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(Dix heures quarante-six minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend
ses travaux sur le mandat qui lui a été donné et qui se
lit comme suit: Étude des effets de la politique
énergétique sur le développement économique.
Aujourd'hui, nous entendrons les représentants
d'Hydro-Québec, de l'Association québécoise des
consommateurs industriels d'électricité, de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec, de l'Association
des manufacturiers d'équipement électrique et électronique
du Canada, de la Ligue d'électricité du Québec et,
finalement, ceux de l'Association des distributeurs de gaz propane de la
province de Québec Inc.
Les membres de la commission sont: MM. Tremblay (Chambly), Duhaime
(Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau),
Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac),
Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).
Puisque que nous poursuivons des audiences, nous allons passer
immédiatement à Hydro-Québec. Je donne la parole aux
représentants d'Hydro-Québec et leur demande de bien vouloir
s'identifier.
Auditions Hydro-Québec
M. Bourbeau (Joseph): Joseph Bourbeau, président du
conseil d'administration d'Hydro-Québec. J'ai, à ma droite, M.
Guy Coulombe, président-directeur général
d'Hydro-Québec.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, avant de répondre à vos questions sur le
mémoire que nous avons déposé il y a quelques mois,
permettez-moi de résumer les propos que nous y tenions et de souligner
certains éléments de contexte qui se sont confirmés depuis
le mois de mars dernier.
La société Hydro-Québec participe au
développement économique du Québec de quatre façons
principales et fort distinctes. En premier lieu, elle est un agent
économique fournisseur d'un service au Québec,
l'électricité, dont les tarifs et les conditions de fourniture
ont des effets importants sur les secteurs commercial et industriel. En
deuxième lieu, elle est un agent économique qui, pour s'acquitter
de sa mission première, devient un entrepreneur dont les
opérations et les investissements affectent directement des milliers
d'employés, de fournisseurs de biens et de services au Québec. En
troisième lieu, elle est un agent économique comme promoteur
important de travaux de recherche et de développement technologique.
Enfin, en dernier lieu, c'est un agent économique qui, au cours des
dernières années, a exporté son produit à
l'extérieur du Québec en quantités de plus en plus
grandes. La vente d'électricité aux États-Unis nous
procure des devises américaines très utiles dans nos
opérations financières.
Notre action économique comme fournisseur d'énergie est
dominée par deux éléments de contexte
particulièrement contraignants. Le premier est que les ressources
humaines et matérielles dont dispose l'entreprise actuellement sont plus
larges que les besoins. Cette situation vous a été exposée
l'automne dernier et notre mémoire en fait état.
Dans quelques semaines, nous reviendrons devant vous pour discuter le
plan de développement de 1984-1986, horizon 1993; nous y
prévoyons que la demande à long terme sera plus faible encore que
celle que nous anticipions l'an dernier. C'est donc dire que les surplus
prévus seront encore plus importants. Si nos prévisions sont
justes et que le volume de nos ventes des prochaines années est revu
à la baisse, il nous faut donc abaisser nos frais d'exploitation et
d'investissement, à moins de voir le prix de l'électricité
grimper très rapidement, ce qui viendrait freiner les ventes.
Cette considération nous mène au deuxième
élément de contexte que nous devons considérer, soit la
concurrence sérieuse que nous livrent les fournisseurs de gaz naturel et
d'huile. En effet, il est prévu que les prix du gaz livré aux
distributeurs et ceux du pétrole brut restent relativement stables au
cours des prochaines années. Toutes les catégories de
consommateurs sont attentives aux prix et Hydro-Québec doit pouvoir
offrir des tarifs compétitifs pour accroître sa part du
marché, c'est-à-dire, répétons-le, contrôler
ses coûts et augmenter sa productivité. Notre mémoire
expose les programmes spéciaux que nous développons
pour nos clients québécois dans le but qu'ils profitent
des équipements déjà installés. Ces programmes sont
ouverts à ceux qui investissent dans la modernisation de leurs appareils
ou qui augmentent leur capacité de production. Les retombées
économiques des dépenses privées reliées à
nos programmes de ventes sont en elles-mêmes considérables.
À côté de cela, nous avons entrepris une campagne de
commercialisation intensive auprès des marchés américains
et canadiens de façon à tirer des revenus de nos surplus et
à soulager de la sorte nos abonnés québécois d'une
partie de nos coûts fixes.
Comme entrepreneur, Hydro-Québec est aussi un levier
économique important. Par sa taille propre d'abord que l'on peut mesurer
en évoquant les 19 000 employés de la société
disséminés sur le territoire ou les dépenses
d'exploitation qui atteignent cette année 1 700 000 000 $. L'entreprise
se distingue aussi par l'ampleur de ses immobilisations. C'est le seul agent
économique du Québec qui dépense de l'argent pour explorer
la ressource hydroélectrique, la produire, la transporter et la
distribuer. Toutes les autres formes d'énergie engendrent des
dépenses d'exploration et de production en dehors du Québec.
À ce propos, l'évolution de la demande globale d'énergie
et la concurrence du gaz font que nos investissements dans les
équipements de production chutent à partir de l'an prochain,
ainsi que nous l'avons annoncé à cette commission l'automne
dernier. Les efforts d'investissements se déplacent maintenant vers le
transport, la distribution et la technologie, ce qui, de fait, stabilise les
investissements totaux. De plus, les programmes d'économie
d'énergie d'Hydro-Québec ont d'importants effets sur les
investissements que sont appelés à faire nos clients domestiques.
L'entreprise continue, de plus, son effort massif dans la recherche, le
développement et la démonstration. Le document de travail
préparé à l'intention des intervenants à cette
commission mentionne plusieurs de nos axes de recherche. L'institution au sein
de la direction supérieure de l'entreprise d'un groupe de technologie et
affaires internationales est un signe évident de nos priorités.
Les activités de notre institut de recherche, l'IREQ, qui jusqu'ici
étaient centrées sur les besoins technologiques propres de
l'entreprise en transport et production de l'électricité, font
maintenant bonne place aux technologies d'utilisation de
l'électricité, c'est-à-dire aux besoins technologiques de
nos clients.
Enfin, il y a de nombreuses années, l'entreprise a
développé un système d'interconnexion avec les provinces
voisines et, plus récemment, avec les États américains
limitrophes. Nous voulons intensifier, si besoin il y a, ces avenues de ventes
quitte à revoir notre programme de construction en temps et lieu.
L'entreprise est donc bien préparée pour assurer que, dans
les années qui viennent, l'énergie d'ici joue le rôle
important qu'elle a eu dans l'économie du Québec depuis le
début du siècle. Nous croyons toujours que la ressource
électrique est le meilleur levier dont dispose le Québec pour
assurer l'avenir sur le plan énergétique et économique.
Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre
à vos question.
Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Bourbeau. Je voudrais, au départ,
vous remercier pour le mémoire que vous avez soumis à la
commission. Ce matin, je pense que vous l'avez résumé, sinon
effleuré. Je voudrais vous dire, cependant, qu'au ministère de
l'Énergie on l'a lu, relu et analysé avec une grande
attention.
Vous avez parlé d'un scénario de la croissance de la
demande qui serait en diminution par rapport - j'entends la croissance de la
demande hydroélectrique, bien sûr - à ce
qu'Hydro-Québec avait évalué dans l'un de ses
scénarios l'automne dernier, lors de l'étude de la proposition
tarifaire pour l'année 1983. Est-ce que vous pourriez nous en dire
davantage pour ce qui est essentiellement de la croissance de la demande? Je
sais que vous n'avez pu suivre tous les travaux depuis le début de cette
commission, mais nous avons entendu différents experts qui nous ont
d'abord établi à 0,7 la différence entre la croissance du
PIB et la croissance de la demande d'énergie. Et, bien sûr, les
scénarios varient suivant les fluctuations des prix, principalement du
prix international du pétrole. Mais, pour autant qu'Hydro-Québec
est concernée, à court terme, c'est-à-dire sur l'horizon
de 1984-1985, quelle est la perspective de croissance que vous avez en
tête? Et, sur un horizon un peu plus lointain, comment faites-vous
l'extrapolation?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): L'automne dernier, lorsque nous sommes
venus ici en commission parlementaire pour la proposition tarifaire, le plan de
développement prévoyait une progression de la demande en
énergie de 0,7%. A l'intérieur de cette demande se situait
l'électricité et on croyait que la progression de la demande
d'électricité au Québec serait de 3,7% par année.
C'était de la demande à long terme; quand on disait 3,7%,
c'était sur un horizon, sur une plage de 15 ans.
Une voix: Jusqu'en 1998.
M. Bourbeau (Joseph): Oui. Nous avons, évidemment,
préparé un nouveau plan de développement et, à cet
effet, nous avons regardé la prévision de la demande. De fait, la
prévision de la demande a chuté et je crois qu'un des indices qui
nous ont incités à faire des révisions a été
les ventes faites par Hydro-Québec l'an dernier. Nous n'avons pas eu,
l'an dernier, une progression positive des ventes, mais plutôt une
progression négative. C'est la première fois qu'on avait une
progression négative. Nous avons terminé l'année avec
2,6%, je crois. Cela fait que nos prévisions à long terme sont
baissées maintenant et, si on prend la prévision à partir
de 1983 jusqu'à l'an 2001, on aura quelque chose qui tournera autour de
3,3% peut-être.
C'est une partie de la réponse, je pense, à la question du
ministre, parce qu'il se demandait aussi ce qui était pour arriver
à court terme. On a un phénomène un peu différent
à court terme. Vu que la demande, les deux dernières
années, a été très basse, on croit qu'en 1984 la
progression sera d'au-delà de 12%. Et, en 1985, M. Coulombe?
M. Coulombe (Guy): Une demande totale de 8% à 9%.
M. Bourbeau (Joseph): Elle sera de 8% à 9%. La progression
de la demande en 1984, sur 1983, serait d'au-delà de 12%; je pense que
c'est 12,6%. Et, en 1985, sur 1984, on est entre 8% et 9%. À très
court terme, vu qu'on a passé des années où cela a
été très bas, on a un rattrapage qui se fait. Mais,
à long terme, on voit que la progression de la demande est encore un peu
plus basse que ce qu'on voyait l'an dernier. (11 heures)
M. Duhaime: Je voudrais simplement être certain d'avoir
bien saisi. Il y a peut-être une nuance. Vous dites que, pour 1984, vous
avez un scénario de croissance de la demande de l'ordre de 12%. Ce sont
les ventes d'Hydro-Québec, si je comprends bien.
M. Coulombe: M. Bourbeau a parfaitement raison de dire 12,5% en
1984. Notre hypothèse, c'est pour les ventes totales
d'Hydro-Québec. À l'intérieur de ces 12,5%, pour les
ventes régulières, c'est-à-dire celles basées sur
le mémoire tarifaire ou, enfin, les clients réguliers
d'Hydro-Québec, on prévoit aussi une forte croissance et,
à l'intérieur de ces 12,5%, on la situe à au-delà
de 4% pour l'an prochain. C'est pour les ventes régulières.
Maintenant, comme on a beaucoup de programmes spéciaux de ventes,
notre hypothèse, c'est que les ventes totales vont grimper à
12,5%.
M. Duhaime: Cela inclut l'exportation.
M. Coulombe: Alors, il faut faire une distinction. Les ventes
régulières, l'an passé, comme M. Bourbeau l'a dit,
étaient à quelque -2%. En 1984, on prévoit qu'elles vont
atteindre au-delà de 4% et vont s'ajouter les effets des programmes
spéciaux qu'on met sur pied pour faire une croissance des ventes totales
de kilowatts de l'ordre de 12%.
M. Duhaime: Est-ce que cela inclut l'ensemble des ventes à
l'exportation?
M. Coulombe: Cela inclut toutes les ventes de kilowatts
d'Hydro-Québec.
M. Duhaime: Dans les programmes spéciaux, M. Bourbeau -
vous l'avez évoqué ce matin et c'est un peu plus
détaillé dans le mémoire - il y a actuellement trois
programmes qui ont été lancés par HydroQuébec. Il y
a le programme des chaudières industrielles, le programme
biénergie et, depuis juin ou juillet dernier, une nouvelle offre faite
à tous les secteurs de l'industrie qui augmentent leur consommation de
10%, axée sur l'investissement, le développement, la
création d'emplois. Ce programme, c'est 50% en rabais pour 1983;
ensuite, cela va en décroissant jusqu'à 10% et, à
l'horizon du 1er janvier 1990, l'entreprise qui a
bénéficié de ce programme spécial revient au tarif
grande puissance ou, le cas échéant, à son tarif qui
serait en vigueur au 1er janvier 1990. Vous avez ajouté un effort de
commercialisation accru sur le marché domestique de même
qu'à l'étranger. Est-ce que vous pourriez nous dire,
sommairement, si les objectifs de l'ensemble de cette problématique sont
atteints? C'est un secret de polichinelle depuis quelques années
qu'à Hydro-Québec nous avons de l'énergie en
disponibilité, comme on dit dans d'autres coins du monde. Ici, on
appelle cela des surplus. Mais quel est l'impact de ces programmes sur
l'écoulement des surplus d'Hydro-Québec?
M. Bourbeau (Joseph): M. Coulombe va vous répondre.
M. Coulombe: Le premier programme, celui des chaudières
industrielles, on peut dire qu'il a été un immense succès
et on prévoit, dans les quatre prochaines années, augmenter les
ventes à environ sept térawattheures, 7 000 000 000 de
kilowattheures, qui sont carrément une diminution de l'énergie en
disponibilité ou des surplus. Donc, on peut qualifier ce programme d'un
grand succès. Actuellement, on doit être autour de 1300
mégawatts, l'équivalent des ventes de 1300 mégawatts,
alors que l'objectif initial qui a été modifié
par la suite était de l'ordre de 800 mégawatts. Donc, de
ce côté-là, incontestablement, c'est un grand
succès.
Concernant le deuxième programme, le programme biénergie
domestique, notre objectif était de 28 000 ou 30 000 logements en 1983.
On l'a modifié pour un objectif de 50 000 logements. L'objectif global
était de 76 000 ou 78 000 logements et on l'a modifié pour 100
000 logements. Donc, c'est un succès pour ce programme.
Le troisième programme, les rabais tarifaires, évidemment,
il a été lancé aux mois de juin et juillet.
L'été n'est pas la saison la plus propice pour faire des
rencontres et conclure des ententes avec l'industrie. Cela commence à
prendre forme. On a beaucoup de demandes. Mais il est encore trop tôt
pour dire si cela va avoir le succès comparable aux deux autres
programmes. On prévoit qu'en janvier, février ou mars, on va
savoir si le programme prend de l'ampleur. On a beaucoup de demandes à
l'heure actuelle; c'est tout ce que je peux dire.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Pour ce qui est du programme biénergie qui,
pour l'instant, s'applique au domestique, est-ce qu'il y a des scénarios
pour l'étendre à d'autres segments des clientèles
d'Hydro-Québec?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: On travaille, actuellement, sérieusement sur
le programme biénergie au niveau multifamilial et au niveau
institutionnel, ainsi qu'aux niveaux industriel et commercial. Il y a des
esquisses de programmes à l'heure actuelle. On espère, d'ici
à la fin de l'année, être capables de mettre sur pied un ou
deux de ces programmes qui seraient basés sur la même philosophie
que le programme biénergie. Mais on rencontre certaines
difficultés opérationnelles au moment où on se parle. On
essaie de passer à travers. Notre objectif, c'est de mettre sur pied au
moins deux autres programmes d'ici à quelques mois.
M. Duhaime: Maintenant, je vais peut-être aller au-devant
d'un des dossiers que chérit en particulier mon collègue
d'Outremont: je voudrais vous parler du gaz naturel. Comment percevez-vous la
concurrence du gaz naturel actuellement au Québec du point de vue
d'Hydro-Québec?
M. Coulombe: Je pense que la venue d'un concurrent, si on se
place au strict plan d'Hydro-Québec, peut avoir un effet
bénéfique sur Hydro-Québec en ce sens de sortir
Hydro-Québec d'une situation où elle était, je ne dirais
pas en monopole, mais presque. Je pense que la venue d'un concurrent
réveille et fouette les énergies à l'intérieur. La
preuve, c'est que les programmes dont je viens de parler ont été
bâtis, exécutés et ont eu un grand succès dans les
deux dernières années. C'est là l'aspect,
évidemment, positif interne. Si on se place au niveau du consommateur,
je pense que c'est une excellente chose si la concurrence peut jouer
carrément. Je pense que cela va être une excellente chose pour le
consommateur. Il va avoir, premièrement, des choix. Deuxièmement,
il pourra profiter inévitablement des efforts d'imagination que chacun
des distributeurs d'énergie pourrait avoir.
Globalement parlant, lorsque les trois formes d'énergie sont en
surplus, c'est évident que cela pose des problèmes très
sérieux d'harmonisation ou de concurrence. En pleine période
où la croissance était de 6%, 7% ou 8%, c'est évident
qu'il manquait de place parce que l'énergie croissait à un rythme
très rapide. À l'époque où il y a une diminution de
la demande totale et non pas seulement de l'électricité, c'est
évident que les jeux deviennent plus serrés. Il y a des aspects
positifs, il y a des effets négatifs. Si on se place du
câté du consommateur, c'est un aspect; du côté des
distributeurs, c'est un autre aspect. Somme toute, je pense que c'est
inévitable qu'il y ait des avantages pour le consommateur, qui,
finalement, est le dernier juge, à avoir des sources d'énergie
différentes.
En ce qui nous concerne, on a l'intention de multiplier les programmes.
On a l'intention de mettre en valeur le produit électricité parce
qu'on pense qu'il a des avantage intrinsèques. Indépendamment du
fait, comme M. Bourbeau le disait dans son introduction, que l'ensemble de la
chaîne de production est faite au Québec, on pense qu'en soi il y
a des avantages. On va essayer de vendre le produit sur la base de ses
avantages, de la même façon, je suppose, que le gaz et le
pétrole vendent leur produit sur la base de ses avantages
intrinsèques.
M. Duhaime: II faudrait peut-être que vous nous disiez
exactement ce que vous avez en tête lorsque vous dites: Pour autant que
la concurrence joue pleinement. Depuis le début de cette commission,
plusieurs associations et intervenants ont fait valoir -cela semblait assez
clair, c'est la perception que j'en ai - que la déréglementation
du prix du gaz naturel, par exemple, serait souhaitable. Bien sûr, c'est
une décision qui appartient au palier fédéral. Mais, si le
gaz naturel était déréglementé, à peu
près tout le monde s'entend pour dire que les prix seraient à la
baisse. Est-ce qu'Hydro-Québec a examiné ce scénario? Cela
va être le
premier volet. Deuxième volet, je voudrais que vous nous parliez
de la présence encore très importante au Québec des
importations de mazout lourd qui, j'imagine, doit entrer en concurrence avec le
programme d'Hydro-Québec quant aux chaudières industrielles.
Troisième élément: récemment, les compagnies
pétrolières ont réagi à l'action je ne dirais pas
combinée ni conjointe, mais simultanée, aux offensives de
marketing d'Hydro-Québec et des deux compagnies de distribution de gaz.
Quelle est votre évaluation par rapport à la réaction des
compagnies pétrolières sur vos marchés? Comment la
concurrence se déroule-t-elle?
M. Coulombe: En ce qui concerne le mazout lourd, si on regarde le
programme des chaudières industrielles, il est évident qu'on
s'est placé sur une base très concurrentielle parce qu'on est en
période de surplus. Les résultats du programme prouvent qu'il y a
eu un déplacement important de mazout lourd. De ce côté, je
pense que les efforts qu'on a faits ont respecté l'objectif de tout le
monde, c'est-à-dire de diminuer l'importation de mazout lourd.
Quant à la réaction des compagnies
pétrolières concernant le mazout no 2, l'huile à
chauffage, c'est un exemple clair des résultats d'une concurrence
très vive et, leurs mécanismes de réaction au
marché étant plus rapides à cause de leur structure
interne, leur structure corporative étant plus rapide, elles ont
réagi très rapidement dans le marché de l'huile à
chauffage et baissé leur prix dans plusieurs cas. La vitesse de
réaction du gaz, je ne la connais pas très bien, mais la vitesse
de réaction d'Hydro-Québec prend toujours un peu plus de temps
à cause des mécanismes dans lesquels Hydro-Québec est
impliquée. C'est pour cela que je vous ai dit tantôt qu'on avait
l'intention de réagir avec des programmes spécifiques qui s'en
viennent et qui sont à l'état d'élaboration. Or, il est
évident que la réaction des compagnies pétrolières
de baisser le prix de l'huile à chauffage dans certains secteurs change
un peu les données du problème. Cela va être à
Hydro-Québec de réagir, en tenant compte de ces données du
problème.
Quant au problème plus général de la concurrence,
il est évident que c'est un mot qui reste ambigu un peu dans la mesure
où les trois formes d'énergie sont presque
contrôlées, d'une certaine façon, par les différents
niveaux de gouvernement, fédéral ou provincial. Elles sont
presque contrôlées, sous différentes formes, par des
ententes entre le gouvernement fédéral et certaines provinces,
par des prix d'introduction, par exemple, pour le gaz au Québec, dans
l'Est du Canada. Ce sont des prix d'introduction. Combien de temps vont-ils
demeurer à ces niveaux? Je crois que personne ne le sait.
Ce qui nous fait regarder l'avenir avec optimisme, c'est qu'on est
convaincu qu'à moyen terme, une fois les périodes d'introduction
terminées, Hydro-Québec va se retrouver dans une situation encore
plus concurrentielle aujourd'hui, grâce à la structure de ses
équipements qui vont continuer à produire de façon
continue avec une matière première relativement
intéressante.
Alors, à moyen terme, on n'est pas très inquiet de ce
phénomène de disparité des prix, qu'il soit
contrôlé ou non. On pense que l'électricité,
à moyen et à long termes, va être capable de soutenir la
concurrence des autres formes d'énergie, qu'elle soit plus ou moins
contrôlée qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): J'aimerais rajouter quelques mots sur cela.
Non seulement il y a des surplus d'électricité, mais on
s'aperçoit que les autres formes d'énergie ont des surplus aussi,
en mazout lourd et en gaz. On se retrouve dans une période de
concurrence assez vive. Lorsqu'on vend de l'énergie excédentaire,
c'est de l'eau qui passe par-dessus nos barrages et elle a un prix assez bas.
C'est de cette façon qu'on est capables d'arriver à imposer une
concurrence aux autres formes d'énergie. Lorsqu'on parie
d'énergie ferme, que ce soit le gaz, le pétrole ou
l'électricité, on a d'autres prix de repère et la
concurrence se fait sous d'autres formes. (11 h 15)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais maintenant toucher à un autre
aspect, à un des sous-thèmes de cette commission, vous l'abordez
également dans votre propre mémoire, c'est la question de la
recherche et du développement et les nouvelles applications
industrielles de l'électricité. Votre mémoire identifie,
entre autres, l'hydrogène, la robotique et le plasma. Est-ce qu'il y a,
à Hydro-Québec, dans l'un ou l'autre de ces secteurs, des projets
qui sont à l'étude ou sur le point de se concrétiser?
Est-ce que ce n'est pas vers cette orientation qu'Hydro-Québec devrait
diriger son effort à partir de ce qu'on vient de dire sur l'état
des disponibilités hydroélectriques à
HydroQuébec?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Dans les trois secteurs que vous avez
mentionnés, je demanderais à M. Gilsig, qui est
vice-président à la recherche à Hydro-Québec, de
répondre. Mais
je voudrais dire un mot. Dans le cas de l'hydrogène, nous sommes
à la veille de prendre une décision finale sur
l'établissement d'une usine au Québec. Les derniers travaux sont
en train de se terminer et on est à la veille d'une décision. Je
ne sais pas de quelle nature sera la décision, mais c'est certainement
dans peu de temps que le dossier va évoluer vers une
concrétisation ou non, mais il va évoluer vers une position
finale de l'entreprise.
Quant aux autres efforts de recherche, je pense que M. Gilsig pourra
poursuivre.
Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.
M. Gilsig (Toby): Merci. Effectivement, nous avons
réévalué nos orientations durant les dernières
années et les derniers mois face aux nouvelles priorités de
l'entreprise. Nous mettons de plus en plus d'efforts dans les domaines qui
vont, d'une part, appuyer l'entreprise dans ses ventes
d'électricité surtout à moyen et à long termes
parce qu'on peut difficilement avoir un impact à très court terme
par la recherche et, d'autre part, par les nouvelles technologies qui,
auxquelles nous le pensons, serviront de fer de lance à l'entreprise
pour évaluer la prochaine décennie et même
après.
Pour prendre deux domaines que vous avez mentionnés: dans la
robotique, nous avons un programme en cours qui est maintenant avancé
après 18 mois de travail et par lequel nous avons
développé, je pense, une niche un peu inusitée sur le plan
mondial. Nous avons appliqué la robotique pour la réparation des
turbines hydroélectriques, ce qui est un travail très
néfaste pour les ouvriers et très coûteux parce qu'il faut
prendre des groupes hors service etc. Cela nous a amenés à
développer les outils, les technologies, le logiciel qui peuvent
très bien être appliqués dans d'autres circonstances
où il faut qu'on applique la robotique pas à une chaîne de
montage, mais à des formes qui ne sont pas connues. Donc, c'est une
forme que le robot doit apprendre avant de travailler là-dessus.
Nos premières expériences avec l'exploitant,
c'est-à-dire dans le champ, vont débuter cet automne. Nous avons
des fabricants de l'extérieur qui sont très
intéressés à poursuivre la commercialisation et le
développement de la robotique avec nous pour cette application. Nous
avons déjà, en marche, la définition d'un programme pour
l'application de la robotique à l'entretien des lignes de distribution,
encore une niche qui n'est pas occupée pour l'instant. Nous sommes en
discussion avec des fabricants qui sont à la fine pointe de la
technologie au Québec pour le développement de robots par
l'industrie privée, une autre spécification; nous prendrons en
charge l'informatique et les outils spécialisés pour l'entretien,
quoique pour ces outils, on va peut-être s'adjoindre un
spécialiste en entretien des lignes de distribution pour travailler avec
nous. Donc, tout le domaine de la robotique est vraiment un domaine de l'avenir
sur lequel on met de plus en plus d'efforts.
Le domaine des plasmas nous intéresse sur plusieurs plans. D'une
part, comme nous l'avons mentionné, je pense, dans le document qui est
devant vous, nous avons conclu une entente avec l'entreprise Noranda pour
acquérir la technologie des plasmas qui a été
développée par cette société. La technologie des
plasmas promet plusieurs applications dans le domaine des
procédés liés aux ressources primaires des industries
québécoises, la sidérurgie, l'amiante, les cimenteries
etc.
Nous travaillons sur plusieurs fronts. Nous poursuivons la recherche sur
la technologie qui maintenant est la nôtre. Nous avons aussi des
études très avancées qui visent - comme nous l'avons
promis dans le document - à l'installation des essais pilotes, des
démonstrations chez les utilisateurs, probablement en 1984. Ces
études sont très avancées. On poursuit pour ces
installations une stratégie de viser au plus tôt les installations
pilotes et de poursuivre la recherche en parallèle pour assurer l'impact
le plus hâtif pour l'industrie québécoise, et,
évidemment, pour l'entreprise. Merci.
M. Duhaime: Au sujet des dossiers de recherche et de
développement, je voudrais aborder la question du nucléaire. Les
journaux des jours récents nous confirmaient que la centrale Gentilly 2
fonctionnait maintenant sur une base régulière. Je crois qu'elle
était intégrée au réseau d'Hydro-Québec et
en pleine production. Tout le monde est au fait que nous avons opté pour
un moratoire, qu'il y a eu des indications de données qu'il y aurait une
reconversion des équipes d'Hydro-Québec qui oeuvraient dans le
secteur de la fission pour aller davantage vers la fusion et, bien sûr,
maintenir toute l'expertise technique et d'ingénierie aux fins
d'exploitation de Gentilly 2.
Il y a plusieurs idées qui ont été mises sur la
table depuis le début des travaux de notre commission. Entre autres,
nous avons reçu un mémoire impressionnant, d'au-delà de
200 pages, d'Énergie atomique du Canada. On n'a pas pu avoir
d'informations très précises de M. Després et de ses
collaborateurs pour ce qui est de l'avenir de Gentilly 1, sauf qu'ils
étaient à la recherche d'un scénario quelconque et qu'il y
avait là-dessus des discussions avec Hydro-Québec.
Au sujet de l'usine de fabrication d'eau lourde à La Prade,
Énergie atomique nous a confirmé ici qu'il n'y avait pas de
démarrage à l'horizon et que les chances étaient que cette
construction reste en état. Pour ce qui
est du centre de recherche qui a été annoncé l'an
dernier par Énergie atomique du Canada, le volet, le créneau ou
le programme de recherche comme tel n'est pas encore identifié. Je vous
avoue que c'est un peu décevant de ce côté-là.
Je voudrais savoir si, du côté d'Hydro-Québec, il y
a des choses nouvelles du côté de la fusion. Je ne me souviens
pas, mais je crois que c'est un groupe de l'Université Concordia...
M. Fortier: C'est l'Alliance Tournesol et Canadian for...
M. Duhaime: L'agence Tournesol ou l'association Tournesol nous
proposait de reconvertir des équipes dans le secteur nucléaire
pour se spécialiser dans le démantèlement de centrales
nucléaires. Paraît-il qu'à l'horizon de l'an 2000 il y
aurait un marché de 25, 30 ou 40 centrales nucléaires un peu
partout dans le monde qui devraient être démentelées parce
que vétustes. J'avoue que sur le coup cela m'a amusé. Mais j'ai
eu l'occasion de rencontrer un collègue français
récemment. Les Français sont en train de mettre au point des
techniques de démantèlement.
M. Fortier: Vous ne m'avez pas cru, mais vous croyez les
Français.
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Duhaime: Je ne vous ai pas dit que je ne vous croyais pas.
J'ai dit que j'étais sceptique et je le suis encore ce matin. Je
voudrais savoir si à Hydro-Québec, pour ce qui est de ces
techniques de démantèlement de centrales, il y a quelque chose
qui est envisagé ou si bien modestement on va se contenter de mettre
Gentilly 2 en opération et laisser à d'autres cette
responsabilité. Qu'en est-il de l'état des équipes
affectées au nucléaire? Est-ce qu'elles sont reconverties vers la
fusion? J'aimerais avoir un peu d'explications là-dessus.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): La centrale ou le réacteur G 1
appartient à EACL. C'est à elle de prendre la décision
finale de ce qu'elle va faire avec G 1. On sait que c'est un réacteur
expérimental qui a fonctionné peu de temps et qui produit ou
produirait de l'électricité à un coût assez
élevé. Évidemment, nous sommes en pourparlers avec EACL,
mais la décision finale lui revient. Bien que la décision ne soit
pas prise actuellement, on a l'impression que le réacteur G 1 ne
fonctionnera pas sur une base commerciale. À la suite de nos discussions
avez EACL, il y a eu des propositions de conserver ce réacteur pour des
fins expérimentales, pour faire des démantèlements ou
d'autres essais. Ce serait une espèce de réacteur de
laboratoire.
Quant à G 2, c'est un réacteur qui appartient à
Hydro-Québec. Actuellement, il fonctionne à 100%; il a
été remis en marche et il doit fonctionner ainsi pendant quelques
mois et, ensuite, on procédera à des vérifications.
L'intention d'Hydro-Québec est que l'expertise en nucléaire se
retrouve avec l'exploitation du réacteur de G 2. On a des
employés en ingénierie nucléaire et notre intention est
que ces employés rejoignent les gens de l'exploitation. G 2 sera le
coeur de l'expertise nucléaire d'Hydro-Québec.
Quant à la fusion, je pourrais laisser M. Coulombe en dire
quelques mots ou encore M. Gilsig. Est-ce qu'on peut faire un transfert entre
certains de nos agents qui travaillent actuellement dans la fission et les
retrouver dans la fusion, puisqu'on a un Tokamak qui est en train de se monter
à l'institut de recherche?
Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.
M. Gilsig: Relativement au projet Tokamak, nous sommes en train
de discuter avec nos confrères du Conseil national de recherches du
Canada - qui le subventionne à 30% - de l'exploitation du centre en
fusion thermonucléaire. À cette étape, nous identifions la
main-d'oeuvre requise pour exploiter le centre. Ce seront certainement des
stratégies que nous explorerons: le recyclage du personnel
d'Hydro-Québec disponible et compétent avec la formation qui
s'impose pour travailler dans ce centre.
En ce qui concerne les autres questions qui touchent nos interrelations
avec EACL, nous discutons - nous sommes déjà très
avancés - d'une entente de partage des résultats de la recherche,
d'échange d'équipes, d'échange de personnel. EACL a un peu
le même problème de réorientation qu'Hydro-Québec.
EACL a des ressources en recherche qui peuvent nous être très
précieuses. Nous discutons donc avec ces experts des possibilités
de travailler ensemble dans le but de favoriser les retombées
économiques au Québec. Cela est une partie contractuelle de nos
discussions.
En ce qui concerne le centre de EACL au Québec, nous avons eu
beaucoup de discussions avec ses représentants, qui portaient sur
l'installation d'un centre autour d'un accélérateur qui s'appelle
ZEBRA Zero Energy. Je pensais et je pense encore que c'est toujours leur
intention d'instaurer ce centre au Québec. On a eu des discussions assez
poussées entre nos spécialistes.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Quelle serait votre appréciation - à
moins que ce ne soit trop tôt pour porter un jugement - quant au
développement de cette technologie de démantèlement et
à la problématique sur l'exportation, quand on tient compte du
miniparc nucléaire que nous avons au Québec en comparaison de
l'objectif que les Français ont en tête et qu'ils poursuivent avec
célérité, à savoir d'être à 70%
électronucléaire en 1990? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
penser que l'expertise dans ce secteur devrait se développer là
où il y a une concentration des installations
électronucléaires où on se retrouverait en concurrence
avec les Américains, les Français, les Allemands, possiblement
les Belges aussi? Est-ce qu'il y a eu des scénarios
évalués là-dessus ou si c'est trop tôt? (11 h
30)
Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.
M. Gilsig: Si on regarde l'historique d'Hydro-Québec dans
le nucléaire, le nucléaire n'a jamais été une
partie importante de nos programmes d'équipement en termes réels.
On a fait des projections des programmes importants il y a quelques
années et on s'est toujours basé sur l'expérience
accumulée par d'autres qui nous ont précédés de
plusieurs années dans ce domaine, EACL, les Américains,
effectivement les Français, etc.
Nos efforts dans la recherche ont porté durant quelques
années surtout sur les problèmes de soudure, les problèmes
de construction comme telle, parce qu'il y a beaucoup de métaux
exotiques qui sont utilisés. On a toujours une équipe modeste
dans le nucléaire. On construit actuellement des installations
très modestes et notre préoccupation première sera les
problèmes d'exploitation, les problèmes de contamination des
circuits, les problèmes d'entretien des systèmes coloporteurs,
etc.
Comme on le fait dans d'autres domaines, je pense qu'on devrait
collaborer avec EACL dans les programmes d'une envergure aussi vaste que cela.
Nous ne serons évidemment pas les premiers à faire face au
problème du démantèlement des centrales nucléaires
et nous ne serons pas les premiers à faire face à ce
problème de façon importante. L'Ontario, à cause de son
parc d'équipement et à cause de l'avance qu'il a sur nous au
Canada, sera certainement le premier à être
préoccupé, et c'est exactement le type de préoccupation
qu'on étudie habituellement avec EACL en contribuant à un
programme qui regroupe les utilisateurs du CANDU. Je pense que ce serait la
stratégie à adopter.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Sur le plan des marchés internationaux et du
potentiel d'exportation de cette technologie, est-ce qu'il y a eu des
évaluations qui ont été faites ou si cela semblerait plus
logique à première vue de laisser la place à d'autres
contrées du monde qui ont des installations beaucoup plus nombreuses,
donc beaucoup plus variées, et qui ont une expertise très
certainement beaucoup plus avancée que la nôtre dans ce
domaine?
M. Gilsig: Je pense qu'effectivement les Français et les
Américains ont une base technologique et ont des installations plus
importantes. EACL a certainement regardé ce problème. Nous avons
fait des études sommaires là-dessus il y a quelques
années, mais je pense que c'est un problème qui sera
affronté par les premiers à avoir à le régler.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: II me resterait deux derniers points à
aborder, M. le Président. Concernant d'abord les petites centrales, les
inventaires faits tant par Hydro-Québec qu'au ministère de
l'Énergie et des Ressources nous indiquent que nous avons un potentiel
qui n'est pas nécessairement maintenant économiquement
aménageable, mais qui pourrait le devenir au fil des années. Je
crois que le chiffre de 10 000 mégawatts a été
identifé comme étant un potentiel qui pourrait être mis en
valeur à partir de rivières de moins de 100 mégawatts.
Depuis plusieurs années, dans de grands travaux et, en
particulier, ceux de la rivière La Grande, avec la masse des
investissements et les quantités hydroélectriques qui viennent
s'ajouter mensuellement au réseau, Hydro-Québec a
développé une technologie enviable sur le plan international.
Mais qu'en est-il au sujet des petites centrales? Nous avons un potentiel qui
pourrait très certainement être mis en valeur à cet
égard. Je vais vous le dire comme je le crois: Je pense qu'on a beaucoup
plus de chances d'exporter une technologie de petites centrales à des
pays en voie de développement, à cause de leurs finances,
d'abord, et à cause de leurs besoins en énergie
hydroélectrique. Est-ce qu'il y a des scénarios qui sont en cours
d'évaluation ou qui sont prêts à Hydro-Québec dans
le dossier des petites centrales?
M. Bourbeau (Joseph): Au sujet des petites centrales, comme vous
le disiez, M. le ministre, dernièrement Hydro-Québec a fait des
mégaprojets, mais pour le futur on regarde beaucoup plus des projets non
pas de centrales de 2000, 3000 ou 5000 mégawatts, mais des centrales qui
auraient une puissance plus petite. Cela ne veut pas dire que ce
seront nécessairement des centrales de 100 mégawatts ou
moins. Je pense qu'entre les 100 mégawatts et peut-être les 1000
mégawatts, il y a une série de centrales qui pourraient
être construites et dont le coût serait assez bas. Lorsqu'on arrive
dans la petite centrale, ce que j'appellerais la minicentrale - celle dont vous
parlez, je crois -entre 1 mégawatt et 100 mégawatts, de fait il y
a un potentiel de 10 000 mégawatts et on a pu mettre le point sur
environ 5000 mégawatts de centrales dont la rentabilité nous
paraîtrait assez intéressante.
Je vous ferai remarquer que c'est encore une rentabilité,
vis-à-vis de centrales de 500 mégawatts, qui nous montre des
coûts qui sont assez élevés. Actuellement, nous avons des
projets pilotes qu'on va essayer de réaliser, mais nous nous retrouvons
dans des 3000 $ à 4000 $ le kilowatt au point de vue de l'installation,
comparé à ce que nous avions à 1000 $ le kilowatt.
Il y a beaucoup de petites centrales et nous sommes capables de les
inventorier. Cela peut être très intéressant parce qu'elles
sont disséminées sur le territoire. C'est beau, c'est petit, mais
c'est encore assez cher.
Je laisse de côté la microcentrale qui serait plus petite
qu'un mégawatt et qui pourrait être localisée sur un petit
ruisseau; je n'en parlerai pas pour l'instant. Je ne sais pas si M. Coulombe
pourrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Dans le plan de développement de l'an
passé, on avait dit que c'était une priorité
d'Hydro-Québec d'accélérer les études et c'est ce
qui s'est fait. Il y a deux axes principaux. Nous sommes presque à la
veille de prendre une décision sur un projet précis de petite
centrale. Un deuxième axe, c'est que nous sommes en discussion
très sérieuse avec des fabricants pour expérimenter
probablement un nouveau type de turbine pour des petits projets. Ce sont les
deux axes actuels.
Quant au projet, j'espère que, dans le cadre du plan de
développement qui s'en vient, on pourra donner plus de précisions
sur ce projet.
M. Duhaime: M. le Président, il me reste un dernier point.
Au début de la matinée, vous nous avez indiqué qu'il y
avait révision à la baisse de la croissance de la demande et vous
retenez 3,3% par rapport à un scénario de 6% qui avait
été la base des calculs dans les années 1969, 1970, 1971
environ.
Est-ce que le marché des exportations ne nous permettrait pas de
retrouver une partie d'une croissance? Il va de soi qu'une diminution
d'évaluation de notre croissance au niveau domestique se traduit, bien
sûr, par un ralentissement des investissements. Je rappelle que nous
avons procédé, en 1982 et en 1983, à la signature de
contrats de vente d'énergie électrique excédentaire avec
l'État de New York, d'abord, pour 111 000 000 000 de kilowattheures sur
un contrat de treize ans, de 1984 à 1997, et un second avec le NEEPOOL,
de 33 000 000 000 de kilowattheures pour un contrat de onze ans, de 1986
à 1997. C'est entendu qu'aux états financiers
d'Hydro-Québec, lorsque cette énergie va commencer à
couler vers les États-Unis, on va s'en ressentir de façon
très positive aux comptes d'exploitation. Si on fait un calcul en
dollars courants, ces deux grands contrats d'énergie devraient rapporter
12 000 000 000 $; en dollars constants, c'est 5 000 000 000 $. Cela reste des
montants impressionnants, considérables, et je crois que c'est la
première fois dans l'histoire d'Hydro-Québec que de pareilles
quantités d'énergie excédentaire sont vendues aux
États-Unis.
Je sais également que nous travaillons sur des ventes
d'énergie ferme à nos clients américains. Il n'est pas
exclu qu'on puisse envisager d'en vendre ailleurs également. Je ne vous
ferai pas passer une mauvaise journée en vous parlant de Terre-Neuve,
messieurs d'Hydro-Québec, soyez rassurés. Je voudrais savoir si
vos évaluations de marché, à New York, en
Nouvelle-Angleterre, vous permettent de croire en la possibilité
réelle de vendre de l'énergie ferme. Dans l'affirmative, quel est
le scénario le plus plausible quant aux quantités? Je reviendrai
tantôt sur la question des prix.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Avant de passer la parole à M.
Coulombe, parce que la négociation actuelle se fait avec M. Coulombe et
ses gens, il est vrai que les exportations d'énergie aux
États-Unis, comme en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ont toujours
été, à venir jusqu'à maintenant, sur une base
d'énergie excédentaire. On avait des surplus qui étaient
passagers, mais on se retrouve actuellement dans une position de surplus qui
sont plus que passagers: ils sont devant nous pour quelques années.
Vu la baisse de la demande et la baisse du programme
d'équipement, on a commencé dernièrement à regarder
de plus près la vente d'énergie ferme, soit d'énergie
ferme ou d'énergie et de puisance ferme aux États-Unis. Cette
négociation a été amorcée il y a quelque temps. Je
laisserai maintenant la parole à M. Coulombe qui dirige l'équipe
de négociations.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Je pense que le concept d'exportation
d'énergie ferme est bien arrêté à l'heure actuelle.
D'ailleurs, les dernières transformations à la Loi sur
l'Hydro-Québec ont clarifié passablement ce point. Tout ce que je
peux dire là-dessus, c'est qu'actuellement nous sommes en
négociations intensives dans ce cadre-là. La cible ou la
période de temps que l'on vise, c'est qu'on a bon espoir qu'en 1984 on
puisse se rendre à quelque chose de positif dans ce cadre. Maintenant,
cela ne réglera certainement pas l'ensemble du potentiel. On s'est
fixé des objectifs réalistes et on croit que, si on peut
commencer à faire tourner la roue dans ce secteur avec un contrat
précis, cela pourrait accélérer les autres discussions
potentielles.
Actuellement, on est en pleine négociation. C'est tout ce qu'on
peut affirmer ce matin. On est optimiste, mais il y a de sérieux
problèmes qui surgissent à tous les jours parce que nous quittons
l'excédentaire pour aller dans des contrats plutôt long terme avec
des engagements de nature très différente de la part du vendeur
comme de la part de l'acheteur. Les risques sont beaucoup plus grands.
Même si évidemment les bénéfices sont plus grands,
les risques sont beaucoup plus grands. On avance avec le maximum de
célérité, mais aussi avec le maximum de prudence pour ne
pas se ramasser avec un contrat qui pourrait, pour ceux qui nous suivront,
suivre un cours qui ressemblerait à d'autres contrats, comme les
problèmes qu'on a avec Terre-Neuve, et ainsi de suite. On essaie
d'allier prudence et célérité. C'est fatigant
peut-être pour ceux qui observent le phénomène, mais ce
n'est pas facile non plus pour ceux qui le vivent. (11 h 45)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: J'imagine que ce que vous avez en tête serait
un contrat qui comporterait des clauses d'indexation. Il y a plusieurs
intervenants qui sont venus devant la commission qui nous ont fait part de
leurs réserves. Je me souviens, entre autres, du mémoire - un des
très bons mémoires de la CSN, je dois dire - qui, sans
écarter cette option, posait beaucoup de questions, en particulier sur
le fait que l'hydroélectricité pour le Québec est un
facteur de localisation industrielle très avantageux. On a encore une
bonne avance sur l'Ontario et sur d'autres compagnies d'utilité publique
qui ne se condamnent pas à tourner en faisant des pertes à leur
compte d'exploitation. Je pense, entre autres, à Manitoba Hydro. Leurs
réserves ou leurs craintes, devrais-je dire, vont dans ce sens: en
vendant de l'énergie ferme aux Américains, est-ce qu'on ne
déplace pas vers le Sud un facteur de localisation qui est à
notre avantage?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Dans un sens, cela peut être vrai,
c'est-à-dire que, si on n'est pas capable de démontrer à
Hydro que tous les efforts ont été faits pour que le facteur de
localisation, qui est l'énergie hydroélectrique, soit
utilisé à fond pour le développement industriel du
Québec et d'autres types de développement, je pense que le
problème peut être réel. C'est pour cela qu'il faut
travailler sur les deux fronts à la fois. Il faut essayer le plus
possible de développer des programmes qui se rendent à la limite
du possible au niveau du Québec, mais, quand on parle de quantité
assez grande d'énergie hydroélectrique, on s'aperçoit que
les secteurs industriels qui peuvent changer de façon significative leur
orientation à cause de l'énergie électrique, cela reste
quand même limité, ce n'est pas illimité. En d'autres mots,
on pense qu'il faut agir à fond sur les deux fronts et ce sera le
fardeau de la preuve de démontrer que tous les efforts ont
été faits pour que ce facteur de localisation soit utilisé
au maximum au Québec.
Là-dessus, les réflexions sont en cours et on
espère avoir assez d'imagination pour modifier certaines pratiques
ancestrales dans ce domaine pour rendre plus dynamiques les programmes
internes. Notre hypothèse, c'est qu'on pense qu'il y a de la place pour
les deux de façon rentable et les retombées d'exportation ne sont
pas négligeables non plus pour le Québec même. Si c'est de
l'exportation sans effort interne, je pense que cette position serait
difficilement défendable. Ce sera à Hydro de démontrer que
tous les efforts sont faits pour que cette énergie serve en premier lieu
au développement interne du Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Est-ce qu'il n'y a pas une partie de la
réponse à ces craintes ou à ces appréhensions qui
devrait normalement s'éteindre en fonction du prix vendu à
l'exportation, peu importe la durée du contrat? Les quantités
sont importantes, bien sûr, mais sur les contrats d'énergie
excédentaire, par exemple, le calcul qu'on avait l'autre jour, c'est sur
la base de l'interruptible; on vend aux Américains deux fois le prix
d'ici. Mutatis mutandis, si on fait le même raisonnement et si
l'énergie ferme est vendue à la Nouvelle-Angleterre à deux
fois le prix d'ici, au Québec, pour les grands consommateurs
industriels, est-ce que ce n'est pas un élément pour nous
rassurer?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Au niveau de l'excédentaire, on dit que la
preuve est faite. Là-dessus, il n'y a pas de problème, surtout
dans la mesure où c'est de l'excédentaire. Quant à
l'énergie ferme, c'est lorsqu'on aura le premier contrat en main qu'on
va voir si l'objectif que vous soulignez peut être atteint. C'est
l'objectif qu'on poursuit, mais c'est seulement quand on va avoir les
éléments de base du premier contrat ferme à long terme
qu'on pourra voir si l'objectif est accessible. On espère avoir les
données nécessaires en 1984 pour répondre à cette
question.
M. Duhaime: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je crois qu'on aborde, ce matin, une discussion
très importante et, déjà, on déborde sur la
discussion qu'on aura un peu plus tard dans le mois, j'imagine, alors qu'on
discutera de la tarification et en même temps du programme à long
terme d'Hydro-Québec. L'information qu'Hydro-Québec nous a
donnée dans son mémoire du mois de mars, de toute
évidence, n'est plus à jour par rapport aux conditions
d'aujourd'hui. Je vais continuer, moi aussi, à poser certaines questions
en réalisant que, très bientôt, on aura l'occasion de
recevoir des informations plus précises et plus pertinentes qui nous
permettront de cerner le problème de plus près. À ce
sujet, j'ai fait parvenir une demande au ministre pour avoir plusieurs types
d'informations bien précises. Même si je n'ai pas reçu de
réponse officielle de la part du ministre, on me dit que, très
probablement, les informations que nous avons demandées, nous les
obtiendrons et cela permettra ainsi aux membres de la commission
d'étudier la performance d'Hydro-Québec en 1983 par rapport aux
objectifs qu'on s'était fixés l'an dernier.
Je crois que c'était le sens de la présentation qu'avait
faite M. Coulombe l'an dernier en se donnant des objectifs d'entreprise.
J'imagine que l'idée était qu'à la fin de l'année
ou à un moment donné, il devait y avoir une évaluation
afin de savoir si les objectifs étaient atteints dans différents
secteurs, soit dans le secteur de la vente d'énergie ou soit dans le
secteur des objectifs plus particuliers de la recherche, du
développement et de la réorganisation dans les coûts
d'exploitation. C'est la raison pour laquelle je crois que cela ne serait
peut-être pas le meilleur moment maintenant, n'ayant pas eu à ce
jour cette information, d'aller trop avant dans cette analyse que nous ferons
en bonne et due forme au moment voulu. D'après les renseignements qu'on
m'a donnés tout à l'heure, il semblerait qu'on se retrouverait le
31 octobre et le 1er novembre pour discuter de la tarification. Si ces dates
sont confirmées, j'oserais espérer avoir l'information
demandée quelque temps avant cette date pour pouvoir l'analyser en
profondeur.
Cependant, d'après l'information générale qui se
dégage, je dois admettre qu'elle décrit une situation assez
désastreuse. L'an dernier, on nous disait qu'on avait des surplus
jusqu'en 1986. Là, d'après les nouveaux chiffres, je n'ai pas vu
les tableaux, mais j'imagine qu'on va avoir des surplus jusqu'en 1990 ou 1992.
