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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ardre, s'il vous
plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ce matin
la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Avant d'accueillir nos premiers invités, je demanderais au
secrétaire de la commission de nous indiquer s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a des
remplacements et ce sont les suivants: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet); M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Perron
(Duplessis); M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Forget
(Prévost); M. Gobé (Lafontaine) est remplacé par Mme
Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Leclerc (Taschereau) est
remplacé par M. Middlemiss (Pontiac); M. Lefebvre (Frontenac) est
remplacé par M. Paradis (Matapédia); M. Paré (Shefford)
est remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Rivard (Rosemont) est
remplacé par M. Audet (Beauce-Nord).
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Comme vous pouvez
tous le constater, membres et invités de la commission, nous sommes dans
une salle moins intéressante que celle d'hier, moins spacieuse, et, en
conséguence, je pense que la première chose est de rappeler aux
gens que, dans la mesure où on serait plusieurs à faire des
petites discussions parallèles qui, sous le couvert du chuchotement,
donnent l'impression de ne déranger personne, cela pourrait
éventuellement perturber la bonne marche des travaux. Je voudrais donc
vous rappeler qu'il n'y a qu'une discussion; c'est celle qu'il y aura autour de
cette table.
Par ailleurs, les fumeurs pourraient collaborer un peu, étant
donné que nous sommes plusieurs dans cette salle. Le
député de Duplessis est un des assidus - je n'oserais pas
employer le terme "pollueur" - un de ceux qui contribuent à ce qu'il y
ait un environnement d'une certaine couleur; il faudrait peut-être faire
en sorte qu'on puisse se limiter un peu pour que cela puisse être
respirable,- étant donné le nombre de personnes que nous sommes
dans cette salle.
Des voix: Bravo!
Une voix: II est assis dans la section des fumeurs.
Le Président (M, Charbonneau): II est assis dans la
section des fumeurs? Le président, lui, reçoit la fumée
par le retour du vent.
M. Perron: M. le Président, vous n'avez pas
commencé de cette façon, hier.
Le Président (M. Charbonneau): Mais hier il y avait moins
de problèmes, M. le député de Duplessis.
Je vous rappelle qu'on accueille d'abord aujourd'hui la
Fédération des producteurs de bois du Québec. Par la
suite, nous rencontrerons cet après-midi le Regroupement pour un
Québec vert; l'Université du Québec suivra; l'Union
québécoise pour la conservation de la nature, par la suite. En
soirée, nous entendrons d'abord la Fédération
québécoise de la faune et nous terminerons avec le Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy.
Je vous rappelle gue l'horaire nous amènerait à terminer
normalement à 22 heures. Sans plus tarder, nous allons demander aux
représentants de la Fédération des producteurs de bois du
Québec de se présenter à la table. Je n'utiliserai pas le
terme "barre des témoins".
Je demanderais à M. Dallaire, président, d'abord de nous
présenter ses collaborateurs, les gens qui l'accompagnent. Je vous
rappelle, ce qui sans doute vous a déjà été
signifié, que vous avez pour la présentation de votre
mémoire 30 minutes et que par la suite il y a une heure de discussion de
réservée pour chacune des formations politiques: 60 minutes de
chaque côté pour la discussion.
M. Dallaire?
Fédération des producteurs de bois du
Québec
M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président, à ma
gauche, je vous présente le vice-président de la
fédération, M. Maurice Dionne, et, à ma droite, le nouveau
secrétaire général de la fédération, M.
Jean-Claude Dumas, et son adjoint, M. Daniel Roy.
M. le Président, si vous me le permettez, étant
donné que notre mémoire n'est pas tellement volumineux, je
vous
demande la permission de le lire au complet. C'est quelquefois moins
long que de tenter de le commenter.
Le Président (M. Charbonneau): Avant que vous commenciez,
je voudrais demander le consentement pour que, plutôt que ce soit M.
Jolivet (Laviolette) qui remplace M. Paré (Shefford), ce soit M.
Desbiens (Dubuc).
Des voix: Consentement.
M. Dallaire: Pas de problème.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Allez-y.
Vous n'avez pas de problème? De toute façon, cela ne vous
concerne pas.
M. Dallaire: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): Ce sont des
problèmes de famille.
M. Dallaire: Très bien. Alors, cela va? Comme
président et porte-parole officiel de la Fédération des
producteurs de bois du Québec... Le micro est-il bien
réglé? M'entendez-vous bien?
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, vous avez une
bonne voix.
M. Dallaire: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): La boucane ne pertube pas
trop encore.
M. Dallaire: Je vous ferai remarquer que je suis un non-fumeur.
C'est pour cette raison que cela a une répercussion dans la voix.
Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de nous
faire entendre comme organisme représentant l'ensemble des producteurs
et propriétaires de boisés privés au Québec. Dans
la Fédération des producteurs de bois du Québec, nous
sommes quelque 120 000 propriétaires occupant près de 15 % du
territoire forestier et alimentant l'industrie à plus de 20 % de ses
besoins de production.
Nous sommes organisés en 15 syndicats ou offices régionaux
chapeautés par une fédération provinciale qui
elle-même est affiliée à l'Union des producteurs agricoles
avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Il est à
souligner que plus de 35 000 de nos membres sont également producteurs
agricoles.
En plus de la mise en marché, notre groupe s'implique depuis
plusieurs années dans l'aménagement sous toutes ses formes.
À cette fin, nous avons contribué à la création, au
développement et au soutien de 45 organismes de gestion en commun.
Présentement, nous produisons, conjointement avec quelques syndicats, 40
000 000 de plants par année sous contrat avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources. Nous sommes également
impliqués dans la recherche par le projet du méandre de la
rivière du Nord è Mirabel. En somme, nous contribuons à
créer et à maintenir plus de 50 000 emplois au Québec qui
sont au coeur de l'économie de plusieurs régions. Par exemple,
concernant uniquement les revenus provenant de la vente de notre bois, nous
générons quelque 100 000 000 $ par année.
Le nouveau régime forestier: du pour et du contre. Au
départ, pour nous, il va sans dire qu'il est tout à fait normal
et nécessaire que le gouvernement provincial se préoccupe d'un
secteur couvrant plus de 80 % de l'ensemble de son territoire. C'est le cas de
la forêt québécoise. Encore récemment, plusieurs
croyaient et agissaient comme si les réserves forestières du
Québec étaient inépuisables. On constate aujourd'hui qu'il
en est tout autrement pour plusieurs raisons. On n'a qu'à penser aux
épidémies d'insectes, aux feux et surtout aux coupes abusives et
au gaspillage des feuillus de qualité et des résineux faits par
les grandes compagnies sur de vastes territoires. Tout cela fait en sorte que
nous nous dirigeons rapidement vers une rupture de stock pour certaines
essences et cela dans plusieurs régions. (10 h 15)
Que le gouvernement démontre son intention d'agir devant une
telle situation, nous disons: bravol Que le ministère de
l'Énergie et des Ressources reconnaisse que la forêt sert à
d'autres choses qu'à la seule production de la matière ligneuse,
nous sommes aussi d'accord Que l'on démontre une volonté de faire
contribuer les utilisateurs de la ressource à la restauration de cette
même ressource, nous appuyons aussi grandement cette démarche.
Ainsi, nous nous réjouissons quand l'avant-projet de loi sur les
forêts stipule qu'il - et je lis -"accorde à son titulaire le
droit d'obtenir un volume de bois provenant des forêts du domaine public
en contrepartie de l'obligation de remettre les territoires exploités
dans un état assurant la pérennité de la forêt et
d'acquitter une redevance basée sur le volume de bois alloué et
non sur le volume de bois récolté."
En somme, du côté des intentions formulées dans les
notes explicatives de l'avant-projet de loi, nous nous rallions au
gouvernement. Mais, voilà, nous sommes très inquiets par rapport
aux moyens suggérés par le ministère pour réaliser
ses objectifs. À première vue, la nouvelle politique semble avoir
des dents face à l'industrie, mais, quand on la relit plus
attentivement, on constate que le ministère a sûrement subi des
pressions très fortes de la part des multinationales des pâtes et
papiers, qui ont
certainement eu l'occasion à maintes reprises d'exprimer leurs
attentes. Il aurait été plus qu'intéressant que les
producteurs des régions et même l'ensemble de la population
puissent témoigner de leurs préoccupations et activités
régionales.
Des portes de sortie pour l'industrie et des reculs pour les producteurs
de bois. Maintenant, je vais m'expliquer. D'abord, dans les notes explicatives
du début, on croirait que le gouvernement veut forcer l'industrie
à s'impliquer financièrement dans la
régénération des forêts. Mais voilà que le
ministère identifie très rapidement divers moyens de compenser
les industries forestières par toute une gamme de portes de sortie qui
souvent seront encore plus avantageuses qu'auparavant.
Prenons quelques exemples concernant les droits de coupe et
l'aménagement. D'abord, les droits de coupe. En lisant l'ensemble du
texte, on se rend compte que le projet de loi laisse planer un doute sur la
capacité financière de l'industrie de payer plus que ce qu'elle
paye actuellement. Il ne faut pas se compter d'histoires: Le Québec est
de loin l'État qui charge les droits de coupe les plus bas pour son
bois. (Voir le tableau 1). Les droits de coupe moyens au Québec sont
maintenant de 2,19 $ le mètre cube récolté, pas sur les
volumes alloués, sur les volumes récoltés seulement. De
fait, depuis 1970, nous n'avons pas amélioré le prix pour notre
bois en dollars constants. (Référence au tableau 2). La
compétition générée par les redevances trop faibles
exigées par l'État pour les droits de coupe est très
grande. La matière ligneuse de la forêt privée est
boudée et on a peine à la mettre en marché. C'est une
concurrence déloyale et, à leur assemblée annuelle de
1986, les producteurs de bois du Québec ont été
très clairs à ce sujet. "Les papetières peuvent disposer
de copeaux provenant de l'industrie du sciage (qui s'approvisionne
principalement en forêt publique) à un prix de l'ordre de 70,00 $
la tonne métrique anhydre. Or, il en coûte près de 100,00 $
la tonne métrique anhydre pour les produire en forêt
privée. Le producteur n'obtient aucune valeur pour son bois s'il
s'accorde un salaire pour le produire. Toutes tentatives des producteurs de
bois pour améliorer le prix de leur bois par le mécanisme
prévu dans la loi de la mise en marché des produits agricoles,
soit les négociations, la conciliation, l'arbitrage, se traduisent plus
souvent qu'auparavant par une réduction des volumes achetés."
C'est tiré d'un exposé sur la nécessité d'un
nouveau régime forestier au Québec prononcé par M. Gilbert
Paillé, sous-ministre associé aux forêts, lors du
congrès de l'AMBSQ en mai dernier.
On n'a pas à se le cacher, on sait que les compagnies
forestières exercent un chantage éhonté en
réduisant les volumes achetés dans la forêt privée
afin de baisser les prix. On a qu'à penser à la CIP de Matane, la
CIP de Gatineau et à la James McLaren de Masson. Le projet de loi entend
réévaluer les droits de coupe des bois prélevés de
la forêt publique selon la valeur marchande des bois sur pied.
Déjà, la loi prévoit soustraire de ces droits de coupe les
frais de sylviculture ou d'aménagement que les compagnies auront
à débourser pour assurer la remise en état des
forêts qu'elles auront exploitées. En fait, on retire d'une main
et on redonne de l'autre.
La valeur marchande des bois sur pied devrait normalement tenir compte
de tous les frais encourus pour l'obtenir. Or, les frais d'obtention de ces
produits devraient inclure le maintien de la forêt par la
régénération artificielle ou naturelle, son entretien, son
amélioration, sa protection, le "défraiement" des taxes et
même un certain rendement sur le capital supporté.
Malheureusement, le ministère établira cette valeur marchande
à partir des transactions actuelles qui sont basées sur les
conditions du marché et "compétitionnées" par le bois de
l'État. Or, encore ici nous avons l'impression de tourner en rond et
même de reculer.
L'aménagement. De plus, il nous faut souligner que le
ministère prend entièrement à sa charge le "backlog" de
plus de 1 000 000 d'hectares qui ne se régénèrent pas
naturellement sur les terres publiques, dû principalement à une
mauvaise manière de prélever la récolte. Il faut compter
aussi que la loi accorderait 3 à 4 ans pour finaliser les ententes, ce
qui inévitablement augmenterait le "backlog". Encore là, on
permet aux grandes compagnies forestières de se soustraire à
leurs responsabilités.
Nous devons dire aussi que le fait de soustraire les coûts
d'aménagement des droits de coupe pourrait entraîner une situation
où le ministère aurait à payer l'industrie. Il ne faut
quand même pas ouvrir la porte si grande à toutes sortes de
cadeaux pour l'industrie. Disons-le clairement: les seuls qui ont
profité et qui profitent encore de cette méthode scandaleuse de
prélever la récolte sont les grandes entreprises. Logiquement,
elles devraient assumer la majeure partie des coûts du reboisement sur
les sites qu'elles ont dévastés. Comme citoyens du Québec
et payeurs d'impôt, nous nous posons de sérieuses questions et
nous sommes sûrs qu'une multitude de Québécois et de
Québécoises pensent comme nous. De quel droit le gouvernement du
Québec peut-il se permettre de venir "piger" dans les goussets de tous
les Québécois pour réparer les dégâts
causés par cette industrie?
Dans le même ordre d'intentions, le ministère ajoute que,
si une industrie est capable de démontrer qu'elle peut augmenter la
productivité de la forêt de 10 % ou plus par des méthodes
sylvicoles, elle recevra
automatiquement et gratuitement une augmentation de coupe
proportionnelle au pourcentage identifié. II y a fort à parier
que toutes les industries forestières trouveront les moyens de le
prouver.
Pour ce qui est des permis octroyés, on sait qu'ils
dépassent déjà les possibilités de coupe. Pourtant,
l'avant-projet de loi nous annonce qu'il n'est pas question de les
réduire. Bien au contraire, on se propose de les augmenter tout
ça, en empruntant sur des prévisions très optimistes face
à l'avenir. Autrement dit, on fait un chèque en blanc sur
l'avenir en se basant sur des extrapolations trop optimistes prévoyant
que les nouvelles méthodes sylvicoles feront en sorte qu'on assistera
à une surabondance de la ressource forestière dans quelques
années. Il faudrait être un peu plus sérieux.
Le plat de résistance: On oublie la forêt privée...
ou presque. L'article 22 du nouveau régime forestier prévoit que
le volume de bois de la forêt publique qui sera alloué à un
établissement de transformation de bois tiendra compte,
premièrement, du volume moyen des bois ronds utilisés à
même le domaine public par le bénéficiaire au cours des
cinq dernières années; du rendement de l'établissement
servant à la transformation du bois; des autres sources
d'approvisionnement comme le bois des forêts privées, les copeaux,
les sciures et planures et les bois d'importation.
De plus, si un besoin additionnel en approvisionnement d'une industrie
se fait sentir, l'avant-projet de loi - les articles 20 et 47 - prévoit
l'ouverture des ententes pour accroître le prélèvement de
bois è même la forêt publique déjà
surexploitée à plusieurs endroits. Nous sommes bien loin de la
priorité à la forêt privée stipulée dans le
livre vert déposé en juin 1985 par l'ancien ministre
délégués aux Forêts. Il signifiait que l'État
ne permettrait pas l'ouverture de la forêt publique afin de combler un
besoin supplémentaire d'approvisionnement pour une industrie tant qu'il
y aurait des possibilités de le faire à partir de la forêt
privée.
L'État entend surutiliser la forêt publique. Par ce projet
de loi, la forêt privée devient une quelconque source
d'approvisionnement parmi d'autres. Cela en soi ne serait pas traumatisant si
au moins elle jouissait des mêmes conditions d'utilisation et
règles du jeu que les autres sources. Or, ce n'est pas le cas.
L'État, avec la forêt publique, effectue un dumping de
matière ligneuse. Il y puise de façon démesurée.
L'État québécois n'a pas le droit d'entrer en
compétition avec ses propres citoyens de la forêt privée
à partir d'une ressource publique. C'est inacceptable!
Examinons d'abord les bases servant à évaluer le niveau
d'allocation de la forêt publique. Ces bases, à l'article 22, sont
à la fois trop nombreuses et évasives. Elles laissent beaucoup
trop de place à l'interprétation et aux revendications des futurs
bénéficiaires de contrats d'aménagement sur la forêt
publique. On a déjà malheureusement trop emprunté sur le
capital résineux de cette forêt publique sans y réinvestir.
L'avant-projet de loi concrétise cette surutilisation. Les quelques
éléments démontrés par les propres données
statistiques du ministère - tableaux 4 et 5 -nous démontrent que
le ministère s'illusionne en voulant maintenir et même
accroître le niveau d'utilisation de la forêt publique en ne
conservant aucune marge de manoeuvre.
Le ministère sous-évalue le potentiel de la forêt
privée. Le ministère de l'Énergie et des Ressources
prévoit accroître la disponibilité de sapins,
d'épinettes et de pins gris de la forêt publique dans un
pourcentage de 41 % en y reboisant 200 000 000 de plants. En forêt
privée, le ministère ne prévoit qu'une hausse de 11,5 %
avec un reboisement de 100 000 000 de plants.
La forêt privée doit être davantage prise en
considération. N'oublions pas d'ailleurs qu'elle se situe sur les
meilleurs sites et dans un climat plus clément. Le reboisement en
forêt privée se fait davantage en forêt mixte. Les
plantations y sont plus difficiles à instaurer mais offrent en
contrepartie une productivité accrue.
L'estimation gouvernementale de la possibilité actuelle de la
forêt privée à 4 200 000 est trop faible. Les calculs
récents effectués dans le cadre des plans de mise en valeur de la
forêt privée établissent à quelque 4 400 000 la
possibilité de prélèvement en sapins, épinettes, et
ce, sans tenir compte du pin gris. À ce calcul très
préliminaire doit également s'ajouter une certaine portion du
territoire de la grande forêt privée.
Il est clair qu'une surallocation de bois en provenance de la
forêt publique jumelée à une sous-évaluation du
potentiel de protection de la forêt privée ont conduit, au cours
des dernières années, à des problèmes de mise en
marché du bois de la forêt privée et à une
stagnation du prix versé aux producteurs pour leur bois. Cette faiblesse
des prix a également été accentuée par la politique
du ministère de l'Énergie et des Ressources en matière de
droit de coupe.
Nous sommes inquiets pour l'avenir. La formulation de l'avant-projet de
loi sur les forêts nous confirme que l'État
québécois ne désire pas prendre trop d'engagements
contraignants pour mettre en valeur la forêt privée. Il suffit de
relire les articles 55 à 58 pour s'en convaincre. On serait censé
lire un texte qui traduit la volonté profonde du gouvernement de
favoriser la mise en valeur des forêts privées.
Pourtant on assiste quasiment à des voeux pieux, et je cite: "le
ministre peut élaborer des plans ou programmes; peut
accorder des fonds à cette fin; quand il le juge à propos;
et aux conditions qu'il détermine." Ceci ne donne aucune espèce
de garantie que les programmes existants vont se continuer ni à moyen,
ni à long terme.
Nous blâmons sérieusement le gouvernement
québécois de ne pas asseoir sur des bases plus solides ses
programmes de mise en valeur de la forêt privée en attendant que
nous disposions d'un meilleur prix pour notre bois. Une fois cette
dernière condition respectée, nous pourrons ainsi assurer
nous-mêmes la remise en valeur de nos propriétés
forestières.
Nous avions de l'espoir face aux intentions gouvernementales. Pourtant,
nous sommes déçus par les moyens proposés qui n'auront
pour effet que de perpétuer la mainmise de l'industrie sur la ressource
forestière collective.
Nos recommandations. Nous venons de terminer ensemble la lecture de
notre analyse des points forts et des points faibles de l'avant-projet de loi.
Il va sans dire que nous y avons inscrit l'essence même de nos
recommandations. À ce stade-ci, nous croyons quand même utile de
vous en présenter un résumé.
À l'article 22, le gouvernement doit accorder la priorité
à la forêt privée dans l'approvisionnement de l'industrie.
Il doit respecter la capacité de production de la forêt
privée déterminée par les plans de mise en valeur.
Compte tenu du prix insuffisant versé pour notre bois, à
l'article 55, le ministère de l'Énergie et des Ressources doit
assurer un aménagement adéquat des forêts privées
québécoises. Il doit "disponibiliser" de plus grands budgets et,
du même coup, augmenter la gamme des travaux à exécuter
afin de pouvoir utiliser vraiment ces budgets. De plus, il se doit d'assurer
une information et un support technique adéquats aux
propriétaires. D'ailleurs, le ministère de l'Énergie et
des Ressources a contribué à la réalisation des plans
régionaux de mise en valeur identifiant les priorités d'action.
À cet effet, il se doit d'en favoriser l'application.
Considérant que, par le passé, il y a eu une mauvaise
gestion et exploitation de la forêt privée, à l'article 35,
le gouvernement doit forcer la grande industrie à payer sa quote-part de
la remise en valeur des superficies dévastées, le "backlog". (10
h 30)
Considérant qu'il est urgent de revaloriser notre ressource
forestière, à l'article 4 nous devons avoir une politique
affirmant clairement qu'il y aura une augmentation des droits de coupe. Il
n'est pas normal que lorsque notre ressource s'épuise elle vaille de
moins en moins chère. Il est temps que notre richesse collective soit
mieux partagée. On ne doit pas reconnaître que les forêts du
Québec appartiennent aux Québécois seulement quand c'est
le temps de payer la note de leur remise en valeur.
À l'article 34, la nouvelle politique doit obliger les
papetières à exploiter de façon civilisée notre
bien collectif. N'oublions pas que la forêt est une ressource
renouvelable. On laisse trop de latitude au niveau des règles
forestières. Le texte de la loi doit pénaliser les industries qui
ne respectent pas les principes forestiers connus et reconnus.
À l'article 57, l'État québécois doit
reconnaître vraiment le statut de producteur forestier. Cela veut dire de
revaloriser le travail des producteurs forestiers ainsi que la ressource
forestière.
En somme, nous vous réaffirmons que les producteurs de bois du
Québec ont raison d'être inquiets. Nous avons de plus en plus de
difficultés à faire face è la concurrence déloyale
de l'État et des compagnies. Nous voulons être reconnus pour ce
que nous sommes et ainsi recevoir un juste prix pour notre bois. Nous croyons
que c'est une ambition légitime.
On nous dit souvent qu'il faut une politique pour bâtir la
forêt de demain. La plus simple logique veut que nous n'ayons pas
à bâtir ce qui existe déjà. Donc, si on avait
toujours exploité la forêt intelligemment, nous n'aurions pas
à nous préoccuper de commencer à la rebâtir
aujourd'hui. Le problème de la régénération se pose
davantage depuis qu'il y a de la grosse machinerie en forêt. Et ce n'est
pas le seul élément négatif de cette mauvaise utilisation
de la mécanique. Malgré une hausse croissante du volume de la
récolte, des dizaines de milliers d'emplois sont perdus en forêt,
au Québec. Cela a comme conséquences le grossissement du nombre
des chômeurs et d'assistés sociaux et l'alourdissement du fardeau
fiscal de ceux et celles qui réussissent à conserver un emploi,
sans parler du manque à gagner pour le gouvernement par la perte de tous
ces milliers d'emplois. Ce n'est certainement pas les bénéfices
accrus des compagnies dus à cette pratique qui vont contribuer à
regarnir les coffres de l'État québécois.
Conclusion. À la limite, comme producteurs forestiers, nous
pourrions trouver avantageux d'être en accord avec la nouvelle politique
parce qu'elle va sûrement amener une rupture de stock de la forêt
publique à moyen terme. Ainsi, les papetières auraient à
nous courtiser pour avoir le bois de nos forêts privées. Mais nous
sommes également des Québécois et nous ne pouvons pas nous
permettre d'avoir ces vues à court terme. La forêt est un bien
collectif et nous y tenons. Nous voulons donc que le gouvernement
québécois adopte une nouvelle politique forestière qui a
de vraies dents. Il y va de notre avenir à tous et à toutes.
Merci de
votre attention.
Le Président (M. Charbonneau): Merci.
M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. le
président, bonjour à chacun des membres de votre équipe.
Cela me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui. Ma première remarque,
avant de passer la parole à mes collègues -je reviendrai plus
tard - c'est de vous signaler que j'ai été disponible pour vous
recevoir depuis que j'occupe le poste de ministre délégué
aux Forêts, autant vous que la grande industrie, et j'ai de la peine
à reconnaître votre remarque au sujet du lobbying que vous auriez
fait ou que la grande industrie aurait fait,
En passant, cela fait plaisir de continuer à dialoguer avec vous
sur tous les points. J'ai souvent dit - je l'ai dit encore hier - que les
meilleurs sylviculteurs ont été les propriétaires
privés, petits et grands. C'est évident que lorsqu'on a le statut
de propriétaire c'est plus facile d'investir pour l'avenir. C'est ce que
bon nombre de vos membres ont fait. Je les félicite de cette
intervention.
Du côté de la forêt privée, le
ministère fait des efforts que vous connaissez et que
j'énumérerai peut-être un peu plus tard. En gros, quand on
prétend que la forêt privée est négligée,
l'effort gouvernemental, cette année, représente un
investissement ou une contribution à la forêt privée
d'environ 45 000 000 $. Si on transposait le même effort sur la
forêt publique, il faudrait que l'État investisse de 500 000 000 $
à 600 000 000 $ alors que nous en investissons environ 100 000 000 $. Je
ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que la forêt
privée est laissée pour compte et oubliée. C'est tout pour
l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Pas de
commentaires de la part de nos invités? M. le député de
Duplessis.
M. Perron: À moins que les représentants de
l'organisme aient des commentaires... Non?
Une voix: Pas pour le moment.
M. Perron: M. Dallaire et votre équipe, je vous remercie
d'être présents ici, aujourd'hui. Je crois que votre
Fédération des producteurs de bois privés a beaucoup
d'importance dans l'économie du Québec. Tout le monde sait,
actuellement, que la priorité du gouvernement est de faire en sorte
qu'on applique surtout les coupes forestières dans les forêts
publiques au lieu de donner une priorité, comme il était
mentionné dans le livre blanc, aux copeaux ainsi qu'aux boisés
privés avec leur propriétaire.
M. le Président, je sais très bien aussi - d'ailleurs, je
l'avais mentionné antérieurement - que l'avant-projet de loi
n'accorde pas beaucoup de place à la forêt privée. Dans le
document que vous nous avez présenté, aux pages 8 et 9, vous
mentionnez qu'il y a rejet de la priorité au bois des forêts
privées qui est inscrite à ta page 61 du livre blanc de juin
1985. Pour moi et pour les membres de l'Opposition, il y a un facteur qui a
beaucoup d'importance - je crois que vous ne pourrez faire autrement que
d'être d'accord avec moi - c'est le fait que la majorité des
boisés privés sont situés près des usines soit de
sciage ou soit de pâtes et papiers. Je présume que le fait que ces
boisés privés soient situés près des usines
concernées, cela pourrait faire en sorte de diminuer les coûts se
rapportant à la production même de l'usine et à
l'approvisionnement de l'usine en particulier.
Vous comprenez très bien ce qui se serait appliqué en
priorité si on avait appliqué, de la part du gouvernement, le
livre blanc et certaines de ses recommandations concernant les copeaux et les
boisés privés. Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle
façon le ministère ou le gouvernement aurait pu accroître
les volumes tirés des forêts privées par rapport aux
forêts publiques?
M. Dallaire: Est-ce que vous pourriez préciser votre
question?
M. Perron: Dans l'ensemble, vous mentionnez dans votre
mémoire qu'on aurait dû donner une priorité aux
boisés privés. De quelle façon voyez-vous que le volume
qui est pris actuellement aurait pu être augmenté par rapport
à votre position?
M. Dallaire: D'abord, disons que le ministère a
contribué largement à la fabrication et à la mise en place
de ce qu'on appelle des plans de mise en valeur. Ces plans de mise en valeur
ont été basés sur un inventaire assez précis qui
détermine les volumes sur la forêt privée. L'objectif de la
fédération, c'est de faire en sorte que les possibilités
de coupe soient respectées, c'est-à-dire que, si un boisé
est capable de produire 50 cordes par année, on ne devrait pas donner de
permission pour en couper plus que cela, pour toujours maintenir un capital
productif. Dans les faits, ce n'est pas toujours ce qui se produit. Même
si on reconnaît qu'il y a un potentiel disponible en forêt
privée, quand on arrive pour négocier avec la grande industrie,
étant donné qu'ils ont la possibilité de s'approvisionner
à peu près "à bar ouvert", comme on pourrait dire
communément, sur leurs grandes forêts publiques à des
droits de coupe très
restreint, je pense que cela nous met dans une situation où on
est très peu compétitif. C'est justement pour cela qu'on dit que
ai c'était inscrit dans un texte de loi - je ne sais pas exactement de
quelle façon, je ne suis pas un juriste - je pense qu'il pourrait
être prévu que la priorité soit accordée à la
forêt privée. Priorité, cela ne veut pas dire
exclusivité. Je me dis que si une région, par exemple, est
capable de produire tant de mètres cubes par année et que
l'industrie est en mesure de l'acheter, elle devrait être obligée
de l'acheter en priorité; elle pourrait compléter son
approvisionnement par les copeaux et le bois de la forêt publique,
ensuite.
M. Perron: Est-ce que selon vous, M. Dallaire, les prix auraient
été compétitifs? Parce qu'il y a plusieurs personnes
à différents niveaux qui disent qu'à ce moment-là
les papetières auraient été à la merci soit des
scieries ou encore des propriétaires de baisés privés?
M. Dallaire: Non, je ne le pense pas. Je pense que vous
êtes sans doute au courant qu'on est régi par la Loi sur les
marchés agricoles: il y a un mécanisme de négociation et,
avant de demander ou d'exiger des prix trop hauts, je pense qu'on est soumis
à une foule de contraintes. Je pense que l'industrie est très
sécurisée de ce côté-là. Il n'y a pas de
danger qu'on abuse de ce côté-là. Je pense que, quand on
négocie des prix, on est obligé de faire accepter cela par la
Régie des marchés agricoles.
M. Perron: Au moment où l'on se parle, quel est le volume
en mètres cubes qui est pris à l'intérieur des
boisés privés sur les possibilités que vous avez?
M. Dallaire: La proportion qu'on vend comparativement à ce
qu'on pourrait vendre?
M. Perron: Oui, c'est cela.
M. Dallaire: Le potentiel? Comme ce sont des chiffres, je vais me
référer à.,.
M. Perron: En passant, M. Dallaire, c'est sûr que vous
pouvez répondre à toutes les questions, mais si vous
préférez que quelqu'un qui vous accompagne réponde
à des questions, techniques ou autres, il n'y a aucune objection de la
part de la commission.
M. Dallaire: C'est pour cela que je réfère les
chiffres aux secrétaires, qui sont beaucoup plus au fait que mot en ce
qui concerne les chiffres, vu que c'est technique.
M. Roy (Daniel): Merci, M. le Président. Si on parle du
secteur des pâtes et papiers, il s'agit d'un volume de l'ordre de 3 500
000 mètres cubes solides de bois de toutes les essences qui sont bon an
mal an négociés avec l'industrie des pâtes et papiers.
M. Perron: Ce qui fait une possibilité de?
M. Roy: Uniquement au niveau des résineux, le sapin et
l'épinette, essences qui préoccupent le plus l'industrie et pour
lesquelles la pression est la plus forte en ce qui concerne la forêt, si
l'on parle uniquement du sapin et de l'épinette, à ce moment on
parle d'un prélèvement d'environ - vous me donnerez quelques
instants pour faire un calcul mental rapide - 2 200 000 mètres
cubes...
Une voix: Résineux?
M. Roy: ...de résineux solides qui sont
négociés bon an mal an avec l'industrie des pâtes et
papiers, sur une possibilité qu'on établit à environ 4 000
000. Bien sûr, cependant ici il s'agit des volumes qui sont
prélevés en vertu de contrats signés entre nos membres,
les syndicats et les offices, et l'industrie papetière. À ces
volumes, aux 2 200 000 que j'ai avancés, il faudrait additionner les
volumes qui sont dirigés à l'industrie du sciage, pour lesquels
il est difficile d'avoir une estimation exacte du volume prélevé
en forêt privée, parce que ces ententes ne font pas l'objet
nécessairement de contrats entre les industriels et nos syndicats et
offices dans l'ensemble des régions du Québec.
M. Perron: Merci de votre réponse. Cela éclaircit
la situation. Tout le monde sait que certaines régions du Québec
sont en voie de rupture de stock. On pense par exempte, à
l'Abitibi-Témiscamingue, au Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, où d'ailleurs vous demeurez, M. le
président Dallaire. Est-ce que vous pourriez nous donner la proportion
des boisés privés, en pourcentage ou encore en volume, dans une
des régions ou dans les trois régions concernées par
rapport à la forêt publique? En d'autres mots, il existe des
propriétaires de boisés privés dans chacune de ces
régions. Il y a certainement un pourcentage que vous connaissez dans
chacune de ces régions qui donne les possibilités
forestières dans tes boisés privés par rapport à la
forêt publique. Est-ce que vous pourriez répondre à cette
question?
M. Dallaire: On va vous donner cela. Je peux vous dire que cela
varie énormément d'une région à l'autre. Par
contre, je pense que dans la région du Saguenay-Lac-Saint-
Jean nous sommes une des régions où le pourcentage de
forêt privée est le plus bas. Daniel va être en mesure de
vous donner les vrais chiffres.
M. Roy: J'espère avoir bien saisi la nature de la
question. Si l'on prend comme exemple le Saguenay-Lac-Saint-Jean, à la
suite des derniers inventaires, c'est-à-dire des inventaires qui sont
quand même assez récents, il y aurait une possibilité de
coupe en forêt privée dans le sapin et l'épinette de 265
000 mètres cubes solides de bois. Les prélèvements toutes
destinations estimés, on parle d'une moyenne des dernières
années qui s'établirait à environ 196 000 mètres
cubes solides. Donc, on voit là, dans une région comme le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, un volume disponible actuellement qui ne trouve pas
preneur, en forêt privée, de l'ordre de 70 000 mètres
cubes.
M. Perron: Maintenant, est-ce que vous pourriez donner des
exemples? Là, vous avez donné le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Est-ce
que vous avez des chiffres pour le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie ou
même l'Estrie?
Une voix: On les a sur toutes.
M. Roy: Dans le cas de l'Estrie on arrive dans une région
qui se distingue, entre autres, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du
Bas-Saint-Laurent par le fait que la forêt privée occupe
au-delà de 92 % du territoire. Donc, on est dans une région
où ta forêt privée est très importante,
c'est-à-dire beaucoup plus importante que la forêt publique. Les
estimations, en ce qui concerne les possibilités de coupe et les
prélèvements moyens, démontrent dans cette région
qu'il y a équilibre. On a ici une région où les
prélèvements correspondent passablement à la
possibilité de coupe en forêt privée d'un ordre
estimé à quelque 400 000 mètres cubes solides de bois. Je
crois que votre question incluait également la région du
Bas-Saint-Laurent. Pour ce qui est du Bas-Saint-Laurent, si l'on parle du
Bas-Saint-Laurent Gaspésie, on est dans un territoire où la
forêt privée représente 35 % de l'étendue, je pense,
de mémoire, par rapport à la forêt publique. On me
corrigera si ce n'est pas exactement cela.
La possibilité de coupe estimée de ces deux territoires,
Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, est établie à environ 1 100
000 mètres cubes de bois et les prélèvements seraient
d'environ 1 150 000 mètres cubes. Il y aurait dans cette région,
à première vue, un équilibre, sauf que les derniers
relevés ou les derniers correctifs apportés au calcul de
possiblités nous démontrent qu'il y a encore une
disponibilité plus particulièrement concentrée, en sapins
et épinettes toujours, dans le Bas-Saint-Laurent et sur la rive nord de
la Gaspésie. (10 h 45)
M. Perron: Merci de vos réponses. Si vous permettez, M. le
Président, je vais revenir plus tard parce que l'Opposition... Oui, M.
Dumas.
M. Dumas (Jean-Claude): Si vous permettez, M. le
Président, peut-être juste pour compléter cette information
qui est technique en ce qui a trait aux chiffres, il est important de noter que
c'est un marché libre au niveau des volumes; c'est de la
négociation avec l'industrie. Comme l'a mentionné le
président au préalable, c'est que, lorsqu'il y a une
négociation difficile, on peut aller jusqu'en arbitrage avec la
Régie des marchés agricoles qui fixe les conditions de vente ou
de mise en marché des bois de la forêt privée. Cependant,
aucun organisme ne détermine ou ne peut établir les
quantités de bois. Donc, quand la demande est très forte,
c'est-à-dire quand l'économie est en progression, il n'y a pas
trop de problèmes pour vendre les bois provenant de la forêt
privée. Cependant, ce que les statistiques démontrent, c'est ce
qu'on a vécu au cours des dernières années à cause
de la récession, à cause de la récupération des
bois de la tordeuse; on a eu une très grande difficulté,
c'est-à-dire que la baisse de consommation de l'industrie s'est
appliquée directement. Ceux qui ont payé pour la crise
économique, ce sont les propriétaires de boisés
privés, c'est la forêt privée qui a perdu sa place sur le
marché. À ce sujet-là, peu importent les
représentations qu'on peut faire, jusqu'à maintenant aucune
organisation au Québec, sauf par des pressions de voeux pieux, n'a pu
inciter l'industrie à prendre des volumes supplémentaires ou des
volumes qui devraient provenir de la forêt privée. On a
été les seuls jusqu'à maintenant à absorber le choc
de la réduction du marché. On demande que, dans la loi, il y ait
priorité ou un minimum, c'est-à-dire qu'il devrait y avoir au
moins un article qui pourrait prévoir qu'il y aura réduction de
la consommation de façon équitable, selon les inventaires.
Maintenant, on possède très bien les inventaires, les
possibilités en forêt privée. Donc, ce jardin le plus
productif qui est la forêt privée, comme cela a été
mentionné par le ministre hier, je pense qu'il est prioritaire qu'il
devrait y avoir possibilité de récolter le jardin en tout temps.
Peu importent les fluctuations économiques, les propriétaires
privés ne doivent pas être les seuls à payer la
facture.
M. Perron: Si je comprends bien, M. le président, ou
encore M. Dumas, c'est que rien n'est changé avec l'avant-projet de loi
parce que ce dernier ne donne pas priorité dans les faits aux
boisés privés et aux
industries du sciage. À ce moment-là, puisqu'il n'y a rien
de changé, c'est qu'au moment où l'on se parle et après
l'application de la loi vous serez toujours à la merci des
papetières ou des autres en rapport avec les copeaux ou encore avec
l'approvisionnement, et aussi en rapport avec les prix.
M. Dumas: C'est ce que la loi semble indiquer,
c'est-à-dire qu'on dit, à l'article 22, que la forêt
privée est considérée parmi les autres sources
d'approvisionnement comme les copeaux, les sciures, les planures et les bois
d'importation.
M. Perron; Merci. M. le Président, mon collègue de
Roberval veut intervenir...
Le Président (M. Charbonneau): C'est inscrit, M. le
député de Duplessis...
M. Perron: ...ainsi que mon collègue de Dubuc.
Le Président (M. Charbonneau): ...tout cela dans le temps
imparti, mais on va respecter l'alternance. M. le ministre va...
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, merci. Il n'existe pas de loi au Québec qui
empêche les propriétaires de forêt privée de couper
plus que la possibilité de leur forêt ou qui les oblige à
faire des coupes pour récolter le rendement de la forêt. Ceci vous
empêche-t-il d'administrer correctement ou efficacement vos membres?Même si vous signez des contrats importants, vous ne pouvez pas
légalement forcer vos membres à couper du bois et vous ne pouvez
pas non plus les empêcher de couper plus que la possibilité.
Si on s'en remet - vous répondrez, M. Dallaire, si vous voulez -
aux coupes de 1983-1984, suivant les plans de mise en valeur que le
ministère a payés, qui sont confectionnés et qui vont
être complétés cette année, si on révise les
chiffres de 1983-1984 et même si on accepte votre chiffre de
possibilité de 4 400 000 mètres cubes plutôt que de 4 200
000, vous avez coupé au-delà de 5 000 000 de mètres cubes
de bois en 1983-1984.
J'endosse entièrement votre objectif de vouloir restreindre vos
coupes à la possibilité de la forêt privée. On
mentionnait qu'au Lac-Saint-Jean il y avait 70 000 mètres cubes de bois
qui ne trouvaient pas preneur. Mais on a des demandes de la part de l'industrie
du sciage qui voudrait prendre ces bois. Vous connaissez sans doute mieux que
moi - malgré que j'y ai travaillé aussi - les besoins de
l'industrie du Lac-Saint-Jean et, à mon avis, vous êtes essentiels
autant que l'industrie peut l'être. Il s'agit de trouver un partage
équitable, de se comprendre et de négocier de bonne foi. Je vous
laisse là- dessus, si vous voulez me répondre.
M. Dallaire: D'abord, comme vous le mentionnez, il n'existe pas
de loi qui oblige ou qui interdit un propriétaire de boisé
privé de couper plus que son quota. Par contre, on s'est donné,
dans la plupart des régions - pas partout - des mécanismes de
contrôle qui font en sorte qu'on est capable de donner ce qu'on appelle
des quotas à nos producteurs en étant en connaissance de leur
possibilité de coupe. Cela n'existe pas partout, mais notre objectif
vise à ce que tous les syndicats et offices de la province de
Québec se dotent de ces règlements qui vont permettre cela. Pour
ce qui est des contrats qu'on négocie normalement avec l'industrie,
à ma connaissance, ils ont presque toujours été
respectés.
Dans certains coins, il y a eu des dépassements des
quantités négociées par les syndicats et offices avec les
compagnies, mais c'était dû principalement, d'abord, à une
diminution. Autrement dit, il est resté des bois, à un certain
moment, qui n'étaient pas achetés par l'industrie. C'était
dû surtout à une diminution d'achat de la part des compagnies due
à la récession économique. Cela a été
doublé par un accroissement de récolte dû principalement
à la tordeuse.
Vous savez qu'il y a des régions où ce
phénomène a été très présent. Les
propriétaires, plutôt que de tout perdre, prenaient le risque; ils
en récoltaient plus qu'ils auraient dû en récolter
normalement pour minimiser les pertes. Je ne sais pas si ça
répond à votre question.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, en partie.
Mais, contre l'effet de la tordeuse, je voudrais savoir quelles mesures vous
pouvez prendre. Étant donné qu'il n'y a pas de loi pour le faire,
il faut quelqu'un qui n'écoute pas les directives de votre
fédération ou de votre syndicat local.
M. Dallaire: Normalement, dans les régions où il y
a l'exclusivité, on ne connaît à peu près pas de
problèmes. Je ne veux pas dire que c'est la perfection mais, en
règle générale, on est capable de maîtriser assez
bien nos membres, par le mécanisme de quota qu'on leur donne, pour
qu'ils respectent la possibilité de coupes.
Vous avez mentionné la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Oui, nous nous en sommes rendu compte il n'y a pas tellement longtemps. C'est
simplement quand nos plans de mise en valeur ont été à
jour qu'on avait encore de la disponibilité. On savait qu'on
était encore sécuritaire, mais on pensait qu'on était plus
proche que ça du potentiel annuel de récolte. On s'est rendu
compte qu'il y avait encore passablement de disponibilité.
En ce qui concerne l'achat par les
papeteries des bois à pâte, on est à peu près
au "top". Par contre, il y a possibilité d'y aller dans l'industrie du
sciage et cette dernière est acheteuse. Ce qui a fait en sorte, à
l'heure actuelle, qu'on n'a pas été capable de répondre
à l'industrie, c'est tout simplement la différence de prix,
quoique depuis l'an passé les prix sont sensiblement les mêmes. II
y a encore une petite différence. Mais, si le prix du sciage
était supérieur, comme il devrait l'être, à la
pâte, il n'y aurait aucune difficulté à approvisionner
ça. Mais on ne peut pas exiger d'un gars qui coupe des billots du
meilleur de son bois qu'il l'envoie au sciage s'il en reçoit moins que
pour la pâte.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est logique.
Mais dans quelle région possédez-vous l'exclusivité,
c'est-à-dire dans quelle région contrôlez-vous aussi la
mise en marché du bois de sciage?
M. Dallaire: II n'y a pas beaucoup de régions. Je pense
que Daniel pourrait peut-être répondre plus clairement que moi
à cette question.
M. Roy: M. le ministre, si vous parlez de l'application
proprement dite du règlement d'exclusivité, il y a seulement une
région au Québec qui applique l'exclusivité dans le
secteur du bois de sciage; il s'agit de la région de
l'Abitibi-Témïscamingue. Pour ce qui est des autres régions,
en vertu de leur plan conjoint, elles ont les pouvoirs de négocier les
conditions de mise en marché du bois de sciage. Plusieurs régions
les appliquent sans pour autant disposer de l'exclusivité de vente, bien
sûr. Je pense à toute la grande région de l'Outaouais, qui
regroupe les syndicats de Pontiac, de Gatineau, de Labelle, des Laurentides. Je
pense aussi à la région du Bas-Saint-Laurent, à celle de
la Beauce. S'ajoutent à ces régions celles de Québec et de
l'Estrie qui, depuis déjà deux ans, travaillent de plus en plus
pour percer le marché du bois de sciage pour écouler leurs
matières ligneuses.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Avant de
passer la parole à l'un de mes collègues, je voudrais parler
maintenant de l'article 22. C'est la première fois qu'on inscrit dans la
loi un tel article qui vous donne une espèce de garantie quant au volume
de bois que vous aurez à mettre en marché.
Je l'explique en disant que le ministre sera obligé de
considérer la forêt publique comme une source résiduelle
d'approvisionnement des usines. II sera aussi obligé de
considérer toutes les autres provenances, c'est-à-dire le bois de
la forêt privée, les copeaux, les bois d'importation, etc., comme
source principale d'approvisionnement. En pratique, cela veut dire qu'au moment
de l'attribution des contrats et à l'occasion de leur renouvellement le
ministre n'offrira à l'industrie que la quantité de bois
manquante en provenance de la forêt publique qu'après avoir
soustrait des besoins totaux les quantités qui ont été
obtenues en moyenne au cours des années précédentes et en
tenant compte également de la performance de l'entreprise.
Donc, en pratique, les sources de bois externes à la forêt
publique seront effectivement considérées en premier lieu. Je
crois que c'est ce que vous demandez. C'est inscrit dans le projet de loi. Vous
avez d'ailleurs fait une allusion tout à l'heure à savoir que
vous êtes prêts à subir les fluctuations de la production
dans une proportion égale ou proportionnelle avec les autres sources
d'approvisionnement. Puisque c'est vous, M. Dumas, qui avez fait cette
allusion, j'aimerais que vous l'explicitiez davantage, s'il vous plaît.
(11 heures)
M. Dumas: Si on approvisionne l'industrie dans la proportion de
la disponibilité du grand jardin de la forêt privée, mais
dans une proportion équitable, c'est-à-dire selon les
disponibilités de la ressource, s'il y a des fluctuations dues à
des facteurs indépendants comme la récession économique,
je pense que les producteurs dans ces périodes sont capables d'absorber
dans le pourcentage équivalent la réduction du marché.
M, Côté (Rivière-du-Loup): Bien. Ce sera ma
dernière question pour l'instant. Si vous ne contrôlez pas,
disons, les bois de sciage dans toutes les régions du Québec,
cela veut dire que des chiffres provenant de chez vous que nous avons, soit une
possibilité de 4 200 000 mètres cubes, si vous en avez
coupé 5 000 000 en 1983-19B4, il faut additionner à ces chiffres
les bois de sciage de la forêt privée?
M. Roy: Je pense qu'il faut faire attention avec les chiffres.
Les estimations que nous avons pu faire à la suite des inventaires
donnent le chiffre de 4 400 000 mètres cubes de possibilité de
coupe en sapin et en épinette en forêt privée. Sur ce, on
contrôle toute la mise en marché du bois à pâte pour
un volume estimé à quelque 2 200 000 mètres cubes, comme
je l'ai indiqué un peu plus tôt.
Le problème, lorsqu'il s'agit d'estimer les
prélèvements dans le bois sciage, c'est qu'il n'y a pas de
mécanisme qui permette actuellement de connaître exactement les
volumes de bois prélevés dans l'ensemble de la forêt
privée destinés au sciage. Si on s'appuie sur les 5 000 000 que
le ministère
a entre les mains, est-ce que l'on doit comprendre qu'il y a 2 800 000
mètres cubes qui viendraient de la forêt privée et qui
seraient destinés au sciage? C'est un peu une boîte noire, ce
secteur-là, sauf que les estimations que nous avons pu en faire sont
qu'en incluant le bois de sciage et les pâtes et papiers on serait
légèrement en deçà de la possibilité de
coupe des sapins et des épinettes en forêt privée.
Il faut faire attention parce que le chiffre de 4 400 000 mètres
cubes porte exclusivement sur les petites forêts privées,
c'est-à-dire que les possibilités de coupe des grandes
forêts des industries ont été exclues. En même temps,
il faut exclure les prélèvements qui proviennent des grandes
forêts privées quand on compare les prélèvements aux
possibilités.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député de Roberval.
M. Perron: M. le Président, avant qu'on entende le
député de Roberval, est-ce qu'il serait possible, par l'entremise
des personnes responsables à l'Assemblée nationale, qu'on puisse
obtenir des chaises pour les gens qui sont debout?
Le Président (M. Charbonneau): On a déjà
fait la vérification et il semble que cela ne soit pas possible parce
qu'il y a quatre commissions qui siègent en même temps
aujourd'hui. Malheureusement, j'ai l'impression, à moins qu'on ne fasse
une rotation ou que certains ne décident d'aller visiter des
députés aux étages supérieurs ou de faire de
l'antichambre, je pense qu'on va être obligé de conserver la
situation actuelle en espérant que les fauteuils capitonnés des
membres de la commission ne feront pas trop l'envie des invités qui sont
debout. Cela dit, M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Cela démontre
que les députés travaillent fort ici à Québec. Je
voudrais remercier les représentants de la Fédération des
producteurs de bois pour la présentation de leur mémoire. On voit
bien que le contenu de ce mémoire procède d'un souci qui
s'inscrit dans les désirs de préservation de la forêt qui
est une richesse collective. Je les en remercie.
Il y a quelques éléments que j'aimerais tirer au clair
avec les représentants de la fédération. Entre autres,
à la page 14 du mémoire, je me permettrai de vous reciter un
paragraphe: "Malgré une hausse croissante du volume de la
récolte, des dizaines de milliers d'emplois sont perdus en forêt
au Québec. Cela a comme conséquences le grossissement du nombre
de chômeurs et d'assistés sociaux et l'alourdissement du fardeau
fiscal de ceux et celles qui réussissent à conserver un emploi,
sans parler du manque à gagner pour le gouvernement par la perte de tous
ces milliers d'emplois. Et ce ne sont certainement pas - c'est surtout cette
partie qui me préoccupe - les bénéfices accrus des
compagnies dus à cette pratique qui vont contribuer à regarnir
les coffres de l'État."
D'abord, je comprends de cette affirmation que vous nous dites que la
création d'emplois est beaucoup plus importante par rapport au volume
prélevé quand on le fait à partir de la forêt
privée plutôt que de la forêt publique. En d'autres termes,
les méthodes de coupe, les méthodes d'exploitation font que, pour
une quantité donnée de bois en mètres cubes, il y a plus
d'emplois créés quand c'est fait chez vous que lorsque c'est fait
par des compagnies papetières ou par des grandes entreprises
d'exploitation forestière.
M. le président, ou quelque autre membre du panel, existe-t-il
une étude comparative qui nous permettrait d'avoir une idée de la
création d'emplois par rapport au volume prélevé entre les
deux secteurs? Est-ce que cela existe chez vous?
M. Dallaire: On a certains chiffres. Par exempte, en ce qui
concerne les jours-hommes générés par les subventions
données pour l'aménagement en forêt privée, on se
rend compte que ce ne sont quand même pas des montants
considérables et que cela crée passablement d'emplois en milieu
rural pour les gens qui travaillent à l'aménagement comme tel,
soit à la plantation ou à des coupes d'éclaircie ou
à toute autre forme de sylviculture qui s'exerce en forêt
privée.
M. Gauthier: Vous soutenez et vous soutiendriez, par ailleurs,
dans un débat qu'effectivement plus votre part du marché sera
importante et plus on influencera à ce moment-là la perte
d'emplois en foresterie. Est-ce bien le sens de votre recommandation ou, du
moins, de ce que vous écrivez?
M. Dallaire: Étant donné que cela est beaucoup
moins mécanisé en forêt privée qu'en forêt
publique, il est bien sûr que, pour prélever la même
récolte de bois ou le même volume, cela va prendre beaucoup plus
de main-d'oeuvre.
M. Gauthier: Dans un autre ordre d'idées, avez-vous des
études comparatives quant à la perte par rapport au volume
prélevé selon les deux champs d'activités: forêt
privée et forêt publique? Avez-vous ces chiffres?
M. Dallaire: Le problème se situe surtout dans la
régénération. C'est sûr que
plus it y a de la grosse mécanisation, surtout de la façon
dont elle est employée aujourd'hui, plus il y a des coupes
mécanisées, moins il y a possibilité d'avoir de la
régénération naturelle. Donc, c'est toujours des
coûts additionnels pour remettre cette forêt en valeur.
M. Gauthier: D'accord, je vous remercie. J'ai compris tout
à l'heure que vous avez dit que les quantités disponibles en
forêt privée - j'avais parlé de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean dont vous provenez et dont je proviens également
- seraient suffisantes si les lois du marché jouaient normalement. C'est
un plaidoyer en faveur des lois du libre marché. Je m'étonne,
d'ailleurs, que de l'autre côté on ne soit pas tellement sensible
à cela. On nous rebat les oreilles avec cela depuis un bon bout de
temps. Est-ce que je vous ai bien interprété quand je dis que les
quantités disponibles en forêt privée dans une
région comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, feraient en
sorte que le point de rupture des stocks prévu pour 35 ans - c'est
très court quand on pense à ce que cela prend pour faire pousser
un arbre - serait reculé de façon suffisante pour permettre
à la forêt de la région de se
régénérer et de suffire à la demande?
M. Dallaire: Je n'ai pas tellement saisi la question.
M. Gauthier: À un moment donné, vous avez dit: Il y
a des volumes importants... Vous devriez écouter, vous allez comprendre,
vous aussi, si vous m'écoutez comme il faut.
M. Dallaire, vous avez dit à un moment donné: Si on
prenait le volume disponible chez nous et qui n'a pas trouvé preneur,
cela donnerait une bonne chance à la forêt publique et cela
réglerait le problème en quelque sorte dans la région,
parce qu'il y a une rupture de stocks prévue et le volume que l'on
apporterait permettrait de régénérer la forêt.
Est-ce exact? Ai-je bien compris ou si je fais erreur?
M. Dallaire: Je vous ai fait répéter pour
être bien sûr que j'avais bien compris, parce que c'est
réel; seulement, cela n'est quand même pas significatif comme tel,
étant donné le faible pourcentage que la forêt
privée occupe dans notre région. Par contre, il existe un fait,
soit que le plan de mise en valeur nous a permis, par l'inventaire
sérieux qui l'a précédé, de connaître les
disponibilités. J'ai souligné tout à l'heure que l'on
avait été quand même un peu surpris de constater qu'on
pouvait augmenter encore de 15 % à 18 % nos possibilités de
coupes en résineux, sans compter les feuillus. Ces derniers n'ont,
semble-t-il, jamais été exploités. Vous avez raison; par
contre, si on considère l'ensemble du volume de la forêt publique
qui est régénérée dans notre région et la
faible superficie que la forêt privée couvre, cela n'aurait pas
une très grande influence, mais cela serait certainement un pas dans la
bonne direction.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup. Je veux simplement, M. le
Président, en terminant, faire remarquer...
M. Dallaire: Un instant, je pense que monsieur...
M. Roy: M. le Président, j'aimerais ajouter à cette
question qu'on parle beaucoup du sapin et de l'épinette, bien sûr,
mais il ne faut pas perdre de vue qu'en forêt privée il y a
également beaucoup de feuillus. La réalité est encore plus
difficile pour les propriétaires en ce sens que cette possibilité
de feuillus en forêt privée, qui est plus grande que les
résineux, trouve encore moins de marchés et beaucoup moins de
débouchés que dans le cas des résineux. Par exemple, ici
pour illustrer un peu cela, pour neuf régions qui couvrent
peut-être les deux tiers de la forêt privée au
Québec, on évalue la disponibilité des feuillus à
tout près de 5 800 000 mètres cubes et les
débouchés sont de l'ordre de 2 700 000 mètres cubes. Donc,
on constate un écart de 3 000 000 de mètres cubes dans le domaine
des feuillus. Le propriétaire qui possède un boisé
privé est confronté à ce problème chaque fois qu'il
veut exploiter et utiliser son boisé. Il n'y a pas de marché pour
les feuillus.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup. Je voulais faire
remarquer au gouvernement que ce vibrant plaidoyer pour la privatisation
devrait peut-être être écouté pour une fois,
même si cela ne profite qu'à de petits propriétaires.
Alors, peut-être que le gouvernement devrait être sensible à
cela.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Roberval.
Mme la députée de Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Je tiens
d'abord à féliciter la Fédération des producteurs
de bois du Québec pour son excellent mémoire. Je l'ai lu avec
d'autant plus d'attention que, dans mon comté de
Mégantic-Compton, la forêt privée domine à plus de
90 %.
Par la même occasion, j'aimerais aussi profiter de cette tribune
pour féliciter M. Jean-Claude Dumas de sa récente nomination au
poste de secrétaire. Félicitations, M. Dumas. Je vous souhaite
bon succès dans votre nouvelle carrière.
