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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, September 23, 1986 - Vol. 29 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ardre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ce matin la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Avant d'accueillir nos premiers invités, je demanderais au secrétaire de la commission de nous indiquer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a des remplacements et ce sont les suivants: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Forget (Prévost); M. Gobé (Lafontaine) est remplacé par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Middlemiss (Pontiac); M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Paradis (Matapédia); M. Paré (Shefford) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Rivard (Rosemont) est remplacé par M. Audet (Beauce-Nord).

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Comme vous pouvez tous le constater, membres et invités de la commission, nous sommes dans une salle moins intéressante que celle d'hier, moins spacieuse, et, en conséguence, je pense que la première chose est de rappeler aux gens que, dans la mesure où on serait plusieurs à faire des petites discussions parallèles qui, sous le couvert du chuchotement, donnent l'impression de ne déranger personne, cela pourrait éventuellement perturber la bonne marche des travaux. Je voudrais donc vous rappeler qu'il n'y a qu'une discussion; c'est celle qu'il y aura autour de cette table.

Par ailleurs, les fumeurs pourraient collaborer un peu, étant donné que nous sommes plusieurs dans cette salle. Le député de Duplessis est un des assidus - je n'oserais pas employer le terme "pollueur" - un de ceux qui contribuent à ce qu'il y ait un environnement d'une certaine couleur; il faudrait peut-être faire en sorte qu'on puisse se limiter un peu pour que cela puisse être respirable,- étant donné le nombre de personnes que nous sommes dans cette salle.

Des voix: Bravo!

Une voix: II est assis dans la section des fumeurs.

Le Président (M, Charbonneau): II est assis dans la section des fumeurs? Le président, lui, reçoit la fumée par le retour du vent.

M. Perron: M. le Président, vous n'avez pas commencé de cette façon, hier.

Le Président (M. Charbonneau): Mais hier il y avait moins de problèmes, M. le député de Duplessis.

Je vous rappelle qu'on accueille d'abord aujourd'hui la Fédération des producteurs de bois du Québec. Par la suite, nous rencontrerons cet après-midi le Regroupement pour un Québec vert; l'Université du Québec suivra; l'Union québécoise pour la conservation de la nature, par la suite. En soirée, nous entendrons d'abord la Fédération québécoise de la faune et nous terminerons avec le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy.

Je vous rappelle gue l'horaire nous amènerait à terminer normalement à 22 heures. Sans plus tarder, nous allons demander aux représentants de la Fédération des producteurs de bois du Québec de se présenter à la table. Je n'utiliserai pas le terme "barre des témoins".

Je demanderais à M. Dallaire, président, d'abord de nous présenter ses collaborateurs, les gens qui l'accompagnent. Je vous rappelle, ce qui sans doute vous a déjà été signifié, que vous avez pour la présentation de votre mémoire 30 minutes et que par la suite il y a une heure de discussion de réservée pour chacune des formations politiques: 60 minutes de chaque côté pour la discussion.

M. Dallaire?

Fédération des producteurs de bois du Québec

M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président, à ma gauche, je vous présente le vice-président de la fédération, M. Maurice Dionne, et, à ma droite, le nouveau secrétaire général de la fédération, M. Jean-Claude Dumas, et son adjoint, M. Daniel Roy.

M. le Président, si vous me le permettez, étant donné que notre mémoire n'est pas tellement volumineux, je vous

demande la permission de le lire au complet. C'est quelquefois moins long que de tenter de le commenter.

Le Président (M. Charbonneau): Avant que vous commenciez, je voudrais demander le consentement pour que, plutôt que ce soit M. Jolivet (Laviolette) qui remplace M. Paré (Shefford), ce soit M. Desbiens (Dubuc).

Des voix: Consentement.

M. Dallaire: Pas de problème.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Allez-y. Vous n'avez pas de problème? De toute façon, cela ne vous concerne pas.

M. Dallaire: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): Ce sont des problèmes de famille.

M. Dallaire: Très bien. Alors, cela va? Comme président et porte-parole officiel de la Fédération des producteurs de bois du Québec... Le micro est-il bien réglé? M'entendez-vous bien?

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, vous avez une bonne voix.

M. Dallaire: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): La boucane ne pertube pas trop encore.

M. Dallaire: Je vous ferai remarquer que je suis un non-fumeur. C'est pour cette raison que cela a une répercussion dans la voix.

Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de nous faire entendre comme organisme représentant l'ensemble des producteurs et propriétaires de boisés privés au Québec. Dans la Fédération des producteurs de bois du Québec, nous sommes quelque 120 000 propriétaires occupant près de 15 % du territoire forestier et alimentant l'industrie à plus de 20 % de ses besoins de production.

Nous sommes organisés en 15 syndicats ou offices régionaux chapeautés par une fédération provinciale qui elle-même est affiliée à l'Union des producteurs agricoles avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Il est à souligner que plus de 35 000 de nos membres sont également producteurs agricoles.

En plus de la mise en marché, notre groupe s'implique depuis plusieurs années dans l'aménagement sous toutes ses formes. À cette fin, nous avons contribué à la création, au développement et au soutien de 45 organismes de gestion en commun. Présentement, nous produisons, conjointement avec quelques syndicats, 40 000 000 de plants par année sous contrat avec le ministère de l'Énergie et des Ressources. Nous sommes également impliqués dans la recherche par le projet du méandre de la rivière du Nord è Mirabel. En somme, nous contribuons à créer et à maintenir plus de 50 000 emplois au Québec qui sont au coeur de l'économie de plusieurs régions. Par exemple, concernant uniquement les revenus provenant de la vente de notre bois, nous générons quelque 100 000 000 $ par année.

Le nouveau régime forestier: du pour et du contre. Au départ, pour nous, il va sans dire qu'il est tout à fait normal et nécessaire que le gouvernement provincial se préoccupe d'un secteur couvrant plus de 80 % de l'ensemble de son territoire. C'est le cas de la forêt québécoise. Encore récemment, plusieurs croyaient et agissaient comme si les réserves forestières du Québec étaient inépuisables. On constate aujourd'hui qu'il en est tout autrement pour plusieurs raisons. On n'a qu'à penser aux épidémies d'insectes, aux feux et surtout aux coupes abusives et au gaspillage des feuillus de qualité et des résineux faits par les grandes compagnies sur de vastes territoires. Tout cela fait en sorte que nous nous dirigeons rapidement vers une rupture de stock pour certaines essences et cela dans plusieurs régions. (10 h 15)

Que le gouvernement démontre son intention d'agir devant une telle situation, nous disons: bravol Que le ministère de l'Énergie et des Ressources reconnaisse que la forêt sert à d'autres choses qu'à la seule production de la matière ligneuse, nous sommes aussi d'accord Que l'on démontre une volonté de faire contribuer les utilisateurs de la ressource à la restauration de cette même ressource, nous appuyons aussi grandement cette démarche. Ainsi, nous nous réjouissons quand l'avant-projet de loi sur les forêts stipule qu'il - et je lis -"accorde à son titulaire le droit d'obtenir un volume de bois provenant des forêts du domaine public en contrepartie de l'obligation de remettre les territoires exploités dans un état assurant la pérennité de la forêt et d'acquitter une redevance basée sur le volume de bois alloué et non sur le volume de bois récolté."

En somme, du côté des intentions formulées dans les notes explicatives de l'avant-projet de loi, nous nous rallions au gouvernement. Mais, voilà, nous sommes très inquiets par rapport aux moyens suggérés par le ministère pour réaliser ses objectifs. À première vue, la nouvelle politique semble avoir des dents face à l'industrie, mais, quand on la relit plus attentivement, on constate que le ministère a sûrement subi des pressions très fortes de la part des multinationales des pâtes et papiers, qui ont

certainement eu l'occasion à maintes reprises d'exprimer leurs attentes. Il aurait été plus qu'intéressant que les producteurs des régions et même l'ensemble de la population puissent témoigner de leurs préoccupations et activités régionales.

Des portes de sortie pour l'industrie et des reculs pour les producteurs de bois. Maintenant, je vais m'expliquer. D'abord, dans les notes explicatives du début, on croirait que le gouvernement veut forcer l'industrie à s'impliquer financièrement dans la régénération des forêts. Mais voilà que le ministère identifie très rapidement divers moyens de compenser les industries forestières par toute une gamme de portes de sortie qui souvent seront encore plus avantageuses qu'auparavant.

Prenons quelques exemples concernant les droits de coupe et l'aménagement. D'abord, les droits de coupe. En lisant l'ensemble du texte, on se rend compte que le projet de loi laisse planer un doute sur la capacité financière de l'industrie de payer plus que ce qu'elle paye actuellement. Il ne faut pas se compter d'histoires: Le Québec est de loin l'État qui charge les droits de coupe les plus bas pour son bois. (Voir le tableau 1). Les droits de coupe moyens au Québec sont maintenant de 2,19 $ le mètre cube récolté, pas sur les volumes alloués, sur les volumes récoltés seulement. De fait, depuis 1970, nous n'avons pas amélioré le prix pour notre bois en dollars constants. (Référence au tableau 2). La compétition générée par les redevances trop faibles exigées par l'État pour les droits de coupe est très grande. La matière ligneuse de la forêt privée est boudée et on a peine à la mettre en marché. C'est une concurrence déloyale et, à leur assemblée annuelle de 1986, les producteurs de bois du Québec ont été très clairs à ce sujet. "Les papetières peuvent disposer de copeaux provenant de l'industrie du sciage (qui s'approvisionne principalement en forêt publique) à un prix de l'ordre de 70,00 $ la tonne métrique anhydre. Or, il en coûte près de 100,00 $ la tonne métrique anhydre pour les produire en forêt privée. Le producteur n'obtient aucune valeur pour son bois s'il s'accorde un salaire pour le produire. Toutes tentatives des producteurs de bois pour améliorer le prix de leur bois par le mécanisme prévu dans la loi de la mise en marché des produits agricoles, soit les négociations, la conciliation, l'arbitrage, se traduisent plus souvent qu'auparavant par une réduction des volumes achetés." C'est tiré d'un exposé sur la nécessité d'un nouveau régime forestier au Québec prononcé par M. Gilbert Paillé, sous-ministre associé aux forêts, lors du congrès de l'AMBSQ en mai dernier.

On n'a pas à se le cacher, on sait que les compagnies forestières exercent un chantage éhonté en réduisant les volumes achetés dans la forêt privée afin de baisser les prix. On a qu'à penser à la CIP de Matane, la CIP de Gatineau et à la James McLaren de Masson. Le projet de loi entend réévaluer les droits de coupe des bois prélevés de la forêt publique selon la valeur marchande des bois sur pied. Déjà, la loi prévoit soustraire de ces droits de coupe les frais de sylviculture ou d'aménagement que les compagnies auront à débourser pour assurer la remise en état des forêts qu'elles auront exploitées. En fait, on retire d'une main et on redonne de l'autre.

La valeur marchande des bois sur pied devrait normalement tenir compte de tous les frais encourus pour l'obtenir. Or, les frais d'obtention de ces produits devraient inclure le maintien de la forêt par la régénération artificielle ou naturelle, son entretien, son amélioration, sa protection, le "défraiement" des taxes et même un certain rendement sur le capital supporté. Malheureusement, le ministère établira cette valeur marchande à partir des transactions actuelles qui sont basées sur les conditions du marché et "compétitionnées" par le bois de l'État. Or, encore ici nous avons l'impression de tourner en rond et même de reculer.

L'aménagement. De plus, il nous faut souligner que le ministère prend entièrement à sa charge le "backlog" de plus de 1 000 000 d'hectares qui ne se régénèrent pas naturellement sur les terres publiques, dû principalement à une mauvaise manière de prélever la récolte. Il faut compter aussi que la loi accorderait 3 à 4 ans pour finaliser les ententes, ce qui inévitablement augmenterait le "backlog". Encore là, on permet aux grandes compagnies forestières de se soustraire à leurs responsabilités.

Nous devons dire aussi que le fait de soustraire les coûts d'aménagement des droits de coupe pourrait entraîner une situation où le ministère aurait à payer l'industrie. Il ne faut quand même pas ouvrir la porte si grande à toutes sortes de cadeaux pour l'industrie. Disons-le clairement: les seuls qui ont profité et qui profitent encore de cette méthode scandaleuse de prélever la récolte sont les grandes entreprises. Logiquement, elles devraient assumer la majeure partie des coûts du reboisement sur les sites qu'elles ont dévastés. Comme citoyens du Québec et payeurs d'impôt, nous nous posons de sérieuses questions et nous sommes sûrs qu'une multitude de Québécois et de Québécoises pensent comme nous. De quel droit le gouvernement du Québec peut-il se permettre de venir "piger" dans les goussets de tous les Québécois pour réparer les dégâts causés par cette industrie?

Dans le même ordre d'intentions, le ministère ajoute que, si une industrie est capable de démontrer qu'elle peut augmenter la productivité de la forêt de 10 % ou plus par des méthodes sylvicoles, elle recevra

automatiquement et gratuitement une augmentation de coupe proportionnelle au pourcentage identifié. II y a fort à parier que toutes les industries forestières trouveront les moyens de le prouver.

Pour ce qui est des permis octroyés, on sait qu'ils dépassent déjà les possibilités de coupe. Pourtant, l'avant-projet de loi nous annonce qu'il n'est pas question de les réduire. Bien au contraire, on se propose de les augmenter tout ça, en empruntant sur des prévisions très optimistes face à l'avenir. Autrement dit, on fait un chèque en blanc sur l'avenir en se basant sur des extrapolations trop optimistes prévoyant que les nouvelles méthodes sylvicoles feront en sorte qu'on assistera à une surabondance de la ressource forestière dans quelques années. Il faudrait être un peu plus sérieux.

Le plat de résistance: On oublie la forêt privée... ou presque. L'article 22 du nouveau régime forestier prévoit que le volume de bois de la forêt publique qui sera alloué à un établissement de transformation de bois tiendra compte, premièrement, du volume moyen des bois ronds utilisés à même le domaine public par le bénéficiaire au cours des cinq dernières années; du rendement de l'établissement servant à la transformation du bois; des autres sources d'approvisionnement comme le bois des forêts privées, les copeaux, les sciures et planures et les bois d'importation.

De plus, si un besoin additionnel en approvisionnement d'une industrie se fait sentir, l'avant-projet de loi - les articles 20 et 47 - prévoit l'ouverture des ententes pour accroître le prélèvement de bois è même la forêt publique déjà surexploitée à plusieurs endroits. Nous sommes bien loin de la priorité à la forêt privée stipulée dans le livre vert déposé en juin 1985 par l'ancien ministre délégués aux Forêts. Il signifiait que l'État ne permettrait pas l'ouverture de la forêt publique afin de combler un besoin supplémentaire d'approvisionnement pour une industrie tant qu'il y aurait des possibilités de le faire à partir de la forêt privée.

L'État entend surutiliser la forêt publique. Par ce projet de loi, la forêt privée devient une quelconque source d'approvisionnement parmi d'autres. Cela en soi ne serait pas traumatisant si au moins elle jouissait des mêmes conditions d'utilisation et règles du jeu que les autres sources. Or, ce n'est pas le cas. L'État, avec la forêt publique, effectue un dumping de matière ligneuse. Il y puise de façon démesurée. L'État québécois n'a pas le droit d'entrer en compétition avec ses propres citoyens de la forêt privée à partir d'une ressource publique. C'est inacceptable!

Examinons d'abord les bases servant à évaluer le niveau d'allocation de la forêt publique. Ces bases, à l'article 22, sont à la fois trop nombreuses et évasives. Elles laissent beaucoup trop de place à l'interprétation et aux revendications des futurs bénéficiaires de contrats d'aménagement sur la forêt publique. On a déjà malheureusement trop emprunté sur le capital résineux de cette forêt publique sans y réinvestir. L'avant-projet de loi concrétise cette surutilisation. Les quelques éléments démontrés par les propres données statistiques du ministère - tableaux 4 et 5 -nous démontrent que le ministère s'illusionne en voulant maintenir et même accroître le niveau d'utilisation de la forêt publique en ne conservant aucune marge de manoeuvre.

Le ministère sous-évalue le potentiel de la forêt privée. Le ministère de l'Énergie et des Ressources prévoit accroître la disponibilité de sapins, d'épinettes et de pins gris de la forêt publique dans un pourcentage de 41 % en y reboisant 200 000 000 de plants. En forêt privée, le ministère ne prévoit qu'une hausse de 11,5 % avec un reboisement de 100 000 000 de plants.

La forêt privée doit être davantage prise en considération. N'oublions pas d'ailleurs qu'elle se situe sur les meilleurs sites et dans un climat plus clément. Le reboisement en forêt privée se fait davantage en forêt mixte. Les plantations y sont plus difficiles à instaurer mais offrent en contrepartie une productivité accrue.

L'estimation gouvernementale de la possibilité actuelle de la forêt privée à 4 200 000 est trop faible. Les calculs récents effectués dans le cadre des plans de mise en valeur de la forêt privée établissent à quelque 4 400 000 la possibilité de prélèvement en sapins, épinettes, et ce, sans tenir compte du pin gris. À ce calcul très préliminaire doit également s'ajouter une certaine portion du territoire de la grande forêt privée.

Il est clair qu'une surallocation de bois en provenance de la forêt publique jumelée à une sous-évaluation du potentiel de protection de la forêt privée ont conduit, au cours des dernières années, à des problèmes de mise en marché du bois de la forêt privée et à une stagnation du prix versé aux producteurs pour leur bois. Cette faiblesse des prix a également été accentuée par la politique du ministère de l'Énergie et des Ressources en matière de droit de coupe.

Nous sommes inquiets pour l'avenir. La formulation de l'avant-projet de loi sur les forêts nous confirme que l'État québécois ne désire pas prendre trop d'engagements contraignants pour mettre en valeur la forêt privée. Il suffit de relire les articles 55 à 58 pour s'en convaincre. On serait censé lire un texte qui traduit la volonté profonde du gouvernement de favoriser la mise en valeur des forêts privées.

Pourtant on assiste quasiment à des voeux pieux, et je cite: "le ministre peut élaborer des plans ou programmes; peut

accorder des fonds à cette fin; quand il le juge à propos; et aux conditions qu'il détermine." Ceci ne donne aucune espèce de garantie que les programmes existants vont se continuer ni à moyen, ni à long terme.

Nous blâmons sérieusement le gouvernement québécois de ne pas asseoir sur des bases plus solides ses programmes de mise en valeur de la forêt privée en attendant que nous disposions d'un meilleur prix pour notre bois. Une fois cette dernière condition respectée, nous pourrons ainsi assurer nous-mêmes la remise en valeur de nos propriétés forestières.

Nous avions de l'espoir face aux intentions gouvernementales. Pourtant, nous sommes déçus par les moyens proposés qui n'auront pour effet que de perpétuer la mainmise de l'industrie sur la ressource forestière collective.

Nos recommandations. Nous venons de terminer ensemble la lecture de notre analyse des points forts et des points faibles de l'avant-projet de loi. Il va sans dire que nous y avons inscrit l'essence même de nos recommandations. À ce stade-ci, nous croyons quand même utile de vous en présenter un résumé.

À l'article 22, le gouvernement doit accorder la priorité à la forêt privée dans l'approvisionnement de l'industrie. Il doit respecter la capacité de production de la forêt privée déterminée par les plans de mise en valeur.

Compte tenu du prix insuffisant versé pour notre bois, à l'article 55, le ministère de l'Énergie et des Ressources doit assurer un aménagement adéquat des forêts privées québécoises. Il doit "disponibiliser" de plus grands budgets et, du même coup, augmenter la gamme des travaux à exécuter afin de pouvoir utiliser vraiment ces budgets. De plus, il se doit d'assurer une information et un support technique adéquats aux propriétaires. D'ailleurs, le ministère de l'Énergie et des Ressources a contribué à la réalisation des plans régionaux de mise en valeur identifiant les priorités d'action. À cet effet, il se doit d'en favoriser l'application.

Considérant que, par le passé, il y a eu une mauvaise gestion et exploitation de la forêt privée, à l'article 35, le gouvernement doit forcer la grande industrie à payer sa quote-part de la remise en valeur des superficies dévastées, le "backlog". (10 h 30)

Considérant qu'il est urgent de revaloriser notre ressource forestière, à l'article 4 nous devons avoir une politique affirmant clairement qu'il y aura une augmentation des droits de coupe. Il n'est pas normal que lorsque notre ressource s'épuise elle vaille de moins en moins chère. Il est temps que notre richesse collective soit mieux partagée. On ne doit pas reconnaître que les forêts du Québec appartiennent aux Québécois seulement quand c'est le temps de payer la note de leur remise en valeur.

À l'article 34, la nouvelle politique doit obliger les papetières à exploiter de façon civilisée notre bien collectif. N'oublions pas que la forêt est une ressource renouvelable. On laisse trop de latitude au niveau des règles forestières. Le texte de la loi doit pénaliser les industries qui ne respectent pas les principes forestiers connus et reconnus.

À l'article 57, l'État québécois doit reconnaître vraiment le statut de producteur forestier. Cela veut dire de revaloriser le travail des producteurs forestiers ainsi que la ressource forestière.

En somme, nous vous réaffirmons que les producteurs de bois du Québec ont raison d'être inquiets. Nous avons de plus en plus de difficultés à faire face è la concurrence déloyale de l'État et des compagnies. Nous voulons être reconnus pour ce que nous sommes et ainsi recevoir un juste prix pour notre bois. Nous croyons que c'est une ambition légitime.

On nous dit souvent qu'il faut une politique pour bâtir la forêt de demain. La plus simple logique veut que nous n'ayons pas à bâtir ce qui existe déjà. Donc, si on avait toujours exploité la forêt intelligemment, nous n'aurions pas à nous préoccuper de commencer à la rebâtir aujourd'hui. Le problème de la régénération se pose davantage depuis qu'il y a de la grosse machinerie en forêt. Et ce n'est pas le seul élément négatif de cette mauvaise utilisation de la mécanique. Malgré une hausse croissante du volume de la récolte, des dizaines de milliers d'emplois sont perdus en forêt, au Québec. Cela a comme conséquences le grossissement du nombre des chômeurs et d'assistés sociaux et l'alourdissement du fardeau fiscal de ceux et celles qui réussissent à conserver un emploi, sans parler du manque à gagner pour le gouvernement par la perte de tous ces milliers d'emplois. Ce n'est certainement pas les bénéfices accrus des compagnies dus à cette pratique qui vont contribuer à regarnir les coffres de l'État québécois.

Conclusion. À la limite, comme producteurs forestiers, nous pourrions trouver avantageux d'être en accord avec la nouvelle politique parce qu'elle va sûrement amener une rupture de stock de la forêt publique à moyen terme. Ainsi, les papetières auraient à nous courtiser pour avoir le bois de nos forêts privées. Mais nous sommes également des Québécois et nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir ces vues à court terme. La forêt est un bien collectif et nous y tenons. Nous voulons donc que le gouvernement québécois adopte une nouvelle politique forestière qui a de vraies dents. Il y va de notre avenir à tous et à toutes. Merci de

votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Merci.

M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. le président, bonjour à chacun des membres de votre équipe. Cela me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui. Ma première remarque, avant de passer la parole à mes collègues -je reviendrai plus tard - c'est de vous signaler que j'ai été disponible pour vous recevoir depuis que j'occupe le poste de ministre délégué aux Forêts, autant vous que la grande industrie, et j'ai de la peine à reconnaître votre remarque au sujet du lobbying que vous auriez fait ou que la grande industrie aurait fait,

En passant, cela fait plaisir de continuer à dialoguer avec vous sur tous les points. J'ai souvent dit - je l'ai dit encore hier - que les meilleurs sylviculteurs ont été les propriétaires privés, petits et grands. C'est évident que lorsqu'on a le statut de propriétaire c'est plus facile d'investir pour l'avenir. C'est ce que bon nombre de vos membres ont fait. Je les félicite de cette intervention.

Du côté de la forêt privée, le ministère fait des efforts que vous connaissez et que j'énumérerai peut-être un peu plus tard. En gros, quand on prétend que la forêt privée est négligée, l'effort gouvernemental, cette année, représente un investissement ou une contribution à la forêt privée d'environ 45 000 000 $. Si on transposait le même effort sur la forêt publique, il faudrait que l'État investisse de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ alors que nous en investissons environ 100 000 000 $. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que la forêt privée est laissée pour compte et oubliée. C'est tout pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Pas de commentaires de la part de nos invités? M. le député de Duplessis.

M. Perron: À moins que les représentants de l'organisme aient des commentaires... Non?

Une voix: Pas pour le moment.

M. Perron: M. Dallaire et votre équipe, je vous remercie d'être présents ici, aujourd'hui. Je crois que votre Fédération des producteurs de bois privés a beaucoup d'importance dans l'économie du Québec. Tout le monde sait, actuellement, que la priorité du gouvernement est de faire en sorte qu'on applique surtout les coupes forestières dans les forêts publiques au lieu de donner une priorité, comme il était mentionné dans le livre blanc, aux copeaux ainsi qu'aux boisés privés avec leur propriétaire.

M. le Président, je sais très bien aussi - d'ailleurs, je l'avais mentionné antérieurement - que l'avant-projet de loi n'accorde pas beaucoup de place à la forêt privée. Dans le document que vous nous avez présenté, aux pages 8 et 9, vous mentionnez qu'il y a rejet de la priorité au bois des forêts privées qui est inscrite à ta page 61 du livre blanc de juin 1985. Pour moi et pour les membres de l'Opposition, il y a un facteur qui a beaucoup d'importance - je crois que vous ne pourrez faire autrement que d'être d'accord avec moi - c'est le fait que la majorité des boisés privés sont situés près des usines soit de sciage ou soit de pâtes et papiers. Je présume que le fait que ces boisés privés soient situés près des usines concernées, cela pourrait faire en sorte de diminuer les coûts se rapportant à la production même de l'usine et à l'approvisionnement de l'usine en particulier.

Vous comprenez très bien ce qui se serait appliqué en priorité si on avait appliqué, de la part du gouvernement, le livre blanc et certaines de ses recommandations concernant les copeaux et les boisés privés. Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle façon le ministère ou le gouvernement aurait pu accroître les volumes tirés des forêts privées par rapport aux forêts publiques?

M. Dallaire: Est-ce que vous pourriez préciser votre question?

M. Perron: Dans l'ensemble, vous mentionnez dans votre mémoire qu'on aurait dû donner une priorité aux boisés privés. De quelle façon voyez-vous que le volume qui est pris actuellement aurait pu être augmenté par rapport à votre position?

M. Dallaire: D'abord, disons que le ministère a contribué largement à la fabrication et à la mise en place de ce qu'on appelle des plans de mise en valeur. Ces plans de mise en valeur ont été basés sur un inventaire assez précis qui détermine les volumes sur la forêt privée. L'objectif de la fédération, c'est de faire en sorte que les possibilités de coupe soient respectées, c'est-à-dire que, si un boisé est capable de produire 50 cordes par année, on ne devrait pas donner de permission pour en couper plus que cela, pour toujours maintenir un capital productif. Dans les faits, ce n'est pas toujours ce qui se produit. Même si on reconnaît qu'il y a un potentiel disponible en forêt privée, quand on arrive pour négocier avec la grande industrie, étant donné qu'ils ont la possibilité de s'approvisionner à peu près "à bar ouvert", comme on pourrait dire communément, sur leurs grandes forêts publiques à des droits de coupe très

restreint, je pense que cela nous met dans une situation où on est très peu compétitif. C'est justement pour cela qu'on dit que ai c'était inscrit dans un texte de loi - je ne sais pas exactement de quelle façon, je ne suis pas un juriste - je pense qu'il pourrait être prévu que la priorité soit accordée à la forêt privée. Priorité, cela ne veut pas dire exclusivité. Je me dis que si une région, par exemple, est capable de produire tant de mètres cubes par année et que l'industrie est en mesure de l'acheter, elle devrait être obligée de l'acheter en priorité; elle pourrait compléter son approvisionnement par les copeaux et le bois de la forêt publique, ensuite.

M. Perron: Est-ce que selon vous, M. Dallaire, les prix auraient été compétitifs? Parce qu'il y a plusieurs personnes à différents niveaux qui disent qu'à ce moment-là les papetières auraient été à la merci soit des scieries ou encore des propriétaires de baisés privés?

M. Dallaire: Non, je ne le pense pas. Je pense que vous êtes sans doute au courant qu'on est régi par la Loi sur les marchés agricoles: il y a un mécanisme de négociation et, avant de demander ou d'exiger des prix trop hauts, je pense qu'on est soumis à une foule de contraintes. Je pense que l'industrie est très sécurisée de ce côté-là. Il n'y a pas de danger qu'on abuse de ce côté-là. Je pense que, quand on négocie des prix, on est obligé de faire accepter cela par la Régie des marchés agricoles.

M. Perron: Au moment où l'on se parle, quel est le volume en mètres cubes qui est pris à l'intérieur des boisés privés sur les possibilités que vous avez?

M. Dallaire: La proportion qu'on vend comparativement à ce qu'on pourrait vendre?

M. Perron: Oui, c'est cela.

M. Dallaire: Le potentiel? Comme ce sont des chiffres, je vais me référer à.,.

M. Perron: En passant, M. Dallaire, c'est sûr que vous pouvez répondre à toutes les questions, mais si vous préférez que quelqu'un qui vous accompagne réponde à des questions, techniques ou autres, il n'y a aucune objection de la part de la commission.

M. Dallaire: C'est pour cela que je réfère les chiffres aux secrétaires, qui sont beaucoup plus au fait que mot en ce qui concerne les chiffres, vu que c'est technique.

M. Roy (Daniel): Merci, M. le Président. Si on parle du secteur des pâtes et papiers, il s'agit d'un volume de l'ordre de 3 500 000 mètres cubes solides de bois de toutes les essences qui sont bon an mal an négociés avec l'industrie des pâtes et papiers.

M. Perron: Ce qui fait une possibilité de?

M. Roy: Uniquement au niveau des résineux, le sapin et l'épinette, essences qui préoccupent le plus l'industrie et pour lesquelles la pression est la plus forte en ce qui concerne la forêt, si l'on parle uniquement du sapin et de l'épinette, à ce moment on parle d'un prélèvement d'environ - vous me donnerez quelques instants pour faire un calcul mental rapide - 2 200 000 mètres cubes...

Une voix: Résineux?

M. Roy: ...de résineux solides qui sont négociés bon an mal an avec l'industrie des pâtes et papiers, sur une possibilité qu'on établit à environ 4 000 000. Bien sûr, cependant ici il s'agit des volumes qui sont prélevés en vertu de contrats signés entre nos membres, les syndicats et les offices, et l'industrie papetière. À ces volumes, aux 2 200 000 que j'ai avancés, il faudrait additionner les volumes qui sont dirigés à l'industrie du sciage, pour lesquels il est difficile d'avoir une estimation exacte du volume prélevé en forêt privée, parce que ces ententes ne font pas l'objet nécessairement de contrats entre les industriels et nos syndicats et offices dans l'ensemble des régions du Québec.

M. Perron: Merci de votre réponse. Cela éclaircit la situation. Tout le monde sait que certaines régions du Québec sont en voie de rupture de stock. On pense par exempte, à l'Abitibi-Témiscamingue, au Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et au Saguenay-Lac-Saint-Jean, où d'ailleurs vous demeurez, M. le président Dallaire. Est-ce que vous pourriez nous donner la proportion des boisés privés, en pourcentage ou encore en volume, dans une des régions ou dans les trois régions concernées par rapport à la forêt publique? En d'autres mots, il existe des propriétaires de boisés privés dans chacune de ces régions. Il y a certainement un pourcentage que vous connaissez dans chacune de ces régions qui donne les possibilités forestières dans tes boisés privés par rapport à la forêt publique. Est-ce que vous pourriez répondre à cette question?

M. Dallaire: On va vous donner cela. Je peux vous dire que cela varie énormément d'une région à l'autre. Par contre, je pense que dans la région du Saguenay-Lac-Saint-

Jean nous sommes une des régions où le pourcentage de forêt privée est le plus bas. Daniel va être en mesure de vous donner les vrais chiffres.

M. Roy: J'espère avoir bien saisi la nature de la question. Si l'on prend comme exemple le Saguenay-Lac-Saint-Jean, à la suite des derniers inventaires, c'est-à-dire des inventaires qui sont quand même assez récents, il y aurait une possibilité de coupe en forêt privée dans le sapin et l'épinette de 265 000 mètres cubes solides de bois. Les prélèvements toutes destinations estimés, on parle d'une moyenne des dernières années qui s'établirait à environ 196 000 mètres cubes solides. Donc, on voit là, dans une région comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, un volume disponible actuellement qui ne trouve pas preneur, en forêt privée, de l'ordre de 70 000 mètres cubes.

M. Perron: Maintenant, est-ce que vous pourriez donner des exemples? Là, vous avez donné le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Est-ce que vous avez des chiffres pour le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie ou même l'Estrie?

Une voix: On les a sur toutes.

M. Roy: Dans le cas de l'Estrie on arrive dans une région qui se distingue, entre autres, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Bas-Saint-Laurent par le fait que la forêt privée occupe au-delà de 92 % du territoire. Donc, on est dans une région où ta forêt privée est très importante, c'est-à-dire beaucoup plus importante que la forêt publique. Les estimations, en ce qui concerne les possibilités de coupe et les prélèvements moyens, démontrent dans cette région qu'il y a équilibre. On a ici une région où les prélèvements correspondent passablement à la possibilité de coupe en forêt privée d'un ordre estimé à quelque 400 000 mètres cubes solides de bois. Je crois que votre question incluait également la région du Bas-Saint-Laurent. Pour ce qui est du Bas-Saint-Laurent, si l'on parle du Bas-Saint-Laurent— Gaspésie, on est dans un territoire où la forêt privée représente 35 % de l'étendue, je pense, de mémoire, par rapport à la forêt publique. On me corrigera si ce n'est pas exactement cela.

La possibilité de coupe estimée de ces deux territoires, Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, est établie à environ 1 100 000 mètres cubes de bois et les prélèvements seraient d'environ 1 150 000 mètres cubes. Il y aurait dans cette région, à première vue, un équilibre, sauf que les derniers relevés ou les derniers correctifs apportés au calcul de possiblités nous démontrent qu'il y a encore une disponibilité plus particulièrement concentrée, en sapins et épinettes toujours, dans le Bas-Saint-Laurent et sur la rive nord de la Gaspésie. (10 h 45)

M. Perron: Merci de vos réponses. Si vous permettez, M. le Président, je vais revenir plus tard parce que l'Opposition... Oui, M. Dumas.

M. Dumas (Jean-Claude): Si vous permettez, M. le Président, peut-être juste pour compléter cette information qui est technique en ce qui a trait aux chiffres, il est important de noter que c'est un marché libre au niveau des volumes; c'est de la négociation avec l'industrie. Comme l'a mentionné le président au préalable, c'est que, lorsqu'il y a une négociation difficile, on peut aller jusqu'en arbitrage avec la Régie des marchés agricoles qui fixe les conditions de vente ou de mise en marché des bois de la forêt privée. Cependant, aucun organisme ne détermine ou ne peut établir les quantités de bois. Donc, quand la demande est très forte, c'est-à-dire quand l'économie est en progression, il n'y a pas trop de problèmes pour vendre les bois provenant de la forêt privée. Cependant, ce que les statistiques démontrent, c'est ce qu'on a vécu au cours des dernières années à cause de la récession, à cause de la récupération des bois de la tordeuse; on a eu une très grande difficulté, c'est-à-dire que la baisse de consommation de l'industrie s'est appliquée directement. Ceux qui ont payé pour la crise économique, ce sont les propriétaires de boisés privés, c'est la forêt privée qui a perdu sa place sur le marché. À ce sujet-là, peu importent les représentations qu'on peut faire, jusqu'à maintenant aucune organisation au Québec, sauf par des pressions de voeux pieux, n'a pu inciter l'industrie à prendre des volumes supplémentaires ou des volumes qui devraient provenir de la forêt privée. On a été les seuls jusqu'à maintenant à absorber le choc de la réduction du marché. On demande que, dans la loi, il y ait priorité ou un minimum, c'est-à-dire qu'il devrait y avoir au moins un article qui pourrait prévoir qu'il y aura réduction de la consommation de façon équitable, selon les inventaires. Maintenant, on possède très bien les inventaires, les possibilités en forêt privée. Donc, ce jardin le plus productif qui est la forêt privée, comme cela a été mentionné par le ministre hier, je pense qu'il est prioritaire qu'il devrait y avoir possibilité de récolter le jardin en tout temps. Peu importent les fluctuations économiques, les propriétaires privés ne doivent pas être les seuls à payer la facture.

M. Perron: Si je comprends bien, M. le président, ou encore M. Dumas, c'est que rien n'est changé avec l'avant-projet de loi parce que ce dernier ne donne pas priorité dans les faits aux boisés privés et aux

industries du sciage. À ce moment-là, puisqu'il n'y a rien de changé, c'est qu'au moment où l'on se parle et après l'application de la loi vous serez toujours à la merci des papetières ou des autres en rapport avec les copeaux ou encore avec l'approvisionnement, et aussi en rapport avec les prix.

M. Dumas: C'est ce que la loi semble indiquer, c'est-à-dire qu'on dit, à l'article 22, que la forêt privée est considérée parmi les autres sources d'approvisionnement comme les copeaux, les sciures, les planures et les bois d'importation.

M. Perron; Merci. M. le Président, mon collègue de Roberval veut intervenir...

Le Président (M. Charbonneau): C'est inscrit, M. le député de Duplessis...

M. Perron: ...ainsi que mon collègue de Dubuc.

Le Président (M. Charbonneau): ...tout cela dans le temps imparti, mais on va respecter l'alternance. M. le ministre va...

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, merci. Il n'existe pas de loi au Québec qui empêche les propriétaires de forêt privée de couper plus que la possibilité de leur forêt ou qui les oblige à faire des coupes pour récolter le rendement de la forêt. Ceci vous empêche-t-il d'administrer correctement ou efficacement vos membres?Même si vous signez des contrats importants, vous ne pouvez pas légalement forcer vos membres à couper du bois et vous ne pouvez pas non plus les empêcher de couper plus que la possibilité.

Si on s'en remet - vous répondrez, M. Dallaire, si vous voulez - aux coupes de 1983-1984, suivant les plans de mise en valeur que le ministère a payés, qui sont confectionnés et qui vont être complétés cette année, si on révise les chiffres de 1983-1984 et même si on accepte votre chiffre de possibilité de 4 400 000 mètres cubes plutôt que de 4 200 000, vous avez coupé au-delà de 5 000 000 de mètres cubes de bois en 1983-1984.

J'endosse entièrement votre objectif de vouloir restreindre vos coupes à la possibilité de la forêt privée. On mentionnait qu'au Lac-Saint-Jean il y avait 70 000 mètres cubes de bois qui ne trouvaient pas preneur. Mais on a des demandes de la part de l'industrie du sciage qui voudrait prendre ces bois. Vous connaissez sans doute mieux que moi - malgré que j'y ai travaillé aussi - les besoins de l'industrie du Lac-Saint-Jean et, à mon avis, vous êtes essentiels autant que l'industrie peut l'être. Il s'agit de trouver un partage équitable, de se comprendre et de négocier de bonne foi. Je vous laisse là- dessus, si vous voulez me répondre.

M. Dallaire: D'abord, comme vous le mentionnez, il n'existe pas de loi qui oblige ou qui interdit un propriétaire de boisé privé de couper plus que son quota. Par contre, on s'est donné, dans la plupart des régions - pas partout - des mécanismes de contrôle qui font en sorte qu'on est capable de donner ce qu'on appelle des quotas à nos producteurs en étant en connaissance de leur possibilité de coupe. Cela n'existe pas partout, mais notre objectif vise à ce que tous les syndicats et offices de la province de Québec se dotent de ces règlements qui vont permettre cela. Pour ce qui est des contrats qu'on négocie normalement avec l'industrie, à ma connaissance, ils ont presque toujours été respectés.

Dans certains coins, il y a eu des dépassements des quantités négociées par les syndicats et offices avec les compagnies, mais c'était dû principalement, d'abord, à une diminution. Autrement dit, il est resté des bois, à un certain moment, qui n'étaient pas achetés par l'industrie. C'était dû surtout à une diminution d'achat de la part des compagnies due à la récession économique. Cela a été doublé par un accroissement de récolte dû principalement à la tordeuse.

Vous savez qu'il y a des régions où ce phénomène a été très présent. Les propriétaires, plutôt que de tout perdre, prenaient le risque; ils en récoltaient plus qu'ils auraient dû en récolter normalement pour minimiser les pertes. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, en partie. Mais, contre l'effet de la tordeuse, je voudrais savoir quelles mesures vous pouvez prendre. Étant donné qu'il n'y a pas de loi pour le faire, il faut quelqu'un qui n'écoute pas les directives de votre fédération ou de votre syndicat local.

M. Dallaire: Normalement, dans les régions où il y a l'exclusivité, on ne connaît à peu près pas de problèmes. Je ne veux pas dire que c'est la perfection mais, en règle générale, on est capable de maîtriser assez bien nos membres, par le mécanisme de quota qu'on leur donne, pour qu'ils respectent la possibilité de coupes.

Vous avez mentionné la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Oui, nous nous en sommes rendu compte il n'y a pas tellement longtemps. C'est simplement quand nos plans de mise en valeur ont été à jour qu'on avait encore de la disponibilité. On savait qu'on était encore sécuritaire, mais on pensait qu'on était plus proche que ça du potentiel annuel de récolte. On s'est rendu compte qu'il y avait encore passablement de disponibilité.

En ce qui concerne l'achat par les

papeteries des bois à pâte, on est à peu près au "top". Par contre, il y a possibilité d'y aller dans l'industrie du sciage et cette dernière est acheteuse. Ce qui a fait en sorte, à l'heure actuelle, qu'on n'a pas été capable de répondre à l'industrie, c'est tout simplement la différence de prix, quoique depuis l'an passé les prix sont sensiblement les mêmes. II y a encore une petite différence. Mais, si le prix du sciage était supérieur, comme il devrait l'être, à la pâte, il n'y aurait aucune difficulté à approvisionner ça. Mais on ne peut pas exiger d'un gars qui coupe des billots du meilleur de son bois qu'il l'envoie au sciage s'il en reçoit moins que pour la pâte.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est logique. Mais dans quelle région possédez-vous l'exclusivité, c'est-à-dire dans quelle région contrôlez-vous aussi la mise en marché du bois de sciage?

M. Dallaire: II n'y a pas beaucoup de régions. Je pense que Daniel pourrait peut-être répondre plus clairement que moi à cette question.

M. Roy: M. le ministre, si vous parlez de l'application proprement dite du règlement d'exclusivité, il y a seulement une région au Québec qui applique l'exclusivité dans le secteur du bois de sciage; il s'agit de la région de l'Abitibi-Témïscamingue. Pour ce qui est des autres régions, en vertu de leur plan conjoint, elles ont les pouvoirs de négocier les conditions de mise en marché du bois de sciage. Plusieurs régions les appliquent sans pour autant disposer de l'exclusivité de vente, bien sûr. Je pense à toute la grande région de l'Outaouais, qui regroupe les syndicats de Pontiac, de Gatineau, de Labelle, des Laurentides. Je pense aussi à la région du Bas-Saint-Laurent, à celle de la Beauce. S'ajoutent à ces régions celles de Québec et de l'Estrie qui, depuis déjà deux ans, travaillent de plus en plus pour percer le marché du bois de sciage pour écouler leurs matières ligneuses.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Avant de passer la parole à l'un de mes collègues, je voudrais parler maintenant de l'article 22. C'est la première fois qu'on inscrit dans la loi un tel article qui vous donne une espèce de garantie quant au volume de bois que vous aurez à mettre en marché.

Je l'explique en disant que le ministre sera obligé de considérer la forêt publique comme une source résiduelle d'approvisionnement des usines. II sera aussi obligé de considérer toutes les autres provenances, c'est-à-dire le bois de la forêt privée, les copeaux, les bois d'importation, etc., comme source principale d'approvisionnement. En pratique, cela veut dire qu'au moment de l'attribution des contrats et à l'occasion de leur renouvellement le ministre n'offrira à l'industrie que la quantité de bois manquante en provenance de la forêt publique qu'après avoir soustrait des besoins totaux les quantités qui ont été obtenues en moyenne au cours des années précédentes et en tenant compte également de la performance de l'entreprise.

Donc, en pratique, les sources de bois externes à la forêt publique seront effectivement considérées en premier lieu. Je crois que c'est ce que vous demandez. C'est inscrit dans le projet de loi. Vous avez d'ailleurs fait une allusion tout à l'heure à savoir que vous êtes prêts à subir les fluctuations de la production dans une proportion égale ou proportionnelle avec les autres sources d'approvisionnement. Puisque c'est vous, M. Dumas, qui avez fait cette allusion, j'aimerais que vous l'explicitiez davantage, s'il vous plaît. (11 heures)

M. Dumas: Si on approvisionne l'industrie dans la proportion de la disponibilité du grand jardin de la forêt privée, mais dans une proportion équitable, c'est-à-dire selon les disponibilités de la ressource, s'il y a des fluctuations dues à des facteurs indépendants comme la récession économique, je pense que les producteurs dans ces périodes sont capables d'absorber dans le pourcentage équivalent la réduction du marché.

M, Côté (Rivière-du-Loup): Bien. Ce sera ma dernière question pour l'instant. Si vous ne contrôlez pas, disons, les bois de sciage dans toutes les régions du Québec, cela veut dire que des chiffres provenant de chez vous que nous avons, soit une possibilité de 4 200 000 mètres cubes, si vous en avez coupé 5 000 000 en 1983-19B4, il faut additionner à ces chiffres les bois de sciage de la forêt privée?

M. Roy: Je pense qu'il faut faire attention avec les chiffres. Les estimations que nous avons pu faire à la suite des inventaires donnent le chiffre de 4 400 000 mètres cubes de possibilité de coupe en sapin et en épinette en forêt privée. Sur ce, on contrôle toute la mise en marché du bois à pâte pour un volume estimé à quelque 2 200 000 mètres cubes, comme je l'ai indiqué un peu plus tôt.

Le problème, lorsqu'il s'agit d'estimer les prélèvements dans le bois sciage, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme qui permette actuellement de connaître exactement les volumes de bois prélevés dans l'ensemble de la forêt privée destinés au sciage. Si on s'appuie sur les 5 000 000 que le ministère

a entre les mains, est-ce que l'on doit comprendre qu'il y a 2 800 000 mètres cubes qui viendraient de la forêt privée et qui seraient destinés au sciage? C'est un peu une boîte noire, ce secteur-là, sauf que les estimations que nous avons pu en faire sont qu'en incluant le bois de sciage et les pâtes et papiers on serait légèrement en deçà de la possibilité de coupe des sapins et des épinettes en forêt privée.

Il faut faire attention parce que le chiffre de 4 400 000 mètres cubes porte exclusivement sur les petites forêts privées, c'est-à-dire que les possibilités de coupe des grandes forêts des industries ont été exclues. En même temps, il faut exclure les prélèvements qui proviennent des grandes forêts privées quand on compare les prélèvements aux possibilités.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Roberval.

M. Perron: M. le Président, avant qu'on entende le député de Roberval, est-ce qu'il serait possible, par l'entremise des personnes responsables à l'Assemblée nationale, qu'on puisse obtenir des chaises pour les gens qui sont debout?

Le Président (M. Charbonneau): On a déjà fait la vérification et il semble que cela ne soit pas possible parce qu'il y a quatre commissions qui siègent en même temps aujourd'hui. Malheureusement, j'ai l'impression, à moins qu'on ne fasse une rotation ou que certains ne décident d'aller visiter des députés aux étages supérieurs ou de faire de l'antichambre, je pense qu'on va être obligé de conserver la situation actuelle en espérant que les fauteuils capitonnés des membres de la commission ne feront pas trop l'envie des invités qui sont debout. Cela dit, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Cela démontre que les députés travaillent fort ici à Québec. Je voudrais remercier les représentants de la Fédération des producteurs de bois pour la présentation de leur mémoire. On voit bien que le contenu de ce mémoire procède d'un souci qui s'inscrit dans les désirs de préservation de la forêt qui est une richesse collective. Je les en remercie.

Il y a quelques éléments que j'aimerais tirer au clair avec les représentants de la fédération. Entre autres, à la page 14 du mémoire, je me permettrai de vous reciter un paragraphe: "Malgré une hausse croissante du volume de la récolte, des dizaines de milliers d'emplois sont perdus en forêt au Québec. Cela a comme conséquences le grossissement du nombre de chômeurs et d'assistés sociaux et l'alourdissement du fardeau fiscal de ceux et celles qui réussissent à conserver un emploi, sans parler du manque à gagner pour le gouvernement par la perte de tous ces milliers d'emplois. Et ce ne sont certainement pas - c'est surtout cette partie qui me préoccupe - les bénéfices accrus des compagnies dus à cette pratique qui vont contribuer à regarnir les coffres de l'État."

D'abord, je comprends de cette affirmation que vous nous dites que la création d'emplois est beaucoup plus importante par rapport au volume prélevé quand on le fait à partir de la forêt privée plutôt que de la forêt publique. En d'autres termes, les méthodes de coupe, les méthodes d'exploitation font que, pour une quantité donnée de bois en mètres cubes, il y a plus d'emplois créés quand c'est fait chez vous que lorsque c'est fait par des compagnies papetières ou par des grandes entreprises d'exploitation forestière.

M. le président, ou quelque autre membre du panel, existe-t-il une étude comparative qui nous permettrait d'avoir une idée de la création d'emplois par rapport au volume prélevé entre les deux secteurs? Est-ce que cela existe chez vous?

M. Dallaire: On a certains chiffres. Par exempte, en ce qui concerne les jours-hommes générés par les subventions données pour l'aménagement en forêt privée, on se rend compte que ce ne sont quand même pas des montants considérables et que cela crée passablement d'emplois en milieu rural pour les gens qui travaillent à l'aménagement comme tel, soit à la plantation ou à des coupes d'éclaircie ou à toute autre forme de sylviculture qui s'exerce en forêt privée.

M. Gauthier: Vous soutenez et vous soutiendriez, par ailleurs, dans un débat qu'effectivement plus votre part du marché sera importante et plus on influencera à ce moment-là la perte d'emplois en foresterie. Est-ce bien le sens de votre recommandation ou, du moins, de ce que vous écrivez?

M. Dallaire: Étant donné que cela est beaucoup moins mécanisé en forêt privée qu'en forêt publique, il est bien sûr que, pour prélever la même récolte de bois ou le même volume, cela va prendre beaucoup plus de main-d'oeuvre.

M. Gauthier: Dans un autre ordre d'idées, avez-vous des études comparatives quant à la perte par rapport au volume prélevé selon les deux champs d'activités: forêt privée et forêt publique? Avez-vous ces chiffres?

M. Dallaire: Le problème se situe surtout dans la régénération. C'est sûr que

plus it y a de la grosse mécanisation, surtout de la façon dont elle est employée aujourd'hui, plus il y a des coupes mécanisées, moins il y a possibilité d'avoir de la régénération naturelle. Donc, c'est toujours des coûts additionnels pour remettre cette forêt en valeur.

M. Gauthier: D'accord, je vous remercie. J'ai compris tout à l'heure que vous avez dit que les quantités disponibles en forêt privée - j'avais parlé de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean dont vous provenez et dont je proviens également - seraient suffisantes si les lois du marché jouaient normalement. C'est un plaidoyer en faveur des lois du libre marché. Je m'étonne, d'ailleurs, que de l'autre côté on ne soit pas tellement sensible à cela. On nous rebat les oreilles avec cela depuis un bon bout de temps. Est-ce que je vous ai bien interprété quand je dis que les quantités disponibles en forêt privée dans une région comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, feraient en sorte que le point de rupture des stocks prévu pour 35 ans - c'est très court quand on pense à ce que cela prend pour faire pousser un arbre - serait reculé de façon suffisante pour permettre à la forêt de la région de se régénérer et de suffire à la demande?

M. Dallaire: Je n'ai pas tellement saisi la question.

M. Gauthier: À un moment donné, vous avez dit: Il y a des volumes importants... Vous devriez écouter, vous allez comprendre, vous aussi, si vous m'écoutez comme il faut.

M. Dallaire, vous avez dit à un moment donné: Si on prenait le volume disponible chez nous et qui n'a pas trouvé preneur, cela donnerait une bonne chance à la forêt publique et cela réglerait le problème en quelque sorte dans la région, parce qu'il y a une rupture de stocks prévue et le volume que l'on apporterait permettrait de régénérer la forêt. Est-ce exact? Ai-je bien compris ou si je fais erreur?

M. Dallaire: Je vous ai fait répéter pour être bien sûr que j'avais bien compris, parce que c'est réel; seulement, cela n'est quand même pas significatif comme tel, étant donné le faible pourcentage que la forêt privée occupe dans notre région. Par contre, il existe un fait, soit que le plan de mise en valeur nous a permis, par l'inventaire sérieux qui l'a précédé, de connaître les disponibilités. J'ai souligné tout à l'heure que l'on avait été quand même un peu surpris de constater qu'on pouvait augmenter encore de 15 % à 18 % nos possibilités de coupes en résineux, sans compter les feuillus. Ces derniers n'ont, semble-t-il, jamais été exploités. Vous avez raison; par contre, si on considère l'ensemble du volume de la forêt publique qui est régénérée dans notre région et la faible superficie que la forêt privée couvre, cela n'aurait pas une très grande influence, mais cela serait certainement un pas dans la bonne direction.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup. Je veux simplement, M. le Président, en terminant, faire remarquer...

M. Dallaire: Un instant, je pense que monsieur...

M. Roy: M. le Président, j'aimerais ajouter à cette question qu'on parle beaucoup du sapin et de l'épinette, bien sûr, mais il ne faut pas perdre de vue qu'en forêt privée il y a également beaucoup de feuillus. La réalité est encore plus difficile pour les propriétaires en ce sens que cette possibilité de feuillus en forêt privée, qui est plus grande que les résineux, trouve encore moins de marchés et beaucoup moins de débouchés que dans le cas des résineux. Par exemple, ici pour illustrer un peu cela, pour neuf régions qui couvrent peut-être les deux tiers de la forêt privée au Québec, on évalue la disponibilité des feuillus à tout près de 5 800 000 mètres cubes et les débouchés sont de l'ordre de 2 700 000 mètres cubes. Donc, on constate un écart de 3 000 000 de mètres cubes dans le domaine des feuillus. Le propriétaire qui possède un boisé privé est confronté à ce problème chaque fois qu'il veut exploiter et utiliser son boisé. Il n'y a pas de marché pour les feuillus.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup. Je voulais faire remarquer au gouvernement que ce vibrant plaidoyer pour la privatisation devrait peut-être être écouté pour une fois, même si cela ne profite qu'à de petits propriétaires. Alors, peut-être que le gouvernement devrait être sensible à cela.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Roberval.

Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à féliciter la Fédération des producteurs de bois du Québec pour son excellent mémoire. Je l'ai lu avec d'autant plus d'attention que, dans mon comté de Mégantic-Compton, la forêt privée domine à plus de 90 %.

Par la même occasion, j'aimerais aussi profiter de cette tribune pour féliciter M. Jean-Claude Dumas de sa récente nomination au poste de secrétaire. Félicitations, M. Dumas. Je vous souhaite bon succès dans votre nouvelle carrière.

