donne des directives. Il peut faire des suggestions, il peut l'inclure
dans des manuels. On peut en discuter, mais ce ne sont pas des directives.
Là où on va être exigeant, ce sera sur les
résultats. Évidemment, tous les cinq ans, cela va être
réévalué, mais, passé ces objectifs, j'en suis pour
dire que c'est un boni qui appartiendra à l'industrie, mais je ne veux
pas vous donner des bonis entre les deux.
Dans la révocation, vous demandez une révocation seulement
après conclusion d'une entente. Là, j'hésite encore un
petit peu parce qu'une révocation seulement après la conclusion
d'une entente, vous pouvez nous traîner pendant dix ans ou, nous, nous
pouvons aller trop vite. Mais ce qu'on veut faire et ce qu'on souhaite - vous
me direz si cela a de l'allure - c'est qu'aussitôt que les données
dont M. Duchesne parle seront disponibles, qu'on les aura et qu'on sera
prêt à vous faire une proposition, est-ce qu'après vous
avoir fait cette proposition on pourrait dire: On va conclure une entente dans
les 30 jours qui suivront?
M. Martin: Selon mon expérience et à mon point de
vue, cela va prendre plus de 30 jours, certainement!
M. Côté (Rîvière-du-Loup): Après
avoir reçu une proposition du gouvernement, combien de temps
voulez-vous?
M. Martin: Je ne sais pas si je peux donner une réponse
très claire à ce moment-ci, parce que je ne connais pas encore le
contenu du contrat. On a vu le schéma d'un contrat...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Martin: ...les détails qui étaient dans le
contrat ont suivi l'avant-projet de loi. Nous avons suggéré dans
nos documents -il y en a d'autres qui vous ont fait des suggestions - plusieurs
changements. Nécessairement, le prochain contrat sous forme de
schéma va suivre le projet de loi, pas l'avant-projet de loi. (18 h
45)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.
M. Martin: Par la suite, si vous produisez un autre contrat qui
correspond au projet de loi, on va entrer dans les détails. À la
suite de cela, je serai dans une position pour vous donner une réponse
plus claire qu'aujourd'hui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme vous l'avez
vu dans l'avant-projet de loi, on se donne aussi comme objectif de
régler les discussions et les négociations avec tous les
bénéficiaires d'ici le 1er avril 1990. Pour cela,
évidemment, lorsque les données les plus récentes seront
disponibles, je pense qu'il faudra procéder si on veut négocier.
Autrement, on pourrait prendre d'autres façons que nous n'aimez pas et
que je n'aime pas non plus.
M. Martin: Le programme que vous avez proposé va commencer
le printemps prochain dans le sud-ouest, dans l'ouest de la province. Cela va
inclure, disons, une dizaine ou une quinzaine d'utilisateurs dans cette
région, avec un exposé de l'inventaire de cette région.
À ce moment-là, on aura l'inventaire nouveau. Je suis confiant
que, certainement, vers la fin de l'année prochaine, on aura des
contrats signés pour chacun des utilisateurs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord, merci.
En rapport avec la révocation, vous parlez des droits des
bénéficiaires de contrats. À quels droits vous
référez-vous exactement? On reconnaît qu'il y a beaucoup de
droits, mais à quels droits vous référez-vous?
M. Martin: Nous parlons ici, M. le ministre, des droits
réels, les droits qui étaient associés originellement aux
concessions. Nous insistons pour que nous soit accordé un contrat qui
porte les droits réels de même valeur. C'est cela qui existe. Nous
avons suggéré un procédé ou un mécanisme
pour cela. Si vous voulez nous donner le premier choix pour nos territoires, je
crois qu'il y a le potentiel pour accomplir ce que nous voulons,
c'est-à-dire une valeur équivalente aux valeurs anciennes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous pouvez
être certain, M. Martin, qu'on ne fera pas exprès pour vous
envoyer au loin. S'il y a moyen de vous accommoder avec un premier choix, le
ministère va le faire avec un grand plaisir.
M. Hamel (Denis): Je pense que tous les principes sont
énoncés dans le projet de loi, à savoir que l'on veuille
accorder, au détenteur actuel, des droits de premier refus sur ce qu'il
détient, mais en fonction de ce que serait une nouvelle allocation et
également aussi, que l'on tienne compte des considérations
économiques, c'est-à-dire d'un
territoire. Comme vous le dites, effectivement, vous ne voulez pas
envoyer le gars au fond du bois. Si c'est prévu, à titre de
principe, cela va faciliter la négociation. Mais, si cela reste encore
très flou et que l'on retire dès le départ, au
détenteur actuel, tous ses droits, tout ce qu'il détient, et
qu'on l'amène à la table pour négocier, il y a une
côte à monter.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Pour ce
qui est de la question du partage des coûts, vous parlez de partager une
obligation semblable. L'obligation pour l'industrie de contribuer, c'est le
partage des coûts, d'accord, mais vous parlez d'une obligation semblable
pour tous les utilisateurs de la forêt. Est-ce que vous avez une approche
particulière pour aller chercher... On ne peut pas mettre des
barrières, etc. Est-ce que vous avez une approche spéciale pour
cela? Je suis d'accord, il n'y a rien de gratuit. Si on profite de quelque
chose, il faut le payer.
M. Duchesne: M. le ministre, en ce qui a trait aux chemins
forestiers, vous avez prévu la possibilité de récolter des
droits d'utilisation. Évidemment, on aura besoin de modalités de
perception de ces droits aussi. Je pense que c'est le même genre de
problème. Il s'agit évidemment d'avoir un mécanisme de
perception qui ne soit pas plus onéreux que les droits perçus et
qui respecte l'équité des divers utilisateurs. Nous n'avons pas,
à ce stade-ci, de mécanisme formel à vous proposer. Je ne
sais pas si c'était cela, le sens de votre question.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voulais savoir
si vous aviez une solution parce que ce n'est pas facile à trouver, le
mécanisme. Il faut trouver un mécanisme qui est équitable,
également.
M. Duchesne: Vous allez probablement devoir utiliser des
mécanismes indirects. Pour notre part, on est bien prêt à
en discuter avec les représentants du ministère.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous remercie.
J'aurais voulu vous parler de la tarification, mais mon temps est
épuisé.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. On a fait mention de
la forêt électronique. Un partage va se faire. Il y a une
capacité actuelle de production pour la forêt, dans son ensemble,
de près de 19 300 000 mètres cubes. On parle de la moyenne des
coupes des cinq dernières années qui est l'intermédiaire
entre la possibilité future de la forêt une fois qu'on aura fait,
on l'espère, l'ensemble des activités proposées.
La question que je vaudrais vous poser est, je pense, aussi importante
pour vous que pour l'ensemble des utilisateurs, que ce soit pour le
déroulage, le sciage ou autre. Est-ce que le gouvernement, quand
arrivera le temps de faire le partage des territoires, devra le faire sur la
capacité actuelle de 19 300 000 ou s'il devra le faire sur 26 400 000?
La question est bien directe, mais elle nécessite de votre part une
réponse tout aussi directe.
M. Tardif: On a répondu à cette question tout
à l'heure en émettant le principe qu'on devrait se conformer
à ce que nous croyons être la possibilité de base et
travailler sur cette base.
M. Jolivet: Donc, vous croyez cela. Le danger qu'il pourrait y
avoir, c'est qu'on fasse le partage sur des choses qui n'existent pas, mais qui
sont cependant prévisibles, selon les activités qui seront
placées dans le secteur et qui permettront d'utiliser ces résidus
pour les partager avec d'autres.
La question qui va venir tout de suite après, c'est celle que
j'ai posée à l'Association des manufacturiers de bois de sciage.
À partir de maintenant, au moment du dépôt du projet de loi
jusqu'à son adoption avec ses principes qui seront en vigueur à
partir de 1990, le ministre doit-il ou ne doit-il pas en aucune façon,
sauf exception bien entendu, dans la mesure où la provision le
prévoit, pour tenir compte des difficultés d'une usine sur la
moyenne de ses coupes au cours des cinq dernières années,
à cause des feux, des épidémies, des grèves ou
autres, donner des allocations à d'autres que ceux prévus
à l'article 104 du projet de loi qui dit que les gens qui
possèdent des concessions, des contrats d'approvisionnement ou des
formules permettant d'exploiter actuellement la forêt? Doit-il
éviter de donner quelque allocation nouvelle que ce soit, à qui
que ce soit?
M. Hamel (Denis): Si on se base sur les seules valeurs connues et
sûres, ce sont les valeurs de récolte. On sait que
celles-là sont vraies. 18 000 000 ou 19 000 000 ou quel que soit le
nombre possible actuel, c'est une évaluation qui est remise en question
ou, du moins, qui peut être encore déterminée sur le
terrain. 26 000 000 est quand même hypothétique, mais 21 000 000,
tout le monde admet que la capacité actuelle naturelle ne se situe pas
nécesairement à 21 000 000 elle est possiblement
inférieure à cela. Donc, cela ne donne rien de penser qu'elle
peut être plus élevée que cela.
Les raisons pour lesquelles on en est là aujourd'hui
découlent des problèmes d'épidémie et, surtout,
à cause des difficultés de surallocation. Je pense qu'il
faudrait qu'on se décide une fois pour toutes à
arrêter d'allouer du bois s'il n'y en a pas. Chaque fois qu'on en mettra
plus, on ira le chercher aux dépens de ceux qui sont déjà
là. Si on s'en va sur le territoire en disant qu'on va pousser le
potentiel ou la possibilité de la forêt en "boostant" avec des
petits plants, avec beaucoup de reboisement, on va faire payer aux producteurs
actuels les allocations qui seront données aux futurs
bénéficiaires de cela plus tard.
Je pense que le phénomène auquel on fait face
présentement est injuste et il peut s'aggraver si on entretient cette
idée d'allouer encore, alors qu'il n'y a pas de possibilité.
M. Jolivet: Si je parle maintenant des arrérages en
faisant le parallèle entre ce que l'Association des manufacturiers de
bois de sciage disait et ce que vous allez dire, vous allez m'expliquer si j'ai
bien compris. Il y a d'abord les arrérages qu'on connaît tous.
Comme les compagnies n'étaient pas obligées de faire des actions
- certaines en ont fait et d'autres n'en ont pas fait - on se retrouve avec des
arrérages dans le Québec. Le gouvernement s'engage à
prendre à sa charge l'ensemble des arrérages et vous discutez
toujours en disant: On veut savoir à quel rythme il va le faire, dans
quelles conditions cela va se faire pour s'assurer qu'on ne soit pas
pénalisé au bout de la course comme industrie
forestière.
La question, c'est que l'association des manufacturiers parlait de deux
choses, hier. Je prends le résineux à ce niveau. De 18
jusqu'à 21, la coupe annuelle, ce qu'elle disait, c'est qu'il y a une
partie de cela qui sont des arrérages que le gouvernement va prendre
à sa charge, mais qu'il y a une autre partie qu'elle ne voulait pas
payer en disant aussi que le gouvernement devrait... Là, j'ai
essayé de savoir s'il y avait deux sortes d'arrérages possibles.
Du 21 au 26, l'hypothèse maximum, l'optimum, on dit: Le partage devra se
faire sur la reforestation de cet ensemble entre les utilisateurs réels.
Là, les manufacturiers de bois de sciage disaient que, pour eux, il y
avait une partie qui devait être payée par d'autres qu'eux. Mon
collègue a parlé de cela tout à l'heure. Vous avez
répondu à des questions dans ce sens.
Ce que j'ai cru comprendre de votre part, à part des
arrérages qu'on connaît, vous ne parlez pas de ce qui est entre 18
et 21, vous parlez des limites entre 21 et 26 et, là, vous dites que
cela devrait être entre le 21 et le 26, une obligation pour le
gouvernement d'être responsable de l'ensemble des coûts de cette
regénérescence. Est-ce que j'ai bien compris quand
j'interprète vos propos dans ce sens?
M. Hamel (Denis): C'est que, si on veut aller au-delà de
21 avec la possibilité de récolter nous-mêmes, si j'ai un
territoire qui me donne, par exemple, 21 mètres cubes et qu'on voulait
le monter à 26... Moi, je vais vous dire que si j'aimais le monter
à 22 ou 23 et que le gouvernement voulait intervenir pour porter
celui-là, peut-être, à 26 ou à 27, s'il le faut, le
21e, le 22e, le 23e, je voudrais bien que cela m'appartienne, si je le fais
moi-même. Si le gouvernement voulait intervenir pour porter cela à
26 ou 27 millions ou à 26, 27 mètres cubes, selon le cas, pour
allouer cela à d'autres éventuellement, c'est son
problème. Cela ne nous regarde pas.
M. Jolivet: Vous ne mettez pas en cause les arrérages
actuels dont le gouvernement s'est porté garant.
M. Hamel (Denis): Dont il est en partie responsable aussi pour
des excès d'allocation.
M. Jolivet: Je reviendrai sur cette partie tout à l'heure.
La deuxième partie de l'intervention que je voudrais faire, c'est sur la
priorité aux boisés privés et aux résidus de
sciage. Vous pariez... Le commun des mortels qui voit passer du bois sur la
route de La Tuque, je prends un exemple typique, qui voit un billot de quatre
ou huit pieds qui descend et qui dit: Cela aurait dû être du bois
de sciage au lieu du bois de pâte, et qui en voit remonter un autre en
copeaux de l'autre bord il se dit: II y a quelque chose qui ne va pas quelque
part. Donc, une des propositions qui a été faite, c'est la
tarification basée sur la valeur marchande, en tout cas, selon la
formule que vous proposez ou d'autres, peu importe. On avait dit de fournir des
exemples de façons de régler le problème de la
tarification comme telle.
Il y a une proposition qui est faite et la tarification avait pour but
d'amener justement une utilisation optimum de la fibre avec le passage, s'il le
faut, des rouages d'abord, s'il le faut, ensuite au sciage avant d'aller
à l'usine de pâte, dans la mesure - je pense que vous êtes
d'accord avec moi - où il est économique de le faire. Dans ce
contexte, la proposition de priorité qui a été faite a
peut-être été mal utilisée par des gens, j'en
conviens. J'ai toujours dit la même chose et je pense que c'est la
même chose que je vais vous répéter aujourd'hui, la
priorité doit être établie à partir d'une
première source qui est la moyenne des coupes des cinq dernières
années réajustée en tenant compte du fait que c'est
l'allocation de base sur la forêt publique et après cela on
devrait aller sur l'utilisation prioritairement des autres possibilités.
Dans ce contexte cela n'empêchait pas par la tarification de faire passer
du bois de sciage ou de déroulage d'abord à ces
industries-là avant d'aller chez
vous. Mais je comprends peut-être mal l'entêtement de ne pas
vouloir accepter qu'il y ait une forme de priorité dans ce sens. Est-ce
que j'ai mal compris, est-ce que je vous saisis mal? J'ai cru comprendre qu'on
dit: C'est la valeur marchande, le prix sur le marché. Mais, là,
cela occasionne ce dont on faisait mention tout à l'heure; Vendez-moi le
moins cher possible au volume que je veux, je vais être content. Si tu le
vends trop cher et au volume que je ne veux pas, il restera dans tes tas
à côté et là on aura les surplus dont on parlait
tout à l'heure.
J'ai fait une petite farce avec le ministre en disant; II y a REXFOR
aussi qui est poignée avec cela dans certains secteurs de la
Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. (19 heures)
M. Dufresne: Je voudrais apporter quelques nuances, M. Jolivet,
à cela. La priorité de la façon dont vous la
décrivez à ce moment-ci, c'est l'avant-projet de loi qui la
détermine sur une base globale et non pas sur une base de "tant qu'il va
y en avoir tu vas être obligé d'en prendre." En se basant sur
l'expérience des cinq dernières années, on a un niveau de
consommation à partir de la forêt publique qui, comme je vous l'ai
dit tantôt, par suite des pertes dues à la tordeuse, de la grande
quantité de copeaux qui est toujours croissante sur le marché, a
diminué de façon sensible la récolte traditionnelle des
papetières en forêt publique.
On est donc à un niveau bas en ce qui a trait à la
récolte des papetières. Ce niveau ne peut plus remonter avec la
formule de la moyenne des cinq dernières années. Toute demande
additionnelle d'approvisionnement de la part des papetières devra se
faire de l'une des deux façons, soit en allant sur le libre
marché acheter davantage de copeaux ou de bois en provenance des
boisés privés, soit en accroissant les objectifs sylvicoles sur
le territoire public et en dépensant des sommes supplémentaires
par rapport à l'aménagement de base. Il va y avoir
évidemment un choix économique à faire entre les deux.
Mais il y a, en plus du choix économique, un facteur important. C'est
que l'augmentation de la possibilité de base doit être reconnue
par le ministre avant que l'on puisse récolter davantage en terrain
public. Il y a une priorité qui se crée, comme vous dites, dans
les faits par ce mécanisme pour les autres sources d'approvisionnement.
La priorité est là.
M. Jolivet: Sans avoir nécessairement à
négocier avec vos concurrents, vos partenaires ou vos
complémentaires, autour de vous, parce que je ne parlerai pas
d'intégration - j'ai posé la question à un autre; j'aurais
dû vous la poser, mais ce n'est peut-être pas le temps de la poser
- ne croyez-vous pas que le conseil permanent de la forêt tel qu'il avait
été proposé dans ses principes de base, avec les
vérifications régionales, n'avait pas justement pour but de
régler une partie des problèmes dont vous faites mention en
évitant d'arriver à une régie des bois ou à une
régie des copeaux comme on a actuellement une régie des
billots?
M. Hamel (Denis): Je pense que je vais revenir à mon point
de vue de tout à l'heure. Même par consultation avec les gens du
sciage, comme on aime le faire, parce qu'en fin de compte on est liés
par les mêmes intérêts, on tire notre subsistance de la
même forêt et on a beaucoup d'intérêts communs, en
plus de se voir intégrés» associés et partenaires de
toute façon... Le fait demeure encore une fois que si l'exercice
lui-même est destiné à vouloir rétablir les prix, je
pense qu'on perd notre temps et cela ne regarde même pas, je pense, ce
qu'on veut appeler en termes de gestion de la forêt ou d'un nouveau
régime forestier... Je pense que si on veut traiter le volume, cela est
une chose. Mais si cela doit conduire, la priorité, à
établir les prix, je pense que c'est une formule injuste dans une
société de libre entreprise. Et on n'accepte cela pour aucune
considération.