En lisant le mémoire, on constate que
vous êtes d'accord avec plusieurs propositions qui apparaissent
dans l'avant-projet de loi. Il y en a aussi avec lesquelles vous n'êtes
pas d'accord. Parmi les points avec lesquels vous n'êtes pas d'accord,
j'ai retenu particulièrement celui dont le principe est de donner
à l'industrie le bois généré par un
aménagement intensif. En quoi le fait d'allouer gratuitement l'usufruit
de l'aménagement intensif à l'industrie nuira-t-il aux petits
propriétaires privés?
M. Dallaire: C'est sûr qu'on va devenir de moins en moins
compétitifs parce que la possibilité que l'industrie aura d'aller
s'approvisionner, par cet avantage, en surplus encore de ce qui existe
présentement va faire en sorte qu'elle va être moins encline
à acheter du bois de la forêt privée. En effet, si vous
avez la permission d'aller couper en forêt publique sur un droit de coupe
qui n'existe même pas, c'est sûr que cela peut contribuer à
réduire considérablement les frais d'exploitation. Donc, le bois
privé devient moins compétitif.
Le Président (M. Charbonneau): Mme
Bélanger.
Mme Bélanger: D'après vous, quel devrait être
le juste prix à payer pour les bois des forêts privées?
M. Dailaire: C'est le plus cher possible.
M. Dumas: II faut compter - on l'a expliqué dans le
mémoire, je ne sais pas à quel article - que cela rembourse tous
les frais, incluant les taxes qui ont été payées durant
toute la période où les forêts privées... Ce sont
des propriétés privées, le propriétaire paie donc
des redevances, des taxes, il garde sa forêt, l'aménage,
l'entretient pendant toute la période de production pour la
récotte. À la fin de la récolte, quand elle est mise en
marché, il faut que le retour de cette récolte englobe l'ensemble
des coûts de production, plus un retour normal sur le capital investi, ce
qui n'est pas le cas présentement. On le démontre dans les
annexes qu'on vous a déposées avec le mémoire. Attendez,
je vais arriver là-dessus en deux secondes. Au tableau 2, en dollars
constants, de 1970 à 1984, la valeur d'un mètre cube apparent de
bois au producteur a augmenté de 0,01 $ en dollars constants alors que
l'inflation et tous les autres coûts ont augmenté la valeur comme
telle de la récolte. (11 h 15)
C'est une richesse, c'est important. Il y a un grand nombre de
Québécois, de propriétaires, de citoyens qui
détiennent la forêt privée. Il y en a 120 000. Nous disons:
II faut qu'il y ait un retour normal sur le capital investi. Ce n'est pas tout
de conserver des forêts pour le plaisir d'avoir une
propriété, c'est une production qui doit être reconnue au
même titre que toute autre production. On doit donc reconnaître des
coûts de production et on doit aussi reconnaître un retour sur le
capital investi. On vous démontre dans le tableau 1 du mémoire ce
qu'est au Québec la valeur du bois sur pied et les droits de coupe
comparés à d'autres pays, soit la France, le sud des
États-Unis et la Finlande. Le tableau s'explique par lui-même. On
n'a pas besoin d'aller plus loin.
Mme Bélanger: Est-ce que dans la mise en marché en
France il y a des intermédiaires?
M. Dumas: Oui, la mise en marché en France est
organisée.
Mme Bélanger: Merci. Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, madame? M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais passer
par-dessus les félicitations, étant donné que tout est
fait, pour aller directement à une question un peu dans la même
lignée de celle que Mme la députée de
Mégantic-Compton vient de poser. À la page 4 de votre
mémoire, vous dites: "Les droits de coupe moyens au Québec sont
maintenant de 2,19 $ le mètre cube récolté." C'est une
citation qui vient d'un exposé fait par le sous-ministre associé
aux Forêts. Vous dites plus loin: "C'est une concurrence
déloyale." II y a la une affirmation bien précise et bien
marquée. Pour faire cette affirmation, je suppose que vous avez sorti
les chiffres. Vous avez identifié les facteurs qui font que vous croyez
que les droits de coupe ne sont pas assez élevés. Est-ce que vous
pourriez être plus explicite sur cela?
M. Dallaire: Je vais demander à Daniel de
répondre.
M. Roy: Cela s'inscrit peut-être à la suite de la
réponse que M. Dumas vous a donnée. Dans les estimations que nous
faisons à la Fédération des producteurs de bois du
Québec, le coût de production du bois en forêt privée
doit inclure, comme M. Dumas le disait, les coûts d'exploitation,
c'est-à-dire l'abattage des arbres, le débardage de ces arbres,
le transport, mais également le retour sur les investissements des
propriétaires pour l'acquisition de leur propriété
boisée, les taxes et les frais fixes qu'ils ont à défrayer
annuellement et également une capacité de réinvestir,
prévoir un montant qu'ils puissent réinvestir dans
l'amélioration de leur boisé. On estime que le prix actuellement
versé à l'usine devrait
être le prix au chemin du producteur pour couvrir toutes ces
dépenses. Le montant de 2,19 $ le mètre cube actuellement en
droits de coupe en forêt publique est nettement en deçà de
ce qu'il devrait être et cela peut-être de l'ordre de 4 $ le
mètre cube.
M. Claveau: Pour approfondir un peu la réflexion, il reste
qu'en ce qui concerne l'entreprise qui exploite elle-même ses parterres
de coupe le montant de 2,19 $ le mètre cube n'est qu'un
élément de ses coûts de production. Elle aussi a sa
machinerie, son personnel, ses chemins de pénétration, etc.
J'essaie de cerner exactement la raison pour laquelle vous vous attaquez
spécifiquement au coût de 2,19 $. Pourquoi vous attaquez-vous
spécifiquement au prix du droit de coupe?
M. Roy: C'est assez simple. C'est dans le sens que les frais
d'exploitation, cela existe également en forêt privée. Le
propriétaire, lui aussi, a des frais d'exploitation. On fait
l'hypothèse que l'industrie comme les propriétaires ont de part
et d'autre à assumer des frais pour exploiter, mais en plus de ces frais
d'exploitation on doit considérer une valeur à la ressource
elle-même. Il n'y a pas une personne qui détient un bien qui est
prête à s'en départir sans accorder une valeur à son
bien. On dit que la valeur actuellement fixée par le gouvernement, ce
n'est pas l'industrie qui a à la déterminer. L'industrie n'a pas
d'influence sur cette valeur. Cette valeur de la ressource, qui est le droit de
coupe, qui est fixée par le gouvernement est trop basse, trop faible, si
on s'en remet à tous les frais que doit assumer un propriétaire
forestier pour exploiter son boisé.
M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées, à la page
6, vous dites textuellement: "De quel droit le gouvernement du Québec
peut-il se permettre de venir piger dans les goussets de tous les
Québécois pour réparer les dégâts
causés par cette industrie?"
On fait référence au coût de la remise en valeur des
parterres de coupe qui n'ont pas été traités comme ils
auraient dû l'être; c'est ce qu'on appelle communément le
"backlog". Or, hier soir, sur le coup de minuit, la Chambre de commerce du
Québec nous annonçait candidement qu'elle n'avait pas d'objection
à ce que les citoyens du Québec, les générations
futures paient pour ce qu'elle appelle des "dépenses capitales". La
chambre de commerce considérait comme une dépense capitale le
fait que le gouvernement, les Québécois en général
investissent de l'argent pour régénérer les forêts.
Ils voyaient d'un bon oeil, nous disaient-ils, une augmentation du
déficit qui pourrait être causée par une telle pratique de
la part de l'État.
Je vois que votre position est diamétralement opposée
à celle de la chambre de commerce. Pourriez-vous nous expliquer un peu
plus ce que vous entendez par là ou comment vous voyez la participation
de l'État dans la régénération des
forêts?
M. Dallaire: C'est une opinion personnelle que j'émets. Je
me dis que, même si une loi n'existait pas avant cette loi-là ou
si, à cause d'une pratique existante qui fait qu'il y a
présentement un peu plus de 1 000 000 d'hectares qui ne se
régénèrent pas et pour lesquels le ministère va
être obligé de payer car il est actuellement indiqué qu'il
doit payer entièrement cette régénération,
même s'il n'y avait pas de loi qui obligeait dans le temps l'industrie
à réinvestir, logiquement, elle devrait payer sa quote-part.
C'est ce qu'on défend, finalement. Je ne parle pas de faire payer cela
entièrement par l'industrie, mais je me dis qu'elle devrait participer
aussi bien au "backlog" qu'à la mise en application du nouveau
régime. Je trouve que c'est logique.
M. Claveau: Alors, vous ne croyez pas que le coût du
reboisement ou le coût de ta gestion des forêts après le
prélèvement soit quelque chose qui devrait revenir uniquement
sous la responsabilité de l'État, comme tentaient de nous le
faire croire les représentants de la chambre de commerce, hier soir?
M. Dallaire: Certainement pas. M. Claveau: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Gauvin: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer les
gens de la fédération présents ici ce matin, en
particulier, peut-être, M. Dionne, qui vient de la région
immédiate du comté de Montmagny-L'Islet, soit de La
Pocatière.
J'aimerais revenir à un sujet qu'on a abordé tantôt
quand on parlait de la non-concurrence de la forêt privée par
rapport à la forêt publique. J'aimerais vous faire remarquer, et
ainsi avoir votre réaction, qu'il y a beaucoup d'exploitation qui se
fait sur des terres privées dont le coût de transport est beaucoup
moins élevé, par exemple, que si on va chercher du bois dans la
forêt publique. En plus, assez souvent et même très souvent,
pour avoir vécu cela, je pense, les exploitants privés ont la
collaboration des citoyens de la région par le biais de l'entretien des
chemins publics, etc. Je ne sais pas quelle réaction vous avez à
cela, quand on parle de concurrence.
M. Dumas: En fait, comme on vous le mentionnait tantôt, les
prix touchés ne permettent qu'un salaire à l'ouvrier.
Tantôt, quand on parlait de capital et de qui doit payer pour le
passé, on pourrait peut-être dire en boutade que ce que les
propriétaires privés ont finalement, c'est uniquement un retour
pour le travail qui a été fait jusqu'ici. On veut à
l'avenir qu'une partie soit payée pour ce qui est de la forêt
comme telle. C'est un bien. Si on met du bois en marché, qu'il n'y ait
pas seulement ce que cela rapporte au producteur. Si on calcule aujourd'hui les
coûts de production, il s'agit uniquement d'un salaire. Un producteur qui
coupe du bois et qui le met en marché se fait un revenu, pour le travail
qu'il fait. Au moment où il le coupe, le débarde, l'apporte sur
le bord du chemin carrossable, il va uniquement se chercher un salaire
comparable au salaire moyen.
Il n'a donc pas de revenu pour sa matière première qui a
poussé durant un nombre important d'années et pour laquelle il a
payé les taxes. Il a entretenu cette forêt et il ne retire aucun
revenu pour cela. La base de comparaison, si on veut, on le mentionne dans le
mémoire, quand on négocie avec l'industrie, c'est qu'on est en
compétition avec les bois provenant des forêts publiques et les
copeaux provenant des bois de la forêt publique. On mentionne dans le
mémoire qu'une tonne anhydre de copeaux se vend sur le marché
l'équivalent de 70 $ la tonne anhydre alors que le coût de
production de cette tonne de copeaux est au-delà de 100 $ la tonne
métrique anhydre. Il y a donc une injection de capital qui vient d'une
autre utilisation. On utilise une partie de la forêt pour produire du
bois de sciage et cela sert indirectement à subventionner les
copeaux.
Quand on négocie avec l'industrie, ce à quoi nous
réfère l'industrie, c'est à son coût
d'approvisionnement en copeaux qui proviennent de bois de la forêt
publique qui ont passé par des scieries. J'entendais dernièrement
quelqu'un mentionner affirmation gratuite - qu'une scierie de l'Abitibi, pour
28 % de son volume de bois qui entre, en sort uniquement 3 % de son volume de
bois scié. Cela veut dire que c'est uniquement, finalement, une usine de
transformation ou un "bypass" je ne sais pas comment on peut appeler cela. Le
bois de la forêt publique entre à la scierie, il est
transformé en copeaux. La fin pour laquelle il entre dans la scierie,
c'est le sciage; mais sur 28 % du volume, il sort uniquement 3 % de bois
scié. Ce sont donc des copeaux subventionnés qui ressortent et
qui viennent directement approvisionner l'industrie des pâtes et papiers
et c'est avec cela que nous devons négocier.
Quand on réussit une négociation qu'on pourrait vouloir un
peu agressise pour essayer de faire de la récupération... On vous
a signalé tantôt qu'on a récupéré depuis dix
ans 0,01 $ le mètre cube en dollars constants au producteur pour la
valeur du bois. Quand on réussirait à aller chercher un peu de
récupération parce qu'on se rend en arbitrage, l'industrie
réduit directement ses approvisionnements. Quand c'est libre et que
c'est disponible d'avoir des approvisionnements à taux
subventionné ou autre, cela n'est pas facile pour les producteurs de
subventionner ces fameux copeaux qui sont en bas de la valeur réelle
unique des coûts de production. Il ne reste pas grand-chose pour le
capital investi.
Tantôt, on parlait des droits de coupe; un point de
référence très bien connu dans l'actualité tant
québécoise que canadienne, c'est que les États-Unis
parlent de fixer une taxe è l'importation du bois d'oeuvre provenant du
Canada et du Québec de l'ordre de 32 % parce qu'ils considèrent
que l'État subventionne l'industrie en ayant des droits de coupe trop
bas. Ce n'est pas seulement nous qui le disons.
M. Gauvin: Comme deuxième question en rapport avec la
première, quelle différence faites-vous entre la priorité
accordée à la forêt privée et à la
forêt publique, source complémentaire d'approvisionnement? Quelle
priorité donnez-vous en rapport avec les deux organismes? On en a
parlé un peu tantôt, mais j'aimerais vous voir le
définir.
M. Dumas: L'objectif poursuivi par la Fédération
des producteurs de bois du Québec, c'est que le grand jardin forestier
québécois qui appartient à 120 000 producteurs, qui est
quand même le mieux situé géographiquement et qui a la
meilleure productivité... M. le ministre mentionnait ce matin que les
propriétaires forestiers au Québec ont depuis toujours
été les plus grands sylviculteurs. Si on veut qu'ils continuent
à avoir cet intérêt d'être de grands sylviculteurs,
il faut que, lorsque le bois est à maturité et qu'il doit
être mis en marché, il ait sa place sur le marché. Ce qui
est proposé, c'est que le bois de la forêt privée devrait
être mis en marché de façon prioritaire et le bois de la
forêt publique devrait servir de façon complémentaire. S'il
y a une demande plus importante, peu importent les réductions, ce serait
plus normal pour nous que cela soit le bois de la forêt publique qui
serve à ajuster les demandes augmentées ou réduites du
marché pour des circonstances économiques au lieu que cela soit
ce que l'on a connu depuis toujours où c'est la forêt
privée qui est la valve d'ajustement du marché au jour le jour,
de mois en mois et d'année en année. Que la forêt publique
varie dans les approvisionnements selon la demande de
l'industrie.
M. Gauvin: À la suite d'une réflexion comme
celle-là, avec laquelle je suis d'accord, accepteriez-vous
éventuellement de négocier ou de revoir le pourcentage de coupe
sur la forêt privée qui servirait à alimenter le sciage?
Êtes-vous convaincu que les producteurs privés font suffisamment
d'efforts pour produire des billots pour alimenter les usines de sciage? (11 h
30)
M. Dumas: Là-dessus, on est tout à fait d'accord.
Il y a un point qui est important sur lequel je veux insister et qu'on a
mentionné tantôt, c'est que, depuis les dernières
années, on a l'inventaire forestier. Le gouvernement a collaboré
d'une façon très importante pour qu'on connaisse très bien
l'inventaire, le potentiel et la capacité des forêts
privées. C'est nouveau, ça. On possède maintenant ces
outils. On est présentement en discussion avec le ministre
là-dessus et on espère être capable de continuer de
maintenir ces outils à la fine pointe de l'évolution de la
capacité de production des forêts privées. Depuis que nous
détenons ces outils, avec les plans de mise en valeur, avec les plans
d'action où on va avoir des orientations très précises
dans chacune des quinze régions du Québec, il est officiel que
des moyens incitatifs seront appliqués d'une façon importante
pour que le bois soit dirigé vers une utilisation optimale.
Quand vous parlez de sciage, là-dessus, on est tout à fait
d'accord, sauf que ce qui a toujours été le problème
jusqu'à aujourd'hui, c'est le prix. On ne peut pas vendre du bois de
qualité supérieure à un prix inférieur. Il est
difficile de faire comprendre cela à nos membres. Je pense que c'est
tout à fait logique.
D'ailleurs, il n'y a pas moins de deux semaines, un grand industriel du
sciage de la région de l'Estrie, interviewé dans un quotidien un
certain lundi matin - une demi-page - mentionnait qu'il était
déplorable que les taux des droits de coupe soient si bas, que cela lui
nuisait pour s'approvisionner en forêt privée, qu'il avait de la
difficulté à concurrencer les autres industriels du sciage au
Québec qui s'approvisionnaient à même la forêt
publique. Cet industriel du sciage mentionnait que les taux des droits de coupe
imposés au Québec devraient être multipliés par
trois.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer,
d'abord, les représentants de la Fédération des
producteurs de bois du Québec, particulièrement son
président qui est un concitoyen du comté de Dubuc.
Je veux revenir sur une affirmation du ministre. Je pense que c'est dans
la continuité de ce que mon collègue vient de soulever. Le
ministre a mentionné - il y a eu beaucoup de chiffres depuis ce matin
-qu'il y avait eu au-delà de 5 000 000 de mètres cubes fournis
par la forêt privée, alors que vous mentionnez dans votre
mémoire qu'il y a en réalité une possibilité de 4
400 000 mètres cubes. Sauf que personne n'a spécifié si ce
chiffre de 5 000 000 représente votre production annuelle. Ce serait ma
première question. Est-ce votre production annuelle? Est-ce que
d'année en année c'est toujours 5 000 000 et plus? Vous pouvez
répondre à cette première partie de la question.
M. Roy: Oui. Il faut faire attention. Le chiffre des 5 000 000 de
prélèvements a été avancé, je pense, par le
ministre. Là-dessus, nous disons que nous contrôlons 2 200 000
mètres cubes qui s'en vont dans le secteur des pâtes et papiers.
C'est un volume dont on est certain. Il y a tout le volume du bois de sciage
qui vient s'additionner à cela. Il s'agirait donc de savoir si le
chiffre des 5 000 000 inclut les prélèvements en grandes
forêts privées qui sont la propriété des
industriels. On est porté à croire que cela comprend ces
prélèvements.
Nous disons qu'il y a 4 400 000 mètres cubes de
prélèvements possibles en forêt privée, selon les
calculs. On est porté à croire que l'on prélève
à peine 4 000 000 à 4 200 000 mètres cubes. On a
avancé le chiffre de 5 000 000, mais on pense que cela comprend les
prélèvements sur la grande forêt privée des
industriels.
M. Desbiens: Vous ne pouvez donc pas corroborer le chiffre
avancé par le ministre. Il pourra peut-être le faire tantôt
pour nous éclairer là-dessus. Mais quand vous parlez de cette
production, quelles sont les essences précises qui sont comprises
là-dedans?
M. Roy: Dans les chiffres de 4 400 000, on parle uniquement des
sapins et des épinettes. Parce que si on incluait tous les feuillus et
les essences de résineux autres que le sapin et l'épinette, comme
je le disais un peu plus tôt, on aurait en forêt privée une
possibilité de coupe supérieure à 6 000 000 de
mètres cubes, seulement pour ces autres essences. Il ne s'en
prélève que 3 000 000 de mètres cubes. On a donc une
disponibilité de 3 000 000 de mètres cubes dans les autres
essences que le sapin et l'épinette.
M. Desbiens: Et il resterait une possibilité de 2 000 000
de mètres cubes et plus dans les résineux comme le sapin et
l'épinette; 3 000 000 de mètres cubes sur l'ensemble?
M. Roy: Si on prend l'ensemble des essences, pour les feuillus et
les autres résineux, on peut avancer le chiffre de 6 000 000 de
mètres cubes. Ce sont les autres essences que le sapin et
l'épinette. Et pour le sapin et l'épinette, on parle de 4 400 000
mètres cubes. Donc, une possibilité totale de quelque 10 000 000
pour toutes les essences.
Si on parle des prélèvements, les estimations que l'on a
pu établir, c'est que, pour le sapin et l'épinette, cela serait
de l'ordre de 4 000 000 à 4 200 000 et, pour les feuillus, cela serait
de l'ordre de 3 000 000. Donc, des prélèvements de 7 000 000
à 7 200 000 versus une possibilité totale de 10 000 000. Je ne
sais pas si cela démêle ou si cela complique davantage.
M. Desbiens: Concernant les copeaux, ai-je bien compris que c'est
strictement par les droits de coupe augmentés que vous voyez une
solution, un équilibre pour permettre au producteur de faire un gain de
capital sur son bois?
M. Dallaire: C'est sûr que, si les droits de coupe sont
augmentés, nécessairement on va être plus en mesure de
concurrencer. Comme on le mentionnait tout à l'heure, si une industrie a
la possibilité d'aller s'approvisionner en forêt publique à
un droit de coupe qui est très bas, quand on arrive pour négocier
avec cette même industrie et que l'on veut forcer un peu pour maintenir
nos prix, elle peut nous envoyer promener et dire: Je n'ai pas besoin de ton
bois, je peux aller m'approvisionner à tel endroit à des prix
moins élevés que le tien. Cela nous place dans une position pas
tellement favorable. Si, par contre, les droits de coupe sont beaucoup plus
élevés ou à un prix raisonnable, on va devenir un peu plus
compétitifs.
M. Desbiens: Merci, pour l'instant.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. J'aurais plusieurs remarques à faire, mais je voudrais
commencer par votre tableau 2 où que vous parlez des revenus de vente en
dollars constants. Si on prend les prix à l'usine en dollars constants,
on passe de 6,71 $ à 7,02 $, ce qui fait un gain de 4,32 % au cours de
la période. Si on prend le prix payé au producteur, on passe de
4,87 $ à 4,88 $, ce qui est sensiblement le même prix. Par contre,
si on fait la différence entre le prix à l'usine et le prix au
chemin, vous avez là un gain en faveur du syndicat, en faveur de la
fédération, de 0,30 $. Ce qui veut dire chez vous, une
augmentation, pour l'administration, le contrôle et la gestion, de 16,3
%. C'est une augmentation qui doit vous aider dans vos opérations
administratives.
Je voudrais aussi dire un mot sur le rendement. Quand vous mentionnez
dans votre mémoire que vous anticipez des rendements en forêt qui
ne sont pas là, je dois vous dire que nous avons été
très prudents dans nos prévisions et nos données
empiriques. Parmi les données que nous avons au ministère sur les
reboisements dans les meilleurs sites, les moyens et les faibles - je vais vous
donner les sites moyens - le rendement dans le pin blanc est de 195
mètres cubes à 40 ans; dans le pin rouge, de 406 mètres
cubes à 45 ans; dans l'épinette de Norvège, 298
mètres cubes à 50 ans et dans l'épinette blanche, 198
mètres cubes à 50 ans. Ce sont toutes des essences que nous
reboisons parce qu'elles sont résistantes à la tordeuse des
bourgeons de l'épinette qui a fait tant de dommages dans le
passé. Cela fait un accroissement annuel de 4 à 9 mètres
cubes à l'hectare.
Dans les peuplements naturels, le rendement dans l'épinette noire
n'est que de 120 mètres cubes à l'hectare à 90 ans, ce qui
est un rendement de 1,3 mètres cubes à l'hectare. Dans les
sapinières à 65 ans, il n'est que de 2,2 mètres cubes
à l'hectare.
Dans le calcul des possibilités que nous avons fait, nous n'avons
utilisé comme rendement que 3,4 à 4,6 mètres cubes
à l'hectare. Si on va chez nos voisins, en Ontario et au
Nouveau-Brunswick, on s'aperçoit que nos prévisions sont
très modérées et que l'on peut escompter pouvoir
accroître le rendement de nos forêts sur cette base.
Quant à la tarification, il est dit dans votre mémoire que
nous avons basé nos données sur les transactions actuelles. C'est
un fait, mais des transactions actuelles, basées sur les conditions du
marché, conclues entre vendeurs et acheteurs, et qui tiennent compte des
obligations actuelles d'exploitation et d'aménagement. Vous avez
mentionné, M. le président, que les obligations actuelles et
passées, du côté de la forêt publique,
n'étaient pas énormes au point de vue de l'aménagement.
Lorsque la nouvelle tarification entrera en vigueur, il faudra réajuster
cette valeur pour tenir compte du marché. Il faudra aussi tenir compte
des nouvelles obligations d'aménagement qui seront imposées par
le nouveau régime forestier. C'est pour cette raison que l'article 4
mentionne quelles déductions seront faites des frais
d'aménagement admissibles.
Sur la base des estimations actuelles, la valeur moyenne du bois sur
pied des résineux est évaluée à 5,64 $ le
mètre cube. Le coût moyen des travaux, suivant nos estimations
encore, est estimé à 3,25 $ le mètre cube. Après
l'application du régime, le droit de
coupe moyen serait donc de 2,39 $ le mètre cube au lieu de 2,19
$, tel que mentionné précédemment et payé
actuellement.
Cependant, l'industrie devra en plus dépenser en moyenne 3,25 $
le mètre cube pour l'aménagement forestier qui sera imposé
par le nouveau régime, ce qui, si on le multipliait par le volume,
totalisera près de 100 000 000 $. Je devrais vous dire que c'est une
façon de stimuler l'investissement en forêt, de construire et de
protéger notre avenir, notre environnement et les emplois.
Prenons le chiffre de 5 000 000 de mètres cubes de bois. Je
mentionnerai que les grandes forêts privées produisent plus ou
moins 600 000 mètres cubes par année. Nous versons aux
propriétaires privés, directement et indirectement, pour toutes
formes de travaux exécutés sur la forêt privée, sur
les propriétés privées de vos membres, 45 000 000 $, ce
qui veut dire environ une aide, une contribution, si on le transpose sur les
volumes coupés chez vous, de 9 $ le mètre cube. Je pense qu'il ne
faut pas le négliger. Je pourrais vous donner la liste de tous les
travaux pour lesquels nous contribuons. Nous en avons ajouté d'autres
cette année, à savoir le drainage, la voirie forestière,
la fertilisation. Je pense que la forêt privée est
considérée correctement si on tient compte de nos moyens actuels.
Évidemment, ce sera toujours le meilleur endroit pour faire des travaux
d'amélioration, des travaux d'aménagement et des travaux
sylvicoles.
Dans notre programme, nous avons l'intention de fournir les plants
à la forêt privée, à vos membres, comme nous avons
l'intention - et c'est un engagement - de !es fournir aussi à la
forêt publique. Sur cette base-là, vous êtes sur le
même pied. Nous fournirons à la forêt privée 100 000
000 d'arbres si on trouve les endroits pour le faire et 200 000 000 à la
forêt publique. C'est du 50 %, alors que la forêt privée ne
représente que 12 % à 15 % du total de la superficie
forestière du Québec. Je pense que, là aussi, on
reconnaît la productivité chez vous.
On parle de droits de coupe. Quand vos organismes de gestion en commun
font des opérations chez leurs membres, j'aimerais savoir, si vous
êtes capables de me répondre, quels sont les droits de coupe qui
leurs sont versés, en sus de la valeur du bois telle que décrite
par M, Dumas.
M. Dallaire: Pour votre dernière question, c'est en
général le tiers qui est versé aux propriétaires
comme droits de coupe.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Le tiers du prix
de vente?
M. Dallaire: Le tiers du prix de vente.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Prix de vente au
chemin ou prix de vente livré à l'usine?
M. Dallaire: Au chemin.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Au chemin. Cela
comprend son salaire.
M. Dallaire: Oui, c'est cela qui est donné...
M. Côté (Rivière-du-Loup): II lui reste
combien en droits de coupe?
M. Dallaire: Non, non, c'est uniquement le droit de coupe.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Alors, combien
cela représente-t-il? (11 h 45)
M. Dallaire: Cela dépend du prix de vente du bois au
chemin du producteur dans cette région. Les prix varient selon les
régions au Québec.
Une voix: Si vous vendez le bois, par exemple, 45 $ au chemin de
camion, le propriétaire, sans avoir touché à absolument
rien, reçoit 15 $. En général, c'est ce qui se paie.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Plus les 45 $.
M. Dallaire: Pardon?
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai de la
misère à comprendre.
M. Dallaire: Disons que, dans une région, par exemple, le
producteur reçoit 45 $ net au chemin de camion pour son bois. Si une
société sylvicole fait des travaux sur son terrain, elle va lui
donner 15 $ la corde en droit de coupe sans qu'il s'occupe de rien. C'est ce
qu'on appelle le droit de coupe qui est payé au propriétaire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Je vous
remercie. Pour l'instant, cela me suffit, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Cela val M. le
député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, j'aurais d'abord une question
au ministre et plusieurs questions à poser aux représentants de
l'organisme qui est devant nous ce matin. Ma question s'adresse au ministre.
Lorsque le ministre a parlé de la coupe en forêt privée qui
était de l'ordre de 5 000 000 de mètres cubes en 1984, je
croîs, est-ce qu'il parlait des résineux ou de l'ensemble des
résineux et des feuillus? Est-ce que le ministre parlait
de l'ensemble des résineux seulement ou des résineux et
des feuillus, à 5 000 000 de mètres cubes?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Des
résineux.
M. Perron: Strictement des résineux. Et le ministre a
confirmé qu'il y avait environ 600 000 mètres cubes qui
étaient prélevés dans la grande forêt privée
au cours de l'année 1984.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Perron: Merci. Maintenant, ma question s'adresserait à
M. Dumas ou à M. Dallaire ou à une autre personne. Lorsque vous
parlez des droits de coupe, n'est-il pas exact que le fait d'augmenter le droit
de coupe comme vous le demandez, même de le tripler comme vous l'avez
mentionné tout à l'heure, cela a quelque chose à faire
avec la commission américaine se rapportant au droit compensatoire de
l'ordre de 27 %? On sait très bien que le gouvernement américain
doit prendre une décision et la rendre publique en date du 9 octobre
prochain. Tout le monde est en attente de cette décision parce qu'il
appert, selon les informations que nous avons ici dans l'Opposition, que la
demande des producteurs américains faite au gouvernement
américain aurait une réponse favorable.
M. Dallaire: Quand vous parlez de tripler, ce n'est pas nous qui
avons fixé ce tarif. C'est un industriel de l'Estrie, comme Jean-Claude
Dumas l'a mentionné tout à l'heure, qui avait dit que cela
pourrait aller jusque-là. C'est sûr qu'en principe on est d'accord
qu'il y ait une augmentation raisonnable du droit de coupe. Si vous faites
référence à ce qui se passe présentement aux
États-Unis, c'est bien sûr que je trouverais absolument illogique
que le gouvernement actuel ne fasse rien pour augmenter les droits de coupe si
cela a pour effet de faire en sorte que les Américains imposent leur
taxe compensatoire, on va être obligé de payer quand même ce
tarif et l'argent va aller aux États-Unis, il ne restera pas ici. Tandis
que, s'il y avait une augmentation des droits de coupe, cela servirait à
regarnir les coffres de l'État québécois et cela
coûterait environ le même prix aux industriels, en fin de
compte.
M. Perron: Merci, M. Dallaire. À la page 5 de votre
mémoire vous dites: "La valeur marchande des bois sur pied devrait
normalement tenir compte de tous les frais encourus pour l'obtenir." Plus loin
vous ajoutez: "Malheureusement, le ministère de l'Énergie et des
Ressources établira cette valeur marchande à partir de
transactions actuelles qui seront basées sur les conditions du
marché et compétionnées par les bois de
l'État."
Est-ce que cette partie de votre document fait référence
au tableau 1 que vous avez dans votre mémoire? Si oui, pourriez
expliquer le tableau en question?
M. Dallaire: Je vais demander à Jean-Claude de
répondre à cela.
M. Dumas: C'est en relation directe avec le tableau 1, soit la
valeur du bois sur pied et les droits de coupe. C'est en relation directe avec
ce que je vous mentionnais plus tôt, soit la valeur d'une tonne de bois
provenant des copeaux, provenant des scieries où le coût de
production est estimé à au-delà de 100 $ la tonne
métrique anhydre et le coût d'approvisionnement de l'industrie des
pâtes et papiers actuellement est, pour cette tonne métrique
anhydre de copeaux, d'environ 70 $. Les transactions qu'on négocie
actuellement avec l'industrie nous mettent en compétition directe avec
ces tarifs de copeaux qui proviennent de bois de la forêt publique dont
les droits de coupe sont tellement bas qu'en vendant le bois de sciage ils
viennent à bout de vendre les copeaux, de mettre les copeaux en
marché en bas du prix coûtant de production. C'est difficile de
leur faire compétition. Cela fait que la valeur des transactions
négociées est plus basse que ce que devrait être la valeur
réelle, à notre sens.
M. Perron: Donc, c'est ce qui fait que, dans le tableau en
question, lorsqu'on fait la comparaison entre les pâtes et papiers et le
sciage, par exemple Finlande-Québec, on voit qu'en Finlande, la grande
majorité des résineux est dirigée vers le sciage tandis
qu'au Québec c'est l'inverse. Une autre question par rapport aux droits
de coupe: Est-ce que les frais de remise en production, selon vous, devraient
inclure la construction de chemins forestiers dans le domaine public ou dans le
domaine privé?
M. Dumas: Les chemins forestiers sont considérés
comme un des investissements en fonction du besoin pour la récolte. Le
bois ne pousse pas sur le bord du chemin. Il faut aller le récolter.
Cela fait donc partie des investissements.
M. Perron: Mais voici ce que je veux dire: Est-ce que ces frais
devraient être inclus dans les droits de coupe?
M. Dallaire: Cela fait partie des coûts de
fonctionnement.
M. Perron: D'autre part, on sait que les droits de coupe sont
différents entre les usines de sciage et les papetières. Est-ce
que, selon vous, on devrait avoir des droits
de coupe uniformes pour l'ensemble du Québec pour ces
différentes instances'? Est-ce que vous préconiseriez que les
droits de coupe soient différents d'une région à l'autre,
selon l'éloignement et les chemins forestiers qui devraient être
construits?
M. Dumas: Si on regarde ce qu'on a pu avoir comme
référence pour le sud des États-Unis, la France et la
Finlande, les droits de coupe sont différents pour les pâtes et
papiers et pour le sciage. Le sciage est quand même une utilisation qui
exige de la fibre de plus grande valeur; c'est normal que les droits de coupe
soient en relation avec la valeur du produit.
M. Perron: D'accord. Maintenant, dans le maintien des droits de
coupe tels qu'ils sont actuellement, est-ce qu'il ne serait pas tentant de
surévaluer les coûts de remise en production pour obtenir le plus
bas droit de coupe possible, selon ce qui est préconisé, en fait,
par le gouvernement actuel?
M. Dumas: Si j'ai bien compris ce que nous a expliqué M.
le ministre tantôt, les droits de coupe seraient équivalents
à 2,39 $ le mètre cube et les frais d'aménagement seraient
de 3,25 $ le mètre cube, ce qui donnerait l'équivalent d'un droit
de coupe de 5,64 $ à l'industriel. Si cela s'additionne, je pense que
cela pourrait être intéressant.
M. Perron: On sait aussi que le ministre dit que, s'il y a un
aménagement de fait, cela pourrait même aller jusqu'à
l'abolition totale du droit de coupe en rapport avec une industrie qui ferait
tout le nécessaire pour en arriver à l'aménagement
préconisé. Seriez-vous d'accord avec cela?
M. Dallaire: Je pense que, logiquement, il devrait toujours y
avoir un minimum de droit de coupe. Tel que c'est préconisé
présentement, c'est sûr que, si on tient compte de tous les frais
de remise en valeur, cela pourrait se traduire par des droits de coupe
négatifs à un moment donné. Je pense qu'il devrait y avoir
un minimum dans certains coins.
M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Vous
êtes directement sur la même longueur d'onde que nous de
l'Opposition en rapport avec cela, parce que cela pourrait porter à
confusion et cela pourrait même porter à interprétation
énorme dans le cadre de certaines décisions qui pourraient
être éventuellement prises en rapport avec une compagnie qui
ferait les aménagements et une autre compagnie qui en ferait aussi.
Maintenant, dans le mémoire que vous avez présenté,
vous parlez de surutilisation de la forêt publique. Je mentionnais hier
qu'il ne fallait pas que le gouvernement se base sur la forêt
électronique, c'est-à-dire la forêt qui est actuellement
dans les ordinateurs et à l'étape de graines a Berthierville, si
je peux m'exprimer ainsi. J'ai fait une recommandation au gouvernement pour
qu'il répartisse le volume initial sur la base de la possibilité
actuelle de 19 300 000 mètres cubes et attende les résultats du
deuxième inventaire décennal et le premier rapport quinquennal
sur l'état de la forêt, prévu pour 1990, avant d'escompter
les résultats au mérite.
En fait, ce que nous dit à peu près le gouvernement, c'est
qu'il prend de la forêt qui n'existe toujours pas, qui existe seulement
à Berthierville ou dans des petits plants qui ont à peu
près trois ou quatre pouces de haut et, avant même que ce soit
aménagé en forêt, que ces plants soient plantés en
forêt, il inclut cela dans le volume à répartir. En
d'autres mots, êtes-vous d'accord avec la position du gouvernement par
rapport à cette façon de procéder en faisant usage de la
forêt électronique pour répartir les stocks?
M. Dallaire: Je pense qu'on l'a mentionné assez clairement
dans notre mémoire. On dit clairement que le ministère extrapole
un peu trop sur des données qui sont trop optimistes. J'ai l'impression
que, si on garde cet enlignement, on va certainement connaître des
problèmes de ruptures de stocks peut-être plus vite qu'on ne le
prévoyait. Je ne sais pas si Jean-Claude aurait autre chose à
ajouter?
M. Dumas: Je pense que les expériences de reboisement sont
quand même assez jeunes au Québec. On considère que c'est
optimiste, les chiffres retenus par le gouvernement maintenant. On pense que ce
qui devrait être fait, c'est que cela devrait être
révisé annuellement. On va voir ce qui se passe avec les
plantations, tout le monde va faire ses expériences, va faire ses
classes et, si tout va bien et que le reboisement qu'on fait et qu'on va
continuer de faire de façon beaucoup plus importante donne les
rendements escomptés, tant mieux. Si jamais il y a des ratés en
cours de route ou des périodes d'ajustement, on pense qu'à ce
moment-là on devra réajuster les possibilités, les
disponibilités en fonction de ce qui se passe réellement sur le
terrain.
M. Perron: Maintenant, lorsque le ministre il y a quelque temps
mentionnait qu'il y avait 200 000 000 de plants qui étaient
destinés à la forêt publique et 100 000 000 de plants
à la forêt privée, ce qu'il a oublié de dire, entre
guillemets, c'est que cette décision avait été prise
antérieurement par l'ancien gouvernement, et je suis très
heureux, je suis très très heureux que cela ait été
reconduit. Je sais que les
membres du gouvernement, les ministériels n'aiment pas cela
tellement, mais, en tout cas, je pense que c'était essentiel,
c'était important qu'on le dise.
Des voix: C'est fait.
M. Perron: Bien oui. Il est bon le ministre à ce
sujet-là parce qu'il a reconduit une décision qu'on avait
déjà prise.
Une voix: Ils avaient planté de la graine dans la
terre.
M. Perron: Maintenant, lorsque vous parlez de l'article 22 qui
oublie de donner la priorité à la forêt privée et
quand vous dites que cet article laisse trop de place à
l'interprétation, vous faites sûrement référence au
rendement de l'établissement et aux autres sources d'approvisionnement.
Pourriez-vous nous expliquer comment une mauvaise interprétation
pourrait vous nuire, à vous, producteurs privés?
M. Dumas: Prenons seulement le point qu'on a déjà
mentionné auparavant, une période difficile économiquement
où, à cause d'une baisse des ventes de mois en mois, la
consommation de l'usine serait réduite. Est-ce que l'allocation va
être révisée à partir des forêts publiques ou
si cela sera comme cela a toujours été dans le passé,
à courte vue, à la semaine ou au mois? C'est la source
d'approvisionnement qui est la forêt privée qui doit
immédiatement réduire ses approvisionnements, ses livraisons
à cause de la perte de marchés. Ce n'est pas la forêt
publique. La forêt publique, ce sont toujours des prévisions
à très long terme. Donc, pour tout ce qui se passe à court
terme, durant la période de production de semaine en semaine ou de mois
en mois, s'il y a un raté dans le marché et que l'usine consomme
moins, s'il y a quelques jours de fermeture parce qu'il y a un surplus
d'inventaire, c'est la forêt privée, en totalité, qui paie
la note. C'est ce que l'on veut éviter à l'avenir. (12
heures)
Vous mentionniez tantôt l'objectif de reboisement de 300 000 000
de plants. Je voudrais seulement mentionner que, pour les producteurs aussi,
c'est très important cette décision qui est maintenue d'avoir
comme objectif 300 000 000 de plants de reboisement, dont 100 000 000 en
forêt privée.
Il y a un sujet que j'aimerais seulement effleurer pour mentionner qu'il
serait peut-être très important, sinon urgent, de prévoir
faire du reboisement de feuillus, dans ces 300 000 000 de plants ou avec un
volume supplémentaire. Il est inconcevable d'"enrésiner" tout le
Québec. Bien sûr, il y a des régions où on mentionne
que te marché n'utilise pas la totalité des feuillus. Sauf qu'il
y a des régions au Québec, la Gatineau, l'Estrie et certaines
autres régions où la mise en marché des feuillus est
très importante. Que l'on pense a Domtar Windsor, un investissement de
200 000 000 $, qui s'approvisionnera à 100 % en feuillus.
Il faut faire autre chose qu'"enrésiner" la région de
l'Estrie et le sud du Québec. Sur ce plan, nous sommes prêts
à collaborer avec le gouvernement pour faire de la recherche afin de
faire du reboisement de feuillus de façon importante au Québec,
surtout de feuillus nobles. D'ailleurs, avec la Fédération des
producteurs de bois du Québec, la compagnie Domtar et la compagnie
Reboisement For-Estrie, on a déjà commencé à faire
un projet pilote. Nous sommes prêts à collaborer pour que,
très rapidement, nous nous dirigions vers un reboisement, une
régénération ou l'entretien de feuillus.
M. Perron: Merci, M. Dumas. Il y a une question qui a
été très peu discutée en commission. Je crois
qu'elle a été mentionnée seulement une fois. Vous vous
rappellerez que, lors de la visite que j'ai effectuée en Estrie en
septembre dernier, j'ai eu l'occasion de visiter la pépinière
For-Estrie dans laquelle je crois que la fédération est
impliquée, ainsi que vous-même, M. Dumas. Au moment de la visite
et ensuite, nous avons discuté assez longuement de la question
génétique qui, je crois, vous tient énormément
à coeur en tant que directeur et qu'ancien représentant d'une
partie de la région de l'Estrie dans le domaine se rapportant aux
boisés privés. Est-ce que vous pourriez nous parler de l'attitude
que devraient prendre le gouvernement et les chercheurs en rapport avec la
génétique?
M. Dumas: Oui, M. le Président, Sur ce point, la
génétique ou l'amélioration génétique, ce
n'est sûrement pas moi que vous aurez à convaincre. Si quelqu'un
veut avancer, il faut aller dans ce domaine. Étant diplômé
en agriculture, depuis longtemps je me suis intéressé à
l'amélioration génétique sous toutes ses formes. Dans le
milieu forestier, il y a des efforts qui ont été faits
dernièrement sur le plan de l'organisation, de la recherche et du
développement génétique. Je crois qu'on ne peut pas
pleurer sur le passé. Nous sommes sûrement en retard. Je pense
qu'il faut constater qu'on est en retard et qu'il y a énormément
à faire au niveau de l'amélioration génétique de
tous les arbres à partir desquels on reboisera dans l'avenir au
Québec. Il y a énormément de travail à faire. Sur
ce point, vous pouvez être assurés que notre
fédération va collaborer sans limite au travail de recherche
génétique. Il est inconcevable de récolter des cônes
provenant d'arbres dont peu importent les
caractéristiques. C'est presque fait à la
légère. Je veux dire que l'on paie les cônes qui sont
apportés au ministère au volume. Ces cônes sont
transformés et produits dans les pépinières. Cela donne
des plants qui n'ont aucune espèce de charte génétique
alors qu'aujourd'hui on sait que l'on peut en améliorer le rendement. Si
l'on plante des arbres que l'on pourra récolter dix ans, quinze ans ou
vingt ans plus rapidement, avec un cycle beaucoup plus rapide, imaginez-vous
combien c'est important pour tout le monde, pour le rendement sur le capital,
pour éviter la rupture de stock et à tous les points de vue,
finalement.
Dernièrement, je voyais qu'en France on vient de faire une
étude et de réussir un projet d'amélioration
génétique pour reboiser les chênes. Au lieu de prendre 180
ans, il est possible de récolter un chêne de qualité en 80
ans. Imaginez-vous jusqu'où on peut aller dans l'amélioration
génétique des arbres. Je pense qu'on devrait mettre des efforts
de recherche très importants au Québec pour l'amélioration
génétique.
Dans le domaine des feuillus, je pense qu'on devrait aussi faire des
recherches pour ce qui est de la transformation du produit. Il y a un potentiel
dans presque toutes les régions au Québec, comme on l'a
mentionné. Il y a un potentiel qui est très grand et qui n'est
pas totalement utilisé. Dans d'autres pays comme la Finlande et la
Norvège, on est actuellement à faire du reboisement de peupliers
hybrides, alors qu'ici ils poussent naturellement comme une mauvaise herbe. On
ne les considère presque pas dans les inventaires. Nous pensons qu'on
devrait collectivement s'attacher à faire déboucher dans les
meilleurs délais des programmes de recherche pour utiliser tout ce
potentiel qui est disponible.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, M. Dumas... Oui, M.
Dallaire?
M. Dallaire: Je voulais ajouter, pour ce qui est de
l'amélioration génétique, que vous n'êtes pas sans
savoir que le ministère a procédé à la formation
d'un comité. On a été invité à en faire
partie, ce que nous avons accepté avec grand plaisir. C'est tout
simplement pour renchérir sur ce que M. Dumas dit. C'est un sujet qui
nous préoccupe et qu'on trouve extrêmement important. Je pense
qu'on va mettre tous les efforts possibles pour en arriver à
l'amélioration génétique. Cela ne coûte pas plus
cher de mettre en terre un plant qui a une bonne possibilité
génétique qu'un plant qui n'en a pas. C'est sûr que tout
cela va être rendu possible simplement par la recherche. On va contribuer
à 100 % de nos capacités dans ce domaine avec le
ministère.
M. Perron: Lorsque vous parlez du comité, en fait, c'est
celui qui avait été recommandé dans le livre blanc de juin
1985.
M. Dallaire: C'est possible.
M. Perron: Donc, une autre question à M. Dumas. Lorsqu'on
parle de génétique, de chercheur, je ne connais pas le nom
vraiment technique, mais je présume qu'il va falloir qu'on ait
éventuellement ce qu'on appelle communément des parcs d'arbres
plus, pour prélever les graines nécessaires après
étude de chacun des arbres, pour que les plantations soient faites dans
le bon sens avec des arbres qui sont droits, avec des branches qui sont
correctes, avec des épines - dans le cas des résineux - qui
seraient avantageuses ou, encore, des feuilles qui seraient normales.
M. Dumas: C'est exact. Je pense que tout le travail commence
à être amorcé un peu au Québec. Il faudra
accélérer cela, identifier les arbres plus et très
rapidement établir des vergers à graines dans toutes les
régions au Québec pour s'assurer que ce qu'on récoltera
sera de la graine génétiquement améliorée.
M. Perron: Une dernière question pour le moment. Tout le
monde, même la Chambre de commerce du Québec, a mentionné
que dans l'avant-projet de loi du ministre il y avait 48 pouvoirs
réglementaires et 58 pouvoirs discrétionnaires du ministre.
Est-ce que je peux avoir votre opinion sur la réglementation dans ce
domaine de la forêt?
M. Dallaire: Bien sûr qu'on n'est pas...
M. Perron: On sait très bien, M.
Dallaire, que ce gouvernement a fait une partie de ses élections
en parlant de déréglementation.
M. Dallaire: Je ne voudrais pas faire de politique. Vous
êtes sûrement au courant...
M. Perron: Non, je vais en faire.
M. Dallaire: ...qu'on n'est pas des juristes, non plus, pour
savoir combien il y a de points qui sont discrétionnaires et combien de
points qui ne le sont pas. Je pense que, personnellement, je serais bien mal
placé pour en juger de cette façon-là. Je tiens pour
acquis que, dans le nouveau régime forestier, il y a du pour et du
contre. Je pense qu'on a été assez clair là-dessus. On a
commencé par le pour, bien sûr. Quand on veut travailler
positivement, il faut commencer par reconnaître ce qui est bon. Mais je
suis convaincu que plusieurs mémoires qui vont être
présentés ici vont contribuer à ce que le gouvernement
mette en place une vraie politique de la forêt, qui
va faire en sorte de travailler au mieux-être de l'ensemble des
citoyens du Québec. Je pense que c'est dans ce sens qu'on apporte nos
critiques, même si parfois elles semblent un peu dures. C'est en vue de
contribuer à l'amélioration de cette nouvelle politique avant son
acceptation finale.
Le Président (M- Théorêt): M. le
député.
M. Perron: Je vais passer la parole à mon
collègue.
Le Président (M. Théorêt): Je ferai remarquer
aux membres de l'Opposition qu'il leur reste une minute seulement du temps
alloué à leur formation pour cet exposé et qu'il reste au
parti ministériel 24 minutes. Donc, avec votre permission, je vais
céder la parole successivement au ministre Côté, au
ministre, M. John Ciaccia, et au député de Beauce-Nord.
M. le ministre Côté.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je voudrais rassurer le député de Duplessis et
lui demander d'écouter ce qui se dit. Je lui ai dit que, si on trouvait
la place et les moyens pour entretenir les plants, 300 000 000, j'en suis. Mais
si on n'a pas les moyens et les terrains préparés, autant dans la
forêt privée que dans la forêt publique, pour effectuer ces
reboisements et les moyens de les entretenir, évidemment, ça va
comporter des ajustements.
C'est un objectif qui était bien louable, mais il y aurait
peut-être lieu de l'ajuster. M. Dumas vous en a fait la remarque et il
tient peut-être ça des conversations que j'ai eues avec lui au
sujet de la forêt feuillue. Depuis que je suis en poste, j'ai
mentionné à maintes reprises que nous devions tenir compte de la
forêt feuillue et des régions où elle pousse,
c'est-à-dire les Cantons de l'Est, les Hautes-Laurentides, l'Outaouais
et le Nord de Montréal.
Évidemment, dans notre effort financier, on devrait en tenir
compte, parce que ce n'est pas le même prix reboiser en feuillus que
reboiser en résineux. C'est du dix pour un. Alors, ce ne serait pas un
arbre pour un arbre. Si notre effort financier est le même, je pense
qu'avec les ajustements qu'on fera on répondra plus adéquatement
aux besoins, au climat et aux sols des régions.
Quant à la génétique des arbres, en collaboration
avec l'industrie, les syndicats de producteurs et la fédération
nous avons fondé un conseil québécois pour
l'amélioration de la génétique des arbres, de ce
côté, nous sommes en train de monter des vergers à graine.
C'est le terme exact. Nous avons fait des recherches sur le bouturage. Le
bouturage en laboratoire a donné les résultats escomptés
et nous sommes sur le bord, d'après les chercheurs, de l'utiliser de
façon commerciale.
Si on peut faire des greffes avec des arbres plus, dont la
génétique est reconnue, on pourra à même les vergers
à graine récolter rapidement des semences qui nous donneront les
résultats escomptés. Je peux vous dire d'avance qu'on peut
s'attendre à une augmentation de 15 % sur la première
génération et de 15 % sur l'autre génération.
C'est pourquoi je ne souscris pas du tout à l'affirmation qu'on
hypothèque sans savoir où on va, parce que nos prévisions,
dans les calculs de possibilités, ont été faites sur une
base de 3,4 à 4,6 mètres cubes à l'hectare, disons une
moyenne de 4, alors qu'on peut escompter une moyenne de 6 sur les reboisements
que nous avons faits au Québec et sur les reboisements dans des
conditions, des climats et des sols semblables à ceux du
Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario. En me basant sur cette expérience, je
ne souscris pas du tout à ça.
Pour terminer, avant de passer la parole à mon collègue,
le cahier des possibilités est réévalué à
tous les ans pour tenir compte de l'inventaire, du rendement des travaux, des
épidémies, des feux, de la comptabilité forestière
et d'autres points. Cela vous inquiétait, le cahier des
possibilités? II est réévaluée à tous les
ans. Alors, on ne pourra pas faire bien des erreurs. Un 4 ou 5 mètres
cubes sur une révolution ou une rotation de 45 ou 50 ans, il n'y a pas
trop de problèmes.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Dumas, vous avez
parlé des peupliers hybrides et de l'intérêt que vous aviez
à poursuivre ça. Pour votre information, durant notre visite pour
l'ouverture du bureau de la promotion du bois du Québec à Milan,
nous avons visité l'institution des populiculteurs. Nous avons vu qu'il
y avait des programmes que cette institution avait et nous allons tenter
d'obtenir plus d'information pour voir si nous pouvons mettre en pratique
certains des procédés ou des méthodes qu'ils ont
développés.
Vous avez parlé des droits de coupe qui doivent être
augmentés. Je crois que mon collègue vous a assuré qu'ils
le seraient. Naturellement, l'augmentation des montants des droits de coupe ne
peut pas faire partie spécifique du projet de loi. Cela vient dans la
réglementation, mais je pense que mon collègue vous a
assuré que ces droits seront augmentés et ils seront basés
sur la valeur marchande, qui tient compte du marché et de ce qu'il en
coûte pour produire le bois. Je pense donc que l'avant-projet de loi
répondra à vos demandes, du moins, je l'espère.
(12 h 15)
Le député de Duplessis a mentionné une taxe
à l'exportation possible ou une taxe à l'importation par les
Américains, de 27 %. Si cette taxe était imposée à
ce chapitre, évidemment, ce serait un dur coup pour l'industrie
forestière au Québec. Mais je peux vous assurer que mon
collègue est en relation constante avec les représentants du
gouvernement fédéral, ainsi qu'avec les membres de l'entreprise
du Québec et que toutes les mesures seront prises par le gouvernement du
Québec pour, sinon empêcher, au moins réduire les impacts
que cela pourrait avoir sur l'industrie forestière.
Dans le projet de loi, en réduisant les allocations à la
moyenne des coupes des cinq dernières années - je voudrais vous
poser cette question - compte tenu des autres sources d'approvisionnement dont
la forêt privée, et en augmentant les charges des utilisateurs de
la forêt publique, tel que mon collègue l'a affirmé, est-ce
que dans ce cas-là cela ne favorise pas le développement du
marché disponible pour la forêt privée et,
deuxièmement, une augmentation de la valeur du bois des forêts
privées?
M. Dumas: C'est officiel si les droits de coupe sont
modifiés selon l'orientation dont parlait le ministre tout à
l'heure et avec les restrictions que vous apportez. Comme je le mentionnais,
dans les années où la demande est croissante dans l'industrie et
où l'économie est très bonne, cela peut être
suffisant, ce qui est prévu dans le projet de loi. Mais nous aimerions
que le projet de loi prévoie que, s'il y a une réduction de la
consommation au niveau de la transformation dans l'industrie, cela ne soit pas
uniquement la forêt privée qui paie la note. C'est toujours cela
qui s'est passé.
M. Ciaccia: Je sais, parce que vous l'avez
répété à plusieurs reprises, que c'est l'industrie
privée, la forêt privée qui en a subi les contrecoups
durant les récessions, durant les baisses de la demande. Je voudrais,
par ailleurs, regarder avec vous le tableau 3 de votre mémoire. Je
voudrais que vous me donniez une explication parce que, d'après ce qu'on
constate, de 1971 à 1984, les montants que la forêt privée
a fournis semblent être assez constants. Il y a eu en 1974 une hausse et
une baisse. Durant la récession de 1981-1982, il y a eu une
légère diminution, mais cela a quand même été
assez constant. Cependant, si vous regardez votre tableau, le secteur public
semble avoir eu des hausses et des baisses beaucoup plus radicales. Dans les
copeaux et les sciures, cela a commencé à 9 300 000 mètres
cubes. Cela a augmenté. Cela a diminué.
Le tableau que vous nous avez présenté ne semble pas
correspondre au fait que c'est l'industrie privée qui a subi les
contrecoups, c'est plutôt le secteur public. Quand je regarde le bois
rond de la forêt publique, c'est parti de 10 000 000 de mètres
cubes en 1979 et cela a diminué quasiment en chute libre à 6 000
000 de mètres cubes. Est-ce que vous pourriez nous donner des
éclaircissements sur ce tableau, même en ce qui concerne les
copeaux?
M. Dumas: En fait, si on revient au même tableau, il faut
bien remarquer que la courbe des copeaux a plus que compensé la courbe
de diminution du bois rond. En 1982-1983, au moment où les forêts
privées ont quand même repris leur place un petit peu,
l'approvisionnement sous forme de copeaux a monté en flèche.
Cela veut dire que pendant la période intense de
l'épidémie de la tordeuse en forêt privée, où
les propriétaires privés voyaient leur portefeuille, leur fonds
de retraite, si on veut, parce qu'ils avaient investi toute leur vie dans leur
boisé, se faire détruire par la petite "bibitte" qui s'appelait
la tordeuse et où ils auraient aimé mettre le bois en
marché rapidement, on n'a pas eu la collaboration qu'on aurait pu
attendre dans cette période.
Ce sont les copeaux qui, à cause des prix qu'on vous mentionnait
tantôt, sont en bas du prix coûtant qui ont suivi la courbe
d'augmentation du marché. C'est la moyenne de la province. Si on faisait
un tableau de certaines régions, le "bobo" a fait plus mal que
ça, en pratique. Il y a des régions, comme la Beauce, où
il y a eu une épidémie de tordeuses très importante et qui
n'ont pas pu bénéficier du marché de la même
façon que l'ensemble des régions au Québec. C'est un
tableau moyen qui ne démontre pas l'ampleur du mal dans des cas
particuliers.
