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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît'. La commission permanente élue de l'énergie et
des ressources reprend ses travaux afin d'étudier les effets de la
politique énergétique sur le développement
économique.
Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay),
Mme Bacon (Chomedey), MM. Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont),
Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac), Perron (Duplessis), Rodrigue
(Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault
(Châteauguay), Leduc (Saint-Laurent), Mathieu (Beauce-Sud), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly), Mme Harel (Maisonneuve).
Ce matin, nous allons d'abord procéder au dépôt de
deux mémoires. Le premier mémoire conjoint est
présenté à la commission parlementaire par François
Allaire et Gary Caldwell sur l'exploitation de l'électricité,
à quel prix, de quel droit; de même que le mémoire
présenté par l'Association des commissaires industriels du
Québec. Nous procéderons sans plus tarder à l'audition de
M. Antoine Ayoub qui agira à titre personnel. M. Ayoub, si vous voulez
bien vous présenter au microphone. La parole est à vous, M.
Ayoub.
Auditions M. Antoine Ayoud
M. Ayoub (Antoine): Je vous remercie, M. le Président. Je
dois souligner au préalable que je suis très honoré
d'être entendu par votre honorable commission. Je voudrais dans quelques
minutes seulement, non pas reprendre l'ensemble de mon rapport qui a
été déposé, mais plutôt faire un certain
résumé très rapide, en indiquant la structure de ce
rapport et en soulignant, chemin faisant, les points qui me semblent
importants.
Je partirai, si vous le voulez bien, des changements qui ont eu lieu
depuis la publication du livre blanc sur l'énergie du gouvernement du
Québec en 1978. Plusieurs changements sont intervenus, soit sur la
scène internationale, soit sur la scène du Canada ou celle du
Québec et pour les résumer je dirai ceci: sur le plan
international, le marché a changé en marché d'acheteurs au
lieu d'un marché de vendeurs qui existait depuis les neuf
dernières années. Sur le plan canadien, la question principale
qui se pose est effectivement le sort du Programme énergétique
national qui a été publié en 1980 et mis en oeuvre.
Étant donné le lien évident qui existe entre le niveau
international et le niveau canadien, la question se pose donc: où va le
programme énergétique national? Où doit-il aller? Sur le
plan du Québec, deux questions se posent: comment gérer le
surplus énergétique à court terme après avoir eu la
question des dernières années, comment gérer la
pénurie? Faut-il modifier et comment la politique du livre blanc de
1978?
Voilà donc les questions autour desquelles j'ai articulé
mes réflexions. Je dois insister, M. le Président, sur un point
méthodologique et dans mon rapport, j'ai souhaité volontairement
ne pas entrer dans des batailles de chiffres. J'ai voulu faire un rapport de
facture politique et économique, beaucoup plus que de facture technique
ou statistique. Ceci dit, il est possible, dans la mesure de mes moyens et de
mes connaissances, de répondre aux questions qui me seront posées
concernant les détails techniques ou statistiques.
Étant donné ces deux questions que je viens de soulever
concernant le Québec et qui m'intéressent au plus haut point,
j'ai divisé mon rapport en quatre parties: la première où
j'ai évoqué les problèmes qui se posent; dans une
deuxième partie, j'ai soutenu quelques hypothèses et les
contraintes qui leur sont associées et dans une troisième partie,
j'ai révisé, très modérément, il faut le
dire, les objectifs d'une politique énergétique possible en
insistant là où j'ai cru bon de le faire. Finalement j'ai
limité mes propos ou mes recommandations sur le plan des politiques
énergétiques à deux secteurs qui sont le secteur
pétrolier et le secteur gazier. Je n'ai rien proposé - c'est
indiqué dans mon mémoire - ni concernant
l'électricité ni non plus concernant les problèmes des
énergies nouvelles.
Si vous le voulez bien, je voudrais dire quelques mots concernant les
problèmes. Bien
entendu, ils sont complexes, enchevêtrés et multiples.
Nécessairement, pour clarifier le débat, je les ai ramenés
à cinq, mais il y en a certainement d'autres.
Ces problèmes sont les suivants. D'abord et avant tout, le
problème que je considère comme fondamental puisqu'il
hypothèque l'avenir, c'est les relations entre la consommation
énergétique dans ses trois formes, électricité,
pétrole et gaz, donc le taux de croissance de la consommation
énergétique et le taux de croissance économique du produit
intérieur brut, en relation avec un troisième facteur qui est
celui des économies d'énergie.
Pour simplifier et aller droit au but, le problème qui se pose
est le suivant. Depuis quelques années, depuis effectivement quatre ans,
depuis la publication du livre blanc du gouvernement du Québec, on
enregistre statistiquement une baisse assez importante de la demande ou de la
consommation énergétique, à telle enseigne qu'on peut
même tirer une moyenne qui serait proche de zéro pour les quatre
dernières années. Peut-on - voilà la question - dire,
à partir de cela, que la consommation énergétique pour les
années futures serait du même ordre? Question cruciale, question
importante puisqu'il y a interférence entre cette baisse de la
consommation et la baisse que tout le monde connaît de la croissance
économique durant ces trois dernières années, surtout
durant les deux dernières années. Cela dénote qu'on a
besoin d'un certain rapport, d'un ratio entre le taux de croissance de la
consommation énergétique et le taux de croissance de la
production ou du produit intérieur brut.
Là, on peut différer et, si on diffère, il y aurait
divergence sur le plan prévision de la demande. Ma position
là-dessus - je pourrai l'expliquer si vous me le demandez, mais il faut
que je sois bref - est que ce taux est de 0,7% et non pas de 0,34% ou de
0,4%... et je m'explique. Il est entendu que si l'on divise le taux de
croissance des quatre dernières années, on arrive effectivement
à un chiffre qui serait assez ridicule de 0,3% de rapport entre les
deux. Mais on ne peut pas prendre ce chiffre, le projeter dans l'avenir et dire
que pour chaque 1% de croissance économique on aurait besoin, pour les
dix prochaines années, par exemple, de 0,3% de taux de croissance
énergétique. Il me semble que cela est exagéré.
D'ailleurs, je suis en bonne compagnie, puisque récemment j'ai pu
vérifier nos chiffres, nos opinions, et, sans se concerter au
préalable de manière approfondie - la plupart de ceux qu'on
appelle experts, qui étaient là la semaine dernière -
presque magiquement, on a utilisé ce chiffre de 0,7%. Ainsi le
représentant de la Communauté économique
européenne, par exemple, m'a bien encouragé, parce que
j'étais bien réservé de dire 0,7% publiquement, en me
disant: Dans toutes nos publications, dans toutes nos projections, on utilise
ce chiffre de 0,7%. De la même manière, le président de la
Mercantile Exchange de New York a utilisé aussi ce chiffre de 0,7%.
Alors il est évident que ce chiffre n'est pas magique, il change par
rapport au pays, par rapport au continent, mais enfin, s'il n'est pas de 0,7%,
il doit être approximativement de 0,6%. Cela dit, il faut
reconnaître devant vous que ce genre de chiffres ne sont pas
scientifiquement déterminés. Autrement dit, on ne peut pas trop
se chicaner sur ces chiffres, c'est un peu l'expérience que chacun de
nous a de la situation et ses propres jugements sur les économies
d'énergie. Mais je dirai un peu plus si on me le demande.
Voilà un premier problème qui effectivement affecte les
projections soit de la demande énergétique globale, soit de
celles, par exemple, de la demande pétrolière. Je vous indiquerai
en passant que c'est très important parce que, si vous projetez une
demande faible, par exemple en pétrole, évidemment on aurait des
problèmes sur le plan du raffinage, de la distribution et tout le reste,
et même de la consommation d'électricité; donc surplus,
donc vente ailleurs, etc. Par contre, si vous projetez que le taux de
croissance économique augmente et que, par conséquent, le taux de
consommation énergétique augmente, il y a pas mal de
problèmes, je ne dirais pas qui seront résolus par un coup de
baguette magique, mais, quand même, qui auront moins d'acuité
qu'actuellement. Voilà donc un premier problème.
Le second problème est: que faire dans le secteur
pétrolier? C'est-à-dire que peut faire le gouvernement du
Québec et le Québec en général pour le secteur
pétrolier? C'est un problème crucial. Je vous rappelle quelques
faits puisque je parlais de 1978 et je ne veux pas remonter au déluge.
Depuis 1978, Petro-Canada s'est introduite massivement, je dirais, sur le
marché du Québec. Elle contrôle actuellement une part
importante du raffinage et de la distribution. Par ailleurs, les prix
pétroliers, comme vous le savez, ne sont pas du ressort du
Québec. Nous avons des prix "made in Canada" qui sont
déterminés par le gouvernement fédéral,
conjointement, mais après de laborieuses discussions et
négociations, avec les provinces productrices.
Par conséquent, on peut, bien sûr, soutenir - ce n'est pas
mon cas - qu'on ne peut rien faire ou qu'on ne fera rien dans le secteur
pétrolier puisqu'il y a quelqu'un qui s'en occupe. Mais, il faut se
rendre compte que le Québec est effectivement le principal destinataire
des importations pétrolières du Canada. Donc, quand on parle de
la sécurité des approvisionnements au Canada, quand on
parle de l'autosuffisance canadienne en matière
pétrolière, il faut toujours avoir à l'esprit
l'autosuffisance du Québec. Par conséquent, pour vous donner un
chiffre, approximativement les trois quarts des importations canadiennes de
pétrole sont destinés au Québec. Par conséquent, il
est, à mon avis tout au moins, tout à fait légitime que le
Québec se penche sur le secteur pétrolier et ne l'abandonne pas
malgré le fait qu'il y ait éventuellement
pénétration du gaz naturel et malgré le fait que le
Québec soit un producteur d'électricité. Il est au premier
rang concerné par ce phénomène d'importation et de
consommation pétrolières.
Le troisième problème qui se pose directement: Comment
harmoniser le triangle entre le pétrole, bien spécifiquement le
mazout lourd, la pénétration du gaz naturel et le surplus
d'électricité? Je n'ai pas besoin de m'étendre longtemps
sur ce surplus; vous le connaissez. Il y a là, bien entendu, une
politique à court terme puisque, si on considère que le taux de
croissance économique augmentait avec cette hypothèse, il y
aurait certainement - selon l'hypothèse que je viens d'indiquer sur le
rapport entre le taux de consommation des deux - une baisse des surplus
d'électricité et même une certaine baisse dans le surplus
du mazout. Mais il faut passer le cap difficile qui est à court terme,
d'où la nécessité d'une harmonisation et comment elle peut
être faite entre ces trois formes d'énergie. Il faut, bien
entendu, avoir bien clair à l'esprit autant que possible de ne pas
hypothéquer le long terme par des politiques à court terme.
Autrement dit, il faut avoir une vision claire de ce qu'on veut d'ici dix ans,
décrire et appliquer une politique économique
énergétique par rapport à cette vision et ne pas se
laisser handicaper uniquement par des conjonctures qui peuvent être
passagères. Voilà donc un troisième point.
Un quatrième point sur lequel votre honorable commission a mis
l'accent, c'est les relations, les liens entre le développement
économique et l'énergie, ou l'utilisation de l'énergie.
Sur ce point, j'ai peut-être une ou deux idées à avancer;
je les dirai en temps et lieu. C'est un sujet certes délicat, important,
mais ambigu en même temps.
Finalement, une dernière question -mais que je ne traite pas
puisqu'elle exigerait, à mon sens, une étude appropriée
que je n'ai pas faite - concernant l'électricité. Est-ce qu'il
faut produire pour consommer à l'intérieur ou faut-il produire
pour exporter, selon une thèse qui a été
popularisée ces deux dernières années? Je laisse cela en
suspens, avec un point d'interrogation, pour dire simplement qu'il faut
effectivement faire des études beaucoup plus poussées pour en
connaître les tenants et les aboutissants.
(10 h 30)
Vous me permettrez simplement de dire ceci. À prime abord - je le
dis vraiment avec beaucoup de circonspection, comme on dit - puisqu'on dit
qu'on peut augmenter la capacité productrice du Québec en termes
d'électricité pour la destiner à l'exportation, je veux
bien l'exportation vers les États-Unis, il ne suffit que de savoir si
les États-Unis en veulent - c'est la condition nécessaire et
suffisante - et à quelles conditions ils en veulent. Or, les facteurs
qui vont jouer sur la décision des États-Unis, à savoir
s'ils veulent ou pas s'engager à long terme dans des importations de
l'électricité du Québec, sont des facteurs multiples et
aussi complexes. Il faut donc aussi comprendre les Américains. Cela
dépend du prix international du pétrole: est-ce qu'il va baisser,
est-ce qu'il restera stable, etc.? Il n'est pas facile de dire qu'on pourrait
effectivement emmagasiner ou augmenter la capacité productrice pour
qu'éventuellement on puisse l'exporter sans problème.
Voilà donc les problèmes.
En deuxième lieu, les hypothèses que j'aimerais indiquer,
ce sont mes hypothèses et elles concernent d'abord et avant tout le prix
international du pétrole. Sur ce plan et avec beaucoup de
réserve, puisqu'il faut avoir l'humilité de le dire, durant les
dernières années, beaucoup à travers le monde - je suis
aussi de ceux-là - se sont trompés puisqu'il y a seulement trois
ans il y a eu une unanimité pour dire qu'en 1985, au plus tard en 1990,
il y aurait une rupture entre l'offre et la demande sur le plan mondial. Je
n'ai pas envie de vous citer les références de ce que je viens
d'énoncer mais quand même, soyez assurés que j'ai fait une
enquête à ce moment-là et presque cent instituts de
recherche et d'experts ont convergé pour dire que la situation serait
très grave, très dure durant la décennie quatre-vingt.
Or, ce que nous voyons aujourd'hui, c'est bien le contraire, il y a un
surplus de l'offre sur la demande. Par conséquent, il y a eu un
retournement des prix, l'OPEP a baissé ses prix de 5 $, suivant en cela
le marché Spot, c'est-à-dire ce qu'on appelle le marché
Spot ou le marché libre de Rotterdam où, chaque matin, par
télex ou directement, il y a des quantités d'offres et des
quantités de demandes sur ce marché.
Que va-t-il se passer dans les dix prochaines années? La question
manque un peu de modestie, mais il faut quand même la poser pour avoir
des tendances lourdes pour un avenir prochain. Pour ma part, j'ai lancé
les facteurs qui jouent sur cette tendance. Je crois ceci, pour me
résumer. D'ici à 1985, au moins, le prix international du
pétrole, c'est-à-dire le prix officiel de l'OPEP, au mieux, se
stabilisera en termes nominaux. Cela veut dire que d'ici à 1985, le
baril du "marker crude", c'est-à-dire du pétrole de
référence qui est le pétrole de l'Arabie Saoudite, pour
une qualité donnée de pétrole, serait de 29 $ le baril, au
mieux. Je dis "au mieux" parce que les tendances à la baisse travaillent
toujours le marché. Justement, sur le marché Spot, depuis
quelques semaines, il y a encore des tendances à la baisse de ce prix
d'environ 0,50 $ à 1 $.
L'OPEP, qui devait se réunir et qui s'est récemment
réunie à Vienne, la semaine dernière, s'est
retrouvée dans une situation moins euphorique que ce qu'elle croyait.
Elle s'est rendue compte que, d'une part, les prix baissaient et que, d'autre
part, les pays de l'OPEP dépassaient le quota indiqué en mars
dernier. C'est-à-dire que de 17 500 000 barils par jour, ils sont
arrivés actuellement à 18 000 000 et la situation du
marché est effectivement assez tendue.
Donc, à tout prendre, jusqu'en 1985, le prix du pétrole
resterait, en termes nominaux, ce qu'il est aujourd'hui. Cela veut dire qu'il
baisserait en termes réels puisque, entre-temps, l'inflation joue.
Après 1985 et jusqu'à 1990 - pour faire encore une fois bref - je
vois que le prix du pétrole augmenterait au taux de l'inflation et pas
plus; peut-être que les deux dernières années de la
décennie, le prix du pétrole augmenterait en termes réels.
De telle sorte qu'on peut dire grosso modo, en tenant compte de ce qui s'est
passé depuis 1980, que pour la décennie 1980, le taux
d'augmentation du prix réel du pétrole ne dépasserait pas
1%.
C'est là une situation toute nouvelle puisque, qu'on le veuille
ou non, le prix du pétrole demeure un prix leader, un prix dominant.
C'est à partir de ce prix que se décident les investissements
dans les sources substituts; c'est à partir de ce prix que se
décident les prix des autres sources alternatives d'énergie. Par
conséquent, si vous pronostiquez une stabilisation de prix en termes
nominaux, donc une baisse en termes réels, cela va avoir des
répercussions normalement sur la consommation. C'est pour cela que si je
fais cette prédiction, je dirai que la consommation augmenterait
éventuellement pour les mêmes raisons qui l'ont fait hausser,
c'est-à-dire que les consommateurs réagiraient à la baisse
comme ils réagiraient à la hausse. Il ne faut pas croire que les
consommateurs ne réagissent seulement qu'à la hausse.
C'est-à-dire que le consommateur, en termes clairs, réagit
à une hausse de prix en diminuant sa consommation, mais réagirait
pour les mêmes raisons en termes de consommation. Si les prix baissent,
il augmenterait ou augmenterait d'une manière différenciée
sa consommation. Donc la concurrence va être serrée entre les
formes d'énergie sur un marché qui rétrécit.
Deuxième hypothèse. L'autosuffisance
pétrolière du Canada, à mon avis, ne sera pas atteinte
pour des raisons diverses auxquelles je reviendrai si vous me posez la
question, mais dont la plus importante est la politique - je l'ai
répété ailleurs, alors je n'ai pas d'inconvénient
à le faire ici - des prix "made in Canada". C'est là une
politique aberrante qui n'a effectivement pas de support sur le plan de
l'intellect économique, mais certainement sur le plan des facteurs
politiques, je comprendrais facilement pourquoi une telle politique a
été instituée. Elle touche plus la répartition de
la rente entre le fédéral, les provinces et l'industrie que
l'efficacité économique en tant que telle. Mais c'est un autre
sujet. La réalité est que l'autosuffisance ne sera pas acquise
pour le Canada d'ici à la fin de 1990 comme le prévoit le
programme énergétique national.
Troisième hypothèse. Concernant le Québec, je
considère que le contrôle du secteur de l'énergie demeure
partagé comme aujourd'hui. Autrement dit, hormis Hydro-Québec,
qui est exclusivement du ressort du Québec, il reste que le secteur
pétrolier serait partagé entre Pétro-Canada, les
multinationales et éventuellement l'introduction d'un troisième
joueur qui, potentiellement et juridiquement a le droit mais en fait ne l'a pas
fait, c'est-à-dire SOQUIP. Et, sur le plan gazier, eh bien,
effectivement, le contrôle sera aussi partagé entre le public et
le privé québécois et autre, et le public
québécois par l'intermédiaire de SOQUIP et de la Caisse de
dépôt.
Quatrième hypothèse - je l'ai dit tout à l'heure -
le rapport entre le taux de croissance économique et le taux de
croissance énergétique. Mon hypothèse à disputer
est effectivement de 0,7, donc je m'inscris un peu en faux concernant les
hypothèses qui sont derrière les chiffres qui ont
été présentés soit au ministère ou
ailleurs.
En troisième lieu, les objectifs. Pour ne pas prendre beaucoup de
votre temps, je dirais que je suis d'accord grosso modo avec les objectifs du
livre blanc de 1978 mais avec un peu, non pas de modifications, mais
d'insistance sur le problème très important, à mon avis,
qui n'est pas linguistique mais qui est fondamental entre autonomie et
diversification. L'autonomie, en termes bien stricts, veut dire diminuer les
importations des sources d'énergie de l'extérieur
l'extérieur, dans ce cas, est les autres provinces canadiennes et
l'étranger - pour pouvoir susciter à l'intérieur du
Québec les sources nécessaires pour pouvoir subvenir à la
consommation intérieure. Voilà comment je définis
l'autonomie. Plus les importations de l'extérieur, définies comme
je viens de le faire, diminuent, plus le degré d'autonomie augmente.
Par contre, la sécurisation des importations c'est une autre
paire de manches. On peut effectivement considérer qu'un des moyens
puissants pour sécuriser la situation énergétique est de
la diversifier. D'ailleurs, le gouvernement du Québec s'est rendu compte
facilement, et c'est pour cela que l'option gazière a été
mise sur la table il y a deux ans, c'est une diversification. De la même
manière, et ce sont là les motivations qui m'incitent à
faire des recommandations dans les secteurs pétrolier et gazier, nous
sommes actuellement dans une situation où on a le choix entre les
importations de l'OPEP, les importations non-OPEP et les importations de
l'Ouest canadien. Il faut jouer sur ces trois plans simultanément. Je
dirai tout à l'heure pourquoi.
C'est pour cela que je dis diversification et peut-être pas
autonomie mais avec l'objectif de sécuriser effectivement l'ensemble de
la situation énergétique.
Le deuxième objectif c'est que je suis un adepte du marché
et des lois économiques de l'offre et de la demande mais quand
même un adepte qui ne se veut pas aveugle. Autrement dit, je
considère que le secteur public peut pénétrer ou modifier
ou coordonner là où le marché fait des ratés. Dans
notre monde actuel le marché fait effectivement des ratés parce
qu'il s'éloigne, comme vous le savez, des manuels d'économie que
nous enseignons à l'université.
Énergie et développement économique, finalement,
comme objectif. Je considère qu'on peut toucher cet objectif de deux
manières, avec deux volets possibles, non seulement considérer
l'énergie comme un vecteur de développement économique.
Baisser les prix de l'électricité pour susciter des industries
c'est bien, mais il y a encore mieux, soit considérer l'énergie
comme matière première et, facteur entraînant de
l'activité économique, c'est-à-dire essayer de la lier aux
programmes de recherche et de développement et au virage technologique.
C'est là que je vois l'interconnexion entre plusieurs documents du
gouvernement du Québec ces dernières années, Bâtir
le Québec I et II, le Virage technologique et la politique
énergétique. C'est dans ce sens-là qu'on peut aussi
creuser le problème.
Voilà donc concernant les objectifs. Je passe maintenant en
dernier lieu sur les politiques. Je vais directement au but et d'une
manière peut-être un peu brutale, quitte à y revenir. Les
politiques concernant le pétrole d'abord. Étant donné la
situation que j'ai décrite, j'ai soutenu dans mon mémoire qu'il
faut que le Québec s'intéresse au secteur pétrolier parce
que, veux veux pas, le secteur pétrolier continuerait avec n'importe
quelle projection que vous pouvez faire, à occuper une partie importante
du bilan énergétique du Québec durant les prochaines
années.
Par conséquent on ne peut pas se désintéresser de
ce secteur. Il faudrait donc se demander comment faire pour essayer non pas de
le contrôler mais d'exécuter le mandat du secteur témoin,
ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent, à
mon avis, pour des raisons diverses.
Je dirais que, d'abord et avant tout, il faudrait une implication au
plan de l'exploration qui tiendrait compte non seulement du Québec, de
l'Ouest et de l'Est canadien, ce qui se fait, ce qui se fait bien et
heureusement, mais aussi de l'extérieur, c'est-à-dire de ces
fameux pays non membres de l'OPEP. Dans ces fameux pays non membres de l'OPEP,
bien entendu, je ne suis pas naïf, le Québec peut être
handicapé diplomatiquement ou politiquement. C'est pour cela que j'ai
avancé l'idée que le Québec, par sa société
SOQUIP, peut, conjointement avec Petro-Canada
International, faire quelque chose sur le plan de l'exploration à
l'extérieur.
Si vous me permettez, M. le Président, je vous indiquerai ceci:
la semaine dernière il y a eu, ici à Québec, par
l'intermédiaire de l'Université Laval et du GREEN que j'ai
l'honneur de diriger à l'université, un séminaire qui a
groupé 20 directeurs généraux de quinze pays africains
différents. Le président-directeur général d'Elf
Aquitaine d'Amérique du Nord, M. Portai, est venu parler à ces
messieurs du problème d'exploration-développement. Petro-Canada
International était là et on s'est rendu compte - et je vous
transmets tout simplement ce qui a été dit - qu'il y a eu
unanimité de la part de tous ces représentants de quinze pays
différents pour dire que la formule Petro-Canada International
était vraiment originale pour une simple raison: c'est que personne ne
va investir dans l'exploration, ou avec beaucoup de difficulté. Les
compagnies multinationales n'explorent que là où il y a des
indices - à 100% ou presque - sérieux pour aller investir dans
l'exploration, le développement et la production. Par conséquent,
quand il y a des indices mitigés ou à 75%, elles sont un peu
antirisques si vous voulez, et je les comprends. (10 h 45)
Par contre, Petro-Canada International, avec des sommes relativement
modestes, essaie d'aider ces pays à explorer, à passer le cap de
l'exploration pour ensuite les laisser se développer puisque s'il y a
des prospects intéressants, ils peuvent prendre ces prospects et se
faire financer par les banques, et celles-ci financent quand il y a des
prospects intéressants.
Alors, c'est par cet intermédiaire que je dis que le
Québec a les connaissances
techniques dans l'exploration, le développement et la production,
des connaissances nord-américaines, mais en français. C'est ce
que veulent la plupart de ces pays; ils veulent diversifier leurs
fournisseurs.
Il y a là une occasion, je ne dirais peut-être pas à
saisir, mais au moins à étudier, à développer.
C'est dans cet esprit en tout cas que j'ai fait la chaîne du
raisonnement. Si le Québec, d'une part, s'intéresse selon une
formule donnée avec Petro-Canada International qui, effectivement, n'a
pas les connaissances données en français - ce que le
Québec a; donc, cela fait l'affaire des deux - une partie de la
situation, c'est l'intérêt dans l'exploration outre-mer.
L'autre partie, c'est qu'étant donné la situation
internationale aujourd'hui et dans l'avenir, ce que je viens de dire tout
à l'heure, eh bien, il y a des possibilités d'achat de brut sur
le plan international, non pas sur le marché spot, mais de
société d'État à société
d'État, avec une formule d'achat de brut et de vente de technologie,
c'est-à-dire des accords de compensation de ce genre. Ceci dynamiserait
l'économie québécoise qui est nécessairement
vouée à l'exportation pour les prochaines années. Si on
n'exporte pas notre connaissance, nos produits, il y aura un certain handicap
dans la poursuite de la croissance économique. Là aussi, dans mon
esprit, il faut lier les deux: achat de brut et vente de la technologie et des
produits québécois selon des procédures, selon des
formules à voir.
C'est dans cet esprit qu'on peut ensuite descendre d'un cran et parler
de raffinage et de distribution. On y reviendra, la situation du raffinage a
fait l'objet de plusieurs mémorandums ici et le fera aussi dans
l'avenir.
Mon opinion là-dessus est la suivante, très
ramassée: II me semble, vis-à-vis de ce que je viens de dire
concernant l'achat de brut et l'exploration dans les pays étrangers,
qu'il ne serait pas déraisonnable que SOQUIP, par exemple, ou une autre
société québécoise, publique et privée,
puisse contrôler 25% du marché d'ici 10 ans. Mais quel
marché? Celui de la distribution d'abord et avant tout. Parce qu'elle
réglera en même temps - j'espère qu'elle puisse le
régler, c'est mon souhait - le problème des indépendants,
de ce qu'on appelle les indépendants québécois. Si la
rationalisation -un mot très gentil pour dire la guerre entre les
compagnies - continue, eh bien, effectivement, ce secteur des
indépendants aura de la difficulté à survivre. Il y a
là, je ne dirais pas protection, il ne s'agit pas de protéger des
secteurs "mous", mais il s'agit effectivement de dynamiser un secteur, sans
parler du secteur de la pétrochimie qui dépend de la place de
Montréal comme centre de raffinage, et cela peut effectivement porter
préjudice à ce secteur important de l'activité
économique si la situation du raffinage subit des dommages
importants.
Donc, on doit trouver une formule concernant une société
coopérative, entre publique et privée, avec des
intérêts québécois de part et d'autre pour jouer une
partie de la distribution, quitte, dans un premier temps, peut-être - on
doit étudier le problème - à raffiner à
façon, de telle sorte que le pétrole qui vient de
l'extérieur, ou une partie qui vient par des achats de pétrole
brut de société d'État à société
d'État et qui vient des explorations éventuelles, peut-être
avec Petro-Canada et d'autres, puisse finalement trouver les canalisations dans
la distribution et le raffinage qui est une opération qui peut se faire
à façon. Voilà donc concernant le secteur
pétrolier.
Concernant le secteur gazier, sa justification dans mon esprit est tout
à fait directe et ne pose aucun problème. En partant de
l'objectif de la diversification, oui, je suis pour la
pénétration du gaz naturel puisqu'il répond à
l'objectif que je viens d'indiquer, et aussi parce que le gaz naturel est une
source de matières premières qui peuvent être
utilisées éventuellement dans la création d'autres
entreprises. Maintenant, le problème n'est pas de souhaiter que le gaz
pénètre, mais de voir quelle est la politique parce qu'il rentre
dans un contexte pour le moins difficile. Qu'est-ce que j'ai à proposer
concernant, je ne dirais pas la solution de la pénétration du
gaz, mais dans le but de créer moins de problèmes pour cette
pénétration sans pour autant handicaper la source
d'énergie autochtone qu'est l'électricité?
D'abord et avant tout, on ne peut que faire pression sur le gouvernement
fédéral, et ce n'est pas au Québec de prendre la
décision, pour faire augmenter le prix "made in Canada". D'abord
l'abolir aussi simplement et suivre le prix international, parce que, en
faisant cela, le prix du pétrole va augmenter et s'il augmente il sera
dissuasif pour la consommation pétrolière. C'est ce qu'on veut.
On veut diminuer la consommation pétrolière. Donc, il faut que le
prix du pétrole monte au niveau international. Bien sûr, on est au
Canada et cela peut avoir des implications et des effets sur les indices
économiques globaux. Mais alors, il faut profiter de la situation
d'aujourd'hui, au moment où le prix du pétrole est effectivement
stabilisé et où la marge qui reste encore entre le pétrole
canadien et le pétrole international n'est pas si grande, elle est de
10%. Il faut profiter de cette situation, dis-je, pour faire monter le prix
pour permettre au prix pétrolier d'être dissuasif par rapport
à la consommation.
Deuxième volet de ma proposition, c'est de libéraliser
complètement le prix du gaz naturel au Canada à la tête du
puits bien entendu. C'est une vérité de La Palice, le gaz naturel
n'arrive pas à se vendre aux Etats-Unis. Le gaz naturel du Canada arrive
difficilement à se vendre aux États-Unis. Pourquoi? Pour une
raison simple, c'est qu'aux États-Unis, on a libéralisé le
prix énergétique, soit du pétrole, soit du gaz, tandis que
le prix canadien est un prix indexé au prix du pétrole. C'est un
indice clair pour dire que le gaz ne peut pas pénétrer
facilement. Il va créer des problèmes si le fédéral
n'accepte pas, avec les provinces productrices, de libéraliser le prix
du gaz. Or, qu'est-ce qui se passerait si on libéralisait le prix du
gaz? Étant donné que les réserves de gaz au Canada sont de
loin supérieures aux réserves pétrolières, il y
aurait par ailleurs, toute chose étant égale, une baisse relative
des prix du gaz par rapport au pétrole, ce qui stimulerait la
consommation gazière. C'est ce que nous voulons.