M. Jolivet: J'ai une dernière question. Je vais laisser la
chance à mon collègue de poser les dernières qui
s'imposeront. En fin de semaine, à l'Association des ingénieurs
forestiers du Québec, il y a une personne qui a fait un discours, qui a
une très bonne connaissance du "Forest Management Agreement" de
l'Ontario et qui disait qu'en règle générale - je pense
que le passé est quand même garant de l'avenir, malgré les
bobards qui peuvent être dits - l'industrie forestière a toujours
respecté en gros l'ensemble des règles établies. On peut
peut-être diverger d'opinions. Je pense que je peux parler en gros.
À partir de cela, il a toujours été question que le
gouvernement - peu importe, dans leur cas ils posent le même diagnostic
-n'a jamais été capable pour toutes sortes de raisons, quelles
qu'elles soient, de tenir ses engagements. Ce que j'ai cru comprendre, et vous
me direz si c'est ce que vous cherchez vous aussi, c'est que dans la loi, dans
la forme réglementaire - on en parlera d'une autre façon - le
gouvernement devrait s'engager à prévoir dès maintenant -
et à vous le dire selon un calendrier précis, quelles sont les
sommes qu'il a l'intention d'investir dans X années, les cinq
premières années, mettons, du nouveau régime.
M. Hamel (Denis): Je pense que le gouvernement va prendre des
engagements clairs. D'abord, avec chacun des contrats individuels. Lorsqu'on
s'entend avec une entreprise à savoir qu'il y aura un partage
des coûts pour le reboisement ou pour la
régénération, je pense qu'il doit être clair qu'il
doit y avoir un engagement, à ce moment, de part et d'autre. Il ne
faudrait pas nécessairement, par contre, que le gouvernement s'engage
dès aujourd'hui avec des programmes grandioses de reboisement, tirer 200
000 000 de plants ou 300 000 000 de plants, sans savoir ce que cela va
produire, alors qu'il y a d'autres moyens peut-être plus
économiques, plus faciles. Je pense qu'il ne faut pas regarder des
engagements financiers globaux basés sur trop d'hypothèses. Je
pense qu'il faut que ce soit très pratique et relié à des
ententes particulières avec chaque entreprise concernée.
M. Jolivet: Je sais que M. Dufresne veut parler. Je vais lui en
laisser l'occasion après. Je veux simplement dire qu'effectivement, il
me semble que c'est pris dans le sens où on dit - j'écoutais le
ministre tout à l'heure et j'ai cru comprendre cela aussi -que l'on doit
tenir compte aussi, dans les probabilités qu'on va mettre dans le
contrat d'aménagement, du fait de laisser aux compagnies une certaine
autonomie quant aux moyens, soit par des moyens de coupes différentes,
de travaux sylvicoles et autres, des moyens de récolte, de fixer et
d'arriver aux objectifs fixés.
M. Dufresne: Oui. Oui. Le point que je voulais soulever, c'est le
domaine de la protection. Au cours des dix dernières années, on a
perdu 400 000 000 de mètres cubes. On en a récolté 225 000
000 comme industrie. On voit que les coûts sont de 20 à 25 fois
moins élevés. Je pense que c'est là un domaine très
précis où, du côté du gouvernement, un engagement
à long terme aiderait grandement tout l'ensemble de la province.
Même si la tordeuse, à l'heure actuelle, est en régression,
si on commence et si on la contrôle comme les feux quand les endroits
sont petits, ce sera beaucoup plus facile et peut-être que les
coûts aussi seront moins élevés.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Même si j'avais au total 19 questions à
vous poser, je vais vous en poser 3, parce que je n'ai pas l'intention de poser
les 19 en vrac; les réponses seraient peut-être trop longues.
Est-ce qu'on pourrait connaître votre opinion relativement aux
coopératives forestières du Québec? Seriez-vous
intéressés à ce que ces dernières soient partie
prenante au contrat d'aménagement et d'approvisionnement forestiers?
M. Hamel (Denis): Cela dépend comment on veut concevoir
une coopérative forestière qui serait locataire ou qui
participerait dans un territoire. Je pense que les règles du jeu
devraient être les mêmes pour tout le monde. Si leur participation,
en termes d'exploitation ou d'aménagement est destinée à
être perçue avec des contrats d'intervention de toutes sortes, je
pense...
M. Perron: Vous revenez dans votre réponse à la
question du libre marché.
M. Hamel (Denis): Toujours.
M. Perron: Vous y tenez. Hier, le ministre
délégué aux Forêts nous a dit qu'il avait
réglé - en passant, ma question ne s'adresse pas au ministre - le
problème de subventions de 170 000 $ de l'AFQ. Cet organisme est
fermé depuis une semaine et je suis informé qu'il ne rouvrira pas
ses portes, car l'argent que le ministre est allé chercher ne
représente que 40 000 $. Hier, des représentants de l'Association
des manufacturiers du bois de sciage nous ont indiqué qu'ils venaient de
décider de soutenir financièrement l'Association
forestière québécoise. Je crois que votre association
appuie financièrement l'AFQ ainsi que les clubs 4-H et même
l'organisme qui prépare la revue Forêt conservation et ce, depuis
plusieurs années. J'aimerais avoir vos commentaires sur la
nécessité de soutenir ces organismes d'éducation populaire
dans le domaine de la conservation de notre forêt. De plus, pouvez-vous
nous indiquer le montant que vous avez donné en subvention cette
année ou l'année dernière concernant l'AFQ et les
autres?
M. Duchesne: Oui, M. le député. Effectivement,
l'AIFQ soutient l'Association forestière québécoise depuis
longtemps. En fait, comme vous le savez probablement, cette association a
été fondée par des ingénieurs forestiers
intéressés à la cause de la conservation. Certains d'entre
eux travaillaient pour l'industrie comme certains travaillaient pour le
gouvernement. Depuis les problèmes financiers qu'a connus l'association,
l'AIFQ a voté chaque année des fonds d'aide spéciale
à l'association forestière. Cette année, l'industrie
papetière et la partie de l'industrie du sciage qui est chez nous a
versé 30 000 $, par le biais de l'association, à l'association
forestière québécoise que nous avons répartis -
j'allais dire équitablement, mais ce n'est pas le terme que je voulais
employer - d'une façon uniforme entre l'association elle-même pour
combler son déficit, les clubs 4-H et le Mouvement
aménagement-jeunesse. De plus, les membres de l'AIFQ ont fourni, bon an
mal an, environ 80 000 $ de subventions aux associations forestières
régionales et un peu
aussi à la centrale. Ces montants s'élèvent cette
année à près de 85 000 $. Finalement, l'AIFQ, comme vous
le savez, contribue à la pérennité de la revue Forêt
conservation en y inscrivant chaque mois un publi-reportage, ce qui
représente pour nous un autre investissement d'environ 20 000 $ à
25 000 $ chaque année. Oui, nous croyons à l'éducation
populaire en conservation, M. Perron.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Duplessis, je vous invite maintenant à faire les
remerciements d'usage.
M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de
faire un commentaire général. Je voudrais apporter une note
d'humour.
Une voix: Cela va faire du bien.
M. Perron: Dans le graphique que vous avez présenté
concernant les bois résineux en forêt publique, vous avez, en
fait, trois parties. Vous avez, en bas, la partie jaune, ensuite la partie
orange et, en haut, la partie bleue. La partie bleue représente pour
nous, et probablement pour vous, la forêt électronique.
D'ailleurs, vous avez mentionné, M. Dufresne, que j'avais soulevé
cette question antérieurement en commission parlementaire. Alors, je
voudrais dire à tout le monde ici que cette partie en haut devrait, non
pas être bleue, mais rouge et cela, pour deux raisons. D'abord, c'est le
gouvernement actuel qui a décidé d'inclure la forêt
électronique dans ses allocations. D'autre part, c'est pour
démontrer au gouvernement et à tout le monde le danger - c'est
mon deuxième point - de piger à même une ressource non
existante pour allouer des permis de coupe. En passant, je voudrais souligner
à tout le monde ici que nos couleurs à nous sont le bleu, le
blanc et le rouge.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Perron: Je voudrais bien sûr vous remercier
énormément pour votre présence en commission parlementaire
et vous dire... Je ne vous demanderai pas vos commentaires sur ce que je viens
de dire. Je veux vous dire merci parce que, lors des réponses que vous
nous avez données, autant d'un côté comme de l'autre, vous
avez démontré une honnêteté très expressive,
même si on n'est pas obligé d'être d'accord avec vos
réponses et même si vous n'étiez pas obligés
d'être d'accord avec nos questions. Je pense que cela a été
l'expression d'une grande connaissance de votre part en rapport avec votre
dossier forestier et surtout dans le domaine des papetières.
Vous pouvez être assurés que certains
éléments dans les amendements qui sont à la fin de votre
mémoire vont sûrement être pris en considération par
l'Opposition et qu'on va faire en sorte que le gouvernement puisse nous
apporter un projet de loi qui assure que notre forêt
québécoise soit vraiment protégée sur le fond et
ce, pour l'ensemble de la collectivité du Québec. Merci beaucoup,
encore une fois, et bon retour chez vous. Bonne chance à
l'industrie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Permettez-moi de dire au député de Duplessis
que les 40 000 $ qui ont été débloqués aujourd'hui
pour l'Association forestière lui permettront d'ouvrir ses portes,
contrairement à ce qu'il a dit, et qu'il s'agit d'un acompte sur les 170
000 $ anticipés. Ceci fait suite à des discussions que nous avons
eues avec l'Association forestière dans le but de l'aider à
redresser sa situation. Nous avons eu nos réponses la semaine
dernière et ce montant a été débloqué de
toute urgence.
Je suis heureux de l'échange que nous avons eu et surtout du
mémoire que vous nous avez soumis parce que, évidemment, en
l'espace de si peu de temps, on ne peut pas passer toutes les questions et les
problèmes qui nous préoccupent. Lorsque M. Dufresne a
mentionné qu'il faisait des efforts sur les terrains privés de la
compagnie comme grand propriétaire, cela me réjouit parce qu'on a
l'intention de vous accorder une tenure qui se rapproche de la
propriété privée et c'est dans ce but qu'on le fait, pour
vous inciter à investir en forêt et pour bénéficier
des bonis possibles. Nos évaluations sont évidemment très
conservatrices, à savoir 1,23 mètre cube à l'hectare; ce
n'est pas exagéré. Quand on regarde sous seing privé ce
qui se passe, je vous donne comme exemple - c'est connu, c'est au bureau
d'enregistrement - le contrat qui a été signé entre Price
et le Séminaire de Québec, comme exigences, vous y satisfaites
peut-être plus que celles qu'on demande comme rendement et comme
exigences dans ce contrat, ce que le gouvernement propose à l'industrie
aujourd'hui.
Quant à la protection, M. Dufresne, cela vous est cher et
à moi aussi. Si on ne peut pas protéger nos investissements, on
est mieux de garder notre argent en banque et de ne pas courir de risque. Votre
suggestion, à savoir de surveiller les foyers d'infestation en ce qui
concerne les épidémies d'insectes, tout comme les foyers
d'incendie, est très à point et c'est l'intention du
ministère de mettre 1000 trappes ici et là au Québec pour
les déceler aussitôt que possible et
lorsque nous aurons à effectuer des arrosages pour
protéger notre forêt contre les insectes, j'espère qu'on
sera capable, avec ces moyens, d'intervenir efficacement dès le
début pour éviter des épidémies et,
évidemment, épargner de l'argent également.
Je vous remercie beaucoup de votre collaboration dans tous les
comités pour lesquels on vous a invités à participer.
Évidemment, ce n'est pas fini parce qu'on va continuer et, d'avance, je
connais votre disponibilité et votre franchise, comme l'a signalé
le député de Duplessis, et, encore une fois, merci infiniment de
votre participation.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, je vous
remercie et vous souhaite, au nom des membres de la commission, un bon retour
chez vous.
En ce qui concerne les travaux de la commission de l'économie et
du travail, je vous rappelle qu'en accord avec les membres de l'Opposition,
nous suspendons les travaux pour une heure. Donc, ils reprendront à 20 h
20 avec l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage. Merci. Je
suspends les travaux de la commission.
(Suspension de la séance à 19 h 19)
(Reprise à 20 h 30)
Le Président (M. Théorêt): Nous accueillons
maintenant l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage dont M.
Ouellette est le directeur général, je pense.
M. Ouellette (Yves G.): Effectivement.
Le Président (M, Théorêt): Voulez-vous nous
présenter, dans un premier temps, les personnes qui vous accompagnent?
J'aimerais vous rappeler également que vous avez douze minutes pour la
présentation de votre mémoire et que, par la suite, chaque
formation politique aura 24 minutes pour discuter avec vous de ce
mémoire. Je vous cède la parole.
Association nationale de l'industrie du bois de
sciage
M. Robitaille (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est
Roger Robitaille. Je suis le président de l'Association nationale de
l'industrie du bois de sciage, peut-être mieux connue sous son
abréviation ANIBS. Les personnes suivantes m'accompagnent: à ma
gauche, Gilles Bérubé, secrétaire de l'association,
Charles Turcotte, administrateur, Yves Ouellette, directeur
général, Benoît Lagacé, administrateur, et Jean-Marc
Lavoie, vice-président. On retrouve aussi dans l'auditoire quatre autre
membres du conseil d'administration. Leur présence témoigne de
l'importance que nous attachons aux travaux de la commission.
L'ANIBS tient à vous remercier de l'occasion qui lui est ainsi
offerte de présenter le point de vue de ses membres sur le nouveau
régime forestier. L'avenir de ses treize usines et de ses 2200
employés est intimement lié au nouveau régime forestier.
Cela représente environ 10 % de la production en sciage du
Québec.
Notre présentation va se dérouler de la façon
suivante. Dans un premier temps, je vais vous présenter un très
court texte d'introduction au mémoire de l'ANÎBS.
Immédiatement après, M. Yves Ouellette vous fera la lecture du
résumé. Je terminerai notre présentation par quelques mots
en guise de conclusion à notre exposé. Les membres de l'ANIBS ici
présents seront alors à votre disposition pour engager le
dialogue.
M. le Président, la gestion de la forêt a fait l'objet de
multiples débats au Québec depuis quelques décennies.
L'enjeu s'avère de taille. Comme M. Albert Côté, le
ministre délégué aux Forêts, l'a si bien fait
remarquer lors de l'inauguration des travaux de la commission, 225 000 emplois
sont reliés à la forêt. Le sort économique de plus
de 100 municipalités est relié à cette même
forêt et les quelque 2 000 000 000 $ de salaires équivalent
à une petite Baie James par année.
Devant une telle situation, il est normal de retrouver un grand nombre
d'intervenants aux intérêts à la fois divergents et
complémentaires. Que plusieurs sentent le besoin d'intervenir dans le
processus gestionnel relève de la logique. Mais que tous décident
ne peut qu'engendrer le fouillis. L'ANIBS, consciente de ces problèmes,
a fait de multiples représentations auprès des différents
paliers de l'administration des forêts publiques par le passé.
Qu'il nous suffise de vous rappeler nos interventions dans le cadre du
programme de lutte contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.
Notre association s'est aussi fait entendre lors de plusieurs audiences
publiques. À titre d'exemple, nous avons été
présents et nous sommes intervenus aux audiences sur les forêts
privées et sur les programmes de pulvérisation aérienne du
ministère de l'Énergie et des Ressources. Notre mémoire,
dont M. Ouellette vous fera immédiatement lecture du
résumé, traduit les idées où notre cheminement nous
a menés.
M. Ouellette: M. le Président, MM. les ministres et MM.
les membres de la commission, d'abord, je voudrais vous dire que vous
retrouverez, à la fin du document, c'est-à-dire après la
page 19, un résumé du document qui a été
déposé.
Les différents intervenants du secteur forestier au Québec
ont, depuis maintenant plusieurs mois, travaillé en collaboration
avec
les officiers du ministère de l'Énergie et des Ressources
dans le but de jeter les bases de ce que pourrait être un nouveau
régime forestier pour le Québec.
Cet exercice de consultation a permis aux participants de mieux
comprendre la nécessité d'entreprendre, dans les plus brefs
délais, des actions concertées dans la réalisation de
travaux d'aménagement. Ces travaux doivent permettre à la
forêt d'aujourd'hui et de demain de conserver la place qu'elle occupe
dans l'économie québécoise.
L'Association nationale de l'industrie du bois de sciage Inc., a donc
accepté de participer activement aux discussions qui ont
précédé la présentation de l'avant-projet de loi
sur la forêt et c'est pourquoi elle se présente aujourd'hui devant
cette commission pour collaborer au débat entourant l'avenir de ce
secteur vital de notre économie.
L'exploitation sur une base de rendement soutenu. L'Association
nationale de l'industrie du bois de sciage Inc., souscrit au désir du
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec
d'exploiter la forêt sur une base de rendement soutenu, tel que
défini à l'article 23 de l'avant-projet de loi. L'association
insiste de plus pour que le gouvernement, dans le cadre du nouveau
régime forestier, accorde des contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier aux seuls détenteurs actuels de
conventions d'approvisionnement et, si des volumes supplémentaires
devenaient disponibles avec les nouveaux inventaires, il serait souhaitable
pour le gouvernement du Québec de consolider les usines existantes en
accordant ces nouveaux volumes aux installations détenant actuellement
des conventions d'approvisionnement sur forêt publique.
L'ANIBS insiste pour que le gouvernement s'engage de façon
formelle dans les travaux d'aménagement en ce qui touche le "backlog" en
plus d'assurer la protection des forêts contre les insectes et les
maladies. L'ANIBS a déjà réalisé par le biais d'une
compagnie, Forêt Plus Inc., des travaux d'aménagement et de
sylviculture sur les territoires de ses membres.