M. Ciaccia: Évidemment, le tableau ne démontre pas
les changements des prix. Mais, strictement sur le plan des approvisionnements,
il ne semble pas tellement y avoir eu une fluctuation dans la forêt
privée. Il y a eu plus de fluctuations dans la forêt publique.
M. Dumas: On vient de faire des calculs et on dit que cela a
augmenté de... Donne-les donc.
M. Roy: Si on fait le total des copeaux et des bois ronds en
forêt publique en 1971, on parle d'environ 13 000 000 de mètres
cubes et c'est passé à 17 000 000, si on fait le total des
copeaux et des bois ronds en forêt publique en 1984. Donc, un passage de
13 000 000 à 17 000 000 en provenance de la forêt publique.
À travers ça, il y a eu, bien sûr, des fluctuations.
M. Ciaccia: Le seul point qui semble être indiqué
par le tableau, c'est que les fluctuations sont beaucoup plus sérieuses
dans le secteur public, en termes d'approvisionnement et de montant des ventes,
que dans la forêt privée.
Evidemment, ça ne reflète pas les prix, mais ça
reflète une plus grande stabilité d'approvisionnement dans la
forêt privée que dans la forêt publique.
M. Roy: Ce que le tableau ou la figure illustre, c'est
qu'à compter de 1979 on remarque une substitution des bois ronds de la
forêt publique par les copeaux. C'est surtout ça que la figure met
en évidence.
M. Ciaccia: Une autre petite question, une dernière,
à la page 13 de votre mémoire, vous vous référez
à l'article 34. Vous dites que la nouvelle politique doit obliger les
papetières à exploiter de façon civilisée notre
bien collectif. Vous préconisez que la texte de la loi doit
pénaliser les industries qui ne respectent pas les principes forestiers
connus et reconnus.
L'article 34 se lit comme suit: "Le bénéficiaire doit
réaliser à ses frais les travaux sylvicoles prévus aux
plans d'aménagement approuvés par le ministre". Cela continue en
spécifiant que, "si le bénéficiaire n'exécute pas
au cours d'une année les travaux prévus au plan quiquennal, le
ministre peut en assumer l'exécution et en recouvre le coût du
bénéficiaire en défaut".
Est-ce que ça n'impose pas une obligation et en quelque sorte une
pénalité? Si le bénéficiaire ne suit pas le plan
d'aménagement que le ministre doit approuver, c'est le ministre qui peut
en assumer l'exécution et faire payer le bénéficiaire.
Quelle disposition de plus verriez-vous dans cet article?
M. Dumas: Est-ce que le ministre peut faire les travaux s'ils ne
sont pas faits? Mais, si l'industrie les fait et qu'ils ne sont pas de
qualité raisonnable ou généralement reconnue, il n'y a pas
de mécanisme de pénalité qui s'applique. Cela veut dire
que quelqu'un peut faire ça juste pour qu'il soit sûr de la survie
de la régénération qui sera en place.
M. Ciaccia: Peut-être qu'il y aurait lieu, en
deuxième lecture, de resserrer l'article. Mais, selon mon
interprétation, s'ils ne sont pas faits d'après le plan
d'aménagement, autrement dit, s'ils ne sont pas bien faits, même
s'ils sont faits et qu'ils sont mal faits, le ministre a le droit d'imposer et
de s'en charger. Je pense que c'est là l'intention, mais on prendra
bonne note de vos suggestions.
M. Dumas: Ce serait bon que l'intention soit
confirmée.
M. Ciaccia: On prendra bonne note de vos suggestions.
M. Dumas: C'est pour ça qu'on y avait fait allusion. On
voulait que ce soit plus confirmé, en fin de compte, parce qu'on disait
que cela laissait place à interprétation. C'est pour ça
qu'on l'avait mentionné dans notre mémoire.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. D'abord, vous me
permettrez de souhaiter la bienvenue aux représentants de la
Fédération des producteurs privés de bois du
Québec. Tout comme mes collègues, j'aimerais souligner ici,
souhaiter la bienvenue à des gens de mon comté, entre autres M.
Bilodeau, le président du Syndicat des producteurs de bois de Beauce.
Bienvenue, M. Bilodeau. Je vous remercie aussi pour votre mémoire. Je
pense qu'il reflète bien les recommandations, les interventions que mon
président dans mon comté a fait à maintes reprises, que
cela soit à mon bureau de député ou auprès du
ministre Côté aussi. Je pense que cela reflète bien
l'intérêt que M. Bilodeau porte envers la forêt
privée.
Vous avez discuté tantôt de génétique. Je
n'ai pas porté attention tout à fait à la question du
député de Duplessis. Toutefois, hier, plusieurs organismes nous
ont dit qu'ils verraient d'un bon oeil un conseil permanent de concertation au
niveau de la recherche. D'après les propos que vous avez tenus, je pense
que vous êtes entièrement d'accord avec cela, alors je n'irai pas
plus loin dans cette intervention-là.
Ma deuxième question porterait surtout sur l'aménagement
et sur l'allocation des ressources. On parle de plus en plus du rôle
d'intervention des MRC dans nos régions. J'aimerais avoir votre point de
vue là-dessus, de quelle façon vous entrevoyez cela et aussi de
quelle façon vous pourriez contribuer à l'élaboration d'un
schéma d'approvisionnement ainsi qu'à son application.
M. Dallaire: Pour ce qui est du comité consultatif, je
pense que c'est l'intention du ministère de mettre en place un tel
comité. On ne l'a pas mentionné expressément dans notre
mémoire, mais, par contre, je pense que c'est acquis par notre groupe
qu'il devrait y avoir un tel comité et que nécessairement la
fédération devrait en faire partie.
Pour ce qui est de votre deuxième question en rapport avec les
MRC, je pense que je vais plutôt laisser Jean-Claude y
répondre.
M. Dumas: En fait, déjà la collaboration de
l'ensemble des régions a été assurée à
chacune des MRC. Comme on l'a mentionné dans le mémoire et
auparavant, dans chacune des régions au Québec, avec la
collaboration du ministère, on a confectionné un plan
d'inventaire et un plan de mise en valeur. Chacune des régions
possède de tels plans - les cinq derniers vont être prêts
dans les prochains mois, sont à être complétés, sont
sous presse et ils seront remis au ministère - et ces plans de mise en
valeur tiennent compte de l'ensemble du potentiel forestier de la
région, de l'état de la situation et sont complétés
par des plans d'action. On dit, dans chacune des régions, ce que l'on
doit faire avec la forêt pour tenir compte de l'évolution des
marchés, comment on doit aménager, comment on doit travailler
avec la forêt. Avec ces documents, dans chacun des syndicats et offices
régionaux, on a assuré les MRC de notre collaboration dans la
création des schémas d'aménagement. Et chacune des MRC
peut être assurée de la collaboration soit de l'organisation
régionale, soit de la fédération pour travailler aux
schémas d'approvisionnement.
Pour ce qui est d'un plan d'approvisionnement de l'industrie, ce qui est
peut-être plus le fond de votre question, à ce sujet aussi, on
travaille en collaboration très étroite, connaissant les
inventaires, connaissant tout ce qu'on a pu colliger avec le ministère
et ce qu'on espère être en mesure de maintenir à jour,
parce qu'en forêt privée cela bouge rapidement. On a connu
l'épidémie "tordeuse", on espère être capables de
remettre les inventaires à jour à des périodes
peut-être même plus courtes que dix ans, ce qui est prévu
pour la forêt publique, mais on aimerait, nous, que cela soit une
période de six ou sept ans où on ferait les reprises
d'inventaires en forêt privée. À ce moment-ci, c'est
actuellement en cours, il y a un groupe de hauts fonctionnaires qui sont
responsables de l'approvisionnement qui tiennent des rencontres dans chacune
des régions avec les syndicats régionaux et en présence de
la fédération, où on analyse ensemble un plan
d'approvisionnement. Quel est le potentiel, vers où devrait-on se
diriger, qu'est-ce qui serait le plus intéressant? On est ensemble avec
le ministère, avec les hauts fonctionnaires qui font le tour du
Québec actuellement. Je pense qu'il reste trois régions à
être visitées, et on aura mis ensemble l'ensemble des
données pour être capables de travailler de façon
très positive à un plan d'aménagement de l'industrie.
M. Audet: D'accord, merci.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs,
j'aimerais... Il est 12 h 30 et, normalement, les travaux devraient se terminer
à cette heure-ci. Pour continuer, puisqu'il reste six minutes
allouées au temps des échanges pour ce mémoire,
c'est-à-dire une minute au parti de l'Opposition et cinq minutes au
parti ministériel, j'aimerais avoir le consentement unanime des membres
de la commission. Je vous remercie.
Vous avez terminé, M. le député de Beauce-Sud? Je
cède donc la parole au député de Dubuc pour le mot de la
fin, puisque je vous rappelle qu'il vous reste soixante secondes.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. J'ai une
dernière question rapidement qui m'apparaît importante.
L'avant-projet de loi rejette ni plus ni moins un mécanisme de
concertation qui était proposé dans le livre blanc. C'est le
conseil permanent de la forêt - qu'il faut distinguer du conseil
consultatif de la recherche - qui regrouperait les industriels du sciage, des
pâtes et papiers, les producteurs privés, et qui pourrait
s'étendre au niveau régional. Il aurait pour but, selon le livre
blanc, de permettre une concertation des différents utilisateurs et
aussi, à l'occasion, de conseiller le ministre sur toutes les questions
de mise en marché. On ne voit pas cela dans l'avant-projet de loi. C'est
donc que le gouvernement a décidé de rejeter cette partie de la
politique forestière. Je trouverais important que vous éclairiez
les membres de la commission sur votre position à cet égard.
M. Dumas: Sur ce point en particulier vous pouvez être
sûr qu'on est en accord total, qu'on aimerait, qu'on insisterait
même pour qu'il y ait la mise en place du conseil permanent de la
forêt et on est aussi très intéressé comme groupe
représentant les 120 000 propriétaires de la forêt
privée à avoir notre place au conseil permanent de la
forêt. C'est officiel que c'est en donnant la chance à tout le
monde de pouvoir échanger sur le sujet... C'est un sujet tellement
important, l'économie reliée à la forêt au
Québec, que la mise en place d'un groupe comme cela, un groupe-conseil,
je crois que c'est essentiel.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Duplessis, pour le mot de la fin et pour votre
information.
M. Perron: Merci, M. le Président. Juste une remarque pour
faire une mise au point. Lors du dernier passage du ministre
délégué aux Forêts, dans une courte allocution qu'il
a faite, il a semblé mentionner que je n'étais pas d'accord avec
le gouvernement sur les questions de reboisement. Je peux vous dire qu'en aucun
moment, au cours de cette commission parlementaire, je n'ai remis en question
le
programme de reboisement du gouvernement. Je voudrais terminer, M. le
Président, en remerciant, au nom de l'Opposition, l'ensemble des
intervenants de la fédération. Je suis assuré que les
discussions que nous avons eues vont permettre possiblement un meilleur
dialogue entre les instances, incluant bien sûr l'Opposition et le
gouvernement. Merci à M. le président Oallaire ainsi qu'à
M. Dumas et son équipe. Bonne chance, M. Dumas, dans vos nouvelles
fonctions de directeur général, on sait que c'est du boulot.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Duplessis. Je cède maintenant la parole au
ministre délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je loue l'initiative de la fédération qui
s'implique dans un projet d'usine de production de panneaux et, là
encore, on va utiliser des feuillus qui ne sont pas assez utilisés au
Québec. Cette intitiative est très louable et c'est pourquoi
j'avais annoncé aussi à Mont-Laurier l'implantation d'une usine
de panneaux de MDF. Ces deux usines utiliseront des feuillus de moindre
qualité impropres au déroulage et au sciage et c'est très
louable de vouloir les employer dans le domaine de la transformation. Vous
allez aussi répondre aux exigences des investisseurs, dont
Normick-Perron, et des banquiers dans ces occasions.
Les forêts privées, en 1983-1984, ont fourni 1 586 000
mètres cubes de bois feuillus de qualité pâte. Du
côté des résineux, vous avez toujours au cours des
années, dans la période dont il a été question ce
matin, coupé sensiblement au moins et peut-être un peu plus que la
possibilité que vous estimiez dans les plans de mise de valeur qui sont
complétés cette année.
Je vous comprends de vouloir aller plus loin, mais je vous ferai
remarquer qu'il vous faudra compter sur le reboisement à partir des
plans que le ministère vous fournira, tout comme pour la forêt
publique. Je suis convaincu que vous avez des techniciens, des professionnels
qui sont capables de faire ces évaluations. J'espère qu'ils le
feront d'une façon aussi conservatrice que nous l'avons fait au
ministère.
J'ai deux petites questions avant de conclure. Quand vous dites à
la page 8 de votre mémoire: "Si un besoin additionnel en
approvisionnement d'une industrie se fait sentir, l'avant-projet de loi
(articles 20 et 47) prévoit l'ouverture des ententes pour
accroître..." Dans ces articles, le mot "accroître" n'existe pas.
Est-ce que vous supposez que c'est ce qu'on va faire, parce qu'on parle
plutôt de diminution?
M. Dallaire: II faudrait relire le texte de la loi.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Et de
révision, évidemment. Les articles 47 et 20. C'est sûr
qu'à tous les cinq ans, comme cela se produit dans d'autres provinces
où on établit un régime forestier, une politique
forestière, il y a des révisions, des ajustements. Cela ne veut
pas dire nécessairement "accroître", comme vous le laissez
entendre. C'est possible qu'il y ait un accroissement, mais c'est surtout
possible qu'il y ait une diminution, si les gens n'atteignent pas les objectifs
fixés par le gouvernement.
M. Dumas: C'est vrai qu'il est question d'une modification.
M. Côté (Rivière-du-Loup): À la page
12, vous dites: "Compte tenu du prix insuffisant versé pour notre bois -
le prix de vente, j'imagine, à l'article 55 - le MER doit assurer un
aménagement adéquat des forêts privées
québécoises." Actuellement il en coûte 9 $ le mètre
cube pour votre production sur la forêt privée, et on parle
seulement de résineux. Quel montant, prévoyez-vous, serait
suffisant dans les conditions actuelles?
M. Dallaire: Je pense qu'on n'a pas identifié de montants.
Tant qu'on ne sera pas capables, par un mécanisme de négociation
convenable et en étant aussi plus compétitifs, d'aller chercher
un meilleur prix pour notre bois, il sera très difficile d'exiger que
nos producteurs de bois investissent des sommes assez considérables dans
l'aménagement des forêts. En attendant cela, on aimerait que le
ministère continue d'investir. Il y aurait aussi lieu - on le mentionne,
d'ailleurs - de faire en sorte que la gamme des travaux permette de
dépenser tout l'argent qui est voté pour les forêts
privées, ce qui n'est pas tout à fait le cas
présentement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Lors de votre
passage au bureau, vendredi dernier, lors de votre voyage à
Québec, il a été question de ces deux choses-là.
Évidemment, c'est assez difficile de laisser un compte ouvert comme
cela. Il faut administrer, faire un budget, et je vous ai mentionné que
je ferais l'impossible pour que l'an prochain vous ayez des budgets
équivalents à ceux de cette année au moins. Je suis
très heureux que les producteurs forestiers aient accédé
aux programmes ou aux statuts que nous avons instaurés en février
suite à une recommandation du rapport Lortie. Vous savez que 15 000 de
vos membres en font déjà partie, et nous espérons que ce
nombre doublera d'ici à l'an prochain. En terminant, comme on s'est
rencontrés à plusieurs reprises depuis que je suis en poste, que
la
porte vous a toujours été ouverte, que nous avons toujours
eu des discussions franches et qu'on a échangé des idées
qui nous permettront d'améliorer ensemble notre sort pour le
mieux-être de la collectivité, je vous assure de ma
disponibilité. Soyez assurés que vous serez toujours les
bienvenus. Je vous remercie et je vous félicite pour votre
mémoire.
M. Dallaire: Merci. Est-ce que vous permettez que j'ajoute le mot
de la fin? Encore une fois, nous devons remercier le gouvernement en place de
nous avoir permis de présenter ce mémoire et de nous avoir
écouté comme il t'a fait; également, l'Opposition. Je
pense que nous avons été très heureux de répondre
à toutes les questions. On a essayé de le faire au meilleur de
notre connaissance. Je dois souligner aussi, comme M. le ministre vient de le
mentionner, que depuis qu'il est à ce poste on a eu l'occasion de se
rencontrer à plusieurs reprises et je dois souligner qu'on a toujours eu
une bonne collaboration. Comme il le mentionne, il veut continuer et nous ne
souhaitons pas moins non plus qu'il continue à nous recevoir et à
nous écouter de la façon qu'il le fait présentement. Je
pense qu'on travaille dans un but positif. C'est sûr que nous ne sommes
pas toujoursr d'accord, mais on préconise quelque chose qui
est acceptable et réalisable. Encore une fois, messieurs, merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, messieurs.
Au nom des membres de la commission, nous vous remercions de votre
présence ici. Je suspends les travaux de la commission de
l'économie et du travail jusqu'à 14 heures pour entendre
successivement le Regroupement pour un Québec vert, l'Université
du Québec et l'Union québécoise de la conservation de la
nature.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 14 h 11)
Le Président (M. Charbonneau): La commission de
l'économie et du travail reprend sa consultation particulière sur
l'avant-projet de loi sur les forêts.
Nous accueillons maintenant le Regroupement pour un Québec vert.
Probablement parce que c'est l'automne, le porte-parole a un chandail rouge.
Vous êtes le bienvenu, M. L'Italien, je crois. C'est cela? Si vous voulez
présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous rappelle, comme sans
doute le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que vous
avez 18 minutes pour la présentation de votre document que nous venons
d'avoir, tout chaud. Par la suite, les membres de la commission, de chaque
côté, auront 36 minutes du côté ministériel et
36 minutes du côté de l'Opposition officielle pour engager la
discussion avec vous.
Sans plus tarder, je vous laisse la parole. Je vous demande encore une
fois de faire la présentation des gens qui vous accompagnent. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Je m'excuse auprès des représentants de
l'organisme. Est-ce qu'il serait possible, comme on s'était entendu, de
faire inscrire le mémoire soumis par le Conseil régional de
l'environnement 02, Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau...
Le Président (M. Charbonneau): C'était
prévu.
M. Perron: C'était prévu? On n'a pas besoin de
l'annoncer chaque fois?
Le Président (M. Charbonneau): On en a fait la liste
hier.
M. Perron: Je veux être sûr que les organismes que
les députés ministériels ont refusé d'entendre
soient inscrits.
Le Président (M. Charbonneau): On en a fait la liste hier.
Je l'ai donnée - je ne sais pas si vous vous rappelez - en séance
publique. J'ai dit alors que pour les organismes énumérés
dont les mémoires seraient présentés, premièrement,
cela serait consigné au Journal des débats et,
deuxièmement, on pourrait les consulter au secrétariat de la
commission.
M. Philibert: M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Trois-Rivières.
M. Philibert: C'est simplement pour vous signaler que les
organismes n'ont pas été refusés par les
députés ministériels. C'est une entente qui avait eu lieu
entre les leaders et que l'Opposition avait agréée, dans le
temps.
M. Perron: On va relever cela demain matin.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous voulez, de part et
d'autre, on ne s'engagera pas dans cette discussion épique qui nous a
déjà conduits dans des méandres délicats hier. Nous
allons revenir au sujet et aux invités qui sont devant nous. M.
L'Italien, s'il vous plaît.
Regroupement pour un Québec vert
M. L'Italien (Gérald): En commençant par ma gauche,
Daniel Vanier, biologiste et
militant au mouvement écologiste de l'UQAM, Gaétan
Malenfant, animateur social au CLSC Les Aboiteaux, à
Rivière-du-Loup; à ma droit, Jean Désy, prof de
géographie à l'université du Québec à
Chicoutimi, Robert Beauregard, étudiant en foresterie et Yvon
Lechasseur, membre de l'exécutif de la Fédération des
travailleurs du papier et de la forêt.
Comme nous l'avons mentionné dans le premier mémoire que
nous avons envoyé, notre intervention se situe en deux moments,
c'est-à-dire qu'il y a une critique de l'avant-projet de loi comme tel
et également le dépôt d'un long mémoire qui est
l'énoncé de principe pour une politique d'utilisation du milieu
forestier au Québec. Compte tenu du temps qui nous est imparti, on va
essayer de faire un survol rapide de la critique du projet de loi pour ensuite
essayer de trouver du temps pour quelques apartés en rapport avec
d'autres mémoires qui sont en annexe au RQV.
Le regroupement pour un Québec vert, acceptant de participer
à la commission parlementaire de l'économie qui étudie
l'avant-projet de loi sur les forêts, veut jouer un rôle critique
tout en étant conscient des limites de cet exercice. Le RQV, tout comme
de nombreux organismes, revendique davantage que le milieu restreint d'une
commission parlementaire pour débattre d'une ressource aussi vitale pour
l'économie. Nous souhaitons vivement qu'avant le dépôt du
projet de loi final le gouvernement institue une commission multipartite qui
puisse entendre un plus grand nombre d'organismes dans leur région
respective. Ainsi, un meilleur exercice démocratique serait de nature
à combler les attentes et les espoirs. Plutôt que d'engendrer la
grogne, le présent gouvernement aurait ainsi la chance unique et
historique d'impliquer la population dans le choix d'une future gestion du
milieu forestier. Le Regroupement pour un Québec vert fera donc entendre
sa voix en deux moments: Une première approche critique et la
présentation d'une politique générale d'utilisation du
milieu forestier, telle que nous l'avons préparée depuis au
delà d'un an.
Au chapitre des principes guidant la préparation de cet
avant-projet de loi, on ne retrouve rien de substantiel et de nouveau. Bien
plus, ce projet balaie du revers de la main tous les efforts investis depuis
1968, lorsque l'État reprenait en main la gestion de la forêt en
créant 44 unités de gestion, réparties sur tout le
territoire, chargées de fabriquer des plans de gestion à partir
des profils biophysiques et économiques. On se demande ce qu'il restera
de ces unités de gestion avec ce projet, muet sur ce point. On leur
assignera sans doute le rôle de l'inventaire, d'inspecter des territoires
de coupe et de décerner des permis de bois de chauffage. Aucun bilan de
ce type de gestion par région ne nous a été fourni
à ce jour. Encore une fois, un autre gouvernement vient ainsi
reconcentrer les pouvoirs à Québec, C'est de la chaise musicale.
Ce projet de loi est encore mieux qu'une privatisation de la forêt.
Ainsi, les compagnies se voient accorder des contrats d'approvisionnement et
d'aménagement valides pour 25 ans, avec révision aux cinq
ans.
Il s'agit tout au plus d'une mise à jour du lexique. Ainsi, on
parle de contrat et non de concession. Il s'agit d'un projet de loi de type
industriel qui privilégie les lois du marché du rendement
à tout prix et qui avance un concept mal défini et fourre-tout
qu'on appelle "valeur marchande".
Autres remarques fort importantes au chapitre des principes, c'est la
forêt privée. Dans le livre blanc, il était bien dit
qu'elle serait privilégiée. Tout au plus quelques allusions,
quatre articles, au nouveau statut de producteur forestier. Donc, la
forêt la plus productive en regard de sa superficie et de sa situation
géographique est mise au rancart. Cette fameuse forêt
habitée et productive en laquelle on escompte beaucoup n'est plus dans
l'ordre des préoccupations du ministre.
Finalement, au chapitre des principes, comme la polyvalence promise est
porteuse de démocratie, on retrouve plutôt une future contribution
aux usagers d'un chemin forestier. Au lieu de nous offrir un peu plus de
démocratie, on va nous demander de payer un peu plus.
Quand le ministre vient nous dire que l'intérêt public le
justifie et qu'il accorde des contrats, on peut lui demander en quoi
l'intérêt public sera sauvegardé et réparé
lorsque l'on retrouve dans le projet l'article 35 qui dit que les travaux
sylvicoles sur les parties du territoire qui, au moment où le contrat
est accordé, n'ont pas été regénérées
ou ont été mal regénérées, sont
exécutés par le ministre? Là, on lui disait que cela
allait lui faire de l'ouvrage.
En quoi également l'intérêt public est-il sauf quand
l'article 36 dit que "le ministre fournit gratuitement à chaque
année au bénéficiaire les plans nécessaires au
reboisement du territoire"?
En quoi également l'intérêt public est-il bien servi
quand l'article 37 prévoit que "ce volume supplémentaire n'est
pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits
payables par le bénéficiaire en vertu de l'article 4"?
Également, nous désirons savoir où se trouve
l'intérêt collectif et public quand l'article 39 dit que "le
ministre peut, dans les cas et selon les modalités prévus par
règlement, rembourser au bénéficiaire le coût de la
mise en application du plan jusqu'à concurrence du montant qu'il
détermine.".
Il en est ainsi de la réglementation à
l'article 88 où l'intérêt public pourra en baver
encore, tel qu'à premièrement, déterminer le mode de
remboursement des travaux; deuxièmement, le ministre peut accorder une
remise de droits ou allocation; cinquièmement, le ministre peut
rembourser; septièmement, des coûts d'aménagement forestier
admissibles en déduction de la valeur des bois; treizièmement,
dans la mesure où le bénéficiaire doit participer au
coût relié; quatorzièmement, où le ministre peut
rembourser encore...
Nous considérons que les pouvoirs du ministre, tels
qu'indiqués dans la loi et ses règlements, sont excessifs,
arbitraires et antidémocratiques. Il est maintenant de toute
évidence que les compagnies seront payées pour prélever le
bois en forêt publique.
Un point central dans ce projet qui nous laisse très songeurs,
c'est l'article 42 qui dit que "le plan annuel d'intervention décrit
notamment les méthodes de coupe". On peut sérieusement
s'interroger sur l'article suivant qui dit que le ministre approuve ce plan
d'intervention. On sait à quel point les méthodes de coupe
peuvent être centrales dans tout aménagement ou exploitation de la
forêt.
Nous ne saurions nous satisfaire d'un manuel d'aménagement qui
n'est pas encore connu, qui ne sera pas obligatoire et qui n'exclura
sûrement pas les méthodes de coupe du type "coupe à blanc",
ces méthodes qui ont fait, qui font et feront des déserts, des
laideurs qui coûteront et coûtent des fortunes à
restaurer.
Nous croyons qu'un ministre qui confie l'aménagement du
patrimoine è l'entreprise privée, c'est de sa part un aveu
d'impuissance et de soumission à des industries plus soucieuses de faire
des profits rapidement que d'assurer la survie de la ressource et un avenir
pour les emplois reliés directement ou indirectement à tous les
usages du milieu forestier. C'est une chance incroyable que vous avez, M. le
ministre, de nous donner une loi qui ait du sens, de la cohérence, de la
nouveauté et de la justice.
En annexe à ce petit document critique, il y aussi
l'énoncé de principe d'une politique forestière que vous
n'avez sûrement pas eu le temps encore de parcourir, parce qu'on vient
juste de le déposer. Je dois ajouter que dans la liste des membres du
RQV qui devaient déposer des mémoires, il y a Jean Désy,
au nom du Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean
qui voudrait dire quelques mots par rapport au flottage du bois.
M. Désy (Jean): Merci, Gérald. Mesdames, Messieurs,
au nom du Conseil régional de l'environnement, on avait justement
l'intention de présenter un mémoire sur le flottage. C'est un
point important. Nous avons intitulé notre mémoire "Le flottage
du bois, un oubli".
Le Président (M. Charbonneau): Ce qu'on me dit, monsieur,
c'est qu'il y avait le mémoire qui était actuellement en
discussion, celui du Regroupement pour un Québec vert, et qu'il y avait
un certain nombre d'organismes, qui, par décision majoritaire de la
commission, ne pouvaient pas être entendus pour présenter un
mémoire.
Je pense qu'on ne peut pas faire indirectement ce que la commission a
décidé de ne pas faire directement, c'est-à-dire à
moins d'un consentement unanime, c'est-à-dire de présenter un
second mémoire dans le temps qui est imparti pour la présentation
d'un premier et la discussion de ce document.
Si, cependant, au lieu de nous présenter un second
mémoire, vous ajoutez des compléments d'information ou d'analyses
en regard du point de vue ou de la présentation du mémoire
principal qui est en discussion devant nous, celui du Regroupement pour un
Québec vert, dans ce cas, il n'y aura pas de problème.
Mais il faut qu'on s'entende bien. Il n'est pas question à ce
moment d'entendre la présentation de deux mémoires de deux
organismes différents et d'engager la discussion sur deux
mémoires, peuvent-ils être apparentés. Autrement, on
reviendrait sur une décision que la commission a rendue
majoritairement.
M. le député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, au moment où on a
discuté en séance de travail de la possibilité pour le
Conseil régional de l'environnement 02 de présenter un
mémoire ici, le ministre nous avait donné comme argumentation que
tous les organismes qui avaient été refusés étaient
inclus dans des organismes plus larges qui avaient à présenter un
mémoire. Or, dans le cas du Conseil régional de l'environnement
02 dont j'avais apporté le cas, le ministre admettait qu'il
n'était pas inclus dans un organisme national, puisqu'il n'y avait pas
de regroupement de ce genre de conseil, mais a évoqué le manque
de temps pour ne pas entendre le mémoire.
Il m'apparaît aujourd'hui que le Conseil régional de
l'environnement 02 a trouvé le moyen de s'inclure dans un organisme plus
large qui avait temps d'audition en commission parlementaire. Ou bien le
ministre nous a trompés à ce moment et était de mauvaise
foi et il ne voulait tout simplement pas entendre parler de ce que le Conseil
régional de l'environnement du 5aguenay-Lac-Saint-Jean avait à
dire, ou bien le ministre, aujourd'hui, change de position et accepte que ces
gens puissent se faire entendre à l'intérieur du temps
prévu. Il ne peut toujours pas évoquer le
manque de temps, ils ont réussi è s'arranger entre eux, M.
le Président. Alors, si ce n'est pas le manque de temps et si ce n'est
pas le fait qu'ils sont inclus dans d'autres, je ne vois pas pourquoi on
refuserait d'écouter ces gens.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vimont.
M. Théorêt: M. le Président, je ne comprends
pas toute cette argumention des gens de l'Opposition. Nous n'avons aucune
objection à ce qu'un représentant qui fait partie de
l'équipe du mémoire présenté par le Regroupement
pour un Québec vert puisse utiliser le temps réservé
à ce groupe pour ajouter des éléments au mémoire
présenté par ce même groupe et non pas sur le
mémoire que voulait présenter le Conseil régional de
l'environnement, et ceci, tout simplement par respect pour les autres
organismes qui, faute de temps, n'ont pu être inscrits aux audiences.
Donc, nous n'avons absolument aucune objection. Si vous le permettez, je
pense que le ministre, M. le Président, vaudrait faire juste un
commentaire.
Le Président (M. Charbonneau): Je souhaiterais simplement
qu'on ne passe pas l'après-midi là-dessus et, s'il n'y a pas de
problème, qu'on n'en crée pas un inutilement, M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aurais quelque
chose à dire à mon collègue d'en face. Quand on parle de
mauvaise foi - je ne sais pas s'il va m'écouter - je n'étais pas
de mauvaise foi, j'étais sincère et je le suis encore. Si vous
avez pris des trucs pour vous y insérer, chapeau bas, je n'y vois pas
tellement de problème. Mais je vous demanderais de retirer vos paroles,
mon cher collègue.
Disons qu'il me fera plaisir de les entendre à l'intérieur
du temps prévu. Je n'ai pas de problème avec cela, mais avant de
porter des accusations semblables, je penserais y réfléchir un
petit peu.
M. Gauthier: M. le Président, je n'ai pas porté
d'accusation. J'ai simplement suivi la logique du ministre qui nous menait dans
un cul-de-sac. Mais je suis bien prêt, si le ministre pense que je l'ai
accusé, à retirer mes paroles, pour autant qu'il accepte
d'entendre les gens du Conseil régional de l'environnement 02 qui se
sont d'ailleurs entendus avec le Regroupement pour un Québec vert.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que M. L'Italien
voulait apporter une précision.
M. L'Italien: Oui, M. le Président. Je soulignerais que
le Conseil régional de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean est
membre du Regroupement pour un Québec vert. C'était l'une des
annexes qui étaient prévues au mémoire central du
Regroupement pour un Québec vert, tout comme il aurait pu y avoir
quelqu'un du département de santé communautaire de Rimouski, mais
cela n'a pas été possible. II y a quelqu'un du CLSC Les
Aboiteaux; il y a Denis Lambert également, il y a le Mouvement
écologique et alternatif de l'Université du Québec
à Montréal et le Collectif forêt-intervention. Tous ces
gens sont venus aujourd'hui. Ce ne sont pas des demandes â part mais qui
sont incluses dans le regroupement. C'est un regroupement en fait.
Relativement au thème que nous voulions faire développer
par Jean Désy, cela était inclus dans le mémoire central
sur le transport, à la page 45. C'est un mémoire
spécialisé quant à l'approche faite par le mémoire
central.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est certain
qu'on peut être rusé et justifier n'importe quoi. Je lève
mon chapeau devant cette ruse. Je vous laisse, M. le Président, porter
la responsabilité de laisser cours à ce mémoire
vis-à-vis des autres qui ont été refusés. Vous en
portez l'entière responsabilité et je n'ai pas de problème
personnellement.
Le Président (M. Charbonneau): J'ai encore moins de
problèmes que vous, remarquez. Mais je pense qu'il faut être bon
joueur, d'une part, et, d'autre part, je l'ai dit et je pense que la mise au
point que j'ai faite au départ doit être bien comprise par tout le
monde, par les membres de la commission, par vous, M. le ministre, et par nos
invités.
Nous avons devant nous les représentants du Regroupement pour un
Québec vert. C'est ce mémoire qui nous est
présenté, que nous étudions et sur lequel nous allons
avoir une discussion. Que des membres du regroupement - car je présume
que si c'est un regroupement, cela regroupe du monde ou des organismes, donc
des entités - à l'occasion de la présentation du
mémoire de leur regroupement, veuillent apporter des
éléments d'information, cela va.
Il est clair - je pense que M. Désy comprend très bien la
nuance - qu'il n'est pas question qu'il utilise le temps qui pourrait lui
être imparti pour faire la présentation d'un mémoire
spécifique d'un organisme différent, même si celui-ci est
membre du regroupement.
Cette nuance étant faite, je pense qu'on peut continuer la
discussion autour de
la présentation de nos invités. De toute façon, les
membres de la commission pourront ajuster le tir à l'égard de
leur intervention par la suite. M. le député de Beauce-Nord.
M. Audet: M. le Président, je voudrais simplement ajouter
un commentaire. Je vous inviterais également à la prudence
à certains égards. Ce matin, on a entendu la
Fédération des producteurs de bois du Québec. Mon syndicat
de base de la Beauce avait demandé à être entendu. On avait
décidé d'un commun accord que c'était la
fédération qui représenterait chacun des organismes ou les
syndicats de base et, à ce moment, on mettrait cela en commun. Un ordre
du jour a été établi entre les deux leaders, de
l'Opposition et du gouvernement, en vue d'entendre les mémoires qui ont
également été numérotés.
J'aimerais - je pense que ce serait préférable et
équitable - pour que cela ne se reproduise pas, que ce ne soit pas
présenté comme mémoire, mais comme annexe au
mémoire. Ce n'est pas numéroté et cela n'apparaît
pas à l'ordre du jour. Je pense qu'il y aurait peut-être un
certain danger; on est sur la corde raide et c'est peut-être
dangeureux.
Le Président (M. Charbonneau): Je comprends que j'arrive
parfois à invoquer l'ancienneté que j'ai dans cette enceinte
depuis dix ans, mais je puis vous dire que c'est arrivé souvent et je
présume que cela va arriver encore souvent. L'important, c'est qu'on
n'ait pas la présentation de deux mémoires. Mais il est
évident que lorsque certains organismes sont des organismes parapluie ou
des organismes représentatifs, il peut y avoir, à un moment
donné, un organisme qui décide de céder une partie de son
temps de parole à l'une de ses composantes. Je pense que c'est clair que
nous avons donné un temps limité de parole et de discussion
à un organisme qui s'appelle le Regroupement pour un Québec vert
et que ce n'est pas uniquement le point de vue d'un conseil régional qui
serait membre de ce regroupement que nous allons entendre à ce
moment-ci. Je pense qu'on a eu la présentation du secrétaire
général. (14 h 30)
M. Audet: Je suis d'accord, M. le Président, et c'est
à ce titre que je fais cette intervention. Que cela ne soit pas
présenté comme mémoire, mais comme annexe au
mémoire à certains égards parce qu'à ce
moment-là, le Syndicat des producteurs de bois de la Beauce aurait pu
présenter un mémoire, ce matin, glissé sous le
mémoire de la Fédération des producteurs de bois.
Le Président (M. Charbonneau): À cet égard,
je vous réfère au...
M. Audet: C'est parce que cela peut créer un
précédent,
Le Président (M. Charbonneau): On se comprend bien, mais
je vous réfère è cet égard aux propos que j'ai
tenus dès le moment où je vous ai senti grenouiller un peu et
vous agiter autour de moi. Je suis intervenu et j'ai fait cette mise au point
que je viens de refaire et que vous reprenez à votre compte. Donc, on
est sur la même longueur d'onde et on se comprend bien.
M. le député d'Ungava et M. le vice-président.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Hier, le
député de Saguenay nous accusait de perdre du temps. C'est
dommage qu'il ne soit pas ici aujourd'hui pour répéter la
même chose envers ses collègues du parti ministériel. Je
pense que chaque organisme qui dépose un mémoire a le droit de se
faire représenter par qui il veut. Alors, je demanderais que les
personnes qui ont été choisies pour discuter des mémoires,
parce qu'on va parler du mémoire qui a été
déposé, soit le 20M, que les personnes qui ont été
choisies par le Regroupement pour un Québec vert soient entendues
immédiatement. C'est à eux de choisir leurs interlocuteurs.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vimont.
M. Théorêt: Oui, une dernière intervention,
M. le Président, pour porter à la connaissance des membres de la
commission que dans le document que nous a remis, il y a à peine
quelques minutes, le Regroupement pour un Québec vert il est
mentionné et je cite: "Le Regroupement pour un Québec vert,
étant constitué de quelque 23 organismes, a invité ces
derniers à nous soumettre leurs réflexions sur l'avant-projet de
loi." Ainsi, en annexe au présent mémoire, nous incluons les
mémoires du département de santé communautaire de
Rimouski, du CLSC Les Aboiteaux, de Denis Lambert, anthropologue, du Mouvement
écologique et alternatif de l'Université du Québec
à Montréal qui sera déposé un peu plus tard, et du
Collectif forêt intervention. En aucun endroit, n'est mentionné le
Conseil régional de l'environnement. Donc, je voudrais bien que ce soit
clair, qu'on discute et que l'intervention du représentant du Conseil
régional de l'environnement se fasse strictement sur le Regroupement
pour un Québec vert et à ce titre.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous signale que le
secrétaire de la commission, en date du 18 septembre, a reçu
une
communication indiquant que, comme la commission n'avait pu accepter la
demande du Conseil régional de l'environnement du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous joignons leur mémoire en annexe à
celui du Regroupement pour un Québec vert. C'est signé par M.
L'Italien.
Une voix: C'est une annexe.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que c'est une
annexe comme les autres. À cet égard, je voudrais simplement
aviser les membres de la commission qu'il ne faudrait peut-être pas
couper les cheveux en quatre, dans la mesure où les
organismes-parapluies qui regroupent un certain nombre de leurs composantes, je
pense que la tradition veut que ce soit à eux d'établir un peu
leur délégation et la façon dont ils veulent fonctionner.
La seule chose que je redis, c'est que la commission a accordé un temps
particulier de présentation et de discussion avec ses membres au
regroupement; et c'est avec cet organisme qui, je présume, comprend un
certain nombre d'organismes, comme on vient de le signaler, que nous allons
poursuivre la discussion et la présentation ainsi que les
échanges. Cela va?
M. L'Italien: C'est d'ailleurs pourquoi je vous souligne, M. le
Président, que j'ai expressément pris seulement environ sept
à huit minutes, si ma mémoire est bonne, pour laisser amplement
de temps à d'autres organismes membres d'exprimer leur point de vue.
Le Président (M. Charbonneau):
D'accord.
M. L'Italien: Je soulignerai également en
supplément que, compte tenu du temps que nous avions eu pour remettre
tes mémoires, la synchronisation était particulièrement
difficile parce qu'on était un organisme provincial. Or, avec des gens
un peu partout en province, ce n'est pas toujours facile de savoir exactement
qui va déposer son mémoire et est-ce que cela va se faire
à temps.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, l'annexe du
mémoire, du document du regroupement a été
présenté et soumis au secrétaire de la commission il n'y a
pas tellement longtemps.
M. L'Italien: C'est cela.
Le Président (M. Charbonneau): C'est aujourd'hui
même.
M. L'Italien: Aujourd'hui même, c'est cela.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela va pour
tout le monde? Très bien. Alors...
Une voix: ...ce que mon collègue dit.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez, je pense que, de part et d'autre, vous êtes
responsables, mes chers collègues, de ce que vous dites et de ce que
vous faites. Tout ce que le président peut faire, c'est de faire
appliquer le règlement.
Une voix: ...
Le Président (M. Charbonneau): Voilà. M.
Désy, s'il vous plaît.
M. Désy: Je suis bien content de pouvoir commencer.
Le Président (M. Charbonneau): Ne jetez pas d'huile sur le
feu...
M. Désy: D'accord, j'y vais. Notre intervention au
CRE...
Le Président (M. Charbonneau): ...c'est dangereux avec le
bois.
M. Désy: Notre intervention s'inscrit un peu dans la
foulée de ce qui s'appellerait les "backlog" ou, enfin, les pots
cassés de l'industrie forestière du dernier siècle.
Autrement dit, c'est tout ce qui a été
détérioré au fond des rivières, ce que j'appelle
les rivières noyées; donc, l'"ennoiement" par les compagnies
forestières, essentiellement, des rivières flottées, des
rivières dravées.
Il y a, à cet égard, seulement deux recommandations
très simples: La première, c'est l'élimination graduelle
du flottage du bois sur tout le territoire québécois avec un
horizon de cinq ans. Disons 1990, 1991.
La deuxième recommandation, c'est la réhabilitation du lit
de toutes les rivières et lacs flottés au Québec avec un
horizon possible de quinze ans.
La première recommandation s'appuie simplement ou impliquerait
peut-être au départ une remise à jour de l'état de
la situation et de la problématique déjà soulevée
par le ministère des Terres et Forêts en 1978. Vous vous rappelez,
il y a un ouvrage publié par le ministère des Terres et
Forêts intitulé: "Le flottage du bois au Québec peut-il
être abandonné?" On voudrait que ce soit remis à jour et
une volonté politique de négociation serrée du
gouvernement avec les compagnies impliquées pour l'établissement
d'un calendrier raisonnable d'élimination à peu près
totale de cette pratique au Québec.
Sur ce point, nous rappellerons quelques faits sur lesquels le MENVIQ
n'a pas encore
élaboré de politique consistante sur le flottage du bois
et s'en tient à des voeux pieux d'arrêt éventuel de cette
pratique. C'est récemment le ministre Lincoln qui était l'auteur
de ces paroles. D'autre part, il y a une étude en cours, qui
traîne en longueur, sur la Saint-Maurice qui essaie d'établir des
modalités d'arrêt de cette... On sait pertinemment, de gens qui
sont près de cette étude, que les recommandations sont
près de celles au moins des fonctionnaires de ce ministère.
La seconde recommandation, celle de la réhabilitation - et je
finirai là-dessus -s'appuie sur des considérants qui
relèvent de l'éthique sociale, soit la réparation des
dommages organiques et structurels causés à la nature depuis 100
ans et 150 ans, dans certains cas, par des compagnies sans la moindre
compensation, ni le moindre remords. Ces investissements feraient d'une pierre
deux coups, le maintien sinon la relance de l'emploi dans le secteur forestier,
en stagnation ou en décroissance par l'effet pervers de la haute
technologie en forêt comme en usine, et on pourrait même
espérer l'apparition de PME spécialisées dans le secteur
de la récupération des billes, phénomène
déjà amorcé par l'expérience pilote de la
Rivière-aux-Rats, dans le secteur de Dolbeau. Il existe
déjà de petites entreprises, une petite entreprise
spécialisée dans le domaine qui essaie de se rentabiliser depuis
cinq ans et qui n'arrive pas vraiment à le faire, parce qu'il n'y a
qu'une compagnie qui lui achète du bois, c'est la Donohue, et c'est la
seule qui n'a rien flotté sur les rivières du Lac-Saint-Jean
depuis qu'elle fonctionne. Les autres compagnies ne veulent rien acheter.
Je crois que ce serait de toute équité que l'avant-projet
de loi qu'on propose inclue des obligations d'achat systématique des
billes récupérées par des entrepreneurs, un pourcentage
quelconque qu'il faudrait déterminer, et qu'il y ait des ententes
très serrées entre les compagnies forestières et les
entreprises qui voudraient partir.
J'estime qu'il y a au moins une quarantaine de rivières qui
pourraient être dépolluées de cette manière au moins
par les billes qui sont dans le fond de l'eau et cela pourrait créer
peut-être 400 à 500 emplois. Ce ne serait que justice sociale de
la part de ces compagnies que d'encourager ce genre d'entreprise. C'est tout ce
que j'ai à dire pour l'instant. J'en aurais beaucoup plus, mais je n'ai
pas le temps.
Le Président (M. Charbonneau): Merci.
M. L'Italien: Oui, il y a M. Beauregard qui a un aparté
à faire par rapport à la gestion.
M. Beauregard (Robert): L'aparté que je vais faire a
été préparé par le Collectif
forêt-intervention. Il concerne différents points assez
précis de l'avant-projet de loi. Tout d'abord, à propos des
contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier, en 1972,
l'État manifestait une volonté de révoquer graduellement
toutes les concessions forestières du Québec. Il s'en suivit une
négociation puisqu'il a fallu payer l'industrie pour les infrastructures
routières implantées par les compagnies. L'industrie, quant
è elle, n'aura jamais de comptes à rendre sur ce qu'il en
coûtera pour remettre en production des superficies forestières
rendues improductives, résultat de coupes abusives.
Après que l'État eut payé pour reprendre en main
ses propres forêts publiques, il redonne maintenant à l'industrie
des allocations de bois sur des territoires délimités,
territoires probablement voués prioritairement à la production
forestière, selon le nouveau système d'affectation des terres,
autre initiative unilatérale du ministère de l'Énergie et
des Ressources en matière d'aménagement du territoire. N'est-ce
pas une forme de concession sans le nom?On a dit souvent que le
régime forestier nouveau n'était pas un nouveau régime
forestier mais un nouveau lexique.
Désormais, les propriétaires que nous sommes
défraieront la note pour les pots cassés antérieurement.
C'est ce que l'on appelle le "backlog". Plus encore, devrons-nous payer un
forfait supplémentaire pour avoir accès à des terres que
le ministre peut nous interdire en tout temps. Vraiment, votre
générosité est sans borne, mieux qu'une privatisation, un
nouveau régime.
À propos des droits de coupe, le nouveau régime forestier
fera disparaître les droits de coupe, tels que nous les connaissons
présentement. De toute façon, la valeur de ces droits de coupe
était depuis longtemps ridicule par rapport à ce qu'il en
coûte réellement pour renouveler la forêt. Mais une nouvelle
tarification basée sur la valeur marchande des bois ne risque-t-elle pas
d'être encore plus ridicule?
Que veut dire réellement le concept de valeur marchande des
bois'? Cela veut dire simplement la valeur du bois sur le marché, une
valeur fluctuant et se fixant grâce au libre jeu des lois
économiques de l'offre et de la demande. Or, le marché
québécois de la matière ligneuse se caractérise
surtout par une concurrence très imparfaite. Par exemple, l'industrie
des pâtes et papiers, elle-même très concentrée,
contrôlait, en 1983, 74 % de la demande de la matière ligneuse,
bois rond et copeaux. De plus, par le truchement de leurs grandes
propriétés privées, de leurs concessions
forestières et de leurs contrats d'approvisionnement, ces mêmes
papetières contrôlaient aussi 43 % de l'offre de la matière
ligneuse, d'après
Statistique Canada.
Donc, l'analyse conduit logiquement à considérer une
tarification basée sur la valeur marchande du bois comme une avenue
où les droits payés par l'industrie seront potentiellement, voire
inévitablement, à la baisse et dépendants de la
volonté de l'industrie des pâtes et papiers.
Nous ne contestons pas que le système actuel de tarification soit
inadéquat, mais, quant à changer, faisons-le pour le mieux. Les
droits de coupe, même arbitraires et ridicules qu'ils étaient,
avaient au moins tendance à monter.
Je pense que le comble dans cette histoire, ce sont bien les
arrérages. Tous les bois qui ont été pour ainsi dire...
Les coupes à blanc de grandes superficies ne se sont jamais
régénérées. La régnération en sera
assumée par le gouvernement qui est en période de coupures
budgétaires. Alors, quand cela se fera-t-il? On ne le sait pas.
La forêt privée. À l'annonce du livre blanc
"Bâtir une forêt pour l'avenir", en juin 1985, quelques espoirs
étaient permis du côté de la forêt privée. Le
ministère de l'Énergie et des Ressources promettait de donner la
priorité aux bois de la forêt privée par rapport à
ceux de la forêt publique, mais cela ne fut que promesses
éphémères.
La forêt privée vit actuellement une situation difficile
quant à la mise en marché des bois. L'industrie s'approvisionne
à 80 % de la forêt publique via ses contrats d'approvisionnement,
ses concessions et les copeaux des scieries. Les producteurs de la petite
forêt privée du Québec avec un faible 20 % du marché
doivent concurrencer les coûts de production du bois de la forêt
publique. Ces coûts ont tendance à demeurer très faibles.
Cela, parce que les droits de coupe sont minimes et que les coupes sont souvent
abusives. Dans ce contexte, demeurer concurrentiels, pour les producteurs de la
forêt privée, signifie produire du bois à rabais,
conditions salariales et de travail difficiles, travail au noir, soumission
à des critères de qualité sévères auxquels
il faudrait ajouter le manque d'aménagement, ce qui est très
important, faute d'un prix soutenu du bois.
Une hausse des tarifs de bois de toute provenance est nécessaire
pour sauver la forêt privée québécoise. La
priorité accordée au bois de la forêt privée aurait
peut-être permis cette hausse des prix du bois. Il semble que le lobby
des compagnies papetières ait refusé d'en entendre parler. Au
demeurant, ces compagnies sont encore une fois favorisées par la
détaxation accordée avec le nouveau statut de producteur
forestier, étant elles-mêmes de grands propriétaires
forestiers.
En guise de conclusion, finalement, tout l'exercice de cet avant-projet
de loi pèche surtout par l'évacuation des débats publics,
des enjeux cruciaux pour l'ensemble de la population. À la lecture de
l'avant-projet, il apparaît évident que la véritable
politique forestière du gouvernement échappera à la
discussion en commission parlementaire déjà si restreinte au
public.
D'abord parce que le texte prend son originalité dans l'effort
fait pour qu'il demeure le plus vague et imprécis possible, puis les
modalités d'application de la loi, les règlements, les
tarifications, les critères techniques, le financement de
l'aménagement ne sont pas encore connus et feront probablement partie
d'une documentation réservée à la technocratie du
ministère.
Donc, l'essentiel de la politique forestière qui sera
vraisemblablement instaurée n'est pas présent dans l'avant-projet
de loi. Le gouvernement, avec son avant-projet de loi, aura
démontré une chose: la population est exclue des débats,
donc des décisions concernant ses propres richesses. Merci. (14 h
45)
Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. Ça
va, M. L'Italien?
M. L'Italien: Ça va.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce qu'il y a
d'autres mémoires à lire?
Le Président (M. Charbonneau): C'est-à-dire que le
temps de présentation du point de vue du Regroupement pour un
Québec vert...
M. Côté (Rîvière-du-Loup): II en reste
deux ou trois d'inscrits.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais il y a aussi le
temps. Je tiens à vous rappeler qu'on s'était donné des
limites pour la présentation des points de vue.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Pour
commencer, je voudrais d'abord signaler que les rapports sur les 44
unités de gestion qui ont été élaborés dans
les années 1974 et 1975 sont encore utilisés et que nous faisons
des efforts pour les maintenir à jour. Là-dessus, je vous dirais
que le cahier des possibilités est réévalué chaque
année pour tenir compte de l'inventaire, du rendement des travaux, des
épidémies, des feux et de la comptabilité
forestière. Quand on parle de rendement, évidemment, si on a en
vue un programme de régénération artificielle et
naturelle, c'est bien sûr qu'il faut l'évaluer et l'escompter.
C'est comme quelqu'un qui sème des carottes au début de
l'année, je pense bien qu'il pense pouvoir en manger un peu plus
tard.
Le rendement des plantations du côté du ministère ou
Se reboisement naturel ou artificiel est escompté à 3,4 et 4,6
mètres cubes à l'hectare, alors que, selon nos connaissances,
selon nos données empiriques et nos données sur le terrain, on
peut évaluer que l'accroissement moyen annuel en mètres cubes
à l'hectare variera de 4 à 9,14 mètres cubes è
l'hectare suivant les essences, les sols, etc., avec un horizon de 40, 45 ou 50
ans. Dans les peuplements naturels d'épinettes noires, on peut escompter
seulement un mètre cube à l'hectare de rendement sur un horizon
de 90 ans, et le rendement est encore inférieur dans les
sapinières, et ce, avec une rotation de 65 ans. Là-dessus, je
relève un peu ce que vous avez dit au sujet des rapports sur les
unités de gestion et les suggestions qui y étaient faites pour
aménager la forêt et les programmes de travaux qui y
étaient indiqués. Quant à la forêt privée, je
demanderais à M. L'Italien s'il est au courant de l'effort que le
gouvernement fait depuis quelques années et cette année pour le
compte de la forêt privée.
M. L'Italien: À part le statut de producteur forestier qui
a été donné comme cela, qui n'est en fait qu'un statut qui
était promis depuis longtemps, ce sur quoi on se questionnait
était de savoir, dans le premier livre blanc du ministre
précédent qui voulait privilégier la forêt
privée pour qu'enfin ils aient leur place au niveau des
approvisionnements pour les grandes papetières entre autres... On
comprend mal comment il se fait qu'ils soient relégués presque
aux oubliettes dans le projet de loi?
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. L'Italien, cela
ne répond pas à ma question. Je vous demande si vous êtes
au courant de l'effort que le gouvernement fait pour la forêt
privée?
M. L'Italien: Robert va répondre.
M. Beauregard: Oui, il existe des programmes pour soutenir les
propriétaires de boisés. Cependant, vous n'êtes pas sans
savoir qu'on est dans un contexte de coupures budgétaires. Étant
donné que, dans la loi, les programmes de soutien à la
forêt privée ne sont pas inclus, il demeure une possibilité
pour le ministre de les soutenir et de les maintenir. Nous craignons fort que
cela soit dans les intentions du ministère de délaisser la
forêt privée au profit de la forêt publique s'il y avait
davantage de coupures budgétaires. Je crois qu'il y a des hauts
fonctionnaires qui ont déjà exprimés l'avis qu'advenant
une coupure de budget, ce ne serait pas la forêt publique qu'on
laisserait tomber, ce serait d'abord la forêt privée. C'est de
là que viennent nos craintes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M.
Beauregard, je me permets de vous reprendre. Ce matin, nous avions ici
des représentants de la Fédération des producteurs de
bois, et j'ai affirmé exactement le contraire de ce que vous me dites.
M. Dallaire et son groupe ne m'ont pas contredit sur cette question. Nous
finançons et contribuons à une foule de travaux sur la
forêt privée et, cette année, nous avons ajouté
trois ou quatre genres de travaux, à savoir la voirie forestière,
le drainage et un autre que j'oublie. Notre effort sur la forêt
privée même si vous pensez qu'on la laisse pour compte... On peut
simplifier, on peut résumer. Si vous voulez, je vous donnerai des
chiffres pour chacune des interventions, les coupes d'éclaircie, les
reboisements, la préparation du terrain, la reconversion de peuplement,
etc. Je vous donnerai les chiffres, si vous les voulez. La forêt
privée coupe sensiblement tout ce qu'elle peut couper au moins à
toutes les années et cela se résume à un effort de 9 $ le
mètre cube. Si on compare cela è la forêt publique, on
devrait certainement injecter dans la forêt publique, en tenant compte de
superficies proportionnelles, 45 $ à 50 $ le mètre cube. Cela
signifie que notre effort est cinq fois inférieur pour la forêt
publique que pour la forêt privée et je ne vois pas pourquoi vous
me dites qu'on la laisse pour compte, à moins que vous n'ayez d'autres
explications.
M. Beauregard: Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a la
question des subventions, bien sûr, qui fait que les propriétaires
de forêts privées peuvent faire de l'aménagement, mais il y
a la question du prix du bois aussi. S'il en coûte environ 108 $ pour
produire une tonne de bois pour une papetière et que la compagnie peut
l'avoir en copeaux à 68 $ ou 72 $, le propriétaire de forêt
privée, lui, c'est évident, ne peut pas produire... Si ses
coûts sont de 100 $ à 108 $ et qu'il est obligé de la
vendre à 63 $, c'est clair qu'il faut subventionner "au boutte" pour
qu'il arrive à survivre, mais il arrive seulement à survivre. Il
n'est pas encore dans une situation où il peut aménager de
façon réaliste. Ce qu'il faudrait, ce n'est pas tant des
subventions mais une politique de soutien des prix du bois. C'est-à-dire
qu'actuellement on a une situation monopolistique où les
papetières contrôlent la valeur, le prix du bois sur le
marché parce qu'elles contrôlent une bonne partie de l'offre et la
totalité de la demande pratiquement. Alors, les prix chez les
propriétaires de forêts privées sont totalement
déprimés et c'est ce qui rend la situation aussi dramatique.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour la
forêt privée, les offices de producteurs vendent le bois
actuellement 25 $ ou 26 $
le mètre cube aux papetières et vous arrivez avec ce
chiffre de 108 $ le mètre cube. C'est à la tonne?
