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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission permanente de l'énergie et ressources est à
nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le râle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt
(Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M.
Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne
(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis) et M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly)
et M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet).
Le travail à être fait aujourd'hui, c'est de ce moment-ci
jusqu'à 13 heures, et nous reviendrons normalement après la
période des questions, vers 16 heures ou 16 h 30 jusqu'à 18
heures. On prévoit normalement, selon les ententes qui ont
été discutées la semaine dernière, pouvoir
fonctionner au cours de la journée de demain et de vendredi.
La personne invitée ce matin est Me Yves Gauthier, conseiller
spécial au bureau du premier ministre.
Je demande à M. Jean Bédard, greffier, de faire
l'assermentation et à Me Gauthier de s'approcher du micro à ma
gauche.
Le greffier (M. Bédard): M. Gauthier, pouvez-vous
mettre la main sur l'Évangile et déclarer après moi: Je,
vos nom et prénom, jure ou déclare solennellement que je dirai
toute la vérité, rien que la vérité.
M. Gauthier (Yves): Je, Yves Gauthier, jure que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Le greffier (M. Bédard): Merci, M. Gauthier.
Le Président (M. Jolivet): Merci, Me Gauthier. Vous pouvez
nous installer. Le député de Marguerite-Bourgeoys a-t-il quelque
chose à ajouter? Vous pouvez vous asseoir, Me Gauthier.
Oui, d'accord. Me Jutras, ce que j'ai cru comprendre tout à
l'heure...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
Les personnes convoquées
M. Lalonde: Étant donné que cela fait seulement
quelques jours que nous avons suspendu les travaux et qu'à la suite
d'une question que j'ai posée en Chambre hier à
l'Assemblée nationale, concernant la présence à notre
commission de M. Maurice Pouliot, le ministre a semblé nous indiquer que
c'est ici à la commission qu'il aurait... Il faudrait que le
ministre...
Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même
rectifier parce que, moi aussi, j'ai déjà donné des
directives à cette commission. Si vous avez l'intention de discuter de
ce problème sans faire de motion, je ne l'accepterai pas, car je l'ai
dit la semaine dernière. Si vous avez une motion à faire,
faites-la et nous allons la discuter, mais il n'est pas question de reprendre
le débat, à savoir si telle personne ou telle autre doit
être présente ou pas. J'en ai fait mention la semaine
dernière comme président de cette commission parlementaire.
M. Lalonde: M. le Président, je suis parfaitement d'accord
avec vous. Si nous devions faire un débat, nous devrions le faire dans
la forme c'est-à-dire présenter une motion. Ce n'est pas mon
intention de faire un débat. Simplement par courtoisie à
l'égard de ceux qui nous entendent et de ceux qui sont ici, que le
ministre nous informe de sa décision, de la décision du
gouvernement sur la présence de M. Maurice Pouliot, de M. Yvan Latouche
qui étaient sur la liste, et de Me Jasmin. Sa présence ici est,
semble-t-il, aléatoire à cause des procédures qui ont
été engagées. Est-ce que le ministre pourrait
nous dire quelle est la décision? On fera les débats que
nous déciderons de faire en temps et lieu.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, sur cette question des
témoins, je rappellerai essentiellement que dans le cas de M. Yvan
Latouche, je n'ai pas changé d'idée et il ne sera pas
convoqué par la commission.
Dans le cas du témoignage de l'honorable juge Michel Jasmin,
j'avais indiqué la semaine dernière que nous allions commencer ce
matin par entendre Me Yves Gauthier et ensuite Me Jean-Roch Boivin. Je verrai
ensuite avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, sous réserve
du jugement qui pourrait être rendu par la Cour supérieure et des
procédures qui pourraient s'en-suivre, si nous pourrons convoquer
l'honorable juge Jasmin la semaine prochaine. Même si on l'avait
convoqué ce matin, cela n'aurait pas donné grand-chose, car on
lui aurait demandé tout simplement d'attendre.
Dans le cas de M. Pouliot, je suis prêt à considérer
la demande que nous formule à nouveau ce matin le député
de Marguerite-Bourgeoys avec la même réserve que celle que je
formulais il y a deux semaines lorsqu'il a fait sa demande.
Nous pourrions faire ici une liste d'une bonne quinzaine de personnes
qui étaient secrétaires généraux, directeurs
généraux, présidents ou encore membres des
exécutifs syndicaux qui ont été impliquées dans
cette affaire. Je ne vois pas en quoi leur témoignage pourrait
éclairer les travaux de cette commission. Je suis prêt, comme on
dit, à laisser cette porte ouverte et à ne pas dire non ce matin.
De toute manière, quelle que pourrait être la décision, je
n'entendrais pas changer l'ordre des témoins que nous avons
arrêté jusqu'à présent. Je compte bien que, d'ici
à la fin de juin, j'imagine bien, nous puissions avoir terminé
ces travaux lorsque le premier ministre, qui devrait participer à nos
travaux bientôt, en aura terminé. Nous pourrons voir ensuite s'il
sera indiqué d'entendre ou encore d'assigner d'autres personnes. Alors,
nous en sommes là; je pense avoir répondu à la question
qui m'a été posée.
M. Lalonde: M. le Président, il ne faudrait pas...
Le Président (M. Jolivet): M. député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...interpréter mon silence comme étant
un accord. Je suis simplement vos directives. Je n'engagerai pas le
débat. Nous n'avons pas changé d'idée, au contraire, en ce
qui concerne et M. Pouliot et M. Latouche, mais nous ferons connaître
notre façon de faire valoir le bien-fondé de notre demande
à mesure que les travaux se dérouleront.
Le Président (M. Jolivet): Une autre question, M. le
député de Gatineau, ou sur la même question?
M. Gratton: C'est simplement une précision, M. le
Président, surtout quant à M. Maurice Pouliot. Le ministre ne
ferme pas la porte, soit, on le constate. M. le ministre, commençons sur
le bon ton ce matin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, je pense que j'ai été bien clair. Je ne voudrais pas
qu'on commence un débat...
M. Gratton: Non.
Le Président (M. Jolivet): ...et je ne le permettrai
pas.
M. Gratton: Le ministre nous dit, dans les conversations qu'on
pourrait avoir: si vous me convainquez du bien-fondé d'inviter M.
Pouliot, je ne ferme pas la porte. J'aimerais savoir du ministre comment on
peut le convaincre du bien-fondé de notre demande de faire
comparaître M. Pouliot sans que nous lui disions ce que nous-mêmes
ne savons pas nécessairement encore, c'est-à-dire ce que M.
Pouliot a à nous dire. Le ministre voudrait, supposant qu'on saurait
d'avance ce que M. Pouliot a l'intention de déclarer à la
commission, qu'on le lui dise. On ne peut pas parler pour M. Pouliot, de la
même façon que le gouvernement ne peut pas nous dire: Qu'est-ce
que M. Pouliot pourrait venir dire à la commission que le gouvernement
ne voudrait pas entendre? Dans le fond, il s'agit de constater que M. Pouliot
était un des signataires du règlement hors cour en 1979 et de
constater qu'il a fait des déclarations publiques, qu'il a des choses
à dire, qu'il prétend toujours avoir des choses à dire et
que nous, de l'Opposition, qui voulons contribuer à faire la
lumière sur toute l'affaire, considérons qu'il a des choses
très importantes à dire. Je ne vois réellement pas ce
qu'on peut dire de plus au ministre qui pourrait l'amener à
reconnaître le bien-fondé de notre demande. C'est dans ce sens que
je demande au ministre d'y songer sérieusement. C'est facile de dire:
Présentez-nous une motion, on fera le débat. Sachant d'avance que
le gouvernement a la majorité, qu'il votera tout simplement contre et
que cela réglera la chose une fois pour toutes, pour nous...
M. Duhaime: Si c'est recevable. M. Gratton: Si c'est
recevable?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! C'est
à moi à décider cela.
M. Gratton: Voyons donc! C'est recevable.
Le Président (M. Jolivet): Tout cela pour vous dire que,
si le ministre n'a rien à dire, je passe immédiatement à
Me...
M. Duhaime: J'aurais des choses à dire, mais je ne veux
pas faire perdre du temps à la commission, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Me Yves Gauthier a-t-il une
déclaration préliminaire à faire?
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Allez, Me Gauthier, vous avez
la parole.