Combiner ces deux politiques avec l'espoir que la consommation
énergétique augmenterait avec la reprise économique, ce
qui diminuerait les surplus d'Hydro-Québec et combiner au fait
très justifié et très valable d'exporter les surplus vers
les États-Unis comme politique temporaire, tout ceci mis ensemble, il me
semble qu'on pourrait passer le cap difficile et permettre peut-être
maintenant de s'occuper des choses à une vision de long terme,
concernant, par exemple, le rôle d'un secteur public et privé
québécois dans le domaine du pétrole. J'insiste en
conclusion parce que je considère qu'il n'est pas souhaitable qu'on
risque des réveils difficiles. Il n'est pas souhaitable de ne pas
s'occuper du secteur pétrolier qui, encore aujourd'hui, occupe environ
60% de la tarte ou du bilan énergétique en se disant
qu'après tout, d'ici dix ans, on aurait le gaz naturel et
l'électricité. Mais il faut aussi dire que le pétrole,
pour les dix prochaines années, continuera à occuper une place
importante du bilan énergétique et, par conséquent, il
faudrait passer aux actes, mais aux actes réfléchis. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Ayoub. La
parole est maintenant au ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: Merci, M. Ayoub. Bien sûr que votre
exposé ouvre des avenues, je ne dirai pas pour un échange d'une
demi-heure, mais certainement pour de longs colloques. Ce n'est peut-être
pas à moi de faire les excuses, mais je me demande si on cherche du
pétrole ou du gaz autour de l'Assemblée nationale. Depuis presque
sept ans qu'on fait des travaux tout le tour de la bâtisse, je me demande
si on va finir par trouver quelque chose, du moins ce que l'on cherche. Tout
cela pour vous dire que vous avez toutes nos excuses pour le bruit qui
empêche une meilleure compréhension.
Je voudrais d'abord vous dire que concernant le ratio de 0,7 entre la
croissance du PIB et la croissance de la demande d'énergie - je ne sais
pas si cela va en faire un de plus dans vos tableaux - le ministère de
l'Énergie et des Ressources retient également ce ratio de 0,7, ou
du moins autour de 0,7, jusqu'à ce que ce chiffre soit contredit. Cela
va rester, je pense, une base de référence dans nos calculs qui
est la plus probable pour les présentes années.
Je voudrais d'abord, puisque vous l'avez abordé à la fin
de votre exposé et, auparavant, à peu près au coeur de
votre énoncé, parler du fameux ménage à trois que
nous vivons au Québec, c'est-à-dire
l'hydroélectricité, le gaz naturel et le pétrole. Pour ce
qui nous intéresse d'une façon plus directe, du point de vue du
Québec, il est bien certain qu'on peut agir sur deux des composantes,
c'est-à-dire sur l'hydroélectricité et sur le gaz naturel.
Je dois vous dire que je suis passablement d'accord avec vous sur les effets
d'une déréglementation au Canada pour ce qui est du gaz naturel.
Il m'apparaît très clair, avec les niveaux connus des
réserves, que cela entraînerait très certainement une
baisse du prix du gaz naturel et que cela irait, bien sûr, aussi dans le
sens d'une accélération, puisque les consommateurs y verraient
très certainement leur profit. Mais, dans la mesure où nous
pouvons évaluer la situation telle qu'elle est actuellement au
Québec, d'une façon plus concrète, puisque de toute
manière la décision de déréglementer ou non le prix
du gaz naturel ne relève pas du gouvernement de Québec - vous
êtes ce que j'appellerais un des rares experts québécois
qui a ses lettres de noblesse sur le plan international dans ce genre de
dossier; vous avez également occupé des postes de commande
importants, en particulier la présidence du conseil d'administration de
SOQUIP - qu'est-ce qu'on pourrait faire davantage pour harmoniser, si cet
objectif est réalisable ou souhaitable, le rythme de
pénétration du gaz naturel au Québec en fonction des
objectifs de la politique énergétique? Vous avez dit que vous
étiez, en gros, d'accord avec les objectifs. Qu'est-ce qu'on pourrait
faire davantage pour assurer la franche pénétration du gaz
naturel au Québec en même temps qu'on maintiendrait cet
équilibre entre les différentes sources d'énergie et, en
particulier, en maintenant le cap d'hydroélectrifier le Québec
à 41% à l'horizon de 1990 et à 50% à l'horizon de
l'an 2000? Qu'est-ce qu'on pourrait faire
davantage?
M. Ayoub: M. le Président, effectivement, la question que
M. le ministre me pose est très directe, mais elle est complexe. Je
reconnais, comme il l'a dit, étant donné que le prix du gaz,
finalement, est décidé par le fédéral, que la
commande du ménage à trois devient d'autant difficile. Qu'est-ce
qu'on peut faire pour répondre directement à cette question? La
première chose, c'est effectivement pousser et exercer une pression
vis-à-vis du gouvernement fédéral et des provinces
productrices, c'est-à-dire l'Alberta en l'occurrence; donc exercer des
pressions continues ayant pour objet de déréglementer le prix du
gaz. Et nous avons un dossier qui se défend très bien, puisque si
le prix du pétrole continue sa chute ou son érosion, si, d'autre
part, le gaz naturel n'arrive pas à pénétrer le
marché américain adjacent et si, troisième facteur, le
gouvernement fédéral subventionne à coup de 500 000 000 $
la pénétration du gaz au Québec, il faut quand même
rentabiliser ces investissements. Il faut avoir une politique cohérente
pour les rentabiliser et non pas, par exemple, donner d'une main 500 000 000 $
quand la politique gazière fait en sorte que cette
pénétration ne se ferait pas ou se ferait avec retard. Tous ces
éléments mis ensemble donnent au dossier du Québec une
allure qui se tient pour exercer des pressions vis-à-vis du gouvernement
fédéral et des provinces productrices pour les inciter à
déréglementer le gaz. Cela est le premier point. (11 heures)
Deuxième point... Maintenant je ne sais pas, je suis même
persuadé enfin que des pressions en ce sens s'exercent. Je ne connais
pas leur intensité ni leur résultat.
Deuxièmement, il est vrai, je l'ai souligné, que la
politique de vendre le surplus d'hydroélectricité aux
États-Unis - je dis bien le surplus actuel - est la politique à
suivre, parce que plus on vend vers les États-Unis, plus on diminue la
pression de cette fameuse concurrence entre le gaz et
l'électricité dans le secteur industriel, comme on le sait.
Troisièmement, et c'était l'objet d'une des
recommandations, si la pression se fait vis-à-vis du
fédéral et des provinces productrices - peut-être que cela
aussi est un des éléments de négociation, de compensation
- on augmente le prix du pétrole, mais on laisse libre le prix du gaz.
On augmente le prix du pétrole au niveau international, ce qui fait
l'affaire aussi de l'Alberta. Cela a été sa demande depuis les
négociations entre Edmonton et Ottawa. C'est très bien. C'est que
l'Alberta dit à juste titre: Pourquoi dois-je être traitée
comme un producteur spécifique de pétrole et non pas comme tous
les producteurs de pétrole partout au monde, c'est-à-dire au
Mexique, en Arabie Saoudite et ailleurs? Le prix de mon pétrole doit
être relevé suivant le marché international, ce qui
répondrait à un "bargain", si vous me permettez l'expression,
entre le prix du pétrole et le prix du gaz.
Voilà ce qu'on pourrait humainement faire à
côté, bien entendu, de tout ce qui a déjà
été fait concernant la détaxation du gaz au niveau
québécois, les augmentations des normes de pollution pour
désinciter à la consommation du mazout, etc. Ce que je crains
très sincèrement, c'est que si le prix du pétrole
continue, comme cela semble être le cas, à se stabiliser à
la baisse, il y aura des pressions sérieuses pour concurrencer et le gaz
et l'électricité à l'intérieur du Québec
parce que, en plus de ce phénomène, le mazout lourd est un
produit joint dans la production. Autrement dit, les raffineurs peuvent,
à la limite, je ne dirais pas brader, mais baisser beaucoup le prix pour
faire pénétrer ou pour couper court à la
pénétration d'autres sources de rechange et pour occuper le
marché.
C'est une politique, certes, à court terme, mais c'est une
politique qui pourrait se faire par un raffineur dynamique, stratégique
et agressif. Là aussi, il faut faire très attention et voir si le
vent sur le plan international souffle du côté de la baisse et non
pas du côté d'une certaine hausse. Mais comme on ne peut pas
commander tout, au moins qu'on commande ce qu'on peut et qu'on s'ajuste. Je
trouve que le noeud du problème, qui ne règle pas le
problème une fois pour toutes, mais quand même le noeud du
problème est effectivement la politique fédérale des prix
"made in Canada", soit du pétrole, soit du gaz, et qu'il serait
très souhaitable - le plus tôt serait le mieux - de
complètement abolir cette politique. D'ailleurs, il suffit de regarder -
parce qu'on regarde souvent nos voisins du sud et on les copie, ce n'est pas
péjoratif - le président Reagan. Depuis qu'il est au pouvoir,
depuis qu'il est aux affaires, ce qu'il a fait c'est effectivement de
déréglementer et les États-Unis ne vont pas mal. Bien au
contraire. Je donnerai seulement un chiffre de mémoire. À la fin
de la période Carter, la consommation pétrolière des
États-Unis dépendait à 50% des importations de
l'étranger. Aujourd'hui, elle en dépende à 30%. Donc, la
politique d'autonomie, si vous voulez, ou de sécurisation des
importations pétrolières se fait par une politique de prix que je
dirais de prix raisonnable, de prix du marché. Voilà ce que je
vois.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais aborder un autre sujet. On est toujours
fasciné
d'entendre un expert nous parler des prévisions sur les fameux 29
$ le baril qui pourraient, en termes nominaux... Si je comprends bien vos
propos, suivant toute probabilité, le baril de pétrole serait
à 29 $, donc un prix constant jusqu'en 1985, ce qui voudrait dire, en
termes réels, une diminution et, après 1985, on suit l'inflation
qui pourrait être de 5%, 6% ou 7% de sorte que pour la présente
période jusqu'en 1990, il y aurait une augmentation de 1%.
Supposons, pour l'instant, que le prix du pétrole... Est-ce que
c'est possible, malgré toutes les boules de cristal qu'on pourrait
consulter... on est devenu un peu méfiant parce qu'il n'y a personne qui
a discuté du premier choc pétrolier à l'Institut Khan et
il n'y a personne parmi les meilleurs futurologues du monde qui l'ont vu venir.
Lorsque le premier choc pétrolier est arrivé, ils ont dit: Bon,
celui-là, c'est vraiment le dernier. Il en est venu un second. J'avoue
que j'entretiens des craintes à ce sujet et je n'ai pas d'idée
dans quelle direction cela partira.
Avec raison, vous référez au prix de
référence du pétrole de l'Arabie Saoudite, à
qualité de brut égale bien sûr, mais j'aimerais vous
entendre là-dessus. Il y a deux faits qui me frappent: l'Arabie Saoudite
au premier trimestre de 1983, pour la première fois de son histoire,
encaisse un déficit commercial. Malgré des revenus
pétroliers très élevés, au premier trimestre de
1983, l'Arabie Saoudite encaisse un déficit commercial. Je regarde
également les niveaux d'endettement des pays producteurs de
pétrole qui sont rendus tels que la pression sur eux va dans le sens de
diminuer les prix à l'exportation et, en conséquence, retrouver
ce que vous décrivez vous-même comme étant une situation
où il y a davantage de produit offert qu'il n'y a de demande sur les
marchés internationaux. Est-ce que la dette extérieure, le
problème de financement des dettes extérieures des pays
producteurs de pétrole ne sera pas, dans les années qui viennent,
le premier facteur qui déterminera le prix du baril de pétrole
à l'exportation? C'est ma première question.
La deuxième, autour du golfe Persique, les grands pays
producteurs membres de l'OPEP, il y a toujours un baril de poudre aussi. Il n'y
a pas beaucoup de monde qui croyait, il y a quinze ans, qu'il y aurait une
révolution islamique en Iran; il n'y a pas beaucoup de monde non plus
qui pensait que l'Irak et l'Iran seraient en guerre depuis maintenant
au-delà de deux ans; il y a là aussi beaucoup d'incertitude. Sur
quoi se base les scénarios qui vous amènent à dire que
d'ici à 1990, par exemple, on peut croire que le prix du baril de
pétrole, en termes réels, n'augmentera que de 1%? Je souhaiterais
que vous ayez raison mais j'avoue que j'ai des doutes. Est-ce que vous pourriez
nous éclairer davantage?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, la question que pose M. le
ministre est actuellement débattue un peu partout dans les pays soit
consommateurs ou producteurs. Avec votre permission, je voudrais d'abord
répondre aux deux questions qu'il m'a posées directement et, en
troisième lieu, dire quelques mots sur les facteurs qui me poussent
à ce genre de scénario, le scénario de 1% grosso modo.
D'abord, la relation entre les dettes des pays producteurs et la
fixation des prix. Il est vrai qu'un des facteurs qui poussent aux
revendications d'une augmentation des prix est la situation mauvaise de la
plupart de ces pays sur le plan financier. Je dis de la plupart pour faire la
différence avec des pays comme l'Arabie Saoudite, le Katar, les Emirats
arabes unis, le Koweit. Pour ces quatre pays que je viens d'indiquer, la
situation, bien sûr, n'est pas aussi rose qu'il y a deux ou trois ans,
mais elle est confortable. Autrement dit, ils ont des réserves
financières imposantes. L'Arabie Saoudite a environ 150 000 000 000 $ de
réserves qui leur rapportent chaque année, seulement en
intérêts sur ces réserves, grosso modo environ 15 000 000
000 $ à 20 000 000 000 $ sinon plus. Donc, c'est comme s'ils avaient une
autre source pétrolière avec cela. C'est ce qu'ils ont fait; ils
ont transformé le pétrole en dollars et ces dollars sont investis
et rapportent de l'argent.
Donc, leur situation est certes plus serrée. On a vu que, pour la
première fois, leur budget de fonctionnement a subi quelques
compressions. On n'est pas les seuls à avoir des compressions ici,
même des pays excessivement riches comme l'Arabie Saoudite en ont, mais
quand même, je ne peux pas comparer la situation de l'Arabie Saoudite
à celle de l'Indonésie, de l'Algérie, du Venezuela, qui
est à la limite du tolérable, endettée etc.
Alors, il est vrai que le groupe des pays endettés va et a
toujours continué - c'était là sa politique - de faire
pression sur l'ensemble des pays de l'OPEP pour augementer les prix pour
pouvoir compenser ces dettes. Mais il y a une marge entre la volonté de
ces pays de vouloir compenser leur déficit par une augmentation de prix
et par la réalité de cette augmentation elle-même,
c'est-à-dire en termes plus clairs encore, qu'ils peuvent demander la
lune, mais la lune ne leur est pas acquise nécessairement, pour une
raison simple: ils se retrouvent dans la situation des autres pays en
développement qui ont des matières premières et qui vous
disent ceci: Nous avons des matières premières; les prix des
matières premières ne sont pas stabilisés, ils
fluctuent, ils vont à la baisse et voilà pourquoi on est
structurellement déficitaires et endettés. Stabiliser nos prix,
c'est ce qu'ils essaient de faire, augmenter nos prix, depuis 25 ans, ils n'ont
que cela à la bouche, mais cela n'a pas été une
réalité que les prix, par exemple, du café, du thé
et du cacao etc. ont été stabilisés ou ont augmenté
en termes réels année après année, d'où
effectivement la situation structurellement déficitaire des pays en
développement producteurs ou monoproducteurs des matières
premières.
Donc, il est vrai que les pays producteurs déficitaires vont
jouer cette carte, mais il n'est peut-être pas aussi évident
qu'ils auront gain de cause pour l'augmentation des prix et cela pour une
raison simple: si le marché ne permet pas cette augmentation, je ne
croirai pas que cette augmentation pourrait avoir lieu.
Je me suis livré, ces derniers mois, à l'exercice suivant:
j'ai regardé les prix spot sur le marché libre, durant les dix
dernières années. J'ai regardé aussi, selon une courbe,
les prix officiels de l'OPEP c'est-à-dire du "marker crude" de l'Arabie
Saoudite. Ce que j'ai remarqué, c'est que systématiquement, sauf
quelques exceptions, mais vite corrigées, le prix officiel de l'OPEP
suivait le prix spot du marché et même le suivait avec un peu
moins. Autrement dit, quand le prix spot est de 30 $, le prix du marché
officiel est de 29 $ et ainsi de suite. Alors, il me semble que l'histoire de
la dette - pour en finir avec la dette - jouerait, mais moins, parce qu'il y a
un autre facteur en Arabie Saoudite surtout qui est très important.
C'est que l'Arabie Saoudite ne veut pas de l'augmentation des prix et n'a pas
voulu de l'augmentation de prix de 1979-1980, pas à cette allure, mais
elle a été forcée de l'accepter étant donné
la situation en Irak, en Iran, dans le golfe Persique et la révolution
de Khomeiny, ce qui m'amène au deuxième point.
Il est vrai qu'on peut tous se tromper. La situation au Moyen-Orient
contient effectivement beaucoup de matières inflammables. On le voit
chaque jour. Ce qui se passe, ce qui pourrait se passer entre l'Iran et l'Iraq
peut effectivement menacer la situation des marchés pétroliers.
Mais alors là, attention! Je suis de plus en plus convaincu d'une chose,
soit qu'effectivement, un embargo, une interruption des importations du flux
pétrolier mondial, peut intervenir par le fait de la situation politique
à chaud, une guerre vraiment chaude, mais qui sera de courte
durée, relativement. C'est cela qu'a compris l'Agence internationale de
l'énergie qui a pratiqué la politique du stockage
stratégique, ce fameux partage du stock quand il y a une période
d'instabilité sur le marché à la suite d'un fait subi
aggravant la situation par des problèmes d'ordre politique. (11 h
15)
On ne peut pas, à mon avis, on ne doit pas pouvoir dire qu'on
peut complètement écarter tout risque politique, il faut vivre
avec. Qu'est-ce qui se passerait? Deux scénarios peuvent être
possibles. Si, demain matin, il y a aggravation de la guerre dans le golfe
Persique et si l'Iran met à exécution, parce que l'Iraq l'a
attaqué avec les Exocet, la menace de fermer le détroit d'Ormuz,
il se passerait qu'effectivement, pendant un certain temps, il y aurait
problème d'approvisionnement. Les prix sur le marché "spot"
flamberaient comme ils ont eu l'occasion de le faire en 1979-1980. Ils
flamberaient mais ce serait une flambée de courte durée puisque
la situation du marché, fondamentalement, est une situation qui est en
faveur de la baisse. Ce qui m'amène à la troisième
question: Quels sont les facteurs qui vous poussent à croire que ce
scénario peut être crédible?
Avec toutes les réserves qu'on vient de mentionner, voilà
pourquoi je dis cela. D'abord, parce que la consommation américaine a
subi ces derniers quatre ans, par la politique du président Reagan, une
baisse draconienne et, à mon avis, la plus importante partie de cette
baisse est permanente. Le président Reagan a clarifié la
situation. Il a libéralisé les prix. La consommation
énergétique des États-Unis a baissé de 19 000 000
de barils-jour à 15 000 000 de barils-jour, donc 4 000 000 de
barils-jour de différence. C'est énorme sur le plan mondial. La
consommation américaine est un point clef pour la compréhension
de la situation mondiale, comme l'Arabie Saoudite est une situation clef pour
comprendre du côté de l'offre. Donc, du côté de la
demande la politique américaine va dans le sens d'une orientation... La
plus grande partie de cette baisse est une baisse d'ordre structurel qui a
permis aux Américains pour la première fois, puisque les pays
européens: France, Allemagne, Italie, le Japon, etc., ont fait leur
mini-révolution d'économie d'énergie dès le premier
choc et à la suite de ce premier choc...
Le Canada et les États-Unis ont pris du temps pour la faire
puisqu'on avait un décalage de prix entre le prix intérieur, aux
États-Unis et au Canada, et le prix international. Ce qui fait que les
consommateurs américains et canadiens n'ont pas subi de plein fouet le
premier choc pétrolier et le deuxième choc pétrolier.
À compter de 1981, soit au Canada avec l'augmentation à la suite
du programme énergétique national, soit aux États-Unis,
effectivement, les prix ont augmenté. Ils ont suivi le prix
international, d'où une baisse de la demande. Voilà un
facteur.
Deuxième facteur. J'ai parlé des pays
non membres de l'OPEP. Dans ces pays, il y a un phénomène
très important à souligner et il l'a été dans mon
mémoire. Durant toutes les années de 1973 à 1979, la
production des pays non membres de l'OPEP a été en pratique
stabilisée à 17 500 000 de barils-jour. Voici que, par le fait de
l'augmentation du deuxième choc pétrolier, le mouvement
d'exploration et de développement dans ces pays... Le grand exemple
c'est le Mexique, mais il n'est pas exclusif. Il y a la mer du Nord en
Angleterre, la Norvège dans les pays industrialisés et en voie de
l'être; dans les pays africains, une multitude de pays qui se sont
lancés soit directement soit par l'intermédiaire de compagnies
dans l'exploration. Je cite l'Angola, par exemple, le Cameroun, la
Côte-d'Ivoire, le Congo.
Tous ces pays, certes, produisent ou sont en train de vouloir produire
dans un ou deux ans des quantités qui peuvent paraître
négligeables soit 50 000 barils-jour. Quand vous additionnez tout cela,
cela donne au niveau statistique le phénomène suivant: on a
passé de 17 500 000 ou 18 000 000 à presque 23 000 000 de
barils-jour pour les pays non membres de l'OPEP. Cela est permanent. C'est par
rapport à ces pays que votre argumentation concernant la dette
extérieure joue pleinement.
Un pays comme le Mexique, étant donné qu'il a des dettes,
étant donné d'autre part qu'il ne peut pas influer sur les prix,
qu'est-ce qu'il va faire? Il va augmenter sa production pour compenser par
l'augmentation de la production la baisse des prix. D'où, quand il le
fait, lui et les autres, augmentation globale de l'offre et d'où une
situation où l'offre est supérieure à la demande.
Voilà donc un deuxième facteur qui me semble important, cette
fois-ci, du côté de l'offre.
Le troisième facteur - je termine là-dessus - est le
suivant. Le scénario que j'ai laissé concernant la guerre du
golfe, je le reprends maintenant. Si effectivement, au lieu d'une guerre
à outrance entre l'Iraq et l'Iran, les deux pays arrivent finalement,
après trois ans de guerre meurtrière, à arrêter la
guerre pour ne pas dire s'entendre, la première chose qu'ils vont faire,
peu importe qui sera au pouvoir - c'est de restaurer leur économie,
c'est-à-dire de remettre sur pied une économie qui a
été anémiée par une guerre de trois ans, ce qui
indiquerait que les deux vont essayer d'aller à leur capacité de
production qui est loin d'être atteinte aujourd'hui. L'Iraq produit
à peine 1 000 000 de barils-jour alors qu'il peut produire 3 500 000
barils-jour. L'Iran produit 2 500 000 à 3 000 000 barils-jour avec
difficulté alors que sa capacité de production est de 5 500 000
barils-jour.
La première réaction est effectivement une augmentation de
l'offre pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Cela aussi vient
s'ajouter du côté de l'offre pour indiquer que les prix peuvent
effectivement se stabiliser.
Finalement, un des joueurs majeurs, qui est l'Arabie Saoudite - je l'ai
dit, mais je le souligne maintenant - ne veut pas d'une augmentation de prix.
Permettez-moi de faire référence à un travail que j'ai
fait dès 1973 et 1974, où j'ai effectivement annoncé que
l'Arabie Saoudite, étant donné ses ratios
réserve-production, étant donné ses réserves
immenses, étant donné sa capacité d'absorption, a
intérêt à un plan lent. Autrement dit, à ne pas
faire flamber les prix tout de suite pour ne pas susciter des produits
substituts, car dans ce cas elle scierait l'arbre sur lequel elle est assise.
Au contraire, elle a besoin d'une période très lente et cette
période très lente correspond parfaitement à une politique
plus ou moins modérée des prix, mais à une politique des
prix modérés pour le long terme. C'est d'ailleurs ce que je vois,
le ministre saoudien Yamani, qui est en même temps le président du
groupe de la politique à long terme de l'OPEP, qui a refait jour
après ces bouleversements récents, qu'est-ce qu'il demande? Ce
comité du long terme, présidé par Yamani, demande que le
prix du pétrole soit, grosso modo, indexé au taux de croissance
économique de la moyenne des pays industrialisés. Ce qui prouve,
au-delà de toute autre possibilité, que l'Arabie Saoudite est en
faveur d'une modération sur le plan des prix et son mot, étant
donné qu'elle est le producteur marginal, est un mot qui peut se faire
respecter bien sûr en ouvrant les vannes quand il le faut et en les
fermant quand il le faut.
J'ai commencé mon exposé tout à l'heure en disant
que nous nous sommes tous trompés, il y a quelques années, dans
l'histoire de l'offre et de la demande et quand je dis tous, vous savez des
sommités, des gens qu'on entourait de beaucoup de respect et qu'on
entoure toujours, mais ce sont des situations très difficiles à
pouvoir diagnostiquer. Vous ne vous étonnerez pas, par exemple, qu'on ne
puisse pas répondre à la question: Quel serait le taux
d'inflation pendant les dix prochaines années ou le taux
d'intérêt? D'ailleurs, si on le savait, on serait vraiment
milliardaire, mais c'est une autre paire de manches.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je dois en premier lieu
remercier M. Ayoub d'être venu présenter son mémoire ce
matin. J'avais déploré, au mois de mars, le fait qu'il avait
indiqué que son mémoire était pour dépôt et
j'apprécie le fait que nous puissions dialoguer
avec lui, parce que lorsqu'on discute de ces problèmes
énergétiques qui ont un entraînement très important
sur le développement économique du Québec, il est
intéressant d'en discuter avec une personne renommée dans cette
matière et qui exprime un point de vue en toute indépendance
comme le fait normalement le monde universitaire.
J'ai apprécié le mémoire puisqu'il situe le
problème dans l'ensemble canadien et québécois et qu'il
met en lumière plusieurs des problèmes que nous vivons
présentement et que nous aurons à vivre dans les années
à venir, c'est le but de la commission parlementaire, puisque nous
cherchons à voir quel aspect de la politique énergétique
pourrait être modifié pour augmenter davantage le
développement économique du Québec. À ce sujet,
vous avez insisté et je voudrais reprendre certains des
problèmes.
Le premier, bien sûr, est à la page 8, où vous
faites un énoncé en ce qui concerne l'harmonisation du
pétrole, de l'électricité et du gaz. Vous dites, et c'est
assez précis comme énoncé: "Si aucune politique
d'harmonisation entre les trois sources d'énergie, pétrole,
électricité, gaz, n'est trouvée ni n'est mise en
application, le jeu de la compétition dans les conditions actuelles
entraînera probablement, sinon l'exclusion du gaz de la consommation, du
moins un retard considérable dans sa pénétration".
J'aimerais que vous m'indiquiez, dans un premier temps, quelles sont les
contraintes qui jouent présentement contre la pénétration
du gaz et quelle est, à votre avis, cette situation? Vous vous
référez au jeu de la compétition dans les conditions
actuelles. Pourriez-vous préciser pour les membres de la commission ce
que vous entendez par le jeu de la compétition dans les conditions
actuelles? Et, de quelle façon voyez-vous les contraintes qui peuvent
s'opposer, comme vous dites, à la pénétration du gaz au
Québec?
M. Ayoub: M. le Président, effectivement, j'ai eu
l'occasion d'effleurer ce sujet lors de ma réponse à M. le
ministre, mais je répondrai, si vous le voulez bien, par quelques
idées là-dessus. Effectivement, j'ai bien indiqué le jeu
de la compétition dans les conditions actuelles quand j'ai
rédigé - d'ailleurs, je ne trouve pas qu'elles aient
changé radicalement; peut-être qu'elles se sont
améliorées, je le dirai tout à l'heure. Mais, dans mon
esprit, les conditions actuelles sont celles-ci. D'abord, concernant le mazout
lourd, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il est un produit joint.
Chaque fois qu'on raffine un baril de pétrole, on a cela. Alors, c'est
un jeu qui est beaucoup joué. Quand on fait face à plusieurs
produits joints, il s'agit de fixer la tarification selon ce qu'on appelle
l'élasticité de la demande de chacun de ces produits. À la
limite, les raffineurs peuvent effectivement - et ils l'ont fait - jouer cette
carte-là pour pouvoir se débarrasser du mazout et, en même
temps, pour pouvoir couper l'herbe sous le pied d'un concurrent éventuel
qui serait le gaz naturel. Voilà un point qui est important.
Un deuxième point important touche -puisqu'on parle des
conditions - le gaz naturel lui-même, sa tarification. On peut se poser
la question: Est-ce que le prix du gaz naturel est adéquat? Est-ce qu'il
reflète les tensions du marché? Or, ma position sur ce
problème est très claire: je dis non. Et la raison en est que,
quand on dit qu'il reflète les tensions du marché, c'est qu'il
reflète les tensions de l'offre et de la demande. Or, l'offre, les
réserves pétrolières canadiennes sont de loin
supérieures à celles du pétrole. Par conséquent, je
ne vois pas, sauf par une politique "politicienne", si vous voulez, pourquoi le
prix du gaz doit être à ce niveau. Donc, déjà au
départ, le gaz est plus ou moins handicapé par rapport aux deux
autres sources. Si vous ajoutez l'histoire du jeu stratégique sur le
mazout lourd, il sera encore plus handicapé de pénétrer le
secteur industriel - c'est le secteur qui compte - et non pas peut-être
le secteur résidentiel.
Troisièmement, il ne faut pas se le dissimuler, il y a le
problème de surplus en électricité. Or, le surplus en
électricité, bien sûr Hydro-Québec passe par la
commission parlementaire et par le gouvernement pour faire accepter ses tarifs,
mais il demeure évident que, vis-à-vis de ce surplus
d'électricité, si on n'arrive pas à le vendre, cela
représente moins d'argent pour le Québec, n'est-ce pas? C'est une
perte qu'il faut reconnaître; c'est de l'eau qui coule sans contrepartie.