En lisant le mémoire, on constate que

vous êtes d'accord avec plusieurs propositions qui apparaissent dans l'avant-projet de loi. Il y en a aussi avec lesquelles vous n'êtes pas d'accord. Parmi les points avec lesquels vous n'êtes pas d'accord, j'ai retenu particulièrement celui dont le principe est de donner à l'industrie le bois généré par un aménagement intensif. En quoi le fait d'allouer gratuitement l'usufruit de l'aménagement intensif à l'industrie nuira-t-il aux petits propriétaires privés?

M. Dallaire: C'est sûr qu'on va devenir de moins en moins compétitifs parce que la possibilité que l'industrie aura d'aller s'approvisionner, par cet avantage, en surplus encore de ce qui existe présentement va faire en sorte qu'elle va être moins encline à acheter du bois de la forêt privée. En effet, si vous avez la permission d'aller couper en forêt publique sur un droit de coupe qui n'existe même pas, c'est sûr que cela peut contribuer à réduire considérablement les frais d'exploitation. Donc, le bois privé devient moins compétitif.

Le Président (M. Charbonneau): Mme

Bélanger.

Mme Bélanger: D'après vous, quel devrait être le juste prix à payer pour les bois des forêts privées?

M. Dailaire: C'est le plus cher possible.

M. Dumas: II faut compter - on l'a expliqué dans le mémoire, je ne sais pas à quel article - que cela rembourse tous les frais, incluant les taxes qui ont été payées durant toute la période où les forêts privées... Ce sont des propriétés privées, le propriétaire paie donc des redevances, des taxes, il garde sa forêt, l'aménage, l'entretient pendant toute la période de production pour la récotte. À la fin de la récolte, quand elle est mise en marché, il faut que le retour de cette récolte englobe l'ensemble des coûts de production, plus un retour normal sur le capital investi, ce qui n'est pas le cas présentement. On le démontre dans les annexes qu'on vous a déposées avec le mémoire. Attendez, je vais arriver là-dessus en deux secondes. Au tableau 2, en dollars constants, de 1970 à 1984, la valeur d'un mètre cube apparent de bois au producteur a augmenté de 0,01 $ en dollars constants alors que l'inflation et tous les autres coûts ont augmenté la valeur comme telle de la récolte. (11 h 15)

C'est une richesse, c'est important. Il y a un grand nombre de Québécois, de propriétaires, de citoyens qui détiennent la forêt privée. Il y en a 120 000. Nous disons: II faut qu'il y ait un retour normal sur le capital investi. Ce n'est pas tout de conserver des forêts pour le plaisir d'avoir une propriété, c'est une production qui doit être reconnue au même titre que toute autre production. On doit donc reconnaître des coûts de production et on doit aussi reconnaître un retour sur le capital investi. On vous démontre dans le tableau 1 du mémoire ce qu'est au Québec la valeur du bois sur pied et les droits de coupe comparés à d'autres pays, soit la France, le sud des États-Unis et la Finlande. Le tableau s'explique par lui-même. On n'a pas besoin d'aller plus loin.

Mme Bélanger: Est-ce que dans la mise en marché en France il y a des intermédiaires?

M. Dumas: Oui, la mise en marché en France est organisée.

Mme Bélanger: Merci. Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, madame? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais passer par-dessus les félicitations, étant donné que tout est fait, pour aller directement à une question un peu dans la même lignée de celle que Mme la députée de Mégantic-Compton vient de poser. À la page 4 de votre mémoire, vous dites: "Les droits de coupe moyens au Québec sont maintenant de 2,19 $ le mètre cube récolté." C'est une citation qui vient d'un exposé fait par le sous-ministre associé aux Forêts. Vous dites plus loin: "C'est une concurrence déloyale." II y a la une affirmation bien précise et bien marquée. Pour faire cette affirmation, je suppose que vous avez sorti les chiffres. Vous avez identifié les facteurs qui font que vous croyez que les droits de coupe ne sont pas assez élevés. Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur cela?

M. Dallaire: Je vais demander à Daniel de répondre.

M. Roy: Cela s'inscrit peut-être à la suite de la réponse que M. Dumas vous a donnée. Dans les estimations que nous faisons à la Fédération des producteurs de bois du Québec, le coût de production du bois en forêt privée doit inclure, comme M. Dumas le disait, les coûts d'exploitation, c'est-à-dire l'abattage des arbres, le débardage de ces arbres, le transport, mais également le retour sur les investissements des propriétaires pour l'acquisition de leur propriété boisée, les taxes et les frais fixes qu'ils ont à défrayer annuellement et également une capacité de réinvestir, prévoir un montant qu'ils puissent réinvestir dans l'amélioration de leur boisé. On estime que le prix actuellement versé à l'usine devrait

être le prix au chemin du producteur pour couvrir toutes ces dépenses. Le montant de 2,19 $ le mètre cube actuellement en droits de coupe en forêt publique est nettement en deçà de ce qu'il devrait être et cela peut-être de l'ordre de 4 $ le mètre cube.

M. Claveau: Pour approfondir un peu la réflexion, il reste qu'en ce qui concerne l'entreprise qui exploite elle-même ses parterres de coupe le montant de 2,19 $ le mètre cube n'est qu'un élément de ses coûts de production. Elle aussi a sa machinerie, son personnel, ses chemins de pénétration, etc. J'essaie de cerner exactement la raison pour laquelle vous vous attaquez spécifiquement au coût de 2,19 $. Pourquoi vous attaquez-vous spécifiquement au prix du droit de coupe?

M. Roy: C'est assez simple. C'est dans le sens que les frais d'exploitation, cela existe également en forêt privée. Le propriétaire, lui aussi, a des frais d'exploitation. On fait l'hypothèse que l'industrie comme les propriétaires ont de part et d'autre à assumer des frais pour exploiter, mais en plus de ces frais d'exploitation on doit considérer une valeur à la ressource elle-même. Il n'y a pas une personne qui détient un bien qui est prête à s'en départir sans accorder une valeur à son bien. On dit que la valeur actuellement fixée par le gouvernement, ce n'est pas l'industrie qui a à la déterminer. L'industrie n'a pas d'influence sur cette valeur. Cette valeur de la ressource, qui est le droit de coupe, qui est fixée par le gouvernement est trop basse, trop faible, si on s'en remet à tous les frais que doit assumer un propriétaire forestier pour exploiter son boisé.

M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées, à la page 6, vous dites textuellement: "De quel droit le gouvernement du Québec peut-il se permettre de venir piger dans les goussets de tous les Québécois pour réparer les dégâts causés par cette industrie?"

On fait référence au coût de la remise en valeur des parterres de coupe qui n'ont pas été traités comme ils auraient dû l'être; c'est ce qu'on appelle communément le "backlog". Or, hier soir, sur le coup de minuit, la Chambre de commerce du Québec nous annonçait candidement qu'elle n'avait pas d'objection à ce que les citoyens du Québec, les générations futures paient pour ce qu'elle appelle des "dépenses capitales". La chambre de commerce considérait comme une dépense capitale le fait que le gouvernement, les Québécois en général investissent de l'argent pour régénérer les forêts. Ils voyaient d'un bon oeil, nous disaient-ils, une augmentation du déficit qui pourrait être causée par une telle pratique de la part de l'État.

Je vois que votre position est diamétralement opposée à celle de la chambre de commerce. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus ce que vous entendez par là ou comment vous voyez la participation de l'État dans la régénération des forêts?

M. Dallaire: C'est une opinion personnelle que j'émets. Je me dis que, même si une loi n'existait pas avant cette loi-là ou si, à cause d'une pratique existante qui fait qu'il y a présentement un peu plus de 1 000 000 d'hectares qui ne se régénèrent pas et pour lesquels le ministère va être obligé de payer car il est actuellement indiqué qu'il doit payer entièrement cette régénération, même s'il n'y avait pas de loi qui obligeait dans le temps l'industrie à réinvestir, logiquement, elle devrait payer sa quote-part. C'est ce qu'on défend, finalement. Je ne parle pas de faire payer cela entièrement par l'industrie, mais je me dis qu'elle devrait participer aussi bien au "backlog" qu'à la mise en application du nouveau régime. Je trouve que c'est logique.

M. Claveau: Alors, vous ne croyez pas que le coût du reboisement ou le coût de ta gestion des forêts après le prélèvement soit quelque chose qui devrait revenir uniquement sous la responsabilité de l'État, comme tentaient de nous le faire croire les représentants de la chambre de commerce, hier soir?

M. Dallaire: Certainement pas. M. Claveau: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer les gens de la fédération présents ici ce matin, en particulier, peut-être, M. Dionne, qui vient de la région immédiate du comté de Montmagny-L'Islet, soit de La Pocatière.

J'aimerais revenir à un sujet qu'on a abordé tantôt quand on parlait de la non-concurrence de la forêt privée par rapport à la forêt publique. J'aimerais vous faire remarquer, et ainsi avoir votre réaction, qu'il y a beaucoup d'exploitation qui se fait sur des terres privées dont le coût de transport est beaucoup moins élevé, par exemple, que si on va chercher du bois dans la forêt publique. En plus, assez souvent et même très souvent, pour avoir vécu cela, je pense, les exploitants privés ont la collaboration des citoyens de la région par le biais de l'entretien des chemins publics, etc. Je ne sais pas quelle réaction vous avez à cela, quand on parle de concurrence.

M. Dumas: En fait, comme on vous le mentionnait tantôt, les prix touchés ne permettent qu'un salaire à l'ouvrier. Tantôt, quand on parlait de capital et de qui doit payer pour le passé, on pourrait peut-être dire en boutade que ce que les propriétaires privés ont finalement, c'est uniquement un retour pour le travail qui a été fait jusqu'ici. On veut à l'avenir qu'une partie soit payée pour ce qui est de la forêt comme telle. C'est un bien. Si on met du bois en marché, qu'il n'y ait pas seulement ce que cela rapporte au producteur. Si on calcule aujourd'hui les coûts de production, il s'agit uniquement d'un salaire. Un producteur qui coupe du bois et qui le met en marché se fait un revenu, pour le travail qu'il fait. Au moment où il le coupe, le débarde, l'apporte sur le bord du chemin carrossable, il va uniquement se chercher un salaire comparable au salaire moyen.

Il n'a donc pas de revenu pour sa matière première qui a poussé durant un nombre important d'années et pour laquelle il a payé les taxes. Il a entretenu cette forêt et il ne retire aucun revenu pour cela. La base de comparaison, si on veut, on le mentionne dans le mémoire, quand on négocie avec l'industrie, c'est qu'on est en compétition avec les bois provenant des forêts publiques et les copeaux provenant des bois de la forêt publique. On mentionne dans le mémoire qu'une tonne anhydre de copeaux se vend sur le marché l'équivalent de 70 $ la tonne anhydre alors que le coût de production de cette tonne de copeaux est au-delà de 100 $ la tonne métrique anhydre. Il y a donc une injection de capital qui vient d'une autre utilisation. On utilise une partie de la forêt pour produire du bois de sciage et cela sert indirectement à subventionner les copeaux.

Quand on négocie avec l'industrie, ce à quoi nous réfère l'industrie, c'est à son coût d'approvisionnement en copeaux qui proviennent de bois de la forêt publique qui ont passé par des scieries. J'entendais dernièrement quelqu'un mentionner affirmation gratuite - qu'une scierie de l'Abitibi, pour 28 % de son volume de bois qui entre, en sort uniquement 3 % de son volume de bois scié. Cela veut dire que c'est uniquement, finalement, une usine de transformation ou un "bypass" je ne sais pas comment on peut appeler cela. Le bois de la forêt publique entre à la scierie, il est transformé en copeaux. La fin pour laquelle il entre dans la scierie, c'est le sciage; mais sur 28 % du volume, il sort uniquement 3 % de bois scié. Ce sont donc des copeaux subventionnés qui ressortent et qui viennent directement approvisionner l'industrie des pâtes et papiers et c'est avec cela que nous devons négocier.

Quand on réussit une négociation qu'on pourrait vouloir un peu agressise pour essayer de faire de la récupération... On vous a signalé tantôt qu'on a récupéré depuis dix ans 0,01 $ le mètre cube en dollars constants au producteur pour la valeur du bois. Quand on réussirait à aller chercher un peu de récupération parce qu'on se rend en arbitrage, l'industrie réduit directement ses approvisionnements. Quand c'est libre et que c'est disponible d'avoir des approvisionnements à taux subventionné ou autre, cela n'est pas facile pour les producteurs de subventionner ces fameux copeaux qui sont en bas de la valeur réelle unique des coûts de production. Il ne reste pas grand-chose pour le capital investi.

Tantôt, on parlait des droits de coupe; un point de référence très bien connu dans l'actualité tant québécoise que canadienne, c'est que les États-Unis parlent de fixer une taxe è l'importation du bois d'oeuvre provenant du Canada et du Québec de l'ordre de 32 % parce qu'ils considèrent que l'État subventionne l'industrie en ayant des droits de coupe trop bas. Ce n'est pas seulement nous qui le disons.

M. Gauvin: Comme deuxième question en rapport avec la première, quelle différence faites-vous entre la priorité accordée à la forêt privée et à la forêt publique, source complémentaire d'approvisionnement? Quelle priorité donnez-vous en rapport avec les deux organismes? On en a parlé un peu tantôt, mais j'aimerais vous voir le définir.

M. Dumas: L'objectif poursuivi par la Fédération des producteurs de bois du Québec, c'est que le grand jardin forestier québécois qui appartient à 120 000 producteurs, qui est quand même le mieux situé géographiquement et qui a la meilleure productivité... M. le ministre mentionnait ce matin que les propriétaires forestiers au Québec ont depuis toujours été les plus grands sylviculteurs. Si on veut qu'ils continuent à avoir cet intérêt d'être de grands sylviculteurs, il faut que, lorsque le bois est à maturité et qu'il doit être mis en marché, il ait sa place sur le marché. Ce qui est proposé, c'est que le bois de la forêt privée devrait être mis en marché de façon prioritaire et le bois de la forêt publique devrait servir de façon complémentaire. S'il y a une demande plus importante, peu importent les réductions, ce serait plus normal pour nous que cela soit le bois de la forêt publique qui serve à ajuster les demandes augmentées ou réduites du marché pour des circonstances économiques au lieu que cela soit ce que l'on a connu depuis toujours où c'est la forêt privée qui est la valve d'ajustement du marché au jour le jour, de mois en mois et d'année en année. Que la forêt publique varie dans les approvisionnements selon la demande de

l'industrie.

M. Gauvin: À la suite d'une réflexion comme celle-là, avec laquelle je suis d'accord, accepteriez-vous éventuellement de négocier ou de revoir le pourcentage de coupe sur la forêt privée qui servirait à alimenter le sciage? Êtes-vous convaincu que les producteurs privés font suffisamment d'efforts pour produire des billots pour alimenter les usines de sciage? (11 h 30)

M. Dumas: Là-dessus, on est tout à fait d'accord. Il y a un point qui est important sur lequel je veux insister et qu'on a mentionné tantôt, c'est que, depuis les dernières années, on a l'inventaire forestier. Le gouvernement a collaboré d'une façon très importante pour qu'on connaisse très bien l'inventaire, le potentiel et la capacité des forêts privées. C'est nouveau, ça. On possède maintenant ces outils. On est présentement en discussion avec le ministre là-dessus et on espère être capable de continuer de maintenir ces outils à la fine pointe de l'évolution de la capacité de production des forêts privées. Depuis que nous détenons ces outils, avec les plans de mise en valeur, avec les plans d'action où on va avoir des orientations très précises dans chacune des quinze régions du Québec, il est officiel que des moyens incitatifs seront appliqués d'une façon importante pour que le bois soit dirigé vers une utilisation optimale.

Quand vous parlez de sciage, là-dessus, on est tout à fait d'accord, sauf que ce qui a toujours été le problème jusqu'à aujourd'hui, c'est le prix. On ne peut pas vendre du bois de qualité supérieure à un prix inférieur. Il est difficile de faire comprendre cela à nos membres. Je pense que c'est tout à fait logique.

D'ailleurs, il n'y a pas moins de deux semaines, un grand industriel du sciage de la région de l'Estrie, interviewé dans un quotidien un certain lundi matin - une demi-page - mentionnait qu'il était déplorable que les taux des droits de coupe soient si bas, que cela lui nuisait pour s'approvisionner en forêt privée, qu'il avait de la difficulté à concurrencer les autres industriels du sciage au Québec qui s'approvisionnaient à même la forêt publique. Cet industriel du sciage mentionnait que les taux des droits de coupe imposés au Québec devraient être multipliés par trois.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer, d'abord, les représentants de la Fédération des producteurs de bois du Québec, particulièrement son président qui est un concitoyen du comté de Dubuc.

Je veux revenir sur une affirmation du ministre. Je pense que c'est dans la continuité de ce que mon collègue vient de soulever. Le ministre a mentionné - il y a eu beaucoup de chiffres depuis ce matin -qu'il y avait eu au-delà de 5 000 000 de mètres cubes fournis par la forêt privée, alors que vous mentionnez dans votre mémoire qu'il y a en réalité une possibilité de 4 400 000 mètres cubes. Sauf que personne n'a spécifié si ce chiffre de 5 000 000 représente votre production annuelle. Ce serait ma première question. Est-ce votre production annuelle? Est-ce que d'année en année c'est toujours 5 000 000 et plus? Vous pouvez répondre à cette première partie de la question.

M. Roy: Oui. Il faut faire attention. Le chiffre des 5 000 000 de prélèvements a été avancé, je pense, par le ministre. Là-dessus, nous disons que nous contrôlons 2 200 000 mètres cubes qui s'en vont dans le secteur des pâtes et papiers. C'est un volume dont on est certain. Il y a tout le volume du bois de sciage qui vient s'additionner à cela. Il s'agirait donc de savoir si le chiffre des 5 000 000 inclut les prélèvements en grandes forêts privées qui sont la propriété des industriels. On est porté à croire que cela comprend ces prélèvements.

Nous disons qu'il y a 4 400 000 mètres cubes de prélèvements possibles en forêt privée, selon les calculs. On est porté à croire que l'on prélève à peine 4 000 000 à 4 200 000 mètres cubes. On a avancé le chiffre de 5 000 000, mais on pense que cela comprend les prélèvements sur la grande forêt privée des industriels.

M. Desbiens: Vous ne pouvez donc pas corroborer le chiffre avancé par le ministre. Il pourra peut-être le faire tantôt pour nous éclairer là-dessus. Mais quand vous parlez de cette production, quelles sont les essences précises qui sont comprises là-dedans?

M. Roy: Dans les chiffres de 4 400 000, on parle uniquement des sapins et des épinettes. Parce que si on incluait tous les feuillus et les essences de résineux autres que le sapin et l'épinette, comme je le disais un peu plus tôt, on aurait en forêt privée une possibilité de coupe supérieure à 6 000 000 de mètres cubes, seulement pour ces autres essences. Il ne s'en prélève que 3 000 000 de mètres cubes. On a donc une disponibilité de 3 000 000 de mètres cubes dans les autres essences que le sapin et l'épinette.

M. Desbiens: Et il resterait une possibilité de 2 000 000 de mètres cubes et plus dans les résineux comme le sapin et l'épinette; 3 000 000 de mètres cubes sur l'ensemble?

M. Roy: Si on prend l'ensemble des essences, pour les feuillus et les autres résineux, on peut avancer le chiffre de 6 000 000 de mètres cubes. Ce sont les autres essences que le sapin et l'épinette. Et pour le sapin et l'épinette, on parle de 4 400 000 mètres cubes. Donc, une possibilité totale de quelque 10 000 000 pour toutes les essences.

Si on parle des prélèvements, les estimations que l'on a pu établir, c'est que, pour le sapin et l'épinette, cela serait de l'ordre de 4 000 000 à 4 200 000 et, pour les feuillus, cela serait de l'ordre de 3 000 000. Donc, des prélèvements de 7 000 000 à 7 200 000 versus une possibilité totale de 10 000 000. Je ne sais pas si cela démêle ou si cela complique davantage.

M. Desbiens: Concernant les copeaux, ai-je bien compris que c'est strictement par les droits de coupe augmentés que vous voyez une solution, un équilibre pour permettre au producteur de faire un gain de capital sur son bois?

M. Dallaire: C'est sûr que, si les droits de coupe sont augmentés, nécessairement on va être plus en mesure de concurrencer. Comme on le mentionnait tout à l'heure, si une industrie a la possibilité d'aller s'approvisionner en forêt publique à un droit de coupe qui est très bas, quand on arrive pour négocier avec cette même industrie et que l'on veut forcer un peu pour maintenir nos prix, elle peut nous envoyer promener et dire: Je n'ai pas besoin de ton bois, je peux aller m'approvisionner à tel endroit à des prix moins élevés que le tien. Cela nous place dans une position pas tellement favorable. Si, par contre, les droits de coupe sont beaucoup plus élevés ou à un prix raisonnable, on va devenir un peu plus compétitifs.

M. Desbiens: Merci, pour l'instant.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. J'aurais plusieurs remarques à faire, mais je voudrais commencer par votre tableau 2 où que vous parlez des revenus de vente en dollars constants. Si on prend les prix à l'usine en dollars constants, on passe de 6,71 $ à 7,02 $, ce qui fait un gain de 4,32 % au cours de la période. Si on prend le prix payé au producteur, on passe de 4,87 $ à 4,88 $, ce qui est sensiblement le même prix. Par contre, si on fait la différence entre le prix à l'usine et le prix au chemin, vous avez là un gain en faveur du syndicat, en faveur de la fédération, de 0,30 $. Ce qui veut dire chez vous, une augmentation, pour l'administration, le contrôle et la gestion, de 16,3 %. C'est une augmentation qui doit vous aider dans vos opérations administratives.

Je voudrais aussi dire un mot sur le rendement. Quand vous mentionnez dans votre mémoire que vous anticipez des rendements en forêt qui ne sont pas là, je dois vous dire que nous avons été très prudents dans nos prévisions et nos données empiriques. Parmi les données que nous avons au ministère sur les reboisements dans les meilleurs sites, les moyens et les faibles - je vais vous donner les sites moyens - le rendement dans le pin blanc est de 195 mètres cubes à 40 ans; dans le pin rouge, de 406 mètres cubes à 45 ans; dans l'épinette de Norvège, 298 mètres cubes à 50 ans et dans l'épinette blanche, 198 mètres cubes à 50 ans. Ce sont toutes des essences que nous reboisons parce qu'elles sont résistantes à la tordeuse des bourgeons de l'épinette qui a fait tant de dommages dans le passé. Cela fait un accroissement annuel de 4 à 9 mètres cubes à l'hectare.

Dans les peuplements naturels, le rendement dans l'épinette noire n'est que de 120 mètres cubes à l'hectare à 90 ans, ce qui est un rendement de 1,3 mètres cubes à l'hectare. Dans les sapinières à 65 ans, il n'est que de 2,2 mètres cubes à l'hectare.

Dans le calcul des possibilités que nous avons fait, nous n'avons utilisé comme rendement que 3,4 à 4,6 mètres cubes à l'hectare. Si on va chez nos voisins, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, on s'aperçoit que nos prévisions sont très modérées et que l'on peut escompter pouvoir accroître le rendement de nos forêts sur cette base.

Quant à la tarification, il est dit dans votre mémoire que nous avons basé nos données sur les transactions actuelles. C'est un fait, mais des transactions actuelles, basées sur les conditions du marché, conclues entre vendeurs et acheteurs, et qui tiennent compte des obligations actuelles d'exploitation et d'aménagement. Vous avez mentionné, M. le président, que les obligations actuelles et passées, du côté de la forêt publique, n'étaient pas énormes au point de vue de l'aménagement. Lorsque la nouvelle tarification entrera en vigueur, il faudra réajuster cette valeur pour tenir compte du marché. Il faudra aussi tenir compte des nouvelles obligations d'aménagement qui seront imposées par le nouveau régime forestier. C'est pour cette raison que l'article 4 mentionne quelles déductions seront faites des frais d'aménagement admissibles.

Sur la base des estimations actuelles, la valeur moyenne du bois sur pied des résineux est évaluée à 5,64 $ le mètre cube. Le coût moyen des travaux, suivant nos estimations encore, est estimé à 3,25 $ le mètre cube. Après l'application du régime, le droit de

coupe moyen serait donc de 2,39 $ le mètre cube au lieu de 2,19 $, tel que mentionné précédemment et payé actuellement.

Cependant, l'industrie devra en plus dépenser en moyenne 3,25 $ le mètre cube pour l'aménagement forestier qui sera imposé par le nouveau régime, ce qui, si on le multipliait par le volume, totalisera près de 100 000 000 $. Je devrais vous dire que c'est une façon de stimuler l'investissement en forêt, de construire et de protéger notre avenir, notre environnement et les emplois.

Prenons le chiffre de 5 000 000 de mètres cubes de bois. Je mentionnerai que les grandes forêts privées produisent plus ou moins 600 000 mètres cubes par année. Nous versons aux propriétaires privés, directement et indirectement, pour toutes formes de travaux exécutés sur la forêt privée, sur les propriétés privées de vos membres, 45 000 000 $, ce qui veut dire environ une aide, une contribution, si on le transpose sur les volumes coupés chez vous, de 9 $ le mètre cube. Je pense qu'il ne faut pas le négliger. Je pourrais vous donner la liste de tous les travaux pour lesquels nous contribuons. Nous en avons ajouté d'autres cette année, à savoir le drainage, la voirie forestière, la fertilisation. Je pense que la forêt privée est considérée correctement si on tient compte de nos moyens actuels. Évidemment, ce sera toujours le meilleur endroit pour faire des travaux d'amélioration, des travaux d'aménagement et des travaux sylvicoles.

Dans notre programme, nous avons l'intention de fournir les plants à la forêt privée, à vos membres, comme nous avons l'intention - et c'est un engagement - de !es fournir aussi à la forêt publique. Sur cette base-là, vous êtes sur le même pied. Nous fournirons à la forêt privée 100 000 000 d'arbres si on trouve les endroits pour le faire et 200 000 000 à la forêt publique. C'est du 50 %, alors que la forêt privée ne représente que 12 % à 15 % du total de la superficie forestière du Québec. Je pense que, là aussi, on reconnaît la productivité chez vous.

On parle de droits de coupe. Quand vos organismes de gestion en commun font des opérations chez leurs membres, j'aimerais savoir, si vous êtes capables de me répondre, quels sont les droits de coupe qui leurs sont versés, en sus de la valeur du bois telle que décrite par M, Dumas.

M. Dallaire: Pour votre dernière question, c'est en général le tiers qui est versé aux propriétaires comme droits de coupe.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Le tiers du prix de vente?

M. Dallaire: Le tiers du prix de vente.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Prix de vente au chemin ou prix de vente livré à l'usine?

M. Dallaire: Au chemin.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Au chemin. Cela comprend son salaire.

M. Dallaire: Oui, c'est cela qui est donné...

M. Côté (Rivière-du-Loup): II lui reste combien en droits de coupe?

M. Dallaire: Non, non, c'est uniquement le droit de coupe.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Alors, combien cela représente-t-il? (11 h 45)

M. Dallaire: Cela dépend du prix de vente du bois au chemin du producteur dans cette région. Les prix varient selon les régions au Québec.

Une voix: Si vous vendez le bois, par exemple, 45 $ au chemin de camion, le propriétaire, sans avoir touché à absolument rien, reçoit 15 $. En général, c'est ce qui se paie.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Plus les 45 $.

M. Dallaire: Pardon?

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai de la misère à comprendre.

M. Dallaire: Disons que, dans une région, par exemple, le producteur reçoit 45 $ net au chemin de camion pour son bois. Si une société sylvicole fait des travaux sur son terrain, elle va lui donner 15 $ la corde en droit de coupe sans qu'il s'occupe de rien. C'est ce qu'on appelle le droit de coupe qui est payé au propriétaire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Je vous remercie. Pour l'instant, cela me suffit, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Cela val M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, j'aurais d'abord une question au ministre et plusieurs questions à poser aux représentants de l'organisme qui est devant nous ce matin. Ma question s'adresse au ministre. Lorsque le ministre a parlé de la coupe en forêt privée qui était de l'ordre de 5 000 000 de mètres cubes en 1984, je croîs, est-ce qu'il parlait des résineux ou de l'ensemble des résineux et des feuillus? Est-ce que le ministre parlait

de l'ensemble des résineux seulement ou des résineux et des feuillus, à 5 000 000 de mètres cubes?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Des résineux.

M. Perron: Strictement des résineux. Et le ministre a confirmé qu'il y avait environ 600 000 mètres cubes qui étaient prélevés dans la grande forêt privée au cours de l'année 1984.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Perron: Merci. Maintenant, ma question s'adresserait à M. Dumas ou à M. Dallaire ou à une autre personne. Lorsque vous parlez des droits de coupe, n'est-il pas exact que le fait d'augmenter le droit de coupe comme vous le demandez, même de le tripler comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, cela a quelque chose à faire avec la commission américaine se rapportant au droit compensatoire de l'ordre de 27 %? On sait très bien que le gouvernement américain doit prendre une décision et la rendre publique en date du 9 octobre prochain. Tout le monde est en attente de cette décision parce qu'il appert, selon les informations que nous avons ici dans l'Opposition, que la demande des producteurs américains faite au gouvernement américain aurait une réponse favorable.

M. Dallaire: Quand vous parlez de tripler, ce n'est pas nous qui avons fixé ce tarif. C'est un industriel de l'Estrie, comme Jean-Claude Dumas l'a mentionné tout à l'heure, qui avait dit que cela pourrait aller jusque-là. C'est sûr qu'en principe on est d'accord qu'il y ait une augmentation raisonnable du droit de coupe. Si vous faites référence à ce qui se passe présentement aux États-Unis, c'est bien sûr que je trouverais absolument illogique que le gouvernement actuel ne fasse rien pour augmenter les droits de coupe si cela a pour effet de faire en sorte que les Américains imposent leur taxe compensatoire, on va être obligé de payer quand même ce tarif et l'argent va aller aux États-Unis, il ne restera pas ici. Tandis que, s'il y avait une augmentation des droits de coupe, cela servirait à regarnir les coffres de l'État québécois et cela coûterait environ le même prix aux industriels, en fin de compte.

M. Perron: Merci, M. Dallaire. À la page 5 de votre mémoire vous dites: "La valeur marchande des bois sur pied devrait normalement tenir compte de tous les frais encourus pour l'obtenir." Plus loin vous ajoutez: "Malheureusement, le ministère de l'Énergie et des Ressources établira cette valeur marchande à partir de transactions actuelles qui seront basées sur les conditions du marché et compétionnées par les bois de l'État."

Est-ce que cette partie de votre document fait référence au tableau 1 que vous avez dans votre mémoire? Si oui, pourriez expliquer le tableau en question?

M. Dallaire: Je vais demander à Jean-Claude de répondre à cela.

M. Dumas: C'est en relation directe avec le tableau 1, soit la valeur du bois sur pied et les droits de coupe. C'est en relation directe avec ce que je vous mentionnais plus tôt, soit la valeur d'une tonne de bois provenant des copeaux, provenant des scieries où le coût de production est estimé à au-delà de 100 $ la tonne métrique anhydre et le coût d'approvisionnement de l'industrie des pâtes et papiers actuellement est, pour cette tonne métrique anhydre de copeaux, d'environ 70 $. Les transactions qu'on négocie actuellement avec l'industrie nous mettent en compétition directe avec ces tarifs de copeaux qui proviennent de bois de la forêt publique dont les droits de coupe sont tellement bas qu'en vendant le bois de sciage ils viennent à bout de vendre les copeaux, de mettre les copeaux en marché en bas du prix coûtant de production. C'est difficile de leur faire compétition. Cela fait que la valeur des transactions négociées est plus basse que ce que devrait être la valeur réelle, à notre sens.

M. Perron: Donc, c'est ce qui fait que, dans le tableau en question, lorsqu'on fait la comparaison entre les pâtes et papiers et le sciage, par exemple Finlande-Québec, on voit qu'en Finlande, la grande majorité des résineux est dirigée vers le sciage tandis qu'au Québec c'est l'inverse. Une autre question par rapport aux droits de coupe: Est-ce que les frais de remise en production, selon vous, devraient inclure la construction de chemins forestiers dans le domaine public ou dans le domaine privé?

M. Dumas: Les chemins forestiers sont considérés comme un des investissements en fonction du besoin pour la récolte. Le bois ne pousse pas sur le bord du chemin. Il faut aller le récolter. Cela fait donc partie des investissements.

M. Perron: Mais voici ce que je veux dire: Est-ce que ces frais devraient être inclus dans les droits de coupe?

M. Dallaire: Cela fait partie des coûts de fonctionnement.

M. Perron: D'autre part, on sait que les droits de coupe sont différents entre les usines de sciage et les papetières. Est-ce que, selon vous, on devrait avoir des droits

de coupe uniformes pour l'ensemble du Québec pour ces différentes instances'? Est-ce que vous préconiseriez que les droits de coupe soient différents d'une région à l'autre, selon l'éloignement et les chemins forestiers qui devraient être construits?

M. Dumas: Si on regarde ce qu'on a pu avoir comme référence pour le sud des États-Unis, la France et la Finlande, les droits de coupe sont différents pour les pâtes et papiers et pour le sciage. Le sciage est quand même une utilisation qui exige de la fibre de plus grande valeur; c'est normal que les droits de coupe soient en relation avec la valeur du produit.

M. Perron: D'accord. Maintenant, dans le maintien des droits de coupe tels qu'ils sont actuellement, est-ce qu'il ne serait pas tentant de surévaluer les coûts de remise en production pour obtenir le plus bas droit de coupe possible, selon ce qui est préconisé, en fait, par le gouvernement actuel?

M. Dumas: Si j'ai bien compris ce que nous a expliqué M. le ministre tantôt, les droits de coupe seraient équivalents à 2,39 $ le mètre cube et les frais d'aménagement seraient de 3,25 $ le mètre cube, ce qui donnerait l'équivalent d'un droit de coupe de 5,64 $ à l'industriel. Si cela s'additionne, je pense que cela pourrait être intéressant.

M. Perron: On sait aussi que le ministre dit que, s'il y a un aménagement de fait, cela pourrait même aller jusqu'à l'abolition totale du droit de coupe en rapport avec une industrie qui ferait tout le nécessaire pour en arriver à l'aménagement préconisé. Seriez-vous d'accord avec cela?

M. Dallaire: Je pense que, logiquement, il devrait toujours y avoir un minimum de droit de coupe. Tel que c'est préconisé présentement, c'est sûr que, si on tient compte de tous les frais de remise en valeur, cela pourrait se traduire par des droits de coupe négatifs à un moment donné. Je pense qu'il devrait y avoir un minimum dans certains coins.

M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Vous êtes directement sur la même longueur d'onde que nous de l'Opposition en rapport avec cela, parce que cela pourrait porter à confusion et cela pourrait même porter à interprétation énorme dans le cadre de certaines décisions qui pourraient être éventuellement prises en rapport avec une compagnie qui ferait les aménagements et une autre compagnie qui en ferait aussi.

Maintenant, dans le mémoire que vous avez présenté, vous parlez de surutilisation de la forêt publique. Je mentionnais hier qu'il ne fallait pas que le gouvernement se base sur la forêt électronique, c'est-à-dire la forêt qui est actuellement dans les ordinateurs et à l'étape de graines a Berthierville, si je peux m'exprimer ainsi. J'ai fait une recommandation au gouvernement pour qu'il répartisse le volume initial sur la base de la possibilité actuelle de 19 300 000 mètres cubes et attende les résultats du deuxième inventaire décennal et le premier rapport quinquennal sur l'état de la forêt, prévu pour 1990, avant d'escompter les résultats au mérite.

En fait, ce que nous dit à peu près le gouvernement, c'est qu'il prend de la forêt qui n'existe toujours pas, qui existe seulement à Berthierville ou dans des petits plants qui ont à peu près trois ou quatre pouces de haut et, avant même que ce soit aménagé en forêt, que ces plants soient plantés en forêt, il inclut cela dans le volume à répartir. En d'autres mots, êtes-vous d'accord avec la position du gouvernement par rapport à cette façon de procéder en faisant usage de la forêt électronique pour répartir les stocks?

M. Dallaire: Je pense qu'on l'a mentionné assez clairement dans notre mémoire. On dit clairement que le ministère extrapole un peu trop sur des données qui sont trop optimistes. J'ai l'impression que, si on garde cet enlignement, on va certainement connaître des problèmes de ruptures de stocks peut-être plus vite qu'on ne le prévoyait. Je ne sais pas si Jean-Claude aurait autre chose à ajouter?

M. Dumas: Je pense que les expériences de reboisement sont quand même assez jeunes au Québec. On considère que c'est optimiste, les chiffres retenus par le gouvernement maintenant. On pense que ce qui devrait être fait, c'est que cela devrait être révisé annuellement. On va voir ce qui se passe avec les plantations, tout le monde va faire ses expériences, va faire ses classes et, si tout va bien et que le reboisement qu'on fait et qu'on va continuer de faire de façon beaucoup plus importante donne les rendements escomptés, tant mieux. Si jamais il y a des ratés en cours de route ou des périodes d'ajustement, on pense qu'à ce moment-là on devra réajuster les possibilités, les disponibilités en fonction de ce qui se passe réellement sur le terrain.

M. Perron: Maintenant, lorsque le ministre il y a quelque temps mentionnait qu'il y avait 200 000 000 de plants qui étaient destinés à la forêt publique et 100 000 000 de plants à la forêt privée, ce qu'il a oublié de dire, entre guillemets, c'est que cette décision avait été prise antérieurement par l'ancien gouvernement, et je suis très heureux, je suis très très heureux que cela ait été reconduit. Je sais que les

membres du gouvernement, les ministériels n'aiment pas cela tellement, mais, en tout cas, je pense que c'était essentiel, c'était important qu'on le dise.

Des voix: C'est fait.

M. Perron: Bien oui. Il est bon le ministre à ce sujet-là parce qu'il a reconduit une décision qu'on avait déjà prise.

Une voix: Ils avaient planté de la graine dans la terre.

M. Perron: Maintenant, lorsque vous parlez de l'article 22 qui oublie de donner la priorité à la forêt privée et quand vous dites que cet article laisse trop de place à l'interprétation, vous faites sûrement référence au rendement de l'établissement et aux autres sources d'approvisionnement. Pourriez-vous nous expliquer comment une mauvaise interprétation pourrait vous nuire, à vous, producteurs privés?

M. Dumas: Prenons seulement le point qu'on a déjà mentionné auparavant, une période difficile économiquement où, à cause d'une baisse des ventes de mois en mois, la consommation de l'usine serait réduite. Est-ce que l'allocation va être révisée à partir des forêts publiques ou si cela sera comme cela a toujours été dans le passé, à courte vue, à la semaine ou au mois? C'est la source d'approvisionnement qui est la forêt privée qui doit immédiatement réduire ses approvisionnements, ses livraisons à cause de la perte de marchés. Ce n'est pas la forêt publique. La forêt publique, ce sont toujours des prévisions à très long terme. Donc, pour tout ce qui se passe à court terme, durant la période de production de semaine en semaine ou de mois en mois, s'il y a un raté dans le marché et que l'usine consomme moins, s'il y a quelques jours de fermeture parce qu'il y a un surplus d'inventaire, c'est la forêt privée, en totalité, qui paie la note. C'est ce que l'on veut éviter à l'avenir. (12 heures)

Vous mentionniez tantôt l'objectif de reboisement de 300 000 000 de plants. Je voudrais seulement mentionner que, pour les producteurs aussi, c'est très important cette décision qui est maintenue d'avoir comme objectif 300 000 000 de plants de reboisement, dont 100 000 000 en forêt privée.

Il y a un sujet que j'aimerais seulement effleurer pour mentionner qu'il serait peut-être très important, sinon urgent, de prévoir faire du reboisement de feuillus, dans ces 300 000 000 de plants ou avec un volume supplémentaire. Il est inconcevable d'"enrésiner" tout le Québec. Bien sûr, il y a des régions où on mentionne que te marché n'utilise pas la totalité des feuillus. Sauf qu'il y a des régions au Québec, la Gatineau, l'Estrie et certaines autres régions où la mise en marché des feuillus est très importante. Que l'on pense a Domtar Windsor, un investissement de 200 000 000 $, qui s'approvisionnera à 100 % en feuillus.

Il faut faire autre chose qu'"enrésiner" la région de l'Estrie et le sud du Québec. Sur ce plan, nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement pour faire de la recherche afin de faire du reboisement de feuillus de façon importante au Québec, surtout de feuillus nobles. D'ailleurs, avec la Fédération des producteurs de bois du Québec, la compagnie Domtar et la compagnie Reboisement For-Estrie, on a déjà commencé à faire un projet pilote. Nous sommes prêts à collaborer pour que, très rapidement, nous nous dirigions vers un reboisement, une régénération ou l'entretien de feuillus.

M. Perron: Merci, M. Dumas. Il y a une question qui a été très peu discutée en commission. Je crois qu'elle a été mentionnée seulement une fois. Vous vous rappellerez que, lors de la visite que j'ai effectuée en Estrie en septembre dernier, j'ai eu l'occasion de visiter la pépinière For-Estrie dans laquelle je crois que la fédération est impliquée, ainsi que vous-même, M. Dumas. Au moment de la visite et ensuite, nous avons discuté assez longuement de la question génétique qui, je crois, vous tient énormément à coeur en tant que directeur et qu'ancien représentant d'une partie de la région de l'Estrie dans le domaine se rapportant aux boisés privés. Est-ce que vous pourriez nous parler de l'attitude que devraient prendre le gouvernement et les chercheurs en rapport avec la génétique?

M. Dumas: Oui, M. le Président, Sur ce point, la génétique ou l'amélioration génétique, ce n'est sûrement pas moi que vous aurez à convaincre. Si quelqu'un veut avancer, il faut aller dans ce domaine. Étant diplômé en agriculture, depuis longtemps je me suis intéressé à l'amélioration génétique sous toutes ses formes. Dans le milieu forestier, il y a des efforts qui ont été faits dernièrement sur le plan de l'organisation, de la recherche et du développement génétique. Je crois qu'on ne peut pas pleurer sur le passé. Nous sommes sûrement en retard. Je pense qu'il faut constater qu'on est en retard et qu'il y a énormément à faire au niveau de l'amélioration génétique de tous les arbres à partir desquels on reboisera dans l'avenir au Québec. Il y a énormément de travail à faire. Sur ce point, vous pouvez être assurés que notre fédération va collaborer sans limite au travail de recherche génétique. Il est inconcevable de récolter des cônes provenant d'arbres dont peu importent les

caractéristiques. C'est presque fait à la légère. Je veux dire que l'on paie les cônes qui sont apportés au ministère au volume. Ces cônes sont transformés et produits dans les pépinières. Cela donne des plants qui n'ont aucune espèce de charte génétique alors qu'aujourd'hui on sait que l'on peut en améliorer le rendement. Si l'on plante des arbres que l'on pourra récolter dix ans, quinze ans ou vingt ans plus rapidement, avec un cycle beaucoup plus rapide, imaginez-vous combien c'est important pour tout le monde, pour le rendement sur le capital, pour éviter la rupture de stock et à tous les points de vue, finalement.

Dernièrement, je voyais qu'en France on vient de faire une étude et de réussir un projet d'amélioration génétique pour reboiser les chênes. Au lieu de prendre 180 ans, il est possible de récolter un chêne de qualité en 80 ans. Imaginez-vous jusqu'où on peut aller dans l'amélioration génétique des arbres. Je pense qu'on devrait mettre des efforts de recherche très importants au Québec pour l'amélioration génétique.

Dans le domaine des feuillus, je pense qu'on devrait aussi faire des recherches pour ce qui est de la transformation du produit. Il y a un potentiel dans presque toutes les régions au Québec, comme on l'a mentionné. Il y a un potentiel qui est très grand et qui n'est pas totalement utilisé. Dans d'autres pays comme la Finlande et la Norvège, on est actuellement à faire du reboisement de peupliers hybrides, alors qu'ici ils poussent naturellement comme une mauvaise herbe. On ne les considère presque pas dans les inventaires. Nous pensons qu'on devrait collectivement s'attacher à faire déboucher dans les meilleurs délais des programmes de recherche pour utiliser tout ce potentiel qui est disponible.

M. Perron: Donc, si je comprends bien, M. Dumas... Oui, M. Dallaire?

M. Dallaire: Je voulais ajouter, pour ce qui est de l'amélioration génétique, que vous n'êtes pas sans savoir que le ministère a procédé à la formation d'un comité. On a été invité à en faire partie, ce que nous avons accepté avec grand plaisir. C'est tout simplement pour renchérir sur ce que M. Dumas dit. C'est un sujet qui nous préoccupe et qu'on trouve extrêmement important. Je pense qu'on va mettre tous les efforts possibles pour en arriver à l'amélioration génétique. Cela ne coûte pas plus cher de mettre en terre un plant qui a une bonne possibilité génétique qu'un plant qui n'en a pas. C'est sûr que tout cela va être rendu possible simplement par la recherche. On va contribuer à 100 % de nos capacités dans ce domaine avec le ministère.

M. Perron: Lorsque vous parlez du comité, en fait, c'est celui qui avait été recommandé dans le livre blanc de juin 1985.

M. Dallaire: C'est possible.

M. Perron: Donc, une autre question à M. Dumas. Lorsqu'on parle de génétique, de chercheur, je ne connais pas le nom vraiment technique, mais je présume qu'il va falloir qu'on ait éventuellement ce qu'on appelle communément des parcs d'arbres plus, pour prélever les graines nécessaires après étude de chacun des arbres, pour que les plantations soient faites dans le bon sens avec des arbres qui sont droits, avec des branches qui sont correctes, avec des épines - dans le cas des résineux - qui seraient avantageuses ou, encore, des feuilles qui seraient normales.

M. Dumas: C'est exact. Je pense que tout le travail commence à être amorcé un peu au Québec. Il faudra accélérer cela, identifier les arbres plus et très rapidement établir des vergers à graines dans toutes les régions au Québec pour s'assurer que ce qu'on récoltera sera de la graine génétiquement améliorée.

M. Perron: Une dernière question pour le moment. Tout le monde, même la Chambre de commerce du Québec, a mentionné que dans l'avant-projet de loi du ministre il y avait 48 pouvoirs réglementaires et 58 pouvoirs discrétionnaires du ministre. Est-ce que je peux avoir votre opinion sur la réglementation dans ce domaine de la forêt?

M. Dallaire: Bien sûr qu'on n'est pas...

M. Perron: On sait très bien, M.

Dallaire, que ce gouvernement a fait une partie de ses élections en parlant de déréglementation.

M. Dallaire: Je ne voudrais pas faire de politique. Vous êtes sûrement au courant...

M. Perron: Non, je vais en faire.

M. Dallaire: ...qu'on n'est pas des juristes, non plus, pour savoir combien il y a de points qui sont discrétionnaires et combien de points qui ne le sont pas. Je pense que, personnellement, je serais bien mal placé pour en juger de cette façon-là. Je tiens pour acquis que, dans le nouveau régime forestier, il y a du pour et du contre. Je pense qu'on a été assez clair là-dessus. On a commencé par le pour, bien sûr. Quand on veut travailler positivement, il faut commencer par reconnaître ce qui est bon. Mais je suis convaincu que plusieurs mémoires qui vont être présentés ici vont contribuer à ce que le gouvernement mette en place une vraie politique de la forêt, qui

va faire en sorte de travailler au mieux-être de l'ensemble des citoyens du Québec. Je pense que c'est dans ce sens qu'on apporte nos critiques, même si parfois elles semblent un peu dures. C'est en vue de contribuer à l'amélioration de cette nouvelle politique avant son acceptation finale.

Le Président (M- Théorêt): M. le député.

M. Perron: Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Théorêt): Je ferai remarquer aux membres de l'Opposition qu'il leur reste une minute seulement du temps alloué à leur formation pour cet exposé et qu'il reste au parti ministériel 24 minutes. Donc, avec votre permission, je vais céder la parole successivement au ministre Côté, au ministre, M. John Ciaccia, et au député de Beauce-Nord.

M. le ministre Côté.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je voudrais rassurer le député de Duplessis et lui demander d'écouter ce qui se dit. Je lui ai dit que, si on trouvait la place et les moyens pour entretenir les plants, 300 000 000, j'en suis. Mais si on n'a pas les moyens et les terrains préparés, autant dans la forêt privée que dans la forêt publique, pour effectuer ces reboisements et les moyens de les entretenir, évidemment, ça va comporter des ajustements.

C'est un objectif qui était bien louable, mais il y aurait peut-être lieu de l'ajuster. M. Dumas vous en a fait la remarque et il tient peut-être ça des conversations que j'ai eues avec lui au sujet de la forêt feuillue. Depuis que je suis en poste, j'ai mentionné à maintes reprises que nous devions tenir compte de la forêt feuillue et des régions où elle pousse, c'est-à-dire les Cantons de l'Est, les Hautes-Laurentides, l'Outaouais et le Nord de Montréal.

Évidemment, dans notre effort financier, on devrait en tenir compte, parce que ce n'est pas le même prix reboiser en feuillus que reboiser en résineux. C'est du dix pour un. Alors, ce ne serait pas un arbre pour un arbre. Si notre effort financier est le même, je pense qu'avec les ajustements qu'on fera on répondra plus adéquatement aux besoins, au climat et aux sols des régions.

Quant à la génétique des arbres, en collaboration avec l'industrie, les syndicats de producteurs et la fédération nous avons fondé un conseil québécois pour l'amélioration de la génétique des arbres, de ce côté, nous sommes en train de monter des vergers à graine. C'est le terme exact. Nous avons fait des recherches sur le bouturage. Le bouturage en laboratoire a donné les résultats escomptés et nous sommes sur le bord, d'après les chercheurs, de l'utiliser de façon commerciale.

Si on peut faire des greffes avec des arbres plus, dont la génétique est reconnue, on pourra à même les vergers à graine récolter rapidement des semences qui nous donneront les résultats escomptés. Je peux vous dire d'avance qu'on peut s'attendre à une augmentation de 15 % sur la première génération et de 15 % sur l'autre génération.

C'est pourquoi je ne souscris pas du tout à l'affirmation qu'on hypothèque sans savoir où on va, parce que nos prévisions, dans les calculs de possibilités, ont été faites sur une base de 3,4 à 4,6 mètres cubes à l'hectare, disons une moyenne de 4, alors qu'on peut escompter une moyenne de 6 sur les reboisements que nous avons faits au Québec et sur les reboisements dans des conditions, des climats et des sols semblables à ceux du Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario. En me basant sur cette expérience, je ne souscris pas du tout à ça.

Pour terminer, avant de passer la parole à mon collègue, le cahier des possibilités est réévalué à tous les ans pour tenir compte de l'inventaire, du rendement des travaux, des épidémies, des feux, de la comptabilité forestière et d'autres points. Cela vous inquiétait, le cahier des possibilités? II est réévaluée à tous les ans. Alors, on ne pourra pas faire bien des erreurs. Un 4 ou 5 mètres cubes sur une révolution ou une rotation de 45 ou 50 ans, il n'y a pas trop de problèmes.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Dumas, vous avez parlé des peupliers hybrides et de l'intérêt que vous aviez à poursuivre ça. Pour votre information, durant notre visite pour l'ouverture du bureau de la promotion du bois du Québec à Milan, nous avons visité l'institution des populiculteurs. Nous avons vu qu'il y avait des programmes que cette institution avait et nous allons tenter d'obtenir plus d'information pour voir si nous pouvons mettre en pratique certains des procédés ou des méthodes qu'ils ont développés.

Vous avez parlé des droits de coupe qui doivent être augmentés. Je crois que mon collègue vous a assuré qu'ils le seraient. Naturellement, l'augmentation des montants des droits de coupe ne peut pas faire partie spécifique du projet de loi. Cela vient dans la réglementation, mais je pense que mon collègue vous a assuré que ces droits seront augmentés et ils seront basés sur la valeur marchande, qui tient compte du marché et de ce qu'il en coûte pour produire le bois. Je pense donc que l'avant-projet de loi

répondra à vos demandes, du moins, je l'espère.

(12 h 15)

Le député de Duplessis a mentionné une taxe à l'exportation possible ou une taxe à l'importation par les Américains, de 27 %. Si cette taxe était imposée à ce chapitre, évidemment, ce serait un dur coup pour l'industrie forestière au Québec. Mais je peux vous assurer que mon collègue est en relation constante avec les représentants du gouvernement fédéral, ainsi qu'avec les membres de l'entreprise du Québec et que toutes les mesures seront prises par le gouvernement du Québec pour, sinon empêcher, au moins réduire les impacts que cela pourrait avoir sur l'industrie forestière.

Dans le projet de loi, en réduisant les allocations à la moyenne des coupes des cinq dernières années - je voudrais vous poser cette question - compte tenu des autres sources d'approvisionnement dont la forêt privée, et en augmentant les charges des utilisateurs de la forêt publique, tel que mon collègue l'a affirmé, est-ce que dans ce cas-là cela ne favorise pas le développement du marché disponible pour la forêt privée et, deuxièmement, une augmentation de la valeur du bois des forêts privées?

M. Dumas: C'est officiel si les droits de coupe sont modifiés selon l'orientation dont parlait le ministre tout à l'heure et avec les restrictions que vous apportez. Comme je le mentionnais, dans les années où la demande est croissante dans l'industrie et où l'économie est très bonne, cela peut être suffisant, ce qui est prévu dans le projet de loi. Mais nous aimerions que le projet de loi prévoie que, s'il y a une réduction de la consommation au niveau de la transformation dans l'industrie, cela ne soit pas uniquement la forêt privée qui paie la note. C'est toujours cela qui s'est passé.

M. Ciaccia: Je sais, parce que vous l'avez répété à plusieurs reprises, que c'est l'industrie privée, la forêt privée qui en a subi les contrecoups durant les récessions, durant les baisses de la demande. Je voudrais, par ailleurs, regarder avec vous le tableau 3 de votre mémoire. Je voudrais que vous me donniez une explication parce que, d'après ce qu'on constate, de 1971 à 1984, les montants que la forêt privée a fournis semblent être assez constants. Il y a eu en 1974 une hausse et une baisse. Durant la récession de 1981-1982, il y a eu une légère diminution, mais cela a quand même été assez constant. Cependant, si vous regardez votre tableau, le secteur public semble avoir eu des hausses et des baisses beaucoup plus radicales. Dans les copeaux et les sciures, cela a commencé à 9 300 000 mètres cubes. Cela a augmenté. Cela a diminué.

Le tableau que vous nous avez présenté ne semble pas correspondre au fait que c'est l'industrie privée qui a subi les contrecoups, c'est plutôt le secteur public. Quand je regarde le bois rond de la forêt publique, c'est parti de 10 000 000 de mètres cubes en 1979 et cela a diminué quasiment en chute libre à 6 000 000 de mètres cubes. Est-ce que vous pourriez nous donner des éclaircissements sur ce tableau, même en ce qui concerne les copeaux?

M. Dumas: En fait, si on revient au même tableau, il faut bien remarquer que la courbe des copeaux a plus que compensé la courbe de diminution du bois rond. En 1982-1983, au moment où les forêts privées ont quand même repris leur place un petit peu, l'approvisionnement sous forme de copeaux a monté en flèche.

Cela veut dire que pendant la période intense de l'épidémie de la tordeuse en forêt privée, où les propriétaires privés voyaient leur portefeuille, leur fonds de retraite, si on veut, parce qu'ils avaient investi toute leur vie dans leur boisé, se faire détruire par la petite "bibitte" qui s'appelait la tordeuse et où ils auraient aimé mettre le bois en marché rapidement, on n'a pas eu la collaboration qu'on aurait pu attendre dans cette période.

