To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, September 30, 1986 - Vol. 29 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation particulière ce matin sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Je voudrais demander au préalable au secrétaire de la commission s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les remplacements sont les suivants: Mme Bélanger (Mégantic-Compton) est remplacée par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Perron (Duplessis), M. Gobé (Lafontaine) est remplacé par M. Forget (Prévost), M. Leclerc (Taschereau) est remplacé M. Middlemiss (Pontiac), M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Paradis (Matapédia), M. Paré (Shefford) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Rivard (Rosemont) est remplacé par Audet (Beauce-Nord).

Le Président (M. Charbonneau): Merci. Je voudrais d'abord, avant de commencer, donner l'ordre du jour ou l'ordre de l'audition des organismes et des mémoires aujourd'hui.

D'abord, nous entendrons l'Association des scieries de la Rouge à 10 heures. Par la suite, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Cet après-midi, à 14 heures, nous commencerons par le Barreau du Québec suivi de l'Association des banquiers canadiens et l'Association des industries forestières du Québec. En soirée, nous entendrons l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage et le Fonds de recherches et de développement forestier.

S'il n'y a pas de questions préliminaires de la part des membres de la commission, je vais appeler maintenant les représentants de l'Association des scieries de la Rouge à se présenter devant nous. Je crois que le président de l'association est M. Louis-Georges Bélanger. C'est cela?

Alors, M. Bélanger, bienvenue. Si vous voulez prendre place et nous présenter la personne qui vous accompagne. Je vous rappelle, comme, sans doute, le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que vous avez 12 minutes pour la présentation de votre mémoire et que par la suite l'échange de propos avec les députés ministériels durera 24 minutes. Il en sera de même avec les députés de l'Opposition officielle. Cela va?

Association des scieries de la Rouge

M. Bélanger (Louis-Georges): Merci. Bonjour, M. le Président, bonjour M. le ministre délégué aux Forêts, bonjour M. le député des Laurentides, M. Hétu, bonjour M. de l'Opposition, M. Perron, député de Duplessis, bonjour à tous les autres membres de la députation. Je me présente, mon nom est Louis-Georges Bélanger, président de l'Association des scieries de la Rouge, membre de l'Association des intervenants forestiers des Hautes-Laurentides qui est passée ici devant cette commission hier. Je suis aussi président de la scierie Les produits forestiers B et B Inc., de La Minerve. Je vous présente, à mes côtés, M. Yvon Lussier, notre directeur général, ingénieur forestier.

Je tiens à remercier M. le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, pour l'invitation qu'il a faite à notre association de participer aux travaux du groupe de consultation sur le nouveau régime forestier et de nous avoir ainsi permis de faire connaître notre point de vue en qualité d'association représentant les intérêts communs de sept entreprises de sciage de taille moyenne fonctionnant dans l'une des principales régions récréo-touristique du Québec, les Laurentides.

Nous apprécions à sa juste valeur ce rôle d'interlocuteur privilégié que nous confère le ministre et veuillez croire que nous lui en sommes reconnaissants. Encore une fois, nous sommes à même de constater cette volonté souventefois exprimée par le ministre de vouloir consulter les principaux intervenants du secteur forestier sur les aspects du contenu et des modalités d'application du nouveau régime forestier qu'il désire mettre en vigueur pour le 1er avril 1987. Nous ne pouvons que souscrire à cette attitude du ministre et nous l'en félicitons.

Nous sommes aujourd'hui parmi les derniers groupes d'intervenants du secteur de la transformation du bois à nous présenter devant cette commission et veuillez croire que nous avons suivi avec un intérêt particulier les interventions faites au cours des derniers jours par les autres représentants de ce secteur vital de l'économie de la forêt. Dans l'ensemble, nos préoccupations rejoignent les leurs et c'est pourquoi nous croyons que le gouvernement devra en tenir compte dans son projet de loi final sur les forêts.

Tel que mentionné dans notre mémoire, notre association souscrit à l'intention bien arrêtée du gouvernement de modifier les pratiques actuelles de gestion forestière au Québec. Il s'agît là, à notre avis, d'un choix de société qui doit être fait dans le but de sauvegarder la pérennité et le caractère socio-économique primordial du secteur forestier via une intervention concertée de l'état provincial et fédéral de l'industrie forestière et de tous les autres intervenants du milieu forestier.

Cette brève introduction étant faite, je vous rappelle que notre mémoire se subdivise en deux parties principales, à savoir: Une première partie, de la page 4 à 12, traitant de notre association et de ses membres, une seconde partie, de la page 13 à 38, renfermant nos commentaires en relation avec les bases du régime forestier proposé.

J'aborderai successivement avec la première partie et je laisserai notre directeur générai, M. Lussier, le soin de voua résumer la seconde.

Un mot sur notre association. Elle a été fondée en novembre 1981 et son siège social est localisé à Saint-Jovite. Elle regroupe, comme je le disais précédemment, sept entreprises de sciage de taille moyenne, produisant individuellement de 4 000 000 à plus de 10 000 000 de p.m.p. de bois d'oeuvre résineux et feuillu par année. Ces scieries fournissent des emplois permanents à plus de 160 personnes, uniquement au niveau de la production en usine. Elles constituent, chacune dans son milieu, un milieu socio-économique pratiquement indispensable. Ces PME à caractère familial sont Implantées dans leur milieu depuis plus de quinze ans. L'origine de certaines d'entre elles remonte à la fin des années 1920.

En 1981, nos scieries ont, à la suite de la révocation des concessions forestières de Consol et de CIP, en vue de la création du parc du Mont-Tremblant, bénéfié pour la première fois d'une garantie d'approvisionnement de cinq ans sur les forêts domaniales. Il va sans dire que cette garantie, de même que les allocations additionnelles de matières ligneuses qui nous ont été accordées par le MER dans le cadre du plan provincial d'allocations, et des provenances de récupération accélérée des bois affectés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, sont à la base du développement que nous avons connu en dépit de la crise du début des années quatre-vingt.

Sur forêt publique, nos scieries s'approvisionnent dans plusieurs unités de gestion des régions administratives de Montréal et de l'Outaouais. Toutefois, c'est dans l'unité de gestion de la rivière Rouge, l'unité 61, qu'elles sont plus particulièrement actives. Elles sont d'ailleurs seules détentrices de conventions d'approvisionnement dans la forêt domaniale de la Rouge.

De façon générale, nos garanties d'approvisionnement sur forêt publique satisfont environ 60 % des besoins en matière ligneuse de nos membres. Lesdits besoins sont évalués sur une base de fonctionnement de 44 heures par semaine et de 48 semaines par année. Chaque année, certaines de nos scieries sont forcées de cesser temporairement leurs activités faute de disposer d'un approvisionnement suffisant sur forêt publique. D'autres arrivent tout de même à compléter leurs approvisionnements chez les producteurs privés du Québec et des États-Unis. Toutefois, ces dernières sources d'approvisionnement sont souvent dispendieuses et sont considérées comme marginales et n'offrent aucune sécurité.

Ceci dit, je laisse le soin à notre directeur général d'aborder la seconde partie de notre mémoire,

M. Lussier (Yvon): La seconde partie du mémoire couvre les pages 13 à 38. Je vais essayer d'être le plus bref possible étant donné qu'il y a plusieurs termes techniques là-dedans.

Pour commencer, disons qu'il est bien sûr que nous avons axé notre mémoire sur les principaux thèmes du régime forestier qui sont: la modification du rôle de l'État, l'utilisation polyvalente de la forêt, l'introduction de nouvelles règles de gestion et les modalités d'implantation du nouveau régime.

Concernant la modification du rôle de l'État, naturellement, nous sommes conscients qu'il nous faudra à l'avenir aménager obligatoirement les territoires d'allocations en fonction des articles 21 et 33, 'en fonction des objectifs de production fixés par le ministre, tel que mentionné à l'article 28 de l'avant-projet. Selon les données fournies par le MER et basées sur un volume alloué de 30 000 000 de mètres cubes pour toutes les essences, l'industrie devrait en moyenne débourser quelques 3,52 $ le mètre cube annuellement, au chapitre de la seule remise en production des territoires exploités. Ces charges varient substantiellement d'une zone de tarification à l'autre, atteignant même quelque 9,96 $ le mètre cube dans la zone 16 où oeuvrent, entre autres, les scieries de notre association.

Le MER se réserve pour sa part la remise en production des zones dites de "back-log", à l'article 35 de l'avant-projet, et fournit gratuitement les plans pour le reboisement, article 36. Toutefois, il n'offre - c'est remarquable - aucun engagement concret sur le rythme de réalisation des travaux de remise en production des arbres du "back-log", se limitant au budget que lui accordera le Trésor provincial.

Nos commentaires sur ces aspects du régime sont les suivants: Premièrement, l'approche préconisée reconnaît le lien

indispensable devant exister entre l'exploitation et l'aménagement des forêts. D'où le râle fondamental que doit jouer l'industrie forestière dans la remise en production des territoires exploités. Quelques lacunes subsistent toujours. Les principales sont les suivantes, à notre avis: Premièrement, il n'existe aucun consensus entre le MER et l'industrie sur le niveau annuel d'allocations des matières ligneuses à retenir pour l'an I du régime. Ce niveau est établi arbitrairement par le MER à 30 000 000 de mètres cubes pour tputes les essences, ce qui correspond à peu près aux engagements du MER. Pourtant, la coupe réelle moyenne des cinq dernières années se situe à environ 22 000 000 de mètres cubes. Il convient donc d'établir ce niveau, qui est à la base de la fixation des objectifs de production et, partant, de l'établissement des coûts de remise en production.

Deuxièmement, il n'existe aucun consensus entre le MER, l'industrie et les autres utilisateurs des ressources forestières sur le mécanisme de partage des coûts de remise en production. L'approche du MER traite essentiellement d'un partage 48-52, 52 pour l'industrie, sans engagement formel du MER quant à sa part. Ce partage ne reflète pas, à notre avis, la part des revenus retirés par chacun de l'utilisation de nos ressources forestières.

Au sein même de l'industrie également, il convient de mentionner qu'il n'y a aucun consensus d'établi sur le partage des coûts propres à l'industrie.

Le rôle conféré à l'industrie. Sur ce point, l'industrie du sciage exploite actuellement environ 70 %, grosso modo, des bois de la forêt publique. Elle devrait donc prendre en charge les plus gros engagements techniques et financiers, également, jusqu'à preuve du contraire. Cela met deux problèmes en lumière? celui de la capacité technique de l'industrie et celui de sa capacité financière. Au point de vue technique, il est bien certain que les petites entreprises comme la nôtre auront intérêt à se regrouper pour être capables de s'assurer des services techniques appropriés.

Sur le plan financier, comme le MER d'ailleurs l'a dit dans un document qu'il a rendu public à un moment donné et qui a été fait pour une soixantaine de scieries au Québec, nous sommes d'accord pour dire que notre rentabilité, après étude, après analyse, se compare à peu près aux chiffres du MER. Disons que le MER prouvait, avec son document, que l'industrie du sciage ne pouvait en réalité se payer les 3,52 $ le mètre cube, en moyenne, pour les coûts de remise en production. Nous arrivons à peu près à quelque chose de similaire. On est peut-être un peu plus rentable que selon les chiffres du MER, mais on pourrait l'expliquer, au cours des discussions, par beaucoup d'autres facteurs.

En réalité, cela veut dire que la clé de la réussite du nouveau régime est justement basée sur l'implication des utilisateurs dans l'aménagement de la forêt. C'est ce que l'on doit viser en priorité.

Le deuxième point: l'utilisation polyvalente des forêts. Nous appuyons fortement la question du manuel ou du guide sur les modalités d'intervention en milieu forestier. On pense que c'est déjà un bon rapprochement avec les autres gestionnaires de ressources forestières. Par contre, il s'agit là d'une heureuse initiative, mais nous la jugeons insuffisante. Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, nous doutons de l'existence d'une véritable volonté politique en matière d'aménagement polyvalent de la forêt publique. Si cette volonté existe, qu'attend-on pour créer un ministère qui aurait juridiction sur l'ensemble des ressources forestières en territoire public?

Toujours dans le même ordre d'idées, même si nous sommes en accord avec la présence de parcs provinciaux sur domaine public, qu'attend-an, par exemple, pour aménager la forêt de nos parcs de récréation et plus spécifiquement de leurs zones d'ambiance, de manière à en améliorer la qualité tout en augmentant sa contribution à l'économie de la province? Oui.

Le Président (M. Charbonnieau): Je constate que vous lisez votre texte. Il n'y a pas d'objection, sauf que votre temps est presque terminé, alors...

M. Lussier: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): ...je voudrais vous inviter soit à résumer le reste de votre...

M. Lussier: Je résume le plus tôt possible.

Pour ce qui est de la question du rendement soutenu, nous sommes complètement d'accord avec cela.

Maintenant, pour ce qui est des principes de fixation de la possibilité de la forêt, naturellement, c'est fixé souvent à partir de simulation, de sorte que ce n'est pas nécessairement basé sur l'expérience. Il y a peut-être de petits points dont on pourra discuter, en ce qui concerne la possibilité.

Sur le plan des conventions d'approvisionnement et d'aménagement, c'est réaliste pour le ministre de penser les signer de 1987 à 1990; nous sommes d'accord avec cela. Nous appuyons le nouveau contrat comme remplacement des modes de tenure actuels. Également, il est important de mentionner que nous participerons, avec l'industrie d'ailleurs, à l'élaboration d'un texte qui serait satisfaisant pour tout le

monde.

Tarification. On s'oppose à ce que la tarification soit basée sur le volume garanti au lieu du volume exploité. En ce qui concerne l'article 22, on est contre le fait que le rendement des usines soit considéré comme un critère lors du renouvellement des conventions d'approvisionnement. En fait, on trouve qu'à comparer des rendements d'usine, le ministre va s'embarquer lui-même, je pense bien, dans un "dead-line" d'où il ne pourra pas se sortir, à un moment donné, parce que c'est difficile à comparer, des rendements d'usine.

Lors de la première version de l'avant-projet de loi, il était prévu de créer un conseil de recherche forestière, un conseil permanent de la forêt et il y avait des articles sur l'arbre emblématique du Québec. Nous considérons qu'il est absolument indispensable que ce soit ramené dans le texte du projet de loi.

Maintenant, il y a un point oublié bien important. On dit que les concessions et les garanties d'approvisionnement seront annulées lors de la signature des conventions d'approvisionnement ou lors de l'adoption du projet de loi. On n'a pas parlé des cas où certaines de nos entreprises ont présentement des ventes de bois sur pied consenties à long terme sur concession. Lors de l'adoption de la loi, qu'adviendra-t-il de ces ententes à long terme, de ces ventes de bois sur pied, que l'on a sur concession? Est-ce que l'on va avoir un contrat pour cela?

Disons que cela résume les principaux points. C'est dommage que l'on n'ait pas plus de temps. Ce sont les points que je voulais préciser.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord, merci beaucoup. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, bonjour, M. Bélanger, bonjour, M. Lussier. Il me fait plaisir de vous revoir. On vous a rendu visite chez vous, l'été dernier, et j'ai été impressionné par votre dynamisme. Je vous félicite, comme gens d'une même région, de vous regrouper, de former une association et aussi d'être à l'affût de tout ce qui se passe du côté forestier, principalement dans le domaine des feuillus. Je vous remercie de votre collaboration avec le ministère dans toutes les demandes de consultation et de concertation que l'on vous fait. Vous êtes toujours disponibles et c'est tout à votre honneur. Je vous en remercie beaucoup.

Vous avez un. mémoire intéressant qui pose une foule de questions. Je ne sais pas si l'on aura le temps de discuter de toutes. Si l'on n'a pas le temps ici, on le fera certainement avec les fonctionnaires et avec votre association.

Vous dites, à la page 9 de votre mémoire que "trois contracteurs forestiers différents procèdent aux opérations forestières, deux scieries ayant décidé de recourir aux services du même contracteur". Vous continuez, au paragraphe suivant: "L'intégration des coupes est assurée via le recours aux services d'un seul contracteur forestier." Je vous en félicite car tout cela s'est fait sur une base volontaire. Je pense que vous avez compris qu'il y a des économies à faire à agir ainsi. Est-ce que vous avez eu de la difficulté à convaincre votre monde d'agir de cette façon?

M. Lussier: Dans le cas cité là, c'est venu par le naturel des choses, disons. Étant donné que les deux possédaient des conventions d'approvisionnement à peu près dans le même territoire, ils ont décidé volontairement de recourir aux services de l'entrepreneur. J'ai l'impression que, d'ici à de que nos conventions soient abolies définitivement, cela va rester tel quel pour ces deux-là en particulier.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous continuez et je ne sais pas si c'est ce qui vous a amenés à suggérer de constituer un bureau d'exploitation et d'aménagement qui verrait à préparer et à transmettre les plans par rapport au nouveau régime. Pourriez-vous nous parler un peu de ce bureau d'exploitation et d'aménagement? Est-ce que ce bureau prendrait la responsabilité totale de chacun des membres de votre groupe?

M. Lussier: Oui, exactement, M. le ministre. En fait, ce qui arrive dans des cas comme le nôtre, les usines ont quand même des garanties d'approvisionnement que l'on pourrait qualifier de modestes, je ne sais pas si M. Bélanger l'a mentionné, mais notre approvisionnement sur forêt publique représente environ 63 % de nos besoins, besoins qui ne sont pas établis sur la base de trois quarts par jour et de sept jours par semaine à l'année, mais plutôt sur la base d'un quart journalier par jour et de 44 heures de fonctionnement par semaine à. l'année. C'est pourquoi, pour des gens qui ont de petites garanties d'approvisionnement, il y a quand même une économie d'échelle à se regrouper pour engager des compétences techniques qui seraient dans un même bureau et qui s'occuperaient de la préparation de tous les plans et du contrôle de nos objectifs de production sur le terrain, si on veut. Finalement, le bureau rendrait le service à l'ensemble de nos membres, les sept.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que ce bureau aurait un statut juridique de façon à être solidairement et conjointement responsable des interventions que chacun de vos membres aurait à faire en forêt au point de vue de l'aménagement, disons? Peut-être

pas au point de vue des récoltes, mais au point de vue de l'aménagement en ce qui nous concerne.

M. Lussier: Disons que la loi nous nuit un peu dans ce sens-là parce qu'il est bien dit dans la loi que chaque bénéficiaire de convention d'approvisionnement devra rencontrer ses obligations. De sorte qu'on se pose la question justement, même si notre bureau avait un statut juridique: Est-ce que la loi va permettre que ce bureau devienne responsable des obligations d'une série d'utilisateurs ou de sept utilisateurs, par exemple?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que cela impliquerait que le territoire de vos membres soit regroupé?

M. Lussier: Absolument. Disons que le territoire qui serait annexé à la convention d'approvisionnement et d'aménagement, le territoire de chacun des membres formerait, à mon avis, une grande unité d'aménagement, si on peut l'appeler ainsi, parce qu'il est bien dit que chaque territoire de convention devient pour les besoins de la cause une unité d'aménagement. Disons que, si on regroupe sept unités d'aménagement, on peut quand même, à mon avis, avec les connaissances que nous avons, établir une possibilité pour ces sept unités. Ensuite, on s'organisera avec la question de savoir comment l'exploiter et comment l'aménager, mais ce sera le bureau qui pourra encercler toutes ces responsabilités.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous ne voyez pas de conflit entre vos membres, parce qu'il y en a qui reçoivent un peu de résineux, un peu de feuillus. Est-ce qu'il y aurait des conflits d'intérêts entre eux?

M. Lussier: Disons qu'à l'heure actuelle on commence un peu à en discuter entre nous à la table, lors des séances de notre conseil d'administration. À un moment donné, on va peut-être se rendre à l'évidence que c'est la façon de procéder la plus logique. Les conflits, je pense que si les territoires d'approvisionnement sont bien délimités, il y a moyen, en tout cas dans notre cas, de régler ces conflits.

Maintenant, il y a un point que je voudrais soulever ici. C'est qu'on dit souvent que l'on s'approvisionne dans l'unité de gestion de la rivière Rouge. Si on regarde cette unité, à l'intérieur de laquelle il y a présentement un parc qui couvre 25 % du territoire de la forêt productive publique accessible et peut-être la forêt la plus près ' également de nos usines, nous nous attendons que, même en s'impliquant dans l'aménagement, il peut arriver qu'éventuellement il y ait des ruptures de stock qui soient provoquées justement par la présence de ces grandes zones dont on peut dire qu'il n'y a aucun aménagement qui se fait pour la matière ligneuse, en tout cas. Je veux bien croire que c'est bon pour le loisir en plein air et tout cela, mais il y a quand même de grandes zones qui ne sont pas aménagées du tout. Il y a du bois qui se perd présentement là-dedans et l'industrie n'a aucun droit de recours sur ces bois. C'est pourquoi je pense qu'il faut parler maintenant de décloisonnement de certaines unités de gestion pour voir cela dans un champ plus vaste, parce que, si on a un utilisateur qui est complètement à côté de notre unité de gestion et qui est membre de notre association - vous connaissez un cas pratique - il faut l'amener à intégrer son unité dans la nôtre également. Il ne faudrait pas que les unités de gestion deviennent des petites guerres de clocher pour dire que cela vient barrer des collaborations entre utilisateurs voisins. (10 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous faites une agression aux parcs dans votre mémoire. Vous connaissez mon opinion parce que l'été dernier on a discuté ensemble de cette question. Je ne sais pas si vous êtes capable d'imaginer de quelle manière on pourrait intervenir dans les parcs de façon à protéger la récréation, l'allure, le paysage, etc.? À mon avis, dans un parc, les arbres c'est quelque chose de vivant. On ne peut pas les laisser mourir et ne rien faire. Même dans les parcs, si on a des bâtisses on les entretient, tandis que la forêt on ne l'entretient pas, on dit: Elle va mourir. Je ne sais pas si vous avez des suggestions pratiques à nous faire de ce côté. Je pense qu'il y aurait peut-être moyen de rejoindre . les objectifs dans les parcs tout en permettant des interventions forestières.

M. Lussier: En partant, il faut dire que, premièrement, l'industrie forestière est très mal perçue; peut-être que cela va changer avec le nouveau régime forestier. L'industrie forestière, en général, est mal perçue par le public. C'est peut-être l'erreur d'un peu tout le monde. Peut-être qu'on se vend mal face au public en général. Peut-être qu'on crée plus d'animosité que d'autre chose quelquefois.

Maintenant, je pense qu'avec le nouveau régime forestier, on va se rendre compte que si on respecte un guide des modalités d'intervention dans les forêts publiques autres que les parcs ou d'autres zones où on n'a pas droit à l'heure actuelle de même envisager de toucher un arbre... N'allez pas abattre un arbre dans un parc parce que vous allez faire un sacrilège. On va vou3 poursuivre.

Je pense que dans un parc, ce qu'on a offert à maintes reprises, c'est une

collaboration. Si l'industrie n'est pas voulue dans un parc, il n'y a rien qui empêcherait le ministre délégué aux Forêts et le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de s'entendre pour empêcher que se dégrade la forêt des parcs. Si on veut empêcher une forêt de se dégrader, veut veut pas, il va falloir, à un moment donné, couper des arbres quelque part et remplacer l'espace par une chose qui est plus belle à voir, qui a une régénération.

Je pense que si l'industrie, même si elle offre son concours et qu'on veut rester rigide avec les parcs et dire: On n'a pas droit à une situation commerciale, il faudrait, de toute façon, qu'il y ait un protocole d'entente entre les deux ministères pour assainir ces forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans le parc du mont Tremblant, il y a eu l'infestation de la tordeuse des bourgeons d'épinette. Ce ne doit pas être joli actuellement.

M. Lussier: II y a des secteurs du parc du mont Tremblant, je vais vous dire franchement, c'est facile de se promener avec des caméras pour filmer comment une coupe à blanc c'est dégradé, ce n'est pas beau à voir. Franchement, on n'a pas de temps à perdre à aller visiter le parc du mont Tremblant, prendre des caméras pour filmer des arbres qui tombent par terre. Des places où ce n'est pas regardable, il y en a terriblement également.

Il aurait peut-être fallu intervenir parce que je pense que c'est là également qu'il faut assurer la pérennité de nos ressources, dans les parcs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous vous posez des questions également... Voulez-vous dire quelque chose, M. Bélanger?

M. Bélanger (Louis-Georges): J'aimerais ajouter, au niveau des parcs. Je pense que lorqu'il y a eu des audiences publiques en novembre 1979 à Saint-Jérôme avant d'instituer le parc du mont Tremblant, s'il y avait eu une consultation régionale et non une consultation venant peut-être en priorité d'une grande ville comme celle de Montréal je respecte beaucoup les gens qui demeurent là et qui ont besoin de récréation - je pense que les mémoires qui ont été présentés par l'industrie forestière aurait peut-être emporté à l'époque pour garder cette étendue forestière comme une forêt qu'on pouvait utiliser pour l'approvisionnement des scieries et l'économie régionale.

J'avais donné juste une opinion à ce moment et je me disais: Si, devant cette commission, on allait dans l'est de Montréal fermer toutes les usines de pétrole parce qu'on voit qu'il y a une certaine pollution, peut-être qu'on serait mal vu, nous du nord, d'aller intervenir dans un contexte comme celui-là.

Par contre, ces gens, avec toutes leurs connaissances et leur goût de venir se récréer dans nos belles montagnes, ont quand même créé un impact à notre industrie en faisant les pressions nécessaires et le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Énergie et des Ressources se sont entendus sur un parc... Mais on peut donner l'exemple de la zone d'affectation différée que nos représentants régionaux, du ministère de l'Énergie et des Ressources à l'époque, ont pu nous conserver. On leur a donné la preuve qu'on a fait des opérations forestières qui ont, comme M. Lussier vient de le mentionner, peut-être embelli ce patrimoine.

Je pense que s'il y a un moyen, avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de revenir à la charge pour prouver devant le ministère du MLCP qu'on peut continuer à faire des opérations forestières soit en général ou par bloc, comme il avait été décrété à ce moment-là dans cette zone qu'on a appelé la ZAD, la zone d'affection différée... Je pense qu'on n'est peut-être pas les gros méchants loups, disons les entrepreneurs forestiers, on est peut-être les bons prédateurs de la forêt, disons, comme le loup peut l'être pour le cheptel, si vous voulez. Je pense qu'on aurait beaucoup intérêt à au moins nous essayer à nouveau pour l'étendue complète du parc dans des coupes d'assainissement ou par secteur. À ce moment-là, les zones de récréation pourraient être déplacées à l'intérieur du parc, parce qu'il y a une étendue suffisamment grande qui permet ce déplacement, puis les gens qui veulent se récréer pourraient en profiter. Cela prend quand même 25 %, disons, de notre forêt publique de notre région. Peut-être qu'au niveau de la province, c'est minime quand on parle du parc du Mont-Tremblant et qu'on est situé ici à Québec ou dans les Cantons de l'Est ou ailleurs. Mais, chez nous, c'est très important et c'est lourd de conséquences.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je comprends l'importance du parc chez vous, certainement, mais on ne peut pas imaginer des coupes... Il faudrait des coupes différentes, d'une façon très particulière, et je préfère de beaucoup l'approche, mettons, des centres de biosphères que l'approche des parcs, en raison de la forêt vivante.

Maintenant, à la page 22 de votre mémoire, quand vous parlez du partage des coûts, la proportion des coûts d'aménagement devrait être assumée par les scieries à 35 %. Cela est en raison du facteur de transformation ou d'utilisation que vous faites dans vos scieries, c'est-à-dire que, quand vous rentrez un billot de bois rond, vous en sortez 35 % en bois de sciage, en

planches et en madriers.

L'AMBSQ hier nous a suggéré 22,4 %.

M. Lussier: C'était assez facile à expliquer. Je pense que quand eux se sont présentés, leurs 22,4 %, je ne pense pas que c'était le contraire de ce qu'on, dit là. C'est parce que eux partent au niveau d'une facture globale de la province. S'ils prennent, au niveau de la province, que l'industrie du sciage coupe, supposons, 65 % - je n'ai pas le chiffre officiel, il y en a qui disent 68 %, en tout cas, disons 68 % - s'il y en a 30 % et quelque qui font du sciage, ils disent qu'à ce moment-là, ils paient 22,4 % de la facture. Ce doit être la multiplication du 35 % par le 65 %, tout simplement. C'est de même que je le comprends. Ce n'est pas une antinomie avec ce qu'on dit là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela veut dire que vous êtes 13 % plus généreux qu'eux.

M. Lussier: Pardon?

M. Côté (Rivlère-du-Loup): Vous êtes 13 % plus généreux que L'AMBSQ.

M. Lussier: C'est-à-dire que nous, ce qui arrive, c'est qu'on ne parle peut-être pas au niveau de la facture provinciale, on parle au niveau de notre facture, en tant qu'exploitant principal d'un territoire dans le nord de Montréal. Nous, quand on coupe un mètre cube de bois, il y en a à peu près 35 % avec, et même quelquefois c'est plus élevé, qui font du bois d'oeuvre. Alors, si on dit qu'avec un mètre cube exploité, on fait 35 % du volume en bois d'oeuvre, à ce moment-là, cela veut dire qu'on paie 35 % des coûts, tout simplement. C'est de même qu'on le voit.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aime mieux ce raisonnement M. Lussier. C'est tout pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Si vous me permettez, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Écoutez, M. le Président...

M. Bélanger (Louis-Georges): M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais renchérir sur le 35 % si vous m'accordez quelques instants...

Le Président (M. Charbonneau): Oui, pas de problème.

M. Bélanger (Louis-Georges): II y a eu des intervenants des Hautes-Laurentides hier qui nous ont précédés. Ils ont traité beaucoup des bois feuillus. J'aimerais préciser qu'il y a peut-être des essences particulières comme les bois feuillus, la pruche et le pin blanc... Je vais vous donner un exemple concret. Dans le cas de la pruche, disons, il y a eu de savantes expériences qui ont été tenues de pair avec un concessionnaire forestier et des représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources, qui ont démontré que 35 % de la matière ligneuse d'une tige était destinée au sciage. Mais lorsque nous, nous transformons ces 35 % qui sont destinés à notre usine, on en sort 1 tonne à 1,10 tonne de copeaux par mille p.m.p. scié, ce qui veut dire un autre 7,7 % ou 8 % approximativement. Cela démontre que le chiffre que M. Lussier a mentionné dans le mémoire est très représentatif, parce qu'on sort avec à peu près 28 % de bois d'oeuvre, ce qui veut dire que, nous, en parlant de partage des coûts, si on parle du bois franc, de la pruche - le pin, j'ai moins d'expérience - mais je peux traiter de ces deux cas en particulier qui représentent assez bien le 28 %. En général, M. Lussier a inscrit ici 35 %. C'est une remarque que j'aimais souligner. S'il y a des questions ou des chiffres que vous aimez qu'on vous avance, on peut aller plus loin, disons, à l'extérieur de cette commission.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Merci, M. Bélanger.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de l'Opposition, remercier les représentants de l'Association des scieries de la Rouge. II est remarquable de voir que vos recommandations vont à peu près dans le même sens que celles de l'organisme des Hautes-Laurentides que nous recevions hier.

Tout comme vous, je puis dire que ce mémoire aurait nécessité beaucoup plus de temps en commission parlementaire. Je crois que deux heures à cette commission n'auraient pas été de trop, car beaucoup d'éléments auraient été susceptibles d'être touchés par différents membres de la commission, éléments pour lesquels nous aurions sûrement pu obtenir certaines réponses de votre part. Donc, nous ne sommes pas trop d'accord avec le rouleau compresseur qui nous est imposé et qui nous passe dessus.

J'aurais quelques commentaires à formuler. À la page 2, vous mentionnez la question de l'utilisation polyvalente des forêts publiques qui soulève beaucoup d'intérêt chez vos membres. Je dois admettre, au nom de l'Opposition qui était l'ancien gouvernement, que sur la question des feuillus, le livre blanc a vraiment manqué le bateau. On admet d'emblée que cela a été une erreur de parcours probable-

ment car, dans le livre blanc, on met surtout l'accent sur les résineux.

De plus, lorsque vous faites l'historique de votre regroupement, je trouve, en passant, l'historique éloquent et les activités économiques très intéressantes aux plans régional et sous-régional, avec tout l'apport économique que vous transmettez directement dans votre région et auprès des travailleurs et des travailleuses de la forêt.

Vous faites une suggestion très intéressante, à la page 20 de votre mémoire, lorsque vous dites que "la loi définitive sur les forêts devra faire montre de plus de souplesse afin de tenir compte des cas comme celui de l'unité de gestion de la rivière Rouge, où il pourrait s'avérer passablement compliqué de délimiter des territoires d'approvisionnement individuels pour chacun des utilisateurs des bois résineux", cas que vous citez en exemple.

Ce qui est intéressant surtout, c'est la suggestion que vous faites que dans l'éventualité de ce qui vient d'être mentionné, votre association "préconise qu'il n'y ait préparation que d'un seul plan d'aménagement forestier couvrant l'ensemble des unités d'aménagement annexées aux contrats des bénéficiaires." Je pense que, pour ce qui est de la loi finale, il faudra regarder cet aspect et voir exactement où on pourrait se diriger. Votre mémoire ne porte pas à confusion là-dessus. Vous savez exactement où vous vous en allez.

Maintenant, les questions. À la page 5, vous dites, au premier paragraphe: "Toujours sur la scène régionale, l'association entend travailler intensément à harmoniser davantage l'action des secteurs forestiers, d'une part, et recréotouristiques, d'autre part". Cette question a été soulevée par différents intervenants de divers organismes qui se sont présentés devant nous. Pourriez-vous expliquer la façon dont vous verriez cette harmonisation dont vous parlez? Dans votre document, il n'est pas question de l'harmonisation elle-même quant au fond.

M. Lussier: Cela est relié un peu à la présentation que nous avons faite lors du sommet socio-économique régional qui s'est tenu à Mirabel, il n'y a pas tellement longtemps. À cette table siégeaient quand même des personnes de tous les secteurs, tant forestier que récréatif, des MRC et tout cela. On s'est rendu compte qu'on avait encore pas mal d'idées à vendre et à brasser pour vraiment arriver à communiquer avec les gens d'autres secteurs, comme le secteur récréatif et le secteur touristique, qui trouvent, par exemple, que les feuilles, c'est bien beau de voir cela jaune orange partout, mais, à un moment donné, les feuilles tombent et, après cela, la beauté est passée et on tombe en hiver.

Il reste qu'on croit qu'il y a moyen d'harmoniser. Mais pour harmoniser, comme je le disais tantôt, il faut qu'il y ait une volonté politique quelque part. À l'heure actuelle, on a l'impression, encore là, qu'on aime bien voir les gouvernements satisfaire un peu tout le monde, avoir un petit ministère pour satisfaire les chasseurs et un ministère pour satisfaire la production de matières ligneuses. (10 h 45)

II me semble que toutes ces activités en forêt devraient être coiffées d'un même chapeau. Que ce soit la production de matières ligneuses, que ce soit la chasse, que ce soit la pêche, cela devrait être le même organisme ou le même ministère qui chapeaute tout cela. Je ne pense pas même que M. Côté soit contre cette idée; je ne le sais pas. Cela vaudrait la peine que l'on envisage cette idée, au gouvernement. Cela enlèverait peut-être un poste de ministre, mais quand même, cela créerait peut-être quelques postes de sous-ministres. Je pense que c'est ainsi qu'il faudrait l'envisager.

M. Perron: D'accord, merci de votre réponse. Aux pages 7 et 8 de votre mémoire, vous faites mention de la convention d'approvisionnement qui est actuellement échue depuis le 31 mars 1986. Est-ce que cette question est réglée?

M. Lussier: Cette question n'est pas réglée actuellement. Elle est quand même en voie de se régler. Naturellement, on a reçu des propositions d'approvisionnement du ministère. On est un peu dans un vide juridique, car, au 31 mars 1986, nos conventions d'approvisionnement de 1981 sont devenues échues. Elles sont effectivement échues. Donc, en vertu de la loi, si elle est adoptée telle quelle, on ne peut pas annuler un chose qui est déjà annulée. Cela voudrait dire qu'il faudrait signer le plus tôt possible nos conventions d'approvisionnement sur la base antérieure pour que, quand le moment sera venu d'adopter la loi, nos conventions soient annulées de façon plus légale, en fin de compte. Dans la situation présente, on n'annule rien; c'est annulé présentement. Cela devrait se régler assez tôt, je pense. Je n'ai pas la réponse, on attend strictement le retour de Québec.

M. Perron: Vous me permettrez de demander au ministre si ce problème vécu par l'Association des scieries de la Rouge est en voie de se régler. Si oui, pour quand?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Très prochainement, M. le député.

M. Perron: Très prochainement, qu'est-ce que cela veut dire?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme vous

l'a dit M. Lussier, c'est en voie de règlement. Il y a eu des propositions et ce sera soumis prochainement au Conseil des ministres. Ce sera reporté, il n'y a pas de problème.

M. Perron: Deux semaines? Trois semaines?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va prendre un mois à peu près.

M. Perron: D'accord. Je me suis permis de poser la question au ministre qui a très bien répondu pour une fois.

À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de coupes intégrées. "L'intégration des coupes est assurée via le recours aux services d'un seul entrepreneur forestier." La question que je voudrais vous poser est la suivante: Croyez-vous qu'il soit nécessaire que la loi sur les forêts donne le pouvoir au ministre de nommer un maître d'oeuvre? Vous parlez en quelque sorte de maîtrise d'oeuvre dans ce dossier qui vous concerne en tant qu'association. Est-ce que vous croyez que le ministre devrait nommer un maître d'oeuvre?

M. Lussier: Si on revient sur l'idée émise par M. Côté tantôt qui parlait d'un statut juridique, par exemple, pour un regroupement comme le nôtre, si le statut juridique du regroupement est reconnu et si, naturellement, nos membres sont également d'accord avec cela, à ce moment-là, c'est le regroupement d'industriels qui deviendrait le maître d'oeuvre des travaux d'aménagement ou de remise en production. On serait d'accord avec l'idée du maître d'oeuvre à cette condition-là: que l'on soit reconnu, avec un statut juridique.

M. Perron: Si je comprends bien votre mémoire, vous faites la coupe des résineux ainsi que la coupe des feuillus. Lorsque vous faites la coupe des feuillus qui est une priorité ppur votre association, selon ce que j'ai compris de votre mémoire, quel est le pourcentage, en mètres cubes, de résineux que vous dirigez vers les papetières?

M. Lussier: Le pourcentage de résineux dirigés vers les papetières? Il faut bien comprendre que nous, en forêt, on a deux modes d'exploitation. Il faut dire que nos gars ont quasiment tous des conventions d'approvisionnement en résineux et en feuillus, à part quelques exceptions où c'est l'un ou l'autre. Pour ceux dont c'est en résineux et en feuillus, il y a présentement deux modes d'exploitation: certains font le bois tronçonné en forêt, d'autres font le bois en longueur. Naturellement, ceux qui font le bois en longueur amènent plus de bois en longueur à l'usine - un peu comme dans le

Nord-Ouest québécois - et font des copeaux, alors que ceux qui font le bois tronçonné en forêt produisent des bois à pâte. Par exemple, dans la ZAD où l'on fait de la récupération présentement, il peut se produire jusqu'à 60 % de bois à pâte - vu que le bois est petit, ce sont plutôt des bois de qualité pâte - et 40 % de bois de sciage dans certaines opérations. Dans l'ensemble de nos conventions normales, dans la ZEC de la Maison-de-Pierre, la proportion de bois à pâte, normalement, ne dépasse pas 25 % du total des bois coupés en grume, en forêt.

M. Perron: Est-ce que dans votre association, il y a des usines qui font des copeaux? Quel est le tonnage moyen annuel de copeaux au cours des cinq dernières années?

M. Lussier: On transforme environ 200 000 mètres cubes de bois par année. Ce qui veut dire que l'on fait environ 40 %. En volume, il y a environ 40 % du volume transformé qui fait des copeaux, d'une façon générale.

M. Perron: Est-ce que les copeaux sont mélangés résineux et feuillus?

M. Lussier: Non, ce ne sont pas les mêmes. Rendu au bout, ce ne sont pas les mêmes qui les achètent.

M. Perron: Vous faites les deux.

M. Lussier: On fait les deux séparément. D'ailleurs, on ne tranforme jamais en même temps des résineux et des feuillus dans une usine de sciage: l'un après l'autre.

M. Perron: Merci. À la page 11, vous parlez de l'importance de la forêt privée dans la région des Laurentides. Vous dites que l'association demeure très intéressée à conclure avec les producteurs concernés une entente à long terme, l'assurant d'un volume donné de bois résineux et feuillus. Vous êtes informés que le livre blanc démontrait d'une façon assez positive que le gouvernement devrait donner des garanties de suppléance. Que pensez-vous de ces garanties de suppléance en vue de favoriser les ententes à long terme que vous mentionnez dans votre mémoire?

M. Lussier: Je voyais surtout la garantie de suppléance dans un cas. Par exemple, on dit tout le temps dans les sources d'approvisionnement de chaque usine de transformation que toutes les sources d'approvisionnement sont considérées. On aura la forêt privée, des copeaux, des bois de forêt publique. De plus, la garantie de suppléance, je la vois plutôt pour une usine, par exemple, de pâtes et papiers dont

l'approvisionnement serait constitué majoritairement de copeaux venant de scieries. À ce moment-là, si pour une raison ou pour une autre, les scieries sont en défaut de faire face à leur obligation de livrer tel tonnage de copeaux à la compagnie de pâtes et papiers, il faudrait peut-être que cette compagnie ait une certaine sécurité quant à son approvisionnement.

Dans un cas comme le nôtre, il y a peut-être un moyen de "pooler" des copeaux entre usines de transformation pour essayer de compenser pour le gars qui est en défaut. Sinon, il faudrait que les pâtes et papiers aient une certaine latitude pour aller se procurer le volume, peut-être même dans des bois ronds qui seraient en forêt publique. C'est cela la garantie de suppléance.

M. Perron: Oui. Selon ce que vous venez de dire, vous endosseriez le fait que le gouvernement, par le biais de certaines positions fermes, devrait d'abord favoriser les copeaux avant la forêt publique.

M. Lussier: Oui, absolument.

M. Perron: J'ai une autre question, toujours dans le cadre du même sujet. Pour permettre une meilleure harmonie dans le marché de la matière ligneuse, est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre opinion concernant la création d'un conseil permanent de la forêt?

M. Lussier: Le conseil permanent de la forêt, cela m'a bien surpris. Je ne sais pas si c'est une question de budget ou si on a peur des comitoses ou de telles maladies, mais le conseil permanent de la forêt, c'est quelque chose d'absolument indispensable. Je pense que cet organisme devrait être créé. Il devrait même avoir des ramifications régionales, compte tenu des disparités que l'on observe dans les problèmes d'approvisionnement d'une région à l'autre. Il y a des places où la forêt privée est importante et d'autres places où elle ne l'est pas.

Je pense que le conseil permanent de la forêt peut vraiment devenir l'outil indispensable au ministre éventuellement dans toutes les décisions d'ordre administratif qu'il pourrait avoir à prendre. Il pourrait naturellement avoir un rôle consultatif, et non pas exécutif, mais il faut que le ministre soit informé par une personne qui serait membre du conseil permanent de la forêt et qui représenterait surtout les intérêts de l'industrie.

M. Perron: Donc, vous parlez aussi des intérêts régionaux. Le conseil permanent serait formé à partir d'intérêts régionaux avec l'ensemble des industriels, peu importe la transformation que font les industriels?

M. Lussier: C'est cela. On y croit absolument.

M. Perron: Je peux vous dire, monsieur, que vous avez des réponses claires, nettes et précises.

Plus loin dans votre document, à la page 17, vous parlez de l'article 37 de l'avant-projet de loi. Je voudrais vous souligner en passant qu'après lecture de l'article 37 de l'avant-projet de loi, je ne pense pas que ce que vous dites au haut de la page: Le nouveau régime forestier laisse place à un accroissement d'environ 5 000 000... Plus loin, vous dites: "qui se traduira encore là par une augmentation des revenus gouvernementaux.". Je suis d'accord avec la première partie, mais je veux parler de la deuxième partie. Lorsqu'on regarde l'article 37, ce n'est pas nécessairement le cas que vous mentionnez, puisqu'il prévoit qu'il n'y aura pas de droit de coupe si l'accroissement de la possibilité est supérieur au rendement escompté. Est-ce que vous êtes d'accord avec la gratuité prévue à l'article 37?

M. Lussier: Je suis d'accord avec La gratuité prévue. Il y a une affaire, par contre, qui me tracasse beaucoup. C'est au chapitre des contrats d'approvisionnement et d'aménagement. C'est que, quand viendra le temps de la révision du contrat après cinq ans, on a l'impression qu'à cause des règlements et tout cela... Le ministre, que tu fasses bien ta "job" ou que tu la fasses mal, peut avoir à prendre une décision qui irait même à l'encontre d'un utilisateur qui aurait bien fait sa "job" ou qui aurait même fait sa "job" au-delà des espérances.

Je pense que la réglementation ou, du moins, l'avant-projet de loi donne peut-être trop de pouvoirs au ministre après cinq ans, parce que je pense qu'il y a deux articles, 47 ou 49, qui semblent se dédire un peu. À l'article 49, on dit: "À tous les cinq ans, l'échéance du contrat est prorogée de cinq ans si l'établissement servant à la transformation du bois fonctionne normalement et si le bénéficiaire s'est conformé, au cours des cinq années précédentes, aux obligations...", tandis qu'à l'article 47 on dit: "À tous les cinq ans du contrat, le ministre peut réviser le volume alloué, le périmètre, l'étendue du territoire ou les objectifs de production pour tenir compte...". On a l'impression que l'article 47 peut venir débalancer l'article 49. Cela ne peut pas se faire aussi automatiquement que cela après cinq ans, que l'on nous redonne le même territoire et la même allocation qu'avant. On a l'impression qu'il y a redondance là. Cela ne marche pas.

M. Perron: Merci, monsieur. À la page 22, vous parlez de la fameuse question du

partage des coûts. Vous avez expliqué tout à l'heure, si j'ai bien compris, que la différence qu'il y avait entre les 35 % mentionnés dans votre mémoire et les 23,4 % qui sont mentionnés dans le mémoire de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, consistait surtout dans le fait que les 35 % étaient en proportion de ce que vous faisiez, mais que cela ne représentait pas l'ensemble du Québec.

M. Lussier: Pas nécessairement. Il peut y avoir différents rendements. Même à l'intérieur de nos usines, si on discutait sur un contrat précis d'approvisionnement et d'aménagement d'une usine donnée, il y en a une qui peut avoir un rendement de 40 %, 42 % dans son bois d'oeuvre...

M. Perron: L'autre 25 %...

M. Lussier: ...et l'autre peut avoir 25 %. C'est ce que cela veut dire.

M. Perron: D'accord. Toujours en rapport avec le partage des coûts, est-ce que vous êtes d'accord pour faire payer la remise en production par le véritable utilisateur et non pas nécessairement par le bénéficiaire?

M. Lussier: Vous voulez dire quoi? Qu'est-ce que vous entendez par cela, le véritable utilisateur?

M. Perron: Par exemple, vous faites des copeaux et vous les dirigez vers les pâtes et papiers...

M. Lussier: Oui, ce que je veux dire par là, c'est que le coût de l'aménagement...

M. Perron: ...qui est l'utilisateur.

M. Lussier: ...doit être négocié entre les utilisateurs, mais que chacun doit payer une quote-part équivalente à la proportion du bois consommé dans son usine.

M. Perron: Parfait.

M. Lussier: C'est ce que cela veut dire.

M. Perron: Merci de la réponse. À ce sujet, n'y aurait-il pas un danger qu'en contrepartie les papetières soient tentées de bâtir une forêt taillée selon leurs propres besoins?

M. Lussier: C'est-à-dire que je vois un autre petit problème quand je parle des possibilités. Naturellement, on a beaucoup discuté au cours des derniers jours sur les possibilités du sciage, sur les possibilités des pâtes et papiers, etc. De toute façon, que l'aménagement soit fait par les papetières elles-mêmes ou qu'il soit fait par l'industrie du sciage: lorsque l'on fait pousser des mètres cubes à l'hectare de bois de fibres sur un territoire, je pense qu'à la fin, le résultat va être quand même atteint, c'est-à-dire qu'on va toujours avoir sur le territoire, de toute façon, que l'industrie du sciage se perpétue ou qu'elle crève, après l'accomplissement de travaux sur un certain nombre d'années, de la fibre en croissance. Si l'industrie du sciage en venait, par différents hasards, à prendre une moins grande importance dans l'économie de la province, je pense que la fibre va pousser quand même. Que ce soit n'imparte qui qui en fasse l'aménagement, la fibre sera quand même sur le territoire.

M. Perron: Dans votre mémoire, vous mentionnez que vous êtes favorable... En tout cas, vous ne l'avez pas défini clairement, mais je voudrais vous poser la question suivante se rapportant à la création d'un ministère des Forêts: Est-ce que vous seriez favorable à la création d'un ministère des Forêts, d'une part? Si oui, est-ce que vous préféreriez que ce ministère des Forêts inclue le secteur des terres?

M. Lussier: Oui. En fait, premièrement, je pense qu'il aurait été mieux que le ministère...

M. Perron: Cela donnerait plus de pouvoirs au ministre, remarquez bien. (11 heures)

M. Lussier: Je le sais bien. Je ne pense pas que le ministre s'en plaindrait non plus, remarquez bien, même s'il est en bonne relation avec l'autre.

M. Perron: Nous non plus, mais l'autre est plus pesant.

M. Lussier: C'est un peu cela. C'est que le ministre est délégué aux Forêts. Je pense qu'une loi sur les forêts aurait eu encore beaucoup plus de poids avec un ministre des terres et forêts. Des terres intégrées, moi aussi, je crois à cela. Les terres et forêts, on est pour cela.

M. Perron: M. le Président, j'ai terminé pour le moment.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Labelle, qui attendait avec impatience.

M. Hétu: Merci, M. le Président. M. Lussier et M. Bélanger, félicitations pour votre mémoire. Maintenant, vous venez de parler, il y a quelques minutes, du contrat d'approvisionnement de cinq ans que vous mettez un peu en doute. Dans le moment, votre contrat d'approvisionnement est de combien de temps?

M. Lussier: On a eu un contrat de cinq ans qui s'est étendu du 1er avril 1981 au 31 mars 1986. On va nous renégocier un contrat sur la même base, c'est-à-dire qu'on va avoir un contrat de cinq ans commençant le 1er avril 1986 et s'étendant jusqu'en 1990.

M. Hétu: Est-ce que ces contrats de cinq ans ne sont pas révisables tous les ans?

M. Lussier: Le contrat comme tel, les volumes ne sont pas renouvelables tous les ans, sauf que tous les ans il peut y avoir certains ajustements de tarification ou des choses comme cela. Les permis reiiés aux contrats, c'est tous les ans, mais les contrats, cela se perpétue pour les cinq ans.

M. Hétu: Maintenant, vous parlez des parcs, surtout du parc du Mont-Tremblant. Vous avez quand même un volume assez bon dans ce parc. Quel est le pourcentage en feuillus et le pourcentage en résineux que vous recueillez dans le moment?

M. Lussier: Quand vous dites qu'on coupe dans le parc du Mont-Tremblant, il faut bien comprendre qu'on coupe dans la zone d'aménagement différée. Maintenant, en vertu de la loi, cette zone fait partie de la réserve Rouge-Mattawin, donc n'est pas officiellement reconnue comme étant dans le parc. Il est également précisé, dans les décrets intérieurs, que cette zone va être intégrée au parc du Mont-Tremblant à partir du 1er avril 1990 au plus tard.

Ce qui est arrivé dans le cadre des nouvelles conventions d'approvisionnement, c'est que la plupart de nos gens ont une convention principale, c'est-à-dire un approvisionnement principal, une garantie principale venant d'un secteur qu'on appelle, dans notre coin, la ZEC du lac Maison-de-Pierre. En fait, on coupe complètement dans une ZEC et on a permis à trois industriels du groupe, et même quatre industriels du groupe, d'aller faire une récupération des bois restant dans la ZAO d'ici au moment où cela va être intégré au parc du Mont-Tremblant.

Naturellement, ces bois, il faut bien comprendre que pendant le court laps de temps qu'on a pour les récupérer, on va s'organiser pour aller couper le maximum qu'on peut encore se procurer là. Comme je vous le dis, il y a beaucoup d'épinettes de petite dimension... Pour faire du sciage, il y en a une bonne partie, c'est plutôt du bois de qualité pâte à l'intérieur. Les feuillus et les érables qui sont là-dedans sont de qualité... Il y en a un qui peut vous en parler, je vais laisser Louis-Georges vous en parler, sa garantie est dans la ZAD.

M. Bélanger (Louis-Georges): En ce qui nous concerne, en tant qu'utilisateurs dans la partie de la ZAD en ce qui concerne les bots feuillus, c'est sûr qu'on va exploiter prioritairement le bouleau jaune qui a déjà été passé par plusieurs autres utilisateurs avant nous. C'est par petites concentrations et il faut le chercher. C'est difficile de rentabiliser une opération, mais on est prêt à faire l'effort, jusqu'en 1990, pour récolter le reste du volume qu'il peut rester à récupérer dans le secteur.

Par contre, dans le cas de l'érable, on est à peu près à l'ère limite de la croissance, ce qui fait qu'on a un érable qui est de qualité plus de trituration, de bols de chauffage. Il y a un très faible pourcentage qui peut être destiné à des usines de sciage. On considère, sans être trop prophète, qu'il y a 5 % ou 10 % du volume qui peut être utilisé en sciage, le reste est propice à la trituration ou au bois de chauffage.

M. Hétu: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela va? M. le député de Bertrand. Il reste deux minutes, me dit-on, pour votre formation.

M. Parent (Bertrand): Deux minutes. M. Perron: Cela n'a pas de bon sens.

M. Parent (Bertrand): J'ai trois questions rapides. D'abord, vous avez deux membres qui ont des scieries qui font partie d'un consortium qui est inactif actuellement. De quel consortium s'agit-il?

M. Lussier: C'est le consortium CEBEC Inc., qui regroupe également des gens du sud de Québec, de la Beauce, de ces endroits.

M. Parent (Bertrand): Qu'est-ce qui fait que c'est inactif actuellement? Est-ce à cause des conditions du marché...

M. Lussier: C'est inactif parce qu'à un moment donné il s'est développé un marché pour le bois d'exportation. Maintenant, quand est arrivé la crise du début des années quatre-vingt, le marché américain a pris de l'ampleur et, aujourd'hui, c'est peut-être plus intéressant pour nos gens de faire une production pour le marché américain que de faire une production pour le marché européen, entre autres, ou du Moyen-Orient. En fait, c'est inopérant, mais on ne désespère pas de le remettre peut-être un jour, si les conditions économiques ou si la conjoncture économique le favorisent.

M. Parent (Bertrand): Je vous remercie. À la page 20 de votre mémoire, lorsque vous mentionnez que la loi définitive sur les forêts devrait faire montre de plus de souplesse afin de tenir compte des cas

comme celui de l'unité de la gestion Rivière-Rouge, que suggérez-vous de façon très précise afin d'éviter qu'il arrive ce qui semble être pour vous quelque chose qui pourrait être dangereux, même inévitable?

M. Lussier: C'est-à-dire qu'on voit venir cela un peu. C'est que si chacun de nos gens qui sont quand même des usines de petite et moyenne taille, et on n'est pas les seuls, à Rivière-Rouge, c'est un exemple parmi tant d'autres... On dit qu'il va y avoir environ 400 conventions d'approvisionnement de signées. Si je regarde le nombre d'entreprises, il y a peut-être une trentaine d'entreprises de pâtes et papiers qui ont des garanties d'approvisionnement, il y a peut-être 70 % des scieurs qui sont représentés par l'AMBSQ, quelques associations de sciage comme l'ANIBS, l'AIHL et nous, mais il y a peut-être encore là une soixantaine d'autres petits scieurs et peut-être même plus que cela, je dirais plus d'une centaine, qui sont encore des particuliers, présentement au Québec, et qui vont avoir en vertu des dispositions du projet de loi, une garantie d'approvisionnement. Alors, je pense bien que la loi, actuellement, si elle impose à ces gens-là toutes les obligations qui sont mentionnées, comme préparer le plan de cinq ans, préparer des plans d'intervention annuels, et tout cela... Je me mets même à la place d'une petite usine qui a 2000 mètres cubes d'approvisionnement qui s'engage un ingénieur forestier, par exemple, pour signer ses plans, qu'elle le prenne en pratique privée ou qu'elle l'engage personnellement... Je ne mets qu'un salaire d'un ingénieur forestier, même si je prenais un finissant, disons, à 25 000 $ par année, et que je lui faisais diviser cela par 1000 mètres cubes, vous voyez- là tout de suite qu'il manque d'argent rendu au bout.

C'est pour cela qu'il faut encourager, à mon avis, le regroupement des petites entreprises pour en faire quand même des unités viables parce que, sans cela, je pense que, si on nous présente des coûts comme, par exemple 9,96 $ du mètre cube pour la remise en production, on a beau être bien beau et bien fin, on n'est pas capable de passer à travers, c'est impossible. Alors, il ne faudrait surtout pas... Il faut que la loi ouvre la porte aux regroupements d'entreprises, et je pense que M. Côté a amené une bonne idée tantôt quand il a parlé de conférer un statut légal. Naturellement, cela mérite d'être étudié, parce que vous savez, nous autres, nos structures n'ont pas la dimension pour avoir des avocats à plein temps dans notre affaire, mais s'il y a un statut légal, je pense qu'on devrait l'envisager. Il est acceptable.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Charbormeau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous remercie, M. le Président. J'aurais quelques petites questions, s'il vous plaît!

Hier, j'ai essayé avec l'Association des manufacturiers du bois de sciage d'obtenir une définition de ce qu'est le bois de sciage.

Dans votre mémoire, vous dites qu'on devrait favoriser des territoires de grande dimension pour vos membres, pour vos scieries. Qu'est-ce que du bois de grande dimension, d'après vous?

M. Lussier: Quand on dit de bonne dimension pour le sciage, même à l'heure actuelle, je me mets à la place de ceux qui ont à récolter des bois dans la ZAD. Si on regarde un arbre, il peut avoir six pouces, supposons, à la souche et montons graduellement, des fois il y en a qui, rendus à 16 pieds, n'ont plus que trois pouces et il y en a qui, rendus à 16 pieds, ont encore 5,5 pouces à 6 pouces pratiquement. On dit qu'un bois de qualité sciage... C'est bien sûr que dans le cas où le bois est trop petit, même si on le rentre à notre usine, en fin de compte... Par exemple, je vais vous mentionner le cas d'une usine comme Forget ou d'une usine comme Riopel qui font du bois résineux en longueur, ils ne peuvent pas prendre non plus n'importe quoi. Par exemple, ils ne peuvent pas faire un permis, disons pour couper 10 000 mètres cubes et rentrer à l'usine du bois de 60 décimètres cubes à la tige, et s'attendre à faire un gros profit avec cela. Ce n'est pas avec du 2 sur 2 qu'on fait de l'argent dans une usine de sciage.

C'est d'ailleurs ce qui pourrait expliquer un peu des chiffres qu'on a entendus hier. C'est sûr que les compagnies qui coupent dans le nord de la province avec du petit bois, si on les mettait sur la même base d'approvisionnement, fonctionner à un quart comme nous autres, il n'y en aurait pas une qui vivrait, parce que c'est la production qui fait la rentabilité dans leur cas. Pour avoir une mince rentabilité, elles sont obligés de produire, à mon avis, trois quarts par jour et sept jours par semaine, et 365 jours par année, si elles sont capables.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Hier, on a démontré que les plus grandes industries de sciage étaient peut-être les moins rentables.

M. Lussier: C'est un peu cela, mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier non plus... Je ne pense pas non plus qu'un gouvernement pourrait se permettre, à un moment donné, de laisser tomber ces grandes entreprises dans des régions comme l'Abitibi, par exemple, parce que je crois que ce serait un chaos économique considérable.

C'est pour cela qu'on est devant une drôle de situation parce que ce qu'on transforme en Abitibi, c'est quand même du bois à pâte en grande partie et non pas du bois de qualité de sciage.

Nous autres, c'est la même chose. Reportons le problème de notre côté, si on a seulement du bois de faible dimension, c'est un peu ce qui explique la rentabilité de nos entreprises qui sont petites. C'est qu'elles mettent quand' même en marché du bois de plus grande dimension. Si un jour, on vient avec du bois tellement petit, on va être obligé, en fin de compte, de faire comme une usine d'Abitibi. Je ne vous dis pas qu'il va y en avoir sept qui vont demeurer en place, il va peut-être n'en rester qu'une, mais elle va produire comme une usine d'Abitibi, avec du petit bois, et elle va fonctionner aux trois quarts chaque jour, à l'année.

M. Côté (Rîvière-du-Loup): Si je vous parle de cela, M. Lussier, c'est parce que vous avez noté, à l'article 10, la préoccupation du ministère d'attribuer du bois aux bons endroits, aux bonnes industries. C'est pourquoi je cherche une définition assez précise de tout cela.

M. Lussier: Excusez-moi. De toute façon, ce qui me préoccupe, c'est le partage des territoires que vous allez faire à un moment donné, quand tes concessions forestières vont être présumément révoquées, entre l'industrie des pâtes et papiers et l'industrie du sciage. C'est sûr que le gros bois et le petit bois, dans la province, ne sont pas à la même place. Il va falloir, à un moment donné, qu'il y ait un mécanisme qui fasse que le gros bois aille aux entreprises de sciage et ne passe pas dans les pâtes. À mon avis, ce sera à négocier entre les deux industries concernées.

M. Bélanger (Louis-Georges): M. le Président, en ce qui concerne la qualité de ce que l'on désigne comme billes de sciage ou autres, il y a aussi le cas particulier des bois feuillus. Parfois, vous allez avoir une tige d'une dimension importante, assez appréciable, mais, par contre, en ce qui concerne la qualité, il y a des défauts externes à la bille ou en son centre. On peut la rejeter et elle peut être considérée comme bois à pâte. Parfois, ce sont des choses importantes à définir. Cela se présente aussi dans le cas de la pruche, selon le produit que vous mettez en marché. Si l'on fait un produit de qualité, il faut des tiges, des billes de qualité. Je pense qu'il faut une définition. On ne peut pas toujours s'arrêter au diamètre.

Si vous parlez d'un dérouleur, ce sont les outils de transformation qui disent que, à un moment donné, on ne pourra plus, peut- être, envoyer un bouleau jaune de six pouces pour le "veneer", même s'il n'a pas un noeud parce que sa dimension n'est pas assez grande. Vous pouvez avoir un billot de vingt pouces, mais s'il a des défauts, il n'est pas considéré comme un "veneer". Cela dépend des outils de transformation que l'on a à l'intérieur de chacune de nos usines.

