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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, June 10, 1983 - Vol. 27 N° 99

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des représentants d'Hydro-Québec sur le projet de loi 4 - Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie électrique


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources commence ses travaux. L'objet de notre réunion ce matin est l'étude du projet de loi 4, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie électrique. Pour l'étude de ce projet de loi, nous entendrons aujourd'hui en audition publique M. Guy Coulombe, président-directeur général d'Hydro-Québec, et M. Joseph Bourbeau, président du conseil d'administration d'Hydro-Québec.

Les membres de la commmission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Tremblay (Chambly), Kehoe (Chapleau), Champagne (Mille-Îles), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Mme Bacon (Chomedey), MM. Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent), Sirros (Laurier), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Vallières (Richmond).

Il serait dans l'ordre d'abord de désigner un rapporteur de la commission, s'il vous plaît! Y a-t-il une proposition pour nommer un rapporteur?

M. Champagne (Mille-Îles) est proposé et accepté comme rapporteur de la commission.

Au sujet du temps, est-ce que vous avez des remarques ou une entente? Habituellement, le temps d'audition est de 20 minutes pour la présentation du mémoire, 40 minutes pour la période de questions.

M. Fortier: Personnellement, M. le Président, je crois que nous sommes ici pour poser des questions aux représentants d'Hydro-Québec. J'imagine qu'on va le faire d'une façon très flexible. C'est le voeu que j'exprime, ainsi que celui, si c'était possible, qu'on le fasse d'un seul trait. Je ne sais pas si le ministre est disponible. Cela nous permettrait de finir plus tôt.

M. Duhaime: Vers quelle heure? 13 h 30?

M. Fortier: Vers 14 h 30. À ce moment-là, nous serions libérés et je crois que les gens d'Hydro-Québec seraient d'accord. En commençant maintenant, cela nous donnerait de midi à 13 heures, 13 h 15, et jusqu'à 14 h 30, soit deux heures et trois quarts.

M. Kehoe: La salle...

Le Président (M. Desbiens): II y a cependant un problème d'ordre technique.

M. Fortier: Cela va être réglé, mais si on peut s'entendre...

Le Président (M. Desbiens): II s'agit simplement de vérifier.

M. Fortier: ...on va demander à d'autres de régler le problème technique.

M. Duhaime: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce qu'on file, mais il y a filer et filer. Cela ne me convient pas du tout de poursuivre jusqu'à 14 h 30. Je serais prêt à être plus restrictif dans mes propres interventions pour donner davantage de temps au député d'Outremont. Non pas que j'aie l'intention de lui répondre davantage ici qu'en Chambre, mais, aujourd'hui, c'est Hydro-Québec qui donne son point de vue. Avant le débat de deuxième lecture, j'aurais des interventions pour environ une demi-heure au total, je serais prêt à me limiter à ce temps au total et laisser le reste du temps à l'Opposition. Mais de là à poursuivre jusqu'à 14 h 30, j'avoue que mon estomac ne me suivra pas jusque-là. Maintenant, je serais prêt à régler pour terminer à 13 h 30. Cela vous va-t-il? Dépasser d'une demi-heure cela va, car autrement, on va vraiment travailler...

Le Président (M. Desbiens): II est

déjà...

M. Kehoe: On verra comment cela va tourner.

M. Fortier: M. le Président, à ce moment, on va suivre la décision de l'Assemblée, on reviendra à 15 heures.

Le Président (M. Desbiens): D'accord. M. le ministre d'abord, quelques remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, j'aurais quelques brèves remarques pour qu'on puisse situer dans quel cadre nous entendrons, ce

matin, Hydro-Québec sur le projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie électrique.

Nous entamons aujourd'hui les discussions concernant le projet de loi 4. Ces modifications que le gouvernement souhaite voir apporter à ces deux lois visent essentiellement à adapter le cadre législatif aux nouvelles réalités nées du développement d'Hydro-Québec et à lui permettre de contribuer pleinement au développement économique du Québec.

M. le Président, comme vous le savez, Hydro-Québec, au cours des années passées, a connu une croissance extrêmement rapide qui a placé la société d'État au tout premier rang des entreprises canadiennes. Cette évolution est particulièrement remarquable si l'on fait un bref retour en arrière.

En 1945, soit quelques mois après sa création, Hydro disposait déjà d'actifs de 215 000 000 $, employait moins de 2000 personnes et dégageait, pour sa première année d'activité, 15 300 000 $ de revenus nets. Quarante ans plus tard, Hydro-Québec a vu le nombre de ses employés passer à environ 20 000 et ses actifs multipliés par plus de 100 pour atteindre, à la fin de l'exercice 1982, 23 169 000 000 $ et ses revenus nets passer à 800 000 000 $ pour l'année 1982.

Déjà, depuis l'exercice 1980-1981, Hydro-Québec s'est assurée la première place parmi l'ensemble des compagnies canadiennes, sur le plan des actifs comme sur celui des revenus nets. Au niveau énergétique, par ailleurs, la puissance installée à Hydro-Québec est passée en 40 ans de 2113 mégawatts à 24 067 mégawatts en incluant, bien sûr, l'énergie en provenance de Churchill. À cet égard, M. le Président, vous allez me permettre une courte parenthèse puisque les journaux de ce matin nous apprennent que M. Brian Mulroney qui est en lice à la chefferie du Parti conservateur canadien - et je cite la Presse de vendredi, aujourd'hui - prend le parti de Terre-Neuve. La seule chose que je veux dire là-dessus... Nous comptons, bien sûr, sur les approvisionnements de Churchill à la suite du contrat signé au moins jusqu'en 2041, si ma mémoire est bonne, et je trouve très étrange que M. Mulroney, à quelques heures d'un vote à la chefferie du Parti conservateur, soit prêt à traverser le Québec pour la modique somme de quelque chose qu'il évalue entre 600 000 000 $ et 700 000 000 $ par année, en disant que le contrat qui est intervenu ne rencontre plus aujourd'hui ni la réalité, ni la justice.

Si vous me permettez, M. le Président, mon petit commentaire là-dessus, je pense que M. Mulroney, qui n'est pas encore élu, est mal parti et si c'est l'appui des délégués de Terre-Neuve qu'on veut aller chercher avec cette alliance Peckford-Crosbie, cela risque de coûter quelques millions de dollars par vote, par délégué, à l'ensemble du Québec si telle est sa position. Si son intervention a un sens, ou il parle pour ne rien dire ou il parle pour dire quelque chose, est-ce que cela pourrait signifier que M. Mulroney, devenu premier ministre du Canada, au nom d'un intérêt national "canadien", aurait l'intention de légiférer sur cette question? Notre position, autant celle du gouvernement que celle d'Hydro-Québec dans ce dossier, est très bien connue. Elle est claire et c'est une position d'ouverture. Nous sommes, bien sûr, intéressés à nous entendre avec nos voisins, mais pas dans n'importe quelle condition et pas à n'importe quel prix.

M. le Président, nous aurons l'occasion de revenir là-dessus, mais, comme "timing", je ne peux interpréter autrement l'intervention de M. Mulroney comme étant une tentative désespérée d'aller chercher les voix des délégués de Terre-Neuve sur le dos des Québécois.

M. le Président, actuellement, HydroQuébec dispose d'une puissance installée de 24 067 mégawatts. Au cours de cette même période de 40 ans, le nombre d'abonnés résidentiels a été multiplié par neuf, passant de 250 000 à 2 200 000. Depuis les cinq dernières années, comme cela apparaît d'ailleurs aux états financiers de l'entreprise, Hydro-Québec consent des investissements qui, bon an mal an, tournent autour de 3 000 000 000 $, ce qui fait qu'Hydro-Québec est le plus gros investisseur dans le secteur énergétique pour l'ensemble du Canada.

Depuis quelques années, Hydro-Québec est de plus devenue un important exportateur d'électricité aux États-Unis. Au cours des treize prochaines années et à partir des contrats actuellement signés, ces exportations, à la suite du contrat de NEEPOOL et de PASNY en particulier, représenteront des revenus annuels moyens de 1 200 000 000 $ en dollars constants. Il est bien évident que les mutations profondes qu'a connues Hydro-Québec ont radicalement modifié le rôle joué par notre société d'État dans la croissance économique du Québec.

Sur le plan juridique, le législateur québécois avait mis en place, en 1944, un cadre juridique qui a effectivement permis à Hydro-Québec d'assurer son développement. Cependant, cet ensemble de dispositions législatives a dû être amendé et complété au cours des années, afin de tenir compte de la croissance rapide d'Hydro-Québec et, surtout, en vue de permettre à la collectivité québécoise d'utiliser au mieux l'outil de développement dont elle disposait. Tout récemment, il y a à peine quelques mois, autour de cette table, nous avions l'occasion de discuter en long, en large et en

profondeur du projet de loi 16 et la castastrophe appréhendée que nous indiquait l'Opposition ne s'est pas encore produite. Au contraire, le niveau de raisonnabilité sur les dividendes de la société envers le gouvernement a été maintenu et les profits nets de l'entreprise ont augmenté. Malgré ce qu'en disaient nos collègues de l'Opposition, nous avons pu boucler tous nos emprunts sur les marchés internationaux. Les tarifs se sont améliorés, nous sommes à 7,3% pour 1983, ce qui est en dessous de l'inflation. Les modifications proposées aujourd'hui par le gouvernement s'inscrivent dans cette perspective. Jusqu'ici, le rôle d'Hydro-Québec avait été conçu comme devant permettre d'assurer aux Québécois la disponibilité de l'énergie électrique a des taux et conditions compatibles avec une saine gestion financière.

Le projet de loi no 4 maintient cet objectif tout en élargissant le rôle que la société d'État doit dorénavant jouer. Désormais, Hydro-Québec aura explicitement pour mandat de développer ses activités dans le domaine énergétique, qu'il s'agisse de recherche, de promotion, de transformation ou d'économie d'énergie. Avec ce projet de loi, le gouvernement modernise et rend plus opérationnel le cadre législatif dans lequel Hydro-Québec doit inscrire ses activités. Cette démarche devrait permettre aux Québécois de profiter au maximum de l'outil exceptionnel de développement que constitue Hydro-Québec.

Il est probable que, sur le plan énergétique, nous entrons dans une phase nouvelle où, en plus de satisfaire aux besoins en énergie, les producteurs énergétiques doivent maximiser toutes les retombées économiques liées aux filières qu'ils exploitent. Cet aspect de l'évolution probable a commencé a être examiné par la commission de l'énergie et des ressources il y a quelques semaines. C'était en mars, mais, comme vous le savez, nos travaux ont dû être interrompus par une affaire que l'Opposition jugeait beaucoup plus importante, semble-t-il, et nous avons passé les neuf semaines à parler de LG 2, du saccage de 1974 et de son règlement plutôt que de nous occuper, en 1983, de parler de l'énergie comme outil ou comme levier de développement économique. C'est malheureux, mais ces travaux devront être repris en septembre. Il y a une bonne cinquantaine de mémoires qui nous attendent.

Cette évolution est particulièrement évidente pour ce qui est d'Hydro-Québec. À l'origine, la société d'État avait avant tout pour objectif de satisfaire aux besoins en électricité des Québécois. Graduellement, le rôle de la société s'est élargi et Hydro-Québec se trouve maintenant placée au centre d'un ensemble d'interventions et d'opérations dans lesquelles la satisfaction des besoins en énergie des consommateurs ne constitue qu'un volet de l'activité globale. Par exemple, Hydro-Québec est aujourd'hui directement impliquée et présente dans le développement du secteur électrochimique, dans la mise au point de la filière hydrogène et dans la recherche de nouvelles technologies d'utilisation de l'électricité. Après s'être acquis une réputation internationale au niveau de la production hydroélectrique et du transport de l'énergie sur de longues distances, Hydro-Québec est en train de construire un nouveau savoir-faire dans des domaines très prometteurs et riches d'avenir.

Il nous appartient de faire en sorte que la société d'État puisse disposer, sur le plan juridique, des compétences et moyens lui permettant de réaliser à bien cette tâche. C'est là l'objectif premier du projet de loi 4 que le gouvernement soumet à l'Assemblée nationale. Ce projet comporte également des dispositions concernant les points suivants:

En premier lieu, le projet de loi permettra d'harmoniser la loi d'Hydro-Québec avec les lois régissant les différentes sociétés d'État en comportant des dispositions prévoyant l'établissement de plans de développement. Hydro-Québec se conformait déjà à cette pratique mais cela en dehors de toute disposition juridique précise. L'application à Hydro-Québec et à ses administrateurs des dispositions de la partie II de la Loi sur les compagnies compatibles avec sa loi constitutive correspond également au souci d'uniformiser les lois régissant les sociétés d'État.

En deuxième lieu, la possibilité de porter à 17 le nombre de membres pouvant être nommés au conseil d'administration permettra de diversifier davantage les origines et les compétences des administrateurs. On devrait ajouter, entre parenthèses, masculins ou féminins, M. le Président.

En troisième lieu, le projet de loi 4 précise que les tarifs et conditions de fourniture d'électricité seront fixés par règlements de la société, selon les catégories qu'elle détermine ou par contrats spéciaux, qui continueront cependant comme par le passé de requérir l'approbation du gouvernement.

En quatrième lieu, le présent projet de loi donne une plus grande marge de manoeuvre à la société d'État dans sa politique de participation et de prise d'intérêt. Dorénavant, le gouvernement ne devra approuver les prises de participation décidées par Hydro-Québec que dans la seule mesure où ces prises de participation permettront de contrôler la moitié du capital-actions ou la nomination de la majorité des administrateurs.

Par ailleurs, Hydro-Québec, à titre d'actionnaire unique, nommera directement

les membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James qui, par le présent projet de loi, devient une société filiale à part entière d'Hydro-Québec.

Enfin, le projet de loi 4 adapte la loi d'Hydro-Québec et la loi sur les exportations à la nouvelle situation créée par l'ouverture de nouveaux débouchés importants sur le marché américain. Le projet de loi permet de normaliser et de clarifier les dispositions législatives encadrant l'exportation d'énergie électrique en dehors du Québec.

Je voudrais ajouter, M. le Président, que le projet de loi 4 comporte également une série de modifications d'ordre tout à fait technique qui visent pour l'essentiel à assurer la concordance entre les différentes lois en cause. Essentiellement, donc, M. le Président, ce projet de loi no 4 a pour but de donner à Hydro-Québec un cadre juridique qui correspond mieux à son évolution et qui en fera sûrement un meilleur outil de développement économique au service du Québec. Je vous remercie, M. le Président. (12 heures)

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C Fortier

M. Fortier: M. le Président, ce projet de loi est très important puisque tout ce qui touche à Hydro-Québec, une société d'État qui a un impact considérable sur l'économie du Québec, est important. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé au gouvernement qu'Hydro-Québec soit entendue en commission parlementaire et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici ce matin. Nous avons cru et nous croyons toujours que lorsque des modifications comme celles-là se font à la loi d'Hydro-Québec ou à toute nouvelle orientation d'Hydro-Québec, celles-ci doivent être débattues en public. Et je remercie la direction d'Hydro-Québec d'être ici ce matin pour répondre à nos questions.

Certains tendent à sous-estimer les modifications qui vont être faites à la loi d'Hydro-Québec, mais je crois qu'il faut voir ces changements d'une façon évolutive. Alors que, avant la loi no 16, Hydro-Québec devait produire de l'électricité au plus bas coût possible pour les citoyens du Québec, il y a eu une nette évolution pour permettre à Hydro-Québec de vendre l'électricité selon les critères d'une bonne gestion. On ne retrouvait plus le plus bas coût possible et voici maintenant qu'on lui permet de devenir une société tout à fait commerciale et de pouvoir vendre de l'électricité non seulement aux citoyens du Québec - d'ailleurs, on ne retrouve plus cette limite du territoire dans la loi d'Hydro-Québec - mais aussi à l'extérieur du Québec.

On s'en va donc vers une société tout à fait commerciale. Dans une certaine mesure, je crois qu'on doit s'en réjouir puisque la société a décidé de se donner un programme d'action très agressif dans la recherche et le développement, dans le marketing international. Par ailleurs, je crois qu'on doit se poser des questions sur l'impact qu'une telle orientation pourrait avoir sur les citoyens du Québec. Pour ma part, je regrette que le ministre et que le gouvernement n'aient pas cru bon, en nous présentant ce projet de loi, de discuter de ce qui a été demandé par plusieurs intervenants dans le passé. On se souviendra que lors de l'audition d'Hydro-Québec, l'automne dernier, lorsque nous avons étudié la tarification, il y a eu une demande spécifique de groupes industriels d'être entendus lorsqu'il y a des augmentations de tarifs ou des demandes de changement de tarifs par Hydro-Québec. D'ailleurs, dans le mémoire que l'Association des consommateurs industriels d'électricité du Québec devait présenter devant la commission parlementaire devant étudier la politique énergétique du Québec, ceux-ci en font une demande très explicite lorsqu'ils donnent de nombreuses raisons pour lesquelles ils voudraient être entendus. Ils explicitent davantage les motifs et les représentations qu'ils aimeraient faire lorsque Hydro-Québec vient annuellement présenter une nouvelle tarification.

