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(Onze heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend donc ses travaux aux fins d'examiner les circonstances
entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du
premier ministre et de son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt
(Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M.
Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne
(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly),
M. Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est toujours M. LeBlanc de Montmagny-L'Islet.
Je tiens à vous faire mention que nous travaillons à
partir de maintenant jusqu'à 13 heures. Nous reprendrons de 15 heures
à 18 heures et, selon la motion en Chambre, de 20 heures à 22
heures. Je céderais la parole à M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, ce matin, nous allons
entendre le premier ministre qui voudrait s'adresser à la commission
parlementaire pour faire d'abord une déclaration et ensuite
répondre aux questions des députés membres de cette
commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
Propos sur la déclaration solennelle
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais qu'on clarifie au
départ le statut du premier ministre à cette commission. Je ne me
souviens pas que vous ayez mentionné son nom lorsque vous avez
donné la liste des membres et intervenants. Alors, je présume
donc qu'il est un invité comme tous les invités ou témoins
qu'on a reçus jusqu'à maintenant. Je vous rappelle simplement que
la demande que j'avais faite, au début des travaux de cette commission,
à savoir que les témoins soient assermentés, tient
toujours.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources a-t-il quelque chose à dire sur ce
point?
M. Duhaime: Oui, M. le Président. En fait, il est pour le
moins inhabituel que le premier ministre vienne en commission parlementaire
dans des circonstances comme celles-ci. Je voudrais dire cependant que M.
Lévesque, comme député de Taillon, a déjà
prêté serment comme député, comme tous et chacun des
membres de cette commission parlementaire et de l'Assemblée nationale,
en 1976 et en 1981. Il a également prêté serment comme
membre du Conseil exécutif depuis le 25 novembre 1976 et ce, sans
interruption. Il a également fait une déclaration solennelle ou
prêté serment comme chef du Conseil exécutif,
c'est-à-dire comme premier ministre, le 30 avril 1981. Je pense que ce
matin comme hier, comme dans le cours normal de ses fonctions comme
député, comme membre de l'Exécutif, comme premier
ministre, il est toujours sous son serment d'office.
On n'en fera pas un drame ou une question de procédure, si
l'Opposition y tient absolument, quoique nous ayons des réserves et que
nous pensions que c'est superfétatoire comme le dirait mon
collègue de l'Éducation. Le premier ministre peut faire une
déclaration solennelle. Cela serait la quatrième pour M.
Lévesque.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas que cette
demande apparaisse comme étant dérogatoire, car elle a
été faite à l'égard de tous les témoins. On
m'a fait valoir que le premier ministre voudrait témoigner de son
siège, d'un siège de député. Vérification
faite, on m'a appris que l'ancien règlement prévoyait qu'un
député témoigne
de son siège alors, pour cette question, c'est
réglé. Mais en ce qui concerne le serment, l'un n'annule pas les
autres; plusieurs des témoins qui étaient ici étaient
déjà sous des serments d'office institutionnels. Je ne pense pas
que la Loi sur l'Assemblée nationale fasse état d'autres serments
ou que cette obligation de prêter serment, si un membre le demande, soit
annulée par le fait qu'on ait déjà prêté
serment.
Le Président CM. Jolivet): Je vous remercie. Il semble y
avoir une forme d'entente que je vais rendre formelle en vertu du
règlement. Je sais très bien qu'en vertu de l'article 148 du
règlement, "tous les députés ont accès aux
commissions, mais ceux qui n'en sont pas membres et les autres personnes
doivent obtenir la permission de la commission pour s'y faire entendre". Je
dois comprendre que, de part et d'autre, on ne s'oppose aucunement à ce
que le premier ministre soit entendu. C'est la première question de
réglée. Consentement.
La deuxième, quant à la Loi sur l'Assemblée
nationale, la déclaration solennelle est prévue aussi à la
Loi sur l'Assemblée nationale. En conséquence, puisque le
ministre dit qu'il n'y a pas d'objection qu'elle se fasse, elle pourrait se
faire de son siège. Le député de Marguerite-Bourgeoys
ajoute qu'en vertu du règlement, tout député... Et la
constance est là et de son siège, quand il vient à une
commission parlementaire.
Il me reste une autre question à poser. Je crois comprendre qu'on
donnera la permission au premier ministre de faire sa déclaration
préliminaire et, après, on pourra lui poser des questions. En
conséquence, quant au temps au niveau des questions qui lui seront
posées, chacun posera des questions et le premier ministre aura à
répondre, mais, pour éviter tout imbroglio, il serait bon de
passer par mon intermédiaire comme président pour adresser la
question à M. le premier ministre.
Ceci étant bien clair au départ, je vais... Oui, M. le
député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): J'aimerais soulever un point.
Vous avez parlé de la Loi sur l'Assemblée nationale. D'accord, le
premier ministre va prêter serment ou fera une déclaration
solennelle, mais j'aimerais bien qu'on mentionne que, s'il le fait, c'est
volontairement et ce n'est pas la loi qui l'y oblige parce que la Loi sur
l'Assemblée nationale parle des personnes assignées comme
témoins devant notre commission parlementaire. Or le premier ministre
n'est pas assigné comme témoin.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez absolument raison, M.
le député. C'est de son propre chef qu'il le décide
ainsi.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. La
toute petite hésitation que j'avais à reprendre sous une autre
forme à peu près l'essentiel des trois ou quatre serments
d'office que j'ai déjà eu l'occasion de prêter, c'est qu'on
crée ainsi, je crois, un précédent qui, probablement, ou
possiblement pourrait affecter mes successeurs, mais je n'ai pas la moindre
objection. Pour simplifier, je pourrais fort bien prêter serment, mais je
me contenterai de jurer, ou plutôt de déclarer solennellement que
je dirai ici toute la vérité et rien que la
vérité.
M. Lalonde: Est-ce que c'est le greffier qui...
Le Président (M. Jolivet): Non, vu que c'est une
déclaration solennelle, il la fait de son siège.
M. le premier ministre, la déclaration...
M. Lalonde: Excusez-moi une seconde, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Lalonde: Est-ce que, comme président de la commission,
vous trouvez cette procédure acceptable ou en vertu de quel article
est-ce prévu ou autorisé? Je veux bien parce que c'est une
façon de procéder. La loi prévoit le serment en vertu
de...
Le Président (M. Jolivet): Non, la Loi sur
l'Assemblée nationale prévoit deux choses, soit une
déclaration solennelle - cela a été fait - ou un
serment.
M. Lalonde: La déclaration solennelle est traitée
sur...
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je me considère aussi
fortement lié par cette déclaration que par un autre serment,
quoi que semble en penser le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: M. le Président, la procédure
utilisée, pour l'information du député de
Marguerite-Bourgeoys, vous la retrouvez à l'annexe 2 de la loi 90, Loi
sur l'Assemblée nationale. Ce que le premier ministre a lu, il y a
quelques secondes, c'est le mot à mot de cette formule qui
réfère à l'article 52 de la loi.
M. Lalonde: M. le Président, c'était seulement pour
faire une dernière demande.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, les invités
prêtaient serment sur l'Évangile ou faisaient une
déclaration solennelle sur l'Évangile. Si vous considérez
que la déclaration solennelle qui vient d'être donnée par
le premier ministre est valable et équivaut à ce serment,
à ce moment-là, M. le Président, j'accepterai votre
décision.
Le Président (M. Jolivet): Je pense l'avoir rendu dans ce
sens, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est que la
déclaration solennelle faite par le premier ministre est en vertu de
l'annexe 2 de la Loi sur l'Assemblée nationale.
M. le premier ministre, vos préliminaires.
Déclaration du premier ministre M. René
Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois
dire, pour commencer, que je n'ai, pour ma part, aucune documentation
personnelle quelle qu'elle soit sur ce règlement hors cour de 1979. La
raison en est fort simple. Je n'en ai jamais vu l'utilité, puisque mon
rôle n'a été que de recommander fortement que l'on
aboutisse à un tel règlement, un point c'est tout.
Quant aux souvenirs qui m'en reviennent, ils sont assez sommaires. Cela
se comprend peut-être après quatre ans et demi. En fait, ces
souvenirs découlent pour l'essentiel de ce qu'ont pu me remettre en
mémoire les deux interventions que je faisais à
l'Assemblée nationale le 20 février 1979 pour répondre au
député de Marguerite-Bourgeoys. (Il h 45)
Touchant les faits qui ont entouré ma recommandation d'il y a
maintenant quatre ans et demi, je vais donc rester à l'intérieur
de ces limites, en prenant bien garde, surtout, de ne pas m'alimenter
indûment à même tout ce qui a été dit ou
produit depuis deux mois devant cette interminable commission.
D'abord, si on me le permet, je voudrais évoquer le pourquoi de
cette recommandation que j'ai faite à la Société
d'énergie de la Baie James, en fait à l'ensemble
d'Hydro-Québec.
Ensuite, la façon dont cette recommandation fut transmise aux
intéressés, et ce que je me rappelle de la suite des
événements.
Et, évidemment, mes propos à ce sujet à
l'Assemblée nationale et le fait qu'ils n'étaient aucunement de
nature à induire la Chambre en erreur.
Après quoi, on me permettra, j'en suis sûr - puisque les
procureurs libéraux ne s'en sont guère privés en cours de
route d'ajouter quelques très brefs commentaires en terminant.
Le saccage du chantier LG 2 à la Baie-James, il y avait
déjà presque cinq ans qu'il s'était produit et à
peu près trois ans que des poursuites judiciaires en avaient
résulté lorsque, à la fin de 1978, on nous a fait repenser
à tout cela. Les poursuites contre divers syndicats étaient en
effet sur le point d'aboutir devant les tribunaux et on nous demandait,
à mon chef de cabinet, Me Boivin, et à moi-même,
d'intervenir dans le sens d'un abandon de ces poursuites et d'un
règlement hors cour. Demande qui provenait, naturellement, de certains
défendeurs syndicaux.
Il ne m'est jamais venu à l'esprit que je pourrais avoir le droit
de ne pas me préoccuper de la question. Comme chef du gouvernement,
représentant politique des citoyens propriétaires de
l'entreprise, c'était, me semblait-il, mon devoir le plus strict de me
faire une opinion et, le cas échéant, de la faire connaître
à qui de droit. D'autre part, il était absolument essentiel de
relire le rapport de la commission Cliche. Comme je l'ai dit en Chambre,
à l'époque, et je cite: "C'était là le fruit de la
seule enquête, sauf erreur, qui a été faite d'une
façon globale sur ce saccage de la Baie-James." C'est en effet le 3 mai
1974, soit moins de deux mois auprès l'événement, que
cette commission avait été formée, et,
précisément, 364 jours plus tard, le 3 mai 1975, qu'elle avait
remis son rapport. Pour quiconque avait à se faire une opinion, rendu en
1978, c'était évidemment la source d'information indispensable
entre toutes. Nous avons donc relu ce rapport. Pour ma part, je me souviens de
l'avoir fait avec le plus grand soin. Après quoi, avant le congé
de Noël 1978, Me Boivin et moi-même avons fait le point. Et il nous
est apparu à l'évidence qu'un règlement hors cour
était bel et bien indiqué.
Et voici pourquoi. D'abord, en ce qui concerne le syndicat
américain qui était poursuivi, lui aussi, ce syndicat
américain dont la solvabilité était le seul facteur de
crédibilité d'une réclamation de plus de 30 000 000 $.
Solvable donc, ce syndicat américain? Oui, fort probablement. Mais
responsable? Quant à nous, d'aucune façon. Le rapport Cliche ne
peut laisser le moindre doute à ce propos. Le seul reproche qu'il trouve
à adresser à ce genre d'union qu'on dit internationale,
c'est-à-dire américaine, en fait - et ce reproche, le rapport le
fait sans ménagement - c'est d'avoir des statuts qui font fi,
littéralement, de nos lois en ce qui touche leurs filiales canadiennes
ou
québécoises. Mais concernant l'opération saccage,
il apparaît très clairement que les Américains n'avaient
rien eu à voir là-dedans et qu'il s'était agi d'un coup
monté exclusivement par des mécréants bien de chez
nous.
D'autre part, à supposer qu'on eût quand même
cherché à faire payer les Américains, il était tout
aussi clair, c'est le moins que je puisse dire, qu'on n'était pas sortis
du bois. Dans l'opinion émise à ce propos par des procureurs de
la Société d'énergie de la Baie James et dont Me Boivin
avait pris connaissance, l'on retrouvait à tout bout de champ des mots
comme "possiblement", "il est à présumer" ou encore "la
responsabilité se trouve peut-être engagée", etc. Bref, il
sautait aux yeux que cet aspect de la cause était terriblement
aléatoire. Et l'on ne pouvait s'empêcher de penser au
pèlerinage judiciaire que cela aurait forcément impliqué.
Jusqu'en Cour suprême ici au Canada et puis on recommence aux
États-Unis! Après combien de millions de frais d'avocats et de
procédures? On serait encore probablement en train de patauger
là-dedans aujourd'hui, en 1983, et sans doute pour quelque temps encore.
Mais surtout, au-delà de tout cela, et je tiens à le
répéter, cette poursuite contre les syndicats américains
demeurait dès l'abord parfaitement inéquitable. On ne fait pas
payer aux autres nos propres mauvais coups.
Arrivons-en maintenant aux vrais et principaux responsables du saccage,
les syndicats québécois. Je réfère ici aux clients
de Me Jasmin, aujourd'hui juge Jasmin, c'est-à-dire l'Union
internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, assez
bien connue à l'époque et le Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction (FTQ). À deux reprises, lors de
mes interventions en Chambre, le 20 février 1979, j'ai été
on ne peut plus clair à ce sujet, en parlant par exemple, je cite: "des
syndicats québécois qui peuvent être tenus techniquement et
juridiquement responsables, d'ailleurs ils l'admettent".
Mais alors, pourquoi m'étais-je également permis de dire:
"il me semble, c'est le sentiment que j'en ai, qu'il serait injuste de faire
payer par l'ensemble des travailleurs des montants importants pour lesquels ils
ne sont franchement pas responsables?". Là-dessus, il faut retourner de
nouveau au rapport de la commission Cliche. À l'Assemblée
nationale, en février 1979, je m'étais contenté d'en citer
un seul passage de ce rapport. Un passage qui est en quelque sorte une
conclusion sur le fameux saccage. Curieusement, c'est ce même passage, et
lui seul, qu'on a cru bon de rappeler à plusieurs reprises, au cours des
travaux de cette commission. Il me semble que c'est bien court.
Évidemment, à la période des questions, en 1979 - on sait
que ce n'est pas un moment qui se prête aux longs discours - je
m'étais contenté de cela, mais il me semble que c'est bien court
et que cela ne permet pas de saisir comme il le faut le véritable roman
d'horreur dont la destruction du chantier de LG 2 devait être le point
culminant.
Le rapport Cliche rappelle d'abord qu'au cours de négociations -
c'était vers 1970 - sur le décret de la construction, tout le
monde s'était entendu sur la nomination d'un nombre très
important de "délégués de chantier", comme on les
appelait, qui auraient comme fonction "de veiller à l'application du
décret et des conditions de travail des salariés qu'ils
représentent..."
Comme le souligne le rapport, c'était une excellente idée
que "cette attribution de la surveillance et de l'application du décret
aux représentants des travailleurs". L'idée était
indiscutable, mais ce qu'il faut voir, c'est l'application qui en fut faite par
certains syndicats de la FTQ-Construction, ceux en particulier qu'on devait
retrouver en première ligne dans les événements de la
Baie-James.
Je cite les pages 32 et 33 du rapport Cliche. "Les témoignages
révèlent en effet que cette clause a eu pour conséquences
d'abord la création, ensuite l'entretien d'une armée
privée de fiers-à-bras sans pareille dans l'histoire des
relations ouvrières au Québec. "Du jour au lendemain, sans que
les simples travailleurs eussent été le moindrement
consultés, quelque 2000 individus furent sacrés "maîtres"
de la construction et instaurèrent le terrorisme dans les chantiers
(...) "Un alarmant pourcentage des délégués se compose de
repris de justice. La Sûreté du Québec a analysé
leurs dossiers selon la méthode scientifique pour le compte de la
commission; cette étude constitue en soi un témoignage
éloquent sur le noyautage de l'industrie de la construction par la
pègre."
Parmi cette pègre, il y a deux noms surtout qui reviennent au
premier plan tout au long de cette enquête sur les tenants et
aboutissants du saccage de la Baie-James: les dénommés
René Mantha et Yvon Duhamel.
Je prends le passage suivant aux pages 69 et 70 du rapport Cliche: "M.
René Mantha était l'un des hommes forts de ce régime de
terreur. C'est lui qui a inspiré la vocation syndicale de Yvon Duhamel.
Il est vrai que la sienne était elle-même d'éclosion toute
fraîche - sa vocation (...) "M. Mantha avait déjà acquis
une solide expérience dans un autre milieu. Son dossier judiciaire en
témoigne éloquemment. Il montre une spécialisation en
matière de violence caractérisée, entre autres, par une
attaque contre son propre frère à coups de poignard dans le dos.
Sa compétence fut
reconnue puisqu'on le voit, le jour des élections, en octobre
1973, diriger une escouade d'une douzaine de fiers-à-bras, dont notre
boxeur Yvon Duhamel, armé, comme il se doit, d'un coup de poing
américain, faisant le tour des deux comtés de Taillon et de
Laporte.
Mantha et trois de ses voyous se font arrêter durant l'avant-midi,
en train de faire du grabuge à l'entrée d'un comité du
Parti québécois dans le comté de Taillon.
Relâchés à la suite des représentations d'un
avocat, ils continuent de vaquer à leurs activités.
Ces activités devaient d'ailleurs les faire arrêter puis
relâcher une seconde fois dans la même journée
jusqu'à ce qu'un autre avocat libéral arrive au poste de police,
porteur d'une lettre du secrétaire d'élections pour le
comté de Laporte, lettre qui se terminait ainsi, je cite: "J'autorise la
libération des personnes susdites à la condition expresse et
formelle qu'ils (sic) -les personnes - quittent le comté de Laporte et
n'y reviennent pas d'ici la clôture du scrutin." Et le rapport Cliche
d'enchaîner comme suit: "Ces honnêtes travailleurs
d'élections purent donc se remettre à l'oeuvre, mais
ailleurs."
Ailleurs hélas! pour le dénommé Duhamel et d'autres
bandits de même acabit, cela devait signifier, dans les mois suivants, et
jusqu'au saccage de mars 1974, les malheureux chantiers de la Baie-James. Si
j'ai cité ce passage "électoral" du rapport Cliche, ce n'est pas
pour le plaisir un peu méchant, en tout cas sûrement pas seulement
pour cela, de rappeler à certains quelques mauvais ou peut-être
quelques bons souvenirs. C'est pour souligner que si les
antécédents syndicaux de ces individus étaient aussi
courts que douteux, ils avaient par ailleurs d'autres accointances qui doivent
forcément figurer dans toute réflexion sur une question de
responsabilité.
Voici donc cette cohorte de bandits installée à la
Baie-James. Loin des régions peuplées, dans un contexte où
leurs pouvoirs de délégués de chantier vont leur permettre
des comportements auprès desquels leurs exploits d'honnêtes
travailleurs d'élections sont de la petite bière.
Un seul exemple: Le témoignage devant la commission Cliche d'un
certain Lavergne, un des piliers, comme Yvon Duhamel, du local de
l'époque, local 791 de la FTQ-construction. Il y raconte de quelle
manière, à LG 2 justement, on s'y était pris pour obtenir
un scrutin favorable à une grève illégale.
Cela se trouve à la page 13 du rapport Cliche et je cite: "Nous
autres, on ne participait pas au vote, on s'occupait simplement à
empêcher ceux qui étaient contre la grève de voter, de ce
fait il y a une partie de notre groupe qui est restée à
l'intérieur de la cafétéria ils ont barricadé les
portes avec des deux par quatre (2 x 4) et les autres étaient à
l'extérieur qui les empêchaient d'approcher de la porte
jusqu'à temps que le vote soit pris, s'il y avait des gars qui voulaient
forcer la porte on s'en occupait."
Et comment s'en occupait-on, le cas échéant? Quelques
lignes plus loin, le même individu en donne un exemple des plus concrets
et je cite à la même page: "Quand le vote suivant a
été, disons, prêt à se faire, on s'était
arrangé un certain groupe ensemble, une cinquantaine, peut-être un
peu plus.(...) On s'est groupé une cinquantaine armés, certains
de trente-huit (.38), d'autres de quarante-cinq (.45), d'autres avec des
chaînes, des "bats" de baseball, en conséquence." Le
président ne peut s'empêcher de poser la question suivante: Est-ce
que c'était des revolvers tout ça? La réponse: "Oui, on
avait des trente-huit (.38). Moi, personnellement, j'avais un Magnum
quarante-cinq (.45)."
Il me semble que, sur ce point, le fait que des bandits professionnels
avaient fait main basse sur les syndicats de la FTQ-Construction et tout
spécialement ceux de la Baie-James, ces évocations devraient
suffire. Oublions les travailleurs qui furent effectivement bousculés,
expulsés, assommés. Ceux qui voudraient se documenter davantage
n'ont qu'à relire eux-mêmes ce rapport impitoyable de la
commission Cliche. (12 heures)
Avant de conclure ce tour d'horizon d'un chapitre vraiment sinistre de
l'histoire du syndicalisme, on doit encore, si brièvement que ce soit,
évoquer ce qu'il faut bien décrire comme l'omniprésence
et, à l'époque, la puissance vraiment multidi-mensionnelle d'un
empire du crime qui ne tenait pas seulement les chantiers dans ses tentacules,
mais aussi le plus important organisme établi par le gouvernement et
l'Assemblée nationale pour régir au sommet l'industrie de la
construction. Cet organisme, c'était la Commission de l'industrie de la
construction, la CIC, à laquelle, à la suite du rapport de la
commission Cliche, devait succéder l'actuel Office de la construction du
Québec, l'OCQ.
La CIC, c'était là, en plus des chantiers eux-mêmes,
à la fois tout un enjeu et tout une police d'assurance pour les
"racketeers" qui étaient au pouvoir. À la page 138 du rapport
Cliche, je cite: "La CIC était une entreprise considérable qui
devait à la fois interpréter et appliquer le décret de 140
000 travailleurs, à l'emploi de 15 000 entrepreneurs. Elle comptait
quinze bureaux régionaux, employait plus de 600 personnes et son budget
administratif atteignait en 1973 18 000 000 $. "Parallèlement, pour
administrer le régime de sécurité sociale de l'industrie
de
la construction, on avait créé le Comité des
avantages sociaux de l'industrie de la construction. Le CASIC logeait sous le
même toit que la CIC, fonctionnait comme elle et l'assurait de tous ses
services techniques (services d'informatique, d'inspection, etc.). Ses
encaissements sont présentement - le rapport parle de l'année
1975 - de l'ordre de 90 000 000 $ par année."
C'est ici que le rapport de la commission Cliche identifiait le plus
clairement, le plus concrètement et de façon
particulièrement lapidaire l'individu indiscutablement remarquable qui
régnait sur ce véritable état criminel dans l'Etat: le
célèbre André "Dédé" Desjardins. Page 139 du
rapport Cliche, je cite: "La preuve révèle que plusieurs
inspecteurs de la CIC n'étaient rien d'autre que des agents d'affaires
de la FTQ-Construction. En fait, si M. André Desjardins, directeur
général du Conseil provincial des métiers de la
construction, avait d'une part une armée de
délégués de chantier bien entraînés, il
pouvait aussi compter sur une fort bonne escouade d'inspecteurs à la
Commission de l'industrie de la construction..." Les deux groupes avaient en
commun leur dévouement aux intérêts de M. Desjardins. Le
rapport enchaîne: "Si, fort heureusement, la majorité des
employés et des inspecteurs de la commission était honnête
et remplissait son mandat au meilleur de sa capacité et dans
l'intérêt des travailleurs, pour plusieurs autres, leurs emplois
étaient une récompense pour services rendus au local 144 des
plombiers ou d'autres locaux de la FTQ-Construction."
On imagine, il me semble en tout cas, assez facilement le réseau
fourni de complaisances et de complicités spontanées ou
forcées, et qui allait chercher pas mal loin dans la
société, que pouvait requérir le maintien à peu
près incontesté d'une telle combine de terrorisme et de racket.
C'est ce que le rapport Cliche évoque assez bien en résumant en
une phrase cette journée, une journée chaleureusement conjointe
de MM. "Dédé" Desjardins et Paul Desrochers, bras droit du
premier ministre de l'époque, et je cite: "...il était imprudent
pour M. Desrochers d'explorer la possibilité d'accorder un monopole
syndical à M. André Desjardins, le midi, au Club de la Garnison,
à Québec, puis de retrouver ce même M. Desjardins, le
même soir, à Sept-Îles, pour lui demander de l'aide afin que
l'élection partielle de ûuplessis, et je cite: "se passe dans un
climat serein."
Est-il surprenant que sur les chantiers, tout en haut, les simples et
honnêtes travailleurs de la construction, encadrés de force par
des bandits dont les chefs étaient pour ainsi dire pas mal au pouvoir,
aient perdu complètement le contrôle effectif de leurs syndicats?
Aussi, la commission Cliche a-t-elle émaillé son rapport de
constatations comme celles-ci, à la page 16: "II est de
notoriété publique que les scrutins de grève de la
FTQ-Construction se déroulent à Montréal et que n'y
participe qu'une faible proportion des membres, sans que la masse des
travailleurs ait l'occasion de se prononcer. C'est ce même groupuscule
qui se charge ensuite de diffuser la bonne nouvelle dans tout le Québec
et de la faire accepter par les moyens qu'on connaît." Encore à la
page 66, cette évocation assez saisissante du saccage à LG 2 le
21 mars 1974, je cite: "La suite, dit la commission, fait partie des annales
judiciaires, puisque Yvon Duhamel purge maintenant une peine de dix ans de
pénitencier. Beaucoup de gens se rappelleront longtemps cette
scène incroyable, celle d'un agent d'affaires qui fonçait sur des
génératrices de 250 000 $ pièce à coups de
bélier mécanique. Il revint en face du local de la FTQ - toujours
sur le chantier - pour s'adresser de nouveau à la foule, défoncer
ensuite d'immenses réservoirs à essence, mettre le feu à
son bureau et, avec l'aide de ses complices, à une bonne partie du
camp." Et la commission ajoute: "Tout cela sous les yeux ébahis et
impuissants des travailleurs ordinaires assistant à la destruction de
leur camp et à la perte de leurs emplois."
Voilà comment, M. le Président, j'en étais venu
personnellement à une opinion claire et nette, qui rejoignait
d'emblée la recommandation que me fit, à la veille de Noël
1978, M. Jean-Roch Boivin. Comme on le sait, c'est ce dernier qui se chargea de
transmettre, le 3 janvier 1979, cette opinion et cette recommandation à
M. Claude Laliberté, président de la Société
d'énergie de la Baie James, à savoir que nous étions en
faveur d'un règlement hors cour.
Après quoi, en janvier, si ce n'est de quelques propos
échangés par-ci, par-là avec Me Boivin, je ne me souviens
d'aucun autre fait pertinent jusqu'à la rencontre que me demanda le
conseil d'administration d'Hydro et de la Société
d'énergie de la Baie James pour le 1er février suivant.
Quant au déroulement de cette rencontre avec M. Laliberté
et l'autre président-directeur général, celui d'Hydro, M.
Boyd, et avec M. Lucien Saulnier, qui était alors président du
conseil d'administration, tel qu'il me revient approximativement à la
mémoire, il correspond tout à fait au récit que Me Boivin
en a fait ici même - je ne le répéterai pas - sauf deux
éléments dont il est normal que je me souvienne avec plus de
précision, puisque c'est moi qui en étais responsable. Il y a eu,
premièrement, certaines questions insistantes sur la façon dont
la rencontre avait été préparée. Je puis dire que
je me rappelle simplement, pour ma
part, que j'avais demandé à mon chef de cabinet de prendre
lui-même, dès le début, l'initiative de la discussion,
puisque c'est lui qui avait, de loin, une meilleure connaissance des opinions
et argumentations juridiques et de tous les aspects de la cause, en fait.
Ainsi que M. Boivin l'a raconté, c'est ensuite, après ces
premières interventions, que j'ai pris part plus activement à la
discussion. Plus activement et plus vivement aussi. Est-ce que cela aurait pu
me conduire jusqu'à la phrase plutôt brutale - un phrase, en fait,
impérative au point d'être vraiment sans queue ni tête - une
phrase que j'aurais prononcée, puisque M. Laliberté a fini par
s'en souvenir à force de questions? Pour ma part, elle ne me rappelle
strictement rien, je puis vous le dire. Mais puisque M. Laliberté se
l'est rappelée sous serment, moi je veux bien admettre qu'à un
certain moment, me sentant vraiment excédé, j'aie pu dire quelque
chose comme cela, parce que, effectivement, et cela je m'en souviens
très clairement, l'attitude du président d'Hydro, M. Robert Boyd,
avait fini, pendant cette rencontre, par m'excéder. C'est très
simple. C'était une attitude littéralement braquée, qui me
semblait avoir quelque chose d'un peu vengeur, comme s'il s'était agi de
punir une sorte de crime de lèse-majesté. M. Boyd disait tenir
mordicus à aller coûte que coûte jusqu'à un jugement,
même sans trop savoir s'il pourrait être exécuté.
J'avoue que cela me tapait sur les nerfs, il n'y a pas d'autre expression.
D'autant plus que, depuis quelque temps déjà - et cela a
été évoqué au cours de la rencontre, sauf erreur -
les syndicats québécois impliqués étaient
prêts à admettre leur responsabilité dans le saccage, ce
qui me semblait - même si je suis profane -avoir le même effet
fondamental qu'un jugement de cour, sur cet aspect des choses, en tout cas.
J'ajoute que, ni avant ni après cette rencontre du 1er
février 1979, je n'ai eu ni cherché l'occasion d'exercer quelque
pression que ce soit sur aucun des membres du conseil d'administration
conjoint, Hydro-Québec et Société d'énergie. En
fait, si j'ai bonne mémoire, je n'ai vu aucun d'entre eux pendant les
quelque trois mois dont on parle.
De plus, j'affirme à nouveau, catégoriquement, que ni de
près ni de loin, ni moi ni mon bureau n'avions à nous mêler
des négociations qui se sont amorcées entre les parties pour
tâcher de concrétiser l'éventuel règlement. Ce
n'était pas notre affaire. Nous étions convaincus, je l'ai dit,
que le syndicat américain, tout en étant solvable, n'avait aucune
responsabilité dans les faits. Et, d'autre part, nous étions
sûrs que les syndicats québécois, tout en étant
responsables, eux, juridiquement, étaient, à toutes fins utiles,
insolvables - insolvables, en tout cas, en regard de réclamations de
plus de 30 000 000 $, ou encore d'une autre qui avait été
évoquée, de 17 000 000 $ ou de 18 000 000 $ - insolvables pour
des montants pareils, à moins d'aller pressurer pendant des
années l'ensemble de leurs cotisants qui avaient été
foncièrement victimes des excès criminels d'un groupe de
bandits.
Restait donc, si l'on acceptait de régler hors cour, à
négocier essentiellement un quantum quelconque, une somme d'argent, le
mieux possible, avec les syndicats québécois. Et ça,
c'était strictement l'affaire des parties. Et c'est si vrai que j'ai
été fort surpris, le 20 février 1979, lorsqu'en Chambre le
député de Marguerite-Bourgeoys s'est mis à évoquer
une certaine hypothèse de règlement à 125 000 $.
Je dois ajouter que j'ai également été quelque peu
surpris lorsque j'ai appris, quelques semaines plus tard, au mois de mars 1979,
le montant de 300 000 $ sur lequel on s'était finalement entendu. Il
m'aurait semblé - c'était une opinion personnelle - qu'à
tout le moins, on aurait pu exiger l'équivalent des frais judiciaires
qui avaient été engagés par la société
d'énergie dans cette cause. Mais, comme nous avions fermement
décidé de ne pas nous immiscer dans ces négociations qui
étaient clairement, quant à nous, de la responsabilité des
administrateurs de l'entreprise, je n'avais pas à m'en mêler plus
après qu'avant, ni à porter un jugement sur la conclusion
à laquelle ils en étaient venus dans le meilleur
intérêt, à leur avis, de la Société
d'énergie de la Baie James.
Le règlement, c'était au mois de mars. Mais, le 20
février, on n'en était pas là. Ce 20 février 1979,
jour de fin de session, lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys
me fit l'honneur de me poser quelques questions et ensuite de réclamer
un minidébat sur le même sujet, ce règlement hors cour
n'était pas encore une certitude. C'était tout au plus une
probabilité. Ce qui explique amplement, je crois, la prudence avec
laquelle je répondis à la première question du
député de Marguerite-Bourgeoys où l'on me demandait s'il
était exact qu'un tel règlement était envisagé.
"Premièrement, ai-je répondu, il est exact qu'il est question
d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en
sais, assez avancé." Ce qui était strictement conforme à
l'état de la situation tel que je le connaissais.
Question suivante du député de Marguerite-Bourgeoys, ce
même 20 février 1979: "Deuxièmement, est-il exact que c'est
dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou
d'un de ses représentants, qu'une partie de cette négociation de
règlement a eu lieu?"
Première partie de ma réponse, première phrase: "Ce
n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier
ministre que le règlement ou partie du
règlement a eu lieu."
Et, bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule, hors de son
contexte, si on la prend donc très malhonnêtement, comme on l'a
fait à maintes reprises, depuis quelques semaines, cela pouvait avoir
l'air de cacher une partie des faits. Mais si on a la simple bonne foi de
replacer cette phrase dans le contexte global de mes deux interventions de ce
jour-là, il me semble que, là encore, un minimum de bonne foi
permet de voir aussitôt que je n'avais rien déguisé.
D'ailleurs, qu'est-ce que j'aurais pu, pour l'amour du ciel, avoir à
gagner à cacher quoi que ce soit? Mais enfin! (12 h 15)
Un peu plus loin, au cours de cette même réponse en
Chambre, voici, en effet, ce que j'ajoutais à propos de l'opinion que
j'avais transmise aux dirigeants d'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie de la Baie James. Je cite: "Mon
sentiment a été très clair. La décision appartient
forcément à Hydro-Québec et à son conseil
d'administration. Tout en étant bien clair là-dessus et le
demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - je leur ai donné comme ils
le demandaient - est éminemment favorable à un règlement.
Les modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour
où on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon
bureau de commencer à dire que ce sera tant, etc. Ce n'est pas de notre
affaire. Mais l'idée, le principe du règlement, oui".
Donc très clairement, mon bureau et moi-même étions
éminemment favorables à un règlement hors cour et nous
l'avions fait savoir à qui de droit, après nous être
formé une opinion que, d'ailleurs, je résumais aussitôt
après en poursuivant cette même réponse.
Après avoir résumé cette opinion et les raisons
pour lesquelles on se l'était formée, je répétais
à nouveau et je cite: "II me semble - c'est le sentiment que j'en ai
-qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs qui sont
membres des syndicats défendeurs, les syndicats québécois
qui peuvent être tenus techniquement et juridiquement responsables -
d'ailleurs ils l'admettent - des montants importants pour lesquels ils ne sont
franchement pas responsables".
Lorsque j'avais dit, au début de ma réponse, la seule
phrase avec laquelle on a fait des choux et des raves - à mon humble
avis pas très honnêtement - que ce n'était pas "ni de
près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement avait eu lieu", il me semblait,
en parlant en Chambre, et il me semble encore évident que cette
phrase-là n'avait rien à voir avec le principe du
règlement hors cour. Au contraire, je l'avais dit et
répété: l'opportunité quant à moi d'en
arriver à un tel règlement, l'opinion "éminemment
favorable" que j'avais transmise dans ce sens aux dirigeants de l'entreprise,
il me semble que c'était clair et net dans mes propos. Qu'est-ce que
c'est alors qu'on n'avait touché "ni de près ni de loin", dans
quoi s'était-on interdit de s'ingérer de quelque façon que
ce soit?
La réponse, avec la distinction élémentaire qu'elle
comporte, n'est-elle pas aussi d'une évidence aveuglante, à moins
d'être absolument tordu par la partisanerie, ou encore d'être
entraîné dans une sorte de caricature du métier de
l'information, sur laquelle je reviendrai brièvement avant de
terminer?
Le 20 février 1979, le même jour, en Chambre, toujours dans
ma même réponse aux questions du député de
Marguerite-Bourgeoys, à peu près une minute après le
début, voici ce que je disais: "La décision appartient
forcément à Hydro-Québec et à son conseil
d'administration qui coiffe toute l'opération chantier, énergie,
etc. et, bien sûr, à la Société d'énergie de
la Baie James elle-même, qui est là comme partie".
Et en terminant cette même réponse, après avoir
résumé les raisons pour lesquelles je croyais qu'on devrait
régler hors cour, je déclarais à nouveau: "À partir
de là, la décision appartient à la Société
d'énergie de la Baie James, mais comme elle l'avait fait en 1975, au
moment de poursuivre, en consultant, elle a eu l'opinion du premier ministre
d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un règlement éventuel".
Puis, comme le député de Marguerite-Bourgeoys revenait
à la charge en me prodiguant de sages conseils de prudence, j'ai encore
une fois conclu comme suit: "La décision appartient à ceux qui
administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un
règlement, les questions de responsabilités, etc. Cela ne nous
regarde pas, c'est leur droit."
Et puis enfin - pour ainsi dire, trop fort ne casse pas - le même
jour, ce même 20 février 1979, le même député
de Marguerite-Bourgeoys revenait à la charge en réclamant,
à 10 heures du soir, juste avant la fin de la session, ce qu'on appelle
en jargon parlementaire un "mini-débat", où cette fois il se
concentrait plutôt, à toutes fins utiles, sur un appel - cela m'a
paru comme cela - à une sorte de retour de
l'État-fainéant, un appel bien emmitouflé tout de
même et comme il se doit dans la meilleure démagogie
pseudo-populiste et qui se terminait ainsi et je cite: "...Qu'on laisse disait
solennellement le député de Marguerite-Bourgeoys - la justice
suivre son cours ou alors que le premier ministre justifie objectivement,
documentation à l'appui, pourquoi les Québécois devraient
échanger une réclamation de 32 000 000 $ pour à peu
près rien."
Pour ce qui est de la "documentation à
l'appui", j'ai référé de nouveau, dans ma
réplique, au rapport de la commission Cliche, car c'était
vraiment ma documentation fondamentale. J'avoue que j'ai oublié d'en
transmettre une copie au député de Marguerite-Bourgeoys...
Et là-dessus, et pour la dernière fois ce jour-là,
je me suis évertué à resituer mon intervention et les
limites de cette intervention, dans les termes suivants: "Partant de là,
- tout ce qui avait précédé - sachant aussi que les
syndicats québécois qui sont intimés sont incapables de
toute façon de payer des sommes le moindrement substantielles, j'ai
donné mon sentiment. Et c'était que puisqu'un règlement a
été demandé par quelques-uns des syndicats ou leurs
procureurs au début de 1979, quant à moi, il me semblait
meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une certaine paix
sociale - il ne s'agit pas de favoritisme politique, il s'agit de chantiers
lointains où il est important que la paix règne - (il me semblait
meilleur, donc) si un règlement était possible, de le soutenir,
de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la
Société d'énergie de la Baie James qui est demanderesse
là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire."
C'est effectivement ce qu'elles ont fait, quelques jours plus tard. Pour
ce qui est de la Société d'énergie de la Baie James, en
dépit de mon insistante recommandation, cette décision de
régler fut prise assez librement pour que certains administrateurs,
à commencer par M. Robert Boyd, n'hésitent pas à voter
contre. Mon bureau et moi n'avions donc ni décidé ni
négocié ni, encore moins, prétendu imposer un
règlement, comme cela s'était déjà produit dans le
passé. C'est d'ailleurs devenu, je crois, d'une telle évidence au
cours de cette commission que, tout en continuant de prétendre le
contraire, certains "procureurs" libéraux se sont mis tout à
coup, il y a quelques jours, à nous reprocher éloquemment de ne
pas nous être ingérés suffisamment pour aller chercher plus
d'argent! On admettra que c'est quand même un peu fort que de vouloir,
comme on dit en anglais, avoir son gâteau et le manger en même
temps.
Tous ces propos de février 1979, que je viens de citer,
d'évoquer, se retrouvent évidemment dans mes deux interventions
en Chambre. Comme ces dernières, ces interventions n'ont, semble-t-il,
été évoquées à cette commission que par
bribes plutôt éparses et trop souvent isolées pour l'effet,
je me suis permis - c'est quand même le dossier de cette affaire-ci - de
les annexer au complet à ma déclaration.
En les relisant, pour ceux qui le veulent, on y verra, soit dit en
passant, que d'aucune façon, le député de
Marguerite-Bourgeoys n'avait cru bon, à ce moment-là en 1979, de
poser de questions sur la façon précise dont Me Boivin et
moi-même nous nous étions formé une opinion. Je dois dire
que je n'ai absolument pas pensé qu'il fallait évoquer certaines
consultations préalables tellement, je suppose, cela me paraissait aller
de soi. On ne se forme pas une opinion dans l'air du temps. Au cours du
mini-débat de la fin de soirée, le passage que je viens de citer
démontre que j'ai mentionné spontanément des demandes en
Chambre faites par "des syndicats ou leurs procureurs". Si on avait voulu, en
février 1979, faire un plat sur ces rencontres des avocats avec Me
Boivin, comme on n'a pas cessé de le faire au cours de cette commission,
j'aurais volontiers répondu, après m'être informé
bien sûr, puisque je n'avais jamais vu et je ne vois pas encore la raison
pour laquelle j'aurais tenu une sorte de compilation de ces va-et-vient qui, je
le répète, me paraissaient tout bonnement aller de soi. On m'a
dit que certains d'en face avaient prétendu, la semaine dernière,
apercevoir là une restriction mentale, même une sorte de
péché d'omission, si je suis bien informé. Pour les
raisons que je viens de donner, je dois dire que je me sens la conscience
tranquille là-dessus, comme sur le reste d'ailleurs.