L'an dernier, on parlait d'entreprendre bientôt certains projets comme la
station pompée de Delaney à Portneuf. D'ailleurs, il y a eu des
représentations ici même, à la commission parlementaire, en
ce sens que les gens de Portneuf voulaient savoir le plus tôt possible ce
qui en était. Vu l'investissement qu'Hydro-Québec avait fait pour
informer les gens de Portneuf des bénéfices et de l'impact
économique d'un tel investissement, ces gens souhaiteraient
qu'Hydro-Québec investisse autant pour leur faire connaître les
raisons qui motivent le report de ce projet. Dans le Devoir de samedi, on
indiquait que les projets tels que la Romaine, la phase II de la Baie-James et
NBR ne seraient mis en service qu'en 2015. Il s'agit d'un développement
économique pour le Québec qui est un peu négatif.
C'est une situation désastreuse qui, à mon avis, demande
un plan d'action d'une urgence qui mériterait que, d'ici à la
commission parlementaire de la fin du mois, le ministre et Hydro-Québec
reviennent devant le public avec un plan d'action beaucoup plus précis
sur ce qu'on doit faire pour écouler ces surplus et faire face à
la musique. Je ne peux pas accepter, pour ma part, que tous ces projets qui
permettraient une certaine relance économique soient reportés aux
calendes grecques, et cela me semble une situation désastreuse qu'on ne
peut certainement pas accepter.
Dans votre mémoire du mois de mars, à la page 4, vous
écrivez une phrase qui, à mon avis, est très importante:
D'autre part, la position d'Hydro-Québec à moyen terme pourrait
être substantiellement modifiée -j'imagine qu'elle serait encore
empirée selon l'issue du différend relatif à l'achat
d'énergie de Churchill Falls. Comme toutes les négociations avec
Terre-Neuve auront un impact déterminant soit pour augmenter les
surplus, si l'on engageait à développer des ressources
hydroélectriques à Terre-Neuve avec ces gens ou, dans l'autre
choix, si Terre-Neuve décidait de couper le courant, nos surplus
pourraient s'évaporer du jour au lendemain, est-ce qu'à ce
moment, vous pourriez nous dire - sans entrer dans tout le secret des
négociations - si Hydro-Québec est impliquée dans ces
négociations? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire en ce moment
qui pourrait infirmer les mauvaises nouvelles que vous nous apportez ce
matin?
M. Bourbeau (Joseph): Voici au sujet des négociations
relatives au problème de Churchill. De fait, il y a des
négociations et des discussions qui ont débuté il y a
quelques semaines, un mois, et qui se poursuivent à l'heure actuelle.
C'est tout ce que je peux en dire pour le moment. Nous avons eu deux
rencontres. Les deux parties essaient actuellement de circonscrire beaucoup
mieux les demandes et le problème de Terre-Neuve. On en est rendu
là. On a projeté d'autres rencontres ultérieures.
M. Fortier: Pourriez-vous nous dire -peut-être que vous en
avez déjà fait état dans le passé - les objectifs
qu'Hydro-Québec poursuit dans ses négociations? M. Bourbeau, vous
avez donné des conférences de presse à Montréal
pour établir certaines ouvertures d'Hydro-Québec, pourriez-vous
réitérer les objectifs que vous poursuivez en parlant à
Terre-Neuve ou en essayant d'en arriver à un certain niveau
d'entente?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Le problème de Churchill Falls est
évidemment un problème immense pour Hydro-Québec puisqu'il
comporte un contrat de 4300 mégawatts...
M. Fortier: Quel est le total de la capacité
d'Hydro-Québec?
M. Bourbeau (Joseph): On a fait une pointe de 18 000 à 19
000 mégawatts. Alors, on a environ 25% de la puissance qui est fournie
par cette centrale. Au point de vue de l'énergie, on va chercher, bon an
mal an, peut-être 33 000 000 à 34 000 000 de kilowattheures, ce
qui veut dire que le tiers de nos ventes totales de l'an dernier provenaient de
Churchill Falls. Il est entendu qu'il y a un intérêt pour
Hydro-Québec - je l'ai répété à plusieurs
reprises l'an dernier et même cette année, et je pense que le
ministre aussi l'a dit - comme pour Terre-Neuve, de voir ce problème se
régler. Pourquoi est-ce qu'il y a un intérêt pour
Hydro-Québec? Justement - je ne dis pas qu'on peut se trouver devant une
coupure de courant - on peut perdre le contrat et il faudrait qu'il soit
renégocié, ou on peut s'arranger par négociation pour
avoir une entente qui serait avantageuse pour les deux parties.
M. Fortier: Vous-même aviez évoqué que, dans
une optique où il n'y aurait pas d'entente, les coûts
d'électricité pourraient augmenter considérablement.
Quelles étaient les raisons qui vous motivaient à faire un tel
énoncé?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Quelles étaient...
M. Fortier: Quelles étaient les raisons qui sous-tendaient
un tel énoncé?
M. Bourbeau (Joseph): Je pense que je répondais à
la question d'un journaliste qui demandait, si réellement on fermait le
courant à Churchill Falls, quel serait l'impact sur les tarifs
d'Hydro-Québec. J'ai fait un calcul qui prenait en considération
que Churchill Falls serait remplacée par de la génération
future, après la phase I et la phase II de la Baie-James. C'était
la base de la considération.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Alors, votre considération démontrait
qu'Hydro-Québec serait obligée de se lancer dans de nouveaux
projets. Ces nouveaux projets coûteraient davantage que le coût de
génération provenant de Churchill Falls. Compte tenu des surplus
considérables dont vous faites état ou dont vous ferez
état à la fin du mois, est-ce que, somme toute, on pourrait
arrêter d'acheter de l'électricité de Churchill Falls et ne
pas être perdant pour autant, puisque vous avez tellement de surplus
présentement?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): La situation actuelle a évidemment
été modifiée considérablement depuis deux ans. On
pourrait prévoir - je ne dis pas une coupure - avec un contrat qui
serait entaché de la part de Churchill Falls, ne pas recevoir les 4000
mégawatts. On pourrait s'approvisionner à partir des surplus
qu'on a dans le réseau. Mais, vu que les surplus ont un coût
moindre que des centrales qu'on construirait en 1990, je pense que ce ne serait
pas le coût que j'avais énoncé il y a un an.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'essaie de suivre votre raisonnement. Vous dites
que, compte tenu des surplus... S'il y avait coupure - ce serait, disons,
instantané - est-ce que, présentement ou d'ici quelques mois, on
pourrait faire face à la demande du Québec sans trop de
difficulté, vu qu'à chaque semaine ou à chaque mois, vous
mettez en marche de nouvelles centrales hydroélectriques à la
Baie-James?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Je l'ai déjà
déclaré: je ne crois pas qu'on puisse avoir des "black out" ici
à cause d'un manque d'approvisionnement de Churchill Falls; je ne pense
pas.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont. (12 heures)
M. Fortier: Compte tenu de cette situation
énergétique, sur le plan de l'électricité au
Québec, compte tenu des décisions favorables qui ont
été rendues dernièrement par les autorités
judiciaires, si je comprends bien, Québec se trouve dans une très
bonne position dans ses négociations.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): C'est à voir. C'est une question
qu'on peut regarder de plusieurs côtés. Est-ce qu'on est dans une
très bonne position? À regarder personnellement, je pense qu'on a
une bonne position de négociation. Il ne faut pas perdre de vue, que si
la négociation échoue quelque part, on pourra se retrouver avec
toutes sortes d'embêtements de la part de Terre-Neuve, embêtements
qui peuvent, à l'avenir, dépendre de toutes sortes de lois. Les
Terre-Neuviens ont voté une loi, le Reversion Act, sur laquelle on
attend encore le jugement. On peut penser qu'il pourrait y avoir toutes sortes
de lois qui pourraient être adoptées à Terre-Neuve sur le
projet de Churchill Falls. C'est un gros 'point d'interrogation.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Sur le plan strictement économique, le commun
des mortels, le vulgaire payeur de taxes, comme on l'appelle dit ceci: Pour
autant que, dans le passé, vous pouviez nous donner l'assurance que vous
pourriez exporter de l'électricité sur une grande échelle
aux États-Unis, au moins on va avoir des revenus. Le président
nous dit: On va être très prudent, c'est très difficile. Je
ne porte pas de jugement sur ce que le président, Guy Coulombe, a dit.
Il semblerait que la prudence nous amènerait à dire que c'est
très difficile. C'est du moins ce que j'ai compris.
Dans le passé ou jusqu'à ce jour, quand on avait certains
surplus, on pouvait penser qu'en les exportant aux États-Unis, on
pouvait justement faire une piastre. Même s'il fallait faire des
ajustements mineurs au contrat de Churchill Falls, on pourrait quand même
satisfaire Terre-Neuve et faire des bénéfices sur un
marché d'exportation.
M. Coulombe nous dit: Vous savez, c'est très difficile ce
genre de contrat de vente ferme d'énergie. D'autre part,
HydroQuébec, dans le Devoir de samedi, nous dit: On va avoir des surplus
considérables pendant plusieurs années qui vont reporter des
projets encore davantage. C'est la raison pour laquelle le contribuable va
dire: On devrait prendre avantage de la situation; si Terre-Neuve veut
absolument couper le courant, on va lui donner une chance; on va se retrouver
dans une meilleure position au Québec. C'est pourquoi j'essaie de savoir
quelles seraient les bonnes raisons pour lesquelles on devrait faire un gros
effort pour maintenir notre entente avec Terre-Neuve.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): À un moment donné, si le
contrat avec Churchill Falls venait à être coupé, on se
trouverait à utiliser de l'énergie qui nous coûterait
beaucoup plus cher que celle que l'on prend à Terre-Neuve. Il faut bien
penser que le contrat de Churchill Falls est un contrat pour de
l'énergie ferme. Lorsqu'on parle de ventes aux États-Unis, on
parle de ventes d'excédentaire à venir jusqu'à ce jour. M.
Coulombe vient de parler de ventes futures d'énergie ferme aux
États-Unis. Il y a toutes sortes de genre d'électricité
dans l'air. Il y a de l'excédentaire, du ferme de Churchill Falls qui
est déjà absorbé dans le réseau. N'oublions pas
qu'on absorbe dans le réseau 31 500 000 000 de kilowattheures fermes de
Churchill Falls depuis 1976.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Je ne saisis pas très bien la contradiction.
Il n'y a pas de contradiction là-dedans. Le contrat avec Churchill Falls
est un excellent contrat pour Hydro-Québec. Terre-Neuve y voit des
problèmes importants de nature économique, de nature politique.
Les discussions se sont engagées. On reste optimiste en pensant qu'il
peut y avoir un terrain d'entente à l'avantage des deux parties. Ces
déductions, malgré l'entourage public... On pense que ce sont des
discussions contractuelles normales. Voici un contrat qui est à
l'avantage du Québec. Terre-Neuve se sent lésée; on va
essayer de trouver un terrain d'entente pour atteindre nos objectifs communs.
Pendant ce temps-là, comme vous dites, on fait de l'argent en vendant de
l'énergie excédentaire aux États-Unis. M. Duhaime
signalait tantôt qu'avec 111 000 000 000 de kilowattheures et un autre
contrat de 35 000 000 000, Hydro-Québec va faire de l'argent avec son
énergie excédentaire.
Troisièmement, on travaille à des
ventes d'énergie ferme à moyen terme. Cela n'est pas
contradictoire; c'est une stratégie dont les éléments
s'imbriquent les uns dans les autres. Probablement que, dans les deux ou trois
prochaines années, la situation va s'éclaircir de façon
définitive. Il n'y a pas de...
M. Fortier: Enfin, je voyais une contradiction...
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...pour autant que vous semblez dire que la vente
d'énergie aux États-Unis est très difficile. On se
retrouve avec des génératrices qui sont mises en service à
chaque semaine et qui ne produisent pas. M. Bourbeau disait que le coût
marginal est minime puisque l'eau coule dans la rivière. Il y en a
d'autres qui pourraient dire que le coût marginal est infini parce qu'on
n'a pas de clients et qu'on est obligé de payer les investissements.
C'est dans cette optique-là que je posais la dialectique.
M. Coulombe: On aura l'occasion, lors de la commission
parlementaire à laquelle vous faisiez allusion, de situer clairement le
problème des surplus. Tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle,
c'est qu'une compagnie qui fonctionne entre 95% et 98% de sa capacité -
je ne dis pas à chaque mois, mais de façon normale - reste une
compagnie qui a un système de production relativement bien rodé.
Quand une compagnie comme cela vend entre 95% et 98% de sa production,
n'importe quelle compagnie industrielle serait fière d'avoir cette
performance. On sait que l'industrie des pâtes et papiers fonctionne
à 84% ou 87%; pour les aciéries, je n'ose pas donner de chiffres,
je ne sais pas non plus à quel niveau fonctionnent les mines d'amiante,
mais ce n'est sûrement pas à 99%.
Évidemment, regardez Hydro-Québec comme producteur
d'électricité. Regardez cela à moyen terme; dire que cela
fonctionne à 97%, 98%, ce n'est pas une mauvaise performance. C'est
évident que, si on met l'accent sur les 1% ou 2% en disponibilité
ou en surplus et qu'on multiplie par le nombre de dollars que cela implique,
c'est impressionnant. Les 98% sont impressionnants aussi; ceux-ci sont vendus.
Il faut quand même situer cela dans une perspective un peu plus globale.
On aura sûrement l'occasion de démontrer les chiffres. Rien
n'empêche que, dans les deux, trois ou quatre prochaines années,
il y aura des surplus, mais nous avons des programmes de vente. J'ai dit
tantôt qu'avec le programme des chaudières, on avait vendu dans
l'espace de huit mois au-delà de 1300 mégawatts; c'est une
disposition de surplus qui non seulement représente des profits nets
pour Hydro-Québec, mais aussi profite à l'économie du
Québec en baissant les importations de pétrole. C'est dans ce
contexte-là.
Churchill, dans notre esprit, au-delà des problèmes
politiques, en termes strictement contractuels et économiques, c'est un
contrat que l'autre partie veut négocier. Il s'agit pour
Hydro-Québec de négocier le plus serré possible pour
garder tous les avantages qu'elle a, mais en satisfaisant l'autre partie
contractuelle pour qu'on ne soit pas en procès perpétuellement.
C'est une relation contractuelle et économique normale. Je mets l'aspect
politique de côté.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Le thème de notre commission parlementaire est
l'énergie, facteur de développement économique. Tout
à l'heure, on va entendre les manufacturiers d'équipement
électrique et les constructeurs de grands travaux. Avec le chômage
qui prévaut présentement et les difficultés
économiques qu'on vit, les difficultés de relance
économique - sans entrer dans un débat politique - je pense bien
qu'il y a des gens qui se demandent comment on va s'en sortir. Quand on entend
que les investissements d'Hydro-Québec seront reportés en l'an
2000, 2015, ce n'est pas pour amener beaucoup d'optismime chez les gens qui se
préoccupent de développement économique. C'est pour cela
qu'on se pose des questions. Que pourrait-on faire?
Il y a peu d'investissements. Vous allez nous dire combien vous en ferez
l'an prochain; ils devaient être de 2 700 000 000 $ au cours de cette
année, je ne sais combien vous en avez fait. Cela ira en diminuant
très rapidement, à un point tel qu'avec l'augmentation des ventes
d'électricité l'an prochain - vous dites 10% -c'est à se
demander si vous avez besoin d'une augmentation de tarif. La seule augmentation
des ventes d'électricité va vous rapporter des revenus
considérables. Comme vos investissements diminuent et comme une
très grosse proportion de vos revenus est nécessaire pour payer
de nouveaux investissements et que ces nouveaux investissements disparaissent,
je pense bien qu'on s'en va très rapidement, pendant plusieurs
années, vers des augmentations de tarif de 0%. En tout cas, on verra les
chiffres que vous nous donnerez, mais c'est sûr que l'impact
immédiat pour essayer de créer des emplois, c'est: Est-ce
qu'Hydro-Québec investit oui ou non? À la fin du mois, vous allez
nous dire que c'est reporté pendant plusieurs années.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Vous avez parlé des investissements
d'Hydro-Québec qui descendaient d'une façon assez vertigineuse.
Remarquez bien que, dans les prochaines années, les investissements
d'Hydro-Québec, qui ont été jusqu'à 2 700 000 000
$, vont se retrouver à environ 2 000 000 000 $ pendant les prochaines
années. La grosse baisse ne se fait pas tellement en 1983, 1984 et 1985;
dans le document qu'on vous a présenté, en 1983, les
investissements d'Hydro-Québec étaient de 2 800 000 000 $; en
1984, de 2 400 000 000 $ et, en 1985, de 2 200 000 000 $. Alors, il n'y a pas
un effondrement des investissements d'Hydro-Québec sur une courte
période.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Je voudrais aussi mentionner qu'une des choses qu'on
va vous présenter à la commission parlementaire - je vais juste
l'affirmer aujourd'hui et on va en donner les preuves à ce
moment-là - c'est que, en termes d'activité économique,
pour les trois prochaines années, malgré ce que vous dites et ce
qui est vrai, c'est-à-dire que certains grands projets sont
reportés, les investissements d'Hydro-Québec vont être
légèrement supérieurs à ceux prévus l'an
passé, même si les projets prévus pour 1992 sont
reculés jusqu'en 1995. On va vous le démontrer chiffres à
l'appui.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mais là, vous ne parlez pas uniquement de vos
projets, vous parlez de toutes sortes d'investissements, je ne sais pas si on
appelle cela des investissements, mais des dépenses
d'immobilisation...
M. Bourbeau (Joseph): Exact.
M. Fortier: II y en a qui peuvent être dans les
dépenses de fonctionnement ou dans...
M. Bourbeau (Joseph): Voilà.
M. Fortier: Mais là, on parlait d'investissements dans les
grands projets.
M. Coulombe: Des investissements dans des grands projets... Nous,
nous attachons beaucoup d'importance aux investissements qui sont faits dans
d'autres secteurs que le secteur de la production d'électricité
et, en termes d'activité économique - cela a commencé l'an
passé; d'ailleurs, les chiffres sont dans le document que vous avez -
cela va être encore accentué, c'est-à-dire que le
pourcentage de dépenses au niveau de la distribution et du transport va
augmenter par rapport aux dépenses de production. Cela part du
raisonnement très simple: Est-ce qu'Hydro-Québec serait vraiment
responsable de bâtir des équipements de production dans une
perspective où on n'en a pas besoin à court terme, parce que,
à moyen terme, c'est le consommateur - peut-être pas le
contribuable, mais le consommateur, ce sont pas mal les mêmes - qui va
payer pour cela? Juste un exemple. Dans les trois prochaines années,
Hydro-Québec va virer au compte d'exploitation des équipements
d'environ 7 000 000 000 $ du compte d'immobilisation, c'est-à-dire en
construction. C'est 7 000 000 000 $ d'équipements et les dépenses
d'intérêts sur ces 7 000 000 000 $ vont aller sur la ligne des
dépenses d'exploitation. La ligne des dépenses d'exploitation,
c'est le "bottom line" et, si les critères financiers
d'Hydro-Québec doivent être respectés, c'est là que
le jeu des tarifs se joue. Alors, dans les trois prochaines années, on a
7 000 000 000 $ d'équipements qui viennent en exploitation. Calculez
l'intérêt là-dessus et ce sont carrément des
dépenses d'exploitation. Bâtir pour avoir ces choses sans avoir
des marchés sûrs, je pense que, finalement, c'est le consommateur
qui va payer pour ces choses.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce qu'à la fin du mois, vous allez nous
faire part d'investissements ou de dépenses qui avaient
été immobilisés dans le compte des investissements et qui
maintenant ne seront plus utiles avant très longtemps? On parlait
d'investissements dans le nucléaire ou autrement. Je pense qu'on avait
parlé d'un chiffre de plusieurs millions de dollars. Est-ce que certains
de ces postes vont être effacés de votre compte des
investissements?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe. (12 h 15)
M. Coulombe: C'est un autre problème. Le problème
auquel je me référais est le problème qui est vécu
par Hydro-Québec depuis son existence. La semaine passée, la
centrale nucléaire entrait en exploitation commerciale. Cela veut dire
qu'il y a 1 500 000 000 $ qui sont versés au compte d'exploitation comme
un actif qui produit des revenus. LG 3, LG 4, les turbines viennent en
exploitation à tous les deux ou trois mois. Alors, chaque fois, c'est
versé au compte d'exploitation. C'est ce phénomène que je
décris et qui n'est pas nouveau. Cela a été la même
chose avec LG 2, avec Bersimis, et ainsi de suite. Mais c'est l'importance
du
montant, c'est-à-dire que les grands projets se terminent. On en
a pour 7 000 000 000 $ qui vont être versés au compte
d'exploitation et, dans les trois prochaines années, ces
intérêts vont s'ajouter carrément aux dépenses
d'exploitation sans aucune possibilité pour Hydro-Québec de
changer cela, de modifier les taux d'intérêt ou de faire quoi que
ce soit. Il faut mécaniquement prendre cela et payer les
intérêts à même le compte d'exploitation, et on en a
pour 7 000 000 000 $
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais revenir à ce que vous discutiez
tout à l'heure avec le ministre sur les efforts de vente, de marketing.
J'ai nettement l'impression que vos efforts de vente au Québec
même semblent très bons. D'ailleurs, les représentants des
compagnies de gaz sont venus nous voir pour nous dire que vos efforts
étaient trop bons, vu que les programmes que vous aviez mis au point
étaient justement des programmes pour s'attaquer aux quelques industries
qui auraient pu aller au gaz et qui vont aller à
l'électricité, à cause de ces programmes.
J'aimerais discuter maintenant des ventes d'électricité
à l'étranger. À la page 26, vous y faites allusion et vous
donnez certains chiffres. Si on additionne tous les chiffres, cela nous donne
9500 mégawatts de marché potentiel. En commission parlementaire,
lorsqu'on a étudié la loi 4, on y a fait allusion et vous avez
dit que le potentiel était autour de 8000 mégawatts. Enfin, on va
s'entendre pour dire qu'il y a un marché potentiel de 8000 à 9000
mégawatts.
Vous avez dit - et ce n'est pas moi qui vais vous le reprocher - qu'il
faudrait négocier de bons contrats et vous vous êtes
comparés à Churchill Falls dans une certaine mesure. Je ne sais
pas si la comparaison vaut parce que vous avez des ressources humaines beaucoup
plus considérables que Terre-Neuve n'en avait au moment de la
négociation du contrat auquel vous avez fait référence, il
y a quelques années. Quand même, il faut être prudent et il
n'y a personne qui va vous le reprocher.
Ce dont j'aimerais vous entendre parler, c'est des contraintes qui font
que vous dites que, dans l'immédiat, on ne peut parler de vente sur une
base ferme que de 2000 à 3000 mégawatts. Je ne sais pas lequel
des deux, si c'est le président d'Hydro-Québec ou le
président du conseil qui faisait référence à
différentes contraintes, comme les difficultés de construction de
lignes de transport d'énergie aux États-Unis, les
problèmes d'environnement et autres problèmes qui, je crois,
proviennent du fait que les syndicats américains aussi veulent avoir des
investissements chez eux. Ils disent qu'on ne devrait pas prendre avantage de
la situation sur le plan énergétique pour justement favoriser des
investissements aux États-Unis. J'aimerais que vous me décriviez
la situation. Quelles sont ces contraintes? Je ne parle pas
nécessairement... Cela devient des contraintes politiques, oui, mais ce
sont a priori des contraintes économiques. Est-ce que vous avez fait une
liste où vous pourriez résumer certaines des contraintes qui font
que, d'après vous, il n'est pas possible de viser un marché
potentiel de 8000 mégawatts?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: II faut préciser qu'on vise ce marché.
Je pense que ce n'est pas être trop prudent que de dire que, si on a un
marché de 8000 mégawatts, on veut en accrocher 2000
mégawatts au début. Je pense que 25%, c'est relativement
audacieux comme objectif à court terme. Donc, je ne pense pas qu'on
puisse appeler cela nécessairement une très grande prudence. On a
un marché X et on vise à court terme d'aller en chercher 25% d'un
coup. Donc, là-dessus, ce n'est ni imprudent ni très prudent; je
pense que c'est un gros morceau.
On avait parlé des contraintes dans les autres commissions
parlementaires. Il y en a de plusieurs ordres. Je ne parlerai pas de la
question du prix. Lorsque c'est basé sur un problème de
substitution, l'évolution des prix, les énergies concurrentes,
tout le monde sait dans quel pétrin le monde entier se trouve pour
prévoir l'évolution des prix dans ce secteur. Donc, la question
du prix des énergies concurrentielles est un problème majeur.
Un deuxième ordre de problème sont les problèmes
techniques. Encore là, il y en a de plusieurs sortes. Le problème
technique de réseau, de stabilité interréseau,
inquiète. C'est un problème qui est réel et qui
préoccupe les Américains, qui nous préoccupe. Il y a donc
là des problèmes de haute technologie qu'il faut aborder
lorsqu'on sort de l'excédentaire et qu'on s'en va au ferme avec des prix
garantis et des quantités garanties. Les problèmes de
stabilité de réseau sont des problèmes qu'on peut
résoudre, mais ils sont compliqués. Le problème de la
construction des interconnexions dans deux immenses territoires est aussi un
problème non pas technique, mais d'environnement, d'interrelation avec
une multiplicité d'interlocuteurs municipaux, régionaux, de tous
ordres, tant du côté américain que du côté du
Québec. C'est un problème, encore une fois, qui est soluble, mais
qui demande une série d'étapes également du
côté américain. On sait que PASNY, actuellement,
est en discussion quant à sa ligne. Il y a des zones dans
l'État de New York et en Nouvelle-Angleterre qui sont peut-être
plus compliquées que les zones du Québec. Donc, c'est un autre
type de problème. Le quatrième ordre de problèmes, c'est
évidemment, au-delà du prix, la structure de l'escalade des prix.
Cela aussi est complexe parce que, comme je l'ai dit, comme personne ne sait
exactement comment les prix du pétrole, du gaz ou du charbon vont
évoluer, il faut donc avoir un corridor d'escalade des prix qui tienne
compte d'une série de valeurs.
Aucun de ces problèmes n'est insoluble en soi. Quand vous les
mettez les uns à côté des autres, cela demande beaucoup de
négociations et plusieurs types de négociations. S'ajoute
à cela un cinquième problème qui est surtout du
côté américain. Au Québec, il y a un interlocuteur
corporatif, c'est Hydro-Québec. Aux États-Unis, vous avez des
groupements d'interlocuteurs. Quand on discute avec NEEPOOL, par exemple, je
pense qu'il y a 83 compagnies regroupées sous un exécutif qui a
un mandat de négociations, mais, quand 83 compagnies forment un
ensemble, c'est évident que cela donne une certaine lourdeur parce qu'il
y en a des minuscules là-dedans, des municipales, il y en a des grosses,
les intérêts sont divergents, les capacités de payer ne
sont pas les mêmes. Il faut harmoniser les interlocuteurs internes, faire
une espèce de front commun pour dialoguer avec nous et, de leur
côté, il y a des difficultés normales de communications,
d'interrelations qu'on n'a pas au Québec, fort heureusement.
C'est un problème réel. Ce sont ces cinq ordres de
problèmes qui continuellement s'interrelient. Des fois, c'est l'un qui
est plus important; des fois, c'est l'autre. C'est dans ce cadre qu'il faut
faire les négociations.
M. Bourbeau (Joseph): J'allais en ajouter un sixième, mais
c'est le lobby du charbon qui commence à être beaucoup plus
effectif aux États-Unis depuis quelque temps, en regard des importations
venant du Québec ou du Canada. On se dit: Pourquoi ne pas utiliser le
charbon du Mid-West? On sent les pressions du lobby du charbon. Cela est un
autre élément qui s'ajoute à ceux qu'a décrits M.
Coulombe.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Si on examine ces contraintes - et j'en suis fort
conscient - il y en a certaines qui sont techniques, donc, ce sont des
problèmes d'ingénieurs et, comme Hydro et, de leur
côté, les
Américains ont des ingénieurs très
compétents, j'oserais espérer que les problèmes techniques
de stabilité pourront se résoudre. Il y a la question des
interlocuteurs et, j'imagine, une fois que les gens se sont parlé, on
peut arriver à des réponses et a des solutions.
Il y a la question du lobby du charbon. C'est parce que le ministre nous
a dit - je ne sais si c'est Hydro-Québec qui l'a déjà dit
- que, compte tenu de ces difficultés, on devrait se fixer comme
objectif uniquement 2000 ou 3000 mégawatts. Quand je regarde les
contraintes que vous nous imposez, une fois que ces contraintes sont
levées, s'il y a plusieurs interlocuteurs et que vous réussissez
à les mettre ensemble, la négociation sur les prix, la
stabilité technique, ce n'est pas plus difficile à ce moment de
résoudre le problème pour 2000 que pour 10 000 mégawatts.
Là, vous arrivez au lobby du charbon. Je me demande si les moyens mis en
oeuvre par Hydro et par le gouvernement sont assez déterminants pour
faire face à la musique.
J'aurais pensé, je ne sais pas, je suis certain que les hommes
d'affaires du Québec seraient heureux de former un groupe et d'aller
faire du lobby aux États-Unis, d'avoir un "task force" d'hommes
d'affaires qui iraient convaincre les Américains que, somme toute,
malgré les contraintes, c'est la meilleure solution possible. Je me
demande si on a tout mis en oeuvre justement pour aller vendre de 6000 à
8000 mégawatts au lieu de seulement 2000 à 3000. Est-ce qu'il y a
une volonté politique? Est-ce qu'il y a une volonté
d'Hydro-Québec? Est-ce qu'on a mis en oeuvre tous les moyens qu'on
pourrait mettre en oeuvre parce que, s'il y a un lobby du charbon, c'est
certain qu'il faudrait que certains d'entre nous aillent donner des
conférences aux États-Unis pour contrer ce lobby ou, du moins,
faire face à la musique en ayant notre propre lobby à Washington
pour démontrer qu'acheter d'Hydro-Québec, c'est une source
très sûre et à des coûts qui, j'en suis sûr,
pourraient être concurrentiels. Somme toute, il s'agit de trouver des
arguments économiques qui démontreraient qu'une entente avec le
Québec serait dans le meilleur intérêt du Québec et
des États-Unis. C'est là où je me demande: Est-ce qu'il y
a une volonté politique et est-ce qu'Hydro-Québec met tout en
oeuvre? Pourquoi ne pas former un "task force" d'hommes d'affaires
québécois qui vont appuyer Hydro-Québec et le gouvernement
dans ce genre de démarche?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): En réponse à la question de
M. Fortier, vendredi prochain, je prononce une conférence devant un
groupe du Canada et des États-Unis. Le sujet sera Canada-US Energy.
À ce moment, on aura à
la même table un représentant d'Hydro-Québec, j'y
serai, et on aura le "chairman" de PASNY, on aura le représentant de
NEEPOOL. On aura des échanges sur la façon de voir les
interconnexions énergétiques entre le Canada et l'Est des
États-Unis. Le 30 septembre, on a rencontré, ici même
à Montréal, 35 personnes du US State Department. Ce sont de
futurs ambassadeurs qui font une tournée non seulement aux Etats-Unis,
mais à l'extérieur des États-Unis pour se rendre compte
des problèmes et on a eu une présentation devant eux. À la
fin d'août et au cours du mois de septembre, je crois qu'il y a eu trois
ou quatre visites de gens de New York et de NEEPOOL qui sont allés voir
la Baie-James et qui sont venus parler au gouvernement et à
Hydro-Québec. On a fait ce genre de lobby de pression. C'étaient
des gens qui siègent à la Législature de l'État de
New York, de l'État du Massachussetts, etc. Nous sommes très
actifs dans les moyens -je ne dis pas les moyens de pression - de communiquer
avec les Américains et de démontrer que nous sommes prêts
à nous engager dans des contrats d'interconnexion.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je ne voulais pas laisser entendre que vous ne faites
rien parce que j'ai eu l'occasion de dire, lorsque le président, l'an
dernier, faisait état de ces réorganisations, que le fait qu'il y
avait un vice-président du marketing était sûrement un bon
pas dans la bonne direction. Je suis heureux d'apprendre qu'il y a des
initiatives pour convaincre. Encore là, je reviens à la dimension
du problème. On a des surplus, on retarde les projets d'investissement
et il y a des choses qui se font. Je me demande si on ne pourra pas aller
encore plus loin en associant des groupes d'hommes d'affaires qui sont ici et
qui seraient intéressés à cela. On parle de lobby. Tout le
monde connaît Washington. Il y a des agents qui se spécialisent
dans cela. Est-ce qu'Hydro-Québec ou le gouvernement a retenu un lobby
à Washington? Il se peut que le gouvernement du Québec ait son
propre bureau là-bas. Je pose la question à la dimension du
problème. Il y a un potentiel de 8000 à 9000 mégawatts et
on a un objectif de 2000. Je me demande... Peut-être que le ministre veut
intervenir. Cela me ferait plaisir de lui laisser la parole maintenant. Si l'on
fait tout... Je ne veux pas dire qu'Hydro-Québec ne fait rien. Au
contraire, je sais qu'il y a des choses qui se font. Je me demande si l'on fait
tout pour que l'objectif, au lieu d'être de 3000, soit de 6000, 7000 ou
8000. C'est le sens de ma question. (12 h 30)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, on a voulu sonder la
volonté politique. Il m'appartient de répondre à cette
question, je crois. D'abord, une chose est très claire. Il ne saurait
être question de faire du lobby à Washington pour la bonne et
simple raison que la juridiction gouvernementale qui s'occupe des questions
hydroélectriques relève de l'autorité des États.
Donc, nous parlons avec le Power Authority of the State of New York, donc le
gouverneur de l'État de New York, et lorsque nous parlons avec NEEPOOL,
c'est un regroupement d'associations d'utilité qui produisent, qui
transmettent et qui agissent également comme courtiers dans le secteur
hydroélectrique. Les gouverneurs de chaque État sont au dossier.
Cette question est à peu près le premier point de l'ordre du jour
de chacune des rencontres qu'ont les premiers ministres des provinces de l'Est
et de Québec avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre. Ce n'est
donc une juridiction fédérale américaine en aucune
manière. Un parlementaire américain a dit récemment, alors
que j'étais son hôte, il y a à peine quelques semaines, que
c'était tant mieux ainsi. J'imagine qu'ils ont des problèmes de
leur côté. Cependant, ce qu'on fait, c'est qu'il y a bien
sûr une volonté politique de tenter de réussir un contrat,
mais c'est une volonté politique réaliste qui ne s'inscrit pas
dans la frénésie d'une course au leadership. Quand on parle de
2000 ou de 2500 mégawatts, cela peut avoir l'air d'un pourboire pour le
député d'Outremont, mais je vous rappelle que, sur la base des
prix actuels qu'on projette sur l'horizon de 1990, qui seraient les prix
à l'exportation, on parle de revenus pour Hydro-Québec de 1 500
000 000 $ à 2 000 000 000 $ par année à partir de 1990. Si
cela n'est pas grand-chose, je veux bien, mais cela m'apparaît
énorme. Si on tient compte, bien sûr, que ces contrats seront
très certainement des contrats de longue durée, il n'y a pas un
Américain qui a une tête sur les épaules qui va accepter de
financer des interconnexions sur de pareilles distances -parce que notre
problème est de rendre notre kilowatt ferme à la frontière
et, ensuite, le relais est pris par les Américains - à moins que
ce ne soit un contrat de longue durée. Je suis un peu effrayé par
les propos du député d'Outremont, parce que, s'il faut se rendre
500 à New York et en Nouvelle-Angleterre pour expliquer aux
Américains qu'ils sont plus en sécurité en faisant
affaires avec la vallée du Saint-Laurent qu'avec le golfe Persique,
c'est qu'on prend les Américains pour des imbéciles. Quant
à la question de la sécurité des approvisionnements, je
pense que nous
marquons de façon magistrale un avantage considérable sur
tout ce qui peut venir de n'importe quel point du monde, en termes
d'importation de pétrole en particulier.
J'ajoute essentiellement qu'il serait dangereux d'aller faire sonner
trop de cloches en même temps aux États-Unis. La dernière
chose que je souhaiterais, c'est que nous nous placions nous-mêmes dans
un marché de vendeur. Engager Hydro-Québec et les
Québécois, finalement, qui, chaque mois, se rappellent que ce
sont eux qui en paient la note dans des scénarios et dans des
investissements de milliards de dollars sans d'abord et avant tout nous assurer
que nous avons un marché ou bien ici au Québec ou chez nos
voisins du Sud, je vais répéter ce que j'ai dit ailleurs: C'est
fou raide. J'aime mieux qu'on travaille avec les Américains, soit en
Nouvelle-Angleterre, soit à New York sur la base de contrats de vente
réalistes; 1500, 2000, 2500 mégawatts sur un contrat de 20 ans,
on parle de 40 000 000 000 $ à 50 000 000 000 $. Si ce n'est pas
beaucoup pour le député d'Outremont, moi, je considère que
c'est beaucoup. Des revenus d'exportation semblables pour Hydro-Québec
représenteraient un pourcentage énorme à son compte
d'exploitation.
Je pense qu'on ferait une erreur de nous équiper d'abord pour
ensuite vendre. Je pense qu'il nous faut vendre d'abord sur un marché
ferme, solide et à long terme. Le financement se fera tout seul ensuite,
j'imagine. M. Coulombe l'a bien indiqué tantôt. Je ne crois pas,
quant à moi, que les gens de Terre-Neuve étaient mal
équipés en termes de ressources humaines lorsqu'ils ont
signé le contrat concernant Chruchill Falls. Il faut bien rappeler de
temps en temps à l'opinion publique au Québec et à nos
amis de la presse, en particulier - la presse d'une façon
générale - que c'est Hydro-Québec, que c'est le
Québec et les Québécois... Je me rappelle très bien
ce que M. Daniel Johnson avait dit à l'époque: II signait ce
contrat le couteau sous la gorge. Il avait ses raisons: c'est
Hydro-Québec et le gouvernement qui, à l'époque, ont pris
tous les risques. C'est Hydro-Québec qui a amené la technologie,
qui a garanti les capitaux et qui a garanti aussi l'achat de la totalité
des 4300 mégawatts pour la durée du contrat. Quand on ne regarde
qu'un côté de la médaille, il faut faire attention.
Nous avons, bien sûr, eu un bon coup de main l'année
dernière avec une législation fédérale qui,
théoriquement, permettrait de placarder le Québec avec un
corridor hydroélectrique à partir d'un point quelconque du
tracé de 1927 vers la frontière américaine. Si vous voulez
mon avis là-dessus, je ne considère pas que ce soit une
concurrence très sérieuse, même en mettant entre
parenthèses le problème politique énorme que cela pose.
Simplement sur le plan de la pure rationalité économique, si on
fait un calcul à travers un corridor électrique ou encore si on
utilise le Anglo-Saxon Road, comme on l'appelle, prendre une production
hydroélectrique dans le bassin du fleuve Churchill et acheminer cela
à travers le détroit de Belle-Isle jusqu'à Terre-Neuve
puis revenir sur les provinces maritimes et vous présenter sur le
marché de New York ou de la Nouvelle-Angleterre avec un prix
concurrentiel, je ne sais pas qui conseille nos collègues de
Terre-Neuve, mais j'ai comme l'impression que c'est une aventure un peu
risquée.
Aux États-Unis, notre problématique est très
claire. Nous sommes intéressés. Nous avons signé des
contrats d'énergie excédentaire jusqu'à présent.
C'est dans cette foulée que, en compagnie du premier ministre, au
printemps, à Boston, j'ai indiqué que nous devrions - je
m'adressais à six gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre profiter du
momentum - je parle bien sûr de la ligne interconnexion au poste des
Cantons pour augmenter la capacité de cette interconnexion, dans un
premier temps, de transformer le contrat ou de le modifier pour qu'un contrat
d'énergie excédentaire puisse devenir porteur d'énergie
ferme. C'est dans ce sens-là que la problématique et la dynamique
se situent.
Je pense qu'Hydro-Québec et le Québec feraient une erreur
historique de se placer sur un marché de vendeurs, parce que ce ne
serait pas nous qui établirions les règles du jeu fondamentales
sur la question des prix et des clauses d'escalade ou d'indexation et de
référence à d'autres formes d'énergie sur l'avenir.
Quand on parle d'un contrat de 20 ans, cela dure longtemps. Il y a très
probablement aussi des scénarios, ou à l'intérieur d'un
contrat de longue durée, où il faut prévoir des
périodes de reconduction après 10 ou 15 ans. Il est bien certain
que je maintiens exactement ce que j'ai toujours dit dans ce dossier, faire
miroiter qu'on peut enclencher des travaux pour 8000 ou 10 000 mégawatts
à des fins d'exportation vers les États-Unis m'apparaît un
manque de réalisme tout simplement. Des créneaux de marché
qu'on identifie, à ce jour, se situent beaucoup plus dans la
problématique de 2000, 2500 possiblement 3000 mégawatts.
Voilà, pour la volonté politique, M. le député
d'Outremont.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je vois deux remarques, M. le Président, avant
de revenir à HydroQuébec. La première, le ministre nous
dit que la nécessité d'un lobby à Washington n'existe pas.
D'après l'information que j'ai obtenue moi-même - peut-être
qu'Hydro-Québec peut le confirmer - dans une
conjoncture d'exportation, il faut que ces sept compagnies de service
public forment un compact qui nécessite une loi de Washington. C'est la
raison pour laquelle Washington a toujours un mot à dire dans ce genre
de chose.
Par ailleurs, quand on parle des syndicats et des secteurs privés
du charbon qui font du lobby à Washington ou ailleurs, ce sont les
lobbies très puissants qu'il faut prendre très au sérieux.
Voilà la mise au point.
Je m'aperçois que le ministre aborde ce genre de dossiers avec sa
mentalité d'avocat. Ce que j'essayais de dire, c'est que cela nous
prendrait une mentalité de vendeur. Tant que l'on conservera une
mentalité d'avocat, on verra beaucoup plus de difficultés que
nécessaire. C'est sa position et on doit la respecter.
Je crois que l'an dernier - je ne sais pas si c'est au printemps - vous
nous aviez dit que vous aviez fait faire une étude de marketing qui vous
permettait de dire qu'il y a un créneau de 2000 ou 3000
mégawatts. Est-ce que ce serait trop vous demander que de vous inviter
à rendre publique cette étude que vous avez fait faire aux
États-Unis? Quelle société l'avait faite exactement?
M. Coulombe: En fait, on a dit que les chiffres que vous avez
là-dedans découlaient de deux sources, notre propre connaissance
du marché et une étude spécifique qui n'en a pas
déterminé 2000 ou 3000 mais . qui a déterminé le
total auquel vous faisiez allusion tantôt. Quant à l'étude
même, M. Lafond peut la décrire et voir comment elle s'est
bâtie.
M. Lafond (Georges): M. le Président, comme remarque
préliminaire, j'aimerais souligner que c'était très
agréable d'entendre le député d'Outremont dire qu'à
la suite du témoignage des gaziers du Québec, l'opération
marketing d'Hydro-Québec avait été perçue comme
très vigoureuse sur le plan domestique. J'aurais souhaité que les
autres électriciens canadiens puissent venir devant cette commission. Je
pense qu'après les avoir entendus, vous auriez conclu que la politique
de marketing d'Hydro-Québec, non seulement sur le plan domestique mais
sur le plan étranger, est aussi extrêmement vigoureuse, si on
compare avec ce que nos collègues des autres provinces essayent de
faire.
J'aimerais aussi souligner qu'il n'y a aucune autre compagnie
d'électricité de la couronne au Canada qui, dans un temps aussi
rapide, ait signé un contrat aussi important, c'est-à-dire 111
térawattheures, avec l'État de New York, d'une part, et, d'autre
part, 33 térawattheures avec le groupe NEEPOOL. Il n'y a sûrement
pas d'autres électriciens canadiens qui travaillent avec autant
d'énergie actuellement pour s'installer sur les marchés au sud de
la frontière.
M. Coulombe a très bien traité des contraintes. Il y a des
contraintes et des contraintes contraignantes. La dernière chose que
nous voudrions oublier actuellement c'est la loi de l'offre et de la demande et
de brasser trop fort l'équilibre délicat qui doit s'installer
entre une demande, d'une part, et une capacité de production, d'autre
part. Il est exact que nos amis au sud de la frontière ont des besoins
échelonnés dans le temps, qui peuvent être perçus
comme énormes. Cependant, ce qu'ils considèrent comme une
quantité qu'ils pourraient prendre du Canada, présentement, c'est
une quantité de substitution plutôt qu'une quantité de
remplacement de capacité de production à construire, pour
plusieurs raisons et en partie principalement à cause de l'incertitude
qu'ils ont chez eux - comme c'est le cas au Canada - de l'évolution de
la demande. Dans cette perspective-là, ils affirment carrément
qu'ils n'auront pas besoin de puissance avant 1995 et, dans certains cas, dans
l'an 2000. Aller mettre sur la table présentement un bloc énorme
pourrait mettre Hydro-Québec ou le Québec, comme vendeur
d'électricité, dans une position où on
déprécierait la valeur de son produit.
Je ne crois pas actuellement que cela serait dans le meilleur
intérêt de la province que de pousser trop de kilowattheures dans
le marché qui s'offre à nous en 1983, compte tenu que la
prévision de la demande est devenue l'exercice le plus difficile
à faire pour les électriciens.
M. Fortier: Pourriez-vous nous rappeler le nom des auteurs de
l'étude que vous avez fait faire aux États-Unis l'an dernier?
M. Lafond: On avait à ce moment-là deux expertises
différentes. L'une était surtout financière,
c'est-à-dire First Boston Corporation. Dans l'autre cas, il s'agissait
d'ingénieurs-consultants spécialisés dans le marketing et
le développement des services publics. De mémoire, je dirais que
c'était Bechtel.
M. Fortier: Ces études-là...
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...ne sont pas publiques?
M. Coulombe: Elles ne sont pas publiques parce que l'essentiel de
l'étude était dans le plan de développement de l'an
passé, les grands chiffres, les grands paramètres. Le reste'
consiste en une foule de données très particulières sur
certaines compagnies, leurs projets. On se sentirait extrêmement mal
à l'aise de rendre publics
des projets internes de compagnies avec lesquelles on n'a pas de
rapports directs, parce qu'on ne fait pas affaires avec chacune des compagnies;
on fait affaires avec des groupements de compagnies. Cela me semblerait -
peut-être pas tragique -indélicat de notre part de rendre publics
leurs plans internes de développement. L'essentiel du rapport est dans
le plan de développement, c'est-à-dire le nombre de
mégawatts. On l'a fait par marchés et cela résume
l'essentiel. Le reste c'est: Une telle compagnie veut faire telle chose en
telle année, etc. Cela nous semblerait vraiment manquer d'éthique
que de mettre sur la place publique ce genre de données. (12 h 45)
M. Fortier: Avec la loi sur l'accès à
l'information, en vigueur depuis le 1er juillet, est-ce qu'on aura droit
à ce genre d'information?
M. Coulombe: Là-dessus, je n'ai aucune idée de ce
que cela pourrait donner...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le député d'Outremont, je peux vous
donner l'assurance que ce genre de document ne tombe pas sous le couvert de la
loi sur l'accès à l'information.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais aborder un autre sujet, les
mini-centrales. J'y avais fait allusion moi-même auprès
d'Électricité de France qui, comme vous le savez, permet à
l'entreprise privée d'exploiter des minicentrales. J'ai bien compris que
vous faites présentement ce qu'on peut appeler du développement
pour éventuellement tester les nouvelles unités. Mais la loi,
dans le moment, dit ceci: C'est que tout développement
hydroélectrique au Québec doit être fait par
Hydro-Québec.
Surtout dans une conjoncture de surplus d'énergie où votre
motivation à développer des mini-centrales pour créer plus
de surplus deviendrait un peu farfelue, j'avais évoqué la
possibilité de permettre au secteur privé, qui voudrait
développer une mini-centrale surtout dans des endroits
éloignés - je pourrais même penser à des
investissements miniers, je pourrais penser à des gens sur la
Côte-Nord, je pourrais penser à des gens où probablement
les lignes de transport d'énergie ne se rendent pas et peut-être
même là où il y a des lignes de transport d'énergie
- Côte-Nord, Abitibi, des gens seraient intéressés à
développer une mini-centrale. J'ai justement ici le rapport
d'Électricité de France où il y a toute une
réglementation à cet égard. Autrement dit, sur le plan
technique, je crois que c'est possible de circonscrire le problème et il
est possible d'écrire des normes qui font que ceux qui
réaliseraient ces projets le feraient selon des normes
qu'Hydro-Québec aurait définies, justement pour pouvoir
développer certaines de ces mini-centrales et dans des situations qui
n'entreraient pas nécessairement à l'intérieur de la
planification d'Hydro-Québec, mais qui pourraient faire l'affaire
d'entrepreneurs privés dans des coins bien précis. Est-ce que,
à ce moment-là, compte tenu du fait que les 5000 ou 10 000
mégawatts de mini-centrales vont être reportés en l'an
2020, vous ne croyez pas qu'il y aurait pas lieu de modifier la Loi sur
l'Hydro-Québec pour permettre justement, dans des réalisations
ponctuelles, à des entrepeneurs privés de réaliser
certains de ces projets pour des fins particulières?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe
M. Coulombe: Dans le domaine que vous abordez, cela dépend
un peu - comme M. Bourbeau disait tantôt - de votre définition de
mini-centrale. Si vous prenez certains coins éloignés du
Québec où HydroQuébec est obligée, par la loi, de
fournir l'électricité, peu importe le coût, l'étude
économique est assez rapide à faire. Il n'y a pas une compagnie
privée qui, quelles que soient les conditions, pourrait se permettre de
régler certains problèmes de lieux très
éloignés au Québec. À moins qu'il y ait
liberté totale de multiplier les tarifs par 100. Je ne crois pas que ce
soit très populaire de le faire.
Par contre, dans certains coins - il y a des expériences qui se
font en Ontario -nous avons commencé à étudier la
possibilité que vous évoquez. Alors, j'élimine les
mini-centrales de 20, 30, 40 ou 50 mégawatts dans des coins
reculés où, pour l'entreprise privée, c'est exorbitant. Si
cela l'est pour Hydro-Québec, n'importe quelle entreprise privée
ne pourrait y arriver. Par contre, dans certains sites, il y a des
expériences qui se font au Canada. Nous commençons à
regarder cela. Il n'y aucune conclusion encore, je ne pense pas que
l'étude soit terminée avant plusieurs mois. Je vous avoue
honnêtement qu'actuellement ce dossier n'est pas la grande
priorité d'Hydro-Québec tout simplement à cause de la
situation de surplus, mais l'étude sur la possibilité de
développer certains petits sites, soit en collaboration avec
l'entreprise privée, etc., est en marche. Nous ne sommes pas dans une
situation où, si la croissance allait à 8% ou 10% par
année, Hydro-Québec serait complètement
étouffée dans un programme d'équipement et que chaque
kilowatt nouveau aurait un intérêt nouveau en soi. Nous ne sommes
pas dans cette situation et même
pour l'entreprise privée à l'heure actuelle, avec les
différents programmes qui sont en marche, je ne pense pas que ce soit
une priorité pour elle. Mais c'est un problème qui est
réel, nous avons commencé à l'étudier et on regarde
à l'étranger ce qui se passe là-dedans. Il n'est pas
nécessaire d'aller très loin, en Ontario il y a quelques
expériences concrètes qui se font, nous suivons cela.