Assez curieusement, puisque dans le passé mon collègue de Laurier et moi-même avions discuté sur d'autres aspects de cette protection du citoyen eu égard aux coupures d'électricité, surtout pour les plus démunis de la société, j'aurais pensé, si les industriels eux-mêmes demandaient d'avoir une certaine protection vis-à-vis de cette corporation qui est de plus en plus commerciale, que les citoyens eux-mêmes auraient eu droit à une certaine protection. Peut-être qu'on aura l'occasion, M. le Président, de discuter de cette protection. Cela aurait peut-être pris la forme d'une présentation d'Hydro-Québec devant la Régie de l'électricité et du gaz, non pas tellement pour permettre à la régie de statuer mais, du moins, pour permettre à la régie d'organiser des auditions publiques. Cela permettrait aux citoyens du Québec, que ce soient les clients corporatifs ou les clients individuels, de présenter leur point de vue et ainsi, cela permettrait à toute la société québécoise de participer aux orientations qu'Hydro-Québec pourrait bien se donner et qui pourraient avoir un impact sur la tarification d'Hydro-Québec.

D'ailleurs, quand on fait la revue des différentes provinces qui permettent des auditions publiques, on s'aperçoit que la majorité d'entre elles le permet, l'Alberta, la Colombie britannique, le Manitoba, Terre-Neuve et le Labrador, l'Ontario, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. À moins que mes renseignements ne soient pas des plus

récents, il semblerait qu'une majorité de provinces permet justement des auditions publiques. Nous aurions souhaité que les changements proposés aujourd'hui prennent en considération ces désirs des clients d'Hydro-Québec d'être entendus, surtout lorsqu'il y a des changements de tarifs, d'autant plus maintenant que l'on donne une mission tout à fait commerciale à la mission d'Hydro-Québec.

En ce qui concerne l'exportation, il faut se réjouir que, maintenant, Hydro-Québec aura la possibilité d'exporter, quoique l'on ne peut que regretter que le gouvernement ait tant tardé pour inciter Hydro-Québec à exporter vers les États-Unis, alors que les marchés étaient beaucoup plus ouverts et beaucoup plus déterminants, il y a quatre ou cinq ans. Cette possibilité n'a été donnée à Hydro-Québec que récemment et, quoique l'on se réjouisse qu'Hydro-Québec puisse exporter vers les États-Unis, nous aurons certainement des décisions qui permettent maintenant au gouvernement, sans aucune intervention de l'Assemblée nationale, de statuer complètement par décret sur l'importance de ses exportations, sur le volume et la durée des exportations.

Ce sont donc les quelques remarques que j'ai à faire ce matin. J'ose espérer que les questions et les explications que pourront nous donner les représentants d'Hydro-Québec nous permettront de comprendre davantage toute la portée de la nouvelle loi sur HydroQuébec ainsi que les modifications qui sont apportées à la loi qui la régit présentement.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Nous commençons avec M. Bourbeau.

Audition des représentants d'Hydro-Québec

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission. Avant de commenter avec vous le projet de loi 4, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie électrique, j'aimerais faire le point sur les démarches qui ont mené à ce projet.

Depuis un an, le conseil d'administration d'Hydro-Québec a pris des orientations et s'est donné des objectifs dont la mise en oeuvre nécessitera des modifications à sa loi constitutive. Les deux principales modifications soumises à l'Assemblée nationale concernent, en premier lieu, les objets de la société et, en second lieu, les modalités de filiation de la Société d'énergie de la Baie James. Nous avons, en outre, proposé d'autres amendements visant à faciliter la conduite de nos travaux.

En octobre dernier, en même temps que nous vous soumettions le plan de développement 1982-1985, nous avons présenté au ministre tuteur de la société des propositions à la Loi sur l'Hydro-Québec. Le ministre a accueilli nos propositions et les a soumises au gouvernement à la fin de novembre. À partir de là, des consultations régulières se sont poursuivies entre les intervenants concernés et ont débouché sur le projet de loi que nous avons entre les mains. J'aimerais toutefois vous parler plus longuement des modifications proposées.

D'abord en ce qui concerne les objets de la société.

Hydro-Québec a pour objet de fournir l'énergie à ses abonnés du Québec. Bien sûr, l'entreprise a toujours exporté de l'électricité, mais il s'agissait, pour l'essentiel, de surplus passagers. Ces exportations étaient vues comme une activité marginale qui s'imposait par la difficulté de toujours équilibrer la production et la demande.

Avec la baisse de la demande intérieure au Québec, le contexte est en voie de se modifier. Comme nous l'exposions dans le plan de développement présenté l'an dernier, l'entreprise prévoit avoir des surplus d'électricité pendant encore quelques années et en quantité suffisamment importante pour qu'on ne considère plus nos exportations comme une activité accessoire. Au contraire, nous avons examiné avec vous des objectifs de vente à l'exportation qui représenteraient 25% des ventes totales au Québec et rapporteraient plus de 800 000 000 $ en 1985.

Pour ces raisons, nous souhaitons maintenant intégrer la production et le transport d'énergie à des fins d'exportation dans l'activité normale de la société.

Une autre précision relative aux objets de la société vise à nous permettre d'oeuvrer dans tout domaine connexe ou relié à l'énergie.

Déjà en 1978, vous nous avez autorisés à exporter le savoir-faire d'Hydro-Québec à l'étranger. Depuis, en 1981, vous avez accepté que l'entreprise s'engage dans le domaine des économies d'énergie, ce que nous avons fait avec le programme Energain Québec.

En octobre 1982, nous avons fait part de notre volonté de développer de nouvelles technologies électriques, d'assurer la conversion à l'électricité des chaudières industrielles et de commercialiser les produits et les techniques de la société.

Pour ce faire, nous souhaitons que vous confirmiez dans un texte précis notre capacité juridique d'exercer dans ces nouveaux champs d'activité.

Passons maintenant à la Société d'énergie de la Baie James.

La SEBJ a été créée en 1972 en vertu de la Loi sur le développement de la région de la baie James. Elle avait alors pour mandat de mettre en valeur les ressources hydroélectriques du territoire de la baie James et de produire et distribuer

l'électricité dans ce territoire.

Bien que la SEBJ ait été constituée à titre de filiale de la Société de développement de la Baie James, c'est Hydro-Québec qui détenait tout son capital-actions, la majorité des sièges à son conseil d'administration et assurait l'entier financement de ses travaux.

En 1978, la loi a reconnu dans les faits que la SEBJ était devenue une filiale d'Hydro-Québec, dont le conseil , d'administration, composé jusque-là d'une majorité d'administrateurs d'Hydro-Québec, comprenait dès lors l'ensemble de ces administrateurs. Le législateur confiait aussi à Hydro-Québec le mandat d'exploiter les ouvrages construits sur le territoire de la baie James.

Avec le ralentisssement de la croissance de la demande, nous disposons maintenant d'un répit nous permettant de rationaliser davantage notre organisation et la réalisation de nos travaux d'équipement. Signalons qu'à l'instar de la SEBJ, Hydro-Québec possède sa propre équipe de construction. C'est cette équipe qui a réalisé le complexe Manic-Outardes et la centrale de La Grande 3. Pour ce dernier projet, Hydro-Québec agissait sous mandat de la SEBJ qui, elle même, agissait sous mandat d'Hydro-Québec. Ce mode de fonctionnement n'est certainement pas idéal. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un groupe responsable de toutes les activités de construction, d'ouvrages de production et de transport au sein même d'Hydro-Québec et, par cette mesure, la coordination de nos ressources dans ce champ d'activité devient la responsabilité quotidienne des cadres supérieurs d'Hydro-Québec et n'est plus sous la charge directe du conseil. Enfin, comme je vous le disais tantôt, nous suggérons aussi d'autres modifications qui nous semblent opportunes et que j'exposerai brièvement.

Premièrement, nous avons proposé une augmentation du nombre des membres du conseil. Cette demande reflète notre désir de changer le mode de fonctionnement du conseil et d'élargir l'éventail des compétences qui y sont représentées. Actuellement, le conseil satisfait pleinement à l'exigence légale de tenir une séance par mois puisqu'il se réunit toutes les deux semaines. Un nombre supérieur de membres rend possible la formation de comités du conseil, dont un comité exécutif, et nous permettra d'espacer nos réunions.

Deuxièmement, nous souhaitons être régis par la Loi sur les compagnies. La partie II de cette loi nous apparaît le cadre de référence approprié qui assurera à l'entreprise la souplesse voulue pour réaliser sa vocation commerciale.

Troisièmement, pour assurer le développement de notre technologie et de ses applications et pour en maximiser les retombées dans un marché hautement compétitif, une procédure plus souple et plus rapide d'acquisition d'intérêts minoritaires dans d'autres entreprises est nécessaire.

Enfin, nous croyons approprié que la Loi sur Hydro-Québec nous oblige à présenter un plan de développement. En pratique, nous le faisons déjà et cette commission a eu chaque année l'occasion d'examiner nos orientations et nos objectifs, bien que les dispositions actuelles de la loi ne nous obligent qu'à produire un rapport annuel faisant le point sur l'état général des affaires de la société. (12 h 15)

Voici donc, M. le Président, les observations générales que nous avions à formuler au sujet du projet de loi no 4. Nous sommes maintenant à la disposition des membres de la commission pour répondre à leurs questions.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre, pas de questions? M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois que je suis aussi bien d'entamer une série de questions sur l'exportation. Peut-être que dans un premier temps, Hydro-Québec pourrait nous dire quelle est la position exacte des surplus d'électricité d'Hydro-Québec. Vous nous avez présenté, l'automne dernier, un tableau qui indiquait qu'à l'aide de certains programmes, ces surplus n'existeraient plus après 1985...

M. Bourbeau (Joseph): 1986. Il y en aurait jusqu'en 1990.

M. Fortier: ...je crois, 1986. À cause de la baisse de la demande l'an dernier, j'imagine que d'une part ce tableau-là est certainement modifié et que les surplus se perpétueront plus longtemps dans l'avenir. Cependant, une décision que vous aviez prise et qui a été mal interprétée dans bien des milieux était d'abandonner votre programme des chaudières électriques. Il y a eu entre autres une déclaration à Sherbrooke, je crois, alors que les intervenants industriels de la région se posaient la question: Pourquoi avoir abandonné un programme comme celui-là si, de fait, Hydro-Québec a des surplus et des surplus qui seront de plus en plus grandissants? J'aimerais savoir d'une part quelle est la vision que vous avez des surplus d'électricité, du moins jusqu'en 1990 et par ailleurs, pourquoi vous avez abandonné ce programme des chaudières électriques si, justement, vous avez et vous prévoyez avoir des surplus très importants, ce qui tout à l'heure nous amènera à parler d'exportation d'énergie vers les États-Unis.

M. Bourbeau (Joseph): Voici, avant de passer la parole à M. Coulombe qui

explicitera davantage ce sujet-là. Il est vrai qu'on a des surplus qu'on vous a montrés dans le plan de développement de l'an dernier. Si je me souviens bien, ces surplus montraient une pointe qui se situait vers 1985-1986 et ensuite descendait, s'amenuisait vers 1990 et cela disparaissait. M. le député d'Outremont, vous mentionnez que la demande a baissé, c'est vrai. Qu'il devrait y avoir des surplus supplémentaires, c'est encore vrai. Nos gens à Hydro-Québec sont en train de regarder une nouvelle prévision de la demande. On est en train d'étudier un nouveau plan de développement qui vous sera soumis ici, l'automne prochain, soit dans quelques mois.

Quant aux divers programmes, vous avez parlé du programme de vente à des chaudières industrielles. C'est vrai que le programme est arrêté, mais Hydro-Québec est en train de regarder un ensemble de programmes de vente à l'industrie. Je laisse maintenant la parole à M. Coulombe, le P.-D.G, qui est plus en mesure de vous tracer la voie qu'on regarde dans la mise en marché de l'électricité, non seulement au Québec, mais aussi à l'extérieur du Québec.

M. Coulombe (Guy): On se rappellera que l'an passé, lors de la présentation du plan de développement, il y avait eu -justement comme M. Bourbeau vient de le dire - une évaluation des surplus. Pour ces surplus-là, il y avait des programmes de vente spécifiques qui avaient été mis sur pied. Le premier était le programme Bi-énergie qui a effectivement été mis en marche et qui fonctionne au-delà des prévisions qu'on avait faites. On a modifié nos prévisions pour atteindre presque le double des clients qui avaient été prévus l'an passé. C'est donc un programme qui fonctionne très bien à l'heure actuelle et qui va donner d'excellents résultats.

Maintenant, le programme des chaudières industrielles, vous vous rappelez qu'on avait mentionné qu'il y avait un objectif d'environ 800 mégawatts. Après quatre ou cinq mois, les objectifs étaient non seulement atteints mais dépassés et le programme, lorsque nous l'avons suspendu, avait atteint 1300 mégawatts de vente. Nous l'avons suspendu pour une raison très simple, c'est que, ayant dépassé l'objectif et l'année s'écoulant, on a voulu faire une pause pour réévaluer les surplus et l'état de la situation. Cette réévaluation est en cours. Tout ce qu'on peut dire, à l'heure actuelle, en attendant le dépôt au gouvernement et à l'Assemblée nationale, c'est que les surplus seront plus considérables que ceux prévus l'an passé parce que la demande a encore diminué par rapport aux prévisions de l'an passé. Si vous avez regardé le rapport trimestriel qu'on vient de faire paraître, dans les trois premiers mois de l'année, la demande a encore baissé de 5% par rapport au premier trimestre de 1982. Il en résulte donc une augmentation des surplus.

L'ordre exact de cette augmentation est en train d'être évalué et sera présenté dans le cadre du plan de développement cet été. Ce qui a donc obligé à poursuivre - ce qui était déjà prévu d'ailleurs - toute la réflexion sur les nouveaux programmes de vente et, aussi, à réévaluer le programme de chaudières industrielles. À l'heure actuelle, nous sommes en train de faire des propositions au gouvernement sur une série de quatre ou cinq programmes actuellement à l'étude. On espère que ces programmes vont être jaugés et acceptés le plus rapidement possible. Nous sommes confiants que ces surplus pourraient, en grande partie, servir au développement économique du Québec et à une rationalisation de l'utilisation de l'énergie au Québec. Donc, non seulement les études, mais les propositions sont actuellement faites. D'autres programmes verront le jour et il y aura peut-être aussi une réévaluation du programme des chaudières industrielles.

M. Fortier: En ce qui concerne le programme des chaudières électriques, vous avez dit: On avait atteint ou même dépassé notre objectif. D'ailleurs, cela ne prend pas une très grande étude, comme vous venez de le dire, pour savoir que vous aurez des surplus plus considérables que ceux que vous aviez annoncés, compte tenu de la faible consommation, non seulement à cause du climat, mais aussi du développement économique ou de l'affaissement économique qui s'est produit. J'ai quand même de la difficulté à comprendre pourquoi vous avez suspendu le programme de vente de chaudières électriques parce que si l'on veut qu'Hydro-Québec soit une société commerciale - le ministre l'a dit et vous l'avez dit - à ce moment-là, j'imagine que ce n'est pas parce qu'on atteint un objectif qu'on va dire: J'ai atteint mon objectif, j'arrête. Y avait-il des raisons qui faisaient que, techniquement parlant, les lignes de distribution électrique n'étaient pas suffisantes? Y avait-il des raisons inhérentes qui empêchaient techniquement Hydro-Québec de poursuivre son programme? Je dois admettre que c'est à peu près incompréhensible qu'une société commerciale, qui a des surplus d'énergie électrique et qui s'aperçoit qu'un programme va très bien, décide de l'arrêter parce que cela va bien. À ce moment-là, expliquez-moi cela en tant que société commerciale, j'ai du mal à comprendre.

M. Coulombe: Comme je l'ai dit, l'objectif, ayant non seulement été atteint, mais dépassé, on a fait une pause pour deux raisons fondamentales. Dans certains

territoires du Québec, particulièrement le centre du Québec, l'accumulation de ventes considérables posait certains problèmes au niveau de la distribution. Avant de multiplier ces ventes, on a voulu approfondir ce problème. C'est évident que le fait d'ajouter des charges de 100, 200, 300, 500 mégawatts, qui ne sont pas uniformément distribuées dans l'ensemble du Québec et qui sont plutôt concentrées là où il y a des industries, risquait de poser certains problèmes de distribution. Effectivement, dans la région de Trois-Rivières, on a été obligé de poser des postes temporaires au niveau de la distribution et, avant de se heurter à un problème trop considérable au niveau de la distribution, on s'est dit: On va regarder cela de plus près.

De plus, l'évolution - évidemment on se place en janvier, février, mars - exacte de la demande de 1983 n'était pas complètement connue, même si on avait les résultats de janvier et l'hypothèse de février. L'affaissement du premier trimestre par rapport au premier trimestre 1982 a été plus considérable que celui prévu. C'est évident qu'actuellement, comme je vous l'ai dit, on songe sérieusement à remettre en marche un programme équivalent ou le même programme, parce qu'il nous semble indispensable de poursuivre. D'ailleurs, on a beaucoup de demandes des industriels à ce propos et même des institutions. Donc, actuellement, on songe sérieusement à le remettre en marche.

M. Fortier: Vous avez indiqué que, dans certaines régions, il y avait peut-être des problèmes techniques. J'imagine que dans d'autres régions, ce n'était pas le cas. Vous auriez pu décider de continuer le programme dans les régions, techniquement parlant...