Je sais, M. le Président, que cette déclaration a
déjà mangé un bon morceau du temps si précieux de
cette commission. Pourtant, je ne m'excuserai pas d'ajouter en terminant
quelques très brefs commentaires sur deux points en particulier: la
Presse avec un grand P, la Presse de Montréal, "le plus grand quotidien
français d'Amérique" et puis, deuxièmement, la
façon dont cette commission parlementaire s'est déroulée
depuis plus de deux mois. Et justement, puisque pendant ces deux mois, nos
"amis d'en face", à 80% et davantage, ont ainsi monopolisé plus
de temps et de fonds publics que le règlement de la Baie-James
lui-même, on comprendra que je ne me sente pas trop gêné de
prendre quelques minutes de plus pour dire un peu ma façon de penser sur
ces deux points.
D'abord, premier point. Tout cela a découlé d'un article
de la Presse de Montréal et surtout de l'énorme titre à la
une dont on avait cru bon de coiffer cet article.
Avant de dire ce que j'en pense, je me permets de souligner qu'une des
idées à la mode en ce moment est celle qu'on appelle
l'imputabilité, une traduction un peu barbare de l'anglais
"accountable", c'est-à-dire, en termes de tous les jours, que si on a
des responsabilités dont l'impact peut affecter les autres, on doit
accepter tout simplement d'en rendre compte. C'est là une notion qu'on
applique depuis toujours, plus ou moins bien mais à juste titre
sûrement, aux hommes et aux femmes politiques. Ils sont imputables. Il
est question de l'imposer aussi désormais aux fonctionnaires les
plus
importants, ceux qu'on appelle les "grands commis de l'État".
Pourquoi pas? Et pourquoi pas également aux syndicats et aux milieux
d'affaires les plus pesants dont les décisions peuvent influer tellement
sur le sort des gens? Et pourquoi pas aussi aux médias d'information?
C'est ce que j'évoquais, il y a quelques jours à peine, à
l'Assemblée nationale en soulignant à quel point ces
médias d'information et les intérêts massifs qui souvent
les contrôlent, sont à la fois très puissants et
foncièrement irresponsables, susceptibles par conséquent de faire
du mal à volonté et sans aucune "imputabilité". Ou alors,
les recours qui restent aux victimes sont à la fois coûteux,
aléatoires et, de toute façon, très lents.
Quoi qu'il en soit - je ferme cette parenthèse mais elle
m'apparaît quand même avoir une certaine importance - le 17 mars
dernier, s'étalait dans la Presse de Montréal un article
signé par un M. Michel Girard. Il s'agissait en fait d'un
pseudo-reportage sur le règlement hors cour du saccage de la Baie-James.
Un sujet, on l'admettra je pense, tout à fait original après
quatre ans et demi et, peut-être même pour cette seule raison,
était-ce un sujet révélateur d'intentions plus proches de
la propagande que de l'information.
Quoi qu'il en soit, ce texte était tout bonnement un tissu
d'erreurs, de faussetés, de procès d'intention, parfaitement
gratuit. Sur les passages qu'il était en mesure d'évaluer
personnellement, mon chef de cabinet, Me Boivin, a fourni à cette
commission une analyse très factuelle qui a eu, elle aussi, le grand
honneur d'être publiée. Mais cette analyse mérite, à
mon humble avis, de ne pas s'en aller si vite aux oubliettes. C'est pourquoi,
en la reprenant tout entière à mon compte, je l'ai reproduite en
annexe, la deuxième annexe de ma propre déclaration.
Puisqu'elle est là, je n'y ajouterai donc que deux constatations
qui touchent mon cas personnel, qui me touchent directement. La
première, c'est que M. Girard avait réussi, par un tour de force
qui ne pouvait surtout pas être accidentel, à escamoter à
peu près complètement les précisions que j'avais
données à l'Assemblée nationale et que je viens
d'évoquer à nouveau, et réussi aussi à
déguiser sournoisement le peu qu'il en avait conservé.
C'était en quelque sorte - pour parler comme les bandits de la
Baie-James -une "job de bras" journalistique. Quant à ma seconde
remarque, elle concerne le titre dont on avait coiffé ce chef-d'oeuvre.
Une énorme manchette sur six colonnes à la une! Cette
énorme manchette sur six colonnes à la une disait textuellement:
"René Lévesque a trompé l'Assemblée nationale".
D'aucune façon ce titre n'était justifié par le
texte proprement débile de l'article en question. Mais, cela ne l'a pas
empêché de faire son chemin, cet article, dans les ragots de bas
étage, radiophoniques et autres, et aussi dans les propos prudemment
téméraires de "nos amis d'en face", ces messieurs d'en face! (12
h 30)
Or, un gros titre en première page, surtout lorsqu'il est
à la fois explosif et injustifié, ce n'est pas simplement le
reporter qui en décide; à peu près jamais, j'en suis
sûr. Comme l'a si bien répété le
député de Marguerite-Bourgeoys - j'ai lu cela un jour de la
semaine dernière et cela m'avait frappé - celui qui fait les
titres au journal La Presse, parce qu'on ne peut pas accuser le journaliste de
faire les titres. Justement, qui fait les titres? Ou plus
précisément qui donc, dans les cas, comme on dit en anglais
"touchy", risqués, les autorise ces titres ou encore les dicte
peut-être à l'occasion? Tout ce que je peux dire, sans la moindre
hésitation, c'est que ce genre de titre risqué me rappelle
forcément que la Presse appartient à de gros
intérêts financiers dont la famille politique est bien connue et
qu'au départ de M. Roger Lemelin, il y a quelque temps, ces mêmes
intérêts financiers lui ont choisi pour successeur à la
présidence un M. Roger Landry, personnage à la fois insatiable en
matière de publicité personnelle et férocement partisan,
ce qui peut avoir une terrible influence sur le choix des sujets et aussi des
titres.
Je termine en me demandant très simplement pourquoi l'Opposition
libérale a sauté à pieds joints sur ce très fragile
et très douteux tremplin. Pourquoi, après avoir paralysé
l'ouverture de la session afin de dramatiser le terrible sentiment d'urgence
que cela lui inspirait, s'y est-elle agrippée si longtemps et à
si grands frais pour les contribuables? Cela ne peut pas être uniquement
pour la volupté et la rentabilité du spectacle
télévisé, rentabilité aléatoire d'ailleurs
parce que, lorsque cela dure trop longtemps, il peut arriver qu'on finisse par
voir à quel point cela est cousu de fil blanc. Alors, quoi? J'avoue que
je ne sais pas. Sauf que j'ai l'impression qu'en sautant ainsi sur une
apparente occasion en or d'abattre l'adversaire, de l'abattre quelque peu comme
on dit, c'est dans la "game" - qu'en faisant cela, on n'a pas vraiment fait
avancer la cause partisane mais, en revanche, on a très certainement
fait reculer celle du parlementarisme et de la réforme dont il a si
grandement besoin. Cela, je suis loin d'être le seul à l'avoir
constaté. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le premier ministre.
M. le ministre.
M. Duhaime: Je n'aurai pas de questions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais relever un certain
nombre d'affirmations contenues dans le mémoire du premier ministre, un
long mémoire qui essentiellement se fonde sur le rapport de la
commission Cliche. Je peux immédiatement rassurer le premier ministre
qui regrettait de ne pas m'en avoir fait parvenir une copie en 1979: J'en avais
pris connaissance bien avant, peut-être même avant le premier
ministre lui-même, étant donné les fonctions que j'occupais
au moment où le rapport avait été remis au gouvernement.
Un plaidoyer fondé tout d'abord sur la justification du premier ministre
de favoriser un règlement, ensuite une analyse, je vous avoue, un peu
tortueuse de sa réponse et du mini-débat, analyse qui n'est pas
le spectacle le plus clair que le premier ministre ait donné dans sa vie
et qui se réfère à un événement qui, d'autre
part, a été enregistré. Vous l'avez sûrement, je ne
sais pas si vous l'avez fait mais plusieurs d'entre nous l'ont fait, revu
depuis, c'est-à-dire les questions et les réponses du 20
février 1979.
J'aurais aussi à relever un certain nombre d'affirmations et
à poser des questions comme, par exemple, sur les motifs de l'Opposition
libérale dans les travaux de cette commission: Mais, comme j'avais
demandé au député de Brome-Missisquoi de préparer
le début des questions, je vais vous demander de le reconnaître,
après avoir fait une suggestion concernant nos travaux.
Demande de visionnement
On a vu des morceaux de la longue réponse du premier ministre
rapportés un peu partout. Lui, le premier ministre, le réprouve
ou regrette, en quelque sorte dans son mémoire, qu'on prenne seulement
une phrase hors contexte. Avec le consentement des membres, serait-il
techniquement possible d'organiser pour le début de nos travaux, cet
après-midi à 15 heures, le visionnement de cette question et de
cette réponse. Cela nous donnerait l'ensemble, ici, à tous les
membres de la commission. Serait-il possible en même temps, de faire en
sorte que cette période de questions et réponses soit transmise,
comme nos travaux le sont, sur les mêmes ondes?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, puisqu'on a
demandé consentement.
M. Duhaime: Si vous voulez avoir une première
réaction bien spontanée puisque je n'ai eu aucun avis concernant
une pareille requête, je serais tenté de dire oui. Sur le plan
technique, comment cela va-t-il fonctionner...
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si on me
permet de dire un mot.
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je ne suis pas très
entiché de me revoir à la télévision. J'ai fait le
métier assez souvent pour savoir qu'on est toujours un peu
déçu, mais il me semble que cela tombe sous le sens et,
peut-être même, aurait-on dû y penser avant. Enfin!
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Que voulez-vous voir exactement?
M. Lalonde: Les questions du 20 février avec les
réponses. Si vous voulez faire la même chose avec le
mini-débat, mais en fait, c'est surtout la question dont il est question
ici. C'est comme vous le considérez.
M. Duhaime: Le mini-débat n'est pas tellement long.
Suivant nos règlements, cela dure dix minutes.
Le Président (M. Jolivet): Dix minutes, c'est cela.
M. Duhaime: Quant à avoir l'éclairage, aussi bien
l'avoir au grand complet. Alors, vous voudriez faire cela cet
après-midi?
M. Lalonde: Oui, je présume au début des travaux
parce que cela prend quand même quelque temps pour organiser cela.
M. Duhaime: Pour autant que c'est techniquement faisable et pas
trop coûteux, on peut le faire, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu du
consentement de part et d'autre, je ne prendrai pas cette question en
délibéré puisque j'ai votre accord, mais je verrai si les
moyens techniques nous permettent de le faire pour 15 heures cet
après-midi, de façon à le retransmettre sur les ondes
comme les travaux qui se font actuellement.
M. le député de Brome-Missisquoi a donc la parole pour le
moment.
Interrogatoire
M. Paradis: M. le Président, dans le but de situer ma
première question dans un cadre compréhensible pour tous ceux qui
suivent les travaux de la commission, parce qu'on ne le verra pas,
d'après ce que j'ai compris, cet après-midi, je rappellerai
tout
simplement à tous ceux qui nous écoutent que la...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Vous dites qu'on
ne le verra pas?
M. Paradis: Non.
Le Président (M. Jolivet): J'ai mal compris.
M. Paradis: C'est parce que vous me devancez. J'étais pour
parler de la question du 12 février 1979, qu'on ne verra pas à
l'écran.
Le Président (M. Jolivet): Allez donc!
M. Paradis: Je voulais replacer celle-ci dans le débat
pour qu'on comprenne d'où cela provient finalement, au salon bleu, sur
ce sujet: le règlement hors cour de 32 000 000 $ pour 200 000 $.
M. le Président, pour vous le résumer, le 12
février, le ministre de la Justice, Me Marc-André Bédard,
a répondu à une question du député de
Marguerite-Bourgeoys comme suit: "M. le Président, je n'ai reçu
aucune opinion juridique dans quelque sens que ce soit concernant la cause que
mentionne le député de Marguerite-Bourgeoys. À ce que je
sache, il s'agit d'une réclamation civile où les parties sont
très bien identifiées et le procès se déroulera
suivant les règles usuelles." On est le 12 février, quelque temps
avant le 20 février. Le ministre de la Justice, Me Bédard,
d'ajouter: "Mais, à la suite de la question du député de
Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre
délégué à l'Énergie." On était le 12
février et comme on ne le verra pas cet après-midi, je voulais
situer le cadre.
Maintenant, mes premières questions découlent du
témoignage ou de la déclaration qu'a rendue devant cette
commission, votre chef de cabinet. Vous êtes sans doute assez familier,
M. le premier ministre, avec cette déclaration. Je vous
réfère plus spécifiquement aux pages 8 et 9 de
celle-ci.
Je vais la lire lentement, au bas de la page 8 et au début de la
page 9, il s'agit du paragraphe 5 de la déclaration de votre chef de
cabinet. Ce n'est pas tellement complexe comme texte et c'est même assez
clair. "Avant le congé de Noël 1978, j'ai fait un court rapport
verbal à M. Lévesque des faits que je connaissais dans ce dossier
et des représentations qui m'étaient faites par la FTQ ainsi que
par Me Beaulé, le procureur du syndicat américain. M.
Lévesque m'a dit "qu'il était évident" que cette cause
devait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient
elles-mêmes convenu et il m'a demandé de faire connaître son
opinion au président de la 5EBJ et de me tenir au courant de
l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer."
Ma première question...
M. Lévesque (Taillon): ...m'en informer.
M. Paradis: Afin de pouvoir l'en informer. J'ai lu au texte une
petite faute bénigne: de m'en informer. À ce moment-là, M.
le premier ministre, est-ce que cette déclaration, sauf la petite touche
inexacte que vous avez relevée, est conforme à la
réalité?
M. Lévesque (Taillon): Autant que je m'en souvienne, oui.
Vous savez le 3 janvier, inutile de dire que ce n'est pas longtemps
après le jour de l'an. Je n'y étais pas. M. Boivin a eu le
courage, l'héroïsme de travailler ce jour-là pour faire
connaître l'opinion. Je ne peux pas dire autre chose que je sais qu'il
l'a fait. Pour le reste, c'est conforme à ce qui me reste de souvenirs,
oui.
M. Paradis: Me Boivin, votre chef de cabinet, situe cette
réunion avant le congé de Noël.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Paradis: C'est donc avant la réunion du 3 janvier.
M. Lévesque (Taillon): Oui, c'est conforme.
M. Paradis: Est-ce que votre mémoire vous permet de vous
souvenir de la date de cette réunion?
M. Lévesque (Taillon): Absolument pas, parce que
c'était avant qu'on parte pour Noël.
M. Paradis: Est-ce qu'il s'agit, suivant votre mémoire, de
votre première intervention personnelle dans le dossier du
règlement hors cour?
M. Lévesque (Taillon): Ce n'était pas une
intervention. C'était à la suite de quelque chose qu'on avait
décidé assez spontanément, fin novembre ou début de
décembre, au moment où on a eu les premières
représentations, si vous le voulez, des syndicats, de leurs procureurs.
M. Boivin s'était chargé de se bâtir une opinion pendant
que moi, dans le temps dont je pouvais disposer, j'essayais de m'en faire une
aussi. Ensuite, on a mis cela ensemble.
M. Paradis: On va revenir en arrière, si vous le voulez.
Ce qu'on avait au dossier jusqu'à maintenant - je vous remercie de
l'ajouter - suivant la déclaration de M. Boivin, on ne parlait
que de cette rencontre avec vous. On n'était pas au courant comme
membres de la commission qu'avant, vous, vous aviez parlé avec des gens
des syndicats. Je vous remercie de le préciser...
M. Lévesque (Taillon): ...non, je m'excuse, M. le
député. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. J'espère
qu'on ne sera pas obligé de revoir à l'écran les
réponses à cette commission.
M. Paradis: On peut toujours le faire.
M. Lévesque (Taillon): Ce que j'ai dit, c'est que M.
Boivin s'était chargé de se faire une opinion après les
appels téléphoniques qu'il avait eus - d'ailleurs, c'est lui qui
les avait eus au point de départ - des gens des syndicats, dont M.
Laberge de la FTQ, et de leurs procureurs quelque temps après.
M. Paradis: Pour qu'on se comprenne bien, je vais
répéter la question pour éviter tout imbroglio. Est-ce que
vous, personnellement, comme premier ministre du Québec, c'était
la première fois, à la fin de décembre 1978, à
cette réunion qui est évoquée par votre chef de cabinet,
que vous aviez des discussions, des échanges de points de vue à
propos de ce dossier?
M. Lévesque (Taillon): Non, on en a sûrement eu
quelques-uns en cours de route simplement pour voir comment se
développaient les consultations dans lesquelles M. Boivin avait
accepté de s'engager pour nous aider à nous faire une opinion sur
la cause.
M. Paradis: Donc, ce n'était pas la première fois
que vous vous impliquiez, à la fin de décembre 1978, dans ce
dossier-là. Ce n'était pas la première fois. Avec qui
avez-vous eu des rencontres, des échanges? Utilisez le vocabulaire qui
vous semble le plus juste, le plus approprié.
M. Lévesque (Taillon): Franchement, autant que je me
souvienne, exclusivement avec Me Boivin. (12 h 45)
M. Paradis: Exclusivement avec Me Boivin.
Si vous tentez de vous replacer dans le temps, avant décembre
1978, à quelle époque, à quel mois, à quelle date,
si possible, pourriez-vous fixer ces entretiens que vous avez eus avec Me
Boivin?
M. Lévesque (Taillon): Je ne peux absolument pas. Cela a
été n'importe quand - entre nous, heureusement qu'on l'a
rappelé ici à la commission et que Me Boivin a fait l'effort de
mémoire pour s'en souvenir car moi, je ne m'en serais pas souvenu. Ce
furent très évidemment quelques échanges de propos,
d'évocations de cette affaire-là, entre fin novembre,
début décembre et le moment de partir pour les vacances qui
était, je ne sais pas quel jour, mais le long du chemin.
M. Paradis: Je vais tenter de préciser ma question. Est-ce
que votre mémoire vous permet de vous rappeler d'en avoir parlé -
je ne sais pas, moi - au printemps 1978, à l'été 1978?
M. Lévesque (Taillon): Absolument pas, sauf qu'il a
été évoqué ici une rencontre qui avait eu lieu avec
les gens de la FTQ qui concernait d'ailleurs, si j'ai bonne mémoire -je
me souviens du cadre de la rencontre -les négociations dans l'industrie
de la construction, justement. Que cela ait pu être évoqué
- après tout, ils devaient l'avoir à l'esprit, ces
gens-là, qu'il y avait une poursuite - c'est fort possible, mais, je ne
m'en souviens absolument pas...
M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas.
M. Lévesque (Taillon): ...parce que ce n'était pas
le sujet de la rencontre.
M. Paradis: Vous ne vous souvenez pas de cette
rencontre-là? Maintenant, avec Me Gauthier, vous vous souvenez, il a
été nommé en octobre 1977 par le Conseil des ministres,
tuteur de l'un des syndicats qui étaient poursuivis. Un an après,
vous l'avez embauche comme conseiller politique à votre bureau. Il a
quand même joué un rôle important: président d'une
tutelle, c'est un rôle important. Est-ce qu'il a été
question entre vous et votre conseiller spécial, Me Yves Gauthier, de
cette affaire-là, avant décembre 1978?
M. Lévesque (Taillon): Absolument pas. Me Gauthier
était sorti de sa tutelle. Juridiquement, cela s'est fait un peu plus
tard car il fallait le remplacer. Mais, il était sorti dès la fin
août, début septembre 1978. On l'a nommé comme conseiller
politique chez nous - au bureau, si vous voulez - en octobre 1978.
C'était bien avant que ces choses-là nous reviennent à
l'esprit et nous sollicitent en fonction d'un règlement possible. Je
n'ai jamais eu l'occasion de parler de cette histoire-là avec M.
Gauthier, aucune occasion dont je me souvienne. Une chose est certaine, il
n'était pas dans le dossier.
M. Paradis: Est-ce que vous avez eu l'occasion, au cours de
l'été ou de l'automne 1978, d'en discuter avec le ministre du
Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson? Et, je vais
peut-être tenter de...
M. Lévesque (Taillon): Un instant, si vous voulez. Je
pourrais peut-être revenir sur le début de votre question, dont je
comprenais mal la pertinence. C'est vrai que, je ne sais pas, moi, quelques
jours avant, le 12 janvier, je crois, il y avait eu une question en Chambre
à laquelle Me Bédard, ministre de la Justice et Procureur
général, avait répondu, comme on sait. Parce que c'est
vrai, on n'avait pas vu l'importance, on avait plutôt vu l'importance de
ne pas le faire jusqu'à un certain point, de faire intervenir Me
Bédard dans cette discussion sur l'opportunité de la poursuite.
Il ne s'agissait pas de l'administration de la justice; il s'agissait
plutôt d'essayer de dessaisir la justice, de ce cas-là. Alors,
cela explique, je pense bien, pour autant que je me souvienne, pourquoi Me
Bédard a répondu comme cela. Par ailleurs, celui qui était
le ministre de tutelle, comme on dit dans le jargon, M. Guy Joron, à
l'époque, avait été mis au courant: Cela, je le sais: II
n'avait pas d'objection non plus, parce qu'il était assez évident
que cela pouvait relever jusqu'à un certain point d'une
responsabilité de chef de gouvernement. Je crois que Me Johnson qui
était à ce moment-là ministre du Travail, avait
également été mis au courant, je n'en sais pas plus.
M. Paradis: On va revenir au ministre du Travail de
l'époque, à Me Pierre-Marc Johnson. Il avait eu une rencontre, le
28 août 1978, avec les Américains. Est-ce que vous avez eu, avant
- je le situe toujours -le congé de Noël 1978, des échanges,
des pourparlers, des discussions avec le ministre du Travail de l'époque
concernant cette réunion?
M. Lévesque (Taillon): Une réunion, je
m'excuse?
M. Paradis: Est-ce que vous avez eu des échanges, des
conversations téléphoniques? Est-ce qu'il vous a fait rapport de
cette réunion, le ministre du Travail de l'époque?
M. Lévesque (Taillon): C'est cela. La réunion du
mois d'août 1978 avec des Américains, quels Américains?
M. Paradis: Plus exactement, Me Woll.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse. Je
n'ai pas pu suivre tous les travaux de la commission.
M. Paradis: Cela va. Me Woll, Me Fanning, leur
représentant...
M. Lévesque (Taillon): ...c'est-à-dire des
procureurs du syndicat concerné?
M. Paradis: ...leur représentant, Me Rosaire Beaulé
qui était leur avocat. Ils souhaitaient, à l'époque - si
vous me permettez de vous rappeler les faits -rencontrer le ministre du Travail
d'abord pour le sensibiliser à leur point de vue et au fait qu'ils
prétendaient ne pas avoir de responsabilité dans cette cause.
Suivant les témoignages qu'on a recueillis devant cette commission, ils
ont eu effectivement une réunion à laquelle a assisté le
ministre du Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson, le 28
août 1978. À la suite de cette réunion, avez-vous
été mis au courant par le ministre du Travail ou un de ses
attachés politiques du contenu des délibérations?
M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens absolument pas.
Vraiment alors, peut-être qu'ils ne l'ont pas trop indiqué ou
peut-être qu'ils l'ont fait de façon un peu à la sauvette,
je ne le sais pas. Je ne me souviens absolument pas de communications de ce
genre-là.
M. Paradis: Pour sauver du temps, les mêmes questions: cela
porte du début du dossier jusqu'à avant Noël 1978, est-ce
que vous avez eu des échanges avec le ministre de l'Énergie de
l'époque, M. Joron?
M. Lévesque (Taillon): Probablement, parce qu'on se voyait
assez souvent.
M. Paradis: Sur ce dossier-là?
M. Lévesque (Taillon): Comme mes
prédécesseurs, j'ai un bureau à l'édifice
d'Hydro-Québec à Montréal. M. Joron y passait souvent
puisqu'il était ministre de tutelle. On s'est sûrement
rencontré mais, de parler de l'affaire elle-même dont on parle
ici, non. Absolument pas.
M. Paradis: Absolument pas.
Lorsque vous avez eu cette rencontre avec votre chef de cabinet, M.
Boivin, avant le congé des fêtes, quel est le mandat
précis, suivant le meilleur souvenir que vous puissiez en avoir, que
vous avez confié à votre chef de cabinet?
M. Lévesque (Taillon): On ne parlait pas beaucoup en
termes de mandat. On travaille ensemble.
M. Paradis: Les directives précises?
M. Lévesque (Taillon): M. Boivin a des compétences,
soit 20 ans de pratique du droit, que je ne peux pas avoir eues; j'ai
été un très mauvais étudiant en droit. Ce n'est pas
que je le regrette, mais enfin! Donc, Me
Boivin, sur ce plan forcément, était celui qui
d'emblée avait accepté de regarder soigneusement tout ce qu'il
pouvait y avoir de juridique dans cela - c'est normal. Maintenant, je ne vois
pas ce que je pourrais dire de plus que ce que vous avez cité
vous-même tout à l'heure. C'est à peu près cela qui
me revient. C'est M. Boivin qui dit: j'ai fait un court rapport verbal. Je me
souviens qu'on s'est parlé et pas très longtemps des faits que je
connaissais de ce dossier, des demandes de règlement, etc., tel que cela
s'était développé pendant quelques rencontres. On s'est
regardé et, si j'ai bonne mémoire, on s'est dit tous les deux:
C'est assez évident. Cela me paraît même très
évident que cela devrait plutôt se régler hors cour. Il n'y
avait pas de mandat en soi, sauf ceci: c'est que je lui ai demandé s'il
pouvait - comme il l'a raconté, il le pouvait - faire savoir cela aux
gens de la SEBJ, surtout au président, M. Laliberté.
M. Paradis: Suivant le témoignage de votre chef de
cabinet, M. Boivin, il aurait reçu, à la fin du mois de novembre,
un appel téléphonique de M. Louis Laberge, président de la
FTQ. La conversation aurait été brève. Il l'aurait
avisé que Me Jasmin, qui était le procureur des syndicats
québécois, devait lui rendre visite et lui fournir de plus amples
explications. Me Boivin, avant le congé de Noël, fin
décembre, vous a parlé du dossier. À ce moment-là,
quels sont les éléments au dossier qu'a fait valoir Me Boivin
pour vous amener à la conclusion, celle que je cite du témoignage
de votre chef de cabinet "qu'il était évident que cette cause
devait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient
elles-mêmes convenues". Il m'a demandé, en parlant de vous, de
faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de me tenir
au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer.
Quels sont les éléments qui vous ont mené à cette
conclusion?
M. Lévesque (Taillon): C'est le député de
Marguerite-Bourgeoys qui a dit tout à l'heure que j'avais fait une assez
longue déclaration. Après deux mois, je pensais que
c'était peut-être le moment.
M. Paradis: On peut...
M. Lévesque (Taillon): Tout est dans la
déclaration. Je m'étais fais une opinion de profane, si vous
voulez, mais elle me paraissait quand même fondamentale. Il faut avoir le
respect des faits. Je m'étais fais une opinion à partir
essentiellement d'une relecture du rapport Cliche. Comme l'a dit, je pense, Me
Boivin, il l'avait feuilleté lui aussi de nouveau au moins, mais,
essentiellement, ce qu'il m'apportait, c'était - c'est pour cela que je
dis qu'on en a assez longuement discuté - une opinion sur l'aspect
juridique de tout cela, sur la valeur des arguments évoqués,
enfin, sur ce qui découlait de ses rencontres avec un certain nombre de
procureurs.
M. Paradis: Si vous aviez pris la peine d'effectuer une relecture
du rapport Cliche, je présume - vous me corrigerez si je présume
à tort, M. le premier ministre - que Me Boivin nous avait donc
parlé de ce dossier, que vous en aviez discuté ensemble avant le
congé de Noël 1978.
M. Lévesque (Taillon): Brièvement à
l'occasion, mais oui. À partir du moment où il y a eu ces
premiers appels...
M. Paradis: Fin novembre.
M. Lévesque (Taillon): ...essentiellement de M. Laberge et
ensuite une première rencontre avec Me Jasmin, qui était
procureur des syndicats québécois impliqués, les
principaux, c'est évident qu'on s'en est parlé. On s'est dit: On
va se faire une opinion. Cela nous paraît être une
responsabilité qu'on doit assumer de se faire une opinion et, le cas
échéant, de la faire connaître. On s'en était
sûrement parlé en cours de route. J'ai dû lui demander: Les
rencontres donnent-elles quelque chose? quelque chose du genre. Je ne m'en
souviens plus.
M. Paradis: Mis à part le résumé ou
l'exposé que vous a fait votre chef de cabinet avant le congé de
Noël, mise à part la lecture du rapport Clicle que vous avez
effectuée pour vous rafraîchir la mémoire à cette
époque, est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous avez
consultés - et éléments inclut documents et personnes ou
personnalités - qui vous ont amené à la conclusion de dire
qu'il était évident qu'il fallait régler hors cour?
M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas et je ne le
crois pas.
M. Paradis: À partir du moment où vous avez
confié ce "mandat" - excusez le terme, je le mets entre
guillemets...
M. Lévesque (Taillon): ...pour faire cela.
M. Paradis: ...que vous vous êtes entendu avec votre chef
de cabinet - mais vous demeurez quand même le patron, comme premier
ministre - vous lui avez demandé de faire connaître son opinion au
président de la SEBJ et de vous tenir au courant de l'évolution
du dossier. À quel moment, suivant le meilleur de votre souvenir,
avez-vous eu un premier rapport et quel était le contenu dudit rapport
de votre
chef de cabinet?
M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas. Cela
devait sûrement être après les Rois parce que, comme je l'ai
dit tout à l'heure, Me Boivin s'était donné la tâche
assez héroïque d'y aller le surlendemain du jour de l'an; cela
devait adonner comme cela. J'ai dû revenir - il faudrait que je regarde
moi aussi tous mes va-et-vient; je n'ai pas pensé que c'était
utile - après les Rois ou juste après les Rois. C'est
probablement à ce moment qu'on s'en est reparlé. Il le fallait
bien.
M. Paradis: Dans quel but, M. le premier ministre, avez-vous
demandé à votre chef de cabinet de rencontrer M. Laliberté
qui était le président-directeur général de
l'organisme qui avait intenté la poursuite?
M. Lévesque (Taillon): Dans le but de faire savoir
à M. Laliberté et éventuellement s'il le voulait, à
ses collègues du conseil d'administration, quelle était l'opinion
qu'on s'était formée et qu'on croyait indiqué de leur
faire savoir.
M. Paradis: Strictement dans ce but? M. Lévesque
(Taillon): Bien...
M. Paradis: Lorsque votre chef de cabinet, Me Boivin, vous a fait
rapport de sa rencontre du 3... Excusez. Je vais reprendre. Lorsque votre
chef...
M. Lévesque (Taillon): On pourrait peut-être
simplifier tout ce que j'appelle les va-et-vient dont on ne se souvient pas
toujours. On vient de me rappeler que du 8 au Il janvier 1979, j'étais
en visite, disons semi-officielle, en Louisiane au pays des Cajuns, de nos
cousins les Cajuns, et Me Boivin m'accompagnait justement. Alors ce doit
être à ce moment qu'on a fait le point. Peut-être en avion,
je ne sais pas mais enfin, vous voyez à peu près...
M. Paradis: Mais essentiellement - et vous me corrigerez encore
une fois si j'ai tort - Me Boivin vous a dit: J'ai exécuté une
partie du mandat. J'ai rencontré Laliberté. Laliberté m'a
dit - selon la transcription -qu'il était pour en faire part aux
autres membres du conseil d'administration. C'est la phase qui se termine
là. Est-ce que vous avez donné "mandat" à Me Boivin de
poursuivre les démarches dans ce dossier?
M. Lévesque (Taillon): Non, ni de poursuivre ni de ne pas
poursuivre. Il était normal qu'on suive un peu l'évolution du
dossier parce qu'il commençait, en janvier, à y avoir des
évocations de possibilités de la part des procureurs. Je
ne sais pas s'ils avaient un mandat, mais cela a dû être
évoqué durant la commission. Ils commençaient, de part et
d'autre, à gratter cette idée de règlement. Ils pensaient,
à l'occasion, utile ou indiqué de tenir Me Boivin au courant.
M. Paradis: Dans les discussions que vous avez eues, le
résultat de l'entente à la suite du rapport qu'il vous a fait de
la rencontre du 3 janvier avec Claude Laliberté, disant que M.
Laliberté, qui est le P.-D.G., en fera part aux autres membres du
conseil d'administration, est-ce que vous avez dit finalement - je vais essayer
de traduire cela en des mots pour qu'on se comprenne: notre ouvrage est fait,
laissons aller les choses? Ou avez-vous demandé à votre chef de
cabinet de continuer à suivre de près l'évolution du
dossier?
M. Lévesque (Taillon): Je suis très sûr que
je ne lui ai pas demandé. Je ne lui ai pas demandé non plus de ne
pas les rencontrer. Après tout, il s'agissait d'une affaire qui nous
intéressait sur le principe, sur le fond. On était
intéressé à savoir comment cela tournerait. C'est
tout.
M. Paradis: C'est que je tente de voir où sont les autres
mandats. Le 3 janvier, il s'agissait d'un mandat précis, finalement.
Vous aviez une décision commune: Jean-Roch, va voir Claude
Laliberté et dis-lui ceci, puis fais-moi rapport. Jean-Roch fait
rapport. Jean-Roch dit: Laliberté m'a dit qu'il en ferait part aux
membres du conseil d'administration et là, vous partez en Louisiane,
vous en discutez - selon ce que je suis de l'histoire - avec votre chef de
cabinet qui vous dit: Mission accomplie, "boss", j'ai fait mon ouvrage. Mais
là, est-ce que vous...
M. Lévesque (Taillon): Vous n'avez pas
précisément le style. Enfin, je comprends qu'il s'agit d'une
reproduction approximative.
M. Paradis: De Jean-Roch Boivin, je ne veux pas? Très
approximative, mais j'essaie de reconstituer pour vous permettre de vous
rappeler le mandat ou la décision que vous avez prise à ce
moment-là. Est-ce que vous avez dit: Notre dossier est fermé ou
si on poursuit dans ce dossier-là?
M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens absolument pas de
choses comme celle-là. Tout simplement, je vous répète en
d'autres mots peut-être ce que j'ai dit. C'est sûr que quant
à nous, nous en étions arrivés à une opinion. Elle
avait été transmise. Il nous intéressait de savoir si
quelqu'un en tiendrait compte éventuellement et quel était le
cheminement de cette idée d'un règlement hors cour, s'il y en
avait un. Il s'est
présenté que les procureurs, à tour de rôle
et souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je
suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser. Cela nous
intéressait de voir comment se développait l'idée d'un
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais
suspendre jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise de la séance à 15 h Il)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend donc ses travaux jusqu'à 18 heures alors qu'elle
suspendra pour reprendre à 20 heures.
La parole était au député de Brome-Missisquoi
à qui je la redonnerai, mais je rappelle à l'ensemble des gens
qui nous écoutent et à tous ceux qui sont autour de cette table,
qu'après les questions du député de Brome-Missisquoi, nous
passerons à la partie d'écoute de la journée du 20
février 1979 ainsi que du mini-débat dans la soirée.
Le député de Brome-Missisquoi a la parole.
M. Paradis: M. le Président, ma question au premier
ministre est la suivante. Je le réfère au bas de la page 9 de la
déclaration écrite qu'il nous a remise ce matin ainsi qu'au haut
de la page 10. Cela va peut-être me permettre d'accélérer
et de gagner beaucoup de temps. Je le lis au texte: "Voilà comment j'en
étais venu personnellement - et c'est le premier ministre qui parle -
à une opinion claire et nette, qui rejoignait d'emblée la
recommandation que me fit, à la veille de Noël 1978, Me Boivin. Et
c'est ce dernier, comme on le sait, qui se chargea de transmettre, le 3 janvier
1979, cette opinion et cette recommandation à M. Claude
Laliberté, président de la Société d'énergie
de la Baie James, à savoir que nous étions en faveur d'un
règlement hors cour. "Après quoi, si ce n'est de quelques propos
échangés par ci par là par Me Boivin, je ne me souviens
d'aucun autre fait pertinent jusqu'à la rencontre que me demanda le
conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société
d'énergie de la Baie James pour le 1er février suivant."
Autrement dit, cela élimine entre le 3 janvier et le 1er
février les faits pertinents dont vous vous souvenez à cette
époque. Est-ce exact?
M. Lévesque (Taillon): Oui, enfin, sauf, c'est sûr,
comme je l'ai dit, quelques propos qu'on a échangés en se
demandant: Est-ce que cela avance d'après ce qu'on entend dire? etc.
M. Paradis: Ce matin, vous avez terminé vos
déclarations de la façon suivante à la cassette R/1707
à la page 2 que je cite. C'est vous qui parlez, M. le premier ministre.
"C'est sûr que quant à nous, nous en étions arrivés
à une opinion. Elle avait été transmise. Il nous
intéressait de savoir si quelqu'un en tiendrait compte
éventuellement et quel était le cheminement de cette idée
d'un règlement hors cour, s'il y en avait un. Il s'est
présenté que les procureurs, à tour de rôle et
souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je
suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser. Cela nous
intéressait de voir comment l'idée d'un règlement se
développait." Vous faisiez allusion aux rencontres qui ont eu lieu entre
les procureurs des diverses parties, à ce moment-là, et votre
chef de cabinet entre le 3 janvier et le 1er février.
J'essaie de concilier cela avec la page 2 de votre déclaration de
ce matin, au paragraphe trois où vous dites: "II a donc
été convenu que mon chef de cabinet, Me Boivin, prendrait les
moyens appropriés pour y voir aussi clair que possible, ce qui
impliquait forcément des rencontres avec les avocats au dossier et une
évaluation de leurs arguments". Je vous pose la question tout bonnement.
Ce matin, vous m'avez répondu: Ce sont les avocats qui demandaient
à être reçus et je ne voyais pas pourquoi il devait leur
dire non. Là, à la page 2, au troisième paragraphe, vous
dites: La démarche qu'on avait entreprise impliquait des rencontres
absolument... De quelle façon conciliez-vous cela?
M. Lévesque (Taillon): II me semble que c'est assez clair.
Avant les fêtes, à partir de la fin de novembre ou du début
de décembre - comme je l'ai dit - cette histoire nous a rebondi dans la
face, parce que le procès était censé s'engager
incessamment, et finalement cela a été en janvier. Les gens qui
étaient intéressés à en parler étaient,
forcément, on le sait, M. Laberge de la FTQ pour des raisons
évidentes, puis, sur la lancée de l'appel qu'il avait fait,
forcément les procureurs. À ce moment-là, c'était
plutôt... Je ne sais pas qui a sollicité qui, je pense que c'est
Me Jasmin, mais vous l'avez dans le témoignage de M. Boivin, parce que
c'est lui qui les rencontrait, mais je suppose qu'il lui a demandé un
rendez-vous. À ce moment-là, on était
intéressé à avoir ces rendez-vous du côté de
M. Boivin, parce qu'il s'agissait de se former une opinion avant les
fêtes. C'est ce qui était important. Après les
fêtes...
M. Paradis: Mais...
M. Lévesque (Taillon): ...l'opinion était faite. Je
n'ai pas pu relire au complet ce que M. Boivin a dit. C'est lui qui a eu ces
rendez-vous avec les procureurs, pour des raisons évidentes. Je pense
que c'était plutôt eux qui nous tenaient au courant, plus qu'autre
chose.
M. Paradis: Ce que vous nous dites, finalement, c'est que M.
Laberge, le président de la Fédération des travailleurs du
Québec, appelle votre chef de cabinet, M. Boivin, et lui dit: Me Jasmin
va te rencontrer et t'expliquer la...
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas. Vous avez le
témoignage. C'est Me Boivin qui a reçu l'appel
téléphonique.
M. Paradis: Suivant son témoignage, c'est ce qu'il nous a
dit. La conversation téléphonique a été
brève: Me Jasmin ira vous rencontrer. Me Jasmin y est allé au
début décembre et a exposé les motifs pour lesquels la
poursuite devait être abondonnée. Mais, au niveau des rencontres
entre... Là, on était fin novembre, début
décembre?
M. Lévesque (Taillon): Dans ce bout-là, oui.
M. Paradis: Vous, avant le congé des fêtes, avec
votre chef de cabinet, vous en venez à la conclusion personnelle que
cela devrait se régler hors cour et vous demandez à votre chef de
cabinet ou vous venez à la conclusion ensemble de transmettre ce message
au président de la Société d'énergie de la Baie
James et votre chef de cabinet s'exécute le 3 janvier.
Entre le 3 janvier et le 1er février, vous nous dites, à
la page 9 de votre texte que votre mémoire ne vous permet pas de
réciter les faits précisément. Il y a eu beaucoup de
rencontres d'avocats, de promenades, de va-et-vient. Ce matin, vous m'avez
répondu à la toute fin, c'était la dernière
question à laquelle vous avez répondu: "II s'est
présenté que les procureurs, les avocats des syndicats
québécois et américains, à tour de rôle et
souvent à répétition, demandaient des rendez-vous. Je
suppose que Me Boivin ne voyait pas de raison de les refuser." Vous me dites
cela ce matin.
Également à la page 2, troisième paragraphe de
votre déclaration, vous nous dites que lorsque vous avez pris la
décision qu'il devrait y avoir un règlement hors cour - c'est au
tout début de votre déclaration de ce matin - cela impliquait
forcément des rencontres avec les syndicats. Est-ce que Me Boivin avait
le mandat de votre part - c'est finalement ma question - de rencontrer les
avocats de toutes les parties?