Témoignages M. Yves Gauthier
M. Gauthier (Yves): Merci. À la mi-octobre 1978, à
la suite de ma nomination comme conseiller spécial...
Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi...
M. Gauthier (Yves): Oui?
Le Président (M. Jolivet): Voudriez-vous approcher votre
micro? Nous avons de la difficulté à vous entendre.
M. Gauthier (Yves): Oui, cela va. Là, cela va mieux?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Gauthier (Yves): À la mi-octobre 1978, à la
suite de ma nomination comme conseiller spécial, j'ai abandonné
le poste de tuteur de certains syndicats ouvriers, dont le local 791, l'Union
des opérateurs de machinerie lourde du Québec, qui était
poursuivie en dommages par la SEBJ. À titre de tuteur, j'étais
chargé des intérêts de ce syndicat.
Je m'étais formé une opinion quant au recours de la SEBJ
que je croyais mal fondé et qu'il en coûterait inutilement des
frais au syndicat pour se défendre. Celui-ci n'avait rien à faire
avec le saccage, ne l'avait pas autorisé ni favorisé. Je crois
que mon opinion était connue.
À mon arrivée au bureau du premier ministre, je ne me suis
pas mêlé de ce dossier. Je n'ai parlé ni à M.
Lévesque, ni à M. Boivin, ni à quelqu'autre personne du
bureau du premier ministre et ce, à cause de mes connaissances
antérieures de ce dossier qui me liaient en quelque sorte à la
partie syndicale.
Je n'ai pas eu connaissance de visites des membres du conseil
d'administration ou des avocats de la SEBJ au bureau du premier ministre. J'ai
eu diverses rencontres avec Me Jasmin, le procureur du syndicat
québécois, le local 791, qui avait aussi des mandats pour la
tutelle, pour le suivi de certains dossiers. Quant à celui de la SEBJ,
il était possible que je sois appelé à témoigner
pour expliquer les structures syndicales et les différents liens pouvant
exister entre elles.
M. Pierre Laferrière vous a dit que nous avons mangé
ensemble au commencement de novembre. Il s'agissait d'un dîner entre
amis. Nous avons pris des nouvelles l'un de l'autre. Moi, je sortais de la
tutelle et lui, à la même date, le 3 octobre, entrait au conseil
d'administration de la SEBJ. On a échangé sur divers sujets. Je
lui ai raconté mes aventures un peu loufoques avec le syndicat. Quant
à la Baie-James, je lui ai mentionné que le syndicat
québécois poursuivi n'avait pas d'argent, que le syndicat
américain était étranger à cette affaire et qu'il
pourrait peut-être aussi y avoir des risques très coûteux
dans le rendement au chantier, pour la SEBJ.
M. François Aquin m'a téléphoné pour
vérifier si les avocats des syndicats étaient venus au bureau du
premier ministre. Je lui ai dit que je passerais chez lui, le soir, avec mon
épouse. Cela me donnait l'occasion d'aller voir son Riopelle. Je lui ai
confirmé que Me Jasmin était venu me voir, que je pensais que M.
Rosaire Beaulé était venu voir M. Jean-Roch Boivin et que,
d'après ce que me disait Me Jasmin, il pourrait peut-être y avoir
un règlement.
Quant aux divisions à la SEBJ, à ma souvenance, je ne me
rappelle pas lui en avoir parlé. D'après moi, c'est plutôt
lui qui devait le savoir, puisque c'était lui, l'avocat de la SEBJ. Je
n'assistais pas à ces réunions-là, moi.
Quant à Me Gadbois, je ne me souviens pas de lui avoir rendu
visite au sujet de la Baie-James. M. Gadbois vous a dit que j'étais
allé le voir pendant une dizaine de minutes. J'ai beau chercher, je ne
trouve rien, sauf que, à la fin de mars 1978, mes clients ont
signé un contrat de prêt avec la SEBJ. Je me souviens que
j'étais allé faire signer M. Boyd, comme président de la
SEBJ, à son bureau d'Hydro-Québec. La résolution de la
SEBJ était signée par Me Gadbois, comme secrétaire
intérimaire. Je ne peux pas voir cela autrement. Je cherche depuis
quinze jours et je ne trouve rien.
Quant à M. Latouche, on a suivi le cas dans les journaux.
D'après moi, cela n'a aucune espèce de lien avec la poursuite de
la SEBJ contre les syndicats. Je l'ai reçu à
mon bureau, comme je reçois d'ailleurs des dizaines d'autres
citoyens, parce qu'il se plaignait d'avoir été injustement
congédié par la SEBJ. Il m'a montré un dossier très
épais concernant des procédures prises par lui, des
irrégularités que la SEBJ aurait commises dans ses contrats et un
jugement qui aurait prouvé que de telles irrégularités
existaient depuis longtemps, 1968, je pense. J'ai pris des photocopies de
certains de ses documents, je les ai lues et, par la suite, je les ai
jetées.
Selon moi, son recours devait être soumis aux tribunaux. Je ne
suis pas juge et je ne veux pas m'immiscer dans les dossiers des juges. Quant
au jugement, il impliquait M. Boyd et portait sur un point tout à fait
technique. D'ailleurs, il était publié à des milliers
d'exemplaires dans tous les recueils judiciaires. Je l'ai ici avec moi. Je ne
me souviens pas si M. Latouche était représenté par Me
Jasmin ou si... Je pense que Me Jasmin m'avait déjà parlé
de ce cas-là et selon moi, ils semblaient se connaître. Je me
souviens aussi que M. Latouche avait rédigé lui-même les
procédures contre la SEBJ et que cela m'avait beaucoup
frappé.
Par la suite, j'ai donné son nom à la SHQ pour voir si
elle avait besoin de personnel parce qu'il prétendait s'y
connaître en construction. Je pensais qu'il était
ingénieur. C'est tout ce que j'ai à dire dans ma
déclaration. Je pense que je couvre pas mal tout.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais apporter
une précision. On parle de vous depuis plusieurs semaines. Est-ce que
vous êtes membre du Barreau ou membre de la Chambre des notaires?
M. Gauthier (Yves): De la Chambre des notaires.
M. Duhaime: De la Chambre des notaires. En quelle année
avez-vous été admis à la Chambre des notaires?
M. Gauthier (Yves): En 1956, je pense.
M. Duhaime: Sans qu'on suive comme tel un ordre chronologique, je
pourrais vous demander si c'est à votre initiative que, le 28 août
1978, il y a eu une rencontre - cela nous a été rapporté
par d'autres personnes depuis le début des travaux de la commission - au
bureau de M. Pierre-Marc Johnson qui, à l'époque, était
ministre du Travail. Je vais donner les noms de mémoire: il y avait Me
Rosaire Beaulé, Me Jasmin, je crois, Me Woll, Me Fanning et
vous-même. Au meilleur de votre souvenir, qui avait provoqué cette
réunion?
M. Gauthier (Yves): Me Beaulé, avocat du syndicat
américain, m'avait dit que ses clients américains aimeraient
rencontrer le ministre pour lui parler des répercussions que pourrait
avoir l'action. Ces gens-là, à Washington - j'y suis allé
à quelques reprises en tant que tuteur - sont tous... Il y en a un dans
la première rue, un autre dans la deuxième, l'autre est dans la
troisième; ils se tiennent tous ensemble et ils se parlent. J'ai
l'impression que cela les énervait. Ils se disaient que, s'il y avait
une poursuite et s'ils étaient obligés d'aller en cour, cela
pourrait avoir des répercussions sur les autres locaux qui pouvaient
être impliqués. J'ai dit à Me Beaulé que
j'organiserais le rendez-vous au bureau du ministre Johnson. C'est la
dernière semaine où j'ai été associé, je
m'en souviens. C'était à la fin du mois d'août. Je les ai
appelés. Ils se sont rencontrés à mon bureau, situé
à peu près à trois ou quatre minutes de marche du
ministère. Ils se sont recontrés et nous sommes partis voir le
ministre Johnson.
(10 h 30)
M. Duhaime: À cette époque, vous étiez
tuteur responsable du local 791 et c'était dans l'exercice de vos
fonctions.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Duhaime: Pourriez-vous nous donner davantage de détails
sur la conversation ou le déroulement des événements au
bureau de M. Johnson?
M. Gauthier (Yves): Je dois vous dire que chez nous, à mon
bureau, on n'a pas parlé. Ils se sont tous réunis. La seule chose
que je leur ai dite et dont je me souvienne, c'est: Tâchez de payer vos
avocats.