M. Coulombe: On butait contre un problème de nature juridique que je n'oserai même pas essayer de définir tant il semble compliqué. C'était le problème de la discrimination chez les abonnés d'Hydro-Québec. La question d'aller dans des régions et de ne pas aller dans d'autres posait et pose encore des problèmes juridiques considérables. On voit très bien comment certains industriels auraient pu nous dire: Écoutez, si vous ne pouvez pas aller dans tel coin, pourquoi eux sont avantagés et pas nous? Cela posait et pose encore, d'ailleurs, certains problèmes de nature non pas de distribution d'électricité, mais carrément juridique.

M. Fortier: Se pourrait-il qu'il y ait eu d'autres contraintes comme toute la conciliation de la pénétration du gaz et des ventes d'électricité? Malheureusement, on n'a pas eu l'occasion de continuer le débat en commission parlementaire. Je dirais au ministre que c'est le premier ministre lui-même qui a dit qu'il avait choisi la mauvaise commission parlementaire ou le mauvais véhicule pour discuter de ce genre de problème. C'est le gouvernement lui-même qui a décidé de choisir la commission parlementaire de l'énergie et des ressources et d'arrêter celle qui était en cours.

Mais se pourrait-il que, justement, dans un effort de conciliation entre cet effort de pénétration du gaz et des ventes d'électricité, vous ayez été obligés de prendre ce facteur en considération? Quelle est votre attitude vis-à-vis de cela, puisqu'il n'y a pas de "guide lines"? Je crois que le ministre a indiqué lui-même qu'il ne voulait pas arbitrer les deux pénétrations. Mais dans quelle mesure ces pressions vous empêchent-elles de promouvoir les différents programmes que vous voudriez mettre de l'avant pour vendre les surplus d'électricité qui existent présentement?

M. Coulombe: Je pense, d'abord, que la décision de suspendre temporairement le programme a été la décision d'Hydro-Québec, mais c'est évident que l'harmonisation de la pénétration du gaz et de la vente des surplus d'électricité posent un problème au Québec, à Hydro-Québec, au gouvernement et à l'ensemble de la population. Donc, je pense qu'on ne se cache pas le problème. Il est là. Il y a un problème d'harmonisation. La politique gouvernementale est claire pour dire que le gaz pénètre. C'est d'ailleurs ce qu'il fait. D'après les résultats qu'on peut voir dans les journaux ou d'après les annonces de Gaz Inter-Cité ou de Gaz Métropolitain, cela semble aller très bien.

Donc, vis-à-vis de cette politique, il est évident qu'il y a un problème actuel et potentiel de - je ne dirais pas de conflit -mais d'harmonisation entre le fait imprévu, il y a quelques années, d'énormes surplus à Hydro-Québec et le fait, aussi, de surplus considérables de gaz au Canada, sans parler de la baisse du prix du pétrole et du surplus de mazout lourd. Mettez tous ces phénomènes ensemble, il est évident que la scène énergétique est relativement complexe à l'heure actuelle.

Par contre, les programmes de bi-énergie qu'on a proposés ont été acceptés par le gouvernement et il semblerait que les programmes qu'on a proposés à l'heure actuelle reçoivent une attention toute particulière de la part du gouvernement. On a bon espoir que des programmes précis pourront être mis en oeuvre très prochainement, non seulement pour écouler les surplus, mais pour augmenter les ventes d'Hydro-Québec.

M. Fortier: Si j'ai bien compris, les programmes que vous avez mis au point ont déjà été présentés au gouvernement...

M. Coulombe: Ils sont à l'étude actuellement.

M. Fortier: Ils sont à l'étude présentement. Dans votre esprit, une suite devrait être donnée à ces demandes dans un avenir très rapproché. Est-ce que vous vous êtes fixé un objectif vous-même? Le plut tôt possible, j'imagine, est l'objectif que vous poursuivez?

M. Coulombe: Le plus tôt possible suivant les contraintes normales de décision dans un gouvernement.

M. Bourbeau (Joseph): S'il vous plaît, j'aurais quelque chose à ajouter! M. Coulombe a parlé de réévaluation du programme selon les résultats qu'on avait. J'ai ici, depuis le mois de janvier, ce qui s'est passé dans le secteur industriel. Au mois de mai, c'est la première fois depuis 24 mois que le mois de mai présente un bilan positif comparativement au même mois de l'année précédente. Alors qu'au mois de janvier, on était en perte de vitesse de 24% - les mois de mars et avril ont montré une perte de vitesse de 5% - voici qu'au mois de mai on passe du côté positif. La réévaluation du programme des chaudières s'inscrit justement dans les résultats que nous avons sur les ventes régulières à Hydro-Québec. (12 h 30)

M. Fortier: Qu'est-ce que vous voulez dire par bilan positif? Vous parlez du bilan financier?

M. Bourbeau (Joseph): C'est qu'au mois de mai, au secteur industriel on a vendu 1,4% de plus que durant le mois de mai 1982.

M. Fortier: Je crois qu'une des raisons pour laquelle la demande a baissé considérablement en 1982, c'était la faiblesse de la consommation électrique dans l'industrie.

M. Bourbeau (Joseph): C'est exact.

M. Fortier: Pourriez-vous nous donner un tableau des secteurs, parce que j'imagine que vous avez dû faire une étude systématique de cet affaissement de la consommation électrique? Quelles sont les conclusions de l'analyse qui a été faite à ce sujet, par secteur d'industrie?

M. Coulombe: Dans le secteur industriel, évidemment, il faut distinguer deux grandes catégories. Le secteur industriel comporte environ 11 000 clients, mais il faut bien penser, et c'est souvent sous-estimé, que parmi ces 11 000 clients, il n'y en a que 189 ou 190 qui sont en haut de 5 mégawatts.

Donc, une très faible partie, en termes de nombre de clients, représente la grande majorité des ventes à l'industriel parce que les 10 000 autres clients utilisent beaucoup moins d'électricité. Donc, une variation dans l'activité économique au niveau de ces 190 clients a une énorme conséquence sur les chiffres de vente.

Si vous prenez, par exemple, le secteur forestier des pâtes et papier qui, d'une utilisation de sa capacité de production historique de 93, 94 et 95, est rendu actuellement à 81, c'est évident que cela a un impact direct, le secteur forestier étant le plus gros client d'Hydro-Québec en termes industriels, sur nos ventes.

Le secteur des mines et métaux. Quand on songe à la position de l'Iron Ore, la position de SIDBEC qui a baissé considérablement certaines de ses activités, QIT qui a d'énormes difficultés de vente au niveau international, ce sont les plus gros clients d'Hydro-Québec et ils ont été frappés de plein fouet par la crise économique.

Donc, à cause de la structure industrielle du Québec où très peu de clients représentent au-delà de 60% de nos ventes industrielles, c'est évident que, si un ou deux secteurs vont mal, les ventes s'en ressentent immédiatement. L'explication de base: C'est surtout le secteur forestier et le secteur des mines qui expliquent la baisse dans le secteur industriel.

M. Fortier: Avant de penser à exporter, j'imagine que, dans un premier temps, c'est de maximiser la consommation électrique ici même...

M. Coulombe: C'est exact.

M. Fortier: ...dans le secteur industriel et par la recherche et le développement qui pourraient amener des nouveaux procédés utilisant de l'électricité. Vous avez dû prendre connaissance du mémoire de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité.

M. Coulombe: Oui.

M. Fortier: Ces gens, justement, représentent 63 abonnements qui représentaient 1700 mégawatts. Ce qui ressort d'une façon très forte de ce mémoire, c'est non seulement que, bien sûr, ils aimeraient à avoir leur mot à dire dans les tarifs, mais que ce sont surtout les variations annuelles des tarifs qui semblent être un préjudice. Ils s'insurgent contre le fait qu'après avoir signé un contrat avec Hydro-Québec, Hydro-Québec peut obtenir une augmentation de tarif sans qu'eux aient leur mot à dire.

Il semblerait que, si l'on veut favoriser

la consommation d'énergie électrique dans l'industrie, il faut arriver avec des politiques qui permettent à l'industrie de voir à plus long terme quelles vont être les augmentations.

C'est tellement vrai que, dans le cas de Reynolds et dans le cas de Pechiney, il y a eu des ententes spécifiques qui ont été signées qui permettaient justement à ces industries de savoir où elles allaient. Autrement dit, ce que l'industrie veut, c'est non seulement uniquement des bons tarifs pour une année donnée, mais de savoir quelle est la "trend".

À ce sujet, Hydro-Québec a eu l'amabilité de me faire parvenir une comparaison des tarifs avec l'Ontario. Si on compare les tarifs entre l'Ontario et le Québec, tarifs grande puissance, compte tenu de tout l'ensemble de la tarification en ce qui concerne les frais pour l'appel maximal et la consommation électrique, depuis cinq ou six ans la différence qui existait entre l'Ontario et le Québec s'est amenuisée considérablement. Dans le moment, on parle d'une différence d'environ 12,5%. Je suis d'accord avec le ministre que cela varie d'une industrie à l'autre. À ce moment-là, comme de raison, je conçois que présentement vous ayez des surplus et que les politiques que vous allez mettre de l'avant doivent s'insérer à l'intérieur d'une politique à plus long terme également. J'aimerais que vous m'en parliez un peu, puisque, bien sûr, ces politiques peuvent être uniquement pour le temps durant lequel vous allez avoir des surplus et peut-être que c'est de bonne guerre d'en profiter le plus possible. Mais j'imagine que les autres genres d'industries vont vouloir savoir quelles sont les politiques d'Hydro-Québec à plus long terme. Elles aiment bien bénéficier d'un tarif spécial pendant trois ou quatre ans. Je crois que vous leur avez d'ailleurs donné cette garantie en ce qui concerne les surplus temporaires d'Hydro-Québec.

Ma question s'inscrit dans une situation où il n'y aurait pas de surplus, du moins de l'ordre de ceux que vous connaissez dans le moment. Est-ce que vous avez mis au point une politique tarifaire pour encourager la consommation électrique au Québec, politique qui prenne en considération les voeux qui ont été exprimés par l'industrie québécoise qui est présentement ici et qui se plaint du fait que les augmentations ont été substantielles, sans qu'elles aient eu un mot à dire? Par ailleurs, elles voudraient en savoir davantage sur les intentions d'Hydro-Québec à plus long terme.

M. Bourbeau (Joseph): Avant de passer la parole à M. Coulombe qui pourra vous fournir plus de détails... Vous avez soulevé le cas d'Hydro-Ontario et d'Hydro-Québec et vous trouvez que la différence s'amenuise dans les tarifs à la grande puissance. Vous avez raison, mais il faut revenir en arrière. Vous vous souviendrez qu'en 1976-1977 Hydro-Ontario a eu des hausses de tarifs qui se situaient à 33% et 30%, alors qu'à ce moment-là, nous, on avait des hausses de tarifs de beaucoup inférieures. Évidemment, la différence entre les tarifs de grande puissance d'Hydro-Québec et ceux d'Hydro-Ontario était assez grande. Il y a deux ans, on a demandé une hausse de tarif de 16%, alors qu'Hydro-Ontario se prévalait d'une hausse de tarif beaucoup moindre. C'est pour cela que vous voyez que des tarifs à la grande puissance commencent à s'amenuiser. L'an dernier, la hausse de tarif a été de 7,3% et ce fut une hausse de tarif générale acceptée, si on regarde le rattrapage au secteur industriel. Hydro-Ontario a commencé à avoir une hausse de tarif de 8,9% l'an dernier. Je ne serais pas surpris si, dans les années qui viennent, on voyait Hydro-Ontario avoir des hausses de tarifs qui soient de beaucoup supérieures à celles qu'on aura ici au Québec. Je pense que c'est une condition qui est temporaire actuellement. On a une différence qui s'amenuise, mais on devrait voir une différence dans les tarifs industriels qui aille grandissant.

Vous parlez aussi des tarifs pour la grande puissance ici au Québec, mais il y a un historique à cela. Remarquez bien que, lorsqu'on est arrivé à la nationalisation en 1963, chaque industrie avait quasiment son propre tarif et on a commencé à faire la normalisation des tarifs. Au fur et à mesure que les années s'échelonnent, c'est justement cette normalisation qui touche - comme on l'a vu l'an dernier - certaines industries et qui demande des augmentations assez substantielles. Mais, une fois qu'on aura fait cette normalisation, les industries devraient connaître des augmentations d'ici quelques années qui ne devraient pas être substantielles. Je cède la parole à M. Coulombe.

M. Coulombe: L'un des points que les industriels nous demandent à grande force -et on vous avoue qu'on est en partie d'accord avec eux - c'est le fait que les tarifs viennent un peu tard dans l'année pour leur planification budgétaire de l'année suivante ou des années suivantes. On est en discussion actuellement avec le gouvernement pour essayer de modifier un peu cette coutume pour que les industriels et même les petits ou grands commerces aient un peu plus de temps pour voir l'effet des tarifs sur leur bilan et sur leurs affaires.

Donc, il y aurait lieu de songer à ce que les tarifs soient approuvés un peu plus rapidement dans l'année. Mais cela, évidemment, c'est à court terme, c'est pour l'année suivante. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, sauf qu'un peu plus

tôt, cela veut dire l'été, mais l'été, il ne se passe pas grand-chose. Alors, il y a plusieurs problèmes très mécaniques, mais on est d'accord qu'il faudra faire un effort pour que les industriels soient au courant un peu plus tôt des tarifs d'Hydro-Québec.

Quant aux tarifs à long terme, je pense que les industriels sont dans la même position qu'Hydro-Québec. Nous-mêmes, dans la planification de nos achats - et Hydro-Québec représente un pouvoir d'achat assez considérable - nous aimerions beaucoup que les industriels nous garantissent des prix. On aimerait beaucoup que les tarifs ou les services rendus soient planifiés sur plusieurs années à des prix précis. Cela simplifierait passablement la vie d'Hydro-Québec. On sait que ce n'est pas possible. On pense que des tarifs prévus d'avance sur plusieurs années peuvent être extrêmement dangereux et pour Hydro-Québec et pour les industriels. Si on examine les variations dans les taux d'intérêt, dans l'inflation, etc., on pense que c'est un jeu qui pourrait causer beaucoup plus de problèmes qu'autre chose.

Quant à l'évolution même de ces tarifs, je pense que M. Bourbeau a bien exprimé qu'Hydro-Québec peut influencer les tarifs de plusieurs façons. Une des façons est d'agir sur ses propres dépenses. Là-dessus, si vous avez examiné le rapport annuel, HydroQuébec est particulièrement fière, cette année, de pouvoir dire que le rythme de ses dépenses, à un taux historique de 23% ou 24%, est passé à 11% en 1982. Cela influence directement ses revenus et cela influence directement la capacité de hausser les tarifs au minimum. Le pourcentage de 7,3% de 1983 est quand même un effort en ce sens, qu'on entend continuer.

Quant à la tarification industrielle comme telle, M. Bourbeau a très bien expliqué que, historiquement, il y a un rééquilibre qu'il faut faire entre les différents secteurs industriels et il y a des situations historiques qu'il faut absolument corriger ainsi que des rattrapages à faire. Il y a aussi une stabilisation de la grande puissance qu'il faudra effectuer.

M. Fortier: Vous avez eu des demandes et, présentement, vous y avez répondu pour Pechiney, pour Reynolds... D'autres industries disent qu'elles aussi veulent en bénéficier.

M. Coulombe: Oui.

M. Fortier: Si vous allez dans cette direction, vous allez créer des négociations à la pièce. Dans quelle direction vous dirigez-vous? Préférez-vous avoir un tarif normal applicable à toute industrie? Hier, le président de la SGF, qui venait défendre le dossier Pechiney, a répondu à certaines questions. J'ai l'impression qu'il n'a peut-être pas dit l'exacte vérité, quoiqu'il nous ait dit:

Le président d'Hydro-Québec sera ici demain, posez-lui la question. Il a dit que les industries négociaient à la pièce ou que chaque industrie avait des contrats spécifiques. Peut-être que vous pourriez corriger ce que je crois être une mauvaise information. Parmi celles qui bénéficient du tarif grande puissance, combien d'industries ont un contrat standard et combien ont un contrat spécial? Par contrat spécial, je pense au genre de celui de Pechiney ou à celui de Reynolds. Il y avait CIL à Bécancour. Quelle est votre politique là-dessus? Est-ce que, dans les programmes que vous avez soumis, vous pensez favoriser une tarification qui ne serait pas standard pour différents types d'industries et qui créerait une situation semblable à celle qui existait, il y a quelques années, alors que des municipalités donnaient des exemptions de taxes et d'autres n'en donnaient pas. Finalement, on se retrouvait dans une situation très difficile à gérer. J'aimerais savoir quelle est la politique d'Hydro-Québec, à ce sujet.

M. Bourbeau (Joseph): La politique est bien établie depuis un bon nombre d'années à Hydro-Québec. On veut normaliser les tarifs à la grande entreprise. On a commencé dès la nationalisation de 1963. Vers 1966 ou 1967, on a commencé cette vague de normalisation des tarifs à la grande entreprise. On se trouvait devant des cas un peu loufoques: avoir une industrie dans un secteur d'activités qui était localisée à un endroit dans la province où son concurrent avait un autre tarif. C'est cette normalisation et c'est notre politique. On se retrouve dans un contexte un peu différent depuis un an, un an et demi, où on a des surplus et on essaie d'inciter l'économie à reprendre le plus possible. Notre politique est tellement ancrée dans Hydro-Québec qu'on veut encore s'en tenir aux tarifs normalisés. Ce qu'on fera, c'est qu'on maintiendra le tarif normalisé tout en acceptant que certains rabais puissent être consentis à des industries pour les aider à repartir. (12 h 45)

Je crois que cela brosse un peu notre pensée, notre politique. Il y a des programmes qui vont être mis en marche sous peu et dans lesquels on verra... Il y a eu le cas de Pechiney, il y a eu le cas de Reynolds qui ont été de grandes industries, avec un poids très lourd dans l'économie, mais il y a d'autres programmes qui vont être mis en marche tout en respectant le tarif normalisé où on pourra avoir des rabais.