M. Fortier: Je comprends bien que ce n'est pas une
priorité pour Hydro-Québec, c'est dans ce sens que je
l'évoque, pour permettre justement que, dans des régions
éloignées...
M. Coulombe: Mais on l'a étudiée.
M. Fortier: Certains industriels sont venus ici pour nous dire
que la plus grande difficulté à laquelle ils devaient faire face,
c'était le fait que durant les six, sept, huit dernières
années le tarif d'Hydro-Québec avait augmenté rapidement,
qu'ils n'avaient aucun contrôle sur les augmentations à venir et
que, comme cela a été fait dans le cas de Reynolds et autres, ce
qu'ils aimeraient avoir c'est des contrats à long terme.
J'évoquais la possibilité de permettre à une mine
en particulier de faire son propre investissement. C'est que si ces gens
n'avaient pas de problème de "cash flow", bien sûr que cela leur
permettrait d'être assurés d'un prix ferme pendant vingt,
vingt-cinq ans en tant que générateurs autonomes de leur propre
électricité. C'est la raison pour laquelle j'évoquais la
situation. Remarquez bien que cela regarde peut-être plutôt le
législateur qui devrait modifier la Loi sur l'Hydro-Québec, mais
je pense que cela devrait être fait en collaboration avec
Hydro-Québec si on allait dans cette direction. Je ne prétends
pas que ceci, à l'ensemble du Québec, créerait des
milliers et des milliers d'emplois, mais je crois que des installations
ponctuelles dans des régions éloignées, que des
députés ici autour de la table représentent, pourraient
dans certains cas, être des initiatives intéressantes.
M. Coulombe: Mais le secrétaire général
d'Hydro-Québec m'informe qu'il n'y a rien dans la Loi sur
l'Hydro-Québec qui restreigne l'utilisation des forces hydrauliques qu'a
Hydro-Québec.
M. Fortier: Je croyais que vous aviez un monopole de fait sur
toutes les ressources hydroélectriques. En tout cas on ne va pas partir
un débat d'avocats, mais je tenais pour acquis que vous aviez le
monopole total sur toutes les ressources hydroélectriques.
M. Coulombe: II ne semble pas que ce soit le cas.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: En tout cas... Je voulais seulement évoquer ce
problème.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): M. le député d'Outremont
disait ce qui s'était passé pour des mines. Je sais fort bien que
dans le passé des développements miniers sont venus voir
Hydro-Québec justement pour que l'électricité soit fournie
par Hydro-Québec. Ils ont assez d'argent à mettre dans leur
développement minier qu'ils ne veulent pas mettre un paquet d'argent
dans le développement...
M. Fortier: Dans la génération elle-même.
M. Bourbeau (Joseph): Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Un autre sujet: Politique des prix et tarification.
Tout à l'heure vous parliez, au sujet des rabais tarifaires, du nouveau
programme que vous avez mis en oeuvre au début de juillet. Des gens sont
venus ici nous dire: Écoutez, on ne croit pas que ce sera très
bénéfique parce que ces rabais sont valables seulement pour
quelques années, et ce n'est pas suffisant. Pour nous le temps de
justifier à nos conseils d'administration des investissements va faire
que ces investissements ne se réaliseront que d'ici deux ou trois ans.
Cela ne nous donne pas la marge de manoeuvre nécessaire et surtout pas
le nombre d'années requis pour amortir ces investissements. Cela
soulève toute la question de la tarification sectorielle. Je crois que
vous avez évoqué la possibilité d'avoir une tarification
différente dans l'avenir sur le plan industriel, justement pour
favoriser le développement industriel. Pourriez-vous nous dire où
vous en êtes à ce moment-ci dans la revue de cette nouvelle
tarification? Est-ce qu'à la fin du mois vous allez l'évoquer
d'une façon plus précise ou si pour le moment vous restez avec la
tarification traditionnelle d'Hydro-Québec?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: On aura l'occasion d'en reparler à la fin du
mois. On n'a pas de proposition à très court terme sur de la
tarification sectorielle autre que - si on peut appeler cela de la
tarification, mais il faut se méfier des mots - ce qui s'est fait dans
le secteur de l'aluminium. On y réfléchit, on
pourra en discuter à fond à la fin du mois. On a
d'ailleurs rencontré l'Association des grands utilisateurs et
discuté avec eux. On a commencé à aborder ce genre de
question qui pose énormément de problèmes. Quant au
programme qu'on a mis sur pied vous avez raison de dire que dans certains cas
c'est un programme qui va rendre service à certains, mais d'autres ne
seront pas prêts, dans le laps de temps où on aura mis en oeuvre
le programme, à faire les investissements. Par contre certains en
profitent. On va avoir des dossiers prochainement où ils vont en
profiter carrément. Mais évidemment c'est relié à
la période de surplus. C'est un programme qui est bâti en fonction
des surplus et c'est évident que pour certains types d'investissements
ce n'est pas très alléchant pour eux. Par contre d'autres
pourront en profiter.
Une des remarques qu'on nous a faites - on pourra en discuter a la fin
du mois -c'est à savoir s'il serait possible pour des compagnies ou des
secteurs qui fonctionnent à 80% ou à 70% de profiter de ces
rabais s'ils augmentent à 80% ou 90%. Apparemment cela peut sembler
alléchant mais cela pose un sérieux problème de
discrimination pour Hydro-Québec. En d'autres mots entre une compagnie,
dans le même secteur industriel, qui fonctionne à 98% parce
qu'elle est très efficace et une autre qui fonctionne à 80%, pour
d'autres raisons, cela devient extrêmement compliqué de
discriminer sur cette base.
Il y a donc une foule de problèmes qu'on a commencé
à explorer avec l'association. On n'en a pas réglé
beaucoup encore, mais on en a abordé plusieurs. On a l'intention de
continuer ce dialogue, de l'intensifier même non seulement avec cette
association, mais avec d'autres groupes. Je pense que M. Lafond a un programme
assez précis pour 1984 de dialogues et de rencontres. Probablement qu'il
aurait pu y en avoir plus dans le passé. Je pense qu'on est les premiers
à l'admettre. On a l'intention de les intensifier et d'aborder
carrément ce genre de problèmes avec eux, avec tout ce que cela
pose comme problèmes non seulement pour eux, mais pour
Hydro-Québec, en termes d'équité, en termes de
discrimination. On a l'intention d'aborder de front ces problèmes avec
tous nos clients industriels ou autres.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Une façon d'augmenter la consommation
d'énergie électrique, comme vous le dites dans votre
mémoire, c'est de faire de la recherche et du développement et de
trouver de nouveaux types d'application. Ici, je lis à la page 24: On
estime que le marché potentiel technique des applications
d'électricité dans le secteur industriel se situe à
environ 30 000 000 000 de kilowattheures par année, soit
l'équivalent actuel des ventes d'Hydro-Québec au secteur
industriel. Là, de toute évidence, il y a un potentiel
énorme. J'aurais deux questions.
La première, c'est que vous diminuez vos prévisions.
Est-ce à dire que vous sous-estimez les possibilités de
développement à court terme de ce côté? Par
ailleurs, j'aurais d'autres questions sur ce qui a été dit tout
à l'heure.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Sur le marché de 30 000 000 000 de kilowatts,
je vous ferai remarquer qu'une des dimensions de ce marché était
la chauffe industrielle. On vient de régler une dizaine de
térawatts. Donc, quand on disait qu'il y avait un marché de 30
000 000 000, on vient d'accaparer ou enfin de plonger dans le tiers du
marché. Les autres deux tiers, M. Gilsig y a fait allusion tantôt
et on pourrait peut-être reprendre certains des exemples, des cas pilotes
avec des industries, soit au niveau du placement. Or, là, on entre dans
des problèmes de technologie où, contrairement à la
chauffe industrielle où c'est immédiat, on fonctionne, pour les
deux autres tiers, beaucoup plus à moyen terme. Pour le premier tiers,
on a dit: Voilà un an, il y avait un marché de 30 000 000 000 de
kilowatts. On en a 10 000 000 000 de réglés pour un certain
nombre d'années. Il en reste 20 000 000 000 et les autres 20 000 000
000, on n'a pas diminué nos expectatives. Même, j'espère
qu'on va les augmenter. Mais là on entre dans la technologie à
moyen terme. Peut-être que M. Gilsig pourrait nous donner des exemples
concrets dans ce domaine.
M. Gilsig: Oui, je peux donner quelques exemples concrets aussi.
Dans les documents que vous aurez à la fin du mois, vous constaterez
qu'on a raffiné notre connaissance de ce potentiel. Dans ce document, on
parle de potentiel technique qui est d'à peu près 23
térawattheures selon nos derniers chiffres. On identifie un potentiel
économique qui est rentable, selon les études que nous avons
faites jusqu'à maintenant, d'à peu près six
térawattheures. Donc, on atteint six térawattheures d'abord et on
raffine de plus en plus notre connaissance pour le reste. Ces potentiels se
trouvent beaucoup dans les technologies de chauffage qui sont peu
utilisées au Québec, comme les plasmas que j'ai
mentionnés, le chauffage par induction, par infrarouge. Il y a un gros
potentiel que nous n'avons pas chiffré encore, mais qui fait partie des
23, mais pas du 6, des pompes à chaleur à haute
température. Nous travaillons sur les applications pilotes de
cette technologie, par exemple.
M. Fortier: Tout à l'heure, vous avez dit que dans le
domaine des plasmas, la technologie vous était propre. Vous avez
acheté, je crois, des technologies de Noranda. En tout cas, en ce qui
concerne toute la recherche et le développement pour de nouvelles
utilisations d'électricité, je l'ai dit l'an dernier, je crois
que vous allez dans la bonne direction et l'on doit vous féliciter pour
l'orientation que vous avez donnée sur cela. (13 heures)
L'aspect qui m'inquiète c'est qu'il semblerait que c'est l'IREQ
ou Hydro-Québec qui ont pris cela en main. Ils ont acheté des
technologies de l'entreprise privée. J'ai obtenu des informations sur ce
qui se fait en Ontario dans le domaine des plasmas. Ils travaillent d'une
façon tout à fait différente. Ici, c'est
Hydro-Québec et l'IREQ qui ont acheté des technologies, qui
développent la technologie et vous avez trois programmes ici, tandis
qu'en Ontario - j'ai une liste - ils ont au moins une dizaine de programmes
dans le secteur privé et ceci leur permet d'aller chercher des
subventions du gouvernement fédéral. Il semblerait que ces
subventions ne soient pas disponibles parce que vous êtes une
société d'État, c'est un premier handicap. Le
deuxième handicap, vu que cette recherche éventuellement devrait
permettre à des industriels de développer de nouvelles
technologies, de nouvelles machines, de nouveaux produits, je me demande si on
ne tombera pas encore dans la même difficulté qui a toujours
existé: c'est qu'on fait de la recherche et du développement qui
sont dissociés de l'industrie et par la suite on a de la
difficulté à en faire le marketing et à associer les
industries. Je me demande si l'approche d'Hydro-Québec en ce qui
concerne la façon dont vous faites votre recherche qui est tout à
fait contraire à l'approche de l'Hydro-Ontario, comme je l'indiquais
ici... Je vois qu'à Hydro-Ontario ils ont un programme avec Stelco et un
programme avec Dominion Bridge Steel Deer Ontario Hydro. Il y a un programme
avec Plasma Broiler Ignition, Consumer Gas, Canadian Portland Cement
Association, et Rocksal. De toute évidence, ils ont plusieurs programmes
avec plusieurs industries tandis que dans votre cas vous avez monopolisé
cette recherche et vous la faites dissocié du secteur privé.
J'aimerais que vous me justifiiez votre approche, si vous essayez de me
convaincre qu'elle est meilleure que celle d'Hydro-Ontario.
Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig. M. Gilsig:
Je n'essaierai pas de justifier notre approche, j'essaierai de la
clarifier, parce que je vois que ce n'est pas clair. J'ai fait allusion
à notre approche tantôt quand j'ai répondu à une
question du ministre concernant les technologies nouvelles. J'ai dit que notre
approche dans les implications industrielles c'était d'aller le plus
rapidement possible aux applications pilotes dans l'industrie. J'ai
mentionné que dans le domaine des plasmas, on poursuivait deux approches
parallèles. Une vers les applications pilotes et l'autre vers la
recherche et le développement chez nous. En effet, je peux vous
soumettre une liste, aussi impressionnante que la liste d'Ontario,
d'industriels avec lesquels nous travaillons actuellement sur les applications.
Certains de ces industriels sont dans la salle aujourd'hui. J'ai eu l'occasion
de les saluer. Les premières applications des plasmas au Québec -
nous avons une recommandation qui est en cours de montée à
Hydro-Québec actuellement - seront faites chez les industriels en
utilisant une technologie qui sera sûrement importée, qui ne sera
pas développée chez nous. Nos développements visent
plutôt le long terme et l'assistance à l'industrie
québécoise. Mais, nous voulons capter tous les
bénéfices possibles de l'importation de nouvelles technologies au
Québec dans un domaine autre que les plasmas évidemment. Nous
travaillons avec Volcano dans le développement des chaudières
électriques. Mais dans le domaine des plasmas nous travaillons avec
SIDBEC dans le domaine de la sidérurgie, nous travaillons avec Ciment
Lafarge dans le domaine des cimenteries. Nous avons toute une liste
d'utilisateurs avec lesquels nous sommes en contact. Nous travaillons avec les
ingénieurs-conseils. Nous sommes très conscients de ce
problème d'obtenir des subventions et de promouvoir le transfert des
technologies. Nous avons une présence soutenue à Ottawa avec nos
confrères pour obtenir des subventions pour nos réalisations.
Nous sommes très conscients que nous sommes en concurrence avec
l'Ontario et nous avons obtenu un contrat de l'Association canadienne de
l'électricité pour faire l'étude du potentiel de
l'application des plasmas dans tout le Canada. Nous pensons que nous avons des
ressources industrielles au Québec du côté de la
fabrication, du côté des utilisateurs et des ressources techniques
pour faire concurrence avec l'Ontario même dans la recherche des
subventions à Ottawa. C'est une de nos préoccupations.
Le Président (M. Rancourt:) M.
Coulombe.
M. Coulombe: Je veux souligner qu'en même temps et en
collaboration étroite avec l'IREQ dans les nouveaux services de mise en
marché qui ont été mis sur pied à Hydro-
Québec, il y a ce qu'on appelle - M. Lafond pourra en parler plus
longuement - des attachés commerciaux qui vont se spécialiser par
secteurs industriels et entre ces attachés commerciaux - actuellement
nous en avons cinq ou six qui sont aidés par une équipe
pluridisciplinaire - et l'IREQ, la collaboration, l'angle technologique et
scientifique du côté de l'IREQ et l'angle marketing-relations avec
les différents clients industriels est en train de se bâtir de
façon systématique.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, notre
règlement dit qu'à 13 heures, nous sommes obligés de
suspendre. Mais s'il y avait consentement, cela nous permettrait de terminer
l'audition d'Hydro-Québec. Est-ce qu'il y a consentement, M. le
député d'Outremont?
M. Fortier: Consentement.
Le Président (M. Rancourt): Donc nous allons poursuivre
jusqu'à ce que vous désigniez une heure spécifique...
M. Fortier: Pour 30 minutes.
Le Président (M. Rancourt): Trente minutes. Donc, nous
espérons...
M. Fortier: Est-ce que cela crée un problème pour
Hydro-Québec? Est-ce que vous êtes disponibles?
M. Coulombe: Oui, oui.
Le Président (M. Rancourt): Vous êtes disponibles;
donc, à 13 h 30, je demanderai à nouveau en
espérant...
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Je suis heureux d'entendre l'information que nous
donne M. Toby Gilsig. Quant à moi, j'aimerais avoir plus de
détails. Peut-être que les autres membres de la commission
aimeraient en avoir également si c'était possible. J'ai ici une
information à l'effet que: "The Federal Government can provide grants up
to 50% of the investment cost." Alors il ne faudrait pas suivre une politique
qui nous priverait d'obtenir 50% des investissements dans le domaine de la
recherche dans ce secteur en particulier; si c'est la politique que l'on suit,
tant mieux!
Un dossier qu'on abordera peut-être à la fin du mois, mais
je me demandais, compte tenu du fait qu'il y a des placards publicitaires dans
les journaux nous disant qu'il y a 400 000 $ de nos factures qui iront
directement dans les profits nets d'Hydro-Québec et qu'on subit 50 000
pannes par année dont la moitié sont planifiées par
Hydro-Québec, si vous pouviez faire rapidement le bilan de vos
négociations. Si cela prend trop de temps, on l'abordera à la fin
du mois en ce qui concerne les négociations. L'objectif que vous
poursuiviez l'an dernier était de diminuer les coûts
d'exploitation d'Hydro-Québec, d'une part, en modifiant le nombre de
postes et, d'autre part, en fixant des objectifs d'augmentation de salaires qui
seraient plus en ligne avec le secteur privé. Je pense bien qu'à
la fin du mois, il faudra prendre le temps nécessaire pour
l'étudier, mais je me demandais si vous pourriez résumer
l'état de la question maintenant.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Je ferai un bref rappel. À la fin du mois,
vous aurez en détail, dans le plan, l'état de la situation des
dépenses d'exploitation et ainsi de suite.
Quant aux conventions collectives, elles sont échues depuis le 31
décembre. Au moment d'entreprendre les négociations, on avait
trois objectifs très précis qu'on avait mentionnés
à la commission parlementaire. Le premier était de signer avant
le 31 décembre 1982. En toute objectivité et en toute
honnêteté, on n'a pas atteint le premier objectif; ce n'est pas
encore signé. Le deuxième objectif, c'était de signer une
convention collective raisonnable et équitable c'est-à-dire de
tenir compte de l'avance des syndicats d'Hydro-Québec sur le
marché et de récupérer une partie de cette avance.
Troisièmement, chose inusitée, c'était d'avoir des
conventions collectives signées plutôt que les éternels
problèmes. On pense que les deux autres objectifs sont encore
atteignables en dépit de la littérature d'un des syndicats dans
les journaux. Nous pensons encore qu'il est possible pour Hydro-Québec
d'avoir des conventions signées sans l'éternel chiard qui existe
dans ce domaine.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: À quel niveau se trouve-ton dans le moment? Il
y a un conciliateur qui est impliqué actuellement. Est-ce que cette
étape est terminée ou...?
M. Coulombe: Un conciliateur... Non, cette étape n'est pas
formellement terminée. Dans le cas du Syndicat canadien de la fonction
publique qui groupe la majorité des employés
d'Hydro-Québec, en termes de nombre, je crois pouvoir dire que les
démarches, les entretiens ou les négociations sont très
avancés. Dans le cas du Syndicat des ingénieurs, c'est
très avancé aussi, mais mettons que les dernières
discussions n'ont pas eu lieu récemment. Je maintiens qu'il est encore
possible de signer des conventions collectives qui tiennent compte des
intérêts
respectifs des deux parties sans tomber dans l'éternel
problème qu'on a eu. Nous sommes plus optimistes.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce que, dans les documents que vous nous
donnerez, on aura un état de la question, une comparaison des demandes
faites par les deux parties? Est-ce qu'on aura assez d'information pour se
faire une idée de la situation?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: J'ose espérer que d'ici à ce temps, ce
sera fini.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: On attendra. Rapidement, je voudrais juste terminer
avec le nucléaire. Le ministre l'a évoqué. J'entendais M.
Gilsig dire: on va recycler le personnel. Il faut bien se rendre compte - si on
ne veut pas se conter d'histoires - qu'il y a trois ou quatre catégories
d'employés qui oeuvrent dans le nucléaire. Il y a ceux qui font
de la recherche et du développement, ceux qui ont été
impliqués dans l'ingénierie des centrales, ceux qui ont
été impliqués dans la construction et ceux qui travaillent
plus particulièrement à Hydro-Québec pour l'exploitation
des centrales.
Il faut aussi se rendre compte que non seulement il y a du personnel
à HydroQuébec, mais qu'il y en avait également dans le
secteur privé. Quand on parle de recycler le personnel, je me demande
à quoi on fait allusion exactement. Ceux qui ont fait
l'ingénierie sont mutés à d'autres postes. Ces
équipes - que ce soit dans le secteur privé ou à
Hydro-Québec - n'existent plus en tant qu'équipes
d'ingénierie. Dans le domaine de la construction également.
Dans le domaine de l'exploitation, vous allez continuer à
exploiter Gentilly 2 avec les difficultés, de motiver des gens qui
savent que leurs chances de promotion sont à peu près nulles
parce qu'il y a seulement une centrale. De fait, je sais qu'il y a des
têtes dirigeantes qui étaient responsables de la formation du
personnel qui ont demandé à être déplacées
à d'autres postes. C'est pour cela que je me demande, somme toute,
lorsqu'on parle de maintenir une équipe qui nous permettrait en l'an
2000 de se relancer dans le nucléaire, si on ne se raconte pas des
histoires.
Est-ce que réellement on peut décemment dire que l'on va
maintenir des équipes minimales qui nous permettraient de se relancer
dans ce secteur-là, si ce n'est qu'on va maintenir des équipes
périphériques qui vont observer ce qui se fait ailleurs? Je me
pose sérieusement la question à savoir quel est l'objectif
qu'Hydro-Québec se fixe à cet égard? Les équipes
d'ingénierie n'existeront plus, les équipes de construction
n'existeront plus, les équipes d'exploitation des centrales vont
être réduites au minimum avec le peu de chances d'avancement. Cela
va être difficile même de garder celles que vous avez. Si jamais en
l'an 2000 Hydro-Québec pensait comme alternative d'aller dans le
nucléaire, on n'aurait pas d'équipe d'ingénierie, pas
d'équipe de construction, on n'aurait à peu près rien; on
serait obligé d'aller à l'étranger si on se lançait
dans un programme nucléaire. C'est la raison pour laquelle je crois que
les réponses données tout à l'heure ou celles
données de façon générale sont un peu fautives dans
le sens qu'on laisse l'impression qu'on maintient un secteur nucléaire.
Dans le fond, au moment où on se parle, au Québec, il existe de
moins en moins et, dans dix ans d'ici, il n'existera pas.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Je pense que je peux rejoindre le
député d'Outremont en disant que dans le secteur de
l'ingénierie et peut-être de la construction, on n'a pas de
construction en marche et on n'a pas de centrale sur la table à dessin
actuellement. Les gens qui étaient voués à faire ce
travail - on en a parlé tout à l'heure - on les transfère
au département de l'opération de la centrale. L'expertise
nucléaire va demeurer une expertise d'exploitation d'un réacteur
nucléaire.
On a aussi parlé de recherche. Je crois qu'il y a des mutations
qui peuvent se faire du groupe ingénierie de centrale avec la recherche
et tout ce qui se fait à l'IREQ au point de vue du nucléaire.
Quant à cette question: qu'est-ce qui va arriver à
l'avenir, on a perdu notre expertise? Réellement, je ne le sais pas. Une
chose qui apparaît assez claire, c'est qu'on n'aura pas besoin de
centrale nucléaire avec 2020 ou 2030. Il y a quelques années, on
pensait que vers 2000 ou 2005 on entrerait dans le nucléaire. C'est donc
dire qu'on a un pont qui s'allonge avec le temps. C'est un pont qui est assez
long. Avec tout ceci, reprendre et dire qu'on a perdu notre expertise et que
s'il fallait recommencer, on va être obligé d'aller chercher
l'expertise ailleurs, je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense qu'on est
capable de bâtir une équipe comme on en a bâti une en 1965.
On est allé chercher des gens de l'extérieur, des bureaux
d'étude. On a eu à former notre propre équipe. On s'est
lancé dans le nucléaire. Je pense qu'en l'an 2020 ou 2030
on pourra faire le même exercice.
Je fais un parallèle entre ceci et ce qui est arrivé dans
les années soixante-douze lorsqu'on a fait un contrat avec Churchill
Falls. Évidemment, on était en train de construire Manic-Outardes
et le contrat de Churchill Falls nous a enlevé tout notre personnel de
construction et même d'ingénierie. On est reparti dans la
Baie-James et on a reformé toute notre équipe sans aucune
difficulté. (13 h 15)
M. Fortier: La comparaison est un peu boiteuse parce que les
bureaux privés de génie-conseil avaient tenté d'aller
chercher des contrats à l'étranger, ils avaient maintenu des
équipes en place. Si on parle du nucléaire, présentement
cela n'existe pas. Je n'en ferai pas un drame mais simplement je pose la
question: Est-ce qu'on ne se leurre pas lorsqu'on dit qu'on maintient une
certaine équipe minimale? En dépit de ce que vous avez dit, on
sait fort bien l'un et l'autre que les équipes de gestion de projets...
Si jamais on se lance dans le nucléaire vers 2015 - j'imagine qu'on va
se lancer sur une échelle importante - on n'aura donc pas beaucoup le
temps de roder des équipes. Je ne veux pas savoir ce qu'on va faire. Je
me demande simplement ce qu'on essaie de faire dans l'immédiat, quel est
l'objectif d'Hydro-Québec dans l'immédiat. Vous voulez maintenir
Gentilly 2, recycler les gens dans la fusion. Ce sont des objectifs bien
minimaux. Je pense bien qu'il ne faut pas s'Illusionner sur l'impact à
long terme de ce genre d'exercice.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): La perte qu'on peut faire, c'est à
l'ingénierie. Étant donné qu'on n'a pas de nouveaux
réacteurs à implanter, il n'y a pas d'ingénierie de
centrales qui se fait. De fait, on passait par des bureaux externes pour faire
l'ingénierie de centrales. Au point de vue de la construction, il n'y a
plus de construction de centrales nucléaires. Remarquez bien que, dans
la construction de centrales nucléaires, on fait d'autres sortes de
construction. Faire du béton dans une centrale nucléaire ou faire
du béton dans un barrage, c'est toujours du béton. Il y a
certaines précautions à prendre lorsqu'on fait le bâtiment
du réacteur mais au point de vue de l'installation de la machinerie, une
centrale nucléaire, à part le réacteur, c'est exactement
une centrale thermique.
Je pense qu'on n'a pas perdu notre expertise. Si jamais dans les
années 2020, 2030 on veut recommencer un programme nucléaire, on
va être capable de mettre sur pied des équipes.
M. Fortier: Pour revenir à ce qu'évoquait le
ministre en ce qui a trait à la démolition de Gentilly 1, je
pense que les réponses qui ont été données l'ont
été au nom d'Hydro-Québec et en ce qui concerne
Hydro-Québec; je crois qu'il y aurait un certain mérite...
Lorsque l'Alliance Tournesol est venue ici, je leur ai dit que j'étais
d'accord avec leur proposition. Il faudrait peut-être le regarder... Le
secteur privé qui agit dans le domaine nucléaire - je parle du
secteur privé québécois - serait peut-être
intéressé à prendre cette expérience-là. De
fait, je sais qu'il y a un bureau de Hamilton, London and Partners, qui s'est
spécialisé dans la décontamination des centrales
nucléaires lorsqu'il y avait des accidents. Ils ont eu un contrat
à Three Mile Island; ils ont participé à cet
exercice-là. C'est sûr qu'il y aura un marché. Est-ce qu'on
est en meilleure posture que des gens de l'Ontario? Si on veut maintenir une
quelconque présence, je crois que la décision - comme vous l'avez
dit - revient à Énergie atomique. Le gouvernement du
Québec et Hydro-Québec auraient peut-être avantage à
inciter l'EACL à aller dans cette direction-là et à
favoriser le secteur privé québécois, qui pourrait
acquérir une expérience intéressante qu'il pourrait
utiliser sur les marchés extérieurs. Je crois que je rejoins les
préoccupations du ministre. Dans ce sens-là, je pense bien que ce
n'est pas une préoccupation des employés d'Hydro-Québec
mais cela pourrait être une considération plus large impliquant le
secteur privé.
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien qu'on discute avec EACL.
Tout ce qu'on a fait remarquer c'est que la centrale G 1 appartient à
EACL. Nous sommes continuellement en rapport avec EACL sur la façon
d'utiliser G 1 dans l'avenir. Il y a plusieurs possibilités qui
s'offrent à nous.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont, je crois que vous avez demandé la parole.
M. Rodrigue: M. le Président, en réponse à
une question du député d'Outremont, M. Lafond a fait
référence au marché potentiel américain. À
la page 26 du mémoire d'Hydro-Québec - je voudrais obtenir une
précision - on mentionne qu'au cours des 20 prochaines années on
estime que la production d'électricité de base par les centrales
au mazout lourd devrait demeurer supérieure à 2500
mégawatts dans le New York Pool et à plus de 4500
mégawatts dans le New England Power Pool.
Est-ce que ce sont des centrales projetées ou des centrales
intallées qui fonctionnent?
Le Président (M. Rancourt): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Installées.
M. Rodrigue: Ce sont des centrales qui sont
installées.
M. Bourbeau (Joseph): C'est à quelle page?
Une voix: À la page 26 du mémoire.
M. Rodrigue: C'est à cela que faisait
référence M. Lafond lorsqu'il nous a dit que les
Américains étaient davantage à la recherche
d'énergie de substitution de centrales actuelles et non pas à la
recherche de remplacement de centrales projetées. On mentionne ici 2500
mégawatts de centrales au charbon, ce sont des centrales
projetées. Est-ce que ces centrales sont en construction actuellement ou
si ce sont des centrales qu'on projette de construire dans un horizon qui est
quand même assez rapproché, 1987 et 1995? Toujours à la
page 26, en haut de la page.
Je vous pose ces questions parce que, récemment, dans des prises
de position publiques, il y a des personnes qui ont mentionné qu'il y
avait un potentiel de 8000 mégawatts de centrales au charbon
projetées aux États-Unis. Il m'apparaît utile d'apporter
cette précision si tel est le cas.
Le Président (M. Rancourt): M. Lafond.
M. Lafond: La réponse précise concernant les 2500
mégawatts centrales au charbon, je dirais que la construction de ces
centrales n'est pas encore commencée.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Celles au mazout sont déjà en
place?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafond. M. Lafond:
Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Maintenant, dans les conversations que vous avez pu
avoir avec les gens de New York et de la Nouvelle-Angleterre récemment,
est-ce qu'il est ressorti que ces centrales seraient mises en chantier ou
est-ce qu'ils vivent le même problème qu'on vit au Québec
et qui se vit un peu partout ailleurs aussi, qui veut qu'on soit obligé
de réviser très sérieusement à la baisse nos
programmes d'équipements, étant donné la baisse de la
demande? Est-ce qu'ils maintiennent qu'ils doivent mettre ces centrales en
chantier prochainement?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafond.
M. Lafond: Ces gens ont commencé à avoir les
mêmes problèmes que nous et deux ou trois ans plus tôt que
nous. Ils partagent encore les mêmes inquiétudes.
M. Rodrigue: Mais ils n'ont pas pris de décision
définitive?
M. Lafond: Non. Par ailleurs, dans certains coins, ils ont des
centrales nucléaires en construction et ils se posent la question
à savoir s'ils ne vont pas tout simplement arrêter la
construction, comme cela s'est fait dans d'autres provinces canadiennes, non
pas pour des centrales nucléaires, mais pour des développements
hydroélectriques.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Donc, si je résume, dans les chiffres de 9500
mégawatts qui ont été mentionnés tout à
l'heure comme étant un potentiel théorique d'exportation aux
États-Unis, en fait il y en a 7000 qui constituent des centrales
déjà existantes, déjà en place,
opérationnelles et 2500 qui constituent des centrales sur la mise en
chantier desquelles les Américains ont de sérieuses
interrogations au moment où on se parle. On peut résumer cela
ainsi.
Un autre sujet - étant donné que le temps fuit
actuellement, M. le Président, j'avais des questions sur le programme
d'équipements, mais comme on doit se revoir à la fin du mois, je
vais passer là-dessus -pour ce qui est des discussions sur Churchill
Falls. Est-ce que ces discussions, en plus d'impliquer la centrale de Churchill
Falls, touchent également à l'aménagement du Bas-Churchill
et également à l'aménagement, par le Québec, des
rivières de la Basse-Côte-Nord?
M. Bourbeau (Joseph): Comme je le disais, nous avons eu deux
rencontres et, lors de ces deux rencontres, on a mentionné Churchill, on
a mentionné Gull Island, on a mentionné les rivières de la
Basse-Côte-Nord, mais les discussions ne sont pas encore assez
avancées pour voir clair dans tout ce portrait.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: On est au stade d'étaler
chacun, de part et d'autre, ses positions? M. Bourbeau (Joseph):
Exactement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: C'est à peu près cela? Pour ce qui est
du programme d'équipements des trois prochaines années, on
constate, dans ce que vous nous avez dit, qu'il y a un transfert graduel et
assez rapide qui va se faire de l'aménagement hydroélectrique
vers les investissements dans la réfection du réseau de
distribution et de transport. Cependant, on constate aussi que les niveaux
d'investissements atteints au cours de ces trois prochaines années vont
être de l'ordre de ceux qu'on a connus dans les meilleures années
de la construction de La Grande, soit 2 000 000 000 $ ou 2 500 000 000 $ par
année pour les trois prochaines...
M. Bourbeau (Joseph): 2 000 000 000 $ au lieu de 2 700 000 000
$.
M. Rodrigue: Très bien. Étant donné que
là vraiment on tombe dans un autre type d'aménagement et que le
contenu des équipements électriques va être
extrêmement important dans les immobilisations qu'on va faire au cours
des trois prochaines années, est-ce qu'il y a eu des mesures de prises
pour intégrer et amener les manufacturiers d'équipements
électriques du Québec à se préparer pour pouvoir
fournir les équipements en vue de ces aménagements, étant
donné qu'on est sur un horizon à assez court terme? Y a-t-il eu
des approches auprès des manufacturiers québécois
d'équipements électriques pour faire en sorte qu'ils soient en
mesure de fournir les équipements au moment où
Hydro-Québec en aura besoin?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: Vous avez parfaitement raison, les discussions vont
s'accélérer très bientôt, c'est une de nos
préoccupations justement de faire profiter les manufacturiers
québécois, parce qu'il y en a beaucoup dans ce domaine; c'est de
l'appareillage qui est plus petit et il y a beaucoup de fabricants. On a
l'intention, à très court terme, de multiplier nos contacts avec
eux. Je tiens aussi à faire remarquer que les programmes, dans la
distribution et ainsi de suite, sont différents des grands
aménagements de la Baie-James. Il ne faut pas que vous oubliiez que dans
les meilleures années de la Baie-James une grande partie de
l'investissement total était de l'intérêt qu'on payait. En
termes d'activité économique concrète cela n'a pas la
même signification qu'un effort supplémentaire dans la
distribution. Ce que je veux dire c'est que beaucoup des montants
d'investissements totaux étaient de l'intérêt annuel qui
était remboursé. C'était de l'ordre d'à peu
près 30%. Il faut toujours se rappeler que lorsqu'on parle
d'investissements, en termes d'activité économique au
Québec, de retombées, il faut carrément enlever les
intérêts.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Est-ce que vous avez évalué l'impact
sur le niveau de l'emploi, sur la création d'emplois de ces
investissements massifs qui vont être faits pour améliorer le
réseau de distribution? De quel ordre est-il?
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe.
M. Coulombe: On va vous le donner lors de la discussion du
plan.
M. Rodrigue: D'accord. Très rapidement, quelques questions
sur les programmes actuels au niveau de la consommation interne, en particulier
le programme biénergie. Vous mentionnez qu'on avait un objectif, je
crois, de 70 000 résidences. On a atteint plutôt un objectif de
100 000 résidences.
M. Coulombe: On s'était fixé 76 000
résidences. Devant le succès obtenu la première
année on se fixe un nouvel objectif de 100 000 résidences.
M. Rodrigue: Pour 1985? M. Coulombe: 1984. M. Rodrigue:
1984-1985? M. Coulombe: 1984.
M. Rodrigue: Bon. Le potentiel de résidences
alimentées au mazout au Québec, qui pourraient être
transformées théoriquement par le système
biénergie, est évalué à combien?
Une voix: II est évalué à environ 175 000
résidences.
M. Rodrigue: Alors globalement 175 000. Donc si on atteint 100
000 on a dépassé 50% des résidences potentielles qui
pourraient être sujettes à ces modifications.
M. Godbout (Raymond): C'est exact.
Le Président (M. Rancourt): Si vous voulez vous
identifier, s'il vous plaît!
M. Godbout: Raymond Godbout, directeur.
Le Président (M. Rancourt): M. Godbout, vous avez la
parole.
M. Rodrigue: Quant au programme Énergain, vous mentionnez
qu'il y a 45% des résidences qui ont été
évaluées où les propriétaires ont
décidé de donner suite aux évaluations et aux
recommandations des évaluateurs et ont décidé de faire des
aménagements pour diminuer leur consommation d'énergie. C'est un
chiffre qui m'apparaît un petit peu bas. Évidemment, on peut
toujours dire qu'un verre d'eau est à moitié plein, c'est la
façon positive de voir les choses, ou dire qu'il est à
moitié vide et c'est la façon négative de les voir. Mais
que 55% de ceux chez qui des évaluations ont été faites
aient décidé, après coup, d'en rester au statu quo, de ne
pas suivre les recommandations qui leur ont été faites pour
améliorer leur isolation, etc., et, finalement, de ne pas profiter des
programmes qu'on a mis sur pied, cela s'explique comment?
Le Président (M. Rancourt): M.
Godbout.
M. Godbout: En fait, cette donnée de 45% faisait suite aux
données recueillies lors d'un premier sondage qui avait
été fait dans le courant de l'année 1982. Il y a eu un
deuxième sondage qui vient indiquer qu'aux alentours de 70% des
consommateurs qui ont bénéficié de l'analyse
énergétique réalisent la majorité des travaux
d'amélioration énergétique recommandés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Donc les chiffres qu'on a dans le mémoire -
qui date quand même du printemps, il faut le souligner - sont des
chiffres qui sont révisés maintenant et...
Le Président (M. Rancourt): M.
Godbout.
M. Godbout: Parce que les résultats du dernier sondage qui
a été fait là-dessus datent du mois de mai 1983. Alors
cela a augmenté. Les gens sont de plus en plus sensibilisés aux
avantages de réaliser les travaux d'amélioration
énergétique recommandés par les représentants
d'Énergain-Québec.
M. Rodrigue: Cela va, M. le Président. Nous aurons
l'occasion de poser les autres questions à la fin du mois.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: À la page 23 de votre mémoire, vous avez
dit que l'électricité dans l'industrie apparaît comme un
des meilleurs moyens d'accroître la vente interne d'Hydro-Québec.
Je me pose des questions à savoir si le réseau de distribution
s'est implanté à travers la province - je ne dis pas dans les
régions éloignées, mais globalement ou
généralement à travers la province - si votre
système de distribution est implanté de sorte que vous pourrez
fournir l'électricité à la plupart des industries.
Le Président (M. Rancourt): M.
Coulombe. (13 h 30)
M. Coulombe: Une des raisons pour lesquelles on met l'accent sur
le réseau de distribution et la fiabilité du réseau, c'est
justement pour répondre à cette inquiétude qui peut
être réelle. Vous avez vu, au mois de juin, Hydro-Québec a
fait une entente d'au-delà de 600 000 000 $ avec la ville de
Montréal pour améliorer le réseau du centre-ville
où il y avait certains problèmes de vieillissement et on a
doublé le rythme d'investissement dans le réseau de
Montréal.
Les investissements dont on aura l'occasion de parler à la fin du
mois vont vous démontrer que l'argent qu'on met là-dedans a pour
but d'augmenter la fiabilité du réseau. Dans le programme de
chaudières qui est en cours, on a rencontré certains
problèmes de distribution; il y a certains coins du Québec
où il faut être extrêmement prudent en ajoutant une charge
importante à cause de problèmes de distribution. Ce sont les
raisons pour lesquelles, pendant les trois prochaines années, on va
mettre l'accent énormément sur l'amélioration du
réseau en vue de sa fiabilité et de l'augmentation de la charge.
Mais nous vous donnerons les chiffres précis dans le cadre du plan
à la fin du mois.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, trois brèves remarques, M. le
Président; deux sont d'ordre juridique, et je suis convaincu que cela va
intéresser le député d'Outremont.
Une voix: Parfois, il essaie de jouer à l'avocat.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Duhaime: La première chose, concernant les
installations des petites
centrales sur des rivières, ce n'est pas la Loi sur
l'Hydro-Québec qui régit ces situations, c'est la Loi sur le
régime des eaux. Au-delà de 300 hp, automatiquement c'est
HydroQuébec et, en dessous de ce seuil, c'est préférence
à Hydro-Québec bien sûr, mais le gouvernement peut prendre
une décision par arrêté en conseil, ce qui veut donc dire
que nous n'avons pas à modifier ni la Loi sur le régime des eaux
ni la Loi sur l'Hydro-Québec.
Deuxième information, concernant les contrats d'exportation, que
ce soit en énergie exédentaire ou en énergie ferme, il
existe du côté canadien l'Office national de l'énergie qui
doit approuver les contrats d'exportation comme celui qui est en discussion
devant l'Office national de l'énergie actuellement avec l'État de
New York. Si les contrats d'énergie ferme se concluent, ils devront bien
sûr être approuvés par l'Office national de
l'énergie.
Du côté américain il y a deux mécanismes qui
existent, le premier qui est connu sous le nom de ERA, qui est la Economy
Regulatory Agency. C'est cette première agence américaine qui
étudie d'abord la problématique économique d'un dossier et
qui donne son accord ou non, c'est strictement administratif. Tout
récemment, par exemple, ERA a approuvé le contrat de vente
d'énergie excédentaire à New York.
La deuxième étape à franchir c'est devant un
organisme connu comme étant la FERC, qui est la Federal Energy
Regulatory Commission, où c'est la problématique
énergétique comme telle qui est sous examen.
Conclusion, il n'y a pas de loi américaine comme telle qui doive
être adoptée, ni devant la Chambre des représentants ni
devant le Congrès, pour autoriser ce genre de dossier. J'ajouterais que
par analogie, tout récemment, nous avons, avec succès, fait des
démarches devant la Tarif and Trade Commission sur une plainte
d'industriels américains au sujet des droits de coupe que nous exigeons
pour nos industriels impliqués dans la production de pulpe ou encore
dans l'industrie du sciage, et ce sont des agences ou commissions
administratives dont nous connaissons la réglementation. Il n'y a donc
pas lieu de monter de toutes pièces un "lobby" à Washington pour
influencer la législation. Il est bien sûr que, en temps et lieu,
Hydro-Québec devra faire ces demandes conjointement avec les clients
éventuels américains pour qu'on puisse obtenir un accord.
Mon dernier point, c'est peut-être pour apporter une note un peu
plus optimiste sur le premier commentaire du député d'Outremont
dans ses remarques initiales, alors qu'il disait qu'Hydro-Québec nous
amenait ce matin de mauvaises nouvelles et que cela allait donc mal, la
température n'est pas bonne. J'ai ici un document qui vous est sans
doute familier et qui est "Profil financier Hydro-Québec 1982". À
la page 6, on fait quelques comparaisons, c'est-à-dire l'année en
cours et le très court terme devant nous, 1983, 1984, 1985, par rapport
aux années passées. Je prends par exemple, tout à fait au
hasard, 1974, 1975 et 1976; les investissements en immobilisations
d'Hydro-Québec étaient de 616 000 000 $, 1 142 000 000 $ et 1 267
000 000 $, ce qui veut dire que, sur ces trois années,
Hydro-Québec a immobilisé 3 025 000 000 $. Je prends maintenant
l'année en cours, 1983, 2 800 000 000 $. Je me réfère au
plan d'équipement d'Hydro-Québec qui a été
présenté à la commission, à l'automne 1982: pour
1984, le niveau des investissements est de 2 400 000 000 $. pour 1985, 2 200
000 000 $; total, 7 400 000 000 $ pour les années 1983, 1984 et 1985
comparativement à 3 025 000 000 $ pour les années 1974, 1975 et
1976. C'est en dollars courants, bien sûr. Je pense qu'il n'est pas
nécessaire d'être ingénieur pour se rendre compte que cela
fait quand même une différence impressionnante.
Cependant, si j'ajoute à ces immobilisations
d'Hydro-Québec les investissements prévus dans le secteur gazier,
suivant les chiffres qui nous ont été fournis par SOQUIP, en
1983, c'est 370 000 000 $; 1984, 613 000 000 $ et 1985, 475 000 000 $. J'ajoute
1 450 000 000 $ à 7 400 000 000 $, pour un total de 8 850 000 000 $
seulement sur trois ans, 1983, 1984 et 1985, dans
l'hydroélectricité et dans le gaz. J'exclus l'investissement de
240 000 000 $ d'Ultramar dans sa nouvelle raffinerie.
Enfin, si on faisait la compilation de l'ensemble des investissements
dans le secteur énergétique, nous travaillons sur un ratio trois
ans pour trois ans à un contre trois. Si c'est ce que le
député d'Outremont appelle des mauvaises nouvelles, ce genre de
situation, j'avoue que je suis prêt à vivre encore quelques
années avec de pareilles mauvaises nouvelles.
M. Portier: On ne veut pas vivre avec le même gouvernement,
nous.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Donc,
ceci termine l'audition d'Hydro-Québec. Je veux remercier M. Bourbeau
ainsi que M. Coulombe. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 38)
(Reprise de la séance à 15 h 14)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend
l'étude des effets de la politique énergétique sur le
développement économique. Nous allons entendre le mémoire
de l'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité. Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous
plaît!
AQCIE
M. Rouleau (Jacques): Je suis Jacques Rouleau, président
de l'association, chef du service électrique de la Zinc
électrolytique du Canada Ltée. À ma droite, M.
André Pa-quette, vice-président de l'association et directeur des
services techniques pour les Aciers Atlas; deuxième à ma droite,
M. Yvan Toupin, directeur de l'AQCIE et directeur de l'usine CIL Inc., de
Beloeil. À ma gauche, M. Richard Trottier, directeur de l'AQCIE,
ingénieur de procédés pour les industries Erco
Ltée.
Le Président (M. Desbiens): M. Rouleau, c'est vous qui
lisez le document?
M. Rouleau: Oui.
Le Président (M. Desbiens): Vous avez la parole.
M. Rouleau: Merci. Au nom de l'Association
québécoise des consommateurs industriels
d'électricité, ci-après nommée AQCIE, nous vous
remercions, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de cette
commission, de nous donner l'opportunité de présenter notre
mémoire devant cette commission parlementaire.
En premier lieu, l'AQCIE souscrit aux grands objectifs visés par
la politique québécoise de l'énergie et entend supporter
toute tentative visant à contribuer à l'essor de l'entreprise au
Québec.
Nous allons faire un petit léger historique de notre association.
L'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité a été fondée en 1981 et
incorporée en mars 1982. Elle regroupe 26 compagnies-membres et
représente 63 abonnements de grande puissance, pour un total de 1700
mégawatts. Les secteurs d'activités que représentent nos
membres sont les suivants: pétrole, mines, métallurgie, ciment,
chimie, produits manufacturés, pâtes et papiers. Elle procure 48
000 emplois directs qui sont rémunérés à des
salaires généralement supérieurs à la moyenne, en
plus d'être générateurs de milliers d'autres emplois.
De façon générale, l'AQCIE vise les objectifs
suivants: pourvoir un médium de discussion pour traiter de sujets
pouvant affecter le bien-être de ses membres vis-à-vis de
l'alimentation et des coûts d'électricité; pouvoir
représenter leurs intérêts communs auprès des
gouvernements fédéral, provincial et municipaux, des commissions
parlementaires et de toute autre autorité possédant un pouvoir de
juridiction; troisièmement, établir et encourager un esprit de
coopération entre les membres de l'association, Hydro-Québec et
le public; participer et promouvoir les échanges d'information
concernant l'électricité entre l'association et les membres de
l'association, entre l'association et les autres organisations existantes en
Ontario, en Colombie britannique et aux États-Unis et dont les objectifs
sont semblables.
Basées sur nos objectifs, nous allons vous présenter les
grandes lignes de notre mémoire: l'influence de
l'électricité dans les coûts de production; la concurrence
en matière énergétique; la comparaison des tarifs; les
raisons d'un tarif incitatif; l'emprise de l'état sur les tarifs;
l'énergie excédentaire et, enfin, nos recommandations.
En premier lieu l'influence de l'électricité dans les
coûts de production. Au Québec, dans la grande entreprise, le
coût de l'électricité représente ordinairement de 5%
à 50% du coût de production et même plus dans certaines
industries comme celle de l'électrolyse, par exemple. Depuis 1979, les
tarifs d'électricité ont augmenté en moyenne pour ces
industries de 18% par année comparativement à une moyenne
annuelle de 9% pour l'Ontario. Au Manitoba, il n'y a pas eu d'augmentation de
tarif depuis 1979 et ceci devrait se continuer jusqu'en 1984.
Concurrence en matière d'énergie. L'Hydro-Québec
est en situation de monopole au Québec, tout comme les distributeurs de
gaz naturel. Des territoires exclusifs de distribution sont alloués
à ces industries. Cela est, évidemment, demandé par la
nature même de leurs activités. Il ne faudrait pas que les
gouvernements, tant provincial que fédéral, favorisent la
concertation de ces deux monopoles, ce qui ne pourrait qu'être au
désavantage des consommateurs. Nous en avons vu un exemple
récemment alors que des pressions ont été exercées
par le gouvernement fédéral afin que le programme
d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec ne vienne pas nuire
à la pénétration du gaz naturel. Nous ne favorisons pas de
telles situations et croyons que la concurrence devrait exister entre les
diverses sources d'énergie.
La comparaison des tarifs. Si vous regardez le tableau, à
l'appendice B du mémoire, nous pouvons y voir qu'en 1979 les tarifs
ontariens étaient de 58% supérieurs à ceux
d'Hydro-Québec. Cet écart à baissé progressivement
jusqu'à 20,5% pour l'année en cours. Il faudrait remarquer dans
ce tableau que, pour l'année 1983, au lieu d'être 31,2%, cela
devrait être 20,5%. L'Ontario étant notre plus grand
compétiteur, nous
croyons qu'il faudrait retrouver un écart de prix variant de 50%
à 60%. Il y a trop de facteurs économiques, fiscaux, politiques,
sociaux qui jouent contre l'industrie québécoise. Nous croyons
que l'électricité devrait continuer à être un
facteur d'incitation au développement industriel.