Le Président (M. Charbonneau): À moins que... Si vous vouiez aller rapidement.

M. Perron: S'il pose une question, j'en pose une.

Le Président (M. Charbonneau): Cela peut être un bon "deal". Je ne sais pas si le ministre est d'accord. Vous allez arrêter cela?

M. Côté (Rivière-du-Loup): On va être discipliné un peu, voyons donc!

Une voix: C'est une partie nulle. Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Charbonneau): Chacun va rester sur ses frustrations. Alors, je demanderais au député de Duplessis de remercier nos invités.

M. Perron: M. le président, au risque de me répéter, je voudrais vous dire, ainsi qu'à votre collègue, que votre mémoire est, pour nous de l'Opposition en tout cas, un excellent mémoire, très bien articulé, comme les gens qui l'ont présenté d'ailleurs. Il y a, à mon avis, des positions régionales que vous avez exprimées dont on devra tenir compte dans l'éventualité d'un projet de loi final et ce, sur plusieurs plans. Vous pouvez être assurés que nous nous en servirons sûrement pour faire comprendre au gouvernement la nécessité d'en arriver à un projet de loi final qui démontrera à l'ensemble de la population du Québec combien il est important de protéger notre forêt québécoise, de reboiser ce qui a été éliminé pour différentes raisons au cours de plusieurs années et, bien sûr, d'assurer en même temps un partage équitable entre les pâtes et papiers, l'industrie du sciage, les coopératives forestières et les propriétaires de boisés privés.

Merci et, encore une fois, au nom de l'Opposition, bonne chance et bon retour dans votre patrimoine.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le président Bélanger, M. Lussier, je vous remercie pour votre mémoire et pour la discussion que nous avons eue ensemble. Nous

avons manqué de temps, évidemment, comme on l'a souligné. Comme vous avez pu le constater, il y en a d'autres à venir. Étant donné qu'il ne nous reste plus de temps, je ne vous demande pas de répondre, mais devant l'importance des copeaux dans l'approvisionnement des pâtes et papiers et aussi dans les revenus que vous en retirez, est-ce que vous pensez qu'il serait opportun que tous les copeaux provenant des terres publiques puissent être considérés comme matière première et non comme rebuts, comme c'était le cas dans le passé, évidemment, en songeant à les tarifer comme le bois rond? Je ne vous demande pas de répondre, je n'ai pas le temps.

Le Président (M. Charbonneau): Le président peut utiliser sa discrétion pour permettre à nos invités de répondre.

Une voix: Consentement. (11 h 15)

Le Président (M. Charbormeau): Monsieur le ministre, on peut peut-être laisser...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais vous rassurer sur la collaboration avec les ministères du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et de l'Environnement en ce qui concerne les interventions en forêt. J'ai présenté, avec ces deux ministres, mes deux collègues, les cahiers d'intervention en forêt et nous avons transmis à toutes les MRC impliquées et concernées une carte d'affectation du territoire. C'est un début prometteur pour l'aménagement polyvalent de la forêt. Je souhaite que tous les utilisateurs de la forêt, que ce soient des chasseurs, des pêcheurs ou des amateurs de plein air et vous les exploitants, vous vous respectiez et qu'on travaille dans l'harmonie. Je termine en vous remerciant encore une fois et j'espère bien avoir l'occasion prochaine de vous revoir dans votre beau pays. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Écoutez, je pourrais peut-être vous inviter à garder le mot de la fin en donnant peut-être une brève réponse au ministre. Cela atténuera sa frustration.

M. Bélanger (Louis-Georges): Je tiens à vous remercier, M. le Président. Je tiens à remercier tous les membres de cette députation, M. le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, pour l'écoute attentive de nos interventions. Je tiens à remercier aussi l'Opposition. On apprécie beaucoup le fait que vous ayez trouvé notre mémoire clair. On s'attend à une politique qui sera claire, qui sera viable. C'est un voeu que l'on exprime en tant qu'industriels, parce qu'on est là aujourd'hui et qu'on veut y être demain. On veut faire notre part pour une région aussi importante que celle des Laurentides en ce qui concerne le domaine forestier. On veut aussi une forêt qui va avoir le statut de polyvalence au maximum. Comme M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure, on souhaite que nos MRC soient très sensibilisées de la part des différents intervenants forestiers, ici du ministère, de façon que nous, en tant qu'entreprises importantes du milieu, soyons bien perçues, aussi bien perçues que le secteur récréo-touristique, parce qu'on croît qu'on peut vivre ensemble et apporter tous les deux un complément dans l'aspect économique de notre région. Je vous remercie beaucoup pour votre bonne attention, et on attend les résultats positifs de nos différentes interventions. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. Bon retour. J'invite maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Je vois que le président, M. Jean-Louis Brown, est présent. M. Brown, bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Si vous voulez bien débuter par la présentation des gens qui vous accompagnent et par la suite je vous indique que vous aurez 18 minutes pour présenter votre mémoire et que la période d'échange de propos avec chaque côté durera respectivement 36 minutes. Alors, sans plus tarder, M. Brown.

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec

M. Brown (Jean-Louis): M. le Président, MM. les députés, mon nom est Jean-Louis Brown, président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Les personnes suivantes m'accompagnent: À ma droite, M. Michel Boudoux, vice-président, M. Hervé Deschênes, trésorier; à ma gauche, M. Yves Lachapelle, secrétaire adjoint et M. Marian Fournier, membre du comité administratif.

Le professeur Marcel Lortie qui a dirigé le comité pour la préparation de notre mémoire ne peut malheureusement se joindre à nous pour des raisons de santé.

Étant donné le temps mis à notre disposition, je ne livrerai ici que quelques extraits du mémoire que vous avez déjà en main. Vous me poserez par la suite toutes les questions qu'il vous plaira de poser sur l'ensemble du mémoire.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec apprécie l'invitation qui lui a été adressée de se prononcer devant la commission de l'économie et du travail sur l'avant-projet de loi sur les forêts. L'ordre considère que sa participation au débat entourant le nouveau régime forestier s'inscrit précisément dans sa mission fondamentale de protection des intérêts de la collectivité en matière d'aménagement des ressources du milieu forestier.

Pour refléter le plus fidèlement possible le point de vue de ses membres, l'ordre a sollicité leurs commentaires et a réuni en séance intensive de travail un groupe d'experts représentatifs de la profession. Les opinions émises dans ce mémoire sont donc le fruit d'une large consultation et constituent une position officielle entérinée par les instances décisionnelles de l'ordre.

Aménagement intégré des ressources. Par définition l'aménagement intégré des ressources implique une intégration des différentes juridictions concernées dans l'aménagement et la gestion de toutes les ressources du milieu forestier. Ces ressources sont nombreuses et chacune possède son lot de lois, de règlements et de politiques. La gestion intégrée de l'ensemble de ces ressources doit donc faire appel à des mécanismes d'harmonisation clairement définis entre les différentes législations. En outre, étant donné les ressources financières limitées de l'État et l'étendue du territoire, il y aurait certes avantage à intégrer les opérations de contrôle et de surveillance sur toutes les activités prenant place en milieu forestier.

À la suite de ces considérations, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. de modifier l'avant-projet de loi sur les forêts, la loi sur les terres, la loi sur les eaux et la loi sur la faune pour prévoir les mécanismes propres à assurer un aménagement intégré des ressources du milieu forestier. 2. de confier l'application de ces lois à un ministre des Forêts. 3. de créer un ministère des forêts ayant comme fonction principale la gestion de toutes les ressources du milieu forestier.

Rendement soutenu. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est d'avis que toutes les forêts du Québec devraient être aménagées selon le principe du rendement soutenu, et plus particulièrement les forêts de la zone de banlieue où se retrouvent les forêts feuillues et mélangées riches en essences de grande valeur.

Les objectifs de production devraient tenir compte du potentiel des sols selon les différentes essences. Ils ne devraient pas être basés uniquement sur le rendement actuel des forêts. Devant la carence de données fondamentales pour déterminer les objectifs de production en fonction du potentiel des sols et également pour appuyer l'aménagement des forêts et du territoire forestier, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. d'accélérer la mise en oeuvre de la classification et de la cartographie écologiques pour répondre aux besoins des aménagistes; 2. que toutes les forêts du Québec soient aménagées selon le principe du rendement soutenu et plus particulièrement celles de la zone de banlieue où se retrouvent les forêts feuillues et mélangées riches en essences de grande valeur.

Protection des forêts. La protection des forêts est une activité fondamentale en aménagement forestier. Des équipes de combat spécialisées doivent être prêtes à intervenir hâtivement dès qu'un foyer est détecté, afin d'éviter la prolifération des infestations. De même, il est impératif de se donner les moyens de protéger les investissements en sylviculture en permettant un usage contrôlé des pesticides dûment homologués, sans pour autant négliger le développement des méthodes alternatives.

Une des nouvelles mesures les plus positives concernant les insectes et les maladies des plants d'arbres consiste dans le contrôle phytosanitaire. Cette mesure démontre bien l'importance que le gouvernement accorde à la qualité des arbres destinés au reboisement. L'ordre constate avec satisfaction que le ministre entend mettre sur pied sa propre équipe de spécialistes pour inspecter les stocks de plants plutôt que de subir l'intervention d'agents provenant d'autres ministères. En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que le ministre crée sans tarder des postes d'inspecteurs assignés au contrôle phytosanitaire des plants forestiers, afin de mettre le processus en marche et de préparer la réglementation qui s'impose; 2. que ces fonctionnaires soient rattachés à une direction différente de celle qui comprend les pépinières et le reboisement, pour éviter qu'ils se retrouvent en situation de conflit d'intérêts.

Forêts privées. L'ordre croit que l'avant-projet de loi pourrait être amélioré en conservant certaines dispositions de la loi actuelle et en y apportant des modifications. Sur ces questions, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que le gouvernement rétablisse, au chapitre de la loi, l'aide technique individuelle aux petits propriétaires de forêts privées; 2. que le statut de producteur forestier soit lié à l'obligation d'assurer l'exécution et le suivi du plan simple de gestion; 3. que les producteurs de bois des forêts privées soient assurés d'écouler leurs produits à la condition qu'ils s'engagent auprès des utilisateurs à produire une quantité de bois définie à l'avance. Cette quantité de bois ne devrait pas dépasser la possibilité de la forêt. En cas de mésentente sur les prix, un tribunal d'arbitrage devrait être constitué pour trancher les litiges; 4. que l'avant-projet de loi prévoie les cas dans lesquels une unité d'évaluation serait radiée du certificat de producteur forestier ou cesserait d'y être inscrite; 5. que soit reporté dans la nouvelle loi l'article 156 de la loi actuelle sur les terres et forêts, relatif au gel de l'évaluation foncière des plantations forestières.

Transformation de la matière ligneuse.

L'ordre est d'accord avec le ministre pour favoriser les utilisateurs trouvant des usages valorisants à certaines essences laissées pour compte actuellement.

L'article 23 amène la notion de disponibilité des récoltes d'essences réputées secondaires. L'ordre suggère la plus grande des prudences en cette matière, surtout à l'égard des essences feuillues et résineuses, qui pourraient au fil des ans et de l'évolution technologique devenir importantes, voire principales. Le peuplier faux tremble en est l'exemple classique. Réputé essence secondaire auparavant, il est maintenant la source principale d'approvisionnement des fabricants de panneaux gaufrés appelés à se substituer progressivement aux contreplaqués résineux. Ne pas aménager la forêt en rendement soutenu pour cette essence serait dramatique pour l'avenir de ce secteur de transformation. De même, le ministre devrait faire des efforts particuliers pour développer des modèles de rendement par secteur d'activité et selon diverses technologies de transformation, grâce aux plus récents développements de la recherche opérationnelle et du génie industriel.

Cette approche permettrait au gouvernement de donner des indications précises aux utilisateurs en vue d'une meilleure transformation des ressources et d'une allocation plus judicieuse de la matière ligneuse.

À la suite de ces considérations, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. de mettre sur pied un système de suivi de l'activité industrielle à partir des statistiques de production, d'expédition et d'exportation des divers secteurs de transformation; 2. de réviser la fiscalité des entreprises de transformation des ressources forestières de façon à leur permettre d'investir dans les nouvelles technologies et les équipements à haute productivité permettant une utilisation maximale des ressources forestières; 3. de favoriser les entreprises qui offrent les plus grandes retombées économiques au Québec, soit par l'emploi d'une main-d'oeuvre plus qualifiée et mieux rémunérée, soit par l'achat d'équipements développés et fabriqués ici, soit par des retombées fiscales plus importantes. Il faut favoriser les entreprises qui sont les plus efficaces pour faire tourner l'économie québécoise.

Financement. La question du financement des activités du secteur forestier au Québec est primordiale. Peu importe, en effet, qu'il y ait écart sur les principes de gestion et les méthodes d'aménagement, la mise en oeuvre efficace du nouveau régime forestier ne peut se faire sans régler cet épineux problème du financement. (11 h 30)

L'ordre éprouve de vives réticences à l'égard de ce qui est énoncé au deuxième. paragraphe de l'article 37, à savoir que le volume supplémentaire alloué à un bénéficiaire au moment de la révision quinquennale du contrat, parce qu'un rendement plus grand est escompté, n'est pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits de coupe payables par le bénéficiaire en vertu de l'article 4. Comme le volume initialement alloué à chaque utilisateur est déterminé en fonction de la possibilité de coupe et de la disponibilité actuelle, sans aménagement intensif, cela revient à dire que toute augmentation de productivité de la forêt québécoise n'apportera aucun bénéfice à l'État en tant que propriétaire forestier. Si les forêts québécoises en arrivaient à produire autant que celles de la Suède, soit trois mètres cubes par hectare-année de bois résineux au lieu d'un mètre cube par hectare-année, cela impliquerait que les deux tiers des bois coupés au Québec ne seraient assujettis à aucun droit de coupe. Même dans le cas de la hausse de rendement qui serait due à l'initiative des utilisateurs, n'oublions pas que trois facteurs de production y auraient contribué: le capital, le travail et le territoire.

Or, alors que le système proposé permettrait de rémunérer les deux premiers facteurs, on semble considérer tout simplement que l'utilisation du territoire et de son potentiel est gratuite. Il y aurait certainement moyen, avec un peu d'imagination, de développer une formule qui permette aux utilisateurs de profiter de leurs investissements sans léser l'État propriétaire. Une telle formule devrait permettre également à l'État de retirer quelques bénéfices en retour de ses investissements en recherche dans le domaine de l'aménagement forestier.

Enfin, il serait utile de développer une telle formule par souci d'équité pour les utilisateurs eux-mêmes qui n'obtiendront pas tous nécessairement des territoires de productivité égale. Ceux qui tireront profit d'une plus grande productivité devraient donc payer des droits proportionnels aux bénéfices reçus.

L'ordre approuve le principe de tarification proposé voulant que les frais d'aménagement forestier admissibles soient déduits des droits de coupe. Toutefois, il est d'avis qu'un montant maximum soit prévu pour ces frais admissibles de sorte que les droits de coupe ne puissent être nuls ou même négatifs, comme il en a déjà été question dans le cas des forêts situées dans la zone pâte, ce qui signifierait alors que l'exploitation serait subventionnée. Il n'est pas du tout évident qu'il soit plus rentable pour l'État québécois d'investir dans des subventions à l'industrie pour l'exploitation des forêts nordiques plutôt que pour d'autres options, comme l'intensification de l'aménagement des forêts méridionales ou le

développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés visant à une meilleure utilisation des feuillus.

Un autre point important déjà soulevé par l'ordre dans son mémoire d'octobre 1984 est la nécessité de partager le financement de la gestion et de l'aménagement des forêts entre les utilisateurs et les gouvernements en fonction des bénéfices que chaque partie retire du secteur forestier. À cet effet, l'ordre mentionnait qu'il jugeait indispensable et prioritaire de reconduire l'entente fédérale-provinciale sur le renouvellement forestier. L'ordre considère que le texte de loi devrait indiquer de façon explicite que le ministre peut conclure de telles ententes avec son homologue fédéral. Alors que la remise en production des aires coupées et l'exploitation de la matière ligneuse, en protégeant les autres ressources, sont des responsabilités des utilisateurs, l'augmentation de la productivité des forêts, pour sa part, apportera des bénéfices à la fois à l'industrie, au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada qui devraient en partager les coûts. L'ordre a été déçu, à la lecture du texte de loi, de constater l'absence de souci du gouvernement d'assurer le financement à long terme de l'aménagement forestier. Le récent programme de modernisation des usines de pâtes et papiers a permis des investissements de plus de 3 000 000 000 $ et on estime que l'industrie devra investir encore 4 000 000 000 $ au cours de la prochaine décennie à la seule fin de conserver sa part des marchés internationaux. Des investissements importants seront requis également pour moderniser l'industrie du sciage. Dans un tel contexte, comment ne pas voir la nécessité d'assurer un approvisionnement à long terme en matière ligneuse? Si, comme le stipule l'article 35, les travaux sylvicoles requis pour remettre en production les arrérages sont exécutés par le ministre dans la mesure qu'il détermine, cela signifie tout simplement que l'aménagement forestier est soumis aux aléas des décisions budgétaires annuelles. Or, des engagements financiers à long terme sont essentiels en matière d'aménagement forestier puisque, comme l'a souligné l'ordre dans son avis présenté au ministre en avril 1986, il faut s'assurer que les plantations, après la mise en terre, soient adéquatement protégées et entretenues en fonction des objectifs de production visés. La non-protection des investissements en foresterie est un gaspillage que l'État et la collectivité québécoise ne peuvent se permettre.

Par suite de ces considérations, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. qu'un montant maximum soit établi pour les frais d'aménagement forestier à déduire des droits de coupe, de sorte que ceux-ci ne puissent être nuls ou négatifs; 2. que le gouvernement assure par des engagements fermes le financement à long terme de l'aménagement forestier au Québec.

Recherche et développement. Notre foresterie doit être constamment soutenue * par une recherche créatrice, appropriée à nos besoins et tournée résolument vers l'avenir pour le prévoir et même l'influencer.

Cette recherche devra être planifiée, orientée et coordonnée par un organisme où les utilisateurs pourront faire connaître leurs besoins, mais aussi où les chercheurs pourront se faire entendre. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est convaincu de la nécessité de créer un conseil de la recherche forestière indépendant du gouvernement et regroupant les divers intervenants du milieu forestier: les industriels, les ministères intéressés, les producteurs de bois, les autres utilisateurs, la communauté scientifique.

Le niveau et la stabilité du financement est une question très préoccupante en foresterie. À cause de la nature même de la forêt, la recherche forestière est une entreprise à long terme et requiert des spécialistes de diverses disciplines. Une diminution ou un arrêt du financement peut compromettre le succès de plusieurs années d'efforts.

En matière de recherche forestière, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1. que soit créé un conseil de la recherche forestière indépendant du gouvernement et regroupant les divers intervenants du secteur forestier; 2. que le financement de la recherche forestière soit assuré d'une façon stable et continue.

Ressources humaines. Le succès des travaux exécutés sur le terrain repose sur la disponibilité d'une main-d'oeuvre intéressée, compétente et stable. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est d'avis qu'il est urgent de former des ouvriers sylvicoles et de leur assurer un emploi stable et bien rémunéré.

La foresterie est plus qu'une simple récolte de matière ligneuse. Elle doit respecter, voire optimiser, l'ensemble des ressources forestières, en mettant en valeur le potentiel de production de matière ligneuse. Le choix des méthodes d'extraction, de régénération, d'amélioration et l'orientation des peuplements ne peut être fait à la légère. Pour éviter des erreurs coûteuses, le Québec a besoin d'un nombre suffisant d'ingénieurs forestiers en fonction de la complexité de la forêt et du niveau d'aménagement recherché.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec considère que le succès du nouveau régime forestier repose sur les ressources humaines que l'on mettra à l'oeuvre pour atteindre les objectifs visés. Conséquemment, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: que le Québec se dote d'une

politique de formation et de stabilisation des ressources humaines nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau régime forestier.

Conclusion: L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec a voulu présenter ses commentaires dans le but de contribuer à une meilleure gestion des ressources forestières et d'assurer une activité économique soutenue, voire accrue, dans le respect de l'ensemble des ressources forestières pour le plus grand intérêt de la collectivité.

À cet effet, l'ordre considère d'une part qu'il est urgent d'aménager toutes les forêts selon le principe du rendement soutenu, d'utiliser et de faire produire de façon optimale les forêts existantes, d'assurer leur régénération et d'inciter les utilisateurs à aménager intensément la forêt en leur garantissant la récolte du fruit de leurs efforts.

D'autre part, l'ordre recommande de ne pas aliéner l'ensemble du territoire forestier sur l'unique base de la possibilité actuelle, sans tenir compte du potentiel du territoire et des développements à venir par l'application des techniques disponibles et des futurs résultats de la recherche.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec préconise plutôt une gestion dynamique du territoire qui permettra de nouveaux développements, de nouvelles industries, à mesure que nos connaissances évolueront et que le territoire forestier sera mieux aménagé et plus productif. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. Je cède maintenant la parole au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. Brown, ainsi que vos collègues de l'Ordre des ingénieurs forestiers. J'ai parcouru à une couple de reprises votre mémoire et j'en suis très heureux parce que vous démontrez encore une fois votre souci pour la forêt. Évidemment, c'est notre métier. Par contre, avec la vigueur avec laquelle vous l'avez présenté ce matin, je souhaite ardemment que l'Ordre des ingénieurs forestiers se fasse entendre aussi fort, en toute occasion. Je vous invite en tout temps à me faire part de vos recommandations et de vos conseils, comme je vous l'ai dit à votre congrès, samedi dernier.

Au départ, je voudrais faire une mise au point à propos de votre conclusion qui ne concorde pas avec le bas de la page 10 de votre résumé où vous dites: Comme le volume initialement alloué à chaque utilisateur est déterminé en fonction de la possibilité de coupe et de la disponibilité actuelle sans aménagement intensif... Je voudrais vous rassurer tout de suite. C'est l'intention du ministère d'allouer les bois sur l'atteinte d'un rendement annuel moyen impliquant la réalisation de travaux intensifs d'aménagement par l'utilisateur. C'est sur cette base que nous avons l'intention d'allouer les territoires, de faire nos allocations de bois. Est-ce que c'est ce que vous souhaitez?

M. Brown: En fait, ce que l'on souhaite, c'est d'éviter que l'on fasse disparaître certains utilisateurs et qu'ensuite l'on partage le territoire, que l'on partage le gâteau de façon à avoir suffisamment de fibres pour approvisionner les usines qui vont rester, sans faire d'aménagement. On pense que, comme forestiers, on doit s'orienter vers une utilisation qui va tendre le plus possible progressivement vers le potentiel. Naturellement, ce n'est pas possible du jour au lendemain de passer d'une moyenne d'un mètre cube à l'hectare, par année, à une moyenne de trois mètres cubes, mais cela doit être notre objectif, il ne faut pas le perdre de vue.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, sauf que, si l'on alloue la forêt en tenant compte de l'obligation d'exécuter des travaux par les utilisateurs et par le gouvernement, ce ne serait pas sur la base de la possibilité actuelle, évidemment. C'est cela, la question. La possibilité actuelle, dans les résineux -épinette, sapin et pin gris - est de 18 000 000 de ' mètres cubes à cause de la tordeuse du bourgeon de l'épinette. Avec l'aménagement intensif, l'allocation devrait se faire sur la base de 21 400 000 mètres cubes de bois et il ne restera en disponibilité qu'environ 4 000 000 de mètres cubes de bois, suivant les aménagements intensifs que l'on prévoit. Soyez sans crainte, de cette façon, on n'allouera pas toute la possibilité et toute la disponibilité de la forêt du Québec. Je ne sais pas si cela rejoint votre préoccupation. C'est sûr...

M. Brown: Vous permettez? M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Brown: Vous nous rassurez un peu de ce côté, mais je pense qu'il va falloir que l'on détermine cette possibilité du territoire aussi, ce qui est difficile actuellement avec les données dont on dispose. On ne voudrait pas que l'allocation du territoire se fasse de façon définitive et que l'on se ramasse, dans dix ans, avec une autre commission parlementaire, pour se dire qu'on a un carcan dont il faut se défaire. On voudrait que l'allocation du territoire se fasse en étant conscient qu'on la fait de notre mieux actuellement avec les données dont on dispose et que l'on mette en oeuvre les moyens pour avoir les données dont on a besoin. Ce serait utopique de vouloir tripler la production du territoire du jour au

lendemain, mais il faut y penser, parce que c'est long. Nos traitements, en foresterie, c'est long avant qu'ils portent fruit. (11 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi j'ai décalé un peu l'application du régime forestier pour tenir compte, disons, de la collecte des données forestières les plus précises, alors que celles que nous avons actuellement datent de quinze ans. Comme il s'est produit beaucoup de perturbation en forêt depuis, comme vous le savez, je pense que c'est plus équitable de se baser sur des données plus récentes et qui sont plus conformes à la réalité actuelle. Mais quand vous parlez de un à trois mètres cubes, actuellement, ce qu'on prévoit comme aménagement intensif... Nous avons actuellement un rendement en forêt de 0,87 mètre cube à l'hectare, en moyenne, dans le résineux. En se basant sur l'aménagement intensif que l'on propose aux utilisateurs et au gouvernement, on prévoit un rendement de 1,23 mètre cube à l'hectare, ce qui n'est pas exagéré. Cela m'a fait dire à d'autres intervenants ici que nos projections étaient conservatrices, alors qu'on sait, comme vous le mentionnez dans votre rapport, qu'en Suède le rendement est de 3 mètres cubes à l'hectare. C'est à peu près semblable en Finlande. La Finlande a évidemement gagné cette augmentation de rendement avec des travaux d'aménagement. Je suis convaincu qu'on a des compétences au Québec pour en faire autant ici. Il reste qu'il faut les adapter à notre climat, à notre topographie, à notre sol et à nos essences, évidemment. Est-ce que vous considérez que nos projections sont exagérées dans ce sens?

M. Brown: Non, pas si vous les mettez à 1,27, si j'ai bien saisi.

M. Côté (Rivière-du-Loup): 1,27, oui.

M. Brown: Non, on ne considère pas que c'est exagéré, sauf que dans cette projection vous escomptez les résultats des plantations qu'on va faire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, cela représente le reboisement en forêt publique de 180 000 000 d'arbres résineux.

M. Brown: On est d'accord pour considérer le résultat de ces plantations, mais à certaines conditions. Je pense qu'il faut s'assurer, et c'est assez difficile dans le contexte des budgets annuels, qu'on va pouvoir récolter le petit arbre qu'on plante. Il faut s'assurer d'abord que la plantation a réussi, que par la suite on va avoir les budgets nécessaires pour le dégager, ensuite qu'on va pouvoir le protéger contre les épidémies, les insectes et les maladies. Cela nous paraît un peu osé de considérer que 100 % des plantations qu'on fait actuellement vont pouvoir être récoltées, avec l'expérience dont on dispose.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Tous les cinq ans on va faire une évaluation, une révision de ce qui s'est fait et en même temps c'est sûr qu'il y aura une révision des possibilités. Cela ne veut pas dire que les allocations de chacun vont être modifiées à cause de cela. C'est pourquoi le surplus, on propose que ce soit un genre de boni aux utilisateurs, ceux qui font plus d'aménagement. Il y a une possibilité énorme, quand on pense passer de 1,23 à 2 ou à 2,5. On pourra quasiment doubler notre possibilité avec des aménagements. C'est ce qu'on dit pour la forêt privée. C'est assez facile de doubler la possibilité de la forêt privée avec de bons aménagements. C'est d'ailleurs vers cela qu'on se dirige en forêt privée.

Vous recommandez dans votre mémoire, à la page 32, "de réviser la fiscalité des entreprises de transformation des ressources forestières de façon à leur permettre d'investir dans les nouvelles technologies et les équipements à haute productivité permettant une utilisation maximale des ressources forestières." Vous rejoignez là un peu les recommandations qui se font dans tout le pays, à savoir que la plupart des organismes recommandent au gouvernement de ne plus subventionner directement les compagnies pour des modernisations, etc., mais plutôt d'agir sur la fiscalité. C'est ce que vous voulez dire?

M. Brown: C'est cela. On veut éviter justement de subventionner des entreprises qui ne sont pas toujours rentables, de les garder à flot à coups de subventions. On préfère que le gouvernement intervienne au niveau de la fiscalité. De même, on sera moins vulnérable vis-à-vis de nos voisins du Sud.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Brown, les retombées directes pour le Québec sont cinq fois moins importantes que celles du côté du fédéral, chaque fois qu'on transforme un mètre cube de bois. Il faudrait, comme vous le mentionnez dans votre rapport, qu'on réussisse à négocier de nouvelles ententes avec le fédéral et que les provinces s'harmonisent là-dessus dans tout le pays pour réussir à intervenir de cette façon.

M. Brown: L'ordre souscrit entièrement au renouvellement des ententes fédérales-provinciales.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais sur la base... Quand on parle de subventions ou autres, cela serait inclus là-dedans, parce qu'on parle de fiscalité.

M. Brown: D'accord.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous êtes contre les projets de sauvetage d'usines ici et là. Lorsque j'étais à REXFOR, cela m'est arrivé à quelques reprises et j'ai la conviction que cela a été de bons sauvetages. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Brown: Est-ce que vous avez...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je peux vous aider, si vous voulez.

M. Brown: Vous êtes bien parti, continuez.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Quand je pense à l'intervention qui a été faite à Tembec, Béarn et Taschereau, je pense que ce n'étaient pas des sauvetages désespérés. Si on regarde la qualité de vie, les changements que ceci a apporté dans cette région, surtout au Témiscamingue, je pense que cela a été une intervention louable et favorable pour l'ensemble de la collectivité et le gouvernement. Tembec a réussi, si vous voulez, à réinvestir tous ses profits, au-delà de 70 000 000 $ environ. Cela fait douze ans à peu près, et même avec tout cela, Tembec a réussi à construire une usine qui s'appelle Temcell pour utiliser du feuillu et autres et ainsi contribuer à l'économie de la région. Je ne sais pas ce que vous avez contre cela.

M. Brown: On n'a rien contre cela, M. le ministre, mais il y a des exemples aussi que vous n'avez pas fournis.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est vrai. M. Brown: Et, c'est à ceux-là qu'on...

M. Côté (Rivïère-du-Loup): Je vous laisse parler de ceux-là.

M. Brown: Je connais très bien l'exemple de Tembec qui est un succès formidable. Je pense qu'il y a moyen de s'assurer, avant de contribuer avec les deniers de l'État, si vraiment l'entreprise est viable ou si on va devoir renouveler annuellement ou périodiquement les subventions pour maintenir à flot un canard boiteux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord, quand il n'y a pas d'espoir au bout. Je vous parle de Béarn qui existe depuis ce temps-là, de Taschereau qui a été remise à l'entreprise privée. Je vous parle d'interventions dans Papier Cascades à Cabano, de celle de Soucy qui n'ont pas fait tellement de bruit, peut-être plus Tembec que les autres, mais qui ont évidemment apporté un mieux-être à la collectivité et également du côté forestier. Ce sont des interventions de ce genre-là que vous souhaitez? Mon collègue de Duplessis parle de l'intervention de Port-Cartier, mais Port-Cartier est une intervention beaucoup plus lourde parce que nous sommes impliqués à 50 % et dans l'approvisionnement de l'usine. C'est peut-être plus lourd un peu, mais on garde l'espoir que REXFOR peut-être se débarrassera d'une partie de ses actions dans Port-Cartier. Ce n'est pas REXFOR qui sera le gérant à Port-Cartier. C'est important à mon sens de laisser l'entreprise gérer. Cela va?

M. Brown: Cela va.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai pas d'autre question pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Brown, président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, ainsi qu'à ses collègues qui l'accompagnent. Pour nous, de l'Opposition, c'est un mémoire qui démontre non seulement une excellente qualité dans les écrits, mais aussi une excellente qualité de l'ordre lui-même avec tout son personnel.

Vous avez su, bien sûr, vous positionner sur l'ensemble de l'avant-projet de loi par rapport aux enjeux majeurs face à notre forêt collective québécoise.

Dans votre mémoire, vous parlez de choses extrêmement importantes et vous faites allusion à l'article 37, en mentionnant qu'il y aurait certainement moyen, avec un peu d'imagination, de développer une formule qui permette aux utilisateurs de profiter de leurs investissements sans l'État propriétaire.

Plus loin, vous mentionnez qu'une telle formule devrait permettre également à l'État de retirer quelques bénéfices en retour de ses investissements en recherche dans le domaine de l'aménagement forestier.

Je peux vous assurer que nous sommes parfaitement d'accord avec l'ordre parce que nous, de notre côté, on dit oui à un incitatif, mais par contre, on dit non au deuxième paragraphe de l'article 37 qui, en somme, rend caducs les effets de l'article 4 par rapport aux droits de coupe qui devraient être payés. Remarquez que c'est un commentaire, mais lorsque vous parlez d'une formule... Est-ce que vous pourriez expliciter davantage la formule que vous croyez être indispensable pour ne pas permettre ce qui arrive au deuxième paragraphe de l'article-37, justement?

M. Brown: Avant de penser à la formule, il faudrait bien connaître le

territoire. Actuellement, on n'a pas la connaissance de base qui nous permettrait d'établir une telle formule de façon précise. On ne connaît pas le potentiel de l'ensemble des sols forestiers au Québec. Il existe une carte de potentiel, la carte d'inventaire des terres du Canada, qui a été faite pour être publiée à une échelle d'un dans deux cent cinquante millièmes. Il nous faut une échelle à l'échelle du travail sur le terrain. On travaille actuellement avec des moyennes. Une moyenne, c'est une moyenne.

M. Perron: Qui ne sont pas toujours bonnes, d'ailleurs.

M. Brown: Cela ne veut rien dire. Cela veut dire quelque chose, une moyenne, dans un bureau, mais sur le terrain cela ne veut pas dire grand-chose. Un utilisateur de la forêt peut faire des travaux énormes pour remettre son site en valeur et il ne dépassera pas son objectif tandis que le voisin qui jouit d'un potentiel meilleur ne fera rien et dépassera son objectif. C'est pourquoi on demande une carte biophysique de la forêt québécoise.

M. Perron: Merci, M. Brown. Quant aux commentaires, j'ai travaillé avec le mémoire que nous avons reçu pour me préparer en fonction de la commission parlementaire. À la page 3 de votre mémoire, en matière d'aménagement forestier, vous mentionnez les grandes lignes que nous endossons entièrement, à savoir, par exemple, la nécessité de respecter la possibilité forestière établie selon le principe de rendement soutenu; le deuxième point, l'urgence d'aménager très intensivement les forêts de la zone de banlieue, surtout sur les sites è haut potentiel, ce qui permettrait une meilleure rentabilité, pour nous, face aux usines de sciage et face aux usines de transformation des pâtes et papiers; et, bien sûr, le troisième point, qui a beaucoup d'importance aussi, la nécessité de remettre en production, sur tout le territoire forestier, les aires non régénérées.

D'autre part, plus loin dans votre mémoire, à la page 9, vous dites: "L'intention manifestée de scinder l'actuelle Loi sur les terres et forêts en lois sur les terres et sur les forêts, sous la gouverne de deux ministres différents, constitue, à notre avis - c'est vous qui parlez - un recul dans la recherche du développement optimal de la forêt." Là-dessus, peu importe ce qui s'est passé en 1979, lorsqu'il y a eu des changements à ce niveau, je crois que l'on se doit aujourd'hui d'admettre qu'un gouvernement peut faire des erreurs de parcours et nous sommes parfaitement d'accord avec votre position sur cette question précise, à savoir qu'il y ait un ministère des Terres et Forêts. Vous rejoignez en cela le fait que le secteur des terres devrait être inclus dans le même ministère, donc, le ministère des Forêts et Terres.

J'aurais une question à vous poser. À la page 11 de votre mémoire, nous sommes parfaitement d'accord avec le principe que vous énoncez lorsque vous parlez du bilan annuel de l'offre et de la demande de matière ligneuse. On se rend compte, au cours de cette commission parlementaire, qu'il y a plusieurs écoles de pensée. Il y a l'école de pensée du gouvernement et du livre blanc qui dit que ce bilan devrait être à tous les cinq ans. Il y a l'autre école de pensée qui est la nôtre de l'Opposition, qui dit que cela devrait être à tous les trois ans, au maximum. Vous nous arrivez avec une hypothèse d'un an quant au bilan lui-même.

La question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui justifie votre position par rapport au bilan annuel, face aux autres intervenants qui nous parlent de trois ans et de cinq ans?

M. Brown: En cinq ans ou en trois ans, il peut se passer beaucoup de catastrophes, si l'on peut dire, au point de vue forestier. Que l'on pense à l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, aux grands incendies, au chablis qui peuvent modifier radicalement le visage forestier du Québec. C'est pour cela que l'on veut avoir un bilan de l'offre et de la demande annuellement, de façon à tenir compte immédiatement de tout ce qui peut... C'est un instrument de gestion dynamique et à point. À chaque année, on pourra allouer la matière ligneuse en tenant compte de l'état de la forêt. (12 heures)

M. Perron: Dans une des recommandations que vous faites, à la page 15, vous appuyez la création d'un ministère des forêts ayant comme fonction principale la gestion de toutes les ressources du milieu forestier. Si j'ai bien compris, vous voudriez que ce même ministère s'occupe d'abord de la loi sur les terres, de la loi sur les eaux et de la loi sur la faune pour prévoir les mécanismes propres à assurer un aménagement intégré des ressources du milieu forestier. Voici la question que je vous pose: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait conflit d'intérêts? En incluant tous ces secteurs d'activité que nous avons au Québec, le ministère, le ministre lui-même, serait-il en conflit d'intérêts parce qu'il serait en même temps juge et partie?

M. Brown: Ce qu'on demandait, c'est un ministère des forêts, les forêts en tant que écosystème, c'est-à-dire que la forêt et le sol forestier devraient relever de la juridiction d'un seul ministre. Dans le sol, il y a le milieu physique, il y a les êtres

vivants, la faune et la forêt. Cela nous paraît tout à fait naturel , que cela soit regroupé, parce que l'aménagement des autres ressources forestières se fait lors de l'exploitation forestière. La qualité des eaux, l'aménagement des eaux en forêt va se faire au moment de l'exploitation. L'aménagement de la faune va se faire au moment de l'exploitation. La récréation en forêt ne serait pas possible pour la masse. Ce serait le privilège d'une minorité fortunée qui pourrait se payer des hydravions si l'industrie forestière n'avait pas ouvert le territoire par les chemins. Il en est de même pour l'aménagement, les traitements sylvicoles pour favoriser l'orignal. Cela ne serait pas possible. Les associations de chasse et de pêche ne pourraient pas se permettre le coût total de faire ces aménagements si on ne pouvait pas bénéficier du fait qu'il y a une machinerie, qu'il y a une expertise dans l'industrie forestière qui pourrait contribuer à l'aménagement par des coupes appropriées pour favoriser la faune, à condition que le surplus de coûts occasionné par ces travaux spécifiques soit payé par ceux qui vont en bénéficier.

M. Perron: J'aimerais maintenant faire un commentaire et vous poser deux questions, à la fin. On sait que l'avant-projet de loi sur les forêts et les documents connexes indiquent que les objectifs de régénération des parterres de coupe devront être atteints parcelle par parcelle. Je parle de l'avant-projet de loi. Mais on sait aussi qu'en forêt publique, la surface occupée par les peuplements mûrs équivaut à environ 60 % et leur volume compte pour près des trois quarts. En forêt privée, ce sont les peuplements jeunes qui occupent environ 60 % de la surface et leur volume compte pour environ 70 % du volume global. Donc, on peut en arriver aux chiffres suivants: dans le cas de la forêt publique, plus au nord, le peuplement mûr, 60 % du territoire et 75 % du volume. On peut dire aussi que ces dernières années, la surabondance des vieilles forêts et la récupération des bois de tondeuse ont conduit à une surcoupe dans différentes régions du Québec. Dans le cas de la forêt privée, c'est plus au sud et les peuplements jeunes sont environ 60 % du territoire et 75 % du volume. On peut donc se demander comment il sera possible d'établir le rendement soutenu que vous mentionnez en haut de la page 18 de votre mémoire. Ce qui est important pour nous, ce n'est pas de couper davantage, mais de régénérer la forêt de banlieue, tant publique que privée. Je pense que vous êtes aussi d'accord là-dessus.

Voici les questions que je voudrais vous poser. Vous parlez des sites où la rotation est de 175 ans et plus. Vous avez déjà mentionné cela antérieurement. Vous parlez aussi des sites humides, des forêts à maturité, qui sont très éloignées des usines, mais à peu de distance des aires de coupe actuelle. Est-ce que, selon vous, l'avant-projet de loi peut permettre des échanges de territoires? Croyez-vous que ces territoires puissent comprendre l'arrérage, c'est-à-dire le "backlog"?

M. Brown: Si je comprends bien, vous voulez qu'il y ait des industriels dans le sud qui se partagent une partie du sud, une partie du nord du territoire où il y a des forêts mûres et des forêts jeunes dans le sud?

M. Perron: On parle toujours dans le cas d'aménagement et de coupe. Effectivement, il y a actuellement un problème qui existe. Lorsqu'on parle d'une forêt nordique qui est actuellement à maturité, qu'on prenne Harricana ou le nord d'Harricana, cette région-là comme exemple, les forêts sont à maturité. Par contre, elles sont assez éloignées des usines de transformation, des pâtes et papiers et des usines de sciage, et cela comporte énormément de coûts. D'autre part, les accents qui sont mis dans la reforestation vont être remis dans ces parterres de coupe qu'on va reboiser, avec, comme objectif, le reboisement, qui est correct selon nous. Par contre, sur la question de temps... On peut dire qu'un arbre prend à peu près de 125 à 175 ans à pousser, pour être à maturité, pour être bon pour la coupe, pour être bon pour les pâtes et papiers. Pourquoi ne pas mettre l'accent sur les forêts de banlieue au maximum et même aller jusqu'à la législation pour ce faire, pour donner une obligation légale? C'est dans ce sens que j'aimerais que vous répondiez par rapport à votre position.

M. Brown: C'est précisément ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'on doit mettre l'aménagement intensif, on doit mettre l'accent sur les meilleurs sites, dans la zone de banlieue, mais il y a bien des façons de faire de la foresterie, de régénérer la forêt. On peut la régénérer au moment de la coupe, soit en favorisant l'établissement d'une nouvelle régénération, soit en protégeant la régénération qui est déjà là. Je crois que c'est la façon de procéder pour la plus grande partie du Québec. Le territoire est tellement vaste que cela serait utopique de vouloir replanter partout. Par contre, dans le sud du Québec, on a des sols à haut potentiel et, là, je pense qu'il serait sage de commencer à planter, ne serait-ce que pour acquérir l'expertise des plantations. On sait que nos concurrents à l'échelle mondiale font beaucoup de plantations, font beaucoup de coupes précommerciales pour éclaircir la forêt et la faire pousser davantage.

La foresterie, c'est beaucoup plus que

des plantations, c'est beaucoup plus que des coupe à blanc. Il y a toute une gamme de traitements sylvicoles qu'on n'a pas utilisée ou peu utilisée. Je pourrais vous donner un exemple d'un traitement que la compagnie CIP a fait dans des pins, dans la région de Mont-Laurier, la région de la rivière à l'Aigle. La compagnie a éclairci une pinède d'environ 90 ans, il y a une douzaine d'années. Elle l'a éclaircie, elle a retiré un volume important de bois; je pense que c'était dans les 50 %. Actuellement, cette forêt a 200 mètres cubes à l'hectare et s'est accrue en moyenne, au cours des dix dernières années, de sept mètres cubes par hectare-année. Si on avait coupé cette forêt à blanc, on aurait eu un volume de bois trois fois plus gros, mais cela serait fini pour 150 ans peut-être. Et même, le pin blanc ne serait pas revenu naturellement, il aurait fallu le planter. Avec ce traitement, le pin blanc est revenu. Il y a du sapin, il y a beaucoup de sapin, mais il y a suffisamment de pin blanc en régénération et on a un couvert qui s'accroît à un volume intéressant: sept mètres cubes par hectare par année. Ce ne sont pas des erreurs d'échantillonnage. Elle est mesurée sur un hectare plein. Le bois qui s'accumule sur ces tiges, on peut dire qu'un arbre de 30 cm, en 10 ans, double son volume de bois, et un volume de qualité supérieure, parce que c'est du bois sans noeud. Je pense qu'il y a de tels traitements, surtout dans la forêt feuillue, dans la forêt du sud, on peut se permettre de faire... On a la main-d'oeuvre à proximité, les gens sont intéressés à travailler en forêt et on peut se permettre d'aller beaucoup plus loin dans la sylviculture. Tandis que pour les peuplements dans le Grand-Nord, c'est vrai, cela coûte cher et on est peu intéressé d'y aller. Il ne faudrait pas investir trop dans ces endroits, car le retour sur notre investissement ne sera pas aussi favorable que celui dans les forêts du sud.

M. Perron: Merci, M. Brown. L'exemple que vous avez donné est un exemple qui est très concret face à ce que nous devons faire au Québec quant à la reforestation et aussi à l'éclaircissement de certains boisés que nous avons.

Une dernière question, parce que mon collègue d'Ungava a plusieurs questions à vous poser en rapport avec votre dossier. Est-ce que vous pouvez nous donner des informations en rapport avec votre position se rapportant à la génétique versus le reboisement, par le biais des centres de production de plants que nous avons aujourd'hui?

M. Brown: C'est très important, si on veut rester compétitif, de faire de la recherche en génétique forestière. On n'est pas chanceux - on est chanceux et pas chanceux - comparativement à l'agriculture, où l'on peut faire une expérience en génétique avec des petits pois comme a fait le moine Mendel, bien célèbre. À l'automne, il savait exactement ce que son expérience donnait. Nous, en foresterie, cela prend vingt ans, cinquante ans. Il faut que l'arbre ait le temps de croître suffisamment pour produire un volume que l'on puisse récolter avant de dire: Oui, cela vaut la peine de sélectionner cette variété.

Imaginez-vous que vous sélectionnez une variété qui est extraordinaire au point de vue croissance et qu'à tous les ans on dit qu'on a des records de pluie, des records de gel, des records de température - tous les jours, on vit cela, c'est formidable - au bout de vingt ans une catastrophe vient détruire votre plantation. Si vous en avez quelques-unes, ce n'est pas grave. Vous vous dites: Avec celle-là, on ne prendra plus de chance; il y en a d'autres qui réussissent, on va continuer avec ces variétés. Mais, si vous avez misé sur un seul cheval, une seule variété, vous pouvez être complètement à l'eau, vous pouvez perdre complètement vos investissements.

M. Perron: Cela m'amène à une autre question concernant la génétique. Quelle est votre position sur une orientation qui serait extrêmement favorable à la génétique elle-même?

M. Brown: Je suis extrêmement favorable au fait que l'on fasse beaucoup de recherches en génétique, que l'on plante et que l'on en fasse partout. Il faut commencer, et c'est urgent, parce qu'on a un retard sur ce plan. C'est pour cela que c'est important de le faire. C'est important d'essayer un ensemble de variétés, le plus grand nombre de variétés. Je crois que le ministère est déjà bien orienté dans ce sens. Il faut continuer, mais il faudrait être prudent dans la généralisation des résultats trop tôt. Il faut prendre un certain recul avant de dire: Nous avons trouvé la formule magique.

M. Perron: Donc, si j'ai bien compris, vous seriez en somme favorable à la création, même sur une base législative ou une autre, d'un conseil consultatif de la recherche qui pourrait ramasser l'ensemble de tout ce qui concerne la recherche, incluant la génétique?

M. Brown: Nous l'avons proposé dans notre mémoire.

M. Perron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Duplessis. La parole est maintenant au député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Brown, dans l'extrait du mémoire, à la page 5, vous parlez de la protection des forêts. Ensuite, plus spécifiquement, à la page 13, vous dites que "les engagements financiers à long terme sont essentiels en matière d'aménagement forestier puisque, comme l'a souligné l'ordre dans son avis présenté au ministre en avril 1986, il faut s'assurer que les plantations, après la mise en terre, soient adéquatement protégées et entretenues en fonction des objectifs de production visés. La non-protection des investissements en foresterie est un gaspillage que l'État et la collectivité québécoise ne peuvent se permettre". Est-ce que, dans un premier temps, on peut conclure de tout cela que, pour protéger les investissements, si l'on ne se donne pas des méthodes d'intervention pour la lutte contre les maladies et les insectes et contre les plantes susceptibles de nuire à la croissance des jeunes plants... Si c'est cela, de quelle façon voyez-vous l'intervention, la méthode, les produits utilisés pour assurer que cette protection soit faite?

M. Brown: II y a plusieurs façons de procéder. Cela dépend. Est-ce que c'est pour la végétation concurrente?

M. Middlemiss: En les prenant individuellement, la végétation, les maladies, de quelle façon voyez-vous l'intervention et avec quels produits?

M. Brown: Concernant la végétation concurrente, c'est sûr que l'emploi des herbicides est très commode en foresterie, mais il faut s'assurer que ces herbicides ne causeront pas de dommages à l'environnement, ne causeront pas de dommages à ceux qui les manipulent et qu'il n'y aura pas d'accident non plus pour la population. Une certitude à 100 %, ce n'est pas possible. Mais on sait que l'on peut mettre les chances de notre côté en utilisant les produits qui sont dûment homologués. Je pense que notre position sur cela est très claire. On recommande également de faire une recherche et de penser à trouver des méthodes alternatives. (12 h 15)

II y a quelques semaines, j'avais l'occasion d'assister à une conférence qui avait Heu dans le cadre de notre association et on voyait les problèmes reliés aux besoins d'utiliser ces pesticides et ces herbicides. Par contre, on nous a montré une belle diapositive. On avait une magnifique plantation qui n'avait jamais été dégagée. La cause était que cette plantation avait été faite dans un territoire qui avait été brûlé. La plantation se portait merveilleusement bien sans avoir eu besoin d'utiliser des pesticides.

C'est la même chose pour les insectes. Je pense qu'on doit utiliser des produits. Quand le feu est pris, il faut l'éteindre. Mais il faudrait peut-être garder des équipes de détection précoce. Aussitôt qu'un foyer d'infestation est connu, on peut y aller massivement. Au lieu d'arroser toute la province, on peut aller dans un petit coin. Même si l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette ne se manifeste qu'à tous les 25 ans, il est très impartant que les politiciens ne l'oublient pas et qu'ils gardent sur pied une équipe d'experts. On a développé une expertise à la suite de ce que nous avons vécu au cours des dernières années, et c'est très important de garder cette expertise pour justement pouvoir détecter immédiatement toute nouvelle prolifération.

M. Middlemiss: Maintenant, au point de vue des méthodes d'arrosage dans le cas de la protection contre les plantes susceptibles de nuire au reboisement, est-ce que vous trouvez que l'arrosage aérien est plus efficace que d'autres méthodes?

M. Brown: Comparativement aux arrosages terrestres?

M. Middlemiss: Terrestres, oui.

M. Brown: L'arrosage aérien est beaucoup plus facile et plus... On me dit que l'arrosage aérien est beaucoup plus efficace et plus facile d'emploi que l'arrosage terrestre où on est plus susceptible d'avoir des accidents et des déversements dans le milieu.

M. Middlemiss: Dans le cas de la tordeuse, est-ce qu'il y a un produit qui est plus efficace que d'autres pour son utilisation?

M. Brown: Un produit qui est populaire maintenant, c'est le BT qui est un insecticide biologique et qui, selon ce que l'on sait, ne serait pas nocif pour l'environnement.

M. Middlemiss: Est-ce qu'il est aussi efficace pour le but pour lequel on l'utilise, c'est-à-dire contrôler l'épidémie?

M. Brown: II serait peut-être mieux de poser la question à un spécialiste. Ce que j'en sais, c'est que c'est peut-être un peu plus difficile pour la période d'application qui est plus courte et que le coût est plus élevé, mais au point de vue efficacité, cela pourrait être aussi efficace.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le

député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M, le Président. Je dois constater que vous avez un mémoire qui est très étoffé, très intéressant et où il y a des questions à toutes les pages, finalement, qui pourraient soulever à elles seules des débats complets sur le problème.

Je voudrais commencer mon intervention par une petite réflexion. Vous revenez souvent sur le fait que c'est important de favoriser les forêts du sud et qu'à cause des conditions climatiques des terres, etc., on devrait mettre l'emphase sur le sud. Finalement, il se dégage de cela qu'il n'y a pas grand-chose à faire dans le nord. On va prendre ce qu'il y a à prendre et après, on verra. Je voudrais seulement mettre en garde cette commission en disant que les gens du nord ne sont pas des deux de pique. Ce sont des gens en chair et en os et qui ont des problèmes comme les autres, des petits problèmes quotidiens et qui ont aussi des investissements à défendre. Alors, quand on vient ravager les forêts du nord et qu'on ne pense pas à de véritables méthodes de rechange, c'est bien évident que les méthodes appliquées au sud s'appliquent très peu au nord. D'ailleurs, l'histoire nous l'a prouvé. Mais je pense qu'il est absolument nécessaire que l'on considère le problème du reboisement dans le nord avec toute l'emphase et toute l'importance qu'il a. Je ne suis pas d'avis de dire qu'il faut favoriser absolument le sud aux dépens du nord, car il ne faut pas oublier qu'il y a un grand nombre d'entreprises, qu'il y a beaucoup de gens qui vivent dans le sud aux dépens de l'exploitation des matières premières dans le nord. Ceux qui habitent dans le nord ont aussi des problèmes. Ils ont bien l'intention de conserver la valeur de leurs investissements et la qualité de leur milieu de vie parce qu'ils veulent y vivre. Ils n'ont pas l'intention de s'en venir dans le sud le jour où il n'y aura plus de bois.

Cela étant dit, j'aimerais qu'on revienne sur les problèmes de rendement, le rendement soutenu, ou les problèmes d'allocation de coupe. Je pense que vous êtes l'organisme le mieux qualifié ou avec lequel, finalement, on est bien placés pour discuter de ce problème, ce qui nous semblait, d'ailleurs, un problème grave.

À la page 18 de votre mémoire, vous dites: "De plus, nous croyons que les plantations récentes et à venir ne devraient pas entrer dans le calcul de la possibilité tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas évalué avec une assez grande probabilité la chance de pouvoir les récolter." Dans vos interventions, vous semblez éviter systématiquement le concept de rendement escompté, qui est pourtant un concept qui a été mis en lumière dans le texte qui a été déposé par le ministre, l'avant-projet de loi, à l'article 37, où on parle, effectivement, du rendement escompté. Par contre, vous nous parlez beaucoup de rendement soutenu. Est-ce que la commission pourrait avoir la définition stricte de ce qu'est pour vous un rendement soutenu?

M. Brown: M. le Président, avec votre permission, je me permettrai de faire certaines rectifications au sujet de ce que le député d'Ungava a dit dans son préambule concernant nos positions sur les forêts du Nord.

M. Claveau: Cela me fait plaisir d'orienter le débat là-dessus.

M. Brown: Ce que l'Ordre des ingénieurs forestiers préconise, c'est la régénération de toutes les forêts, mais il y a des façons de les régénérer qui sont plus économiques. Vous êtes d'accord avec moi qu'on n'ira pas investir à la Bourse 10 $ dans une action si on sait que le voisin peut nous en donner 10 fois plus... On n'ira pas à l'endroit où cela paie le moins. Dans ie cas de la foresterie, ce n'est pas exactement pareil. Je pense qu'on doit maintenir tout le territoire forestier en production, mais si on doit faire des investissements pour produire davantage, pourquoi ne pas le faire dans le sud où il y a de la population? S'il y a de la population dans le nord qui veut planter, je ne dis pas non, mais si la population est concentrée dans le sud, ce ne serait pas logique de payer des avions pour la faire monter au nord du 52e parallèle pour la faire planter, surtout si on sait que les arbres ne réussiront probablement pas à survivre, ou qu'ils vont vivoter longtemps. C'est surtout une question économique.

Concernant la définition du rendement soutenu, il y a plusieurs rendements soutenus. Il y a le rendement soutenu optimum, c'est-à-dire qu'on veut... On peut avoir un rendement soutenu avec la forêt qu'on a actuellement, on peut faire disparaître des utilisateurs et garder 18 000 000 de mètres cubes par année, continuer à fonctionner comme on fonctionne là, il y a des forêts qui se régénèrent bien, d'autres qui se régénèrent mal, mais ce n'est pas grave, on a un grand territoire. C'est une façon d'avoir un rendement soutenu mais ce n'est pas cela qu'on demande. On demande d'avoir un rendement soutenu avec des objectifs de production qui sont assez élevés et qui nous permettent justement de mettre en valeur le potentiel de nos sols forestiers. Alors, c'est vers ce rendement soutenu qu'on demande... Les plantations sont une façon d'avoir un rendement soutenu. Des plantations avec des arbres améliorés génétiquement sont une façon d'obtenir un rendement encore supérieur en produits recherchés. Il y a aussi les forêts qui existent actuellement. Vous

savez qu'un arbre qui a déjà une dizaine de pouces de diamètre ou une vingtaine de centimètres - utilisez le système que vous voulez - lorsqu'on ajoute un cylindre autour de cet arbre, même s'il ne mesure que quelques millimètres d'épaisseur, c'est supérieur au cylindre qu'on va ajouter à un arbre de deux centimètres, même si le cylindre a un centimètre d'épaisseur. Alors, il faut utiliser la forêt qui existe actuellement de façon optimum tant au point de vue production.,. C'est un véhicule de production, cette forêt, et il faut la faire produire de façon optimum et utiliser les produits, également, de la meilleure façon possible- C'est dans cette optique-là qu'on demande de faire un aménagement sur la base d'un rendement soutenu. Mais ce n'est pas un rendement soutenu avec les bras croisés.

M. Claveau: Merci. Je retiens de votre intervention un point, entre autres, qui me semble primordial. Vous dites: Sur la base de la forêt qui existe actuellement. Or, le ministre nous a expliqué à plusieurs reprises que, pour lui, il y avait de la forêt sur laquelle on pouvait compter à l'avenir, une forêt potentielle que nous appelons la forêt électronique. C'est une forêt qui a été calculée par les ordinateurs, mais qui n'a pas encore fait ses preuves dans la réalité. Il semble réceptif à l'idée qu'il y ait une partie des droits de coupe qui puisse être accordée en fonction de cette forêt, dans l'éventualité que plus tard elle sera disponible alors qu'actuellement elle ne l'est pas.

À l'article 23 de l'avant-projet de loi, on peut lire: La possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu correspond au volume maximum de récolte annuelle de bois que l'on peut prélever à perpétuité d'un territoire donné, sans diminuer la capacité productive du milieu forestier et sans provoquer la rupture de stock. Est-ce que dans ce texte vous voyez, en tant que spécialiste du domaine forestier, une allusion stricte à la forêt existant actuellement, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ou si vous pensez que le ministre peut y inclure une portion de sa forêt électronique qui, pour lui, est déjà une forêt réelle?

M. Brown: Je peux vous dire que je souscris entièrement à la définition que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi. C'est vraiment selon le rendement maximal, sans endommager la capacité productive du milieu. Maintenant, il y a plusieurs façons de réaliser ce rendement optimal. Je ne peux pas présumer des pensées du ministre à ce moment-ci.

M. Claveau: Est-ce que, d'après vous, ce rendement maximal, ce volume de bois sur lequel on doit se baser doit prendre en considération, au moment où l'on se parle, la forêt qui va venir dans vingt ans, dans trente ans ou dans quarante ans, s'il doit être fait strictement sur la base de la forêt que l'on connaît, que l'on a pu cerner et mesurer à ce jour? Je pense que c'est important de préciser ce point de vue.

M. Brown: C'est important. Ce que l'on dit dans notre rapport, c'est qu'il faut être prudent en escomptant le rendement de jeunes plantations, de plantations actuelles. Il faut peut-être mettre un coefficient de sécurité selon le taux de succès de nos plantations - si l'on a un taux de succès de 50 % ou de 75 %, c'est différent - et selon les engagements que le gouvernement va prendre pour protéger cette régénération. Une certitude à 100 %, c'est impossible. C'est pour cela que l'on demande un bilan annuel de l'état de la forêt. Il peut arriver une catastrophe naturelle, un immense feu de forêt. Il y a des printemps qui sont très secs et où l'on perd beaucoup de forêt. Il n'y a personne qui peut avoir la certitude annuelle, mais il faut quand même planifier et, étant donné que l'on a beaucoup de forêts mûres, comme je le disais tout à l'heure, jusqu'à un certain point, c'est logique de penser ainsi.

M. Claveau: D'accord. C'est bien évident qu'au Québec on est tout jeune, tout frais là-dedans. On ne connaît pas encore ce que peut être le rendement de la forêt dans cinquante ans, bien que les ordinateurs puissent nous donner des indices. Est-ce que, à votre connaissance, il existe quelque part dans le monde des gouvernements ou des sociétés qui ont développé cette expertise et qui, par exemple, sont capables de dire fermement, précisément: Si je plante 20 000 000 d'arbres aujourd'hui, je vais récolter X mètres cubes de bois dans cinquante ans? Est-ce que cette expertise existe ou si elle est carrément du domaine de l'informatique?

Le Président (M. Théorêt): M. le président, si vous voulez m'excuser trente secondes, je dois, à ce moment-ci, demander le consentement de la commission pour dépasser 12 h 30. Merci. Si vous voulez répondre maintenant.

M. Brown: II existe des pays comme la Nouvelle-Zélande qui ont cette expertise, qui ont commencé depuis plus longtemps. Ce n'est pas impossible de prévoir. Je pense que, dans la vie, personne ne peut prévoir jusqu'à quel âge il va vivre. Cela ne nous empêche pas de vivre. Il faut quand même planter des arbres, il faut quand même escompter le volume que l'on va récolter, mais nous recommandons une prudence. On recommande de ne pas mettre un arbre en terre et de se fermer les yeux, de faire un

acte de foi et dire: On va aller le récolter dans soixante ans. Il faut quand même se payer une police d'assurance. Cela veut dire que l'on doit s'assurer que nous allons prendre tous les moyens dont nous disposons pour protéger ce petit arbre de façon qu'il puisse croître et être récolté un jour. À ce moment-là, je pense que l'on peut escompter son rendement.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un autre ordre d'idées, vous faites référence, à la page 12 de votre mémoire, au pouvoir réglementaire et à la discrétion ministérielle. Vous dites: Ce pouvoir est si étendu qu'il pourrait conduire à une interprétation exagérément large de la loi. Est-ce que vous n'êtes pas eh train de nous dire que, finalement, on fait un beau cadre de loi, on se fait une belle façade de maison, quelque chose qui semblerait avoir de l'allure mais qu'il y a tellement de perméabilité à travers les murs qu'on ne saura pas si la façade va tenir longtemps? (12 h 30)

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Perron: C'est une très bonne analogie.

