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(Dix heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
élue permanente de l'énergie et des ressources est à
nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier LG 2 survenu en
1974 et plus spécifiquement le râle du premier ministre et de son
bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt
(Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau
(Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois),
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Perron
(Duplessis), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi),
Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Tremblay (Chambly),
Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette commission est toujours M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Décision du président
sur les représentations
au nom de M. Michel Jasmin
Nous avons toujours devant nous ce matin, l'honorable juge Michel
Jasmin. Comme vous le savez, à la suite de la demande d'hier, j'ai
à rendre une décision ce matin. Dès le départ, je
dis que cette décision qui est importante pour tous et chacun d'entre
nous, vous sera retransmise par écrit. Pour le moment, j'ai ma copie sur
laquelle on a apporté des corrections à la main, à la
mitaine comme on dit. Donc, vous aurez les copies nécessaires. De
façon que vous puissiez en prendre connaissance, je prendrai sur moi,
après qu'on aura d'abord arrêté la disposition et ensuite,
probablement, disposé de l'horaire avec le ministre et le
député de Marguerite-Bourgeoys, de donner un moment de
répit pour prendre connaissance de la décision, avant qu'on ne
poursuive nos travaux.
Je tiens d'abord à remercier tous et chacun qui ont
participé à la discussion hier.
Je pense que cela a fourni un éclairage important pour la
décision qui devait être rendue. Même si on disait que
c'était une décision qui, à un moment donné et avec
les précisions techniques qu'on y apportait, pouvait paraître un
peu mêlante pour les gens, il reste une chose, c'est que l'essentiel des
représentations a été fait hier et, en conséquence,
je suis prêt à rendre la décision comme président de
cette commission.
Donc, cette présente décision fait suite aux diverses
représentations qui ont été formulées hier,
relativement à certaines difficultés que soulèverait
l'éventuel témoignage de M. Michel Jasmin. On m'épargnera
de rappeler toutes les circonstances qui devaient conduire à la
décision que je rendais le 3 mai dernier sur la même affaire. Tous
les membres et intervenants de cette commission connaissent tous les faits qui
ont mené à cette décision. Inutile donc de les relater ici
de façon complète, puisqu'ils le sont dans le préambule de
cette décision. De nouveaux éléments ont été
portés à mon attention et je me dois d'en disposer
conformément aux règles du droit parlementaire. Cependant, je
dois préciser dès le départ, que la présente
décision ne vise pas à corriger ou à ajouter à la
décision rendue le 3 mai dernier. Non seulement celle-ci est-elle
maintenue mais elle demeure la référence principale relativement
aux nouveaux éléments que l'on a soumis ou qu'on soumet à
mon examen.
On m'a soumis que si l'on procédait immédiatement au
témoignage de M. Michel Jasmin, cela aurait pour effet de rendre sans
objet les conclusions recherchées dans une requête pour jugement
déclaratoire, pendante actuellement devant un tribunal. Je dois
constater que la plupart des conclusions recherchées dans cette
requête trouvent réponse dans la décision que je rendais le
3 mai dernier. Qu'il s'agisse de la "contraignabilité" de M. Michel
Jasmin, de l'indivisibilité des renseignements confidentiels ou de
l'acceptation par la commission d'une déclaration générale
visant à obtenir une dispense globale de témoigner, toutes ces
questions ont été réglées dans cette
décision. De plus, je rappellerai à tous deux passages d'un grand
intérêt d'une lettre que le président de l'Assemblée
nationale adressait, le 10 mai 1983, au juge en chef de la Cour
supérieure. Il disait ceci: "L'Assemblée nationale est souveraine
et,
comme les commissions parlementaires, est maîtresse de ses travaux
et procédures à l'exclusion de qui que ce soit. Le droit
parlementaire reconnaît ce fait depuis ses origines". Plus loin, le
président ajoutait: "Au surplus, selon le droit parlementaire, toute
personne qui chercherait, par des procédures devant une cour de justice,
à dicter à l'Assemblée ou à ses membres la
façon dont ils doivent exercer leur mandat, pourrait porter atteinte aux
droits et privilèges de l'Assemblée".
La seule conclusion de la procédure au jugement
déclaratoire qui ne trouve pas de réponse précise et
explicite, a trait à la portée et l'étendue du secret
professionnel. J'ai volontairement omis de préciser quelque
critère que ce soit parce que je crois qu'il ne m'appartient pas de les
préciser ici. Non pas que j'écarte la compétence de
l'Assemblée à cet égard, au contraire mais, comme c'est le
cas en droit judiciaire, il s'agit d'une notion relativement nouvelle en droit
parlementaire qui n'a pas encore donné lieu à une
interprétation. Il revient à l'Assemblée nationale de
préciser ces critères. À l'occasion de la réforme
parlementaire en cours, elle pourrait avantageusement se pencher sur cette
question. Est-il besoin d'ajouter, par conséquent, qu'une
interprétation judiciaire de l'article 9 de la Charte des droits et
libertés de la personne par des tribunaux ne lie pas l'Assemblée
nationale? Celle-ci peut tout au plus s'en inspirer. Je crois avoir
disposé par le fait même des représentations fondées
sur l'article 23 de la charte.
Constatant l'absence de critères quant à la portée
et à l'étendue du secret professionnel, j'ai déjà
précisé que cette notion devait recevoir, pour le moment, une
interprétation très large. Je maintiens et j'affirme à
nouveau que, dans la mesure où la réponse à une question
posée à M. Michel Jasmin porterait atteinte au droit d'une autre
personne ou au respect du secret professionnel, le conflit doit être
résolu en faveur de la protection de la confidentialité. La
commission doit, sur cette question, s'en remettre à l'invité ou
au témoin.
Il appartiendra donc à M. Michel Jasmin de faire valoir son
obligation au secret professionnel. Il devra évaluer lors de chaque
question si son obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en
faveur de la protection de la confidentialité.
Toutefois, il n'aura pas à justifier l'invocation de son
obligation au secret professionnel et je réitère que la
commission ou ses membres ne pourront porter de jugement sur cette invocation
faite par le témoin et encore moins la contester. De même, nul ne
pourra intervenir pour suggérer à M. Michel Jasmin
l'évaluation qu'il doit faire d'une question en regard de l'obligation
qu'il a au secret professionnel. M. Michel
Jasmin sera sous serment et les membres ou intervenants devront prendre
sa parole. En l'absence de critères précis, cette large
interprétation du secret professionnel doit prévaloir.
Me Jean-Pierre Lussier a soulevé qu'à son avis, la
règle du "sub judice" contraignait Me Jasmin à une obligation de
discrétion ou même de silence, relativement au témoignage
qu'il doit rendre devant cette commission. L'article 99 paragraphe 4 de notre
règlement ne peut recevoir l'application dans le présent cas. En
effet, cette disposition veut que l'Assemblée nationale, par courtoisie,
ne traite pas d'une affaire dont un tribunal est déjà saisi. En
contrepartie, il est normal que les tribunaux n'interviennent pas dans les
affaires dont l'Assemblée ou ses commissions sont déjà
saisies. Autrement, on pourrait perpétuellement paralyser les travaux de
l'Assemblée ou de ses commissions en logeant un recours devant un
tribunal. L'indépendance de l'Assemblée nationale et sa
compétence exclusive sur ses travaux et procédures ne peuvent
souffrir pareille ingérence.
De plus, l'article 99 paragraphe 4 peut s'appliquer à des
procédures où l'Assemblée, une de ses commissions ou un
membre de l'une d'entre elles n'est ni partie ni mis en cause. Il en est tout
autrement lorsque l'Assemblée ou un de ses membres est partie ou mis en
cause devant un tribunal. J'ajouterai dans le but de rassurer Me Michel Jasmin
quant aux conséquences de son témoignage - je dirais de le
rassurer davantage quant aux conséquences de son témoignage - que
la Loi sur l'Assemblée nationale lui confère une protection
absolue. En effet, l'article 53 de cette loi stipule ce qui suit: "Le
témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou
une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal,
sauf si elle est poursuivie pour un parjure." M. Michel Jasmin n'a pas à
redouter de représailles devant une autre instance relativement au
témoignage qu'il doit rendre devant cette commission.
Un autre élément soulevé est relatif à la
validité de la libération de l'obligation du respect du secret
professionnel de l'un des mandants de Me Jasmin. Plus
précisément, on m'a fait valoir des doutes quant à la
personne qui serait titulaire du droit au respect du secret professionnel. Il
n'appartient pas à la commission de trancher cette question. C'est
à la personne qui invoque un droit de faire valoir qu'elle en est
titulaire, tout comme les démarches auprès d'un client visant
à savoir s'il relève son mandataire de son obligation au respect
du secret professionnel ne relèvent que de celui-ci. M. Michel Jasmin
doit donc répondre aux questions des membres et intervenants de cette
commission à la
lumière des précisions que j'ai apportées sur les
divers problèmes portés à mon attention.
En terminant, on m'a représenté qu'un éventuel
témoignage dans ces conditions se révèle un exercice
difficile, principalement parce que M. Michel Jasmin serait dans une position
de juge et partie. C'est son obligation au respect du secret professionnel qui
impose ce fardeau à M. Michel Jasmin et non pas les règles de
cette commission. Les diverses règles établies dans mes deux
décisions confèrent une large latitude à M. Michel Jasmin
qui lui permettront de s'acquitter de son obligation de témoigner, tout
en respectant l'obligation à laquelle il est tenu. J'ajouterai qu'il
appartient à la commission de déterminer si, dans ces
circonstances, le témoignage de M. Michel Jasmin peut malgré tout
lui être de quelque utilité.
J'invite donc les membres de la commission à respecter
scrupuleusement les paramètres dont je viens de faire état. Je
serai à cet égard d'une rigueur absolue car il s'agit d'un droit
fondamental et d'une obligation en découlant. C'est donc la
décision que je vais rendre et qui est rendue. Dans les minutes qui
viennent, vous aurez les copies nécessaires pour vous y
référer ou pour, comme je le disais tout à l'heure, vous
laisser le temps de la regarder. Comme le ministre m'a demandé que l'on
procède à une partie concernant l'horaire à venir, je lui
cède la parole.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je présume que vos
services vont nous transmettre copie de votre jugement.
Le Président (M. Jolivet): Dans quelques minutes.
Ordre des travaux
M. Duhaime: Cela mériterait d'être relu sans
remettre en cause ce que vous avez décidé. Je voudrais, avant de
commencer et à la lumière de la décision que vous venez de
rendre, donner des indications quant à nos horaires de travail, d'ici la
fin de la semaine et la semaine prochaine. Je le dis sous réserve, bien
sûr, des motions ou des avis qui pourront être donnés
à l'Assemblée nationale par mon collègue, le leader du
gouvernement. Je crois savoir que l'honorable juge Jasmin a fait une
démarche, tant auprès de mon collègue, le
député de Marguerite-Bourgeoys, que de moi-même, à
savoir que la semaine prochaine, il est déjà retenu et
engagé et qu'il ne sera pas à la disposition de la commission. Je
pourrais lui répondre tout de suite qu'en tout état de cause, ses
bons services ne seraient pas requis la semaine prochaine. Dans
l'hypothèse où son témoignage ne serait pas terminé
cette semaine, nous pourrions reprendre dans dix jours.
Pour ce qui est de demain, j'avais donné l'indication que nous
pourrions siéger demain avant-midi, demain après-midi et
peut-être même demain soir. J'ai refait un calcul et à moins
d'avoir l'accord de l'Opposition je pense que ce ne serait pas tellement
d'avance, on passerait la journée d'aujourd'hui à
l'Assemblée nationale à en débattre, vu que le
consentement n'est pas venu à mon invitation. Je vais proposer au leader
du gouvernement que nous siégions demain avant-midi seulement, de 10
heures à 13 heures, mais que, si nous avions terminé dans une
heure ou cet après-midi ou ce soir avec la comparution de l'honorable
juge Jasmin, nous pourrions ajourner nos travaux à la semaine
prochaine.
Quant à la semaine prochaine, j'ai un problème pour mardi,
parce que, il y a déjà trois mois, j'ai pris un engagement pour
une rencontre avec les intervenants - patrons, syndicats, maires - dans le
secteur du fer. La table de fer se réunira mardi, toute la
journée. En vertu d'un vieux principe bien connu disant que je ne peux
pas être à deux endroits au même moment, nous pourrions
reprendre mercredi ou jeudi. Il me reste une vérification à
faire. J'espérais que nous aurions terminé nos travaux cette
semaine. Si on terminait ce soir avec Me Jasmin, nous aurions pu entendre le
premier ministre demain, mais M. Lévesque, de son côté, a
des engagements au Palais des congrès qu'il a pris depuis au-delà
de trois mois, je crois. C'est le scénario qui est devant nous en termes
d'emploi du temps. Il restera à voir si on reprend mercredi ou jeudi de
la semaine prochaine, parce que mercredi, normalement, M. Lévesque doit
présider le Conseil des ministres. Je verrai avec lui et j'informerai le
député de Marguerite-Bourgeoys et vous-même, M. le
Président, le plus rapidement possible.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, cette description de notre
programme de travail est beaucoup plus potable que celle d'hier matin, vous
vous souvenez, où on nous menaçait de nous faire siéger
vendredi après-midi et vendredi soir. C'était une drôle de
façon d'obtenir notre consentement. Je viens de comprendre que
c'était une demande de consentement. On a déjà consenti
à siéger le vendredi après-midi, parce que tous les
députés étaient retenus à Québec.
Plus sérieusement, j'espérerais, moi aussi, pouvoir
terminer cette partie de nos travaux, c'est-à-dire le témoignage
de M. Jasmin, et peut-être d'autres travaux que je n'annoncerai pas
avant...
M. Duhaime: ...votre motion.
M. Lalonde: ...l'ajournement de 22 heures, ce soir. Sinon, on
reviendra demain matin pour terminer cette partie. Je comprends que le premier
ministre ne serait pas disponible aujourd'hui, de toute façon,
même si on terminait, ce midi, avec M. Jasmin. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Duhaime: Si vous m'aviez dit, hier: Je m'engage et je vous dis
qu'à 13 heures, jeudi, nous aurons terminé avec le
témoignage de l'honorable juge Jasmin, quelle que que soit la
décision de la présidence, j'aurais pu vous confirmer que le
premier ministre aurait été disponible cet après-midi.
Vous-même ne pouvez préjuger de la décision du
président et moi non plus. Je dois vous dire que votre moyenne au
bâton, lorsque vous me dites d'avance que vous pensez qu'à telle
heure, tel jour, on va avoir terminé, est égale à six
exposant moins deux.
M. Lalonde: C'est pas mal, surtout avec les réserves que
j'y mets d'habitude et avec la prudence...
M. Gratton: II s'agit de frapper en lieu sûr et au bon
moment vous savez.
M. Ouhaime: Cela est passablement proche de zéro.
M. Lalonde: Non, je n'ai jamais pu garantir quand on termine nos
témoignages.
M. Duhaime: C'est pour cela que je ne le vous demande plus.
M. Lalonde: Cela souligne le respect que je nourris à
l'égard du droit de parole de tous les membres de cette commission.
M. Duhaime: Que vous nourrissez et que vous retenez.
M. Lalonde: D'ailleurs, j'ai péché - et je m'en
accuse - par excès d'optimisme. J'ai toujours pensé que les
députés péquistes pourraient poser des questions. Cela
fait deux mois que j'attends. À part le député de
Châteauguay, qui fait toujours sa brillante démonstration
étymologique, je n'en ai pas vu beaucoup qui se sont
intéressés à faire la lumière.
Je pense, M. le Président, que vous avez dit que nous allons
suspendre quelques minutes pour permettre de prendre connaissance de la...
Le Président (M. Jolivet): Je voudrais juste
vérifier si la décision arrive redactylographiée, donc
vous auriez des copies. Je pourrais suspendre pour un petit moment...
M. Duhaime: II y aurait certains points qu'on pourrait
régler avant la suspension.
Le Président (M. Jolivet): Si vous préférez,
M. le ministre, en attendant les notes allez.
L'obligation à la
confidentialité
M. Duhaime: En attendant les notes, M. le Président,
puisque tout le monde, ce matin, semble bien disposé à ce que la
journée se déroule rapidement. J'aurais, au départ,
à poser à Me Jasmin une question non éclaircie dans votre
décision de ce matin et qui ne l'était pas davantage dans votre
décision du 3 mai. D'autant plus que, ce matin, vous dites que, de toute
manière, cette question ne relève pas de la présidence et
de la commission. Je voudrais être bien certain de savoir de qui cela va
relever. J'ai prétendu, hier, la même chose. Je parle
essentiellement de la validité juridique du Conseil provincial des
métiers de la construction quant à la libération de Me
Jasmin de son obligation à la confidentialité.
J'ai prétendu, hier, que cette décision devait être
prise par Me Jasmin lui-même. Si j'ai bien compris votre décision
ce matin, vous opinez dans le même sens. Cependant, hier, Me Lussier,
dans son intervention, nous a dit clairement, en quelque sorte, qu'il
remettait, sur ce point, le sort de son client entre les mains de la
commission.
Ce que je voudrais lui demander ce matin, au départ, c'est s'il a
eu le temps de revoir cette question et s'il en est venu à la conclusion
que le Conseil provincial des métiers de la construction
(International), tel qu'on le connaît aujourd'hui en 1983, a la
capacité juridique de libérer Me Jasmin du secret professionnel
ou de son obligation à la confidentialité qui le liait, à
l'époque de 1978-1979, de toute manière au moment du
règlement de cette cause, au Conseil provincial des métiers de la
construction (FTQ-Construction). Selon la réponse que vous allez me
faire, j'aurai ensuite, M. le Président, une autre question
d'éclaircissement à poser.
Le Président (M. Jolivet): Bon. Un instant. Je vais
demander à ce que ce soit Me Lussier qui réponde pour le moment,
tant et aussi longtemps que je n'ai pas demandé à Me
Jasmin...
M. Duhaime: Oui, la question s'adresse à Me Lussier.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Me Lussier.
M. Lussier (Jean-Pierre): D'abord, évidemment, je vais
lire avec beaucoup d'attention la copie de la décision que la
présidence vient de rendre. À ce sujet, étant
donné ce que j'ai compris de la décision, elle semble assez
clairement imposer en l'occurrence à Me Jasmin le fardeau de
décider s'il y a eu libération ou non du secret professionnel. Je
crois qu'en tout état de cause, s'il faut s'en remettre à une
décision du témoin, je crois qu'on a une obligation de prudence.
Quant à moi, je vous le dis, je n'ai aucune certitude mais j'ai - si
vous me passez l'expression - la certitude de l'existence d'un doute quant au
fait que Me Jasmin ait été ou non libéré par son
client d'alors. J'ai compris aussi d'un passage de la décision de la
présidence, que celle-ci croyait préférable, en
matière de droit fondamental, de donner une acception large à la
notion de secret professionnel et, dans le doute, de tenter de résoudre
toute ambiguïté en faveur de la protection du droit fondamental.
Dans l'espèce, je crois que la seule solution prudente, étant
donné que nous ne sommes pas en mesure de rendre une décision
formelle quant à la libération ou non par le Conseil provincial
des métiers de la construction (FTQ-Construction) qui était le
client de Me Jasmin alors, je crois que, dans le doute, il faut s'en remettre
ou il faut favoriser la protection du droit fondamental. Quant à nous,
personnellement, je vais donner avis à Me jasmin que ce qui est
préférable dans les circonstances, c'est de se considérer
comme non délié de son obligation à la
confidentialité par tous et chacun de ses clients d'alors.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je vais attendre copie de la
décision. J'aurais eu une autre question si la réponse avait
été différente. Mais, j'aimerais prendre connaissance de
votre jugement. Je me demande si on ne devrait pas ajourner.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, on va suspendre la
séance jusqu'à Il h 15, le temps que les copies soient
disponibles. Je vais les donner au greffier, M. Bédard; il aura à
vous les distribuer.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise de la séance à Il h 24)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît; La commission reprend ses travaux. Je dois procéder d'abord
à l'assermentation de M. le juge Michel Jasmin. Le greffier, M.
Bédard, va se rendre auprès de lui.
Le greffier (M. Jean Bédard): S'il vous plaît,
pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter
après moi: Je, (vos nom et prénom), jure ou déclare
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
M. Jasmin: Je, Michel Jasmin, jure que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Me Lussier m'a
mentionné qu'il avait l'intention de donner la position dans laquelle
nous devrons maintenant manoeuvrer, si je puis dire ainsi. À la suite de
cela, le député de Marguerite-Bourgeoys aura quelques questions
à vous poser, avant qu'on ne commence avec les questions. Me
Lussier.
M. Lussier: Je voudrais simplement exposer que j'ai compris de
cette décision de la présidence qu'à l'occasion de chacune
des questions, le témoin, de lui-même ou par son avocat, pourra se
référer à l'obligation de confidentialité que la
loi lui impose. J'ai compris aussi que la décision de la
présidence, en l'absence de critères précis établis
pour le moment devant cette commission, s'en remet à une
interprétation que je cite, à la page 3: Cette notion devait
recevoir pour le moment une interprétation très large.
Comme la procédure qui va être suivie m'est encore
inconnue, mais, évidemment, j'ai l'impression qu'on va la vivre tous
ensemble pour la première fois à cette commission, je veux quand
même exposer rapidement, dès le départ, puisque la
détermination de l'étendue et de la portée de l'obligation
à la confidentialité est remise sur les épaules du
témoin, la position générale en rapport avec cette
étendue et cette portée que le témoin suivra.
Cette position est celle que le Barreau du Québec a
exposée devant vous, les 27 et 28 avril dernier. Pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté, je vais me référer de façon
très précise au texte même de l'exposé qui avait
été fait, à ce moment-là, par Me Jean-Marie
Larivière, au nom du Barreau du Québec. Je commence par citer un
passage du 27 avril 1983, du ruban 841, où on peut lire: "La position du
Barreau du Québec, M. le Président, est qu'il faut donner au
droit du client au secret professionnel l'extension la plus large possible." Je
constate que cela correspond aussi à la décision de la
présidence. Quand on se réfère au texte même de
l'article 9 de la Charte des droits et des libertés de la personne, vous
verrez que nulle part, on n'utilise les mots "confidences d'un client"." Ce
qu'on dit dans la charte, c'est que "toute personne tenue par la loi au secret
professionnel, ne peut, même en justice, divulguer les renseignements
confidentiels qui lui ont été
révélés en raison de son état ou de sa
profession". Donc, ce n'est pas "qui lui ont été
révélés par son client", mais "qui lui ont
été révélés en raison de son état ou
de sa profession". De notre point de vue - c'est toujours le point de vue du
Barreau du Québec - c'est beaucoup plus large que la simple confidence
de bouche à oreille d'un client à son avocat. Ce sont aussi les
instructions d'un client à son avocat et c'est aussi la mise en place et
l'application de ces instructions avec toutes les conséquences que cela
peut avoir. Au ruban 843, pour la même journée, le 27 avril 1983,
on peut lire les interventions suivantes. D'abord, Me Larivière qui
parle, la fin de son intervention est en haut de la page: "II est
évident que, si l'avocat va à une rencontre... Vous connaissez
déjà les dates des rencontres, elles sont là. Dès
qu'il ouvre la bouche pour parler à cette rencontre, il est en train de
faire état d'une partie de son mandat ou d'une partie de choses qu'il
sait parce que son client les lui a révélées. "Il est
évident que Me Jasmin dans ceci n'a jamais agi à titre personnel.
