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(Onze heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, mesdames et
messieurs. La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources commence ses travaux. L'objet de notre réunion ce matin est
l'étude du projet de loi 4, Loi modifiant la Loi sur
l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie
électrique. Pour l'étude de ce projet de loi, nous entendrons
aujourd'hui en audition publique M. Guy Coulombe, président-directeur
général d'Hydro-Québec, et M. Joseph Bourbeau,
président du conseil d'administration d'Hydro-Québec.
Les membres de la commmission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Lincoln
(Nelligan), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Tremblay (Chambly),
Kehoe (Chapleau), Champagne (Mille-Îles), LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Mme Bacon (Chomedey), MM. Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Dussault (Châteauguay), Mme Harel
(Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent), Sirros (Laurier), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Vallières (Richmond).
Il serait dans l'ordre d'abord de désigner un rapporteur de la
commission, s'il vous plaît! Y a-t-il une proposition pour nommer un
rapporteur?
M. Champagne (Mille-Îles) est proposé et accepté
comme rapporteur de la commission.
Au sujet du temps, est-ce que vous avez des remarques ou une entente?
Habituellement, le temps d'audition est de 20 minutes pour la
présentation du mémoire, 40 minutes pour la période de
questions.
M. Fortier: Personnellement, M. le Président, je crois que
nous sommes ici pour poser des questions aux représentants
d'Hydro-Québec. J'imagine qu'on va le faire d'une façon
très flexible. C'est le voeu que j'exprime, ainsi que celui, si
c'était possible, qu'on le fasse d'un seul trait. Je ne sais pas si le
ministre est disponible. Cela nous permettrait de finir plus tôt.
M. Duhaime: Vers quelle heure? 13 h 30?
M. Fortier: Vers 14 h 30. À ce moment-là, nous
serions libérés et je crois que les gens d'Hydro-Québec
seraient d'accord. En commençant maintenant, cela nous donnerait de midi
à 13 heures, 13 h 15, et jusqu'à 14 h 30, soit deux heures et
trois quarts.
M. Kehoe: La salle...
Le Président (M. Desbiens): II y a cependant un
problème d'ordre technique.
M. Fortier: Cela va être réglé, mais si on
peut s'entendre...
Le Président (M. Desbiens): II s'agit simplement de
vérifier.
M. Fortier: ...on va demander à d'autres de régler
le problème technique.
M. Duhaime: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce qu'on file, mais il y a filer et filer. Cela ne me convient pas du
tout de poursuivre jusqu'à 14 h 30. Je serais prêt à
être plus restrictif dans mes propres interventions pour donner davantage
de temps au député d'Outremont. Non pas que j'aie l'intention de
lui répondre davantage ici qu'en Chambre, mais, aujourd'hui, c'est
Hydro-Québec qui donne son point de vue. Avant le débat de
deuxième lecture, j'aurais des interventions pour environ une demi-heure
au total, je serais prêt à me limiter à ce temps au total
et laisser le reste du temps à l'Opposition. Mais de là à
poursuivre jusqu'à 14 h 30, j'avoue que mon estomac ne me suivra pas
jusque-là. Maintenant, je serais prêt à régler pour
terminer à 13 h 30. Cela vous va-t-il? Dépasser d'une demi-heure
cela va, car autrement, on va vraiment travailler...
Le Président (M. Desbiens): II est
déjà...
M. Kehoe: On verra comment cela va tourner.
M. Fortier: M. le Président, à ce moment, on va
suivre la décision de l'Assemblée, on reviendra à 15
heures.
Le Président (M. Desbiens): D'accord. M. le ministre
d'abord, quelques remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, j'aurais quelques
brèves remarques pour qu'on puisse situer dans quel cadre nous
entendrons, ce
matin, Hydro-Québec sur le projet de loi no 4, Loi modifiant la
Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie
électrique.
Nous entamons aujourd'hui les discussions concernant le projet de loi 4.
Ces modifications que le gouvernement souhaite voir apporter à ces deux
lois visent essentiellement à adapter le cadre législatif aux
nouvelles réalités nées du développement
d'Hydro-Québec et à lui permettre de contribuer pleinement au
développement économique du Québec.
M. le Président, comme vous le savez, Hydro-Québec, au
cours des années passées, a connu une croissance
extrêmement rapide qui a placé la société
d'État au tout premier rang des entreprises canadiennes. Cette
évolution est particulièrement remarquable si l'on fait un bref
retour en arrière.
En 1945, soit quelques mois après sa création, Hydro
disposait déjà d'actifs de 215 000 000 $, employait moins de 2000
personnes et dégageait, pour sa première année
d'activité, 15 300 000 $ de revenus nets. Quarante ans plus tard,
Hydro-Québec a vu le nombre de ses employés passer à
environ 20 000 et ses actifs multipliés par plus de 100 pour atteindre,
à la fin de l'exercice 1982, 23 169 000 000 $ et ses revenus nets passer
à 800 000 000 $ pour l'année 1982.
Déjà, depuis l'exercice 1980-1981, Hydro-Québec
s'est assurée la première place parmi l'ensemble des compagnies
canadiennes, sur le plan des actifs comme sur celui des revenus nets. Au niveau
énergétique, par ailleurs, la puissance installée à
Hydro-Québec est passée en 40 ans de 2113 mégawatts
à 24 067 mégawatts en incluant, bien sûr, l'énergie
en provenance de Churchill. À cet égard, M. le Président,
vous allez me permettre une courte parenthèse puisque les journaux de ce
matin nous apprennent que M. Brian Mulroney qui est en lice à la
chefferie du Parti conservateur canadien - et je cite la Presse de vendredi,
aujourd'hui - prend le parti de Terre-Neuve. La seule chose que je veux dire
là-dessus... Nous comptons, bien sûr, sur les approvisionnements
de Churchill à la suite du contrat signé au moins jusqu'en 2041,
si ma mémoire est bonne, et je trouve très étrange que M.
Mulroney, à quelques heures d'un vote à la chefferie du Parti
conservateur, soit prêt à traverser le Québec pour la
modique somme de quelque chose qu'il évalue entre 600 000 000 $ et 700
000 000 $ par année, en disant que le contrat qui est intervenu ne
rencontre plus aujourd'hui ni la réalité, ni la justice.
Si vous me permettez, M. le Président, mon petit commentaire
là-dessus, je pense que M. Mulroney, qui n'est pas encore élu,
est mal parti et si c'est l'appui des délégués de
Terre-Neuve qu'on veut aller chercher avec cette alliance Peckford-Crosbie,
cela risque de coûter quelques millions de dollars par vote, par
délégué, à l'ensemble du Québec si telle est
sa position. Si son intervention a un sens, ou il parle pour ne rien dire ou il
parle pour dire quelque chose, est-ce que cela pourrait signifier que M.
Mulroney, devenu premier ministre du Canada, au nom d'un intérêt
national "canadien", aurait l'intention de légiférer sur cette
question? Notre position, autant celle du gouvernement que celle
d'Hydro-Québec dans ce dossier, est très bien connue. Elle est
claire et c'est une position d'ouverture. Nous sommes, bien sûr,
intéressés à nous entendre avec nos voisins, mais pas dans
n'importe quelle condition et pas à n'importe quel prix.
M. le Président, nous aurons l'occasion de revenir
là-dessus, mais, comme "timing", je ne peux interpréter autrement
l'intervention de M. Mulroney comme étant une tentative
désespérée d'aller chercher les voix des
délégués de Terre-Neuve sur le dos des
Québécois.
M. le Président, actuellement, HydroQuébec dispose d'une
puissance installée de 24 067 mégawatts. Au cours de cette
même période de 40 ans, le nombre d'abonnés
résidentiels a été multiplié par neuf, passant de
250 000 à 2 200 000. Depuis les cinq dernières années,
comme cela apparaît d'ailleurs aux états financiers de
l'entreprise, Hydro-Québec consent des investissements qui, bon an mal
an, tournent autour de 3 000 000 000 $, ce qui fait qu'Hydro-Québec est
le plus gros investisseur dans le secteur énergétique pour
l'ensemble du Canada.
Depuis quelques années, Hydro-Québec est de plus devenue
un important exportateur d'électricité aux États-Unis. Au
cours des treize prochaines années et à partir des contrats
actuellement signés, ces exportations, à la suite du contrat de
NEEPOOL et de PASNY en particulier, représenteront des revenus annuels
moyens de 1 200 000 000 $ en dollars constants. Il est bien évident que
les mutations profondes qu'a connues Hydro-Québec ont radicalement
modifié le rôle joué par notre société
d'État dans la croissance économique du Québec.
Sur le plan juridique, le législateur québécois
avait mis en place, en 1944, un cadre juridique qui a effectivement permis
à Hydro-Québec d'assurer son développement. Cependant, cet
ensemble de dispositions législatives a dû être
amendé et complété au cours des années, afin de
tenir compte de la croissance rapide d'Hydro-Québec et, surtout, en vue
de permettre à la collectivité québécoise
d'utiliser au mieux l'outil de développement dont elle disposait. Tout
récemment, il y a à peine quelques mois, autour de cette table,
nous avions l'occasion de discuter en long, en large et en
profondeur du projet de loi 16 et la castastrophe
appréhendée que nous indiquait l'Opposition ne s'est pas encore
produite. Au contraire, le niveau de raisonnabilité sur les dividendes
de la société envers le gouvernement a été maintenu
et les profits nets de l'entreprise ont augmenté. Malgré ce qu'en
disaient nos collègues de l'Opposition, nous avons pu boucler tous nos
emprunts sur les marchés internationaux. Les tarifs se sont
améliorés, nous sommes à 7,3% pour 1983, ce qui est en
dessous de l'inflation. Les modifications proposées aujourd'hui par le
gouvernement s'inscrivent dans cette perspective. Jusqu'ici, le rôle
d'Hydro-Québec avait été conçu comme devant
permettre d'assurer aux Québécois la disponibilité de
l'énergie électrique a des taux et conditions compatibles avec
une saine gestion financière.
Le projet de loi no 4 maintient cet objectif tout en élargissant
le rôle que la société d'État doit dorénavant
jouer. Désormais, Hydro-Québec aura explicitement pour mandat de
développer ses activités dans le domaine
énergétique, qu'il s'agisse de recherche, de promotion, de
transformation ou d'économie d'énergie. Avec ce projet de loi, le
gouvernement modernise et rend plus opérationnel le cadre
législatif dans lequel Hydro-Québec doit inscrire ses
activités. Cette démarche devrait permettre aux
Québécois de profiter au maximum de l'outil exceptionnel de
développement que constitue Hydro-Québec.
Il est probable que, sur le plan énergétique, nous entrons
dans une phase nouvelle où, en plus de satisfaire aux besoins en
énergie, les producteurs énergétiques doivent maximiser
toutes les retombées économiques liées aux filières
qu'ils exploitent. Cet aspect de l'évolution probable a commencé
a être examiné par la commission de l'énergie et des
ressources il y a quelques semaines. C'était en mars, mais, comme vous
le savez, nos travaux ont dû être interrompus par une affaire que
l'Opposition jugeait beaucoup plus importante, semble-t-il, et nous avons
passé les neuf semaines à parler de LG 2, du saccage de 1974 et
de son règlement plutôt que de nous occuper, en 1983, de parler de
l'énergie comme outil ou comme levier de développement
économique. C'est malheureux, mais ces travaux devront être repris
en septembre. Il y a une bonne cinquantaine de mémoires qui nous
attendent.
Cette évolution est particulièrement évidente pour
ce qui est d'Hydro-Québec. À l'origine, la société
d'État avait avant tout pour objectif de satisfaire aux besoins en
électricité des Québécois. Graduellement, le
rôle de la société s'est élargi et
Hydro-Québec se trouve maintenant placée au centre d'un ensemble
d'interventions et d'opérations dans lesquelles la satisfaction des
besoins en énergie des consommateurs ne constitue qu'un volet de
l'activité globale. Par exemple, Hydro-Québec est aujourd'hui
directement impliquée et présente dans le développement du
secteur électrochimique, dans la mise au point de la filière
hydrogène et dans la recherche de nouvelles technologies d'utilisation
de l'électricité. Après s'être acquis une
réputation internationale au niveau de la production
hydroélectrique et du transport de l'énergie sur de longues
distances, Hydro-Québec est en train de construire un nouveau
savoir-faire dans des domaines très prometteurs et riches d'avenir.
Il nous appartient de faire en sorte que la société
d'État puisse disposer, sur le plan juridique, des compétences et
moyens lui permettant de réaliser à bien cette tâche. C'est
là l'objectif premier du projet de loi 4 que le gouvernement soumet
à l'Assemblée nationale. Ce projet comporte également des
dispositions concernant les points suivants:
En premier lieu, le projet de loi permettra d'harmoniser la loi
d'Hydro-Québec avec les lois régissant les différentes
sociétés d'État en comportant des dispositions
prévoyant l'établissement de plans de développement.
Hydro-Québec se conformait déjà à cette pratique
mais cela en dehors de toute disposition juridique précise.
L'application à Hydro-Québec et à ses administrateurs des
dispositions de la partie II de la Loi sur les compagnies compatibles avec sa
loi constitutive correspond également au souci d'uniformiser les lois
régissant les sociétés d'État.
En deuxième lieu, la possibilité de porter à 17 le
nombre de membres pouvant être nommés au conseil d'administration
permettra de diversifier davantage les origines et les compétences des
administrateurs. On devrait ajouter, entre parenthèses, masculins ou
féminins, M. le Président.
En troisième lieu, le projet de loi 4 précise que les
tarifs et conditions de fourniture d'électricité seront
fixés par règlements de la société, selon les
catégories qu'elle détermine ou par contrats spéciaux, qui
continueront cependant comme par le passé de requérir
l'approbation du gouvernement.
En quatrième lieu, le présent projet de loi donne une plus
grande marge de manoeuvre à la société d'État dans
sa politique de participation et de prise d'intérêt.
Dorénavant, le gouvernement ne devra approuver les prises de
participation décidées par Hydro-Québec que dans la seule
mesure où ces prises de participation permettront de contrôler la
moitié du capital-actions ou la nomination de la majorité des
administrateurs.
Par ailleurs, Hydro-Québec, à titre d'actionnaire unique,
nommera directement
les membres du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James qui, par le présent projet de loi,
devient une société filiale à part entière
d'Hydro-Québec.
Enfin, le projet de loi 4 adapte la loi d'Hydro-Québec et la loi
sur les exportations à la nouvelle situation créée par
l'ouverture de nouveaux débouchés importants sur le marché
américain. Le projet de loi permet de normaliser et de clarifier les
dispositions législatives encadrant l'exportation d'énergie
électrique en dehors du Québec.
Je voudrais ajouter, M. le Président, que le projet de loi 4
comporte également une série de modifications d'ordre tout
à fait technique qui visent pour l'essentiel à assurer la
concordance entre les différentes lois en cause. Essentiellement, donc,
M. le Président, ce projet de loi no 4 a pour but de donner à
Hydro-Québec un cadre juridique qui correspond mieux à son
évolution et qui en fera sûrement un meilleur outil de
développement économique au service du Québec. Je vous
remercie, M. le Président. (12 heures)
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C Fortier
M. Fortier: M. le Président, ce projet de loi est
très important puisque tout ce qui touche à Hydro-Québec,
une société d'État qui a un impact considérable sur
l'économie du Québec, est important. C'est la raison pour
laquelle nous avons demandé au gouvernement qu'Hydro-Québec soit
entendue en commission parlementaire et c'est la raison pour laquelle nous
sommes ici ce matin. Nous avons cru et nous croyons toujours que lorsque des
modifications comme celles-là se font à la loi
d'Hydro-Québec ou à toute nouvelle orientation
d'Hydro-Québec, celles-ci doivent être débattues en public.
Et je remercie la direction d'Hydro-Québec d'être ici ce matin
pour répondre à nos questions.
Certains tendent à sous-estimer les modifications qui vont
être faites à la loi d'Hydro-Québec, mais je crois qu'il
faut voir ces changements d'une façon évolutive. Alors que, avant
la loi no 16, Hydro-Québec devait produire de
l'électricité au plus bas coût possible pour les citoyens
du Québec, il y a eu une nette évolution pour permettre à
Hydro-Québec de vendre l'électricité selon les
critères d'une bonne gestion. On ne retrouvait plus le plus bas
coût possible et voici maintenant qu'on lui permet de devenir une
société tout à fait commerciale et de pouvoir vendre de
l'électricité non seulement aux citoyens du Québec -
d'ailleurs, on ne retrouve plus cette limite du territoire dans la loi
d'Hydro-Québec - mais aussi à l'extérieur du
Québec.
On s'en va donc vers une société tout à fait
commerciale. Dans une certaine mesure, je crois qu'on doit s'en réjouir
puisque la société a décidé de se donner un
programme d'action très agressif dans la recherche et le
développement, dans le marketing international. Par ailleurs, je crois
qu'on doit se poser des questions sur l'impact qu'une telle orientation
pourrait avoir sur les citoyens du Québec. Pour ma part, je regrette que
le ministre et que le gouvernement n'aient pas cru bon, en nous
présentant ce projet de loi, de discuter de ce qui a été
demandé par plusieurs intervenants dans le passé. On se
souviendra que lors de l'audition d'Hydro-Québec, l'automne dernier,
lorsque nous avons étudié la tarification, il y a eu une demande
spécifique de groupes industriels d'être entendus lorsqu'il y a
des augmentations de tarifs ou des demandes de changement de tarifs par
Hydro-Québec. D'ailleurs, dans le mémoire que l'Association des
consommateurs industriels d'électricité du Québec devait
présenter devant la commission parlementaire devant étudier la
politique énergétique du Québec, ceux-ci en font une
demande très explicite lorsqu'ils donnent de nombreuses raisons pour
lesquelles ils voudraient être entendus. Ils explicitent davantage les
motifs et les représentations qu'ils aimeraient faire lorsque
Hydro-Québec vient annuellement présenter une nouvelle
tarification.