Vous savez, même sur le plan financier, pour le gouvernement du
Québec, c'est important qu'Hydro-Québec réalise des
bénéfices substantiels. Par conséquent, à la
limite, ils peuvent jouer sur la tarification pour permettre à
l'électricité de pénétrer, ou d'occuper, ou tout au
moins de pouvoir compenser une partie de ce surplus. C'est là que je dis
que la situation, dans les conditions que je viens de citer et au moment
où on veut faire pénétrer le gaz naturel, peut être
considérée comme une situation difficile. (11 h 30)
Certes, il faudrait nuancer concernant la consommation et la situation
du gaz naturel là où il est installé depuis des
années. Je parle de Montréal avec Gaz Métropolitain; la
situation est peut-être moins difficile que pour quelqu'un qui
n'était pas sur le marché, comme dans l'Est du Québec, et
qui veut pénétrer le marché. Normalement, quand quelqu'un
veut pénétrer le marché, il doit faire miroiter des
conditions que ses concurrents ne peuvent pas soutenir. C'est là
où je dis que peut-être cela demanderait un
coup de pouce, mais un coup de pouce qui ne serait pas une entorse
à la réalité économique. Je ne suis pas pour cela.
Je suis plutôt pour regarder la réalité économique
et se conformer à elle. Par conséquent, c'est cela qui me fait
aboutir à l'idée de libéraliser le prix du gaz pour
effectivement se livrer à une concurrence qui serait alors une vraie
concurrence saine. Puisque le prix du gaz serait libéralisé, le
mazout lourd, même si c'est au prix d'un produit joint, aurait un peu de
difficulté à se faire admettre dans les secteurs industriels. Et
surtout, la compagnie qui voulait faire pénétrer le gaz surtout
au Québec, dans la région de Québec et dans l'Est du
Québec, pourrait effectivement faire avancer l'argument que la politique
ou l'engagement qu'elle propose à ces industriels n'est pas à
court terme, mais à long terme, qu'il ne s'agit pas seulement de jouer
sur le mazout pour un an ou deux, mais de s'engager résolument dans le
gaz. Comme on a beaucoup de réserves et qu'il n'y a pas de
problème de sécurité d'approvisionnement, tout cela, ce
sont des atouts que les chefs d'entreprise peuvent effectivement évaluer
en disant: Après tout, je serai tranquille avec le gaz puisqu'il vient
du Canada. C'est un atout majeur, effectivement, mais les conditions sont
telles que la situation est relativement difficile.
J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'indiquer quelles seraient
les politiques à suivre, enfin...
M. Fortier: M. le Président, M. Ayoub a indiqué que
les conditions présentement ne sont pas trop différentes de
celles qui existaient. Est-ce que M. Ayoub serait d'accord pour dire que les
conditions sont quelque peu différentes de celles qui existaient il y a
trois ans ou quatre ans lorsque la décision a été prise
par les deux gouvernements de faire pénétrer le gaz au
Québec? Entre autres, on parlait beaucoup moins de surplus
d'énergie électrique à ce moment-là. On parlait
d'une politique des prix artificielle mise de l'avant par le gouvernement du
Québec, à savoir que le prix de l'électricité
serait supérieur a celui du gaz en particulier. Je crois que vous avez
raison d'insister sur le fait que les prix ont des conséquences
déterminantes sur le marché comme tel, mais en voulant jouer sur
les prix le gouvernement voulait s'assurer une certaine
pénétration du gaz surtout dans le secteur industriel. Alors, on
se trouve présentement, en ce qui concerne les prix, dans une situation
qui est tout à fait contraire. D'une part, l'électricité,
qui est vendue à des prix de dumping aux mêmes industries que
recherchent Gaz Inter-Cité ou Gaz Métropolitain se trouve
à couper l'herbe sous le pied à ces deux compagnies qui cherchent
à les obtenir comme clientes et, de fait, on se trouve devant une guerre
des prix qui n'assurera pas, justement, la pénétration du gaz
chez les industriels, dans les industries, ce qui est le facteur
déterminant de rentabilité pour ces sociétés de
distribution. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette analyse des
difficultés auxquelles font face les deux sociétés de
distribution du gaz, mais - je suis d'accord avec vous - plus
particulièrement Gaz Inter-Cité?
M. Ayoub: M. le Président, je voudrais répondre au
député. Il y a trois ans, la situation, à
l'évidence, n'était pas celle d'aujourd'hui, pour une raison
aussi simple que le pétrole flambait. Le prix du pétrole avait
vraiment atteint des sommets; c'était le deuxième choc
pétrolier. Deuxièmement, on ne parlait pas de surplus
d'électricité, bien au contraire. Hydro-Québec, si je me
le rappelle bien, faisait prévision sur prévision avec des taux
de croissance qu'on considère aujourd'hui faramineux, 7%, qui se sont
avérés complètement aberrants. Je ne critique pas les
prévisions parce que ce n'est pas facile de prévoir. Enfin,
c'était cela les prévisions. Par conséquent, il n'y avait
pas de problème de surplus et subitement, quand la décision a
été prise aux deux paliers de gouvernement de faire
pénétrer le gaz, si mes souvenirs sont bons, les conditions
étaient effectivement idéales. Tout le monde disait: Bien oui,
après tout pourquoi pas? On a du gaz, le gouvernement
fédéral subventionne, allons-y pour le gaz, d'autant plus que,
dans le livre blanc, c'était clairement indiqué qu'il y avait une
option gazière à deux têtes, si vous me permettez
l'expression: ou que le gaz continue à occuper, premier scénario,
6% jusqu'en 1990 ou un autre scénario qui doublerait la place du gaz
naturel à 12%. C'est le deuxième scénario qui a
été mis de l'avant, mais qui était déjà
indiqué dans le livre blanc de 1978. Donc, les conditions étaient
relativement positives pour la pénétration du gaz.
Sur ces entrefaites, des événements sont arrivés et
on ne peut pas dire qu'ils sont de la responsabilité soit du
gouvernement du Québec, ou même du gouvernement
fédéral. Il y a des choses qui nous dépassent, nous tous,
et c'est, par exemple, le prix du pétrole, c'est la consommation des
individus, finalement. C'est l'erreur d'Hydro-Québec qui s'est
ravisée pour dire: Non, ce n'est pas 7%, c'est 3%; d'où un
surplus important. On arrive là. À mon avis, on perdrait beaucoup
de temps à se demander: Pourquoi on est arrivé là? Quel va
être l'avenir?
Au sujet de l'avenir - je l'ai indiqué un peu en répondant
à M. le ministre - j'ai oublié d'indiquer une chose. Dans mon
esprit je peux me tromper - la situation conflictuelle ou de concurrence dans
des
situations très difficiles, je l'espère, durera au maximum
deux ou trois ans si mes prévisions concernant la croissance
économique et la croissance énergétique arrivent à
se justifier. Autrement dit, si effectivement le taux de croissance de la
consommation énergétique augmente - et il peut augmenter pour les
raisons que j'ai indiquées - il y aurait moins de surplus
d'électricité. Par conséquent si - deuxième
hypothèse - on arrive à vendre aux États-Unis, eh bien, il
y aurait moins de surplus, donc, à la limite, il faut aménager le
ménage à trois pendant les deux ou trois années, un modus
vivendi entre les trois.
M. Fortier: Vous dites qu'à moins qu'il n'y ait arbitrage,
dans une optique de développement économique qui ferait augmenter
l'accroissement de la demande énergétique - je retiens ce que
vous venez de dire - la grande partie des surplus d'énergie
électrique pourrait disparaître. On pourrait même, si on
fait de l'exportation, penser à relancer les projets qui ont
été mis de côté pour les prochaines années.
Le gouvernement se pose plusieurs questions à savoir comment relancer
l'économie. Il va prendre un mois de plus pour y penser. On
espère avoir des réponses au mois de novembre. Cela dit, il reste
que, durant les trois prochaines années, il va y avoir des
problèmes.
Une porte était ouverte; vous l'avez signalé lorsque vous
dites qu'on aurait dû faire des représentations auprès du
gouvernement fédéral, c'est à la page 39 vous dites: "Le
gouvernement du Québec doit, à notre avis, faire des pressions
soutenues auprès du gouvernement fédéral et de celui de
l'Alberta pour les pousser à adopter une telle proposition s'ils veulent
que le gaz naturel pénètre rapidement sur le marché
québécois." Vous écriviez cela au mois de février
ou mars, alors que nous savions tous qu'il y avait des négociations
entre l'Alberta et le fédéral. J'ai moi-même alors
demandé au ministre des Finances, responsable du développement
économique, de faire des pressions auprès du gouvernement
fédéral. Il m'a répondu qu'il ne voulait pas faire le
"busy body" et qu'il avait bien d'autres choses à faire que de s'occuper
de ce problème.
Il reste que les négociations entre Ottawa et l'Alberta se sont
faites sans aucune intervention du gouvernement du Québec, selon la
déclaration du ministre des Finances à l'Assemblée
nationale.
Aujourd'hui, on fait face à une situation qui, comme vous le
dites, ne répond pas tout à fait à la
réalité. S'il y avait eu une demande de
déréglementation du prix du gaz ou une baisse du prix du gaz de
75% à plus bas, la pénétration du gaz aurait pu être
assurée davantage qu'elle ne l'est dans les conditions actuelles.
J'espère que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
M. Ayoub: Si vous voulez, il y a le côté analytique,
mais il y a le côté fait que j'ignore. Vous savez très bien
que je ne suis pas un homme politique. Je ne suis pas dans le secret des dieux.
Je ne sais pas ce qu'a fait le gouvernement du Québec ou d'autres
concernant cette proposition avant, pendant et après les
négociations entre le fédéral et la province de l'Alberta.
Je l'ignore, je ne le sais pas. Je laisse la responsabilité aux
députés concernant ce qu'a fait ou n'a pas fait le gouvernement
du Québec. Ce que je dis, c'est que je souhaite que cette pression se
fasse vis-à-vis du gouvernement fédéral et de l'Alberta
pour les raisons que j'ai indiquées, qui sont des raisons analytiques.
Sur ce point, effectivement, je n'ai qu'à répéter
ce que j'ai eu l'occasion de dire à M. le ministre et je vous le
répète: Oui, je suis en faveur de pressions vis-à-vis des
deux paliers de gouvernement. Est-ce que le gouvernement du Québec l'a
fait ou non? Vous me permettrez de ne pas m'engager dans cela.
M. Fortier: Je ne vous demande pas de bénir ou d'absoudre
ce que j'ai pu dire ou ce que j'ai pu demander, mais en fait on peut
vérifier dans le journal des Débats et c'est justement ce que le
ministre des Finances m'avait répondu.
J'aimerais continuer sur les hypothèses d'augmentation du prix du
pétrole. Je n'ai pas vu le rapport, mais, à la radio, j'ai
ouï dire qu'un comité du congrès avait étudié
des possibilités qu'il y ait une guerre dans le golfe Persique qui
amènerait une augmentation subite du prix du pétrole. Est-ce que
ceci est en contradiction avec ce que vous venez de nous dire il y a quelques
instants? Si j'ai bien entendu, à la radio, on disait que, s'il y avait
une guerre dans le golfe Persique, le prix du pétrole pourrait augmenter
subitement à 30 $ le baril. Je crois que c'était le chiffre qui
était mentionné. Dans cette hypothèse, je crois que cela
rejoindrait les préoccupations du ministre de l'Énergie et des
Ressources, à savoir qu'il y aurait danger; dans cette optique, cela
semble contredire ce que vous venez de me dire. J'aimerais que vous
éclaircissiez ce que vous avez répondu au ministre avec cette
nouvelle qui originait du comité du Congrès américain.
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: Je dois, mais très rapidement, faire
référence à ce qui s'est produit, lors du premier choc et
lors du deuxième choc. Chaque fois qu'il y aura un problème
politique, il y aura effectivement un mini-choc, suivi ou non d'une
augmentation permanente des prix, et je m'explique. Quand, à la
fin de 1973 et en 1974, il y a eu la guerre du Kippour - ce qu'on appelle la
guerre du Kippour - entre Israéliens et Arabes, il s'est produit
effectivement sur le marché spot, qui est un baromètre, une
augmentation faramineuse des prix. Je vous rappelle qu'en 1973, avant la guerre
du Kippour, le prix de référence, ce qu'on appelle le prix
affiché, était de 1,50 $ le baril, à l'époque. Ces
mêmes prix sur le marché spot durant la guerre et après
l'embargo ont monté aux enchères à quelque chose comme 22
$ à 24 $ le baril, donc, du simple à 24 $, mais ils n'ont pas
duré. Ils ont duré deux mois; c'étaient des prix de folie.
Les conditions phychologiques et non pas les conditions réelles ont
permis à l'OPEP d'augmenter le prix de 1,50 $ à 4 $;
c'était ce qu'on appelait à l'époque le quadruplement.
Donc, il faut faire la distinction entre les flambées de prix
passagères à la suite d'une rupture comme la guerre ou comme
l'embargo et un phénomène de tendance des prix qui est tout
à fait différent.
En deuxième lieu, en 1979, la révolution khomeyniste en
Iran, baisse de la production iranienne jusqu'à pratiquement ne plus
produire à un moment donné, effectivement. Il faut vous dire une
chose aussi, c'est qu'à l'époque les stocks stratégiques
des pays consommateurs étaient à 30 ou 40 jours de consommation.
Actuellement, aujourd'hui, ils sont à 87 jours de consommation, ce qui
est très important et ce qui - je ne l'ai pas dit, mais je le dis
maintenant - joue sur les prix chaque jour parce qu'il y a toute une
stratégie de stockage, déstockage, que les compagnies majeures
font, ainsi que les autres compagnies pétrolières. Passons sur ce
point. Donc, en 1979-1980, il y a eu le même phénomène que
sur le prix spot, le prix libre; il y a eu des niveaux de prix de vent de folie
sur le marché, à la suite de la guerre et de la révolution
khomeyniste. Ensuite, le prix ou les conditions économiques ont repris
leur droit. Donc, c'est pour vous dire que, si jamais il y avait une
flambée de violence ou une guerre au Moyen-Orient, il n'est pas interdit
de croire qu'il y aurait encore une fois flambée des prix sur le
marché spot. (11 h 45)
Ce que j'indiquais, c'est la tendance des prix durant les dix prochaines
années -j'ai parlé de tendance lourde - parce qu'il me semble
qu'on ne peut pas bâtir une politique énergétique en
attendant des flambées de prix permanentes sur un marché qui
zigzague. Il y a un marché qui est de tendance et qui est là. Il
nous enseigne comment les prix ont évolué durant ces dix
dernières années et comment éventuellement ils peuvent
évoluer durant les dix prochaines années. On ne peut pas
bâtir une politique énergétique sur le fait que demain les
prix peuvent monter à 50 $ ou 60 $. Ce sont des prix vraiment
conjoncturels. Donc, oui à l'idée que les prix peuvent augmenter
sur le marché spot, mais plutôt non à ce que ces prix
puissent durer, autrement dit qu'on reste à des sommets de 50 $ ou 60 $,
puisqu'ils ne sont pas justifiés par le côté offre et
demande. C'est cela qui m'incite à le dire.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Un autre sujet que j'aimerais aborder, c'est que vous
avez insisté sur le fait qu'une politique de diversification des sources
d'énergie était de beaucoup préférable à une
politique d'autonomie énergétique. Bien sûr, on a de
l'électricité, on peut avoir du gaz, mais il ne faudrait quand
même pas faire en sorte qu'on ne puisse compter sur des importations de
pétrole. D'après vous, d'après votre expérience et
votre expertise, vous dites que l'approvisionnement en pétrole dans
l'avenir ne sera pas aussi dangereux qu'on ne pourrait le penser.
Nous avons eu des représentations la semaine dernière de
représentants de compagnies pétrolières, de
détaillants d'essence indépendants et de détaillants
d'essence de compagnies multinationales qui nous ont demandé, à
toutes fins utiles, de remettre en question ce remplacement du pétrole
à tout prix. Ils ont demandé de remettre en question la politique
énergétique voulant qu'on continue à remplacer le
pétrole par de l'électricité et du gaz.
On a dit: Vous remarquez que votre politique, actuellement, amène
un chambardement de tout ce qui touche la production et la distribution de
l'essence au Québec. Il y a des pertes d'emplois considérables
dans les régions. Surtout les détaillants indépendants
nous ont dit: Écoutez, s'il y a de moins en moins de personnes qui
utilisent de l'huile à chauffage ou de l'essence, ceci crée un
bouleversement à un tel point que ce sera impossible d'assurer qu'un
indépendant puisse avoir les quelques camions nécessaires pour
faire la distribution, surtout si les gens vont vers la formule
bioénergie qui fait que la distribution d'huile à chauffage se
fera uniquement pendant deux ou trois mois l'hiver. Bref, la
pénétration du gaz et l'utilisation de
l'électricité d'une façon massive amènent un
bouleversement dans l'industrie pétrolière et dans l'industrie
qui affecte surtout les distributeurs indépendants.
Vu votre prise de position sur la diversification, une politique de
diversification, est-ce qu'on devrait, d'après vous, mettre un frein
à la politique qui est présentement engagée? Est-ce qu'on
devrait favoriser de nouvelles politiques ou modifier
les politiques qui sont en oeuvre présentement au Québec
pour ne pas aller vers l'objectif de l'an 2000 qui verrait - je crois - le
pétrole ne représenter que 40% du bilan énergétique
alors qu'il était de 75% il y a quelques années? Alors, ma
question, à la suite de ce que vous venez de dire, est celle-ci: Est-ce
qu'on devrait remettre fondamentalement en question cet aspect de la politique
énergétique?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: Bien, M. le Président. Effectivement, j'ai
souhaité que l'objectif soit la diversification et non l'autonomie, non
pas par souci de linguistique. Je l'ai indiqué dans mon mémoire.
Je vais donner un simple exemple pour développer mon argumentation, si
vous me le permettez, M. le Président. J'ai indiqué ce que
j'entends par autonomie: c'est substituer un produit autochtone au produit
importé, cette importation venant du Canada ou de l'étranger. Or,
il ne faut pas épiloguer trop. On n'a actuellement que
l'électricité - je l'ai indiqué, mais je ne l'ai pas dit -
on n'a ni pétrole ni gaz au Québec. Donc, la politique
d'autonomie, on en a vite fait le tour; il s'agit d'arriver à attraper
je ne peux pas dire 100% d'électricité, parce que ce ne serait
vraiment pas réel de dire 100% d'électricité. Je ne sais
pas réparer ma voiture, mais je sais au moins qu'elle ne fonctionne pas
à l'électricité. Â l'évidence, on ne peut se
fier à l'électricité pour tout.
Donc, j'indique la diversification, parce que, pour moi, elle est un
objectif qui amène une politique énergétique plus souple
et la souplesse dans une politique énergitique est un atout majeur.
Pourquoi? Parce que nous sommes - quand je dis "nous", c'est-à-dire les
pays industrialisés en général, le Québec aussi en
fait partie - dans une phase difficile sur le plan économique et je ne
suis pas de ceux qui croient qu'elle est là pour quelques mois. Nous
sommes dans une mutation profonde de notre système industriel. Alors,
cela veut dire que, pendant les prochaines années, nous allons avoir
à subir cette mutation. Par conséquent, les
phénomènes économiques, c'est-à-dire les prix, vont
être d'un intérêt capital. Or, si on se lance dans des
investissements - je ne sais pas si, par ricochet, je ne réponds pas
à d'autres questions - considérables par souci de vouloir faire
l'autonomie... Je vais être très clair. Encore une fois, je n'ai
pas étudié le dossier, mais c'est un dossier qu'il faut
étudier pour ne pas dire trop de bêtises. Si, par exemple, on se
lance effectivement dans deux ou trois autres barrages pour des raisons
différentes, entre autres parce qu'on veut l'autonomie
énergétique, entre autres parce qu'on veut développer
l'emploi, on peut le faire et subir des investissements colossaux, mais
à des prix vraiment non compétitifs. On aurait fait une
opération qui n'est pas nécessairement efficace, tout compte
fait.
Maintenant, vous pouvez adopter la politique de diversification en
disant oui aux trois sources d'énergie, mais vous dire quelle est la
part de ces trois sources d'énergie. Vous la laissez un tout petit peu
floue, pas coupée au couteau, pour une raison essentielle, c'est que, si
les prix alternatifs du pétrole par rapport au gaz ou par rapport
à l'électricité changent, vous êtes dans une
position de pouvoir en bénéficier et de faire profiter vos
consommateurs aussi de ce changement de prix.
Donc, le message que je veux passer, c'est, premièrement, de ne
pas abandonner le secteur pétrolier - je l'ai dit très clairement
- pour dire: On a l'électricité et le gaz, donc il n'y a pas de
problème. Je ne suis pas de cet avis. Le secteur pétrolier est
important. Deuxièmement, la marche de deux ou trois ans de ménage
à trois pendant ces trois ans, il faut en passer le cap, mais il faut
avoir une vision de l'avenir et la vision de l'avenir, c'est qu'on aurait
besoin des trois sources d'énergie: le pétrole, le gaz et
l'électricité. Pour le pétrole, pas seulement en termes
d'énergie, mais aussi en termes de matière première, ainsi
que pour le gaz.
Tout cela est lié et on ne peut effectivement pas trancher le
débat en disant: Aujourd'hui, on décide de faire 20% ou 22% et on
n'en bougerait pas. Ce serait une politique rigide, mais la politique souple,
c'est la politique de diversification: regarder le marché et voir quel
est le rapport de prix pour pouvoir en tirer le maximum de
bénéfices.
M. Fortier: Si j'ai bien compris votre réponse, M. Ayoub,
vous dites qu'il faut maintenir un secteur pétrolier important si on
veut en bénéficier. D'ailleurs, les détaillants dans
certaines régions nous ont dit: Si on continue avec la politique
actuelle, il n'y aura plus de livreurs d'huile à chauffage; donc,
à toutes fins utiles, ce ne sera pas une option dans l'avenir parce
qu'elle n'existera plus. Enfin, vous dites qu'il faudrait maintenir un secteur
pétrolier au Québec. Cela nous amènerait à faire un
examen des conditions qui permettraient de garder un secteur pétrolier
d'une certaine importance.
Présentement, la politique énergétique qui a
été mise de l'avant à la suite du choc pétrolier de
1973 et avec un autre argument qui était celui de la balance des
paiements où on disait: Étant donné qu'on doit payer cet
argent à l'étranger, on doit absolument se défaire de tout
ce qui est importé de l'étranger, vous semblez remettre cela en
question. J'aimerais vous demander deux choses. Comment pourrait-on faire cet
examen d'un secteur pétrolier qui serait important? Qu'est-ce qu'on doit
examiner?
Est-ce que vous suggérez que cette commission demande que des
études soient faites sur cet aspect?
Autrement dit, si je vous comprends bien - je ne veux pas vous faire
dire ce que vous n'avez pas dit - vous dites qu'on devrait prêter
attention davantage au secteur pétrolier et examiner d'un peu plus
près si la tendance actuelle est la bonne pour l'avenir du
Québec. Deuxième des choses, en ce qui concerne la balance des
paiements - je sais qu'on en a discuté la semaine dernière lors
du colloque auquel j'ai eu l'honneur d'assister et lors de certaines
conférences - pourriez-vous me dire si cet argument de vouloir à
tout prix se débarrasser du pétrole à cause de l'aspect
négatif de la balance des paiements en ce qui concerne le pétrole
importé de l'étranger - je ne parle pas du gaz et du
pétrole importé du Canada - est un facteur important ou bien si
on doit l'accepter comme une contrainte nécessaire pour assurer le
développement économique du Québec de toute
façon?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, je vais essayer de
répondre à ces deux questions. Concernant ce qu'on peut faire
dans le secteur pétrolier, je n'ai pas la prétention de vraiment
dire en détail ce qu'on peut faire. J'ai essayé ici, très
modestement, de proposer quelques avenues à la recherche et à
l'approfondissement. Je souhaiterais que ces avenues soient
étudiées, analysées plus profondément,
acceptées ou rejetées. Je vais essayer de les résumer
encore une fois. Dans mon esprit, on peut adopter n'importe quel
scénario, n'importe quelle politique, il reste que le secteur
pétrolier, d'ici à l'avenir prévisible, à l'horizon
prévisible, demeure un secteur important, soit dans le domaine de
l'énergie, soit dans le domaine de la matière première au
Québec. Si on veut avancer des chiffres, je serais enclin à dire
que, si tout se passe bien, selon tous les scénarios, il resterait quand
même 40% du bilan énergétique, d'ici à 1990 et
probablement à l'an 2000, tributaires du secteur pétrolier.
Maintenant, il faut dire tout de suite une chose: Si les prix du
pétrole subissent une détérioration - il y a des gens qui
pensent ainsi, que le prix du pétrole peut descendre jusqu'au prix
marginal des sources de la Mer du Nord, c'est-à-dire à 22 $ - si
le prix du pétrole descend à 22 $ et s'il reste à 22 $, il
est évident que nos projections pour l'avenir vont nécessairement
être changées, sauf si on se trouvait dans une situation
complètement paradoxale: quand les prix du pétrole mondial
seraient en hausse, au Canada ils seraient en baisse et, quand les prix du
pétrole mondial seraient en baisse, le Canada subventionnerait le prix
du pétrole pour le hausser et pour permettre illico de réaliser
la politique énergétique. Dans les deux cas, ce sont des
situations aberrantes. Il faut aller avec le marché.
Par conséquent, il arrive effectivement, si le pétrole
baisse à 22 $ ou moins, que les consommateurs ne changent pas d'habitude
ou que les consommateurs changent pour revenir au pétrole parce que
c'est une affaire de sous et chacun de nous individuellement fait un calcul
simple pour voir la source d'énergie qui lui coûte le moins cher,
l'industriel comme l'individu consommateur. Par conséquent, le secteur
pétrolier n'est pas à dédaigner, il n'est pas mort, il
n'est pas fini; il est là pour encore au moins 20 ans.
Par conséquent, je déduis de cela une position en disant:
Si le secteur pétrolier est là pour encore une vingtaine
d'années et s'il est toujours un secteur leader, il vaut mieux faire
quelque chose, d'autant plus qu'il faut bénéficier de ce qui se
passe actuellement sur le marché mondial. D'où ma recommandation,
ma proposition à débattre touchant les multiples phases de
l'industrie pétrolière. Je n'ai pas voulu dire: Demain matin, on
va prendre - on, c'est le gouvernement, ce sont les sociétés
parapubliques - un secteur de distribution et gérer la distribution
pétrolière. Ma position n'est pas cela. Ma position est que, si
on veut contrôler une partie de la distribution, c'est parce qu'il y a
des préalables à cela et ceux-ci sont: aller explorer, comme on
le fait en "joint-venture", non seulement à l'Ouest et à l'Est,
mais - parfois, il y a là des occasions très intéressantes
- outre-mer. (12 heures)
Dans mon esprit, c'est lié aux avantages comparatifs du
Québec. Or, les avantages comparatifs du Québec sont: la
technologie nord-américaine en langue française,
premièrement, la technologie des barrages, la technologie de la
prospection, etc. Tout ceci est en demande. Deuxièmement, nous avons un
défi à relever qui est le défi d'exporter nos produits et
nos connaissances. Comment le faire? On pourrait peut-être imaginer une
formule exportation-importation de pétrole.
Si vous le permettez, je termine. Deuxièmement, lié
à cela, il y a le problème de l'achat de pétrole brut de
compagnies d'État à compagnies d'État dans des conditions
qui sont favorables actuellement à l'acheteur et non pas au vendeur.
C'est ainsi seulement, quand on a la matière première, qu'on
peut se poser la question d'acheter ou de regrouper les
indépendants, de venir avec eux - ce sont tous des intérêts
québécois -et de dire: On fait une coopérative - ou je ne
sais quelle autre formule juridique - pour permettre le regroupement et le
contrôle d'une partie du marché. On aurait fait quoi? On aurait
assumé ce que le législateur a indiqué dans la loi
créant SOQUIP, en 1969, c'est-à-dire ce rôle de secteur
témoin. Ma
crainte, c'est qu'en pensant seulement au gaz naturel et à
l'électricité nous perdions de vue une des raisons qui ont
poussé à la création d'une société comme
SOQUIP qui doit avoir une vision surtout d'initiatives
pétrolières.
M. Fortier: Je vais reprendre le premier point. Si vous voulez,
on va reprendre ce que vous venez de dire en deux temps deux mouvements. Le
premier point, c'est l'exportation de technologies. Pour ma part, en ce qui
concerne cette exportation de technologies, c'est certainement un aspect que
j'aurais voulu qu'on développe bien avant aujourd'hui. D'ailleurs, si
vous vous en souvenez, M. Ayoub, j'étais nouveau député
à l'automne 1981 et M. Bérubé, alors ministre, avait fait
modifier la loi de SOQUIP justement pour permettre l'exportation de
technologies dans des pays en voie de développement où le
Québec avait des relations privilégiées. Malheureusement,
il semblerait que SOQUIP n'a pas reçu les budgets nécessaires
pour ce faire et c'est Petro-Canada maintenant qui a pris l'initiative dans ce
secteur. Voilà un domaine où on aurait pu prendre des initiatives
depuis 1981, mais on ne l'a pas fait.
Le deuxième point concerne la création de Pétrobec
que vous semblez favoriser. Je dois dire que votre position me surprend
beaucoup. D'une part, vous préconisez ni plus ni moins que l'avenir
énergétique soit joué à partir d'un marché
plutôt libre. Vous vous plaignez du fait que le gouvernement canadien
favorise une politique des prix qui est artificielle. Vous dites avec raison,
et je suis d'accord, que présentement il serait de beaucoup
préférable qu'il y ait une déréglementation du prix
du gaz pour faire en sorte que le gaz pénètre davantage puisque,
avec les surplus de gaz dans l'Ouest canadien, de toute évidence le prix
baisserait. Si on continue dans cette direction, je croyais que vous alliez
dire qu'une intervention du gouvernement serait d'abolir les subventions de
toute sorte et de laisser jouer les prix. Là-dessus, je vous suis.
C'était plutôt une intervention du gouvernement pour abolir les
artifices qui font que la politique énergétique, compte tenu des
contraintes internationales - que ce soit la politique canadienne ou la
politique québécoise - ne répond plus, dans une certaine
mesure, à la conjoncture réelle internationale. Je vous suivais
beaucoup lorsque vous alliez dans cette direction qui était d'un plus
grand réalisme, laisser l'avenir économique ou
énergétique, dans une certaine mesure, se faire par les prix.
Dans le cas du gaz en particulier, c'est certain que, s'il y avait
déréglementation, la pénétration du gaz pourrait
jouer davantage en concurrence avec Hydro-Québec.
Là où j'ai de la difficulté à vous suivre,
c'est quand vous dites "secteurs témoins". Vous savez, de ce
côté-ci de la Chambre, quand on parle de secteurs témoins,
on pense au secteur de l'amiante ou au secteur de Nordair. Je ne sais pas
combien de déficit on a cette année, ce n'est pas 200 000 000 $,
mais ce sont plusieurs millions de dollars avec des investissements qu'on aura
à payer un jour ou l'autre. Pour Nordair, c'est une centaine de millions
pour l'acheter avec le résultat qu'on connaît et on commence
à en avoir un peu marre.