Territoire d'allocation et d'aménagement. L'association est
heureuse de constater que le ministre admet la notion de territoire par
industriel. L'implication des industriels sera plus positive et permettra
à ceux-ci de réaliser une meilleure planification des travaux
d'aménagement. La notion de zonage forestier est en soi excellente pour
autant que l'on prévoie des méthodes de coupe appropriée
pour récupérer les bois è maturité dans les zones
dont la vocation première ne sera pas la récolte du bois.
Valeur marchande de bois sur pied. Cette nouvelle formule de
tarification suggérée par le ministre de l'Énergie et
des
Ressources, tout en étant louable en principe, se doit
d'être étudiée et de faire l'objet de discussions entre le
gouvernement et l'industrie afin que sa détermination ne cause pas
préjudice à l'industrie du bois de sciage. Les analyses
effectuées par le ministère de l'Énergie et des Ressources
démontrent clairement que les coûts prévus de remise en
production sont égaux ou plus élevés que les profits
générés par les produits vendus actuellement par les
scieries. Il faudra donc s'assurer que l'imposition de nouvelles charges
à l'industrie du sciage n'amènera pas la disparition pure et
simple de celle-ci.
Droit de coupe payé sur le volume de bois alloué. Les
industriels de l'ANIBS sont d'accord pour participer à la remise en
production de la forêt. Cependant, ils ne pourront le faire que selon
leurs moyens qui sont actuellement très modestes. Il est
démontré que plus de 50 % des besoins des usines de pâtes
et papiers au Québec sont satisfaits par les copeaux des scieries. Il
faudra donc tenir compte de cette réalité lorsque viendra le
temps de partager les coûts de l'aménagement.
Quatre intervenants profitent actuellement des bénéfices
générés par le secteur forestier, c'est-à-dire le
gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, l'industrie des
pâtes et papiers et l'industrie du sciage. Il est donc logique et
raisonnable que tous soient appelés à partager la facture pour la
remise en production des forêts.
L'ANIBS demande que l'application de la tarification basée sur la
valeur marchande de bois sur pied s'échelonne sur une période de
quatre ans, c'est-à-dire au même rythme que l'implantation du
nouveau régime.
Contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. L'ANIBS
soutient que les allocations actuelles ne doivent pas être
réduites. Le fait de réduire certaines allocations pourrait
mettre en péril la survie des entreprises concernées.
L'intervention de l'État. L'Association nationale de l'industrie
du bois de sciage Inc., même si elle admet le bien-fondé des
interventions du gouvernement du Québec dans l'industrie du sciage par
le biais de ses sociétés d'État, n'accepte cependant pas
que ces interventions se fassent au détriment de l'industrie
privée. Elle encourage donc le gouvernement à prendre
sérieusement en considération les demandes qui pourraient lui
être adressées concernant l'achat possible par l'entreprise
privée de certaines entités détenues actuellement par les
sociétés d'État.
Conclusion. L'ANIBS croit que les discussions doivent se poursuivre afin
d'en arriver à un partage des coûts en tenant compte de la
réalité et de l'équité. L'instauration d'un nouveau
régime forestier ne doit pas se faire à tout prix, mais en
respectant la capacité financière de l'industrie du
sciage.
M. Robitaille: M. le Président, un peu comme plusieurs
intervenants vous l'ont mentionné depuis le début de ces
audiences, nous sentons la nécessité de mentionner que le
mémoire de l'ANIBS n'est pas aussi complet que nous l'aurions
souhaité. Le respect de la date limite de dépôt des
documents a bousculé un peu notre réflexion. Cela nous
amène à nous excuser auprès de la commission pour !a
présentation de plusieurs opinions moins bien supportées qu'elles
n'auraient dû l'être.
L'ANIBS a présenté son mémoire en comprenant qu'il
ne s'agissait probablement que d'une première refonte de lois dans le
cadre du nouveau régime forestier. Les lois sur le fonds forestier, sur
le ministère de l'Énergie et des Ressources, sur le prix de bois
à pâtes vendus par des agriculteurs et des colons, sur les
recherches et l'enseignement forestier, sur l'utilisation des ressources
forestières et sur les terres, pour ne mentionner que celles-ci, feront
très certainement l'objet d'amendements, ne serait-ce que pour assurer
leur concordance avec l'avant-projet de loi sur les forêts actuellement
étudié.
Conscients de cet état de choses, les membres de l'ANIBS ont
continué leur réflexion et leur analyse de l'avant-projet de loi
sur les forêts après le dépôt de notre
mémoire. Nos discussions et nos concertations des derniers jours nous
ont fait explorer de nouvelles avenues en matière de financement, de
droits de coupe, ainsi que de recherche et de lutte contre les maladies et les
insectes. Nos idées se sont aussi clarifiées quant à la
place de certains organismes, par exemple, les MRC. La question des parties de
territoires mal régénérées au moment de la
signature du contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier a
été aussi analysée. Notre attention a été
aussi attirée sur les questions du Comité consultatif permanent
sur les forêts, sur l'arbre-emblème du Québec.
M. le Président, nous restons à la disposition des membres
de cette commission et nous sommes disposés à répondre
à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. Je cède maintenant la parole au ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. M. le
président Robitaille, messieurs de l'ANIBS, c'est avec plaisir que je
vous revois et que je vous rencontre à nouveau. Je tiens, en premier
lieu, à vous féliciter pour la participation active que vous avez
toujours prise dans la discussion des dossiers forestiers, surtout en ce qui
concerne la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie où,
à mon avis, vous êtes les experts. Depuis quelques années,
vous avez vécu des expériences assez difficiles, ce qui vous 'a
forcés à vous adapter aux circonstances. Je fais
référence à la tordeuse des bourgeons de l'épinette
qui a grandement affecté la région du Partage que vous
représentez. Encore une fois, toutes mes félicitations et cela me
fait plaisir de vous revoir.
Quand vous demandez des précisions sur certains articles de
l'avant-projet de loi, je suis d'accord qu'il faudrait définir certains
termes utilisés dans les divers articles de cette loi. Ma
première question, c'est: Est-ce que vous avez une liste des termes
à définir? Ce n'est pas la première fois qu'on nous le
mentionne. Il faudrait s'entendre: si on parle de quelque chose,
évidemment, il faut savoir exactement de quoi l'on parle. Avec les
banquiers, les avocats et les ingénieurs forestiers, parfois, un terme
ne veut pas dire la même chose et tout le monde est de bonne foi. Est-ce
que vous avez une liste des définitions de termes que l'on devrait
inclure dans la loi?
M. Ouellette: M. le Président, nous n'avons pas de liste,
mais on fait référence à d'autres textes de loi. Par
exemple, on a quand même regardé la loi du Nouveau-Brunswick. Il y
a une série de termes, au début - requérant,
bénéficiaire, chemin forestier - que l'on définit avant de
parler des articles. C'est dans ce sens que l'on dit qu'il devrait y avoir des
définitions avant de parler d'articles de règlements.
M. Côté (Rivière-du-Loup): De cette
façon, la loi serait plu9 précise et on se comprendrait
mieux.
M. Ouellette: C'est cela, monsieur.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est votre
souhait.
M. Ouellette: C'est cela, monsieur.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis d'accord
avec cela. Avec le service juridique du ministère, on le fera
certainement.
Vous dites, à la page 4 de votre document, que les droits ainsi
établis sont calculés sur le volume de bois alloué
annuellement au titulaire, en tenant compte des cas de force majeure, tels le
feu, une grève, etc. Le "etc.", il faudrait le déterminer parce
que, là aussi, il faut s'entendre sur les forces majeures. C'est
peut-être une autre définition que l'on devrait ajouter à
celles dont on parlait précédemment.
M. Ouellette: Effectivement, M. le
Président, le "etc." sera à définir
là-dedans. Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans certains
cas...
M. Ouellette: Il est très large.
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...on ajoute
"grève" et, souvent, c'est discutable. Une grève, ce n'est pas un
"act of God", ce n'est pas l'acte de Dieu, ce n'est pas voulu, mais cela arrive
quand même.
À l'article 6, là, vous nous en poussez une pas pire. Vous
dites que...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...le
ministère de l'Énergie et des Ressources se doit d'être
plus restrictif concernant les érablières commerciales. Vous
allez jusqu'à dire que ces permis d'érablières sont
utilisés pour exploiter de façon abusive le bois résineux.
Est-ce que vous avez des exemples dans votre région, parce qu'on vient
de lever le moratoire, avec la collaboration du ministère de
l'Agriculture, sur les érablières? (20 h 45)
M. Robitaille: M. Lagacé va vous répondre sur ce
sujet.
M. Lagacé (Benoît): M. le ministre, M. le
Président, j'ai déjà parlé de ce sujet avec M. le
ministre. On a des gens dans nos régions qui ont des permis
d'érablière depuis deux, trois, quatre ou cinq ans et ils se
vantent qu'ils ont des concessions qu'ils ont eues pour rien. La seule chose
qui les intéresse, c'est d'abord de se faire un chemin dans
l'érablière et de couper le bois. Après cela, ils laissent
tomber leur permis. J'en ai parlé aux dirigeants de
Rivière-du-Loup quelques fois. Il paraît qu'il n'y avait pas
grand-chose à faire là-dessus. C'est un fait. Cela existe. Il y a
des gens qui ont des érablières depuis un certain temps et qui ne
les exploitent pas. Pour nous, pour nos programmes de coupe, c'est
défendu de passer dans ces territoires. C'est autant de territoire qui
est enlevé sur la possibilité qui est déjà
très mince dans notre région.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lagacé,
est-ce que vous suggérez que, si une érablière n'est pas
exploitée pour la production de sève pendant un an ou deux, le
permis soit aboli?
M. Lagacé: Je crois que oui. Même le genre de coupe
qu'ils font là-dessus, on pourrait la faire, nous autres, le genre de
coupe avec des F-4, de coupe à la "bunch". On peut aller dans toutes les
érablières qui sont accordées à ces gens et aller
ramasser le bois sans briser les érables. On n'a pas besoin de ces gens
pour faire des coupes. Ce sont des permis en sus, c'est tout.
M. Côté (Rivière-du-Loup): L'an passé,
dans le Grand-Portage, on a annulé au-delà de 40 permis
d'érablières. Est-ce que le mal était fait, il
était trop tard?
M. Lagacé: II y en a encore. J'aurais dû apporter
mon programme de coupe de l'année, vous auriez vu ce qu'il y avait comme
érablières dans le tas. Pour le Grand-Portage, 40, ce n'est pas
tellement, mais si vous regardez un territoire donné et que c'est tout
du placage d'érablière, vous allez voir que cela en fait
beaucoup.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Qui achète
ces bois-là?
M. Lagacé: Ordinairement, c'est sur le territoire de celui
qui a l'approvisionnement autorisé, mais il arrive souvent que ça
aille dans d'autres usines en dehors.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous
mentionnez aussi qu'il faudrait maintenir les approvisionnements au niveau
actuel. Suggérez-vous en disant cela qu'on maintienne au Québec
les allocations sur la base de 31 000 000, 32 000 000 de mètres cubes
comme c'est le cas actuellement?
M. Robitaille: On s'est aperçu, à la lecture de
certaines données qui ont été fournies par le
ministère de l'Énergie et des Ressources lors de certains travaux
préparatoires, qu'il y avait quand même un écart
relativement important entre les volumes alloués et ceux qui
étaient coupés par l'industrie. Aujourd'hui, on a parlé
d'une coupe réelle de 21 000 000 ou de 24 000 000 de mètres cubes
par année alors que ce qui est alloué par décret ou par
convention d'approvisionnement, ce serait peut-être d'environ 31 000
000.
Ce qu'on veut dire là-dedans, c'est que, premièrement, on
voudrait qu'on travaille sur une base d'aménagement. Alors, on parle de
26 000 000 de mètres cubes environ, pour autant que je me souvienne. Je
fais référence aussi à l'accroissement annuel de 1,23
mètre cube l'hectare dont on parlait avant le souper. On est d'accord
sur le principe. On pense que c'est un objectif qui peut être atteint.
À ce moment, si nos données sont exactes, cela nous permet
d'arriver à une base de rendement de 26 000 000 de mètres cubes.
C'est notre base de référence lorsqu'on vous parle de rendement
soutenu actuellement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Sur une base de
rendement de 1,23 mètre cube l'hectare. Vous ne jugez pas cela
exagéré - c'est très
modéré - parce que je sais que vous avez une
expérience du côté du Nouveau-Brunswick
également?
M. Robitaille: Oui. On juge quand même qu'à 1,23
mètre cube l'hectare de croissance annuelle moyenne, compte tenu de
l'expérience de nos voisins d'outre-mer ou d'ailleurs, on devrait
atteindre cet objectif.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Nous, ce qu'on
propose, c'est de partager le territoire disponible, c'est-à-dire 21 000
000 de mètres cubes de bois divisés par le rendement de 1,23, ce
qui donne 17 000 000 d'hectares. Ce qu'on propose, c'est de partager 17 000 000
d'hectares et de demander à tous les utilisateurs, les intervenants de
faire des efforts pour produire 1,23 mètre cube l'hectare. Cela vous
semblerait correct?
M. Robitaille: Oui. D'autant plus, en fait, qu'après une
analyse, après une discussion entre nous, on s'est quand même dit;
Qu'est-ce qu'il arrive, à un moment donné? Est-ce qu'on va avoir
les nouvelles données de l'inventaire qui vont sortir au cours des
prochains mois? Qu'est-ce qui se produit, par exemple, si on arrive sur un
territoire donné et qu'on ne peut pas atteindre l'objectif,
c'est-à-dire que le volume alloué ou le volume effectivement
coupé au cours des cinq dernières années est
supérieur à ce que la forêt peut produire? Alors, un des
éléments qu'on envisage, c'est de tout simplement s'asseoir, les
détenteurs de permis de coupe dans cette région, de faire
l'analyse de la possibilité d'un aménagement de base; à ce
moment-là, s'il y a des problèmes à court terme de
matière première, si on doit réduire la coupe, on
suggère de la réduire de façon proportionnelle pour chaque
industrie qui a une allocation. S'il y a une augmentation, bien... Comme on n'y
croit pas, on n'en a pas discuté pour le moment.
M. Côté (Rivière-du-Loup): La
réduction proportionnelle que vous proposez, c'est dans une unité
de gestion ou dans un territoire plus grand, s'il y avait lieu d'en faire
une?
M. Robitaille: Je vous avoue qu'on a discuté sur une base
de région. Alors, si on prend, par exemple, la région 01 qui
couvre tout le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, la discussion, s'est
faite sur cette base-là et en regardant peut-être d'autres sources
potentielles d'approvisionnement qui, actuellement, ne sont pas
touchées, qui peuvent devenir disponibles le cas
échéant.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. J'y
reviendrai, mais je voudrais dire juste un petit mot. Quand vous parlez de
fixer la contribution pour l'usage des chemins forestiers, vous
suggérez, à la fin de votre recommandation, "que le ministre doit
aussi s'assurer que ces montants d'argent perçus soient utilisés
pour l'entretien de ces mêmes chemins", cela serait intéressant.
Mais, il me reste les...
M. Robitaille: Écoutez, on doit peut-être vous
remettre dans le contexte un peu avec cela. C'est que, au départ, on
voudrait quand même que la position de l'ANIBS soit claire. On ne parle
pas de barrières, au départ. En second lieu, on a toujours,
jusqu'à présent, assumé l'entretien et la
réparation de nos chemins. En fait, à un moment donné,
dans certaines régions, certaines ZEC ont quand même besoin d'un
fonds de roulement. Elles font un peu d'entretien de chemins, ainsi une bonne
partie de l'argent qu'elles vont prélever, soit comme droit de passage
ou droit de circulation sur leur territoire, sert effectivement aux
activités régulières de la ZEC. Alors, à un moment
donné, lorsqu'on en arrivera à une politique complète sur
la question de l'utilisation des chemins, si la ZEC a besoin d'un peu d'argent
pour fonctionner et que la majeure partie de l'entretien des chemins est faite
par l'industriel, on voudrait quand même qu'il soit
spécifié au poste d'entrée: Écoutez, si on vous
demande 5 $ pour circuler, c'est pour aider aux activités courantes de
la ZEC,
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais, dites-moi,
est-ce que les chemins ont été construits par la ZEC ou par les
exploitants forestiers?
M. Robitaille: Ils sont toujours construits par les exploitants
forestiers. La ZEC vient toujours derrière nous. D'ailleurs, cela me
faisait penser à cette boutade. Récemment, un pêcheur me
disait qu'il ne restait plus de bois à couper, mais je lui faisais
remarquer qu'il circulait strictement sur les routes qu'on avait construites
pour faire l'exploitation forestière et qu'il ne circulait pas à
l'endroit où la forêt est encore là, parce qu'il n'y avait
pas de chemin de pénétration.
Alors, il est bel et bien clair, dans tout le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie, que les chemins sont construits par les industriels ou les
détenteurs de garanties d'approvisionnement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): L'autre jour, il y
avait des pourvoyeurs ou des représentants des ZEC qui se plaignaient
que les exploitants forestiers allaient les déranger. J'avais conclu que
les chemins avaient été construits par eux.
M. Robitaille: Non, ce n'est pas arrivé par chez nous.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non.
M. Robitaille: Mais, vous pourriez peut-être leur faire
savoir que, s'ils sont intéressés à construire des routes,
on pourrait peut-être en discuter ensemble. On est ouvert.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Très bien.
Merci, M. le président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage pour son
mémoire présenté devant cette commission. Je trouve tout
de même très intéressant qu'un organisme comme le
vôtre, qui représente en quelque sorte une entité
régionale ou sous-régionale, vienne devant nous aujourd'hui
puisque, au cours de cette commission parlementaire, nous n'avons pas eu
tellement d'organismes régionaux. Je n'ai pas à
répéter les pourquoi de l'ensemble de ce problème que nous
avons vécu entre l'Opposition et le gouvernement. Je trouve... En tout
cas, je dis bravo pour le dynamisme de votre association qui est tout de
même assez jeune, soit depuis environ six ans, et qui regroupe, de
mémoire, neuf industriels de votre région.
Bien sûr, en tant qu'entité régionale, si vous avez
pris la peine de préparer un mémoire et de le présenter
devant cette commission parlementaire, c'est que vous étiez très
intéressés à certains points qui étaient
soulevés concernant des problèmes tout de même assez
énormes en rapport avec Pavant-projet de loi que nous avons devant
nous.