M. Coulombe.

M. Coulombe: Je crois que cela exprime clairement la politique. Il faut distinguer ce qui était historique, c'est-à-dire qu'il y a un poids historique à plusieurs contrats qui sont en train d'être normalisés,

d'être rendus aux tarifs objectifs d'Hydro-Québec; c'est une démarche. Parallèlement à cela, les programmes industriels, dans la mesure où ils sont acceptés, ne joueront pas sur les tarifs d'Hydro-Québec. On ne jouera pas avec les tarifs. Il y a trois exceptions, au moment où on se parle, qui sont trois bons clients, qui sont dans une classe à part. Il y a Pechiney, Reynolds et QIT qui sont les trois plus gros clients individuels et qui, à la connaissance de tous, ont des conditions particulières dues à l'ampleur de ces clients. En ce qui concerne tous les autres clients, les programmes qui s'adresseront à eux ne joueront pas sur les tarifs mais sur d'autres types de procédure qui vont être temporaires. On ne veut pas recommencer l'histoire en jouant sur les tarifs.

M. Fortier: Avant la loi 16, dans la Loi sur l'Hydro-Québec, il y avait un article qui disait qu'Hydro-Québec doit établir le tarif applicable à chaque catégorie d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette catégorie. Lors de la soumission par HydroQuébec de la demande d'augmentation, il y avait une information qui nous avait été donnée qu'à ce moment la proportion du revenu/coût était pour le secteur domestique de 0,91 et pour la grande industrie, de 0,82. Dans la nouvelle loi, vous proposez qu'Hydro-Québec fixe des catégories - je n'ai pas l'article de loi devant moi - d'abonnement. Est-ce que l'intention est de se rapprocher de ce qui existait avant pour que chaque catégorie acquitte ses coûts ou si ce sont simplement des tarifs d'abonnement tarifaire qui n'ont aucune relation avec le coût que peut engendrer telle catégorie d'abonnement par rapport à une autre?

M. Bourbeau (Joseph): Je pense que vous avez raison. On a trois grandes catégories à Hydro-Québec: le secteur domestique agricole, le secteur commercial et le secteur industriel.

Je pense qu'on avait dit il y a deux ans, lors des hausses de tarif, que certaines catégories faisaient leur coût tandis que certaines autres catégories ne faisaient pas leur coût. C'est dans ce réaménagement tarifaire qu'on est en train de regarder la possibilité de ramener chacune des catégories à faire son coût. C'est une des raisons pour laquelle, au secteur industriel où il y avait des coûts très bas... C'est justement ce rattrapage qu'on est en train de faire au secteur industriel. Maintenant, c'est un rattrapage qui va se faire dans le secteur domestique et dans le secteur industriel qui ont des coûts plus bas que le prix de revient, mais qui se fait sur une longue échéance. Le secteur commercial est un secteur qui a des coûts plus élevés que le prix de revient et c'est ce réajustement qu'on est en train de faire, qui a été commencé il y a bon nombre d'années, mais qui va s'échelonner encore sur un certain nombre d'années.

M. Fortier: Pour quelle raison cela a-t-il été enlevé de la loi? Ce n'est plus dans la loi. Vous me dites que c'est un objectif d'Hydro-Québec.

M. Coulombe: Non, je pense que la raison précise... Je demanderais à M. Legault d'expliquer exactement le changement entre les deux articles.

Le Président (M. Desbiens): M. Legault.

M. Bourbeau (Joseph): M. Legault est l'avocat en chef adjoint d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Desbiens): Le chef adjoint d'Hydro-Québec. M. Legault. Chef du contentieux?

Une voix: Voici...

M. Coulombe: Voulez-vous préciser, s'il vous plaît?

M. Bourbeau (Joseph): Oui, oui. Avocat en chef adjoint d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Desbiens): Merci. C'est pour le journal des Débats.

M. Legault (Gilles): M. le Président, l'amendement proposé ne vise pas tellement à des changements de politiques qui pourraient être adoptées dans le domaine de la tarification. Ceci est une question technique qu'Hydro-Québec développe et propose au gouvernement, et il y a les approbations prévues.

L'amendement a comme objectif de ne pas maintenir dans le texte de la Loi sur Hydro-Québec des éléments plus restrictifs que ce que la réalité établit comme étant la façon normale d'établir les tarifs. Ce que je veux dire, c'est que lorsque, par exemple, dans la loi - c'est là peut-être le principal changement - on parlait de catégories d'usagers, les tarifs d'Hydro-Québec ne sont pas déterminés et n'ont jamais été déterminés uniquement en fonction de la catégorie d'usagers. Si, par exemple, on donne à ce sens une catégorie d'usagers industriels et même de tel type d'industrie, il y a des classifications qui sont faites par la puissance qui est consommée. On peut avoir des usagers de différentes catégories qui entrent dans une consommation à une puissance donnée de telle sorte que les termes utilisés dans l'article 22 ne correspondaient pas vraiment à ce qui était possible et à ce qui se faisait techniquement dans l'établissement des tarifs.

M. Fortier: Oui, mais vous comprendrez avec moi qu'il peut y avoir même des pressions politiques pour favoriser le tarif domestique et pénaliser le tarif industriel. J'aurais cru que c'était plutôt une protection d'Hydro-Québec vis-à-vis de qui que ce soit qui est en politique. Mais ce que vous me dites, c'est que vous cherchez quand même à atteindre cet objectif même si la loi ne vous en fait pas un impératif.

M. Legault: En fait, les objectifs de tarification doivent être basés sur des éléments objectifs d'opportunité de solutions idéales vis-a-vis de l'ensemble des abonnés d'Hydro-Québec. Ils ne doivent pas exister en fonction de textes qui pourraient même empêcher l'atteinte des objectifs. C'est vraiment dans l'analyse de la tarification proposée par Hydro-Québec qu'on retrouve la chance de le faire de telle et telle façon, mais non pas avec un texte qui pourrait empêcher même et qui effectivement, dans le passé, a démontré que la tarification ne pouvait se faire uniquement suivant les termes qui étaient là. Ce n'était pas pensable de faire une tarification uniquement en fonction des catégories d'usagers.

M. Fortier: J'aimerais revenir à un autre débat qui a trait aux auditions publiques.

Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse, si vous changez de sujet... M. le ministre, est-ce que c'était sur le même sujet? Vous avez demandé la parole? Non? C'est très bien, d'accord.

M. Fortier: Vous avez dit tout à l'heure que les industriels auraient aimé connaître plus tôt dans l'année l'augmentation de tarif à laquelle ils seraient assujettis. Par ailleurs, je lis leur mémoire: "Le coût d'électricité étant devenu un coût d'opération important, nous préconisons qu'une tierce partie soit désignée apte à entendre les représentations d'Hydro-Québec et des consommateurs sur des questions telles que l'élaboration des tarifs, l'élaboration des contrats, l'interprétation des contrats, l'allocation des coûts de production et d'électricité entre les diverses catégories de consommateurs." On sait que, dans le domaine du gaz, ceci existe déjà, à un point tel d'ailleurs que, quelle que soit la régie, que ce soit en Ontario ou au Québec, certains types de dépenses ne sont pas reconnus. On sait que présentement... D'ailleurs, en ce qui concerne Bell Canada, il y a eu de ces débats qui ont eu lieu pour savoir si les contrats d'exportation de Bell Canada ou les dépenses qui sont engendrées par ce genre de développement devraient être inclus dans les dépenses de Bell Canada en particulier.

On sait qu'Hydro-Québec présentement s'en va un peu dans la même direction, d'une part pour susciter le développement économique pour, l'exportation et d'autre part pour la recherche et le développement mais il reste que les consommateurs n'ont pas un mot à dire. Ils ne peuvent pas d'ailleurs, avec l'information qui leur est donnée, faire une évaluation très précise du genre de dépenses, du type de dépenses et poser des questions comme ils peuvent le faire en Ontario, comme ils peuvent le faire au Québec, dans le domaine du gaz.

Je sais par ailleurs que, si on allait vers des auditions publiques, ceci augmenterait le temps qui serait assumé par ce genre d'activité, mais cela permettrait, et à des individus et à des associations d'entreprises et à des entreprises, de faire valoir leur point de vue et d'engendrer un débat public auquel, à mon avis, on ne peut pas échapper. J'aimerais savoir quelle est votre opinion à ce sujet. Vous connaissez la façon dont on procède présentement devant une commission parlementaire où des députés, avec des préoccupations plutôt politiques, posent des questions sur les augmentations de tarif. On pourrait se poser la question, à savoir si un forum un peu plus indépendant comme la Régie de l'électricité et du gaz ne serait pas un forum beaucoup plus approprié. Je sais que le gouvernement a pensé à abolir la Régie de l'électricité et du gaz l'an dernier jusqu'à ce qu'il s'aperçoive qu'il perdrait des revenus s'il l'abolissait. Il semble maintenant qu'il ait décidé de conserver la régie. Il se demande quoi faire avec elle, mais avant qu'il le décide, j'aimerais savoir des gens d'Hydro-Québec s'ils favorisent les auditions publiques pour permettre aux consommateurs d'Hydro-Québec de faire connaître leur point de vue. Si Hydro-Québec a un point de vue là-dessus, quels sont les éléments du forum ou les critères qu'ils aimeraient y voir inclus?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je crois devoir faire une question de règlement, mais, de toute évidence, il s'agit d'un sujet que je qualifierais de politique. Je ne crois pas qu'il appartienne à Hydro-Québec d'avoir à répondre sur ce sujet. La position du gouvernement est très bien connue. Nous avons eu l'occasion de l'expliciter presque à répétition au cours des dernières années à chacune des commissions parlementaires qui avait le mandat d'étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Le gouvernement n'a pas l'intention, dans l'immédiat, de changer cette formule. Quand on mentionne que la population n'a rien à dire, je m'excuse, mais j'ai également l'impression, de temps en temps, de parler au nom de ceux qui m'ont élu dans mon propre comté,

en tenant pour acquis que ceux qui sont en face de moi me parlent aussi avec un mandat de leurs électeurs.

M. le Président, ce sujet-là n'est pas du ressort des travaux de cette commission. C'est un sujet politique. Si le député d'Outremont veut en parler dans un autre forum, je pense qu'on aura l'occasion de le faire.

M. Fortier: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je crois qu'au contraire, je désire faire valoir que ce sujet est tout à fait pertinent aux travaux de la commission puisqu'on est en train de faire de la société Hydro-Québec une société commerciale et que les gens qui vont diriger cette société commerciale vont prendre des décisions commerciales pour favoriser le développement financier et commercial d'Hydro-Québec. La question qu'on doit se poser, c'est: Vis-à-vis de ce pouvoir et de cette mission modifiés d'Hydro-Québec et compte tenu des modifications de la mission d'Hydro-Québec faites dans le passé, et maintenant on accentue cette mission commerciale, qui va protéger les intérêts des consommateurs? Il y a eu des représentations de faites par les industriels et par des individus. Le ministre peut bien vouloir mettre le problème en dessous du tapis, le problème reste là. Je crois que c'est un problème tout à fait évident.

En ce qui concerne les modifications à la Loi sur l'Hydro-Québec, nous avons l'intention de proposer des amendements qui seront débattus en Chambre à ce sujet. Vous le saurez lorsque nous serons rendus à l'étude du projet de loi comme tel que les remarques que je fais aujourd'hui sont tout à fait pertinentes. Mais si le ministre empêche Hydro-Québec de s'exprimer là-dessus, on s'aperçoit jusqu'à quel point le débat démocratique est protégé, mais j'aurais quand même voulu entendre la direction d'Hydro-Québec, à savoir dans quelle mesure un tel débat public, indépendamment de la décision politique qui pourrait être prise, pourrait avoir un impact sur les activités d'Hydro-Québec en ce qui concerne la présentation et le temps qui serait pris pour se présenter à des auditions publiques et pour, justement, accélérer le processus dont on parlait tout à l'heure.

Le Président (M. Desbiens): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Je n'ai qu'une remarque à faire là-dessus. La semaine dernière, je suis allé à Toronto et j'ai eu un dîner à la table du premier ministre de l'Ontario et du président d'Hydro-Ontario. On a discuté de cette question de passer par une régie pour la tarification. À l'heure actuelle, Hydro-Ontario a déjà commencé ses auditions devant la régie, le Ontario Energy Board, pour ses hausses de tarif de 1984. Vous pouvez voir dans quelle position se trouve Hydro-Ontario, parce qu'elle ne connaît pas encore ses besoins réels. Elle est obligée de s'en aller devant une commission et de demander une hausse de tarif. Le premier ministre de l'Ontario m'a demandé comment se faisaient ou se débattaient ici les hausses de tarif et j'ai dit: devant une commission parlementaire. Il m'a demandé combien de temps on avait passé, j'ai dit qu'on avait passé trois jours. La réponse...

M. Fortier: II voudrait revenir au système.

M. Bourbeau (Joseph): La réponse a été: "How lucky your are!"

M. Fartien Oui, sûrement.

M. Bourbeau (Joseph): Je crois qu'on reviendra ici à l'automne avec des hausses de tarif, mais on aura derrière nous les dernières informations qui nous permettront de demander une hausse de tarif taillée sur mesure.

M. Fortier: Mais quand même, M. le Président, il y a une question que j'aimerais poser. Lors de la dernière augmentation des tarifs, j'avais exprimé le voeu que l'information financière qui nous est donnée soit un peu plus articulée et aille un peu plus en profondeur. Vous conviendrez que, si on reste avec le système que nous avons présentement, le détail d'information qui nous est donné - en tout cas, en ce qui me concerne - n'est pas satisfaisant. Dans un esprit démocratique, comme le souligne le ministre, au moins, si on reste avec le système qu'on a là, j'ose espérer que le détail d'information soit un peu plus approfondi que celui qu'on a eu jusqu'à maintenant. Pour ma part, je déplore que le genre d'information qu'on a eu n'ait pas été suffisant pour nous permettre de porter un jugement précis sur l'impact des finances d'Hydro-Québec et sur l'impact économique qu'une telle augmentation pourrait avoir sur l'économie du Québec.

Le Président (M. Desbiens): M.

Bourbeau, une brève réponse.

M. Bourbeau (Joseph): Très brève. M. le député d'Outremont parle du mémoire présenté par les manufacturiers. Tout ce que je peux lui dire, c'est que la semaine dernière, il y a dix jours, on a accepté un

contrat d'une industrie ici, au Québec, avec un tarif qui a fait fermer une usine aux États-Unis. Les manufacturiers peuvent venir avec de très beaux mémoires devant des commissions en disant, non pas qu'ils sont maltraités, mais qu'ils n'ont pas voix au chapitre, vous pouvez vous apercevoir que les industries viennent parler à Hydro-Québec; elles ont voix au chapitre et on répond à leurs attentes. C'est de cette façon qu'on a été capable d'améliorer l'économie ici au Québec.

Le Président (M. Desbiens): 11 est 13 heures. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Veuillez noter, s'il vous plaît, que nous siégerons à la salle 91-À, à l'autre extrémité du corridor.

(Suspension de la séance à 13 h 02)

(Reprise de la séance à 15 h 14)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît'.

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources poursuit ses travaux afin d'entendre les personnes d'Hydro-Québec au sujet du projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie électrique.

M. le ministre, est-ce que vous auriez des questions à poser? On avait laissé la parole au député d'Outremont à la fin de la séance de cet avant-midi.

M. le ministre.

M. Duhairne: Aviez-vous fini, M. le député?

M. Fortier: Non, il me restait deux ou trois points.

M. Duhaime: Alors, allez-y.

Le Président (M. Champagne): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, la commission parlementaire va entendre Hydro-Québec avant la deuxième lecture, pour nous permettre d'être mieux éclairés sur les modifications à apporter à la Loi sur l'Hydro-Québec. Ce matin, on a parlé de développement économique au Québec et des tarifs industriels. Si on en a parlé, c'est bien sûr que, lorsqu'on a des surplus d'énergie électrique, dans un premier temps, la priorité, c'est de les écouler au Québec de la façon qui pourrait en même temps créer du développement économique et satisfaire aux besoins du Québec.

J'aimerais, très brièvement, aborder un problème. Lors d'une commission parlementaire de l'automne dernier, j'avais posé une question qui peut paraître hypothétique, mais je la considérais essentielle afin de rassurer la population et les parlementaires. C'était dû au fait que lorsque le jugement de la Cour suprême sera entendu au sujet du litige avec Terre-Neuve, j'avais posé la question à savoir, compte tenu de nos surplus, compte tenu des besoins du Québec et des contrats qu'Hydro-Québec a avec les États-Unis, s'il était possible de satisfaire aux besoins du Québec, du moins pendant un certain temps si, par malheur, le gouvernement de Terre-Neuve décidait de couper le courant au Québec. La réponse que vous m'aviez donnée à ce moment-là, c'est que ce serait assez serré, mais que pendant un certain temps, le Québec pourrait faire face à une situation comme celle-là. Depuis ce temps-là, il semble y avoir certains problèmes techniques sur les lignes de transport d'Hydro-Québec et j'aimerais que vous me précisiez la nature de ces problèmes et les moyens qui ont été mis en oeuvre à Hydro-Québec pour les régler. Il semble que les lignes de transport d'énergie en provenance de la Baie-James souffriraient d'un handicap qui pourrait diminuer la capacité de transport d'un certain pourcentage, de 10% ou 15%. Sans aller au fond des problèmes techniques, j'aimerais connaître la nature des problèmes et les moyens qu'Hydro-Québec a mis en oeuvre. Et est-ce bien vrai que, en ce faisant, s'il y a des problèmes techniques ceci diminuerait l'assurance que vous aviez, l'automne dernier, que vous pourriez satisfaire aux besoins si, d'aventure, M. Peckford se permettait d'être intransigeant?