Ce sont les copeaux qui, à cause des prix qu'on vous mentionnait tantôt, sont en bas du prix coûtant qui ont suivi la courbe d'augmentation du marché. C'est la moyenne de la province. Si on faisait un tableau de certaines régions, le "bobo" a fait plus mal que ça, en pratique. Il y a des régions, comme la Beauce, où il y a eu une épidémie de tordeuses très importante et qui n'ont pas pu bénéficier du marché de la même façon que l'ensemble des régions au Québec. C'est un tableau moyen qui ne démontre pas l'ampleur du mal dans des cas particuliers.

M. Ciaccia: Évidemment, le tableau ne démontre pas les changements des prix. Mais, strictement sur le plan des approvisionnements, il ne semble pas tellement y avoir eu une fluctuation dans la forêt privée. Il y a eu plus de fluctuations dans la forêt publique.

M. Dumas: On vient de faire des calculs et on dit que cela a augmenté de... Donne-les donc.

M. Roy: Si on fait le total des copeaux et des bois ronds en forêt publique en 1971, on parle d'environ 13 000 000 de mètres cubes et c'est passé à 17 000 000, si on fait le total des copeaux et des bois ronds en forêt publique en 1984. Donc, un passage de 13 000 000 à 17 000 000 en provenance de la forêt publique. À travers ça, il y a eu, bien sûr, des fluctuations.

M. Ciaccia: Le seul point qui semble être indiqué par le tableau, c'est que les fluctuations sont beaucoup plus sérieuses dans le secteur public, en termes d'approvisionnement et de montant des ventes, que dans la forêt privée.

Evidemment, ça ne reflète pas les prix, mais ça reflète une plus grande stabilité d'approvisionnement dans la forêt privée que dans la forêt publique.

M. Roy: Ce que le tableau ou la figure illustre, c'est qu'à compter de 1979 on remarque une substitution des bois ronds de la forêt publique par les copeaux. C'est surtout ça que la figure met en évidence.

M. Ciaccia: Une autre petite question, une dernière, à la page 13 de votre mémoire, vous vous référez à l'article 34. Vous dites que la nouvelle politique doit obliger les papetières à exploiter de façon civilisée notre bien collectif. Vous préconisez que la texte de la loi doit pénaliser les industries qui ne respectent pas les principes forestiers connus et reconnus.

L'article 34 se lit comme suit: "Le bénéficiaire doit réaliser à ses frais les travaux sylvicoles prévus aux plans d'aménagement approuvés par le ministre". Cela continue en spécifiant que, "si le bénéficiaire n'exécute pas au cours d'une année les travaux prévus au plan quiquennal, le ministre peut en assumer l'exécution et en recouvre le coût du bénéficiaire en défaut".

Est-ce que ça n'impose pas une obligation et en quelque sorte une pénalité? Si le bénéficiaire ne suit pas le plan d'aménagement que le ministre doit approuver, c'est le ministre qui peut en assumer l'exécution et faire payer le bénéficiaire. Quelle disposition de plus verriez-vous dans cet article?

M. Dumas: Est-ce que le ministre peut faire les travaux s'ils ne sont pas faits? Mais, si l'industrie les fait et qu'ils ne sont pas de qualité raisonnable ou généralement reconnue, il n'y a pas de mécanisme de pénalité qui s'applique. Cela veut dire que quelqu'un peut faire ça juste pour qu'il soit sûr de la survie de la régénération qui sera en place.

M. Ciaccia: Peut-être qu'il y aurait lieu, en deuxième lecture, de resserrer l'article. Mais, selon mon interprétation, s'ils ne sont pas faits d'après le plan d'aménagement, autrement dit, s'ils ne sont pas bien faits, même s'ils sont faits et qu'ils sont mal faits, le ministre a le droit d'imposer et de s'en charger. Je pense que c'est là l'intention, mais on prendra bonne note de vos suggestions.

M. Dumas: Ce serait bon que l'intention soit confirmée.

M. Ciaccia: On prendra bonne note de vos suggestions.

M. Dumas: C'est pour ça qu'on y avait fait allusion. On voulait que ce soit plus confirmé, en fin de compte, parce qu'on disait que cela laissait place à interprétation. C'est pour ça qu'on l'avait mentionné dans notre mémoire.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des producteurs privés de bois du Québec. Tout comme mes collègues, j'aimerais souligner ici, souhaiter la bienvenue à des gens de mon comté, entre autres M. Bilodeau, le président du Syndicat des producteurs de bois de Beauce. Bienvenue, M. Bilodeau. Je vous remercie aussi pour votre mémoire. Je pense qu'il reflète bien les recommandations, les interventions que mon président dans mon comté a fait à maintes reprises, que cela soit à mon bureau de député ou auprès du ministre Côté aussi. Je pense que cela reflète bien l'intérêt que M. Bilodeau porte envers la forêt privée.

Vous avez discuté tantôt de génétique. Je n'ai pas porté attention tout à fait à la question du député de Duplessis. Toutefois, hier, plusieurs organismes nous ont dit qu'ils verraient d'un bon oeil un conseil permanent de concertation au niveau de la recherche. D'après les propos que vous avez tenus, je pense que vous êtes entièrement d'accord avec cela, alors je n'irai pas plus loin dans cette intervention-là.

Ma deuxième question porterait surtout sur l'aménagement et sur l'allocation des ressources. On parle de plus en plus du rôle d'intervention des MRC dans nos régions. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, de quelle façon vous entrevoyez cela et aussi de quelle façon vous pourriez contribuer à l'élaboration d'un schéma d'approvisionnement ainsi qu'à son application.

M. Dallaire: Pour ce qui est du comité consultatif, je pense que c'est l'intention du ministère de mettre en place un tel comité. On ne l'a pas mentionné expressément dans notre mémoire, mais, par contre, je pense que c'est acquis par notre groupe qu'il devrait y avoir un tel comité et que nécessairement la fédération devrait en faire partie.

Pour ce qui est de votre deuxième question en rapport avec les MRC, je pense que je vais plutôt laisser Jean-Claude y répondre.

M. Dumas: En fait, déjà la collaboration de l'ensemble des régions a été assurée à chacune des MRC. Comme on l'a mentionné dans le mémoire et auparavant, dans chacune des régions au Québec, avec la collaboration du ministère, on a confectionné un plan d'inventaire et un plan de mise en valeur. Chacune des régions possède de tels plans - les cinq derniers vont être prêts dans les prochains mois, sont à être complétés, sont sous presse et ils seront remis au ministère - et ces plans de mise en valeur tiennent compte de l'ensemble du potentiel forestier de la région, de l'état de la situation et sont complétés par des plans d'action. On dit, dans chacune des régions, ce que l'on doit faire avec la forêt pour tenir compte de l'évolution des marchés, comment on doit aménager, comment on doit travailler avec la forêt. Avec ces documents, dans chacun des syndicats et offices régionaux, on a assuré les MRC de notre collaboration dans la création des schémas d'aménagement. Et chacune des MRC peut être assurée de la collaboration soit de l'organisation régionale, soit de la fédération pour travailler aux schémas d'approvisionnement.

Pour ce qui est d'un plan d'approvisionnement de l'industrie, ce qui est peut-être plus le fond de votre question, à ce sujet aussi, on travaille en collaboration très étroite, connaissant les inventaires, connaissant tout ce qu'on a pu colliger avec le ministère et ce qu'on espère être en mesure de maintenir à jour, parce qu'en forêt privée cela bouge rapidement. On a connu l'épidémie "tordeuse", on espère être capables de remettre les inventaires à jour à des périodes peut-être même plus courtes que dix ans, ce qui est prévu pour la forêt publique, mais on aimerait, nous, que cela soit une période de six ou sept ans où on ferait les reprises d'inventaires en forêt privée. À ce moment-ci, c'est actuellement en cours, il y a un groupe de hauts fonctionnaires qui sont responsables de l'approvisionnement qui tiennent des rencontres dans chacune des régions avec les syndicats régionaux et en présence de la fédération, où on analyse ensemble un plan d'approvisionnement. Quel est le potentiel, vers où devrait-on se diriger, qu'est-ce qui serait le plus intéressant? On est ensemble avec le ministère, avec les hauts fonctionnaires qui font le tour du Québec actuellement. Je pense qu'il reste trois régions à être visitées, et on aura mis ensemble l'ensemble des données pour être capables de travailler de façon très positive à un plan d'aménagement de l'industrie.

M. Audet: D'accord, merci.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, j'aimerais... Il est 12 h 30 et, normalement, les travaux devraient se terminer à cette heure-ci. Pour continuer, puisqu'il reste six minutes allouées au temps des échanges pour ce mémoire, c'est-à-dire une minute au parti de l'Opposition et cinq minutes au parti ministériel, j'aimerais avoir le consentement unanime des membres de la commission. Je vous remercie.

Vous avez terminé, M. le député de Beauce-Sud? Je cède donc la parole au député de Dubuc pour le mot de la fin, puisque je vous rappelle qu'il vous reste soixante secondes.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. J'ai une dernière question rapidement qui m'apparaît importante. L'avant-projet de loi rejette ni plus ni moins un mécanisme de concertation qui était proposé dans le livre blanc. C'est le conseil permanent de la forêt - qu'il faut distinguer du conseil consultatif de la recherche - qui regrouperait les industriels du sciage, des pâtes et papiers, les producteurs privés, et qui pourrait s'étendre au niveau régional. Il aurait pour but, selon le livre blanc, de permettre une concertation des différents utilisateurs et aussi, à l'occasion, de conseiller le ministre sur toutes les questions de mise en marché. On ne voit pas cela dans l'avant-projet de loi. C'est donc que le gouvernement a décidé de rejeter cette partie de la politique forestière. Je trouverais important que vous éclairiez les membres de la commission sur votre position à cet égard.

M. Dumas: Sur ce point en particulier vous pouvez être sûr qu'on est en accord total, qu'on aimerait, qu'on insisterait même pour qu'il y ait la mise en place du conseil permanent de la forêt et on est aussi très intéressé comme groupe représentant les 120 000 propriétaires de la forêt privée à avoir notre place au conseil permanent de la forêt. C'est officiel que c'est en donnant la chance à tout le monde de pouvoir échanger sur le sujet... C'est un sujet tellement important, l'économie reliée à la forêt au Québec, que la mise en place d'un groupe comme cela, un groupe-conseil, je crois que c'est essentiel.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Duplessis, pour le mot de la fin et pour votre information.

M. Perron: Merci, M. le Président. Juste une remarque pour faire une mise au point. Lors du dernier passage du ministre délégué aux Forêts, dans une courte allocution qu'il a faite, il a semblé mentionner que je n'étais pas d'accord avec le gouvernement sur les questions de reboisement. Je peux vous dire qu'en aucun moment, au cours de cette commission parlementaire, je n'ai remis en question le

programme de reboisement du gouvernement. Je voudrais terminer, M. le Président, en remerciant, au nom de l'Opposition, l'ensemble des intervenants de la fédération. Je suis assuré que les discussions que nous avons eues vont permettre possiblement un meilleur dialogue entre les instances, incluant bien sûr l'Opposition et le gouvernement. Merci à M. le président Oallaire ainsi qu'à M. Dumas et son équipe. Bonne chance, M. Dumas, dans vos nouvelles fonctions de directeur général, on sait que c'est du boulot.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Duplessis. Je cède maintenant la parole au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je loue l'initiative de la fédération qui s'implique dans un projet d'usine de production de panneaux et, là encore, on va utiliser des feuillus qui ne sont pas assez utilisés au Québec. Cette intitiative est très louable et c'est pourquoi j'avais annoncé aussi à Mont-Laurier l'implantation d'une usine de panneaux de MDF. Ces deux usines utiliseront des feuillus de moindre qualité impropres au déroulage et au sciage et c'est très louable de vouloir les employer dans le domaine de la transformation. Vous allez aussi répondre aux exigences des investisseurs, dont Normick-Perron, et des banquiers dans ces occasions.

Les forêts privées, en 1983-1984, ont fourni 1 586 000 mètres cubes de bois feuillus de qualité pâte. Du côté des résineux, vous avez toujours au cours des années, dans la période dont il a été question ce matin, coupé sensiblement au moins et peut-être un peu plus que la possibilité que vous estimiez dans les plans de mise de valeur qui sont complétés cette année.

Je vous comprends de vouloir aller plus loin, mais je vous ferai remarquer qu'il vous faudra compter sur le reboisement à partir des plans que le ministère vous fournira, tout comme pour la forêt publique. Je suis convaincu que vous avez des techniciens, des professionnels qui sont capables de faire ces évaluations. J'espère qu'ils le feront d'une façon aussi conservatrice que nous l'avons fait au ministère.

J'ai deux petites questions avant de conclure. Quand vous dites à la page 8 de votre mémoire: "Si un besoin additionnel en approvisionnement d'une industrie se fait sentir, l'avant-projet de loi (articles 20 et 47) prévoit l'ouverture des ententes pour accroître..." Dans ces articles, le mot "accroître" n'existe pas. Est-ce que vous supposez que c'est ce qu'on va faire, parce qu'on parle plutôt de diminution?

M. Dallaire: II faudrait relire le texte de la loi.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Et de révision, évidemment. Les articles 47 et 20. C'est sûr qu'à tous les cinq ans, comme cela se produit dans d'autres provinces où on établit un régime forestier, une politique forestière, il y a des révisions, des ajustements. Cela ne veut pas dire nécessairement "accroître", comme vous le laissez entendre. C'est possible qu'il y ait un accroissement, mais c'est surtout possible qu'il y ait une diminution, si les gens n'atteignent pas les objectifs fixés par le gouvernement.

M. Dumas: C'est vrai qu'il est question d'une modification.

M. Côté (Rivière-du-Loup): À la page 12, vous dites: "Compte tenu du prix insuffisant versé pour notre bois - le prix de vente, j'imagine, à l'article 55 - le MER doit assurer un aménagement adéquat des forêts privées québécoises." Actuellement il en coûte 9 $ le mètre cube pour votre production sur la forêt privée, et on parle seulement de résineux. Quel montant, prévoyez-vous, serait suffisant dans les conditions actuelles?

M. Dallaire: Je pense qu'on n'a pas identifié de montants. Tant qu'on ne sera pas capables, par un mécanisme de négociation convenable et en étant aussi plus compétitifs, d'aller chercher un meilleur prix pour notre bois, il sera très difficile d'exiger que nos producteurs de bois investissent des sommes assez considérables dans l'aménagement des forêts. En attendant cela, on aimerait que le ministère continue d'investir. Il y aurait aussi lieu - on le mentionne, d'ailleurs - de faire en sorte que la gamme des travaux permette de dépenser tout l'argent qui est voté pour les forêts privées, ce qui n'est pas tout à fait le cas présentement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Lors de votre passage au bureau, vendredi dernier, lors de votre voyage à Québec, il a été question de ces deux choses-là. Évidemment, c'est assez difficile de laisser un compte ouvert comme cela. Il faut administrer, faire un budget, et je vous ai mentionné que je ferais l'impossible pour que l'an prochain vous ayez des budgets équivalents à ceux de cette année au moins. Je suis très heureux que les producteurs forestiers aient accédé aux programmes ou aux statuts que nous avons instaurés en février suite à une recommandation du rapport Lortie. Vous savez que 15 000 de vos membres en font déjà partie, et nous espérons que ce nombre doublera d'ici à l'an prochain. En terminant, comme on s'est rencontrés à plusieurs reprises depuis que je suis en poste, que la

porte vous a toujours été ouverte, que nous avons toujours eu des discussions franches et qu'on a échangé des idées qui nous permettront d'améliorer ensemble notre sort pour le mieux-être de la collectivité, je vous assure de ma disponibilité. Soyez assurés que vous serez toujours les bienvenus. Je vous remercie et je vous félicite pour votre mémoire.

M. Dallaire: Merci. Est-ce que vous permettez que j'ajoute le mot de la fin? Encore une fois, nous devons remercier le gouvernement en place de nous avoir permis de présenter ce mémoire et de nous avoir écouté comme il t'a fait; également, l'Opposition. Je pense que nous avons été très heureux de répondre à toutes les questions. On a essayé de le faire au meilleur de notre connaissance. Je dois souligner aussi, comme M. le ministre vient de le mentionner, que depuis qu'il est à ce poste on a eu l'occasion de se rencontrer à plusieurs reprises et je dois souligner qu'on a toujours eu une bonne collaboration. Comme il le mentionne, il veut continuer et nous ne souhaitons pas moins non plus qu'il continue à nous recevoir et à nous écouter de la façon qu'il le fait présentement. Je pense qu'on travaille dans un but positif. C'est sûr que nous ne sommes pas toujoursr d'accord, mais on préconise quelque chose qui est acceptable et réalisable. Encore une fois, messieurs, merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, messieurs. Au nom des membres de la commission, nous vous remercions de votre présence ici. Je suspends les travaux de la commission de l'économie et du travail jusqu'à 14 heures pour entendre successivement le Regroupement pour un Québec vert, l'Université du Québec et l'Union québécoise de la conservation de la nature.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Charbonneau): La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts.

Nous accueillons maintenant le Regroupement pour un Québec vert. Probablement parce que c'est l'automne, le porte-parole a un chandail rouge. Vous êtes le bienvenu, M. L'Italien, je crois. C'est cela? Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous rappelle, comme sans doute le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que vous avez 18 minutes pour la présentation de votre document que nous venons d'avoir, tout chaud. Par la suite, les membres de la commission, de chaque côté, auront 36 minutes du côté ministériel et 36 minutes du côté de l'Opposition officielle pour engager la discussion avec vous.

Sans plus tarder, je vous laisse la parole. Je vous demande encore une fois de faire la présentation des gens qui vous accompagnent. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je m'excuse auprès des représentants de l'organisme. Est-ce qu'il serait possible, comme on s'était entendu, de faire inscrire le mémoire soumis par le Conseil régional de l'environnement 02, Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau...

Le Président (M. Charbonneau): C'était prévu.

M. Perron: C'était prévu? On n'a pas besoin de l'annoncer chaque fois?

Le Président (M. Charbonneau): On en a fait la liste hier.

M. Perron: Je veux être sûr que les organismes que les députés ministériels ont refusé d'entendre soient inscrits.

Le Président (M. Charbonneau): On en a fait la liste hier. Je l'ai donnée - je ne sais pas si vous vous rappelez - en séance publique. J'ai dit alors que pour les organismes énumérés dont les mémoires seraient présentés, premièrement, cela serait consigné au Journal des débats et, deuxièmement, on pourrait les consulter au secrétariat de la commission.

M. Philibert: M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: C'est simplement pour vous signaler que les organismes n'ont pas été refusés par les députés ministériels. C'est une entente qui avait eu lieu entre les leaders et que l'Opposition avait agréée, dans le temps.

M. Perron: On va relever cela demain matin.

Le Président (M. Charbonneau): Si vous voulez, de part et d'autre, on ne s'engagera pas dans cette discussion épique qui nous a déjà conduits dans des méandres délicats hier. Nous allons revenir au sujet et aux invités qui sont devant nous. M. L'Italien, s'il vous plaît.

Regroupement pour un Québec vert

M. L'Italien (Gérald): En commençant par ma gauche, Daniel Vanier, biologiste et

militant au mouvement écologiste de l'UQAM, Gaétan Malenfant, animateur social au CLSC Les Aboiteaux, à Rivière-du-Loup; à ma droit, Jean Désy, prof de géographie à l'université du Québec à Chicoutimi, Robert Beauregard, étudiant en foresterie et Yvon Lechasseur, membre de l'exécutif de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt.

Comme nous l'avons mentionné dans le premier mémoire que nous avons envoyé, notre intervention se situe en deux moments, c'est-à-dire qu'il y a une critique de l'avant-projet de loi comme tel et également le dépôt d'un long mémoire qui est l'énoncé de principe pour une politique d'utilisation du milieu forestier au Québec. Compte tenu du temps qui nous est imparti, on va essayer de faire un survol rapide de la critique du projet de loi pour ensuite essayer de trouver du temps pour quelques apartés en rapport avec d'autres mémoires qui sont en annexe au RQV.

Le regroupement pour un Québec vert, acceptant de participer à la commission parlementaire de l'économie qui étudie l'avant-projet de loi sur les forêts, veut jouer un rôle critique tout en étant conscient des limites de cet exercice. Le RQV, tout comme de nombreux organismes, revendique davantage que le milieu restreint d'une commission parlementaire pour débattre d'une ressource aussi vitale pour l'économie. Nous souhaitons vivement qu'avant le dépôt du projet de loi final le gouvernement institue une commission multipartite qui puisse entendre un plus grand nombre d'organismes dans leur région respective. Ainsi, un meilleur exercice démocratique serait de nature à combler les attentes et les espoirs. Plutôt que d'engendrer la grogne, le présent gouvernement aurait ainsi la chance unique et historique d'impliquer la population dans le choix d'une future gestion du milieu forestier. Le Regroupement pour un Québec vert fera donc entendre sa voix en deux moments: Une première approche critique et la présentation d'une politique générale d'utilisation du milieu forestier, telle que nous l'avons préparée depuis au delà d'un an.

Au chapitre des principes guidant la préparation de cet avant-projet de loi, on ne retrouve rien de substantiel et de nouveau. Bien plus, ce projet balaie du revers de la main tous les efforts investis depuis 1968, lorsque l'État reprenait en main la gestion de la forêt en créant 44 unités de gestion, réparties sur tout le territoire, chargées de fabriquer des plans de gestion à partir des profils biophysiques et économiques. On se demande ce qu'il restera de ces unités de gestion avec ce projet, muet sur ce point. On leur assignera sans doute le rôle de l'inventaire, d'inspecter des territoires de coupe et de décerner des permis de bois de chauffage. Aucun bilan de ce type de gestion par région ne nous a été fourni à ce jour. Encore une fois, un autre gouvernement vient ainsi reconcentrer les pouvoirs à Québec, C'est de la chaise musicale. Ce projet de loi est encore mieux qu'une privatisation de la forêt. Ainsi, les compagnies se voient accorder des contrats d'approvisionnement et d'aménagement valides pour 25 ans, avec révision aux cinq ans.

Il s'agit tout au plus d'une mise à jour du lexique. Ainsi, on parle de contrat et non de concession. Il s'agit d'un projet de loi de type industriel qui privilégie les lois du marché du rendement à tout prix et qui avance un concept mal défini et fourre-tout qu'on appelle "valeur marchande".

Autres remarques fort importantes au chapitre des principes, c'est la forêt privée. Dans le livre blanc, il était bien dit qu'elle serait privilégiée. Tout au plus quelques allusions, quatre articles, au nouveau statut de producteur forestier. Donc, la forêt la plus productive en regard de sa superficie et de sa situation géographique est mise au rancart. Cette fameuse forêt habitée et productive en laquelle on escompte beaucoup n'est plus dans l'ordre des préoccupations du ministre.

Finalement, au chapitre des principes, comme la polyvalence promise est porteuse de démocratie, on retrouve plutôt une future contribution aux usagers d'un chemin forestier. Au lieu de nous offrir un peu plus de démocratie, on va nous demander de payer un peu plus.

Quand le ministre vient nous dire que l'intérêt public le justifie et qu'il accorde des contrats, on peut lui demander en quoi l'intérêt public sera sauvegardé et réparé lorsque l'on retrouve dans le projet l'article 35 qui dit que les travaux sylvicoles sur les parties du territoire qui, au moment où le contrat est accordé, n'ont pas été regénérées ou ont été mal regénérées, sont exécutés par le ministre? Là, on lui disait que cela allait lui faire de l'ouvrage.

En quoi également l'intérêt public est-il sauf quand l'article 36 dit que "le ministre fournit gratuitement à chaque année au bénéficiaire les plans nécessaires au reboisement du territoire"?

En quoi également l'intérêt public est-il bien servi quand l'article 37 prévoit que "ce volume supplémentaire n'est pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits payables par le bénéficiaire en vertu de l'article 4"?

Également, nous désirons savoir où se trouve l'intérêt collectif et public quand l'article 39 dit que "le ministre peut, dans les cas et selon les modalités prévus par règlement, rembourser au bénéficiaire le coût de la mise en application du plan jusqu'à concurrence du montant qu'il détermine.".

Il en est ainsi de la réglementation à

l'article 88 où l'intérêt public pourra en baver encore, tel qu'à premièrement, déterminer le mode de remboursement des travaux; deuxièmement, le ministre peut accorder une remise de droits ou allocation; cinquièmement, le ministre peut rembourser; septièmement, des coûts d'aménagement forestier admissibles en déduction de la valeur des bois; treizièmement, dans la mesure où le bénéficiaire doit participer au coût relié; quatorzièmement, où le ministre peut rembourser encore...

Nous considérons que les pouvoirs du ministre, tels qu'indiqués dans la loi et ses règlements, sont excessifs, arbitraires et antidémocratiques. Il est maintenant de toute évidence que les compagnies seront payées pour prélever le bois en forêt publique.

Un point central dans ce projet qui nous laisse très songeurs, c'est l'article 42 qui dit que "le plan annuel d'intervention décrit notamment les méthodes de coupe". On peut sérieusement s'interroger sur l'article suivant qui dit que le ministre approuve ce plan d'intervention. On sait à quel point les méthodes de coupe peuvent être centrales dans tout aménagement ou exploitation de la forêt.

Nous ne saurions nous satisfaire d'un manuel d'aménagement qui n'est pas encore connu, qui ne sera pas obligatoire et qui n'exclura sûrement pas les méthodes de coupe du type "coupe à blanc", ces méthodes qui ont fait, qui font et feront des déserts, des laideurs qui coûteront et coûtent des fortunes à restaurer.

Nous croyons qu'un ministre qui confie l'aménagement du patrimoine è l'entreprise privée, c'est de sa part un aveu d'impuissance et de soumission à des industries plus soucieuses de faire des profits rapidement que d'assurer la survie de la ressource et un avenir pour les emplois reliés directement ou indirectement à tous les usages du milieu forestier. C'est une chance incroyable que vous avez, M. le ministre, de nous donner une loi qui ait du sens, de la cohérence, de la nouveauté et de la justice.

En annexe à ce petit document critique, il y aussi l'énoncé de principe d'une politique forestière que vous n'avez sûrement pas eu le temps encore de parcourir, parce qu'on vient juste de le déposer. Je dois ajouter que dans la liste des membres du RQV qui devaient déposer des mémoires, il y a Jean Désy, au nom du Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui voudrait dire quelques mots par rapport au flottage du bois.

M. Désy (Jean): Merci, Gérald. Mesdames, Messieurs, au nom du Conseil régional de l'environnement, on avait justement l'intention de présenter un mémoire sur le flottage. C'est un point important. Nous avons intitulé notre mémoire "Le flottage du bois, un oubli".

Le Président (M. Charbonneau): Ce qu'on me dit, monsieur, c'est qu'il y avait le mémoire qui était actuellement en discussion, celui du Regroupement pour un Québec vert, et qu'il y avait un certain nombre d'organismes, qui, par décision majoritaire de la commission, ne pouvaient pas être entendus pour présenter un mémoire.

Je pense qu'on ne peut pas faire indirectement ce que la commission a décidé de ne pas faire directement, c'est-à-dire à moins d'un consentement unanime, c'est-à-dire de présenter un second mémoire dans le temps qui est imparti pour la présentation d'un premier et la discussion de ce document.

Si, cependant, au lieu de nous présenter un second mémoire, vous ajoutez des compléments d'information ou d'analyses en regard du point de vue ou de la présentation du mémoire principal qui est en discussion devant nous, celui du Regroupement pour un Québec vert, dans ce cas, il n'y aura pas de problème.

Mais il faut qu'on s'entende bien. Il n'est pas question à ce moment d'entendre la présentation de deux mémoires de deux organismes différents et d'engager la discussion sur deux mémoires, peuvent-ils être apparentés. Autrement, on reviendrait sur une décision que la commission a rendue majoritairement.

M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, au moment où on a discuté en séance de travail de la possibilité pour le Conseil régional de l'environnement 02 de présenter un mémoire ici, le ministre nous avait donné comme argumentation que tous les organismes qui avaient été refusés étaient inclus dans des organismes plus larges qui avaient à présenter un mémoire. Or, dans le cas du Conseil régional de l'environnement 02 dont j'avais apporté le cas, le ministre admettait qu'il n'était pas inclus dans un organisme national, puisqu'il n'y avait pas de regroupement de ce genre de conseil, mais a évoqué le manque de temps pour ne pas entendre le mémoire.

Il m'apparaît aujourd'hui que le Conseil régional de l'environnement 02 a trouvé le moyen de s'inclure dans un organisme plus large qui avait temps d'audition en commission parlementaire. Ou bien le ministre nous a trompés à ce moment et était de mauvaise foi et il ne voulait tout simplement pas entendre parler de ce que le Conseil régional de l'environnement du 5aguenay-Lac-Saint-Jean avait à dire, ou bien le ministre, aujourd'hui, change de position et accepte que ces gens puissent se faire entendre à l'intérieur du temps prévu. Il ne peut toujours pas évoquer le

manque de temps, ils ont réussi è s'arranger entre eux, M. le Président. Alors, si ce n'est pas le manque de temps et si ce n'est pas le fait qu'ils sont inclus dans d'autres, je ne vois pas pourquoi on refuserait d'écouter ces gens.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vimont.

M. Théorêt: M. le Président, je ne comprends pas toute cette argumention des gens de l'Opposition. Nous n'avons aucune objection à ce qu'un représentant qui fait partie de l'équipe du mémoire présenté par le Regroupement pour un Québec vert puisse utiliser le temps réservé à ce groupe pour ajouter des éléments au mémoire présenté par ce même groupe et non pas sur le mémoire que voulait présenter le Conseil régional de l'environnement, et ceci, tout simplement par respect pour les autres organismes qui, faute de temps, n'ont pu être inscrits aux audiences.

Donc, nous n'avons absolument aucune objection. Si vous le permettez, je pense que le ministre, M. le Président, vaudrait faire juste un commentaire.

Le Président (M. Charbonneau): Je souhaiterais simplement qu'on ne passe pas l'après-midi là-dessus et, s'il n'y a pas de problème, qu'on n'en crée pas un inutilement, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aurais quelque chose à dire à mon collègue d'en face. Quand on parle de mauvaise foi - je ne sais pas s'il va m'écouter - je n'étais pas de mauvaise foi, j'étais sincère et je le suis encore. Si vous avez pris des trucs pour vous y insérer, chapeau bas, je n'y vois pas tellement de problème. Mais je vous demanderais de retirer vos paroles, mon cher collègue.

Disons qu'il me fera plaisir de les entendre à l'intérieur du temps prévu. Je n'ai pas de problème avec cela, mais avant de porter des accusations semblables, je penserais y réfléchir un petit peu.

M. Gauthier: M. le Président, je n'ai pas porté d'accusation. J'ai simplement suivi la logique du ministre qui nous menait dans un cul-de-sac. Mais je suis bien prêt, si le ministre pense que je l'ai accusé, à retirer mes paroles, pour autant qu'il accepte d'entendre les gens du Conseil régional de l'environnement 02 qui se sont d'ailleurs entendus avec le Regroupement pour un Québec vert.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que M. L'Italien voulait apporter une précision.

M. L'Italien: Oui, M. le Président. Je soulignerais que le Conseil régional de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean est membre du Regroupement pour un Québec vert. C'était l'une des annexes qui étaient prévues au mémoire central du Regroupement pour un Québec vert, tout comme il aurait pu y avoir quelqu'un du département de santé communautaire de Rimouski, mais cela n'a pas été possible. II y a quelqu'un du CLSC Les Aboiteaux; il y a Denis Lambert également, il y a le Mouvement écologique et alternatif de l'Université du Québec à Montréal et le Collectif forêt-intervention. Tous ces gens sont venus aujourd'hui. Ce ne sont pas des demandes â part mais qui sont incluses dans le regroupement. C'est un regroupement en fait.

Relativement au thème que nous voulions faire développer par Jean Désy, cela était inclus dans le mémoire central sur le transport, à la page 45. C'est un mémoire spécialisé quant à l'approche faite par le mémoire central.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est certain qu'on peut être rusé et justifier n'importe quoi. Je lève mon chapeau devant cette ruse. Je vous laisse, M. le Président, porter la responsabilité de laisser cours à ce mémoire vis-à-vis des autres qui ont été refusés. Vous en portez l'entière responsabilité et je n'ai pas de problème personnellement.

Le Président (M. Charbonneau): J'ai encore moins de problèmes que vous, remarquez. Mais je pense qu'il faut être bon joueur, d'une part, et, d'autre part, je l'ai dit et je pense que la mise au point que j'ai faite au départ doit être bien comprise par tout le monde, par les membres de la commission, par vous, M. le ministre, et par nos invités.

Nous avons devant nous les représentants du Regroupement pour un Québec vert. C'est ce mémoire qui nous est présenté, que nous étudions et sur lequel nous allons avoir une discussion. Que des membres du regroupement - car je présume que si c'est un regroupement, cela regroupe du monde ou des organismes, donc des entités - à l'occasion de la présentation du mémoire de leur regroupement, veuillent apporter des éléments d'information, cela va.

Il est clair - je pense que M. Désy comprend très bien la nuance - qu'il n'est pas question qu'il utilise le temps qui pourrait lui être imparti pour faire la présentation d'un mémoire spécifique d'un organisme différent, même si celui-ci est membre du regroupement.

Cette nuance étant faite, je pense qu'on peut continuer la discussion autour de

la présentation de nos invités. De toute façon, les membres de la commission pourront ajuster le tir à l'égard de leur intervention par la suite. M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: M. le Président, je voudrais simplement ajouter un commentaire. Je vous inviterais également à la prudence à certains égards. Ce matin, on a entendu la Fédération des producteurs de bois du Québec. Mon syndicat de base de la Beauce avait demandé à être entendu. On avait décidé d'un commun accord que c'était la fédération qui représenterait chacun des organismes ou les syndicats de base et, à ce moment, on mettrait cela en commun. Un ordre du jour a été établi entre les deux leaders, de l'Opposition et du gouvernement, en vue d'entendre les mémoires qui ont également été numérotés.

J'aimerais - je pense que ce serait préférable et équitable - pour que cela ne se reproduise pas, que ce ne soit pas présenté comme mémoire, mais comme annexe au mémoire. Ce n'est pas numéroté et cela n'apparaît pas à l'ordre du jour. Je pense qu'il y aurait peut-être un certain danger; on est sur la corde raide et c'est peut-être dangeureux.

Le Président (M. Charbonneau): Je comprends que j'arrive parfois à invoquer l'ancienneté que j'ai dans cette enceinte depuis dix ans, mais je puis vous dire que c'est arrivé souvent et je présume que cela va arriver encore souvent. L'important, c'est qu'on n'ait pas la présentation de deux mémoires. Mais il est évident que lorsque certains organismes sont des organismes parapluie ou des organismes représentatifs, il peut y avoir, à un moment donné, un organisme qui décide de céder une partie de son temps de parole à l'une de ses composantes. Je pense que c'est clair que nous avons donné un temps limité de parole et de discussion à un organisme qui s'appelle le Regroupement pour un Québec vert et que ce n'est pas uniquement le point de vue d'un conseil régional qui serait membre de ce regroupement que nous allons entendre à ce moment-ci. Je pense qu'on a eu la présentation du secrétaire général. (14 h 30)

M. Audet: Je suis d'accord, M. le Président, et c'est à ce titre que je fais cette intervention. Que cela ne soit pas présenté comme mémoire, mais comme annexe au mémoire à certains égards parce qu'à ce moment-là, le Syndicat des producteurs de bois de la Beauce aurait pu présenter un mémoire, ce matin, glissé sous le mémoire de la Fédération des producteurs de bois.

Le Président (M. Charbonneau): À cet égard, je vous réfère au...

M. Audet: C'est parce que cela peut créer un précédent,

Le Président (M. Charbonneau): On se comprend bien, mais je vous réfère è cet égard aux propos que j'ai tenus dès le moment où je vous ai senti grenouiller un peu et vous agiter autour de moi. Je suis intervenu et j'ai fait cette mise au point que je viens de refaire et que vous reprenez à votre compte. Donc, on est sur la même longueur d'onde et on se comprend bien.

M. le député d'Ungava et M. le vice-président.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Hier, le député de Saguenay nous accusait de perdre du temps. C'est dommage qu'il ne soit pas ici aujourd'hui pour répéter la même chose envers ses collègues du parti ministériel. Je pense que chaque organisme qui dépose un mémoire a le droit de se faire représenter par qui il veut. Alors, je demanderais que les personnes qui ont été choisies pour discuter des mémoires, parce qu'on va parler du mémoire qui a été déposé, soit le 20M, que les personnes qui ont été choisies par le Regroupement pour un Québec vert soient entendues immédiatement. C'est à eux de choisir leurs interlocuteurs.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vimont.

M. Théorêt: Oui, une dernière intervention, M. le Président, pour porter à la connaissance des membres de la commission que dans le document que nous a remis, il y a à peine quelques minutes, le Regroupement pour un Québec vert il est mentionné et je cite: "Le Regroupement pour un Québec vert, étant constitué de quelque 23 organismes, a invité ces derniers à nous soumettre leurs réflexions sur l'avant-projet de loi." Ainsi, en annexe au présent mémoire, nous incluons les mémoires du département de santé communautaire de Rimouski, du CLSC Les Aboiteaux, de Denis Lambert, anthropologue, du Mouvement écologique et alternatif de l'Université du Québec à Montréal qui sera déposé un peu plus tard, et du Collectif forêt intervention. En aucun endroit, n'est mentionné le Conseil régional de l'environnement. Donc, je voudrais bien que ce soit clair, qu'on discute et que l'intervention du représentant du Conseil régional de l'environnement se fasse strictement sur le Regroupement pour un Québec vert et à ce titre.

Le Président (M. Charbonneau): Je vous signale que le secrétaire de la commission, en date du 18 septembre, a reçu une

communication indiquant que, comme la commission n'avait pu accepter la demande du Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous joignons leur mémoire en annexe à celui du Regroupement pour un Québec vert. C'est signé par M. L'Italien.

Une voix: C'est une annexe.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que c'est une annexe comme les autres. À cet égard, je voudrais simplement aviser les membres de la commission qu'il ne faudrait peut-être pas couper les cheveux en quatre, dans la mesure où les organismes-parapluies qui regroupent un certain nombre de leurs composantes, je pense que la tradition veut que ce soit à eux d'établir un peu leur délégation et la façon dont ils veulent fonctionner. La seule chose que je redis, c'est que la commission a accordé un temps particulier de présentation et de discussion avec ses membres au regroupement; et c'est avec cet organisme qui, je présume, comprend un certain nombre d'organismes, comme on vient de le signaler, que nous allons poursuivre la discussion et la présentation ainsi que les échanges. Cela va?

M. L'Italien: C'est d'ailleurs pourquoi je vous souligne, M. le Président, que j'ai expressément pris seulement environ sept à huit minutes, si ma mémoire est bonne, pour laisser amplement de temps à d'autres organismes membres d'exprimer leur point de vue.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord.

M. L'Italien: Je soulignerai également en supplément que, compte tenu du temps que nous avions eu pour remettre tes mémoires, la synchronisation était particulièrement difficile parce qu'on était un organisme provincial. Or, avec des gens un peu partout en province, ce n'est pas toujours facile de savoir exactement qui va déposer son mémoire et est-ce que cela va se faire à temps.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, l'annexe du mémoire, du document du regroupement a été présenté et soumis au secrétaire de la commission il n'y a pas tellement longtemps.

M. L'Italien: C'est cela.

Le Président (M. Charbonneau): C'est aujourd'hui même.

M. L'Italien: Aujourd'hui même, c'est cela.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela va pour tout le monde? Très bien. Alors...

Une voix: ...ce que mon collègue dit.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez, je pense que, de part et d'autre, vous êtes responsables, mes chers collègues, de ce que vous dites et de ce que vous faites. Tout ce que le président peut faire, c'est de faire appliquer le règlement.

Une voix: ...

Le Président (M. Charbonneau): Voilà. M. Désy, s'il vous plaît.

M. Désy: Je suis bien content de pouvoir commencer.

Le Président (M. Charbonneau): Ne jetez pas d'huile sur le feu...

M. Désy: D'accord, j'y vais. Notre intervention au CRE...

Le Président (M. Charbonneau): ...c'est dangereux avec le bois.

M. Désy: Notre intervention s'inscrit un peu dans la foulée de ce qui s'appellerait les "backlog" ou, enfin, les pots cassés de l'industrie forestière du dernier siècle. Autrement dit, c'est tout ce qui a été détérioré au fond des rivières, ce que j'appelle les rivières noyées; donc, l'"ennoiement" par les compagnies forestières, essentiellement, des rivières flottées, des rivières dravées.

Il y a, à cet égard, seulement deux recommandations très simples: La première, c'est l'élimination graduelle du flottage du bois sur tout le territoire québécois avec un horizon de cinq ans. Disons 1990, 1991.

La deuxième recommandation, c'est la réhabilitation du lit de toutes les rivières et lacs flottés au Québec avec un horizon possible de quinze ans.

La première recommandation s'appuie simplement ou impliquerait peut-être au départ une remise à jour de l'état de la situation et de la problématique déjà soulevée par le ministère des Terres et Forêts en 1978. Vous vous rappelez, il y a un ouvrage publié par le ministère des Terres et Forêts intitulé: "Le flottage du bois au Québec peut-il être abandonné?" On voudrait que ce soit remis à jour et une volonté politique de négociation serrée du gouvernement avec les compagnies impliquées pour l'établissement d'un calendrier raisonnable d'élimination à peu près totale de cette pratique au Québec.

Sur ce point, nous rappellerons quelques faits sur lesquels le MENVIQ n'a pas encore

élaboré de politique consistante sur le flottage du bois et s'en tient à des voeux pieux d'arrêt éventuel de cette pratique. C'est récemment le ministre Lincoln qui était l'auteur de ces paroles. D'autre part, il y a une étude en cours, qui traîne en longueur, sur la Saint-Maurice qui essaie d'établir des modalités d'arrêt de cette... On sait pertinemment, de gens qui sont près de cette étude, que les recommandations sont près de celles au moins des fonctionnaires de ce ministère.

La seconde recommandation, celle de la réhabilitation - et je finirai là-dessus -s'appuie sur des considérants qui relèvent de l'éthique sociale, soit la réparation des dommages organiques et structurels causés à la nature depuis 100 ans et 150 ans, dans certains cas, par des compagnies sans la moindre compensation, ni le moindre remords. Ces investissements feraient d'une pierre deux coups, le maintien sinon la relance de l'emploi dans le secteur forestier, en stagnation ou en décroissance par l'effet pervers de la haute technologie en forêt comme en usine, et on pourrait même espérer l'apparition de PME spécialisées dans le secteur de la récupération des billes, phénomène déjà amorcé par l'expérience pilote de la Rivière-aux-Rats, dans le secteur de Dolbeau. Il existe déjà de petites entreprises, une petite entreprise spécialisée dans le domaine qui essaie de se rentabiliser depuis cinq ans et qui n'arrive pas vraiment à le faire, parce qu'il n'y a qu'une compagnie qui lui achète du bois, c'est la Donohue, et c'est la seule qui n'a rien flotté sur les rivières du Lac-Saint-Jean depuis qu'elle fonctionne. Les autres compagnies ne veulent rien acheter.

Je crois que ce serait de toute équité que l'avant-projet de loi qu'on propose inclue des obligations d'achat systématique des billes récupérées par des entrepreneurs, un pourcentage quelconque qu'il faudrait déterminer, et qu'il y ait des ententes très serrées entre les compagnies forestières et les entreprises qui voudraient partir.

J'estime qu'il y a au moins une quarantaine de rivières qui pourraient être dépolluées de cette manière au moins par les billes qui sont dans le fond de l'eau et cela pourrait créer peut-être 400 à 500 emplois. Ce ne serait que justice sociale de la part de ces compagnies que d'encourager ce genre d'entreprise. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. J'en aurais beaucoup plus, mais je n'ai pas le temps.

Le Président (M. Charbonneau): Merci.

M. L'Italien: Oui, il y a M. Beauregard qui a un aparté à faire par rapport à la gestion.

M. Beauregard (Robert): L'aparté que je vais faire a été préparé par le Collectif forêt-intervention. Il concerne différents points assez précis de l'avant-projet de loi. Tout d'abord, à propos des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier, en 1972, l'État manifestait une volonté de révoquer graduellement toutes les concessions forestières du Québec. Il s'en suivit une négociation puisqu'il a fallu payer l'industrie pour les infrastructures routières implantées par les compagnies. L'industrie, quant è elle, n'aura jamais de comptes à rendre sur ce qu'il en coûtera pour remettre en production des superficies forestières rendues improductives, résultat de coupes abusives.

Après que l'État eut payé pour reprendre en main ses propres forêts publiques, il redonne maintenant à l'industrie des allocations de bois sur des territoires délimités, territoires probablement voués prioritairement à la production forestière, selon le nouveau système d'affectation des terres, autre initiative unilatérale du ministère de l'Énergie et des Ressources en matière d'aménagement du territoire. N'est-ce pas une forme de concession sans le nom?On a dit souvent que le régime forestier nouveau n'était pas un nouveau régime forestier mais un nouveau lexique.

Désormais, les propriétaires que nous sommes défraieront la note pour les pots cassés antérieurement. C'est ce que l'on appelle le "backlog". Plus encore, devrons-nous payer un forfait supplémentaire pour avoir accès à des terres que le ministre peut nous interdire en tout temps. Vraiment, votre générosité est sans borne, mieux qu'une privatisation, un nouveau régime.

À propos des droits de coupe, le nouveau régime forestier fera disparaître les droits de coupe, tels que nous les connaissons présentement. De toute façon, la valeur de ces droits de coupe était depuis longtemps ridicule par rapport à ce qu'il en coûte réellement pour renouveler la forêt. Mais une nouvelle tarification basée sur la valeur marchande des bois ne risque-t-elle pas d'être encore plus ridicule?

Que veut dire réellement le concept de valeur marchande des bois'? Cela veut dire simplement la valeur du bois sur le marché, une valeur fluctuant et se fixant grâce au libre jeu des lois économiques de l'offre et de la demande. Or, le marché québécois de la matière ligneuse se caractérise surtout par une concurrence très imparfaite. Par exemple, l'industrie des pâtes et papiers, elle-même très concentrée, contrôlait, en 1983, 74 % de la demande de la matière ligneuse, bois rond et copeaux. De plus, par le truchement de leurs grandes propriétés privées, de leurs concessions forestières et de leurs contrats d'approvisionnement, ces mêmes papetières contrôlaient aussi 43 % de l'offre de la matière ligneuse, d'après

Statistique Canada.

Donc, l'analyse conduit logiquement à considérer une tarification basée sur la valeur marchande du bois comme une avenue où les droits payés par l'industrie seront potentiellement, voire inévitablement, à la baisse et dépendants de la volonté de l'industrie des pâtes et papiers.

Nous ne contestons pas que le système actuel de tarification soit inadéquat, mais, quant à changer, faisons-le pour le mieux. Les droits de coupe, même arbitraires et ridicules qu'ils étaient, avaient au moins tendance à monter.

Je pense que le comble dans cette histoire, ce sont bien les arrérages. Tous les bois qui ont été pour ainsi dire... Les coupes à blanc de grandes superficies ne se sont jamais régénérées. La régnération en sera assumée par le gouvernement qui est en période de coupures budgétaires. Alors, quand cela se fera-t-il? On ne le sait pas.

La forêt privée. À l'annonce du livre blanc "Bâtir une forêt pour l'avenir", en juin 1985, quelques espoirs étaient permis du côté de la forêt privée. Le ministère de l'Énergie et des Ressources promettait de donner la priorité aux bois de la forêt privée par rapport à ceux de la forêt publique, mais cela ne fut que promesses éphémères.

La forêt privée vit actuellement une situation difficile quant à la mise en marché des bois. L'industrie s'approvisionne à 80 % de la forêt publique via ses contrats d'approvisionnement, ses concessions et les copeaux des scieries. Les producteurs de la petite forêt privée du Québec avec un faible 20 % du marché doivent concurrencer les coûts de production du bois de la forêt publique. Ces coûts ont tendance à demeurer très faibles. Cela, parce que les droits de coupe sont minimes et que les coupes sont souvent abusives. Dans ce contexte, demeurer concurrentiels, pour les producteurs de la forêt privée, signifie produire du bois à rabais, conditions salariales et de travail difficiles, travail au noir, soumission à des critères de qualité sévères auxquels il faudrait ajouter le manque d'aménagement, ce qui est très important, faute d'un prix soutenu du bois.

Une hausse des tarifs de bois de toute provenance est nécessaire pour sauver la forêt privée québécoise. La priorité accordée au bois de la forêt privée aurait peut-être permis cette hausse des prix du bois. Il semble que le lobby des compagnies papetières ait refusé d'en entendre parler. Au demeurant, ces compagnies sont encore une fois favorisées par la détaxation accordée avec le nouveau statut de producteur forestier, étant elles-mêmes de grands propriétaires forestiers.

En guise de conclusion, finalement, tout l'exercice de cet avant-projet de loi pèche surtout par l'évacuation des débats publics, des enjeux cruciaux pour l'ensemble de la population. À la lecture de l'avant-projet, il apparaît évident que la véritable politique forestière du gouvernement échappera à la discussion en commission parlementaire déjà si restreinte au public.

D'abord parce que le texte prend son originalité dans l'effort fait pour qu'il demeure le plus vague et imprécis possible, puis les modalités d'application de la loi, les règlements, les tarifications, les critères techniques, le financement de l'aménagement ne sont pas encore connus et feront probablement partie d'une documentation réservée à la technocratie du ministère.

Donc, l'essentiel de la politique forestière qui sera vraisemblablement instaurée n'est pas présent dans l'avant-projet de loi. Le gouvernement, avec son avant-projet de loi, aura démontré une chose: la population est exclue des débats, donc des décisions concernant ses propres richesses. Merci. (14 h 45)

Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Ça va, M. L'Italien?

M. L'Italien: Ça va.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce qu'il y a d'autres mémoires à lire?

Le Président (M. Charbonneau): C'est-à-dire que le temps de présentation du point de vue du Regroupement pour un Québec vert...

M. Côté (Rîvière-du-Loup): II en reste deux ou trois d'inscrits.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais il y a aussi le temps. Je tiens à vous rappeler qu'on s'était donné des limites pour la présentation des points de vue.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Pour commencer, je voudrais d'abord signaler que les rapports sur les 44 unités de gestion qui ont été élaborés dans les années 1974 et 1975 sont encore utilisés et que nous faisons des efforts pour les maintenir à jour. Là-dessus, je vous dirais que le cahier des possibilités est réévalué chaque année pour tenir compte de l'inventaire, du rendement des travaux, des épidémies, des feux et de la comptabilité forestière. Quand on parle de rendement, évidemment, si on a en vue un programme de régénération artificielle et naturelle, c'est bien sûr qu'il faut l'évaluer et l'escompter. C'est comme quelqu'un qui sème des carottes au début de l'année, je pense bien qu'il pense pouvoir en manger un peu plus tard.

Le rendement des plantations du côté du ministère ou Se reboisement naturel ou artificiel est escompté à 3,4 et 4,6 mètres cubes à l'hectare, alors que, selon nos connaissances, selon nos données empiriques et nos données sur le terrain, on peut évaluer que l'accroissement moyen annuel en mètres cubes à l'hectare variera de 4 à 9,14 mètres cubes è l'hectare suivant les essences, les sols, etc., avec un horizon de 40, 45 ou 50 ans. Dans les peuplements naturels d'épinettes noires, on peut escompter seulement un mètre cube à l'hectare de rendement sur un horizon de 90 ans, et le rendement est encore inférieur dans les sapinières, et ce, avec une rotation de 65 ans. Là-dessus, je relève un peu ce que vous avez dit au sujet des rapports sur les unités de gestion et les suggestions qui y étaient faites pour aménager la forêt et les programmes de travaux qui y étaient indiqués. Quant à la forêt privée, je demanderais à M. L'Italien s'il est au courant de l'effort que le gouvernement fait depuis quelques années et cette année pour le compte de la forêt privée.

M. L'Italien: À part le statut de producteur forestier qui a été donné comme cela, qui n'est en fait qu'un statut qui était promis depuis longtemps, ce sur quoi on se questionnait était de savoir, dans le premier livre blanc du ministre précédent qui voulait privilégier la forêt privée pour qu'enfin ils aient leur place au niveau des approvisionnements pour les grandes papetières entre autres... On comprend mal comment il se fait qu'ils soient relégués presque aux oubliettes dans le projet de loi?

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. L'Italien, cela ne répond pas à ma question. Je vous demande si vous êtes au courant de l'effort que le gouvernement fait pour la forêt privée?

M. L'Italien: Robert va répondre.

M. Beauregard: Oui, il existe des programmes pour soutenir les propriétaires de boisés. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir qu'on est dans un contexte de coupures budgétaires. Étant donné que, dans la loi, les programmes de soutien à la forêt privée ne sont pas inclus, il demeure une possibilité pour le ministre de les soutenir et de les maintenir. Nous craignons fort que cela soit dans les intentions du ministère de délaisser la forêt privée au profit de la forêt publique s'il y avait davantage de coupures budgétaires. Je crois qu'il y a des hauts fonctionnaires qui ont déjà exprimés l'avis qu'advenant une coupure de budget, ce ne serait pas la forêt publique qu'on laisserait tomber, ce serait d'abord la forêt privée. C'est de là que viennent nos craintes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M.

Beauregard, je me permets de vous reprendre. Ce matin, nous avions ici des représentants de la Fédération des producteurs de bois, et j'ai affirmé exactement le contraire de ce que vous me dites. M. Dallaire et son groupe ne m'ont pas contredit sur cette question. Nous finançons et contribuons à une foule de travaux sur la forêt privée et, cette année, nous avons ajouté trois ou quatre genres de travaux, à savoir la voirie forestière, le drainage et un autre que j'oublie. Notre effort sur la forêt privée même si vous pensez qu'on la laisse pour compte... On peut simplifier, on peut résumer. Si vous voulez, je vous donnerai des chiffres pour chacune des interventions, les coupes d'éclaircie, les reboisements, la préparation du terrain, la reconversion de peuplement, etc. Je vous donnerai les chiffres, si vous les voulez. La forêt privée coupe sensiblement tout ce qu'elle peut couper au moins à toutes les années et cela se résume à un effort de 9 $ le mètre cube. Si on compare cela è la forêt publique, on devrait certainement injecter dans la forêt publique, en tenant compte de superficies proportionnelles, 45 $ à 50 $ le mètre cube. Cela signifie que notre effort est cinq fois inférieur pour la forêt publique que pour la forêt privée et je ne vois pas pourquoi vous me dites qu'on la laisse pour compte, à moins que vous n'ayez d'autres explications.

M. Beauregard: Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a la question des subventions, bien sûr, qui fait que les propriétaires de forêts privées peuvent faire de l'aménagement, mais il y a la question du prix du bois aussi. S'il en coûte environ 108 $ pour produire une tonne de bois pour une papetière et que la compagnie peut l'avoir en copeaux à 68 $ ou 72 $, le propriétaire de forêt privée, lui, c'est évident, ne peut pas produire... Si ses coûts sont de 100 $ à 108 $ et qu'il est obligé de la vendre à 63 $, c'est clair qu'il faut subventionner "au boutte" pour qu'il arrive à survivre, mais il arrive seulement à survivre. Il n'est pas encore dans une situation où il peut aménager de façon réaliste. Ce qu'il faudrait, ce n'est pas tant des subventions mais une politique de soutien des prix du bois. C'est-à-dire qu'actuellement on a une situation monopolistique où les papetières contrôlent la valeur, le prix du bois sur le marché parce qu'elles contrôlent une bonne partie de l'offre et la totalité de la demande pratiquement. Alors, les prix chez les propriétaires de forêts privées sont totalement déprimés et c'est ce qui rend la situation aussi dramatique.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour la forêt privée, les offices de producteurs vendent le bois actuellement 25 $ ou 26 $

le mètre cube aux papetières et vous arrivez avec ce chiffre de 108 $ le mètre cube. C'est à la tonne?