D'autant plus que la conjoncture actuelle dans le domaine
pétrolier au Québec a été voulue par la politique
énergétique des deux gouvernements, il faut bien se l'avouer.
S'il y a un chambardement et s'il y a une baisse de la consommation
pétrolière, c'est dû au fait que les prix ont
augmenté d'une façon vertigineuse. Que l'on pense à la
taxe sur l'essence, que l'on pense à la taxe de 5% sur les raffineries -
les raffineurs nous ont dit que c'était déterminant - et que l'on
pense à tout l'encouragement donné par toutes sortes de
subventions pour passer au gaz et à l'électricité. J'ai de
la difficulté à comprendre personnellement qu'ayant
créé cette situation le gouvernement va dire: Maintenant qu'on a
créé une situation à peu près intenable pour les
raffineurs, pour les distributeurs indépendants, pour les distributeurs
qui font partie du réseau des multinationales, le gouvernement doit
intervenir pour régler ce problème-là.
De deux choses l'une: ou bien le gouvernement voulait qu'il y ait une
baisse de la consommation du pétrole, ou bien il ne le voulait pas. Et,
à ce moment-là, je dois vous avouer que j'ai de la
difficulté à comprendre votre point de vue, puisque Esso et
d'autres sociétés nous ont dit: Oui, il se peut que les
statistiques varient d'une année à l'autre. SOQUIP nous a dit que
l'an prochain nous allons consommer plus d'essence qu'il n'en sera produit au
Québec. Esso nous a dit: Écoutez, notre raffinerie n'est pas
fermée en permanence; s'il y avait un changement dans les statistiques,
nous serions les premiers bien heureux de rouvrir notre raffinerie pour
bénéficier d'un marché qui existerait à ce
moment-là. Par ailleurs, les indépendants et les
détaillants d'essence des multinationales et les multinationales
elles-mêmes nous ont dit qu'il y avait à peu près 25% de
postes de distribution d'essence de trop au Québec. Alors, si on
s'entend pour dire qu'il y a une contraction du marché, si on s'entend
pour dire qu'il y a trop de postes de distribution d'essence, j'ai de la
misère à comprendre comment l'intervention de l'État va
régler le problème. Elle va régler le problème pour
ceux qui vont faire partie de ce groupement, mais les autres qui n'auront pas
l'avantage d'en faire partie vont être obligés de fermer
leurs portes. À ce moment-là, on va avoir changé
quatre trente sous pour une piastre et cela aura coûté je ne sais
combien de centaines de millions de dollars à l'État.
J'aimerais que vous me donniez vos commentaires sur cette prise de
position et sur ces interrogations.
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, effectivement, je comprends
l'honorable député, je comprends ses questions, ses
interrogations. Je voudrais, d'abord, avant de répondre rappeler
quelques positions de principe, si j'ose m'exprimer ainsi. Il est vrai que je
suis, premièrement, pour un marché transparent. Il est vrai que,
à partir de ce marché, on peut s'ajuster. Cela ne fait aucun
doute dans mon esprit. Maintenant, je l'ai indiqué, je vois le
rôle de l'État, en général - philosophiquement
parlant, si vous voulez, et après on l'applique à
l'énergie - comme un rôle de correcteur des ratés de ce
marché, pour des raisons tout à fait évidentes. Si
l'État ne regarde pas ce qui se passe, il peut se produire des
situations qui ne sont pas du tout dans l'intérêt à long
terme - et je reviendrai sur ce deuxième principe - de la
collectivité en question.
Je m'explique. C'est un secret de polichinelle, les compagnies
multinationales -c'est leur droit et je les respecte et je les comprends -
pensent et agissent à l'échelle mondiale et non pas à
l'échelle du Québec. Donc, s'il y a, par exemple, quelque
raté ou quelque ajustement à faire au Québec, elles
peuvent le faire parce que ce qui les intéresse, c'est le bilan
consolidé d'une compagnie à l'échelle mondiale. Donc, il
arrive que les intérêts d'une compagnie multinationale
coïncident avec l'intérêt de la collectivité, à
moyen et long termes, mais ils peuvent aussi diverger. Donc, l'État doit
pouvoir avoir un certain regard et non pas se substituer. Je n'ai pas dit de se
substituer.
Le deuxième principe, c'est qu'effectivement, M. le
Président, je comprends l'honorable député quand il me
presse de questions de l'ordre du court terme. Je le comprends parce que nos
fonctions ne sont pas les mêmes; je regarde un tout petit peu à
moyen et long termes. La vie politique veut, et je comprends, qu'on regarde
à très court terme. À court terme, on peut se demander:
Pourquoi aller dans ce secteur qui est en déclin? Mais qui me garantit
que ce secteur est en déclin permanent? Je dois m'interroger à
savoir si le déclin est passager. Bien sûr, on peut diverger
jusqu'à demain matin en se demandant: Est-ce que ce que dit Esso est
juste? Est-ce que ce que dit SOQUIP est vrai? Est-ce que ce que disent les
autres est moins vrai ou plus vrai? Ce sont là des projections
qui peuvent être mises en échec comme on le sait. Donc, quand on
prend une décision, il faut regarder non seulement le court terme
collé sur l'actualité, mais il faut regarder un tout petit peu
à long terme. Or, sur ce point, le long terme, pour moi - je l'ai dit et
je le répète - c'est que le secteur pétrolier continuerait
à avoir une partie importante du gâteau.
Le deuxième point que j'ai indiqué aussi dans la
même veine, c'est que, finalement, les importations du Canada sont des
importations vers le Québec. Il ne faut pas se le dissimuler, les
importations du Canada, les trois quarts des 400 000 barils-jour sont
destinés au Québec et cela va en augmentant, peut-être
parce que, si les arrivages de l'Ouest, selon les indications de l'Office
national de l'énergie, s'amenuisent et s'arrêtent à un
moment donné, on sera tributaire de l'étranger.
Le troisième principe de base - enfin, je le dis pour
tranquilliser le député concernant la logique de ma
démarche -c'est que le fait qu'il y ait un secteur témoin ne veut
pas dire, d'abord, annulation du marché. Il est témoin du
marché. Ensuite, cela ne veut pas dire qu'on y va sans regarder la
rentabilité. Maintenant, ce qu'on m'a avancé concernant d'autres
interventions de l'État, du Québec dans tel ou tel secteur, vous
savez, je ne suis pas responsable de cela. Par contre, je dis que, si on
regarde la situation, qu'on l'analyse bien et si on trouve qu'il y a une
rentabilité dans un tel secteur et qu'il y a des intérêts
à long terme à préserver, au moins on étudie le
dossier. C'est ce que je dis.
Enfin, quatrièmement, toujours sur le principe, vous m'excuserez,
M. le Président, mais je n'ai pas prononcé une seule fois
l'histoire de Pétrobec; je ne sais pas ce que cela recouvre. Ma position
est tout à fait claire. Je dis tout simplement qu'il y a là un
problème, soit dans la pétrochimie, soit dans l'exploration, soit
dans la distribution, soit dans le raffinage, d'une part. D'autre part, on
n'invente pas la poudre, puisque SOQUIP existe. Je n'appelle pas l'existence
d'une nouvelle société. Elle existe, elle a un mandat. Ce que je
dis, c'est qu'il faut réfléchir et approfondir la
réflexion à savoir s'il ne faut pas, si ce n'est pas le moment de
prendre ce mandat et de voir dans quel sens on peut le mettre, en partie,
à exécution.
Je voudrais conclure en disant au député d'être tout
à fait assuré que je n'ai pas dévié sur le fait de
laisser le marché agir. Tout ce que je dis, c'est que le marché
peut agir parfois d'une manière inconsidérée. Est-ce que
quelqu'un, dans cette salle, peut me dire, d'une manière
définitive et absolue, que la fermeture des raffineries ou d'une autre
raffinerie éventuellement, nous dit-on, est une bonne décision,
irrévocable et qu'on ne peut pas regarder d'un peu plus près?
Voilà la question que je me pose. Petro-Canada International est
allée et a occupé un avantage comparatif, encore qu'elle
souhaiterait que cet avantage soit partagé avec le Québec, parce
qu'elle frappe une situation où elle a besoin d'une connaissance
nord-américaine exprimée en français. Le
député lui-même l'a dit exactement: Pour Petro-Canada
International, ce n'est pas un crime de lèse-marché de penser
dynamiser un secteur pour aller profiter des avantages comparatifs que le
Québec peut avoir. Voilà ma position très clairement.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je vais laisser la parole à mes
collègues. En conclusion, j'aimerais dire que ma préoccupation,
M. Ayoub, est également à long terme. On peut être
politicien et sûrement penser à la prochaine élection, mais
on peut penser également aux besoins du Québec à
très long terme. Il n'y a pas seulement les universitaires, je crois,
qui peuvent avoir des pensées de ce genre.
La dernière courte question que j'aimerais vous poser est la
suivante. Compte tenu de ce que vous avez dit, qu'il va y avoir des surplus
durant dix ans, est-ce qu'on peut s'attendre à une guerre des prix au
Québec entre les différents détaillants d'essence pendant
de nombreuses années? Je termine là-dessus.
Le Président (M. Vallière): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, je crois que les
prévisions que nous avons faites de part et d'autre et toute la
discussion qu'on a eue depuis ce matin indiquent ce qui suit.
Premièrement, il y a une rationalisation qui s'est effectuée sur
le marché puisque, à l'évidence, il y a des raffineries
qui sont fermées. Donc, l'offre a baissé. Deuxièmement, si
jamais il y a augmentation de la consommation - d'ailleurs, vous l'avez dit
vous-même - Esso serait prêt à revenir. Cela veut dire
qu'elle ne ferme pas les portes, elle reviendrait pour profiter de cette
augmentation si la reprise économique est durable. (12 h 15)
Si on met le tout ensemble, je ne prévois pas, dans un avenir
à moyen terme, dans deux ou trois ans, une guerre des prix entre
raffineurs puisqu'ils se sont ajustés. Au contraire, je dirais que, si
les perspectives -je dis "si", le conditionnel - de SOQUIP se justifient, si
mes souvenirs sont bons - est-ce bien sûr - 40 000 barils-jour de
déficit qu'on doit importer de l'extérieur. Cela justifie un peu
le fait que nous ayons des raffineries -elles sont là - et qu'on
importe. Ce serait une situation de marché très bizarre. C'est
dans ce sillage que mes réflexions s'acheminent et je ne croirais pas
que pour les prochaines années il y aura une guerre féroce des
prix - et permanente, durable -dans le secteur du raffinage puisque je crois
encore que la consommation peut augmenter. La consommation peut
éventuellement augmenter si la reprise économique se dessine
d'une manière plus importante.
Le Président (M. Vallières): J'ai une autre demande
d'intervention, cette fois du député de Vimont. M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: M. Ayoub, dans le mémoire que vous nous
présentez ce matin, pour ce qui est de l'option gazière, en
particulier, vous proposez une déréglementation complète
du prix du gaz naturel. La question que je vous pose c'est: Est-ce qu'il n'y a
pas, quand même, certains risques à procéder de cette
façon puisque, dans le domaine énergétique, vous avez
vous-même souligné la nécessité d'une harmonisation
triangulaire entre les prix du gaz, les prix du pétrole et les prix de
l'électricité, si j'ai bien compris? D'autre part, si je fais
référence en particulier au domaine de
l'hydroélectricité, les engagements financiers qui sont pris
à l'occasion d'un aménagement hydroélectrique doivent
l'être, quand même, assez longtemps d'avance pour que le
consommateur puisse être fourni en énergie électrique par
cette source d'énergie qu'on veut développer. Cela peut prendre
dix ans, cela peut prendre douze ans entre le moment où on prend la
décision d'aménager ou qu'on débute l'aménagement
d'un complexe hydroélectrique et le moment où les premiers
kilowattheures vont être acheminés vers le consommateur.
Par ailleurs, les calculs de rentabilité de ces
aménagements hydroélectriques sont quand même fondés
sur des amortissements qui couvrent maintenant une période de 50 ans. Ce
sont des investissements extrêmement lourds. On sait que, dans
l'hydroélectricité, le coût principal, c'est le coût
de l'immobilisation à l'occasion de l'aménagement et que, par la
suite, les coûts de fonctionnement et d'entretien comme tels sont
relativement minimes, comparativement aux coûts d'immobilisation et
d'aménagement. Dans une planification à plus long terme,
lorsqu'une entreprise comme Hydro-Québec, avec l'accord du gouvernement,
décide de s'engager dans un programme d'investissements qui, si on
examine un complexe aussi important que celui de la Baie-James, a
coûté quelque chose comme 16 000 000 $ et qui s'est
échelonné sur une période d'environ quinze ans - les
dernières turbines vont entrer en fonction au cours de cette
année et au début de l'an prochain pour ce qui est de la phase I
du complexe -il y a lieu, à mon sens, de prendre des précautions
pour protéger cet investissement.
Si par une déréglementation totale du prix du gaz, on
permettait, dans une situation de surplus de gaz, une pénétration
"sauvage" du gaz ou une guerre des prix à ce niveau, guerre des prix
entre le gaz, bien sûr, et la source d'énergie électrique
ou encore la source d'énergie pétrolière, n'y aurait-il
pas risque, à ce moment, qu'on mette en danger des investissements
extrêmement importants qu'on peut difficilement arrêter en cours de
route? Il arrive un stade dans un aménagement hydroélectrique de
cette envergure où on a passé le point de non-retour. À
Manic 5 actuellement, il y a des excavations qui ont été faites
et tout cela, mais on a laissé cela en plan et on a reporté de
quelques années le reste de l'aménagement. On n'a pas
commandé les turbines, on n'a pas bétonné tellement. C'est
un investissement minimal. La même chose est arrivée à
Outardes 2 à l'époque. Lorsqu'on a atteint un certain point de
non-retour dans un aménagement hydroélectrique, il faut aller
jusqu'au bout et compléter l'aménagement. Il y a des
investissements extrêmement importants. La décision
d'aménager s'est prise il y a huit, dix ans. On est allé de
l'avant et, tout à coup, on pourrait très bien se retrouver avec
un surplus d'énergie encore plus élevé que celui qu'on
connaît présentement, de sorte qu'on mettrait en cause des
investissements publics qui ne pourraient pas être rentabilisés
avant de nombreuses années. Finalement, n'y a-t-il pas un risque, du
moins à court terme, à déréglementer
complètement les prix, soit de l'énergie du gaz ou de
l'énergie à base de pétrole, ou encore de l'énergie
électrique?
Des aménagements de l'ampleur de celui de La Grande, phase I, il
en reste peut-être un au Québec de cet ordre et c'est celui de la
Nottaway-Broadback-Rupert, d'un potentiel d'environ 7000 mégawatts.
Après cela, les autres aménagements hydroélectriques qui
viendront sont de l'ordre de 3000 mégawatts. Donc, leur impact sur le
parc de centrales d'Hydro-Québec, leur impact sur la production totale
d'Hydro-Québec sera beaucoup moins important que l'impact qu'a eu
l'aménagement de La Grande avec 10 000 mégawatts, alors que la
capacité installée d'Hydro-Québec à ce moment
était de l'ordre de 15 000 mégawatts, je crois, si j'exclus
Churchill Falls, ou même un peu moins.
À court terme et pour une période peut-être de dix
ans, peut-être jusqu'à l'horizon 1995, n'y aurait-il quand
même pas lieu d'être extrêmement prudent et d'aborder ce
problème avec beaucoup de prudence, parce que justement, si on s'engage
dans des aménagements hydroélectriques de cette envergure,
à un moment donné, s'il y avait des fluctuations importantes sur
le marché, cela risquerait de mettre en cause des investissements qu'on
ne peut plus arrêter?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, c'est effectivement un sujet
d'une importance capitale. Je voudrais tenter un début de réponse
à cette question très importante de l'honorable
député. Il est évident que, dans la situation floue
actuelle, floue dans le sens du marché et des sources alternatives,
à mon avis, il serait risqué de s'engager dans des grands travaux
d'investissements dans des sources alternatives. D'ailleurs, ce qu'on appelle
les mégaprojets, on l'a bien vu de part et d'autre, ils ont
été sans lendemain, non pas parce qu'intrinsèquement ils
sont mauvais, mais c'est tout simplement parce que les conditions du
marché ont changé.
Alors, qu'est-ce qui se passe? Il se passe ceci - c'est aussi une
réponse à une intervention que j'ai faite il y a quelques
instants - que l'État peut être obligé d'intervenir. J'ai
résumé cela tout le temps en disant que, vis-à-vis de
l'entreprise, on a l'impression qu'on veut nationaliser le risque et privatiser
le conflit. Les risques sont tellement importants qu'on veut les nationaliser
parce que, lorsque l'État s'engage, c'est la collectivité qui
s'engage, mais, quand il y a des profits, les compagnies privées veulent
les privatiser.
Ceci dit, revenons à l'histoire de l'harmonisation. Ce que je
propose, c'est l'harmonisation par les prix. C'est qu'actuellement les trois
prix sont des prix administrés. Le prix du pétrole est
administré, le prix du gaz est administré, le prix de
l'électricité l'est aussi. Si on déréglemente les
deux autres prix, il reste que le prix de l'électricité, au lieu
de récupérer les investissements dans une période de temps
X, étant donné que nous passons un cap difficile et étant
donné que le gaz doit rentrer parce qu'il faut diversifier, on
accepterait volontairement que les récupérations des
investissements soient faites sur une période X plus un ou deux, mais
cela ne veut pas dire qu'on ne récupère pas les investissements
parce que, si on pense ainsi, cela veut dire qu'on est voué ad vitam
aeternam à ce que la situation soit celle que nous vivons aujourd'hui.
Je ne partage pas ce point de vue et je crois qu'il y a place aux trois sources
d'énergie, et qu'il est important d'avoir ces trois sources
d'énergie.
Alors, il y a des accommodements à faire. Or, une partie de ces
accommodements, pour ne pas dire n'importe quoi concernant les prix, c'est de
libéraliser les prix. Il faut que j'attire votre attention sur le fait
que je dis libéraliser les prix du gaz à la tête du puits
parce que, après, il y a tout le transport du gaz. Les prix du transport
sont administrés. Donc, c'est d'introduire un peu la
vérité des prix dans ce marché avant de faire une
politique
d'harmonisation. Après tout, on peut toujours s'interroger, mais
pourquoi a-t-on tarifé le pétrole ainsi, le gaz de cette
manière et l'électricité d'une autre manière? Si on
introduisait un vent de marché à l'intérieur de ce
ménage à trois, on saurait de part et d'autre quelle est la
position que le gaz va occuper dans les prochaines années, quelle
pourrait être la position qu'il occuperait dans les années
futures, mais sans pour autant indiquer que ce qu'on a investi dans
l'électricité était investi à perte. Il peut tout
simplement subir un décalage dans le temps de
récupération. J'indique à ce sujet que, lorsqu'on s'est
lancé, par exemple, dans les investissements de la Baie-James, on a
évoqué un chiffre qui a été multiplié par je
ne sais pas combien, deux ou trois. C'est de l'ordre du vécu et on vit
cette situation parce qu'il serait impossible, à mon avis, de
prévoir dix ans à l'avance ce qui pourrait arriver
exactement.
Mais, actuellement, c'est vrai ce que l'honorable député
dit. Je serais très réticent à risquer des investissements
colossaux dans des sources d'énergie substitut étant donné
la situation qui existe sur le marché tant mondial que canadien,
intérieur.
M. Rodrigue: Le problème qui se pose sur ce plan, c'est
que, souvent, au moment de l'investissement les prévisions
démontrent qu'on a besoin de ces sources d'énergie et qu'elles
seront absorbées par le marché. L'exemple qu'on a
présentement sous les yeux, c'est un bloc d'énergie
extrêmement important, imposant, qui arrive sur les lignes
d'Hydro-Québec au moment même où il y a une
récession et au moment même où la demande diminue; alors
nous sommes pris temporairement - il faut le dire - pour une période de
quatre à cinq ans avec des surplus extrêmement importants.
Évidemment, cela va se résober dans le temps. Par contre la
même question va se poser lorsqu'il s'agira de prendre la décision
d'aller de l'avant avec d'autres complexes dont celui que j'ai mentionné
tout à l'heure.
Maintenant, dans un autre ordre d'idées, au niveau de la
politique énergétique nationale, vous mentionnez, en particulier
à la page 2 de votre résumé, que la politique
énergétique ne doit pas se substituer au marché, mais se
contenter seulement de l'orienter et de corriger ses ratés quand ils ont
lieu. Vous dites que cela doit déboucher sur une triple action: la
première, faire pression sur le gouvernement fédéral pour
réviser sa politique énergétique dans un sens moins
interventionniste. Est-ce que vous pourriez nous mentionner des changements
spécifiques que vous avez à l'esprit quant à la politique
énergétique fédérale qui irait dans le sens de ce
que vous prônez dans votre mémoire?
M. Ayoub: M. le Président, le programme
énergétique national du fédéral est une
construction de l'esprit de bureaucrates et de technocrates; c'est une
construction imposante effectivement. Mais c'est une construction qui, quand
elle a été publiée, on a eu l'occasion quelques autres
collègues économistes et moi-même d'être
appelés à Ottawa et de parler de cela et de voir... On
était tous d'accord sur un point, c'est que c'est une construction
d'intellectuels dans le sens qu'on voudrait presque se substituer
complètement au marché. Je donne des exemples: quand vous
confectionnez des prix "made in Canada" dont la complexité exige des
spécialistes attitrés à temps plein pour pouvoir se
comprendre et pouvoir parler du prix de l'ancien pétrole, du nouveau
pétrole et de combien le fractionnement dans le temps etc., d'une part,
vous êtes entraîné malgré vous, pour pouvoir
supporter cette politique, à faire toute une série
d'interventions. J'ai recensé un peu dans un document, mais j'ai
arrêté parce que c'est vraiment trop long, la liste des
interventions du gouvernement fédéral en termes de programmes de
subventions, de programmes d'incitation de toutes sortes, de taxes de toutes
sortes que cela exige. (12 h 30)
Depuis, il y a eu des spécialistes, des fiscalistes, des juristes
qui se sont spécialisés dans la compréhension du
dédale, du labyrinthe de tout ce système imposant.
Tout cela n'est pas pour faciliter la réalisation de l'objectif
qui était l'autosuffisance. Pourquoi? Je passe outre à l'histoire
de la canadianisation qui, à son tour, est très complexe et
très difficile. Parce que les compagnies qui veulent investir, si elles
se trouvent devant un maquis de textes de lois d'arrêtés et de
programmes, tout cela se calcule en termes de coût et de temps, et baisse
leur incitation à aller explorer ce qui s'est produit. L'ensemble de
l'industrie canadienne ou même étrangère n'a pas
regardé d'un bon oeil le programme énergétique national -
ce n'est un secret pour personne - pour ces interventions multiples et
répétées.
D'ailleurs, au fur et à mesure que les changements qui
s'effectuent sur le marché arrivent, on est obligé d'aller faire
d'autres interventions pour pouvoir soutenir le bâtiment. C'est ce qu'on
a vu quand les prix internationaux n'ont pas épousé les
prospectives du concepteur de ce document, à savoir que les prix
internationaux vont continuer à monter. Voilà qu'ils baissent et
tout a été à redéfinir avec le gouvernement de
l'Alberta.
C'est cela qui me pousse à dire que l'interventionnisme de cette
manière et la lourdeur bureaucratique va à l'encontre de
l'objectif souhaité qui est de trouver des
ressources par ceux qui peuvent en trouver, c'est-à-dire le
secteur privé essentiellement.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Ayoub. M. le
député de Vimont, vous avez une autre question?
M. Rodrigue: Oui, c'est une dernière question, M. le
Président. En fait, il y a un élément spectaculaire, il y
a une retombée spectaculaire de tout le branle-bas qui s'est fait dans
le domaine énergétique autant au Québec que dans tout le
monde industrialisé finalement. Cela a été la fermeture
d'un certain nombre de raffineries en particulier à Montréal au
cours de la dernière année. Ce qu'on lit dans les journaux et ce
qu'on constate présentement, c'est que par ailleurs, il semble qu'il y a
importation d'un produit fini, à tout le moins de certains produits
finis qui étaient raffinés ici au Québec et qui
étaient fabriqués au Québec auparavant.
Est-ce que vous avez pu analyser les causes de cet état de fait?
Est-ce que vous avez pu dégager des conséquences potentielles de
la fermeture de ces raffineries et du phénomène inverse qui
consiste à l'importation au Québec des produits finis en
provenance de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick?
M. Ayoub: Oui, M. le Président, les causes de cela sont
réelles, c'est la baisse de la demande, c'est la baisse de la
consommation. Effectivement, les industries se sont ajustées. La
question est à savoir si elles se sont trop ajustées? Autrement
dit, il était évident qu'une ou deux raffineries devaient fermer
parce qu'il y avait une surcapacité de production. De là à
dire que d'autres fermetures doivent se faire, c'est là que je dis que
les ajustements sont peut-être allés plus loin que ce qui est
souhaitable. C'est dans cette perspective qu'on peut replacer les calculs de
SOQUIP que je ne peux pas consigner puisque je n'étais pas à
l'origine de ces calculs. Si les calculs de SOQUIP arrivent à se
justifier dans la réalité, il est effectivement vrai que - je
parle maintenant des conséquences puisque vous me le demandez - les
conséquences ne seront pas positives pour le Québec puisque d'un
producteur de sous-produits pétroliers, il serait obligé
d'importer et là une balance des paiements jouerait dans ce sens. On a
proposé un chiffre en termes de dollars, je ne le reprendrai pas mais
enfin le chiffre est là.
Deuxièmement, il est évident que sur le plan de l'emploi,
cela joue, mais peut-être moins que ce qu'on pense. Il y a très
longtemps, on a fait une étude sur les multiplicateurs d'emplois d'une
raffinerie. On sait très bien que ce sont des investissements qu'on
appelle capital intensif c'est-à-dire que leur intensité de
capital est importante. Donc, elle n'emploie pas beaucoup de main-d'oeuvre par
rapport aux dollars investis. Il y aurait certainement des effets
peut-être indirects. Un de ces effets indirects qu'il faut analyser et
que vous auriez certainement le temps avec des spécialistes d'analyser
ici au cours de cette commission, c'est l'impact sur le secteur de la
pétrochimie. Effectivement, Montréal a suscité un secteur
de pétrochimie. Je vous dirai une chose que vous connaissez mais je la
rappelle. C'est que cet intérêt pour la pétrochimie est
venu non pas seulement du gouvernement mais aussi des entreprises
privées qui se sont mises ensemble pour faire de Montréal un
secteur pétrochimique. Voilà que la situation change mais je me
pose toujours la question: Est-ce qu'elle change autant qu'on nous le dit pour
pouvoir mettre en cause éventuellement le secteur de la
pétrochimie? Voilà en termes de conséquences... C'est pour
cette raison et d'autres que je soutiens mes propositions concernant un terme
qu'on trouve un peu, pas à l'ordre du jour maintenant, mais enfin, qui
existe qui est l'histoire du secteur témoin, mais sans faire de cela un
plat. On peut changer de terme mais la vérité est qu'il faut
regarder ce qui se passe dans ce secteur d'une manière attentive avant
d'être pris par surprise et que Montréal n'ait plus un secteur de
raffinage et par ricochet un secteur de pétrochimie.
M. Rodrigue: M. Ayoub, comme nous aurons le plaisir d'entendre
les représentants de Pétromont, j'imagine qu'ils auront des
choses à nous dire là-dessus. Je leur poserai également la
question. Je vous remercie de vos réponses.
Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant deux
demandes d'intervention, soit de la part du ministre et une courte question du
député de Chapleau. M. le ministre.
M. Duhaime: D'abord, M. Ayoub, je voudrais vous remercier des
éclaircissements que vous avez apportés en parlant de SOQUIP et
de la nécessité de maintenir en quelque sorte un pouvoir
d'initiative dans le domaine pétrolier, si j'ai bien compris, que ce
soit au plan de l'achat de brut sur les marchés internationaux, que ce
soit au plan de la participation dans les "joint venture" et les projets
d'exploration, soit ici sur le continent ou ailleurs ou encore ce que vous nous
proposez: de poursuivre l'étude et la réflexion sur l'implication
possible en termes d'initiative - vous avez appelé cela un secteur
témoin - dans le secteur du raffinage et de la distribution.
Je voudrais vous dire là-dessus que je vous rejoins en quelque
sorte. Il faut maintenir cette société qui serait appelée
à
prendre des initiatives dans le secteur pétrolier. Je n'arrive
pas à comprendre, cependant, les propos du député
d'Outremont parce que d'abord, la loi dont il est question n'a pas
été débattue en 1981 mais en décembre 1980 et la
position libérale avait conduit à une obstruction
systématique de ce projet de loi. La proposition de mon collègue,
M. Bérubé, à l'époque, était de hausser le
capital action de SOQUIP de 100 000 000 $ à 220 000 000 $ et le reproche
qu'on nous fait aujourd'hui est parce que SOQUIP n'a pas eu les fonds requis
pour aller sur l'international. C'est maintenant Petro-Canada international qui
prend sa place. C'est peut-être la fluidité de la pensée du
Parti libéral à ce sujet mais j'arrive mal aujourd'hui à
faire le lien entre les propos que tient ce matin le député
d'Outremont et la position qu'ils ont prise il y a maintenant deux ans et demi
à l'Assemblée nationale.
M. Fortier: ...
M. Duhaime: Votre porte-parole n'était peut-être pas
le meilleur spécialiste de l'énergie mais c'était M.
Ciaccia qui, en troisième lecture, avait donné le point de vue de
votre parti. Je voudrais dire également que je me souviens très
bien de la réponse un peu à la blague de mon collègue des
Finances: Je ne ferai pas le "busybody" entre M. Lougheed et M. Trudeau. Je
voudrais, pour la bonne compréhension du dossier, dire que le
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec a, tout
au long du printemps que nous venons de vivre, au cours des pourparlers entre
l'Alberta et Ottawa, fait valoir essentiellement deux points de vue.
Le premier: la hausse des prix du pétrole et son ajustement au
cours mondial. Ce n'est pas d'hier qu'on prétend cela; cela remonte
avant la période référendaire; c'était un argument
fort utile de faire valoir qu'au Canada on paierait très longtemps
passablement meilleur marché le prix du litre d'essence par rapport
à la situation de Paris, etc. Notre position a toujours
été la même, nous voulons la vérité des prix
comme nous avons préconisé la libéralisation.
Aujourd'hui, au Canada, nous nous trouvons dans une situation un peu
curieuse: le prix du pétrole est trop bas et le prix du gaz naturel est
trop élevé, à travers la réglementation, et il n'y
a aucune correspondance avec ce qui se passe ailleurs dans le monde.
La période postréférendaire pour moi elle est
importante parce que c'est à partir de ce moment qu'on a
décidé de bouger en allant hausser le prix du pétrole au
Canada vers le cours mondial.