Il a toujours agi au sens de la charte en raison de sa profession d'avocat et
comme mandataire, et non pas personnellement comme une des parties au litige.
C'est pour cela que je vois bien mal comment on pourrait se mettre à
tracer un sillon autour des choses qui peuvent être dites et des choses
qui ne peuvent pas être dites." M. Lalonde répliquant: "Si je
comprends bien, l'opinion que vous émettez, selon laquelle la presque
totalité de son témoignage serait couverte par l'obligation de
confidentialité, viendrait plus de l'interprétation large que
vous donnez à cette obligation de confidentialité que vous nous
avez décrite tout à l'heure." (Il h 30)
Une réponse de Me Larivière: "D'une part, oui, et d'autre
part, bien sûr, aux travaux de la commission que j'ai suivis assez
fidèlement depuis le début."
Pour la même date encore, mais au ruban 845 - je m'excuse, ce ne
sera pas très long, ce que je veux faire, vous comprendrez qu'à
chaque fois que nous serons dans l'obligation d'invoquer l'obligation à
la confidentialité pour chacune des questions, j'ai compris que nous ne
serons pas dans la position où nous aurions à justifier la
position que nous allons prendre à ce moment. Je crois qu'il est
préférable de le faire en détail, dès le
début, pour éviter que, par la suite, on recommence à
chaque occasion de présenter les motifs d'ordre général -
là je cite toujours Me Larivière à compter du
deuxième paragraphe de cette page: "Alors, c'était la
rectification que je voulais faire. Ensuite, sur le plan de la
compréhension que nous avons de la notion de droit au secret
professionnel et d'obligation au secret professionnel, et pour revenir à
votre question - on parlait, à ce moment, je crois, des entrevues en
particulier des dates d'entrevues que la commission avait au bureau du premier
ministre - : Les entrevues, est-ce que ce serait confidentiel? Notre opinion,
c'est que dès que vous entrez dans une conversation, que ce soit avec un
confrère ou que ce soit avec une tierce personne dans laquelle vous
exécutez ou vous êtes en pleine exécution de votre mandat
et où vous livrez des informations en votre qualité de
professionnel, ces informations étant celles que vous avez reçues
de votre client, les choses que vous dites sont confidentielles et sont
couvertes par le secret professionnel et non pas seulement ce que votre client
vous a dit dans votre cabinet. "De la même façon, vous avez
souvent le problème du médecin et de ce qu'il constate sur le
corps d'un patient inconscient qui ne lui a donc rien
révélé, mais ce qu'il voit, ce qu'il constate
professionnellement, c'est aussi couvert par le secret professionnel et non pas
seulement les choses que son client peut lui dire à l'occasion d'une
première ou d'une deuxième entrevue. Le diagnostic qu'il pose sur
un corps inconscient fait partie de son secret professionnel."
Je passe enfin au 28 avril, au ruban 857, pages 1 et 2. Page 1, toujours
Me Larivière au nom du Barreau du Québec: "Je pense qu'il est de
tradition, dans la profession d'avocat que vous connaissez bien, qu'un avocat
jouisse effectivement d'une certaine immunité dans les actes qu'il pose
vis-à-vis des tiers et, notamment, vis-à-vis d'autres avocats.
Mais vis-à-vis de tiers aussi un avocat peut agir sans préjudice
au nom d'un de ses clients. Un avocat peut, parce qu'il est
précisément mandataire, s'asseoir avec les procureurs de la
partie adverse, par exemple, ou s'asseoir avec un tiers et tenir des propos
qu'il n'a pas à révéler à quiconque ensuite. Ce
qu'il pose comme geste dans l'exécution de son mandat, ce qu'il dit dans
l'exécution de son mandat, qui est de nature à
révéler ou à laisser transparaître les instructions
et les mandats de son client, je ne pense pas qu'il soit apte à en
rendre témoignage."
Et à la page 2, au nom de Me Larivière qui
répondait à une question. Je vais lire la fin de la question qui
était posée par M. Lalonde. Cela disait: "Si je vous comprends
bien, l'avocat des syndicats Me Jasmin, avait le droit de tenir des propos
concernant son mandat, c'est-à-dire de peut-être même
révéler des conversations qu'il avait avec son client, à
M. Boivin ou à M. Gauthier, mais il n'a pas le droit de nous les dire!"
"M. Larivière: C'est exact. La distinction étant la suivante: Je
pense qu'un avocat jouit d'une certaine latitude dans
l'exercice de son mandat et dans l'exécution de son mandat.
Cependant, je pense qu'il est très mal venu de se servir d'un avocat
pour faire la preuve de choses dont il a acquis la connaissance dans l'exercice
de son mandat. C'est là qu'intervient le secret professionnel. Il est
vrai que c'est à certains égards embêtant pour
l'administration de la justice, le secret professionnel. Mais c'est un choix
qu'on fait."
Et au ruban 858, je termine là-dessus. Une question de M.
Lalonde: "J'essaie d'analyser avec vous jusqu'à quel point l'extension
de l'interprétation que le barreau fait peut créer des situations
dont on doit quand même mesurer les tenants et aboutissants: M. Boivin
pourrait venir ici, n'étant pas dans l'exercice de ses fonctions
d'avocat, et nous dire tout ce que Me Jasmin lui a dit pendant des heures mais
Me Jasmin ne pourrait pas venir nous le dire." "M. Larivière" toujours
au nom du Barreau du Québec, c'est exact." "M. Lalonde: C'est ce que
vous voulez dire? "M. Larivière: C'est exact. J'ajouterais qu'en
matière de secret professionnel c'est toujours comme cela." Et au bas de
la page: "Un avocat n'est pas là pour faire de la preuve. Il est
là comme auxiliaire de la justice; il est là pour
représenter un client. Il n'est pas là pour faire de la preuve
à partir de connaissances qu'il a pu acquérir dans l'exercice de
ses fonctions. C'est pour cela que le secret professionnel est là."
J'ai terminé avec ces citations, pour vous dire que c'est en ce
sens que nous entendons gouverner notre comportement au cours des questions qui
suivront. Tout ce que je peux espérer - je comprends que la
présidence ait déclaré que c'est en raison de son
obligation comme professionnel qu'un témoin porte la
responsabilité d'invoquer ou non une obligation à la
confidentialité - au nom de M. le juge Jasmin, c'est que les invocations
à l'obligation à la confidentialité qu'il devra faire, si
c'est le cas - même si nous ne sommes pas assez naïfs pour croire
que c'est une attitude populaire - seront comprises dans le sens que je viens
d'indiquer.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. Ah! c'est M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, comme Me Lussier l'a fait et
de façon qu'on ne soit pas obligé de recommencer, à chaque
question qui pourrait être posée, à se demander: est-ce que
c'est cela que cela veut dire ou si c'est autre chose... Dans mon cas, pour que
les gens qui nous voient à la télévision comprennent -
vous les savants avocats, avez plus de facilité que nous les laïcs
à vous comprendre entre vous - il me semble qu'il serait important, si
M. Jasmin doit passer un certain temps avec nous, quelques heures avec nous
aujourd'hui ou même moins, je ne présume de rien, que les gens qui
nous regardent à la télévision, sachent de quoi il
s'agit.
Ma façon de comprendre le secret professionnel d'un avocat, c'est
comme un droit qu'a le client de l'avocat à la confidentialité de
tout ce qui entoure les représentations que fait l'avocat au nom de son
client. En d'autres mots, le meilleur exemple, c'est celui de l'accusé
d'un meurtre ou d'un crime qui retient les services d'un avocat. Le secret
professionnel de son avocat l'empêcherait de divulguer quoi que ce soit
qui pourrait être utilisé contre son client. Le secret
professionnel vise surtout à protéger le droit du client et ne
vise donc pas à protéger un privilège quelconque de
l'avocat ou à accorder à l'avocat de ce client une
immunité quelconque. Jusqu'à maintenant, tout le monde est
d'accord.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas
d'hérésie.
M. Gratton: On se comprend. Quand on en arrive au cas
précis de Me Jasmin qui était l'avocat des syndicats
québécois - il n'est peut-être pas inutile de rappeler
qu'il avait quatre clients et un de ces quatre clients a relevé Me
Jasmin de son secret professionnel...
Une voix: Ce n'est pas sûr.
M. Gratton: Ce n'est pas sûr mais pour les trois autres,
c'est clair: ils ne l'ont pas relevé et ils ne voudraient pas que la
confidentialité de leurs rapports avec leur avocat du temps soit
brimée de quelque façon. Quand on en arrive à des cas ou
à des faits dont la commission est saisie pour avoir entendu d'autres
témoins qui sont venus avant aujourd'hui nous en saisir - je prends, par
exemple, Me Gauthier qui nous a fait part de la réunion qu'il avait
organisée le 6 février avec le ministre du Travail du temps et
à laquelle Me Jasmin était présent, il nous a dit ce dont
il se rappelait de ce qui s'était passé...
Je m'excuse, mais j'en ai une autre ici. D'ailleurs, ce n'était
même pas le 6 février. Non, non, pardon, à celle du 6
février, Me Gauthier a témoigné ici devant la commission
que Me Jasmin était venu lui montrer des procédures qu'il devait
présenter dans la journée au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James. Me Gauthier disait: II
avait des documents avec lui. Cela, ce n'est plus un secret, ce n'est plus
confidentiel, le public le sait. Il y a eu une rencontre le 6 février,
où Me Jasmin a rencontré Me Gauthier et lui a remis des
documents. La question que je vous pose, Me
Lussier, la voici: Est-ce que votre interprétation de la
décision du président et l'interprétation la plus large
qui soit de la notion de la confidentialité du respect du secret
professionnel nous empêcheraient de poser - en fait, il n'y a rien qui
nous empêche de poser des questions, je pense bien - et
empêcheraient Me Jasmin de répondre à nos questions sur
cette réunion en particulier?
M. Lussier: M. le député de Gatineau, je comprends
qu'à travers cette question que vous me posez, vous étayez
à titre de "laïc" votre compréhension de ce que couvre la
notion de secret professionnel. Comme la décision de la
présidence l'exprimait et comme je l'ai exprimé hier, à
mon avis, cette interprétation doit être la plus large possible,
pour bien des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais j'ai tenu
aujourd'hui à relire au texte les représentations qui avaient
été faites par le Barreau du Québec. Vous comprendrez
comme moi que ces représentations faites par le Barreau du Québec
sur l'étendue et la portée de la notion du secret professionnel
ont pour effet de mettre en cause toutes les démarches qu'un avocat fait
dans l'exécution de son mandat, que ce soit avec ses clients, que ce
soit avec d'autres avocats ou que ce soit avec des tiers.
Si lors d'une rencontre dans le bureau du premier ministre ou ailleurs,
un avocat agit dans la poursuite d'un ou de tous les mandats qu'il
détient dans une cause comme celle qui vous intéresse, de l'avis
du Barreau du Québec, et c'est l'interprétation que nous venons
de relire, il s'agit de démarches couvertes par l'obligation à la
confidentialité.
De plus, M. le député de Gatineau, je comprends que des
gens ne soient pas d'accord avec une telle interprétation. C'est cela
qui était le problème, mais je ne veux pas revenir
là-dessus, on en a parlé hier, mais je vous dis: C'est cela notre
position, nous croyons que c'est la position la plus prudente dans les
circonstances et c'est celle que nous allons adopter.
M. Gratton: D'accord. Mais de façon qu'on se comprenne
tous dès le départ, est-ce que cette
interprétation-là, parce que vous le dites vous-même, c'est
l'interprétation du barreau, qui n'a d'ailleurs pas été
retenue par le président dans sa décision tout à fait,
mais vous allez vous en servir et c'est votre plein droit...
M. Lussier: C'est-à-dire que j'ai compris la
décision de la présidence que la présidence s'en remettait
au témoin...
M. Gratton: D'accord.
M. Lussier: Le témoin adopte la position du barreau comme
étant la sienne. Il l'épouse à la lettre.
M. Gratton: Mais n'est-ce pas là bien plus, et je vous
pose la question... Nous, de notre côté, vous connaissez nos
objectifs et ce n'est peut-être pas inutile de rappeler que ce que nous
voulons savoir, c'est ce qui s'est passé. En essayant de savoir ce qui
s'est passé, on ne veut pas brimer les clients de Me Jasmin, qui sont
protégés par le secret professionnel qu'il avait au titre de leur
procureur, mais on ne veut pas non plus que l'interprétation que vous
donnez à la directive du président puisse constituer une
immunité... (Il h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais vous arrêter parce que j'ai dit dans ma décision que j'aurai
à être d'une très grande rigueur. Je vous ai
écouté et je vais relire simplement la page 3, dernier
paragraphe. On dit qu'il appartiendra à M. Michel Jasmin de faire valoir
son obligation au secret professionnel. Il devra évaluer, lors de chaque
question, si son obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en
faveur de la protection de la confidentialité. Toutefois, il n'aura pas
à justifier l'invocation de son obligation au secret professionnel. Je
réitère que la commission ou ses membres ne pourront porter de
jugement sur cette invocation par le témoin et encore moins la
contester.
Ce que je veux dire, c'est qu'il faut permettre toute la latitude
nécessaire à la personne qui est devant nous, par les questions
que vous êtes en train de poser, sans le faire directement et sans dire
que vous faites cela pour la contester. Je pense que vous vouliez vous informer
pour voir dans quel sillon - on pourra prendre le texte qui a été
dit - on doit manoeuvrer.
Je comprends, de la façon dont Me Lussier a fait les
préliminaires pour nous permettre de savoir dans quelle voie on se
dirigeait, qu'il a décidé, à la suite de la
décision que j'avais rendue, de prendre telle position et il nous l'a
expliquée.
Je vous rappelle que, vis-à-vis de cela, je vous ai dit, à
un autre moment dans la décision que j'ai rendue, il appartient donc
à ce moment-là à la commission de déterminer si,
dans ces circonstances, le témoignage de M. Michel Jasmin peut,
malgré tout, être de quelque utilité à la
commission. Je ne voudrais pas que vous reveniez sur ma décision. Elle
est claire et elle est rendue. Je voudrais simplement faire en sorte qu'on
évite de porter déjà un jugement sur une décision
qui est prise par la personne qui est devant nous.
M. Lussier: Puis-je me... M. Gratton: Je m'excuse.
M. Lussier: Pardon, je m'excuse.
M. Gratton: Je m'excuse.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Gratton: Mon seul but est de m'assurer qu'on ne se place pas
dans une situation où l'interprétation qu'on fait du secret
professionnel et de la façon de le respecter se transforme en
immunité ou en privilège d'immunité pour Me Jasmin
plutôt qu'un droit de ses clients à ce que la
confidentialité de leur rapport soit respectée.
Le Président (M. Jolivet): J'avais compris ce rapport,
mais le seul problème qui me restait, c'est que, par la bande, sans dire
que c'était de façon directe, vous étiez en train de
passer outre à la directive que j'avais donnée en page 3.
C'était simplement pour vous rappeler cette partie, pour éviter
que vous contestiez le jugement porté par Me Lussier au nom de son
client.
M. Lalonde: Si vous me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député...
M. Gratton: Ce n'était pas là mon but. Le
Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Lalonde: Si vous me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous vous souvenez, lorsque Me Larivière est
venu, il y a quelques semaines, on lui a posé des questions sur
l'application de l'interprétation du barreau. Me Lussier, tout à
l'heure, a rappelé un certain nombre d'opinions émises par Me
Larivière. En fait, je pense que, strictement, ce que le
député de Gatineau voulait bien comprendre et nous faire
comprendre, c'est si les faits qui ont été
révélés par d'autres témoins sont encore à
l'intérieur du droit du client à la confidentialité,
étant donné qu'ils sont rendus publics. S'ils ne sont plus
couverts par ce droit à la confidentialité, étant rendus
publics, peuvent-ils être couverts par l'obligation du témoin de
ne pas répondre? La question est strictement cela?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre voudrait ajouter
quelque chose, ensuite, je permettrai à Me Lussier d'ajouter
davantage.
M. Duhaime: Sur cette question, M. le Président, je
répondrai par l'affirmative. Je crois que c'est Me Larivière,
quand il a fait une représentation ici au nom du barreau... On va faire
une hypothèse de travail. Il y a trois personnes qui se parlent. Il y en
a une sur les trois qui a l'obligation de la confidentialité. Les deux
autres, ne l'ayant pas, rendent compte des événements. Vous avez
raison de dire que le secret est disparu, en quelque sorte, mais l'obligation
à la confidentialité demeure.
Le seul problème que nous avons, c'est que nous allons devoir
nous priver, à mon sens, d'un témoignage fort important qui
viendrait ou bien corroborer ce qui a été
révélé par les deux autres personnes dans mon exemple ou
encore viendrait infirmer tout ou partie des conversations. C'est ma
compréhension. Je ne vois pas comment un avocat qui n'est pas
délié de son secret professionnel par ses clients et, de
façon très claire, pourrait manoeuvrer autrement. Cela restera
des versions de faits qui ne seront pas corroborées ou commentées
et on n'aura pas l'éclairage que Me Jasmin aurait pu normalement nous
apporter si ses clients avaient daigné le libérer de son
obligation à la confidentialité. Là-dessus, je dois dire
que je rejoins l'opinion qu'a fait valoir, ici, Me Larivière, au nom du
barreau. Autrement, tout disparaît.
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: Tout simplement une chose là-dessus, pour
répondre plus directement aux députés de Gatineau et de
Marguerite-Bourgeoys. Je relis trois lignes de ce que j'ai lu tout à
l'heure. Question de M. Lalonde, et je cite "M. Boivin pourrait venir ici,
n'étant pas dans l'exercice de ses fonctions d'avocat et nous dire tout
ce que Me Jasmin lui a dit pendant des heures, mais Me Jasmin ne pourrait pas
venir nous le dire." Réponse de Me Larivière: "C'est exact." Je
l'ai lu, tout à l'heure, et j'ai continué plus loin et je ne le
relirai pas. C'est l'optique que nous entendons suivre.
Une dernière remarque que j'ai omis de dire tout à
l'heure. On parlait de rencontres, etc. Vous comprendrez également
qu'à l'occasion de questions qui pourraient sembler, pour quelqu'un
n'étant pas au fait de tous les éléments de ce dossier,
d'apparence purement anodine, il peut arriver, il pourrait très bien
arriver, et pour en avoir fait l'expérience avec Me Jasmin lorsque nous
nous sommes préparés à venir devant vous, que des
questions d'apparence anodine entraînent pour le témoin une
réponse qui le forcerait à entrer dans certains détails
des mandats qui lui ont été confiés.
C'est dans ce sens-là que, tout à l'heure, je disais qu'il
pourrait arriver, il arrivera, si l'occasion se présente, qu'il pourrait
y avoir une invocation de cette obligation à la confidentialité,
même pour
des questions d'apparence anodine. C'est dans ce sens-là que je
disais: C'est sûrement une attitude peu populaire et fort mal comprise en
général. Je répète que c'est une attitude que la
loi nous oblige à prendre et c'est ce que nous ferons.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
Témoignage M. Michel Jasmin
M. Duhaime: M. le Président, je vais risquer quelques
premières questions en présumant, bien sûr, que les
couvertures du secret professionnel ne s'appliqueront pas à ces
questions, qui seront préliminaires bien sûr.
Me Jasmin, est-ce que vous pouvez - je pense bien que oui - nous
répéter les noms des clients ou clientes que vous avez
représentés dans l'instance que nous étudions?
M. Jasmin: Le Conseil provincial, le local 791, M. Maurice Dupuis
et M. René Mantha. Enfin, dans l'action, je représentais le
conseil de tutelle décrit dans l'action, dans le bref. Le conseil de
tutelle, c'était la tutelle du local 791 et de l'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec. Je représentais
les deux syndicats par le conseil de tutelle, parce qu'à ce
moment-là il était en tutelle.
M. Duhaime: En regard avec l'instance dont il s'agit,
c'est-à-dire la poursuite intentée par la Société
d'énergie de la Baie James, dans ce dossier, au meilleur de votre
souvenir, pourriez-vous nous préciser à quel moment votre mandat
comme procureur a débuté?
M. Jasmin: Le mandat que j'ai eu a été, dans
l'affaire du saccage de la Baie-James, le 22 mars 1974. Les incidents sont
arrivés le 21 mars 1974, de mémoire. Certains de mes clients
m'ont donné un mandat dès le 22 mars 1974. Dans l'action comme
telle, en fait, j'ai fait la commission Delage, le commissaire aux incendies.
J'ai travaillé aussi à la commission Cliche et j'ai comparu pour
les clients dans cette action-là. Quand on parle du saccage de la
Baie-James, je suis intervenu dès le début.
M. Duhaime: Si je comprends bien, vous aviez un mandat de vos
clients dès le lendemain du saccage de la Baie-James et, d'une
façon plus particulière, pour voir à la sauvegarde ou
à la protection de leurs intérêts lorsque la poursuite a
été signifiée.
M. Jasmin: Pas de tous les clients mentionnés
personnellement, pas de tous les clients mentionnés dans l'action comme
telle.
M. Duhaime: Non, mais vous en avez mentionné quatre.
M. Jasmin: Oui, mais j'ai eu le mandat de l'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec, immédiatement
après les incidents. Lorsque les incidents sont arrivés,
là-bas, il n'y avait personne qui ne savait ce qui s'était
passé en haut; quand on parle d'en haut, on parle de la Baie-James.
Alors, je suis intervenu à ce moment-là.
M. Duhaime: Et votre mandat comme procureur pour le Conseil
provincial des métiers de la construction, le local 791, Maurice Dupuis
et René Mantha, eu égard à l'instance comme telle qui a
été intentée par la Société d'énergie
de la Baie James, ce mandat-là s'est terminé à quel
moment? Pour les fins de l'instance?
M. Jasmin: Au moment du règlement du dossier.
M. Duhaime: Pardon?
M. Jasmin: Au moment du règlement du dossier.
M. Duhaime: Alors, c'est en mars 1979.
M. Jasmin: Je pense que c'était le 13 mars 1979.
M. Duhaime: Le 13 mars, si mon souvenir est bon, c'est la
journée du dépôt à la cour...
M. Jasmin: Le dépôt à la cour de... M.
Duhaime: ...de la transaction.
M. Jasmin: ...de la transaction de règlement.
M. Duhaime: J'imagine qu'avant de terminer votre mandat, vous
avez pris soin de transmettre votre note pour services professionnels aussi,
après que la cause eût été réglée
devant la Cour supérieure. Cela fait partie du mandat, j'imagine?
M. Lalonde: C'est un ancien avocat qui s'inquiète d'un
autre avocat.
M. Jasmin: Pardon?
M. Lalonde: Je dis que c'est un ancien avocat qui parle.
M. Duhaime: Moi, ma note de frais a toujours fait partie de mon
mandat.