M. Duhaime: Tâchez de quoi?
M. Gauthier (Yves): De payer vos avocats.
M. Duhaime: C'est une bonne idée!
M. Gauthier (Yves): Nous sommes allés au ministère
tout de suite, je crois que la réunion n'a pas été bien
longue. Ils ont surtout parlé des répercussions que cela pouvait
avoir sur l'ensemble du chantier vu qu'ils y étaient tous
mêlés de près. J'ai l'impression que ce qu'ils voulaient
nous dire, c'est que, s'il y avait trop de répercussions de la cause,
peut-être qu'ils pourraient déclarer le chantier "unfair",
c'était peut-être cela. Je sais que je n'ai pas parlé de
règlement.
M. Duhaime: Le député de Brome-Missisquoi qui fait
des siennes'. La journée est jeune.
M. Paradis: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Est-ce que le ministre veut poser des questions
à quelqu'un d'autre que le témoin qui est ici? S'il a des
remarques à me faire, je suis prêt à engager le
débat, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Ah non! Vous pouvez aller vous recoucher si cela vous
tente. J'ai simplement dit que la journée était jeune.
M. le Président, si vous me permettez.
M. Lalonde: M. le député de Jonquière est
nerveux.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:
M. Lalonde: II souffle à l'oreille du ministre.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Gauthier (Yves): Ne me retardez pas.
Le Président (M. Jolivet): La parole est à M. le
ministre.
M. Lalonde: Le député de Jonquière s'est mis
à rire tout de suite.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je ne voudrais pas
qu'on s'amuse. Je sais comme il est difficile pour une personne qui est
invitée devant nous de voir que, de part et d'autre, on puisse de temps
à autre s'agacer, mais ce qui est important, c'est la personne qui est
devant nous. Comme de coutume, on demande d'adresser la parole à la
personne en face de nous et de me l'adresser à moi; j'aimerais que
personne, de part et d'autre, ne commence ce matin des choses qui ne sont pas
normales.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je ne ferai pas de
commentaires. Cela me tente. Le bureau du premier ministre a
déposé un document qui fait état de quatre réunions
que vous auriez eues, entre le 17 octobre 1978 et le 6 février 1979,
avec Me Michel Jasmin à l'époque, et d'une rencontre du 16
février que vous venez d'évoquer en faisant votre
déclaration préliminaire, entre M. Yvan Latouche et Me Jasmin.
Est-ce que vous avez ce document en votre possession? On va simplement suivre
la chronologie.
M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas, mais on peut l'avoir. J'ai
marqué les dates ici. On me les a données au bureau du premier
ministre.
M. Duhaime: Alors, aux réunions des 17 octobre et 12
novembre 1978, il y a un astérisque sur le document qui a
été produit, qui nous renvoie au bas de la page où c'est
écrit: Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite
de la SEBJ au cours des rencontres des 17 octobre et 12 novembre. Quant
à moi, je ne reviendrai pas là-dessus. Cela me paraît
être clair. Je voudrais que vous nous parliez des rencontres des 17
janvier et 6 février 1979, avec Me Michel Jasmin. Je comprends bien
qu'à cette époque, vous étiez vous-même au bureau du
premier ministre.
M. Gauthier (Yves): Oui. Le 17 janvier, je revenais de vacances.
J'étais allé en vacances un mois. J'avais apporté des
dossiers avec moi. Il n'est pas resté longtemps; je pense qu'il est
resté une dizaine de minutes, mais on est allé dîner
ensemble, je m'en souviens. On était allés manger au
Méridien. Je suis pas mal certain que le procès commençait
ou était commencé depuis un ou deux jours et Me Jasmin me disait
que cela pourrait être long parce qu'il y avait neuf mois d'audition.
J'ai compris que neuf mois d'audition, c'est entendre des témoins, des
choses comme cela. Alors, il pensait que la cause serait pas mal longue. C'est
au dîner qu'on s'est dit cela, parce que je pense qu'il est resté
cinq ou dix minutes au bureau. Je revenais de vacances; il m'a demandé
comment cela avait été et tout cela, mais la seule chose dont je
me souvienne, quand on a parlé de la Baie-James, c'est qu'il m'a dit
qu'il y avait neuf mois d'audition et que ce serait long.
M. Duhaime: Maintenant, à la rencontre...
M. Gauthier (Yves): Le 6 février, M. le Président,
il était venu me montrer des procédures qu'il devait
présenter aux avocats dans la journée, ou au conseil de la SEBJ.
Il avait des documents. Je n'ai pas... J'ai toujours eu l'impression que,
lorsque Me Jasmin venait me voir, c'était pour un support moral; on
aurait dit qu'il venait pratiquer avec moi quand il allait voir les avocats ou
quand il allait en cour. Mais, le 6 février, il est venu et il avait des
papiers qu'il devait présenter aux avocats de la SEBJ, je pense. Parce
que, si je me souviens bien, il était arrivé de bonne heure le
matin. Il devait s'en aller à la cour voir les avocats adverses.
M. Duhaime: Est-ce que vous avez souvenir de ce document...
M. Gauthier (Yves): Bien non.
M. Duhaime: ...dont il vous aurait saisi ou qu'il aurait
porté à votre connaissance?
M. Gauthier (Yves): Pas du tout. Je ne comprenais rien
là-dedans.
M. Duhaime: Pardon?
M. Gauthier (Yves): Je ne comprenais rien dans les documents
qu'il me... C'était la procédure qu'il voulait faire. Moi, les
affaires d'avocat, j'y touche le moins possible. J'ai appris à mes
dépens, quand j'étais notaire, que, lorsque tu te mêles
d'une affaire d'avocat, tu paies pour cela. Je les ai laissés faire.
M. Duhaime: C'est la vieille querelle entre les notaires et les
avocats, de toute façon.
M. Gauthier (Yves): Pardon?
M. Duhaime: J'ai dit que c'est la vieille querelle entre les
notaires et les avocats.
M. Gauthier (Yves): C'est cela. C'est cela. Mais, je l'ai appris
à mes dépens. Quand il y a des avocats, ne te mets pas le nez
là-dedans.
M. Duhaime: Alors, si vous avez eu en main des documents, cela ne
vous a pas impressionné au point de les garder. Est-ce que vous avez
fait des démarches à la suite de cette réunion du 6
février?
M. Gauthier (Yves): Non. Je peux vous dire que, toujours à
la suite des visites de Me Jasmin, je n'ai jamais fait quoi que ce soit pour
tenter de régler cette affaire. Des documents de négociations ou
des choses comme celles-là, je n'en voyais pas.
M. Duhaime: Me Gauthier, vous nous avez dit tantôt que vous
aviez rencontré, à l'automne 1978, M. Pierre
Laferrière.
M. Gauthier (Yves): Oui, effectivement.
M. Duhaime: Vous nous avez dit que vous-même veniez
d'entrer en fonctions au bureau du premier ministre et que M. Laferrière
venait d'être nommé au conseil d'administration.
M. Gauthier (Yves): II venait d'être nommé au
conseil d'administration de la SEBJ, le 3, je pense, et moi j'avais
été nommé le 3 au bureau du premier ministre, mais j'avais
reçu l'arrêté en conseil seulement le 18. Lorsque Me Jasmin
est venu me voir, je n'avais même pas de bureau.
M. Duhaime: Parlez-vous de Me Jasmin ou de Me
Laferrière?
M. Gauthier (Yves): Me Jasmin. M. Duhaime: À
l'automne 1978?
M. Gauthier (Yves): Quand il est venu le 17 octobre, je
n'étais pas encore nommé officiellement.
M. Duhaime: Là, vous parlez de la réunion du 17
octobre. Je voudrais revenir à la rencontre que vous avez eue avec M.
Laferrière.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Duhaime: Vous êtes des connaissances. Vous avez
échangé des souvenirs, j'imagine; c'est toujours ce qu'on fait
à pareille occasion.
M. Gauthier (Yves): Cela fait quinze ans qu'on se
connaît.
M. Duhaime: Est-ce qu'il a été
spécifiquement question de la poursuite qui avait été
intentée? Avez-vous parlé du syndicat pour lequel vous aviez agi
comme tuteur pendant un bon bout de temps?
M. Gauthier (Yves): Je lui ai raconté mon
expérience, oui.