Les raisons d'un tarif incitatif: conserver l'effet d'entraînement
que la création d'une usine a sur la création d'autres usines car
c'est là que se retrouve le véritable levier d'industrialisation;
maintenir la concurrence avec certaines provinces favorisées par
d'autres sources d'énergie telles que le gaz naturel, le pétrole
ou autres; permettre de conserver la rentabilité des nombreuses
entreprises qui se sont établies en raison de ces tarifs avantageux;
compenser l'éloignement du marché desservi par nos
industries.
Emprise de l'État sur les tarifs. Au cours des dernières
années, le gouvernement du Québec s'est servi
d'Hydro-Québec comme source de financement par le biais de taxes
indirectes et de dividendes qui ont nécessairement influencé les
tarifs à la hausse. Bien que le gouvernement ait eu à faire des
choix difficiles, nous croyons qu'il serait plus avantageux pour l'État
de retirer des revenus sous forme de profits d'entreprises et d'impôts de
particuliers en favorisant l'implantation d'industries par des tarifs
avantageux. De plus, les industriels sont sensibles à
l'insécurité créée par des tarifs fixés par
l'État et qui ne reflètent pas toujours les coûts
réels de production.
L'énergie excédentaire devrait être rendue
disponible à des tarifs avantageux même au détriment du gaz
naturel. Une saine concurrence assure des prix justes et une plus grande
efficacité de la part des fournisseurs.
Nos recommandations sont: 1° qu'une tierce partie soit
désignée apte à entendre les représentations
d'Hydro-Québec et des consommateurs, comme cela se fait couramment en
Ontario et aux États-Unis, sur des questions telles que
l'élaboration des tarifs, l'élaboration des contrats,
l'interprétation des contrats, l'allocation des coûts de
production de l'électricité entre les diverses catégories
de consommateurs; 2° qu'il y ait un comité conjoint
Hydro-Québec-consommateurs chargé d'étudier diverses
formes de tarification visant à rendre plus rationnelle la consommation
de l'électricité; 3° que les intentions d'Hydro-Québec
soient connues au plus tard dans le deuxième trimestre de l'année
précédant l'application des tarifs; 4° que toute augmentation
ou changement dans la structure de la tarification d'Hydro-Québec donne
la possibilité à chaque consommateur de réviser son
contrat; 5° que les tarifs soient établis de façon à
susciter l'implantation de nouvelles industries et à protéger
celles déjà existantes; 6° que les subventions
accordées à des nouvelles industries, telles que Pechiney, ne
soient pas à la charge de l'industrie existante lors de l'allocation des
coûts de production de l'électricité entre les secteurs
domestiques et industriels; 7° que les constructions d'équipement de
production d'électricité relié à l'exportation
s'autofinancent; 8° que l'énergie excédentaire soit rendue
disponible à des tarifs avantageux même si cela se fait au
détriment du gaz naturel: 9° que les coûts additionnels de
transport des entreprises québécoises soient
considérés lors de l'établissement des tarifs. Que l'on
considère, de plus, que d'autres provinces bénéficient de
tarifs avantageux pour d'autres formes d'énergie; 10° que les tarifs
soient établis en fonction des augmentations des coûts de
production de l'électricité et cessent d'être assujettis
à des taxes qui représentent maintenant un lourd fardeau; 11°
que l'augmentation des tarifs de tansition n'excède pas deux fois le
taux d'inflation.
M. le Président, l'Association québécoise des
consommateurs industriels vous remercie de votre bienveillante attention. Nous
sommes prêts à répondre à vos questions, s'il y a
lieu.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie pour votre mémoire. Il y a,
cependant, des choses qui font sursauter quand on en prend connaissance. Je
tiens compte que, sauf erreur, votre mémoire a été
rédigé au printemps, je crois, en mars 1983. Même avant
cela?
M. Rouleau: Même avant cela. On voulait le présenter
en 1982 à une commission parlementaire ici. On n'a pas pu le
présenter.
M. Duhaime: Je pense qu'on va tenir compte de l'évolution
de la problématique parce qu'il y a certaines choses, il y a certains
des points qui sont couverts dans le bloc "recommandations" de votre
association et qui, durant l'été, ont fait l'objet de
décisions d'Hydro-Québec et d'annonces publiques. Je pense, entre
autres, au programme offert aux entreprises, des rabais pouvant atteindre 50%,
dans une politique d'écoulement des surplus. Je pense que c'est un des
objectifs que vous visiez dans le cadre de votre mémoire. Je voudrais
vous
donner une assurance. Sous la rubrique Intervention de l'État,
vous nous incitez à ne pas nous laisser influencer par les pressions, si
pressions il y a, du gouvernement fédéral pour ce qui est de la
pénétration du gaz. Je peux vous dire qu'à ce jour et
à ma connaissance il n'y a eu aucune espèce de pression du
gouvernement fédéral dans ce dossier.
Les ententes qui ont été faites entre une compagnie qui
s'appelle Gaz Inter-Cité dans laquelle SOQUIP, la Caisse de
dépôt et placement et Winnipeg Inter-City Gas ont des
intérêts font en sorte que le gouvernement fédéral
va payer, sur trois ans, les coûts d'investissements des latérales
pour les années 1983, 1984, 1985, de même que Gaz Métro et
Gaz Inter-Cité vont pouvoir bénéficier d'un programme
fédéral sur les années correspondant aux phases
d'expansion en termes de manque à gagner pendant les périodes de
pénétration. Ces interventions, que nous avons souhaitées,
d'ailleurs, ne sont reliées à aucun volume de gaz en termes de
vente. Ce que nous visons dans notre démarche, de notre
côté, en fonction des objectifs gaziers à
l'intérieur de la politique énergétique, ce sont les
ratios que vous connaissez, à savoir se retrouver avec 16%, par exemple,
de gaz naturel dans notre bilan à l'horizon de 1990 et probablement
à quelque chose autour de 18% ou 20% à l'horizon de l'an
2000.
Notre objectif est d'atteindre ce scénario en même temps
qu'on maintient la rentabilité des deux entreprises et de leur permettre
de faire leur financement. Dans un cas, Gaz Métro a des actions
inscrites en Bourse, Gaz Inter-Cité n'en a pas, mais elle est sur les
marchés financiers pour ses emprunts. De ce côté, il n'y a
aucune pression. Il y a un arbitrage, cependant, que le gouvernement fait
directement en approuvant ou non les différents programmes
spéciaux qu'Hydro-Québec pourrait envisager. De même, nous
pourrions théoriquement le faire par la voie de la fiscalité sur
l'hydroélectricité ou encore sur le gaz naturel.
Vous mentionnez que le tarif devrait peut-être tenir compte des
coûts réels de production. C'est bien ce que vous avez
mentionné? Si vous avez en tête le coût marginal de
production, je voudrais qu'on se comprenne bien. Je ne suis pas convaincu que
les grands consommateurs seraient prêts à payer cette note. Le
coût marginal de production se traduirait sur une facture de grand
consommateur par des tarifs beaucoup plus élevés que ce qui
existe déjà. Je ne sais pas si vous voulez vous expliquer
davantage là-dessus. Dans le résumé que j'ai ici, vous y
faites référence explicitement: "que les tarifs soient
établis en fonction des augmentations des coûts de production de
l'électricité et cessent d'être assujettis à des
taxes qui représentent maintenant un lourd fardeau." Pour livrer
complètement votre pensée, qu'est-ce que vous avez en tête
exactement quand vous voulez relier la tarification aux coûts de
production? (15 h 30)
Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.
M. Rouleau: Je voudrais éclaircir un point. On a
rencontré les représentants d'Hydro-Québec il y a environ
deux semaines. On a justement soulevé la question du coût
réel et du coût marginal. Il ne faut pas s'imaginer que nous
sommes des spécialistes dans le domaine, mais on a soulevé la
question avec les représentants d'Hydro-Québec et, lors des
discussions qu'on a eues avec eux - c'était une première
rencontre dont on doit se féliciter - on a défini certains
critères concernant ce dont on parlait, le coût marginal et le
coût réel. Il semblerait - c'est ce que les représentants
d'Hydro-Québec nous disent et ce que M. le ministre va certainement nous
dire - que les industriels paient, à l'heure actuelle, un peu moins cher
que le coût réel de production. Par contre, la base de calcul
serait peut-être à discuter un peu plus à fond dans ce
domaine. Mais nous ne sommes pas des spécialistes pour discuter de cela.
C'était une idée qu'on véhiculait, qui a été
véhiculée, mais nous ne sommes pas assez spécialistes dans
le domaine pour y répondre.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: En fait, on a essayé depuis quelques
années de faire en sorte que chaque catégorie de consommateurs
assume les coûts réels appartenant à sa catégorie.
Il est bien évident qu'il y a encore actuellement des disparités.
Dans le commercial, c'est bien connu, par exemple, que toute cette
clientèle paie beaucoup plus que les coûts réels, à
Hydro-Québec. Alors, au fil des années, parmi les correctifs
qu'on peut apporter sur la grille tarifaire, je pense que, comme objectif en
soi, ce peut être sain et une espèce d'idéal, mais, d'un
autre côté, il ne faut pas être cartésien au point de
dire que, si ce n'est pas atteint à la virgule près, cela va
rendre les gens malades. L'objectif est là de ne pas créer de
distorsion en termes de coûts réels assumés par
catégories de consommateurs.
Maintenant, je veux souligner une chose. On entend beaucoup parler du
Manitoba qui a gelé ses tarifs; je crois que cela fait maintenant trois
ans ou qu'on est dans la quatrième année du gel. Contrairement
à tous les scénarios de provocation d'investissements que le
gouvernement manitobain et Hydro-Manitoba avaient mis au point pour attirer
des
investissements industriels, en particulier dans l'aluminium, cela n'a
pas donné les résultats attendus. Conséquemment, je pense
que ce scénario est en révision pour la raison que je viens
d'évoquer, à savoir que l'objectif n'est pas atteint.
Deuxièmement, Manitoba Hydro est en déficit dans son compte
d'exploitation. Je crois savoir que, récemment, le gouvernement
manitobain a passé une commande à sa société
d'État pour voir à refaire l'équilibre et, selon mes
informations, c'est 25% à 26% qui s'en vient de hausse moyenne au
Manitoba. On verra bien ce qu'ils font de leur côté. Je pense que,
là-dessus, on va s'entendre rapidement, le coût de
l'énergie hydroélectrique est un facteur très important,
bien sûr, dans une décision d'investissement, mais il y a aussi
d'autres facteurs qui doivent être pris en considération et dont
les investisseurs tiennent compte, bien sûr.
Je ne sais pas exactement ce que vous souhaitez. Concernant l'arbitrage,
on comprend très bien votre point de vue. Vous nous suggérez
probablement une nouvelle méthode d'approbation des tarifs, si j'ai bien
saisi le sens d'une de vos recommandations, en plus de les faire
connaître plus tôt, mais veuillez nous l'expliquer davantage. Vous
avez référé à l'Ontario, par exemple, qui a un
mécanisme un peu différent; l'Ontario Energy Board a un pouvoir
de recommandation; ce n'est pas un pouvoir décisionnel. Que je sache, au
Canada, sauf erreur, il y a une seule province, la Colombie britannique, qui
fait approuver ses tarifs par une agence non gouvernementale, mais on peut
supposer que le téléphone existe là aussi. C'est le seul
cas que je connaisse. J'ai toujours maintenu le point de vue que c'était
peut-être en commission parlementaire le meilleur endroit pour en
discuter. Voulez-vous développer ce point? Qu'avez-vous en tête
exactement?
Le Président (M. Rancourt): M.
Rouleau.
M. Rouleau: On ne veut pas une autre régie. On a une
commission parlementaire. On voudrait se faire entendre. Actuellement, on ne se
fait pas entendre à la commission parlementaire sur l'élaboration
des tarifs, sur les contrats, sur le changement dans la tarification, s'il y a
lieu. Hydro-Québec vient ici en commission parlementaire et elle seule a
le droit de parole. Nous disons que le mécanisme est là. C'est la
même chose pour l'interprétation ou l'élaboration de
contrats. La Régie de l'électricité et du gaz existe et
elle pourrait peut-être interpréter certaines clauses ou donner
l'interprétation des contrats qui provoquent certains litiges. On n'a
aucun organisme actuellement. C'est dans ce sens-là qu'on parle. Le
rôle de la Régie de l'électricité et du gaz ce n'est
pas uniquement le système de mesurage, pour nous autres.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pense qu'on parle de deux choses
différentes. Je voudrais qu'on se comprenne. Il peut y avoir
différentes hypothèses de situation, mais si un grand
consommateur industriel a un litige avec Hydro-Québec quant à
l'interprétation d'un contrat, rien n'empêche qui que ce soit
d'aller devant le tribunal de droit commun pour aller chercher un jugement
déclaratoire ou encore inscrire une instance qui suivrait son cours.
Pour ce qui est des contrats types, vous souhaitez un arbitrage et vous
suggérez la Régie de l'électricité et du gaz. Mais,
dans les faits, qu'est-ce que cela voudrait dire? Vous voulez que la
régie devienne l'arbitre sur le contrat type et, ensuite, sur
l'interprétation des clauses? Comment voyez-vous le déroulement
de cela sur le plan pratique?
Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.
M. Rouleau: Ce serait un des moyens. J'ai mentionné la
régie, mais on ne l'a pas mentionnée là-dedans. On n'a pas
de moyen, au point de vue du consommateur individuel, à part, comme vous
le dites, d'aller devant la cour pour défendre un point de vue. Les
contrats types ne sont élaborés que par Hydro-Québec. On
n'a pas de droit de regard là-dedans.
Un des points majeurs concerne l'élaboration des tarifs. On
voudrait avoir notre mot à dire. Que l'on sache les tarifs un peu
d'avance. On recevra au mois de novembre les tarifs pour l'année
prochaine. C'est très difficile pour la planification des industriels.
Je comprends que c'est très difficile de planifier pour
Hydro-Québec, mais c'est également très difficile pour les
industriels.
M. Duhaime: Ce qui serait souhaitable pour vous serait une
tarification à plus long terme?
Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.
M. Rouleau: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: On pourrait peut-être vous donner un prix de
consolation quand vous parlez de l'intervention de l'État. Je ne sais
pas si notre modèle est exportable pour la
fixation des grilles tarifaires, mais jusqu'à tout
récemment, au niveau fédéral, l'Office national de
l'énergie établissait d'autorité les prix du
pétrole et du gaz. La loi de l'office a été amendée
et ce pouvoir est aujourd'hui entre les mains du gouvernement
fédéral. Je ne sais pas, mais j'ai comme l'impression que cela
peut devenir très théorique comme débat à savoir
qui, finalement, prend la décision. Les gouvernements, quels qu'ils
soient, ont toujours, par le biais de la fiscalité, un mot à
dire, finalement, et cela a un impact réel sur la tarification. Par
exemple, quand on décide d'augmenter la taxe sur le pétrole ou
qu'on décide d'enlever la taxe sur le gaz naturel et de maintenir la
taxe sur l'électricité, c'est évident que cela se
reflète sur la facture du client. Je ne parle pas des grands
consommateurs industriels qui ne sont pas nécessairement visés
par toutes ces problématiques, en ce qui est de
l'électricité en tout cas, mais, en fin de compte je me demande
si on n'est pas en train de faire un débat tout à fait
théorique. J'avoue honnêtement que, comme citoyen, j'aime pas mal
mieux que ce soit le gouvernement qui fixe les tarifs. Il en paiera le prix aux
élections suivantes si les citoyens ne sont pas heureux de la situation.
Je pense que, dans notre genre de démocratie, c'est la façon de
faire.
Je sais, cependant, que, dans l'État de New York, ce sont des
agences qui établissent les prix. Les élus de la population ne
veulent pas y toucher, le meilleur réflexe étant de dire à
leurs électeurs: C'est vrai que cela coûte cher, mais ce n'est pas
notre responsabilité, c'est celle de l'agence. Moi, j'aime mieux prendre
toute la responsabilité d'une situation parce que, si l'on donne le
pouvoir à une agence, cela va être un pouvoir
délégué, de toute façon. Je pense que personne ne
va se faire prendre au jeu là-dedans. Je ne sais pas comment vous
réagissez. Moi, je vous donne mon point de vue avec l'heure juste,
à une minute près.
Le Président (M. Rancourt): M.
Rouleau.
M. Rouleau: Je voudrais préciser un point. On est d'accord
avec ce que vous dites, à savoir que ce soit le gouvernement qui fixe
les tarifs d'électricité, qui prenne la décision. Le
principe qu'on défend, c'est qu'on voudrait être
représenté. À l'heure actuelle, nous ne le sommes pas. Les
consommateurs ne sont pas représentés; d'autres parties
également ne sont pas représentées pour la fixation des
tarifs. Le gouvernement entend, comme on dit très souvent, un son de
cloche: celui d'Hydro-Québec. Le seul point, c'est qu'on ne veut pas
avoir une autre régie. Cela va donner quoi, en réalité?
C'est tripler les choses.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Si je vous saisis bien, vous voudriez être
convié chaque année autour du fer à cheval et venir donner
publiquement votre réaction à la proposition tarifaire
d'Hydro-Québec dans l'hypothèse où la tarification se
fasse d'année en année ou de deux ans en deux ans, ou peu
importe. C'est bien cela, le sens de votre proposition?
Le Président (M. Rancourt): M.
Rouleau.
M. Rouleau: C'est bien cela.
M. Duhaime: Très bien. Je pense qu'on se comprend bien.
Cela ne veut pas dire qu'on est d'accord, mais on se comprend.
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Trottier.
M. Trottier (Richard): Au Québec, il y a plusieurs
industries dont une grosse fraction du coût de revient est
représentée par de l'électricité. Si d'une
année à l'autre les augmentations fluctuent - elles sont parfois
basses et parfois élevées - si une année on a une
augmentation de tarif de 20%, cela peut porter un très dur coup à
des industries dont peut-être 30% ou 50% du coût de revient est de
l'électricité. C'est dans ce sens-là qu'on estime qu'on
devrait avoir notre mot à dire dans les augmentations qui sont
décrétées.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Quand vous dites 50%, on va s'entendre pour dire que
c'est fort un peu. Je serais curieux d'apprendre le nom d'une entreprise pour
qui l'hydroélectricité compte pour 50% dans ses coûts de
production. Je pense qu'on a parlé cette semaine - pour ce qui est de
l'hydroélectricité, j'entends; je ne parle pas de
l'énergie sous toutes ses formes - des pâtes et papiers et, si mon
souvenir est bon, l'industrie nous a parlé de 15%; dans l'aluminium et
en gros dans la métallurgie, on doit être autour de 25% à
30%. Il y a peut-être des secteurs de l'électrochimie où
c'est plus élevé. Moi, je l'ai dit assez clairement. On a
donné des indications. Hydro-Québec l'a
répété, je crois, ce matin. Nous avons une grille
tarifaire qui s'applique aux grands consommateurs, qui est une grille unique.
Je fais exception des contrats particuliers qui sont en rattrapage. Mais un
nouveau contrat va être basé sur le tarif grande puissance, peu
importe le secteur d'activité industrielle ou manufacturière, et
l'évolution du prix va varier, bien sûr,
suivant les volumes vendus, suivant la puissance. Alors,
Hydro-Québec, très souvent, va exiger 1/95 comme facteur de
puissance; elle va exiger parfois des garanties de paiement, que
l'énergie soit consommée ou non.
Mais il faut bien comprendre aussi que la vérité n'est pas
que d'un côté. Si on ne donne pas à Hydro-Québec un
certain nombre de garanties quant aux quantités d'énergie
livrées, on va prendre le problème d'un côté et on
va le déplacer de l'autre. On va se retrouver possiblement avec des
distorsions drôlement importantes. Je peux vous confirmer que des travaux
sont en cours au ministère de l'Énergie et des Ressources, de
même qu'à Hydro-Québec; nous travaillons à
différents scénarios de tarifs en fonction des activités
industrielles, pour justement prendre en compte l'évolution
technologique, par exemple. Dans le secteur des pâtes et papiers, il se
consomme moins d'énergie aujourd'hui qu'autrefois. C'est vrai aussi dans
le cas de l'aluminium. La technologie avance également dans le secteur
de l'électrochimie. Alors, il faut en tenir compte. (15 h 45)
II faut surtout tenir compte d'une donnée qui m'apparaît
fondamentale dans le dossier. Il y a beaucoup de grands consommateurs dont les
marchés sont internationaux. Il faut tenir compte non seulement de notre
prix d'énergie hydroélectrique offert au Québec, mais
aussi du prix des autres matières premières qui entrent dans le
coût de production de certaines entreprises. Si on maintient un
coût égal au Brésil ou à l'Australie dans certains
secteurs manufacturiers, mais que ces pays ont des matières
premières dont nous ne disposons pas et que nos industriels sont
obligés de s'alimenter en matières premières à des
coûts plus élevés et probablement aussi en tenant compte
d'une masse salariale plus élevée si on tient compte des
économies en voie de développement, on va se retrouver non
concurrentiel sur le marché international, c'est évident.
Cette donnée n'est pas nouvelle à Hydro-Québec,
mais on devrait en tenir compte de plus en plus à l'avenir. On a
certaines industries dont la majorité des activités ont des
débouchés internationaux et dont l'avenir est passablement noir
à l'heure actuelle; je pense, entre autres, au minerai de fer, au
secteur du cuivre. On pourrait multiplier les exemples où on est
resté traditionnellement dans des structures non seulement de
consommation d'énergie, mais de fabrication ou de technologie et
où on se retrouve un bon matin avec des fermetures d'usines et des mises
à pied.
Dans ce sens-là, je peux vous donner l'assurance qu'on va
accélérer ces travaux. J'ai eu l'occasion de dire il y a une
semaine qu'on ne pourra très certainement pas demander à
Hydro-Québec d'inclure cela dans sa proposition tarifaire qui sera
discutée dans deux ou trois semaines en commission parlementaire et qui
devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1984. Ce qu'on a fait dans le secteur
de l'aluminium, je pense que c'est un modèle drôlement
intéressant qui nous a permis de marquer des points; ce genre de grille
qui s'ajuste à la réalité des marchés
internationaux, on pourrait la transporter dans d'autres secteurs
d'activité, soit dans les mines, soit dans le secteur manufacturier ou
autres. Là-dessus, on est en mesure de régler cette question au
cours de l'année 1984. Je ne demanderais pas mieux et je souhaiterais
qu'Hydro-Québec puisse pour 1985, pour certaines parties des
activités industrielles, arriver avec une grille tarifaire qui serait
beaucoup plus souple.
Je ne sais pas si cela rejoint une des propositions que vous faites,
mais c'est dans ce sens qu'on se dirige. On va convenir ensemble qu'il ne sera
pas facile de fixer les ratios et les différents coefficients de
façon à ne créer ni bousculade, ni distorsion, ni
injustice dans la grille tarifaire.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois qu'il faut remercier
l'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité de nous faire part de ses problèmes.
L'association avait déjà tenté de nous faire part de ses
problèmes lors de l'audition d'Hydro-Québec à l'automne
1982. C'est donc dire que, dès l'automne 1982, il y avait un malaise
manifeste chez des gens qui sont créateurs d'emplois. Ils tentaient de
percer le mur et de dire qu'ils avaient des problèmes. De fait,
lorsqu'on regarde les statistiques dans le dernier rapport annuel
d'Hydro-Québec, on s'aperçoit que les raisons que vous avancez
pour dire qu'il y a un sérieux malaise existent. Si on regarde les
ventes d'électricité régulières au Québec
par catégorie d'usagers, on s'aperçoit que le secteur industriel
en particulier dont vous faites partie en 1978 consommait 29 400 000 000 de
kilowattheures; en 1979, 29 800 000 000 de kilowattheures; en 1980, 31 500 000
000 de kilowattheures; en 1981, 31 400 000 000 de kilowattheures et, en 1982,
29 000 000 000 de kilowattheures. De 1982 à 1978, la consommation
d'électricité régulière est à peu
près la même. Si on regarde le prix que vous avez payé pour
cette électricité, celui-ci est passé de 376 000 000 $
à 690 000 000 $, une augmentation d'environ 82%. Votre malaise vient
aussi du fait que, dans la tarification d'Hydro-Québec, il faut
maintenant inclure les taxes qui étaient, en 1978, de 40 000 000 $ et,
en 1982, de 185 000 000 $, une augmentation de 300% à
400%.
Le malaise vient du fait que vous voulez vous faire entendre, lorsqu'il
y a des modifications à la tarification, que vous avez tenté de
faire des représentations à l'automne 1982 - j'y ai fait
écho - et que le ministre nous dit maintenant qu'il commence à
comprendre. Il faudrait bien que le gouvernement commence à comprendre
les créateurs d'emplois et leurs problèmes. Ce sont eux qui
créent des emplois. J'espère que les gens des deux comités
qui ont été mis sur pied vont commencer à comprendre la
dynamique de l'emploi au Québec, parce que cela commence à
être réellement important pour assurer la création
d'emplois et diminuer le chômage, d'autant plus que, la semaine
dernière ou la semaine précédente, dans son
mémoire, la CSN nous disait que, globalement, la stratégie de
l'industrialisation à partir de l'électricité avait
été un échec. La politique de l'industrialisation
basée sur l'électricité à bon marché n'a pas
rapporté, malgré le fait qu'en 1976 l'électricité
ait été meilleur marché.
Votre cri d'alarme est, en fait, de dire: Écoutez, on a des
problèmes. Vous êtes de grandes industries importantes qui
créez de l'emploi au Québec, il faudrait en tenir compte. Il
devrait y avoir un dialogue avec l'industrie pour chercher à savoir
quels sont les problèmes et vous permettre de vous exprimer. C'est la
raison pour laquelle, quant à nous, votre recommandation d'être
entendus nous semble primordiale, que ce soit à la Régie de
l'électricité et du gaz, où ce serait un processus plus
élaboré ou que ce soit en commission parlementaire où ce
serait un processus moins élaboré mais qui vous permettrait de
dire ce que vous avez à dire lorsque Hydro-Québec nous
présente une documentation sur l'augmentation désirée ou
sur des modifications à la tarification.
Le ministre nous dit que, très bientôt, il y aura une
modification à la tarification pour différents types
d'industries. Il serait bien important à ce moment d'entendre les gens
qui ont un mot à dire dans ce sens. À mon avis, cette
recommandation va de soi et devrait être adoptée en temps utile.
Même s'il fallait demander à Hydro-Québec d'adopter une
tarification pour six mois et, dans six mois, avoir une tarification par
secteur industriel qui permette justement une relance de l'économie,
à mon avis, on devrait le faire. Il y a eu des retards dans ce sens. Le
président d'Hydro-Québec y faisait allusion ce matin. Il va
falloir reprendre le temps perdu.
Vous avez dit: Écoutez, il faut absolument que le gouvernement
favorise l'électricité quant aux tarifs, même si cela fait
mal au gaz naturel. Différents agents économiques nous ont dit:
Écoutez, c'est important, le gaz naturel. Si on a du gaz naturel dans
plusieurs régions du Québec, cela permettra à certains
types d'industries de se développer. On n'aime pas beaucoup faire face
à un monopole. Vous venez de le dire vous-mêmes. Si, dans
certaines régions du Québec, non seulement on a
l'électricité, mais on a également du gaz naturel, cela
permettra une concurrence. Là, vous dites: Ce que nous voulons, ce sont
les prix les plus bas pour l'électricité.
Par ailleurs, comme vous le savez, la dynamique de la rentabilité
du gaz naturel exige qu'un certain nombre d'industries se dirigent vers le gaz
naturel. Alors, si Hydro-Québec réussit trop sa
pénétration, il est entendu que Gaz Inter-Cité ou
même Gaz Métropolitain auront des problèmes à
rentabiliser leurs investissements dont a fait état le ministre ce
matin. C'est bien beau de faire des investissements, mais, à un moment
donné, il va falloir payer pour ces investissements. Tout à
l'heure, vous avez fait état de votre énoncé de principe,
en disant: Écoutez, ce que nous voulons, ce sont des tarifs
d'électricité au plus bas coût possible,
indépendamment de ce qui peut arriver au gaz naturel. J'aimerais que
vous me disiez les raisons pour lesquelles vous êtes en faveur d'une
telle politique. Si cela faisait mal au gaz naturel et s'il y avait certaines
régions du Québec qui en étaient pénalisées,
en tant qu'industriels, comment réagissez-vous devant une telle
possibilité?
Le Président (M. Rancourt): M.
Rouleau.
M. Rouleau: Je réponds à cette question et,
ensuite, je passerai la parole à M. Toupin. Je veux simplement souligner
ceci. Vous avez parlé tout à l'heure d'Hydro-Québec et des
tarifications à venir. C'est bien beau de venir en commission
parlementaire, mais ce que nous recherchons également avec
Hydro-Québec, c'est la concertation avant de venir en commission
parlementaire. Nous les avons rencontrés la semaine dernière. Je
crois que nous avons franchi un pas immense avec cela. Bien souvent, on a mis
des programmes disponibles sur le marché pour les industries, mais sans
trop les consulter. Peut-être qu'il n'y avait pas de moyens de
communication auparavant, de notre côté, au point de vue des
grands utilisateurs industriels. Maintenant qu'il y a un moyen de
communication, on veut être consultés avant de mettre des
programmes en marche, que ce soit la bouilloire électrique, etc., tous
les programmes qui ont été mis en marche. Il pourrait y avoir un
phénomène de concertation avant et travailler en
collaboration.
Maintenant, je vais demander à M. Toupin de répondre
à votre question directe.
M. Fortier: Juste pour terminer là-dessus, il faudrait
donc une certaine
collaboration avant de venir en commission parlementaire quitte, par la
suite, à faire état de vos divergences, s'il en reste.
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.
M. Toupin (Yvan): Pour répondre à votre question ou
pour tenter d'y répondre, M. le député, je crois qu'il n'y
a pas un industriel qui ne rêve pas de la journée où il
pourrait se présenter à son usine et choisir devant autant de
formes d'énergie qu'il en existe. Présentement, on a le gaz,
l'électricité et le mazout, pour nommer les trois principales.
Pouvoir choisir selon les prix qui sont les meilleurs, je crois que c'est tout
à fait louable si on parle en tant qu'industriels.
Maintenant, ce qui se produit, c'est que nous, on prône la libre
concurrence. On aime bien le gaz, l'électricité et on aime, en
particulier, les surplus, car c'est avantageux pour nous. Ce qu'on ne voudrait
pas, c'est que les jeux soient faussés, que par les politiques
gouvernementales on veuille préserver un secteur. Entre autres,
présentement, la pénétration du gaz naturel au
Québec, on comprend très bien et on conçoit à long
terme que cela puisse être louable. Cela pouvait l'être il y a un
an ou deux. On se pose la question sérieusement, devant tous ces surplus
qui existent présentement - on a des surplus dans toutes les formes
d'énergie présentement: Est-ce qu'on doit continuer ou est-ce
qu'on ne doit pas retarder la pénétration du gaz pour profiter
des surplus d'électricité qui existent présentement et
pour lesquels les investissements ont été faits? Dans le cas du
gaz naturel, certains investissements ont été faits, mais on doit
encore dépenser de l'argent pour ajouter aux surplus qu'on connaît
présentement.
On souscrit sûrement à la politique à long terme de
remplacer le mazout par du gaz naturel. Maintenant, à quel rythme
doit-on le faire? On pense qu'on doit réévaluer la position
présente dans une période de surplus et se demander si on doit
ajouter à nos investissements pour créer des surplus
additionnels, ou si on doit tenter, premièrement, d'écouler des
surplus pour lesquels les investissements ont déjà
été dépensés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous êtes sûrement au courant des
ententes entre le gouvernement fédéral et l'Alberta et entre les
différentes provinces, ce qui fait que présentement il y a des
politiques favorisant la pénétration du gaz. Si je prends la
défense de ceux qui disent qu'il faudrait continuer la
pénétration du gaz présentement, ils se disent que, dans
trois ou quatre ans, ces programmes n'existeront plus, à moins qu'on ne
les renégocie. Là, il faudrait se mettre à table avec le
gouvernement fédéral et l'Alberta pour faire comprendre qu'on a
des problèmes particuliers au Québec. Je ne connais pas le
problème des autres provinces. Cela se peut qu'il y en ait
également dans les autres provinces.
Si on veut s'occuper du Québec - on a assez de nos
problèmes ici - il faudrait faire comprendre qu'on a des
problèmes particuliers. Cela demanderait une renégociation pour
s'assurer que, dans deux, trois ou quatre ans, on ait quand même certains
avantages financiers ou l'aide du gouvernement fédéral en
particulier pour la construction des conduites latérales de gaz. Ceux
qui utilisent cet argument se disent: Si on ne le fait pas maintenant, on ne
l'aura pas plus tard.
En tant qu'industriels vous êtes ceux qui utiliserez le gaz, ceux
qui justifient la rentabilité de ces investissements. D'après
tous les experts qu'on a entendus, même si c'était un
succès dans le domaine domestique, la rentabilité de Gaz
Métropolitain et de Gaz Inter-Cité dépend dans une
très grande mesure de l'utilisation du gaz par l'industrie en
particulier. Je crois que votre association regroupe à peu près
les mêmes membres que l'association des industriels utilisateurs de gaz.
Je pense qu'on parle aux mêmes gens. Il est bien important de vous
demander - vous qui êtes les créateurs d'emplois - sachant que
cette négociation pourrait ne pas déboucher dans le sens que l'on
désire, dans quelle mesure vous êtes prêts à prendre
le risque d'utiliser les surplus d'électricité
présentement, à reporter à plus tard certains
investissements dans le domaine du gaz et à prendre avantage de la
situation présente pour créer de l'emploi.
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin. (16 heures)
M. Toupin: M. le député, on croit effectivement
qu'on doit s'intéresser sérieusement à ces questions.
Maintenant, pour résumer, on se demande tout simplement: Est-ce qu'on
est parti avec un plan d'attaque et peut-être que, maintenant, on se
laisse influencer par un plan d'attaque qu'on ne veut pas changer ou modifier?
Est-ce qu'il ne serait pas plus sage, à la lumière des
événements présents, de réajuster notre tir,
peut-être pas du côté des grands objectifs, mais
sûrement du côté des échéanciers? On s'est
posé la question et on ne prétend pas avoir les réponses
ou toutes les solutions, mais il nous apparaît que ce n'est pas logique,
en période de surplus, de dépenser des sommes pour créer
plus de surplus. On se dit qu'il vaudrait la peine de réexaminer la
situation et de fixer possiblement les nouveaux échéanciers.
Le Président (M. Rancourt): M. le
député.
M. Fortier: Alors, si je comprends bien votre point de vue, vous
dites qu'à très long terme il faut garder à peu
près les mêmes objectifs, si on ne veut pas trop dépendre
de Khomeyni en 1995. Mais présentement, compte tenu des surplus et
surtout de ce qu'on a appris par le Devoir de samedi dernier, soit
qu'Hydro-Québec aura encore plus de surplus pendant plus longtemps, il
faudrait réévaluer la situation et modifier
l'échéancier, si je vous comprends bien - je voudrais que vous le
disiez vous-même - de pénétration du gaz dans les
prochaines années.
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.
M. Fortier: Est-ce que c'est votre point de vue?
M. Toupin: Exactement.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, un concept
intéressant a été développé dans le
mémoire qui nous a été présenté, c'est celui
du principe de la tarification différenciée dans le temps.
J'aimerais savoir des représentants de l'Association
québécoise des consommateurs industriels
d'électricité, d'abord, s'ils ont fait une étude assez
exhaustive de cette question et, deuxièmement, quelles seraient les
mesures qui devraient être prises par les industries pour s'adapter
à ce mode de tarification.
M. Rouleau: Je vais donner la parole à M. Trottier,
à ma gauche, qui a travaillé strictement sur ce secteur du
mémoire.
M. Trottier: Pour la tarification différenciée dans
le temps, il y a eu une enquête faite par Hydro-Québec
auprès des grands consommateurs.
M. Rodrigue: Pourriez-vous d'abord résumer en quoi
consiste le concept? J'ai jeté un coup d'oeil dans le mémoire et
j'en ai une petite idée.
M. Trottier: La tarification différenciée dans le
temps, c'est un outil qui permet à Hydro-Québec d'écouler
l'électricité quand elle en a et d'éliminer des pointes de
consommation qui dépassent la capacité de ses installations quand
elles surviendraient normalement.
M. Rodrigue: Est-ce que cela ressemble un peu au système
actuel? Enfin, Hydro-Québec utilise un système actuellement, ce
qu'on appelle les charges interruptibles. Est-ce que c'est dans ce sens?
M. Trottier: Les charges interruptibles aident aussi à
éliminer la pointe d'hiver pour l'électricité. La
tarification différenciée dans le temps serait plus
régulière pendant toute l'année, pour utiliser
l'excès de charge électrique pendant les fins de semaines ou
pendant la nuit, alors que, dans le jour, on peut quelquefois manquer
d'électricité.
M. Rodrigue: Est-ce que cela veut dire que les tarifs seraient
plus élevés aux heures de pointe, par exemple, que ceux de la fin
de semaine où la demande est moins forte? Est-ce que c'est cela que vous
voulez dire?
M. Trottier: C'est le modèle qui était
suggéré dans l'enquête qui a été faite.
M. Rodrigue: La question que je posais, c'est: Pour les
entreprises industrielles, cela demande quand même une certaine
adaptation, cela veut dire soit qu'elles maintiennent la production et qu'elles
paient les tarifs ou encore peut-être qu'elles voudraient jouer un peu
avec la production pour pouvoir épargner de l'argent sur
l'énergie. Est-ce que vous avez examiné ce que cela signifie
comme conséquences concrètes et pratiques pour les industries de
s'adapter à un mode de tarification comme celui-là?
M. Trottier: Oui, ceci a été regardé.
Certaines industries peuvent en profiter grandement tandis que d'autres, dont
le procédé a plus d'inertie, ne peuvent pas modifier leur charge
électrique; aussi, il y a les questions d'horaires des travailleurs, il
y a plusieurs facteurs qui interviennent. Mais, pour résumer, toutes les
industries ne sont pas également favorables ou défavorables
à la tarification différenciée dans le temps.
Une voix: Cela va, merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais seulement revenir sur votre
dernière affirmation. Vous êtes d'accord avec les objectifs de
pénétration du gaz naturel tels qu'ils ont été
identifiés dans le scénario du livre blanc. Mais ce que vous
souhaitez, c'est qu'à l'intérieur de la période de 1990 ou
de l'horizon 2000, peu importe à quel niveau on se situe, on ait un
étalement dans le temps. Je vous retourne la balle parce que l'argument
me paraît tout à fait réversible. Si j'avais à
défendre votre dossier du point de vue d'un consommateur
d'électricité, je
souhaiterais que le gaz naturel pénètre le plus vite
possible. Car ce qui m'apparaît assez évident, c'est qu'à
partir du moment où on vit actuellement une abondance à la fois
du pétrole et des produits raffinés, si le gaz naturel est
disponible et si l'hydroélectricité est en situation de
disponibilité pour quelques années, est-ce que le résultat
net, du point de vue d'un consommateur, n'est pas d'amener les prix à la
baisse?
Alors, si je fais un raisonnement par l'absurde et que je ramène
la part du gaz naturel, qui est autour de 9,5% environ dans le bilan, là
où elle se trouvait il y a quelques années - autour de 6% - du
point de vue d'un consommateur, on se comprend bien, je ne vois pas pourquoi
Hydro-Québec aurait entrepris un programme d'écoulement d'un
certain surplus. Je ne veux pas me placer en contradiction avec
Hydro-Québec et le ministère de l'Énergie et des
Ressources. J'essaie de faire le raisonnement du point de vue d'un
consommateur.
Si on maintient une concurrence avec les pétrolières que
nous avons entendues jusqu'à présent - ceux qui travaillent dans
le secteur du gaz naturel et Hydro-Québec - il m'apparaît assez
clair que - le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a de la concurrence -
cela a forcé Hydro-Québec à ramener le rythme de
croissance de ses dépenses d'exploitation - qui étaient
historiquement à 22% - à 11% pour 1982; son objectif pour
l'année 1983 était de les réduire à moins de 6%. Il
y a un gain réel pour le consommateur dans cette hypothèse.
L'argument n'est-il pas réversible?
M. Toupin: M. le ministre...
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.
M. Toupin: ...j'avais commencé en disant que tous les
industriels aiment avoir autant de sources d'énergie que possible
disponibles à leur porte. Je crois que c'est vrai et que cela rejoint
aussi votre argument. De plus, ceci est bien pour autant qu'entre les formes
d'énergie la libre concurrence existe.
Ce que je voulais indiquer, c'est que, si par des moyens artificiels ou
par des politiques gouvernementales on veut trop favoriser, entre autres, une
source d'énergie, à ce moment-là on dit à
Hydro-Québec, par exemple: Restez en dehors de tel domaine parce que
c'est un domaine propice au gaz naturel, pour le consommateur, on vient de le
priver d'une source d'énergie alternative. Alors, c'est ce genre
d'intervention, pour une forme en particulier d'énergie, qui ne
paraît pas défendable.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je peux vous donner l'assurance que ce genre
d'intervention n'a jamais été faite. Dépendant des jours,
quand c'est Hydro-Québec ou SOQUIP, ou Gaz Inter-Cité ou Gaz
Métro qui téléphone, il s'agit d'être près du
dossier - à ce bout-ci de la lunette, en tout cas - pour se rendre
compte qu'il existe de la concurrence et que tantôt une institution va
choisir le gaz naturel, tantôt elle va se convertir du mazout à
Hydro-Québec; tantôt, c'est une industrie dans le secteur des
pâtes et papiers qui opte pour l'hydroélectricité; deux
semaines plus tard, une entreprise qui oeuvre exactement dans le même
champ d'activité industrielle décide d'opter pour le gaz naturel.
Dans les régions gazières, la concurrence joue son plein
rôle.
Le problème a été non pas réglé, mais
identifié. Entre autres, je me souviens que le président de
SOQUIP a dit qu'il y avait des zones de danger. Mais, c'était le point
de vue d'une compagnie qui a des intérêts dans le gaz naturel. Il
faut bien comprendre aussi que les prix du pétrole et du gaz
étant réglementés au niveau du gouvernement
fédéral, du moins à l'entrée de la franchise et
avant de regarder du côté de la fiscalité, de la même
manière le prix de l'hydroélectricité est aussi
réglementé par un gouvernement et là aussi la
fiscalité joue. Elle ne s'applique pas aux grands consommateurs
industriels.
Il n'y a jamais eu de dogme stipulant que, automatiquement, le prix de
l'électricité devrait se situer à mi-chemin entre le prix
du pétrole - pour les fins de chauffage -celui de l'huile à
chauffage et celui du gaz naturel. Mais ce qu'on a posé comme principe
et qu'on observe depuis quelques années, c'est que
l'hydroélectricité, qui était en 1970, en 1971, en 1972 -
et toujours auparavant aussi, la forme d'énergie la plus chère au
Québec est devenue aujourd'hui la deuxième.
Je ne sais pas, mais si j'étais un grand consommateur industriel,
bien égoïstement, je souhaiterais qu'il y ait surabondance des
trois formes d'énergie. Selon la disponibilité des trois formes
d'énergie, la logique me conduirait à conclure que j'ai beaucoup
plus de chances d'avoir les prix à la baisse s'il y a abondance que s'il
y a rareté. Je ne sais pas si vous avez le même sentiment que
moi.
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.
M. Toupin: Non. Je crois qu'on se rejoint, encore une fois, pour
autant que la libre concurrence demeure, quant à la forme. On est tout
à fait d'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Dans la même lancée, on dit que les prix
sont régis. Dans le cas du gaz, c'est vrai. D'après ce que je
peux voir, il y a des représentations à la Régie de
l'électricité et du gaz et de fait, le prix du gaz est
régi. Dans le cas d'Hydro-Québec, le prix de
l'électricité pour les ventes régulières est
régi, mais les surplus ne le sont pas. Ils sont vendus à des prix
de dumping.
Pour revenir au gaz, vu du consommateur, il est évident que ce
qui vous préoccupe, d'après ce que vous avez dit tout à
l'heure, c'est que des investissements ne soient pas rentabilisés sur
une certaine période d'années. Il y a eu une présentation
ici, à la commission parlementaire, au mois de mars, disant que ceux qui
sont dans une région où il y a déjà du gaz
s'inquiètent du fait qu'il y a des investissements qui sont faits dans
d'autres régions où il n'y a pas de gaz, parce qu'ils se disent
qu'éventuellement ce prix est réparti entre tous les utilisateurs
de gaz et, s'il y avait au Québec beaucoup d'investissements dans le
domaine du gaz et s'il y avait peu d'industries qui allaient vers le gaz, il se
pourrait que le prix moyen de tous les consommateurs augmente en
conséquence, justement pour payer ces investissements. D'autant plus que
la régie prend ces investissements en ligne de compte lorsqu'elle
accorde des augmentations de tarif aux deux distributeurs de gaz, que ce soit
Gaz Métropolitain ou Gaz Inter-Cité. Voici la question que je
voulais vous poser. Est-ce que votre inquiétude face à ces
investissements vient de là? Si les deux distributeurs prenaient sur eux
de dire: On va faire des investissements, mais cela n'entrera pas en ligne de
compte lorsqu'on fera des demandes d'augmentation de tarifs à
Hydro-Québec parce que le gouvernement provincial nous a donné
des garanties qu'on pouvait aller de l'avant avec notre
pénétration du gaz et que les augmentations du gaz ne
refléteront pas ces investissements même si on manque de clients
pendant trois ou quatre ans, serait-ce là une autre façon de
procéder?
Je me demandais si votre inquiétude était reliée
à ces investissements non rentables qui se refléteraient
éventuellement dans le prix du gaz pour ceux qui l'utilisent
présentement.
Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.
M. Rouleau: Pour moi, c'est très difficile de
répondre à cette question parce que je ne suis pas du tout un
spécialiste du gaz. Cela fait seulement environ un mois que je suis
président de l'association. Je vais laisser M. Toupin répondre
à cette question, parce qu'il en a chez lui, du gaz.
Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.
M. Toupin: Disons que les consommateurs doivent sûrement
s'inquiéter si des investissements importants sont faits et qu'à
court ou moyen terme il n'y a pas d'utilisateurs en nombre suffisant pour
absorber les coûts de construction de ces nouvelles artères. Je
crois que nécessairement les consommateurs sont inquiets du fait qu'il
pourrait y avoir des embranchements qui sont construits pour lesquels des
investissements importants sont faits, alors qu'il n'y a pas d'assurance qu'au
moins à moyen terme ils aient suffisamment de clients pour absorber ces
coûts. Nécessairement, à ce moment, les coûts devront
être répartis sur les autres clients existants. C'est
sûrement une préoccupation.
M. Fortier: Cette préoccupation rejoint votre
préoccupation d'augmenter les surplus dans le domaine
énergétique.
M. Toupin: Sûrement.
M. Fortier: Je vous remercie. (16 h 15)
Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant? Cela
va. Donc, nous remercions l'Association québécoise des
consommateurs industriels d'électricité. Nous allons demander
à l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux de bien
vouloir prendre place.
Messieurs, si vous voulez bien vous présenter.
ACRGTQ
M. Fortier: Comment appelez-vous votre association?
M. Roy (Denis): L'ACRGTQ, l'Association des constructeurs de
routes et grands travaux du Québec.
À ma gauche, M. Fernand Houle, qui est vice-président en
planification pour l'ACRGTQ et président des Entreprises Bon Conseil;
à ma droite, M. Carol Wagner, qui est président-directeur
général de l'ACRGTQ, M. Vital Soucy, qui est membre de
l'exécutif de l'ACRGTQ et président de Saint-Romuald
Construction, M. Pierre Roux, qui est vice-président à
l'administration de l'ACRGTQ et président de Thiro Ltée, M.
Jacques Guay, qui est chef de l'administration de l'ACRGTQ; moi-même, je
suis président du conseil d'administration de l'ACRGTQ et
président de Lemay Construction Ltée.
Le Président (M. Rancourt): Votre nom, s'il vous
plaît?
M. Roy: Denis Roy.
Le Président (M. Rancourt): M. Roy, c'est vous qui
présentez le mémoire?
M. Roy: M. le Président de la commission, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, il nous fait plaisir d'avoir la chance de
vous présenter le mémoire que nous vous avions soumis en mars
1983. Évidemment, il y a peut-être eu certaines modifications
depuis cette période, mais ce que nous nous proposons de faire, c'est
tout simplement de vous présenter un résumé du
mémoire que nous vous avons soumis. D'ailleurs, vous avez entre les
mains une copie de ce résumé.
Notre association, qui fut incorporée en 1944, regroupe la
majorité des entrepreneurs en génie civil du Québec. C'est
la seconde fois que nous avons le plaisir de nous présenter devant cette
commission depuis deux ans afin d'émettre nos idées sur des
sujets qui nous préoccupent tous.
En 1981, nous dénoncions la trop forte activité
prévue vers 1987 dans le développement de
l'hydroélectricité. En effet, le plan des installations
d'Hydro-Québec était alors, pour les années de pointe,
hors de la capacité de notre industrie de le construire. Aujourd'hui,
paradoxalement, après avoir constaté que le dernier plan des
installations d'Hydro-Québec ne comportera pratiquement aucune nouvelle
mise en chantier de grands projets de toute la décennie, nous
désirons vous faire part de notre inquiétude à cet
égard et, dans ce contexte, vous proposer des moyens d'action pour
stimuler l'économie du Québec.
Nous présentons notre mémoire en deux parties, une partie
qui est une stratégie de redémarrage industriel au Québec,
avec des bénéfices à moyen terme et à long terme
et, une seconde partie, des moyens d'action pour stimuler l'économie du
Québec à court terme.
Tout d'abord, pour atteindre à moyen terme un niveau de
croissance économique acceptable, l'ACRGTQ croit qu'il est
nécessaire de réaliser un programme agressif de recherche et
développement relatif à l'utilisation de
l'électricité. Un tel programme devrait viser à
développer le plein potentiel des secteurs les plus dynamiques de
l'économie de la province. Voici comment un programme de recherche et
développement portant sur l'utilisation de l'électricité
pourrait être orienté dès à présent.
Au point de vue du développement, nous avons voulu exposer dans
notre mémoire le développement de l'industrie hydrogène au
Québec, un développement en rapport avec la recherche pour un
véhicule électrique, investir dans la recherche industrielle
appliquée pour l'électricité et développer des
débouchés pour l'aluminium.