M. Beauregard: À la tonne.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela fait 108 $ la
tonne?
M. Beauregard: Je sais, par des chiffres que j'ai entendus de
gens qui travaillent dans des papetières, que cela coûte alentour
de 108 $ la tonne, arrivé à l'usine.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous n'avez pas
les bonnes densités concernant le sapin et l'épinette. De toute
façon... Je cède la parole à quelqu'un d'autre.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de
procéder à certaines questions, vous poser une question, M. le
Président, ou demander une directive. Nous avons actuellement dans la
salle depuis hier des représentants de la presse qui ne sont pas
nécessairement membres de la Tribune de la presse et ces personnes ne
peuvent obtenir de mémoires actuellement. Serait-il possible qu'on
puisse voir...
Le Président (M. Charbonneau): C'est déjà
réglé, M. le député.
M. Perron: C'est déjà réglé?
Le Président (M. Charbonneau): En tout cas, pour l'un
d'entre eux. Je ne sais pas s'il y en a d'autres.
M. Perron: On parle de La terre de chez nous par exemple et de
Forêt-conservation.
Le Président (M. Charbonneau): La terre de chez nous,
c'est réglé. S'il y a d'autres problèmes, je demanderais
aux gens de faire ce que le journaliste de La terre de chez nous a fait,
c'est-à-dire nous donner la liste des mémoires qu'ils
désirent obtenir et on s'organisera à la direction de la
commission. Le secrétaire de la commission avait été plus
restrictif mais le président a pris sur lui de faire en sorte que les
journalistes puissent avoir accès aux documents, même s'ils ne
sont pas membres de la Tribune parlementaire. Je pense qu'il y a plusieurs
médias qui sont spécialisés ou particulièrement
concernés par la couverture de cette commission, donc, il n'y a pas de
problème pour vous fournir la documentation nécessaire.
M. Perron: Merci, M. le Président, de ce changement.
Le Président (M. Charbonneau): C'est normal.
M. Perron: Je pense que cela va profiter à tout le
monde.
M. le Président, je voudrais bien sûr remercier les
représentants des différents organismes par le biais de ce
regroupement et assurer les membres de ce regroupement que nous avons
porté une attention toute spéciale aux différents
mémoires que vous avez regroupés et présentés
devant les membres de cette commission. Certains de mes collègues de
l'Opposition vont sûrement intervenir mais je le ferai dans un premier
temps comme commentaire et en même temps, au fur et à mesure que
j'avancerai dans votre mémoire, pour poser les questions qui nous
intéressent. Je vais m'adresser, quant à moi, surtout au
Regroupement pour un Québec vert.
D'abord, je voudrais vous souligner une partie de phrase, à la
page 2 de votre mémoire, dans le deuxième paragraphe, où
on se demande ce qu'il restera de ces unités de gestion avec ce projet
muet sur ce point. D'abord, nous l'avons constaté dès le
début et nous savons très bien que l'avant-projet de loi du
ministre délégué aux Forêts est un avant-projet de
loi sectoriel. Je crois que vous n'êtes pas les seuls à
réaliser que dans ce projet de loi, il manque beaucoup d'aspects
très intéressants qui avaient été soulevés
dans le livre blanc de juin 1985.
Dans le troisième paragraphe, vous mentionnez: "Aucun bilan de ce
type de gestion par région ne nous a été fourni. Encore
une fois, un autre gouvernement vient ainsi reconcentrer les pouvoirs à
Québec. C'est de la chaise musicale." Est-ce que vous pourriez
détailler quelque peu ce point précis, parce que c'est tout de
même une affirmation assez importante?
M. L'Italien: Je pense que je vais laisser à mon
collègue, M. Beauregard, le soin de répondre, parce que
l'argumentation avait été développée surtout par le
collectif à ce niveau.
M. Perron: Aucun problème, monsieur.
M. L'Italien: Celui qui a le plus travaillé sur la partie
de ce mémoire n'a pu être là aujourd'hui. Je dois vous
avouer que...
M. Perron: Alors, écoutez, pour le bénéfice
de la cause, est-ce que cette personne pourrait, soit me faire parvenir ou
faire parvenir aux membres de cette commission des explications sur ce
paragraphe en question?
M. L'Italien: M. Beauregard peut vous glisser quelques mots
à ce sujet.
M. Beauregard: Je vais contacter effectivement la personne qui a
travaillé sur cette partie-là, mais sur la question de la
concentration des pouvoirs à Québec ou de gestion transparente,
nous avions une question pour le ministre. C'était à propos des
plans de gestion qui vont être faits par les contractuels, les gens qui
vont avoir des contrats d'approvisionnement. Ils vont faire des plans
quinquennaux qui devront être approuvés par le ministère.
Est-ce que ces plans vont être rendus publics? On sait que les plans de
gestion sont actuellement du domaine public. N'importe qui y a accès,
peut les consulter, voir quels sont les plans de développement. Est-ce
qu'on va avoir accès aussi aux plans de gestion élaborés
par les entreprises contractuelles et qui vont devoir s'appliquer sur les
terrains publics?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le
Président. Avant de répondre à votre question, M.
Beauregard, permettez-moi de revenir un peu sur la forêt privée.
C'est la première fois depuis toujours que, dans un projet loi, le
ministre exprime sa volonté d'aider la forêt privée et,
même s'il n'y a que trois ou quatre articles, c'est déjà
inscrit là et c'est une obligation que les ministres et moi
respecterons, si cela peut vous rassurer. Du côté de la
forêt privée, nous avons traité cette année... Il y
a les propriétaires regroupés, 47 500 hectares de forêt et,
par le biais des particuliers, des individus, 30 700. C'était le
programme de l'année. Nous injectons l'équivalent de 45 000 000 $
en forêt privée. Le statut du producteur forestier était
recommandé par le professeur Lortie. Il n'était pas inscrit
depuis longtemps, il était recommandé et il a une certaine
popularité, puisque 15 000 propriétaires y ont
adhéré et auront droit à un remboursement d'impôt
sur leur rapport d'impôt.
Quant à l'accès aux plans d'aménagement, les plans
quinquennaux, ils ne seront pas publiés, parce que cela va coûter
une fortune, mais je suis convaincu qu'on fera le nécessaire pour que
vous puissiez les consulter au besoin dans les différents bureaux du
ministère et probablement, au bureau de Québec aussi. Est-ce que
cela répond à votre question?
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. le député de... (15 heures)
M. Perron: M. le Président, je continue mon intervention
dans le sens suivant: lorsqu'on mentionne dans le mémoire du
regroupement que ce projet de loi est encore mieux qu'une privatisation de la
forêt, nous, de l'Opposition, considérons que c'est vrai dans le
sens où on permet effectivement, par l'avant-projet de loi et surtout
par ces modalités, que la forêt publique soit presque remise entre
les mains des grosses institutions que nous avons au Québec.
Lorsqu'on regarde l'article 35 de l'avant-projet de loi et certains
autres articles, on est en droit de se poser de sérieuses questions
quant à l'application qui était prévue dans le livre blanc
de 1985.
Vous parlez aussi des lois du marché de la forêt
privée. Là-dessus, encore là, voua avez en grande partie
raison car, selon nous, l'avant-projet de loi lui-même qui est toujours
pour nous un projet de loi sectoriel, a complètement oublié que
la forêt du Québec est d'abord la propriété de la
population du Québec. Si on part de ce principe, on ne doit pas donner
n'importe quelle juridiction à n'importe qui se rapportant à ce
qui appartient au peuple du Québec.
Plus loin dans votre mémoire, à la page 4, vous
mentionnez: Le volume supplémentaire n'est pas compris dans le volume
alloué pour l'établissement des droits payables par le
bénéficiaire en vertu de l'article 4. Je pourrais peut-être
élaborer quelque peu sur le volume total en foresterie. D'abord, trois
facteurs contribuent à augmenter le rendement de la forêt. Je
pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec les trois facteurs
principaux qui sont: te capital, le travail et le territoire, et qui donnent un
résultat qui s'appelle intérêt.
À titre d'explication, le capital nous donne l'objectif suivant:
les arbres, donc une propriété. Lorsqu'on parle de travail, on
parle de travaux qui se font en forêt, comme le reboisement. Lorsqu'on
parle de territoire, on parle de terres publiques et, lorsqu'on parle
d'intérêt, c'est l'accroissement de la possibilité
forestière.
À partir de ces trois grands principes, le système
proposé à l'article 37 concernant le droit de coupe gratuit sur
l'accroissement de la possibilité est, pour nous, inacceptable car il
récompense en quelque sorte l'industrie pour les deux premiers facteurs,
c'est-à-dire le capital et le travail. Nous considérons que
l'utilisation du territoire lui-même devient gratuite et que le
territoire devient la propriété des institutions qui ont
collaboré à l'établissement de l'aménagement.
Il y a un net danger à ce niveau, et je crois que le gouvernement
devra faire des efforts budgétaires additionnels qui sont inconnus
actuellement du ministre délégué aux Forêts qui
devra savoir se défendre vraiment sur le fond lorsqu'il se
présentera devant le Conseil du trésor pour obtenir gain de cause
et des budgets additionnels.
D'autre part, et là c'est intéressant parce que c'est
relevé par presque tous les organismes, il s'agit de la question de
la
réglementation. Je l'ai dit antérieurement, mes
collègues l'ont dit et on ne te répétera jamais assez,
dans l'avant-projet de loi, on parle de 58 pouvoirs discrétionnaires de
la part du ministre. On parle de 48 pouvoirs réglementaires qui sont
regroupés dans un règlement général ou dans
plusieurs règlements parallèles, II demeure que ce sont quand
même des règlements.
M. le Président, au cours de la journée d'hier et non pas
de ce matin, le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre
délégué aux Forêts ont rebattu les oreilles des
membres de l'Opposition concernant le fameux article 4 de l'ancienne loi qui
est aboli par l'article 109 de l'avant-projet de loi. Vous me permettrez, M. le
Président, de lire l'article 4 de la loi actuelle, Loi sur les terres et
forêts. "Arrêté ministériel. Le gouvernement peut
passer les arrêtés nécessaires pour mettre à effet
les dispositions de la présente loi suivant leur vrai sens ou dans le
but de pourvoir aux cas qui peuvent se présenter et pour lesquels il
n'est pas établi de dispositions par la présente loi."
Au deuxième paragraphe, l'article se lit comme suit: "Sans
restreindre les pouvoirs que les lois du Québec en vigueur le 20 avril
1934 confèrent au gouvernement, celui-ci peut établir quant aux
comtés de Matane, Gaspé-Nord, Gaspé-Sud, Bonaventure et
Charlevoix-Saguenay, des droits de coupe et de rentes foncières
différents de ceux en vigueur dans le reste du Québec." Nous
sommes d'accord pour que cette partie-là saute. Nous sommes d'accord
pour que l'autre partie saute aussi. Mais lorsqu'on parle de l'article 109 de
la loi actuelle qui se lit comme suit - je parle de l'avant-projet de loi que
nous avons devant nous: "La présente loi remplace les articles 4, 5, 6
et 66 à 168 de la Loi sur les terres et forêts. Ces dispositions
demeurent toutefois en vigueur dans la mesure nécessaire pour donner
effet à l'article 106..."
Alors, les membres du gouvernement nous disaient hier que le pouvoir
réglementaire qui est prévu dans la loi actuelle sautait en
adoptant l'article 109 dont je viens de faire mention. Je voudrais savoir
pourquoi, à ce moment-là, les ministres qui parlent d'avoir aboli
les pouvoirs réglementaires prévus dans la loi actuelle,
pourquoi, dis-je, à l'article 111 de ce même projet de loi on en
arrive pratiquement exactement au même texte que l'article 4 de la loi
actuelle, premier paragraphe: "Le gouvernement peut, par règlement,
prendre toute autre disposition provisoire et transitoire permettant de
suppléer à toute omission pour assurer l'application de la
présente loi". Donc, le résultat est que cet article 111 que nous
avons dans l'avant-projet de loi est pratiquement le même, il donne les
mêmes résultats que l'article que nous avons actuellement. Je
voudrais dire au ministre de l'Énergie et des Ressources ainsi qu'au
ministre délégué aux Forêts, que cela ne change rien
et qu'il n'y a pas lieu, dans ce cas précis, de nous informer ou de nous
redire et re-redire, régulièrement, qu'il a aboli l'article 4 de
la loi actuelle par l'article 109 de l'avant-projet de loi. Il faudrait
peut-être que le ministre aille faire ses devoirs de ce
côté-là.
M. le Président, mes collègues de l'Opposition et
moi-même avons soutenu que le pouvoir réglementaire était
très élevé dans cet avant-projet de loi, et nous allons
continuer à le soutenir jusqu'à ce que le gouvernement change ses
positions, tout en espérant que, dans le projet de loi final qui nous
sera éventuellement présenté, les pouvoirs
réglementaires et discrétionnaires du ministre seront
baissés au minimum.
Je continue mon intervention et j'aurais quelques questions à
vous poser. En fait, j'aurais quatre courtes questions. À la page 6 de
votre mémoire, vous mentionnez les méthodes de coupe du type
coupe à blanc, ces méthodes qui font et feront des
déserts, des laideurs qui coûteront et coûtent des fortunes
à restaurer. La question suivante fut posée à quelques
organismes qui se sont présentés devant nous depuis hier
concernant la coupe à blanc. Est-ce que, pour vous, en tant que
regroupement, la coupe à blanc peut se révéler la seule
méthode valable dans certaines circonstances et dans certaines
régions du Québec?
M. L'Italien: Je vais laisser Daniel Vanier préciser
à ce sujet-là.
M. Vanier (Daniel): Premièrement, concernant la coupe
à blanc, cela dépend de la superficie qu'on coupe. Quand on fait
de la coupe à blanc sur de grandes superficies, comme cela se passe sur
des centaines de kilomètres carrés, à ce moment-là
on voit qu'il y a une destruction des habitats fauniques. On voit aussi que
cela peut causer, au niveau de la regénération naturelle,
beaucoup de problèmes. Les coupes qu'on a utilisées avec la
mécanisation qui s'est faite ces dernières années, les
coupes à blanc sur de grandes superficies ont fait en sorte qu'en 1977,
selon les données du ministère de l'Énergie et des
Ressources, on avait 7 000 000 d'acres de forêts qui étaient peu
ou mal regénérés. Quand on parle de mal
regénérés, c'est soit qu'il y a sur le terrain du peuplier
faux tremble, du bouleau blanc, et ce sont des essences qui sont peu valables
au niveau commercial.
Notre position, en tant que Regroupement pour un Québec vert est
de changer les méthodes de coupe traditionnelles qu'il y avait dans le
passé. Avec l'actuel projet de loi, c'est loin d'être un
changement à ce
sujet. Je veux juste citer un petit paragraphe d'un document qui a
été publié après la remise des mémoires - il
faut le préciser -et qui s'intitule Les modalités d'intervention
en milieu forestier. C'est à la page 9. Ce petit paragraphe se rapporte
à la zone forestière de production qui représente environ
89 % du territoire, si on fait un pourcentage.
De façon générale, la
régénération naturelle subséquente à des
récoltes de matières ligneuses effectuées selon les
méthodes traditionnelles, c'est-à-dire les coupes à blanc
sur grandes superficies, comme cela se passait auparavant, ou les coupes
à diamètre limite, se révèle suffisante pour que la
forêt continue de jouer son rôle sur les plans écologique,
faunique et récréatif. Cette régénération
naturelle n'est toutefois pas toujours adéquate pour répondre aux
besoins de l'industrie et des interventions additionnelles s'imposent alors.
Quand on parle d'interventions additionnelles, c'est bien sûr le
reboisement. Donc, cela veut dire qu'avec les méthodes de coupe on va
avoir encore les coupes à blanc sur grandes superficies, et cela va
causer certains problèmes dans la forêt au plan de la destruction
des habitats fauniques et de la régénération.
Pour certains peuplements spécifiques, il se pourrait qu'il
faille faire certaines coupes à blanc. Ce que nous proposons, ce sont
des coupes à blanc sur de faibles superficies, des coupes par bandes,
des coupes par trouées et des coupes par damiers. Ce genre de coupes,
selon les expériences scientifiques passées des ingénieurs
forestiers qui ont fait du travail sur le terrain semble donner d'excellents
rendements.
Bien sûr, on va avoir besoin du reboisement. Nous voyons le
reboisement comme un élément palliatif à un manque de
régénération naturelle, c'est-à-dire qu'il ne faut
pas trop mettre tous nos oeufs, tout notre argent, tous nos investissements
dans le reboisement seulement. Cela peut nous jouer de mauvais tours.
Tantôt, monsieur, vous avez parlé, au sujet de l'article
37, de l'hypothèse que l'on faisait d'un rendement plus grand de la
forêt. Cela peut causer certains problèmes et cela peut être
dangereux aussi pour la forêt. Si l'on fait une hypothèse et qu'on
dit à la compagnie: On vous alloue un volume plus grand de coupe,
à ce moment-là, peut-être deux, trois ans après, une
épidémie de tordeuses peut se déclarer dans un peuplement
de sapins, par exemple, et ce sera... On connaît les effets des
épidémies de la tordeuse, on en a assez parlé lors des
audiences publiques du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, donc,
on sait ce qui se passe à ce moment-là. Cela entraîne
certains désastres, des catastrophes naturelles presque.
Donc, ce que nous proposons, c'est de modifier les méthodes de
coupe sur presque l'ensemble du territoire. C'est sûr qu'il y a certains
peuplements où la coupe par bandes ou la coupe par trouées ne
seront pas nécessairement bonnes. À ce moment-là, il
faudra voir à utiliser d'autres méthodes de coupe, soit la coupe
progressive ou d'autres types de coupe comme celle-là.
On sent que dans le projet de loi, à la suite de la publication
du guide des modalités d'intervention en milieu forestier -c'est clair -
sur presque l'ensemble du territoire québécois, on veut continuer
à prendre les méthodes traditionnelles d'exploitation
forestière.
Il y a aussi un autre point important pour nous - vous allez retrouver
cela dans le volumineux document de 104 pages que nous vous avons remis - ce
sont les propositions que nous faisons sur le plan d'une gestion de la
forêt, que ce soit en ce qui concerne la polyvalence et la sollicitation
du milieu» que ce soit en ce qui concerne la gestion forestière
sur le plan pratique et des institutions à mettre sur pied et aussi en
ce qui concerne les conditions de travail et la sécurité des
travailleurs forestiers ce qui, d'ailleurs, dans le projet, n'apparaît
aucunement. Peut-être que M. Lechasseur, tantôt, pourra vous parler
un peu plus longuement des conditions de travail.
Pour terminer, il y a un autre point important. Nous voulons aussi
l'élimination du gaspillage sur le terrain des coupes. On laisse
énormément de matières ligneuses sur ces terrains qui
pourraient être transformées en copeaux et qui pourraient aussi
servir aux industries de pâtes et papiers. Selon certaines estimations du
Dr Louis-Jean Lussier, on laisserait sur le terrain environ 40 % de
matières ligneuses. C'est sûr qu'on ne peut pas
récupérer toute cette matière, mais on pourrait en
récupérer au moins une bonne partie pour faire en sorte
d'éliminer ce gaspillage.
M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Elle a
été tellement détaillée qu'elle a
éliminé deux autres questions que j'avais à vous poser.
Maintenant, je voudrais toucher une partie de ce que vous avez
mentionné. D'abord, vous avez parlé des opérations
forestières mécanisées - sans toucher directement chacune
d'entre elles -semi-mécanisées ou encore des opérations
forestières manuelles. Vous avez aussi parlé de
différentes coupes que l'on devrait mettre en pratique pour
éliminer la coupe à blanc, c'est-à-dire les coupes par
bandes, les coupes par damiers...
M. Vanier: Oui, et les coupes par trouées. (15 h 15)
M. Perron: ...ou encore les coupes par trouées. Est-ce que
vous pourriez informer les membres de cette commission - je
répète parce que je pense que c'est important - sur la
façon dont votre organisme pourrait éliminer ou graduellement
éliminer les opérations mécanisées pour
empêcher la coupe à blanc. Aussi, est-ce que vous dites que les
opérations mécanisées pourraient continuer dans ces trois
systèmes, soit par damiers ou autrement, ou préférez-vous
une autre sorte de coupe? Remarquez que je n'ai pas eu le temps de lire la
brique qu'on vient de recevoir il y a quelques minutes.
M. Vanier: Quant aux coupes par bande, elles peuvent se faire
d'une manière mécanisée. C'est sûr qu'on peut
prendre la fameuse Khoering, cette machine qui nous revient souvent à
l'esprit, pour le faire. Cependant, il faudrait voir. Là-dessus, c'est
sûr que selon les propositions que vous amenez, on fera certains
changements au fur et à mesure que l'on va acquérir de nouvelles
connaissances sur le plan scientifique. On sait que des gens sont actuellement
en train de travailler pour que ces machines aient moins d'impact sur les sais,
en utilisant différentes sortes de pneus.
Je ne m'y connais pas tellement en mécanique, n'étant pas
ingénieur forestier. Je suis biologiste, je travaille plutôt dans
le domaine de l'écologie forestière. Il est certain qu'on
pourrait encore faire, au niveau mécanique, des coupes par bandes, des
coupes par trouées et autres. Cela aurait un certain impact sur les
sols, selon les modifications à faire à la machinerie.
Notre position actuelle relative à la machinerie vise à
proposer un gel dans le développement technologique de ces machineries,
car on se rend compte qu'on est en train d'éliminer presque tous les
emplois forestiers dans l'exploitation forestière. D'ailleurs, il se
fait un changement actuellement; on invite les travailleurs forestiers à
participer à des travaux de reboisement.
Là-dessus, mon collègue, M. Beauregard, un étudiant
en génie forestier, pourrait apporter certaines précisions quant
à la mécanisation. Il est certain que, si l'on prend des coupes
manuelles avec simplement une "chain-saw", et le cheval pour sortir le bois, il
y a quand même certaines modalités et certaines normes à
respecter pour ces coupes. Il faudrait toujours faire de l'abattage
directionnel. Il y a des choses à faire, même avec des
débusqueuses pour sortir le bois; il faut tracer des chemins
spécifiques. Là-dessus, le ministère a établi
certaines normes importantes. Quant à savoir si elles vont être
respectées, s'il y aura suffisamment d'inspecteurs ou suffisamment
d'ingénieurs forestiers du ministère sur le terrain pour
vérifier cela, c'est autre chose.
Votre question est quand même assez importante et je laisse M.
Beauregard compléter les informations que je vous ai données.
M. Beauregard: À propos de la mécanisation, je
pense qu'on a mentionné quelques éléments. Il est
effectivement possible de faire des coupes par bandes mécanisées,
sauf que cela implique de faire plus de construction de chemins, soit presque
doubler la construction de chemins. Car si on exploitait par coupes à
blanc en grande superficie, on aurait besoin d'un chemin X, mais si on fait des
bandes de cent mètres, boisées ou coupées, ou des bandes
d'un kilomètre, évidemment, cela prend deux fois plus de
chemins.
Cependant, avec la venue actuelle du reboisement massif, de toute
façon il va falloir entretenir beaucoup plus de chemins. Selon la
méthode traditionnelle, on allait récolter du bois et on y
retournait 60 ou 80 ans plus tard, donc, évidemment, il fallait refaire
tous les chemins. Dans la mentalité traditionnelle, quand on faisait un
chemin, il s'agissait de ramasser le plus de matières possible, le plus
loin possible du chemin et oublier ce chemin et le laisser se détruire.
Mais je pense que, dès à présent, dès la politique
forestière actuelle, si on fait des plantations, cela implique un
entretien, un suivi, donc on ne pourra plus laisser aller les chemins comme
cela. L'augmentation nécessaire de construction de chemins pour faire
des coupes par bandes ne serait donc pas plus onéreuse que la
proposition actuelle de reboisement-entretien comme méthode massive pour
assurer la pérennité et la regénération des zones
de coupe.
Par contre, je ne peux pas dire qu'on a une politique ou une position
à savoir si on devrait utiliser plus la machinerie ou faire un
moratoire. Ce sont des choses qui se discutent. Je pense que c'est possible et
ce ne serait pas plus onéreux de faire des coupes par bandes avec de la
machinerie que de faire des coupes à blanc en grande superficie et de
reboiser après et, par la suite, d'entretenir les plantations.
Relativement à l'entretien des plantations, quand on parle de
l'effet de possibilité, tantôt, quand le ministre parlait de
planter des carottes et d'espérer en manger un jour, j'espère
qu'on mangera les carottes qui sont boisées en ce moment, car au cours
des dernières années, dans le programme du ministère, il y
a eu une augmentation assez massive du reboisement, comme on le sait, avec la
potée des 300 000 000. Cela a été accompagné d'une
augmentation assez massive du programme de suivi des plantations, sauf que ce
programme n'a pas été atteint à 10 %. Donc, si l'on s'en
va vers les 300 000 000 de plants et que le suivi des plantations est fait
aussi bien, j'ai hâte de voir les arbres qu'on va
avoir dans 40 ou 50 ans. Car c'est un problème très grave.
Si on plante pour les oublier là et ne pas s'occuper des chemins, on est
mieux de ne pas le faire tout de suite, parce que c'est de l'argent jeté
par les fenêtres. Mais si on plante et qu'on fait le suivi, alors c'est
bien dommage, mais cela ne coûtera pas plus cher de faire des coupes par
bandes.
M. Perron: Merci des informations que vous nous avez
données. Je pense qu'on peut réaliser de ce
côté-là que, pour les coupes forestières, il y a
différentes méthodes d'exploitation et chacune des
méthodes devra être étudiée pour prendre la bonne
afin de la mettre en application par la suite.
Dans la page 6 toujours, vous mentionnez ceci: "Nous croyons qu'un
ministre qui confie l'aménagement du patrimoine à l'entreprise
privée, c'est de sa part un aveu d'impuissance ou de soumission à
des industries plus soucieuses de faire des profits", etc. Ce que je voudrais
vous demander, c'est: Est-ce que vous avez une contreproposition à faire
à cette position gouvernementale?
M. L'Italien: La question qu'on se pose, c'est: pourquoi le
ministre, avec autant d'effectifs au ministère de l'Énergie et
des Ressources, remet-il l'aménagement de la forêt à
l'entreprise privée? C'est, la question qu'on se pose, alors qu'il y a
déjà la Société coopérative
forestière qui a été mise sur pied pour leur venir en aide
techniquement. Par ricochet, on peut poser la question: Est-ce que te
ministère va continuer d'embaucher autant d'ingénieurs forestiers
qui vont être sur les tablettes ou qui vont servir à quoi? si on
remet à l'entreprise privée le soin d'aménager la
forêt? C'est tout un questionnement qui est derrière cela, parce
que si on veut faire des économies, on veut savoir où on va les
faire.
M. Perron: Merci beaucoup. Oui...
M. Désy: II serait possible d'ajouter aussi qu'à un
niveau peut-être plus élevé, non pas de gestion comme
telle, mais au moins de consultation, le RQV est d'accord sur le principe d'une
participation, d'une démocratisation de cette gestion de la forêt.
Il n'est pas du tout interdit de penser que des conseils ou des régies
régionales comprenant à la fois des entreprises, bien sûr,
forestières et aussi des utilisateurs de la forêt, que ce soit des
gens des pourvoiries, que ce soit des gens des ZEC, des
fédérations de plein air, puissent être
intégrés à une table de concertation, une table
consultative, justement, sur la gestion globale de l'espace forestier. Cela
nous apparaîtrait intéressant qu'il n'y ait pas qu'un seul type
d'entreprise vouée à la gestion de cette ressource puisqu'il y a
des milliers d'utilisateurs autres que les compagnies forestières.
M. Perron: Je vous remercie. Certains de mes collègues ont
des questions à poser en rapport avec votre mémoire, M. le
Président.
M. Désy: M. le Président, c'est peut-être une
question de privilège. Je dois partir impérativement dans cinq
minutes pour un cours à Chicoutimi à 18 heures. Alors, si
quelqu'un voulait me poser des questions sur le flottage, je suis
disposé; sinon je lève le...
Le Président (M. Charbonneau): On veut bien comprendre vos
contraintes, mais il y a aussi des contraintes dans l'organisation des travaux.
Je pense que votre message a été compris par tout le monde. Je
vais céder la parole au ministre s'il a des questions à
poser.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, M. Vanier a lu un paragraphe du Guide d'intervention en
forêt. J'aimerais qu'il continue à lire le paragraphe suivant qui
dit ceci: "Les modalités d'intervention relatives aux activités
de prélèvement de la ressource forestière seront donc
définies en regard des composantes biophysiques qui caractérisent
chaque zone. Elles viseront è conserver un couvert forestier comportant
des essences recherchées pour l'approvisionnement des usines de
transformation du bois tout en protégeant les autres ressources du
milieu." Cela m'amène aussi à la remarque qui a été
faite sur la polyvalence de la forêt. Ce guide a été
déposé en septembre en collaboration avec le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche et celui de l'Environnement. C'est un effort
de concertation entre les trois ministres, et c'est pour vous démontrer
que pour les autres utilisateurs, la polyvalence de la forêt nous
préoccupe grandement et qu'il est temps que tous les utilisateurs de la
forêt, que ce soit des chasseurs, des amateurs de plein air, des
pêcheurs ou des ouvriers forestiers se respectent dans ce milieu.
Quant à mes devoirs, M. le député de Duplessis, je
vous ferai remarquer que les articles auxquels vous avez fait
référence -je ne suis pas avocat, je suis ingénieur
forestier, mais tout de même - l'article 111 est un article qui permettra
d'ajuster les autres lois - je suis aussi arpenteur - de façon à
assurer les concordances de façon transitoire - ce qui est bien
important - et provisoire et non de façon permanente comme l'actuel
article 4 de la loi des forêts. De plus, quand on dit à l'article
109: "La présente loi remplace les articles 4, 5, 6 et 66 à 168
de la Loi sur les terres et forêts. Ces dispositions demeurent toutefois
en
vigueur dans la mesure nécessaire pour donner effet à
l'article 106", c'est encore quelque chose de provisoire et de transitoire de
façon qu'il n'y ait pas de vide juridique dans cette administration. Je
vous demanderais de vous en référer à vos avocats.
M. Perron: Je n'ai pas besoin de m'en référer aux
avocats mais lorsqu'on voit une...
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Duplessis, je pense que c'est... À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Perron: M. le Président, il m'a demandé de me
référer, alors je me réfère...
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!
M. Maltais: Attendez un peu. "Wait a minute". Les nerfs, Olivier,
les nerfs... Soyons calmes.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre,
calmez-vous!
M. Maltais: Regardez, le député d'Ungava qui est
calme, soyez comme lui.
Le Président (M. Charbonneau): Si cela continue, on va
prendre un "break" syndical.
M. Perron: Est-ce que je peux poser une question au ministre?
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Non, M. le
député de Duplessis, la parole est au ministre. Si le ministre
vous pose une question, je présume qu'à ce moment-là il
vous permettra, sur son temps de parole, d'y répondre. Â ce
moment-ci, c'est le ministre qui a la parole et il peut faire ce qu'il veut en
se conformant aux règles prévues.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais que le
groupe qui nous fait l'honneur de nous transmettre des opinions et des
recommandations explique davantage ce qu'on entend par privatisation de la
forêt. Dans mon esprit, je vous le dis comme je le comprends, c'est
qu'évidemment on va confier des travaux à l'entreprise
privée en forêt. Que ce soit des coopératives, des
organismes de gestion en commun ou des compagnies privées, cela reste
des utilisateurs, des exécutants à qui on confiera des
responsabilités. Ils seront réglementés et auront des
directives et des conditions pour exécuter- les travaux. Je me demande
comment faire autrement parce que en 1972-1974 la politique forestière
voulait que l'on rétrocède toutes les concessions
forestières et que le ministère se charge de l'aménage-
ment. Vous voyez les résultats après une dizaine d'années.
On a réussi à révoquer environ 33 % des concessions
forestières, les autres sont encore là et le ministère n'a
pas fait les travaux d'aménagement qu'il anticipait de faire. Je me
demande comment procéder autrement. Si vous avez des suggestions, je
serais bien heureux de les recevoir.
M. L'Italien: Gaétan va vous répondre.
M. Malenfant (Gaétan): Je pense qu'ils ont peut-être
une piste de réponse et on ne retrouve pas en tout cas dans le projet de
loi des allusions à cette piste-là. Si on regarde vraiment tout
ce qui s'est développé dans l'Est du Québec au plan des
organismes de gestion en commun, des sociétés d'exploitation des
ressources, nous on pense qu'il y aurait peut-être là une voie
dans ce sens-là, à savoir que ces organismes puissent
véritablement gérer des parties de forêt publique en
portions beaucoup plus grandes.
Actuellement, d'accord, ils vont faire des travaux d'aménagement,
de reboisement, par exemple. Ces regroupements de propriétaires de
boisés qui, depuis les années 1972 je pense, ont
démontré leur volonté de se créer de l'emploi
à partir de leurs ressources, je pense qu'on pourrait espérer
qu'ils soient plus reconnus. Dans le projet de loi - tolérer est
peut-être trop fort - on ne sent pas que ce volet est encouragé.
Alors, nous on pense que cela pourrait être une façon de faire en
sorte que les propriétaires de boisés privés puissent
avoir un peu voix au chapitre. Tantôt, vous nous avez mentionné
qu'il y avait beaucoup de programmes d'aide à la forêt
privée. C'est bien d'accord, mais par exemple la question que l'on se
pose - c'est la question qu'on voulait mettre sur la table - concerne la vente
de leur bois. Je veux dire qu'il faut que ces gars-là puissent vendre
leur bois. Actuellement, ce qu'il y a dans l'avant-projet de loi ne permet pas
une garantie suffisante à ce sujet tandis que dans
l'énoncé de politique, on le voyait plus. Je ne sais pas, je veux
dire, finalement... Nous, on pense que cela pourrait être une
possibilité si ces organismes de gestion en commun avaient plus
d'accès à la forêt publique et en géraient
d'importantes parties au lieu, disons, de les concéder à des
entreprises papetières et forestières.
M. L'Italien: Robert va compléter la réponse, M. le
ministre. (15 h 30)
M. Beauregard: Sur la deuxième question quant à la
privatisation, je pense que ce qu'on entend par "pseudoprivatisation", c'est
d'accorder la maîtrise d'oeuvre à l'industrie. Ce n'est pas
seulement une espèce de sous-contrat ou de... On dit
aux utilisateurs: Faites votre plan de gestion, nous allons
contrôler. On va le voir, on va le regarder. Il va y avoir une
réglementation qu'on n'a pas vue. Sur ce sujet, on ne peut rien dire
encore. C'est très malheureux. Il y a le manuel - je ne me souviens pas
du nom exact...
M. Maltais: Le guide d'intervention.
M. Beauregard: ...le guide d'intervention qui est sorti tout
récemment, qu'on a eu le temps de consulter seulement en diagonale, mais
il ne semble pas qu'il y ait des choses extrêmement... Ce sont des
directives générales. La maîtrise d'oeuvre reste aux
utilisateurs, à l'industrie. Dans ce sens-là, pour nous, c'est
une forme de privatisation. En 1972, il y a eu la politique forestière
de l'époque du ministre Drummond. C'était un certain pas en
avant, dans le sens que, pour la première fois, on faisait un inventaire
forestier. On se doutait qu'il y avait des problèmes, mais on a
commencé par faire l'inventaire. En 1976, on avait identifié des
problèmes et il y a eu la nouvelle politique du nouveau ministre de
l'époque, les gens de l'Opposition pourront me rappeler le nom, je ne me
souviens pas.
Pour nous, c'était une certaine réponse au problème
qui avait été identifié, c'est-à-dire que la
priorité de l'industrie est de faire du papier et de le vendre au
meilleur prix possible et d'en tirer le plus grand profit possible alors
qu'elle fonctionne sur des terres qui, elles, sont d'intérêt
public, qui doivent profiter à tout le monde et qui doivent donc
être gérées par l'État.
En 1976, c'est ce que nous avons voulu faire, sauf qu'après il
est arrivé une certaine crise économique - on s'en souviendra -
et je crois que le gouvernement de l'époque a perdu le courage politique
et économique de maintenir cette politique de l'avant. On dit
qu'après dix ans, on voit ce que cela a donné. On ne voit pas ce
que cela a donné, parce que la politique a commencé en 1976 et
vers 1979 elle a été arrêtée. Les concessions ont
cessé. On a cessé de rétrocéder les concessions. On
a cessé d'appliquer la politique. Coupures de budget, plus d'engagements
au ministère. Qui va faire la gestion? Cela a été en
suspens pendant un bon bout de temps. Maintenant, on se dit: Revenons au bon
vieux temps. C'est un peu la lecture qu'on fait de cela. C'est pourquoi on
parle de privatisation ou de pseudo-privatisation. C'est clair que le
gouvernement ne pourrait pas donner directement toutes les terres publiques. Ce
serait trop scandaleux. Mais par le nouveau régime forestier, je crois
qu'on revient à une certaine époque qu'on a connue avant
1976.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Beau-regard, je
pense bien qu'un propriétaire ne peut pas se désister de ses
obligations et de ses responsabilités. Que ce soit un organisme de
gestion en commun ou une compagnie, si on lui confie des travaux ou des
responsabilités, je pense bien que le propriétaire est tenu de
lui en indiquer les conditions et les règlements d'exécution. Les
organismes de gestion en commun, à mon sens, sont de très bons
exécutants. Ils ont été mis de l'avant avec la
collaboration du gouvernement antérieur et, cette année, nous
leur avons confié des travaux pour une valeur de 15 600 000 $. C'est une
augmentation si on compare avec l'an dernier. Que le travail soit bien fait
chez ces organismes-là, j'en suis très heureux, mais c'est
également bien fait aussi par d'autres compagnies ou par d'autres
particuliers. Nous avons aidé les propriétaires privés
aussi avec un budget de 8 000 000 $ justement pour exécuter ces travaux.
J'ai visité les chantiers pendant de nombreuses années et,
souvent, les chantiers des sociétés d'exploitation des ressources
ressemblaient exactement aux chantiers d'autres compagnies. Il n'y avait pas de
différence parce qu'ils avaient les mêmes contraintes, ce qui fait
qu'il n'y avait pas de différence là-dessus. Évidemment,
les gens font cela pour gagner leur vie et ils font cela du mieux qu'ils
peuvent. Je ne lance pas de roches à qui que ce soit.
Quant à la priorité sur la forêt privée dont
vous avez fait mention, l'application de l'article 22 permettra au
ministère de considérer la forêt publique comme une source
résiduelle d'approvisionnement des usines et toutes les autres
provenances du bois de forêts privées, les copeaux, et le bois
d'importation comme la source principale d'approvisionnement. En pratique, au
moment de l'attribution des contrats et à l'occasion de leur
renouvellement, le ministère n'offrira à l'industrie que la
quantité de bois manquante et en provenance de la forêt publique
après avoir soustrait les besoins totaux des quantités qui ont
été obtenues en moyenne au cours des années et pour
d'autres considérations. Je ne sais pas si cela répond à
votre question, mais c'est la première fois qu'un volume est
assuré dans un projet de loi pour la forêt privée. Cela ne
s'est jamais produit auparavant. Les prix sont fixés par l'Office du
marché agricole. Je n'ai pas d'autre question pour l'instant.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le ministre. M.
le député d'Ungava.
M. Claveau: J'avais une question qui se rapporte au flottage du
bois, mais, malheureusement...
Une voix: Le flotteur est parti.
M. Claveau: Je pourrais peut-être
modifier ma question si quelqu'un veut me répondre. Quand on
parle du flottage du bois - j'ai été très
intéressé d'ailleurs par ce document - on se réfère
d'une façon plus large à l'ensemble du transport de la
matière ligneuse. Quand on parle d'environnement, on parle de
l'environnement des eaux, mais également de l'environnement humain, le
transport du bots étant un problème grave pour ce qui est de
l'occupation des routes, du bruit dans les municipalités, du transport
de nuit pour les gens qui vivent le long des grandes routes et des chargements
de bois qui sont souvent hors normes et en deçà des limites de la
loi en termes de hauteur, de largeur, de poids, etc.
Quelqu'un pourrait-il me donner des pistes quant à vos
réflexions sur d'éventuelles alternatives en ce qui concerne le
transport de la matière ligneuse?
M. L'Italien: M. Vanier va vous répondre.
M. Vanier: Quand on parle d'éliminer le flottage du bois,
c'est sûr que c'est pour éliminer les conséquences
très grandes et les effets néfastes sur l'environnement et sur le
système aquatique. Si on prend le transport du bois par réseau
routier, le bruit et la poussière causent aussi des problèmes sur
les routes.
Il faudrait aussi envisager à court terme le transport du bois
par train; cela se fait aussi dans certaines régions. Actuellement, le
ministère de l'Environnement et le ministère de l'Énergie
et des Ressources sont en train de faire un document sur le Saint-Maurice. Il y
a une étude dont parlait tantôt M. Désy. J'ai
demandé au ministre de l'Environnement, M. Clifford Lincoln, lors d'une
rencontre qu'on a eue avec lui sur un autre sujet, de la rendre publique le
plus tôt possible et je n'ai pas encore eu de réponse à ma
demande. J'ai fait une demande officielle par lettre, au nom du Regroupement
pour un Québec vert, et on n'a pas reçu de réponse. Donc,
on ne sait pas ce qui se passe avec cette étude.
On a entrevu toutes sortes de solutions. Certains parlaient de faire un
genre de pipeline; certaines solutions étaient un peu
sophistiquées et parfois bizarres. La compagnie Kruger, si je ne me
trompe pas, avait même envisagé la possibilité de faire du
transport de bois par petit dirigeable. On ne sait pas ce qui se passe avec ces
études. Ce serait peut-être une façon, là aussi, de
faire une innovation technologique au Québec. On sait que les petits
dirigeables sont utilisés dans les provinces de l'Ouest, en Colombie
britannique, et davantage aux États-Unis, dans l'Ouest américain,
dans les rocheuses, pour la coupe des grands arbres en flanc de montagne.
La solution est loin d'être facile. Mais, étant
donné tous les impacts que cela représente pour le milieu
aquatique et le fait que c'est une perte de potentiel faunique et aussi de la
polyvalence de l'utilisation du milieu, je pense qu'il va falloir regarder ce
domaine d'une manière sérieuse et envisager des solutions
à court terme de façon graduelle, et à moyen et à
long termes pour faire de la recherche. Il semble que le ministère n'ait
pas de programme là-dessus. Il n'a qu'une étude pour la
Saint-Maurice actuellement.
M. Claveau: Dans ce contexte, une des solutions ne serait-elle
pas, entre autres, de rapprocher les usines des parterres de coupe ou, du
moins, de revenir à un énoncé de principe qu'on retrouvait
dans le livre blanc de 1985 par lequel on voulait faire en sorte que les
allocations des parterres de coupe des compagnies soient le plus près
possible des usines pour empêcher certaines choses qu'on connaît?
Par exemple, la Kruger va chercher son bois dans le secteur de Chibougamau pour
Trois-Rivières, etc. Les exemples ne manquent pas. Le bois voyage dans
tous les sens et on se demande où il va et d'où il vient.
M. Vanier: Cette question est très intéressante et
très importante. C'est pour cela, entre autres, qu'on veut que la
forêt privée soit privilégiée le plus possible, car
c'est la forêt qui est dans la zone qu'on appelle forêt de banlieue
qui est la zone la plus près des usines de transformation de bois.
À ce moment-là, si l'approvisionnement se fait plus
près... Aujourd'hui on est rendu qu'on coupe en Abitibi, on est rendu
dans la zone pâte presque; c'est très loin, c'est très haut
et à ce moment-là cela engendre les problèmes qu'on
connaît. On est obligé de prendre du flottage de bois pour
rentabiliser les coûts. C'est sûr que cela serait mieux si
c'était plus près des usines d'approvisionnement. C'est
sûr. Ce serait une solution à court terme. Il faudrait voir aussi
à la régénération de cette forêt.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
président.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je suis arrivé
quelques secondes en retard. J'aimerais savoir combien de membres regroupe le
Collectif forêt-intervention? Je ne sais pas à qui m'adresser.
M. L'Italien: Robert Beauregard va vous répondre.
M. Maltais: M. Beauregard, combien de membres au Québec
regroupe votre association?
M. Beauregard: Le Collectif forêt-
intervention c'est un petit groupe de douze ingénieurs forestiers
ou de gens qui ont gradué en génie forestier.
M. Maltais: Combien?
M. Beauregard: Douze.
M. Maltais: Douze ingénieurs, oui.
M. Beauregard: Douze ingénieurs forestiers ou gens qui ont
gradué ou sont près de le faire.
M. Maltais: M. Denis Lambert, qui est-ce?
M. L'Italien: II est absent aujourd'hui. M. Maltais: C'est
quoi dans la vie?
M. L'Italien: Anthropologue et recher-chiste actuellement.
M. Maltais: À l'Université du Québec
à Rimouski?
M. L'Italien: À Québec.
M. Maltais: À Québec, merci. D'accord. Vous avez
parlé un peu dans votre mémoire de ce que la commission
parlementaire est beaucoup trop restrictive, en ce sens qu'elle n'entend pas
assez de personnes. D'après vous, quelles seraient les personnes
idéales qui devraient être entendues à cette
commission?
M. L'Italien: M. Malenfant va vous répondre.
M. Maltais: S'il vous plaît!
M. Malenfant: Nous pensons que le gouvernement devrait faire un
plus large débat et entendre tous les intervenants, que ce soit de la
santé ou de l'environnement, vraiment reprendre l'ensemble de la gestion
comme telle au complet. Pas uniquement dans le sens d'en faire un usage
polyvalent, être capable de toucher l'ensemble des règlements et
autres lois...
M. Maltais: Permettez-moi de vous arrêter. Quelle est la
différence entre un ensemble polyvalent et les autres ensembles?
M. Malenfant: On sent que ce sont toujours les papetières
qui parlent pour orienter les choses. Or, nous, nous voudrions qu'il y ait une
consultation régionale, qu'on parte d'une commission itinérante
pour entendre...
M. Maltais: Excusez-moi, mais je voudrais avoir la
définition. C'est quoi la différence entre un ensemble polyvalent
et les autres ensembles. Je voudrais qu'en trois ou quatre phrases vous me
disiez la différence entre un ensemble polyvalent et les autres
ensembles que vous venez d'évoquer.
M. Malenfant: Je ne comprends pas.
M. Maltais: Vous venez de me dire qu'il y a une différence
entre les ensembles polyvalents et les autres ensembles. Je veux savoir quelle
est cette différence parce que c'est bien important.
M. Malenfant: Ce que je tentais de dire, c'est qu'on ne sent pas
actuellement, c'est que les aspects qui nous préoccupent
davantage...
M. Maltais: Dans les utilisateurs de ta forêt on
reconnaît facilement d'abord l'industrie forestière, qui n'est pas
uniquement les papeteries, je m'excuse, c'est un ensemble de groupes
d'individus qui utilisent la forêt, que ce soit les chasseurs, que ce
soit les "environnementaux", que ce soit l'industrie forestière,
d'après moi cela regroupe un ensemble. Quels sont les autres
ensembles?
M. Malenfant: Les autres aspects, la qualité de vie en
forêt pour les bûcherons.
M. Maltais: Qu'est-ce qu'on reproche exactement, dans
l'avant-projet de loi, concernant la qualité de vie des bûcherons
en forêt?
M. Malenfant: ...
M. Maltais: Mais est-ce qu'on a besoin d'encadrer cela dans une
loi en 1986?
M. Malenfant: Certainement, parce que la qualité...
M. Maltais: Je m'excuse, mais c'est parce que le ministère
du Travail légifère là-dessus, sur les conditions de
travail des travailleurs, que ce soit en forêt, sur un chantier de
construction, à l'usine, à l'hôpital, partout. Est-ce que
ce n'est pas mêler les choux avec les patates?
M. Malenfant: ...
M. Maltais: D'abord, est-ce qu'au Québec on fait une
différence entre les travailleurs forestiers et les travailleurs de
l'usine de Kruger dans le comté de M. Gauthier?
M. Malenfant: Oui, je pense que...
M. Maltais: Je regrette, mais je viens
d'un comté dont 80 % des travailleurs sont dans la forêt.
Il y a des travailleurs à l'usine d'aluminium. Je ne vois pas la
différence de qualité de vie entre ces travailleurs-là
dans leur convention collective. Je voudrais juste savoir si cela relève
du ministère du Travail, si cela relève d'un département
de santé communautaire, ou d'une convention collective ou d'une loi du
ministère des Forêts. (15 h 45)
M. Malenfant: Je comprends très bien votre argumentation.
Vous voulez vous en tenir uniquement à restreindre le projet. Vous
demandez notre opinion, je vous la dis..
M. Maltais: Je veux savoir, oui...
M. Malenfant: Nous on pense que tous les aspects, que ce soient
tes conditions de travail, la santé et la sécurité, la
façon dont sont octroyées les allocations de bois, les coupes,
tout cela devrait être examiné en profondeur.
M. Maltais: Je m'excuse, mais en quoi cela change... M. Perron,
vous allez avoir la parole, vous parlerez. C'est moi qui l'ai...
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, à
l'ordre!
M. Perron: M. le Président, il ne donne même pas la
chance à l'organisme de répondre.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel M. le
député de Saguenay, je voudrais simplement... À
l'ordre!
M. Maltais: Vous lui poserez les questions que vous voudrez. Vous
les avez posées avant, moi je les lui pose tout de suite.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel M. le
député de Saguenay, je voudrais simplement vous rappeler à
vous et à tous les membres de la commission que pour le bon ordre du
déroulement des travaux, d'abord on devrait s'interpeller par le nom de
notre comté, d'une part, pour éviter des familiarités qui
ne sont pas permises par le règlement. D'autre part, je voudrais vous
inviter, vous et l'ensemble des membres de la commission... Je pense que si on
pose des questions à nos invités, il faudrait aussi
peut-être leur permettre... Ils ne sont pas dans un processus de
contre-interrogatoire, donc, je pense qu'il s'agit de permettre aux gens de
répondre aux questions. Un député, un membre de quelque
côté que ce soit peut différer d'opinion avec nos
invités, peut argumenter avec nos invités mais je pense qu'il
faut que, de part et d'autre, cela puisse se faire de telle sorte que nos
invités ne se sentent pas dans un processus de
contre-interrogatoire.
M. Maltais: M. le Président, je suis tout à fait
d'accord avec vous et vous allez comprendre. On dit que les travailleurs
forestiers ont de piètres conditions. Or c'est 80 % de la population de
mon comté et je n'ai pas l'impression - vivant depuis que je suis
né dans mon comté - que les travailleurs forestiers de la
Côte-Nord ont de piètres conditions à comparer à
d'autres travailleurs. Vous allez comprendre que je m'interroge sur la question
soulevée par monsieur. Je veux bien croire que cela se passe ailleurs au
Québec, je n'ai pas fait le tour du Québec, malheureusement - je
n'en ai pas les moyens et je n'ai pas le temps -mais dans mon comté, les
travailleurs forestiers que je connais - et Dieu sait si j'en connais, c'est 80
% de la population -n'ont pas de piètres conditions. Je réfute
cette allégation concernant les travailleurs de mon comté. Je ne
parle pas des affaires des autres. Mais je réfute cela en ce qui
concerne mon comté.
D'accord, je peux maintenant continuer...
M. L'Italien: M. le député, si vous voulez...
M. Maltais: Certainement.
M. L'Italien: On pourrait compléter la réponse
qu'on voulait vous donner. Dans ce sens, il y a M. Lechasseur qui connaît
particulièrement les conditions des travailleurs forestiers. À la
Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, on a
déjà souligné à plusieurs reprises que les
travailleurs forestiers ont connu des conditions beaucoup plus honorables que
cela dans le passé et que maintenant les conditions se sont
détériorées. C'est une réalité. Quand vous
dites que vous connaissez quelques bûcherons ou peut-être une
centaine, il faudrait peut-être leur demander...
M. Maltais: Je m'excuse, monsieur. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
J'ai dit que 80 % de la population de chez nous travaillaient dans le domaine
forestier et qu'ils n'avaient pas de piètres conditions de travail. Je
n'ai pas parlé des vôtres; j'ai parlé des miens.
Continuons.
M. L'Italien: Est-ce que votre sondage est récent, quand
vous dites cela?
M. Maltais: Monsieur, j'ai vécu, moi, sur la
Côte-Nord depuis que je suis né. J'ai 42 ans. Alors je connais un
peu les travailleurs forestiers, certainement autant que n'importe qui qui les
a observés. On continue.
M. L'Italien: Est-ce qu'on peut répondre? M. Lechasseur
pourrait...
M. Maltais: Allez-y, M. Lechasseur.
M. Lechasseur (Yvon): Disons que je suis un travailleur forestier
qui a toujours travaillé à Baie-Comeau, sur la
Côte-Nord.
M. Maltais: C'est bien, ça.
M. Lechasseur: J'ai travaillé dans toutes les compagnies
forestières de la Côte-Nord et je peux vous dire, puisque j'ai
commencé à travailler en forêt en 1950, qu'on vit
aujourd'hui ce qu'on vivait en forêt en 1950. C'est pire
présentement que c'était en forêt en 1950. En 1950, en
forêt, il y avait des camps en bois rond. Il y avait des cuisiniers dans
les camps et il y avait des gens pour soigner les chevaux. Aujourd'hui, il n'y
a même plus de camps ou presque plus. Les gens voyagent. Les compagnies
font voyager le monde à toutes les semaines. En fait, on avait des
conditions de travail et des conditions de vie pas trop pires. Mais
aujourd'hui, on n'en a plus. Les conventions collectives ont sauté. Ce
sont les petits "jobbeurs" qui ont fait sauter les conventions collectives.
On peut dire qu'aujourd'hui 24 heures par jour, ce n'est pas assez. Cela
prendrait au moins 30 heures par jour pour arriver. Si c'est ça les
conditions de travail et les conditions de vie dont vous parliez...
M. Maltais: En tout cas...
M. Lechasseur: ...on pourrait probablement se passer de
ça.
M. Maltais: Vous me permettrez de diverger d'opinion avec vous.
Je pense qu'on a le respect mutuel des personnes, sauf que je n'ai pas la
même vision que vous présentement...
M. Lechasseur: Moi, je l'ai vécu. J'ai vécu en
forêt, moi.
M. Maltais: Moi aussi, je l'ai vécu, M. Lechasseur.
M. Lechasseur: Vous n'avez pas vécu en forêt,
vous.
M. Maltais: J'ai vécu en forêt, oui, monsieur. La
Côte-Nord, c'est en pleine forêt.
M. Lechasseur: Près de la forêt mais pas en
forêt.
M. Maltais: Non, non. On pourra s'en reparler mais ce n'est pas
pareil.
M. Lechasseur: Oui, il y a une différence.
M. Maltais: Ce n'est pas pareil. 11 y a une question que vous
avez soulevée au chapitre des OGC. Ils ont un rôle important dans
la structure des prix du bois pour leur permettre de financer des
activités d'aménagement. J'essaie de faire le lien entre les
syndicats forestiers, les propriétaires de boisés privés
et l'UPA, qui est partie conjointe là-dedans, l'Association des
producteurs de bois privé. Quelle est votre vision là-dessus?
Est-ce que les OGC devraient être complètement indépendants
de leur syndicat ou si, tout simplement, les OGC régionaux devraient
avoir un pouvoir "at large" de financement autonome dans leur
région?
M. Malenfant: Je n'ai pas très bien saisi la question,
mais je vais quand même tenter une réponse. Nous pensons que le
prix actuel du bois est fixé d'une telle façon par les compagnies
papetières et forestières qu'elles peuvent, étant
donné la facilité de s'approvisionner dans les forêts
publiques, négocier à rabais avec les regroupements de
producteurs de bois. Dans ce sens, c'est l'une des raisons pour lesquelles le
prix du bois est plutôt faible pour les propriétaires; cela ne
leur permet pas de faire un aménagement, même s'ils ont de l'aide,
aménagement qui soit rentable et dont ils puissent vivre.
M. Maltais: Si j'ai bien compris, vous préféreriez
que ce soit les OGC qui fixent le prix du bois plutôt que l'office.
M. Malenfant: Non, ce n'est pas ce qu'on veut dire. Actuellement,
l'office est un petit peu à la remorque des papetières. Ce sont
les papetières qui ont actuellement le haut du pavé quant
à la fixation des prix. C'est à ce niveau-là. Mais, si
vous me permettez un complément de réponse relativement à
la santé des travailleurs, on reconnaît actuellement à la
CSST que, dans la foresterie, le travail en forêt est l'endroit où
il y a le plus d'accidents dans tous les métiers. Pour 100 travailleurs,
vous pouvez être sûr qu'environ 33 auront à subir des pertes
de temps imputables à un accident en forêt. Ces conditions sont
quand même pénibles par rapport è l'ensemble des
autres.
Je vous inviterais, si vous en avez le temps, à regarder notre
mémoire. Aux pages 80 et 81, vous verrez deux cartes tirées d'une
géographie de la santé du Québec et où on peut
comparer les conditions générales de vie et les travailleurs
forestiers. À la page 80, vous avez la carte des travailleurs forestiers
de la Beauce en allant vers l'Est du Québec...
M. Théorêt: Monsieur, je m'excuse.
Nous prenons bonne note de vos recommandations et nous allons lire
l'étude. Cela répond à ma question. Nous allons lire les
titres que vous recommandez.
Le Président (M. Charbonneau): Je pense qu'il faudrait
peut-être laisser nos invités terminer la réponse. Je
comprends que le temps de réponse est imparti au temps de discussion
octroyé à une formation politique...
M. Théorêt: Non, il nous réfère
à un mémo.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, je comprends,
mais...