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, s'il y a eu un
enchaînement là, c'est plutôt lui qui pourrait vous
l'expliquer. Encore une fois, vous tenez à employer le mot "mandat". On
s'était dit, entre nous, puisque M. Laberge a appelé - c'est
normal que cela les préoccupe - là maintenant je crois qu'on doit
s'en préoccuper car c'est notre devoir à nous autres aussi. Il y
avait une rencontre de prévue avec Me Jasmin - aujourd'hui juge Jasmin -
et à partir de là, il y a eu un enchaînement normal,
c'est-à-dire aussi bien de les entendre tous, je suppose.
M. Paradis: Est-ce que vous avez décidé ensemble -
je vais la poser autrement - qu'il y aurait forcément des rencontres
avec les avocats de toutes les parties pour évaluer leurs arguments?
M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens absolument
d'aucune décision formelle de quelque sorte à ce point de vue.
C'est simplement que cela paraissait indiqué. Comme je l'ai dit, je
pense, dans ma déclaration, cela paraissait aller de soi, surtout avant
de se faire une opinion. Tu ne te fais pas une opinion dans l'air du temps, tu
essaies de te la faire à même les sources les plus
concrètes, quoi!
M. Paradis: J'ai retrouvé le passage que je viens de vous
citer, le passage qui dit que cela impliquait forcément des rencontres
avec les avocats au dossier, une évaluation de leurs arguments. Je l'ai
retrouvé au troisième paragraphe de la page 2 de votre
mémoire qui s'intitule: Déclaration du premier ministre à
la commission permanente. Je ne l'ai pas retrouvé dans les
transcriptions de ce matin. J'avais noté que vous aviez sauté ce
paragraphe ce matin. On le retrouverait normalement à la page 1689,
paragraphe un. Qu'est-ce qui explique que vous ayez omis cette partie de votre
déclaration ce matin?
M. Lévesque (Taillon): M. Duhaime a un meilleur souvenir
que moi et cela a l'air que c'est au moment où j'étais en train,
hélas! de m'allumer une cigarette et j'ai dû passer
par-dessus.
M. Paradis: Vous vous allumiez une cigarette? Est-ce qu'on peut
considérer que ce paragraphe fait partie intégrale de votre
déclaration et est-ce que vous auriez l'obligeance de le lire, pour
qu'il soit dans la transcription?
M. Lévesque (Taillon): Avec plaisir, oui. Je m'excuse de
l'avoir sauté ce matin. Je le
mets dans son contexte le plus immédiat: "Comme chef du
gouvernement, représentant politique des citoyens propriétaires
de l'entreprise, c'était de mon devoir le plus strict de me faire une
opinion et, le cas échéant, de la faire connaître à
qui de droit".
Il a donc été convenu que mon chef de cabinet, Me Boivin,
prendrait les moyens appropriés pour y voir aussi clair que possible, ce
qui impliquait forcément des rencontres avec les avocats au dossier et
une évaluation de leurs arguments. "D'autre part, il était
absolument essentiel de relire - c'étaient les deux sources - le rapport
de la commission Cliche." Cela, je pouvais plus m'en charger."
M. Paradis: C'est très bien, c'est remis dans son
contexte. De façon à pouvoir vous permettre de fumer votre
cigarette tranquillement. On pourrait passer au visionnement...
Le Président (M. Jolivet): Donc, le député
de Brome-Missisquoi ayant terminé ses questions, nous passerons à
l'étape demandée par le député de
Marguerite-Bourgeoys et aussi acceptée par le ministre de
l'Énergie et des Ressources, c'est-à-dire entendre cet extrait de
la période de questions du 20 février 1979 portant sur les
réponses aux questions de M. Lalonde, de 14 h 27 à 14 h 39. Je
tiens à souligner que vous constaterez qu'il y a une différence
entre ce qui va passer à l'écran et les textes qui sont reconnus
au journal des Débats, puisqu'il y a des corrections qui sont
apportées, soit à des anglicismes ou à des fautes de
français possibles. La différence entre les deux, comme les
membres de l'Assemblée nationale le savent, c'est une chose tout
à fait normale au journal des Débats. Je dois donc rappeler que
nous allons entendre cet extrait et que nous passerons ensuite à la
deuxième partie qui est celle du mini-débat. Je me permettrai,
à ce moment-là, comme président, de donner quelques
explications sur ce qu'est un mini-débat.
Je dois vous dire également que nous ne pourrons éteindre
les lumières dans la salle parce qu'il faudrait 20 minutes pour les
rallumer. En conséquence, nous nous fierons à l'écran
géant qui est là-bas.
Note: Pour l'intérêt de nos lecteurs, nous reproduisons
ci-après le compte rendu des questions et réponses sur le
règlement du saccage de LG 2 tel que publié dans l'édition
du mardi 20 février 1979, volume 20, numéro 105. C'est la bande
magnétoscopique de la même date qui est visionnée à
ce moment.
Questions et réponses du 20 février 1979
Dommages causés au chantier de LG 2
M. Lalonde: M. le Président, le 21 mars 1974, la violence
éclatait sur le chantier de construction de la baie James, dans ce qu'il
a été convenu d'appeler le saccage de la baie James, causant des
dommages considérables et forçant la fermeture du chantier pour
une période de 57 jours. Par suite de ces actes, la
Société d'énergie de la baie James prenait, le 24
février 1976, une action en dommages-intérêts au montant
d'environ $32 millions contre un certain nombre de syndicats et d'individus. Le
procès a débuté devant la Cour supérieure à
Montréal le 15 janvier 1979, il y a quelques semaines. Or, on apprenait,
il y a quelques semaines, que la Société d'énergie de la
baie James envisageait de régler la réclamation de $32 millions
pour la modique somme d'environ $125 000. La semaine dernière, j'ai
posé des questions au ministre de la Justice, M. le Président, et
vous vous souvenez que ses réponses ont fait état d'une ignorance
évidente de ce dossier.
Aujourd'hui, je veux poser mes questions au premier ministre.
Premièrement, est-il exact qu'un tel règlement est
envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du
premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses
représentants, qu'une partie de cette négociation de
règlement a eu lieu? Enfin, dans l'affirmative, en vertu de quel
principe la SEBJ renonce-t-elle ou est-elle prête à renoncer
à une réclamation de $32 millions pour moins de 0,4%? Est-ce en
vertu du préjugé favorable envers les travailleurs ou en fonction
d'une évaluation objective des droits et des intérêts de la
population dans cette réclamation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il y avait
trois questions du député. Premièrement, il est exact
qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il,
pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas
du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre que
le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une
consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil
d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de
la baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque
chose de très important qui concerne une propriété
publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan.
(14 h 30)
À la suite du saccage dont tout le
monde, hélas, se souvient, il y a eu une poursuite
d'intentée, autour du mois de février 1976, en
dommages-intérêts, au montant de $32 millions. Cette
décision de poursuivre avait été prise par les
autorités de l'Hydro-Québec, après consultation - je vous
le fais remarquer - avec le premier ministre du temps, M. Bourassa, vers la fin
de 1975. Cette consultation, de même que la décision de
poursuivre, étaient absolument normales. Personne n'avait rien à
redire là-dessus. Après tout, la responsabilité
gouvernementale, au nom des citoyens, existe aussi au niveau politique. La
décision appartient quand même forcément à ceux qui
ont été chargés d'administrer ces biens publics, y compris
pour des poursuites ou pour quoi que ce soit. Il reste cependant que la
consultation - des rapports normaux, civilisés entre des instances avec
de telles responsabilités - est normale et c'est ce qui avait
été fait en 1975 avec le premier ministre de l'époque.
En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques
semaines, si je suis bien informé, la Société
d'énergie de la baie James a reçu des offres de règlement
de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de
nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle
là-dessus.
Mon sentiment a été très clair, la décision
appartient forcément à l'Hydro-Québec et à son
conseil d'administration qui coiffe toute l'opération chantier,
énergie, etc., et, bien sûr, à la Société
d'énergie de la baie James elle-même, qui est là comme
partie.
Tout en étant bien clair là-dessus, et le demeurant encore
aujourd'hui, mon sentiment et je leur ai donné, comme ils le demandaient
- est éminemment favorable à un règlement. Les
modalités, je ne veux pas les connaître, jusqu'au jour où
on les connaîtra tous. Ce n'est sûrement pas à mon bureau de
commencer à dire que ce sera tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire.
Mais l'idée, le principe du règlement, oui.
Si on me le permet, je voudrais dire rapidement pourquoi. Je
réfère tout le monde à la seule enquête - sauf
erreur - qui a été faite, d'une façon globale, sur ce
saccage de la baie James, et qu'on trouve aux pages 68 et 69 - dont je vais
citer un bref extrait -du rapport de la commission Cliche. Je pense qu'il est
important, pour l'équité, d'écouter ces deux paragraphes:
"Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs n'encourent pas
la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement
d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée
par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, on s'en
souvient, pour montrer une fois pour toutes qui était le maître ou
le "boss" à la baie James. L'impression nette que nous tirons - je cite
toujours - de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les
travailleurs ont été de simples spectateurs et même des
victimes des actes insensés posés par un Duhamel en
délire."
C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir
l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupules qui avaient fait main
basse sur le contrôle des principaux locaux syndicaux des chantiers de la
FTQ-Construction. Puisqu'on demande les résultats de la consultation que
j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon opinion, en partant de
ça et de quelques autres faits, il me semble - c'est le sentiment que
j'en ai -qu'il serait injuste de faire payer par l'ensemble des travailleurs
qui sont membres des syndicats défendeurs, les syndicats
québécois, qui peuvent être tenus techniquement et
juridiquement responsables - d'ailleurs ils l'admettent - des montants
importants pour lesquels ils ne sont franchement pas responsables. Ils ne sont
tellement pas responsables qu'en fait ça se passe remarquablement
très bien à la baie James maintenant; on sait que, à
l'automne 1979, des mois avant les dates prévues, les premiers groupes
générateurs vont être mis en service à LG 2. Ce qui
veut dire que, depuis ces événements, la productivité
s'est accrue sur le chantier et qu'il y a vraiment un climat remarquablement
meilleur que jamais auparavant.
J'ajouterais, tenant compte du rapport Cliche, que trois des cinq
individus défendeurs, y compris celui qui a été
nommé dans le rapport, ont déjà été
condamnés au criminel ou sont présentement devant les tribunaux.
Quant aux deux autres, si on s'imagine qu'ils pourraient payer les montants
éventuels du jugement, on est optimiste.
Il y a évidemment l'implication - je termine là-dessus -
du syndicat américain, qui, lui, est solvable, parce que les syndicats
québécois ne sont pas solvables. Il semble que sa
responsabilité soit, le moins qu'on puisse dire, aléatoire; de
toute façon s'il y avait un jugement, les recouvrements seraient longs
et compliqués, je pense que ce n'est pas difficile à comprendre.
Ce qui semble encore plus important, parce qu'il y a quand même quelque
chose qui est moralement difficile à défendre à certains
points de vue, c'est que l'implication - il y avait un décrochage
à peu près complet de la centrale syndicale américaine -
réelle des Américains est inexistante dans ces
événements. C'est leur faire porter une chose où vraiment,
ni de près ni de loin, ils n'ont eu quoi que ce soit à faire.
Finalement, le coût de la cause, si elle continue, est le suivant,
au bas mot, d'après ceux qui nous ont donné leur opinion. Pour
obtenir un jugement ça coûterait à peu près $2
millions ou $3 millions, si on inclut les frais de la Société
d'énergie et même ceux
de l'aide juridique du gouvernement qui, pour certains
défendeurs, serait obligée de se substituer aux procédures
normales où on paie des avocats, parce qu'ils n'ont pas les moyens.
Tout ça résume le sentiment que j'ai donné aux gens
qui voulaient l'avoir; je ne parle même pas du climat social et de la
nécessité d'un bon climat sur des chantiers lointains, mais les
raisons sont là. À partir de là la décision de
règlement appartient à la Société d'énergie
de la baie James, mais comme elle l'avait fait en 1975, au moment de
poursuivre, en consultant elle a eu l'opinion du premier ministre
d'aujourd'hui, s'il s'agit d'un règlement éventuel.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, après cette longue
réponse du premier ministre, je l'en remercie. Il a fait une
déclaration d'insolvabilité au sujet des syndicats
québécois: ça a dû être un lapsus, il a
dû vouloir dire que les syndicats n'avaient peut-être pas les
moyens de payer une réclamation de $32 millions.
Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, et c'est là en fait
l'ingérence du premier ministre dans cette décision - que je
déplore dans sa déclaration aujourd'hui - est-ce qu'il ne serait
pas plus prudent, dis-je, de se reposer sur un jugement de la Cour
supérieure ou un jugement d'un tribunal pour déterminer la
responsabilité, parce qu'en voulant favoriser un groupe de travailleurs
on enlève à l'ensemble de la population, qui comprend tous les
travailleurs, syndiqués ou non, les droits qu'elle a dans cette
réclamation? S'il y a un syndicat qui est solvable pour employer
l'expression du premier ministre, pourquoi ne pas attendre le jugement de cour
et ensuite tenter d'aller chercher ce qui est notre dû à toute la
population, là-dedans? Est-ce que ce ne serait pas plus sage comme
décision de premier ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, sur la question de
sagesse, sur l'opportunité éventuelle des décisions, je
répète ce que j'ai dit: C'est à la Société
d'énergie de la baie James, au conseil d'administration qui la coiffe
aussi, de prendre les décisions. S'il y a un règlement qui est
négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit
dès le début de l'année 1979 - la décision, ni de
près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus. On
a demandé notre sentiment et en toute conscience, je ne
répéterai pas tout ce que j'ai dit y compris sur la
responsabilité plus qu'aléatoire des Américains
là-dedans, en fait inexistante à toutes fins utiles, j'ai
donné mon sentiment. La décision appartient à ceux qui
administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un
règlement, les questions de responsabilités, etc. Cela ne nous
regarde pas, c'est leur droit.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que le premier ministre va au moins nous
donner l'assurance que le ministre de la Justice n'a pas pu nous donner la
semaine dernière, à savoir que la Société
d'énergie de la baie James va s'appuyer sur un avis juridique quant
à la responsabilité? Les avis juridiques du premier ministre ici,
cela ne pèse pas fort. Quand il a parlé de la
responsabilité à peu près inexistante, vous m'excuserez de
ne pas la prendre. Est-ce que cela ne serait pas plus juste que la
Société d'énergie de la baie James fasse reposer sa
décision sur un avis juridique, à savoir la responsabilité
de ce syndicat américain, en particulier, et aussi des autres, parce que
c'est l'argent de la population?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, inutile
d'ajouter que ce que j'ai dit tout à l'heure, c'était
après avoir été passablement mis au courant des avis
juridiques assez nombreux qui ont été accumulés autour et
alentour de cette question-là. Je voudrais quand même que le
député ne soit pas injuste pour le ministre de la Justice qui
n'est pas ici aujourd'hui, parce qu'il n'avait pas à connaître
cette affaire.
(Fin de la reproduction)
Le Président (M. Jolivet): C'était l'extrait de la
période des questions. Je dois donc vous rappeler maintenant que nous
passerons à l'étape suivante qui est celle du mini-débat
dont nous vous présenterons l'extrait. À ce mini-débat, il
y avait eu deux questions ce soir-là et il a commencé à 22
h 07 et s'est terminé à 22 h 20. Je vous rappelle, ainsi que pour
les besoins des gens qui nous écoutent, qu'un député peut
toujours, s'il n'est pas satisfait d'une réponse donnée à
une question qu'il a posée, donner un avis écrit de son intention
de soulever le problème pour lequel il désire des renseignements
lors du débat prévu à cette fin au paragraphe 4,
c'est-à-dire qu'à la fin des travaux d'une séance de
l'Assemblée nationale qui se termine à 22 heures, en vertu du
règlement, un député peut demander un mini-débat.
Le mini-débat est d'une période de dix minutes. Le
député qui
soulève la question peut parler pendant environ cinq minutes et
le ministre ou l'adjoint parlementaire peut répondre, lui aussi, de son
côté, pendant cinq minutes.
C'est donc cet extrait que nous allons revoir sur l'écran
géant.
(Reproduction)
Mini-débat du 20 février 1979
Règlement des dommages causés par le
saccage de LG 2
Le Président: Maintenant, nous devons, suivant les avis
qui ont été donnés, procéder aux mini-débats
et en vertu des dispositions de l'article 174 de notre règlement. Le
premier, comme je l'avais annoncé cet après-midi, c'est celui
réclamé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Je relis l'avis de M. le député de Marguerite-Bourgeoys: "M. le
Président, à la séance d'aujourd'hui, j'ai posé au
premier ministre une question portant sur le sujet suivant: le règlement
éventuel de la réclamation de $32 millions de la
Société d'énergie de la baie James suite au saccage de LG
2, en mars 1974. Puisque je ne suis pas satisfait de la réponse
donnée, je désire me prévaloir des dispositions de
l'article 174 du règlement. Veuillez agréer, M. le
Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs." C'est
signé du député de Marguerite-Bourgeoys que j'invite
à prendre la parole pour cinq minutes. Je vous rappelle les dispositions
de notre règlement à cet égard, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys. Après cinq minutes, je devrai vous interrompre.
M. le premier ministre, je vous rappelle également les dispositions de
notre règlement - il est rare que le premier ministre soit
convoqué à un mini-débat -après cinq minutes, je
dois vous interrompre.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, cet après-midi, le
premier ministre a admis que la Société d'énergie de la
baie James est en train de régler une réclamation de $32 millions
pour un montant qu'il dit ne pas connaître et ne pas vouloir
connaître, mais que tout le monde sait être des grenailles, soit
environ $120 000, c'est-à-dire à peu près quatre
dixièmes de 1% de la réclamation de $32 millions. Le
règlement de la réclamation de la population du Québec
contre ceux qui ont saccagé notre baie James est allé jusqu'au
bureau du premier ministre, il l'admet, mais il ne veut pas savoir pour combien
la SEBJ est prête à régler.
Je dis que le premier ministre ne doit pas jouer l'autruche, se mettre
la tête dans le sable quand la rumeur court partout que la SEBJ est
prête à sacrifier une réclamation, qu'elle a
elle-même évaluée à $32 millions, pour une
croûte de pain. M. le Président, $125 000 pour une
réclamation de $32 millions, cela ne fait même pas la
moitié du chauffage du chantier pendant les 57 jours où il a
été fermé par suite du saccage, chauffage qui a
coûté $254 000. La déclaration du premier ministre cet
après-midi équivaut à une irresponsabilité
politique grave puisqu'il est prêt à régler à
n'importe quel prix, au mépris des intérêts
légitimes de la population qui, elle, devra être appelée
à payer les dommages.
S'inspirant d'une impression exprimée par la commission Cliche
sur l'absence de responsabilité des travailleurs en
général, dans cette violence, le premier ministre déclare
qu'il serait injuste de faire payer par les travailleurs membres des syndicats
impliqués des montants importants, même si ces syndicats peuvent
être tenus techniquement et juridiquement responsables. Or, jamais la
commission Cliche n'a prétendu établir la responsabilité
juridique et civile des actes dans le saccage de la baie James. Elle n'en avait
pas les pouvoirs. Le premier ministre fait lui-même preuve
d'irresponsabilité politique lorsqu'il s'interpose carrément dans
le processus judiciaire normal en pardonnant d'avance de leur
responsabilité juridique possible les défendeurs dans cette
cause. (22 h 10)
Ce qu'il ne veut pas faire payer par un groupe de travailleurs membres
de ces syndicats, défendeurs dans cette cause, le premier ministre est
prêt à le faire payer par l'ensemble de tous les travailleurs
québécois, contribuables, qui n'ont rien à faire avec ces
événements. Sans s'ingérer dans le processus de
décision de la cour dans cette cause, on peut dire que seulement deux
raisons pouvaient justifier un règlement et cela encore faudrait-il que
le montant soit raisonnable. La première raison serait que l'action
n'est pas juridiquement fondée.
Or, le premier ministre lui-même a admis qu'il était normal
que la SEBJ prenne action. La deuxième raison serait que les
défendeurs n'ont pas les moyens de payer. Si quelques-uns, surtout des
individus, sont dans cette situation, les autres ne le sont pas; ce n'est pas
le cas des syndicats et en particulier d'un syndicat américain, que le
premier ministre reconnaît être capable de payer les dommages dus
à tous les Québécois. Mais ici le premier ministre fait
une ingérence irresponsable dans le processus judiciaire. Il se
substitue aux juges, à qui il ne donne même pas la chance de
rendre jugement. Il dit publiquement, de son siège, sans aucune preuve
documentaire, que la
responsabilité de ce syndicat est aléatoire.
Jamais cette Assemblée n'a été témoin d'une
ingérence politique aussi irresponsable d'un premier ministre dans une
affaire de cour. Si le premier ministre veut réparer les dommages de son
inconscience politique, il doit, avant que tout règlement n'intervienne,
produire en Chambre tous les documents, opinions juridiques et autres qui
répondront à nos questions. Autrement, l'ingérence du
premier ministre dans cette affaire servira de dangereux
précédent car sans préjuger d'un jugement qui peut
intervenir dans cette affaire, M. le Président, personne dans cette
Chambre ne veut écarter la règle qui fait que chacun est
responsable de ses actes. Sinon, c'est l'anarchie, c'est le chaos. On a voulu
dans cette Chambre, après un débat, faire du droit nouveau en
matière d'assurance automobile et on a adopté un nouveau principe
de droit, celui de la responsabilité sans faute.
Quant à moi, je ne veux pas, M. le Président, qu'au nom
d'un soi-disant préjugé favorable pour les travailleurs, qui dans
ce cas-ci ressemble davantage à une faveur politique sur le dos de la
population, je ne veux pas, dis-je, que ce précédent introduise
dans notre droit et en particulier en matière de relations de travail le
principe, la règle de l'irresponsabilité avec faute. L'absence de
transparence du premier ministre qui favorise un règlement, n'importe
quel règlement sur le dos des fonds publics ouvre la porte à
toutes les spéculations quant aux véritables intentions et aux
véritables objectifs du gouvernement surtout dans le contexte de
négociations dans la fonction publique où il serait inadmissible
que le gouvernement échange l'appui de certains milieux contre des
droits de la population. Qu'on laisse la justice suivre son cours ou alors que
le premier ministre justifie objectivement, documents à l'appui,
pourquoi les Québécois devraient échanger une
réclamation de $32 millions pour à peu près rien. Merci,
M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre, cinq minutes.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Je
vais essayer de ne pas vous forcer à me rappeler et à l'ordre et
à l'horloge. J'ai beaucoup aimé la façon dont le
député a sans cesse parlé de la nécessité de
ne pas s'ingérer, de ne pas se mêler de ce qui ne nous regarde
pas, de ne pas se prendre pour d'autres. Pendant qu'il endossait les $32
millions comme si c'était du pain bénit, il se substituait au
tribunal parce que les $32 millions sont simplement le montant d'une
réclamation. Par ailleurs, il avançait avec une certitude
absolument... J'aurais été convaincu si je ne savais pas qu'il
sait encore moins que moi quels pourraient - et moi je ne le sais pas -
être les termes, les modalités d'un règlement. Autrement
dit, c'est bien facile de jouer avec des 0,4% quand on ne sait pas, ni d'un
bord, ni de l'autre, ni le maximum, ni le minimum de ce qui va arriver. J'avoue
humblement que je ne le sais pas moi non plus.
Ce que j'ai rappelé tout simplement cet après-midi, c'est
que comme le premier ministre qui m'a précédé avait
été consulté en 1975 pour savoir si on devait - et
à ce moment, Dieu sait que c'était plus qu'indiqué -
entamer des poursuites, de la même façon, on m'a demandé
mon opinion purement et simplement, sans préjuger du tout des
décisions qui appartiennent à la société
d'énergie et au conseil d'administration de l'Hydro-Québec, on
m'a demandé quel était mon sentiment.
Je l'ai dit mon sentiment. Je pense que cela vaut la peine, dans le peu
de temps dont je dispose, de répéter cette attitude fondamentale
du rapport Cliche, parce que je pense qu'il est bon que les citoyens - pas
seulement les gens de l'Assemblée nationale ici - se rappellent ce qui a
été dit aux pages 68 et 69 du rapport Cliche sur le seul groupe
qui ait vraiment été au fond de cette histoire déplorable
du saccage de la baie James. "Les commissaires ont acquis la conviction que les
travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est
arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais
bien d'une opération montée par un noyau de
mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois
pour toutes, qu'il était le maître à la baie James." C'est
la conclusion du rapport Cliche qui a passé assez de temps sous l'ancien
gouvernement à étudier, justement, les tenants et les
aboutissants du saccage de la baie James.
Partant de là, sachant aussi que les syndicats
québécois qui sont intimés sont incapables de toute
façon de payer des sommes le moindrement substantielles, j'ai
donné mon sentiment. C'était que puisqu'un règlement a
été demandé par quelques-uns des syndicats ou leurs
procureurs au début de 1979, quant à moi, il me semblait
meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une certaine paix
sociale nécessaire - il ne s'agit pas de favoritisme politique, il
s'agit de chantiers lointains où il est important que la paix
règne - si un règlement était possible, de le soutenir, de
l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la
Société d'énergie de la baie James qui est demanderesse
là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire.
Maintenant, pour terminer, je rappellerai et j'apprendrai
peut-être au député et à d'autres que, dans ce
règlement qui n'est pas intervenu encore et qui, je
l'espère, interviendra d'une façon satisfaisante, la
Société d'énergie de la baie James a exigé - ce qui
est parfaitement normal - que certains des syndicats québécois au
moins, qui peuvent être juridiquement, techniquement impliqués,
admettent leur responsabilité. Donc, si un règlement intervient,
cette responsabilité, cette admission de responsabilité en fera
partie. Si on va jusqu'à un jugement, il est évalué qu'il
faudra au moins cinq mois d'audience, que cela coûterait au moins $2
millions de plus pour arriver exactement aux mêmes résultats,
c'est-à-dire que c'est évident que la responsabilité
serait acquise. À partir de là, le jugement déciderait,
pas le député, ni votre serviteur, M. le Président, quels
sont les dommages attribuables. $32 millions, c'est la somme de la demande. Je
ne le sais pas et le député non plus. Une chose certaine, c'est
qu'il y aurait eu $2 millions et peut-être plus de dépensés
pendant cinq mois pour aboutir fondamentalement aux mêmes
résultats, sauf, comme le rappelait le député, je l'ai dit
moi-même, qu'il y a un syndicat américain qui est là. Mais
ce syndicat américain, d'après les avis juridiques qui m'ont
été expliqués longuement avant que je donne mon humble
sentiment, cette responsabilité des syndicats américains est plus
qu'aléatoire au point de vue juridique, d'après tous ceux qui ont
été consultés. Pardessus le marché, leur
responsabilité réelle dans les faits - ils n'étaient
là nulle part, ni au début, ni pendant, ni après la
grève -n'existe pas. Moralement, ils n'ont rien à voir
là-dedans.
En terminant, c'est vrai qu'en dernière analyse ce sont les
citoyens du Québec qui ont payé pour ce saccage, mais qu'on ne
vienne pas nous raconter que c'est une faveur politique à qui que ce
soit sur le dos des citoyens que d'essayer de régler cette histoire.
C'est vrai que les travailleurs, qui avaient été
littéralement "bulldozes", bousculés à ce moment-là
par une "gang" de bandits, ont repris en main leur démocratie syndicale
et qu'il y a une productivité et, dans l'ensemble, un climat social qui
contraste actuellement drôlement avec le quasi-vandalisme
institutionnalisé qui, je me permets de le rappeler, régnait sous
l'ancien gouvernement. On a rattrapé des échéances qui
semblaient compromises. On devance même de plusieurs mois la mise en
service des premiers groupes de production d'électricité et cela
économise, par ailleurs, combien de millions de dollars aux
Québécois!
(Fin de la reproduction)
Le Président (M. Jolivet): Une partie de ces deux
interventions, c'est-à-dire l'extrait de la période des questions
du 20 février 1979 ainsi que l'extrait de ce mini-débat de la
soirée du 20 février 1979, étant entendue, à sa
demande expresse et à l'acceptation du ministre, je passe donc
désormais la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.
Interrogatoire (suite)
M. Lalonde: M. le Président, nous avons tous entendu dans
le contexte, comme voulait d'ailleurs remettre certaines déclarations
dans le contexte le premier ministre lui-même ce matin, les questions,
les réponses ainsi que les deux échanges qu'on appelle le
mini-débat du 20 février 1979.
J'aimerais rappeler quelques extraits de la réponse du premier
ministre et je les prends dans le texte qui a été publié
dans le journal des Débats. C'est peut-être un peu
différent comme je l'avais expliqué de ce qui a été
dit mais seulement légèrement. La réponse que le journal
La Presse reproche au premier ministre, c'est celle-ci: "Ce n'est pas du tout,
ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une
consultation, oui, au bureau du premier ministre, oui avec des gens etc."
Donc, il y a eu une consultation. Un peu plus loin, le premier ministre
dit, en parlant de la Société d'énergie de la Baie James:
"...elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle
là-dessus."
Troisièmement, un peu plus loin, le premier ministre disait, le
20 février 1979: "...mon sentiment - et je le leur ai donné,
comme ils le demandaient - ..."
Un peu plus loin, le premier ministre parle toujours en réponse
à ma question: "Puisqu'on demande les résultats de la
consultation que j'ai eue avec les gens qui m'ont demandé mon
opinion..."
Et si vous allez à la page 5741 - pour ceux qui suivent sur le
journal des Débats -à la fin de la réponse à la
question principale le premier ministre dit ceci: "Tout cela résume le
sentiment que j'ai donné aux gens qui voulaient l'avoir..."
Et juste à la fin, il dit: "À partir de là, la
décision de règlement appartient à la
Société d'énergie de la Baie James, mais comme elle
l'avait fait en 1975, au moment de poursuivre, en consultant elle a eu
l'opinion du premier ministre d'aujourd'hui..."
Dans la même page, un peu plus bas, le premier ministre, en
réponse à une question additionnelle, dit: "On a demandé
notre sentiment..."
Dans le mini-débat, on retrouve aussi la même perspective
dans laquelle le premier ministre met sa réponse - le 20 février
1979, page 5793: "...on m'a demandé mon opinion purement et
simplement..."
Un peu plus loin: "C'était que puisqu'un
règlement a été demandé par quelques-uns des
syndicats..."
Tout dans la réponse donne à penser que le premier
ministre a donné son sentiment à la demande à cinq ou six
reprises...
Une voix: Huit.
M. Lalonde: Sept. Je vais les compter, M. le Président.
J'en ai 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. 9 en comptant le mini-débat, mais enfin.
Et d'ailleurs c'est ainsi que dans les journaux ou certains journaux, le
lendemain, ont perçu la réponse du premier ministre. Dans le
Journal de Québec, par exemple, du 21 février 1979, le lendemain,
il est dit: "M. Lévesque a été consulté à ce
propos par Hydro-Québec et la Société d'énergie de
la Baie James et tout comme l'avait fait l'ex-premier ministre, etc."
D'autre part, la preuve démontre - et le premier ministre l'a
confirmé ce matin -que c'est à la suite d'un appel
téléphonique de M. Laberge, président de la FTQ, et d'un
examen de la situation qu'il avait fait avec son chef de cabinet, Me Boivin,
que le premier ministre a donné instructions à M. Boivin de
transmettre au président-directeur général de la SEBJ son
désir que cela se règle.
Comment - M. le Président, c'est ma question au premier ministre
- concilier la réponse qu'il m'avait donnée après m'avoir
dit: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du
premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu
lieu. Mais il y a eu une consultation..." Comment concilier sa réponse
avec le fait que l'initiative de tout le processus de règlement
était partie du bureau du premier ministre et s'était transmise
le 3 janvier 1979?
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Vous savez, la période de
questions du 20 février, je vais vous dire bien franchement que ce qui
me paraissait important - parce que là j'y étais et là
cela était vraiment clair face aux trois principaux dirigeants - c'est
que cela était vraiment le moment crucial par rapport à un
règlement parce qu'ils l'avaient demandé... Ce qu'on avait
transmis - je n'y étais pas, cela part plus de l'esprit - à M.
Laliberté selon le rapport que M. Boivin en a fait c'était qu'on
s'était fait une opinion. Cela ne m'a pas paru toucher à
l'essentiel - je le suppose, en tout cas - au moment de cette période de
questions. Je ne vois pas ce que cela change quant à l'essentiel, je
dois vous l'avouer. Ce que l'Opposition voulait savoir à ce
moment-là c'est s'il était vrai qu'il était question d'un
règlement et si c'était le bureau du premier ministre ou le
premier ministre lui-même qui s'était mêlé de
négocier ou de faire venir ce règlement. Il me semble que je l'ai
assez bien expliqué dans ma déclaration de ce matin. C'est vrai
que le 20 février j'avais complètement escamoté cette
histoire du 3 janvier mais pour moi la clé, au moment où j'y suis
et que je sais ce qui s'est passé - c'est là que se trouvait la
clé quant à nous - c'est quand le conseil d'administration
d'Hydro-Québec avait demandé - évidemment, c'est une
chance encore, ils avaient été avertis avant qu'on avait une
opinion - de me rencontrer. Je n'ai pas d'autre explication.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que le premier
ministre - en relisant la transcription, je vais pouvoir m'en assurer -a dit:
C'est vrai que j'ai escamoté la réunion du 3 janvier dans ma
réponse.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse
là. J'ai escamoté une réunion à laquelle je
n'assistais pas. Cela s'est passé au lendemain des fêtes et
où Me Boivin avait dit à M. Laliberté que nous avions une
opinion et que c'était celle-là. Il devait la transmettre au
conseil d'administration. Quand le conseil d'administration a
décidé de venir vérifier, selon moi c'était
là que cela se passait.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas...
M. Lévesque (Taillon): Vous pouvez en faire un gros plat
si vous voulez mais c'est comme cela que je l'ai vécu.
M. Lalonde: II n'est pas question d'en faire un plat, M. le
Président. C'est qu'on est au coeur de la question à savoir:
Est-ce que l'Assemblée nationale a été trompée ce
jour-là?
M. Lévesque (Taillon): Sur l'essentiel, non.
M. Lalonde: C'est une question d'opinion. Est-ce qu'il
n'était pas essentiel que l'Assemblée nationale sache et que la
population sache que l'initiative de toute l'opération venait du bureau
du premier ministre alors que la réponse du premier ministre allait dans
le sens contraire, selon lequel il avait eu un rôle passif? On
était venu demander son opinion. C'est pour cela que je vais demander au
premier ministre pourquoi il a escamoté - pour employer ses mots - cette
partie importante de toute l'opération dans la réponse alors que
la question référait justement à la participation de son
bureau et de lui-même dans le règlement?
M. Lévesque (Taillon): Premièrement, il y a une
chose que je dois dire, sauf erreur -vous pouvez retrouver tout ce qui s'est
passé pendant cette commission - l'initiative, c'est-à-dire
l'amorce d'un règlement, s'est faite par le truchement des procureurs.
Cela commence toujours assez loin. Ce n'est pas nous qui avons pris
l'initiative. On a pris l'initiative de se faire une opinion et de la faire
connaître. Le moment crucial quant à moi - encore une fois, je n'y
ai même pas pensé; si le député de
Marguerite-Bourgeoys, le 20 février, dans le temps très restreint
qu'on a lors d'une période de questions, m'avait demandé plus de
détails, je n'avais pas de raison de le cacher - était là.
Encore aujourd'hui, l'essentiel, selon moi, était là.
M. Lalonde: Si le député de Marguerite-Bourgeoys
avait demandé plus de détails, je demande au premier
ministre...
M. Lévesque (Taillon): J'aurais pris avis, j'aurais
vérifié.
M. Lalonde: ...une fois que la question est posée sur son
implication et l'implication de son bureau dans le règlement et qu'il me
répond, de la façon la plus catégorique que j'aie vue
à l'Assemblée nationale, que ni de près, ni de loin partie
du règlement n'a eu lieu à son bureau et, d'autre part,
très longuement il parle d'une consultation - je ne veux pas
répéter les endroits où il dit: "il semble qu'on a voulu
savoir le sentiment", "comme ils le demandaient", "ils m'ont demandé mon
opinion" - est-ce que cela n'était pas important pour l'Assemblée
nationale de savoir que c'était le premier ministre qui avait pris la
décision de demander à la SEBJ ce que M. Laliberté est
venu nous dire ici, à savoir que la cause soit abandonnée et
qu'un règlement ait lieu? Est-ce que cela n'était pas important
pour l'Assemblée nationale à ce moment-là? (16 heures)
M. Lévesque (Taillon): Je suis obligé de
répéter au député de Marguerite-Bourgeoys -je peux
bien le répéter vingt fois - que s'il m'avait posé des
questions sur les tenants et les aboutissants, sur la façon dont on
s'était fait une opinion, en l'occurrence, si les gens
d'Hydro-Québec, c'est-à-dire M. Laliberté, avaient
été mis au courant de cette opinion, je le lui aurais dit. Je ne
vois pas ce que j'avais à cacher. La seule chose qu'il y a, c'est qu'il
ne me l'a pas demandé, et dans le temps que j'avais, j'ai pensé
à l'essentiel, et l'essentiel, c'était quand j'étais face
à face avec les trois principaux dirigeants à ce moment-là
d'Hydro-Québec qui venaient vérifier, je suppose, les tenants et
les aboutissants de mon sentiment et de l'opinion que je leur avais fait
transmettre - je n'étais pas là quand ils les ont eus
forcément - et ce qu'on pourrait appeler, si vous voulez, l'importance
que j'attachais au principe de ce règlement. C'est à ce
moment-là, il me semble, que se trouvait le coeur de la question.
M. Lalonde: M. le Président, de toute évidence, je
n'aurai pas de réponse différente du premier ministre
là-dessus. On laissera la population juger.
J'ai une autre question à poser au premier ministre. Dans sa
réponse, à la page 5741 - c'était la réponse
à la première question additionnelle - le premier ministre dit
ceci, et je le cite au texte: "S'il y a un règlement qui est
négocié - je sais qu'il y a eu des approches, je l'ai dit
dès le début de l'année 1979 - la décision, ni de
près ni de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus."
Comment le premier ministre peut-il concilier cette réponse avec le fait
que le 3 novembre 1978, le conseiller spécial du premier ministre, M.
Yves Gauthier, rencontrait déjà un des membres du conseil
d'administration, M. Laferrière, à un lunch où il
était justement question de cette poursuite? Comment peut-il concilier
cette réponse qu'il me donnait à ce moment-là avec le fait
que M. Gauthier, encore, toujours conseiller spécial du premier ministre
à ce moment-là, à l'automne, semble-t-il, d'après
la seule preuve que nous en avons, rencontre Me Gadbois, avocat interne de la
SEBJ, et lui donne des arguments indiquant que la cause devrait être
arrêtée? Comment peut-il concilier cette déclaration - que
le bureau du premier ministre ne pèse sur la décision de la SEBJ
-avec le fait que, le 3 janvier, à la connaissance cette fois-là,
j'en suis sûr, du premier ministre, parce qu'il l'a confirmé, il a
rencontré M. Laliberté, le président-directeur
général, le patron de la SEBJ, pour lui transmettre son souhait
que la cause soit abandonnée et qu'il y ait règlement j'emploie
à peu près les mots de M. Laliberté - et que ce soit
transmis aux membres du conseil d'administration, comme le premier ministre l'a
dit ce matin? Comment peut-il concilier ce qu'il vient de dire et ce qu'il
disait le 20 février, alors qu'à peu près trois semaines
auparavant il avait dit à trois dirigeants importants, M. Saulnier, M.
Laliberté et M. Boyd: Vous réglez, "crisse" "or else"? Cela, cela
ne pèse pas. Enfin, peut-il concilier cette réponse avec le fait
que, le lendemain de cette réunion amicale, son chef de cabinet, M.
Boivin, lunche avec les deux principaux avocats de la SEBJ, Me Aquin et Me
Cardinal, et leur dit: Ne vous enfargez pas dans les documents? Le premier
ministre ne trouve-t-il pas que sa réponse, le 20 février, ne
donnait place à aucun des événements qui sont en preuve
actuellement et que je viens de décrire?
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): À l'occasion, je pense que
le député de Marguerite-Bourgeoys a des expressions
extraordinairement ambitieuses, comme de dire que toutes ces choses-là
sont "en preuve". Je veux bien. La seule chose qu'il y a, c'est que vous avez
gratté tout cela. Le 20 février 1979, il aurait fallu que vous me
posiez des questions quasiment au feuilleton de la Chambre pour que je retrouve
chacun des éléments que vous venez d'évoquer. Par exemple,
les lunches, les rendez-vous pour déjeuner que pouvait avoir ou que peut
avoir Me Yes Gauthier, ce n'est pas exactement de la discipline de couvent. Il
a le droit d'aller luncher avec qui il le veut, pour l'amour du ciel! Qu'il ait
vu M. Gadbois, je ne sais pas ce qu'il en a raconté. S'il se
mêlait de la question d'une façon trop intime, si vous voulez -
pour reprendre une expression qu'on aime beaucoup de l'autre côté
- il l'a sûrement fait sans mandat. Mais je ne veux pas juger, parce que
je n'y étais pas.
Une chose est certaine, c'est que, dans la mesure où il
s'agissait du principe d'un règlement sur lequel on s'était fait
une opinion, c'était strictement mon chef de cabinet, Me Boivin, et
moi-même. Les autres n'avaient pas d'affaire là-dedans. Cela ne
veut pas dire que cela ne les intéressait pas, pas du tout.
Le député a parfois, comme d'autres, une sorte de
façon de poser des questions qui fait que tu te retrouves mal
après, parce que tu en a cinq ou six en même temps.