M. Brown: C'est une très bonne analogie, si vous le dites, mais peut-être qu'on serait porté à faire confiance à M. Côté qui est un ingénieur forestier comme nous. Cependant, il ne sera pas toujours là. Cela a été une préoccupation de plusieurs de nos membres lorsqu'on a demandé des commentaires concernant la quantité de possibilités de réglementer du ministre. C'est pour cela que nous l'avons mis dans notre mémoire.

M. Claveau: Est-ce que vous croyez qu'un tel projet de loi pourrait être applicable et "gérable" par l'État avec beaucoup moins de pouvoirs réglementaires et, surtout, beaucoup moins de discrétion ministérielle?

M. Brown: Nous croyons que cela prend quand même un certain nombre de règlements et de pouvoirs discrétionnaires du ministre. On ne peut quand même pas lui lier les mains et prévoir toutes les conditions possibles qui vont se présenter.

M. Claveau: Parallèlement à cela, il y a toute une brique de réglementations qui est supposée nous tomber sur la tête un jour ou l'autre. Est-ce que vous pensez qu'une bonne partie de cette, réglementation dont on fait état dans un document à part devrait être incluse dans le projet de loi lui-même?

M. Brown: Je ne crois pas que ce soit nécessaire de l'inclure immédiatement dans le projet de loi. On aimerait nécessairement la connaître avant d'endosser le projet de loi, mais ce n'est pas nécessaire que ce soit inclus immédiatement.

M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de La Peltrie.

M. Cannon: Merci, M. le Président. M. Brown, d'autres intervenants avant vous, la semaine passée et hier, ont fait état de la question de recherche et de développement. Vous soulignez un point et avec justesse dans votre rapport, à la page 41, et je cite le deuxième paragraphe: "De même, pour rester compétitifs sur les marchés, nous devrons améliorer constamment nos méthodes d'extraction et de transformation de la matière ligneuse, trouver de nouvelles utilisations pour les bois actuellement sous-utilisés, développer de nouveaux produits et trouver de nouveaux marchés." Je pense que, là-dessus, c'est tout à fait juste de l'indiquer. On sait qu'au Québec, effectivement, on exporte environ 40 000 000 000 $ provenant de cette industrie, notamment aux États-Unis. Donc, c'est un secteur d'activité économique majeur. Pour demeurer compétitifs, vous avez raison, on se doit de trouver toutes sortes de façons pour améliorer la qualité de nos produits et aussi diminuer les coûts dans l'industrie.

Donc, conséquemment, vous avez proposé que soit créé un conseil de la recherche forestière indépendant du gouvernement et regroupant les divers intervenants du secteur forestier. J'aimerais que vous me décriviez, si possible, un peu le modèle de ce que vous voyez comme mandat à ce conseil, sa façon de fonctionner, premièrement. Deuxièmement, pourquoi dites-vous: Indépendant du gouvernement?

M. Brown: Pour répondre immédiatement à la dernière partie de votre question, je pense que les différents intervenants qui vont siéger à ce conseil vont être beaucoup plus libres, vont se sentir beaucoup plus importants s'ils sont sur le même pied que le gouvernement. Au point de vue de la composition, ce conseil pourrait avoir des membres de l'industrie, comme on l'a déjà dit, des membres qui pourraient venir des différents ministères concernés du gouvernement, différents utilisateurs de la forêt privée également, et des gens des milieux universitaires. Premièrement, le travail de ce conseil serait de faire un inventaire de la recherche qui se fait, des moyens mis en oeuvre et des besoins en recherche pour ensuite pouvoir planifier et orienter cette recherche en conséquence.

M. Cannon: D'accord. Pourriez-vous me donner des indications quant au mécanisme qui pourrait être mis en place au niveau du financement de ce conseil.

M. Brown: À ce sujet, je pense que le financement pourrait être fait par les gens qui ont un siège à ce conseil. La participation ne serait pas égale pour tous les membres, parce que je pense aux universités qui sont pauvres. On a une commission parlementaire actuellement qui en discute... Il y a quand même les chercheurs qui sont... Les compagnies, les utilisateurs, les industriels pourraient fournir de façon plus substantielle. Je crois qu'un conseil avec 100 000 $ ou 150 000 $ de budget pourrait fonctionner, avoir un secrétariat et un permanent, un peu comme cela se passe en Colombie britannique, par exemple, ou dans d'autres provinces.

M. Cannon: Comment cela fonctionne-t-il en Colombie britannique?

M. Brown: C'est exactement cela. Si ma mémoire est bonne, on aurait un conseil semblable à celui que je viens de vous décrire.

M. Cannon: D'accord. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de La Peltrie. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. À la page 23 de votre mémoire, vous parlez des insectes et des maladies. Je comprends assez mal votre position sur cette question précise. Je voudrais vous souligner un point. En ce qui nous concerne, nous, de l'Opposition, je comprends que le gouvernement doive conserver ses responsabilités en matière d'expertise scientifique et de planification, mais pour nous, en toute logique, confier les aspects opérationnels de la lutte contre les insectes et maladies aux sociétés de conservation, là-dessus, je crois qu'on a le droit de changer d'opinion.

À la suite de la présence des représentants des sociétés de conservation du Québec, l'Opposition a étudié cette question d'un organisme parallèle où le gouvernement se garderait certains pouvoirs, mais quant à la mise en pratique, par exemple, des arrosages, etc., ce serait fait par un organisme privé. Là-dessus, l'Opposition est maintenant d'accord. Je peux vous dire que, d'après la position des représentants des sociétés de conservation, c'est que, pour nous, la logique veut que la responsabilité décisionnelle soit également partagée, cependant, entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et l'industrie elle-même.

Pourriez-vous nous expliquer davantage votre position lorsque vous mentionnez, par exemple, à la page 23: En matière d'épidémies d'insectes et de maladies, on constate que le ministre se réserve la responsabilité d'intervenir pour assurer la protection de la forêt. En spécifiant... etc., etc. Vous finissez votre paragraphe en disant: "II faut donc se réjouir de cette nouvelle orientation".

Voici la raison pour laquelle je vous pose cette question. J'aimerais que vous expliquiez davantage, en tant que représentant de l'ordre, au nom de l'ordre, en fait, votre position concernant les insectes et les maladies des arbres.

M. Brown: On avait craint d'abord qu'en confiant la protection contre les maladies et les insectes aux organismes de conservation qui s'occupent de la protection contre le feu et qui le font de façon admirable - je pense que tout te monde est d'accord avec cela - cela réduise leur efficacité et que, par souci d'économie, on n'engage pas suffisamment de personnes pour s'occuper des maladies des insectes. C'est dans cette optique que nous nous réjouissons.

M. Perron: Une dernière question. Seriez-vous d'accord avec le fait qu'il y ait un organisme parallèle qui ressemblerait quelque peu aux sociétés de conservation, mais qui ne toucherait strictement que le domaine des insectes et des maladies des arbres, où on aurait une présence du ministère de l'Énergie et des Ressources, bien sûr, ainsi que des représentants de l'industrie? Cela pourrait être à frais partagés.

M. Brown: Nous n'avons pas étudié cette alternative.

M. Perron: Vous n'avez pas étudié cette alternative. Si jamais vous l'étudiez, j'aimerais en connaître les résultats.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Je reconnais chez M. Brown ses propos de chercheur et je le félicite. Je voudrais toutefois souligner que le rendement optimal moyen établi par le ministère, soit 1,23 mètre cube à l'hectare en résineux, se rapproche du potentiel de productivité de la forêt. C'est sur cette base que nous allons allouer la forêt.

En plus, on parle beaucoup de plantations et, M. Brown, vous transmettez le message que j'essaie de transmettre à toute la population, à savoir que le reboisement artificiel n'est pas la seule intervention qu'il faut faire en forêt. Beaucoup d'autres

interventions sont valables. Lorsqu'on mise sur 1,23 mètre cube à l'hectare, on tient compte aussi des autres interventions pour lesquelles on appuie les propriétaires privés. Je dirais même qu'au Québec on fait état qu'on n'a pas tellement de tradition ou d'expérience du côté de l'aménagement de la forêt, mais, par contre, je vous dirai - vous êtes peut-être trop jeune, mais, moi, j'arrive à cet âge - qu'on fait du reboisement au Québec depuis 65 ans, pas aussi intensément qu'on le fait actuellement ou qu'on a l'intention de le faire, mais on en fait depuis un bon nombre d'années.

Vous avez cité un exemple, et vous l'avez cité de bon gré, celui de CIP dans un peuplement de pins rouges. Cela nous donne des points de repère. D'autres aussi sont faits dans la province auxquels on peut aussi se référer et miser un peu sur les résultats de notre jardinage, si on veut employer ce terme. Je ne sais pas si vous êtes en désaccord avec cette approche: 1,23 mètre cube à l'hectare, c'est très conservateur au point de vue de l'amélioration de la productivité de la forêt actuelle. On tient aussi compte de la régénération naturelle dans les futures exploitations. On tient compte des coupes de nettoiement et de dégagement. On tient compte des conversions de peuplement. On tient compte des éclaircies pour lesquelles on contribue largement. On tient compte du drainage. On tient compte de toutes ces interventions. Dans votre mémoire, vous mentionnez que la voirie forestière devrait... C'est une mesure d'aménagement, bien sûr. On tient aussi compte de tout cela. Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Brown: Peut-être un mot concernant les objectifs qu'on doit se fixer. Il faudrait évidemment les mettre assez haut, pas trop haut pour pouvoir les atteindre et ne pas se décourager, mais il faut être conscient qu'à mesure que la technologie va se développer et que les résultats de la recherche vont nous parvenir, on va pouvoir augmenter et s'ajuster de façon à faire produire le sol au maximum. À mesure que nos connaissances seront plus grandes, on va pouvoir, du moins je l'espère, faire beaucoup mieux que 1,27. Cela se fait ailleurs. Je crois qu'on n'est pas plus fou qu'ailleurs et qu'on est capable de le faire aussi chez nous. Il s'agit de mettre des capitaux, d'investir dans notre forêt. Jusqu'à maintenant, on s'est servi de la forêt comme d'un compte en banque. On a puisé dedans abondamment, mais on n'a pas réinvesti en forêt. Je pense que les ingénieurs forestiers que je représente ici aujourd'hui ont l'expertise nécessaire pour faire produire beaucoup plus la forêt qu'on ne l'a fait dans le passé. On est capable de garder la forêt belle tout en la faisant produire beaucoup et en respectant l'ensemble des ressources du milieu forestier.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi je suis d'accord avec ce que vous dites à la page 33, à savoir qu'il est possible d'escompter un rendement supérieur de la forêt lors de la révision quinquennale du contrat. Mais, d'ici à ces cinq ans, on n'abuse pas du côté de l'évaluation. On a des exemples au Québec. Vous en avez cité un, une couple d'éclaircies qui donnent des rendements très favorables. Il y a la forêt Montmorency; il y en a ailleurs et d'autres en ont fait sur leur terrain privé. Les producteurs privés, petits et grands, ont été de bons sylviculteurs, car ils ont fait des travaux autres que le reboisement. Ce sont tous ces travaux qui nous donnent une possibilité de 1,23 mètre cube à l'hectare comparativement à 0,87 actuellement dans le résineux. Ce n'est pas exagéré,

M. Brown: Mais il faut également tenir compte de chaque site. C'est peut-être notre faiblesse actuelle, on travaille avec une moyenne. On n'a pas une cartographie précise des sites. On va se la donner et cela va prendre dix ans avant qu'on l'ait. Entretemps, il faut travailler et il faut penser qu'on devra remettre en cause nos objectifs à mesure qu'on connaîtra mieux notre territoire, son potentiel et les moyens de le mettre en valeur. (12 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'essaie, pour suivre votre idée, de mettre sur pied ou d'accélérer la préparation d'une cartographie écologique du Québec, de façon que cela soit profitable à tous les intervenants, que ce soit du côté des Transports, du MLCP, de l'aménagement de la forêt. Cela nous prend une bonne carte de base, étant donné l'importance de la forêt au Québec? je pense bien que cela reviendrait au ministère des Forêts de prendre l'initiative de préparer une carte écologique uniforme que tout le monde serait capable d'interpréter.

L'article 28, quand vous parlez de votre peuplement de pins rouges, dit exactement cela. À l'article 28 de l'avant-projet de loi, on dit: "Les objectifs de production prévus au contrat sont fixés par le ministre afin d'assurer, s'il s'agit de sapins, d'épinettes ou de pins gris, le maintien de la possibilité forestière du territoire à un niveau au moins égal au volume qui a été alloué aux bénéficiaires ou, dans les autres cas - c'est votre cas - afin de favoriser l'amélioration de la production d'essences de qualité dans le territoire."

M. Brown: J'aimerais, si vous me permettez, M. le ministre, dire un mot sur cet article concernant le rendement soutenu. Nous l'avons critiqué, nous avons eu

certaines réticences parce que ce n'est pas clair, dans le cas du feuillu ou des essences de valeur, cela ne nous est pas apparu... Vous référez au livre blanc; dans ce cas-là, le feuillu était en disponibilité, c'était bien clair. Dans votre cas, ce n'est pas clair; et ce qui me le fait dire, c'est que le territoire est garanti pour dix ans, dans le cas des feuillus de valeur et des pins, tandis que pour le sapin, l'épinette et le pin gris, la garantie est de 25 ans. Si on sait que ces forêts du sud s'aménagent, ce sont des forêts qui sont très diversifiées au point de vue composition, au point de vue essences et aussi au point de vue classes d'âge et de dimensions des tiges, de sorte que lesdites essences s'aménagent par des coupes que certains appellent sélectives et que d'autres appellent jardinatoires. Les rotations, parce que dans ce cas-là, on va couper moins de bois mais on va revenir plus souvent, c'est autour d'une dizaine d'années lorsque l'on fait un aménagement intensif. Au Québec, on pourrait avoir une rotation; on a parlé de la forêt de Sainte-Véronique, c'est autour de quinze ans où l'on peut revenir dans la forêt, je croîs, pour prélever des tiges qui vont êtres mûres à ce moment-là.

Si la garantie du territoire n'est que de dix ans, l'industriel qui va traiter la forêt va être porté à se servir plus généreusement et à récolter immédiatement des tiges d'avenir parce qu'il va se dire: Dans dix ans, ce n'est pas moi qui vais revenir. Alors, c'est ce qui fait qu'on va couper abusivement nos forêts. C'est pour cela que nous n'aimons pas ce nombre de dix ans. Surtout dans la forêt feuillue, c'est merveilleux: à tous les dix ans, on peut venir récolter le fruit de notre travail de dix ans auparavant.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai toujours pensé que ce seraient les mêmes qui reviendraient au bout de dix ans.

M. Brown: Bien, il faudrait leur dire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On trouvera une façon de le dire, parce que c'est renouvelable au bout de dix ans. J'ai toujours pensé que c'était le même. Et puis on veut donner un statut, justement, qui soit très près de la propriété privée, de façon à inciter l'utilisateur à investir dans la forêt, mais on veut également les assurer qu'ils pourront profiter de leur investissement. La façon de le dire, je ne le sais pas, mes avocats m'ont dit: II faut mettre un chiffre. Mettre un chiffre, comme vous l'avez mentionné, la forêt, cela se renouvelle et c'est vivant si on l'entretient comme il faut. Je ne serai certainement pas là et il y aura encore de la forêt au Québec. Il n'y a personne dans la salle qui sera là et il y aura encore la forêt si on y fait attention.

Je veux vous parler des arrosages des phytocides pour l'entretien des plantations. On sait que si on fait des investissements, il faut les protéger. À la suite d'une déclaration d'il y a quelques années, on a dit: II n'y aura plus d'arrosages aériens concernant les phytocides. Ce qui est malheureux parce que, si on regarde dans les autres provinces... Je suis d'accord avec vous qu'il faut prendre des précautions, il faut essayer de trouver d'autres méthodes, mais il faut prendre les moyens qu'on est capable de supporter pour entretenir nos investissements. C'est pourquoi dans la loi, vous avez remarqué qu'on s'est donné le privilège d'utiliser le feu dirigé pour - vous l'avez mentionné dans votre mémoire également - l'entretien ou l'avenir des plantations, pour préparer le terrain aussi, ce qui peut donner des résultats et éviter un arrosage, par exemple, possiblement, dans certains peuplements, oui. Mais si on regarde en Ontario, cette année, on a arrosé 60 000 hectares, avec les glypbosates et le 2-4D, en Colombie britannique, 25 000 hectares, au Nouveau-Brunswick, 35 000 et, nous, au Québec, 6000 hectares. C'est 6000 hectares, mais on l'a fait de façon manuelle. Les coûts sont prohibitifs et le résultat du travail n'est pas bon, à comparer aux arrosages. C'est pourquoi je vous demande ce qu'on va faire. Si on regarde les coûts de tout cela et les expériences vécues... Si on ne peut pas prendre les moyens - le feu ou ces arrosages aériens -- je pense qu'on est mieux d'arrêter tout cela et de vivre avec ce qu'il nous reste.

M. Brown: Comme on l'a mentionné dans notre rapport, on est d'accord avec l'utilisation prudente de produits qui sont dûment homologués et l'on recommande très fortement de faire des recherches, de continuer à trouver d'autres méthodes. On voudrait surtout éviter que, par notre caution, le gouvernement se croise les bras et se dise: Ah! On peut toujours arroser avec des phytocides ou des insecticides, on ne fera pas de recherche de ce côté, on va couper dans ce budget. C'est ce point que je voudrais souligner de façon particulière. Il faut toujours rechercher des solutions de rechange. Peut-être que, dans l'avenir, les produits que l'on considère sans danger, sans risque pour l'environnement ou pour la santé c'était le cas pour le DDT - on s'apercevra que ce sont des produits dommageables. Il faut être prudent. On recommande la plus grande prudence. On n'est pas contre, à outrance, l'utilisation de ces produits mais on veut être prudent.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si vous regardez du côté de l'agriculture, on emploie souvent les mêmes produits, dix, douze fois par été. Ce sont évidemment des produits homologués par le gouvernement fédéral. En

forêt, on va les utiliser une ou deux fois en cinquante ans, au maximum. H y a une différence de fréquence et une différence de quantité aussi à utiliser. En agriculture, on les mange, ces produits. Sans cela, je pense que les agriculteurs auraient des problèmes de rentabilité.

M. Brown: Je suis d'accord avec votre point de vue. C'est un fait que, actuellement, en agriculture, on utilise beaucoup de pesticides, et beaucoup plus qu'en forêt.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Et plus fréquemment.

M. Brown: Et plus fréquemment.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est également vrai sur nos parterres.

M. Brown: C'est exact. D'ailleurs, l'Ordre des agronomes a fait une sortie en ce sens. Je voyais cela dans les journaux. On s'empoisonne dans nos beaux petits quartiers résidentiels.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Une dernière question, M. le député de Duplessis?

M. Perron: Une question à deux volets, M. le Président.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Perron: Je vais faire vite parce que le temps est écoulé ou presque. Dans votre mémoire, il n'est pas clair dans mon esprit que vous établissez clairement votre position face à l'approvisionnement en rapport avec la forêt publique, copeaux et boisés privés. Est-ce que vous pourriez éclaircir vos positions sur les priorités à donner à ces trois secteurs?

Deuxième question. À la page 26, lorsque vous parlez des producteurs de boisés privés afin de les assurer d'écouler leurs produits à un moment donné, s'il y a mésentente sur les prix entre les acheteurs et les vendeurs, vous dites qu'un tribunal d'arbitrage devrait être constitué pour trancher les litiges. On sait qu'actuellement il y a déjà un genre de tribunal qui s'appelle la Régie des marchés agricoles, qui s'occupe de cette question précise et qui a réglé, jusqu'à un certain point, les problèmes qu'il y avait dans l'Outaouais, à un certain moment donné, entre l'industrie forestière et une ou deux coopératives, je crois. Pourriez-vous nous dire si vous parlez de la création d'un autre organisme? Si vous parlez de cela, je connais un président du Conseil du Trésor qui s'appelle M. Gobeil, qui va sauter en l'air. Moi, je suis d'accord.

Le Président (M. Théorêt): M. le président.

M. Perron: Les deux questions.

M. Brown: Concernant votre première question, pour ce qui est des priorités, c'est évident que c'est une question de bon sens. On ne doit pas laisser des copeaux pourrir ou laisser du bois se gâter sur le bord du chemin de campagne. Il faut que ces gens soient assurés de pouvoir écouler leur production. D'autre part, il faut que les utilisateurs, les acheteurs soient assurés d'un approvisionnement. On ne peut pas obliger une usine de pâtes et papiers à acheter un grand volume, un volume X de "pitoune" ou de copeaux si le vendeur ne s'oblige pas lui-même à fournir cette quantité. D'un autre côté, il faut avoir un mécanisme qui soit assez souple pour qu'aucune des parties ne soit à la merci de l'autre. Vous savez qu'au point de vue de la libre entreprise, on essaie d'avoir le meilleur prix. L'acheteur essaie d'avoir le prix le plus bas et ça joue dur. Je pense qu'il faudrait prévoir des mécanismes qui permettent l'écoulement des produits sans nécessairement qu'aucune des parties ne soit lésée.

M. Perron: Cela va être dur à trouver si ce n'est pas dans la loi.

M. Brown: On compte beaucoup sur nos parlementaires et sur nos...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. Une dernière question au ministre délégué aux Forêts.

M. Perron: II y l'autre partie de ma question, M. le Président, se rapportant au tribunal d'arbitrage.

M. Brown: En ce qui concerne le tribunal d'arbitrage, encore là, je pense que cela peut être un autre organisme. Mais si M. Gobeil veut que ce soit la Régie des marchés agricoles, ce sera aux producteurs de bois et aux compagnies, avec le gouvernement, de choisir lequel des tribunaux d'arbitrage est le plus approprié pour résoudre leurs litiges. Ce n'est pas à nous, à ce niveau-ci, d'aller plus loin.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. M. le député de Duplessis, si vous voulez faire les remarques et les remerciements habituels.

M. Perron: Oui, j'ai deux commentaires avant de remercier. Nous ne sommes pas sûrs que M. Gobeil va décider d'aller de

l'avant avec un tribunal d'arbitrage tel que vous le préconisez dans votre mémoire. Il va plutôt s'en tenir à la Régie des marchés agricoles.

D'autre part, vous avez mentionné tout à l'heure le fait qu'on devait accélérer les recherches quant aux phytocides à employer dans le domaine forestier. Je peux vous dire que nous sommes parfaitement d'accord là-dessus. Je crois qu'il faut régler ce fameux litige qui existe depuis de nombreuses années entre les intervenants environnementaux et les intervenants forestiers. Je présume qu'une étude sur les phytocides à employer pourrait effectivement permettre à toutes les parties de s'entendre. Il faut mettre l'accent sur les recherches qui s'imposent dans ce domaine. Il faut faire cela le plus vite possible à cause de tout ce qui est en train de se faire actuellement dans la reforestation.

M. le président Brown, je voudrais vous remercier ainsi que votre équipe pour votre mémoire. Vous pouvez être assurés qu'il y a plusieurs éléments que nous, en tant qu'Opposition officielle, nous allons retenir pour argumenter avec le ministre délégué aux Forêts et le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est son tuteur, pour permettre d'améliorer nettement le projet de loi que nous aurons devant nous d'ici quelque temps. Merci, M. le président, à vous et à votre équipe.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'ai fait bien attention, étant donné mon affiliation à l'Ordre des ingénieurs, de ne pas le privilégier. Vous ne m'en voudrez pas de vous le faire remarquer. J'ai parcouru votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et beaucoup de satisfaction devant la qualité du travail que vous nous avez présenté. Je suis d'accord aussi avec la création d'un conseil de recherche forestière. Il restera à déterminer de quelle façon il sera composé.

Quand vous parlez du financement et de la recherche de ce comité, il faudrait évidemment aussi trouver une formule agréable à tout le monde et possible pour tout le monde. Lors de la campagne électorale - ce n'est peut-être pas pour cela que j'ai gagné mes élections - je disais qu'il était temps de remettre la forêt aux professionnels. Il y a un organisme qui est venu nous signaler cela, hier. Là-dessus aussi j'appuie votre mémoire qui dit qu'on devrait utiliser les ingénieurs forestiers plus fréquemment. Je demande à tous les gens qui interviennent en forêt d'écouter les conseils de ces ingénieurs et des chercheurs qui font partie de la faculté.

Je vous remercie de votre intervention et de votre mémoire. J'espère bien que les occasions ne manqueront pas de discuter à nouveau de toutes ces questions-là très prochainement. Merci encore une fois.

Le Président (M. Théorêt): M. le président, au nom des membres de la commission, nous vous remercions de votre présence et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Avant de suspendre les travaux, je vous rappelle qu'effectivement ceux-ci reprendront par l'audition du Barreau du Québec et ce sera à 14 heures précises. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Je vois que déjà les représentants du Barreau se sont installés à la table. Si vous voulez, s'il vous plaît, M. le président, nous présenter les deux collègues qui vous accompagnent.

Barreau du Québec

M. Ménard (Serge): Certainement. Je suis Serge Ménard, le bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur, qui est la directrice de notre service de recherche et, à ma droite, de Me Marie-Michèle Daigneault qui a particulièrement travaillé à la préparation du présent mémoire et qui, d'ailleurs, le présentera après quelques mots d'introduction.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je vous rappelle, comme, j'imagine, le Secrétariat des commissions vous en a averti, que vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, chaque formation politique a vingt-quatre minutes pour échanger avec vous sur votre mémoire. Je vous cède la parole, M. le président.

M. Ménard: Je vous remercie, M. le Président.

Alors, M. le Président, MM. les députés, mesdames, messieurs, le Barreau du Québec est heureux de répondre à l'invitation de la commission de l'économie et du travail et de présenter ses commentaires sur l'avant-projet de loi sur les forêts; il tient à vous remercier de lui fournir l'occasion d'exprimer ses vues sur ce que sera le nouveau régime de gestion des forêts du

domaine public.

Un des rôles du Barreau, comme vous le savez, consiste à mettre à la disposition des élus et du public son expertise comme institution et les connaissances de ses membres, principalement en matière législative. À cet effet, le principal but poursuivi par le Barreau du Québec dans sa démarche à l'égard de l'exploitation des boisés du domaine public est de remplir son rôle de protection du public. Il est à noter que le public comprend ici tout autant le ministre que les exploitants forestiers ou les tiers créanciers de ces derniers, bref, tous les intervenants possibles dans ce domaine de législation.

C'est pourquoi, bien que le 8arreau soit conscient que le régime actuel d'exploitation forestière ait probablement besoin d'une révision afin que les forêts publiques soient mieux gérées ou dans un but de mettre plus à contribution les entreprises forestières, il considère que certains principes de droit essentiels se doivent d'être respectés dans l'établissement de ce nouveau régime. Le Barreau du Québec veut donc par sa présentation d'aujourd'hui essayer de proposer des solutions afin que la transition entre le régime actuel et celui qui sera mis sur pied se fasse de façon que tous les intéressés voient leurs droits respectés et, en second lieu, tenter de cerner les principes de droit importants que le législateur, lorsqu'il délègue des pouvoirs réglementaires ou discrétionnaires, se doit de respecter.

Je dois ajouter que le Barreau est toujours heureux de compter parmi ses membres des gens de toutes les formations politiques et, à moins que des droits fondamentaux ne soient affectés, le Barreau respectera toujours le choix des élus qui est le choix de la population. C'est, par conséquent, pour aider le législateur à atteindre les buts qu'il s'est proposés dans la loi que, principalement, nous allons faire les suggestions suivantes. C'est donc Me Marie-Michèle Daigneault, à ma droite, qui a particulièrement travaillé sur ce mémoire qui vous en fera la présentation.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

Mme Daigneault (Marie-Michèle): À la suite des propos de M. le bâtonnier, Serge Ménard, j'essaierai de résumer le plus succinctement possible aux membres de la commission les points principaux et les règles de droit que le Barreau a considérés importants à l'égard du nouveau régime de gestion forestière et à l'égard surtout des modalités pour établir ce nouveau régime de gestion forestière.

Évidemment, notre première intervention va porter sur ce qui est le pivot de la loi, soit la mise sur pied du nouveau régime par la résiliation des concessions actuelles et des contrats actuels aux bénéficiaires et, en conséquence, par l'extinction des droits des créanciers. Donc, en conséquence de la nouvelle toi qui serait mise sur pied, les bénéficiaires actuels verraient leur contrat d'approvisionnement éteint ou perdraient leur concession forestière sans qu'aucun recours ne puisse être exercé ou qu'aucune compensation ne puisse être réclamée.

Non seulement le gouvernement, dans cette transition, agirait-il un peu de façon unilatérale, mais on peut s'interroger aussi sur ce qu'il adviendrait des investissements ou des coûts imputés aux améliorations ou aux infrastructures actuelles. Bien entendu, il y a un mécanisme, si Je bénéficiaire satisfait aux critères» de la nouvelle loi, pour que lui soit octroyé un nouveau contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Mais a quel prix et à quelles conditions?

Le Barreau a trouvé un peu difficile l'analyse de la loi dans ce domaine puisque l'avant-projet de loi nous référait à des règlements qui n'avaient pas encore été édictés. Donc, on peut s'interroger. Le nouveau contrat comportera-t-il les mêmes conditions et les mêmes droits de coupe? Portera-t-il sur le même territoire? Pas nécessairement. Ce qui nous apparaît clair, c'est que, malgré ces modifications, des mécanismes de compensation ne seront quand même pas prévus.

Le Barreau a aussi été surpris de certaines obligations qui seront imposées par la nouvelle loi qui serait en vigueur et qui pourraient être difficiles d'application. Entre autres, dans le cas des articles 20 et 84, où on donne l'obligation aux compagnies de dénoncer préalablement tout changement dans le contrôle de leur corporation, le Barreau s'est interrogé sur la façon concrète d'appliquer une telle disposition dans les cas, entre autres, de compagnies qui émettent des actions en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, puisque, dans ces cas, bien souvent la corporation comme telle n'a pas de contrôle sur les transactions qui s'effectuent à la Bourse.

Mais, il n'y a pas que les droits des bénéficiaires qui ont été affectés. Le Barreau désire aussi souligner que les créanciers voient leurs créances mises en péril par l'entrée en vigueur de l'article 101 de l'avant-projet de loi. Le Barreau est un peu déconcerté, si je puis dire, devant une telle atteinte aux droits des créanciers qui ont quand même négocié de bonne foi des contrats de financement avec les concessions forestières actuelles et qui, par l'entrée en vigueur de cet article, pourraient voir de plein droit leur droit de créance éteint à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Évidemment, le Barreau considère inacceptable que des tiers de bonne foi qui n'ont pas été partie à des négociations en

vertu du régime actuel entre le ministre et les bénéficiaires de contrats voient ainsi leurs droits écartés du revers de la main.

C'est pourquoi le Barreau, afin de minimiser l'impact de cette atteinte aux droits des créanciers proposait dans son mémoire d'inviter les créanciers aux négociations qui auraient cours entre le ministre et les bénéficiaires de contrats en vertu de l'article 106.1 ou, à défaut, que le ministre ait une obligation d'enregistrer ou, à l'égard des biens et des immeubles concernés, de faire une déclaration des nouvelles obligations, à charge de payer une compensation pour que les créanciers ne perdent pas tous leurs droits, privilèges, peu importent les droits réels qu'ils auraient. Cette façon de procéder, pour le Barreau, pourrait minimiser les contestations qui pourraient avoir lieu eu égard à la propriété subséquente du gouvernement à l'égard des terres à la suite de l'adoption de la loi.

Un deuxième point important que le Barreau a envisagé dans son mémoire est, évidemment, la question des pouvoirs réglementaires et de l'immense discrétion qui seraient accordés au ministre qui serait chargé de l'application de la loi. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, l'avant-projet de loi est rempli de dispositions où le gouvernement se voit accorder des pouvoirs de réglementation. Donc, mis à part déjà la vingtaine de domaines dans lesquels Je gouvernement peut réglementer, qui sont énoncés à l'article 88, à toutes les étapes de la loi, on voit que le gouvernement peut réglementer, ce qui signifie qu'à toutes les étapes de la loi, le moindrement qu'il y aurait une lacune, le gouvernement pourrait combler des vides par voie réglementaire. À part l'article 88, on retrouve des pouvoirs réglementaires à une vingtaine d'autres endroits dans la loi sur quand même une loi qui ne comporte qu'une centaine d'articles. Donc, le Barreau considère qu'il faudrait agir avec prudence à ce stade-là.

Le Barreau croit que cette façon de légiférer n'est pas souhaitable parce que cela peut mener à de l'incertitude et à de la confusion si on se réfère à des règlements qu'on ne connaît pas nécessairement. Je donne un exemple de cette situation. Si on prend les articles 104 et suivants de la loi qui disent que les concessions actuelles seront révoquées, l'exploiteur forestier actuel qui voudrait savoir s'il va satisfaire aux normes édictées en vertu de la nouvelle loi devrait, premièremnet, se référer à un règlement pour savoir ce qu'est une usine de transformation du bois. Par la suite, ayant trouvé s'il entre ou non dans les catégories édictées par règlement, il devrait encore se référer, pour savoir s'il se conforme aux normes édictées par la nouvelle loi, à d'autres règlements, premièrement, qui ne sont pas encore édictés, donc dont il a été difficile d'apprécier les effets; deuxièmement, le bénéficiaire aussi, en vertu de la nouvelle loi, dépendrait de la discrétion du ministre. Sur ce dernier point, le Barreau désire attirer l'attention de la commission sur le fait qu'attribuer une telle discrétion à toutes les étapes de l'application de la loi est non seulement une source d'incertitude pour le lecteur de la loi, mais est aussi une porte ouverte à la contestation judiciaire de ces décisions discrétionnaires.

Ainsi, à certains endroits dans l'application de la loi, le ministre se voit attribuer carrément des pouvoirs qui sont normalement exercés par les tribunaux judiciaires, que ce soit en matière de résiliation unilatérale de contrats, d'appréciation du critère de l'intérêt public, de la fixation d'une indemnité en vertu de l'article 27, des droits de saisie sans autorisation préalable ou de la révocation de permis. Ce sont des fonctions qui doivent être normalement sanctionnées par les tribunaux judiciaires et qui, dans l'avant-projet de loi, se trouvent attribuées au ministre. De plus, le ministre a le pouvoir, en vertu des articles 9, 10 et 23, d'établir des directives qui vont lier par la suite les bénéficiaires de contrats. Le Barreau s'est interrogé fortement sur la force probante de ces directives et leur opposabilité aux exploiteurs forestiers parce que, bien qu'il y ait une obligation de publication stipulant que le ministre doit mettre à la disposition des exploiteurs forestiers les directives, il n'y a quand même pas une obligation de publicité qui garantirait la connaissance par tous les gens et l'opposabilité par le fait même de ces directives.

En plus, en regard de l'attribution de discrétions au ministre, le Barreau a voulu souligner aussi trois dangers principaux, si on peut dire. Premièrement, le danger que le ministre, à travers ces nombreuses directives ou discrétions qu'il effectuera chaque jour, s'emprisonne lui-même dans des décisions et des directives antérieures qu'il aura édictées et ce, pour ne pas changer les modalités qu'il avait édictées, de peur d'ouvrir la porte à des poursuites judiciaires s'il changeait d'idée. Un exemple de cela, c'est qu'un exploiteur lié par des directives ou par une décision administrative prise par le ministre et qui, par la suite d'un changement de politique du ministre, verrait ses conditions d'exploitation modifiées pourrait facilement, à ce moment-là, contester l'exercice de la discrétion du ministre.

Un deuxième point qui est apparu dangereux dans l'exercice d'une si grande discrétion par le ministre est le risque qu'on ait recours au ministre pour régler les problèmes quotidiens de l'application de la loi. Le Barreau pense que ce n'est pas le travail du ministre de régler les différends qui peuvent survenir entre les différents

intervenants soumis à l'application de la loi. Donc, c'est un risque qui pourrait survenir si on lui donne une si grande discrétion.

Troisièmement, de cette grande discrétion qui est accordée au ministre, le Barreau n'a vu qu'un pas au risque de transformer des pouvoirs réglementaires en pouvoirs de discrétion administrative. À la lecture de l'ensemble de la loi, il semble y avoir une tendance qu'on pourrait qualifier de dangereuse de laisser une part d'appréciation au ministre dans l'application des règlements. Cette attitude ou cette façon de procéder peut être dangereuse dans le sens qu'il n'y a qu'une marge très mince entre cette façon de procéder et d'exercer sa discrétion et le principe, qui doit être respecté, qu'on ne doit pas transformer des pouvoirs réglementaires en pouvoirs discrétionnaires. Les tribunaux, je pense, ont été unanimes sur cet aspect, qu'un règlement doit établir des normes objectives, des normes qui sont uniformes et applicables à tous et, en conséquence, dès qu'il y aura une discrétion qui sera laissée au bon jugement d'un ministre ou d'un fonctionnaire, ces règlements pourront être invalidés.

Le Président (M. Charbonneau): Me

Daigneault, je m'excuse de vous interrompre. Pourriez-vous m'indiquer s'il vous en reste encore pour longtemps, parce que le temps est écoulé pour la présentation?

Mme Daigneault: Non, pas plus. C'était le plus gros de mon intervention. Il me reste trois petits points à souligner.

Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de problème. Il y a consentement? Alors, vous pouvez continuer.

Mme Daigneault: Pour conclure sur cet aspect de la réglementation et de la discrétion, le Barreau s'est étonné que, dans la forme actuelle du projet de loi, on ne se retrouve pas avec un outil complet de travail, mais qu'on se retrouve un peu dans un dédale juridique dans lequel le législateur n'a pas vraiment exercé sa compétence législative, mais a plutôt dressé les grandes lignes d'une intervention en matière d'exploitation forestière.

De plus, cette façon de légiférer, en renvoyant constamment à de la réglementation, nous semble aller à rencontre de la position qui veut, justement, qu'on cesse de toujours renvoyer à des règlements et qu'on travaille avec une loi qui est un outil complet en elle-même.

J'aimerais ensuite vous parler de l'arbitrage qui est établi à l'article 48. En premier lieu, il semble important de souligner que la procédure d'arbitrage, aux yeux du Barreau, ne devrait pas être limitée à un seul aspect du contrat, soit la modification du volume alloué, mais devrait probablement être ouverte à plusieurs modalités du contrat.

Deuxièmement, le Barreau désire attirer l'attention sur le fait que les récentes modifications qui ont été apportées aux règles de pratique des cours civiles ont permis un meilleur contrôle des délais d'audition, ainsi qu'une amélioration de l'efficacité des tribunaux civils. Donc, l'arbitrage ne semble plus offrir les mêmes avantages qu'il offrait auparavant, si l'on considère les coûts que cela entraîne: coûts des arbitres, des recherchistes, etc. et souvent les délais prolongés dans la durée du délibéré. Donc, sur l'efficacité même de la procédure d'arbitrage, le Barreau désire peut-être souligner ses interrogations à ce point.

Quatrièmement, le Barreau désire souligner fortement que les pouvoirs de saisie qui sont accordés au ministre aux articles -il y a différents articles - 5, 85, 93 et suivants - apparaissent pour le moins disproportionnés par rapport aux obligations qu'ils sanctionnent. Ainsi déjà, en vertu de l'article 86, un exploitant d'un établissement a l'obligation de tenir un registre de la provenance du bois qu'il possède. En appliquant l'article 85, l'exploitant forestier se verrait encore obligé de divulguer sous serment d'où provient le même bois. À défaut de le faire, le ministre pourrait saisir ses biens et en disposer comme il le pense. Le Barreau s'interroge fortement sur la disproportion qui existe à cet effet-là et désire aussi mettre en garde les membres de la commission sur la légalité même de ces pouvoirs, à savoir qu'il n'y a aucune exigence de motifs sérieux d'avoir effectué une infraction. Il y a de la discrétion dans la décision de saisir. Il n'y a aucune autorisation judiciaire préalable qui est exigée. Donc, il ne faut pas oublier que la saisie est un recours exceptionnel et, de la façon dont l'article qui octroie les pouvoirs de saisie au ministre est rédigé actuellement, le Barreau s'est interrogé fortement pour savoir si, devant les tribunaux, ces dispositions résisteraient à l'analyse des critères établis par les chartes québécoise et canadienne en regard des saisies abusives.

En dernier lieu, j'aimerais souligner l'article 111 de l'avant-projet de loi où on permet au gouvernement de modifier par voie réglementaire les omissions qui pourraient se retrouver dans la loi. Évidemment, le Barreau a déjà exprimé sa position sur une telle façon de procéder dans des mémoires sur la réglementation et les techniques de législation. Il ne peut que manifester son opposition à une telle façon de procéder, puisqu'il s'agit alors d'une façon détournée de ne pas se soumettre au processus de modification législative tel qu'édicté.

Donc, ceci complète en gros les

principaux points sur lesquels le Barreau voulait attirer l'attention de la commission. Si vous avez des questions, nous sommes là.

Le Président (M. Charbonneau): Nul doute que nous aurons des questions, madame. Je voudrais saluer Me Ménard et lui souhaiter bonne chance pour son mandat de bâtonnier.

M. le ministre, c'est à vous d'ouvrir le bal.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Bonjour, Me Ménard. Il me fait plaisir de vous revoir, ainsi que vos collègues qui vous accompagnent, Me Daigneault et Me Vadboncoeur.

Mes premières remarques vont peut-être nous replacer dans l'ancienne Loi sur tes terres et forêts. Comme expert en la matière, vous allez l'appréciez. Nous ne l'avons pas mis dans l'avant-projet de loi. L'article 4 de l'ancienne loi se lisait comme suit: "Le gouvernement peut passer les arrêtés nécessaires pour mettre à effet les dispositions de la présente loi, suivant leur vrai sens, ou dans le but de pourvoir aux cas qui peuvent se présenter, et pour lesquels il n'est pas établi de dispositions dans la présente loi." C'était un pouvoir beaucoup plus grand au point de vue des règlements et de la discrétion que tout ce que contient l'avant-projet de loi actuel. Je voudrais avoir votre, opinion sur un pouvoir semblable.

M. Ménard: C'est exact. Maintenant, nous sommes convaincus que vous vouliez améliorer le présent régime. D'ailleurs, cette loi poursuit des buts évidents auxquels tous les Québécois vont souscrire. Maintenant, c'est, justement, parce que vous vouliez l'améliorer que nous avons cru bon d'aller dans le même sens que vous. D'ailleurs, pour le Barreau, nous allons dans le même sens qu'un mémoire que nous avons déjà soumis sur les techniques de législation qui disait qu'au fond l'Assemblée nationale devrait déléguer de moins en moins souvent ses pouvoirs par voie de règlements. C'étaient des habitudes comme celles-là que nous dénoncions. Je pense que vous avez fait un pas dans la bonne direction, mais pas aussi grand que nous croyons que vous devriez le faire. (14 h 30)

M. Côté (Rîvière-du-Loup): Je vous remercie. La plupart des règlements auxquels on fait référence dans l'avant-projet de loi, je dirais 90 % et plus, font actuellement partie des règlements des terres et forêts. En enlevant celui-là, évidemment, on s'enlève une marge de manoeuvre extraordinaire. Cet article été utilisé à quelques reprises dans le passé par le ministère. Cela nous donnait la chance, comme on dit, "de pourvoir aux cas qui peuvent se présenter et pour lesquels il n'est pas établi de dépositions dans la présente la loi." Dans ce temps-là, on allait loin.

Je vous parlerai maintenant de...

Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le ministre, je voudrais ajouter un point à ce que le bâtonnier a dit tout à l'heure, il pourra peut-être compléter. Des pouvoirs qui seraient accordés par voie réglementaire au gouvernement, il y en a déjà beaucoup dans l'avant-projet de loi, mais ce qui est inquiétant également, c'est qu'à plusieurs égards le ministre peut, en plus des règlements existants, imposer des conditions à des cas précis. Cela peut être un peu plus inquiétant parce qu'un exploitant peut faire une demande de permis et remplir les conditions prévues par règlement et le ministre peut, en vertu de l'avant-projet de loi, dire: Moi, je vous imposerais des conditions supplémentaires qui sont X, Y et Z et que vous ne remplissez malheureusement pas. Donc, je me vois dans l'obligation de vous refuser le permis en question.

Le voisin, lui, pourrait se présenter et, pour différentes raisons, le ministre pourrait accorder, cette fois-ci, le permis en question. Non seulement c'est cette prolifération de règlements, qui peut peut-être être utile pour l'application de la loi, mais c'est également la discrétion supplémentaire à ce pouvoir réglementaire qui est accordée au ministre qui font un peu peur au Barreau.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Madame, dans l'avant-projet de loi, on définit et on précise qui sera admissible pour obtenir un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Ce n'est pas discrétionnaire. Ce n'est pas par règlement, non plus. Vous parlez des conditions additionnelles qui s'ajouteront par la suite. Les conditions additionnelles seront précisées dans le manuel d'aménagement forestier qui est le principal des règlements.

Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, je lis, à titre d'exemple, l'article 81 de l'avant-projet de loi. "Nul ne peut construire un établissement servant à la transformation du bois et faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement - cela va sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du ministre - passe encore -aux conditions qu'il détermine." Cela crée une série additionnelle de conditions qui ne sont pas nécessairement portées à la connaissance du requérant et qui risquent de ne pas l'être en fait. À la suite de leur application, le requérant peut se voir refuser son permis. Le deuxième alinéa est dans le même sens, d'ailleurs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai demandé au service juridique du ministère -on va en discuter avec plaisir - d'insérer dans la loi tout ce qui est possible comme règlements ou conditions de façon à répondre aux aspirations et à sécuriser tous les intervenants forestiers, ainsi que les investisseurs. Il ne faut pas qu'il y ait de vide juridique» il faut que ce soit clair. C'est la raison pour laquelle c'est un avant-projet de loi. C'est pour être capable de recevoir vos recommandations et d'en tenir compte. C'est ma volonté d'insérer tout ce qui est possible comme règlements à l'intérieur de la Loi sur les forêts. Cela fait déjà quelque temps que je l'ai demandé. Grâce à vos recommandations et à nos échanges, probablement qu'on en ajoutera d'autres dans la loi, ce sera plus précis. Remarquez bien que je ne tiens pas à avoir de discrétion parce que c'est toujours difficile d'exercer une discrétion. Plus il y aura de règlements, moins il y aura de discrétion.

Mme Vadboncoeur: D'autant plus, si vous me le permettez, que l'exercice d'une discrétion par un ministre, quel qu'il soit, ne s'attache pas à la personne, il s'attache au poste, à la fonction. Donc, cet exercice risque d'entraîner des contestations judiciaires pour les raisons que je vous ai données tout à l'heure. C'est qu'une compagnie pourrait se voir refuser un permis alors que la compagnie suivante se le verrait accorder, ou vice versa. Il y aurait peut-être une contestation devant les tribunaux à ce niveau.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous avez fort probablement raison de nous le signaler, mais cela existait abondamment dans l'ancienne loi, "aux conditions qu'il détermine." C'était toujours la fin d'un paragraphe. C'était toujours comme cela que ça se terminait.

M. Ménard: Oui, c'est une situation qu'on a continuellement dénoncée et qui est mauvaise pour l'Assemblée nationale aussi. Si dans une loi vous référez tout aux règlements et que les règlements réfèrent tout au ministre ensuite, il y a une érosion du pouvoir législatif de ceux qui doivent décider. Je comprends que, surtout dans les cas techniques comme ceux-ci, quand il s'agit de combattre des épidémies, te ministre a besoin d'interventions rapides. Il nous semble que cela devrait être, dans la mesure du possible, limité à ces cas et ne pas avoir cette clause omnibus qui amènera toujours la tentation de faire des lois très courtes, des règlements un peu plus longs et, finalement, des directives du ministre de plus en plus longues. Je comprends que votre première intention comme nouveau ministre est de faire le contraire. Vous voulez garder le pouvoir éventuel de boucher les trous qu'on n'aura pas vus à l'Assemblée.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est sûr qu'on ne peut pas tout prévoir. Évidemment, pour gérer et aménager la forêt, il y a des imprévus. Il faut avoir la possibilité et la liberté de le faire. C'est pourquoi il y aura toujours un minimum de règlements et de discrétion.

J'en viens à la propriété des bois que vous signalez dans votre mémoire et à l'acquittement des droits prescrits. Je ne sais pas de quelle façon cela se réfère également aux pouvoirs de saisie qu'on veut se donner. Je ne sais pas de quelle façon on peut assurer que les redevances de l'État seront payées autrement que de dire: Le bois demeure la propriété de l'État tant et aussi longtemps que les droits ne sont pas acquittés. C'est le principal de la question.

M. Ménard: Ce n'est pas tellement ces pouvoirs de saisie qui nous préoccupent que les pouvoirs de saisie punitifs que vous avez à la fin de la loi. C'est ceux-là qu'on trouve un peu forts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous dites dans votre mémoire: "Du moment que le bois est coupé." Quand le bois est coupé, cela ne veut pas dire que les redevances sont payées. Si le bois est coupé, il demeure la propriété de l'État. C'est notre devoir de protéger les redevances de l'État.

Mme Daigneault: Si vous me le permettez, à l'article 5, entre autres, on fait référence à un double critère soit la coupe du bois et l'arrivée à destination. On voyait difficilement l'application de cela, dans certains cas. Par exemple, si le bois est coupé par tel concessionnaire qui va le porter à une autre industrie de transformation, à ce moment-là, si le ministre a des droits de saisie, de quelque forme que ce soit, si l'industrie a déjà commencé la transformation en papier de ce bois qui lui à été livré, le ministre pourrait interrompre toutes les activités d'un tiers qui n'est même pas partie à la question des droits de redevances. C'est pourquoi on suggérait que dans ces cas-là, les règles civiles de saisie du Code de procédure en main tierce soient applicables. Donc, dans un cas comme celui-là, les sommes que l'industrie de transformation du bois en papier devrait donner à notre concessionnaire pour payer la livraison du bois qu'il a reçu pourraient être saisies par le ministre en main tierce et lui être versées à ce moment-là. Donc, le ministre serait autant protégé par cette procédure parce qu'il recevrait de fait, de l'argent, au lieu de se retrouver avec un lot de bois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Me

Daigneault, vous réalisez que, attachées au permis annuel d'intervention, il y a des conditions.

Mme Daigneault: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Évidemment, ces conditions doivent être respectées. Le paiement des redevances en est une. La destination des bois en est une autre, de temps à autre. Le permis est, évidemment, donné à ces " conditions. C'est pour faire respecter les conditions du permis d'intervention qu'on fait cela. S'il y a une saisie de faite et que le gouvernement récupère ses redevances immédiatement, le bois sera libéré.

Mme Daigneault: Exact.

M. Côté (Rivière-du-Loup): La saisie sera levée. Dans l'ancienne loi, on disait que "le bois marchand coupé en vertu d'un permis est sujet et affecté au paiement des droits dus à la couronne aussi longtemps et en tout endroit qu'il peut être trouvé, qu'il soit encore en billes ou qu'il ait été converti en madriers, planches ou autrement." On disait: "Tout officier ou chargé de la perception de ces droits peut suivre, saisir et détenir ce bois partout où il est trouvé jusqu'à ce que les droits soient payés et que le paiement soit suffisamment garanti.

Mme Daigneault: À l'égard de la compagnie même qui exécute les coupes, etc., le Barreau a souligné que, probablement, c'était la mesure appropriée que de procéder à la saisie et de garder ces bois tant que les droits n'avaient pas été payés. Là où le Barreau avait peut-être une crainte, c'est dans l'exemple que je viens de vous donner où des tiers seraient impliqués. Dans notre mémoire, on a bien souligné que c'est peut-être le bon moyen de rappeler à l'ordre le concessionnaire en défaut dans des cas comme cela. C'est juste quand il y a des tiers qui sont impliqués qu'on désirait souligner ce problème qui pourrait arriver.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous n'assimilez pas cela, mettons, à quelqu'un qui va acheter des bois? N'est-ce pas son obligation ou sa préoccupation de s'assurer que les droits ont été payés, que les redevances ont été payées? C'est la même chose dans le cas de recel. Si vous possédez des articles qui ont été volés, du point de vue légal, il arrive quoi?

M. Ménard: II faut savoir qu'ils ont été volés.

M. COté (Rivière-du-Loup): Si vous ne le savez pas?

M. Ménard: Si vous ne le savez pas, vous ne commettez pas le crime de recel. Et, si vous l'avez acheté d'un commerçant en semblable matière, en droit civil... D'abord, on va parler de droit criminel. En recel, le crime est dans l'intention, dans la connaissance et dans le désir d'accaparer quelque chose qui a été volé. Mais, en droit civil, quand quelqu'un acquiert quelque chose de ce qu'on appelle un commerçant en semblable matière - et cela s'applique particulièrement dans le commerce du bois -on ne peut saisir, si je ne me trompe, qu'en payant à celui-là ce qu'il a payé, en l'indemnisant des frais qu'il a encourus. Nous pensons là-dessus... Remarquez que cette loi-ci n'est pas pire que l'ancienne, je vous l'accorde. Sur ce point, c'est évident, mais nous pensons que la meilleure façon est que, justement, le gouvernement s'assure que ces droits sont payés et non les acheteurs de bois. Je trouve que c'est un fardeau terrible à mettre sur les acheteurs de bois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est une des conditions, mais il y a aussi la destination qui est une des conditions. Il faudrait peut-être prendre d'autres mesures pour intervenir, pour les permis d'intervention, en ce qui concerne la destination, pour ne pas pénaliser celui qui se porte acquéreur de bois dont les droits ne seraient pas payés et qui les paierait. Cela irait comme cela? Je n'ai pas d'autre question pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre? M. le député...

Mme Vadboncoeur: J'aurais peut-être là-dessus un petit commentaire à faire sur l'article 50 où on dit que le ministre peut résilier en tout temps un contrat si le bénéficiaire fait défaut de payer les droits prescrits. Je pense qu'on est tous d'accord pour que les droits prescrits soient payés, mais cela nous semblait un peu drastique, cette annulation unilatérale. Encore faut-il donner un avis de défaut au débiteur et lui donner l'occasion de remédier à son défaut et les résiliations, normalement, ne se font pas de façon unilatérale. Toute résiliation de contrat doit être prononcée par le tribunal. Alors, cela complète peut-être un peu la réponse qu'on a donnée tout à l'heure.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Au nom' de l'Opposition, je voudrais remercier M. le président du Barreau du Québec ainsi que les deux dames qui l'accompagnent. Si vous permettez, je voudrais vous souligner que je ne suis pas membre du Barreau mais, cependant, j'accepte très bien ce que vous

avez dit dès le début, à savoir que vous êtes compréhensifs au fait que, d'un côté comme de l'autre de la Chambre, il y ait des avocats députés à l'Assemblée nationale.

D'autre part, comme ancien syndicaliste qui a eu à travailler avec plusieurs conventions collectives qui étaient souvent très complexes, sans me déclarer avocat, je peux vous dire que j'ai eu l'occasion de travailler en réalisant toute la complexité des conventions collectives et des suites à cause de certains précédents qui avaient été créés en jurisprudence. (14 h 45)

D'autre part, puisque vous avez mentionné - à moins que je ne me trompe -que vous n'êtes pas d'accord avec l'abolition des concessions forestières sans compensations financières, je peux vous avouer qu'en ce qui a trait à l'Opposition, là-desssus, nous sommes parfaitement d'accord, pour une fois, avec le gouvernement pour qu'il y ait effectivement abolition des concessions forestières sans compensations financières pour différentes raisons dont une des principales est, bien sûr, qu'il faut régler un problème qui existe depuis de nombreuses années. Depuis le temps que l'on en parle, il faut agir une fois pour toutes au sujet de cette question précise qui soulève beaucoup d'appréhension dans la population du Québec. C'est effectivement une volonté populaire qui s'est exprimée au cours des dernières années de faire que les concessions forestières soient abolies.

De plus, si l'on veut régler sur le fond le dossier sur la question forestière, je crois - au nom de l'Opposition - qu'il faut améliorer nettement ce que nous avons actuellement comme avant-projet de loi, par le biais d'une loi qui est conforme à l'ensemble de certains voeux que vous avez exprimés et de certains voeux qu'ont exprimés d'autres organismes. Il faut faire en sorte, bien sûr, que les fonds publics qui serviraient à compenser aillent de l'avant et soient mis en disponibilité pour débourser tout ce qui est nécessaire afin d'apporter un reboisement très important dans certaines régions du Québec.

Puisque le ministre délégué aux Forêts a fait allusion au fait que l'article 109 abolissait l'article 4 de la loi actuelle, vous me permettrez de vous dire que j'ai certains doutes. C'est le seul commentaire que je vais faire sur ce que dit le ministre délégué aux Forêts. Si je me reporte à l'article 111 de l'avant-projet de loi, pour moi, c'est du pareil au même. Lorsque je dis "du pareil au même", quand on parle à l'article 111 de "provisoire et transitoire" et que je ne vois aucune date relativement à la question provisoire et transitoire, je peux vous dire que, pour moi, c'est permanent, tant et aussi longtemps que l'article 113 n'est pas appliqué. La grande crainte que j'ai, comme vous d'ailleurs, c'est le fait que l'article 113 applique surtout l'ensemble de ce projet de loi par le biais de la réglementation.

Je voudrais toucher l'aspect réglementation surtout, puisque mon collègue du comté de Bertrand, comme il a cette responsabilité, va surtout s'adresser à vous pour ce qui touche l'industrie. Dans votre mémoire, à la page 21, vous mentionnez que la grande majorité des règlements aurait pu être déjà rédigée à l'état de projet et être présentée au même moment que l'avant-projet de loi. Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. Plus loin, vous mentionnez qu'il arrive souvent que des dispositions précises de la réglementation puissent être inscrites dans la loi elle-même. Je fais référence à ce que vous avez mentionné. Là-dessus aussi, nous sommes parfaitement d'accord, après avoir étudié le projet de loi, à cause de toute la réglementation et à cause de tous les pouvoirs discrétionnaires qui sont donnés à l'intérieur de l'avant-projet de loi. C'est sûr et certain qu'à un moment donné, surtout s'il n'y a pas de clarification apportée dans la loi, on va se ramasser devant un vide juridique à cause du laps de temps qui va s'écouler entre l'entrée en vigueur de la loi et l'entrée en vigueur des règlements eux-mêmes qui sont des règlements tout à fait nouveaux, à cause du nouveau régime forestier que le gouvernement veut appliquer.

D'autre part, vous avez mentionné - je parlais de la réglementation - l'immense discrétion qui a été accordée au ministre à toutes les étapes de l'application de cette nouvelle loi. J'en conviens, et c'est la raison pour laquelle je veux vous poser les deux questions suivantes. Vous me permettrez, avant, de vous faire remarquer que, comme ancien syndicaliste ayant eu à travailler sur des conventions collectives très complexes qui obligeaient, dans certains cas, des lettres d'entente pour clarifier certains articles, je ne peux pas faire autrement que d'endosser votre position sur la réglementation et sur les pouvoirs discrétionnaires du ministre et du gouvernement.

J'ai deux questions. La première concerne les dispositions précises qui pourraient être inscrites dans la loi elle-même. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples précis concernant des dispositions qui pourraient être inscrites dans la loi? Remarquez que, si je vous pose cette question, c'est à cause de votre formation juridique qui pourrait nous permettre, en tant que parlementaires qui n'avons pas tous votre formation, de nous éclairer subtantiellement sur la façon dont devrait être amenée la future loi sur les forêts qui englobera l'ensemble de nos forêts du Québec.

Mme Daigneault: Si vous me permettez,

si on se réfère à l'article 88, on voit les domaines où on pourrait procéder par voie législative plutôt que par voie réglementaire: prescrire les conditions générales pour accorder les contrats, au paragraphe 8. Dans la loi, on prévoit, à plusieurs endroits, les conditions selon lesquelles le ministre peut résilier les contrats, mais on ne prévoit pas nécessairement les lignes générales selon lesquelles on peut accorder les contrats. Il est évident que, quand on entre en négociations avec des exploitants forestiers, il y a toujours des conditions particulières qui vont s'appliquer, qui devront être discutées à ce moment-là et qui ne peuvent probablement pas se retrouver dans la loi. Relativement aux conditions générales des contrats ou aux conditions de modification des contrats, le Barreau pensait qu'il y aurait moyen d'établir quand même des principes de base qui seraient appliqués à tous les contrats et qui, selon nous, représenteraient les conditions générales selon lesquelles les contrats pourraient être octroyés.

M. Ménard: On ne peut pas rédiger cela cet après-midi, de but en blanc comme cela, car ce n'est pas comme cela qu'on rédige une loi.

M. Perron: Non, non.

M. Ménard: Ce n'est pas possible.

M. Perron: Non, non, je comprends très bien. D'ailleurs, ma deuxième question aura rapport à ce que vous venez de mentionner. Si je comprends bien, madame, vous venez de nous répondre que, dans la loi elle-même, par le biais de certains articles, on élimine certains paragraphes de l'article 88 pour les inclure dans la loi, ce qui enlèverait des pouvoirs réglementaires ainsi que des pouvoirs discrétionnaires.

Mme Daigneault: Ce qui compléterait la loi et qui en ferait un outil plus intéressant. À l'article 81 - on en parlait tout à l'heure... Il y a des façons ou des catégories déterminées par règlement. On voit souvent dans des lois des références à des annexes ou, même à l'intérieur d'une loi, les catégories, les établissements remplissant tel et tel critère qui sont entérinés par le gouvernement. C'est dans des articles particuliers, dans quelques articles ou dans des chapitres qui seraient ajoutés à l'avant-projet de loi. Au lieu de nous référer à un règlement, on pourrait retrouver les dispositions pertinentes dans la loi même. Évidemment, cela se fait dans les cas où il n'y a pas de question ponctuelle ou quand on ne vise pas une situation particulière. Quand on parle de conditions générales, etc., ou des pouvoirs du ministre en telle matière, on n'aurait pas besoin de se référer à un règlement à ce moment, on l'aurait dans la loi même.

M. Perron: Merci de votre réponse, madame. Maintenant, j'en viens justement à ce que vient de soulever M. Ménard, le président du Barreau du Québec. Je comprends très bien. Remarquez qu'on ne peut pas cet après-midi, sur le coin de la table, rédiger des amendements à l'avant-projet de loi qui aient pour effet de réduire la réglementation et les pouvoirs discrétionnaires ministériels.