M. L'Italien: M. le Président. On aimerait
compléter. M. Robert Beauregard va ajouter quelque chose que l'on
considère très important relativement aux conditions de travail
des travailleurs forestiers.
M. Beauregard: Tantôt le député de Saguenay
affirmait que le ministère du Travail et d'autres organismes qui
s'occupent de santé, cela n'avait pas sa place ici.
Nous trouvons que cela a sa place ici, parce que, au cours des
dernières années, il s'est passé quand même des
choses qui découlent de la politique forestière qui n'ont pas
été discutées "at large" et qui affectent la santé,
comme les arrosages contre la tordeuse. Il en a été question
beaucoup dans le passé. Il n'en est pas du tout question dans le texte.
Pourtant, c'est une question qui a été débattue et on ne
sait trop ce qui va en advenir. Cela a des impacts importants sur la
santé des travailleurs et aussi sur toute la population dans les
régions. On sait qu'il y a de plus en plus d'études à ce
sujet dans les DSC.
Dans la mesure où on fera de l'aménagement par les
industries et du reboisement, le Regroupement pour un Québec vert a
préparé un vidéo sur les conditions de travail des gens
qui travaillent au reboisement. Malgré tout le respect que je dois au
député de Saguenay, qui a travaillé en forêt et,
malgré mon jeune âge, je sais qu'il y a des gens de mon âge
et des plus jeunes qui travaillent en forêt au reboisement. Vous devriez
voir les camps dans lesquels ils travaillent. Ils sont en polythène.
Souvent, il n'y a pas de cuisine ou la cuisine est faite par l'un des planteurs
ou l'une des planteuses. Ces conditions sont vraiment déplorables. C'est
assez nouveau et c'est dû à la quantité d'argent qu'il est
possible d'investir dans le reboisement. Si on n'en met pas beaucoup dans le
reboisement, il faut couper les coûts, il faut faire du travail au noir
et toutes sortes de choses. Cela a un impact sur la santé et sur les
conditions de travail. Ce sont des choses plus générales qu'on
trouve importantes à discuter dans le cadre du projet de loi sur la
forêt.
M. Théorêt: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Trois-Rivières. Il vous reste, je crois, trois ou quatre minutes et,
par la suite, nous aurons juste le temps de remercier nos invités de
part et d'autre. M, le député de Trois-Rivières.
M. Philibert: Je n'ai pas de question.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Alors, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Le député de Duplessis avait
un autre engagement depuis 15 h 30. Alors il m'a demandé de l'excuser.
Au nom de l'Opposition, je tiens à vous remercier de vous être
déplacés et de nous avoir soumis ce volumineux rapport. Il
contient beaucoup de matières, et on a pu voir que le temps qui nous
était alloué nous a permis à peine d'effleurer certains
sujets. Cependant, contrairement à d'autres intervenants, vous avez
apporté certains points qui vont certainement demander, autant de la
part du ministre que de l'Opposition, de se pencher un peu plus sur certains
points particuliers qui semblent vous préoccuper beaucoup, comme les
conditions de travail. Cela peut être important, puisque ce sont des
volets qui n'ont pas été tellement touchés jusqu'à
maintenant.
Je tiens à vous remercier de vous être
déplacés et d'avoir présenté ce rapport devant la
commission.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'aimerais apporter un commentaire sur le flottage.
L'étude dont vous parlez, j'espère que ce n'est pas
l'expérience qui a été faite par PULP-PO-BECK dans le
Saint-Maurice et qui coûte une fortune. Je pense que vous faites
référence à l'étude faite par McNeil sur le
Saint-Maurice et qui n'est pas encore déposée; elle est en
discussion avec le ministère de l'Environnement et sera
déposée bientôt. Est-ce de celle-là que vous
parlez?
M. L'Italien: C'est celle-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudra attendre
qu'elle soit complétée. Ensuite, c'est certain qu'au
ministère nous allons l'examiner, la consulter et l'évaluer.
Quant à moi, je voudrais ajouter que le ministère propose aussi
un nouveau mode de tarification, puisque vous avez parlé des redevances
au cours de notre échange de
vues qui a été fructueux, qui sera basé sur la
valeur du bois sur pied. Cette valeur est évaluée actuellement
sur la base des transactions privées conclues entre les vendeurs et
acheteurs, mais elle tient aussi compte des obligations actuelles
d'exploitation d'aménagement.
Lorsqu'elle entrera en vigueur, il faudra réajuster cette valeur
pour tenir compte du marché. Il faudra aussi tenir compte des nouvelles
obligations d'aménagement imposées par le nouveau régime
forestier et par le guide des modalités d'intervention en forêt.
C'est sûr que ce sera une contrainte qui imposera des charges
additionnelles aux exploitants et qui fera en sorte que les intervenants en
forêt, surtout les exploitants, respecteront les habitats fauniques, les
rives et aussi les prises d'eau des municipalités et les centres de
plein air, comme les stations de ski de fond et autres.
C'est un pas assez majeur dans notre intervention dans le respect de
tous les utilisateurs. C'est pour cette raison que l'article 4 de
l'avant-projet de loi mentionne qu'une déduction sera faite des frais
d'aménagement admissibles, mais c'est nous qui allons évaluer les
frais d'aménagement. Vous avez posé la question: Qui va les
évaluer? C'est nous. Cela ne sera pas soufflé ou
exagéré par les intervenants, ce sera notre évaluation. Je
suis convaincu que mes fonctionnaires en feront une évaluation
équitable.
Sur la base des estimations actuelles, la valeur moyenne du bois sur
pied ou du bois résineux a été évaluée,
selon notre méthode, à ce jour, à 5,64 $ le mètre
cube. Il s'agit d'un réinvestissement en forêt qui assurera notre
avenir et qui fera en sorte que l'on protège davantage la forêt.
Le coût moyen des travaux d'aménagement est estimé à
3,25 $ le mètre cube. Je vous transmets ces informations avant qu'on se
laisse, parce que le temps est écoulé.
Je tiens à vous remercier de votre présentation,
même si elle a été un peu rusée, cela a
été agréable et je l'accepte de bon coeur. Je vous
remercie et souhaite que vous continuiez à évaluer tous les
aspects des interventions en forêt et à respecter les autres
intervenants de façon que l'on puisse vivre agréablement dans une
société qu'on aime beaucoup au Québec. Je vous
remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
Alors, M. L'Italien, mesdames et messieurs, merci beaucoup. À une
prochaine fois peut-être.
M. L'Italien: Merci bien. (16 heures)
Le Président (M. Charbonneau): Je vais demander maintenant
aux représentants de l'Université du Québec de prendre
place.
À l'ordre!
M. Laurin, si c'est bien cela, s'il n'y a pas d'erreurs sur notre
feuille, je vous souhaite la bienvenue. Merci beaucoup M. Cannon, votre aide
m'est toujours précieuse. Vous avez raison, deux à zéro
pour vous. Je vous demanderais, M. Laurin, de présenter les gens qui
vous accompagnent et je vous rappelle que vous avez douze minutes pour la
présentation de votre mémoire et qu'il y a de chaque
côté, pour chacune des formations politiques, vingt-quatre minutes
de discussion avec vous. Sans plus tarder, allez-y.
Université du Québec
M. Frisque (Gilles): Si vous m'excusez, M. le Président,
je vais présenter le mémoire. Mon nom est Gilles Frisque, je suis
directeur du Centre multirégional de recherche en sciences et
technologies forestières de l'Université du Québec. Je
vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: à ma
droite, M. Paul Laurin, vice-doyen des études avancées et de la
recherche à l'Université du Québec à
Trois-Rivières; à ma gauche, M. Gilles Beaudry, directeur de la
recherche au siège social de l'Université du Québec.
L'Université du Québec, par le biais de son Centre
multirégional de recherche en sciences et technologies
forestières, tient à remercier le ministre
délégué aux Forêts, M. Albert Côté, et
les membres de la commission de l'économie et du travail de l'invitation
qui lui a été faite de présenter un mémoire lors de
la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les
forêts.
Ce mémoire est présenté par le Centre
multirégional de recherche en sciences et technologies
forestières de l'Université du Québec qui regroupe et
coordonne les différentes activités de recherche reliées
au secteur forestier qui sont menées par les professeurs et chercheurs
de cinq établissements de l'Université du Québec,
situés dans autant de régions de la province. Il s'agit de
l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui assume
le leadership du centre multirégional, de l'Université du
Québec à Chicoutimi, de l'Université du Québec
à Rimouski, de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue et, enfin, de l'Institut Armand-Frappier.
Cette présence régionale des établissements de
l'Université du Québec représente un atout majeur en
recherche forestière puisque, ainsi que le souligne avec exactitude la
version préliminaire du manuel d'aménagement forestier
préparé en relation avec l'avant-projet de loi, et je cite
textuellement: "II est impensable, étant donné la vaste
superficie forestière du Québec, d'aménager ce territoire
comme une seule et même forêt."
Étant donné l'importance économique et
sociale du secteur forestier au Québec et le besoin urgent
d'assurer le renouvellement de la ressource forestière afin de permettre
le maintien de l'activité industrielle et des emplois qui en
dépendent, nous croyons qu'il est nécessaire et opportun de
réviser la Loi sur les terres et forêts afin d'améliorer le
niveau et la qualité de l'aménagement de cette ressource
naturelle et d'en assurer la pérennité.
Nous appuyons donc l'avant-projet de loi sur les forêts qui est
présenté par le ministre délégué aux
Forêts, M. Albert Côté.
Historiquement, la forêt québécoise a
été considérée comme une ressource
inépuisable qui constituait de plus un moteur économique
important, générateur d'emplois et d'investissements dans les
centres urbains et dans les régions du Québec. De plus,
l'État en retirait des revenus indispensables pour le soutien de
certains programmes sociaux et ne réinvestissait qu'une faible partie de
ces revenus en forêt. Aujourd'hui, la forêt constitue toujours un
moteur économique puissant et une source vitale d'emplois dans de
nombreuses régions du Québec. Par contre, nous savons maintenant
que la ressource n'est pas inépuisable et qu'une rupture de stock est
même à craindre dans certaines régions du
Québec.
Il s'agit donc de réajuster et de corriger, dans certains cas,
une situation qui est te résultat de plusieurs années d'abondance
où le souci de renouvellement de la richesse collective que
représente la forêt n'était pas évident. Cet
exercice est difficile mais indispensable si nous voulons assurer aussi bien la
survie et la vitalité de l'industrie forestière que la
conservation du patrimoine forestier québécois.
En tant que représentants du milieu de la recherche
universitaire, il ne nous apparaît pas approprié de
présenter une analyse détaillée, article par article, de
l'avant-projet de loi. En effet, l'avant-projet de loi qui nous est
proposé est un document à caractère législatif qui
vise principalement à préciser et à réglementer les
relations et les obligations réciproques entre l'État,
propriétaire des forêts du domaine public, et les
différents utilisateurs de ces forêts.
Cependant, et d'une manière générale, nous appuyons
cet avant-projet de loi et félicitons le ministre
délégué aux Forêts qui, par le biais de son nouveau
régime forestier, vise à assurer le rendement soutenu des
forêts du Québec par l'optimisation des procédés
d'allocation, de récolte, d'utilisation et d'aménagement de la
ressource forestière.
De plus, la volonté nettement exprimée d'assurer le
renouvellement de la ressource forestière par des mesures de
régénération et de reboisement est le fondement d'une
saine conception de l'aménagement forestier. Cette prise de conscience
du Québec quant à la nécessité d'assurer le
renouvellement de la ressource forestière n'est d'ailleurs pas un acte
isolé. Elle s'inscrit dans un mouvement semblable qui voit actuellement
le jour dans plusieurs provinces voisines et qui est soutenu par l'État
fédéral au sein duquel l'importance forestière du
Québec est primordiale.
Toutefois, certaines lacunes apparaissent dans la version actuelle de
l'avant-projet de loi. La plus évidente nous semble être l'absence
de toute référence à la recherche et au
développement. En effet, ces mots ne figurent pas une seule fois parmi
les 113 articles qui constituent l'avant-projet de loi. Il nous semblerait
impératif que la recherche et le développement soient
soulignés dans un projet de loi sur les forêts, en particulier en
regard de la conjoncture forestière actuelle. Il est en effet
indispensable qu'un effort important de recherche soit consenti aussi bien par
le ministère de l'Énergie et des Ressources que par les autres
intervenants, afin d'assurer la réalisation des objectifs du nouveau
régime forestier.
De nombreuses inconnues existent encore dans l'équation
forestière québécoise. Cette opinion est, à notre
connaissance, partagée par la majorité des spécialistes du
domaine forestier et notamment par le milieu universitaire. On songe ici
à la position prise par les représentants de la Faculté de
foresterie et de géodésie de l'Université Laval et
à celle du Centre multirégional de recherche en sciences et
technologies forestières de l'Université du Québec.
À cet effet, il nous semble essentiel que le ministre responsable
de l'application d'une nouvelle loi sur les forêts puisse prendre l'avis
d'un comité de concertation axé prioritairement sur la recherche
et le développement forestier. Il nous semble également que des
mécanismes adéquats de financement de la recherche en foresterie
devraient être identifiés et même prévus dans une
nouvelle loi sur les forêts.
La nécessité d'un organisme de concertation sur la
recherche et le développement forestier était d'ailleurs une des
conclusions majeures du récent rapport de conjoncture sur la recherche
et le développement dans le secteur forestier, préparé,
à la demande du gouvernement du Québec, par le groupe de travail
pour la préparation de ce rapport.
Rappelons aussi que ce même rapport, rédigé
conjointement par des représentants des milieux industriels,
privés et gouvernementaux soulignait l'importance et la
nécessité d'accroître les efforts de recherche et de
développement en foresterie au Québec.
À un niveau plus spécifique, il faut également
insister sur la nécessité d'une concertation entre les
intervenants du secteur forestier et l'État face aux importants pouvoirs
qui sont donnés au
ministre et à son ministère relativement è la mise
en application et au respect des contrats d'aménagement. Les diverses
modalités et les critères retenus ne semblent pas, à
l'heure actuelle, avoir été complètement
définis.
À titre d'exemple, l'évaluation des possibilités et
des disponibilités en matière ligneuse, les critères
utilisés pour l'application du concept de rendement soutenu ou de
dépassement des objectifs de production pourraient avantageusement
être précisés et s'appuyer sur une base scientifique
solide. De la même façon, la protection des forêts contre
les agents nuisibles (incendies forestiers, insectes et maladies) font l'objet,
à juste titre, de règlements précis et figurent à
plusieurs des articles de l'avant-projet de loi, même si les
modalités de partage des coûts de ces mesures ne semblent pas
avoir été arrêtées.
Il nous semblerait utile que le même raisonnement de protection de
la ressource s'applique au domaine général du reboisement
où d'importants investissements vont être consentis aussi bien par
le gouvernement que par les utilisateurs. Il n'est pas de notre ressort de
formuler des obligations légales relatives, par exemple, à
l'entretien des plantations; mais il nous semble primordial que l'État
s'assure de disposer et se donne à lui-même et aux intervenants
forestiers les moyens financiers, techniques et scientifiques requis, afin que
les efforts consentis pour assurer le renouvellement de la forêt ne
soient pas gaspillés.
Les grandes responsabilités dévolues au ministre et
à ses fonctionnaires semblent justifier qu'une identité plus
prononcée soit accordée au secteur forestier au Québec.
À ce sujet, l'article 112 de l'avant-projet de loi, qui permet au
gouvernement de désigner le ministre chargé de l'application de
la loi, pourrait être l'occasion pour le gouvernement de
reconnaître l'importance de la forêt et de prendre les mesures pour
qu'un ministre en titre soit responsable du secteur forestier. Ce n'est
évidemment pas la première fois que ce voeu est exprimé.
Ajoutons cependant que la forêt du Québec, cette grande richesse
collective qui est la nôtre, n'a jamais été aussi en
danger.
Pour terminer cette courte intervention, rappelons que le Centre
multirégional de recherche en sciences et technologies
forestières de l'Université du Québec peut s'appuyer sur
les compétences multidisciplinaires de plusieurs unités de
recherche du réseau de l'Université du Québec. Mentionnons
plus particulièrement le Centre de recherche sur les pâtes et
papiers de Trois-Rivières qui a acquis ses lettres de noblesse notamment
par ses recherches sur la fabrication de pâtes et papiers à partir
d'essences feuillues ou à croissance rapide, les travaux du Groupe de
recherche en productivité végétale et du Groupe de
recherche et d'intervention régionales de Chicoutimi, dont certaines
recherches s'adressent aux grandes priorités forestières du
Québec, au Centre d'intervention et de recherche pour
l'amélioration des situations de travail de Rimouski, qui s'implique
également dans le secteur forestier, aux travaux effectués en
Abitibi-Témiscamingue, une des principales régions
forestières du Québec, et enfin au Centre de recherche en
virologie, au Centre de recherche en bactériologie et au Centre de
recherche en sciences appliquées à l'alimentation de l'Institut
Armand-Frappier, dont la réputation scientifique est indéniable.
Mentionnons également la récente mise en chantier, à
l'Institut Armand-Frappier toujours, d'un centre expérimental
d'irradiation gamma qui ouvre des perspectives fascinantes de recherches
fondamentales et appliquées dans le domaine de la
génétique forestière et de l'amélioration des
arbres. Bref... (16 h 15)
Le Président (M. Charbomeau): Vous en reste-t-il beaucoup,
M. Frisque?
M. Frisque: Non, il me reste une demi-page.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, allez-y.
M. Frisque: Ces nombreux groupes et centres de recherche sont
heureux de constater la volonté exprimée par le ministre
délégué aux Forêts de rajeunir et la forêt et
les lois qui la gouvernent. Nous espérons que cette occasion unique
permettra aux législateurs de mettre à profit l'accumulation des
connaissances scientifiques qui sont déjà disponibles et de se
donner les moyens d'acquérir celles qui seraient insuffisantes.
Nous pouvons l'assurer que l'expertise et l'intérêt des
professeurs et chercheurs du Centre multirégional de recherche en
sciences et technologies forestières de l'Université du
Québec sont à la disposition de tous les intervenants du secteur
forestier, qu'ils soient gouvernementaux, privés ou industriels. Je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Charbonneau): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le directeur,
M. Frisque, il me fait plaisir de vous revoir et de vous saluer ainsi que vos
collègues. J'aimerais immédiatement passer la parole à mon
collègue, le député de Trois-Rivières.
M. Philibert: Merci, M. le ministre. Messieurs les
représentants de l'Université du Québec, du siège
social et, bien sûr, de
l'Université du Québec à Trois-Rivières, Dr
Paul Laurin, avec lequel j'ai eu l'occasion de travailler à d'autres
comités... A ces occasions, j'ai été en mesure
d'apprécier justement l'implication profonde du Dr Laurin dans les
dossiers qu'il confronte. Je suis convaincu que sa participation à la
rédaction du mémoire de l'université donne une touche
particulière à son intervention.
Bien sûr, il fallait s'y attendre, à la suite des
conversations que j'ai eues à plusieurs reprises avec les
représentants de l'Université du Québec à
Trois-Rivères surtout, que vous parlez de l'aspect de la recherche,
c'est une préoccupation constante et à l'Université du
Québec et à la constituante de Trois-Rivières. Vous parlez
de mettre sur pied, d'instaurer une concertation qui fasse en sorte que l'on
planifie, que l'on coordonne une recherche intégrée dans le
domaine forestier. De quelle façon concevez-vous cet aspect de la
coordination de la recherche dans le monde forestier?
M. Frisque: Je crois qu'une solution qui pourrait certainement
être envisagée est la création d'un conseil ou d'un
comité, peu importe le nom, consultatif qui regrouperait les
différents intervenants dans le milieu forestier, que ce soient des
représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources,
des milieux de recherche universitaires et gouvernementaux, de l'industrie
forestière ou des propriétaires privés.
M. Philibert: Évidemment, il faudrait qu'il y ait un
financement adéquat à cette initiative.
M. Frisque: Si vous me permettez, je ne crois pas que cela
implique des coûts énormes de réunir autour d'une
même table de temps en temps des gens qui ont à coeur la
même cause. Il y a énormément de travail à faire en
recherche forestière au Québec, Les intervenants actifs sont
relativement peu nombreux et je crois qu'ils démontrent tous le souci
commun de coordonner leurs efforts afin d'arriver à une réponse
qui soit la plus rapide et la plus efficace possible. Les coûts
impliqués par une telle concertation pourraient être très
minimes.
M. Philibert: Par la concertation, oui, mais par le fruit de
cette concertation c'est-à-dire que c'est une concertation qui
déboucherait, bien sûr, sur une politique de recherche et de
développement dans le monde forestier. Il faudrait, bien sûr,
aller chercher les fonds nécessaires pour les appliquer à la
recherche.
M. Frisque: Je suis peut-être mal renseigné mais il
me semble que les fonds nécessaires pour la recherche forestière
au
Québec sont déjà, en grande partie, disponibles. Je
crois que la réunion autour d'une même table des différents
intervenants entraînerait au contraire des économies importantes.
Cela éviterait un doublement dans certains cas. Cela éviterait
une meilleure coordination des travaux de recherche parmi les
différentes personnes qui l'utilisent. Je crois que le résultat
final serait une importante économie de recherche et cela donnerait un
effet de synergie important aux différents intervenants en recherche
forestière. Cela aboutirait probablement à une meilleure
utilisation des fonds disponibles pour la recherche.
M. Philibert: En fait, ce que vous suggérez, c'est une
meilleure redistribution des fonds, c'est-à-dire que les
différents intervenants du comité de concertation auraient leur
mot à dire sur l'allocation des fonds en ce qui a trait à la
recherche.
Par exemple, si on faisait un comité de concertation entre
l'industrie, les utilisateurs de la forêt et, bien sûr, ceux qui
sont intéressés davantage à la recherche fondamentale,
tout le monde aurait son mot à dire dans la fixation des objectifs de la
recherche.
M. Frisque: Mais je crois qu'on accuse souvent à tort les
universitaires d'être dans des tours d'ivoire. La proposition vient des
deux universités qui ont eu l'occasion de présenter un avis
devant la commission, aussi bien l'Université Laval que
l'Université du Québec.
La demande que nous exprimons, c'est que les utilisateurs des
résultats de recherches identifient très clairement leurs besoins
pour que les chercheurs universitaires puissent y répondre d'une
façon adéquate. Cet échange d'idées et de points de
vue se fait déjà individuellement sur le terrain,
particulièrement à l'Université du Québec qui a une
implantation régionale dans la province.
Je crois qu'il est cependant utile que les différentes personnes
qui sont en état de prendre des décisions aient l'occasion
d'effectuer ce même genre d'échange de vues à un niveau un
peu plus élevé.
M. Philibert: Vous soulignez également dans votre
mémoire que vous êtes favorables à l'avant-projet de loi et
vous suggérez la création d'un ministère de la
forêt. En quoi croyez-vous qu'une structure ministérielle plus
autonome serait plus adéquate et favorable à une saine gestion de
la forêt?
M. Frisque: D'abord, si on suggère la création d'un
ministère des forêts, c'est avant tout pour reconnaître
l'importance économique et sociale du secteur forestier au
Québec. Il existe des ministères dont
l'importance économique est beaucoup moins importante qu'un
éventuel ministère des forêts. Les revenus
générés par la forêt pour l'État
québécois sont très importants. Les responsabilités
qui vont être allouées au ministère dans le nouveau
régime forestier ont des conséquences économiques et
sociales fort importantes aussi.
C'est devant cette réalité que nous croyons qu'il pourrait
être nécessaire qu'un ministre en titre prenne en charge cet
important dossier que constitue l'établissement d'un nouveau
régime forestier.
M. Philibert: Pour revenir à la recherche, vous dites que
les fonds réservés à la recherche sont là, ils sont
disponibles et qu'un organisme de concertation devrait être
créé pour une meilleure planification de la recherche. Cependant,
vous vous surprenez qu'on ne parle pas de recherche à l'intérieur
de la loi. Mais les contacts que j'ai avec mon université me laissent
entrevoir que les besoins sur te plan de la recherche et
particulièrement dans la recherche forestière où
l'université voudrait aller plus loin dans le développement des
créneaux d'excellence qu'elle a choisis pour développer
l'industrie forestière et lui assurer une garantie de survie dans la
région, parce que la région de Trois-Rivières est une
région qui vit en grande partie des papetières... II me semble
qu'il y a des besoins qui ne sont pas nécessairement comblés.
Votre réponse, tantôt, m'a un peu surpris. Vous avez dit; Les
fonds pour la recherche sont là, il reste à mieux les
gérer par un comité de concertation.
M. Frisque: Si vous prenez l'exemple particulier de
Trois-Rivières - je donnerai volontiers, après, l'occasion
à M. Laurin d'exprimer son avis - il me semble que, récemment, on
a vécu une chose assez regrettable. À la suite de la
réorientation des priorités du ministère vers le
reboisement, ce qui est tout à fait logique et nécessaire, une
grande partie des fonds qui, avant, avaient été rendus
disponibles dans le secteur de la transformation du bois et, en particulier,
pour le centre de recherche en pâtes et papiers de Trois-Rivières,
ces fonds, dis-je, ont disparu.
Il me semble que peut-être certains utilisateurs de la recherche
pourraient essayer d'éviter que les priorités
ministérielles ne changent d'une façon trop abrupte. La recherche
forestière est une recherche qui se déroule à très
long terme. Les financements, qui souvent se terminent sans période
d'amortissement un peu plus longue, annulent des travaux de recherche
importants qui ont été effectués pendant plusieurs
années qui sont sur le point d'aboutir et qui ne le peuvent pas,
à la suite d'une réorientation assez nette des priorités
du ministère.
M. Laurin (Paul): Merci beaucoup, M. le député, de
la question. L'Université du Québec à
Trois-Rivières est fortement engagée dans le domaine de la
recherche en pâtes et papiers, par son centre de recherche, et participe
aussi pleinement au Centre multirégional en technologie
forestière de l'Université du Québec. D'ailleurs,
l'Université du Québec à Trois-Rivières assume le
leadership de ce centre, grâce à son Centre de recherche en
pâtes et papiers à l'Université du Québec à
Trois-Rivières.
Or, l'Université du Québec à Trois-Rivières
a essayé de travailler avec son centre, en collaboration avec les
industries de l'endroit, puisque Trois-Rîvières est encore
considérée comme le lieu privilégié des pâtes
et papiers. L'utilisation, comme le disait M. Frisque tantôt, de
certaines subventions laisse en plan certains de nos chercheurs qui, durant
cinq ou dix ans, peuvent travailler sur un créneau de recherche bien
précis. À l'Université du Québec à
Trois-Rivières, il y a bien sûr une relation très
étroite avec la forêt, puisque plusieurs de nos chercheurs
travaillent, par exemple, sur des thèmes comme l'utilisation du produit
de la forêt, la mise en pâte des différentes essences de
bois à partir de certains produits à croissance rapide. Ils
travaillent aussi sur la qualité finale des produits. Ils travaillent
sur la rationalisation des ressources et ainsi de suite.
J'endosse bien sûr ce que vient de mentionner M. Frisque. C'est
que si on pouvait s'arrêter d'une façon, au moins à moyen
terme, au chapitre des priorités de recherche, pour ne pas que ces
priorités de recherche soient toujours en ballant par rapport aux
intérêts des chercheurs... Les chercheurs sont la, je pense, pour
servir la communauté québécoise. Si, pendant X
années, ils ont oeuvré avec beaucoup d'efforts pour
développer certains produits, certains brevets et qu'à quelques
semaines d'intervalles l'on puisse changer ces priorités, cela devient
un peu difficile. On peut se poser des questions, à ce moment-là,
à savoir comment les priorités sont établies?
M. Philibert: Je reviens au chapitre du financement de la
recherche. Est-ce que vous croyez qu'il soit souhaitable que les exploitants,
soit les compagnies papetières et les autres, soient appelés, si
on créait un fonds de recherche tout à fait spécifique,
à participer financièrement et quelles modalités
pourrait-on mettre sur pied pour établir ce financement?
M. Frisque: Dans notre mémoire, nous ne parlons pas de la
création d'un fonds de recherche, nous nous en tenons simplement
à
l'étape initiale de la mise sur pied d'un comité de
concertation. Je crois que ce sera à ce comité de concertation
à suggérer au ministre l'éventuelle création d'un
fonds de recherche. J'imagine que les intervenants en général,
qu'ils soient industriels ou privés, auront à coeur de se donner
les moyens de répondre aux obligations qui découlent des contrats
d'aménagement et qu'ils participeront, si la recherche est
adéquate, à l'effort qui leur sera demandé.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. Philibert: Merci, M, le Président.
M. Frisque: M. le Président, je voudrais vous demander la
permission de faire une correction, qui n'était pas incluse dans le
mémoire qui a été soumis à l'origine par le Centre
multirégional mais qui découle de discussions qui ont
été tenues dans cette commission, hier soir, à la
présentation faite par la Faculté de foresterie et de
géodésie de l'Université Laval et à la couverture
de certains médias. Il s'agit de la forêt Montmorency.
Vous avez probablement vu des articles dans la presse qui avaient l'air
de suggérer une certaine rivalité entre l'Université du
Québec à Trois-Rivières et l'Université Laval.
Après avoir consulté les autorités responsables de
l'Université du Québec à Trois-Rivières et le
siège social, je voudrais faire la mise au point suivante en cinq points
extrêmement courts.
L'Université du Québec et l'Université du
Québec à Trois-Rivières en particulier sont très
intéressées au développement et à la recherche sur
les forêts. La forêt Montmorency, dans notre esprit, doit exister.
Cette forêt a une valeur unique au point de vue de la recherche
forestière au Québec. L'Université du Québec n'a
aucunement l'intention de faire de l'ingérence dans les affaires d'une
autre université. Il n'est pas actuellement question de rivalité
entre l'Université du Québec et l'Université Laval.
Certains projets de recherche du centre multirégional en foresterie de
l'Université du Québec pourraient certainement être faits
en collaboration avec l'Université Laval à la forêt
Montmorency. De tels projets conjoints ont déjà lieu actuellement
entre certains établissements de l'Université du Québec et
de l'Université Laval à la forêt Montmorency. (16 h 30)
Comme directeur du centre multirégional en foresterie de l'UQ,
j'ai été spécifiquement mandaté pour établir
le dialogue le plus fructueux et le plus ouvert possible avec la Faculté
de foresterie et de géodésie de l'Université Laval. Ce
dialogue actuellement s'effectue et se déroule de façon tout
à fait positive et ouverte. Le dernier point, c'est que je veux insister
pour que l'Université du Québec et le Centre multirégional
de recherche en sciences et technologies forestières soient tout
à fait ouverts à toute forme de concertation qui permettrait de
maintenir les activités de recherche à la forêt
Montmorency, ceci en collaboration avec l'Université Laval ou avec
n'importe quel autre organisme qui serait intéressé à
préserver cette forêt. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau}: Cette mise au point
étant faite, M. le député...
M. Philibert: J'ai une autre question à poser, M. le
Président, si c'est possible.
Le Président (M, Charbonneau): Allez-y.
M. Philibert: Comme vous insîtez beaucoup sur la recherche
et que vous me convainquez que dans le domaine forestier la recherche est
nécessaire, compte tenu du passé de l'exploitation
forestière et de l'impasse dans laquelle on risque de se retrouver
à moyen et à court terme, iriez-vous jusqu'à dire que, si
l'on ne parle pas de façon spécifique de recherche à
l'intérieur de cette loi ou enfin s'il n'y a pas de volonté
politique ferme du gouvernement de faire des plans de recherche en concertation
avec les universités, la politique forestière du gouvernement
serait difficilement applicable ou enfin qu'elle ne s'appliquerait pas de
façon aussi efficace?
M. Frisque: D'abord, la concertation existe déjà
actuellement entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et
les différents intervenants en recherche forestière. Il y a des
échanges d'information et des processus de consultation qui ont lieu
actuellement; donc, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'échanges. Ce
que l'on souhaite, c'est que, dans l'avant-projet de loi et dans le projet de
loi éventuel qui en découlerait, la place spécifique de la
recherche soit beaucoup plus clairement indiquée qu'elle ne l'est
actuellement. Actuellement, on n'y fait pas du tout
référence.
Ce que l'on craint, et cela est tout à fait indépendant
des personnes au pouvoir... Comme vous le savez, les lois restent et les
gouvernements changent. On aimerait que l'importance de la recherche soit
soulignée dans l'avant-projet de loi. Prenons un exemple récent.
Lors de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, des fonds impartants ont été
libérés pour effectuer la recherche sur la tordeuse des bourgeons
de l'épinette. Ces fonds-là ont été
libérés à la suite d'une obligation qui a
été imposée au ministère de l'Énergie et des
Ressources. Les chercheurs en étaient
enchantés parce que cela leur a permis de faire progresser
énormément les travaux. Ce que l'on craint, c'est que le Conseil
du trésor décide, par suite de circonstances naturelles comme la
fin de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, que les problèmes de recherche sont beaucoup moins
prioritaires. Je voudrais clairement insister sur le fait que cette
réaction n'est pas une réaction de méfiance
vis-à-vis des personnes actuellement en poste au ministère et qui
décident des allocations de recherche. Ce que l'on craint, c'est
qu'à un moment le Conseil du trésor ou le gouvernement du
Québec considère que les priorités de recherche
forestière ne soient plus suffisamment importantes pour débloquer
les fonds suffisants. Nous trouverions très rassurant que l'aspect de la
recherche et du développement forestier soit plus clairement
identifié dans la loi.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. Philibert: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, il me fait plaisir
au nom de l'Opposition et au nom de mon collègue, le
député de Duplessis, qui a dû s'absenter pour quelques
minutes, de souhaiter la bienvenue à M. Frisque, de même qu'au Dr
Laurin et aussi à M. Beaudry. Votre mémoire n'est pas très
volumineux, mais il est très consistant en termes de recommandations.
Cela fait quelque chose de fort original puisque vous avez aussi, de par la
nature même de l'organisation que vous représentez, misé
sur un secteur particulier qui est l'importance de la recherche et, à
l'intérieur de cela, il y a deux ou trois recommandations sur lesquelles
j'aimerais revenir dans quelques minutes.
Par rapport aux différentes questions qui ont été
posées par mon collègue, le député de
Trois-Rivières, il y a quelques minutes, je tiens à rassurer les
gens de l'Université du Québec: non seulement la recherche dans
le domaine de la foresterie est importante, mais la recherche et le
développement dans le domaine de l'entreprise en général
est un secteur qu'on a quelque peu oublié au cours des années. Le
Québec va réussir à se renforcer à tous les points
de vue si on pousse à fond la recherche et le développement. Je
peux vous dire, pour avoir oeuvré dans le domaine de l'entreprise depuis
vingt ans, que j'ai toujours pensé, et je vais continuer à le
prêcher très fort, que la solution pour se différencier et
prendre les avances technologiques, c'est dans le domaine des ressources
naturelles et de la foresterie, par exemple; c'est effectivement là que
l'on pourra regagner le terrain perdu. Lorsque vous dites que la situation des
forêts est actuellement dans un piètre état et qu'il faut
pousser à fond la recherche et le développement, je pense que, de
ce côté-ci, vous n'aurez pas de difficulté à nous
convaincre.
Pour ce qui est de l'approche du ministre et du gouvernement, il existe
toujours la contrainte, effectivement - je pense que le ministre sera d'accord
avec moi - que, dans l'ensemble des priorités d'un gouvernement - le "R
and D" comme on l'appelle régulièrement - cette fameuse
recherche, si on ne l'a pas mise en première priorité, devient
finalement une priorité moins importante. On sait ce qui arrive sur le
plan des compressions budgétaires que tout gouvernement peut avoir.
C'est une question de priorité. Il s'agît que, dans un domaine
précis - si tel est le cas et si cela peut se faire à la suite de
cette commission parlementaire - le ministre défende
énergiquement l'importance de la recherche et du développement et
il ne fait aucun doute qu'il obtiendra - je l'espère sincèrement
- les sommes d'argent nécessaires.
Au fond, ce n'est pas une dépense. On a un peu l'impression qu'il
faut s'assurer d'avoir les sommes nécessaires, mais ce n'est pas une
dépense; c'est un investissement. Si, aujourd'hui, on trouve un moyen de
favoriser le procédé, la génétique, la façon
dont on pourra faire repousser nos forêts ou la façon dont on
pourra recréer et activer cela sur des périodes beaucoup plus
rapides, il ne fait aucun doute, à mon avis, que l'on va rapidement
rentrer dans son argent.
Quand vous parlez d'un centre ou d'un conseil consultatif, là
aussi, je suis d'accord. J'aimerais que puissiez nous dire, M. Frisque en plus
de ce travail de coordination et de concertation entre les différents
intervenants, puisque ce conseil consultatif des principaux intervenants se
rapporterait directement au ministre, ces intervenants deviendraient quand
même des conseillers particuliers ou privilégiés
auprès du ministre si vous voyez au-delà de cela, de cette
concertation et de cette discussion qui sont fort importantes, d'autres
éléments ou d'autres mandats qui pourraient déboucher sur
ce conseil consultatif de la part du ministre. C'est ma première
question. Est-ce que vous pourriez y répondre?
M. Frisque: Volontiers. D'abord, je voudrais vous remercier, M.
le député de Bertrand, de votre grande conviction
vis-à-vis de l'utilité de la recherche et du
développement. Vous m'avez quasiment retiré les mots de la
bouche. Si tous les députés sont aussi éloquents que vous,
l'avenir de la recherche est assuré au Québec.
M. Parent (Bertrand): II en reste seule-
ment 121 à convaincre.
M. Cannon: Ce n'est pas l'éloquence qui compte, c'est
l'application.
Une voix: Dites cela à votre ministre.
M. Frisque: Pour revenir plus précisément à
votre question, c'est évident que le mandat de concertation et de
coordination d'un comité ou d'un conseil consultatif est fondamental.
J'y vois personnellement un autre avantage. Il me semble inévitable que,
dans certaines situations, il y ait un désaccord entre le
ministère et les utilisateurs. Ce désaccord pourrait porter sur
les méthodes utilisées pour faire certaines évaluations ou
pour rendre certains jugements sur les actions qui ont été
prises. Il me semble que la seule façon logique d'harmoniser les
différents opposants, s'il y en a, c'est de fonder l'argumentation sur
une base scientifique solide. Je crois qu'il serait très important que
le ministère, comme les utilisateurs, puisse se référer
à une tierce partie qui n'est impliquée ni d'un côté
ni de l'autre et qui pourrait être, comme cela l'a souvent
été, les professeurs d'université. Et, sans vouloir jouer
un rôle d'arbitre, je crois que nous pouvons au moins assurer les
différents interlocuteurs que l'approche scientifique absolument
objective que nous pouvons prendre pourra leur permettre d'adopter des
éléments de réponse ou de solution qui soient acceptables
d'un côté comme de l'autre.
M. Parent (Bertrand): M. Frisque, l'exemple que vous donniez
tantôt, la mise au point par rapport à l'intervention
Université Laval et Université du Québec, je pense que
c'est un exemple éloquent de manque de concertation. Cela transpire dans
les journaux qu'il semble y avoir, de la part de deux organismes ou de deux
universités... L'une envie l'autre ou veut prendre le terrain de
l'autre. Je pense que les corrections que vous avez faites tantôt ou les
précisions en ce sens que vous n'avez pas l'intention de faire de
chevauchement par rapport à ce que fait actuellement l'Université
Laval, cela me semble important.
Mais ce manque de coordination et de concertation entre les
différents intervenants, que ce soit au niveau universitaire, au niveau
gouvernemental ou au niveau de l'entreprise privée, est d'autant plus
important que l'ordre des priorités au niveau des recherches et la
complémentarité par rapport aux recherches que vous faites sont
sûrement très loin d'être assurés actuellement. Cela
veut dire qu'à l'intérieur de l'Université du
Québec, que ce soit à Trois-Rivières, Chicoutimi, Abitibi
ou Rimouski, vous faites sûrement des travaux de recherche dans des
domaines très spécifiques sur des créneaux très
particuliers. Mais, en même temps, il se fait sûrement des travaux
qui pourraient lui être complémentaires ou, même, qui sont
du doublement de ce qui se fait ailleurs.
 toutes fins utiles, je pense aussi que cela répond aux
interrogations du député de Trois-Rivières quant à
des sommes mises au mauvais endroit parce qu'il y a, en vase clos, beaucoup
trop de gens qui travaillent. C'est normal car, si on recule quinze, vingt ou
trente ans, on a été habitué à travailler chacun
pour soi, surtout dans le domaine de la recherche. Cela existe dans les autres
domaines aussi au niveau de l'entreprise par rapport à ce qui se fait,
que ce soit au CRIQ ou que ce soit au CIM à Montréal ou dans les
différents centres de recherche, mais tout le monde travaille un peu en
vase clos. Tout à coup, on s'aperçoit, une bonne journée,
qu'effectivement il y a des années de travail qui ont été
mises pour arriver sensiblement, les uns par rapport aux autres, avec des
résultats semblables. Seulement de mettre en commun ces gens autour
d'une même table et de s'assurer que, d'une part, vous êtes sur la
même longueur d'onde ou sur les mêmes priorités, cela me
semble important. J'imagine que le ministre va trouver cela important
aussi.
Le dernier point, puisque nous allons être assez serrés en
termes d'horaire, c'est cette préoccupation que vous avez, que j'ai
aussi, qu'on a au niveau de l'Opposition, de l'importance - peut-être que
le ministre m'en voudra ou m'en félicitera - de la création d'un
ministère des Forêts. Vous n'êtes pas les premiers à
réclamer cela. Je pense que l'importance que prend aujourd'hui la
forêt comme richesse naturelle et l'importance qu'ont les
problèmes actuellement au niveau de toute la
régénération de nos forêts, cela nous amène
sûrement à appuyer ou à recommander la formation d'un
ministère, avec un ministre en titre.
Essentiellement, le problème vient du fait qu'à
l'intérieur du ministère de l'Énergie et des Ressources il
y a beaucoup d'autres préoccupations. Je dois dire que la
création d'un ministère, non pas qu'on veuille créer des
ministères pour créer des ministères, mais la
priorité qui pourrait y être accordée, avec les outils
qu'un ministre pourrait avoir comme ministre de la Forêt, à mon
avis, cela deviendrait un atout majeur pour les intervenants du milieu et cela
apporterait certainement tout l'éclairage et le support dont vous avez
besoin. Cela, sans grand frais j'imagine, vous assurerait à vous la
priorité. (16 h 45)
Vous avez mentionné, à deux ou trois reprises, M. Frisque,
cette préoccupation de la priorité parce que les gouvernements,
les élus, cela change avec les années et, tout d'un coup, il y a
des changements de cap et vous ne pouvez pas, après trois ans, cinq ans
ou huit ans de recherche dans un domaine
être obligé de changer de cap parce que finalement, on vous
demande de changer de cap. Je pense que c'est important d'essayer de solidifier
ou de couler dans le béton certaines orientations très
précises. Je dois vous dire que le fait qu'on ne retrouve pas... le fait
qu'on soit aussi en avant-projet de loi va certainement permettre au ministre
et aux gens du gouvernement d'insérer à l'intérieur de
l'avant-projet de loi les principaux éléments, dont
particulièrement l'importance de la recherche et du
développement, la question de la table de concertation ou le
comité consultatif ou le conseil consultatif puisqu'ils font, en tout
cas, l'objet de plusieurs recommandations que j'ai entendues au cours des
derniers jours. Cela me semble important.
En terminant, quant à la création d'un ministère,
je pense que les différents intervenants que vous êtes devez faire
les pressions nécessaires parce que c'est, à mon avis, le temps
ou jamais où le gouvernement pourrait prendre cette décision. Si
elle n'est pas prise là, on devra peut-être lui dire adieu. Mais
si le gouvernement et si le ministre croit vraiment que c'est une
priorité pour la forêt, je pense qu'il faut se donner des outils
nécessaires et les outils nécessaires, à mon avis, ne
correspondent pas nécessairement à des sommes d'argent, mais
beaucoup plus au fait de réorienter les sommes que nous avons
actuellement pour en faire des ordres de priorité. C'est un peu la
position qu'on prend là-dessus. Je ne sais pas si vous avez des
commentaires, parce que je voudrais garder quelques minutes pour la fin.
M. Frisque: J'aurais un commentaire très rapide. Je suis
entièrement d'accord avec les idées que vous soumettez. Je ne
voudrais cependant pas qu'à partir de certains articles de journaux, on
conclue à un manque de concertation entre les universités au
Québec qui oeuvrent dans le domaine forestier. L'entente entre
l'Université Laval et l'Université du Québec est vraiment
très active actuellement. Vous parlez de coordination. Il me semble que
l'Université du Québec, avec l'aide du gouvernement, a
donné l'exemple dans ce domaine justement en créant un centre
multirégional en foresterie qui regroupe les efforts de cinq
universités régionales différentes afin d'éviter
une duplication. Ensuite, quand on aura fait le travail chez nous, on souhaite
que les autres universités en fassent autant. On est prêt à
leur offrir toute la coopération qui sera nécessaire.
M. Parent (Bertrand): C'est tout pour l'instant.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de La Peltrie, qui a quitté pour quelques instants.
En ce cas, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. En premier, je voudrais rendre hommage à
l'Université du Québec. Quand je regarde la liste des travaux de
recherche qui a été confiée à l'Université
du Québec cette année, elle est très variée, qu'il
s'agisse de la culture végétale, qu'il s'agisse de l'industrie de
transformation, qu'il s'agisse de la santé également. J'ai eu
dans ma carrière, à maintes reprises, recours à
l'Université du Québec à Trois-Rivières,
spécialement du côté des pâtes et papiers. Je veux
rendre hommage à M. Laurin. Évidemment, rendre hommage, cela ne
fait pas pousser les arbres et cela ne donne pas des budgets. Mais tout de
même, on travaillera pour en trouver.
Je veux aussi féliciter le député de Parent...
M. Parent (Bertrand): De Bertrand. Parce qu'on a changé le
nom depuis tantôt.
M. Côté (Rivière-du-Loup): De
Bertrand...
Le Président (M. Charbonneau): De façon
progressive, dans quelques années peut-être, y aura-t-il un
comté au nom du député, mais pour le moment...
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...d'avoir lu avec
attention le Défi technologique de M. Bourassa et d'en tenir compte dans
ses remarques.
Quant à moi...
M. Parent (Bertrand): J'ai appris beaucoup de M. Bourassa, soit
dit en passant, parce qu'on a fait une dernière campagne ensemble.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Quant è
moi, je considère que vous représentez aujourd'hui l'ensemble des
régions du Québec. Quand on parle d'intervention
forestière, on parle des forêts du Québec également.
Je considère que le Centre multirégional de l'Université
du Québec représente totalement la province. Je tiens à le
faire remarquer parce qu'on nous a reproché de ne pas entendre les
différents intervenants qui faisaient partie des associations ou des
groupements provinciaux.
Vous parlez beaucoup de recherche surtout pour la création
d'emplois, surtout pour l'avenir de nos forêts et surtout pour la
santé de nos forêts, accordez-vous plus d'importance à la
création d'emplois, au maintien des emplois ou à notre
capacité concurrentielle sur les marchés mondiaux en
développant des nouveaux produits?
J'aimerais que vous explicitiez davantage la question de la concurrence.
Vous faites des recherches sur la pâte faite
d'arbres feuillus. Comme on a beaucoup de feuillus dans nos forêts
du Québec - je sais que vous continuez à travailler dans ce
domaine - est-ce qu'il y a des espoirs d'utiliser à moyen terme toutes
ces essences inutilisées au Québec de façon que l'on
puisse reconstruire une forêt d'arbres de plus grande valeur au
Québec?
M. Frisque: II me semble que la première chose - et le
gouvernement l'a très bien compris - c'est d'assurer le renouvellement
de la forêt. Au rythme où l'on va actuellement, on n'aura
peut-être plus de forêts au Québec dans 50 ans et ce ne sera
même pas la peine de faire des recherches sur le développement de
nouveaux produits forestiers, puisqu'il n'y aura plus de ressources ligneuses.
Donc, la priorité doit sans aucun doute aller avant tout au reboisement
et à la survie des plants que l'on va mettre en terre. Dans ce
cadre-là, la protection des plantations et l'entretien des plantations
avec les moyens adéquats sont absolument fondamentaux, si on veut
assurer que l'investissement qu'on fait actuellement ne sera pas fait en pure
perte.
Il est évident que le Québec dispose de ressources
feuillues, surtout de feuillus intolérants, en très grande
quantité et qu'on a actuellement peu de débouchés. Il y a
des travaux qui sont en cours, particulièrement à
l'Université du Québec à Trais-Rivières, pour la
mise au point de nouveaux débouchés pour ces essences feuillues
intolérantes qui sont peu utilisées présentement. Ces
travaux progressent très rapidement mais ils sont très
compétitifs. Ils sont menés à plusieurs autres endroits
dans le monde. Vous le savez aussi bien que moi, les essences feuillues
poussent beaucoup plus vite dans les climats tropicaux que dans le climat
nordique qui est le nôtre. Ces travaux sont en cours. Ils doivent se
prolonger, ils doivent continuer, mais j'ai l'impression que le gouvernement du
Québec, avec raison, met actuellement la priorité sur le
reboisement et sur la première étape qui est fondamentale
à n'importe quel aménagement forestier, celui d'assurer le
renouvellement de la ressource forestière.
M. Laurin: Pour l'Université du Québec à
Trois-Rivières, et je pense que c'est vrai pour l'ensemble des
universités, la question que vous posez, M. le ministre, à savoir
si l'on doit être préoccupé par cette création
d'emplois, je pense que les universités, de plus en plus, ont une
attitude très positive par rapport à cette relation qui doit
exister entre l'industrie et la science. Je pense, si on retournait en
arrière, que l'université a réellement modifié son
cheminement par rapport à cette attitude. Donc, il y a une relation
très étroite entre la création d'emplois et la science
comme telle.
J'aimerais vous citer une des remarques de l'ancien directeur
général du CRSNG à Ottawa qui disait: "Sans un
accroissement de sa compétence techlogique, le Canada, et bien sûr
le Québec, perdra ses avantages actuels, même dans les
marchés d'exploitation basés sur les ressources." Je pense que
c'est le défi que nous avons à relever au cours des prochaines
années, soit cette croissance technologique pour atteindre des objectifs
économiques.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Laurin.
Quel échange avez-vous avec le Centre de recherche en pâtes et
papiers à Pointe-Claire, qui relève de l'industrie?
Considérez-vous que l'industrie fait cavalier seul et qu'elle fait assez
de recherche? Selon votre conseil de concertation, je pense bien qu'il y aurait
avantage à coordonner tout cela afin d'éviter, évidemment,
qu'on se marche sur les pieds?
M. Frisque: C'est une question extrêmement pertinente et
embarrassante que vous posez, M. le ministre. La concertation existe
actuellement entre le Centre de recherche sur les pâtes et papiers de
Trois-Rivières et le PPRAC à Pointe-Claire. Je ne crois pas
qu'ils se marchent vraiment sur les pieds. Si mon information est bonne, ils
ont deux priorités qui sont assez différentes.
Traditionnellement, l'industrie forestière et particulièrement
l'industrie papetière s'adressent à Pointe-Claire pour trouver
des façons d'améliorer la fabrication de la pâte à
partir d'essence résineuse, tandis que ce qui a fait la valeur et
l'originalité du Centre de recherche sur les pâtes et papiers de
Trois-Rivières, c'est surtout l'utilisation d'essences feuillues ou
d'essences à croissance rapide.
Je crois donc qu'il s'agit là de deux créneaux
différents. Cependant, la problématique que vous soulevez est
exacte dans de nombreux domaines où le Québec et l'industrie
forestière québécoise s'adressent, de façon
privilégiée, à des organismes nationaux qui ont des fonds
importants, mais qui s'adressent à des priorités qui
intéressent l'industrie d'un bout à l'autre du Canada. Je crois
que c'est une approche tout à fait valable et logique, mais le
Québec ne doit pas pour autant renoncer à financer des travaux
qui seraient propres à certains de ses besoins particuliers. C'est
évident que l'utilisation du bouleau à papier est beaucoup plus
importante au Québec qu'elle ne l'est en Colombie britannique. Cela
pourrait être une priorité à Trois-Rivières. Ce ne
sera pas forcément une priorité à Pointe-Claire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): En ce qui concerne
les créneaux, la participation à un niveau national, est-ce
qu'actuellement les pourcentages investis par chacune... Je dis
"investis" parce que, comme le mentionnait le député de
Bertrand, c'est un investissement qui peut être très rentable,
souvent, à court terme et à moyen terme. Est-ce que vous croyez
que notre industrie devrait contribuer, sur la base d'un tiers, un tiers, un
tiers, avec le fédéral, les provinces et l'industrie, sur une
base nationale? Des conseils de concertation sur la recherche, il en existe
dans d'autres provinces et le fédéral est sur le point d'en
mettre un sur pied, ou il existe également là.
M. Frisque: La question que vous me posez, je peux difficilement
y répondre en tant qu'universitaire. Vous proposez un tiers, un tiers,
un tiers. Cela me convient tout à fait puisque la somme, c'est un. Si
chacun des partenaires veut mettre deux tiers, tant mieux.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Philibert: Vous dites dans votre mémoire et dans vos
réponses... M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Je peux vous dire qu'il
vous reste...
M. Philibert: D'accord, l'alternance.
Le Président (M. Charbonneau):
Malheureusement, M. le député de
Trois-Rivières...
M. Philibert: On a terminé. On n'a plus de temps.
Le Président (M. Charbonneau): ...le ministre vient
d'épuiser le temps alloué à votre formation politique.
M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Jusqu'à
maintenant, on a beaucoup parlé de l'importance de la recherche
scientifique dans le domaine forestier, position que j'endosse d'emblée,
reconnaissant l'importance de cette recherche. Dans votre intervention, je n'ai
pas cerné votre définition. C'est quoi, pour vous, la recherche
scientifique dans le domaine forestier? C'est large le domaine forestier. Cela
peut aller de l'utilisation des biomasses jusqu'à la mécanisation
à outrance, en passant par toute la gamme des produits ligneux, le
clonage, la mise en marché. Enfin, c'est très large. Quelle est
votre définition? Comment pourriez-vous cerner, en quelques mots, ce que
vous croyez être la recherche forestière?
M. Frisque: En quelques mots, vraiment, parce qu'on n'a pas deux
heures. La recherche forestière, c'est un outil qu'on livre à un
utilisateur qui fait face à un problème pour lequel il n'a pas de
solution. Ce qu'on souhaite, c'est que les gens qui se trouvent face à
des problèmes insolubles nous expliquent quels sont leurs
problèmes et, en tant que chercheurs, nous allons analyser
différentes façons de résoudre ces problèmes et
transmettre les résultats de cette recherche de la façon la plus
pratique possible pour qu'elle soit appliquée. Cela veut dire une grande
importance à la recherche appliquée et, en même temps, un
souci de recherche fondamentale pour dépasser une explication à
court terme et comprendre des processus qui sont souvent très
complexes.
M. Claveau: Je vous remercie pour cette réponse
synthèse. Vous savez comme moi - on en a parlé un peu tout
à l'heure quand le député de Trois-Rivières faisait
référence au financement, à la capacité de financer
la recherche - que, là comme ailleurs, les sommes d'argent, les masses
d'argent à injecter dans la recherche scientifique ne sont pas
élastiques à l'infini. Il y a une limite, il y a des budgets, et
si on fait la somme de cela, on peut toujours s'imaginer que ce n'est pas
suffisant, sauf qu'il faut composer à même les budgets qui sont
mis à notre disposition.
À partir de cela, à partir de ce que l'on connaît
comme capacité de financer la recherche forestière, si on vous
demandait de définir les lignes maîtresses, de dire quelles
recommandations vous pourriez faire à un gouvernement, dans quels
secteurs il devrait intensifier la recherche dans le domaine forestier?
Qu'est-ce que vous répondriez?(17 heures)
M. Frisque: Étant donné la décision qui a
déjà été prise par le gouvernement du Québec
et par le gouvernement fédéral d'investir des sommes importantes
dans le reboisement et qu'on n'a pas toutes les solutions toutes faites pour
éviter que le reboisement ne donne pas les résultats
escomptés, il me semble que la priorité est de trouver les moyens
techniques et scientifiques pour assurer la survie et le développement
de plants qui sont mis en terre et l'autre priorité devrait être
d'acquérir la certitude que le bénéfice escompté de
ces plantations ou de cette régénération naturelle va
effectivement donner les résultats qu'on en attend. Sinon, et cela a
été souligné dans le discours de l'Opposition lors de la
première journée de la commission parlementaire, on prend un
risque énorme en hypothéquant le capital et en se basant sur des
résultats dont on n'est pas certain aujourd'hui.
M. Claveau: Tout en endossant la validité de votre
réponse, il reste un fait. L'entreprise forestière, d'une part, a
comme préoccupation de générer des revenus, des
bénéfices, la mise en marché, de diversifier les
utilisations de la matière ligneuse déjà existante afin de
pouvoir augmenter sa marge de revenus et, éventuellement, les emplois en
forêt et tout cela. Il me semble qu'il y a une autre priorité qui
se dégage. L'entreprise forestière, selon les informations que
l'on possède actuellement, tout en reconnaissant théoriquement
l'importance du reboisement, ne semble pas accorder dans la pratique une grande
importance à investir dans le reboisement ou la remise en valeur des
terres.
Dans le contexte d'une concertation plus constante, d'une concertation
plus suivie entre les universitaires et les praticiens du domaine forestier,
lequel devrait s'adapter à l'autre? Je ne le sais pas. J'ai l'impression
qu'il y a un genre de dichotomie entre les deux visions. La première,
qui est de vouloir assurer un renouvellement de la ressource pour faire en
sorte que les investissements actuels ne soient pas faits en vain. La
deuxième, il y a ceux qui investissent actuellement qui veulent
bénéficier au maximum de leurs investissements, toujours dans le
contexte où il y aurait probablement rupture de stock, et qui veulent le
rentabiliser le plus rapidement possible. Je me demande qui va faire
l'arbitrage entre ces différentes visions de la recherche.