Le Président (M. Desbiens): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): II est vrai qu'on a certains problèmes sur le réseau de transport de la Baie-James. Ce sont des problèmes techniques. Des groupes à l'étude sont en train d'examiner les solutions à apporter pour être capable de transiter toute la puissance de La Grande à Montréal.

Dans l'immédiat, il n'y a pas de problème parce qu'on a les trois lignes et on n'a pas le développement complet de LG 3 et LG 4. La situation serait délicate si on avait 10 000 mégawatts à transporter de la Baie-James à Montréal. Or ceci nous place dans un contexte de 1985 et, là, je reviens à votre question qui est une hypothèse: si, aujourd'hui, on avait une coupure d'alimentation de Churchill. On a des surplus, mais ce problème de transit de puissance sur les lignes de la Baie-James... On a trois lignes à la Baie-James.

Les solutions ne sont pas encore connues à Hydro-Québec. Je crois que, d'ici

deux ou trois mois, on devrait avoir la solution à notre problème. Il y aura certainement des modifications à faire au réseau de transport de la Baie-James, mais, là, je ne peux pas vous dire quelle est la nature de ces modifications qu'il faudra apporter au réseau de la Baie-James.

On parle de compensation-série au lieu de compensation-shunt on parle d'être capable d'obtenir d'autres lignes, de changer du matériel et d'en mettre d'autre. Quoi qu'il en soit, c'est dans quelques mois qu'on aura la réponse complète.

M. Fortier: Quelle que soit la réponse technique et les coûts inhérents à des modifications, ce en dernière analyse, la capacité des lignes sera-t-elle suffisante pour transporter l'énergie qui sera générée à la Baie-James?

Après avoir examiné très brièvement la consommation domestique et les tarifs industriels qui pourraient favoriser une pénétration dans le secteur industriel du Québec - on en a traité, je dois l'admettre, d'une façon très brève compte tenu du temps que nous avons; les questions que nous avons posées étaient d'essayer de comprendre les changements à la Loi sur l'Hydro-Québec -on en arrive au domaine de l'exportation. Dans le domaine de l'exportation, je pense que, pour le public, il y a peut-être lieu d'éclaircir quelle est cette forme d'exportation. Dans un premier temps, il y a l'exportation des surplus d'énergie durant les prochaines années. À venir jusqu'à maintenant c'est ce genre d'exportation qui a été approuvé d'une façon spécifique par le gouvernement. D'ailleurs, la Loi sur l'Hydro-Québec dans une certaine mesure ne vous permettait pas de faire autre chose que de l'exportation d'énergie excédentaire.

La première question que j'aimerais poser c'est: est-ce que cette loi-là est nécessaire pour faire les choses que vous avez faites jusqu'à maintenant?

M. Bourbeau (Joseph): Les modifications à la loi actuelle...

M. Fortier: ... qui explicitent davantage le fait que vous pouvez exporter de l'énergie.

M. Bourbeau (Joseph): Actuellement, tout ce qu'on fait, au point de vue de l'exportation, c'est de l'exportation d'énergie secondaire ou de l'énergie excédentaire. Ce n'est pas sous le couvert de la loi actuelle de l'exportation qui parle d'énergie primaire. L'énergie primaire qu'on a dans le texte de loi actuel a trait beaucoup plus à ce qu'on appelle de l'énergie ferme. Actuellement, on vend des surplus. On vend de l'énergie excédentaire et d'une certaine façon on pourrait continuer à vendre de l'énergie excédentaire. De fait, on a deux contrats avec PASNY et il y en a un autre avec NEEPOOL. Il faudra regarder la façon de continuer, non pas continuer à vendre de l'énergie excédentaire, mais voir les possibilités de vendre de l'énergie ferme. La loi actuelle ne nous couvrirait pas. Il ne faut pas, selon la loi actuelle, dépasser 225 000 kilowatts.

M. Fortier: Avec approbation du cabinet.

M. Bourbeau (Joseph): Avec l'approbation du cabinet.

M. Fortier: Mais dans l'avenir - je pense que le ministre l'a déjà dit, je vous pose la question - les volumes d'exportation que vous auriez l'intention d'exporter, dans l'avenir prévisible, quels sont-ils? Est-ce qu'on peut prévoir de nombreux contrats d'exportation? Autrement dit, est-ce que cette nécessité de modifier la loi est permanente ou si elle pourrait être ponctuelle?

M. Bourbeau (Joseph): On regarde le marché américain et celui-ci qu'on peut desservir, on s'aperçoit qu'il y a un marché qui se situerait à environ 8000 mégawatts. Evidemment, c'est le marché total. On est en train de regarder, on discute, on rencontre les Américains et on a des discussions. On regarde la possibilité de faire des ventes fermes qui pourraient se situer entre 1000 et 2000 mégawatts. Alors il est certain qu'avec la loi actuelle qui nous limite à 225 000, on est en train de parler de quantités de beaucoup supérieures à 225 000. Je pense que M. Coulombe est beaucoup plus impliqué dans ces discussions. Il pourrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Coulombe: Dans le cas de l'exportation, il faut bien souligner que la priorité actuelle est double. La première priorité, c'est de terminer les deux grands dossiers. On a quand même 150 000 000 000 de kilowattheures avec PASNY et NEEPOOL, des contrats qui ont été signés et approuvés par les autorités gouvernementales, mais il reste beaucoup d'étapes à franchir. On a la ligne des cantons; les Américains ont leur propre construction à faire; on a l'Office national de l'énergie. Il reste donc plusieurs étapes à franchir, d'ici à 1984 dans un cas et 1986 dans l'autre, pour que ce soit effectif.

Donc, c'est la priorité no 1 de traverser toutes ces étapes pour raffermir les quelques milliards de dollars impliqués dans ces contrats. La deuxième priorité, sur un pied d'égalité, c'est d'intensifier les discussions sur de l'énergie ferme de l'ordre de 2000 mégawatts. Quand on dit qu'il y a

un marché de 7000 ou 8000 mégawatts, c'est le marché théorique. En d'autres mots, théoriquement, il y a la substitution du pétrole au gaz dans un ordre de grandeur de 7000 à 8000 mégawatts. Mais il ne faut jamais oublier qu'on n'est pas seul sur ce marché. L'Ontario va probablement avoir, si on se fie à son rapport officiel, encore plus de surplus qu'Hydro-Québec. Le Nouveau-Brunswick possède un surplus aussi. Ces deux concurrents, non seulement éventuels mais actuels, visent des parties des segments de ce marché. Donc, si on parle d'un marché théorique ou cible de 700 à 800 mégawatts, on estime raisonnable de viser à court ou à moyen terme un ou des contrats qui totaliseraient à peu près 2000 mégawatts. Ce qui impliquerait encore là des conséquences sur la ligne de NEEPOOL. Mais la priorité no 1 reste à l'heure actuelle de solidifier et de terminer toutes les étapes nécessaires à la consolidation des contrats de 150 000 000 000 de kilowattheures, parce que malgré l'approbation officielle des autorités gouvernementales, il y a quelques autres étapes à franchir, non seulement au point de vue construction, mais au point de vue approbation. Je songe à l'Office national de l'énergie et au Bureau d'audiences publiques. On sait que prochainement vont commencer les audiences publiques dans le cas de la ligne des cantons. Alors, voici plusieurs étapes où il faut absolument mettre tout le temps nécessaire d'Hydro-Québec pour consolider ces acquis.

M. Fortier; Si je comprends bien, en plus des exportations d'énergie excédentaire disons, vous vendez peut-être 2000 mégawatts fermes qui pourraient être fournis dans un premier temps à même les surplus que vous avez, c'est-à-dire que cela vous permettrait d'enclencher la construction de génératrices nouvelles sur une période de temps?

M. Coulombe: À moyen ou à long terme cela permettrait de modifier quelque peu le plan d'équipement.

M. Fortier: Personnellement mes collègues et moi en tant que parlementaires ici, c'est la dernière fois qu'on va avoir l'occasion, dans une certaine mesure, d'intervenir. Dorénavant, une fois que cette loi aura été adoptée il n'y a que le cabinet qui interviendra pour dire: nous approuvons ou nous n'approuvons pas l'exportation d'énergie sur une base ferme.

Je dois admettre que compte tenu de ce que vous venez de dire, je ne vois pas les nombreuses occasions qui nécessitent l'adoption d'une loi qui donne à tout jamais l'autorisation à Hydro-Québec d'exporter sans aucune limite de temps, ni sans aucune limite de volume des blocs d'énergie électrique aux États-Unis. Même si vous nous dites que la loi actuelle ne le permettait pas, la loi actuelle disait, dans une certaine mesure, que pour exporter 2000 mégawatts le gouvernement aurait pu revenir avec un projet de loi disant: Nous autorisons HydroQuébec à exporter 2000 mégawatts sur une base ferme pour 20 ans à tel moment, à telles conditions et à ce moment-là cela aurait été un projet de loi spécifique pour cette exportation. L'inconvénient de cela c'est que s'il y avait eu deux ou trois contrats par année cela aurait été un peu lourd mais si c'était un contrat à tous les dix ans c'était assez facile.

La question que je vous posais est la suivante: est-ce qu'il va y avoir tellement d'instances, tellement de fois, d'occasions de faire des contrats de vente d'énergie ferme qu'il est nécessaire de modifier la loi dans laquelle on enlève toute contrainte? Nous reviendrons tout à l'heure sur les risques inhérents à l'exportation d'énergie, mais d'enlever toute contrainte qu'il faut que le public ou que les représentants du public n'aient pas droit au chapitre lorsque HydroQuébec décidera d'exporter à l'avenir?

M. Coulombe: En ce qui concerne Hydro-Québec, nous pensons que la contrainte qui est que le gouvernement doit approuver tous ces contrats est suffisamment respectueuse des usages démocratiques pour, en ce qui nous concerne, nous satisfaire pleinement. Ce sera au gouvernement ou peut-être à l'Assemblée nationale à répondre à cette question.

M. Fortier: Oui, je pense bien qu'on aura l'occasion de la lui poser. De toute façon, juste pour résumer la situation. Ce que vous me dites - je ne veux pas interpréter vos paroles - c'est que, pour autant que vous êtes concernés, vous ne prévoyez pas moult fois où des contrats de ce genre seront conclus dans les prochaines années.

M. Coulombe: II peut y en avoir quelques-uns mais certainement pas à la fréquence d'un par mois ou ainsi de suite. Il peut y en avoir pour quelques contrats dans les prochaines années mais la fréquence n'est certainement pas très grande. (15 h 30)

M. Bourbeau (Joseph): II faut bien remarquer que notre marché se retrouve dans la Nouvelle-Angleterre et dans l'État de New York. On a deux auditeurs qui sont ici en face de nous. On peut fort bien avoir un contrat avec NEEPOOL, comme on pourrait aussi avoir un contrat avec PASNY.

M. Fortier: Quand on parle d'exportation, on parle d'exportation à l'extérieur des limites du Québec; est-ce que

la loi est nécessaire pour exporter de l'énergie ferme au Nouveau-Brunswick ou en Ontario?

M. Bourbeau (Joseph): La loi actuelle faisait...

M. Fortier: Une distinction.

M. Bourbeau (Joseph): Une distinction entre hors Canada et hors Québec.

M. Coulombe: II faut peut-être aussi mentionner, pour donner un peu le contexte du nombre de contrats auxquels vous référez, qu'en plusieurs occasions Hydro-Québec a plusieurs décisions à prendre assez rapidement. Il y a des contacts réguliers. Vous savez qu'il y a des comités techniques conjoints américains et Hydro-Québec où, par exemple, dans l'espace de quelques jours, il faut décider si telle quantité d'énergie excédentaire est disponible ou non. Il peut y avoir des contrats fermes pour une faible quantité d'énergie mais sur un an. Il peut aussi y en avoir pour deux ans ou pour six mois. Il ne faut pas penser que c'est toujours un contrat qui couvre dix, quinze ou vingt ans et qui est signé avec solennité. À la longue, les techniciens d'Hydro-Québec à ces comités techniques prennent des décisions dans le cadre, évidemment, d'une entente contractuelle mais qui implique des dizaines et des dizaines de milliers de dollars en décidant, par exemple, que, comme il y a une possibilité au niveau des surplus pendant six mois, on vendra cela ferme. On s'engage à le livrer parce qu'on sait que plutôt que de le déverser il est préférable de le placer à cet endroit.

C'est donc une série de décisions presque contractuelles qui interviennent très fréquemment. Mais des contrats de dix ou quinze ans, il est évident que c'est d'un ordre de...

M. Fortier: Vous comprendrez qu'à venir jusqu'à maintenant il y avait des contraintes. Avant la loi no 16, la contrainte était que vous deviez produire pour le Québec au plus bas coût possible. Le "plus bas coût possible" a été enlevé, c'était pour le Québec. Maintenant, dans la nouvelle loi, le "Québec" disparaît. Vous produisez de l'électricité comme Imperial Oil produit de l'essence; vous autres vous produisez de l'électricité. La limite géographique n'existe plus. L'article 16 dit que vous faites des prévisions électriques notamment - vous ajoutez "notamment" - en prenant en considération les besoins du Québec. C'est donc dire que la loi vous permet maintenant de prendre en considération dans vos projets énergétiques les besoins de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, des États limitrophes. Rien ne vous empêche maintenant de faire votre planification à long terme en incluant tous les États limitrophes au Québec. J'exagère un peu, mais j'exagère pour faire comprendre le fait que vous êtes devenu une société commerciale produisant de l'électricité, qui n'est limitée que par les problèmes technologiques d'exportation d'électricité. Vous êtes un peu l'Imperial Oil de l'électricité qui pourrait, s'il y avait des améliorations technologiques qui permettraient d'exporter sur de très grandes distances dans l'avenir, prendre en considération l'exportation dans d'autres pays et dans d'autres provinces. Votre planification prendrait cela en considération, à moins que je ne fasse erreur. Corrigez-moi si c'est le cas.

M. Bourbeau (Joseph): Quand vous parlez de l'article 22.1, c'est pour la réalisation de ses objectifs. "La société prévoit notamment les besoins du Québec en énergie", mais on n'a pas enlevé les mots "du Québec".

M. Fortier: L'article 22.1, c'est dans l'ancienne loi.

M. Bourbeau (Joseph): Dans la nouvelle loi, on a le mot "notamment", mais on n'a pas enlevé le mot "Québec".

M. Fortier: Oui, "notamment les besoins du Québec". Lorsqu'on dit "notamment les besoins du Québec", cela veut dire que vous pouvez prendre en considération les besoins d'autres pays et d'autres provinces.

M. Bourbeau (Joseph): Oui, c'est un minimum qu'on veut avoir.

M. Coulombe: Ce qu'il faudrait peut-être ajouter, c'est qu'il y a une distinction entre l'énergie excédentaire et l'énergie ferme.

En ce qui concerne l'énergie excédentaire, le débat n'est pas très complexe en ce sens que chaque fois qu'on réussit à vendre de l'énergie excédentaire, cela a un impact direct sur les tarifs du Québec. En d'autres mots, en augmentant les revenus d'Hydro, c'est évident que cela joue à court ou à moyen terme sur les tarifs d'Hydro-Québec, donc cela avantage le Québec.

Si on parle de l'énergie ferme, une autre limite est posée, indépendamment du fait que les contrats sont approuvés par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale: C'est que si les contrats fermes ont une influence sur les dépenses d'Hydro, sur son plan d'équipement, il ne faut pas oublier que la loi oblige Hydro-Québec à présenter son plan de développement. L'un des chapitres très importants du plan de développement, c'est évidemment le plan d'équipement. C'est

évident que, chaque année, lorsque Hydro-Québec présente son plan de développement, comme cela se fait depuis quelques années, au chapitre du plan d'équipement, on dira que telle centrale est devancée ou reculée, etc., et il y aura une démonstration de la nécessité de devancer ou de reculer tel projet ou de le faire en telle année. Cette problématique ne peut pas être fondée sur autre chose que sur la demande de façon précise. À ce moment-là, ceux qui auront le plan de développement, le gouvernement -l'habitude étant prise que ce soit discuté à une commission parlementaire - et les parlementaires, auront l'occasion, à l'aide du plan d'équipement, de connaître exactement quelle est la problématique du plan d'équipement en ce qui concerne l'exportation.

M. Fortier: Dans le passé, M. le Président, M. Coulombe, à Hydro-Québec, j'imagine que ce n'était pas volontaire, mais ceux qui s'opposent à la situation où vous êtes maintenant disent que cela a été fait d'une façon voulue et que vous pouvez faire la planification de façon à créer des surplus. Personnellement, je ne le crois pas et je crois que, comme vous le dites, on aura quand même une possibilité d'intervenir à ce moment-là.