Nous avons également proposé un deuxième volet pour
accentuer la pénétration du gaz naturel au Québec -
là-dessus probablement que vous serez en désaccord, M. Ayoub,
mais nous l'avons proposé quand même - c'était la mise sur
pied de programmes d'avantages incitatifs pour aider la
pénétration du gaz naturel dans le secteur industriel en
particulier. Alors, dire que nous n'avons rien fait et que nous avons
laissé aller à vau-l'eau, ce n'est pas exact. Il faut comprendre
aussi une dimension fiscale au problème. Si j'étais le ministre
de l'Énergie de l'Alberta, avant d'accepter de renoncer à des
revenus fiscaux qui seraient conséquents à une baisse du prix du
gaz naturel, j'ai l'impression que je regarderais l'ensemble de
l'équilibre budgétaire que cela pourrait impliquer dans cette
province productrice en particulier.
J'aurais une toute dernière question, parce que nous allons
entamer - je ne sais pas si on va le faire avant le déjeuner - le
mémoire de Pétromont. On n'a pas beaucoup parlé de
pétrochimie ce matin. J'ai les chiffres ici de la capacité de
raffinage au Québec au début de 1982. Cela inclut donc Shell,
Esso, Petrocan-Fina, Petrocan-BP, Texaco, Gulf et Ultramar qui sont en
exploitation et j'ai un total d'à peu près 600 000 barils-jour de
capacité de raffinage. Je me reporte ensuite à la fin de
l'année courante, fin 1983, en incluant dans le tableau la suspension
des activités de Esso, la fermeture de BP, la fermeture de Texaco et
l'ajustement à la capacité de production de la raffinerie
d'Ultramar qui est d'environ 120 000 barils-jour de capacité. Cela me
donne comme total, à la fin de 1983, une capacité de raffinage au
Québec, grosso modo, de 370 000 à 375 000 barils-jour. Est-ce que
cette capacité de raffinage est suffisante pour alimenter la
pétrochimie au Québe et son aval ou s'il faudrait
considérer de maintenir, sur des proportions beaucoup plus
élevées la capacité de raffinage au Québec à
la fin de 1983?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, c'est là un sujet sur
lequel je ne voudrais pas m'avancer pour donner un chiffre. Mais je voudrais
donner les facteurs qui jouent dans le sens d'une amélioration tout au
moins de cette capacité de 370 000 barils-jour. Autrement dit, toute ma
position se résume en ceci: il me semble - là aussi il faut
analyser d'une manière beaucoup plus profonde; je ne l'ai pas fait parce
que ce n'est pas mon propos -qu'il faudrait voir si les ajustements qui ont
été faits par les compagnies pétrolières n'ont pas
dépassé le nécessaire pour rationaliser un marché
à court terme. C'est dans cette perspective que je vois que le geste,
par exemple, d'Imperial Oil est un geste de bon sens dans un certain sens,
puisqu'elle se laisse un période de réflexion et si la
situation ou les calculs n'ont pas été conluants et
justifiés par la réalité, il y a une porte d'entrée
à nouveau, elle n'abandonne pas.
Il me semble que cette hésitation en soi doit nous indiquer que
l'affaire n'est pas conclue, n'est pas dans le sac et que le Québec
pourrait vivre et devrait vivre dans les prochaines années avec une
capacité de raffinage de 370 000 barils-jour. La baisse a
été plus draconienne à mon avis que la baisse
correspondante dans la consommation actuelle et prévisible pour les
années futures. C'est sur le plan de la consommation. Par ricochet,
éventuellement, effectivement, c'est la place de Montréal... mais
je laisse à celui qui va me succéder de parler de cela d'une
manière plus compétente dans l'histoire de la pétrochimie.
Mais, il me semble - je peux me tromper - que la pétrochimie peut
être dans une situation difficile si on ne règle pas le
problème du raffinage. (12 h 45)
Aussi, il faut le dire, cela nous ouvre des portes, s'il n'y a pas de
prix discriminatoires concernant les prix selon lesquels la pétrochimie
est approvisionnée. C'était le cas il y a quelques mois, à
ma connaissance. Est-ce que cela pourrait le rester pour les années
futures si le prix du pétrole, par exemple, se stabilise? Là
aussi, je laisse la question, je n'ai pas de réponse à cela. Ce
n'est pas mon intérêt immédiat, la question de la
pétrochimie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Dans votre rapport, à plusieurs endroits, vous
parlez de la possibilité de coordonner et d'harmoniser les actions des
différents intervenants qui souvent ont des objectifs fort
différents, plus spécifiquement la province de Québec et
le gouvernement fédéral. Je me demande, dans le contexte...
À la page 25 de votre rapport, vous mentionnez que le but visé
par le gouvernement fédéral, c'est de renforcer l'unité
canadienne. Et, en ce qui concerne le gouvernement du Québec, l'objectif
est de préserver et de défendre les intérêts de la
collectivité québécoise pour aujourd'hui et pour demain.
Dans l'ensemble de l'orientation des objectifs des deux gouvernements, est-ce
qu'ils sont vraiment opposés à ce point-là? Y a-t-il une
harmonisation qui se fait? Y a-t-il des relations? Quel est l'état
généralement des relations entre les deux niveaux de gouvernement
pour tenter d'établir une politique nationale?
Le Président (M. Vallières): M. Ayoub.
M. Ayoub: M. le Président, sur ce point-là, je
voudrais, avec votre permission, exposer très rapidement ma philosophie
parce que c'est de cela que tout dérive. Ma philosophie, dans cette
question, c'est qu'il y a moyen de coordonner les différents paliers des
intervenants à l'intérieur du secteur pétrolier, soit les
consommateurs, le gouvernement du Québec ou le gouvernement
fédéral. J'ai donné des exemples de cela. Bien entendu,
peut-être que, dans un premier temps, on n'aurait pas la même
vision. Ce que je dis ici concernant la vision ultime du gouvernement
fédéral peut être endossé parfaitement par le
gouvernement fédéral. Je crois que je ne fais qu'exprimer ce
qu'il a dit, c'est-à-dire que le lien énergétique à
l'intérieur du pays soit renforcé comme à l'époque
de la fin du XIXe siècle où le lien de transport par voie de
chemin de fer a été aussi un certain facteur de lien entre les
provinces du Canada. Le Québec étant producteur d'une source
importante d'énergie qui est l'hydroélectricité et
étant, en second lieu - et je le souligne à nouveau - le
principal importateur de pétrole de l'ensemble canadien, il est
évident qu'il prend une part importante à ce dossier. Le
consommateur souhaite - et c'est tout à fait compréhensible -
pouvoir s'approvisionner au meilleur prix et les compagnies veulent maximiser
leurs profits. Voilà l'état de la situation.
Maintenant, il s'agit que nous - c'est-à-dire le gouvernement et
ceux qui font l'opinion ou l'expertise - puissions avoir un peu d'imagination
pour voir quelles sont les voies qui peuvent mettre tout ce monde-là
dans un certain modus vivendi - je ne dirais pas dans un mariage heureux
à 100%, il n'y en a pas dans la vie - et qu'on puisse vivre ensemble et
en profiter de part et d'autre. C'est dans cet esprit que j'ai indiqué
qu'il y a des projets, non pas à des niveaux politiques importants, mais
à des niveaux moins élevés, comme celui par exemple d'une
collaboration dont les modalités peuvent être discutées
entre Petro-Canada international et, éventuellement, SOQUIP. Et
là, ce n'est pas une nouveauté ce que j'avance, puisque SOQUIP
est, avec Petro-Canada parfois, dans des explorations de "joint venture"
partout et cela se fait dans le mouvement des affaires. Comme SOQUIP peut
entrer en "joint venture" avec telle ou telle multinationale pour explorer ou
pour développer tel gisement. Cela s'est fait et cela continue à
se faire. Je dis qu'il y a des intérêts pour le Québec, il
y a des avantages comparatifs et il faut que le gouvernement
fédéral et aussi les sociétés de la couronne,
nommément Petro-Canada international - je crois qu'il y a une certaine
ouverture à explorer de ce côté-là - puissent
travailler ensemble dans l'exploration de l'outre-mer. Voilà un point
sur lequel il peut y avoir concordance.
Un deuxième point - c'est chaque moment de la vie et je ne veux
pas me substituer à qui que ce soit au gouvernement
- c'est l'histoire du prix du gaz; il faut faire référence
au fédéral nécessairement et s'entendre avec lui. Le prix
du pétrole, c'est la même histoire et, éventuellement, un
jour, l'exportation de l'électricité puisque, là aussi, il
peut y avoir interférence. Tout ceci m'indique que tant et aussi
longtemps que le statut politique est ce qu'il est, il faudrait effectivement
trouver les moyens de tirer, comme on dit, directement son épingle du
jeu. C'est ma philosophie. C'est ma position.
Le Président (M. Vallières): Nous vous remercions
beaucoup, M. Ayoub, de votre témoignage.
Si les membres de la commission n'avaient pas d'objection et si les
représentants de Pétromont n'en avaient pas non plus, nous
pourrions suspendre nos travaux immédiatement pour les reprendre,
cependant, à 14 h 30. S'il n'y a pas d'objection, de part et
d'autre...
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Vallières): La commission suspend
ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
(Reprise de la séance à 14 h 41)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et
des ressources reprend ses travaux. Avant de procéder à
l'audition du mémoire présenté par Pétromont,
j'aurais à faire part à la commission d'une correction - à
inscrire au journal des Débats - au mémoire qui a
été présenté par l'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers, en date du vendredi 9
septembre 1983. La correction doit être effectuée à la
deuxième phrase du dernier paragraphe, page 7 du mémoire de
l'Association des distributeurs indépendants de produits
pétroliers. La correction est la suivante. "Le président de la
Caisse de dépôt et placement affirmait, le 28 février 1983"
aurait dû se lire ainsi: "M. Marcel Bélanger, économiste,
en parlant de la Caisse de dépôt et placement, affirmait le 28
février 1983".
M. Fortier: Adopté. Je suis toujours d'accord avec
l'énoncé, mais ce n'est pas la bonne personne qui l'a dit.
Le Président (M. Vallières): Tel que demandé
par les membres de la commission, cet erratum est souligné. Je
demanderais maintenant au représentant de Pétromont de bien
vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Nous entendrons le
président, M. John À. Dinsmore, au nom de Pétromont.
M.
Dinsmore.
Pétromont
M. Dinsmore (John À.): Merci, M. le Président. Je
suis particulièrement heureux d'être en mesure d'offrir le point
de vue de Pétromont à la commission. Nous vous remercions
sincèrement de l'acceptation de notre demande d'être entendus
parce que nous croyons que la relation entre l'énergie et le
développement économique est en particulier manifestée par
le phénomène de la pétrochimie. Sachant que vous avez
discuté déjà sous divers angles toute la question des
ressources énergétiques, nous croyons que c'est peut-être
utile dans vos délibérations de remarquer qu'une des composantes
énergétiques est aussi transformable en matières
industrielles par le biais de la pétrochimie. La pétrochimie,
enfin, c'est une industrie qui est peu connue, souvent identifiée comme
une industrie invisible à la population en général
à cause de ses caractéristiques d'activités un peu
éloignées des niveaux de consommation. Mais nous connaissons tous
la variété de produits qui sont utilisés quotidiennement
par nous tous aujourd'hui, qui sont la conséquence des
développements dans la pétrochimie depuis une trentaine ou une
quarantaine d'années. Les fibres synthétiques, les pneus, les
peintures, les toiles, les tapis, toutes variétés et formes de
matière plastique qui sont devenues des éléments de base
dans une industrie très diversifiée et dans une
société de plus en plus moderne.
Alors, nous voulons ici vous informer sur l'état de la
pétrochimie au Québec et en particulier indiquer qu'il y a des
préoccupations pour le gouvernement dans ce domaine et tout cela portant
en particulier sur le développement économique dans l'avenir.
En parlant de la pétrochimie au Québec, il faut, d'abord,
indiquer ce qu'est Pétromont. Pétromont est une
société en commandite créée il y a trois ans par la
mise en place d'une société avec trois actionnaires, Gulf Canada,
Union Carbide et par le biais d'une filiale à part entière, la
SGF, la Société générale de financement du
Québec. Pétromont a été formée pour
coordonner les activités de deux usines existantes dans la région
de Montréal; une usine qui appartenait autrefois à Union Carbide
à Montréal-Est et une deuxième, plus grande, à
Varennes, qui était le propriété de Gulf. Par la
combinaison de ces deux usines, on est maintenant en mesure de réaliser
certains avantages de rationalisation des activités et de consolider
toute l'activité de la production pétrochimique de base dans la
région de Montréal. Nous alimentons une variété
d'industries dans notre région qui, par la suite, sont les fournisseurs
de matières
premières à toutes sortes d'industries en aval. Au total,
la pétrochimie au Québec peut compter dans la partie primaire,
c'est-à-dire Pétromont et ses clients immédiats, des
emplois qui sont de l'ordre de 1500 à 2000, mais en aval, dans la
variété d'industries attachées aux dérivés
de la pétrochimie, on compte, selon des analyses du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec, environ 24 000
personnes.
L'étendue de l'industrie est substantielle et, chose
peut-être aussi importante, l'industrie est très
intégrée dans l'activité de traitement des hydrocarbures
dans la vallée du Saint-Laurent. Vous savez déjà que
Montréal est un centre important de raffinage de pétrole. Encore
ce matin, on constate que cette activité est en train d'être
diminuée et que nous traversons une période difficile pour
l'industrie du raffinage. De toute façon, le raffinage existe à
Montréal depuis au-delà de 50 ans et c'est en fonction de cette
présence que la pétrochimie a pu se développer. Nous
prenons, comme producteurs de base, des dérivés de
pétrole, de raffinage comme matière première et c'est
justement en fonction de nos relations avec les raffineurs de Montréal
et en partie de l'extérieur de la région montréalaise que
nous fonctionnons présentement.
Nous agissons dans les deux sens, d'abord pour offrir un marché
aux raffineurs québécois; nous avons à peu près 5%
de leur capacité utilisée comme matière première.
D'un autre côté, nous comptons sur la diversité des
fournisseurs pour nous procurer à la fois la sécurité
d'approvisionnement et un environnement concurrentiel qui permette de trouver
des prix les plus raisonnables possible dans les circonstances. Nous avons
aussi comme activité une relation très intime avec la
région, surtout avec la ville de Montréal et les environs. Nous
sommes des utilisateurs considérables de services de tous les types
qu'on peut imaginer: services d'ingénierie, services de sous-traitance,
services professionnels. Nous avons aussi l'avantage des réseaux de
transport, toute l'infrastructure pour la réception des matières
premières et pour les envois de produits qui sont présentement
installés et qui permettent une facilité d'accès non
seulement aux matières premières, mais au marché de la
région et pour les exportations. Nous devons remarquer que pour la
pétrochimie la situation de Montréal vis-à-vis des grands
marchés de consommation est un phénomène très
spécial et nettement un actif dans le bilan industriel du Québec.
On peut aller loin pour trouver un autre endroit qui est aussi bien
équipé et situé aussi avantageusement pour
l'activité pétrochimique.
Tout ceci dit, il faut admettre que nous avons non seulement une
préoccupation pour conserver et continuer la pétrochimie dans la
région de Montréal, mais on insiste pour dire que la
pétrochimie peut jouer un rôle catalyseur dans le
développement industriel de la région que nous définissons
comme la vallée du Saint-Laurent.
On a remarqué dans le passé que différents centres
ont bénéficié de la disponibilité de certaines
ressources pour aider le progrès économique; l'énergie
électrique, en particulier, a aidé dans le passé pour le
développement de villes comme Shawinigan, Beauharnois,
Trois-Rivières, Baie-Comeau. Nous voulons remarquer maintenant que
l'énergie électrique est certainement disponible dans la
vallée du Saint-Laurent. Il y a aussi d'autres facteurs qui devraient
à l'avenir susciter un développement progressif sur le plan
industriel.
Si on prend tout le transport maritime, les disponibilités des
terres industrielles et si on ajoute à cela - là, nous voulons
faire la précision particulière - la disponibilité des
matières de base pétrochimiques, on peut faire le joint entre
d'autres types d'activités surtout dans l'électrochimie et la
production pétrochimique pour réaliser d'autres investissements,
d'autres activités industrielles qui profitent justement de la situation
bien alimentée dans la région de la vallée du
Saint-Laurent. Nous avons, en particulier, identifié la combinaison du
chlore et de l'éthylène comme une activité
particulièrement appropriée au Québec. Il n'existe pas
présentement une production de polychlorure de vinyle. Nous croyons que
l'excédent de chlore qui est la conséquence de la production de
soude caustique, notamment à Bécancour et à Beauharnois,
pourrait se combiner avec l'éthylène pour offrir une
activité à plusieurs étapes qui vont amener dans l'Est du
Canada et aussi dans le Nord-Est américain une source
d'approvisionnement en polychlorure de vinyle qui serait avantagé par
les coûts d'électricité dont dispose la vallée du
Saint-Laurent combiné avec la disponibilité d'un réseau de
transport et une accessibilité au marché de consommation.
À titre d'exemple, nous voulons faire remarquer que nous voyons la
pétrochimie comme une des grandes industries particulièrement
importantes pour l'élaboration du tissu industriel; elle s'ajoute aux
autres avantages disponibles dans la vallée du Saint-Laurent pour offir
au Québec un avenir prometteur.
Cependant, il faut aussi admettre que la situation de l'industrie
pétrochimique en ce moment n'est pas des meilleures. Depuis un certain
temps au Canada, nous avons vécu une augmentation dans les coûts
de nos matières premières déterminée en fonction de
la politique et d'ententes avec les provinces productrices, et cela même
s'il y a eu une stabilisation et, ensuite, une certaine
réduction dans le prix des matières premières
ailleurs dans le monde.
Au commencement, Pétromont a disposé d'un avantage
prononcé dans le coût de nos matières premières,
chose qui en partie a incité à la création de
l'entreprise. Cette situation est presque éliminée aujourd'hui en
fonction de la hausse au Canada du prix du pétrole par rapport au prix
mondial. À Montréal, aujourd'hui, on paye à peu
près le même prix que les importateurs dans le sud des
États-Unis pour le pétrole.
Par contre, il y a eu dans la même période une
récession économique, la pire depuis la période d'avant la
deuxième guerre mondiale. Une des conséquences de cette
récession est ceci: dans tous les centres de production
pétrochimique à travers le monde, on a été
frappé par une réduction de la consommation des produits au
moment où l'industrie avait complété une période
d'expansion des plus prononcées depuis son commencement. À
travers la période des années soixante-dix, il y a eu des
augmentations de capacité particulièrement prononcées,
à tel point qu'aujourd'hui l'industrie fonctionne à peu
près autour de 60% de sa capacité installée partout dans
le monde.
Alors, le résultat de tout cela amène des
réductions dans les prix des produits qui sont particulièrement
difficiles à absorber en relation avec le coût de nos
matières premières. L'industrie de la pétrochimie dans
l'Est du Canada, traditionnellement, est basée sur des
dérivés du pétrole, c'est-à-dire du pétrole
brut. Cette relation a permis la production d'une grande variété
de produits qui avantage une variété de secteurs d'industries en
aval. Par contre, la production aux États-Unis et ailleurs dans des
endroits où la production est le meilleur marché aujourd'hui est
basée sur un dérivé du gaz naturel qui s'appelle
l'éthane. Le résultat est que, même si leur
pétrochimie est plus spécifique en termes de
variété de produits, cela permet de concurrencer le produit
principal de nos installations; donc, cela nous rend difficilement
concurrentiels avec les grands centres de production ailleurs.
Tout cela a amené l'industrie pétrochimique au
Québec dans une situation particulièrement difficile, à
tel point que nous avons fait des représentations notamment au
gouvernement fédéral. Nous avons reçu comme réponse
initiale que nous aurions une aide financière à condition que le
gouvernement du Québec puisse fournir des montants égaux,
condition que le gouvernement a acceptée. Présentement,
Pétromont reçoit de l'aide financière pendant les
années 1983 et 1984, en attendant les conclusions d'un groupe de travail
qui a été mis sur pied par le gouvernement fédéral
et qui est composé de représentants de l'industrie et du monde du
travail pour développer un cadre politique qui devrait permettre
à l'industrie d'envisager un avenir positif. Le travail
présentement amorcé n'est pas complété.
Normalement, le groupe de travail devrait remettre ses conclusions d'ici
à la fin de l'année 1983 et, par la suite, le gouvernement
fédéral est censé réagir aux recommandations. (15
heures)
Si on peut déterminer une orientation stratégique pour
l'industrie pétrochimique en termes de politique, nous croyons que cette
orientation va impliquer une utilisation accrue de gaz pétroliers
liquéfiés, les GPL, qui sont spécifiquement le propane et
le butane. Évidemment, ce sont des matières premières qui
ne sont pas présentement disponibles facilement au Québec. Par
contre, il faut remarquer que la production de propane et de butane est
excédentaire aux besoins du Canada, à tel point qu'au-delà
de 50% de la production est présentement exportée largement aux
États-Unis. Il n'est pas impossible que la politique cherche des moyens
pour rendre accessibles à Montréal, entre autres à
l'industrie pétrochimique, ces excédents de production en
fonction de réseaux de transport plus efficaces que le système
actuel du chemin de fer ou des camions citernes. Si cela arrive, il sera
nécessaire aussi de trouver un mécanisme pour permettre aux GPL
de concurrencer les alimentations qui existent présentement parce
qu'elles sont devenues trop chères pour permettre à la
pétrochimie à Montréal de concurrencer les autres centres
de production. Une telle proposition va nécessiter de trouver un
mécanisme pour modifier les prix des GPL afin de les rendre
concurrentiels vis-à-vis des États-Unis et de l'Ouest
canadien.
Cela étant dit, il faut aussi remarquer que ce n'est pas
seulement en fonction d'approvisionnement de l'Ouest canadien qu'il faut
déterminer l'avenir de la pétrochimie au Québec. Je pense
qu'il est particulièrement avantageux pour le Québec de se
trouver, et cela prochainement, entre deux sources d'approvisionnement au
Canada pour les hydrocarbures. On sait bien le progrès qu'on fait dans
les découvertes en face de la Nouvelle-Écosse pour le gaz
naturel. On nous informe que le gaz qui sortira de ces gisements va offrir en
même temps des quantités considérables de GPL. Il y a aussi
les découvertes de pétrole plus loin, à Hibernia, qui en
plus du pétrole produiront aussi des GPL en grande quantité.
D'ici à la fin de la décennie, le Québec aura le choix
entre les hydrocarbures disponibles de l'Alberta et de la Saskatchewan et en
même temps à partir des gisements de la côte est. Je crois
que c'est une situation particulièrement favorable pour conserver et
cultiver la pétrochimie dans la vallée du
Saint-Laurent dans l'avenir.
Très rapidement parce que je ne veux pas m'arrêter trop
longtemps sur des détails et aussi pour commencer la période des
questions plus spécifiques, j'aimerais terminer en lisant les
conclusions de notre mémoire.
Les membres de l'Assemblée nationale du Québec ont eu
l'occasion de manifester leur désir de voir se maintenir et se
développer une industrie pétrochimique dans la vallée du
Saint-Laurent. C'est avec beaucoup de satisfaction que nous avons pris
connaissance de la motion adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale afin que Pétromont soit exemptée de
certaines taxes sur le pétrole. Plus récemment, l'exécutif
du gouvernement du Québec devait, d'ailleurs, décider de pairer
l'aide consentie par le gouvernement canadien. À cet égard, nous
reconnaissons que cette aide financière venue des capitales nous permet
de poursuivre nos activités. Il nous faut, cependant, rappeler que ce
n'est que lorsque des mesures à plus long terme garantissant la
disponibilité et un prix concurrentiel pour nos sources
d'approvisionnement seront en place que nous pourrons tirer un meilleur
bénéfice des installations pétrochimiques du
Québec.
Pétromont entend participer très activement au
comité d'étude créé par le gouvernement
fédéral. Nul doute qu'un appui persistant du gouvernement du
Québec sera nécessaire afin que les autorités publiques
d'Ottawa s'inspirent des recommandations de ce comité d'étude et
énoncent des politiques soucieuses des particularités de
l'industrie pétrochimique de l'Est et des conditions essentielles
à son développement.
Nous souhaitons également que le gouvernement du Québec
déploie tous les efforts nécessaires pour raffermir la vocation
du centre de raffinage de Montréal. La sécurité des
approvisionnements de Pétromont repose sur la continuité et le
renouvellement de cette vocation. À plus long terme, le Québec se
doit de posséder un dossier très à jour des
découvertes d'hydro-carbures de la côte est et imaginer des
propositions interprovinciales permettant d'utiliser le plus efficacement les
équipements de Montréal. À l'inverse, on pourrait assurer
aux provinces productrices un retour de valeurs économiques permettant
à celles-ci de poursuivre l'exploitation de leurs ressources et la mise
en place d'une activité manufacturière de troisième ou de
quatrième niveau dans la chaîne de transformation des bases
pétrochimiques.
À l'assurance d'approvisionnement à des prix
concurrentiels correspondent directement les marchés et la
clientèle. Le Québec doit aussi agir en ce domaine en ayant des
politiques de développement économique qui visent à
harmoniser les sources d'énergie et à en tirer le meilleur
bénéfice au profit de l'ensemble de l'industrie
manufacturière. Toutefois, le segment de l'industrie
manufacturière relié à la pétrochimie devrait
être en tête de liste de ces priorités. Que ce soit en
offrant des tarifs d'électricité qui améliorent les
chances d'implantation d'usines en aval de la pétrochimie ou par le
biais de "joint ventures" entre des sociétés d'État et des
entreprises privées, il peut être imaginé plusieurs formes
d'appuis et de stimulants à ce secteur. Pétromont offre ses
services à cet égard et souhaite examiner avec le gouvernement du
Québec les choix stratégiques qui pourraient permettre
d'optimiser le développement de cette activité
manufacturière.
Le gouvernement du Canada devra, de son côté,
réaffirmer son intention de voir se développer, selon leurs
avantages distinctifs, l'activité des trois centres
pétrochimiques au pays. Il devra également réserver une
place de choix à la pétrochimie au sein de sa stratégie
industrielle. Les politiques énergétiques devront être
modifiées de façon à établir une distinction
très nette entre les hydrocarbures destinés au rôle
énergétique, par rapport à celui de levier
économique et d'atout industriel que représentent les
hydrocarbures servant de matières premières à la
pétrochimie. Seule une différenciation de prix peut clairement
indiquer ce choix.
En terminant, nous remercions les membres de la commision de leur
participation intéressée à cette présentation et
nous sommes disposés à discuter avec eux des
caractéristiques de notre secteur d'activités et des suggestions
que nous venons de présenter. Nous aimerions qu'au terme de cet
échange les parlementaires du Québec deviennent des promoteurs
inconditionnels du développement de la pétrochimie au
Québec et fassent partager au plus grand nombre possible de nos
concitoyens l'importance économique de cette industrie et le potentiel
qu'elle représente dans la hiérarchie des options industrielles
du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Dinsmore.
Est-ce que vous pourriez identifier la personne qui vous accompagne?
M. Dinsmore: Certainement, M. Marcel Émond, qui est
vice-président de la production et approvisionnement de
Pétromont.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Dinsmore, à la fois pour votre
mémoire et pour la présentation que vous venez d'en faire. En
vous écoutant, cela me rappelle des souvenirs de quelques années
à peine, alors que j'étais au ministère de l'Industrie, du
Commerce et
du Tourisme, avec la responsabilité du dossier de la SGF. Je me
souviens que c'est à cette époque que nous avons donné un
mandat à la SGF pour lui permettre de mettre sur pied une filiale qui
s'appelle Éthylec, je crois, et qui détient le tiers des
intérêts dans Pétromont avec Gulf et Union Carbide. Cela
remonte déjà, mon Dieu, à presque trois ans. Le
défi était de maintenir une industrie pétrochimique
à Montréal et d'en faire un complexe de taille mondiale. Vous me
corrigerez si ma mémoire fait défaut, mais il me semble qu'on
voulait doubler la capacité de vapocraquage à Montréal. On
voulait aller rejoindre ce qu'on appelait le seuil mondial qui est de 1 000 000
000 de livres d'éthylène, je crois.
Bien sûr, beaucoup de choses, je devrais dire beaucoup de
bouleversements se sont produits sur le marché du pétrole
international. Vous rappelez avec justesse le problème no 1, pas
tellement la question des approvisionnements comme telle, mais les prix. Dans
le jargon, on appelle cela le prix du "feed stock". Cela reste, d'après
vos propos d'aujourd'hui et d'après votre mémoire aussi, le
problème no 1. Mais, avant d'aborder cette question, je voudrais vous
poser une question d'ordre général. Est-ce que c'est toujours
logique de penser qu'on peut maintenir au Canada - dans l'Ouest, en Ontario et
à Montréal, ou dans la vallée du Saint-Laurent - trois
centres pétrochimiques dans la mesure où une partie de plus en
plus large des produits est vouée à l'exportation et où la
capacité installée sur le marché mondial - quand on se
réfère au marché mondial, on se réfère,
j'imagine, aux pays industrialisés de l'Ouest - tourne à peu
près à 60%? Est-ce que c'est toujours possible de maintenir et de
relever ce défi de créer à Montréal un centre de
pétrochimie de taille mondiale, tel qu'on l'envisageait il y a trois ans
ou trois ans et demi?
Le Président (M. Vallières): M. Dinsmore.
M. Dinsmore: M. le Président, j'aimerais répondre
au ministre en deux étapes. Il pose la question de la mission originale
de Pétromont qui était de doubler de capacité pour arriver
à la taille mondiale. Cet après-midi, j'ai admis que la situation
conjoncturelle indique que ce serait très difficile, sinon impossible.
Je crois que, si nous devons fonctionner avec des matières
premières à partir des raffineries seulement, comme
c'était fait traditionnellement et comme cela se fait encore maintenant,
nous n'aurons pas la moindre chance de penser à l'expansion. Si, par
contre, on accepte qu'il y ait des creux et des périodes expansionnistes
qui se succèdent les uns aux autres, si on accepte des projections qui
suggèrent qu'il y aura quand même des augmentations dans la
consommation de nos produits, d'ici la fin du siècle, de l'ordre de 3%
à 4% par année, il faut déterminer si le Canada,
spécifiquement, pays très riche en hydrocarbures - en passant,
qui possède des hydrocarbures pas tout à fait de la sorte qu'on
aimerait avoir; on aimerait beaucoup plus de pétrole et peut-être
un peu moins de gaz naturel, mais, de toute façon, on est très
riche en hydrocarbures - ayant fait l'examen de toutes ces options
industrielles, de toutes ces options manufacturières, arrive à la
conclusion qu'il y a au moins, comme un des volets de développement
économique, la nécessité de valoriser ses richesses
naturelles au maximum, en fonction des marchés disponibles. (15 h
15)
Je pense qu'on peut déterminer des politiques favorables à
l'encouragement de la pétrochimie comme, entre autres, une industrie non
seulement pour combler les besoins domestiques, mais aussi une industrie
d'exportation qui serait, en termes d'emplois, en termes de valeur
ajoutée, en termes de contribution économique, au moins
l'égale et qui devrait même dépasser
considérablement la réalisation que nous avons
présentement en faisant l'exportation de nos hydrocarbures sous une
forme brute ou en les laissant dans la terre. Je pense que c'est le genre de
choix qui, à un moment donné, doit être
déterminé non seulement par le gouvernement
fédéral, mais aussi par le gouvernement du Québec. Ce
n'est pas une question à laquelle la réponse est automatique et
claire. Il faut développer un environnement favorable pour permettre le
développement de la pétrochimie au Québec.