M. Frisque: Je n'ai pas la même vision que vous et je ne
vois pas une telle dichotomie entre les besoins de l'industrie et ceux de la
recherche universitaire. L'industrie forestière va être
éminemment intéressée à assurer le renouvellement
des parterres de coupe. Le nouveau régime forestier l'y oblige
quasiment. C'est une des raisons pour lesquelles nous appuyons cet avant-projet
de loi. C'est qu'on va assurer que la richesse collective
québécoise va continuer à exister au profit de l'industrie
et de la population du Québec. Je crois qu'il n'y aura aucune
difficulté à faire une jonction entre les travaux de recherche
faits par des universités ou d'autres organismes en vue d'assurer le
renouvellement de la forêt et l'obligation que les utilisateurs de la
forêt vont devoir remplir, d'assurer que le bois qu'ils récoltent
sera remplacé par un minimum, une quantité
équivalente.
Il me semble que le régime forestier qui nous est proposé
conduit tout naturellement à une rencontre très harmonieuse des
deux intérêts.
M. Claveau: Par contre, étant moi-même en contact
assez régulièrement avec l'entreprise forestière dans le
comté d'Ungava qui est un comté de ressources forestières,
je sais que beaucoup d'industriels forestiers sont beaucoup plus
préoccupés par la rentabilisation immédiate de leurs
investissements, par la garantie d'avoir des marchés et par la
diversification des produits. Entre autres, ils sont intéressés
au développement de nouvelles machineries, d'une mécanique
peut-être plus simple, plus souple qui pourrait permettre une
récolte toujours plus rapide afin de pouvoir rester concurrentiels.
À première vue, j'ai l'impression que ce serait leur
priorité.
M. Frisque: Sans aucun doute, c'est leur priorité et c'est
tout à fait concevable, logique et acceptable. En même temps,
j'imagine qu'une de leurs priorités est leur survie à plus long
terme probablement avec un horizon plus éloigné que les cinq
prochaines années. À ce moment, par exemple, les travaux sur la
dynamique ou l'évolution du peuplement forestier devraient être
éminemment intéressants pour les utilisateurs de la forêt
parce que cela va leur permettre de s'assurer qu'un investissement qu'ils font
aujourd'hui donnera encore des intérêts dans dix, quinze ou vingt
ans.
M. Claveau: Je suis d'accord avec cela, mais je continue à
croire qu'il y a une vision, une perception tout à fait
différente de la recherche entre l'industriel qui est pris avec les
problèmes du quotidien qu'il doit régler, et le chercheur qui
peut se permettre de regarder cela avec peut-être un peu plus
d'intensité, avec une certaine continuité historique, une
certaine pérennité. En tout cas, vous me permettrez de dire que
je ne suis pas convaincu que la jonction entre les intérêts de
l'un et de l'autre va se réaliser aussi harmonieusement. C'est un
commentaire et, en même temps, c'est peut-être une question.
J'aimerais savoir de quelle façon concrète vous envisagez la
possibilité de faire cette jonction.
M. Laurin: On essaie depuis des années d'apporter une
réponse à la question que vous soulevez. Â mon avis, c'est
un des problèmes les plus épineux auxquels le monde universitaire
et le monde économique ont à faire face actuellement: Comment en
arriver à assurer un véritable "partnership" - si je comprends
bien - entre le milieu industriel et le milieu scientifique aussi? Je pense, en
tout cas pour l'avoir expérimenté pendant plusieurs
années, qu'il y a une attitude des chercheurs universitaires par rapport
à cette ouverture sur l'industrie. Je pense qu'il y a un travail
d'animation à faire et un travail très positif à
réaliser d'ouverture.
De l'autre côté, cependant, pour ce qui est de l'industrie,
il faut que les attentes vis-à-vis des chercheurs scientifiques ne
soient pas des attentes qui peuvent souvent être réglées
par un technicien, par exemple. Si on s'adresse à des chercheurs
scientifiques, c'est habituellement pour avoir une réponse scientifique
à un problème. Souvent, il y a des industriels qui
s'adressent
à un chercheur universitaire alors qu'un technicien de
cégep pourrait possiblement résoudre le problème. Il y a,
bien sûr, une forme de deux solitudes qui sont là et je pense que
le défi des prochaines années sera encore une fois de vivre en
concertation avec ce milieu industriel. Je pense que c'est un effort...
Pour répondre directement à votre question, à
savoir quelles sont les mesures concrètes que l'on peut
immédiatement établir pour avoir un plan d'action
là-dessus, cela devient difficile, mais je pense qu'il faut continuer de
part et d'autre. Il faudra peut-être que le gouvernement encourage, par
certains programmes, les industries à s'orienter davantage vers
l'université. Peut-être faudra-t-il songer à un
"partnership" en ce qui concerne les fonds de recherche, etc. Il faudra
réfléchir sur cette question. C'est un débat important qui
devra être résolu.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Laurin.
M. te député d'Ungava, je vous rappelle que le temps des deux
formations est écoulé et qu'il reste à peine quelques
secondes pour le mot de la fin d'un représentant de chaque formation.
Donc, je cède la parole au député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. En
terminant, je sais que l'on va retrouver M. Frisque avec un autre chapeau,
tantôt, pour nous présenter un autre mémoire. Non? Vous
êtes sur notre liste, à l'Union québécoise pour la
conservation de la nature.
M. Frisque: C'est une erreur totale.
M. Parent (Bertrand): Alors, je vais vous faire mes adieux pour
vrai. Je voudrais vous remercier, de même que le Dr Laurin, comme doyen,
et aussi M. Beaudry, directeur du service de la recherche, de vous être
déplacés et d'avoir présenté ce mémoire qui,
je l'ai dit au début, n'est peut-être pas le plus volumineux, avec
des centaines de pages. Ce n'est pas cela qui est important, votre message
était très clair.
En terminant, j'aimerais vous dire, en rapport à votre
dernière intervention, M. Laurin, que je crois profondément que
le défi des prochaines années... Nous sommes rendus à
cette jonction. Il faut absolument que le "partnership" s'établisse.
Actuellement, on est sur deux voies parallèles. Les chercheurs
travaillent et s'en vont sur une ligne et, sur la même voie
ferrée, l'autre "track", comme on dit, c'est l'entreprise. Je pense que
des mécanismes de concertation, des tables de discussion vont permettre
aux deux de se comprendre. Je pense qu'on n'est pas loin de cette concertation,
de faire que tout le monde se rencontre. C'est là le défi et,
dans ce sens, il va falloir que le gouvernement fasse tous les efforts pour
l'encourager, la stimuler, parce que, si les deux partenaires que vous
êtes ne travaillent pas dans le même sens, la priorité que
vous demandez, vous ne l'obtiendrez pas.
Alors, soyez assurés, en terminant, de toute notre collaboration
parce qu'on est, en tout cas, sur la même voie en ce qui regarde la
priorité de la recherche et du développement. Pour ma part, je
n'ai pas fini de défendre cela. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le directeur,
M. Laurin, M, Beaudry, je vous remercie sincèrement pour la
limpidité de votre présentation et l'exactitude de vos
réponses. Je reconnais, pour l'avoir vécu à quelques
reprises, votre grande collaboration avec le ministère dans tous les
secteurs de la forêt. Je reconnais également votre collaboration
en ce qui concerne la forêt Montmorency. C'est pour moi un vif plaisir de
vous entendre. Soyez assurés que, même s'il n'est pas
mentionné dans l'avant-projet de loi, nous avons évalué au
ministère le conseil de concertation et de recherche au Québec et
cela va rester une de nos préoccupations. Nous tiendrons compte de vos
remarques à savoir qu'un conseil du genre nous permettra
d'économiser des efforts et des montants d'argent.
Encore une fois, merci beaucoup pour votre présentation
très limpide et très exacte.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, au nom
de la commission, merci et bon retour.
Union québécoise pour la conservation de
la nature
J'invite maintenant le représentant de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature. En principe, il est
représenté par M. Harvey Mead, président. J'aimerais qu'il
nous présente les autres membres qui l'accompagnent.
M. Mead (Harvey): Merci. J'aimerais préciser que M.
Frisque est là par erreur. Il n'a d'ailleurs pas travaillé
à la rédaction de notre mémoire. Je le connais.
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Mead: J'aimerais aussi souligner que la personne responsable
de la préparation de ce mémoire, M. Gérard Szaraz,
ingénieur forestier, est en dehors du pays actuellement. Donc, il ne
peut pas être présent. J'ai
participé à la rédaction du mémoire, mais il
se peut que je ne sois pas capable de répondre à toutes les
questions, n'étant pas ingénieur forestier.
J'aimerais prendre quelques minutes pour situer l'Union
québécoise pour la conservation de la nature par rapport à
ce dossier, plutôt que de vous lire le bref mémoire que vous avez
entre les mains.
Au printemps de 1985, nous avons lancé un comité pour une
stratégie québécoise de la conservation qui a
travaillé pendant l'année sur quatre dossiers, dont le milieu
forestier. L'objectif de la première année de travail de ce
comité a été la présentation de l'état de
l'environnement. Nous avons traité le milieu aquatique, le milieu
forestier, le milieu agricole et les milieux humides. Nous avons tenu un
colloque auquel le ministère a participé au mois de mai. Dans une
deuxième phase, cette année, nous sommes en train de
préparer un document sur l'état de la société,
selon nos moyens, évidemment. Cela va consister en une étude des
facteurs sociaux et économiques relatifs à plusieurs domaines
reliés à l'utilisation des ressources.
Encore une fois, nous allons nous pencher sur les questions relatives
à la gestion des forêts. Les remarques dans le mémoire
constituent donc un genre de préavis des orientations que nous pensons
prendre.
L'objectif principal dans nos interventions est une cohérence
dans les politiques visant une utilisation rationnelle des ressources. Avant
d'embarquer dans quelques commentaires encore plus précis, j'aimerais
dire que nous croyons que l'avant-projet de loi constitue une nette avance.
C'est un projet très sérieux. Nous ne nous y opposons
certainement pas, même si on a apporté quelques commentaires, des
souhaits qui ne semblent pas figurer dans les intentions actuelles. (17 h
15)
Mais pour donner un exemple, pour indiquer la situation dans laquelle
nous nous trouvons, il y a la consultation sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. En même temps, vendredi dernier - et cela va continuer - il
y avait une consultation sur une politique de protection des milieux riverains.
Depuis au moins cinq ans, il est question d'une loi ou de dispositions
juridiques quelconques pour la protection des habitats fauniques et, on peut
l'ajouter, "floristiques". Le ministère de l'Agriculture a
récemment publié un document - j'oublie le titre - qui est un
guide d'intervention en milieu agricole ou qui a un titre analogue. Finalement,
il reste des questions concernant la Loi sur les parcs et une loi qui n'existe
toujours pas sur les espèces menacées.
Pour nous, cela constitue un ensemble de lois ou de mesures
réglementaires qui pourraient constituer une base permettant une
activité qui favorise en même temps la conservation. Si on regarde
la situation, l'avant-projet de loi, qui constitue surtout une approche de la
gestion de la matière ligneuse, arrive bien avant la loi sur les
habitats fauniques, si cela en devient une.
Nos commentaires ne sont ici que partiels et nous espérons, dans
le courant de l'année, développer une politique plus globale
portant sur cette question. Dans les commentaires que nous avons soumis, nous
avons essayé d'être positifs. Je crois que le mémoire
l'est.
On a quelques interrogations et on pourrait en souligner quelques-unes
avant de terminer. Je pourrais indiquer, par exemple, que dans la politique
forestière de 1985 il y avait une clause disant - en pourcentage -que 5
% du territoire serait réservé, ou du moins ne serait pas inclus
dans les contrats visés, de telle façon que cela permettrait un
peu de flexibilité lorsqu'il y aurait des changements à faire
dans le système. Les plans d'affectation qui sont à la base de la
présente loi semblent être une sectorisation, dans le sens que -
pourtant, c'est un net progrès, ce n'est pas une critique
négative -l'on indique, sur le territoire, différentes
utilisations que l'on peut appeler exclusives. Les parcs sont, d'une part,
indiqués et réservés; la foresterie est exclue. Il y a
deux zones; 89 % du territoire, je pense, a été voué
à la foresterie industrielle. On croit qu'il y a un manque de
flexibilité et aussi un manque de gestion vraiment globale dans cette
approche. On espère, avec le temps, que cela va s'améliorer. Je
le répète, nous croyons que les plans d'affectation sont quand
même très sérieux et constituent une nette avance sur ce
qui existait jusqu'ici.
On a des doutes sur la capacité du ministère ou de
l'État d'arriver aux données nécessaires pour les
négociations des contrats. Par contre, lors de la rencontre avec le
ministère, M. Paillé semblait satisfait de la situation. Il
faudrait voir. Nous ne sommes certainement pas en mesure de dire autre chose
que nous espérons que les données existent.
Finalement, je reviens à ta question de tantôt. Le guide du
ministère de l'Agriculture, c'est un guide. Cela n'a pas la force d'une
loi. Dans le cadre de l'avant-projet de loi actuel, le guide fait partie d'un
manuel que le ministre peut inclure. C'est quand même à un
troisième niveau par rapport à la loi, et c'est dans ce guide que
nous trouvons certaines garanties de conservation.
Je pense que cela indique un peu notre approche et, avec cela, je vous
laisse la parole.
Le Président (M. Théorêt): Merci, monsieur.
Je vais céder maintenant la parole à M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Vous donnez beaucoup d'importance aux 5 % que je ne comprends
pas et aux plans d'affectation qui ont servi, qui ont été
transmis à toutes les MRC pour préparer leur schéma
d'aménagement. Je ne sais pas si vous croyez que 11 % de territoire
forestier réservé à d'autres fins que la production
forestière est suffisant si on compare cela à ce que d'autres
pays ont fait,
M. Mead: Prenez par exemple le cas des parcs. Il y a un moratoire
actuellement. Si ma mémoire est bonne, les parcs constituent à
peu près 0,9 % du territoire. Par rapport à d'autres pays, au
reste de l'Amérique, c'est un pourcentage très faible. Pour les
11 %, il faut constater d'ailleurs que cela devient même plus important,
c'est-à-dire qu'il y a plus de 11 % si on considère la partie du
sud, car dans le nord les autres utilisations semblent être quasiment
inexistantes, souvent. Donc, je ne peux pas me prononcer sur les 11 %
globalement, mais il y aurait cet exemple qui nous préoccupe. Lorsque le
moratoire sera levé, il se peut que cela soit très difficile de
créer de nouveaux parcs.
M. Côté (Riviêre-du-Loup): Pourquoi, à
votre avis, faudrait-il lever le moratoire sur les parcs actuellement? Ne
serait-il pas préférable de créer des zones de
biosphère alors qu'on pourrait en faire un développement
contrôlé et dirigé de façon à ne pas... Si
vous créez un parc, évidemment, la forêt est quelque chose
de vivant et de ce fait destiné à mourir, tandis qu'avec une zone
de biosphère on pourrait peut-être l'aménager d'une
façon intelligente et agréable aussi pour les mêmes fins
qu'un parc.
M. Mead: Mais les réserves de biosphère n'ont aucun
statut légal. Je pense que c'est surtout cela qui est en cause.
L'idée d'une réserve dans les Laurentides qui est
prônée actuellement - je ne sais pas qui est le promoteur, on
parle de la région des Grands Jardins - serait très
intéressante. Cela pourrait mettre en valeur la région mais je
crois que l'existence d'un parc signale, permet justement de penser maintenant
à une réserve de biosphère. Alors, non, je pense que
vraiment ce sont deux choses différentes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce sont deux
choses différentes mais deux choses vivantes qu'on peut entretenir,
qu'on peut soigner, qu'on peut traiter et, lorsqu'on fait un parc, il n'y a pas
beaucoup de traitement.
M. Mead: Je ne voudrais pas indiquer que nous voulons mettre tout
l'accent sur les parcs. Franchement, on parle de moins de 1 % et je ne voudrais
même pas suggérer que c'est notre préoccupation principale
en venant ici. L'utilisation de la forêt en dehors des parcs est
certainement la chose qu'il faut considérer. L'état de
l'environnement que nous avons constaté, comme beaucoup d'autres, c'est
une dégradation de la forêt, et l'avant-projet de loi est un pas
très important dans la reconstruction de cette forêt.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On mentionne
souvent à titre d'exemple les pays Scandinaves pour leur intervention en
forêt et leur aménagement forestier, surtout leur
efficacité et leur production. En Finlande, qui est un de ces pays
où on fait de l'aménagement depuis 1884 alors qu'on avait
instauré des lois pour s'assurer que la forêt serait toujours
productive et qu'elle serait remise en production, on a réservé 8
% du territoire pour toutes les fins autres que la production
forestière.
Avec ses travaux, avec ses investissements depuis ce temps, la Finlande
fait, évidemment, de la fertilisation autour des travaux en forêt,
mais elle a récupéré ou elle a augmenté sa
capacité, son potentiel forestier, sa possibilité de 7 000 000 de
mètres cubes par année. C'est le tiers de notre production au
Québec, en faisant des travaux, et je pense que c'est un bel exemple de
conservation et d'amélioration de la nature. On aurait pu,
évidemment, avec ces marécages, faire des parcs aussi. Cela
aurait été peut-être plus facile. Je voudrais avoir votre
opinion là-dessus.
M. Mead: Je voudrais mettre l'accent sur la mise en valeur de la
forêt plutôt que de mettre trop d'accent sur les parcs. C'est un
exemple parmi d'autres pour indiquer ce que nous croyons souhaitable et qui est
absent, ou peut-être mitigé par les clauses, les articles de la
loi.
Je crois que l'avant-projet de loi est un projet très
sérieux et absolument essentiel et, donc, nos commentaires ne sont pas
en opposition le moindrement du monde.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Sauf que j'essaie
de mesurer notre effort concernant l'utilisation polyvalente de la forêt
pour répondre aux aspirations et aux besoins de la population, pour son
mieux-être aussi. C'est malheureux, quand on mesure nos efforts, souvent
on se compare avec d'autres. Mais les 11 % dont je vous parle qui ont
été mis de côté pour les autres utilisations et pour
la protection des rives, pour la protection de la faune représentent un
effort qui est concentré principalement dans le sud, dans les zones les
plus habitées du Québec.
M. Mead: Mon commentaire là-dessus était par
rapport à la présence du guide. Si
vous le permettez, nous croyons que la protection que le guide
prévoit pour les milieux riverains, surtout quand cela est mis dans le
contexte d'une politique générale de protection du milieu
aquatique, encore une fois, constitue une avance. Cela va certainement prendre
une partie importante de la ressource. On ne s'oppose pas à la coupe
dans la bande de 20 mètres, par exemple. Je ne suis pas capable de juger
de vos 8 % pour la Finlande. Je ne connais pas le cas. Le cas d'autres
provinces canadiennes et des États-Unis dépassent certainement ce
que nous avons ici. Je pense que la priorité est de remettre en
productivité la forêt. Nous essayons de voir l'ensemble des
démarches entreprises par votre ministère et d'autres.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis pour cette
priorité. Je ne suis pas contre les parcs, évidemment. Si vous
avez visité certains parcs au Québec qui ont été
affectés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
plutôt de voir une forêt dévastée, à mon avis,
il aurait été préférable de voir une forêt
verte comme on a réussi à maintenir la forêt
Montmorency.
M. Mead: Je crois que vous avez raison, cela crée des
problèmes dans la planification de parcs lorsque c'est une région
forestière. Je ne prétends pas qu'une forêt
dévastée constitue un parc idéal. Par contre, il y a
plusieurs parcs qui... Je vous concède le point. Il y a un
problème. Il faudrait vérifier, lors de la mise en place d'un
parc, si le site peut être protégé. Il doit y avoir des cas
où les parcs sont vulnérables.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je
cède maintenant la parole au député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. À la suite d'un
commentaire qui fut fait par le ministre délégué aux
Forêts se rapportant à l'article 111, lorsqu'il parlait de
dispositions provisoires et transitoires et que pour lui c'était une
question de temps, je peux dire au ministre et aux membres de la commission
ainsi qu'aux personnes qui nous écoutent, à ce moment-ci, que,
tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de date précise à
l'intérieur de cet article ou à la fin de cet article, je vais
croire que c'est d'une façon permanente. On a beau dire qu'on va se
servir de l'article 113 pour mettre en application une date avec des
règlements et ce, par décret de la part du Conseil des ministres
du gouvernement libéral, je doute énormément que cela
puisse venir dans les prochains jours. Je préférerais, de loin,
que cela soit mis directement dans la loi.
Je m'excuse auprès de M. Mead pour cette intervention, mais je
peux vous dire que j'ai trouvé que votre mémoire était
très articulé, très court, mais très
articulé parce qu'il touchait beaucoup de points qui étaient
mentionnés à l'intérieur du livre blanc sur la politique
forestière.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Perron: II y a des sujets extrêmement
intéressants et cela a beau faire rire le gouvernement, je m'en balance
parce que le gouvernement va réaliser qu'au cours des prochains mois il
va avoir du boulot à faire pour rejoindre les aspirations de la
population du Québec en rapport avec la politique forestière du
Québec. Ce n'est pas un avant-projet de loi comme celui-là qui va
faire en sorte de régler les problèmes de notre
collectivité. Je peux vous regarder n'importe quel temps en pleine face
là-dessus, vous les libéraux.
Je reviens, M. le Président, au mémoire en question. Bien
sûr que votre allusion stipulant que...
M. Maltais: Nous aussi.
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît! (17 h 30)
M. Perron: L'avant-projet de loi porte surtout sur la production
de la matière ligneuse, et cela nous rend aussi quelque peu sceptiques.
On sait que cet avant-projet de loi devrait toucher l'ensemble des
opérations forestières du Québec. Il y a plusieurs
organismes qui sont venus devant cette commission depuis hier et qui nous ont
informés de l'essentiel et même de l'urgence du contenu de cedit
avant-projet de loi.
M. le Président, je remarque que l'organisme a beaucoup
d'intérêt pour le secteur forêts et pour le secteur terres.
Est-ce que vous pourriez me dire, M. Mead, quel intérêt votre
organisme aurait à maintenir le secteur forêts et le secteur
terres sous une responsabilité ministérielle unique?
M. Mead: Ce l'est déjà de toute façon,
n'est-ce pas? Ce sont deux lois qui relèvent du ministère de
l'Énergie et des Ressources, si je ne me trompe pas. Ce que nous
proposons dans le mémoire, c'est que l'avant-projet de loi actuel soit
nommé loi sur le régime forestier, pour indiquer son contenu
précis. Cela pourrait donc laisser la possibilité d'une loi plus
générale.
Lorsqu'il est question de la gestion globale du territoire, il ne
faudrait quand même pas s'illusionner. On ne cherche pas à
proposer une loi qui toucherait autre chose, par exemple, le milieu forestier
dans ce cas-ci ou le milieu agricole. Je crois qu'une loi sur les terres
pourrait servir de cadre pour le régime forestier. Il faut dire que les
plans d'affectation relèvent - si je ne me trompe
pas - ou sont associés aux démarches relatives à la
loi sur les terres. Il y a toute la question de la négociation des
contrats qui va certainement relever de cela.
M. Perron: Merci de votre réponse, M. Mead. Lorsqu'on
parle du rejet par l'avant-projet de loi d'une flexibilité de transfert
d'utilisation pour la création de nouveaux parcs et réserves
écologiques, vous y avez fait allusion quelque peu dans une
réponse à la suite d'une question qu'avait posée le
ministre délégué aux Forêts... Ce que je voudrais
vous demander à ce sujet, par rapport aux réserves
écologiques et aux parcs du Québec, c'est si les avantages que
vous verriez à accroître ces réserves et ces parcs seraient
énormes. Est-ce que vous avez des chiffres sur cette question
précise?
M. Mead: Si vous parlez des avantages économiques...
M. Perron: Oui, écologiques et économiques.
M. Mead: Je pense qu'il y a un intérêt fondamental.
Si l'on se réfère à la stratégie mondiale qui
inspire les démarches de plusieurs des lois, des règlements ou
des guides que j'ai mentionnés, on distingue qu'il y a un besoin de
maintenir la diversité génétique. Dans plusieurs cas, cela
suggère que des zones absolument protégées existent. Par
contre, l'objectif principal de la stratégie est d'assurer une
utilisation rationnelle des ressources. Donc, je ne voudrais pas essayer de
défendre les réserves écologiques ou les parcs sur une
base strictement financière ou économique. Par contre, je ne
voudrais pas défendre l'utilisation de la ressource sur une base
strictement économique non plus. Je pense que les parcs peuvent apporter
un intérêt économique. Si je ne me trompe pas, la
région du Saguenay - le chiffre m'échappe, mais c'est de l'ordre
de plusieurs millions de dollars - profite de l'existence d'un parc provincial,
d'une zone d'intérêt public, avec le fjord du Saguenay et
l'estuaire du fleuve. C'est d'un intérêt majeur pour la
région. C'est seulement depuis quelques années que cela est
arrivé. Alors, il y a un intérêt.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, vous seriez favorable, en
tant qu'organisme, à ce qu'on hausse le nombre ou encore la grandeur du
territoire actuel en ajoutant des parcs et des réserves fauniques et
écologiques.
M. Mead: Oui, mais il faudrait préciser. Les
réserves écologiques constituent quand même de petites
parcelles de territoire. Leur objectif n'est vraiment pas d'avoir de grands
territoires. Dans le cas des parcs, notre préoccupation est de ne pas
voir dans la loi une contrainte majeure à la possibilité d'en
ajouter au système. On en a - j'oublie le nombre exact - une quinzaine
actuellement. Mais ce n'est pas le point le plus important, c'est une
préoccupation parmi plusieurs autres. Les habitats fauniques ne sont pas
protégés seulement par les parcs et, d'ailleurs, la plupart ne
seront jamais dans des parcs. Il y a un effort de la part du ministère,
dans le guide, de reconnaître l'importance de ces habitats. Ce que je
voudrais souligner, c'est que la loi qui est prévue depuis cinq ans pour
protéger les habitats essentiels n'existe toujours pas, alors que la Loi
sur les forêts est à la veille d'être adoptée, du
moins, je l'espère. On parle de la protection des habitats dans un guide
qui est dans un manuel qui n'est pas prêt et qui, donc, risque
d'être reporté à plus tard.
Ce n'est pas pour mettre en cause... Je ne voudrais pas suggérer
que nous sommes sceptiques - comme vous l'avez dit - par rapport à cet
avant-projet de loi, mais nous soulevons quelques questions.
M. Perron: Merci, M. Mead. À la page 3, vous faites une
recommandation. Vous dites, par exemple: "L'aménagement polyvalent ne
constitue pas simplement à découper le territoire en utilisations
majeures et à en confier la gestion à l'intervenant principal. Il
serait plutôt souhaitable - en fait, c'est un genre de recommandation que
vous faites - d'inclure tous les intervenants dans tous les territoires et les
aménager de façon globale. Le tout est plus grand que la somme
des parties."
La question que je voudrais vous poser en rapport avec
l'aménagement polyvalent des ressources - en fait, c'est ce que vous
mentionnez - est celle-ci: Comment, selon vous, cela devrait-il se faire, non
seulement dans les écrits mais en pratique, et quels seraient les
organismes ou l'organisme qui en paieraient la note?
M. Mead: J'aurais une meilleure réponse pour vous d'ici un
an à peu près. C'est une des questions sur lesquelles le
comité va se pencher cette année, mais, si la distinction est
claire, il s'agit de mettre l'accent sur... La loi actuelle ou l'avant-projet
de loi prévoit - et c'est très intéressant - d'inciter
l'industrie à ta régénération et à la
production, alors que, par le passé, c'était
séparé. Ce n'est pas évident que c'est la seule
façon d'agir. L'intérêt de l'industrie est d'utiliser une
ressource, de la transformer et de la vendre. Alors, quand même, la
production de la ressource n'est pas son intérêt principal. Nous
espérons que, si la loi est adoptée selon les orientations
actuelles, cela marchera. Il s'agit d'inciter les industries à
gérer leur territoire sous bail.
Une autre possibilité serait de scinder l'opération
production et l'opération transformation et vente. À ce
moment-là, l'utilisateur achète la ressource, mais le producteur
est capable de voir l'ensemble des ressources dans ses réflexions. Je
pense que c'est une question d'intérêts, mais je pense qu'il
n'existe pas d'organisme actuellement qui pourrait le faire. Ce n'est pas dans
le mandat des MRC et, de toute façon, ce ne sont certainement pas les
MRC, par exemple, qui le feraient.
M. Perron: Merci, M. Mead. Une autre question qui se rapporte
à un conseil consultatif sur la recherche forestière. Tout le
monde sait ici, en particulier, les membres de ta commission, qu'il y a
plusieurs organismes qui sont extrêmement favorables à la
création de ce genre de conseil. Quant à vous, vous le mentionnez
à la page 3, c'est-à-dire au deuxième paragraphe de votre
allocution Bien sûr, cela intéresse énormément
aussi, non seulement les organismes, mais les membres de l'Opposition. Est-ce
que vous pourriez nous expliquer quel intérêt vous voyez dans la
création d'un tel conseil consultatif sur la recherche
forestière?
M. Mead: II faudrait souligner que dans le mémoire, nous
tenons pour acquis qu'un tel conseil consultatif n'existera pas. Ce que nous
souhaitons, c'est qu'un conseil quelconque soit accessible au ministre pour
tous les besoins que M. Frisque vient de mentionner. Je connais d'autres cas un
peu mieux, soit le Conseil de la faune et le Conseil consultatif de
l'environnement par rapport au Conseil facultatif des réserves
écologiques. On n'est pas contre une rationalisation du système
des conseils actuels dans le cadre du ministère de l'Environnement. Nous
ne sommes pas opposés à la fusion des conseils actuels. Le
Conseil de la faune est actuellement transformé en table de
consultation, si je ne me trompe pas. C'est l'expression utilisée par M.
Frisque tantôt pour le conseil qu'il suggérait. C'est ce qui
existe. Il s'agit de s'assurer et de trouver le moyen d'avoir les
données nécessaires pour la préparation des contrats.
M. Perron: Maintenant, toujours sur la question du conseil
consultatif de la recherche, puisqu'en principe, vous seriez d'accord avec -
à moins que j'aie mal compris - la création d'un tel conseil et
où, nous de l'Opposition, on voudrait que ce soit même inscrit
dans la loi ou dans l'avant-projet de loi, de quelle façon voyez-vous la
formation "de ce conseil consultatif? En d'autres mots, quels seraient les
intervenants majeurs qui devraient en faire partie?
M. Mead: Je ne suis pas en mesure de répondre à
cela. On n'a pas de proposition précise à ce propos-là;
mais ce qu'on suggère, c'est que ce n'est même pas
nécessaire qu'il y ait un conseil consultatif. On ne s'oppose pas, mais
il s'agit d'avoir les moyens de se faire conseiller. Comme je le dis, dans le
cas du MLCP, on croit qu'il y a possibilité d'arriver au même
objectif par d'autres moyens. Ce n'est pas la meilleure solution. Je n'ai pas
de réponse précise à votre question.
M. Perron: Merci quand même, M. Mead. Maintenant, dans une
autre des recommandations que vous faites, cela concerne le fait de rendre
disponibles les plans et les rapports d'aménagement quinquennaux et
annuels. Selon le nombre de recommandations que j'ai pu constater dans votre
mémoire, ce serait la septième recommandation qui est incluse
à la page 3. Lorsque vous parlez de les rendre disponibles, est-ce que
vous pourriez nous informer de quelle façon?
M. Mead: Nous croyons que c'est important qu'un organisme en
dehors du gouvernement, que des organismes non gouvernementaux, que la
société soit capable de voir de quelle façon se
déroule l'opération. C'est un espoir, d'une certaine
façon. C'est une expérience qui est tentée par
l'avant-projet de loi. Dans le cas de la loi sur l'accès à
l'information - je ne sais pas si c'est une loi, je m'excuse - je sais qu'il y
a actuellement... Au cours de l'été, il était question de
rendre un peu plus cohérentes certaines approches de différents
ministères concernant l'accessibilité à l'information, par
exemple, concernant les polluants chimiques en milieu aquatique. Je crois que
c'est important de pouvoir vérifier les données, donc d'avoir
accès lorsqu'on peut apporter des raisons sérieuses. Dans le cas
des déchets toxiques, la pollution chimique, it y a des organismes qui
se sont penchés sur les informations et les données disponibles
et qui ont produit des documents publics qui permettent un meilleur
débat sur le rôle du gouvernement dans le contrôle des
déchets. Je pense que ce serait un exemple de ce que l'on souhaite dans
le cadre des plans quinquennaux et des plans annuels mentionnés dans
l'avant-projet de loi. (17 h 45)
M. Perron: D'accord, mais vous mentionnez dans votre
mémoire, M. Mead, que ce serait mieux que ce ne soit pas le
ministère de l'Énergie et des Ressources parce qu'il est en
même temps juge et partie...
M. Mead: C'est cela.
M. Perron: Je voudrais obtenir, non pas une affirmation, mais une
suggestion de
votre part. Quelle serait la composition d'un tel organisme non
gouvernemental qui ferait justement le travail que vous venez de mentionner
dans une réponse antérieure?
M. Mead: Je crois que ce n'est pas nécessaire d'identifier
un organisme d'avance. Ce qui est important, c'est de s'assurer qu'un
organisme, lorsqu'il y a intérêt, puisse avoir les données.
Il se peut qu'il y ait des problèmes à propos de la
confidentialité industrielle. La même chose se produit dans le cas
des déchets de produits chimiques. Je ne comprends pas votre question
parce que je ne vois pas la nécessité de définir un
organisme comme tel, le nôtre, SVP, peu importe.
M. Perron: Écoutez, je vais la poser d'une autre
façon, à ce moment-là. Puisque vous mentionnez que le
ministère de l'Énergie et des Ressources serait en même
temps juge et partie, compte tenu de l'importance du régime forestier,
compte tenu de l'importance d'un avant-projet de loi, modifié ou non, il
y a actuellement des composantes forestières qui font en sorte que
d'autres instances seraient aussi juge et partie. Par exemple, lorsqu'on parle
de la question d'aménagement de plans quinquennaux et annuels, c'est
sûr que les papetières seraient placées dans la même
position que le ministère de l'Energie et des Ressources. C'est
sûr que les usines de sciage seraient placées dans la même
position, et d'autres organismes aussi: on peut parler des coopératives
forestières, on peut parler des propriétaires de boisés
privés. Ce que je veux dire, c'est ceci: comme vous ne pouvez pas me
donner le sens, comme vous ne pouvez pas répondre à la question
que je vous pose à savoir de quelle façon cet organisme pourrait
être formé ou ce groupe pourrait être formé, si on ne
veut pas parler d'organisme, quelles seraient les parties qui devraient en
être exclues à ce moment-là?Le ministère
de l'Énergie et des Ressources, puisque vous le mentionnez.
M. Mead: Pour ce qui est de la question d'une compagnie qui
vérifie les rapports des autres, si l'information est accessible,
j'imagine que cela pourrait se faire. Ce serait dans un intérêt
autre que l'intérêt public en général, j'imagine.
Notre organisme aurait intérêt à avoir accès
à cette information. D'ici è un an ou deux, nous espérons
avoir mis en place notre propre comité permanent qui va essayer de
suivre les activités forestières et les activités en
milieu agricole, ainsi que les autres. Je crois que, du moment que
l'information est accessible, on n'est probablement pas en mesure
d'empêcher les autres intervenants forestiers d'avoir la même
information que nous, ou tout autre organisme non plus.
M. Perron: Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas que ces plans
soient accessibles sur la place publique et servent au bénéfice
de tout le monde, de l'ensemble des organismes, de l'ensemble des compagnies
forestières ou autres. Ce n'est pas cela que vous voulez dire?
M. Mead: Le bien du public dépendra d'une bonne analyse de
la réussite ou de la faillite de la loi actuelle qui est
proposée. Pour ce faire, il faudrait surveiller la progression du
dossier et donc pouvoir étudier les rapports quinquennaux, disons, pour
voir si, en fait, les compagnies sont capables d'atteindre leurs objectifs.
Donc, que d'autres organismes ayant un intérêt particulier,
privé, y aient accès, c'est une chose, mais il faut que les
organismes ayant un intérêt général et public
puissent avoir le même accès.
M. Perron: Merci. Vous avez quand même assez bien
répondu à la question. Vous avez informé les membres de
cette commission quant aux possibilités qui se présentent en
rapport avec l'organisme en question. Si vous me permettez, je vais donner la
parole à un autre de mes collègues, d'un côté ou de
l'autre.
Le Président (M. Théorêt): Vous permettez, M.
le député de Duplessis, nous allons profiter de l'alternance tel
qu'entendu. Je vous rappelle qu'il reste à votre formation trois minutes
et qu'il reste à la formation ministérielle quinze minutes. Donc,
je cède la parole au député de Saguenay ou à M. le
ministre.
M. Maltais: Merci. Je voudrais d'abord saluer notre
invité. J'aimerais qu'il me donne quelques petites précisions
concernant son organisme. Votre organisme est né de quoi et regroupe
combien de membres? Quels sont ses objectifs? À titre d'information, je
pense que c'est important.
M. Mead: II est né de nombreux échecs dans des
dossiers sectoriels et régionaux. Donc, du constat du besoin d'un
organisme à l'échelle nationale qui s'occupe des dossiers
concernant la gestion des ressources. Nous avons actuellement une cinquantaine
d'affiliés dans toute la province. Les membres affiliés sont
environ 15 000 et nos membres individuels sont environ 4000. L'UQCN avait un
drôle de nom il y a plusieurs années: Le front commun des espaces
verts et des sites naturels. C'était un mandat qu'on s'était
donné qui était beaucoup trop restreint.
M. Maltais: Merci. Est-ce que vous pourriez me donner la
différence de style d'intervention entre votre association et la
Fédération québécoise de la faune?
M. Mead: Jusqu'ici, ce que j'ai vu de la fédération
de la faune était des interventions en régions. Le
problème que nous avons constaté c'est justement que les
interventions en régions, normalement, se butent contre le fait que les
activités relèvent d'un plan de développement, soit
gouvernemental, soit industriel, qui remonte souvent très loin. Donc, on
a constaté un besoin d'aller à la source, d'essayer de mettre en
place un organisme capable d'agir en parallèle avec des ressources
extraordinaire ment moindres. La fédération de la faune, c'est un
organisme, encore une fois - vous parlez du genre d'intervention - qui
était présent vendredi lors de la consultation sur la politique
concernant le milieu riverain. Nous avons adopté la stratégie
mondiale de conservation pour l'adopter au Québec. La
fédération, à ma connaissance, l'a adoptée par la
suite aussi comme organisme de la faune.
M. Maltais: D'accord. Vous avez parlé beaucoup dans votre
mémoire et vous semblez dialoguer avec l'Opposition concernant ce qui se
passe au plan de la recherche au Québec là-dessus. Est-ce que
vous avez des comparaisons à nous donner entre le Québec et, par
exemple, les autres provinces du Canada? Est-ce que vous avez vu ce qui se
faisait en dehors du Québec, au Canada, comparativement au
Québec, et ce qui ne se fait pas ici? Est-ce que vous pourriez me faire
un petit parallèle brièvement?
M. Mead: C'est la sorte de question dont j'aurais voulu discuter
en présence de M. Szaraz, par exemple. Je ne suis pas personnellement en
mesure de vous répondre.
M. Maltais: Pour vous, est-ce que la recherche se limite
uniquement au niveau scientifique ou qu'elle va aussi permettre le
développement?
M. Mead: J'ai compris que M. Frisque, tantôt, a dit que la
recherche peut être orientée en fonction de problèmes
rencontrés par les utilisateurs. C'est tout à fait normal que la
recherche, surtout en fonction d'un projet de loi sur la foresterie, soit
orientée. Je peux certainement faire cette distinction comme
philosophe.
M. Maltais Pour l'avant-projet de loi que nous avons, est-ce que
la recherche doit être faite uniquement en fonction de la foresterie?
Est-ce qu'on doit tenir compte de la foresterie productive ou si on doit tenir
compte d'un ensemble environnemental que vous prônez un peu?
M. Mead: C'est justement une question d'orientation. Une
amélioration des tech- niques de récolte, c'est une chose. Ce
qu'on souhaite, c'est que cette orientation soit quand même comprise dans
une perspective plus globale. Ecoutez, toute la question de la recherche sur le
milieu physique, l'environnement, on se pose la question: Est-ce que le
ministère est en mesure vraiment d'aller négocier les contrats en
fonction de données suffisantes actuellement? Comme je l'ai dit, M.
Paillé, tout en constatant certains problèmes, semble être
satisfait de la possibilité d'y aller. Je crois que la recherche en
foresterie a des raisons de se limiter. Mais notre préoccupation serait
qu'on voudrait que ce soit plus général. Je pense que la question
de la recherche sur la bande de 20 mètres est dans la politique du
littoral. C'est mentionné que le ministère est en train
actuellement de faire de la recherche sur la possibilité de mieux
comprendre la valeur de cette zone. Est-ce que les chablis vont la rendre
inutilisable de toute façon? C'est tout à fait normal, mais il
faut faire introduire la faune.
M. Maltais: J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Je
pense que c'est impartant pour nous autres. On va parler de cette
réserve de 20 mètres. Est-ce qu'il est préférable,
d'après vous - c'est peut-être une question à double
facette - d'avoir une zone bien entretenue que d'avoir des zones comme on a
actuellement, peut-être plus courtes, mais bien entretenues? La
récupération des arbres, c'est intéressant pour les
industriels.
M. Mead: Notre comité pour les milieux humides s'est
rencontré pendant trois heures ce matin. On s'est penché sur la
question. Nous sommes satisfaits et nous pensons que c'est... Nous avons une
attitude positive à l'endroit de la zone de 20 mètres. On se
demande si cela va être... On s'inquiète un peu de la
surveillance, de l'application de la loi, mais telle que proposée, on
pense que c'est une bonne idée, la question du chablis, la question de
couper entièrement, la moitié ou 25 %. Apparemment, vous
êtes en train de vérifier cela. C'est évident que tout
n'est pas connu de ce côté-là.
M. Maltais: Alors, cela va.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
À ce stade-ci, je vais demander s'il y a consentement pour finir
l'intervention, étant donné qu'il reste encore quelques minutes,
plus de trois minutes.
M. Maltais: Oui. M. Perron: Oui.
Le Président (M. Théorêt): Je cède la
parole au député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai seulement une
question à poser. À la page 5 de votre mémoire, on peut
lire ceci: "Au moment de l'allocation du contrat, la remise en production
d'aires non régénérées est à la charge du
ministère, c'est-à-dire le public, mais par contre, lorsque le
bénéficiaire d'un contrat effectue des travaux dépassant
les objectifs fixés, il n'aura pas de droit de coupe à payer sur
l'accroissement de la possibilité." Et vous ajoutez: "II serait
souhaitable d'inciter le bénéficiaire à participer
à la remise en production des aires non
régénérées." Je vous avoue honnêtement que je
trouve cette formule très intéressante, mais je vaudrais que vous
en expliquiez l'impact puisque vous parlez surtout d'incitation au
bénéficiaire.
M. Mead: Les zones les plus productives selon les
ingénieurs forestiers qui nous conseillent au comité sont les
zones qui tombent sous l'article 35, je pense. Ce sont les aires qui ont
été mal régénérées et qui ont besoin
d'être régénérées par le ministère. Ce
sont les zones les plus proches des usines, ce sont les zones qui ont
peut-être été coupées en premier. Dans cette
optique, on s'inquiète un peu du fait que l'article 35 soit si
général et peut-être vague. La proposition du
mémoire n'est certainement pas assez claire, mais le point que nous
essayons de faire est de suggérer finalement que les zones les plus
productives devraient être orientées vers l'industrie aussi si
toute l'orientation de l'avant-projet de loi est bonne. Donc, si l'industrie
est capable... Mais le problème d'horizon de 60... L'idée est de
mettre l'industrie dans les zones les plus productives à partir de la
mise en vigueur de la loi plutôt que de mettre le ministère
là-dedans et donc, de remettre à plus tard l'utilisation de ces
zones par l'industrie. (18 heures)
M. Perron: M. le Président, je voudrais, au nom de
l'Opposition officielle, remercier M. Mead de son exposé et d'avoir bien
voulu répondre aux questions que nous lui avons posées. Vous
pouvez transmettre le message à tous les représentants et
à toutes les représentantes de votre organisme qu'en tant que
parlementaires nous avons un devoir à remplir, soit celui de faire en
sorte que nous ayons le meilleur régime forestier possible ou encore la
meilleure politique forestière possible, en espérant que
certaines demandes que nous ferons au cours de l'étude du projet de loi
lui-même, tel qu'il sera éventuellement conçu par le
gouvernement, recevront des réponses favorables de la part du
gouvernement, qu'il se rende à nos demandes et, bien sûr, aux
demandes qui ont été faites par les différents organismes
qui se sont présentés devant nous. Encore une fois, merci
beaucoup M. Mead.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député. M. le ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je remercie le
député de Duplessis de son offre de collaboration pour obtenir le
meilleur régime forestier possible. M. Mead, je voudrais vous demander
si l'organisation Duvetnor fait partie de votre union. Le groupe Duvetnor s'est
porté acquéreur de plusieurs îles dans le Saint-Laurent.
C'est une entreprise québécoise.
M. Mead: Je la connais très bien.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Que vous
connaissez très bien? Fait-elle partie de votre union?
M. Mead: Non. Il y a plusieurs organismes, l'association des
biologistes... En fait, il y a toute une série d'organismes. On pense
que c'est mieux qu'ils ne soient pas affiliés à nous. On veut
plus de voix. Dans le cas de Duvetnor, il y avait des questions très
particulières reliées aux activités de cet organisme qui
ont fait qu'il n'est pas affilié. C'est certainement un organisme qui
répond à nos objectifs et qui pourrait ...
M. Côté (Rivière-du-Loup): II est
également soutenu par Canards Illimités et tous ces organismes
qui regroupent beaucoup de personnes en Amérique du Nord.
M. Mead: Canards Illimités? M. Côté
(Rivière-du-Loup): Oui.
M. Mead: Certainement, oui. Mais, Duvetnor a l'aide technique de
Canards Illimités de temps à autre, pour certains projets.
M. Côté (Rivière-du-Loup): À la page 5
de votre mémoire, vous dites: "L'avant-projet de loi cherche à
intéresser les utilisateurs à l'avenir de la ressource, à
créer un sentiment de responsabilité, mais sans en détenir
la propriété. C'est une équation difficile à
résoudre car les contrats d'approvisionnements vont favoriser le
développement de complexes intégrés sciage-pâte au
détriment des utilisateurs régionaux." Est-ce que vous voyez cela
comme une mauvaise intervention? Est-ce que c'est souhaitable ou si cela ne
l'est pas?
M. Mead: Entre les deux. En fait, la question des régions
est soulevée dans ce paragraphe. On se préoccupe un peu de la
mise en place de ces complexes possiblement très impressionnants,
très importants de par leur taille, par rapport à la
possibilité de viser de plus petits complexes, de plus petits
intervenants en région, mieux en contact
avec les ressources et avec la gestion. C'est cela, le but de ce
paragraphe.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous
concède que "small is beautiful", mais, parfois, plutôt que
d'être au chômage on est peut-être mieux d'avoir une
intégration dans l'industrie.
M. Mead: Oui. Je ne peux pas répondre dans les
détails à cette question. On ne s'y oppose pas; on vous lance une
certaine inquiétude.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Autre question, M.
Mead. À la même page, vous mentionnez: "La précision de
l'inventaire forestier du ministère n'est pas suffisante pour
déterminer la nature des travaux sylvicoles à effectuer, ni pour
prédire les résultats des interventions à l'échelle
des unités d'aménagement intensif." À quoi est-ce
dû, si nos inventaires ne sont pas suffisamment précis pour
déterminer la nature de nos travaux?
M. Mead: J'aimerais mieux avoir un ingénieur forestier
à côté de moi pour vous répondre. D'ailleurs, je
pense que je serais mieux de ne pas essayer de répondre. J'ai
soulevé la question à plusieurs reprises et on a
écouté M. Paillé avec soin lorsqu'il a répondu aux
questions de différents organismes lors de la rencontre avec vous au
début du mois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis à
côté de vous.
M. Mead: Pardon?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis à
côté de vous.
M. Mead: Je peux vous répondre en tant que philosophe. En
tant que philosophe, je crois que la science est toujours en évolution
et les données qu'on a aujourd'hui risquent toujours d'être
changées d'ici à quelques années. Cela est une question de
changement d'information, mais si j'ai bien compris M. Paillé au
début de septembre, les informations n'existent pas pour... Tout
dépend de l'échelle, selon ce qu'il disait, et la
précision. Quant aux détails, je ne suis pas capable de vous
répondre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous mentionnez,
à la fin de ce paragraphe, que la réalisation de la cartographie
écologique du territoire devrait constituer une priorité à
court terme. Là-dessus, je suis entièrement d'accord avec vous,
et je cherche le moyen de convaincre mes partenaires des différents
ministères d'effectuer cette cartographie, d'avoir une cartographie
uniforme pour tout le Québec, de façon qu'on puisse se
reconnaître et se fier à ces cartes pour toutes sortes de fins:
l'aménagement forestier, la construction, l'habitation, etc.
Là-dessus, je partage entièrement votre avis, et ce que je
souhaite le plus, c'est d'avoir une cartographie uniforme.
Si on confie cette responsabilité à une foule
d'intervenants qui seront déterminés au hasard - plus ou moins,
des fois - on aura des interprétations un peu différentes et il
faudra s'informer quelle firme, quel interprète a fait le travail pour
être capable de le comprendre.
M. Mead: Cela rejoint certainement notre préoccupation
principale qui est une certaine cohérence dans l'approche à la
gestion des ressources multiples de la province. Ce n'est peut-être pas
évident qu'une telle cartographie va régler les questions
relatives à l'octroi de contrats, mais...
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est la raison
pour laquelle nos inventaires forestiers ne sont pas d'une précision
suffisante pour déterminer la nature de nos travaux aussi.
Je dois terminer parce que le temps... C'était une conversation
très intéressante et un échange de vues utile, M. Mead. Il
nous faut, évidemment, tenir compte de la conservation de nos
ressources. Je répète nos propos du début: II faut les
développer d'une façon intelligente et respectueuse de tous les
utilisateurs. Je vous remercie sincèrement de votre présentation
et de l'échange de propos que nous avons eu ensemble. Je vous
remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Je suspends maintenant les travaux de la commission de
l'économie et du travail sur la consultation particulière sur
l'avant-projet de loi sur les forêts jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 8)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail continue sa
consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Je vois que les représentants de la
Fédération québécoise de la faune ont
déjà pris place à la table. Elle est
représentée, je pense, par M. Léo-Paul Quintal, son
président.
M. Quintal (Léo-Paul): C'est cela, monsieur.
Le Président (M. Théorêt): Si vous voulez
nous présenter, s'il vous plaît, les
deux autres membres de votre équipe. Je vous cède la
parole.
Fédération québécoise de
la faune
M. Quintal: À droite, M. Yves Jean, docteur en biologie;
à ma gauche, M. Daniel Vanier, biologiste, qui nous a aidé dans
la rédaction de notre mémoire.
Le Président (M. Théorêt): Je voudrais porter
à votre attention, M. le président, que vous avez douze minutes
pour la présentation de votre mémoire et qu'il y aura pour chaque
formation politique des échanges de propos de 24 minutes chacune.
Je vous cède la parole immédiatement.
M. Quintal: M. le Président, si vous me le permettez, au
lieu de vous lire mon mémoire, vu que vous l'avez déjà
entre les mains, je vous ferai lecture de certains commentaires qu'on a
rédigés sur le Guide des modalités d'intervention en
forêt. Est-ce que vous acceptez?
Le Président (M. Théorêt): Est-ce que vous
avez des copies des commentaires que vous apportez ou si c'est ad lib?
M. Quintal: Malheureusement, on n'a pas de copie.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre,
vous n'avez pas d'objections? Allez-y, M. le président,
M. Quintal: Merci beaucoup, monsieur.
Nous remercions le gouvernement de nous permettre d'exprimer nos
commentaires.
Premièrement, le guide explique clairement que l'application des
modalités d'intervention forestière pourrait essentiellement
être assurée par le ministère de l'Énergie et des
Ressources en s'appuyant sur la réglementation existante et par le
truchement des permis de coupe, ce qui est exprimé à la page 7.
Donc, il ne s'agit pas d'une nouvelle réglementation, mais plutôt
de conditions qui seront déterminées dans les permis de coupe. La
Fédération québécoise de la faune émet des
doutes quant à la mise en application de ces modalités. La FQF
demande au gouvernement de créer une législation ou une
réglementation qui toucherait l'ensemble des activités
d'exploitation et d'aménagement forestier de cette industrie en relation
avec la protection d'habitats fauniques et de sites
récréatifs.
Cette réglementation présenterait trois avantages
importants. Premièrement, les contrevenants à ces
règlements seraient passibles d'amendes très
élevées et on pourrait même envisager l'emprisonnement pour
les délits graves. Ensuite, les citoyens pourraient entamer des
poursuites judiciaires suite, par exemple, à la destruction d'habitats
fauniques, donc se prévaloir de leurs droits exactement comme la Loi sur
la qualité de l'environnement le prévoit. Le dernier avantage est
que la réglementation serait égale pour l'ensemble de l'industrie
forestière.
Le présent guide s'inscrit dans le cadre du processus
d'affectation des terres publiques du Québec. Ainsi les terres publiques
du Québec sont divisées en trois grandes catégories dont
je ne ferai pas l'énumération, étant donné que tout
le monde sait cela. Donc, le commentaire que nous formulons là-dessus,
c'est que les modalités d'intervention en milieu forestier ne sont pas
uniformes pour l'ensemble de ces troi3 catégories. En effet, pour la
zone forestière de production, le guide stipule que la
régénération naturelle subséquente à la
récolte de matières ligneuses effectuée selon des
méthodes traditionnelles est suffisante pour que la forêt continue
de jouer son rôle sur les plans écologique, faunique et
récréatif, tandis que dans les zones de conservation, les
méthodes de coupe traditionnelles, comme la coupe à blanc sur de
grandes superficies, sont abolies. Donc, les coupes à blanc sur les
grandes superficies sont depuis longtemps dénoncées, tant dans le
milieu forestier que populaire, comme étant la méthode de
récolte causant le plus de dommages à l'environnement. Ce genre
de coupe ne favorise aucunement la régénération naturelle
et transforme en désert de vastes superficies.
De plus, il faut se rappeler que la zone de protection forestière
représente environ 85 % des terres publiques du Québec tandis que
la zone de conservation ne représente qu'environ 10 % selon les chiffres
donnés lors d'une rencontre avec le ministre
délégué aux Forêts.
Donc, la volonté du ministère d'assurer la
pérennité des ressources forestières semble être en
contradiction avec les prescriptions indiquées dans le guide pour la
vaste majorité des terres publiques. Le document du MER souligne que
plusieurs territoires fauniques, réserves fauniques, zones
d'exploitation contrôlée et pourvoiries peuvent recouper la zone
de production forestière et d'autres zones. D'autre part, le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'a pas encore
déterminé les mesures dans ces territoires pour la protection des
habitats fauniques. Nous trouvons très intéressant le fait que le
MLCP et le MER semblent vouloir appliquer des mesures additionnelles. Nous
souhaitons que les hauts fonctionnaires du MLCP puissent imposer une
réglementation sévère sur ces territoires afin de
protéger leur immense potentiel faunique.
Il faut dire que ces modalités d'intervention touchent seulement
certains milieux ou certaines espèces spécifiques.
Malheureusement, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche favorise une telle approche. Donc, on protège certaines
zones de faible superficie où, par inventaire, on a remarqué une
densité de la population de ces espèces animales qui
répond à une norme. La protection de certains milieux a
été déterminée par leur importance au niveau de la
richesse, de la diversité de la faune. Un autre critère qui a
joué un râle dans ce cas-ci, ce sont les impacts de l'exploitation
forestière sur ces milieux qui ont été observés
dans le passé.
La Fédération québécoise de la faune ne
s'oppose pas à ce qu'on privilégie certains milieux et certaines
espèces animales, mais elle favorise plutôt la protection de la
faune dans sa globalité. Ainsi, le nouveau guide des modalités
d'intervention en milieu forestier permettra l'utilisation de méthodes
de récolte traditionnelles, comme la coupe à blanc sur de grandes
superficies sur presque l'esemble du territoire à l'exception des zones
identifiées comme habitat essentiel. Pour leur part, les habitats
essentiels ne représentent environ, au maximum, que 10 % du territoire.
Ces mesures ne visent qu'à assurer minimalement le même niveau de
population de ces espèces fauniques. Encore là, la
Fédération québécoise de la faune émet des
doutes.
Nous croyons que même les espèces animales et les milieux
identifiés comme habitat essentiel ne pourront pas connaître une
croissance de leur population. Le plus bel exemple, c'est le milieu riverain
sec. Le nouveau guide définit ce milieu comme étant les habitats
au-dessus de la limite des plus hautes eaux annuelles sans débordement
le long de tout plan d'eau et cours d'eau.
Les modalités prescrites pour ce milieu sont les suivantes: Une
lisière de 20 mètres doit être conservée tout le
long des cours d'eau et sur tout le périmètre des lacs. Dans
cette section, la récolte doit atteindre le tiers des tiges de 10
centimètres et plus et interdiction d'y circuler avec de la machinerie
lourde. Cette prescription s'applique aussi pour l'habitat du rat
musqué, du poisson et avec certaines modifications pour celui du castor.
Comment a-t-on pu établir ces modalités d'intervention pour ces
milieux? Certainement pas sur des bases scientifiques. Lors d'une rencontre
d'information avec le ministre délégué aux Forêts,
M. Albert Côté, un haut fonctionnaire du MER nous a
expliqué que la lisière de 20 mètres a été
déterminée lors d'une négociation avec le MLCP,
c'est-à-dire un compromis. Donc, les critères scientifiques n'ont
pas joué un grand rôle et c'est surtout une question de
coûts qui a prédominé. Depuis longtemps que les bandes
vertes le long des cours d'eau sont la convoitise de l'industrie
forestière, les exploitants forestiers, dû à la
rareté d'arbres de qualité, aimeraient bien couper dans ces sites
où l'on retrouve des arbres de fort diamètre.