J'aimerais arriver quand même - parce que, dans le public, peut-être avec raison, lorsqu'on parle de création d'emplois, ceux qui veulent la création d'emplois sont favorables à l'exportation, au devancement de projets hydro-électriques - qu'on prenne quelques minutes pour calculer les risques inhérents à ce genre d'entreprise. Je crois qu'il y a un côté favorable et un autre défavorable et même si les gens, d'une façon générale dans le public, pensant surtout aux surplus qui existent présentement - et je pense bien que de ce côté-là, comme vous le dites, il n'y a aucun problème, si on a des surplus présentement, il faut les écouler. D'ailleurs, je vous posais la question ce matin: Pourquoi avez-vous arrêté tel ou tel programme parce que si j'étais Hydro-Québec, je dirais que je vais les exporter ou je vais les vendre au Québec d'une façon prioritaire. Mais, en ce qui concerne des ventes fermes, j'imagine que ces ventes que les Américains désirent, ils veulent les avoir sur de longues périodes de temps; on ne parle pas de 2 ou 3 ans; on parle de 20 ans, 25 ans ou 30 ans.

Il y a deux aspects dont j'aimerais qu'on discute. Le premier aspect. En relisant le financement de Churchill Falls en particulier, on s'aperçoit que c'est à peu près impossible de signer un contrat final, arrêté dans toute sa dimension avec le financement réglé et tout cela, avant le commencement des travaux. Quand on relit l'histoire de Churchill Falls racontée par M.

Bourbeau, M. Boyd, M. Giroux, on s'aperçoit qu'il y a eu des lettres d'entente. La construction a commencé. Tout cela se faisait en parallèle avec les négociations. Et c'est à peu près impossible, surtout s'il s'agit de la construction d'un barrage sur une période de dix ans, de tout arrêter dans tous les détails un contrat de vente, comme certains peuvent le penser, avant de commencer la construction. Ce qui veut dire, encore là, quand on examine - et selon la position de l'acheteur qui peut être favorable ou défavorable, c'était le cas d'Hydro-Québec lorsqu'elle négociait avec Terre-Neuve. Cela pourrait être le cas des Américains à l'avenir vis-à-vis d'Hydro-Québec. La situation peut changer d'une façon très notable sur une période de cinq, six ou dix ans. Si, à l'avenir, vous vous engagez dans des ventes de contrats fermes d'électricité, est-ce que le scénario que je viens de décrire brièvement, qui démontre qu'il serait impensable de croire que tous les points et virgules vont être définis avant la construction d'un barrage qui serait requis, à ce moment-là, il y aura des risques inhérents au fait qu'Hydro-Québec devra prendre des engagements avant que le contrat soit terminé, ou du moins que le contrat de financement et les autres clauses inhérentes, les autres garanties qui seraient fournies par l'acheteur seraient déterminées dans tous les détails?

M. Bourbeau (Joseph): Cela, c'est exactement le cas actuel d'Hydro-Québec, même en vendant de l'excédentaire aux États-Unis. Remarquez bien que quand on s'est engagé à vendre à PASNY, on a été obligé de commencer les études. On a été obligé de faire des achats avant que le contrat soit signé, parce que, si je me souviens bien, lors de la vente à PASNY, on a été obligé de discuter au moins cinq ans avant d'arriver à signer le contrat. De la même façon, le contrat NEEPOOL qui a été signé au mois de mars, si je me souviens bien, a suivi des négociations qui avaient commencé vers 1976-1977. Alors, on voit que même pour vendre de l'énergie excédentaire on est obligé d'engager non seulement des pourparlers mais des études et à un moment donné d'engager certaines dépenses.

Si on faisait des ventes de ferme...

M. Fortier: Sur 25 ans.

M. Bourbeau (Joseph): ...sur 25 ans, il est entendu qu'on va être obligé... De fait, déjà on commence à regarder le marché, on commence à parler à des Américains sur des ventes de ferme. On peut s'installer pour vendre du ferme aux États-Unis de différentes façons. Vu qu'on a d'abord des surplus, il se pourrait fort bien qu'on puisse éponger les surplus et qu'on puisse faire une

vente de ferme; cela n'implique rien de la part d'Hydro-Québec.

Vu qu'on a de l'énergie en surplus - je ne parle pas de la puissance, mais juste de l'énergie en surplus - il se pourrait fort bien qu'on puisse vendre de la puissance et de l'énergie ferme aux États-Unis en installant des usines de pointe ici au Québec. Cela ne prend pas tellement de temps pour faire les installations.

Si vous parlez de contrats de puissance ferme et d'énergie ferme à longue haleine, il se pourrait qu'on puisse devoir faire des constructions de centrales. À ce moment cela prend beaucoup plus de temps. Il y a différentes façons de voir cela à Hydro-Québec. Sur une période de dix ans, avant de commencer nos études, de commencer la construction il peut y avoir des fluctuations dans la demande, et on pourrait devancer ou reculer notre programme d'équipement. C'est de cette façon qu'on pourrait pour 1000 mégawatts accélérer ou désaccélérer notre programme d'équipement.

M. Fortier: Vous acceptez l'énoncé en ce sens que ce genre de négociations prend un certain temps et qu'Hydro-Québec doit s'engager avant même que le point final soit mis sur le contrat.

M. Bourbeau (Joseph): On a...

M. Fortier: ...des exemples courants.

M. Bourbeau (Joseph): La seule façon de s'en sortir, comme du côté de l'Ontario parce qu'on a des exportations vers l'Ontario... Il fait la même chose et les Américains font la même chose.

M. Fortier: Voici ce que j'aimerais qu'on évalue. Vous l'avez appris dans les journaux comme moi. L'Ouest canadien avait des contrats à long terme de ventes de gaz aux États-Unis et les sociétés américaines ont ni plus ni moins renié les contrats. Sans vouloir dramatiser, j'essaie de voir les risques inhérents à ce genre de commerce. Est-ce que ce genre de risque en est un que vous évaluez lorsque vous pensez exporter aux États-Unis? On pourrait négocier avec les Américains de la même façon que les sociétés de gaz dans l'Ouest canadien ont négocié, de bonne foi. À la suite des chutes de prix aux États-Unis, ils sont revenus et ils ont dit: On ne peut pas continuer à acheter aux mêmes prix et le gouvernement canadien est intervenu pour donner des rabais qui affectent négativement le "cash flow" et la situation financière des sociétés canadiennes. J'imagine que c'est un autre risque lorsqu'on s'engage à long terme à l'extérieur du pays.

M. Bourbeau (Joseph): Ce sont des risques réels mais ils sont inévitables pour n'importe quelle entreprise. Prenons une entreprise qui lance une nouvelle ligne d'automobiles, par exemple, et qui investit pendant quatre ans 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ dans l'équipement et dans le design, etc.; c'est évident qu'il y a un grand risque. Si le marché change beaucoup et que les gens n'aiment plus cette sorte de voiture, il va se passer quelque chose. Il y a un risque inhérent à tous les contrats d'envergure. Mais je pense qu'il ne faut pas non plus toujours regarder le problème des exportations du côté d'un contrat de 20 ou 25 ans avec construction de centrales. Il y a une foule d'autres possibilités en plus de celle-ci. Je ne dis pas que celle-ci ne soit pas réelle, elle est réelle mais il y a beaucoup d'autres possibilités. Si, par exemple, les Américains, pour une raison d'accident, de problèmes écologiques, arrêtaient une centrale nucléaire, qu'ils étaient obligés de la fermer, il est évident qu'Hydro-Québec pourrait avoir l'occasion de signer des contrats fermes qui seraient pour trois ans, quatre ans, cinq ans ou six ans, et là le risque est beaucoup moins grand.

Par contre, plus les risques sont grands, plus les prix sont élevés et plus les conditions contractuelles sont serrées. Il y a une équivalence entre le risque et le prix qui est obtenu.

M. Fortier: Pour les contrats à plus court terme, que ce soit de l'énergie ferme ou excédentaire, cinq ans, six ans, trois ans, on peut mesurer le risque un peu mieux. Pour les périodes de temps beaucoup plus longues, j'imagine que c'est beaucoup plus difficile. C'est la raison pour laquelle je posais la question. On est ici pour cela avant d'adopter le projet de loi. J'imagine que dans le passé - je n'étais pas là en dix-neuf cent tranquille quand ils ont adopté la loi qui existe - on avait des limites très rigoureuses. On disait: On ne peut pas exporter plus de 225 000 kilowatts, enfin des quantités très très minimes. J'imagine que ceux qui, à ce moment-là avaient - j'imagine que la loi relative aux limites sur l'exportation remonte à 1944, vous me le direz - fixé ces limites l'avaient fait par prudence et pour s'assurer que la viabilité financière d'Hydro-Québec allait être bonne. De fait, cela a produit de bons résultats parce que Hydro-Québec s'est développée sur des bases financières solides. (15 h 45)

Présentement, alors qu'on est aux prises avec des surplus d'énergie - je pense bien qu'on fait l'unanimité pour dire que si on peut vendre des surplus d'énergie excédentaire qu'on le fasse - on modifie la Loi sur l'Hydro-Québec de façon très précise pour donner l'autorisation à Hydro-Québec de s'engager dans l'exportation sur une base ferme. Je ne vois pas dans le projet de loi

l'élément de prudence qui existait. On pourrait augmenter les 225 000 kilowatts et mettre la limite un peu plus haut. Je ne vois pas les éléments de prudence, les guides qui existaient en 1944 au moment où la loi avait été adoptée. C'est la raison pour laquelle, même si sur le plan économique je serais tenté d'être d'accord, en étant parlementaire, en tâchant de prendre la défense des intérêts des Québécois, je me demande si on va trop loin en donnant cette permission sans aucune limite à HydroQuébec, sans contrainte d'aucune sorte.

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que si la loi a été adoptée en 1944 - je ne connais pas la date de l'adoption de cette loi - 225 mégawatts en 1944, alors qu'Hydro-Québec avait à peine des installations de 700 mégawatts, c'était un tiers. Actuellement, on a 20 000 mégawatts. On pourrait, avec la règle de trois, dire qu'on devrait au moins avoir la liberté de jouer avec 6000 à 8000 mégawatts.

On ne prend pas de risque là. On pourrait s'engager dans un contrat à long terme sans spécifier dans ce contrat que la vente d'électricité se fera à un prix de tant pendant toute la durée du contrat. Il y a des formules qui peuvent être établies et qui réduisent le risque; pas tellement le risque d'envoyer de l'électricité aux États-Unis mais de se faire payer. On aurait un contrat ferme pendant 25 ans à un prix qui serait fixe, cela limiterait les risques.

M. Fortier: J'aimerais mieux passer pour le moment.

M. Duhaime: M. le Président, pour enchaîner avec la dernière réponse que vient de fournir M. Bourbeau à la commission sur le potentiel des volumes exportables en termes d'énergie de base, la loi actuelle réfère explicitement sur... Je vais vous donner la référence exacte: La Loi sur l'exportation de l'énergie électrique réfère au vocabulaire de l'époque. On employait l'expression "l'énergie primaire". On peut employer aujourd'hui l'énergie de base. Je pense qu'à l'époque c'était "firm" ou encore "primary" qui ne visait pas, bien sûr, les contrats d'énergie excédentaire que nous avons signés tout récemment tant avec PASNY qu'avec NEEPOOL.

Si le projet de loi no 4 est adopté par l'Assemblée nationale, il va, bien sûr, permettre désormais à Hydro-Québec d'entrer dans des contrats d'énergie de base à des fins d'exportation. Je comprends un peu le point de vue de l'Opposition qui fait son bouleau. L'Opposition, par définition, est officiellement payée pour s'opposer, mais elle est payée quand même... Autrement vous ne seriez pas accrochés à votre siège de façon aussi cruelle.

Je pense qu'il faut être réaliste dans ce genre de chose. Le projet de loi prévoit que le gouvernement va approuver les contrats d'exportation d'énergie de base et va ensuite déposer un décret. Le décret d'approbation sera déposé devant l'Assemblée nationale. Cela m'apparaît suffisant pour la sauvegarde de la démocratie de notre Assemblée nationale et les élus vont pouvoir, à ce moment-là, poser toutes les questions pertinentes. Mais très souvent, l'Opposition plaide qu'il nous faut donner à nos sociétés d'État, et en particulier à Hydro-Québec, une marge de manoeuvre qu'une grande entreprise serait en droit de détenir. C'est peut-être l'exemple typique.

Le deuxième argument, c'est: si nous allions débattre cette question en Chambre? C'était peut-être fort utile en 1926, ou même en 1944 lorsque la puissance installée d'Hydro-Québec en fonction du potentiel d'exportation pouvait être dans des ratios, comme on vient de l'indiquer, de un à trois ou de un à quatre, mais à 2000 mégawatts sur l'horizon de 1990 comme potentiel d'exportation, en fonction de la puissance installée, ce n'est pas beaucoup et en fonction du potentiel qui restera disponible à l'horizon de 1990, c'est encore moins.

Je pense qu'il y a une marge de manoeuvre dont il faut tenir compte. C'est drôle, mais je serais enclin à faire confiance au conseil d'administration d'Hydro-Québec dans ce genre de décision. Tout le monde sait que ces négociations se poursuivent alors que le ministère de l'Énergie et des Ressources est, sinon partie prenante, du moins tenu très au fait et étroitement associé à ces discussions et qu'ensuite, le gouvernement, étant actionnaire dans un dossier de cette importance, il doit, bien sûr, donner son approbation. C'est la démarche qui est inscrite dans le projet de loi. Ce qui s'ensuit, c'est que le décret d'approbation d'un contrat d'énergie à l'exportation, d'énergie de base, est déposé à l'Assemblée nationale. Mais je fais cette nuance importante: le contrat comme tel n'est pas déposé, le décret l'est.

La question, c'est: Pourquoi le contrat ne serait-il pas déposé? Je voudrais que l'Opposition nous explique en vertu de quel principe nous irions mettre sur la table, À jusqu'à Z, les conditions d'exportation d'énergie de base alors que nos concurrents ontariens, qui eux exportent aux États-Unis de plus, pas nécessairement sur nos marchés mais très proche à partir des centrales nucléaires, de leurs installations... Ce que j'ai en tête pour l'instant c'est que, si l'Ontario est en situation de surplus aujourd'hui, c'est parce qu'ils se sont embarqués très sérieusement dans le nucléaire. C'est un des sous-volets de la question.

Le deuxième sous-volet, je vous dirais

que le Nouveau-Brunswick aura ou n'aura pas, on verra bien ce que cela va donner, un potentiel d'exportation à partir d'installations nucléaires. Je pense à Pointe Lepreau 1 et je pense aussi au projet de Pointe Lepreau 2. Je pense aussi à la Nouvelle-Écosse, si le projet de l'île de Sable se concrétise à l'horizon 1990-1995, pour des fins d'exportation de gaz naturel aux États-Unis. On voit tout de suite que nous avons là trois points de concurrence drôlement importants.

Je serais prêt à jouer le jeu. Si l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse veulent mettre sur la table leur contrat d'exportation, je n'aurai plus à ce moment-là aucune espèce de réserve à demander à Hydro-Québec de mettre les siens sur la table. Je pense qu'on serait mauvais joueurs de dire à nos concurrents quelles sont les conditions dans tous leurs détails. Je n'ai aucune espèce d'objection à dire à l'opinion publique au Québec quel paramètre, les quantités d'énergie, les ordres de grandeur mais, de là à donner des armes à des concurrents, je ne suis pas prêt à le faire.

Je pense que ce que nous avons retenu dans la problématique du projet de loi no 4 c'est peut-être une position que j'appellerais déjà une position de compromis qui consiste à alerter l'opinion publique et également l'Assemblée nationale qu'un contrat d'exportation d'énergie de base est intervenu, que le gouvernement du Québec l'a approuvé et que ce décret est déposé devant l'Assemblée nationale. S'il y a des questions qui se soulèvent ensuite, je pense que le ministre qui est responsable de ce dossier répondra à l'Opposition, au meilleur de sa connaissance bien sûr. Je pense aussi qu'il y a cette notion de l'intérêt public et j'inclus là-dedans l'intérêt d'Hydro-Québec dans sa position de négociation face à des concurrents.

C'est à peu près, je crois, le sens in extenso de ce que nous proposons sur ce plan-là dans le projet de loi no 4.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: C'est un débat intéressant et important et j'accepte les explications du ministre. Pendant son absence, j'ai posé la question à Hydro-Québec: Est-ce qu'il y aura de nombreuses fois où des contrats substantiels seront négociés? M. Coulombe m'a répondu qu'il ne faudrait pas toujours voir cela en termes de 5000 mégawatts pendant 50 ans, qu'il y a des instances où ce seraient des blocs d'énergie pendant deux ou trois ans. On a discuté aussi pendant votre absence des risques inhérents aux contrats à long terme, le gaz naturel dans l'Ouest et tout cela.