Assez curieusement, puisque dans le passé mon collègue de
Laurier et moi-même avions discuté sur d'autres aspects de cette
protection du citoyen eu égard aux coupures d'électricité,
surtout pour les plus démunis de la société, j'aurais
pensé, si les industriels eux-mêmes demandaient d'avoir une
certaine protection vis-à-vis de cette corporation qui est de plus en
plus commerciale, que les citoyens eux-mêmes auraient eu droit à
une certaine protection. Peut-être qu'on aura l'occasion, M. le
Président, de discuter de cette protection. Cela aurait peut-être
pris la forme d'une présentation d'Hydro-Québec devant la
Régie de l'électricité et du gaz, non pas tellement pour
permettre à la régie de statuer mais, du moins, pour permettre
à la régie d'organiser des auditions publiques. Cela permettrait
aux citoyens du Québec, que ce soient les clients corporatifs ou les
clients individuels, de présenter leur point de vue et ainsi, cela
permettrait à toute la société québécoise de
participer aux orientations qu'Hydro-Québec pourrait bien se donner et
qui pourraient avoir un impact sur la tarification d'Hydro-Québec.
D'ailleurs, quand on fait la revue des différentes provinces qui
permettent des auditions publiques, on s'aperçoit que la majorité
d'entre elles le permet, l'Alberta, la Colombie britannique, le Manitoba,
Terre-Neuve et le Labrador, l'Ontario, le Yukon et les Territoires du
Nord-Ouest. À moins que mes renseignements ne soient pas des plus
récents, il semblerait qu'une majorité de provinces permet
justement des auditions publiques. Nous aurions souhaité que les
changements proposés aujourd'hui prennent en considération ces
désirs des clients d'Hydro-Québec d'être entendus, surtout
lorsqu'il y a des changements de tarifs, d'autant plus maintenant que l'on
donne une mission tout à fait commerciale à la mission
d'Hydro-Québec.
En ce qui concerne l'exportation, il faut se réjouir que,
maintenant, Hydro-Québec aura la possibilité d'exporter, quoique
l'on ne peut que regretter que le gouvernement ait tant tardé pour
inciter Hydro-Québec à exporter vers les États-Unis, alors
que les marchés étaient beaucoup plus ouverts et beaucoup plus
déterminants, il y a quatre ou cinq ans. Cette possibilité n'a
été donnée à Hydro-Québec que
récemment et, quoique l'on se réjouisse qu'Hydro-Québec
puisse exporter vers les États-Unis, nous aurons certainement des
décisions qui permettent maintenant au gouvernement, sans aucune
intervention de l'Assemblée nationale, de statuer complètement
par décret sur l'importance de ses exportations, sur le volume et la
durée des exportations.
Ce sont donc les quelques remarques que j'ai à faire ce matin.
J'ose espérer que les questions et les explications que pourront nous
donner les représentants d'Hydro-Québec nous permettront de
comprendre davantage toute la portée de la nouvelle loi sur
HydroQuébec ainsi que les modifications qui sont apportées
à la loi qui la régit présentement.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Nous commençons
avec M. Bourbeau.
Audition des représentants
d'Hydro-Québec
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre et
les membres de la commission. Avant de commenter avec vous le projet de loi 4,
Loi modifiant la Loi sur l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de
l'énergie électrique, j'aimerais faire le point sur les
démarches qui ont mené à ce projet.
Depuis un an, le conseil d'administration d'Hydro-Québec a pris
des orientations et s'est donné des objectifs dont la mise en oeuvre
nécessitera des modifications à sa loi constitutive. Les deux
principales modifications soumises à l'Assemblée nationale
concernent, en premier lieu, les objets de la société et, en
second lieu, les modalités de filiation de la Société
d'énergie de la Baie James. Nous avons, en outre, proposé
d'autres amendements visant à faciliter la conduite de nos travaux.
En octobre dernier, en même temps que nous vous soumettions le
plan de développement 1982-1985, nous avons présenté au
ministre tuteur de la société des propositions à la Loi
sur l'Hydro-Québec. Le ministre a accueilli nos propositions et les a
soumises au gouvernement à la fin de novembre. À partir de
là, des consultations régulières se sont poursuivies entre
les intervenants concernés et ont débouché sur le projet
de loi que nous avons entre les mains. J'aimerais toutefois vous parler plus
longuement des modifications proposées.
D'abord en ce qui concerne les objets de la société.
Hydro-Québec a pour objet de fournir l'énergie à
ses abonnés du Québec. Bien sûr, l'entreprise a toujours
exporté de l'électricité, mais il s'agissait, pour
l'essentiel, de surplus passagers. Ces exportations étaient vues comme
une activité marginale qui s'imposait par la difficulté de
toujours équilibrer la production et la demande.
Avec la baisse de la demande intérieure au Québec, le
contexte est en voie de se modifier. Comme nous l'exposions dans le plan de
développement présenté l'an dernier, l'entreprise
prévoit avoir des surplus d'électricité pendant encore
quelques années et en quantité suffisamment importante pour qu'on
ne considère plus nos exportations comme une activité accessoire.
Au contraire, nous avons examiné avec vous des objectifs de vente
à l'exportation qui représenteraient 25% des ventes totales au
Québec et rapporteraient plus de 800 000 000 $ en 1985.
Pour ces raisons, nous souhaitons maintenant intégrer la
production et le transport d'énergie à des fins d'exportation
dans l'activité normale de la société.
Une autre précision relative aux objets de la
société vise à nous permettre d'oeuvrer dans tout domaine
connexe ou relié à l'énergie.
Déjà en 1978, vous nous avez autorisés à
exporter le savoir-faire d'Hydro-Québec à l'étranger.
Depuis, en 1981, vous avez accepté que l'entreprise s'engage dans le
domaine des économies d'énergie, ce que nous avons fait avec le
programme Energain Québec.
En octobre 1982, nous avons fait part de notre volonté de
développer de nouvelles technologies électriques, d'assurer la
conversion à l'électricité des chaudières
industrielles et de commercialiser les produits et les techniques de la
société.
Pour ce faire, nous souhaitons que vous confirmiez dans un texte
précis notre capacité juridique d'exercer dans ces nouveaux
champs d'activité.
Passons maintenant à la Société d'énergie de
la Baie James.
La SEBJ a été créée en 1972 en vertu de la
Loi sur le développement de la région de la baie James. Elle
avait alors pour mandat de mettre en valeur les ressources
hydroélectriques du territoire de la baie James et de produire et
distribuer
l'électricité dans ce territoire.
Bien que la SEBJ ait été constituée à titre
de filiale de la Société de développement de la Baie
James, c'est Hydro-Québec qui détenait tout son capital-actions,
la majorité des sièges à son conseil d'administration et
assurait l'entier financement de ses travaux.
En 1978, la loi a reconnu dans les faits que la SEBJ était
devenue une filiale d'Hydro-Québec, dont le conseil , d'administration,
composé jusque-là d'une majorité d'administrateurs
d'Hydro-Québec, comprenait dès lors l'ensemble de ces
administrateurs. Le législateur confiait aussi à
Hydro-Québec le mandat d'exploiter les ouvrages construits sur le
territoire de la baie James.
Avec le ralentisssement de la croissance de la demande, nous disposons
maintenant d'un répit nous permettant de rationaliser davantage notre
organisation et la réalisation de nos travaux d'équipement.
Signalons qu'à l'instar de la SEBJ, Hydro-Québec possède
sa propre équipe de construction. C'est cette équipe qui a
réalisé le complexe Manic-Outardes et la centrale de La Grande 3.
Pour ce dernier projet, Hydro-Québec agissait sous mandat de la SEBJ
qui, elle même, agissait sous mandat d'Hydro-Québec. Ce mode de
fonctionnement n'est certainement pas idéal. C'est la raison pour
laquelle nous avons créé un groupe responsable de toutes les
activités de construction, d'ouvrages de production et de transport au
sein même d'Hydro-Québec et, par cette mesure, la coordination de
nos ressources dans ce champ d'activité devient la responsabilité
quotidienne des cadres supérieurs d'Hydro-Québec et n'est plus
sous la charge directe du conseil. Enfin, comme je vous le disais tantôt,
nous suggérons aussi d'autres modifications qui nous semblent opportunes
et que j'exposerai brièvement.
Premièrement, nous avons proposé une augmentation du
nombre des membres du conseil. Cette demande reflète notre désir
de changer le mode de fonctionnement du conseil et d'élargir
l'éventail des compétences qui y sont représentées.
Actuellement, le conseil satisfait pleinement à l'exigence légale
de tenir une séance par mois puisqu'il se réunit toutes les deux
semaines. Un nombre supérieur de membres rend possible la formation de
comités du conseil, dont un comité exécutif, et nous
permettra d'espacer nos réunions.
Deuxièmement, nous souhaitons être régis par la Loi
sur les compagnies. La partie II de cette loi nous apparaît le cadre de
référence approprié qui assurera à l'entreprise la
souplesse voulue pour réaliser sa vocation commerciale.
Troisièmement, pour assurer le développement de notre
technologie et de ses applications et pour en maximiser les retombées
dans un marché hautement compétitif, une procédure plus
souple et plus rapide d'acquisition d'intérêts minoritaires dans
d'autres entreprises est nécessaire.
Enfin, nous croyons approprié que la Loi sur Hydro-Québec
nous oblige à présenter un plan de développement. En
pratique, nous le faisons déjà et cette commission a eu chaque
année l'occasion d'examiner nos orientations et nos objectifs, bien que
les dispositions actuelles de la loi ne nous obligent qu'à produire un
rapport annuel faisant le point sur l'état général des
affaires de la société. (12 h 15)
Voici donc, M. le Président, les observations
générales que nous avions à formuler au sujet du projet de
loi no 4. Nous sommes maintenant à la disposition des membres de la
commission pour répondre à leurs questions.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre, pas de
questions? M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois que je suis aussi
bien d'entamer une série de questions sur l'exportation. Peut-être
que dans un premier temps, Hydro-Québec pourrait nous dire quelle est la
position exacte des surplus d'électricité d'Hydro-Québec.
Vous nous avez présenté, l'automne dernier, un tableau qui
indiquait qu'à l'aide de certains programmes, ces surplus n'existeraient
plus après 1985...
M. Bourbeau (Joseph): 1986. Il y en aurait jusqu'en 1990.
M. Fortier: ...je crois, 1986. À cause de la baisse de la
demande l'an dernier, j'imagine que d'une part ce tableau-là est
certainement modifié et que les surplus se perpétueront plus
longtemps dans l'avenir. Cependant, une décision que vous aviez prise et
qui a été mal interprétée dans bien des milieux
était d'abandonner votre programme des chaudières
électriques. Il y a eu entre autres une déclaration à
Sherbrooke, je crois, alors que les intervenants industriels de la
région se posaient la question: Pourquoi avoir abandonné un
programme comme celui-là si, de fait, Hydro-Québec a des surplus
et des surplus qui seront de plus en plus grandissants? J'aimerais savoir d'une
part quelle est la vision que vous avez des surplus
d'électricité, du moins jusqu'en 1990 et par ailleurs, pourquoi
vous avez abandonné ce programme des chaudières
électriques si, justement, vous avez et vous prévoyez avoir des
surplus très importants, ce qui tout à l'heure nous
amènera à parler d'exportation d'énergie vers les
États-Unis.
M. Bourbeau (Joseph): Voici, avant de passer la parole à
M. Coulombe qui
explicitera davantage ce sujet-là. Il est vrai qu'on a des
surplus qu'on vous a montrés dans le plan de développement de
l'an dernier. Si je me souviens bien, ces surplus montraient une pointe qui se
situait vers 1985-1986 et ensuite descendait, s'amenuisait vers 1990 et cela
disparaissait. M. le député d'Outremont, vous mentionnez que la
demande a baissé, c'est vrai. Qu'il devrait y avoir des surplus
supplémentaires, c'est encore vrai. Nos gens à
Hydro-Québec sont en train de regarder une nouvelle prévision de
la demande. On est en train d'étudier un nouveau plan de
développement qui vous sera soumis ici, l'automne prochain, soit dans
quelques mois.
Quant aux divers programmes, vous avez parlé du programme de
vente à des chaudières industrielles. C'est vrai que le programme
est arrêté, mais Hydro-Québec est en train de regarder un
ensemble de programmes de vente à l'industrie. Je laisse maintenant la
parole à M. Coulombe, le P.-D.G, qui est plus en mesure de vous tracer
la voie qu'on regarde dans la mise en marché de
l'électricité, non seulement au Québec, mais aussi
à l'extérieur du Québec.
M. Coulombe (Guy): On se rappellera que l'an passé, lors
de la présentation du plan de développement, il y avait eu
-justement comme M. Bourbeau vient de le dire - une évaluation des
surplus. Pour ces surplus-là, il y avait des programmes de vente
spécifiques qui avaient été mis sur pied. Le premier
était le programme Bi-énergie qui a effectivement
été mis en marche et qui fonctionne au-delà des
prévisions qu'on avait faites. On a modifié nos prévisions
pour atteindre presque le double des clients qui avaient été
prévus l'an passé. C'est donc un programme qui fonctionne
très bien à l'heure actuelle et qui va donner d'excellents
résultats.
Maintenant, le programme des chaudières industrielles, vous vous
rappelez qu'on avait mentionné qu'il y avait un objectif d'environ 800
mégawatts. Après quatre ou cinq mois, les objectifs
étaient non seulement atteints mais dépassés et le
programme, lorsque nous l'avons suspendu, avait atteint 1300 mégawatts
de vente. Nous l'avons suspendu pour une raison très simple, c'est que,
ayant dépassé l'objectif et l'année s'écoulant, on
a voulu faire une pause pour réévaluer les surplus et
l'état de la situation. Cette réévaluation est en cours.
Tout ce qu'on peut dire, à l'heure actuelle, en attendant le
dépôt au gouvernement et à l'Assemblée nationale,
c'est que les surplus seront plus considérables que ceux prévus
l'an passé parce que la demande a encore diminué par rapport aux
prévisions de l'an passé. Si vous avez regardé le rapport
trimestriel qu'on vient de faire paraître, dans les trois premiers mois
de l'année, la demande a encore baissé de 5% par rapport au
premier trimestre de 1982. Il en résulte donc une augmentation des
surplus.
L'ordre exact de cette augmentation est en train d'être
évalué et sera présenté dans le cadre du plan de
développement cet été. Ce qui a donc obligé
à poursuivre - ce qui était déjà prévu
d'ailleurs - toute la réflexion sur les nouveaux programmes de vente et,
aussi, à réévaluer le programme de chaudières
industrielles. À l'heure actuelle, nous sommes en train de faire des
propositions au gouvernement sur une série de quatre ou cinq programmes
actuellement à l'étude. On espère que ces programmes vont
être jaugés et acceptés le plus rapidement possible. Nous
sommes confiants que ces surplus pourraient, en grande partie, servir au
développement économique du Québec et à une
rationalisation de l'utilisation de l'énergie au Québec. Donc,
non seulement les études, mais les propositions sont actuellement
faites. D'autres programmes verront le jour et il y aura peut-être aussi
une réévaluation du programme des chaudières
industrielles.
M. Fortier: En ce qui concerne le programme des chaudières
électriques, vous avez dit: On avait atteint ou même
dépassé notre objectif. D'ailleurs, cela ne prend pas une
très grande étude, comme vous venez de le dire, pour savoir que
vous aurez des surplus plus considérables que ceux que vous aviez
annoncés, compte tenu de la faible consommation, non seulement à
cause du climat, mais aussi du développement économique ou de
l'affaissement économique qui s'est produit. J'ai quand même de la
difficulté à comprendre pourquoi vous avez suspendu le programme
de vente de chaudières électriques parce que si l'on veut
qu'Hydro-Québec soit une société commerciale - le ministre
l'a dit et vous l'avez dit - à ce moment-là, j'imagine que ce
n'est pas parce qu'on atteint un objectif qu'on va dire: J'ai atteint mon
objectif, j'arrête. Y avait-il des raisons qui faisaient que,
techniquement parlant, les lignes de distribution électrique
n'étaient pas suffisantes? Y avait-il des raisons inhérentes qui
empêchaient techniquement Hydro-Québec de poursuivre son
programme? Je dois admettre que c'est à peu près
incompréhensible qu'une société commerciale, qui a des
surplus d'énergie électrique et qui s'aperçoit qu'un
programme va très bien, décide de l'arrêter parce que cela
va bien. À ce moment-là, expliquez-moi cela en tant que
société commerciale, j'ai du mal à comprendre.
M. Coulombe: Comme je l'ai dit, l'objectif, ayant non seulement
été atteint, mais dépassé, on a fait une pause pour
deux raisons fondamentales. Dans certains
territoires du Québec, particulièrement le centre du
Québec, l'accumulation de ventes considérables posait certains
problèmes au niveau de la distribution. Avant de multiplier ces ventes,
on a voulu approfondir ce problème. C'est évident que le fait
d'ajouter des charges de 100, 200, 300, 500 mégawatts, qui ne sont pas
uniformément distribuées dans l'ensemble du Québec et qui
sont plutôt concentrées là où il y a des industries,
risquait de poser certains problèmes de distribution. Effectivement,
dans la région de Trois-Rivières, on a été
obligé de poser des postes temporaires au niveau de la distribution et,
avant de se heurter à un problème trop considérable au
niveau de la distribution, on s'est dit: On va regarder cela de plus
près.
De plus, l'évolution - évidemment on se place en janvier,
février, mars - exacte de la demande de 1983 n'était pas
complètement connue, même si on avait les résultats de
janvier et l'hypothèse de février. L'affaissement du premier
trimestre par rapport au premier trimestre 1982 a été plus
considérable que celui prévu. C'est évident
qu'actuellement, comme je vous l'ai dit, on songe sérieusement à
remettre en marche un programme équivalent ou le même programme,
parce qu'il nous semble indispensable de poursuivre. D'ailleurs, on a beaucoup
de demandes des industriels à ce propos et même des institutions.
Donc, actuellement, on songe sérieusement à le remettre en
marche.
M. Fortier: Vous avez indiqué que, dans certaines
régions, il y avait peut-être des problèmes techniques.
J'imagine que dans d'autres régions, ce n'était pas le cas. Vous
auriez pu décider de continuer le programme dans les régions,
techniquement parlant...