La question que je voudrais vous poser est la suivante. Comme vous êtes quotidiennement impliqués dans des lois qui contribuent à créer la jurisprudence dont je parlais tout à l'heure, soit au niveau syndical ou au niveau juridique, à la suite de différentes décisions de différents juges de différentes cours, seriez-vous prêts à recommander, par écrit, des amendements à l'avant-projet de loi pour qu'on ait une meilleure loi finale, qui pourraient être transmis à l'ensemble des membres de la commission, d'un côté comme de l'autre? Je sais que c'est une question assez coriace à laquelle répondre. Cependant, je crois que, comme législateur, on devrait obtenir de vous des précisions très importantes pour ne pas permettre ce que vous avez mentionné au cours de votre mémoire, ce fameux vide juridique qu'on craint beaucoup. La réponse est à vous.

Mme Vadboncoeur: Le Barreau du Québec a toujours été heureux de collaborer avec le législateur dans la proposition d'amendements législatifs ou réglementaires. Vous l'avez souligné vous-même, il s'agit d'un contrat substantiel. Je peux vous dire que le Barreau est disposé à le faire, mais tout dépend dans quel délai cela devra être fait. Si on nous demande des amendements législatifs, vous n'êtes pas sans savoir que cela suppose la formation d'un groupe d'étude et qu'il faudra nous-mêmes consulter à gauche et à droite, en plus de tous les autres projets de loi sur lesquels on doit travailler. Cela requiert quand même un temps assez considérable. Si on dispose du temps voulu, on est prêt à le faire.

M. Ménard: Je voudrais quand même vous enlever certaines illusions que vous pouvez avoir sur les qualités qu'a nécessairement tout avocat. Rédiger des lois...

Le Président (M. Charbonneau): On se fait beaucoup d'illusions!

M. Ménard: Oui, mais c'est peut-être bon. Comme cela, vous allez apprécier leur vraie richesse. C'est comme pour les législateurs. Vous savez, rédiger des lois, ce

n'est pas à la portés de tout avocat. Quand le ministre parlait d'un vide juridique, je comprends parfaitement. Il voulait s'assurer que, s'il y a des vides, il aura le pouvoir de les combler quand viendront les problèmes de l'administration courante.

Mais rédiger des lois, c'est un art, un art qui s'enseigne de plus en plus mais il y a justement de moins en moins de gens qui sont prêts. Vous avez les spécialistes. Mais aussi cela dépend de ce qu'on veut mettre dans une loi. Cela dépend de la volonté des élus. Rédiger une loi, c'est en fait traduire en termes juridiques convenables la volonté des élus et ne pas aller au-delà de la volonté des élus, et aussi la traduire le plus correctement possible. Pour cela, il faut savoir quelle est votre volonté politique. Cela suppose que vous faites des choix, cela suppose que ces choix sont faits par... C'est pour cela que je pense personnellement... Je suis bien content de savoir que mon directeur du service des recherches est prêt à prendre de gros contrats, parce que ce n'est pas moi qui vais rédiger cela. Mais je pense que la meilleure façon, c'est d'utiliser les avocats qui sont spécialistes de ces méthodes de rédaction, qui travaillent dans les ministères et qui peuvent être mis au courant de la volonté du ministre ou du gouvernement et la traduire dans des lois.

Par conséquent, notre rôle c'est plutôt de vous dire: Ici, on pense que vous allez trop loin. C'est le cas notamment dans les pouvoirs de saisie. Non seulement vous allez trop loin, mais vous allez tellement loin que c'est probablement contre la charte et cela risque d'être invalidé par les tribunaux et vous ne serez pas plus avancés. Pour la rédiger la loi, il faut d'abord connaître votre volonté et ensuite la traduire. Cela, c'est un travail de spécialiste qui n'est pas à la portée... Je pense que les gens du service de recherche sont meilleurs que moi là-dessus. Même là, ce n'est pas à la portée de tout le monde, de tous les avocats.

M. Perron: M. Ménard, je comprends très bien votre position et disons que je l'accepte volontiers, parce qu'effectivement vous avez raison de mentionner qu'il y a des personnes qui sont versées dans le domaine de la législation, autant au Québec qu'ailleurs, que ce soit pour les lois québécoises, canadiennes ou internationales. Rien n'empêche cependant que si vous avez certaines recommandations à faire parvenir aux membres de la commission se rapportant à certains articles de la loi, comme l'article 88, par exemple, qui pourrait porter à confusion par rapport à toute la réglementation que cela peut inclure, cela nous permettrait à nous, en tant que législateurs, de corriger certaines situations qui pourraient éventuellement être aberrantes pour l'ensemble de l'industrie du sciage au

Québec, l'ensemble de l'industrie des papetières, en fait, l'ensemble de tout le domaine forestier où on a à corriger certaines lacunes existantes.

M. Ménard: Cela c'est un contrat qu'on peut prendre.

M. Perron: D'accord. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: M. le Président, nous accueillons avec beaucoup d'intérêt le mémoire du Barreau du Québec. Nous remercions M. le bâtonnier et ses deux collègues pour leur présentation. Dans le passé, vous avez toujours apporté des suggestions dont les gouvernements ont pris note et qui ont aidé à bonifier les projets de loi dans lesquels vous êtes intervenus. (15 heures)

Premièrement, je voudrais vous signaler que, lorsque vous dites dans votre mémoire qu'il est difficile de mesurer la portée de l'article 8 parce qu'il se réfère à la Loi sur les terres qui n'est pas encore déposée, je peux vous assurer que je vais déposer ce projet de loi au début de l'automne. C'est notre intention de procéder à l'étude du projet de loi sur les terres et à l'étude du projet de loi sur le régime forestier avant l'adoption du présent projet de loi.

En ce qui concerne vos commentaires sur l'article 111, je serais porté à croire qu'il faudrait peut-être y apporter des modifications parce que cela soulève évidemment des problèmes qui pourraient être assez sérieux concernant toute l'approche, tous les droits qui seraient conférés et l'ouverture à certains abus. Je crois que je partage un peu vos préoccupations.

Vous avez mentionné que certains droits du projet de loi sont plutôt de la nature du droit judiciaire que législatif. Cela me préoccupe parce que je crois qu'il y a une distinction à faire entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. À moins qu'il y ait vraiment des raisons d'urgence, je pense qu'on devrait garder les deux pouvoirs complètement séparés. Je voudrais que vous me donniez des exemples du pouvoir judiciaire contenu dans le projet de loi. Je sais que vous avez soulevé l'article 50 qui dit que le ministre peut résilier en tout temps un contrat. Est-ce que ce n'est pas le ministre comme cocontractant, et non pas le ministre à titre de ministre délégué aux Forêts? Autrement dit, ce pourrait être le sous-ministre. On aurait pu dire: Le sous-ministre ou celui qui signe le contrat pour le ministère. Est-ce que ce n'est pas une clause qui se trouve dans tout contrat? Entre

vendeur et acheteur, on insère souvent des clauses disant que, advenant tel ou tel cas, le vendeur peut résilier le contrat. Cela n'enlève pas, à l'article 50, le droit d'aller devant les tribunaux. On ne dit pas dans l'article 50: Vous ne pouvez pas aller devant les tribunaux. Pourriez-vous préciser un peu plus, donner des exemples où il y a un pouvoir judiciaire attribué au ministre dans le projet de loi?

Mme Daigneault: À l'article 50, encore plus si le ministre est considéré comme un cocontractant, devrait-il faire sanctionner l'annulation du contrat par les tribunaux judiciaires. Une constatation doit être faite que les conditions n'ont pas été rendues, et on n'a pas à décider nous-mêmes qu'il n'y a plus de contrat. Donc, c'est dans ce sens qu'on disait que, dans des cas comme celui-là, il y avait des pouvoirs judiciaires attribués au ministre.

Il y a d'autres cas, entre autres à l'article 27 quand on parle des modifications aux aires d'exploitation, où on donne au gouvernement la possibilité de fixer une indemnité équitable. C'est évident que si l'indemnité fait l'affaire des deux parties, si, en contrepartie, le concessionnaire se trouve bien compensé, il n'y aura pas de contestation. Dans un cas où il y aurait une dissension entre les parties, en dernier lieu, c'est le gouvernement qui va statuer que c'est une indemnité équitable, alors que c'est un critère de la nature de ceux qui pourraient être attribués normalement par les tribunaux judiciaires.

M. Ciaccia: Même dans Particle 27, quand on se réfère à une indemnité équitable, est-ce que, par implication, ce n'est pas vraiment un droit qu'on donne de s'en référer aux tribunaux? Si ce n'est pas équitable qui déterminera? Si l'autre partie se sent lésée, le concessionnaire ou l'autre qui n'a pas eu d'indemnité équitable... Il n'y a rien dans le projet de loi qui dit qu'on enlève les recours. On voit souvent dans certains projets de loi qu'un article enlève les recours devant les tribunaux et cela va être la décision finale du ministre dans certains projets de loi. C'est pour certains cas spécifiques. Ici, on ne le voit pas. C'est pour cela que j'essayais de comprendre votre commentaire et peut-être de suggérer qu'on ne s'attribue pas vraiment des pouvoirs judiciaires parce que, si finalement un concessionnaire ou une des parties se sent lésée, sent que le ministre a agi arbitrairement, elle pourrait toujours aller devant les tribunaux.

Deuxième question: En ce qui concerne l'article 101, avez-vous analysé la nature des droits qu'on révoque? Vous mentionnez, à juste titre, qu'il y a une révocation de certains droits. Est-ce que les droits qui existent - parce que les concessions sont renouvelables à tous les ans - ce sont des droits qui sont un peu précaires? Autrement dit, est-ce que vous avez vraiment analysé la nature des droits qui sont révoqués?

Mme Daigneault: En fonction de l'article 101 ou...

M. Ciaccia: Oui.

Mme Daigneault: ...de l'article 104, de la révocation des concessions? Si on parle de l'article 101, on parle des privilèges.

M. Ciaccia: Non, mais on dit à l'article 101 que "tout privilège, hypothèque ou droit réel (...) sont éteints de plein droit". Est-ce que vous avez analysé la nature des droits qui sont éteints? Parce qu'il y a des droits existants. L'article 101 les éteint. Est-ce qu'on éteint quelque chose qui vraiment existe? Est-ce qu'il y a des droits réels ou si ce sont vraiment des droits précaires?

Mme Daigneault: Si vous me permettez, je pense que du point de vue de l'article 101 on ne parle pas des droits qui existent entre le ministre et le bénéficiaire du contrat. On parle vraiment des droits des tiers qui ont négocié de bonne foi des ententes et qui ont des hypothèques ou des droits réels en fonction des contrats de financement. Donc, à ce moment, l'entente entre le bénéficiaire et le créancier est vraiment réelle. Je pense que dans ce cas on ne peut pas parler de droits précaires. Cela se rattache vraiment aux infrastructures de la compagnie. S'il y a un nantissement sur les biens mobiliers, cela s'attache aux biens mobiliers de la compagnie, etc. Dans ce sens, ce n'est pas rattaché au droit d'exploitation forestière que le ministre va accorder dans l'entente avec le bénéficiaire.

M. Ciaccia: Je pense que vous avez raison en ce qui concerne les droits des tiers, les droits de financement. Je pensais plutôt aux droits de fond du concessionnaire.

Mme Daigneault: Le droit d'exploiter la concession. Je ne pense pas que dans le cas de l'article 101 ce soit... En tout cas, pour nous, quand on parle de "privilège, hypothèque ou droit réel grevant un droit de coupe," cela implique, à ce moment, les tiers.

Le Président (M. Charbonneau): À ce moment-ci, je demanderais le consentement de3 membres de la commission. Je pense que le ministre, de toute évidence, a encore quelques questions.

M. Ciaccia: Combien de temps?

Le Président (M. Charbonneau): Cela dépend de ce dont vous avez besoin. Il reste huit minutes du côté de l'Opposition. On m'indique que ces huit minutes sont un peu serrées. On peut faire une entente à savoir que vous preniez quelques minutes de plus. Cela donnera un peu plus de temps du côté du député de Bertrand.

M. Ciaccia: Si vous pouviez me donner le loisir de poser une autre question.

Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de problème.

M. Ciaccia: Consentement pour une autre question?

M. Théorêt: Le temps que vous allez prendre pour une autre question, l'Opposition va le prendre après. C'est ce qu'on vient de nous dire. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, en autant que l'Opposition aura le même temps supplémentaire.

Le Président (M. Charbonneau): Par expérience...

M. Ciaccia: Nous sommes magnanimes. Nous ne voulons pas enlever du temps à l'Opposition. Nous sommes magnanimes. J'aurais donc aimé avoir ces concessions, ce traitement, quand j'étais dans l'Opposition. La volonté du peuple. Je ne peux aller contre la volonté du peuple.

Le Président (M. Charbonneau): N'ouvrez pas une canne de vers, M. le ministre. On est peut-être mieux d'en rester au bois et aux méandres juridiques cet après-midi.

M. Ciaccia: Je voudrais poser une autre question sur les pouvoirs de saisie. Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous faites part de vos réticences face à la rédaction des articles 85, 86, 93 et 94. Vous soulevez que ces dispositions ne semblent pas respecter les chartes canadienne et québécoise des droits, ce qui pourrait donner lieu à la contestation de leur validité. Tout en vous rappellant que plusieurs de ces dispositions se trouvent dans la loi actuelle, est-ce que vous pourriez préciser votre pensée à ce sujet et me donner un peu plus de détails?

M. Ménard: Si vous commencez à l'article 93, dès qu'il y a du bois que l'on voudrait saisir qui est mêlé à d'autres bois, cet autre bois devient saisissable. Je trouve que c'est y aller un peu fort, sans compter que plus loin on verra qu'il appartient à celui qui est saisi de prouver que son bois n'est pas dans une catégorie saisissable. À l'article 94, on prévoit la procédure très sommaire à partir de laquelle on peut saisir du bois: Tout employé du ministère faisant partie d'une catégorie déterminée à cette fin par le ministre peut saisir les bois coupés, déplacés ou enlevés sans permis sur les terres ou à l'égard desquels il y a des droits qui n'ont pas été acquittés et les mettre sous bonne garde. On peut saisir également les véhicules, les instruments ayant servi à commettre l'infraction. Cela toujours avec l'idée que l'article 96 dit qu'il incombe à celui dont le bois est saisi de prouver qu'il détient un permis et que les droits prescrits ont été acquittés. Donc, il incombe à celui qui se trouve à avoir dans sa pile de bois un petit peu de bois sur lequel les droits n'auraient pas été acquittés ou à tout le moins sur lesquels on prétend que les droits n'ont pas été acquittés, d'établir que ses camions ne doivent pas être saisis, que sa machinerie ne doit pas être saisie par un simple employé du ministère. Généralement, les saisies de ce type se font après autorisation judiciaire sur au moins la signature d'un affidavit ou d'une déclaration sous serment que des motifs raisonnables et probables de croire à un certain état de faits justifient la saisie. On trouve que ces pouvoirs seraient vraisemblablement jugés comme exorbitants et constitueraient certainement une infraction à l'article 8 de la déclaration canadienne des droits, c'est-à-dire que ce serait probablement jugé comme une saisie abusive.

M. Ciaccia: Est-ce que ces droits du gouvernement n'existent pas maintenant? Ce sont des droits qui peuvent exister dans d'autres lois. Est-ce que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a ces mêmes droits? Est-ce que vous avez constaté dans votre expérience des difficultés dans le passé à l'application de ces droits? Est-ce quelque chose de nouveau?

Mme Daigneault: Si vous me permettez, entre autres, il y a la Loi sur les transports, je pense, qui établit des dispositions semblables. Cette loi, entre autres, se réfère à des critères, c'est-à-dire qu'il doit y avoir des motifs sérieux de croire qu'une infraction a été commise à l'égard de la loi, etc. On ne fait pas que faire référence à des inspecteurs, on détermine dans ces cas Ies fonctionnaires qui peuvent procéder à la saisie, soit des agents de la paix ou des membres de la Sûreté du Québec, etc., qui peuvent stopper sur une route des camions s'il y a des infractions qui ont été commises à la loi. Ce sont des critères de cette sorte qu'on ne retrouve pas dans l'article actuel qui nous font craindre qu'à ce moment ce soit considéré comme étant trop large par les tribunaux et qui nous font craindre que, si jamais cette saisie est contestée, la façon dont le pouvoir de saisie est accordé ne résisterait pas aux attaques qui seraient

portées. On ne parle pas à ce moment du droit du ministre, soit le droit de contrôler les bois qui sont déplacés sans permis ou, comme on disait tout à l'heure, des redevances qui n'avaient pas été payées. Sauf que, dans la façon de le contrôler, il y aurait peut-être lieu d'établir des critères un peu plus précis, de façon que les juges qui auront à analyser la façon dont la saisie s'est effectuée puissent se référer à des critères bien établis. C'est dans ce sens que les pouvoirs de saisie nous apparaissaient exorbitants. (15 h 15)

M. Ciaccia: Alors, si je vous...

M. Ménard: La réponse à votre question, c'est oui. Il y en a dans d'autres lois. Vraisemblablement, au fur et à mesure que les avocats y verront des difficultés et auront des clients qui ont intérêt à le contester, ils vont le contester en vertu de la charte. C'est un avertissement qu'on vous donne à l'avance. Les contestations en vertu de la charte sont relativement récentes, même en lois provinciales, en vertu de la déclaration canadienne des droits. Mais vous ne seriez vraiment pas avancés si - c'est dans l'intérêt du ministre aussi éventuellement vous aviez une contestation en vertu de la charte et qu'elle était maintenue par les tribunaux; vous vous trouveriez à perdre des droits de saisie qui sont importants pour l'application de la loi. Ils sont tellement importants que, à notre avis, ils devraient être rédigés de façon à passer éventuellement le test de la charte.

Mais, vous avez raison, M. le ministre, dans d'autres lois, il y a des dispositions semblables, actuellement, au Québec.

M. Ciaccia: Si je comprends les propos de Mme Ménard, c'est que vous vous ne... Excusez-moi, c'est Mme Daigneault. Ce à quoi vous vous opposez, ce n'est pas à accorder ce droit, mais à la façon dont il est accordé. Autrement dit, le gouvernement, le ministère, le ministre pourrait avoir les droits qui sont proposés dans le projet de loi, mais vous voudriez les contraindre un peu mieux, les baliser, modifier la rédaction de cesdits articles. Vous ne vous opposez pas au droit qui est accordé, au fond.

M. Ménard: Plus précisément, si vous voulez, en langage juridique, je dirais qu'il est nécessaire que le ministre ait des pouvoirs de saisie. Cependant, les pouvoirs de saisie qui sont accordés ici sont tellement vastes, imprécis qu'ils risquent de ne pas passer le test de la charte devant les tribunaux. Le ministre risque donc de les perdre, alors que dans toute loi il doit y avoir un élément punitif et il doit y avoir des moyens d'appliquer les règlements. Dans ce sens-là, ce que je vous dis, c'est que le ministre a besoin de pouvoirs de saisie, mais ceux-ci sont trop larges, il risque de les perdre tous s'il les garde dans ce langage. Même là, on est d'accord avec la charte et on trouve que c'est exagéré.

M. Ciaccia: Merci.

Mme Vadboncoeur: Si vous me permettez un commentaire supplémentaire là-dessus. La façon dont la section 2, donc les articles 93 et suivants sont rédigés, ils sont insérés dans le chapitre VI qui s'intitule "Dispositions pénales"... Or, on ne sait pas si les saisies vont se faire en vertu du droit pénal ou du droit civil, parce que c'est dans la section des dispositions pénales; par contre, les contestations aux saisies se font en vertu du Code de procédure civile. Alors, si on veut mettre les pouvoirs de saisie dans un contexte pénal, il y aurait peut-être lieu d'ajouter, comme critère, justement, s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise ou...

Si on place plutôt les saisies dans un contexte civil, à ce moment-là qu'on se réfère au Code de procédure civile, mais là il y aura soit une autorisation judiciaire, soit au moins un bref de saisie qui sera émis à la suite de la production d'un affidavit.

Alors, il faudrait savoir où on se situe, au niveau pénal ou au niveau civil.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre? M. le député de Bertrand. Vous avez huit minutes plus onze.

Une voix: Dix-neuf!

M. Parent (Bertrand): Alors, je n'en abuserai pas. Je vous remercie beaucoup. Étant donné qu'il y a plusieurs questions qui ont reçu réponse de la part des membres du Barreau à la suite des questions du ministre de l'Énergie et des Ressources, je m'attarderai moins sur certains points malgré qu'il me reste encore quatre ou cinq questions à poser.

De façon générale, je pense que je peux dire qu'on partage, en tout cas de ce côté-ci, au plus haut point, le rapport que vous avez déposé devant la commission, en ce sens que vous allumez des lumières rouges importantes qui, j'espère, vont être prises en considération par le gouvernement, à savoir que, essentiellement, se trouvent à l'intérieur de l'avant-projet de loi des trous mais, par contre, se trouvent aussi des pouvoirs très grands et beaucoup de réglementation.

Sans faire de politique, veuillez me croire, on se rend compte en tant qu'homme politique, et cela vaut certainement pour le ministre, que, même si on a la volonté d'aller contre la déréglementation, d'aller contre une réglementation, devrais-je dire, beaucoup plus accrue, il reste que l'avant-

projet de loi, à mon avis, est un bel exemple que, même si on ne veut pas tellement de règlements, on se ramasse avec beaucoup de règlements. Les exemples que vous avez apportés sur plusieurs articles, je prendrai quelques exemples tantôt, en témoignent de façon importante.

Votre passage ici, à la commission, s'avérera très important si les avertissements que vous avez servis aux membres de la commission et au gouvernement peuvent être retenus. On ne peut pas, en l'espace d'une heure, vous en conviendrez, passer dans tous les dédales et essayer d'avoir, de votre part, toutes les recommandations.

Moi, ce que je retiens et ce que j'aimerais que la commission puisse retenir, c'est que nous avons, à partir de vos commentaires, à se poser beaucoup de questions quant à cette latitude. Je n'accepte pas, de la part du ministre délégué aux Forêts, qu'il nous dise: C'était comme cela avant. Je comprends, c'est une belle excuse. Je pense qu'on est là pour faire avancer les choses. La nouvelle loi, comme vous l'avez mentionné, c'est une loi qui devrait être la plus parfaite possible.

Sans compter que les pouvoirs discrétionnaires qui sont donnés, soit par réglementation ou autre de la part du ministre, risquent de le placer dans une position délicate. Lorsqu'on se ramasse avec beaucoup de décisions à prendre et qui ne sont pas vraiment du ressort politique, je pense que cela pourrait placer le gouvernement à l'intérieur de ce projet de loi - c'est ce que j'ai retenu de votre rapport - dans une position qui est déjà un peu délicate.

Dans le cas spécifique de l'article 22, où vous donnez un exemple - il n'en a pas été question - de l'utilisation du terme "notamment"... On ouvre une grande porte à ce moment. Je relis l'article 22, deuxième paragraphe: "Ce volume est établi par le ministre pour la durée du contrat en tenant compte notamment du volume moyen..." L'attention que vous portez, l'exemple que vous donnez dans votre mémoire et qu'il faut bien comprendre, c'est que cela ouvre une porte. Entre autres: notamment en tenant compte du volume des bois. Cela peut laisser présumer sur ces expressions qui sont utilisées... Peut-être sont-elles utilisées ailleurs, mais ce que j'y comprends, c'est que cela ouvre des grandes portes et cela pourrait amener, de la part du ministre, certainement à être beaucoup plus spécifique à l'intérieur du projet de loi.

À l'article 25 aussi, on se retrouve avec l'expression "sur un même territoire" à laquelle vous faites allusion. Une réponse, peut-être, pourrait m'être donnée à la suite de cette question: Est-ce que, accompagnant la loi, il y aurait possibilité d'avoir une carte sur laquelle sont bien déterminés les territoires de façon qu'il n'y ait pas d'ambiguïté concernant les allocations quant à l'expression "sur un même territoire"?

Au sujet de l'article 81, pour passer rapidement, on en a discuté tantôt, je pense que c'est un des articles qui montre, de façon très spécifique, avec les derniers termes, qui donne "l'autorisation du ministre aux conditions qu'il détermine"... C'est un autre bel exemple. Je pense que le ministre lui-même ne voudrait pas se ramasser avec ces problèmes demain matin et avoir à donner tous les éclaircissements quant aux autres conditions à être déterminées.

Relativement aux articles suivants, 85, 86, 93 et 94, vous dites qu'ils sont des pouvoirs disproportionnés en regard des obligations. En les relisant et à partir des explications que vous avez données tantôt concernant les pouvoirs de saisie, je suis de votre avis. Les commentaires apportés tantôt par le ministre semblaient ne pas aller dans le même sens. Mais je peux vous dire qu'essentiellement c'est de donner beaucoup de pouvoirs concernant l'étendue des dégâts qu'il pourrait y avoir, si je puis m'exprimer ainsi.

Enfin, là aussi, je pense qu'il devrait y avoir des corrections à l'article 101, dont on a aussi discuté brièvement tantôt. En fait, c'est une autre question que je vous adresse: Est-ce qu'il serait possible de penser mettre en annexe de la loi un contrat type qui pourrait prévoir plusieurs des clauses et des règlements et qui pourrait être inclus comme faisant partie intégrante de la loi, étant donné la grande complexité de l'application?Est-ce que c'est quelque chose de pensable, d'utilisable, de réalisable? Si oui, je pense qu'on pourrait y travailler de façon que, lorsque le projet de loi viendra ici dans sa version finale, il puisse être présenté devant la commission. Tant qu'à la proposition qu'a faite tantôt mon collègue, le député de Duplessis, de faire appel à l'expertise du Barreau, je dois dire que j'aimerais beaucoup que le travail se fasse par les gens à l'intérieur, comme cela se fait habituellement, mais qu'il soit un peu colligé et travaillé en étroite collaboration avec vous autres, de façon que vous puissiez apporter ce que j'appellerais l'expertise finale, pour éviter qu'il y ait trop de trous et que vous puissiez aller de l'avant avec cela parce que ça me semble quelque chose de très lourd. Cela pourrait créer certains précédents quant aux demandes qu'on pourrait faire au Barreau éventuellement pour rédiger ou recorriger certaines lois. Cela me semble important que vous apportiez le maximum de lumière, mais dans les versions finales à partir de l'éclairage que vous nous avez apporté.

Je termine mes commentaires et mes questions avec l'article 111. Là-dessus, le ministre de l'Énergie et des Ressources semblait être d'accord avec vous autres aussi. Je sui3 d'emblée d'accord que c'est

une très grande porte qui est ouverte là, une espèce de clause qui ramasse tout, qui permettrait... Pour les fins de ceux qui ne l'ont pas à portée de la main, je vais le lire: "Le gouvernement peut, par règlement, prendre toute autre disposition provisioire et transitoire permettant de suppléer à toute omission pour assurer l'application de la présente loi." C'est une clause fourre-tout, si vous me passez l'expression, mais qui est une arme à deux tranchants, ce qui veut donc dire, à toutes fins utiles, que le gouvernement pourrait par cela remettre en question plusieurs autres articles ou omissions à l'intérieur de la loi et venir, même à l'intérieur de cet article, peut-être en contradiction avec d'autres éléments.

Je termine en vous disant que ce que je retiens de ce côté-ci, c'est essentiellement des avertissements sérieux qui ont été faits de façon très professionnelle. Je dois dire que l'ensemble des autres mémoires qui ont été présentés à ce jour étaient beaucoup plus sur te fond et non pas sur tout l'aspect technique et l'aspect juridique. De là, votre expertise et votre son de cloche deviennent de plus en plus importants. Je pense que le gouvernement et le ministre devraient prendre en sérieuse considération ces différentes demandes pour s'assurer, en tout cas, que les points que vous apportez soient au moins regardés de très près. Peut-être avez-vous certaines réponses par rapport aux points que j'ai mentionnés?

Mme Vadboncoeur: M. le Président, en ce qui concerne la carte qui pourrait être annexée au projet de loi, il ne nous appartient pas, au Barreau, je pense, de déterminer si on veut d'une carte ou pas et comment elle se fera, d'autant plus que notre mémoire s'interroge d'ailleurs sur la signification de l'article auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, M. le député. Quand on cite l'expression "même territoire"...

Une voix: L'article 25. (15 h 30)

Mme Vadeboncoeur: L'article 25. On s'interrogeait nous aussi à savoir si c'était le même territoire au point de vue des limites territoriales ou si un recoupement de territoires était également visé par cela. Donc, si on se pose la question nous-mêmes, on serait bien malvenus de faire une carte et de l'annexer au projet de loi. Je pense que la question pourrait s'adresser au ministre.

Quant au contrat type, encore là, je pense qu'il nous est difficile, au Barreau du Québec, même dans un esprit de collaboration avec les gens du ministère, de déterminer un contrat type, alors que l'on n'a pas la version finale, ni les intentions politiques finales du gouvernement à l'égard du projet de loi.

M. Parent (Bertrand): M. le Président, j'aurais un commentaire bref à faire là-dessus. Les deux questions concernant l'annexe et la carte étaient beaucoup plus adressées à vous dans le sens de la faisabilité et de l'acceptabilité comme telles pour voir cela en annexe, étant donné que c'est quelque chose qui pourrait apporter beaucoup d'éclaircissements. Bien sûr, la réponse politique, je pense que le ministre pourra nous la donner. C'était votre version sur le plan de l'acceptabilité et de la faisabilité...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Bertrand. Pardon?

Mme Vadboncoeur: J'aurais un commentaire additionnel à ajouter sur le contrat type. Vous savez que les annexes à des lois font partie intégrante de la loi. J'ai beaucoup d'hésitation à mettre un contrat type comme partie intégrante d'une loi parce qu'il peut exister, comme dans tout autre contrat, des clauses à ajouter. Enfin, vous savez comme moi qu'un contrat est fait par deux parties et que c'est la loi des parties qui les guide, finalement. Alors, mettre un contrat type en annexe à la loi m'apparaîtrait un peu délicat parce que j'ai l'impression que cela mettrait dans un carcan les gens qui auront à s'en servir.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Bertrand. Je cède maintenant la parole au député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. C'est sûr que les membres de la commission vont attendre avec impatience les suggestions que vous pourrez faire éventuellement, au cours des prochaines semaines, quant à certains amendements. Nous allons effectivement tenir compte des amendements que vous allez nous proposer, tout en sachant très bien que vous avez un laps de temps assez court face aux objectifs du gouvernement se rapportant au projet de loi final qu'il veut déposer, si possible, au début de la session afin que cela soit réglé avant le 31 décembre 1986. Quant à nous, nous sommes prêts à attendre, je peux vous l'assurer. Avec un projet de loi-cadre comme celui-là, il faut absolument que nous ayons une loi qui soit potable, une loi qui soit conforme aux objectifs du livre blanc, objectifs qui ont même été endossés par l'actuel gouvernement.

Je tiens, au nom de l'Opposition officielle, à vous remercier, M. Ménard, comme président du Barreau du Québec, ainsi que vos deux collègues qui vous ont accompagné au cours de cette période où nous avons entendu votre organisme qui, pour

nous, a beaucoup d'importance, en particulier sur le plan de la législation du Québec. Merci à vous trois.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis. Au nom des membres de la commission, nous nous excusons auprès des gens qui sont debout. Nous avons fait une demande; si une salle plus grande se libère -il y a plusieurs commissions qui siègent simultanément - nous vous inviterons peut-être à y aller afin que tous les gens puissent s'asseoir. En attendant, nous nous excusons. Je cède maintenant la parole au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le bâtonnier Ménard, Mme Daigneault, Mme Vadboncoeur, au nom de mes collègues, il me reste à vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les forêts. C'est un avant-projet de loi qui est important. Il est tellement important que, nous, du parti gouvernemental, avons jugé qu'il était nécessaire de recevoir les meilleures recommandations des groupes intéressés à la forêt et à l'économie du Québec, ainsi que des groupes intéressés à l'utilisation polyvalente de la forêt.

Vous pouvez vous imaginer qu'à la suite des recommandations que vous nous faites sur les différents articles de l'avant-projet de loi nous passerons, le ministre de l'Énergie et des Ressources et moi-même, de nombreuses et longues heures le mois prochain avec les conseillers juridiques du ministère pour tenir compte de vos recommandations en vue d'améliorer ce projet de loi.

On constate qu'il y a eu une évolution très marquée depuis quelques années seulement. Il y a un temps où on rédigeait des lois et où on laissait beaucoup de pouvoirs discrétionnaires. Aujourd'hui, on en laisse moins. On fait aussi attention aux droits des personnes. On fera évidemment une révision en profondeur et nous allons travailler fort pour tenir compte de vos recommandations et pour faire en sorte que ce soit une loi modèle. Je vous remercie encore tous les trois de votre participation.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. De mon côté, je voudrais remercier le Barreau du Québec et je puis vous assurer que nous allons prendre très au sérieux les recommandations que vous avez faites.

Nous réalisons que, dans plusieurs cas, certains articles peuvent ouvrir la porte à des abus. Je crois que c'est le rôle du législateur d'essayer autant que possible de limiter ce genre de clause pour rendre une loi aussi claire que possible et pour définir les droits des personnes qui seront affectées. Le problème que nous allons avoir, c'est que nous sommes dans un nouveau régime forestier. Alors, comment marier les exigences d'un nouveau régime qui n'a pas encore été mis en application et qui soulève plusieurs questions avec les suggestions que vous faites? Vous pouvez être assurés que nous allons regarder cela très sérieusement et apporter des modifications pour resserrer le projet de loi afin de protéger tous ceux qui en seront affectés.

Le Président (M- Théorêt): Merci, M. le ministre. Mesdames, messieurs, merci de votre présence ici et bonne fin de journée.

J'invite maintenant l'Association des banquiers canadiens à prendre place à l'avant, s'il vous plaît!

M. Humberto Santos, qui êtes le président, je vous invite à nous présenter vos collègues. J'en profite pour vous rappeler que vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire et que chaque formation politique dispose de 24 minutes pour échanger avec vous. Je vous cède maintenant la parole.

Association des banquiers canadiens

M. Santos (Humberto): Merci, M. le Président. À mon extrême gauche, Me Pierre D'Etcheverry, de la Banque Royale; à ma gauche, Me Wilbrod Gauthier, conseiller juridique de l'association; à ma droite, Me SDFerron, de l'association des banquiers et, finalement, M. Carol Charbonneau, de la Banque Nationale. Je suis moi-même de la Banque Nationale.

M. le Président, MM. les ministres et MM. les membres de la commission parlementaire, au nom du comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens, je suis très heureux de vous présenter les grandes lignes du mémoire que nous vous avons envoyé il y a déjà quelque temps.

En sommaire, l'Association des banquiers canadiens est totalement d'accord avec le principe de la réforme proposée, mais elle craint que certaines dispositions de i'avant-projet mettent en péril les garanties détenues par les institutions prêteuses sur les biens des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et ceci pourrait avoir comme résultat direct de forcer les institutions financières à restreindre considérablement leurs politiques de crédit aux entreprises forestières. Leur développement pourrait donc en souffrir.

De plus, connaissant globalement l'aspect économique de l'industrie, nous voudrions vous dire que la rentabilité de l'industrie forestière risque d'être compromise par les coûts et les responsabilités immédiates qui sont proposés

par l'avant-projet de loi. L'impact de ce possible manque de rentabilité ou rentabilité réduite est important. Tout d'abord, les coûts d'opération plus élevés pourraient rendre les compagnies québécoises moins compétitives dans un marché qui est déjà très compétitif et ensuite, sans doute, cela pourrait amener une baisse de la demande pour le bois québécois, ce qui pourrait amener une hausse du chômage dans l'industrie.

Nous suggérons que les mesures soient mises en place de façon progressive afin de permettre aux compagnies forestières de minimiser les impacts sur leur rentabilité et de prendre l'expérience pour accomplir efficacement les activités prévues dans l'avant-projet de loi. Le mémoire que nous avons présenté se réfère spécifiquement et en détail à des articles de l'avant-projet. Nous aimerions maintenant les commenter brièvement.

L'article 5 et le droit de suite du ministre. Étant donné que ce sont les institutions prêteuses qui financent, en définitive, les coupes du bois, l'association demande que l'article 5 soit modifié afin que le droit de propriété sur le bois passe au bénéficiaire du contrat d'approvisionnement dès sa coupe pour pouvoir être donné en garantie et que le droit de suite du ministre soit retranché de la loi.

L'article 19 et la cession en garantie des contrats d'approvisionnement. Étant donné que ni l'avant-projet de loi, ni le projet de contrat d'approvisionnement ne prévoient !a possibilité d'une cession en garantie d'un tel contrat, l'association demande que la cession en garantie soit clairement autorisée dans la loi et dans le contrat. L'article 19 devrait également prévoir le droit du créancier de faire enregistrer cette cession et de disposer du contrat advenant le défaut du débiteur ainsi que les modalités de fonctionnement du système d'enregistrement des actes affectant le contrat.

D'autre part, l'ABC, l'Association des banquiers canadiens, est d'avis que le contrat d'approvisionnement dans son ensemble n'est pas suffisamment précis et demande d'être consultée lors de l'élaboration du texte final de ce document. Si possible, l'ABC demande que le texte du contrat apparaisse en annexe de la loi afin d'en assurer la pérennité.

Les articles 59 à 80 sur la protection des forêts. En matière de protection des forêts, l'ABC est d'avis que le gouvernement doit éviter de faire supporter par les entreprises forestières toutes les responsabilités et les charges financières découlant de la réforme afin de ne pas compromettre la rentabilité de ces entreprises. Comme je le disais tout à l'heure, un processus progressif serait beaucoup plus acceptable.

L'article 93 et la saisie du bois. Afin de ne pas mettre injustement en péril les garanties détenues par les institutions prêteuses, l'ABC demande que l'article 93 soit modifié afin de permettre au prêteur de' faire opposition et de soustraire à la saisie, sur présentation d'une preuve satisfaisante, le bois autre que celui visé à l'article 93 et affecté d'une garantie lorsque ce bois est mêlé à du bois de la forêt publique faisant l'objet d'une infraction à la loi.

L'article 94 et la saisie des véhicules et autres instruments. L'association est d'avis que l'article 94 contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne et met en péril les garanties détenues par les institutions prêteuses en permettant au ministre de faire saisir et vendre le bois, les véhicules et les instruments du bénéficiaire d'un contrat sans autre forme de procès. L'association demande donc que toute saisie pratiquée par le ministre soit sujette aux règles prévues à cet effet au Code de procédure civile.

L'article 97 et le droit d'opposition; L'association demande plusieurs modifications à l'article 97. Tout d'abord, cet article devrait établir une procédure claire et efficace permettant aux prêteurs détenant des sûretés enregistrées auprès du ministre sur les biens faisant l'objet de la saisie d'être avisés de cette saisie en temps opportun. De plus, le délai prévu pour faire opposition à la saisie devrait être porté à 30 jours.

Par ailleurs, le dernier paragraphe de cet article devrait être plus précis et parler de la valeur marchande des biens saisis. De plus, il devrait être modifié afin de fixer la caution au moindre de la valeur marchande des biens saisis ou du montant des créances dues à l'État.

Enfin, cet article devrait préciser la nature des droits du ministre sur les biens saisis et, très important, le rang des différentes créances affectant ces biens par rapport à la créance du ministre. (15 h 45)

L'article 101 et l'extinction des garanties. L'association demande au gouvernement de revoir les articles 98 et suivants afin d'assurer le respect des droits acquis antérieurement à la réforme et de ne pas pénaliser injustement les institutions prêteuses détenant déjà des garanties sur les biens des entreprises forestières.

En conclusion, M. le Président, l'Association des banquiers canadiens ne peut qu'accorder son appui total au projet du gouvernement d'implanter un nouveau régime forestier au Québec afin d'assurer de façon beaucoup plus efficace la protection, la conservation, l'exploitation rationnelle et, par conséquent, la survie de cette richesse si importante et malheuresement si fragile que constitue la forêt.

Cependant, une telle réforme ne peut

se faire qu'à certaines conditions et dans le respect des droits et intérêts de toutes les parties impliquées dans les diverses opérations reliées à l'exploitation forestière. De façon plus particulière, la réforme du régime forestier québécois doit nécessairement tenir compte des aspects financiers reliés à l'exploitation de nos forêts et éviter de mettre en péril le financement des entreprises forestières en remettant en cause la valeur des sûretés détenues par les institutions prêteuses et en forçant ces dernières è restreindre de ce fait leur politique de crédit aux entreprises forestières.

Nous souhaitons donc qu'afin d'assurer un juste équilibre entre la protection des forêts et la survie des entreprises forestières et d'éviter une remise en cause globale du crédit accordé à ces entreprises par les institutions prêteuses le gouvernement tienne compte des remarques contenues dans le présent mémoire et ne pénalise pas injustement les institutions prêteuses et les entreprises forestières en leur faisant supporter tout le poids de la réforme.

M. le Président, messieurs les ministres, messieurs les membres de la commission, encore une fois, nous vous remercions de nous avoir donné l'opportunité de faire des commentaires sur l'avant-projet de loi et nous osons espérer que nos réflexions seront prises en considération lors de la préparation finale de la loi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. M. le ministre délégué aux Forêt3.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. M. Santos, c'est à nous de vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi concernant les forêts. Vos recommandations et votre examen de cet avant-projet de loi nous seront certainement d'un grand secours.

Si vous avez écouté ce que les représentants du Barreau nous ont dit précédemment, vous pouvez être assurés que nous ferons tout notre possible pour améliorer cette loi. Vous pouvez être assurés aussi que nous ne voulons pas qu'il y ait de vide juridique de façon à mettre en péril vos prêts et les marges de crédit que vous avez accordées à l'industrie. Ce n'est pas notre intention de réduire la sécurité que vous demandez et que vous avez déjà actuellement envers l'industrie forestière.

Également, ce n'est pas notre intention de mettre en péril l'industrie forestière elle-même avec des obligations qui dépasseraient leur capacité de payer. C'est pourquoi il y a eu un comité formé pour examiner toutes ces questions. Soyez assurés que, avec l'aide du service juridique de notre ministère et du ministère de la Justice, nous tiendrons compte de tout cela.

En attendant, je voudrais vous parler de l'article 5, de la première remarque que vous faites dans votre mémoire. Dans le résumé des recommandations, vous dites: "Étant donné que ce sont les institutions prêteuses qui financent en définitive les coupes de bois, l'Association des banquiers demande que l'article 5 soit modifié afin que le droit de propriété sur le bois passe au bénéficiaire du contrat d'approvisionnement dès sa coupe." Pourquoi pas avant?

M. Santos: M. le ministre, avant, cela appartient au gouvernement; nous n'avons certainement pas encore avancé quoi que ce soit au bénéficiaire du contrat. Cependant, les institutions prêteuses, généralement, avancent les fonds pour faire la coupe et le transport du bois. C'est là que le bois devient une garantie à nos financements.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dès sa coupe, cela n'implique pas que les redevances ont été payées et que tout s'est fait dans l'ordre. Si c'est du bois qui a été coupé sans permis ou sans autorisation ou sans redevance, cela ne nous avance pas du côté du percepteur des redevances pour le gouvernement.

M. Gauthier (Wilbrod): M. le ministre, il n'y a aucun doute que l'idéal serait que le titre de propriété du bois passe au moment où les droits sont acquittés. Pour répondre à votre question plus précisément, il pourrait passer même avant la coupe. À partir du moment où le permis d'intervention a alloué le droit de coupe à celui qui l'a obtenu, la propriété pourrait passer à partir du moment où les droits sont payés, sous réserve peut-être de la rétrocession automatique de ces droits si le bois n'est jamais coupé. Mais, dans la mesure où il est coupé, il aurait été la propriété de celui qui a le contrat d'approvisionnement et, en même temps, le permis d'intervention, car il doit détenir les deux si je comprends la façon dont la loi est structurée. À ce moment-là, le critère de passage du titre de propriété serait le paiement des droits. À partir de ce moment-là, presque - pas entièrement, car il y a d'autres obligations - toutes les questions de droit de saisie postérieures seraient résolues.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si la banque intervenait avant, c'est elle qui garantirait le gouvernement, en plus et vous seriez obligés de surveiller votre client.

M. Gauthier (Wilbrod): Pourquoi la banque vous garantirait-elle? Tant et aussi longtemps que les droits ne sont pas payés, le bois appartient au gouvernement. À partir du moment où les droits sont payés, le gouvernement a accordé le droit de couper

le bois à celui qui détient le permis d'intervention; alors, il s'en va avec son bois. Qu'est-ce que la banque aurait à garantir?

M. Côté (Rivière-du-Loup): La plupart du temps, le bois est coupé avant que les droits aient été payés.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais, à supposer qu'il soit coupé, à ce moment-là, il demeure la propriété de la couronne si les droits ne sont pas payés.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Gauthier (Wilbrod): Alors, vous pourriez avoir des cas où les droits sont payés avant que le bois soit coupé et, là...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pas de problème.

M. Gauthier (Wilbrod): ...le bois appartiendrait au détenteur du permis d'intervention et du contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Il y aurait le cas où les bois sont coupés, mais, avant d'être enlevés des terres du gouvernement, les droits sont payés; là, il n'y a pas encore de problème. Si les bois sont enlevés par la suite sans que les droits aient encore été payés, le bois demeure la propriété du gouvernement. À ce moment, tant et aussi longtemps qu'il demeure la propriété du gouvernement, je me demande même pourquoi il y aurait dans cette loi plus précisément des droits de saisie lorsqu'il y a déjà en droit commun, dans le Code civil, le droit de revendication du propriétaire. Vous pouvez toujours revendiquer le bois. Il est à vous, il est au gouvernement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vos collègues du Barreau viennent de nous dire qu'il faut maintenir les droits de saisie pour des cas d'urgence, car on met des conditions à l'exploitation de la forêt. Le paiement des redevances, la destination des bois, ce sont toutes ces conditions qui font que le permissionnaire accepte un permis.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est ce que je disais. Il y a, évidemment, d'autres cas pour lesquels la saisie est utile. Là, ce n'est pas la saisie pour protéger le droit de propriété de la couronne, c'est pour assurer que le bois sera vraiment utilisé à l'usine à laquelle il était destiné, que ce soit une scierie, une usine à papiers ou à pâtes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): À l'article 19, vous parlez de la cession en garantie des contrats d'approvisionnement. La cession en garantie n'est pas clairement autorisée dans le projet de loi. Elle ne l'était pas avant, d'ailleurs, dans l'ancienne loi. Vous avez quand même fonctionné avec l'ancienne loi. Avez-vous une suggestion pour qu'on l'inscrive pour ainsi répondre à vos inquiétudes?

M. Gauthier (Wilbrod): Vous nous dites que la cession en garantie n'était pas autorisée en vertu de l'ancienne loi. Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Elle n'était pas clairement autorisée spécifiquement dans le projet.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais c'était si clairement implicite que même la couronne, même le gouvernement, par la loi et par ses règlements, avaient établi un processus d'enregistrement où le cessionnaire était obligé de faire enregistrer sa cession, ici, au ministère, afin qu'elle soit reconnue. Donc, c'était reconnu sous l'ancien régime.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, pas dans la loi.

M. Gauthier (Wilbrod): Je crois qu'à partir du moment où la loi avait créé un registre tenu par le ministre, cela était reconnu.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est bien, pour l'instant, M. le Président.

M. Gauthier (Wilbrod): À l'article 30 de la loi actuelle, d'ailleurs, il est bien dit: "À la diligence des intéressés: a) les cessions ou transports et les nantissements consentis par les premiers acquéreurs ou concessionnaires, des droits qu'ils possèdent sur les terres publiques et les hypothèques et autres droits réels consentis par eux et affectant ces droits, de même que les quittances des nantissements." S'il était prévu que l'on avait le droit de les faire reconnaître, cela doit être parce qu'on avait le droit de les faire, au départ.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela vaut pour toutes les transactions, me dit-on?

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

M. Côté (Rivîère-du-Loup): Est-ce que vous aimeriez qu'on le mette dans la Loi sur les forêts?

M. Gauthier (Wilbrod): II me semble que oui.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis, qui sera suivi par M. le député de Roberval immédiatement après.

M. Perron: M. le Président, je voudrais remercier M. Santos, ainsi que ses collègues qui l'accompagnent. Nous avons constaté que votre mémoire est effectivement un mémoire à caractère technique sur lequel on voudrait vous poser quelques questions afin de clarifier certaines inquiétudes que vous avez en tant que représentants d'institutions financières.

C'est sûr que votre position s'adresse surtout au gouvernement, ainsi qu'aux membres de la commission, bien sûr, dans le but d'amender certains articles de l'avant-projet de loi afin d'obtenir un projet de loi final potable pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec qui travaillent dans le secteur forestier, soit dans le domaine de la transformation ou encore dans des institutions comme les vôtres qui se trouvent à financer les industries concernées.

Pour les besoins de la cause, je voudrais céder la parole à mon collègue de Roberval qui a plusieurs questions à vous poser au sujet de votre position sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Je reviendrai plus tard, d'ailleurs.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): Merci, M. le Président. Je remercie l'Association des banquiers canadiens de nous présenter ses commentaires et ses recommandations pour l'élaboration de ce projet de loi. Je trouve bien légitime, comme l'ensemble des parlementaires, je pense, que l'Association des banquiers se préoccupe de faire en sorte que les garanties sur l'exploitation forestière d'une entreprise puissent être de véritables garanties et, par le fait même, améliorent, j'imagine, les conditions de prêt et de financement qui seront faites à l'entreprise. Donc, finalement, tout le monde risque d'en bénéficier.

C'est là ma première question, je l'adresse à celui qui voudra bien y répondre dans votre groupe. J'ai cru comprendre, à la lecture du mémoire - je fais peut-être erreur - que l'ancien système, qui était en place et qui sera vraisemblablement remplacé par l'avant-projet de loi actuel qui deviendra éventuellement un projet de loi, permettait aux institutions bancaires d'obtenir de meilleures garanties. Est-ce que c'est exact? Si ce n'est pas le cas, j'aimerais que l'on m'explique cela.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est exact, d'abord parce que les institutions financières ont toujours tenu pour acquis et, à mon avis avec raison, que, contrairement à ce que prétendait M. le ministre tout à l'heure, les concessions forestières accordaient un droit réel sur le bois. Ce qu'elle n'accordait pas, la concession forestière, c'était tout simple- ment le droit ultime de couper le bois sans permis; il fallait obtenir le permis. II fallait bien que l'expression "concession forestière" veuille dire quelque chose. Le législateur avait employé l'expression "concessions forestières" dans un article lorsqu'il voulait parler des concessions forestières et, dans d'autres articles, il parlait de permis de coupe lorsqu'il voulait parler de permis de coupe et il parlait de droits de coupe lorsqu'il voulait parler de droits de coupe. (16 heures)

Dans la loi de 1974, il a parié de ventes de bois debout. Il a parlé de garanties d'approvisionnement. C'est une notion différente, mais qui prévoyait que c'était donné sous forme de droits de coupe sur pied. Des droits de coupe sur pied, ce sont des droits réels définis dans le Code civil comme tels, des droits réels immobiliers. On peut hypothéquer cela, en droit. C'est cela que les institutions financières, telles les banques, avaient et voudraient avoir encore.

Je comprends qu'avec le nouveau régime forestier on veut faire disparaître -il y a des raisons que le législateur croit valables et on les respecte - ces notions antérieures de "concessions forestières" et de "garanties d'approvisionnement" parce qu'on veut réorganiser l'allocation de la forêt, son exploitation, les travaux sylvicoles, etc. Il reste que, dans le processus d'annuler sans compensation les droits des gens qui exploitent la forêt en remplaçant cela, pour ainsi dire, par un contrat d'approvisionnement et d'aménagement, il faut quand même que le contrat donne des droits. C'est cela que les banquiers veulent savoir. Quels droits peuvent être vraiment cédés en garantie en vertu du contrat? La formule du contrat n'est pas encore adoptée par règlement, ni bien connue.

Malheureusement, comme l'a mentionné le bâtonnier tout à l'heure, la loi ne va pas assez loin dans la description des droits du titulaire du contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Si on pouvait mieux comprendre les droits, on pourrait saisir mieux la nature des sûretés qu'on peut obtenir. Il est certain qu'on ne peut pas obtenir une servitude, c'est-à-dire une sûreté sur un droit réel immobilier. Donc, on ne peut pas obtenir une sûreté immobilière à moins que la propriété du bois ne passe au titulaire du permis d'intervention et du contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Cela va de soi; autrement, il n'a rien à offrir pour garantir ses emprunts. Or, il a besoin d'argent au moment où il coupe le bois.

M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie. Dans la même veine toujours, j'imagine que c'est là l'origine de votre recommandation stipulant que les banquiers ou les prêteurs soient consultés lors de la

rédaction du contrat et de l'entente entre le ministre et l'exploitant. Vous rne direz si c'est exact. Je vous vois opiner de la tête. J'imagine que je suis dans la bonne voie.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

M. Gauthier (Roberval): Quelle serait cette forme de participation? Est-ce que vous prévoyez ou souhaiteriez-vous que chaque institution prêteuse puisse être présente lors de l'ensemble des négociations ou est-ce qu'il s'agit d'une consultation large au moment où on établit les grands principes de l'ensemble des contrats qui serviront pour l'ensemble des exploitants?

M. Gauthier (Wilbrod): Je pense qu'il appartiendrait au gouvernement de déterminer le processus. Tout ce qu'on veut que le gouvernement comprenne, c'est que les banquiers sont là pour collaborer et pour faire des suggestions, même précises si on le désire, sur des textes de loi ou autrement ou simplement sur des questions de principe.

M. Gauthier (Roberval): Je comprends bien qu'il s'agit pour le gouvernement de déterminer les modalités d'implication ou d'association des banquiers dans le processus, mais, tout de même, vous êtes ici. Vous nous avez fait un certain , nombre de recommandations fort précises. Puisqu'il s'agit de l'une de vos recommandations -vous ne l'expliquez pas en détail, sauf erreur - vous avez certainement un point de vue que vous souhaitez transmettre à la commission. C'est dans ce cadre que je vous pose la question.

M. Gauthier (Wilbrod): Nous pourrions présenter éventuellement des textes dans un très bref délai qui pourraient résoudre les problèmes dont le mémoire fait état.

M. Gauthier (Roberval): D'accord.

M. Santos: Je pourrais ajouter aussi, M. le député, que ce serait l'avis de l'ensemble des institutions financières et que le groupe qui travaillerait avec l'association n'aurait pas à transiger avec sept ou huit banques. Ce seraient les représentants de l'association qui feraient le travail.

M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie. Dans l'état actuel des choses... Vous le mentionnez à la page 2, je me permets de citer un passage de votre mémoire: "Certaines dispositions - c'est au milieu de la page 2 - de l'avant-projet de loi, si elles étaient adoptées, risqueraient notamment de forcer les institutions prêteuses à modifier en profondeur leur politique de crédit aux entreprises forestières afin de les rendre beaucoup plus restrictives étant donné la diminution de la valeur des garanties offertes."

Ce que je lis là-dedans, c'est que l'avant-projet de loi tel que présenté, tel que travaillé actuellement, s'il ne contenait pas de modifications substantielles, c'est donc dire que les entreprises forestières - c'est une annonce qui est très sérieuse et très précise - peuvent s'attendre à avoir d'énormes problèmes dans le financement. Cela pourrait représenter quoi? J'imagine que les institutions prêteuses retrouvent, même si la garantie semble moins bonne, une certaine forme de garantie dans l'avant-projet de loi. Est-ce qu'il y a une proportion qu'on peut établir? Vous évaluez le risque comme étant, je ne sais pas, deux fois, trois fois supérieur. J'imagine que vous êtes habitué à fonctionner dans ce genre de chose. Ces difficultés peuvent représenter quoi?

M. Santos: Comme vous le savez, M. le député, en général, les institutions financières prêtent en fonction de ces garanties. Nous avons un droit de fiduciaire envers les dépôts que la population met chez nous et, donc, on doit s'assurer qu'à un certain moment, lorsque quelqu'un vient chez nous pour avoir son dépôt, on ait l'argent pour le lui payer.

Dans ce contexte, nous prenons des garanties et le coût du crédit va généralement avec le genre de garantie qu'on nous donne. Si la garantie est excellente, le prix va être en conséquence, il va être plus bas. Si les garanties ne sont pas là ou si elles sont très riquées, on se pose des questions à savoir si on va être capable de les avoir un jour. Si, malheureusement, on a des difficultés, le prix va être en conséquence.

Normalement, malgré que ce ne soit pas la croyance populaire, les institutions financières n'aiment pas faire des reprises. On est les derniers à aller reprendre quelque chose parce que, normalement, on n'est pas capables de les revendre au bon prix. On cherche toujours à donner la chance au coureur et à ne pas faire de saisies. Cependant, en dernier lieu, parfois il faut le faire. Quand on le fait, il faut avoir un prix pour cela et il faut avoir une valeur quelconque.

C'est dans ce contexte que nous prévoyons que les négociations avec les compagnies forestières seraient plus difficiles. On n'est pas en train de faire du "blackmail", pas du tout. C'est strictement une position qu'on pense juste et il y a des compagnies, selon leurs actifs, qui n'auraient peut-être aucunement besoin qu'on prenne des garanties sur le bois. Il y en a d'autres où, peut-être, il en faudrait, selon les circonstances.

M. Gauthier (Roberval): Dans le sens où venez d'intervenir, on a parlé tout à l'heure

du droit de suite. On a réclamé du ministre que le bois puisse appartenir à l'entreprise forestière dès le paiement des droits de coupe. Cela vous semblait une façon plus intéressante d'obtenir une garantie sûre et certaine. Moi, j'oppose "droit de suite" à "contrôle a posteriori." Je me dis: Si le gouvernement cessait de suivre en quelque sorte l'exploitation, l'action de couper l'arbre, celle de l'envoyer à destination, etc... Dans le fond, le gouvernement est une espèce de chien de garde pour faire en sorte que les exploitations forestières de l'entreprise ABC Ltée - je ne crois pas qu'il y ait de scierie de ce nom - soient suivies par le gouvernement et, de fait, votre droit est protégé. Si on enlève le droit de suite et si on autorise une entreprise à devenir propriétaire du bois dès le paiement du droit de coupe, cela implique que le gouvernement va faire un contrôle a posteriori parce que, si l'entreprise n'envoie pas son bois au même endroit, au bon endroit, il va y avoir pénalité par la suite.

Vous pouvez toujours nous répondre: Oui, mais notre créance est bonne. Le bois est là. On était couvert. Sauf que, comme cela arrive souvent, l'institution prêteuse, qui va financer l'exploitation forestière de ABC, c'est aussi l'institution prêteuse qui finance les équipements et l'organisation de ABC. S'il y a un contrôle a posteriori, un peu comme l'impôt, en quelque sorte - c'est un contrôle a posteriori - et que le gouvernement reconnaît que l'entreprise ABC a été délinquante, j'imagine que le gouvernement va se tourner de bord comme il le fait dans le cas de l'impôt, et qu'il va mettre une saisie sur les équipements. À ce moment-là, à mon avis, l'institution prêteuse a peut-être protégé ses investissements, a peut-être protégé l'argent qu'elle a prêté pour l'exploitation forestière, mais compromet gravement l'argent qu'elle a prêté pour faire fonctionner l'entreprise.

Est-ce que ce n'est pas vous donner, finalement, une obligation comme institution bancaire de suivre de A à Z l'opération en lieu et place du gouvernement que de réclamer la propriété immédiatement après?

M. Gauthier (Wilbrod): Le régime actuel, c'était cela. Il n'y a pas de mystère à cela. Evidemment, l'institution financière prend encore un risque, mais il est moindre parce qu'elle a au moins une sûreté qu'elle peut exercer par les recours que lui donne le Code civil et le Code de procédure civile.

Vous avez référé au droit de suite. Le droit de suite auquel vous faites allusion... je n'avais pas compris cette expression dans ce sens dans l'avant-projet de loi. C'est un nouveau sens à lui donner parce que le droit de suite, en droit traditionnel, c'est un accessoire du droit de saisie, c'est le droit d'aller saisir en main tierce, de suivre les choses même si elles quittent l'endroit où elles devaient rester. Vous me parlez du droit de suite que le ministre voudrait avoir pour s'assurer que le bois va vraiment à destination et sert à l'opération de l'usine à laquelle sont rattachés le permis d'intervention et le contrat d'approvisionnement et d'aménagement. Soit, c'est désirable que le ministre puisse contrôler cela, mais le droit de suite ne donnera pas au ministre plus de droit que le droit de saisie qu'une sûreté va donner aux banquiers. C'est encore une question d'organisation, de système et de contrôle.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela va.

M. Gauthier (Roberval): J'ai encore quelques questions, si vous le permettez. Je vais me retrouver dans les pages de votre mémoire.

Vous parlez, à un moment donné... Vous faites déjà des prêts sur des concessions forestières. Il y a une chose qui me préoccupe qui est un peu en dehors des préoccupations que vous avez exprimées dans ce mémoire, mais pour laquelle vous pouvez peut-être nous donner des indications.

On a parlé abondamment dans cette commission de la valeur. Qu'est-ce que cela vaut, le bois debout? II y a des gens qui prétendent que, selon les points de vue, cela vaut plus ou moins cher. Je ne voudrais pas entrer dans des détails fastidieux pour la commission, mais est-ce qu'il est possible que vous - les institutions bancaires - nous expliquiez quels sont les critères, finalement, comment vous faites, comment une banque fait pour dire: Ce morceau de bois vaut tant? Cela varie-t-il régionalement, selon les espèces et selon la crédibilité de l'entreprise ou selon la destination du bois? Comment faites-vous pour évaluer cela, vous autres, les banques?

M. Charbonneau (Carol): C'est établi en fonction du coût, des coûts pour l'abattage, le transport... Donc, à partir de ces coûts établis, on dit: Cela vaut tant et on prête à 75 % de la valeur des comptes à recevoir qui sont reliés à cela et à 50 % de la valeur quand ce sont des stocks.

M. Gauthier (Roberval): D'après votre mémoire également, je pense que vous trouvez les clauses 93 et 94 nettement abusives. Effectivement, on dit... Il y a, entre autres, la clause qui dit que le bois qui est enlevé sans permis ou illégalement -ou je ne sais pas comment on peut appeler cela - lorsqu'il est mêlé à d'autre bois coupé, lui, légalement, le ministre saisit la totalité du lot de bois. (16 h 15)

Vous qui faites du prêt, j'imagine que cela doit être à peu près le seul domaine où

il y a des pouvoirs aussi étendus qui peuvent être donnés à quelqu'un de saisir un ensemble, une quantité. Alors, c'est un commentaire que je me permets de vous faire pour vous dire que nous réclamerons du ministre, en ce qui concerne la saisie éventuelle des machineries sur lesquelles vous pouvez avoir des liens... En ce qui concerne la saisie d'un ensemble de bois coupé, on trouve également que c'est énorme comme pouvoir. Je pense que le ministre a probablement saisi l'ensemble des préoccupations et du Barreau et de l'Association des banquiers. Je dois vous dire que l'Opposition est également entièrement d'accord avec cette "exagération".