J'admets que ce n'est pas facile de comprendre pourquoi il faut
développer la pétrochimie ici et pas ailleurs. Mais c'est
peut-être intéressant de remarquer que, si on voulait remplacer
les installations de Pétromont aujourd'hui, il serait nécessaire
d'investir près de 1 000 000 000 $ simplement pour imiter les
équipements en place. Ce serait très difficile de recréer
cette industrie ailleurs ou encore de développer le tissu qui assure le
fonctionnement de ces installations. C'est quelque chose que le Québec a
pu réaliser depuis 40 ans et ce n'est pas quelque chose qui peut
être répété rapidement à d'autres endroits,
à tel point que nous avons été informés
récemment par des hauts fonctionnaires du gouvernement de la
Nouvelle-Écosse que ce n'est pas leur intention - dans un avenir
rapproché, certainement pas, et peut-être jamais -d'installer, en
Nouvelle-Écosse, un centre pétrochimique. On arrive à la
conclusion que c'est à la fois un trop grand risque sur le plan
financier et un investissement qui dépasserait toute raison.
Je pense qu'ayant été doté des équipements
et des infrastructures nécessaires, du fait qu'il y aura une
disponibilité d'hydrocarbures non seulement de l'Ouest canadien, mais de
l'Est, on peut essayer de déterminer l'environnement favorable pour
réaliser l'ambition originale de Pétromont qui vise un centre
d'activités d'une importance du double des installations actuelles.
J'aimerais également ajouter un mot relativement à une
situation qui s'est produite depuis trois ans. La taille mondiale, telle que
définie dans le temps, n'est peut-être plus valable. Tous les
centres justifiaient des installations qui avaient la capacité de 1 000
000 000 de livres d'éthylène par année et les produits
connexes. Aujourd'hui, c'est moins la taille que la flexibilité des
installations qui est importante. Déjà, Pétromont a fait
la preuve que la plupart des matières premières peuvent entrer
avec les équipements en place. Si nous voulons compléter la
capacité en termes de flexibilité de Pétromont, cela va
coûter peut-être de 25 000 000 $ à 30 000 000 $ de plus.
Déjà, on a presque 80% des besoins en place et nous sommes
probablement le centre le plus capable de s'adapter aux GPL, parmi tous ceux du
Canada. Je pense que nous partons d'une base très solide et, avec un
changement dans le climat économique, on pourrait se développer
davantage. Ce n'est pas nécessaire de doubler les installations d'un
seul coup; c'est un autre avantage de nos installations. Nous pouvons greffer
des tranches beaucoup plus modestes au fur et à mesure du
développement des marchés.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous connaissez, M. Dinsmore, non seulement notre
intérêt, mais notre engagement dans la pétrochimie. Je
crois que c'est à la hauteur d'une vingtaine de millions de dollars qu'a
été la contribution du gouvernement récemment. On n'a pas
l'intention, au contraire, de revenir sur les objectifs. Je voudrais vous
parler du prix des matières premières. Depuis la reprise des
travaux de notre commission, beaucoup d'intervenants nous font valoir leurs
propres scénarios sur l'évolution des prix. Au bas de la page 23
et à la page 24, en particulier, de votre mémoire, vous
écrivez: "Les politiques énergétiques devront être
modifiées de façon à établir une distinction
très nette entre les hydrocarbures destinés au rôle
énergétique par rapport à celui de levier
économique et d'atout industriel que représentent les
hydrocarbures servant de matières premières à la
pétrochimie. Seule une différenciation des prix peut clairement
indiquer ce choix."
On va s'entendre bien clairement sur les termes. Ce que vous avancez
dans votre proposition, c'est un mécanisme de double prix: un prix aux
matières premières pour alimenter la pétrochimie et un
prix pour le reste. Est-ce que je comprends bien le sens de votre proposition
qui serait de faire en sorte que le prix des matières premières
à la pétrochimie devrait être distinct du reste du
marché? Ce qui voudrait dire quoi? Un prix contrôlé et un
prix subventionné? Qu'est-ce que vous avez en tête exactement?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: Je pense que le ministre identifie une position que
nous avons exprimée depuis au-delà d'un an, presque deux ans
maintenant, aux autorités fédérales en disant que nous
pouvons peut-être comprendre pourquoi le système fiscal doit
prélever une contribution aux deniers publics au moment de la production
d'un hydrocarbure si sa vocation est d'être consommé par une
combustion quelconque qui met fin à sa vie utile. Si, par contre, le
système est en mesure de renouveler et même d'augmenter la
contribution économique de la matière première par des
transformations successives, nous croyons que ce n'est pas nécessaire
d'imposer l'hydrocarbure au moment de sa production, mais plutôt
d'attendre des recettes, en fonction des différents niveaux de
transformation, par le système des impositions bien connu et
traditionnel. C'est à cause de cela que nous proposons cette
distinction. Les modèles pour arriver là peuvent prendre
différentes formes. Probablement que le plus efficace serait
d'éliminer la taxation au niveau de la production initiale et de
développer des taxes plutôt près de la consommation
déterminante de la matière et de permettre à tout
hydrocarbure valorisé par la chaîne pétrochimique des
exemptions afin d'encourager la transformation ultérieure.
Les modalités d'un tel système n'ont jamais
été analysées par nous, parce que nous ne sommes pas des
experts fiscaux. Par contre, je pense que le principe a été
identifié et la question maintenant reste à savoir si le principe
a été accepté. Sinon, il y a peut-être d'autres
façons pour régler la question des prix. Entre autres, on a
parlé cet après-midi de l'utilisation accrue des GPL. Il y a
possibilité, en fonction des surplus de production au Canada, de
modifier la situation à l'offre et la demande afin de faire descendre le
prix en fonction d'une disponibilité excessive en mettant une limite sur
les exportations des GPL. Le Canada, après tout, contrôle les
permis d'exportation et, si on peut montrer que c'est véritablement la
façon de réaliser une
industrie compétitive, je pense qu'il serait dans
l'intérêt de tous d'appliquer ce qu'on appelle des "surplus tests"
beaucoup plus sévères pour déterminer le niveau
d'exportation des GPL du Canada.
C'est certainement une autre façon, mais dans le texte ici on
avait, justement, en tête l'idée de modifier la structure fiscale
afin d'exempter toute valorisation de la matière en forme de
matière pétrochimique des taxes, afin de simplifier la situation
économique.
M. Duhaime: Si je comprends bien vos propos, cela veut dire que,
comme acheteurs de matières premières, vous souhaiteriez que la
taxation, au lieu de s'appliquer à votre niveau, soit reportée en
aval.
Maintenant vous nous avez dit tantôt, si j'ai bien saisi le
chiffre, que c'est à 50% que les gaz pétroliers
liquéfiés, ce que vous appelez les GPL, principalement le propane
et le butane, sont exportés. Est-ce que ces produits qui sont
exportés aujourd'hui pourraient être valorisés ici à
Montréal, par exemple? Est-ce que vous avez fait l'examen des
infrastructures qui seraient nécessaires pour être en mesure de
valoriser les GPL plutôt que de les exporter?
Une voix: M. Dinsmore.
M. Dinsmore: M. le Président, Pétromont travaille
de concert avec d'autres de l'industrie pour identifier s'il existe
déjà au moins des éléments pour rationaliser le
système de transport des GPL de l'Ouest canadien et surtout de Sarnia,
jusqu'à Montréal parce qu'il y a déjà un
réseau en place pour transporter les GPL jusqu'à Sarnia. Ces
études sont à un stade très préliminaire et nous
n'avons pas de conclusion à vous indiquer cet après-midi, sauf
pour dire qu'on va probablement avoir besoin de construction de pipelines ou
d'adaptation de pipelines existants. Cela dépend de la condition et des
intérêts concernés et ces discussions n'ont pas encore
été entamées.
Une fois arrivés à Montréal, les GPL doivent
être emmagasinés. Souvent, cela arrive dans un mélange;
alors, il y a possibilité d'installer des équipements de
séparation. Mais une fois disponibles sur une base fiable à
Montréal et à des prix compétitifs, leur introduction dans
nos équipements propres à Pétromont ne serait pas
très difficile. Comme je l'avais mentionné, nous avons la
nécessité de faire certains investissements qui, à la
limite, pourraient toucher quelque chose autour de 30 000 000 $ pour
réellement les rendre complètement adaptés aux GPL. Mais
je pense déjà, en particulier pour le butane, que nous pouvons
fonctionner jusqu'à 70% sur le butane à Varennes, qui est notre
installation principale.
J'aimerais ajouter, en passant, que nos installations à
Montréal-Est fonctionnent déjà exclusivement sur des gaz
de raffinerie et le gaz propane. Alors, il n'est pas question là de
substituer des dérivés du pétrole comme tels, sauf pour
dire que les gaz de raffinerie sont un produit des raffineries de
Montréal et cette usine est raccordée par des pipelines aux
raffineries voisinantes, ce qui permet à Pétromont une
exploitation très efficace. (15 h 30)
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Je suis très heureux de voir que ce dossier
fait l'objet d'études et de travaux chez Pétromont et que,
éventuellement, si les niveaux de consommation l'indiquaient, cela
pourrait peut-être devenir une phase de développement
ultérieure pour Pétromont dans cette direction.
Il y a juste un dernier point avant de permettre à mes
collègues de discuter avec vous. Vous indiquez vous-même dans
votre mémoire que vous souhaitez que notre gouvernement "déploie
- je me réfère à la page 22 de votre mémoire - tous
les efforts nécessaires pour raffermir la vocation du centre de
raffinage de Montréal. La sécurité des approvisionnements
de Pétromont repose sur la continuité et le renouvellement de
cette vocation." Il a été beaucoup question, depuis la reprise
des travaux de la commission, de cette baisse des capacités de raffinage
à Montréal. Je sais que vous êtes déjà
familier avec ces chiffres, mais je voudrais quand même les rappeler. Au
début de 1982, les capacités installées au Québec
étaient de l'ordre de 607 000 barils-jour. Avec la projection de fin
1983, en mettant à côté d'Ultramar 130 000 barils-jour de
capacité, le Québec se retrouverait, à cause de la
suspension des activités d'Esso et des fermetures chez BP et Texaco
à 375 000 barils-jour de capacité de raffinage par rapport
à l'Ontario qui était de 678 000 barils-jour à la fin de
1982. Il y a eu une fermeture, celle de Shell à Oakville, et des
réductions dans d'autres raffineries; l'Ontario se retrouverait à
un niveau d'environ 560 000 barils-jour à la fin de 1983 par rapport
à 370 000 ou 375 000 barils-jour à Montréal, enfin au
Québec.
Est-ce que cette capacité de raffinage de l'ordre de ce que je
viens de vous donner comme projection donne suffisamment de garantie à
Pétromont quant à la sécurité des
approvisionnements pour lui permettre d'envisager de poursuivre ses
activités ou bien si, comme le souligne votre mémoire, vous
souhaitez que le gouvernement déploie tous les efforts
nécessaires pour raffermir la vocation du centre de raffinage de
Montréal?
Est-ce que votre proposition va dans le sens que vous invitez le
gouvernement à travailler non seulement à maintenir les
capacités projetées, mais à les augmenter?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: Je me demande, M. le Président, si je peux
inviter mon collègue, M. Émond, qui est beaucoup plus familier
avec le réseau de raffinage au Québec. En passant, M.
Émond, était dernièrement, avant de se joindre à
Pétromont, le directeur de la raffinerie Ultramar en face de la ville de
Québec. Il est très familier avec la situation du raffinage au
Québec. Je l'invite à commenter la question.
M. Émond (Marcel): M. le Président, si la
capacité de raffinage de 375 000 barils de pétrole brut au
Québec demeurait stable, je crois bien qu'avec la capacité de
production d'éthylène telle qu'elle est dans le moment, pour
Pétromont, qui est de 425 000 000 de livres, on aurait suffisamment de
matière première pour s'alimenter. Par contre, toute
réduction substantielle de cette capacité pourrait causer
certains problèmes à court terme. Par contre, si on continue,
disons, à aller dans la même veine et qu'on a une ou deux autres
fermetures, la situation pourrait devenir critique.
M. Duhaime: On dit que 375 000 barils-jour de capacité de
raffinage installée peut vous fournir de la matière
première pour envisager 425 000 000 de livres
d'éthylène.
M. Émond: Oui.
M. Duhaime: Si la capacité de raffinage restait ce qu'elle
est, cela exclut de toute manière que Pétromont puisse prendre de
l'expansion en termes d'augmenter sa capacité de vapocraqueurs.
M. Émond: Pas nécessairement. Les besoins de
Pétromont représentent environ 5% de cette capacité de
raffinage, ce qui est un bon rapport pour l'alimentation pétrochimique.
C'est sûr et certain que, si Pétromont doublait sa
capacité, il faudrait trouver les autres 5%. À ce
moment-là, on pourrait avoir la côte Est, on pourrait avoir les
importations, on pourrait avoir un pourcentage accru des raffineurs; cela
devient plus difficile. Ce qui est souhaitable, c'est que la position du
Québec comme centre de raffinage ne s'effrite plus.
M. Duhaime: Cela voudrait dire, si je vous saisis bien - vous me
corrigerez si je fais erreur - que la capacité de raffinage
constante...
M. Émond: Oui.
M. Duhaime: ...qui représente, suivant vos besoins... Vous
nous parlez de 5% qui correspondrait à une production chez
Pétromont de 425 000 000 de livres d'éthylène.
M. Émond: Exactement.
M. Duhaime: Si Pétromont décide d'augmenter sa
production vers ce qu'on envisageait, il y a deux ou trois ans, comme
étant, à la taille mondiale à l'époque, 1 000 000
000 de livres - cela m'a l'air que les scénarios ont changé -
cela voudrait dire que, parce qu'il manquerait de capacité de raffinage
installée au Québec, si on veut donner une expansion à la
pétrochimie, il faudrait importer des matières premières
requises par Pétromont, si je comprends bien.
M. Émond: Cela pourrait être le cas.
M. Duhaime: Les gens qui viennent ici devant la commission et qui
nous disent que les diminutions de capacité de raffinage à la
suite d'annonce de deux fermetures, soit celle de Petrocan-BP et celle de
Texaco, et la suspension des activités de la raffinerie de Esso peuvent
mettre en péril la pétrochimie au Québec, est-ce que vous
vous ralliez à cette proposition-là ou si vous croyez que...
M. Émond: Elle ne mettrait probablement pas en
péril la position de la pétrochimie au Québec, mais elle
la rendrait certainement plus difficile.
M. Duhaime: Elle pourrait couper toute possibilité
d'expansion.
M. Émond: Cela pourrait sûrement la rendre
difficile.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je pense que l'exemple de la
pétrochimie au Québec est un exemple flagrant de la
nécessité d'une collaboration fédérale-provinciale.
Je crois que vous l'indiquez en filigrane dans votre mémoire.
D'ailleurs, j'ai été celui qui a fait la proposition à
l'Assemblée nationale pour demander au fédéral de faire
des choses pour que les conditions nécessaires puissent assurer la
survie de la pétrochimie au Québec. Lorsqu'on parle de
développement économique, on s'aperçoit que les
problèmes deviennent tellement difficiles à résoudre, eu
égard aux matières premières, eu égard aux
politiques énergétiques, que vous indiquez justement dans vos
conclusions que, pour
réussir dans le domaine de la pétrochimie au
Québec, il faudra que le gouvernement fédéral fasse des
modifications importantes à sa politique énergétique. Vous
indiquez également qu'il y a une action nécessaire de la part du
gouvernement provincial. Je crois que c'est un exemple patent où les
deux niveaux de gouvernement doivent collaborer pour assurer la survie et le
développement d'une industrie qui, de toute évidence - on parle
de 24 000 emplois - est de première importance pour le
Québec.
J'aimerais reprendre une à une certaines de vos conclusions. Vous
parlez en premier du comité d'étude qui a été
formé. J'avais entendu dire, à un moment donné, qu'il y
avait certaines inquiétudes, à savoir si les représentants
du Québec étaient en nombre suffisant pour faire valoir le point
de vue du Québec. Vous avez semblé indiquer que les travaux du
comité d'étude allaient dans une bonne direction. Pouvez-vous
donner aux membres de la commission une certaine assurance, à savoir
qu'il y a un nombre suffisant de représentants du Québec pour
assurer que le point de vue du Québec soit bien défendu et que,
somme toute, ce comité devrait arriver à de bonnes conclusions en
ce qui nous concerne?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: M. le Président, je veux dire que la
représentation des entreprises qui sont installées
entièrement ou partiellement au Québec au niveau du "task force",
du groupe de travail est très considérable. Je n'ai pas fait la
relation, mais il y a au moins 50% des représentants qui composent le
groupe de travail qui ont des investissements au Québec. Est-ce que
c'est suffisant? Je pense qu'il faut attendre les conclusions.
M. Fortier: Si c'est 50%, c'est beaucoup parce qu'à un
moment donné, on m'avait indiqué que cela serait beaucoup moins.
Je suis heureux de savoir que le point de vue de ceux qui ont des
intérêts au Québec va être entendu.
On parle, un peu plus loin dans vos recommandations, de la
nécessité de raffermir la vocation du centre de raffinage et
j'aimerais continuer dans la lignée de ce que le ministre a
évoqué. Est-ce que le fait de... Peut-être que je ferais
mieux de faire porter la discussion sur ce que sont les matières
premières utilisées. On a parlé du pétrole et on a
parlé du prix du pétrole, donc de la nécessité
d'une révision de la politique énergétique
fédérale. Il y a d'autres produits ou sous-produits que vous
utilisez; vous avez parlé de la possibilité d'utiliser les GPL;
vous avez parlé des gaz qui viendraient des raffineries. Quels sont les
sous-produits qui proviennent des raffineries de pétrole, à part
les gaz, et à quoi servent ces gaz-là? Est-ce que c'est sous
forme de combustion? Est-ce qu'il s'agit d'un élément servant
à la combustion? Est-ce qu'il s'agit d'une matière
première comme telle qui entre dans la fabrication des produits?
Pourriez-vous m'indiquer quels sont ces produits qui proviennent des
raffineries de pétrole et à quoi ils servent?
M. Dinsmore: Peut-être que je peux de nouveau...
Le Président (M. Vallières): M. Émond.
M. Émond: M. le Président, si on commence par
l'énumération des gaz les plus légers, les gaz de
raffinerie sont les gaz produits par l'opération du craqueur
catalytique. Ces gaz contiennent un certain volume d'éthane, de propane
et de butane ainsi que des gaz non saturés comme
l'éthylène et le propylène. On en fait le recouvrement et
on craque l'éthane, le propane et le butane pour produire nos
dérivés.
M. Fortier: Cela sert comme matière première.
M. Émond: Cela sert comme matière première.
On n'utilise pas les gaz de raffinerie comme combustible. On utilise nos
propres gaz qui sont un produit secondaire de la réaction de craquage et
aussi le gaz naturel. Maintenant, on utilise le propane, le butane,
différents mélanges de butane qui peuvent sortir des raffineries,
un certain niveau de butane normal et de butane-iso que les raffineries
utilisent l'hiver dans les essences; durant l'été, c'est en
surplus et on peut les acheter. Il y a aussi les naphtes; il y a les naphtes
légers, il y a aussi les naphtes lourds. Il y a aussi toute la gamme des
distillats qui peuvent servir comme mazout léger ou mazout lourd, mais
pas le résidu qu'on appelle "bunker"; on ne touche pas à
cela.
On peut dire qu'on peut utiliser les hydrocarbures à partir du
propane jusqu'à un point d'ébullition d'environ 750 F, qui est
une gamme assez large.
M. Fortier: Ces sous-produits que vous achetez des raffineries,
si je comprends bien, vous les achetez de Gulf et d'Union Carbide, mais vous
pouvez aussi également les acheter d'autres raffineries qui ne sont pas
des actionnaires.
M. Émond: On a acheté de tous les raffineurs au
Québec au cours des derniers douze mois.
M. Fortier: À ce moment-là, sans
entrer dans toutes les ententes contractuelles, est-ce que le fait
qu'une raffinerie fonctionne à faible capacité peut influencer le
prix de ces matières premières? Dans quelle mesure la
rentabilité d'une raffinerie a-t-elle un impact positif sur le prix que
vous payez vous-mêmes en achetant des sous-produits de raffinerie qui
deviennent des matières premières?
M. Émond: Je ne crois pas que le niveau d'exploitation
d'une raffinerie ait un impact majeur sur nos prix d'acquisition. C'est
plutôt une complémentarité entre la matière qu'on
peut acheter et la matière qu'on peut nous vendre. Un exemple: les
raffineurs vont garder les naphtes de bonne qualité pour la production
de l'essence; les naphtes de mauvaise qualité qui sont plus chers
à reformer sont d'excellentes sources d'alimentation pour nous. Si un
raffineur peut faire en sorte de libérer cette matière-là,
il peut y avoir une entente commerciale entre les deux.
M. Fortier: S'ils ne vous les vendaient pas, que feraient-ils
avec ces sous-produits?
M. Émond: Dans certains cas, cela leur coûte un
surplus pour les transformer, soit en essence, soit en distillat. Dans d'autres
cas, ils peuvent les utiliser comme combustible.
M. Fortier: On peut dire que c'est une
complémentarité naturelle entre la pétrochimie...
M. Émond: Exactement.
M. Fortier: ...et la raffinerie et qu'on a avantage à
faire en sorte que les deux fonctionnent à un niveau de production
économique. Si on porte un jugement global, je crois que c'est un
premier jugement qu'on pourrait porter. On n'aurait pas avantage, dans
l'ensemble - comme vous l'indiquiez tout à l'heure - à avoir une
pétrochimie trop considérable par rapport à la production,
à moins d'importer d'ailleurs et, à ce moment-là, cela
deviendrait encore une question économique, parce que ce n'est pas tout
d'importer. John Dinsmore a indiqué au début qu'on était
en compétition internationale ou à peu près; alors, on
revient à des coûts de production et il faut avoir la taille que
l'économie nous permet de développer pour qu'on puisse entrer en
concurrence avec l'industrie mondiale. (15 h 45)
M. Émond: Je suis d'accord.
M. Fortier: Je voulais arriver à ce que vous souhaitez,
raffermir la vocation du centre de raffinage. Si j'ai bien compris votre
réponse, c'était qu'il y aurait avantage à stabiliser au
niveau minimal qu'on a semblé indiquer et qui serait 375 000 barils,
quoique les producteurs d'essence, les raffineurs nous aient indiqué que
ce qui était déterminant pour eux, ce n'était pas
tellement la capacité totale, mais la production d'huile
légère et c'est à partir de là qu'ils
déterminaient leur niveau de production. C'est la production d'huile
légère et non pas tellement la capacité totale de l'usine.
Je ne suis pas ingénieur en pétrochimie, mais je peux vous
laisser le soin de conclure.
Quand on parle de raffermir, ce que vous dites, c'est que, dans
l'état actuel des choses, le niveau qui a été
indiqué après les fermetures de raffineries serait à votre
avis un niveau souhaitable pour vous permettre de continuer vos
activités sur une base économique.
M. Émond: Cela semble un niveau adéquat.
M. Fortier: Un niveau adéquat? M. Émond:
Dans le moment.
M. Fortier: Pourriez-vous m'indiquer une chose dont on ne parle
pas, sachant que vous êtes en compétition mondiale? Dans quelle
mesure Pétromont elle-même peut-elle faire de la recherche et du
développement, étant en concurrrence internationale? J'imagine
qu'il y a des nouveaux produits qu'on peut développer, il y a des gens
qui font de la recherche ailleurs dans le monde et, si vous ne continuez
qu'à produire ce que vous produisez dans le moment, tôt ou tard,
il y a quelqu'un d'autre qui va trouver une meilleure façon de produire
de nouveaux produits, de façon plus économique ou en utilisant
des sous-produits différents. Alors, dans quelle mesure,
indépendamment de la question de la taille - comme on l'indiquait tout
à l'heure - Pétromont ou l'industrie pétrochimique du
Québec peut-elle rester à l'avant-garde de ce qui se fait non
seulement en Ontario et à Calagary, mais dans le monde? Parce que nous
sommes même en compétition avec le Texas. Comment peut-on faire la
recherche et le développement? Si on regarde cela comme une industrie
statistique, je crois que tôt ou tard on va se casser le nez, comme
peut-être l'industrie du fer n'a pas su prévoir qu'il y aurait des
boulversements mondiaux. Ma question est celle-ci: Comment peut-on assurer
à la pétrochimie montréalaise, indépendamment de la
question d'approvisionnement, un développement de nouveaux produits, un
développement de nouveaux procédés qui va lui permettre de
rester à l'avant-garde, puisqu'il se pourrait fort bien qu'avec le
même niveau, la même capacité que vous avez dans le moment,
vous pourriez produire
plus de produits qui seraient en plus grande demande?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: Pour répondre à la question, il est
important de souligner que l'activité de production de base
détermine des produits qui ne se distinguent pas;
l'éthylène peut varier en termes de pureté, mais pas en
fonction d'autres attributs. C'est un monomère de base avec presque
aucune caractéristique particulière.
Dans une entreprise comme Pétromont, presque aucune
activité dans le domaine de l'innovation sur des procédés,
sur la définition de produits ne va changer dans l'avenir.
L'activité d'innovation doit s'appliquer au niveau de la
production des produits en aval. J'admets que l'activité dans le domaine
de la recherche à Montréal, à cet égard, n'est pas
énorme, mais il faut remarquer, entre autres, qu'Union Carbide
administre son centre technique à Montréal, centre qui
détermine les aspects dans le domaine du polyéthylène,
à titre d'exemple, et aussi en fonction de sa variété de
produits chimiques, à partir de l'éthylène glycol qui est
produit à Montréal ainsi que l'oxyde
d'éthylène.
On sait qu'il y a des efforts pour déterminer de nouvelles
technologies pour la production de monomères et surtout pour utiliser du
matériel plus lourd et aussi pour y arriver par la filière de la
biomasse. J'ai posé la question à des personnes
compétentes dernièrement et la réponse que j'ai eue, c'est
que, dans ce domaine, cela devrait prendre au moins une vingtaine
d'années avant d'introduire de nouveaux procédés pour la
production de produits pétrochimiques de base. Présentement, il
n'y a pas une seule idée valable qui semble se présenter pour
concurrencer les processus en place. Alors, à Pétromont, on
n'aurait sûrement pas les capacités de développer de
nouveaux procédés pour remplacer les systèmes de
vapocraquage en place, mais je pense même qu'on ne serait pas
concurrencé d'ici la fin du siècle par des développements
ailleurs. Autrement, il faut admettre qu'on est toujours à la recherche
de nouveaux marchés, de nouveaux débouchés. C'est à
ce niveau que nous suivons le plus possible les développements dans
différentes entreprises pour déterminer si véritablement
on peut amener au Québec une entreprise qui est à l'avant-garde
dans ce domaine. Présentement, nous travaillons avec plusieurs dans
l'espoir que cela pourrait arriver par un emplacement à
côté de nos installations pour desservir le marché du
Québec. Mais tout ce qui est recherche et développement dans ce
domaine, malheureusement, il faut l'accepter, c'est fait ailleurs.
M. Fortier: J'imagine que vos deux actionnaires, Gulf et Union
Carbide, dans leur maison mère, font de la recherche. Enfin, j'imagine
que toutes les...
M. Dinsmore: Union Carbide, oui, comme je l'ai
mentionné...
M. Fortier: Est-ce que, dans l'entente qui a été
signée par la SGF, alors que le ministre était responsable du
dossier, il a été prévu que, s'il y avait des innovations,
Pétromont en bénéficiait automatiquement? Ou est-ce que
c'est laissé à la bonne volonté de vos actionnaires d'en
faire bénéficier Pétromont au lieu que ces innovations
puissent bénéficier à d'autres sociétés
où ces deux actionnaires peuvent avoir également des
intérêts?
M. Dinsmore: Au niveau des produits, comme je l'ai
mentionné, il n'y a pas de recherche qui va effectivement toucher notre
gamme de production. C'est surtout au niveau de la transformation de nos
produits que cette activité se réalise. Et ce n'est pas pour
autre chose que d'augmenter le débouché de notre production en
faveur de l'un ou l'autre de nos clients. On avait justement la
possibilité de nous adapter à des développements qui sont
encore en cours et suivis par Gulf aux États-Unis pour modifier nos
fours afin de les rendre plus réceptifs à des matières
plus lourdes. Ces développements sont faits en relation avec une
entreprise de génie-conseil qui est aussi notre consultant et je
présume qu'au moment où ces développements seront
perfectionnés, nous aurons la possibilité, comme d'autres,
d'acheter cette technologie. Alors, dans le domaine de la production,
normalement, n'importe qui peut acheter la technologie une fois qu'elle est
développée et déterminée utile pour nos
installations. Il n'y a jamais, à ma connaissance - et peut-être
que M. Émond pourrait répondre - la possibilité d'en
profiter sans payer de redevances, même si on est en relation directe
avec l'entreprise en question.
M. Fortier: Alors, si je comprends bien, le succès
économique de votre entreprise dépend en très grande
partie des matières premières et des coûts d'énergie
- vous avez mentionné le coût de l'énergie
électrique en particulier - et dépend beaucoup de l'étude
du marché, que vous tenez à jour continuellement, pour
connaître les besoins de la clientèle et pour assurer la
pénétration d'un nouveau produit en fonction des besoins
réels qui existent sur le marché. J'imagine que, de ce
côté-là, vous êtes à l'affût
continuellement pour vous assurer - c'est là que vous parliez de la
flexibilité de vos usines - au fur et à mesure des besoins, de
satisfaire des besoins bien précis et d'être le
plus concurrentiel possible.