M. Coulombe: On butait contre un problème de nature
juridique que je n'oserai même pas essayer de définir tant il
semble compliqué. C'était le problème de la discrimination
chez les abonnés d'Hydro-Québec. La question d'aller dans des
régions et de ne pas aller dans d'autres posait et pose encore des
problèmes juridiques considérables. On voit très bien
comment certains industriels auraient pu nous dire: Écoutez, si vous ne
pouvez pas aller dans tel coin, pourquoi eux sont avantagés et pas nous?
Cela posait et pose encore, d'ailleurs, certains problèmes de nature non
pas de distribution d'électricité, mais carrément
juridique.
M. Fortier: Se pourrait-il qu'il y ait eu d'autres contraintes
comme toute la conciliation de la pénétration du gaz et des
ventes d'électricité? Malheureusement, on n'a pas eu l'occasion
de continuer le débat en commission parlementaire. Je dirais au ministre
que c'est le premier ministre lui-même qui a dit qu'il avait choisi la
mauvaise commission parlementaire ou le mauvais véhicule pour discuter
de ce genre de problème. C'est le gouvernement lui-même qui a
décidé de choisir la commission parlementaire de l'énergie
et des ressources et d'arrêter celle qui était en cours.
Mais se pourrait-il que, justement, dans un effort de conciliation entre
cet effort de pénétration du gaz et des ventes
d'électricité, vous ayez été obligés de
prendre ce facteur en considération? Quelle est votre attitude
vis-à-vis de cela, puisqu'il n'y a pas de "guide lines"? Je crois que le
ministre a indiqué lui-même qu'il ne voulait pas arbitrer les deux
pénétrations. Mais dans quelle mesure ces pressions vous
empêchent-elles de promouvoir les différents programmes que vous
voudriez mettre de l'avant pour vendre les surplus d'électricité
qui existent présentement?
M. Coulombe: Je pense, d'abord, que la décision de
suspendre temporairement le programme a été la décision
d'Hydro-Québec, mais c'est évident que l'harmonisation de la
pénétration du gaz et de la vente des surplus
d'électricité posent un problème au Québec,
à Hydro-Québec, au gouvernement et à l'ensemble de la
population. Donc, je pense qu'on ne se cache pas le problème. Il est
là. Il y a un problème d'harmonisation. La politique
gouvernementale est claire pour dire que le gaz pénètre. C'est
d'ailleurs ce qu'il fait. D'après les résultats qu'on peut voir
dans les journaux ou d'après les annonces de Gaz Inter-Cité ou de
Gaz Métropolitain, cela semble aller très bien.
Donc, vis-à-vis de cette politique, il est évident qu'il y
a un problème actuel et potentiel de - je ne dirais pas de conflit -mais
d'harmonisation entre le fait imprévu, il y a quelques années,
d'énormes surplus à Hydro-Québec et le fait, aussi, de
surplus considérables de gaz au Canada, sans parler de la baisse du prix
du pétrole et du surplus de mazout lourd. Mettez tous ces
phénomènes ensemble, il est évident que la scène
énergétique est relativement complexe à l'heure
actuelle.
Par contre, les programmes de bi-énergie qu'on a proposés
ont été acceptés par le gouvernement et il semblerait que
les programmes qu'on a proposés à l'heure actuelle
reçoivent une attention toute particulière de la part du
gouvernement. On a bon espoir que des programmes précis pourront
être mis en oeuvre très prochainement, non seulement pour
écouler les surplus, mais pour augmenter les ventes
d'Hydro-Québec.
M. Fortier: Si j'ai bien compris, les programmes que vous avez
mis au point ont déjà été présentés
au gouvernement...
M. Coulombe: Ils sont à l'étude actuellement.
M. Fortier: Ils sont à l'étude présentement.
Dans votre esprit, une suite devrait être donnée à ces
demandes dans un avenir très rapproché. Est-ce que vous vous
êtes fixé un objectif vous-même? Le plut tôt possible,
j'imagine, est l'objectif que vous poursuivez?
M. Coulombe: Le plus tôt possible suivant les contraintes
normales de décision dans un gouvernement.
M. Bourbeau (Joseph): S'il vous plaît, j'aurais quelque
chose à ajouter! M. Coulombe a parlé de
réévaluation du programme selon les résultats qu'on avait.
J'ai ici, depuis le mois de janvier, ce qui s'est passé dans le secteur
industriel. Au mois de mai, c'est la première fois depuis 24 mois que le
mois de mai présente un bilan positif comparativement au même mois
de l'année précédente. Alors qu'au mois de janvier, on
était en perte de vitesse de 24% - les mois de mars et avril ont
montré une perte de vitesse de 5% - voici qu'au mois de mai on passe du
côté positif. La réévaluation du programme des
chaudières s'inscrit justement dans les résultats que nous avons
sur les ventes régulières à Hydro-Québec. (12 h
30)
M. Fortier: Qu'est-ce que vous voulez dire par bilan positif?
Vous parlez du bilan financier?
M. Bourbeau (Joseph): C'est qu'au mois de mai, au secteur
industriel on a vendu 1,4% de plus que durant le mois de mai 1982.
M. Fortier: Je crois qu'une des raisons pour laquelle la demande
a baissé considérablement en 1982, c'était la faiblesse de
la consommation électrique dans l'industrie.
M. Bourbeau (Joseph): C'est exact.
M. Fortier: Pourriez-vous nous donner un tableau des secteurs,
parce que j'imagine que vous avez dû faire une étude
systématique de cet affaissement de la consommation électrique?
Quelles sont les conclusions de l'analyse qui a été faite
à ce sujet, par secteur d'industrie?
M. Coulombe: Dans le secteur industriel, évidemment, il
faut distinguer deux grandes catégories. Le secteur industriel comporte
environ 11 000 clients, mais il faut bien penser, et c'est souvent
sous-estimé, que parmi ces 11 000 clients, il n'y en a que 189 ou 190
qui sont en haut de 5 mégawatts.
Donc, une très faible partie, en termes de nombre de clients,
représente la grande majorité des ventes à l'industriel
parce que les 10 000 autres clients utilisent beaucoup moins
d'électricité. Donc, une variation dans l'activité
économique au niveau de ces 190 clients a une énorme
conséquence sur les chiffres de vente.
Si vous prenez, par exemple, le secteur forestier des pâtes et
papier qui, d'une utilisation de sa capacité de production historique de
93, 94 et 95, est rendu actuellement à 81, c'est évident que cela
a un impact direct, le secteur forestier étant le plus gros client
d'Hydro-Québec en termes industriels, sur nos ventes.
Le secteur des mines et métaux. Quand on songe à la
position de l'Iron Ore, la position de SIDBEC qui a baissé
considérablement certaines de ses activités, QIT qui a
d'énormes difficultés de vente au niveau international, ce sont
les plus gros clients d'Hydro-Québec et ils ont été
frappés de plein fouet par la crise économique.
Donc, à cause de la structure industrielle du Québec
où très peu de clients représentent au-delà de 60%
de nos ventes industrielles, c'est évident que, si un ou deux secteurs
vont mal, les ventes s'en ressentent immédiatement. L'explication de
base: C'est surtout le secteur forestier et le secteur des mines qui expliquent
la baisse dans le secteur industriel.
M. Fortier: Avant de penser à exporter, j'imagine que,
dans un premier temps, c'est de maximiser la consommation électrique ici
même...
M. Coulombe: C'est exact.
M. Fortier: ...dans le secteur industriel et par la recherche et
le développement qui pourraient amener des nouveaux
procédés utilisant de l'électricité. Vous avez
dû prendre connaissance du mémoire de l'Association
québécoise des consommateurs industriels
d'électricité.
M. Coulombe: Oui.
M. Fortier: Ces gens, justement, représentent 63
abonnements qui représentaient 1700 mégawatts. Ce qui ressort
d'une façon très forte de ce mémoire, c'est non seulement
que, bien sûr, ils aimeraient à avoir leur mot à dire dans
les tarifs, mais que ce sont surtout les variations annuelles des tarifs qui
semblent être un préjudice. Ils s'insurgent contre le fait
qu'après avoir signé un contrat avec Hydro-Québec,
Hydro-Québec peut obtenir une augmentation de tarif sans qu'eux aient
leur mot à dire.
Il semblerait que, si l'on veut favoriser
la consommation d'énergie électrique dans l'industrie, il
faut arriver avec des politiques qui permettent à l'industrie de voir
à plus long terme quelles vont être les augmentations.
C'est tellement vrai que, dans le cas de Reynolds et dans le cas de
Pechiney, il y a eu des ententes spécifiques qui ont été
signées qui permettaient justement à ces industries de savoir
où elles allaient. Autrement dit, ce que l'industrie veut, c'est non
seulement uniquement des bons tarifs pour une année donnée, mais
de savoir quelle est la "trend".
À ce sujet, Hydro-Québec a eu l'amabilité de me
faire parvenir une comparaison des tarifs avec l'Ontario. Si on compare les
tarifs entre l'Ontario et le Québec, tarifs grande puissance, compte
tenu de tout l'ensemble de la tarification en ce qui concerne les frais pour
l'appel maximal et la consommation électrique, depuis cinq ou six ans la
différence qui existait entre l'Ontario et le Québec s'est
amenuisée considérablement. Dans le moment, on parle d'une
différence d'environ 12,5%. Je suis d'accord avec le ministre que cela
varie d'une industrie à l'autre. À ce moment-là, comme de
raison, je conçois que présentement vous ayez des surplus et que
les politiques que vous allez mettre de l'avant doivent s'insérer
à l'intérieur d'une politique à plus long terme
également. J'aimerais que vous m'en parliez un peu, puisque, bien
sûr, ces politiques peuvent être uniquement pour le temps durant
lequel vous allez avoir des surplus et peut-être que c'est de bonne
guerre d'en profiter le plus possible. Mais j'imagine que les autres genres
d'industries vont vouloir savoir quelles sont les politiques
d'Hydro-Québec à plus long terme. Elles aiment bien
bénéficier d'un tarif spécial pendant trois ou quatre ans.
Je crois que vous leur avez d'ailleurs donné cette garantie en ce qui
concerne les surplus temporaires d'Hydro-Québec.
Ma question s'inscrit dans une situation où il n'y aurait pas de
surplus, du moins de l'ordre de ceux que vous connaissez dans le moment. Est-ce
que vous avez mis au point une politique tarifaire pour encourager la
consommation électrique au Québec, politique qui prenne en
considération les voeux qui ont été exprimés par
l'industrie québécoise qui est présentement ici et qui se
plaint du fait que les augmentations ont été substantielles, sans
qu'elles aient eu un mot à dire? Par ailleurs, elles voudraient en
savoir davantage sur les intentions d'Hydro-Québec à plus long
terme.
M. Bourbeau (Joseph): Avant de passer la parole à M.
Coulombe qui pourra vous fournir plus de détails... Vous avez
soulevé le cas d'Hydro-Ontario et d'Hydro-Québec et vous trouvez
que la différence s'amenuise dans les tarifs à la grande
puissance. Vous avez raison, mais il faut revenir en arrière. Vous vous
souviendrez qu'en 1976-1977 Hydro-Ontario a eu des hausses de tarifs qui se
situaient à 33% et 30%, alors qu'à ce moment-là, nous, on
avait des hausses de tarifs de beaucoup inférieures. Évidemment,
la différence entre les tarifs de grande puissance d'Hydro-Québec
et ceux d'Hydro-Ontario était assez grande. Il y a deux ans, on a
demandé une hausse de tarif de 16%, alors qu'Hydro-Ontario se
prévalait d'une hausse de tarif beaucoup moindre. C'est pour cela que
vous voyez que des tarifs à la grande puissance commencent à
s'amenuiser. L'an dernier, la hausse de tarif a été de 7,3% et ce
fut une hausse de tarif générale acceptée, si on regarde
le rattrapage au secteur industriel. Hydro-Ontario a commencé à
avoir une hausse de tarif de 8,9% l'an dernier. Je ne serais pas surpris si,
dans les années qui viennent, on voyait Hydro-Ontario avoir des hausses
de tarifs qui soient de beaucoup supérieures à celles qu'on aura
ici au Québec. Je pense que c'est une condition qui est temporaire
actuellement. On a une différence qui s'amenuise, mais on devrait voir
une différence dans les tarifs industriels qui aille grandissant.
Vous parlez aussi des tarifs pour la grande puissance ici au
Québec, mais il y a un historique à cela. Remarquez bien que,
lorsqu'on est arrivé à la nationalisation en 1963, chaque
industrie avait quasiment son propre tarif et on a commencé à
faire la normalisation des tarifs. Au fur et à mesure que les
années s'échelonnent, c'est justement cette normalisation qui
touche - comme on l'a vu l'an dernier - certaines industries et qui demande des
augmentations assez substantielles. Mais, une fois qu'on aura fait cette
normalisation, les industries devraient connaître des augmentations d'ici
quelques années qui ne devraient pas être substantielles. Je
cède la parole à M. Coulombe.
M. Coulombe: L'un des points que les industriels nous demandent
à grande force -et on vous avoue qu'on est en partie d'accord avec eux -
c'est le fait que les tarifs viennent un peu tard dans l'année pour leur
planification budgétaire de l'année suivante ou des années
suivantes. On est en discussion actuellement avec le gouvernement pour essayer
de modifier un peu cette coutume pour que les industriels et même les
petits ou grands commerces aient un peu plus de temps pour voir l'effet des
tarifs sur leur bilan et sur leurs affaires.
Donc, il y aurait lieu de songer à ce que les tarifs soient
approuvés un peu plus rapidement dans l'année. Mais cela,
évidemment, c'est à court terme, c'est pour l'année
suivante. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, sauf qu'un
peu plus
tôt, cela veut dire l'été, mais l'été,
il ne se passe pas grand-chose. Alors, il y a plusieurs problèmes
très mécaniques, mais on est d'accord qu'il faudra faire un
effort pour que les industriels soient au courant un peu plus tôt des
tarifs d'Hydro-Québec.
Quant aux tarifs à long terme, je pense que les industriels sont
dans la même position qu'Hydro-Québec. Nous-mêmes, dans la
planification de nos achats - et Hydro-Québec représente un
pouvoir d'achat assez considérable - nous aimerions beaucoup que les
industriels nous garantissent des prix. On aimerait beaucoup que les tarifs ou
les services rendus soient planifiés sur plusieurs années
à des prix précis. Cela simplifierait passablement la vie
d'Hydro-Québec. On sait que ce n'est pas possible. On pense que des
tarifs prévus d'avance sur plusieurs années peuvent être
extrêmement dangereux et pour Hydro-Québec et pour les
industriels. Si on examine les variations dans les taux d'intérêt,
dans l'inflation, etc., on pense que c'est un jeu qui pourrait causer beaucoup
plus de problèmes qu'autre chose.
Quant à l'évolution même de ces tarifs, je pense que
M. Bourbeau a bien exprimé qu'Hydro-Québec peut influencer les
tarifs de plusieurs façons. Une des façons est d'agir sur ses
propres dépenses. Là-dessus, si vous avez examiné le
rapport annuel, HydroQuébec est particulièrement fière,
cette année, de pouvoir dire que le rythme de ses dépenses,
à un taux historique de 23% ou 24%, est passé à 11% en
1982. Cela influence directement ses revenus et cela influence directement la
capacité de hausser les tarifs au minimum. Le pourcentage de 7,3% de
1983 est quand même un effort en ce sens, qu'on entend continuer.
Quant à la tarification industrielle comme telle, M. Bourbeau a
très bien expliqué que, historiquement, il y a un
rééquilibre qu'il faut faire entre les différents secteurs
industriels et il y a des situations historiques qu'il faut absolument corriger
ainsi que des rattrapages à faire. Il y a aussi une stabilisation de la
grande puissance qu'il faudra effectuer.
M. Fortier: Vous avez eu des demandes et, présentement,
vous y avez répondu pour Pechiney, pour Reynolds... D'autres industries
disent qu'elles aussi veulent en bénéficier.
M. Coulombe: Oui.
M. Fortier: Si vous allez dans cette direction, vous allez
créer des négociations à la pièce. Dans quelle
direction vous dirigez-vous? Préférez-vous avoir un tarif normal
applicable à toute industrie? Hier, le président de la SGF, qui
venait défendre le dossier Pechiney, a répondu à certaines
questions. J'ai l'impression qu'il n'a peut-être pas dit l'exacte
vérité, quoiqu'il nous ait dit:
Le président d'Hydro-Québec sera ici demain, posez-lui la
question. Il a dit que les industries négociaient à la
pièce ou que chaque industrie avait des contrats spécifiques.
Peut-être que vous pourriez corriger ce que je crois être une
mauvaise information. Parmi celles qui bénéficient du tarif
grande puissance, combien d'industries ont un contrat standard et combien ont
un contrat spécial? Par contrat spécial, je pense au genre de
celui de Pechiney ou à celui de Reynolds. Il y avait CIL à
Bécancour. Quelle est votre politique là-dessus? Est-ce que, dans
les programmes que vous avez soumis, vous pensez favoriser une tarification qui
ne serait pas standard pour différents types d'industries et qui
créerait une situation semblable à celle qui existait, il y a
quelques années, alors que des municipalités donnaient des
exemptions de taxes et d'autres n'en donnaient pas. Finalement, on se
retrouvait dans une situation très difficile à gérer.
J'aimerais savoir quelle est la politique d'Hydro-Québec, à ce
sujet.
M. Bourbeau (Joseph): La politique est bien établie depuis
un bon nombre d'années à Hydro-Québec. On veut normaliser
les tarifs à la grande entreprise. On a commencé dès la
nationalisation de 1963. Vers 1966 ou 1967, on a commencé cette vague de
normalisation des tarifs à la grande entreprise. On se trouvait devant
des cas un peu loufoques: avoir une industrie dans un secteur
d'activités qui était localisée à un endroit dans
la province où son concurrent avait un autre tarif. C'est cette
normalisation et c'est notre politique. On se retrouve dans un contexte un peu
différent depuis un an, un an et demi, où on a des surplus et on
essaie d'inciter l'économie à reprendre le plus possible. Notre
politique est tellement ancrée dans Hydro-Québec qu'on veut
encore s'en tenir aux tarifs normalisés. Ce qu'on fera, c'est qu'on
maintiendra le tarif normalisé tout en acceptant que certains rabais
puissent être consentis à des industries pour les aider à
repartir. (12 h 45)
Je crois que cela brosse un peu notre pensée, notre politique. Il
y a des programmes qui vont être mis en marche sous peu et dans lesquels
on verra... Il y a eu le cas de Pechiney, il y a eu le cas de Reynolds qui ont
été de grandes industries, avec un poids très lourd dans
l'économie, mais il y a d'autres programmes qui vont être mis en
marche tout en respectant le tarif normalisé où on pourra avoir
des rabais.