M. Beauregard: À la tonne.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela fait 108 $ la tonne?

M. Beauregard: Je sais, par des chiffres que j'ai entendus de gens qui travaillent dans des papetières, que cela coûte alentour de 108 $ la tonne, arrivé à l'usine.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous n'avez pas les bonnes densités concernant le sapin et l'épinette. De toute façon... Je cède la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de procéder à certaines questions, vous poser une question, M. le Président, ou demander une directive. Nous avons actuellement dans la salle depuis hier des représentants de la presse qui ne sont pas nécessairement membres de la Tribune de la presse et ces personnes ne peuvent obtenir de mémoires actuellement. Serait-il possible qu'on puisse voir...

Le Président (M. Charbonneau): C'est déjà réglé, M. le député.

M. Perron: C'est déjà réglé?

Le Président (M. Charbonneau): En tout cas, pour l'un d'entre eux. Je ne sais pas s'il y en a d'autres.

M. Perron: On parle de La terre de chez nous par exemple et de Forêt-conservation.

Le Président (M. Charbonneau): La terre de chez nous, c'est réglé. S'il y a d'autres problèmes, je demanderais aux gens de faire ce que le journaliste de La terre de chez nous a fait, c'est-à-dire nous donner la liste des mémoires qu'ils désirent obtenir et on s'organisera à la direction de la commission. Le secrétaire de la commission avait été plus restrictif mais le président a pris sur lui de faire en sorte que les journalistes puissent avoir accès aux documents, même s'ils ne sont pas membres de la Tribune parlementaire. Je pense qu'il y a plusieurs médias qui sont spécialisés ou particulièrement concernés par la couverture de cette commission, donc, il n'y a pas de problème pour vous fournir la documentation nécessaire.

M. Perron: Merci, M. le Président, de ce changement.

Le Président (M. Charbonneau): C'est normal.

M. Perron: Je pense que cela va profiter à tout le monde.

M. le Président, je voudrais bien sûr remercier les représentants des différents organismes par le biais de ce regroupement et assurer les membres de ce regroupement que nous avons porté une attention toute spéciale aux différents mémoires que vous avez regroupés et présentés devant les membres de cette commission. Certains de mes collègues de l'Opposition vont sûrement intervenir mais je le ferai dans un premier temps comme commentaire et en même temps, au fur et à mesure que j'avancerai dans votre mémoire, pour poser les questions qui nous intéressent. Je vais m'adresser, quant à moi, surtout au Regroupement pour un Québec vert.

D'abord, je voudrais vous souligner une partie de phrase, à la page 2 de votre mémoire, dans le deuxième paragraphe, où on se demande ce qu'il restera de ces unités de gestion avec ce projet muet sur ce point. D'abord, nous l'avons constaté dès le début et nous savons très bien que l'avant-projet de loi du ministre délégué aux Forêts est un avant-projet de loi sectoriel. Je crois que vous n'êtes pas les seuls à réaliser que dans ce projet de loi, il manque beaucoup d'aspects très intéressants qui avaient été soulevés dans le livre blanc de juin 1985.

Dans le troisième paragraphe, vous mentionnez: "Aucun bilan de ce type de gestion par région ne nous a été fourni. Encore une fois, un autre gouvernement vient ainsi reconcentrer les pouvoirs à Québec. C'est de la chaise musicale." Est-ce que vous pourriez détailler quelque peu ce point précis, parce que c'est tout de même une affirmation assez importante?

M. L'Italien: Je pense que je vais laisser à mon collègue, M. Beauregard, le soin de répondre, parce que l'argumentation avait été développée surtout par le collectif à ce niveau.

M. Perron: Aucun problème, monsieur.

M. L'Italien: Celui qui a le plus travaillé sur la partie de ce mémoire n'a pu être là aujourd'hui. Je dois vous avouer que...

M. Perron: Alors, écoutez, pour le bénéfice de la cause, est-ce que cette personne pourrait, soit me faire parvenir ou faire parvenir aux membres de cette commission des explications sur ce paragraphe en question?

M. L'Italien: M. Beauregard peut vous glisser quelques mots à ce sujet.

M. Beauregard: Je vais contacter effectivement la personne qui a travaillé sur cette partie-là, mais sur la question de la concentration des pouvoirs à Québec ou de gestion transparente, nous avions une question pour le ministre. C'était à propos des plans de gestion qui vont être faits par les contractuels, les gens qui vont avoir des contrats d'approvisionnement. Ils vont faire des plans quinquennaux qui devront être approuvés par le ministère. Est-ce que ces plans vont être rendus publics? On sait que les plans de gestion sont actuellement du domaine public. N'importe qui y a accès, peut les consulter, voir quels sont les plans de développement. Est-ce qu'on va avoir accès aussi aux plans de gestion élaborés par les entreprises contractuelles et qui vont devoir s'appliquer sur les terrains publics?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le Président. Avant de répondre à votre question, M. Beauregard, permettez-moi de revenir un peu sur la forêt privée. C'est la première fois depuis toujours que, dans un projet loi, le ministre exprime sa volonté d'aider la forêt privée et, même s'il n'y a que trois ou quatre articles, c'est déjà inscrit là et c'est une obligation que les ministres et moi respecterons, si cela peut vous rassurer. Du côté de la forêt privée, nous avons traité cette année... Il y a les propriétaires regroupés, 47 500 hectares de forêt et, par le biais des particuliers, des individus, 30 700. C'était le programme de l'année. Nous injectons l'équivalent de 45 000 000 $ en forêt privée. Le statut du producteur forestier était recommandé par le professeur Lortie. Il n'était pas inscrit depuis longtemps, il était recommandé et il a une certaine popularité, puisque 15 000 propriétaires y ont adhéré et auront droit à un remboursement d'impôt sur leur rapport d'impôt.

Quant à l'accès aux plans d'aménagement, les plans quinquennaux, ils ne seront pas publiés, parce que cela va coûter une fortune, mais je suis convaincu qu'on fera le nécessaire pour que vous puissiez les consulter au besoin dans les différents bureaux du ministère et probablement, au bureau de Québec aussi. Est-ce que cela répond à votre question?

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.

M. le député de... (15 heures)

M. Perron: M. le Président, je continue mon intervention dans le sens suivant: lorsqu'on mentionne dans le mémoire du regroupement que ce projet de loi est encore mieux qu'une privatisation de la forêt, nous, de l'Opposition, considérons que c'est vrai dans le sens où on permet effectivement, par l'avant-projet de loi et surtout par ces modalités, que la forêt publique soit presque remise entre les mains des grosses institutions que nous avons au Québec.

Lorsqu'on regarde l'article 35 de l'avant-projet de loi et certains autres articles, on est en droit de se poser de sérieuses questions quant à l'application qui était prévue dans le livre blanc de 1985.

Vous parlez aussi des lois du marché de la forêt privée. Là-dessus, encore là, voua avez en grande partie raison car, selon nous, l'avant-projet de loi lui-même qui est toujours pour nous un projet de loi sectoriel, a complètement oublié que la forêt du Québec est d'abord la propriété de la population du Québec. Si on part de ce principe, on ne doit pas donner n'importe quelle juridiction à n'importe qui se rapportant à ce qui appartient au peuple du Québec.

Plus loin dans votre mémoire, à la page 4, vous mentionnez: Le volume supplémentaire n'est pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits payables par le bénéficiaire en vertu de l'article 4. Je pourrais peut-être élaborer quelque peu sur le volume total en foresterie. D'abord, trois facteurs contribuent à augmenter le rendement de la forêt. Je pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec les trois facteurs principaux qui sont: te capital, le travail et le territoire, et qui donnent un résultat qui s'appelle intérêt.

À titre d'explication, le capital nous donne l'objectif suivant: les arbres, donc une propriété. Lorsqu'on parle de travail, on parle de travaux qui se font en forêt, comme le reboisement. Lorsqu'on parle de territoire, on parle de terres publiques et, lorsqu'on parle d'intérêt, c'est l'accroissement de la possibilité forestière.

À partir de ces trois grands principes, le système proposé à l'article 37 concernant le droit de coupe gratuit sur l'accroissement de la possibilité est, pour nous, inacceptable car il récompense en quelque sorte l'industrie pour les deux premiers facteurs, c'est-à-dire le capital et le travail. Nous considérons que l'utilisation du territoire lui-même devient gratuite et que le territoire devient la propriété des institutions qui ont collaboré à l'établissement de l'aménagement.

Il y a un net danger à ce niveau, et je crois que le gouvernement devra faire des efforts budgétaires additionnels qui sont inconnus actuellement du ministre délégué aux Forêts qui devra savoir se défendre vraiment sur le fond lorsqu'il se présentera devant le Conseil du trésor pour obtenir gain de cause et des budgets additionnels.

D'autre part, et là c'est intéressant parce que c'est relevé par presque tous les organismes, il s'agit de la question de la

réglementation. Je l'ai dit antérieurement, mes collègues l'ont dit et on ne te répétera jamais assez, dans l'avant-projet de loi, on parle de 58 pouvoirs discrétionnaires de la part du ministre. On parle de 48 pouvoirs réglementaires qui sont regroupés dans un règlement général ou dans plusieurs règlements parallèles, II demeure que ce sont quand même des règlements.

M. le Président, au cours de la journée d'hier et non pas de ce matin, le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre délégué aux Forêts ont rebattu les oreilles des membres de l'Opposition concernant le fameux article 4 de l'ancienne loi qui est aboli par l'article 109 de l'avant-projet de loi. Vous me permettrez, M. le Président, de lire l'article 4 de la loi actuelle, Loi sur les terres et forêts. "Arrêté ministériel. Le gouvernement peut passer les arrêtés nécessaires pour mettre à effet les dispositions de la présente loi suivant leur vrai sens ou dans le but de pourvoir aux cas qui peuvent se présenter et pour lesquels il n'est pas établi de dispositions par la présente loi."

Au deuxième paragraphe, l'article se lit comme suit: "Sans restreindre les pouvoirs que les lois du Québec en vigueur le 20 avril 1934 confèrent au gouvernement, celui-ci peut établir quant aux comtés de Matane, Gaspé-Nord, Gaspé-Sud, Bonaventure et Charlevoix-Saguenay, des droits de coupe et de rentes foncières différents de ceux en vigueur dans le reste du Québec." Nous sommes d'accord pour que cette partie-là saute. Nous sommes d'accord pour que l'autre partie saute aussi. Mais lorsqu'on parle de l'article 109 de la loi actuelle qui se lit comme suit - je parle de l'avant-projet de loi que nous avons devant nous: "La présente loi remplace les articles 4, 5, 6 et 66 à 168 de la Loi sur les terres et forêts. Ces dispositions demeurent toutefois en vigueur dans la mesure nécessaire pour donner effet à l'article 106..."

Alors, les membres du gouvernement nous disaient hier que le pouvoir réglementaire qui est prévu dans la loi actuelle sautait en adoptant l'article 109 dont je viens de faire mention. Je voudrais savoir pourquoi, à ce moment-là, les ministres qui parlent d'avoir aboli les pouvoirs réglementaires prévus dans la loi actuelle, pourquoi, dis-je, à l'article 111 de ce même projet de loi on en arrive pratiquement exactement au même texte que l'article 4 de la loi actuelle, premier paragraphe: "Le gouvernement peut, par règlement, prendre toute autre disposition provisoire et transitoire permettant de suppléer à toute omission pour assurer l'application de la présente loi". Donc, le résultat est que cet article 111 que nous avons dans l'avant-projet de loi est pratiquement le même, il donne les mêmes résultats que l'article que nous avons actuellement. Je voudrais dire au ministre de l'Énergie et des Ressources ainsi qu'au ministre délégué aux Forêts, que cela ne change rien et qu'il n'y a pas lieu, dans ce cas précis, de nous informer ou de nous redire et re-redire, régulièrement, qu'il a aboli l'article 4 de la loi actuelle par l'article 109 de l'avant-projet de loi. Il faudrait peut-être que le ministre aille faire ses devoirs de ce côté-là.

M. le Président, mes collègues de l'Opposition et moi-même avons soutenu que le pouvoir réglementaire était très élevé dans cet avant-projet de loi, et nous allons continuer à le soutenir jusqu'à ce que le gouvernement change ses positions, tout en espérant que, dans le projet de loi final qui nous sera éventuellement présenté, les pouvoirs réglementaires et discrétionnaires du ministre seront baissés au minimum.

Je continue mon intervention et j'aurais quelques questions à vous poser. En fait, j'aurais quatre courtes questions. À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez les méthodes de coupe du type coupe à blanc, ces méthodes qui font et feront des déserts, des laideurs qui coûteront et coûtent des fortunes à restaurer. La question suivante fut posée à quelques organismes qui se sont présentés devant nous depuis hier concernant la coupe à blanc. Est-ce que, pour vous, en tant que regroupement, la coupe à blanc peut se révéler la seule méthode valable dans certaines circonstances et dans certaines régions du Québec?

M. L'Italien: Je vais laisser Daniel Vanier préciser à ce sujet-là.

M. Vanier (Daniel): Premièrement, concernant la coupe à blanc, cela dépend de la superficie qu'on coupe. Quand on fait de la coupe à blanc sur de grandes superficies, comme cela se passe sur des centaines de kilomètres carrés, à ce moment-là on voit qu'il y a une destruction des habitats fauniques. On voit aussi que cela peut causer, au niveau de la regénération naturelle, beaucoup de problèmes. Les coupes qu'on a utilisées avec la mécanisation qui s'est faite ces dernières années, les coupes à blanc sur de grandes superficies ont fait en sorte qu'en 1977, selon les données du ministère de l'Énergie et des Ressources, on avait 7 000 000 d'acres de forêts qui étaient peu ou mal regénérés. Quand on parle de mal regénérés, c'est soit qu'il y a sur le terrain du peuplier faux tremble, du bouleau blanc, et ce sont des essences qui sont peu valables au niveau commercial.

Notre position, en tant que Regroupement pour un Québec vert est de changer les méthodes de coupe traditionnelles qu'il y avait dans le passé. Avec l'actuel projet de loi, c'est loin d'être un changement à ce

sujet. Je veux juste citer un petit paragraphe d'un document qui a été publié après la remise des mémoires - il faut le préciser -et qui s'intitule Les modalités d'intervention en milieu forestier. C'est à la page 9. Ce petit paragraphe se rapporte à la zone forestière de production qui représente environ 89 % du territoire, si on fait un pourcentage.

De façon générale, la régénération naturelle subséquente à des récoltes de matières ligneuses effectuées selon les méthodes traditionnelles, c'est-à-dire les coupes à blanc sur grandes superficies, comme cela se passait auparavant, ou les coupes à diamètre limite, se révèle suffisante pour que la forêt continue de jouer son rôle sur les plans écologique, faunique et récréatif. Cette régénération naturelle n'est toutefois pas toujours adéquate pour répondre aux besoins de l'industrie et des interventions additionnelles s'imposent alors. Quand on parle d'interventions additionnelles, c'est bien sûr le reboisement. Donc, cela veut dire qu'avec les méthodes de coupe on va avoir encore les coupes à blanc sur grandes superficies, et cela va causer certains problèmes dans la forêt au plan de la destruction des habitats fauniques et de la régénération.

Pour certains peuplements spécifiques, il se pourrait qu'il faille faire certaines coupes à blanc. Ce que nous proposons, ce sont des coupes à blanc sur de faibles superficies, des coupes par bandes, des coupes par trouées et des coupes par damiers. Ce genre de coupes, selon les expériences scientifiques passées des ingénieurs forestiers qui ont fait du travail sur le terrain semble donner d'excellents rendements.

Bien sûr, on va avoir besoin du reboisement. Nous voyons le reboisement comme un élément palliatif à un manque de régénération naturelle, c'est-à-dire qu'il ne faut pas trop mettre tous nos oeufs, tout notre argent, tous nos investissements dans le reboisement seulement. Cela peut nous jouer de mauvais tours.

Tantôt, monsieur, vous avez parlé, au sujet de l'article 37, de l'hypothèse que l'on faisait d'un rendement plus grand de la forêt. Cela peut causer certains problèmes et cela peut être dangereux aussi pour la forêt. Si l'on fait une hypothèse et qu'on dit à la compagnie: On vous alloue un volume plus grand de coupe, à ce moment-là, peut-être deux, trois ans après, une épidémie de tordeuses peut se déclarer dans un peuplement de sapins, par exemple, et ce sera... On connaît les effets des épidémies de la tordeuse, on en a assez parlé lors des audiences publiques du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, donc, on sait ce qui se passe à ce moment-là. Cela entraîne certains désastres, des catastrophes naturelles presque.

Donc, ce que nous proposons, c'est de modifier les méthodes de coupe sur presque l'ensemble du territoire. C'est sûr qu'il y a certains peuplements où la coupe par bandes ou la coupe par trouées ne seront pas nécessairement bonnes. À ce moment-là, il faudra voir à utiliser d'autres méthodes de coupe, soit la coupe progressive ou d'autres types de coupe comme celle-là.

On sent que dans le projet de loi, à la suite de la publication du guide des modalités d'intervention en milieu forestier -c'est clair - sur presque l'ensemble du territoire québécois, on veut continuer à prendre les méthodes traditionnelles d'exploitation forestière.

Il y a aussi un autre point important pour nous - vous allez retrouver cela dans le volumineux document de 104 pages que nous vous avons remis - ce sont les propositions que nous faisons sur le plan d'une gestion de la forêt, que ce soit en ce qui concerne la polyvalence et la sollicitation du milieu» que ce soit en ce qui concerne la gestion forestière sur le plan pratique et des institutions à mettre sur pied et aussi en ce qui concerne les conditions de travail et la sécurité des travailleurs forestiers ce qui, d'ailleurs, dans le projet, n'apparaît aucunement. Peut-être que M. Lechasseur, tantôt, pourra vous parler un peu plus longuement des conditions de travail.

Pour terminer, il y a un autre point important. Nous voulons aussi l'élimination du gaspillage sur le terrain des coupes. On laisse énormément de matières ligneuses sur ces terrains qui pourraient être transformées en copeaux et qui pourraient aussi servir aux industries de pâtes et papiers. Selon certaines estimations du Dr Louis-Jean Lussier, on laisserait sur le terrain environ 40 % de matières ligneuses. C'est sûr qu'on ne peut pas récupérer toute cette matière, mais on pourrait en récupérer au moins une bonne partie pour faire en sorte d'éliminer ce gaspillage.

M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Elle a été tellement détaillée qu'elle a éliminé deux autres questions que j'avais à vous poser. Maintenant, je voudrais toucher une partie de ce que vous avez mentionné. D'abord, vous avez parlé des opérations forestières mécanisées - sans toucher directement chacune d'entre elles -semi-mécanisées ou encore des opérations forestières manuelles. Vous avez aussi parlé de différentes coupes que l'on devrait mettre en pratique pour éliminer la coupe à blanc, c'est-à-dire les coupes par bandes, les coupes par damiers...

M. Vanier: Oui, et les coupes par trouées. (15 h 15)

M. Perron: ...ou encore les coupes par trouées. Est-ce que vous pourriez informer les membres de cette commission - je répète parce que je pense que c'est important - sur la façon dont votre organisme pourrait éliminer ou graduellement éliminer les opérations mécanisées pour empêcher la coupe à blanc. Aussi, est-ce que vous dites que les opérations mécanisées pourraient continuer dans ces trois systèmes, soit par damiers ou autrement, ou préférez-vous une autre sorte de coupe? Remarquez que je n'ai pas eu le temps de lire la brique qu'on vient de recevoir il y a quelques minutes.

M. Vanier: Quant aux coupes par bande, elles peuvent se faire d'une manière mécanisée. C'est sûr qu'on peut prendre la fameuse Khoering, cette machine qui nous revient souvent à l'esprit, pour le faire. Cependant, il faudrait voir. Là-dessus, c'est sûr que selon les propositions que vous amenez, on fera certains changements au fur et à mesure que l'on va acquérir de nouvelles connaissances sur le plan scientifique. On sait que des gens sont actuellement en train de travailler pour que ces machines aient moins d'impact sur les sais, en utilisant différentes sortes de pneus.

Je ne m'y connais pas tellement en mécanique, n'étant pas ingénieur forestier. Je suis biologiste, je travaille plutôt dans le domaine de l'écologie forestière. Il est certain qu'on pourrait encore faire, au niveau mécanique, des coupes par bandes, des coupes par trouées et autres. Cela aurait un certain impact sur les sols, selon les modifications à faire à la machinerie.

Notre position actuelle relative à la machinerie vise à proposer un gel dans le développement technologique de ces machineries, car on se rend compte qu'on est en train d'éliminer presque tous les emplois forestiers dans l'exploitation forestière. D'ailleurs, il se fait un changement actuellement; on invite les travailleurs forestiers à participer à des travaux de reboisement.

Là-dessus, mon collègue, M. Beauregard, un étudiant en génie forestier, pourrait apporter certaines précisions quant à la mécanisation. Il est certain que, si l'on prend des coupes manuelles avec simplement une "chain-saw", et le cheval pour sortir le bois, il y a quand même certaines modalités et certaines normes à respecter pour ces coupes. Il faudrait toujours faire de l'abattage directionnel. Il y a des choses à faire, même avec des débusqueuses pour sortir le bois; il faut tracer des chemins spécifiques. Là-dessus, le ministère a établi certaines normes importantes. Quant à savoir si elles vont être respectées, s'il y aura suffisamment d'inspecteurs ou suffisamment d'ingénieurs forestiers du ministère sur le terrain pour vérifier cela, c'est autre chose.

Votre question est quand même assez importante et je laisse M. Beauregard compléter les informations que je vous ai données.

M. Beauregard: À propos de la mécanisation, je pense qu'on a mentionné quelques éléments. Il est effectivement possible de faire des coupes par bandes mécanisées, sauf que cela implique de faire plus de construction de chemins, soit presque doubler la construction de chemins. Car si on exploitait par coupes à blanc en grande superficie, on aurait besoin d'un chemin X, mais si on fait des bandes de cent mètres, boisées ou coupées, ou des bandes d'un kilomètre, évidemment, cela prend deux fois plus de chemins.

Cependant, avec la venue actuelle du reboisement massif, de toute façon il va falloir entretenir beaucoup plus de chemins. Selon la méthode traditionnelle, on allait récolter du bois et on y retournait 60 ou 80 ans plus tard, donc, évidemment, il fallait refaire tous les chemins. Dans la mentalité traditionnelle, quand on faisait un chemin, il s'agissait de ramasser le plus de matières possible, le plus loin possible du chemin et oublier ce chemin et le laisser se détruire. Mais je pense que, dès à présent, dès la politique forestière actuelle, si on fait des plantations, cela implique un entretien, un suivi, donc on ne pourra plus laisser aller les chemins comme cela. L'augmentation nécessaire de construction de chemins pour faire des coupes par bandes ne serait donc pas plus onéreuse que la proposition actuelle de reboisement-entretien comme méthode massive pour assurer la pérennité et la regénération des zones de coupe.

Par contre, je ne peux pas dire qu'on a une politique ou une position à savoir si on devrait utiliser plus la machinerie ou faire un moratoire. Ce sont des choses qui se discutent. Je pense que c'est possible et ce ne serait pas plus onéreux de faire des coupes par bandes avec de la machinerie que de faire des coupes à blanc en grande superficie et de reboiser après et, par la suite, d'entretenir les plantations.

Relativement à l'entretien des plantations, quand on parle de l'effet de possibilité, tantôt, quand le ministre parlait de planter des carottes et d'espérer en manger un jour, j'espère qu'on mangera les carottes qui sont boisées en ce moment, car au cours des dernières années, dans le programme du ministère, il y a eu une augmentation assez massive du reboisement, comme on le sait, avec la potée des 300 000 000. Cela a été accompagné d'une augmentation assez massive du programme de suivi des plantations, sauf que ce programme n'a pas été atteint à 10 %. Donc, si l'on s'en va vers les 300 000 000 de plants et que le suivi des plantations est fait aussi bien, j'ai hâte de voir les arbres qu'on va

avoir dans 40 ou 50 ans. Car c'est un problème très grave. Si on plante pour les oublier là et ne pas s'occuper des chemins, on est mieux de ne pas le faire tout de suite, parce que c'est de l'argent jeté par les fenêtres. Mais si on plante et qu'on fait le suivi, alors c'est bien dommage, mais cela ne coûtera pas plus cher de faire des coupes par bandes.

M. Perron: Merci des informations que vous nous avez données. Je pense qu'on peut réaliser de ce côté-là que, pour les coupes forestières, il y a différentes méthodes d'exploitation et chacune des méthodes devra être étudiée pour prendre la bonne afin de la mettre en application par la suite.

Dans la page 6 toujours, vous mentionnez ceci: "Nous croyons qu'un ministre qui confie l'aménagement du patrimoine à l'entreprise privée, c'est de sa part un aveu d'impuissance ou de soumission à des industries plus soucieuses de faire des profits", etc. Ce que je voudrais vous demander, c'est: Est-ce que vous avez une contreproposition à faire à cette position gouvernementale?

M. L'Italien: La question qu'on se pose, c'est: pourquoi le ministre, avec autant d'effectifs au ministère de l'Énergie et des Ressources, remet-il l'aménagement de la forêt à l'entreprise privée? C'est, la question qu'on se pose, alors qu'il y a déjà la Société coopérative forestière qui a été mise sur pied pour leur venir en aide techniquement. Par ricochet, on peut poser la question: Est-ce que te ministère va continuer d'embaucher autant d'ingénieurs forestiers qui vont être sur les tablettes ou qui vont servir à quoi? si on remet à l'entreprise privée le soin d'aménager la forêt? C'est tout un questionnement qui est derrière cela, parce que si on veut faire des économies, on veut savoir où on va les faire.

M. Perron: Merci beaucoup. Oui...

M. Désy: II serait possible d'ajouter aussi qu'à un niveau peut-être plus élevé, non pas de gestion comme telle, mais au moins de consultation, le RQV est d'accord sur le principe d'une participation, d'une démocratisation de cette gestion de la forêt. Il n'est pas du tout interdit de penser que des conseils ou des régies régionales comprenant à la fois des entreprises, bien sûr, forestières et aussi des utilisateurs de la forêt, que ce soit des gens des pourvoiries, que ce soit des gens des ZEC, des fédérations de plein air, puissent être intégrés à une table de concertation, une table consultative, justement, sur la gestion globale de l'espace forestier. Cela nous apparaîtrait intéressant qu'il n'y ait pas qu'un seul type d'entreprise vouée à la gestion de cette ressource puisqu'il y a des milliers d'utilisateurs autres que les compagnies forestières.

M. Perron: Je vous remercie. Certains de mes collègues ont des questions à poser en rapport avec votre mémoire, M. le Président.

M. Désy: M. le Président, c'est peut-être une question de privilège. Je dois partir impérativement dans cinq minutes pour un cours à Chicoutimi à 18 heures. Alors, si quelqu'un voulait me poser des questions sur le flottage, je suis disposé; sinon je lève le...

Le Président (M. Charbonneau): On veut bien comprendre vos contraintes, mais il y a aussi des contraintes dans l'organisation des travaux. Je pense que votre message a été compris par tout le monde. Je vais céder la parole au ministre s'il a des questions à poser.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, M. Vanier a lu un paragraphe du Guide d'intervention en forêt. J'aimerais qu'il continue à lire le paragraphe suivant qui dit ceci: "Les modalités d'intervention relatives aux activités de prélèvement de la ressource forestière seront donc définies en regard des composantes biophysiques qui caractérisent chaque zone. Elles viseront è conserver un couvert forestier comportant des essences recherchées pour l'approvisionnement des usines de transformation du bois tout en protégeant les autres ressources du milieu." Cela m'amène aussi à la remarque qui a été faite sur la polyvalence de la forêt. Ce guide a été déposé en septembre en collaboration avec le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et celui de l'Environnement. C'est un effort de concertation entre les trois ministres, et c'est pour vous démontrer que pour les autres utilisateurs, la polyvalence de la forêt nous préoccupe grandement et qu'il est temps que tous les utilisateurs de la forêt, que ce soit des chasseurs, des amateurs de plein air, des pêcheurs ou des ouvriers forestiers se respectent dans ce milieu.

Quant à mes devoirs, M. le député de Duplessis, je vous ferai remarquer que les articles auxquels vous avez fait référence -je ne suis pas avocat, je suis ingénieur forestier, mais tout de même - l'article 111 est un article qui permettra d'ajuster les autres lois - je suis aussi arpenteur - de façon à assurer les concordances de façon transitoire - ce qui est bien important - et provisoire et non de façon permanente comme l'actuel article 4 de la loi des forêts. De plus, quand on dit à l'article 109: "La présente loi remplace les articles 4, 5, 6 et 66 à 168 de la Loi sur les terres et forêts. Ces dispositions demeurent toutefois en

vigueur dans la mesure nécessaire pour donner effet à l'article 106", c'est encore quelque chose de provisoire et de transitoire de façon qu'il n'y ait pas de vide juridique dans cette administration. Je vous demanderais de vous en référer à vos avocats.

M. Perron: Je n'ai pas besoin de m'en référer aux avocats mais lorsqu'on voit une...

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Duplessis, je pense que c'est... À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Perron: M. le Président, il m'a demandé de me référer, alors je me réfère...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!

M. Maltais: Attendez un peu. "Wait a minute". Les nerfs, Olivier, les nerfs... Soyons calmes.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, calmez-vous!

M. Maltais: Regardez, le député d'Ungava qui est calme, soyez comme lui.

Le Président (M. Charbonneau): Si cela continue, on va prendre un "break" syndical.

M. Perron: Est-ce que je peux poser une question au ministre?

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Non, M. le député de Duplessis, la parole est au ministre. Si le ministre vous pose une question, je présume qu'à ce moment-là il vous permettra, sur son temps de parole, d'y répondre. Â ce moment-ci, c'est le ministre qui a la parole et il peut faire ce qu'il veut en se conformant aux règles prévues.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais que le groupe qui nous fait l'honneur de nous transmettre des opinions et des recommandations explique davantage ce qu'on entend par privatisation de la forêt. Dans mon esprit, je vous le dis comme je le comprends, c'est qu'évidemment on va confier des travaux à l'entreprise privée en forêt. Que ce soit des coopératives, des organismes de gestion en commun ou des compagnies privées, cela reste des utilisateurs, des exécutants à qui on confiera des responsabilités. Ils seront réglementés et auront des directives et des conditions pour exécuter- les travaux. Je me demande comment faire autrement parce que en 1972-1974 la politique forestière voulait que l'on rétrocède toutes les concessions forestières et que le ministère se charge de l'aménage- ment. Vous voyez les résultats après une dizaine d'années. On a réussi à révoquer environ 33 % des concessions forestières, les autres sont encore là et le ministère n'a pas fait les travaux d'aménagement qu'il anticipait de faire. Je me demande comment procéder autrement. Si vous avez des suggestions, je serais bien heureux de les recevoir.

M. L'Italien: Gaétan va vous répondre.

M. Malenfant (Gaétan): Je pense qu'ils ont peut-être une piste de réponse et on ne retrouve pas en tout cas dans le projet de loi des allusions à cette piste-là. Si on regarde vraiment tout ce qui s'est développé dans l'Est du Québec au plan des organismes de gestion en commun, des sociétés d'exploitation des ressources, nous on pense qu'il y aurait peut-être là une voie dans ce sens-là, à savoir que ces organismes puissent véritablement gérer des parties de forêt publique en portions beaucoup plus grandes.

Actuellement, d'accord, ils vont faire des travaux d'aménagement, de reboisement, par exemple. Ces regroupements de propriétaires de boisés qui, depuis les années 1972 je pense, ont démontré leur volonté de se créer de l'emploi à partir de leurs ressources, je pense qu'on pourrait espérer qu'ils soient plus reconnus. Dans le projet de loi - tolérer est peut-être trop fort - on ne sent pas que ce volet est encouragé. Alors, nous on pense que cela pourrait être une façon de faire en sorte que les propriétaires de boisés privés puissent avoir un peu voix au chapitre. Tantôt, vous nous avez mentionné qu'il y avait beaucoup de programmes d'aide à la forêt privée. C'est bien d'accord, mais par exemple la question que l'on se pose - c'est la question qu'on voulait mettre sur la table - concerne la vente de leur bois. Je veux dire qu'il faut que ces gars-là puissent vendre leur bois. Actuellement, ce qu'il y a dans l'avant-projet de loi ne permet pas une garantie suffisante à ce sujet tandis que dans l'énoncé de politique, on le voyait plus. Je ne sais pas, je veux dire, finalement... Nous, on pense que cela pourrait être une possibilité si ces organismes de gestion en commun avaient plus d'accès à la forêt publique et en géraient d'importantes parties au lieu, disons, de les concéder à des entreprises papetières et forestières.

M. L'Italien: Robert va compléter la réponse, M. le ministre. (15 h 30)

M. Beauregard: Sur la deuxième question quant à la privatisation, je pense que ce qu'on entend par "pseudoprivatisation", c'est d'accorder la maîtrise d'oeuvre à l'industrie. Ce n'est pas seulement une espèce de sous-contrat ou de... On dit

aux utilisateurs: Faites votre plan de gestion, nous allons contrôler. On va le voir, on va le regarder. Il va y avoir une réglementation qu'on n'a pas vue. Sur ce sujet, on ne peut rien dire encore. C'est très malheureux. Il y a le manuel - je ne me souviens pas du nom exact...

M. Maltais: Le guide d'intervention.

M. Beauregard: ...le guide d'intervention qui est sorti tout récemment, qu'on a eu le temps de consulter seulement en diagonale, mais il ne semble pas qu'il y ait des choses extrêmement... Ce sont des directives générales. La maîtrise d'oeuvre reste aux utilisateurs, à l'industrie. Dans ce sens-là, pour nous, c'est une forme de privatisation. En 1972, il y a eu la politique forestière de l'époque du ministre Drummond. C'était un certain pas en avant, dans le sens que, pour la première fois, on faisait un inventaire forestier. On se doutait qu'il y avait des problèmes, mais on a commencé par faire l'inventaire. En 1976, on avait identifié des problèmes et il y a eu la nouvelle politique du nouveau ministre de l'époque, les gens de l'Opposition pourront me rappeler le nom, je ne me souviens pas.

Pour nous, c'était une certaine réponse au problème qui avait été identifié, c'est-à-dire que la priorité de l'industrie est de faire du papier et de le vendre au meilleur prix possible et d'en tirer le plus grand profit possible alors qu'elle fonctionne sur des terres qui, elles, sont d'intérêt public, qui doivent profiter à tout le monde et qui doivent donc être gérées par l'État.

En 1976, c'est ce que nous avons voulu faire, sauf qu'après il est arrivé une certaine crise économique - on s'en souviendra - et je crois que le gouvernement de l'époque a perdu le courage politique et économique de maintenir cette politique de l'avant. On dit qu'après dix ans, on voit ce que cela a donné. On ne voit pas ce que cela a donné, parce que la politique a commencé en 1976 et vers 1979 elle a été arrêtée. Les concessions ont cessé. On a cessé de rétrocéder les concessions. On a cessé d'appliquer la politique. Coupures de budget, plus d'engagements au ministère. Qui va faire la gestion? Cela a été en suspens pendant un bon bout de temps. Maintenant, on se dit: Revenons au bon vieux temps. C'est un peu la lecture qu'on fait de cela. C'est pourquoi on parle de privatisation ou de pseudo-privatisation. C'est clair que le gouvernement ne pourrait pas donner directement toutes les terres publiques. Ce serait trop scandaleux. Mais par le nouveau régime forestier, je crois qu'on revient à une certaine époque qu'on a connue avant 1976.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Beau-regard, je pense bien qu'un propriétaire ne peut pas se désister de ses obligations et de ses responsabilités. Que ce soit un organisme de gestion en commun ou une compagnie, si on lui confie des travaux ou des responsabilités, je pense bien que le propriétaire est tenu de lui en indiquer les conditions et les règlements d'exécution. Les organismes de gestion en commun, à mon sens, sont de très bons exécutants. Ils ont été mis de l'avant avec la collaboration du gouvernement antérieur et, cette année, nous leur avons confié des travaux pour une valeur de 15 600 000 $. C'est une augmentation si on compare avec l'an dernier. Que le travail soit bien fait chez ces organismes-là, j'en suis très heureux, mais c'est également bien fait aussi par d'autres compagnies ou par d'autres particuliers. Nous avons aidé les propriétaires privés aussi avec un budget de 8 000 000 $ justement pour exécuter ces travaux. J'ai visité les chantiers pendant de nombreuses années et, souvent, les chantiers des sociétés d'exploitation des ressources ressemblaient exactement aux chantiers d'autres compagnies. Il n'y avait pas de différence parce qu'ils avaient les mêmes contraintes, ce qui fait qu'il n'y avait pas de différence là-dessus. Évidemment, les gens font cela pour gagner leur vie et ils font cela du mieux qu'ils peuvent. Je ne lance pas de roches à qui que ce soit.

Quant à la priorité sur la forêt privée dont vous avez fait mention, l'application de l'article 22 permettra au ministère de considérer la forêt publique comme une source résiduelle d'approvisionnement des usines et toutes les autres provenances du bois de forêts privées, les copeaux, et le bois d'importation comme la source principale d'approvisionnement. En pratique, au moment de l'attribution des contrats et à l'occasion de leur renouvellement, le ministère n'offrira à l'industrie que la quantité de bois manquante et en provenance de la forêt publique après avoir soustrait les besoins totaux des quantités qui ont été obtenues en moyenne au cours des années et pour d'autres considérations. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est la première fois qu'un volume est assuré dans un projet de loi pour la forêt privée. Cela ne s'est jamais produit auparavant. Les prix sont fixés par l'Office du marché agricole. Je n'ai pas d'autre question pour l'instant.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: J'avais une question qui se rapporte au flottage du bois, mais, malheureusement...

Une voix: Le flotteur est parti.

M. Claveau: Je pourrais peut-être

modifier ma question si quelqu'un veut me répondre. Quand on parle du flottage du bois - j'ai été très intéressé d'ailleurs par ce document - on se réfère d'une façon plus large à l'ensemble du transport de la matière ligneuse. Quand on parle d'environnement, on parle de l'environnement des eaux, mais également de l'environnement humain, le transport du bots étant un problème grave pour ce qui est de l'occupation des routes, du bruit dans les municipalités, du transport de nuit pour les gens qui vivent le long des grandes routes et des chargements de bois qui sont souvent hors normes et en deçà des limites de la loi en termes de hauteur, de largeur, de poids, etc.

Quelqu'un pourrait-il me donner des pistes quant à vos réflexions sur d'éventuelles alternatives en ce qui concerne le transport de la matière ligneuse?

M. L'Italien: M. Vanier va vous répondre.

M. Vanier: Quand on parle d'éliminer le flottage du bois, c'est sûr que c'est pour éliminer les conséquences très grandes et les effets néfastes sur l'environnement et sur le système aquatique. Si on prend le transport du bois par réseau routier, le bruit et la poussière causent aussi des problèmes sur les routes.

Il faudrait aussi envisager à court terme le transport du bois par train; cela se fait aussi dans certaines régions. Actuellement, le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Énergie et des Ressources sont en train de faire un document sur le Saint-Maurice. Il y a une étude dont parlait tantôt M. Désy. J'ai demandé au ministre de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, lors d'une rencontre qu'on a eue avec lui sur un autre sujet, de la rendre publique le plus tôt possible et je n'ai pas encore eu de réponse à ma demande. J'ai fait une demande officielle par lettre, au nom du Regroupement pour un Québec vert, et on n'a pas reçu de réponse. Donc, on ne sait pas ce qui se passe avec cette étude.

On a entrevu toutes sortes de solutions. Certains parlaient de faire un genre de pipeline; certaines solutions étaient un peu sophistiquées et parfois bizarres. La compagnie Kruger, si je ne me trompe pas, avait même envisagé la possibilité de faire du transport de bois par petit dirigeable. On ne sait pas ce qui se passe avec ces études. Ce serait peut-être une façon, là aussi, de faire une innovation technologique au Québec. On sait que les petits dirigeables sont utilisés dans les provinces de l'Ouest, en Colombie britannique, et davantage aux États-Unis, dans l'Ouest américain, dans les rocheuses, pour la coupe des grands arbres en flanc de montagne.

La solution est loin d'être facile. Mais, étant donné tous les impacts que cela représente pour le milieu aquatique et le fait que c'est une perte de potentiel faunique et aussi de la polyvalence de l'utilisation du milieu, je pense qu'il va falloir regarder ce domaine d'une manière sérieuse et envisager des solutions à court terme de façon graduelle, et à moyen et à long termes pour faire de la recherche. Il semble que le ministère n'ait pas de programme là-dessus. Il n'a qu'une étude pour la Saint-Maurice actuellement.

M. Claveau: Dans ce contexte, une des solutions ne serait-elle pas, entre autres, de rapprocher les usines des parterres de coupe ou, du moins, de revenir à un énoncé de principe qu'on retrouvait dans le livre blanc de 1985 par lequel on voulait faire en sorte que les allocations des parterres de coupe des compagnies soient le plus près possible des usines pour empêcher certaines choses qu'on connaît? Par exemple, la Kruger va chercher son bois dans le secteur de Chibougamau pour Trois-Rivières, etc. Les exemples ne manquent pas. Le bois voyage dans tous les sens et on se demande où il va et d'où il vient.

M. Vanier: Cette question est très intéressante et très importante. C'est pour cela, entre autres, qu'on veut que la forêt privée soit privilégiée le plus possible, car c'est la forêt qui est dans la zone qu'on appelle forêt de banlieue qui est la zone la plus près des usines de transformation de bois. À ce moment-là, si l'approvisionnement se fait plus près... Aujourd'hui on est rendu qu'on coupe en Abitibi, on est rendu dans la zone pâte presque; c'est très loin, c'est très haut et à ce moment-là cela engendre les problèmes qu'on connaît. On est obligé de prendre du flottage de bois pour rentabiliser les coûts. C'est sûr que cela serait mieux si c'était plus près des usines d'approvisionnement. C'est sûr. Ce serait une solution à court terme. Il faudrait voir aussi à la régénération de cette forêt.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le président.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je suis arrivé quelques secondes en retard. J'aimerais savoir combien de membres regroupe le Collectif forêt-intervention? Je ne sais pas à qui m'adresser.

M. L'Italien: Robert Beauregard va vous répondre.

M. Maltais: M. Beauregard, combien de membres au Québec regroupe votre association?

M. Beauregard: Le Collectif forêt-

intervention c'est un petit groupe de douze ingénieurs forestiers ou de gens qui ont gradué en génie forestier.

M. Maltais: Combien?

M. Beauregard: Douze.

M. Maltais: Douze ingénieurs, oui.

M. Beauregard: Douze ingénieurs forestiers ou gens qui ont gradué ou sont près de le faire.

M. Maltais: M. Denis Lambert, qui est-ce?

M. L'Italien: II est absent aujourd'hui. M. Maltais: C'est quoi dans la vie?

M. L'Italien: Anthropologue et recher-chiste actuellement.

M. Maltais: À l'Université du Québec à Rimouski?

M. L'Italien: À Québec.

M. Maltais: À Québec, merci. D'accord. Vous avez parlé un peu dans votre mémoire de ce que la commission parlementaire est beaucoup trop restrictive, en ce sens qu'elle n'entend pas assez de personnes. D'après vous, quelles seraient les personnes idéales qui devraient être entendues à cette commission?

M. L'Italien: M. Malenfant va vous répondre.

M. Maltais: S'il vous plaît!

M. Malenfant: Nous pensons que le gouvernement devrait faire un plus large débat et entendre tous les intervenants, que ce soit de la santé ou de l'environnement, vraiment reprendre l'ensemble de la gestion comme telle au complet. Pas uniquement dans le sens d'en faire un usage polyvalent, être capable de toucher l'ensemble des règlements et autres lois...

M. Maltais: Permettez-moi de vous arrêter. Quelle est la différence entre un ensemble polyvalent et les autres ensembles?

M. Malenfant: On sent que ce sont toujours les papetières qui parlent pour orienter les choses. Or, nous, nous voudrions qu'il y ait une consultation régionale, qu'on parte d'une commission itinérante pour entendre...

M. Maltais: Excusez-moi, mais je voudrais avoir la définition. C'est quoi la différence entre un ensemble polyvalent et les autres ensembles. Je voudrais qu'en trois ou quatre phrases vous me disiez la différence entre un ensemble polyvalent et les autres ensembles que vous venez d'évoquer.

M. Malenfant: Je ne comprends pas.

M. Maltais: Vous venez de me dire qu'il y a une différence entre les ensembles polyvalents et les autres ensembles. Je veux savoir quelle est cette différence parce que c'est bien important.

M. Malenfant: Ce que je tentais de dire, c'est qu'on ne sent pas actuellement, c'est que les aspects qui nous préoccupent davantage...

M. Maltais: Dans les utilisateurs de ta forêt on reconnaît facilement d'abord l'industrie forestière, qui n'est pas uniquement les papeteries, je m'excuse, c'est un ensemble de groupes d'individus qui utilisent la forêt, que ce soit les chasseurs, que ce soit les "environnementaux", que ce soit l'industrie forestière, d'après moi cela regroupe un ensemble. Quels sont les autres ensembles?

M. Malenfant: Les autres aspects, la qualité de vie en forêt pour les bûcherons.

M. Maltais: Qu'est-ce qu'on reproche exactement, dans l'avant-projet de loi, concernant la qualité de vie des bûcherons en forêt?

M. Malenfant: ...

M. Maltais: Mais est-ce qu'on a besoin d'encadrer cela dans une loi en 1986?

M. Malenfant: Certainement, parce que la qualité...

M. Maltais: Je m'excuse, mais c'est parce que le ministère du Travail légifère là-dessus, sur les conditions de travail des travailleurs, que ce soit en forêt, sur un chantier de construction, à l'usine, à l'hôpital, partout. Est-ce que ce n'est pas mêler les choux avec les patates?

M. Malenfant: ...

M. Maltais: D'abord, est-ce qu'au Québec on fait une différence entre les travailleurs forestiers et les travailleurs de l'usine de Kruger dans le comté de M. Gauthier?

M. Malenfant: Oui, je pense que...

M. Maltais: Je regrette, mais je viens

d'un comté dont 80 % des travailleurs sont dans la forêt. Il y a des travailleurs à l'usine d'aluminium. Je ne vois pas la différence de qualité de vie entre ces travailleurs-là dans leur convention collective. Je voudrais juste savoir si cela relève du ministère du Travail, si cela relève d'un département de santé communautaire, ou d'une convention collective ou d'une loi du ministère des Forêts. (15 h 45)

M. Malenfant: Je comprends très bien votre argumentation. Vous voulez vous en tenir uniquement à restreindre le projet. Vous demandez notre opinion, je vous la dis..

M. Maltais: Je veux savoir, oui...

M. Malenfant: Nous on pense que tous les aspects, que ce soient tes conditions de travail, la santé et la sécurité, la façon dont sont octroyées les allocations de bois, les coupes, tout cela devrait être examiné en profondeur.

M. Maltais: Je m'excuse, mais en quoi cela change... M. Perron, vous allez avoir la parole, vous parlerez. C'est moi qui l'ai...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, à l'ordre!

M. Perron: M. le Président, il ne donne même pas la chance à l'organisme de répondre.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel M. le député de Saguenay, je voudrais simplement... À l'ordre!

M. Maltais: Vous lui poserez les questions que vous voudrez. Vous les avez posées avant, moi je les lui pose tout de suite.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel M. le député de Saguenay, je voudrais simplement vous rappeler à vous et à tous les membres de la commission que pour le bon ordre du déroulement des travaux, d'abord on devrait s'interpeller par le nom de notre comté, d'une part, pour éviter des familiarités qui ne sont pas permises par le règlement. D'autre part, je voudrais vous inviter, vous et l'ensemble des membres de la commission... Je pense que si on pose des questions à nos invités, il faudrait aussi peut-être leur permettre... Ils ne sont pas dans un processus de contre-interrogatoire, donc, je pense qu'il s'agit de permettre aux gens de répondre aux questions. Un député, un membre de quelque côté que ce soit peut différer d'opinion avec nos invités, peut argumenter avec nos invités mais je pense qu'il faut que, de part et d'autre, cela puisse se faire de telle sorte que nos invités ne se sentent pas dans un processus de contre-interrogatoire.

M. Maltais: M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec vous et vous allez comprendre. On dit que les travailleurs forestiers ont de piètres conditions. Or c'est 80 % de la population de mon comté et je n'ai pas l'impression - vivant depuis que je suis né dans mon comté - que les travailleurs forestiers de la Côte-Nord ont de piètres conditions à comparer à d'autres travailleurs. Vous allez comprendre que je m'interroge sur la question soulevée par monsieur. Je veux bien croire que cela se passe ailleurs au Québec, je n'ai pas fait le tour du Québec, malheureusement - je n'en ai pas les moyens et je n'ai pas le temps -mais dans mon comté, les travailleurs forestiers que je connais - et Dieu sait si j'en connais, c'est 80 % de la population -n'ont pas de piètres conditions. Je réfute cette allégation concernant les travailleurs de mon comté. Je ne parle pas des affaires des autres. Mais je réfute cela en ce qui concerne mon comté.

D'accord, je peux maintenant continuer...

M. L'Italien: M. le député, si vous voulez...

M. Maltais: Certainement.

M. L'Italien: On pourrait compléter la réponse qu'on voulait vous donner. Dans ce sens, il y a M. Lechasseur qui connaît particulièrement les conditions des travailleurs forestiers. À la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, on a déjà souligné à plusieurs reprises que les travailleurs forestiers ont connu des conditions beaucoup plus honorables que cela dans le passé et que maintenant les conditions se sont détériorées. C'est une réalité. Quand vous dites que vous connaissez quelques bûcherons ou peut-être une centaine, il faudrait peut-être leur demander...

M. Maltais: Je m'excuse, monsieur. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que 80 % de la population de chez nous travaillaient dans le domaine forestier et qu'ils n'avaient pas de piètres conditions de travail. Je n'ai pas parlé des vôtres; j'ai parlé des miens. Continuons.

M. L'Italien: Est-ce que votre sondage est récent, quand vous dites cela?

M. Maltais: Monsieur, j'ai vécu, moi, sur la Côte-Nord depuis que je suis né. J'ai 42 ans. Alors je connais un peu les travailleurs forestiers, certainement autant que n'importe qui qui les a observés. On continue.

M. L'Italien: Est-ce qu'on peut répondre? M. Lechasseur pourrait...

M. Maltais: Allez-y, M. Lechasseur.

M. Lechasseur (Yvon): Disons que je suis un travailleur forestier qui a toujours travaillé à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord.

M. Maltais: C'est bien, ça.

M. Lechasseur: J'ai travaillé dans toutes les compagnies forestières de la Côte-Nord et je peux vous dire, puisque j'ai commencé à travailler en forêt en 1950, qu'on vit aujourd'hui ce qu'on vivait en forêt en 1950. C'est pire présentement que c'était en forêt en 1950. En 1950, en forêt, il y avait des camps en bois rond. Il y avait des cuisiniers dans les camps et il y avait des gens pour soigner les chevaux. Aujourd'hui, il n'y a même plus de camps ou presque plus. Les gens voyagent. Les compagnies font voyager le monde à toutes les semaines. En fait, on avait des conditions de travail et des conditions de vie pas trop pires. Mais aujourd'hui, on n'en a plus. Les conventions collectives ont sauté. Ce sont les petits "jobbeurs" qui ont fait sauter les conventions collectives.

On peut dire qu'aujourd'hui 24 heures par jour, ce n'est pas assez. Cela prendrait au moins 30 heures par jour pour arriver. Si c'est ça les conditions de travail et les conditions de vie dont vous parliez...

M. Maltais: En tout cas...

M. Lechasseur: ...on pourrait probablement se passer de ça.

M. Maltais: Vous me permettrez de diverger d'opinion avec vous. Je pense qu'on a le respect mutuel des personnes, sauf que je n'ai pas la même vision que vous présentement...

M. Lechasseur: Moi, je l'ai vécu. J'ai vécu en forêt, moi.

M. Maltais: Moi aussi, je l'ai vécu, M. Lechasseur.

M. Lechasseur: Vous n'avez pas vécu en forêt, vous.

M. Maltais: J'ai vécu en forêt, oui, monsieur. La Côte-Nord, c'est en pleine forêt.

M. Lechasseur: Près de la forêt mais pas en forêt.

M. Maltais: Non, non. On pourra s'en reparler mais ce n'est pas pareil.

M. Lechasseur: Oui, il y a une différence.

M. Maltais: Ce n'est pas pareil. 11 y a une question que vous avez soulevée au chapitre des OGC. Ils ont un rôle important dans la structure des prix du bois pour leur permettre de financer des activités d'aménagement. J'essaie de faire le lien entre les syndicats forestiers, les propriétaires de boisés privés et l'UPA, qui est partie conjointe là-dedans, l'Association des producteurs de bois privé. Quelle est votre vision là-dessus? Est-ce que les OGC devraient être complètement indépendants de leur syndicat ou si, tout simplement, les OGC régionaux devraient avoir un pouvoir "at large" de financement autonome dans leur région?

M. Malenfant: Je n'ai pas très bien saisi la question, mais je vais quand même tenter une réponse. Nous pensons que le prix actuel du bois est fixé d'une telle façon par les compagnies papetières et forestières qu'elles peuvent, étant donné la facilité de s'approvisionner dans les forêts publiques, négocier à rabais avec les regroupements de producteurs de bois. Dans ce sens, c'est l'une des raisons pour lesquelles le prix du bois est plutôt faible pour les propriétaires; cela ne leur permet pas de faire un aménagement, même s'ils ont de l'aide, aménagement qui soit rentable et dont ils puissent vivre.

M. Maltais: Si j'ai bien compris, vous préféreriez que ce soit les OGC qui fixent le prix du bois plutôt que l'office.

M. Malenfant: Non, ce n'est pas ce qu'on veut dire. Actuellement, l'office est un petit peu à la remorque des papetières. Ce sont les papetières qui ont actuellement le haut du pavé quant à la fixation des prix. C'est à ce niveau-là. Mais, si vous me permettez un complément de réponse relativement à la santé des travailleurs, on reconnaît actuellement à la CSST que, dans la foresterie, le travail en forêt est l'endroit où il y a le plus d'accidents dans tous les métiers. Pour 100 travailleurs, vous pouvez être sûr qu'environ 33 auront à subir des pertes de temps imputables à un accident en forêt. Ces conditions sont quand même pénibles par rapport è l'ensemble des autres.

Je vous inviterais, si vous en avez le temps, à regarder notre mémoire. Aux pages 80 et 81, vous verrez deux cartes tirées d'une géographie de la santé du Québec et où on peut comparer les conditions générales de vie et les travailleurs forestiers. À la page 80, vous avez la carte des travailleurs forestiers de la Beauce en allant vers l'Est du Québec...

M. Théorêt: Monsieur, je m'excuse.

Nous prenons bonne note de vos recommandations et nous allons lire l'étude. Cela répond à ma question. Nous allons lire les titres que vous recommandez.