D'autre part, à la page 2 de votre mémoire, vous
mentionnez que les membres de l'association confirment qu'ils sont
disposés à collaborer et à participer à
l'implantation d'un nouveau régime forestier au Québec - j'en
suis très heureux - tout en affirmant, cependant, que les moyens
financiers dont vous disposez sont très minimes. Là-dessus, je
peux vous dire que j'en conviens puisque nous avons eu l'occasion, au cours de
cette commission parlementaire, d'entendre des représentants
d'organismes qui ont parlé sur le fond et qui ont même
donné des chiffres assez exacts se rapportant aux coûts
additionnels que cela pourrait comporter et aussi aux effets négatifs
que certains articles de l'avant-projet de loi et certaines positions du
gouvernement pourraient avoir. Je pense, en particulier, à l'Association
des manufacturiers de bois de sciage. Seulement une courte question, en
passant. Est-ce que les neuf industriels, chez vous, sont membres de
l'association?
M. Robitaille: Non. M. Perron: Non?
M. Robitaille: Non, l'association et l'ANIBS sont
indépendantes,
M. Perron: Vous êtes indépendants de
l'association.
M. Robitaille: Oui, entièrement.
M. Perron: Merci. Plus loin, dans votre mémoire, toujours
à la page 2, vous mentionnez: "Cependant, l'imposition de charges
supplémentaires trop élevées à l'industrie du
sciage amènera sans aucun doute la disparition de la majorité des
usines de sciage au Québec." C'est vrai, d'après ce que nous
pouvons voir et surtout pour des raisons peut-être un peu
différentes des vôtres. Je voudrais ajouter, sur cette question,
que, pour nous de l'Opposition, l'avant-projet de loi livre directement aux
papetières le marché de la matière ligneuse et ce, libre
de toute contrainte, au détriment des propriétaires des
forêts privées, des scieurs et des coopératives
forestières, de la façon suivante: le gouvernement rejette
carrément la priorité aux bois des forêts privées et
aux copeaux des usines de sciage pour approvisionner les usines de pâtes
et papiers en particulier et en écartant, bien sûr, les garanties
de suppléance, en vue de favoriser les contrats à long terme
entre les partenaires. Il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte,
bien sûr.
Je voudrais vous poser maintenant deux questions. Je vais céder,
par la suite, la parole à mon collègue de Dubuc, après que
les députés ministériels seront intervenus. Il faut
respecter l'alternance parce que je commençais à les voir sauter
de l'autre côté.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Cusano): II y a un président, M.
le député.
M. Perron: J'ai compris que l'on avait changé de
président, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): C'est bien.
M. Perron: Puisque je viens de parler des copeaux, la question
que je voudrais vous poser est la suivante. Est-ce que vous pourriez nous dire
quelle est la situation actuelle de la vente des copeaux dans votre
région, face aux dernières années?
M. Robitaille: Je vais demander à notre directeur
général de faire un tour d'horizon là-dessus.
M. Ouellette: Si on parle des dernières années, il
est bien évident que, cette année, en ce qui touche les
industriels de l'ANI8S, actuellement on n'a pas de problème. On n'a
aucune tonne de copeaux à terre, comme cela a déjà
été mentionné pour d'autres régions. Cela n'a pas
été le cas au cours d'autres années qu'on a vécues
où, par exemple, des tas de copeaux ont été empilés
à certains endroits, ce qui nous a donné des maux de tête
pendant des mois. En général, au cours des trois dernières
années, tous les copeaux des industriels de Î'ANiBS ont
été vendus.
M. Perron: En régions?
M. Ouellette: Non, Le secteur couvert par l'ANIBS, pour les
ventes de copeaux, est quand même assez vaste. On va au
Nouveau-Brunswick, en Gaspésie, à Québec et à
Trois-Rivières. On couvre assez grand comme région.
M. Perron: Quel est le prix payé par le Nouveau-Brunswick,
par tonne de copeaux que vous exportez à cet endroit?
M. Ouellette: Je vais donner la parole à M. Lavoie.
M. Perron: Aucun problème. (21 heures)
M. Lavoïe (Jean-Marc): Je m'excuse. II faudrait quand
même reprendre les informations qui ont été données
tout à l'heure. D'une façon assez générale, le
marché des copeaux, c'est un marché qui est libre. Cela veut dire
que l'on transige, sur le marché libre, avec l'industrie des pâtes
et papiers, excepté que, dans notre région, depuis un an, on a
des problèmes. Ces problèmes sont dus à
l'établissement d'une société d'État, la
société REXFOR.
M. Perron: Matabois?
M. Lavoie: Ce n'est pas par hasard s'il y a eu le
développement d'un complexe forestier dans le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Des décisions ont été
prises il y a deux ans et, actuellement, on est en train d'écoper de ce
problème. Que voulez-vous qu'on dise?
Une voix: C'est en...
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: À ce moment-là, lorsqu'on a REXFOR dans
le portrait, on ne parle pas de marché libre, mais d'une concurrence
déloyale. C'est le problème que sont en train de vivre plus
spécifiquement les usines de Matane, Matapédia, etc., dans ce
coin. Il ne touche pas encore les usines de Rivière-du-
Loup ou Montmagny. Est-ce que le problème pourra aller
jusque-là? Cela dépend de la volonté politique du
gouvernement d'étendre le développement de REXFOR.
M. Perron: La question que je vous ai posée quant au prix
des copeaux par tonne métrique que vous obtenez du Nouveau-Brunswick, je
ne voudrais pas que vous entriez...
M. Lavoie: Non, non, on ne donnera pas de cas...
M. Perron: ...dans des questions confidentielles.
M. Lavoie: Non, non, on va citer des cas précis. On peut
dire que le prix des copeaux au Nouveau-Brunswick a baissé de 10 $
depuis que REXFOR est dans le portrait. Je puis vous donner la situation que
notre compagnie a vécue, celle qui est au bout, ainsi qu'une autre.
L'incidence de REXFOR... Lorsque vous me demandez le prix, dans le fond, vous
me demandez... Si on était dans le marché libre, le prix n'aurait
pas tellement d'importance, car ce qu'on réussit à vendre sur le
marché libre, c'est ce que l'industrie est capable de payer; je parle de
l'industrie des pâtes et papiers.
Le prix qu'on accorde à cette compagnie, c'est le prix qui nous
permet, nous, de l'industrie du sciage, de continuer à vivre d'une
façon autonome. Mais, à partir du moment où ce sont des
mécanismes qui déterminent les prix, autant d'une part que de
l'autre, l'industrie des pâtes et papiers, naturellement, si on lui offre
un cadeau, c'est sûr qu'elle va l'accepter, car cela minimisera ses
coûts. Mais c'est nous, de l'industrie du sciage, qui sommes
obligés d'en subir les conséquences étant donné que
notre entreprise n'est pas une entreprise qui est concentrée.
L'industrie des pâtes et papiers est très concentrée.
Pour répondre plus spécifiquement à votre question,
le prix au Nouveau-Brunswick est le même que celui de l'ensemble, si l'on
fait une moyenne...
M. Perron: 70 $.
Une voix: C'est à peu près cela.
M. Lavoie: 70 $, c'est un chiffre qui a du sens. FOB.
M. Perron: 70 $ moins 10 $ ou 70 $ plus 10 $?
M. Lavoie: Non, FOB scierie. Vous pouvez enlever 10 $ et vous ne
serez pas loin. 62 $ est un chiffre qui a du sens; 72 $ a du sens aussi, entre
62 $ et 75 $.
M. Perron: Juste un commentaire là-dessus. Il est
remarquable que, à cause de la politique du Nouveau-Brunswick qui met
l'accent sur les copeaux, on vient même chercher des copeaux au
Québec.
Je voudrais toucher à un autre aspect de votre mémoire.
Vous mentionnez, à la page 6: "L'association est cependant très
fortement opposée à ce que le gouvernement accorde dans des
régions très fortement hypothéquées de nouvelles
allocations de volume de bois et des territoires forestiers à des usines
ne détenant actuellement aucune convention d'approvisionnement avec le
gouvernement du Québec." Vous continuez: 'Si des volumes
supplémentaires devenaient disponibles suite aux nouveaux inventaires
décennaux, nous croyons qu'il serait opportun pour le gouvernement du
Québec de consolider les usines existantes en accordant ces nouveaux
volumes aux installations détenant actuellement des conventions
d'approvisionnement sur forêts publiques."
Je sais que vous ne faites allusion à aucun cas en particulier.
C'est pour cela que je voudrais vous poser la question suivante: La loi
actuelle sur les terres et forêts permet au ministre
délégué aux Forêts et à son ministre de
tutelle, c'est-à-dire au ministre de l'Énergie et des Ressources,
d'accorder des garanties d'approvisionnement sur la forêt publique. Au
moment où, d'ici quelques mois, s'appliqueront de nouvelles
règles du jeu à cause de l'avant-projet de loi qui va devenir un
projet de loi certainement amendé, nous l'espérons, pour le
mieux, ne croyez-vous pas que les deux ministres devraient être prudents
d'ici là et renoncer à donner des garanties d'approvisionnement
additionnelles sur la forêt publique?
M. Robitaille: Nous avons pris cette position dans notre
mémoire parce que, effectivement - c'est l'opinion de l'ANIBS
-après déjà sept ou huit ans d'épidémie de
la tordeuse du bourgeon de I'épinette, c'est le temps de faire le point,
surtout au moment où le ministère fait un nouvel inventaire
décennal. Selon les données, l'hiver prochain, on devrait avoir
de disponible exactement ce qui reste debout, la disponibilité de la
forêt, et être capable de calculer sa possibilité.
Par ce texte, on dit: Ecoutez, à ce stade-ci, il serait
probablement très imprudent d'en arriver, soit à donner des
augmentations de garantie d'approvisionnement, soit à donner de
nouvelles garanties d'approvisionnement. On est sur le point d'embarquer dans
un nouveau régime forestier. Donc, donnons-nous quelques mois, quelque
temps de réflexion et regardons exactement ce qu'il en est.
M. Perron: Merci de votre réponse. Cela clarifie votre
mémoire. Pour le moment, j'ai terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai été
très intéressé par vos commentaires sur le rôle des
sociétés d'État, plus particulièrement vos
commentaires sur REXFOR. Comme vous le savez, nous avons des positions assez
particulières sur le rôle de l'Etat. Nous réexaminons le
rôle des sociétés d'État incluant le rôle de
REXFOR. Vous remettez en question le rôle des sociétés
d'État dans votre mémoire, et, dans ce cadre, je voudrais savoir
quel devrait être, selon vous, le rôle dévolu à
REXFOR. Peut-être que cela pourrait nous aider dans notre réexamen
de REXFOR. Quel rôle lui voyez-vous jouer'? Est-ce que ce serait un
rôle témoin, un rôle de coinvestisseur, de
développement technologique, de réalisation de travaux
d'arrérages? Peut-être pourriez-vous nous donner quelques
idées?
M. Lavoie: Notre mémoire est assez détaillé
en ce qui concerne en particulier REXFOR. Ce qu'on a toujours soutenu, c'est
que REXFOR devait jouer un rôle supplétif. Lorsque, dans une
région donnée, pour une raison ou une autre, il est difficile
pour l'économie de se développer, il est pensable que REXFOR
puisse intervenir, à la condition qu'on puisse mettre en place des
mécanismes qui permettraient d'évaluer la performance de REXFOR
par rapport à l'entreprise privée. Cela suppose un
mécanisme de contrôle de tous les facteurs qui interviennent dans
la concurrence lorsque REXFOR est établie dans une région. Si on
accepte d'une certaine façon que REXFOR joue un rôle, ce n'est pas
parce que REXFOR devrait être là comme le moteur de
développement économique d'une région et ce n'est pas
parce que la forêt est capable de supporter nécessairement un
nouvel intervenant, même si cet intervenant est là pour un but
ultime qui est un but social, c'est parce que, d'une façon
générale, on reconnaît dans notre région en
particulier que la forêt joue un rôle très important dans
l'économie. Dans notre région, cela représente environ 66
% des emplois manufacturiers dans tout le secteur de l'industrie secondaire. Un
rôle comme cela, c'est important, puisqu'il n'existe pas d'autres
ressources en dehors de la pêche ou d'autres activités
secondaires. Lorsque, dans une région, il n'est pas possible pour des
raisons comme... On devrait les mentionner. Dans notre région, les
coûts de transport sont énormes. Il est très difficile de
rendre viable une entreprise privée dans le secteur du sciage à
moins d'accepter une contribution marginale aux profits très minces, ce
qui rend l'entreprise du sciage vulnérable à tous les
aléas du secteur
économique. Il est pratiquement impensable que, d'une
façon massive, on puisse exploiter toute cette forêt avec
l'entreprise privée seulement. Cest seulement à cette
condition... C'est comme pour certains projets de loi, lorsqu'on est à
l'article de la mort, on pourrait penser à REXFOR. Mais, REXFOR, dans
tous les rôles de reboisement, par exemple, devrait ne pas être
choisie comme intervenant principal parce que l'aménagement devrait
être exécuté par l'industrie en place qui, normalement,
devrait être la meilleure école pour réussir à
faire, de la façon la plus économique, les travaux
d'aménagement ainsi que le suivi de ces travaux.
M. Ciaccia: Je vous remercie de vos commentaires. Je les trouve
très intéressants, et nous allons certainement les prendre en
considération, pas nécessairement à l'article de la
mort...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ciaccia: ...mais vos commentaires en général sur
le rôle de REXFOR dans notre examen de REXFOR dans les mois à
venir. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Â la page 4 de
votre mémoire, portant sur l'article 4, vous dites: La dernière
phrase de cet article devrait se lire comme suit: "Les droits ainsi
établis sont calculés sur le volume de bois alloué
annuellement au titulaire en tenant compte des cas de force majeure tels feux,
grève, etc. Les droits de coupe seront payés mensuellement..."
Alors, je comprends que l'ANIBS est d'accord avec l'avant-projet de loi
concernant les droits de coupe, que les droits de coupe se fassent sur le
volume de bois alloué et non sur le volume de bois coupé.
M. Robitaille: Nous avons effectivement pris position sur la
question des droits de coupe basés sur les volumes de bois
alloué. À la suite de cette première prise de position,
comme je vous le mentionnais un peu plus tôt ce soir, on a poussé
un peu plus loin notre cheminement en matière de financement. Vous avez
quand même relevé le fait qu'on a mentionné qu'on ne
pouvait pas imposer à l'industrie du sciage un montant trop
élevé, sinon il y aurait des problèmes. On a essayé
de voir de quelle façon on pourrait s'organiser pour parler de
financement de tous ces travaux. On parlait de volume alloué. Au
départ, on s'est dit une chose: II faut que les travaux soient faits, il
faut qu'on aille chercher l'aménagement de base, sinon on a des
problèmes majeurs à très court terme. Il faut absolument
trouver une façon de financer ces travaux.
Cet après-midi, il a été mentionné que la
valeur des droits de coupe devrait être supérieure pour le sciage,
inférieure pour la pâte ou vice versa, peu importe. Compte tenu de
notre expérience dans les exploitations forestières des
dernières années, dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il
n'y a pas de différence de qualité entre le sciage et la
pâte. Â ce moment-là, on se dit une chose: Un mètre
cube de bois vaut la même chose pour tout le monde, que ce soit du
sciage, que ce soit de la pâte. C'est un élément qui doit
être bien précis.
Sur autre élément dans toute cette question de
financement, de volume alloué, on s'est dit: Oui, c'est correct. Le
sciage a du volume alloué. Au cours des dernières années,
la structure de toute l'industrie forestière s'est complètement
transformée. Il y a eu des transformations dans les méthodes de
mesurage, des transformations dans les méthodes d'utilisation. On pense
que lorsqu'on parle de volume alloué cela doit se reporter sur tout
utilisateur de fibres, que ce soit sous forme de fibres de bois rond, que ce
soit sous forme de copeaux. Quand on parle de copeaux, on peut aussi bien
parler des usines de panneaux que des usines de pâtes et papiers.
On s'est aperçu qu'il y avait peut-être un partenaire qui
avait été oublié dans toute cette histoire de financement.
Je me réfère au gouvernement canadien. On sait que le
gouvernement canadien est passablement impliqué dans certaines provinces
à l'intérieur des programmes d'aménagement. Il est de
notre opinion qu'une bonne partie des 120 000 000 $ qu'on prévoit
soutirer à l'industrie, qu'on prévoit faire payer par l'industrie
devrait quand même être payée par le gouvernement
fédéral, qui est un des intervenants qui reçoit le plus
d'argent de toute l'exploitation forestière.
L'autre élément qu'on voudrait peut-être vous amener
en termes de volume alloué, c'est qu'on parle de volume alloué,
mais on parle aussi de consommation. On pense que le droit de coupe devrait
peut-être se subdiviser en deux termes, toujours basé sur une
question fixe, c'est-à-dire un droit de coupe à payer sur la
consommation autorisée sur la forêt publique et aussi une autre
partie qui serait payée sur le volume de coupe alloué de telle
sorte qu'il pourrait y avoir de l'argent qui pourrait aller directement au
fonds consolidé de la province qui ainsi recueillerait une partie des
bénéfices de l'exploitation de la forêt, de la ressource
forêt. II y a une autre partie qui pourrait peut-être être
utilisée, être déposée - la loi l'a prévu, il
y a quelques années dans le fonds forestier. Il pourrait peut-être
être réactivé. Il pourrait y avoir de l'argent qui soit
déposé directement là-dedans à même les
droits de coupe de façon que cet argent soit utilisé
immédiatement pour les travaux de remise en production des superficies
coupées. Cela assurera, à ce moment-là, une certaine
continuité des travaux d'aménagement et les objectifs de
production qu'on se donne aujourd'hui ou demain tout le monde ensemble,
à ce moment-là, on aura des instruments qui nous permettront de
les atteindre. (21 h 15)
Comme vous voyez, la notion de bois alloué ou de consommation
à autoriser, ce sont des choses qui sont importantes pour nous autres.