Vous mentionnez, à la page 22, ce qui va se développer
lorsqu'on trouvera des hydrocarbures et du gaz près de l'île de
Sable et du pétrole au large de Terre-Neuve. Vous avez mentionné,
tout à l'heure, le fait que le gouvernement de la
Nouvelle-Écosse, du moins les fonctionnaires, vous avaient
indiqué qu'il n'était pas dans leur stratégie de favoriser
une usine pétrochimique puisque ce n'était peut-être pas
souhaitable, compte tenu du marché qui existe et des difficultés
de créer une telle usine. Maintenant, il est certain - vous semblez
l'indiquer ici - qu'on devra quand même trouver une collaboration avec
Terre-Neuve et une collaboration avec la Nouvelle-Écosse, parce que ces
gens qui, dans le passé, n'ont pas beaucoup
bénéficié du développement dans le domaine
manufacturier ou dans le domaine industriel, vont chercher à obtenir le
plus de retombées possible. Il y aurait sûrement des ententes qui
pourraient être signées conjointement pour tenter d'obtenir le
plus de retombées possible au Québec, tout en essayant de trouver
des façons de satisfaire leurs aspirations légitimes et
également de créer des emplois chez eux. Pourriez-vous commenter
là-dessus? J'ai lu entre les lignes ce que vous vouliez dire, mais il
est certain que, de ce côté-là, il y a un effort important
qu'on devra fournir. J'avais moi-même indiqué la
nécessité d'arriver à une entente le plus tôt
possible avec Terre-Neuve sur la question de Churchill Falls, parce que,
éventuellement, tôt ou tard, on devra entamer des discussions dans
le domaine du pétrole et de la pétrochomie et relativement aux
retombées qui seront sous-jacentes à ce genre de
développement. Pourriez-vous m'indiquer quel genre de collaboration vous
croyez souhaitable entre soit le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ou
soit le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement du Québec, sur le
plan industriel?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: M. le Président, nous avons, dans nos
discussions avec des représentants des instances publiques en
Nouvelle-Écosse - j'admets que nous n'avons pas entamé des
discussions encore avec Terre-Neuve - déterminé qu'il y aura
peut-être intérêt, en Nouvelle-Écosse, à
poursuivre certaines spécialisations dans le domaine des transformations
possibles découlant de la pétrochimie de base. Ils semblent
accepter volontiers une production initiale dans la vallée du
Saint-Laurent et peut-être qu'on pourra développer une relation
à partir des matières premières, en provenance de
l'île de Sable, qui seraient traitées chez nous et, en partie,
retournées en Nouvelle-Écosse pour être valorisées
et même exportées pour alimenter tout l'Est du Canada dans un
domaine précis. Jusqu'ici, nous avons discuté des principes
seulement et pas de sujets spécifiques. Nous avons l'impression que la
priorité à ce moment-ci, c'est de déterminer des
marchés pour les hydrocarbures en provenance de l'île de Sable, de
mettre en place l'infrastructure nécessaire pour les transporter et, un
peu plus tard, d'examiner des possibilités pour des activités
industrielles qui pourraient en découler en même temps. (16
heures)
M. Fortier: Vous avez indiqué la nécessité
d'une action à deux niveaux: au niveau fédéral,
révision de la politique énergétique et prix
spécial pour le brut et, au niveau provincial, certaines initiatives ou
collaborations, et là vous indiquez des discussions très
préliminaires pour des marchés spécifiques. Je pense que
cela reviendra au gouvernement québécois d'aller plus loin et on
pourra même suggérer des avenues auxquelles on n'a peut-être
pas pensé jusqu'à maintenant. C'est de voir ces deux
gouvernements actionnaires de Pétromont. À ce moment, on serait
peut-être dans une position de force pour tirer avantage du
pétrole et des hydrocarbures de la Nouvelle-Écosse et de
Terre-Neuve et en faire un succès pour justement être en
compétition avec l'Ontario et Calgary. Je pense qu'en filigrane, c'est
ce que j'ai pu lire et je pense qu'il faudrait retenir cette avenue possible de
travailler, d'avoir trois gouvernements provinciaux qui collaboreraient
ensemble pour assurer le développement dans l'Est du Canada, ce qui
serait à l'avantage de la population de ces trois provinces. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: J'aurais peut-être une couple de courtes
questions à poser à M. Dinsmore. Qu'est-ce qui caractérise
les marchés de l'industrie pétrochimique et en particulier de
Pétromont? Apparemment, il y a de l'interférence, on a un concert
de marteaux-pilons à l'Assemblée nationale. J'ai subi cela
pendant à peu près trois mois dans mon bureau, au premier
étage. J'ai l'habitude. J'aimerais savoir un peu ce qui
caractérise les marchés de Pétromont. En termes de
localisation géographique, en particulier, est-ce que l'industrie
pétrochimique, est-ce que ces marchés sont nécessairement
rattachés de près, sur le plan de la localisation
géographique, à l'industrie qui fabrique les produits de base, ou
est-ce que c'est une industrie qui donne lieu à des exportations dans
des centres quand même assez éloignés? Vous parliez tout
à l'heure de la possibilité de recevoir de la matière
première de la Nouvelle-Écosse et de retourner des
produits de base. J'imagine que cela peut quand même se prêter
à des marchés assez éloignés. Qu'est-ce qui
actuellement caractérise les marchés de Pétromont? Est-ce
qu'il y a des contraintes qu'imposerait, par exemple, la politique nationale de
l'énergie dans ce domaine?
En d'autres mots, est-ce que les marchés ont été
définis par la politique nationale de l'énergie? Sarnia occupe un
certain territoire. L'Alberta en occupe un autre. Le Québec, un autre.
Est-ce que c'est à ce point défini ou bien si les règles
de la libre concurrence jouent en ce qui concerne la vente des produits de
base?
Le Président (M. Vallières): M. Dinsmore.
M. Dinsmore: Pour répondre à la question, je peux
peut-être porter attention à la charte dans notre mémoire
qui identifie les mouvements. C'est l'annexe 5 dans le mémoire qui
indique les mouvements des produits primaires. Dans la liste à droite,
on peut déceler entre autres Dupont avec le nylon qui est située
en Ontario, à Kingston ou à Maitland plutôt, Polysar qui
est située à Sarnia. Mais les autres sont dans la région
de nos installations, c'est-à-dire en banlieue de Montréal.
À partir de ces usines, nos clients, la production peut aller dans les
quatre coins du monde. Pour être plus précis, selon nos
estimations, à peu près 40% des produits restent dans le
Québec, de 20% à 30% vont être exportés du
Québec vers d'autres provinces et le restant part du Canada pour des
marchés d'exportation. C'est un phénomène que nous ne
pouvons pas empêcher parce que, pour réaliser des économies
d'échelle, il faut avoir en place des installations qui dépassent
la capacité d'absorption, autant dans la région que maintenant
dans le pays qui est le Canada.
Nous pouvons constater aussi que Pétromont livre probablement,
par le biais de ses clients immédiats, une plus grande fraction de sa
production à des marchés régionaux que tout autre
producteur au Canada. En partie, c'est parce que c'est plus
intégré au milieu et c'est une industrie d'une taille
peut-être plus petite que les autres. En même temps, nous croyons
que la présence de l'industrie primaire aide beaucoup pour stimuler la
présence des activités en aval. En partie, les fabricants des
matières de base vont s'occuper du développement de leur
marché et de la façon la plus efficace possible. Alors, ils vont
fournir le service technique et toute l'aide nécessaire pour encourager
l'utilisation de leurs produits. Aussi, avec un noyau d'importance critique,
d'autres activités se greffent facilement et c'est justement la
présence de l'usine de Varennes qui a amené une
variété de clients à s'installer tout près de cette
usine. On nomme, entre autres, Hercules et Les alcools de commerce.
C'est sûr et certain que ce n'est pas exclusivement pour
l'utilisation des industries en aval de la région qu'on peut justifier
des installations de pétrochimie primaire. Je ne sais pas dans le cas de
Pétromont, mais on est plus près de ces marchés de la
région que d'autres non seulement au Canada, mais même à
d'autres endroits dans le monde.
M. Rodrigue: Je constate que même si Sarnia est un centre
pétrochimique extrêmement important, vous exportez des produits
dans cette région. Est-ce que c'est dû aux facteurs que vous venez
de mentionner, à savoir que les économies d'échelle
nécessitent une spécialisation des centres de production à
ce moment ou si c'est tout simplement un concours de circonstances qui fait que
Sarnia n'a pas développé ce genre de produit?
M. Dinsmore: Quant à Pétromont, il n'y a pas de
spécialisation possible autre que celle déterminée par la
matière première. Si on n'utilisait que l'éthane comme
l'industrie albertaine, c'est l'éthylène seulement qui serait
produit. Si c'est le propane, on aura l'éthylène avec un peu de
propylène. Cela veut dire qu'on peut alimenter le
polyéthylène pour Union Carbide ou l'éthylène
glycol qui est l'antigel ou encore on peut fabriquer de l'éthanol qui
est de l'activité de Les alcools de commerce. Avec le propylène,
on peut alimenter Hercules, on peut travailler avec BASF, mais on n'a pas la
production dermatique, à titre d'exemple, qui est la base de
l'activité de Gulf à Montréal-Est; on n'a pas
alimenté l'industrie des élastomères et peut-être
qu'il faut faire une parenthèse parce que toute l'activité dans
les élastomères, c'est-à-dire le caoutchouc
synthétique, est concentrée présentement à Sarnia
et ce depuis le tout début de cette industrie durant la deuxième
guerre mondiale.
Si un jour on avait une capacité élargie, il n'est pas
impossible d'examiner des possibilités d'installations semblables au
Québec dans des domaines sélectionnés, mais jusqu'ici on
n'a pas la taille pour justifier ce segment. Spécialiser ou fixer la
vocation de Pétromont par rapport à Petrosar à Sarnia ou
Alberta Gas-Éthylène, en Alberta, ce n'est pas
déterminé spécifiquement par une cédule de
production, c'est fixé par la matière première. Quand on
admet l'hydrocarbure dans le vapocraquage, on arrive avec une sélection
de produits qui est prédéterminée par les
caractéristiques chimiques et physiques de la matière
première.
C'est surtout la question de savoir quelle est la matière
première la plus
économique à utiliser, la plus facile à utiliser et
si cela donne le meilleur rendement en termes économiques. Si nous
voulons modifier nos activités pour remplacer entièrement des
dérivés du raffinage par le GPL ou encore par l'éthane,
évidemment, on va changer la variété de produits offerts
à nos clients.
Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant une
demande d'intervention du député de Chapleau.
M. Kehoe: M. Dinsmore, lors de la présentation de votre
mémoire, vous avez mentionné que l'industrie pétrochimique
fonctionne à environ 60% de sa capacité dans l'Est du Canada.
C'est une situation qui existe dans tout le Nord de l'Amérique, aux
États-Unis plus spécifiquement. Est-ce que ce sera corrigé
à la longue avec la reprise économique ou si c'est une situation
plus ou moins permanente?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore.
M. Dinsmore: M. le Président, j'espère que j'ai
bien mentionné que la situation de faible utilisation de capacité
est une condition générale dans le monde à l'heure
actuelle. La reprise...
M. Kehoe: ...ici au Québec qu'ailleurs. C'est une
situation égale; c'est environ le même pourcentage ailleurs.
M. Dinsmore: Oui. Cette situation est en voie de se confirmer au
Japon, en particulier, et mènera à une rationalisation,
c'est-à-dire à une compression des capacités à
certains endroits. Prenons le Japon où il n'y a pas d'hydrocarbure en
provenance de gisements domestiques, sauf un peu. Alors, au Japon, tout est
importé. Durant la période de grande expansion, au Japon, on a
augmenté les capacités au-delà des besoins domestiques;
cette activité a alimenté une industrie d'exportation de
commodités assez considérable. On constate qu'avec l'augmentation
des prix et la faible demande dans le monde, il n'est plus possible d'exporter
ces commodités à partir de matières qui sont
entièrement importées. Au Japon, on est en voie de couper les
capacités en place de l'ordre de 30%. C'est réalisé par
des mesures assez radicales et, il est probable que c'est seulement au Japon
qu'il serait possible de procéder de cette façon.
En Europe, ladite rationalisation procède plus lentement, mais
cela se réalise quand même. Il y a déjà eu des
fermetures définitives en Europe; il y en a d'autres qui sont
temporaires ou dites temporaires et qui vont probablement se transformer en
fermetures permanentes.
Sur la côte du golfe du Mexique, aux États-Unis - qui est
le centre le plus important au monde, en passant, pour la pétrochimie -
il y a eu des fermetures; peu sont identifiées comme permanentes encore.
On ne sait si, enfin, on aura besoin d'une rationalisation de l'industrie
américaine parce que aux États-Unis il y a une capacité en
termes de production de matières premières qui est encore
considérable. Probablement qu'il y aura moins de fermetures aux
États-Unis.
Mais ailleurs, en Europe et au Japon, en particulier, la rationalisation
est déjà commencée.
Le Président (M. Vallières): Une dernière
question, M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Je pense que c'est une question qu'on ne vous a pas
posée. Le "task force" fédéral qui se penche sur le
problème de la pétrochimie, entre autres, notre problème
et le vôtre... Vous avez indiqué, tout à l'heure, qu'une
façon serait un double prix pour le pétrole servant
d'alimentation à votre usine. Est-ce que la possibilité
d'utiliser du gaz naturel est également envisagée? Est-ce que
c'est possible? À la page 8, il y a des indices qui sont donnés
et qui semblent indiquer que le gaz, comme matière première,
serait plus économique. De toute façon, est-ce que, techniquement
parlant, c'est possible? Est-ce que la possibilité d'utiliser du gaz
naturel au lieu d'utiliser du pétrole est considérée?
Le Président (M. Vallières): M.
Dinsmore. (16 h 15)
M. Dinsmore: M. le Président, quand on parle de gaz
naturel, nous faisons allusion, à Pétromont, au méthane,
surtout au fuel, combustible pour des fournaises et aussi matière
première pour la production de méthanol et d'urée mais
n'est pas approprié pour la production de base pétrochimique
comme telle. Normalement on fait la distinction entre les dérivés
de méthanol qui ne sont pas normalement comptés dans les
statistiques de la pétrochimie et les autres dérivés qui
sont la conséquence du vapocraquage. Le méthanol est stable; dans
un four de vapocraquage, cela ne se modifie pas. C'est seulement
l'éthane en montant qui est transformé par l'ambiance de chaleur
dans les fours de vapocraquage.
M. Fortier: Vous avez indiqué que le gaz naturel rendu
à Montréal avait été vidé ou avait
été "strippé" des produits qui pouvaient vous être
utiles. Est-ce que c'est bien vrai? Cela devient une question théorique
si le gaz naturel rendu à Montréal a déjà
été vidé de son contenu qui vous
serait utile.
M. Dinsmore: Oui, c'est certainement le cas. Le gaz naturel qui
sort de la terre dans le champ est en premier lieu séparé des
liquides, à partir du propane, pour faciliter sa transmission par
gazoduc. Par la suite, avant que le gaz arrive à la frontière de
l'Alberta spécifiquement il y a d'autres équipements pour enlever
l'éthane. Il y a même une loi ou un règlement qui
détermine que l'éthane ne peut pas sortir de l'Alberta sauf en
fonction de permis émis par le gouvernement albertain, et ce en vue de
contrôler son utilisation pour concurrencer son industrie
pétrochimique.
Le Président (M. Vallières): Alors, je remercie
beaucoup les représentants de Pétromont. Je demanderais
maintenant aux représentants de Gaz naturel comprimé de bien
vouloir se joindre à nous. Alors, nous entendrons au nom de ce groupe M.
Nicolas Gravino à titre de président. Alors, M. Gravino la parole
est à vous.
GNC Québec Ltée
M. Gravino (Nicolas R.): Merci, M. le Président. J'ai
à mes côtés M. Sabin Lemieux, qui est le directeur de la
commercialisation pour GNC Québec Ltée.
M. le Président, je voudrais vous remercier pour l'occasion que
vous nous donnez de venir vous présenter ce mémoire pour informer
aussi la commission sur les projets de GNC Québec, c'est-à-dire
l'introduction et la promotion sur le marché québécois du
gaz naturel comme carburant pour véhicules.
Les réserves connues de pétrole au Canada déclinent
tandis que les réserves de gaz naturel, au contraire, s'accroissent et
des nouvelles découvertes viennent s'ajouter à ces
réserves continuellement. Le gaz naturel a déjà
suppléé au pétrole dans certains domaines tels que le
chauffage. Par l'entremise de notre compagnie, nous entendons jouer un
rôle prédominant en matière de transport.
Pourquoi choisir le gaz naturel comme carburant? Pour plusieurs raisons
essentiellement, et je voudrais entretenir la commission de cinq raisons
principales. Les réserves au Canada sont très abondantes. Le
coût du gaz naturel est moindre que pour les autres carburants. La
combustion est très propre. C'est un produit très
sécuritaire qui ne nécessite aucune transformation. Le gaz
naturel est peu coûteux car il ne nécessite pas de transformation
et se transporte économiquement par le réseau du gazoduc et il
est très abondant.
Cet aspect pécuniaire représente un argument majeur pour
les utilisateurs de gaz naturel comprimé. Ce qui importe pour le client,
c'est de réduire les frais d'opération.
La majorité des clients potentiels du GNC pourrait recouvrer les
frais d'adaptation dans une période inférieure à un an
grâce aux économies réalisées sur les factures de
carburant. À ces économies, s'ajoutent une diminution des
coûts d'entretien et une augmentation de la quantité de millage
parcouru avec ce carburant.
Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources du
Canada, par le biais du programme de démonstration pour les
véhicules au GNC accorde en plus une subvention de 500 $ par
véhicule pour augmenter la rentabilité de la conversion. Le gaz
naturel a une combustion propre et supérieure à l'essence. Il
améliore la durée physique des moteurs et de certaines
pièces telles que les bougies et le système d'échappement.
Le gaz naturel est déjà gazeux, alors il ne requiert pas de
vaporisation dans le carburateur et le démarrage par temps froid est de
beaucoup facilité. Son indice d'octane est de 130 ce qui fait un
carburant très efficace puisque l'essence a un indice d'octane d'environ
86 et le propane de 95.
Par conséquent, plus tard, les fabricants d'automobiles pourront
mettre sur le marché des voitures ayant un taux de compression plus
élevé et ainsi obtenir un meilleur rendement. Le gaz naturel est
sans danger. Il est non toxique et plus sûr que le propane et l'essence.
Le gouvernement fédéral et le gouvernement américain ont
fait des tests qui corroborent ces faits. Il est plus léger que l'air
et, en cas de fuite, il se disperse rapidement sans former de nappe au sol. Il
ne peut s'enflammer que lorsqu'il se trouve dans une proportion de 5% à
15% dans l'air ambiant et qu'il est en présence d'une étincelle
dont la température atteint 704 C par rapport à l'essence
à la température de l'essence qui est de 460 C.
Le GNC est emmagasiné dans un réservoir sous pression,
très résistant, plus résistant que des réservoirs
normaux d'essence qui peuvent supporter des pressions considérables. Le
record de sécurité détenu par les véhicules
propulsés par le gaz naturel est remarquable; il y 500 000
véhicules en opération dans le monde, aucun n'a causé
d'accident par son utilisation. Les agents d'assurances estiment que
l'utilisation du GNC est aussi sécuritaire, sinon davantage que celle de
tout autre carburant actuellement sur le marché.
Le gaz naturel est utilisé dans plusieurs pays au monde: en
Italie, en France, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Pakistan, aux
États-Unis et depuis maintenant quelques mois au Québec et
ailleurs au Canada. Ces transformations au gaz naturel sont l'aboutissement
d'une technologie qui est bien rodée, qui existe depuis au-delà
de 60 ans. Depuis au moins 30 ans, elle a fait ses
preuves au plan de la sécurité et de sa
fiabilité.
Le gaz naturel améliore la qualité de l'environnement
parce qu'il brûle efficacement et proprement et ne pollue pratiquement
pas. Les émanations de moteurs alimentés au gaz sont environ
quatre fois moins réactives que les émanations des moteurs
à essence; les émanations de polluants des moteurs
alimentés au gaz naturel ne sont pas affectés par une baisse de
la température ambiante, contrairement aux moteurs alimentés
à l'essence. L'accumulation du kilométrage pour les moteurs au
gaz naturel n'augmente pas le niveau d'émanation des polluants,
contrairement aux moteurs à essence.
Voilà un aperçu très bref des avantages du gaz
naturel comme carburant automobile. Maintenant, si vous me le permettez, un
bref historique de ce qu'est GNC, depuis quand on utilise le gaz naturel et
où. Le gaz naturel est utilisé depuis 1920; cela a
commencé en Italie. Parce que le prix du pétrole était
très peu élevé, l'utilisation de carburant ne s'est pas
propagée tel que prévu ou tel qu'on aurait voulu, et l'essence a
dominé le palmarès des carburants jusqu'à maintenant.
La difficulté d'approvisionnement en pétrole et son
coût qui croît depuis quelques années ont amené des
changements technologiques importants. En Italie il y a à peu
près 400 000 véhicules mus au gaz naturel comprimé; en
Nouvelle-Zélande, qui est aussi dépendante des importations de
pétrole que le Québec, le gouvernement a mis sur pied un
programme d'adaptation au GNC. Maintenant il y a 35 000 véhicules, sur
l'île de la Nouvelle-Zélande, mus au gaz naturel et l'objectif du
gouvernement néo-zélandais c'est de convertir 150 000
véhicules pour 1986.
Les gouvernements québécois et canadien sont favorables
à cette nouvelle orientation pour plusieurs raisons:
premièrement, la conservation du pétrole autochtone; la
réduction des importations de pétrole; l'amélioration de
la balance des paiements; l'autosuffisance énergétique;
l'utilisation des vastes approvisionnements autochtones en gaz naturel et la
réduction de la pollution qui s'ensuit. C'est pour ces raisons que GNC
Québec a été formé par trois actionnaires: Gaz
Métropolitain, SOQUIP et CNG Fuel Systems de Toronto.
GNC Québec existe maintenant depuis la fin de 1982, a son
siège social à Montréal et propose de réduire la
dépendance énergétique du Québec en utilisant le
gaz naturel comme substitut au pétrole.
Le rôle d'un de nos actionnaires, SOQUIP, dans cette association
est d'assurer la pénétration du gaz naturel au Québec dans
le secteur du transport, de poursuivre les démarches pour
qu'éventuellement la fabrication des cylindres et des pièces qui
servent à la trousse d'adaptation s'effectue au Québec et, par le
fait même, crée de nombreux emplois chez nous.
Pour Gaz Métropolitain, l'autre actionnaire, le programme de gaz
naturel comprimé lui procure de nouveaux débouchés et lui
assure une plus grande consolidation de ses investissements.
Gaz Métropolitain, et par la suite, quand on va s'étendre
ailleurs dans la province, Gaz Intercité, est responsable des
approvisionnements en gaz naturel; elle maintient aussi les relations avec la
Régie de l'électricité et du gaz et participe au programme
GNC par la conversion progressive de sa flotte.
Pour le troisième actionnaire, CNG Fuel Systems, celui-ci se
charge de développer la technologie et les normes techniques de cette
nouvelle industrie. Il fournit les équipements et sollicite la
participation fédérale sous forme de subvention pour inciter le
public à adopter le gaz naturel.
Notre objectif général est de proposer à certains
utilisateurs une alternative sécuritaire, propre, économique et
fiable au problème énergétique, tout en assurant une
source d'approvisionnement sûre et aussi en fournissant ou en offrant
à nos clients potentiels des économies substantielles d'entre 40%
à 50%. Plus spécifiquement, nos objectifs sont dans quatre champs
d'action. Premièrement, le développement du marché;
deuxièmement, l'implantation de centres d'adaptation;
troisièmement le développement des postes d'alimentation et
quatrièmement la mise en place d'une école de formation pour
l'adaptation au gaz naturel. (16 h 30)
Comme objectif du développement du marché, nous croyons
adapter, d'ici 1988, 25 000 véhicules, ce qui représente une
pénétration fort modeste du marché si l'on
considère qu'il y a présentement au Québec un parc
automobile d'environ 3 600 000 véhicules et plus particulièrement
des véhicules à forte utilisation, au-dessus de 600 000
véhicules. L'année prochaine, en 1984, nous pensons adapter
près de 2000 véhicules dans un marché cible qui se
définit comme suit: des véhicules basés dans les
régions urbaines du Québec; des véhicules à forte
consommation utilisant l'essence comme carburant et, très bientôt,
on pourra aussi adapter des véhicules mus au diesel. Parmi ces
utilisateurs potentiels, nous trouvons les taxis, les autobus scolaires, les
flottes commerciales et les véhicules des organismes publics et
parapublics. GNC Québec envisage sérieusement de
développer un réseau de distribution de gaz naturel comme
carburant dans toute la province, partout où le gaz naturel est
disponible.
Notre deuxième objectif, c'est l'implantation de centres
d'adaptation. Le
rôle de ces centres, c'est, premièrement, de
procéder à l'installation de trousses d'adaptation;
deuxièmement, d'en assurer la qualité et, troisièmement,
le service après-vente. Pour atteindre notre objectif de 25 000
véhicules adaptés en cinq ans, GNC doit établir un
réseau d'environ 25 centres d'adaptation répartis sur le
réseau desservi par le gaz naturel.
Comme troisième objectif spécifique, nous envisageons
l'implantation de postes d'alimentation et nous prévoyons
établir, d'ici à cinq ans, 75 postes d'alimentation tant
privés que publics dont 11 seront en activité en 1983.
Notre quatrième objectif est de mettre en place une école
de formation. De concert avec le ministère de l'Éducation, GNC a
mis sur pied une école de formation dont l'objectif est de
préparer des techniciens qualifiés. En émettant des cartes
de compétence, les autorités provinciales ainsi que GNC
Québec pourront s'assurer de la qualité du travail
d'adaptation.
Nous voulons tirer les conclusions suivantes. En plus de renforcer
l'autonomie énergétique du Québec et de consolider ses
investissements dans cette industrie, nous proposons chez GNC d'injecter
près de 70 000 000 $ pour l'établissement d'un réseau de
distribution de gaz naturel et l'adaptation des véhicules.
Le ministre fédéral de l'Énergie et certains
gouvernements provinciaux ont reconnu la valeur et l'importance de cette source
d'énergie en élaborant divers programmes d'incitation à
l'adaptation des véhicules. À titre d'exemple, l'Ontario a
enlevé la taxe de vente sur tout véhicule neuf qui est converti
au gaz naturel dans un délai de 30 jours après livraison. En
Colombie britannique, une subvention de 200 $ est accordée par le
gouvernement provincial pour chaque véhicule adapté au gaz
naturel. De plus, B.C. Hydro participe au financement des postes de
ravitaillement à des taux d'intérêt très
préférentiels.
Le gouvernement du Québec, par l'entremise de SOQUIP, a pris une
participation de 25% dans GNC Québec Ltée. L'impact
économique et social de cette nouvelle technologie au Québec se
fera sentir à plusieurs paliers, mais plus particulièrement au
niveau de la création d'emplois, puisque l'adaptation au gaz naturel de
véhicules et l'établissement de postes d'alimentation
nécessiteront, premièrement, la formation de techniciens
spécialisés; deuxièmement, l'ouverture de centres
d'adaptation capables d'exécuter ces travaux ainsi que la structure
administrative qui s'y rattache. Nous nous proposons de fabriquer, ici au
Québec, les diverses composantes de cette technologie aussitôt que
la demande le nécessitera.
Bien que nos prévisions de pénétration de
marché soient fort modestes, nous estimons qu'en 1988, le gaz naturel
pour véhicules contribuera à réduire la demande d'essence
d'environ 4500 barils par jour et des importations de pétrole d'environ
11 000 barils par jour, ce qui devrait entraîner une amélioration
de la balance commerciale du Québec d'environ 150 000 000 $ par
année.
Le gaz naturel pour véhicules est une source d'énergie
économique qui contribuera à rentabiliser plusieurs secteurs de
transport tels que les taxis, le transport écolier et les flottes
commerciales, ce qui rendra l'industrie du transport québécoise
des plus concurrentielles. Nul doute que les gouvernements cherchent à
diminuer eux aussi leurs coûts d'exploitation et songent
déjà à se prévaloir de cette alternative.
Les émanations des moteurs alimentés au gaz naturel sont
environ quatre fois moins réactives que les émanations des
moteurs à essence, ce qui contribuera à la réduction de la
pollution dans les centres urbains principalement. Le gaz naturel pour
véhicule représente pour les compagnies gazières du
Québec une source de revenus additionnels qui contribuera à
l'accroissement de la rentabilité sans générer de
dépenses d'investissement élevées. À titre
d'exemple, la consommation de chaque poste public d'alimentation est
l'équivalent de 350 maisons unifamiliales et ne nécessite qu'un
embranchement peu coûteux.
En concluant, nous pouvons affirmer que les sources d'énergie
mises de l'avant dans le domaine du transport étaient jusqu'à
présent réservées exclusivement aux produits
pétroliers. Maintenant, une alternative existe, qui contribuera à
la réalisation des objectifs du Québec relativement au
réaménagement du bilan énergétique. Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Gravino.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: M. Gravino, je voudrais remercier GNC Québec
d'avoir accepté de nous transmettre un mémoire et d'être
venue nous en parler. Ce n'est pas pour moi un dossier neuf, j'ai eu l'occasion
de présider à l'inauguration du premier centre d'adaptation
à Montréal, il y a quelques mois, et je dois vous dire que j'ai
été impressionné.
Dans le cadre des travaux que nous conduisons, nous voulons que le
dossier de l'énergie soit l'un des grands leviers de
développement économique. Je pense que vous touchez un point qui
me paraît très important. Toute la technologie de l'adaptation au
gaz naturel et comprimé pour l'instant, dans les pièces en tout
cas, pour une grande partie - vous l'évoquez vous-même dans votre
mémoire à la page 10 -pour ce qui est de la fabrication des
cylindres et des pièces de la trousse
d'adaptation, ces pièces, ces cylindres sont actuellement
importés d'Italie, je crois, ou d'ailleurs.
Il y a quand même déjà plusieurs mois que GNC
Québec fonctionne. Votre mémoire indique que des démarches
sont poursuivies. Que prévoyez-vous à l'horizon? Envisagez-vous,
par exemple, que le contenu québécois de la trousse d'adaptation
serait de l'ordre de 90% ou 95%? Sans être un grand ingénieur en
mécanique automobile, ce n'est pas ce que j'appellerais de la
technologie très avancée. Est-ce qu'on est en mesure de fabriquer
cela au Québec, de faire les investissements nécessaires et de
créer des emplois plutôt que de continuer à en faire
l'importation?
Le Président (M. Vallières): M. Gravino.
M. Gravino: De concert avec le ministère des Affaires
extérieures, GNC Québec a entrepris des démarches
auprès des fabricants de cylindres italiens, par exemple, ceux qu'on a
rencontrés ici, à Montréal, la semaine dernière.
Cela nous a permis de regrouper certains fabricants québécois qui
seraient intéressés à construire ces cylindres dans notre
province et cela pourra faciliter l'échange de la technologie
européenne avec les fabricants québécois.
Il y a toujours la question: Qu'est-ce qui vient avant: la poule ou
l'oeuf? Premièrement, la demande doit exister pour la fabrication de ces
cylindres afin de rentabiliser ce secteur ici, au Québec. Le dossier,
comme je vous le disais, est suivi par le gouvernement du Québec, par
SOQUIP et par GNC Québec. Des démarches ont été
entreprises pour que des fabricants québécois construisent ces
cylindres. C'est une question de temps, une question d'avoir la demande
suffisante pour rentabiliser les opérations envisagées.