M. Lalonde: Oui.
M. Duhaime: Maintenant, Me Jasmin, vous comprendrez que pour ma
part, la température et les menus de restaurants ne m'intéressent
pas. Je voudrais vous poser des questions d'ordre général, en
vous adressant la question suivante. Entre le 22 mars 1974 et le 13 mars 1979,
c'est-à-dire presque cinq ans - mais d'une façon plus
particulière, je me référerai toujours à la
poursuite - est-ce que vous considérez que vos rencontres, discussions,
échanges de documents, conversations, lettres, appels
téléphoniques, télégrammes, que vous-même ou
vos associés professionnels dans l'exercice de ce mandat ont eus avec le
bureau de Geoffrion et Prud'homme et, en particulier, avec Me Cardinal, Me
Aquin et Me Jetté, sont sous le couvert de votre obligation à la
confidentialité?
M. Lussier: La réponse est oui, M. le
Président.
M. Duhaime: Pour m'éviter de reformuler la même
question...
M. Lussier: Je m'excuse, la réponse est oui.
Le Président (M. Jolivet): Vu que c'est Me Jasmin qui
doit...
M. Lussier: C'est que nous nous sommes entendus de cette
façon. Je connais le dossier pour l'avoir préparé
longuement avec Me Jasmin.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais c'est qu'en
vertu...
M. Jasmin: La réponse est oui.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez le conseiller.
M. Lussier: Est-ce que je comprends que, dans ces
cas-là...
Le Président (M. Jolivet): Oui, ce que vous allez faire
pour les besoins de la cause, c'est que lorsque vous interprétez que
votre droit au secret professionnel doit être invoqué, c'est de le
dire à Me Jasmin qui répondra à ce moment-là.
M. Lussier: Parfait.
M. Duhaime: Me Jasmin, est-ce que vous considérez que les
rencontres, discussions, échanges, lettres à correspondance,
télégrammes, etc., entre vous-même, votre bureau et vos
clients, le Conseil provincial des métiers de la construction, le local
791 et MM. Maurice
Dupuis et René Mantha, sont également couverts par votre
obligation à la confidentialité?
M. Jasmin: Oui.
M. Duhaime: Est-ce que vous considérez que votre rencontre
ou vos rencontres ou vos discussions, échanges avec
Me Yves Gauthier, conseiller spécial au bureau du premier
ministre, tombent sous le couvert de votre obligation à la
confidentialité?
M. Jasmin: Je dirais que la rencontre du 17 octobre 1978 et celle
du 12 novembre 1978 ne touchent pas le secret de confidentialité. Lors
de ces deux rencontres, j'ai vu M. Gauthier et il n'a jamais été
question du mandat du dossier dont je m'occupais. Alors, ces deux
rencontres-là, du 17 octobre 1978 et du 12 novembre 1978, n'ont jamais
eu trait au dossier du saccage de la Baie-James. (12 heures)
M. Duhaime: J'ai cru comprendre le 17 octobre 1977.
M. Jasmin: La rencontre du 17 octobre 1978, pardon, et celle du
12 novembre 1978.
M. Duhaime: Me Jasmin, est-ce que vous jugez que vos rencontres,
discussions ou échanges avec M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du
premier ministre, au cours de la période allant de la fin de 1978 au
début de 1979, tombent également sous le couvert de votre
obligation à la confidentialité?
M. Jasmin: Oui.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous me permettez
de demander une précision au ministre?
Le Président (M. Jolivet): Au ministre.
M. Lalonde: Lorsqu'il parle des rencontres, est-ce qu'il se
réfère aux rencontres dont les dates sont inscrites dans la liste
qui nous a été donnée?
M. Duhaime: C'est implicite dans ma question.
M. Lalonde: C'est implicite... M. Duhaime: Oui.
M. Lalonde: ...pour aider quand même le témoin
à répondre de façon précise.
M. Duhaime: C'est implicite et je réfère
essentiellement, à moins qu'il y en ait d'autres...
M. Jasmin: Toutes les rencontres que j'ai eues avec M. Boivin, si
on parle de la période du 4 décembre 1978 au 9 février
1979...
M. Duhaime: C'est cela. Ce sont les rencontres auxquelles je me
référais. Est-ce que vous considérez également que
les représentations, conversations, échanges ou discussions que
vous avez pu avoir avec quiconque en rapport avec la poursuite intentée
contre vos quatre clients, depuis le début de votre mandat dans
l'instance et jusqu'au 13 mars 1979, tombent également sous le couvert
du secret professionnel?
M. Lalonde: Avec qui?
M. Duhaime: Avec quiconque.
M. Lussier: Si vous me permettez, ce n'est pas pour
répondre à la question, c'est parce que...
M. Lalonde: Ah non! M. le Président, je m'opposerais
à cette question parce que là, il faudrait permettre au
témoin d'avoir plus de précision.
M. Lussier: C'est ce que je voulais soulever parce que...
M. Lalonde: Oui.
M. Lussier: ...évidemment, vous comprendrez qu'on peut
dire à quelqu'un qu'on a une cause en cours et, je veux dire...
Le Président (M. Jolivet): D'accord. On va demander au
ministre de spécifier de nouveau ce qu'il veut dire dans sa
question.
M. Duhaime: Non, je ne la précise pas, M. le
Président. Je n'ai pas d'autre question à poser.
Le Président (M. Jolivet): Ah! D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais quelques questions
à poser à M. Jasmin. Est-ce que vous avez eu d'autres rencontres
que celles qui sont inscrites dans la liste qui a été
déposée à cette commission? Je vais vous aider en vous
donnant des dates. On comprend qu'on élimine celles des 17 octobre 1978
et 12 novembre 1978 avec Me Gauthier. Vous avez dit que vous n'étiez
pas, à ce moment-là, dans l'exécution de votre mandat.
Donc, est-ce qu'il y a eu d'autres rencontres ou communications
téléphoniques, soit avec M. Boivin ou avec M. Gauthier, que
celles du 4 décembre 1978, avec M. Boivin; du 12 janvier 1979, avec M.
Boivin; du 15 janvier 1979, avec M. Boivin; du 16 janvier 1979, avec M. Boivin
- je me réfère toujours à M. Boivin, le chef de cabinet du
premier ministre - du 17 janvier 1979, avec Me Gauthier, conseiller
spécial du premier ministre; du 19 janvier 1979, avec M. Boivin, du
cabinet du premier ministre; du 29 janvier... non, enlevez celle-là; du
2 février 1979, avec M. Boivin; du 6 février 1979, avec Me
Gauthier, toujours du cabinet du premier ministre, et du 9 février 1979,
avec M. Boivin?
Tout à l'heure, vous avez vous-même arrêté la
liste au 9 février 1979. Moi, j'en ai une autre du 16 février
1979 avec Me Gauthier. Est-ce que vous avez eu d'autres rencontres que
celles-là soit avec M. Boivin, soit avec M. Gauthier, soit avec le
premier ministre, avant cette période et jusqu'au 13 mars 1979, dans
l'exécution de votre mandat?
M. Jasmin: Juste...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Jasmin: À ma connaissance, il n'y a pas eu d'autres
rencontres, mais il y a eu des communications téléphoniques.
M. Lalonde: Est-ce que je dois comprendre que toutes les
communications -je me trouve à présumer un peu parce que je
présume, M. le Président, que vous me corrigerez si je suis en
dehors de la légalité - parce que je présume que, quand il
y a eu des rencontres, il y a eu des échanges, des discussions, enfin,
des conversations... Est-ce que tout ce qui était contenu dans ces
rencontres, échanges, conversations, concernait l'exécution de
votre mandat?
M. Jasmin: Oui, sauf la réunion du 16 février avec
M. Latouche. Il y a une partie de cette rencontre qui a eu lieu, mais qui a
peut-être une incidence dans ce dossier.
M. Lalonde: Puisque vous êtes rendu au 16 février,
je vais vous poser une question. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est
passé à cette réunion du 16 février et qui ne
concerne pas l'exécution de votre mandat? Je commence par une question
préliminaire: Est-ce que vous étiez, à ce moment, l'avocat
de M. Latouche?
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, c'est
justement, si cela ne touche pas votre mandat, cela touche encore bien moins le
mandat de la commission. En conséquence...
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais...
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Lalonde: ...me référer à l'article de la
Presse du 17 mars qui a été, à plusieurs reprises,
invoqué ici pour poser des questions - ce qui est d'ailleurs à la
base même de notre mandat - à la réponse du premier
ministre du 18 mars affirmant que Me Jasmin, à ce moment, était
l'avocat de M. Yvan Latouche.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je peux bien concevoir
qu'il y a des articles de journaux qui sont écrits, qu'il y a des
questions qui sont posées, mais ce n'est pas ce que j'ai à
décider. Si cela ne touche pas le mandat de la commission et que cela ne
touche pas le mandat de la personne qui est devant nous, en conséquence,
la question est irrecevable.
M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez nous relater ce qui s'est
passé à la réunion du 16 février qui n'est pas
couvert par votre serment de confidentialité...
Le Président (M. Jolivet): ...et qui touche le mandat de
la commission. Mon problème est le suivant, et je pense que c'est la
même chose pour Me Jasmin; je présume moi aussi. Dans les
questions qui ont été posées par M. le ministre, il a
été question de toute conversation, de toute incidence au niveau
du mandat qu'il avait. Il invoque le secret professionnel. Donc, s'il l'invoque
sur le mandat et que cela touche notre commission au niveau du mandat que nous
avons, toute autre chose n'est pas dans le mandat de cette commission. On ne
peut pas permettre la question. Me Lussier va ajouter quelque chose.
M. Lussier: Je voudrais juste faire une remarque. Je ne veux pas
répondre à la place du témoin. Je comprends que c'est
toujours le témoin qui doit répondre. Ce que le témoin
vous a dit dans une réponse précédente, c'est que, lors de
cette rencontre du 16 février, il y a des choses qui ne touchent pas son
obligation à la confidentialité. Il y a aussi des choses qui,
à son avis, touchent son obligation à la confidentialité.
Est-ce que je comprends bien la question, pour pouvoir conseiller, que ce que
vous demandez, c'est si les choses qui touchent son obligation à la
confidentialité touchent l'obligation à la confidentialité
qui existe en rapport avec les clients mentionnés dans l'affaire du
saccage de la Baie-James. Si c'est la question, cela va aider le témoin
à y répondre. Si vous lui demandez si cela touche son obligation
à la confidentialité pour d'autres clients, cela aussi aidera le
témoin à répondre. Moi-même, j'ai de la
difficulté à pouvoir conseiller...
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous expliquer en vous
relisant le mandat de la commission. Peut-être que cela vous aidera.
Le mandat de la commission, c'est d'examiner les circonstances entourant
la décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Si, dans les réponses que Me Jasmin pourrait nous donner, cela
touche ce mandat, je vais la permettre. Mais si cela ne touche pas ce mandat de
la commission, je ne peux la permettre. Consultez-vous.
M. Duhaime: M. le Président. Le Président (M.
Jolivet): Oui. M. Duhaime: Je voudrais...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. C'est un
petit problème technique qu'on nous propose de régler. C'est M.
le ministre qui va faire mention de ce petit problème technique.
M. Duhaime: II m'est arrivé, il y a plusieurs
années, de voir un film où des spécialistes arrivaient
à lire facilement sur les lèvres sans entendre de son. Je
demanderais, M. le Président, pour éviter aussi que cela fasse un
focus inutile sur Me Jasmin et Me Lussier au moment où ils se
consultent, que vous demandiez bien gentiment au caméraman ou au
technicien de la caméra de...
Une voix: De montrer le président.
Le Président (M. Jolivet): De me montrer. Parfaitement. En
conséquence, c'est déjà acquis.
M. Duhaime: Pendant que la consultation...
Le Président (M. Jolivet): Les messages sont faits. Si
c'est sur cette question...
M. Duhaime: Vous pouvez montrer le député de
Brome-Missisquoi aussi.
M. Gratton: M. le député de Bourassa voudrait avoir
la caméra de temps en temps.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant avant que vous
ne parliez, parce que j'ai des petits problèmes techniques de droit.
M. Laplante: ...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Bourassa voudrait intervenir?
M. Laplante: Seulement pour la bonne compréhension, pour
pouvoir suivre les travaux. On sait que c'est compliqué. Si la question
était du député de Marguerite-Bourgeoys c'est que
Me...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Non, non. Écoutez...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
Non.
M. Laplante: C'est pour aider. C'est pour aider.
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse. Me Lussier...
Juste un instant. Me Lussier va répondre et je pense que cela va
régler mon problème. Me Lussier.
M. Lussier: M. le Président, lors de cette rencontre, pour
être plus clair et pour savoir exactement où on va, il a
été question de choses qui ne concernent pas le mandat de la
commission. Mais à l'occasion de cette rencontre, il est survenu quelque
chose qui pourrait concerner le mandat de la commission mais qui, à
notre avis, est couvert par l'obligation à la confidentialité et
c'est en ce sens que nous avons formulé l'objection tout à
l'heure, c'est-à-dire le...
M. Lalonde: ...poser la question à Me Lussier. Est-ce que
le fait que M. Latouche soit ou non ou ait été à ce moment
ou non un client de Me Jasmin est couvert par cette obligation à la
confidentialité?
M. Lussier: Non, cela ne concerne pas du tout la relation qui
puisse exister entre M. Latouche et...
Le Président (M. Jolivet): Si j'ai bien compris, cela ne
concerne pas le mandat de la commission.
M. Lalonde: Bien, c'est-à-dire, M. le
Président...
M. Lussier: Bien là, ce n'est pas à moi à
déterminer cela, M. le Président. Vous le comprendrez.
M. Lalonde: C'est là-dessus, M. le Président, que
je voudrais faire appel à votre bon jugement. On a posé des
questions, le ministre en a posé sur l'article de la Presse du 17 mars
à plusieurs témoins. Me Boivin a disséqué l'article
du 17 mars dans sa déclaration préliminaire. Vous ne l'avez pas
arrêté. Vous n'avez interdit aucune référence
à l'article du 17 mars 1983, c'est-à-dire l'article du journal La
Presse, qui contient cette prétention d'une participation de M.
Yvan Latouche à une réunion avec Me Jasmin et Me Gauthier
le 16 février 1979. À la suite de cet article du 17 mars, dans la
réponse du premier ministre, il y a une affirmation selon laquelle Me
Jasmin était l'avocat de M. Latouche à ce moment-là. Il me
semble que cela est dans le mandat et que ce n'est pas couvert par la
confidentialité qui vient du mandat d'autres clients de Me Jasmin. Il me
semble qu'on devrait permettre la question.
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: J'aimerais que vous m'écoutiez jusqu'au bout
parce que je veux...
Le Président (M. Jolivet): Je suis prêt.
M. Laplante: ...comprendre ce qui se passe autour de la
table.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce
n'est pas ce que je voulais...
M. Laplante: Écoutez...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, vous me mettez en
cause, je vais quand même répondre. Je n'aime pas qu'on me mette
en cause quand j'ai des décisions à rendre. Ce que j'étais
en train de vous dire tout à l'heure, c'est que j'avais demandé
une réponse à Me Jasmin par l'intermédiaire de son
procureur, Me Lussier, et c'est celle-là que je voulais entendre en
premier. Je ne voulais pas vous empêcher de parler.
M. Laplante: Oui, mais cela aurait peut-être...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, si
vous insistez, je vais utiliser d'autres articles que vous connaissez
très bien.
M. Laplante: J'espère que vous les utiliserez pour tout le
monde.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Me Jasmin n'était pas l'avocat du syndicat
américain. Ce que je veux savoir, c'est si, lors de la rencontre avec Me
Gauthier - M. Latouche était là aussi - il aurait pu être
question aussi du syndicat américain qui n'était pas dans le
mandat de Me Jasmin. C'est cela que je voudrais savoir, si les questions qu'on
aura à poser à un moment donné touchant le syndicat
américain, on pourra les poser.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous aurez toute latitude de poser des questions si vous me demandez le
droit de parole; je vous l'accorderai quand nous en serons à votre
côté, selon l'alternance.
M. Laplante: C'est justement...
Le Président (M. Jolivet): Vous les poserez après.
Je ne peux pas le savoir pour le moment. Vous n'avez pas droit de parole. Cela
n'avait pas trait justement à la discusssion en cours. Voulez-vous
répéter la question M. le député?
M. Lalonde: J'avais terminé ma demande...
Le Président (M. Jolivet): ...mais votre question...
M. Lalonde: ...à vous-même, à savoir pourquoi
vous déclariez irrecevable une question que j'ai posée, à
savoir si Me Jasmin était, le 19 février 1979...
Le Président (M. Jolivet): Le 16 février 1979.
M. Lalonde: ...le 16 février 1979, l'avocat de M. Yvan
Latouche.
Le Président (M. Jolivet): Là, c'est une question
que vous posez. Ce que j'avais compris, c'était plus large que cela.
C'est pour cela que je l'avais déclarée irrecevable parce qu'elle
parlait de beaucoup d'autres choses et c'était sous cette
partie-là. Je vous permets de répondre.
M. Jasmin: Quand M. Latouche a dit que je ne l'avais jamais vu
avant, j'ai essayé pendant quatre jours de savoir où j'avais
déjà vu cette personne-là. J'ai la nette impression que
j'avais rencontré M. Latouche à mon bureau, en 1978, pour une
consultation juridique et une demande d'emploi. Il y a trois
éléments qui me font souvenir de cette réunion-là.
Le premier c'est que M. Latouche rédigeait ses propres procédures
et comme avocat cela ne s'oublie pas. Quand quelqu'un arrive avec des
procédures judiciaires et qu'il rédige lui-même ses propres
procédures, cela ne s'oublie pas. Alors j'ai le souvenir de cela.
Deuxièmement, lors de cette rencontre, je vous dis que c'est une
impression que j'ai et je me suis souvent posé cette question, je l'ai
rencontré avant. Troisièmement, c'est que la visite était
très contemporaine à une victoire, enfin, à un gain qu'il
avait eu en Cour supérieure contre des avocats. Alors il était
très fier de cela.
Le deuxième élément, c'est que j'ai donné
une suite à cette rencontre quand il est venu me voir. C'est là
que je suis bloqué, j'ai donné une suite à cette rencontre
puis... Une seconde, si vous permettez.
Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Jasmin.
M. Jasmin: Le fait que je suis couvert par le secret
professionnel, que voulez-vous que je vous dise?
Le troisième élément qui me fait souvenir de cela,
c'est que lorsque je suis arrivé au bureau de M. Gauthier et que j'ai vu
M. Latouche, c'est une personne que j'avais déjà vue parce que la
première réaction que j'ai eue, c'était de blaguer sur les
procédures d'avocat. De plus, j'ai fait cet exercice pendant quatre
jours, parce que, évidemment, des fois, vous êtes
député, il y a des gens qui vont vous voir dans votre
comté et qui vous disent: Écoutez, je vous ai rencontré,
M. le député. Des fois, vous le saluez, vous souriez et vous
dites: Oui, certainement.
M. Lalonde: Rappelez-moi votre nom.
M. Jasmin: Cela, c'est l'impression que j'ai. Ce n'est pas le
souvenir que j'ai d'une seule rencontre. Quand j'ai fait cet exercice,
évidemment, c'est fatigant se faire dire: Écoutez, on ne vous a
jamais vu avant. J'ai fait les cent pas pour essayer de me souvenir. Je vais
vous dire la démarche que j'ai faite. Je me suis rendu à la Cour
supérieure de Montéal et j'ai regardé le dossier de
l'action prise par M. Latouche contre la SEBJ. Je vous dis que je me
considère libéré du secret professionnel que j'avais lors
de cette rencontre parce que M. Latouche m'a libéré implicitement
parce qu'il m'a dit qu'il ne m'avait jamais rencontré avant. Alors,
implicitement, je me sens libéré du secret professionnel.
J'ai fait sortir le dossier et j'ai passé peut-être deux
heures à étudier son dossier à la Cour
supérieure.
M. Lalonde: Récemment?
M. Jasmin: Oui, oui, j'ai fait cela récemment.
M. Lalonde: Oui, oui, au moment...
M. Jasmin: J'ai regardé les procédures et,
évidemment, cela te revient à la mémoire lorsque tu
regardes les procédures. Il y avait un avocat, M. Yanuck Chuit, qui
était l'avocat d'Hydro-Québec. De mémoire, je pense qu'il
avait fait une requête de production de documents. On a forcé la
SEBJ à produire des documents et c'est M. Latouche qui faisait la
demande. J'ai une partie des procédures que M. Latouche a faites. Si
jamais il y a des avocats qui veulent voir des procédures bien faites
par un profane, moi, je n'ai jamais vu cela de
ma vie. Cela, on s'en souvient tout le temps, mais on peut oublier une
rencontre.
De plus, je veux vous dire aussi que j'ai essayé de
retracer...
Le Président (M. Jolivet): Pardon. Excusez-moi. Par vos
interventions de part et d'autre vous empêchez...
M. Jasmin: Je n'ai pas mon agenda de 1978. Je garde mes agendas
deux ans par deux ans. Il y a des avocats qui vont le jeter le 31 janvier et il
y en a qui vont le garder quinze ans. Je n'ai pas ouvert de dossier de cette
visite, parce que la politique à notre bureau est que lorsque c'est une
consultation de quelqu'un qui vient vous consulter pendant une demi-heure ou
trois-quarts d'heure pour quelque chose, quand on n'a pas une suite à
cela, on n'ouvre pas de dossier. Je pense que c'est la pratique commune dans
les bureaux d'avocats et dans les études. La raison est très
simple: Cela coûte plus cher d'ouvrir un dossier que de facturer des
honoraires au client. On n'en fait pas. Il y a beaucoup de clients qui viennent
nous voir. On fait une première consultation. On dit: Écoutez, il
y a cela. Le client s'en va. On ferme nos livres. Je n'ai pas ouvert de
dossier.
M. Lalonde: Est-ce que je vous comprends bien, M. Jasmin, quand
je dis qu'en grattant votre souvenir il est possible que M. Latouche vous ait
consulté auparavant, mais que le 16 février 1979, vous n'aviez
pas le mandat de le représenter d'aucune façon?
M. Jasmin: Je n'étais pas l'avocat... Je veux dire que, le
16 février, il m'a consulté comme avocat. Mais le 16
février...
M. Lalonde: Vous n'aviez pas de mandat.
M. Jasmin: ...je n'avais pas de mandat.
M. Lalonde: Le ministre vous a fait donner quelques
précisions sur vos mandats, les mandats de vos différents
clients, les dates où cela a commencé, quand cela s'est
terminé. Est-ce que ces mandats incluaient, à partir du 14
janvier, un mandat du Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction de négocier un règlement? Je m'arrangerai pour
vous faire parvenir le procès-verbal d'une réunion qui a
été tenue à votre bureau ce dimanche 14 janvier 1979, si
vous en avez besoin pour votre souvenir. Est-ce que vous incluez ce mandat dans
ceux dont vous parliez au ministre?
M. Jasmin: Oui. Conformément à la position qu'on a
prise. Il y a encore cet... Il y a un doute sur la libération. Je
dois...
M. Lalonde: Non, je comprends. Mais strictement sur le mandat,
comme le ministre vous a demandé de dire quel mandat vous aviez, est-ce
que vous aviez aussi ce mandat?
M. Jasmin: Oui, il y avait un mandat, mais je ne peux pas vous
parler du contenu.
M. Lalonde: Je ne vous pose pas de question sur le contenu. Bien
oui...
M. Lussier: C'est-à-dire que vous avez dit, M. le
député: Un mandat de négocier un règlement. C'est
dans ce sens que M. le juge Jasmin donne sa réponse.