Cela reste à ce niveau-là. On se dit une chose: Si on pense qu'on
a besoin de 100 000 mètres cubes ou 50 000 mètres cubes, il est
normal qu'on l'exploite et on voudrait que la situation qu'on connaît
aujourd'hui, la différence entre les 24 000 mètres cubes
effectivement coupés et les 31 000 mètres cubes alloués,
ou quelque chose comme cela... Il serait peut-être normal que ces deux
chiffres se rapprochent un peu l'un de l'autre.
Le Président (M. Cusano): M. le député.
M. Desbiens: Je voudrais être sûr d'avoir bien saisi
quand vous dites... Je vous pose un chiffre, un nombre hypothétique,
supposons, un volume alloué de 100 000 mètres cubes. Vous avez
droit, je pense, à plus ou moins 10 % dans les opérations, de
couper en plus ou en moins 10 %. Si vous êtes obligés de payer les
droits de coupe sur le volume alloué, vous ne voyez pas la une
incitation à couper entièrement le volume alloué
plutôt que d'aller, pour compléter votre approvisionnement,
acheter du bois privé, par exemple?
M. Robitaille: M. le Président, on peut peut-être
prendre l'expérience des dernières années dans le
Bas-du-Fleuve. En 1979, le ministère de l'Énergie et des
Ressources mit sur pied un programme spécial de
récupération du bois de tordeuse. À ce moment-là,
pour accélérer la récupération, les industriels ont
eu des augmentations de coupes de bois en forêts publiques qui ont
défoncé les 100 % de leur approvisionnement. Malgré tout
cela, on a acheté tout le bois que les producteurs privés ont
produit. Cela nous fait plaisir de vous le dire parce que, s'il y a une
région au Québec où il n'y a pas eu de problème de
bois de boisés privés en tant que tels, c'est dans cette
région. On s'est organisé ensemble. Il y a même un des
industriels ici présent à cette table qui, une année, a
cessé complètement ses opérations en forêt pour
acheter le bois de forêts privées, le bois de
récupération qui se perdait et tous les autres membres de la
région ont fait des efforts spéciaux de telle façon qu'on
s'est organisé pour ramasser tout ce bois-là. Si on dit que le
passé est garant du futur, c'est peut-être le plus bel exemple.
Pour ce qui est des 10 %, j'aimerais peut-être laisser la parole à
M. Gilles Bérubé. On a développé un peu
là-dessus ensemble.
M. Bérubé (Gilles): Dans l'avant-projet, à
un moment donné vous mentionnez, ou le ministère mentionnait que,
qu'on coupe ou qu'on ne coupe pas l'approvisionnement, on le paie. Alors, si un
industriel, pour une raison ou pour une autre, a une avarie, un feu, une
grève, un drame quelconque, dans l'année d'ensuite ou un an ou
deux ans par après, pourrait-il couper l'approvisionnement? Cela n'a pas
été mentionné.
Le Président (M. Cusano): M. Desbiens.
M. Desbiens: Vous voulez dire que, si vous avez un
approvisionnement sur cinq ans, je prends toujours le chiffre
hypothétique de 100 000 mètres cubes par année, vous avez
droit à 500 000 mètres cubes en cinq ans et s'il arrive un
désastre... Les cas de désastres, je pense qu'il faut les
mettre... Il y a des restrictions, quand même dans l'avant-projet de loi.
Si, pour une raison autre que les désastres, les feux ou peut-être
les grèves, est-ce que... Vous voulez dire par là que vous
voudriez, si vous n'êtes pas capables de prendre les 100 000
mètres cubes une année, pouvoir les prendre dans l'année
suivante ou les deux années qui suivent, à l'intérieur de
vos cinq ans. C'est cela?
M. Bérubé: Effectivement. Une voix: M.
Lavoie.
M. Lavoie: La position qu'on avait défendue, ce
n'était pas de dire qu'un industriel devait couper 500 000 mètres
cubes sur une période de cinq ans, mais de dire que la
possibilité permettait de couper 100 000 mètres cubes par
année, de telle sorte que si un industriel, pour une raison ou pour une
autre, coupait 500 000 mètres cubes 3ur quatre ans, à la
cinquième année, pour ne pas fermer son usine, il pourrait
réclamer 100 000 autres mètres cubes. Il pourrait alors soulever
le problème qu'il y aurait un désastre économique. Notre
position, c'est qu'on devrait baser l'ensemble des droits sur le volume
alloué - on parle toujours des 100 000 - mais en conservant quand
même au ministère une certaine souplesse pour considérer
les cas où, pour une raison ou pour une autre, il y a eu une
réduction du volume de coupe parce qu'il y a eu des cas de force
majeure.
M. Desbiens: Mais à l'intérieur d'une marge
réduite pour que n'arrive pas ce que
vous avez mentionné au début.
M. Robitaille: Oui. Autrement dit, on n'est pas d'accord avec la
position qui dît, par exemple, qu'un industriel pourrait anticiper 10 %
ou 15 % tous les ans sur son permis annuel, de telle façon qu'il
arriverait à la cinquième année avec un manque àcouper.
M. Desbiens: Je vous remercie. Le temps passe.
Le Président (M. Cusano): En effet, il vous reste une
minute et demie, M. le député.
M. Desbiens: C'est toujours comme cela, il me reste toujours une
minute et demie. Une dernière question concernant les copeaux. J'ai cru
comprendre tantôt que vous aviez certaines difficultés
spéciales dans votre région. Indépendamment de cela,
seriez-vous d'accord, par exemple, pour que le gouvernement traite les copeaux
comme de la matière première et établisse une tarification
pour les ventes aux papetières?
M. Robitaille: En fait, notre position là-dessus est la
suivante. Lorsque je vous ai parlé tout à l'heure d'un droit
à payer sur la consommation autorisée en forêt publique,
cela présuppose quand même que le copeau en lui-même subisse
un certain prélèvement. C'est-à-dire que, si vous avez une
industrie qui transforme du bois rond et du copeau, le droit
prélevé serait basé sur la consommation totale de bois en
provenance de la forêt publique, ce qui inclurait le volume de
copeaux.
Si vous parlez d'un droit, c'est-à-dire d'établir une
tarification pour dire tant la tonne pour les copeaux, je ne suis pas tout
à fait d'accord là-dessus. C'est-à-dire que cela doit
être considéré à l'intérieur de la
consommation totale d'une usine, que ce soit une usine de pâte, une usine
de déroulage, de panneaux, peu importe.
Le Président (M. Cusano): Vous avez terminé, M. le
député?
M. Desbiens: Merci. Il le faut bien.
Le Président (M. Cusano): Oui. M. le député
de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, j'aimerais
saluer plus particulièrement les gens de ma région. Cela fait
plaisir de vous voir à cette commission parlementaire. J'aimerais
revenir un petit peu, à l'instar du ministre de l'Énergie et des
Ressources, M. Ciaccia, sur le rôle d'une société
d'État qu'on appelle REXFOR. Vous dites: Nous admettons le
bien-fondé des interventions du gouvernement, donc, par le biais de sa
société d'État qui s'appelle REXFOR, mais, par contre, pas
au détriment des industries privées. Tout à l'heure vous
avez dit: À l'article de la mort, nous en convenons. J'aimerais vous
rappeler que REXFOR est quand même un partenaire important pour Pan Val
à Sayabec. REXFOR est aussi un coinvestisseur important au niveau de
ITT. De quelle façon voyez-vous la société REXFOR? Est-ce
que vous la voyez seulement dans ces projets-là où elle est
coinvestisseur ou pour faire les chemins en forêt comme cela a
déjà été le cas? J'aimerais que vous
précisiez davantage votre pensée là-dessus.
M. Lavoie: Je vais répondre à votre question, M. le
député. M. le Président, vous savez qu'il est assez
difficile pour quelqu'un qui n'est pas dans l'entreprise de voir
jusqu'où peut aller l'incidence d'une compagnie d'État comme
REXFOR. Prenons l'exemple de REXFOR qui jouerait le rôle d'un
suppléant de matière première pour une usine de
pâtes et papiers. Cela paraît inoffensif. REXFOR va prélever
quelques mètres cubes, 10 000, 15 000, 20 000, 100 000, 600 000
mètres cubes. Ces bois seront destinés à une compagnie de
pâtes et papiers. Lorsque vous avez plusieurs usines de sciage autour de
cette compagnie d'État qui doivent faire des opérations
forestières... On est soumis par exemple, au niveau des entrepreneurs,
à des règles, au point de vue du marché libre, sur les
prix qu'on doit consentir à ces entrepreneurs. Si REXFOR
prélève 600 000 mètres cubes ou 1 000 000 de mètres
cubes, peu importent les quantités, ce n'est pas cela qui est important,
c'est le fait qu'on ait jumelé une société d'État
à une entreprise privée qui s'alimente au point de vue de la
matière première à un ensemble de petites entreprises
privées. C'est ce qui est dramatique dans le rôle de REXFOR.
Lorsqu'on parlera à ces grosses compagnies de papier, on dira: REXFOR,
c'est un partenaire silencieux, il n'a que 10 % des actions dans la compagnie,
ce n'est pas tellement important. C'est 10 % du capital-actions, mais quant
à l'incidence sur le marché cela représente
peut-être 90 % ou 95 % de l'activité économique ou, si on
veut, de ce qui serait disponible pour l'industrie du sciage pour aller
chercher un prix compétitif. C'est ce qui nous manque. Lorsque REXFOR
est partenaire avec une grosse société, l'industrie du sciage est
encore plus acculée au pied du mur parce qu'il n'y a plus moyen de
"dealer" avec cette compagnie, car dans sa ressource première elle a une
garantie qui dépasse souvent de beaucoup ce qu'a l'entreprise
privée.
Si, par exemple, une entreprise papetière se trouve garantie par
une société d'État pour un certain volume qui n'est
pas
disponible dans la région immédiate, elle peut aller le
chercher 100 milles plus loin, 200 milles, 500 milles. Les coûts de
transport n'ont pas d'importance, c'est une société
d'État. S'il manque 2 000 000 $ ou 5 000 000 $ pour "booker", ce n'est
pas grave, On va mettre les 5 000 000 $. C'est dans ce sens-là,
lorsqu'on parle de jumeler des sociétés d'État qui jouent
un rôle silencieux avec les partenaires, qu'on appelle cela des mamelles.
La grande société papetière se nourrit de la mamelle.
Le Président (M. Cusano): Merci.
M. Paradis (Matapédia): J'aimerais poursuivre dans le
même sens. Par exemple, on sait que REXFOR a rouvert certaines scieries
plus particulièrement dans la Vallée de la Matapédia et
sur la côte nord de la Gaspésie pour, ce que l'on appelle,
équarrir le bois. Dans certains scieries, on le flatte un peu et on
l'amène à Matane. Dans d'autres, ils font une transformation un
peu plus avancée. Est-ce que dans votre association qui oeuvre dans le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie vous seriez prêts, dans une certaine
mesure, à prendre la relève? Je poursuis en disant: Prendre la
relève mais en jouant aussi, si on veut, le rôle social de REXFOR
qui est de maintenir des populations avec le travail qu'elles ont dans leur
municipalité?
M. Lavoie: M. le Président, je pense qu'on fait
référence au complexe des usines de sciage dans notre
région, surtout dans le coin de Matane, Grande-Vallée,
Sainte-Anne-des-Monts, etc.
M. Paradis (Matapédia): Saint-Léon et
Lac-au-Saumon.
M. Lavoie: Saint-Léon. Imaginez comment cela peut
être paradoxal. On a dit qu'on souffrait de sous-emploi, qu'il y avait
trop de copeaux sur le marché. C'étaient les gros
problèmes. Une commission a été créée ici,
il y a eu un décret. Qu'est-ce qu'on a fait? On a mis encore plus de
copeaux. On a mis 200 000 tonnes de plus. On disait: Les problèmes de
l'industrie du sciage dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie existent parce
qu'on ne réussit pas à vendre les copeaux à un bon prix
étant donné qu'on est dans un marché captif. On a
décidé de créer une société d'Etat qui a
multiplié par deux et par trois la quantité. C'était un
non-sens.
Quant au deuxième problème, on se disait: Les entreprises
tombent en faillite d'une façon chronique. On va créer un
complexe très fort, de telle sorte qu'on pourra trouver de l'emploi pour
ces personnes. Lorsqu'on a pensé à ces usines, on a mis sur pied
les usines les plus productives au point de vue technologique: ce sont des
équarrisseuses. Au lieu de scier le bois comme on le fait dans nos
usines dans l'entreprise privée, on ne fait que l'équarrir. Dana
une usine comme cela je vais engager le tiers de ce que j'aurais dû
engager normalement comme main-d'oeuvre pour la même matière
première parce que j'ai mis des usines superproductives., On a investi
dans l'équipement et le travail de REXFOR était censé
résoudre le problème de main-d'oeuvre. C'est un non-sens.
M. Paradis (Matapédia): M. Lavoie, j'aimerais
préciser davantage ma question. Si REXFOR se retirait de ces scieries,
est-ce que, comme association ou comme industriels, vous seriez prêts
à prendre la relève en maintenant dans chacune des
municipalités les emplois qui sont reliés à l'usine ou si
vous prendriez ces approvisionnements pour consolider les industries
déjà existantes?
Le Président (M. Cusano): À ce moment-ci, je
devrais demander le consentement pour que vous puissiez répondre parce
que le temps est écoulé. Il y a consentement. Allez-y! (21 h
30)
M. Lavoie: Si l'entreprise privée décidait, je ne
dirais pas d'investir massivement, mais de relever le défi, de faire
fonctionner les usines qui forment le complexe, ce serait parce que ce serait
rentable. Si cela ne l'était pas, ce n'est pas l'entreprise
privée qui va y aller.
M. Paradis (Matapédia): On a REXFOR. Il faut qu'elle
reste.
M. Lavoie: Ce n'est pas cela que j'ai dit. Ce qu'on a dit, M. le
Président, c'est que si les entreprises étaient rentables... II y
a des raisons de croire que ce serait rentable, étant donné
qu'actuellement on a une scierie, la Scierie Mitis, qui a été le
premier bébé de l'ANIBS. Cela n'est une cachette pour personne
qui test ici. C'est la première usine qui a été
créée à Price, à la suite d'une fermeture d'usine,
parce qu'on avait déclaré que ce n'était pas rentable
d'avoir une usine là-bas: l'usine était vétuste et il n'y
avait plus rien à faire. Scierie Mitis a été formée
en 1983. Quatre industriels de l'ANIBS ont injecté du capital-actions
dans cette scierie, ils en détiennent 50 %. L'usine, depuis ce temps, a
fait ses preuves. Si ce n'était pas de la concurrence impitoyable de
REXFOR, ce serait encore mieux. Mais les résultats jusqu'à
maintenant sont bons.
Donc, dans le cas où les scieries de REXFOR seraient disponibles,
les industriels sont prêts à relever le défi de les ouvrir
si on est capable de faire une étude de marché, si on ouvre les
portes et on nous
donne le mandat de poser les questions aux personnes qui sont là
au sujet des approvisionnements, au sujet des équipements, si on nous
donne la possibilité de dire: Écoutez, tel équipement
à tel endroit, cela n'a pas de sens; l'objectif c'était cela, et
là on n'est pas capable de l'atteindre. Nous autorisez-vous à
faire telle action? Si on nous donne ces autorisations, si on connaît les
conditions de financement qui sont faites entre REXFOR et les caisses
populaires qui détiennent actuellement, paraît-il, une bonne
partie du capital-actions des scieries de REXFOR - je pense que c'est un
paravent mais il semblerait que c'est vrai - à ce moment, on est
prêt à y aller et à réaliser notre projet.
Le Président (M. Cusano): Merci. M. le
député de Duplessis, pour les remarques finales.
M. Perron: Merci. Je commençais à trouver la
discussion intéressante. C'est sûr que j'aurais voulu
moi-même poser quelques questions concernant les affirmations qui ont
été faites au sujet de REXFOR par les représentants de
l'ANÎBS, en particulier par un de ses représentants. Je serais
même allé jusqu'à demander s'il y avait des
intérêts conjoints ou s'il y avait un intérêt
particulier d'un de vos membres pour faire en sorte d'acheter REXFOR, puisque
vous semblez très intéressé à l'attitude
gouvernementale se rapportant à la privatisation de presque l'ensemble
des sociétés d'État du Québec. Pour nous, ce n'est
pas nécessairement de la privatisation: comme dans le cas de Quebecair,
c'est un peu pas mal la liquidation.
Je peux vous assurer que je n'ai pas du tout la même opinion que
vous, puisqu'on se parle entre nous. Je n'ai surtout pas la même opinion
que vous sur la société REXFOR parce qu'on a vu que cette
société s'était impliquée à plusieurs
occasions dans certains petits villages ou certaines petites villes et ce, dans
toutes les régions du Québec, surtout à des endroits
où des industriels - du bois de sciage ou autres - se refusaient de
"prendre la pôle". C'est une des raisons fondamentales qui ont
amené les gouvernements qui se sont succédé à
donner des mandats spécifiques à la société REXFOR.
D'autre part, il y a une chose qui est remarquable. Vous êtes un
organisme régional. On a remarqué qu'on apprenait des choses qui
provenaient de votre région. Quant à nous, on aurait aimé
énormément apprendre des choses qui venaient d'autres
régions du Québec, si les ministériels avaient voulu
accepter qu'on entende des organismes régionaux comme les
vôtres.
Le Président (M. Cusano): M. le député,
voulez-vous vous en tenir à vos remarques finales?
M. Perron: Je veux terminer en disant à l'organisme et
à ses représentants que nous, de l'Opposition, on les remercie.