Je vous remercie infiniment de ces réponses et je ne doute pas que si on avait une période de temps plus longue pour discuter à fond de cela, on aurait avantage à discuter plus longuement avec les banquiers, entre autres, des fameux contrats, du contenu des fameux contrats et quelles seront les garanties. Il n'y va pas que de l'intérêt des banquiers là-dedans, parce que les banquiers vont prêter dans la mesure où ils ont des garanties. Je comprends là-dedans l'intérêt des scieries à faire en sorte que ces contrats soient clairs. J'ose croire que le ministre retiendra vos recommandations à cet égard. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je crois, messieurs, que mon collègue a indiqué que ce n'est pas l'intention, ce ne sont pas les objectifs du projet de loi de réduire ou de rendre impossibles ou beaucoup plus difficiles les droits que vous pouvez exercer pour ne pas réduire des marges de crédit et pour ne pas réduire la méthode de financement des membres de l'industrie.

Je voudrais cependant vous poser quelques questions. Au sujet de l'article 101, vous avez fait part de vos préoccupations sur le respect des garanties, compte tenu de l'article 101. Comme nous l'avons dit précédemment, nous avons l'intention d'apporter certaines modifications à cet article. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient, selon vous, les mesures qui pourraient être prises?

M. Gauthier (Wilbrod): À partir du moment où le gouvernement fait disparaître tous les droits des concessionnaires, des bénéficiaires de garantie d'approvisionnement et tout, il n'y a plus de droit de coupe. Par conséquent, sans changer tout le principe de la loi, on ne peut pas éviter de dire quelque chose comme ce qui est dit dans l'article 101. Ce que les banquiers veulent mettre de l'avant, c'est vraiment la proposition suivante: que la législation puisse permettre de remplacer adéquatement les droits qui tombent par des sûretés sur d'autres droits qui seraient accordés par les contrats.

Cela présente cependant une difficulté. Je vous avoue que je n'ai pas de réponse toute faite. La difficulté, c'est le rang des sûretés. Et c'est là que cela devient une injustice terrible pour telle ou telle institution financière qui a prêté en premier rang sur la garantie des droits de coupe et une autre qui a prêté un an plus tard. Les deux sûretés" étant au même niveau, qu'est-ce qu'il va y avoir? La course par les prêteurs successifs pour voir qui va arriver le premier avec sa nouvelle sûreté? La conséquence est embêtante. La réponse exacte, par un texte, je ne peux pas dire que je la connais, mais je serais bien prêt à faire des suggestions en temps et lieu, et cela ne me prendrait pas de temps à en faire.

Ce n'est pas facile à résoudre parce que la nouvelle loi va faire sauter toutes les sûretés d'un coup. Quand on parle de compensation, c'est cela que les banquiers ont à l'esprit, c'est la possibilité de se replacer avec des sûretés différentes de leur nature, peut-être, sur des droits différents, mais quand même des sûretés qui auraient essentiellement le même rang qu'elles avaient auparavant. C'est cela l'essentiel de notre représentation.

M. Ciaccia: Peut-être que j'accepterais votre suggestion de nous faire des suggestions sur...

M. Gauthier (Wilbrod): Oui... On va en faire.

M. Ciaccia: Si vous en avez, certainement. Concernant l'article 5, vous demandez deux choses: que la propriété passe au bénéficiaire dès la coupe du bois pour pouvoir être donnée en garantie et que soit retranché le droit de suite du ministre. Dans tel cas, ne croyez-vous pas que la créance de la couronne serait ainsi très affaiblie? Quel serait l'effet pratique de votre proposition sur l'ordre des créances entre les prêteurs et la couronne?

M. Gauthier (Wilbrod): Le rang de la couronne pourrait être protégé par rapport au rang du créancier par un article de loi. Il pourrait être protégé comme on protège dans bien d'autres lois le rang du privilège de la couronne, dans les lois fiscales, par exemple. Cela pourrait être fait.

M. Ciaccia: On pourrait inclure dans le projet de loi que le rang ou les montants dus à la couronne seront perçus prioritairement au droit du prêteur ou à tout autre droit?

M. Gauthier (Wilbrod): Oui.

M. Ciaccia: Vous pourriez accepter une telle clause dans le projet de loi?

M. Gauthier (Wilbrod): Je pense que oui, parce qu'à ce moment-là le banquier serait placé dans la situation suivante: s'il veut avoir le premier rang, il n'a qu'à payer les droits. Ainsi, il exerce sa sûreté, mais, au moins, il a une sûreté contre du bois qui appartient à son débiteur. C'est ce qu'on veut.

M. Ciaccia: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Une première question. Puisqu'on parle justement des approvisionnements et des garanties, jusqu'à quel point les institutions bancaires sont-elles prêtes ou peuvent-elles prêter sur la base d'un rendement escompté, c'est-à-dire sur la base de garanties d'approvisionnement à venir, mais qui n'existent pas encore dans la forêt réelle?

M. Santos: Vous parlez maintenant d'une analyse de risque qui n'existe pas?

M. Claveau: Je parle du problème de l'octroi de droits de coupe en fonction d'une forêt potentielle, soit ce que le ministre avance dans son avant-projet de loi: "De la possibilité d'octroyer des droits de coupe plus élevés que ce que la forêt actuelle permet...", parce qu'on prétend, avec les politiques de reboisement, qu'il va y avoir une forêt qu'on va pouvoir escompter plus tard.

M. Santos: Pour le moment, je pense qu'il serait difficile de se prononcer directement sur cette question. Mais, comme vous le savez, faire des engagements à long terme sur des questions hypothétiques, je pense qu'on aurait de la difficulté à accepter cela pour le moment.

M. Gauthier (Wilbrod): J'ajouterai, cependant, qu'essentiellement la situation ne serait pas tellement différente de celle dans laquelle le prêteur est lorsque le banquier prête sur une récolte qui n'est même pas encore poussée.

M. Claveau: Mais, là, il y a l'assurance-récolte.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais tout cela peut être regardé, peut être envisagé. Le fait que l'arbre n'existe pas encore n'est pas fatal à la possibilité de financement.

M. Claveau: Mais cela le rend plus difficile.

M. Gauthier (Wilbrod): Nécessairement, il y a l'évaluation du risque. À ce moment-là, le banquier prêtera moins par rapport à ce sur quoi on veut prêter.

M. Santos: II y a aussi, M. le député, l'aspect du terme. Il est évident que, lorsqu'on fait des prêts sur récolte, normalement, c'est à très courte échéance, c'est dans les douze mois à venir. Si vous parlez d'un prêt à x % ou à "prime" plus quelque chose dans sept ans, dix ans ou quinze ans, c'est une tout autre affaire.

M. Claveau: D'accord. Merci pour votre réponse. Une autre question. Au début de votre intervention, vous avez fait allusion au fait que, si l'industrie forestière avait à défrayer une large part des coûts d'aménagement et de reboisement, cela aurait un impact négatif sur sa rentabilité. Vous dites que l'on met les compagnies dans une situation financière précaire et que c'est sûrement par le fait même plus difficile pour elles d'aller sur le marché des prêts. Par contre, il y a l'autre côté de la médaille. On se trouve dans une situation où les réserves étant de moins en moins nombreuses, la rupture de stock étant de plus en plus prévisible à court terme, les compagnies se retrouvent aussi dans une situation assez précaire sur le plan financier, sur le plan de l'approvisionnement. Il y a aussi le fait que vos garanties en bois debout s'en vont en diminuant tout le temps. Je me demande jusqu'à quel point vous n'êtes pas pris entre l'arbre et l'écorce pour...

M. Santos: M. le député, ce qu'on demandait et ce qu'on voulait strictement mentionner dans notre paragraphe, c'est qu'il y ait réellement une balance, une ligne très étoite qu'il faudra suivre pour que toutes les parties ne soient ni lésées ni avantagées. Vous avez raison, on était peut-être mal pris, mais tout le monde serait mal pris si les compagnies devenaient non compétitives sur le marché mondial. Ce sera plus difficile immédiatement; cependant, il faut qu'elles voient à la reforestation, car autrement on n'aura plus de matière première d'ici à quelques années.

C'est une ligne, une balance qu'on voit, et les banquiers sont aussi prêts à faire des compromis pour que cette ligne soit maintenue. Sî de l'argent est dépensé pour la protection des forêts contre les incendies, les insectes, etc., il va falloir du financement. Cela se fait avec de l'argent. Donc, nous devrons aussi aller de ce côté. C'est une ligne plus balancée qu'aller d'un "swing" à l'autre.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. M. le député d'Ungava, le temps alloué à votre formation étant maintenant terminé, avec votre permission, je vais céder la parole au député de La Peltrie.

M. Cannon: Merci, M. le Président. Un peu dans la même ligne qu'a suivie mon collègue d'Ungava, diriez-vous de façon générale que la santé financière de l'industrie, dans la province de Québec, est saine? Est-elle en position difficile? Quelle est votre appréciation ou votre évaluation au moment où on se parle?

M. Santos: C'est très difficile pour nous de nous prononcer dans une assemblée comme celle-ci et de vous faire des... C'est trop général.

M. Cannon: Je ne veux pas vous demander de commencer à étaler les états financiers de la compagnie ABC, comme dirait mon collègue, mais, de façon générale, j'aimerais connaître votre appréciation comme banquier. Êtes-vous satisfait de la façon dont cela va?

M. Santos: Lorsqu'on a passé la période très difficile de 1981-1982, alors que les banques ont repris possession de presque toute la machinerie qu'il y avait dans le Grand-Nord, les débusqueuses, etc., on a fait de grands pas. Nous sommes beaucoup plus "bullish", si on peut utiliser un terme anglais, sur l'industrie qu'auparavant. D'ailleurs, on fait notre part de ce côté.

M. Cannon: Bon. Pourriez-vous préciser davantage lorsque vous dites que le nouveau régime forestier pourrait essentiellement créer des problèmes en ce qui a trait à la position concurrentielle que détient actuellement le Québec sur le marché international? Pourriez-vous m'identifer des points précis où le nouveau régime forestier viendrait créer un impact? Est-ce au chapitre du coût de la production?

M. Santos: C'est évident que, pour être le "low-cost producer" - et, pour être concurrentiel, il faut que vous soyez le "low-cost producer" - on n'a pas de chiffres exacts, car cela dépend de la situation de chacune des compagnies, où elles en sont dans leur programme de reforestation, etc. Toutefois, il est évident que, s'il faut dépenser de l'argent, cela augmentera les coûts de production, et il faudra que quelqu'un paie. Ce quelqu'un sera peut-être le consommateur québécois ou aussi le client aux États-Unis. Donc, à ce moment-là, il va falloir que l'industrie concurrence les autres producteurs qui, eux, dans des conditions climatiques beaucoup plus propices, ont déjà de grands avantages.

En appuyant totalement la proposition que le gouvernement fait ici dans cet avant-projet de loi, il faut quand même qu'on aille dans cette ligne de balance que je mentionnais au député d'Ungava, qu'on marche dans une ligne bonne pour tout le monde et où il faut faire bien attention.

M. Cannon: Sauf que, dans l'ensemble, vous me dites - je retiens un peu - que la santé financière de l'industrie, de façon générale, est bonne comparée avec celle des années 1980 et 1981; c'est l'évidence même, on se comprend là-dessus.

M. Santos: II y a encore des difficultés, vous êtes bien au courant, ce n'est pas un secret des dieux. Il est évident - et vous êtes bien au courant dans toutes les industries et dans les industries financières -que c'est le "low-cost producer" d'aujourd'hui qui est capable d'afficher les meilleurs profits, d'assurer l'emploi à ses employés et de payer des dividendes à ses actionnaires.

Quand on fait cela, on s'assure réellement qu'on s'en va dans la bonne direction. Donc, comment faire un compromis entre les deux parties? C'est difficile, on l'admet. On n'a pas de réponse, mais on vous demande strictement d'essayer de balancer vos demandes et de donner un peu de temps afin que les gens s'ajustent aux nouvelles demandes. (16 h 30)

M. Cannon: Mais, par ailleurs, le phénomène d'augmentation de nos exportations vers l'étranger depuis les dernières années a quand même été un indice encourageant de développement de marché, qui ferait en sorte que, possiblement, l'industrie pourrait absorber...

M. Santos: Je laisserai sans doute les personnes bien plus au courant des détails vous le dire; je ne pourrais pas vous dire. C'est encourageant dans le sens que l'on voit qu'il y a de l'activité. Je ne peux pas juger, personnellement, si notre industrie serait capable d'absorber cela du jour au lendemain, sans aucun problème. Je crains le contraire.

M. Cannon: Sauf qu'il vous est difficile d'affirmer que cela créerait des problèmes au niveau de notre compétitivité, si vous n'êtes pas en mesure d'affirmer que vous avez des chiffres de base pour faire ce constat.

M. Santos: On a des chiffres qui nous viennent d'un peu partout et qui nous disent que cela pourrait être 10 % de plus. Est-ce vrai ou n'est-ce pas vrai? C'est une chose à voir. Mais, 10 % c'est 10 %, Il n'y a pas beaucoup de compagnies qui ont une marge bénéficiaire de 10 %. Donc, qu'est-ce que cela veut dire?

M. Cannon: Cela pourrait coûter 10 % de plus en termes de coûts de production...

M. Santos: Ce sont les chiffres... M. Cannon: ...pour l'industrie.

M. Santos: ...qu'on donne de gauche à droite, oui.

M. Cannon: D'accord, merci.

M. Gauthier (Wilbrod): Si vous me le permettez...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de La Peitrie. Oui, si vous voulez terminer, peut-être en additionnelle.

M. Gauthier (Wilbrod): La question des coûts et de la facilité d'exporter nos produits, c'est beau jusqu'au moment où les pays voisins, comme cela s'est produit récemment, décident de bloquer les importations dans leur pays. Celui qui a encouru le coût ici est obligé de l'avaler et cela passe en gros motton.

Une voix: Je suis bien d'accord avec vous.

Le Président (M, Théorêt): Merci. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. M. Santos, vous soulignez dans votre rapport, à la page 8, vos inquiétudes. Je lis: "...relativement à l'aménagement et à la protection des forêts contre les incendies, les maladies et les épidémies risquent d'entraîner des dépenses additionnelles fort importantes pour les entreprises forestières et de contribuer à réduire de façon appréciable la rentabilité des opérations forestières."

Je veux vous rassurer sur ce point, parce que, actuellement, les entreprises forestières font partie d'une société de conservation et les frais de protection sont partagés entre tous les adhérents. Les frais du combat d'incendies sont supportés par le gouvernement. C'est notre intention de procéder de façon semblable pour les épidémies. On n'a pas l'intention de reporter tous les risques, de faire supporter les frais de protection contre les feux et contre les insectes par les bénéficiaires des contrats d'approvisionnement et d'aménagement. Cela se fera comme cela se fait actuellement. À moins qu'un bénéficiaire ne soit accusé de négligence, ait mis le feu ou autres, cela est prévu dans la loi actuelle ou dans l'ancienne loi, mais la responsabilité est partagée entre tous les membres d'une société de conservation.

Vous avez parlé des objets du contrat, tout à l'heure. L'article 21, à mon avis, décrit pas mal bien les objets du contrat, M. Gauthier, à savoir que le contrat alloue annuellement à son bénéficiaire un volume provenant d'un territoire délimité par le ministre en vue d'assurer le fonctionnement d'un établissement: "...à charge pour le bénéficiaire d'aménager le territoire". C'est un objet du contrat, c'est bien défini. C'est le droit du bénéficiaire.

M. Gauthier (Wilbrod): Est-ce que vous me posez la question?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui.

M. Gauthier (Wilbrod): M. le ministre, qu'est-ce que c'est, en droit "allouer un volume"?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Allouer, c'est autoriser.

M. Gauthier (Wïlbrod): Cela n'a jamais été utilisé dans des textes législatifs auparavant, "allouer un volume". C'est ce qui nous inquiète comme avocat et c'est ce qui inquiète aussi les membres du Barreau, pas seulement les banquiers. Lorsque vous parlez d'allouer un volume ou lorsque vous parlez ailleurs d'exclusivité de récolte, qu'est-ce que c'est comme notion, en droit? Est-ce que ce sont des droits que l'on peut offrir en sûreté à quelqu'un? On croit que non. C'est pour cela qu'on trouve que la définition des éléments du contrat est insuffisante. On dit non pas qu'on ne comprend pas ce que vise généralement l'intention du contrat, on le comprend; mais c'est la nature des droits, pas seulement la nature des obligations- que les titulaires éventuels et les banquiers veulent connaître. C'est cela qui n'est pas clair. Allouer un volume: Est-ce qu'il nous le vend? Est-ce qu'il nous le donne? Est-ce qu'il nous donne des droits sur ce volume? On ne le sait pas. Allouer un volume, en droit, ça ne veut rien dire, à mon humble avis.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce que vous voulez avoir, ce sont des droits réels.

M. Gauthier (Wilbrod): Oui, des droits réels immobiliers; pas avant que les droits au gouvernement aient été payés, mais après.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Concernant votre remarque au sujet de l'article 101, soyez assuré qu'on ne veut pas diminuer vos droits et j'ai demandé aux conseillers juridiques de faire en sorte qu'il n'y ait pas de vidé juridique de ce côté. Ce que nous vous offrons dans le nouveau projet, à mon avis, c'est peut-être supérieur à ce qui avait été offert dans le passé. C'est notre intention de le rendre supérieur. C'est

pourquoi vous avez offert votre collaboration pour consultation tout à l'heure et soyez assuré que les avocats du ministère auront recours à vos lumières. C'est gentil de votre part et nous le souhaitons ardemment.

M. Gauthier (Wilbrod): Merci.

Le Président (M. Théorêt)! Merci, M. le ministre. J'inviterai maintenant le porte-parole de l'Opposition à faire les remerciements d'usage, le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci au nom de mon collègue, le député de Duplessis, et de mes collègues de la commission parlementaire. J'aimerais vous remercier de l'éclairage que vous nous avez apporté. Il est évident que ça va planer sur l'ensemble des discussions qui vont avoir lieu lors du projet de loi qui, supposons-nous, doit être déposé l'automne prochain pour son adoption d'ici à Noël.

Il est évident que vos préoccupations sont différentes de celles de celui qui possède l'usine, mais elles sont du même niveau, je pense. C'est de s'assurer que l'on ait une capacité de rembourser l'argent que vous avez prêté et, d'un autre côté, de faire fonctionner l'usine que nous possédons.

Dans ce contexte, soyez assuré de l'apport de l'Opposition. Comme vous avez fait mention que vous pourriez faire parvenir des documents supplémentaires en termes de proposition, une des façons nous permettant de les avoir assurément, c'est de les faire parvenir au secrétaire de la commission qui les distribuera à tous les membres de la commission.

Je vous remercie d'avance et je peux vous assurer que l'Opposition fera son travail pour permettre que vos craintes soient dissipées lors de l'étude du projet de loi. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rïvîère-du-Loup): Encore une fois, merci, M. Santos ainsi que votre groupe, de votre participation à cette commission parlementaire. Étant donné l'importance du secteur et pour vous et pour les Québécois, votre contribution sera certainement positive et appréciée. Soyez assuré que nous communiquerons avec vous pour la consultation ultérieure de façon que le projet de loi reflète bien les garanties que nous voulons vous donner et qui n'affecteront pas notre industrie. Je vous remercie sincèrement.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: De mon côté, M. le Président, je voudrais remercier l'Association des banquiers canadiens. Je crois que votre mémoire a démontré qu'il y a des améliorations à apporter au projet de loi. C'est pour ça que c'est un avant-projet de loi. Ce n'est pas encore la première lecture du projet de loi. Je pense que vous avez abordé le sujet d'une manière très positive et je crois que, nous aussi, nous réagissons d'une façon positive et c'est un véritable exemple de l'utilité d'une telle commission pour entendre les préoccupations des différents intervenants et également la réaction du gouvernement de vraiment vouloir apporter les modifications nécessaires pour protéger l'industrie et tous ceux qui oeuvrent dans ce secteur. Je vous remercie, encore une fois, de votre mémoire et de votre présentation.

M. Santos: Vous pouvez compter sur toute notre collaboration, M. le ministre et M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): MM. les banquiers, je vous remercie et bonne fin de journée. J'invite maintenant tout spécialement l'équipe technique de l'Association des industries forestières du Québec à installer son projecteur et son écran et j'invite les membres de l'association à s'installer à l'avant, s'il vous plaît.

Afin de permettre à ces gens de s'installer, nous allons suspendre pour quelques instants. S'il vous plaît, ne quittez pas la salle.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît! Celui qui va faire la présentation est le même que celui qui changera les disquettes? Vous êtes là? Alors, j'invite le président, M. Hamel, à bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

AEFQ

M. Hamel (Denis): M. le Président, je vous remercie d'abord, au nom de l'Association des industries forestières du Québec, de nous permettre aujourd'hui d'être entendus à cette commission à la suite de notre mémoire, que vous avez déjà reçu, sur l'avant-projet de loi sur la forêt. D'abord, voici les membres de l'association qui sont ici présents cet après-midi: à mon extrême gauche, M. Bill Martin, vice-président du conseil d'administration de l'AIFQ et qui, dans la vie privée, est vice-président à l'administration et aux ressources naturelles de CIP Inc.; M. Gilbert Tardif, qui est vice-

président du conseil d'administration à l'AIFQ et aussi président et directeur général des Industries Maibec. À mon extrême-droite, M. Guy Dufresne, qui est administrateur de l'AIFQ, président du comité de protection de la forêt pour l'Association canadienne des pâtes et papiers et qui est aussi premier vice-président, groupe pâtes et papiers, à la Consol Bathurst. Et, directement à ma droite, M. André Duchesne, président-directeur général de l'Assocation des industries forestières du Québec à qui on demanderait de faire l'exposé de circonstance cet après-midi.

Le Président (M, Théorêt): Merci, M. le président. Avant de vous céder la parole, il y a une intervention, je pense, du député de Duplessis.

M. Perron: Oui, M. le Président. Compte tenu que nous devons entendre ce mémoire pour une période d'environ deux heures trente, l'Opposition officielle donne tout de suite son accord pour prolonger passé 18 heures et prendre le temps nécessaire pour terminer avec l'industrie forestière l'étude du mémoire en question.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je tiens évidemment pour acquis qu'à ce moment-ci l'Opposition donne également son accord pour aller au-delà de 22 heures pour entendre les autres organismes de ce soir?

M. Perron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis.

Je vous rappelle, comme sûrement le secrétariat de la commission vous l'a mentionné, que vous avez trente minutes pour la présentation de votre mémoire et que chaque formation politique a soixante minutes pour en discuter avec vous.

Je cède maintenant la parole au présentateur.

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Messieurs les ministres, Messieurs les députés - puisque cet après-midi mesdames les députées ne sont pas avec nous, j'espère que je ne leur ai pas fait peur - nous avons préparé quelques diapositives qui vont nous permettre d'illustrer rapidement l'essentiel du mémoire que l'association vous a soumis.

D'entrée de jeu, je tiens à vous souligner que l'Association des industries forestières du Québec considère l'avant-projet de loi dont on discute présentement comme un progrès très net par rapport à la situation actuelle. L'AIFQ tient à réitérer son accord avec la plupart des orientations de l'avant-projet de loi. Cependant, plusieurs modalités importantes méritent d'être corrigées et nous allons les mentionner. Je vous souligne, M. le Président, avant de débuter, que nous avons déposé deux corrections au mémoire que nous avons soumis, notamment en ce qui a trait à nos remarques relatives à l'article 100, dont vous avez entendu parler un peu déjà.

L'Association des industries forestières du Québec regroupe 27 sociétés membres qui couvrent presque tout le secteur papetier au Québec. Ces sociétés aussi transforment environ le quart du bois de sciage qui est transformé au Québec. Elles génèrent près de 50 000 emplois directs et leurs activités touchent plus de 75 % de la matière ligneuse. Elle représente plus du tiers des investissements en région, c'est-à-dire Montréal exclu. Leur contrôle est fortement canadien et québécois, ce qui est un changement important par rapport à la situation qui prévalait il y a vingt ans.

La nature du problème, je crois, est exprimée sur le graphique que vous avez devant vous. Nous traitons strictement de sapin, d'épinette et de pin gris, La courbe en blanc indique les récoltes successives au cours des 25 dernières années. Le réel c'est ce qui est en jaune, la base concrète, la possibilité actuelle du territoire. Le possible c'est ce qui est en orange, c'est ce qu'il est possible d'atteindre en fonction des différentes hypothèses sylvicoles que nous allons retenir collectivement. Le rêve, ce que le député de Duplessis a appelé la forêt électronique, c'est ce qui est en bleu, les allocations qui ont été consenties dans le passé sans fondement par rapport à la forêt. Je vous signale que, pendant la période allant jusqu'en 1972, le taux de croissance de la récolte forestière était de l'ordre de 400 000 mètres cubes par année; l'effet de la politique actuelle a porté ce taux de croissance entre 1972 et 1980 à près de 800 000 mètres cubes; depuis 1980, il est retombé à quelque chose qui ressemble beaucoup plus à 200 000 mètres cubes. Et la tendance, qui est en vert, vous me permettrez de supposer que c'est une tendance optimiste puisque s'il n'y a pas de changement elle risque fort d'être beaucoup plus près de l'horizontale.

Dans son mémoire "Éléments de solution" déposé en septembre 1984, l'AIFQ a énoncé un certain nombre de principes qui doivent être respectés pour établir le nouveau régime forestier du Québec. C'est d'abord le respect de la forêt elle-même. Au point de vue de la matière ligneuse, il s'agit d'assurer le rendement soutenu de la forêt en ne récoltant pas plus que la possibilité forestière. Du point de vue des autres produits de la forêt, il s'agit, pour ce qui concerne l'industrie, . de protéger les fonctions de production, donc de s'assurer que l'on ne détruit pas ces autres utilisations. Il faut aussi protéger efficacement cette forêt, et ce, contre tous les

fléaux, et notamment contre la végétation concurrente en ce qui a trait aux jeunes peuplements et aux plantations. L'AIFQ a alors aussi insisté sur un partage des responsabilités qui soit adéquat. L'État doit s'occuper des objectifs collectifs et du contrôle des activités industrielles. L'industrie, quant à elle, sera dans son domaine de spécialité si elle a charge de réaliser les objectifs au moindre coût. Quant au partage des coûts, il doit se faire de façon équitable entre tous les utilisateurs parce que tous retirent des bénéfices de l'activité forestière et de la forêt en général.

La solution proposée par le gouvernement consiste à donner à l'industrie un contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Ce contrat se base sur une allocation qui respecte la possibilité du territoire alloué par le contrat. L'AIFQ insiste pour que cette possibilité sait réelle et actuelle. L'allocation est basée sur la récolte des cinq dernières années en forêt publique. L'AIFQ tient à vous rappeler que cette récolte a été d'environ 21 000 000 de mètres cubes chaque année.

Le contrat fait disparaître aussi l'exclusivité territoriale. L'AIFQ n'y voit pas d'objection fondamentale, mais je reviendrai tantôt sur des questions de gestion qui devront être réglées. Finalement, le contrat assure l'écoulement des copeaux et des bois des producteurs privés. Il faut se rappeler qu'au cours des cinq dernières années, la récolte effectuée par les compagnies papetières en forêt publique a été minimale pour toutes sortes de raisons.

Les obligations du bénéficiaire de contrat, selon l'AIFQ, doivent se limiter à trois points. D'abord, le maintien de la possibilité de base du territoire sous contrat; cela est la possibilité qui est obtenue en régénérant Ies peuplements récoltés. Ensuite, le respect des autres fonctions de production dont je vous parlais il y a un instant. À cet effet, nous comptons respecter le guide des modalités d'intervention en milieu forestier. Finalement, je dirais, pour que le gouvernement puisse jouer son rôle, qu'il faudra produire des plans et des rapports, nous l'espérons, en quantité respectable.

Du côté du MER, lui aussi doit avoir des obligations. Celle qui est prévue à l'heure actuelle consiste à ne pas allouer de volumes qui dépassent la possibilité. Nous répétons que l'AIFQ y souscrit à condition que ce soit la possibilité actuelle du territoire. Le MER devrait aussi prendre en charge les frais résultant d'objectifs de production qui sont accrus au-delà de cette possibilité. Ce n'est pas clairement inscrit, dans l'avant-projet de loi à tout le moins. Ces objectifs accrus sont rendus nécessaires parce qu'il y a eu, dans le passé, une allocation excessive. C'est donc la responsabilité collective de défrayer ces frais d'atteinte de ces objectifs.

Le MER doit aussi respecter les droits des bénéficiaires de contrats. Encore une fois, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces droits sont très mai définis dans l'avant-projet. Le MER doit remettre en production les aires mal régénérées dans le passé. L'avant-projet témoigne positivement de cela, mais laisse au ministre toute la latitude du rythme auquel cela doit se faire. Ce rythme doit être précisé. Enfin, en cas de retrait de territoires qui seraient destinés à d'autres fins qu'à la production de matière ligneuse, il faudra prévoir une compensation adéquate.

La question du territoire non exclusif se présente avec un certain nombre de difficultés d'application pratique. L'avant-projet confère à chacun l'exclusivité de sa récolte et nous croyons que cela veut dire que chaque utilisateur a le droit de récolter le bois qui lui est alloué. On peut prévoir de nombreux conflits. La solution proposée par l'AIFQ consiste à désigner un maître d'oeuvre pour chaque territoire sous contrat et à inscrire dans la loi et dans le contrat les droits et les devois spécifiques du maître d'oeuvre et des autres utilisateurs du territoire.

Le mécanisme de désignation, de préférence, serait une entente de gré à gré des bénéficiaires de contrats qui doivent oeuvrer sur le même territoire. À défaut, le ministre doit désigner, lors de la signature des contrats, qui sera maître d'oeuvre sur le territoire. C'est la seule façon, à notre avis, d'éviter une intervention journalière du ministre dans les opérations industrielles.

La question de la réglementation a déjà été commentée devant vous. À notre avis, les règlements qui sont prévus présentement sont trop nombreux et mal orientés vers des recettes plutôt que vers des objectifs. Il faut que la réglementation mette en valeur les objectifs à atteindre. Le choix des moyens doit revenir aux bénéficiaires de contrats. Il faut que les recettes toutes faites soient rejetées et que la place soit donnée aux décisions des forestiers sur le terrain; c'est l'endroit où l'aménagement se fait. Nous croyons disposer des forestiers compétents pour prendre ces décisions. Si leur nombre venait à manquer, il faudra en former. Enfin, là où la réglementation doit s'exercer, c'est dans l'évaluation de la performance des bénéficiaires de contrats. Il faut, à cet effet, des critères explicites dans la loi et la réglementation.

La pierre d'angle du nouveau régime est le respect de la possibilité. Il s'agit de récolter d'une façon constante et perpétuelle un volume de bois qui ne soit pas en diminution. L'industrie fait déjà face au cycle économique, elle a besoin d'une base d'approvisionnement qui soit stable, et le niveau, je vous le rappelle, d'histoire

récente, est de 21 000 000 de mètres cubes par année,. Cette base, c'est aussi celle du régime. À cet effet, l'AIFQ réclame un mode de calcul de la possibilité qui soit clair et compris -de tous les intervenants. Les hypothèses de calcul doivent se conformer à l'expérience vécue et il ne faudrait pas répéter ici l'aventure de Perrette et de son pot au lait, la fable de La Fontaine.

Il faut d'ores et déjà prévoir aussi un mécanisme de révision au contrat parce qu'à mesure qu'on acquerra de l'expérience et à mesure que nos données forestières deviendront meilleures, probablement que les chiffres de possibilité devront être révisés et cela doit se faire sans léser ni le bénéficiaire ni la collectivité représentée par le MER.

Un point crucial qu'il faut souligner est celui de la protection. C'est, à notre avis, le meilleur des traitements sylvicoles, c'est-à-dire celui qui a le plus bas coût marginal par mètre cube disponible. Il est indispensable d'inscrire formellement dans la loi la protection contre les feux, contre les insectes, contre les maladies, contre la végétation concurrente pour les jeunes peuplements et plantations et, aussi, le suivi des autres menaces; l'exemple classique, ce sont les pluies acides. Le Québec ne peut investir en aménagement forestier sans protéger ses investissements. Quant au mécanisme de décision, nous avons un exemple qui fonctionne très bien depuis plusieurs années dans le domaine de la protection contre le feu. Nous suggérons que, dans le plus grand respect des compétences de l'industrie et du MER, ce type de décision conjointe et de partage des coûts soit appliqué aux autres fléaux. (17 heures)

Si vous doutez de l'importance de la protection, laissez-moi vous rappeler l'exemple de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Entre 1975 et 1985, la récolte industrielle a été d'environ 225 000 000 de mètres cubes au Québec. La tordeuse, elle, a bouffé environ 230 000 000 de mètres cubes. Apparemment, ce n'est pas fini, si on se fie au cahier des possibilités et des disponibilités. Le coût d'une protection adéquate contre la tordeuse, en extrapolant à partir des coûts réels subis jusqu'à maintenant par le gouvernement dans cette épidémie, est estimé à environ 0,90 $ du mètre cube. Si je me fie aux chiffres fournis par le gouvernement quant au coût marginal de production d'un mètre cube, grâce à la sylviculture qui nous est proposée, on obtiendrait alors 23 $ du mètre cube. C'est un rapport de 25 à 1. Même des ajustements dans ces chiffres, parce que je pense que certains ajustements seront nécessaires dans les estimations gouvernementales, ne pourront annuler cette différence énorme. Je vous signale qu'il faudra quand même protéger, si on veut être sûr de récolter. À notre avis, la protection est un point de départ.

Le processus de transition a fait l'objet de plusieurs débats déjà; la révocation sans compensation des concessions et de tout le reste. En fait, ce que l'avant-projet de loi prévoit, c'est une confiscation des droits réels, sans entente préalable, sans compensation ultérieure. Cette confiscation s'adresse, non seulement aux concessionnaires - c'est vraisemblablement ce qui est visé -mais aussi aux détenteurs de garanties d'approvisionnement, aux signataires d'ententes particulières qui ont souvent permis la relance d'usines et, enfin, aux créanciers intéressés dans tout ce processus.

Un contrat peut se résilier, mais il faut y mettre les formes. C'est toute la crédibilité du gouvernement dans le cadre des nouveaux contrats d'approvisionnement et d'aménagement qui est en jeu. Selon l'AIFQ, la révocation doit se faire suivant certaines conditions qui s'appliquent à tous les types de contrats. On doit fournir au bénéficiaire un territoire qui soit aussi économiquement exploitable que son ancien territoire. On doit respecter, au moment de l'allocation, la possibilité du territoire qu'on lui alloue. La révocation doit se faire seulement après la conclusion d'une entente. S'il arrive que le territoire est réduit, le premier choix du territoire résiduel doit aller au bénéficiaire. Enfin, je répète qu'il faut préciser dans la loi les nouveaux droits des bénéficiaires de contrats.

Le partage des coûts, évidemment, est un sujet très important. L'industrie reconnaît son obligation de contribuer aux frais de l'aménagement forestier. Cette obligation se traduit principalement dans le maintien de la possibilité du territoire sous bail. C'est un bien collectif que l'industrie reconnaît devoir garder en bon état. Mais une obligation de même nature doit être reconnue aussi pour tous les autres utilisateurs de la forêt, en fonction de leur utilisation.

Finalement, nous avons une obligation collective qui est celle d'optimiser la façon dont nous allons gérer la forêt pour viser une solution de moindre coût, en fonction de l'ensemble des bénéfices retirés et maintenir la compétitivité de toute l'industrie.

Je vous prie de noter en passant que si le MER remet à l'industrie la gestion de la forêt, il devrait réaliser certaines économies qu'il pourrait verser en sylviculture.

Toute cette question des coûts est intimement reliée à l'établissement d'objectifs réalistes pour la production forestière. Ces objectifs ne seront réalistes que s'ils sont conformes aux besoins actuels des usines, qui sont jusqu'à maintenant d'environ 21 000 000 de mètres cubes par année. Cette courbe est à peu près standard de rendement décroissant. Dans la partie bleue de la courbe, vous avez la zone où on

aimerait être, c'est-à-dire celle où chaque dollar dépensé génère pour l'ensemble de la société plus d'un dollar de revenu. La partie verte est celle que l'on devrait éviter. C'est celle où, pour chaque dollar dépensé, nous obtenons moins d'un dollar de bénéfice supplémentaire.

Le niveau optimum, évidemment, est entre les deux. On peut supposer que le ministère a établi ce niveau optimum pour correspondre à 26 400 000 mètres cubes par année qui est l'objectif en sapins, épinettes et pins gris qui nous a été formulé. Compte tenu de l'imprécision de certaines données forestières, je pense qu'on doit procéder avec beaucoup de prudence et s'organiser pour être à coup sûr dans la partie bleue de la courbe, quitte à grimper lentement jusqu'au niveau optimum, plutôt que de se trouver dans l'extrême de la partie verte où, en fait, nous dépenserons de l'argent pour rien. Je vous fais remarquer aussi qu'une courbe semblable pourrait être tracée en ce qui concerne la qualité des bois que l'on cherche à produire alors que celle-ci ne s'adresse qu'à la quantité.

Plus précisément, les coûts de remise en production des territoires récoltés doivent être fonction d'objectifs réalistes. Régénérer hectare par hectare toute la superficie récoltée au Québec n'est probablement pas un objectif réaliste, parce que trop coûteux. Ce que nous devons viser, c'est de maintenir et augmenter la possibilité au moindre coût.

Dans le cas du reboisement, donc, il faut penser qualité plutôt que quantité. Il faut régénérer les meilleurs sites avec des essences appropriées. Cela veut dire planter un bon arbre au bon endroit et, surtout, il faut entretenir les jeunes peuplements naturels ou plantés contre la végétation concurrente, sinon leur régénération serait un gaspillage.

En ce qui a trait aux modalités d'intervention, le guide qui nous a été fourni récemment devrait permettre d'obtenir des rapports plus harmonieux entre les différents utilisateurs du territoire. Il persiste, cependant, un noeud en ce qui a trait aux coûts; c'est celui de l'affectation dont le processus n'est pas encore complètement finalisé, d'après ce que nous comprenons.

Est-ce que ce sera les MRC, le MER ou le COMPADR qui prendra la décision finale? Vous comprendrez que notre coeur est sûrement avec le MER. Quand nous connaîtrons ce processus nous pourrons développer un mécanisme de partage équitable des coûts qui tiendra compte des bénéfices retirés par chacun.

Enfin, un point technique: la question de la tarification. L'avant-projet de loi prévoit relier la tarification directement à la valeur marchande des bois sur pied. L'AIFQ tient à vous souligner que plusieurs erreurs d'estimation en plus et en moins - de graves erreurs d'estimation - sont possibles et vous recommande que la valeur marchande soit plutôt un indice du niveau de la tarification qu'un chiffre de valeur brute qui devrait être appliqué aveuglément.

La tarification devra de plus - peut-être que la valeur marchande le fait - tenir compte de la concurrence tant entre les différents secteurs de l'industrie qu'entre ce qui se passe à l'extérieur du Québec. Elle devra tenir compte des contraintes d'exploitation. Elle devra tenir compte des droits des bénéficiaires de contrats, parce que certains contrats existent à l'heure actuelle qui touchent à la tarification. C'est un droit qui ne peut pas être balayé. Elle devra également tenir compte des cycles économiques et notamment prévoir une possibilité d'étalement dans des conditions difficiles.

Bâtir une forêt pour l'avenir, M. le ministre, suppose que l'on connaît précisément la situation en ce qui a trait aux marchés internationaux dans lesquels les produits forestiers québécois sont vendus. Sur ces marchés, l'industrie fait face à une perpétuelle remise en question, la concurrence est féroce et la qualité, souvent, est le seul facteur qui nous permet d'obtenir un prix qui assure la rentabilité de nos usines. Le défi, c'est d'améliorer la compétitivité tout en créant un lien entre l'utilisateur et la forêt. Le Québec doit relever ce défi pour que l'industrie forestière puisse continuer à être le principal moteur socio-économique du Québec.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président CM. Théorêt): Merci. Je porte à l'attention des gens qui sont debout à l'arrière et sur les côtés de la salle que, s'ils veulent suivre les débats de cette commission, ils peuvent le faire à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine où un système, non pas radiophonique, mais d'"audio" a été installé. Alors, si vous voulez vous asseoir à l'aise là et écouter les débats, vous pouvez le faire.

M. le président, si vous voulez continuer la présentation de votre mémoire -si on peut rallumer les lumières ici - je porte à votre attention qu'il vous reste quatre minutes pour la conclusion de votre mémoire.

M. Hamel (Denis): Notre exposé est terminé, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Alors, je cède la parole maintenant au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Messieurs de l'Association des industries forestières du Québec, cela fait longtemps qu'on vous attend, si on peut en

juger par l'assistance. Évidemment, votre mémoire reflète l'importance que l'industrie des pâtes et papiers occupe au Québec depuis de nombreuses années, je dirais depuis cent ans et plus.

Si vous voulez, je vais poser quelques questions avant d'aller plus loin. Je vous remercie sincèrement de votre participation à nos différents comités antérieurement à cette commission. J'espère que cette collaboration se prolongera dans l'avenir.

Quand vous parlez d'allouer des contrats sur la possibilité actuelle, cela veut dire qu'il faut réduire de 3 000 000 de mètres cubes. Avez-vous une idée de qui on devrait réduire?

M. Duchesne: M. le ministre, peut-être faudra-t-il réduire de 3 000 000 de mètres cubes. Ce qui se produit, vous le savez, c'est que les chiffres dont nous disposons à l'heure actuelle pour calculer la possibilité souffrent au point de vue technique d'une couple de défauts importants. Vous êtes en train, au ministère, d'améliorer les données qui sont disponibles et vous avez même prévu de ne signer des contrats qu'après que les données améliorées en seront disponibles.

La position de l'AIFQ est que, dans un premier temps, à tout le moins, vous devez vous fier sur ce qui existe et ne pas augmenter au-delà de la possibilité de base, c'est-à-dire celle qui est produite en assurant la régénération, les obligations des bénéficiaires de contrats. S'il s'avère, à la lueur des calculs, qu'il demeure un problème - ce dont nous doutons beaucoup - à ce moment-là, il faudrait peut-être répartir entre les différents utilisateurs la différence. Je crois que cette répartition ne doit pas se faire a priori puisque, s'il y a un problème, il résulte d'une allocation excessive qui n'est la responsabilité d'aucune des industries, d'aucune des compagnies, mais bien une responsabilité collective. (17 h 15)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si le ministère a alloué dans le passé plus que le rendement soutenu ou la possibilité de la forêt, c'est à la demande de certains intervenants; ce n'est pas de plein gré que le ministère l'a fait. C'est arrivé de tous bords et de tous côtés comme actuellement. Je peux vous dire qu'il y a des demandes pour augmenter encore les permis de 4 000 000 à 5 000 000 de mètres cubes. Ce ne sont pas des demandes qui ont été sollicitées. Si l'engagement du bénéficiaire est de maintenir la possibilité actuelle du territoire - la possibilité actuelle du territoire est basée sur un rendement très bas, car dans le passé, on n'a rien fait pour améliorer tellement le rendement de la forêt - cela veut dire qu'on a l'intention de ne rien faire en forêt. C'est cela?

M. Hamel (Denis): Au contraire, ce n'est pas l'intention de ne rien faire en forêt. Justement, on reconnaît qu'il y a des lacunes à combler et l'industrie est prête à prendre des responsabilités jusqu'à ce niveau. On revient toujours aux mêmes questions de la définition même de la possibilité. Je demanderais à M. Tardif d'exprimer son point de vue là-dessus.

M. Tardif (Gilbert): Bien sûr, le calcul de la possibilité tel qu'il existe, comme on l'a calculé au ministère, c'est 18 600 000. Nous-mêmes de l'industrie, on a fait quelques recherches à ce point de vue et, en vérifiant les hypothèses qui ont présidé à ce calcul, il semble, dans certains cas, que ces hypothèses seraient très conservatrices. D'après nos propres calculs, ceux qui ont été faits par nos propres conseillers, il semblerait que 21 000 000, qui est à peu près égal à la consommation actuelle, serait la possibilité, dirait-on, de base au Québec dans le cours normal des choses. Bien sûr, si on ne fait rien pour le moment, la possibilité ne sera plus de 21 000 000, elle va baisser. Si on ne remet pas en production tous les territoires, cela veut dire que la possibilité va diminuer. Pour garder au moins ces 21 000 000, il faut faire des efforts. Il faut reboiser, il faut introduire d'autres traitements sylvicoles. C'est ce à quoi nous nous référons ici comme niveau de départ pour la mise en oeuvre du nouveau régime forestier.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce que vous me dites, M. Tardif, c'est que notre évaluation de la possibilité de 18 000 000 est trop faible et que ce serait 21 000 000. Cela correspondrait aux coupes actuelles.

M. Tardif: Oui, à peu près. Dans l'ensemble du Québec, bien sûr. Dans certaines régions, il peut arriver qu'il y ait surexploitation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, il y a des cas particuliers, évidemment. C'est que nos allocations sont basées sur un rendement assez modéré, à savoir 1,23 mètre cube à l'hectare, alors qu'on sait fort bien que, dans d'autres pays ou même dans les provinces voisines, même dans nos propres plantations, le rendement est supérieur à cela. Le rendement ne correspond pas nécessairement au reboisement seulement. Il correspond à toutes les interventions que l'on suggère en forêt, à savoir faire des coupes d'éclaircie précommerciales, des coupes de conversion de peuplement, favoriser la régénération naturelle, etc. Ce n'est pas un rendement exagéré comme estimation. Quand vous parlez de l'allocation sur la possibilité actuelle, pour nous c'est 18 000 000.

M. Tardif: Là, il faudrait peut-être

s'asseoir ensemble et étaler nos chiffres. Ce n'est pas tellement facile d'arriver à démontrer que l'un a raison plus que l'autre. Je pense qu'il y aurait certainement lieu de confronter nos hypothèses de départ et nos propres calculs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est sûr qu'on va continuer à discuter là-dessus, mais c'est que les 18 000 000 sont basés sur un rendement de 0,87 mètre cube à l'hectare, ce qui correspond aux pratiques de récolte actuelles. Si on veut rester là, cela veut dire qu'on a l'intention de ne rien faire.

M. Tardif: On dit que, si on ne fait rien, ce chiffre va baisser parce qu'en somme il va y avoir d'autres territoires qui ne vont pas bien se régénérer et où le peuplement forestier va se détériorer. Pour garder au moins le niveau actuel, il faut faire des interventions.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Tout au long de la semaine - la semaine dernière aussi -même si la semaine n'est pas tellement avancée, on a parlé de copeaux. L'industrie du sciage, l'ANIBSQ en particulier, demande une priorité pour les copeaux. C'est-à-dire que la production de copeaux passerait avant le bois provenant des forêts publiques devant alimenter votre industrie. La forêt privée demande une priorité également. Je voudrais avoir votre opinion sur. cette question, parce que cela n'a pas été inscrit dans l'avant-projet de loi de la même façon que je vous le demande.

M. Hamel (Denis): Je vais demander à M. Martin de répondre à cette question.

M. Martin (Bill): Nous, nous croyons qu'un point fondamental est de suivre la règle du marché libre, avec les fibres qui viennent de l'extérieur, disons, de nos concessions, de nos contrats. Il est très évident, avec l'expérience de chaque compagnie dans la province, en particulier les papetières, quand on achète les copeaux et le bois provenant de terrains privés, certes, de temps en temps, on frappe des points en litige, mais ils sont résolus. Je suis très confiant que, si on. continuait à suivre ce principe, le territoire qui nous est accordé serait sous notre responsabilité.

Pour ce qui est de l'achat des fibres provenant de l'extérieur, on suivra les besoins de chacun de nous et les règles du marché libre. Je crois que cela va fonctionner comme il faut.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On a fait état hier de surplus de copeaux. Est-ce que vous suggérez - si on prend la peine de stocker des copeaux alors qu'il n'y a pas de marché, je pense qu'on prend des risques inconsidérés - qu'il y a moyen de faire quelque chose dans ce domaine?

M. Martin: Au lieu de chercher une formule pour une situation comme telle, il y a toujours l'option, pour les propriétaires de scieries, d'offrir ces copeaux en surplus à un prix inférieur à celui du marché.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez, M. Martin, on s'est plaint depuis quelque temps, que les copeaux étaient vendus trop bon marché et qu'ils concurrençaient même la forêt privée. Vous parlez d'un prix inférieur car il y a un surplus. C'est évident - et je vous rejoins un peu sur ce point - que, lorsqu'il y a une surproduction, les prix sont à la baisse.

M. Martin: Je vous assure, M. le ministre, que, dans le cas de nos compagnies, cette situation que je viens de décrire s'est produite comme telle et nous avons acheté ces surplus de copeaux.

M. Duchesne: M. le ministre, je pourrais peut-être apporter un complément de réponse à ce sujet, à même des chiffres qui vous ont été fournis déjà en commission parlementaire. Entre 1979 et 1984, la consommation de copeaux des compagnies papetières a augmenté de 25 %. La consommation de bois en provenance de la forêt privée est demeurée constante. Celle de bois en provenance des concessions qui existent encore a diminué de 45 %.

Il faut dire, M. le ministre, que la consommation totale de l'industrie papetière a diminué de 10 %, même si nous avons augmenté la quantité de produits que nous avons générés. C'est dû à une meilleure utilisation de la fibre principalement. Mais je crois que, dans les faits, M. le ministre, la priorité aux copeaux et la priorité au bois de la forêt privée, vous avez là la preuve qu'elles existent.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme cela, M. Duchesne, vous êtes d'accord avec ce qu'on propose dans l'avant-projet de loi, à savoir que l'on tiendra compte des autres sources d'approvisionnement, sans leur donner la priorité absolue, comme il était suggéré précédemment.

M. Hamel (Denis): C'est toujours ce qu'on retient de l'évolution du dossier de la gestion des ressources - effectivement, la notion de priorité, on s'y oppose depuis le début, comme vous le savez; on le faisait même dans le premier mémoire qui a été déposé sur le livre blanc à l'époque - que les volumes sont utilisés. D'une façon générale, je pense qu'il n'y a pas d'argument en ce qui

concerne la disponibilité de cette matière. Elle trouve éventuellement un acheteur ou un destinataire.

Si, occasionnellement, des surplus se présentent, habituellement cela se produit à l'occasion de fermeture temporaire d'usines pour des raisons de force majeure ou pour des raisons planifiées. L'argument qui est revenu à l'occasion, qu'en n'utilisant pas cette source de fibre on épuise plus rapidement la forêt, je pense qu'il n'existe pas, car, lorsque cela n'est pas utilisé, c'est parce que les usines en question sont fermées. Cela veut dire que ce n'est pas un choix entre la forêt et cette disponibilité de fibres. C'est un arrêt total de l'utilisation de la matière temporairement.

Quand on voit que les volumes eux-mêmes se consomment éventuellement de toute façon, le seul argument qui milite en faveur de la priorité est celui d'aller chercher des prix plus élevés. Je pense qu'il faudrait qu'on dise cela très honnêtement. Est-ce qu'on veut des prix plus élevés, une priorité qui donnerait l'occasion d'augmenter les prix ou si, vraiment, on veut faire augmenter l'utilisation de cette forme de ressources?

M. Côté (Rivière-du-Loup): On a même suggéré, à une occasion, que tous les bois devraient passer par les scieries pour être, finalement, transformés ou achetés en copeaux par l'industrie des pâtes et papiers. Là-dessus, je vous félicite; grâce aux efforts que vous avez faits dernièrement concernant la modernisation de l'usine, le TMCD, etc., vous avez augmenté votre facteur d'utilisation et vous avez en même temps diminué la pollution. Mais, par contre, que penseriez-vous si tous les bois passaient au sciage avant d'aller chez vous? Parce que vous ne pouvez quasiment pas l'accepter aujourd'hui. Le sciage fournit 50 % de vos besoins.

M. Tardif: Je pense à cette hypothèse où, disons, ce qu'on appelle l'utilisation optimale de la fibre repose sur le fait de la plus grande exigence du produit. On dit que, par exemple, les bois à pâte, ce sont des bois de trituration. On peut accepter des bois de toutes tailles, alors que pour les bois de sciage, en fin de compte, on est plus exigeant au point de vue de la qualité et de la quantité. Évidemment, exiger que tous les bois passent par l'usine, bien sûr, ne conduit pas nécessairement à une utilisation optimale. Dans certains cas, cela pourrait même créer des problèmes, parce que les bois ne se retrouvent pas toujours à une distance économique d'une scierie.

Cette notion d'optimalité peut être étendue. On peut penser, par exemple, à l'utilisation de coupe intégrée, en vertu de laquelle, par exemple, un propriétaire de territoire trouverait, en association avec une usine de papier et de sciage, le moyen d'affecter au mieux les bois qui sont là. D'une part, les bois de petite taille pourraient être dirigés directement à l'usine de pâtes et papiers, les bois de plus grande taille à l'usine de pâtes; les copeaux pourraient également aller à l'usine. Mais, cela n'est pas dans tous les cas et je pense que ce serait irréaliste de penser qu'on doive, de prime abord, instituer cela comme principe d'aménagement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais la tendance veut que cela aille de même aujourd'hui. C'est une tendance qui se développe suivant les tableaux que vous m'avez déjà donnés. Vous parlez de distance. Il y a 650 usines de sciage qui sont commerciales au Québec, 645 exactement, et il y a 57 usines de pâtes et papiers. Donc, les chances que les distances soient plus raisonnables à partir du producteur sont du côté des scieries,

M. Duchesne: Le seul point, M. le ministre, qui suscite certaines réserves à cet effet, c'est le fameux mythe que l'on doive passer a priori par le sciage parce que c'est mieux pour une raison quelconque. Ce qui est le mieux, c'est la meilleure utilisation possible en termes de retombées pour tout le Québec; ce que l'on doit viser dans le régime forestier, c'est d'optimiser les retombées pour le Québec. Il y a des cas où cela passe par le sciage, il y a des cas où cela ne passe pas par le sciage. Le régime doit être neutre à cet effet et permettre d'optimiser et de maximiser les retombées, et non pas d'orienter a priori parce que l'on risque de ne pas avoir la meilleure solution.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous parlez un peu du partage des coûts. Il y a eu différentes propositions, vous en avez certainement eu connaissance. On dît qu'on devrait peut-être partager les coûts, suivant le pourcentage de transformation dans chacune des usines, soit une usine de sciage, soit une usine de pâtes et papiers. Le sciage, ils sont arrivés avec deux chiffres, dans le fond: avec 22,4 % et 35 % du bois qui est transformé en sciage, selon qu'on utilise toutes les sources d'approvisionnement, tous les secteurs des deux industries ou seulement un secteur.

Est-ce que vous pensez que ce serait une approche qui serait envisageable, le partage des coûts pour l'aménagement?

M. Dufresne (Guy): M. le ministre, je pense que l'industrie est très consciente qu'elle doit absorber sa part des coûts. Quelle part des coûts et de quels coûts? Je pense que, si l'industrie a choisi de prendre le libre marché, cela doit se faire dans la

négociation avec le libre marché. On doit aussi regarder quelle sorte de coût d'aménagement. Si on aménage un territoire pour en faire du bois de sciage et si on aménage le même territoire pour en faire du bois à pâte, les coûts sont différents. Alors, je pense que dans la libre négociation, ces coûts seront tenus en considération, comme les coûts d'énergie, lorsque l'énergie a monté, ont été tenus en considération ou tout autre changement dans les coûts au cours des dernières années. (17 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voulais vous parler aussi de l'entretien des reboisements que l'on projette de faire, soit du côté de l'héritage du passé, soit du côté des coupes futures. Je veux aussi vous parier de l'usage de phytocides parce qu'on ne voudrait pas investir en forêt, en reboisement, sans protéger nos investissements. Quelle façon privilégiez-vou3 pour l'entretien des futures plantations?

M. Dufresne: Du côté de la protection - c'est un domaine qui m'est très cher, je pense que vous le savez - pour l'ensemble de la province et aussi du pays, je pense que, si on ne fait pas une protection adéquate, chaque dollar qu'on met dans les plantations ne sera pas vraiment rentable à long terme. J'utilise souvent l'expression: II y a 18 élections à cette Assemblée-ci, à peu près, entre le temps où on plante un arbre et le temps où on le récolte. Je pense que cela nous prend une politique à long terme pour pouvoir récolter ces arbres et cette politique doit être non pas discrétionnaire, mais elle doit être inscrite dans la loi de façon claire de façon qu'on protège notre forêt contre le feu - on l'a mentionné, on a le meilleur système - contre les insectes et aussi, quand la plantation est jeune, il faut la protéger contre les mauvaises herbes et les autres arbres qui pourraient pousser pour empêcher cette plantation.

Il existe à l'heure actuelle des moyens. Il s'agit de voir si on est capable, avec la recherche, de trouver d'autres moyens meilleurs que ceux-là, mais on doit utiliser les moyens actuels, non pas pour tuer tous les insectes qui existent dans cette forêt, mais pour garder notre forêt verte. C'est un peu comme le fermier qui, lui, utilise, à 95 %, des produits chimiques. Il le fait non pas pour tuer tous les insectes, mais pour garder la récolte qu'il fait chaque année. Alors, je pense que c'est très important que cela soit inscrit dans la loi. Aussi, il faudrait peut-être inscrire dans la loi de faire le bon dosage dans l'utilisation. De ce côté-là, j'utiliserais l'exemple de la médecine. L'aspirine, c'est un produit toxique. Si on en prend une bouteille, on meurt, mais, si on prend une aspirine, cela peut nous soulager de quelques maux. Ce sont des exemples très simples, supersimples, et je pense qu'ils illustrent très clairement la nécessité d'avoir la protection, d'utiliser les bons moyens de façon continue et à long terme.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Dufresne. Je savais que j'aurais une réponse claire avec vous et que la protection de nos investissements et de notre forêt vous tient à coeur énormément.

Il y a des exemples qui sont à voir comme la forêt Montmorency où le ministère a dépensé de l'argent pour les arrosages pendant quelques années avec des produits chimiques et, les deux ou trois dernières années, aux BT. La forêt Montmorency est un îlot de forêt verte dans un parc -anciennement un parc - de bois mort. Quand j'y suis allé dernièrement, je m'informais auprès des gens de la faculté pour savoir s'il y avait encore du petit gibier. Ils ont dit: Certain qu'il y a du petit gibier ici, c'est à voir. Donc, on n'a pas tout tué. Évidemment, comme vous le dites, il faut prendre beaucoup de précautions quand on utilise des produits semblables, tout comme quand on utilise des aspirines. Il faut, évidemment, continuer à faire de la recherche dans ce domaine et, si on découvre de meilleurs moyens, je pense qu'on devra les prendre. Il ne faudrait pas ralentir nos recherches sur cette question.

Pour l'instant, M. le Président, je vais céder la parole à un autre. Je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre délégué aux Forêts. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de l'Opposition, souhaiter la bienvenue à M. le président Hamel, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, soit les représentants de l'Association des industries forestières du Québec.

Pour nous, c'est sûrement un excellent mémoire qui ne porte pas à confusion quant à la position de l'Association des industries forestières du Québec, car vous y exprimez clairement ce que vous pensez et vous précisez même votre position face au nouveau régime forestier.

Bien sûr, les diapositives qui nous ont été présentées expliquent davantage votre position, en plus de donner des informations additionnelles sur nos problèmes forestiers vécus au Québec au cours des dernières années, ainsi que sur les projections d'avenir. Votre industrie est sûrement importante et le mémoire est, d'ailleurs, à la hauteur de son importance.

À la page 8, vous soulignez que l'arrivée, bientôt, d'un nouveau régime forestier viendra corriger le régime de 1972 qui confiait à l'État québécois toutes les

responsabilités de la gestion des forêts. Vous dites, à la page 9, qu'il est grand temps qu'une nouvelle politique forestière vienne créer un sentiment d'appartenance envers la forêt. Là-dessus, nous sommes aussi parfaitement d'accord.

Un nouveau mode de tenure remplacera les concessions forestières, soit le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Jusqu'ici, nous sommes d'accord avec vous et avec la nouvelle politique forestière dans ses grandes lignes. L'article 22, qui établit les conditions du volume alloué sur la forêt publique, livre aux papetières le marché de la matière ligneuse libre de toute contrainte, contrairement à ce . qu'affirmait le livre blanc, entre autres en enlevant la priorité aux bois des copeaux et aux bois des forêts privées et en rejetant les garanties de suppléance mentionnées dans le livre blanc.

De plus, l'avant-projet de loi s'abstient de créer le Conseil permanent de la forêt, un organisme de concertation où auraient pu être discutés tous les problèmes de mise en marché de la matière ligneuse par l'ensemble des intervenants. Vous dites, à la page 15, que la formule retenue, pour le volume alloué sur la forêt publique, assure l'écoulement des copeaux et des bois provenant de la forêt privée. Pourtant, depuis quelques jours, nous avons entendu les propriétaires de boisés privés et les propriétaires d'usines de sciage nous dire éprouver certaines difficultés à vendre leur volume. On a même parlé de quelque 150 000 000 tonnes de copeaux encore invendues, actuellement en entreposage, à défaut d'obtenir des prix satisfaisants.

D'ailleurs, j'ai de fortes réserves concernant l'affirmation faite par l'un d'entre vous quant aux approvisionnements en copeaux lorsqu'on parle, par exemple, de libre marché et du fait que les producteurs de copeaux devraient réduire leurs prix lorsqu'on sait, selon les informations que nous avons obtenues et qui ont fait l'objet d'études du ministère de l'Énergie et des Ressources, en plus de faire l'objet d'études de l'industrie du sciage, que le coût pour la production d'une tonne métrique de copeaux est actuellement d'environ 102 $ par rapport à 70 $ que paient les utilisateurs de copeaux pour l'achat de chaque tonne.

J'ai plusieurs questions à vous poser sur votre mémoire. La première est celle-ci. Comment pensez-vous que l'avant-projet de loi modifiera la situation que je viens d'exposer et assurera un meilleur écoulement des bois, si rien n'est fondamentalement changé dans le marché de la matière ligneuse? C'est ma première question.