M. Lalonde: Ma question est posée à Me Lussier.
M. Lussier: II y avait un mandat.
M. Lalonde: Lorsque le ministre a posé des questions sur
les mandats, Me Jasmin a répondu sur la nature du mandat qu'à
compter de telle date, c'était un mandat pour défendre les
clients contre la poursuite; et même, il a parlé des mandats
auparavant parce que la poursuite a commencé seulement en février
1976 ou enfin en 1976. Me Jasmin a parlé de mandats qui remontent au 22
mars 1974 et qui n'étaient donc pas reliés à la poursuite
mais reliés au saccage. Lui-même a donné des détails
sur la nature du mandat. C'est pour cela que je pense que si on peut poser la
question à Me Lussier s'il a reçu un mandat particulier le 14
janvier 1979, on peut lui poser la question sur la nature du mandat.
M. Lussier: Si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Lussier: Lors de la question de M. le ministre, nous avons
compris - c'est en ce sens d'ailleurs que j'ai avisé M. Jasmin -qu'on
demandait au témoin s'il avait un mandat dans l'affaire finalement qui
concernait l'étude de votre commission, c'est-à-dire dans les
poursuites prises en rapport avec le saccage de la Baie-James. Bien sûr,
à ce moment-là, le fait d'avoir un mandat dans une affaire n'est
pas du tout une divulgation du contenu du mandat. On peut avoir des mandats
très différents dans une affaire. On peut avoir un mandat de
régler comme vous l'avez dit. On peut avoir un mandat de
négocier. On peut avoir un mandat de contester jusqu'au bout. Quant
à la nature du mandat, je ne crois pas que le témoin ait jamais
répondu quelque chose dans ce sens.
Si vous désirez savoir par votre question s'il avait un mandat du
conseil
provincial, je crois même que la première réponse du
témoin couvrait cet aspect. Si vous voulez savoir s'il avait un mandat
spécifique de négocier un règlement, c'est sur cet aspect
que nous invoquons l'obligation à la confidentialité. C'est en ce
sens.
M. Lalonde: Alors, je vais reformuler ma question. Est-ce que
vous avez reçu un mandat le 14 janvier 1979, du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction relativement à la
poursuite de la SEBJ contre ce syndicat?
Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce qu'on est en
train de me dire que je vais à Clova vendredi. Oui, Me Lussier.
M. Lussier: Le problème, je vous le soumets bien
honnêtement, c'est qu'il y a deux aspects dans cette question. L'un des
aspects porte sur une date et je comprends que M. le député veut
savoir si on avait un mandat spécifique à telle date. Je veux
seulement vous soumettre un problème pour considération. Dans la
mesure, par exemple, où tel mandat ou une partie de tel mandat aurait pu
survenir à une autre date, antérieure ou postérieure, pour
que le témoin réponde sous serment la stricte
vérité quand on lui demande si à telle date il a eu un
mandat spécifique, je crois qu'il doit donner des détails qui,
à ce moment-là, l'obligeraient à entrer dans le
détail des mandats qu'il a reçus avant ou après,
relativement à la partie ou à la totalité de ce même
mandat.
Le Président (M. Jolivet): Je pense...
M. Lussier: C'est la difficulté à laquelle nous
sommes confrontés et vous comprendrez qu'à l'occasion de
certaines questions qui peuvent sembler, comme je le disais, anodines, il y a
des difficultés pour nous de donner des réponses qui soient
cohérentes, à la fois avec le serment qui a été
prêté et avec l'obligation à la confidentialité. Je
m'excuse si cela peut être long, mais je vous ai exprimé
très franchement le problème qui se pose pour telle question.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que cela va vous
aider: On va suspendre la séance jusqu'après la période de
questions cet après-midi, vers 15 heures ou 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise de la séance à 15 h 50)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend donc ses travaux aux fins d'examiner les circonstances
entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt
(Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M.
Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne
(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa),
M. Saintonge (Laprairie), le rapporteur étant toujours M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet).
La personne invitée aujourd'hui est le juge Michel Jasmin. Je
dois vous dire que nous devrions normalement siéger à partir de
maintenant jusqu'à 18 heures et reprendre après l'heure du
souper, de 20 heures à 22 heures. C'est l'horaire de la journée
pour le moment.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez la parole
et une question avait été posée à Me Jasmin, mais,
pour rafraîchir la mémoire de tout le monde, peut-être que
M. le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait reprendre sa
question.
M. Lalonde: M. le Président, il me semble qu'on parlait
d'un mandat qui aurait été accordé à M. Jasmin le
14 janvier 1979. Je lisais le texte d'un procès-verbal d'une
réunion tenue par le bureau de l'exécutif du Conseil provincial
du Québec des métiers de la construction de dimanche 14 janvier
1979 au bureau de la firme d'avocats Jasmin, Rivest, Castiglio, Castiglio et
Lebel. On sait que ce mandat a aussi été rapporté dans les
journaux de ce matin, dans le Soleil de ce matin. Pour bien vous situer, pour
être bien sûr que vous répondez à la bonne question
ou que vous ne pouvez répondre à la question, je vais vous lire
le texte: "II est proposé par M. Raymond Boucher, appuyé par M.
André Chartrand, que Me Jasmin a mandat pour négocier un
règlement dans le cadre des discussions intervenues au cours de la
présente réunion, c'est-à-dire, premièrement, que
le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction,
sans admettre une responsabilité, pourra participer aux
indemnités à être versées sous forme de
règlement hors cour; deuxièmement, que Me
Jasmin donne un compte rendu des discussions qui auront lieu en vue
d'aboutir à ces règlements."
Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer ou d'infirmer ce
mandat?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: On n'infirme rien, on ne veut pas rentrer dans le
contenu des mandats.
M. Lalonde: Vous n'êtes en mesure ni de confirmer, ni
d'infirmer.
En parlant, justement, de cet article paru dans le Soleil aujourd'hui,
le journaliste, M. Samson, rapporte que M. Maurice Pouliot,
président-directeur général du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction, qui était un
officier d'une de vos clientes à ce moment-là, aurait
écrit -et je cite l'article du Soleil - "Selon notre procureur...
M. Duhaime: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Sauf erreur, je pense qu'on va s'enferrer dans un
débat de ouï-dire. Moi aussi, j'ai lu le Soleil de ce matin. J'ai
pu en prendre connaissance à l'heure du lunch. M. le Président,
j'en ferai une question de règlement. Les propos rapportés dans
le journal Le Soleil constituent du ouï-dire et ne peuvent pas être
mis en preuve et encore moins lorsque ce ouï-dire est rapporté par
un journaliste. Je m'oppose à ce qu'on introduise dans nos débats
des éléments de preuve qui n'ont pas été soumis
à la commission conformément à nos règlements.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je suivrais volontiers le ministre dans sa
théorie du ouï-dire si je posais la question à M. Pouliot.
Il me semble que je n'aurai pas la possibilité de le faire, à
moins de réussir à convaincre le ministre du bien-fondé de
notre demande de convoquer M. Pouliot à la commission parlementaire. Ce
que j'avais l'intention de faire était de demander à Me Jasmin si
c'est exact, ce que M. Pouliot rapporte qui lui a été dit. Cela
n'est pas du ouï-dire puisque cela vient justement du témoin
lui-même, de la source même de ces paroles ou de ces propos. Je ne
sais pas de quelle façon le ministre construit son argument pour
conclure qu'il s'agit de ouï-dire.
Si je demandais à M. Pouliot s'il sait ce qui s'est passé
dans le bureau du premier ministre et qu'il me répondait: M. Jasmin nous
a dit telle chose, cela pourrait être du ouï-dire. Ceci n'est pas
illégal nécessairement lorsque la meilleure preuve n'est pas
possible, mais ce n'est pas la meilleure preuve. Je rapporte à M. Jasmin
les propos publiés de M. Pouliot, qui semblent d'ailleurs,
d'après la publication, faire partie d'un mémoire que M. Pouliot
avait l'intention de présenter à cette commission, "Selon notre
procureur, écrit M. Pouliot dans sa déclaration, le montant de
300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais vous interrompre avant même que vous continuiez pour m'assurer qu'on
respecte la rigueur que j'ai demandée ce matin et pour éviter que
des demandes faites à Me Jasmin par l'intermédiaire d'articles de
journaux ou d'autres façons ne soient une pression additionnelle sur
l'invité qui nous a déjà mentionné, par
l'intermédiaire de son procureur, dans quel corridor, il doit manoeuvrer
à la suite des décisions que j'ai rendues. Il serait, à
mon avis, incorrect envers l'invité de poser des questions un peu,
j'oserais peut-être dire, comme si on allait à la pêche, au
niveau de certaines choses qui sont dites par des preuves qui ne sont pas ici
devant cette commission parlementaire. Peut-être que la façon de
poser votre question nous amène à être circonspects quant
au fait de la question posée. J'aimerais peut-être mieux, pour
nous assurer qu'il n'y ait pas de problème, comme je vous l'ai,
d'ailleurs, demandé lors de la décision que j'ai rendue ce matin,
vous inviter à reposer votre question autrement sans utiliser des choses
qui ne sont pas mises en preuve ici devant cette commission.
M. Lalonde: M. le Président, je veux être bien
sûr de mesurer le corridor, qui est très étroit,
d'ailleurs, dans lequel nous devons travailler. Vous avez dit dans votre
décision qu'il appartient au témoin de déterminer la
portée, l'étendue et l'application de son obligation à la
confidentialité. Le témoin est assisté d'un avocat qui
nous a fait une démonstration de ses connaissances à ce sujet
hier et aujourd'hui. Vous avez dit aussi que, dans le cas de doute - enfin,
c'étaient vos conclusions - il devait faire l'application la plus
générale. Mais cela, c'est dans le cas de doute. Cela veut dire
qu'il est possible qu'à une question Me Jasmin se sente et se croie
parfaitement en mesure de répondre sans violer son obligation de
répondre, mais, à ce moment-là, il faut que je pose la
question.
Si je me réfère à l'article qui est dans le Soleil
aujourd'hui, c'est que je veux démontrer que je ne vais pas à la
pêche, justement, parce que j'aurais pu poser la question: Avez-vous dit
à M. Pouliot et à
d'autres que...? Je peux inventer ou imaginer toutes sortes de "que" qui
se suivent, mais je veux démontrer que c'est une question
sérieuse et pertinente. J'en prends la source dans un journal
sérieux et pertinent. Je n'ai pas vu de démenti de la part de M.
Pouliot à cette publication ce matin. Ce n'est pas de la preuve. Ce sera
de la preuve lorsque Me Jasmin, s'il peut répondre, nous dira: Oui, je
l'ai dit ou non, je ne l'ai pas dit. Ou bien, il sera toujours loisible
à Me Jasmin de dire: Bon, écoutez, je ne peux pas
répondre, à cause de son obligation. Mais c'est mon obligation,
devant cette publication d'une partie du mémoire de M. Pouliot, un
ancien client de Me Jasmin, de lui demander s'il peut répondre et, si
oui, quelle est sa réponse. Il me semble que c'est tout à faire
dans l'ordre.
M. Perron: Ce n'est pas M. Pouliot qui est un ancien client.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: M. Pouliot était le secrétaire
général d'un ancien client. C'est un officier supérieur.
Il a signé la convention qui a terminé la transaction.
M. Perron: Provincial (FTQ).
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Lalonde: C'est pour cela que je vous demande de me laisser
poser la question, que je reprends: Est-ce que...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant! M. le
ministre veut intervenir avant; alors, je vais donner la parole à M. le
ministre. (16 heures)
M. Duhaime: Oui, M. le Président, au sujet de la question
de règlement. Je ne sais pas si le député de
Marguerite-Bourgeoys a des informations fraîches sur les amendements
à la loi de la preuve, mais je n'ai pas l'impression que, lorsqu'il n'y
a pas de meilleure preuve, on pourrait permettre le ouï-dire. Une preuve
de ouï-dire est une preuve inadmissible. Une preuve par ouï-dire est
inadmissible.
M. Lalonde: Si elle est corroborée, elle est
admissible.
M. Duhaime: Non, vous retournerez à vos papiers.
M. Lalonde: Je me passerais des leçons du ministre.
M. Duhaime: Dans le journal Le Soleil du 26 mai 1983, en citant
des extraits du mémoire - non, je me réfère exactement au
point qui est soulevé; je ne veux pas lire tout l'article -
d'après Me Jasmin, et c'est M. Pouliot qui parle les dirigeants de la
SEBJ, d'Hydro-Québec, etc. C'est très clair que ce dont parle M.
Pouliot, la connaissance qu'il a de faits et de gestes de membres du conseil
d'administration, il l'a à travers Me Jasmin, ce qui est du
ouï-dire et qui n'est pas admissible.
M. Lalonde: Pas du tout.
M. Duhaime: II y a un deuxième élément, si
vous me le permettez.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député, personne n'a interrompu le député de
Marguerite-Bourgeoys; la même chose pour le ministre.
M. Duhaime: Me Jasmin, étant lié par son secret
professionnel, comme vous l'avez dit vous-même, M. le Président,
c'est à lui d'évaluer si son obligation à la
confidentialité couvre cet aspect. On se trouve dans une situation un
peu curieuse. Je fais l'hypothèse que Me Jasmin dit: Ce n'est pas
couvert. Donc, il répondra à la question. Mais s'il dit: C'est
couvert, il ne peut pas y répondre. Mais je ne permettrai certainement
pas que, par ailleurs, à travers le journal Le Soleil, M. Pouliot et M.
Jasmin, on ait deux étapes dans le ouï-dire et qu'on veuille tenter
de mettre des éléments en preuve à partir de l'article
d'un quotidien. Je pense, M. le Président, que ce n'est pas une
façon de fonctionner en commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Avant de rendre une
décision, simplement - oui, je vous le permettrai après - pour
m'assurer que le corridor dans lequel nous sommes respecte aussi l'individu qui
est notre invité. J'avais dit, à la fin de la décision que
j'ai rendue, que j'invitais les membres de la commission à respecter
scrupuleusement les paramètres dont je venais de faire état
à l'époque et que je serais à cet égard d'une
rigueur absolue, car il s'agit d'un droit fondamental et d'une obligation en
découlant. C'est dans ce sens que je mets certaines réticences
à la question telle que posée puisqu'on risque d'obliger le
témoin à une réponse, qu'elle soit positive ou
négative ou de doute, qui semblerait être une réponse en
vertu de ces paramètres dont Me Lussier nous a fait mention ce matin et
desquels il s'inspire. C'est dans ce sens que je suis très
réticent, mais, pour m'assurer que ma décision sera la meilleure
possible, je vais demander à d'autres de m'éclairer. Le
député de Jonquière veut parler, mais, avant, le
député de Marguerite-Bourgeoys voulait ajouter une autre
question. Ensuite, M. le député de Jonquière.
M. Lalonde: II y a une double objection, d'après ce que je
comprends, de la part des ministériels, à ce que je lise la
question, à ce que je pose la question. Une des objections, c'est que ce
serait du ouï-dire. Je pense que le ministre a oublié certains
préceptes de ses livres de droit. Ce n'est pas du ouï-dire quand on
demande à un témoin s'il a dit cela. C'est de son propre dire. Ce
n'est pas du ouï-dire, il n'a pas entendu dire. S'il ne répond pas,
ce n'est pas en preuve. C'est une autre chose que le ministre devrait
savoir.
M. Duhaime: On sait tout cela. Ce n'était pas cela, votre
question.
M. Lalonde: La deuxième objection, semble-t-il, c'est
qu'à moins d'être sûr que le témoin pourrait
répondre on ne peut pas poser la question.
M. Duhaime: Non, non.
M. Lalonde: À ce moment-là, M. le Président,
le corridor devient tellement étroit que je ne peux même pas
passer une feuille de papier, si tout ce que je peux poser à Me Jasmin,
ce sont des questions sur la généralité, sur des mandats,
à quelle heure cela a commencé, à quelle heure cela a
fini, s'il est allé réellement à ces rencontres-là.
J'ai le droit de lui demander ce qui a été dit à ces
rencontres. C'est là que, se pliant à votre décision, le
témoin décide, conformément à sa conscience, de
soulever son obligation, d'y faire appel, d'invoquer son obligation à la
confidentialité. Si je ne peux pas poser une question spécifique,
en présumant que cela va être rejeté ou, enfin,
écarté à cause de l'obligation, M. le Président, je
pense que cela va au-delà de votre décision de ce matin.
Votre décision de ce matin laissait une place au doute. Votre
décision de ce matin n'était pas fondée sur
l'incapacité totale du témoin de témoigner, parce que, si
c'était cela, M. le Président, vous iriez contre votre
décision du 3 mai qui était que M. Jasmin était
contraignable et qu'il n'avait pas droit à un congé total de
témoigner, à une dispense complète et absolue de
témoigner et que ce serait simplement aux questions, l'une après
l'autre, qu'il pourrait invoquer son obligation à la
confidentialité. Mais encore faut-il qu'on puisse lui poser des
questions, des questions telles que: Est-ce que vous avez parlé... Je
vais poser la question, M. le Président, tout à l'heure: À
telle réunion, l'une après l'autre, est-ce que vous avez
parlé de telle chose? Et, s'il juge que c'est recevable et qu'il peut
dire: Oui, je peux vous le dire, il donnera la réponse. Mais si je ne
pose pas la question, on n'aura pas de réponse.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, loin
de moi l'intention de suggérer au député de
Marguerite-Bourgeoys comment poser cette question, mais je pense - en tout cas,
j'estime - que, s'il posait cette question à Me Jasmin: Est-ce que vous
avez déjà parlé à M. Pouliot et qu'est-ce que vous
lui avez dit, ce serait une question très recevable.
M. Lalonde: Ce serait aller à la pêche.
M. Duhaime: Non, mais c'est cela, la question.
M. Lalonde: Je peux lui demander: Est-ce que vous avez dit
cela?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, il
est manifeste que le député de Marguerite-Bourgeoys veut
introduire les déclarations de M. Pouliot dans son préambule et
dans sa question, alors qu'on ne sait même pas si Me Jasmin sera en
mesure ou non de répondre à cette question. C'est un moyen
détourné - alors qu'on ne sait pas si le témoin, en toute
justice, pourra répondre ou non - de faire dire à M. Pouliot des
choses qui ne sont même pas des faits, qui sont des déclarations
d'une personne qui n'est même pas invitée à cette
commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Ce serait très injuste, parce que je vous le
dis d'avance d'ailleurs, on l'a dit - nous allons faire une motion si nous
sommes obligés de la faire. Mais nous attendons à la
dernière minute, croyant et espérant que le premier ministre va
changer d'idée. On a tenté à l'Assemblée nationale
de convaincre le premier ministre d'appeler M. Pouliot, justement sur la foi de
ce que nous avons appris ce matin et nous allons introduire dans les
débats tout ce qui est dans l'article et peut-être davantage. Cela
va être dit ici, alors que M. Jasmin n'y sera même pas pour avoir
le loisir, la liberté s'il le peut, si son obligation à la
confidentialité le lui permet - de dire: Non, ce n'est pas ce que j'ai
dit. Oui, c'est cela que j'ai dit, mais pas de cette façon.
Autrement dit, ce qu'on m'invite à faire, c'est attendre que Me
Jasmin soit parti et ensuite introduire cela dans les débats. Je ne
trouve pas cela très honnête. Cela a été introduit
dans le débat politique, public, enfin, appelez-le comme vous
voudrez, en publication dans les journaux, on en a parlé au salon
bleu cet après-midi, à la période des questions, je l'ai
lu. Là, on ne donnera pas à Me Jasmin le loisir de
témoigner s'il le peut, mais il pourra décider s'il ne peut pas.
S'il ne peut pas, cela, c'est l'épée de Damoclès qui nous
pend au-dessus de la tête, M. le Président, à cette
commission en ce qui concerne le témoignage de Me Jasmin. Ce n'est pas
sa faute. C'est son obligation légale. Je le reconnais.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...je voudrais vous référer à
votre décision de ce matin et je vous cite à la page 3. Vous
dites: "II appartiendra à Me Jasmin de faire valoir son obligation au
secret professionnel. Il devra évaluer, lors de chaque question, si son
obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en faveur de la
protection de la confidentialité. Toutefois, il n'aura pas à
justifier l'invocation de son obligation au secret professionnel et je
réitère que la commission ou ses membres ne pourront porter de
jugement sur cette invocation par le témoin et encore moins la
contester." Alors, c'est le témoin lui-même qui doit invoquer ou
non ce droit au secret professionnel et je ne crois pas qu'on puisse
présumer soit de la part du ministre, soit de la part de la
présidence, que le témoin va l'invoquer. Je crois que nous
devrons être en mesure de poser ces questions et, si le témoin
invoque son droit au secret professionnel, alors nous n'avons aucune autre
chose à dire et nous devons procéder à la prochaine
question.
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il faut faire une
distinction, justement, dans ce que vous venez de lire à la page 3: "II
appartiendra à Me Jasmin de faire valoir son obligation au secret
professionnel." Je pense que ce n'est pas l'objet de la question que j'ai
à trancher. L'objet de la question que j'ai à trancher, c'est si
la question posée est recevable ou non recevable. Je pense qu'à
plusieurs occasions j'ai fait mention aux membres de la commission qu'on doit
aussi permettre en toute justice à l'invité d'être capable
de répondre à la question qui est posée. Alors, nous
n'avons aucunement à nous poser des questions eu égard aux
articles des journaux, parce qu'on s'en poserait tous les jours, des questions.
Mais l'invité, comme tel, a droit aussi une certaine forme de justice
puisqu'on pourrait utiliser des questions comme celles-là pour en
arriver à faire en sorte que l'individu devant nous soit mal
placé pour y répondre, parce que, qu'il réponde oui ou
qu'il réponde non, il peut déjà d'une certaine
façon enfreindre l'autre partie de ce que j'ai dit au niveau de son
secret professionnel.
M. Lalonde: C'est lui qui juge.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais que c'est lui qui
juge. On me fait mention que c'est lui qui juge. Mais on ne doit pas, non plus,
utiliser des droits que nous avons pour forcer une personne à prendre
des décisions qui soient vraiment difficiles à prendre et qui
doivent être tranchées, d'abord, par la présidence, pour
savoir si la question est recevable ou non et, ensuite, si elle est recevable,
une question pourrait être adressée à notre
invité.
Je dois vous dire aussi que, pour répondre au
député de Marguerite-Bourgeoys, dans la décision que j'ai
rendue ce matin, on a pris la précaution de bien vous faire mention
qu'il appartenait à la commission de déterminer si, dans ces
circonstances, sachant dès le départ que le corridor était
très rétréci, le témoignage de M. Jasmin pourrait
être, malgré tout, de quelque utilité pour la commission
parlementaire. Mais je pense que la question qui est posée à
partir d'un article de journal ne permet pas, au niveau de la question à
être posée, de rendre justice à notre invité et j'ai
de la difficulté de l'accepter comme question recevable. En
conséquence, je vous demanderais de la formuler, s'il le faut, d'une
autre façon et on verra à ce moment.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas prendre plus
de temps de la commission là-dessus. Maintenant, je vous ferai remarquer
que votre décision, votre façon de juger de cette question va me
forcer, malheureusement, à faire référence à cet
élément en commentaire, à la fin, alors que Me Jasmin
n'aura pas le loisir de répondre, ce qui est beaucoup plus injuste et ce
que je ne voulais pas faire. Je vous demande de me permettre de la poser telle
quelle et ce sera, comme votre décision le dit, à Me Jasmin de
décider s'il peut répondre ou non. S'il peut le faire, qu'il
réponde; s'il ne peut le faire, on passe à autre chose, que
voulez-vous!