Pour revenir à l'essentiel: Oui, c'est vrai que, quand j'ai
rencontré les trois dirigeants en compagnie de Me Boivin, le 1er
février - pas le 19 février comme l'ont dit certains journaux -
celui d'Hydro-Québec, le président-directeur
général, M. Boyd, le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James et le président du conseil d'administration, à ce
moment-là, M. Saulnier, c'est vrai que, très clairement, avec
acharnement même, parce que c'était notre opinion, je leur ai dit:
Moi, je crois -je leur ai répété de toutes les
façons que je pouvais trouver - que ce serait plus logique... Surtout
quand M. Boyd, pour les raisons que j'ai données dans ma
déclaration - je ne reviens pas là-dessus - semblait
littéralement avoir quasiment un besoin personnel d'un jugement. C'est
vrai que j'ai dû perdre patience et dire quelque chose comme ce que vous
avez cité. Il faut être un peu tartufe, quand on vit au
Québec, pour ne pas penser que certains gros mots ne nous arrivent pas
dans nos conversations. J'en entends souvent en Chambre ou dans les coulisses
et cela m'arrive à moi aussi, mais cela ne change pas le fond des
choses.
M. Lalonde: Oui, mais est-ce que le fond des choses n'est pas
justement que le premier ministre, le chef du gouvernement, dit à des
dirigeants: Vous réglez. Il le dit très fortement. Est-ce que ce
n'est pas très impératif? D'ailleurs, pour employer un mot, je
crois, que le premier ministre mentionne dans sa déclaration: Est-ce que
cela ne pèse pas sur la décision? Comment le premier ministre
peut-il, trois semaines après, dire que le bureau du premier ministre ne
pèse pas sur la décision après avoir donné cet
ordre, ce désir intense...
M. Lévesque (Taillon): Écoutez...
M. Lalonde: ...avec cette menace voilée: Ou bien on le
fera à votre place? C'est le sens de ce qui nous a été
dit. Comment le premier ministre peut-il ensuite nous dire que
l'Assemblée nationale a été parfaitement informée
le 20 février?
M. Lévesque (Taillon): II me semble que les
événements prouvent que c'était, pour l'essentiel, vrai.
D'abord, je dois vous souligner que les gens nommés à un conseil
d'administration - on essaie, en tout cas, nous, depuis un bon bout de temps,
il y en avait déjà qui étaient comme cela dans ceux qui
étaient là - ne sont pas des pions. Ils ne sont pas
nécessairement obéissants. À moins que, comme certains de
mes prédécesseurs, y compris mon prédécesseur
immédiat, l'ont fait - cela a été évoqué ici
- ils reçoivent -là, ils ont une sacrée décision
à prendre -des dictées, littéralement en disant: Voici ce
que vous allez faire pour régler: Un, deux, trois, quatre. Je n'ai
jamais pensé qu'on devait agir comme cela. Seulement, je ne vois pas
pourquoi je me serais privé, par exemple - je me suis peut-être
impatienté à un certain moment - de dire des choses un peu
raides. Je ne vois pas pourquoi je me serais privé de dire, jusqu'au
fond, pourquoi on était convaincu de la nécessité,
à notre avis, en tout cas, dans l'intérêt
d'Hydro-Québec, dans l'intérêt public au sens le plus
large, d'un règlement hors cour. Point final.
M. Lalonde: Cela ne pèse pas sur la décision, si je
comprends bien l'opinion du ministre?
M. Lévesque (Taillon): Si j'ai bien vu... Je n'avais pas
vu le vote. Je ne me souviens pas qu'on m'ait mis au courant en détail.
Peut-être que d'autres m'en ont parlé après. Mais, si j'ai
bien compris, le vote qui a été pris au mois de mars n'a pas eu
l'air de peser sur ceux qui ne s'étaient pas déjà fait une
opinion. Cela n'a pas changé grand-chose au résultat. Je dois le
dire quasiment avec confusion. Cela n'a pas eu l'air d'affecter les opinions
qui étaient en train de se former librement.
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question sur la
reconnaissance de responsabilité. Le premier ministre, là-dessus,
dans sa réponse, le 20 février, disait, je cite à la page
5741: La décision appartient à ceux qui administrent
l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les
questions de responsabilité, etc. Cela ne nous regarde pas. C'est leur
droit." Au cours du mini-débat, même si cela ne regarde pas le
premier ministre - mais cela c'est mon commentaire - M. le Président, on
retrouve à la page 5793 un passage du discours du premier ministre, que
je cite: "Donc si un règlement intervient, cette responsabilité,
cette admission de responsabilité en fera partie."
Comment le premier ministre peut-il concilier cette affirmation que son
bureau ne s'occupe pas des termes, des conditions, des modalités, de la
question de responsabilité, ici, et le fait qu'à la
réunion du 1er février, où le premier ministre
était présent et très actif, d'après ce que je
comprends, il aurait - d'après le témoignage de votre chef de
cabinet, M. Boivin - été question de la reconnaissance de la
responsabilité. M. Boivin ne se souvient pas si c'est le premier
ministre ou lui-même qui avait soulevé cette hypothèse -
qui aurait été d'ailleurs mentionnée auparavant,
d'après M. Boivin, avant la réunion - que la reconnaissance de la
responsabilité remplacerait un jugement. Comment concilier cette
réponse, à savoir que le bureau du premier ministre ne s'occupe
d'aucune modalité du règlement, et la preuve qui a
été faite ici d'appels téléphoniques de Me Jasmin,
avocat des syndicats québécois, à Me Boivin, votre chef de
cabinet, pour s'enquérir s'il était vrai que la SEBJ exigeait la
reconnaissance de la responsabilité, disant que c'était
inahabituel? M. Boivin aurait appelé M. Laliberté, le
président de la SEBJ, pour donner suite à cet appel
téléphonique. A la suite de l'appel téléphonique de
M. Laliberté il aurait rappelé Me Jasmin. Me Beaulé a
appelé M. Boivin. M. Boivin a appelé Me Aquin à peu
près pour les mêmes questions de reconnaissance de
responsabilité, du syndicat américain cette fois-là, et
vice versa, puis il y a eu d'autres appels téléphoniques. En
quelque sorte, la plaque tournante des échanges entre les avocats et les
différentes parties, selon ce qu'on en sait ici, c'est votre chef de
cabinet.
Comment concilier cette réponse et ce que maintenant nous savons?
Comment aurais-je pu m'imaginer un iota de ce qui vient d'être
décrit ici comme étant la preuve faite à la commission en
recevant votre réponse?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je ne suis pas intervenu auparavant, et je vais le
faire très brièvement. Je pense que vous allez admettre avec moi
et ceux qui nous écoutent aussi que ce n'est pas facile de suivre le
député de Marguerite-Bourgeoys. En posant ses questions il fait
de l'argumentation, il fait des résumés de faits qui ont
été établis devant la commission pour ensuite poser une
question.
Puisqu'on dit qu'il y a eu des conversations entre Me Boivin, Me Jasmin,
Me Beaulé, Me Cardinal, Me Aquin et Me Jetté, je pense aussi
qu'il y a une chose qui est essentielle et que le député de
Marguerite-Bourgeoys devrait rappeler, si on permet ce genre de
préambule. C'est qu'il a été bien établi devant la
commission parlementaire que les procureurs des syndicats défendeurs se
demandaient si leurs messages se rendaient bel et bien au conseil
d'administration de la SEBJ. C'est en ce sens que les procureurs des syndicats
ont fait cette démarche pour vérifier certains dires
auprès de Me Boivin.
Il a été également établi devant la
commission qu'à la demande de Me Jasmin une rencontre a
été organisée avec M. Laliberté, en présence
de ses avocats et en présence aussi de Me Jasmin. Je ne voudrais pas
qu'on fasse dire à Me Boivin, en résumant son témoignage,
des choses qui n'ont jamais été établies,
c'est-à-dire la question de la reconnaissance de responsabilité
comme telle. En tout cas je n'ai pas entendu cela et cela fait neuf semaines
que je suis ici. Sur le plan de la reconnaissance de la responsabilité
il y a eu des discussions de fond.
Je pense que Me Boivin a très bien situé son niveau
d'intervention dans ce dossier. Il a fait une navette
téléphonique, c'est exact - il l'a dit ici en commission
parlementaire - mais sur un point très précis: c'était
pour bien vérifier si le point de vue des syndicats était
fidèlement rapporté au conseil d'administration. Les procureurs,
de leur propre aveu, nous ont dit, Me Beaulé en particulier, qu'il y
avait peut-être de la distorsion dans le message. C'est dans ce
sens-là que la réunion a été organisée.
Je pense que ce serait important, si on résume les faits devant
la commission, avant d'enfiler sur une question, de tout mettre sur la table.
(16 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous avez permis cette argumentation au ministre. Ce
que j'ai décrit, c'est la participation du bureau du premier ministre
dans les échanges concernant une modalité très importante
du règlement, l'un des trois éléments importants
du règlement. Les motivations des avocats -les avocats des
différentes parties - pour appeler Me Boivin, c'est leur
problème, mais ce qui est en preuve, c'est bien la participation active
du bureau du premier ministre dans les échanges concernant le
règlement, la négociation de cette modalité importante, de
cet élément important. Et c'est pourquoi, je pense que ma
question au premier ministre est bien fondée, à savoir: Comment
concilie-t-il cette preuve qui a été faite et comment aurais-je
pu m'imaginer que c'est comme cela que c'est arrivé, à partir de
la réponse qu'il m'a donnée le 20 février, à savoir
que son bureau ne s'occupait d'abord pas du tout du règlement, et encore
moins des termes et des modalités?
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
rappeler ce que je disais au tout début de mon intervention ce matin. Je
vais m'en tenir à l'essentiel. J'ai lu des grands bouts de
témoignages, j'en ai peut-être... J'en ai écouté une
partie, mais je n'ai pas eu la chance d'en faire une étude exhaustive
parce que - je pense que vous vous en doutez - durant les deux mois qu'un
certain nombre de gens se sont concentrés ici, il se passait quand
même des choses qui appelaient que le gouvernement s'en occupe. Ceci fait
que c'est par intermittence, c'est le moins que je puisse dire, que j'ai pu
suivre cela. Alors, je n'irai pas plus loin que mes souvenirs. Je les confronte
avec ce que j'ai dit en Chambre. C'est vrai que - je ne sais pas à quel
moment, mais vers la fin, je crois - à la rencontre du 1er
février, cette question d'admission de responsabilité avait
été évoquée. D'ailleurs, c'est un secret de
polichinelle que, en ce qui concernait le syndicat américain, pour les
raisons que tout le monde connaît, il ne l'aurait jamais admise
probablement. Pour ce qui est des syndicats québécois, on avait
l'impression qu'ils commençaient à penser qu'ils étaient
mieux de l'admettre. C'est tout ce que j'en sais. Après, il y a
peut-être eu des échanges, etc. Mais, vous avez les
témoignages. Les gens sont venus témoigner sous serment. Je ne
vois pas pourquoi je me substituerais à eux, d'autant plus que je n'ai
pas suivi tous ces périples téléphoniques, etc. Seulement,
on a appris avant le 20 février que cela était censé
être acquis. Si j'ai bonne mémoire, cela a été
acquis quelque part le long du chemin. C'était censé être
acquis et c'est pour cela que j'ai dit en Chambre, lors du mini-débat,
que pour autant que je savais quelque chose, c'était cela. Je cite: "Si
un règlement était possible, on avait décidé de le
soutenir, de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la
Société d'énergie de la Baie James qui est demanderesse,
de décider ce qu'elles veulent faire. Pour terminer - c'est cela que je
disais - je rappellerai et j'apprendrai peut-être au député
- c'était le député de Marguerite-Bourgeoys ce
jour-là - et à d'autres que dans ce règlement qui n'est
pas intervenu encore et qui, je l'espère, interviendra d'une
façon satisfaisante, la Société d'énergie de la
Baie James a exigé, ce qui est parfaitement normal, que certains des
syndicats québécois au moins, qui peuvent être
juridiquement, techniquement impliqués, admettent leur
responsabilité." Cela n'était peut-être pas dit en termes
juridiques; je n'ai pas une longue pratique. Mais, enfin, cela disait
l'essentiel.
Donc, j'ajoutais ceci: "Si un règlement intervient, cette
responsabilité, cette admission de responsabilité en fera
partie." C'est ce qu'on avait appris et c'est ce que je disais. Autrement dit,
on se tenait au courant; on était même forcé de se tenir au
courant un peu. Et, d'autre part, on ne pesait pas sur ces
décisions-là. C'était à eux de les négocier,
leurs responsabilités, pas à nous.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas eu cette
conciliation que je demandais, mais je vais poser une dernière question
sur un autre élément du règlement: l'argent. En ce qui
concerne les montants, la négociation des montants du règlement,
là, c'est beaucoup plus flou. Il semble que la devise "Je me souviens"
n'ait pas inspiré beaucoup les témoignages des témoins ici
en ce qui concerne l'argent. Souvent, on se souvient... On ne se souvient pas
de la réunion, mais on se souvient de ne pas avoir parlé
d'argent. Alors, le seul témoignage qu'on peut voir poindre à
l'horizon concernant la participation du bureau du premier ministre dans la
négociation des sommes d'argent, c'est celui de M. Maurice Pouliot qui,
dans un mémoire qu'il a préparé pour la commission, mais
qui apparemment... Il aurait dit, d'après la publication dans un
journal, que la somme de 300 000 $ est le résultat de discussions qui
ont été faites avec MM. Gauthier, Boivin, et même avec le
premier ministre. Du moins, c'est la façon de Me Jasmin, d'après
M. Pouliot, de représenter la chose.
Motion pour convoquer M. Maurice Pouliot
Puisque le ministre et le premier ministre m'ont toujours refusé
de demander de convoquer M. Maurice Pouliot ici, en commission parlementaire,
et de le faire par motion, M. le Président, je fais motion que, en vertu
de l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale, 1982, chapitre 62,
la commission élue permanente de l'énergie et
des ressources invite et assigne M. Maurice Pouliot,
président-directeur général du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (International), à
comparaître devant ladite commission le lundi 6 juin 1983, à 10
heures, pour répondre aux questions qui lui seront posées ou pour
y produire toute pièce que ladite commission juge nécessaire
à son enquête. 0e vous remets, M. le Président, le texte de
ma motion.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur une
question de règlement, d'après ce que j'ai cru comprendre?
M. Duhaime: Oui, parce que je crois percevoir que cette motion
est débattable. Alors, je suis prêt à en débattre,
mais, au préalable, je voudrais savoir du député de
Marguerite-Bourgeoys si l'Opposition en a terminé avec les questions
à poser au premier ministre. Je pourrais suggérer que, la motion
étant déposée, l'on termine avec les questions qu'on
voudrait adresser à M. Lévesque et, ensuite, on pourrait faire le
débat sur la motion.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, d'abord, est-ce que la motion
est reçue?
Le Président (M. Jolivet): Je dois dire que je n'ai aucun
autre choix que de la recevoir. Elle est reçue. La seule question que le
ministre a posée est une question...
M. Lalonde: Oui, oui. Je voulais d'abord savoir si elle
était reçue.
Le Président (M. Jolivet): C'est cela.
M. Lalonde: Alors, sur la question du débat sur la motion,
M. le Président, le problème devant lequel nous sommes
forcés de travailler est le suivant: un certain nombre de questions sans
doute au premier ministre dépendraient de la décision qu'on
pourrait obtenir à la suite de cette motion de recevoir et d'entendre M.
Pouliot. Nous n'avons pas voulu la présenter avant aujourd'hui parce que
nous croyions et nous espérions toujours que le gouvernement allait
comprendre le bon sens à un moment donné et inviter ce monsieur
qui a signé... En tout cas, je ne veux pas parler sur le fond de la
motion, je le ferai plus tard.
Donc, nous avons attendu jusqu'à aujourd'hui. Je ne voulais pas
présenter la motion ce matin parce que je voulais permettre au premier
ministre de faire sa présentation et de commencer à
répondre à des questions. D'autre part, si nous discutons de
cette motion seulement après l'interrogatoire du premier ministre, elle
va perdre de sa pertinence. À moins que le gouvernement - le premier
ministre est ici, il peut décider, il peut donner les instructions
nécessaires à son ministre - à moins que le premier
ministre nous dise: Cela va, très bien, on va le convoquer dans un
avenir prochain. À ce moment-là, on passera à autre
chose.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous dirai, M. le Président, que je n'ai
pas demandé d'instructions à M. Lévesque là-dessus.
Je pense que, comme réaction, c'est spontané. Je suis prêt
à débattre de cette motion aussitôt que vous aurez
décidé, M. le Président, à quel moment nous
entamerons ce débat. Ce que je trouve un peu curieux, à moins
qu'on veuille prolonger ce que M. Lévesque appelait ce matin cette
volupté, j'ajouterais: cette délicieuse volupté de
l'Opposition de prolonger le suspense, mais, si vous voulez être
sérieux le moindrement, est-ce qu'on ne pourrait pas poursuivre cette
période de questions et réponses? Je voudrais vous donner
l'assurance, parce que je n'ai pas l'habitude de jouer des tours, que nous
reconvoquerons la commission demain, si c'est nécessaire, ou encore on
pourrait débattre de la motion en fin de journée ou ce soir. On a
un ordre de l'Assemblée de siéger de 20 heures jusqu'à 22
heures et on peut prolonger, de consentement, après 22 heures
jusqu'à minuit, une heure, deux heures, trois heures du matin, si cela
vous tente de vous coucher un peu tard, mais je ne vois pas la raison de
surseoir en quelque sorte à la période des questions
adressées au premier ministre qui, j'imagine, un peu comme moi a autre
chose à faire lui aussi. Que vous poursuiviez votre période de
questions - autrement, j'en viendrais à la conclusion que vous n'avez
strictement rien à dire - et qu'on reporte le débat sur cette
motion, qui est une motion... Mon Dieu, Seigneur! ce n'est pas la fin du monde.
De toute façon, je vous préviens tout de suite qu'elle sera
battue, mais je suis prêt à entamer le débat pour motiver
pourquoi elle sera battue lorsqu'elle sera mise aux voix.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, quelles que soient les
assurances que nous donne le ministre que la motion sera battue, le fait
demeure que, tant et aussi longtemps que la commission n'en dispose pas, elle
est toujours devant la commission. Nous, on ne présumera pas qu'elle
sera battue, on présume qu'on pourra la débattre et qu'une fois
qu'elle aura été débattue, de chaque côté de
la
commission, on se prononcera sur le bien-fondé de la motion; on
l'adoptera ou on la rejettera. Si on la rejette, M. le Président, dans
l'éventualité où elle est rejetée, il est possible
que les membres de l'Opposition aient des questions à adresser au
premier ministre. Une chose est certaine: si la motion était
adoptée par la commission, effectivement, nous aurions des questions
à poser au premier ministre, puisque M. Pouliot a des choses à
dire - je n'entrerai pas sur le fonds de la motion pour le moment - qui
pourraient nous amener à poser des questions précises au premier
ministre. Si le souci du ministre, en exigeant que nous terminions de poser des
questions au premier ministre avant de débattre la motion, c'est de
permettre au premier ministre de vaquer à ses autres occupations - et de
cela on convient, il en a d'autres - il peut faire comme on fait constamment
à une commission, il peut se retirer durant le débat sur cette
motion et y revenir au moment où on reprendra la période des
questions.
Mais, quant à moi, vous n'avez pas beaucoup de choix dans
l'application du règlement de l'Assemblée nationale. Vous avez
devant vous une motion que vous avez déclarée recevable et c'est
maintenant qu'on doit en débattre, à moins qu'il y ait
consentement de la suspendre et, quant à nous, nous ne donnons pas notre
consentement. Nous vouions en débattre immédiatement.
M. Duhaime: On ne vous l'a pas demandé, votre
consentement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Vous
m'avez présenté une motion, qui est débattable. Je crois
qu'au départ on peut accepter facilement que cette motion est
débattable, le règlement le permet. La question que je me pose et
je vais me référer, le député de Châteauguay
sera sûrement content de moi cette fois-ci, à une décision
que j'ai déjà rendue. Nous avons actuellement, en vertu d'un
consentement, je dois vous le rappeler, puisque j'ai fait bien attention ce
matin au début, nous avons accepté par consentement, en vertu de
l'article 148, qu'une personne autre qu'un membre ou intervenant à cette
commission se fasse entendre. Vous vous en souvenez, c'est bien par
consentement, j'ai bien fait attention ce matin pour le faire. J'ai
déjà d'ailleurs rendu une décision dans ce sens qu'on ne
peut pas arrêter un consentement, même si c'était par une
motion. Le député de Châteauguay se souviendra de la
discussion qu'on a eue lors d'une commission parlementaire où cette
question était effectivement revenue et sur laquelle j'ai rendu une
décision. Le député d'Argenteuil, qui suit nos
débats actuellement, s'en souviendra aussi, j'ai rendu d'ailleurs la
même décision à la commission de l'éducation. Je me
vois mal actuellement rendre une décision à l'inverse de celle
que j'ai déjà rendue. Même si la motion est recevable, je
devrai considérer que la discussion de la motion pourra se faire, mais
seulement quand nous aurons terminé avec les questions à
être posées à M. le premier ministre.
En conséquence, la motion est - ce qu'on peut appeler dans le
jargon - "tablée" jusqu'à ce que l'interrogatoire du premier
ministre soit terminé.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Je voudrais bien comprendre le sens de votre
décision. Vous parlez d'un consentement, de quel consentement
s'agit-il?
Le Président (M. Jolivet): L'ordre du jour de ce matin a
été établi par un consentement. Ce consentement
était d'entendre, en vertu de l'article 148, M. le premier ministre.
Compte tenu de ce consentement que vous m'avez accordé, je n'ai aucun
pouvoir de le changer et même les membres de cette commission, à
moins de consentement, et j'ai considéré qu'il n'y en avait pas,
puisque M. le ministre demandait qu'elle soit étudiée
après. Comme il n'y a pas consentement, une motion m'obligeant à
changer l'ordre du jour de ce matin ne peut pas être acceptée. En
conséquences, nous allons continuer avec l'interrogatoire de M. le
premier ministre.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys. (16 h 30)
M. Lalonde: M. le Président, si j'avais cru que le sens du
consentement qu'on me demandait était de bâillonner les
députés quant à faire autre chose que de poser des
questions à l'invité, ce consentement aurait été -
d'ailleurs c'est conforme aux conversations, je n'aime pas invoquer les
ententes ou les échanges que nous avons à l'extérieur de
la commission mais j'avais bien laissé entendre, lorsqu'on me l'a
demandé hier, que nous aurions une motion et que cette motion pouvait
arriver avant la fin de l'interrogatoire. On m'avait assuré qu'il n'y
aurait pas d'objection à ce que cela procède de cette
façon. Je ne sais pas si le ministre a pour devise: Je me souviens. Je
fais appel à sa mémoire. Si ce que je viens de dire est conforme
à ce qu'il a compris, il pourrait consentir à son tour à
ce que nous discutions de la motion. Nous pourrions suspendre l'interrogatoire
du premier ministre et le reprendre un peu plus tard.
Le Président (M. Jolivet): Avant que le ministre ait la
parole, je dois simplement
dire que, quant à moi, comme président, je n'ai
connaissance de rien de ce qui se passe ailleurs qu'ici. En conséquence,
je dois prendre les consentements qui me sont accordés ici. Je dois vous
rappeler que la décision que j'avais rendue dans le cas du
député de Châteauguay à l'époque,
c'était même une motion conditionnelle à ce que les membres
de l'Opposition n'abusent pas du droit qu'on leur donnait. Malgré cela,
il a fallu que, comme président, je rende une décision à
l'effet qu'il me fallait le consentement de l'ensemble de la commission.
Alors je crois comprendre que le député de
Marguerite-Bourgeoys demande le consentement de M. le ministre et je vais le
lui demander. M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, me permettriez-vous un simple
commentaire? Le premier ministre a semblé...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Le premier ministre a semblé acquiescer,
presque, tantôt, à la suggestion que je faisais. Si ce n'est pas
le cas, il me corrigera, mais si c'était le cas, cela réglerait
le problème, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est
vraiment un à-côté. C'est simplement que j'ai fait signe,
je pense, au député de Mont-Royal pour dire - parce que je ne
suis pas un grand expert en procédure, surtout que c'est une
étrange procédure qui est suivie parfois ici - que si on tombait
dans cette motion, il serait normal que je fiche le camp pour aller faire autre
chose. Mais je n'ai pas à me mêler du fond de la question.
Le Président (M. Jolivet): Donc, il s'agit de savoir
d'abord si le ministre donne son consentement.
M. Duhaime: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys a fait état que nous avons eu des conversations.
C'est exact. Je n'ai pas une mémoire supérieure à celle
des autres, mais cette rencontre étant très récente et
assez explicite - je viens juste de parler à nouveau avec quelqu'un qui
m'accompagnait - j'ai donné la garantie très claire à
l'Opposition que s'ils avaient une motion, deux motions, trois motions
même, 50 motions s'ils le désiraient, ils auraient le loisir de
les présenter à la présidence. Mais je me souviens
très clairement comme si c'était hier - parce que c'est justement
arrivé hier - d'avoir dit que je voulais éviter ce qui est en
train de se produire, qu'on interrompe l'échange de questions et
réponses et, mon Dieu, ce n'est pas la fin du monde. Je trouve que vous
abusez joyeusement.
Si vous me dites que c'est très important, cette motion que vous
voulez faire, je pense que je pourrais vous proposer que l'on continue
l'interrogatoire que vous avez commencé, si jamais il y a encore des
questions que vous jugez pertinentes. Et vous faites votre motion. Si vous vous
basez sur le résultat qui sera fait à cette motion après
le débat pour enchaîner sur le reste, vous êtes très
optimistes. Je vous donne tout de suite notre point de vue. On n'a pas
l'intention de voter en faveur de cette motion, mais c'est lors du débat
sur la motion qu'on va expliciter notre position là-dessus. Mais si
jamais vous avez besoin par la suite que le premier ministre revienne pour des
éclaircissements, je pourrai lui en parler, mais je ne voudrais pas
qu'on arrête ce qu'on a commencé depuis le matin - il est 16 h 30,
16 h 35 - pour un débat qui peut durer une heure, une heure et demie,
deux heures, peut-être quatre jours. Je ne le sais pas du tout. Avec
vous, je ne suis pas capable de me programmer un agenda depuis neuf semaines,
alors j'aimerais mieux qu'on termine cette partie - cela
réapparaîtrait logique - et ensuite qu'on aille à votre
motion ou peut-être l'autre motion qui est prête ou la
troisième ou la quatrième, je l'ignore complètement. En
pure logique, je dois dire, en toute honnêteté et en toute
justice, que je me souviens très bien de cette discussion et c'est une
des raisons de la rencontre: que je voulais justement éclaircir cette
question.
Le Président (M. Jolivet): Ceci étant dit, n'ayant
pas de consentement, ma décision étant rendue, la parole est au
député de Marguerite-Bourgeoys s'il a d'autres questions
encore.
Interrogatoire (suite)
M. Lalonde: Oui, M. le Président. Le chef de cabinet du
premier ministre, dans son témoignage, a dit qu'il avait
préparé des notes au premier ministre ou à l'intention du
premier ministre au cas où une question lui serait posée.
C'était la réponse à une question sur la question que
j'avais posée au ministre de la Justice le 12 février. Le 12
février, la question que j'avais posée comportait le montant de
125 000 $. Je voudrais simplement, pour être sûr que je comprends
bien... À la page Il de la déclaration du premier ministre, il
dit: "Et c'est si vrai que j'ai été fort surpris lorsqu'en
Chambre, le 20 février 1979, le député de
Marguerite-Bourgeoys s'est mis à évoquer une certaine
hypothèse de règlement de 125 000 $." Est-ce que le premier
ministre se souvient qu'avant le 20 février
j'avais posé une question au ministre de la Justice? Je dois dire
en toute justice que le 12 février, le premier ministre était
absent de la Chambre. Je pense qu'il recevait un personnage étranger. On
s'aperçoit de cela en relisant les débats. Est-ce que
c'était la première fois qu'on parlait de 125 000 $?
M. Lévesque (Taillon): Autant que je me souvienne, oui.
Comme le dit le député de Marguerite-Bourgeoys, cela explique
peut-être ce qui m'est revenu, si peu que ce soit, en écrivant ma
déclaration et en consultant un peu; il faut croire que je
n'étais pas en Chambre quand la question avait été
posée. Je savais qu'une question avait été posée,
donc il fallait quand même préparer quelques notes. Je savais bien
qu'elle reviendrait, c'est tout. Ce montant de 125 000 $ était surtout
pour moi une espèce d'assurance - je pense qu'on l'a vu à la
télévision dans les deux extraits - l'assurance assez formidable
avec laquelle le député de Marguerite-Bourgeoys semblait
évoquer ce chiffre. J'avais entendu des chiffres qui traînaient
dans le paysage depuis des semaines. Il n'y avait aucun chiffre sur lequel on
avait eu à discuter, cela n'était pas de notre affaire. On
l'avait dit.
M. Lalonde: Est-ce que...
M. Lévesque (Taillon): Quant à moi, c'était
nouveau que tout à coup on saute sur ce chiffre-là. Je ne le
connaissais pas.
M. Lalonde: Mais, est-ce que après...
M. Lévesque (Taillon): Pas plus que d'autres.
M. Lalonde: ...cette question du 12 février, votre chef de
cabinet vous a mis au courant du fait qu'une question avait été
posée en Chambre?
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si c'est à ce
moment-là. J'avoue que quelqu'un... En général, s'il y a
des questions qui semblent pouvoir avoir des rebondissements, elles peuvent
assez logiquement venir de mon côté. Il n'y avait pas de raison de
ne pas y penser puisque nous, nous étions - contrairement au ministre de
la Justice - impliqués dans le principe du règlement. Je me
disais: Seigneur, si cela vient, aussi bien préparer quelques notes.
M. Lalonde: Oui, mais est-ce que, ayant posé la question
au ministre de la Justice, ayant reçu une réponse de la nature de
celle qui tombe de la lune de la part du ministre de la Justice qui n'avait
aucune idée de ce dont je parlais, de toute évidence... Il savait
qu'il y avait une cause en cours, mais il n'avait aucune idée de
l'implication du gouvernement ou du bureau du premier ministre dans ce dossier.
Est-ce que le premier ministre a eu connaissance après la question du 12
février, de cette question... Pourquoi n'a-t-il pas volontairement
informé la Chambre - j'avais seulement tendu une question au cas - alors
que je n'avais eu aucune réponse et que lui savait ce qui se
passait?
M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, la raison pour laquelle le
ministre de la Justice avait l'air de tomber du ciel, je l'ai expliquée
ce matin. Vous pouvez vous référer à la réponse que
j'ai faite là-dessus parce que cela me paraissait tomber sous le sens.
Pour ce qui est... Qu'est-ce que... Avec le député de
Marguerite-Bourgeoys, il m'arrive d'en perdre des bouts. Je m'excuse, mais
à quoi cela menait-il?
M. Lalonde: Cela menait au fait que...
M. Lévesque (Taillon): Pourquoi je n'ai pas
spontanément...
M. Lalonde: Bien oui, offert spontanément l'information
que le ministre de la Justice était incapable de me donner.
M. Lévesque (Taillon): II y a deux choses qui me
reviennent facilement à l'esprit. Normalement, sous forme de
déclaration ministérielle ou encore de complément de
réponse quand il y a quelque chose qu'on pense devoir ajouter, on peut
faire cela motu proprio. Je n'avais pas à me substituer au ministre de
la Justice. Il y avait aussi une autre raison. D'abord, je savais que la
question reviendrait et deuxièmement, on savait aussi qu'on s'approchait
probablement d'un règlement. Je ne voyais pas de raison pour commencer
à discuter de cela jusqu'à ce qu'on sache éventuellement
ce qui arriverait. Quand la question est venue, on s'était
préparé quelque peu, de façon à pouvoir y
répondre.
M. Lalonde: J'aurais une question sur une déclaration,
à la page 12 de votre déclaration. Vous dites, après la
première partie de la réponse: "Ce n'est pas du tout ni de
près, ni de loin dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement a eu lieu." Et vous dites: Et
bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule etc., et vous terminez:
Cela pouvait avoir l'air de cacher une partie des faits. Est-ce que vous
pourriez être plus explicite et nous dire quelle partie des faits cela
pouvait avoir l'air de cacher?
M. Lévesque (Taillon): Je ne me suis pas posé de
longues questions là-dessus. Tout à l'heure, avec votre motion,
j'avais commencé à paqueter mes petits, au cas.
Page 12: "Bien sûr" - je reprends le paragraphe, le
député de Marguerite-Bourgeoys ne l'a pas tout cité -
"Bien sûr, si l'on prend cette phrase toute seule, hors de son contexte,
qu'on la prend donc très malhonnêtement, comme on l'a fait
à maintes reprises depuis quelques semaines, cela pouvait avoir l'air de
cacher une partie des faits." C'est sûr qu'en prenant juste cette
phrase-là, s'il n'y avait pas autre chose après: "Ce n'est pas du
tout ni près ni de loin dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement a eu lieu...", cela aurait eu
l'air, non seulement cela aurait eu l'air, cela aurait été
effectivement cacher le fait qu'on avait une opinion très claire qui
avait été transmise et que, par conséquent, on
n'était pas absents du dossier, mon bureau et moi-même. En ce qui
concernait le principe d'un règlement, on était
profondément convaincus et on l'avait fait savoir. La suite dit que
c'est cela. La suite dit également que pour le reste,
c'est-à-dire tout ce qui pouvait de près ou de loin être la
négociation du règlement, ou même la décision
elle-même, je ne suis pas allé plus loin que la rencontre que j'ai
eue avec les trois dirigeants parce que je n'ai pas vu - cela aussi, vous
l'avez dans ma déclaration - ni avant ni après même le 1er
février les gens du conseil d'administration d'Hydro-Québec.
Autant que je me souvienne, je ne leur ai pas téléphoné,
d'aucune façon. Donc, je n'ai pas cherché à essayer de
peser sur la décision elle-même autrement qu'en disant: Oui, comme
responsable politique, je crois -on s'est fait une opinion - que ce serait
mieux dans l'intérêt d'Hydro-Québec et dans
l'intérêt public. C'est tout.
M. Lalonde: Alors, le premier ministre ne peut pas dire quelle
est la partie des faits exactement qu'il...
M. Lévesque (Taillon): J'allais le dire.
M. Lalonde: II y a aussi les réponses du premier
ministre... Vous savez, la première fois, le 20 février, je vous
ai cru. Je vous ai tellement cru que tout le mini-débat - je pense que
ceux qui l'ont entendu - a porté sur l'à-propos d'un
règlement et non pas sur la participation du bureau du premier ministre
dans la négociation. Parmi une partie des faits, y aurait-il la
réunion du 3 janvier que vous voulez couvrir?
M. Lévesque (Taillon): Non, absolument pas, pour la raison
que j'ai donnée tout à l'heure. Elle peut bien ne pas vous
satisfaire, mais cette période de questions, je l'ai oubliée,
complètement, parce que cela ne me paraissait pas central. C'est tout ce
que je peux vous dire. Je n'étais pas à la réunion,
très brève, d'ailleurs, semble-t-il, que Me Boivin a eue pendant
que je n'étais pas là, parce que j'étais en vacances, et
qui correspondait à ce qu'on s'était dit avant les fêtes.
Cela m'est complètement parti de l'esprit parce que le coeur... Je pense
qu'en toute bonne foi on admettra qu'en évoquant le fait que devant les
trois principaux dirigeants d'Hydro-Québec, j'avais clairement
expliqué notre sentiment, l'opinion qu'on s'était faite, la
Chambre avait l'essentiel. Le reste, eh bien...
M. Lalonde: M. le Président, le premier ministre, dans sa
déclaration, s'est permis des petites remarques sur l'Opposition, c'est
de bonne guerre. Nos invités d'habitude sont un peu plus dociles ou
timides. Il se demande pourquoi l'Opposition libérale a sauté
à deux pieds joints sur ce très fragile et trèsdouteux tremplin. J'aimerais, en terminant, faire quelques commentaires
là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je crois comprendre que
vous n'avez plus de questions.
M. Lalonde: II est possible que cela se termine par une question,
mais je ne le pense pas. À ce stade-ci, soyons... M. le
Président....
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je voulais seulement
m'assurer si le premier ministre devait bien écouter pour savoir s'il y
avait une question ou s'il doit écouter vos commentaires.
M. Lalonde: II pourra écouter, s'il le veut. Ce n'est pas
tellement à lui que je m'adresse, c'est à vous, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. (16 h 45)
M. Lalonde: II se demande pourquoi l'Opposition a
travaillé de la façon que l'on sait et que toute la population
qui a suivi nos débats a pu voir, de façon rigoureuse,
disciplinée, en faisant preuve d'une connaissance des dossiers et d'une
préparation que plusieurs, d'ailleurs, ont remarquées. J'aimerais
rappeler au premier ministre que lui-même a déclaré que
l'accusation qui lui était faite était très grave,
très sérieuse et que c'est lui-même qui a convoqué
cette commission parlementaire. Il nous reproche la manière dont nous
l'avons invité à la convoquer, mais je me souviens très
bien, d'autre part, qu'il a dit après que, de toute façon, il y
aurait eu une commission parlementaire. Alors, qu'elle ait été
accordée le 23 mars ou le 24 mars, il y en aurait eu une quand
même. Donc, c'est une décision du premier ministre, parce que
l'accusation de tromper l'Assemblée nationale est une accusation
extrêmement grave.
Pourquoi l'Opposition s'est-elle inté-
ressée à cette affaire, à faire la lumière
sur cette accusation? C'est parce que, justement, c'est très grave.
C'est grave pour l'accusé, sans doute, d'autant plus qu'il est celui qui
a le pouvoir de convoquer une commission parlementaire ou d'instituer une
enquête indépendante, ce qu'on aurait préféré
et ce qu'on avait demandé. C'est une accusation grave, aussi, je dirais
surtout pour l'institution qu'est le Parlement, le Parlement de tous les
Québécois. Si le Parlement a été trompé, la
lumière doit être faite et si l'accusation de tromper le Parlement
est faite, la lumière doit aussi être faite. Les conclusions
seront exprimées en temps et lieu.
Notre motivation, je veux le répéter... Je regrette que le
premier ministre l'ait oubliée. Dans son cas aussi, je pense que la
devise "Je me souviens" pourrait être un "motto" quotidien. Il semble
avoir oublié que nous avons dit à l'Assemblée nationale,
que nous avons répété, soit en conférence de
presse, soit en entrevue, qu'il s'agissait de l'intégrité du
Parlement et que l'intégrité du Parlement devait être
rétablie.
Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps? Nous sommes rendus au 20e ou
au 21e témoin. Les mémoires, souvent, ont été
difficiles à rafraîchir. Les débats ont été
pénibles. Chaque question de règlement -vous le savez, M. le
Président - ou à peu près devenait un débat
partisan. C'est la nature de l'instrument que le premier ministre nous a
donné pour faire la lumière là-dessus. Ce n'est pas le
meilleur instrument, au contraire, mais c'était le seul que nous avions.
Donc, il ne s'agit pas de ce qu'il appelle la volupté, au contraire.
Nous avons investi, de notre côté, beaucoup de temps, beaucoup de
ressources et d'efforts qu'on aurait pu investir ailleurs. Mais je crois que
c'est la gravité de la situation, de l'accusation et l'importance de
rétablir l'intégrité de l'Assemblée nationale qui
devaient nous inspirer.
Nous ne sommes pas beaucoup plus avancés, je le regrette.
J'espérais que le premier ministre reconnaîtrait que la
réponse qu'il a donnée le 20 février laissait de grands
trous noirs importants, pas de la façon un peu secondaire dont il l'a
traitée tout à l'heure. Par exemple, il est évident que
toute la structure de sa réponse, à savoir qu'il était
consulté, qu'on lui demandait une opinion, qu'on lui demandait son
sentiment, ajoutée à la réponse catégorique que, ni
de près ni de loin, c'est dans son bureau que le règlement, en
partie ou en tout, a eu lieu, mais il y a eu une consultation. Il fait tout
partir de cette consultation qui a eu lieu, la preuve l'a
révélé, le 1er février. Dans l'explication que le
premier ministre en donne, il revient en arrière, mais jusqu'où?
Jusqu'aux offres de règlement seulement qui, toutes, ont
été ultérieures à la réunion du 3
février. Je pense, M. le Président, qu'en ce qui concerne un des
trois éléments importants de ce règlement... Qu'est-ce
qu'un règlement, M. le Président? C'est cela, la transaction. Une
transaction, d'après le Code civil, à l'article 1918, c'est un
contrat pour mettre fin à un litige. Je l'ai devant moi, signée,
et je vois même le nom de M. Maurice Pouliot, ici, comme signataire. Me
Jasmin a aussi signé. Est-ce que vous avez une culpabilité par
association ici. Il y a de vos amis, je peux les nommer. Je vois les noms de M.
Beaulé, Me Jasmin à quelques reprises, Geoffrion et Prud'homme.
Est-ce que vous croyez à cela, à la culpabilité par
association? Non, le député de Bourassa n'est pas là. Non,
il n'est pas ici.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
s'il vous plaît!
M. Lalonde: Alors, c'est cela, un règlement, et lorsqu'on
le lit, après les considérations, on voit, et c'est d'ailleurs le
chef de cabinet du premier ministre lui-même qui l'a reconnu dans son
témoignage, que ce règlement est composé de trois
éléments majeurs.
Il y en a un qui est essentiel, c'est-à-dire que la poursuite en
cour, la poursuite judiciaire de la SEBJ, soit abandonnée et seule la
demanderesse, la SEBJ, pouvait dire: J'abandonne.