M. Duchesne: Je pense que l'avant-projet de loi, M. le député, va changer un certain nombre de choses. Si vous me permettez de reprendre ce que vous avez déclaré en préambule, la forêt publique ne sera pas livrée aux papetières dans le cadre du nouveau régime forestier, puisque les papetières, on vous l'a déjà dit en commission parlementaire, récoltent à l'heure actuelle, en forêt publique, environ le tiers du volume récolté. On peut donc s'attendre qu'elles aient droit à des allocations qui équivaudront au tiers de ce volume total disponible.

Quant aux questions de marché, il est bien clair qu'il y a des avantages au niveau du bois de la forêt privée en ce qui a trait au nouveau régime forestier. Le nouveau régime s'applique à une situation de rareté qui est celle dans laquelle nous nous engageons de plus en plus. Dans une situation de rareté, on peut s'attendre que les prix évoluent en fonction de cette rareté dans un marché qui se rapproche beaucoup plus du marché type de l'offre et de la demande. La forêt privée dispose d'avantages très compétitifs pour la production de matière ligneuse: le meilleur climat, la proximité des usines, la main-d'oeuvre à proximité aussi et des chemins d'accès qui sont, évidemment, défrayés en grande partie par l'État. Elle devrait donc être en mesure de produire la matière ligneuse dans une situation de rareté qui s'étendrait à la grandeur du Québec, de façon très compétitive avec la forêt publique. Il y aura donc une tendance à utiliser le potentiel de la forêt privée d'une façon plus complète que le potentiel de la forêt publique tant qu'on n'aura pas atteint tout ce potentiel, je pense.

Pour ce qui est des copeaux, le gros chiffre de 150 000 tonnes qu'on vous mentionnait représente environ 20 jours de consommation. Je pense que le coût de production de copeaux comme le calcul de la possibilité, comme un paquet d'autres choses dont nous devons juger dans une situation d'incertitude, dépendent d'un certain nombre d'hypothèses. Ce sont ces hypothèses qui permettent de déterminer, dans le cas où on a une coproduction - puisque c'est comme cela qu'on appelle ça maintenant - de sciage et de copeaux, la part du coût de production qui revient à chacun»

Tout ceci, M. le député de Ouplessis, fait partie intégrante de l'environnement du nouveau régime forestier. L'AIFQ est d'avis que, dans une situation où chacun devra faire pousser le bois qu'il voudra récolter tantôt, le libre marché constitue une situation adéquate pour donner à chacun le revenu qui lui est dû.

M. Perron: Merci, M. le président. D'abord, là-dessus, je ne vous en tiens pas grief, car on a chacun notre opinion qui est différente; on rencontre cela dans la majorité des commissions parlementaires et même à l'extérieur des commissions parle-

mentaires. Je comprends très bien que les papetières mettent surtout l'accent sur la fameuse question du libre marché. Cela ne règle, cependant, pas le problème qu'ont actuellement les propriétaires de l'industrie du sciage parce que 150 000 tonnes de copeaux pour ces usines représentent beaucoup pour elles alors que, pour vous, cela représente, en fait, ce que vous avez mentionné, soit seulement 20 jours de production.

En d'autres mots, si j'ai bien compris, les usines de pâtes et papiers peuvent manger 150 000 tonnes de copeaux en 20 jours. Oui, M. le président?

M. Hamel (Denis): Excusez-moi de vous interrompre là-dessus parce que je veux quand même apporter cette nuance-ci. Lorsqu'on parle de surplus de copeaux de 150 000 tonnes, j'aimerais quand même les voir. Ce n'est pas à un seul endroit. C'est quand même réparti à quelques endroits.

M. Perron: Non, non.

M. Hamel (Denis): C'est le résultat de cycles à répercussion. Ces gens-là ont des difficultés à écouler leur bois d'oeuvre comme nous avons des problèmes à écouler notre papier journal ou notre pâte cycliquement. Cela a un effet se répercutant jusque dans la forêt, y compris sur les copeaux en passant. Alors, les surplus ne sont pas un phénomène de refus des papetières de les utiliser. On veut des copeaux.

M. Perron: Mais à votre prix.

M. Hamel (Denis): C'est naturel aussi parce que, si on ne vend pas notre papier journal, on ne peut pas le payer.

M. Perron: C'est cela qu'on appelle le libre marché.

M. Hamel (Denis): Absolument. Je pense que les industriels du bois de sciage le comprennent également. Pour l'instant, dans leur cas, on parle de deux choses. On parle de l'utilisation des volumes et on parle aussi de relever les prix des copeaux. J'aimerais qu'on parle de l'un et de l'autre, s'il le faut.

M. Perron: D'accord.

M. Hamel (Denis): Ce n'est peut-être pas par une politique forestière qu'on va nécessairement régler le cas du prix des copeaux. (17 h 45)

M. Perron: D'accord. M. le président, compte tenu de ce que vous venez de mentionner, j'ai une question additionnelle à vous poser en rapport avec cela. Est-ce que vous seriez d'accord, compte tenu de votre position, que le gouvernement traite les copeaux comme de la matière première et établisse une tarification lors de leur vente à une papetière?

M. Dufresne: Je pense que non. On l'a déclaré très clairement, pour notre papier journal, quand on le vend à 90 % ou à 92 % à l'extérieur, ou pour notre pâte, on n'a pas une tarification, on n'a pas quelqu'un qui nous établit une tarification. Quand les taux de change varient en plus ou en moins, c'est cela qu'il faut qu'on absorbe, c'est cela. Si on dit que, pour un secteur de l'industrie, cela va être une tarification et que, pour le reste, vous autres, vous allez prendre toutes les variations du marché, on ne peut pas fonctionner. Ou bien on est dans un système de libre marché, de libre entreprise, ou bien on ne l'est pas.

M. Perron: Merci. Remarquez que, pour obtenir concrètement des informations sur le fond des problèmes qui sont vécus, je me fais en quelque sorte l'avocat du diable et je pense que vous le comprenez.

Une autre question. Vous avez mentionné tout à l'heure la forêt privée. Compte tenu aussi de ce que vous avez mentionné et comme la forêt privée est la plus proche des usines de transformation que vous possédez ou encore des usines de sciage, je voudrais savoir pourquoi vous n'êtes pas d'accord pour accorder la priorité d'achat de votre matière ligneuse aux propriétaires des boisés privés. Cela est clairement ressorti, mais on n'a pas dit exactement pourquoi. Est-ce que c'est encore une question de libre marché?

M. Hamel (Denis): D'une façon générale, M. le député, on considère que la forêt privée fournit, quand même, environ 20 % des besoins de l'industrie forestière au Québec présentement. Je parle d'industries de sciage et de papetières réunies. Ces 20 % se répartissent, quand même, de 0 % dans certaines régions jusqu'à environ 40 % et 50 % dans certains autres endroits. En d'autres mots, cela atteint des proportions assez importantes dans des régions où la disponibilité est là et pour autant que cela puisse être aussi une source permanente, fiable, stable d'approvisionnement que les entreprises forestières de transformation vont être en mesure d'absorber.

Si on doit, cycliquement, encore une' fois, produire des quantités de bois qui varient constamment, on ne peut pas intervenir auprès d'une papetière et lui dire soudainement d'arrêter de produire dans sa propre forêt, qu'on a des surplus à lui faire absorber. Le système est beaucoup plus complexe que cela. Il y a des gens qui sont déjà là en forêt. Certains de nos travailleurs ont des équipements de très grande valeur

qu'ils doivent financer; on leur a promis de travailler huit, neuf et dix mois par année pour les aider à financer leur équipement de Timberjack ou d'autres sortes, leurs "skidders" et tout. Ces gens ont besoin, justement, d'une certaine sécurité et qu'on ne les plante pas là chaque fois qu'une quantité de bois devient disponible sous forme de copeaux ou même dans la forêt privée.

Alors, d'une façon générale, les volumes s'absorbent, mais on ne peut pas d'une façon rapide, immédiate ou spontanée se virer de bord et tout arrêter, retourner en arrière juste parce que quelqu'un arrive devant nous pour nous offrir des volumes additionnels. Alors, il y a un équilibre qui va avec les besoins que l'on a et aussi avec les circonstances qui peuvent se présenter sur les marchés.

M. Perron: Merci, M. le Président. Aux pages 49 à 51 de votre mémoire, vous parlez du partage des coûts. Vous dites que l'avant-projet de loi ne mentionne en aucune façon de solution à ces problèmes actuellement vécus. Dans votre mémoire soumis au gouvernement en septembre 1984, à la suite de la publication de "La Problématique du secteur forestier", vous recommandiez à la page 48 dudit mémoire: "Que tous les utilisateurs de la forêt participent aux coûts de son aménagement en proportion des bénéfices qu'ils en retirent."

Comme La nouvelle politique forestière obligera celui qui récolte à aménager, hier, les manufacturiers de bois de sciage sont venus nous dire que la répartition des frais d'aménagement devrait être basée sur le volume ligneux finalement retenu par chaque secteur au niveau de ses produits finis. En se basant sur l'étude de mai 1985 d'un économiste forestier à l'emploi du ministère de l'Énergie et des Ressources, l'AMBSQ a indiqué que, même si le secteur du sciage récolte 64 % du volume sur la forêt publique, elle n'en retient que 22,4 % comme bois de sciage et en revend 41,6 % aux papetières sous forme de copeaux.

En conséquence, l'AMBSQ a annoncé qu'elle est prête à payer sa portion des frais d'aménagement selon le volume ligneux retenu comme bois de sciage, c'est-à-dire près de 23 %. La question que je vous pose est celle-ci: Est-ce que votre association est prête à accepter cette base de discussion? Sinon, quelle serait votre position de départ pour partager les frais d'aménagement entre les papetières, les scieurs et les autres?

M. Dufresne: C'est un peu dans la même veine que la question qui m'a été posée par M. le ministre. La réponse, c'est: Oui, mais dans un système de libre marché. En d'autres termes, quand les coûts . augmentent pour une raison qui est juste et valable, je pense que le marché normalement les reflète. Le prix du marché va aussi refléter, comme je l'ai expliqué tantôt, le fait qu'un aménagement soit fait pour remettre la possibilité au niveau actuel et non pour essayer, si un type, une compagnie, ABC pour en prendre une, décidait de faire un aménagement beaucoup plus élevé et voulait repasser tous ses coûts parce qu'elle l'a décidé... Je pense que le libre marché va permettre cela, il va faire que les coûts vont passer, comme ils ont toujours passé, avec le temps, dans le système.

L'autre avantage d'un tel système, c'est que celui qui coupe va faire plus attention pour faire son aménagement et bien le faire au moindre coût. Cela est aussi très important si on veut demeurer compétitif au niveau international.

M. Perron: Merci. Hier, l'industrie du bois de sciage a cité une étude de la firme Mallette, Major, Martin et du groupe Poulin, Thériault Ltée, démontrant que, de 1980 à 1984, 18 usines de sciage, qui récoltent 33,4 % des bois de la forêt publique, ont présenté un profit net avant impôt de seulement 0,21 $ le mètre cube. Est-ce que votre association a procédé à une étude similaire en rapport avec l'industrie papetière?

M. Hamel (Denis): D'abord, je voudrais juste vous signaler que l'AIF est quand même la représentante de 25 % des entreprises produisant du bois de sciage au Québec. On a également chez nous des producteurs de bois de sciage assez importants. Malheureusement, nous n'avons pas assisté à la présentation du mémoire de l'AMBSQ, hier, ce qui veut dire qu'à certains égards on peut se faire prendre de court un peu. Mais, il reste quand même... Tout à l'heure, il a été signalé un point, à savoir que si on devait parler... On emploie plusieurs pourcentages qui sont utilisés à l'intérieur d'un mémoire différent du nôtre, y compris les 22,4 % d'un montant qui... Tout à l'heure, M. Dufresne signalait qu'il est assez important que l'on retienne 22 % d'un montant qui peut être assez élevé si on veut parler d'un aménagement en vue éventuellement de faire du bois de sciage ou du bois à pâte. Alors, 22 % du bois de sciage, cela peut être extrêmement dispendieux pour le bois de sciage et pour l'industrie papetière, et, également, si on doit retenir ces données pour ce qui serait éventuellement du bois de pulpe, ce serait beaucoup moins de 78 %.

Il y a, par contre, lorsque l'on traite de nouvelles données comme celles des rendements financiers des entreprises de bois de sciage... Les nôtres aussi vivent assez difficilement, celles qui sont intégrées ou celles qui sont associées ou partenaires à bien des égards. M. Dufresne a d'autres réflexions à faire là-dessus, qu'il voudrait

vous transmettre. Je vais lui laisser l'occasion de s'exprimer.

M. Dufresne: Je pense que l'on doit regarder la rentabilité vis-à-vis des autres industries qui sont canadiennes ou québécoises. De ce côté-là, si on regarde les cinq dernières années, selon les chiffres publiés de certaines compagnies, l'industrie des pâtes et papiers avait un rendement sur équité un peu moindre que celui de l'ensemble des manufacturiers canadiens. Quand vous allez chercher des fonds, car vous n'êtes pas sans savoir que l'industrie a investi des sommes considérables pour la modernisation et a augmenté sa dette, quand vous allez voir les banquiers qui étaient ici tout juste avant nous, ils regardent ces chiffres et, même si les chiffres sont plus gros, le pourcentage du rendement est très important. C'est dans ce contexte qu'on doit dire que, lorsqu'on compare une industrie ou une partie d'une industrie à une autre, c'est comme comparer des pommes et des oranges.

Je ne veux pas juger des chiffres que vous avez mentionnés. Tout ce que je dis, c'est que, pour être concurrentiel et pour continuer à progresser, il faut qu'on ait un rendement concurrentiel, de façon qu'on ait les capitaux nous permettant de continuer la modernisation de nos usines.

M. Perron: D'ailleurs, puisque vous avez parlé de l'Association des banquiers canadiens, je crois que vous êtes sur la même longueur d'onde quand vous disiez tout à l'heure, lors de votre exposé, alors que je parlais de la forêt électronique et que vous en parliez de votre côté, que cela ne devrait pas être inclus. Les banquiers sont exactement dans la même position.

À ce moment, on croit que les banques auraient beaucoup de problèmes à prêter à des institutions comme les vôtres, soit pour l'aménagement, la construction ou l'agrandissement, si on utilisait la forêt électronique.

M. Hamel (Denis): Absolument.

M. Perron: Les banques ne prêteront pas là-dessus.

M. Hamel (Denis): C'est par coïncidence que les banquiers sont passés juste avant nous. C'était intéressant quand même de voir leurs préoccupations. Si l'on retient l'expérience du fameux programme de modernisation fédéral-provincial, auquel les deux gouvernements ont contribué pour 240 00Q 000 $, avec une certaine publicité qui leur était favorable à cette époque, leur part de ce qui était investi à cette époque représentait environ 2 500 000 000 $, au Québec seulement.

Cet endettement existe actuellement dans l'industrie et il s'est poursuivi en termes d'immobilisations importantes. Les rapports annuels de toutes nos entreprises le transmettent assez clairement. Il y a eu des investissements considérables. Si on parle maintenant d'investir dans la forêt, ce ne sont plus nécessairement des immobilisations. C'est une ressource vulnérable à certains égards et, de là à investir au rythme déjà suggéré qui représenterait, pour une usine de papier journal de 350 000 tonnes par année, un investissement nécessaire de 3 500 000 $ à 4 000 000 $ de plus par année, à tous les ans pendant 50 ans, avant qu'elle puisse bénéficier de l'arbre dans lequel elle a peut-être commencé à investir... Cet engagement est quand même considérable. Ce n'est pas surprenant de voir plusieurs personnes, autant chez les banquiers que chez les industriels eux-mêmes, se préoccuper de ce phénomène.

M. Perron: Remarquez que je ne remets pas en discussion ce que vous venez de dire. Je pense que cela fait partie de l'ensemble des opérations.

À la page 51 de votre mémoire, concernant la capacité concurrentielle de l'industrie forestière, vous mentionnez que, pour maintenir sa part du marché mondial, l'industrie doit être en mesure d'affronter la concurrence. Là-dessus, j'en conviens. Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez pris connaissance d'études effectuées par le ministère de l'Énergie et des Ressources concernant les coûts d'implantation du nouveau régime forestier ainsi que les impacts relatifs à la capacité concurrentielle des papetières, soit globalement ou encore usine par usine, selon la situation de l'usine dans le Québec?

M. Hamel (Denis): Non. Aucune étude n'a été faite à cet effet. Jusqu'à maintenant, on a entretenu surtout des données généralisantes, c'est-à-dire que c'est plutôt une moyenne à l'ensemble de la province. On sait très bien que les répercussions d'un nouveau régime vont plus loin que le simple coût additionnel de l'aménagement proposé, car le réaménagement du territoire lui-même est déjà un très gros facteur. Bien des gens vont se retrouver ailleurs d'où ils sont présentement, avec des nouveaux coûts d'éloignement qui se présenteront dans certains cas et de rapprochement pour d'autres, heureusement. L'équilibre n'est pas encore déterminé, ni par région ni par entreprise individuelle.

M. Perron: Merci, M. le président. Je voulais vous poser une question tout à l'heure. Je voudrais y revenir. Elle concerne un autre sujet, le conseil permanent de la forêt. Êtes-vous favorable à la création d'un tel conseil? Si oui, de quelle façon verriez-vous sa composition?

(18 heures)

M. Duchesne: M. le député, je pense que le concept du conseil permanent de la forêt n'a pas été défini encore assez clairement à notre avis pour qu'on puisse se prononcer définitivement. Le livre blanc prévoyait des dispositions générales. Je vous avoue franchement que nous avons, à ce moment-là, craint que cela puisse s'étendre jusqu'à des décisions qui pourraient être prises par le conseil quant à la survie d'usines. Nous voyons difficilement des représentants d'entreprises décider de la rentabilité d'entreprises concurrentes. Si le conseil devait avoir un tant soit peu une influence de cette nature, nous croyons, de loin, que vous aurez beaucoup de difficultés à y faire participer l'industrie, à tout le moins.

M. Perron: Donc, si j'ai bien compris, monsieur, vous n'êtes pas nécessairement contre la création d'un tel conseil permanent de la forêt, mais vous n'en feriez pas nécessairement partie.

M. Duchesne: Nous ne sommes pas contre la concertation, loin de là. Nous sommes pour tous les mécanismes qui permettent d'amenuiser les problèmes que l'on peut rencontrer. Mais la formulation qui avait été proposée à ce moment-là ne nous permet pas, à ce stade-ci, de dire si nous sommes pour ou contre ce qui était proposé de façon sommaire.

M. Perron: Merci. À la page 40 de votre mémoire, vous dites que la remise en production des aires récoltées peut constituer la participation de votre industrie au financement des activités sylvicoles. Vous dites, à la page 41, et je cite: "Les documents qui accompagnent l'avant-projet de loi exigent, au contraire, la régénération formelle de toutes les superficies récoltées, hectare par hectare. Le coût de mise en application d'une telle pratique sera nécessairement prohibitif. Elle empêchera, par exemple, la récolte des territoires situés dans la zone pâte, puisque d'ores et déjà il s'agit de peuplements qui ne sont pas rentables à récolter. Elle bloquera aussi la récolte des peuplements difficiles à régénérer partout au Québec, même si ces bois sont essentiels à la survie des usines." Vous terminez en disant: "Le Québec ne peut se permettre de perdre de tels volumes ligneux." Au cours de l'étude des mémoires, certains ont avancé que la nouvelle politique forestière devrait permettre la récolte des bois dans des zones où le droit de coupe est négatif pour autant que l'utilisateur remette en production des territoires situés plus au sud. Est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion sur cette façon de voir les choses?

M. Duchesne: Vous allez augmenter de beaucoup la complexité des contrats d'approvisionnement et d'aménagement que vous allez devoir signer comme gouvernement, en tentant d'appliquer un mécanisme comme celui-là. L'objection que nous avons à cet effet est une objection qui a pour but de maximiser les rendements sur l'argent investi, qu'il soit investi par l'industrie ou par la collectivité directement. Quand on nous demande de régénérer une superficie située soit dans le secteur de la Baie James, soit sur certains territoires de petites dimensions, généralement, qui se situent un peu partout au Québec, à l'intérieur même de zones très productives et où le coût de régénération risque d'être très élevé à cause de difficultés particulières à ces sites-là, on nous prive en même temps, individuellement comme entreprise et collectivement comme société, de l'efficacité supplémentaire que l'on pourrait obtenir en investissant les mêmes sommes sur des sites plus productifs. Par contre, d'aller jusqu'à la suggestion que vous nous faites amène la difficulté de savoir qui gère quelles dépenses. La position de l'association est celle-ci: si on va payer pour une dépense sylvicole, on tient à en superviser l'exécution. Ce qui fait que, peut-être, dans la partie du gouvernement, si telle partie il y avait, vous pouvez considérer, à ce moment-là, dans la partie du gouvernement un transfert d'une zone moins productive à une zone plus productive, mais pas à l'intérieur de la responsabilité financière qui sera confiée à chacune des entreprises. Cela m'apparaît beaucoup trop complexe.

M. Perron: Je crois que la réponse que vous venez de donner est très claire. M. le Président, si vous permettez, je vais passer la parole à un autre collègue ministériel.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous parlez de la tarification et vous suggérez qu'on tienne compte de certains éléments. Vous parlez de la concurrence, des contraintes d'exploitation, des droits des bénéficiaires de contrat, des cycles économiques. Est-ce que vous croyez qu'on devrait tenir compte aussi des pressions qui sont exercées par d'autres pays, notamment les États-Unis, pour faire augmenter les droits de coupe que ces pays jugent trop bas au Québec?

M. Duchesne: M. le ministre, ces

pressions, vous le savez, quand on compare des prunes avec des prunes et des bananes avec des bananes, n'ont pas de fondement technique. Je crois que la révision de sa politique que le Québec est en train de faire doit être indépendante d'une situation qui est éminemment politique chez nos voisins du Sud.

M. Ciaccia: Peut-être que c'est politique, mais ils ont imposé une taxe sur les produits de la Colombie britannique. Cela a causé de sérieux problèmes, des pertes d'emploi. Les montants d'argent, à la suite de l'imposition de cette taxe, vont aux États-Unis. Alors, il y a une perte pour la Colombie britannique en termes d'emploi et il y a une augmentation des revenus aux États-Unis. Est-ce que ce ne serait pas préférable plutôt, pour éviter une telle taxe qui va aller aux Américains, qu'on prenne cela en considération et qu'au lieu de nous faire imposer une taxe à l'exportation, ce qui va augmenter les revenus des États-Unis - parce que, même si vous dîtes qu'au niveau technique il n'y a pas de fondement, c'est un risque à courir - on tienne compte de cette position des Américains? Si on augmente les droits de coupe au Québec, ces sommes vont rester au Québec, tout en tenant compte aussi des positions de la négociation. Les droits de coupe n'augmenteraient pas nécessairement au même niveau que la taxe de 27 % qu'ils veulent nous imposer.

M. Duchesne: M. le ministre, vous avez un sérieux problème sur les bras. Ou vous retournez cette nouvelle taxe, ce nouveau droit de coupe à l'industrie sous forme d'une plus grande participation, d'une façon ou d'une autre, sylviculture ou autre chose, et, à ce moment-là, on vous revient avec le même problème en disant qu'il y a une nouvelle subvention, ou vous ne la retournez pas et, de toute façon, vous avez un problème d'emploi parce qu'une partie de l'industrie n'est plus compétitive.

Alors, vous comprendrez que c'est un problème très sérieux. L'AIFQ n'a jamais pris position sur ce sujet en particulier et sur la façon la plus efficace de contrer éventuellement la menace que vous nous mentionnez. Si vous désirez que l'on vous transmette une position officielle, je vais devoir retourner à mes membres.

M. Ciaccia: Oui. Quand vous dites qu'on est pris dans une situation où on retourne l'argent, d'une certaine façon, à l'industrie ou bien qu'on prend ces sommes, qu'on les garde et qu'on rend l'industrie moins compétitive, tout dépend de ce que l'on peut négocier au lieu de cette taxe américaine. Si on peut négocier quelque chose de raisonnable qui n'affectera pas trop... Toute taxe peut avoir un effet sur les emplois, mais il s'agit de savoir si on va courir le risque sur 200 emplois ou sur 2000 emplois.

M. Duchesne: Un moindre mal, M. le ministre, est un mal quand même.

Une voix: M. le ministre, je pense que M. Tardif a une intervention.

M. Tardif: Je pense que l'industrie canadienne est un peu coincée à ce moment-ci avec une taxe américaine ou une sorte d'impôt qu'an s'imposerait nous-mêmes. Je pense tout de même que cela ne peut pas faire partie d'une politique forestière. C'est une situation temporaire qui résulte du surplus des exportations, du surplus sur le marché américain de bois en provenance du Canada. Ils cherchent un moyen de repousser outre-frontières ces bois et pensent qu'ils vont le faire en imposant une taxe de façon à diminuer les exportations et à réduire la production canadienne. Je pense que pour nous c'est peut-être un choix momentané de dire: On va se taxer nous-mêmes pour empêcher une situation pire s'ils nous taxent eux-mêmes. Je pense que cela ne peut pas faire partie d'une politique forestière. C'est temporaire, et, dès que la crise sera passée, il faudra revenir à une situation plus normale.

M. Ciaccia: Vous dites que toute tarification peut être modifiée au fur et à mesure...

M. Tardif: Oui.

M. Ciaccia: ...que les conditions changent; vous dites que cela ne fait pas partie d'une politique forestière, mais on est pris avec le problème aujourd'hui.

M. Tardif: Oui.

Une voix: Le problème...

M. Ciaccia: Si le problème change, comme lorsqu'on tient compte dans votre tarification de la concurrence, des contraintes d'exploitation, celle-ci aussi peuvent changer au fur et à mesure que votre industrie évolue. Les montants ne sont pas coulés dans le ciment. On fait face à ces principes, à ces conditions maintenant. Dans ce sens-là, cela aurait pu être quelque chose dont vous auriez pu tenir compte dans l'élaboration de la tarification.

M. Hamel (Denis): Je pense que la démonstration est assez bien faite, dans le cours des délibérations là-dessus, du désir des législateurs américains d'ajouter des lois compensatoires sur l'industrie du bois de sciage. Justement, ce n'est pas un phénomène nouveau. Cela fait longtemps

qu'ils reconnaissent que, dans certaines régions du Canada, les redevances ne sont pas aussi élevées qu'aux États-Unis, et cela, pour de bonnes raisons. Il y a le transport, en particulier, et la disponibilité de la matière dans des conditions favorables d'exploitation. Mais le phénomène actuel est strictement commercial, voulu par des pressions des producteurs de bois d'oeuvre américains qui reprochent aux Canadiens de contrôler les prix à la baisse. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres secteurs qui nous intéressent, soit celui du papier journal, en particulier, où, justement, ce sont Ies Américains qui décident des prix à la baisse présentement. Il est impossible pour les Canadiens d'intervenir en rajustant les prix en remontant. Alors, l'argument qui existe en faveur du bois d'oeuvre pour les producteurs américains de "lumber", c'est qu'ils veulent que, par l'imposition d'un droit compensatoire, on soît obligés d'augmenter nos prix aux États-Unis pour récupérer ce droit-là, ce qui leur permettrait de venir se placer à peut-être 10 $ au 20 $ en dessous le millier de pieds de planche pour aller récupérer peut-être 20 $, 30 $ ou 40 $ de plus qu'ls obtiennent présentement. Dans le cas du papier journal, ce ne serait pas le cas du tout. Ce serait vraiment le chaos total à ce moment-là.

M. Ciaccia: Est-ce que cela va vraiment avoir un effet sur vos exportations? Est-ce que cette taxe n'est pas vraiment attachée au bois d'oeuvre? Ce n'est pas attaché aux pâtes et papiers. Combien exportez-vous de produits manufacturiers? On me donne, comme chiffres, 3 200 000 000 $ dans les pâtes et papiers.

M. Hamel (Denis): II n'y a pas de droit compensatoire qui s'annonce sur le papier mais, sur le bois d'oeuvre, c'est un facteur.

M. Cîaccia: Oui. Cela affecte la tarification sur les coupes et les droits de coupe. Alors, je ne pense pas que cela vise les pâtes et papiers.

M. Hamel (Denis): Pas pour l'instant.

M. Ciaccia: À la page 48 de votre mémoire, vous dites que "le Québec demeure la seule région au monde où les droits de coupe ne sont pas reliés à la qualité des bois récoltés mais plutôt à la destination de ces bois. Il en résulte une situation dans laquelle le bois de haute qualité destiné au sciage génère, pour le gouvernement, des revenus moindres que le bois de plus petite dimension destiné aux pâtes et papiers". Que proposez-vous concrètement? Vous dites que "cette situation doit être reconsidérée". Que proposez-vous concrètement? (l8 h 15)

M. Dufresne: Je pense qu'on a regardé, au cours des dernières années... Le Québec est la seule place qu'on connaisse où les droits de coupe pour le sciage sont plus bas que ceux des pâtes et papiers. Si on se fie à ce qui existe ailleurs dans le monde, on se dit, nous, qu'un minimum acceptable, ce serait qu'au moins ils soient égaux. C'est une situation qu'on a mentionnée dans le passé à la suite d'études qui ont été faites et une position que l'on tient encore comme recommandation.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné aussi, dans votre présentation... Vous avez parlé des coûts de régénération et de reboisement et, si je comprends bien votre proposition, les responsabilités de l'industrie devraient se limiter aux dépenses à rendement croissant -la partie bleue, c'est cela que vous nous avez montré - et le ministère devrait se charger des dépenses à rendement décroissant, c'est-à-dire le reboisement. Est-ce que j'ai mal compris votre position?

M. Duchesne: Oui, je pense, M. le ministre, que ce qu'on essayait de montrer à ce moment-là, c'était que, quel que soit celui qui paie, il ne devrait pas être intéressé, à moins que d'autres facteurs interviennent, à dépenser un dollar pour générer 0,50 $ de bénéfice supplémentaire. Quand on dépense de l'argent supplémentaire, il faut que cela rapporte au moins autant que la dépense supplémentaire. C'est une question de coût marginal et de bénéfice marginal et cela s'applique aussi bien au gouvernement qu'à l'industrie.

Évidemment, il y a dans le cas de l'industrie, une facilité à calculer les bénéfices et les dépenses qui est plus grande que dans le cas du gouvernement où toutes sortes de facteurs qui sont traditionnellement difficiles à évaluer doivent entrer en ligne de compte, mais le principe demeure quand même.

M. Ciaccia: Bon, une fois que vous avez mentionné ce principe, le fait demeure qu'il va y avoir du reboisement pour remédier à une situation où il n'y en a pas eu dans le passé. Est-ce que vous me dites que l'industrie devrait partager tous les coûts, les coûts de la régénération, les 21 000 000 de mètres cubes, et le coût du reboisement pour remédier vraiment à ce qui n'a pas été fait dans le passé? Prenez-vous la position que tous ces coûts-là devraient être partagés par l'industrie?

M. Dufresne: Je pense, M. le ministre, que dans le passé l'industrie a suivi les règles qui étaient en vigueur à ce moment-là pour la forêt publique. Ce que l'industrie dit, c'est: On propose de payer pour remettre la forêt au niveau des 21 000 000 000 et de la

distribuer de cette façon-là. Si, à ce moment-là, le gouvernement veut augmenter cette possibilité pour des raisons d'allocations, à ce moment-là, le gouvernement paiera cette facture.

Si, d'un autre côté, c'est l'industrie qui veut profiter de cette chose-là, elle pourra payer, certes, mais à ce moment-là, ce sera un choix et l'industrie investira des sommes d'argent comme on l'a fait dans notre forêt privée au cours des années. Si vous regardez ce qu'on a fait, nous, comme compagnie, dans notre forêt privée, on a réinvesti de ce côté-là de façon à avoir un meilleur rendement. On connaissait les règles du jeu dans la forêt privée. Dans la forêt publique, les règles du jeu étaient différentes.

M. Ciaccia: Les règles du jeu, je peux comprendre, étaient différentes mais l'industrie en a bénéficié aussi. Les règles n'étaient pas imposées parce qu'on croyait qu'il y avait une abondance; on se réveille un matin et on dit: Ouf! Ce n'est pas la situation! Il faut s'engager dans le reboisement.

Je cherche le raisonnement, je me pose la question: L'industrie n'a-t-elle pas bénéficié de ces règles du jeu dans le passé, même si elles n'étaient pas plus contraignantes pour l'industrie?

M. Dufresne: Je pense qu'il y a deux côtés à cette chose-là: II y a eu, d'une part, une allocation plus haute que la possibilité. Il y a eu aussi la perte due à la protection non adéquate de la forêt. Alors, on en a bénéficié d'un côté, en ce sens qu'on a exploité la forêt de la façon qui était dictée par le gouvernement et, d'un autre côté, je pense que le gouvernement en a bénéficié et l'ensemble de la société québécoise, en produisant une économie concurrentielle avec les autres producteurs, non pas ceux du Québec, mais ceux de l'extérieur.

M. Duchesne: À ce moment, M. le ministre, dans cet ancien contexte d'abondance de matières ligneuses, je vous souligne que le gouvernement remettait moins de 0,05 $ pour chaque dollar récolté en sylviculture et en gestion de la forêt. Je vous signale aussi que, chaque fois qu'un mètre cube de bois est récolté et transformé au Québec, en taxes, redevances et impôts de toutes sortes prélevés directement sur l'activité de l'industrie forestière et sur les revenus de ses employés, le gouvernement atteint des revenus d'au-delà de 30 $. C'est plus que n'importe quel profit de l'industrie.

M. Ciaccia: Notre politique d'aménagement vise à faire en sorte que le volume récolté annuellement permette la récupération la plus rapide possible des stocks mûrs disponibles sans provoquer de ruptures de stocks. Ce sont les objectifs de notre politique d'aménagement. Êtes-vous favorables à cette orientation?

M. Hamel (Denis): Moi, je pense qu'il faut comprendre encore une fois que si l'évaluation de la capacité actuelle on la limite à 18 600 000, qui est une donnée qu'on remet en question, d'ailleurs, dans l'exposé original, et qu'on veuille atteindre le seuil de la récolte qui est situé autour de 21 000 000 comme tel, si la répartition du territoire selon les nouvelles allocations était de telle sorte qu'on puisse établir clairement quel est le besoin, justement, de pratiquer non pas seulement des..., d'assister la régénération naturelle pour se rapprocher des 21 000 000 et d'ajouter à cela au besoin du reboisement pour atteindre le niveau de 21 000 000, je pense que l'industrie embarque là-dedans. C'est une compréhension que l'on a. L'industrie actuelle.

Si on veut, du même coup, introduire un nouveau programme et porter cette capacité de 21 000 000 à 26 000 000, cette augmentation additionnelle, est-ce qu'elle est destinée à des futures allocations? Si c'est le cas, on voudrait que les futurs alloués ou les futures locataires soient ceux qui devront payer la note. Que le gouvernement fasse l'investissement et qu'il le leur facture en conséquence éventuellement.

M. Ciaccia: Vous êtes d'accord avec les orientations. C'est juste l'interprétation des orientations que vous...

M. Hamel (Denis): Les niveaux dans la répartition des coûts. Également aussi, de donner une chance, à la suite de l'allocation qui sera faite, à l'évaluation sur le terrain de la capacité réelle de régénération naturelle lorsque tout le monde s'occupe vraiment très bien de son territoire. Et d'établir justement si après quelques années ce qu'on avait évalué comme un niveau de 18 600 000, de 19 000 000 ou de 20 000 000... Il faut savoir si le soin qu'on apporte à la régénération, naturelle n'a pas de lui seul permis d'atteindre des niveaux qui sont très élevés sans avoir à embarquer dans des programmes très dispendieux de reboisement et surtout s'il n'y a pas de protection apportée à l'effort de reboisement ou de régénération.

Je pense qu'il faut vraiment s'établir d'abord des principes d'amélioration de la régénération naturelle et de la protection de la forêt telle qu'elle existe aujourd'hui avant de s'embarquer à planter des petits.

M. Ciaccia: J'ai une autre question sur la réglementation. Beaucoup d'intervenants se plaignent qu'il y a trop de règlements dans l'avant-projet de loi. Est-ce que c'est possible... C'est une critique, je crois, que

plusieurs autres ont faite. Est-ce qu'il faudrait être plus précis dans la loi? Je pense bien qu'on ne peut pas éviter de règlements dans les lois, spécialement dans une loi de ce genre où on commence un nouveau régime forestier. Est-ce que vous avez des exemples de pouvoirs réglementaires qui devraient être inclus dans la loi? Vous vous plaignez qu'il y en a trop. Est-ce que vous auriez des exemples disant que les règlements devraient être limités à tel ou tel sujet, devraient contenir certaines balises, certains critères?

M. Duchesne: Oui, M. le ministre. Il y a un champ en particulier qui doit apparaître quelque part probablement dans la réglementation, c'est celui de l'évaluation de la performance des bénéficiaires de contrats. Nous crayons que l'essentiel de la réglementation en ce qui a trait aux relations entre les bénéficiaires de contrats et le gouvernement, qui représente la collectivité, doit se faire par le biais de l'évaluation de la performance. C'est la garantie que nous aurons tous, comme individus, comme Québécois, que l'industrie utilise la forêt à bon escient. Or, il faut fournir à l'industrie des critères d'évaluation. Il faut lui indiquer sur quelles bases on va évaluer sa performance. Ces bases nous paraissent importantes et généralement absentes à ce stade-ci.

M. Dufresne: M. le ministre, si je peux ajouter un point. On a mentionné lors de la présentation que le rôle du gouvernement était du côté des objectifs et du contrôle. Je pense que, dans ces deux catégories, cela prend de la réglementation. Le rôle de l'industrie est un rôle de réalisation et, de ce côté, peut-être faut-il moins de règlements de façon que l'industrie puisse trouver des meilleures méthodes au moindre coût et avoir les mêmes objectifs.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis, pardon, d'Ungava, excusez-moi.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Au début de la discussion, vous avez fait un voeu qui vous honore. Vous avez dit qu'il semblait évident, en tout cas que vous souhaitiez que le nouveau régime forestier permette d'optimiser les retombées de l'industrie forestière pour l'ensemble des Québécois. Il était question aussi, entre autres, du fait qu'il y a du bois qui doit servir pour le papier et d'autre qui va au sciage, que ce n'est pas tout le bois qui doit passer par le sciage, etc. Mais, depuis cette affirmation, on s'est embarqué dans un dédale de considérations techniques et on n'a pas eu la chance de revenir là-dessus. À la limite, ce que je crains, c'est qu'à force de poursuivre l'ombre, on perde la bête, la bête, ou l'objet étant de créer ou de mettre en place un régime forestier qui optimise les retombées pour l'ensemble des Québécois. À partir de cette affirmation qui est sage en soi, il est clair que, traditionnellement ou historiquement, l'industrie papetière a joui ou jouit encore de parterres de coupe exceptionnellement intéressants en comparaison avec les parterres de coupe dans lesquels doit se débattre à l'occasion l'industrie du sciage.

Dans mon comté, je suis bien placé pour le voir, lorsque les papetières coupent des arbres gros comme cela, dans du bois de 12, 15, 18 et 20 pouces alors que, juste à côté, la scierie doit faire preuve de toute son imagination pour réussir à sortir un 2 x 4 à partir de 2 épinettes dans du bois de... J'espère que le souhait que vous avez émis n'est pas un simple voeu pieux. À partir du moment où vous avez émis ce souhait, je suppose, en tout cas, que votre organisation ou que l'industrie papetière est prête à réviser, en fait, ses positions ou ses avantages par rapport à certains parterres de coupe dont elle jouit actuellement. C'est une hypothèse que je fais, mais c'est vous qui l'avez dit. Je me demande jusqu'à quel point cela ne restera pas un voeu pieux et jusqu'à quel point finalement, en tant qu'industrie, vous seriez prêts à réviser vos positions, vos parterres de coupe, sans égard à ce que d'aucuns d'entre vous appellent des droits acquis, afin de permettre, justement, cette optimisation de la ressource en ce qui concerne l'industrie du sciage en particulier. (18 h 30)

M. Hamel (Denis): J'aimerais, si possible, corriger ce qui est un mythe courant, savoir la question de l'accessibilité ou d'une jouissance qu'on attribue à des grandes compagnies, de posséder de grands territoires, de gros bois. Je ne sais pas, je n'en vois pas souvent de ces gros bois-là. Effectivement, cette perception, on devrait arrêter de la projeter. S'il y a eu une époque dans les coupes des générations passées, d'avant-dernière génération ou de générations précédentes de coupe, si effectivement les bois étaient très gros... Partout les phénomènes de coupe, on revient maintenant à couper pour la deuxième ou la troisième fois à la même place et on ne coupe pas si gros que cela.

L'industrie forestière, en général, et surtout les papetières qui y vont pour de gros volumes, se retrouvent justement à couper du bois qui, en général, est assez petit mais en grande quantité. C'est vrai qu'il y en a du bois à bien des places et on est bien content de l'avoir quand on peut. Il y a eu des reculs importants dans les domaines qui, précédemment, étaient occupés

surtout par les grandes compagnies, pour diverses raisons, des raisons de création de parcs, de réserves, de pourvoiries, de ZEC, de limites autour des cours d'eau pour faire place à des scieries qui sont implantées, pour bien des raisons, par association, par intégration du bois de sciage dans ces territoires... Si vous regardez au nord du Lac-Saint-Jean, vous allez voir qu'il y a bien plus de coupes destinées au sciage d'abord qu'il s'en fait pour les papeteries. Alors, ce phénomène-là, je pense qu'on devrait peut-être arrêter de l'entretenir. Je sais que cela a été répété à maintes reprises par divers intervenants au cours de la commission parlementaire, mais je pense que cela a fait son temps. M. Duchesne a peut-être un commentaire à ce propos.

M. Duchesne: Peut-être. Mon expérience de forestier me dit, M. Claveau, que si vous tracez une ligne quelque part au Québec et que vous mettez un scieur à gauche et une papetière à droite, le gros bois, il se trouve toujours à droite et si vous faites le contraire, le gros bois, il vient à gauche.

M. Claveau: D'accord. Non, mais...

M. Perron: Vous parlez des zones de pâtes.

M. Duchesne: Pardon?

M. Claveau: C'est évident que si on est dans la zone de pâtes...

M. Duchesne: Non, la zone de pâtes, c'est une région particulière au Québec qui est dans le Grand Nord. Effectivement, tout le monde reconnaît que c'est du bois qui est assez vieux, de 120, 130, 150 ans et qui n'est pas beaucoup plus gros que six ou huit pouces, mais ce n'est pas n'importe qui qui va aller le chercher parce qu'il va être cher à aller chercher. Il est disparate et il est loin.

M. Claveau: Juste une petite question complémentaire. Il reste que moi aussi, pour avoir parcouru peut-être en utilisateur la forêt qui va peut-être avoir à payer un jour, je ne le sais pas...

Une voix: Cela l'inquiète.

M. Claveau: ...cela m'inquiète beaucoup d'ailleurs, oui. J'ai aussi eu à parcourir et à rencontrer régulièrement les industriels autant du sciage que de l'industrie papetière et il reste qu'il y a, effectivement, dans certaines régions des parterres de coupe très intéressants et très alléchants pour le sciage et qui sont actuellement destinés directement au papier, aux "chippers", comme on dit communément.

Dans votre optique, est-il envisageable, sans aller en Cour suprême, de modifier cette utilisation du bois?

M. Dufresne: Je pense que les scieurs, si on regarde les chiffres qui ont été donnés, coupent à peu près les trois quarts, d'après ce qu'on a dit, alors, il doit en rester moins de ces choses-là. Je sais qu'au cours des années, il y a eu beaucoup de scieries qui ont coupé sur les territoires justement pour essayer de prendre avantage et optimiser. Or, le phénomène va peut-être se continuer. Mais quand on est rendu aux trois quarts, il n'y a quand même pas la même marge qu'il y avait il y a vingt ans.

M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rïvière-du-Loup): Merci, M. le Président. J'aurais plusieurs questions mais je vais commencer par celle-ci. Quand vous mentionnez le cas où il y aurait plusieurs intervenants et plusieurs bénéficiaires sur le même territoire, vous souhaitez qu'il n'y ait qu'un seul maître d'oeuvre. Je vous dirai que moi aussi je le souhaite quand ce sera de gré à gré, mais quand ce ne sera pas de gré à gré, vous dites que le ministre devrait le désigner, mais avez-vous une idée qui je devrais désigner?

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Duchesne: Oui, M. le ministre. Je pense que, dans le mémoire, nous vous fournissons à ce sujet une couple d'indications. Il est évident que vous devez viser à la fois le bénéficiaire qui détient la capacité de faire le travail et celui qui vous apparaîtra le plus fiable pour le faire. Ceci ne qualifie aucunement le type de bénéficiaire que vous devrez désigner. Ce que l'on vous recommande finalement, c'est d'éviter d'avoir à prendre des décisions journalières pour régler des problèmes d'exploitation de plusieurs bénéficiaires de contrat sur le même territoire. La décision de désignation se prend essentiellement une fois pour toutes. C'est pourquoi nous vous recommandons aussi de préciser à la fois les droits et les devoirs de celui qui devra agir comme maître d'oeuvre.

M. Côté (Rïvière-du-Loup): M.

Duchesne, si personne ne veut se porter volontaire pour être maître d'oeuvre, cela va être un problème sérieux.

M. Hamel (Denis): Vous devriez pouvoir l'imposer à ce moment-là, à savoir qui s'occupera de l'aménagement, quitte à faire

partager les coûts à ses colocataires. C'est normal.

M. Jolivet: II dit: La constatation canadienne le permet-elle?

M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait imposer un intervenant hors du groupe, s'il n'y a personne qui est volontaire. Cela irait jusque là? Du type REXFOR?

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Duchesne: M. le ministre, si vous allez à des extrémités comme cela, j'ai l'impression que vous risquez de trouver un volontaire.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: C'est sûr qu'on est porté à penser...

M. Côté (Rivière-du-Loup): M.

Duchesne, vous n'aviez pas de meilleure réponse?

M. Duchesne: Non, mais je la trouve très bonne.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans votre exposé, vous avez parlé du partage des responsabilités entre l'État et l'industrie, de la réalisation des objectifs. Quand vous parlez du contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier, vous êtes évidemment favorable au respect de la possibilité actuelle du territoire alloué. On a une petite différence d'opinion sur la possibilité. Mais vous l'assimilez à 21 000 000 mètres cubes de bois. Sur les territoires, l'objectif est de faire produire la forêt québécoise à 1,23 mètre cube à l'hectare. Si on alloue 21 000 000 de mètres cubes, comme vous le souhaitez, avec un objectif de 1,23 mètre cube à l'hectare, cela donne 17 000 000 de mètres cubes d'hectares. Là-dessus, ce serait notre calcul. C'est notre objectif, notre souhait. Est-ce que vous considérez que 1,23 mètre cube à l'hectare, comme objectif de production, est exagéré?

M. Duchesne: Non, je ne pense pas, M. le ministre, que l'objectif exprimé en ces termes soit exagéré. Par contre, j'ai l'impression, à tort ou à raison, que vous croyez que nous avons affirmé que la possibilité actuelle était de 21 000 000 mètres cubes. C'est la demande qui est de 21 000 000. Les estimations que nous faisons à l'heure actuelle sont que la possibilité doit se trouver à peu près là, mais nous attendons impatiemment les nouvelles données forestières qui vont nou3 permettre de confirmer ou d'infirmer cette évaluation.

On est d'accord, à toutes fins utiles, sur l'objectif de satisfaire les besoins actuels. Il restera du potentiel à développer pour développer les besoins futurs. Ce que l'on vous dit, c'est que ce potentiel peut se développer de deux façons. S'il s'avère que, sur la possibilité de base actuelle, c'est-à-dire celle qui est produite en assurant la régénération des peuplements récoltés avec un rendement aussi grand que les peuplements actuels, on n'a pas besoin d'allouer tout le territoire, c'est une option qui est ouverte. Mais, même si on a alloué tout le territoire, le niveau de productivité actuel de la forêt, en utilisant cette base, n'est certainement pas le niveau du potentiel de la forêt. Ce que nous vous disons, c'est que s'il faut dépasser cette base, le gouvernement devrait, dans un premier temps, en tout cas, combler le déficit causé par les allocations excessives qui ont permis l'implantation des usines qui consomment plus que la possibilité de base et, ensuite, laisser à celui qui paiera l'usufruit de la nouvelle tranche de possibilité. Si c'est l'industrie qui décide sur son territoire d'exploiter le potentiel à un niveau plus élevé, c'est elle qui va payer pour produire cette matière ligneuse, c'est elle qui devrait en être propriétaire. Si c'est le gouvernement qui, dans le contrat d'approvisionnement et d'aménagement, demande à une industrie d'en faire plus, c'est le gouvernement qui devrait payer le coût marginal.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non, ce n'est pas... Je vous demande si c'est exagéré de vous demander de remettre en production les territoires de coupe que vous exploiterez. Évidemment, vous prendrez les meilleurs moyens - là-dessus, j'en suis - les plus économiques, mais, comme résultat, si on vous demande de faire produire la forêt à 1,23 mètre cube à l'hectare, vous serez évidemment obligés de prendre soin de la régénération naturelle et de faire du reboisement parce qu'il y a 40 % des coupes qui ne se régénèrent pas adéquatement. C'est l'objectif, c'est ce qu'on vous propose. C'est là-dessus que je vous demande si vous trouvez cela exagéré. Si vous faites cela, on va atteindre l'objectif de 1,23 mètre cube à l'hectare. Sur cette base, on vous allouera, comme territoire, 17 000 000 d'hectares. C'est évident que le territoire ne peut pas tout être alloué. II y a tout le territoire de la Basse-Côte-Nord et de la Côte-Nord qui n'est pratiquement pas alloué, où il y a des surplus. Vous ne pensez pas qu'on va vous allouer cela dans...

M. Tardif: Les 17 000 000 d'hectares auxquels vous vous référez, c'est ce que vous appelez la forêt productive actuelle...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Productive

accessible.

M. Tardif: ...accessible, que vous prévoyez répartir entre les intervenants.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est cela. Pour le choix des moyens, j'en suis. Vous parlez, dans votre exposé, duchoix des moyens pour les bénéficiaires de contrat, à savoir de prendre les moyens sylvicoles appropriés pour atteindre les objectifs. J'en suis là-dessus, je ne veux pas que le ministère vous donne des directives. Il peut faire des suggestions, il peut l'inclure dans des manuels. On peut en discuter, mais ce ne sont pas des directives. Là où on va être exigeant, ce sera sur les résultats. Évidemment, tous les cinq ans, cela va être réévalué, mais, passé ces objectifs, j'en suis pour dire que c'est un boni qui appartiendra à l'industrie, mais je ne veux pas vous donner des bonis entre les deux.

Dans la révocation, vous demandez une révocation seulement après conclusion d'une entente. Là, j'hésite encore un petit peu parce qu'une révocation seulement après la conclusion d'une entente, vous pouvez nous traîner pendant dix ans ou, nous, nous pouvons aller trop vite. Mais ce qu'on veut faire et ce qu'on souhaite - vous me direz si cela a de l'allure - c'est qu'aussitôt que les données dont M. Duchesne parle seront disponibles, qu'on les aura et qu'on sera prêt à vous faire une proposition, est-ce qu'après vous avoir fait cette proposition on pourrait dire: On va conclure une entente dans les 30 jours qui suivront?

M. Martin: Selon mon expérience et à mon point de vue, cela va prendre plus de 30 jours, certainement!

M. Côté (Rîvière-du-Loup): Après avoir reçu une proposition du gouvernement, combien de temps voulez-vous?

M. Martin: Je ne sais pas si je peux donner une réponse très claire à ce moment-ci, parce que je ne connais pas encore le contenu du contrat. On a vu le schéma d'un contrat...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Martin: ...les détails qui étaient dans le contrat ont suivi l'avant-projet de loi. Nous avons suggéré dans nos documents -il y en a d'autres qui vous ont fait des suggestions - plusieurs changements. Nécessairement, le prochain contrat sous forme de schéma va suivre le projet de loi, pas l'avant-projet de loi. (18 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.

M. Martin: Par la suite, si vous produisez un autre contrat qui correspond au projet de loi, on va entrer dans les détails. À la suite de cela, je serai dans une position pour vous donner une réponse plus claire qu'aujourd'hui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme vous l'avez vu dans l'avant-projet de loi, on se donne aussi comme objectif de régler les discussions et les négociations avec tous les bénéficiaires d'ici le 1er avril 1990. Pour cela, évidemment, lorsque les données les plus récentes seront disponibles, je pense qu'il faudra procéder si on veut négocier. Autrement, on pourrait prendre d'autres façons que nous n'aimez pas et que je n'aime pas non plus.

M. Martin: Le programme que vous avez proposé va commencer le printemps prochain dans le sud-ouest, dans l'ouest de la province. Cela va inclure, disons, une dizaine ou une quinzaine d'utilisateurs dans cette région, avec un exposé de l'inventaire de cette région. À ce moment-là, on aura l'inventaire nouveau. Je suis confiant que, certainement, vers la fin de l'année prochaine, on aura des contrats signés pour chacun des utilisateurs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord, merci. En rapport avec la révocation, vous parlez des droits des bénéficiaires de contrats. À quels droits vous référez-vous exactement? On reconnaît qu'il y a beaucoup de droits, mais à quels droits vous référez-vous?

M. Martin: Nous parlons ici, M. le ministre, des droits réels, les droits qui étaient associés originellement aux concessions. Nous insistons pour que nous soit accordé un contrat qui porte les droits réels de même valeur. C'est cela qui existe. Nous avons suggéré un procédé ou un mécanisme pour cela. Si vous voulez nous donner le premier choix pour nos territoires, je crois qu'il y a le potentiel pour accomplir ce que nous voulons, c'est-à-dire une valeur équivalente aux valeurs anciennes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous pouvez être certain, M. Martin, qu'on ne fera pas exprès pour vous envoyer au loin. S'il y a moyen de vous accommoder avec un premier choix, le ministère va le faire avec un grand plaisir.

M. Hamel (Denis): Je pense que tous les principes sont énoncés dans le projet de loi, à savoir que l'on veuille accorder, au détenteur actuel, des droits de premier refus sur ce qu'il détient, mais en fonction de ce que serait une nouvelle allocation et également aussi, que l'on tienne compte des considérations économiques, c'est-à-dire d'un

territoire. Comme vous le dites, effectivement, vous ne voulez pas envoyer le gars au fond du bois. Si c'est prévu, à titre de principe, cela va faciliter la négociation. Mais, si cela reste encore très flou et que l'on retire dès le départ, au détenteur actuel, tous ses droits, tout ce qu'il détient, et qu'on l'amène à la table pour négocier, il y a une côte à monter.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Pour ce qui est de la question du partage des coûts, vous parlez de partager une obligation semblable. L'obligation pour l'industrie de contribuer, c'est le partage des coûts, d'accord, mais vous parlez d'une obligation semblable pour tous les utilisateurs de la forêt. Est-ce que vous avez une approche particulière pour aller chercher... On ne peut pas mettre des barrières, etc. Est-ce que vous avez une approche spéciale pour cela? Je suis d'accord, il n'y a rien de gratuit. Si on profite de quelque chose, il faut le payer.

M. Duchesne: M. le ministre, en ce qui a trait aux chemins forestiers, vous avez prévu la possibilité de récolter des droits d'utilisation. Évidemment, on aura besoin de modalités de perception de ces droits aussi. Je pense que c'est le même genre de problème. Il s'agit évidemment d'avoir un mécanisme de perception qui ne soit pas plus onéreux que les droits perçus et qui respecte l'équité des divers utilisateurs. Nous n'avons pas, à ce stade-ci, de mécanisme formel à vous proposer. Je ne sais pas si c'était cela, le sens de votre question.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voulais savoir si vous aviez une solution parce que ce n'est pas facile à trouver, le mécanisme. Il faut trouver un mécanisme qui est équitable, également.

M. Duchesne: Vous allez probablement devoir utiliser des mécanismes indirects. Pour notre part, on est bien prêt à en discuter avec les représentants du ministère.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous remercie. J'aurais voulu vous parler de la tarification, mais mon temps est épuisé.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. On a fait mention de la forêt électronique. Un partage va se faire. Il y a une capacité actuelle de production pour la forêt, dans son ensemble, de près de 19 300 000 mètres cubes. On parle de la moyenne des coupes des cinq dernières années qui est l'intermédiaire entre la possibilité future de la forêt une fois qu'on aura fait, on l'espère, l'ensemble des activités proposées.

La question que je vaudrais vous poser est, je pense, aussi importante pour vous que pour l'ensemble des utilisateurs, que ce soit pour le déroulage, le sciage ou autre. Est-ce que le gouvernement, quand arrivera le temps de faire le partage des territoires, devra le faire sur la capacité actuelle de 19 300 000 ou s'il devra le faire sur 26 400 000? La question est bien directe, mais elle nécessite de votre part une réponse tout aussi directe.

M. Tardif: On a répondu à cette question tout à l'heure en émettant le principe qu'on devrait se conformer à ce que nous croyons être la possibilité de base et travailler sur cette base.

M. Jolivet: Donc, vous croyez cela. Le danger qu'il pourrait y avoir, c'est qu'on fasse le partage sur des choses qui n'existent pas, mais qui sont cependant prévisibles, selon les activités qui seront placées dans le secteur et qui permettront d'utiliser ces résidus pour les partager avec d'autres.

La question qui va venir tout de suite après, c'est celle que j'ai posée à l'Association des manufacturiers de bois de sciage. À partir de maintenant, au moment du dépôt du projet de loi jusqu'à son adoption avec ses principes qui seront en vigueur à partir de 1990, le ministre doit-il ou ne doit-il pas en aucune façon, sauf exception bien entendu, dans la mesure où la provision le prévoit, pour tenir compte des difficultés d'une usine sur la moyenne de ses coupes au cours des cinq dernières années, à cause des feux, des épidémies, des grèves ou autres, donner des allocations à d'autres que ceux prévus à l'article 104 du projet de loi qui dit que les gens qui possèdent des concessions, des contrats d'approvisionnement ou des formules permettant d'exploiter actuellement la forêt? Doit-il éviter de donner quelque allocation nouvelle que ce soit, à qui que ce soit?

M. Hamel (Denis): Si on se base sur les seules valeurs connues et sûres, ce sont les valeurs de récolte. On sait que celles-là sont vraies. 18 000 000 ou 19 000 000 ou quel que soit le nombre possible actuel, c'est une évaluation qui est remise en question ou, du moins, qui peut être encore déterminée sur le terrain. 26 000 000 est quand même hypothétique, mais 21 000 000, tout le monde admet que la capacité actuelle naturelle ne se situe pas nécesairement à 21 000 000 elle est possiblement inférieure à cela. Donc, cela ne donne rien de penser qu'elle peut être plus élevée que cela.

Les raisons pour lesquelles on en est là aujourd'hui découlent des problèmes d'épidémie et, surtout, à cause des difficultés de surallocation. Je pense qu'il

faudrait qu'on se décide une fois pour toutes à arrêter d'allouer du bois s'il n'y en a pas. Chaque fois qu'on en mettra plus, on ira le chercher aux dépens de ceux qui sont déjà là. Si on s'en va sur le territoire en disant qu'on va pousser le potentiel ou la possibilité de la forêt en "boostant" avec des petits plants, avec beaucoup de reboisement, on va faire payer aux producteurs actuels les allocations qui seront données aux futurs bénéficiaires de cela plus tard.

Je pense que le phénomène auquel on fait face présentement est injuste et il peut s'aggraver si on entretient cette idée d'allouer encore, alors qu'il n'y a pas de possibilité.

M. Jolivet: Si je parle maintenant des arrérages en faisant le parallèle entre ce que l'Association des manufacturiers de bois de sciage disait et ce que vous allez dire, vous allez m'expliquer si j'ai bien compris. Il y a d'abord les arrérages qu'on connaît tous. Comme les compagnies n'étaient pas obligées de faire des actions - certaines en ont fait et d'autres n'en ont pas fait - on se retrouve avec des arrérages dans le Québec. Le gouvernement s'engage à prendre à sa charge l'ensemble des arrérages et vous discutez toujours en disant: On veut savoir à quel rythme il va le faire, dans quelles conditions cela va se faire pour s'assurer qu'on ne soit pas pénalisé au bout de la course comme industrie forestière.

La question, c'est que l'association des manufacturiers parlait de deux choses, hier. Je prends le résineux à ce niveau. De 18 jusqu'à 21, la coupe annuelle, ce qu'elle disait, c'est qu'il y a une partie de cela qui sont des arrérages que le gouvernement va prendre à sa charge, mais qu'il y a une autre partie qu'elle ne voulait pas payer en disant aussi que le gouvernement devrait... Là, j'ai essayé de savoir s'il y avait deux sortes d'arrérages possibles. Du 21 au 26, l'hypothèse maximum, l'optimum, on dit: Le partage devra se faire sur la reforestation de cet ensemble entre les utilisateurs réels. Là, les manufacturiers de bois de sciage disaient que, pour eux, il y avait une partie qui devait être payée par d'autres qu'eux. Mon collègue a parlé de cela tout à l'heure. Vous avez répondu à des questions dans ce sens.

Ce que j'ai cru comprendre de votre part, à part des arrérages qu'on connaît, vous ne parlez pas de ce qui est entre 18 et 21, vous parlez des limites entre 21 et 26 et, là, vous dites que cela devrait être entre le 21 et le 26, une obligation pour le gouvernement d'être responsable de l'ensemble des coûts de cette regénérescence. Est-ce que j'ai bien compris quand j'interprète vos propos dans ce sens?

M. Hamel (Denis): C'est que, si on veut aller au-delà de 21 avec la possibilité de récolter nous-mêmes, si j'ai un territoire qui me donne, par exemple, 21 mètres cubes et qu'on voulait le monter à 26... Moi, je vais vous dire que si j'aimais le monter à 22 ou 23 et que le gouvernement voulait intervenir pour porter celui-là, peut-être, à 26 ou à 27, s'il le faut, le 21e, le 22e, le 23e, je voudrais bien que cela m'appartienne, si je le fais moi-même. Si le gouvernement voulait intervenir pour porter cela à 26 ou 27 millions ou à 26, 27 mètres cubes, selon le cas, pour allouer cela à d'autres éventuellement, c'est son problème. Cela ne nous regarde pas.