L'industrie de l'hydrogène. Le Québec a tout
intérêt à développer l'industrie de
l'hydrogène sur son territoire. L'hydrogène, lorsque produite par
l'électrolyse de l'eau, est une source d'énergie domestique
destinée à remplacer le pétrole importé. La
production d'hydrogène est aussi un complément logique de la
production d'hydroélectricité et est aussi une source propre
comme l'hydroélectricité.
Alors que d'autres régions cherchent à développer
une industrie de l'hydrogène, par exemple, l'Ontario, à partir de
l'énergie nucléaire et l'Alberta, à partir du charbon, le
Québec est en mesure de fonder une industrie de production
d'hydrogène sur l'hydroélectricité hors pointe. Celle-ci
est relativement peu coûteuse et permettra à notre province de
demeurer dans la course si nous favorisons la recherche de façon
appropriée.
En conséquence, l'ACRGTQ estime que les efforts de l'IREQ, en
collaboration avec des partenaires privés, doivent être
encouragés et accrus tant dans le secteur de la production que dans
celui de l'utilisation de l'hydrogène.
Le véhicule électrique. Devant la nécessité
de trouver un substitut au pétrole conventionnel dans le transport, les
gouvernements des États-Unis et du Canada ont une alternative. Ils ont
le choix soit de développer l'industrie du pétrole
synthétique ou de favoriser le développement du véhicule
électrique. Ce dernier a plus de chance de remporter la faveur
commerciale à long terme puisque toutes les régions du monde
produisent ou peuvent produire de l'électricité. C'est, en
perspective, une révolution technologique pour l'industrie automobile
et, en conséquence, l'ACRGTQ suggère que le gouvernement du
Québec favorise la création d'un consortium qui aura pour but de
mettre au point un véhicule électrique qui reflète
l'industrie québécoise. L'effet cumulatif à long terme de
la pénétration du véhicule électrique est le
passage d'une économie basée sur le raffinage du pétrole
importé à une économie industrielle fondée sur la
production de l'électricité et de l'aluminium.
L'aluminium. En raison de son exceptionnel potentiel
hydroélectrique à coût abordable, le Québec est en
train de devenir la principale région productrice d'aluminium en
Amérique du Nord. Il y va donc de notre intérêt social de
collaborer avec les producteurs d'aluminium primaire à chercher de
nouvelles utilisations pour ce métal. L'ACRGTQ croit qu'une association
du gouvernement, des universités et des producteurs d'aluminium dans la
recherche sur des applications nouvelles est souhaitable. Il est entendu que la
participation d'Hydro-Québec à ces efforts de recherche
apparaît primordiale. La baisse des immobilisations d'Hydro-Québec
permet à cette entreprise de diversifier ses investissements et
d'allouer une part croissante de son budget à la recherche portant sur
les applications
nouvelles de l'électricité. Au-delà d'une
participation financière, Hydro-Québec est en mesure d'offrir ses
surplus actuels qui sont d'environ 29 tétrawhattheures aux groupes de
recherche oeuvrant déjà ou désirant s'implanter au
Québec. Au lieu d'être déversés, les surplus
d'hydroélectricité peuvent servir au développement de
l'industrie québécoise de l'hydrogène et à la mise
au point d'utilisations nouvelles pour l'électricité à des
conditions préférentielles.
L'utilisation industrielle de l'électricité. Dans le
secteur industriel, l'électricité est en train de remplacer
certaines technologies fondées sur la combustion d'hydrocarbures. Il en
résulte des économies en termes de coût
énergétique, de matières premières, de coût
de main-d'oeuvre et de temps d'exécution.
Jusqu'à présent, Hydro-Québec, par le biais de
l'IREQ, a concentré ses efforts de recherche sur la production et le
transport d'énergie. La qualité et l'importance de l'IREQ
suscitent l'admiration de tous les experts. Il est souhaitable que l'institut
connaisse une expansion de ses activités traditionnelles vers
l'utilisation industrielle de l'électricité.
Permettez-moi de passer à la seconde partie, les moyens pour
stimuler l'économie du Québec à court terme, moyens qui
sont aussi la conséquence de l'arrêt des grands projets.
L'arrêt des grands travaux d'Hydro-Québec porte un dur coup
à l'économie de la province. En 1982, Hydro-Québec a
abandonné la prévision d'un taux de croissance interne de la
demande d'électricité de 6,2% en faveur d'un taux de croissance
de 3,6% pour la période de 1982 à 1998. Or, plusieurs indices
nous portent à croire que le taux de croissance de la demande interne
d'électricité sera bien en deçà de la
prévision de 3,6% que nous jugeons optimiste. Au Canada et au
Québec, en particulier, les efforts de conservation de l'énergie
ont dépassé les prévisions officielles d'il y a quelques
années. On doit s'attendre que plus de consommateurs modifient leurs
habitudes, la crise aidant, pour accroître leurs épargnes
d'énergie. Il est prévisible que le taux de croissance de la
demande d'électricité au Québec soit plus proche des
prévisions retenues dans les régions du Nord-Est des
États-Unis et de l'Ontario, lesquelles se situent à environ 2%
pour la période de 1982 à 1998. Il s'agit là d'une
décennie d'inactivité, en termes de grands projets, et de la
disparition de quelque 8000 emplois directs et 6000 emplois indirects par
année, pour un grand total de 14 000 emplois perdus.
Cette situation nous amène à vous proposer des moyens
d'action à court terme pour stimuler notre économie. Le
devancement de certaines infrastructures de grands projets en est un. Par
infrastructures, nous entendons les routes, les ponts et les aéroports
qui font partie d'un projet donné et dont la réalisation est
intégrée normalement en considérant l'ensemble du
projet.
Dans le contexte actuel, si nous devançons la conception et la
réalisation de ces infrastructures, nous profitons d'un
échéancier élargi et, donc, de prix beaucoup plus
concurrentiels car c'est en période tranquille, comme celle que nous
traversons présentement, que l'industrie de la construction, à
l'échelle internationale, offre les meilleurs prix. À titre
d'exemple, la mise en valeur dès maintenant des infrastructures du
complexe Grande-Baleine accorderait plus de deux ans aux négociateurs
d'Hydro-Québec et des réseaux voisins pour signer les contrats
d'exportation avant que ne commencent les travaux permanents en 1985.
Les retombées de ce projet, en termes de création
d'emplois, sont très importantes pour le Québec. Comme l'indique
la courbe B du tableau 3 de notre mémoire, une moyenne de 4000 emplois
directs seraient créés à la pointe de chaque année,
entre 1983 et 1989. De plus, le nombre des emplois indirects dans les autres
secteurs d'activité serait de 3000 emplois par année. Ce projet
créerait donc un total de 7000 emplois par année. Le gouvernement
du Québec a donc un choix politique à faire afin
d'atténuer le fort taux de chômage actuel dans l'industrie de la
construction et prévenir des faillites dans nos entreprises
québécoises. Une telle décision entraînerait sans
doute à court terme une légère hausse des investissements,
lesquels seraient cependant largement justifiés compte tenu des
retombées immédiates sur notre économie. Il faut ajouter
à cela que, depuis au-delà de dix ans, plusieurs entreprises se
sont développées au Québec. Si, vraiment, il y a une
continuation du ralentissement que nous connaissons présentement, il y
aura certainement une réorientation de ces entreprises et tous les
investissements qui ont été faits par le biais
d'Hydro-Québec seront peut-être tout simplement perdus et à
recommencer dans les années qui viennent.
Quant à la vente d'électricité à taux
réduits, nous approuvons les récentes décisions du
gouvernement de consentir des blocs importants d'électricité
à taux réduits à Pechiney Ugine Kuhlmann qui va
bientôt s'implanter au Québec. Nous approuvons également la
fourniture d'un autre bloc important à l'aluminerie Reynolds pour
l'inciter à réaliser dès maintenant ses projets
d'expansion. Nous croyons que, même en période où il n'y
aurait pas de surplus disponible, la vente d'électricité à
taux réduits devrait être envisagée dans la mesure
où le Québec retrouve son compte, soit dans les retombées
d'une expansion industrielle importante ou encore dans celles d'une
implantation majeure. L'accélération de tout investissement au
Québec a un effet
d'entraînement certain que l'on ne peut négliger.
(16 h 30)
Quant à la construction de minicentrales pour répondre
à des besoins supplémentaires en énergie de certaines
parties du territoire, le gouvernement devrait considérer la
construction de mini-centrales. L'étude des coûts comparatifs
à ceux d'autres solutions devrait tenir compte des retombées en
termes de création d'emplois et de revalorisation de l'ensemble de
l'économie de la région visée. Nous recommandons
qu'Hydro-Québec considère dès maintenant cette option en
concertation avec les ministères impliqués, à cause du
grand impact que ces projets auront sur les économies
régionales.
Le gaz naturel. La politique du gouvernement au sujet de
l'avènement et de la distribution du gaz naturel dans plusieurs grandes
régions du Québec est connue et nous l'appuyons. Cependant, la
venue du gaz naturel ne devra pas se faire au détriment de la vente de
l'électricité qui est notre richesse et que nous devons exploiter
de la meilleure façon possible. Nous croyons, à ce moment-ci, que
ces deux formes d'énergie pourront trouver un marché qui
permettra l'expansion des deux. Cependant, nous nous devons de rappeler que le
but visé est la réduction de notre dépendance
vis-à-vis du pétrole importé et que, si nous voulons
l'atteindre, nous devrons mettre au point une stratégie commune de vente
d'électricité et de gaz.
Réduction du temps requis pour l'obtention des permis de
construction. Au cours de son évolution récente, le Québec
s'est doté de mécanismes, lois et règlements visant
à protéger son territoire, ses zones agricoles, son environnement
et aussi à entendre les citoyens sur un projet donné. Que ce soit
pour les projets des ministères, d'Hydro-Québec ou de
l'entreprise privée, les délais encourus au stade des
avant-projets sont devenus beaucoup trop longs et nous croyons qu'ils
constituent même une entrave à une rapide expansion. Nous n'avons
qu'à mentionner les délais pour la construction de lignes
hydroélectriques.
En conclusion, le gouvernement du Québec possède plusieurs
outils qui, utilisés sciemment, pourraient contribuer à la
relance de notre économie. Dans les domaines de l'hydrogène
liquide, du véhicule électrique et de l'aluminium, les
investissements dans la recherche à ce stade-ci sont nécessaires
afin de garantir au Québec une place de choix dans le
développement de ces nouvelles technologies. Cependant, la
présence de l'entreprise privée dans ces recherches est
importante car elle contribuera sans doute, entre autres, à
réduire les échéanciers. À plus court terme le
devancement d'infrastructures de grands projets, les ventes internes à
taux réduits et les ventes externes d'électricité de
même que la venue du gaz naturel contribueront, hors de tout doute,
à la reprise de l'activité économique au
Québec.
Dans la crise actuelle qui afflige une grande partie de notre
population, il est impensable que le gouvernement permette à
Hydro-Québec, qui contribuait jusqu'ici à environ 20% du total
des investissements au Québec, de demeurer inactive pendant une
période aussi longue que dix ans au niveau des grands projets. Il est
vrai cependant qu'à moyen terme, le gouvernement devra se trouver
d'autres moteurs d'activité, d'autres moteurs pour activer notre
économie, et nous vous avons fait part de quelques idées qui
pourraient bien en devenir.
À propos des discussions qui ont lieu au sujet de l'achat
éventuel d'une raffinerie de pétrole par le gouvernement, nous
sommes opposés à une telle action car nous croyons que les
efforts du Québec en matière d'énergie devraient se
concentrer sur celle que nous possédons. Cependant, nous encourageons
SOQUIP et toute autre entreprise pétrolière à
réaliser des programmes d'exploration sur le territoire du
Québec. De plus, nous considérons importante l'industrie de la
transformation des produits dérivés du pétrole dans
laquelle le Québec possède des intérêts et qui
pourrait devenir plus concurrentielle que celle de l'Ouest canadien.
Pour terminer, nous recommandons qu'un groupe de travail spécial
soit formé avec le mandat de voir à ce que les moyens que nous
vous avons énumérés pour relancer notre économie
soient mis en application et qu'un suivi soit fait, peut-être dans le
cadre de la présente commission parlementaire, avec les intervenants les
plus impliqués tels que les partenaires de l'entreprise privée et
les constructeurs. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Roy. Je pense que, sur plusieurs
des points qui sont touchés par votre mémoire, on ne pourrait
être plus d'accord, en particulier sur l'industrie de l'hydrogène,
par exemple, sur la tarification dans le secteur de l'aluminium, sur
l'utilisation industrielle de l'électricité. Je pense que nous
avons fait des pas dans cette direction et, bien sûr, aussi sur la mise
au point, avec un modèle exportable, de ce que tout le monde rêve
au Québec, un véhicule électrique concurrentiel. Je pense
que nous sommes d'accord. On a donné aussi ce matin comme indication que
non seulement dans le secteur de l'hydrogène, mais aussi dans le secteur
de la robotique et du plasma... Je crois que c'est M. Gilrea de l'IREQ qui
était ici et qui
donnait les états des dossiers tant à Hydro-Québec
qu'à l'IREQ.
Je voudrais vous dire que là où nous divergeons,
semble-t-il, d'opinion, c'est sur la question du devancement des grands
projets. Si on retient votre scénario où la croissance de la
demande hydroélectrique aux États-Unis et en Ontario... Ces gens
retiennent 2%, vous en avez fait à peu près votre chiffre,
d'autres intervenants ont ajouté une précision en disant que la
croissance de la demande globale d'énergie serait de 1% ou moins sur
à peu près le même horizon. Est-ce que, comme
société, nous ferions un bon coup de faire le choix que vous nous
proposez, qui est carrément un choix politique - je pense qu'on sera
d'accord là-dessus - de devancer certains travaux d'infrastructure, par
exemple, ou encore d'études et d'avant-projets?
Vous êtes peut-être au courant, mais peut-être ne
l'êtes-vous pas: aux livres d'Hydro-Québec actuellement, il y a
600 000 000 $ comptabilisés d'études, d'avant-projets de toutes
sortes, à différents degrés d'avancement. Parfois un de
mes collègues de la Côte-Nord me demande si on ne pourrait pas
parler à Hydro-Québec pour accélérer la Romaine,
par exemple. Un autre de mes collègues, qui est ordinairement assis de
l'autre côté de cette table, nous demande de reconsidérer
la décision de surseoir, pour un certain temps, au projet de la centrale
pompée de Delaney. Un autre voit dans son patelin une possibilité
d'investissement pour ajouter de la puissance additionnelle à des
infrastructures déjà existantes.
Je pense que, si ce scénario de 2%... Je dois dire que nous
sommes un peu plus optimistes là-dessus. Au ministère, nos
analyses rejoignent davantage un scénario qui va au-delà de 3,3%,
3,4% et 3,5%, mais, entre vous et moi, sur l'horizon de 1998, c'est ceux qui
vivront jusque-là qui, finalement, pourront dire qui avait raison. Il y
a tellement d'incertitude dans le dossier.
La clé, cependant, qui m'apparaît être... Je dois
vous concéder que, si on faisait maintenant des travaux
d'infrastructure, on éviterait l'inflation prévisible sur les
années à venir, c'est certain. On éviterait probablement
la démobilisation de certains grands consortiums, de certaines
équipes de génie-conseil, d'entrepreneurs, etc. Je mets cela dans
la colonne "positif". Par ailleurs, si on doit assumer pendant trop longtemps
des infrastructures qui seraient payées en 1983, 1984, 1985, 1986, mais
dont on aurait finalement besoin en termes d'utilité réelle sur
des horizons beaucoup plus lointains, je suis loin d'être certain que le
calcul mathémathique vaut jusque-là.
Je crois que vous étiez présent ce matin lorsque
Hydro-Québec a présenté son propre mémoire. La
problématique que nous maintenons, je voudrais simplement
réitérer qu'à cet égard, du côté
américain, il y a beaucoup plus d'effervescence depuis un an ou deux
qu'il n'y en avait auparavant. M. Lévesque et moi avons eu l'occasion
d'indiquer, lors de conférences avec nos collègues des provinces
maritimes et des États de la Nouvelle-Angleterre, en juin dernier, qu'il
était certain que des contrats d'énergie ferme, de longue
durée, qui pourraient intervenir entre le Québec et New York ou
le Québec et les États de la Nouvelle-Angleterre auraient comme
effet quasi automatique de nous permettre de devancer. Je pense à LG 1,
par exemple. On dit à la blague à Hydro-Québec que ce
projet est mûr, qu'il est prêt. On dit même à la
blague qu'il y a à peu près seulement la couleur des poubelles
qui n'a pas été établie pour la durée du chantier.
Tout est prêt à décoller. Mais, c'est un investissement de
quelque 2 300 000 000 $ pour 1100 mégawatts. Alors, il est bien certain
qu'avant de se lancer dans ces projets, il faut s'assurer que nous avons un
marché.
Vous évoquez vous-même dans votre mémoire le
scénario de 6,2%, un chiffre retenu en 1971-1972, avant même les
premiers chocs pétroliers, avant les bouleversements dans les structures
énergétiques, non seulement en Amérique du Nord, mais
ailleurs dans les pays industrialisés. Ce pourcentage de 6,2% se
traduisait, en termes de plans d'équipement, par 55 000 000 000 $
d'investissements sur dix ans, en moyenne 5 500 000 000 $ par année.
Quand vous regardez la réalité des chiffres qui sont
derrière nous à HydroQuébec - j'ai eu l'occasion de
l'indiquer ce matin - l'année de pointe en termes d'investissements a
été l'année 1979, alors que le plus haut niveau en
immobilisation -je le dis de mémoire - a été, je crois, de
2 800 000 000 $. Il reste que ce sont quand même des chiffres
considérables. Alors, imaginez que, sur une période continue de
dix ans, cette prévision de 6,2% ait pu être atteinte. On s'est
rendu compte rapidement qu'il était très hasardeux de faire des
scénarios de croissance aussi élevés sur d'aussi longues
périodes de temps. D'où maintenant une plus grande prudence dans
les choix d'investissements et dans le momentum de l'investissement.
Il faut bien comprendre qu'à chaque dollar d'investissement que
fait HydroQuébec, il y a 0,25 $ qui est autofinancé et 0,75 $ qui
est emprunté. À nous, on n'a pas fait la preuve contraire, en
tout cas, que le scénario de devancement, sans avoir la certitude d'un
marché en croissance dans le sens qu'on ait de nouveaux clients sur le
marché domestique ou encore à l'exportation, du côté
sud des États-Unis, du côté de l'Ontario, ou même
d'ailleurs...
Je comprends parfaitement votre
proposition. Quand on est constructeur, c'est un peu comme quand on est
général: un général, c'est fait pour la guerre et
un constructeur, c'est fait pour construire. Je comprends que vous souhaiteriez
une accélération, mais je tenais à vous donner notre point
de vue et à vous dire aussi, de façon très claire, que les
négociations, dans mon évaluation, vont bon train. Il y a des
contraintes qui existent aussi aux États-Unis. Vous l'évoquez
vous-même à la fin de votre mémoire en parlant de la
réduction du temps requis pour l'obtention des permis de
construction.
J'avais l'occasion de discuter récemment avec le président
de PASNY, M. Dayson. Nous, nous comptons encore en mois le temps requis pour
aller devant - je parle essentiellement des grands projets ou encore de la
construction d'une interconnexion -nous comptons toujours en mois, au
Québec, les audiences publiques commandées par le Bureau des
audiences publiques de l'environnement, ou encore les audiences exigées
par la Commission de protection du territoire agricole. Mais, M. Dayson m'a dit
de me consoler, parce qu'à New York, les gens comptent en années.
C'est la même chose aussi en Colombie britannique actuellement.
Je pense que, de notre côté, on va accélérer.
Les Américains ont, bien sûr, quant à eux, des contraintes.
Il ne faut pas penser que les gens qui sont au nord de l'État de New
York, par exemple, qui n'ont aucun intérêt immédiat quant
à eux dans la construction d'une interconnexion, vont faire des
assemblées populaires pour souhaiter la construction d'une
interconnexion. Ils vont plutôt avoir la même réaction que
certains groupes de chez nous qui s'opposent au principe même de
construire une industrie à connexion pour des fins d'exportation. En
tenant compte des contraintes de l'environnement, de la protection du
territoire agricole et des impératifs de développement
économique, on devrait être en mesure de trouver un modus vivendi
acceptable pour tout le monde. (16 h 45)
Je voudrais ajouter un dernier point. M. Coulombe a parlé ce
matin de la question des mini-centrales. C'est un élément
très positif que vous ajoutez à votre dossier. Il y aura
peut-être un jour une association des petits projets. Il est bien certain
qu'il y a un potentiel énorme de ce côté et une expertise
technologique beaucoup plus facilement exportable qui reste à
développer.
Sur le plan de l'entraînement économique dans les
régions, c'est d'abord beaucoup plus visible, bien sûr, et
très certainement des projets qui sont plus près des centres
urbains de population.
Sur la question du gaz naturel, simplement une remarque. Je rêve
à une stratégie commune. Vous le soulignez par cette phrase: Nous
devrions mettre au point une stratégie commune de vente
d'électricité et de gaz. Il y a des empêchements que vous
connaissez sans doute. Il y a les structures corporatives qui sont là.
Hydro-Québec appartient à 100% aux Québécois, donc
c'est une société publique. C'est plus compliqué un peu
quand on regarde du côté du gaz naturel où Gaz
Métropolitain a des actionnaires publics, mais aussi des actionnaires
privés qui détiennent des actions inscrites à la Bourse.
Du côté de Gaz Inter-Cité, c'est un consortium à
trois, Winnipeg Inter-City Gas pour 49%, la Caisse de dépôt et
placement pour 2% et SOQUIP pour 49%. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas
travailler de la même manière une tarification
hydroélectrique avec une société d'État qui est la
propriété de l'État à 100% et avec des compagnies
qui vendent une autre forme d'énergie concurrentielle et qui ont une
structure d'actionnaires bien différente. Ce qu'on tente de faire c'est
de maintenir ce que j'appellerais un équilibre peut-être fragile
mais vivable jusqu'à maintenant sur la concurrence que se livrent le gaz
naturel, l'électricité, le mazout lourd et l'huile à
chauffage dans les régions où le gaz naturel est entré ou
entrera prochainement.
Voilà, c'est ce que je veux vous dire. Votre mémoire
m'apparaît assez clair. Sur les autres aspects, il y a plusieurs lignes
d'accord entre votre mémoire et nos propres propositions. Je dois vous
dire que ce n'est pas intentionnellement que nous avons reporté de mars
à ce jour la commission parlementaire. Les ajustements survenus au cours
de l'été à Hydro-Québec visent cependant plusieurs
des objectifs que vous évoquiez en mars dernier et que vous reprenez
aujourd'hui. Je tiens a vous remercier.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, le message principal de
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec se
retrouve à la fin lorsque vous dites: Nous voulons relancer
l'économie ou nous devons relancer l'économie ensemble. C'est
votre message principal. À ce sujet, voici la question que j'aimerais
poser pour commencer. Je connais votre association mais ce serait
peut-être utile que vous nous disiez quels sont les membres que vous
regroupez ou quel est l'état de l'activité de vos membres
présentement. J'imagine que, si vous avez pris la peine de
présenter un mémoire, c'est que l'activité, je ne parle
pas seulement en termes de construction de barrage qui est évidente,
mais dans d'autres domaines... Autrement dit, en termes d'emploi, quel est
l'état de la question de
vos membres présentement? J'imagine qu'il y en a quelques-uns qui
en région peuvent se tirer d'affaire... Vous parlez de maintenir des
compagnies en activité. Vous parlez peut-être de faillites.
Pourriez-vous nous brosser un tableau brièvement et le plus
réaliste possible de la situation de vos membres
présentement?
Le Président (M. Rancourt): M. Roy.
M. Roy: À titre d'information, notre association
représente tous les entrepreneurs de génie civil qui ont
oeuvré entre autres à la Baie-James, à d'autres grands
travaux et qui oeuvrent encore aujourd'hui. Mais vous vous imaginez que, pour
les investissements, entre autres, quand on parle de ralentissement des
travaux, cela a un impact majeur sur les entreprises ici au Québec.
Notre association représente entre 20% et 25% de la main-d'oeuvre
dans le domaine de la construction au Québec. Mais, quand nous parlons
de 20% à 25% de la main-d'oeuvre au Québec, je considère
que ce n'est pas nécessairement représentatif parce que les
investissements sont en grande majorité avec nos entreprises. Les
entreprises ont investi à coups de dizaines de millions de dollars pour
se lancer dans de grands travaux pour amener la participation des
Québécois aux grands projets. Parmi ces entreprises qui ont
investi, les entreprises qui sont ici sont, entre autres, celles qui ont
participé aux travaux de la Baie-James. Évidemment, il y a
d'autres entreprises qui viennent de l'extérieur et qui sont aussi
membres de notre association - on ne peut pas tout faire nous-mêmes -
mais vous pouvez imaginer que nos membres n'ont peut-être pas la
possibilité de réorientation des grandes entreprises; quand je
dis grandes entreprises, je veux parler de multinationales qui sont
habituées de travailler sur plusieurs tableaux, qui ont investi,
peut-être pour certaines, 50 000 000 $, 60 000 000 $ ou 75 000 000 $ en
équipements et qui sont reparties ailleurs pour d'autres travaux, soit
dans d'autres provinces canadiennes, soit aux États-Unis ou à
l'étranger. Évidemment, nos entreprises ne sont pas
nécessairement préparées pour aller à
l'étranger. Notre association représente tout cela.
Il s'agirait de faire un tour général au Québec des
entreprises que nous représentons. Cela ne veut pas dire que toutes les
entreprises vont faillir. Il y a sûrement une réorientation qui
est vraiment difficile parce qu'on connaît une baisse dans tous les
domaines. À présent, il y a des entreprises qui ont
décidé tout simplement de se retirer. Des travailleurs de nos
entreprises, il y en a qui sont partis travailler pour d'autres compagnies,
à l'étranger, etc.
Quand nous insistons sur une continuation des travaux, on ne parle pas
d'investir 1 000 000 000 $, ce n'est pas nécessairement cela; c'est
préparer les infrastructures. Quand les infrastructures ont
été faites - je sors peut-être un peu de la question - pour
aller à LG 2, au début du projet, cela a occasionné des
coûts fantastiques. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre
question.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous y avez répondu en partie. Je vous posais
la question à savoir si la situation présente ou celle qui peut
se perpétuer va affecter la taille ou la capacité industrielle de
vos industries. J'imagine que la taille va baisser, le genre
d'équipements, en termes d'équipements mécaniques que vous
possédez, va rapetisser. Donc, j'imagine que vous serez de moins en
moins équipés pour faire de grands projets. C'est un peu ce que
vous semblez me dire présentement.
M. Roy: Je vais laisser M. Wagner répondre.
Le Président (M. Rancourt): M. Wagner.
M. Wagner (Carol): Le souci de nos entrepreneurs, c'est la
réduction des volumes de travaux et ceci continue à baisser. On
prévoit cette année environ 65 000 000 d'heures. Alors, il a
fallu que nos entreprises essaient de s'ajuster en fonction des
activités économiques puisque la crise mondiale ou
nord-américaine affecte tout le monde. Quand on a vu, comme on dit, que
le programme d'investissements à la SEBJ commençait à
diminuer, nous avons accéléré nos démarches vers le
ministère de l'Environnement pour l'assainissement des eaux, pour
essayer peut-être de replacer les investissements dans le contexte qui
nous concerne. En ce qui nous regarde, c'est vrai qu'il a fallu que certaines
entreprises s'orientent. Il a fallu qu'elles réduisent, d'autres ont
vendu de l'équipement, d'autres sont restées avec. Celles qui
avaient des financements à faire n'avaient pas le choix. On
s'aperçoit que, de nos jours, elles continuent à soumissionner
jusqu'à 10%, 15% ou 20% plus bas pour arriver à payer leurs
équipements, seulement faire les paiements. Je pense que c'est une
situation de fait, les gouvernements et les corps publics
bénéficient de cette crise en ce sens qu'ils ont des prix
très compétitifs actuellement.
Lorsque l'on dit, M. le ministre, que l'on ne devrait pas se permettre
d'investir 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ dans les infrastructures, on vous dit
que c'est un choix politique. Le gouvernement a le choix d'accorder des
subventions, soit PRIME, RELAIS, etc., des créations d'emplois, on
se
dit que, si vous placez 400 000 000 $, vous avez au moins une valeur de
500 000 000 $ qui créera 4000 emplois dans cette période actuelle
de chômage, tout en ayant pour objectif final la survie de plusieurs
entreprises québécoises. C'est pour cela que l'on vous dit que
c'est un choix final. Vous pouvez attribuer des millions dans un des programmes
subventionnés, mais on vous soumet un programme de création
d'emplois; si on regarde à la page 25, on lira qu'une valeur de 500 000
000 $ pourra vous coûter environ 400 000 000 $ et que, s'il y a une
retombée automatique de 70%, 78% revient dans l'économie
québécoise. Alors, on s'aperçoit que le montant direct du
gouvernement n'est pas si élevé que cela. C'est pour cela que
l'on vous dit que c'est un choix politique.
M. Fortier: Si je comprends bien, la dynamique est celle-ci: il y
a une baisse de l'activité économique. Donc, Hydro-Québec
ajuste sa demande à la baisse; en ajustant sa demande à la
baisse, elle diminue ses investissements; en diminuant ses investissements,
cela baisse l'activité économique. Dans ces sens, cela
crée la situation que vous décrivez pour vos membres.
M. Wagner: C'est cela.
M. Fortier: Je croyais qu'une des recommandations importantes
était: "Nous recommandons qu'un groupe de travail spécial soit
formé avec comme mandat de voir à ce que les moyens..." J'imagine
que la raison serait pour évoquer certains des moyens dont vous avez
fait état dans votre mémoire pour relancer l'économie.
Dans ma correspondance d'aujourd'hui, j'ai reçu un
communiqué du Conseil du patronat qui, lui aussi, met de l'avant des
moyens pour relancer l'économie. Il parle, bien sûr, de
créer un climat général favorable à
l'investissement, de réduire le fardeau fiscal, de réduire les
dépenses gouvernementales, du rôle de l'État et
d'arrêter de parler de l'indépendance. Sans entrer dans le
débat politique, il semblerait que, si tout le monde cherche des moyens
pour relancer l'économie, vous vous offrez ici pour participer à
cet effort de relance de l'économie québécoise en
dépit des difficultés et des contraintes qui peuvent exister.
Le Président (M. Rancourt): M. Wagner.
M. Wagner: Je pense que nous avons vécu le fait.
Hydro-Québec a été prudente jusqu'à il y a à
peine deux ans alors qu'on s'est aperçu qu'il y avait des surplus
d'énergie. Par contre, c'est vrai qu'on réalise actuellement
qu'il y a des surplus d'énergie, mais il faut aussi admettre que si, du
jour au lendemain, il arrive un problème en Extrême-Orient, la
crise du pétrole peut peut-être surgir subito presto. Et
là, comme on le dit, il va encore y avoir un genre d'urgence et les
données vont être toutes changées. Alors, on se dit:
Pourquoi ne pas investir dans la création d'emplois un montant X qui,
à mon point de vue, sera aussi profitable que d'autres subventions?
C'est pour cela que l'on vous dit que c'est un choix politique. C'est à
vous, les politiciens, de déterminer le meilleur placement possible. En
ce qui nous regarde, on est assuré que cela sera une partie de la survie
de nos entreprises.
Il y a des employés québécois et, dans la
construction aussi, des types qui ont pris de l'expérience à la
Baie-James, qui ont les qualifications maintenant pour continuer et qui sont
d'excellents opérateurs, etc. C'est dans ce sens-là.
M. Fortier: Je vous remercie, M. Wagner et M. Roy.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: J'ai seulement une remarque à faire pour
atténuer ce que j'appellerais le syndrome du détroit d'Ormuz. Il
y a les pays de l'OPEP et les pays non de l'OPEP. Quand on regarde la
diversification des approvisionnements en pétrole, pour ce qui est du
Québec essentiellement - je ne parlerai pas des autres parties de l'Est
du Canada qui s'approvisionnent pour une partie sur le marché
international - il est évident que ce n'est pas automatique. Je crois
que c'est Esso ou Shell qui a donné ici un de ses arguments qui rejoint
un des vôtres d'ailleurs et qui était un message très clair
au gouvernement: Ne vous impliquez pas dans le raffinage et la distribution des
produits pétroliers à l'exemple de Petrocan. Allez dans d'autres
directions. Même avec la diversité maintenant des
approvisionnements, avec les découvertes dans la mer du Nord et les
ramifications des pétrolières qui sont établies à
Montréal, c'est entendu que, s'il y avait une fermeture dans le
détroit d'Ormuz, cela pourrait possiblement créer des
problèmes. Mais tous ceux que nous avons entendus en commission
jusqu'à présent, et en particulier M. Ayoub, du GREEN, ont
indiqué que ce serait sur de très courtes périodes de
temps. Il faut bien comprendre que, parmi les pays producteurs, il y en a des
riches et des moins riches. Il y en a qui ont absolument besoin des revenus
pétroliers, même pour faire la guerre. C'est le cas de l'Irak et
de l'Iran actuellement. Soyez assurés que c'est une des
considérations dont nous tenons compte. C'est même un des
objectifs de la politique énergétique que d'assurer une plus
grande sécurité des
approvisionnements en maintenant le cap sur un des objectifs majeurs de
la politique énergétique. (17 heures)
Je pense que, là-dessus, votre association nous rejoint. Nous
voulons déplacer rapidement le pétrole importé et cesser,
en quelque sorte, l'hémorragie de dollars. La facture
énergétique pour les produits importés, que ce soit le gaz
ou principalement le pétrole, représente pour l'année
courante 4 800 000 000 $. Je pense qu'on sera d'accord pour dire que c'est un
per capita très élevé. Il y a peut-être des pays,
comme le Japon, où c'est aussi élevé que chez nous,
probablement dans un pays comme la France, comme l'Allemagne
fédérale, enfin les pays non producteurs.
On a l'occasion de monter et de démonter le genre de
scénario que vous évoquez. Par exemple, est-ce qu'on fait un gain
net sur une période à moyen, et à long terme en faisant de
l'accélération de projet? Il faut tenir compte du fait que le
taux d'inflation que nous épargnons dans les coûts des travaux que
nous faisons maintenant plutôt que de les faire dans dix ans est
très largement compensé par l'intérêt que nous
payons sur 75% de l'investissement à des taux qui sont, entre vous et
moi, imprévisibles. En juillet 1982, il y a eu une cassure et, ensuite -
je crois qu'on est une des rares régions du monde à avoir
l'honneur de connaître le taux d'escompte à tous les soirs,
après ou avant la météo - cela a monté à
22%, à 23%. Je ne veux pas dire qu'Hydro-Québec paie des taux
d'intérêt de cet ordre de grandeur sur les marchés
internationaux mais, ici, oui. Il faut aussi tenir compte du taux
d'intérêt qui est nécessairement impliqué dans du
devancement de projet. Je pense que vous avez parfaitement raison d'identifier
le problème en disant: C'est un choix politique. Mais c'est un choix
politique qui sous-tend aussi un langage que les hommes d'affaires aiment bien,
une rationalité économique dans l'investissement.
Soyez assurés que c'est sur ces données que nous allons
travailler, mais je ne peux malheureusement pas vous dire, quant à moi,
aujourd'hui, qu'effectivement nous allons retenir votre proposition et aller de
l'avant. Je sais que M. Roy a fait la distinction. Je voudrais vous rassurer en
vous disant que j'ai bien saisi votre proposition. Vous ne nous suggérez
pas d'aller de l'avant avec des infrastructures de production
hydroélectrique. Vous nous dites: Pour épargner des coûts,
pour empêcher une démobilisation encore plus grande, allez de
l'avant avec 200 000 000 $ ou 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ sur des
dépenses d'infrastructures qui, de toute manière, que ce soit
à l'horizon de 1986, 1987, 1988, 1990 ou 1992, devront être
faites.
Ce que je vous réponds, c'est que nous faisons ces calculs et
nous arrivons maintenant à la conclusion qu'on est peut-être mieux
d'attendre que le marché se raffermisse. Quand je parle du
marché, je parle aussi bien du marché au Québec que du
marché d'exportation. Je retiendrais de façon très
positive votre suggestion à un groupe de travail. Peut-être
même qu'on pourrait l'élargir à d'autres intervenants
devant cette commission. Je sais que, dans le secteur de la recherche et du
développement, il y a deux ou trois universités et un syndicat,
entre autres, qui ont fait une proposition pour, d'abord, avoir une meilleure
concertation et éviter le dédoublement des efforts de recherche
et de développement.
J'accueille votre proposition de façon favorable, de même
que celles des intervenants qui vous ont précédés. Je sais
qu'il y a ce que j'appellerais peut-être un nouveau dialogue qui est en
train de s'établir entre Hydro-Québec et ses clients. De la
même manière, je répondrais qu'un groupe de travail comme
celui que vous suggérez, c'est très positif et, si je puis y
apporter ma propre contribution avec celles des gens de mon ministère,
on va le faire avec grand plaisir. Je suis convaincu aussi
qu'Hydro-Québec serait sûrement intéressée à
y participer. Je donne un seul exemple: les grandes firmes de
génie-conseil, par exemple, ont demandé, il y a un an ou deux ans
- on voyait venir des ralentissements dans les investissements - s'il n'y avait
pas lieu de se parler davantage entre les firmes de génie-conseil et
Hydro-Québec pour faire en sorte qu'il y ait des structures minimales
qui soient maintenues lorsque la reprise viendrait. Je sais qu'il y a eu
beaucoup de rencontres et de réunions. Le scénario que vous
proposez pourrait très bien rejoindre la même
problématique. J'avoue que je suis parfaitement d'accord avec cela. Si
on peut concrétiser cela de façon systématique, je pense
qu'on devrait le faire de part et d'autre.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? Non. Nous remercions les membres de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec.
AMEEC
Nous allons maintenant passer à l'Association des manufacturiers
d'équipements électriques et électroniques du Canada. Nous
l'accueillons maintenant. Si cette association veut bien présenter ses
membres.
M. Beaulieu (Guy J.): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de la commission, avant de vous présenter les
membres de notre délégation, je voudrais d'abord vous
présenter brièvement l'Association des manufacturiers
d'équipements électriques et électroniques du Canada qui
regroupe les différents membres de notre délégation dans
la présentation de ce mémoire.
L'AMEEC est une association panca-nadienne qui regroupe les
manufacturiers en équipements électriques et
électroniques, lesquels desservent un marché domestique de plus
de 15 000 000 000 $ et dont les exportations sont de l'ordre de 3 600 000 000 $
annuellement. Près de 140 000 personnes sont employées dans cette
industrie à haute technologie qui en grande partie dessert les
compagnies d'utilité publique telles qu'Hydro-Québec et les
industries telles que les mines, les pâtes et papiers, etc.
Notre association représente un forum de 250 membres qui
défendent les intérêts de l'ensemble de l'industrie
électrique et électronique du Canada. Au Québec, notre
industrie est particulièrement importante autant par le nombre que par
la qualité des emplois suscités. Environ 45 000 emplois sont
distribués dans 300 établissements manufacturiers,
établissements tels que définis par Statistique Canada. Les
expéditions de ces établissements se sont élevées
à environ 3 000 000 000 $ au cours de l'année 1981; ceci place
notre industrie au 9e rang en importance de l'industrie
québécoise.
La délégation qui m'accompagne pour présenter notre
mémoire est très représentative des différents
secteurs de notre industrie. Si vous me le permettez, j'aimerais vous
présenter chacun de mes collègues afin que vous puissiez
éventuellement leur adresser les questions qui sont
particulièrement reliées à leur secteur d'activité.
À mon extrême gauche, M. Dave Bridger, vice-président de la
compagnie CAE Électronique de Montréal; M. Jean-Pierre
Charbonneau, vice-président, division hydroélectrique, de Marine
Industrie Ltée; M. Raymond Plouffe, vice-président, Westing-house
Canada Ltée; à ma droite, M. Sundar Raj, directeur des
statistiques et des informations économiques de notre association; M.
David Armour, président de notre association; M. Richard Arseneault,
directeur régional de la compagnie Les Câbles Philips Ltée;
M. Raymond Beaulieu, de la compagnie Ouellet Canada Inc; M. Jack Williams,
directeur corporatif des ventes de la compagnie Northern Telecom
Ltée.
Le Président (M. Rancourt): Et vous-même?
M. Beaulieu: Guy Beaulieu, je suis de la compagnie ASEA Inc.
M. Duhaime: Votre collègue à l'extrême gauche
est M. Bridger?
M. Beaulieu: Oui.
M. Duhaime: On a refait l'organigramme parce qu'on l'avait ici
dans un ordre différent.
M. Beaulieu: J'ai distribué une nouvelle liste qui n'est
pas dans le même ordre.
Les entreprises que nous représentons ont des activités de
production importantes au Québec et contribuent depuis plusieurs
années à l'économie du Québec. Je suis
persuadé que vous avez tous eu le temps de lire notre mémoire qui
a été déposé au secrétariat des commissions
depuis le 3 mars dernier. Je propose donc de m'abstenir d'en faire la lecture
complète. Je voudrais plutôt essayer d'en résumer les
idées maîtresses, après quoi, mes collègues et moi,
essaierons de répondre avec le plus de précision possible
à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.
Je voudrais d'abord vous rappeler - ce que vous savez tous
déjà - que le Québec possède une situation
privilégiée au niveau des ressources énergétiques,
étant donné l'abondance des ressources hydroélectriques
dont la province dispose, d'une part et, d'autre part, l'infrastructure
industrielle qu'elle a développée pour l'ingénierie, la
fabrication et l'exploitation des équipements de production, de
transport et de distribution d'électricité. Dans ce domaine de
l'énergie électrique, le Québec jouit d'une autosuffisance
assez exceptionnelle.
La politique énergétique du Québec qui consiste
à remplacer progressivement le pétrole par d'autres formes
d'énergie comme l'électricité, le gaz naturel, nous
apparaît tout à fait souhaitable et nécessaire. Que la part
du pétrole passe de 60% à 30% d'ici l'an 2000 nous apparaît
tout à fait réalisable. Toutefois, l'harmonisation de
l'énergie de remplement, l'électricité, le gaz naturel,
devra être faite en tenant compte d'abord et avant tout des
intérêts du Québec, non seulement à court terme,
mais surtout à long terme. L'harmonisation de ces deux formes
d'énergie devra tenir compte de leurs avantages relatifs du point de vue
de la sécurité d'approvisionnement, des perspectives de
coût et des impacts économiques sur l'industrie
québécoise.
Je voudrais maintenant signaler aux membres de cette commission les
conséquences pour notre industrie qui ont résulté du
revirement total de la situation énergétique du point de vue de
l'équilibre de l'offre et de la demande. Étant donné
l'importance considérable de notre industrie dans la structure
industrielle du Québec, cette nouvelle conjoncture risque d'avoir un
impact considérable sur l'économie du
Québec et sur sa prospérité. À la suite de
la crise du pétrole et de l'augmentation considérable des
coûts d'énergie qui a suivi, la demande générale
d'énergie a subi une baisse considérable. La chute du taux de
croissance de la demande d'électricité a suivi rapidement la
diminution de la demande des autres types d'énergie.
Entre 1975 et 1981 - comme on l'a rappelé ce matin -
Hydro-Québec a vu sa demande d'électricité augmenter
à un taux annuel de 6% ou 7%. Aussi récemment qu'en 1981, elle
prévoyait des taux de croissance annuels de 6,2% entre 1980 et 1996. Les
prévisions actuelles d'Hydro-Québec pour la même
période donnent un taux de croissance annuel aux environs de 3%; on a
mentionné 3,3% ce matin, en moyenne, pour la même période.
Ceci signifie donc que, de 1981 à 1982, Hydro-Québec a
réduit ses prévisions de croissance de 50% et de ce fait
diminué de moitié ses besoins d'équipement de production.
Les investissements d'Hydro-Québec prévus pour une
hypothèse de croissance de 6,2% étaient de 50 000 000 000 $ pour
les années 1983 à 1992. Avec une prévision de 3,7% comme
taux de croissance annuel, les investissements seront réduits à
35 000 000 000 $ pour la même période. Si l'hypothèse du
taux de croissance devait être réduite encore de 1%, les
investissements requis seront inférieurs à 20 000 000 000 $ pour
la même période. Il faut noter que ces ressources
financières ainsi libérées ne seront pas
nécessairement disponibles pour d'autres investissements n'offrant pas
les mêmes garanties.
(17 h 15)
II est évident que la réduction du taux de croissance
d'Hydro-Québec et de ses investissements aura pour effet de contracter
de façon considérable le marché des équipements
électriques de notre industrie. Toutefois, cette contraction, même
si elle est très draconienne, ne constitue pas la préoccupation
immédiate de notre industrie. Le problème qui nous afflige vient
du fait qu'étant donné les grands délais qui sont
nécessairement associés à la mise en place des
capacités de production hydroélectrique, Hydro-Québec se
trouve soudainement dans une situation de surplus d'énergie qui l'oblige
à retarder ou à suspendre toute addition d'équipement de
production et de transport d'énergie pendant une période de cinq
à six ans. Si la demande continue à diminuer, cette
période pourrait même être prolongée. Notre industrie
fait donc face à une période où son marché
domestique est pratiquement réduit à zéro de façon
tout à fait soudaine. Non seulement notre industrie devra-t-elle
s'adapter à une capacité réduite de l'ordre de 50%, mais
elle devra de plus passer à travers une période où la
demande sera à peu près nulle sur le marché
québécois. Il est évident que, si rien n'est fait, les
investissements considérables qui ont été faits dans nos
industries en capitaux et ressources humaines risquent d'être mis
sérieusement en péril.
Cette situation de crise n'a pas encore été ressentie de
façon tangible, étant donné, encore une fois, les longs
délais de fabrication des produits qui caractérisent notre
industrie. Il y a, bien sûr, l'exportation et notre industrie a fait des
efforts considérables en ce sens depuis quelques années. Sous le
chapeau de notre association, une étude est présentement en cours
sur les exportations d'équipements électriques vers les pays en
voie de développement. Cette étude, préparée par
Lavalin et Walter et Associés, avec l'appui et la collaboration des
manufacturiers, des entrepreneurs, des gouvernements de l'Ontario et du
Québec par l'entremise des ministères de l'Industrie et du
Commerce et du Commerce extérieur ainsi que de l'ACDI, a pour but
d'élaborer une stratégie globale et un plan d'action pour
améliorer la performance canadienne dans l'exportation des produits
électriques vers les pays en voie de développement.
Le rapport de cette étude sera disponible à la fin de
l'année et devrait favoriser une meilleure concertation des
différents agents économiques dans leur effort pour augmenter nos
exportations. Même si certains succès ont déjà
été obtenus par les manufacturiers canadiens dans ces efforts
à l'exportation, il serait irréaliste de croire que l'exportation
pourra, à très court terme et dans la conjoncture
économique actuelle, remplacer un marché intérieur
complètement anéanti. Dans tous les pays du monde, les
succès à l'exportation sont toujours soutenus par un
marché domestique d'une taille raisonnable et relativement stable.
Certains pays l'ont très bien compris et favorisent de façon
systématique la stabilité de ce marché intérieur
dans leur stratégie industrielle. Je pense surtout à la France,
mais c'est vrai également pour plusieurs autres pays européens.
L'AMEEC est d'avis que le gouvernement du Québec peut jouer un
rôle déterminant pour assurer un minimum de développement
électrique au cours de cette période afin de procurer à
notre industrie un niveau d'activité lui permettant de traverser cette
période difficile.
Nous voudrions maintenant vous soumettre un certain nombre de
considérations. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec les
prenne en considération dans sa politique énergétique et
dans l'harmonisation des deux autres formes d'énergie qui seront
appelées à remplacer une grande part du bilan
énergétique présentement détenu par le
pétrole. L'importance de l'énergie électrique au
Québec est bien connue de tous. L'abondance de cette source
d'énergie a profité
grandement au développement du Québec. Cette
énergie renouvelable et non polluante est totalement sous notre
contrôle. Environ 20 000 mégawatts de nos ressources
hydroélectriques sont considérés comme étant
économiquement exploitables, ce qui assure le Québec d'une grande
autonomie énergétique bien au-delà de l'an 2000. La mise
en valeur de ces ressources hydroélectriques a développé
au Québec une expertise considérable au niveau des
ingénieurs-conseils, des manufacturiers d'équipement et
d'Hydro-Québec.
Les ressources humaines et matérielles de notre industrie qui se
sont développées en grande partie grâce aux investissements
d'Hydro-Québec sont maintenant très considérables. En
effet, notre industrie emploie, comme je le disais plus tôt, environ 45
000 personnes dont une grande proportion de chercheurs, d'ingénieurs et
de techniciens oeuvrant dans des domaines de technologie de pointe. Notre
industrie assure depuis plusieurs années des débouchés
à plusieurs centaines de spécialistes qui graduent de nos
institutions d'enseignement. Des transferts de technologie importants se sont
effectués par l'entremise de plusieurs grandes entreprises oeuvrant
à l'échelle internationale et établies au Québec
depuis plusieurs années. Le total des actifs de nos entreprises
dépasse les 2 000 000 000 $ et les expéditions en 1981
étaient de l'ordre de 3 000 000 000 $.
Notre industrie contribue non seulement quantitativement, mais surtout
qualitativement à l'activité industrielle du Québec,
étant donné le haut degré de technologie qui
caractérise la plupart de nos entreprises.
Je voudrais ici vous référer au document du
Secrétariat à la science et à la technologie du
gouvernement du Québec, intitulé Inventaire des entreprises
manufacturières qui font de la recherche et du développement au
Québec. J'ai une copie de ce document qui montre, d'une façon
très claire, que l'industrie électrique se situe au premier rang
des industries en ce qui a trait au contenu de recherche et de
développement et en ce qui concerne l'emploi des professionnels,
premier, deuxième et troisième cycles.
L'énergie électrique offre au Québec un potentiel
de développement économique particulièrement
intéressant. Étant donné que le Québec a une
structure industrielle spécialisée dans le secteur
électrique, l'impact de ce type d'énergie sur notre
activité économique québécoise est bien
supérieur à ce que peut offrir toute autre forme
d'énergie. Selon des études effectuées à partir du
modèle interprovincial de Statistique Canada, les retombées pour
le Québec, à la suite de l'utilisation de l'énergie
électrique plutôt que du gaz naturel, sont particulièrement
éloquentes: 17 fois plus d'emplois créés; au niveau du
PIB, 30 fois supérieur. Par contre, en Alberta, l'impact de ces deux
types d'énergie est complètement renversé par rapport au
Québec. Il est évident que le Québec a une industrie qui
s'est spécialisée dans le matériel électrique alors
que l'Alberta l'a fait dans l'équipement pour l'exploitation du
pétrole et du gaz naturel.