Mais la contrepartie de cela, on trouve les deux autres
éléments importants: La reconnaissance de responsabilité
de la part de tous les défendeurs, la SEBJ le demandait, mais seulement
quelques-uns, après négociation ont reconnu leur
responsabilité. L'autre est l'argent. Or, c'est évident, et cela
ne paraît pas dans la réponse que le premier ministre m'a
donnée le 20 février, il est évident, de la preuve, que le
principe même, l'abandon de la cause, que l'élément no un
de tout le règlement a non seulement été
négocié, mais a été dicté par le bureau du
premier ministre et par le premier ministre lui-même le 1er
février.
Où, mais où, dans cette réponse du 20
février, retrouve-t-on cette réalité que nous avons vue
ici, que M. Louis Laberge appelait le chef de cabinet et disait: II faut que
cela se règle? Le chef de cabinet disait au premier ministre: Je pense
que cela devrait se régler. Le premier ministre de dire à son
chef de cabinet: Allez voir M. Laliberté, dites-lui que mon souhait,
c'est que la poursuite soit abandonnée et qu'il y ait un
règlement.
Où est-ce que je peux trouver cela dans cette
réponse-là? Pourtant, c'est totalement différent et
politiquement différent de ce qu'on nous présente dans la
réponse. La justification du règlement, M. le Président,
on en a fait état beaucoup ici;
qu'un règlement hors cour intervienne dans n'importe quelle
procédure, il y a un sérieux dicton qu'un mauvais
règlement, c'est mieux qu'un bon procès, d'accord.
Je l'ai demandé à M. Boyd, je pense, et c'est pour cela
qu'il avait voté pour la résolution du 6 février qui
était d'explorer la possibilité d'un règlement à
certaines conditions, mais qui a voté contre la résolution du 6
mars, qui était pour approuver ce règlement-là. Je pense
que ceux qui invoquent l'appui de M. Boyd, entre autres, parce que cela a
été unanimement adopté, à la résolution du 6
février 1979, devraient faire preuve de plus d'honnêteté
que ce que j'ai entendu ici autour de la table. C'est vrai qu'il a voté
pour un règlement mais pas n'importe quel règlement. Il
était bien inscrit, le règlement, à quelles conditions, et
ce n'est pas le règlement qui a été fait, parce qu'il a
voté contre le règlement qui a été finalement
conclu.
Donc, pour toute cette implication du premier ministre, du bureau du
premier ministre, la gâchette - le "trigger" - qui a fait partir le coup,
c'est dans le bureau du premier ministre qu'on la retrouve, ce n'est pas dans
la réponse qu'il m'a donnée le 20 février qu'on la
retrouve. J'aurais espéré que le premier ministre eût
aidé davantage dans l'éclairage que nous cherchons sur cet aspect
important. Donc, en ce qui concerne l'élément numéro un du
règlement, le bureau du premier ministre y est jusqu'au-dessus de la
tête. C'est le démarreur. Et, ensuite, il a très bien suivi
cela.
Pour le deuxième élément, celui de la
reconnaissance de la responsabilité, on l'a vu, non seulement il en a
été question à la réunion du 1er février
avec le premier ministre, en présence du premier ministre, de M. Boivin,
son chef de cabinet, où on a dit, apparemment - d'après la
réponse de M. Boivin - que le premier ministre ou M. Boivin a dit
à M. Boyd: Écoutez, si vous avez la reconnaissance de la
responsabilité... Est-ce que ce n'est pas en discuter, cela? Est-ce que
ce n'est pas cela, discuter? Ce n'était même pas ma question. Ma
question n'était même pas de savoir si le premier ministre avait
participé à la négociation, mais si cela avait
été fait en sa présence ou en présence de l'un de
ses représentants. Là, pour la reconnaissance de la
responsabilité, c'est jusqu'au cou au moins. C'est la plaque tournante:
M. Boivin qui reçoit des appels téléphoniques des avocats,
qui téléphone à la SEBJ, qui téléphone aux
avocats de la SEBJ, qui retéléphone aux avocats des parties.
Reconnaissance de responsabilité, on en discute et on s'informe; on en
discute, on est un intermédiaire tout à fait engagé.
En ce qui concerne l'argent, là, par exemple, c'est très
différent. C'est très différent parce qu'il semble que le
ministre, lorsqu'on lui a confié la défense, a fait un peu de
confusion entre un règlement et un règlement d'argent seulement.
Et là, tout ce qu'on sait, ce sont des trous de mémoire. On sait
qu'il y a eu des montants, qu'il y a eu une offre, des offres faites par les
avocats des syndicats, alors que les avocats de la SEBJ n'étaient
même pas mandatés pour négocier, même pas pour
explorer, et les montants changeaient. Mais les mémoires, en ce qui
concerne les échanges dans le bureau du premier ministre avec les
représentants du premier ministre, sont très vagues à cet
égard. Ce que nous avons, en fait, c'est une seule source, qui n'est pas
la meilleure - ce n'est pas la meilleure à cause de la nature de
l'information et non pas de la personne -c'est M. Maurice Pouliot qui est
signataire...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lalonde: Je sais, M. le Président, c'est une
façon des péquistes... On voit cela en Chambre quand on nomme
quelqu'un ou quelque chose qui les énerve, on voit tout de suite un
petit rire nerveux. Alors, je voulais simplement expliquer aux
téléspectateurs les bruits qu'ils ont entendus. Voilà, le
ministre encore. Allez-y.
Signataire de ce règlement: le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (FTQ) par Maurice Pouliot.
Il a signé. Donc, il a dû savoir quelque chose pour signer.
C'était le client de Me Jasmin qui, lui, ne peut rien nous dire à
cause de son secret professionnel. Mais le client, lui, peut nous parler des
échanges entre lui et son avocat. C'est l'avocat qui a l'obligation de
ne rien dire, pas le client. On a demandé de l'entendre et, c'est une
attitude que nous discuterons un peu plus tard, M. le Président, une
attitude qui répugne à un esprit démocratique, qui
répugne à quiconque a à coeur l'intégrité du
processus démocratique et du processus parlementaire. Certains ont
parlé de "cover-up". On verra. Nous avons espoir jusqu'à la fin
que le gouvernement, dirigé par le premier ministre, qui est
lui-même fort intéressé dans nos travaux, aura la prudence
de ne pas faire cette erreur de refuser d'entendre quelqu'un qui est partie au
règlement, parce qu'on parle bien du règlement, mais qui semble
déplaire au premier ministre. On voyait cela autrefois, dans les
années quarante, dans le temps... (17 heures)
M. Duhaime: Dans le temps de Duplessis?
M. Lalonde: ...dans le temps de Duplessis...
M. Duhaime: Je vais vous en parler.
M. Lalonde: ...on voyait cela, mais il semble que ce n'est pas
une mentalité qui soit entièrement disparue, hélasl M.
le
Président, nous allons tenter encore une fois, lorsque vous nous
en donnerez la permission, de convaincre le gouvernement d'entendre au moins un
autre témoin et aussi M. Latouche, qui, semble-t-il, est aussi banni par
le premier ministre que M. Pouliot, pour des raisons strictement partisanes.
Nous allons, en conclusion de cette demande, espérer que le gouvernement
reviendra sur sa décision et qu'il verra qu'il empêche la
commission de faire toute la lumière en refusant à deux
témoins, dont un était sur la liste maîtresse des
témoins, liste dressée par...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous m'aviez bien dit que vous auriez l'occasion d'en discuter une autre fois.
On pourra effectivement en discuter.
M. Lalonde: Mais, M. le Président, je conclus.
Le Président (M. Jolivet}: Oui, oui. J'aimerais bien, mais
il ne faudrait pas faire indirectement ce que je n'ai pas permis
directement.
M. Lalonde: M. le Président, je ne fais pas là de
motion.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, mais c'est parce que
vous discutez d'une chose qui, effectivement...
M. Lalonde: ...qui est illégale?
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas illégal. Je
pense que j'ai déjà dit que, sur la question de MM. Latouche et
Pouliot, la seule façon de pouvoir en discuter de façon plus
approfondie, c'est de présenter des motions. Vous en avez fait une qui
est reçue et qui sera discutée en temps et lieu. Si vous en avez
une deuxième, vous pourrez aussi la faire en temps et lieu. Ce que je
veux, c'est que vous...
M. Lalonde: C'est seulement en passant, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris, mais je ne
voudrais pas que ce soit trop long.
M. Lalonde: Non, non, cela ne sera pas long. Je veux simplement
mentionner ce fait qui est très, très important pour nos travaux
de la commission pour nous permettre de conclure, pour nous permettre un
éclairage le plus complet possible. Je n'aurai pas d'autres questions
à poser au premier ministre. Peut-être que mes collègues en
ont d'autres.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le premier
ministre a certainement un commentaire.
M. Lévesque (Taillon): Oui. Je n'essaierai pas, M. le
Président, - comme je pense que c'est un peu le jupon qui
dépassait quand le député de Marguerite-Bourgeoys a
parlé des téléspectateurs qui écoutent - de
préparer quelques passages particulièrement percutants pour les
nouvelles de 18 heures, mais je voudrais reprendre certains points des
commentaires du député de Marguerite-Bourgeoys.
Il trouve - et cela fait quelques fois qu'il dit cela, je pense - que
cette commission parlementaire n'était pas nécessairement le
meilleur instrument. Il a dit cela comme ceci. J'ai pris cela en note:
"L'instrument que le premier ministre nous a donné..." Je dois avouer
ceci. C'est que, au moment - il faut se souvenir rapidement comment cela s'est
passé - où on bloquait -je pense que c'est le
député de Marguerite-Bourgeoys lui-même - l'ouverture de la
session, on faisait un drame cosmique qui empêchait même de nommer
un président, qui est quand même un des personnages les plus
essentiels de toute institution parlementaire, à moins qu'on puisse
discuter de cette question le jour même de l'ouverture de la session.
J'ai proposé une commission parlementaire. Si on avait eu, à la
réflexion - parce qu'on n'a pas eu d'autres nouvelles pendant les jours
suivants, sauf que cela s'ajustait - d'autres propositions, on aurait pu les
considérer. Mais cela avait l'air de faire l'affaire de tout le monde,
alors, il ne faudrait pas se plaindre de l'instrument maintenant.
Pourquoi autant de temps? Le député de
Marguerite-Bourgeoys faisait appel à l'opinion publique pour la prendre
à témoin du fait que cela avait pris beaucoup de temps, mais que
cela avait fait beaucoup de lumière, etc. Ce n'est pas l'impression qui
se dégage de plus en plus des commentaires -cela a pris un certain temps
avant qu'ils se précisent - qui sont émis. Je me permets d'en
citer deux rapidement. Un qui vient du Droit d'Ottawa, daté du 7 mai.
Enfin, je me permets de le citer, c'est tout.
M. Gratton: II a été cité avant.
M. Lévesque (Taillon): II rejoint un peu l'impression que
j'en ai moi aussi...
M. Lalonde: Oui, j'imagine.
M. Lévesque (Taillon): "Faisant que, trop soucieux
d'étaler pour le plaisir des téléspectateurs leur talent
d'inquisiteurs sans scrupule, les libéraux ont depuis belle lurette -
rendu au début de mai, je comprends -délaissé l'objet
essentiel de la commission parlementaire et ses deux questions centrales pour
s'adonner à un déculottage systématique et sans merci de
tous les témoins amenés. Bien sûr, ils en ont presque tout
le loisir. Ils
se battent théoriquement dans l'intérêt commun, mais
jouissant de l'immunité parlementaire, ils sont aussi membres d'une
institution souveraine." Je trouve ceci dans le Quotidien du 16 mai, à
mesure que cela s'amplifiait: Cette futile tentative de faire passer le premier
ministre pour menteur est cousue de fil blanc puisqu'à la fin, les gens
se diront que M. Lévesque a été élu pour prendre
des décisions et qu'il était normal qu'il dise à un moment
donné, quelque cinq ou six ans après le saccage, qu'il
était temps que cette affaire se règle, etc.
Enfin, vous ne pouvez pas dire que cela est un sondage et que même
un sondage nous dirait tout ce que les gens ont comme réaction, je ne le
sais pas moi-même. Mais je sais que ma réaction, c'est celle que
j'ai dite ce matin, c'est que je considère que cela n'a pas
été le parlementarisme, c'est tout. C'est l'usage qu'on a fait de
cet instrument qu'est la commission parlementaire.
Très rapidement, deux points. Le député de
Marguerite-Bourgeoys revient avec insistance sur tout ce qui s'était
passé avant le 1er février en me reprochant de ne pas avoir
donné tous les détails au cours d'une période de questions
ou d'un mini-débat où on fait ce que l'on peut mais où on
essaie de s'en tenir à l'essentiel et, justement, de dire l'essentiel.
Je répète de nouveau qu'on s'était fait une opinion
d'abord. Alors, si on m'avait demandé comment on se l'était
faite, je l'aurais dit. On ne me l'a pas demandé. Il me semble que cela
tombait sous le sens que, pour avoir une opinion, il faut se la faire et que
pour cela, il faut se renseigner. Tout cela s'était passé avant
les fêtes. Le 3 janvier l'opinion qu'on avait avait été
transmise par Me Boivin alors que j'étais en vacances et que je n'y
étais pas. J'ai appris, en fait, probablement vers le 8 ou le 10 que
c'était fait. Cela ne m'avait pas frappé comme étant
essentiel, l'essentiel étant qu'à partir de cela ou
peut-être à partir des propres questions qui étaient
posées, les membres du conseil d'administration sont venus
s'enquérir, reconnaissant que j'avais quand même le droit de leur
donner l'opinion sur le principe d'un règlement, des tenants et des
aboutissants de cette opinion. Ils l'ont eue, ils l'ont eue très
clairement, avec beaucoup d'insistance sur le principe.
Il me semble qu'il n'y a rien de plus clair dans ce que j'ai dit le 20
février 1979, en Chambre. Le principe, le fond de la question, la
décision qu'il fallait prendre d'abord sur le fond, cela, c'est vrai
qu'on n'a pas caché notre opinion et on l'a fait savoir avec autant
d'insistance que les occasions qu'on en a eu qui essentiellement étaient
le 1er février.
Pour ce qui est du règlement lui-même, on peut bien prendre
une décision de principe, oui on est favorable à un
règlement, il peut arriver que les conditions du règlement ne
soient pas acceptables pour l'une ou l'autre partie et que cela ne se
réalise pas. C'était à elles de s'arranger avec cela. Je
veux bien admettre, comme le député de Marguerite-Bourgeoys,
qu'il y a deux éléments, après une décision de
principe qui est qu'un règlement serait souhaitable, il faut qu'il y ait
une admission de responsabilité. Là, je trouve que le
député de Marguerite-Bourgeoys abuse de certaines terribles
simplifications en leur donnant un sens qu'il essaie de rendre
péjoratif. Je pense que c'est en dépit des témoignages
assermentés qui ont été donnés ici. Je
résume cela en une expression. Il a dit que mon chef de cabinet, Me
Boivin, était un intermédiaire engagé dans la question
d'admission de responsabilité. On était engagé à
savoir ce qui se passait, oui, autant que possible et pour servir
d'intermédiaire parce qu'après tout, c'était comme la
misère sur le pauvre monde, les appels téléphoniques qui
arrivaient. Alors, il transmettait, je pense bien, cela découle de son
témoignage, ce que les parties avaient à dire là-dessus.
Ce n'est pas à nous, d'aucune façon, de peser - et on ne l'a pas
fait - sur cet élément, l'admission de responsabilité.
C'est même après que, quant à moi, j'ai su dans le
détail que les Américains, c'était "no ways", qu'ils
n'accepteraient pas une responsabilité qui, d'ailleurs, n'existait pas
et que les syndicats québécois eux, s'ils pouvaient s'en tirer
avec cela, ils n'étaient pas mécontents.
Pour ce qui est du quantum, d'aucune façon on n'en a
discuté. On a entendu des rumeurs comme tout le monde, y compris celle
du député de Marguerite-Bourgeoys sur 125 000 $ le 1er
février. Mais on n'avait pas à s'en mêler et on ne s'en est
pas mêlé.
Je vais terminer simplement sans entrer dans le fond, sur un mot
à propos de M. Pouliot, cosignataire. J'ai vu l'autre jour ce qu'il
avait raconté, semble-t-il, dans les journaux. Il y a une chose qui m'a
frappé et je pense que vous avez pu constater vous-mêmes qu'il y a
un certain minimum de fiabilité qui ne semble pas être là.
Si j'ai bien suivi, le député de Marguerite-Bourgeoys me
corrigera, ce qu'il est censé avoir dit en tout cas, en attendant
éventuellement de savoir s'il viendra ou s'il ne viendra pas ici sous
serment - de cela, je ne m'en mêle pas - ce qu'il a raconté,
paraît-il, c'est que non seulement on avait discuté du quantum
mais que Me Jasmin en avait discuté en ma présence. Est-ce que
c'est à peu près cela? Est-ce que vous pourriez relire?
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je vais relire simplement ce qui a paru dans le
Soleil le jeudi 26 mai
1983. Le journaliste cite, d'après les guillemets que je vois
ici, ceci: "Selon notre procureur, écrit M. Pouliot - parce que M.
Samson, le journaliste, dit que c'est ce qui est contenu dans un mémoire
préparé par M. Pouliot, le président-directeur
général du Conseil provincial des métiers de la
construction...
M. Lévesque (Taillon): Que vous n'avez pas lu.
M. Lalonde: ...pour la commission parlementaire: "Selon notre
procureur, écrit M. Pouliot dans sa déclaration, le montant de
300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions qu'il a eues avec MM.
Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier ministre lui-même. Du moins
c'est de cette façon qu'il nous a présenté le projet de
dédommagement."
M. Lévesque (Taillon): C'est pour cela que je vous
demandais justement si cela ne m'impliquait pas aussi parce que je peux
confirmer ici - et je suis ici après une déclaration solennelle
qui s'ajoute à pas mal de serments d'office qui m'interdisent de
raconter des histoires - absolument ce que sous serment Me Jasmin qui est
aujourd'hui le juge Jasmin et qui ne pouvait répondre à beaucoup
de questions, mais ce qu'il a dit s'appelle dans le jargon parlementaire: le
ruban 1662, page 1, Me Jasmin qui dit: "Ce dont je me souviens
premièrement c'est que je n'ai jamais communiqué ou parlé
à M. Lévesque." Deuxièmement, je vous affirme aussi
très simplement que sur aucun des aspects concrets de tout cela, je n'ai
jamais parlé à M. Jasmin. Tout ce qui a pu arriver c'est que j'ai
pu lui dire "bonjour" - on se connaissait depuis longtemps - quand je le voyais
dans le corridor. Un point, c'est tout.
Donc le ouï-dire de M. Pouliot, seulement sur ce point, ne me donne
pas une énorme confiance dans sa crédibilité, mais ce
n'est pas à moi de commencer à me mêler de la discussion de
fond sur la motion. Vous le ferez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le
Président, au ruban 1577, à la suite d'une question du
député de Marguerite-Bourgeoys, aux questions de l'avis juridique
qui ont été expliquées au premier ministre par son chef de
cabinet, M. Boivin dit: "J'ai fait état au premier ministre de mon avis,
oui."
Plus tard, quand on lui demande lequel avis juridique, il dit: "J'ai
expliqué celui du 16 décembre 1975 de Mes Geoffrion et Prud'homme
- et il dit - et le mien."
Le député de Marguerite-Bourgeoys continue: "Et de dire
que vous n'étiez pas là pour donner des avis juridiques
formels."
Autrement dit, si je comprends bien la réponse de M. Boivin, il
vous a expliqué l'opinion juridique du 16 décembre 1975 et il
vous a donné son opinion qui était une opinion qui n'était
pas formelle. Si je comprends bien, ce n'était pas une opinion
écrite. Est-ce exact, M. le premier ministre?
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui. C'est exact. On a
longuement parlé et étudié ce qui découlait de
cette opinion de 1975. Je ne peux me souvenir si on l'avait sous les yeux,
peut-être pas. Mais enfin, l'essentiel je le connaissais grâce aux
explications que M. Boivin m'a données et il m'a donné
également ses propres conclusions après certaines rencontres.
M. Ciaccia: Dans quels termes M. Boivin vous a-t-il
expliqué cette opinion?
M. Lévesque (Taillon): Dans des termes très
clairs.
M. Ciaccia: Ouais.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, si je vous
demandais: La semaine dernière - je pourrais vous prendre - jeudi
à 16 h 30, seul ou avec d'autres, que faisiez-vous? Vous seriez mal
pris.
M. Ciaccia: Non.
M. Lévesque (Taillon): Alors là, on parle d'il y a
quatre ans et demi. Je ne m'en souviens pas.
M. Ciaccia: Non. M. le Président. Ce n'est pas cela. Je
n'ai pas demandé au premier ministre les mots exacts. Je voulais vous
demander les termes dans le sens: Est-ce qu'il vous a expliqué que
c'était une opinion favorable à la SEBJ ou si c'était une
opinion qui n'était pas favorable à la SEBJ? Grosso modo...
M. Lévesque (Taillon): C'était une opinion
extraordinairement transparente au point de vue - je pense que c'est
honnête de la part de procureurs de le laisser entendre au besoin - de
l'incertitude qu'ils ressentaient face à la possible ou à
l'implication alléguée du syndicat américain. (17 h15)
M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez avoir vu l'opinion ou
strictement d'en avoir entendu parler?
M. Lévesque (Taillon): Je ne me souviens pas. Je sais que
je l'ai vue à un moment donné en cours de route. À ce
moment-là... En tout cas, j'en savais l'essentiel et l'essentiel qui
m'avait frappé, je l'ai mis dans ma déclaration: c'est
possible, possiblement, peut-être...
M. Ciaccia: Vous nous avez mentionné que vous avez lu
cette opinion à un moment donné.
M. Lévesque (Taillon): Sûrement, parce que j'ai le
souvenir de l'avoir lue. Je m'excuse, c'est peut-être parce que je l'ai
lue dans la déclaration de mon chef de cabinet, Me Boivin, il y a
quelques jours. Il y avait d'assez longs passages, mais il me semble que j'ai
dû la lire, en tout cas, le long du chemin.
M. Ciaccia: Je ne veux pas trop faire appel à votre
mémoire sur des sujets spécifiques mais...
M. Lévesque (Taillon): Elle n'est pas mauvaise, mais ce
n'est quand même pas un appareil à enregistrer des années
et des années.
M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez si Me Boivin vous
aurait donné les conclusions de cette opinion, selon lesquelles les
règles de droit pertinentes, l'ensemble des faits que nous connaissions
justifient que la SEBJ prenne action avec succès contre Yvon Duhamel,
Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de
machinerie lourde du Québec? C'était la première partie,
avec succès contre ses défendeurs.
M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il n'y a jamais eu
personne qui en a douté d'autant plus - sauf erreur - qu'il y en avait
un ou deux qui sont allés assez vite au pénitencier, alors en
1979, on s'en doutait un peu.
M. Ciaccia: Je référais au local 791 et à
l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Plus loin,
on disait: "D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis de
l'avant selon lequel un délégué de chantier est
véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la
SEBJ aura également de bonnes chances de succès d'impliquer la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique."
M. Lévesque (Taillon): II me semble que juste le fait que
vous ayez lu les deux phrases l'une après l'autre, l'une très
catégorique et l'autre "de bonnes chances", quand on regarde le reste de
l'opinion, j'ai comme l'impression que cela traduit exactement l'impression
qu'on avait à ce moment-là. Encore une fois, si on me permet de
l'ajouter, il y a une espèce de minimum de morale collective - je ne
veux pas prendre les grands mots, je vais l'expliquer simplement, je l'ai dit
dans ma déclaration - qui va au-delà de certaines avocasseries et
de certaines façons de dire: On a des chances, etc. C'est: est-ce que
ces gens-là, aux États-Unis, même s'ils avaient plus
d'argent, est-ce que cela était éthiquement acceptable,
moralement acceptable d'essayer de les pourchasser - ce qui n'était pas
un cadeau de toute façon - alors qu'il était très
évident qu'ils n'avaient ni de près, ni de loin participé
à ce pataugeage...
M. Ciaccia: Est-ce que vous vous souvenez... Je comprends cet
aspect. Est-ce que vous vous souvenez si dans cette opinion, ils faisaient
état des activités de International Order of Operating Engineers
selon laquelle ils avaient des activités au Canada et que le local 791
était sous l'autorité d'une charte octroyée par
International et qu'il y avait aussi eu des méthodes de contrôle
par International Union of Operating Engineers avec le local 791... autrement
dit, ils avaient des relations entre International Order et le local 791. Ce
n'était pas aussi clair qu'il n'y avait absolument rien à faire
avec le fonctionnement du local 791. Est-ce que vous vous souvenez de cela?
M. Lévesque (Taillon): Je ne m'en souviens pas dans le
sens où j'aurais la lecture sous les yeux. Je me souviens tout
simplement d'une chose, je pense que cela est reflété dans mes
réponses en Chambre comme dans ma déclaration... Je m'excuse, M.
le député, vous permettez que je réponde rapidement,
très simplement ceci: II était très évident qu'il y
avait autant de déconnexions factuelles, autrement dit de ruptures de
continuité peu importe les textes juridiques - on sait à quoi
cela sert parfois -il y avait autant de ruptures de continuité, plus
encore, entre l'International Union aux États-Unis et ces
locaux-là qu'il pouvait y en avoir entre les simples et honnêtes
travailleurs de la construction et les bandits qui avaient pris les
chantiers... On voyait... Ils n'étaient nulle part impliqués.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais citer un autre extrait de
cette opinion? Je me demande si vous vous souvenez que M. Boivin l'ait
porté à votre attention: "D'ailleurs - je cite l'opinion de
Geoffrion et Prud'homme -notre enquête a révélé que
l'International Union of Operating Engineers exerçait une surveillance
des activités du local 791." C'est à la page Il de l'avis.
M. Lévesque (Taillon): Non, parce que très
simplement, on a exploré longuement ce qu'il fallait interpréter
de tous ces avis parce qu'il y avait celui-là et il y avait aussi ce qui
s'était accumulé dans les semaines qui avaient
précédé le moment où on s'est formé une
opinion, c'est-à-dire qu'il
y a plusieurs procureurs qui avaient été rencontrés
et à partir de là, cela nous paraissait clair. Ce que vous
appelez une surveillance, disons que c'était encore sur le papier
à notre avis, mais une chose est certaine, cela n'existait pas sur les
chantiers.
M. Ciaccia: En tout cas, je cite textuellement l'avis de Mes
Geoffrion et Prud'homme.
M. Lévesque (Taillon): Peut-être qu'ils auraient pu
lire plus ou comme moi le rapport Cliche. Je pense qu'on voyait que les
surveillances, ce n'était pas précisément en vigueur.
M. Ciaccia: Mais je ne veux pas entrer dans le rapport Cliche
parce que c'est un gros rapport, il y a beaucoup de choses qu'on dit dedans,
mais les procureurs disaient à ce moment-ci: "D'ailleurs notre
enquête a révélé que..." Alors...
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je ne sais pas ce
qu'ils ont...
M. Ciaccia: ...chez Mes Geoffrion et Prud'homme, on avait
mandaté quelqu'un pour faire une enquête et il s'est
révélé que l'union internationale exerçait une
surveillance des activités du local 791.
M. Lévesque (Taillon): Statutairement, sûrement,
mais en réalité, non.
M. Ciaccia: Excusez, je ne voudrais pas donner l'impression que
c'était statutairement. Statutairement, cela vient à une autre
page, c'est la constitution, ici ce n'est pas statutairement, c'est
l'enquête qui aurait révélé la surveillance des
activités. Pas statutairement, mais sur le champ, d'après l'avis
qui a été émis par Mes Geoffrion et Prud'homme.
M. Lévesque (Taillon): Cela nous paraissait
éminemment fragile. Peut-être qu'il aurait été utile
que le député de Mont-Royal ou d'autres aillent dans plus de
détails sur les procureurs en question. Ils sont venus ici sous
serment.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais établir un
point. Je ne veux pas faire le procès qui avait commencé le 15
janvier et qui a été ajourné. Ce n'est pas le but de mes
questions. Je voulais seulement savoir dans quel contexte Me Boivin avait
discuté de cette opinion avec vous et s'il a porté à votre
attention certains des faits. Je ne veux pas aller sur le fond et continuer le
procès.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais
résumer très simplement? À un moment donné,
après avoir lu cette opinion - je pense que c'est la seule qui
traînait dans le paysage à ce moment-là - ...
M. Ciaccia: C'est la seule. D'après M. Boivin, c'est la
seule qui...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, il
ne faudrait pas interrompre.
M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez. ...de plus,
après avoir résumé aussi les impressions qu'il retirait de
tout ce qui avait découlé des rencontres qu'il avait eues, de ce
qu'on peut appeler l'état de la cause, tel qu'il pouvait le juger avec
20 ans de pratique - c'était sa partie - longuement, il m'a
expliqué, on s'est expliqué et on a relié cela au rapport
Cliche et on est sorti de là avec une conviction absolument aveuglante
que l'évidence était qu'il fallait un règlement dans
l'intérêt d'Hydro-Québec, si c'était possible qu'on
arrive à cela, ce serait mieux pour tout le monde.
M. Ciaccia: Avez-vous pris connaissance d'une opinion juridique
qui a été envoyée à Me André Gadbois par Mes
Geoffrion et Prud'homme en date du 9 novembre 1978? La lettre était
adressée à Me André Gadbois, mais l'objet, ce qui
était attaché à la lettre, c'était un "legal
memorandum", une opinion du bureau Elarbee, Clark & Paul, un bureau
d'avocats américains qui donnait une opinion juridique sur...?
M. Lévesque (Taillon): Non. M. Ciaccia: Vous n'avez
pas?
M. Lévesque (Taillon): Non, personnellement, absolument
pas. Cela se peut que Me Boivin m'en ait expliqué... C'était
quelle date?
M. Ciaccia: Le 9 novembre 1978.
M. Lévesque (Taillon): Cela se peut que Me Boivin ait eu
l'occasion de la voir et qu'il m'en ait parlé, mais je me souviens
très pertinemment de ne pas l'avoir lue.
M. Ciaccia: Je pense que dans son témoignage, Me Boivin
s'est limité à l'opinion du 16 décembre 1975. Son opinion,
la sienne, n'était pas formelle.
M. Lévesque (Taillon): Bien non.
M. Ciaccia: II nous a expliqué cela. C'était
avant...
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas écrit. Me
Boivin ne m'a pas écrit un mémoire formel. On gagnait du temps en
discutant et en essayant de faire une opinion.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on a porté à votre attention
un rapport confidentiel qui a été rédigé pour le
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James concernant l'action instituée en Cour supérieure,
rapport confidentiel en date...
Une voix: Le 5 janvier.
M. Ciaccia: Non, je pense qu'il était annexé
à la réunion du 9 janvier. C'était
rédigé...
M. Lévesque (Taillon): Je ne suis pas porté
à aller regarder ce qui est confidentiel. Mais, de toute façon,
je ne l'ai pas vu.
M. Ciaccia: Jean Bernier, Laurent Hamel, Marc Darby et Me
André Gadbois.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais simplifier
le travail du député? Les choses juridiques, tout ce qui pouvait
toucher l'aspect juridique, je répète pour la nième fois,
si on me le permet, que, moi, j'évitais - ce n'est pas
nécessairement par goût, mais par une certaine modestie normale -
de me mêler de cela. Je considérais que Me Boivin, avec ses
années de pratique, était mieux placé que moi pour
évaluer ce qui pouvait être disponible et que, ensuite, on puisse
en parler et qu'il me donne en même temps son opinion.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous n'avez pas pris
connaissance de ce rapport confidentiel vous-même?
M. Lévesque (Taillon): Je n'en ai aucun souvenir. Je viens
de le dire, je ne courais pas après cela et je ne me souviens pas
d'avoir vu ces choses-là.
M. Ciaccia: Est-ce que Me Boivin vous aurait expliqué le
contenu de ce rapport confidentiel?
M. Lévesque (Taillon): Cela a peut-être fait partie,
d'une certaine façon... Il y avait une sorte d'évaluation des
argumentations, c'est sûr. Mais je ne suis pas capable de
référer à tel ou tel morceau.
M. Ciaccia: Je vais vous lire seulement deux passages de ce
rapport.
Une voix: À quelle page êtes-vous?
M. Ciaccia: C'est à la page 8 du rapport, mais à la
page 22 du document "Extraits du registre des procès-verbaux" qui a
été déposé par la Société
d'énergie de la Baie James; à la page 22, au bas de la page, et
au haut de la page 23. Il parle de la Société d'énergie de
la Baie James, il dit: "Cependant, elle était consciente que, à
titre d'entreprise à caractère parapublic gérant des fonds
et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et
organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat
de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et
futurs sur les chantiers de la Baie-James". Je continue la citation à la
prochaine page: "II est important, pour le maintien de ce climat de confiance
qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la Baie-James et
l'institution de l'action, que les responsabilités des parties soient
déterminées par le tribunal et que la Société
d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas
dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement
justifié".
La question que je vous posais était la suivante: Est-ce que Me
Boivin avait porté à votre attention le contenu de ce rapport tel
que...
M. Lévesque (Taillon): Encore une fois, je vous dis que je
ne l'ai jamais vu. Est-ce qu'on a parlé... Ces arguments existaient. Il
y avait des gens qui étaient "braqués" à
Hydro-Québec - cela se comprend - dans le genre: II faut absolument
aller jusqu'au bout, etc. Je n'avais pas besoin de lire cela pour savoir qu'il
y en avait.
M. Ciaccia: Je comprends. Je sais que beaucoup de gens avaient
des arguments. Ma question était la suivante: Est-ce que Me Boivin a
porté à votre attention, strictement...
M. Lévesque (Taillon): Des textes de ce genre? Non.
M. Ciaccia: Est-ce que...
M. Lévesque (Taillon): II y a une chose qui est certaine,
c'est qu'on a parlé essentiellement sans texte. Il s'agissait de se
faire une opinion.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez pris connaissance d'une opinion
juridique en date du 5 janvier 1979 rédigée par Geoffrion et
Prud'homme et soumise à la Société d'énergie de la
Baie James?
M. Lévesque (Taillon): Non. Est-ce que cela a pu
être porté à la connaissance de Me Boivin, le contenu, ou
qu'il en ait entendu parler et que cela ait servi à former son opinion?
C'est possible. Mais je ne me souviens pas... Moi, je sais que je ne l'ai pas
lu.
M. Duhaime: Un petit coup de gaz, il est 17 h 30.
M. Ciaccia: Vos sautes d'humeur, M. le
ministre... Cela va bien, le premier ministre et moi, laissez-nous, je
pense que l'atmosphère est assez cordiale. (17 h 30)
Est-ce qu'on vous a expliqué qu'après deux semaines de
procès d'avocats de la SEBJ, les avocats de la SEBJ, dans leur opinion
du 26 janvier, ont affirmé que pour 17 000 000 $ de réclamation,
c'était juridiquement fondé?
M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Ouhaime: Je veux faire une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: À moins que le député
décide d'ajuster sa question, je pense qu'il n'a jamais
été établi devant cette commission qu'il y avait 17 000
000 $ de juridiquement fondés. Si vous voulez qu'on
déterre...
M. Ciaccia: ...d'après l'opinion de Geoffrion et
Prud'homme.
M. Duhaime: Non, d'après votre opinion.
M. Ciaccia: D'après l'opinion de Geoffrion et Prud'homme,
je m'excuse.
M. Duhaime: Non, à l'intérieur des 17 000 000 $, il
y avait un bloc de 16 000 000 $ en dommages indirects qui était
relié au délai sur les chantiers.
M. Ciaccia: Je vais lire l'opinion de Geoffrion et
Prud'homme.
M. Duhaime: Vous êtes à quelle page là?
M. Ciaccia: Je suis à la page 24 du document: Lettres et
documents, annexe transmise par la Société d'énergie de la
Baie James à la commission parlementaire de l'énergie et des
ressources.
Je lis comme suit: "En résumé, la réclamation
totale peut se détailler comme suit: a) les postes suivants sont
juridiquement fondés et, selon notre opinion, devraient être
maintenus." Le total est 17 196 419 $.
M. Lévesque (Taillon): J'ai dit dans ma
déclaration, ce matin, et c'est tout ce que je peux dire, qu'il avait
été évoqué, probablement que cela découlait
de certaines conversations comme cela, que les 32 000 000 $ pouvaient
peut-être être ramenés à 17 000 000 $, 18 000 000 $
ou 19 000 000 $ je ne me souviens plus. Le fondement juridique, etc., je ne le
sais pas.
M. Ciaccia: Je voudrais comprendre un peu plus quand vous dites
que cela avait été évoqué. Est-ce que cela vous
avait été évoqué à vous?
M. Lévesque (Taillon): Sûrement, puisque je dis que
cela a été évoqué. Le chiffre avait flotté
dans le paysage, je ne sais pas, par Me Boivin probablement ayant appris qu'il
y avait des gens qui parlaient plutôt de 17 000 00 $, de 18 000 000 $ que
de 30 000 000 $. De toute façon, l'un n'était pas plus
réaliste que l'autre par rapport aux syndicats québécois
dans l'état où ils étaient. C'est ce qui...
M. Ciaccia: Écoutez, je ne veux pas... J'essaie de
comprendre le témoignage de Me Boivin qui nous dit qu'il a
expliqué. Il se réfère strictement à une opinion
légale de Geoffrion et Prud'homme, celle du 16 décembre 1975 et
il ne parle pas du tout des autres opinions. Je pense que quand il a
été questionné à cet égard par le
député de Marguerite-Bourgeoys, il s'est strictement
limité à l'opinion du 16 décembre 1975. Alors, si
l'opinion du 26 vous a été transmise, est-ce que cela aurait
été par quelqu'un d'autre ou peut-être que cela ne vous a
pas été transmis, peut-être que vous n'êtes pas au
courant.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je suis
peut-être marqué. Il faut toujours se méfier. Il me semble
que Me Boivin lui-même a évoqué dans son témoignage
qu'à un moment donné dans un échange
téléphonique avec quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme,
peut-être Me Aquin... c'est Aquin lui-même qui avait
évoqué 17 000 000 $, 18 000 000 $ ou 19 000 000 $ ou quelque
chose du genre. Est-ce que cela m'a été dit à ce
moment-là? Je sais qu'un chiffre comme celui-là avait
été évoqué, mais ne me demandez pas par qui.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, Me Boivin nous dit qu'il a
expliqué l'opinion du 16 décembre. Il vous a expliqué
celle du 16 décembre. Le chiffre de 17 000 000 $, c'est vrai, a
été évoqué par Me Aquin et peut-être à
une conversation téléphonique. Je me souviens de cela aussi. Vous
n'avez pas pris connaissance de l'opinion du 9 novembre 1978, l'opinion
américaine, ni de celle du 5 janvier 1979.
M. Lévesque (Taillon): Peut-être indirectement, en
cours de route. Je l'ai toujours dit et je vais le répéter encore
une fois. Je ne les ai pas lues. Je ne me souviens pas d'avoir lu quoi que ce
soit de
tout cela. On avait bien d'autres chats à fouetter. Comme il y
avait quelqu'un qui était compétent qui suivait ces parties
d'argumentation, on avait simplement à se faire une opinion et c'est
tout. Je ne crois pas avoir jamais lu de ces textes-là.
M. Ciaccia: J'essaie de concilier...
M. Lévesque (Taillon): ...à ce moment-là en
tout cas, peut-être après.
M. Ciaccia: J'essaie de concilier, M. le premier ministre, les
réponses de M. Boivin et les vôtres aujourd'hui avec votre
réponse au député de Marguerite-Bourgeoys, au ruban 5741,
quand vous dites: "C'était après avoir été
passablement mis au courant des avis juridiques assez nombreux qui ont
été accumulés autour et alentour de cette
question-là."
M. Lévesque (Taillon): Me Boivin avait accepté de
se faire une opinion à même ce qui était disponible, en
rapaillant ce qui paraissait utile, en décembre en particulier, pour
qu'on se fasse une opinion. Alors, il m'a expliqué en long et en large
ce qui lui paraissait utile. Moi, j'ai combiné cela avec l'impression
que je m'étais faite après une sorte de remémorisation des
faits eux-mêmes et on est arrivé à notre conclusion.
M. Ciaccia: M. le Président, j'essaie de comprendre. Je
comprends les explications du premier ministre. Mais, M. Boivin nous dit: J'ai
expliqué celle du 16 décembre. Il y en avait seulement une. Et,
le 20 février, vous affirmez à l'Assemblée nationale, vous
parlez de plusieurs, de nombreuses réunions. Même plus tard, vous
dites, au ruban 5793: "Mais ce syndicat, d'après les avis juridiques qui
m'ont été expliqués longuement avant que je donne mon
humble sentiment..." Qui vous aurait expliqué tous ces avis
juridiques?
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, M. Jasmin
était venu... On regarde cela parce que je n'étais pas toujours
au bureau. Je saluais les gens quand je les voyais - on est porte à
porte quasiment - mais, je ne me mêlais pas de leurs réunions.
Cela, c'étaient des réunions d'avocats. Le 4 décembre,
à la demande qui avait été faite par la FTQ, il y a eu une
rencontre de Me Boivin avec Me Jasmin - aujourd'hui le juge Jasmin - et le Il
décembre, avec Me Beaulé. En tout cas, avant les fêtes, il
y avait cela, et, du côté patronal, l'histoire de Geoffrion et
Prud'homme de 1975. Et là, ne me demandez pas le détail, mais
à partir de tout cela, Me Boivin s'était fait une opinion sur la
valeur de toutes ces argumentations-là. Il me l'a transmise et on l'a
discutée, c'est vrai. Et, ensuite, on s'est fait une opinion.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez lu le plaidoyer de Me
Beaulé qui a été remis à M. Boivin?