Là où est mon inquiétude, M. le ministre, c'est qu'il n'y a plus aucune limite dans la Loi sur l'Hydro-Québec. Le conseil d'administration, formé de gens non élus, pourrait inciter Hydro-Québec à s'engager dans des contrats très importants à très long terme. Pour ma part, étant donné qu'il s'agit d'une société d'État qui appartient aux Québécois et dont les membres du conseil d'administration ne sont pas des personnes élues, il faut bien se rendre compte qu'il s'agit d'une société d'État qui doit rendre compte aux utilisateurs d'électricité et aux citoyens du Québec. D'autant plus que si un contrat à très long terme... Si on était pris dans la position de Terre-Neuve face aux Américains - même si on croit qu'on est meilleur négociateur - ou même si les Américains, dans l'avenir, pouvaient dénoncer un contrat qu'ils ont signé de bonne foi, comme dans le cas du gaz alors qu'ils viennent de dire: "Écoutez, on n'est plus capable de payer le prix du gaz qu'on a négocié il y a deux ans", nous nous retrouverions avec des dépenses engagées et cela se refléterait sur les tarifs des Québécois. C'est la raison pour laquelle - et je dois admettre que mes conclusions ne sont pas définitives sur ce point, mais je pense qu'on discute pour essayer de comprendre l'étendue du projet de loi - je me demande pourquoi ne pas mettre des maximums, soit en volume, soit en durée, dans la loi, ce qui fera en sorte que si Hydro-Québec a un marché de 20 000 mégawatts à exporter, elle reviendra à l'Assemblée nationale pour cela; mais dans le moment il n'y a aucune limite, ni en volume ni en durée.

Par ailleurs, en ce qui concerne le dépôt des décrets, qui est une bonne chose, encore là s'il ne s'agit pas de 25 décrets par année, ce qui ne sera pas le cas, je pense, ce sera un décret par année ou deux décrets, il faudrait peut-être quand même prévoir, comme c'est le cas dans le moment à la Société générale de financement, lorsqu'il y a un changement d'orientation, qu'il y ait dépôt d'un décret et qu'après une période de deux ou quatre semaines une commission parlementaire se réunisse.

Ce que j'essaie de dire, M. le Président, c'est que je crois que la démocratie a ses droits. Je comprends ce que le ministre me dit lorsqu'il déclare qu'il ne faudrait pas donner une information publique qui n'est pas dans le meilleur intérêt des Québécois. Je n'exigerai certainement pas ce genre d'information si ce n'est pas dans le meilleur intérêt des Québécois, mais quand même je crois qu'on va d'un extrême à l'autre. On disait presque dans la loi que l'exportation de l'énergie primaire ou ferme n'était pas permise à toutes fins utiles. Maintenant on s'en va avec un projet de loi qui dit que tout est permis. Entre les deux, il me semble qu'il serait préférable d'inclure dans la loi

certaines balises: une balise en termes de durée des contrats ou de volume des contrats; une autre balise serait qu'une commission parlementaire devrait être convoquée lorsqu'une vente ou un contrat a été signé, lorsque le décret a été déposé.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pense que la question s'adresse davantage au gouvernement qu'à Hydro-Québec. Moi, vous savez, les commissions parlementaires, avec ce que je viens de connaître, je n'ai pas beaucoup d'objection...

M. Fortier: Je comprends que vous avez été brûlé, mais...

M. Duhaime: Je pense qu'au-delà de la commission parlementaire il y a quand même une question de principe. Je voudrais rassurer mes collègues de l'Opposition en disant que lorsqu'on fait référence au contrat de Terre-Neuve, à mon sens, c'est une mauvaise analogie parce que dans le cas de Terre-Neuve, ce n'est pas la Newfoundland Hydro qui a signé ce contrat. Il y a eu, si mon souvenir est bon, une loi spéciale qui a été votée à l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui autorisait expressément le gouvernement à participer au bail, c'est-à-dire permettre à la Newfoundland Hydro -qui était Brinco à l'époque - de signer ce bail avec Hydro-Québec.

Ce sont vraiment les élus de Terre-Neuve qui ont pris la première décision dans le contrat, et, selon ce que nous en savons aujourd'hui, ce n'est pas la garantie que tout le monde sera heureux.

Quant au deuxième point qui est soulevé, à savoir s'il ne serait pas plus prudent d'inclure dans la loi des restrictions quant au volume et quant à la durée, je pense que c'est une bonne question qui se pose. Je vais tenter d'y répondre.

Les quantités exportables ne seront jamais décidées par l'Assemblée nationale ou même par Hydro-Québec. Elles seront décidées par les marchés. Aux États-Unis, aussi loin qu'on peut voir, qu'on parle de la Nouvelle-Angleterre ou qu'on parle de PASNY, on peut quand même en arriver à cerner quel est le créneau possible ou quel est le marché potentiel pour l'exportation de l'énergie de base.

Ceux qui ont écrit que l'on pourrait faire une autre Baie-James, c'est-à-dire 10 000 mégawatts, et l'exporter, cela peut toujours s'écrire et se réaliser aussi et si l'on décide de se placer dans une position concurentielle en fonction des prix existant aux États-Unis. Ce serait à un prix tel qu'on serait en bas de notre coût marginal de production. En d'autres mots, exporter une deuxième Baie-James aux États-Unis... J'ai déjà utilisé l'expression qu'on a qualifiée de forte et excessive en disant que c'était fou raide, mais je n'ai pas d'objection à la répéter parce qu'il n'y a pas de marché d'abord, puis si on voulait trouver un marché pour une pareille transaction, il faudrait qu'on vende à des prix que personne ne pourrait refuser aux États-Unis et ce seraient les Québécois qui devraient payer la différence. L'ordre de grandeur au niveau du potentiel d'exportation pourrait être aux environs de 2500 ou 3000 mégawatts dans un avenir prévisible. Je parle des deux marchés, tant celui de New York que de celui de la Nouvelle-Angleterre. On aura beau légiférer à Québec autant qu'on le voudra pour plafonner les volumes d'exportation, on ne changera pas les lois du marché. (16 heures)

En ce qui concerne les prix, il est à peu près certain, il serait même hors de question que nous nous engagions aux États-Unis à des ventes d'exportation d'énergie ferme à long terme en ayant des prix non indexés ou des prix ne faisant pas référence aux autres formes d'énergie concurrentielle. Je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans la situation dans laquelle se débat actuellement le gouvernement de Terre-Neuve qui voudrait se déprendre d'un contrat qui a été bel et bien signé entre personnes adultes consentantes et de bonne foi, tout le monde étant lucide. C'est facile de faire la référence et de faire une application par analogie. Nous avons signé des contrats avec New York et ensuite avec le NEEPOOL qui sont des contrats de vente d'énergie excédentaire dont les prix évoluent sur des bases d'indexation qui font carrément référence aux prix des énergies fossiles que nous remplaçons - je pense, entre autres, au charbon - au prix de l'installation du nucléaire aux États-Unis. Il y a ce que j'appellerais une formule mixte, qui fait que nous sommes en mesure d'avoir une base concurrentielle aux États-Unis. Il faut aussi bien comprendre que, si on veut intéresser les Américains à acheter de l'énergie électrique, il faut aller au-delà de la garantie de la sécurité d'approvisionnement. Si on vendait au même prix que ce qu'un équivalent en BTU pourrait donner à partir d'une centrale nucléaire au charbon ou au pétrole importé, je ne vois pas quel serait l'intérêt des États-Unis de tout chambarder dans leur propre bilan. Mais ce qui est intéressant dans ce que nous avons de négocié jusqu'à présent, c'est que le profit net en fonction des indexations aux énergies concurrentielles est partagé sur la base qu'Hydro perçoit 80% du net et les Américains 20%. C'est quand même très appréciable pour l'économie d'échelle que peuvent faire les Américains. Je parle essentiellement d'un contrat d'énergie

excédentaire. Lorsqu'on parle d'un bloc de 2000 mégawatts, il faut bien se rendre compte de la taille des chiffres dont on parle; 2000 mégawatts sur l'horizon 1990, vendus aux États-Unis, suivant les formules d'indexation qu'on peut retenir, le prix peut évoluer en termes de revenus bruts pour Hydro de 2 500 000 000 $ par année à 3 500 000 000 $, selon la force de la négociation et le besoin des Américains, etc.

Les réponses aux questions de l'Opposition viennent d'elles-mêmes. En ce qui concerne les volumes, on ne peut pas légiférer et statuer de quelque manière que ce soit, ce sont beaucoup plus les lois du marché. J'ai donné l'ordre de grandeur. En fonction de la puissance installée en 1990 et du potentiel qui pourra être économiquement aménagé à cette date, il n'y a pas beaucoup de risques. En ce qui concerne les prix, à partir du moment où les ventes se font sur des prix indexés, je pense que nous devons toutes les garantir.

Pour que le Québec s'expose à perdre, il faudrait que les Arabes et les pays exportateurs de pétrole décident un bon matin qu'au lieu de vendre le baril de pétrole 29 $ US, Spot Price Rotterdam, on retourne au prix de 1972. On va tous crier: Bravo! à ce moment-là. J'ai même l'impression qu'Hydro-Québec serait même intéressée à construire des centrales alimentées au pétrole importé à ce prix pour produire de l'énergie hydroélectrique. Si on s'en tient à une certaine logique sur le plan international, les pays producteurs sont condamnés à maintenir un prix, autrement ils ne sont pas capables de payer leurs dettes. Il me paraît un peu absurde de penser que le prix du pétrole peut chuter. Qu'il reste stable, qu'il baisse de 1 $ ou 2 $ le baril, qu'il remonte de 2 $ ou 3 $, cela fait partie de ce qui pourrait être raisonnablement envisagé.

Pour ce qui est des exportations d'énergie, Hydro-Québec a-t-elle carte blanche par le projet de loi no 4? La réponse est carrément non. Autant Hydro doit faire approuver son plan de développement, autant elle doit faire approuver sa tarification chaque année, autant elle devra se présenter au gouvernement qui, lui, aura l'ultime responsabilité de l'approuver ou de ne pas l'approuver sur chaque contrat. Je pense que c'est peut-être le meilleur cran d'arrêt si c'est nécessaire; j'appellerais cela une sécurité puisque l'Opposition l'entend de cette oreille. Le gouvernement étant l'émanation de l'Assemblée nationale, je pense bien que rien n'empêcherait un débat à l'Assemblée là-dessus, mais je ne vois pas pour l'instant la pertinence ou le bien-fondé de modifier la problématique d'approbation de pareils contrats autrement que ce que nous avons l'intention de proposer dans la loi 4.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, on n'est pas pour continuer le débat indéfiniment là-dessus. Le ministre ne m'a pas rassuré outre mesure parce que j'ai fait allusion au fait -et les gens d'Hydro-Québec l'ont confirmé -qu'il arrive aux Américains de dénoncer des contrats signés. Donc, si on signe à long terme, on pourrait se retrouver dans une situation difficile. Par ailleurs, on s'aperçoit présentement que même les pétroliers n'ont aucun contrôle sur leurs prix et qu'ils ont beaucoup de difficulté à s'entendre entre eux pour respecter les contingentements qui permettraient au prix du pétrole de grimper.

Je crois quand même qu'il serait préférable qu'il y ait des limites dans la loi. Après ce qui est dit aujourd'hui - on parle de 2000 mégawatts ou un peu plus sur des périodes de temps - je pense bien que personne ne va faire objection, au contraire, à ce genre de développement. Mais je reviendrai en temps et lieu lorsqu'on discutera du projet de loi en deuxième lecture et en commission parlementaire, article par article, sur les limites qui pourraient être recommandées et qui seraient dans le meilleur intérêt de la protection même d'Hydro-Québec qui appartient à tous les Québécois, malgré la nationalisation du ministre des Finances.

Malheureusement, M. le Président, je dois vous dire que j'ai d'autres engagements. Le débat que nous avons cet après-midi est très intéressant. Je suis d'autant plus peiné que c'est moi qui l'avais demandé. Mais il y a mon collègue de Chapleau ici. Je sais qu'il a quelques questions à poser.

Malheureusement, je vais être obligé de quitter et je tiens à remercier les gens d'Hydro-Québec pour les réponses qu'ils m'ont données. Les brefs échanges que nous avons eus m'ont satisfait dans la mesure où cela permet au public et à l'Opposition d'avoir un meilleur éclairage sur le projet de loi qui est devant nous. Je m'excuse auprès du ministre de devoir quitter à ce moment-ci. Peut-être que le député de Chapleau pourrait poser ses questions et la commission déterminera si elle continue ou si elle termine ses débats. Je voudrais simplement m'excuser.

Le Président (M. Desbiens): C'est fait. M. le député de Mille-Îles avait demandé la parole.

M. Champagne: Oui, j'avais demandé la parole. Merci, M. le Président. Je sais bien qu'on a connu une crise de l'énergie, une crise du pétrole, une crise du gaz. L'énergie, comme telle, c'est devenu une denrée très

importante et Hydro-Québec a eu la sagesse de lancer, entre autres, un programme d'économie d'énergie qu'on a appelé Énergain. Dernièrement aussi, Hydro-Québec a lancé un nouveau programme qui s'appelle Bi-énergie. J'aimerais savoir où en est rendu ce programme-là? Est-ce que les objectifs sont atteints pour le moment? Est-ce que les résultats escomptés seront atteints, l'influence sur les revenus d'Hydro-Québec, entre autres? Ce sont les premières questions et j'aurai des questions additionnelles au sujet du programme Bi-énergie.

M. Bourbeau (Joseph): À propos des objectifs du programme, je pense qu'on a déjà dépassé les objectifs qu'on avait. Le programme va très bien et dépasse toutes nos espérances. Est-ce que le programme rapporte à Hydro-Québec? On a commencé vers le milieu de l'hiver dernier. Je pense que, l'hiver prochain, on verra certainement ce que rapporte ou ce que peut rapporter ce programme Bi-énergie. Mais il n'y a pas seulement des bénéfices à court terme. Le programme est censé rapporter à Hydro-Québec des bénéfices à long terme. Lorsqu'il va faire froid, lorsque la température va baisser sous 12 ou 15 degrés Celsius, le chauffage à l'électricité va passer automatiquement au chauffage au fuel. Et cela veut dire que cela élimine l'installation d'usines de pointe, soit des turbines à gaz, soit du suréquipement ou des centrales à réserve pompée qui coûtent comme investissements de 750 $ à 1500 $ le kilowatt. Vous pouvez voir qu'on a des bénéfices à court terme, mais on a aussi, et on mise beaucoup dessus, des bénéfices à long terme. On ne les a pas encore ceux-là.

M. Champagne: C'est bien sûr que dans une politique comme celle de la bi-énergie, vous entrevoyez sûrement des surplus qui iront dans une politique d'exportation. On peut le supposer. Je vous pose la question, M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que pour le programme Bi-énergie, on va chercher des consommateurs qui se chauffent au fuel habituellement. Au lieu de se chauffer au fuel, avec le programme Bi-énergie, ils auront peut-être les trois quarts de leur chauffage qui se fera à l'électricité. Évidemment, c'est un programme qui absorbe une partie des surplus que nous avons.

M. Coulombe: Je voudrais ajouter sur la question des surplus que la priorité reste quand même que ces surplus soient utilisés au Québec. Que ce soit dans le programme Bi-énergie, le programme des chaudières, les nouveaux programmes qui sont en discussion actuellement avec le gouvernement ont comme objectif de faire profiter les

Québécois de ces surplus. Lorsqu'on parle d'exporter, cela ne vient pas en contradiction avec la nécessité absolue que les Québécois puissent en profiter.

Dans le cas du programme Bi-énergie, pour les abonnés, on calcule qu'à partir de 1985, lorsque le système sera en marche au complet, ce seront des économies de l'ordre de 13 000 000 $ à 15 000 000 $ par année, indépendamment aussi des investissements, qui sont faits, pour que ce programme fonctionne par des firmes qui fabriquent au Québec les instruments de bi-énergie, qui sont des sociétés québécoises. Cela crée de l'emploi. Les ingénieurs-conseils, les compagnies d'électriciens, il y a quelques semaines et quelques mois, fournissaient à peine à la demande des citoyens. Cela crée une activité économique qui non seulement est directement importante pour le consommateur, mais qui, pour l'économie en général, est extrêmement intéressante, parce qu'il y a une foule d'activités qui se greffent à ce programme qui, indépendamment des revenus supplémentaires que cela procure à Hydro-Québec, ultimement avec des tarifs moins élevés, a un impact direct sur l'emploi dans des compagnies du Québec et dans des services, les électriciens ou autres.

M. Champagne: Vous venez de me convaincre qu'il faut changer mon système chez moi.

Dans un autre domaine, M. Bourbeau, je voyais dans le mémoire que vous avez présenté ce matin, dans votre allocution, qu'en page 2, vous parliez de "capacité juridique d'exercer dans ces nouveaux champs d'activité", et c'est pour cela que vous souhaitez qu'on confirme dans un texte précis votre capacité juridique. Pourriez-vous détailler ces nouveaux champs d'activité? Quels sont ces champs? Je ne voudrais pas que vous donniez des détails, mais plutôt savoir quelles sont vos politiques futures dans ces nouveaux champs?

M. Bourbeau (Joseph): Les nouveaux champs, je pense qu'ils sont décrits aux objets de la société, qu'on a changés. C'est à l'article 22. Le projet de loi no 4 va dire maintenant que la société a pour objet de fournir de l'énergie et d'oeuvrer dans le domaine de la recherche, de la promotion relative à l'énergie, de la transformation et de l'économie d'énergie, de même que dans tout domaine connexe ou relié à l'énergie.

On a des spécialités ou des secteurs privilégiés qu'on a maintenant énoncés dans le projet de loi no 4 et qui deviennent les nouveaux objets d'Hydro-Québec, que ce soit dans la recherche, que ce soit dans les économies d'énergie, que ce soit dans la promotion, ainsi de suite. On veut être capable d'oeuvrer dans les secteurs non seulement qui s'intéressent à cela, mais cela

pourrait être aussi des secteurs périphériques.