Une deuxième étude sur les effets d'un achat par le
Québec de 10 000 000 $ de matériel électrique industriel
démontre que les répercussions d'une telle dépense sont
considérables: la création de 208 années-hommes d'emplois
directs au Québec et 327 années-hommes pour le reste du Canada,
ainsi que des expéditions additionnelles de 13 000 000 $ au
Québec et de 23 000 000 000 $ pour le reste du Canada. Ces chiffres
sont, d'ailleurs, confirmés par ceux qui ont été soumis
par SOQUIP dans un tableau à la rubrique 4.3 par lequel on peut
déduire que, pour chaque tranche de 10 000 000 $ investie au
Québec dans les réseaux de distribution du gaz, il y a une
création d'emplois de 71 hommes-années comparativement à
208 pour le secteur électrique.
Soulignons que les ressources du Québec en matière
d'énergie électrique confèrent à la province un
potentiel d'exportation d'un caractère unique qui n'est pas encore
entièrement exploité. Peu de secteurs de l'économie
québécoise jouissent du même degré
d'intégration. Grâce à ses centres de recherche, à
ses bureaux d'ingénierie, à son industrie bien
développée, le Québec est en mesure d'effectuer la
recherche et le développement, la conception, la fabrication, le montage
et l'entretien d'une très grande partie des ouvrages et
équipements reliés à la production, au transport et
à la distribution de l'électricité.
Nous croyons que notre industrie s'inscrit très bien dans les
objectifs du virage technologique et dans les objectifs du nouveau
ministère du Commerce extérieur. Nous croyons que tout doit
être fait pour conserver ce savoir-faire, cette expertise qui nous
permettra d'améliorer les performances du Québec à
l'exportation.
Nous voudrions maintenant préciser que notre association comprend
bien la volonté du gouvernement d'accélérer le
remplacement du pétrole importé en favorisant également la
pénétration du gaz naturel. Nous voulons toutefois souligner que
ce type d'énergie est loin d'apporter au Québec les mêmes
retombées économiques que l'électricité.
L'industrie québécoise est, en effet, très mal
préparée pour répondre aux demandes d'équipement et
de matériel utilisés dans la construction des réseaux de
gaz naturel. La machinerie aussi bien que les matériaux et les
spécialistes sont, en grande partie, importés de
l'extérieur du Québec.
Encore une fois, nous remettons en question les affirmations de SOQUIP
selon lesquelles la construction des réseaux de transport et de
distribution de gaz naturel entraînerait des retombées
économiques substantielles pour le Québec. Le gaz naturel,
d'autre part, est loin d'offrir la même sécurité
d'approvisionnement.
L'évolution à long terme de son coût est, en grande
partie, hors du contrôle du gouvernement du Québec et beaucoup
moins prévisible que celui du coût de
l'électricité.
Dans le mémoire de Trans Québec et Maritimes, on nous
explique les mesures qui se sont avérées nécessaires pour
rendre le prix du gaz naturel concurrentiel: fixation du prix, subsides,
exemption de taxes, etc. À la page 6 du même mémoire, on
admet même que le prix actuel du gaz au Québec est un prix de
développement qui sera accessible jusqu'en 1987 grâce à un
programme fédéral d'aide à la commercialisation.
Après 1987, il est impossible de prévoir quel sera le prix de ce
type d'énergie.
Le gaz naturel, selon nous, amorce sa pénétration à
un moment qui est très mal choisi étant donné, d'une part,
les surplus considérables disponibles en énergie
électrique dont le coût marginal est presque nul et d'autre part,
étant donné l'effondrement soudain du marché des
équipements électriques pour les cinq ou six prochaines
années. Même si des investissements considérables ont
déjà été engagés dans les réseaux de
transport et de distribution du gaz naturel, cette nouvelle source
d'énergie doit se soumettre au jeu de la libre concurrence dans cette
conjoncture difficile pour tous. Comment pourrait-on se justifier de
protéger cette industrie au détriment de l'industrie
électrique dont les investissements sont beaucoup plus
considérables et vitaux pour le Québec? Le gaz naturel devrait
donc concentrer ses efforts de mise en marché où il a des
avantages concurrentiels.
Sans être des spécialistes dans le gaz naturel nous nous
permettons de suggérer un certain nombre d'applications qui nous
paraissent particulièrement indiquées pour le gaz naturel. 1.
L'exportation du gaz naturel, sous forme liquéfiée devrait
être considérée en tenant compte des avantages
géographiques du Québec par rapport aux marchés de
l'Atlantique. 2. Les possibilités de transformation au Québec en
engrais chimiques - ammoniac, urée - et en méthanol devraient
être également privilégiées. On sait que le
transport de la matière première, le gaz naturel, est plus
économique que celui du produit fini et, par conséquent,
l'implantation d'une usine de transformation au Québec pourrait
être justifiée, d'autant plus que la valeur ajoutée dans ce
cas serait de beaucoup supérieure pour le Québec. Notre
recommandation coïncide avec celle de SOQUIP - à la page 34 de son
mémoire -qui souligne les grandes possibilités de l'utilisation
du gaz pour la fabrication de l'ammoniac. 3. Nous croyons que le gaz naturel
pourrait avantageusement remplacer l'essence dans les équipements de
transport, soit sous forme de gaz comprimé ou liquéfié.
Cette utilisation du gaz est beaucoup plus prometteuse - il ne nous fait pas
plaisir de l'admettre - que le véhicule électrique dont le
développement semble encore loin d'une utilisation commerciale. L'impact
possible de cette utilisation du gaz sur le bilan énergétique de
la province serait de taille puisque la consommation d'essence
représente près de 25% de nos besoins énergétiques.
4. L'utilisation du gaz comme source d'énergie dans la fabrication du
verre semble également comporter certains avantages.
En conclusion, il nous apparaît essentiel que, dans la
définition de sa politique énergétique, le gouvernement
assure une utilisation optimale des ressources déjà en place.
Selon nous, le gouvernement doit réaliser que l'industrie reliée
à l'exploitation de l'énergie électrique en est une de
très haute technologie et indispensable pour l'avenir du Québec.
Il ne s'agit pas d'une industrie en déclin ou mal outillée pour
faire face à la concurrence étrangère. Nous ne faisons pas
partie des secteurs mous de notre industrie. Nous sommes plutôt un de ses
fers de lance qui doit être développé.
Dans la définition de sa politique énergétique, le
gouvernement ne pourra se permettre de ne pas tenir compte des grandes
difficultés que devront traverser les industries électriques non
seulement pour s'adapter à un marché réduit de
façon considérable, mais pour faire face à une
période de quatre ou cinq ans où ce marché sera presque
inexistant. Notre industrie, par la spécialisation très grande de
ses ressources humaines et en équipement, a une capacité de
recyclage très limitée à court terme qui ne lui permettra
pas de survivre à ce changement draconien de son marché
domestique. Il est absolument nécessaire que les surplus
d'énergie électrique soient vendus au plus vite, même si
cela doit modifier l'échéancier de la pénétration
du gaz naturel. On ne peut se permettre de créer un emploi nouveau pour
en perdre dix-sept déjà existants et de qualité
supérieure. (17 h 30)
L'AMEEC propose donc au gouvernement du Québec la
stratégie suivante: privilégier la pénétration au
Québec de l'électricité puisque cette forme
d'énergie offre les plus grandes retombées économiques
à long terme tant au niveau des producteurs d'équipement
énergétique que des utilisateurs d'énergie; appuyer les
efforts à l'exportation
déployés par nos entreprises en favorisant un
marché domestique suffisant et stable pour les produits
électriques; encourager la pénétration du gaz naturel
partout où cette forme d'énergie jouit d'avantages
inhérents et de retombées économiques
élevées. Cette pénétration devra toutefois se faire
selon un échéancier qui minimisera ses effets négatifs sur
le secteur de l'électricité qui doit demeurer la clé de
voûte de la politique énergétique du Québec.
Cette stratégie suppose le plan d'action suivant:
l'écoulement accéléré des surplus
d'électricité par divers programmes agressifs de mise en
marché (bouilloires industrielles, etc.) - nous étions heureux
d'entendre, ce matin, qu'Hydro-Québec continue dans la même veine
- une augmentation plus rapide de la part de l'électricité
dépassant l'objectif de 45% du bilan énergétique en 1995.
La pénétration du gaz pourrait alors être reportée
quelque peu pour atteindre 12% en 1995, plutôt que 16%, tel que
proposé dans le livre de référence de cette commission.
Troisièmement, le devancement de certains travaux
hydroélectriques afin de sauvegarder l'industrie
spécialisée et les emplois de haute technologie, ceci en accord
avec une recommandation contenue dans le mémoire de Lavalin à
cette commission et dans ceux de l'association des grands projets qui nous ont
précédés à cette table.
Notre association est également à la disposition du
gouvernement dans le cas où celui-ci jugerait utile de solliciter notre
collaboration dans l'élaboration des mesures qui pourraient faciliter la
réalisation de la stratégie énergétique du
Québec. Une équipe de travail a été formée
en Ontario sous le titre de Joint Industry Task Force et collabore avec le
gouvernement ontarien dans le même sens; un rapport a été
présenté au premier ministre ontarien il y a quelques mois. Nous
serions heureux de développer une collaboration semblable avec le
gouvernement du Québec. Nous verrions, par exemple, l'utilité
d'une collaboration plus structurée sous la forme d'une équipe de
travail permanente qui comprendrait le ministère de l'Énergie et
des Ressources, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
le ministère du Commerce extérieur et les représentants
québécois de l'industrie électrique.
M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission, j'ai
terminé la présentation de notre mémoire. Nous vous
remercions de votre attention. Mes collègues et moi-même sommes
à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez
bien nous poser.
Le Président (M. Rancourt): On a eu une demande. Est-il
possible d'avoir une copie de votre texte, M. Guy Beaulieu?
M. Beaulieu: Oui.
Le Président (M. Rancourt): C'est possible. Merci.
M. Beaulieu: II y a eu certaines révisions en cours de
lecture.
Une voix: Ce n'est pas le même texte.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Duhaime: D'abord, M. Beaulieu, je voudrais vous remercier, de
même que les membres de l'Association des manufacturiers
d'équipements électriques et électroniques du Canada,
d'avoir préparé un mémoire et d'être venus en nombre
et en qualité représentative, je pense, de votre industrie. Soyez
assurés que nous considérons l'activité des membres de
votre association comme étant un des secteurs stratégiques de
notre économie, avec 3 000 000 000 $ d'expéditions. Vous avez les
chiffres de 1981, je crois?
M. Beaulieu: De 1981.
M. Duhaime: Et vous parlez de 45 000 emplois. Quand on parle de
haute technologie, de technologie nouvelle, on parle, bien sûr,
d'équipement électrique, d'équipement électronique
également. C'est un secteur - vous avez raison de le souligner, ce n'est
pas un secteur mou, c'est un secteur de pointe - qui, à la faveur des
ralentissements ici, se tourne désormais davantage vers les
marchés d'exportation. C'est peut-être une bonne chose que cela
arrive de cette façon. Je voudrais vous poser la question... Je sais que
les expéditions sont de l'ordre de 3 000 000 000 $ mais, sur les
marchés étrangers, cela représente quoi exactement?
Où vont vos expéditions? J'imagine que ce doit être en
Amérique du Nord, dans le cas de Northern, CAE, General Electric,
Westinghouse. En gros, est-ce que vous avez un bilan sur le plan de votre
association? Est-ce que vous êtes exportateurs? Si on pouvait avoir
seulement un ordre de grandeur du marché nord-américain, ou du
côté du Japon ou de l'Europe, des pays en voie de
développement?
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: On n'a pas d'étude exacte pour le
Québec, mais, pour le Canada, les exportations sont d'environ 4 000 000
000 $ sur 15 000 000 000 $ au total.
M. Duhaime: 4 000 000 000 $ sur 5 000 000 000 $ dans le
marché canadien.
M. Beaulieu: 4 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $.
M. Duhaime: 4 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $ dans le
marché canadien.
M. Beaulieu: Oui.
M. Duhaime: Donc, le reste...
M. Beaulieu: ...se répartit en grande partie aux
États-Unis et...
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Sandar Raj.
M. Raj (Sandar): Oui, aux États-Unis et en Europe... dans
tout le monde...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je suis très heureux de voir que vous avez une
étude en cours. Si vous en avez une copie de trop, je serais très
heureux d'en prendre connaissance lorsqu'elle sera terminée. Pour
revenir à ce que vous disiez tantôt, Lavalin est dans le dossier
sur une évaluation des marchés d'exportation des
équipements électriques. Est-ce que c'est un créneau
nouveau qui s'ouvre ou si c'est votre intention d'aller plus loin sur le
marché que vous occupez déjà? Avec 11 000 000 000 $ sur 15
000 000 000 $ à l'extérieur du Canada -c'est quand même
énorme - qu'est-ce que vous allez chercher de plus sur les
marchés internationaux?
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: Le but de l'étude n'est pas tellement
d'inventorier le marché existant. C'est déjà assez connu.
Mais la part du Canada dans ce marché des pays en voie de
développement est très faible, environ 1%. C'est cette part qu'on
voudrait augmenter. Je crois qu'on peut l'augmenter en faisant un effort de
concertation des différents agents économiques. À notre
avis, on a au Canada une structure qui se prête mal au support à
l'exportation, par rapport à d'autres pays.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: C'est essentiellement sur une
pénétration accrue dans les pays en voie de
développement.
M. Beaulieu: C'est cela.
M. Duhaime: Maintenant, sur ce marché que vous voulez
développer, jusqu'à ces années récentes,
Hydro-Québec a fait le gros de ses investissements dans des
équipements de barrages, de turbines, de lignes de transport, etc. C'est
autour de cette activité d'Hydro-Québec que s'est greffée
une bonne partie des activités des membres de votre association. Est-ce
que cette percée que vous recherchez dans les pays en voie de
développement est directement reliée à cette expertise ou
s'il y a d'autres créneaux que vous regardez?
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: C'est surtout dans la même gamme de produits
ou de services. Naturellement, il y a des nouveaux créneaux qui sont
peut-être prometteurs. On parle des petites centrales. C'est
évident que les membres de notre association sont
intéressés à collaborer là-dedans, mais je pense
que cela ne constitue pas la partie la plus importante du marché qu'on
peut atteindre. Il s'agit de rendre nos industries plus concurrentielles en
ayant des agents économiques qui travaillent peut-être plus
ensemble au niveau du financement et au niveau de l'intégration, si on
veut, des manufacturiers canadiens aussi. Il y a beaucoup de compétition
à l'intérieur du Canada, alors qu'on rencontre souvent à
l'exportation des concurrents qui sont beaucoup plus intégrés.
Ils se présentent avec un manufacturier, un consortium, avec le support
financier de leur banque et de leur gouvernement, ainsi de suite, alors qu'ici
on a souvent deux gouvernements, cinq manufacturiers, trois
ingénieurs-conseils, et ainsi de suite. C'est tout à fait une
autre approche.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Maintenant, dans les scénarios
d'investissements d'Hydro-Québec -je crois que cela a été
relevé ce matin, soit par M. Coulombe, soit par M. Joseph Bourbeau - il
est en train de s'effectuer une espèce de transfert où il y
aurait davantage d'investissements dans les réseaux de distribution. Je
pense, par exemple, aux programmes qu'on a lancés récemment
à Montréal, de 538 000 000 $, je crois, qui doublaient les
objectifs des premiers programmes d'enfouissement des câbles. Je voudrais
savoir si votre industrie ou vos industriels, membres de votre association,
réagissent dans la même direction. Je dois vous avouer
honnêtement que j'ai été un peu scandalisé il n'y a
pas tellement longtemps à Montréal, justement à l'occasion
de cette conférence de presse avec Hydro-Québec et les
autorités de la ville de Montréal, de voir qu'il y avait
énormément de gadgets qui
étaient fabriqués aux États-Unis et qui ne me
paraissaient pas plus compliqués que ce que nos industriels font dans
d'autres secteurs d'activité. Autrement dit, pourriez-vous porter un
jugement sur la capacité d'industries comme les vôtres à
fournir de l'équipement dans le secteur de la distribution, dans la
même proportion que vous l'aviez fait et que vous le faites encore dans
les immobilisations un peu plus traditionnelles d'Hydro-Québec dans les
constructions de barrages, de lignes de transmission, disjoncteurs, etc.?
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je suggérerais à M. Plouffe de
répondre à cela. Je pense que dans sa compagnie il y a une gamme
de produits plus large.
Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.
M. Plouffe (Raymond): Merci. Oui, je pense que les industries
localisées au Québec ont réagi aux besoins
d'Hydro-Québec, qui sont très importants dans le domaine de la
distribution, de la transmission et de la génération, et qu'elles
s'orientent pour augmenter la distribution en fonction des besoins. Mais nous
sommes aussi convaincus que la rationalisation de nos produits à
l'intérieur d'une multinationale ne nous permettra jamais d'implanter
des activités viables pour tous les produits sur des marchés
restreints. Alors nous tentons d'identifier certains créneaux où
on établira des mandats mondiaux et où on assurera la
viabilité des entreprises que nous mettrons sur pied sur la base du
marché local, mais surtout par nos exportations qui nous permettront
d'être compétitifs à l'échelle mondiale.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Cela m'apparaît très important.
M. Plouffe: Mais ce dont il faut tenir compte dans le
problème qui est établi dans notre mémoire c'est que dans
les domaines de la génération et de la transmission, les
marchés locaux deviennent presque nuls pour une période de six
ans. Ces entreprises ont des problèmes majeurs à maintenir leurs
ressources en place. Ce que l'on veut souligner, c'est qu'il y a une expertise
qui est en danger de disparaître.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: En fait, est-ce que je fais erreur, M. Plouffe, en
disant que vous ne rejoignez peut-être pas toute la problématique
mais du moins l'approche? Ce qui me paraît logique dans vos propos, c'est
que vous souhaiteriez que l'on fasse du devancement de projet?
M. Plouffe: Excusez-moi.
M. Duhaime: Vous souhaiteriez qu'Hydro-Québec fasse du
devancement de projet? Je comprends que vous le souligniez dans votre
mémoire et aussi dans une des recommandations, mais je crois que
l'association qui vous a précédé insistait bien pour dire
que, quant à elle, elle souhaitait que le devancement se limite à
certaines infrastructures, routes, aéroports, etc. Si je comprends bien
ce que vous venez de nous dire - je ne veux pas dire que peu importe les
scénarios de croissance de la demande -en retenant un scénario de
croissance plus élevé, c'est évident que les
investissements seront plus lourds et que les retombées sur vos propres
entreprises vont être beaucoup plus élevées que ce que l'on
peut anticiper pour l'instant. Si je comprends bien, vous nous dites que pour
maintenir une base d'activité manufacturière significative au
Québec dans les années qui viennent, il faut passer à
travers ce que j'appellerais le "loop", ou la basse conjoncture dans la
programmation des équipements, et continuer quand même à
investir.
Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.
M. Plouffe: Ce que l'on dit c'est que le changement est tellement
draconnien que pour certaines industries qui sont importantes pour
l'économie du Québec au point de vue de la technologie, de la
recherche et de la capacité d'exportation, si on ne tient pas compte
qu'elles ont besoin d'une activité continue au Québec, on peut
subir des conséquences majeures. (17 h 45)
M. Duhaime: Mais...
M. Plouffe: Je pense que c'est ce qu'on essaie de...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Maintenir le cap sur... Il y a la parenthèse
où vous souhaitez arriver à 55% en 1995 pour ce qui est de la
part d'hydroélectricité. En fait, sur les objectifs, vous seriez
d'accord avec un mollo sur le gaz naturel, autrement dit étaler
davantage dans le temps la conversion que nous sommes en train de faire
à l'intérieur du bilan énergétique. Si je vous
comprends bien, c'est ce que vous souhaitez.
Seulement un dernier point.
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je voudrais ajouter que le problème de
certaines de nos industries est que le recyclage n'est pas facile. Si vous
prenez un "turbinier" il peut difficilement se convertir en fabricant
d'appareillages électroniques et utiliser les mêmes ressources. Je
dirais que c'est au niveau de ces grosses industries, les fabricants de gros
appareillages, que le problème est le plus sérieux.
Naturellement, avec les programmes de marketing agressif
qu'Hydro-Québec a déjà mis en place et qu'elle a
l'intention de mettre en place, cela a comme effet d'amoindrir l'impact de
remplir la moitié du trou si on veut. Par exemple, la poussée
qu'il y a eu l'an dernier pour les bouilloires électriques a eu pour
effet de générer des besoins au niveau des transports
d'énergie, peut-être pas aussi grands qu'au niveau de la
distribution mais il y a eu quand même des réseaux de transport
qui ont dû être renforcés.
Si la période pendant laquelle HydroQuébec va être
en situation de surplus est raccourcie, cela veut dire que les nouveaux
développements vont venir plus rapidement. Alors, les deux façons
de nous aider à passer à travers cette période difficile
c'est de la raccourcir et de rendre le trou un peu moins profond.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Écoutez, si vous voulez mon avis c'est
peut-être la meilleure nouvelle qu'on ait eue depuis les deux
dernières années, qu'Hydro-Québec se mette à vendre
de l'énergie hydroélectrique. La bougie d'allumage a
peut-être été l'arrivée sur un marché qui
était en quelque sorte "protégé" et dont le concurrent
s'appelle le gaz naturel. Les forces jouent actuellement sur les
marchés. Cela m'apparaît assez évident en tout cas de la
réaction qu'on a de l'industrie qu'ils reçoivent les vendeurs
d'Hydro-Québec à 10 heures le matin et ceux du gaz naturel
à 14 heures l'après-midi. Après cela tout le monde essaie
de s'ajuster sur des scénarios.
Je suis parfaitement de votre avis sur un point que... Je pense en tout
cas que cela sous-tend une des recommandations de votre mémoire. Vous le
chiffrez à 55% en 1995 pour ce qui serait de la part de
l'hydroélectricité. Nous nous sommes fixé comme objectif
d'être à 45% en 1995 mais si on l'est plus tôt, tant mieux!
Cela veut dire qu'on aura déplacé très probablement du
pétrole importé beaucoup plus rapidement. L'espèce de trou
qui est devant nous, pour employer votre expression, va s'écourter
d'autant.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les
pétrolières et tous les réseaux de distribution d'huile
à chauffage et d'associations de marchands d'essence, que ce soit la
Fédération du Québec ou encore l'Association des
automobiles, celle de M. Delia Noce, nous ont demandé de ralentir
également le bouleversement dans le sens de laisser la part du
pétrole le plus élevée possible, le plus longtemps
possible à l'intérieur du bilan. Vous allez comprendre facilement
qu'il y a des divergences d'intérêts.
Il y a peut-être un point que je voudrais relever avant de laisser
la parole à mes collègues. Je voudrais qu'on se comprenne bien.
Ce n'est pas le gouvernement qui fait le choix du gaz naturel, cela
m'apparaît être plutôt le consommateur, s'il y a des
conditions de marché qui existent. Vous allez très probablement
me répondre là-dessus: Oui mais le prix du gaz est d'abord
réglementé quant à son prix et ensuite, avec l'avalanche
de subventions à la conversion vers le gaz naturel, cela crée de
la distorsion sur le marché. Notre discussion peut paraître bien
académique quand on parle de concurrence avec trois prix
d'énergie réglementés de quelque façon que ce soit,
qui sont assujettis à de la fiscalité et qui sont bonifiés
par des programmes de conversion. Il faut bien comprendre aussi que les
compagnies pétrolières sont en train de mettre en route des
programmes de conversion pour résister sur le marché.
Tenant compte de cela, il est bien certain... Il semblait, selon
plusieurs mémoires, que plusieurs intervenants souhaitaient que le prix
du gaz naturel soit déréglementé sur un plan canadien. Je
suis un peu de l'avis... Cela paraît un peu curieux comme situation: le
prix du pétrole au Canada est tenu artificiellement bas par rapport au
prix mondial et le prix du gaz naturel est trop élevé à
l'heure actuelle. On le voit très bien sur les marchés
d'exportation. Si on pouvait retrouver les forces du marché, offre et
demande, un peu plus librement, je serais curieux de voir quelle serait la
réaction, la vôtre en premier lieu, si je me mets dans vos
souliers. Si le prix du gaz naturel était
déréglementé, il est évident qu'il ferait une chute
vers le bas. Il viendrait vous concurrencer encore plus rapidement sur le
marché. Comment voyez-vous évoluer ces scénarios? Je vais
vous poser une question simple: Comment réagiriez-vous si, demain matin,
le prix du gaz naturel était déréglementé et
chutait vers le bas?
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je ne suis pas tout à fait
d'accord avec M. le ministre quand il affirme que le prix du gaz
déréglementé chuterait vers le bas. N'est-il pas
subventionné de toutes sortes de façons présentement? Si
les forces du marché jouaient, est-ce que le coût du gaz rendu au
Québec serait vraiment concurrentiel avec le coût de
l'énergie électrique, surtout quand on parle d'énergie de
surplus qui ne coûte rien? Je ne pense pas qu'il pourrait être en
concurrence en aucune façon.
M. Duhaime: ... de la fiscalité qui s'applique, bien
sûr, au gaz naturel. Je ne parle pas des coûts de transport, ni du
coût de production à la tête du puits, mais il y a des taxes
fédérales qui se paient en chemin. On n'a qu'à voir les
prix à l'exportation; je ne vous donne pas seulement mon opinion, il y a
eu plusieurs intervenants, entre autres quelques experts, qui, sans être
en mesure de mettre la main sur l'Évangile sur une pareille affirmation,
semblaient tous dire que la déréglementation du prix du gaz au
Canada amènerait une diminution du prix sur le marché. J'avoue
que tout le monde peut se tromper mais je ne crois pas faire erreur en
rappelant ce que plusieurs intervenants nous ont dit.
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: Si le prix du gaz a des chances de baisser,
étant donné la situation de surplus qui existe, est-ce
qu'à long terme, ce sont les mêmes perspectives? D'autre part,
Hydro-Québec a aussi un surplus d'énergie électrique dont
le coût marginal est probablement inférieur à celui du gaz.
Si la concurrence était libre de toute intervention externe, je ne pense
pas que l'électricité serait défavorisée à
long terme.
M. Duhaime: Juste une dernière remarque pour vous dire que
nous partageons entièrement votre proposition d'aller plus loin, plus
vite, avec beaucoup plus de moyens concernant la possibilité de
fabriquer, au Québec, de l'ammoniaque et de l'urée à
partir du gaz naturel. Les dossiers qui sont à l'étude
actuellement ne peuvent pas être annoncés. Nous avons deux
problèmes: le coût des matières premières,
c'est-à-dire le coût du gaz naturel, et aussi, bien sûr,
l'accord de nos amis albertains, qui ne sont pas trop intéressés
à voir partir une matière première sans valeur
ajoutée. Donc, question de prix, question de durée des
approvisionnements.
Nous devons aussi poursuivre une étude un peu plus serrée,
malgré qu'il y ait déjà une bonne étape franchie,
sur les marchés internationaux. Cela ne semble pas poser de
problème pour l'instant pour ce qui est de l'ammoniaque, mais il semble
qu'on a un goulot d'étranglement pour ce qui est de l'urée. Je
profite de l'occasion pour vous confirmer que nous avons des dossiers à
l'étude présentement avec d'autres grandes sociétés
intéressées dans ce secteur. L'effet d'entraînement chez
nous, dans le secteur des fertilisants en particulier, pourrait être
drôlement important. Même si on s'en va à la fois vers des
productions d'hydrogène liquide et d'oxygène pour aller
possiblement se juxtaposer sur certains marchés, il reste que c'est un
dossier fort présent au ministère de l'Énergie et des
Ressources. Quant à l'usine, quant au développement du
méthanol, les journaux ont rapporté à la suite du
mémoire qui a été déposé, je crois, par
Nouveler qu'il y avait plusieurs milliards dans l'air. Théoriquement,
c'est toujours vrai, mais dans les faits, le projet de
Saint-Juste-de-Bretenières est dans sa première phase. C'est un
investissement assez élevé 23 000 000 $ - qui va nous permettre
de franchir une première étape avec le gazogène. Ce qui va
rester ensuite à décider, c'est si oui ou non on va continuer en
aval avec un autre investissement de l'ordre de 40 000 000 $ ou 45 000 000 $,
peut-être même de 50 000 000 $ dans trois ou quatre ans d'ici, mais
rien avant 1985 tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas franchi la
première étape. Je pense que dans cette voie, on doit continuer
de qualifier ce genre d'investissements comme étant des projets
-recherche appliquée, ce serait peut-être un peu fort - de
recherche et de développement. Si on calculait un projet comme
Saint-Juste-de-Bretenières, autant dans sa phase 1 comme dans sa phase
2, en fonction du retour sur l'investissement, j'ai bien l'impression qu'on ne
serait jamais allé de l'avant, mais si on veut prévoir et
développer une expertise en fonction des inconnues sur ce marché
dans dix, quinze ou vingt ans, possiblement que le méthanol pourrait
être une forme d'énergie concurrentielle. Je voudrais vous dire
que là-dessus, nous rejoignons amplement l'approche de votre
mémoire. Voilà les commentaires que je voulais vous faire. Je
vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont, avant de vous donner la parole, pourrais-je m'informer si on
poursuit après 18 heures?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Rancourt):
Consentement? Donc, nous terminerons cette audition, messieurs. Je donne
la parole à M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. Beaulieu, je dois dire que je suis
impressionné par la liste de gens qui vous accompagnent. D'ailleurs, on
s'aperçoit qu'il y a des gens qui ont des
postes importants, qui ont décidé de vous accompagner. Je
remarque que vous avez M. Armour de Toronto. Good afternoon. Si vous êtes
venus en si grand nombre, c'est pour lancer un cri d'alarme. Je pense que le
point clé de votre message est une sonnette d'alarme: Nous avons un
très gros problème. Nous avons un gros problème.
D'ailleurs, il semblerait que ce cri d'alarme aurait été
lancé cet après-midi par d'autres notamment l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Même les
consommateurs industriels ont également dit, pour d'autres raisons:
Faites attention, peut-être que la politique énergétique
qui est poursuivie dans le moment, compte tenu des surplus
d'Hydro-Québec qui augmentent démesurément - depuis samedi
on le sait -s'en va-t-on peut-être dans la mauvaise direction. Votre
mémoire a été écrit avant ce qui a paru dans le
Devoir. C'est donc dire que la situation a empiré depuis samedi dernier
lorsqu'on a vu dans le Devoir que les surplus d'Hydro-Québec sont encore
plus considérables. Il y a une dizaine de jours, nous avons entendu le
CRD de l'Abitibi et le CRD de Québec qui disaient, d'une façon
différente, mais en abordant le même thème: Les grands
projets, c'est important pour nos régions. Ce qui nous amène
à parler des moyens d'intensifier les ventes d'électricité
au Québec, de la place du gaz au Québec et des moyens
d'intensifier la vente de l'électricité aux États-Unis.
(18 heures)
Le ministre ou le gouvernement nous dit: Nous croyons que nous faisons
assez pour forcer ou encourager la vente de l'électricité aux
États-Unis, mais il semblerait, à la suite du cri d'alarme que
vous nous lancez, qu'on a un très gros problème. On ne parle plus
seulement de privilégier une forme d'énergie plutôt qu'une
autre, mais on s'aperçoit que c'est l'infrastructure industrielle du
Québec qui, dans le domaine de l'énergie électrique, est
en difficulté. C'est de cette façon que j'entends votre message,
clair et net, le cri d'alarme. On reviendra, dans quelques instants, si vous
voulez, sur les choses que vous pouvez vous-mêmes faire.
Je vois que vous avez entamé des discussions, à savoir
comment nous pouvons exporter. Dans ce sens-là, le ministre a
déjà dit que c'était fou raide de penser exporter
davantage, mais je m'aperçois qu'il y a beaucoup de fous au
Québec. Enfin, il y a beaucoup de gens qui disent qu'ils ont des
problèmes, en tout cas, et il va falloir regarder cela d'une
façon plus intensive. Plusieurs personnes nous ont dit aujourd'hui:
Écoutez! On a des problèmes. S'il y a des fous, on est plusieurs
ensemble à être fous. S'il y a juste les gens au gouvernement qui
sont fins et que tout le monde est fou, il va falloir se poser des questions.
Pendant combien de temps peut-on continuer ainsi?
Cela me frappe. Vous avez un grave problème et vous dites -
j'arrive aux conclusions - qu'il faut encourager l'écoulement
accéléré des surplus d'électricité. Je pense
qu'Hydro-Québec semble déterminée à aller dans
cette direction. Il y a toute la question des exportations, mais je pense que
ce que vous mettez de l'avant, d'une façon très cruciale - cela a
été soulevé par l'autre association qui vous a
précédés - c'est de dire: Est-ce qu'on va dans la bonne
direction, du moins en termes de "timing", en favorisant à la fois la
pénétration du gaz et de l'électricité? Je pense
que ce que vous dites, sans le dire, c'est que, si on diminuait
l'intensité de la pénétration du gaz pendant quelques
années, cela permettrait à l'électricité de
s'écouler et cela rapprocherait la date fatidique à laquelle on
peut reprendre les investissements. Par ailleurs, si on fait la même
chose du côté des exportations, c'est avec un "task force" plus
agressif qu'on vendrait aux États-Unis. Encore là, la date serait
plus rapprochée.
Pour arriver au noeud du problème, ce que vous dites, c'est que
votre industrie est malade ou, du moins, comme vous le dites à la page
4, vous parlez d'une situation de crise. Vous dites: À long terme, notre
capacité de production devrait être réduite de 50% et,
à court terme, c'est 0%. Ce que vous ne dites pas, c'est que vous avez
fait des investissements considérables dans le passé et vous
devez amortir ces investissements. Non seulement vous devez amortir ces
investissements, mais vos ressources humaines sont en difficulté, par
ailleurs.
Je remarque que votre association n'est pas une association
québécoise et je ne vous en fais pas grief. Les commentaires que
vous avez faits valent en tant qu'Association des manufacturiers
d'équipement électrique et électronique du Canada. Est-ce
que c'est une dynamique canadienne ou strictement québécoise? Je
crois que vous avez dit qu'il y avait une bonne partie de vos membres qui
étaient au Québec. J'imagine qu'il y en a également
d'autres en Ontario. Mais c'est certainement une industrie qui est
située en Ontario et au Québec. Est-ce que votre
problème... C'est bien beau pour le gouvernement de faire sa part, mais
vous relancez la balle. Est-ce que, pendant trop longtemps, vous avez
vécu du fait qu'Hydro-Ontario et Hydro-Québec vous donnaient des
contrats plantureux et, maintenant, vous dites qu'on fait face à une
situation à peu près impossible et qu'on n'a pas cherché
à trop exporter? Vous dites: 1% des pays en voie de
développement. Quelle est la vraie situation, compte tenu du facteur de
compétitivité par rapport à l'étranger, par rapport
à votre capacité d'exporter? Est-ce que c'est un facteur que vous
avez négligé
dans le passé? Si vous avez fait votre part de ce
côté-là, on pourra voir ensuite s'il y a d'autres choses
qui peuvent être faites de ce côté-ci. J'aimerais avoir
l'heure juste par rapport au degré de compétitivité de
votre industrie en tant qu'industrie canadienne. Pouvez-vous faire la part des
choses entre l'Ontario et le Québec face au marché d'exportation,
que ce soit dans les pays industrialisés ou dans les pays en voie de
développement?
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: D'abord, au sujet de notre association, c'est bien
évident que c'est une association pancanadienne, mais nous
représentons les intérêts des manufacturiers en
équipement électrique et électronique. Ces manufacturiers
sont concentrés en Ontario et au Québec. Disons que, dans ce
dossier, on n'a aucune espèce de difficulté à soutenir la
position qu'on soutient par rapport à une position qu'on aurait pu
soutenir à l'Ontario ou au gouvernement fédéral. Cela ne
nous gêne pas du tout. C'est complètement cohérent avec nos
objectifs.
Pour ce qui est de la compétitivité de l'industrie
canadienne des produits électriques, c'est difficile de se prononcer de
façon très générale là-dessus. Cela
dépend des secteurs. Cela a varié au cours des années.
Disons que, présentement, la conjoncture rend certainement l'industrie
canadienne moins compétitive vis-à-vis les marchés
européens qu'elle ne l'a déjà été,
étant donné la force du dollar qui a sensiblement réduit
les coûts comparatifs de nos compétiteurs européens. Cela
est évident. Le franc français et toutes les monnaies
européennes ont perdu beaucoup de valeur par rapport au dollar
américain ou au dollar canadien, ce qui rend plus difficile notre
position compétitive. Je dirais que la raison principale de nos
difficultés à l'exportation ne vient peut-être pas
seulement du fait que notre productivité est moins élevée
que la compétition mais il faut souligner que nos grands
compétiteurs sur les marchés internationaux sont les Japonais et
les Européens qui ont des marchés hermétiquement
fermés à l'importation dans la plupart des produits que nous
vendons, ce qui leur permet d'avoir ce qu'on appelle un système de prix
à deux tiroirs, c'est-à-dire un système de prix interne
qui est relativement plus élevé que le prix à
l'exportation qui, souvent, est un prix de "dumping" basé sur les
coûts marginaux, alors qu'au Canada, nous avons un marché ouvert
à la compétition étrangère, ce qui a pour effet de
réduire considérablement le niveau de prix canadien et d'enlever
nécessairement beaucoup de possibilités aux manufacturiers
canadiens et d'être aussi agressifs à l'exportation. C'est une
observation générale qui n'est pas nécessairement vraie
dans tous les secteurs de notre industrie. Dans l'électronique, par
exemple, Northern Telecom a développé une expertise et une
compétitivité qui lui ont donné beaucoup de succès
à l'exportation malgré les effets des changes, etc.
J'ai ici des représentants...
M. Fortier: Je vois sur la liste que vous avez CAE Electronique
Limitée.
M. Beaulieu: Oui.
M. Fortier: Nous les connaissons, ils exportent. Je pensais en
termes des turbiniers. Je vois les noms de Westinghouse et de Marine Industrie
Ltée. Dans le cas de Westinghouse, c'est une filiale américaine,
donc, la recherche et le développement se font aux États-Unis.
Dans le cas de Marine Industrie Ltée, ils sont associés avec
Alsthom Atlantique mais la recherche se fait plutôt en France qu'au
Québec.
Face à la situation que vous venez de décrire - je parle
des turbiniers en particulier - et considérant le fait que vous
êtes dépendants de technologies étrangères quoique
mon ami Charbonneau me disait tout à l'heure que Marine Industrie
Ltée peut se passer d'Alsthom Atlantique pour exporter au point de vue
technologique, est-ce qu'il y a quand même des ajustements de structures?
Est-ce le sens de l'étude que vous faites ou si chaque compagnie,
indépendamment de ce qui peut être fait au niveau du gouvernement
québécois, devra penser à des ajustements structurels face
à cette nouvelle dimension qui existera à long terme de toute
façon?
M. Beaulieu: Peut-être que M. Charbonneau pourrait ajouter
quelques commentaires.
Le Président (M. Rancourt): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau: J'aimerais commenter un peu. Dire qu'il ne se
fait pas de recherche et de développement, il s'en fait à Marine
Industrie Ltée. Il faut apporter une nuance importante. Chez Marine
Industrie Ltée, nous n'avons pas de laboratoire d'hydraulique. Nous
achetons nos tracés hydrauliques en France chez Nyerpic. Cela nous a
bien servi au cours des quinze dernières années. Nous avions fait
des études et nous devions avoir notre propre laboratoire hydraulique.
Lorsque l'hécatombe nous est tombée dessus, le marché est
disparu quasiment du jour au lendemain. En l'espace d'un an et demi environ,
d'un marché de vaches grasses on est passé à un
marché même plus de vaches maigres, car il
n'y a plus de vache. On ne peut pas investir dans un laboratoire, donc
de ce point de vue là on continuera à acheter nos tracés
hydrauliques, pour le moment en tout cas jusqu'à une reprise.
Toute notre conception mécanique des turbines et la recherche qui
y est rattachée se font à Marine Industrie Ltée, à
Tracy. De même, en alternateurs, nous sommes complètement
indépendants du point de vue conception de nos machines.
J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner que c'est quelque chose
que nous avons mis quinze ans à mettre sur pied, à former le
personnel voulu. C'est ce qui est en danger aujourd'hui. On a mis quinze ans
à acquérir une technologie conceptuelle et une technologie de
fabrication et, aujourd'hui, on se retrouve devant un marché qui est -
on a utilisé le terme "anéanti" - très bas. Il est
difficile pour une industrie lourde comme la nôtre de se recycler, de se
retourner de façon instantanée. On ne peut pas convertir un
"turbinier" en un fabricant de sectionneurs parce qu'Hydro-Québec
reporte ses investissements dans le domaine de la distribution. C'est
impensable, surtout à court terme. Ce ne sont pas du tout les
mêmes technologies. Alors, nous avons des problèmes.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Dans le domaine de l'exportation, il y a d'autres
problèmes reliés au "package", au financement. Des efforts ont
été faits de ce côté-là par
Hydro-Québec International - je crois que Marine Industrie s'est
associée à la SGF - pour créer une société
d'exportation. Vous ne voyez pas ce genre d'entreprise réussir à
court terme?
Le Président (M. Rancourt): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau: II y a peut-être un point qu'il faut
mentionner aussi. Tantôt, vous avez demandé si on s'était
ou non intéressé, dans le passé, au marché de
l'exportation. Il faut penser que, dans le cas spécifique' de Marine
Industrie, nous étions une compagnie relativement jeune dans le domaine
de la génération. Faire face, avec les autres fournisseurs
canadiens dans le domaine de la génération, à l'important
marché de la Baie-James, c'était difficile; c'était
déjà tout un défi de faire face au volume qui était
celui de la Baie-James au cours des cinq dernières années. Nous
en avions déjà suffisamment. On s'est intéressé
à l'exportation, mais de façon beaucoup moins forte. Maintenant,
tout à coup, du jour au lendemain, il faut être concurrentiels et
organisés sur le plan de l'exportation. C'est impossible. On a
réussi quelques ventes à l'extérieur. On y travaille
très fortement, mais on a besoin d'un certain temps pour mieux se
structurer, mieux se faire connaître, apprendre comment on fonctionne sur
les marchés d'exportation qui sont assez coupe-gorge parce qu'il y a une
très grande concurrence. Il y a beaucoup de fournisseurs tout aussi
affamés que nous, les Québécois et les Canadiens.
M. Fortier: Sur le plan des ressources humaines, au point de vue
génie, développement de technologies, mais aussi en termes de
mécaniciens ou de personnel responsable du contrôle de la
qualité, est-ce que Marine Industrie peut utiliser ces gens-là
à d'autres genres de travaux? Autrement dit, est-ce que vous pouvez les
perdre ou si vous pouvez les conserver, indépendamment du fait qu'ils
sont occupés ou non à des projets hydroélectriques?
Le Président (M. Rancourt): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau: II y a de grands risques de perdre des
connaissances.
M. Fortier: Les connaissances qui se trouvent dans la tête
de l'individu?
M. Charbonneau: Oui, mais par contre, si vous ne pouvez pas les
garder, les individus, il va falloir qu'ils se trouvent autre chose pour
survivre. Vous mentionnez le domaine de l'assurance-qualité. Les gens en
assurance-qualité qui ont des connaissances à savoir comment se
bâtissent et fonctionnent des systèmes d'assurance-qualité
peuvent toujours, pour certains d'entre eux, se recycler à appliquer ces
connaissances générales, organisationnelles, à autre
chose. Mais les gens de l'assurance-qualité qui connaissent les
turbines, les alternateurs, du jour au lendemain, ils ne pourraient pas aller
faire de l'assurance-qualité dans un domaine qu'ils ne connaissent pas.
Ce sont des connaissances qu'ils ont acquises au cours des années; ils
sont spécialisés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Comme disait le ministre, votre message est semblable
à celui de M. Delia Noce qui disait: Si on va trop vite dans cette
politique, on va être obligé de fermer des postes de
détaillants d'essence. Je pense qu'on parle d'une dimension beaucoup
plus considérable. On parle de technologie; on parle de ressources
humaines. C'est important dans le sens que, lorsqu'il s'agit de refaire la
relance plus tard, les infrastructures, en termes d'équipement ou en
termes de main-d'oeuvre de génie ou de
technique, ne seront pas en place. Je sais bien que, pour celui qui vend
de l'essence au coin d'une rue, c'est peut-être une question d'avoir un
emploi ou de ne pas en avoir un. Pour lui, c'est aussi important dans ce
sens-là. Je ne veux pas minimiser l'impact humain que cela peut avoir
pour les gens qui vendent de l'essence, mais sur le plan... J'essayais de lire
votre mémoire. Ce que vous dites, dans le fond, c'est que cela a un
impact déterminant pour une industrie technologique importante au
Québec. Dans ce sens, vous dites: II faudrait réviser cette
portion de la politique énergétique ou cette partie de la
politique énergétique qui va créer un impact beaucoup plus
considérable que celui qui avait été envisagé
peut-être à l'origine. Est-ce que c'est bien là le sens de
votre message? (18 h 15)
Le Président (M. Rancourt): M. Charbonneau.
M. Charbonneau: C'est essentiellement cela notre message. On est
bien conscient que, traversant une période difficile, puisqu'on a connu
et on connaît une période de récession, un peu tout le
monde se tourne vers le gouvernement pour dire: Venez nous aider. On en est
bien conscient. Par contre, il y a des secteurs qui ont demandé moins de
temps à former des gens. Ce sont des secteurs qui ne sont pas de la
haute technologie; là le recyclage est plus facilement envisageable et
peut se faire à plus court terme. Notre domaine de la
génération d'énergie hydroélectrique, c'est un
domaine de haute technologie. Plusieurs années d'efforts ont
été nécessaires pour acquérir les connaissances. Il
y a un danger actuellement que ces connaissances se perdent. Il faut qu'on
trouve un moyen... C'est pour cela qu'on a proposé la consultation,
qu'on a proposé de mettre l'accent sur l'énergie
électrique versus le gaz naturel. M. le ministre soulevait la question
tantôt. Je l'ai perçue un peu comme ceci: Est-ce que vous
demandez, comme le groupe qui vous a précédé à la
table, de devancer des projets? J'ai une tendance à dire
peut-être. Il faudrait étudier quelles sont les
conséquences.
M. Fortier: Je vous remercie.
M. Charbonneau: Ce qu'on voudrait, c'est participer à
l'élaboration.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fortier: II y a une question...
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je voudrais simplement ajouter que notre industrie a
bénéficié de transferts technologiques importants par ses
associations avec des multinationales américaines ou européennes,
mais cela n'a pas nui au développement technologique du Québec,
au contraire. La taille de notre marché ne justifiait jamais les
investissements qui avaient été requis pour faire ce
développement technologique. De plus en plus les multinationales ont des
politiques de décentralisation des mandats de recherche et de
développement, des mandats de fabrication, sur la base des avantages de
marché, des avantages au point de vue des ressources qui sont
disponibles. Je pense qu'on a toutes les possibilités de profiter de ces
associations pour développer notre base technologique. Mais il faut
quand même qu'il y ait ici un marché qui soit de taille
suffisamment grande pour soutenir notre activité. Un exemple de l'impact
que peut avoir indirectement l'activité d'Hydro-Québec a
été le développement qu'a fait la compagnie CAE
Électronique d'un système de répartition des charges ou de
contrôle du réseau qu'on a ensuite vendu au Venezuela.
Peut-être que vous pouvez dire quelques mots...
Le Président (M. Rancourt): M. Bridger, je crois.
M. Bridger (Dave): Cela a commencé avec deux contrats
d'Hydro-Québec à la Baie-James. Après avoir terminé
ces deux contrats, quelques années plus tard on a obtenu ce contrat, au
mois de juin 1982. C'était pour un système de contrôle pour
les réseaux de tous les secteurs du Québec. En plus des deux
contrats à la Baie-James, on a eu la technologie qu'on a pu vendre pour
le système de barrage à Guri au Venezuela. Je ne suis pas
sûr si le barrage de la Baie-James est plus grand que celui de Guri ou si
c'est le contraire, mais ils sont à peu près de la même
grandeur. C'est un contrat qu'on a eu d'Hydro-Québec, avec la
possibilité d'exporter au Venezuela.
Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Permettez-moi de faire une remarque ou deux, M. le
Président, pour atténuer la vision apocalyptique, parce que je ne
voudrais pas que nos amis de cette association repartent de Québec avec
un son de cloche que je considère comme très négatif qui
se dégage des propos du député d'Outremont.
Si nous regardons la situation au Québec en 1975 et l'objectif
que nous visons à l'horizon de l'an 2000, donc sur une
période de 25 ans, le pétrole importé ou le
pétrole, qui comptait pour 68% ou 69% de notre bilan en 1975, va
être coupé à peu près en deux, sinon davantage
à l'horizon de l'an 2000 si les scénarios... et si j'ajoute vos
55% avec 20% ou 18% pour le gaz, il va rester 25% pour le pétrole. Ce
qui veut dire que les 35% de pétrole importé sont
remplacés pour à peu près 10% par le gaz naturel dans le
bilan et par 25% par l'hydroélectricité. Je pense que vous
êtes au coeur de cette industrie.
Si j'étais dans l'industrie du pétrole il y aurait
peut-être lieu de se chagriner davantage, mais ce n'est pas
l'hydroélectricité et ses équipements qui sont
déplacés par la politique énergétique du
Québec, c'est exactement le contraire. En 25 ans la part du
marché hydroélectrique a redoublé dans le bilan. Vous y
ajoutez même 5% avant l'an 2000. Alors je ne vois pas où est
l'apocalypse de ce côté.
Le deuxième élément, j'avais l'occasion de le
rappeler ce matin, si on regarde un peu en arrière les chiffres des
investissements dans les immobilisations d'Hydro-Québec, pour les
années 1983, 1984 et 1985, le total des immobilisations
d'Hydro-Québec c'est 7 400 000 000 $. Vous avez beau faire le calcul en
regroupant les trois années de votre choix dans tout ce qui s'est
passé en le ramenant en dollars constants, vous n'obtiendrez jamais un
pareil niveau d'investissement. Cela n'est pas l'apocalypse non plus.
Ce que je retiens cependant de vos propos, c'est que vous nous dites
qu'il y a un ralentissement à l'horizon de 1986. Là on a des
craintes, mais je comprends qu'il y a beaucoup d'investissements et qu'il y a
des conversions qui seront faites. Vous avez pris vous-même l'initiative
d'aller voir plus loin sur les marchés d'exportation, en particulier
dans les pays en voie de développement où vous avez à
peine 1% du marché. Mais si vous avez 1% du marché, les autres
99% sont entre les mains de quelqu'un, et ce ne sont certainement pas les
économies de pays en voie de développement qui ont ce
marché. Cela veut dire que ce sont probablement les Américains,
les pays d'Europe de l'Ouest et probablement le Japon également. Par
ailleurs, on ajoute un créneau où on dit que dans la distribution
il y a peut-être autre chose qui peut être fait un peu plus
loin.