M. Lévesque (Taillon): Non. Enfin, je ne m'en souviens
pas.
M. Ciaccia: Je voudrais revenir à votre explication, quand
vous dites, aujourd'hui -dans la réponse que vous avez donnée au
député de Marguerite-Bourgeoys - quand vous dites que, dans votre
réponse, la Chambre avait l'essentiel. J'essaie de comprendre la
différence et je voudrais que vous nous expliquiez la différence
entre la réponse que vous avez donnée, votre version, au
député de Marguerite-Bourgeoys qui dit spécifiquement que
c'est Hydro-Québec qui a pris l'initiative, qui vous a consulté -
c'est la réponse que vous avez donnée et vous l'avez
mentionné six ou sept fois - en 1979, et les faits qui sont sortis
à cette commission à savoir que l'initiative n'est pas venue
d'Hydro-Québec, elle est venue du bureau du premier ministre. Et je vais
citer même M. Laliberté, le 3 janvier, quand il dit que le souhait
qui avait été exprimé par M. Boivin, c'était "que
la cause soit abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour".
Alors, comment pouvez-vous dire aujourd'hui que vous avez donné
l'essentiel au député de Marguerite-Bourgeoys quand les faits
sont vraiment à l'opposé? L'initiative n'est pas venue
d'Hydro-Québec, elle est venue de votre bureau.
M. Lévesque (Taillon): Je veux bien répondre pour
la cinquième fois. Vous pourrez comparer mes réponses.
L'initiative -si on veut regarder l'initiative vraiment en ce qui nous concerne
- est venue à la fin de novembre, début décembre, quand
les gens à la fois, M. Laberge qui, forcément, s'occupait de sa
centrale à ce moment-là et le procureur de l'époque, Me
Jasmin - se sont pointés dans le paysage. Et là, tout à
coup, on s'est mis à y penser, parce qu'on s'est dit: C'est notre
devoir. Moi, en particulier, c'était mon devoir de me faire une opinion
là-dessus. Comme on ne se fait pas une opinion de l'air du temps, on a
bâti notre opinion le mieux possible. On l'a transmise, enfin, Me Boivin
l'a transmise, deux ou trois jours après le jour de l'an, à M.
Laliberté. On n'avait pas à insister davantage. C'est pour cela
que je n'y ai plus repensé tellement. Si c'était tombé
dans le vide, ce serait tombé dans le vide. Mais c'est devenu
sérieux quand - je me suis dit, au moins ils veulent le savoir un peu
plus en détail - les trois principaux - et cela, c'est l'essentiel; en
tout cas, c'est ce qui me frappait comme étant l'essentiel -
d'Hydro-Québec ont dit: Bon, il faudrait savoir où vous en
êtes. Est-ce qu'on pourrait se rencontrer? On s'est rencontré et
vous
connaissez le reste.
Pourquoi ne l'ai-je pas dit tout en détail en Chambre? Si le
député de Marguerite-Bourgeoys m'avait posé une question
dans le genre: Comment avez-vous fabriqué votre opinion? Qu'est-ce qui
est arrivé en cours de route, plus en détail? Je l'aurais dit.
Qu'est-ce que j'avais à gagner? Encore une fois, qu'est-ce que j'avais
à gagner, à cacher des détails? Sauf qu'en période
de questions, je vous jure que vous dites ce qui vous paraît
l'essentiel... surtout avec certaines questions!
M. Ciaccia: Ce n'était pas la question qu'on vous a
posée. Je vais citer le député de Marguerite-Bourgeoys,
à la page 5793: "Qu'on laisse la justice suivre son cours ou alors que
le premier ministre justifie objectivement, document à l'appui, pourquoi
les Québécois devraient échanger une réclamation de
32 000 000 $ pour à peu près rien." Ce n'est pas
exactement...
M. Lévesque (Taillon): Enfin, là, il y a une
conclusion...
M. Ciaccia: Cela n'a pas été fait.
M. Lévesque (Taillon): Non, non, mais il y a une
conclusion que vous venez de citer du député de
Marguerite-Bourgeoys demandant de la documentation. De la documentation, je
n'en avais pas. Je viens de vous dire que même les opinions juridiques je
les ignorais. En détail, je ne les connaissais pas. Je n'avais pas de
documentation là-dessus. La seule documentation que, moi, j'avais
vraiment en main, c'était le rapport Cliche, comme je l'ai dit. Cela me
suffisait, quant à moi, comme, il me semble, honnête homme pour me
faire une sacrée bonne opinion sur l'opportunité politique d'un
règlement et sur l'opportunité sociale aussi.
Cela étant dit, quand, au départ, le député
de Marguerite-Bourgeoys me pose deux questions: Est-il exact qu'un
règlement pourrait venir? Je dis: Oui, pour autant que je le sache, il
se pourrait qu'il y ait un règlement. Deuxièmement, est-ce que
c'est, de près ou de loin, ou quelque chose comme cela - je ne m'en
souviens plus - dans le bureau du premier ministre ou avec le premier ministre
lui-même ou avec un de ses représentants que ce règlement a
eu lieu, en partie ou en tout?... Bon. J'ai répondu: Pour ce qui est -
parce que je voulais faire une distinction et Dieu sait que je l'ai faite
à plusieurs reprises - du principe, oui, on était d'accord. Non
seulement on était d'accord mais on l'a fait clairement savoir à
la Société d'énergie de la Baie James. On peut bien me
reprocher de ne pas avoir dit: On leur avait fait tenir un début de
cette opinion, enfin, le noyau de cette opinion juste au moment des
fêtes, mais j'avoue humblement que cela ne m'a pas paru être
l'essentiel. L'essentiel était que, oui, ils l'avaient clairement su.
Pour le reste, c'est-à-dire tout ce qui est le règlement
lui-même, on ne s'en était pas mêlé mais on
s'était tenu au courant, point.
M. Ciaccia: M. le premier ministre, vous voulez nous affirmer
ici, aujourd'hui, que la version que vous avez donnée: "Ce n'est pas du
tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie de règlement a eu lieu... Mais il y a eu une
consultation," vous voulez nous dire que cette version, que vous avez
donnée le 20 novembre, correspond aux faits...
M. Lévesque (Taillon): Le 20 février...
M. Ciaccia: ...le 20 février 1979 -excusez-moi -
correspond à ce qui a été dévoilé à
cette commission, que ce n'est pas une consultation, qu'elle n'est pas venue
d'Hydro-Québec, qu'elle est venue de vous, de votre bureau, à la
Société d'énergie de la Baie James, au P.-D.G. de la
Société d'énergie de la Baie James par l'entremise de
votre chef de cabinet? Est-ce que vous affirmez ici aujourd'hui que la version
que vous avez donnée est la même chose que ce qui a
été dévoilé à cette commission
parlementaire?
M. Lévesque (Taillon): Je pourrais reprendre certains des
termes du député. Ce qui a été
dévoilé ici, franchement, il ne faudrait pas trop faire les
"Sherlock Holmes". Après deux mois, quand on gratte ce qui s'est
passé il y a quatre ans et demi et qu'on va chercher tout cela, il est
évident qu'il y a des faits que je ne pouvais pas donner dans une
période de questions et il y en a qui m'échappaient de toute
façon à ce moment. La consultation, c'est l'autre terme que vous
avez employé, pour autant qu'il y en a eu une, elle s'est faite le 1er
février dans mon bureau avec les dirigeants d'Hydro-Québec. Un
point c'est tout, quant à moi.
M. Ciaccia: Comment appelez-vous toutes les treize autres
réunions, rencontres dans le bureau de M. Jean-Roch Boivin par Jasmin,
Beaulé? Qu'est-ce que c'était cela? Ce n'était pas une
consultation, c'était de la négociation, qu'est-ce que
c'était? (17 h 45)
M. Lévesque (Taillon): Celles qui ont
précédé les fêtes, c'était pour se mettre au
courant des argumentations et de se faire une opinion. Il me semble que c'est
clair, je l'ai dit plusieurs fois. Ce qui est venu après les
fêtes, c'était essentiellement, sauf erreur, toujours des
procureurs de l'une ou de l'autre partie qui suivaient leur affaire et qui
mettaient M. Boivin au courant et qui,
souvent étaient sacrement tannants, d'après les souvenirs
que j'en ai.
M. Ciaccia: Mais l'opinion de M. Boivin était
déjà formée avant Noël, la vôtre aussi.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Ciaccia: Mais toutes ces réunions ont eu lieu
après.
M. Lévesque (Taillon): Je viens de vous le dire. Les
procureurs téléphonaient ou demandaient ou rencontraient Me
Boivin. Je ne pense pas que ce soit lui qui courait après. Je
vous dis qu'on était profondément tannés à
l'occasion parce qu'il y en a qui étaient insistants au point où,
je pense on était obligé de leur dire: C'est ce que Me Boivin
vous a dit, je crois. Écoutez, on a dit ce qu'on avait à dire.
Maintenant cela va se régler ou cela ne se règlera pas.
Arrangez-vous.
M. Ciaccia: D'après vous, quand vous dites: On a
été consulté, on a regardé la réponse
à la question que vous avez posée, on a revu la vidéo, le
20 novembre 1979...
Le Président (M. Jolivet): Le 20 février.
M. Duhaime: C'est la mémoirel
M. Ciaccia: Je ne sais pas pourquoi je pense toujours au 20
novembre. Il doit y avoir quelque chose qui m'est arrivé le 20 novembre.
Vous nous dites et vous nous donnez clairement l'impression et vous avez dit,
pas plus qu'une impression: on m'a consulté, j'ai donné mon
opinion, mon souhait. Cela est votre réponse. Ici, j'utilise le mot
"dévoilé". Ce n'est pas cela du tout qui s'est passé. Vous
avez dit à votre chef de cabinet: Va dire à Claude
Laliberté de régler, d'abandonner la cause, non pas seulement un
règlement hors cours. C'est l'abandon des poursuites.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président...
M. Ciaccia: Je cite textuellement ce que M. Laliberté a
dit.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, il me semble que cela ne
prend pas un grand cerveau pour comprendre que s'il y a un règlement
hors cour qui intervient dans une instance que la poursuite s'abandonne ou est
abandonnée.
Une voix: C'est en vertu de quoi qu'il intervient?
M. Duhaime: Sur une question de règlement. Je voudrais
rappeler que même si cet après-midi on a laissé à
l'Opposition tout le loisir de poser des questions, jusqu'à il y a
quelques minutes cela va relativement bien. J'ai comme l'impression que si cela
avait fonctionné comme cela depuis le début des travaux, il y
aurait longtemps qu'on aurait fini. Mais je ne voudrais pas qu'on oublie que
l'article 168 existe toujours. Je ne veux pas interrompre le
député de Mont-Royal, mais si j'éliminais de toutes les
questions qu'il a posées jusqu'à présent ce que
j'appellerais des préambules inutiles, il n'en resterait pas beaucoup et
l'argumentation non plus n'est pas permise. Vous aurez parfaitement le loisir
de tirer vos conclusions, mais si vous posez des questions, posez-les, mais il
n'est pas permis, je pense vous ne l'avez pas toléré
jusqu'à maintenant - de laisser un député s'embarquer et
en plus s'enfarger dans une argumentation.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre voulait faire son
petit tour j'imagine. Cela fait longtemps qu'il n'avait pas eu la
caméra. L'argumentation, ce n'est pas la place. Les questions sont
compliquées et il faut donner la perspective. Cela serait injuste envers
l'invité de poser simplement une question sans la mettre en perspective,
et c'est tout ce que fait le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, en essayant cependant d'éviter peut-être la longueur
des questions.
Je comprends bien qu'on peut donner...
Une voix: C'est par déférence, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui. On veut peut-être
donner davantage un éclairage, mais je pense que les travaux de cette
commission, on les connaît beaucoup tout le monde, autour de cette table,
et je vous inviterais à aller rapidement aux questions. M. le
député.
M. Ciaccia: Si vous me permettez, je suis conscient que nous
interrogeons le premier ministre et j'essaie d'apporter autant de faits que
possible, de faire non seulement un résumé, mais de citer les
différents passages parce que je voudrais être aussi précis
que possible en plus de montrer ma déférence envers le premier
ministre, mais...
M. Lévesque (Taillon): Je suis profondément
touché.
M. Ciaccia: ...je voudrais dire que je vais insister... pardon?
Je ne vous ai pas entendu.
M. Lévesque (Taillon): J'ai dit que cela me touche
profondément.
M. Ciaccia: D'accord. Moi aussi.
M. Lévesque (Taillon): Parce que je le sens en plus.
M. Ciaccia: Vous le sentez, oui.
M. Lévesque (Taillon): D'autres témoins l'ont
exprimé aussi.
M. Ciaccia: Non, je veux...
Sincèrement, M. le Président, je veux montrer mon respect
envers le bureau du premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): C'est très important.
M. Ciaccia: Oui... et le premier ministre. Mais je ne voudrais
pas que la fonction du premier ministre m'empêche de poser les questions
que je voudrais poser alors que...
Le Président (M. Jolivet): Je ne pense pas que personne
veuille vous empêcher de poser des questions, quelle que soit la fonction
de la personne que vous interrogez. La seule chose, c'est que si vos questions
sont longues et contiennent des affirmations qui ne sont pas l'essentiel -
comme on l'a bien dit - des témoignages des personnes, on risque
peut-être de faire des argumentations qui n'ont pas lieu lors d'une
question. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, voici ma prochaine question
au premier ministre: N'est-il pas exact qu'il y avait deux opérations
parallèles? Je vais les décrire si vous me le permettez, si vous
me donnez le droit de le faire.
M. Lévesque (Taillon): À moins que...
M. Ciaccia: II y avait le conseil d'administration qui se
réunissait le 20, le 27 novembre, toutes les différentes
étapes. Il demandait des opinions juridiques, il donnait instruction
à la SEBJ de continuer, les opinions les justifiaient, les
encourageaient. Ils ont alloué 500 000 $, même après
l'opinion du 5 janvier. Il y a eu un conseil d'administration le 9 janvier pour
réitérer le désir de continuer la poursuite. Ils ne
savaient pas, sauf M. Claude Laliberté, ce qui se passait dans le bureau
du premier ministre. Ils sont même allés au 6 février et
ont donné le mandat d'explorer. Le 1er février ils sont venus
vous voir. C'était là une opération.
L'autre opération parallèle, c'était
l'opération du bureau du premier ministre par l'entremise de M.
Jean-Roch Boivin. Il est allé voir M. Claude Laliberté, il
rencontrait Mes Jasmin et Beaulé hors de la connaissance des
administrateurs. Quand on a interrogé même MM. Laferrière,
Giroux, Boyd et Saulnier, ils n'étaient absolument pas au courant que
tout cela se produisait. Alors, n'est-il pas exact qu'il y avait deux
opérations parallèles et que la réponse que vous avez
donnée le 20 février 1979 ne donne aucune indication de la
deuxième opération de M. Jean-Roch Boivin?
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): On a quasiment l'air d'avoir
été des subversifs, dans des opérations parallèles,
etc. Il me semble que j'ai dit, et je le répète, que cette
opération soi-disant parallèle faisait partie de ce que je
considérais comme étant la responsabilité d'un chef de
gouvernement quand il s'agit d'une cause qui peut affecter une très
grande entreprise, qui affecte une très grande entreprise publique, cinq
ans après les événements et qu'il fallait que je me forme
une opinion dès le moment où on m'a mis la puce à
l'oreille, à la fin du mois de novembre, par des appels à Me
Boivin, que cela s'en venait et... Il me semblait de mon strict devoir de me
faire une opinion. Alors, l'activité parallèle jusqu'au
début de, jusqu'au mois de janvier a été essentiellement
à partir de cette conscience qu'on avait qu'il fallait qu'on se fasse
une opinion. Nous ne sommes pas supposés être des irresponsables.
On s'est donc fait une opinion. C'est vrai que je l'ai fait transmettre,
c'est-à-dire que j'ai demandé à M. Boivin s'il voulait
bien transmettre cela quand il aurait le temps -parce que vous savez
c'était avant le congé de Noël - à qui de droit. Il a
réussi, c'est lui qui l'a dit, le 3 janvier à rejoindre - je ne
connaissais pas la date mais je savais qu'il l'avait fait quelques jours plus
tard -M. Laliberté et à lui dire que telle était notre
opinion. Je ne l'ai pas mentionné en Chambre, c'est vrai. Si on me
l'avait demandé, je l'aurais dit. Le fond de la question, quant à
moi - c'est quand même cela qui m'avait le plus impressionné -
était de rencontrer moi-même, face à face, les trois
dirigeants principaux d'Hydro-Québec parce qu'ils voulaient savoir une
fois pour toutes - moi aussi d'ailleurs j'étais bien
intéressé à avoir leurs réactions - ce qui en
était de cette question du principe d'un règlement hors cour.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois que personne de ce
côté-ci de la table ne met en doute votre droit de vous former une
opinion sur cela mais...
M. Lévesque (Taillon): C'était cela
l'opération parallèle.
M. Ciaccia: ...non, non. Vous avez formé votre opinion
à la fin de décembre 1978. Les rencontres se sont
accélérées après le mois de janvier et il y a eu
beaucoup de rencontres. Si c'était strictement à titred'information, pouvez-vous expliquer pourquoi les membres du conseil
d'administration, sauf Claude Laliberté, n'étaient pas au courant
que ces réunions avaient lieu? Même Me Aquin a dit que lorsqu'il a
été informé par Me Beaulé, il était
déstabilisé de voir ces réunions. Si c'était
tellement ouvert et si cela était tellement clair, tellement dans le but
d'obtenir des consultations, pourquoi toutes ces choses-là sont-elles
arrivées sans la connaissance de personne, même dans l'ignorance
totale de ceux qui devaient prendre les décisions? Les administrateurs
du conseil d'administration ne le savaient même pas.
M. Lévesque (Taillon): Cela est votre hypothèse.
Cela me paraîtrait très surprenant qu'ils ne l'aient pas su.
Après tout, les procureurs de part et d'autre étaient en contact
- il me semble qu'ils devaient l'être - avec leurs clients. Il ne devait
pas y avoir de grands mystères là-dedans, en tout cas, moi je
n'en vois pas.
M. Ciaccia: Tous les administrateurs qui ont
témoigné devant cette commission, sauf M. Claude
Laliberté, ont affirmé qu'ils ne le savaient pas du tout.
Même, la plupart, si je ne me trompe, ont affirmé qu'ils ont
appris ici, à cette commission parlementaire, que toutes ces
réunions avaient eu lieu. Ils ne savaient même pas, d'après
certains d'entre eux, que lorsque le règlement a eu lieu, il y avait eu
toutes ces réunions.
M. Lévesque (Taillon): Cela va peut-être
intéresser le député de Mont-Royal de savoir que moi non
plus je ne savais pas combien de réunions il y avait eu. Cela ne me
paraît pas particulièrement important qu'il y en ait eu deux de
plus ou deux de moins.
M. Ciaccia: Non.
M. Lévesque (Taillon): La seule chose, je vais me
permettre, sans prétendre faire un procès d'intention, de dire au
député de Mont-Royal que si on avait eu le malheur, moi surtout,
d'appeler les administrateurs pour leur dire: Aïe, on s'en occupe,
là, on serait accusés d'ingérence, etc., mais on ne l'a
pas fait.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Lévesque (Taillon): Ce n'était pas à nous
de les renseigner.
M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre est
très habile. Je n'ai pas dit que vous deviez savoir le nombre de
réunions, et quand ils se rencontraient, mais vous le saviez. Vous aviez
mandaté M. Boivin, vous l'avez même dit ici. Au moins, vous le
saviez. Je n'ai pas suggéré que vous deviez aller voir les
administrateurs pour leur parler, mais ils ne savaient même pas que ces
réunions avaient lieu, et pourtant, il y avait leurs propres avocats qui
étaient impliqués, il y avait les avocats des défendeurs,
et ils étaient dans la totale ignorance de cela. Alors, la question
qu'on se pose est: Comment ces administrateurs pouvaient-ils prendre les
décisions au conseil d'administration? Est-ce que c'était juste
envers eux? Quel était le but de leur cacher toutes ces
réunions-là?
Le Président (M. Jolivet): Avant que le premier ministre
réponde, vous avez plusieurs questions, dont l'une est une question
d'opinion: Est-ce qu'il était juste? Cette partie n'est vraiment pas
recevable.
M. Ciaccia: Quel était le but alors de cacher ces
réunions-là au conseil d'administration, sauf à M. Claude
Laliberté à qui on avait exprimé le désir du
premier ministre que la cause soit abandonnée et qu'il y ait un
règlement hors cour?
M. Lévesque (Taillon): Vous n'êtes jamais
allé au septième étage où on a nos bureaux,
à Hydro-Québec? C'est caché, sauf pour à peu
près une dizaines de personnes, tous ceux qui voient entrer et sortir
quelqu'un. C'est caché terriblement!
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Lévesque (Taillon): C'était un secret de
polichinelle qu'il y avait des réunions.
M. Ciaccia: Non. M. le Président, question de
règlement.
M. Lévesque (Taillon): Bien, voyonsl Je m'excuse, vous
ferez une question de règlement, si vous voulez, mais je veux finir ma
phrase, si vous permettez. Ce n'était pas à moi ni à nous
de nous inquiéter de savoir si - ce n'était pas caché du
tout - les gens devaient de toute façon, être au courant, à
notre avis. Puisque M. Laliberté le savait, il n'avait qu'à leur
dire. Ils ont fini par être au courant, au mois de janvier, puisqu'ils
ont demandé une rencontre. Je ne vois pas ce
qu'il y a de si mystérieux, de caché ou...
M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque le
règlement. Je pense qu'il ne faudrait pas donner l'impression que les
membres du conseil d'administration savaient que ces réunions se
produisaient. Ils ne le savaient pas. Ils l'ont affirmé devant cette
commission parlementaire. Ce n'est pas une question qu'ils savaient qu'il y
avait des réunions, mais ils ne savaient pas le nombre, parce que c'est
une bâtisse de 21 étages et ils ne savent pas où les gens
vont. Ce n'est pas cela du tout. Ils ont affirmé ici... M. Lucien
Saulnier a affirmé sous serment devant moi qu'il ne savait pas du tout
qu'il y avait ce va-et-vient. M. Laferrière, un autre des
administrateurs, a dit: Je ne le savais pas du tout. Ce n'était pas un
secret de polichinelle, c'était un secret tout pur. Eux, ils ont
affirmé ici qu'ils ne le savaient pas. Ma question est la suivante: Quel
était le but de cacher ces réunions si c'était seulement
tel que vous l'aviez décrit dans votre réponse le 20
février?
Le Président (M. Jolivet): En ce qui concerne la question
de règlement, puisque vous avez deux parties dans votre... M. le
ministre.
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je vais essayer de vous
dire ce que je peux saisir de la question de règlement qui est faite. Je
n'arrive pas à comprendre l'échafaudage cérébral du
député du Mont-Royal. Soyez au moins logique. De deux choses
l'une: Si les rencontres entre Me Boivin et les procureurs n'ont jamais
été portées à la connaissance des membres du
conseil d'administration, cela n'a donc pu les influencer.
M. Ciaccia: Question...
M. Duhaime: Deuxièmement, il y a une chose qui a
été portée à la connaissance des membres du conseil
d'administration, c'est le souhait du premier ministre. Cela m'a l'air de ne
pas les avoir influencés beaucoup, M. le Président. Je pourrais
vous lire ici - je le ferai peut-être plus tard - la décision
qu'ils ont rendue dans cette affaire au conseil d'administration. Cela ne
ressemble pas beaucoup à la version de Michel Girard dans la Presse du
17 mars. Ces personnes ont pris une décision suivant leurs propres
responsabilités. Je vais vous citer simplement M. Hébert...
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le ministre, je ne
permettrai..
M. Duhaime: ...M. Thibodeau, M. Boyd... Le Président (M.
Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...M. Laliberté...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous allez un
peu trop loin.
M. Duhaime: Faites-vous une idée.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais
suspendre jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 13)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources est à nouveau réunie pour continuer ses travaux
jusqu'à 22 heures, suivant la motion présentée à
l'Assemblée nationale du Québec, à savoir: s'il y a lieu,
les travaux de la commission se poursuivront demain matin, après la
période des questions.
La parole était au député de Mont-Royal qui a
toujours le droit de parole. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
M. le premier ministre, la Presse du 18 mars 1983 a publié le
texte intégral de votre déclaration sur le règlement hors
cour qui a suivi le saccage de la Baie-James. Et, cette déclaration a
suivi les affirmations dans la Presse au sujet des déclarations que vous
aviez faites à l'Assemblée nationale. Dans ce texte, vous dites
et je cite: "Or, voici ce qui s'est réellement passé..." - c'est
votre texte. Je continue la citation: "...c'est à la demande de M.
Daniel Latouche et de Me Michel Jasmin que Me Yves Gauthier a rencontré
M. Yvan Latouche en présence de Me Jasmin qui était son avocat
pour une tout autre affaire. En effet, M. Latouche prétendait avoir
été congédié de la SEBJ injustement."
Quand Me Jasmin est venu témoigner devant cette commission, au
ruban 1662, page 2, il a affirmé que le 16 février 1979, la date
de cette rencontre, il n'était pas l'avocat de M. Latouche. De plus, il
a aussi affirmé que c'était le notaire Gauthier, votre conseiller
spécial, qui l'avait appelé pour cette réunion. Est-ce que
vous pourriez concilier votre déclaration dans la Presse, où vous
dites: "C'est à la demande de Daniel Latouche et de Me Michel Jasmin"...
Michel Jasmin était l'avocat de M. Latouche. Le témoignage de Me
Jasmin qui dit: Moi, je n'étais pas l'avocat de M. Latouche et c'est le
notaire Gauthier qui m'a appelé à cette réunion.
M. Lévesque (Taillon): II y a une raison très
simple aussi. C'était une déclaration du 17 mars?
M. Ciaccia: Dans la Presse, le 18 mars.
M. Lévesque (Taillon): Le 18 mars. Je pense qu'elle se
tient pour l'essentiel. Pour ce qui est du hors-d'oeuvre concernant Daniel
Latouche, Yvan Latouche et compagnie, c'est par téléphone que,
oralement, on a eu ce genre de renseignement. Il semble, en effet, que cela
manquait de précision. Entre autres choses, Me Jasmin, je pense, a dit
qu'il avait eu a être conseiller ou consultant de M. Latouche. C'est
peut-être là qu'il y a eu une confusion dans les appels
téléphoniques. On avait le feu à cause de l'article
de la Presse. On a essayé, le plus vite possible, de faire une
réponse sur l'essentiel. Là, il y a eu une erreur dans les 24
heures, cela se comprend.
M. Ciaccia: Quand vous dites que ce n'est pas exact, le fait
demeure que, dans votre déclaration, vous affirmez: Voici, ce qui s'est
réellement passé.
M. Lévesque (Taillon): Oui. C'est ce qu'on avait eu comme
renseignement téléphonique trop rapide.
M. Ciaccia: De qui avez-vous eu ce renseignement?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'était de M.
Gauthier, lui-même, si j'ai bonne mémoire. Mais, ensuite, en
vérifiant.
M. Ciaccia: Vous allez comprendre notre position parce que...
M. Lévesque (Taillon): Oui, mais quand vous vous faites
insulter publiquement sur quelque chose qui, sur le fond, est
complètement inqualifiable et qu'il y a des à-côtés
là-dedans, il peut arriver que, 24 heures après, on fasse des
erreurs. D'accord.
M. Ciaccia: Je comprends que vous croyez que ce n'était
pas justifié mais si quelque chose n'est pas justifié, est-ce que
cela justifie une autre déclaration qui n'est pas exacte?
M. Lévesque (Taillon): Cela n'avait aucun rapport avec
l'essentiel. Cela a été comme une sorte de bouche-trou. On l'a
traité comme cela mais, malheureusement, on aurait peut-être pu,
si on avait eu deux jours de plus, le vérifier. Mais, est-ce que cela
change quelque chose sur l'essentiel? Je ne crois pas.
M. Ciaccia: Bien. Vous avez dit la même chose dans votre
déclaration du 20 février: "Est-ce que cela change quelque chose
sur l'essentiel?" Oui cela change quelque chose sur l'essentiel, si vous me
posez la question parce que vous dites quelque chose et les faits ne sont pas
les mêmes. C'est cela le reproche qu'on vous fait du 20 février
1979. Vous avez dit que c'était une consultation, que vous aviez
été approché. Les faits ont démontré qu'il y
avait plus que cela, que l'initiative avait été prise par vous,
par vous et non pas par Hydro-Québec. Alors, lorsqu'on cherche à
établir certains faits, je crois qu'on a presque le même principe
ici. Ce n'est pas de la même importance les faits, je suis d'accord avec
vous. Mais le principe de la véracité et de dire les choses sans
les escamoter, ce principe demeure dans toutes les déclarations
spécialement quand on lit ceci, car cela vient immédiatement
après les paroles suivantes: "Or, voici ce qui s'est réellement
passé". La première affirmation quand vous dites: "s'est
réellement passé" ne s'est pas passé de cette
façon.
M. Lévesque (Taillon): La seule chose qu'il y a, c'est que
si vous remontez un petit peu plus loin dans la déclaration, vousallez voir à quel point cela n'a pas une importance fondamentale. Il
faut peut-être le placer, juste un paragraphe avant. Qu'est-ce qui
ressort en effet de la lecture de la Presse? - c'est dans ma déclaration
- que c'est le notaire Gauthier de mon bureau qui aurait mis en contact Yvan
Latouche et Me Jasmin, permettant à ce dernier d'entrer en possession de
documents prétendument incriminant pour M. Robert Boyd, qui était
le président d'Hydro-Québec. Je me souviens que dans l'article du
dénommé Michel Girard de la Presse, ce qui était dit,
c'est que cela voulait dire qu'il y avait eu une sorte d'accointance - je ne le
cite pas au texte -avec les gens qui étaient impliqués
là-dedans pour voir s'il n'y avait pas moyen de compromettre M. Boyd,
que c'était quasiment comme si on cherchait des armes contre M. Boyd. Ce
qui était totalement inventé, faux, qui nous a jamais
traversé l'esprit. Évidemment, je m'excuse, on n'a pas pris le
temps de faire une enquête en 24 heures pour savoir si au
téléphone on avait peut-être fait une erreur.
M. Jasmin, je crois, a dit ici, cela il pouvait le dire, qu'il avait
été appelé en consultation ou qu'il avait rencontré
pour des consultations le dénommé Yvan Latouche. Bon, d'accord,
il y a eu une erreur, il n'avait pas été tout à fait son
avocat dans une autre affaire, mais il avait été consulté.
Je ne pense pas que ce soit...
M. Ciaccia: D'ailleurs quand vous dites que cela n'a pas toujours
son importance, je crois que la vérité a toujours son
importance...
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Ciaccia: ...mais les faits peuvent être...
M. Lévesque (Taillon): Je suis d'accord.
M. Ciaccia: ...jugés moindres. La question que cela
soulève, c'est que si vous vous souvenez Me Jasmin était
lié par son secret professionnel.
M. Lévesque (Taillon): Sauf que sur cette partie...
M. Ciaccia: Alors la plupart de ses questions étaient
sur... Mais celui-ci ne l'était pas alors. La question que cela
soulève c'est: combien d'autres choses on aurait pu avoir de Me Jasmin
si ses clients lui avaient donné le droit de témoigner sur
différentes...
M. Lévesque (Taillon): Sachant que Me Jasmin est un homme
honnête, compétent, il n'aurait pas contredit l'essentiel de ce
qu'on avait à dire.
M. Ciaccia: On a une contradiction ici et on ne saura...
M. Lévesque (Taillon): Je l'ai bien dit c'est un
accessoire qui va... un peu un de vos "red hearing". Bon, d'accord.
M. Ciaccia: On ne saura jamais ce que Me Jasmin aurait pu nous
dire. Peut-être que M. Pouliot pourrait nous le dire.
M. Lévesque (Taillon): II ne faut jamais dire "jamais".
Oui, je vous voyais venir comme une porte de grange.
M. Ciaccia: Et vous ne voulez pas l'entendre.
M. Paradis: II ne veut pas l'entendre, n'est-ce-pas?
M. Ciaccia: Prenons un autre point, M. le premier ministre.
À la fin de 1978 vous êtes venu à la conclusion, à
la suite d'une recommandation de M. Boivin, ou peut-être
étiez-vous déjà venu à cette conclusion, que la
cause devrait être réglée hors cour. Aviez-vous
indiqué à ce moment un chiffre, un montant, un ordre de
grandeur?
M. Lévesque (Taillon): La réponse est non.
M. Ciaccia: M. Laliberté a témoigné que le
souhait qui lui avait été exprimé par M. Boivin
était, je cite: "...que la cause soit abandonnée et qu'il y ait
un règlement hors cour". Quand on demande par un souhait ou autrement -
mais cela vient du bureau du premier ministre alors le degré de
l'importance du souhait, je crois, est proportionnel à la position
d'autorité de celui qui fait le souhait.
Une voix: C'est normal.
M. Ciaccia: Dans quelle position de négociation avez-vous
placé la Société d'énergie de la Baie James quand
vous avez dit...
Le Président (M. Jolivet): Seulement par le début
de votre question, non, non... Seulement par le début de votre question,
c'est déjà irrecevable. Changez-la si vous voulez, mais elle ne
sera pas acceptée.
M. Ciaccia: Le fait que vous ayez exprimé le souhait
d'abandonner la poursuite, est-ce que cela n'aurait pas placé la
Société d'énergie de la Baie James dans une situation
où elle ne pouvait pas vraiment négocier adéquatement avec
les défendeurs?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
elle n'est pas mieux.
M. Duhaime: C'est parce qu'il y a une hypothèse dans votre
question.
M. Ciaccia: Quelle est l'hypothèse? C'est un fait. Il a
dit: Abandonnez...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le
député...
M. Ciaccia: ...puis il y a eu un règlement de 200 000 $.
Ce sont des faits.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
elle n'est pas recevable. M. le député, posez votre question
autrement.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Mont-Royal. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, vous avez
déclaré irrecevables deux questions du député de
Mont-Royal qui touchent à la position dans laquelle la SEBJ se
retrouvait à la suite du souhait du premier ministre. Je pense que c'est
une question de fait que de demander au premier ministre s'il a fait ce souhait
pour aider la société, pour avoir davantage ou s'il a mis un
montant minimal. C'est de la même nature.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais elle est bien
différente comme question de celle que le député de
Mont-Royal a posée.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que le fait que vous ayez indiqué
à la Société d'énergie de la Baie James que la
cause devrait être abandonnée... Je fais une distinction entre
demander de régler hors cours et demander d'abandonner la cause et
régler hors cours, parce que cela peut affecter sensiblement les
conséquences...
M. Lévesque (Taillon): C'est votre question?
M. Ciaccia: Non, non. Est-ce que le fait que vous ayez
exprimé ce souhait peut expliquer qu'en 1975 il y ait eu une offre de
400 000 $ faite par un des syndicats représentés par Me Jasmin,
premièrement? Deuxièmement, le 10 janvier 1979, Me Beaulé
avait offert 250 000 $ pour la moitié de la réclamation, ce qui
aurait fait une offre de 500 000 $. Le 12 janvier, Me Boivin informe Me Jasmin
de sa rencontre du 3 janvier avec M. Laliberté et du souhait que vous
aviez exprimé. Le 16 janvier, Me Jasmin offre 50 000 $ dans une cause de
32 000 000 $. Ce montant-là avait même été
qualifié de ridicule par M. Laliberté et autrement par plusieurs
autres intervenants. Alors, le fait que vous ayez demandé d'abandonner
la cause, est-ce que cette demande peut expliquer l'offre ridicule de 50 000
$?
M. Duhaime: 168, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais être obligé de faire comme j'ai fait pour deux autres
députés à un moment donné et de vous dire que,
malheureusement, pour la question que vous posez, il ne semble pas y avoir de
moyen de la rendre recevable. Je ne peux pas recevoir cette question.
M. Duhaime: Changez de sujet.
M. Ciaccia: Alors, M. le premier ministre, étiez-vous
conscient que le fait que vous demandiez l'abandon de la poursuite avait comme
effet de placer la SEBJ dans une situation intenable quant à la
négociation?
M. Duhaime: C'est une pure hypothèse, M. le
Président.
M. Ciaccia: Ce n'est pas une hypothèse...
Une voix: Ce n'est pas une hypothèse, c'est ce qui est
arrivé. (20 h 30)
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, le seul fait
d'ajouter au début de la... S'il vous plaît! M. le
député, M. le député! Seulement le fait de demander
si le premier ministre était conscient de, me permet de la trouver
encore sous la branche, mais de l'accepter celle-là. M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): D'abord, l'emploi
réitéré du mot "abandonner", comme si c'était la
fin du monde, ne me paraît pas tout à fait honnête. Quand on
propose le principe - s'il vous plaîtl - de l'abandon des
procédures, c'est un principe, mais cela implique automatiquement que,
si tu lâches le processus judiciaire, tu continues à
négocier, si tu veux avoir un règlement, parce que c'était
cela notre recommandation. Alors, ce n'était pas du tout brimant pour la
SEBJ parce qu'il lui restait non seulement toute la négocation de
l'éventuel règlement, s'il y en avait un, mais cela ne lui
enlevait d'aucune façon - Dieu sait qu'ils l'ont compris comme cela, les
événements l'ont prouvé - le droit de ne pas faire de
règlement. La preuve, d'ailleurs, c'est que Dieu sait que,
jusqu'à la dernière minute, les opinions étaient
partagées et les votes qui ont décidé, finalement, de
l'acceptation d'un règlement étaient légèrement
divisés, sauf erreur. En quoi cela a-t-il pu brimer? J'ai perdu mes
illusions sur - si j'en avais eu, mais je n'en avais pas - cette espèce
de puissance que pouvaient avoir une opinion et une recommandation qui, nous,
nous paraissaient être dans l'intérêt public. Je suis
très heureux que, d'ailleurs, finalement, cela se soit
réglé. Je ne vois d'aucune façon en quoi cela aurait
affecté la capacité de négocier d'Hydro-Québec ou
de la SEBJ.
M. Ciaccia: Le fait de dire "abandonner" - je passe un
commentaire -enlève la marge de manoeuvre...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Ciaccia: C'est pour entrer dans ma prochaine question.
Le Président (M. Jolivet): Non, justement, M. le
député, j'ai été patient jusqu'à maintenant
et je pense que beaucoup de monde a été patient. Le
problème que j'ai, comme président... Je m'excuse, M. le
député de Brome-Missisquoi, vous avez eu la parole, laissez-la
moi. Ne vous inquiétez pas, je vais la prendre lorsque j'ai le droit de
la prendre. M. le député, depuis tout à l'heure que vous
faites des gestes qui commencent à être un peu "tannants" pour les
gens. S'il vous plaît, M. le député de
Brome-Missisquoi.
Tout ce que je suis en train de dire, c'est que le député
de Mont-Royal, dès le départ, dit: Je vais faire des
commentaires. Je n'ai aucune objection, c'est ce que je voulais lui dire.
Cependant, s'il a des commentaires à faire, il les fera, mais il n'aura
plus de questions ensuite. Je ne
voudrais pas qu'on commence par faire des commentaires pour ensuite
aller à la question. Qu'il aille directement à la question, il
fera ses commentaires après, comme cela a été prévu
depuis le début.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le premier ministre, en parlant d'abandon de la
cause, je pense, a employé les mots "un peu malhonnête" ou quelque
chose comme cela. Je pense que, sur une question de règlement, on doit
rétablir que ce propos, cette expression n'est pas celle du
député qui l'a rapportée, mais - je pense que c'est ce que
le député de Mont-Royal allait faire - l'expression
employée par un témoin sous serment, M. Laliberté. Si vous
voulez, je pense qu'on devrait laisser au député de Mont-Royal le
soin de rétablir les faits.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je sais très bien que vous venez à la
rescousse du député de Mont-Royal, mais le député
n'a pas commencé en disant qu'il avait une question.
M. Lalonde: Non, non. Je ne viens pas à la rescousse de
personne. Je viens à la rescousse du règlement.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Un instant. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Ce que je suis en train de dire,
c'est que si le député de Mont-Royal m'avait dit: J'ai une
question de règlement, je l'aurais accepté. Ce n'est pas ce qu'il
a dit. Il a dit: J'ai un commentaire. Je ne peux pas le permettre.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous remarquez, depuis que
j'ai commencé à poser des questions, j'ai esayé
d'être assez respectueux envers la présidence, envers le premier
ministre. J'essaie d'éviter, autant que possible, des questions de
règlement parce que des questions de règlement impliquent que
quelque chose a été dit qui n'était pas tout à fait
conforme à la vérité. Maintenant, si vous voulez que je le
fasse de cette façon, je suis prêt.
M. Lalonde: Oui.
M. Ciaccia: Je vais faire une question de règlement. Le
commentaire que je voulais faire, je le fais comme question de
règlement. C'est que le mot "abandon", ce n'est pas moi qui l'ai
utilisé, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est quelque chose
qui a été dit ici par Claude Laliberté à la suite
d'une question à savoir que, le 3 janvier 1979, M. Boivin lui a
exprimé le souhait que la cause soit abandonnée, qu'il y ait un
règlement hors cour. M. le Président, ce n'est pas moi qui
utilise le mot "abandon" hors contexte.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, avez-vous des
questions, M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Certainement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y:
M. Ciaccia: Puisque je ne peux pas faire de commentaire à
la suite des propos du premier ministre, je vais être tenté de lui
poser des questions, pour relever quelques-unes des affirmations qu'il a faites
en guise de questions. M. le premier ministre, vous avez mentionné que
les administrateurs auraient pu continuer à négocier et à
régler. Mais n'est-il pas exact que même, par exemple, M. Giroux a
témoigné ici que le fait que le premier ministre avait
indiqué qu'il voulait un règlement hors cour, cela obligeait les
administrateurs, d'après lui, à accéder à ce
souhait et que le fait que vous ayez indiqué que vous vouliez que la
cause soit abandonnée a eu un effet sur les administrateurs, qui ont
finalement décidé de voter pour le règlement à 200
000 $?