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense que je ne pourrai
même pas permettre d'autres interventions. J'ai dit qu'elle était
irrecevable telle que présentée et qu'il faudrait la poser
à nouveau autrement, si c'est possible.
M. Lalonde: M. Jasmin, en ce qui concerne la réunion du 4
décembre 1978 avec M. Boivin, chef de cabinet du premier ministre,
pouvez-vous dire qui avait convoqué cette réunion?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin. M. Jasmin:
C'était à ma demande.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire combien de temps à peu
près elle a duré, un ordre de grandeur?
M. Jasmin: Une vingtaine de minutes, 20, 25 minutes.
M. Lalonde: Pouvez-vous dire... Avez-vous remarqué, M. le
Président, que je commence toutes mes questions par "pouvez-vous",
"êtes-vous en mesure de"?
Le Président (M. Jolivet): J'ai bien remarqué. Vous
savez que j'apprends beaucoup à cette commission.
M. Lalonde: Je le fais parce que je sais que c'est une question
préalable qu'il faut poser avant la question. Etes-vous en mesure de
dire s'il a été question, au cours de cette réunion, de
l'abandon par la SEBJ de la poursuite contre vos clients?
M. Jasmin: Je dois invoquer l'obligation à la
confidentialité. (16 h 15)
M. Lalonde: M. Jasmin, lors de votre réunion le 12 janvier
1979 avec M. Boivin, pouvez-vous... Je vais vous aider parce que j'imagine
qu'on a la même liste. L'heure d'entrée était 15 h 56 et
l'heure de sortie était 17 h 20. En tenant compte de la réserve
qui est contenue à la fin de la page, à savoir que cela ne veut
pas dire que vous avez passé toute cette période dans le bureau,
pouvez-vous nous dire, tout d'abord, qui a convoqué cette
réunion?
M. Jasmin: Je pense que c'est Rosaire Beaulé, si mon
souvenir est exact. Excusez-moi, je me mêle avec celle du 15.
M. Lalonde: Non, celle du 12 parce que celle du 15...
M. Jasmin: C'est moi qui... C'est à ma demande,
pardon.
M. Lalonde: Compte tenu des heures d'entrée et de sortie,
est-ce qu'on peut conclure à une durée de cette
réunion?
M. Jasmin: Je dirais de 30 à 45 minutes. Je vous dis cela
au meilleur de mon souvenir.
M. Lalonde: Nous avons appris à cette commission que le 12
janvier était trois jours avant le début du procès, le 15
janvier, de la poursuite de la SEBJ contre vos clients en particulier. Est-ce
que vous êtes en mesure de dire s'il a été question de
l'ajournement de la cause lors de cette réunion du 12 janvier?
M. Lussier: Est-ce que je peux me permettre une remarque?
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: C'est, justement, le genre de questions qui... En
apparence, évidemment, il n'y a pas là de problème quant
à un renseignement confidentiel, mais, dans la mesure où on entre
dans le contenu de ce qui s'est discuté, il y a des questions qui
peuvent être posées par rapport à l'ajournement: Pourquoi
l'ajournement? C'est à ce moment-là que le témoin devra
invoquer son obligation à la confidentialité. Quand on rentre
dans le contenu des démarches qui sont faites, dans le contenu d'une
rencontre - avec ce que je vous ai lu ce matin comme représentations qui
vous avaient été faites par le Barreau du Québec - j'ai
l'impression que, dans la mesure où on entrerait dans le contenu, on
risquerait peut-être d'aller à l'encontre de l'obligation à
la confidentialité. Je note et je suis d'accord qu'il semble que ce soit
quelque chose de tout à fait anodin par rapport à cette question,
mais je le soumets comme problème qui se pose en l'espèce.
M. Lalonde: Si je ne vous pose pas de questions quant...
M. Lussier: Autrement dit, M. le député, c'est
très clair, entre votre invité ici, M. le juge Jasmin, et moi,
que, pour tout ce qui va concerner le contenu de ces rencontres ou de ces
entrevues, pour les motifs que je vous ai exposés ce matin, nous allons
invoquer l'obligation à la confidentialité, non seulement parce
qu'une réponse en particulier peut affecter directement les
renseignements confidentiels, mais parce que, pour expliquer à
l'occasion certaines de ces réponses et certaines des démarches
lors de ces rencontres, il faudrait, en toute justice, faire
référence à des éléments de mandat, à
des renseignements confidentiels entre l'avocat et son client.
Je comprends que c'est étroit et j'ai toujours dit à la
commission que, quant à moi, je n'en voyais pas beaucoup
l'utilité. Je respecte et je suis d'accord aussi avec le fait qu'il
appartient à votre commission de juger de l'utilité des
témoignages des témoins. Je ne veux pas m'ingérer
là-dedans, mais j'ai quand même une opinion là-dessus et
c'est celle-là que je vous soumets.
M. Lalonde: Naturellement, Me Lussier, en toute
déférence à l'égard de votre mandat que vous
exécutez avec beaucoup de brio, je dois le dire, vous venez de me dire
que tout le contenu... Enfin, je le prends
comme une opinion, comme un jugement que vous portez sur la situation,
mais mon obligation est peut-être d'aller un peu plus loin, quitte...
M. Lussier: Je comprends vos obligations, mais je vais simplement
expliquer qu'entrer dans une parcelle de contenu, à un moment
donné cela ne fait plus de sens et cela cause vraiment une injustice, au
moins, au témoin.
M. Lalonde: Je le prends comme étant votre avis, votre
opinion là-dessus à votre client, Me Jasmin. En ce qui me
concerne, si je suivais cela à la lettre... Je constate que le conseil
ne m'est pas adressé, mais je dois quand même tenter, sans que
vous vous sentiez harcelé, de trouver s'il n'y aurait pas un endroit
où Me Jasmin pourrait nous aider à nous éclairer. Alors,
c'est pour cela que j'ai demandé s'il a été question... en
vous assurant que je ne vous demanderai pas ce que Me Jasmin a dit à Me
Boivin sur cette question. Là, c'est à Me Jasmin de
décider s'il peut répondre.
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: Nous sommes à la prochaine réunion, le
15 janvier 1979, qui est le premier jour du procès. Au registre, qui est
en preuve, des entrées et des sorties des visiteurs au bureau du premier
ministre à Montréal, à l'immeuble d'Hydro-Québec,
on retrouve Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin à 17 h 34,
heure d'entrée, et 18 heures, heure de sortie. Pouvez-vous nous dire qui
a convoqué cette réunion?
M. Jasmin: À mon souvenir, Me Rosaire Beaulé.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire ce qui a été
discuté lors de cette réunion?
M. Jasmin: Cela fait partie de mon obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: À la réunion suivante, le 16 janvier,
je vois une entrée à 15 h 23 et une sortie à 16 heures de
Me Michel Jasmin au bureau du premier ministre avec, comme destinataire, Me
Jean-Roch Boivin. Pouvez-vous me dire qui a convoqué cette
réunion?
M. Jasmin: C'est moi qui ai demandé cette
réunion.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire quels échanges ont
été faits au cours de cette réunion?
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: Le 19 janvier 1979, on retrouve l'heure
d'entrée pour Me Michel Jasmin, 15 h 20, sortie 16 h 30, au bureau du
premier ministre; destinataire, Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier
ministre. On retrouve aussi au registre Me Rosaire Beaulé avec une heure
d'entrée et une heure de sortie un peu différentes. Pouvez-vous
me dire qui a convoqué cette réunion?
M. Jasmin: Me Rosaire Beaulé.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous donner un éclairage
quelconque sur le contenu de cette réunion?
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: Me Jasmin, dans la liste des rencontres encore en
preuve qui nous ont été confirmées par le bureau du
premier ministre lui-même, le 2 février, on retrouve votre nom
avec celui de Me Rosaire Beaulé, avec les heures d'entrée
suivantes: 10 h 07 pour Me Rosaire Beaulé, 10 h 22 pour vous; heures de
sortie: Il h 12 pour R.B. j'imagine que c'est Me Rosaire Beaulé - et Il
h 47 pour vous-même. Pouvez-vous nous dire qui a convoqué cette
réunion?
M. Jasmin: Je ne peux pas vous dire si c'est Me Rosaire
Beaulé ou moi; c'est un des deux.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous donner un peu d'éclairage sur
les échanges qui ont eu lieu lors de cette réunion?
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: On sait, d'autre part, Me Jasmin, parce que c'est en
preuve, que Me Boivin a lunché ce même jour, le 2 février
1979, avec Me Aquin et Me Cardinal, du bureau Geoffrion et Prud'homme,
procureurs de la SEBJ. Pouvez-vous nous dire si cet événement -
appelons-le événement - était à votre
connaissance?
M. Jasmin: Ce n'était pas à ma connaissance,
non.
M. Lalonde: Donc, vous pouvez nous dire que ce n'était pas
à votre connaissance.
M. Jasmin, le 9 février 1979, votre nom était inscrit au
registre des rencontres au bureau du premier ministre du Québec à
Montréal. Destinataire: M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier
ministre. Heure d'entrée: 14 h 20. Heure de sortie: 17 h 15.
Donc, près de trois heures. Pouvez-vous nous dire qui a
convoqué cette réunion?
M. Jasmin: C'est moi.
M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire si tout le contenu des
échanges, des démarches ou, enfin, de la rencontre avec M. Boivin
est assujetti à votre obligation à la confidentialité?
M. Jasmin: Je suis lié par l'obligation à la
confidentialité.
M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez, compte tenu de votre
obligation à la confidentialité, nous dire si des documents ont
été remis par vous, sans dire quel est le contenu, soit à
M. Yves Gauthier, du cabinet du premier ministre, ou à M. Jean-Roch
Boivin, chef de cabinet du premier ministre, lors de vos différentes
rencontres?
M. Jasmin: Cela fait partie de mes démarches; je suis
lié par l'obligation à la confidentialité.
M. Lalonde: Est-ce que, conformément à l'opinion de
Me Jean-Marie Larivière qu'on retrouve au ruban 865, aux pages 1 et 2,
vous pouvez nous dire si les rencontres que vous avez eues, dont on retrouve
les coordonnées à la liste remise par le premier ministre,
étaient dans l'exécution de vos mandats quand vous alliez au
bureau du premier ministre?
M. Jasmin: C'était dans l'exécution de mon mandat,
sauf les réunions du 17 octobre, du 12 novembre 1978 et, pour une
partie, celle du 16 février 1979, comme je l'ai expliqué ce
matin.
M. Lalonde: Je m'excuse de revenir sur une réunion que
j'avais cru couvrir, la réunion du 9 février. Le registre que
vous avez devant vous indique que Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion
et Prud'homme, se serait trouvé au bureau du premier ministre à
Montréal avec, comme destinataire, Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet
du premier ministre. Pour plus de précision, je vais vous dire vos
heures d'entrée et de sortie respectives. Pour vous-même,
entrée: 14 h 20; sortie: 17 h 15; Me Cardinal, entrée: 16 h 30, 2
heures et 10 minutes après vous; sortie: 17 h 05, 10 minutes avant vous.
Est-ce que votre obligation à la confidentialité vous
empêche de nous dire si Me Cardinal s'est trouvé physiquement en
même temps que vous dans le bureau de M. Boivin?
M. Jasmin: M. Cardinal ne s'est jamais trouvé physiquement
en ma présence. Je n'ai pas vu M. Cardinal cette
journée-là.
M. Lalonde: Merci. Vous avez dit ce matin qu'il y avait eu,
à part des rencontres qui sont inscrites dans la liste, des
conversations téléphoniques avec M. Boivin ou M. Gauthier, du
bureau du premier ministre. Je pense que j'avais inclus dans ma question - mais
si je ne l'ai pas fait, je le fais - M. René Lévesque, le premier
ministre du Québec. Est-ce que vous avez eu des conversations
téléphoniques avec l'une ou l'autre de ces trois personnes
à propos de votre mandat, dans l'exécution de votre mandat et qui
ne sont pas inscrites? Vous avez dit quelques-unes, je pense, mais vous n'avez
pas parlé de M. Lévesque et maintenant je l'inclus. (16 h 30)
M. Jasmin: Ce dont je me souviens, premièrement, c'est que
je n'ai jamais communiqué ou parlé à M. Lévesque.
J'ai communiqué avec M. Boivin ou sa secrétaire. C'est surtout ce
dont je me souviens pour la convocation, enfin pour la demande de rencontre, et
avec M. Gauthier par téléphone.
M. Lalonde: M. Boivin nous a parlé d'un de ces
téléphones que, d'après lui, vous lui auriez faits
à propos de l'exigence de la reconnaissance de responsabilité de
vos clients. Est-ce que votre obligation à la confidentialité
vous permet de confirmer cette conversation téléphonique?
M. Jasmin: Elle ne me le permet pas, M. le
député.
M. Lalonde: Je vais poser une question, parce que je veux
être bien sûr que c'est couvert. Une certaine extension de
l'obligation à la confidentialité irait jusqu'à couvrir
les conversations, c'est-à-dire les informations du client à
l'avocat et aussi les informations de l'avocat à un tiers. Est-ce que
l'extension ou l'application que vous faites de votre obligation à la
confidentialité vous interdit de nous rapporter, au-delà de ces
deux catégories d'échanges, ce que M. Boivin ou M. Gauthier vous
a dit lors de ces réunions?
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: Voici, c'est encore le même type de
problème qu'on soulevait tout à l'heure, c'est-à-dire que,
dès qu'on aborde le contenu de quelque chose, pour donner un exemple
très précis de ce que je veux dire, si un témoin pouvait
rapporter ce qu'une autre personne lui a dit, évidemment, lors d'une
rencontre avec cette personne, c'est évident que ce qui lui est dit est
dit en réponse à une question ou à une intervention de sa
part, de telle sorte qu'on ne peut pas comprendre la réponse ou les
paroles de l'un sans savoir celles de l'autre. Comme nous
considérons qu'il s'agit d'un tout, c'est dans cette mesure que
nous devons répondre comme cela a été fait jusqu'à
ce jour que l'obligation à la confidentialité liait le
témoin.
M. Lalonde: Pour être bien sûr que tout le monde
comprend, M. Boivin a rapporté ici qu'il avait ou qu'il aurait dit
à Me Jasmin, je crois que c'est le 12 janvier, sous toute
réserve, selon le verbatim, le mot à mot de la transcription,
à peu près ceci: Énerve-toi pas. J'ai rencontré M.
Claude Laliberté - je présume que c'est en
référence à la réunion du 3 janvier - et je lui ai
dit que le souhait du premier ministre était que cela se règle.
Est-ce que vous êtes en mesure, par exemple, de confirmer que M. Boivin
vous a dit cela?
M. Jasmin: Je ne peux pas répondre à cette
question.
M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre à cette
question.
M. Jasmin: L'obligation à la confidentialité,
évidemment.
M. Lalonde: Bon! On s'est référé ce matin
à la réunion du 16 février à laquelle assistait M.
Yvan Latouche. Je pense qu'on a établi qu'au moment de cette
réunion du 16 février 1979 vous n'aviez pas de mandat d'agir pour
M. Latouche, que vous n'étiez pas l'avocat de M. Latouche.
M. Jasmin: Exact.
M. Lalonde: Je vous réfère au texte intégral
de la déclaration de M. René Lévesque, sous le titre qui
apparaît dans la Presse du 18 mars 1983. Vers la fin, on lit ceci: "C'est
à la demande de M. Daniel Latouche et Me Michel Jasmin que Me Yves
Gauthier a rencontré M. Yvan Latouche en présence de Me Jasmin,
qui était son avocat pour une tout autre affaire. Je pense que, pour la
dernière partie, cela a été établi que ce n'est pas
le cas. Pour la première partie, est-ce que c'est à votre demande
que Me Yves Gauthier a rencontré M. Yvan Latouche?
M. Jasmin: Si mon souvenir est exact, c'est le notaire Gauthier
qui m'a appelé pour cette réunion-là. C'est le souvenir
que j'en ai.
M. Lalonde: Est-ce que je comprends que ce n'est pas vous qui
avez demandé à Me Gauthier de recevoir M. Latouche,
d'après votre souvenir?
M. Jasmin: D'après mon souvenir, non. Cela ne me dit
rien.
M. Lalonde: Bon. M. le Président, je pense, dans le
respect le plus docile non pas de vos diktats, mais de votre décision...
Un président, c'est très puissant, vous savez.
Le Président (M. Jolivet): C'est puissant.
M. Lalonde: C'est presque un ukase... M. Duhaime: Cela a
glissé. M. Lalonde: ...c'est sans appel.
Le Président (M. Jolivet): C'est le règlement qui
le veut ainsi.
M. Lalonde: Oui, oui, vous obéissez au règlement.
J'ai tenté de faire la lumière sur une certaine
participation...
Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre que vous
faites vos commentaires?
M. Lalonde: Oui, oui.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Lalonde: ...de M. Jasmin à cette affaire. On savait -
enfin, moi, je le croyais - extrêmement importante la participation de M.
Jasmin à nos travaux, parce qu'il s'agit de l'un de ceux qui ont eu un
nombre de rencontres assez élevé au bureau du premier ministre et
qu'il aurait pu tenter d'éclairer un peu les trous de mémoire que
de nombreux témoins ont laissés à propos de ces
réunions au bureau du premier ministre. Je regrette donc que le
témoignage de M. Jasmin - comme vous l'aviez, je pense, un peu
prédit ce matin - ne nous ait pas permis de conclure que le premier
ministre ou son bureau n'est pas impliqué dans le règlement du
saccage.
Je voudrais quand même, M. le Président, compte tenu de la
situation difficile dans laquelle le témoin est placé et aussi -
je pense que ce n'est pas exagéré de le dire - compte tenu de la
fonction de juge qu'il exerce au Tribunal de la jeunesse, dire que
j'espère que ce difficile exercice n'aura pas de reflet
dérogatoire ou de retombées, d'inconvénients sur la
fonction difficile qu'il a à exercer à l'extérieur de
notre enceinte et que tout le monde comprendra que c'est son obligation
à la fois de comparaître ici et d'invoquer la loi qui l'oblige
à ne pas répondre. Je ne voudrais pas que les questions que j'ai
posées, de réunion en réunion, aient un reflet
dérogatoire à cet égard.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous avons entendu
plusieurs affirmations à votre égard, Me Jasmin. Quand nous avons
posé des questions, soit à Me Gauthier, soit à Me Boivin,
on nous a dit que, vous étiez nerveux. Me Gauthier nous a dit que quand
vous alliez dans son bureau, il avait l'impression que vous pratiquiez devant
lui. On vous offrait des cafés pour vous calmer.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Ciaccia: On vous amenait luncher. On se souvient même
qu'une fois vous aviez oublié votre imperméable dans le bureau,
je crois, de Me Gauthier, et que vous étiez allé chercher votre
imperméable. Cela semble être le portrait qu'on a fait de vous et
de vos visites chez Me Gauthier ou Me Boivin. Quand on a tenté d'obtenir
des informations sur la participation de Me Boivin ou de Me Gauthier,
c'était très difficile. On se faisait dire qu'ils ne se
souvenaient pas des discussions qu'ils avaient avec vous. Ils ne niaient pas et
ils ne confirmaient pas en avoir eu. Ils disaient: On écoutait. Je
voudrais savoir s'ils ont fait - si vous pouvez nous le dire - plus que
seulement écouter. Pouvez-vous nous dire s'ils ont eu, effectivement,
des discussions avec vous?
M. Jasmin: Cela entre dans le contenu des discussions que j'ai
eues et je suis lié par l'obligation à la confidentialité,
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Très bien. Est-il exact ou pouvez-vous nous
dire si vous avez présenté une offre de 400 000 $ de la part de
vos clients, le local 791 - je crois que c'est en 1975 - pour régler le
litige avec la Société d'énergie de la Baie James?
M. Jasmin: Cela fait encore partie de mon obligation à la
confidentialité, M. le député.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly, sur une question de règlement.
M. Tremblay: Vous savez que je fais aussi partie de ce qu'on
qualifie maintenant, ici, à cette commission, de profane.
Le Président (M. Jolivet): De "laïc".
M. Tremblay: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): De "laïc".
M. Tremblay: De "laïc" aussi, et ma compréhension des
discussions de ce matin, par exemple, et de votre décision était
que vous avez dit, que vous avez écrit que le témoin, Me Jasmin,
devait décider de ce qui était dans son mandat, donc, de ce qui
était couvert par le secret professionnel. D'autre part, j'avais cru
comprendre que le témoin lui-même, par la voie de son procureur,
avait très bien balisé les questions qui pouvaient lui être
posées. Au tout début, après votre décision, il les
a balisées très clairement, à mon avis. Mais, là
encore, je ne suis pas avocat. Je sais que ces gens sont avocats et ils ont
peut-être compris des choses différentes de ce que j'ai compris.
Mais il a très bien balisé les questions. Il a dit: Tout ce qui
est dans mon mandat, je ne pourrai pas répondre à cela.
Je suis surpris cet après-midi de réaliser que les
procureurs de l'Opposition, les honorables procureurs de l'Opposition posent
des questions auxquelles de toute évidence...
M. Rodrigue: Les très très honorables.
M. Tremblay: ...pour moi qui ne suis pas avocat, le témoin
va répondre que c'est couvert par sa confidentialité. Compte tenu
du fait que le procureur de Me Jasmin, Me Lussier, a très bien
balisé les questions ce matin, il me semble que ces questions sont, par
le fait même, irrecevables.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que je vais être
capable, en ne permettant pas à un troisième "laïc", puisque
j'en suis un aussi, d'intervenir...
M. Gratton: C'est parce que je ne voudrais pas qu'on soit tous
mis dans le même bateau.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, vous...
M. Tremblay: Cela ne serait pas beau.
Le Président (M. Jolivet): Je veux tout simplement vous
dire, M. le député, que ce que j'ai rendu comme décision
n'avait pas pour effet d'empêcher toute question. Elle avait pour effet,
cependant, d'indiquer dans quel sillon - pour reprendre toujours le mot que le
barreau a utilisé par l'intermédiaire de Me Larivière - et
que ce sillon était ténu, mais que, d'un autre côté,
c'est Me Jasmin qui devait dire qu'il était couvert par l'obligation de
son secret professionnel. En conséquence, je ne peux pas empêcher
les questions. Je devrais dire, cependant, aux députés de faire
bien attention puisque je leur ai demandé d'agir de façon
scrupuleuse au niveau des droits qu'ils ont. (16 h 45)
En conséquence, je suis assuré que le député
de Mont-Royal, connaissant le droit beaucoup mieux que moi, va utiliser ce
chemin scrupuleusement. Je dis, cependant, que c'est à Me Jasmin de
répondre s'il est couvert ou non par son secret professionnel.
D'un autre côté, je dois dire que l'intervention faite par
le député de Marguerite-Bourgeoys indiquait que ce n'était
pas un exercice facile, comme Me Lussier l'avait dit, mais qu'on ne devait pas
tenir rigueur à Me Jasmin d'utiliser le droit qu'il avait. En
conséquence, je continue à permettre les questions du
député de Mont-Royal. Je pense qu'elles sont conformes à
une décision rendue dans ce sens; donc, vous pouvez continuer.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'essaie de mon mieux,
M. le Président. Je crois que je suis les règles de votre
décision. L'offre de 400 000 $, je crois qu'il y a plusieurs autres
témoins qui ont témoigné que cette offre avait
déjà été présentée à la SEBJ.