M. Duhaime: Que lui avez-vous dit?
M. Gauthier (Yves): Je lui ai dit que c'était un job
difficile, parce que ce n'était pas toujours drôle. On s'est fait
garrocher des tomates et des choses comme celles-là, à un moment
donné. Je lui ai raconté cela. Je lui ai parlé de mon
expérience avec les syndicats, parce que, lorsqu'ils négociaient,
des fois, ils se berçaient pendant une demi-heure et nous parlions pour
rien. Ils avaient toutes sortes de trucs, mais, en fin du compte, j'ai
trouvé cela drôle. C'étaient surtout des choses comme
celles-là, ce n'était pas une conversation très
sérieuse. Je lui ai parlé de sa compagnie, parce qu'il
était directeur d'une compagnie, à ce moment-là. Mais,
pour les affaires de la Baie-James, pour autant que j'étais
concerné, c'était une perte de temps cette poursuite. Je lui ai
dit que les gars n'avaient pas d'argent, mais je ne lui ai pas donné
d'ordre. Ce n'est pas mon genre.
M. Duhaime: Me Gauthier, aviez-vous, à quelque moment que
ce soit depuis votre
nomination au bureau du premier ministre, reçu un mandat de M.
Lévesque de vous occuper de ce dossier?
M. Gauthier (Yves): Jamais, M. le Président.
M. Duhaime: Dans vos conversations, soit avec M.
Laferrière, soit avec Me François Aquin, a-t-il été
question spécifiquement du règlement de la poursuite qui avait
été intentée?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Duhaime: En aucune manière? Je vous demanderais, Me
Gauthier, aux fins de l'enregistrement de vos réponses au journal des
Débats...
M. Gauthier (Yves): De dire oui ou non, oui.
M. Duhaime: ...de nous répondre par oui ou par non. Vous
nous répondrez ce que vous voudrez, mais, si vous parlez par signes, on
va avoir de la difficulté.
M. Gauthier (Yves): D'accord, M. le Président. Non, je
n'ai jamais parlé de règlement.
M. Duhaime: Maintenant, avec Me Boivin, vous-même, est-ce
que vous avez discuté de ce dossier quant au fond? Ensuite, est-ce que
vous en avez discuté quant à un moyen de règlement ou
encore avez-vous discuté du règlement comme tel?
M. Gauthier (Yves): Non, je n'en ai pas parlé à Me
Boivin. Lui, par exemple, à un moment donné, j'ai compris qu'il
m'en parlait.
M. Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Gauthier (Yves): II m'a demandé si j'étais
encore tuteur. Il passait dans le bureau - j'ai l'impression qu'il avait vu M.
Jasmin à mon bureau - et il m'a dit: Es-tu encore tuteur, "Ti-Lou"?
Connaissant Jean-Roch, je savais ce qu'il voulait dire. Je n'avais plus
d'affaire à me mêler de cela, même si j'avais voulu.
M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions pour l'instant, M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Me Gauthier, si j'ai
bien compris, vous exercez la fonction de conseiller spécial
auprès du premier ministre. Est-ce que c'est exact?
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Bourbeau: En quoi conseillez-vous spécialement le
premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Ma tâche consiste à
exécuter les mandats qui me sont confiés par le premier ministre
et son chef de cabinet.
M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez nous dire un peu plus
précisément de quel genre de mandats il s'agit, en règle
générale?
M. Gauthier (Yves): Je ne pense pas...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je crois que cette question est irrecevable comme
étant tout à fait non pertinente aux travaux de la commission. Je
pense qu'un conseiller au bureau du premier ministre reçoit tous les
mandats possibles et imaginables. Je ne pense pas...
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement...
M. Duhaime: ...que l'on doive demander à Me Gauthier de
dévoiler...
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Oui, il faudrait s'entendre sur la façon de
faire des objections à des questions. Si l'objecteur ou le ministre,
lorsqu'il fait des objections, en profite pour suggérer une
réponse ou donner sa propre conception de la réponse, à ce
moment-là, M. le Président, c'est tout à fait injuste
à l'égard de la commission. S'il a une objection, qu'il dise
pourquoi, et si, à ce moment, c'est recevable ou non, on pourra en
discuter. Je pense que le ministre ne devrait pas commencer à donner la
réponse pour le témoin.
En ce qui concerne son objection, M. le Président, il me semble
que cela tombe sous le sens qu'on nous présente un témoin qui est
conseiller spécial du premier ministre, qui l'est encore, semble-t-il,
et qui l'était au moment où les faits que nous étudions se
sont passés. Il me semble que la première chose qu'on doit faire,
c'est de lui demander ce qu'il fait.
M. Duhaime: II l'a dit, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Sur la question de règlement, je voudrais
d'abord rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys; lorsque je
formule des objections, c'est que je considère que la question
posée n'est pas conforme au règlement qui régit les
travaux de cette commission parlementaire. Je ne pense pas, en aucun moment,
avoir soufflé de réponse à qui que ce soit.
M. Lalonde: Vous étiez en train de le faire. Vous
étiez en train de...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Non, non.
M. Lalonde: ...décrire ce que c'était, un
conseiller spécial.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Gratton: Vous l'avez fait la semaine passée!
M. Duhaime: M. le Président, je n'ai moi-même aucune
espèce d'idée de ce que peut faire ou fabriquer un conseiller
spécial au bureau d'un premier ministre.
M. Lalonde: Écoutez la réponse... (10 h 45)
M. Duhaime: Alors, je suis très mal à l'aise de
tenter de donner une réponse à la place de qui que ce soit.
Tout ce que je dis, M. le Président, c'est que Me Gauthier nous a
dit qu'il n'avait du premier ministre aucun mandat dans la présente
affaire. Qu'est-ce que Me Gauthier fait ensuite au bureau du premier ministre?
Est-ce qu'il s'occupe d'Hydro-Québec? Est-ce qu'il s'occupe de la SAQ?
Est-ce qu'il s'occupe des politiques de main-d'oeuvre? Est-ce qu'il s'occupe de
Dieu sait quoi? Je pense que cela ne regarde pas cette commission et que c'est
non pertinent.
M. Lalonde: C'est très important. M. Gratton:
Voyons donc!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, eu égard aux questions qui sont soulevées, je pense
qu'il faut quand même être bien clair quant au mandat qui a
été accordé à cette commission; c'est d'examiner
les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie James de régler
hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard. Je pense qu'il
est bien clair que l'objection qui est soulevée est, à mon avis,
une objection que je dois maintenir. Je vous demande de parler, eu égard
à la décision du conseil d'administration et au rôle qu'il
a eu. Nous avons des gens du bureau du premier ministre à cet
égard. Je vous demanderais d'entrer dans le mandat de cette
commission.
M. Bourbeau: Pour pouvoir comprendre ce que fait le
témoin, pour pouvoir lui poser des questions judicieuses, il me semble
que c'est important que je sache quel genre de travail il fait.
Le Président (M. Jolivet): Dans le dossier, puisque le
dossier qui nous concerne, c'est la question de la décision du conseil
d'administration de la Baie-James.
M. Bourbeau: À ma souvenance, la plupart des
témoins ont reçu des questions de ce genre, soit de la part du
ministre ou de l'Opposition.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Je ne voudrais en aucune façon que vous reveniez
sur ma décision, elle est rendue. Allez dans le mandat de la
commission.
M. Gratton: Est-ce qu'il n'est pas pertinent de lui demander s'il
est notaire ou avocat, comme l'a fait le ministre?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: S'il
vous plaît:
M. Gratton: Ce n'était pas plus régulier.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre!
M. le député de Laporte.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une directive à
vous demander.
M. Gratton: II y a deux poids, deux mesures.
M. Duhaime: S'il est notaire, ce n'est pas un dentiste.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Pour que nos travaux se déroulent
correctement, comment pourrais-je poser une question au témoin sur sa
fonction? Comment ne pourrais-je pas poser une question sur sa fonction, alors
que vous
avez permis au ministre de poser des questions sur, ce qui est encore
beaucoup plus large, sa profession? Si on peut poser des questions sur la
profession qu'il pratique depuis 25 ou 30 ans, il me semble que c'est encore
plus pertinent de lui poser des questions sur ce qu'il a fait comme conseiller
spécial...