Au niveau écologique, l'importance de ce milieu est de plus en
plus reconnu. Le milieu riverain sec accueille 43 % de toutes les
espèces de la faune ailée nichant au Québec, environ 62 %
de toutes les espèces de mammifères, environ 60 % de toutes les
espèces d'amphibiens et environ 80 % de toutes les espèces de
reptiles. Ceci ressort d'une brochure qui s'appelle Le milieu riverain sec,
produit par le MLCP.
Comme on peut le constater, ce milieu est extrêmement riche et
diversifié. La disponibilité de l'eau, une diversité
végétale plus grande, les effets de lisière, la
présence d'une stratification végétale et une
rareté de microclimat représentent les principales causes de
cette utilisation accrue par la faune.
Malgré la richesse de ces sites, le ministère de
l'Énergie et des Ressources et le MLCP ont préféré
protéger ce milieu sur une mince bande de 20 mètres. Le dernier
guide d'aménagement du milieu forestier publié par le MER en juin
1977 indiquait qu'une lisière boisée doit être
conservée en bordure de tous les cours d'eau d'une largeur de 3
mètres et plus. À cette époque, il existait une certaine
classification des lacs et cours d'eau, soit selon la longueur ou la largeur du
lit. Ainsi, par exemple, pour les lacs de 8 kilomètres et moins, il
fallait conserver une lisière boisée de 60 mètres s'il n'y
avait aucune coupe et de 90 mètres au moins si on
récupérait un volume inférieur à 30 % des
arbres.
Il faut dire aussi que durant ces années, les cours d'eau ayant
des lits de moins de 3 mètres n'étaient pratiquement pas
protégés. Aujourd'hui, il n'y a plus de classification des lacs
et cours d'eau. La prescription de maintenir une bande verte de 20
mètres s'applique à l'ensemble des cours d'eau et lacs. On
protège plus de cours d'eau, mais on a perdu sur la largeur des
lisières boisées, entre autres, pour les lacs.
On ne peut parler de victoire, mais plutôt d'une défaite
car, dans le fond, les superficies protégées le long des cours
d'eau en 1990 demeureront les mêmes que celles prescrites dans le guide
de 1977. Donc, il n'y a eu aucune amélioration, à notre avis.
De même, il est curieux que le MLCP accepte cette nouvelle
prescription. Dans un document produit par le groupe Sylvico pour le compte du
ministère, on recommande pour la zone sèche la conservation d'une
bande de végétation de 50 mètres lorsque la plaine de
débordement est inférieure à cette distance. On y permet
les coupes d'éclaircie à l'intérieur de cette
lisière, maximum 30 % du volume. Les chicots ne devront pas être
abattus également. Le groupe Sytvico s'est beaucoup fié aux
normes américaines.
Cependant, certaines normes américaines vont beaucoup plus loin.
L'État du Maine établit une norme de 76 mètres quand le
plan d'eau est plus grand que 4 hectares. On y permet la récolte d'un
certain pourcentage de bois. De plus, dans son document, le groupe admet que
les connaissances limitées du milieu riverain quant à son
utilisation par la faune en général empêche
l'énoncé de mesures fiables. Donc, la bande de 20 mètres
de végétation et même celle de 50 mètres ne pourrait
permettre la conservation de tous les habitats fauniques du milieu riverain
sec.
De plus, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le
MLCP et le ministère de l'Environnement ont déterminé
cette prescription de 20 mètres en avouant qu'il fallait poursuivre les
études pour évaluer les effets de la largeur de cette bande et de
la récolte du tiers des tiges marchandes sur la forêt et la faune
ainsi que le milieu aquatique et riverain. La logique aurait voulu qu'on
prescrive une lisière de largeur maximale, qu'on procède aux
études et, s'il y a lieu par la suite, qu'on réduise la largeur
de cette bande et non le contraire. Cette approche aurait été
beaucoup plus prudente.
La Fédération québécoise de la faune exige
que la bande verte soit de 75 mètres de largeur. Ce guide...
Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse. Je
veux juste vous rappeler que vous devez conclure dans les 60 prochaines
secondes, s'il vous plaît.
M. Quintal: Je peux conclure très rapidement en disant que
la fédération prône que le MLCP fasse une loi de protection
de l'ensemble des habitats fauniques et, donc, de l'ensemble des espèces
fauniques. A notre avis, le ministère de l'Énergie et des
Ressources devrait être soumis dans ses activités à cette
loi qui définirait une véritable politique des habitats fauniques
dans son ensemble.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonsoir.
J'aimerais que vous me parliez de la loi sur les habitats fauniques, car vous
dites que le ministère devrait être soumis à cette loi.
M. Quintal: II m'est très difficile actuellement de vous
parler d'une loi qui n'existe pas.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien oui.
M. Quintal: II est évident que, pour nous, la loi sur les
habitats fauniques ne devrait pas se réduire à la protection des
habitats essentiels, mais elle devrait plutôt avoir une envergure
beaucoup plus globale.
C'est dans ce sens-là qu'on a fait notre intervention. Est-ce que
vous pouvez compléter?
M. Jean (Yves): II y a une globalité dont il faut tenir
compte quand on parle de la ressource faunique et, évidemment, des
habitats fauniques. Si on s'en tient à des habitats essentiels
où, très souvent, ce sont des espèces très
précises, on risque de passer à côté de la
sauvegarde d'un ensemble d'espèces qui sont très
convoitées, entre autres, par les utilisateurs de la faune.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Quelle
espèce est tellement convoitée par les utilisateurs de la faune?
Quand on regarde ce qui se passe le long du fleuve, il y a des goélands
qui viennent à l'intérieur des terres. On dit alors: Ces
goélands ont une espèce de bec un peu spécial et il faut
les sauver. Est-ce que ce sont des espèces semblables dont vous
parlez?
M. Jean: Non, pas du tout. On parle d'espèces comme les
gros cervidés. L'orignal et le chevreuil, par exemple, sont des
espèces qui sont très convoitées. Si on regarde ce qui
s'est passé jusqu'à maintenant en termes de politique
forestière, on peut se poser de sérieuses questions. Même
s'il y a des guides d'intervention qui ont été soumis par le
MLCP, ce n'est pas évident que le MER les a toujours suivis. Proposer,
comme on le voit à la page 14, des îlots qui ne sont pas
rasés par les coupes forestières et raser à peu
près tout ce qu'il y a autour, on ne parle pas à ce
moment-là de sauvegarde d'espèces ou d'habitats.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On a prévu
dans le Guide des modalités d'intervention en forêt de sauvegarder
des espèces. Vous parlez de l'orignal et du cerf et on prévoit
des îlots pour les abriter lors des opérations forestières.
Cet après-midi, je parlais de ce qui s'est fait - on les cite souvent et
vous les citez parfois - de ce qui se passe dans les pays Scandinaves, entre
autres, en Finlande, en Suède, en Norvège. Les espaces
réservés où il n'y a pas d'exploitation forestière
représentent chez nous à peu près 11 % du territoire
forestier, alors qu'en Finlande ils ne représentent que 8 %. Pourtant,
on les cite en exemple. J'aimerais avoir vos commentaires sur cet aspect.
M. Quintal: À moins que je ne me trompe - vous pouvez
sûrement me corriger - vous dites 11 %, mais avec une possibilité,
au niveau des zones d'exploitation contrôlée, des pourvoiries et
des réserves fauniques, d'une intervention s'il n'y a pas un plan
d'action sur une période prévue, dans les dix prochaines
années. Est-ce que je me trompe?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Le pourcentage de
11 % n'inclut pas les pourvoiries. Les pourvoiries couvrent de grands
territoires. Ce pourcentage couvre la forêt préservée pour
protéger l'orignal, le cerf et d'autres espèces. Cela couvre la
protection des rives pour les prises d'eau des municipalités, la
sauvagine, etc. Mais cela ne couvre pas les pourvoiries et les ZEC, c'est
certain.
M. Quintal: II y a un élément qu'il me semble
important de conserver et c'est le suivant. Évidemment, la
Fédération québécoise de la faune va vous tenir un
langage un peu différent de celui de l'industrie forestière. Nous
autres, on ne vous parlera peut-être pas autant qu'eux de coupe ou de
récolte de la matière ligneuse. On va probablement essayer de
vous parler beaucoup plus de polyvalence de la forêt. Dans votre
avant-projet de loi, il nous apparaît que, sur l'ensemble du territoire
québécois, vous privilégiez des coupes à blanc sur
de grandes superficies. Cela nous crée un problème assez grave
quant à la polyvalence. Les chasseurs et les pêcheurs qu'on
représente, qui sont les témoins journaliers de la faune ne sont
pas sans avoir constaté que, dans certaines zones de la province de
Québec, on réalise qu'on assiste à de véritables
déserts. Si l'intervention forestière se faisait d'une autre
façon, cela permettrait au moins une certaine polyvalence de la
forêt. Si, au lieu de couper une bande - je ne sais pas, je mets des
chiffres très hypothétiques - de 25 kilomètres de large,
vous faites une intervention progressive à plusieurs moments,
échelonnée sur des périodes de dix ou de quinze ans, vous
allez faire une bande de sept ou huit kilomètres, mais la compagnie
forestière va être obligée de continuer à entretenir
le chemin, ce qui va permettre aux utilisateurs de la faune de
fréquenter le site. Ensuite, si vous faites une autre intervention, dix
ou quinze ans plus tard, évidemment, les mêmes chemins vont
être réutilisés par les compagnies forestières. Vous
allez pouvoir permettre une certaine polyvalence. Actuellement, dans votre
guide, avec des coupes à blanc sur de grandes superficies, les chemins
se détériorent très vite, sont abandonnés et le
territoire est abandonné à lui-même. Il y a aussi l'aspect
régénération qui peut entrer en ligne de compte si vous
faites une coupe qui n'est pas à blanc sur de grandes superficies.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Une question
précise, M. le président. Vous avez mentionné que les
chasseurs et les pêcheurs pouvaient continuer à utiliser les
chemins dans le but de favoriser la régénération de la
forêt. Est-ce que vos chasseurs et vos pêcheurs sont prêts
à contribuer?
M. Quintal: Sur ce point, je pense que, dans notre
mémoire, on a été quand même assez direct dans notre
réponse. On considère, M. le ministre, que les utilisateurs n'ont
pas à payer la construction et l'entretien des chemins forestiers
lorsque les compagnies forestières bénéficient de
subventions. On ne voit pas pour quelle raison les chasseurs et les
pêcheurs débourseraient de l'argent qui pourrait permettre un
reboisement ou un réaménagement de la forêt ou
l'utilisation des chemins. Je pense que les chasseurs et pêcheurs que
nous représentons font des efforts actuellement dans le sens
d'améliorer la mise en valeur et l'aménagement de la faune en
demandant, entre autres, au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche d'augmenter les permis. Je pense que les chasseurs et
pêcheurs paient suffisamment de taxes actuellement pour leur
activité pour ne pas qu'on leur en impose une supplémentaire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Comme cela, vous
croyez que l'industrie forestière en construisant des chemins - alors
que le ministère participe depuis un certain nombre d'années, pas
depuis toujours, à la construction de ces chemins - est tellement
subventionnée que le chasseur et le pêcheur n'ont pas besoin... Si
la forêt est protégée contre les incendies, contre les
épidémies d'insectes, le pêcheur et le chasseur n'en
profitent pas?
M. Quintal: Non, je n'ai pas dit cela du tout.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez,
cela coûte 14 000 000 $ par année seulement pour faire fonctionner
la flotte de Canso. Si on protège la forêt contre les feux de
forêt, tout le monde en profite. Ce n'est pas seulement pour les
industriels ou les ouvriers forestiers; c'est également pour les
amateurs de plein air, les chasseurs et les pêcheurs que vous
représentez.
M. Jean: Je pense, M. le ministre, que M. Quintal vient de dire
quand même assez clairement que les utilisateurs de la faune paient
déjà beaucoup; de toute façon, quand on regarde ce qui est
injecté dans l'économie du Québec, des études de
1980 parlent de 600 000 000 $. Six ans plus tard, on peut s'imaginer ce que
cela peut être. C'est bien évident que les compagnies
forestières "rendent service" - entre guillemets automatiquement, mais
elles en retirent aussi de très grands profits, ce qui n'est pas lecas...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ne me dites pas
qu'un pêcheur ou un chasseur n'en retire pas de petites satisfactions
quand il va à la pêche ou à la chasse.
M. Jean: Qualitativement parlant, oui. M. Côté
(Rivière-du-Loup): Oui.
M. Jean: Quantitativement parlant, les compagnies
forestières en retirent énormément aussi. Donc,
qualitativement parlant.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais c'est ce
qui a fait que la forêt est rendue accessible à un grand nombre de
Québécoises et de Québécois, en partie. Ce n'est
pas parfait, c'est bien sûr, je vous le concède facilement. Mais
il reste que, si on profite d'un service, je pense qu'on doit y contribuer en
toute équité. Je ne vous ai pas fixé de prix.
M. Jean: Je pense, sans vouloir relancer ce débat ad
nauseam, que si les compagnies forestières font profiter le reste de la
population d'un bienfait par leur exploitation, c'est très bien; c'est
une symbiose qui est excellente. Ce n'est pas non plus une raison pour faire
payer en surplus des utilisateurs qui profitent de quelque chose qui existe
déjà et qui existera de toute façon. (20 h 30)
M. Côté (Rîvière-du-Loup): En vertu de
quel principe?
M. Quintal: II faudrait peut-être que l'industrie
forestière, si un jour la fondation pour la mise en valeur et la
conservation de la faune... On pourrait peut-être renverser la question.
Il faudrait peut-être que l'industrie forestière fasse sa part
pour les habitats qu'elle a détruits?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vous ferai
remarquer que l'industrie forestière a suivi les directives des
gouvernements qui avaient été légitimement élus,
soit le gouvernement actuel, le gouvernement précédent et les
autres gouvernements. L'industrie forestière a répondu à
ces exigences. Si on n'a pas exigé plus dans le passé, cela fait
partie un peu de notre héritage à nous comme citoyens qui avons
élu des gouvernements légitimes.
M. Quintal: M. le ministre, peut-être que si l'industrie
forestière faisait un peu plus pour la protection dès habitats,
les chasseurs et les pêcheurs feraient un bout de chemin pour l'entretien
des chemins.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Évidemment,
M. le président. M. Quintal, on essaie d'introduire tranquillement le
respect mutuel de tous les intervenants, de tous ceux qui profitent
agréablement de la forêt, soit pour leur gagne-pain, soit pour
leurs loisirs. On voudrait que tout le monde se respecte et participe à
tout cela. C'est notre intention d'arriver à quelque chose
d'équitable. Mais il n'y a rien de gratuit. Je ne vois pas en vertu de
quel principe ceux qui profitent de la forêt ne participeraient pas
à son aménagement. Si on fait du reboisement, si on conserve la
forêt verte, si on la protège contre les insectes, si on la
protège contre les feux, cela profite à tout le monde et
également à l'industrie, je suis d'accord. C'est tout pour
l'instant.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci. Je voudrais d'abord vous souligner qu'il ne
faudrait pas que ce soit une habitude qu'on accepte régulièrement
de recevoir un mémoire et que par la suite il y en ait un autre de
présenté. Je le dis sans plus d'arrière-pensées,
c'est strictement à cause des normes de procédure parlementaire
que nous avons en usage depuis de nombreuses années.
M. Quintal: Est-ce que vous permettez que je vous réponde
là-dessus, M. le député?
M. Perron: Oui, allez-y.
M. Quintal: Ce n'est pas parce que je veux m'excuser parce que je
suis bénévole. Le Guide des modalités d'intervention en
milieu forestier, je l'ai reçu a la fédération le 9 et je
suis passé à la fédération une semaine plus tard.
Je dois vous avouer honnêtement que j'ai lu et étudié le
guide des modalités en fin de semaine. J'ai complété ce
matin les notes que j'ai lues ce soir. C'est la raison pour laquelle cela se
passe comme cela. Peut-être que si j'avais eu le guide des
modalités il y a un mois, cela ne se serait pas passé comme cela.
Vous auriez le document entre les mains. Je ne veux relancer la balle à
personne.
M. Perron: D'accord. Loin de moi le fait de souligner que vous
n'aviez pas à faire cela ou quoi que ce soit. Je pense que c'est
important qu'on ait des choses concrètes en rapport avec votre position
à vous. Maintenant, si vous permettez, je voudrais me servir quand
même du mémoire que vous nous avez fait parvenir. J'aurais un
commentaire à faire et deux questions à poser en rapport avec
votre mémoire.
Bien sûr, avant de procéder à mon commentaire, je
voudrais vous souhaiter la bienvenue. Comme vous le savez, une commission
parlementaire devrait être ouverte au maximum à tous les
organismes lorsqu'on parle d'un dossier comme celui qui est en discussion
actuellement, c'est-à-dire l'avenir de la forêt du
Québec.
Mon commentaire c'est à la suite de votre mémoire de la
Fédération québécoise de la faune du 2 septembre
1986 lorsque dans le deuxième paragraphe vous
mentionnez la clientèle, en fait, que vous représentez,
disant que cette clientèle non négligeable a
réalisé en tant que personnes fréquentant les milieux
forestiers que trop souvent hélas les coupes forestières sont
faites en fonction de maximiser la récolte de la matière ligneuse
au détriment des autres utilisateurs. Je voudrais faire le commentaire
suivant en passant. Lorsque vous faites ce type d'affirmation ou de
constatation, je pense qu'on est en droit de reconnaître qu'il y a sur
cette question précise, selon les organismes qui se présentent
devant nous, selon les discussions qu'on a entre individus, plusieurs
écoles de pensée, selon les gens à qui on parle. C'est
vrai dans beaucoup de cas, je crois. Par contre, il ne faudrait pas tomber non
plus dans l'excès et généraliser pour faire en sorte que
ce soit l'ensemble de tous les organismes qui font en sorte que cette question
arrive.
Les deux questions que j'aurais à vous poser sont les suivantes.
La première se rapporte à la page 2 du document du 2 septembre,
lors vous mentionnez "Malgré toutes ces dispositions
d'aménagement, nous déplorons le fait qu'aucun mécanisme
de consultation n'ait été envisagé auprès des
autres utilisateurs de la ressource forestière." Bien sûr que la
loi actuelle ne prévoit aucun mécanisme de consultation
malgré tout ce qui a été dit et tout ce qui a
été recommandé par différents organismes de la
commission et même par le livre blanc de l'ancien gouvernement. Lorqu'on
parle de mécanisme de consultation, à votre avis, en tant
qu'organisme, est-ce que vous pourriez nous dire quand et comment devrait
s'appliquer un tel mécanisme de consultation?Deuxièmement, sur quels aspects, sur quoi, en fait? Est-ce que ce
serait sur les aires ou, encore, sur les méthodes de coupe ou d'autres
facteurs que je n'ai pas mentionnés?C'est la première
question.
M. Quintal: Je vais donner quelques éléments de
réponse et, ensuite, je vais passer la parole à mes
collègues. Quand et comment? Je pense que la façon la plus simple
de répondre à votre question, c'est peut-être la mise en
place d'une table de concertation qui regrouperait, un peu comme la table de
concertation de la faune... Cela pourrait peut-être même être
un dossier qui serait confié à la table de concertation de la
faune qui regroupe tous les organismes de la faune. Sous quel aspect? Je pense
qu'on vous en a quand même donné quelques-uns lorsqu'on vous a
parlé du milieu riverain sec. Il y a d'autres aspects, au niveau, par
exemple, entre autres, de la bande riveraine. Il y a un aspect qui me semble
être prioritaire, primordial, c'est l'accessibilité à la
forêt. Donc, la question de l'utilisation des chemins et de leur
accessibilité, etc., je pense que c'est primordial si vous voulez avoir
une certaine forme de polyvalence. En gros, très rapidement, c'est un
peu ce que je peux vous dire. Probablement qu'après que mes
collègues vous auront parlé, il me viendra d'autres idées
et je pourrai peut-être formuler d'autres éléments de
réponse. Oui, Daniel.
M. Vanier (Daniel): Quand vous avez parlé du
deuxième paragraphe de la page 2, peut-être qu'il manquait une
petite précision. On se référait surtout aux organismes
gestionnaires de la faune, c'est-à-dire les organismes qui ont à
travailler au niveau de la faune. Dans le passé et encore
récemment - on pourrait peut-être vous citer des cas;
peut-être M. Quintal et M. Jean pourraient en donner - il y eu des cas
où des zones d'exploitation contrôlée, des pourvoines se
sont plaintes publiquement des coupes qui se faisaient sur leur territoire. On
s'est rendu compte qu'elles n'avaient aucun pouvoir face à l'industrie
forestière, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de
réglementation. Ce sont des conditions stipulées dans des
contrats. Ces ZEC, ces pourvoiries faisaient des plaintes au ministère
de l'Énergie et des Ressources, mais avec l'administration, ces plaintes
ne se rendaient peut-être pas toujours. Il n'y avait pas
d'efficacité là-dedans. Il y a des cas qui ont été
cités récemment. J'ai eu la chance de voir à
l'Université du Québec à Chicoutimi une carte des coupes
à blanc qui se sont faites dans la région du Saguenay
Lac-Saint-Jean et on voyait que, dans certaines zones d'exploitation
contrôlée, entre autres dans la ZEC Martin-Valin -c'est un exemple
qui me vient à l'esprit - ou on voyait une superficie assez grande de
coupe forestière è blanc s'était faite là.
Au niveau de la gestion, M. Quintal parlait de concertation. Je pense
que c'est le point le plus important. Dans l'avant-projet de loi, il n'y a rien
sur la polyvalence. On ne définit pas les autres utilisateurs. On parle
de bénéficiaires, de contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestier, mais les autres utilisateurs ne sont pas
là. On ne parle pas de consultation; on ne parle de rien. Donc, c'est
là-dessus qu'on trouve important qu'il y ait un mécanisme de
consultation. Cela pourrait prendre la forme d'une table de concertation au
niveau national tout comme il pourrait y en avoir une au niveau
régional. Cela pourrait être sur une base de quatre ou cinq ans,
c'est-à-dire qu'on a un territoire où il y aura des coupes
forestières, où il y aura de l'aménagement forestier.
À ce moment-là, on invite les gens qui utilisent ce territoire
-les municipalités régionales de comté, toutes les ZEC et
les pourvoiries, les autres utilisateurs et, bien sûr, l'industrie
forestière - à se concerter. On a identifié à tel
endroit, par un inventaire du MLCP, qu'il y a des habitats essentiels et,
à tel autre
endroit, il y a des habitats importants pour d'autres espèces.
À ce moment-là, on fait en sorte de protéger ces habitats
et on n'aura pas des problèmes comme ce qui s'est passé
dernièrement dans le domaine du plein air, entre autres, dans le
comté de Charlevoix, concernant une piste de ski de randonnée. La
Donohue a fait une coupe forestière, je pense, sur un tiers ou un quart
de la piste de ski de randonnée. Ils ont coupé à blanc
à côté de la piste de ski de randonnée.
C'était une des seules pistes de ski de randonnée. Elle avait une
longueur de 100 kilomètres. Cela a été cité dans
l'actualité et cela a fait en sorte que les gens qui utilisaient cette
piste de ski de randonnée, les clubs de ski de fond, se sont plaints.
Concernant la faune, les ZEC et les pourvoiries, M. Quintal et M. Yves Jean
pourront donner des exemples concrets où la consultation serait
importante, ainsi qu'une concertation. Allons plus loin qu'une
consultation.
M. Perron: Lorsqu'on parle de consultation, vous parlez de
consultation de tous les intervenants, pas seulement trois ou quatre, mais un
ensemble d'intervenants.
M. Vanier: L'ensemble des intervenants. La population pourrait
même y participer sur des questions de plan d'aménagement. On
pourrait même avoir une consultation plus populaire avec un plan
d'aménagement. À ce moment-là, ce serait un vrai plan
d'aménagement, pas juste colorier telle partie et dire qu'on va faire
une coupe là, mais vraiment avec les méthodes expliquées
aux gens.
Yves, tu as peut-être des choses de plus à dire.
M. Jean: Pas mal tout a été dit, sauf que
j'ajouterais simplement que, quand on parle d'intervenants, c'est bien
évident qu'on ne doit pas parler, à mon avis, d'une table de
concertation avec 30 intervenants; ainsi, les gens n'arrivent jamais à
rien. Je pense qu'il y a des organismes qui sont très
représentatifs du milieu. On pourrait parler des ZEC, des pourvoiries,
de la FQF. Il y a des intervenants qui sont des porte-parole officiels; donc
très représentatifs. Je pense qu'à ce niveau-là,
cela vaut vraiment la peine qu'une consultation soit faite parce que les
politiques pour ces organismes en ce qui a trait aux territoires et à la
gestion des ressources fauniques sont relativement bien établies. Il ne
faut pas se leurrer. Quand on parle de consultation du MER face au MLCP, je
crois sincèrement que les gens du MLCP sont très sincères,
sauf qu'on s'aperçoit qu'il y a aussi des jeux de négociation qui
n'ont plus trop à faire avec des données scientifiques ou avec la
ressource faunique comme telle. C'est généralement la crainte des
organismes du milieu de voir les résultats en question. C'est dans ce
sens qu'on doit parler de consultation générale, donc avec un
certain nombre d'intervenants.
Vous parliez de types de coupe et d'aires de coupe, et je termine
là-dessus. Il faut faire attention. On parle de coupes en damiers, de
coupes par trouées, des types de coupe, des assiettes de coupe qui sont
intéressantes pour la faune. Il faut faire attention à une chose.
Si on décide de faire des coupes par trouées, il faut faire des
coupes par trouées partout, c'est-à-dire sur une grande
superficie. Si on fait ces coupes sur de petites superficies et qu'autour on
rase complètement, cela ne donne strictement rien pour les populations
fauniques en question. Il ne faut pas se mettre la tête dans le
sable.
M. Perron: Merci pour les renseignements, monsieur.
Je voudrais maintenant toucher l'autre aspect en deux volets. Lorsqu'on
parle -d'ailleurs, le ministre l'a soulevé tout à l'heure,
à la suite de questions qu'il vous a posées - de construction et
d'entretien des chemins forestiers, il y a des renseignements, des affirmations
plutôt qui courent dans le paysage, à savoir que l'ensemble des
utilisateurs, autant de la faune que de la flore, à peu près tous
les organismes devraient payer leur quote-part. Est-ce que, comme organisme
national, vous avez déjà été approché et, si
oui, vous a-t-on déjà parlé d'un montant à payer
pour l'entretien et la construction des chemins forestiers?
M. Quintal: C'est un domaine pour lequel on n'a jamais
été contacté ou pour lequel il n'y a jamais eu de
démarches d'entreprises à l'effet de savoir comment les
utilisateurs de la faune auront ou auraient à payer pour l'entretien des
chemins forestiers, à moins que je ne comprenne pas très bien
votre question. (20 h 45)
M. Perron: Non, je pense que vous avez compris ma question. En
fait, je vais vous la répéter pour que vous soyez certain d'avoir
donné la bonne réponse. Dans l'hypothèse où on
voudrait que tous les agents, autant de la faune que de la forêt, paient
leur quote-part de la construction et de l'entretien des chemins forestiers,
est-ce qu'on vous a consultés sur cette question ou est-ce qu'on vous a
signifié un montant éventuel à payer se rapportant
à la facture que vous devriez payer quant à votre quote-part?
M. Quintal: Non, pas du tout.
M. Perron: Pas du tout. Selon une évaluation qui a
été faite, il n'y a pas tellement longtemps, il appert que ces
coûts seraient de l'ordre d'environ 19 000 000 $ annuellement et ce
serait même prévu... Je
m'excuse, quand je parle des 19 000 000 $ ce serait prévu pour la
mise en application du guide des modalités. Est-ce que je pourrais avoir
- c'est un peu dans un autre contexte - votre réaction face à ces
19 000 000 $ dont on parle pour la mise en application du guide des
modalités que vous avez lu, je présume, même si...
M. Quintal: C'est un chiffre que vous m'annoncez, vous voulez
avoir une réaction sur ce chiffre. Je dois vous avouer que, dans un
premier temps, il faudrait peut-être que je réfléchisse. Je
n'ai pas de réponse à vous donner à moins que Yves ou
Daniel aient des réponses à vous donner.
M. Perron: II est possible que dans l'ensemble des coûts,
l'industrie forestière veuille vous refiler, par le biais du MLCP, ce
fameux montant de 19 000 000 $ qui est une évaluation, selon les
informations que j'ai, des coûts de la mise en application du guide.
C'est la question que je pose. Comme vous semblez être informé
pour la première fois, si possible, je voudrais avoir votre
réaction sur cette question. Il n'est pas dit aujourd'hui, au moment
où on se parle, que l'industrie forestière va vous refiler cette
facture. Il n'est pas dit cela. Il est bien possible que cela puisse se faire
à l'avenir.
M. Quintal: En ce qui concerne la possibilité, entre
autres, d'une tarification pour l'usage du chemin forestier qui pourrait
peut-être compenser pour les 19 000 000 $ dont vous parlez, c'est bien
clair pour la Fédération québécoise de la faune,
pour les chasseurs et pêcheurs qu'on représente, que l'on s'oppose
à ce qu'on soit obligé de payer pour l'entretien des chemins
alors qu'on a été très clair là-dessus lorsque la
question nous a été posée par le ministre, M.
Côté. Les chasseurs et pêcheurs qu'on représente
s'opposent à payer des chemins qui ont déjà
été subventionnés.
Deuxièmement, comme on l'a signalé au ministre
délégué aux Forêts, peut-être que si
l'industrie forestière fait quelque chose face aux profits qu'elle
pourrait générer, s'il y a un certain montant de ces profits qui
sont projetés dans la mise en valeur ou la promotion des habitats
fauniques ou leur aménagement, peut-être que les utilisateurs de
la faune seraient un peu plus disposés, malgré qu'ils ne seraient
sûrement pas d'accord à contribuer à l'industrie
forestière, à entretenir ces chemins.
M. Perron: Merci des informations.
M. Quintal: Cela, c'est sous toute réserve. Je vous jure
que je ne lancerais pas cela dans les journaux demain matin, j'aurais peur de
me faire ramasser par mes membres.
M. Perron: Si je comprends bien, M. le président, vous ne
parlez qu'à titre individuel parce qu'il n'y a pas de décision
qui a été prise au conseil.
M. Quintal: Mes membres seraient beaucoup plus d'accord avec la
possibilité que l'industrie forestière, à la suite des
profits qu'elle génère, investisse dans la protection des
habitats fauniques compte tenu des habitats qu'elle a pu détruire en
générant des profits de la récolte de la matière
ligneuse. Je pense que cela serait un juste retour aux utilisateurs de la faune
qu'on représente, compte tenu des profits qu'ils font.
M. Perron: Merci.
M. Quintal: Tout comme nous autres actuellement, on a
décidé. En tout cas, le ministre n'a peut-être pas encore
décidé, mais nous autres on a reçu le mandat de faire des
pressions auprès du ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche pour que notre permis de chasse et pêche augmente de 2 $, et
que ces 2 $, au lieu d'être versés au fonds consolidé,
soient versés à la fondation pour la mise en valeur et
l'aménagement de la faune et l'acquisition d'habitats fauniques qu'on
considère essentiels.
M. Perron: Cela, c'est lors de votre dernier congrès.
M. Quintal: Oui, c'est cela.
M. Perron: Une dernière question très courte, M. le
Président. Est-ce que vous pourriez me dire combien vous avez de membres
sous votre juridiction?
M. Quintal: La Fédération québécoise
de la faune représente 238 associations réparties dans toute la
province de Québec et regroupe approximativement au-delà de 100
000 membres. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact. Je vais être en
mesure de vous transmettre ce chiffre dans quelques semaines, si cela vous
intéresse. Actuellement, on est en train de renouveler nos cotisations
et une des questions est de savoir le nombre de membres actifs qu'il y a dans
chacune de nos associations.
M. Perron: Merci beaucoup. M. le Président, cela va, j'ai
terminé pour le moment.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saguenay.
M. Maltais: Cet après-midi, je ne sais pas si j'ai bien
saisi, mais il y avait un groupe qui était avant vous, des
représentants de la faune également.
Une voix: La nature.
M. Maltais: La nature. On parlait un peu des abords des cours
d'eau, de rapetisser de 60 mètres à 20 mètres; et eux, ils
étaient un petit peu d'opinion contraire. Est-ce que vous pourriez nous
dire exactement l'impact que cela peut avoir? Est-ce que vous regardez juste
l'impact au niveau de la faune ou si vous regardez également l'impact
environnemental au niveau de la qualité de l'eau, des réserves
d'eau? Pourquoi y a-t-il autant de différences entre vous et l'autre,
franchement, qui êtes deux organismes qui vous occupez de la nature?
M. Quintal: Un premier élément de réponse:
Je vous l'ai mentionné au début de mon énoncé, cela
regarde évidemment toute la fréquentation de la faune dans cette
bande riveraine. Je pense que cela ne fait aucun doute. Il y a des
études du MLCP là-dessus qui nous prouvent hors de tout doute que
l'ensemble de la faune fréquente ce milieu dans une période dans
sa vie assez importante. C'est un premier élément.
Un deuxième élément: Je pense que la preuve a
été faite qu'au niveau de l'érosion et du
réchauffement des lacs, le fait de réduire cette bande ne sera
sûrement pas bénéfique.
M. Maltais: D'accord.
M. Quintal: Je n'ai pas entendu les mémoires qui vous ont
été lus cet après-midi ou les commentaires qui ont
été dits, car je n'étais pas ici. Cela m'est très
difficile de vous parler de ce que je ne connais pas.
M. Maltais: C'est ce qui a été dit, et
c'était écrit dans le mémoire aussi. Il y a un autre point
que vous soulignez qui, à mon avis, est bien important. C'est celui de
la machinerie lourde en forêt qui casse la repousse et qui brise les
habitats fauniques de certaines petites espèces. Là-dessus, je
pense bien que vous n'êtes pas les seuls à déplorer cela.
Même les compagnies forestières ont abandonné certaines
machines, par exemple comme la Khoering qui était vraiment quelque chose
de dévastateur. Est-ce que, de votre côté, vous avez
analysé l'impact aussi? Parce qu'on sait - je suis chasseur comme bien
des gens ici - qu'on envahit nos forêts avec de petits véhicules
à quatre roues, trois roues, deux roues, qui ont des effets très
polluants aussi. Est-ce que vous avez une certaine éducation? Par
exemple, moi je suis un abonné de la revue Chasse et Pêche et je
vérifie cela souvent. Quels sont les conseils que vous donnez à
vos utilisateurs, à ces gens-là qui traversent les
rivières, dont l'huile se répand dans la rivière, qui
également laissent des boîtes de métal contenant de
l'huile, de l'essence et qui brisent aussi la repousse. On a même vu des
quatre roues se promener dans des plantations. On a vu cela.
Je sais que c'est un travail d'éducation populaire et que ce
n'est pas facile. Est-ce que vous avez un petit programme où de temps en
temps vous le mentionnez - il y a toujours des exceptions à la
règle et on essaie d'en avoir le moins possible - est-ce que vous avez
un genre d'éducation populaire que vous tentez de faire auprès de
vos membres ou de vos associations affiliées?
M. Quintal: Écoutez, M. le député, cela va
me faire plaisir, si vous me remettez votre carte, de vous envoyer la revue que
la Fédération québécoise de la faune publiera dans
les prochaines semaines. Entre autres choses, lorsque vous parlez des
véhicules tout-terrain, nous prenons une position assez
sévère là-dessus. C'est sûr que c'est comme les
motoneiges et toutes ces machines, on ne peut pas interdire aux gens de les
utiliser, sauf que peut-être qu'il y a un équilibre à
atteindre dans tout cela. Cela peut être profitable pour le chasseur et
le pêcheur qui se déplacent en forêt, nous sommes d'accord
avec vous. Il est sûr aussi que par le biais de cette revue on essaie de
faire de l'éducation sur l'environnement. On a les moyens qu'on
possède. On essaie de faire le maximum avec ce qu'on a. Mais soyez
assurés que les messages sur l'environnement et la pollution à la
Fédération québécoise de la faune, ce sont des
messages que nous passons régulièrement. Cela va nous faire
plaisir de vous envoyer notre bulletin qu'on sort tous les trois ou quatre
mois. Il y a également certains dossiers. À l'occasion on sort
des publications un peu spéciales pour informer nos membres. Cela nous
fera plaisir de vous faire parvenir le dernier qu'on a publié sur la
question des pluies acides. On aimerait en faire plus. C'est sûr, il y a
des mentalités à changer. Je pense que nous,
Québécois, avons vécu dans l'abondance et actuellement on
réalise que l'abondance, il va falloir peut-être utiliser cela
comme un jardin et aller prélever seulement les surplus.
M. Maltais: Je vous remercie. J'aimerais garder quelques minutes
pour mes autres collègues.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Dubuc.
M. Desbiens: Merci. ...plan directeur d'utilisation du territoire
forestier québécois, vous montrez les tiraillements qui existent
entre ce qui est, d'une part, l'utilisation de la ressource ligneuse et,
d'autre part, l'utilisation et l'importance économique aussi des autres
utilisateurs que sont les pêcheurs,
les chasseurs, les observateurs de la faune, les amants de plein air.
Dans le mémoire initial vous mentionnez que la Fédération
québécoise de la faune croit qu'une législation en
matière d'habitat faunique est urgente. Vous avez parlé
tantôt des jeux de négociation nécessaires entre les
ministères comme le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, le ministère de l'Énergie et des Ressources
particulièrement et le ministère des Forêts. J'aurais le
goût de vous poser la question suivante. À ce moment-ci, est-ce
que vous seriez d'accord avec un conférencier qui participait au
colloque de l'Association canadienne française pour l'avancement des
sciences et qui a soutenu que le ministère de l'Énergie et des
Ressources se trouvait en situation de conflit d'intérêts en ce
qui a trait à la gestion globale des milieux forestiers? II n'y apas de réaction sur cela?
M. Vanier: J'aimerais avoir des précisions. C'était
quel conférencier à l'ACFAS?
M. Desbiens: Un conférencier du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Vanier: II disait qu'il y avait un conflit
d'intérêts à ce moment.
M. Desbiens: II a prétendu et il a soutenu dans sa
participation au colloque que le ministère de l'Énergie et des
Ressources se trouvait en situation de conflit d'intérêts pour la
gestion globale du milieu forestier.
M. Vanier: C'est difficile de faire un commentaire sur ce point
quand on n'a pu assister à l'ensemble de la conférence.
M. Desbiens: Après avoir lu votre mémoire et vous
avoir écouté j'avais cru déceler que ce n'était pas
en tout cas la confiance absolue en la capacité du ministère de
l'Énergie et des Ressources tel qu'il existe présentement de
répondre à une gestion globale et polyvalente du territoire
forestier.
M. Vanier: II y a une remise en question de la gestion du
ministère de l'Énergie et des Ressources sur la forêt en ce
qui concerne la protection des habitats fauniques. M. Quintal pourra
préciser un peu plus. (21 heures)
M. Quintal: De la façon dont je comprends votre question,
la réponse que je peux vous faire c'est que la Fédération
québécoise de la faune va privilégier un
règlement-cadre qui va définir très clairement les normes
de base d'intervention, ce qui est faisable en forêt sans pour autant
tout détruire. C'est un peu dans ce sens-là. Sans enlever les
responsabilités à tout le monde, il y aurait des normes, une
réglementation plus sévère, un règlement-cadre et
non pas des guides de modalités. C'est dans ce sens-là. Si vous
voulez me faire dire que le ministère de l'Énergie et des
Ressources serait en conflit d'intérêts, actuellement il le serait
avec le MLCP, c'est sûr, qui, lui, a comme mandat de protéger les
habitats fauniques. On dit nous autres, que ce qu'on a lu actuellement nous
laisse perplexes quant à la protection des habitats fauniques.
Peut-être que Yves pourrait ajouter quelques éléments
là-dessus.
M. Jean: J'aimerais répondre par une question que je
voulais poser au ministre Côté et Léo-Paul vient de dire
l'essence de ma question. Pourquoi ne parle-t-on pas de loi ou des
règlements et qu'on parle encore de guide des modalités? Une loi
qui tient compte de la forêt, donc des habitats fauniques, devrait-elle
relever du MER? Cette loi devrait-elle relever du MLCP? Cette loi devrait-elle
relever des deux ministères? Vous avez peut-être un
élément de réponse à cette
ambiguïté.
M. Desbiens: Le ministre pourra peut-être répondre
tantôt à votre question s'il le désire. Vous amenez presque
ma... D'abord, je dois dire que je ne veux pas vous faire dire ce que vous
n'avez pas envie de dire et je sais bien que vous ne le ferez pas. Ce que je
veux essayer de voir avec vous autres, c'est ceci, et cela a été
soulevé dans d'autres mémoires: la création d'un
ministère de la Forêt, strictement, est-ce une chose qui, selon
vous, pourrait améliorer la situation, séparer les terres et
forêts du ministère de l'Énergie et des Ressources?
M. Quintal: Je vais vous répondre par une autre boutade.
N'y aurait-il pas lieu de parler d'un ministère de la faune?
M. Desbiens: Cela va bien! À ce moment-là, que
diriez-vous d'un ministère du territoire qui regrouperait la
forêt, la chasse, la pêche et la faune? Cela pourrait être
une suggestion qu'on ferait au premier ministre du Québec.
M. Quintal: C'est complexe, M. le député. Il est
difficile de traiter ce dossier dans toute sa globalité. On a
assisté il y a quelques jours à une consultation du
ministère de l'Environnement sur le littoral, les rives. Il y a
tellement de ministères d'impliqués, comment vont se faire tous
les compromis à l'intérieur de tout cela? Qui va avoir la plus
grosse part du gâteau? C'est l'équilibre à atteindre.
Actuellement, on considère que nous sommes les grands perdants à
la faune, c'est cela qu'on est
venu vous dire ici. Cela nous semble une réalité. On peut
utiliser le langage et les mots qu'on veut, mais c'est cela le message qu'on
est venu vous dire.
Le Président (M. Charbonneau): C'est terminé.
M. Desbiens: C'est terminé?
Le Président (M. Charbonneau): Pour le temps qui vous est
imparti. Il reste quelques minutes du côté ministériel. M.
le député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Si Mme la
députée de Mégantic-Compton veut la parole, elle doit
s'arranger avec son collègue. Combien reste-t-il de temps? Sept
minutes.
M. Middlemiss: D'accord. Merci, M. le Président. M.
Quintal, je lis dans votre mémoire au dernier paragraphe: "D'autre part,
nous nous rendons compte à l'article 15 que vous n'avez pas
oublié les utilisateurs de la faune lorsque vous évoquez la
possiblité d'une tarification pour l'usage des chemins forestiers. M. le
ministre, pourquoi les utilisateurs de la faune paieraient-ils la construction
et l'entretien des chemins forestiers lorsque les compagnies forestières
bénéficient de subventions?" Je me demande comment on peut
concilier cela avec le fait que des ZEC font payer les gens qui utilisent les
routes qui sont entretenues conjointement par la ZEC et l'industrie
forestière ou l'industrie forestière. On demande un montant aux
gens qui ont des baux sur des lacs, qui paient au gouvernement du Québec
un certain montant à l'année et chaque fois qu'ils passent sur la
route, ils sont obligés de payer. Comment peut-on concilier cela?
M. Quintal: M. le député, il y a un
élément dans les ZEC dont vous devez tenir compte, c'est la
gestion de la faune qui y est faite. Peut-être que les investissements
qui sont faits par les utilisateurs de la faune sont réinvestis.
Évidemment, il y a sûrement une partie qui est réinvestie
dans le chemin, mais il y en a une très grande réinvestie dans la
faune.
Je pense que c'est un élément important dont on doit tenir
compte au niveau où on se parle. Ce n'est pas uniquement investi dans de
l'entretien de chemins. Encore là, même les ZEC, en ce qui
concerne l'entretien de leurs chemins, bénéficient très
souvent de subventions assez importantes.
M. Middlemiss: Mais il me semble que c'est deux poids, deux
mesures. On dit: Les gens qui ont des baux sur des lacs et qui veulent s'y
rendre, ça fait des années qu'ils paient, eux, même s'ils
ne font pas de chasse ou de pêche, ça fait des années
qu'ils sont là, its sont obligés de payer.
D'un autre côté, on dit: Peut-être qu'on aurait une
politique. On demanderait aux gens qui l'utilisent et qui
bénéficient du fait qu'il y a des routes qui sont là
déjà... S'il n'y avait pas de routes dans la forêt, est-ce
qu'on pourrait se rendre aux endroits pour faire la chasse et la pêche
dont on bénéficie aujourd'hui?
M. Quintal: Vous savez, M. le député, ils doivent
être assez rares ceux qui, par exemple, font 50, 60, 100, 150 milles de
route de gravelle uniquement pour le coucher du soleil et pour regarder la
verdure. Je pense que la majorité des gens qui fréquentent la
forêt, qui ont des baux en forêt, c'est pour l'utilisation de la
faune, pour les prélèvements qu'ils peuvent y effectuer.
Je connais très peu de personnes qui ont des chalets dans des ZEC
qui ne font pas une utilisation de ta faune, un prélèvement.
M. Middlemiss: Monsieur, avant que les ZEC arrivent, ces gens
utilisaient les mêmes routes. Elles étaient là depuis
nombre d'années. Aujourd'hui, ils sont obligés de payer. Ils
viennent à moi, en tant que représentant, et ils disent: Pourquoi
devrais-je payer? On me dit: Regarde, la loi sur les ZEC le permet. Il y a deux
poids, deux mesures dans ce sens. Il y en a qui vont payer et d'autres disent:
On n'est pas prêts à payer.
M. Quintal: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous,
monsieur. Je pense qu'il y a une époque où on avait, au
Québec, un système très antidémocratique qui
s'appelait les clubs privés. On a aboli ce système dans le but de
démocratiser la faune pour permettre à tout le monde de pouvoir
en jouir. À l'époque où on avait des clubs privés,
écoutez, on retourne vingt ans en arrière. Je me souviens d'avoir
été membre d'un club privé et le prix de cotisation qu'on
payait était peut-être de l'ordre de 150 $ ou de 200 $, alors
qu'aujourd'hui les cartes de ZEC, dans beaucoup de cas, c'est moins de 100
$.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Mégantic-Compton, vous aviez une question ou M.
le ministre? M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je pense bien que
tous les groupements, tous les métiers et toutes les activités
sont essentiels dans la société et il faut se respecter les uns
les autres. Si je vous mentionne ça, ce
n'est pas pour dire que ce n'est pas nécessaire et que ce n'est
pas absolument agréable. Mais vous parlez d'activités
économiques engendrées par les amateurs de chasse et de
pêche. Je vous dirai que, si on compare les 600 000 000 $ de pouvoir
d'achat que vous mentionnez dans votre mémoire, du côté de
l'industrie forestière, que je ne défends pas plus que votre
groupe, remarquez bien, c'est 8 000 000 000 $.
Vous mentionnez que 13 000 emplois ont été soutenus par
une masse salariale de 165 000 000 $. Je mentionnerai que, du côté
de l'industrie forestière, c'est 75 000 emplois directs qui ont
été soutenus par une masse salariale de 2 000 000 000 $,
permettant aux gouvernements provincial et fédéral de recevoir
des recettes fiscales.
Quant au conflit d'intérêts que vous avez mentionné
pour le ministère de l'Énergie et des Ressources, c'est dans sa
loi et dans ses responsabilités de gérer la forêt. Comme
vous avez pu le constater, les plans d'affectation ont été
réalisés. Les plans d'affectation qui ont été remis
aux municipalités régionales de comté ont
été réalisés avec la collaboration de l'ensemble
des ministères concernés et approuvés par six ou sept
ministres qui font partie du Comité ministériel du
développement régional.
Il en est de même pour le guide des modalités
d'intervention en forêt qui a été confectionné avec
la collaboration du MLCP, dont vous faites état pour les conflits
d'intérêts, et du ministère de l'Environnement. Les
conflits d'intérêts, on en prend soin. Je ne sais pas si le
gouvernement précédent a été capable de le faire
mais, nous, de notre côté, du côté de
l'Environnement, du côté du MLCP du moins, il y a une parfaite
collaboration, il y a un respect mutuel.
Quand vous parlez d'un comité national pour discuter de ces
questions, je n'ai pas du tout envie d'aller discuter de cela à Ottawa.
Je serais d'accord pour vous inviter à participer à un
comité provincial, mais un comité national ne me sourit pas du
tout, parce que c'est une activité de juridiction provinciale.
Quand le député de Duplessis vous parle de l'entretien des
chemins pour un coût de 19 000 000 $, je ne sais pas à quel
endroit il a pris ces chiffres. Quant à moi, je ne l'ai pas vu nulle
part. C'est peut-être une de ses inventions pour vous faire peur, mais
n'ayez pas peur.
M. Perron: II s'agit du montant de 102 000 000 $ dont on parle
dans vos propres documents.
Des voix: Allons! Allons!
Une voix: De toute façon, on expliquera cela
tantôt.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel De toute
façon, le ministre ayant épuisé son temps... En quatre
minutes, vous avez réussi à soulever les passions de certains de
nos collègues...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, cela
commence.
Le Président (M. Charbonneau): Mais, malheureusement, le
temps qui vous était alloué, M. le ministre, est
écoulé. À moins qu'il y ait consentement...
M. Perron: Mais, M. le Président, vous ne pouvez pas
laisser passer une affaire pareille.
Le Président (M. Charbonneau):
Écoutez, il est presque 21 h 15 et on a encore un autre organisme
à entendre. Je vous rappelle que cela prend le consentement unanime pour
siéger après 22 heures.
M. Perron: Parce que là, il dit n'importe quoi. Il crie
n'importe quoi.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel Je vais
permettre au député de Duplessis et au ministre de faire les
remerciements d'usage. À moins qu'il n'y ait une petite vite comme
réponse finale de la part de nos invités, ce sera tout.
M. Quintal: Je vous remercie beaucoup de la petite vite, M. le
Président. Je pense, M. le ministre, qu'il y a une question de
qualité de vie. Je pense qu'il y a un rôle social. Il y a quand
même au Québec un nombre de pêcheurs et de chasseurs assez
important pour qu'on en tienne compte. C'était le point que je voulais
souligner.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est exactement
ce que je vous ai dit comme message, à savoir que chaque groupe est
important, essentiel, dans notre société.
M. Quintal: Écoutez, si on a dit qu'on voulait un
comité national, soyez rassuré, parce qu'on est des
Québécois.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien! Sur cette
affirmation d'identité...
M. Quintal: On aimerait bien régler nos problèmes
au Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette affirmation
d'identité renouvelée...
M. Quintal: Soyez sans crainte, je n'ai aucune carte d'un parti
politique.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Duplessis.
Une voix: C'est le temps.
M. Perron: Merci, M. le Président. Comme le ministre vous
a posé la question à savoir - avant de vous remercier de votre
présence - où j'avais pris le montant de 19 000 000 $, je peux
vous dire que j'ai pris ce montant à l'intérieur de son propre
ministère. Cela fait partie du montant de 103 000 000 $ qu'il mentionne
dans tous ses documents,
Bien sûr, je voudrais vous remercier non seulement pour votre
présence ici, aujourd'hui, mais aussi pour tout le travail que vous
faites dans le domaine de la faune québécoise, avec votre groupe
et votre conseil, avec tous ces gens que vous représentez, des hommes et
des femmes, qui vont sûrement avoir l'occasion dans l'avenir, comme ils
et elles l'ont eue dans le passé, de continuer à vous
côtoyer et à démontrer l'importance comme vous-mêmes,
en tant que représentants d'un organisme, l'avez démontrée
au cours des dernières années...
Il y a une chose sur laquelle je voudrais vous faire part de ma
réaction. Selon moi, c'est une réaction extrêmement
positive. C'est le fait que vous portez une attention toute spéciale
à titre d'organisme de la faune sur la question environnementale, sur la
question forestière comme sur toute la question de l'ensemble de ce que
vous considérez comme propriété québécoise.
Merci pour votre intervention et pour les réponses que vous avez
données aux membres de la commission.
M. Quintal: Merci, M. le député.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, ayant été chasseur à l'époque
où j'étais en Abitibi et occasionnellement un pêcheur
toujours respectueux des lois et des règlements édictés
par le gouvernement...
Une voix: Nous l'espérons. Contrairement à un autre
ministre du gouvernement péquiste...
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai
mentionné dans ma dernière intervention que tout est essentiel
dans la société, tous les corps de métier, toutes nos
activités sont également essentielles et l'on doit se respecter
et se comprendre les uns les autres de façon à faire une
société où il est agréable de vivre. Il faut se
créer aussi un milieu de vie et une qualité de vie qui fassent
l'envie de tout le monde. Je vous remercie de prendre la défense de
votre groupe qui est très important. C'est un groupe qui profite des
richesses naturelles et renouvelables également, tout comme la
forêt. Ensemble si on unit nos efforts pour prendre soin de ces
richesses, nous aurons fait un grand pas dans l'aménagement polyvalent
de nos forêts. C'est ce que je souhaite de tout coeur. Je vous remercie,
M. Quintal, ainsi que vos compagnons. (21 h 15)
M. Quintal: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, merci beaucoup. Je
voudrais en particulier féliciter M. Vanier pour son habileté
d'avoir témoigné deux fois aujourd'hui devant nous.
M. Vanier: Cela dépend, M. le Président. C'est M.
Quintal qui m'a invité pour travailler.
Le Président (M. Charbonneau): Cela n'est pas un
blâme, c'est une simple constatation.
M. Vanier: Cela fait une double charge de travail.
Le Président (M. Charbonneau): Voilà. Bonne
soirée et bon retour. J'invite maintenant le Centre d'enseignement et de
recherche en foresterie de Sainte-Foy à prendre place. Le
président est M. Jean-Aurèle Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre, bonsoir. Je vous demanderais d'abord de nous
présenter les gens qui nous accompagnent. Je vous rappelle, comme sans
doute le secrétaire de la commission vous l'a indiqué, que vous
avez une durée de présentation de votre point de vue de douze
minutes. Par la suite, il y a aura 24 minutes pour chaque formation politique
pour engager la discussion avec vous. Alors, sans plus tarder, M.
Saint-Pierre.
Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de
Sainte-Foy
M. Saint-Pierre (Jean-Aurèle): Merci, M. le
Président. Au nom de CERFO il nous fait plaisir de pouvoir
présenter ce mémoire aux députés tant de la partie
ministérielle que de l'Opposition. Comme vous le savez sans doute
à la lecture de notre document, que vous avez lu assidûment, nous
le présumons, CERFO est un organisme à but non lucratif
voué à la recherche, à l'information, à la
formation, mais surtout à la recherche appliquée. Cela regroupe
tout l'ensemble des sept collèges du Québec, et nous avons aussi
au conseil d'administration une pluralité qui fait que nous avons des
membres de l'industrie du sciage et des membres de l'industrie
forestière qui y siègent. Bien entendu, ces gens siègent
bénévolement au conseil d'administration.
À mon extrême droite, M. Guy Papillon, administrateur et
délégué du collège
de Gaspé; à ma première droite, M. Carl
Charbonneau, directeur général; à ma gauche, M.
Jean-Claude Lachance, responsable de la recherche et du développement de
notre centre.
Douze minutes, c'est vite. Alors, pour activer la discussion, je vais
sauter: n'essayez pas de suivre les pages, c'est peine perdue. Le premier
commentaire que nous pouvons dire c'est qu'il aurait été sage
d'introduire dès le début du texte les définitions. Il y a
au moins 25 définitions qui apparaissent à l'appendice pour
permettre une lecture facile du texte même.
En ce qui concerne les chemins forestiers, nous aurions aimé que
le gouvernement distingue les sortes de chemins forestiers. Tantôt on a
parlé de subventions, c'est vrai qu'il y a des subventions pour les
grands chemins forestiers, on l'admet. Nous sommes au courant de tout cela,
mais il y a un paquet de chemins secondaires et tertiaires qui devraient
être définis et clairement indiqués. Ce ne sont pas
nécessairement des chemins ouverts aux amants de la nature, mais ce sont
quand même des chemins disponibles et, selon nous, il n'y a aucune
subvention qui s'applique à ce genre de chemins. Ce ne sont pas des
chemins trop recommandés pour les touristes.
Quant à l'article 15, qui traite des frais exigibles de tout
utilisateur de chemins forestiers, CERFO est d'accord avec cette politique. La
façon dont cela sera perçu, nous ne le savons pas, car le
traitement de l'avant-projet de loi est très imprécis à ce
sujet-là. Mais ce que nous ne voulons pas c'est encore voir des
barrières s'ériger et des postes de péage. On les fait
sauter sur les autoroutes, on imagine que le ministère n'en placera pas
sur les chemins forestiers.
En ce qui concerne les inventaires forestiers, on se pose la question:
Pourquoi le MER tient-il tant à monopoliser les inventaires forestiers?
Pourquoi ne tient-il pas à garder à jour l'inventaire national
décennal et à remettre aux bénéficiaires la
responsabilité d'autres types d'inventaires, tels que l'inventaire
d'exploitation, cela pour la préparation du plan d'aménagement
quinquennal? Le ministère devrait plutôt concentrer ses efforts,
selon nous, sur un inventaire écologique, que nous n'avons
malheureusement pas au Québec et qui va être un prérequis
avec tout ce qui s'en vient dans le domaine de la politique
forestière.
Le bénéficiaire doit préparer un plan quinquennal
pour approbation par le ministre dans lequel il décrit les travaux qu'il
doit exécuter pour assurer la réalisation des objectifs qui lui
ont été fixés et exécuter à ses frais les
travaux sylvicoles. Là encore, on ne mentionne pas quelle sorte de
travaux sylvicoles. À part remettre en place ou en production les
parcelles de terrains exploités, on ne sait pas du tout quels sont les
travaux sylvicoles. Cela reste imprécis dans le projet de loi.