Il y a sûrement certains aspects de votre mémoire qu'on va ramener
sur la table lorsqu'il y aura discussion du projet de loi final. Il y a tout de
même des choses intéressantes dans votre mémoire autant que
dans d'autres mémoires qui nous ont été
présentés. J'ai très bien compris qu'en tant qu'organisme
régional vous n'aviez pas nécessairement les fonds pour nous
préparer une brique qui touche l'ensemble de votre région et
l'ensemble du Québec et en arriver à aller jusqu'à faire
des représentations sur chacun des articles de l'avant-projet de loi. Je
tiens à vous remercier au nom de l'Opposition pour le travail que vous
avez effectué, pour votre présence à la commission
parlementaire et pour votre honnêteté en étant très
directs dans vos affirmations.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Duplessis. M. te ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Je voudrais vous demander, gens de l'ANIBS, de ne pas
être trop sévères à l'endroit de REXFOR puisqu'elle
a reçu un mandat, dans votre région, qui ne découle pas
nécessairement entièrement d'elle. J'aurais aimé vous
parler, si j'avais eu plus de temps...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...de votre
compagnie Forêt Plus que je trouve intéressante comme
intervention. Cette compagnie Forêt Plus pourrait, sans dégager la
responsabilité de chacun de vous, prendre la responsabilité de
développer l'expertise pour exécuter des travaux
d'aménagement et cela me semble une avenue intéressante pour
votre groupe. Évidemment, si chacun fait ses petits travaux,
peut-être qu'on ne développera pas l'expertise souhaitable pour
améliorer le rendement de la forêt de la région du
Grand-Portage.
J'aurais aimé aussi vous parler de la graduation que vous
suggérez concernant la valeur marchande de bois sur pied. Ce sont
peut-être des chiffres hypothétiques que vous mettez là, en
supposant 4 $ le mètre cube pour le bois. Si c'était plus, ce
serait peut-être la même graduation. C'est une proposition que l'on
trouve intéressante parce que cela tiendrait peut-être compte
aussi de la capacité de s'adapter et d'améliorer notre gestion de
façon à rester rentable.
J'aurais d'autres questions, vous me connaissez. Par contre, je ne veux
pas prendre plus de temps pour ne pas me faire rappeler à l'ordre. Je
tiens à vous remercier
de votre collaboration. Comme je l'ai souligné au début,
vous avez toujours participé activement à toutes les demandes,
à toutes les consultations que le ministère a faites chez vous;
je vous en remercie et j'espère que cela continuera. Merci beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Au nom de
tous les membres de la commission, j'aimerais remercier particulièrement
les membres de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage. Merci,
messieurs.
J'inviterais, à ce moment-ci, les représentants du Fonds
de recherches et de développement forestier à prendre place
à la table.
Bonsoir. Pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous
identifier, s'il vous plaît, M. le président, et identifier les
gens qui vous accompagnent?
Fonds de recherches et de développement
forestier
M. Lafond (André): Avec plaisir, M. le Président.
Mon nom est André Lafond. Je suis président du Fonds de
recherches et de développement forestier. J'ai le plaisir, ce soir,
d'être accompagné par M. Léopold Dion, ingénieur
forestier de grande expérience et membre de l'exécutif du fonds
de recherches, ainsi que par M. Pierre Lafond, qui est directeur des recherches
au Fonds de recherches et de développement forestier.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président.
Pour votre information et pour l'information des membres de cette commission,
vous disposez de douze minutes pour la présentation de votre
mémoire. L'Opposition dispose de 24 minutes et le côté
ministériel de 24 minutes pour l'échange. Allez-y, M. le
président.
M. Lafond (André): M. le Président, j'aimerais
d'abord souligner que, si la commission est réunie aujourd'hui pour la
présentation d'un avant-projet de loi, c'est la continuation d'une
très vieille tradition au Québec. J'ai pensé qu'il
pourrait intéresser la commission parlementaire de voir la
première loi qui a été éditée et
employée au Québec. C'est l'édition toulousaine de 1694 de
l'édit de Colbert portant sur les forêts qui a été
à la base de la première législation forestière. On
en trouve quelques exemplaires. Celui-là est mangé par des rats,
j'oserais dire toulousains, pour ne pas qu'on fasse d'extrapolation. C'est donc
une longue tradition.
La forêt du Québec, M. le Président, s'étend
sur 15 degrés de latitude depuis le 45e jusqu'au 60e. Si on veut faire
une comparaison européenne qui, peut-être, nous est plus
familière, je dirais que cela s'étend de la région de
Paris à la Finlande. C'est donc un domaine extraordinairement important
et il n'est donc pas surprenant que, de temps en temps, selon les faits de
l'histoire, selon les conditions économiques, la population du
Québec se préoccupe d'adopter de nouvelles législations
parce qu'elle a, cette fois, non seulement une responsabilité
québécoise et, oserais-je dire, canadienne, mais même c'est
toute une portion du patrimoine humain de la forêt que nous avons, nous,
la responsabilité de protéger et de développer.
On avait l'habitude, quand j'étais étudiant, il y a
déjà, hélas, longtemps, de dire que le Québec avait
la meilleure législation forestière du Canada, mais que,
malheureusement, on s'en servait très peu. Aussi, nous avons vu des
changements et nous avons vu, au fur et à mesure que la forêt
québécoise réputée inépuisable, en
réalité, commençait, pour toutes sortes de raisons,
à être grugée, des inquiétudes qui se sont
développées.
On peut dire aussi, M. le Président, que cela n'a pas
été une préoccupation majeure de la population du
Québec que le bien-être de la forêt. Cela a toujours
été, d'abord, considéré comme un ennemi de
l'agriculture. Cela a été un territoire qu'on avait, soi-disant,
livré au colonialisme d'empires qui sont aujourd'hui déchus, mais
qui venaient ici simplement pour exploiter des ressources dans lesquelles on
n'avait rien amélioré, qui apportaient techniques, marchés
et aussi qui avaient besoin d'une main-d'oeuvre à bon marché, ce
qui n'est, heureusement, plus le cas actuellement. Par conséquent, la
forêt était une chose méconnue, synonyme de misère,
mais, en même temps, on la considérait comme
inépuisable.
En 1972-1974, on a, suivant des conditions qui s'avéraient
très populaires à ce moment-là non seulement dans le
Québec, mais dans tout le Canada, présenté une
législation qui venait surtout contre le fait que nous avions des
concessions forestières où l'on s'occupait principalement de
développer l'industrie pour procurer des revenus à l'État,
beaucoup plus qu'on s'occupait de protéger la
régénération et de s'assurer que le potentiel de la
forêt était dans un état de productivité très
élevé.
Il faut mentionner que le régime des concessions
forestières qui a été le nôtre -et qui est,
d'ailleurs, le nôtre encore pour une bonne partie de ce qui concerne les
terres publiques du Québec - est assez caractéristique de
l'Empire britannique. Ayant eu le plaisir et l'occasion de voyager un peu
partout dans le monde, dans les forêts du monde, c'est un régime
que j'ai retrouvé absolument partout, que ce soit en Afrique, aux Indes,
ou ailleurs. C'était la façon d'organiser les forêts sous
le régime britannique.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion de présenter une
législation qui, au premier abord et pour des forestiers, a un avantage
absolument exceptionnel et complètement nouveau puisque, pour la
première fois, la préoccupation essentielle de la
législation forestière est de s'assurer que la forêt
publique, à tout le moins, ne sera exploitée que si on assure un
rendement soutenu et si on respecte les possibilités de cette
forêt. (21 h 45)
Nous reviendrons, si j'ai le temps, quelques minutes là-dessus.
Nous avons souligné dans le mémoire que vous avez eu en main
différents aspects techniques et différentes
préoccupations que nous avions vis-à-vis du projet de loi tel que
présenté. Vous savez peut-être que le rendement soutenu est
une notion qui a été introduite en Allemagne au siècle
dernier et que cela a peut-être été la principale
préoccupation de la sagesse forestière. La foresterie, en
réalité, telle que nous la connaissons actuellement, est
peut-être assez récente, d'un point de vue proprement
scientifique, mais aussi très ancienne, d'un autre point de vue,
puisqu'on l'a souligné tout à l'heure, sans employer les
mêmes mots, déjà sous Colbert et Louis XIV, on
élaborait une législation, ma foi, très
développée qui se préoccupait de la restauration de la
forêt française et qui, d'ailleurs, a été la base et
l'inspiration de toutes les lois que nous avons aujourd'hui.
Définir le rendement soutenu, c'est une chose, au point de vue
conceptuel, assez simple, puisqu'il s'agit de perpétuer la forêt
pour la renouveler continuellement jusqu'à une période qui n'a
pas d'horizon. La possibilité, c'est tout simplement ce que peut
produire la forêt. Ce sont des notions, j'oserais dire, extrêmement
bourgeoises dont pourraient se gausser certains statisticiens,
mathématiciens ou informaticiens de nos jours, puisque c'est tellement
simple. Seulement, l'application de ces notions déterminées sur
un territoire forestier comme le nôtre qui s'étend de la terre
à la lune sur un kilomètre et la moitié du chemin de
retour - c'est la forêt québécoise à peu près
dans sa capacité commerciale - et sur 15 degrés de latitude
depuis la vallée du Saint-Laurent jusqu'à la baie d'Ungava, avec
environ 50 espèces d'arbres qui ont des exigences très
particulières, des espèces comme l'épinette noire qui ont
des possibilités d'adaptation écologique depuis les habitats les
plus secs jusqu'aux plus humides, c'est une chose extrêmement difficile.
C'est une chose qui va demander une application et une patience
extraordinaires.
Vous savez, ce n'est pas tout à fait par hasard, si on compare
l'agriculture à la foresterie, si on compare les préoccupations
des gens par rapport à l'agriculture, que la foresterie soit aussi en
retard. Si vous semez au printemps, vous récoltez à l'automne,
puisque nous sommes à l'automne, tandis qu'en forêt, si vous semez
aujourd'hui, ce sont vos enfants, peut-être vos petits-enfants qui
récolteront. Cette capacité de prévoir dans l'avenir pour
une génération au-delà des préoccupations
économiques qui sont peut-être de 15 à 20 ans, c'est une
dimension de la culture et de la civilisation qui caractérise seulement
les sociétés les plus évoluées. Malheureusement,
vous ne voyez pas de préoccupations quant à la possibilité
et au rendement soutenu dans les sociétés un peu moins
évoluées. Je pense que c'est une chose extrêmement
impartante que nous en soyons maintenant à cette étape et que
nous considérions que la forêt québécoise doive
être aménagée en tenant compte de son potentiel et de son
rendement soutenu.
Mais il faut peut-être se mettre en garde contre le fait que cela
va supposer énormément de patience, énormément de
temps, qu'il y a des coûts qui doivent être partagés et nous
n'avons pas - faut-il l'admettre - même pour les forestiers qui, depuis
40 ans, ont voulu le développement de la sylviculture ou de
l'aménagement, une grande expérience des techniques sylvicoles,
des techniques économiques liées à la fois à la
pratique de l'écologie et de l'aménagement qui vont nous
permettre d'assurer cette régénération de la forêt
québécoise. Soit dit en passant, les forestiers classiques
considèrent que le reboisement simplement dans les régions
où la forêt est une entité naturelle comme au Québec
n'est qu'un complément de la régénération
naturelle. M. le Président, mes douze minutes sont probablement
écoulées. Je me permettrai...
Le Président (M. Cusano): Il vous reste une minute pour
conclure, M. le président.
M. Lafond (André): Je me permettrai de vous lire
peut-être la dernière partie de notre conclusion. Nous avons moins
de préoccupation, comme organisme de recherche et de
développement, vis-à-vis des buts de la loi avec lesquels nous
sommes d'accord dans son ensemble, sauf les remarques qui ont été
faites en passant et les questions qu'on pourrait poser. Pour nous, le grand
problème nous semble la mise en application et la vérification
des projets d'aménagement que suppose cette loi. Il est vain de penser
qu'un programme d'une pareille envergure sur un territoire aussi
considérable et avec une industrie d'une telle importance puisse se
faire en quelques années. C'est le travail patient et tenace de toute
une génération.
Si on dit, au contraire de ceux qui nous ont
précédés peut-être, que le passé est garant
de l'avenir, c'est un proverbe que nous n'aimerions pas voir s'appliquer dans
le cas de la législation forestière actuelle et, à
cette fin, nous pensons que l'on devrait encourager la création
d'un autre organisme constitué de représentants du public, des
usagers industriels ou forestiers privés, des grands corps
constitués reconnus pour leur compétence comme l'Ordre des
ingénieurs forestiers et des autres organismes qui, par leur savoir,
leur compétence dans la recherche et l'enseignement pourraient apporter
quelque chose à l'aménagement forestier.
Cet organisme pourrait faire rapport à intervalles définis
au ministre sur le progrès que cette loi a fait dans la mise en place
d'un système d'aménagement forestier assurant la
perpétuation de la forêt québécoise. C'est
peut-être la phrase la plus importante pour nous: Ainsi se trouvera
graduellement corrigée l'impression que l'on est à liquider la
forêt publique au profit d'intérêts particuliers pour
ensuite se lancer dan3 de grands programmes de reboisement qui seront, au
mieux, difficiles de réalisation. D'ailleurs, toute la richesse du
Québec ne serait pas suffisante pour remplacer les peuplements naturels
qui couvrent notre pays. Merci, M. le Président.
Le Président (M, Cusano): Je vous remercie, M. le
président.
M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du Loup): Merci, M. le
Président. Bonsoir, MM. Lafond et Dion. Je suis très
honoré de voir que de grands forestiers viennent nous entretenir.
J'aurais le goût, M. Lafond, de vous laisser continuer à parler
tellement vous dites des choses vraies, des choses que tout le monde comprend,
mais que tout le monde n'a pas réalisées. On a
écouté sans comprendre ou on a compris sans écouter. Je
vous remercie de votre présentation. Je vous remercie aussi pour votre
mémoire qui reflète votre grande connaissance de la forêt,
car vous êtes tous les trois de grands forestiers. J'apprécie
grandement les remarques que vous avez faites au sujet du rendement soutenu, ce
qui fera en sorte que le ministre ne pourra plus accorder d'allocations
au-delà de la possibilité, au-delà du rendement soutenu.
Comme vous le dites, c'est ce que la forêt peut fournir. Dans toutes les
demandes que je reçois - on a pour au-delà de 5 000 000 de
mètres cubes qu'on a déjà alloués, on est
déjà rendu à 31 000 000 de mètres cubes de bois, ce
qui fait 36 000 000 - je réponds simplement: Si la forêt peut le
fournir, je n'ai pas d'objection. Quand on est rendu à 36 000 000 de
mètres cubes de bois et qu'on sait que la possibilité ou le
rendement que la forêt peut fournir de la façon dont on l'exploite
actuellement est, selon nous, 18 000 000 de mètres cubes de bois, j'ai
de sérieux problèmes. Quand je dis cela, je connais la
réponse.
M. Lafond (André): M. le ministre, c'est, je pense, une
des questions clés. C'est une question qui a préoccupé les
forestiers qui avaient moins de préoccupations instantes que d'autres.
J'ai une comparaison assez simple que j'emploie souvent. Il y a une notion dont
on ne s'est jamais servi, celle du potentiel. J'ai toujours la comparaison
suivante: on a considéré les rendements d'une forêt dont
l'ensemble, au moment où on l'a exploitée, au moment où on
l'a mesurée, était suranné. C'est un peu comme si on
disait, quand on détermine le potentiel - et c'était la prudence
puisqu'on ne faisait pas autre chose - qu'un homme qui mesure six pieds
à 60 ans mesurait trois pieds à 30 ans. Le potentiel de la
forêt, ce n'est pas une courbe géométrique. Les arbres sont
des êtres vivants qui, lorsqu'ils sont jeunes ont un potentiel de
développement et un potentiel de productivité comme n'importe
quel être vivant, y compris nous-mêmes. Je ne parle pas de moi,
c'est passé. On doit faire confiance à la forêt, mais il y
a une condition essentielle, c'est que l'on rajeunisse cette forêt. C'est
qu'on intervienne pour maintenir le dynamisme de productivité beaucoup
plus élevé qu'il n'est actuellement.
On en discutait encore avant de venir ici ce soir avec mon
collègue, M. Dion, entre autres, qui a une longue expérience de
la sylviculture et qui a été un des rares forestiers industriels,
dois-je dire en passant, à pratiquer cette sylviculture, eh bien, les
rendements et le potentiel sont beaucoup plus élevés qu'on ne
peut le penser actuellement. Je me sors le cou - M. le ministre, vous le
couperez si vous voulez - mais je dirais que, si on utilisait les connaissances
que nous possédons actuellement sur le potentiel de la forêt, on
pourrait par des aménagements, tel que le prévoit la loi -c'est
un pas en avant extrêmement intéressant - doubler facilement la
possibilité de 18 000 000 de mètres cubes de bois. La
Suède, qui est située à la latitude de la baie d'Ungava -
Stockholm est à environ 59 de latitude - avait une possibilité,
il y a quelques années, de 35 000 000 de mètres cubes par
année, sur à peu près un cinquième de la superficie
forestière du Québec et à une latitude, le 60e, où
le soleil est quand même moins bon que le soleil du 45e de la
vallée du Saint-Laurent, au point de vue de la quantité
d'énergie qui est donnée à la terre pour produire du
bois.
Évidemment, l'industrie forestière ne voudra pas faire des
calculs et on nous met bien en garde contre les "expansions", c'est le cas de
le dire, qu'on pourrait avoir vis-â-vis de la forêt et les calculs
trop optimistes ou trop roses. Mais il y a une chose extrêmement
importante, si l'on n'a pas confiance et si l'on ne relève pas,
peut-être, le défi que j'ai lancé ce soir, de doubler cela
avec les connaissances qu'on a, sans les
merveilles de la biotechnologie, sans greffer, si vous voulez, la
tête d'un âne sur un cheval, sans des recherches mirobolantes comme
cela, simplement en utilisant au mieux le potentiel de la forêt, ceci
veut dire une exploitation... Parce que, pour moi, il n'est pas immoral de
couper la forêt à blanc, il n'est pas immoral, non plus,
d'utiliser tous les bienfaits de cet immense territoire, de cet immense
potentiel biologique qu'est la forêt québécoise et c'est
une des choses les plus merveilleuses au monde, soit dit en passant. Alors, que
l'on prenne les moyens afin de l'utiliser pour le plus grand
bénéfice de toute la population.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Voulez-vous
revenir au potentiel...
Le Président (M. Cusano): M. le ministre, un instant,
s'il vous plaît! Puisqu'il est 22 heures, je dois demander le
consentement pour dépasser l'heure prévue. Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Perron: Consentement.
Le Président (M. Cusano): Consentement. À vous la
parole, M. le ministre.