M. Duhaime: Cela est bien évident.
M. Lalonde: ...auprès du premier ministre. D'autant plus
qu'il dit qu'il n'avait pas de mandat dans le règlement; alors,
qu'est-ce qu'il fait ici?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que la question qui est devant nous est, d'abord, d'établir qui
est la personne qui est devant nous, quelle est sa fonction au bureau du
premier ministre et ensuite quelles sont les actions qu'il a posées,
s'il a eu des actions à poser, eu égard au mandat. Je ne
dérogerai pas sur cette question.
M. Bourbeau: M. le Président, à l'égard de
la deuxième question, celle dont vous venez de parler, est-ce qu'il
m'est permis de demander au témoin: Pouvez-vous dire exactement en quoi
consistait, en 1978-1979, le travail que vous effectuiez au bureau du premier
ministre?
M. Duhaime: M. le Président, même objection.
Le Président (M. Jolivet): J'attendais et je pensais que
la question aurait lieu eu égard au mandat.
M. Lalonde: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): Allez; posez-la comme il le
faut, par exemple.
M. Lalonde: Est-ce que la porte se referme rapidement quand on
entre dans le bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.
M. Lalonde: Que c'est difficile d'entrer.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys; nous ne commencerons pas, quand
même, à nous obstiner de part et d'autre. C'est le mandat de la
commission. Vous me l'avez demandé et j'ai répété
la semaine dernière que j'appliquerais le mandat.
M. Lalonde: M. le Président, on a permis d'aller jusqu'en
1971. Le député de Vimont est allé jusqu'en 1971.
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas la question.
M. Lalonde: On est allé à la commission Cliche.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas la question qui nous préoccupe.
M. Lalonde: Que la porte est étroite!
Le Président (M. Jolivet): La porte est ouverte pour la
question sur 1978-1979, mais dans le mandat de la commission.
M. Lalonde: Que la porte est étroite!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, sur une question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, il n'est pas question de
remettre votre décision en cause...
Le Président (M. Jolivet): Je l'espère.
M. Gratton: ...mais on part de travers ce matin, compte tenu des
objections que le ministre a faites. Quand, effectivement, on a permis non
seulement des questions, mais des commentaires de la part des deux
côtés de la commission sur les soi-disant conclusions du rapport
Cliche, sur les soi-disant allégations de certaines personnes qui
auraient...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas...
M. Gratton: M. le Président, laissez-moi terminer ma
phrase, vous verrez que...
Le Président (M. Jolivet): Non, non. M. Gratton:
...c'est pertinent.
Le Président (M. Jolivet): Mon problème, c'est que
vous vouliez poser une question de règlement. Je veux savoir si, dans
votre question de règlement, vous avez, de façon indirecte, mis
en cause la décision que j'ai rendue sur le mandat. Je pense que j'ai
été très clair jusqu'à maintenant...
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): ...mais allez-y rapidement,
parce que je ne voudrais pas que vous élargissiez l'ensemble de
votre
demande de règlement.
M. Gratton: Très rapidement, je voudrais vous demander une
directive, à savoir pourquoi les règles du jeu, l'observance du
règlement de l'Assemblée nationale devient beaucoup plus stricte
au moment où on pose des questions sur ce qui s'est passé dans le
bureau du premier ministre comparativement à la largeur, à la
flexibilité, à l'ouverture que l'on retrouve dans l'application
du règlement de l'Assemblée nationale quand on pose des questions
sur ce qui s'est passé en 1971, 1972, 1973, etc.?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau...
M. Gratton: M. le Président, je le constate.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, je dois vous arrêter là pour vous dire que, sans le
vouloir peut-être - je ne veux vous accuser en aucune façon - vous
semblez remettre en question la décision que j'ai rendue. Ce que j'ai
rendu comme décision, c'est que je ne refuse en aucune façon de
revenir - j'en ai fait mention la semaine dernière - sur le dossier
lui-même des années 1978, 1972 ou 1979, si jamais des actions ont
été posées à ce niveau. Ce que je veux dire, c'est
que la question qui concerne la fonction de Me Gauthier doit être
à l'égard du dossier qui est devant nous. Je n'accepterai pas
qu'on pose des questions sur d'autres dossiers qui ne concernent pas la
commission parlementaire. C'est seulement cela que je veux dire.
M. Ciaccia: M. le Président, question de directive.
Le Président (M. Jolivet): Question de directive de la
part du député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, ne considérez-vous pas
que, quand un témoin -sans mettre en doute la véracité de
ce qu'il dit - fait une déclaration, dans plusieurs cas, il s'agit pour
la commission de porter un jugement, éventuellement, sur la
déclaration qu'il fera. Le témoin pourrait dire: Je n'ai pas de
mandat pour faire telle ou telle chose, mais la commission pourrait en venir
à une conclusion différente. Ne croyez-vous pas, M. le
Président, que, pour que la commission puisse vraiment apprécier
le rôle du premier ministre, il faudrait connaître le rôle
des conseillers du premier ministre? Est-ce qu'on ne pourrait pas aller dans la
fonction...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Ciaccia: ...pour en venir peut-être à une
conclusion différente?
Le Président (M. Jolivet): Je ne refuse pas que l'on
demande quelle était l'action qu'a posée un membre du personnel
du bureau du premier ministre eu égard au mandat. Je ne le refuserai
pas. Mais ce que je vais refuser, c'est toute autre question qui déborde
de notre mandat.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que je suis clair.
M. Ciaccia: M. le Président, seulement une autre
question...
Le Président (M. Jolivet): Non, ne...
M. Ciaccia: Ne pensez-vous pas que si...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous êtes en train de mettre en appel la décision que j'ai
rendue.
M. Ciaccia: Non. J'ai seulement une autre question.
Le Président (M. Jolivet): J'espère que non.
M. Ciaccia: Je voudrais ajouter une seule chose: Ne croyez-vous
pas que si, à la suite d'une question posée à
l'invité, à savoir s'il avait d'autres mandats, il me
répondait qu'il n'avait pas d'autres mandats... Le fait qu'il dise qu'il
n'avait pas de mandat pour la Baie-James... Certainement! Il n'était pas
seulement assis là à regarder par le châssis, il devait
faire quelque chose. Il faudrait savoir s'il avait un autre mandat, il me
semble, s'il avait d'autres fonctions. Cela aiderait à
l'appréciation des faits, je pense.
M. Tremblay: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, de toute évidence,
l'Opposition est en train de contrevenir au règlement, puisque l'article
43, paragraphe 2, dit: "Lorsque le président rend sa décision, il
indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir
sur la question décidée; il en est de même lorsque le
président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur
une question." C'est à l'article 43, paragraphe 2. Je lui ferais
remarquer respectueusement que, si
elle veut remettre en cause votre décision...
Le Président (M. Jolivet): Elle ne le peut même
pas.
M. Tremblay: ...l'article 68, à mon avis, le lui permet en
Chambre: "Une motion de fond annoncée est nécessaire pour mettre
en question la conduite du lieutenant-gouverneur, du président ou d'un
vice-président de l'Assemblée, des présidents des
commissions ou d'un membre de l'Assemblée. Cette motion est
privilégiée."
Le Président (M. Jolivet): Je rappelle au
député de Laporte que je n'ai aucune objection à ce qu'il
pose toutes les questions pertinentes au mandat qui est confié à
cette commission, mais je ne lui permettrai pas d'aller en dehors de ce mandat.
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je dois vous demander une
directive. Je dois poser des questions et je dois avouer que je suis
complètement dans la confusion. J'ai préparé quelques
questions, M. le Président, mais, pour pouvoir les poser, j'ai besoin de
savoir quelle est la nature des fonctions qu'exerce le témoin. Or, si je
ne peux pas le questionner sur le genre de travail qu'il effectuait au bureau
du premier ministre, je vais être obligé soit de doubler le nombre
de mes questions, et vous les déclarerez parfois irrecevables... Cela
prendra énormément de temps.
M. Perron: Triplez-les, si vous voulez.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député, laissez...
M. Bourbeau: J'ai besoin d'être éclairé, M.
le Président, parce que, si je ne sais pas ce que fait le témoin,
comment voulez-vous que je puisse continuer?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que, selon le mandat confié à cette commission, je ne peux
pas en déroger. On m'a demandé de l'appliquer d'une façon
plus stricte et je vais l'appliquer d'une façon plus stricte.
M. Lalonde: Qui vous l'a demandé? Ce n'est pas moi.
Le Président (M. Jolivet): Par une demande de directive
sur le règlement à laquelle j'ai eu à répondre. En
conséquence, j'ai répondu au nom de la présidence de
l'Assemblée nationale pour la présidence de cette commission.