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous m'excuserez, M. Lévesque, je sais que vous
étiez prêt à répondre. Ce que le
député de Mont-Royal vient justement d'introduire dans sa
question, c'est le prototype parfait de question irrecevable qui contient deux
interprétations de témoignages et, entre autres, la
dernière interprétation est complètement fausse. Chacun
des membres du conseil d'administration qui sont venus ici, à
l'Assemblée nationale, devant la commission, à tour de
rôle, sous serment, a dit qu'il avait pris une décision librement.
Ce que le député de Mont-Royal vient de dire, M. le
Président, était que la manifestation du souhait du premier
ministre les avait, en quelque sorte, influencés ou dirigés vers
une décision. C'est exactement ce que vous avez dit.
M. Lalonde: Non, non, sur une question de règlement, M. le
Président.
M. Ciaccia: Non, non, sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le ministre. Juste un instant. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aimerais que... Si le ministre veut continuer sa
question de règlement, qu'il se souvienne que le député de
Mont-Royal a parlé de M. Giroux.
M. Duhaime: II a parlé de tous les membres du conseil
d'administration.
M. Lalonde: Non, non, c'est qu'il avait dit que M. Giroux croyait
que la portée... se demandait quelle était la portée du
souhait du premier ministre. Ce qu'il avait demandé c'est: Est-ce que
c'est exact que M. Giroux a dit cela?
Une voix: Les questions du député sont tellement
longues que...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais juste terminer.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Ouhaime: En poursuivant, dans ce que le député
de Mont-Royal voulait introduire dans sa question, on faisait dire à M.
Giroux que les membres du conseil d'administration de la SEBJ avaient
été influencés. Or, j'ai ici, M. le Président, la
version de M. Roquet, qui est venu ici devant notre commission le 15 avril, et
M. Roquet dit: "Je ne crois pas que l'entretien du premier ministre nous ait
apporté de nouveaux considérants auxquels nous n'avions pas
songé." M. Thibaudeau, qui est venu le 14 avril, dit, lui, et je cite:
"Je trouvais que c'était tout à fait normal qu'il - en parlant du
premier ministre - nous donne son opinion. Cela ne voulait pas dire qu'il
fallait l'entériner. Cela ne veut pas dire du tout qu'il fallait
l'entériner."
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys a une question de
règlement.
M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.
Est-ce que le ministre est en train de témoigner ou s'il est en train
d'argumenter?
M. Ouhaime: Non, M. le Président.
M. Lalonde: On peut l'assermenter, si vous voulez, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je pense qu'il faut
clarifier la situation. M. le ministre a déjà dit pas mal
pourquoi, à son avis, la question posée par le
député de Mont-Royal était irrecevable, et j'avais
même, avant qu'il n'intervienne, l'intention de le faire. Le
député de Mont-Royal pourrait reformuler sa question et
peut-être que cela nous permettrait de voir plus clair. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est une question de...
M. Duhaime: Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Elle est irrecevable,
celle-là, M. le ministre.
M. Duhaime: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): Elle est irrecevable.
M. Duhaime: Qu'est-ce qui est irrecevable?
Le Président (M. Jolivet): Sa question.
M. Duhaime: Ah bon. Cela règle mon problème. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): II va la reformuler.
Une voix: Un de vos problèmes.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais seulement, M. le
Président, M. le premier ministre, vous référer au ruban
530, page 2, de nos débats où M. Giroux dit, et je le cite: "Si
l'actionnaire à 100% dit: Faites telle chose, les administrateurs n'ont
qu'une chose à faire: démissionner ou la faire."
M. Paradis: C'est cela la vérité. Cela, c'est de la
vérité.
M. Duhaime: Vous parlez de l'ancien régime?
M. Ciaccia: Je voudrais passer à une autre question.
M. Duhaime: C'est quoi votre question là-dessus?
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, M. le
Président, j'aimerais dire un mot, quand même!
Le Président (M. Jolivet): Oui, je pense que je vais vous
le permettre. Le problème que j'ai, c'est...
M. Ciaccia: Ce n'est pas moi qui vous en empêche.
M. Lévesque (Taillon): Non, je sais, ce n'est pas vous,
mais vous laissez des fils qui pendent.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Un
instant! M. le député, je vais devoir vous rappeler à
l'ordre pour la première fois et vous le dire bien correctement: Vous
avez fait un commentaire qui va obliger une réponse. Si vous avez des
questions, posez-les donc et ne faites pas de commentaires, vous les ferez
à la fin.
M. Ciaccia: Est-ce que j'avais soulevé une question de
règlement?
Le Président (M. Jolivet): Non. Non, je n'ai pas entendu,
M. le député. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Cela va être très
bref, M. le Président. J'ai eu la chance d'échanger quelques mots
avec Me Boivin, parce que, après tout, c'est lui qui a
témoigné autour de ces propos de M. Laliberté et M.
Laliberté a dit ce qu'il avait à dire. Vous avez bien dit, j'ai
entendu: "abandonner et aller à un règlement hors cour." Donc,
abandonner et chercher, aller chercher, si possible, un règlement hors
cour, il me semble que cela simplifie les choses. Or, ce qu'on disait tout
à l'heure, c'est que M. Laliberté, qui n'est pas avocat, qui
n'est pas trop déformé - il y a aussi une très bonne
formation là-dedans - mais qui n'est pas déformé par le
juridisme avait employé un terme de profane, "abandonner". Me Boivin me
rappelle que, lui, il a parlé du fait qu'on recommandait un
règlement hors cour, qui est en fait la chose pour laquelle on
travaillait. On peut toujours jouer sur le mot "abandonner" tant qu'on voudra,
mais franchement!
M. Ciaccia: Bon.
M. Lévesque (Taillon): Maintenant, pour ce qui est de M.
Giroux, je n'ai pas à juger son témoignage, il l'a fait sous
serment. Mais vous admettrez une chose, c'est que, quand M. Giroux,
contrairement à l'ensemble... Je ne suis pas pressé.
Alors, quand M. Giroux qui venait quand même quelque peu de
l'ancien régime et qui, peut-être, ayant vécu certaines
expériences avec mon prédécesseur qui dictait les
conditions des règlements jusque dans le détail, pouvait se faire
encore cette idée que, si le chef du gouvernement donnait une opinion,
cela devenait quasiment un ordre... Cela contredit totalement, sauf erreur,
l'ensemble des témoignages qui ont été donnés par
tous les membres du conseil d'administration qui ont tous dit, chacun à
sa façon: Nous nous sentions parfaitement libres de prendre notre
décision.
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais peut-être
faire une question de règlement, ici.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je ne voudrais pas laisser passer...
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant, si nous
commençons à vouloir faire en sorte que le règlement... M.
le ministre a peut-être utilisé un peu trop longuement le droit de
sa question de règlement tout à l'heure pour essayer de faire des
corrections à une question posée... Je dois vous dire au
départ que nous n'avons pas terminé la soirée ni la
journée de demain probablement puisqu'on va soulever, de part et
d'autre, des questions de règlement sur ce que chacun affirme de part et
d'autre. Si on l'utilise, je voudrais qu'on l'utilise à bon escient et
non pas pour prolonger les débats qui sont déjà assez
longs. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais simplement
rétablir les faits.
M. Rodrigue: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, une question de
règlement est invoquée lorsqu'un des règlements qui nous
régit a été violé. Or, on ne peut pas invoquer une
question de règlement pour rétablir des faits. C'est plutôt
une question de privilège. Il y a d'autres dispositions également
de notre règlement qui prévoient qu'un député peut
le faire à la suite d'un débat mais ce n'est manifestement pas
une question de règlement. Je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys invoque la question de règlement d'une façon
abusive. D'ailleurs, il l'a dit lui-même au départ que
c'était pour rétablir les faits. Donc, il veut discuter. Cela n'a
rien à voir avec la question de règlement qui est prévue
dans notre règlement.
M. Lalonde: Voulez-vous me reprocher ma franchise?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: Je sais que c'est une denrée rare.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, notre premier ministre a, je
pense, fait une affirmation que, peut-être, on pourrait lui permettre de
reprendre. Il y a quand même M. Roquet qui a dit que cette intervention
avait été significative mais non déterminante. M.
Laferrière, il me semble aussi dans mon souvenir, avait dit qu'il en
avait tenu compte à des degrés différents et M.
Laliberté lui-même disait que le souhait du premier ministre a pu
influencer ou compter dans la décision du conseil d'administration.
Alors, je pense qu'on a intérêt, pour informer la population et
l'Assemblée comme il faut, à faire des nuances
là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre. (20 h
45)
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, entre les
espèces de prétentions extrêmes que le député
de Mont-Royal essayait de tirer d'une seule phrase ou deux du témoignage
de M. Giroux et ce que j'ai devant moi comme des extraits essentiels -puisqu'on
les évoque, je vais lire ceux que j'ai devant moi - des
témoignages de ces gens qui ne sont pas des pions et qui, je crois,
pouvaient avoir un certain respect pour l'opinion que je leur donnais parce
qu'il y a une relation qui existe toujours... Il y a un partage des
responsabilités, au moins sur les grandes orientations, parce qu'il ne
faut pas oublier une chose, c'est qu'un gouvernement, quand il s'agit d'une
société d'État, nomme les administrateurs et il se sert de
son meilleur jugement pour ne pas nommer des pions. Il nomme des gens pour leur
compétence et qui ne sont pas manipulables à volonté. Par
ailleurs, il reste qu'un gouvernement élu a une responsabilité
fondamentale, dans l'intérêt public, au nom des actionnaires.
Parfois, le public est le seul actionnaire et parfois, c'est un actionnaire
majoritaire, mais, enfin, c'est une société publique. Alors, il
reste qu'il faut équilibrer ces choses-là. Je crois que
l'ensemble des administrateurs d'Hydro-Québec et de la SEBJ l'ont
admirablement compris, que ce n'était pas nécessairement quelque
chose à envoyer promener, l'opinion du chef du gouvernement, mais que,
eux, ils demeuraient parfaitement libres, disons -espérons-le - de la
respecter au moins pour ce qu'elle valait mais de prendre leur décision.
M. Hébert, qui n'est pas exactement un enfant d'école, disait:
"C'est une décision d'affaires et non une question de punir des
coupables à quelque moment que ce soit. Ai-je subi des pressions de qui
que ce soit? Même au conseil, nous n'avons jamais eu de directives."
M. Thibodeau dit: "Mon vote a été honnête et
décidé par moi."
M. Boyd dit: "Non. Cela - c'est-à-dire la rencontre du 1er
février - ne m'a pas influencé puisque j'ai voté contre le
règlement hors cour."
M. Laliberté président de la SEBJ, dit: "J'ai parlé
des deux raisons pour lesquelles je n'ai pas été
influencé: premièrement, c'est parce que j'étais du
même avis, si on peut dire, depuis le 22 janvier, donc avant cette
rencontre, et, deuxièmement, je considérais à ce
moment-là que la seule autorité habilitée selon la loi
à régler le problème, c'était le conseil
d'administration, ce qui est parfaitement exact."
M. Saulnier dit: "J'estime que le conseil a agi de lui-même
et qu'il a tiré le meilleur parti d'une situation dont il avait
hérité."
Mme Nicolle Forget dit: "Bien que j'aie voté contre le
règlement, je tiens à vous assurer que, quant à moi, le
conseil d'administration a pris la décision qu'il jugeait la plus saine
pour l'entreprise, et je n'ai pas souvenance que des pressions aient
été exercées sur le conseil pour qu'il décide
d'abandonner - puisque le mot revient - les poursuites civiles entreprises
quelques années plus tôt."
M. Giroux a dit ceci aussi, en dehors de ce que vous avez pu citer, il
me l'a envoyé lui-même comme un rappel et un témoignage
personnel: "Vous ne m'avez jamais parlé de cette affaire - il
s'adressait à moi - vous n'avez donc pu exercer sur moi quelque pression
que ce soit."
M. Laferrière, que vous avez cité, dit: "J'ai voté
en faveur de la résolution - le règlement, le 6 mars de 1979.
Bien que j'aie tenu compte de la position prise par le chef du gouvernement,
les motifs qui m'ont incité à prendre cette décision
étaient essentiellement d'ordre administratif propre à la
SEBJ."
Il me semble que si on ne veut pas comprendre qu'il y a des nuances dans
les relations entre le chef d'un gouvernement et les administrateurs
d'entreprises publiques, on peut faire semblant, on peut essayer de s'amuser
à déchirer ses vêtements en public pour je ne sais pas
quoi. Il y a une chose certaine, c'est qu'il y a un équilibre
délicat; on a essayé de le respecter, on a fait connaître
notre opinion, j'ai fait connaître mon opinion. Je crois qu'ils l'ont
évaluée, ils l'ont assez évaluée en tout cas pour
venir l'approfondir avec moi une fois, dans une rencontre, et ensuite, ils ont
librement pris la décision, qu'ils auraient pu ne pas prendre - il y en
a qui ont voté contre - d'accepter un règlement. Et, pour ce qui
était de la forme du règlement, de son contenu, cela était
leur affaire, ce n'était pas nos affaires.
M. Ciaccia: M. le premier ministre, est-il exact, maintenant que
vous avez
mentionné tous ces noms, que M. Hébert a voté
contre, que Mme Forget a voté contre - elle n'a pas été
influencée - M. Boyd a voté contre - il n'a pas été
influencé - M. Laliberté a voté pour, mais... je vais
finir ma question - il a voté pour...
M. Lévesque (Taillon): Je voudrais quand même que
vous teniez compte de ce que j'ai cité de M. Laliberté. Il dit:
"J'avais déjà atteint cette même - il faudrait tout de
même être équitable pour les gens qui ne sont pas ici...
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Lévesque (Taillon): ...j'avais moi-même pris la
décision vers le 22 janvier ou avant le 22 janvier, alors, quand
même...
M. Paradis: Son cheminement a commencé le 3 janvier
après la rencontre avec...
M. Ciaccia: Mais le fait demeure que M. Laliberté a
été celui qui a été approché par M. Boivin,
le 3 janvier, pour montrer votre souhait. M. Laferrière a
déjà été un permanent du Parti
québécois. M. Thibodeau était un vice-président de
la FTQ. M. Saulnier, d'après le vote au conseil d'administration...
M. Lalonde: II s'est abstenu.
M. Ciaccia: ...c'est écrit qu'il s'est abstenu, quoiqu'il
est venu devant cette commission pour dire que, lorsqu'il s'abstient, il vote
pour. Est-ce que c'est exact?
M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas le rapport.
M. Ciaccia: Ah! d'accord. C'est une question d'opinion, alors je
ne vous poserai pas la question parce qu'elle serait irrecevable.
Je vais revenir à la question du mot "abandon". Est-ce que je
vous ai bien compris quand vous avez référé à M.
Laliberté et dit: Écoutez, c'est un profane, il n'a pas une
formation... C'est un "laïc", il n'a pas une formation juridique, il a
utilisé le mot "abandon", mais M. Boivin lui a dit: Réglez hors
cour. Est-ce qu'il a parlé de règlement hors cour?
M. Lévesque (Taillon): Je vais essayer de vous expliquer
de nouveau ce que j'ai pigé tout à l'heure, très
rapidement, parce que vous revenez toujours avec le mot "abandonner". Il
disait... Après tout, je n'ai pas été ici pendant toute la
commission. Qui a dit cela et qui ne l'a pas dit?
C'est M. Laliberté qui a traduit comme cela, apparemment, ce que
M. Boivin lui avait dit et, quand M. Boivin est venu témoigner, il m'a
dit très clairement qu'il avait dit qu'il s'agissait d'un
règlement hors cour. Cela peut se traduire en langage de profane par
"abandonner", dans le sens de "sortir de la cour", "abandonner les
procédures", mais cela n'exclut pas du tout un règlement.
M. Ciaccia: Si c'est l'explication, est-ce que vous pourriez
concilier cette explication avec la réponse de M. Boivin, au ruban 1429,
page 2, à la question suivante: Est-ce que c'était une
démarche dans le but d'obtenir l'objectif, c'est-à-dire que la
cause soil-abandonnée et qu'il y ait un règlement hors cour? Et
Me Boivin répond: Oui.
Lui-même a accepté dans cette réponse que la cause
soit abandonnée et, naturellement, qu'il y ait ensuite un
règlement hors cour. Ce sont les deux mots... Abandon est le mot
clé, abandon des poursuites et règlement hors cour.
M. Duhaime: M. le Président.
M. Lévesque (Taillon): M. le député, si vous
tenez absolument à ce qu'on répète pour la
vingtième fois la même chose, je veux bien, mais on peut faire
aussi une sorte de concertation sur le dictionnaire des analogies.
M. Ciaccia: Bien, Me Boivin est avocat et il sait ce qu'il dit.
Il a répondu: abandonner, oui, abandonner et un règlement hors
cour.
M. Lévesque (Taillon): Dans la même phrase:
abandonner les procédures ou la cause devant les tribunaux et essayer
d'obtenir un règlement ou d'arriver à un règlement hors
cour. Il me semble que cela ne prend pas la tête à Papineau.
Une voix: Mais il ne l'a pas, lui.
M. Ciaccia: Non, cela ne prend pas la tête à
Papineau pour voir que c'est cela qui a causé le règlement
ridicule parce qu'il fallait abandonner.
M. le Président, aux débats de l'Assemblée
nationale du 23 mars, à la page 3, le premier ministre a dit, et je le
cite: "Je m'engage dès maintenant, si c'est la commission parlementaire
qui paraît la plus indiquée, en mon nom comme au nom du
gouvernement, dans les plus brefs délais, que tous les gens qui sont
intéressés, à commencer par votre serviteur, puissent
aller à cette commission et faire la lumière."
Et, à la page 4 du 23 mars 1983, le premier ministre a
ajouté, et je cite: "J'ajoute simplement ceci: le mandat le plus large
possible, défini convenablement tout de même (...) les
témoins qui ont quelque
rapport pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le
voudra et cela dans les meilleurs délais. Et là-dessus, non plus,
je ne mens pas à la Chambre."
À la suite de ces deux déclarations, est-ce que je
pourrais demander au premier ministre pourquoi le gouvernement refuse de
convoquer M. Pouliot?
M. Lévesque (Taillon): Je me contenterai de
répondre ceci: Cela me fait plaisir de retrouver cette expression parce
que cela répond un peu à certaines objections que j'ai
très mal comprises, d'ailleurs, parce que cela vient très tard,
entre autres, du député de Marguerite-Bourgeoys sur le fait que
la commission parlementaire n'est pas le meilleur instrument, etc. Si j'ai bien
dit cela, je crois que c'est vrai puisque c'est au journal des Débats:
Si c'est la commission parlementaire qui paraît le plus indiqué,
bien, Seigneur! allons-y au plus tût. À ce moment, cela faisait
l'affaire de tout le monde et je ne sais pas pourquoi on s'en plaint
aujourd'hui.
Maintenant, aussi longtemps qu'on le voudra: Quand même, quand
cela fait deux mois, il me semble que cela devrait commencer à suffire.
Pour ce qui est de M. Giroux, il y a une motion, vous la discuterez.
Une voix: Pouliot.
M. Lévesque (Taillon): M. Pouliot, excusez-moi. Vous la
discuterez.
M. Ciaccia: La motion, c'est devant la commission parlementaire.
Je vous demande à vous, M. le premier ministre, à la suite de la
déclaration que vous avez faite, êtes-vous prêt à
appuyer le fait que M. Pouliot vienne devant cette commission?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que vous aurez l'occasion
d'en parler longuement et ne me forcez pas - de toute façon je
résisterai à la tentation - de dire ce que je pourrais penser de
tout cela, y compris de M. Pouliot comme témoin éventuel.
Pouliot, c'est ça?
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Cela concerne l'organisation de nos travaux. Est-ce
que les derniers propos du premier ministre qui sont maintenant rendus un peu
partout indiquent que le président ou la commission doit satisfaire le
premier ministre sur la crédibilité d'un témoin avant
qu'on l'invite? C'est une question qui concerne l'organisation de nos travaux.
Cela m'apparaît tout à fait exorbitant, tout à fait... Cela
répugne au principe de...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Lalonde: ...justice naturelle.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne vois pas le ministre...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Lalonde: ...tiquer parce que c'est...
Le Président (M. Jolivet): ...M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! Vous m'avez posé une
question concernant les travaux de cette commission. J'y ai répondu en
disant que, lorsque le premier ministre aura été
libéré des questions qu'on a à lui poser, il y aura une
motion. Les gens auront la possibilité de dire tout ce qu'ils veulent.
Je ne peux pas dire, au moment où je vous parle, ce que chacun va dire
pour ou contre la motion. On verra à ce moment-là. Une question a
été posée, c'est la réponse qu'a donnée le
premier ministre au député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Si vous me le permettez, je trouve cette
réponse inacceptable, complètement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
c'est votre droit...
M. Lalonde: ...répugnante...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
c'est votre droit de penser ce que vous voulez mais vous n'avez pas droit de
parole, c'est le député de Mont-Royal qui l'a.
M. Lalonde: On n'en restera pas là.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal. S'il vous plaît! M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais demander au premier ministre comment il
peut concilier les paroles qu'il a prononcées le 23 mars 1983 selon
lesquelles - je le cite: "le mandat le plus large possible, défini
convenablement tout de même. Les témoins qui ont quelque rapport
pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela
dans les meilleurs délais et là-dessus non plus je ne mens pas
à la Chambre." Comment peut-il concilier ces paroles avec son refus
d'accepter, avec son désaccord de convoquer M. Pouliot devant
cette commission?
M. Lévesque (Taillon): Au point où on en est rendu,
vous avez une motion. Vous l'avez présentée en plein milieu de
l'interrogatoire auquel vous me faites participer, que vous m'infligez. Elle
est là la motion, vous allez la discuter et plutôt que de... Le
député de Mont-Royal a l'occasion parfois... Je me disais que M.
Pouliot reviendrait avec votre motion. Alors, essayer d'y arriver par la
bande... Simplement pour ne pas aller plus loin dans ce que j'ai à dire
de M. Pouliot pour l'instant, j'ai remarqué à la lecture de ce
que racontait le député de Marguerite-Bourgeoys, à partir
d'un article de journal, que déjà tel que cité, ce M.
Pouliot, par ouï-dire, a dit quelque chose qui a été
démenti comme un sacré mensonge par Me Jasmin, le juge Jasmin,
pour la petite partie du témoignage qu'il pouvait donner en dépit
de son secret professionnel...
M. Lalonde: Ce n'est pas possible. On traite tout le monde de
menteur...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! À
l'ordre!
M. Lalonde: C'est absolument incroyable.
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): Me Jasmin, sous serment, a dit ici
qu'il...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaîtl
M. Lalonde: Est-ce qu'il faut avoir un billet de confession avant
de venir témoigner ici?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Ce n'est pas croyable. C'est du "cover-up".
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Juste un
instant... Oui, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'aimerais finir ma phrase. Je n'ai
pas besoin de jeter mon crayon sur la table comme les lunettes du
député de Marguerite-Bourgeoys pour faire semblant de je ne sais
pas quoi. J'ai simplement dit, très froidement, que cet
après-midi il a été très clairement établi
que M. Pouliot avait dit à un journaliste du Soleil quelque chose comme
ceci: il s'était fait raconter - il prenait cela comme argent comptant -
que Me Jasmin était venu parler de quantum, de montant de
règlement jusque devant moi et Me Jasmin, sous serment - est-ce que je
peux résumer ce que j'ai dit? - parce que là il n'était
pas lié par le secret professionnel, a dit à toutes fins utiles
que c'était un mensonge. Il a dit: Je n'ai jamais parlé de cela
à M. Lévesque. Moi, j'ai répété ici,
à partir des engagements de déclarations solennelles que j'ai et
d'un certain serment d'office que je n'oublie pas, que moi aussi je pouvais
dire que jamais il n'en avait été question. (21 heures)
Partant de là, M. Pouliot, vous verrez avec la motion,
peut-être qu'il y aura des choses qui seront dites à ce moment. Ce
n'est pas moi qui vais faire une bataille pour qu'il vienne ici.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de
la part du député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'espère que, comme
président de la commission, vous n'acceptez pas cette philosophie,
à savoir que si un témoin a dit quelque chose, un autre
témoin n'a pas le droit de venir le contredire. Il semble qu'il y ait
des témoignages contradictoires...
M. Duhaime: II n'a pas été question de cela.
M. Lalonde: II y a un témoin qui n'a pas eu le loisir de
venir parce que le gouvernement n'a pas voulu l'accepter qui, semble-t-il,
contredirait ce qu'un témoin, un membre de la famille aurait dit.
À ce moment-là, pas le droit de le faire venir, parce qu'il va
contredire un de nos péquistes et le premier ministre aussi...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous aurez l'occasion de discuter lors de la motion.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président. Le Président (M.
Jolivet): À l'ordre. M. Lalonde: C'est du "cover-up". Le
Président (M. Jolivet): À l'ordre. M. Lalonde: C'est du
camouflage.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal. À l'ordre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur une
question de règlement.
M. Duhaime: Oui. Les règlements de l'Assemblée
nationale sont très formels. Il est interdit à un membre de
l'Assemblée nationale, qu'il soit à l'Assemblée nationale
ou en commission parlementaire, de prêter des intentions à qui que
ce soit.
M. Paradis: Ce sont des faits.
M. Duhaime: Voulez-vous qu'on rajuste votre martingale?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela
allait bien durant la journée. La soirée est un peu plus
chaude.
M. le député. S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys aura beau faire état de ses états
d'âme pendant encore deux mois, s'il veut, sur la question de M. Pouliot,
puisqu'on en parle maintenant, M. Pouliot, tout ce que je peux dire, ce qui a
été rapporté dans le journal Le Soleil, on vient juste
d'en parler, c'est du ouï-dire. C'est la première chose qu'on
apprend au premier cours de droit en procédure civile ou en
procédure criminelle que c'est une preuve qui est inadmissible...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je vais
malheureusement être obligé de vous arrêter, parce que
j'aimerais mieux savoir quelle est votre question de règlement.
M. Duhaime: Quand le député de Marguerite-Bourgeoys
dit, confortablement installé, qu'il se fait une opération de
"cover-up" peut-être qu'il songe à son petit Watergate. Mais ce
que je lui dis essentiellement, c'est qu'il ne peut s'agir de quelque
opération dans le sens que lui le croit, puisque ce qui peut être
mis en preuve et déposé devant cette commission, M. le
Président, et vous le savez très bien, ce doit l'être
conformément à nos règlements. Or, la preuve de
ouï-dire n'est pas admissible. C'est fondamentalement le fond de tout ce
que M. Pouliot rapporte à ce jour dans le journal.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, question de règlement. Nous sommes embarqués dans
un...
M. Gratton: Je vous rappelle seulement que vous avez
vous-même déjà décidé, il y a quelques
minutes, que la question du ministre n'était pas une question de
règlement. Alors, est-ce qu'on pourrait passer à autre chose?
M. Duhaime: II n'a pas décidé cela.
Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce que le
ministre m'a dit: Je reviens à la question de règlement, c'est
pour cela que je l'avais interrompu.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, M. le premier ministre, si ce
que vous dites est exact, à savoir que vous ne croyez pas M. Pouliot, ne
serait-ce pas dans l'intérêt de votre gouvernement, dans votre
intérêt et dans l'intérêt de la vérité
de le convoquer ici? Tout le monde pourrait le questionner et si ce n'est pas
vrai ce qu'il a dit, vous allez pouvoir le questionner. Ne trouvez-vous
pas...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, je dois vous arrêter parce que vous êtes
en train de faire indirectement ce que le règlement ne vous permet pas.
II y a une motion; vous aurez le droit de dire tout ce que vous voulez sur la
motion quand elle sera débattable. Pour le moment... Je m'excuse M. le
député de Laporte, tout ce que je dis, c'est que je ne permettrai
même pas une réponse, parce que je ne permets pas la question.
M. le député, voulez-vous passer à un autre sujet
parce que ce sujet on le discutera lors de la motion.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: D'accord. N'est-il pas exact, M. le premier ministre,
que dans l'engagement que vous avez pris quant à la commission
parlementaire et les témoins qui doivent être convoqués
à la commission parlementaire, vous avez dit: "Je m'engage dès
maintenant, si c'est la commission parlementaire qui m'apparaît le plus
indiquée, en mon nom et au nom du gouvernement..." C'est un engagement
que vous avez pris au nom du gouvernement. Pourquoi sommes-nous obligés
de faire une motion maintenant alors que vous avez pris cet engagement au nom
du gouvernement qu'on pouvait entendre les témoins?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois dire que c'est parce que la présidence de la commission, à
la suite de vos demandes, a dit qu'il fallait une motion pour en discuter. Je
vous demande de passer à autre chose pour la deuxième fois.
M. Ciaccia: Ce n'est pas la même... Le Président
(M. Jolivet): M. le
député...
M. Ciaccia: ...question de règlement. Le
Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais vous
demander une directive.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: Comment pourrais-je demander au premier ministre de
donner suite aux engagements qu'il a pris lui-même à
l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois vous dire - je vais le rappeler encore une fois pour les besoins - que
quel que soit l'ensemble des autres personnes à être
convoquées devant cette commission, la présidence n'a rien
à y voir. La présidence, ce qu'elle a constaté, c'est
qu'il n'y a pas chez l'ensemble des gens de la commission, unanimité sur
d'autres personnes à être entendues à cette commission. Par
conséquent, la seule façon d'y venir, c'est par des motions. Il y
en a une sur la table, s'il y en a d'autres, on les discutera en temps et
lieu.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, M. le Président, vous me
dites que je ne peux pas interroger le premier ministre sur ses
engagements?
Le Président (M. Jolivet): Vous le...
M. Ciaccia: Je ne demande pas à la présidence sur
qui devrait être...
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous
répondre...
M. Ciaccia: Je voudrais interroger le premier ministre...
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: ...sur les engagements qu'il a pris à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous poserez la
question à l'Assemblée nationale, pas à la commission.
Non, à l'Assemblée nationale.
M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez m'indiquer - c'est une autre
directive, M. le Président - le règlement qui m'empêche de
poser une question en commission, mais qui me dit que je devrais la poser
à l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois dire qu'on dit, en vue du mandat, d'examiner les circonstances entourant
la décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en
1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard. Quant à moi, c'est le mandat que
j'ai, ici. On a eu plusieurs questions qui ont été posées.
Chaque fois, j'ai permis, au début des commissions, que des questions
soient posées au ministre responsable de la commission parlementaire.
À partir du moment où je lui ai permis... Parce que
c'étaient les préliminaires des journées ou des
débuts de semaine, à un certain moment donné, le ministre
a indiqué qu'il n'était aucunement question... Des questions ont
été posées à l'Assemblée nationale. J'ai dit
que la seule façon de faire en sorte que le président, par
l'intermédiaire de la commission parlementaire, soit prêt à
entendre, pour l'ensemble des membres de la commission, d'autres personnes que
celles qui avaient été données par le leader de
l'Assemblée nationale, c'était d'y aller par motion. C'est la
seule façon d'en sortir.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas mettre en
doute votre décision, je l'accepte. La question que je posais est qu'on
avait un engagement du gouvernement, du premier ministre, et je voulais...
M. Tremblay: M. le Président, question de
règlement.
M. Ciaccia: ...tout simplement être en mesure... Je voulais
savoir comment je pouvais interroger le premier ministre sur son engagement.
C'est lui-même qui a fait...
Le Président (M. Jolivet): Je vous ai répondu.
M. Ciaccia: C'est lui-même, M. le Président, le
premier ministre qui a dit qu'il se présenterait lui aussi à
cette commission parlementaire...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, j'ai répondu que les questions que vous pourriez poser sur
ce sujet, vous les poserez à l'Assemblée nationale sur des choses
qui ont été dites à l'Assemblée nationale. Ici,
à cette commission, ce n'est pas le mandat que j'ai d'interroger sur des
réponses données à l'Assemblée nationale. En
conséquence, vous poserez vos questions là où elles
doivent être posées. En deuxième lieu, si vous voulez que
d'autres personnes... Le règlement dit que les personnes à
inviter doivent être invitées par la commission si le leader de
l'Assemblée nationale ne les invite pas. C'est par motion que cela se
fait ici à cette commission et à toutes les
commissions.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Si j'ai bien compris, vous dites qu'on ne peut pas
poser de questions ici qui découlent de questions qui ont
été soulevées à l'Assemblée nationale.
J'aimerais vous demander ce qu'on fait ici depuis neuf semaines, parce que tout
découle d'une question et d'une réponse que le premier ministre a
donnée le 20 février 1979. Franchement, vous m'avez perdu.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je vous ai perdu. Comme on
a souvent l'occasion, vous et moi, de nous entendre facilement quand le bon
sens a le dessus. Je dois vous dire que le mandat que j'ai ici est un mandat
qui nous a été donné à la suite d'une question
posée à l'Assemblée nationale et à une
réponse donnée à l'Assemblée nationale au moment
où on devait déterminer si oui ou non il devait y avoir la
nomination d'un nouveau président à l'Assemblée nationale.
Rappelez-vous les faits. En conséquence, un mandat a été
donné et je n'ai qu'à faire respecter le mandat. Je n'ai pas
à savoir ici, à cette commission, ce qui se passe dans d'autres
lieux mais ce qu'il y a ici, à cette commission. Si vous n'êtes
pas satisfaits des questions et des réponses posées à
l'Assemblée nationale, vous avez deux façons d'agir.
Premièrement, demain à la période de questions à
l'Assemblée nationale, vous pouvez poser des questions au premier
ministre et si vous n'êtes pas contents des réponses
données - on l'a vu encore cet après-midi - c'est de faire un
mini-débat à 22 heures si on termine à 22 heures, à
minuit si on termine à minuit ou à six heures si on termine
à six heures.
M. Gratton: Mais, M. le Président, quand on a posé
la question à savoir: Pourrions-nous entendre toutes les personnes
susceptibles d'éclairer la commission? Cela a été fait la
même journée, le 23 mars, où le premier ministre a promis
qu'il y aurait une commission parlementaire. C'est le lendemain qu'on a connu
le mandat. Je dois présumer que le mandat incluait les engagements que
le premier ministre avait pris la même journée, le 23 mars,
à savoir qu'il prenait l'engagement, au nom de son gouvernement, de
permettre d'entendre tous ceux qui auraient quelque chose à dire pour
éclairer la commission. Les questions que pose le député
de Mont-Royal...
M. Tremblay: Question de règlement. Le Président
(M. Jolivet): M. le député de Chambly, sur une question de
règlement.
M. Gratton: Est-ce qu'il a le droit de parler quand le premier
ministre est là?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Chambly.
M. Gratton: À la bonne heurel
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
S'il vous plaît! M. le député de Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, même si...
M. Lalonde: Vous êtes noté...
Une voix: Le prochain adjoint parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Tremblay: ...les libéraux, présentement, disent
qu'ils ne veulent pas mettre en cause votre décision, c'est ce qu'ils
font. Je pense que ce serait le moment de leur rappeler l'article de notre
règlement, l'article 43,2 qui dit: "Lorsque le président rend sa
décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la
critiquer ni de revenir sur la question décidée; il en est de
même lorsque le président décide de laisser
l'Assemblée se prononcer sur une question". J'ajouterais, M. le
Président, si vous me le permettez, qu'il existe aussi l'article 68 de
notre règlement qui permet à un député qui n'est
pas satisfait d'une décision d'un président...
Le Président (M. Jolivet): C'est la troisième fois
que je me le fais dire, ici à cette commission. Je le
connais.
M. Lalonde: Quel article déjà?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce
n'est pas nécessaire de me le rappeler.
M. Lalonde: Non. Mais est-ce qu'on pourrait savoir le
numéro de l'article?
Le Président (M. Jolivet): L'article 68.
M. Tremblay: M. le Président, j'étais convaincu que
vous le connaissiez...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Tremblay: ...mais il semble que, si les libéraux ne
sont pas satisfaits de vos décisions, ils ont des recours.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce
n'est pas nécessaire de me le rappeler.
Tout ce que je veux simplement dire au député de - je
pense qu'on va clore le débat sur cette question, M. le
député de Gatineau - c'est que, effectivement, le
président de la commission ne peut, en aucune façon, de son
propre chef, convoquer qui que ce soit à cette commission. C'est la
prérogative du leader de l'Assemblée nationale qui donne des...
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Le leader de l'Assemblée
nationale donne à la...
M. Lalonde: Du gouvernement.
Le Président (M. Jolivet): Du gouvernement, je m'excuse.
C'est le leader du gouvernement qui doit, à ce moment-là, envoyer
au Secrétariat des commissions parlementaires une lettre indiquant les
personnes qui doivent être convoquées à cette commission.
À partir de ce moment-là, le greffier responsable de la
commission fait les convocations qui importent. Toute autre personne sera donc
convoquée si la commission, par une motion, en décide, si le
leader, de son propre chef, ne l'a pas décidé ainsi. L'autre
question qui était à être débattue et qui, à
mon avis, a reçu toutes les indications nécessaires, c'est que
des questions ont été posées à l'Assemblée
nationale, des réponses ont été données à
l'Assemblée nationale et c'est là que doivent se régler
les problèmes qui n'ont pas à être réglés
ici.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le premier ministre, si je comprends bien, je ne
peux pas vous questionner sur la déclaration que vous avez faite
à l'Assemblée nationale. Mais est-ce que je peux vous demander:
Êtes-vous prêt à répéter ici, à cette
commission parlementaire, l'engagement que vous avez pris à
l'Assemblée nationale à savoir que tous les gens qui sont
intéressés, à commencer par votre serviteur, puissent
aller à cette commission et faire la lumière?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en
soulignant que j'avais dit ceci aussi, le 23 mars: "J'ajoute simplement ceci:
le mandat le plus large possible, défini convenablement tout de
même; les témoins qui ont quelque rapport pourront être
convoqués aussi longtemps qu'on le voudra - Dieu sait qu'on ne s'est pas
privé pour les convoquer longtemps et les garder longtemps - et cela
dans les meilleurs délais". D'ailleurs, je me souviens que mon homonyme,
M. Gérard-D. Lévesque, qui est encore le chef de l'Opposition et
député de Bonaventure, disait ceci une minute après:
"Très rapidement - en terminant - est-ce que le premier ministre peut
assurer cette Chambre que cette commission parlementaire aura lieu avant le
congé pascal - on était autour du mercredi saint, je crois; non,
on était la semaine d'avant, je crois - aura lieu, autrement dit -c'est
M. Lévesque de Bonaventure qui parle -dès la semaine prochaine
et, si c'est possible, avant la semaine prochaine? Le premier ministre peut-il
nous donner cette assurance?" (21 h 15)
Alors, j'ai répondu: "Je vais répondre affirmativement
parce que j'aurais aimé que cette commission suive immédiatement
le titre invraisemblable, complètement injustifié qu'un journal
s'est permis de faire là-dessus." Sans compter l'article, quand on le
lit avec attention. Bon. Donc, tout témoin qui a quelque rapport. Vous
en avez eu, Dieu sait, une salade de témoins, tous ceux qui touchaient
de près ou de loin à la cause directement: les procureurs, tous
les administrateurs d'Hydro-Québec, mon chef de cabinet, même
certains un peu hors-d'oeuvre, comme M. Daniel Latouche dont on s'est vite
rendu compte qu'il n'avait pas de rapport, et puis votre serviteur. Maintenant,
il y a une motion. Vous en voulez d'autres. Il semble que votre équipe
considère que le rapport de M. Pouliot, auquel vous tenez beaucoup,
comme vous teniez beaucoup - je ne sais pas si c'est encore vrai - à M.
Yvan Latouche qui, tout de même, vous l'admettrez, étant
payé par le Parti libéral, au moins en partie, fait un curieux
témoin... Enfin! M. Pouliot, il y a d'autres raisons qui ont
justifié notre équipe de dire: II n'a pas...
M. Lalonde: Les autres sont payés par vous autres.
M. Gratton: Voyons donc! Une voix: II n'est pas bon,
là.
M. Lévesque (Taillon): II n'a pas de rapport
justifiable...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): II n'a pas de rapport justifiable,
d'après nous, comme équipe, avec l'ensemble de la situation. Mais
cela va être débattu dans une motion. Je ne peux tout de
même pas commencer à anticiper sur la motion. Je dis: Oui, pour
autant que quelqu'un a un rapport, un rapport valable, pertinent, je ne vois
pas pourquoi il ne serait pas entendu. Mais notre opinion, comme équipe,
c'est que ce n'est pas vrai. Et je suppose qu'il y aura des raisons de
données dans la motion.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Devons-nous attacher alors la même
crédibilité à votre déclaration du 20
février 1979 qu'à votre déclaration du 23 mars?
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que cela fait partie de
vos commentaires, M. le député, ou si c'est une demande...
M. Ciaccia: Non, c'est une question. Le Président (M.
Jolivet): Mais...
M. Lalonde: C'est une question très importante.
Le Président (M. Jolivet): Je pense, M. le
député...
M. Lalonde: Elle est drôlement importante.
Le Président (M. Jolivet): ...que c'est une question
d'opinion.
M. Lalonde: On va le laisser terminer sa question, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Elle est terminée. Elle
n'est pas recevable. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je n'ai plus de questions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez plus de
questions.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Laplante:
Surveillez la porno!