M. Duhaime: Est-ce qu'il est envisagé que GNC
Québec, comme entreprise, prenne une participation dans ces usines de
fabrication de cylindres et autres pièces, de composantes de la trousse
d'adaptation, ou si GNC entend exploiter des centres d'adaptation et faire
l'implantation du réseau des 75 centres à travers le
Québec? En d'autres mots, est-ce que GNC veut être essentiellement
un distributeur de gaz naturel comprimé, ou si elle a déjà
envisagé la possibilité d'aller dans la fabrication?
M. Gravino: Disons que la question est discutée. Nos
analyses ne sont pas encore assez approfondies. On n'a pas pris de
décision à savoir si on va prendre une participation dans une
entreprise de fabrication, mais la question pourrait se poser et à ce
moment, les actionnaires devraient décider si on y va ou non.
Premièrement, nos objectifs sont de faire la promotion de ce
carburant, de faire l'implantation d'un réseau de distribution dans tout
le Québec et de faciliter la technologie et l'adaptation des
véhicules.
M. Duhaime: Quels sont les seuils de rentabilité? Je ne
sais pas si vous avez fait ces études, mais pour la fabrication des
pièces, ici, vous dites: Notre objectif c'est 25 000 véhicules
d'ici à 1988. Quel est le seuil de rentabilité pour justifier les
investissements dans la fabrication de pièces?
M. Gravino: Les analyses de l'investisseur qu'on a
rencontré indiquent qu'il doit construire environ 8000 cylindres
annuellement pour arriver au seuil de rentabilité.
M. Duhaime: 8000 par année. M. Gravino: Oui.
M. Duhaime: Cela m'amène à vous parler de vos
objectifs de développement de marchés. Vous avez raison de dire
que c'est très modeste, 25 000 voitures sur l'horizon 1988; cela veut
dire en moyenne 5000 par année. Si on regarde le parc automobile du
Québec, à mon avis, je pense que c'est plus que modeste, c'est
presque timide. S'il est vrai que le gaz naturel comprimé est moins
polluant, plus économique, plus sécuritaire -j'ai eu l'occasion,
comme passager, de faire une balade dans une voiture qui avait
été adaptée et j'avoue honnêtement que le son du
moteur ne change même pas - est-ce que c'est la prudence ou les craintes
de la concurrence, qu'est-ce qui fait que l'objectif de 25 000 sur cinq ans ait
été retenu, et pourquoi pas 50 000 ou 100 000?
M. Gravino: Premièrement, la moyenne des coûts
d'adaptation d'un véhicule au gaz naturel est d'environ 2000 $ et le
gouvernement fédéral donne une subvention de 500 $, alors cela
signifie un coût net au consommateur d'environ 1500 $ par conversion.
Pour payer ces investissements dans les coûts d'adaptation dans un
délai raisonnable, les consommateurs doivent parcourir au moins 20 000
milles par année, pour avoir un retour d'environ un an, ce que nous, on
considère raisonnable. Si dans l'avenir on peut réduire ces
coûts d'adaptation, ce qui est aussi un de nos objectifs, je pense que
nos objectifs pourront changer. Les installations de postes publics, puisqu'on
peut se brancher directement au réseau de gaz, nécessitent aussi
quand même des compresseurs dont les coûts sont assez
élevés. On peut alors envisager qu'un poste de ravitaillement
public coûte environ 200 000 $ à 250 000 $. C'est vrai que le
gouvernement fédéral donne pour ces postes
une subvention de 50 000 $. Cela ramène le coût net d'un
poste d'approvisionnement à environ 150 000 $ à 200 000 $. Pour
rentabiliser ces opérations, on doit créer la demande,
premièrement, avant d'envisager de changer nos objectifs ou d'augmenter
nos objectifs.
M. Duhaime: Du point de vue d'un consommateur, cela veut dire que
si je décidais de faire convertir ma voiture au gaz naturel
comprimé, au départ, j'ai 2000 $ à débourser. C'est
ce que vous avez dit, 2000 $? (16 h 45)
M. Gravino: Le coût net de la conversion est maintenant de
1500 $ après subvention fédérale.
M. Duhaime: Bon, 1500 $ et vous calculez que cela deviendrait
économique si la bagnole roulait au moins 20 000 milles par
année?
M. Gravino: À peu près 20 000 milles par
année.
M. Duhaime: Alors, si on ramène cela au litre d'essence,
cela voudrait dire une économie réelle de combien? Sur quelle
période de temps pour un consommateur à consommation
égale, à 20 000 milles par année, par exemple? Est-ce que
des calculs ont été faits là-dessus?
M. Gravino: Oui. Par exemple, pour un véhicule-taxi on
pourra récupérer son investissement en deux ou trois mois. Celui
qui parcourt 20 000 milles par année va récupérer son
investissement dans à peu près douze mois.
M. Duhaime: J'imagine que vous devez avoir ces données
dans la trousse du parfait vendeur.
M. Gravino: Bien oui.
M. Duhaime: Cela me surprend. Si les chiffres sont si clairs,
dans deux mois, par exemple, pour une voiture-taxi à Montréal on
retrouve son argent; donc, le matin du troisième mois, c'est un gain
net. Est-ce qu'il y a une réponse au fait qu'il n'y ait pas bousculade
au centre d'adaptation pour que la conversion se fasse au gaz naturel
comprimé? C'est ce que je n'arrive pas à concilier.
M. Gravino: Premièrement il faut établir une
infrastructure de postes d'alimentation, ce qu'on n'a pas présentement.
C'est cet objectif principal qu'on s'était fixé. Pour 1983, on
s'était fixé comme objectif d'ouvrir huit à dix postes, et
il doit être atteint. Quand un particulier ou même un chauffeur de
taxi, pour économiser beaucoup d'argent, doit parcourir deux, trois,
quatre milles pour aller s'alimenter, il n'ira pas. Alors c'est
d'établir une infrastructure de postes d'alimentation dans toute la
province et ensuite je pense que les conversions vont se faire.
Déjà il y a des individus qui font la conversion même si
les postes sont très loin présentement.
M. Duhaime: Soyez rassuré, M. Gravino. Si je vous pose ces
questions ce n'est pas parce que j'entretiens des doutes sur les
intérêts de SOQUIP dans GNC Québec ou encore les
intérêts de Gaz Métro, parce SOQUIP a aussi des
intérêts dans Gaz Métro. Mais je voulais vous l'entendre
dire.
Une dernière question, parce qu'à cette commission on
parle souvent de taxes. Ce carburant de gaz naturel comprimé est-il
exempt de toute taxe actuellement?
M. Gravino: Présentement, le gaz naturel est exempt de
taxe.
M. Duhaime: Même celui qui sert de carburant pour les
voitures?
M. Gravino: Même s'il sert de carburant pour les
voitures.
M. Duhaime: Ah! C'est un bon point pour finir la journée.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois qu'on doit
féliciter ces gens qui essaient de pénétrer un nouveau
marché avec l'aide des deux niveaux de gouvernement. On verra dans
quelques minutes certaines difficultés. CNG Fuel Systems Limited est une
société de Calgary. Je crois même que le président
est un ancien ministre du gouvernement Trudeau. Il me fait plaisir de voir que
SOQUIP, Gaz Métropolitain et le gouvernement provincial collaborent avec
des anciens ministres fédéraux. Cela prouve que, lorsque c'est
une bonne affaire, tout le monde embarque en même temps.
M. Duhaime: II faut ajouter que, lorsque M. Judd Buchanan a
décidé de partir - il était président du Conseil du
trésor à Ottawa - il en avait jusque-là.
M. Fortier: Oui, peut-être que vous pourriez l'engager
à votre Conseil du trésor. Ce serait dans le remaniement -
comment appelez-vous cela? - du cabinet de guerre que les militants
péquistes désirent pour redonner un peu de panache au cabinet qui
est en perte de vitesse. Mais, sérieusement, vous avez dit les
conditions - cela m'a frappé -plus de 20 000 milles par année
et
convaincre les gens. Je vais rejoindre le ministre de ce
côté. Je pense qu'au point de vue du marketing cela vous prendrait
des gens bien connus qui embarqueraient dans votre système et je crois
que la limousine du ministre devrait être convertie au gaz naturel,
justement, pour qu'en tant que ministre de l'Énergie et des Ressources
il donne l'exemple à toute la population du Québec. Est-ce que
vous avez fait la demande pour qu'un ministre, entre autres le ministre de
l'Énergie et des Ressources, donne l'exemple si lui-même est
d'accord avec tous les chiffres que vous venez de donner?
M. Gravino: M. le Président, nous, cette année, on
va installer un poste public à Québec et à ce moment on va
solliciter la transformation des voitures des ministres.
M. Fortier: Si vous voulez avoir son numéro de
téléphone et son adresse, il me fera plaisir de vous les donner
parce que je crois que le ministre, qui vient de conclure qu'il est d'accord
avec vous, devrait s'engager lui-même dans cette voie.
Moi aussi, je crois que votre objectif est minime et dans un sens,
à la suite des interventions que vous avez entendues - je crois que vous
étiez ici ce matin; je ne sais pas si vous y étiez la semaine
dernière - les gens qui sont dans le domaine du pétrole, et
même M. Ayoub ce matin, nous disent: Écoutez, on doit se poser des
questions. Il y a quelques années, on voulait éliminer le
pétrole à tout prix. Les deux niveaux de gouvernement ont
établi des politiques dans ce sens. Ce matin et la semaine
dernière, pour la première fois, on entend des gens qui disent:
Faites attention, vous allez trop loin; on est en train de mettre en
péril la pétrochimie. Il ne faudrait pas baisser le niveau de
production ou le niveau de consommation d'essence parce que, finalement, c'est
la production des huiles légères qui détermine le niveau
de production d'une raffinerie de pétrole, en particulier. Alors, on
sent que les indépendants, les distributeurs et tous ces gens disent: Si
vous voulez véritablement que, dans l'avenir, au Québec, il y ait
trois formes d'énergie: le gaz, le pétrole et
l'électricité, faites attention, vous allez trop loin dans le
déplacement du pétrole pour le remplacer par d'autres formes
d'énergie.
Je suis d'accord avec le ministre que 25 000 voitures d'ici 1988, ce
n'est peut-être pas cela qui va créer un bouleversement global
pour ceux qui travaillent dans une station-service ou qui sont des
distributeurs et pour ceux qui sont des raffineurs de pétrole. Il n'en
reste pas moins que ce n'est pas significatif, mais c'est significatif.
Autrement dit, si on veut qu'il y ait une industrie pétrolière au
Québec, il faudra trouver des mécanismes pour que les raffineries
et les détaillants d'essence puissent vivre et pour que le livreur
d'huile à chauffage dans les villages et les villes du Québec
puisse vivre également. Il y en a qui sont venus la semaine
dernière ou l'autre semaine avant pour nous dire qu'en tant que PME ils
trouvaient presque impossible de survivre dans un tel climat.
Je sais bien que ce n'est pas votre fait, ce n'est pas vous qui avez
incité votre société ou GNC Fuel Systems Limited à
s'associer à Gaz Métropolitain et à SOQUIP. Je suis en
train de me demander si vous vous êtes posés la même
question que je me pose présentement: Qu'est-ce qu'on est en train de
prouver avec ce système? Techniquement parlant, je dois vous dire qu'en
tant qu'ingénieur, vous avez parfaitement raison, le gaz est un produit
peu dangereux, qu'on peut utiliser en toute sécurité, qui ne
donne pas de pollution et qui peut être même économique.
Par ma seconde question j'aimerais savoir s'il serait économique
s'il n'y avait pas de subventions. Dans la mesure où tout ce processus
est subventionné par le gouvernement fédéral et par le
gouvernement provincial en enlevant les taxes, j'aimerais savoir si on devrait
continuer dans cette direction, puisque cela ajoute aux difficultés des
détaillants d'essence et des pétrolières.
M. Gravino: M. le Président, premièrement - comme
vous l'avez dit aussi, M. Fortier - nos objectifs de conversion de 25 000
véhicules auront une répercussion d'environ 3,8% sur la demande
globale d'essence au Québec, ce qui est très peu et qui ne
devrait pas influencer le marché d'une façon considérable.
Deuxièmement, en établissant des postes publics d'alimentation et
en faisant des conversions, les postes qui auront ces conversions et ces postes
d'adaptation deviendront plus rentables puisqu'ils pourront attirer des clients
qui, normalement, vont ailleurs. Ces clients vont amener du travail
supplémentaire à ces postes.
En ce qui a trait au prix du gaz naturel, la Régie de
l'électricité et du gaz fixe le tarif 8. Présentement,
c'est le plus haut tarif des huit qui existent. Alors, à la base, le gaz
naturel qui est acheté par GNC n'est pas bon marché et il est
à environ 50% supérieur au prix payé par les industriels
moyens. Alors, c'est vrai qu'il y a des subventions à la transformation;
les subventions ont des limites, elles sont applicables jusqu'en 1986;
au-delà de 1986, j'espère que l'industrie et GNC pourront prendre
le marché sans ces subventions.
M. Fortier: Dans les provinces où il y a beaucoup de gaz
naturel - je pense à l'Alberta - est-ce que les fabricants de
voitures ont pensé à mettre sur le marché des
voitures qui n'auraient pas besoin de conversion, dans lesquelles on pourrait
utiliser le gaz naturel ou l'essence? Est-ce que les fabricants de voitures ou
certains d'entre eux songent à cette possibilité qui vous
permettrait de faire un marketing beaucoup plus efficace puisque les gens
pourraient s'acheter une voiture déjà transformée? Lorsque
c'est 2 500 $ par voiture, c'est assez important. Si on achète une
voiture de 8000 $ ou 9000 $, c'est 30% du coût en partant, si on fait
abstraction des subventions qui viennent des gouvernements
fédéral ou provincial.
M. Gravino: Justement, la compagnie Ford doit sortir, cet
automne, des prototypes de véhicules; ce sont de petits camions, des
Ford Ranger, déjà convertis en usine. Ils les suivront pendant
une année pour voir leur performance et ils songeront plus tard à
introduire sur le marché des véhicules déjà
convertis au gaz naturel.
M. Fortier: Est-ce que ces véhicules déjà
convertis pourraient utiliser l'essence ou si cela va demander des
mécanismes? Je pense bien que les gens voudront avoir les deux
possibilités.
M. Gravino: Les prototypes que Ford sort cet automne seront mus
seulement au gaz naturel, pour suivre la performance de ces véhicules.
Peut-être que plus tard les deux carburants pourront être
utilisés. Nous, lorsque nous faisons les conversions, nous gardons les
deux carburants, mais ceux que Ford va sortir cet automne seront mus seulement
au gaz naturel.
M. Fortier: Les véhicules que vous convertissez au gaz
conservent la possibilité d'utiliser de la gazoline
présentement.
Le Président (M. Vallières): J'ai plusieurs
demandes d'intervention. Nous commencerons par celle du député de
Chapleau.
M. Kehoe: Est-ce que vous avez tous les postes d'alimentation en
place? Après avoir lu votre mémoire, je me pose des questions en
ce qui touche les taxis, les propriétaires d'autobus scolaires et
autres. Je ne sais pas pourquoi ils n'utiliseraient pas le gaz naturel pour
leurs véhicules. Toutes les raisons que vous avez données dans
votre mémoire - que ce soit financièrement, que ce soit pour la
pollution, que ce soit pour différentes raisons - sont en faveur du gaz
naturel en remplacement de l'essence. Pour quelles raisons n'ont-ils pas
embarqué immédiatement? Quand vous parlez de 25 000
véhicules, comme pour le ministre et pour le député
d'Outremont, cela me semble aussi très peu. Pour quelles raisons les
propriétaires de taxis ou d'autobus scolaires ne vont-ils pas
immédiatement faire la conversion?
M. Gravino: La tâche qu'on a est de les convaincre d'y
aller. Il faut les convaincre même s'il y a beaucoup d'avantages.
M. Kehoe: Quels sont les désavantages?
M. Gravino: Premièrement, avant de parler des
désavantages, je pense qu'on a utilisé l'essence pendant
tellement d'années; le gaz naturel comme carburant n'était pas
connu du tout. Alors, les gens se méfient. On doit les convaincre de ne
pas se méfier.
Pour ce qui est des désavantages, présentement, il y a
très peu de postes d'alimentation. On ne peut pas s'approvisionner
à tous les coins de rue comme on peut le faire avec l'essence.
Deuxièmement, en gardant les systèmes mixtes, essence et gaz
naturel, il faut ajouter des réservoirs supplémentaires dans la
fourgonnette ou à la voiture pour pouvoir fonctionner au gaz naturel ou
à l'essence. Cela ajoute des récipients dans l'auto; cela prend
de la place dans la malle arrière des voitures. Je pense que ce sont
là les deux inconvénients majeurs présentement: le manque
de postes d'alimentation et la place supplémentaire que les
réservoirs occupent dans une auto.
M. Kehoe: Lorsque vous aurez des postes d'alimentation, il y aura
une des deux objections majeures qui sera enlevée. À ce
moment-là, les flottes de taxis et les autobus scolaires l'utiliseront;
surtout, les autobus scolaires, qui doivent avoir de la place pour mettre ces
réservoirs-là n'auront pas de problème avec cela. Est-ce
qu'on peut conclure que, lorsqu'il y aura suffisamment de postes
d'alimentation, les autobus scolaires s'alimenteront au gaz naturel?
M. Gravino: Tous les autobus scolaires qui auront un
réseau de gaz avoisinant, parce que le gaz n'est pas disponible partout
dans la province. On espère que tous les véhicules scolaires qui
sont près des réseaux gaziers s'alimenteront au gaz.
M. Kehoe: À la page 17 de votre mémoire, vous
dites: "En ce qui concerne les postes d'alimentation publics, la participation
des compagnies pétrolières à ce programme est plus que
souhaitable." N'est-il pas vrai que les deux seront en compétition?
Est-ce que vous aurez la coopération des compagnies
pétrolières pour l'installation de votre produit dans leurs
postes d'essence ou postes d'alimentation? (17 heures)
M. Gravino: II y a M. Viau, qui est représentant de la
compagnie Shell, qui tout de suite a cru à notre produit. Maintenant, on
a fait une entente avec Shell, nous avons ouvert un poste public à
Montréal et on aura quatre autres postes qui seront en activité
avec Shell cette année. On a aussi conclu des ententes de principe avec
d'autres compagnies pétrolières et des ententes sont
écrites maintenant avec Gulf, avec Ultramar, et on négocie avec
d'autres compagnies pétrolières. Chaque compagnie
pétrolière pense que le produit est bon, qu'il va réussir;
alors, elle veut essayer de s'associer avec nous.
Le réseau de distribution est déjà existant, cela
permet aussi à ces sociétés de rentabiliser les postes
d'alimentation qui sont seulement à l'essence présentement;
alors, cela augmente la rentabilité de ces postes.
La coopération des pétrolières est là, je
pense qu'on l'apprécie vraiment et on n'a pas eu beaucoup de
difficulté à s'associer avec elles.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, à la page 5 et à la page 8, vous parlez de la
Nouvelle-Zélande et vous nous dites que le gouvernement de la
Nouvelle-Zélande s'est impliqué dans un programme d'adaptation au
gaz naturel. Pourriez-vous nous donner plus de détails, comment cela se
traduit-il concrètement?
M. Gravino: De deux façons. Premièrement, en
convertissant la flotte du gouvernement au complet sur l'île, elle est
maintenant adaptée au gaz naturel et, deuxièmement, en
garantissant au consommateur la différence entre l'essence et le gaz
naturel à la pompe.
M. Perron: Merci. Vous parlez aussi, dans les objectifs de GNC
Québec Ltée, de développement du marché,
d'implantation de centres d'adaptation, de développement de postes
d'alimentation et de mise en place d'une école de formation. C'est
entendu que cela implique des investissements quand on fait des
développements. Pouvez-vous nous dire ce que représenteraient ces
investissements, d'une part, et ce que représenterait aussi le nombre
d'emplois qui pourraient être créés à la suite de
tels investissements? Si on tient compte de ces investissements, quelle sera la
part directement reliée à la création d'emplois et surtout
dans quels secteurs en particulier?
M. Gravino: GNC Québec, avec des objectifs quand
même très modestes, doit dépenser 75 000 000 $ d'ici
quelques années, d'ici cinq ans, dont 50% sont attribuables directement
à la main-d'oeuvre; alors, 35 000 000 $ qui peuvent se traduire par une
création d'au-dessus de 1000 emplois.
Du point de vue de la fabrication - on a touché le sujet tout
à l'heure - aussitôt que la demande se réalisera, on pourra
fabriquer les équipements de la province de Québec et
possiblement, à ce moment aussi, on pourra les exporter en dehors de la
province de Québec, ce qui pourra représenter des emplois dans un
secteur technologique de pointe. Par exemple, les études seulement pour
la fabrication de cylindres pourraient se traduire - pour fournir la province
de Québec seulement -par environ 80 à 100 emplois additionnels
pour la fabrication des cylindres. Dans le moment, ici au Canada, il n'y a pas
de fabricant de trousses d'adaptation ou de cylindres. Alors, on pourrait
penser éventuellement à l'exportation aussi de ces
matières, surtout que les cylindres peuvent se fabriquer en aluminium,
et que de plus en plus on s'en va vers les cylindres d'aluminium. Vu qu'on a
l'aluminium, ici au Québec, je pense qu'on est avantagé par
rapport à d'autres provinces.
M. Perron: Merci pour les informations que vous venez de nous
donner. Maintenant, dans le secteur de l'exportation, est-ce que vous pourriez
me dire combien d'emplois cela pourrait représenter, puisque vous
semblez avoir des études qui ont été faites
là-dessus?
M. Gravino: Dans le secteur de la transformation, des
compresseurs, des cylindres, cela pourrait représenter 500 à 600
emplois directs.
M. Perron: Merci beaucoup, monsieur.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Dans les installations que vous faites actuellement,
quel est le degré d'autonomie d'un véhicule? Quelle distance
peut-il parcourir avec un réservoir?
M. Gravino: L'autonomie moyenne d'un véhicule moyen est de
250 kilomètres présentement. Mais, on peut adapter le
système pour l'autonomie que le client désire.
M. Rodrigue: Donc, environ 150 milles?
M. Gravino: Environ 150 milles. Mais, il faut aussi ajouter
à ce rayon-là le fait qu'on garde le système à
l'essence. Alors, on ajoute 150 milles à l'autonomie existante du
véhicule.
M. Rodrigue: Maintenant, pour ce qui est de l'implantation des
centres
d'adaptation, vous indiquez que vous aurez besoin de développer
un réseau d'environ 25 centres d'adaptation au cours des cinq prochaines
années. Pouvez-vous nous indiquer un peu ce que cela signifie en termes
d'équipement et d'investissement, la mise sur pied d'un centre
d'adaptation? Quels sont les investissements requis pour mettre sur pied un
centre d'adaptation? Qu'est-ce que cela demande comme personnel et
également comme équipement?
M. Gravino: M. le Président, les centres d'adaptation, on
en a un présentement à Montréal et on a cinq autres
concessionnaires qui font aussi l'adaptation pour nous. Les équipements
qu'un concessionnaire d'automobiles neuves aurait pourraient servir à
l'adaptation des véhicules au gaz naturel. C'est de la mise au point
d'un véhicule au gaz naturel et la transformation au gaz naturel. Ce
sont des équipements qui sont traditionnellement disponibles chez un
concessionnaire d'automobiles ou dans un grand garage.
M. Rodrigue: Alors, n'importe quel concessionnaire d'automobiles
pourrait, à toutes fins utiles, devenir un centre d'adaptation. Il
pourrait facilement transformer une partie de ses installations en centre
d'adaptation.
M. Gravino: Les concessionnaires d'automobiles et aussi les
garages des compagnies pétrolières ainsi que les garagistes.
M. Rodrigue: Les garagistes...
M. Gravino: Les garagistes pourraient le faire.
M. Rodrigue: Les garagistes des stations importantes?
M. Gravino: Oui.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Chambly, suivi du député de Pontiac.
M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais savoir, pour
aller directement au but: Est-ce qu'un automobiliste qui aurait un
système au gaz sur son véhicule pourrait le transporter sur un
autre de ses véhicules?
M. Gravino: Oui, M. le Président, c'est faisable, puisque
la seule pièce qu'il pourrait changer, c'est le mélangeur d'air
et gaz qui s'ajoute directement au carburateur. Les cylindres, le
régulateur de pression, la boîte électronique, pourraient
être transportés d'un véhicule à l'autre.
M. Tremblay: Est-ce que, à ce moment-là,
l'apparence intérieure de l'automobile serait modifiée? Est-ce
que vous percez le panneau, le tableau de bord ou...
M. Gravino: Si quelqu'un ouvre le capot d'un véhicule qui
est transformé au gaz naturel et qu'il ne fait pas attention, il ne
verra pas la différence. Il y a deux ou trois pièces qui sont
apparentes et qui se marient très bien au reste de la mécanique
et cela ne change pas l'apparence du véhicule du tout.
M. Tremblay: Dans un autre ordre d'idées, ce matin, on a
parlé avec M. Ayoub, je crois, de la possibilité de
réglementer les prix du pétrole ainsi que les prix du gaz
naturel. Donc, le gouvernement fédéral ne limiterait plus le prix
du pétrole et du gaz naturel. Quel effet une décision comme
celle-là aurait-il sur votre entreprise?
M. Gravino: Les prévisions sont que, si le gouvernement
fédéral déréglemente le gaz naturel, le prix du gaz
naturel devrait descendre. Alors, je pense qu'on en bénéficierait
aussi, puisque le prix de la matière première utilisée
baisserait et on serait encore plus concurrentiel.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci. Vous mentionnez, dans votre mémoire,
que les utilisateurs potentiels du gaz naturel comprimé sont les autobus
scolaires. Présentement, au Québec, est-ce que le
ministère des Transports a changé la réglementation pour
convertir les autobus au gaz naturel? Il semblait y avoir des questions de
sécurité en suspens. Est-ce que cela a été
réglé, à votre connaissance?
M. Gravino: Nous avons rencontré le ministère des
Transports, la Régie de l'assurance automobile du Québec et la
Régie de l'électricité et du gaz. II s'agissait,
premièrement, pour la Régie de l'électricité et du
gaz, d'adopter des normes de sécurité pour les conversions et
aussi pour les équipements dans les postes publics ou privés.
C'est ce que la Régie de l'électricité et du gaz a fait.
La Régie de l'assurance automobile du Québec avait certaines
hésitations et, après certaines études, elle nous a
indiqué qu'elle approuvait le système. Elle a maintenant en
fonction des inspecteurs qui font l'inspection de tous les véhicules qui
sont convertis au gaz naturel. À la suite de cela, elle a donné
son assentiment au ministère des Transports. Le ministère des
Transports doit modifier la réglementation et la soumettre au Conseil
des ministres; cela n'a pas encore été fait, mais nous croyons
que c'est pour bientôt.
M. Middlemiss: Vous mentionnez d'autres usagers potentiels, des
organismes publics et parapublics. Y a-t-il eu des discussions au niveau du
gouvernement du Québec pour que la flotte d'automobiles soit convertie
au gaz naturel comprimé?
M. Gravino: Nous avons rencontré certains
ministères à ce sujet, le ministère de la Justice, entre
autres, et on a adapté deux véhicules de la police provinciale
qui sont à l'essai présentement. On fait des essais pour voir ce
qu'ils en pensent. Par la suite, on fera peut-être la transformation
d'autres véhicules.
M. Mîddlemiss: Merci.
Le Président (M. Vallières): J'avais indiqué
au ministre qu'il aurait la parole, mais on pourrait passer au
député de Chambly à nouveau.
M. Tremblay: Tout à l'heure, vous avez dit que le tarif du
gaz était à peu près deux fois plus élevé
que le tarif industriel. Y a-t-il des mécanismes de prévus de
façon qu'un industriel qui a des autos et des camions fonctionnant au
gaz naturel n'utilise pas son gaz naturel, celui qu'il utilise pour sa
production, pour faire rouler sa flotte?
M. Gravino: C'est-à-dire avoir le même tarif pour la
consommation industrielle et la consommation de la flotte?
M. Tremblay: Si tout fonctionne au gaz et que j'ai un gros
réservoir de gaz, si je suis déjà branché sur le
gaz naturel et que je paie la moitié du tarif, je vais
réinstaller un boyau pour alimenter ma flotte d'automobiles et de
camions.
M. Fortier: II va être obligé de se promener avec un
tuyau.
M. Tremblay: II va remplir le réservoir, il sera
déjà transformé.
M. Gravino: La réglementation ne permet pas l'utilisation,
au même tarif, du gaz naturel pour les véhicules. La compagnie
gazière serait alors obligée d'installer un compteur
séparé pour la consommation comme carburant.
Le Président (M. Vallières): Très bien, la
parole est maintenant à M. le ministre.
Une voix: II va y avoir des tricheurs.
M. Tremblay: Cela n'arrivera pas, des tricheurs!
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Gravino, vous projetez l'établissement de
25 centres d'adaptation répartis à travers le réseau
desservi par le gaz. Je comprends que le gros effort sera fait dans la
région de Montréal. Maintenant que le gaz est arrivé
à Québec, ce devrait être au tour de Québec. Je
serais intéressé de savoir ce que vous allez faire en
Mauricie.
Une voix: Et à Laval?
M. Duhaime: Pour Laval, vous poserez vos questions, mon cher
collègue. En Mauricie, qu'est-ce qui va se passer? Est-ce qu'un centre
d'adaptation est prévu à Trois-Rivières? Y en aura-t-il un
à Shawinigan, en allant vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean? Avez-vous des
informations à ce sujet? (17 h 15)
M. Gravino: Premièrement, c'est concentré dans la
région de Montréal. On a ouvert cinq ou six concessions dans la
région de Montréal; on doit avoir neuf postes publics d'ici
à la fin de l'année à Montréal. Maintenant, la
Mauricie. À Trois-Rivières, on a déjà conclu une
entente pour ouvrir un poste vers la mi-novembre ou vers la fin de novembre
1983, cette année. Avec l'établissement de postes publics,
forcément, on sera obligé de regarder les postes d'adaptation,
parce que les deux vont ensemble. Cela va se faire. Dans la région de
Québec aussi, cela va ouvrir à peu près en même
temps que dans la région de la Mauricie. Le poste est déjà
choisi. On a des approches avec certains individus pour ouvrir des postes
d'adaptation. Malheureusement, à Shawinigan, le marché n'est pas
encore assez grand en ce qui concerne cette région
présentement.
M. Duhaime: Pour consoler mon collègue d'Outremont, mettez
mon nom sur votre liste parce que nous, on fait 80 000 kilomètres par
année et, si jamais vous décidez de vous en venir à
Shawinigan, je serai votre premier client.
Le Président (M. Vallières): Merci. Je n'ai aucune
autre demande d'intervention de la part des membres ou intervenants de la
commission. Je remercie beaucoup M. Gravino, de même que M. Lemieux, de
nous avoir livré leurs intentions. La commission ajourne ses travaux
à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 17)