À partir de cela, je vous dis de poser toutes les questions pertinentes
au mandat que nous avons et je ne vous empêcherai pas de les poser. M. le
député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le témoin nous dit
qu'il est conseiller spécial auprès du bureau du premier
ministre. Je ne sais pas ce qu'est un conseiller spécial non plus que
les gens qui nous écoutent à la télévision. Est-ce
qu'on peut savoir ce qu'est un conseiller spécial, ce qu'il fait, de
façon à comprendre ce que le témoin a pu faire dans le
dossier?
Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier, quelle est votre
fonction?
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président. Exécuter
les mandats que me confient le premier ministre et son chef de cabinet.
À part cela, il pourrait le demander à M. Paul Desrochers, il le
lui dirait.
Le Président (M. Jolivet): Monsieur, je ne voudrais pas
qu'on puisse amorcer cette forme de discussion, s'il vous plaît.
M. Lalonde: On peut être ici longtemps. Des voix:
Oui, oui, allons-y!
M. Gauthier (Yves): Non, mais posez-moi des questions qui
concernent le mandat, s'il vous plaît. C'est clair?
M. Bourbeau: Si vous n'avez pas d'objection, je vais
choisir...
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: ...moi-même mes questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, allez!
M. Bourbeau: Alors, est-ce que vous avez reçu un mandat du
premier ministre, à un moment ou à un autre, de recevoir des gens
à votre bureau, qui venaient vous parler du dossier de la poursuite de
la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: M. Gauthier, où sont situés vos
bureaux?
M. Gauthier (Yves): À Hydro-Québec, M. le
Président.
M. Bourbeau: À Hydro-Québec?
M. Gauthier (Yves): À Montréal, rue Dorchester.
M. Bourbeau: Ah bon! Est-ce que vous
avez également des bureaux à Québec?
M. Gauthier (Yves): J'ai un bureau et j'y viens très
rarement.
M. Bourbeau: À quel endroit, à Québec?
M. Gauthier (Yves): Au premier étage du complexe J. J'y
viens très rarement. Depuis que mon épouse est malade, je n'y
viens presque plus. Je travaille à Montréal.
M. Bourbeau: Vos bureaux à Québec sont-ils à
l'endroit qu'on appelle le "bunker"?
M. Gauthier (Yves): Oui. Mais je dois vous dire que j'ai bien
l'impression que je n'ai plus ce bureau. Parce que, la dernière fois
où j'y suis allé, il y avait déjà quelqu'un dedans.
Alors, disons que mes bureaux sont à Montréal et que je viens
très rarement à Québec depuis deux ans. Je viens quand je
suis obligé.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous décrire l'emplacement de
vos bureaux par rapport à ceux du premier ministre et de son chef de
cabinet, M. Jean-Roch Boivin?
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président. Je suis à
42 pieds du bureau du premier ministre et à 45 pieds... Non, je le dis,
parce que je savais qu'un jour ou l'autre, il y en aurait un qui me poserait
cette question, pas nécessairement un député, mais
quelqu'un de la population. Je l'ai mesuré. Je suis dans le
quatrième bureau de celui de M. Lévesque et le cinquième
de celui de M. Boivin.
M. Bourbeau: Donc, vos bureaux sont situés tout
près de ceux...
M. Gauthier (Yves): Ah! Tout près. Oui, M. le
Président.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a des formalités à
remplir pour avoir accès à vos bureaux?
M. Gauthier (Yves): Oui, on doit signer un registre à
l'entrée, M. le Président.
M. Bourbeau: Sur ce registre, qu'est-ce qu'on indique?
M. Gauthier (Yves): Écoutez, je ne l'ai jamais
signé, mais j'ai l'impression que la personne qui vient voir quelqu'un
dit qui elle va voir et on inscrit l'heure d'entrée et l'heure de
sortie.
M. Bourbeau: Je présume qu'elle doit aussi
s'identifier?
M. Gauthier (Yves): Oui, oui.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a des gardes à
l'entrée?
M. Gauthier (Yves): Oui, il y a un garde à
l'entrée, M. le Président.
M. Bourbeau: C'est, je crois, dans l'édifice
d'Hydro-Québec, sur la rue Dorchester?
M. Perron: ...75, boulevard Dorchester, Montréal.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
s'il vous plaît!
M. Gauthier (Yves): Oui, oui, c'est ce que j'ai dit tantôt,
M. le Président.
Une voix: Ah! Qu'il est renseigné celui-là!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gauthier (Yves): C'est ce que j'ai dit tantôt, c'est
à Hydro-Québec.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez l'occasion de rencontrer
souvent le premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Pas très souvent, parce qu'il ne vient
au bureau que le lundi et le vendredi. C'est la même chose pour M.
Boivin.
M. Bourbeau: Est-ce que vous les rencontrez, en
général, tous les lundis et tous les vendredis?
M. Gauthier (Yves): Non, pas nécessairement.
M. Laplante: C'est ce qu'on appelle une Opposition bien
préparée!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Bourassa, aidez-moi à faire en sorte que les
travaux se déroulent bien.
M. Tremblay: C'est la flopée!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Me Gauthier, est-ce que vous tenez
généralement le premier ministre au courant de vos
démarches?
M. Gauthier (Yves): Pas tout le temps. Cela dépend. Sans
cela, il faudrait que je lui parle souvent. Il y a quand même certains
mandats qu'on peut exécuter. (11 heures)
M. Bourbeau: Lorsque le premier ministre vous confie un mandat,
est-ce que vous faites rapport régulièrement au premier ministre
de vos démarches, de vos entretiens, relativement à ce
mandat?
M. Gauthier (Yves): Je fais un rapport, soit à lui, soit
à M. Boivin. Des fois, c'est par écrit et, d'autres fois, c'est
verbal.
M. Bourbeau: En général, est-ce que vous finissez
toujours par faire un rapport lorsque vous exécutez un mandat?
M. Gauthier (Yves): Oui, cela dépend. Des fois, ce sera:
Je l'ai fait ou c'est cela. Ce ne sont pas de grosses discussions.
M. Bourbeau: On peut donc dire que vous tenez le premier ministre
ou son chef de cabinet régulièrement au courant des gestes que
vous posez dans l'exécution de vos mandats.
M. Gauthier (Yves): Pas nécessairement.
M. Bourbeau: Depuis quand exercez-vous la fonction de conseiller
spécial auprès du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Depuis le 3 octobre 1978.
L'arrêté en conseil est du 18 octobre et c'était
rétroactif au 3 octobre 1978. J'avais commencé mes
démarches un peu avant. J'étais en vacances au mois de septembre
et, lorsque je suis revenu, j'ai commencé à négocier mon
emploi avec M. Tremblay.
M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissez-vous le premier
ministre?
M. Gauthier (Yves): Certainement depuis 1960, mais surtout depuis
1962, du temps du Parti libéral, comme je connaissais M. Lesage, M.
Lapalme, l'autre M. Levesque, M. Laporte. Certains étaient mes
clients.
M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissez-vous Me Jean-Roch
Boivin, son chef de cabinet?
M. Gauthier (Yves): Cela remonte à
l'université.
M. Bourbeau: Alors?
Le Président (M. Jolivet): Depuis quelle année
environ?
M. Gauthier (Yves): Depuis 1955, je suppose.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez fait vos études
ensemble?
M. Gauthier (Yves): Oui. Nous n'étions pas dans la
même classe, mais on a fait nos études ensemble.
M. Bourbeau: Depuis combien de temps vous occupez-vous activement
de politique?
M. Gauthier (Yves): Quarante ans.
M. Bourbeau: Vous avez commencé jeune.
M. Gauthier (Yves): J'ai commencé à quinze ans dans
le Parti libéral.
Une voix: II a compris maintenant.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! À l'ordre! M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Cela s'est gâté depuis. Il y en a qui
s'améliorent, M. le Président, et il y en a qui se
détériorent.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député.
M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination au
bureau du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Je m'excuse, M. le Président. Pour
moi, cela n'est pas pertinent, mais je peux bien le dire. Je ne vois pas
l'angle, mais il doit être assez brillant pour savoir ce qu'il veut dire.