M. Jolivet: Vous ne mettez pas en cause les arrérages actuels dont le gouvernement s'est porté garant.

M. Hamel (Denis): Dont il est en partie responsable aussi pour des excès d'allocation.

M. Jolivet: Je reviendrai sur cette partie tout à l'heure. La deuxième partie de l'intervention que je voudrais faire, c'est sur la priorité aux boisés privés et aux résidus de sciage. Vous pariez... Le commun des mortels qui voit passer du bois sur la route de La Tuque, je prends un exemple typique, qui voit un billot de quatre ou huit pieds qui descend et qui dit: Cela aurait dû être du bois de sciage au lieu du bois de pâte, et qui en voit remonter un autre en copeaux de l'autre bord il se dit: II y a quelque chose qui ne va pas quelque part. Donc, une des propositions qui a été faite, c'est la tarification basée sur la valeur marchande, en tout cas, selon la formule que vous proposez ou d'autres, peu importe. On avait dit de fournir des exemples de façons de régler le problème de la tarification comme telle.

Il y a une proposition qui est faite et la tarification avait pour but d'amener justement une utilisation optimum de la fibre avec le passage, s'il le faut, des rouages d'abord, s'il le faut, ensuite au sciage avant d'aller à l'usine de pâte, dans la mesure - je pense que vous êtes d'accord avec moi - où il est économique de le faire. Dans ce contexte, la proposition de priorité qui a été faite a peut-être été mal utilisée par des gens, j'en conviens. J'ai toujours dit la même chose et je pense que c'est la même chose que je vais vous répéter aujourd'hui, la priorité doit être établie à partir d'une première source qui est la moyenne des coupes des cinq dernières années réajustée en tenant compte du fait que c'est l'allocation de base sur la forêt publique et après cela on devrait aller sur l'utilisation prioritairement des autres possibilités. Dans ce contexte cela n'empêchait pas par la tarification de faire passer du bois de sciage ou de déroulage d'abord à ces industries-là avant d'aller chez

vous. Mais je comprends peut-être mal l'entêtement de ne pas vouloir accepter qu'il y ait une forme de priorité dans ce sens. Est-ce que j'ai mal compris, est-ce que je vous saisis mal? J'ai cru comprendre qu'on dit: C'est la valeur marchande, le prix sur le marché. Mais, là, cela occasionne ce dont on faisait mention tout à l'heure; Vendez-moi le moins cher possible au volume que je veux, je vais être content. Si tu le vends trop cher et au volume que je ne veux pas, il restera dans tes tas à côté et là on aura les surplus dont on parlait tout à l'heure.

J'ai fait une petite farce avec le ministre en disant; II y a REXFOR aussi qui est poignée avec cela dans certains secteurs de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. (19 heures)

M. Dufresne: Je voudrais apporter quelques nuances, M. Jolivet, à cela. La priorité de la façon dont vous la décrivez à ce moment-ci, c'est l'avant-projet de loi qui la détermine sur une base globale et non pas sur une base de "tant qu'il va y en avoir tu vas être obligé d'en prendre." En se basant sur l'expérience des cinq dernières années, on a un niveau de consommation à partir de la forêt publique qui, comme je vous l'ai dit tantôt, par suite des pertes dues à la tordeuse, de la grande quantité de copeaux qui est toujours croissante sur le marché, a diminué de façon sensible la récolte traditionnelle des papetières en forêt publique.

On est donc à un niveau bas en ce qui a trait à la récolte des papetières. Ce niveau ne peut plus remonter avec la formule de la moyenne des cinq dernières années. Toute demande additionnelle d'approvisionnement de la part des papetières devra se faire de l'une des deux façons, soit en allant sur le libre marché acheter davantage de copeaux ou de bois en provenance des boisés privés, soit en accroissant les objectifs sylvicoles sur le territoire public et en dépensant des sommes supplémentaires par rapport à l'aménagement de base. Il va y avoir évidemment un choix économique à faire entre les deux. Mais il y a, en plus du choix économique, un facteur important. C'est que l'augmentation de la possibilité de base doit être reconnue par le ministre avant que l'on puisse récolter davantage en terrain public. Il y a une priorité qui se crée, comme vous dites, dans les faits par ce mécanisme pour les autres sources d'approvisionnement. La priorité est là.

M. Jolivet: Sans avoir nécessairement à négocier avec vos concurrents, vos partenaires ou vos complémentaires, autour de vous, parce que je ne parlerai pas d'intégration - j'ai posé la question à un autre; j'aurais dû vous la poser, mais ce n'est peut-être pas le temps de la poser - ne croyez-vous pas que le conseil permanent de la forêt tel qu'il avait été proposé dans ses principes de base, avec les vérifications régionales, n'avait pas justement pour but de régler une partie des problèmes dont vous faites mention en évitant d'arriver à une régie des bois ou à une régie des copeaux comme on a actuellement une régie des billots?

M. Hamel (Denis): Je pense que je vais revenir à mon point de vue de tout à l'heure. Même par consultation avec les gens du sciage, comme on aime le faire, parce qu'en fin de compte on est liés par les mêmes intérêts, on tire notre subsistance de la même forêt et on a beaucoup d'intérêts communs, en plus de se voir intégrés» associés et partenaires de toute façon... Le fait demeure encore une fois que si l'exercice lui-même est destiné à vouloir rétablir les prix, je pense qu'on perd notre temps et cela ne regarde même pas, je pense, ce qu'on veut appeler en termes de gestion de la forêt ou d'un nouveau régime forestier... Je pense que si on veut traiter le volume, cela est une chose. Mais si cela doit conduire, la priorité, à établir les prix, je pense que c'est une formule injuste dans une société de libre entreprise. Et on n'accepte cela pour aucune considération.

M. Jolivet: J'ai une dernière question. Je vais laisser la chance à mon collègue de poser les dernières qui s'imposeront. En fin de semaine, à l'Association des ingénieurs forestiers du Québec, il y a une personne qui a fait un discours, qui a une très bonne connaissance du "Forest Management Agreement" de l'Ontario et qui disait qu'en règle générale - je pense que le passé est quand même garant de l'avenir, malgré les bobards qui peuvent être dits - l'industrie forestière a toujours respecté en gros l'ensemble des règles établies. On peut peut-être diverger d'opinions. Je pense que je peux parler en gros. À partir de cela, il a toujours été question que le gouvernement - peu importe, dans leur cas ils posent le même diagnostic -n'a jamais été capable pour toutes sortes de raisons, quelles qu'elles soient, de tenir ses engagements. Ce que j'ai cru comprendre, et vous me direz si c'est ce que vous cherchez vous aussi, c'est que dans la loi, dans la forme réglementaire - on en parlera d'une autre façon - le gouvernement devrait s'engager à prévoir dès maintenant - et à vous le dire selon un calendrier précis, quelles sont les sommes qu'il a l'intention d'investir dans X années, les cinq premières années, mettons, du nouveau régime.

M. Hamel (Denis): Je pense que le gouvernement va prendre des engagements clairs. D'abord, avec chacun des contrats individuels. Lorsqu'on s'entend avec une entreprise à savoir qu'il y aura un partage

des coûts pour le reboisement ou pour la régénération, je pense qu'il doit être clair qu'il doit y avoir un engagement, à ce moment, de part et d'autre. Il ne faudrait pas nécessairement, par contre, que le gouvernement s'engage dès aujourd'hui avec des programmes grandioses de reboisement, tirer 200 000 000 de plants ou 300 000 000 de plants, sans savoir ce que cela va produire, alors qu'il y a d'autres moyens peut-être plus économiques, plus faciles. Je pense qu'il ne faut pas regarder des engagements financiers globaux basés sur trop d'hypothèses. Je pense qu'il faut que ce soit très pratique et relié à des ententes particulières avec chaque entreprise concernée.

M. Jolivet: Je sais que M. Dufresne veut parler. Je vais lui en laisser l'occasion après. Je veux simplement dire qu'effectivement, il me semble que c'est pris dans le sens où on dit - j'écoutais le ministre tout à l'heure et j'ai cru comprendre cela aussi -que l'on doit tenir compte aussi, dans les probabilités qu'on va mettre dans le contrat d'aménagement, du fait de laisser aux compagnies une certaine autonomie quant aux moyens, soit par des moyens de coupes différentes, de travaux sylvicoles et autres, des moyens de récolte, de fixer et d'arriver aux objectifs fixés.

M. Dufresne: Oui. Oui. Le point que je voulais soulever, c'est le domaine de la protection. Au cours des dix dernières années, on a perdu 400 000 000 de mètres cubes. On en a récolté 225 000 000 comme industrie. On voit que les coûts sont de 20 à 25 fois moins élevés. Je pense que c'est là un domaine très précis où, du côté du gouvernement, un engagement à long terme aiderait grandement tout l'ensemble de la province. Même si la tordeuse, à l'heure actuelle, est en régression, si on commence et si on la contrôle comme les feux quand les endroits sont petits, ce sera beaucoup plus facile et peut-être que les coûts aussi seront moins élevés.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Laviolette. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Même si j'avais au total 19 questions à vous poser, je vais vous en poser 3, parce que je n'ai pas l'intention de poser les 19 en vrac; les réponses seraient peut-être trop longues. Est-ce qu'on pourrait connaître votre opinion relativement aux coopératives forestières du Québec? Seriez-vous intéressés à ce que ces dernières soient partie prenante au contrat d'aménagement et d'approvisionnement forestiers?

M. Hamel (Denis): Cela dépend comment on veut concevoir une coopérative forestière qui serait locataire ou qui participerait dans un territoire. Je pense que les règles du jeu devraient être les mêmes pour tout le monde. Si leur participation, en termes d'exploitation ou d'aménagement est destinée à être perçue avec des contrats d'intervention de toutes sortes, je pense...

M. Perron: Vous revenez dans votre réponse à la question du libre marché.

M. Hamel (Denis): Toujours.

M. Perron: Vous y tenez. Hier, le ministre délégué aux Forêts nous a dit qu'il avait réglé - en passant, ma question ne s'adresse pas au ministre - le problème de subventions de 170 000 $ de l'AFQ. Cet organisme est fermé depuis une semaine et je suis informé qu'il ne rouvrira pas ses portes, car l'argent que le ministre est allé chercher ne représente que 40 000 $. Hier, des représentants de l'Association des manufacturiers du bois de sciage nous ont indiqué qu'ils venaient de décider de soutenir financièrement l'Association forestière québécoise. Je crois que votre association appuie financièrement l'AFQ ainsi que les clubs 4-H et même l'organisme qui prépare la revue Forêt conservation et ce, depuis plusieurs années. J'aimerais avoir vos commentaires sur la nécessité de soutenir ces organismes d'éducation populaire dans le domaine de la conservation de notre forêt. De plus, pouvez-vous nous indiquer le montant que vous avez donné en subvention cette année ou l'année dernière concernant l'AFQ et les autres?

M. Duchesne: Oui, M. le député. Effectivement, l'AIFQ soutient l'Association forestière québécoise depuis longtemps. En fait, comme vous le savez probablement, cette association a été fondée par des ingénieurs forestiers intéressés à la cause de la conservation. Certains d'entre eux travaillaient pour l'industrie comme certains travaillaient pour le gouvernement. Depuis les problèmes financiers qu'a connus l'association, l'AIFQ a voté chaque année des fonds d'aide spéciale à l'association forestière. Cette année, l'industrie papetière et la partie de l'industrie du sciage qui est chez nous a versé 30 000 $, par le biais de l'association, à l'association forestière québécoise que nous avons répartis - j'allais dire équitablement, mais ce n'est pas le terme que je voulais employer - d'une façon uniforme entre l'association elle-même pour combler son déficit, les clubs 4-H et le Mouvement aménagement-jeunesse. De plus, les membres de l'AIFQ ont fourni, bon an mal an, environ 80 000 $ de subventions aux associations forestières régionales et un peu

aussi à la centrale. Ces montants s'élèvent cette année à près de 85 000 $. Finalement, l'AIFQ, comme vous le savez, contribue à la pérennité de la revue Forêt conservation en y inscrivant chaque mois un publi-reportage, ce qui représente pour nous un autre investissement d'environ 20 000 $ à 25 000 $ chaque année. Oui, nous croyons à l'éducation populaire en conservation, M. Perron.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Duplessis, je vous invite maintenant à faire les remerciements d'usage.

M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de faire un commentaire général. Je voudrais apporter une note d'humour.

Une voix: Cela va faire du bien.

M. Perron: Dans le graphique que vous avez présenté concernant les bois résineux en forêt publique, vous avez, en fait, trois parties. Vous avez, en bas, la partie jaune, ensuite la partie orange et, en haut, la partie bleue. La partie bleue représente pour nous, et probablement pour vous, la forêt électronique. D'ailleurs, vous avez mentionné, M. Dufresne, que j'avais soulevé cette question antérieurement en commission parlementaire. Alors, je voudrais dire à tout le monde ici que cette partie en haut devrait, non pas être bleue, mais rouge et cela, pour deux raisons. D'abord, c'est le gouvernement actuel qui a décidé d'inclure la forêt électronique dans ses allocations. D'autre part, c'est pour démontrer au gouvernement et à tout le monde le danger - c'est mon deuxième point - de piger à même une ressource non existante pour allouer des permis de coupe. En passant, je voudrais souligner à tout le monde ici que nos couleurs à nous sont le bleu, le blanc et le rouge.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Perron: Je voudrais bien sûr vous remercier énormément pour votre présence en commission parlementaire et vous dire... Je ne vous demanderai pas vos commentaires sur ce que je viens de dire. Je veux vous dire merci parce que, lors des réponses que vous nous avez données, autant d'un côté comme de l'autre, vous avez démontré une honnêteté très expressive, même si on n'est pas obligé d'être d'accord avec vos réponses et même si vous n'étiez pas obligés d'être d'accord avec nos questions. Je pense que cela a été l'expression d'une grande connaissance de votre part en rapport avec votre dossier forestier et surtout dans le domaine des papetières.

Vous pouvez être assurés que certains éléments dans les amendements qui sont à la fin de votre mémoire vont sûrement être pris en considération par l'Opposition et qu'on va faire en sorte que le gouvernement puisse nous apporter un projet de loi qui assure que notre forêt québécoise soit vraiment protégée sur le fond et ce, pour l'ensemble de la collectivité du Québec. Merci beaucoup, encore une fois, et bon retour chez vous. Bonne chance à l'industrie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Permettez-moi de dire au député de Duplessis que les 40 000 $ qui ont été débloqués aujourd'hui pour l'Association forestière lui permettront d'ouvrir ses portes, contrairement à ce qu'il a dit, et qu'il s'agit d'un acompte sur les 170 000 $ anticipés. Ceci fait suite à des discussions que nous avons eues avec l'Association forestière dans le but de l'aider à redresser sa situation. Nous avons eu nos réponses la semaine dernière et ce montant a été débloqué de toute urgence.

Je suis heureux de l'échange que nous avons eu et surtout du mémoire que vous nous avez soumis parce que, évidemment, en l'espace de si peu de temps, on ne peut pas passer toutes les questions et les problèmes qui nous préoccupent. Lorsque M. Dufresne a mentionné qu'il faisait des efforts sur les terrains privés de la compagnie comme grand propriétaire, cela me réjouit parce qu'on a l'intention de vous accorder une tenure qui se rapproche de la propriété privée et c'est dans ce but qu'on le fait, pour vous inciter à investir en forêt et pour bénéficier des bonis possibles. Nos évaluations sont évidemment très conservatrices, à savoir 1,23 mètre cube à l'hectare; ce n'est pas exagéré. Quand on regarde sous seing privé ce qui se passe, je vous donne comme exemple - c'est connu, c'est au bureau d'enregistrement - le contrat qui a été signé entre Price et le Séminaire de Québec, comme exigences, vous y satisfaites peut-être plus que celles qu'on demande comme rendement et comme exigences dans ce contrat, ce que le gouvernement propose à l'industrie aujourd'hui.

Quant à la protection, M. Dufresne, cela vous est cher et à moi aussi. Si on ne peut pas protéger nos investissements, on est mieux de garder notre argent en banque et de ne pas courir de risque. Votre suggestion, à savoir de surveiller les foyers d'infestation en ce qui concerne les épidémies d'insectes, tout comme les foyers d'incendie, est très à point et c'est l'intention du ministère de mettre 1000 trappes ici et là au Québec pour les déceler aussitôt que possible et

lorsque nous aurons à effectuer des arrosages pour protéger notre forêt contre les insectes, j'espère qu'on sera capable, avec ces moyens, d'intervenir efficacement dès le début pour éviter des épidémies et, évidemment, épargner de l'argent également.

Je vous remercie beaucoup de votre collaboration dans tous les comités pour lesquels on vous a invités à participer. Évidemment, ce n'est pas fini parce qu'on va continuer et, d'avance, je connais votre disponibilité et votre franchise, comme l'a signalé le député de Duplessis, et, encore une fois, merci infiniment de votre participation.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, je vous remercie et vous souhaite, au nom des membres de la commission, un bon retour chez vous.

En ce qui concerne les travaux de la commission de l'économie et du travail, je vous rappelle qu'en accord avec les membres de l'Opposition, nous suspendons les travaux pour une heure. Donc, ils reprendront à 20 h 20 avec l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage. Merci. Je suspends les travaux de la commission.

(Suspension de la séance à 19 h 19)

(Reprise à 20 h 30)

Le Président (M. Théorêt): Nous accueillons maintenant l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage dont M. Ouellette est le directeur général, je pense.

M. Ouellette (Yves G.): Effectivement.

Le Président (M, Théorêt): Voulez-vous nous présenter, dans un premier temps, les personnes qui vous accompagnent? J'aimerais vous rappeler également que vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire et que, par la suite, chaque formation politique aura 24 minutes pour discuter avec vous de ce mémoire. Je vous cède la parole.

Association nationale de l'industrie du bois de sciage

M. Robitaille (Roger): Merci, M. le Président. Mon nom est Roger Robitaille. Je suis le président de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage, peut-être mieux connue sous son abréviation ANIBS. Les personnes suivantes m'accompagnent: à ma gauche, Gilles Bérubé, secrétaire de l'association, Charles Turcotte, administrateur, Yves Ouellette, directeur général, Benoît Lagacé, administrateur, et Jean-Marc Lavoie, vice-président. On retrouve aussi dans l'auditoire quatre autre membres du conseil d'administration. Leur présence témoigne de l'importance que nous attachons aux travaux de la commission.

L'ANIBS tient à vous remercier de l'occasion qui lui est ainsi offerte de présenter le point de vue de ses membres sur le nouveau régime forestier. L'avenir de ses treize usines et de ses 2200 employés est intimement lié au nouveau régime forestier. Cela représente environ 10 % de la production en sciage du Québec.

Notre présentation va se dérouler de la façon suivante. Dans un premier temps, je vais vous présenter un très court texte d'introduction au mémoire de l'ANÎBS. Immédiatement après, M. Yves Ouellette vous fera la lecture du résumé. Je terminerai notre présentation par quelques mots en guise de conclusion à notre exposé. Les membres de l'ANIBS ici présents seront alors à votre disposition pour engager le dialogue.

M. le Président, la gestion de la forêt a fait l'objet de multiples débats au Québec depuis quelques décennies. L'enjeu s'avère de taille. Comme M. Albert Côté, le ministre délégué aux Forêts, l'a si bien fait remarquer lors de l'inauguration des travaux de la commission, 225 000 emplois sont reliés à la forêt. Le sort économique de plus de 100 municipalités est relié à cette même forêt et les quelque 2 000 000 000 $ de salaires équivalent à une petite Baie James par année.

Devant une telle situation, il est normal de retrouver un grand nombre d'intervenants aux intérêts à la fois divergents et complémentaires. Que plusieurs sentent le besoin d'intervenir dans le processus gestionnel relève de la logique. Mais que tous décident ne peut qu'engendrer le fouillis. L'ANIBS, consciente de ces problèmes, a fait de multiples représentations auprès des différents paliers de l'administration des forêts publiques par le passé. Qu'il nous suffise de vous rappeler nos interventions dans le cadre du programme de lutte contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Notre association s'est aussi fait entendre lors de plusieurs audiences publiques. À titre d'exemple, nous avons été présents et nous sommes intervenus aux audiences sur les forêts privées et sur les programmes de pulvérisation aérienne du ministère de l'Énergie et des Ressources. Notre mémoire, dont M. Ouellette vous fera immédiatement lecture du résumé, traduit les idées où notre cheminement nous a menés.

M. Ouellette: M. le Président, MM. les ministres et MM. les membres de la commission, d'abord, je voudrais vous dire que vous retrouverez, à la fin du document, c'est-à-dire après la page 19, un résumé du document qui a été déposé.

Les différents intervenants du secteur forestier au Québec ont, depuis maintenant plusieurs mois, travaillé en collaboration avec

les officiers du ministère de l'Énergie et des Ressources dans le but de jeter les bases de ce que pourrait être un nouveau régime forestier pour le Québec.

Cet exercice de consultation a permis aux participants de mieux comprendre la nécessité d'entreprendre, dans les plus brefs délais, des actions concertées dans la réalisation de travaux d'aménagement. Ces travaux doivent permettre à la forêt d'aujourd'hui et de demain de conserver la place qu'elle occupe dans l'économie québécoise.

L'Association nationale de l'industrie du bois de sciage Inc., a donc accepté de participer activement aux discussions qui ont précédé la présentation de l'avant-projet de loi sur la forêt et c'est pourquoi elle se présente aujourd'hui devant cette commission pour collaborer au débat entourant l'avenir de ce secteur vital de notre économie.

L'exploitation sur une base de rendement soutenu. L'Association nationale de l'industrie du bois de sciage Inc., souscrit au désir du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec d'exploiter la forêt sur une base de rendement soutenu, tel que défini à l'article 23 de l'avant-projet de loi. L'association insiste de plus pour que le gouvernement, dans le cadre du nouveau régime forestier, accorde des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier aux seuls détenteurs actuels de conventions d'approvisionnement et, si des volumes supplémentaires devenaient disponibles avec les nouveaux inventaires, il serait souhaitable pour le gouvernement du Québec de consolider les usines existantes en accordant ces nouveaux volumes aux installations détenant actuellement des conventions d'approvisionnement sur forêt publique.

L'ANIBS insiste pour que le gouvernement s'engage de façon formelle dans les travaux d'aménagement en ce qui touche le "backlog" en plus d'assurer la protection des forêts contre les insectes et les maladies. L'ANIBS a déjà réalisé par le biais d'une compagnie, Forêt Plus Inc., des travaux d'aménagement et de sylviculture sur les territoires de ses membres.

Territoire d'allocation et d'aménagement. L'association est heureuse de constater que le ministre admet la notion de territoire par industriel. L'implication des industriels sera plus positive et permettra à ceux-ci de réaliser une meilleure planification des travaux d'aménagement. La notion de zonage forestier est en soi excellente pour autant que l'on prévoie des méthodes de coupe appropriée pour récupérer les bois è maturité dans les zones dont la vocation première ne sera pas la récolte du bois.

Valeur marchande de bois sur pied. Cette nouvelle formule de tarification suggérée par le ministre de l'Énergie et des

Ressources, tout en étant louable en principe, se doit d'être étudiée et de faire l'objet de discussions entre le gouvernement et l'industrie afin que sa détermination ne cause pas préjudice à l'industrie du bois de sciage. Les analyses effectuées par le ministère de l'Énergie et des Ressources démontrent clairement que les coûts prévus de remise en production sont égaux ou plus élevés que les profits générés par les produits vendus actuellement par les scieries. Il faudra donc s'assurer que l'imposition de nouvelles charges à l'industrie du sciage n'amènera pas la disparition pure et simple de celle-ci.

Droit de coupe payé sur le volume de bois alloué. Les industriels de l'ANIBS sont d'accord pour participer à la remise en production de la forêt. Cependant, ils ne pourront le faire que selon leurs moyens qui sont actuellement très modestes. Il est démontré que plus de 50 % des besoins des usines de pâtes et papiers au Québec sont satisfaits par les copeaux des scieries. Il faudra donc tenir compte de cette réalité lorsque viendra le temps de partager les coûts de l'aménagement.

Quatre intervenants profitent actuellement des bénéfices générés par le secteur forestier, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, l'industrie des pâtes et papiers et l'industrie du sciage. Il est donc logique et raisonnable que tous soient appelés à partager la facture pour la remise en production des forêts.

L'ANIBS demande que l'application de la tarification basée sur la valeur marchande de bois sur pied s'échelonne sur une période de quatre ans, c'est-à-dire au même rythme que l'implantation du nouveau régime.

Contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. L'ANIBS soutient que les allocations actuelles ne doivent pas être réduites. Le fait de réduire certaines allocations pourrait mettre en péril la survie des entreprises concernées.

L'intervention de l'État. L'Association nationale de l'industrie du bois de sciage Inc., même si elle admet le bien-fondé des interventions du gouvernement du Québec dans l'industrie du sciage par le biais de ses sociétés d'État, n'accepte cependant pas que ces interventions se fassent au détriment de l'industrie privée. Elle encourage donc le gouvernement à prendre sérieusement en considération les demandes qui pourraient lui être adressées concernant l'achat possible par l'entreprise privée de certaines entités détenues actuellement par les sociétés d'État.

Conclusion. L'ANIBS croit que les discussions doivent se poursuivre afin d'en arriver à un partage des coûts en tenant compte de la réalité et de l'équité. L'instauration d'un nouveau régime forestier ne doit pas se faire à tout prix, mais en

respectant la capacité financière de l'industrie du sciage.

M. Robitaille: M. le Président, un peu comme plusieurs intervenants vous l'ont mentionné depuis le début de ces audiences, nous sentons la nécessité de mentionner que le mémoire de l'ANIBS n'est pas aussi complet que nous l'aurions souhaité. Le respect de la date limite de dépôt des documents a bousculé un peu notre réflexion. Cela nous amène à nous excuser auprès de la commission pour !a présentation de plusieurs opinions moins bien supportées qu'elles n'auraient dû l'être.

L'ANIBS a présenté son mémoire en comprenant qu'il ne s'agissait probablement que d'une première refonte de lois dans le cadre du nouveau régime forestier. Les lois sur le fonds forestier, sur le ministère de l'Énergie et des Ressources, sur le prix de bois à pâtes vendus par des agriculteurs et des colons, sur les recherches et l'enseignement forestier, sur l'utilisation des ressources forestières et sur les terres, pour ne mentionner que celles-ci, feront très certainement l'objet d'amendements, ne serait-ce que pour assurer leur concordance avec l'avant-projet de loi sur les forêts actuellement étudié.

Conscients de cet état de choses, les membres de l'ANIBS ont continué leur réflexion et leur analyse de l'avant-projet de loi sur les forêts après le dépôt de notre mémoire. Nos discussions et nos concertations des derniers jours nous ont fait explorer de nouvelles avenues en matière de financement, de droits de coupe, ainsi que de recherche et de lutte contre les maladies et les insectes. Nos idées se sont aussi clarifiées quant à la place de certains organismes, par exemple, les MRC. La question des parties de territoires mal régénérées au moment de la signature du contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier a été aussi analysée. Notre attention a été aussi attirée sur les questions du Comité consultatif permanent sur les forêts, sur l'arbre-emblème du Québec.

M. le Président, nous restons à la disposition des membres de cette commission et nous sommes disposés à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. Je cède maintenant la parole au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. M. le président Robitaille, messieurs de l'ANIBS, c'est avec plaisir que je vous revois et que je vous rencontre à nouveau. Je tiens, en premier lieu, à vous féliciter pour la participation active que vous avez toujours prise dans la discussion des dossiers forestiers, surtout en ce qui concerne la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie où, à mon avis, vous êtes les experts. Depuis quelques années, vous avez vécu des expériences assez difficiles, ce qui vous 'a forcés à vous adapter aux circonstances. Je fais référence à la tordeuse des bourgeons de l'épinette qui a grandement affecté la région du Partage que vous représentez. Encore une fois, toutes mes félicitations et cela me fait plaisir de vous revoir.

Quand vous demandez des précisions sur certains articles de l'avant-projet de loi, je suis d'accord qu'il faudrait définir certains termes utilisés dans les divers articles de cette loi. Ma première question, c'est: Est-ce que vous avez une liste des termes à définir? Ce n'est pas la première fois qu'on nous le mentionne. Il faudrait s'entendre: si on parle de quelque chose, évidemment, il faut savoir exactement de quoi l'on parle. Avec les banquiers, les avocats et les ingénieurs forestiers, parfois, un terme ne veut pas dire la même chose et tout le monde est de bonne foi. Est-ce que vous avez une liste des définitions de termes que l'on devrait inclure dans la loi?

M. Ouellette: M. le Président, nous n'avons pas de liste, mais on fait référence à d'autres textes de loi. Par exemple, on a quand même regardé la loi du Nouveau-Brunswick. Il y a une série de termes, au début - requérant, bénéficiaire, chemin forestier - que l'on définit avant de parler des articles. C'est dans ce sens que l'on dit qu'il devrait y avoir des définitions avant de parler d'articles de règlements.

M. Côté (Rivière-du-Loup): De cette façon, la loi serait plu9 précise et on se comprendrait mieux.

M. Ouellette: C'est cela, monsieur.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est votre souhait.

M. Ouellette: C'est cela, monsieur.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis d'accord avec cela. Avec le service juridique du ministère, on le fera certainement.

Vous dites, à la page 4 de votre document, que les droits ainsi établis sont calculés sur le volume de bois alloué annuellement au titulaire, en tenant compte des cas de force majeure, tels le feu, une grève, etc. Le "etc.", il faudrait le déterminer parce que, là aussi, il faut s'entendre sur les forces majeures. C'est peut-être une autre définition que l'on devrait ajouter à celles dont on parlait précédemment.

M. Ouellette: Effectivement, M. le

Président, le "etc." sera à définir là-dedans. Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Dans certains cas...

M. Ouellette: Il est très large.

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...on ajoute "grève" et, souvent, c'est discutable. Une grève, ce n'est pas un "act of God", ce n'est pas l'acte de Dieu, ce n'est pas voulu, mais cela arrive quand même.

À l'article 6, là, vous nous en poussez une pas pire. Vous dites que...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...le ministère de l'Énergie et des Ressources se doit d'être plus restrictif concernant les érablières commerciales. Vous allez jusqu'à dire que ces permis d'érablières sont utilisés pour exploiter de façon abusive le bois résineux. Est-ce que vous avez des exemples dans votre région, parce qu'on vient de lever le moratoire, avec la collaboration du ministère de l'Agriculture, sur les érablières? (20 h 45)

M. Robitaille: M. Lagacé va vous répondre sur ce sujet.

M. Lagacé (Benoît): M. le ministre, M. le Président, j'ai déjà parlé de ce sujet avec M. le ministre. On a des gens dans nos régions qui ont des permis d'érablière depuis deux, trois, quatre ou cinq ans et ils se vantent qu'ils ont des concessions qu'ils ont eues pour rien. La seule chose qui les intéresse, c'est d'abord de se faire un chemin dans l'érablière et de couper le bois. Après cela, ils laissent tomber leur permis. J'en ai parlé aux dirigeants de Rivière-du-Loup quelques fois. Il paraît qu'il n'y avait pas grand-chose à faire là-dessus. C'est un fait. Cela existe. Il y a des gens qui ont des érablières depuis un certain temps et qui ne les exploitent pas. Pour nous, pour nos programmes de coupe, c'est défendu de passer dans ces territoires. C'est autant de territoire qui est enlevé sur la possibilité qui est déjà très mince dans notre région.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lagacé, est-ce que vous suggérez que, si une érablière n'est pas exploitée pour la production de sève pendant un an ou deux, le permis soit aboli?

M. Lagacé: Je crois que oui. Même le genre de coupe qu'ils font là-dessus, on pourrait la faire, nous autres, le genre de coupe avec des F-4, de coupe à la "bunch". On peut aller dans toutes les érablières qui sont accordées à ces gens et aller ramasser le bois sans briser les érables. On n'a pas besoin de ces gens pour faire des coupes. Ce sont des permis en sus, c'est tout.

M. Côté (Rivière-du-Loup): L'an passé, dans le Grand-Portage, on a annulé au-delà de 40 permis d'érablières. Est-ce que le mal était fait, il était trop tard?

M. Lagacé: II y en a encore. J'aurais dû apporter mon programme de coupe de l'année, vous auriez vu ce qu'il y avait comme érablières dans le tas. Pour le Grand-Portage, 40, ce n'est pas tellement, mais si vous regardez un territoire donné et que c'est tout du placage d'érablière, vous allez voir que cela en fait beaucoup.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Qui achète ces bois-là?

M. Lagacé: Ordinairement, c'est sur le territoire de celui qui a l'approvisionnement autorisé, mais il arrive souvent que ça aille dans d'autres usines en dehors.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous mentionnez aussi qu'il faudrait maintenir les approvisionnements au niveau actuel. Suggérez-vous en disant cela qu'on maintienne au Québec les allocations sur la base de 31 000 000, 32 000 000 de mètres cubes comme c'est le cas actuellement?

M. Robitaille: On s'est aperçu, à la lecture de certaines données qui ont été fournies par le ministère de l'Énergie et des Ressources lors de certains travaux préparatoires, qu'il y avait quand même un écart relativement important entre les volumes alloués et ceux qui étaient coupés par l'industrie. Aujourd'hui, on a parlé d'une coupe réelle de 21 000 000 ou de 24 000 000 de mètres cubes par année alors que ce qui est alloué par décret ou par convention d'approvisionnement, ce serait peut-être d'environ 31 000 000.

Ce qu'on veut dire là-dedans, c'est que, premièrement, on voudrait qu'on travaille sur une base d'aménagement. Alors, on parle de 26 000 000 de mètres cubes environ, pour autant que je me souvienne. Je fais référence aussi à l'accroissement annuel de 1,23 mètre cube l'hectare dont on parlait avant le souper. On est d'accord sur le principe. On pense que c'est un objectif qui peut être atteint. À ce moment, si nos données sont exactes, cela nous permet d'arriver à une base de rendement de 26 000 000 de mètres cubes. C'est notre base de référence lorsqu'on vous parle de rendement soutenu actuellement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Sur une base de rendement de 1,23 mètre cube l'hectare. Vous ne jugez pas cela exagéré - c'est très

modéré - parce que je sais que vous avez une expérience du côté du Nouveau-Brunswick également?

M. Robitaille: Oui. On juge quand même qu'à 1,23 mètre cube l'hectare de croissance annuelle moyenne, compte tenu de l'expérience de nos voisins d'outre-mer ou d'ailleurs, on devrait atteindre cet objectif.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Nous, ce qu'on propose, c'est de partager le territoire disponible, c'est-à-dire 21 000 000 de mètres cubes de bois divisés par le rendement de 1,23, ce qui donne 17 000 000 d'hectares. Ce qu'on propose, c'est de partager 17 000 000 d'hectares et de demander à tous les utilisateurs, les intervenants de faire des efforts pour produire 1,23 mètre cube l'hectare. Cela vous semblerait correct?

M. Robitaille: Oui. D'autant plus, en fait, qu'après une analyse, après une discussion entre nous, on s'est quand même dit; Qu'est-ce qu'il arrive, à un moment donné? Est-ce qu'on va avoir les nouvelles données de l'inventaire qui vont sortir au cours des prochains mois? Qu'est-ce qui se produit, par exemple, si on arrive sur un territoire donné et qu'on ne peut pas atteindre l'objectif, c'est-à-dire que le volume alloué ou le volume effectivement coupé au cours des cinq dernières années est supérieur à ce que la forêt peut produire? Alors, un des éléments qu'on envisage, c'est de tout simplement s'asseoir, les détenteurs de permis de coupe dans cette région, de faire l'analyse de la possibilité d'un aménagement de base; à ce moment-là, s'il y a des problèmes à court terme de matière première, si on doit réduire la coupe, on suggère de la réduire de façon proportionnelle pour chaque industrie qui a une allocation. S'il y a une augmentation, bien... Comme on n'y croit pas, on n'en a pas discuté pour le moment.

M. Côté (Rivière-du-Loup): La réduction proportionnelle que vous proposez, c'est dans une unité de gestion ou dans un territoire plus grand, s'il y avait lieu d'en faire une?

M. Robitaille: Je vous avoue qu'on a discuté sur une base de région. Alors, si on prend, par exemple, la région 01 qui couvre tout le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, la discussion, s'est faite sur cette base-là et en regardant peut-être d'autres sources potentielles d'approvisionnement qui, actuellement, ne sont pas touchées, qui peuvent devenir disponibles le cas échéant.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. J'y reviendrai, mais je voudrais dire juste un petit mot. Quand vous parlez de fixer la contribution pour l'usage des chemins forestiers, vous suggérez, à la fin de votre recommandation, "que le ministre doit aussi s'assurer que ces montants d'argent perçus soient utilisés pour l'entretien de ces mêmes chemins", cela serait intéressant. Mais, il me reste les...

M. Robitaille: Écoutez, on doit peut-être vous remettre dans le contexte un peu avec cela. C'est que, au départ, on voudrait quand même que la position de l'ANIBS soit claire. On ne parle pas de barrières, au départ. En second lieu, on a toujours, jusqu'à présent, assumé l'entretien et la réparation de nos chemins. En fait, à un moment donné, dans certaines régions, certaines ZEC ont quand même besoin d'un fonds de roulement. Elles font un peu d'entretien de chemins, ainsi une bonne partie de l'argent qu'elles vont prélever, soit comme droit de passage ou droit de circulation sur leur territoire, sert effectivement aux activités régulières de la ZEC. Alors, à un moment donné, lorsqu'on en arrivera à une politique complète sur la question de l'utilisation des chemins, si la ZEC a besoin d'un peu d'argent pour fonctionner et que la majeure partie de l'entretien des chemins est faite par l'industriel, on voudrait quand même qu'il soit spécifié au poste d'entrée: Écoutez, si on vous demande 5 $ pour circuler, c'est pour aider aux activités courantes de la ZEC,

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais, dites-moi, est-ce que les chemins ont été construits par la ZEC ou par les exploitants forestiers?

M. Robitaille: Ils sont toujours construits par les exploitants forestiers. La ZEC vient toujours derrière nous. D'ailleurs, cela me faisait penser à cette boutade. Récemment, un pêcheur me disait qu'il ne restait plus de bois à couper, mais je lui faisais remarquer qu'il circulait strictement sur les routes qu'on avait construites pour faire l'exploitation forestière et qu'il ne circulait pas à l'endroit où la forêt est encore là, parce qu'il n'y avait pas de chemin de pénétration.

Alors, il est bel et bien clair, dans tout le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, que les chemins sont construits par les industriels ou les détenteurs de garanties d'approvisionnement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): L'autre jour, il y avait des pourvoyeurs ou des représentants des ZEC qui se plaignaient que les exploitants forestiers allaient les déranger. J'avais conclu que les chemins avaient été construits par eux.

M. Robitaille: Non, ce n'est pas arrivé par chez nous.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non.

M. Robitaille: Mais, vous pourriez peut-être leur faire savoir que, s'ils sont intéressés à construire des routes, on pourrait peut-être en discuter ensemble. On est ouvert.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Très bien. Merci, M. le président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage pour son mémoire présenté devant cette commission. Je trouve tout de même très intéressant qu'un organisme comme le vôtre, qui représente en quelque sorte une entité régionale ou sous-régionale, vienne devant nous aujourd'hui puisque, au cours de cette commission parlementaire, nous n'avons pas eu tellement d'organismes régionaux. Je n'ai pas à répéter les pourquoi de l'ensemble de ce problème que nous avons vécu entre l'Opposition et le gouvernement. Je trouve... En tout cas, je dis bravo pour le dynamisme de votre association qui est tout de même assez jeune, soit depuis environ six ans, et qui regroupe, de mémoire, neuf industriels de votre région.

Bien sûr, en tant qu'entité régionale, si vous avez pris la peine de préparer un mémoire et de le présenter devant cette commission parlementaire, c'est que vous étiez très intéressés à certains points qui étaient soulevés concernant des problèmes tout de même assez énormes en rapport avec Pavant-projet de loi que nous avons devant nous.

D'autre part, à la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez que les membres de l'association confirment qu'ils sont disposés à collaborer et à participer à l'implantation d'un nouveau régime forestier au Québec - j'en suis très heureux - tout en affirmant, cependant, que les moyens financiers dont vous disposez sont très minimes. Là-dessus, je peux vous dire que j'en conviens puisque nous avons eu l'occasion, au cours de cette commission parlementaire, d'entendre des représentants d'organismes qui ont parlé sur le fond et qui ont même donné des chiffres assez exacts se rapportant aux coûts additionnels que cela pourrait comporter et aussi aux effets négatifs que certains articles de l'avant-projet de loi et certaines positions du gouvernement pourraient avoir. Je pense, en particulier, à l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Seulement une courte question, en passant. Est-ce que les neuf industriels, chez vous, sont membres de l'association?

M. Robitaille: Non. M. Perron: Non?

M. Robitaille: Non, l'association et l'ANIBS sont indépendantes,

M. Perron: Vous êtes indépendants de l'association.

M. Robitaille: Oui, entièrement.

M. Perron: Merci. Plus loin, dans votre mémoire, toujours à la page 2, vous mentionnez: "Cependant, l'imposition de charges supplémentaires trop élevées à l'industrie du sciage amènera sans aucun doute la disparition de la majorité des usines de sciage au Québec." C'est vrai, d'après ce que nous pouvons voir et surtout pour des raisons peut-être un peu différentes des vôtres. Je voudrais ajouter, sur cette question, que, pour nous de l'Opposition, l'avant-projet de loi livre directement aux papetières le marché de la matière ligneuse et ce, libre de toute contrainte, au détriment des propriétaires des forêts privées, des scieurs et des coopératives forestières, de la façon suivante: le gouvernement rejette carrément la priorité aux bois des forêts privées et aux copeaux des usines de sciage pour approvisionner les usines de pâtes et papiers en particulier et en écartant, bien sûr, les garanties de suppléance, en vue de favoriser les contrats à long terme entre les partenaires. Il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte, bien sûr.

Je voudrais vous poser maintenant deux questions. Je vais céder, par la suite, la parole à mon collègue de Dubuc, après que les députés ministériels seront intervenus. Il faut respecter l'alternance parce que je commençais à les voir sauter de l'autre côté.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Cusano): II y a un président, M. le député.

M. Perron: J'ai compris que l'on avait changé de président, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): C'est bien.

M. Perron: Puisque je viens de parler des copeaux, la question que je voudrais vous poser est la suivante. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la situation actuelle de la vente des copeaux dans votre région, face aux dernières années?

M. Robitaille: Je vais demander à notre directeur général de faire un tour d'horizon là-dessus.

M. Ouellette: Si on parle des dernières années, il est bien évident que, cette année, en ce qui touche les industriels de l'ANI8S, actuellement on n'a pas de problème. On n'a aucune tonne de copeaux à terre, comme cela a déjà été mentionné pour d'autres régions. Cela n'a pas été le cas au cours d'autres années qu'on a vécues où, par exemple, des tas de copeaux ont été empilés à certains endroits, ce qui nous a donné des maux de tête pendant des mois. En général, au cours des trois dernières années, tous les copeaux des industriels de Î'ANiBS ont été vendus.

M. Perron: En régions?

M. Ouellette: Non, Le secteur couvert par l'ANIBS, pour les ventes de copeaux, est quand même assez vaste. On va au Nouveau-Brunswick, en Gaspésie, à Québec et à Trois-Rivières. On couvre assez grand comme région.

M. Perron: Quel est le prix payé par le Nouveau-Brunswick, par tonne de copeaux que vous exportez à cet endroit?

M. Ouellette: Je vais donner la parole à M. Lavoie.

M. Perron: Aucun problème. (21 heures)

M. Lavoïe (Jean-Marc): Je m'excuse. II faudrait quand même reprendre les informations qui ont été données tout à l'heure. D'une façon assez générale, le marché des copeaux, c'est un marché qui est libre. Cela veut dire que l'on transige, sur le marché libre, avec l'industrie des pâtes et papiers, excepté que, dans notre région, depuis un an, on a des problèmes. Ces problèmes sont dus à l'établissement d'une société d'État, la société REXFOR.

M. Perron: Matabois?

M. Lavoie: Ce n'est pas par hasard s'il y a eu le développement d'un complexe forestier dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Des décisions ont été prises il y a deux ans et, actuellement, on est en train d'écoper de ce problème. Que voulez-vous qu'on dise?

Une voix: C'est en...

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavoie: À ce moment-là, lorsqu'on a REXFOR dans le portrait, on ne parle pas de marché libre, mais d'une concurrence déloyale. C'est le problème que sont en train de vivre plus spécifiquement les usines de Matane, Matapédia, etc., dans ce coin. Il ne touche pas encore les usines de Rivière-du-

Loup ou Montmagny. Est-ce que le problème pourra aller jusque-là? Cela dépend de la volonté politique du gouvernement d'étendre le développement de REXFOR.

M. Perron: La question que je vous ai posée quant au prix des copeaux par tonne métrique que vous obtenez du Nouveau-Brunswick, je ne voudrais pas que vous entriez...

M. Lavoie: Non, non, on ne donnera pas de cas...

M. Perron: ...dans des questions confidentielles.

M. Lavoie: Non, non, on va citer des cas précis. On peut dire que le prix des copeaux au Nouveau-Brunswick a baissé de 10 $ depuis que REXFOR est dans le portrait. Je puis vous donner la situation que notre compagnie a vécue, celle qui est au bout, ainsi qu'une autre. L'incidence de REXFOR... Lorsque vous me demandez le prix, dans le fond, vous me demandez... Si on était dans le marché libre, le prix n'aurait pas tellement d'importance, car ce qu'on réussit à vendre sur le marché libre, c'est ce que l'industrie est capable de payer; je parle de l'industrie des pâtes et papiers.

Le prix qu'on accorde à cette compagnie, c'est le prix qui nous permet, nous, de l'industrie du sciage, de continuer à vivre d'une façon autonome. Mais, à partir du moment où ce sont des mécanismes qui déterminent les prix, autant d'une part que de l'autre, l'industrie des pâtes et papiers, naturellement, si on lui offre un cadeau, c'est sûr qu'elle va l'accepter, car cela minimisera ses coûts. Mais c'est nous, de l'industrie du sciage, qui sommes obligés d'en subir les conséquences étant donné que notre entreprise n'est pas une entreprise qui est concentrée. L'industrie des pâtes et papiers est très concentrée.

Pour répondre plus spécifiquement à votre question, le prix au Nouveau-Brunswick est le même que celui de l'ensemble, si l'on fait une moyenne...

M. Perron: 70 $.

Une voix: C'est à peu près cela.

M. Lavoie: 70 $, c'est un chiffre qui a du sens. FOB.

M. Perron: 70 $ moins 10 $ ou 70 $ plus 10 $?

M. Lavoie: Non, FOB scierie. Vous pouvez enlever 10 $ et vous ne serez pas loin. 62 $ est un chiffre qui a du sens; 72 $ a du sens aussi, entre 62 $ et 75 $.

M. Perron: Juste un commentaire là-dessus. Il est remarquable que, à cause de la politique du Nouveau-Brunswick qui met l'accent sur les copeaux, on vient même chercher des copeaux au Québec.

Je voudrais toucher à un autre aspect de votre mémoire. Vous mentionnez, à la page 6: "L'association est cependant très fortement opposée à ce que le gouvernement accorde dans des régions très fortement hypothéquées de nouvelles allocations de volume de bois et des territoires forestiers à des usines ne détenant actuellement aucune convention d'approvisionnement avec le gouvernement du Québec." Vous continuez: '•Si des volumes supplémentaires devenaient disponibles suite aux nouveaux inventaires décennaux, nous croyons qu'il serait opportun pour le gouvernement du Québec de consolider les usines existantes en accordant ces nouveaux volumes aux installations détenant actuellement des conventions d'approvisionnement sur forêts publiques."

Je sais que vous ne faites allusion à aucun cas en particulier. C'est pour cela que je voudrais vous poser la question suivante: La loi actuelle sur les terres et forêts permet au ministre délégué aux Forêts et à son ministre de tutelle, c'est-à-dire au ministre de l'Énergie et des Ressources, d'accorder des garanties d'approvisionnement sur la forêt publique. Au moment où, d'ici quelques mois, s'appliqueront de nouvelles règles du jeu à cause de l'avant-projet de loi qui va devenir un projet de loi certainement amendé, nous l'espérons, pour le mieux, ne croyez-vous pas que les deux ministres devraient être prudents d'ici là et renoncer à donner des garanties d'approvisionnement additionnelles sur la forêt publique?

M. Robitaille: Nous avons pris cette position dans notre mémoire parce que, effectivement - c'est l'opinion de l'ANIBS -après déjà sept ou huit ans d'épidémie de la tordeuse du bourgeon de I'épinette, c'est le temps de faire le point, surtout au moment où le ministère fait un nouvel inventaire décennal. Selon les données, l'hiver prochain, on devrait avoir de disponible exactement ce qui reste debout, la disponibilité de la forêt, et être capable de calculer sa possibilité.

Par ce texte, on dit: Ecoutez, à ce stade-ci, il serait probablement très imprudent d'en arriver, soit à donner des augmentations de garantie d'approvisionnement, soit à donner de nouvelles garanties d'approvisionnement. On est sur le point d'embarquer dans un nouveau régime forestier. Donc, donnons-nous quelques mois, quelque temps de réflexion et regardons exactement ce qu'il en est.

M. Perron: Merci de votre réponse. Cela clarifie votre mémoire. Pour le moment, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai été très intéressé par vos commentaires sur le rôle des sociétés d'État, plus particulièrement vos commentaires sur REXFOR. Comme vous le savez, nous avons des positions assez particulières sur le rôle de l'Etat. Nous réexaminons le rôle des sociétés d'État incluant le rôle de REXFOR. Vous remettez en question le rôle des sociétés d'État dans votre mémoire, et, dans ce cadre, je voudrais savoir quel devrait être, selon vous, le rôle dévolu à REXFOR. Peut-être que cela pourrait nous aider dans notre réexamen de REXFOR. Quel rôle lui voyez-vous jouer'? Est-ce que ce serait un rôle témoin, un rôle de coinvestisseur, de développement technologique, de réalisation de travaux d'arrérages? Peut-être pourriez-vous nous donner quelques idées?

M. Lavoie: Notre mémoire est assez détaillé en ce qui concerne en particulier REXFOR. Ce qu'on a toujours soutenu, c'est que REXFOR devait jouer un rôle supplétif. Lorsque, dans une région donnée, pour une raison ou une autre, il est difficile pour l'économie de se développer, il est pensable que REXFOR puisse intervenir, à la condition qu'on puisse mettre en place des mécanismes qui permettraient d'évaluer la performance de REXFOR par rapport à l'entreprise privée. Cela suppose un mécanisme de contrôle de tous les facteurs qui interviennent dans la concurrence lorsque REXFOR est établie dans une région. Si on accepte d'une certaine façon que REXFOR joue un rôle, ce n'est pas parce que REXFOR devrait être là comme le moteur de développement économique d'une région et ce n'est pas parce que la forêt est capable de supporter nécessairement un nouvel intervenant, même si cet intervenant est là pour un but ultime qui est un but social, c'est parce que, d'une façon générale, on reconnaît dans notre région en particulier que la forêt joue un rôle très important dans l'économie. Dans notre région, cela représente environ 66 % des emplois manufacturiers dans tout le secteur de l'industrie secondaire. Un rôle comme cela, c'est important, puisqu'il n'existe pas d'autres ressources en dehors de la pêche ou d'autres activités secondaires. Lorsque, dans une région, il n'est pas possible pour des raisons comme... On devrait les mentionner. Dans notre région, les coûts de transport sont énormes. Il est très difficile de rendre viable une entreprise privée dans le secteur du sciage à moins d'accepter une contribution marginale aux profits très minces, ce qui rend l'entreprise du sciage vulnérable à tous les aléas du secteur

économique. Il est pratiquement impensable que, d'une façon massive, on puisse exploiter toute cette forêt avec l'entreprise privée seulement. Cest seulement à cette condition... C'est comme pour certains projets de loi, lorsqu'on est à l'article de la mort, on pourrait penser à REXFOR. Mais, REXFOR, dans tous les rôles de reboisement, par exemple, devrait ne pas être choisie comme intervenant principal parce que l'aménagement devrait être exécuté par l'industrie en place qui, normalement, devrait être la meilleure école pour réussir à faire, de la façon la plus économique, les travaux d'aménagement ainsi que le suivi de ces travaux.

M. Ciaccia: Je vous remercie de vos commentaires. Je les trouve très intéressants, et nous allons certainement les prendre en considération, pas nécessairement à l'article de la mort...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ciaccia: ...mais vos commentaires en général sur le rôle de REXFOR dans notre examen de REXFOR dans les mois à venir. Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Â la page 4 de votre mémoire, portant sur l'article 4, vous dites: La dernière phrase de cet article devrait se lire comme suit: "Les droits ainsi établis sont calculés sur le volume de bois alloué annuellement au titulaire en tenant compte des cas de force majeure tels feux, grève, etc. Les droits de coupe seront payés mensuellement..." Alors, je comprends que l'ANIBS est d'accord avec l'avant-projet de loi concernant les droits de coupe, que les droits de coupe se fassent sur le volume de bois alloué et non sur le volume de bois coupé.

M. Robitaille: Nous avons effectivement pris position sur la question des droits de coupe basés sur les volumes de bois alloué. À la suite de cette première prise de position, comme je vous le mentionnais un peu plus tôt ce soir, on a poussé un peu plus loin notre cheminement en matière de financement. Vous avez quand même relevé le fait qu'on a mentionné qu'on ne pouvait pas imposer à l'industrie du sciage un montant trop élevé, sinon il y aurait des problèmes. On a essayé de voir de quelle façon on pourrait s'organiser pour parler de financement de tous ces travaux. On parlait de volume alloué. Au départ, on s'est dit une chose: II faut que les travaux soient faits, il faut qu'on aille chercher l'aménagement de base, sinon on a des problèmes majeurs à très court terme. Il faut absolument trouver une façon de financer ces travaux.

Cet après-midi, il a été mentionné que la valeur des droits de coupe devrait être supérieure pour le sciage, inférieure pour la pâte ou vice versa, peu importe. Compte tenu de notre expérience dans les exploitations forestières des dernières années, dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il n'y a pas de différence de qualité entre le sciage et la pâte. Â ce moment-là, on se dit une chose: Un mètre cube de bois vaut la même chose pour tout le monde, que ce soit du sciage, que ce soit de la pâte. C'est un élément qui doit être bien précis.

Sur autre élément dans toute cette question de financement, de volume alloué, on s'est dit: Oui, c'est correct. Le sciage a du volume alloué. Au cours des dernières années, la structure de toute l'industrie forestière s'est complètement transformée. Il y a eu des transformations dans les méthodes de mesurage, des transformations dans les méthodes d'utilisation. On pense que lorsqu'on parle de volume alloué cela doit se reporter sur tout utilisateur de fibres, que ce soit sous forme de fibres de bois rond, que ce soit sous forme de copeaux. Quand on parle de copeaux, on peut aussi bien parler des usines de panneaux que des usines de pâtes et papiers.

On s'est aperçu qu'il y avait peut-être un partenaire qui avait été oublié dans toute cette histoire de financement. Je me réfère au gouvernement canadien. On sait que le gouvernement canadien est passablement impliqué dans certaines provinces à l'intérieur des programmes d'aménagement. Il est de notre opinion qu'une bonne partie des 120 000 000 $ qu'on prévoit soutirer à l'industrie, qu'on prévoit faire payer par l'industrie devrait quand même être payée par le gouvernement fédéral, qui est un des intervenants qui reçoit le plus d'argent de toute l'exploitation forestière.

L'autre élément qu'on voudrait peut-être vous amener en termes de volume alloué, c'est qu'on parle de volume alloué, mais on parle aussi de consommation. On pense que le droit de coupe devrait peut-être se subdiviser en deux termes, toujours basé sur une question fixe, c'est-à-dire un droit de coupe à payer sur la consommation autorisée sur la forêt publique et aussi une autre partie qui serait payée sur le volume de coupe alloué de telle sorte qu'il pourrait y avoir de l'argent qui pourrait aller directement au fonds consolidé de la province qui ainsi recueillerait une partie des bénéfices de l'exploitation de la forêt, de la ressource forêt. II y a une autre partie qui pourrait peut-être être utilisée, être déposée - la loi l'a prévu, il y a quelques années dans le fonds forestier. Il pourrait peut-être être réactivé. Il pourrait y avoir de l'argent qui soit déposé directement là-dedans à même les

droits de coupe de façon que cet argent soit utilisé immédiatement pour les travaux de remise en production des superficies coupées. Cela assurera, à ce moment-là, une certaine continuité des travaux d'aménagement et les objectifs de production qu'on se donne aujourd'hui ou demain tout le monde ensemble, à ce moment-là, on aura des instruments qui nous permettront de les atteindre. (21 h 15)

Comme vous voyez, la notion de bois alloué ou de consommation à autoriser, ce sont des choses qui sont importantes pour nous autres. Cela reste à ce niveau-là. On se dit une chose: Si on pense qu'on a besoin de 100 000 mètres cubes ou 50 000 mètres cubes, il est normal qu'on l'exploite et on voudrait que la situation qu'on connaît aujourd'hui, la différence entre les 24 000 mètres cubes effectivement coupés et les 31 000 mètres cubes alloués, ou quelque chose comme cela... Il serait peut-être normal que ces deux chiffres se rapprochent un peu l'un de l'autre.

Le Président (M. Cusano): M. le député.

M. Desbiens: Je voudrais être sûr d'avoir bien saisi quand vous dites... Je vous pose un chiffre, un nombre hypothétique, supposons, un volume alloué de 100 000 mètres cubes. Vous avez droit, je pense, à plus ou moins 10 % dans les opérations, de couper en plus ou en moins 10 %. Si vous êtes obligés de payer les droits de coupe sur le volume alloué, vous ne voyez pas la une incitation à couper entièrement le volume alloué plutôt que d'aller, pour compléter votre approvisionnement, acheter du bois privé, par exemple?

M. Robitaille: M. le Président, on peut peut-être prendre l'expérience des dernières années dans le Bas-du-Fleuve. En 1979, le ministère de l'Énergie et des Ressources mit sur pied un programme spécial de récupération du bois de tordeuse. À ce moment-là, pour accélérer la récupération, les industriels ont eu des augmentations de coupes de bois en forêts publiques qui ont défoncé les 100 % de leur approvisionnement. Malgré tout cela, on a acheté tout le bois que les producteurs privés ont produit. Cela nous fait plaisir de vous le dire parce que, s'il y a une région au Québec où il n'y a pas eu de problème de bois de boisés privés en tant que tels, c'est dans cette région. On s'est organisé ensemble. Il y a même un des industriels ici présent à cette table qui, une année, a cessé complètement ses opérations en forêt pour acheter le bois de forêts privées, le bois de récupération qui se perdait et tous les autres membres de la région ont fait des efforts spéciaux de telle façon qu'on s'est organisé pour ramasser tout ce bois-là. Si on dit que le passé est garant du futur, c'est peut-être le plus bel exemple. Pour ce qui est des 10 %, j'aimerais peut-être laisser la parole à M. Gilles Bérubé. On a développé un peu là-dessus ensemble.

M. Bérubé (Gilles): Dans l'avant-projet, à un moment donné vous mentionnez, ou le ministère mentionnait que, qu'on coupe ou qu'on ne coupe pas l'approvisionnement, on le paie. Alors, si un industriel, pour une raison ou pour une autre, a une avarie, un feu, une grève, un drame quelconque, dans l'année d'ensuite ou un an ou deux ans par après, pourrait-il couper l'approvisionnement? Cela n'a pas été mentionné.

Le Président (M. Cusano): M. Desbiens.

M. Desbiens: Vous voulez dire que, si vous avez un approvisionnement sur cinq ans, je prends toujours le chiffre hypothétique de 100 000 mètres cubes par année, vous avez droit à 500 000 mètres cubes en cinq ans et s'il arrive un désastre... Les cas de désastres, je pense qu'il faut les mettre... Il y a des restrictions, quand même dans l'avant-projet de loi. Si, pour une raison autre que les désastres, les feux ou peut-être les grèves, est-ce que... Vous voulez dire par là que vous voudriez, si vous n'êtes pas capables de prendre les 100 000 mètres cubes une année, pouvoir les prendre dans l'année suivante ou les deux années qui suivent, à l'intérieur de vos cinq ans. C'est cela?

M. Bérubé: Effectivement. Une voix: M. Lavoie.

M. Lavoie: La position qu'on avait défendue, ce n'était pas de dire qu'un industriel devait couper 500 000 mètres cubes sur une période de cinq ans, mais de dire que la possibilité permettait de couper 100 000 mètres cubes par année, de telle sorte que si un industriel, pour une raison ou pour une autre, coupait 500 000 mètres cubes 3ur quatre ans, à la cinquième année, pour ne pas fermer son usine, il pourrait réclamer 100 000 autres mètres cubes. Il pourrait alors soulever le problème qu'il y aurait un désastre économique. Notre position, c'est qu'on devrait baser l'ensemble des droits sur le volume alloué - on parle toujours des 100 000 - mais en conservant quand même au ministère une certaine souplesse pour considérer les cas où, pour une raison ou pour une autre, il y a eu une réduction du volume de coupe parce qu'il y a eu des cas de force majeure.

M. Desbiens: Mais à l'intérieur d'une marge réduite pour que n'arrive pas ce que

vous avez mentionné au début.

M. Robitaille: Oui. Autrement dit, on n'est pas d'accord avec la position qui dît, par exemple, qu'un industriel pourrait anticiper 10 % ou 15 % tous les ans sur son permis annuel, de telle façon qu'il arriverait à la cinquième année avec un manque àcouper.

M. Desbiens: Je vous remercie. Le temps passe.

Le Président (M. Cusano): En effet, il vous reste une minute et demie, M. le député.

M. Desbiens: C'est toujours comme cela, il me reste toujours une minute et demie. Une dernière question concernant les copeaux. J'ai cru comprendre tantôt que vous aviez certaines difficultés spéciales dans votre région. Indépendamment de cela, seriez-vous d'accord, par exemple, pour que le gouvernement traite les copeaux comme de la matière première et établisse une tarification pour les ventes aux papetières?

M. Robitaille: En fait, notre position là-dessus est la suivante. Lorsque je vous ai parlé tout à l'heure d'un droit à payer sur la consommation autorisée en forêt publique, cela présuppose quand même que le copeau en lui-même subisse un certain prélèvement. C'est-à-dire que, si vous avez une industrie qui transforme du bois rond et du copeau, le droit prélevé serait basé sur la consommation totale de bois en provenance de la forêt publique, ce qui inclurait le volume de copeaux.

Si vous parlez d'un droit, c'est-à-dire d'établir une tarification pour dire tant la tonne pour les copeaux, je ne suis pas tout à fait d'accord là-dessus. C'est-à-dire que cela doit être considéré à l'intérieur de la consommation totale d'une usine, que ce soit une usine de pâte, une usine de déroulage, de panneaux, peu importe.

Le Président (M. Cusano): Vous avez terminé, M. le député?