Le Président (M. Charbonneau): Je pense qu'il faudrait peut-être laisser nos invités terminer la réponse. Je comprends que le temps de réponse est imparti au temps de discussion octroyé à une formation politique...

M. Théorêt: Non, il nous réfère à un mémo.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, je comprends, mais...

M. L'Italien: M. le Président. On aimerait compléter. M. Robert Beauregard va ajouter quelque chose que l'on considère très important relativement aux conditions de travail des travailleurs forestiers.

M. Beauregard: Tantôt le député de Saguenay affirmait que le ministère du Travail et d'autres organismes qui s'occupent de santé, cela n'avait pas sa place ici.

Nous trouvons que cela a sa place ici, parce que, au cours des dernières années, il s'est passé quand même des choses qui découlent de la politique forestière qui n'ont pas été discutées "at large" et qui affectent la santé, comme les arrosages contre la tordeuse. Il en a été question beaucoup dans le passé. Il n'en est pas du tout question dans le texte. Pourtant, c'est une question qui a été débattue et on ne sait trop ce qui va en advenir. Cela a des impacts importants sur la santé des travailleurs et aussi sur toute la population dans les régions. On sait qu'il y a de plus en plus d'études à ce sujet dans les DSC.

Dans la mesure où on fera de l'aménagement par les industries et du reboisement, le Regroupement pour un Québec vert a préparé un vidéo sur les conditions de travail des gens qui travaillent au reboisement. Malgré tout le respect que je dois au député de Saguenay, qui a travaillé en forêt et, malgré mon jeune âge, je sais qu'il y a des gens de mon âge et des plus jeunes qui travaillent en forêt au reboisement. Vous devriez voir les camps dans lesquels ils travaillent. Ils sont en polythène. Souvent, il n'y a pas de cuisine ou la cuisine est faite par l'un des planteurs ou l'une des planteuses. Ces conditions sont vraiment déplorables. C'est assez nouveau et c'est dû à la quantité d'argent qu'il est possible d'investir dans le reboisement. Si on n'en met pas beaucoup dans le reboisement, il faut couper les coûts, il faut faire du travail au noir et toutes sortes de choses. Cela a un impact sur la santé et sur les conditions de travail. Ce sont des choses plus générales qu'on trouve importantes à discuter dans le cadre du projet de loi sur la forêt.

M. Théorêt: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Trois-Rivières. Il vous reste, je crois, trois ou quatre minutes et, par la suite, nous aurons juste le temps de remercier nos invités de part et d'autre. M, le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Je n'ai pas de question.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. Alors, M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Le député de Duplessis avait un autre engagement depuis 15 h 30. Alors il m'a demandé de l'excuser. Au nom de l'Opposition, je tiens à vous remercier de vous être déplacés et de nous avoir soumis ce volumineux rapport. Il contient beaucoup de matières, et on a pu voir que le temps qui nous était alloué nous a permis à peine d'effleurer certains sujets. Cependant, contrairement à d'autres intervenants, vous avez apporté certains points qui vont certainement demander, autant de la part du ministre que de l'Opposition, de se pencher un peu plus sur certains points particuliers qui semblent vous préoccuper beaucoup, comme les conditions de travail. Cela peut être important, puisque ce sont des volets qui n'ont pas été tellement touchés jusqu'à maintenant.

Je tiens à vous remercier de vous être déplacés et d'avoir présenté ce rapport devant la commission.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Bertrand. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'aimerais apporter un commentaire sur le flottage. L'étude dont vous parlez, j'espère que ce n'est pas l'expérience qui a été faite par PULP-PO-BECK dans le Saint-Maurice et qui coûte une fortune. Je pense que vous faites référence à l'étude faite par McNeil sur le Saint-Maurice et qui n'est pas encore déposée; elle est en discussion avec le ministère de l'Environnement et sera déposée bientôt. Est-ce de celle-là que vous parlez?

M. L'Italien: C'est celle-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudra attendre qu'elle soit complétée. Ensuite, c'est certain qu'au ministère nous allons l'examiner, la consulter et l'évaluer. Quant à moi, je voudrais ajouter que le ministère propose aussi un nouveau mode de tarification, puisque vous avez parlé des redevances au cours de notre échange de

vues qui a été fructueux, qui sera basé sur la valeur du bois sur pied. Cette valeur est évaluée actuellement sur la base des transactions privées conclues entre les vendeurs et acheteurs, mais elle tient aussi compte des obligations actuelles d'exploitation d'aménagement.

Lorsqu'elle entrera en vigueur, il faudra réajuster cette valeur pour tenir compte du marché. Il faudra aussi tenir compte des nouvelles obligations d'aménagement imposées par le nouveau régime forestier et par le guide des modalités d'intervention en forêt. C'est sûr que ce sera une contrainte qui imposera des charges additionnelles aux exploitants et qui fera en sorte que les intervenants en forêt, surtout les exploitants, respecteront les habitats fauniques, les rives et aussi les prises d'eau des municipalités et les centres de plein air, comme les stations de ski de fond et autres.

C'est un pas assez majeur dans notre intervention dans le respect de tous les utilisateurs. C'est pour cette raison que l'article 4 de l'avant-projet de loi mentionne qu'une déduction sera faite des frais d'aménagement admissibles, mais c'est nous qui allons évaluer les frais d'aménagement. Vous avez posé la question: Qui va les évaluer? C'est nous. Cela ne sera pas soufflé ou exagéré par les intervenants, ce sera notre évaluation. Je suis convaincu que mes fonctionnaires en feront une évaluation équitable.

Sur la base des estimations actuelles, la valeur moyenne du bois sur pied ou du bois résineux a été évaluée, selon notre méthode, à ce jour, à 5,64 $ le mètre cube. Il s'agit d'un réinvestissement en forêt qui assurera notre avenir et qui fera en sorte que l'on protège davantage la forêt. Le coût moyen des travaux d'aménagement est estimé à 3,25 $ le mètre cube. Je vous transmets ces informations avant qu'on se laisse, parce que le temps est écoulé.

Je tiens à vous remercier de votre présentation, même si elle a été un peu rusée, cela a été agréable et je l'accepte de bon coeur. Je vous remercie et souhaite que vous continuiez à évaluer tous les aspects des interventions en forêt et à respecter les autres intervenants de façon que l'on puisse vivre agréablement dans une société qu'on aime beaucoup au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Alors, M. L'Italien, mesdames et messieurs, merci beaucoup. À une prochaine fois peut-être.

M. L'Italien: Merci bien. (16 heures)

Le Président (M. Charbonneau): Je vais demander maintenant aux représentants de l'Université du Québec de prendre place.

À l'ordre!

M. Laurin, si c'est bien cela, s'il n'y a pas d'erreurs sur notre feuille, je vous souhaite la bienvenue. Merci beaucoup M. Cannon, votre aide m'est toujours précieuse. Vous avez raison, deux à zéro pour vous. Je vous demanderais, M. Laurin, de présenter les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle que vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire et qu'il y a de chaque côté, pour chacune des formations politiques, vingt-quatre minutes de discussion avec vous. Sans plus tarder, allez-y.

Université du Québec

M. Frisque (Gilles): Si vous m'excusez, M. le Président, je vais présenter le mémoire. Mon nom est Gilles Frisque, je suis directeur du Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de l'Université du Québec. Je vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M. Paul Laurin, vice-doyen des études avancées et de la recherche à l'Université du Québec à Trois-Rivières; à ma gauche, M. Gilles Beaudry, directeur de la recherche au siège social de l'Université du Québec.

L'Université du Québec, par le biais de son Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières, tient à remercier le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, et les membres de la commission de l'économie et du travail de l'invitation qui lui a été faite de présenter un mémoire lors de la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts.

Ce mémoire est présenté par le Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de l'Université du Québec qui regroupe et coordonne les différentes activités de recherche reliées au secteur forestier qui sont menées par les professeurs et chercheurs de cinq établissements de l'Université du Québec, situés dans autant de régions de la province. Il s'agit de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui assume le leadership du centre multirégional, de l'Université du Québec à Chicoutimi, de l'Université du Québec à Rimouski, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et, enfin, de l'Institut Armand-Frappier.

Cette présence régionale des établissements de l'Université du Québec représente un atout majeur en recherche forestière puisque, ainsi que le souligne avec exactitude la version préliminaire du manuel d'aménagement forestier préparé en relation avec l'avant-projet de loi, et je cite textuellement: "II est impensable, étant donné la vaste superficie forestière du Québec, d'aménager ce territoire comme une seule et même forêt."

Étant donné l'importance économique et

sociale du secteur forestier au Québec et le besoin urgent d'assurer le renouvellement de la ressource forestière afin de permettre le maintien de l'activité industrielle et des emplois qui en dépendent, nous croyons qu'il est nécessaire et opportun de réviser la Loi sur les terres et forêts afin d'améliorer le niveau et la qualité de l'aménagement de cette ressource naturelle et d'en assurer la pérennité.

Nous appuyons donc l'avant-projet de loi sur les forêts qui est présenté par le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté.

Historiquement, la forêt québécoise a été considérée comme une ressource inépuisable qui constituait de plus un moteur économique important, générateur d'emplois et d'investissements dans les centres urbains et dans les régions du Québec. De plus, l'État en retirait des revenus indispensables pour le soutien de certains programmes sociaux et ne réinvestissait qu'une faible partie de ces revenus en forêt. Aujourd'hui, la forêt constitue toujours un moteur économique puissant et une source vitale d'emplois dans de nombreuses régions du Québec. Par contre, nous savons maintenant que la ressource n'est pas inépuisable et qu'une rupture de stock est même à craindre dans certaines régions du Québec.

Il s'agit donc de réajuster et de corriger, dans certains cas, une situation qui est te résultat de plusieurs années d'abondance où le souci de renouvellement de la richesse collective que représente la forêt n'était pas évident. Cet exercice est difficile mais indispensable si nous voulons assurer aussi bien la survie et la vitalité de l'industrie forestière que la conservation du patrimoine forestier québécois.

En tant que représentants du milieu de la recherche universitaire, il ne nous apparaît pas approprié de présenter une analyse détaillée, article par article, de l'avant-projet de loi. En effet, l'avant-projet de loi qui nous est proposé est un document à caractère législatif qui vise principalement à préciser et à réglementer les relations et les obligations réciproques entre l'État, propriétaire des forêts du domaine public, et les différents utilisateurs de ces forêts.

Cependant, et d'une manière générale, nous appuyons cet avant-projet de loi et félicitons le ministre délégué aux Forêts qui, par le biais de son nouveau régime forestier, vise à assurer le rendement soutenu des forêts du Québec par l'optimisation des procédés d'allocation, de récolte, d'utilisation et d'aménagement de la ressource forestière.

De plus, la volonté nettement exprimée d'assurer le renouvellement de la ressource forestière par des mesures de régénération et de reboisement est le fondement d'une saine conception de l'aménagement forestier. Cette prise de conscience du Québec quant à la nécessité d'assurer le renouvellement de la ressource forestière n'est d'ailleurs pas un acte isolé. Elle s'inscrit dans un mouvement semblable qui voit actuellement le jour dans plusieurs provinces voisines et qui est soutenu par l'État fédéral au sein duquel l'importance forestière du Québec est primordiale.

Toutefois, certaines lacunes apparaissent dans la version actuelle de l'avant-projet de loi. La plus évidente nous semble être l'absence de toute référence à la recherche et au développement. En effet, ces mots ne figurent pas une seule fois parmi les 113 articles qui constituent l'avant-projet de loi. Il nous semblerait impératif que la recherche et le développement soient soulignés dans un projet de loi sur les forêts, en particulier en regard de la conjoncture forestière actuelle. Il est en effet indispensable qu'un effort important de recherche soit consenti aussi bien par le ministère de l'Énergie et des Ressources que par les autres intervenants, afin d'assurer la réalisation des objectifs du nouveau régime forestier.

De nombreuses inconnues existent encore dans l'équation forestière québécoise. Cette opinion est, à notre connaissance, partagée par la majorité des spécialistes du domaine forestier et notamment par le milieu universitaire. On songe ici à la position prise par les représentants de la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval et à celle du Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de l'Université du Québec.

À cet effet, il nous semble essentiel que le ministre responsable de l'application d'une nouvelle loi sur les forêts puisse prendre l'avis d'un comité de concertation axé prioritairement sur la recherche et le développement forestier. Il nous semble également que des mécanismes adéquats de financement de la recherche en foresterie devraient être identifiés et même prévus dans une nouvelle loi sur les forêts.

La nécessité d'un organisme de concertation sur la recherche et le développement forestier était d'ailleurs une des conclusions majeures du récent rapport de conjoncture sur la recherche et le développement dans le secteur forestier, préparé, à la demande du gouvernement du Québec, par le groupe de travail pour la préparation de ce rapport.

Rappelons aussi que ce même rapport, rédigé conjointement par des représentants des milieux industriels, privés et gouvernementaux soulignait l'importance et la nécessité d'accroître les efforts de recherche et de développement en foresterie au Québec.

À un niveau plus spécifique, il faut également insister sur la nécessité d'une concertation entre les intervenants du secteur forestier et l'État face aux importants pouvoirs qui sont donnés au

ministre et à son ministère relativement è la mise en application et au respect des contrats d'aménagement. Les diverses modalités et les critères retenus ne semblent pas, à l'heure actuelle, avoir été complètement définis.

À titre d'exemple, l'évaluation des possibilités et des disponibilités en matière ligneuse, les critères utilisés pour l'application du concept de rendement soutenu ou de dépassement des objectifs de production pourraient avantageusement être précisés et s'appuyer sur une base scientifique solide. De la même façon, la protection des forêts contre les agents nuisibles (incendies forestiers, insectes et maladies) font l'objet, à juste titre, de règlements précis et figurent à plusieurs des articles de l'avant-projet de loi, même si les modalités de partage des coûts de ces mesures ne semblent pas avoir été arrêtées.

Il nous semblerait utile que le même raisonnement de protection de la ressource s'applique au domaine général du reboisement où d'importants investissements vont être consentis aussi bien par le gouvernement que par les utilisateurs. Il n'est pas de notre ressort de formuler des obligations légales relatives, par exemple, à l'entretien des plantations; mais il nous semble primordial que l'État s'assure de disposer et se donne à lui-même et aux intervenants forestiers les moyens financiers, techniques et scientifiques requis, afin que les efforts consentis pour assurer le renouvellement de la forêt ne soient pas gaspillés.

Les grandes responsabilités dévolues au ministre et à ses fonctionnaires semblent justifier qu'une identité plus prononcée soit accordée au secteur forestier au Québec. À ce sujet, l'article 112 de l'avant-projet de loi, qui permet au gouvernement de désigner le ministre chargé de l'application de la loi, pourrait être l'occasion pour le gouvernement de reconnaître l'importance de la forêt et de prendre les mesures pour qu'un ministre en titre soit responsable du secteur forestier. Ce n'est évidemment pas la première fois que ce voeu est exprimé. Ajoutons cependant que la forêt du Québec, cette grande richesse collective qui est la nôtre, n'a jamais été aussi en danger.

Pour terminer cette courte intervention, rappelons que le Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de l'Université du Québec peut s'appuyer sur les compétences multidisciplinaires de plusieurs unités de recherche du réseau de l'Université du Québec. Mentionnons plus particulièrement le Centre de recherche sur les pâtes et papiers de Trois-Rivières qui a acquis ses lettres de noblesse notamment par ses recherches sur la fabrication de pâtes et papiers à partir d'essences feuillues ou à croissance rapide, les travaux du Groupe de recherche en productivité végétale et du Groupe de recherche et d'intervention régionales de Chicoutimi, dont certaines recherches s'adressent aux grandes priorités forestières du Québec, au Centre d'intervention et de recherche pour l'amélioration des situations de travail de Rimouski, qui s'implique également dans le secteur forestier, aux travaux effectués en Abitibi-Témiscamingue, une des principales régions forestières du Québec, et enfin au Centre de recherche en virologie, au Centre de recherche en bactériologie et au Centre de recherche en sciences appliquées à l'alimentation de l'Institut Armand-Frappier, dont la réputation scientifique est indéniable. Mentionnons également la récente mise en chantier, à l'Institut Armand-Frappier toujours, d'un centre expérimental d'irradiation gamma qui ouvre des perspectives fascinantes de recherches fondamentales et appliquées dans le domaine de la génétique forestière et de l'amélioration des arbres. Bref... (16 h 15)

Le Président (M. Charbomeau): Vous en reste-t-il beaucoup, M. Frisque?

M. Frisque: Non, il me reste une demi-page.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, allez-y.

M. Frisque: Ces nombreux groupes et centres de recherche sont heureux de constater la volonté exprimée par le ministre délégué aux Forêts de rajeunir et la forêt et les lois qui la gouvernent. Nous espérons que cette occasion unique permettra aux législateurs de mettre à profit l'accumulation des connaissances scientifiques qui sont déjà disponibles et de se donner les moyens d'acquérir celles qui seraient insuffisantes.

Nous pouvons l'assurer que l'expertise et l'intérêt des professeurs et chercheurs du Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières de l'Université du Québec sont à la disposition de tous les intervenants du secteur forestier, qu'ils soient gouvernementaux, privés ou industriels. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le directeur, M. Frisque, il me fait plaisir de vous revoir et de vous saluer ainsi que vos collègues. J'aimerais immédiatement passer la parole à mon collègue, le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Merci, M. le ministre. Messieurs les représentants de l'Université du Québec, du siège social et, bien sûr, de

l'Université du Québec à Trois-Rivières, Dr Paul Laurin, avec lequel j'ai eu l'occasion de travailler à d'autres comités... A ces occasions, j'ai été en mesure d'apprécier justement l'implication profonde du Dr Laurin dans les dossiers qu'il confronte. Je suis convaincu que sa participation à la rédaction du mémoire de l'université donne une touche particulière à son intervention.

Bien sûr, il fallait s'y attendre, à la suite des conversations que j'ai eues à plusieurs reprises avec les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivères surtout, que vous parlez de l'aspect de la recherche, c'est une préoccupation constante et à l'Université du Québec et à la constituante de Trois-Rivières. Vous parlez de mettre sur pied, d'instaurer une concertation qui fasse en sorte que l'on planifie, que l'on coordonne une recherche intégrée dans le domaine forestier. De quelle façon concevez-vous cet aspect de la coordination de la recherche dans le monde forestier?

M. Frisque: Je crois qu'une solution qui pourrait certainement être envisagée est la création d'un conseil ou d'un comité, peu importe le nom, consultatif qui regrouperait les différents intervenants dans le milieu forestier, que ce soient des représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources, des milieux de recherche universitaires et gouvernementaux, de l'industrie forestière ou des propriétaires privés.

M. Philibert: Évidemment, il faudrait qu'il y ait un financement adéquat à cette initiative.

M. Frisque: Si vous me permettez, je ne crois pas que cela implique des coûts énormes de réunir autour d'une même table de temps en temps des gens qui ont à coeur la même cause. Il y a énormément de travail à faire en recherche forestière au Québec, Les intervenants actifs sont relativement peu nombreux et je crois qu'ils démontrent tous le souci commun de coordonner leurs efforts afin d'arriver à une réponse qui soit la plus rapide et la plus efficace possible. Les coûts impliqués par une telle concertation pourraient être très minimes.

M. Philibert: Par la concertation, oui, mais par le fruit de cette concertation c'est-à-dire que c'est une concertation qui déboucherait, bien sûr, sur une politique de recherche et de développement dans le monde forestier. Il faudrait, bien sûr, aller chercher les fonds nécessaires pour les appliquer à la recherche.

M. Frisque: Je suis peut-être mal renseigné mais il me semble que les fonds nécessaires pour la recherche forestière au

Québec sont déjà, en grande partie, disponibles. Je crois que la réunion autour d'une même table des différents intervenants entraînerait au contraire des économies importantes. Cela éviterait un doublement dans certains cas. Cela éviterait une meilleure coordination des travaux de recherche parmi les différentes personnes qui l'utilisent. Je crois que le résultat final serait une importante économie de recherche et cela donnerait un effet de synergie important aux différents intervenants en recherche forestière. Cela aboutirait probablement à une meilleure utilisation des fonds disponibles pour la recherche.

M. Philibert: En fait, ce que vous suggérez, c'est une meilleure redistribution des fonds, c'est-à-dire que les différents intervenants du comité de concertation auraient leur mot à dire sur l'allocation des fonds en ce qui a trait à la recherche.

Par exemple, si on faisait un comité de concertation entre l'industrie, les utilisateurs de la forêt et, bien sûr, ceux qui sont intéressés davantage à la recherche fondamentale, tout le monde aurait son mot à dire dans la fixation des objectifs de la recherche.

M. Frisque: Mais je crois qu'on accuse souvent à tort les universitaires d'être dans des tours d'ivoire. La proposition vient des deux universités qui ont eu l'occasion de présenter un avis devant la commission, aussi bien l'Université Laval que l'Université du Québec.

La demande que nous exprimons, c'est que les utilisateurs des résultats de recherches identifient très clairement leurs besoins pour que les chercheurs universitaires puissent y répondre d'une façon adéquate. Cet échange d'idées et de points de vue se fait déjà individuellement sur le terrain, particulièrement à l'Université du Québec qui a une implantation régionale dans la province.

Je crois qu'il est cependant utile que les différentes personnes qui sont en état de prendre des décisions aient l'occasion d'effectuer ce même genre d'échange de vues à un niveau un peu plus élevé.

M. Philibert: Vous soulignez également dans votre mémoire que vous êtes favorables à l'avant-projet de loi et vous suggérez la création d'un ministère de la forêt. En quoi croyez-vous qu'une structure ministérielle plus autonome serait plus adéquate et favorable à une saine gestion de la forêt?

M. Frisque: D'abord, si on suggère la création d'un ministère des forêts, c'est avant tout pour reconnaître l'importance économique et sociale du secteur forestier au Québec. Il existe des ministères dont

l'importance économique est beaucoup moins importante qu'un éventuel ministère des forêts. Les revenus générés par la forêt pour l'État québécois sont très importants. Les responsabilités qui vont être allouées au ministère dans le nouveau régime forestier ont des conséquences économiques et sociales fort importantes aussi.

C'est devant cette réalité que nous croyons qu'il pourrait être nécessaire qu'un ministre en titre prenne en charge cet important dossier que constitue l'établissement d'un nouveau régime forestier.

M. Philibert: Pour revenir à la recherche, vous dites que les fonds réservés à la recherche sont là, ils sont disponibles et qu'un organisme de concertation devrait être créé pour une meilleure planification de la recherche. Cependant, vous vous surprenez qu'on ne parle pas de recherche à l'intérieur de la loi. Mais les contacts que j'ai avec mon université me laissent entrevoir que les besoins sur te plan de la recherche et particulièrement dans la recherche forestière où l'université voudrait aller plus loin dans le développement des créneaux d'excellence qu'elle a choisis pour développer l'industrie forestière et lui assurer une garantie de survie dans la région, parce que la région de Trois-Rivières est une région qui vit en grande partie des papetières... II me semble qu'il y a des besoins qui ne sont pas nécessairement comblés. Votre réponse, tantôt, m'a un peu surpris. Vous avez dit; Les fonds pour la recherche sont là, il reste à mieux les gérer par un comité de concertation.

M. Frisque: Si vous prenez l'exemple particulier de Trois-Rivières - je donnerai volontiers, après, l'occasion à M. Laurin d'exprimer son avis - il me semble que, récemment, on a vécu une chose assez regrettable. À la suite de la réorientation des priorités du ministère vers le reboisement, ce qui est tout à fait logique et nécessaire, une grande partie des fonds qui, avant, avaient été rendus disponibles dans le secteur de la transformation du bois et, en particulier, pour le centre de recherche en pâtes et papiers de Trois-Rivières, ces fonds, dis-je, ont disparu.

Il me semble que peut-être certains utilisateurs de la recherche pourraient essayer d'éviter que les priorités ministérielles ne changent d'une façon trop abrupte. La recherche forestière est une recherche qui se déroule à très long terme. Les financements, qui souvent se terminent sans période d'amortissement un peu plus longue, annulent des travaux de recherche importants qui ont été effectués pendant plusieurs années qui sont sur le point d'aboutir et qui ne le peuvent pas, à la suite d'une réorientation assez nette des priorités du ministère.

M. Laurin (Paul): Merci beaucoup, M. le député, de la question. L'Université du Québec à Trois-Rivières est fortement engagée dans le domaine de la recherche en pâtes et papiers, par son centre de recherche, et participe aussi pleinement au Centre multirégional en technologie forestière de l'Université du Québec. D'ailleurs, l'Université du Québec à Trois-Rivières assume le leadership de ce centre, grâce à son Centre de recherche en pâtes et papiers à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Or, l'Université du Québec à Trois-Rivières a essayé de travailler avec son centre, en collaboration avec les industries de l'endroit, puisque Trois-Rîvières est encore considérée comme le lieu privilégié des pâtes et papiers. L'utilisation, comme le disait M. Frisque tantôt, de certaines subventions laisse en plan certains de nos chercheurs qui, durant cinq ou dix ans, peuvent travailler sur un créneau de recherche bien précis. À l'Université du Québec à Trois-Rivières, il y a bien sûr une relation très étroite avec la forêt, puisque plusieurs de nos chercheurs travaillent, par exemple, sur des thèmes comme l'utilisation du produit de la forêt, la mise en pâte des différentes essences de bois à partir de certains produits à croissance rapide. Ils travaillent aussi sur la qualité finale des produits. Ils travaillent sur la rationalisation des ressources et ainsi de suite.

J'endosse bien sûr ce que vient de mentionner M. Frisque. C'est que si on pouvait s'arrêter d'une façon, au moins à moyen terme, au chapitre des priorités de recherche, pour ne pas que ces priorités de recherche soient toujours en ballant par rapport aux intérêts des chercheurs... Les chercheurs sont la, je pense, pour servir la communauté québécoise. Si, pendant X années, ils ont oeuvré avec beaucoup d'efforts pour développer certains produits, certains brevets et qu'à quelques semaines d'intervalles l'on puisse changer ces priorités, cela devient un peu difficile. On peut se poser des questions, à ce moment-là, à savoir comment les priorités sont établies?

M. Philibert: Je reviens au chapitre du financement de la recherche. Est-ce que vous croyez qu'il soit souhaitable que les exploitants, soit les compagnies papetières et les autres, soient appelés, si on créait un fonds de recherche tout à fait spécifique, à participer financièrement et quelles modalités pourrait-on mettre sur pied pour établir ce financement?

M. Frisque: Dans notre mémoire, nous ne parlons pas de la création d'un fonds de recherche, nous nous en tenons simplement à

l'étape initiale de la mise sur pied d'un comité de concertation. Je crois que ce sera à ce comité de concertation à suggérer au ministre l'éventuelle création d'un fonds de recherche. J'imagine que les intervenants en général, qu'ils soient industriels ou privés, auront à coeur de se donner les moyens de répondre aux obligations qui découlent des contrats d'aménagement et qu'ils participeront, si la recherche est adéquate, à l'effort qui leur sera demandé.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Philibert: Merci, M, le Président.

M. Frisque: M. le Président, je voudrais vous demander la permission de faire une correction, qui n'était pas incluse dans le mémoire qui a été soumis à l'origine par le Centre multirégional mais qui découle de discussions qui ont été tenues dans cette commission, hier soir, à la présentation faite par la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval et à la couverture de certains médias. Il s'agit de la forêt Montmorency.

Vous avez probablement vu des articles dans la presse qui avaient l'air de suggérer une certaine rivalité entre l'Université du Québec à Trois-Rivières et l'Université Laval. Après avoir consulté les autorités responsables de l'Université du Québec à Trois-Rivières et le siège social, je voudrais faire la mise au point suivante en cinq points extrêmement courts.

L'Université du Québec et l'Université du Québec à Trois-Rivières en particulier sont très intéressées au développement et à la recherche sur les forêts. La forêt Montmorency, dans notre esprit, doit exister. Cette forêt a une valeur unique au point de vue de la recherche forestière au Québec. L'Université du Québec n'a aucunement l'intention de faire de l'ingérence dans les affaires d'une autre université. Il n'est pas actuellement question de rivalité entre l'Université du Québec et l'Université Laval. Certains projets de recherche du centre multirégional en foresterie de l'Université du Québec pourraient certainement être faits en collaboration avec l'Université Laval à la forêt Montmorency. De tels projets conjoints ont déjà lieu actuellement entre certains établissements de l'Université du Québec et de l'Université Laval à la forêt Montmorency. (16 h 30)

Comme directeur du centre multirégional en foresterie de l'UQ, j'ai été spécifiquement mandaté pour établir le dialogue le plus fructueux et le plus ouvert possible avec la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval. Ce dialogue actuellement s'effectue et se déroule de façon tout à fait positive et ouverte. Le dernier point, c'est que je veux insister pour que l'Université du Québec et le Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières soient tout à fait ouverts à toute forme de concertation qui permettrait de maintenir les activités de recherche à la forêt Montmorency, ceci en collaboration avec l'Université Laval ou avec n'importe quel autre organisme qui serait intéressé à préserver cette forêt. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau}: Cette mise au point étant faite, M. le député...

M. Philibert: J'ai une autre question à poser, M. le Président, si c'est possible.

Le Président (M, Charbonneau): Allez-y.

M. Philibert: Comme vous insîtez beaucoup sur la recherche et que vous me convainquez que dans le domaine forestier la recherche est nécessaire, compte tenu du passé de l'exploitation forestière et de l'impasse dans laquelle on risque de se retrouver à moyen et à court terme, iriez-vous jusqu'à dire que, si l'on ne parle pas de façon spécifique de recherche à l'intérieur de cette loi ou enfin s'il n'y a pas de volonté politique ferme du gouvernement de faire des plans de recherche en concertation avec les universités, la politique forestière du gouvernement serait difficilement applicable ou enfin qu'elle ne s'appliquerait pas de façon aussi efficace?

M. Frisque: D'abord, la concertation existe déjà actuellement entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et les différents intervenants en recherche forestière. Il y a des échanges d'information et des processus de consultation qui ont lieu actuellement; donc, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'échanges. Ce que l'on souhaite, c'est que, dans l'avant-projet de loi et dans le projet de loi éventuel qui en découlerait, la place spécifique de la recherche soit beaucoup plus clairement indiquée qu'elle ne l'est actuellement. Actuellement, on n'y fait pas du tout référence.

Ce que l'on craint, et cela est tout à fait indépendant des personnes au pouvoir... Comme vous le savez, les lois restent et les gouvernements changent. On aimerait que l'importance de la recherche soit soulignée dans l'avant-projet de loi. Prenons un exemple récent. Lors de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, des fonds impartants ont été libérés pour effectuer la recherche sur la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Ces fonds-là ont été libérés à la suite d'une obligation qui a été imposée au ministère de l'Énergie et des Ressources. Les chercheurs en étaient

enchantés parce que cela leur a permis de faire progresser énormément les travaux. Ce que l'on craint, c'est que le Conseil du trésor décide, par suite de circonstances naturelles comme la fin de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, que les problèmes de recherche sont beaucoup moins prioritaires. Je voudrais clairement insister sur le fait que cette réaction n'est pas une réaction de méfiance vis-à-vis des personnes actuellement en poste au ministère et qui décident des allocations de recherche. Ce que l'on craint, c'est qu'à un moment le Conseil du trésor ou le gouvernement du Québec considère que les priorités de recherche forestière ne soient plus suffisamment importantes pour débloquer les fonds suffisants. Nous trouverions très rassurant que l'aspect de la recherche et du développement forestier soit plus clairement identifié dans la loi.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Philibert: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): M. le Président, il me fait plaisir au nom de l'Opposition et au nom de mon collègue, le député de Duplessis, qui a dû s'absenter pour quelques minutes, de souhaiter la bienvenue à M. Frisque, de même qu'au Dr Laurin et aussi à M. Beaudry. Votre mémoire n'est pas très volumineux, mais il est très consistant en termes de recommandations. Cela fait quelque chose de fort original puisque vous avez aussi, de par la nature même de l'organisation que vous représentez, misé sur un secteur particulier qui est l'importance de la recherche et, à l'intérieur de cela, il y a deux ou trois recommandations sur lesquelles j'aimerais revenir dans quelques minutes.

Par rapport aux différentes questions qui ont été posées par mon collègue, le député de Trois-Rivières, il y a quelques minutes, je tiens à rassurer les gens de l'Université du Québec: non seulement la recherche dans le domaine de la foresterie est importante, mais la recherche et le développement dans le domaine de l'entreprise en général est un secteur qu'on a quelque peu oublié au cours des années. Le Québec va réussir à se renforcer à tous les points de vue si on pousse à fond la recherche et le développement. Je peux vous dire, pour avoir oeuvré dans le domaine de l'entreprise depuis vingt ans, que j'ai toujours pensé, et je vais continuer à le prêcher très fort, que la solution pour se différencier et prendre les avances technologiques, c'est dans le domaine des ressources naturelles et de la foresterie, par exemple; c'est effectivement là que l'on pourra regagner le terrain perdu. Lorsque vous dites que la situation des forêts est actuellement dans un piètre état et qu'il faut pousser à fond la recherche et le développement, je pense que, de ce côté-ci, vous n'aurez pas de difficulté à nous convaincre.

Pour ce qui est de l'approche du ministre et du gouvernement, il existe toujours la contrainte, effectivement - je pense que le ministre sera d'accord avec moi - que, dans l'ensemble des priorités d'un gouvernement - le "R and D" comme on l'appelle régulièrement - cette fameuse recherche, si on ne l'a pas mise en première priorité, devient finalement une priorité moins importante. On sait ce qui arrive sur le plan des compressions budgétaires que tout gouvernement peut avoir. C'est une question de priorité. Il s'agît que, dans un domaine précis - si tel est le cas et si cela peut se faire à la suite de cette commission parlementaire - le ministre défende énergiquement l'importance de la recherche et du développement et il ne fait aucun doute qu'il obtiendra - je l'espère sincèrement - les sommes d'argent nécessaires.

Au fond, ce n'est pas une dépense. On a un peu l'impression qu'il faut s'assurer d'avoir les sommes nécessaires, mais ce n'est pas une dépense; c'est un investissement. Si, aujourd'hui, on trouve un moyen de favoriser le procédé, la génétique, la façon dont on pourra faire repousser nos forêts ou la façon dont on pourra recréer et activer cela sur des périodes beaucoup plus rapides, il ne fait aucun doute, à mon avis, que l'on va rapidement rentrer dans son argent.

Quand vous parlez d'un centre ou d'un conseil consultatif, là aussi, je suis d'accord. J'aimerais que puissiez nous dire, M. Frisque en plus de ce travail de coordination et de concertation entre les différents intervenants, puisque ce conseil consultatif des principaux intervenants se rapporterait directement au ministre, ces intervenants deviendraient quand même des conseillers particuliers ou privilégiés auprès du ministre si vous voyez au-delà de cela, de cette concertation et de cette discussion qui sont fort importantes, d'autres éléments ou d'autres mandats qui pourraient déboucher sur ce conseil consultatif de la part du ministre. C'est ma première question. Est-ce que vous pourriez y répondre?

M. Frisque: Volontiers. D'abord, je voudrais vous remercier, M. le député de Bertrand, de votre grande conviction vis-à-vis de l'utilité de la recherche et du développement. Vous m'avez quasiment retiré les mots de la bouche. Si tous les députés sont aussi éloquents que vous, l'avenir de la recherche est assuré au Québec.

M. Parent (Bertrand): II en reste seule-

ment 121 à convaincre.

M. Cannon: Ce n'est pas l'éloquence qui compte, c'est l'application.

Une voix: Dites cela à votre ministre.

M. Frisque: Pour revenir plus précisément à votre question, c'est évident que le mandat de concertation et de coordination d'un comité ou d'un conseil consultatif est fondamental. J'y vois personnellement un autre avantage. Il me semble inévitable que, dans certaines situations, il y ait un désaccord entre le ministère et les utilisateurs. Ce désaccord pourrait porter sur les méthodes utilisées pour faire certaines évaluations ou pour rendre certains jugements sur les actions qui ont été prises. Il me semble que la seule façon logique d'harmoniser les différents opposants, s'il y en a, c'est de fonder l'argumentation sur une base scientifique solide. Je crois qu'il serait très important que le ministère, comme les utilisateurs, puisse se référer à une tierce partie qui n'est impliquée ni d'un côté ni de l'autre et qui pourrait être, comme cela l'a souvent été, les professeurs d'université. Et, sans vouloir jouer un rôle d'arbitre, je crois que nous pouvons au moins assurer les différents interlocuteurs que l'approche scientifique absolument objective que nous pouvons prendre pourra leur permettre d'adopter des éléments de réponse ou de solution qui soient acceptables d'un côté comme de l'autre.

M. Parent (Bertrand): M. Frisque, l'exemple que vous donniez tantôt, la mise au point par rapport à l'intervention Université Laval et Université du Québec, je pense que c'est un exemple éloquent de manque de concertation. Cela transpire dans les journaux qu'il semble y avoir, de la part de deux organismes ou de deux universités... L'une envie l'autre ou veut prendre le terrain de l'autre. Je pense que les corrections que vous avez faites tantôt ou les précisions en ce sens que vous n'avez pas l'intention de faire de chevauchement par rapport à ce que fait actuellement l'Université Laval, cela me semble important.

Mais ce manque de coordination et de concertation entre les différents intervenants, que ce soit au niveau universitaire, au niveau gouvernemental ou au niveau de l'entreprise privée, est d'autant plus important que l'ordre des priorités au niveau des recherches et la complémentarité par rapport aux recherches que vous faites sont sûrement très loin d'être assurés actuellement. Cela veut dire qu'à l'intérieur de l'Université du Québec, que ce soit à Trois-Rivières, Chicoutimi, Abitibi ou Rimouski, vous faites sûrement des travaux de recherche dans des domaines très spécifiques sur des créneaux très particuliers. Mais, en même temps, il se fait sûrement des travaux qui pourraient lui être complémentaires ou, même, qui sont du doublement de ce qui se fait ailleurs.

 toutes fins utiles, je pense aussi que cela répond aux interrogations du député de Trois-Rivières quant à des sommes mises au mauvais endroit parce qu'il y a, en vase clos, beaucoup trop de gens qui travaillent. C'est normal car, si on recule quinze, vingt ou trente ans, on a été habitué à travailler chacun pour soi, surtout dans le domaine de la recherche. Cela existe dans les autres domaines aussi au niveau de l'entreprise par rapport à ce qui se fait, que ce soit au CRIQ ou que ce soit au CIM à Montréal ou dans les différents centres de recherche, mais tout le monde travaille un peu en vase clos. Tout à coup, on s'aperçoit, une bonne journée, qu'effectivement il y a des années de travail qui ont été mises pour arriver sensiblement, les uns par rapport aux autres, avec des résultats semblables. Seulement de mettre en commun ces gens autour d'une même table et de s'assurer que, d'une part, vous êtes sur la même longueur d'onde ou sur les mêmes priorités, cela me semble important. J'imagine que le ministre va trouver cela important aussi.

Le dernier point, puisque nous allons être assez serrés en termes d'horaire, c'est cette préoccupation que vous avez, que j'ai aussi, qu'on a au niveau de l'Opposition, de l'importance - peut-être que le ministre m'en voudra ou m'en félicitera - de la création d'un ministère des Forêts. Vous n'êtes pas les premiers à réclamer cela. Je pense que l'importance que prend aujourd'hui la forêt comme richesse naturelle et l'importance qu'ont les problèmes actuellement au niveau de toute la régénération de nos forêts, cela nous amène sûrement à appuyer ou à recommander la formation d'un ministère, avec un ministre en titre.

Essentiellement, le problème vient du fait qu'à l'intérieur du ministère de l'Énergie et des Ressources il y a beaucoup d'autres préoccupations. Je dois dire que la création d'un ministère, non pas qu'on veuille créer des ministères pour créer des ministères, mais la priorité qui pourrait y être accordée, avec les outils qu'un ministre pourrait avoir comme ministre de la Forêt, à mon avis, cela deviendrait un atout majeur pour les intervenants du milieu et cela apporterait certainement tout l'éclairage et le support dont vous avez besoin. Cela, sans grand frais j'imagine, vous assurerait à vous la priorité. (16 h 45)

Vous avez mentionné, à deux ou trois reprises, M. Frisque, cette préoccupation de la priorité parce que les gouvernements, les élus, cela change avec les années et, tout d'un coup, il y a des changements de cap et vous ne pouvez pas, après trois ans, cinq ans ou huit ans de recherche dans un domaine

être obligé de changer de cap parce que finalement, on vous demande de changer de cap. Je pense que c'est important d'essayer de solidifier ou de couler dans le béton certaines orientations très précises. Je dois vous dire que le fait qu'on ne retrouve pas... le fait qu'on soit aussi en avant-projet de loi va certainement permettre au ministre et aux gens du gouvernement d'insérer à l'intérieur de l'avant-projet de loi les principaux éléments, dont particulièrement l'importance de la recherche et du développement, la question de la table de concertation ou le comité consultatif ou le conseil consultatif puisqu'ils font, en tout cas, l'objet de plusieurs recommandations que j'ai entendues au cours des derniers jours. Cela me semble important.

En terminant, quant à la création d'un ministère, je pense que les différents intervenants que vous êtes devez faire les pressions nécessaires parce que c'est, à mon avis, le temps ou jamais où le gouvernement pourrait prendre cette décision. Si elle n'est pas prise là, on devra peut-être lui dire adieu. Mais si le gouvernement et si le ministre croit vraiment que c'est une priorité pour la forêt, je pense qu'il faut se donner des outils nécessaires et les outils nécessaires, à mon avis, ne correspondent pas nécessairement à des sommes d'argent, mais beaucoup plus au fait de réorienter les sommes que nous avons actuellement pour en faire des ordres de priorité. C'est un peu la position qu'on prend là-dessus. Je ne sais pas si vous avez des commentaires, parce que je voudrais garder quelques minutes pour la fin.

M. Frisque: J'aurais un commentaire très rapide. Je suis entièrement d'accord avec les idées que vous soumettez. Je ne voudrais cependant pas qu'à partir de certains articles de journaux, on conclue à un manque de concertation entre les universités au Québec qui oeuvrent dans le domaine forestier. L'entente entre l'Université Laval et l'Université du Québec est vraiment très active actuellement. Vous parlez de coordination. Il me semble que l'Université du Québec, avec l'aide du gouvernement, a donné l'exemple dans ce domaine justement en créant un centre multirégional en foresterie qui regroupe les efforts de cinq universités régionales différentes afin d'éviter une duplication. Ensuite, quand on aura fait le travail chez nous, on souhaite que les autres universités en fassent autant. On est prêt à leur offrir toute la coopération qui sera nécessaire.

M. Parent (Bertrand): C'est tout pour l'instant.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de La Peltrie, qui a quitté pour quelques instants. En ce cas, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. En premier, je voudrais rendre hommage à l'Université du Québec. Quand je regarde la liste des travaux de recherche qui a été confiée à l'Université du Québec cette année, elle est très variée, qu'il s'agisse de la culture végétale, qu'il s'agisse de l'industrie de transformation, qu'il s'agisse de la santé également. J'ai eu dans ma carrière, à maintes reprises, recours à l'Université du Québec à Trois-Rivières, spécialement du côté des pâtes et papiers. Je veux rendre hommage à M. Laurin. Évidemment, rendre hommage, cela ne fait pas pousser les arbres et cela ne donne pas des budgets. Mais tout de même, on travaillera pour en trouver.

Je veux aussi féliciter le député de Parent...

M. Parent (Bertrand): De Bertrand. Parce qu'on a changé le nom depuis tantôt.

M. Côté (Rivière-du-Loup): De

Bertrand...

Le Président (M. Charbonneau): De façon progressive, dans quelques années peut-être, y aura-t-il un comté au nom du député, mais pour le moment...

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...d'avoir lu avec attention le Défi technologique de M. Bourassa et d'en tenir compte dans ses remarques.

Quant à moi...

M. Parent (Bertrand): J'ai appris beaucoup de M. Bourassa, soit dit en passant, parce qu'on a fait une dernière campagne ensemble.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Quant è moi, je considère que vous représentez aujourd'hui l'ensemble des régions du Québec. Quand on parle d'intervention forestière, on parle des forêts du Québec également. Je considère que le Centre multirégional de l'Université du Québec représente totalement la province. Je tiens à le faire remarquer parce qu'on nous a reproché de ne pas entendre les différents intervenants qui faisaient partie des associations ou des groupements provinciaux.

Vous parlez beaucoup de recherche surtout pour la création d'emplois, surtout pour l'avenir de nos forêts et surtout pour la santé de nos forêts, accordez-vous plus d'importance à la création d'emplois, au maintien des emplois ou à notre capacité concurrentielle sur les marchés mondiaux en développant des nouveaux produits?

J'aimerais que vous explicitiez davantage la question de la concurrence. Vous faites des recherches sur la pâte faite

d'arbres feuillus. Comme on a beaucoup de feuillus dans nos forêts du Québec - je sais que vous continuez à travailler dans ce domaine - est-ce qu'il y a des espoirs d'utiliser à moyen terme toutes ces essences inutilisées au Québec de façon que l'on puisse reconstruire une forêt d'arbres de plus grande valeur au Québec?

M. Frisque: II me semble que la première chose - et le gouvernement l'a très bien compris - c'est d'assurer le renouvellement de la forêt. Au rythme où l'on va actuellement, on n'aura peut-être plus de forêts au Québec dans 50 ans et ce ne sera même pas la peine de faire des recherches sur le développement de nouveaux produits forestiers, puisqu'il n'y aura plus de ressources ligneuses. Donc, la priorité doit sans aucun doute aller avant tout au reboisement et à la survie des plants que l'on va mettre en terre. Dans ce cadre-là, la protection des plantations et l'entretien des plantations avec les moyens adéquats sont absolument fondamentaux, si on veut assurer que l'investissement qu'on fait actuellement ne sera pas fait en pure perte.

Il est évident que le Québec dispose de ressources feuillues, surtout de feuillus intolérants, en très grande quantité et qu'on a actuellement peu de débouchés. Il y a des travaux qui sont en cours, particulièrement à l'Université du Québec à Trais-Rivières, pour la mise au point de nouveaux débouchés pour ces essences feuillues intolérantes qui sont peu utilisées présentement. Ces travaux progressent très rapidement mais ils sont très compétitifs. Ils sont menés à plusieurs autres endroits dans le monde. Vous le savez aussi bien que moi, les essences feuillues poussent beaucoup plus vite dans les climats tropicaux que dans le climat nordique qui est le nôtre. Ces travaux sont en cours. Ils doivent se prolonger, ils doivent continuer, mais j'ai l'impression que le gouvernement du Québec, avec raison, met actuellement la priorité sur le reboisement et sur la première étape qui est fondamentale à n'importe quel aménagement forestier, celui d'assurer le renouvellement de la ressource forestière.

M. Laurin: Pour l'Université du Québec à Trois-Rivières, et je pense que c'est vrai pour l'ensemble des universités, la question que vous posez, M. le ministre, à savoir si l'on doit être préoccupé par cette création d'emplois, je pense que les universités, de plus en plus, ont une attitude très positive par rapport à cette relation qui doit exister entre l'industrie et la science. Je pense, si on retournait en arrière, que l'université a réellement modifié son cheminement par rapport à cette attitude. Donc, il y a une relation très étroite entre la création d'emplois et la science comme telle.

J'aimerais vous citer une des remarques de l'ancien directeur général du CRSNG à Ottawa qui disait: "Sans un accroissement de sa compétence techlogique, le Canada, et bien sûr le Québec, perdra ses avantages actuels, même dans les marchés d'exploitation basés sur les ressources." Je pense que c'est le défi que nous avons à relever au cours des prochaines années, soit cette croissance technologique pour atteindre des objectifs économiques.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Laurin. Quel échange avez-vous avec le Centre de recherche en pâtes et papiers à Pointe-Claire, qui relève de l'industrie? Considérez-vous que l'industrie fait cavalier seul et qu'elle fait assez de recherche? Selon votre conseil de concertation, je pense bien qu'il y aurait avantage à coordonner tout cela afin d'éviter, évidemment, qu'on se marche sur les pieds?

M. Frisque: C'est une question extrêmement pertinente et embarrassante que vous posez, M. le ministre. La concertation existe actuellement entre le Centre de recherche sur les pâtes et papiers de Trois-Rivières et le PPRAC à Pointe-Claire. Je ne crois pas qu'ils se marchent vraiment sur les pieds. Si mon information est bonne, ils ont deux priorités qui sont assez différentes. Traditionnellement, l'industrie forestière et particulièrement l'industrie papetière s'adressent à Pointe-Claire pour trouver des façons d'améliorer la fabrication de la pâte à partir d'essence résineuse, tandis que ce qui a fait la valeur et l'originalité du Centre de recherche sur les pâtes et papiers de Trois-Rivières, c'est surtout l'utilisation d'essences feuillues ou d'essences à croissance rapide.

Je crois donc qu'il s'agit là de deux créneaux différents. Cependant, la problématique que vous soulevez est exacte dans de nombreux domaines où le Québec et l'industrie forestière québécoise s'adressent, de façon privilégiée, à des organismes nationaux qui ont des fonds importants, mais qui s'adressent à des priorités qui intéressent l'industrie d'un bout à l'autre du Canada. Je crois que c'est une approche tout à fait valable et logique, mais le Québec ne doit pas pour autant renoncer à financer des travaux qui seraient propres à certains de ses besoins particuliers. C'est évident que l'utilisation du bouleau à papier est beaucoup plus importante au Québec qu'elle ne l'est en Colombie britannique. Cela pourrait être une priorité à Trois-Rivières. Ce ne sera pas forcément une priorité à Pointe-Claire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): En ce qui concerne les créneaux, la participation à un niveau national, est-ce qu'actuellement les pourcentages investis par chacune... Je dis

"investis" parce que, comme le mentionnait le député de Bertrand, c'est un investissement qui peut être très rentable, souvent, à court terme et à moyen terme. Est-ce que vous croyez que notre industrie devrait contribuer, sur la base d'un tiers, un tiers, un tiers, avec le fédéral, les provinces et l'industrie, sur une base nationale? Des conseils de concertation sur la recherche, il en existe dans d'autres provinces et le fédéral est sur le point d'en mettre un sur pied, ou il existe également là.

M. Frisque: La question que vous me posez, je peux difficilement y répondre en tant qu'universitaire. Vous proposez un tiers, un tiers, un tiers. Cela me convient tout à fait puisque la somme, c'est un. Si chacun des partenaires veut mettre deux tiers, tant mieux.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Philibert: Vous dites dans votre mémoire et dans vos réponses... M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Je peux vous dire qu'il vous reste...

M. Philibert: D'accord, l'alternance.

Le Président (M. Charbonneau):

Malheureusement, M. le député de Trois-Rivières...

M. Philibert: On a terminé. On n'a plus de temps.

Le Président (M. Charbonneau): ...le ministre vient d'épuiser le temps alloué à votre formation politique.

M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup parlé de l'importance de la recherche scientifique dans le domaine forestier, position que j'endosse d'emblée, reconnaissant l'importance de cette recherche. Dans votre intervention, je n'ai pas cerné votre définition. C'est quoi, pour vous, la recherche scientifique dans le domaine forestier? C'est large le domaine forestier. Cela peut aller de l'utilisation des biomasses jusqu'à la mécanisation à outrance, en passant par toute la gamme des produits ligneux, le clonage, la mise en marché. Enfin, c'est très large. Quelle est votre définition? Comment pourriez-vous cerner, en quelques mots, ce que vous croyez être la recherche forestière?

M. Frisque: En quelques mots, vraiment, parce qu'on n'a pas deux heures. La recherche forestière, c'est un outil qu'on livre à un utilisateur qui fait face à un problème pour lequel il n'a pas de solution. Ce qu'on souhaite, c'est que les gens qui se trouvent face à des problèmes insolubles nous expliquent quels sont leurs problèmes et, en tant que chercheurs, nous allons analyser différentes façons de résoudre ces problèmes et transmettre les résultats de cette recherche de la façon la plus pratique possible pour qu'elle soit appliquée. Cela veut dire une grande importance à la recherche appliquée et, en même temps, un souci de recherche fondamentale pour dépasser une explication à court terme et comprendre des processus qui sont souvent très complexes.

M. Claveau: Je vous remercie pour cette réponse synthèse. Vous savez comme moi - on en a parlé un peu tout à l'heure quand le député de Trois-Rivières faisait référence au financement, à la capacité de financer la recherche - que, là comme ailleurs, les sommes d'argent, les masses d'argent à injecter dans la recherche scientifique ne sont pas élastiques à l'infini. Il y a une limite, il y a des budgets, et si on fait la somme de cela, on peut toujours s'imaginer que ce n'est pas suffisant, sauf qu'il faut composer à même les budgets qui sont mis à notre disposition.

À partir de cela, à partir de ce que l'on connaît comme capacité de financer la recherche forestière, si on vous demandait de définir les lignes maîtresses, de dire quelles recommandations vous pourriez faire à un gouvernement, dans quels secteurs il devrait intensifier la recherche dans le domaine forestier? Qu'est-ce que vous répondriez?(17 heures)

M. Frisque: Étant donné la décision qui a déjà été prise par le gouvernement du Québec et par le gouvernement fédéral d'investir des sommes importantes dans le reboisement et qu'on n'a pas toutes les solutions toutes faites pour éviter que le reboisement ne donne pas les résultats escomptés, il me semble que la priorité est de trouver les moyens techniques et scientifiques pour assurer la survie et le développement de plants qui sont mis en terre et l'autre priorité devrait être d'acquérir la certitude que le bénéfice escompté de ces plantations ou de cette régénération naturelle va effectivement donner les résultats qu'on en attend. Sinon, et cela a été souligné dans le discours de l'Opposition lors de la première journée de la commission parlementaire, on prend un risque énorme en hypothéquant le capital et en se basant sur des résultats dont on n'est pas certain aujourd'hui.

M. Claveau: Tout en endossant la validité de votre réponse, il reste un fait. L'entreprise forestière, d'une part, a comme préoccupation de générer des revenus, des

bénéfices, la mise en marché, de diversifier les utilisations de la matière ligneuse déjà existante afin de pouvoir augmenter sa marge de revenus et, éventuellement, les emplois en forêt et tout cela. Il me semble qu'il y a une autre priorité qui se dégage. L'entreprise forestière, selon les informations que l'on possède actuellement, tout en reconnaissant théoriquement l'importance du reboisement, ne semble pas accorder dans la pratique une grande importance à investir dans le reboisement ou la remise en valeur des terres.

Dans le contexte d'une concertation plus constante, d'une concertation plus suivie entre les universitaires et les praticiens du domaine forestier, lequel devrait s'adapter à l'autre? Je ne le sais pas. J'ai l'impression qu'il y a un genre de dichotomie entre les deux visions. La première, qui est de vouloir assurer un renouvellement de la ressource pour faire en sorte que les investissements actuels ne soient pas faits en vain. La deuxième, il y a ceux qui investissent actuellement qui veulent bénéficier au maximum de leurs investissements, toujours dans le contexte où il y aurait probablement rupture de stock, et qui veulent le rentabiliser le plus rapidement possible. Je me demande qui va faire l'arbitrage entre ces différentes visions de la recherche.

M. Frisque: Je n'ai pas la même vision que vous et je ne vois pas une telle dichotomie entre les besoins de l'industrie et ceux de la recherche universitaire. L'industrie forestière va être éminemment intéressée à assurer le renouvellement des parterres de coupe. Le nouveau régime forestier l'y oblige quasiment. C'est une des raisons pour lesquelles nous appuyons cet avant-projet de loi. C'est qu'on va assurer que la richesse collective québécoise va continuer à exister au profit de l'industrie et de la population du Québec. Je crois qu'il n'y aura aucune difficulté à faire une jonction entre les travaux de recherche faits par des universités ou d'autres organismes en vue d'assurer le renouvellement de la forêt et l'obligation que les utilisateurs de la forêt vont devoir remplir, d'assurer que le bois qu'ils récoltent sera remplacé par un minimum, une quantité équivalente.