Il n'y a pas eu de procédé. J'ai toujours été en
politique et je voyais souvent les gens au bureau du premier ministre. C'est
tout simplement cela. La chose politique m'intéressait. Dans le fond,
quand je pratiquais, je faisais autant de politique. C'était moins
payant de m'en aller au gouvernement, mais j'aimais mieux cela. C'est bien
simple: j'ai rencontré les gens au bureau du premier ministre et je leur
ai dit que j'étais prêt à travailler, que cela
m'intéresserait. Je savais que je n'étais pas gagnant au change,
c'était moins payant; mais cela ne fait rien, j'aime cela. C'est
à peu près comme cela que le tout s'est déroulé. Je
les ai rencontrés à diverses reprises et, à un moment
donné, j'ai discuté avec mes associés. Cela ne faisait pas
trop leur affaire mais j'ai laissé en septembre. Je suis allé en
vacances du 9 au 30 septembre et, lorsque je suis revenu, je me suis dit que
c'était le temps de négocier. Mais négocier avec M.
Tremblay, ce n'est pas un cadeau. Excusez, mais... J'ai demandé à
commencer le 3 octobre, mais c'est effectivement le 18 octobre, selon
l'arrêté en conseil. Je l'ai quelque part ici.
M. Bourbeau: Vous dites que vous êtes revenu de vacances
à la fin du mois de
septembre et que vous avez commencé à négocier.
M. Gauthier (Yves): Oui, j'avais commencé avant de partir
parce que j'avais laissé mon bureau de notaire.
M. Bourbeau: Vous venez de dire: J'ai commencé à
négocier.
M. Gauthier (Yves): J'ai dit que j'avais commencé à
négocier lorsque je suis revenu de vacances. J'avais
négocié avant et, lorsque je suis revenu de vacances, j'ai
continué.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas négocié longtemps.
Vous êtes entré en fonction le 3 octobre.
M. Gauthier (Yves): Non, non, pardon. L'arrêté en
conseil date du 3 octobre, mais, effectivement, c'est le 18.
M. Bourbeau: Écoutez, vous nous avez dit exactement le
contraire tantôt, que l'arrêté en conseil était
daté du 18 octobre et que vous aviez commencé à travailler
le 3 octobre.
M. Gauthier (Yves): Pardon, cela était rétroactif
au 3 octobre.
M. Bourbeau: Vous avez donc commencé à travailler
le 3 octobre.
M. Gauthier (Yves): Je ne peux pas dire que j'ai commencé
à travailler le 3 octobre, je n'avais même pas de bureau. Il n'y
avait pas de place, tous les bureaux étaient occupés. Il me
fallait un bureau pour travailler. J'ai reçu Me Jasmin dans le corridor
et dans d'autres bureaux.
M. Bourbeau: Quelle est votre version des faits? À quelle
date avez-vous commencé à travailler? À quelle date
était l'arrêté en conseil?
M. Gauthier (Yves): L'arrêté en conseil est du 18
octobre. Il était rétroactif au 3 octobre pour une simple raison
bien mesquine, parce que je voulais entrer là avant d'avoir 51 ans;
j'avais 50 ans. Ma fête est le 5 octobre. Ce n'est pas bien
compliqué.
M. Bourbeau: Donc, vous avez commencé à travailler
le 3 octobre?
M. Gauthier (Yves): Écoutez, dites donc le 3, si vous
voulez. Moi, je vous dis que j'ai commencé et que j'ai continué
mes négociations. Je suis venu à Québec, je suis
allé voir M. Tremblay, j'ai vu M. Boivin, j'ai vu M. Lévesque et
je suis allé au bureau d'Hydro-Québec. J'ai essayé de me
trouver des meubles et une place. Il n'y avait pas de bureau. Des fois, je
prenais le bureau de Jean-Roch, des fois je prenais le bureau de Michel. Je ne
peux pas dire que j'ai commencé le 3, le 4 ou le 5, mais j'étais
là.
M. Bourbeau: Dans les documents qui nous ont été
fournis par le bureau du premier ministre indiquant le nom des gens qui
travaillent à son bureau, il est indiqué, sous le nom de Yves
Gauthier, "date d'entrée en fonction: le 3 octobre 1978". Est-ce
exact?
M. Gauthier (Yves): C'est cela. C'est ce qui est indiqué
dans l'arrêté en conseil daté du 18 octobre?
M. Bourbeau: Donc, vous êtes entré en fonction le 3
octobre.
M. Gauthier (Yves): Légalement, oui.
M. Bourbeau: Bon. Tantôt, vous avez dit que vous aviez
parlé à Michel. De Michel qui s'agit-il? Vous avez parlé
de Jean-Roch et de Michel.
M. Gauthier (Yves): Michel Carpentier.
M. Bourbeau: Michel Carpentier. Peut-on savoir de qui il
s'agit?
M. Gauthier (Yves): Oui, il travaille au bureau du premier
ministre.
M. Bourbeau: Le monsieur Tremblay dont vous nous avez
parlé à deux ou trois reprises, que vous avez consulté
lorsque vous avez sollicité l'emploi, avec qui vous avez
négocié, de qui s'agit-il?
M. Gauthier (Yves): C'est lui qui négocie les salaires; ce
n'est pas M. Lévesque, ce n'est pas M. Boivin. Ils m'ont dit: Va voir
Tremblay, lui, il va te faire tes conditions. Je suis allé voir
Tremblay.
M. Bourbeau: Quel est le prénom de M. Tremblay?
M. Gauthier (Yves): Gilles-R. Tremblay.
M. Bourbeau: Quelles sont ses fonctions?
M. Gauthier (Yves): Je crois qu'il est l'assistant de M.
Jean-Roch Boivin à Québec. Il est à
l'administration.
M. Bourbeau: Quelle est votre classification comme employé
du gouvernement?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas,
M. le Président.
M. Bourbeau: M. le Président, peut-être qu'on
pourrait le déposer puisque le témoin ne le sait pas. Vous nous
avez dit tantôt que vous aviez négocié votre salaire.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Cela ne vous a pas intéressé de savoir
quelle classification vous auriez?
M. Gauthier (Yves): Si vous me le dites, je vais l'écrire,
mais cela ne m'intéresse pas plus que cela; je ne suis pas venu ici pour
cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais de
suggérer au député de Laporte de poser des questions qui
sont pertinentes. Peut-être que je pourrais lui suggérer, s'il
veut connaître la liste complète du personnel du cabinet politique
du premier ministre, l'étude des crédits du Conseil
exécutif qui relève du premier ministre. Chaque année, le
premier ministre, de même que tous les ministres de ce gouvernement,
contrairement aux habitudes du temps du gouvernement libéral
déposent la liste de tous les membres des cabinets politiques.
M. Lalonde: On le faisait avant.
M. Gratton: Cela a toujours été fait; cela fait
vingt ans que c'est comme cela.
M. Duhaime: Je ne vois pas pourquoi et en quoi nous allons
continuer dans cette voie. M. le Président, nous perdons notre
temps.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est une question
d'opinion. Une dernière question sur ce sujet. M. Gauthier, vous
êtes entré en fonction le 3 octobre 1978. Est-il exact que votre
titre est celui de conseiller spécial auprès du premier ministre,
que votre classification est administrateur, classe 1, et que votre traitement
annuel était de 53 000 $ à la fin de 1978?
M. Gauthier (Yves): Oui. Je ne me souviens pas de la classe, mais
je me souviens du salaire en maudit, par exemple. Cela ne faisait pas mon
affaire, mais j'étais embarqué; alors, j'ai continué.
M. Bourbeau: C'est encore mieux qu'un salaire de
député.
M. Gauthier (Yves): Oui, peut-être. Vous êtes notaire
monsieur... Excusez, je pense qu'on ne doit pas dire cela; on ne peut pas
s'adresser directement à quelqu'un. Mais il est notaire comme moi; il
sait que c'est plus payant d'être notaire que d'être ici.
M. Bourbeau: Je peux vous dire que je suis notaire et que moi, je
n'ai pas peur des avocats.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député.
M. Duhaime: Maintenant que le commercial est passé...
Le Président (M. Jolivet): Vos questions, M. le
député.
M. Bourbeau: M. le Président, cela vient. Le poste de
conseiller spécial que vous occupez, est-ce vous-même qui l'avez
sollicité?