M. Coulombe.
M. Coulombe: Je crois que cela exprime clairement la politique.
Il faut distinguer ce qui était historique, c'est-à-dire qu'il y
a un poids historique à plusieurs contrats qui sont en train
d'être normalisés,
d'être rendus aux tarifs objectifs d'Hydro-Québec; c'est
une démarche. Parallèlement à cela, les programmes
industriels, dans la mesure où ils sont acceptés, ne joueront pas
sur les tarifs d'Hydro-Québec. On ne jouera pas avec les tarifs. Il y a
trois exceptions, au moment où on se parle, qui sont trois bons clients,
qui sont dans une classe à part. Il y a Pechiney, Reynolds et QIT qui
sont les trois plus gros clients individuels et qui, à la connaissance
de tous, ont des conditions particulières dues à l'ampleur de ces
clients. En ce qui concerne tous les autres clients, les programmes qui
s'adresseront à eux ne joueront pas sur les tarifs mais sur d'autres
types de procédure qui vont être temporaires. On ne veut pas
recommencer l'histoire en jouant sur les tarifs.
M. Fortier: Avant la loi 16, dans la Loi sur
l'Hydro-Québec, il y avait un article qui disait qu'Hydro-Québec
doit établir le tarif applicable à chaque catégorie
d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette
catégorie. Lors de la soumission par HydroQuébec de la demande
d'augmentation, il y avait une information qui nous avait été
donnée qu'à ce moment la proportion du revenu/coût
était pour le secteur domestique de 0,91 et pour la grande industrie, de
0,82. Dans la nouvelle loi, vous proposez qu'Hydro-Québec fixe des
catégories - je n'ai pas l'article de loi devant moi - d'abonnement.
Est-ce que l'intention est de se rapprocher de ce qui existait avant pour que
chaque catégorie acquitte ses coûts ou si ce sont simplement des
tarifs d'abonnement tarifaire qui n'ont aucune relation avec le coût que
peut engendrer telle catégorie d'abonnement par rapport à une
autre?
M. Bourbeau (Joseph): Je pense que vous avez raison. On a trois
grandes catégories à Hydro-Québec: le secteur domestique
agricole, le secteur commercial et le secteur industriel.
Je pense qu'on avait dit il y a deux ans, lors des hausses de tarif, que
certaines catégories faisaient leur coût tandis que certaines
autres catégories ne faisaient pas leur coût. C'est dans ce
réaménagement tarifaire qu'on est en train de regarder la
possibilité de ramener chacune des catégories à faire son
coût. C'est une des raisons pour laquelle, au secteur industriel
où il y avait des coûts très bas... C'est justement ce
rattrapage qu'on est en train de faire au secteur industriel. Maintenant, c'est
un rattrapage qui va se faire dans le secteur domestique et dans le secteur
industriel qui ont des coûts plus bas que le prix de revient, mais qui se
fait sur une longue échéance. Le secteur commercial est un
secteur qui a des coûts plus élevés que le prix de revient
et c'est ce réajustement qu'on est en train de faire, qui a
été commencé il y a bon nombre d'années, mais qui
va s'échelonner encore sur un certain nombre d'années.
M. Fortier: Pour quelle raison cela a-t-il été
enlevé de la loi? Ce n'est plus dans la loi. Vous me dites que c'est un
objectif d'Hydro-Québec.
M. Coulombe: Non, je pense que la raison précise... Je
demanderais à M. Legault d'expliquer exactement le changement entre les
deux articles.
Le Président (M. Desbiens): M. Legault.
M. Bourbeau (Joseph): M. Legault est l'avocat en chef adjoint
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Desbiens): Le chef adjoint
d'Hydro-Québec. M. Legault. Chef du contentieux?
Une voix: Voici...
M. Coulombe: Voulez-vous préciser, s'il vous
plaît?
M. Bourbeau (Joseph): Oui, oui. Avocat en chef adjoint
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Desbiens): Merci. C'est pour le journal
des Débats.
M. Legault (Gilles): M. le Président, l'amendement
proposé ne vise pas tellement à des changements de politiques qui
pourraient être adoptées dans le domaine de la tarification. Ceci
est une question technique qu'Hydro-Québec développe et propose
au gouvernement, et il y a les approbations prévues.
L'amendement a comme objectif de ne pas maintenir dans le texte de la
Loi sur Hydro-Québec des éléments plus restrictifs que ce
que la réalité établit comme étant la façon
normale d'établir les tarifs. Ce que je veux dire, c'est que lorsque,
par exemple, dans la loi - c'est là peut-être le principal
changement - on parlait de catégories d'usagers, les tarifs
d'Hydro-Québec ne sont pas déterminés et n'ont jamais
été déterminés uniquement en fonction de la
catégorie d'usagers. Si, par exemple, on donne à ce sens une
catégorie d'usagers industriels et même de tel type d'industrie,
il y a des classifications qui sont faites par la puissance qui est
consommée. On peut avoir des usagers de différentes
catégories qui entrent dans une consommation à une puissance
donnée de telle sorte que les termes utilisés dans l'article 22
ne correspondaient pas vraiment à ce qui était possible et
à ce qui se faisait techniquement dans l'établissement des
tarifs.
M. Fortier: Oui, mais vous comprendrez avec moi qu'il peut y
avoir même des pressions politiques pour favoriser le tarif domestique et
pénaliser le tarif industriel. J'aurais cru que c'était
plutôt une protection d'Hydro-Québec vis-à-vis de qui que
ce soit qui est en politique. Mais ce que vous me dites, c'est que vous
cherchez quand même à atteindre cet objectif même si la loi
ne vous en fait pas un impératif.
M. Legault: En fait, les objectifs de tarification doivent
être basés sur des éléments objectifs
d'opportunité de solutions idéales vis-a-vis de l'ensemble des
abonnés d'Hydro-Québec. Ils ne doivent pas exister en fonction de
textes qui pourraient même empêcher l'atteinte des objectifs. C'est
vraiment dans l'analyse de la tarification proposée par
Hydro-Québec qu'on retrouve la chance de le faire de telle et telle
façon, mais non pas avec un texte qui pourrait empêcher même
et qui effectivement, dans le passé, a démontré que la
tarification ne pouvait se faire uniquement suivant les termes qui
étaient là. Ce n'était pas pensable de faire une
tarification uniquement en fonction des catégories d'usagers.
M. Fortier: J'aimerais revenir à un autre débat qui
a trait aux auditions publiques.
Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse, si vous changez
de sujet... M. le ministre, est-ce que c'était sur le même sujet?
Vous avez demandé la parole? Non? C'est très bien, d'accord.
M. Fortier: Vous avez dit tout à l'heure que les
industriels auraient aimé connaître plus tôt dans
l'année l'augmentation de tarif à laquelle ils seraient
assujettis. Par ailleurs, je lis leur mémoire: "Le coût
d'électricité étant devenu un coût
d'opération important, nous préconisons qu'une tierce partie soit
désignée apte à entendre les représentations
d'Hydro-Québec et des consommateurs sur des questions telles que
l'élaboration des tarifs, l'élaboration des contrats,
l'interprétation des contrats, l'allocation des coûts de
production et d'électricité entre les diverses catégories
de consommateurs." On sait que, dans le domaine du gaz, ceci existe
déjà, à un point tel d'ailleurs que, quelle que soit la
régie, que ce soit en Ontario ou au Québec, certains types de
dépenses ne sont pas reconnus. On sait que présentement...
D'ailleurs, en ce qui concerne Bell Canada, il y a eu de ces débats qui
ont eu lieu pour savoir si les contrats d'exportation de Bell Canada ou les
dépenses qui sont engendrées par ce genre de développement
devraient être inclus dans les dépenses de Bell Canada en
particulier.
On sait qu'Hydro-Québec présentement s'en va un peu dans
la même direction, d'une part pour susciter le développement
économique pour, l'exportation et d'autre part pour la recherche et le
développement mais il reste que les consommateurs n'ont pas un mot
à dire. Ils ne peuvent pas d'ailleurs, avec l'information qui leur est
donnée, faire une évaluation très précise du genre
de dépenses, du type de dépenses et poser des questions comme ils
peuvent le faire en Ontario, comme ils peuvent le faire au Québec, dans
le domaine du gaz.
Je sais par ailleurs que, si on allait vers des auditions publiques,
ceci augmenterait le temps qui serait assumé par ce genre
d'activité, mais cela permettrait, et à des individus et à
des associations d'entreprises et à des entreprises, de faire valoir
leur point de vue et d'engendrer un débat public auquel, à mon
avis, on ne peut pas échapper. J'aimerais savoir quelle est votre
opinion à ce sujet. Vous connaissez la façon dont on
procède présentement devant une commission parlementaire
où des députés, avec des préoccupations
plutôt politiques, posent des questions sur les augmentations de tarif.
On pourrait se poser la question, à savoir si un forum un peu plus
indépendant comme la Régie de l'électricité et du
gaz ne serait pas un forum beaucoup plus approprié. Je sais que le
gouvernement a pensé à abolir la Régie de
l'électricité et du gaz l'an dernier jusqu'à ce qu'il
s'aperçoive qu'il perdrait des revenus s'il l'abolissait. Il semble
maintenant qu'il ait décidé de conserver la régie. Il se
demande quoi faire avec elle, mais avant qu'il le décide, j'aimerais
savoir des gens d'Hydro-Québec s'ils favorisent les auditions publiques
pour permettre aux consommateurs d'Hydro-Québec de faire connaître
leur point de vue. Si Hydro-Québec a un point de vue là-dessus,
quels sont les éléments du forum ou les critères qu'ils
aimeraient y voir inclus?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je crois devoir faire une question de
règlement, mais, de toute évidence, il s'agit d'un sujet que je
qualifierais de politique. Je ne crois pas qu'il appartienne à
Hydro-Québec d'avoir à répondre sur ce sujet. La position
du gouvernement est très bien connue. Nous avons eu l'occasion de
l'expliciter presque à répétition au cours des
dernières années à chacune des commissions parlementaires
qui avait le mandat d'étudier la proposition tarifaire
d'Hydro-Québec. Le gouvernement n'a pas l'intention, dans
l'immédiat, de changer cette formule. Quand on mentionne que la
population n'a rien à dire, je m'excuse, mais j'ai également
l'impression, de temps en temps, de parler au nom de ceux qui m'ont élu
dans mon propre comté,
en tenant pour acquis que ceux qui sont en face de moi me parlent aussi
avec un mandat de leurs électeurs.
M. le Président, ce sujet-là n'est pas du ressort des
travaux de cette commission. C'est un sujet politique. Si le
député d'Outremont veut en parler dans un autre forum, je pense
qu'on aura l'occasion de le faire.
M. Fortier: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je crois qu'au contraire, je désire faire
valoir que ce sujet est tout à fait pertinent aux travaux de la
commission puisqu'on est en train de faire de la société
Hydro-Québec une société commerciale et que les gens qui
vont diriger cette société commerciale vont prendre des
décisions commerciales pour favoriser le développement financier
et commercial d'Hydro-Québec. La question qu'on doit se poser, c'est:
Vis-à-vis de ce pouvoir et de cette mission modifiés
d'Hydro-Québec et compte tenu des modifications de la mission
d'Hydro-Québec faites dans le passé, et maintenant on accentue
cette mission commerciale, qui va protéger les intérêts des
consommateurs? Il y a eu des représentations de faites par les
industriels et par des individus. Le ministre peut bien vouloir mettre le
problème en dessous du tapis, le problème reste là. Je
crois que c'est un problème tout à fait évident.
En ce qui concerne les modifications à la Loi sur
l'Hydro-Québec, nous avons l'intention de proposer des amendements qui
seront débattus en Chambre à ce sujet. Vous le saurez lorsque
nous serons rendus à l'étude du projet de loi comme tel que les
remarques que je fais aujourd'hui sont tout à fait pertinentes. Mais si
le ministre empêche Hydro-Québec de s'exprimer là-dessus,
on s'aperçoit jusqu'à quel point le débat
démocratique est protégé, mais j'aurais quand même
voulu entendre la direction d'Hydro-Québec, à savoir dans quelle
mesure un tel débat public, indépendamment de la décision
politique qui pourrait être prise, pourrait avoir un impact sur les
activités d'Hydro-Québec en ce qui concerne la
présentation et le temps qui serait pris pour se présenter
à des auditions publiques et pour, justement, accélérer le
processus dont on parlait tout à l'heure.
Le Président (M. Desbiens): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Je n'ai qu'une remarque à faire
là-dessus. La semaine dernière, je suis allé à
Toronto et j'ai eu un dîner à la table du premier ministre de
l'Ontario et du président d'Hydro-Ontario. On a discuté de cette
question de passer par une régie pour la tarification. À l'heure
actuelle, Hydro-Ontario a déjà commencé ses auditions
devant la régie, le Ontario Energy Board, pour ses hausses de tarif de
1984. Vous pouvez voir dans quelle position se trouve Hydro-Ontario, parce
qu'elle ne connaît pas encore ses besoins réels. Elle est
obligée de s'en aller devant une commission et de demander une hausse de
tarif. Le premier ministre de l'Ontario m'a demandé comment se faisaient
ou se débattaient ici les hausses de tarif et j'ai dit: devant une
commission parlementaire. Il m'a demandé combien de temps on avait
passé, j'ai dit qu'on avait passé trois jours. La
réponse...
M. Fortier: II voudrait revenir au système.
M. Bourbeau (Joseph): La réponse a été: "How
lucky your are!"
M. Fartien Oui, sûrement.
M. Bourbeau (Joseph): Je crois qu'on reviendra ici à
l'automne avec des hausses de tarif, mais on aura derrière nous les
dernières informations qui nous permettront de demander une hausse de
tarif taillée sur mesure.
M. Fortier: Mais quand même, M. le Président, il y a
une question que j'aimerais poser. Lors de la dernière augmentation des
tarifs, j'avais exprimé le voeu que l'information financière qui
nous est donnée soit un peu plus articulée et aille un peu plus
en profondeur. Vous conviendrez que, si on reste avec le système que
nous avons présentement, le détail d'information qui nous est
donné - en tout cas, en ce qui me concerne - n'est pas satisfaisant.
Dans un esprit démocratique, comme le souligne le ministre, au moins, si
on reste avec le système qu'on a là, j'ose espérer que le
détail d'information soit un peu plus approfondi que celui qu'on a eu
jusqu'à maintenant. Pour ma part, je déplore que le genre
d'information qu'on a eu n'ait pas été suffisant pour nous
permettre de porter un jugement précis sur l'impact des finances
d'Hydro-Québec et sur l'impact économique qu'une telle
augmentation pourrait avoir sur l'économie du Québec.
Le Président (M. Desbiens): M.
Bourbeau, une brève réponse.
M. Bourbeau (Joseph): Très brève. M. le
député d'Outremont parle du mémoire présenté
par les manufacturiers. Tout ce que je peux lui dire, c'est que la semaine
dernière, il y a dix jours, on a accepté un
contrat d'une industrie ici, au Québec, avec un tarif qui a fait
fermer une usine aux États-Unis. Les manufacturiers peuvent venir avec
de très beaux mémoires devant des commissions en disant, non pas
qu'ils sont maltraités, mais qu'ils n'ont pas voix au chapitre, vous
pouvez vous apercevoir que les industries viennent parler à
Hydro-Québec; elles ont voix au chapitre et on répond à
leurs attentes. C'est de cette façon qu'on a été capable
d'améliorer l'économie ici au Québec.
Le Président (M. Desbiens): 11 est 13 heures. La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures. Veuillez noter, s'il vous plaît,
que nous siégerons à la salle 91-À, à l'autre
extrémité du corridor.
(Suspension de la séance à 13 h 02)
(Reprise de la séance à 15 h 14)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît'.
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources poursuit ses travaux afin d'entendre les personnes
d'Hydro-Québec au sujet du projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi sur
l'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie
électrique.
M. le ministre, est-ce que vous auriez des questions à poser? On
avait laissé la parole au député d'Outremont à la
fin de la séance de cet avant-midi.
M. le ministre.
M. Duhairne: Aviez-vous fini, M. le député?
M. Fortier: Non, il me restait deux ou trois points.
M. Duhaime: Alors, allez-y.
Le Président (M. Champagne): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, la commission parlementaire
va entendre Hydro-Québec avant la deuxième lecture, pour nous
permettre d'être mieux éclairés sur les modifications
à apporter à la Loi sur l'Hydro-Québec. Ce matin, on a
parlé de développement économique au Québec et des
tarifs industriels. Si on en a parlé, c'est bien sûr que,
lorsqu'on a des surplus d'énergie électrique, dans un premier
temps, la priorité, c'est de les écouler au Québec de la
façon qui pourrait en même temps créer du
développement économique et satisfaire aux besoins du
Québec.
J'aimerais, très brièvement, aborder un problème.