Si j'étais vous, à l'intérieur des grands
bouleversements du bilan énergétique quant à ses
composantes, je serais plutôt porté à évaluer que
c'est votre groupe et les industries connexes qui s'en tirent le mieux, si on
tient compte de certaines fatalités. Le ralentissement de la croissance
de la demande de l'énergie sous toutes ses formes ce n'est pas un
phénomène ni québécois, ni ontarien, ni du
Nouveau-Brunswick, ni de la Nouvelle-Angleterre, ni de New York. C'est vrai
à l'échelle du continent nord-américain et c'est encore
plus vrai dans les pays européens, enfin, à peu près dans
tous les pays membres de l'OCDE.
Je termine en vous disant que votre offre de bons échanges est
accueillie, bien sûr. Je vais voir de façon concrète
comment on serait en mesure de constituer un groupe de travail qui ferait un
suivi de la même façon qui nous a été proposé
par le groupe qui vous a précédé à partir de
scénarios d'interventions très concrets. Je pense que sur le plan
international en particulier nous avons marqué notre volonté et
notre détermination d'épauler l'industrie en créant de
toutes pièces le ministère du Commerce extérieur.
Souhaitons qu'Hydro-Québec
International ne vous dérangera pas trop. Cette
société n'est pas de toute manière, pour l'instant, dans
vos champs d'activité, elle est plutôt au niveau des aides
techniques et des soutiens sur le plan du génie, mais je retiens votre
proposition comme étant une contribution positive. Je ne prétends
pas que nous ayons de ce côté-ci de la table le monopole de la
vérité. Bien au contraire, on est ouvert à des
scénarios, qui méritent d'être chiffrés cependant.
Si on parle de devancement, je veux bien mais il faudrait que ce soit
confortablement assis sur des chiffriers et sur des chiffres. Je pourrais vous
faire un discours qui pourrait passer à l'histoire sur le
développement ou encore sur le devancement ou
l'accélération de projets, mais je pense que cela ne
résisterait pas non plus à l'analyse sérieuse.
Comme consommateur et comme contribuable du Québec, je ne suis
pas du tout prêt à maintenir à la hausse la facture de
l'hydroélectricité, parce qu'il y a quelqu'un qui paie à
l'autre bout, parce qu'on se dirait: Faisons les investissements maintenant, le
marché viendra plus tard. Je ne veux pas me répéter; je
pense que vous étiez ici ce matin quand j'ai eu l'occasion de dire ce
qui soustendait notre approche tant au ministère de l'Énergie et
des Ressources qu'à Hydro-Québec sur les marchés
d'exportation.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont. Oh! M. Beaulieu.
M. Beaulieu: Comme le disait le député d'Outremont,
malgré qu'on ait voulu souligner qu'il y avait une période de
crise, on n'est pas nécessairement des éternels pessismistes. Ce
qu'on a entendu d'Hydro-Québec ce matin est quand même assez
encourageant vis-à-vis des investissements qu'ils ont
décidé de faire dans la distribution. Cela a certainement un
impact sur notre industrie. On n'a pas encore eu la chance d'analyser
exactement ce que cela donnerait en termes d'impact économique. Chose
certaine, quand on regarde les chiffres d'investissements à
Hydro-Québec pour une année donnée, disons pour
1984, une grande partie de ces investissements sont déjà commis,
sont déjà engagés et ils sont escomptés dans le
sens que ces équipements sont peut-être déjà
à la sortie de nos usines. Il y a donc un délai entre les
chiffres d'investissements qu'HydroQuébec présente et les impacts
sur nos charges de production.
D'autre part, quand on va dans le domaine de la distribution,
malgré que je n'aie pas de chiffres exacts à produire, on a
l'impression que la partie équipement de haute technologie est moins
grande, qu'il y a plus de génie civil et peut-être
d'équipement un peu moins sensible à ce revirement de la
situation.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Justement dans la même foulée.
Lorsqu'il est apparu évident, à l'occasion d'une commission
parlementaire -je crois que c'est à la fin de 1981 ou même
plutôt en 1982 - que les programmes de développement de centrales
hydroélectriques d'Hydro-Québec devraient subir des
délais, des reports importants, il avait été
mentionné, à l'occasion de cette commission parlementaire entre
autres, que cela avait été demandé à
Hydro-Québec à savoir si elle avait des stratégies en vue
d'atténuer l'impact de ce ralentissement des aménagements
hydroélectriques autant sur les travailleurs de la construction que sur
l'industrie. A ce moment on avait demandé à Hydro-Québec
de préparer un programme alternatif qui permettrait d'atténuer
les impacts de cette diminution dans les investissements pour les
aménagements hydroélectriques, qui était
conséquente à la diminution très forte de la demande et
aussi au fait que des blocs d'énergie extrêmement imposants sont
arrivés sur le marché au moment même où on
était en récession et en diminution de demande.
Or Hydro-Québec a fait un bon bout de chemin dans ce sens. Ce que
ses représentants nous ont dit ce matin et qu'ils nous avaient dit un
peu plus tôt durant l'année c'est qu'ils vont maintenir un niveau
d'investissements comparable aux meilleures années qu'ils ont connues
dans leurs investissements au moment où les travaux de La Grande
étaient dans leur phase la plus intensive. Cependant, graduellement, au
fur et à mesure que LG 3 et LG 4 entreront en service, il y a une grande
partie de ces investissements qui vont se faire plutôt dans les
réseaux de transport et de distribution, ce qui à mon sens
devrait apporter plus de retombées pour votre industrie, en comparaison
avec ce que c'était à l'époque des aménagement
hydroélectriques très intensifs, parce que dans les 2 000 000 000
$ ou 2 500 000 000 $ qui étaient comptabilisés comme
investissements à l'occasion des aménagements de LG 2, par
exemple, il y avait peut-être 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $
qui étaient des intérêts; il y avait beaucoup de
béton et de travaux de génie civil, de sorte que la part des
équipements électriques pouvait être assez minime. La
taille de ces investissements était imposante, mais toute proportion
gardée, je pense que la proportion des investissements
d'Hydro-Québec pour des équipements électriques
était moins forte à ce moment-là qu'elle ne l'est dans le
programme qu'on nous a présenté au début de l'année
et qu'on a répété ici dans le mémoire qui a
été présenté ce matin. (18 h 30)
À la page 14, entre autres, il y a des prévisions pour des
investissements à partir de l'installation et 55% des investissements
d'Hydro-Québec pour 1983, 1984 et 1985 vont dans les équipements
de transport et les équipements de distribution. J'ai l'impression - je
n'ai pas posé la question à HydroQuébec, j'aurais
peut-être dû le faire - que finalement l'impact pour votre
industrie sera plus important que c'était le cas au moment de
l'aménagement des grands projets de La Grande.
Autre facteur - j'ai posé la question à M. Coulombe, ce
matin - étant donné que vous prenez un virage important dans vos
programmes d'immobilisations et que vous mettez l'accent sur la distribution et
le transport d'énergie, est-ce que vous avez contacté
l'industrie? Est-ce que vous avez pris les dispositions pour mettre l'industrie
dans le coup de façon que les principaux intéressés
puissent, de leur côté, se préparer à ce
virage-là et finalement développer les gammes de produits dont
vous aurez besoin pour être en mesure de réaliser vos travaux? M.
Coulombe m'a dit que, effectivement, c'était amorcé ou
c'était sur le point de l'être. J'imagine que de ce
côté-là, votre industrie devrait être un
interlocuteur privilégié pour Hydro-Québec; cela me semble
tomber sous le sens.
Juste un petit point en ce qui concerne Marine Industrie, les
"turbiniers". Je voulais simplement attirer votre attention sur un bout de
phrase à la page 18 du mémoire d'Hydro-Québec qui dit ceci
- cela fait suite aussi à la demande que nous avions faite à
Hydro-Québec d'essayer d'atténuer la portée de ses
décisions - je le lis: "L'entreprise -Hydro-Québec - amorcera en
outre un important programme de réfection de turbines dans les centrales
de 30 ans et plus - cela veut pratiquement dire toutes les centrales du
Saint-Maurice et celles de Beauharnois probablement - en vue de minimiser
à court terme l'impact du ralentissement de ses travaux de constructions
sur les "turbiniers"." De ce
côté-là aussi, il semble qu'il y ait une
volonté de la part d'Hydro-Québec de prendre les mesures
nécessaires pour vous aider d'une certaine façon. Cela l'aide
à maintenir cette expertise que vous avez développée au
cours des années. Je ne sais pas si vous aviez pu prendre connaissance
de cela lorsque Hydro-Québec en a parlé ce matin, sinon je veux
vous en faire part parce que cela m'apparaît aller dans le sens des
représentations que vous avez faites tout à l'heure.
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: C'est exact que les investissements
qu'Hydro-Québec va faire au cours des prochaines années seront
surtout concentrés dans la distribution; un peu dans le transport, mais
je crois que c'est surtout dans la distribution. Dans ce domaine, certains de
nos membres vont certainement profiter de l'activité économique
que ces investissements vont engendrer.
M. Guay (André): Je voudrais vous préciser les
chiffres pour les trois années: 32% des 7 400 000 000 $ aux
équipements de transport et 23% aux équipements de
distribution.
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu, si vous voulez poursuivre.
M. Beaulieu: Je n'ai pas encore fait l'analyse de ces chiffres;
on va la faire. On a aussi accès au plan d'équipements
d'Hydro-Québec et on sait qu'en termes d'équipements pour
certains secteurs de notre industrie, il y a non seulement un ralentissement
mais un arrêt total des achats. Il ne faut pas oublier ceci. Étant
donné qu'Hydro-Québec s'est spécialisée, depuis
quelques années, dans la production d'énergie à
très haute tension, il y a eu une certaine spécialisation dans
l'industrie électrique du Québec pour l'équipement de
très haute tension. Cela a fait que certaines industries se retrouvent
avec du matériel qu'elles ne peuvent pas vendre au niveau de la
distribution. C'est bien évident que, si vous avez de
l'équipement qui a été développé pour des
tensions de 700 kV, vous ne pouvez pas l'utiliser. Par contre, c'est vrai qu'il
y a certaines industries qui vont profiter de ce qui va être investi par
HydroQuébec dans le domaine de la distribution. Peut-être que M.
Plouffe voudrait ajouter quelque chose.
M. Plouffe: Je pense que les chiffres que vous venez de
mentionner et qui sont dans le mémoire d'Hydro-Québec sont
exactement les mêmes que dans le programme d'équipements qui
était à notre disposition, à quelques points de
pourcentage près. Ce sont les chiffres qu'on voyait, mais ce qui n'est
pas mentionné dans ces chiffres, c'est que dans le programme de
génération d'Hydro-Québec, qui était de 3,7% dans
les dix prochaines années, on prévoyait, l'an dernier,
dépenser 19 170 000 000 $.
Maintenant, dans la génération, c'est un chiffre de
l'ordre de 6 000 000 $ à 8 000 000 $ qui est impliqué. Pour les
"turbiniers" dont on parlait et pour les gens qui sont dans la transmission
à très haut voltage, cela veut dire une baisse d'environ 67% du
volume qu'on voyait déjà il y a un an et qui a été
réduit par rapport au programme d'il y a deux ans. L'impact que cela a,
c'est que nos manufacturiers ont planifié leurs ressources humaines ou
leurs ressources de fabrication pour des niveaux qui ont changé d'une
façon draconienne. On dit, parce que cette industrie a un impact
tellement important sur l'économie au Québec, que cela va faire
mal. On voudrait que vous réalisiez que cela va faire mal.
M. Rodrigue: En fait, cela est indéniable. C'est tout
à fait juste de dire que la baisse de la demande
énergétique dans le domaine de l'électricité
entraîne des conséquences importantes de ce
côté-là. Ce que je voulais vous souligner, c'est que d'une
part, à la suite des représentations qui ont été
faites à Hydro-Québec par le gouvernement, il y a eu des mesures
de prises qui vont avoir des effets positifs pour des membres de votre
industrie, sauf que je comprends très bien ce que vous me dites.
Certains membres de votre industrie vont profiter de ces changements de
vocation dans les investissements d'Hydro-Québec; par ailleurs, il y en
a d'autres qui s'étaient spécialisés dans des domaines
reliés aux grands aménagements qui, eux, parce qu'ils se sont
spécialisés dans ces domaines, risquent d'être dans une
situation extrêmement précaire. C'est le message, finalement, que
vous nous passez. C'est tout le problème des changements de vocation qui
surviennent à un moment donné et qui nous forcent à nous
réaligner. Je pense bien qu'il est évident qu'une industrie chez
vous qui aurait une gamme de produits assez étendue pourrait
probablement atténuer l'impact pour ce qui n'est pas requis d'elle pour
les grands aménagements hydroélectriques. Elle pourrait
peut-être avoir des lignes de produits qui seraient par ailleurs
utilisés pour la distribution ou le transport. C'est probablement le cas
de Westinghouse, qui est une grande multinationale. Peut-être que vous
allez pouvoir vous réorienter sur les autres équipements qui sont
requis afin d'être quand même en mesure de réaliser des
ventes à Hydro-Québec dans ce cadre-là.
Le Président (M. Rancourt): M.
Charbonneau.
M. Charbonneau: Vous avez parfaitement raison. Par exemple, dans
le cas de Marine Industrie, cela ne veut pas dire, même si Marine
Industrie ne fabrique pas de wagons de chemin de fer ou de navires dans sa
division industrielle, qu'on ne participera pas à toutes sortes d'autres
projets, mais la nuance est importante, et c'est vrai chez CGE Dominion aussi
qui sont des concepteurs d'alternateurs et de turbines. Si on passe une
période relativement importante où il n'y a quasiment rien
à manger, il va falloir réduire les effectifs et, si on nous
disait, aujourd'hui: Les turbines des alternateurs hydrauliques au
Québec, au Canada, on n'en a plus besoin avant l'an 2050, 2020 ou 2030,
je dirais: Oublions cela; on va se recycler; on va aller travailler ailleurs.
Mais le problème d'importance, c'est que le Québec aura à
nouveau besoin, dans cinq ans ou dans sept ans, d'énergie
hydroélectrique. C'est une mine d'or pour le Québec que
l'énergie hydroélectrique. Si on n'a pas trouvé le moyen
de faire survivre cette industrie, il va falloir recommencer à neuf avec
les coûts que cela implique. C'est juste cela qui serait... Il faut qu'on
trouve des moyens. Je vois que j'ai l'air un peu dramatique, mais il faut
comprendre qu'en 1982, il n'y a eu aucun appel d'offres, ni au Québec ni
au Canada, en turbines et alternateurs. En 1984, nous n'en prévoyons pas
non plus. Je parle d'un projet d'importance. On a soumissionné sur
différentes autres choses, mais on soumissionne à
l'extérieur. L'extérieur, c'est très difficile. On va
faire notre part et on pense qu'il y a différents agents
gouvernementaux, tant au fédéral qu'au provincial, qui nous
aident et on va se tailler une tranche du marché. Mais il faut arriver
à bâtir suffisamment grand pour survivre et on n'est pas
défaitistes. On dit simplement que c'est sérieux et qu'il faut
qu'on trouve le moyen, à commencer par nous-mêmes, mais avec
l'aide des différents agents, d'occuper un minimum de personnel pour
préserver l'expertise.
Vous avez mentionné - je termine - la réparation. Nous
étions au courant; nous sommes heureux de voir que cela se confirme.
Maintenant, la réparation demande de l'expertise, mais demande moins de
personnel et c'est beaucoup moins créateur d'emplois. Mais c'est
intéressant et nous allons faire de notre mieux pour en profiter au
maximum.
Le Président (M. Rancourt): M. Guy
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je voudrais simplement ajouter à un
commentaire qui a été fait, à savoir que si l'industrie
québécoise s'est spécialisée dans certains
domaines, cela a été souvent, disons, à la suite
d'initiatives qui ont été prises par le gouvernement du
Québec ou par Hydro-Québec. C'était tout à fait
naturel que les fabricants québécois se spécialisent dans
l'équipement relié au réseau de transport à haute
tension. La nature de notre réseau électrique nous amène
à faire des lignes de transport très longues, donc à
très haute tension. C'est dans ce sens-là que plusieurs
entreprises ont choisi... Je n'ai pas parlé de la mienne, mais c'est
certainement le cas; on a choisi que notre mission était dans la haute
tension. Les équipements que nous fabriquons sont des équipements
qui se spécialisent dans la haute tension, autant les transformateurs de
puissance que les disjoncteurs et les transformateurs de mesures. Nous demander
de changer de vocation à court terme, c'est évident qu'on essaie
de réagir, mais ce n'est pas facile de réorienter nos ressources
et d'aller dans des marchés qui sont déjà occupés
d'ailleurs par d'autres concurrents québécois.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Une brève remarque. Je sais que les estomacs
nous creusent la montre en quelque sorte, ou l'inverse. Mais je voudrais
revenir sur un chiffre qu'avançait tantôt M. Plouffe, je crois.
Vous avez parfaitement raison. Je me réfère au plan
d'équipements d'Hydro-Québec - je pense qu'on travaille avec le
même document, celui qui a été déposé en
commission parlementaire, l'automne dernier - au tableau 23 de la page 66. Dans
l'hypothèse où le scénario de la croissance de la demande
serait à 2,6%, vous avez raison de dire que les équipements de
production seraient à la hauteur de 6 924 000 000 $. Je crois que c'est
le chiffre que vous avez mentionné tout à l'heure. Par ailleurs,
si on va à 3,7%, les équipements de production montent à
19 170 000 000 $. Alors, entre vous et moi, on est en 1983, on va essayer, avec
toutes nos ressources cérébrales, d'avoir la meilleure
prévision possible. Mais, entre 2,6% et 3,7%, cela fait 1,1%, et cela va
faire une différence - si on le compte vite - de l'ordre d'à peu
près 12 000 000 000 $ dans les équipements de production sur la
période. (18 h 45)
Si je retiens le même scénario de croissance de 3,7% et que
j'ajoute la possibilité de vendre dix térawattheures aux
États-Unis ou à l'exportation, les équipements de
production, dans les prévisions, passent de 19 170 000 000 $ à 22
154 000 000 $. Vous retrouverez ces chiffres au même tableau 23. Je
prends cela avec un petit grain de sel dans un certain sens quand vous nous
dites - je ne sais pas lequel d'entre vous a dit cela: Nous avons
orienté notre développement en fonction des
prévisions de la croissance d'Hydro-Québec, qui était de
6%. J'ai peine à croire que des compagnies qui oeuvrent à
l'échelle internationale comme les vôtres se soient
contentées de retenir comme étant une vérité
absolue qu'au Québec, parce qu'Hydro-Québec l'a dit, c'est 6% de
croissance de la demande et que toute la programmation des investissements a
été basée là-dessus. J'avoue ma réserve.
La deuxième chose que je voudrais ajouter est celle-ci. Nous
vivons une situation d'après mégaprojet et je pense que ce que
nous vivons actuellement devrait nous dicter la prudence. C'est dans ce sens
que j'inscris mon approche vis-à-vis du dossier des exportations; je ne
suis pas le seul à le dire, d'ailleurs. Je comprends que l'heure avance,
je pourrais même citer des noms que mon collègue d'Outremont
connaît très bien, mais je pense qu'on a fait passablement, est
après-midi...
J'entendais récemment l'ancien chef du Parti libéral, M.
Ryan, émettre un certain nombre de mises en garde. Il y a
également notre collègue, M. Daniel Johnson, qui a émis
des réserves.
M. Fortier: ...
M. Duhaime: Je pense qu'on a un devoir de prudence face à
cela, d'autant plus que sur une période de...
Une voix: ...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Duhaime: ...dix ans 1% de différence dans les
prévisions seulement sur le plan des immobilisations, en termes
d'équipement de production, cela nous amène à des
écarts de 12 000 000 000 $. Je pense qu'on regardera cela
tranquillement, mais on rejoint votre problématique. Je suis très
heureux de voir qu'à l'intérieur de votre association il y a des
compagnies qui obtiennent de leur maison mère américaine des
mandats mondiaux. Plus on en aura sur le territoire du Québec, mieux ce
sera parce que tout le monde connaît l'effet d'entraînement des
mandats mondiaux. Il serait peut-être intéressant que nous
connaissions vos propres prévisions quant à la croissance de la
demande tant sur le marché domestique que sur les probabilités
d'exportation, parce que vous êtes des gens de métier.
Je ne sais pas si vous êtes sérieux quand vous me dites:
Hydro-Québec avait prévu 6% de croissance, nous nous sommes plus
ou moins enlignés là-dessus et, maintenant que nous sommes partis
sur cette lancée, n'allez pas nous laisser tomber en chemin. Je pense
que cela mériterait d'être nuancé. C'est, en tout cas, la
réserve que je fais là-dessus.
Je tiens à vous remercier. Lorsqu'on aura des rencontres
ultérieures sur un comité de suivi, si vous voulez, on aura
l'occasion d'échanger à nouveau. Si vous voulez faire un
commentaire, M. Plouffe, soyez bien à l'aise.
Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.
M. Plouffe: Je voudrais juste mentionner que la
crédibilité d'Hydro-Québec pendant les années
soixante-dix a été très grande quant à ses
prévisions, même chez les compagnies américaines qui
considéraient Hydro-Québec comme une bible au point de vue des
prévisions. Sa crédibilité était très
grande. On a tous été surpris, non seulement Hydro-Québec,
mais toutes les entreprises ont été surprises des changements qui
se sont matérialisés dans les demandes d'énergie au plan
mondial. Il suffit de réaliser, que la France, qui est un pays reconnu
comme étant un très grand planificateur, prévoyait cinq
centrales nucléaires par année à mettre en service d'ici
à 1986 et elle a de la misère à en mettre une sur pied
présentement. Son problème est exactement le même que le
nôtre et c'est le même aux États-Unis.
M. Duhaime: Je ne pense pas, M. Plouffe, que j'aie dit...
M. Plouffe: Je pense qu'on a tous été surpris de ce
qui est arrivé par rapport à la demande d'énergie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Mon propos ne va pas dans le sens de porter atteinte
à la crédibilité de qui que ce soit. On continuera de lire
le Coran de droite à gauche et je pense que personne ou à peu
près personne n'a vu venir le choc pétrolier. Pourtant, il est
arrivé et on paie le pétrole importé aujourd'hui quinze
fois ce qu'on le payait il y a onze ans, en 1972. Pour autant que nous serons
unanimement dans l'erreur, nous aurons tous raison. Je pense que c'est à
peu près le meilleur scénario de prévision quant au
dossier de l'énergie.
Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.
M. Plouffe: Cela fait plus mal à l'économie du
Québec quand cela touche le domaine hydroélectrique. On est
probablement à l'avant-garde au Québec dans ce domaine.
L'arrêt total auquel font face nos fournisseurs va faire très mal.
C'est un peu ce qu'on voulait faire ressortir dans
notre mémoire.
Le Président (M. Rancourt): Nous remercions l'Association
des manufacturiers d'équipements électriques et
électroniques du Canada. Il y a eu un consensus pour suspendre nos
travaux jusqu'à 20 h 30. M. le ministre, jusqu'à 20 h 30?
M. Duhaime: Oui. Il en reste deux, en fait.
M. Fortier: Jusqu'à 20 h 30?
M. Duhaime: Oui, oui, on pourrait aller...
Le Président (M. Rancourt): Donc, nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 51) (Reprise de la
séance à 20 h 42)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, messieurs!
La commission reprend ses travaux. Nous allons entendre la Ligue de
l'électricité du Québec. Je vous prierais de vous
présenter.
Ligue de l'électricité du
Québec
M. Coiteux (Paul-A.): Permettez-moi de vous présenter les
personnes déléguées par notre association comme
porte-parole à cette commission. À mon extrême gauche, il
s'agit de M. Christian Major, directeur général de la compagnie
Lumen Inc., distributeur de matériel électrique, et
secrétaire-trésorier du consortium qui est propriétaire de
Lumen. Il est également le président national de l'Association
canadienne des distributeurs d'équipements électriques et le
vice-président de notre association.
À ma droite, M. Hervé Vézina, directeur de Wesco
Limitée, district du Québec, une filiale de la compagnie
Westinghouse Canada. À mon extrême droite, M. Paul-E. Dunn,
vice-président et directeur de Thomas and Betts, région de l'Est,
fabricant de matériel électrique, et trésorier de notre
association; M. René Gravel, directeur du personnel et opérations
de Roy, Marchand Inc. M. Gravel est également président ex
officio de notre association. Il est regrettable que M. Gravel ne soit pas
parmi nous ce soir à cause de maladie.
M. Fortier: On pensait qu'il était invisible.
Le Président (M. Rancourt): Et vous êtes M.
Coiteux.
M. Coiteux: II a quand même oeuvré à la
préparation du mémoire.
Le Président (M. Rancourt): Et votre nom est M.
Coiteux.
M. Coiteux: Je suis Paul-A. Coiteux, directeur adjoint et
directeur général des ventes et opérations du
Québec chez Chromalox Canada, fabricant de matériel
électrique, et président de la Ligue de
l'électricité du Québec.
En premier lieu, nous tenons à vous remercier de nous avoir
donné l'occasion de venir vous présenter notre mémoire sur
le thème de la commission: L'énergie, levier du
développement économique.
Pour votre bénéfice, j'aimerais vous donner un bref
aperçu de notre association. La Ligue de l'électricité du
Québec, qui fêtera son 30e anniversaire en 1984, est formée
de différents membres qui oeuvrent dans l'industrie électrique,
tels que manufacturiers et distributeurs d'appareillage électrique. Elle
représente plus de 120 membres corporatifs, ainsi que plus de 1000
membres individuels composés, en plus des distributeurs et
manufacturiers, d'entrepreneurs électriciens et même de certains
employés d'Hydro-Québec.
Forte de son expérience, tant sur le plan provincial que sur le
plan régional grâce à ses onze sections, la LEQ est
également reconnue pour ses différents programmes d'action depuis
des années. Pour n'en mentionner que quelques-uns, il y a eu Sceau
rouge, Médaillon, Novelec, un programme de promotion
résidentielle du tout à l'électricité qui a
sensibilisé la population québécoise et dont vous vous
souvenez sans doute, ainsi que les débuts du programme EE qui se
poursuit maintenant sous les auspices d'Hydro-Québec.
Il va sans dire que, basé sur les faits exposés, il
était essentiel que nous nous fassions un devoir de représenter
nos membres sur un sujet aussi important et qui nous est très
près du coeur, si vous me permettez de le dire.
Contrairement aux autres représentations qui ont
été entendues aujourd'hui, nous aimerions lire notre
mémoire en entier vu sa concision. Nous sommes, quand même,
conscients du fait que, depuis le dépôt de celui-ci, certains
changements dans la politique énergétique, ainsi qu'à
l'intérieur des programmes d'Hydro-Québec ont eu lieu.
Compte tenu de la gravité que présente actuellement
partout dans le monde le problème énergétique et de la
complexité de ses solutions possibles et surtout valables à long
terme, les efforts du gouvernement dans le domaine de l'économie
d'énergie ne peuvent qu'être louables. En effet, de cette
manière on retarde l'échéance fatidique de
l'épuisement des combustibles conventionnels et on peut consacrer le
temps ainsi gagné aux développements technologiques des
autres
sources d'énergie qui pourraient s'avérer techniquement
opérables et économiquement satisfaisants.
Cependant, faut-il encore que les programmes avancés par le
gouvernement soient justifiables, tant du point de vue de la continuité
de la politique énergétique que de celui du respect de tous les
consommateurs et de tous les participants, à quelque titre et à
quelque moment que ce soit, engagés dans l'application de la politique
énergétique gouvernementale.
Si, pour des raisons évidentes de perspective, la politique
énergétique du gouvernement fédéral peut se situer
dans un certain cadre, celle du gouvernement du Québec, même en
cas d'une entente avec le gouvernement fédéral, doit
considérer en premier lieu les intérêts
québécois, ce qui ne veut pas nécessairement dire que ces
derniers diffèrent de ceux de certaines autres provinces. En ne nous
référant qu'au gouvernement de l'Ontario, lequel a ajusté
sa politique énergétique initiale devant l'évidence de
certains facteurs économiques, nous nous attendons que le gouvernement
du Québec, qui a toujours dit avoir à coeur les
intérêts des Québécois autant que ceux de la
justice, prendra sérieusement en considération les faits
exposés dans le présent mémoire.
Virage de la politique énergétique du Québec.
Traditionnellement, la politique énergétique du Québec a
été basée essentiellement sur
l'hydroélectricité. Est-il encore besoin d'en mentionner les
causes? Tout le monde sait maintenant que c'est une source d'énergie
renouvelable et que les centrales ont été construites grâce
à l'argent des Québécois et qu'en fin de compte elles leur
appartiennent. Toute l'étendue des retombées de l'essor
d'Hydro-Québec, dont chaque Québécois est fier à
juste titre, est certainement moins connue du grand public. Une multitude
d'entreprises québécoises, jusqu'à des plus grandes firmes
au monde d'ingénieurs-conseils, ont pu se créer, se
développer et progresser au profit des Québécois dans le
sillon creusé par HydroQuébec. Lorsqu'il s'est agi
d'étendre l'utilisation de l'électricité au chauffage
domiciliaire et, ensuite, avec la crise énergétique mondiale,
quand on est arrivé au stade de l'économie de l'énergie,
ce sont encore de petites et moyennes entreprises québécoises qui
y ont trouvé leur raison d'être, de se perfectionner et de se
multiplier.
Le prolongement de la distribution domiciliaire du gaz naturel et
l'augmentation de cette source d'énergie, étrangère pour
le Québec et sur laquelle le Québec n'a aucune prise en dernier
lieu, ne sont pas venus du jour au lendemain. Sur ce point, il n'y a pas de
surprise car la politique énergétique du gouvernement du
Québec le prévoyait. Par contre, c'est la manière de
procéder dans ce domaine qui prête flanc à la critique,
dans la mesure où l'accès domiciliaire à cette source
d'énergie pour le chauffage est favorisé d'une façon
incorrecte pour des raisons plus ou moins discutables.
En regardant les agissements successifs du gouvernement du Québec
en ce qui concerne les applications de sa politique énergétique,
celles relatives à l'électricité d'abord et celles
touchant le gaz naturel maintenant, compte tenu de l'incertitude qui est
reliée aux disponibilités énergétiques à
plus long terme et à leurs coûts respectifs, tous ceux qui se
trouvent engagés aujourd'hui, à quelque titre que ce soit, dans
le chauffage au gaz naturel ne devraient pas se sentir très
rassurés du traitement qu'ils pourraient subir un jour et des
conséquences qu'ils auraient à supporter alors.
Traitement inégal. Du moment où quelqu'un ayant
décidé d'abandonner son chauffage au mazout pour des raisons
économiques ou autres se trouve en face d'un programme conjoint des
gouvernements fédéral et provincial au moyen duquel il se voit
poussé dans une direction plutôt que dans l'autre, on peut dire
que son choix n'est plus libre mais dirigé, de même que l'on peut
parler de l'inégalité du traitement d'un mode de chauffage aux
dépens d'un autre. L'inégalité de traitement est
déjà injuste en soi, mais elle l'est encore davantage lorsqu'elle
fait porter le fardeau à ceux qui ne sont pas ou plus en mesure de
choisir. L'abolition de la taxe provinciale en faveur du gaz naturel que nous
avons contestée dans une lettre au ministre de l'Énergie et des
Ressources du Québec, M. Yves Duhaime, en date du 17 décembre
1982 (annexe 1), accentue encore plus cette discrimination pour ceux ayant
opté auparavant pour l'électricité.
Tandis que, d'un côté, on fait bénéficier
d'un octroi supplémentaire de 800 $ ceux qui se convertissent au
chauffage au gaz naturel, on offre une aide additionnelle de 650 $ à
ceux qui choisiront le mode biénergie et aucune subvention additionnelle
à ceux qui se convertissent entièrement à
l'électricité.
Le gaz naturel n'étant accessible actuellement et dans le proche
avenir qu'à un nombre restreint d'utilisateurs au Québec et,
d'autre part, un bon nombre de ceux-ci à travers le Québec ayant
déjà converti leur système de chauffage à
l'électricité, il en résulte qu'ils paieront, toutes les
fois où le prix du chauffage au gaz naturel serait inférieur
à celui à l'électricité, le coût des
largesses que le gouvernement du Québec accorde ou accordera aux
utilisateurs potentiels ou effectifs du chauffage au gaz naturel. Dans ce jeu,
le gouvernement du Québec détient l'atout des prix de
l'électricité, ce qui est ressorti clairement en 1982-1983 des
récentes augmentations
réaménagées pour Hydro-Québec qui imposent
la plus lourde charge à ceux qui consomment le plus d'énergie
électrique.
Faut-il encore souligner que ceux qui se chauffent aujourd'hui à
l'électricité ont opté pour cette forme d'énergie
à un moment où les politiques énergétiques du
gouvernement permettaient la promotion de l'électricité. À
présent, ces mêmes consommateurs se retrouvent victimes captives
d'un revirement de politique énergétique.
Approvisionnement et retombées économiques. Contrairement
à l'électricité, le Québec ne possède ni les
sources de gaz naturel ni les moyens d'assurer un approvisionnement stable
durant des années de cette source d'énergie, pas davantage que
ceux relatifs à son prix. À ce dernier sujet, il est à
retenir que, selon les données d'Hydro-Québec, le prix du gaz
naturel a augmenté en deux années, de septembre 1980 à
septembre 1982, de 29,8% à l'usage domestique. Cette augmentation est de
loin supérieure à celle de l'électricité. Dans
cette situation, le gouvernement du Québec, ne pouvant influencer
directement que l'une des énergies disponibles, peut être
tenté chaque fois que cela l'arrangera de jouer sur le prix de
l'électricité afin de protéger la consommation du gaz
naturel.
Bien que les réserves canadiennes connues en gaz naturel soient
supérieures à celles du pétrole, il n'en reste pas moins
vrai que le gaz naturel est une source d'énergie épuisable. Avec
toute la publicité faite autour du prix favorable du gaz naturel, ce
qui, comme il vient d'être indiqué, n'est d'aucune certitude, la
consommation accrue au Canada et les exportations vers les États-Unis
peuvent rendre l'épuisement du gaz naturel plus proche qu'on ne le croit
actuellement. À quelque période que cet épuisement
apparaisse à l'horizon, ce n'est pas le gouvernement du Québec
qui pourra déterminer l'instant de la fermeture du robinet comme il ne
pourra jamais influencer un tant soit peu la manière dont on disposera
de l'exploitation du gaz naturel à l'échelle du Canada.
En fin de compte, que reste-t-il au gouvernement du Québec comme
pouvoir sur le gaz naturel au moment où il pousse les
Québécois à en augmenter la consommation par la conversion
au chauffage au gaz naturel si les variations de prix, la manière d'en
user et les contrôles de la disponibilité de cette source
d'énergie lui échappent complètement?
La meilleure façon d'évaluer le contenu
québécois des retombées économiques du prolongement
du réseau du gaz naturel est de faire une comparaison avec celles d'un
projet hydroélectrique à des. quantités
équivalentes d'énergie et pour une durée de 40 ans, en
supposant que le gaz naturel sera encore disponible à cette
époque.
Dans ces conditions, on constate que, les coûts d'investissement
et d'exploitation étant sensiblement égaux, l'impact
économique des achats en biens et services est d'environ sept fois plus
élevé dans le cas d'un projet hydroélectrique que dans
celui du gaz naturel. Il en va de même en ce qui concerne les emplois
directs et indirects créés au Québec puisque le rapport
est de 6,3% en faveur d'un projet hydroélectrique par million de dollars
(de 1980) dépensés.
En effet, depuis octobre 1981, le revirement tangible des politiques
gouvernementales en matière d'énergie, les restrictions
apportées au plan de capitalisation d'Hydro-Québec, ainsi que la
naissance du programme Energain, compte tenu de la récession
économique actuelle, ont entraîné une perte moyenne
d'emplois de 20% dans notre secteur. Il est à prévoir que, si les
orientations ne changent pas ou encore dramatisent la pénétration
du gaz naturel, nous assisterons malheureusement à d'autres
licenciements collectifs. Si on ajoute à tout cela le coût de
l'importation du gaz naturel, dont la part s'élève à plus
de 80% du coût total du projet gazier, la conclusion n'est pas difficile
à tirer. En effet, les Québécois profitent, en gardant
leur argent chez eux, bien davantage et bien plus sûrement avec
l'hydroélectricité qu'avec le gaz naturel.
En conclusion, nous comprenons bien les difficultés
qu'éprouve le gouvernement du Québec dans le contexte
économique mondial très difficile ces années-ci. Aussi,
notre propos n'est-il pas de l'accabler davantage. Cependant, nous ne pouvons
pas rester insensibles lorsque le gouvernement du Québec lèse
d'une manière évidente non seulement les intérêts de
nos membres, intérêts que nous devons défendre, mais risque
en même temps d'amener les Québécois vers une impasse dans
un avenir prévisible. Le but de ce bref mémoire est d'attirer
l'attention du gouvernement du Québec sur des sérieuses
injustices que sa politique énergétique, actuellement, est en
train de créer et nous lui demandons de bien vouloir tenir compte qu'il
est le gouvernement de tous les Québécois et qu'à ce titre
il se doit de corriger les traitements inégaux que sa politique
énergétique a fait naître. En somme, nous lui demandons de
laisser une chance égale à tous dans le jeu de la libre
concurrence, sans qu'il mette son poids sur un côté de la balance,
comme il est en train de le faire actuellement, en détruisant ainsi les
bienfaits engendrés par ses politiques énergétiques
antérieures. Nous osons espérer que le gouvernement du
Québec tiendra compte de nos remarques pour le bénéfice de
tous.
En conclusion, nous recommandons au gouvernement du Québec de
reconsidérer dans sa globalité sa politique
énergétique. La
nouvelle stratégie devrait uniquement s'axer sur une plus grande
production et promotion de l'électricité, sans quoi nous serons
les spectateurs impuissants de pertes d'emplois massives, de fermetures
d'usines, d'abandon de la recherche et, enfin, de la disparition de notre
réputation de "know-how" technologique mondial. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Si le ministre est gêné, il me fait
plaisir d'y aller. Vous touchez les points dont on a discuté aujourd'hui
et vous le sentez bien. Il y a des énoncés que vous faites qui
mériteraient d'être développés. Quand vous dites
que, dans un avenir prévisible, on va manquer de gaz au Canada,
j'aimerais que vous nous disiez l'envergure de la période que vous
considérez. Selon les informations obtenues à cette commission
parlementaire et qui sont disponibles, il semble que les réserves de gaz
au Canada sont très considérables et que, même s'il y avait
de l'exportation, nous ne sommes pas sur le point d'en manquer. On va revenir
sur votre dialectique, mais cet aspect-là me semble
exagéré, à moins que vous ne corrigiez l'impression que
j'ai eue en vous écoutant.
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux. (21 heures)
M. Coiteux: Peut-être que la clarification qu'on pourrait
apporter serait de faire mention qu'étant donné la
pénétration accrue que le gouvernement du Québec tente de
donner au gaz naturel et l'exportation que le gouvernement
fédéral tente de faire aussi de gaz naturel vers nos amis du Sud,
selon la croissance de ces deux phénomènes, c'est à ce
moment-là qu'on ne peut pas déterminer exactement jusqu'à
quelle période le gaz sera disponible en quantité, tel qu'il
l'est présentement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mais si je comprends bien l'argumentation principale,
on est peut-être un peu en désaccord quand vous dites: "Mais
risque en même temps d'amener les Québécois vers une
impasse dans un avenir prévisible." En tout cas, s'il y avait des
experts dans le gaz ici autour de la table, je pense qu'ils pourraient dire:
Même si le programme québécois continuait, il n'est pas
certain que cela ferait une grosse différence aux réserves
gazières. Mais votre argumentation principale est de dire: II y a des
problèmes importants de création d'emplois au Québec. Il y
a du chômage. Dans le passé, il y a eu des industries qui ont
été bâties autour de l'électricité.
J'aimerais que vous me disiez quel genre d'industries. J'ai noté les
industries que vous représentez en tant qu'individu, comme Chromalox.
Parlez-moi donc du genre d'industries auxquelles vous faites allusion et que
vous représentez. En fait, je sais que la Ligue de
l'électricité du Québec représente tout le monde
dans le domaine de l'électricité, autant les fabricants de
turbines que les fabricants d'isolation dans les murs. Vous représentez
tout le monde. J'imagine que la pénétration du gaz affecte
différemment certains de vos membres que d'autres, mais compte tenu de
l'énoncé très sévère ou de la conclusion
dramatique que vous faites à la fin, j'aimerais que vous m'expliquiez
dans quelle mesure cette conclusion reflète la situation de vos membres
et quels sont ces membres.
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.
M. Coiteux: Si vous me le permettez, je pourrais passer la parole
à un de mes confrères, M. Major, qui tentera de répondre
à votre question.
Le Président (M. Rancourt): M. Major.
M. Major (Christian): En fait, lorsque nos confrères de
l'AMEEC étaient ici cet après-midi, ils ont mentionné
qu'ils avaient 45 000 employés dans leur secteur qui était le
secteur manufacturier. Effectivement, par le biais de la Ligue de
l'électricité qu'on représente, on a aussi, dans le
domaine de la distribution du matériel électrique de produits
manufacturiers, environ 1200 employés. Si on regarde les
électriciens que nous représentons - il y en a plusieurs qui sont
membres, autant des entrepreneurs que des gens qui travaillent dans la
construction on en dénombre encore 45 000. Si j'additionne tout cela, on
parle d'environ 110 000 employés dans le secteur qu'on peut
représenter. Je pense que c'est énorme. Quand on disait qu'il y
avait eu une perte d'emplois l'an dernier, il ne faut pas oublier que la
conjoncture économique y a été pour beaucoup, d'accord,
mais je pense aussi que le changement de politique du gouvernement a quand
même eu un effet énorme.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mais on a fait état cet après-midi du
fait qu'Hydro-Québec investirait plusieurs millions de dollars dans la
distribution. Pour autant que les investissements sont dans le domaine de la
distribution, vos membres dans le domaine de la distribution vont en
bénéficier peut-être plus que par le passé.
M. Major: Oui.
M. Fortier: On a parlé cet après-midi du manque
à gagner dans le domaine de la génération, mais quand on
parle de la distribution dans les villes ou dans les villages, j'imagine que
les investissements d'Hydro-Québec vont vous favoriser ou favoriser vos
membres qui sont actifs dans ce secteur. Est-ce que les faits que vous
énoncez ici sont un jugement global? Avez-vous fait une analyse et
obtenu des renseignements à partir de vos membres? Avez-vous
envoyé un questionnaire à vos membres ou partez-vous simplement
de l'énoncé - je ne le retrouve pas ici - où vous dites
qu'il y a tant de fois plus d'emplois créés dans le domaine
électrique que par le gaz et, à cause cela, lorsqu'on coupe des
emplois - et j'imagine que vous parliez de la génération
d'électricité - dans le domaine de la génération,
la coupure est d'autant plus dramatique que la création d'emplois qui
est faite dans le gaz est moins importante, donc, le manque à gagner est
important. Je comprends votre raisonnement relativement au domaine de la
génération; je le suis moins dans les autres domaines.
Le Président (M. Rancourt): M. Major.
M. Major: II y a une chose que je prends en considération,
c'est qu'Hydro-Québec est quand même beaucoup plus progressive
dans sa mise en marché. On devait passer devant la commission en mars
1983. Il y a quand même eu certains changements concernant le nombre de
kilowattheures disponibles. Donc, à partir de là, je pense que le
gouvernement favorise un peu plus le domaine de l'électricité
qu'il ne le faisait au départ, si je me reporte en mars 1983.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Votre mémoire, c'est un plaidoyer pro domo,
pour vos membres, en disant: II y a du chômage; nos membres
créaient beaucoup d'emplois dans le passé, et si le gouvernement
repensait sa politique énergétique globale pour mettre moins
l'accent sur...
Une voix: Le gaz naturel.
M. Fortier: ...la pénétration du gaz, du moins pour
laisser la chance au coureur à peu près égale sans plus
d'incitatifs d'un côté que de l'autre, il y aurait plus de gens
qui iraient vers le domaine de l'électricité et qu'à ce
moment-là il y aurait plus d'emplois créés, du moins dans
le genre d'emplois qui existaient avant l'arrivée du gaz. C'est votre
raisonnement.
Une voix: C'est cela.
M. Fortier: Enfin, on en a discuté toute la
journée. Je ne sais pas si vous voulez préciser davantage
là-dessus pour convaincre le ministre, ou le gouvernement, de repenser
sa politique énergétique. Comme vous le savez - on en a
parlé aujourd'hui - il y a d'autres raisons pour lesquelles vous faites
ce plaidoyer pro domo. On devrait peut-être faire ce que vous dites, mais
peut-être pas pour les raisons que vous mentionnez dans votre
mémoire. Or, les raisons que vous avancez sont réelles. Vous
dites qu'il y a des emplois perdus dans des secteurs déjà
structurés. Cet après-midi, le député de Vimont
disait, en parlant de Marine: Si vous arrêtez de faire des turbines, vous
allez faire autre chose. Mais c'est une restructuration industrielle qui se
fait toujours un peu péniblement, avec des ajustements qui ne sont pas
toujours faciles. Je ne sais pas. Je vous laisse la parole, si vous avez
quelque chose à ajouter là-dessus.
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.
M. Coiteux: J'aimerais souligner que le rôle principal de
la Ligue de l'électricité du Québec au fil des ans a
été un rôle de promotion de l'utilisation rationnelle de
l'électricité à l'intérieur du secteur domiciliaire
en particulier. Vous avez sans doute remarqué que, dans notre
mémoire, on se réfère plutôt à la
pénétration du gaz naturel dans le secteur domiciliaire. On ne
tranche pas tellement sur l'aspect grande entreprise industrielle. La
pénétration qui nous inquiète, c'est au niveau
domiciliaire. Je sais que, pour le gaz naturel, la clientèle qui les
intéresse le plus, ce sont les grands utilisateurs du gaz naturel. Par
contre, lorsque le réseau du gaz naturel passe dans une région,
s'il peut attraper le secteur domiciliaire, il est intéressé
à le faire. C'est cette pénétration, avec des traitements
inégaux, de la façon dont on l'a montré dans notre
mémoire, qui nous inquiète. On aimerait que le gouvernement y
réfléchisse sérieusement pour au moins tenter d'arriver
à un traitement égal avec l'électricité.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mais vous êtes d'accord avec le
déplacement du pétrole. Je pense que vous le dites au
début. Ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on devrait favoriser
uniquement l'électricité pour le moment ou à peu
près. Mais il faut bien se rendre compte qu'au moment où cette
politique a été définie on craignait les pointes en hiver,
en particulier, de l'utilisation de l'électricité pour le
chauffage. On craignait de manquer, d'un moyen de
chauffage, compte tenu que le gaz est une substance canadienne dont on
pourrait prendre avantage. Alors, vous passez ces aspects-là sous
silence pour mettre l'accent uniquement sur la création d'emplois. On
est au mois d'octobre 1983 et, quand on parle de création d'emplois, les
politiciens deviennent très sensibles à cela et en connaissance
de cause. Vous l'axez là-dessus, mais en essayant d'utiliser des
arguments énergétiques qui, si on les replaçait dans leur
contexte global, pourraient être perçus différemment.
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.
M. Coiteux: Je crois que, s'il y avait un traitement égal
entre les deux sources d'énergie - je parle du gaz naturel et de
l'électricité - notre inquiétude serait beaucoup moins
prononcée. Par contre, tout le monde semble dire que l'accent que le
gouvernement met sur le gaz naturel, ce n'est pas pour déplacer
l'électricité, mais pour déplacer le pétrole.
Chaque fois que vous déplacez le pétrole, c'est une perte de
ventes possibles pour l'électricité. En somme, on demande un
traitement égal.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous demandez un traitement égal mais, dans le
fond, ce que vous voulez, c'est que la majorité des
Québécois utilisent l'électricité. C'est votre
objectif.
M. Coiteux: Oui. D'ailleurs, on est tous ici dans le domaine
électrique.
M. Fortier: Je pense que votre message a été
entendu.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aurais, bien sûr, quelques questions. Je
comprends que votre mémoire se situe dans une approche globale du
problème. Si je vous demandais quel est, dans votre esprit, l'avenir du
gaz naturel au Québec, j'ai comme l'impression, après avoir lu
votre mémoire, que vous me diriez: C'est un gros zéro.
Est-ce que, comme collectivité, on ferait un bon coup en incitant
tout le résidentiel à aller à l'électricité,
qui est une forme d'énergie actuellement plus coûteuse que le gaz
naturel, dans l'immédiat? Avec ce que mon collègue d'Outremont a
identifié, on s'entend au moins là-dessus, nous deux: il y a du
gaz naturel en surplus dans l'Ouest canadien pour plusieurs
générations devant nous. Est-ce qu'on ferait un bon coup en
faisant cela, augmentant encore de façon plus considérable les
problèmes de gestion de la demande et en particulier de gestion de la
pointe à Hydro-Québec? Tout le monde sait que dans le secteur
résidentiel les investissements d'Hydro-Québec sont
utilisés à leur capacité pendant les périodes de
haute pointe alors que, pendant les mois de juillet et août, parfois en
septembre et même en octobre - quand on regarde la température
d'aujourd'hui - ce sont des investissements que nous avons consentis et que
nous consentons toujours mais qui ne sont pas utilisés. Je voudrais
savoir quel est, pour vous, le meilleur scénario. Au-delà des
intérêts immédiats que vous pouvez représenter comme
Ligue de l'électricité - je comprends - comme citoyens du
Québec, est-ce que vous êtes prêts à immobiliser de
l'argent dans des investissements pour des barrages, des turbines, des lignes
de transmission qui seront utilisés à leur pleine capacité
quatre mois sur douze? Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous interroger
là-dessus?
M. Coiteux: Je vais donner la parole à M. Dunn.
Le Président (M. Rancourt): M. Dunn.
M. Dunn (Paul-E.): Quand, dans ma région, on voit les
tranchées qu'on creuse pour le gaz, si on traduisait cela en lignes de
transmission... Pour des lignes de transmission, on doit bâtir des
sous-stations; pour les sous-stations, on voit des entrepreneurs qui font
l'ouvrage, des manufacturiers qui fabriquent différentes pièces,
soit des connexions ou n'importe quoi pour faire fonctionner cette station. On
pourrait récupérer là assez facilement les 20% d'emplois
qu'on a perdus depuis une couple d'années dans ce domaine.
Actuellement, au Québec on a les barrages LG 2 et LG 4, mais ils
ne fonctionnent pas encore à pleine capacité et on a un surplus.