M. Desbiens: Merci. Il le faut bien.

Le Président (M. Cusano): Oui. M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): M. le Président, j'aimerais saluer plus particulièrement les gens de ma région. Cela fait plaisir de vous voir à cette commission parlementaire. J'aimerais revenir un petit peu, à l'instar du ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Ciaccia, sur le rôle d'une société d'État qu'on appelle REXFOR. Vous dites: Nous admettons le bien-fondé des interventions du gouvernement, donc, par le biais de sa société d'État qui s'appelle REXFOR, mais, par contre, pas au détriment des industries privées. Tout à l'heure vous avez dit: À l'article de la mort, nous en convenons. J'aimerais vous rappeler que REXFOR est quand même un partenaire important pour Pan Val à Sayabec. REXFOR est aussi un coinvestisseur important au niveau de ITT. De quelle façon voyez-vous la société REXFOR? Est-ce que vous la voyez seulement dans ces projets-là où elle est coinvestisseur ou pour faire les chemins en forêt comme cela a déjà été le cas? J'aimerais que vous précisiez davantage votre pensée là-dessus.

M. Lavoie: Je vais répondre à votre question, M. le député. M. le Président, vous savez qu'il est assez difficile pour quelqu'un qui n'est pas dans l'entreprise de voir jusqu'où peut aller l'incidence d'une compagnie d'État comme REXFOR. Prenons l'exemple de REXFOR qui jouerait le rôle d'un suppléant de matière première pour une usine de pâtes et papiers. Cela paraît inoffensif. REXFOR va prélever quelques mètres cubes, 10 000, 15 000, 20 000, 100 000, 600 000 mètres cubes. Ces bois seront destinés à une compagnie de pâtes et papiers. Lorsque vous avez plusieurs usines de sciage autour de cette compagnie d'État qui doivent faire des opérations forestières... On est soumis par exemple, au niveau des entrepreneurs, à des règles, au point de vue du marché libre, sur les prix qu'on doit consentir à ces entrepreneurs. Si REXFOR prélève 600 000 mètres cubes ou 1 000 000 de mètres cubes, peu importent les quantités, ce n'est pas cela qui est important, c'est le fait qu'on ait jumelé une société d'État à une entreprise privée qui s'alimente au point de vue de la matière première à un ensemble de petites entreprises privées. C'est ce qui est dramatique dans le rôle de REXFOR. Lorsqu'on parlera à ces grosses compagnies de papier, on dira: REXFOR, c'est un partenaire silencieux, il n'a que 10 % des actions dans la compagnie, ce n'est pas tellement important. C'est 10 % du capital-actions, mais quant à l'incidence sur le marché cela représente peut-être 90 % ou 95 % de l'activité économique ou, si on veut, de ce qui serait disponible pour l'industrie du sciage pour aller chercher un prix compétitif. C'est ce qui nous manque. Lorsque REXFOR est partenaire avec une grosse société, l'industrie du sciage est encore plus acculée au pied du mur parce qu'il n'y a plus moyen de "dealer" avec cette compagnie, car dans sa ressource première elle a une garantie qui dépasse souvent de beaucoup ce qu'a l'entreprise privée.

Si, par exemple, une entreprise papetière se trouve garantie par une société d'État pour un certain volume qui n'est pas

disponible dans la région immédiate, elle peut aller le chercher 100 milles plus loin, 200 milles, 500 milles. Les coûts de transport n'ont pas d'importance, c'est une société d'État. S'il manque 2 000 000 $ ou 5 000 000 $ pour "booker", ce n'est pas grave, On va mettre les 5 000 000 $. C'est dans ce sens-là, lorsqu'on parle de jumeler des sociétés d'État qui jouent un rôle silencieux avec les partenaires, qu'on appelle cela des mamelles. La grande société papetière se nourrit de la mamelle.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Paradis (Matapédia): J'aimerais poursuivre dans le même sens. Par exemple, on sait que REXFOR a rouvert certaines scieries plus particulièrement dans la Vallée de la Matapédia et sur la côte nord de la Gaspésie pour, ce que l'on appelle, équarrir le bois. Dans certains scieries, on le flatte un peu et on l'amène à Matane. Dans d'autres, ils font une transformation un peu plus avancée. Est-ce que dans votre association qui oeuvre dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie vous seriez prêts, dans une certaine mesure, à prendre la relève? Je poursuis en disant: Prendre la relève mais en jouant aussi, si on veut, le rôle social de REXFOR qui est de maintenir des populations avec le travail qu'elles ont dans leur municipalité?

M. Lavoie: M. le Président, je pense qu'on fait référence au complexe des usines de sciage dans notre région, surtout dans le coin de Matane, Grande-Vallée, Sainte-Anne-des-Monts, etc.

M. Paradis (Matapédia): Saint-Léon et Lac-au-Saumon.

M. Lavoie: Saint-Léon. Imaginez comment cela peut être paradoxal. On a dit qu'on souffrait de sous-emploi, qu'il y avait trop de copeaux sur le marché. C'étaient les gros problèmes. Une commission a été créée ici, il y a eu un décret. Qu'est-ce qu'on a fait? On a mis encore plus de copeaux. On a mis 200 000 tonnes de plus. On disait: Les problèmes de l'industrie du sciage dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie existent parce qu'on ne réussit pas à vendre les copeaux à un bon prix étant donné qu'on est dans un marché captif. On a décidé de créer une société d'Etat qui a multiplié par deux et par trois la quantité. C'était un non-sens.

Quant au deuxième problème, on se disait: Les entreprises tombent en faillite d'une façon chronique. On va créer un complexe très fort, de telle sorte qu'on pourra trouver de l'emploi pour ces personnes. Lorsqu'on a pensé à ces usines, on a mis sur pied les usines les plus productives au point de vue technologique: ce sont des équarrisseuses. Au lieu de scier le bois comme on le fait dans nos usines dans l'entreprise privée, on ne fait que l'équarrir. Dana une usine comme cela je vais engager le tiers de ce que j'aurais dû engager normalement comme main-d'oeuvre pour la même matière première parce que j'ai mis des usines superproductives., On a investi dans l'équipement et le travail de REXFOR était censé résoudre le problème de main-d'oeuvre. C'est un non-sens.

M. Paradis (Matapédia): M. Lavoie, j'aimerais préciser davantage ma question. Si REXFOR se retirait de ces scieries, est-ce que, comme association ou comme industriels, vous seriez prêts à prendre la relève en maintenant dans chacune des municipalités les emplois qui sont reliés à l'usine ou si vous prendriez ces approvisionnements pour consolider les industries déjà existantes?

Le Président (M. Cusano): À ce moment-ci, je devrais demander le consentement pour que vous puissiez répondre parce que le temps est écoulé. Il y a consentement. Allez-y! (21 h 30)

M. Lavoie: Si l'entreprise privée décidait, je ne dirais pas d'investir massivement, mais de relever le défi, de faire fonctionner les usines qui forment le complexe, ce serait parce que ce serait rentable. Si cela ne l'était pas, ce n'est pas l'entreprise privée qui va y aller.

M. Paradis (Matapédia): On a REXFOR. Il faut qu'elle reste.

M. Lavoie: Ce n'est pas cela que j'ai dit. Ce qu'on a dit, M. le Président, c'est que si les entreprises étaient rentables... II y a des raisons de croire que ce serait rentable, étant donné qu'actuellement on a une scierie, la Scierie Mitis, qui a été le premier bébé de l'ANIBS. Cela n'est une cachette pour personne qui test ici. C'est la première usine qui a été créée à Price, à la suite d'une fermeture d'usine, parce qu'on avait déclaré que ce n'était pas rentable d'avoir une usine là-bas: l'usine était vétuste et il n'y avait plus rien à faire. Scierie Mitis a été formée en 1983. Quatre industriels de l'ANIBS ont injecté du capital-actions dans cette scierie, ils en détiennent 50 %. L'usine, depuis ce temps, a fait ses preuves. Si ce n'était pas de la concurrence impitoyable de REXFOR, ce serait encore mieux. Mais les résultats jusqu'à maintenant sont bons.

Donc, dans le cas où les scieries de REXFOR seraient disponibles, les industriels sont prêts à relever le défi de les ouvrir si on est capable de faire une étude de marché, si on ouvre les portes et on nous

donne le mandat de poser les questions aux personnes qui sont là au sujet des approvisionnements, au sujet des équipements, si on nous donne la possibilité de dire: Écoutez, tel équipement à tel endroit, cela n'a pas de sens; l'objectif c'était cela, et là on n'est pas capable de l'atteindre. Nous autorisez-vous à faire telle action? Si on nous donne ces autorisations, si on connaît les conditions de financement qui sont faites entre REXFOR et les caisses populaires qui détiennent actuellement, paraît-il, une bonne partie du capital-actions des scieries de REXFOR - je pense que c'est un paravent mais il semblerait que c'est vrai - à ce moment, on est prêt à y aller et à réaliser notre projet.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Duplessis, pour les remarques finales.

M. Perron: Merci. Je commençais à trouver la discussion intéressante. C'est sûr que j'aurais voulu moi-même poser quelques questions concernant les affirmations qui ont été faites au sujet de REXFOR par les représentants de l'ANÎBS, en particulier par un de ses représentants. Je serais même allé jusqu'à demander s'il y avait des intérêts conjoints ou s'il y avait un intérêt particulier d'un de vos membres pour faire en sorte d'acheter REXFOR, puisque vous semblez très intéressé à l'attitude gouvernementale se rapportant à la privatisation de presque l'ensemble des sociétés d'État du Québec. Pour nous, ce n'est pas nécessairement de la privatisation: comme dans le cas de Quebecair, c'est un peu pas mal la liquidation.

Je peux vous assurer que je n'ai pas du tout la même opinion que vous, puisqu'on se parle entre nous. Je n'ai surtout pas la même opinion que vous sur la société REXFOR parce qu'on a vu que cette société s'était impliquée à plusieurs occasions dans certains petits villages ou certaines petites villes et ce, dans toutes les régions du Québec, surtout à des endroits où des industriels - du bois de sciage ou autres - se refusaient de "prendre la pôle". C'est une des raisons fondamentales qui ont amené les gouvernements qui se sont succédé à donner des mandats spécifiques à la société REXFOR. D'autre part, il y a une chose qui est remarquable. Vous êtes un organisme régional. On a remarqué qu'on apprenait des choses qui provenaient de votre région. Quant à nous, on aurait aimé énormément apprendre des choses qui venaient d'autres régions du Québec, si les ministériels avaient voulu accepter qu'on entende des organismes régionaux comme les vôtres.

Le Président (M. Cusano): M. le député, voulez-vous vous en tenir à vos remarques finales?

M. Perron: Je veux terminer en disant à l'organisme et à ses représentants que nous, de l'Opposition, on les remercie. Il y a sûrement certains aspects de votre mémoire qu'on va ramener sur la table lorsqu'il y aura discussion du projet de loi final. Il y a tout de même des choses intéressantes dans votre mémoire autant que dans d'autres mémoires qui nous ont été présentés. J'ai très bien compris qu'en tant qu'organisme régional vous n'aviez pas nécessairement les fonds pour nous préparer une brique qui touche l'ensemble de votre région et l'ensemble du Québec et en arriver à aller jusqu'à faire des représentations sur chacun des articles de l'avant-projet de loi. Je tiens à vous remercier au nom de l'Opposition pour le travail que vous avez effectué, pour votre présence à la commission parlementaire et pour votre honnêteté en étant très directs dans vos affirmations.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Duplessis. M. te ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Je voudrais vous demander, gens de l'ANIBS, de ne pas être trop sévères à l'endroit de REXFOR puisqu'elle a reçu un mandat, dans votre région, qui ne découle pas nécessairement entièrement d'elle. J'aurais aimé vous parler, si j'avais eu plus de temps...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...de votre compagnie Forêt Plus que je trouve intéressante comme intervention. Cette compagnie Forêt Plus pourrait, sans dégager la responsabilité de chacun de vous, prendre la responsabilité de développer l'expertise pour exécuter des travaux d'aménagement et cela me semble une avenue intéressante pour votre groupe. Évidemment, si chacun fait ses petits travaux, peut-être qu'on ne développera pas l'expertise souhaitable pour améliorer le rendement de la forêt de la région du Grand-Portage.

J'aurais aimé aussi vous parler de la graduation que vous suggérez concernant la valeur marchande de bois sur pied. Ce sont peut-être des chiffres hypothétiques que vous mettez là, en supposant 4 $ le mètre cube pour le bois. Si c'était plus, ce serait peut-être la même graduation. C'est une proposition que l'on trouve intéressante parce que cela tiendrait peut-être compte aussi de la capacité de s'adapter et d'améliorer notre gestion de façon à rester rentable.

J'aurais d'autres questions, vous me connaissez. Par contre, je ne veux pas prendre plus de temps pour ne pas me faire rappeler à l'ordre. Je tiens à vous remercier

de votre collaboration. Comme je l'ai souligné au début, vous avez toujours participé activement à toutes les demandes, à toutes les consultations que le ministère a faites chez vous; je vous en remercie et j'espère que cela continuera. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Au nom de tous les membres de la commission, j'aimerais remercier particulièrement les membres de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage. Merci, messieurs.

J'inviterais, à ce moment-ci, les représentants du Fonds de recherches et de développement forestier à prendre place à la table.

Bonsoir. Pour les fins du Journal des débats, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, M. le président, et identifier les gens qui vous accompagnent?

Fonds de recherches et de développement forestier

M. Lafond (André): Avec plaisir, M. le Président. Mon nom est André Lafond. Je suis président du Fonds de recherches et de développement forestier. J'ai le plaisir, ce soir, d'être accompagné par M. Léopold Dion, ingénieur forestier de grande expérience et membre de l'exécutif du fonds de recherches, ainsi que par M. Pierre Lafond, qui est directeur des recherches au Fonds de recherches et de développement forestier.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président. Pour votre information et pour l'information des membres de cette commission, vous disposez de douze minutes pour la présentation de votre mémoire. L'Opposition dispose de 24 minutes et le côté ministériel de 24 minutes pour l'échange. Allez-y, M. le président.

M. Lafond (André): M. le Président, j'aimerais d'abord souligner que, si la commission est réunie aujourd'hui pour la présentation d'un avant-projet de loi, c'est la continuation d'une très vieille tradition au Québec. J'ai pensé qu'il pourrait intéresser la commission parlementaire de voir la première loi qui a été éditée et employée au Québec. C'est l'édition toulousaine de 1694 de l'édit de Colbert portant sur les forêts qui a été à la base de la première législation forestière. On en trouve quelques exemplaires. Celui-là est mangé par des rats, j'oserais dire toulousains, pour ne pas qu'on fasse d'extrapolation. C'est donc une longue tradition.

La forêt du Québec, M. le Président, s'étend sur 15 degrés de latitude depuis le 45e jusqu'au 60e. Si on veut faire une comparaison européenne qui, peut-être, nous est plus familière, je dirais que cela s'étend de la région de Paris à la Finlande. C'est donc un domaine extraordinairement important et il n'est donc pas surprenant que, de temps en temps, selon les faits de l'histoire, selon les conditions économiques, la population du Québec se préoccupe d'adopter de nouvelles législations parce qu'elle a, cette fois, non seulement une responsabilité québécoise et, oserais-je dire, canadienne, mais même c'est toute une portion du patrimoine humain de la forêt que nous avons, nous, la responsabilité de protéger et de développer.

On avait l'habitude, quand j'étais étudiant, il y a déjà, hélas, longtemps, de dire que le Québec avait la meilleure législation forestière du Canada, mais que, malheureusement, on s'en servait très peu. Aussi, nous avons vu des changements et nous avons vu, au fur et à mesure que la forêt québécoise réputée inépuisable, en réalité, commençait, pour toutes sortes de raisons, à être grugée, des inquiétudes qui se sont développées.

On peut dire aussi, M. le Président, que cela n'a pas été une préoccupation majeure de la population du Québec que le bien-être de la forêt. Cela a toujours été, d'abord, considéré comme un ennemi de l'agriculture. Cela a été un territoire qu'on avait, soi-disant, livré au colonialisme d'empires qui sont aujourd'hui déchus, mais qui venaient ici simplement pour exploiter des ressources dans lesquelles on n'avait rien amélioré, qui apportaient techniques, marchés et aussi qui avaient besoin d'une main-d'oeuvre à bon marché, ce qui n'est, heureusement, plus le cas actuellement. Par conséquent, la forêt était une chose méconnue, synonyme de misère, mais, en même temps, on la considérait comme inépuisable.

En 1972-1974, on a, suivant des conditions qui s'avéraient très populaires à ce moment-là non seulement dans le Québec, mais dans tout le Canada, présenté une législation qui venait surtout contre le fait que nous avions des concessions forestières où l'on s'occupait principalement de développer l'industrie pour procurer des revenus à l'État, beaucoup plus qu'on s'occupait de protéger la régénération et de s'assurer que le potentiel de la forêt était dans un état de productivité très élevé.

Il faut mentionner que le régime des concessions forestières qui a été le nôtre -et qui est, d'ailleurs, le nôtre encore pour une bonne partie de ce qui concerne les terres publiques du Québec - est assez caractéristique de l'Empire britannique. Ayant eu le plaisir et l'occasion de voyager un peu partout dans le monde, dans les forêts du monde, c'est un régime que j'ai retrouvé absolument partout, que ce soit en Afrique, aux Indes, ou ailleurs. C'était la façon d'organiser les forêts sous le régime britannique.

Aujourd'hui, nous avons l'occasion de présenter une législation qui, au premier abord et pour des forestiers, a un avantage absolument exceptionnel et complètement nouveau puisque, pour la première fois, la préoccupation essentielle de la législation forestière est de s'assurer que la forêt publique, à tout le moins, ne sera exploitée que si on assure un rendement soutenu et si on respecte les possibilités de cette forêt. (21 h 45)

Nous reviendrons, si j'ai le temps, quelques minutes là-dessus. Nous avons souligné dans le mémoire que vous avez eu en main différents aspects techniques et différentes préoccupations que nous avions vis-à-vis du projet de loi tel que présenté. Vous savez peut-être que le rendement soutenu est une notion qui a été introduite en Allemagne au siècle dernier et que cela a peut-être été la principale préoccupation de la sagesse forestière. La foresterie, en réalité, telle que nous la connaissons actuellement, est peut-être assez récente, d'un point de vue proprement scientifique, mais aussi très ancienne, d'un autre point de vue, puisqu'on l'a souligné tout à l'heure, sans employer les mêmes mots, déjà sous Colbert et Louis XIV, on élaborait une législation, ma foi, très développée qui se préoccupait de la restauration de la forêt française et qui, d'ailleurs, a été la base et l'inspiration de toutes les lois que nous avons aujourd'hui.

Définir le rendement soutenu, c'est une chose, au point de vue conceptuel, assez simple, puisqu'il s'agit de perpétuer la forêt pour la renouveler continuellement jusqu'à une période qui n'a pas d'horizon. La possibilité, c'est tout simplement ce que peut produire la forêt. Ce sont des notions, j'oserais dire, extrêmement bourgeoises dont pourraient se gausser certains statisticiens, mathématiciens ou informaticiens de nos jours, puisque c'est tellement simple. Seulement, l'application de ces notions déterminées sur un territoire forestier comme le nôtre qui s'étend de la terre à la lune sur un kilomètre et la moitié du chemin de retour - c'est la forêt québécoise à peu près dans sa capacité commerciale - et sur 15 degrés de latitude depuis la vallée du Saint-Laurent jusqu'à la baie d'Ungava, avec environ 50 espèces d'arbres qui ont des exigences très particulières, des espèces comme l'épinette noire qui ont des possibilités d'adaptation écologique depuis les habitats les plus secs jusqu'aux plus humides, c'est une chose extrêmement difficile. C'est une chose qui va demander une application et une patience extraordinaires.

Vous savez, ce n'est pas tout à fait par hasard, si on compare l'agriculture à la foresterie, si on compare les préoccupations des gens par rapport à l'agriculture, que la foresterie soit aussi en retard. Si vous semez au printemps, vous récoltez à l'automne, puisque nous sommes à l'automne, tandis qu'en forêt, si vous semez aujourd'hui, ce sont vos enfants, peut-être vos petits-enfants qui récolteront. Cette capacité de prévoir dans l'avenir pour une génération au-delà des préoccupations économiques qui sont peut-être de 15 à 20 ans, c'est une dimension de la culture et de la civilisation qui caractérise seulement les sociétés les plus évoluées. Malheureusement, vous ne voyez pas de préoccupations quant à la possibilité et au rendement soutenu dans les sociétés un peu moins évoluées. Je pense que c'est une chose extrêmement impartante que nous en soyons maintenant à cette étape et que nous considérions que la forêt québécoise doive être aménagée en tenant compte de son potentiel et de son rendement soutenu.

Mais il faut peut-être se mettre en garde contre le fait que cela va supposer énormément de patience, énormément de temps, qu'il y a des coûts qui doivent être partagés et nous n'avons pas - faut-il l'admettre - même pour les forestiers qui, depuis 40 ans, ont voulu le développement de la sylviculture ou de l'aménagement, une grande expérience des techniques sylvicoles, des techniques économiques liées à la fois à la pratique de l'écologie et de l'aménagement qui vont nous permettre d'assurer cette régénération de la forêt québécoise. Soit dit en passant, les forestiers classiques considèrent que le reboisement simplement dans les régions où la forêt est une entité naturelle comme au Québec n'est qu'un complément de la régénération naturelle. M. le Président, mes douze minutes sont probablement écoulées. Je me permettrai...

Le Président (M. Cusano): Il vous reste une minute pour conclure, M. le président.

M. Lafond (André): Je me permettrai de vous lire peut-être la dernière partie de notre conclusion. Nous avons moins de préoccupation, comme organisme de recherche et de développement, vis-à-vis des buts de la loi avec lesquels nous sommes d'accord dans son ensemble, sauf les remarques qui ont été faites en passant et les questions qu'on pourrait poser. Pour nous, le grand problème nous semble la mise en application et la vérification des projets d'aménagement que suppose cette loi. Il est vain de penser qu'un programme d'une pareille envergure sur un territoire aussi considérable et avec une industrie d'une telle importance puisse se faire en quelques années. C'est le travail patient et tenace de toute une génération.

Si on dit, au contraire de ceux qui nous ont précédés peut-être, que le passé est garant de l'avenir, c'est un proverbe que nous n'aimerions pas voir s'appliquer dans le cas de la législation forestière actuelle et, à

cette fin, nous pensons que l'on devrait encourager la création d'un autre organisme constitué de représentants du public, des usagers industriels ou forestiers privés, des grands corps constitués reconnus pour leur compétence comme l'Ordre des ingénieurs forestiers et des autres organismes qui, par leur savoir, leur compétence dans la recherche et l'enseignement pourraient apporter quelque chose à l'aménagement forestier.

Cet organisme pourrait faire rapport à intervalles définis au ministre sur le progrès que cette loi a fait dans la mise en place d'un système d'aménagement forestier assurant la perpétuation de la forêt québécoise. C'est peut-être la phrase la plus importante pour nous: Ainsi se trouvera graduellement corrigée l'impression que l'on est à liquider la forêt publique au profit d'intérêts particuliers pour ensuite se lancer dan3 de grands programmes de reboisement qui seront, au mieux, difficiles de réalisation. D'ailleurs, toute la richesse du Québec ne serait pas suffisante pour remplacer les peuplements naturels qui couvrent notre pays. Merci, M. le Président.

Le Président (M, Cusano): Je vous remercie, M. le président.

M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du Loup): Merci, M. le Président. Bonsoir, MM. Lafond et Dion. Je suis très honoré de voir que de grands forestiers viennent nous entretenir. J'aurais le goût, M. Lafond, de vous laisser continuer à parler tellement vous dites des choses vraies, des choses que tout le monde comprend, mais que tout le monde n'a pas réalisées. On a écouté sans comprendre ou on a compris sans écouter. Je vous remercie de votre présentation. Je vous remercie aussi pour votre mémoire qui reflète votre grande connaissance de la forêt, car vous êtes tous les trois de grands forestiers. J'apprécie grandement les remarques que vous avez faites au sujet du rendement soutenu, ce qui fera en sorte que le ministre ne pourra plus accorder d'allocations au-delà de la possibilité, au-delà du rendement soutenu. Comme vous le dites, c'est ce que la forêt peut fournir. Dans toutes les demandes que je reçois - on a pour au-delà de 5 000 000 de mètres cubes qu'on a déjà alloués, on est déjà rendu à 31 000 000 de mètres cubes de bois, ce qui fait 36 000 000 - je réponds simplement: Si la forêt peut le fournir, je n'ai pas d'objection. Quand on est rendu à 36 000 000 de mètres cubes de bois et qu'on sait que la possibilité ou le rendement que la forêt peut fournir de la façon dont on l'exploite actuellement est, selon nous, 18 000 000 de mètres cubes de bois, j'ai de sérieux problèmes. Quand je dis cela, je connais la réponse.

M. Lafond (André): M. le ministre, c'est, je pense, une des questions clés. C'est une question qui a préoccupé les forestiers qui avaient moins de préoccupations instantes que d'autres. J'ai une comparaison assez simple que j'emploie souvent. Il y a une notion dont on ne s'est jamais servi, celle du potentiel. J'ai toujours la comparaison suivante: on a considéré les rendements d'une forêt dont l'ensemble, au moment où on l'a exploitée, au moment où on l'a mesurée, était suranné. C'est un peu comme si on disait, quand on détermine le potentiel - et c'était la prudence puisqu'on ne faisait pas autre chose - qu'un homme qui mesure six pieds à 60 ans mesurait trois pieds à 30 ans. Le potentiel de la forêt, ce n'est pas une courbe géométrique. Les arbres sont des êtres vivants qui, lorsqu'ils sont jeunes ont un potentiel de développement et un potentiel de productivité comme n'importe quel être vivant, y compris nous-mêmes. Je ne parle pas de moi, c'est passé. On doit faire confiance à la forêt, mais il y a une condition essentielle, c'est que l'on rajeunisse cette forêt. C'est qu'on intervienne pour maintenir le dynamisme de productivité beaucoup plus élevé qu'il n'est actuellement.

On en discutait encore avant de venir ici ce soir avec mon collègue, M. Dion, entre autres, qui a une longue expérience de la sylviculture et qui a été un des rares forestiers industriels, dois-je dire en passant, à pratiquer cette sylviculture, eh bien, les rendements et le potentiel sont beaucoup plus élevés qu'on ne peut le penser actuellement. Je me sors le cou - M. le ministre, vous le couperez si vous voulez - mais je dirais que, si on utilisait les connaissances que nous possédons actuellement sur le potentiel de la forêt, on pourrait par des aménagements, tel que le prévoit la loi -c'est un pas en avant extrêmement intéressant - doubler facilement la possibilité de 18 000 000 de mètres cubes de bois. La Suède, qui est située à la latitude de la baie d'Ungava - Stockholm est à environ 59 de latitude - avait une possibilité, il y a quelques années, de 35 000 000 de mètres cubes par année, sur à peu près un cinquième de la superficie forestière du Québec et à une latitude, le 60e, où le soleil est quand même moins bon que le soleil du 45e de la vallée du Saint-Laurent, au point de vue de la quantité d'énergie qui est donnée à la terre pour produire du bois.

Évidemment, l'industrie forestière ne voudra pas faire des calculs et on nous met bien en garde contre les "expansions", c'est le cas de le dire, qu'on pourrait avoir vis-â-vis de la forêt et les calculs trop optimistes ou trop roses. Mais il y a une chose extrêmement importante, si l'on n'a pas confiance et si l'on ne relève pas, peut-être, le défi que j'ai lancé ce soir, de doubler cela avec les connaissances qu'on a, sans les

merveilles de la biotechnologie, sans greffer, si vous voulez, la tête d'un âne sur un cheval, sans des recherches mirobolantes comme cela, simplement en utilisant au mieux le potentiel de la forêt, ceci veut dire une exploitation... Parce que, pour moi, il n'est pas immoral de couper la forêt à blanc, il n'est pas immoral, non plus, d'utiliser tous les bienfaits de cet immense territoire, de cet immense potentiel biologique qu'est la forêt québécoise et c'est une des choses les plus merveilleuses au monde, soit dit en passant. Alors, que l'on prenne les moyens afin de l'utiliser pour le plus grand bénéfice de toute la population.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Voulez-vous revenir au potentiel...

Le Président (M. Cusano): M. le ministre, un instant, s'il vous plaît! Puisqu'il est 22 heures, je dois demander le consentement pour dépasser l'heure prévue. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Perron: Consentement.

Le Président (M. Cusano): Consentement. À vous la parole, M. le ministre.

M. Côté (Rîvïère-du-Loup): Pour revenir à votre potentiel, M. Lafond, cela revient à dire: Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait.

M. Lafond (André): Oui, monsieur. Je pense, M. le ministre, qu'il faut faire confiance, il faut sortir de notre attitude morose vis-à-vis de la forêt.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vis-à-vis du potentiel, oui.

M. Lafond (André): II faut faire confiance à la forêt. (22 heures)

M. Côté (Rivière-du-Loup): Une remarque que je trouve intéressante. Vous voulez insérer dans certains articles de la loi: "suivant les principes acceptés des sciences forestières". Je trouve cela très intéressant. J'en discuterai avec les conseillers juridiques du ministère pour savoir si on peut l'insérer quelque part. Évidemment, cela va baliser aussi nos interventions et notre pouvoir discrétionnaire dans l'administration de la forêt. Je trouve cela intéressant. Un peu plus loin, à la fin de la page, vous parlez des grandes variations du territoire et de la variation des circonstances économiques et sociales; "sociales", cela commence à être pas mal moins scientifique.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Lafond (André): M. le ministre, vous savez que j'ai passé une bonne partie de ma vie dans le milieu universitaire et qu'il y avait deux sortes de sciences: les sciences que l'on disait humides et les sciences sèches. La sociologie était une science sèche, puisqu'on ne l'expérimentait pas. Il reste, quand même, M. le ministre, je pense, que le forestier qui aménage la forêt - non pas le forestier qui contemple la forêt, c'est une autre chose - le fait essentiellement dans une dimension humaine. Au sujet des problèmes sociologiques, les problèmes sociaux qui ont, d'ailleurs, été une grande préoccupation de notre organisme pendant longtemps, comme vous le savez, souvent, tout le monde n'était pas d'accord. Nous pensons que, finalement, l'aménagement forestier doit se faire par et pour des hommes. Une grande partie de notre territoire, en dehors des grands centres de concentration industrielle comme la région de Montréal et, un peu, la région de Québec, est, a été et sera forestière. Dans des régions qui sont aujourd'hui un peu déprimées, où il y a des problèmes économiques et sociaux assez sérieux qui perdurent, il est possible, par un aménagement intensif, bien dirigé, patient, que ces régions parviennent à une prospérité. C'est la seule solution que nous avons pour un grand nombre de ces régions.

M. Côté (Rivière-du-Loup): En terminant, avant de céder la parole, M. Lafond, j'aime bien votre appui à savoir que les redevances devraient être calculées sur le volume de la possibilité annuelle ou le volume alloué et aussi que l'on puisse retrouver une bonification aux efforts supplémentaires que les gens font pour aménager la forêt. C'est le but, en somme, d'un régime forestier et tout le monde en profite. S'il y a une bonification, s'il y a un surplus, évidemment, il va être transformé, il va servir aussi à des fins récréatives parce qu'il va être sur place. Il va servir à notre environnement et il va servir à contrôler les sols. J'aime bien votre appui là-dessus.

M. le Président, je cède la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, après avoir écouté M. Lafond, lors de son exposé du début, j'avais le goût, tout comme le ministre, de lui permettre de continuer jusqu'à la fin de nos travaux. Il y a une chose que j'ai pu constater - sûrement que mes collègues, autant de l'Opposition que ministériels l'ont fait aussi - c'est que vous avez exprimé, sans le lire, à peu près

l'ensemble de votre mémoire. Je suis à peu près assuré que ce n'est pas parce que vous l'avez appris par coeur; vous l'avez sûrement pratiqué au cours des années durant lesquelles vous avez travaillé à la recherche. Pour nous, en tout cas, votre mémoire est très finement écrit et, jusqu'à un certain point, il est même assez technique. Vous nous rappelez des choses qui sont drôlement importantes quant au passé, pour permettre que l'avenir soit meilleur. D'ailleurs, cela va un peu avec le vocabulaire que vous avez, il est même rempli de quelques subtilités et est sûrement le fruit d'une grande expérience que vous avez en tant qu'organisme et aussi en tant qu'individu.

J'aurais une première question à vous poser dans le but d'apporter un éclaircissement. Est-ce que vous pourriez nous dire, M. Lafond, quels sont les modes de financement que vous avez en tant qu'organisme?

M. Lafond (André): Comme c'est mentionné à la dernière page, nous n'en avons aucun. Nous dépendons uniquement d'études particulières qui sont confiées soit par des organismes gouvernementaux comme Hydro-Québec, le ministère des Terres et Forêts, ou mieux, le ministre délégué aux Forêts, le ministère de l'Énergie et des Ressources, ou par des organismes comme les grandes sociétés forestières, le Conseil national de recherche, l'ACDI, etc.

M. Perron: Merci de votre réponse, M. Lafond. Maintenant, en ce qui a trait au conseil consultatif de la recherche forestière, le livre blanc faisait une recommandation dans le sens de créer un tel conseil consultatif de la recherche qui aurait été dans le sens de permettre aux organismes, au gouvernement, aux universités, etc., de se regrouper pour mettre l'accent sur la recherche. Cela peut être de la recherche fondamentale, cela peut être de la recherche appliquée ou d'autres genres de recherches que vous connaissez sûrement mieux que moi. Je voudrais connaître votre opinion en tant qu'organisme face à la création de ce conseil consultatif de la recherche. Si vous y êtes favorables, de quelle façon devrait-on le former?

M. Lafond (André): Merci. Est-ce que je peux me permettre une petite remarque personnelle? Il y a déjà eu un organisme consultatif de la recherche et j'ai eu l'honneur d'être le premier président et le seul président, parce qu'il est mort de sa belle mort après cinq ou six ans, de cet organisme. Je dois mentionner que je n'ai jamais démissionné, mais cela n'a rien changé.

M. Perron: Si je comprends bien, vous tenez à vos postes.

M. Lafond (André): Monsieur, je pense que c'est une question très à point. Je pense que la position du fonds de recherches et de développement qui est un organisme de recherche, ce n'est pas actuellement de créer un organisme de recherche. Nous pensons qu'il y en a suffisamment. Â tous les niveaux de la recherche ils répondent à des questions des chercheurs qui sont intéressés aux problèmes de base, etc., au niveau provincial autant que fédéral. Ce qui nous préoccupe essentiellement - et cela ramène un peu la dimension sociale à laquelle le ministre faisait allusion tout à l'heure - c'est que nous ayons un organisme qui voie à l'application de ces problèmes d'aménagement de la loi telle qu'elle sera présentée éventuellement, je l'espère, mais à partir duquel tes problèmes de recherche seront définis par suite de son application et qui suggérera des choses aux chercheurs, eux, qui ont le problème, qui voient que la loi ne s'applique pas comme on l'espérait parce qu'il y a des questions auxquelles on ne peut pas répondre. Une des grandes questions qui sont soulevées et auxquelles on est particulièrement intéressé en tant qu'organisme actuellement, par exemple, c'est le problème des coûts. Cela va coûter quoi, faire de la sylviculture et de l'aménagement? Qui va payer cela? Dans quelle proportion va-t-on payer cela? C'est une question à laquelle nous n'avons aucune réponse vraiment scientifique actuellement. C'est une question clé. C'est un genre de recherche, par exemple, qui devrait, nous semble-t-il, être faite parce qu'en lisant quelques-uns des mémoires cela préoccupe beaucoup les gens actuellement et nous n'avons pas de réponse. C'est un exemple d'une recherche qui vient de la pratique même de la foresterie et de l'aménagement plutôt qu'une recherche inventée, si j'ose dire, par le chercheur même.

La recherche la plus importante en foresterie, ce serait de résoudre la photosynthèse: comment les arbres prennent la lumière du soleil et la transforment en bois. Je ne vous promets pas de solution avant l'an 2999 et, d'ici ce temps, il y a plusieurs rotations forestières. Nous autres, actuellement, c'est moins la création d'un organisme - cela peut paraître paradoxal pour un organisme de recherche et de développement qui existe depuis 30 ans - que le fait que la population du Québec voie une loi intéressante, voie qu'une fois pour toutes elle s'applique et qu'elle fasse les pressions nécessaires pour que l'on prenne les moyens pour répondre aux questions qui vont se poser en l'appliquant, parce qu'il va y en avoir beaucoup.

M. Perron: M. Lafond, juste un commentaire avant de passer la parole à un de mes collègues. Lorsque je mentionnais la

formation du conseil consultatif de la recherche forestière, c'était surtout dans le sens suivant. D'abord, on sait très bien que les papetières font des recherches. On sait très bien que le ministère de l'Énergie et des Ressources fait des recherches. On sait très bien que le CRIQ en fait. On sait très bien aussi qu'il existe l'Université du Québec, l'Université Laval et d'autres universités dans l'ensemble québécois qui font des recherches dans différents domaines. Alors, pour moi, la mise en place d'un conseil consultatif aurait été dans le sens de regrouper tout ce beau monde pour faire en sorte qu'on règle certains problèmes cruciaux que nous avons actuellement. Je vais donner juste un exemple avant de passer la parole à un autre. Nous avons, au moment où on se parle, des feuillus dans nos forêts mélangés avec des résineux. On ramasse les résineux, on coupe en même temps ou on ne coupe pas les feuillus, mais on n'a aucun marché. Le bois de ces feuillus ne sert nulle part, dans quelque industrie que ce soit. C'est surtout dans ce sens que je fais mention de la nécessité de créer un conseil consultatif de la recherche forestière. D'ailleurs, je vous remercie de votre honnêteté. Pour moi, c'est aussi paradoxal de voir qu'un organisme comme le vôtre préfère ne pas avoir ce genre de conseil consultatif, mais je pense que, dans notre société démocratique, on a le droit à toutes sortes d'opinions, les miennes, les vôtres, les autres. Je pense qu'il faut respecter cela. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dr Lafond, je veux seulement vous dire que j'ai trouvé votre exposé absolument fascinant. Vous avez simplifié, de façon à nous le faire comprendre, le grand problème auquel nous faisons face et auquel nous essayons d'apporter des solutions. Vous nous avez donné une vue globale de tous les problèmes de la forêt, mais vous l'avez fait d'une façon simple et claire. Je pourrais même dire que cela a été très encourageant, très motivant, sinon inspirant pour nous, parce que, comme législateurs, on est habitués à la présentation des difficultés, des obstacles, des conflits. J'apprécie beaucoup l'approche que vous avez prise pour nous montrer le potentiel et vraiment tout ce qui pourrait être fait. Lorsque vous avez parlé de l'Édit du roi portant règlement général pour les eaux et forêts, je me suis dit: Peut-être va-t-il reculer encore dans le temps et faire référence aux druides qui vénéraient la forêt? Je n'ai pas de question à vous poser. Vous avez ajouté une sorte de poésie dans un secteur qu'on a trop tendance à considérer strictement d'une façon pragmatique et économique, et je vous en remercie.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que c'est avec beaucoup d'intérêt également que j'ai écouté votre vibrant plaidoyer en faveur de la capacité de nos forêts de se régénérer. Avec tout l'optimisme que vous y avez mis, je ne peux que souhaiter que votre optimisme se réalise un jour. Malheureusement, comme vous l'avez dit, le passé n'est pas nécessairement garant de l'avenir et ce n'est pas le problème auquel nous avons à faire face aujourd'hui.

Ma première question concerne votre recommandation, à la page 29, quand vous suggérez une modification au paragraphe 3 de l'article 22 qui dit: "Dans tous les cas, ce volume ne peut dépasser le volume obtenu par l'addition de la possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu..." Vous extrayez le reste de la phrase qui se lit comme suit dans le texte original: "et la disponibilité". Vous changez cela en disant: pour un territoire donné. Vous avez, d'ailleurs, une notion de l'espace qui est continuelle dans votre mémoire. Je trouve cela intéressant aussi. C'est peut-être plus une vision de géographe, mais c'est intéressant.

Quand vous enlevez cette notion de l'addition de la coupe annuelle à rendement soutenu et de la disponibilité, j'oserais dire que vous coupez, à toutes fins utiles, l'arbre sous le pied du ministre, dans ce sens qu'on a l'impression que le ministre dans son texte de loi se réserve toujours cette notion de disponibilité - que vous critiquez, d'ailleurs, plus loin, en page 30 - comme étant un bassin potentiel où on pourrait aller piger au cas où, éventuellement, on en aurait besoin. En tout cas, il y a une notion qui est un peu floue de la disponibilité.

Par contre - excusez-moi, ma question est peut-être un peu longue - en page 7 vous dites: "La loi devient très spécifique en ce qui concerne le mode de calcul de la possibilité annuelle selon le principe du rendement soutenu et les disponibilités d'un territoire..." Vous utilisez te terme "disponibilités" que vous jumelez à celui de "rendement soutenu". Par contre, vous suggérez de l'enlever à l'article 22. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? (22 h 15)

M. Lafond (André): Je vais essayer, à tout le moins. Il nous semble qu'il doit y avoir, d'un point de vue un peu technique, une seule notion, le rendement soutenu de toutes les espèces d'un territoire. Il y a, dans cette notion de disponibilité telle que nous pouvons la comprendre actuellement, une sorte de scission entre le bois qu'il est intéressant d'utiliser et le bois qu'il est moins intéressant d'utiliser. Le bois qu'il est

moins intéressant d'utiliser, on dit qu'il est disponible. On calcule ces bois-là et on dit: Ce sont des disponibilités, quand on aura la technique, quand on aura l'intérêt, quand on aura ce qu'il faut pour cela. Nous disons qu'il est très difficile, à tout le moins, de calculer un rendement soutenu si l'on ne tient pas compte de l'ensemble des arbres ou des espèces d'arbres qu'il y a sur un territoire. Dans un territoire où il y a du bouleau, du bouleau blanc, du bouleau jaune, de l'érable, de l'épinette et du pin, on ne peut pas calculer la possibilité et le rendement soutenu pour le pin seulement, parce que le rendement soutenu du pin ou de l'épinette est fonction de la présence de l'érable et du bouleau jaune. On ne peut pas séparer cela en disant: On va avoir un rendement soutenu pour une partie de la forêt, et le restant est disponible.

Cela va assez bien si vous êtes dans de la forêt pure de sapin, d'épinette noire, ou des choses comme cela, et c'est une partie importante de notre forêt, mais, si vous avez des espèces autres que celles qui sont d'intérêt actuel, il faudra en tenir compte. C'est pourquoi, pour calculer la possibilité de l'ensemble du territoire, il faut tenir compte du tout. Ensuite, étant donné l'intérêt, on prendra la possibilité de chacune des parties du tout, qui sont les différentes espèces, on sèmera ce qui est intéressant, l'épinette noire, le sapin, le pin gris, et on oubliera les autres; Mais il faut d'abord considérer tout le reste et non pas faire cette scission. Nous avons souligné que c'est une notion qui n'existe nulle part. Nous avons cherché dans tous les dictionnaires de foresterie, les manuels - il y en a quelques-uns - et on n'a jamais trouvé cela.

On mêle à ce niveau-là, je pense, des notions fondamentales de la foresterie avec des notions d'application temporaire d'essences. Nous le faisons remarquer dans notre mémoire. Dans les années vingt et trente, j'ai connu d'éminents forestiers qui avaient préconisé d'anneler le bouleau jaune parce que c'était une espèce absolument essentielle. La semaine dernière j'étais dans le Nord de l'Ontario où on annelait le sapin alors qu'en 1930 on disait que c'était une espèce futile» C'est donc cette notion-là sur laquelle ' nous insistons actuellement. Je ne sais pas si j'ai été assez clair.

M. Claveau: Merci, M. le président. Une autre question. Dans un autre mémoire qui a été présenté avant le vôtre, on pouvait lire dans les premières pages l'affirmation que je citerai de mémoire: On ne retrouve pas à l'intérieur du projet de loi actuel une véritable politique d'aménagement forestier. On a plutôt entre les mains un document ou un projet de loi visant strictement l'utilisation de certaines matières ligneuses à des fins industrielles. En ce qui vous concerne, à la lecture du projet de loi, avez-vous dépisté à l'intérieur de tout cela un véritable plan d'aménagement de la forêt, puisque vous semblez y tenir beaucoup -d'ailleurs dans la réponse que vous venez de me faire vous en parlez beaucoup - dans lequel on considère toutes . les autres activités connexes, les activités qui existent parce que la forêt existe? On parle de la chasse, de la pêche, des cueillettes, de tout ce que vous voulez, qui sont aussi des activités importantes dans notre tradition et qu'on ne doit pas négliger.

M. Lafond (André): Oui. Nous avons fait une distinction, vous me permettrez d'y revenir. Il y a deux aspects. Nous avons considéré que cela était d'abord et avant tout un document législatif. Nous avons insisté sur le fait qu'il est dangereux de légiférer sur la science et que, par conséquent, nous comprenions, évidemment, que dans les règlements qui peuvent être spécifiques, les manuels d'aménagement, on traitera véritablement des questions techniques. Cette distinction nous paraît élémentaire. D'autre part, vous me permettrez de revenir et d'insister sur le fait qu'en faisant un aménagement global de toutes les espèces du territoire la tradition forestière de l'aménagement inclut toujours l'aménagement cynégétique, l'aménagement des eaux, même dans d'autres pays. En Europe et dans la tradition européenne, on parle toujours des eaux et forêts, et la cynégétique et la chasse dépendent toujours des forestiers. C'est même le symbole en Allemagne. Il y a un cor de chasse et, avant de faire certaines opérations sylvicoles, on sonne le cor dans certaines forêts allemandes. Nous pensons qu'il ne peut y avoir d'aménagement sans tenir compte de ces dimensions. C'est l'expression "aménagement forestier"... Nous insistons. C'est pourquoi nous voulons voir cette notion économique de disponibilité disparaître. L'aménagement forestier est un aménagement global de toutes les ressources de la forêt, le fait même qu'on le pratique.

M. Claveau: Merci. Au début de votre réponse, vous avez cité une des expressions que vous aviez utilisées au début de votre texte lorsque vous parliez de légiférer sur la science. C'est une expression qui est d'ailleurs très intéressante mais qui peut être interprétée de beaucoup- de façons. Tout à l'heure, vous avez parlé de la possibilité énorme de nos forêts, de leur capacité de se régénérer et de produire beaucoup plus qu'elles pourraient produire. Vous avez même fait référence à la baie d'Ungava. Enfin, il n'y a pas beaucoup d'arbres là-bas, mais il y en a quelques-uns. Je voudrais vous demander, en fonction de cette analyse, quand vous nous parlez de cette capacité de régénérescence de la forêt reliée au fait

qu'on doit légiférer dans le milieu scientifique, si vous pensez qu'il est de bon aloi ou qu'il est stratégiquement valable de légiférer en octroyant déjà des droits de coupe sur une forêt potentielle.

M. Lafond (André): Cela, c'est une bonne question. Évidemment, je dirais que cela dépend du degré de technicité dans lequel on veut investir. C'est le dilemme de la pratique forestière. La pratique forestière, au contraire de l'agriculture, c'est une chose qui peut se prolonger sur plusieurs générations - 30, 40, 50, 70, 120 ans dans certains cas. D'ailleurs, en passant, j'ai toujours souhaité qu'il y ait une justice en ce bas monde et que les forestiers aient la productivité et la longévité d'un peuplement d'épinettes noires qui dure 150 ans. Mais il y a des problèmes comme cela qui se posent actuellement et, quitte à corriger, quitte à suivre, si on consent à investir dans le potentiel de la forêt, dans l'aménagement de la forêt, il va falloir faire confiance au moins au potentiel de ce que l'on peut mesurer actuellement. Vous savez, des plans d'aménagement, il y en a depuis assez longtemps au Québec, depuis une cinquantaine d'années au moins. On prenait comme forestiers à peu près - vous m'excuserez de revenir aux pieds cubes, mais c'est un peu plus concret pour beaucoup d'entre nous, en tout cas - 10 pieds cubes à l'acre par année, ce qui est une quantité... Les pians d'aménagement donnaient cela. Or, on a mesuré, on a récolté - M. Dion pourra confirmer cela - dans de multiples expériences, trois ou quatre fois cette capacité; on mesure cela. Une forêt de sapins de 70 ans qui a à peu près 2000 pieds cubes à l'acre a produit en bois, durant 70 ans, à peu près trois fois le volume de bois, mais parce qu'on n'est pas intervenu par des révolutions courtes tous les arbres ont tombé et on a perdu à peu près les deux tiers du rendement. On peut mesurer cela actuellement. Si on prend ce potentiel que la nature produit sous nos yeux sans compter ce que notre intelligence, notre sagesse et notre science pourront ajouter - cela c'est zéro -je le disais tout à l'heure, je pense qu'on pourrait facilement doubler au Québec. Cela m'apparaît un risque, évidemment, mais un risque sage. Étant donné que la prospérité du Québec et des habitants pourraient évidemment... C'est ce qu'a fait le Sud des États-Unis, c'est ce qu'a fait l'Allemagne et c'est ce qu'a fait la France.

M. Claveau: Merci. Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Cusano): Oui.

M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées...

Le Président (M. Cusano): II vous reste deux minutes, M. le député.

M. Claveau: Deux minutes, bon, j'ai le temps de poser une dernière question qui me semble intéressante ici, dans un autre ordre d'idées. Vous êtes bien placé pour savoir que lorsqu'on parle de recherche, que ce soit de n'importe quel niveau et dans n'importe quel secteur, on fait toujours face à certaines restrictions budgétaires. On a toujours un volume maximal dans lequel on doit travailler et s'organiser pour faire du mieux qu'on peut. À partir de ce que vous connaissez de la recherche et des capacités de trouver du financement dans le domaine forestier, d'une façon plus stricte, si on vous demandait quelles seraient les pistes de recherche, aussi bien pure qu'appliquée, que l'on devrait privilégier connaissant les contraintes dans lesquelles on a à travailler, quelles seraient-elles d'après vous? Qu'est-ce qui est le plus important à faire actuellement, comme recherches, qu'elles soient pures ou appliquées?

M. Lafond (André): Déterminer les meilleurs sites et superficies de la province de Québec et déterminer quel est leur rendement actuel qu'on n'a pas récolté et, à partir de cette détermination, faire une "zonation" des peuplements qui doivent être prioritaires pour les forêts de sciage et ceux qui peuvent être prioritaires pour les forêts de pâtes. Cela m'apparaît l'effort essentiel qu'on devrait faire. Le grand avantage, c'est qu'on connaît les techniques. On n'aurait pas besoin de faire de la recherche sur les techniques et sur la méthodologie. On pourrait utiliser ces méthodologies. Elles sont connues, il s'agirait de les coordonner. C'est un effort qui pourrait demander passablement de temps, passablement d'argent actuellement et certainement une bonne partie des ressources. Je ne veux pas dire par là qu'on devrait négliger des recherches comme la génétique forestière, comme la biotechnologie, etc. Cela est la première réponse. D'ailleurs, on va être obligé d'y répondre si l'on veut... Cela serait mieux d'avoir une bonne réponse que d'en improviser une.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lafond. M. le ministre, vous avez une question?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le Président. M. le député d'Ungava, docteur, sera certainement un bon élève étant donné que vous êtes bon professeur. Je voulais vous demander, si on peut doubler facilement ou assez facilement la possibilité actuelle évaluée dans les résineux - épinette, sapin, pin gris, etc. - qui doit payer pour passer de 18 000 000 de mètres cubes à

36 000 000 de mètres cubes. Est-ce le gouvernement seulement, les utilisateurs, l'industrie ou tout le monde?

M. Lafond (André): M. le ministre, comme j'ai pu le mentionner, c'est une question à laquelle nous n'avons pas de réponse actuellement. Le partage des frais est une chose qu'on doit rechercher, on doit en tenir compte. Quelqu'un doit payer; on doit consentir à payer quelque part. Certainement ceux qui bénéficient de la forêt doivent être les premiers qui doivent payer. Moi, si j'ai une terre et que je veux la faire produire davantage, eh bien je dois supporter les conséquences de mon investissement en fertilisant, en arrosant mes pommiers ou je ne sais quoi. C'est une chose qu'il faut apprendre à faire. On revient toujours aux exemples des pays Scandinaves ou d'ailleurs. C'est ce à quoi ont consenti à la fois la population et les usagers. Mais dans quelle proportion? Quels sont les avantages de la concurrence? On n'est pas seul et on a vu des efforts extrêmement intéressants. (22 h 30)

En passant, si vous me permettez une opinion à ce moment-ci devant une question qui est extrêmement importante, les réactions qu'on a des Américains vis-à-vîs de nos bois de sciage, c'est justement l'une des réactions au fait qu'ils ont investi depuis maintenant 30, 40 ou 50 ans, en particulier dans le Sud et l'Ouest des États-Unis, qu'il y a eu un coût et, que maintenant, ils ont des quantités qui vont devenir de plus en plus importantes. Je me souviens toujours du mot du chef du service forestier américain, M. McGuire, qui disait: Vous savez, vous, Canadiens, devez compter qu'à partir de l'an 2000, avec les programmes d'aménagement que nous avons, nous allons être indépendants en fibres aux États-Unis. L'une des premières conséquences, c'est que le bois qui commence à produire, mais qui coûte plus cher parce qu'on a investi là-dedans, on veut l'opposer à notre bois qui vient sans qu'on n'ait beaucoup investi jusqu'à maintenant. C'est une conséquence de l'aménagement. Quelqu'un en paie le coût actuellement. De la façon que c'est parti, il se pourrait que ce soient les Canadiens qui paient une partie du coût des investissements américains.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous parlez de recherche et de trouver les meilleurs sites, comme vous dites. La technique existe déjà pour les faire produire. Je suggère, je veux piloter, et j'insiste beaucoup pour la confection de cartes écologiques au Québec qui seraient la base de nos interventions, de tous les grands travaux et des aménagements forestiers et qui nous aideraient à déterminer les sites dont vous parlez. Quels moyens prendre pour que ces cartes écologiques soient uniformes, accessibles et interprétées correctement par tout le monde? Vous mentionnez dans votre rapport la qualité et la valeur des inventaires. Souvent, il y a des variations énormes qu'on a de la misère à interpréter et il faudrait absolument les éviter dans les cartes écologi'ques. Avez-vous des suggestions?

M. Lafond (André): Évidemment les écologistes sont comme ceux de l'arche de Noé, chaque écologiste invente son propre système et c'est vraiment la confusion des langues souvent. Un appelle une chaise, une table; l'autre une table, une chaise.

La première chose sur laquelle j'aimerais insister, et c'est un sujet qui me touche particulièrement, c'est que le meilleur écologiste c'est encore le monsieur qui est en forêt et qui sent les différences de peuplement. Tout système devrait être dans un langage tel que le forestier d'expérience se retrouve dans la forêt. Je ne veux pas dire - il ne faudrait pas sursimplifier - que les gens ont trouvé tous les systèmes de classification, il n'y a pas de doute là-dessus. Il va falloir trouver un langage qui peut être utilisé par le commun des mortels. Il y a une autre chose qu'il ne faut pas oublier; ce ne sont pas des ingénieurs foretiers et des chercheurs qui vont faire l'aménagement. Finalement, il y a un gars qui coupe du bois et qui abat des arbres, les met sur son tracteur, sur ses machines et, en définitive, c'est celui-là qui va avoir appliqué toutes nos belles recommandations et toutes nos lois, etc. Il faut qu'on trouve un système pour que ce gars-là comprenne dans son langage ce qu'on va proposer. La nature n'est pas si compliquée; on peut trouver trois, quatre, cinq ou six formes générales qui, sans doute, pourraient avoir beaucoup de subtilité. En écologie comme ailleurs, on peut discuter ad infinitum du sexe des anges, c'est un bel endroit pour cela. Il y a moyen de trouver et de montrer cela; c'est cela qu'on doit chercher; cela est une recherche qu'on doit faire. Une transposition, une simplification de notions extrêmement intéressantes, fondamentales, mais parfois un peu ésotériques, excusez le mot.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II y a quelques années, j'ai été surpris d'apprendre le mot "disponibilité" et je me suis informé parce qu'on ne me l'avait pas enseigné; alors ce n'est pas surprenant qu'il n'existe pas dans le vocabulaire forestier. Ce n'est pas plus vieux que quatre, cinq ou six ans.

Vous mentionnez à la page 13 de votre mémoires "Notons que des aménagements par reboisement sont considérés, par la plupart des grands aménagistes classiques et dans des conditions où la forêt est un milieu naturel, comme des opérations d'exception". Ce qui me fait peur, c'est que le programme qu'on

a mis de l'avant de 300 000 000 de plants... Est-ce cela que vous voulez dire en mentionnant cela?

M. Lafond (André): Si vous me permettez une précision, M. le ministre, ce qui me fait peur, c'est de penser qu'on va être obligé d'intervenir par reboisement chaque fois qu'on va vouloir améliorer la forêt. C'est une procédure dispendieuse, écologiquement dangereuse, et dont on n'est pas assuré du succès. Qu'on regarde la Forêt noire allemande actuellement où on a changé des forêts qui étaient des forêts de hêtres, à la fin du XVIIIe siècle, sous Hartig, et on en a fait des peuplements résineux qui ont donné un rendement absolument formidable de six, sept, huit, dix cordes l'acre année et, aujourd'hui, on a des problèmes de sol, des appauvrissements de sol. Le sol est podzolisé et il y a eu toutes sortes de choses.

Actuellement, on a une sensibilité, par exemple, aux émissions des gaz des automobiles, semble-t-il, peut-être des pluies acides et des choses comme ça. Toute cette forêt, au grand dam des forestiers allemands, qui sont parmi les meilleurs du monde, se dégrade parce qu'on a transformé une écologie fondamentale d'une région; ça ne peut pas durer longtemps. Comme on le mentionne également, M. le ministre, c'est la façon la plus chère, la plus onéreuse par laquelle on peut pratiquer l'aménagement forestier.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est pourquoi, pour atteindre les mêmes résultats, nous avons l'intention de laisser l'industrie choisir les façons d'aménager. Il y a une certaine liberté dans le choix des moyens, mais les résultats escomptés devraient être là et je pense qu'on peut les atteindre quand même.

Quand vous parlez de la forêt privée, vous dites qu'il est bien entendu que ces territoires, tout comme les autres domaines publics, doivent être soumis aux mêmes principes et aux mêmes normes que les territoires soumis à des contrats d'approvisionnement. Est-ce que vous voulez dire par là qu'il nous faudrait légiférer sur la forêt privée, comme ça se produit dans certains pays?

M. Lafond (André): Non, je pense qu'il y a une nuance, M. le ministre, entre ce que je veux dire. Je n'oserais pas, connaissant la nature des gens au Québec, supposer qu'on pourrait légiférer dans les mêmes termes sur la forêt privée qu'on ne le fait sur la forêt publique. Ce que je voulais dire et ce dont d'ailleurs nous nous réjouissions, c'est qu'il y ait une consolidation de la forêt privée par la forêt publique, mais que cette consolidation ne consiste pas seulement en l'octroi de territoires ou de volumes de bois, mais si on ne peut pas, autrement que par suggestion, conseiller aux gens de la forêt privée des aménagements, quand ils utiliseront des forêts publiques attenantes aux forêts privées, qu'ils soient soumis aux mêmes règlements de rendement soutenu d'aménagement de sylviculture. Cela m'appa-raît essentiel. C'est dans ce sens qu'on voulait le dire.

M. Côté (Rivïère-du-Loup): Et également pour protéger les investissements que l'État consent.

M. Lafond (André): Absolument.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous soulignez également que la mise en application d'un régime forestier, tel qu'on le propose, va demander des sommes de travail énormes et que les délais ne sont pas trop longs. On se fait dire qu'on prend notre temps, qu'on flâne un peu. Mais j'ai l'impression qu'on a une somme énorme de travail à abattre, d'ici ce temps.

M. Lafond (André): Si vous me permettez, M. le ministre, il m'a semblé, si je peux dire, qu'une des erreurs qu'on a faites dans le passé, en ce qui concerne la forêt, c'est de vouloir normaliser l'ensemble du territoire forestier d'un seul coup de législation, d'un seul coup de bâton.

Je pense qu'on doit choisir des zones d'intervention de plus en plus intensives et qu'on doit progressivement introduire l'intensification d'aménagement, mais pas essayer de l'appliquer globalement; ce serait faire une erreur. On n'a ni les ressources humaines, ni les connaissances et, je pense bien, ni les ressources financières pour le faire.

M. Côté (Rivïère-du-Loup): Je vous remercie, M. le Président. Il n'y a pas d'autres questions.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Duplessis pour les remarques d'usage de la fin.

M. Perron: M. le président, bien sûr que cela aurait été énormément intéressant de vous entendre plus longtemps. D'après la façon dont vous vous êtes exprimé, je pense que tout le monde peut dire que vous êtes une personne, ainsi que votre groupe, qui a beaucoup de respect pour la forêt.

Vous avez sûrement l'intention de continuer à travailler d'arrache-pied pour faire en sorte que cette forêt soit respectée par l'ensemble du Québec. En terminant, je voudrais vous remercier de votre présence devant cette commission parlementaire, ainsi

que d'avoir répondu à nos questions d'une façon que vous connaissez bien, c'est-à-dire directement et avec beaucoup de précision. Merci, M. Lafond, et bonne chance au groupe qui vous accompagne.

M. Lafond (André): Merci, messieurs.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Perron: ...à travers vos réponses. Alors, merci, M. Lafond, et bonne chance au groupe qui vous accompagne.

M. Lafond (André): Merci, messieurs.

Le Président (M. Cusano): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II me reste à vous remercier, Dr Lafond, pour votre intervention ainsi que celle du Fonds de recherche. Merci à vous et à vos compagnons. J'ai souvent dit qu'il fallait remettre la forêt entre les mains des professionnels de la forêt mais, comme vous l'avez mentionné, il faudra que ceux qui vont exécuter les travaux d'aménagement soient les gens qui sont sur le terrain et qui pourront avec leur gros bon sens juger des actions à prendre. J'apprécie cela grandement parce qu'on a plusieurs exemples d'interventions, de bons travaux sylvicoles faits par des personnes de ce calibre-là qui ont écouté, qui ont observé. Je sais que mon ami Léopold en a visité plusieurs.

Je vous remercie, cela a été très agréable d'échanger avec vous, de lire votre mémoire. Je vous remercie pour votre contribution à la cause forestière du Québec, qui est une cause très importante.

M. Lafond (André): Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Â mon tour de vous remercier pour une présentation très intéressante. J'aimerais maintenant ajourner les travaux de la commission de l'économie et du travail à demain matin, 10 heures, alors que nous entendrons la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 42)

Document(s) related to the sitting