Lors d'une commission parlementaire de l'automne dernier, j'avais posé
une question qui peut paraître hypothétique, mais je la
considérais essentielle afin de rassurer la population et les
parlementaires. C'était dû au fait que lorsque le jugement de la
Cour suprême sera entendu au sujet du litige avec Terre-Neuve, j'avais
posé la question à savoir, compte tenu de nos surplus, compte
tenu des besoins du Québec et des contrats qu'Hydro-Québec a avec
les États-Unis, s'il était possible de satisfaire aux besoins du
Québec, du moins pendant un certain temps si, par malheur, le
gouvernement de Terre-Neuve décidait de couper le courant au
Québec. La réponse que vous m'aviez donnée à ce
moment-là, c'est que ce serait assez serré, mais que pendant un
certain temps, le Québec pourrait faire face à une situation
comme celle-là. Depuis ce temps-là, il semble y avoir certains
problèmes techniques sur les lignes de transport d'Hydro-Québec
et j'aimerais que vous me précisiez la nature de ces problèmes et
les moyens qui ont été mis en oeuvre à Hydro-Québec
pour les régler. Il semble que les lignes de transport d'énergie
en provenance de la Baie-James souffriraient d'un handicap qui pourrait
diminuer la capacité de transport d'un certain pourcentage, de 10% ou
15%. Sans aller au fond des problèmes techniques, j'aimerais
connaître la nature des problèmes et les moyens
qu'Hydro-Québec a mis en oeuvre. Et est-ce bien vrai que, en ce faisant,
s'il y a des problèmes techniques ceci diminuerait l'assurance que vous
aviez, l'automne dernier, que vous pourriez satisfaire aux besoins si,
d'aventure, M. Peckford se permettait d'être intransigeant?
Le Président (M. Desbiens): M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): II est vrai qu'on a certains
problèmes sur le réseau de transport de la Baie-James. Ce sont
des problèmes techniques. Des groupes à l'étude sont en
train d'examiner les solutions à apporter pour être capable de
transiter toute la puissance de La Grande à Montréal.
Dans l'immédiat, il n'y a pas de problème parce qu'on a
les trois lignes et on n'a pas le développement complet de LG 3 et LG 4.
La situation serait délicate si on avait 10 000 mégawatts
à transporter de la Baie-James à Montréal. Or ceci nous
place dans un contexte de 1985 et, là, je reviens à votre
question qui est une hypothèse: si, aujourd'hui, on avait une coupure
d'alimentation de Churchill. On a des surplus, mais ce problème de
transit de puissance sur les lignes de la Baie-James... On a trois lignes
à la Baie-James.
Les solutions ne sont pas encore connues à Hydro-Québec.
Je crois que, d'ici
deux ou trois mois, on devrait avoir la solution à notre
problème. Il y aura certainement des modifications à faire au
réseau de transport de la Baie-James, mais, là, je ne peux pas
vous dire quelle est la nature de ces modifications qu'il faudra apporter au
réseau de la Baie-James.
On parle de compensation-série au lieu de compensation-shunt on
parle d'être capable d'obtenir d'autres lignes, de changer du
matériel et d'en mettre d'autre. Quoi qu'il en soit, c'est dans quelques
mois qu'on aura la réponse complète.
M. Fortier: Quelle que soit la réponse technique et les
coûts inhérents à des modifications, ce en dernière
analyse, la capacité des lignes sera-t-elle suffisante pour transporter
l'énergie qui sera générée à la
Baie-James?
Après avoir examiné très brièvement la
consommation domestique et les tarifs industriels qui pourraient favoriser une
pénétration dans le secteur industriel du Québec - on en a
traité, je dois l'admettre, d'une façon très brève
compte tenu du temps que nous avons; les questions que nous avons posées
étaient d'essayer de comprendre les changements à la Loi sur
l'Hydro-Québec -on en arrive au domaine de l'exportation. Dans le
domaine de l'exportation, je pense que, pour le public, il y a peut-être
lieu d'éclaircir quelle est cette forme d'exportation. Dans un premier
temps, il y a l'exportation des surplus d'énergie durant les prochaines
années. À venir jusqu'à maintenant c'est ce genre
d'exportation qui a été approuvé d'une façon
spécifique par le gouvernement. D'ailleurs, la Loi sur
l'Hydro-Québec dans une certaine mesure ne vous permettait pas de faire
autre chose que de l'exportation d'énergie excédentaire.
La première question que j'aimerais poser c'est: est-ce que cette
loi-là est nécessaire pour faire les choses que vous avez faites
jusqu'à maintenant?
M. Bourbeau (Joseph): Les modifications à la loi
actuelle...
M. Fortier: ... qui explicitent davantage le fait que vous pouvez
exporter de l'énergie.
M. Bourbeau (Joseph): Actuellement, tout ce qu'on fait, au point
de vue de l'exportation, c'est de l'exportation d'énergie secondaire ou
de l'énergie excédentaire. Ce n'est pas sous le couvert de la loi
actuelle de l'exportation qui parle d'énergie primaire. L'énergie
primaire qu'on a dans le texte de loi actuel a trait beaucoup plus à ce
qu'on appelle de l'énergie ferme. Actuellement, on vend des surplus. On
vend de l'énergie excédentaire et d'une certaine façon on
pourrait continuer à vendre de l'énergie excédentaire. De
fait, on a deux contrats avec PASNY et il y en a un autre avec NEEPOOL. Il
faudra regarder la façon de continuer, non pas continuer à vendre
de l'énergie excédentaire, mais voir les possibilités de
vendre de l'énergie ferme. La loi actuelle ne nous couvrirait pas. Il ne
faut pas, selon la loi actuelle, dépasser 225 000 kilowatts.
M. Fortier: Avec approbation du cabinet.
M. Bourbeau (Joseph): Avec l'approbation du cabinet.
M. Fortier: Mais dans l'avenir - je pense que le ministre l'a
déjà dit, je vous pose la question - les volumes d'exportation
que vous auriez l'intention d'exporter, dans l'avenir prévisible, quels
sont-ils? Est-ce qu'on peut prévoir de nombreux contrats d'exportation?
Autrement dit, est-ce que cette nécessité de modifier la loi est
permanente ou si elle pourrait être ponctuelle?
M. Bourbeau (Joseph): On regarde le marché
américain et celui-ci qu'on peut desservir, on s'aperçoit qu'il y
a un marché qui se situerait à environ 8000 mégawatts.
Evidemment, c'est le marché total. On est en train de regarder, on
discute, on rencontre les Américains et on a des discussions. On regarde
la possibilité de faire des ventes fermes qui pourraient se situer entre
1000 et 2000 mégawatts. Alors il est certain qu'avec la loi actuelle qui
nous limite à 225 000, on est en train de parler de quantités de
beaucoup supérieures à 225 000. Je pense que M. Coulombe est
beaucoup plus impliqué dans ces discussions. Il pourrait peut-être
ajouter quelque chose.
M. Coulombe: Dans le cas de l'exportation, il faut bien souligner
que la priorité actuelle est double. La première priorité,
c'est de terminer les deux grands dossiers. On a quand même 150 000 000
000 de kilowattheures avec PASNY et NEEPOOL, des contrats qui ont
été signés et approuvés par les autorités
gouvernementales, mais il reste beaucoup d'étapes à franchir. On
a la ligne des cantons; les Américains ont leur propre construction
à faire; on a l'Office national de l'énergie. Il reste donc
plusieurs étapes à franchir, d'ici à 1984 dans un cas et
1986 dans l'autre, pour que ce soit effectif.
Donc, c'est la priorité no 1 de traverser toutes ces
étapes pour raffermir les quelques milliards de dollars impliqués
dans ces contrats. La deuxième priorité, sur un pied
d'égalité, c'est d'intensifier les discussions sur de
l'énergie ferme de l'ordre de 2000 mégawatts. Quand on dit qu'il
y a
un marché de 7000 ou 8000 mégawatts, c'est le
marché théorique. En d'autres mots, théoriquement, il y a
la substitution du pétrole au gaz dans un ordre de grandeur de 7000
à 8000 mégawatts. Mais il ne faut jamais oublier qu'on n'est pas
seul sur ce marché. L'Ontario va probablement avoir, si on se fie
à son rapport officiel, encore plus de surplus qu'Hydro-Québec.
Le Nouveau-Brunswick possède un surplus aussi. Ces deux concurrents, non
seulement éventuels mais actuels, visent des parties des segments de ce
marché. Donc, si on parle d'un marché théorique ou cible
de 700 à 800 mégawatts, on estime raisonnable de viser à
court ou à moyen terme un ou des contrats qui totaliseraient à
peu près 2000 mégawatts. Ce qui impliquerait encore là des
conséquences sur la ligne de NEEPOOL. Mais la priorité no 1 reste
à l'heure actuelle de solidifier et de terminer toutes les étapes
nécessaires à la consolidation des contrats de 150 000 000 000 de
kilowattheures, parce que malgré l'approbation officielle des
autorités gouvernementales, il y a quelques autres étapes
à franchir, non seulement au point de vue construction, mais au point de
vue approbation. Je songe à l'Office national de l'énergie et au
Bureau d'audiences publiques. On sait que prochainement vont commencer les
audiences publiques dans le cas de la ligne des cantons. Alors, voici plusieurs
étapes où il faut absolument mettre tout le temps
nécessaire d'Hydro-Québec pour consolider ces acquis.
M. Fortier; Si je comprends bien, en plus des exportations
d'énergie excédentaire disons, vous vendez peut-être 2000
mégawatts fermes qui pourraient être fournis dans un premier temps
à même les surplus que vous avez, c'est-à-dire que cela
vous permettrait d'enclencher la construction de génératrices
nouvelles sur une période de temps?
M. Coulombe: À moyen ou à long terme cela
permettrait de modifier quelque peu le plan d'équipement.
M. Fortier: Personnellement mes collègues et moi en tant
que parlementaires ici, c'est la dernière fois qu'on va avoir
l'occasion, dans une certaine mesure, d'intervenir. Dorénavant, une fois
que cette loi aura été adoptée il n'y a que le cabinet qui
interviendra pour dire: nous approuvons ou nous n'approuvons pas l'exportation
d'énergie sur une base ferme.
Je dois admettre que compte tenu de ce que vous venez de dire, je ne
vois pas les nombreuses occasions qui nécessitent l'adoption d'une loi
qui donne à tout jamais l'autorisation à Hydro-Québec
d'exporter sans aucune limite de temps, ni sans aucune limite de volume des
blocs d'énergie électrique aux États-Unis. Même si
vous nous dites que la loi actuelle ne le permettait pas, la loi actuelle
disait, dans une certaine mesure, que pour exporter 2000 mégawatts le
gouvernement aurait pu revenir avec un projet de loi disant: Nous autorisons
HydroQuébec à exporter 2000 mégawatts sur une base ferme
pour 20 ans à tel moment, à telles conditions et à ce
moment-là cela aurait été un projet de loi
spécifique pour cette exportation. L'inconvénient de cela c'est
que s'il y avait eu deux ou trois contrats par année cela aurait
été un peu lourd mais si c'était un contrat à tous
les dix ans c'était assez facile.
La question que je vous posais est la suivante: est-ce qu'il va y avoir
tellement d'instances, tellement de fois, d'occasions de faire des contrats de
vente d'énergie ferme qu'il est nécessaire de modifier la loi
dans laquelle on enlève toute contrainte? Nous reviendrons tout à
l'heure sur les risques inhérents à l'exportation
d'énergie, mais d'enlever toute contrainte qu'il faut que le public ou
que les représentants du public n'aient pas droit au chapitre lorsque
HydroQuébec décidera d'exporter à l'avenir?
M. Coulombe: En ce qui concerne Hydro-Québec, nous pensons
que la contrainte qui est que le gouvernement doit approuver tous ces contrats
est suffisamment respectueuse des usages démocratiques pour, en ce qui
nous concerne, nous satisfaire pleinement. Ce sera au gouvernement ou
peut-être à l'Assemblée nationale à répondre
à cette question.
M. Fortier: Oui, je pense bien qu'on aura l'occasion de la lui
poser. De toute façon, juste pour résumer la situation. Ce que
vous me dites - je ne veux pas interpréter vos paroles - c'est que, pour
autant que vous êtes concernés, vous ne prévoyez pas moult
fois où des contrats de ce genre seront conclus dans les prochaines
années.
M. Coulombe: II peut y en avoir quelques-uns mais certainement
pas à la fréquence d'un par mois ou ainsi de suite. Il peut y en
avoir pour quelques contrats dans les prochaines années mais la
fréquence n'est certainement pas très grande. (15 h 30)
M. Bourbeau (Joseph): II faut bien remarquer que notre
marché se retrouve dans la Nouvelle-Angleterre et dans l'État de
New York. On a deux auditeurs qui sont ici en face de nous. On peut fort bien
avoir un contrat avec NEEPOOL, comme on pourrait aussi avoir un contrat avec
PASNY.
M. Fortier: Quand on parle d'exportation, on parle d'exportation
à l'extérieur des limites du Québec; est-ce que
la loi est nécessaire pour exporter de l'énergie ferme au
Nouveau-Brunswick ou en Ontario?
M. Bourbeau (Joseph): La loi actuelle faisait...
M. Fortier: Une distinction.
M. Bourbeau (Joseph): Une distinction entre hors Canada et hors
Québec.
M. Coulombe: II faut peut-être aussi mentionner, pour
donner un peu le contexte du nombre de contrats auxquels vous
référez, qu'en plusieurs occasions Hydro-Québec a
plusieurs décisions à prendre assez rapidement. Il y a des
contacts réguliers. Vous savez qu'il y a des comités techniques
conjoints américains et Hydro-Québec où, par exemple, dans
l'espace de quelques jours, il faut décider si telle quantité
d'énergie excédentaire est disponible ou non. Il peut y avoir des
contrats fermes pour une faible quantité d'énergie mais sur un
an. Il peut aussi y en avoir pour deux ans ou pour six mois. Il ne faut pas
penser que c'est toujours un contrat qui couvre dix, quinze ou vingt ans et qui
est signé avec solennité. À la longue, les techniciens
d'Hydro-Québec à ces comités techniques prennent des
décisions dans le cadre, évidemment, d'une entente contractuelle
mais qui implique des dizaines et des dizaines de milliers de dollars en
décidant, par exemple, que, comme il y a une possibilité au
niveau des surplus pendant six mois, on vendra cela ferme. On s'engage à
le livrer parce qu'on sait que plutôt que de le déverser il est
préférable de le placer à cet endroit.
C'est donc une série de décisions presque contractuelles
qui interviennent très fréquemment. Mais des contrats de dix ou
quinze ans, il est évident que c'est d'un ordre de...
M. Fortier: Vous comprendrez qu'à venir jusqu'à
maintenant il y avait des contraintes. Avant la loi no 16, la contrainte
était que vous deviez produire pour le Québec au plus bas
coût possible. Le "plus bas coût possible" a été
enlevé, c'était pour le Québec. Maintenant, dans la
nouvelle loi, le "Québec" disparaît. Vous produisez de
l'électricité comme Imperial Oil produit de l'essence; vous
autres vous produisez de l'électricité. La limite
géographique n'existe plus. L'article 16 dit que vous faites des
prévisions électriques notamment - vous ajoutez "notamment" - en
prenant en considération les besoins du Québec. C'est donc dire
que la loi vous permet maintenant de prendre en considération dans vos
projets énergétiques les besoins de l'Ontario, du
Nouveau-Brunswick, des États limitrophes. Rien ne vous empêche
maintenant de faire votre planification à long terme en incluant tous
les États limitrophes au Québec. J'exagère un peu, mais
j'exagère pour faire comprendre le fait que vous êtes devenu une
société commerciale produisant de l'électricité,
qui n'est limitée que par les problèmes technologiques
d'exportation d'électricité. Vous êtes un peu l'Imperial
Oil de l'électricité qui pourrait, s'il y avait des
améliorations technologiques qui permettraient d'exporter sur de
très grandes distances dans l'avenir, prendre en considération
l'exportation dans d'autres pays et dans d'autres provinces. Votre
planification prendrait cela en considération, à moins que je ne
fasse erreur. Corrigez-moi si c'est le cas.
M. Bourbeau (Joseph): Quand vous parlez de l'article 22.1, c'est
pour la réalisation de ses objectifs. "La société
prévoit notamment les besoins du Québec en énergie", mais
on n'a pas enlevé les mots "du Québec".
M. Fortier: L'article 22.1, c'est dans l'ancienne loi.
M. Bourbeau (Joseph): Dans la nouvelle loi, on a le mot
"notamment", mais on n'a pas enlevé le mot "Québec".
M. Fortier: Oui, "notamment les besoins du Québec".
Lorsqu'on dit "notamment les besoins du Québec", cela veut dire que vous
pouvez prendre en considération les besoins d'autres pays et d'autres
provinces.
M. Bourbeau (Joseph): Oui, c'est un minimum qu'on veut avoir.
M. Coulombe: Ce qu'il faudrait peut-être ajouter, c'est
qu'il y a une distinction entre l'énergie excédentaire et
l'énergie ferme.
En ce qui concerne l'énergie excédentaire, le débat
n'est pas très complexe en ce sens que chaque fois qu'on réussit
à vendre de l'énergie excédentaire, cela a un impact
direct sur les tarifs du Québec. En d'autres mots, en augmentant les
revenus d'Hydro, c'est évident que cela joue à court ou à
moyen terme sur les tarifs d'Hydro-Québec, donc cela avantage le
Québec.
Si on parle de l'énergie ferme, une autre limite est
posée, indépendamment du fait que les contrats sont
approuvés par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale: C'est
que si les contrats fermes ont une influence sur les dépenses d'Hydro,
sur son plan d'équipement, il ne faut pas oublier que la loi oblige
Hydro-Québec à présenter son plan de développement.
L'un des chapitres très importants du plan de développement,
c'est évidemment le plan d'équipement. C'est
évident que, chaque année, lorsque Hydro-Québec
présente son plan de développement, comme cela se fait depuis
quelques années, au chapitre du plan d'équipement, on dira que
telle centrale est devancée ou reculée, etc., et il y aura une
démonstration de la nécessité de devancer ou de reculer
tel projet ou de le faire en telle année. Cette problématique ne
peut pas être fondée sur autre chose que sur la demande de
façon précise. À ce moment-là, ceux qui auront le
plan de développement, le gouvernement -l'habitude étant prise
que ce soit discuté à une commission parlementaire - et les
parlementaires, auront l'occasion, à l'aide du plan d'équipement,
de connaître exactement quelle est la problématique du plan
d'équipement en ce qui concerne l'exportation.
M. Fortier: Dans le passé, M. le Président, M.
Coulombe, à Hydro-Québec, j'imagine que ce n'était pas
volontaire, mais ceux qui s'opposent à la situation où vous
êtes maintenant disent que cela a été fait d'une
façon voulue et que vous pouvez faire la planification de façon
à créer des surplus. Personnellement, je ne le crois pas et je
crois que, comme vous le dites, on aura quand même une possibilité
d'intervenir à ce moment-là.