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
platti
M. le député de Bourassa, s'il vous plaît,
aidez-moil M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je suis bien
heureux de pouvoir intervenir à ce moment-ci. Comme préambule aux
questions que je voudrais poser à M. Lévesque, pour le
bénéfice de ce dernier qui n'a pas eu l'avantage ou qui nous a
indiqué aujourd'hui qu'il n'avait pas suivi l'ensemble de nos travaux,
il comprendra, par les questions que je veux lui poser ce soir, que je fais
référence, plus particulièrement, à un aspect du
dossier et du règlement hors cour, intervenu à la suite de la
poursuite entreprise par la SEBO après le saccage de la Baie-James. Vous
aurez constaté, M. le premier ministre, si vous avez suivi un peu, que
chacun d'entre nous a abordé certains aspects. L'un des aspects
importants, c'est le moins qu'on puisse dire, qui apparaît dans vos
commentaires et même dans votre déclaration d'aujourd'hui comme
étant primordial à certains égards, c'est la notion de
capacité de payer des syndicats.
J'aurais presque envie de vous poser une première petite
question. Je suis persuadé que vous allez être d'accord avec moi.
À la page 10 de votre document, vous dites, et je vous cite, au dernier
paragraphe, lorsque vous vous référez à M. Boyd et
à la rencontre que vous avez eue avec lui, et d'autres de vos
collègues ou collaborateurs: "Parce qu'effectivement l'attitude du
président de l'Hydro, M. Boyd, avait fini par m'excéder.
C'était une attitude littéralement braquée, qui me
semblait avoir quelque chose de vengeur, comme s'il s'était agi de punir
une sorte de crime de lèse-majesté." J'en retiens que ce
n'était certainement pas un crime de lèse-majesté, parce
qu'on sait que c'est le gouvernement, et plus particulièrement le chef
du gouvernement dont vous êtes, qui représente la couronne et Sa
Majesté, mais c'était plutôt un crime de
lèse-citoyens, en ce que les citoyens et les citoyennes du Québec
ont eu à payer le prix des dommages qui ont été subis
à la Baie-James, qui ont été faits là-bas et pour
lesquels une réclamation de 32 000 000 $ a été
présentée devant la Cour supérieure. Vous me direz ou
quiconque pourrait soutenir que le montant de la réclamation
était de 32 000 000 $, mais que cela ne représentait
peut-être pas pour autant le montant qui aurait pu être
octroyé en vertu d'un jugement. Mais je me permets de me
référer à M. Boyd et à son témoignage sous
serment devant cette commission, disant qu'ils étaient assurés
d'aller chercher au moins 17 000 000 $ ou 18 000 000 $.
À la page 2 de votre document, vous dites: "Comme chef du
gouvernement représentant politique des citoyens propriétaires de
l'entreprise - et c'est exact - c'était de mon devoir le plus strict de
me faire une opinion et, le cas échéant, de la faire
connaître à qui de droit". Par la suite et à la
lumière des réponses que vous avez données à
certains de mes collègues aujourd'hui, vous avez indiqué le
processus auquel vous vous êtes livré pour vous faire une opinion.
Or, dans la réponse que vous avez donnée à mon honorable
collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, le 20
février 1979 - qu'on a eu le privilège de voir ensemble cet
après-midi - vous indiquez -vous pourrez me corrigez si je ne vous cite
pas exactement - "qu'on a constaté, et c'est l'opinion, que les
syndicats québécois étaient insolvables". J'aimerais, tout
d'abord, que vous me donniez votre définition du terme
"solvabilité".
M. Lévesque (Taillon): D'abord, je voudrais seulement
reprendre en un mot ce que le député de Portneuf a dit, d'abord,
à propos de M. Boyd. M. Boyd a peut-être dit - il me semble que je
l'ai mentionné - qu'il y avait des gros chiffres - je pense que
c'étaient les deux chiffres essentiels - qui flottaient dans le paysage;
le premier, c'était
la poursuite de 32 000 000 $. C'était la réclamation
devant les tribunaux. Il y avait également ce chiffre, je pense, qui a
été évoqué ici à la commission de 17 000 000
$ ou 18 000 000 $. Que M. Boyd ait dit qu'il était assuré de
récupérer 17 000 000 $ ou 18 000 000 $, c'est son droit. Mais
vous admettrez que c'est une opinion. Or, nous, notre opinion est que des
sommes de cet ordre-là, s'il s'agissait des syndicats
québécois, étaient absolument farfelues au point de vue
pratique, au point de vue de la capacité de les récupérer.
"Insolvable", sans entrer dans des définitions scientifiques, c'est
toujours relatif. Insolvables par rapport à des sommes pareilles, oui,
on en était profondément convaincu. Je pense que toutes les
études qui ont pu se faire ensuite, y compris les conclusions de la
Société d'énergie de la Baie James, car elle était
équipée pour le faire et c'était à elle de
négocier ces choses-là, ont démontré que des
chiffres comme ceux-là étaient invraisemblables. Mais pas
insolvables au point de n'être capables de rien payer puisque,
finalement, ils ont payé quelque chose. Alors, tout est toujours relatif
dans ces choses-là.
M. Pagé: Vous avez référé à un
aspect important. Il y a eu des consultations, des échanges. Vous avez,
dans certains cas, pris connaissance de certains documents. Dans d'autres, vous
n'avez pas pris connaissance de certains documents. Vous vous êtes
limité à vous référer ou à tenir pour acquis
ce dont votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, vous faisait part.
Essentiellement, vous vous êtes formé une opinion. Avant d'en
arriver à l'expression de l'opinion que vous avez, finalement,
formulée avant la rencontre du 3 janvier entre Me Boivin et M. le
président de la SEBJ, M. Laliberté, sur quoi vous êtes-vous
appuyé pour former votre opinion? Plus particulièrement,
j'apprécierais si vous pouviez nous indiquer si vous êtes
disposé à déposer ici, en commission, les documents dont
vous avez vous-même pris connaissance, que vous avez
étudiés, analysés et scrutés pour vous former une
opinion sur la capacité ou non de payer des syndicats.
M. Lévesque (Taillon): II faudrait que j'essaie de
retrouver plus en détail ce qui nous avait permis de nous faire cette
opinion sur l'insolvabilité relative, c'est-à-dire par rapport
à des sommes pareilles, des syndicats québécois. Je crois
que, normalement, cela a dû venir essentiellement des nouvelles et des
faits qu'on pouvait obtenir, enfin, au moins en consultation. C'est
probablement chez Me Boivin que cela a eu lieu. En ce qui concernait la
capacité de payer des syndicats, ce sont leurs procureurs qui
étaient les mieux placés pour en parler. Mais n'oublions pas - je
pense que Me Boivin l'a souligné - que, sans aller plus loin dans tout
cela, on avait laissé et conseillé même, sauf erreur,
à la Société d'énergie de la Baie James de faire
les vérifications. Après tout, c'était à elle de
négocier, pas à nous. Je suppose qu'elle l'a fait. Enfin, elle
était équipée pour le faire et elle a du très
nettement vérifier. C'étaient des hommes honorables nommés
là pour défendre l'intérêt public quand ils
négociaient; ils ont sûrement négocié à
partir de leur connaissance des faits.
M. Pagé: M. Lévesque, avez-vous à un moment
ou l'autre, avant de vous former une opinion sur la capacité de payer
des syndicats, demandé à votre chef de cabinet, M. Jean-Roch
Boivin, d'étudier cette question?
M. Lévesque (Taillon): De façon spécifique,
je ne m'en souviens pas; je ne crois pas, mais je ne m'en souviens pas, en tout
cas.
M. Pagé: Vous ne croyez pas.
M. Lévesque (Taillon): Je ne crois pas. Mais
écoutez!
M. Pagé: Au cours de cette période et toujours
avant de vous former une opinion, M. Lévesque, avez-vous demandé
au notaire Gauthier - qui travaillait chez vous à l'époque comme
attaché politique ou secrétaire particulier depuis quelques mois
et dont l'expérience au sein des syndicats était toute
récente, c'est le moins qu'on puisse dire puisqu'il avait
été tuteur d'un syndicat important qui était, d'ailleurs,
au dossier de la SEBJ en termes de réclamations et de poursuites - de
vous fournir un rapport, de vous indiquer ses commentaires, son jugement, son
appréciation sur la capacité de payer des syndicats?
M. Lévesque (Taillon): Je ne crois pas. Je ne dis pas que
c'est impossible parce que c'est vrai qu'il avait une connaissance
récente de l'état de ces caisses. Ce n'est pas impossible, je ne
me souviens pas du tout d'avoir spécifiquement demandé cela
à Me Gauthier.
M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas?
M. Lévesque (Taillon): Absolument pas. Il n'était
pas mêlé, d'ailleurs, au dossier à ce moment, mais
enfin!
Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller plus loin, M. le
député, simplement pour vous rappeler que nous avons conclu ce
matin que le premier ministre, venant de son siège en vertu du
règlement 99-6, doit être désigné soit par son titre
comme premier ministre ou
comme député de Taillon. C'est simplement un rappel
amical.
M. Pagé: II n'est pas membre de la commission?
Le Président (M. Jolivet): II est invité à
la commission. Comme député, il est soumis aux mêmes
règles. C'est simplement pour vous le rappeler.
M. Tremblay: Le député est venu faire son tour
à la télévision et là il s'en retourne.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Pagé: M. le Président, je vais
référer à M. Lévesque en l'appelant M. le premier
ministre. Je n'ai aucune objection à cela, quant à moi.
Une autre question à M. le premier ministre. Vous avez eu
l'occasion en 1978 de rencontrer au moins à une reprise M. Louis
Laberge, président de la Fédération des travailleurs du
Québec. On a référé à une rencontre qui
s'est tenue ou qui se serait tenue, entre autres, en juin 1978, dont le sujet
principal était ou aurait été l'étude du projet de
loi no 52 ici à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous demander
si, au cours de cette rencontre, à d'autres moments, lors de rencontres
fortuites, remises de plaques, cocktails ou autres événements,
à votre bureau ou ailleurs...
M. Paradis: "Party" d'huîtres.
M. Pagé: ..."party" d'huîtres ou autres, peu
importe, vous pouvez affirmer, M. le premier ministre, qu'en aucun temps, ni
directement ni indirectement, ni de près ni de loin, M. Laberge a
référé à la capacité de payer des syndicats
qui aurait été, évidemment, limitée, selon lui.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, entre juin 1978 et
le moment où il a voulu nous alerter en téléphonant
à Me Boivin pour lui dire que cela s'en venait, le procès,
c'est-à-dire la fin de novembre ou le début de décembre et
la fin de l'année, j'ai probablement - on peut faire une enquête
si vous voulez et je vais voir tous les rendez-vous que j'ai pu avoir ou les
rencontres fortuites ou autres que j'ai pu avoir - eu l'occasion de rencontrer
M. Laberge, mais je ne pourrais pas vous le dire. À part cela, au
détour d'une conversation qui portait beaucoup plus sur le projet de loi
en question, parce que c'était cela la raison de la rencontre de juin
1978, je ne suis pas sûr, mais il me semble que oui, ils ont
mentionné qu'ils étaient devant les tribunaux et qu'ils
n'aimaient pas cela, ou une chose du genre.
Après tout, c'est normal. Mais c'est à peu près le
seul souvenir que je peux retracer, puis encore il est assez flou. Je ne crois
pas, quelles que soient les rencontres qui aient pu survenir entre-temps, que
M. Laberge ait parlé de cela. Il a fait un spécial pour
téléphoner à Me Boivin vers la fin de 1978 pour dire:
Est-ce que vous pourriez vous occuper de cela, vous faire une opinion? Enfin,
je pense bien qu'on aimerait mieux que cela n'ait pas lieu. Et c'est là
que s'est enchaînée la première rencontre avec leur
procureur, Me Jasmin. (21 h 30)
M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le premier ministre, que,
pour vous forger une opinion sur la capacité de payer des syndicats,
vous vous êtes limité à l'opinion émise par votre
chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, lequel s'appuyait sur des commentaires
des deux procureurs des défendeurs, Me Jasmin et Me Beaulé?
M. Lévesque (Taillon): M. Page, autant que je m'en
souvienne, c'était essentiellement cela, sauf que vous devriez
peut-être ajouter - parce que tout cela restait une décision
à prendre et que c'était notre conviction, qu'on avait
bâtie à même les moyens du bord, que des sommes comme
celles-là étaient absolument hors de portée par rapport
aux syndicats québécois - qu'on a eu la prudence - je pense que
c'est Me Boivin qui l'a dit ici dans son témoignage -de ne pas se
prendre pour d'autres et, puisqu'ils avaient à négocier un
règlement s'ils décidaient d'essayer d'en faire un,
c'était à la Société d'énergie de la Baie
James de s'en occuper. On a eu la prudence, Me Boivin l'a eue, de dire à
M. Laliberté, je pense: À partir de là, "checkez" leurs
finances ils ont eu des rapports, d'ailleurs, et c'est à partir de
là, je suppose, qu'ils ont négocié.
M. Pagé: J'ai presque envie de vous demander, M. le
premier ministre, si vous avez vu souvent dans votre vie des demandeurs
s'appuyer sur l'opinion émise par les avocats des défendeurs. Je
présume qu'il est rare que les avocats des défendeurs vont vanter
auprès du demandeur la capacité énorme de payer de leur
client. Mais je vais m'en abstenir parce que probablement que M. le
Président m'arrêterait.
Est-ce que vous avez communiqué avec M. Pierre-Marc Johnson,
ministre du Travail, sur la capacité de payer des syndicats?
M. Lévesque (Taillon): Non. Sûrement pas.
M. Pagé: Avez-vous demandé à votre chef de
cabinet, Me Jean-Roch Boivin, s'il s'était au moins donné la
peine de prendre le téléphone ou d'avoir une communication
avec
le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, qui est bien au fait ou
qui peut facilement être informé des cotisations syndicales et
aussi de la capacité de payer des syndicats par l'Office de la
construction du Québec, M. le premier ministre?
M. Lévesque (Taillon): On n'avait pas besoin de faire tout
cela pour la bonne et simple raison...
M. Pagé: Votre opinion était faite.
M. Lévesque (Taillon): ...que notre opinion était
faite que ces sommes, d'après une sorte de commune renommée qui
nous était parvenue - ne me demandez pas exactement les détails
de cet aspect de notre opinion - étaient invraisemblables en ce qui
concernait les syndicats québécois impliqués. Et parce que
ce n'était pas à nous de finaliser une opinion là-dessus,
on leur a demandé prudemment - je pense que c'est à M.
Laliberté - de prendre leurs responsabilités d'administrateurs et
d'examiner cela. On n'était pas équipés, on n'a pas un
bureau qui a toute une... On n'a même pas un service de recherche au
bureau, à Montréal. On a un tout petit personnel et ce
n'était pas à nous de commencer à entrer dans toute cette
plomberie. D'ailleurs, il y a eu ici la preuve que cela s'est fait. Il y a eu
ici de déposée - on vient de me la montrer - une espèce
d'évaluation que vous pouvez consulter et qu'on n'avait pas à
consulter à ce moment. Ce n'était pas nous qui décidions
des quanta. Si la Société d'énergie de la Baie James avait
décidé: On ne règle pas parce que ce n'est pas
raisonnable, etc., je suppose qu'ils auraient eu la courtoisie de venir me le
dire et le dire: C'est bien malheureux, il n'y aura pas de règlement
parce que ce n'est pas correct. C'était leur droit le plus absolu, ce
n'était pas à nous de le faire à leur place.
M. Pagé: M. le premier ministre, dois-je comprendre que
vous dites par votre réponse que, parce que vous aviez un tout petit
bureau à Montréal et pas un gros bureau de recherche
là-bas, etc., vous n'étiez pas en mesure de connaître la
capacité de payer des syndicats?
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas cela la question. Je
dis simplement que cela ne valait pas la peine de mobiliser le peu de
ressources directes ou de déranger tout le monde dans le gouvernement
pour cela, puisque la Société d'énergie de la Baie James,
qui était demanderesse et qui était cela qui, en vue d'un
règlement éventuel, devait le négocier, n'avait
qu'à vérifier ces choses, ce que, semble-t-il, elle a fait.
M. Pagé: Votre opinion à vous, vous vous
l'êtes faite à partir de quoi?
M. Lévesque (Taillon): À partir du fait que
d'après tout ce qu'on pouvait apprendre en cours de route - et je ne me
souviens pas des détails des éléments parce qu'on n'en a
pas fait une étude exhaustive - il semblait assez évident que, si
le syndicat américain n'était pas responsable, il n'y avait pas
de solvabilité par rapport à des sommes pareilles dans les
syndicats québécois impliqués. Ensuite, cela ayant
été étudié par la Société
d'énergie de la Baie James qui avait à décider tout cela,
il semblait que c'était confirmé.
M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le premier ministre, que,
lorsque vous avez entendu dire en cours de route qu'ils étaient
insolvables, vous n'avez pas jugé opportun d'aller vérifier
à la bonne place, là où vous auriez pu le savoir
facilement par un simple coup de téléphone?
M. Duhaime: M. le Président, j'aurais une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: On dirait que le député de Portneuf
vient de descendre en commission parlementaire à bord d'un parachute.
Cela a été déposé ici, en commission parlementaire,
aux pages 116, 117, 118 du cahier déposé par les procureurs
Geoffrion et Prud'homme sous la rubrique correspondance. Le local 791, dans
l'état de ses revenus et dépenses - le député de
Portneuf fait état des millions de revenus, mais il oublie les
dépenses - pour l'année 1978: les revenus, 1 572 000 $...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...les dépenses 1 455 000 $.
M. Lalonde: Cela n'est pas une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, encore une
fois, vous avez pris une question de règlement pour un droit de parole
que vous n'avez pas, malheureusement. La parole est au député de
Portneuf, elle n'est pas au ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire une
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): J'aimerais bien la
connaître, mais le problème que j'ai, c'est qu'à chaque
fois que vous faites une question de règlement, M. le ministre, vous
commencez par un commentaire qui n'a pas
lieu d'exister sur la question de règlement. Si vous avez une
question de règlement, je suis prêt à l'entendre.
M. Duhaime: Je vais faire une question de règlement. Tout
à l'heure, le député de Portneuf a laissé tomber un
commentaire que les comptables agréés du bureau Brisbane, Baird
& Co. du 280 Dorval, à Dorval vont bien apprécier, dans le
genre: Les procureurs des syndicats défendeurs...
Une voix: Encore antiréglementaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...
M. Duhaime: ...n'ont peut-être pas montré le vrai
visage de...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pourrai vous
donner la parole aussitôt que le député de Portneuf aura
terminé ses questions. Vous pourrez faire tous les commentaires que vous
voulez, mais la parole est au député de Portneuf. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais vous dire que,
lorsque j'arrive ici en parachute, au moins le mien est ouvert, tandis que le
vôtre est toujours fermé et cela arrive, "plouc", au beau milieu
et on ne sait pas d'où.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf, continuez vos questions.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais demander au
premier ministre... Je demanderais de ne pas être interrompu. Je n'ai
interrompu personne sur des questions de règlement aujourd'hui. J'ai
été d'une...
Le Président (M. Jolivet): On ne peut pas les
empêcher, M. le député. J'ai bien remarqué, comme
vous le dites, que vous n'avez interrompu personne. M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: Dois-je comprendre qu'alors que vous en aviez eu
vent, qu'on vous avait informé, que vous aviez entendu dire à
gauche et à droite qu'ils n'avaient pas la capacité de payer,
vous vous êtes limité à ces informations pour former
vous-même votre jugement, d'où votre décision, et que vous
n'avez pas cru opportun d'aller vérifier là où vous auriez
pu avoir les chiffres des cotisations syndicales, de revenus aux
différentes instances syndicales affectées et touchées par
la poursuite, par les membres du Conseil provincial des métiers de la
construction du Québec?
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux
répondre?
M. Pagé: Oui.
M. Lévesque (Taillon): Bon. Si vous vous donnez la peine
de regarder de nouveau ce que j'ai eu à dire, soit en Chambre en
février 1979, soit ici dans ma déclaration, vous verrez que, pour
l'essentiel de ce que vous appelez une décision, mais qui est, en fait,
une opinion très ferme qu'on s'était formée, que je
m'étais formée et qui montrait qu'il était indiqué
dans l'intérêt public, dans l'intérêt éventuel
directement aussi d'Hydro-Québec, de la Société
d'énergie de la Baie James, d'arriver, si possible, à un
règlement hors cour, les raisons fondamentales étaient,
premièrement, que les procureurs disaient eux-mêmes que
l'élément de rentabilité possible de cette poursuite
énorme de 32 000 000 $ était le syndicat américain. On
s'était fait une opinion très claire qu'il aurait
été profondément injuste, inéquitable de
prétendre pourchasser le syndicat américain d'autant plus qu'il
paraissait plus qu'aléatoire qu'on puisse le rejoindre aux
États-Unis parce qu'il n'avait été mêlé
d'aucune façon à tout cela.
Deuxièmement, dans les syndicats québécois il y
avait une immense majorité, en fait une quasi-totalité
d'honnêtes travailleurs qui avaient été terrorisés,
qui s'étaient fait détruire leur emploi sur les chantiers par des
bandits. Par conséquent, il aurait été injuste de
prétendre leur faire payer les dégâts dont ils
n'étaient pas... Les travailleurs de la Baie-James sont aussi des
Québécois.
M. Pagé: Est-ce que c'était plus juste pour
l'ensemble?
M. Lévesque (Taillon): II arrive que des bandits causent
des dommages et que, finalement, on soit obligé d'essuyer les
plâtres collectivement. Cela n'aurait pas été correct,
quant à nous, de faire payer les honnêtes travailleurs qui
s'étaient fait tordre le bras, à l'occasion, assommer et
terroriser par une "gang" de bandits. C'était la clé de notre
opinion. À partir de là, on nous disait aussi que, si on enlevait
le syndicat américain de la poursuite, ce qui restait aux syndicats
québécois ne leur permettait, ni de près ni de loin, de
payer des sommes comme celles qui étaient envisagées ou qui
faisaient l'objet de procédures.
On a eu la prudence de demander à la Société
d'énergie de la Baie James de vérifier cela. Après tout,
elle est équipée pour le faire. La preuve a été
déposée ici. Je n'avais pas suivi cette partie-là, vous
l'avez. Peut-être que vous n'étiez pas là, vous non plus,
mais il paraît qu'elle est toute là. Cela confirmait l'impression
ou l'opinion qu'on s'était formée ou qu'on nous avait
suggérée qu'ils n'étaient pas capables de payer.
Ce n'était pas le coeur de la question. Le coeur de la question,
c'était: Les Américains ne sont pas responsables, les
travailleurs québécois honnêtes, c'est-à-dire la
quasi-totalité des membres de ces syndicats, ne sont aucunement
responsables et ce serait injuste et pas dans l'intérêt
d'Hydro-Québec, ni dans l'intérêt public de pousser cela
jusqu'au bout s'il y a moyen d'arriver à un règlement convenable.
À partir de là, c'était à la Société
d'énergie de la Baie James, au conseil d'administration qui avait
été nommé pour administrer, s'ils étaient d'accord
- ils pourraient décider de ne pas y aller, à un règlement
- de le négocier, y compris des quanta, ce qu'ils pourraient aller
chercher.
M. Pagé: Dois-je comprendre, M. le Président, par
les réponses du premier ministre, qu'en aucun moment au cours de cette
période il n'a jugé opportun de faire vérifier
auprès d'un organisme gouvernemental, l'Office de la construction du
Québec, ce qui aurait été très facilement
accessible pour vous forger une opinion et décider de vérifier
les entrées d'argent dans les fonds des syndicats?
M. Lévesque (Taillon): Dans les deux ou trois semaines qui
se sont passées entre les premières rencontres sur demande
initiale des syndicats, c'est-à-dire fin novembre début
décembre et le congé de Noël qui est arrivé comme
d'habitude, vers le 20 décembre, on a fait ce qu'on pouvait pour se
faire une opinion, y compris une opinion très approximative sur la
question de la capacité de payer. Cela a été transmis,
comme vous le savez, au début de janvier, par le biais de M.
Laliberté, aux gens de la Société d'énergie de la
Baie James. Dans ces deux ou trois semaines, on n'a pas fait d'enquête
détaillée sur les finances des syndicats, c'est un fait, mais on
a eu, quand même, la prudence de dire ou de faire savoir assez rapidement
à la Société d'énergie de la Baie James que
c'était à elle, comme tout le reste d'un règlement
éventuel, de vérifier toutes ces données si elle voulait
le négocier comme il le faut et elle l'a fait.
M. Pagé: M. le Président, j'aimerais demander ceci
au premier ministre. Je crois pouvoir dire sans abuser que M. Laberge et vous,
vous êtes de bons copains et que vous vous rencontrez à
l'occasion. Vous n'avez jamais demandé à M. Laberge combien il y
avait dans son fonds de réserve à ce moment-là?
M. Lévesque (Taillon): Non. On est peut-être
à l'occasion ce qui peut sembler être des bons copains, de toute
façon, on a d'excellentes relations en général. J'ai
beaucoup de respect pour la carrière et l'allant de M. Laberge, mais, le
connaissant un peu, je n'ai pas l'impression qu'il m'aurait ouvert ses coffres
ou sa caisse. De toute façon, cela ne me serait pas passé par
l'esprit.
M. Pagé: M. le Président, j'aurais quelques
questions très brèves à poser au premier ministre. Je dois
vous dire que j'ai eu l'occasion d'exprimer ma surprise
précédemment à cette commission d'avoir des commentaires
peut-être sévères à l'égard de votre chef de
cabinet, mais tout à fait fondés, je crois, à
l'égard de cette capacité de payer des syndicats. M. le premier
ministre, est-ce que vous saviez à ce moment-là ou est-ce que
vous avez appris que, à l'égard des précomptes syndicaux,
c'est-à-dire le montant que chaque travailleur verse à son
syndicat chaque mois, pour le mois de juillet 1979, c'est donc dire la
période du règlement hors cour, au local 791, le défendeur
dans cette cause, chaque employé versait à son syndicat une somme
de 19 $ par mois et aussi 0,01 $ l'heure au Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction et que, selon les dispositions ici - je
ne me réfère pas à des documents en l'air, ce sont des
documents de l'Office de la construction du Québec, ce sont des rapports
du gouvernement - pour la même période, juillet et août
1979, en vertu de ce document, il est stipulé que le local 134,
affilié au Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction, FTQ, à l'époque, prélevait chez ses
employés deux fois le taux horaire? C'est environ 22 $ par mois pour le
syndicat. Est-ce que vous êtes au fait de cela?
M. Lévesque (Taillon): Non, mais je ne trouve pas cela
invraisemblable.
M. Pagé: Mais vous ne le saviez pas à ce
moment-là?
M. Lévesque (Taillon): Non. Je ne voyais pas
l'utilité de me renseigner là-dessus dans les deux ou trois
semaines avant la fin de 1978 et après non plus, parce que cela n'avait
pas de pertinence. (21 h 45)
M. Pagé: M. le premier ministre, savez-vous que la
répartition des cotisations syndicales pour le mois de février
1979 donnait au local 791 59 510,01 $ par mois et, au local 134, 61 221,37 $ de
revenus par mois?
Une voix: Février est un petit mois.
M. Pagé: Février.
M. Lévesque (Taillon): De revenus?
M. Pagé: De revenus pour un mois qui
est dans une période où la construction est basse. Est-ce
que vous saviez cela?
M. Lévesque (Taillon): Je suis obligé... C'est un
bout des travaux de la commission que, par hasard, j'ai entendu. Est-ce le
député de Portneuf qui revenait de la pêche? Je ne sais
pas?
M. Pagé: Non, M. le Président. Une voix: II
y allait.
M. Lévesque (Taillon): Enfin, je ne sais pas. À un
moment donné, j'ai entendu toute une batterie de questions exactement
dans le même sens que celles du député de Portneuf. Il
s'est fait poser la question... Je suis obligé de la poser. Les revenus
sont des revenus, on en a, mais on a aussi des dépenses. C'est vrai pour
syndicats comme c'est vrai pour tout le monde.
M. Pagé: On y reviendra plus tard.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que la seule chose qui
puisse donner un aperçu convenable de l'état financier de
quelqu'un, d'un groupe ou de qui que ce soit, c'est de regarder au moins les
revenus et les dépenses et ce qu'il en reste, il me semble. Maintenant,
de toute façon...
M. Pagé: Étiez-vous au courant...
M. Lévesque (Taillon): Moi? Non. Je n'avais pas être
au courant de tout cela.
M. Pagé: Étiez-vous au courant que, pour le
même mois, février 1979, les revenus du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction étaient de 52 226,82
$ pour 5 225 000 heures de travaillées dans le mois? Étiez-vous
au courant de cela?
M. Lévesque (Taillon): Non. M. Pagé:
Merci.
M. Lévesque (Taillon): Vous m'apprenez des choses.
M. Pagé: M. le Président, est-ce que le premier
ministre est au courant que les cotisations cumulatives pour l'année
1978, donc l'année avant le règlement, pour le local 791, en
revenus, étaient de 1 347 870,92 $? Pour le local 791, défendeur
dans cette cause: 1 347 000 $ de revenus pour l'année 1978. On
réfère ici au document de l'Office la construction du
Québec.
M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, est-ce qu'il y avait
une question?
M. Pagé: Oui. Je comprends que le député de
Saint-Maurice vous a dérangé un peu, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non, je n'étais pas au
courant du tout. Je suis au courant, par exemple, maintenant; je pense que le
député de Portneuf peut l'être, lui aussi, puisqu'il y a un
état des revenus et des dépenses pour l'exercice se terminant le
31 mai 1978. Cela prend une partie de 1978 et une partie de 1977, je suppose.
Cela donne, sous la rubrique 1978, 1 572 000 $, cela, c'est le local 791, le
local syndical dont vous parlez, 1 573 000 $, en fait, de revenus et 1 455 234
$ de dépenses. Cela signifie que, finalement, en tenant compte des
questions d'amortissement, etc., il restait comme surplus net, pour cette
année-là, 110 000 $.
M. Pagé: Je comprends que votre recherchiste, pour les
circonstances, vous a passé le document. Ce que je veux vous demander
c'est: Est-ce qu'à ce moment-là...
M. Lévesque (Taillon): Enfin, ce que je présume,
c'est que le député de Portneuf connaît ce document, lui
aussi.
M. Pagé: Oui, oui. Au moment du règlement, en 1979,
vous deviez vous référer aux revenus cumulatifs pour
l'année 1978. Je vous demande si vous saviez, à ce
moment-là, en 1978 - les dépenses on va en parler tantôt,
M. le premier ministre et cela va me faire plaisir - les revenus du local 791
étaient de 1 347 000 $, que les revenus du local 134 étaient de
957 000 $ et ceux du Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction, pour cette année-là, 1978, de 865 296 $. Cela,
vous auriez pu le savoir, M. le premier ministre, en cinq minutes, soit en
appelant à l'OCQ - vous êtes premier ministre du Québec -
soit en communiquant directement avec le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Ou encore, vous auriez pu le savoir si votre chef de cabinet
avait fait sa "job". Est-ce que vous le saviez, à ce moment-là?
Merci.
M. Lévesque (Taillon): Je vous en prie.
M. Pagé: M. le Président, est-ce que le premier
ministre pourrait m'indiquer si, avant de se forger une opinion et, ainsi, de
décider de recommander à la SEBJ, en s'adressant par son chef de
cabinet, le 3 janvier, à M. Laliberté, d'abandonner les
poursuites ou de régler hors cour, il savait que les revenus des
syndicats affiliés à la FTQ dans le monde de la construction,
selon le relevé des cotisations syndicales cumulatives perçues
pour la période de douze mois se terminant le 31 décembre 1978 -
cela vient de l'Office de la constuction du Québec, c'est vous autres -
totalisaient pour l'année
10 022 767,66 $? C'est donc dire, M. le Président - et c'est
là l'essentiel de ma question au premier ministre - qu'un
règlement hors cour aurait pu intervenir pour une somme de 6 000 000 $,
ce qui était quand même substantiel, ce qui était beaucoup
plus que les grenailles de 300 000 $ du règlement hors cour, alors que
cela a coûté à la SEBJ 900 000 $ en frais de recherche,
d'expertise et en frais judiciaires. Sur des dommages réclamés de
32 000 000 $, sur des dommages évalués comme possibilité
de recouvrement par le président, M. Boyd, qui n'est quand même
pas le moindre, à 17 000 000 $ ou à 18 000 000 $, 6 000 000 $,
cela aurait été un effort, c'est le moins qu'on puisse dire,
appréciable. Cela aurait été appréciable de la part
des syndicats; ceux-ci auraient payé pour leurs dommages environ 1 $
à chacun des Québécois et des Québécoises,
parce que nous sommes environ 6 000 000, malgré l'exode depuis quelques
années. Les Québécois auraient payé, quant à
eux, une douzaine de millions de dollars de leur poche. Saviez-vous, M. le
premier ministre, que, pour payer 6 000 000 $, il aurait suffi de doubler les
cotisations syndicales pour une certaine période? Quand on double les
cotisations syndicales, on peut garder les mêmes dépenses et le
produit additionnel, il est net pour payer le règlement hors cour. Cela,
en l'absence des syndicats américains, parce que 6 000 000 $, cela ne
réfère pas aux syndicats américains. Cela
réfère uniquement aux syndicats du Québec. Pour 6 000 000
$, cela aurait pris sept mois et une semaine à régler.
Êtes-vous au courant de cela?
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je peux répondre
un peu autrement? Non, non, cela va rejoindre, quand même, ce que dit le
député de Portneuf. Il y a peut-être quelque
fragilité là. Cela me rappelle des souvenirs à propos des
incorporations, du fait qu'on peut vider une coquille et ensuite s'incorporer
ailleurs, etc. Juridiquement, je ne veux pas m'en mêler, mais je sais une
chose et je la répète encore une fois, si ce n'est pas la
dernière, je la répéterai de nouveau: Le coeur de notre
opinion était la non-responsabilité des Américains qui
était flagrante - cela, c'était vraiment les plus solvables,
selon tout le monde - et la solvabilité, à tout le moins
branlante, très relative, des syndicats québécois. Et
puis, après cela, c'était à la Société
d'énergie de la Baie James d'aller chercher, si elle était
d'accord pour faire un règlement, le meilleur des règlements
possible. Si cela avait été 6 000 000 $, ce n'est pas moi qui me
serais plaint. Si elle avait trouvé que 200 000 $, ce n'était pas
assez, c'était à elle de le décider. Ce n'était pas
à nous de nous occuper de cela, parce que ce sont eux qui administrent
Hydro-Québec. Il y a des administrateurs qui sont là, qui sont
des gens compétents en administration, autant que le
député de Portneuf ou moi-même. Oui, oui. Et ils avaient
conscience de leurs responsabilités. Ils avaient pleine liberté,
ils l'ont tous dit, de prendre une décision. Ils avaient notre opinion
que c'était préférable de faire un règlement.
Qu'ils le fassent entre 1 $, 2 000 000 $, 6 000 000 $, etc., c'était
leur problème.
Et il me semble que cela tombe sous le sens que, si on ne veut pas se
substituer à des administrateurs en qui on a confiance et qui ont
été nommés pour administrer, on a le droit de leur donner
une opinion et même d'insister sur un principe dans un cas d'orientation
important, mais pas de prétendre les "railroader" à partir
d'hypothèses dont je dirais qu'elles sont légèrement
enfin, fragiles, comme celle qu'évoque le député de
Portneuf. Bon. Qu'est-ce qu'on aurait dû dire? Ne réglez pas en
bas de 6 000 000 $, ne réglez pas en bas de 8 000 000 $? Ce
n'était pas notre affaire. Et on ne voulait pas se mêler de
cela.
M. Pagé: Mais, monsieur...
M. Lévesque (Taillon): Eux, je crois, ont pris, comme le
juge Bisson qui avait présidé - cela m'a frappé - aux deux
premières semaines du procès... Je ne sais pas si on l'a. Oui,
j'ai trouvé cela intéressant parce que, ayant vécu la
cause pour le temps qu'elle avait duré, il donnait une opinion à
la fin qui, quand même, était le point. Enfin, si je le retrouve,
je le citerai.
M. Pagé: Oui, oui, toute la phrase.
M. Lévesque (Taillon): Je viens de dire l'essentiel. C'est
que c'était à eux de le faire et que ce n'était pas
à nous de nous ingérer dans des questions de quanta et dans des
questions de négociation d'un règlement. Ce n'était pas
à nous, non plus, de le décider à leur place. C'est eux
qui l'ont décidé.
M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez de
demander au premier ministre qui se réfère au montant: M. le
premier ministre, en passant le message au président de la SEBJ, le 3
janvier, d'abandonner les poursuites et de régler hors cour, par la voie
- pas de n'importe qui - de votre chef de cabinet, Me Jean-Roch Boivin, ce qui
a été réitéré par vous-même,
personnellement, et avec beaucoup d'insistance, le tout, religieusement soumis
lors de votre rencontre avec M. Boyd, en disant: Si vous ne réglez pas,
on va régler à votre place; par surcroît, vous appuyant,
pour former votre opinion et ainsi décider, sur les affirmations des
avocats des défendeurs, c'est-à-dire de ceux qui auraient
eu à payer, vous ne devez pas vous étonner d'en être
arrivé à 200 000 $ ou à 300 000 $. Vous avez pavé
la voie.
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas à être
étonné, ni d'un côté ni de l'autre, que cela ait
été 200 000 $. Je l'ai dit, d'ailleurs, que je trouvais que
c'était quelque peu modeste, c'est le moins que je puisse dire. Mais
j'ai présumé et je présume encore que des hommes sages -
je vais parler comme l'honorable juge Bisson - qui connaissaient leur devoir
d'état avaient fait de leur mieux pour arriver à un
règlement et que, ce règlement étant ratifié,
c'était comme cela que cela finissait.
Encore une fois, ce qui était le coeur, quant à nous,
quant à mon bureau et à moi-même, de notre recommandation
insistante sur le principe d'un règlement, c'était la
non-responsabilité des Américains et la non-responsabilité
d'à peu près la totalité des travailleurs dont, dans votre
scénario un peu farfelu, vous doubleriez...
M. Pagé: On y reviendra tantôt.
M. Lévesque (Taillon): ...la cotisation même s'ils
n'avaient aucune responsabilité véritable, aucun d'entre eux,
dans les événements.
M. Pagé: On y reviendra tantôt.
M. Lévesque (Taillon): Mais peu importe. Si la
décision était prise d'aller vers un règlement par les
administrateurs de la société, le quantum et toutes les autres
modalités du règlement, c'était à eux de les
négocier. Moi, je crois que c'est un peu insultant comme insinuation,
comme allusion, en tout cas, ce que vous dites là, parce que,
finalement, ce que cela veut dire, ce que vous dites là, c'est que ces
gens-là n'ont pas fait leur devoir, qu'ils n'ont pas pressé le
citron comme ils auraient du, etc.
M. Pagé: C'est vous qui l'avez pressé, le
citron.
M. Lévesque (Taillon): Voyons!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Pagé: M. le premier ministre, en demandant à la
SEBJ de régler hors cour, d'abandonner les procédures, en lui
signifiant que, si elle ne réglait pas, vous alliez régler
à sa place et en vous fiant uniquement, selon ce que vous venez de me
dire, aux avocats des syndicats pour savoir s'ils étaient capables de
payer, êtes-vous conscient que vous avez ainsi pavé la voie
à un règlement pour des "pinottes", alors que vous auriez pu
aller chercher des montants beaucoup plus substantiels? Ce n'est pas farfelu,
ce sont vos chiffres à vous, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'aime beaucoup la façon
dont, disons, dans un flot d'éloquence où se trouve...
M. Pagé: C'est la vérité.
M. Lévesque (Taillon): Oui, je sais que cela vient du
coeur. D'ailleurs, là encore, cela se sent. Mais la façon dont on
dit: Vous ne comprenez pas que vous seriez allés chercher... Est-ce que
je pourrais répéter tranquillement ce que j'ai dit ce matin dans
la déclaration? "Mon bureau et moi n'avons donc ni décidé,
ni négocié, ni encore moins prétendu imposer un
règlement comme cela s'était produit dans le passé." Ah
Seigneur! oui. Mais moi, ce n'est pas comme cela que je conçois une
relation avec une société comme Hydro-Québec. "C'est,
d'ailleurs, devenu d'une telle évidence, je dois le souligner, au cours
de cette commission que, tout en continuant de prétendre le contraire,
parce qu'après tout c'était le point de départ, certains
procureurs libéraux se sont mis tout à coup à nous
reprocher éloquemment de ne pas nous être ingérés
suffisamment pour aller chercher plus d'argent." Il faut tout de même se
décider un jour sur ce qu'on veut.
M. Pagé: M. le Président, on reviendra avec des
commentaires là-dessus un peu plus tard. M. le premier ministre, en ce
faisant: demande d'abandon, vous référez pour former votre
opinion aux avocats des défendeurs, vous avez rencontré la SEBJ
et pas n'importe qui, le président du conseil d'administration, en lui
disant: Vous allez régler et, si vous ne réglez pas, on va
régler à votre place, etc., en somme, vous lui avez
attaché les mains bien comme il faut et vous avez dit à la SEBJ:
Asteur, va te battre. Là, vous êtes surpris que ces gens en soient
arrivés avec un "knockout" non pas technique, mais budgétaire que
les Québécois ont à payer et que cela ait
résulté par 300 000 $ pour une réclamation de 32 000 000
$, alors que cela leur en a coûté 900 000 $.
M. Paradis: Puis, vous êtes surpris!
M. Pagé: Puis, vous êtes surpris! Êtes-vous
conscient de cela?
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je dois
répéter le passage que je viens de lire?
M. Pagé: Non, non.
Le Président (M. Jolivet): Tout simplement, ce que je vais
cependant
répéter, c'est que la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain matin, 10 heures.
M. Lalonde: Non, Il heures.
Le Président (M. Jolivet): Oui, excusez-moi. C'est vrai,
après la période des questions; donc, peut-être 11 heures
ou 11 h 30 demain matin.
(Fin de la séance à 22 h 01)