Alors, je ne croyais pas que c'était quelque chose qui était en
dehors des termes de votre décision, mais j'accepte la réponse de
Me Jasmin.
M. Lussier: Vous permettez, juste une seconde?
Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Lussier.
M. Lussier: Sur ce que le député de Mont-Royal
vient de dire, je voudrais simplement situer les choses dans le contexte
où nous l'avons fait ce matin. C'est dans le contexte où il
était très clair dans notre esprit que ce à quoi un avocat
était lié, c'était non seulement à son mandat, mais
aux démarches dans la mise en exécution de ce mandat. Il est
évident qu'il peut y avoir des choses qui sont à la connaissance
de la commission, qui peuvent être à la connaissance de votre
invité, mais dans la mesure où il n'est pas délié
de son obligation, il a le devoir de le faire. Et sur la dernière phrase
du député de Mont-Royal, j'ai simplement laissé entendre
qu'en l'espèce ce n'est pas de gaieté de coeur que nous
procédons à l'exercice - vous le savez, nous l'avons dit
dès hier - et nous le faisons parce que nous nous soumettons à
votre décision. Alors, que ces faits soient connus ou non, dans notre
esprit, nous croyons que nous sommes tenus à l'obligation à la
confidentialité pour les motifs que nous avons exprimés tout de
suite après l'assermentation de M. le juge Jasmin.
Le Président (M. Jolivet): C'est pour cela que j'avais
demandé, d'ailleurs, à un moment donné, au
député de Marguerite-Bourgeoys, qui s'était de
lui-même soumis à cette décision, de faire bien attention
aux questions qui doivent être posées, de façon à ne
pas mettre Me Jasmin dans des obligations plus difficiles que celles qu'il a
actuellement. Je suis conscient que la décision que j'ai rendue ne rend
pas la tâche facile.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Très bien. Alors, cela a rapport à
l'offre de 1975. Je voudrais poser la même question: Est-ce que vous
pouvez confirmer que vous aviez présenté une offre en janvier
1979, je crois, au montant de 50 000 $?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
Une voix: S'il dit qu'il ne l'a pas
présentée...
M. Ciaccia: Merci. Est-ce que... Non, mais écoutezl
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Non,
non. M. le député, vous pouvez continuer.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez recommandé ou avez-vous
été consulté dans la nomination de Me Yves Gauthier comme
tuteur du local 791?
M. Rodrigue: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
de la part du député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, il m'apparaît que
cette question n'a aucun rapport avec le mandat de cette commission et que,
pour cette raison, elle devrait être jugée irrecevable.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
suis obligé d'accorder la question.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président.
M. Jasmin: M. le député de Mont-Royal, je n'ai
jamais été consulté au sujet de la nomination de M.
Gauthier comme tuteur et j'ai été même surpris de sa
nomination.
M. Ciaccia: Très bien. Pourquoi avez-vous
été surpris?
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il a ouvert une
porte, comme on dit. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est une question
d'opinion. Mais, comme il l'a dit, je vous permets de...
M. Jasmin: Je ne pensais pas que le notaire Gauthier était
un gars pour faire la "job" dans la construction. Je vais vous dire sur ce
point que, si les syndicats sont
aujourd'hui ce qu'ils sont, c'est en grande partie dû au travail
que le notaire Gauthier a fait. Mais j'étais très sceptique.
M. Ciaccia: Avez-vous été surpris quand il a
été nommé conseiller spécial au bureau du premier
ministre?
Le Président (M. Jolivet): Là, par exemple, je ne
peux pas vous demander de répondre.
M. Lalonde: Ce n'est pas...
Le Président (M. Jolivet): Je sais, je sais.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais pas sur la
deuxième. Sur la première, cela va, mais pas sur la
deuxième.
M. le ministre.
M. Duhaime: Si cela peut faire plaisir au député de
Mont-Royal - il ne dira pas qu'on n'est pas de bon compte - sans m'engager sur
le reste, je donnerais mon consentement pour que la question, même si
elle est irrecevable...
Le Président (M. Jolivet): Ah si...
M. Duhaime: ...puisse recevoir une réponse.
Le Président (M. Jolivet): ... vous m'ouvrez une porte
comme celle-là, vous risquez beaucoup. J'en ai eu beaucoup au cours de
cette commission, mais, si vous permettez la question, puisqu'il y a
consentement, je vais...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je veux bien qu'on consente, mais je ferais
simplement remarquer que, quand le ministre est d'accord, même si vous
avez déclaré une question irrecevable, tout à coup, elle
devient recevable.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, c'est, justement,
pourquoi je mettais une réserve. Je suis prêt à la
considérer encore comme irrecevable, mais je veux poser la question au
député de Mont-Royal pour m'assurer qu'il y a consentement de
part et d'autre. Étant donné qu'il a posé la question et
que le ministre a donné son consentement, je veux quand même le
savoir.
M. Duhaime: On peut régler le problème bien
facilement. Si cela crée des problèmes, je vais retirer mon
consentement.
Le Président (M. Jolivet): Elle est donc irrecevable d'une
façon ou d'une autre.
M. Lalonde: Ce serait dangereux.
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je craignais,
d'ailleurs. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Moi, je m'inquiète un peu quand le ministre
donne son consentement à une de mes questions.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas-là, la
question ne sera pas posée; allez à une autre.
M. Ciaccia: Je la retire donc.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie beaucoup, de
part et d'autre.
M. Duhaime: J'en ai d'autres de même, des fois.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Me Jasmin, M. le juge Jasmin, le 16 février
1979, vous étiez au bureau de Me Yves Gauthier. Lorsque mon
collègue, le député de Laporte, lui a demandé le
but de cette réunion, sur le ruban 1281, à la page 2, Me Gauthier
a dit: "D'après moi, Me Jasmin est venu rien faire." Est-ce que vous
pouvez nous dire si c'est exact?
M. Jasmin: Si mon souvenir est exact, mon bureau était
à peu près à cinq ou dix minutes du bureau du premier
ministre à cette époque-là. Il m'a demandé de
l'aider à démêler le dossier de M. Latouche. Si mon
souvenir du coup de téléphone que j'ai reçu est exact, il
a dit: II y a un gars qui m'appelle. Il a un dossier et il me parle de toutes
sortes d'affaires, ce sont des procédures judiciaires, peux-tu passer
à mon bureau? C'est mon souvenir des événements.
M. Ciaccia: Vous n'êtes donc pas allé là pour
ne rien faire?
M. Jasmin: Non.
M. Ciaccia: Vous êtes allé là à la
demande de Me Gauthier pour l'aider dans un dossier particulier. Pouvez-vous
nous dire si vous avez eu d'autres discussions avec Me Gauthier?
M. Lussier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
demander...
Une voix: Est-ce qu'on pourrait préciser à quel
sujet, les autres conversations?
Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est ce que Me
Lussier voulait demander, d'ailleurs. À quel sujet? M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: S'agit-il de sujets autres que le dossier auquel vous
venez de vous référer et qu'il vous avait demandé de
démêler?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
j'ai un problème qui est équivalent à celui de ce matin.
Si cela n'a pas trait au mandat de cette commission, la question est
irrecevable et, si elle a trait au mandat de cette commission, il va utiliser
son droit à la confidentialité. M. le député va
reformuler sa question.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez eu d'autres discussions avec Me
Gauthier au sujet du mandat de cette commission?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Ciaccia: Pouvez-vous nous dire comment, dans une poursuite de
32 000 000 $ par la SEBJ, quelqu'un ou vous pouvez vous permettre de faire une
offre de 50 000 $?
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député. Je sais que vous êtes avocat, mais, à
certains moments, j'ai de la difficulté à vous suivre. Puisque
vous demandez une opinion à Me Jasmin, je ne ferai même pas
mention, d'abord, de son droit à l'obligation au secret professionnel;
je vais simplement lui dire que je ne reçois même pas la question.
Si vous la reformulez, peut-être que je la regarderai, mais
celle-là est complètement irrecevable en vertu même de nos
règlements.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je peux essayer de la reformuler, M. le
Président. Pouvez-vous nous dire comment, dans une poursuite d'un
chiffre de 32 000 000 $...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois vous arrêter dès maintenant. C'est vraiment une
hypothèse et, en conséquence, c'est irrecevable.
M. Ciaccia: Bien non, ce n'est pas une hypothèse; l'action
a été prise pour 32 000 000 $.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, mais c'est parce que
vous avez demandé: À partir de l'hypothèse que vous
placez... À ce niveau-là, il faut quand même regarder ce
qui est en preuve et ce qui est en discussion. Même si vous disiez:
À partir d'une cause de 32 000 000 $, etc., le problème que j'ai,
c'est qu'au bout de la course vous avez demandé une opinion
professionnelle et c'est totalement irrecevable. Reformulez.
M. Ciaccia: M. le Président, je vais essayer de la
reformuler. Je vais l'écrire pour être certain.
Le Président (M. Jolivet): Je peux vous permettre le temps
de l'écrire pour être sûr de ne pas vous tromper.
M. Duhaime: C'est l'effet de la martingale.
Une voix: La caméra est où pendant ce
temps-là?
Le Président (M. Jolivet): Elle est directement sur le
député de Mont-Royal, mais sans graphologue.
Une voix: Attention!
Le Président (M. Jolivet): Allons-y.
M. Ciaccia: Sur quels faits vous êtes-vous basé pour
faire une offre de 50 000 $ dans une poursuite de 32 000 000 $ contre vos
clients?
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres
questions?
M. Ciaccia: Je n'ai plus d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Ciaccia: En fait, j'ai des commentaires, mais je n'aurai pas
d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je vous permets de faire
vos commentaires.
M. Ciaccia: Je veux seulement faire un commentaire sur ma
dernière question qui a pris un peu de temps à être
recevable. Vous savez, la raison pour laquelle je vous l'ai posée, c'est
parce que, lorsqu'on a une poursuite à un chiffre qui est tellement
élevé, 32 000 000 $, et qu'on arrive avec une offre qu'on
pourrait vraiment dire totalement ridicule... C'est mon opinion, et même
M. Roland Giroux a dit que cela
aurait pu être 1 $, tant qu'à donner 200 000 $, et tout le
monde a trouvé que c'était totalement ridicule. Il doit y avoir
des faits, il doit y avoir quelque chose qui s'est produit avant que cette
offre de 50 000 $ soit faite.
Je vais faire une analogie, M. le Président. Si vous savez qu'une
propriété est à vendre et qu'on veut 100 000 $, eh bien,
il n'y a personne qui va offrir 1,50 $ parce que le monde ne se parlera
même pas. Le vendeur va dire: Ne viens pas avec cette offre-là.
Quand M. Laliberté a dit: Bien, l'offre était trop basse, on a
dit que ce n'était pas assez élevé, il aurait dû...
Dans le cours normal des choses, quand on a une poursuite de 32 000 000 $, si
quelqu'un vient nous offrir 5 000 000 $, 10 000 000 $, on commence à
arriver à un point où c'est discutable, mais, si quelqu'un arrive
et dit: Je t'offre 1 $, on ne discutera même pas. Alors, j'essayais de
savoir qui a parlé à qui pour lui dire quoi, pour lui dire:
Écoute, soumets-la, ton offre de 50 000 $ et, partant de cela, on va
régler l'affaire hors cour. C'était le but, M. le
Président, de ma dernière question.
Je suis encore perplexe parce que personne ne nous a dit qui a
négocié les sommes d'argent. À un moment donné, les
chiffres étaient sur la table et on n'a jamais pu savoir qui
était chargé des négociations des piastres. Me Boivin a
dit que ce n'était pas sa préoccupation. On nous a
entourés de toutes sortes d'excuses. Mais, sur le fait même, on
n'a jamais pu savoir qui négociait l'argent. À un moment
donné, 50 000 $ arrivent sur la table et cela monte
éventuellement à 200 000 $. (17 heures)
Dans mon esprit, M. le Président, la seule conclusion à
laquelle je peux venir est de dire: Quelqu'un a dû parler à
quelqu'un quelque part. Ce devait être quelqu'un qui était bien
placé pour connaître le bureau du premier ministre et pour avoir
l'oreille du premier ministre. De là, à 50 000 $, on a
réglé hors cour, parce que c'est presque un abandon de la
poursuite. Quand on dit: Louis Laberge a appelé pour régler hors
cour, ce qu'on veut dire, c'est que Louis Laberge a appelé pour
abandonner la cause. Mais on ne pouvait pas totalement abandonner, cela aurait
été trop indécent; alors, on a mis un petit chiffre. On a
commencé à 50 000 $. Cela a été 125 000 $ et,
ensuite, 175 000 $. Quand le député de Marguerite-Bourgeoys a
posé la question, on a dit: Ils nous ont obligés à monter
parce que la question a été posée à
l'Assemblée nationale.
Des réponses que j'ai reçues et que j'ai lues autour de
cette table, M. le Président, c'est la conclusion à laquelle,
moi, je viens. C'est que quelqu'un quelque part a dit: Ce sera abandonné
et on mettra un petit chiffre pour la forme.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je n'aurai pas de
question à poser pour l'instant à Me Jasmin. Je voudrais
réagir aux commentaires qui viennent d'être formulés pour
dire que si, après huit semaines, on parle encore d'une poursuite de 32
000 000 $, c'est de deux choses l'une: ou bien qu'on est manifestement de
mauvaise foi ou bien qu'on n'a rien compris. Je me réfère, M. le
Président, aux 32 000 000 $ qui sont le montant qui a été
inscrit à l'action intentée; elle a été
signifiée aux défendeurs et aux parties défenderesses pour
ce montant. Sauf que, si mes notes sont bonnes, lorsque les procureurs de la
SEBJ, Me Aquin, Me Cardinal et Me Jetté, ont témoigné
ici... Je réfère au document déposé par le bureau
de Geoffrion et Prud'homme, à la page 61 du dossier Correspondance et
lettres, à la page 7 de l'opinion qui a été transmise, je
crois, à Me André Gadbois -c'est exact - le 26 janvier
1979...
M. Lalonde: 50 000 $, c'était avant. C'était 32 000
000 $ à ce moment-là.
M. Duhaime: Un instant. Le 26 janvier 1979...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre.
Nous n'avons, de part et d'autre, dérangé en aucune façon
le député de Mont-Royal. Je demanderais la même chose pour
le ministre. Vous aurez l'occasion d'intervenir après. M. le
ministre.
M. Duhaime: Une lettre du 26 janvier 1979. Cela ne me
dérange pas beaucoup que le montant de 50 000 $ dont on parle ait
été évoqué avant ou après la prise de
l'action; ce qui m'importe, c'est d'essayer de voir quel a été le
montant réel des dommages. À la page 61, les procureurs nous
parlent d'un montant de 17 196 419,12 $. C'est sous la rubrique A et c'est
l'opinion transmise par Geoffrion et Prud'homme à Me André
Gadbois. Nous avons très longuement discuté, lors du
témoignage des trois procureurs de la SEBJ, du détail ou de la
ventilation de ce montant: donc, au point six, un montant de 12 000 000 $,
révision du programme des travaux de Impreglio et Spino Ltée; au
point sept, un ajustement des quantités pour 1 683 500 $ et un boni de 2
500 000 $. En additionnant grossièrement, cela nous donne quelque chose
comme 13 000 000 $, 14 000 000 $ - deux, trois, cinq - 16 000 000 $, en
chiffres ronds, qui sont directement reliés à des dommages
indirects dus au retard dans la reprise des travaux.
M. le Président, si je me souviens bien du témoignage de
Me Beaulé, qui a déposé
devant la commission la transcription du témoignage de MM.
Laurent Hamel et Marcel Audette, à l'audience en Cour supérieure
en date du 23 janvier 1979 devant l'honorable juge Claude Bisson, pour que la
cour puisse établir à quel moment le chantier était remis
en état comme avant le saccage et combien de jours cela a pris... Pour
être plus précis, M. le Président, je vais le lire. C'est
l'audience du matin du 23 janvier 1979 à partir des lignes 16 et
suivantes. C'est Me Benoît Côté qui interroge M. Marcel
Audette, qui est un cadre de la SEBJ. "Est-ce qu'il n'est pas exact, M.
Audette, qu'en ce qui concerne le campement LG 2 en lui-même, faisant
abstraction du centre de vérification, tout le travail de
réparation et de remise en service était complété,
sauf peut-être en ce qui concerne un des derniers dortoirs, qui a
été terminé le 23?
Réponse de M. Audette: "M. le juge, se référant
à la pièce mentionnée, il est exact de dire que, vers le 8
avril 1974, le camp était en opération avec 46 dortoirs. On doit
exclure 104 hommes, cités ou codifiés ou qualifiés pour
les besoins de la cause, du dortoir 501.
C'est l'honorable juge Bisson lui-même qui intervient dans le
débat et pose la question suivante: "La cour: Vous pouviez fournir tous
les mêmes services qui existaient auparavant, quand on parle d'eau
potable, d'eaux usées, carburant et autres." La réponse de M.
Audette: "C'est exact, M. le juge."
Cela veut dire trois semaines, M. le Président.
Ce qui a été établi ici par les procureurs de la
SEBJ, c'est que le montant des réclamations que j'indiquais tantôt
en dommages indirects qui, en l'additionnant, totalise à peu près
15 000 000 $ était directement relié non pas à un retard
de trois semaines, mais à un retard de trois mois.
Je me souviens aussi que Me Beaulé a dit ici en commission, en
citant le témoignage de M. Laurent Hamel, qu'à la demande de la
SEBJ un système de sécurité avait été mis en
place à la SEBJ, d'où l'argument, bon ou mauvais, de Me
Beaulé au nom de ses clients, le syndicat américain, qui a dit
que les mois de retard sur lesquels ces 15 000 000 $ étaient
basés comme réclamation en dommages indirects ne pouvaient pas
être attribuables dans leur totalité au saccage lui-même,
mais bien à la mise en place d'un service de sécurité.
Il y avait aussi un deuxième élément -à tort
ou à raison, aucune cour de justice n'a eu à se prononcer
là-dessus - à savoir que, dans la programmation des travaux, il
existait un coussin de sécurité de deux mois.
Lorsque le député de Mont-Royal vient nous péter
les oreilles avec 32 000 000 $ après huit semaines et demie d'audiences
devant cette commission parlementaire, je pense que cela ne traduit pas la
réalité des faits. Je dis, M. le Président: De deux choses
l'une, ou bien il n'a pas compris ou bien il ne veut pas comprendre.
Dernier élément, c'est très sérieux, ce que
nous a affirmé le député de Mont-Royal dans sa conclusion,
si je comprends bien son commentaire. À mon souvenir, c'est que les
trois avocats sous serment devant cette commission nous ont dit tous les trois
- j'ai posé la question à l'un et à l'autre - qu'à
aucun moment ils n'avaient négocié le règlement hors cour
ou même discuté de la transaction multilatérale ou bien
avec Me Boivin, ou bien avec Me Gauthier, ou bien avec le premier ministre. Et
Me Beaulé a dit exactement la même chose.
Ce que dit le député de Mont-Royal aujourd'hui - c'est son
droit de le faire -c'est qu'il ne croit ni le témoignage de Me Aquin, ni
celui de Me Cardinal, ni celui de Me Jetté, ni celui de Me
Beaulé, ni celui de Me Gauthier, ni celui de Me Jean-Roch Boivin. Moi,
M. le Président, je vais m'arrêter là. Je vais laisser sa
propre vérité au député de Mont-Royal et la
population du Québec pourra évaluer, comme dans l'ancienne
émission de télévision, qui dit vrai.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai omis deux courtes questions. Lorsque je vous ai
demandé, M. Jasmin, si vous aviez rencontré M. Boivin, M.
Gauthier, vous avez répondu. Est-ce que vous avez rencontré ou
communiqué autrement avec M. Claude Laliberté, président
de la SEB, au cours de cette période, disons, du 1er octobre 1978 au 13
mars 1979?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: J'ai rencontré M. Laliberté une fois, le
17 janvier.
M. Lalonde: Bon. Et vous ne l'avez pas appelé autrement?
Est-ce que je peux vous poser la même question à propos de Me
Gadbois?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Oui, j'ai rencontré Me Gadbois.
M. Lalonde: À combien de reprises, y compris les appels
téléphoniques? Je vous avais dit rencontré seulement.
Est-ce que vous l'avez appelé aussi?
M. Jasmin: Un appel téléphonique ou
deux. Un appel, je pense, et je ne peux pas me souvenir des fois
où je l'ai rencontré, peut-être deux ou trois fois, en
présence des procureurs de la SEBJ.
M. Lalonde: Bon. J'ai oublié de vous dire que
c'était en excluant, naturellement, les rencontres à la cour.
M. Jasmin: Oui. Alors, si on l'a vu à la cour, à ce
moment-là, c'est plus souvent. Mais je veux dire...
M. Lalonde: Non, j'exclus les rencontres à la cour parce
que...
M. Jasmin: D'accord.
M. Lalonde: ...il nous a dit qu'il y assistait, à
l'occasion, je pense. Je ne sais pas s'il a dit qu'il a assisté à
toutes les journées d'audiences. Alors, ce serait en excluant les
rencontres à la cour.
M. Jasmin: Oui, oui, c'est cela.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions, mais je voudrais réagir aux propos du ministre. C'est
étrange de voir un ancien membre du barreau conclure, presque rendre
jugement sur une cause considérable à l'aide d'un
témoignage - en fait, presque un paragraphe d'un témoignage -
avant même que toute la preuve soit rendue. Ce témoignage,
d'ailleurs, a été rendu avant l'opinion de Geoffrion et
Prud'homme qui, le 26 janvier 1979, établissaient les dommages
prouvés ou qu'ils étaient en mesure de prouver à 17 000
000 $. Naturellement, peut-être que le ministre, qui reprochait au
député de Mont-Royal d'évoquer le chiffre de 32 000 000 $,
trouve tout à fait normal qu'on fasse une offre de 50 000 $ pour une
réclamation de 17 000 000 $.
Il me dit: Cela ne valait pas cinq cennes. Peut-être que 0,3%
comme offre, il trouve cela sérieux. Mais, c'est vrai, il dit que cela
ne valait pas cinq cennes, parce que, voyez-vous, M. le Président, c'est
le drame, pas du PQ, mais des citoyens que le PQ ait pris la défense des
défendeurs et non pas la défense des citoyens du Québec,
actionnaires de la SEBJ. Le PQ - et cela, c'est constant - a tenu pour acquis
que les défendeurs avaient raison. Oui, oui, j'ai terminé avec
les questions. (17 h 15)
Le PQ, le gouvernement péquiste, cela lui a pris un coup de
téléphone de M. Louis Laberge pour activer toute la machine et
pas n'importe quel pékin dans la machine, le chef de cabinet du premier
ministre. À partir de là, cela a été quoi? Il est
allé chercher les "bebites" dans l'opinion de Geoffrion et Prud'homme en
1975, il a mis toutes les "bebites" ensemble, les réserves prudentes
qu'un avocat, dans une opinion, exprime, et il a pris, le plaidoyer de Me
Beaulé du 28 novembre 1978. Il s'est dit fort surpris, Me Boivin,
que Me Beaulé, dans son plaidoyer, affirme avec autant d'assurance que
son client n'avait absolument rien à faire là-dedans comme si ce
n'était pas normal, naturel, quasiment traditionnel, lorsqu'on
défend un client poursuivi en vertu des dispositions de la loi sur la
responsabilité civile, de dire... Il y a des formules consacrées.