J'aimerais arriver quand même - parce que, dans le public,
peut-être avec raison, lorsqu'on parle de création d'emplois, ceux
qui veulent la création d'emplois sont favorables à
l'exportation, au devancement de projets hydro-électriques - qu'on
prenne quelques minutes pour calculer les risques inhérents à ce
genre d'entreprise. Je crois qu'il y a un côté favorable et un
autre défavorable et même si les gens, d'une façon
générale dans le public, pensant surtout aux surplus qui existent
présentement - et je pense bien que de ce côté-là,
comme vous le dites, il n'y a aucun problème, si on a des surplus
présentement, il faut les écouler. D'ailleurs, je vous posais la
question ce matin: Pourquoi avez-vous arrêté tel ou tel programme
parce que si j'étais Hydro-Québec, je dirais que je vais les
exporter ou je vais les vendre au Québec d'une façon prioritaire.
Mais, en ce qui concerne des ventes fermes, j'imagine que ces ventes que les
Américains désirent, ils veulent les avoir sur de longues
périodes de temps; on ne parle pas de 2 ou 3 ans; on parle de 20 ans, 25
ans ou 30 ans.
Il y a deux aspects dont j'aimerais qu'on discute. Le premier aspect. En
relisant le financement de Churchill Falls en particulier, on s'aperçoit
que c'est à peu près impossible de signer un contrat final,
arrêté dans toute sa dimension avec le financement
réglé et tout cela, avant le commencement des travaux. Quand on
relit l'histoire de Churchill Falls racontée par M.
Bourbeau, M. Boyd, M. Giroux, on s'aperçoit qu'il y a eu des
lettres d'entente. La construction a commencé. Tout cela se faisait en
parallèle avec les négociations. Et c'est à peu
près impossible, surtout s'il s'agit de la construction d'un barrage sur
une période de dix ans, de tout arrêter dans tous les
détails un contrat de vente, comme certains peuvent le penser, avant de
commencer la construction. Ce qui veut dire, encore là, quand on examine
- et selon la position de l'acheteur qui peut être favorable ou
défavorable, c'était le cas d'Hydro-Québec lorsqu'elle
négociait avec Terre-Neuve. Cela pourrait être le cas des
Américains à l'avenir vis-à-vis d'Hydro-Québec. La
situation peut changer d'une façon très notable sur une
période de cinq, six ou dix ans. Si, à l'avenir, vous vous
engagez dans des ventes de contrats fermes d'électricité, est-ce
que le scénario que je viens de décrire brièvement, qui
démontre qu'il serait impensable de croire que tous les points et
virgules vont être définis avant la construction d'un barrage qui
serait requis, à ce moment-là, il y aura des risques
inhérents au fait qu'Hydro-Québec devra prendre des engagements
avant que le contrat soit terminé, ou du moins que le contrat de
financement et les autres clauses inhérentes, les autres garanties qui
seraient fournies par l'acheteur seraient déterminées dans tous
les détails?
M. Bourbeau (Joseph): Cela, c'est exactement le cas actuel
d'Hydro-Québec, même en vendant de l'excédentaire aux
États-Unis. Remarquez bien que quand on s'est engagé à
vendre à PASNY, on a été obligé de commencer les
études. On a été obligé de faire des achats avant
que le contrat soit signé, parce que, si je me souviens bien, lors de la
vente à PASNY, on a été obligé de discuter au moins
cinq ans avant d'arriver à signer le contrat. De la même
façon, le contrat NEEPOOL qui a été signé au mois
de mars, si je me souviens bien, a suivi des négociations qui avaient
commencé vers 1976-1977. Alors, on voit que même pour vendre de
l'énergie excédentaire on est obligé d'engager non
seulement des pourparlers mais des études et à un moment
donné d'engager certaines dépenses.
Si on faisait des ventes de ferme...
M. Fortier: Sur 25 ans.
M. Bourbeau (Joseph): ...sur 25 ans, il est entendu qu'on va
être obligé... De fait, déjà on commence à
regarder le marché, on commence à parler à des
Américains sur des ventes de ferme. On peut s'installer pour vendre du
ferme aux États-Unis de différentes façons. Vu qu'on a
d'abord des surplus, il se pourrait fort bien qu'on puisse éponger les
surplus et qu'on puisse faire une
vente de ferme; cela n'implique rien de la part
d'Hydro-Québec.
Vu qu'on a de l'énergie en surplus - je ne parle pas de la
puissance, mais juste de l'énergie en surplus - il se pourrait fort bien
qu'on puisse vendre de la puissance et de l'énergie ferme aux
États-Unis en installant des usines de pointe ici au Québec. Cela
ne prend pas tellement de temps pour faire les installations.
Si vous parlez de contrats de puissance ferme et d'énergie ferme
à longue haleine, il se pourrait qu'on puisse devoir faire des
constructions de centrales. À ce moment cela prend beaucoup plus de
temps. Il y a différentes façons de voir cela à
Hydro-Québec. Sur une période de dix ans, avant de commencer nos
études, de commencer la construction il peut y avoir des fluctuations
dans la demande, et on pourrait devancer ou reculer notre programme
d'équipement. C'est de cette façon qu'on pourrait pour 1000
mégawatts accélérer ou désaccélérer
notre programme d'équipement.
M. Fortier: Vous acceptez l'énoncé en ce sens que
ce genre de négociations prend un certain temps et
qu'Hydro-Québec doit s'engager avant même que le point final soit
mis sur le contrat.
M. Bourbeau (Joseph): On a...
M. Fortier: ...des exemples courants.
M. Bourbeau (Joseph): La seule façon de s'en sortir, comme
du côté de l'Ontario parce qu'on a des exportations vers
l'Ontario... Il fait la même chose et les Américains font la
même chose.
M. Fortier: Voici ce que j'aimerais qu'on évalue. Vous
l'avez appris dans les journaux comme moi. L'Ouest canadien avait des contrats
à long terme de ventes de gaz aux États-Unis et les
sociétés américaines ont ni plus ni moins renié les
contrats. Sans vouloir dramatiser, j'essaie de voir les risques
inhérents à ce genre de commerce. Est-ce que ce genre de risque
en est un que vous évaluez lorsque vous pensez exporter aux
États-Unis? On pourrait négocier avec les Américains de la
même façon que les sociétés de gaz dans l'Ouest
canadien ont négocié, de bonne foi. À la suite des chutes
de prix aux États-Unis, ils sont revenus et ils ont dit: On ne peut pas
continuer à acheter aux mêmes prix et le gouvernement canadien est
intervenu pour donner des rabais qui affectent négativement le "cash
flow" et la situation financière des sociétés canadiennes.
J'imagine que c'est un autre risque lorsqu'on s'engage à long terme
à l'extérieur du pays.
M. Bourbeau (Joseph): Ce sont des risques réels mais ils
sont inévitables pour n'importe quelle entreprise. Prenons une
entreprise qui lance une nouvelle ligne d'automobiles, par exemple, et qui
investit pendant quatre ans 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ dans
l'équipement et dans le design, etc.; c'est évident qu'il y a un
grand risque. Si le marché change beaucoup et que les gens n'aiment plus
cette sorte de voiture, il va se passer quelque chose. Il y a un risque
inhérent à tous les contrats d'envergure. Mais je pense qu'il ne
faut pas non plus toujours regarder le problème des exportations du
côté d'un contrat de 20 ou 25 ans avec construction de centrales.
Il y a une foule d'autres possibilités en plus de celle-ci. Je ne dis
pas que celle-ci ne soit pas réelle, elle est réelle mais il y a
beaucoup d'autres possibilités. Si, par exemple, les Américains,
pour une raison d'accident, de problèmes écologiques,
arrêtaient une centrale nucléaire, qu'ils étaient
obligés de la fermer, il est évident qu'Hydro-Québec
pourrait avoir l'occasion de signer des contrats fermes qui seraient pour trois
ans, quatre ans, cinq ans ou six ans, et là le risque est beaucoup moins
grand.
Par contre, plus les risques sont grands, plus les prix sont
élevés et plus les conditions contractuelles sont serrées.
Il y a une équivalence entre le risque et le prix qui est obtenu.
M. Fortier: Pour les contrats à plus court terme, que ce
soit de l'énergie ferme ou excédentaire, cinq ans, six ans, trois
ans, on peut mesurer le risque un peu mieux. Pour les périodes de temps
beaucoup plus longues, j'imagine que c'est beaucoup plus difficile. C'est la
raison pour laquelle je posais la question. On est ici pour cela avant
d'adopter le projet de loi. J'imagine que dans le passé - je
n'étais pas là en dix-neuf cent tranquille quand ils ont
adopté la loi qui existe - on avait des limites très rigoureuses.
On disait: On ne peut pas exporter plus de 225 000 kilowatts, enfin des
quantités très très minimes. J'imagine que ceux qui,
à ce moment-là avaient - j'imagine que la loi relative aux
limites sur l'exportation remonte à 1944, vous me le direz - fixé
ces limites l'avaient fait par prudence et pour s'assurer que la
viabilité financière d'Hydro-Québec allait être
bonne. De fait, cela a produit de bons résultats parce que
Hydro-Québec s'est développée sur des bases
financières solides. (15 h 45)
Présentement, alors qu'on est aux prises avec des surplus
d'énergie - je pense bien qu'on fait l'unanimité pour dire que si
on peut vendre des surplus d'énergie excédentaire qu'on le fasse
- on modifie la Loi sur l'Hydro-Québec de façon très
précise pour donner l'autorisation à Hydro-Québec de
s'engager dans l'exportation sur une base ferme. Je ne vois pas dans le projet
de loi
l'élément de prudence qui existait. On pourrait augmenter
les 225 000 kilowatts et mettre la limite un peu plus haut. Je ne vois pas les
éléments de prudence, les guides qui existaient en 1944 au moment
où la loi avait été adoptée. C'est la raison pour
laquelle, même si sur le plan économique je serais tenté
d'être d'accord, en étant parlementaire, en tâchant de
prendre la défense des intérêts des
Québécois, je me demande si on va trop loin en donnant cette
permission sans aucune limite à HydroQuébec, sans contrainte
d'aucune sorte.
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que si la loi a
été adoptée en 1944 - je ne connais pas la date de
l'adoption de cette loi - 225 mégawatts en 1944, alors
qu'Hydro-Québec avait à peine des installations de 700
mégawatts, c'était un tiers. Actuellement, on a 20 000
mégawatts. On pourrait, avec la règle de trois, dire qu'on
devrait au moins avoir la liberté de jouer avec 6000 à 8000
mégawatts.
On ne prend pas de risque là. On pourrait s'engager dans un
contrat à long terme sans spécifier dans ce contrat que la vente
d'électricité se fera à un prix de tant pendant toute la
durée du contrat. Il y a des formules qui peuvent être
établies et qui réduisent le risque; pas tellement le risque
d'envoyer de l'électricité aux États-Unis mais de se faire
payer. On aurait un contrat ferme pendant 25 ans à un prix qui serait
fixe, cela limiterait les risques.
M. Fortier: J'aimerais mieux passer pour le moment.
M. Duhaime: M. le Président, pour enchaîner avec la
dernière réponse que vient de fournir M. Bourbeau à la
commission sur le potentiel des volumes exportables en termes d'énergie
de base, la loi actuelle réfère explicitement sur... Je vais vous
donner la référence exacte: La Loi sur l'exportation de
l'énergie électrique réfère au vocabulaire de
l'époque. On employait l'expression "l'énergie primaire". On peut
employer aujourd'hui l'énergie de base. Je pense qu'à
l'époque c'était "firm" ou encore "primary" qui ne visait pas,
bien sûr, les contrats d'énergie excédentaire que nous
avons signés tout récemment tant avec PASNY qu'avec NEEPOOL.
Si le projet de loi no 4 est adopté par l'Assemblée
nationale, il va, bien sûr, permettre désormais à
Hydro-Québec d'entrer dans des contrats d'énergie de base
à des fins d'exportation. Je comprends un peu le point de vue de
l'Opposition qui fait son bouleau. L'Opposition, par définition, est
officiellement payée pour s'opposer, mais elle est payée quand
même... Autrement vous ne seriez pas accrochés à votre
siège de façon aussi cruelle.
Je pense qu'il faut être réaliste dans ce genre de chose.
Le projet de loi prévoit que le gouvernement va approuver les contrats
d'exportation d'énergie de base et va ensuite déposer un
décret. Le décret d'approbation sera déposé devant
l'Assemblée nationale. Cela m'apparaît suffisant pour la
sauvegarde de la démocratie de notre Assemblée nationale et les
élus vont pouvoir, à ce moment-là, poser toutes les
questions pertinentes. Mais très souvent, l'Opposition plaide qu'il nous
faut donner à nos sociétés d'État, et en
particulier à Hydro-Québec, une marge de manoeuvre qu'une grande
entreprise serait en droit de détenir. C'est peut-être l'exemple
typique.
Le deuxième argument, c'est: si nous allions débattre
cette question en Chambre? C'était peut-être fort utile en 1926,
ou même en 1944 lorsque la puissance installée
d'Hydro-Québec en fonction du potentiel d'exportation pouvait être
dans des ratios, comme on vient de l'indiquer, de un à trois ou de un
à quatre, mais à 2000 mégawatts sur l'horizon de 1990
comme potentiel d'exportation, en fonction de la puissance installée, ce
n'est pas beaucoup et en fonction du potentiel qui restera disponible à
l'horizon de 1990, c'est encore moins.
Je pense qu'il y a une marge de manoeuvre dont il faut tenir compte.
C'est drôle, mais je serais enclin à faire confiance au conseil
d'administration d'Hydro-Québec dans ce genre de décision. Tout
le monde sait que ces négociations se poursuivent alors que le
ministère de l'Énergie et des Ressources est, sinon partie
prenante, du moins tenu très au fait et étroitement
associé à ces discussions et qu'ensuite, le gouvernement,
étant actionnaire dans un dossier de cette importance, il doit, bien
sûr, donner son approbation. C'est la démarche qui est inscrite
dans le projet de loi. Ce qui s'ensuit, c'est que le décret
d'approbation d'un contrat d'énergie à l'exportation,
d'énergie de base, est déposé à l'Assemblée
nationale. Mais je fais cette nuance importante: le contrat comme tel n'est pas
déposé, le décret l'est.
La question, c'est: Pourquoi le contrat ne serait-il pas
déposé? Je voudrais que l'Opposition nous explique en vertu de
quel principe nous irions mettre sur la table, À jusqu'à Z, les
conditions d'exportation d'énergie de base alors que nos concurrents
ontariens, qui eux exportent aux États-Unis de plus, pas
nécessairement sur nos marchés mais très proche à
partir des centrales nucléaires, de leurs installations... Ce que j'ai
en tête pour l'instant c'est que, si l'Ontario est en situation de
surplus aujourd'hui, c'est parce qu'ils se sont embarqués très
sérieusement dans le nucléaire. C'est un des sous-volets de la
question.
Le deuxième sous-volet, je vous dirais
que le Nouveau-Brunswick aura ou n'aura pas, on verra bien ce que cela
va donner, un potentiel d'exportation à partir d'installations
nucléaires. Je pense à Pointe Lepreau 1 et je pense aussi au
projet de Pointe Lepreau 2. Je pense aussi à la Nouvelle-Écosse,
si le projet de l'île de Sable se concrétise à l'horizon
1990-1995, pour des fins d'exportation de gaz naturel aux États-Unis. On
voit tout de suite que nous avons là trois points de concurrence
drôlement importants.
Je serais prêt à jouer le jeu. Si l'Ontario, le
Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse veulent mettre sur la table leur
contrat d'exportation, je n'aurai plus à ce moment-là aucune
espèce de réserve à demander à Hydro-Québec
de mettre les siens sur la table. Je pense qu'on serait mauvais joueurs de dire
à nos concurrents quelles sont les conditions dans tous leurs
détails. Je n'ai aucune espèce d'objection à dire à
l'opinion publique au Québec quel paramètre, les quantités
d'énergie, les ordres de grandeur mais, de là à donner des
armes à des concurrents, je ne suis pas prêt à le
faire.
Je pense que ce que nous avons retenu dans la problématique du
projet de loi no 4 c'est peut-être une position que j'appellerais
déjà une position de compromis qui consiste à alerter
l'opinion publique et également l'Assemblée nationale qu'un
contrat d'exportation d'énergie de base est intervenu, que le
gouvernement du Québec l'a approuvé et que ce décret est
déposé devant l'Assemblée nationale. S'il y a des
questions qui se soulèvent ensuite, je pense que le ministre qui est
responsable de ce dossier répondra à l'Opposition, au meilleur de
sa connaissance bien sûr. Je pense aussi qu'il y a cette notion de
l'intérêt public et j'inclus là-dedans
l'intérêt d'Hydro-Québec dans sa position de
négociation face à des concurrents.
C'est à peu près, je crois, le sens in extenso de ce que
nous proposons sur ce plan-là dans le projet de loi no 4.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: C'est un débat intéressant et important
et j'accepte les explications du ministre. Pendant son absence, j'ai
posé la question à Hydro-Québec: Est-ce qu'il y aura de
nombreuses fois où des contrats substantiels seront
négociés? M. Coulombe m'a répondu qu'il ne faudrait pas
toujours voir cela en termes de 5000 mégawatts pendant 50 ans, qu'il y a
des instances où ce seraient des blocs d'énergie pendant deux ou
trois ans. On a discuté aussi pendant votre absence des risques
inhérents aux contrats à long terme, le gaz naturel dans l'Ouest
et tout cela.