Il me semble que le régime forestier qui nous est proposé conduit tout naturellement à une rencontre très harmonieuse des deux intérêts.

M. Claveau: Par contre, étant moi-même en contact assez régulièrement avec l'entreprise forestière dans le comté d'Ungava qui est un comté de ressources forestières, je sais que beaucoup d'industriels forestiers sont beaucoup plus préoccupés par la rentabilisation immédiate de leurs investissements, par la garantie d'avoir des marchés et par la diversification des produits. Entre autres, ils sont intéressés au développement de nouvelles machineries, d'une mécanique peut-être plus simple, plus souple qui pourrait permettre une récolte toujours plus rapide afin de pouvoir rester concurrentiels. À première vue, j'ai l'impression que ce serait leur priorité.

M. Frisque: Sans aucun doute, c'est leur priorité et c'est tout à fait concevable, logique et acceptable. En même temps, j'imagine qu'une de leurs priorités est leur survie à plus long terme probablement avec un horizon plus éloigné que les cinq prochaines années. À ce moment, par exemple, les travaux sur la dynamique ou l'évolution du peuplement forestier devraient être éminemment intéressants pour les utilisateurs de la forêt parce que cela va leur permettre de s'assurer qu'un investissement qu'ils font aujourd'hui donnera encore des intérêts dans dix, quinze ou vingt ans.

M. Claveau: Je suis d'accord avec cela, mais je continue à croire qu'il y a une vision, une perception tout à fait différente de la recherche entre l'industriel qui est pris avec les problèmes du quotidien qu'il doit régler, et le chercheur qui peut se permettre de regarder cela avec peut-être un peu plus d'intensité, avec une certaine continuité historique, une certaine pérennité. En tout cas, vous me permettrez de dire que je ne suis pas convaincu que la jonction entre les intérêts de l'un et de l'autre va se réaliser aussi harmonieusement. C'est un commentaire et, en même temps, c'est peut-être une question. J'aimerais savoir de quelle façon concrète vous envisagez la possibilité de faire cette jonction.

M. Laurin: On essaie depuis des années d'apporter une réponse à la question que vous soulevez. Â mon avis, c'est un des problèmes les plus épineux auxquels le monde universitaire et le monde économique ont à faire face actuellement: Comment en arriver à assurer un véritable "partnership" - si je comprends bien - entre le milieu industriel et le milieu scientifique aussi? Je pense, en tout cas pour l'avoir expérimenté pendant plusieurs années, qu'il y a une attitude des chercheurs universitaires par rapport à cette ouverture sur l'industrie. Je pense qu'il y a un travail d'animation à faire et un travail très positif à réaliser d'ouverture.

De l'autre côté, cependant, pour ce qui est de l'industrie, il faut que les attentes vis-à-vis des chercheurs scientifiques ne soient pas des attentes qui peuvent souvent être réglées par un technicien, par exemple. Si on s'adresse à des chercheurs scientifiques, c'est habituellement pour avoir une réponse scientifique à un problème. Souvent, il y a des industriels qui s'adressent

à un chercheur universitaire alors qu'un technicien de cégep pourrait possiblement résoudre le problème. Il y a, bien sûr, une forme de deux solitudes qui sont là et je pense que le défi des prochaines années sera encore une fois de vivre en concertation avec ce milieu industriel. Je pense que c'est un effort...

Pour répondre directement à votre question, à savoir quelles sont les mesures concrètes que l'on peut immédiatement établir pour avoir un plan d'action là-dessus, cela devient difficile, mais je pense qu'il faut continuer de part et d'autre. Il faudra peut-être que le gouvernement encourage, par certains programmes, les industries à s'orienter davantage vers l'université. Peut-être faudra-t-il songer à un "partnership" en ce qui concerne les fonds de recherche, etc. Il faudra réfléchir sur cette question. C'est un débat important qui devra être résolu.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Laurin. M. te député d'Ungava, je vous rappelle que le temps des deux formations est écoulé et qu'il reste à peine quelques secondes pour le mot de la fin d'un représentant de chaque formation. Donc, je cède la parole au député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. En terminant, je sais que l'on va retrouver M. Frisque avec un autre chapeau, tantôt, pour nous présenter un autre mémoire. Non? Vous êtes sur notre liste, à l'Union québécoise pour la conservation de la nature.

M. Frisque: C'est une erreur totale.

M. Parent (Bertrand): Alors, je vais vous faire mes adieux pour vrai. Je voudrais vous remercier, de même que le Dr Laurin, comme doyen, et aussi M. Beaudry, directeur du service de la recherche, de vous être déplacés et d'avoir présenté ce mémoire qui, je l'ai dit au début, n'est peut-être pas le plus volumineux, avec des centaines de pages. Ce n'est pas cela qui est important, votre message était très clair.

En terminant, j'aimerais vous dire, en rapport à votre dernière intervention, M. Laurin, que je crois profondément que le défi des prochaines années... Nous sommes rendus à cette jonction. Il faut absolument que le "partnership" s'établisse. Actuellement, on est sur deux voies parallèles. Les chercheurs travaillent et s'en vont sur une ligne et, sur la même voie ferrée, l'autre "track", comme on dit, c'est l'entreprise. Je pense que des mécanismes de concertation, des tables de discussion vont permettre aux deux de se comprendre. Je pense qu'on n'est pas loin de cette concertation, de faire que tout le monde se rencontre. C'est là le défi et, dans ce sens, il va falloir que le gouvernement fasse tous les efforts pour l'encourager, la stimuler, parce que, si les deux partenaires que vous êtes ne travaillent pas dans le même sens, la priorité que vous demandez, vous ne l'obtiendrez pas.

Alors, soyez assurés, en terminant, de toute notre collaboration parce qu'on est, en tout cas, sur la même voie en ce qui regarde la priorité de la recherche et du développement. Pour ma part, je n'ai pas fini de défendre cela. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Bertrand. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le directeur, M. Laurin, M, Beaudry, je vous remercie sincèrement pour la limpidité de votre présentation et l'exactitude de vos réponses. Je reconnais, pour l'avoir vécu à quelques reprises, votre grande collaboration avec le ministère dans tous les secteurs de la forêt. Je reconnais également votre collaboration en ce qui concerne la forêt Montmorency. C'est pour moi un vif plaisir de vous entendre. Soyez assurés que, même s'il n'est pas mentionné dans l'avant-projet de loi, nous avons évalué au ministère le conseil de concertation et de recherche au Québec et cela va rester une de nos préoccupations. Nous tiendrons compte de vos remarques à savoir qu'un conseil du genre nous permettra d'économiser des efforts et des montants d'argent.

Encore une fois, merci beaucoup pour votre présentation très limpide et très exacte.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, au nom de la commission, merci et bon retour.

Union québécoise pour la conservation de la nature

J'invite maintenant le représentant de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. En principe, il est représenté par M. Harvey Mead, président. J'aimerais qu'il nous présente les autres membres qui l'accompagnent.

M. Mead (Harvey): Merci. J'aimerais préciser que M. Frisque est là par erreur. Il n'a d'ailleurs pas travaillé à la rédaction de notre mémoire. Je le connais.

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mead: J'aimerais aussi souligner que la personne responsable de la préparation de ce mémoire, M. Gérard Szaraz, ingénieur forestier, est en dehors du pays actuellement. Donc, il ne peut pas être présent. J'ai

participé à la rédaction du mémoire, mais il se peut que je ne sois pas capable de répondre à toutes les questions, n'étant pas ingénieur forestier.

J'aimerais prendre quelques minutes pour situer l'Union québécoise pour la conservation de la nature par rapport à ce dossier, plutôt que de vous lire le bref mémoire que vous avez entre les mains.

Au printemps de 1985, nous avons lancé un comité pour une stratégie québécoise de la conservation qui a travaillé pendant l'année sur quatre dossiers, dont le milieu forestier. L'objectif de la première année de travail de ce comité a été la présentation de l'état de l'environnement. Nous avons traité le milieu aquatique, le milieu forestier, le milieu agricole et les milieux humides. Nous avons tenu un colloque auquel le ministère a participé au mois de mai. Dans une deuxième phase, cette année, nous sommes en train de préparer un document sur l'état de la société, selon nos moyens, évidemment. Cela va consister en une étude des facteurs sociaux et économiques relatifs à plusieurs domaines reliés à l'utilisation des ressources.

Encore une fois, nous allons nous pencher sur les questions relatives à la gestion des forêts. Les remarques dans le mémoire constituent donc un genre de préavis des orientations que nous pensons prendre.

L'objectif principal dans nos interventions est une cohérence dans les politiques visant une utilisation rationnelle des ressources. Avant d'embarquer dans quelques commentaires encore plus précis, j'aimerais dire que nous croyons que l'avant-projet de loi constitue une nette avance. C'est un projet très sérieux. Nous ne nous y opposons certainement pas, même si on a apporté quelques commentaires, des souhaits qui ne semblent pas figurer dans les intentions actuelles. (17 h 15)

Mais pour donner un exemple, pour indiquer la situation dans laquelle nous nous trouvons, il y a la consultation sur l'avant-projet de loi sur les forêts. En même temps, vendredi dernier - et cela va continuer - il y avait une consultation sur une politique de protection des milieux riverains. Depuis au moins cinq ans, il est question d'une loi ou de dispositions juridiques quelconques pour la protection des habitats fauniques et, on peut l'ajouter, "floristiques". Le ministère de l'Agriculture a récemment publié un document - j'oublie le titre - qui est un guide d'intervention en milieu agricole ou qui a un titre analogue. Finalement, il reste des questions concernant la Loi sur les parcs et une loi qui n'existe toujours pas sur les espèces menacées.

Pour nous, cela constitue un ensemble de lois ou de mesures réglementaires qui pourraient constituer une base permettant une activité qui favorise en même temps la conservation. Si on regarde la situation, l'avant-projet de loi, qui constitue surtout une approche de la gestion de la matière ligneuse, arrive bien avant la loi sur les habitats fauniques, si cela en devient une.

Nos commentaires ne sont ici que partiels et nous espérons, dans le courant de l'année, développer une politique plus globale portant sur cette question. Dans les commentaires que nous avons soumis, nous avons essayé d'être positifs. Je crois que le mémoire l'est.

On a quelques interrogations et on pourrait en souligner quelques-unes avant de terminer. Je pourrais indiquer, par exemple, que dans la politique forestière de 1985 il y avait une clause disant - en pourcentage -que 5 % du territoire serait réservé, ou du moins ne serait pas inclus dans les contrats visés, de telle façon que cela permettrait un peu de flexibilité lorsqu'il y aurait des changements à faire dans le système. Les plans d'affectation qui sont à la base de la présente loi semblent être une sectorisation, dans le sens que - pourtant, c'est un net progrès, ce n'est pas une critique négative -l'on indique, sur le territoire, différentes utilisations que l'on peut appeler exclusives. Les parcs sont, d'une part, indiqués et réservés; la foresterie est exclue. Il y a deux zones; 89 % du territoire, je pense, a été voué à la foresterie industrielle. On croit qu'il y a un manque de flexibilité et aussi un manque de gestion vraiment globale dans cette approche. On espère, avec le temps, que cela va s'améliorer. Je le répète, nous croyons que les plans d'affectation sont quand même très sérieux et constituent une nette avance sur ce qui existait jusqu'ici.

On a des doutes sur la capacité du ministère ou de l'État d'arriver aux données nécessaires pour les négociations des contrats. Par contre, lors de la rencontre avec le ministère, M. Paillé semblait satisfait de la situation. Il faudrait voir. Nous ne sommes certainement pas en mesure de dire autre chose que nous espérons que les données existent.

Finalement, je reviens à ta question de tantôt. Le guide du ministère de l'Agriculture, c'est un guide. Cela n'a pas la force d'une loi. Dans le cadre de l'avant-projet de loi actuel, le guide fait partie d'un manuel que le ministre peut inclure. C'est quand même à un troisième niveau par rapport à la loi, et c'est dans ce guide que nous trouvons certaines garanties de conservation.

Je pense que cela indique un peu notre approche et, avec cela, je vous laisse la parole.

Le Président (M. Théorêt): Merci, monsieur. Je vais céder maintenant la parole à M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Vous donnez beaucoup d'importance aux 5 % que je ne comprends pas et aux plans d'affectation qui ont servi, qui ont été transmis à toutes les MRC pour préparer leur schéma d'aménagement. Je ne sais pas si vous croyez que 11 % de territoire forestier réservé à d'autres fins que la production forestière est suffisant si on compare cela à ce que d'autres pays ont fait,

M. Mead: Prenez par exemple le cas des parcs. Il y a un moratoire actuellement. Si ma mémoire est bonne, les parcs constituent à peu près 0,9 % du territoire. Par rapport à d'autres pays, au reste de l'Amérique, c'est un pourcentage très faible. Pour les 11 %, il faut constater d'ailleurs que cela devient même plus important, c'est-à-dire qu'il y a plus de 11 % si on considère la partie du sud, car dans le nord les autres utilisations semblent être quasiment inexistantes, souvent. Donc, je ne peux pas me prononcer sur les 11 % globalement, mais il y aurait cet exemple qui nous préoccupe. Lorsque le moratoire sera levé, il se peut que cela soit très difficile de créer de nouveaux parcs.

M. Côté (Riviêre-du-Loup): Pourquoi, à votre avis, faudrait-il lever le moratoire sur les parcs actuellement? Ne serait-il pas préférable de créer des zones de biosphère alors qu'on pourrait en faire un développement contrôlé et dirigé de façon à ne pas... Si vous créez un parc, évidemment, la forêt est quelque chose de vivant et de ce fait destiné à mourir, tandis qu'avec une zone de biosphère on pourrait peut-être l'aménager d'une façon intelligente et agréable aussi pour les mêmes fins qu'un parc.

M. Mead: Mais les réserves de biosphère n'ont aucun statut légal. Je pense que c'est surtout cela qui est en cause. L'idée d'une réserve dans les Laurentides qui est prônée actuellement - je ne sais pas qui est le promoteur, on parle de la région des Grands Jardins - serait très intéressante. Cela pourrait mettre en valeur la région mais je crois que l'existence d'un parc signale, permet justement de penser maintenant à une réserve de biosphère. Alors, non, je pense que vraiment ce sont deux choses différentes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce sont deux choses différentes mais deux choses vivantes qu'on peut entretenir, qu'on peut soigner, qu'on peut traiter et, lorsqu'on fait un parc, il n'y a pas beaucoup de traitement.

M. Mead: Je ne voudrais pas indiquer que nous voulons mettre tout l'accent sur les parcs. Franchement, on parle de moins de 1 % et je ne voudrais même pas suggérer que c'est notre préoccupation principale en venant ici. L'utilisation de la forêt en dehors des parcs est certainement la chose qu'il faut considérer. L'état de l'environnement que nous avons constaté, comme beaucoup d'autres, c'est une dégradation de la forêt, et l'avant-projet de loi est un pas très important dans la reconstruction de cette forêt.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On mentionne souvent à titre d'exemple les pays Scandinaves pour leur intervention en forêt et leur aménagement forestier, surtout leur efficacité et leur production. En Finlande, qui est un de ces pays où on fait de l'aménagement depuis 1884 alors qu'on avait instauré des lois pour s'assurer que la forêt serait toujours productive et qu'elle serait remise en production, on a réservé 8 % du territoire pour toutes les fins autres que la production forestière.

Avec ses travaux, avec ses investissements depuis ce temps, la Finlande fait, évidemment, de la fertilisation autour des travaux en forêt, mais elle a récupéré ou elle a augmenté sa capacité, son potentiel forestier, sa possibilité de 7 000 000 de mètres cubes par année. C'est le tiers de notre production au Québec, en faisant des travaux, et je pense que c'est un bel exemple de conservation et d'amélioration de la nature. On aurait pu, évidemment, avec ces marécages, faire des parcs aussi. Cela aurait été peut-être plus facile. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.

M. Mead: Je voudrais mettre l'accent sur la mise en valeur de la forêt plutôt que de mettre trop d'accent sur les parcs. C'est un exemple parmi d'autres pour indiquer ce que nous croyons souhaitable et qui est absent, ou peut-être mitigé par les clauses, les articles de la loi.

Je crois que l'avant-projet de loi est un projet très sérieux et absolument essentiel et, donc, nos commentaires ne sont pas en opposition le moindrement du monde.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Sauf que j'essaie de mesurer notre effort concernant l'utilisation polyvalente de la forêt pour répondre aux aspirations et aux besoins de la population, pour son mieux-être aussi. C'est malheureux, quand on mesure nos efforts, souvent on se compare avec d'autres. Mais les 11 % dont je vous parle qui ont été mis de côté pour les autres utilisations et pour la protection des rives, pour la protection de la faune représentent un effort qui est concentré principalement dans le sud, dans les zones les plus habitées du Québec.

M. Mead: Mon commentaire là-dessus était par rapport à la présence du guide. Si

vous le permettez, nous croyons que la protection que le guide prévoit pour les milieux riverains, surtout quand cela est mis dans le contexte d'une politique générale de protection du milieu aquatique, encore une fois, constitue une avance. Cela va certainement prendre une partie importante de la ressource. On ne s'oppose pas à la coupe dans la bande de 20 mètres, par exemple. Je ne suis pas capable de juger de vos 8 % pour la Finlande. Je ne connais pas le cas. Le cas d'autres provinces canadiennes et des États-Unis dépassent certainement ce que nous avons ici. Je pense que la priorité est de remettre en productivité la forêt. Nous essayons de voir l'ensemble des démarches entreprises par votre ministère et d'autres.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis pour cette priorité. Je ne suis pas contre les parcs, évidemment. Si vous avez visité certains parcs au Québec qui ont été affectés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, plutôt de voir une forêt dévastée, à mon avis, il aurait été préférable de voir une forêt verte comme on a réussi à maintenir la forêt Montmorency.

M. Mead: Je crois que vous avez raison, cela crée des problèmes dans la planification de parcs lorsque c'est une région forestière. Je ne prétends pas qu'une forêt dévastée constitue un parc idéal. Par contre, il y a plusieurs parcs qui... Je vous concède le point. Il y a un problème. Il faudrait vérifier, lors de la mise en place d'un parc, si le site peut être protégé. Il doit y avoir des cas où les parcs sont vulnérables.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. À la suite d'un commentaire qui fut fait par le ministre délégué aux Forêts se rapportant à l'article 111, lorsqu'il parlait de dispositions provisoires et transitoires et que pour lui c'était une question de temps, je peux dire au ministre et aux membres de la commission ainsi qu'aux personnes qui nous écoutent, à ce moment-ci, que, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de date précise à l'intérieur de cet article ou à la fin de cet article, je vais croire que c'est d'une façon permanente. On a beau dire qu'on va se servir de l'article 113 pour mettre en application une date avec des règlements et ce, par décret de la part du Conseil des ministres du gouvernement libéral, je doute énormément que cela puisse venir dans les prochains jours. Je préférerais, de loin, que cela soit mis directement dans la loi.

Je m'excuse auprès de M. Mead pour cette intervention, mais je peux vous dire que j'ai trouvé que votre mémoire était très articulé, très court, mais très articulé parce qu'il touchait beaucoup de points qui étaient mentionnés à l'intérieur du livre blanc sur la politique forestière.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Perron: II y a des sujets extrêmement intéressants et cela a beau faire rire le gouvernement, je m'en balance parce que le gouvernement va réaliser qu'au cours des prochains mois il va avoir du boulot à faire pour rejoindre les aspirations de la population du Québec en rapport avec la politique forestière du Québec. Ce n'est pas un avant-projet de loi comme celui-là qui va faire en sorte de régler les problèmes de notre collectivité. Je peux vous regarder n'importe quel temps en pleine face là-dessus, vous les libéraux.

Je reviens, M. le Président, au mémoire en question. Bien sûr que votre allusion stipulant que...

M. Maltais: Nous aussi.

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît! (17 h 30)

M. Perron: L'avant-projet de loi porte surtout sur la production de la matière ligneuse, et cela nous rend aussi quelque peu sceptiques. On sait que cet avant-projet de loi devrait toucher l'ensemble des opérations forestières du Québec. Il y a plusieurs organismes qui sont venus devant cette commission depuis hier et qui nous ont informés de l'essentiel et même de l'urgence du contenu de cedit avant-projet de loi.

M. le Président, je remarque que l'organisme a beaucoup d'intérêt pour le secteur forêts et pour le secteur terres. Est-ce que vous pourriez me dire, M. Mead, quel intérêt votre organisme aurait à maintenir le secteur forêts et le secteur terres sous une responsabilité ministérielle unique?

M. Mead: Ce l'est déjà de toute façon, n'est-ce pas? Ce sont deux lois qui relèvent du ministère de l'Énergie et des Ressources, si je ne me trompe pas. Ce que nous proposons dans le mémoire, c'est que l'avant-projet de loi actuel soit nommé loi sur le régime forestier, pour indiquer son contenu précis. Cela pourrait donc laisser la possibilité d'une loi plus générale.

Lorsqu'il est question de la gestion globale du territoire, il ne faudrait quand même pas s'illusionner. On ne cherche pas à proposer une loi qui toucherait autre chose, par exemple, le milieu forestier dans ce cas-ci ou le milieu agricole. Je crois qu'une loi sur les terres pourrait servir de cadre pour le régime forestier. Il faut dire que les plans d'affectation relèvent - si je ne me trompe

pas - ou sont associés aux démarches relatives à la loi sur les terres. Il y a toute la question de la négociation des contrats qui va certainement relever de cela.

M. Perron: Merci de votre réponse, M. Mead. Lorsqu'on parle du rejet par l'avant-projet de loi d'une flexibilité de transfert d'utilisation pour la création de nouveaux parcs et réserves écologiques, vous y avez fait allusion quelque peu dans une réponse à la suite d'une question qu'avait posée le ministre délégué aux Forêts... Ce que je voudrais vous demander à ce sujet, par rapport aux réserves écologiques et aux parcs du Québec, c'est si les avantages que vous verriez à accroître ces réserves et ces parcs seraient énormes. Est-ce que vous avez des chiffres sur cette question précise?

M. Mead: Si vous parlez des avantages économiques...

M. Perron: Oui, écologiques et économiques.

M. Mead: Je pense qu'il y a un intérêt fondamental. Si l'on se réfère à la stratégie mondiale qui inspire les démarches de plusieurs des lois, des règlements ou des guides que j'ai mentionnés, on distingue qu'il y a un besoin de maintenir la diversité génétique. Dans plusieurs cas, cela suggère que des zones absolument protégées existent. Par contre, l'objectif principal de la stratégie est d'assurer une utilisation rationnelle des ressources. Donc, je ne voudrais pas essayer de défendre les réserves écologiques ou les parcs sur une base strictement financière ou économique. Par contre, je ne voudrais pas défendre l'utilisation de la ressource sur une base strictement économique non plus. Je pense que les parcs peuvent apporter un intérêt économique. Si je ne me trompe pas, la région du Saguenay - le chiffre m'échappe, mais c'est de l'ordre de plusieurs millions de dollars - profite de l'existence d'un parc provincial, d'une zone d'intérêt public, avec le fjord du Saguenay et l'estuaire du fleuve. C'est d'un intérêt majeur pour la région. C'est seulement depuis quelques années que cela est arrivé. Alors, il y a un intérêt.

M. Perron: Donc, si je comprends bien, vous seriez favorable, en tant qu'organisme, à ce qu'on hausse le nombre ou encore la grandeur du territoire actuel en ajoutant des parcs et des réserves fauniques et écologiques.

M. Mead: Oui, mais il faudrait préciser. Les réserves écologiques constituent quand même de petites parcelles de territoire. Leur objectif n'est vraiment pas d'avoir de grands territoires. Dans le cas des parcs, notre préoccupation est de ne pas voir dans la loi une contrainte majeure à la possibilité d'en ajouter au système. On en a - j'oublie le nombre exact - une quinzaine actuellement. Mais ce n'est pas le point le plus important, c'est une préoccupation parmi plusieurs autres. Les habitats fauniques ne sont pas protégés seulement par les parcs et, d'ailleurs, la plupart ne seront jamais dans des parcs. Il y a un effort de la part du ministère, dans le guide, de reconnaître l'importance de ces habitats. Ce que je voudrais souligner, c'est que la loi qui est prévue depuis cinq ans pour protéger les habitats essentiels n'existe toujours pas, alors que la Loi sur les forêts est à la veille d'être adoptée, du moins, je l'espère. On parle de la protection des habitats dans un guide qui est dans un manuel qui n'est pas prêt et qui, donc, risque d'être reporté à plus tard.

Ce n'est pas pour mettre en cause... Je ne voudrais pas suggérer que nous sommes sceptiques - comme vous l'avez dit - par rapport à cet avant-projet de loi, mais nous soulevons quelques questions.

M. Perron: Merci, M. Mead. À la page 3, vous faites une recommandation. Vous dites, par exemple: "L'aménagement polyvalent ne constitue pas simplement à découper le territoire en utilisations majeures et à en confier la gestion à l'intervenant principal. Il serait plutôt souhaitable - en fait, c'est un genre de recommandation que vous faites - d'inclure tous les intervenants dans tous les territoires et les aménager de façon globale. Le tout est plus grand que la somme des parties."

La question que je voudrais vous poser en rapport avec l'aménagement polyvalent des ressources - en fait, c'est ce que vous mentionnez - est celle-ci: Comment, selon vous, cela devrait-il se faire, non seulement dans les écrits mais en pratique, et quels seraient les organismes ou l'organisme qui en paieraient la note?

M. Mead: J'aurais une meilleure réponse pour vous d'ici un an à peu près. C'est une des questions sur lesquelles le comité va se pencher cette année, mais, si la distinction est claire, il s'agit de mettre l'accent sur... La loi actuelle ou l'avant-projet de loi prévoit - et c'est très intéressant - d'inciter l'industrie à ta régénération et à la production, alors que, par le passé, c'était séparé. Ce n'est pas évident que c'est la seule façon d'agir. L'intérêt de l'industrie est d'utiliser une ressource, de la transformer et de la vendre. Alors, quand même, la production de la ressource n'est pas son intérêt principal. Nous espérons que, si la loi est adoptée selon les orientations actuelles, cela marchera. Il s'agit d'inciter les industries à gérer leur territoire sous bail.

Une autre possibilité serait de scinder l'opération production et l'opération transformation et vente. À ce moment-là, l'utilisateur achète la ressource, mais le producteur est capable de voir l'ensemble des ressources dans ses réflexions. Je pense que c'est une question d'intérêts, mais je pense qu'il n'existe pas d'organisme actuellement qui pourrait le faire. Ce n'est pas dans le mandat des MRC et, de toute façon, ce ne sont certainement pas les MRC, par exemple, qui le feraient.

M. Perron: Merci, M. Mead. Une autre question qui se rapporte à un conseil consultatif sur la recherche forestière. Tout le monde sait ici, en particulier, les membres de ta commission, qu'il y a plusieurs organismes qui sont extrêmement favorables à la création de ce genre de conseil. Quant à vous, vous le mentionnez à la page 3, c'est-à-dire au deuxième paragraphe de votre allocution Bien sûr, cela intéresse énormément aussi, non seulement les organismes, mais les membres de l'Opposition. Est-ce que vous pourriez nous expliquer quel intérêt vous voyez dans la création d'un tel conseil consultatif sur la recherche forestière?

M. Mead: II faudrait souligner que dans le mémoire, nous tenons pour acquis qu'un tel conseil consultatif n'existera pas. Ce que nous souhaitons, c'est qu'un conseil quelconque soit accessible au ministre pour tous les besoins que M. Frisque vient de mentionner. Je connais d'autres cas un peu mieux, soit le Conseil de la faune et le Conseil consultatif de l'environnement par rapport au Conseil facultatif des réserves écologiques. On n'est pas contre une rationalisation du système des conseils actuels dans le cadre du ministère de l'Environnement. Nous ne sommes pas opposés à la fusion des conseils actuels. Le Conseil de la faune est actuellement transformé en table de consultation, si je ne me trompe pas. C'est l'expression utilisée par M. Frisque tantôt pour le conseil qu'il suggérait. C'est ce qui existe. Il s'agit de s'assurer et de trouver le moyen d'avoir les données nécessaires pour la préparation des contrats.

M. Perron: Maintenant, toujours sur la question du conseil consultatif de la recherche, puisqu'en principe, vous seriez d'accord avec - à moins que j'aie mal compris - la création d'un tel conseil et où, nous de l'Opposition, on voudrait que ce soit même inscrit dans la loi ou dans l'avant-projet de loi, de quelle façon voyez-vous la formation "de ce conseil consultatif? En d'autres mots, quels seraient les intervenants majeurs qui devraient en faire partie?

M. Mead: Je ne suis pas en mesure de répondre à cela. On n'a pas de proposition précise à ce propos-là; mais ce qu'on suggère, c'est que ce n'est même pas nécessaire qu'il y ait un conseil consultatif. On ne s'oppose pas, mais il s'agit d'avoir les moyens de se faire conseiller. Comme je le dis, dans le cas du MLCP, on croit qu'il y a possibilité d'arriver au même objectif par d'autres moyens. Ce n'est pas la meilleure solution. Je n'ai pas de réponse précise à votre question.

M. Perron: Merci quand même, M. Mead. Maintenant, dans une autre des recommandations que vous faites, cela concerne le fait de rendre disponibles les plans et les rapports d'aménagement quinquennaux et annuels. Selon le nombre de recommandations que j'ai pu constater dans votre mémoire, ce serait la septième recommandation qui est incluse à la page 3. Lorsque vous parlez de les rendre disponibles, est-ce que vous pourriez nous informer de quelle façon?

M. Mead: Nous croyons que c'est important qu'un organisme en dehors du gouvernement, que des organismes non gouvernementaux, que la société soit capable de voir de quelle façon se déroule l'opération. C'est un espoir, d'une certaine façon. C'est une expérience qui est tentée par l'avant-projet de loi. Dans le cas de la loi sur l'accès à l'information - je ne sais pas si c'est une loi, je m'excuse - je sais qu'il y a actuellement... Au cours de l'été, il était question de rendre un peu plus cohérentes certaines approches de différents ministères concernant l'accessibilité à l'information, par exemple, concernant les polluants chimiques en milieu aquatique. Je crois que c'est important de pouvoir vérifier les données, donc d'avoir accès lorsqu'on peut apporter des raisons sérieuses. Dans le cas des déchets toxiques, la pollution chimique, it y a des organismes qui se sont penchés sur les informations et les données disponibles et qui ont produit des documents publics qui permettent un meilleur débat sur le rôle du gouvernement dans le contrôle des déchets. Je pense que ce serait un exemple de ce que l'on souhaite dans le cadre des plans quinquennaux et des plans annuels mentionnés dans l'avant-projet de loi. (17 h 45)

M. Perron: D'accord, mais vous mentionnez dans votre mémoire, M. Mead, que ce serait mieux que ce ne soit pas le ministère de l'Énergie et des Ressources parce qu'il est en même temps juge et partie...

M. Mead: C'est cela.

M. Perron: Je voudrais obtenir, non pas une affirmation, mais une suggestion de

votre part. Quelle serait la composition d'un tel organisme non gouvernemental qui ferait justement le travail que vous venez de mentionner dans une réponse antérieure?

M. Mead: Je crois que ce n'est pas nécessaire d'identifier un organisme d'avance. Ce qui est important, c'est de s'assurer qu'un organisme, lorsqu'il y a intérêt, puisse avoir les données. Il se peut qu'il y ait des problèmes à propos de la confidentialité industrielle. La même chose se produit dans le cas des déchets de produits chimiques. Je ne comprends pas votre question parce que je ne vois pas la nécessité de définir un organisme comme tel, le nôtre, SVP, peu importe.

M. Perron: Écoutez, je vais la poser d'une autre façon, à ce moment-là. Puisque vous mentionnez que le ministère de l'Énergie et des Ressources serait en même temps juge et partie, compte tenu de l'importance du régime forestier, compte tenu de l'importance d'un avant-projet de loi, modifié ou non, il y a actuellement des composantes forestières qui font en sorte que d'autres instances seraient aussi juge et partie. Par exemple, lorsqu'on parle de la question d'aménagement de plans quinquennaux et annuels, c'est sûr que les papetières seraient placées dans la même position que le ministère de l'Energie et des Ressources. C'est sûr que les usines de sciage seraient placées dans la même position, et d'autres organismes aussi: on peut parler des coopératives forestières, on peut parler des propriétaires de boisés privés. Ce que je veux dire, c'est ceci: comme vous ne pouvez pas me donner le sens, comme vous ne pouvez pas répondre à la question que je vous pose à savoir de quelle façon cet organisme pourrait être formé ou ce groupe pourrait être formé, si on ne veut pas parler d'organisme, quelles seraient les parties qui devraient en être exclues à ce moment-là?Le ministère de l'Énergie et des Ressources, puisque vous le mentionnez.

M. Mead: Pour ce qui est de la question d'une compagnie qui vérifie les rapports des autres, si l'information est accessible, j'imagine que cela pourrait se faire. Ce serait dans un intérêt autre que l'intérêt public en général, j'imagine. Notre organisme aurait intérêt à avoir accès à cette information. D'ici è un an ou deux, nous espérons avoir mis en place notre propre comité permanent qui va essayer de suivre les activités forestières et les activités en milieu agricole, ainsi que les autres. Je crois que, du moment que l'information est accessible, on n'est probablement pas en mesure d'empêcher les autres intervenants forestiers d'avoir la même information que nous, ou tout autre organisme non plus.

M. Perron: Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas que ces plans soient accessibles sur la place publique et servent au bénéfice de tout le monde, de l'ensemble des organismes, de l'ensemble des compagnies forestières ou autres. Ce n'est pas cela que vous voulez dire?

M. Mead: Le bien du public dépendra d'une bonne analyse de la réussite ou de la faillite de la loi actuelle qui est proposée. Pour ce faire, il faudrait surveiller la progression du dossier et donc pouvoir étudier les rapports quinquennaux, disons, pour voir si, en fait, les compagnies sont capables d'atteindre leurs objectifs. Donc, que d'autres organismes ayant un intérêt particulier, privé, y aient accès, c'est une chose, mais il faut que les organismes ayant un intérêt général et public puissent avoir le même accès.

M. Perron: Merci. Vous avez quand même assez bien répondu à la question. Vous avez informé les membres de cette commission quant aux possibilités qui se présentent en rapport avec l'organisme en question. Si vous me permettez, je vais donner la parole à un autre de mes collègues, d'un côté ou de l'autre.

Le Président (M. Théorêt): Vous permettez, M. le député de Duplessis, nous allons profiter de l'alternance tel qu'entendu. Je vous rappelle qu'il reste à votre formation trois minutes et qu'il reste à la formation ministérielle quinze minutes. Donc, je cède la parole au député de Saguenay ou à M. le ministre.

M. Maltais: Merci. Je voudrais d'abord saluer notre invité. J'aimerais qu'il me donne quelques petites précisions concernant son organisme. Votre organisme est né de quoi et regroupe combien de membres? Quels sont ses objectifs? À titre d'information, je pense que c'est important.

M. Mead: II est né de nombreux échecs dans des dossiers sectoriels et régionaux. Donc, du constat du besoin d'un organisme à l'échelle nationale qui s'occupe des dossiers concernant la gestion des ressources. Nous avons actuellement une cinquantaine d'affiliés dans toute la province. Les membres affiliés sont environ 15 000 et nos membres individuels sont environ 4000. L'UQCN avait un drôle de nom il y a plusieurs années: Le front commun des espaces verts et des sites naturels. C'était un mandat qu'on s'était donné qui était beaucoup trop restreint.

M. Maltais: Merci. Est-ce que vous pourriez me donner la différence de style d'intervention entre votre association et la Fédération québécoise de la faune?

M. Mead: Jusqu'ici, ce que j'ai vu de la fédération de la faune était des interventions en régions. Le problème que nous avons constaté c'est justement que les interventions en régions, normalement, se butent contre le fait que les activités relèvent d'un plan de développement, soit gouvernemental, soit industriel, qui remonte souvent très loin. Donc, on a constaté un besoin d'aller à la source, d'essayer de mettre en place un organisme capable d'agir en parallèle avec des ressources extraordinaire ment moindres. La fédération de la faune, c'est un organisme, encore une fois - vous parlez du genre d'intervention - qui était présent vendredi lors de la consultation sur la politique concernant le milieu riverain. Nous avons adopté la stratégie mondiale de conservation pour l'adopter au Québec. La fédération, à ma connaissance, l'a adoptée par la suite aussi comme organisme de la faune.

M. Maltais: D'accord. Vous avez parlé beaucoup dans votre mémoire et vous semblez dialoguer avec l'Opposition concernant ce qui se passe au plan de la recherche au Québec là-dessus. Est-ce que vous avez des comparaisons à nous donner entre le Québec et, par exemple, les autres provinces du Canada? Est-ce que vous avez vu ce qui se faisait en dehors du Québec, au Canada, comparativement au Québec, et ce qui ne se fait pas ici? Est-ce que vous pourriez me faire un petit parallèle brièvement?

M. Mead: C'est la sorte de question dont j'aurais voulu discuter en présence de M. Szaraz, par exemple. Je ne suis pas personnellement en mesure de vous répondre.

M. Maltais: Pour vous, est-ce que la recherche se limite uniquement au niveau scientifique ou qu'elle va aussi permettre le développement?

M. Mead: J'ai compris que M. Frisque, tantôt, a dit que la recherche peut être orientée en fonction de problèmes rencontrés par les utilisateurs. C'est tout à fait normal que la recherche, surtout en fonction d'un projet de loi sur la foresterie, soit orientée. Je peux certainement faire cette distinction comme philosophe.

M. Maltais Pour l'avant-projet de loi que nous avons, est-ce que la recherche doit être faite uniquement en fonction de la foresterie? Est-ce qu'on doit tenir compte de la foresterie productive ou si on doit tenir compte d'un ensemble environnemental que vous prônez un peu?

M. Mead: C'est justement une question d'orientation. Une amélioration des tech- niques de récolte, c'est une chose. Ce qu'on souhaite, c'est que cette orientation soit quand même comprise dans une perspective plus globale. Ecoutez, toute la question de la recherche sur le milieu physique, l'environnement, on se pose la question: Est-ce que le ministère est en mesure vraiment d'aller négocier les contrats en fonction de données suffisantes actuellement? Comme je l'ai dit, M. Paillé, tout en constatant certains problèmes, semble être satisfait de la possibilité d'y aller. Je crois que la recherche en foresterie a des raisons de se limiter. Mais notre préoccupation serait qu'on voudrait que ce soit plus général. Je pense que la question de la recherche sur la bande de 20 mètres est dans la politique du littoral. C'est mentionné que le ministère est en train actuellement de faire de la recherche sur la possibilité de mieux comprendre la valeur de cette zone. Est-ce que les chablis vont la rendre inutilisable de toute façon? C'est tout à fait normal, mais il faut faire introduire la faune.

M. Maltais: J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Je pense que c'est impartant pour nous autres. On va parler de cette réserve de 20 mètres. Est-ce qu'il est préférable, d'après vous - c'est peut-être une question à double facette - d'avoir une zone bien entretenue que d'avoir des zones comme on a actuellement, peut-être plus courtes, mais bien entretenues? La récupération des arbres, c'est intéressant pour les industriels.

M. Mead: Notre comité pour les milieux humides s'est rencontré pendant trois heures ce matin. On s'est penché sur la question. Nous sommes satisfaits et nous pensons que c'est... Nous avons une attitude positive à l'endroit de la zone de 20 mètres. On se demande si cela va être... On s'inquiète un peu de la surveillance, de l'application de la loi, mais telle que proposée, on pense que c'est une bonne idée, la question du chablis, la question de couper entièrement, la moitié ou 25 %. Apparemment, vous êtes en train de vérifier cela. C'est évident que tout n'est pas connu de ce côté-là.

M. Maltais: Alors, cela va.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

À ce stade-ci, je vais demander s'il y a consentement pour finir l'intervention, étant donné qu'il reste encore quelques minutes, plus de trois minutes.

M. Maltais: Oui. M. Perron: Oui.

Le Président (M. Théorêt): Je cède la parole au député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai seulement une question à poser. À la page 5 de votre mémoire, on peut lire ceci: "Au moment de l'allocation du contrat, la remise en production d'aires non régénérées est à la charge du ministère, c'est-à-dire le public, mais par contre, lorsque le bénéficiaire d'un contrat effectue des travaux dépassant les objectifs fixés, il n'aura pas de droit de coupe à payer sur l'accroissement de la possibilité." Et vous ajoutez: "II serait souhaitable d'inciter le bénéficiaire à participer à la remise en production des aires non régénérées." Je vous avoue honnêtement que je trouve cette formule très intéressante, mais je vaudrais que vous en expliquiez l'impact puisque vous parlez surtout d'incitation au bénéficiaire.

M. Mead: Les zones les plus productives selon les ingénieurs forestiers qui nous conseillent au comité sont les zones qui tombent sous l'article 35, je pense. Ce sont les aires qui ont été mal régénérées et qui ont besoin d'être régénérées par le ministère. Ce sont les zones les plus proches des usines, ce sont les zones qui ont peut-être été coupées en premier. Dans cette optique, on s'inquiète un peu du fait que l'article 35 soit si général et peut-être vague. La proposition du mémoire n'est certainement pas assez claire, mais le point que nous essayons de faire est de suggérer finalement que les zones les plus productives devraient être orientées vers l'industrie aussi si toute l'orientation de l'avant-projet de loi est bonne. Donc, si l'industrie est capable... Mais le problème d'horizon de 60... L'idée est de mettre l'industrie dans les zones les plus productives à partir de la mise en vigueur de la loi plutôt que de mettre le ministère là-dedans et donc, de remettre à plus tard l'utilisation de ces zones par l'industrie. (18 heures)

M. Perron: M. le Président, je voudrais, au nom de l'Opposition officielle, remercier M. Mead de son exposé et d'avoir bien voulu répondre aux questions que nous lui avons posées. Vous pouvez transmettre le message à tous les représentants et à toutes les représentantes de votre organisme qu'en tant que parlementaires nous avons un devoir à remplir, soit celui de faire en sorte que nous ayons le meilleur régime forestier possible ou encore la meilleure politique forestière possible, en espérant que certaines demandes que nous ferons au cours de l'étude du projet de loi lui-même, tel qu'il sera éventuellement conçu par le gouvernement, recevront des réponses favorables de la part du gouvernement, qu'il se rende à nos demandes et, bien sûr, aux demandes qui ont été faites par les différents organismes qui se sont présentés devant nous. Encore une fois, merci beaucoup M. Mead.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je remercie le député de Duplessis de son offre de collaboration pour obtenir le meilleur régime forestier possible. M. Mead, je voudrais vous demander si l'organisation Duvetnor fait partie de votre union. Le groupe Duvetnor s'est porté acquéreur de plusieurs îles dans le Saint-Laurent. C'est une entreprise québécoise.

M. Mead: Je la connais très bien.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Que vous connaissez très bien? Fait-elle partie de votre union?

M. Mead: Non. Il y a plusieurs organismes, l'association des biologistes... En fait, il y a toute une série d'organismes. On pense que c'est mieux qu'ils ne soient pas affiliés à nous. On veut plus de voix. Dans le cas de Duvetnor, il y avait des questions très particulières reliées aux activités de cet organisme qui ont fait qu'il n'est pas affilié. C'est certainement un organisme qui répond à nos objectifs et qui pourrait ...

M. Côté (Rivière-du-Loup): II est également soutenu par Canards Illimités et tous ces organismes qui regroupent beaucoup de personnes en Amérique du Nord.

M. Mead: Canards Illimités? M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Mead: Certainement, oui. Mais, Duvetnor a l'aide technique de Canards Illimités de temps à autre, pour certains projets.

M. Côté (Rivière-du-Loup): À la page 5 de votre mémoire, vous dites: "L'avant-projet de loi cherche à intéresser les utilisateurs à l'avenir de la ressource, à créer un sentiment de responsabilité, mais sans en détenir la propriété. C'est une équation difficile à résoudre car les contrats d'approvisionnements vont favoriser le développement de complexes intégrés sciage-pâte au détriment des utilisateurs régionaux." Est-ce que vous voyez cela comme une mauvaise intervention? Est-ce que c'est souhaitable ou si cela ne l'est pas?

M. Mead: Entre les deux. En fait, la question des régions est soulevée dans ce paragraphe. On se préoccupe un peu de la mise en place de ces complexes possiblement très impressionnants, très importants de par leur taille, par rapport à la possibilité de viser de plus petits complexes, de plus petits intervenants en région, mieux en contact

avec les ressources et avec la gestion. C'est cela, le but de ce paragraphe.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous concède que "small is beautiful", mais, parfois, plutôt que d'être au chômage on est peut-être mieux d'avoir une intégration dans l'industrie.

M. Mead: Oui. Je ne peux pas répondre dans les détails à cette question. On ne s'y oppose pas; on vous lance une certaine inquiétude.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Autre question, M. Mead. À la même page, vous mentionnez: "La précision de l'inventaire forestier du ministère n'est pas suffisante pour déterminer la nature des travaux sylvicoles à effectuer, ni pour prédire les résultats des interventions à l'échelle des unités d'aménagement intensif." À quoi est-ce dû, si nos inventaires ne sont pas suffisamment précis pour déterminer la nature de nos travaux?

M. Mead: J'aimerais mieux avoir un ingénieur forestier à côté de moi pour vous répondre. D'ailleurs, je pense que je serais mieux de ne pas essayer de répondre. J'ai soulevé la question à plusieurs reprises et on a écouté M. Paillé avec soin lorsqu'il a répondu aux questions de différents organismes lors de la rencontre avec vous au début du mois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis à côté de vous.

M. Mead: Pardon?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis à côté de vous.

M. Mead: Je peux vous répondre en tant que philosophe. En tant que philosophe, je crois que la science est toujours en évolution et les données qu'on a aujourd'hui risquent toujours d'être changées d'ici à quelques années. Cela est une question de changement d'information, mais si j'ai bien compris M. Paillé au début de septembre, les informations n'existent pas pour... Tout dépend de l'échelle, selon ce qu'il disait, et la précision. Quant aux détails, je ne suis pas capable de vous répondre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous mentionnez, à la fin de ce paragraphe, que la réalisation de la cartographie écologique du territoire devrait constituer une priorité à court terme. Là-dessus, je suis entièrement d'accord avec vous, et je cherche le moyen de convaincre mes partenaires des différents ministères d'effectuer cette cartographie, d'avoir une cartographie uniforme pour tout le Québec, de façon qu'on puisse se reconnaître et se fier à ces cartes pour toutes sortes de fins: l'aménagement forestier, la construction, l'habitation, etc. Là-dessus, je partage entièrement votre avis, et ce que je souhaite le plus, c'est d'avoir une cartographie uniforme.

Si on confie cette responsabilité à une foule d'intervenants qui seront déterminés au hasard - plus ou moins, des fois - on aura des interprétations un peu différentes et il faudra s'informer quelle firme, quel interprète a fait le travail pour être capable de le comprendre.

M. Mead: Cela rejoint certainement notre préoccupation principale qui est une certaine cohérence dans l'approche à la gestion des ressources multiples de la province. Ce n'est peut-être pas évident qu'une telle cartographie va régler les questions relatives à l'octroi de contrats, mais...

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est la raison pour laquelle nos inventaires forestiers ne sont pas d'une précision suffisante pour déterminer la nature de nos travaux aussi.

Je dois terminer parce que le temps... C'était une conversation très intéressante et un échange de vues utile, M. Mead. Il nous faut, évidemment, tenir compte de la conservation de nos ressources. Je répète nos propos du début: II faut les développer d'une façon intelligente et respectueuse de tous les utilisateurs. Je vous remercie sincèrement de votre présentation et de l'échange de propos que nous avons eu ensemble. Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je suspends maintenant les travaux de la commission de l'économie et du travail sur la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail continue sa consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Je vois que les représentants de la Fédération québécoise de la faune ont déjà pris place à la table. Elle est représentée, je pense, par M. Léo-Paul Quintal, son président.

M. Quintal (Léo-Paul): C'est cela, monsieur.

Le Président (M. Théorêt): Si vous voulez nous présenter, s'il vous plaît, les

deux autres membres de votre équipe. Je vous cède la parole.

Fédération québécoise de la faune

M. Quintal: À droite, M. Yves Jean, docteur en biologie; à ma gauche, M. Daniel Vanier, biologiste, qui nous a aidé dans la rédaction de notre mémoire.

Le Président (M. Théorêt): Je voudrais porter à votre attention, M. le président, que vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire et qu'il y aura pour chaque formation politique des échanges de propos de 24 minutes chacune.

Je vous cède la parole immédiatement.

M. Quintal: M. le Président, si vous me le permettez, au lieu de vous lire mon mémoire, vu que vous l'avez déjà entre les mains, je vous ferai lecture de certains commentaires qu'on a rédigés sur le Guide des modalités d'intervention en forêt. Est-ce que vous acceptez?

Le Président (M. Théorêt): Est-ce que vous avez des copies des commentaires que vous apportez ou si c'est ad lib?

M. Quintal: Malheureusement, on n'a pas de copie.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre, vous n'avez pas d'objections? Allez-y, M. le président,

M. Quintal: Merci beaucoup, monsieur.

Nous remercions le gouvernement de nous permettre d'exprimer nos commentaires.

Premièrement, le guide explique clairement que l'application des modalités d'intervention forestière pourrait essentiellement être assurée par le ministère de l'Énergie et des Ressources en s'appuyant sur la réglementation existante et par le truchement des permis de coupe, ce qui est exprimé à la page 7. Donc, il ne s'agit pas d'une nouvelle réglementation, mais plutôt de conditions qui seront déterminées dans les permis de coupe. La Fédération québécoise de la faune émet des doutes quant à la mise en application de ces modalités. La FQF demande au gouvernement de créer une législation ou une réglementation qui toucherait l'ensemble des activités d'exploitation et d'aménagement forestier de cette industrie en relation avec la protection d'habitats fauniques et de sites récréatifs.

Cette réglementation présenterait trois avantages importants. Premièrement, les contrevenants à ces règlements seraient passibles d'amendes très élevées et on pourrait même envisager l'emprisonnement pour les délits graves. Ensuite, les citoyens pourraient entamer des poursuites judiciaires suite, par exemple, à la destruction d'habitats fauniques, donc se prévaloir de leurs droits exactement comme la Loi sur la qualité de l'environnement le prévoit. Le dernier avantage est que la réglementation serait égale pour l'ensemble de l'industrie forestière.

Le présent guide s'inscrit dans le cadre du processus d'affectation des terres publiques du Québec. Ainsi les terres publiques du Québec sont divisées en trois grandes catégories dont je ne ferai pas l'énumération, étant donné que tout le monde sait cela. Donc, le commentaire que nous formulons là-dessus, c'est que les modalités d'intervention en milieu forestier ne sont pas uniformes pour l'ensemble de ces troi3 catégories. En effet, pour la zone forestière de production, le guide stipule que la régénération naturelle subséquente à la récolte de matières ligneuses effectuée selon des méthodes traditionnelles est suffisante pour que la forêt continue de jouer son rôle sur les plans écologique, faunique et récréatif, tandis que dans les zones de conservation, les méthodes de coupe traditionnelles, comme la coupe à blanc sur de grandes superficies, sont abolies. Donc, les coupes à blanc sur les grandes superficies sont depuis longtemps dénoncées, tant dans le milieu forestier que populaire, comme étant la méthode de récolte causant le plus de dommages à l'environnement. Ce genre de coupe ne favorise aucunement la régénération naturelle et transforme en désert de vastes superficies.

De plus, il faut se rappeler que la zone de protection forestière représente environ 85 % des terres publiques du Québec tandis que la zone de conservation ne représente qu'environ 10 % selon les chiffres donnés lors d'une rencontre avec le ministre délégué aux Forêts.

Donc, la volonté du ministère d'assurer la pérennité des ressources forestières semble être en contradiction avec les prescriptions indiquées dans le guide pour la vaste majorité des terres publiques. Le document du MER souligne que plusieurs territoires fauniques, réserves fauniques, zones d'exploitation contrôlée et pourvoiries peuvent recouper la zone de production forestière et d'autres zones. D'autre part, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'a pas encore déterminé les mesures dans ces territoires pour la protection des habitats fauniques. Nous trouvons très intéressant le fait que le MLCP et le MER semblent vouloir appliquer des mesures additionnelles. Nous souhaitons que les hauts fonctionnaires du MLCP puissent imposer une réglementation sévère sur ces territoires afin de protéger leur immense potentiel faunique.

Il faut dire que ces modalités d'intervention touchent seulement certains milieux ou certaines espèces spécifiques.

Malheureusement, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche favorise une telle approche. Donc, on protège certaines zones de faible superficie où, par inventaire, on a remarqué une densité de la population de ces espèces animales qui répond à une norme. La protection de certains milieux a été déterminée par leur importance au niveau de la richesse, de la diversité de la faune. Un autre critère qui a joué un râle dans ce cas-ci, ce sont les impacts de l'exploitation forestière sur ces milieux qui ont été observés dans le passé.

La Fédération québécoise de la faune ne s'oppose pas à ce qu'on privilégie certains milieux et certaines espèces animales, mais elle favorise plutôt la protection de la faune dans sa globalité. Ainsi, le nouveau guide des modalités d'intervention en milieu forestier permettra l'utilisation de méthodes de récolte traditionnelles, comme la coupe à blanc sur de grandes superficies sur presque l'esemble du territoire à l'exception des zones identifiées comme habitat essentiel. Pour leur part, les habitats essentiels ne représentent environ, au maximum, que 10 % du territoire. Ces mesures ne visent qu'à assurer minimalement le même niveau de population de ces espèces fauniques. Encore là, la Fédération québécoise de la faune émet des doutes.

Nous croyons que même les espèces animales et les milieux identifiés comme habitat essentiel ne pourront pas connaître une croissance de leur population. Le plus bel exemple, c'est le milieu riverain sec. Le nouveau guide définit ce milieu comme étant les habitats au-dessus de la limite des plus hautes eaux annuelles sans débordement le long de tout plan d'eau et cours d'eau.

Les modalités prescrites pour ce milieu sont les suivantes: Une lisière de 20 mètres doit être conservée tout le long des cours d'eau et sur tout le périmètre des lacs. Dans cette section, la récolte doit atteindre le tiers des tiges de 10 centimètres et plus et interdiction d'y circuler avec de la machinerie lourde. Cette prescription s'applique aussi pour l'habitat du rat musqué, du poisson et avec certaines modifications pour celui du castor. Comment a-t-on pu établir ces modalités d'intervention pour ces milieux? Certainement pas sur des bases scientifiques. Lors d'une rencontre d'information avec le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, un haut fonctionnaire du MER nous a expliqué que la lisière de 20 mètres a été déterminée lors d'une négociation avec le MLCP, c'est-à-dire un compromis. Donc, les critères scientifiques n'ont pas joué un grand rôle et c'est surtout une question de coûts qui a prédominé. Depuis longtemps que les bandes vertes le long des cours d'eau sont la convoitise de l'industrie forestière, les exploitants forestiers, dû à la rareté d'arbres de qualité, aimeraient bien couper dans ces sites où l'on retrouve des arbres de fort diamètre.