Le ministre s'en souvient; j'espère qu'il se souvient de quelque chose
de son droit, malgré sa performance en commission parlementaire,
malgré la manipulation de la preuve dont il s'est rendu responsable. Ils
ont dit: Au nom de notre cliente, nous nions toutes sortes de
responsabilités, catégoriquement, ni de près ni de loin,
enfin, toutes les formules, et il était surpris de cela. Mais il a pris
cela pour du "cash". Il a pris le plaidoyer de Me Beaulé, il est
allé chercher tout ce qu'il y avait de pas tout à fait sûr
dans l'opinion juridique de Me Geoffrion et Prud'homme et il a tenu pour acquis
l'incapacité de payer des syndicats québécois sans faire
une seule vérification, pas un seul document. Il en affirme
l'évidence, qui n'est pas si évidente que cela, et, de là,
il a déclenché tout le processus d'intervention politique dans
cette instance judiciaire.
On aura l'occasion de faire le résumé et d'apporter les
conclusions de cette commission parlementaire. Je regrette encore une fois que
le témoignage que nous venons d'entendre n'ait pas ajouté un seul
rayon de lumière, d'éclairage sur ce qui s'est passé au
bureau du premier ministre, ce qui aurait pu nous convaincre, possiblement, que
le premier ministre et son bureau sont moins impliqués que ce qui
paraît actuellement dans le règlement de cette cause.
L'autre erreur du Parti québécois a été de
présumer - je les ai vus aller depuis deux mois - que le
règlement, c'étaient des piastres. Là, que les
mémoires étaient faibles quand on parlait de piastres! On ne se
souvient de rien dans une réunion ou dans cinq ou dix réunions,
sauf qu'on se souvient qu'on n'a jamais parlé de dollars, qu'on n'a
jamais parlé de "foin", comme le disait Me Boivin. Pendant deux mois,
depuis le début des séances de cette commission, le Parti
québécois, les péquistes, le gouvernement ont fait bien
attention: on n'a jamais négocié les piastres. Mais, vous auriez
dû consulter Me Boivin avant. Il nous a dit ici, pas plus tard qu'hier ou
avant-hier, que le règlement avait trois éléments et il a
dit - exactement, oui, c'est dans la preuve - c'est évident, oui, il y a
trois éléments. L'élément majeur,
l'élément sine qua non, c'était quoi? L'abandon de la
poursuite.
Là-dessus, le chef de cabinet et le
premier ministre, je le répète, sont embarqués
jusque-là, parce que ce sont eux qui ont commencé tout le bal.
Avant le 3 janvier, il n'y a pas un iota de preuve que la SEBJ songeait
même à négocier un règlement hors cour. Pas un iota
de preuve. Au contraire. À la réunion du 9 janvier, ils ont
passé en long, en large et en profondeur -pour parodier le premier
ministre - une opinion rafraîchie de Geoffrion et Prud'homme, rajeunie,
qui porte une date tout à fait récente à ce moment, le 5
janvier 1979, et ils décident que les décisions
antérieures ne soient pas modifiées, à savoir qu'on
continue la poursuite et, effectivement, ils sont allés en cour le 15
janvier pendant plusieurs semaines.
Pas un seul iota de preuve que la SEBJ songeait même à
régler, jusqu'au 3 janvier où - qui? - le premier ministre, par
son chef de cabinet, dit, pas à n'importe quel pékin, mais au
P.-D.G., au président-directeur général de cette immense
société qui a fait l'orgueil de tous les Québécois,
la Société d'énergie de la Baie James: Le premier ministre
souhaite que cela se règle. Et, à partir de ce moment - c'est
assez étrange -d'après le témoignage de M.
Laliberté, il est arrivé un cheminement de sa pensée, une
évolution qui se situe, d'ailleurs, après le 3 janvier par
coïncidence, où il trouve: Savez-vous, on n'y a pas pensé,
mais ce serait peut-être une bonne idée si on réglait.
Comment amener le règlement? Bien, on autorise nos avocats
à préparer une espèce de contenant, tout le cadre. On a
fait travailler les avocats Geoffrion et Prud'homme là-dessus. Ce
n'était pas important, le montant. Ce n'était tellement pas
important qu'on a eu comme première offre 50 000 $ pour une action qui
était de 32 000 000 $, n'en déplaise au ministre. À ce
moment, l'action était de 32 000 000 $ et la première offre
était de 50 000 $, par le même avocat qui représentait les
mêmes clients qui avaient fait une offre de 400 000 $ dans un autre
contexte, je l'avoue, quelques années auparavant. Mais cet
élément majeur qui était, d'après le
témoignage de Me Beaulé, l'objectif ultime de ses
démarches auprès de Me Boivin, l'abandon de la poursuite, c'est
cela, le règlement, c'est le coeur du règlement.
Il y avait un autre élément primordial, si on en croit Me
Boivin, qui était aussi au coeur du problème et qui était
très important, si on en croit Me Cardinal, c'est la reconnaissance de
la responsabilité de la part des défendeurs. Ils n'ont pas eu
celle-ci de façon générale, le syndicat américain
ne l'a pas reconnue. Ils n'ont eu la reconnaissance que d'un nombre
limité de défendeurs, mais c'était primordial. Là
aussi, le bureau du premier ministre s'est impliqué. M. Jean-Roch Boivin
dit: Me Jasmin m'a appelé et m'a dit que c'était inhabituel dans
un règlement qu'on demande la reconnaissance de responsabilité.
Me Boivin, chef de cabinet du premier ministre, prend le
téléphone et appelle le président-directeur
général, M. Laliberté, et lui dit: D'après ce qu'il
nous dit, est-ce exact que vous demandez la reconnaissance de
responsabilité? - Oui. Et on rappelle Me Jasmin, qui fait de même
à Me Aquin, à Me Beaulé. Il est la plaque tournante de
cette négociation, de ces échanges, de ces démarches, sur
le deuxième élément. Il est le moteur, il est la
gâchette du premier élément, l'élément
essentiel: l'abandon de la poursuite; il est la plaque tournante du
deuxième élément, élément primordial: la
reconnaissance de responsabilité.
Pendant tout ce temps, le Parti québécois, le
gouvernement, par cet aréopage qui est devant nous depuis deux mois,
s'affaire à dire: On n'a pas parlé de dollars. Mais vous vous
êtes fait prendre. Le règlement, ce n'est pas cela. Ce n'est pas
sûr que vous n'en ayez pas parlé, parce qu'il reste encore des
grands trous et, lorsqu'il y a des grands trous, il y a ce qu'on appelle la
preuve circonstancielle, parce que si les avocats de Geoffrion et Prud'homme
n'avaient pas le droit de négocier, pas le droit d'explorer une
négociation avant le 6 février 1979, cela veut dire que cela ne
s'est pas négocié chez Geoffrion et Prud'homme. Cela s'est
négocié soit au bureau du premier ministre, soit chez Geoffrion
et Prud'homme. Or, on sait que cela ne s'est pas négocié ailleurs
qu'au bureau du premier ministre au moins jusqu'au 6 février 1979.
Là, on compte sur la mémoire des gens pour nous dire
où cela s'est négocié et là on ne se souvient plus
de rien. C'est là qu'on en est, M. le Président. Je termine ces
quelques mots de commentaires en tentant de démontrer à ceux qui
nous écoutent -parce qu'il semble que, devant nous, on ait les oreilles
bouchées - l'importance de faire témoigner M. Maurice Pouliot.
Nous en ferons, cela durera trois minutes...
M. Vaillancourt (Jonquière): Les oreilles bouchées,
c'était le témoin?
M. Lalonde: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:
M. Lalonde: J'entends du bruit.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le
député.
M. Lalonde: Ce sont les députés péquistes;
ce n'est pas le témoin, naturellement, M. le Président. Il est
très important maintenant de faire entendre M. Pouliot devant le peu
d'éclairage que,
malheureusement, et, malgré lui, Me Jasmin a pu faire sur le
mandat qui nous occupe, lorsqu'on sait que M. Pouliot, qui est maintenant
président-directeur général du Conseil provincial des
métiers de la construction - et c'est publié aujourd'hui dans le
Soleil - aurait écrit dans son mémoire...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous avez commencé la dernière partie de votre intervention - et
c'est pour cela que je vous arrête - en parlant de l'utilité de
faire comparaître ou enfin de faire...
M. Lalonde: Si vous voulez libérer le témoin.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas cela. Ce
n'est pas dans ce sens-là. Le député de Brome-Missisquoi
m'a dit qu'il avait des questions à poser à Me Jasmin. Ma
question n'est pas là, mais elle est sur le fait de commencer un
débat qui n'est même pas amorcé devant cette commission,
puisque j'ai dit, concernant Yvan Latouche et Maurice Pouliot, que ces deux
cas-là devront faire l'objet d'une motion.
M. Lalonde: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas que vous
commenciez le débat maintenant...
M. Lalonde: Non, non, non.
Le Président (M. Jolivet): ...parce qu'on aura
probablement la chance de le faire plus tard.
M. Lalonde: C'est cela. Mais je le fais comme introduction
éventuelle à un débat qui sera sans doute fait, à
cause du caractère immédiat - cela a été
publié aujourd'hui dans le Soleil - de ce que M. Maurice Pouliot, dans
un mémoire préparé pour nous, pour la commission, aurait
écrit. "Selon notre procureur - écrit M. Pouliot dans sa
déclaration - le montant de 300 000 $ fut le résultat de
plusieurs discussions qu'il a eues avec MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et
le premier ministre lui-même; du moins, c'est de cette façon qu'il
nous a présenté le projet de dédommagement."
M. le Président, un client de Me Jasmin - on comprend que son
obligation empêche Me Jasmin de nous faire cette révélation
- dit que Me Jasmin lui a fait rapport - il était à ce
moment-là secrétaire général d'un des clients de Me
Jasmin - que "le montant de 300 000 $ fut le résultat de plusieurs
discussions qu'il a eues avec MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier
ministre lui-même; du moins, c'est de cette façon qu'il nous a
présenté le projet de dédommagement."
Si on ne peut pas faire la preuve par Me Jasmin, pour des raisons
légitimes, au moins donnez - je m'adresse au ministre - à la
commission parlementaire les moyens de faire la preuve avec celui qui
écrit cela. Cela va au coeur même de notre mandat, parce que notre
mandat, c'est quoi? C'est de savoir si le premier ministre a trompé
l'Assemblée nationale quand il a dit que, ni de près, ni de loin,
règlement ou partie de règlement n'a eu lieu dans son bureau.
C'est cela, la question; ce n'est pas les 32 000 000 $, ou les 17 000 000 $, ou
les 200 000 $. C'est: Est-ce qu'il a trompé l'Assemblée
nationale, et cela est très important, parce que cela touche à
l'intégrité même de l'institution qu'on appelle
l'Assemblée nationale, qui est au coeur de notre démocratie.
C'est cela, c'est sérieux. Pourquoi refuser? (17 h 30)
M. le Président, nous aurons l'occasion de discuter plus
amplement de cette question, à savoir si M. Pouliot devrait être
convoqué devant nous. Entre-temps, je voulais alerter les membres de
cette commission et la population qui n'auraient pas lu cet article sur
l'importance et la gravité des propos de M. Pouliot dans son
mémoire qu'il aurait communiqué ou qui aurait été
communiqué à ce journaliste.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je remercie beaucoup, M. le Président, le
député de Marguerite-Bourgeoys de nous faire la leçon.
Chacun en prendra son parti. J'ai fait une intervention tout à l'heure
et je suis content dans un sens que le député de
Marguerite-Bourgeoys soit maintenant d'avis qu'on ne parle plus de 32 000 000
$, mais d'un montant maximum de 17 000 000 $.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
Que le ministre exprime ses opinions, mais qu'il ne mette pas des mots dans ma
bouche.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Une voix: II n'y a pas de question de privilège ici.
M. Lalonde: J'ai dit qu'il y avait 17 000 000 $ de prouvés
ou de prouvables au 26 janvier...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: ...mais cela aurait pu aller
jusqu'à 32 OOQ OOO $, je ne le sais pas, moi.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député, vous avez droit à vos
opinions, M. le ministre a le droit aux siennes. La parole est au ministre.
M. Duhaime: Moi, M. le Président, je n'ai pas porté
de jugement et je n'ai pas l'intention d'en porter un non plus sur un quantum
qu'une cour de justice aurait pu prononcer dans cette affaire. Je me
réfère explicitement aux témoignages des trois procureurs
de la Société d'énergie de la Baie James sur des documents
qui sont ici devant la commission dans une opinion juridique transmise à
Me Gadbois, chef du contentieux de la SEBJ. Les procureurs de la SEBJ,
d'eux-mêmes, disent à leur cliente, la Société
d'énergie de la Baie James: En tout état de cause, nous ne
pourrons prouver au-delà de 17 000 000 $.
M. le Président, c'est à partir de ce fait que j'ai
invoqué tout à l'heure deux éléments très
importants que, à même les 17 000 000 $, il y avait un montant, de
l'aveu même des procureurs, de dommages indirects pour 15 000 000 $ qui
étaient reliés au retard à remettre le chantier en marche
parce qu'il y a eu des montants de versés à un entrepreneur en
particulier. Je voudrais rassurer le député de
Marguerite-Bourgeoys, je n'ai pas l'intention de me prendre pour un juge, soyez
en toute tranquillité, je ne fais que souligner le problème. Si
on ne veut pas le comprendre, on ne le comprendra pas.
Ce que j'ai entendu de la part d'un ancien Solliciteur
général est absolument renversant. Sur les chantiers de
construction au Québec, à partir des années 1971, 1972 et
suivantes, a régné un terrorisme infernal à Mont-Wright et
à la Baie-James. C'est la commission d'enquête Cliche,
après 364 jours de travaux, qui en est venue à la conclusion que
vous connaissez. Si vous voulez que je vous le lise, je vais vous le lire
encore...
M. Lalonde: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Comme
dirait le président.
M. Duhaime: M. le Président, il y a certains
éléments qui sont évoqués, soit au chapitre des
recommandations à la fin du rapport Cliche ou encore au coeur des
constatations des commissaires, l'honorable juge Cliche, à
l'époque, M. Brian Mulroney et M. Guy Chevrette. Je voudrais, sans
être exhaustif dans mes propos, simplement dire que si le Parti
libéral du Québec et si le gouvernement libéral du
Québec à l'époque qui, allègrement, avaient des
travailleurs d'élection sur la Côte-Nord, dans le comté de
Saguenay en particulier, et qui faisaient le coup de main également dans
les comtés de la rive sud de Montréal, comme c'est indiqué
en toutes lettres dans le rapport Cliche, j'ai comme l'impression que s'il y a
eu du banditisme dans votre organisation, vous allez en porter le poids
longtemps.
M. le Président, je dis qu'aux pages 34 et 35 du rapport Cliche -
je ne ferai pas les citations - la commission a établi une collusion
avec l'employeur - l'employeur, c'était qui? La Société
d'énergie de la Baie James et Hydro-Québec - collusion avec des
représentants de l'Association des employeurs, paiement de pots-de-vin,
par exemple, aux pages 108 et 109 du rapport de la commission Cliche. Collusion
démontrant que la majorité des travailleurs étaient des
assignés, pour ne pas dire des consignés et des
terrorisés, page 132 du rapport de la commission Cliche. Collusion avec
l'État, c'est-à-dire le gouvernement du Québec qu'avait
l'honneur de présider, à l'époque, M. Robert Bourassa,
à partir du bureau du premier ministre, collusion avec l'État,
pages 274, 275 et 277 du rapport de la commission Cliche. La faiblesse du
gouvernement libéral a aussi été constatée par les
commissaires de la commission Cliche - un manque de colonne vertébrale,
pour employer une expression que tout le monde comprend - qui a
cédé au chantage, page 282 du rapport de la commission
Cliche.
Je vous rappellerai, M. le Président, un incident dont je n'ai
pas été témoin, mais auquel on réfère dans
le rapport de la commission Cliche. Lorsqu'une commission parlementaire, en
1971, était en pleins travaux et en pleine session, qui a envahi la
salle? Qui a poursuivi le président de la CSN-Contruction, M.
André Desjardins, avec une bande de fiers-à-bras? La commission
parlementaire s'est ajournée. Il n'a pas été question de
se demander si les privilèges ou les droits de la commission et de
l'Assemblée nationale avaient été violés. Il n'y a
jamais eu aucune suite.
M. le Président, à Mont-Wright, des travaux qui devaient
coûter 350 000 000 $ ont coûté 110 000 000 $ de plus, parce
qu'il y avait là aussi un monopole syndical. M. le Président, la
compagnie a écrit et cela a été déposé.
C'est à la page 289 du rapport de la commission Cliche. C'était
presque un appel SOS au ministre du Travail pour que des forces
policières puissent se rendre à Mont-Wright ramener l'ordre. Si
un monopole syndical s'est établi ou si des monopoles syndicaux se sont
établis sur deux des grands chantiers de construction, celui de
Mont-Wright et celui de la Baie-James, c'est avec l'accord, le consentement
entier du gouvernement libéral de l'époque.
M. le Président, ceux qui ont fait ce que j'appellerais un "take
over" ou qui ont pris le contrôle des syndicats à
l'intérieur du monopole syndical - j'ai entendu une expression fort
amusante - on appelait cela
une convention de chantier. C'est, bien sûr, un langage pour une
pièce comme celle-ci, c'est-à-dire dans un salon, mais une
convention de chantier qui se négocie contre la garantie de ne pas avoir
de grève pendant une durée de chantier, la contrepartie
étant le monopole syndical. Non seulement c'était
irrégulier, c'était même illégal, M. le
Président. Il a fallu une loi qui est venue, rétroactivement et
votée par le député de Marguerite-Bourgeoys...
M. Lalonde: À quelle date?
M. Duhaime: ...il faisait partie de ce gouvernement... Je suis
tout simplement effrayé, M. le Président, d'entendre le
député de Marguerite-Bourgeoys qui, dans le passé, a
exercé les fonctions élevées et lourdes de
responsabilités de Solliciteur générateur venir nous
raconter, ici, en commission parlementaire - j'allais dire des balivernes - une
espèce de ego te absobvo. Je n'en reviens pas. Qu'un gouvernement -c'est
le gouvernement libéral - se soit acoquiné, associé, en
campagne électorale, au surplus, non seulement il y avait un monopole
syndical, mais il y avait le contrôle de l'embauche des travailleurs sur
la Baie-James. Des hauts fonctionnaires dont je tairai les noms - mais leurs
noms apparaissent en toutes lettres dans le rapport de la commission Cliche -
ont été démis de leur fonction à la suite du
rapport et des recommandations du rapport Cliche.
Ce que je dis, M. le Président, c'est que c'est tout simplement
ahurissant de vouloir venir se passer l'éponge en disant: Ce n'est pas
notre faute; si j'ai bien compris. Quand on n'a pas eu le courage de prendre
des décisions politiques et d'aller casser les monopoles syndicaux, de
faire régner la simple justice et d'empêcher que d'honnêtes
travailleurs du Québec, de toutes les régions, puissent gagner
leur pain honnêtement au Mont-Wright ou sur les chantiers de la
Baie-James sans que leur sort soit lié à ce que la commission
Cliche a appelé des mécréants sans scrupule, un
gouvernement qui laisse faire cela en toute connaissance de cause en porte la
responsabilité longtemps.
M. Lalonde: Quelle diversion!
M. Duhaime: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys, comme on le dit parfois, vient d'en essayer une vite. De
deux choses l'une, ou bien son raisonnement est correct ou il ne l'est pas.
M. Lalonde: C'est bien cela.
M. Duhaime: II nous dit, hier, qu'il y a trois
éléments dans le règlement. Je ne suis pas d'accord sur
cette interprétation.
M. Lalonde: Me Boivin était d'accord.
M. Duhaime: M. le Président, le premier ministre du
Québec, le 20 février 1979, tant en répondant aux
questions à l'Assemblée nationale que durant le
mini-débat, a dit d'une façon très claire et très
nette: On m'a consulté, on m'a demandé mon opinion et je l'ai
donnée. J'ai dit que je favorisais un règlement. Il a aussi dit,
à la page 5793 du journal des Débats, et je le cite: "Partant de
là, sachant aussi que les syndicats québécois qui sont
intimés sont incapables de toute façon de payer des sommes le
moindrement substantielles, j'ai donné mon sentiment. C'était que
puisqu'un règlement a été demandé par quelques-uns
des syndicats ou leurs procureurs au début de 1979, quant à moi
il me semblait meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une
certaine paix sociale nécessaire - il ne s'agit pas de favoritisme
politique, il s'agit de chantiers lointains où il est important que la
paix règne - si un règlement était possible, de le
soutenir - il est allé plus loin que simplement dire qu'on l'avait
consulté - de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer
par la Société d'énergie de la Baie James qui est
demanderesse là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire.
"Maintenant pour terminer, je rappellerai - et je cite toujours le premier
ministre à la page 5793 - et j'apprendrai peut-être au
député et à d'autres que, dans ce règlement qui
n'est pas intervenu encore et qui, je l'espère, interviendra d'une
façon satisfaisante, la Société d'énergie de la
Baie James a exigé - ce qui est parfaitement normal - que certains des
syndicats québécois au moins, qui peuvent être
juridiquement, tehniquement impliqués, admettent leur
responsabilité. Donc, si un règlement intervient, cette
responsabilité, cette admission de responsabilité en fera partie.
Si on va jusqu'à un jugement, il est évalué qu'il faudra
au moins cinq mois d'audiences, que cela coûterait au moins 2 000 000 $
de plus pour arriver exactement aux mêmes résultats."
Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vient nous dire
aujourd'hui dans son argumentation, la décision politique qui s'est
traduite par le souhait du premier ministre aux trois dirigeants de la
société d'énergie et d'Hydro-Québec, lors d'une
rencontre le 1er février 1979, si c'est vrai, dans son raisonnement, que
cela constitue le premier élément, il n'y a jamais eu de
problème là...