Là où est mon inquiétude, M. le ministre, c'est
qu'il n'y a plus aucune limite dans la Loi sur l'Hydro-Québec. Le
conseil d'administration, formé de gens non élus, pourrait
inciter Hydro-Québec à s'engager dans des contrats très
importants à très long terme. Pour ma part, étant
donné qu'il s'agit d'une société d'État qui
appartient aux Québécois et dont les membres du conseil
d'administration ne sont pas des personnes élues, il faut bien se rendre
compte qu'il s'agit d'une société d'État qui doit rendre
compte aux utilisateurs d'électricité et aux citoyens du
Québec. D'autant plus que si un contrat à très long
terme... Si on était pris dans la position de Terre-Neuve face aux
Américains - même si on croit qu'on est meilleur
négociateur - ou même si les Américains, dans l'avenir,
pouvaient dénoncer un contrat qu'ils ont signé de bonne foi,
comme dans le cas du gaz alors qu'ils viennent de dire: "Écoutez, on
n'est plus capable de payer le prix du gaz qu'on a négocié il y a
deux ans", nous nous retrouverions avec des dépenses engagées et
cela se refléterait sur les tarifs des Québécois. C'est la
raison pour laquelle - et je dois admettre que mes conclusions ne sont pas
définitives sur ce point, mais je pense qu'on discute pour essayer de
comprendre l'étendue du projet de loi - je me demande pourquoi ne pas
mettre des maximums, soit en volume, soit en durée, dans la loi, ce qui
fera en sorte que si Hydro-Québec a un marché de 20 000
mégawatts à exporter, elle reviendra à l'Assemblée
nationale pour cela; mais dans le moment il n'y a aucune limite, ni en volume
ni en durée.
Par ailleurs, en ce qui concerne le dépôt des
décrets, qui est une bonne chose, encore là s'il ne s'agit pas de
25 décrets par année, ce qui ne sera pas le cas, je pense, ce
sera un décret par année ou deux décrets, il faudrait
peut-être quand même prévoir, comme c'est le cas dans le
moment à la Société générale de financement,
lorsqu'il y a un changement d'orientation, qu'il y ait dépôt d'un
décret et qu'après une période de deux ou quatre semaines
une commission parlementaire se réunisse.
Ce que j'essaie de dire, M. le Président, c'est que je crois que
la démocratie a ses droits. Je comprends ce que le ministre me dit
lorsqu'il déclare qu'il ne faudrait pas donner une information publique
qui n'est pas dans le meilleur intérêt des
Québécois. Je n'exigerai certainement pas ce genre d'information
si ce n'est pas dans le meilleur intérêt des
Québécois, mais quand même je crois qu'on va d'un
extrême à l'autre. On disait presque dans la loi que l'exportation
de l'énergie primaire ou ferme n'était pas permise à
toutes fins utiles. Maintenant on s'en va avec un projet de loi qui dit que
tout est permis. Entre les deux, il me semble qu'il serait
préférable d'inclure dans la loi
certaines balises: une balise en termes de durée des contrats ou
de volume des contrats; une autre balise serait qu'une commission parlementaire
devrait être convoquée lorsqu'une vente ou un contrat a
été signé, lorsque le décret a été
déposé.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pense que la question s'adresse davantage au
gouvernement qu'à Hydro-Québec. Moi, vous savez, les commissions
parlementaires, avec ce que je viens de connaître, je n'ai pas beaucoup
d'objection...
M. Fortier: Je comprends que vous avez été
brûlé, mais...
M. Duhaime: Je pense qu'au-delà de la commission
parlementaire il y a quand même une question de principe. Je voudrais
rassurer mes collègues de l'Opposition en disant que lorsqu'on fait
référence au contrat de Terre-Neuve, à mon sens, c'est une
mauvaise analogie parce que dans le cas de Terre-Neuve, ce n'est pas la
Newfoundland Hydro qui a signé ce contrat. Il y a eu, si mon souvenir
est bon, une loi spéciale qui a été votée à
l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui autorisait
expressément le gouvernement à participer au bail,
c'est-à-dire permettre à la Newfoundland Hydro -qui était
Brinco à l'époque - de signer ce bail avec
Hydro-Québec.
Ce sont vraiment les élus de Terre-Neuve qui ont pris la
première décision dans le contrat, et, selon ce que nous en
savons aujourd'hui, ce n'est pas la garantie que tout le monde sera
heureux.
Quant au deuxième point qui est soulevé, à savoir
s'il ne serait pas plus prudent d'inclure dans la loi des restrictions quant au
volume et quant à la durée, je pense que c'est une bonne question
qui se pose. Je vais tenter d'y répondre.
Les quantités exportables ne seront jamais décidées
par l'Assemblée nationale ou même par Hydro-Québec. Elles
seront décidées par les marchés. Aux États-Unis,
aussi loin qu'on peut voir, qu'on parle de la Nouvelle-Angleterre ou qu'on
parle de PASNY, on peut quand même en arriver à cerner quel est le
créneau possible ou quel est le marché potentiel pour
l'exportation de l'énergie de base.
Ceux qui ont écrit que l'on pourrait faire une autre Baie-James,
c'est-à-dire 10 000 mégawatts, et l'exporter, cela peut toujours
s'écrire et se réaliser aussi et si l'on décide de se
placer dans une position concurentielle en fonction des prix existant aux
États-Unis. Ce serait à un prix tel qu'on serait en bas de notre
coût marginal de production. En d'autres mots, exporter une
deuxième Baie-James aux États-Unis... J'ai déjà
utilisé l'expression qu'on a qualifiée de forte et excessive en
disant que c'était fou raide, mais je n'ai pas d'objection à la
répéter parce qu'il n'y a pas de marché d'abord, puis si
on voulait trouver un marché pour une pareille transaction, il faudrait
qu'on vende à des prix que personne ne pourrait refuser aux
États-Unis et ce seraient les Québécois qui devraient
payer la différence. L'ordre de grandeur au niveau du potentiel
d'exportation pourrait être aux environs de 2500 ou 3000 mégawatts
dans un avenir prévisible. Je parle des deux marchés, tant celui
de New York que de celui de la Nouvelle-Angleterre. On aura beau
légiférer à Québec autant qu'on le voudra pour
plafonner les volumes d'exportation, on ne changera pas les lois du
marché. (16 heures)
En ce qui concerne les prix, il est à peu près certain, il
serait même hors de question que nous nous engagions aux
États-Unis à des ventes d'exportation d'énergie ferme
à long terme en ayant des prix non indexés ou des prix ne faisant
pas référence aux autres formes d'énergie concurrentielle.
Je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans la situation dans laquelle se
débat actuellement le gouvernement de Terre-Neuve qui voudrait se
déprendre d'un contrat qui a été bel et bien signé
entre personnes adultes consentantes et de bonne foi, tout le monde
étant lucide. C'est facile de faire la référence et de
faire une application par analogie. Nous avons signé des contrats avec
New York et ensuite avec le NEEPOOL qui sont des contrats de vente
d'énergie excédentaire dont les prix évoluent sur des
bases d'indexation qui font carrément référence aux prix
des énergies fossiles que nous remplaçons - je pense, entre
autres, au charbon - au prix de l'installation du nucléaire aux
États-Unis. Il y a ce que j'appellerais une formule mixte, qui fait que
nous sommes en mesure d'avoir une base concurrentielle aux États-Unis.
Il faut aussi bien comprendre que, si on veut intéresser les
Américains à acheter de l'énergie électrique, il
faut aller au-delà de la garantie de la sécurité
d'approvisionnement. Si on vendait au même prix que ce qu'un
équivalent en BTU pourrait donner à partir d'une centrale
nucléaire au charbon ou au pétrole importé, je ne vois pas
quel serait l'intérêt des États-Unis de tout chambarder
dans leur propre bilan. Mais ce qui est intéressant dans ce que nous
avons de négocié jusqu'à présent, c'est que le
profit net en fonction des indexations aux énergies concurrentielles est
partagé sur la base qu'Hydro perçoit 80% du net et les
Américains 20%. C'est quand même très appréciable
pour l'économie d'échelle que peuvent faire les
Américains. Je parle essentiellement d'un contrat d'énergie
excédentaire. Lorsqu'on parle d'un bloc de 2000 mégawatts,
il faut bien se rendre compte de la taille des chiffres dont on parle; 2000
mégawatts sur l'horizon 1990, vendus aux États-Unis, suivant les
formules d'indexation qu'on peut retenir, le prix peut évoluer en termes
de revenus bruts pour Hydro de 2 500 000 000 $ par année à 3 500
000 000 $, selon la force de la négociation et le besoin des
Américains, etc.
Les réponses aux questions de l'Opposition viennent
d'elles-mêmes. En ce qui concerne les volumes, on ne peut pas
légiférer et statuer de quelque manière que ce soit, ce
sont beaucoup plus les lois du marché. J'ai donné l'ordre de
grandeur. En fonction de la puissance installée en 1990 et du potentiel
qui pourra être économiquement aménagé à
cette date, il n'y a pas beaucoup de risques. En ce qui concerne les prix,
à partir du moment où les ventes se font sur des prix
indexés, je pense que nous devons toutes les garantir.
Pour que le Québec s'expose à perdre, il faudrait que les
Arabes et les pays exportateurs de pétrole décident un bon matin
qu'au lieu de vendre le baril de pétrole 29 $ US, Spot Price Rotterdam,
on retourne au prix de 1972. On va tous crier: Bravo! à ce
moment-là. J'ai même l'impression qu'Hydro-Québec serait
même intéressée à construire des centrales
alimentées au pétrole importé à ce prix pour
produire de l'énergie hydroélectrique. Si on s'en tient à
une certaine logique sur le plan international, les pays producteurs sont
condamnés à maintenir un prix, autrement ils ne sont pas capables
de payer leurs dettes. Il me paraît un peu absurde de penser que le prix
du pétrole peut chuter. Qu'il reste stable, qu'il baisse de 1 $ ou 2 $
le baril, qu'il remonte de 2 $ ou 3 $, cela fait partie de ce qui pourrait
être raisonnablement envisagé.
Pour ce qui est des exportations d'énergie, Hydro-Québec
a-t-elle carte blanche par le projet de loi no 4? La réponse est
carrément non. Autant Hydro doit faire approuver son plan de
développement, autant elle doit faire approuver sa tarification chaque
année, autant elle devra se présenter au gouvernement qui, lui,
aura l'ultime responsabilité de l'approuver ou de ne pas l'approuver sur
chaque contrat. Je pense que c'est peut-être le meilleur cran
d'arrêt si c'est nécessaire; j'appellerais cela une
sécurité puisque l'Opposition l'entend de cette oreille. Le
gouvernement étant l'émanation de l'Assemblée nationale,
je pense bien que rien n'empêcherait un débat à
l'Assemblée là-dessus, mais je ne vois pas pour l'instant la
pertinence ou le bien-fondé de modifier la problématique
d'approbation de pareils contrats autrement que ce que nous avons l'intention
de proposer dans la loi 4.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, on n'est pas pour continuer
le débat indéfiniment là-dessus. Le ministre ne m'a pas
rassuré outre mesure parce que j'ai fait allusion au fait -et les gens
d'Hydro-Québec l'ont confirmé -qu'il arrive aux Américains
de dénoncer des contrats signés. Donc, si on signe à long
terme, on pourrait se retrouver dans une situation difficile. Par ailleurs, on
s'aperçoit présentement que même les pétroliers
n'ont aucun contrôle sur leurs prix et qu'ils ont beaucoup de
difficulté à s'entendre entre eux pour respecter les
contingentements qui permettraient au prix du pétrole de grimper.
Je crois quand même qu'il serait préférable qu'il y
ait des limites dans la loi. Après ce qui est dit aujourd'hui - on parle
de 2000 mégawatts ou un peu plus sur des périodes de temps - je
pense bien que personne ne va faire objection, au contraire, à ce genre
de développement. Mais je reviendrai en temps et lieu lorsqu'on
discutera du projet de loi en deuxième lecture et en commission
parlementaire, article par article, sur les limites qui pourraient être
recommandées et qui seraient dans le meilleur intérêt de la
protection même d'Hydro-Québec qui appartient à tous les
Québécois, malgré la nationalisation du ministre des
Finances.
Malheureusement, M. le Président, je dois vous dire que j'ai
d'autres engagements. Le débat que nous avons cet après-midi est
très intéressant. Je suis d'autant plus peiné que c'est
moi qui l'avais demandé. Mais il y a mon collègue de Chapleau
ici. Je sais qu'il a quelques questions à poser.
Malheureusement, je vais être obligé de quitter et je tiens
à remercier les gens d'Hydro-Québec pour les réponses
qu'ils m'ont données. Les brefs échanges que nous avons eus m'ont
satisfait dans la mesure où cela permet au public et à
l'Opposition d'avoir un meilleur éclairage sur le projet de loi qui est
devant nous. Je m'excuse auprès du ministre de devoir quitter à
ce moment-ci. Peut-être que le député de Chapleau pourrait
poser ses questions et la commission déterminera si elle continue ou si
elle termine ses débats. Je voudrais simplement m'excuser.
Le Président (M. Desbiens): C'est fait. M. le
député de Mille-Îles avait demandé la parole.
M. Champagne: Oui, j'avais demandé la parole. Merci, M. le
Président. Je sais bien qu'on a connu une crise de l'énergie, une
crise du pétrole, une crise du gaz. L'énergie, comme telle, c'est
devenu une denrée très
importante et Hydro-Québec a eu la sagesse de lancer, entre
autres, un programme d'économie d'énergie qu'on a appelé
Énergain. Dernièrement aussi, Hydro-Québec a lancé
un nouveau programme qui s'appelle Bi-énergie. J'aimerais savoir
où en est rendu ce programme-là? Est-ce que les objectifs sont
atteints pour le moment? Est-ce que les résultats escomptés
seront atteints, l'influence sur les revenus d'Hydro-Québec, entre
autres? Ce sont les premières questions et j'aurai des questions
additionnelles au sujet du programme Bi-énergie.
M. Bourbeau (Joseph): À propos des objectifs du programme,
je pense qu'on a déjà dépassé les objectifs qu'on
avait. Le programme va très bien et dépasse toutes nos
espérances. Est-ce que le programme rapporte à
Hydro-Québec? On a commencé vers le milieu de l'hiver dernier. Je
pense que, l'hiver prochain, on verra certainement ce que rapporte ou ce que
peut rapporter ce programme Bi-énergie. Mais il n'y a pas seulement des
bénéfices à court terme. Le programme est censé
rapporter à Hydro-Québec des bénéfices à
long terme. Lorsqu'il va faire froid, lorsque la température va baisser
sous 12 ou 15 degrés Celsius, le chauffage à
l'électricité va passer automatiquement au chauffage au fuel. Et
cela veut dire que cela élimine l'installation d'usines de pointe, soit
des turbines à gaz, soit du suréquipement ou des centrales
à réserve pompée qui coûtent comme investissements
de 750 $ à 1500 $ le kilowatt. Vous pouvez voir qu'on a des
bénéfices à court terme, mais on a aussi, et on mise
beaucoup dessus, des bénéfices à long terme. On ne les a
pas encore ceux-là.
M. Champagne: C'est bien sûr que dans une politique comme
celle de la bi-énergie, vous entrevoyez sûrement des surplus qui
iront dans une politique d'exportation. On peut le supposer. Je vous pose la
question, M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que pour le programme
Bi-énergie, on va chercher des consommateurs qui se chauffent au fuel
habituellement. Au lieu de se chauffer au fuel, avec le programme
Bi-énergie, ils auront peut-être les trois quarts de leur
chauffage qui se fera à l'électricité. Évidemment,
c'est un programme qui absorbe une partie des surplus que nous avons.
M. Coulombe: Je voudrais ajouter sur la question des surplus que
la priorité reste quand même que ces surplus soient
utilisés au Québec. Que ce soit dans le programme
Bi-énergie, le programme des chaudières, les nouveaux programmes
qui sont en discussion actuellement avec le gouvernement ont comme objectif de
faire profiter les
Québécois de ces surplus. Lorsqu'on parle d'exporter, cela
ne vient pas en contradiction avec la nécessité absolue que les
Québécois puissent en profiter.
Dans le cas du programme Bi-énergie, pour les abonnés, on
calcule qu'à partir de 1985, lorsque le système sera en marche au
complet, ce seront des économies de l'ordre de 13 000 000 $ à 15
000 000 $ par année, indépendamment aussi des investissements,
qui sont faits, pour que ce programme fonctionne par des firmes qui fabriquent
au Québec les instruments de bi-énergie, qui sont des
sociétés québécoises. Cela crée de l'emploi.
Les ingénieurs-conseils, les compagnies d'électriciens, il y a
quelques semaines et quelques mois, fournissaient à peine à la
demande des citoyens. Cela crée une activité économique
qui non seulement est directement importante pour le consommateur, mais qui,
pour l'économie en général, est extrêmement
intéressante, parce qu'il y a une foule d'activités qui se
greffent à ce programme qui, indépendamment des revenus
supplémentaires que cela procure à Hydro-Québec,
ultimement avec des tarifs moins élevés, a un impact direct sur
l'emploi dans des compagnies du Québec et dans des services, les
électriciens ou autres.
M. Champagne: Vous venez de me convaincre qu'il faut changer mon
système chez moi.
Dans un autre domaine, M. Bourbeau, je voyais dans le mémoire que
vous avez présenté ce matin, dans votre allocution, qu'en page 2,
vous parliez de "capacité juridique d'exercer dans ces nouveaux champs
d'activité", et c'est pour cela que vous souhaitez qu'on confirme dans
un texte précis votre capacité juridique. Pourriez-vous
détailler ces nouveaux champs d'activité? Quels sont ces champs?
Je ne voudrais pas que vous donniez des détails, mais plutôt
savoir quelles sont vos politiques futures dans ces nouveaux champs?
M. Bourbeau (Joseph): Les nouveaux champs, je pense qu'ils sont
décrits aux objets de la société, qu'on a changés.
C'est à l'article 22. Le projet de loi no 4 va dire maintenant que la
société a pour objet de fournir de l'énergie et d'oeuvrer
dans le domaine de la recherche, de la promotion relative à
l'énergie, de la transformation et de l'économie
d'énergie, de même que dans tout domaine connexe ou relié
à l'énergie.
On a des spécialités ou des secteurs
privilégiés qu'on a maintenant énoncés dans le
projet de loi no 4 et qui deviennent les nouveaux objets d'Hydro-Québec,
que ce soit dans la recherche, que ce soit dans les économies
d'énergie, que ce soit dans la promotion, ainsi de suite. On veut
être capable d'oeuvrer dans les secteurs non seulement qui
s'intéressent à cela, mais cela
pourrait être aussi des secteurs périphériques.