M. Côté (Rîvïère-du-Loup): Pour
revenir à votre potentiel, M. Lafond, cela revient à dire: Si
jeunesse savait et si vieillesse pouvait.
M. Lafond (André): Oui, monsieur. Je pense, M. le
ministre, qu'il faut faire confiance, il faut sortir de notre attitude morose
vis-à-vis de la forêt.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vis-à-vis
du potentiel, oui.
M. Lafond (André): II faut faire confiance à la
forêt. (22 heures)
M. Côté (Rivière-du-Loup): Une remarque que
je trouve intéressante. Vous voulez insérer dans certains
articles de la loi: "suivant les principes acceptés des sciences
forestières". Je trouve cela très intéressant. J'en
discuterai avec les conseillers juridiques du ministère pour savoir si
on peut l'insérer quelque part. Évidemment, cela va baliser aussi
nos interventions et notre pouvoir discrétionnaire dans l'administration
de la forêt. Je trouve cela intéressant. Un peu plus loin,
à la fin de la page, vous parlez des grandes variations du territoire et
de la variation des circonstances économiques et sociales; "sociales",
cela commence à être pas mal moins scientifique.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Lafond (André): M. le ministre, vous savez que j'ai
passé une bonne partie de ma vie dans le milieu universitaire et qu'il y
avait deux sortes de sciences: les sciences que l'on disait humides et les
sciences sèches. La sociologie était une science sèche,
puisqu'on ne l'expérimentait pas. Il reste, quand même, M. le
ministre, je pense, que le forestier qui aménage la forêt - non
pas le forestier qui contemple la forêt, c'est une autre chose - le fait
essentiellement dans une dimension humaine. Au sujet des problèmes
sociologiques, les problèmes sociaux qui ont, d'ailleurs,
été une grande préoccupation de notre organisme pendant
longtemps, comme vous le savez, souvent, tout le monde n'était pas
d'accord. Nous pensons que, finalement, l'aménagement forestier doit se
faire par et pour des hommes. Une grande partie de notre territoire, en dehors
des grands centres de concentration industrielle comme la région de
Montréal et, un peu, la région de Québec, est, a
été et sera forestière. Dans des régions qui sont
aujourd'hui un peu déprimées, où il y a des
problèmes économiques et sociaux assez sérieux qui
perdurent, il est possible, par un aménagement intensif, bien
dirigé, patient, que ces régions parviennent à une
prospérité. C'est la seule solution que nous avons pour un grand
nombre de ces régions.
M. Côté (Rivière-du-Loup): En terminant,
avant de céder la parole, M. Lafond, j'aime bien votre appui à
savoir que les redevances devraient être calculées sur le volume
de la possibilité annuelle ou le volume alloué et aussi que l'on
puisse retrouver une bonification aux efforts supplémentaires que les
gens font pour aménager la forêt. C'est le but, en somme, d'un
régime forestier et tout le monde en profite. S'il y a une bonification,
s'il y a un surplus, évidemment, il va être transformé, il
va servir aussi à des fins récréatives parce qu'il va
être sur place. Il va servir à notre environnement et il va servir
à contrôler les sols. J'aime bien votre appui
là-dessus.
M. le Président, je cède la parole à quelqu'un
d'autre.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, après avoir
écouté M. Lafond, lors de son exposé du début,
j'avais le goût, tout comme le ministre, de lui permettre de continuer
jusqu'à la fin de nos travaux. Il y a une chose que j'ai pu constater -
sûrement que mes collègues, autant de l'Opposition que
ministériels l'ont fait aussi - c'est que vous avez exprimé, sans
le lire, à peu près
l'ensemble de votre mémoire. Je suis à peu près
assuré que ce n'est pas parce que vous l'avez appris par coeur; vous
l'avez sûrement pratiqué au cours des années durant
lesquelles vous avez travaillé à la recherche. Pour nous, en tout
cas, votre mémoire est très finement écrit et,
jusqu'à un certain point, il est même assez technique. Vous nous
rappelez des choses qui sont drôlement importantes quant au passé,
pour permettre que l'avenir soit meilleur. D'ailleurs, cela va un peu avec le
vocabulaire que vous avez, il est même rempli de quelques
subtilités et est sûrement le fruit d'une grande expérience
que vous avez en tant qu'organisme et aussi en tant qu'individu.
J'aurais une première question à vous poser dans le but
d'apporter un éclaircissement. Est-ce que vous pourriez nous dire, M.
Lafond, quels sont les modes de financement que vous avez en tant
qu'organisme?
M. Lafond (André): Comme c'est mentionné à
la dernière page, nous n'en avons aucun. Nous dépendons
uniquement d'études particulières qui sont confiées soit
par des organismes gouvernementaux comme Hydro-Québec, le
ministère des Terres et Forêts, ou mieux, le ministre
délégué aux Forêts, le ministère de
l'Énergie et des Ressources, ou par des organismes comme les grandes
sociétés forestières, le Conseil national de recherche,
l'ACDI, etc.
M. Perron: Merci de votre réponse, M. Lafond. Maintenant,
en ce qui a trait au conseil consultatif de la recherche forestière, le
livre blanc faisait une recommandation dans le sens de créer un tel
conseil consultatif de la recherche qui aurait été dans le sens
de permettre aux organismes, au gouvernement, aux universités, etc., de
se regrouper pour mettre l'accent sur la recherche. Cela peut être de la
recherche fondamentale, cela peut être de la recherche appliquée
ou d'autres genres de recherches que vous connaissez sûrement mieux que
moi. Je voudrais connaître votre opinion en tant qu'organisme face
à la création de ce conseil consultatif de la recherche. Si vous
y êtes favorables, de quelle façon devrait-on le former?
M. Lafond (André): Merci. Est-ce que je peux me permettre
une petite remarque personnelle? Il y a déjà eu un organisme
consultatif de la recherche et j'ai eu l'honneur d'être le premier
président et le seul président, parce qu'il est mort de sa belle
mort après cinq ou six ans, de cet organisme. Je dois mentionner que je
n'ai jamais démissionné, mais cela n'a rien changé.
M. Perron: Si je comprends bien, vous tenez à vos
postes.
M. Lafond (André): Monsieur, je pense que c'est une
question très à point. Je pense que la position du fonds de
recherches et de développement qui est un organisme de recherche, ce
n'est pas actuellement de créer un organisme de recherche. Nous pensons
qu'il y en a suffisamment. Â tous les niveaux de la recherche ils
répondent à des questions des chercheurs qui sont
intéressés aux problèmes de base, etc., au niveau
provincial autant que fédéral. Ce qui nous préoccupe
essentiellement - et cela ramène un peu la dimension sociale à
laquelle le ministre faisait allusion tout à l'heure - c'est que nous
ayons un organisme qui voie à l'application de ces problèmes
d'aménagement de la loi telle qu'elle sera présentée
éventuellement, je l'espère, mais à partir duquel tes
problèmes de recherche seront définis par suite de son
application et qui suggérera des choses aux chercheurs, eux, qui ont le
problème, qui voient que la loi ne s'applique pas comme on
l'espérait parce qu'il y a des questions auxquelles on ne peut pas
répondre. Une des grandes questions qui sont soulevées et
auxquelles on est particulièrement intéressé en tant
qu'organisme actuellement, par exemple, c'est le problème des
coûts. Cela va coûter quoi, faire de la sylviculture et de
l'aménagement? Qui va payer cela? Dans quelle proportion va-t-on payer
cela? C'est une question à laquelle nous n'avons aucune réponse
vraiment scientifique actuellement. C'est une question clé. C'est un
genre de recherche, par exemple, qui devrait, nous semble-t-il, être
faite parce qu'en lisant quelques-uns des mémoires cela préoccupe
beaucoup les gens actuellement et nous n'avons pas de réponse. C'est un
exemple d'une recherche qui vient de la pratique même de la foresterie et
de l'aménagement plutôt qu'une recherche inventée, si j'ose
dire, par le chercheur même.
La recherche la plus importante en foresterie, ce serait de
résoudre la photosynthèse: comment les arbres prennent la
lumière du soleil et la transforment en bois. Je ne vous promets pas de
solution avant l'an 2999 et, d'ici ce temps, il y a plusieurs rotations
forestières. Nous autres, actuellement, c'est moins la création
d'un organisme - cela peut paraître paradoxal pour un organisme de
recherche et de développement qui existe depuis 30 ans - que le fait que
la population du Québec voie une loi intéressante, voie qu'une
fois pour toutes elle s'applique et qu'elle fasse les pressions
nécessaires pour que l'on prenne les moyens pour répondre aux
questions qui vont se poser en l'appliquant, parce qu'il va y en avoir
beaucoup.
M. Perron: M. Lafond, juste un commentaire avant de passer la
parole à un de mes collègues. Lorsque je mentionnais la
formation du conseil consultatif de la recherche forestière,
c'était surtout dans le sens suivant. D'abord, on sait très bien
que les papetières font des recherches. On sait très bien que le
ministère de l'Énergie et des Ressources fait des recherches. On
sait très bien que le CRIQ en fait. On sait très bien aussi qu'il
existe l'Université du Québec, l'Université Laval et
d'autres universités dans l'ensemble québécois qui font
des recherches dans différents domaines. Alors, pour moi, la mise en
place d'un conseil consultatif aurait été dans le sens de
regrouper tout ce beau monde pour faire en sorte qu'on règle certains
problèmes cruciaux que nous avons actuellement. Je vais donner juste un
exemple avant de passer la parole à un autre. Nous avons, au moment
où on se parle, des feuillus dans nos forêts
mélangés avec des résineux. On ramasse les
résineux, on coupe en même temps ou on ne coupe pas les feuillus,
mais on n'a aucun marché. Le bois de ces feuillus ne sert nulle part,
dans quelque industrie que ce soit. C'est surtout dans ce sens que je fais
mention de la nécessité de créer un conseil consultatif de
la recherche forestière. D'ailleurs, je vous remercie de votre
honnêteté. Pour moi, c'est aussi paradoxal de voir qu'un organisme
comme le vôtre préfère ne pas avoir ce genre de conseil
consultatif, mais je pense que, dans notre société
démocratique, on a le droit à toutes sortes d'opinions, les
miennes, les vôtres, les autres. Je pense qu'il faut respecter cela.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dr Lafond, je veux
seulement vous dire que j'ai trouvé votre exposé absolument
fascinant. Vous avez simplifié, de façon à nous le faire
comprendre, le grand problème auquel nous faisons face et auquel nous
essayons d'apporter des solutions. Vous nous avez donné une vue globale
de tous les problèmes de la forêt, mais vous l'avez fait d'une
façon simple et claire. Je pourrais même dire que cela a
été très encourageant, très motivant, sinon
inspirant pour nous, parce que, comme législateurs, on est
habitués à la présentation des difficultés, des
obstacles, des conflits. J'apprécie beaucoup l'approche que vous avez
prise pour nous montrer le potentiel et vraiment tout ce qui pourrait
être fait. Lorsque vous avez parlé de l'Édit du roi portant
règlement général pour les eaux et forêts, je me
suis dit: Peut-être va-t-il reculer encore dans le temps et faire
référence aux druides qui vénéraient la
forêt? Je n'ai pas de question à vous poser. Vous avez
ajouté une sorte de poésie dans un secteur qu'on a trop tendance
à considérer strictement d'une façon pragmatique et
économique, et je vous en remercie.
Le Président (M. Cusano): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que
c'est avec beaucoup d'intérêt également que j'ai
écouté votre vibrant plaidoyer en faveur de la capacité de
nos forêts de se régénérer. Avec tout l'optimisme
que vous y avez mis, je ne peux que souhaiter que votre optimisme se
réalise un jour. Malheureusement, comme vous l'avez dit, le passé
n'est pas nécessairement garant de l'avenir et ce n'est pas le
problème auquel nous avons à faire face aujourd'hui.
Ma première question concerne votre recommandation, à la
page 29, quand vous suggérez une modification au paragraphe 3 de
l'article 22 qui dit: "Dans tous les cas, ce volume ne peut dépasser le
volume obtenu par l'addition de la possibilité annuelle de coupe
à rendement soutenu..." Vous extrayez le reste de la phrase qui se lit
comme suit dans le texte original: "et la disponibilité". Vous changez
cela en disant: pour un territoire donné. Vous avez, d'ailleurs, une
notion de l'espace qui est continuelle dans votre mémoire. Je trouve
cela intéressant aussi. C'est peut-être plus une vision de
géographe, mais c'est intéressant.
Quand vous enlevez cette notion de l'addition de la coupe annuelle
à rendement soutenu et de la disponibilité, j'oserais dire que
vous coupez, à toutes fins utiles, l'arbre sous le pied du ministre,
dans ce sens qu'on a l'impression que le ministre dans son texte de loi se
réserve toujours cette notion de disponibilité - que vous
critiquez, d'ailleurs, plus loin, en page 30 - comme étant un bassin
potentiel où on pourrait aller piger au cas où,
éventuellement, on en aurait besoin. En tout cas, il y a une notion qui
est un peu floue de la disponibilité.
Par contre - excusez-moi, ma question est peut-être un peu longue
- en page 7 vous dites: "La loi devient très spécifique en ce qui
concerne le mode de calcul de la possibilité annuelle selon le principe
du rendement soutenu et les disponibilités d'un territoire..." Vous
utilisez te terme "disponibilités" que vous jumelez à celui de
"rendement soutenu". Par contre, vous suggérez de l'enlever à
l'article 22. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? (22 h 15)
M. Lafond (André): Je vais essayer, à tout le
moins. Il nous semble qu'il doit y avoir, d'un point de vue un peu technique,
une seule notion, le rendement soutenu de toutes les espèces d'un
territoire. Il y a, dans cette notion de disponibilité telle que nous
pouvons la comprendre actuellement, une sorte de scission entre le bois qu'il
est intéressant d'utiliser et le bois qu'il est moins intéressant
d'utiliser. Le bois qu'il est
moins intéressant d'utiliser, on dit qu'il est disponible. On
calcule ces bois-là et on dit: Ce sont des disponibilités, quand
on aura la technique, quand on aura l'intérêt, quand on aura ce
qu'il faut pour cela. Nous disons qu'il est très difficile, à
tout le moins, de calculer un rendement soutenu si l'on ne tient pas compte de
l'ensemble des arbres ou des espèces d'arbres qu'il y a sur un
territoire. Dans un territoire où il y a du bouleau, du bouleau blanc,
du bouleau jaune, de l'érable, de l'épinette et du pin, on ne
peut pas calculer la possibilité et le rendement soutenu pour le pin
seulement, parce que le rendement soutenu du pin ou de l'épinette est
fonction de la présence de l'érable et du bouleau jaune. On ne
peut pas séparer cela en disant: On va avoir un rendement soutenu pour
une partie de la forêt, et le restant est disponible.
Cela va assez bien si vous êtes dans de la forêt pure de
sapin, d'épinette noire, ou des choses comme cela, et c'est une partie
importante de notre forêt, mais, si vous avez des espèces autres
que celles qui sont d'intérêt actuel, il faudra en tenir compte.
C'est pourquoi, pour calculer la possibilité de l'ensemble du
territoire, il faut tenir compte du tout. Ensuite, étant donné
l'intérêt, on prendra la possibilité de chacune des parties
du tout, qui sont les différentes espèces, on sèmera ce
qui est intéressant, l'épinette noire, le sapin, le pin gris, et
on oubliera les autres; Mais il faut d'abord considérer tout le reste et
non pas faire cette scission. Nous avons souligné que c'est une notion
qui n'existe nulle part. Nous avons cherché dans tous les dictionnaires
de foresterie, les manuels - il y en a quelques-uns - et on n'a jamais
trouvé cela.
On mêle à ce niveau-là, je pense, des notions
fondamentales de la foresterie avec des notions d'application temporaire
d'essences. Nous le faisons remarquer dans notre mémoire. Dans les
années vingt et trente, j'ai connu d'éminents forestiers qui
avaient préconisé d'anneler le bouleau jaune parce que
c'était une espèce absolument essentielle. La semaine
dernière j'étais dans le Nord de l'Ontario où on annelait
le sapin alors qu'en 1930 on disait que c'était une espèce
futile» C'est donc cette notion-là sur laquelle ' nous insistons
actuellement. Je ne sais pas si j'ai été assez clair.
M. Claveau: Merci, M. le président. Une autre question.
Dans un autre mémoire qui a été présenté
avant le vôtre, on pouvait lire dans les premières pages
l'affirmation que je citerai de mémoire: On ne retrouve pas à
l'intérieur du projet de loi actuel une véritable politique
d'aménagement forestier. On a plutôt entre les mains un document
ou un projet de loi visant strictement l'utilisation de certaines
matières ligneuses à des fins industrielles. En ce qui vous
concerne, à la lecture du projet de loi, avez-vous dépisté
à l'intérieur de tout cela un véritable plan
d'aménagement de la forêt, puisque vous semblez y tenir beaucoup
-d'ailleurs dans la réponse que vous venez de me faire vous en parlez
beaucoup - dans lequel on considère toutes . les autres activités
connexes, les activités qui existent parce que la forêt existe? On
parle de la chasse, de la pêche, des cueillettes, de tout ce que vous
voulez, qui sont aussi des activités importantes dans notre tradition et
qu'on ne doit pas négliger.
M. Lafond (André): Oui. Nous avons fait une distinction,
vous me permettrez d'y revenir. Il y a deux aspects. Nous avons
considéré que cela était d'abord et avant tout un document
législatif. Nous avons insisté sur le fait qu'il est dangereux de
légiférer sur la science et que, par conséquent, nous
comprenions, évidemment, que dans les règlements qui peuvent
être spécifiques, les manuels d'aménagement, on traitera
véritablement des questions techniques. Cette distinction nous
paraît élémentaire. D'autre part, vous me permettrez de
revenir et d'insister sur le fait qu'en faisant un aménagement global de
toutes les espèces du territoire la tradition forestière de
l'aménagement inclut toujours l'aménagement
cynégétique, l'aménagement des eaux, même dans
d'autres pays. En Europe et dans la tradition européenne, on parle
toujours des eaux et forêts, et la cynégétique et la chasse
dépendent toujours des forestiers. C'est même le symbole en
Allemagne. Il y a un cor de chasse et, avant de faire certaines
opérations sylvicoles, on sonne le cor dans certaines forêts
allemandes. Nous pensons qu'il ne peut y avoir d'aménagement sans tenir
compte de ces dimensions. C'est l'expression "aménagement forestier"...