M. Lalonde: Le 3 janvier, le premier règlement.
M. Duhaime: ...parce que le premier ministre l'a toujours dit
clairement et ouvertement, tel que cela est rapporté ici
dans le journal des Débats. Et le premier ministre a
également... Je viens tout juste de l'y ajouter; pour moi, ce premier
élément ne devrait pas faire partie du scénario que nous
présente le député de Marguerite-Bourgeoys. C'était
bien sûr la première étape à franchir. Ne nous y
trompons pas. Si le premier ministre du Québec, comme on le
prétend à ma gauche, en ricanant, avait été aussi
autoritaire ou aussi interventionniste qu'on le prétend, qu'est-ce qu'il
aurait fait? Il aurait pu intervenir dès avant le 15 janvier, avant
même que la cause ne commence. Tout le monde sait qu'il y a eu 22 ou 23
jours d'audiences. (17 h 45)
Je pense que dans l'évaluation de l'intérêt public,
M. le Président, j'aime mieux faire confiance à René
Lévesque qu'à Robert Bourassa. Si l'intérêt public
pour Robert Bourassa voulait dire: Nous allons non seulement concéder
mais nous allons nous acoquiner pour qu'un monopole syndical s'installe au
Mont-Wright et pour que des travailleurs soient ensuite non pas sous la tutelle
mais sous la férule d'un petit groupe bien connu. Et si
l'intérêt public, pour M. Robert Bourassa et son gouvernement,
était non seulement de permettre mais de favoriser... Le rapport de la
commission Cliche est clair: il y a eu des discussions avec M. Paul Desrochers,
avec M. André Desjardins pour l'établissement d'une convention de
chantier qui excluait tout autre syndicat à part celui qui était
là. Si c'est cela, la conception qu'on doit avoir de
l'intérêt public, je préfère celle de René
Lévesque à celle de l'ancien premier ministre. Et je comprends le
député de Marguerite-Bourgeoys de se débattre comme un
diable dans l'eau bénite: il a fait partie de ce gouvernement. Vous
allez en porter l'héritage, peut-être sous bénéfice
d'inventaire, mais vous allez porter votre croix longtemps.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Je
voudrais avoir une information de la part des membres de cette commission parce
que je pense que vous vous êtes lancés dans les commentaires. Moi,
je suis prêt à les écouter; je suis là pour les
diriger, c'est-à-dire un commentaire à ma gauche, un commentaire
à ma droite. Mais je voudrais -je pense que les membres de la commission
seront d'accord - être poli envers Me Jasmin qui a certainement d'autres
occupations. Je crois comprendre que le député de
Brome-Missisquoi et le député de Laporte auraient des questions
à poser spécifiquement à Me Jasmin. Si vous me le
permettiez, je leur demanderais de le faire d'ici à 18 heures, de
façon à libérer Me Jasmin et son procureur, Me Lussier,
à 18 heures. Nous reviendrons, quant à nous, à 20 heures
pour continuer avec les personnes qui auront demandé le « droit de
parole. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela?
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Cela va?
M. Lalonde: Disons qu'à 18 heures, on fera...
Le Président (M. Jolivet): On avisera?
M. Lalonde: ...des planifications pour 20 heures.
Le Président (M. Jolivet): On avisera donc, M. le
ministre.
M. le député de Brome-Missisquoi, vos questions à
Me Jasmin.
M. Paradis: Oui, dans le but d'être plus poli que le
ministre envers notre invité. On a reconnu d'ailleurs dans sa rengaine,
la rengaine habituelle du PQ: c'est toujours la faute des autres, le
fédéral...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, la
seule chose que je peux vous dire, c'est que vous aurez, à 20 heures, le
droit de le faire. Vous m'avez demandé la permission de poser des
questions.
M. Paradis: Je m'y conforme, M. le Président.
M. Jasmin, vous nous avez dit ce matin que vous aviez, dans l'affaire
qui intéresse la présente commission, quatre clients: le Conseil
provincial des métiers de la construction, le local 791 et plus
spécifiquement, le conseil de tutelle à cause des
éléments que l'on connaît, ainsi que Maurice Dupuis et
René Mantha. Est-ce que vous avez eu d'autres clients dans ce
dossier-là?
M. Jasmin: Non.
M. Paradis: Aucun autre client?
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, voulez-vous
répéter pour les besoins de l'enregistrement?
M. Jasmin: Non.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Paradis: Est-ce que dans ce dossier vous avez eu des
communications, des rencontres, des discussions, des échanges avec M.
Louis Laberge?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Oui, j'ai parlé à M. Laberge.
M. Paradis: À combien de reprises?
M. Jasmin: Écoutez, je ne peux pas vous le dire à
combien de reprises parce que je suis souvent en communication avec M. Laberge.
Je sais qu'à cette époque, si mon souvenir est exact, il y avait
la commission Malouf qui fonctionnait, je parle d'octobre et de novembre 1978,
j'essaie de me situer dans le temps, alors il y avait des communications qui se
faisaient...
M. Duhaime: Vous représentiez, je pense, la FTQ devant la
commission Malouf.
M. Jasmin: Devant la commission Malouf, c'est cela. Je ne sais
pas combien de communications j'ai eues avec M. Laberge. Je ne dirai pas de
nombreuses communications mais cela se peut que ce soit avec M. Laberge; j'en
ai eu, oui mais avec Fernand Daoust aussi.
M. Paradis: Quand vous nous parlez de ces communications avec M.
Laberge et M. Daoust, est-ce que vous pouvez nous dire si cela concernait la
cause qui nous occupe?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: II y en a qui concernaient la cause, oui.
M. Paradis: D'accord. Au sujet de celles qui concernaient la
cause, pouvez-vous nous dire l'essentiel de ces discussions, pouvez-vous nous
les résumer?
M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la
confidentialité.
M. Paradis: Dans le mémoire qu'il a déposé,
lorsqu'il est venu témoigner ou comparaître devant notre
commission, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin nous
dit ce qui suit. Pour éclairer votre procureur et vous-même, je le
cite à partir de la page 1 de son mémoire, paragraphe 2:
"À l'automne 1978, j'ai reçu un téléphone de M.
Louis Laberge, président de la FTQ, je ne saurais préciser la
date de cette conversation téléphonique mais il me semble que ce
fut peu de temps avant ma première rencontre avec Me Michel Jasmin, le 4
décembre 1978. Elle aurait donc, vraisemblablement, eu lieu au cours du
mois de novembre. M. Laberge argua que la SEBJ devait régler la cause
hors cour. Il m'a énuméré certains arguments au soutien de
sa prétention mais il semble que la conversation
téléphonique fut brève car il m'a alors dit que Me Michel
Jasmin demanderait à me voir pour me faire une argumentation plus
complète en faveur d'un tel règlement." Il s'ensuivit, si ma
mémoire est fidèle, une visite au bureau de M. Jean-Roch Boivin,
chef de cabinet du premier ministre, que vous avez effectuée le 4
décembre. Est-ce que cette rencontre avait été
convoquée ou organisée par les bons offices de M. Laberge?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Je ne me souviens pas. C'est moi qui ai
convoqué la réunion du 4 décembre 1978 à ce
moment-là.
M. Paradis: Est-ce que vous pouvez nous dire si M. Laberge vous
avait mis au courant de cette conversation téléphonique et s'il
vous avait ensuite prié d'organiser la première rencontre du 4
décembre?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: ...partie des démarches, je suis lié par
mon obligation de confidentialité.
M. Paradis: Cela va. Vous avez déclaré, au cours de
votre comparution, qu'en ce qui concerne deux rencontres que vous avez
effectuées au bureau du premier ministre, plus spécifiquement au
bureau de Me Yves Gauthier, conseiller spécial au bureau du premier
ministre, en date du 17 octobre 1978 ainsi que du 12 novembre 1978, vous
n'étiez pas lié par votre secret professionnel. Pouvez-vous nous
éclairer un peu plus et nous dire quels sont les éléments
qui vous amènent à cette conclusion?
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: Je ne crois pas que le témoin ait jamais
déclaré qu'il était lié ou non lié pour ces
rencontres. Il a dit que ce sont des rencontres pour lesquelles le
problème ne se posait pas parce qu'elles ne portaient pas sur le dossier
qui est à l'étude. Alors dans ce sens...
M. Paradis: En le "rephrasant", suivant les bons conseils de
votre procureur, quels sont les souvenirs qui vous ont amené
précisément à nous faire cette affirmation, telle que
stipulée par votre procureur?
M. Jasmin: Je pense que ce que j'ai dit ce matin c'est qu'il n'a
pas été question du mandat qui est devant la commission aux
réunions du 17 octobre et du 12 novembre.
M. Paradis: Mais vous nous avez également dit que pour une
réunion, en partie - je pense que c'était celle du 16
février - vous nous avez expliqué pourquoi, et cela a
apporté un éclairage. Est-ce que vous pouvez nous dire en
fonction de ces deux réunions...
Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense qu'on doit
prendre la parole de Me Jasmin qui est sous serment, et compte tenu que cela ne
porte pas sur le mandat de la commission, je ne peux permettre que la question
soit posée.
M. Paradis: M. le Président, vous me permettrez une
question de règlement. J'essaie de voir l'équilibre entre la
réunion du 16 février et les deux autres. Vous avez permis la
réponse au moment de la réunion du 16 février et - je ne
sais pas si c'est parce qu'il est 17 h 55 - vous me la refusez.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député. Non, non. Ce n'est pas cela. C'est parce que ce matin, si
vous vous souvenez de la discussion qu'on a eue sur ce point, j'avais mis
certaines réserves. Me Lussier m'a avoué que, même
malgré la réserve que je mettais, il croyait que cela pouvait
être possible. Si on me dit qu'il n'y a pas de difficulté, il n'y
a pas de problème.
M. Lussier: Non, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): C'est dans ce sens que je
mettais ma réserve. Allez, Me Jasmin.
M. Jasmin: C'était à son entrée en fonction
au bureau du premier ministre et je suis allé jaser tout simplement avec
lui. La réunion du 12 novembre 1978... Chaque année je fais une
partie d'huîtres et je pense que c'était pour lui tordre le bras
pour qu'il vienne parce qu'il ne voulait pas venir. C'est tout. C'est pour cela
que j'y étais allé, tout simplement.
M. Paradis: C'était une réunion de tordage de bras,
celle-là.
Le Président (M. Jolivet): Cependant, M. le
député, je ne voudrais pas que votre réflexion ait comme
but de faire peser des soupçons sur les autres réunions.
M. Paradis: Non, M. le Président. Cela n'avait aucun but.
Ce n'était qu'une réflexion spontanée.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, je la prends comme
telle.
M. Paradis: M. le...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, j'aurais quelques autres
questions. Est-ce que vous pouvez nous dire, Me Jasmin, depuis combien de temps
vous connaissez personnellement M.
René Lévesque?
M. Jasmin: J'ai connu M. René Lévesque lors de la
campagne électorale de 1970. Je l'avais vu dans des réunions
publiques avant, je l'avais connu comme homme public avant mais je l'ai
vraiment connu en 1970.
M. Paradis: Est-ce que vous avez été appelé
à travailler avec lui par la suite?
M. Jasmin: J'ai été conseiller juridique
bénévole du Parti québécois lors des
élections de 1970, 1973 et 1976. Je n'ai pas travaillé pour lui
comme tel, sauf, pour préciser votre question, que la journée du
vote je travaillais dans son comté.
M. Paradis: Très bien. Pour aller plus rapidement, quant
à M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, je vais vous
dire...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Paradis: Je vais recommencer... Le Président (M.
Jolivet): Oui!
M. Paradis: Je tentais d'aller plus rapidement: les mêmes
questions quant à Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier
ministre.
M. Jasmin: J'ai entendu parler de Jean-Roch Boivin quand il s'est
présenté comme candidat dans le comté de Fabre en 1970. Je
ne l'ai pas rencontré à ce moment-là. Je savais qu'il
était candidat dans Fabre, comme d'autres députés ici
présents ont déjà été candidats. J'ai
rencontré M. Jean-Roch Boivin plus fréquemment à
l'occasion d'arbitrages, parce qu'il faisait du droit ouvrier comme arbitre.
J'ai rencontré M. Boivin professionnellement et je l'ai rencontré
aussi lors des campagnes de 1973 et de 1976. Mes contacts avec M. Boivin
étaient assez distants. Comme en politique, on peut être
près de certains hommes politiques, on peut aussi...
M. Paradis: Pour accélérer encore une fois: quant
à Me Yves - je ne dirai pas "Ti-Lou", M. le Président - Gauthier,
mêmes questions.
M. Jasmin: Non seulement Yves est une connaissance - je connais
M. Yves Gauthier -mais depuis 1970, c'est un ami personnel que je vois et que
je fréquente...
M. Paradis: Et qui va aux parties d'huîtres.
M. Jasmin: Qui vient à mes parties d'huîtres.
M. Paradis: Quant à Me Rosaire Beaulé?
M. Jasmin: J'ai connu M. Rosaire Beaulé brièvement
lors de la campagne électorale de 1976. Il a été dans le
dossier de la Baie-James et je ne l'ai pas revu depuis le dossier de la
Baie-James, ni avant ni après.
M. Bourbeau: Ni de près, ni de loin.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le juge.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci beaucoup, M. le Président. Me Jasmin,
lorsque, le 16 novembre 1979, vous avez fait au nom de vos clients une offre de
50 000 $ à la SEBJ... Oui, le 16 janvier 1979, sauf erreur.
Une voix: Le 16 janvier.
M. Bourbeau: Le 16 janvier 1979: à ce moment-là,
étiez-vous au courant que le premier ministre avait fait connaître
à la Société d'énergie de la Baie James son souhait
que la cause se règle hors cour?
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: Le témoin n'a pas de problème pour
répondre à cette question mais, dans la première partie de
votre question, vous demandez au témoin d'être en accord ou en
désaccord avec l'affirmation à savoir que telle date il a fait
telle chose, telle démarche dans le dossier...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Bourbeau: Peut-être que je peux reprendre ma
question...
Le Président (M. Jolivet): C'est cela, allez-y donc.
M. Bourbeau: ...en disant que le 16 janvier 1979...
M. Lussier: II n'était pas au courant à ce
moment-là.
M. Bourbeau: ...étiez-vous au courant que le premier
ministre avait fait connaître à la SEBJ son souhait que la cause
se règle hors cour?
Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.
M. Jasmin: Par son bureau, peut-être pas par le premier
ministre personnellement, mais par son bureau, oui.
M. Bourbeau: Son bureau vous avait mis au courant de ce
souhait-là?
M. Jasmin: Oui.
M. Bourbeau: De quelle façon? Qui vous avait mis au
courant?
Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.
M. Lussier: La question qui a été posée
demandait au témoin s'il avait connaissance d'un fait. Maintenant, si
vous demandez au témoin des détails sur l'acquisition de cette
connaissance, comme cela fait partie, est survenu à l'occasion d'une des
démarches pour lesquelles il a dû invoquer son obligation à
la confidentialité, il doit faire de même dans le cas
présent. Il vous a simplement dit qu'il connaissait un fait, à
une date précise et que vous lui demandiez.
M. Bourbeau: Bon! Alors, très bien!
Le Président (M. Jolivet): M. le député...
(18 heures)
M. Jasmin: La réponse, c'est mon obligation à la
confidentialité.
M. Bourbeau: À quel moment avez-vous su que le premier
ministre souhaitait que la cause soit réglée hors cour?
M. Jasmin: C'est la même réponse que je vais vous
donner.
M. Bourbeau: Vous ne pouvez pas répondre à cette
question?
M. Jasmin: Non.
M. Bourbeau: Mais, tout à l'heure, vous m'avez dit que le
16 janvier vous étiez au courant. Je vous demande seulement une
date.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaîtl Me
Lussier pourrait expliciter.
M. Lussier: Voici, M. le député de Laporte, vous
avez demandé au témoin s'il connaissait un fait à un
moment précis. Il pouvait vous répondre de sa connaissance
à un moment précis. Vous demandez au témoin, finalement,
quand il a appris ce fait. Pour donner sa réponse, il pourrait faire
référence à un événement qui est survenu
à l'occasion de ses démarches et c'est dans ce cadre, qu'il doit
le référer à son obligation à la
confidentialité. On s'excuse, M. le député.
M. Bourbeau: Non, je comprends.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous
excuser, c'est ce que je vous ai demandé de faire.
M. Bourbeau: Est-ce que c'est entre le 3 et le 16 janvier
1979?
M. Jasmin: Je vais vous donner la même réponse. Mon
obligation à la confidentialité m'empêche de vous
répondre.
M. Bourbeau: Est-ce que cette connaissance que vous avez eue,
à un moment donné, des voeux du premier ministre que la cause
soit réglée hors cour, a eu une influence sur le montant des
offres que vous avez faites à la SEBJ?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne peux pas permettre cette question.
M. Bourbeau: Vous ne pouvez pas la permettre.
M. Perron: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je comprends, vous allez
me dire qu'il est 18 heures?
M. Perron: Non, mais je pourrais peut-être demander au
député de Laporte de lire votre décision de ce matin.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. La seule chose qui m'importe pour le moment, c'est qu'on
m'avait dit qu'on avait de brèves questions à poser:
Jusqu'à maintenant cela va bien. Je voudrais et je pense que vous serez
d'accord, libérer Me Jasmin pour qu'on puisse revenir à 20
heures. Si vous avez d'autres questions, je serai obligé de suspendre
jusqu'à 20 heures et, là, Me Jasmin devra de revenir.
M. Bourbeau: Pour vous...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Pour vous montrer, M. le Président, que
l'Opposition tient parole, je n'aurai pas d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, je dois, au nom
des membres de la commission, remercier Me Jasmin. Mais avant, je crois
comprendre que Me Lussier a un petit mot à nous dire à la
fin.
M. Lussier: Oui, dans le même sens, M. le Président,
je voudrais d'abord remercier la présidence pour la décision
qu'elle a rendue, malgré l'expérience que j'ai qualifiée,
hier et encore aujourd'hui, de pénible et de frustrante pour nous
d'avoir eu à passer à travers cet exercice. Je comprends
également que cela peut être frustrant aussi pour la commission
d"être face à cette obligation à la
confidentialité.
Maintenant, je tiens à le souligner, nous apprécions
grandement la réaction des députés intervenants face
à cet exercice qui, même s'il était pénible pour
nous, a pu l'être aussi pour eux. Leurs réactions
démontrent leur compréhension des difficultés d'ordre
juridique et personnel pour le témoin dans un tel débat et elles
les honorent. C'est en mon nom et au nom de votre invité d'aujourd'hui,
M. le juge Jasmin, que je vous adresse ces remerciements.
Le Président (M. Jolivet): Maître, je vous remercie.
M. le ministre voudrait ajouter un petit mot.
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je serai très
bref. En quelques secondes, je voudrais dire que l'exercice laborieux que vient
d'évoquer Me Lussier aurait pu, bien sûr, être
évité. Mais, je n'ai pas à porter de jugement sur la
décision qui a été prise par les clients ou les anciens
clients de Me Jasmin qui ont choisi d'exercer leur droit de ne pas
délier Me Jasmin de son obligation à la confidentialité.
Il aurait été bien sûr grandement préférable
que nous puissions entendre sans aucune réserve Me Jasmin nous donner sa
version des faits, tout au long du cheminement de ce dossier.
Je voudrais le remercier, remercier également son procureur et
souligner, je dirais, on a employé le mot brio tout à l'heure, je
pense que le mot est un peu timide à mon point de vue. Je pense que vous
avez magistralement représenté les intérêts de
l'honorable juge Jasmin, vous l'avez fait également avec courtoisie et
gentilhommerie. Je vous en remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau voudrait ajouter quelque chose.
M. Gratton: M. le Président, j'aurais voulu, mais compte
tenu de l'heure je ne le ferai pas, répliquer aux commentaires du
ministre tantôt en lui citant un passage de l'éditorial de Marcel
Adam qui s'intitule: La mauvaise humeur du ministre se comprend. Si vous me
dites qu'on en aurait terminé maintenant et qu'on ne siégerait
pas ce soir, dans le souci que j'ai toujours d'épargner des sous au
trésor public, je me passerai de faire des commentaires, en me
réservant toutefois la possibilité d'intervenir au début
quand on reprendra les travaux la semaine prochaine.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que je peux vous dire au
début? Je ne sais pas si
ce sera au début mais vous aurez certainement l'occasion
d'intervenir. Il y a aussi le député de Mont-Royal qui m'avait
demandé la parole et je pense qu'il veut ajouter quelques mots avant
qu'on ne termine.
M. Ciaccia: M. le Président, si on doit terminer
maintenant, je ne veux pas obliger la commission à revenir à 20
heures. J'ai aussi le souci de sauver des dépenses, parce que je
remarquais dans le journal que le ministre avait dépensé 120 000
$ pour rénover sa suite ministérielle. Alors, on voudrait essayer
de sauver...
M. Rodrigue: Vous poserez la question à l'Assemblée
nationale.
M. Ciaccia: ...de l'argent pour que...
M. Duhaime: Ils veulent en parler mais ils ne veulent pas jaser
en Chambre, par contre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en terminant.
M. Lalonde: Je voudrais simplement, je pense qu'il est important
de le faire, je l'ai fait tout à l'heure mais encore à la fin,
remercier M. Jasmin et Me Lussier. Si nous avons réussi à passer
à travers cet exercice pénible avec les qualificatifs ou selon le
jugement favorable, disons, que Me Lussier exprimait tout à l'heure,
j'aimerais aussi faire appel à ceux qui nous regardent et qui
comprennent aussi que lorsque Me Jasmin faisait appel à son obligation
à la confidentialité, ce n'était pas un refus de
répondre. C'était simplement une obligation qui lui était
imposée par la loi. Ce qu'un journaliste a cru bon d'écrire, ce
matin, dans un journal, à savoir que le seul choix de Me Jasmin aurait
été de choisir entre violer la Loi de l'Assemblée
nationale ou violer la Charte des droits et libertés de la personne, je
ne crois pas que cela se soit produit, grâce à la sagesse de la
présidence...
M. Duhaime: Merci beaucoup.
M. Lalonde: ...et grâce à la docilité des
députés - je ne parle pas du ministre, non, M. le
Président. Mais il est important que les gens qui nous regardent,
comprennent cela pour que le jugement à l'égard du témoin,
comme nos débats sont télévisés, ne soit pas
affecté par l'exercice de style auquel il a dû se soumettre. C'est
ce que je voulais dire à la fin.
Le Président (M. Jolivet): Donc, au nom des membres de la
commission, puisque cela a déjà été fait, j'ajoute
que je remercie Me Jasmin et Me Lussier. Je sais que l'exercice qu'on leur a
demandé a été difficile. Il a été aussi
difficile pour les députés. Mais, je pense que pour
l'Assemblée nationale qui est souveraine, il était important que
des gestes comme ceux-là soient posés. Compte tenu de l'heure et
du fait que j'aurai à poser un geste d'ajournement, j'en profiterai donc
pour dire que si le beau temps est avec nous demain, je pourrai être dans
mon comté, c'est-à-dire à Clova et à Parent. Mais,
entre-temps...
M. Lalonde: On n'est pas invité?
Le Président (M. Jolivet): J'ajourne...
M. Duhaime: Bonsoir mesdames, bonsoir messieurs.
Le Président (M. Jolivet): J'ajourne sine die.
M. Lalonde: Disons que c'est pour la semaine prochaine...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Lalonde: ...parce qu'on ne revient pas ce soir ni demain
matin.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député.
M. Lalonde: Le prochain invité, est le premier ministre,
d'après ce que je comprends?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Lévesque ne sera pas invité de la
commission. Il va siéger comme membre de la commission.
M. Lalonde: Est-ce qu'il a dit qu'il répondrait à
des questions?
M. Duhaime: II m'a donné son consentement à
répondre aux questions de chacun des membres de la commission
parlementaire.
M. Lalonde: II répondra à des questions?
M. Duhaime: Bien sûr.
M. Lalonde: Bon, nous aviserons.
M. Duhaime: Ce sera mercredi ou jeudi. Je vous le dirai aussi
vite que possible. Je pourrai peut-être vous le confirmer demain.
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est un ajournement sine
die, en attendant la motion de l'Assemblée nationale.
(Fin de la séance à 18 h 10)