M. Champagne: Je vous remercie de vos réponses. (16 h
15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Le député d'Outremont a fait valoir la
position de l'Opposition en ce qui concerne les risques qui existent à
l'exportation de l'électricité. On voit avec le prix de
l'énergie, que ce soit l'essence, que ce soit
l'électricité, les changements qui se font. On sait, par
l'expérience du passé, que la province de Québec, dans
plusieurs dossiers, que ce soit SIDBEC, que soit Churchill Falls,
nécessairement quand elle s'engage à long terme dans ce
domaine-là c'est très dangereux. J'aurais quelques questions
spécifiques pour comprendre un peu mieux quelle est la nouvelle
orientation d'Hydro-Québec dans ce domaine.
Actuellement, quelle sorte de contrats avez-vous avec l'État de
New York, la Nouvelle-Angleterre? Sont-ils à long terme, moyen terme?
Simplement quelques explications là-dessus pour comprendre ce qu'est la
nouvelle orientation et les risques qui sont inhérents à cette
nouvelle orientation.
M. Bourbeau (Joseph): Ce qu'on vend actuellement et ce qu'on
vendra à PASNY ou à NEEPOOL sont des contrats pour
l'énergie excédentaire ou de l'énergie interruptible. Cela
s'échelonnera de 1984 à 1997 pour PASNY, sur une période
d'environ 13 ans et pour le contrat de NEEPOOL je crois qu'il s'agit d'une
période de 11 ans. Ce sont des contrats qui impliquent la vente
d'énergie excédentaire. Cela veut dire que nous ne sommes pas
obligés de vendre. Ce n'est que lorsqu'on a de l'énergie
excédentaire et que l'acheteur veut bien en acheter que la transaction
peut avoir lieu. Si pour une raison ou pour l'autre, avant la fin de ce
contrat-là, il n'y avait plus de surplus ici au Québec, nous ne
sommes pas obligés par le contrat d'en vendre. C'est de l'énergie
interruptible n'importe quand.
M. Kehoe: Ce genre de contrat est tout à fait à
l'avantage de la province de Québec mais avec la nouvelle orientation
que vous allez prendre avec l'adoption de cette loi, vous ne signerez pas ce
genre de contrat. À la page 2 de votre mémoire ou des notes que
vous nous avez présentées ce matin, vous dites que l'exportation
représentera 25% des ventes totales au Québec et rapportera plus
de 800 000 000 $ en 1985. Vous embarquez dans une affaire
extrêmement...
M. Bourbeau (Joseph): Non, les 800 000 000 $ que j'ai
mentionnés - on l'a présenté ici en commission
parlementaire l'automne dernier - étaient dans notre plan de
développement. Il s'agissait de vente d'énergie interruptible
excédentaire seulement.
M. Kehoe: Mais la nouvelle orientation que vous allez
entreprendre après l'adoption de cette loi-là, est-ce que ce sera
ce genre de contrat-là, le même genre de contrats que vous avez
actuellement avec les termes similaires que vous avez? Encore une fois, la
crainte qu'on a c'est de se faire prendre dans une sorte de contrat comme
Churchill Falls, SIDBEC où il y a une obligation de fournir pour une
vingtaine d'années à un certain tarif. Je sais que vous
êtes de bons négociateurs et peut-être que je montre
l'extrême pour faire le point. Dans l'avenir est-ce que le genre de
contrat ou le genre d'activité de vente excédentaire
d'énergie sera similaire à ce que vous avez actuellement?
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien qu'il y a des
excédents d'énergie. On l'a mentionné encore une fois
l'automne dernier. On en prévoit jusqu'en 1990. Le genre de contrat
qu'on a signé avec PASNY et NEEPOOL, on devrait en avoir d'autres pour
essayer d'écouler les surplus le plus possible. Avec le projet de loi 4,
on entrevoit aussi, non seulement de vendre de l'énergie
excédentaire, mais on pourra aussi avoir des ventes d'énergie
ferme, c'est-à-dire que dans une période donnée, consentir
à avoir un bloc d'énergie qui s'en irait sur un marché
américain ou ontarien ou du Nouveau-Brunswick. Mais aussi - on l'a
mentionné tout à l'heure - la vente de puissance ferme, autrement
dit la vente ferme d'énergie et de puissance.
M. Kehoe: Cela implique des dépenses assez importantes
d'immobilisation ici au Québec, l'aménagement d'autres
infrastructures. J'imagine qu'autant pour vous que pour l'acheteur, vous
exigerez des contrats à long terme.
M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien que l'acheteur sera
obligé d'investir beaucoup chez lui parce que, si on parle des
Américains, à partir de la frontière, il faudra avoir des
lignes de transport aux États-Unis, peut-être jusqu'à New
York. Alors, de leur côté, les Américains devront investir
et de notre côté, si on vend du ferme, il faudra investir. Mais,
comme je le mentionnais tout à l'heure, on peut avoir un contrat - et le
ministre l'a mentionné aussi dans son exposé - dont le prix peut
ne pas être fixe, mais il peut jouer avec un certain paramètre qui
diminue les risques.
M. Kehoe: D'après vous, la situation
qu'on vit actuellement avec Churchill ou avec SIDBEC, où les
parties sont engagées à long terme à des prix qui sont
désastreux pour la province de Québec dans un cas et Terre-Neuve
dans l'autre, vous ne prévoyez pas ce genre de contrat que vous allez
entreprendre nécessairement avec la nouvelle orientation de cette
loi?
M. Bourbeau (Joseph): Je vous ferai remarquer que le contrat de
Churchill est bénéfique pour Terre-Neuve. Lorsque vous dites que
Terre-Neuve n'y voit pas son bénéfice, je m'inscris en faux
contre cela. La compagnie Churchill Falls fait des profits très
considérables sur ce contrat. Je ne dis pas que si Churchill Falls avait
des pertes et qu'à tous les ans elle devait se renflouer, mais ce n'est
pas le cas. L'an dernier, en 1981, Churchill Falls (Labrador) Corporation
était une des compagnies dont les bénéfices nets sur les
ventes étaient les plus élevés au Canada.
M. Kehoe: Je pense que vous aurez des discussions avec les
représentants de Terre-Neuve sur ce sujet.
En ce qui concerne le projet Pechiney, si le projet est pas mal
avancé et qu'il se réalise dans un échéancier assez
court, est-ce que cela représente une vente importante pour
Hydro-Québec? Je veux dire en ce qui concerne le volume total
d'Hydro-Québec actuellement. Quel pourcentage peut représenter un
projet de cette envergure de la vente ultérieure de la production dans
Hydro-Québec?
M. Bourbeau (Joseph): Au début, il y a une première
tranche qui est de 200 mégawatts. La puissance appelée à
HydroQuébec actuellement en 1983, c'est 20 000, donc c'est 1%. Lorsque
la deuxième série de cuves sera en marche, cela veut dire encore
200 mégawatts; alors, Pechiney prendra à peu près 1%
à 2% de notre puissance appelée.
M. Coulombe: D'ailleurs un projet comme Pechiney est prévu
dans l'augmentation de la demande régulière, est prévu
dans l'encadrement général de cette-demande
régulière interne au Québec. Alors, ce n'est pas un projet
qui bouleverse les données de la demande au Québec, c'est inscrit
dans l'évolution normale du Québec. Si ce n'était pas
Pechiney, ce seraient trois ou quatre autres projets de 20, 30 ou 50
mégawatts. Donc, cela rentre dans le cours régulier des affaires
d'Hydro-Québec.
M. Kehoe: D'accord. Pour moi, c'est terminé.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: Ce ne sera pas tellement long, M. le
Président. M. Bourbeau, dans votre document de ce matin, vous disiez que
le ralentissement de la croissance a permis ou permet - de rationaliser
davantage l'organisation d'Hydro-Québec. Cela m'amène à
parler de rationalisation, de déconcentration ou de
décentralisation par rapport aux structures régionales. Je ne
suis pas sûr que le projet de loi 4 va changer quoi que ce soit, mais de
toute façon. Comme il y a justement un article dans le Soleil de ce
matin qui dit qu'il n'y a pas de disparition des structures régionales
actuelles, cela m'amène à vous poser la question à savoir
où en est rendue toute la modification des strutures régionales.
Vous n'êtes pas sans savoir que dans une région comme la mienne,
soit l'Abitibi-Témiscamingue, les gens sont inquiets. Vous connaissez
sûrement aussi la position de certains de nos organismes
régionaux, comme la CR.D, etc. Alors, ce que je voulais savoir, c'est si
vous pouvez aujourd'hui, même si ce ne sera pas indiqué dans la
loi 4, contrer l'inquiétude qui existe chez nous, voulant qu'on peut
perdre des postes, par exemple, ou qu'on peut même perdre la
région apparemment.
M. Bourbeau (Joseph): Comme président du conseil, ce
projet ou cette étude n'est pas encore parvenue au conseil. Je vais
laisser au P.-D.G. le soin de répondre à votre question parce
que, actuellement, toutes les études sont sous l'autorité du
P.-D.G.
M. Coulombe: Dans le cas de la décentralisation
d'Hydro-Québec, il y a une étude interne qui est en cours
où on examine des possibilités d'organiser les activités
d'Hydro-Québec et de les rapprocher de la clientèle pour des
raisons d'efficacité et de meilleure qualité de service.
Vous comprenez que cette étude est assez complexe parce qu'elle
implique un siège social qui a ses habitudes depuis de très
nombreuses années et une multitude d'activités, dont
quelques-unes sont décentralisables et d'autres très peu.
Malgré ce qui est écrit dans le journal, il n'y a aucune
décision de prise, il n'y a aucune orientation définitive
d'arrêtée. C'est évident que pour certaines régions,
vers la fin de l'année, on espère avoir des orientations
arrêtées qui vont être alors discutées au conseil
d'administration.
Vous faites probablement allusion au siège de la région de
la Baie-James. On sait qu'il y a aussi des problèmes dans la
région de l'Outaouais versus Saint-Jérôme, et ainsi de
suite. Il y a plusieurs problèmes d'organisation régionale,
différents de la décentralisation, qui sont étudiés
en même temps. Il n'y a aucune décision qui est prise et le
dossier ne sera probablement pas prêt
avant la fin de l'année, comme orientation.
M. Bordeleau: Simplement en question additionnelle, est-ce que ce
serait pensable, au lieu par exemple de ce qu'on a entendu dire, de fusionner
l'Abitibi-Témiscamingue à une région plus au sud
plutôt que de fusionner la région de la Baie-James à celle
de l'Abitibi-Témiscamingue, et d'en faire vraiment une belle
région plus complète?
M. Coulombe: C'est une hypothèse qui est
étudiée.
Le Président (M. Desbiens}: M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais apporter non
seulement une précision, mais une correction à une affirmation
que je faisais tout à l'heure. N'étant pas très enclin
à me préoccuper des affaires fédérales, j'ai omis
tout à l'heure un volet important, qui est la présence de
l'Office national de l'énergie. Je pense qu'il est important de
distinguer deux choses dans nos contrats d'exportation: les contrats
d'exportation hors Québec mais intracana-diens et les contrats
d'exportation hors Québec hors Canada.
Lorsque nous vendons de l'énergie, peu importe sa forme, à
l'Ontario, au Nouveau-Brunswick ou à quelque autre province canadienne -
ce n'est pas encore arrivé qu'on en ait vendu à d'autres sauf
à Terre-Neuve -nous n'avons pas besoin d'aller devant l'Office national
de l'énergie et, en conséquence, ces contrats n'ont pas ce que
j'appellerais un caractère public.
Cependant, lorsqu'il s'agit d'exporter de l'énergie - qu'elle
soit excédentaire ou sous toute autre forme - vers une destination en
dehors du Canada, il faut bien sûr obtenir l'autorisation de l'Office
national de l'énergie. C'est dans ce sens que cela répond, je
pense - j'aurais peut-être dû le souligner d'emblée tout
à l'heure - à une des préoccupations de l'Opposition de
vouloir connaître la nature et l'ABC de ces contrats avec PASNY, NEEPOOL
ou avec tout autre acheteur américain. Ces contrats sont
nécessairement déposés devant l'Office national de
l'énergie et doivent être approuvés, après audience
ou sans audience.
Si l'Opposition veut avoir des assurances aux fins de connaître ce
qu'Hydro-Québec et le ministre de l'Énergie et des Ressources
fabriquent, je pense que le caractère public du contrat devient assez
éclatant lorsque nous nous soumettons à cette procédure
d'approbation des contrats devant l'Office national de l'énergie.
Il y aurait peut-être un dernier volet que je voudrais aborder, M.
le Président, présumant qu'on est à peu près
à la fin de nos travaux. Cela a été évoqué
ce matin par
MM. Bourbeau et Coulombe. Je peux peut-être me permettre d'aller
un peu plus loin pour ce qui est de la problématique d'écoulement
des surplus d'énergie électrique. (16 h 30)
Nous avons eu, bien sûr, beaucoup de succès avec le
programme qui a été offert à l'ensemble de l'industrie
pour ce qu'il est convenu d'appeler le programme des chaudières
industrielles ou chaudières électriques. Je pense que M. Coulombe
l'a longuement expliqué ce matin. Je n'ai pas l'intention d'y revenir.
Il a par ailleurs indiqué qu'il y avait sur nos tables de travail
d'autres problématiques pour en venir à écouler les
surplus. Il y a deux volets sur ce sujet et sans pour autant entrer dans tous
les détails je pense pouvoir aller aussi loin que mon collègue
des Finances, lors du discours sur le budget. Nous n'avons pas l'intention,
bien certain, de demeurer avec des surplus et de nous condamner à faire
du déversement, ce qui voudrait dire qu'on renonce à la
profitabilité des investissements pour lesquels nous payons des
dépenses en capital et des dépenses en intérêt.
Je compterais que de ces deux programmes, l'un pourrait être
axé sur un incitatif vers de nouveaux investissements, donc vers de
nouveaux développements, de nouvelles créations d'emplois, qui
devrait je crois lorsque connu faire en sorte que l'industrie et le secteur
commercial aussi réagissent de façon très positive. Tout
ce que je peux en dire pour l'instant - parce que le Conseil des ministres sera
appelé, d'ici deux ou trois semaines, à prendre une
décision finale sur les recommandations que je ferai - c'est de
qualifier ces deux volets: un incitatif axé sur de nouveaux
investissements et un autre volet que mon collègue de Mille-Iles a
abordé en posant des questions à MM. Bourbeau et Coulombe sur des
programmes Bi-énergie. Disons que ces programmes sont agressifs et
devraient faire en sorte d'inciter l'industrie à répondre
favorablement, et il est aussi certain que nous allons déplacer des
énergies concurrentielles - le mazout c'est certain -et il se pourrait
même que nous soyons amenés à déplacer des blocs
importants de gaz naturel. On verra alors mais nous comptons pouvoir, d'ici
deux ou trois semaines, obtenir une décision du Conseil des
ministres.
Il faut bien comprendre aussi que cela s'inscrit dans nos objectifs de
départ en 1978. II s'agit des objectifs de la pénétration
de l'hydroélectricité qui demeurent les mêmes. C'est un
chambardement complet qu'on vit actuellement à l'intérieur du
bilan d'Hydro-Québec. Si on veut maintenir le cap sur une composante
hydroélectrique à 41% à l'horizon de 1990 alors que la
croissance domestique de la demande électrique est en diminution, il
faut qu'on bouge quelque part.
Le gaz naturel devrait quant à lui poursuivre sa
pénétration sur ses marchés propres et aux environs de
1990 tenir à peu près 16% du bilan alors que le reste serait aux
environs de 42% à 44% en pétrole, ce qui serait une
amélioration très marquée par rapport à la
situation de notre bilan de l'année 1975.
Ces deux programmes seront donc annoncés en temps utile. Ils sont
analysés présentement par différents comités
ministériels du gouvernement et ils devraient être
présentés au Conseil des ministres d'ici la fin de juin pour une
décision finale.
Quant à moi, ce seraient les derniers mots que j'aurais à
dire sur les travaux de cette commission aujourd'hui. Normalement ce projet de
loi serait appelé pour le débat de deuxième lecture mardi
prochain et, aussitôt que nous l'aurons adopté à
l'unanimité ou sur division, au cours de la journée de mardi,
nous reprendrions l'étude article par article du projet de loi. Nous
pourrions peut-être aussi répondre à ce moment de
façon plus spécifique aux questions qui ont été
soulevées depuis l'avant-midi.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que nos invités
ont autre chose à ajouter?
M. Bourbeau (Joseph): Je vais ajouter à la fin de cette
commission, je voudrais vous exprimer le plaisir que j'ai eu moi-même -et
je pense celui de M. Coulombe - de venir vous rencontrer et d'expliquer un peu
ce que nous avions dans le projet de loi et de répondre à vos
questions. Nous vous remercions infiniment.
M. Duhaime: Je veux vous faire remarquer, M. le Président,
que la commission de l'énergie et des ressources dont on a beaucoup
parlé durant les dernières semaines a retrouvé son climat
de calme et de sérénité et je note avec
appréciation le fait que le député de Chapleau s'est joint
à nous. Il nous a beaucoup manqué pendant les discussions sur LG
2. Je remercie mes collègues qui m'ont assisté lors des travaux
de cette commission. Je voudrais remercier aussi la direction
d'Hydro-Québec, son président du conseil, M. Bourbeau, le P.-D.G.
de l'entreprise, M. Coulombe, d'avoir bien voulu se prêter aux questions
des membres de la commission.
M. Kehoe: II faut admettre que la nature de cette commission est
bien différente de l'autre, ainsi que les témoins qui ont comparu
ici aujourd'hui. C'est très différent.
M. Bordeleau: C'étaient des invités. Aujourd'hui ce
sont des invités.
M. Kehoe: C'est cela.
M. Duhaime: Que vous l'ayez remarqué, c'est
déjà beaucoup.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les intervenants
et les membres de la commission. Je prie le rapporteur de présenter son
rapport à l'Assemblée nationale le plus tôt possible. La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 36)