En dernier lieu, à l'article 41, un troisième plan annuel
d'intervention en vue d'obtenir le permis d'intervention est requis. On trouve
que c'est beaucoup de plans. On se demande s'il ne faut pas un plan pour avoir
un plan. Donc, on devrait peut-être alléger le processus.
Nous croyons aussi que la préparation d'un plan quinquennal ne
devrait être obligatoire que pour cette partie de la forêt publique
qu'on appelle la forêt dite de banlieue. C'est dans cette zone que
l'aménagement intensif doit être appliqué sur les meilleurs
sites en tout premier lieu. D'ailleurs, c'est notre forêt la plus
productive.
En contrepartie, dans la forêt industrielle, celle du nord, le
plan quinquennal pourrait être converti en plan décennal. Nous
sommes d'accord avec les gestes posés par le MER encourageant les
travaux de sylviculture dont le rendement escompté aura pour effet le
dépassement des objectifs de production prévus au contrat. Cette
production accrue ne sera pas taxable. Il s'agit là d'un incitatif
valable.
Au niveau de la gestion, le MER propose aux petits propriétaires
de boisés, à ceux qui veulent vivre de la forêt, de
conclure avec eux une convention de gestion de forêts du domaine public.
Là encore, c'est un grand pas en avant dans la bonne direction selon
nous.
Pour le producteur forestier, le nouveau statut reconnu de producteur
forestier est aussi un grand pas en avant. Ce qui est encore plus impartant
pour le producteur forestier, c'est qu'il puisse vendre son bois peu de temps
après la coupe. Comme ce producteur est aussi un homme d'affaires, il
veut avoir un prix raisonnable. Si les prix payés retardent toujours
quelque peu à suivre l'augmentation du papier journal, par contre
certains monopoles exercés par des organismes de mise en marché
des bois deviennent parfois une entrave pour ces producteurs
sérieux.
Si l'on veut que la forêt privée joue réellement le
rôle d'une grande alliée dans la reconstruction de la forêt
du Québec, il faut que les sylviculteurs de demain puissent vivre de
leur forêt. Il faut plus qu'un titre de producteur; il faut aussi que la
production soit reconnue et qu'elle soit assurée d'un marché
régulier.
Pour la protection contre les incendies, nous sommes heureux que le
ministre ne propose aucun changement. Je pense qu'on n'a pas de cachette
à se faire, les sociétés de conservation ont joué
un rôle formidable au Québec. Elles sont d'ailleurs reconnues
internationalement.
Pour ce qui est des maladies et épidémies, on constate
avec plaisir l'abandon
par le ministre des principales recommandations contenues dans le
document "Bâtir une forêt pour l'avenir". On ne voyait pas du tout
les sociétés de conservation s'insérer dans la lutte dans
un contexte d'urgence comme dans le cas des incendies forestiers.
Nous voyons aussi deux titres séparés dans le projet de
loi concernant les maladies et les épidémies d'insectes. Ce sont
deux chapitres différents, deux sortes de contrôles
différents. Nous sommes pour une approche intégrée et
rationnelle du contrôle des insectes, c'est-à-dire la mise en
place d'un programme de lutte qui combine interventions biologiques, sylvicoles
et, dans certains cas, chimiques pour abaisser les populations d'insectes.
Quant à la recherche, il faut accentuer davantage la recherche si
le Québec veut demeurer compétitif et conserver les
marchés qu'il a toujours su occuper grâce à sa technologie
et à la qualité des bois disponibles sur son territoire.
Le gouvernement, à notre avis, devrait traduire dans la Loi sur
les forêts sa volonté ferme d'accentuer la recherche
forestière. La nouvelle loi pourrait ainsi remplacer la Loi sur la
recherche et l'enseignement forestiers. À tout cela il va falloir
intégrer un organisme responsable de la coordination de la recherche et
de la "prioritisation" des interventions. Sans une excellente coordination de
la recherche, nous risquons une dispersion des énergies et dans certains
cas un dédoublement qui feront que le Québec prendra encore du
retard dans la résolution des problèmes auxquels il est
confronté dans le secteur forestier.
Pour les bois feuillus de qualité inférieure, pour sciage
et déroulage, on utilise à peine le quart de la
possibilité. On demande au ministère de se pencher avec
l'industrie pour trouver des débouchés. Il y a selon nous des
emplois, il y a de la matière première disponible dans ce
secteur.
Au niveau de l'information et de la formation, l'éducation
populaire est une action très importante afin de bien faire saisir le
rôle, l'importance économique de la forêt, son
évolution écologique et la nécessité d'en assurer
la protection et la conservation. Il y a une autre facette de l'information
qu'il nous semble tout aussi important d'assurer, soit la transmission de
l'information technique. On ne peut penser améliorer la
productivité de la forêt si les travailleurs et les responsables
de la production et de la transformation de la matière ligneuse ne sont
pas tenus au fait des nouvelles technologies. On peut mener à bien les
plus grandes recherches et développer les meilleures techniques mais le
résultat final demeurera toujours le même si on n'assure pas une
diffusion adéquate de ces nouveaux développements. La
transmission des connaissances est un maillon important de l'utilisation des
nouvelles technologies. Le MER devrait fournir un support è
l'information technique afin de faciliter la tâche de ceux qui sont
responsables de la formation et de l'entraînement du personnel oeuvrant
dans le domaine forestier.
Il existe dans cet avant-projet de loi de nombreux points positifs;
néanmoins, le critique averti reste quelque peu sur son appétit.
Le concept de forêt, comme milieu biologique fragile, n'existe pas dans
les quelque 113 articles de cet avant-projet et, pourtant, c'est ce milieu
biologique que le législateur entend bien aménager. Pour nous du
CERFO, la forêt, en plus d'être conservatrice des eaux et des sols
qu'elle régénère et transforme en milieux productifs,
fournit en plus de la matière ligneuse toute une gamme de richesses et
de plaisirs récréatifs à une foule sans cesse croissante
à la recherche de repos et de détente, ou parfois même d'un
revenu autre que la matière ligneuse.
Messieurs les membres de la commission, l'heure est au changement de
cap. Et pourtant, même aujourd'hui nous surexploitons nos forêts,
alors que pour nous l'ère de la surabondance est révolue. Devant
ces faits, le CERFO ne peut que souscrire à la volonté du
gouvernement de respecter la possibilité ligneuse sur l'ensemble du
territoire québécois et de veiller, par la suite, à
améliorer la qualité et la quantité de cette fibre.
Nous procédons maintenant aux recommandations qui sont le coeur
de notre mémoire. Quant à la réglementation, nous
demandons que les règlements qui, pour plusieurs, sont
nécessaires à la compréhension de la loi, soient inclus
dans le projet de loi. On a eu des expériences avec d'autres organismes
telle la CSST qui est rendue aujourd'hui avec 26 règlements et elle a
presque perdu le contrôle.
Oui, vous voulez m'arrêter vous?
Le Président (M. Charbonneau): Non, mais je voulais vous
signaler qu'il ne vous reste plus grand temps. Il vous reste environ une
minute.
M. Saint-Pierre: Vous me prenez de court pas mal. Pour
l'aménagement forestier...
Le Président (M. Charbonneau): J'aime mieux vous le dire
avant.
M. Saint-Pierre: ...on préconise un seul maître
d'oeuvre, qu'il y ait un modus vivendi entre les ministères
concernés et les autres organismes, mais qu'il n'y ait qu'un
interlocuteur.
Pour l'inventaire écologique, on devrait "prioriser" la
production de cartes
écologiques sur l'ensemble de la forêt de banlieue d'abord
et ensuite dans la forêt industrielle. Tout est relié à ces
cartes écologiques: le reboisement, l'aménagement, la
sylviculture, etc.
Quant à l'inventaire forestier, toute la partie inventaire et
cartographie reliée aux plans d'aménagement quinquennaux devrait
être confiée aux utilisateurs qui devront en assumer la
responsabilité et la réalisation.
Est-ce que je peux continuer, M. le Président? J'en ai encore
pour à peu près une minute et demie?
Le Président (M. Charbonneau): Pour une minute et demie,
est-ce qu'il y a consentement? Oui, très bien, allez-y.
M. Saint-Pierre: Oui, cela va, merci bien. Surexploitation des
forêts. Dans sept régions sur neuf, entre autres en Abitibi, la
coupe annuelle dépasse la possibilité. Certaines personnes
éclairées ont déjà signalé hautement cette
situation critique. Un jour ou l'autre, il faudra bien que la coupe s'ajuste
à la possibilité régionale. Le MER devra prévenir
les gens du milieu que cet ajustement nécessaire impliquera un
ralentissement de l'activité forestière et des pertes d'emplois.
Par ailleurs, l'attribution des volumes de bois disponibles aux
bénéficiaires devrait, dans toute la mesure du possible,
être faite selon chacune des régions administratives du MER.
Quant au reboisement, c'est dans la zone de forêt de banlieue que
l'activité reboisement doit être la plus favorisée,
à partir de sources de graines les plus prometteuses
génétiquement parlant. Il y aurait lieu d'utiliser davantage les
coupes de régénération afin de favoriser cette
régénération naturelle. Le MER devrait aussi encourager la
production d'essences feuillues par l'entreprise privée, en lui
fournissant l'aide technique appropriée et en stimulant la recherche
dans ce domaine. (21 h 30)
Au niveau de la forêt dégradée, on recommande la
valorisation de ces boisés en faisant l'emploi d'arboricides,
c'est-à-dire un arboricide qui serait recommandé par le
ministère de l'Énergie et des Ressources pour mettre en valeur
ces terrains non productifs actuellement.
En ce qui concerne l'entretien des plantations, c'est simple. Il ne sert
à rien de faire des plantations et de faire des dépenses
énormes si on n'en contrôle pas l'éducation par la suite,
en d'autres mots, si on n'en contrôle pas les épidémies
d'insectes et si on n'en contrôle pas l'herbe qui va enterrer ces
plantations et les faire disparaître.
En ce qui concerne la forêt privée, nous recommandons que
les contrats d'approvisionnement tiennent compte de la possibilité
offerte par les forêts privées en même temps que des
quantités de bois offertes par les autres sources d'approvisionnement.
Il est important que le MER se charge de la protection des boisés
privés et qu'une forme d'assurance-récolte soit instaurée
afin de garantir un revenu au propriétaire en cas de
désastre.
En ce qui concerne le contrat d'approvisionnement, il serait juste,
selon nous, d'offrir au bénéficiaire actuel de continuer à
jouir du territoire ou d'une partie du territoire sur lequel il est
habitué à opérer.
En ce qui concerne la rotation, on souligne au ministère qu'il
faudrait prendre en considération l'utilisation des bois. En d'autres
mots, la rotation dans le bois de sciage est beaucoup plus longue que dans le
bois de pâtes; donc, c'est beaucoup plus d'investissements et du plus
long terme.
En ce qui concerne la protection, le gouvernement devra mettre tout en
oeuvre afin d'éviter que les épidémies d'insectes comme la
tordeuse des bourgeons de l'épinette viennent annihiler tous les
efforts.
En ce qui concerne la recherche, que le MER accroisse les efforts de
recherche dans la production d'espèces plus résistantes et mieux
adaptées aux conditions du milieu. Qu'il accroisse la recherche pour
découvrir des utilisations pour les essences secondaires. Qu'il
accroisse la recherche appliquée pour élaborer des
méthodes de travail et des outils adaptés aux techniques
sylvicoles nécessaires pour répondre aux nouveaux objectifs de
production. Que soit créé un organisme de coordination de la
recherche forestière. Que soit instauré un centre d'information
scientifique et technique afin de répondre aux besoins de diffusion des
nouvelles technologies.
Et comme dessert, M. le Président, la ressource
forestière, selon nous, au Québec permet à un travailleur
sur dix d'exercer son métier et d'en vivre. Cette donnée
démontre toute l'importance de la forêt. Nous croyons fortement
justifié de recommander la création d'un ministère des
Terres et Forêts.
Je vous remercie du délai que vous nous avez accordé.
Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de quoi. M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
président, il me fait plaisir de saluer les gens du Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy et, en particulier,
M. Saint-Pierre avec qui j'ai travaillé sur la Côte-Nord quelques
années. Je reconnais sa précision et sa détermination.
Il est vrai qu'on doit définir les termes si on veut s'entendre
et se comprendre. Souvent, les termes que vous mentionnez ne veulent pas dire
les mêmes choses, selon les
situations ou les postes qu'on occupe. J'accepte avec plaisir cette
recommandation. Je ne sais pas à quelle place on pourra l'introduire,
mais il faudrait que le ministère en fasse un lexique.
Quant aux chemins forestiers dont vous avez parlé au tout
début, les grands chemins forestiers au ministère sont
subventionnés depuis un certain temps. Ils sont actuellement assez rares
en raison des budgets restreints. Donc, ces chemins sont subventionnés
à 50 %. Quant aux autres chemins, ils ne sont pas subventionnés
et ils servent également aux chasseurs et aux pêcheurs. Je
pourrais vous dire que dans l'avant-projet de loi il est prévu que l'on
pourra réglementer ce que mon collègue de Saguenay mentionnait,
soit l'usage des véhicules à trois roues, à quatre roues
en forêt, de façon à préserver le reboisement tout
comme il a été fait lorsque les motoneiges sont arrivés.
Avec une réglementation sur les motoneiges, on a évité un
bon nombre d'accidents mortels et des blessures et, en même temps, on a
protégé notre environnement. Dans l'ancienne loi, il était
prévu que le ministère pouvait fixer des coûts ou une
contribution pour la construction, l'utilisation et l'usage des chemins
forestiers aux usagers. Nous avons l'intention de conserver cette latitude. Il
est important de signaler que le guide des modalités d'intervention en
forêt répondra à plusieurs de vos questions.
J'espère que tous les utilisateurs se respecteront les uns et les autres
et qu'ils pourront faire un ménage heureux.
Pour l'instant, M. le Président, j'aimerais céder la
parole à quelqu'un d'autre et je reviendrai.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Bienvenue à
votre organisme, M. Saint-Pierre. Je suis heureux de constater, et ce, au nom
de l'Opposition officielle, que vous avez touché pas mal l'ensemble des
problèmes forestiers que nous vivons dans l'ensemble du Québec
non seulement depuis une année, mais depuis bon nombre
d'années.
Bien sûr, en tant qu'individu et comme député, j'ai
le droit de ne pas être d'accord avec certaines de vos recommandations.
Cependant, je peux vous assurer que l'Opposition - d'ailleurs c'est
confirmé par l'exposé que j'ai fait hier - est parfaitement
d'accord... Les libéraux rient énormément quand je
mentionne mon discours d'hier parce qu'ils ne l'ont pas aimé.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel À
l'ordre!
M. Perron: Je peux vous dire, M. le Président -
c'était un à côté - que les points essentiels avec
lesquels nous sommes d'accord, c'est que d'abord la loi doit inclure la
définition de nombreux termes au lieu de retrouver le tout dans des
règlements ou encore dans d'éventuelles décisions
ministérielles. Nous sommes d'accord aussi avec la création d'un
ministère des terres et forêt; cela pourrait sûrement
permettre une meilleure coordination entre le secteur terres et le secteur
forêts parce qu'il s'agit de la propriété publique; dans le
cas des terres, on émet très souvent des lettres patentes qui
proviennent des terres publiques. Donc, à ce moment-là, cela
pourrait enlever de nombreux problèmes qui existent; cela pourrait
même permettre sur le fond une très bonne coordination dans
l'ensemble du dossier.
Bien sûr, la mise sur pied d'un conseil consultatif de la
recherche forestière est pour nous une chose très importante et
nous espérons que le ministre, dans son projet de loi final, pourra nous
apporter une conclusion favorable avec un ou des articles qui pourraient
toucher la formation juridique de ce conseil consultatif de la recherche
forestière. Nous ne voudrions pas, en tant qu'Opposition officielle,
voir ce conseil consultatif formé par règlement. Bien sûr,
il y a la nécessité de premier ordre de réaliser un
inventaire écologique des forêts. C'est l'une des choses les plus
importantes qu'on doit retrouver et qui servirait par la suite à
d'autres secteurs d'activité pour un alignement essentiel de l'ensemble
des activités.
J'ai aussi constaté que nulle part dans la loi il n'est question
de l'aménagement polyvalent - c'est d'ailleurs mentionné à
la page 22 de votre mémoire - et nul doute qu'il faudra regarder cette
question très attentivement dans le projet de loi final. 5i vous
permettez, j'aimerais passer à deux questions principales en rapport
avec votre mémoire. A la page 10 de votre mémoire, si vous
permettez, vous dites au deuxième paragraphe: "Nous applaudissons au
geste posé par le ministère de l'Énergie et des Ressources
(art. 37) encourageant les travaux de sylviculture dont le rendement
escompté aura pour effet le dépassement des objectifs de
production prévus au contrat. Cette production accrue ne sera pas
taxable. Il s'agit là d'un incitatif valable." La position que j'ai
prise là-dessus est que oui, lorsqu'on dépassera les objectifs,
il y aura une réduction des droits de coupe, mais cependant il ne faudra
pas amener la facture a zéro parce qu'à ce moment-là cela
pourrait causer un certain problème de financement pour le gouvernement
en rapport avec certaines activités qu'il a prévues dans son
propre programme de reforestation et autres de l'ordre de 103 000 000 $.
Je dis oui à un facteur incitatif, mais non au renoncement d'une
juste contribution
par le biais de cet objectif. À ce moment-là,
l'État n'aura pas à aller chercher ailleurs, c'est-à-dire
dans les fonds des contribuables, les fonds publics, pour les besoins
essentiels de la protection de la forêt, en tout cas, une partie des
besoins essentiels.
La question que je voudrais vous poser est en rapport avec ce que je
viens de mentionner et ce que vous avez écrit à la page 10 qui,
d'ailleurs, en passant, est renouvelé en quelque sorte à la page
26 de votre mémoire où vous mentionnez que dans la forêt de
banlieue tout parterre de coupe devrait être traité et
reboisé le plus tôt possible après la coupe.
Si on regarde le premier aspect à la page 10, et l'aspect que je
viens de mentionner, à la page 26, à ce compte, le
ministère de l'Énergie et des Ressources ne devrait-il pas
"prioriser" la remise en production de l'arrérage de la forêt de
banlieue par les utilisateurs qui peuvent être les usines de sciage, les
coopératives forestières et aussi les usines de pâtes et
papiers?
M. Saint-Pierre: M. le député, quand vous parlez
d'arrérage, voulez-vous dire ce qui s'est passé voilà cinq
ou dix ans?
M. Perron: Oui, effectivement. Dans les forêts de banlieue,
c'est-à-dire les forêts situées près des usines qui
doivent être approvisionnées, on parle d'une priorité du
reboisement. C'est ce que je veux dire.
M. Saint-Pierre: Selon nous - nous pouvons répondre en
deux volets - la forêt de banlieue passe avant tout. Premièrement,
c'est la forêt la plus productive, la plus facile d'accès et la
plus facile à récolter. En un deuxième temps, je prends
mes blâmes sur les erreurs du passé, comme le gouvernement. Les
gouvernements précédents doivent prendre leurs blâmes pour
les déluges de permis de coupe qu'on a eus dans le temps, les
surallocations de territoire, l'abus de certains utilisateurs qui ont
surmultiplié les besoins premiers de leur industrie. Ils parlaient d'un
certain volume donné au début et ils étaient rendus
à trois fois plus dix ans plus tard.
Tout ça a fait qu'on est rendu là aujourd'hui. Je pense
que ça devient un peu collectif. Le ministère de l'Énergie
et des Ressources du temps a peut-être voulu bien faire. Les utilisateurs
ont voulu bien faire aussi. Ils ont créé des emplois, ils
voulaient développer le Québec et, malheureusement, tout
ça s'est fait au détriment de notre forêt. Pour moi, c'est
collectif. Ce qui est passé est passé et on doit remettre la main
à la pâte.
Je verrais le ministère s'occuper plutôt du passé.
Quant au présent et au futur, que les utilisateurs, sans aucune
exception - je suis très clair sur ça - aillent prendre leurs
forêts en main et qu'ils les développent. Dans cette optique, ce
qui est décrit à la page 10 a de la valeur, c'est très
valable. La grosse industrie, nous, en tout cas, dans notre mémoire,
nous l'avons interrogée. Pour elle, c'est clair. Elle va prendre ses
responsabilités. Mais il faut que les rôles soient clairement
définis.
M. Perron: Merci. À moins que je me trompe, dans votre
mémoire, j'ai remarqué qu'il n'y avait aucune allusion à
la façon dont on procède pour la coupe forestière dans
l'ensemble du territoire québécois qui est actuellement sous la
juridiction du ministère de l'Énergie et des Ressources par le
biais du ministre délégué aux Forêts. Bien
sûr, je parle toujours de la forêt publique. Aujourd'hui, nous
avons eu un organisme qui a mis un accent assez fort sur le fait qu'on devrait
regarder et modifier en particulier la façon mécanisée de
faire des opérations forestières et ce, pour permettre une
régénération naturelle plus facile et pour permettre un
reboisement plus facile dans différents cas.
Est-ce que dans votre optique, comme centre d'enseignement et de
recherche en foresterie, vous avez regardé cet aspect? À moins
que vous ne le souleviez directement dans votre mémoire, parce que je
sais que vous n'avez pas eu le temps de le lire au complet ici. (21 h 45)
M. Saint-Pierre: Nous faisons mention dans notre mémoire -
je n'ai pas la page -que c'est un équilibre biologique ou
écologique et que dans certains peuplements forestiers bien reconnus sur
le plan écologique il devrait y avoir des méthodes d'exploitation
de prérégénération pour favoriser la
régénération naturelle et, cinq, dix ou quinze ans plus
tard, qu'il se fasse une utilisation plus globale. Si on mentionne cela, c'est
parce qu'il va certainement y avoir une modification au chapitre des
méthodes de récolte de notre forêt dans des genres de
peuplement bien définis.
Si vous m'amenez dans la forêt du Nord où tout le
peuplement est âgé de plus ou moins 120 ans et qu'il est en train
de tomber, en tant que forestier, je me dois de vous dire, mon cher M. le
député, qu'on n'a pas le choix, c'est la coupe à blanc et
cela presse. On discutera après de ce qu'on va faire. Mais, pour le
moment, il faut récolter avant que tout pourrisse. Si on arrive dans une
forêt qui est équilibrée, dans un peuplement qui arrive
à une certaine maturité, soit 75 ou 80 ans, il est certain qu'il
va falloir pratiquer des brèches à l'intérieur de cette
forêt pour créer une régénération
naturelle.
M. Perron: Merci. À la page 18 de votre mémoire,
vous mentionnez au deuxième
paragraphe: "II est extrêmement malheureux que la demande pour les
bois feuillus de qualité inférieure pour le sciage et le
déroulage soit si basse au Québec". Là-dessus, j'en
conviens et je pense que tout le monde est d'accord. Pour une fois même,
je suis d'accord avec le gouvernement.
Le Président (M. Charbonneau): Voilà.
M. Perron: Je suis d'accord aussi avec l'ensemble des
représentants d'organismes qui ont manifesté un certain besoin
â ce sujet.
Vous mentionnez plus bas dans la même page: "Nous souhaiterions
que le ministère de l'Énergie et des Ressources, de concert avec
l'industrie, s'efforce de mettre en marche la recommandation no 27 "Secteur
forestier, bilan et perspectives", visant la production de nouveaux produits
capables d'utiliser les feuillus excédentaires."
Comme il y a actuellement certains problèmes dans la mise en
marché de certains de ces feuillus, que vous connaissez et que tout le
monde connaît d'ailleurs, est-ce que vous avez fait des études en
tant que "organisme de recherche" - entre guillernents - pour voir les
possibilités de marché dans le secteur des feuillus que vous
mentionnez ici?Parce que, si on veut mettre en valeur la
forêt de feuillus que nous avons au Québec, il va falloir trouver
des marchés pour certains de ces arbres qui sont très peu
utilisés actuellement, sinon comme bois de chauffage, dans plusieurs
cas.
M. Saint-Pierre: M. le député, il y a actuellement
un mouvement qui se fait au Québec dans le cas du peuplier, par exemple.
On a simplement à noter l'expansion que prend la compagnie Normick
actuellement, et ce genre de compagnie, dans l'utilisation de la fibre du
peuplier qui est une des essences marginales. Selon notre mémoire, nous
serions très heureux, au CERFO, de participer à des études
de ce genre. Ce que nous visons, enfin, la première réaction que
nous avons quand on parle de forêts dégradées, c'est ce
qu'on remarque entre Trais-Rivières et Québec, le long de
l'autoroute 20. Il est malheureux de voir des aires et des kilomètres
carrés de forêt qui sont vraiment en dégradation. On ne
fera absolument rien avec cela. C'est à jeter par terre. Il faut
récolter cela, couper cela et reboiser. C'est dans le sens de notre
mémoire. Mais, comme nous vous disons, nous sommes disponibles pour
faire de la recherche appliquée. Il est bien entendu qu'on n'a rien pour
rien.
Nous sommes un organisme à but non lucratif. Nous vivons d'un
mandat à l'autre. Donc, si on va de l'avant dans ce genre de choses -
les collèges également sont prêts à faire un bout -
il faut quand même avoir de l'aide financière.
M. Perron: Dans certaines régions du Québec, par
exemple les régions Saguenay-Lac-Saint-Jean,
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et Abitibi-Témiscamingue, il y a
certains problèmes qui surviendront en rapport avec une rupture de stock
possible, selon l'approvisionnement qu'elles se donneront ou que donnera le
gouvernement aux utilisateurs. Les pâtes et papiers se servent de
beaucoup de résineux dans un pourcentage très
élevé, à part peut-être la Domtar à Windsor.
Est-ce que vous seriez d'accord pour pousser les recherches, avec d'autres
organismes, avec le gouvernement du Québec, avec l'industrie
elle-même, pour qu'on puisse aller aussi loin que de permettre une
formule de pâte qui serait alimentée par ces feuillus?
M. Saint-Pierre: Notre organisme, M. le député,
n'est pas un organisme de recherche pure. Il faut bien préciser cela.
Nous sommes un organisme de recherche appliquée. Actuellement,
l'Université du Québec à Trois-Rivières fait des
recherches de ce genre pour l'utilisation de la fibre de peuplier et d'autres
espèces secondaires de feuillus. Les pâtes et papiers prennent un
certain pourcentage de peuplier. Il y a actuellement beaucoup d'essences qui
restent en plan, on ne s'en cache pas.
Nous, du CERFO, voulons souligner aux membres de la commission que ces
volumes sont debout, qu'ils sont disponibles. On n'utilise même pas le
surplus qui peut en découler annuellement ou l'accroissement. Il y a des
jobs de reliés à cela, tandis que l'on voit des régions
comme l'Abitibi où il faudra bientôt se serrer la ceinture. Il va
y avoir des pertes d'emplois, il faut le reconnaître. On le souligne au
gouvernement. Il y a des jobs là, réagissons, faisons quelque
chose. Pour nous c'est de la recherche appliquée en ce qui concerne la
récolte, l'utilisation, la plantation, toutes ces choses, mais pas de la
recherche pure comme telle. Nous ne sommes pas des chercheurs scientifiques
comme vous voulez le souligner.
M. Perron: Cependant, on peut admettre ensemble que si on en
arrive à une solution par le biais d'autres organismes comme, par
exemple, l'Université du Québec à Trois-Rivières,
sans nécessairement avoir votre implication directe, vous seriez
très heureux vu ce qui se passerait pour récupérer les
feuillus actuellement en perdition. Cela permettrait une pression moins forte
sur les résineux actuellement en usage. Donc, une rupture de stock
beaucoup moins possible que celle qui est prévue actuellement.
M. Saint-Pierre: Exactement. Vous avez mis le point dessus. Vous
retardez le point X ou le point H dans le temps.
M. Perron: Une dernière question, M. le Président.
À la page 26 de votre mémoire vous écrivez: "Le
ministère de l'Énergie et des Ressources devrait encourager un
tel type de production d'essences feuillues par l'entreprise privée en
lui fournissant l'aide technique appropriée et en stimulant la recherche
dans ce domaine." Pourquoi selon vous encourager cette production d'essences
feuillues par l'entreprise privée plutôt que par d'autres
organismes?
M. Saint-Pierre: En ce qui me concerne, je suis pour l'industrie.
J'ai toujours oeuvré à l'intérieur de l'industrie. Cela
fait seulement quelques années que je suis dans les services, mais je
demeure quand même du côté de l'industrie. Donc, je suis un
peu au courant du fait que l'industrie c'est le moteur de l'économie,
comme je suis au courant que, si l'industrie des pâtes et papiers, celle
du sciage et les autres activités connexes n'existaient pas au
Québec, il n'y aurait pas grand monde dans cette salle. Moi le premier
je ne serais pas ici.
Donc, l'industrie privée c'est le moteur de l'économie. Si
les chercheurs prouvent théoriquement qu'il y a possibilité de
faire de la pâte avec ces résidus à un prix qui
intéresse l'entreprise privée, laissez-les aller, M. le
député, ils vont s'en occuper, vous pouvez être certain. Je
vous le garantis.
M. Perron: Je ne prends pas cela comme une vérité
de La Palice, mais j'accepte en partie ce que vous dites.
M. Saint-Pierre: Quand on regarde aller nos entreprises
québécoises, je ne suis pas inquiet pour elles.
M. Perron: Dans plusieurs cas on admet que l'entreprise
privée a dû être remplacée sur plusieurs points par
des sociétés comme, par exemple, REXFOR, parce que cela
n'était pas trop payant, que cela n'était pas du tout rentable ou
encore que c'était déficitaire.
Cela m'amène à vous poser une autre question se rapportant
aux boisés privés. Nous avons reçu ce matin la
Fédération des producteurs de bois du Québec et ces
derniers ont démontré, chiffres à l'appui -que l'on peut
discuter, selon la façon dont on les regarde - que, si on se servait des
bois, en particulier des résineux, qui proviennent de la forêt
privée, on mettrait moins de pression sur la forêt publique.
On sait que l'avant-projet de loi dont nous discutons actuellement -
c'est d'ailleurs pourquoi les organismes ont demandé devant les membres
de cette commission de pouvoir en discuter et recevoir les recommandations qui
s'imposent - ne spécifie pas dans la lettre - c'est peut-être
entre les lignes - quel pourcentage de l'approvisionnement des usines de
pâtes et papiers devrait être pris à même les
boisés privés.
Comme vous êtes d'accord pour mettre une priorité sur les
boisés privés, selon ce que j'ai vu dans le document, seriez-vous
d'accord pour que l'on impose une obligation en pourcentage pour approvisionner
une usine, par rapport à la loi elle-même, au lieu de mettre
ça dans des règlements, remarquez bien?
M. Saint-Pierre: C'est rendu que j'ai horreur des
règlements, pour être bien honnête avec vous. Je trouve
qu'au Québec on a trop de règlements. Pour nous, des
règlements sont des entraves autant pour l'homme politique que pour
l'utilisateur, première des choses. Deuxièmement, il y a la loi
du libre marché à laquelle je crois.
La Fédération des producteurs de bois du Québec qui
a passé ce matin à un marché assez stable dans
l'économie québécoise. Cela pourrait être pire;
ça pourrait être mieux aussi, parce qu'il y a beaucoup de
propriétaires privés qui ne suivent pas l'ensemble des
sociétés de gestion ou des syndicats de producteurs qui font
l'aménagement des forêts. Ils ne veulent pas embarquer dans
ça pour différentes raisons, dont un contrat de quinze ans ou
toute autre chose.
Ces gens sont hésitants. Donc, il y a des parties de forêts
privées qui ne sont pas totalement utilisées. Par contre, il y en
a d'autres qui sont surutilisés. C'est un tout. Je laisse le jeu du
marché libre jouer dans ça. Je dis qu'une entreprise, une
papetière ou une usine de sciage qui oeuvre dans une région
donnée a tout intérêt à recevoir
régulièrement de la fibre venant des terrains privés, des
scieries et d'autres sources et de la forêt publique en dernier lieu.
D'ailleurs, c'est ce qui se passe actuellement au Québec. Il ne
faut pas se le cacher. L'industrie privilégie ce qui est à ses
portes. C'est un peu facile à comprendre. Entre faire descendre du bois
de 150 à 200 kilomètres ou l'avoir à 25 ou 50
kilomètres de l'usine, il y a certainement une différence de
prix. Le transport n'est pas là, donc, c'est ptus rentable pour eux
d'utiliser la matière qui est à leur portée. Cette
matière sur le plan forestier, c'est de la forêt de banlieue,
donc, c'est de la forêt qui pousse beaucoup plus vite que celle qui est
à 200 ou 300 kilomètres dans le Nord.
M. Perron: D'accord. Je vais juste terminer, M. le
Président, par un commentaire. Lorsqu'on regarde les problèmes
vécus par les usines de sciage par rapport aux copeaux qui se ramassent
en entreposage à cause des prix, en fait, à cause des copeaux qui
sont souspayés par les pâtes et papiers, je veux bien croire
au
marché libre, mais ça ne règle pas le
problème de plusieurs milliers de gens qui travaillent pour les usines.
Cela ne règle pas non plus le problème économique que
pourraient vivre les propriétaires de l'usine de sciage en question si
on ne donne pas une certaine obligation aux pâtes et papiers, aux
utilisateurs de matière ligneuse d'aller chercher une partie dans la
forêt publique, comme vous dites, une partie dans les boisés
privés et l'autre dans des usines de copeaux comme approvisionnement.
À ce moment, je pense que ça pourrait arrêter la pression
sur les forêts publiques, dans un premier temps, et permettre aux autres
de s'en sortir honorablement. C'est ce qui me fait dire que, des fois, le
marché libre peut fonctionner, mais ça ne fonctionne pas toujours
selon les bons voeux de l'ensemble des personnes impliquées sur le plan
économique.
Merci, M. le Président. Il reste combien de temps dans
l'ensemble?
Le Président (M. Charbonneau): II ne vous reste plus de
temps, sauf qu'il reste une vingtaine de minutes aux membres du
côté ministériel avec votre consentement et je
présume que l'autre côté va donner le consentement.
M. Perron: Oui, M. le Président. Je donne mon consentement
et compte tenu que, du côté de l'Opposition, i! n'y a plus de
temps disponible, je reviendrai seulement à la fin pour les commentaires
d'usage.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Perron: On peut dépasser 22 heures, M. le
Président.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. M. Saint-Pierre, je me suis pris à penser aux
opérations forestières que nous avons conduites ensemble sur la
Côte-Nord. Quant à votre préoccupation concernant les
épidémies d'insectes, comme la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, je vous dirai que le ministère a installé 250
stations ou pièges "finitron" et c'est l'intention d'en installer 1000
pour être capable de détecter d'avance s'il y a une
épidémie éventuelle ou possible.
Ces pièges nous indiqueront si on doit intervenir ou non. Si on
doit intervenir, il faudra obtenir l'assentiment du ministère de
l'Environnement pour utiliser des produits au B.T. dans le cas présent.
Si ça concerne des superficies trop grandes, avant qu'il n'y ait
épidémie - je pense que les superficies vont être
inférieures - ça prendrait des études d'impact. Mais le
ministère fait tout pour essayer de prévenir ces
épidémies. Je vous le dis immédiatement. (22 heures)
À la page 10, vous dites que vous applaudissez "au geste
posé par le ministère encourageant les travaux de sylviculture
dont le rendement escompté aura pour effet le dépassement des
objectifs de production prévus au contrat." Vous n'êtes pas le
premier à nous féliciter de cette initiative. L'Opposition n'est
pas d'accord. Le député de Duplessis vous l'a signalé, je
pense. Mais, pour moi, l'objectif poursuivi dans le domaine forestier est de
faire produire la forêt pour le mieux-être de la
collectivité. C'est un boni à l'excellence. Là-dessus,
nous sommes entièrement d'accord.
En ce qui concerne la forêt privée, vous dites à la
page 12: "La lecture des quatre articles de loi réservés à
la forêt privée ne nous a pas convaincus que la forêt
privée était si importante que cela aux yeux du ministère.
On n'y sent pas ce dynamisme d'antan envers ce secteur". Je ne sais pas si vous
êtes au courant, M. Saint-Pierre, de l'effort que le ministère,
que le gouvernement fait dans la forêt privée. Est-ce que vous
êtes au courant de tous tes travaux que l'on subventionne? À quel
niveau la contribution du ministère correspond-elle par rapport aux
dépenses réelles de chacun des producteurs privés?
M. Saint-Pierre: Je peux répondre? M. Côté
(Rïvière-du-Loup): Oui.
M. Saint-Pierre: Actuellement - je parle au nom de notre
équipe - nous sommes d'accord, oui. Malheureusement, quand nous avons
écrit notre mémoire, nous n'étions pas au courant, parce
que nous n'avions pas les documents en main. Le document comme tel se veut un
document, disons, un projet de loi qui vise vraiment la forêt publique.
Il y a quatre articles, à je ne sais trop quelle page du document,
où on parle de la forêt privée et qui sont inclus
là-dedans. C'est très limité. Comme on n'avait pas
d'autres documents, on s'est dit que c'était presque de mettre le
bâillon sur la forêt privée. Là, nous ne sommes pas
d'accord et c'est pourquoi nous avons soulevé ce point. Aujourd'hui, on
est en mesure de dire qu'il est vrai que le gouvernement fait quelque chose. Il
est vrai qu'il semble avoir une orientation pour privilégier la
forêt privée.
Pour nous, la forêt privée, c'est la forêt de
banlieue. C'est la forêt de banlieue qu'il faut soigner en premier lieu.
C'est aussi simple que cela. Elle est aux portes des usines. Elle est
remarquée par la population. C'est elle qui coûte le moins cher.
C'est elle qui pousse le plus vite. C'est elle qui est le plus accessible, etc.
Elle a toutes les qualités. En fait, pour nous, disons que ces quatre
articles ne sont pas tout à fait assez clairs. Qu'on les
définisse clairement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est très
clair parce que c'est la première fois qu'une volonté
ministérielle est indiquée, à savoir que le
ministère interviendra pour aider la forêt privée. C'est la
première fois que c'est inscrit dans un avant-projet de loi. Cela sera
probablement inscrit dans le projet de loi, mais cela n'a jamais
été écrit dans une loi. Cela a toujours été
dans des programmes ou dans des règlements et même, souvent,
c'était discrétionnaire.
Toujours sur le sujet de la forêt privée, vous
suggérez "qu'une forme d'assurance-récolte soit instaurée
afin de garantir un revenu au propriétaire en cas de désastre".
J'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre point de vue sur
l'assurance-récolte. Ce serait la récolte de quoi? Parce qu'il y
a beaucoup de variations dans les récoltes de chacun des
producteurs.
M. Saint-Pierre: C'est le même phénomène au
chapitre de l'agriculture. Ils ont le gel. Nous avons les
épidémies de la tordeuse. Ils peuvent subir d'autres
phénomènes et nous avons les incendies forestiers. Donc, si on
veut considérer la forêt comme une récolte au sens le plus
pur du mot, considérons-la comme une récolte et allons-y, parce
que c'est un investissement à long terme et non à court terme. Ne
travaillons pas, pour l'amour du ciel, à court terme au plan de la
forêt privée. Il faut travailler à long terme pour
intéresser les gens à aller de l'avant. Des propriétaires
sérieux se sont presque désistés devant certains monopoles
et à la suite de difficultés d'écouler leur production.
Ils se sont tout simplement retirés ou ils ont vendu leurs terrains. Ces
terrains ont été pillés par des gens qui sont
spécialistes dans le pillage. Donc, on n'avance à rien
là-dedans.
Il faut se demander, dans l'aménagement de la forêt
privée, ce que la forêt privée produit au point de vue du
sciage. Des "pinottes", messieurs, dames. La forêt privée produit
des "pinottes". Pourquoi la forêt privée n'alimente-t-elle pas les
scieries qu'on a un peu partout? Pourquoi ne pas utiliser notre forêt de
banlieue? Parce que le bois ne se rend pas à maturité. Donc,
laissons une chance à ces gens d'investir à long terme et
d'avoir, primo, du bois de sciage et, secundo, du bois à pâte
provenant des résineux. Tout le monde va être heureux.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Permettez-moi de
vous signaler que les producteurs de la forêt privée, de plus en
plus, fournissent des billots de sciage à l'industrie du sciage. Dans
certaines régions, comme celle du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie,
pour certaines scieries, cela représente 40 % de leur approvisionnement.
C'est un virage. C'est une nouvelle habitude. Ce matin, j'ai
félicité pour son initiative le représentant du syndicat
des producteurs de la Beauce, qui encourage ses membres à agir ainsi de
façon à trouver des débouchés pour une meilleure
utilisation du bois.
Pour répondre au député de Duplessis, je lui dirai
que, si, sur la forêt publique, on veut s'en remettre au rendement
soutenu, j'espère bien que le chiffre qui sera admissible de
façon générale - cela va varier d'une région
à l'autre et d'un secteur à l'autre - concernant la forêt
privée correspondra également à la possibilité de
la forêt privée dont on a parlé ce matin. Si le producteur
privé améliore sa forêt à la suite de travaux
sylvicoles, de reboisement, d'aménagement, de coupes d'éclaircie
ou de convertion de peuplements, et que l'on reconnaît l'accroissement et
la possibilité de la forêt privée, ce sera ce
chiffre-là aussi. À ce jour, la forêt privée a
coupé sensiblement sa possibilité ou son rendement soutenu.
Premièrement, il est arrivé des majorations dues à la
tordeuse des bourgeons de l'épinette, mais cela aussi est arrivé
sur la forêt publique.
Quant à votre recommandation en bas de la page 28, vous dites:
"Lors de l'accord d'un contrat d'approvisionnement et d'aménagement, il
serait juste, croyons-nous, d'offrir au bénéficiaire de continuer
à jouir du territoire ou d'une partie du territoire sur lequel il
exploitait les bois avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les
forêts." C'est également le voeu de tous les employés du
ministère. Évidemment, on ne fera pas de miracle, mais c'est le
voeu du ministre et des fonctionnaires du ministère de faire en sorte de
déranger le moins possible, s'il y a moyen, et de faire en sorte
également que les utilisateurs actuels puissent bénéficier
dans la plus grande partie possible de leur investissement. Je ne sais pas si
cela rejoint vos vues, mais cela rejoint les miennes.
M. Saint-Pierre: C'est très légitime, de part et
d'autre, de respecter ce voeu.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Quant à la
recherche sur les essences secondaires, il s'en fait et il devrait s'en faire
encore. Je le souhaite ardemment et je souhaite qu'on trouve des façons
d'utiliser les essences secondaires dans la pâte ou dans certains
papiers; tant mieux. Mais vous savez fort bien que ce qui bloque l'utilisation
des essences secondaires, ce sont les marchés et ce sont les produits
qu'on ne connaît pas encore aujourd'hui, qui seraient utilisables et
rentables aussi. C'est pourquoi nous avons, tout récemment - et je
félicite la Fédération des producteurs de bois de
s'engager au Lac-Saint-Jean dans un projet de production de panneaux qui
utilisera du bouleau et du tremble - annoncé ce printemps la mise en
chantier d'une usine produisant des panneaux MDF à Mont-Laurier, qui
devrait utiliser des
feuillus qui ne sont pas propres au déroulage, qui ne sont pas
propres au sciage et qui devrait nous permettre, dans les deux cas, d'effectuer
les travaux d'aménagement avec des essences de plus grande valeur, ce
qui serait profitable autant aux petits producteurs privés qu'à
l'entreprise pour conserver nos emplois et notre environnement.
Nous faisons des efforts dans ce sens-là. Aussi, nous avons
inauguré à Maniwaki un centre de transfert technologique sur la
protection des forêts contre le feu. Je suis heureux de constater dans
votre mémoire que toutes ces activités vous intéressent et
vous préoccupent. Évidemment, on ne pourra pas tout faire en sept
mois, mais nous travaillons fort à réaliser le plus possible.
Quand vous mentionnez dans votre exposé qu'il y avait eu des abus
gouvernementaux concernant la délivrance de permis, les autorisations de
coupe, j'aimerais savoir, parce que je connais votre expérience comme
forestier, depuis combien de temps le ministère ou le gouvernement a
dépassé les possibilités forestières du
Québec.
M. Saint-Pierre: M. le ministre, je dirais que c'est depuis les
années soixante, si on parle de l'Abitibi, qui est un cas très
précis. On a vu des usines de sciage poindre à l'horizon un peu
partout. Alors qu'elles auraient dû utiliser du bois de toutes
dimensions, elles utilisaient du bois de huit pieds. Certains membres du
gouvernement ont donné leur accord. Pour moi, c'est du gaspillage pur et
simple. À d'autres endroits, on a employé du bois de toutes
dimensions alors qu'il aurait dû être de huit pieds, en plus d'un
déluge de permis. Le message que l'on veut passer au gouvernement c'est
que, si on dit que l'on veut dans cet avant-projet de loi respecter la
possibilité de la forêt, qu'on la respecte sur toute la ligne.
Qu'on commence par travailler dans les régions les plus difficiles comme
l'Abitibi, dans les forêts de banlieue les plus accessibles et, en
troisième lieu, dans la forêt nordique.
Des exemples, j'en aurais trop, je ne veux pas mettre de noms sur la
table. Je ne mettrai pas de noms sur la table, c'est contre mes principes, mais
j'ai vu trop d'exemples.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'une façon
globale, on mentionne dans tous les textes que l'on rencontre que l'industrie
du sciage a doublé sa production depuis une dizaine d'années.
C'est depuis ce temps qu'on a défoncé de façon
générale la possibilité ou les rendements soutenus de la
forêt du Québec. Évidemment, il y a des cas particuliers
que vous ne voulez pas nommer et moi non plus, parce que je pourrais vous en
nommer, encore tout récemment, mais, de façon
générale, cela remonte à ces années- là.
M. Saint-Pierre: C'est selon les régions.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah oui. Quand vous
dîtes que pour l'aménagement forestier il devrait y avoir un seul
maître d'oeuvre, soit le ministère, j'aimerais savoir pourquoi les
MRC vous chicotent tant que cela, parce que vous ne semblez pas vouloir les
reconnaître.
M. Saint-Pierre: C'est peut-être à cause de
mauvaises expériences. Dans la vie, il y a de bonnes et de mauvaises
expériences. Quant à moi, plus il y a d'intervenants en face d'un
utilisateur, plus les marges de manoeuvre de cet utilisateur et son
désir de produire, de rentabiliser et de participer à l'essor du
Québec sont entravés.
Dieu sait qu'au Québec on a des entraves; je ne commencerai pas
à nommer tous les ministères. Mais, M. le ministre, j'ai
déjà vu des chicanes entre des employés du
ministère de l'Environnement et ceux du ministère de
l'Énergie et des Ressources tandis que l'industrie avait les deux bras
croisés à côté puis qu'elle n'a pas dit un maudit
mot pendant deux heures de temps. Cela a été l'engueulade et
cela, à plusieurs reprises, puis les trois sont partts et il n'y a rien
eu de réglé. Ce que l'on préconise, c'est qu'il y ait un
interlocuteur valable. Quand on parle de gestion forestière, on parle du
ministère de l'Énergie et des Ressources et des Forêts.
C'est à lui de prendre les ententes avec les personnes et les
ministères concernés avant de donner l'accord à un
utilisateur. C'est dans ce sens-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, je vous
comprends.
Une voix: Nous aussi, on vous comprend.
M. Saint-Pierre: M. le ministre, je pense que vous me comprenez
très bien.
Le Président (M. Charbonneau): J'ai l'impression que tout
le monde se comprend ce soir.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je suis
parfaitement d'accord avec vous. On devrait favoriser et "prioriser" la
production d'une carte écologique de l'ensemble du Québec, de
façon qu'elle serve toutes les interventions sur le territoire:
aménagement forestier, grands travaux, construction de routes, etc.
J'étais d'accord avec vous. Je disais, cet après-midi, que je
souhaitais que l'on puisse trouver la façon de produire cette carte
écologique de façon uniforme pour que tout le monde se
reconnaisse et n'ait pas besoin d'interpréter et de courir pour savoir
qui est
l'auteur de la carte.
En terminant, je voudrais vous remercier et vous dire que je suis
très heureux de vous voir avec vos collègues ce soir. D'accord,
je cède la parole à quelqu'un d'autre.
Le Président (M. Charbonneau): On vous a presque
coupé le sifflet, M. le ministre, vous étiez bien parti. M. le
député de La Peltrie.
M. Cannon: II reste quoi, quelques minutes, M. le
Président?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, oui.
M. Claveau: Trois, deux, un, zéro. (22 h 15)
M. Cannon: M. Saint-Pierre, très brièvement, je
demanderais au député d'Ungava, qui vient d'arriver, de prendre
son mal en patience et d'écouter un peu. Vous avez indiqué dans
votre mémoire que, sur le plan de la recherche, vous étiez d'avis
qu'il faudrait accentuer la recherche si le Québec veut demeurer
compétitif et conserver les marchés qu'il a su occuper
grâce à ses technologies et à la qualité de son
bois. Vous avez donc préconisé la création d'un organisme
de coordination de la recherche.
Cet après-midi, nous avons rencontré les gens de
l'Université du Québec qui ont proposé une espèce
d'organisme de coordination. J'aimerais que vous puissiez préciser
davantage le modèle. Comment voyez-vous ce comité ou cet
organisme de recherche? Tantôt, vous avez parlé de la recherche
appliquée et de la recherche fondamentale. J'aimerais que vous puissiez
préciser davantage. Comment voyez-vous cela, qui sont les intervenants
et comment cela se finance-t-il?
M. Saint-Pierre: C'est une grosse question que vous posez. Une
chose est certaine. La recherche doit se faire conjointement entre les
intervenants sous un coordinateur principal qui serait, selon moi, le
ministère des Forêts ou le ministère de l'Énergie et
des Ressources, section forêts, si on peut dire, à l'heure
actuelle. Les intervenants, tant du sciage que des papetières, du
déroulage, des panneaux agglomérés, etc., tout le monde,
autrement dit, aurait intérêt à aller dans ça.
L'objectif poursuivi serait l'utilisation maximale de la fibre en ce qui me
concerne.
On prend l'exemple du sciage. Qu'on pense seulement à ce qui se
fait dans d'autres pays où on encolle des bois pour faire des dimensions
régulières, bois qui sont vendus presque au même prix
économique que nous les vendons ici. Ce genre de choses permettrait de
réduire le volume de copeaux, de prendre moins de matières
premières, donc de garder un certain équilibre de notre potentiel
forestier. Une chose est certaine, il faut un maître d'oeuvre. Le
maître d'oeuvre que je vois dans tout ça, c'est le
ministère de l'Énergie et des Ressources qu'on doit
préconiser comme étant le parrain dans ça.
J'ai reçu un message, M. le député, excusez-moi. Le
but ultime, que le gouvernement soit le maître d'oeuvre dans ça,
c'est qu'avec les intervenants en cause il ne faut pas écarteler les
efforts. Il ne faut pas écarteler les recherches. Malheureusement,
ça s'est fait un peu dans le passé.
Il y a eu des études similaires qui sont restées sur les
tablettes, et les gens recommencent les mêmes recherches dans une autre
région dans un autre domaine donné. C'est tout ça qu'il
faut éviter. Il faut éviter les dédoublements. Il faut
concentrer ce qui est vraiment recherche appliquée et ce qui est
recherche pure. Il y a des chercheurs d'université qui sont prêts
à aller de l'avant. Qu'ils fassent de la recherche pure; ce n'est pas
ça qui manque. Il y a de la recherche appliquée; il y a de la
recherche qui doit vraiment se faire sur le terrain même, en application
sur le terrain ou dans les usines. Donc, ça devient de la recherche
appliquée.
C'est tout un paquet de monde, et c'est de rationaliser ces
activités et d'uniformiser la recherche au Québec ou à
Sainte-Foy.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si j'ai compris,
M. Saint-Pierre, vous me dites brièvement qu'il nous faut effectivement
orienter notre approche face au développement technologique en fonction
des besoins industriels, en tenant compte des avantages comparatifs de nos
compétiteurs étrangers. En gros, c'est ça.
M. Saint-Pierre: Exactement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord.
Merci.
M. Saint-Pierre: On n'a pas beaucoup de temps devant nous, M. le
député. L'heure de la forêt, en ce qui concerne certaines
régions du Québec, au moins trois régions que je connais
actuellement - j'ai fait le tour de la province quatre à cinq fois, je
connais l'industrie partout, tant celle du sciage que celle des pâtes et
papiers - je vais vous dire une chose, il y a des places où les
lumières rouges sont allumées depuis longtemps. On devrait
réagir immédiatement et ne pas attendre six mois ou un an. Il est
déjà trop tard.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. M.
Saint-Pierre, j'aimerais reprendre une remarque que vous venez de faire
concernant la recherche appliquée, qu'elle devrait se faire en
régions. Je souscris parfaitement à votre affirmation. Cela veut
dire que vous souscrivez également à l'idée des gens qui
vivent de la forêt qui demeurent en régions pour que la recherche
se fasse chez eux et qu'ils puissent en vivre et que, finalement, l'expertise
leur soit plus accessible en régions.
M. Saint-Pierre: Si vous parlez de recherche appliquée, je
suis en partie d'accord avec vous. Si vous parlez de recherche pure, je suis en
grosse partie en désaccord, à moins que par régions vous
vouliez parler de Trois-Rivières ou Québec; par rapport à
Montréal, nous sommes en régions. Mais si vous parlez de
l'Abitibi ou si vous parlez du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou de la
Côte-Nord, pour moi, malheureusement, la recherche pure dans ça,
je la vois très difficilement.
Par contre, une chose qu'il faut respecter, c'est l'écologie des
peuplements dans ces coins, les types de sols, les types de forêts qui
ont leurs caractéristiques propres et qu'il faut respecter. Donc, la
recherche appliquée doit se faire dans le domaine du possible dans le
milieu. Je suis d'accord avec vous de ce côté-là.
M. Paradis (Matapédia): Cela veut dire que vous seriez
pratiquement favorable comme organisme, si le gouvernement appuie jamais la
recherche appliquée, à ce que cela se fasse plutôt en
régions où il y a des boisés disponibles.
M. Saint-Pierre: Pour votre information, M. le
député, nous faisons déjà de la recherche
appliquée en régions. Nous avons sept collèges, à
partir de celui de Gaspé, auquel appartient M. Papillon qui est ici
présent, jusqu'à celui de Noranda, dont un représentant
est présent également, en passant par Saint-Félicien,
Chicoutimi, Rimouski, Hauterive, John Abbott - je peux vous les nommer tous -
qui font partie de notre organisme. Il y a eu des projets tout au cours du
printemps, de l'été et même actuellement, dans ces
régions, par ces collèges dont des gens sont mandatés pour
aller sur le terrain faire de la recherche.
M. Paradis (Matapédia): Mais le siège social reste
à Sainte-Foy?
M. Saint-Pierre: Oui, il reste à Sainte-Foy. Cela prend de
la coordination. Cela prend quelque chose comme le fameux comité de
coordination provincial. En fait, c'est le même principe.
Le Président (M. Charbonneao): Cela va? À ce
stade-ci, je pense qu'il nous reste à demander au critique de
l'Opposition et au ministre s'ils ont des remerciements à faire...
Écoutez, on ne fera pas de diversion à ce moment-ci, si vous le
voulez bien. Je voudrais donc demander à mes collègues de
remercier nos invités. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les représentants de l'organisme pour les réponses aux questions
que nous leur avons posées. Encore une fois, en ce qui concerne les
membres de l'Opposition, vous pouvez être assurés que nous allons
revoir votre mémoire parce que ce n'est pas dans le court laps de temps
que nous avons eu que l'on peut en prendre connaissance, en discuter et faire
une certaine recherche en rapport avec ce qui est écrit dans ce
mémoire. Je peux vous dire qu'une grande partie de votre mémoire
va nous servir dans l'Opposition, comme Québécois, pour faire
certaines recommandations positives au ministre délégué
aux Forêts, qui a aujourd'hui la responsabilité de l'avant-projet
de loi et qui aura éventuellement la responsabilité d'en faire un
projet de loi final.
Puisque je vous ai remercié, je vous félicite de votre
travail et, quant â nous, nous espérons que vous continuerez
à le faire, comme vous le dites si bien, surtout dans le domaine de la
recherche appliquée et que vous allez continuer à aider les
industries en tant que représentants de votre organisme. Merci
beaucoup.
M. Saint-Pierre: Merci, M. le député.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je reconnais dans
votre groupe des personnes qui ont une conscience sociale
développée et qui ont le souci du bien-être de leurs
concitoyens ainsi que de leur qualité de vie. Je reconnais
particulièrement chez vous, M. Saint-Pierre, cette grande qualité
d'efficacité, de précision, de souci de l'efficacité.
Quant vous mentionnez qu'il y a des endroits qu'il faut entretenir, qu'il faut
aménager et où il faut prendre les moyens les plus
économiques pour arriver à nos fins, c'est dans un souci
d'efficacité que j'ai connu et que je reconnais encore aujourd'hui avec
beaucoup de plaisir.
Je vous félicite pour votre travail. Je vous félicite pour
votre mémoire. Soyez assuré que le ministère et
moi-même tiendrons compte des recommandations contenues dans votre
mémoire, ceci pour le plus grand intérêt du prochain projet
de loi et de la collectivité québécoise. Je vous
remercie.
Le Président (M. Charbonneau):
Messieurs, merci beaucoup. Bonne fin de soirée et bon retour.
Mesdames, messieurs, ceci termine notre horaire de travail
d'aujourd'hui, notre calendrier de travail, devrais-je dire. Je voudrais vous
indiquer l'ordre du jour de demain. À 10 heures, nous entendrons le
Grand conseil des Cris du Québec; à 11 h 30, la Conférence
des coopératives forestières du Québec; à 15
heures, l'Association des biologistes du Québec; à 16 heures,
l'Association des pourvoyeurs du Québec; finalement, à 17 heures,
la Fédération des sociétés de conservation du
Québec.
Sur ce, les travaux de la commission de l'économie et du travail
sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 25)