Nous insistons. C'est pourquoi nous voulons voir cette notion économique
de disponibilité disparaître. L'aménagement forestier est
un aménagement global de toutes les ressources de la forêt, le
fait même qu'on le pratique.
M. Claveau: Merci. Au début de votre réponse, vous
avez cité une des expressions que vous aviez utilisées au
début de votre texte lorsque vous parliez de légiférer sur
la science. C'est une expression qui est d'ailleurs très
intéressante mais qui peut être interprétée de
beaucoup- de façons. Tout à l'heure, vous avez parlé de la
possibilité énorme de nos forêts, de leur capacité
de se régénérer et de produire beaucoup plus qu'elles
pourraient produire. Vous avez même fait référence à
la baie d'Ungava. Enfin, il n'y a pas beaucoup d'arbres là-bas, mais il
y en a quelques-uns. Je voudrais vous demander, en fonction de cette analyse,
quand vous nous parlez de cette capacité de
régénérescence de la forêt reliée au fait
qu'on doit légiférer dans le milieu scientifique, si vous
pensez qu'il est de bon aloi ou qu'il est stratégiquement valable de
légiférer en octroyant déjà des droits de coupe sur
une forêt potentielle.
M. Lafond (André): Cela, c'est une bonne question.
Évidemment, je dirais que cela dépend du degré de
technicité dans lequel on veut investir. C'est le dilemme de la pratique
forestière. La pratique forestière, au contraire de
l'agriculture, c'est une chose qui peut se prolonger sur plusieurs
générations - 30, 40, 50, 70, 120 ans dans certains cas.
D'ailleurs, en passant, j'ai toujours souhaité qu'il y ait une justice
en ce bas monde et que les forestiers aient la productivité et la
longévité d'un peuplement d'épinettes noires qui dure 150
ans. Mais il y a des problèmes comme cela qui se posent actuellement et,
quitte à corriger, quitte à suivre, si on consent à
investir dans le potentiel de la forêt, dans l'aménagement de la
forêt, il va falloir faire confiance au moins au potentiel de ce que l'on
peut mesurer actuellement. Vous savez, des plans d'aménagement, il y en
a depuis assez longtemps au Québec, depuis une cinquantaine
d'années au moins. On prenait comme forestiers à peu près
- vous m'excuserez de revenir aux pieds cubes, mais c'est un peu plus concret
pour beaucoup d'entre nous, en tout cas - 10 pieds cubes à l'acre par
année, ce qui est une quantité... Les pians d'aménagement
donnaient cela. Or, on a mesuré, on a récolté - M. Dion
pourra confirmer cela - dans de multiples expériences, trois ou quatre
fois cette capacité; on mesure cela. Une forêt de sapins de 70 ans
qui a à peu près 2000 pieds cubes à l'acre a produit en
bois, durant 70 ans, à peu près trois fois le volume de bois,
mais parce qu'on n'est pas intervenu par des révolutions courtes tous
les arbres ont tombé et on a perdu à peu près les deux
tiers du rendement. On peut mesurer cela actuellement. Si on prend ce potentiel
que la nature produit sous nos yeux sans compter ce que notre intelligence,
notre sagesse et notre science pourront ajouter - cela c'est zéro -je le
disais tout à l'heure, je pense qu'on pourrait facilement doubler au
Québec. Cela m'apparaît un risque, évidemment, mais un
risque sage. Étant donné que la prospérité du
Québec et des habitants pourraient évidemment... C'est ce qu'a
fait le Sud des États-Unis, c'est ce qu'a fait l'Allemagne et c'est ce
qu'a fait la France.
M. Claveau: Merci. Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M. Cusano): Oui.
M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées...
Le Président (M. Cusano): II vous reste deux minutes, M.
le député.
M. Claveau: Deux minutes, bon, j'ai le temps de poser une
dernière question qui me semble intéressante ici, dans un autre
ordre d'idées. Vous êtes bien placé pour savoir que
lorsqu'on parle de recherche, que ce soit de n'importe quel niveau et dans
n'importe quel secteur, on fait toujours face à certaines restrictions
budgétaires. On a toujours un volume maximal dans lequel on doit
travailler et s'organiser pour faire du mieux qu'on peut. À partir de ce
que vous connaissez de la recherche et des capacités de trouver du
financement dans le domaine forestier, d'une façon plus stricte, si on
vous demandait quelles seraient les pistes de recherche, aussi bien pure
qu'appliquée, que l'on devrait privilégier connaissant les
contraintes dans lesquelles on a à travailler, quelles seraient-elles
d'après vous? Qu'est-ce qui est le plus important à faire
actuellement, comme recherches, qu'elles soient pures ou appliquées?
M. Lafond (André): Déterminer les meilleurs sites
et superficies de la province de Québec et déterminer quel est
leur rendement actuel qu'on n'a pas récolté et, à partir
de cette détermination, faire une "zonation" des peuplements qui doivent
être prioritaires pour les forêts de sciage et ceux qui peuvent
être prioritaires pour les forêts de pâtes. Cela
m'apparaît l'effort essentiel qu'on devrait faire. Le grand avantage,
c'est qu'on connaît les techniques. On n'aurait pas besoin de faire de la
recherche sur les techniques et sur la méthodologie. On pourrait
utiliser ces méthodologies. Elles sont connues, il s'agirait de les
coordonner. C'est un effort qui pourrait demander passablement de temps,
passablement d'argent actuellement et certainement une bonne partie des
ressources. Je ne veux pas dire par là qu'on devrait négliger des
recherches comme la génétique forestière, comme la
biotechnologie, etc. Cela est la première réponse. D'ailleurs, on
va être obligé d'y répondre si l'on veut... Cela serait
mieux d'avoir une bonne réponse que d'en improviser une.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lafond. M. le
ministre, vous avez une question?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le
Président. M. le député d'Ungava, docteur, sera
certainement un bon élève étant donné que vous
êtes bon professeur. Je voulais vous demander, si on peut doubler
facilement ou assez facilement la possibilité actuelle
évaluée dans les résineux - épinette, sapin, pin
gris, etc. - qui doit payer pour passer de 18 000 000 de mètres cubes
à
36 000 000 de mètres cubes. Est-ce le gouvernement seulement, les
utilisateurs, l'industrie ou tout le monde?
M. Lafond (André): M. le ministre, comme j'ai pu le
mentionner, c'est une question à laquelle nous n'avons pas de
réponse actuellement. Le partage des frais est une chose qu'on doit
rechercher, on doit en tenir compte. Quelqu'un doit payer; on doit consentir
à payer quelque part. Certainement ceux qui bénéficient de
la forêt doivent être les premiers qui doivent payer. Moi, si j'ai
une terre et que je veux la faire produire davantage, eh bien je dois supporter
les conséquences de mon investissement en fertilisant, en arrosant mes
pommiers ou je ne sais quoi. C'est une chose qu'il faut apprendre à
faire. On revient toujours aux exemples des pays Scandinaves ou d'ailleurs.
C'est ce à quoi ont consenti à la fois la population et les
usagers. Mais dans quelle proportion? Quels sont les avantages de la
concurrence? On n'est pas seul et on a vu des efforts extrêmement
intéressants. (22 h 30)
En passant, si vous me permettez une opinion à ce moment-ci
devant une question qui est extrêmement importante, les réactions
qu'on a des Américains vis-à-vîs de nos bois de sciage,
c'est justement l'une des réactions au fait qu'ils ont investi depuis
maintenant 30, 40 ou 50 ans, en particulier dans le Sud et l'Ouest des
États-Unis, qu'il y a eu un coût et, que maintenant, ils ont des
quantités qui vont devenir de plus en plus importantes. Je me souviens
toujours du mot du chef du service forestier américain, M. McGuire, qui
disait: Vous savez, vous, Canadiens, devez compter qu'à partir de l'an
2000, avec les programmes d'aménagement que nous avons, nous allons
être indépendants en fibres aux États-Unis. L'une des
premières conséquences, c'est que le bois qui commence à
produire, mais qui coûte plus cher parce qu'on a investi
là-dedans, on veut l'opposer à notre bois qui vient sans qu'on
n'ait beaucoup investi jusqu'à maintenant. C'est une conséquence
de l'aménagement. Quelqu'un en paie le coût actuellement. De la
façon que c'est parti, il se pourrait que ce soient les Canadiens qui
paient une partie du coût des investissements américains.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous parlez de
recherche et de trouver les meilleurs sites, comme vous dites. La technique
existe déjà pour les faire produire. Je suggère, je veux
piloter, et j'insiste beaucoup pour la confection de cartes écologiques
au Québec qui seraient la base de nos interventions, de tous les grands
travaux et des aménagements forestiers et qui nous aideraient à
déterminer les sites dont vous parlez. Quels moyens prendre pour que ces
cartes écologiques soient uniformes, accessibles et
interprétées correctement par tout le monde? Vous mentionnez dans
votre rapport la qualité et la valeur des inventaires. Souvent, il y a
des variations énormes qu'on a de la misère à
interpréter et il faudrait absolument les éviter dans les cartes
écologi'ques. Avez-vous des suggestions?
M. Lafond (André): Évidemment les
écologistes sont comme ceux de l'arche de Noé, chaque
écologiste invente son propre système et c'est vraiment la
confusion des langues souvent. Un appelle une chaise, une table; l'autre une
table, une chaise.
La première chose sur laquelle j'aimerais insister, et c'est un
sujet qui me touche particulièrement, c'est que le meilleur
écologiste c'est encore le monsieur qui est en forêt et qui sent
les différences de peuplement. Tout système devrait être
dans un langage tel que le forestier d'expérience se retrouve dans la
forêt. Je ne veux pas dire - il ne faudrait pas sursimplifier - que les
gens ont trouvé tous les systèmes de classification, il n'y a pas
de doute là-dessus. Il va falloir trouver un langage qui peut être
utilisé par le commun des mortels. Il y a une autre chose qu'il ne faut
pas oublier; ce ne sont pas des ingénieurs foretiers et des chercheurs
qui vont faire l'aménagement. Finalement, il y a un gars qui coupe du
bois et qui abat des arbres, les met sur son tracteur, sur ses machines et, en
définitive, c'est celui-là qui va avoir appliqué toutes
nos belles recommandations et toutes nos lois, etc. Il faut qu'on trouve un
système pour que ce gars-là comprenne dans son langage ce qu'on
va proposer. La nature n'est pas si compliquée; on peut trouver trois,
quatre, cinq ou six formes générales qui, sans doute, pourraient
avoir beaucoup de subtilité. En écologie comme ailleurs, on peut
discuter ad infinitum du sexe des anges, c'est un bel endroit pour cela. Il y a
moyen de trouver et de montrer cela; c'est cela qu'on doit chercher; cela est
une recherche qu'on doit faire. Une transposition, une simplification de
notions extrêmement intéressantes, fondamentales, mais parfois un
peu ésotériques, excusez le mot.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II y a quelques
années, j'ai été surpris d'apprendre le mot
"disponibilité" et je me suis informé parce qu'on ne me l'avait
pas enseigné; alors ce n'est pas surprenant qu'il n'existe pas dans le
vocabulaire forestier. Ce n'est pas plus vieux que quatre, cinq ou six ans.
Vous mentionnez à la page 13 de votre mémoires "Notons que
des aménagements par reboisement sont considérés, par la
plupart des grands aménagistes classiques et dans des conditions
où la forêt est un milieu naturel, comme des opérations
d'exception". Ce qui me fait peur, c'est que le programme qu'on
a mis de l'avant de 300 000 000 de plants... Est-ce cela que vous voulez
dire en mentionnant cela?
M. Lafond (André): Si vous me permettez une
précision, M. le ministre, ce qui me fait peur, c'est de penser qu'on va
être obligé d'intervenir par reboisement chaque fois qu'on va
vouloir améliorer la forêt. C'est une procédure
dispendieuse, écologiquement dangereuse, et dont on n'est pas
assuré du succès. Qu'on regarde la Forêt noire allemande
actuellement où on a changé des forêts qui étaient
des forêts de hêtres, à la fin du XVIIIe
siècle, sous Hartig, et on en a fait des peuplements résineux qui
ont donné un rendement absolument formidable de six, sept, huit, dix
cordes l'acre année et, aujourd'hui, on a des problèmes de sol,
des appauvrissements de sol. Le sol est podzolisé et il y a eu toutes
sortes de choses.
Actuellement, on a une sensibilité, par exemple, aux
émissions des gaz des automobiles, semble-t-il, peut-être des
pluies acides et des choses comme ça. Toute cette forêt, au grand
dam des forestiers allemands, qui sont parmi les meilleurs du monde, se
dégrade parce qu'on a transformé une écologie fondamentale
d'une région; ça ne peut pas durer longtemps. Comme on le
mentionne également, M. le ministre, c'est la façon la plus
chère, la plus onéreuse par laquelle on peut pratiquer
l'aménagement forestier.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi,
pour atteindre les mêmes résultats, nous avons l'intention de
laisser l'industrie choisir les façons d'aménager. Il y a une
certaine liberté dans le choix des moyens, mais les résultats
escomptés devraient être là et je pense qu'on peut les
atteindre quand même.
Quand vous parlez de la forêt privée, vous dites qu'il est
bien entendu que ces territoires, tout comme les autres domaines publics,
doivent être soumis aux mêmes principes et aux mêmes normes
que les territoires soumis à des contrats d'approvisionnement. Est-ce
que vous voulez dire par là qu'il nous faudrait légiférer
sur la forêt privée, comme ça se produit dans certains
pays?
M. Lafond (André): Non, je pense qu'il y a une nuance, M.
le ministre, entre ce que je veux dire. Je n'oserais pas, connaissant la nature
des gens au Québec, supposer qu'on pourrait légiférer dans
les mêmes termes sur la forêt privée qu'on ne le fait sur la
forêt publique. Ce que je voulais dire et ce dont d'ailleurs nous nous
réjouissions, c'est qu'il y ait une consolidation de la forêt
privée par la forêt publique, mais que cette consolidation ne
consiste pas seulement en l'octroi de territoires ou de volumes de bois, mais
si on ne peut pas, autrement que par suggestion, conseiller aux gens de la
forêt privée des aménagements, quand ils utiliseront des
forêts publiques attenantes aux forêts privées, qu'ils
soient soumis aux mêmes règlements de rendement soutenu
d'aménagement de sylviculture. Cela m'appa-raît essentiel. C'est
dans ce sens qu'on voulait le dire.
M. Côté (Rivïère-du-Loup): Et
également pour protéger les investissements que l'État
consent.
M. Lafond (André): Absolument.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous soulignez
également que la mise en application d'un régime forestier, tel
qu'on le propose, va demander des sommes de travail énormes et que les
délais ne sont pas trop longs. On se fait dire qu'on prend notre temps,
qu'on flâne un peu. Mais j'ai l'impression qu'on a une somme
énorme de travail à abattre, d'ici ce temps.
M. Lafond (André): Si vous me permettez, M. le ministre,
il m'a semblé, si je peux dire, qu'une des erreurs qu'on a faites dans
le passé, en ce qui concerne la forêt, c'est de vouloir normaliser
l'ensemble du territoire forestier d'un seul coup de législation, d'un
seul coup de bâton.
Je pense qu'on doit choisir des zones d'intervention de plus en plus
intensives et qu'on doit progressivement introduire l'intensification
d'aménagement, mais pas essayer de l'appliquer globalement; ce serait
faire une erreur. On n'a ni les ressources humaines, ni les connaissances et,
je pense bien, ni les ressources financières pour le faire.
M. Côté (Rivïère-du-Loup): Je vous
remercie, M. le Président. Il n'y a pas d'autres questions.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole
est maintenant au député de Duplessis pour les remarques d'usage
de la fin.
M. Perron: M. le président, bien sûr que cela aurait
été énormément intéressant de vous entendre
plus longtemps. D'après la façon dont vous vous êtes
exprimé, je pense que tout le monde peut dire que vous êtes une
personne, ainsi que votre groupe, qui a beaucoup de respect pour la
forêt.
Vous avez sûrement l'intention de continuer à travailler
d'arrache-pied pour faire en sorte que cette forêt soit respectée
par l'ensemble du Québec. En terminant, je voudrais vous remercier de
votre présence devant cette commission parlementaire, ainsi
que d'avoir répondu à nos questions d'une façon que
vous connaissez bien, c'est-à-dire directement et avec beaucoup de
précision. Merci, M. Lafond, et bonne chance au groupe qui vous
accompagne.
M. Lafond (André): Merci, messieurs.
Le Président (M. Cusano): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: ...à travers vos réponses. Alors, merci,
M. Lafond, et bonne chance au groupe qui vous accompagne.
M. Lafond (André): Merci, messieurs.
Le Président (M. Cusano): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II me reste
à vous remercier, Dr Lafond, pour votre intervention ainsi que celle du
Fonds de recherche. Merci à vous et à vos compagnons. J'ai
souvent dit qu'il fallait remettre la forêt entre les mains des
professionnels de la forêt mais, comme vous l'avez mentionné, il
faudra que ceux qui vont exécuter les travaux d'aménagement
soient les gens qui sont sur le terrain et qui pourront avec leur gros bon sens
juger des actions à prendre. J'apprécie cela grandement parce
qu'on a plusieurs exemples d'interventions, de bons travaux sylvicoles faits
par des personnes de ce calibre-là qui ont écouté, qui ont
observé. Je sais que mon ami Léopold en a visité
plusieurs.
Je vous remercie, cela a été très agréable
d'échanger avec vous, de lire votre mémoire. Je vous remercie
pour votre contribution à la cause forestière du Québec,
qui est une cause très importante.
M. Lafond (André): Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Â
mon tour de vous remercier pour une présentation très
intéressante. J'aimerais maintenant ajourner les travaux de la
commission de l'économie et du travail à demain matin, 10 heures,
alors que nous entendrons la Fédération des travailleurs du
papier et de la forêt. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 42)