M. Champagne: Je vous remercie de vos réponses. (16 h 15)

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Le député d'Outremont a fait valoir la position de l'Opposition en ce qui concerne les risques qui existent à l'exportation de l'électricité. On voit avec le prix de l'énergie, que ce soit l'essence, que ce soit l'électricité, les changements qui se font. On sait, par l'expérience du passé, que la province de Québec, dans plusieurs dossiers, que ce soit SIDBEC, que soit Churchill Falls, nécessairement quand elle s'engage à long terme dans ce domaine-là c'est très dangereux. J'aurais quelques questions spécifiques pour comprendre un peu mieux quelle est la nouvelle orientation d'Hydro-Québec dans ce domaine.

Actuellement, quelle sorte de contrats avez-vous avec l'État de New York, la Nouvelle-Angleterre? Sont-ils à long terme, moyen terme? Simplement quelques explications là-dessus pour comprendre ce qu'est la nouvelle orientation et les risques qui sont inhérents à cette nouvelle orientation.

M. Bourbeau (Joseph): Ce qu'on vend actuellement et ce qu'on vendra à PASNY ou à NEEPOOL sont des contrats pour l'énergie excédentaire ou de l'énergie interruptible. Cela s'échelonnera de 1984 à 1997 pour PASNY, sur une période d'environ 13 ans et pour le contrat de NEEPOOL je crois qu'il s'agit d'une période de 11 ans. Ce sont des contrats qui impliquent la vente d'énergie excédentaire. Cela veut dire que nous ne sommes pas obligés de vendre. Ce n'est que lorsqu'on a de l'énergie excédentaire et que l'acheteur veut bien en acheter que la transaction peut avoir lieu. Si pour une raison ou pour l'autre, avant la fin de ce contrat-là, il n'y avait plus de surplus ici au Québec, nous ne sommes pas obligés par le contrat d'en vendre. C'est de l'énergie interruptible n'importe quand.

M. Kehoe: Ce genre de contrat est tout à fait à l'avantage de la province de Québec mais avec la nouvelle orientation que vous allez prendre avec l'adoption de cette loi, vous ne signerez pas ce genre de contrat. À la page 2 de votre mémoire ou des notes que vous nous avez présentées ce matin, vous dites que l'exportation représentera 25% des ventes totales au Québec et rapportera plus de 800 000 000 $ en 1985. Vous embarquez dans une affaire extrêmement...

M. Bourbeau (Joseph): Non, les 800 000 000 $ que j'ai mentionnés - on l'a présenté ici en commission parlementaire l'automne dernier - étaient dans notre plan de développement. Il s'agissait de vente d'énergie interruptible excédentaire seulement.

M. Kehoe: Mais la nouvelle orientation que vous allez entreprendre après l'adoption de cette loi-là, est-ce que ce sera ce genre de contrat-là, le même genre de contrats que vous avez actuellement avec les termes similaires que vous avez? Encore une fois, la crainte qu'on a c'est de se faire prendre dans une sorte de contrat comme Churchill Falls, SIDBEC où il y a une obligation de fournir pour une vingtaine d'années à un certain tarif. Je sais que vous êtes de bons négociateurs et peut-être que je montre l'extrême pour faire le point. Dans l'avenir est-ce que le genre de contrat ou le genre d'activité de vente excédentaire d'énergie sera similaire à ce que vous avez actuellement?

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien qu'il y a des excédents d'énergie. On l'a mentionné encore une fois l'automne dernier. On en prévoit jusqu'en 1990. Le genre de contrat qu'on a signé avec PASNY et NEEPOOL, on devrait en avoir d'autres pour essayer d'écouler les surplus le plus possible. Avec le projet de loi 4, on entrevoit aussi, non seulement de vendre de l'énergie excédentaire, mais on pourra aussi avoir des ventes d'énergie ferme, c'est-à-dire que dans une période donnée, consentir à avoir un bloc d'énergie qui s'en irait sur un marché américain ou ontarien ou du Nouveau-Brunswick. Mais aussi - on l'a mentionné tout à l'heure - la vente de puissance ferme, autrement dit la vente ferme d'énergie et de puissance.

M. Kehoe: Cela implique des dépenses assez importantes d'immobilisation ici au Québec, l'aménagement d'autres infrastructures. J'imagine qu'autant pour vous que pour l'acheteur, vous exigerez des contrats à long terme.

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que l'acheteur sera obligé d'investir beaucoup chez lui parce que, si on parle des Américains, à partir de la frontière, il faudra avoir des lignes de transport aux États-Unis, peut-être jusqu'à New York. Alors, de leur côté, les Américains devront investir et de notre côté, si on vend du ferme, il faudra investir. Mais, comme je le mentionnais tout à l'heure, on peut avoir un contrat - et le ministre l'a mentionné aussi dans son exposé - dont le prix peut ne pas être fixe, mais il peut jouer avec un certain paramètre qui diminue les risques.

M. Kehoe: D'après vous, la situation

qu'on vit actuellement avec Churchill ou avec SIDBEC, où les parties sont engagées à long terme à des prix qui sont désastreux pour la province de Québec dans un cas et Terre-Neuve dans l'autre, vous ne prévoyez pas ce genre de contrat que vous allez entreprendre nécessairement avec la nouvelle orientation de cette loi?

M. Bourbeau (Joseph): Je vous ferai remarquer que le contrat de Churchill est bénéfique pour Terre-Neuve. Lorsque vous dites que Terre-Neuve n'y voit pas son bénéfice, je m'inscris en faux contre cela. La compagnie Churchill Falls fait des profits très considérables sur ce contrat. Je ne dis pas que si Churchill Falls avait des pertes et qu'à tous les ans elle devait se renflouer, mais ce n'est pas le cas. L'an dernier, en 1981, Churchill Falls (Labrador) Corporation était une des compagnies dont les bénéfices nets sur les ventes étaient les plus élevés au Canada.

M. Kehoe: Je pense que vous aurez des discussions avec les représentants de Terre-Neuve sur ce sujet.

En ce qui concerne le projet Pechiney, si le projet est pas mal avancé et qu'il se réalise dans un échéancier assez court, est-ce que cela représente une vente importante pour Hydro-Québec? Je veux dire en ce qui concerne le volume total d'Hydro-Québec actuellement. Quel pourcentage peut représenter un projet de cette envergure de la vente ultérieure de la production dans Hydro-Québec?

M. Bourbeau (Joseph): Au début, il y a une première tranche qui est de 200 mégawatts. La puissance appelée à HydroQuébec actuellement en 1983, c'est 20 000, donc c'est 1%. Lorsque la deuxième série de cuves sera en marche, cela veut dire encore 200 mégawatts; alors, Pechiney prendra à peu près 1% à 2% de notre puissance appelée.

M. Coulombe: D'ailleurs un projet comme Pechiney est prévu dans l'augmentation de la demande régulière, est prévu dans l'encadrement général de cette-demande régulière interne au Québec. Alors, ce n'est pas un projet qui bouleverse les données de la demande au Québec, c'est inscrit dans l'évolution normale du Québec. Si ce n'était pas Pechiney, ce seraient trois ou quatre autres projets de 20, 30 ou 50 mégawatts. Donc, cela rentre dans le cours régulier des affaires d'Hydro-Québec.

M. Kehoe: D'accord. Pour moi, c'est terminé.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Ce ne sera pas tellement long, M. le Président. M. Bourbeau, dans votre document de ce matin, vous disiez que le ralentissement de la croissance a permis ou permet - de rationaliser davantage l'organisation d'Hydro-Québec. Cela m'amène à parler de rationalisation, de déconcentration ou de décentralisation par rapport aux structures régionales. Je ne suis pas sûr que le projet de loi 4 va changer quoi que ce soit, mais de toute façon. Comme il y a justement un article dans le Soleil de ce matin qui dit qu'il n'y a pas de disparition des structures régionales actuelles, cela m'amène à vous poser la question à savoir où en est rendue toute la modification des strutures régionales. Vous n'êtes pas sans savoir que dans une région comme la mienne, soit l'Abitibi-Témiscamingue, les gens sont inquiets. Vous connaissez sûrement aussi la position de certains de nos organismes régionaux, comme la CR.D, etc. Alors, ce que je voulais savoir, c'est si vous pouvez aujourd'hui, même si ce ne sera pas indiqué dans la loi 4, contrer l'inquiétude qui existe chez nous, voulant qu'on peut perdre des postes, par exemple, ou qu'on peut même perdre la région apparemment.

M. Bourbeau (Joseph): Comme président du conseil, ce projet ou cette étude n'est pas encore parvenue au conseil. Je vais laisser au P.-D.G. le soin de répondre à votre question parce que, actuellement, toutes les études sont sous l'autorité du P.-D.G.

M. Coulombe: Dans le cas de la décentralisation d'Hydro-Québec, il y a une étude interne qui est en cours où on examine des possibilités d'organiser les activités d'Hydro-Québec et de les rapprocher de la clientèle pour des raisons d'efficacité et de meilleure qualité de service.

Vous comprenez que cette étude est assez complexe parce qu'elle implique un siège social qui a ses habitudes depuis de très nombreuses années et une multitude d'activités, dont quelques-unes sont décentralisables et d'autres très peu.

Malgré ce qui est écrit dans le journal, il n'y a aucune décision de prise, il n'y a aucune orientation définitive d'arrêtée. C'est évident que pour certaines régions, vers la fin de l'année, on espère avoir des orientations arrêtées qui vont être alors discutées au conseil d'administration.

Vous faites probablement allusion au siège de la région de la Baie-James. On sait qu'il y a aussi des problèmes dans la région de l'Outaouais versus Saint-Jérôme, et ainsi de suite. Il y a plusieurs problèmes d'organisation régionale, différents de la décentralisation, qui sont étudiés en même temps. Il n'y a aucune décision qui est prise et le dossier ne sera probablement pas prêt

avant la fin de l'année, comme orientation.

M. Bordeleau: Simplement en question additionnelle, est-ce que ce serait pensable, au lieu par exemple de ce qu'on a entendu dire, de fusionner l'Abitibi-Témiscamingue à une région plus au sud plutôt que de fusionner la région de la Baie-James à celle de l'Abitibi-Témiscamingue, et d'en faire vraiment une belle région plus complète?

M. Coulombe: C'est une hypothèse qui est étudiée.

Le Président (M. Desbiens}: M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais apporter non seulement une précision, mais une correction à une affirmation que je faisais tout à l'heure. N'étant pas très enclin à me préoccuper des affaires fédérales, j'ai omis tout à l'heure un volet important, qui est la présence de l'Office national de l'énergie. Je pense qu'il est important de distinguer deux choses dans nos contrats d'exportation: les contrats d'exportation hors Québec mais intracana-diens et les contrats d'exportation hors Québec hors Canada.

Lorsque nous vendons de l'énergie, peu importe sa forme, à l'Ontario, au Nouveau-Brunswick ou à quelque autre province canadienne - ce n'est pas encore arrivé qu'on en ait vendu à d'autres sauf à Terre-Neuve -nous n'avons pas besoin d'aller devant l'Office national de l'énergie et, en conséquence, ces contrats n'ont pas ce que j'appellerais un caractère public.

Cependant, lorsqu'il s'agit d'exporter de l'énergie - qu'elle soit excédentaire ou sous toute autre forme - vers une destination en dehors du Canada, il faut bien sûr obtenir l'autorisation de l'Office national de l'énergie. C'est dans ce sens que cela répond, je pense - j'aurais peut-être dû le souligner d'emblée tout à l'heure - à une des préoccupations de l'Opposition de vouloir connaître la nature et l'ABC de ces contrats avec PASNY, NEEPOOL ou avec tout autre acheteur américain. Ces contrats sont nécessairement déposés devant l'Office national de l'énergie et doivent être approuvés, après audience ou sans audience.

Si l'Opposition veut avoir des assurances aux fins de connaître ce qu'Hydro-Québec et le ministre de l'Énergie et des Ressources fabriquent, je pense que le caractère public du contrat devient assez éclatant lorsque nous nous soumettons à cette procédure d'approbation des contrats devant l'Office national de l'énergie.

Il y aurait peut-être un dernier volet que je voudrais aborder, M. le Président, présumant qu'on est à peu près à la fin de nos travaux. Cela a été évoqué ce matin par

MM. Bourbeau et Coulombe. Je peux peut-être me permettre d'aller un peu plus loin pour ce qui est de la problématique d'écoulement des surplus d'énergie électrique. (16 h 30)

Nous avons eu, bien sûr, beaucoup de succès avec le programme qui a été offert à l'ensemble de l'industrie pour ce qu'il est convenu d'appeler le programme des chaudières industrielles ou chaudières électriques. Je pense que M. Coulombe l'a longuement expliqué ce matin. Je n'ai pas l'intention d'y revenir. Il a par ailleurs indiqué qu'il y avait sur nos tables de travail d'autres problématiques pour en venir à écouler les surplus. Il y a deux volets sur ce sujet et sans pour autant entrer dans tous les détails je pense pouvoir aller aussi loin que mon collègue des Finances, lors du discours sur le budget. Nous n'avons pas l'intention, bien certain, de demeurer avec des surplus et de nous condamner à faire du déversement, ce qui voudrait dire qu'on renonce à la profitabilité des investissements pour lesquels nous payons des dépenses en capital et des dépenses en intérêt.

Je compterais que de ces deux programmes, l'un pourrait être axé sur un incitatif vers de nouveaux investissements, donc vers de nouveaux développements, de nouvelles créations d'emplois, qui devrait je crois lorsque connu faire en sorte que l'industrie et le secteur commercial aussi réagissent de façon très positive. Tout ce que je peux en dire pour l'instant - parce que le Conseil des ministres sera appelé, d'ici deux ou trois semaines, à prendre une décision finale sur les recommandations que je ferai - c'est de qualifier ces deux volets: un incitatif axé sur de nouveaux investissements et un autre volet que mon collègue de Mille-Iles a abordé en posant des questions à MM. Bourbeau et Coulombe sur des programmes Bi-énergie. Disons que ces programmes sont agressifs et devraient faire en sorte d'inciter l'industrie à répondre favorablement, et il est aussi certain que nous allons déplacer des énergies concurrentielles - le mazout c'est certain -et il se pourrait même que nous soyons amenés à déplacer des blocs importants de gaz naturel. On verra alors mais nous comptons pouvoir, d'ici deux ou trois semaines, obtenir une décision du Conseil des ministres.

Il faut bien comprendre aussi que cela s'inscrit dans nos objectifs de départ en 1978. II s'agit des objectifs de la pénétration de l'hydroélectricité qui demeurent les mêmes. C'est un chambardement complet qu'on vit actuellement à l'intérieur du bilan d'Hydro-Québec. Si on veut maintenir le cap sur une composante hydroélectrique à 41% à l'horizon de 1990 alors que la croissance domestique de la demande électrique est en diminution, il faut qu'on bouge quelque part.

Le gaz naturel devrait quant à lui poursuivre sa pénétration sur ses marchés propres et aux environs de 1990 tenir à peu près 16% du bilan alors que le reste serait aux environs de 42% à 44% en pétrole, ce qui serait une amélioration très marquée par rapport à la situation de notre bilan de l'année 1975.

Ces deux programmes seront donc annoncés en temps utile. Ils sont analysés présentement par différents comités ministériels du gouvernement et ils devraient être présentés au Conseil des ministres d'ici la fin de juin pour une décision finale.

Quant à moi, ce seraient les derniers mots que j'aurais à dire sur les travaux de cette commission aujourd'hui. Normalement ce projet de loi serait appelé pour le débat de deuxième lecture mardi prochain et, aussitôt que nous l'aurons adopté à l'unanimité ou sur division, au cours de la journée de mardi, nous reprendrions l'étude article par article du projet de loi. Nous pourrions peut-être aussi répondre à ce moment de façon plus spécifique aux questions qui ont été soulevées depuis l'avant-midi.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que nos invités ont autre chose à ajouter?

M. Bourbeau (Joseph): Je vais ajouter à la fin de cette commission, je voudrais vous exprimer le plaisir que j'ai eu moi-même -et je pense celui de M. Coulombe - de venir vous rencontrer et d'expliquer un peu ce que nous avions dans le projet de loi et de répondre à vos questions. Nous vous remercions infiniment.

M. Duhaime: Je veux vous faire remarquer, M. le Président, que la commission de l'énergie et des ressources dont on a beaucoup parlé durant les dernières semaines a retrouvé son climat de calme et de sérénité et je note avec appréciation le fait que le député de Chapleau s'est joint à nous. Il nous a beaucoup manqué pendant les discussions sur LG 2. Je remercie mes collègues qui m'ont assisté lors des travaux de cette commission. Je voudrais remercier aussi la direction d'Hydro-Québec, son président du conseil, M. Bourbeau, le P.-D.G. de l'entreprise, M. Coulombe, d'avoir bien voulu se prêter aux questions des membres de la commission.

M. Kehoe: II faut admettre que la nature de cette commission est bien différente de l'autre, ainsi que les témoins qui ont comparu ici aujourd'hui. C'est très différent.

M. Bordeleau: C'étaient des invités. Aujourd'hui ce sont des invités.

M. Kehoe: C'est cela.

M. Duhaime: Que vous l'ayez remarqué, c'est déjà beaucoup.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les intervenants et les membres de la commission. Je prie le rapporteur de présenter son rapport à l'Assemblée nationale le plus tôt possible. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 36)

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