Pourquoi ne pas donner des concessions s'il le faut, comme vous le faites
actuellement, à certaines grosses entreprises pour utiliser cette
électricité qu'on produit et développer aussi d'autres
ressources, d'autres barrages?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous ne répondez pas tout à fait
à ma question. J'en ajouterais une autre. Le manque à gagner pour
le consommateur qui, dans les régions gazières actuellement peut
bénéficier, pour des fins de chauffage résidentiel, d'une
forme d'énergie moins coûteuse que l'électricité,
comment réconciliez-vous cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Dunn.
M. Dunn: Comme vous le dites, la différence est
peut-être moins coûteuse, mais on dit aussi ici que l'abolition de
la taxe provinciale en faveur du gaz naturel agrandit l'écart entre
l'électricité et le gaz. Si la taxe provinciale de 9%
n'était pas imposée sur l'électricité, le
rapprochement serait encore de 9% plus près. C'est encore un avantage.
(21 h 15)
M. Duhaime: Est-ce que vous nous suggérez que je voie mon
collègue des Finances et qu'on abolisse la taxe de 9% sur
l'électricité?
M. Dunn: Oui. On le dit ici, qu'il y a un traitement
inégal.
M. Coiteux: Ils l'ont abolie pour le gaz naturel.
M. Dunn: Oui, ils l'ont abolie pour le gaz naturel.
M. Coiteux: II était là, d'ailleurs.
M. Dunn: Oui. Pourquoi pas un traitement égal? Qu'ils
l'abolissent sur l'électricité aussi!
M. Fortier: Le ministre Parizeau va plutôt ajouter la taxe
que l'enlever.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. Coiteux, vous avez demandé la parole.
M. Coiteux: Vous me permettez de revenir à votre question
antérieure?
M. Duhaime: Oui.
M. Coiteux: Je crois que - on est tous au courant et
Hydro-Québec en a fait mention cet avant-midi - Hydro-Québec,
avec les différents programmes biénergétiques qui vont
être lancés sous peu, tente maintenant de maximiser la
disponibilité de kilowatts. Pour le moment, on fait des contrôles
basés sur des températures extérieures fixes. Plus tard,
Hydro-Québec veut, par la télécommande, délester
des charges pour éviter, justement, les pointes que vous avez
mentionnées tantôt. Je crois que c'est un programme qui
n'était pas en évidence lorsqu'on a préparé notre
mémoire en mars 1983. C'est ce genre de programme qui maintenant
favorise davantage l'utilisation de l'énergie électrique. Je n'ai
que des félicitations à faire au ministère de
l'Énergie, ainsi qu'à Hydro-Québec d'avoir pensé
à des programmes de ce genre pour éviter - c'est le point que
vous avez mentionné - de construire des centrales
hydroélectriques qui seraient conçues et construites strictement
pour prendre soin de la pointe lorsqu'elle se présentera. Si elle ne se
présente pas, cela dort là. Je crois que ce genre de programme
est une façon d'éviter le problème que vous avez
mentionné tantôt.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, je pense qu'on s'entend au moins sur une chose.
D'abord, je ne voudrais pas donner à mon collègue des Finances
des crédits ou des mérites qu'il n'a pas. Les programmes de
biénergie ne viennent pas du ministère des Finances, mais
d'Hydro-Québec et du ministère de l'Énergie et des
Ressources. Une chose est sûre, cependant, je pense que les programmes de
biénergie et même de polyénergie qui sont en train
d'être mis en route sont très certainement la clé de
beaucoup des problèmes que nous avons. L'idéal est de faire en
sorte que les consommateurs d'énergie pour des fins de chauffage en
arrivent à opter pour des systèmes de biénergie et de
polyénergie de façon à dégager la pointe, parce que
c'est dans cette prévision de vente contraignante, je dirais,
d'énergie régulière que doit se situer la
problématique d'Hydro-Québec, c'est-à-dire rencontrer la
haute pointe. A partir du moment où on comprend ce scénario, je
pense qu'il y a des évidences ensuite qui se dégagent.
Je voudrais vous poser une question. Vous avez dit tantôt que la
Ligue de l'électricité existait depuis 100 ans, je crois.
M. Coiteux: Depuis 30 ans.
M. Duhaime: Depuis 30 ans? J'avoue que cela m'a
étonné, étant originaire d'une région qui est
électrifiée à 95%, quand j'ai abordé le dossier de
l'énergie; j'avoue ma surprise de constater qu'à l'heure
actuelle, au Québec, il y a encore 40% des résidences qui sont
chauffées à l'huile. Avant le premier choc pétrolier et
avant le deuxième choc pétrolier, il faut bien comprendre que
l'hydroélectricité a dû se battre pour se faire un
marché. C'était la forme d'énergie la plus coûteuse
pour les fins de chauffage. Mais, qu'est-ce qui, à votre point de vue,
fait en sorte qu'il y a eu autant de réticences dans le passé
alors que l'électricité entrait à peu près dans
toutes les résidences du Québec pour des fins d'éclairage,
la laveuse, la sécheuse, le réservoir d'eau chaude, la
télévision, etc., mais qu'on restait branché sur l'huile
à chauffage, donc des importations de pétrole pour des fins de
chauffage, alors que, depuis un bon nombre d'années,
l'électricité était beaucoup meilleur marché? Ce
n'est que depuis les années récentes, je dirais en 1983 et en
1982 - probablement qu'à la Ligue de
l'électricité vous avez cette information -que, pour les
nouvelles résidences au Québec, nos concitoyens optent pour
l'hydroélectricité dans une proportion qui va jusqu'à 85%.
Vous faites signe que oui. C'est donc que vos chiffres se concilient avec les
nôtres. Quant aux programmes de conversion, 75% des conversions se font
de l'huile à chauffage vers l'électricité. Alors, il y a
très certainement une nouvelle prise de conscience. Sans aucun doute, la
question des prix y est pour quelque chose dans ce virage ou dans ce changement
d'option qu'ont fait les consommateurs. Je pense que la clé de la
décision est toujours le prix à payer pour un équivalent
énergétique. Est-ce que vous n'êtes pas de cet avis?
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.
M. Coiteux: Oui, oui. Si je comprends bien votre question, vous
vous demandez pourquoi, sur le marché de la conversion, les gens n'ont
pas opté plus rapidement pour une conversion totale au chauffage
à l'électricité. Je crois, premièrement, que c'est
une question de coût. L'amortissement de l'installation totale
représentait peut-être de 2000 $ à 2500 $ pour une
résidence unifamiliale. Lorsque le type regardait son investissement et
son augmentation d'huile chaque année, il se disait: C'est 10% de plus;
disons que j'échelonne cela sur X années, si ma facture d'huile
coûte 100 $ de plus par année, cela va me prendre 20 ans pour
amortir mon investissement de 2000 $ ou 2500 $, sans compter les
intérêts. Je crois que ce qui a accéléré la
conversion à l'électricité, c'est lorsqu'il y a eu les
programmes de subventions fédérales, avec le PCRP, et maintenant
les programmes qu'Hydro-Québec lance sur la biénergie en sus. Je
crois que c'est l'explication, assez simple. Ce n'est pas strictement au moment
où il y a eu les subventions du fédéral; cela a
commencé un peu avant. C'est lorsque le coût du pétrole a
commencé à augmenter à un taux effroyable, si vous me
permettez l'expression: le gallon d'huile est rendu aujourd'hui à
quelque 2 $, si je ne me trompe pas, comparativement à ce qu'il
était il y a peut-être douze ou treize ans, à 0,18 $, 0,19
$ ou 0,20 $. Les premières années, les gens n'ont pas trop
réagi, mais, lorsqu'ils ont commencé à voir doubler cela
peut-être en l'espace d'un an ou un an et demi, c'est là qu'ils
ont commencé à prendre en considération la conversion
à l'électricité.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je ne crois pas que je vais vous faire une grande
surprise en vous disant que je ne suis pas tellement d'accord avec les grandes
conclusions de votre mémoire, sauf qu'on pourrait se réconcilier
sur certains des attendus. Il y a, bien sûr, l'objectif de
pénétration du gaz qu'on situe au niveau de 150 BCF pour les deux
compagnies, 110 dans un cas et 40 dans l'autre, ce qui représente un
déplacement important du pétrole importé. Mais je ne
voudrais pas reprendre ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs
reprises depuis ce matin: ce qui est en train de se produire au Québec
dans les composantes du bilan énergétique, alors que nous allons
sur l'horizon de 1975-1976 jusqu'à l'an 2000, c'est de réduire de
moitié notre dépendance du pétrole importé, en
ramenant de 68%-69% le pétrole importé à un niveau autour
de 35% à l'horizon de l'an 2000. C'est donc dire que, d'après nos
scénarios - ce sont des scénarios bien sûr, on est dans le
domaine de la futurologie et de la prévision; alors, les marges d'erreur
sont celles que vous connaissez - au départ, on voudrait que la plus
grande proportion du pétrole importé soit déplacée
par l'électricité. Il reste 10% en termes de composante du bilan
pour le gaz naturel. C'est drôle, mais cela m'apparaît raisonnable.
Cela m'apparaît ouvrir un éventail de diversification dans nos
approvisionnements et une plus grande sécurité
d'approvisionnement, d'autant plus que les prix du gaz naturel sont
artificiellement élevés aujourd'hui parce qu'indexés
à un prix artificiellement trop bas qui est le prix du pétrole au
Canada, mais le ratio de 65% à l'entrée de la franchise est
là. Si on fait une rétrospective de 1983 à 1975 et qu'on
fait une projection 17 ans devant nous, il y a énormément de
place pour l'hydroélectricité. L'objectif est de faire que le
Québec soit électrifié à 50% à l'horizon de
l'an 2000. Je vous mets au défi de me nommer un seul pays du monde qui a
cela. Les Français sont à 70% électrifiés en 1990,
mais, chez eux, c'est la filière de l'électronucléaire,
c'est un autre débat. Mais à 50% hydroélectrique en l'an
2000 au Québec en comptant sur une richesse naturelle renouvelable dont
les coûts d'exploitation sont moindres que tout ce qui existe à
l'heure actuelle, autant que l'on peut voir en avant, je pense qu'il n'y a pas
d'énergie pour déplacer l'électricité à long
terme. Je me demande si vous n'en mettez pas un peu, comme on dit en bon
québécois, dans votre mémoire dans l'intérêt
de vos membres, en oubliant la perspective à long terme et en oubliant
aussi que, si on fermait complètement la chantepleure du gaz naturel, on
se priverait très certainement sur le plan industriel de
scénarios de développement et de technologie à être
poussés un peu davantage. Je suis bien prêt à faire la part
des choses, mais je vous demanderais d'en faire autant.
Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.
M. Coiteux: J'aimerais peut-être spécifier que la
première ébauche du mémoire que vous avez en main a
été préparée en 1981. Il était censé
être déposé en 1981 et, à cause de raisons à
l'intérieur du conseil d'administration de la ligue, il ne fut pas
déposé. Lorsqu'on a eu l'occasion de présenter le
mémoire en mars 1983, on a travaillé à partir de cette
ébauche originale. Je peux vous dire qu'on avait le crayon pas mal
pesant pour la première ébauche. En mars, il était
peut-être moins pesant. Avec les différents programmes qui sont en
marche présentement avec Hydro-Québec et ceux qui s'en viennent -
j'en ai fait mention, d'ailleurs, au début de mon introduction -des
changements seraient apportés à la préparation du
mémoire.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Coiteux, vous êtes en train...
M. Coiteux: Mais cela ne veut pas dire qu'on n'est pas conscients
du problème, quand même.
M. Duhaime: ...de me dire que votre mémoire serait de
beaucoup atténué si vous reveniez la semaine prochaine.
M. Coiteux: Non. Il y a quand même le traitement
inégal qui demeure là. Cela, je ne l'enlève pas.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Je peux vous dire que nous allons siéger la
semaine prochaine et que vous seriez le bienvenu pour venir défendre et
présenter un addendum à votre mémoire. Mais au train
où vont les choses, je pense qu'on est en train de...
M. Coiteux: Non, il y a quand même des points à
l'intérieur du mémoire - je pense que je les ai bien
mentionnés - qui resteraient même dans un mémoire
nouvellement rédigé.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Au point où nous en sommes, puisqu'on est en
train de se réconcilier, il me reste à vous remercier.
Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant? Donc,
ceci termine la présentation du mémoire de la Ligue de
l'électricité du Québec.
Nous allons demander à l'Association des distributeurs de gaz
propane de la province de Québec Inc., de prendre place. Donc,
l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec
Inc., si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît. (21 h
30)
Association des distributeurs de gaz propane de la
province de Québec
M. Ratté (Gérard): M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources, avant de répondre à vos
questions, s'il y a lieu, sur le mémoire que nous avons
déposé, permettez-moi de vous présenter les directeurs de
l'Association des distributeurs de gaz propane (APQ) qui sont avec moi ce
soir.
À ma gauche, M. Richard Pronovost, ingénieur consultant de
Lavalin, qui n'est pas un directeur, mais qui nous a aidés à
préparer le mémoire; M. Guy Marchand,
secrétaire-trésorier de l'association et
secrétaire-trésorier de Gaz Bleu, à Valleyfield. Je vais
passer ces deux-là pour vous les présenter parce que ce sont des
invités importants pour nous. À mon extrême droite, M. Guy
Boutin, directeur de l'association et vice-président de ICG Gaz liquide;
M. Guimond Beaulieu, premier vice-président de l'Association des
distributeurs de gaz propane du Québec et directeur des ventes de ICG
Gaz liquide.
Dans le mémoire que nous avons présenté, nous avons
mentionné que l'APQ était affiliée à l'Association
de gaz propane du Canada, comme dans toutes les autres provinces. Devant
l'importance du mémoire, l'association canadienne nous a
délégué deux invités en la personne de M. le
président de l'Association de gaz propane du Canada, M. Bob Andrews, qui
est vice-président au marketing de Dome Petroleum, et de M. Greg Doiron,
directeur général exécutif de l'Association de gaz propane
du Canada.
Le Président (M. Rancourt): Et vous êtes M.
Ratté, j'imagine?
M. Ratté: Gérard Ratté, de la
Coopérative fédérée Sanicour.
Le Président (M. Rancourt): Merci.
M. Ratté: L'Association des distributeurs de gaz propane
du Québec Inc., aussi connue sous le nom de l'Association Propane
Québec, (l'APQ) compte 29 membres en règle, dont les plus
importants distributeurs de propane du Québec, et est
représentative de l'industrie du propane au Québec. Les buts de
l'APQ sont de promouvoir le développement de l'industrie,
d'améliorer les procédés en usage et de représenter
l'industrie.
L'APQ est désireuse de contribuer aux travaux de cette commission
en lui soumettant respectueusement ce mémoire qui traite essentiellement
de trois points: premièrement, faire connaître l'APQ, les
activités de ses membres et les services qu'ils rendent à la
population; deuxièmement, définir la gaz propane, combustible et
carburant, ses propriétés physiques et chimiques, ses avantages
et la part qu'il occupe dans le bilan énergétique du
Québec; troisièmement, identifier les problèmes auxquels
l'industrie québécoise du propane doit faire face et
suggérer des initiatives gouvernementales et autres pour les
régler.
Le gaz propane, qui peut servir de combustible et de carburant, combine
les qualités de propreté du gaz naturel à la
commodité de transport et de réserve à l'état
liquide, comme le mazout. Il est commode, sûr et disponible en grande
quantité pour au moins quinze ans à venir. Depuis plusieurs
années, le Canada en exporte plus aux États-Unis et au Japon
qu'il n'en consomme.
Le Québec s'approvisionne en propane de deux sources: les
raffineries québécoises fournissent environ la moitié de
nos besoins; le reste provient par chemin de fer de l'usine de fractionnement
des liquides des gaz naturel de Dome Petroleum à Sarnia, en Ontario,
qui, elle, s'alimente à partir des puits de gaz naturel de l'Ouest
canadien par pipeline. L'infrastructure nécessaire à l'expansion
des marchés de propane au Québec est déjà en place
dans toutes les régions du Québec, même les plus
reculées. Le Québec compte plus de 550 points de vente de
propane, combustible et carburant, employant directement plus de 600 personnes
permanentes et 1000 personnes indirectement. La consommation de propane au
Québec ne représente que 1% du bilan énergétique du
Québec, mais les Québécois ont dépensé
environ 150 000 000 $ en 1982 pour se le procurer. J'aimerais vous faire
remarquer qu'un minimum de 125 000 000 $ sont investis présentement dans
l'industrie pour un volume de 500 000 000 de litres principalement à
cause des dernières capitalisations sur la carburation.
L'APQ est d'avis que le gaz propane, dont le potentiel est mal connu du
public et ignoré dans les statistiques énergétiques
gouvernementales, pourrait remplacer avantageusement le mazout léger,
ainsi que l'essence sur le marché québécois et ainsi
contribuer à réduire la dépendance du pétrole brut
importé. En effet, 75% du propane vendu au Québec provient du
brut et du gaz naturel canadien. Il est également a prévoir que
les raffineries québécoises devront s'approvisionner à
court et à moyen terme d'une quantité de plus en plus importante
de pétrole importé à cause de l'insuffisance croissante de
la production canadienne de pétrole brut.
L'APQ est entièrement d'accord avec les objectifs
énergétiques du gouvernement du Québec qui sont de
diversifier ses sources d'énergie dans la mesure du possible et est
convaincue que le gaz propane est une de ces sources d'énergie que le
gouvernement québécois devrait sérieusement
considérer.
À l'heure actuelle, le gaz propane ne peut être vendu
à un prix compétitif avec le mazout léger qu'on
désire déplacer.
L'APQ est préoccupée par les coûts
élevés de transport du propane depuis les sources
d'approvisionnement jusqu'aux consommateurs. À cet effet, elle souhaite
qu'une étude soit entreprise pour trouver les moyens de réduire
les coûts de transport.
L'APQ désire que le propane ne soit pas assujetti à la
taxe provinciale de 9%, tout comme le mazout et le gaz naturel. L'APQ
désire aussi que le propane carburant ne soit pas assujetti à la
taxe de carburant de 40%, tout comme le gaz naturel comprimé.
L'industrie québécoise du gaz propane ne demande pas de
traitement de faveur, mais elle demande de jouir des mêmes
privilèges que la concurrence. Permettez-moi de vous spécifier
que les gouvernements de l'Ontario, de l'Alberta et de la Saskatchewan
n'exigent aucune taxe tant sur le carburant que sur le chauffage - en Colombie
britannique, il y aura sur certains carburants, par exemple, pour les "lift
tracks", mais le carburant routier n'est pas taxé et ceci est reconnu
depuis un peu plus de trois ans, selon les places. Ces gouvernements ont
reconnu l'importance à accorder au propane en abolissant ou en
réduisant les taxes de vente et de carburant pour ce produit.
L'APQ est déterminée à doubler sa part du
marché québécois dans une période de six ans en
déplaçant une partie du marché du mazout léger et
de l'essence. À cette fin, l'APQ souhaite qu'une étude soit faite
pour identifier les marchés disponibles pour le gaz propane en fonction
du prix à l'usager avec d'autres sources d'énergie
disponibles.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, l'APQ est heureuse de pouvoir participer aux travaux de la
commission et vous remercie de lui avoir fourni l'opportunité de
s'exprimer. Soyez assurés de notre entière collaboration.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Duhaime: Votre mémoire indique qu'en 1973 la
consommation de propane était d'environ 547 000 mètres cubes et
qu'en 1981 vous en étiez à 500 000 mètres cubes, donc un
marché à la baisse. Vous nous dites maintenant que vous voulez
aller vers une croissance. Quels sont vos chiffres en termes de scénario
de pénétration pour déplacer le
mazout ou déplacer l'huile à chauffage et son utilisation
comme carburant, aussi bien en pourcentage qu'en milliers de mètres
cubes?
M. Beaulieu (Guimond): Les chiffres de pénétration,
vous voulez dire?
M. Duhaime: Vos scénarios.
M. Beaulieu (Guimond): Quel est le but? Il est entendu que, pour
pénétrer un marché, il faut être concurrentiel. Vous
avez deux secteurs totalement différents; on parle du secteur chauffage.
Pour déplacer le secteur chauffage ou le mazout, il y a certainement
beaucoup d'endroits dans la province de Québec où, en dehors des
lignes de gaz naturel, le propane serait idéal, soit pour le
prédéveloppement ou encore dans d'autres endroits où le
nombre de lignes électriques n'est pas suffisant ou vous avez d'autres
problèmes; le propane pourrait déplacer le mazout. La
pénétration, sera toujours selon les possibilités de
vente. Cela veut dire que la différence qu'il y a à l'heure
actuelle est la suivante: dans la province de Québec, il n'y a pas de
taxe de vente sur le mazout; si vous le remplacez par du propane, il y a une
taxe de vente de 9%. Cela fait 9% de différence pour le client et, comme
base, le prix du propane est équivalent au prix du gaz naturel à
la source, au puits. C'est le transport qui augmente notre coût tellement
que, rendu ici, il y a 0,04 $, 0,05 $ ou 0,06 $ le litre de transport par
chemin de fer à cause de la distance à parcourir, c'est ce qui
fait qu'on n'est pas directement concurrentiels. Avec 9% de taxe, plus le
transport, nous ne sommes pas concurrentiels.
Or, si vous parlez de la carburation, vous avez le même
phénomène qui se produit. Au point de vue de la carburation, vous
avez 40% de taxe sur le propane et le propane est toujours une énergie
qu'il faut calculer au point de vue de la qualité, de BTU ou de la
valeur calorifique. Le propane se compare à 110 000 BTU et l'huile
à chauffage ou autres à 165 000 BTU. Il faut quand même
faire la part des choses. Si vous vendez l'huile 0,30 $ le litre, pour
être concurrentiel, le propane doit être vendu environ 0,22 $ ou
0,23 $ le litre, en considérant le nombre de BTU qu'il contient. Si vous
vendez 0,22 $ ou 0,23 $ le litre plus 9%, vous augmentez d'un peu plus de 0,02
$ le litre et c'est là que notre différence disparaît. Il
serait possible pour l'industrie de vendre son produit sans la taxe et
d'être concurrentielle, mais avec la taxe cela est presque
impossible.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous allez comprendre que je ne peux pas prendre la
parole au nom de mon collègue des Finances, mais les revenus de 9% sur
le propane, au Québec, représentent des entrées de fonds
au Trésor d'environ 2 400 000 $ par année. Êtes-vous
absolument certains que si, par hypothèse, nous décidions
d'enlever cette taxe, cela vous mettrait en affaires? C'est drôle, j'ai
le sentiment que c'est davantage votre coût de transport qui fait la
différence. Les membres de votre association s'approvisionnent à
partir d'où, grosso modo?
M. Beaulieu (Guimond): Pour la plupart, c'est à partir de
Sarnia ou des raffineries de Montréal.
M. Duhaime: Quelle est la proportion?
M. Beaulieu (Guimond): Les prix sont les mêmes; que le
produit vienne de Sarnia ou de Montréal, les prix sont
équivalents. Ni plus ni moins, le coût du produit à la
raffinerie de Montréal est, comme base, disons 0,20 $ le litre; le prix
de Sarnia sera 0,18 $ plus 0,02 $. Il revient à 0,20 $ lui aussi, c'est
équivalent.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: On parle d'un marché de 500 000 litres par
année; êtes-vous en mesure de nous dire quelle est la proportion
du volume de propane achetée à Sarnia par rapport à
Montréal?
M. Beaulieu (Guimond): Oui, avant cette année,
c'était 50-50, la moitié. Parce que les raffineries à
Montréal ont commencé à diminuer leur production ou
à fermer, la proportion de Sarnia va probablement augmenter à
75-25.
Quand vous parliez tout à l'heure de votre collègue des
Finances, vous disiez: Cela rapporte X milliers de dollars au gouvernement.
C'est faux dans un sens, parce que, quand vous remplacez du mazout par du
propane, s'il est taxé, cela va engendrer une taxe nouvelle, mais s'il
n'est pas taxé, cela ne changera pas le revenu du ministère des
Finances, parce qu'on déplace du mazout qui n'est pas déjà
taxé. Si on le remplace par du propane qui n'est pas taxé, cela
ne changera pas les revenus du ministère des Finances. On parle au point
de vue du chauffage.
M. Duhaime: Au point de vue du chauffage, mais pas comme
carburant.
M. Beaulieu (Guimond): Non, pour le carburant, c'est
différent, mais au point de vue du chauffage cela ne change absolument
rien pour le ministère des Finances.
Le Président (M. Rancourt): M. le
ministre.
M. Duhaime: Autrement dit, vous proposez de détaxer un
produit qui, suivant vos dires, va avoir le plus gros de sa valeur
ajoutée à Sarnia, par rapport à Montréal, dans une
proportion de 75-25. (21 h 45)
M. Beaulieu (Guimond): Oui. Vous avez un produit qui vient de
Sarnia, c'est sûr. En plus, c'est un dérivé directement du
gaz naturel. Il ne faut pas oublier cela: le propane est dérivé
du gaz naturel. Donc, si vous avez plus de pénétration de gaz
naturel, soit dans la province de Québec ou ailleurs au Canada, vous
allez avoir une plus grande production de propane, automatiquement. Vous avez
plus de 50% de la production du Canada qui est vendue à
l'extérieur. Je prétends qu'on ferait peut-être mieux,
comme l'Ontario l'a fait, d'enlever la taxe de route sur le produit pour
tâcher de promouvoir la carburation au propane, pour garder le produit
canadien ici et, automatiquement, remplacer le pétrole
étranger.
M. Duhaime: Je comprends qu'on vit dans l'Est canadien. Dieu sait
que c'est le Québec qui paie le gros prix de ce qu'on appelle
techniquement la rationalisation dans le secteur pétrolier. Je pense
qu'une des conséquences, indépendamment de toute la question de
la pétrochimie - vous venez de l'identifier - c'est qu'il y a un
déplacement des approvisionnements de Montréal vers Sarnia pour
ce qui est de votre produit. Avez-vous des chiffres, soit pour le Québec
soit à l'échelle canadienne, sur les potentiels en
approvisionnement pour ce qui est de l'avenir en propane pour le Canada? Je
pense que vous avez identifié quelqu'un de Dome avec vous
tantôt.
M. Beaulieu (Guimond): Oui, c'est cela. Je vais demander à
M. Andrews de vous répondre.
Le Président (M. Rancourt): M.
Andrews.
M. Andrews (Bob): Gentlemen, I am going to speak to you in
English. I presume that is acceptable.
Une voix: Sure.
M. Andrews: I would like the question to be repeated, please.
Le Président (M. Rancourt): Voulez-vous
répéter la question, M. le ministre?
M. Duhaime: My question is this: As far as your association is
concerned, do you have any guess, any figures or indications as to what is the
perspective as far as the propane is concerned on the Canadian level or the
Québec level, as far as the future is concerned?
Le Président (M. Rancourt): M.
Andrews.
M. Andrews: The association has prepared a supply forecast which
is available to your committee. In addition to this supply forecast, there have
been a number of consultants who have done supply and demand forecasts on
propane in Canada as well as individual companies forecasts. All of these
forecasts suggest a rather large surplus of propane. When I say "surplus", I
mean surplus to the projected demands that we foresee for the next five to ten
years in Canada. In summary, we export today about half of the propane that is
produced in Canada. Therefore, on a long term basis, we foresee readily
available supplies of propane for Canadian demands.
M. Duhaime: And how about Pétromont? Would you guess
anything if... What could be your forecast about the possibility for
Pétromont to get a feed-stock at a competitive price so that our
petrochemical industry could go from West to Sarnia and then to Montreal? This
is about the point of view, not from your association, from... I would rather
grab on your Dome association or Dome expertise on this question.
M. Andrews: I want to assure you, Sir, that I have my association
hat on today, not my Dome hat. From a point of view of supply, supply is
available at Sarnia - as I believe was mentioned earlier - for all Canadian
demands, including petrochemical demands. Whether or not that propane can reach
Pétromont economically is a matter that I guess the market place will
have to decide. I cannot answer that question. I can say though that small
volumes of propane have moved into Pétromont's facilities from time to
time in the past and they may well move again in the future. Over the long
term, I cannot speak to the economics.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: Thank you, Mr. Andrews. Je vous remercie
beaucoup.
M. Andrews: Merci beaucoup.
M. Duhaime: Je vais laisser la parole à mes
collègues qui ont sans doute d'autres questions à vous poser.
Le Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Ratté, j'ai remarqué que ceux qui
vous accompagnent ont des fonctions de direction dans des compagnies de
distribution de propane, surtout en région. Quand on parle de
pénétration du propane, avez-vous en tête certaines
clientèles? Est-ce qu'on parle plutôt de milieu agricole? Est-ce
qu'on parle plutôt de régions un peu éloignées de
Montréal et de Québec? Sans avoir fait une étude, parce
que je vois qu'ici vous recommandez qu'on en fasse une, mais d'après
l'expérience que vous avez au jour le jour, quel genre de
clientèle est attirée par votre produit? Est-ce que je me trompe
- je ne connais pas beaucoup la clientèle agricole - en disant que la
clientèle agricole pourrait être intéressée par
votre produit par rapport à d'autres clientèles?
Le Président (M. Rancourt): M. Ratté.
M. Ratté: Nous avons déjà une
clientèle agricole très importante. Maintenant, ce que
l'association déplore, c'est peut-être le manque de reconnaissance
lorsqu'on fait des prévisions sur les remplacements de produits
provenant de pétrole brut en n'incluant pas à ce moment-là
le propane. Le propane, on y pense beaucoup comme un instrument de camping,
alors que ce peut être un instrument de chauffage sur le haut d'une
montagne, ce peut être le chauffage par excellence en Gaspésie, ce
peut être le chauffage en cas de manque d'électricité,
là où le gaz naturel ne peut pas se rendre.
M. Fortier: Aux Îles-de-la-Madeleine en particulier.
M. Ratté: N'importe où. C'est parce que cela...
M. Duhaime: Le meilleur exemple.
M. Ratté: ...se transporte exactement comme du mazout. On
croit quand même qu'on a un rôle à jouer dans la politique
énergétique et on voudrait être reconnu comme tel.
M. Fortier: La raison pour laquelle je posais la question, c'est
que je m'aperçois bien que votre argumentation, c'est de dire: On
aimerait avoir une place au soleil; on croit que, si la politique, c'est de
développer le mazout qui, dans l'avenir, va être surtout du mazout
importé, cela devrait être considéré comme
étant un substitut aussi bon que n'importe quelle autre forme
d'énergie. Je vous suis quand vous dites cela. Vous nous dites que cela
pourrait l'être en plus dans certaines régions, où il n'y
aura pas de gaz, où l'électricité peut être
très chère comme aux Îles-de-la-Madeleine. Vous savez, le
gouvernement a incité les gens des Îles-de-la-Madeleine à
aller vers l'électricité, à un moment donné; je ne
sais pas lequel, d'ailleurs.
Une voix: Ah!
M. Duhaime: Les deux.
M. Fortier: Les deux. Et, maintenant, cela coûte une
fortune, parce que l'électricité est générée
à partir du pétrole. Si on avait pensé à votre
produit, je pense que cela aurait été la meilleure chose sur la
terre pour tout le monde. Votre recommandation, c'est qu'il faudrait que le
ministère de l'Énergie et des Ressources étudie le dossier
un peu plus à fond. Sans penser à faire pénétrer
votre produit à Montréal et à Québec, et partout au
Québec, je pense qu'il y aurait certainement des régions du
Québec, surtout les régions où le gaz ne se rendra pas -
on sait qu'il y a des régions du Québec où le gaz ne se
rendra pas - où cela pourrait déplacer le mazout d'une
façon avantageuse. Je crois que c'est dans ce sens-là qu'on
devrait le considérer.
Je vous remercie d'avoir soulevé le problème. Je dois vous
dire que je m'aperçois maintenant, d'après la connaissance que
j'avais de votre produit avant de lire votre dossier, que c'est un gaz et un
liquide; c'est un liquide à 150 livres par pouce carré. Quand
j'étudiais pour être ingénieur, j'avais appris cela, mais
j'ai oublié. En politique, vous savez, on ne retourne pas voir nos
livres souvent. Mais je m'aperçois que, comme vous le dites, il y a
plusieurs endroits au Québec où on devrait penser à ce
produit-là et lui faire la place qui lui revient. Autrement dit, je
crois qu'il y a des créneaux au Québec qu'on devrait
privilégier et, si on identifiait la clientèle qui serait
desservie par ces créneaux, je crois que ce serait beaucoup plus facile
d'aller voir le ministre des Finances pour lui dire: Écoutez! Pour ces
créneaux, pour ces clientèles, on devrait faire une place pour
votre produit.
Je souhaite qu'on accepte les recommandations que vous faites: une
étude sur le transport et une étude sur la taxe en relation avec
le genre de clientèles, la part du marché
québécois. Vous semblez écrire ces recommandations en
disant qu'il faudrait que le gouvernement le fasse, mais la question que
j'aimerais vous poser est la suivante. Votre association est prête
à investir dans ces études-là, j'imagine.
Le Président (M. Rancourt): M. Ratté.
M. Ratté: Oui, définitivement. On veut avoir notre
place, on est prêt à collaborer et je pense que c'est
déjà commencé. On a travaillé en collaboration avec
la Régie de
l'assurance automobile sur le rapport Lavalin concernant les autobus
scolaires. Je pense qu'on a prouvé notre bonne foi dans cela. Je suis
d'accord avec vous pour ce qui a trait au chauffage, mais il y a aussi la
partie carburant où on pense quand même qu'on est peut-être
mis un peu de côté comparativement au gaz naturel.
Quand M. Beaulieu disait tout à l'heure qu'à l'avenir 75%
du propane viendra de Sarnia, donc de l'Ouest, donc d'un dérivé
du gaz naturel... Dans les expertises qu'on fait on peut trouver du gaz naturel
aussi dans la province. À ce moment-là, on se pose la question
suivante à l'APQ: Comment se fait-il que dans la ville de
Montréal on ouvre des stations-service de gaz naturel sans taxe sur la
carburation alors que le propane, qui est un dérivé direct du gaz
naturel, est taxé à 40%? C'est une autre partie,
évidemment.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous soulevez une bonne question. J'imagine qu'il
faudrait se poser la question à savoir si on encourage les gens à
aller vers le gaz naturel comprimé ou si on doit les encourager à
aller vers votre produit? Je ne sais pas s'il y a de la place pour les deux
produits sur le marché, compte tenu des modifications aux moteurs.
Est-ce que vous pouvez répondre à cette interrogation?
M. Beaulieu (Guimond): Vous avez de la place pour les deux...
Le Président (M. Rancourt): Si vous permettez, je dois
faire tout de suite une rectification. Tantôt je vous ai identifié
comme étant M. Boutin et, pour les fins du journal des Débats, je
voudrais rectifier et dire que vous êtes M. Beaulieu.
M. Fortier: On accepte votre baptême.
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu.
M. Beaulieu (Guimond): La différence c'est que le gaz
naturel pour la carburation a peut-être sa place au soleil comme les
autres mais dans un rayon peut-être un peu moins grand. Il faut quand
même avouer aussi qu'à l'heure actuelle, partout dans la province
de Québec, incluant la ville de Montréal et les autres, il y a
au-delà de 125 postes de ravitaillement déjà
installés, de l'ordre de 30 000 $ ou 35 000 $ pour chacun d'eux. Ils
sont déjà en place, prêts à fonctionner. Les gens de
l'association ont investi de l'argent, ils sont prêts à en
investir encore pour tâcher de donner le service disponible à
l'heure actuelle.
M. Fortier: Et au même moment...
M. Beaulieu (Guimond): Peu importe que le type soit au Lac
Saint-Jean ou en Gaspésie, il peut se procurer du propane actuellement.
On déplore que dans la province de Québec on n'ait pas tout
à fait assez de rendement concernant les investissements. Donc,
actuellement ce sont les camions de l'Ontario et d'ailleurs qui
s'approvisionnent en gaz, mais cela ne veut pas dire que cela bâtira le
volume pour tâcher de maintenir ces stations en opération. C'est
un début mais on veut les augmenter et c'est normal.
M. Fortier: Ce que vous dites c'est qu'il y a plusieurs
postes...
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...de distribution qui existent déjà,
que vous avez construits sans subvention...
M. Beaulieu (Guimond): Sans subvention.
M. Fortier: ...et au même moment le gouvernement
fédéral, en collaboration avec le provincial, investiront 100 000
$ ou 125 000 $ en subventions...
M. Beaulieu (Guimond): II n'y a pas de subvention
là-dedans.
M. Fortier: ...pour créer des postes...
M. Beaulieu (Guimond): Ils l'ont fait pour le gaz naturel. Il y a
une subvention fédérale pour le gaz naturel mais pas pour le
propane.
M. Fortier: Pour le gaz naturel comprimé. Je crois que
vous soulevez une bonne question. Cela illustre peut-être le fait qu'il y
avait une certaine ignorance quant à votre produit. On doit vous
féliciter d'être venu devant la commission pour nous instruire des
bénéfices de votre produit. On espère qu'à l'avenir
ce sera pris en considération.
M. Beaulieu (Guimond): Je voudrais vous mentionner...
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu.
M. Beaulieu (Guimond): ...quelque chose. À la page 25 de
notre mémoire, quand vous parliez tout à l'heure de
l'étude du marché... Dans la province de Québec on a
présentement 500 000 000 de litres vendus. L'industrie du propane ce
n'est pas quelque chose qui vient de naître hier matin. Cela a
quand même plus de 40 ans de labeur, peu importe... La carburation
aussi existe depuis un certain temps.
Dans ce marché-là vous avez quelque 22% de marché
domestique. Le marché domestique comprend autant le camping que les
barbecue qu'on vend pour installer dans les patios, cela peut comprendre toutes
sortes de marchés, les chalets d'été, etc. Tout cela fait
partie de notre marché domestique.
Il y a aussi le marché commercial qui comprend 19%. Il y a
beaucoup de restaurants et la cuisson dans un restaurant ne se fait pas
à l'électricité. Si vous engagez un chef et que vous avez
un poêle électrique, il prendra son chapeau, il le mettra
là et fichera le camp. C'est ainsi que cela se passe. C'est du gaz pour
la cuisson. Si vous voulez avoir une bonne cuisson, c'est du gaz.
Automatiquement, en dehors de la ligne du gaz naturel, vous allez être
obligés d'avoir du gaz encore. Il est là. (22 heures)
On ne parle pas, non plus, de l'histoire de la taxe de vente. La taxe de
vente fait partie de cette partie-là. On accepte cette partie-là
comme taxe de vente. Vous avez le marché industriel: en dehors de la
ligne du gaz naturel, vous allez avoir besoin du gaz aussi. Il y a certaines
applications, pour les fours et toutes sortes de choses comme cela où
vous êtes obligés d'avoir du gaz pour faire de la fabrication.
C'est une partie du marché industriel. Vous avez le marché
agricole. Dans le marché agricole, on ne peut pas parler de la taxe,
parce que la taxe n'existe pas quand on fait l'élevage du poulet, ou de
la dinde, ou quoi que ce soit. Par contre, vous allez avoir un cultivateur qui
a deux ou trois poulaillers. Il emploie du gaz dans ses poulaillers et,
à sa maison privée, à côté, il emploie de
l'huile à chauffage. Il voudrait changer sa fournaise pour la mettre au
gaz; c'est du remplacement d'énergie. On va être obligé de
mettre un autre réservoir et de lui facturer 9%. Cela ne marche pas.
C'est la partie qui ne marche pas.
Ensuite, vous avez la partie de la pétrochimie. Il y a un certain
pourcentage qui est vendu en pétrochimie et on sait que cela va
augmenter aussi. Tout ce qu'on veut - on a 1% du bilan
énergétique de la province - on veut savoir si on a une place au
soleil dans la province et si on a des possibilités, de tâcher de
les développer. C'est cela qu'on veut. Et on a besoin de votre aide.
M. Fortier: J'ai appris beaucoup. Je vous remercie de m'avoir
instruit sur le sujet.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, très
brièvement, justement pour continuer à instruire tout le monde
autour du gaz propane. Il y a une chose que j'ai un peu de difficulté
à comprendre, c'est que vous avez ici autour de la table qui
présente le mémoire un nommé Guy Marchand qui s'occupe du
commerce du gaz propane sous le nom de Gaz Bleu, à Valleyfield.
Une voix: À Valleyfield? M. Lavigne: À
Valleyfield. Une voix:Pas de farce.
M. Lavigne: II est installé là depuis
déjà un bon nombre d'années et, chose difficile à
comprendre, c'est que Valleyfield est une région, comme vous le savez,
où il y a un barrage hydroélectrique, où
l'électricité nous sort par les oreilles. On a aussi le gaz
naturel; on a, en fait, à peu près toutes les formes
d'énergie. Et, malgré les 9% - je ne veux pas dire que je ne veux
pas défendre votre dossier, mais je veux m'instruire - vous arrivez...
Je ne connais pas votre bilan financier, M. Marchand, ni vos rapports
d'impôt, mais à vous regarder aller, cela a l'air prospère,
votre "business". Il y a toujours de beaux camions neufs, des employés
qui n'ont pas l'air de se plaindre de leur paie, et l'entreprise a l'air, vue
de l'extérieur, prospère. Je suis content de voir des
entrepreneurs prospères dans Valleyfield et je vous encourage à
continuer. Et, s'il y a lieu de couper la taxe de 9%, on va en discuter
ensemble. Mais, vous ne me faites pas pitié, présentement, comme
entrepreneur dans le coin, en dépit des sources
énergétiques de pétrole, d'électricité et de
gaz naturel. Je ne sais pas si vous avez une argumentation à
développer autour de ce que je viens de vous dire, mais cela a l'air de
bien aller. J'ai compris, en grande partie, pourquoi cela va bien. J'ai
l'impression que vous êtes aux abords d'une zone qui est quand même
agricole et je viens d'apprendre que quand vous vendez aux agriculteurs, vous
n'avez pas la taxe de 9%. C'est probablement... Comme question,
sérieusement, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de me dire,
sur l'ensemble de vos ventes annuellement, quel est le pourcentage de vos
ventes qui est touché par la taxe de 9% et le pourcentage qui ne l'est
pas. En fait, quel est le pourcentage vendu aux cultivateurs et l'autre
pourcentage vendu aux autres qui se trouvent à être taxés?
Est-ce que c'est 50-50, ou 75-25?
Le Président (M. Rancourt): M.
Marchand.
M. Fortier: Si vous voulez répondre.
Le Président (M. Rancourt): Si vous voulez
répondre.
M. Fortier: Vous n'êtes pas obligé.
M. Ratté: La foi soulève les montagnes, n'est-ce
pas? C'est peut-être pour cela... Quand on est positif, la foi
soulève les montagnes. Je vais laisser Guy, quand même... Je
m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M.
Marchand, si vous voulez.
M. Marchand (Guy): D'abord, je tiens à vous remercier pour
les compliments que vous avez faits à l'endroit de l'entreprise. Je
tiens cependant à souligner que c'est une suite de
générations dans la famille. Cela existe depuis 1957. Alors, le
départ vient de mon grand-père et de mes parents. C'est
exactement ce que M. Ratté a dit: c'est beaucoup de foi. Le
marché du propane, je le trouve illimité. Il s'agit tout
simplement de chercher. Et en cherchant, les applications viennent au fur et
à mesure. Le pourcentage de taxes actuellement au Canada est à
peu près à 15,1, vous le remarquez dans le mémoire. Chez
nous c'est sensiblement la même chose pour la partie de l'agriculture.
Les applications qu'on peut trouver au gaz propane, j'en vois à tous les
jours, il s'agit tout simplement de se mettre dedans. Le plus grand
inconvénient qu'on y trouve c'est surtout la partie de la taxe de vente
quand vous arrivez en concurrence avec le gaz naturel. Plus souvent
qu'autrement, l'approvisionnement du gaz propane est plus fort; c'est
prouvé, le président de l'association canadienne nous l'a dit, le
gaz propane il y en aura pour les 30 prochaines années, nos
réserves sont illimitées. Le problème du gaz naturel c'est
justement de se rendre à la maison ou à l'industrie. Pour nous
c'est beaucoup plus facile, c'est liquide, c'est transportable dans un camion.
C'est là qu'est le marché pour nous. Ce n'est pas autre chose que
cela. Mais, comme je vous dis, la taxe de vente influe beaucoup dans le
prix.
M. Lavigne: M. Marchand, je vous invite à continuer
à être agressif comme vendeur de gaz propane et, si l'on peut vous
donner un coup de main dans le secteur gouvernemental, on le fera. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je veux donner une
précision sur la réponse que vous avez donnée à mon
collègue de Beauharnois, M. Marchand. La portion de vos ventes qui est
assujettie à la taxe.
M. Marchand: J'ai répondu à l'inverse de sa
question. J'ai donné la partie qui n'est pas soumise à la taxe
dans le domaine...
M. Duhaime: Donc, il y a 85% de vos ventes qui sont assujetties
à la taxe. Est-ce cela?
M. Marchand: Oui, à peu près.
M. Duhaime: En gros.
M. Marchand: En gros, plus ou moins.
Le Président (M. Rancourt): M.
Beaulieu, vous avez demandé la parole.
M. Beaulieu (Guimond): Oui. Tout à l'heure on disait que
cela pourrait être pratique pour les Îles-de-la-Madeleine ou
ailleurs. Il y a un fait que j'aimerais relater. Le gaz propane existait
à Montréal dans le temps du gaz manufacturier ou même avant
que le gaz naturel ne fasse sa pénétration à cet endroit.
Si l'on pouvait donner des chiffres, ce ne sont pas nécessairement des
chiffres précis... Nous sommes dans la région de Montréal,
à Longueil, et le volume, depuis que le gaz naturel a fait sa
pénétration à Montréal, a plus qu'été
multiplié par deux dans certains secteurs. Le gaz naturel amène
des industries, des choses et des gens qui veulent s'installer au gaz propane.
Par contre, dans d'autres régions où le gaz naturel arrive, comme
à Trois-Rivières, là cela nous enlève des volumes
industriels qu'on avait; le gaz propane et le gaz naturel sont très
près l'un de l'autre, et ces gens étaient desservis au gaz
propane. Cela va remplacer le gaz propane à certains endroits. Dans
l'industrie ou même dans la proximité d'une ville, quand le gaz
naturel entre avec la publicité qui se fait, le gaz propane augmente aux
environs.
La possibilité d'augmenter serait plus grande si on n'avait pas
la taxe... Vous parlez toujours de la taxe que le gouvernement perdrait. Ce
n'est pas la taxe que le gouvernement perdrait. Je prétends que le
gouvernement ne perdra pas de taxe. On vous demande de l'enlever sur le
chauffage. Si la taxe était enlevée sur le chauffage, on
prendrait de l'expansion sur le chauffage. Par contre, sur le camping, cette
taxe peut demeurer. Tant mieux si vous l'enlevez au complet. Automatiquement,
sur le chauffage vous n'avez rien à perdre à enlever. Cela ne
vous coûte rien. La partie taxée aujourd'hui, camping, etc., c'est
taxé. Dans l'industrie, tous ceux qui s'en servent pour faire de la
transformation ne paient pas de taxe ou du moins ils ont un permis provincial.
Dans le domaine de l'agriculture, les gens ne paient pas de taxe. Cela ne
change absolument rien. Ce que cela va changer c'est surtout pour la personne
qui
transformera sa fournaise à l'huile pour le gaz propane. On ne
paie pas de taxe sur l'huile. Vous ne perdez rien. La partie, si elle est
identifiée comme chauffage, vous ne perdez rien.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Duhaime: C'est un très bon raisonnement.
J'espère qu'il n'y a personne de la Ligue de l'électricité
qui vous entend.
M. Beaulieu (Guimond): On les a entendus.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'ai une question technique. On a dit tout à
l'heure que dans une certaine mesure vous étiez en concurrence avec le
gaz naturel comprimé comme carburation à un véhicule.
Étant donné que c'est maintenu à des pressions plus
basses, le volume du réservoir est beaucoup plus grand, j'imagine,
n'est-ce pas?
M. Beaulieu (Guimond): Pour le propane, on peut avoir un
réservoir d'environ 20 gallons qui, comparé à environ 20
gallons d'essence, va donner la même distance tandis le volume du gaz
naturel, vu la haute pression, est plus petit. Cela prend aussi plus de temps
pour remplir le réservoir. Il y a différents facteurs. Le
parcours est moins long, c'est sûr.
M. Fortier: Autrement dit, si je transforme ma voiture au
propane, cela va prendre tout mon réservoir arrière.
M. Beaulieu (Guimond): Cela dépend. Si la voiture est
transformée seulement au propane, cela ne prend pas le coffre
arrière. Si vous le transformez aux deux... D'ailleurs, pour obtenir la
subvention fédérale pour la conversion, il faut avoir seulement
le propane et non les deux. Si vous avez les deux, vous n'êtes pas
admissible à la subvention.
M. Fortier: Oui, mais ceux qui ont le gaz naturel comprimé
ont les deux dans bien des cas.
M. Beaulieu (Guimond): Oui, parce que...
M. Fortier: À ce moment-là, ils prennent une partie
du coffre arrière, mais c'est beaucoup plus petit.
M. Beaulieu (Guimond): Oui.
M. Fortier: C'est ce que je voulais savoir.
M. Beaulieu (Guimond): Par contre, ils continuent à
employer l'essence. Cela a deux côtés.
M. Fortier: D'accord.
M. Pronovost (Richard): M. le Président, est-ce que je
peux apporter une réponse plus complète à la question que
M. Fortier a posée tout à l'heure?
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Pronovost.
Allez-y.
M. Pronovost: Si vous changiez votre réservoir d'essence
dans votre automobile pour un réservoir de propane, le réservoir
de propane devra avoir un volume 20% plus grand que celui de l'essence pour
avoir la même autonomie.
M. Fortier: Hum, hum.
M. Pronovost: Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Fortier: Oui.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Pronovost.
M. Fortier: Merci. On vous remercie. Cela m'a été
très utile. On vous félicite d'être venus et de nous avoir
informés.
Le Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres
intervenants?
M. Duhaime: Merci infiniment.
Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions
l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec
Inc.
J'ai un renseignement à vous transmettre. La journée
d'information qui était prévue pour demain, le 5 octobre, en
raison des circonstances particulières du décès du
député de Mégantic-Compton, a été
reportée, d'après les renseignements que j'ai, au 12 octobre.
Une voix: La commission siégera quand même
vendredi.
Le Président (M. Rancourt): Oui, mais l'ajournement se
fait pour vendredi. Les auditions du 5 octobre sont reportées au 12
octobre. De plus, puisque nous en sommes là, l'ajournement est pour le
vendredi 7 octobre, 10 heures.
Donc, merci et bonsoir.
(Fin de la séance à 22 h 15)