Au niveau écologique, l'importance de ce milieu est de plus en plus reconnu. Le milieu riverain sec accueille 43 % de toutes les espèces de la faune ailée nichant au Québec, environ 62 % de toutes les espèces de mammifères, environ 60 % de toutes les espèces d'amphibiens et environ 80 % de toutes les espèces de reptiles. Ceci ressort d'une brochure qui s'appelle Le milieu riverain sec, produit par le MLCP.

Comme on peut le constater, ce milieu est extrêmement riche et diversifié. La disponibilité de l'eau, une diversité végétale plus grande, les effets de lisière, la présence d'une stratification végétale et une rareté de microclimat représentent les principales causes de cette utilisation accrue par la faune.

Malgré la richesse de ces sites, le ministère de l'Énergie et des Ressources et le MLCP ont préféré protéger ce milieu sur une mince bande de 20 mètres. Le dernier guide d'aménagement du milieu forestier publié par le MER en juin 1977 indiquait qu'une lisière boisée doit être conservée en bordure de tous les cours d'eau d'une largeur de 3 mètres et plus. À cette époque, il existait une certaine classification des lacs et cours d'eau, soit selon la longueur ou la largeur du lit. Ainsi, par exemple, pour les lacs de 8 kilomètres et moins, il fallait conserver une lisière boisée de 60 mètres s'il n'y avait aucune coupe et de 90 mètres au moins si on récupérait un volume inférieur à 30 % des arbres.

Il faut dire aussi que durant ces années, les cours d'eau ayant des lits de moins de 3 mètres n'étaient pratiquement pas protégés. Aujourd'hui, il n'y a plus de classification des lacs et cours d'eau. La prescription de maintenir une bande verte de 20 mètres s'applique à l'ensemble des cours d'eau et lacs. On protège plus de cours d'eau, mais on a perdu sur la largeur des lisières boisées, entre autres, pour les lacs.

On ne peut parler de victoire, mais plutôt d'une défaite car, dans le fond, les superficies protégées le long des cours d'eau en 1990 demeureront les mêmes que celles prescrites dans le guide de 1977. Donc, il n'y a eu aucune amélioration, à notre avis.

De même, il est curieux que le MLCP accepte cette nouvelle prescription. Dans un document produit par le groupe Sylvico pour le compte du ministère, on recommande pour la zone sèche la conservation d'une bande de végétation de 50 mètres lorsque la plaine de débordement est inférieure à cette distance. On y permet les coupes d'éclaircie à l'intérieur de cette lisière, maximum 30 % du volume. Les chicots ne devront pas être abattus également. Le groupe Sytvico s'est beaucoup fié aux normes américaines.

Cependant, certaines normes américaines vont beaucoup plus loin. L'État du Maine établit une norme de 76 mètres quand le plan d'eau est plus grand que 4 hectares. On y permet la récolte d'un certain pourcentage de bois. De plus, dans son document, le groupe admet que les connaissances limitées du milieu riverain quant à son utilisation par la faune en général empêche l'énoncé de mesures fiables. Donc, la bande de 20 mètres de végétation et même celle de 50 mètres ne pourrait permettre la conservation de tous les habitats fauniques du milieu riverain sec.

De plus, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le MLCP et le ministère de l'Environnement ont déterminé cette prescription de 20 mètres en avouant qu'il fallait poursuivre les études pour évaluer les effets de la largeur de cette bande et de la récolte du tiers des tiges marchandes sur la forêt et la faune ainsi que le milieu aquatique et riverain. La logique aurait voulu qu'on prescrive une lisière de largeur maximale, qu'on procède aux études et, s'il y a lieu par la suite, qu'on réduise la largeur de cette bande et non le contraire. Cette approche aurait été beaucoup plus prudente.

La Fédération québécoise de la faune exige que la bande verte soit de 75 mètres de largeur. Ce guide...

Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse. Je veux juste vous rappeler que vous devez conclure dans les 60 prochaines secondes, s'il vous plaît.

M. Quintal: Je peux conclure très rapidement en disant que la fédération prône que le MLCP fasse une loi de protection de l'ensemble des habitats fauniques et, donc, de l'ensemble des espèces fauniques. A notre avis, le ministère de l'Énergie et des Ressources devrait être soumis dans ses activités à cette loi qui définirait une véritable politique des habitats fauniques dans son ensemble.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonsoir. J'aimerais que vous me parliez de la loi sur les habitats fauniques, car vous dites que le ministère devrait être soumis à cette loi.

M. Quintal: II m'est très difficile actuellement de vous parler d'une loi qui n'existe pas.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien oui.

M. Quintal: II est évident que, pour nous, la loi sur les habitats fauniques ne devrait pas se réduire à la protection des habitats essentiels, mais elle devrait plutôt avoir une envergure beaucoup plus globale.

C'est dans ce sens-là qu'on a fait notre intervention. Est-ce que vous pouvez compléter?

M. Jean (Yves): II y a une globalité dont il faut tenir compte quand on parle de la ressource faunique et, évidemment, des habitats fauniques. Si on s'en tient à des habitats essentiels où, très souvent, ce sont des espèces très précises, on risque de passer à côté de la sauvegarde d'un ensemble d'espèces qui sont très convoitées, entre autres, par les utilisateurs de la faune.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Quelle espèce est tellement convoitée par les utilisateurs de la faune? Quand on regarde ce qui se passe le long du fleuve, il y a des goélands qui viennent à l'intérieur des terres. On dit alors: Ces goélands ont une espèce de bec un peu spécial et il faut les sauver. Est-ce que ce sont des espèces semblables dont vous parlez?

M. Jean: Non, pas du tout. On parle d'espèces comme les gros cervidés. L'orignal et le chevreuil, par exemple, sont des espèces qui sont très convoitées. Si on regarde ce qui s'est passé jusqu'à maintenant en termes de politique forestière, on peut se poser de sérieuses questions. Même s'il y a des guides d'intervention qui ont été soumis par le MLCP, ce n'est pas évident que le MER les a toujours suivis. Proposer, comme on le voit à la page 14, des îlots qui ne sont pas rasés par les coupes forestières et raser à peu près tout ce qu'il y a autour, on ne parle pas à ce moment-là de sauvegarde d'espèces ou d'habitats.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On a prévu dans le Guide des modalités d'intervention en forêt de sauvegarder des espèces. Vous parlez de l'orignal et du cerf et on prévoit des îlots pour les abriter lors des opérations forestières. Cet après-midi, je parlais de ce qui s'est fait - on les cite souvent et vous les citez parfois - de ce qui se passe dans les pays Scandinaves, entre autres, en Finlande, en Suède, en Norvège. Les espaces réservés où il n'y a pas d'exploitation forestière représentent chez nous à peu près 11 % du territoire forestier, alors qu'en Finlande ils ne représentent que 8 %. Pourtant, on les cite en exemple. J'aimerais avoir vos commentaires sur cet aspect.

M. Quintal: À moins que je ne me trompe - vous pouvez sûrement me corriger - vous dites 11 %, mais avec une possibilité, au niveau des zones d'exploitation contrôlée, des pourvoiries et des réserves fauniques, d'une intervention s'il n'y a pas un plan d'action sur une période prévue, dans les dix prochaines années. Est-ce que je me trompe?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Le pourcentage de 11 % n'inclut pas les pourvoiries. Les pourvoiries couvrent de grands territoires. Ce pourcentage couvre la forêt préservée pour protéger l'orignal, le cerf et d'autres espèces. Cela couvre la protection des rives pour les prises d'eau des municipalités, la sauvagine, etc. Mais cela ne couvre pas les pourvoiries et les ZEC, c'est certain.

M. Quintal: II y a un élément qu'il me semble important de conserver et c'est le suivant. Évidemment, la Fédération québécoise de la faune va vous tenir un langage un peu différent de celui de l'industrie forestière. Nous autres, on ne vous parlera peut-être pas autant qu'eux de coupe ou de récolte de la matière ligneuse. On va probablement essayer de vous parler beaucoup plus de polyvalence de la forêt. Dans votre avant-projet de loi, il nous apparaît que, sur l'ensemble du territoire québécois, vous privilégiez des coupes à blanc sur de grandes superficies. Cela nous crée un problème assez grave quant à la polyvalence. Les chasseurs et les pêcheurs qu'on représente, qui sont les témoins journaliers de la faune ne sont pas sans avoir constaté que, dans certaines zones de la province de Québec, on réalise qu'on assiste à de véritables déserts. Si l'intervention forestière se faisait d'une autre façon, cela permettrait au moins une certaine polyvalence de la forêt. Si, au lieu de couper une bande - je ne sais pas, je mets des chiffres très hypothétiques - de 25 kilomètres de large, vous faites une intervention progressive à plusieurs moments, échelonnée sur des périodes de dix ou de quinze ans, vous allez faire une bande de sept ou huit kilomètres, mais la compagnie forestière va être obligée de continuer à entretenir le chemin, ce qui va permettre aux utilisateurs de la faune de fréquenter le site. Ensuite, si vous faites une autre intervention, dix ou quinze ans plus tard, évidemment, les mêmes chemins vont être réutilisés par les compagnies forestières. Vous allez pouvoir permettre une certaine polyvalence. Actuellement, dans votre guide, avec des coupes à blanc sur de grandes superficies, les chemins se détériorent très vite, sont abandonnés et le territoire est abandonné à lui-même. Il y a aussi l'aspect régénération qui peut entrer en ligne de compte si vous faites une coupe qui n'est pas à blanc sur de grandes superficies.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Une question précise, M. le président. Vous avez mentionné que les chasseurs et les pêcheurs pouvaient continuer à utiliser les chemins dans le but de favoriser la régénération de la forêt. Est-ce que vos chasseurs et vos pêcheurs sont prêts à contribuer?

M. Quintal: Sur ce point, je pense que, dans notre mémoire, on a été quand même assez direct dans notre réponse. On considère, M. le ministre, que les utilisateurs n'ont pas à payer la construction et l'entretien des chemins forestiers lorsque les compagnies forestières bénéficient de subventions. On ne voit pas pour quelle raison les chasseurs et les pêcheurs débourseraient de l'argent qui pourrait permettre un reboisement ou un réaménagement de la forêt ou l'utilisation des chemins. Je pense que les chasseurs et pêcheurs que nous représentons font des efforts actuellement dans le sens d'améliorer la mise en valeur et l'aménagement de la faune en demandant, entre autres, au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche d'augmenter les permis. Je pense que les chasseurs et pêcheurs paient suffisamment de taxes actuellement pour leur activité pour ne pas qu'on leur en impose une supplémentaire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme cela, vous croyez que l'industrie forestière en construisant des chemins - alors que le ministère participe depuis un certain nombre d'années, pas depuis toujours, à la construction de ces chemins - est tellement subventionnée que le chasseur et le pêcheur n'ont pas besoin... Si la forêt est protégée contre les incendies, contre les épidémies d'insectes, le pêcheur et le chasseur n'en profitent pas?

M. Quintal: Non, je n'ai pas dit cela du tout.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez, cela coûte 14 000 000 $ par année seulement pour faire fonctionner la flotte de Canso. Si on protège la forêt contre les feux de forêt, tout le monde en profite. Ce n'est pas seulement pour les industriels ou les ouvriers forestiers; c'est également pour les amateurs de plein air, les chasseurs et les pêcheurs que vous représentez.

M. Jean: Je pense, M. le ministre, que M. Quintal vient de dire quand même assez clairement que les utilisateurs de la faune paient déjà beaucoup; de toute façon, quand on regarde ce qui est injecté dans l'économie du Québec, des études de 1980 parlent de 600 000 000 $. Six ans plus tard, on peut s'imaginer ce que cela peut être. C'est bien évident que les compagnies forestières "rendent service" - entre guillemets automatiquement, mais elles en retirent aussi de très grands profits, ce qui n'est pas lecas...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ne me dites pas qu'un pêcheur ou un chasseur n'en retire pas de petites satisfactions quand il va à la pêche ou à la chasse.

M. Jean: Qualitativement parlant, oui. M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Jean: Quantitativement parlant, les compagnies forestières en retirent énormément aussi. Donc, qualitativement parlant.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais c'est ce qui a fait que la forêt est rendue accessible à un grand nombre de Québécoises et de Québécois, en partie. Ce n'est pas parfait, c'est bien sûr, je vous le concède facilement. Mais il reste que, si on profite d'un service, je pense qu'on doit y contribuer en toute équité. Je ne vous ai pas fixé de prix.

M. Jean: Je pense, sans vouloir relancer ce débat ad nauseam, que si les compagnies forestières font profiter le reste de la population d'un bienfait par leur exploitation, c'est très bien; c'est une symbiose qui est excellente. Ce n'est pas non plus une raison pour faire payer en surplus des utilisateurs qui profitent de quelque chose qui existe déjà et qui existera de toute façon. (20 h 30)

M. Côté (Rîvière-du-Loup): En vertu de quel principe?

M. Quintal: II faudrait peut-être que l'industrie forestière, si un jour la fondation pour la mise en valeur et la conservation de la faune... On pourrait peut-être renverser la question. Il faudrait peut-être que l'industrie forestière fasse sa part pour les habitats qu'elle a détruits?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous ferai remarquer que l'industrie forestière a suivi les directives des gouvernements qui avaient été légitimement élus, soit le gouvernement actuel, le gouvernement précédent et les autres gouvernements. L'industrie forestière a répondu à ces exigences. Si on n'a pas exigé plus dans le passé, cela fait partie un peu de notre héritage à nous comme citoyens qui avons élu des gouvernements légitimes.

M. Quintal: M. le ministre, peut-être que si l'industrie forestière faisait un peu plus pour la protection dès habitats, les chasseurs et les pêcheurs feraient un bout de chemin pour l'entretien des chemins.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Évidemment, M. le président. M. Quintal, on essaie d'introduire tranquillement le respect mutuel de tous les intervenants, de tous ceux qui profitent agréablement de la forêt, soit pour leur gagne-pain, soit pour leurs loisirs. On voudrait que tout le monde se respecte et participe à tout cela. C'est notre intention d'arriver à quelque chose d'équitable. Mais il n'y a rien de gratuit. Je ne vois pas en vertu de quel principe ceux qui profitent de la forêt ne participeraient pas à son aménagement. Si on fait du reboisement, si on conserve la forêt verte, si on la protège contre les insectes, si on la protège contre les feux, cela profite à tout le monde et également à l'industrie, je suis d'accord. C'est tout pour l'instant.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci. Je voudrais d'abord vous souligner qu'il ne faudrait pas que ce soit une habitude qu'on accepte régulièrement de recevoir un mémoire et que par la suite il y en ait un autre de présenté. Je le dis sans plus d'arrière-pensées, c'est strictement à cause des normes de procédure parlementaire que nous avons en usage depuis de nombreuses années.

M. Quintal: Est-ce que vous permettez que je vous réponde là-dessus, M. le député?

M. Perron: Oui, allez-y.

M. Quintal: Ce n'est pas parce que je veux m'excuser parce que je suis bénévole. Le Guide des modalités d'intervention en milieu forestier, je l'ai reçu a la fédération le 9 et je suis passé à la fédération une semaine plus tard. Je dois vous avouer honnêtement que j'ai lu et étudié le guide des modalités en fin de semaine. J'ai complété ce matin les notes que j'ai lues ce soir. C'est la raison pour laquelle cela se passe comme cela. Peut-être que si j'avais eu le guide des modalités il y a un mois, cela ne se serait pas passé comme cela. Vous auriez le document entre les mains. Je ne veux relancer la balle à personne.

M. Perron: D'accord. Loin de moi le fait de souligner que vous n'aviez pas à faire cela ou quoi que ce soit. Je pense que c'est important qu'on ait des choses concrètes en rapport avec votre position à vous. Maintenant, si vous permettez, je voudrais me servir quand même du mémoire que vous nous avez fait parvenir. J'aurais un commentaire à faire et deux questions à poser en rapport avec votre mémoire.

Bien sûr, avant de procéder à mon commentaire, je voudrais vous souhaiter la bienvenue. Comme vous le savez, une commission parlementaire devrait être ouverte au maximum à tous les organismes lorsqu'on parle d'un dossier comme celui qui est en discussion actuellement, c'est-à-dire l'avenir de la forêt du Québec.

Mon commentaire c'est à la suite de votre mémoire de la Fédération québécoise de la faune du 2 septembre 1986 lorsque dans le deuxième paragraphe vous

mentionnez la clientèle, en fait, que vous représentez, disant que cette clientèle non négligeable a réalisé en tant que personnes fréquentant les milieux forestiers que trop souvent hélas les coupes forestières sont faites en fonction de maximiser la récolte de la matière ligneuse au détriment des autres utilisateurs. Je voudrais faire le commentaire suivant en passant. Lorsque vous faites ce type d'affirmation ou de constatation, je pense qu'on est en droit de reconnaître qu'il y a sur cette question précise, selon les organismes qui se présentent devant nous, selon les discussions qu'on a entre individus, plusieurs écoles de pensée, selon les gens à qui on parle. C'est vrai dans beaucoup de cas, je crois. Par contre, il ne faudrait pas tomber non plus dans l'excès et généraliser pour faire en sorte que ce soit l'ensemble de tous les organismes qui font en sorte que cette question arrive.

Les deux questions que j'aurais à vous poser sont les suivantes. La première se rapporte à la page 2 du document du 2 septembre, lors vous mentionnez "Malgré toutes ces dispositions d'aménagement, nous déplorons le fait qu'aucun mécanisme de consultation n'ait été envisagé auprès des autres utilisateurs de la ressource forestière." Bien sûr que la loi actuelle ne prévoit aucun mécanisme de consultation malgré tout ce qui a été dit et tout ce qui a été recommandé par différents organismes de la commission et même par le livre blanc de l'ancien gouvernement. Lorqu'on parle de mécanisme de consultation, à votre avis, en tant qu'organisme, est-ce que vous pourriez nous dire quand et comment devrait s'appliquer un tel mécanisme de consultation?Deuxièmement, sur quels aspects, sur quoi, en fait? Est-ce que ce serait sur les aires ou, encore, sur les méthodes de coupe ou d'autres facteurs que je n'ai pas mentionnés?C'est la première question.

M. Quintal: Je vais donner quelques éléments de réponse et, ensuite, je vais passer la parole à mes collègues. Quand et comment? Je pense que la façon la plus simple de répondre à votre question, c'est peut-être la mise en place d'une table de concertation qui regrouperait, un peu comme la table de concertation de la faune... Cela pourrait peut-être même être un dossier qui serait confié à la table de concertation de la faune qui regroupe tous les organismes de la faune. Sous quel aspect? Je pense qu'on vous en a quand même donné quelques-uns lorsqu'on vous a parlé du milieu riverain sec. Il y a d'autres aspects, au niveau, par exemple, entre autres, de la bande riveraine. Il y a un aspect qui me semble être prioritaire, primordial, c'est l'accessibilité à la forêt. Donc, la question de l'utilisation des chemins et de leur accessibilité, etc., je pense que c'est primordial si vous voulez avoir une certaine forme de polyvalence. En gros, très rapidement, c'est un peu ce que je peux vous dire. Probablement qu'après que mes collègues vous auront parlé, il me viendra d'autres idées et je pourrai peut-être formuler d'autres éléments de réponse. Oui, Daniel.

M. Vanier (Daniel): Quand vous avez parlé du deuxième paragraphe de la page 2, peut-être qu'il manquait une petite précision. On se référait surtout aux organismes gestionnaires de la faune, c'est-à-dire les organismes qui ont à travailler au niveau de la faune. Dans le passé et encore récemment - on pourrait peut-être vous citer des cas; peut-être M. Quintal et M. Jean pourraient en donner - il y eu des cas où des zones d'exploitation contrôlée, des pourvoines se sont plaintes publiquement des coupes qui se faisaient sur leur territoire. On s'est rendu compte qu'elles n'avaient aucun pouvoir face à l'industrie forestière, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de réglementation. Ce sont des conditions stipulées dans des contrats. Ces ZEC, ces pourvoiries faisaient des plaintes au ministère de l'Énergie et des Ressources, mais avec l'administration, ces plaintes ne se rendaient peut-être pas toujours. Il n'y avait pas d'efficacité là-dedans. Il y a des cas qui ont été cités récemment. J'ai eu la chance de voir à l'Université du Québec à Chicoutimi une carte des coupes à blanc qui se sont faites dans la région du Saguenay— Lac-Saint-Jean et on voyait que, dans certaines zones d'exploitation contrôlée, entre autres dans la ZEC Martin-Valin -c'est un exemple qui me vient à l'esprit - ou on voyait une superficie assez grande de coupe forestière è blanc s'était faite là.

Au niveau de la gestion, M. Quintal parlait de concertation. Je pense que c'est le point le plus important. Dans l'avant-projet de loi, il n'y a rien sur la polyvalence. On ne définit pas les autres utilisateurs. On parle de bénéficiaires, de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, mais les autres utilisateurs ne sont pas là. On ne parle pas de consultation; on ne parle de rien. Donc, c'est là-dessus qu'on trouve important qu'il y ait un mécanisme de consultation. Cela pourrait prendre la forme d'une table de concertation au niveau national tout comme il pourrait y en avoir une au niveau régional. Cela pourrait être sur une base de quatre ou cinq ans, c'est-à-dire qu'on a un territoire où il y aura des coupes forestières, où il y aura de l'aménagement forestier. À ce moment-là, on invite les gens qui utilisent ce territoire -les municipalités régionales de comté, toutes les ZEC et les pourvoiries, les autres utilisateurs et, bien sûr, l'industrie forestière - à se concerter. On a identifié à tel endroit, par un inventaire du MLCP, qu'il y a des habitats essentiels et, à tel autre

endroit, il y a des habitats importants pour d'autres espèces. À ce moment-là, on fait en sorte de protéger ces habitats et on n'aura pas des problèmes comme ce qui s'est passé dernièrement dans le domaine du plein air, entre autres, dans le comté de Charlevoix, concernant une piste de ski de randonnée. La Donohue a fait une coupe forestière, je pense, sur un tiers ou un quart de la piste de ski de randonnée. Ils ont coupé à blanc à côté de la piste de ski de randonnée. C'était une des seules pistes de ski de randonnée. Elle avait une longueur de 100 kilomètres. Cela a été cité dans l'actualité et cela a fait en sorte que les gens qui utilisaient cette piste de ski de randonnée, les clubs de ski de fond, se sont plaints. Concernant la faune, les ZEC et les pourvoiries, M. Quintal et M. Yves Jean pourront donner des exemples concrets où la consultation serait importante, ainsi qu'une concertation. Allons plus loin qu'une consultation.

M. Perron: Lorsqu'on parle de consultation, vous parlez de consultation de tous les intervenants, pas seulement trois ou quatre, mais un ensemble d'intervenants.

M. Vanier: L'ensemble des intervenants. La population pourrait même y participer sur des questions de plan d'aménagement. On pourrait même avoir une consultation plus populaire avec un plan d'aménagement. À ce moment-là, ce serait un vrai plan d'aménagement, pas juste colorier telle partie et dire qu'on va faire une coupe là, mais vraiment avec les méthodes expliquées aux gens.

Yves, tu as peut-être des choses de plus à dire.

M. Jean: Pas mal tout a été dit, sauf que j'ajouterais simplement que, quand on parle d'intervenants, c'est bien évident qu'on ne doit pas parler, à mon avis, d'une table de concertation avec 30 intervenants; ainsi, les gens n'arrivent jamais à rien. Je pense qu'il y a des organismes qui sont très représentatifs du milieu. On pourrait parler des ZEC, des pourvoiries, de la FQF. Il y a des intervenants qui sont des porte-parole officiels; donc très représentatifs. Je pense qu'à ce niveau-là, cela vaut vraiment la peine qu'une consultation soit faite parce que les politiques pour ces organismes en ce qui a trait aux territoires et à la gestion des ressources fauniques sont relativement bien établies. Il ne faut pas se leurrer. Quand on parle de consultation du MER face au MLCP, je crois sincèrement que les gens du MLCP sont très sincères, sauf qu'on s'aperçoit qu'il y a aussi des jeux de négociation qui n'ont plus trop à faire avec des données scientifiques ou avec la ressource faunique comme telle. C'est généralement la crainte des organismes du milieu de voir les résultats en question. C'est dans ce sens qu'on doit parler de consultation générale, donc avec un certain nombre d'intervenants.

Vous parliez de types de coupe et d'aires de coupe, et je termine là-dessus. Il faut faire attention. On parle de coupes en damiers, de coupes par trouées, des types de coupe, des assiettes de coupe qui sont intéressantes pour la faune. Il faut faire attention à une chose. Si on décide de faire des coupes par trouées, il faut faire des coupes par trouées partout, c'est-à-dire sur une grande superficie. Si on fait ces coupes sur de petites superficies et qu'autour on rase complètement, cela ne donne strictement rien pour les populations fauniques en question. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable.

M. Perron: Merci pour les renseignements, monsieur.

Je voudrais maintenant toucher l'autre aspect en deux volets. Lorsqu'on parle -d'ailleurs, le ministre l'a soulevé tout à l'heure, à la suite de questions qu'il vous a posées - de construction et d'entretien des chemins forestiers, il y a des renseignements, des affirmations plutôt qui courent dans le paysage, à savoir que l'ensemble des utilisateurs, autant de la faune que de la flore, à peu près tous les organismes devraient payer leur quote-part. Est-ce que, comme organisme national, vous avez déjà été approché et, si oui, vous a-t-on déjà parlé d'un montant à payer pour l'entretien et la construction des chemins forestiers?

M. Quintal: C'est un domaine pour lequel on n'a jamais été contacté ou pour lequel il n'y a jamais eu de démarches d'entreprises à l'effet de savoir comment les utilisateurs de la faune auront ou auraient à payer pour l'entretien des chemins forestiers, à moins que je ne comprenne pas très bien votre question. (20 h 45)

M. Perron: Non, je pense que vous avez compris ma question. En fait, je vais vous la répéter pour que vous soyez certain d'avoir donné la bonne réponse. Dans l'hypothèse où on voudrait que tous les agents, autant de la faune que de la forêt, paient leur quote-part de la construction et de l'entretien des chemins forestiers, est-ce qu'on vous a consultés sur cette question ou est-ce qu'on vous a signifié un montant éventuel à payer se rapportant à la facture que vous devriez payer quant à votre quote-part?

M. Quintal: Non, pas du tout.

M. Perron: Pas du tout. Selon une évaluation qui a été faite, il n'y a pas tellement longtemps, il appert que ces coûts seraient de l'ordre d'environ 19 000 000 $ annuellement et ce serait même prévu... Je

m'excuse, quand je parle des 19 000 000 $ ce serait prévu pour la mise en application du guide des modalités. Est-ce que je pourrais avoir - c'est un peu dans un autre contexte - votre réaction face à ces 19 000 000 $ dont on parle pour la mise en application du guide des modalités que vous avez lu, je présume, même si...

M. Quintal: C'est un chiffre que vous m'annoncez, vous voulez avoir une réaction sur ce chiffre. Je dois vous avouer que, dans un premier temps, il faudrait peut-être que je réfléchisse. Je n'ai pas de réponse à vous donner à moins que Yves ou Daniel aient des réponses à vous donner.

M. Perron: II est possible que dans l'ensemble des coûts, l'industrie forestière veuille vous refiler, par le biais du MLCP, ce fameux montant de 19 000 000 $ qui est une évaluation, selon les informations que j'ai, des coûts de la mise en application du guide. C'est la question que je pose. Comme vous semblez être informé pour la première fois, si possible, je voudrais avoir votre réaction sur cette question. Il n'est pas dit aujourd'hui, au moment où on se parle, que l'industrie forestière va vous refiler cette facture. Il n'est pas dit cela. Il est bien possible que cela puisse se faire à l'avenir.

M. Quintal: En ce qui concerne la possibilité, entre autres, d'une tarification pour l'usage du chemin forestier qui pourrait peut-être compenser pour les 19 000 000 $ dont vous parlez, c'est bien clair pour la Fédération québécoise de la faune, pour les chasseurs et pêcheurs qu'on représente, que l'on s'oppose à ce qu'on soit obligé de payer pour l'entretien des chemins alors qu'on a été très clair là-dessus lorsque la question nous a été posée par le ministre, M. Côté. Les chasseurs et pêcheurs qu'on représente s'opposent à payer des chemins qui ont déjà été subventionnés.

Deuxièmement, comme on l'a signalé au ministre délégué aux Forêts, peut-être que si l'industrie forestière fait quelque chose face aux profits qu'elle pourrait générer, s'il y a un certain montant de ces profits qui sont projetés dans la mise en valeur ou la promotion des habitats fauniques ou leur aménagement, peut-être que les utilisateurs de la faune seraient un peu plus disposés, malgré qu'ils ne seraient sûrement pas d'accord à contribuer à l'industrie forestière, à entretenir ces chemins.

M. Perron: Merci des informations.

M. Quintal: Cela, c'est sous toute réserve. Je vous jure que je ne lancerais pas cela dans les journaux demain matin, j'aurais peur de me faire ramasser par mes membres.

M. Perron: Si je comprends bien, M. le président, vous ne parlez qu'à titre individuel parce qu'il n'y a pas de décision qui a été prise au conseil.

M. Quintal: Mes membres seraient beaucoup plus d'accord avec la possibilité que l'industrie forestière, à la suite des profits qu'elle génère, investisse dans la protection des habitats fauniques compte tenu des habitats qu'elle a pu détruire en générant des profits de la récolte de la matière ligneuse. Je pense que cela serait un juste retour aux utilisateurs de la faune qu'on représente, compte tenu des profits qu'ils font.

M. Perron: Merci.

M. Quintal: Tout comme nous autres actuellement, on a décidé. En tout cas, le ministre n'a peut-être pas encore décidé, mais nous autres on a reçu le mandat de faire des pressions auprès du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour que notre permis de chasse et pêche augmente de 2 $, et que ces 2 $, au lieu d'être versés au fonds consolidé, soient versés à la fondation pour la mise en valeur et l'aménagement de la faune et l'acquisition d'habitats fauniques qu'on considère essentiels.

M. Perron: Cela, c'est lors de votre dernier congrès.

M. Quintal: Oui, c'est cela.

M. Perron: Une dernière question très courte, M. le Président. Est-ce que vous pourriez me dire combien vous avez de membres sous votre juridiction?

M. Quintal: La Fédération québécoise de la faune représente 238 associations réparties dans toute la province de Québec et regroupe approximativement au-delà de 100 000 membres. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact. Je vais être en mesure de vous transmettre ce chiffre dans quelques semaines, si cela vous intéresse. Actuellement, on est en train de renouveler nos cotisations et une des questions est de savoir le nombre de membres actifs qu'il y a dans chacune de nos associations.

M. Perron: Merci beaucoup. M. le Président, cela va, j'ai terminé pour le moment.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Cet après-midi, je ne sais pas si j'ai bien saisi, mais il y avait un groupe qui était avant vous, des

représentants de la faune également.

Une voix: La nature.

M. Maltais: La nature. On parlait un peu des abords des cours d'eau, de rapetisser de 60 mètres à 20 mètres; et eux, ils étaient un petit peu d'opinion contraire. Est-ce que vous pourriez nous dire exactement l'impact que cela peut avoir? Est-ce que vous regardez juste l'impact au niveau de la faune ou si vous regardez également l'impact environnemental au niveau de la qualité de l'eau, des réserves d'eau? Pourquoi y a-t-il autant de différences entre vous et l'autre, franchement, qui êtes deux organismes qui vous occupez de la nature?

M. Quintal: Un premier élément de réponse: Je vous l'ai mentionné au début de mon énoncé, cela regarde évidemment toute la fréquentation de la faune dans cette bande riveraine. Je pense que cela ne fait aucun doute. Il y a des études du MLCP là-dessus qui nous prouvent hors de tout doute que l'ensemble de la faune fréquente ce milieu dans une période dans sa vie assez importante. C'est un premier élément.

Un deuxième élément: Je pense que la preuve a été faite qu'au niveau de l'érosion et du réchauffement des lacs, le fait de réduire cette bande ne sera sûrement pas bénéfique.

M. Maltais: D'accord.

M. Quintal: Je n'ai pas entendu les mémoires qui vous ont été lus cet après-midi ou les commentaires qui ont été dits, car je n'étais pas ici. Cela m'est très difficile de vous parler de ce que je ne connais pas.

M. Maltais: C'est ce qui a été dit, et c'était écrit dans le mémoire aussi. Il y a un autre point que vous soulignez qui, à mon avis, est bien important. C'est celui de la machinerie lourde en forêt qui casse la repousse et qui brise les habitats fauniques de certaines petites espèces. Là-dessus, je pense bien que vous n'êtes pas les seuls à déplorer cela. Même les compagnies forestières ont abandonné certaines machines, par exemple comme la Khoering qui était vraiment quelque chose de dévastateur. Est-ce que, de votre côté, vous avez analysé l'impact aussi? Parce qu'on sait - je suis chasseur comme bien des gens ici - qu'on envahit nos forêts avec de petits véhicules à quatre roues, trois roues, deux roues, qui ont des effets très polluants aussi. Est-ce que vous avez une certaine éducation? Par exemple, moi je suis un abonné de la revue Chasse et Pêche et je vérifie cela souvent. Quels sont les conseils que vous donnez à vos utilisateurs, à ces gens-là qui traversent les rivières, dont l'huile se répand dans la rivière, qui également laissent des boîtes de métal contenant de l'huile, de l'essence et qui brisent aussi la repousse. On a même vu des quatre roues se promener dans des plantations. On a vu cela.

Je sais que c'est un travail d'éducation populaire et que ce n'est pas facile. Est-ce que vous avez un petit programme où de temps en temps vous le mentionnez - il y a toujours des exceptions à la règle et on essaie d'en avoir le moins possible - est-ce que vous avez un genre d'éducation populaire que vous tentez de faire auprès de vos membres ou de vos associations affiliées?

M. Quintal: Écoutez, M. le député, cela va me faire plaisir, si vous me remettez votre carte, de vous envoyer la revue que la Fédération québécoise de la faune publiera dans les prochaines semaines. Entre autres choses, lorsque vous parlez des véhicules tout-terrain, nous prenons une position assez sévère là-dessus. C'est sûr que c'est comme les motoneiges et toutes ces machines, on ne peut pas interdire aux gens de les utiliser, sauf que peut-être qu'il y a un équilibre à atteindre dans tout cela. Cela peut être profitable pour le chasseur et le pêcheur qui se déplacent en forêt, nous sommes d'accord avec vous. Il est sûr aussi que par le biais de cette revue on essaie de faire de l'éducation sur l'environnement. On a les moyens qu'on possède. On essaie de faire le maximum avec ce qu'on a. Mais soyez assurés que les messages sur l'environnement et la pollution à la Fédération québécoise de la faune, ce sont des messages que nous passons régulièrement. Cela va nous faire plaisir de vous envoyer notre bulletin qu'on sort tous les trois ou quatre mois. Il y a également certains dossiers. À l'occasion on sort des publications un peu spéciales pour informer nos membres. Cela nous fera plaisir de vous faire parvenir le dernier qu'on a publié sur la question des pluies acides. On aimerait en faire plus. C'est sûr, il y a des mentalités à changer. Je pense que nous, Québécois, avons vécu dans l'abondance et actuellement on réalise que l'abondance, il va falloir peut-être utiliser cela comme un jardin et aller prélever seulement les surplus.

M. Maltais: Je vous remercie. J'aimerais garder quelques minutes pour mes autres collègues.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci. ...plan directeur d'utilisation du territoire forestier québécois, vous montrez les tiraillements qui existent entre ce qui est, d'une part, l'utilisation de la ressource ligneuse et, d'autre part, l'utilisation et l'importance économique aussi des autres utilisateurs que sont les pêcheurs,

les chasseurs, les observateurs de la faune, les amants de plein air. Dans le mémoire initial vous mentionnez que la Fédération québécoise de la faune croit qu'une législation en matière d'habitat faunique est urgente. Vous avez parlé tantôt des jeux de négociation nécessaires entre les ministères comme le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le ministère de l'Énergie et des Ressources particulièrement et le ministère des Forêts. J'aurais le goût de vous poser la question suivante. À ce moment-ci, est-ce que vous seriez d'accord avec un conférencier qui participait au colloque de l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences et qui a soutenu que le ministère de l'Énergie et des Ressources se trouvait en situation de conflit d'intérêts en ce qui a trait à la gestion globale des milieux forestiers? II n'y apas de réaction sur cela?

M. Vanier: J'aimerais avoir des précisions. C'était quel conférencier à l'ACFAS?

M. Desbiens: Un conférencier du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Vanier: II disait qu'il y avait un conflit d'intérêts à ce moment.

M. Desbiens: II a prétendu et il a soutenu dans sa participation au colloque que le ministère de l'Énergie et des Ressources se trouvait en situation de conflit d'intérêts pour la gestion globale du milieu forestier.

M. Vanier: C'est difficile de faire un commentaire sur ce point quand on n'a pu assister à l'ensemble de la conférence.

M. Desbiens: Après avoir lu votre mémoire et vous avoir écouté j'avais cru déceler que ce n'était pas en tout cas la confiance absolue en la capacité du ministère de l'Énergie et des Ressources tel qu'il existe présentement de répondre à une gestion globale et polyvalente du territoire forestier.

M. Vanier: II y a une remise en question de la gestion du ministère de l'Énergie et des Ressources sur la forêt en ce qui concerne la protection des habitats fauniques. M. Quintal pourra préciser un peu plus. (21 heures)

M. Quintal: De la façon dont je comprends votre question, la réponse que je peux vous faire c'est que la Fédération québécoise de la faune va privilégier un règlement-cadre qui va définir très clairement les normes de base d'intervention, ce qui est faisable en forêt sans pour autant tout détruire. C'est un peu dans ce sens-là. Sans enlever les responsabilités à tout le monde, il y aurait des normes, une réglementation plus sévère, un règlement-cadre et non pas des guides de modalités. C'est dans ce sens-là. Si vous voulez me faire dire que le ministère de l'Énergie et des Ressources serait en conflit d'intérêts, actuellement il le serait avec le MLCP, c'est sûr, qui, lui, a comme mandat de protéger les habitats fauniques. On dit nous autres, que ce qu'on a lu actuellement nous laisse perplexes quant à la protection des habitats fauniques. Peut-être que Yves pourrait ajouter quelques éléments là-dessus.

M. Jean: J'aimerais répondre par une question que je voulais poser au ministre Côté et Léo-Paul vient de dire l'essence de ma question. Pourquoi ne parle-t-on pas de loi ou des règlements et qu'on parle encore de guide des modalités? Une loi qui tient compte de la forêt, donc des habitats fauniques, devrait-elle relever du MER? Cette loi devrait-elle relever du MLCP? Cette loi devrait-elle relever des deux ministères? Vous avez peut-être un élément de réponse à cette ambiguïté.

M. Desbiens: Le ministre pourra peut-être répondre tantôt à votre question s'il le désire. Vous amenez presque ma... D'abord, je dois dire que je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas envie de dire et je sais bien que vous ne le ferez pas. Ce que je veux essayer de voir avec vous autres, c'est ceci, et cela a été soulevé dans d'autres mémoires: la création d'un ministère de la Forêt, strictement, est-ce une chose qui, selon vous, pourrait améliorer la situation, séparer les terres et forêts du ministère de l'Énergie et des Ressources?

M. Quintal: Je vais vous répondre par une autre boutade. N'y aurait-il pas lieu de parler d'un ministère de la faune?

M. Desbiens: Cela va bien! À ce moment-là, que diriez-vous d'un ministère du territoire qui regrouperait la forêt, la chasse, la pêche et la faune? Cela pourrait être une suggestion qu'on ferait au premier ministre du Québec.

M. Quintal: C'est complexe, M. le député. Il est difficile de traiter ce dossier dans toute sa globalité. On a assisté il y a quelques jours à une consultation du ministère de l'Environnement sur le littoral, les rives. Il y a tellement de ministères d'impliqués, comment vont se faire tous les compromis à l'intérieur de tout cela? Qui va avoir la plus grosse part du gâteau? C'est l'équilibre à atteindre. Actuellement, on considère que nous sommes les grands perdants à la faune, c'est cela qu'on est

venu vous dire ici. Cela nous semble une réalité. On peut utiliser le langage et les mots qu'on veut, mais c'est cela le message qu'on est venu vous dire.

Le Président (M. Charbonneau): C'est terminé.

M. Desbiens: C'est terminé?

Le Président (M. Charbonneau): Pour le temps qui vous est imparti. Il reste quelques minutes du côté ministériel. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Si Mme la députée de Mégantic-Compton veut la parole, elle doit s'arranger avec son collègue. Combien reste-t-il de temps? Sept minutes.

M. Middlemiss: D'accord. Merci, M. le Président. M. Quintal, je lis dans votre mémoire au dernier paragraphe: "D'autre part, nous nous rendons compte à l'article 15 que vous n'avez pas oublié les utilisateurs de la faune lorsque vous évoquez la possiblité d'une tarification pour l'usage des chemins forestiers. M. le ministre, pourquoi les utilisateurs de la faune paieraient-ils la construction et l'entretien des chemins forestiers lorsque les compagnies forestières bénéficient de subventions?" Je me demande comment on peut concilier cela avec le fait que des ZEC font payer les gens qui utilisent les routes qui sont entretenues conjointement par la ZEC et l'industrie forestière ou l'industrie forestière. On demande un montant aux gens qui ont des baux sur des lacs, qui paient au gouvernement du Québec un certain montant à l'année et chaque fois qu'ils passent sur la route, ils sont obligés de payer. Comment peut-on concilier cela?

M. Quintal: M. le député, il y a un élément dans les ZEC dont vous devez tenir compte, c'est la gestion de la faune qui y est faite. Peut-être que les investissements qui sont faits par les utilisateurs de la faune sont réinvestis. Évidemment, il y a sûrement une partie qui est réinvestie dans le chemin, mais il y en a une très grande réinvestie dans la faune.

Je pense que c'est un élément important dont on doit tenir compte au niveau où on se parle. Ce n'est pas uniquement investi dans de l'entretien de chemins. Encore là, même les ZEC, en ce qui concerne l'entretien de leurs chemins, bénéficient très souvent de subventions assez importantes.

M. Middlemiss: Mais il me semble que c'est deux poids, deux mesures. On dit: Les gens qui ont des baux sur des lacs et qui veulent s'y rendre, ça fait des années qu'ils paient, eux, même s'ils ne font pas de chasse ou de pêche, ça fait des années qu'ils sont là, its sont obligés de payer.

D'un autre côté, on dit: Peut-être qu'on aurait une politique. On demanderait aux gens qui l'utilisent et qui bénéficient du fait qu'il y a des routes qui sont là déjà... S'il n'y avait pas de routes dans la forêt, est-ce qu'on pourrait se rendre aux endroits pour faire la chasse et la pêche dont on bénéficie aujourd'hui?

M. Quintal: Vous savez, M. le député, ils doivent être assez rares ceux qui, par exemple, font 50, 60, 100, 150 milles de route de gravelle uniquement pour le coucher du soleil et pour regarder la verdure. Je pense que la majorité des gens qui fréquentent la forêt, qui ont des baux en forêt, c'est pour l'utilisation de la faune, pour les prélèvements qu'ils peuvent y effectuer.

Je connais très peu de personnes qui ont des chalets dans des ZEC qui ne font pas une utilisation de ta faune, un prélèvement.

M. Middlemiss: Monsieur, avant que les ZEC arrivent, ces gens utilisaient les mêmes routes. Elles étaient là depuis nombre d'années. Aujourd'hui, ils sont obligés de payer. Ils viennent à moi, en tant que représentant, et ils disent: Pourquoi devrais-je payer? On me dit: Regarde, la loi sur les ZEC le permet. Il y a deux poids, deux mesures dans ce sens. Il y en a qui vont payer et d'autres disent: On n'est pas prêts à payer.

M. Quintal: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, monsieur. Je pense qu'il y a une époque où on avait, au Québec, un système très antidémocratique qui s'appelait les clubs privés. On a aboli ce système dans le but de démocratiser la faune pour permettre à tout le monde de pouvoir en jouir. À l'époque où on avait des clubs privés, écoutez, on retourne vingt ans en arrière. Je me souviens d'avoir été membre d'un club privé et le prix de cotisation qu'on payait était peut-être de l'ordre de 150 $ ou de 200 $, alors qu'aujourd'hui les cartes de ZEC, dans beaucoup de cas, c'est moins de 100 $.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Mégantic-Compton, vous aviez une question ou M. le ministre? M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je pense bien que tous les groupements, tous les métiers et toutes les activités sont essentiels dans la société et il faut se respecter les uns les autres. Si je vous mentionne ça, ce

n'est pas pour dire que ce n'est pas nécessaire et que ce n'est pas absolument agréable. Mais vous parlez d'activités économiques engendrées par les amateurs de chasse et de pêche. Je vous dirai que, si on compare les 600 000 000 $ de pouvoir d'achat que vous mentionnez dans votre mémoire, du côté de l'industrie forestière, que je ne défends pas plus que votre groupe, remarquez bien, c'est 8 000 000 000 $.

Vous mentionnez que 13 000 emplois ont été soutenus par une masse salariale de 165 000 000 $. Je mentionnerai que, du côté de l'industrie forestière, c'est 75 000 emplois directs qui ont été soutenus par une masse salariale de 2 000 000 000 $, permettant aux gouvernements provincial et fédéral de recevoir des recettes fiscales.

Quant au conflit d'intérêts que vous avez mentionné pour le ministère de l'Énergie et des Ressources, c'est dans sa loi et dans ses responsabilités de gérer la forêt. Comme vous avez pu le constater, les plans d'affectation ont été réalisés. Les plans d'affectation qui ont été remis aux municipalités régionales de comté ont été réalisés avec la collaboration de l'ensemble des ministères concernés et approuvés par six ou sept ministres qui font partie du Comité ministériel du développement régional.

Il en est de même pour le guide des modalités d'intervention en forêt qui a été confectionné avec la collaboration du MLCP, dont vous faites état pour les conflits d'intérêts, et du ministère de l'Environnement. Les conflits d'intérêts, on en prend soin. Je ne sais pas si le gouvernement précédent a été capable de le faire mais, nous, de notre côté, du côté de l'Environnement, du côté du MLCP du moins, il y a une parfaite collaboration, il y a un respect mutuel.

Quand vous parlez d'un comité national pour discuter de ces questions, je n'ai pas du tout envie d'aller discuter de cela à Ottawa. Je serais d'accord pour vous inviter à participer à un comité provincial, mais un comité national ne me sourit pas du tout, parce que c'est une activité de juridiction provinciale.

Quand le député de Duplessis vous parle de l'entretien des chemins pour un coût de 19 000 000 $, je ne sais pas à quel endroit il a pris ces chiffres. Quant à moi, je ne l'ai pas vu nulle part. C'est peut-être une de ses inventions pour vous faire peur, mais n'ayez pas peur.

M. Perron: II s'agit du montant de 102 000 000 $ dont on parle dans vos propres documents.

Des voix: Allons! Allons!

Une voix: De toute façon, on expliquera cela tantôt.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel De toute façon, le ministre ayant épuisé son temps... En quatre minutes, vous avez réussi à soulever les passions de certains de nos collègues...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, cela commence.

Le Président (M. Charbonneau): Mais, malheureusement, le temps qui vous était alloué, M. le ministre, est écoulé. À moins qu'il y ait consentement...

M. Perron: Mais, M. le Président, vous ne pouvez pas laisser passer une affaire pareille.

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutez, il est presque 21 h 15 et on a encore un autre organisme à entendre. Je vous rappelle que cela prend le consentement unanime pour siéger après 22 heures.

M. Perron: Parce que là, il dit n'importe quoi. Il crie n'importe quoi.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel Je vais permettre au député de Duplessis et au ministre de faire les remerciements d'usage. À moins qu'il n'y ait une petite vite comme réponse finale de la part de nos invités, ce sera tout.

M. Quintal: Je vous remercie beaucoup de la petite vite, M. le Président. Je pense, M. le ministre, qu'il y a une question de qualité de vie. Je pense qu'il y a un rôle social. Il y a quand même au Québec un nombre de pêcheurs et de chasseurs assez important pour qu'on en tienne compte. C'était le point que je voulais souligner.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est exactement ce que je vous ai dit comme message, à savoir que chaque groupe est important, essentiel, dans notre société.

M. Quintal: Écoutez, si on a dit qu'on voulait un comité national, soyez rassuré, parce qu'on est des Québécois.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien! Sur cette affirmation d'identité...

M. Quintal: On aimerait bien régler nos problèmes au Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Sur cette affirmation d'identité renouvelée...

M. Quintal: Soyez sans crainte, je n'ai aucune carte d'un parti politique.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Duplessis.

Une voix: C'est le temps.

M. Perron: Merci, M. le Président. Comme le ministre vous a posé la question à savoir - avant de vous remercier de votre présence - où j'avais pris le montant de 19 000 000 $, je peux vous dire que j'ai pris ce montant à l'intérieur de son propre ministère. Cela fait partie du montant de 103 000 000 $ qu'il mentionne dans tous ses documents,

Bien sûr, je voudrais vous remercier non seulement pour votre présence ici, aujourd'hui, mais aussi pour tout le travail que vous faites dans le domaine de la faune québécoise, avec votre groupe et votre conseil, avec tous ces gens que vous représentez, des hommes et des femmes, qui vont sûrement avoir l'occasion dans l'avenir, comme ils et elles l'ont eue dans le passé, de continuer à vous côtoyer et à démontrer l'importance comme vous-mêmes, en tant que représentants d'un organisme, l'avez démontrée au cours des dernières années...

Il y a une chose sur laquelle je voudrais vous faire part de ma réaction. Selon moi, c'est une réaction extrêmement positive. C'est le fait que vous portez une attention toute spéciale à titre d'organisme de la faune sur la question environnementale, sur la question forestière comme sur toute la question de l'ensemble de ce que vous considérez comme propriété québécoise. Merci pour votre intervention et pour les réponses que vous avez données aux membres de la commission.

M. Quintal: Merci, M. le député.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, ayant été chasseur à l'époque où j'étais en Abitibi et occasionnellement un pêcheur toujours respectueux des lois et des règlements édictés par le gouvernement...

Une voix: Nous l'espérons. Contrairement à un autre ministre du gouvernement péquiste...

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai mentionné dans ma dernière intervention que tout est essentiel dans la société, tous les corps de métier, toutes nos activités sont également essentielles et l'on doit se respecter et se comprendre les uns les autres de façon à faire une société où il est agréable de vivre. Il faut se créer aussi un milieu de vie et une qualité de vie qui fassent l'envie de tout le monde. Je vous remercie de prendre la défense de votre groupe qui est très important. C'est un groupe qui profite des richesses naturelles et renouvelables également, tout comme la forêt. Ensemble si on unit nos efforts pour prendre soin de ces richesses, nous aurons fait un grand pas dans l'aménagement polyvalent de nos forêts. C'est ce que je souhaite de tout coeur. Je vous remercie, M. Quintal, ainsi que vos compagnons. (21 h 15)

M. Quintal: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, merci beaucoup. Je voudrais en particulier féliciter M. Vanier pour son habileté d'avoir témoigné deux fois aujourd'hui devant nous.

M. Vanier: Cela dépend, M. le Président. C'est M. Quintal qui m'a invité pour travailler.

Le Président (M. Charbonneau): Cela n'est pas un blâme, c'est une simple constatation.

M. Vanier: Cela fait une double charge de travail.

Le Président (M. Charbonneau): Voilà. Bonne soirée et bon retour. J'invite maintenant le Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy à prendre place. Le président est M. Jean-Aurèle Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre, bonsoir. Je vous demanderais d'abord de nous présenter les gens qui nous accompagnent. Je vous rappelle, comme sans doute le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que vous avez une durée de présentation de votre point de vue de douze minutes. Par la suite, il y a aura 24 minutes pour chaque formation politique pour engager la discussion avec vous. Alors, sans plus tarder, M. Saint-Pierre.

Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy

M. Saint-Pierre (Jean-Aurèle): Merci, M. le Président. Au nom de CERFO il nous fait plaisir de pouvoir présenter ce mémoire aux députés tant de la partie ministérielle que de l'Opposition. Comme vous le savez sans doute à la lecture de notre document, que vous avez lu assidûment, nous le présumons, CERFO est un organisme à but non lucratif voué à la recherche, à l'information, à la formation, mais surtout à la recherche appliquée. Cela regroupe tout l'ensemble des sept collèges du Québec, et nous avons aussi au conseil d'administration une pluralité qui fait que nous avons des membres de l'industrie du sciage et des membres de l'industrie forestière qui y siègent. Bien entendu, ces gens siègent bénévolement au conseil d'administration.

À mon extrême droite, M. Guy Papillon, administrateur et délégué du collège

de Gaspé; à ma première droite, M. Carl Charbonneau, directeur général; à ma gauche, M. Jean-Claude Lachance, responsable de la recherche et du développement de notre centre.

Douze minutes, c'est vite. Alors, pour activer la discussion, je vais sauter: n'essayez pas de suivre les pages, c'est peine perdue. Le premier commentaire que nous pouvons dire c'est qu'il aurait été sage d'introduire dès le début du texte les définitions. Il y a au moins 25 définitions qui apparaissent à l'appendice pour permettre une lecture facile du texte même.

En ce qui concerne les chemins forestiers, nous aurions aimé que le gouvernement distingue les sortes de chemins forestiers. Tantôt on a parlé de subventions, c'est vrai qu'il y a des subventions pour les grands chemins forestiers, on l'admet. Nous sommes au courant de tout cela, mais il y a un paquet de chemins secondaires et tertiaires qui devraient être définis et clairement indiqués. Ce ne sont pas nécessairement des chemins ouverts aux amants de la nature, mais ce sont quand même des chemins disponibles et, selon nous, il n'y a aucune subvention qui s'applique à ce genre de chemins. Ce ne sont pas des chemins trop recommandés pour les touristes.

Quant à l'article 15, qui traite des frais exigibles de tout utilisateur de chemins forestiers, CERFO est d'accord avec cette politique. La façon dont cela sera perçu, nous ne le savons pas, car le traitement de l'avant-projet de loi est très imprécis à ce sujet-là. Mais ce que nous ne voulons pas c'est encore voir des barrières s'ériger et des postes de péage. On les fait sauter sur les autoroutes, on imagine que le ministère n'en placera pas sur les chemins forestiers.

En ce qui concerne les inventaires forestiers, on se pose la question: Pourquoi le MER tient-il tant à monopoliser les inventaires forestiers? Pourquoi ne tient-il pas à garder à jour l'inventaire national décennal et à remettre aux bénéficiaires la responsabilité d'autres types d'inventaires, tels que l'inventaire d'exploitation, cela pour la préparation du plan d'aménagement quinquennal? Le ministère devrait plutôt concentrer ses efforts, selon nous, sur un inventaire écologique, que nous n'avons malheureusement pas au Québec et qui va être un prérequis avec tout ce qui s'en vient dans le domaine de la politique forestière.

Le bénéficiaire doit préparer un plan quinquennal pour approbation par le ministre dans lequel il décrit les travaux qu'il doit exécuter pour assurer la réalisation des objectifs qui lui ont été fixés et exécuter à ses frais les travaux sylvicoles. Là encore, on ne mentionne pas quelle sorte de travaux sylvicoles. À part remettre en place ou en production les parcelles de terrains exploités, on ne sait pas du tout quels sont les travaux sylvicoles. Cela reste imprécis dans le projet de loi.

En dernier lieu, à l'article 41, un troisième plan annuel d'intervention en vue d'obtenir le permis d'intervention est requis. On trouve que c'est beaucoup de plans. On se demande s'il ne faut pas un plan pour avoir un plan. Donc, on devrait peut-être alléger le processus.

Nous croyons aussi que la préparation d'un plan quinquennal ne devrait être obligatoire que pour cette partie de la forêt publique qu'on appelle la forêt dite de banlieue. C'est dans cette zone que l'aménagement intensif doit être appliqué sur les meilleurs sites en tout premier lieu. D'ailleurs, c'est notre forêt la plus productive.

En contrepartie, dans la forêt industrielle, celle du nord, le plan quinquennal pourrait être converti en plan décennal. Nous sommes d'accord avec les gestes posés par le MER encourageant les travaux de sylviculture dont le rendement escompté aura pour effet le dépassement des objectifs de production prévus au contrat. Cette production accrue ne sera pas taxable. Il s'agit là d'un incitatif valable.

Au niveau de la gestion, le MER propose aux petits propriétaires de boisés, à ceux qui veulent vivre de la forêt, de conclure avec eux une convention de gestion de forêts du domaine public. Là encore, c'est un grand pas en avant dans la bonne direction selon nous.

Pour le producteur forestier, le nouveau statut reconnu de producteur forestier est aussi un grand pas en avant. Ce qui est encore plus impartant pour le producteur forestier, c'est qu'il puisse vendre son bois peu de temps après la coupe. Comme ce producteur est aussi un homme d'affaires, il veut avoir un prix raisonnable. Si les prix payés retardent toujours quelque peu à suivre l'augmentation du papier journal, par contre certains monopoles exercés par des organismes de mise en marché des bois deviennent parfois une entrave pour ces producteurs sérieux.

Si l'on veut que la forêt privée joue réellement le rôle d'une grande alliée dans la reconstruction de la forêt du Québec, il faut que les sylviculteurs de demain puissent vivre de leur forêt. Il faut plus qu'un titre de producteur; il faut aussi que la production soit reconnue et qu'elle soit assurée d'un marché régulier.

Pour la protection contre les incendies, nous sommes heureux que le ministre ne propose aucun changement. Je pense qu'on n'a pas de cachette à se faire, les sociétés de conservation ont joué un rôle formidable au Québec. Elles sont d'ailleurs reconnues internationalement.

Pour ce qui est des maladies et épidémies, on constate avec plaisir l'abandon

par le ministre des principales recommandations contenues dans le document "Bâtir une forêt pour l'avenir". On ne voyait pas du tout les sociétés de conservation s'insérer dans la lutte dans un contexte d'urgence comme dans le cas des incendies forestiers.

Nous voyons aussi deux titres séparés dans le projet de loi concernant les maladies et les épidémies d'insectes. Ce sont deux chapitres différents, deux sortes de contrôles différents. Nous sommes pour une approche intégrée et rationnelle du contrôle des insectes, c'est-à-dire la mise en place d'un programme de lutte qui combine interventions biologiques, sylvicoles et, dans certains cas, chimiques pour abaisser les populations d'insectes.

Quant à la recherche, il faut accentuer davantage la recherche si le Québec veut demeurer compétitif et conserver les marchés qu'il a toujours su occuper grâce à sa technologie et à la qualité des bois disponibles sur son territoire.

Le gouvernement, à notre avis, devrait traduire dans la Loi sur les forêts sa volonté ferme d'accentuer la recherche forestière. La nouvelle loi pourrait ainsi remplacer la Loi sur la recherche et l'enseignement forestiers. À tout cela il va falloir intégrer un organisme responsable de la coordination de la recherche et de la "prioritisation" des interventions. Sans une excellente coordination de la recherche, nous risquons une dispersion des énergies et dans certains cas un dédoublement qui feront que le Québec prendra encore du retard dans la résolution des problèmes auxquels il est confronté dans le secteur forestier.

Pour les bois feuillus de qualité inférieure, pour sciage et déroulage, on utilise à peine le quart de la possibilité. On demande au ministère de se pencher avec l'industrie pour trouver des débouchés. Il y a selon nous des emplois, il y a de la matière première disponible dans ce secteur.

Au niveau de l'information et de la formation, l'éducation populaire est une action très importante afin de bien faire saisir le rôle, l'importance économique de la forêt, son évolution écologique et la nécessité d'en assurer la protection et la conservation. Il y a une autre facette de l'information qu'il nous semble tout aussi important d'assurer, soit la transmission de l'information technique. On ne peut penser améliorer la productivité de la forêt si les travailleurs et les responsables de la production et de la transformation de la matière ligneuse ne sont pas tenus au fait des nouvelles technologies. On peut mener à bien les plus grandes recherches et développer les meilleures techniques mais le résultat final demeurera toujours le même si on n'assure pas une diffusion adéquate de ces nouveaux développements. La transmission des connaissances est un maillon important de l'utilisation des nouvelles technologies. Le MER devrait fournir un support è l'information technique afin de faciliter la tâche de ceux qui sont responsables de la formation et de l'entraînement du personnel oeuvrant dans le domaine forestier.

Il existe dans cet avant-projet de loi de nombreux points positifs; néanmoins, le critique averti reste quelque peu sur son appétit. Le concept de forêt, comme milieu biologique fragile, n'existe pas dans les quelque 113 articles de cet avant-projet et, pourtant, c'est ce milieu biologique que le législateur entend bien aménager. Pour nous du CERFO, la forêt, en plus d'être conservatrice des eaux et des sols qu'elle régénère et transforme en milieux productifs, fournit en plus de la matière ligneuse toute une gamme de richesses et de plaisirs récréatifs à une foule sans cesse croissante à la recherche de repos et de détente, ou parfois même d'un revenu autre que la matière ligneuse.

Messieurs les membres de la commission, l'heure est au changement de cap. Et pourtant, même aujourd'hui nous surexploitons nos forêts, alors que pour nous l'ère de la surabondance est révolue. Devant ces faits, le CERFO ne peut que souscrire à la volonté du gouvernement de respecter la possibilité ligneuse sur l'ensemble du territoire québécois et de veiller, par la suite, à améliorer la qualité et la quantité de cette fibre.

Nous procédons maintenant aux recommandations qui sont le coeur de notre mémoire. Quant à la réglementation, nous demandons que les règlements qui, pour plusieurs, sont nécessaires à la compréhension de la loi, soient inclus dans le projet de loi. On a eu des expériences avec d'autres organismes telle la CSST qui est rendue aujourd'hui avec 26 règlements et elle a presque perdu le contrôle.

Oui, vous voulez m'arrêter vous?

Le Président (M. Charbonneau): Non, mais je voulais vous signaler qu'il ne vous reste plus grand temps. Il vous reste environ une minute.

M. Saint-Pierre: Vous me prenez de court pas mal. Pour l'aménagement forestier...

Le Président (M. Charbonneau): J'aime mieux vous le dire avant.

M. Saint-Pierre: ...on préconise un seul maître d'oeuvre, qu'il y ait un modus vivendi entre les ministères concernés et les autres organismes, mais qu'il n'y ait qu'un interlocuteur.

Pour l'inventaire écologique, on devrait "prioriser" la production de cartes

écologiques sur l'ensemble de la forêt de banlieue d'abord et ensuite dans la forêt industrielle. Tout est relié à ces cartes écologiques: le reboisement, l'aménagement, la sylviculture, etc.

Quant à l'inventaire forestier, toute la partie inventaire et cartographie reliée aux plans d'aménagement quinquennaux devrait être confiée aux utilisateurs qui devront en assumer la responsabilité et la réalisation.

Est-ce que je peux continuer, M. le Président? J'en ai encore pour à peu près une minute et demie?

Le Président (M. Charbonneau): Pour une minute et demie, est-ce qu'il y a consentement? Oui, très bien, allez-y.

M. Saint-Pierre: Oui, cela va, merci bien. Surexploitation des forêts. Dans sept régions sur neuf, entre autres en Abitibi, la coupe annuelle dépasse la possibilité. Certaines personnes éclairées ont déjà signalé hautement cette situation critique. Un jour ou l'autre, il faudra bien que la coupe s'ajuste à la possibilité régionale. Le MER devra prévenir les gens du milieu que cet ajustement nécessaire impliquera un ralentissement de l'activité forestière et des pertes d'emplois. Par ailleurs, l'attribution des volumes de bois disponibles aux bénéficiaires devrait, dans toute la mesure du possible, être faite selon chacune des régions administratives du MER.

Quant au reboisement, c'est dans la zone de forêt de banlieue que l'activité reboisement doit être la plus favorisée, à partir de sources de graines les plus prometteuses génétiquement parlant. Il y aurait lieu d'utiliser davantage les coupes de régénération afin de favoriser cette régénération naturelle. Le MER devrait aussi encourager la production d'essences feuillues par l'entreprise privée, en lui fournissant l'aide technique appropriée et en stimulant la recherche dans ce domaine. (21 h 30)

Au niveau de la forêt dégradée, on recommande la valorisation de ces boisés en faisant l'emploi d'arboricides, c'est-à-dire un arboricide qui serait recommandé par le ministère de l'Énergie et des Ressources pour mettre en valeur ces terrains non productifs actuellement.

En ce qui concerne l'entretien des plantations, c'est simple. Il ne sert à rien de faire des plantations et de faire des dépenses énormes si on n'en contrôle pas l'éducation par la suite, en d'autres mots, si on n'en contrôle pas les épidémies d'insectes et si on n'en contrôle pas l'herbe qui va enterrer ces plantations et les faire disparaître.

En ce qui concerne la forêt privée, nous recommandons que les contrats d'approvisionnement tiennent compte de la possibilité offerte par les forêts privées en même temps que des quantités de bois offertes par les autres sources d'approvisionnement. Il est important que le MER se charge de la protection des boisés privés et qu'une forme d'assurance-récolte soit instaurée afin de garantir un revenu au propriétaire en cas de désastre.

En ce qui concerne le contrat d'approvisionnement, il serait juste, selon nous, d'offrir au bénéficiaire actuel de continuer à jouir du territoire ou d'une partie du territoire sur lequel il est habitué à opérer.

En ce qui concerne la rotation, on souligne au ministère qu'il faudrait prendre en considération l'utilisation des bois. En d'autres mots, la rotation dans le bois de sciage est beaucoup plus longue que dans le bois de pâtes; donc, c'est beaucoup plus d'investissements et du plus long terme.

En ce qui concerne la protection, le gouvernement devra mettre tout en oeuvre afin d'éviter que les épidémies d'insectes comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette viennent annihiler tous les efforts.

En ce qui concerne la recherche, que le MER accroisse les efforts de recherche dans la production d'espèces plus résistantes et mieux adaptées aux conditions du milieu. Qu'il accroisse la recherche pour découvrir des utilisations pour les essences secondaires. Qu'il accroisse la recherche appliquée pour élaborer des méthodes de travail et des outils adaptés aux techniques sylvicoles nécessaires pour répondre aux nouveaux objectifs de production. Que soit créé un organisme de coordination de la recherche forestière. Que soit instauré un centre d'information scientifique et technique afin de répondre aux besoins de diffusion des nouvelles technologies.

Et comme dessert, M. le Président, la ressource forestière, selon nous, au Québec permet à un travailleur sur dix d'exercer son métier et d'en vivre. Cette donnée démontre toute l'importance de la forêt. Nous croyons fortement justifié de recommander la création d'un ministère des Terres et Forêts.

Je vous remercie du délai que vous nous avez accordé.

Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de quoi. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le président, il me fait plaisir de saluer les gens du Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy et, en particulier, M. Saint-Pierre avec qui j'ai travaillé sur la Côte-Nord quelques années. Je reconnais sa précision et sa détermination.

Il est vrai qu'on doit définir les termes si on veut s'entendre et se comprendre. Souvent, les termes que vous mentionnez ne veulent pas dire les mêmes choses, selon les

situations ou les postes qu'on occupe. J'accepte avec plaisir cette recommandation. Je ne sais pas à quelle place on pourra l'introduire, mais il faudrait que le ministère en fasse un lexique.

Quant aux chemins forestiers dont vous avez parlé au tout début, les grands chemins forestiers au ministère sont subventionnés depuis un certain temps. Ils sont actuellement assez rares en raison des budgets restreints. Donc, ces chemins sont subventionnés à 50 %. Quant aux autres chemins, ils ne sont pas subventionnés et ils servent également aux chasseurs et aux pêcheurs. Je pourrais vous dire que dans l'avant-projet de loi il est prévu que l'on pourra réglementer ce que mon collègue de Saguenay mentionnait, soit l'usage des véhicules à trois roues, à quatre roues en forêt, de façon à préserver le reboisement tout comme il a été fait lorsque les motoneiges sont arrivés. Avec une réglementation sur les motoneiges, on a évité un bon nombre d'accidents mortels et des blessures et, en même temps, on a protégé notre environnement. Dans l'ancienne loi, il était prévu que le ministère pouvait fixer des coûts ou une contribution pour la construction, l'utilisation et l'usage des chemins forestiers aux usagers. Nous avons l'intention de conserver cette latitude. Il est important de signaler que le guide des modalités d'intervention en forêt répondra à plusieurs de vos questions. J'espère que tous les utilisateurs se respecteront les uns et les autres et qu'ils pourront faire un ménage heureux.

Pour l'instant, M. le Président, j'aimerais céder la parole à quelqu'un d'autre et je reviendrai.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Bienvenue à votre organisme, M. Saint-Pierre. Je suis heureux de constater, et ce, au nom de l'Opposition officielle, que vous avez touché pas mal l'ensemble des problèmes forestiers que nous vivons dans l'ensemble du Québec non seulement depuis une année, mais depuis bon nombre d'années.

Bien sûr, en tant qu'individu et comme député, j'ai le droit de ne pas être d'accord avec certaines de vos recommandations. Cependant, je peux vous assurer que l'Opposition - d'ailleurs c'est confirmé par l'exposé que j'ai fait hier - est parfaitement d'accord... Les libéraux rient énormément quand je mentionne mon discours d'hier parce qu'ils ne l'ont pas aimé.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel À l'ordre!

M. Perron: Je peux vous dire, M. le Président - c'était un à côté - que les points essentiels avec lesquels nous sommes d'accord, c'est que d'abord la loi doit inclure la définition de nombreux termes au lieu de retrouver le tout dans des règlements ou encore dans d'éventuelles décisions ministérielles. Nous sommes d'accord aussi avec la création d'un ministère des terres et forêt; cela pourrait sûrement permettre une meilleure coordination entre le secteur terres et le secteur forêts parce qu'il s'agit de la propriété publique; dans le cas des terres, on émet très souvent des lettres patentes qui proviennent des terres publiques. Donc, à ce moment-là, cela pourrait enlever de nombreux problèmes qui existent; cela pourrait même permettre sur le fond une très bonne coordination dans l'ensemble du dossier.

Bien sûr, la mise sur pied d'un conseil consultatif de la recherche forestière est pour nous une chose très importante et nous espérons que le ministre, dans son projet de loi final, pourra nous apporter une conclusion favorable avec un ou des articles qui pourraient toucher la formation juridique de ce conseil consultatif de la recherche forestière. Nous ne voudrions pas, en tant qu'Opposition officielle, voir ce conseil consultatif formé par règlement. Bien sûr, il y a la nécessité de premier ordre de réaliser un inventaire écologique des forêts. C'est l'une des choses les plus importantes qu'on doit retrouver et qui servirait par la suite à d'autres secteurs d'activité pour un alignement essentiel de l'ensemble des activités.

J'ai aussi constaté que nulle part dans la loi il n'est question de l'aménagement polyvalent - c'est d'ailleurs mentionné à la page 22 de votre mémoire - et nul doute qu'il faudra regarder cette question très attentivement dans le projet de loi final. 5i vous permettez, j'aimerais passer à deux questions principales en rapport avec votre mémoire. A la page 10 de votre mémoire, si vous permettez, vous dites au deuxième paragraphe: "Nous applaudissons au geste posé par le ministère de l'Énergie et des Ressources (art. 37) encourageant les travaux de sylviculture dont le rendement escompté aura pour effet le dépassement des objectifs de production prévus au contrat. Cette production accrue ne sera pas taxable. Il s'agit là d'un incitatif valable." La position que j'ai prise là-dessus est que oui, lorsqu'on dépassera les objectifs, il y aura une réduction des droits de coupe, mais cependant il ne faudra pas amener la facture a zéro parce qu'à ce moment-là cela pourrait causer un certain problème de financement pour le gouvernement en rapport avec certaines activités qu'il a prévues dans son propre programme de reforestation et autres de l'ordre de 103 000 000 $.

Je dis oui à un facteur incitatif, mais non au renoncement d'une juste contribution

par le biais de cet objectif. À ce moment-là, l'État n'aura pas à aller chercher ailleurs, c'est-à-dire dans les fonds des contribuables, les fonds publics, pour les besoins essentiels de la protection de la forêt, en tout cas, une partie des besoins essentiels.

La question que je voudrais vous poser est en rapport avec ce que je viens de mentionner et ce que vous avez écrit à la page 10 qui, d'ailleurs, en passant, est renouvelé en quelque sorte à la page 26 de votre mémoire où vous mentionnez que dans la forêt de banlieue tout parterre de coupe devrait être traité et reboisé le plus tôt possible après la coupe.

Si on regarde le premier aspect à la page 10, et l'aspect que je viens de mentionner, à la page 26, à ce compte, le ministère de l'Énergie et des Ressources ne devrait-il pas "prioriser" la remise en production de l'arrérage de la forêt de banlieue par les utilisateurs qui peuvent être les usines de sciage, les coopératives forestières et aussi les usines de pâtes et papiers?

M. Saint-Pierre: M. le député, quand vous parlez d'arrérage, voulez-vous dire ce qui s'est passé voilà cinq ou dix ans?

M. Perron: Oui, effectivement. Dans les forêts de banlieue, c'est-à-dire les forêts situées près des usines qui doivent être approvisionnées, on parle d'une priorité du reboisement. C'est ce que je veux dire.

M. Saint-Pierre: Selon nous - nous pouvons répondre en deux volets - la forêt de banlieue passe avant tout. Premièrement, c'est la forêt la plus productive, la plus facile d'accès et la plus facile à récolter. En un deuxième temps, je prends mes blâmes sur les erreurs du passé, comme le gouvernement. Les gouvernements précédents doivent prendre leurs blâmes pour les déluges de permis de coupe qu'on a eus dans le temps, les surallocations de territoire, l'abus de certains utilisateurs qui ont surmultiplié les besoins premiers de leur industrie. Ils parlaient d'un certain volume donné au début et ils étaient rendus à trois fois plus dix ans plus tard.

Tout ça a fait qu'on est rendu là aujourd'hui. Je pense que ça devient un peu collectif. Le ministère de l'Énergie et des Ressources du temps a peut-être voulu bien faire. Les utilisateurs ont voulu bien faire aussi. Ils ont créé des emplois, ils voulaient développer le Québec et, malheureusement, tout ça s'est fait au détriment de notre forêt. Pour moi, c'est collectif. Ce qui est passé est passé et on doit remettre la main à la pâte.

Je verrais le ministère s'occuper plutôt du passé. Quant au présent et au futur, que les utilisateurs, sans aucune exception - je suis très clair sur ça - aillent prendre leurs forêts en main et qu'ils les développent. Dans cette optique, ce qui est décrit à la page 10 a de la valeur, c'est très valable. La grosse industrie, nous, en tout cas, dans notre mémoire, nous l'avons interrogée. Pour elle, c'est clair. Elle va prendre ses responsabilités. Mais il faut que les rôles soient clairement définis.

M. Perron: Merci. À moins que je me trompe, dans votre mémoire, j'ai remarqué qu'il n'y avait aucune allusion à la façon dont on procède pour la coupe forestière dans l'ensemble du territoire québécois qui est actuellement sous la juridiction du ministère de l'Énergie et des Ressources par le biais du ministre délégué aux Forêts. Bien sûr, je parle toujours de la forêt publique. Aujourd'hui, nous avons eu un organisme qui a mis un accent assez fort sur le fait qu'on devrait regarder et modifier en particulier la façon mécanisée de faire des opérations forestières et ce, pour permettre une régénération naturelle plus facile et pour permettre un reboisement plus facile dans différents cas.

Est-ce que dans votre optique, comme centre d'enseignement et de recherche en foresterie, vous avez regardé cet aspect? À moins que vous ne le souleviez directement dans votre mémoire, parce que je sais que vous n'avez pas eu le temps de le lire au complet ici. (21 h 45)

M. Saint-Pierre: Nous faisons mention dans notre mémoire - je n'ai pas la page -que c'est un équilibre biologique ou écologique et que dans certains peuplements forestiers bien reconnus sur le plan écologique il devrait y avoir des méthodes d'exploitation de prérégénération pour favoriser la régénération naturelle et, cinq, dix ou quinze ans plus tard, qu'il se fasse une utilisation plus globale. Si on mentionne cela, c'est parce qu'il va certainement y avoir une modification au chapitre des méthodes de récolte de notre forêt dans des genres de peuplement bien définis.

Si vous m'amenez dans la forêt du Nord où tout le peuplement est âgé de plus ou moins 120 ans et qu'il est en train de tomber, en tant que forestier, je me dois de vous dire, mon cher M. le député, qu'on n'a pas le choix, c'est la coupe à blanc et cela presse. On discutera après de ce qu'on va faire. Mais, pour le moment, il faut récolter avant que tout pourrisse. Si on arrive dans une forêt qui est équilibrée, dans un peuplement qui arrive à une certaine maturité, soit 75 ou 80 ans, il est certain qu'il va falloir pratiquer des brèches à l'intérieur de cette forêt pour créer une régénération naturelle.

M. Perron: Merci. À la page 18 de votre mémoire, vous mentionnez au deuxième

paragraphe: "II est extrêmement malheureux que la demande pour les bois feuillus de qualité inférieure pour le sciage et le déroulage soit si basse au Québec". Là-dessus, j'en conviens et je pense que tout le monde est d'accord. Pour une fois même, je suis d'accord avec le gouvernement.

Le Président (M. Charbonneau): Voilà.

M. Perron: Je suis d'accord aussi avec l'ensemble des représentants d'organismes qui ont manifesté un certain besoin â ce sujet.

Vous mentionnez plus bas dans la même page: "Nous souhaiterions que le ministère de l'Énergie et des Ressources, de concert avec l'industrie, s'efforce de mettre en marche la recommandation no 27 "Secteur forestier, bilan et perspectives", visant la production de nouveaux produits capables d'utiliser les feuillus excédentaires."

Comme il y a actuellement certains problèmes dans la mise en marché de certains de ces feuillus, que vous connaissez et que tout le monde connaît d'ailleurs, est-ce que vous avez fait des études en tant que "organisme de recherche" - entre guillernents - pour voir les possibilités de marché dans le secteur des feuillus que vous mentionnez ici?Parce que, si on veut mettre en valeur la forêt de feuillus que nous avons au Québec, il va falloir trouver des marchés pour certains de ces arbres qui sont très peu utilisés actuellement, sinon comme bois de chauffage, dans plusieurs cas.

M. Saint-Pierre: M. le député, il y a actuellement un mouvement qui se fait au Québec dans le cas du peuplier, par exemple. On a simplement à noter l'expansion que prend la compagnie Normick actuellement, et ce genre de compagnie, dans l'utilisation de la fibre du peuplier qui est une des essences marginales. Selon notre mémoire, nous serions très heureux, au CERFO, de participer à des études de ce genre. Ce que nous visons, enfin, la première réaction que nous avons quand on parle de forêts dégradées, c'est ce qu'on remarque entre Trais-Rivières et Québec, le long de l'autoroute 20. Il est malheureux de voir des aires et des kilomètres carrés de forêt qui sont vraiment en dégradation. On ne fera absolument rien avec cela. C'est à jeter par terre. Il faut récolter cela, couper cela et reboiser. C'est dans le sens de notre mémoire. Mais, comme nous vous disons, nous sommes disponibles pour faire de la recherche appliquée. Il est bien entendu qu'on n'a rien pour rien.

Nous sommes un organisme à but non lucratif. Nous vivons d'un mandat à l'autre. Donc, si on va de l'avant dans ce genre de choses - les collèges également sont prêts à faire un bout - il faut quand même avoir de l'aide financière.

M. Perron: Dans certaines régions du Québec, par exemple les régions Saguenay-Lac-Saint-Jean, Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et Abitibi-Témiscamingue, il y a certains problèmes qui surviendront en rapport avec une rupture de stock possible, selon l'approvisionnement qu'elles se donneront ou que donnera le gouvernement aux utilisateurs. Les pâtes et papiers se servent de beaucoup de résineux dans un pourcentage très élevé, à part peut-être la Domtar à Windsor. Est-ce que vous seriez d'accord pour pousser les recherches, avec d'autres organismes, avec le gouvernement du Québec, avec l'industrie elle-même, pour qu'on puisse aller aussi loin que de permettre une formule de pâte qui serait alimentée par ces feuillus?

M. Saint-Pierre: Notre organisme, M. le député, n'est pas un organisme de recherche pure. Il faut bien préciser cela. Nous sommes un organisme de recherche appliquée. Actuellement, l'Université du Québec à Trois-Rivières fait des recherches de ce genre pour l'utilisation de la fibre de peuplier et d'autres espèces secondaires de feuillus. Les pâtes et papiers prennent un certain pourcentage de peuplier. Il y a actuellement beaucoup d'essences qui restent en plan, on ne s'en cache pas.

Nous, du CERFO, voulons souligner aux membres de la commission que ces volumes sont debout, qu'ils sont disponibles. On n'utilise même pas le surplus qui peut en découler annuellement ou l'accroissement. Il y a des jobs de reliés à cela, tandis que l'on voit des régions comme l'Abitibi où il faudra bientôt se serrer la ceinture. Il va y avoir des pertes d'emplois, il faut le reconnaître. On le souligne au gouvernement. Il y a des jobs là, réagissons, faisons quelque chose. Pour nous c'est de la recherche appliquée en ce qui concerne la récolte, l'utilisation, la plantation, toutes ces choses, mais pas de la recherche pure comme telle. Nous ne sommes pas des chercheurs scientifiques comme vous voulez le souligner.

M. Perron: Cependant, on peut admettre ensemble que si on en arrive à une solution par le biais d'autres organismes comme, par exemple, l'Université du Québec à Trois-Rivières, sans nécessairement avoir votre implication directe, vous seriez très heureux vu ce qui se passerait pour récupérer les feuillus actuellement en perdition. Cela permettrait une pression moins forte sur les résineux actuellement en usage. Donc, une rupture de stock beaucoup moins possible que celle qui est prévue actuellement.

M. Saint-Pierre: Exactement. Vous avez mis le point dessus. Vous retardez le point X ou le point H dans le temps.

M. Perron: Une dernière question, M. le Président. À la page 26 de votre mémoire vous écrivez: "Le ministère de l'Énergie et des Ressources devrait encourager un tel type de production d'essences feuillues par l'entreprise privée en lui fournissant l'aide technique appropriée et en stimulant la recherche dans ce domaine." Pourquoi selon vous encourager cette production d'essences feuillues par l'entreprise privée plutôt que par d'autres organismes?

M. Saint-Pierre: En ce qui me concerne, je suis pour l'industrie. J'ai toujours oeuvré à l'intérieur de l'industrie. Cela fait seulement quelques années que je suis dans les services, mais je demeure quand même du côté de l'industrie. Donc, je suis un peu au courant du fait que l'industrie c'est le moteur de l'économie, comme je suis au courant que, si l'industrie des pâtes et papiers, celle du sciage et les autres activités connexes n'existaient pas au Québec, il n'y aurait pas grand monde dans cette salle. Moi le premier je ne serais pas ici.

Donc, l'industrie privée c'est le moteur de l'économie. Si les chercheurs prouvent théoriquement qu'il y a possibilité de faire de la pâte avec ces résidus à un prix qui intéresse l'entreprise privée, laissez-les aller, M. le député, ils vont s'en occuper, vous pouvez être certain. Je vous le garantis.

M. Perron: Je ne prends pas cela comme une vérité de La Palice, mais j'accepte en partie ce que vous dites.

M. Saint-Pierre: Quand on regarde aller nos entreprises québécoises, je ne suis pas inquiet pour elles.

M. Perron: Dans plusieurs cas on admet que l'entreprise privée a dû être remplacée sur plusieurs points par des sociétés comme, par exemple, REXFOR, parce que cela n'était pas trop payant, que cela n'était pas du tout rentable ou encore que c'était déficitaire.

Cela m'amène à vous poser une autre question se rapportant aux boisés privés. Nous avons reçu ce matin la Fédération des producteurs de bois du Québec et ces derniers ont démontré, chiffres à l'appui -que l'on peut discuter, selon la façon dont on les regarde - que, si on se servait des bois, en particulier des résineux, qui proviennent de la forêt privée, on mettrait moins de pression sur la forêt publique.

On sait que l'avant-projet de loi dont nous discutons actuellement - c'est d'ailleurs pourquoi les organismes ont demandé devant les membres de cette commission de pouvoir en discuter et recevoir les recommandations qui s'imposent - ne spécifie pas dans la lettre - c'est peut-être entre les lignes - quel pourcentage de l'approvisionnement des usines de pâtes et papiers devrait être pris à même les boisés privés.

Comme vous êtes d'accord pour mettre une priorité sur les boisés privés, selon ce que j'ai vu dans le document, seriez-vous d'accord pour que l'on impose une obligation en pourcentage pour approvisionner une usine, par rapport à la loi elle-même, au lieu de mettre ça dans des règlements, remarquez bien?

M. Saint-Pierre: C'est rendu que j'ai horreur des règlements, pour être bien honnête avec vous. Je trouve qu'au Québec on a trop de règlements. Pour nous, des règlements sont des entraves autant pour l'homme politique que pour l'utilisateur, première des choses. Deuxièmement, il y a la loi du libre marché à laquelle je crois.

La Fédération des producteurs de bois du Québec qui a passé ce matin à un marché assez stable dans l'économie québécoise. Cela pourrait être pire; ça pourrait être mieux aussi, parce qu'il y a beaucoup de propriétaires privés qui ne suivent pas l'ensemble des sociétés de gestion ou des syndicats de producteurs qui font l'aménagement des forêts. Ils ne veulent pas embarquer dans ça pour différentes raisons, dont un contrat de quinze ans ou toute autre chose.

Ces gens sont hésitants. Donc, il y a des parties de forêts privées qui ne sont pas totalement utilisées. Par contre, il y en a d'autres qui sont surutilisés. C'est un tout. Je laisse le jeu du marché libre jouer dans ça. Je dis qu'une entreprise, une papetière ou une usine de sciage qui oeuvre dans une région donnée a tout intérêt à recevoir régulièrement de la fibre venant des terrains privés, des scieries et d'autres sources et de la forêt publique en dernier lieu.

D'ailleurs, c'est ce qui se passe actuellement au Québec. Il ne faut pas se le cacher. L'industrie privilégie ce qui est à ses portes. C'est un peu facile à comprendre. Entre faire descendre du bois de 150 à 200 kilomètres ou l'avoir à 25 ou 50 kilomètres de l'usine, il y a certainement une différence de prix. Le transport n'est pas là, donc, c'est ptus rentable pour eux d'utiliser la matière qui est à leur portée. Cette matière sur le plan forestier, c'est de la forêt de banlieue, donc, c'est de la forêt qui pousse beaucoup plus vite que celle qui est à 200 ou 300 kilomètres dans le Nord.

M. Perron: D'accord. Je vais juste terminer, M. le Président, par un commentaire. Lorsqu'on regarde les problèmes vécus par les usines de sciage par rapport aux copeaux qui se ramassent en entreposage à cause des prix, en fait, à cause des copeaux qui sont souspayés par les pâtes et papiers, je veux bien croire au

marché libre, mais ça ne règle pas le problème de plusieurs milliers de gens qui travaillent pour les usines. Cela ne règle pas non plus le problème économique que pourraient vivre les propriétaires de l'usine de sciage en question si on ne donne pas une certaine obligation aux pâtes et papiers, aux utilisateurs de matière ligneuse d'aller chercher une partie dans la forêt publique, comme vous dites, une partie dans les boisés privés et l'autre dans des usines de copeaux comme approvisionnement. À ce moment, je pense que ça pourrait arrêter la pression sur les forêts publiques, dans un premier temps, et permettre aux autres de s'en sortir honorablement. C'est ce qui me fait dire que, des fois, le marché libre peut fonctionner, mais ça ne fonctionne pas toujours selon les bons voeux de l'ensemble des personnes impliquées sur le plan économique.

Merci, M. le Président. Il reste combien de temps dans l'ensemble?

Le Président (M. Charbonneau): II ne vous reste plus de temps, sauf qu'il reste une vingtaine de minutes aux membres du côté ministériel avec votre consentement et je présume que l'autre côté va donner le consentement.

M. Perron: Oui, M. le Président. Je donne mon consentement et compte tenu que, du côté de l'Opposition, i! n'y a plus de temps disponible, je reviendrai seulement à la fin pour les commentaires d'usage.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Perron: On peut dépasser 22 heures, M. le Président.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. M. Saint-Pierre, je me suis pris à penser aux opérations forestières que nous avons conduites ensemble sur la Côte-Nord. Quant à votre préoccupation concernant les épidémies d'insectes, comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette, je vous dirai que le ministère a installé 250 stations ou pièges "finitron" et c'est l'intention d'en installer 1000 pour être capable de détecter d'avance s'il y a une épidémie éventuelle ou possible.

Ces pièges nous indiqueront si on doit intervenir ou non. Si on doit intervenir, il faudra obtenir l'assentiment du ministère de l'Environnement pour utiliser des produits au B.T. dans le cas présent. Si ça concerne des superficies trop grandes, avant qu'il n'y ait épidémie - je pense que les superficies vont être inférieures - ça prendrait des études d'impact. Mais le ministère fait tout pour essayer de prévenir ces épidémies. Je vous le dis immédiatement. (22 heures)

À la page 10, vous dites que vous applaudissez "au geste posé par le ministère encourageant les travaux de sylviculture dont le rendement escompté aura pour effet le dépassement des objectifs de production prévus au contrat." Vous n'êtes pas le premier à nous féliciter de cette initiative. L'Opposition n'est pas d'accord. Le député de Duplessis vous l'a signalé, je pense. Mais, pour moi, l'objectif poursuivi dans le domaine forestier est de faire produire la forêt pour le mieux-être de la collectivité. C'est un boni à l'excellence. Là-dessus, nous sommes entièrement d'accord.

En ce qui concerne la forêt privée, vous dites à la page 12: "La lecture des quatre articles de loi réservés à la forêt privée ne nous a pas convaincus que la forêt privée était si importante que cela aux yeux du ministère. On n'y sent pas ce dynamisme d'antan envers ce secteur". Je ne sais pas si vous êtes au courant, M. Saint-Pierre, de l'effort que le ministère, que le gouvernement fait dans la forêt privée. Est-ce que vous êtes au courant de tous tes travaux que l'on subventionne? À quel niveau la contribution du ministère correspond-elle par rapport aux dépenses réelles de chacun des producteurs privés?

M. Saint-Pierre: Je peux répondre? M. Côté (Rïvière-du-Loup): Oui.

M. Saint-Pierre: Actuellement - je parle au nom de notre équipe - nous sommes d'accord, oui. Malheureusement, quand nous avons écrit notre mémoire, nous n'étions pas au courant, parce que nous n'avions pas les documents en main. Le document comme tel se veut un document, disons, un projet de loi qui vise vraiment la forêt publique. Il y a quatre articles, à je ne sais trop quelle page du document, où on parle de la forêt privée et qui sont inclus là-dedans. C'est très limité. Comme on n'avait pas d'autres documents, on s'est dit que c'était presque de mettre le bâillon sur la forêt privée. Là, nous ne sommes pas d'accord et c'est pourquoi nous avons soulevé ce point. Aujourd'hui, on est en mesure de dire qu'il est vrai que le gouvernement fait quelque chose. Il est vrai qu'il semble avoir une orientation pour privilégier la forêt privée.

Pour nous, la forêt privée, c'est la forêt de banlieue. C'est la forêt de banlieue qu'il faut soigner en premier lieu. C'est aussi simple que cela. Elle est aux portes des usines. Elle est remarquée par la population. C'est elle qui coûte le moins cher. C'est elle qui pousse le plus vite. C'est elle qui est le plus accessible, etc. Elle a toutes les qualités. En fait, pour nous, disons que ces quatre articles ne sont pas tout à fait assez clairs. Qu'on les définisse clairement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est très clair parce que c'est la première fois qu'une volonté ministérielle est indiquée, à savoir que le ministère interviendra pour aider la forêt privée. C'est la première fois que c'est inscrit dans un avant-projet de loi. Cela sera probablement inscrit dans le projet de loi, mais cela n'a jamais été écrit dans une loi. Cela a toujours été dans des programmes ou dans des règlements et même, souvent, c'était discrétionnaire.

Toujours sur le sujet de la forêt privée, vous suggérez "qu'une forme d'assurance-récolte soit instaurée afin de garantir un revenu au propriétaire en cas de désastre". J'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre point de vue sur l'assurance-récolte. Ce serait la récolte de quoi? Parce qu'il y a beaucoup de variations dans les récoltes de chacun des producteurs.

M. Saint-Pierre: C'est le même phénomène au chapitre de l'agriculture. Ils ont le gel. Nous avons les épidémies de la tordeuse. Ils peuvent subir d'autres phénomènes et nous avons les incendies forestiers. Donc, si on veut considérer la forêt comme une récolte au sens le plus pur du mot, considérons-la comme une récolte et allons-y, parce que c'est un investissement à long terme et non à court terme. Ne travaillons pas, pour l'amour du ciel, à court terme au plan de la forêt privée. Il faut travailler à long terme pour intéresser les gens à aller de l'avant. Des propriétaires sérieux se sont presque désistés devant certains monopoles et à la suite de difficultés d'écouler leur production. Ils se sont tout simplement retirés ou ils ont vendu leurs terrains. Ces terrains ont été pillés par des gens qui sont spécialistes dans le pillage. Donc, on n'avance à rien là-dedans.

Il faut se demander, dans l'aménagement de la forêt privée, ce que la forêt privée produit au point de vue du sciage. Des "pinottes", messieurs, dames. La forêt privée produit des "pinottes". Pourquoi la forêt privée n'alimente-t-elle pas les scieries qu'on a un peu partout? Pourquoi ne pas utiliser notre forêt de banlieue? Parce que le bois ne se rend pas à maturité. Donc, laissons une chance à ces gens d'investir à long terme et d'avoir, primo, du bois de sciage et, secundo, du bois à pâte provenant des résineux. Tout le monde va être heureux.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Permettez-moi de vous signaler que les producteurs de la forêt privée, de plus en plus, fournissent des billots de sciage à l'industrie du sciage. Dans certaines régions, comme celle du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, pour certaines scieries, cela représente 40 % de leur approvisionnement. C'est un virage. C'est une nouvelle habitude. Ce matin, j'ai félicité pour son initiative le représentant du syndicat des producteurs de la Beauce, qui encourage ses membres à agir ainsi de façon à trouver des débouchés pour une meilleure utilisation du bois.

Pour répondre au député de Duplessis, je lui dirai que, si, sur la forêt publique, on veut s'en remettre au rendement soutenu, j'espère bien que le chiffre qui sera admissible de façon générale - cela va varier d'une région à l'autre et d'un secteur à l'autre - concernant la forêt privée correspondra également à la possibilité de la forêt privée dont on a parlé ce matin. Si le producteur privé améliore sa forêt à la suite de travaux sylvicoles, de reboisement, d'aménagement, de coupes d'éclaircie ou de convertion de peuplements, et que l'on reconnaît l'accroissement et la possibilité de la forêt privée, ce sera ce chiffre-là aussi. À ce jour, la forêt privée a coupé sensiblement sa possibilité ou son rendement soutenu. Premièrement, il est arrivé des majorations dues à la tordeuse des bourgeons de l'épinette, mais cela aussi est arrivé sur la forêt publique.

Quant à votre recommandation en bas de la page 28, vous dites: "Lors de l'accord d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement, il serait juste, croyons-nous, d'offrir au bénéficiaire de continuer à jouir du territoire ou d'une partie du territoire sur lequel il exploitait les bois avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les forêts." C'est également le voeu de tous les employés du ministère. Évidemment, on ne fera pas de miracle, mais c'est le voeu du ministre et des fonctionnaires du ministère de faire en sorte de déranger le moins possible, s'il y a moyen, et de faire en sorte également que les utilisateurs actuels puissent bénéficier dans la plus grande partie possible de leur investissement. Je ne sais pas si cela rejoint vos vues, mais cela rejoint les miennes.

M. Saint-Pierre: C'est très légitime, de part et d'autre, de respecter ce voeu.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Quant à la recherche sur les essences secondaires, il s'en fait et il devrait s'en faire encore. Je le souhaite ardemment et je souhaite qu'on trouve des façons d'utiliser les essences secondaires dans la pâte ou dans certains papiers; tant mieux. Mais vous savez fort bien que ce qui bloque l'utilisation des essences secondaires, ce sont les marchés et ce sont les produits qu'on ne connaît pas encore aujourd'hui, qui seraient utilisables et rentables aussi. C'est pourquoi nous avons, tout récemment - et je félicite la Fédération des producteurs de bois de s'engager au Lac-Saint-Jean dans un projet de production de panneaux qui utilisera du bouleau et du tremble - annoncé ce printemps la mise en chantier d'une usine produisant des panneaux MDF à Mont-Laurier, qui devrait utiliser des

feuillus qui ne sont pas propres au déroulage, qui ne sont pas propres au sciage et qui devrait nous permettre, dans les deux cas, d'effectuer les travaux d'aménagement avec des essences de plus grande valeur, ce qui serait profitable autant aux petits producteurs privés qu'à l'entreprise pour conserver nos emplois et notre environnement.

Nous faisons des efforts dans ce sens-là. Aussi, nous avons inauguré à Maniwaki un centre de transfert technologique sur la protection des forêts contre le feu. Je suis heureux de constater dans votre mémoire que toutes ces activités vous intéressent et vous préoccupent. Évidemment, on ne pourra pas tout faire en sept mois, mais nous travaillons fort à réaliser le plus possible.

Quand vous mentionnez dans votre exposé qu'il y avait eu des abus gouvernementaux concernant la délivrance de permis, les autorisations de coupe, j'aimerais savoir, parce que je connais votre expérience comme forestier, depuis combien de temps le ministère ou le gouvernement a dépassé les possibilités forestières du Québec.

M. Saint-Pierre: M. le ministre, je dirais que c'est depuis les années soixante, si on parle de l'Abitibi, qui est un cas très précis. On a vu des usines de sciage poindre à l'horizon un peu partout. Alors qu'elles auraient dû utiliser du bois de toutes dimensions, elles utilisaient du bois de huit pieds. Certains membres du gouvernement ont donné leur accord. Pour moi, c'est du gaspillage pur et simple. À d'autres endroits, on a employé du bois de toutes dimensions alors qu'il aurait dû être de huit pieds, en plus d'un déluge de permis. Le message que l'on veut passer au gouvernement c'est que, si on dit que l'on veut dans cet avant-projet de loi respecter la possibilité de la forêt, qu'on la respecte sur toute la ligne. Qu'on commence par travailler dans les régions les plus difficiles comme l'Abitibi, dans les forêts de banlieue les plus accessibles et, en troisième lieu, dans la forêt nordique.

Des exemples, j'en aurais trop, je ne veux pas mettre de noms sur la table. Je ne mettrai pas de noms sur la table, c'est contre mes principes, mais j'ai vu trop d'exemples.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'une façon globale, on mentionne dans tous les textes que l'on rencontre que l'industrie du sciage a doublé sa production depuis une dizaine d'années. C'est depuis ce temps qu'on a défoncé de façon générale la possibilité ou les rendements soutenus de la forêt du Québec. Évidemment, il y a des cas particuliers que vous ne voulez pas nommer et moi non plus, parce que je pourrais vous en nommer, encore tout récemment, mais, de façon générale, cela remonte à ces années- là.

M. Saint-Pierre: C'est selon les régions.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah oui. Quand vous dîtes que pour l'aménagement forestier il devrait y avoir un seul maître d'oeuvre, soit le ministère, j'aimerais savoir pourquoi les MRC vous chicotent tant que cela, parce que vous ne semblez pas vouloir les reconnaître.

M. Saint-Pierre: C'est peut-être à cause de mauvaises expériences. Dans la vie, il y a de bonnes et de mauvaises expériences. Quant à moi, plus il y a d'intervenants en face d'un utilisateur, plus les marges de manoeuvre de cet utilisateur et son désir de produire, de rentabiliser et de participer à l'essor du Québec sont entravés.

Dieu sait qu'au Québec on a des entraves; je ne commencerai pas à nommer tous les ministères. Mais, M. le ministre, j'ai déjà vu des chicanes entre des employés du ministère de l'Environnement et ceux du ministère de l'Énergie et des Ressources tandis que l'industrie avait les deux bras croisés à côté puis qu'elle n'a pas dit un maudit mot pendant deux heures de temps. Cela a été l'engueulade et cela, à plusieurs reprises, puis les trois sont partts et il n'y a rien eu de réglé. Ce que l'on préconise, c'est qu'il y ait un interlocuteur valable. Quand on parle de gestion forestière, on parle du ministère de l'Énergie et des Ressources et des Forêts. C'est à lui de prendre les ententes avec les personnes et les ministères concernés avant de donner l'accord à un utilisateur. C'est dans ce sens-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, je vous comprends.

Une voix: Nous aussi, on vous comprend.

M. Saint-Pierre: M. le ministre, je pense que vous me comprenez très bien.

Le Président (M. Charbonneau): J'ai l'impression que tout le monde se comprend ce soir.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis parfaitement d'accord avec vous. On devrait favoriser et "prioriser" la production d'une carte écologique de l'ensemble du Québec, de façon qu'elle serve toutes les interventions sur le territoire: aménagement forestier, grands travaux, construction de routes, etc. J'étais d'accord avec vous. Je disais, cet après-midi, que je souhaitais que l'on puisse trouver la façon de produire cette carte écologique de façon uniforme pour que tout le monde se reconnaisse et n'ait pas besoin d'interpréter et de courir pour savoir qui est

l'auteur de la carte.

En terminant, je voudrais vous remercier et vous dire que je suis très heureux de vous voir avec vos collègues ce soir. D'accord, je cède la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Charbonneau): On vous a presque coupé le sifflet, M. le ministre, vous étiez bien parti. M. le député de La Peltrie.

M. Cannon: II reste quoi, quelques minutes, M. le Président?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, oui.

M. Claveau: Trois, deux, un, zéro. (22 h 15)

M. Cannon: M. Saint-Pierre, très brièvement, je demanderais au député d'Ungava, qui vient d'arriver, de prendre son mal en patience et d'écouter un peu. Vous avez indiqué dans votre mémoire que, sur le plan de la recherche, vous étiez d'avis qu'il faudrait accentuer la recherche si le Québec veut demeurer compétitif et conserver les marchés qu'il a su occuper grâce à ses technologies et à la qualité de son bois. Vous avez donc préconisé la création d'un organisme de coordination de la recherche.

Cet après-midi, nous avons rencontré les gens de l'Université du Québec qui ont proposé une espèce d'organisme de coordination. J'aimerais que vous puissiez préciser davantage le modèle. Comment voyez-vous ce comité ou cet organisme de recherche? Tantôt, vous avez parlé de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale. J'aimerais que vous puissiez préciser davantage. Comment voyez-vous cela, qui sont les intervenants et comment cela se finance-t-il?

M. Saint-Pierre: C'est une grosse question que vous posez. Une chose est certaine. La recherche doit se faire conjointement entre les intervenants sous un coordinateur principal qui serait, selon moi, le ministère des Forêts ou le ministère de l'Énergie et des Ressources, section forêts, si on peut dire, à l'heure actuelle. Les intervenants, tant du sciage que des papetières, du déroulage, des panneaux agglomérés, etc., tout le monde, autrement dit, aurait intérêt à aller dans ça. L'objectif poursuivi serait l'utilisation maximale de la fibre en ce qui me concerne.

On prend l'exemple du sciage. Qu'on pense seulement à ce qui se fait dans d'autres pays où on encolle des bois pour faire des dimensions régulières, bois qui sont vendus presque au même prix économique que nous les vendons ici. Ce genre de choses permettrait de réduire le volume de copeaux, de prendre moins de matières premières, donc de garder un certain équilibre de notre potentiel forestier. Une chose est certaine, il faut un maître d'oeuvre. Le maître d'oeuvre que je vois dans tout ça, c'est le ministère de l'Énergie et des Ressources qu'on doit préconiser comme étant le parrain dans ça.

J'ai reçu un message, M. le député, excusez-moi. Le but ultime, que le gouvernement soit le maître d'oeuvre dans ça, c'est qu'avec les intervenants en cause il ne faut pas écarteler les efforts. Il ne faut pas écarteler les recherches. Malheureusement, ça s'est fait un peu dans le passé.

Il y a eu des études similaires qui sont restées sur les tablettes, et les gens recommencent les mêmes recherches dans une autre région dans un autre domaine donné. C'est tout ça qu'il faut éviter. Il faut éviter les dédoublements. Il faut concentrer ce qui est vraiment recherche appliquée et ce qui est recherche pure. Il y a des chercheurs d'université qui sont prêts à aller de l'avant. Qu'ils fassent de la recherche pure; ce n'est pas ça qui manque. Il y a de la recherche appliquée; il y a de la recherche qui doit vraiment se faire sur le terrain même, en application sur le terrain ou dans les usines. Donc, ça devient de la recherche appliquée.

C'est tout un paquet de monde, et c'est de rationaliser ces activités et d'uniformiser la recherche au Québec ou à Sainte-Foy.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si j'ai compris, M. Saint-Pierre, vous me dites brièvement qu'il nous faut effectivement orienter notre approche face au développement technologique en fonction des besoins industriels, en tenant compte des avantages comparatifs de nos compétiteurs étrangers. En gros, c'est ça.

M. Saint-Pierre: Exactement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Merci.

M. Saint-Pierre: On n'a pas beaucoup de temps devant nous, M. le député. L'heure de la forêt, en ce qui concerne certaines régions du Québec, au moins trois régions que je connais actuellement - j'ai fait le tour de la province quatre à cinq fois, je connais l'industrie partout, tant celle du sciage que celle des pâtes et papiers - je vais vous dire une chose, il y a des places où les lumières rouges sont allumées depuis longtemps. On devrait réagir immédiatement et ne pas attendre six mois ou un an. Il est déjà trop tard.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. M. Saint-Pierre, j'aimerais reprendre une remarque que vous venez de faire concernant la recherche appliquée, qu'elle devrait se faire en régions. Je souscris parfaitement à votre affirmation. Cela veut dire que vous souscrivez également à l'idée des gens qui vivent de la forêt qui demeurent en régions pour que la recherche se fasse chez eux et qu'ils puissent en vivre et que, finalement, l'expertise leur soit plus accessible en régions.

M. Saint-Pierre: Si vous parlez de recherche appliquée, je suis en partie d'accord avec vous. Si vous parlez de recherche pure, je suis en grosse partie en désaccord, à moins que par régions vous vouliez parler de Trois-Rivières ou Québec; par rapport à Montréal, nous sommes en régions. Mais si vous parlez de l'Abitibi ou si vous parlez du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou de la Côte-Nord, pour moi, malheureusement, la recherche pure dans ça, je la vois très difficilement.

Par contre, une chose qu'il faut respecter, c'est l'écologie des peuplements dans ces coins, les types de sols, les types de forêts qui ont leurs caractéristiques propres et qu'il faut respecter. Donc, la recherche appliquée doit se faire dans le domaine du possible dans le milieu. Je suis d'accord avec vous de ce côté-là.

M. Paradis (Matapédia): Cela veut dire que vous seriez pratiquement favorable comme organisme, si le gouvernement appuie jamais la recherche appliquée, à ce que cela se fasse plutôt en régions où il y a des boisés disponibles.

M. Saint-Pierre: Pour votre information, M. le député, nous faisons déjà de la recherche appliquée en régions. Nous avons sept collèges, à partir de celui de Gaspé, auquel appartient M. Papillon qui est ici présent, jusqu'à celui de Noranda, dont un représentant est présent également, en passant par Saint-Félicien, Chicoutimi, Rimouski, Hauterive, John Abbott - je peux vous les nommer tous - qui font partie de notre organisme. Il y a eu des projets tout au cours du printemps, de l'été et même actuellement, dans ces régions, par ces collèges dont des gens sont mandatés pour aller sur le terrain faire de la recherche.

M. Paradis (Matapédia): Mais le siège social reste à Sainte-Foy?

M. Saint-Pierre: Oui, il reste à Sainte-Foy. Cela prend de la coordination. Cela prend quelque chose comme le fameux comité de coordination provincial. En fait, c'est le même principe.

Le Président (M. Charbonneao): Cela va? À ce stade-ci, je pense qu'il nous reste à demander au critique de l'Opposition et au ministre s'ils ont des remerciements à faire... Écoutez, on ne fera pas de diversion à ce moment-ci, si vous le voulez bien. Je voudrais donc demander à mes collègues de remercier nos invités. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les représentants de l'organisme pour les réponses aux questions que nous leur avons posées. Encore une fois, en ce qui concerne les membres de l'Opposition, vous pouvez être assurés que nous allons revoir votre mémoire parce que ce n'est pas dans le court laps de temps que nous avons eu que l'on peut en prendre connaissance, en discuter et faire une certaine recherche en rapport avec ce qui est écrit dans ce mémoire. Je peux vous dire qu'une grande partie de votre mémoire va nous servir dans l'Opposition, comme Québécois, pour faire certaines recommandations positives au ministre délégué aux Forêts, qui a aujourd'hui la responsabilité de l'avant-projet de loi et qui aura éventuellement la responsabilité d'en faire un projet de loi final.

Puisque je vous ai remercié, je vous félicite de votre travail et, quant â nous, nous espérons que vous continuerez à le faire, comme vous le dites si bien, surtout dans le domaine de la recherche appliquée et que vous allez continuer à aider les industries en tant que représentants de votre organisme. Merci beaucoup.

M. Saint-Pierre: Merci, M. le député.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je reconnais dans votre groupe des personnes qui ont une conscience sociale développée et qui ont le souci du bien-être de leurs concitoyens ainsi que de leur qualité de vie. Je reconnais particulièrement chez vous, M. Saint-Pierre, cette grande qualité d'efficacité, de précision, de souci de l'efficacité. Quant vous mentionnez qu'il y a des endroits qu'il faut entretenir, qu'il faut aménager et où il faut prendre les moyens les plus économiques pour arriver à nos fins, c'est dans un souci d'efficacité que j'ai connu et que je reconnais encore aujourd'hui avec beaucoup de plaisir.

Je vous félicite pour votre travail. Je vous félicite pour votre mémoire. Soyez assuré que le ministère et moi-même tiendrons compte des recommandations contenues dans votre mémoire, ceci pour le plus grand intérêt du prochain projet de loi et de la collectivité québécoise. Je vous

remercie.

Le Président (M. Charbonneau):

Messieurs, merci beaucoup. Bonne fin de soirée et bon retour.

Mesdames, messieurs, ceci termine notre horaire de travail d'aujourd'hui, notre calendrier de travail, devrais-je dire. Je voudrais vous indiquer l'ordre du jour de demain. À 10 heures, nous entendrons le Grand conseil des Cris du Québec; à 11 h 30, la Conférence des coopératives forestières du Québec; à 15 heures, l'Association des biologistes du Québec; à 16 heures, l'Association des pourvoyeurs du Québec; finalement, à 17 heures, la Fédération des sociétés de conservation du Québec.

Sur ce, les travaux de la commission de l'économie et du travail sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 25)

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