M. Gauthier (Yves): Non, je ne l'ai pas sollicité. J'ai
dit que j'étais prêt à servir. Comme je vous l'ai dit, j'ai
toujours fait de la politique et je pensais finir mes jours là; c'est
cela qui s'en vient, je pense, parce que là je suis pas mal
magané. Mais c'est cela que je voulais et je l'ai. Alors, je n'ai pas
sollicité de poste en particulier. Je n'aurais peut-être pas fait
n'importe quoi, mais cela me satisfaisait. On m'avait parlé d'autre
chose, mais cela ne s'est pas concrétisé; alors, j'ai pris cela.
Cela m'intéressait. C'était comme une autre vie pour moi.
C'était peut-être une manière de m'échapper de mon
affaire de notaire parce que c'était toujours bouillant et il y avait
toujours de l'action. Cela a été une échappatoire pour
moi. J'en faisais quand je faisais du notariat, mais j'aimais cela. J'ai
toujours aimé cela.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, c'est un genre de
sénat.
M. Gauthier (Yves): Un genre de? M. Bourbeau: De
sénat.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne pense pas que ce soit une question à laquelle le témoin ait
à répondre.
M. Lalonde: Sénateur, ce n'est pas si mal!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Tremblay: C'est "la porte".
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Si vous n'avez pas sollicité le poste, qui
vous a approché pour la fonction?
M. Gauthier (Yves): J'ai dit que je n'ai pas sollicité le
poste de conseiller spécial. Lorsque j'ai rencontré les gens du
bureau du premier ministre, je me souviens d'avoir rencontré M.
Lévesque. Je lui ai dit: Je serais prêt à servir. Je pense
que j'ai fait mon temps comme notaire; cela fait environ 20 ans. J'ai dit que
j'aimerais cela. C'est moi qui ai fait les approches aux gens du bureau du
premier ministre pour un poste, mais pour n'importe quel. Cela ne me
dérangeait pas, j'aimais cela. Si cela avait été 35 000 $,
j'aurais peut-être chialé, mais ce n'était pas si pire et
je le voulais. C'est ce que je voulais faire, conseiller spécial ou
conseiller politique, appelez cela comme vous voulez. Dans la mesure où
j'étais prêt et où je pouvais faire quelque chose, j'aimais
cela. On m'avait offert bien d'autres postes avant, mais j'ai toujours
refusé. Cela ne m'intéressait pas.
M. Bourbeau: À quel moment avez-vous commencé
à faire ces approches?
M. Gauthier (Yves): Ah, cela! M. Laplante: M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: ...écoutez, cela fait à peu
près quinze minutes que le député de Laporte...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Je veux
savoir pourquoi, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Sur les questions du député.
Le Président (M. Jolivet): Non, non.
M. Laplante: C'est une objection aux questions. C'est une
objection, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le
député.
M. Laplante: J'aimerais...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
non.
M. Laplante: C'est une demande de directive, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Demande de directive de la part
du député de Bourassa.
M. Laplante: Depuis quinze minutes, le député de
Laporte pose des questions qui n'ont aucun lien avec le saccage de la
Baie-James et son règlement, aucun. J'aimerais, M. le Président,
qu'on en vienne aux vraies questions et qu'on arrête d'éplucher la
vie privée du témoin qui est ici en avant.
M. Lalonde: Privée! Privée, un instant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
Une voix: Vous êtes dans les patates.
M. Laplante: Vous l'avez écouté comme moi,
n'est-ce-pas?
Le Président (M. Jolivet): Je l'ai écouté et
j'écoute des choses depuis longtemps, M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Quand un journaliste se permet de dire...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa!
M. Laplante: ...que ces gens sont bien préparés, M.
le Président, il ne faut pas être aveugles!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, vous m'avez demandé une directive, mais je ne vous ai pas
permis de parler d'autre chose. M. le député de Laporte, vous
pouvez continuer pour le moment.
M. Bourbeau: Alors, Me Gauthier, à quel moment avez-vous
commencé à faire des approches pour l'obtention du poste de
conseiller spécial auprès du premier ministre?
M. Jutras (Germain): M. le Président, si vous me le
permettez, Me Gauthier...
Droit de se faire assister par un conseil
M. Bourbeau: Question de règlement, M. le
Président. Est-ce qu'on pourrait savoir qui prend la parole
maintenant?
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. C'est Me
Jutras qui accompagne Me Gauthier.
M. Jutras: Me Gauthier a été invité à
témoigner concernant une poursuite civile intentée à la
suite du saccage du chantier de LG 2 et, plus spécifiquement, le
rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Toute la série de questions auxquelles,
par ailleurs, Me Gauthier pourrait répondre très
facilement, je me demande, M. le Président, en quoi cela se rapporte au
rôle spécifique de la question. Est-ce une commission
d'enquête sur les modalités ou les circonstances d'engagement de
Me Gauthier? Je soulève une objection au nom de Me Gauthier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, comme vous, nous avons
entendu Me Jutras. Je pense qu'il faudrait déterminer le rôle ou
les modalités de fonctionnement que nous allons adopter. Jusqu'à
maintenant, les conseillers des témoins pouvaient leur venir en aide,
mais non pas intervenir. En principe, je n'ai pas d'objection et je vais vous
dire pourquoi: généralement, les interventions des avocats des
témoins sont beaucoup plus pertinentes que celles des
députés ministériels. Mais il faudrait quand même,
tout d'abord, faire cela. Deuxièmement, sur l'objection de Me Jutras, je
vais simplement vous dire ceci: Dans le cas de Me Gauthier, il était
tuteur d'un défendeur au moment où il a été
engagé au bureau du premier ministre qui lui, le bureau du premier
ministre, travaille naturellement à aider le premier ministre, chef d'un
gouvernement dont une des sociétés poursuivait le syndicat dont
Me Gauthier était le tuteur. Il me semble que c'est tout à fait
pertinent d'examiner le passage d'une fonction à l'autre car deux
fonctions ne sont pas nécessairement du même côté.
Pour savoir quel est le rôle que Me Gauthier a joué une fois rendu
au bureau du premier ministre, il est tout à fait pertinent de voir
comment cela s'est passé. (11 h 15)
Le Président (M. Jolivet): Pour répondre à
la question concernant Me Jutras, demandant pourquoi je l'avais laissé
aller, c'est de la même façon que j'avais permis à
quelqu'un qui représentait le Barreau d'intervenir à la suite de
questions qui pouvaient être soulevées. Vous connaissez le
résultat qu'on a aujourd'hui. Il y avait aussi Me Roy qui accompagnait
Me Beaulé, à qui j'ai permis d'intervenir de la même
façon. Donc, je n'ai pas changé à ce niveau. Me Jutras a
soulevé une question qui pouvait faire suite à une demande de
directive du député de Bourassa. J'ai accepté que le
député de Laporte continue, parce que j'avais cru comprendre dans
les questions qu'il s'agissait exactement de ce que le député de
Marguerite-Bourgeoys disait et que je voyais qu'elles étaient
pertinentes au débat que nous avons, pour autant qu'elles restent dans
cette limite.
M. le député de Laporte.
M. Lalonde: Si vous me le permettez,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...l'analogie avec Me Roy qui accompagnait Me
Beaulé et aussi avec Me Larivière, l'avocat du Barreau, n'est pas
tout à fait exacte parce que, à part de présenter une
requête pour leur client, ils ne sont pas intervenus dans le
déroulement des questions et des réponses. Comme je vous le dis,
si vous dites que maintenant Me Jutras peut soulever des objections,
personnellement...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Lalonde: ...je n'ai pas d'objection. D'ailleurs, ce serait
probablement mieux comme déroulement, mais il faudrait savoir, pour Me
Jutras d'abord, s'il peut intervenir à chaque question.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, sur cette question qui vient
d'être soulevée, je soumets que Me Gauthier est appelé
à donner sa version des faits dans ce dossier. On l'a permis à
d'autres et c'est aussi la coutume; si ce n'est pas une coutume ancestrale, je
pense que c'est un heureux précédent que nous sommes en train de
créer qu'une personne puisse être accompagnée d'un avocat
ou d'un procureur. On comprend facilement que Me Jutras n'a pas à
répondre à des questions à la place de Me Gauthier, mais
je pense que Me Jutras a parfaitement le droit de prendre la parole au nom de
Me Gauthier, de poser des questions, de demander des directives et de soulever
des objections à l'intérieur de ce qu'il croit être son
mandat.
Si l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys va
dans le sens de limiter ce que pourraient être les interventions, je vais
m'y opposer très fermement. M. le Président, si on s'entend des
deux côtés pour dire que Me Jutras peut prendre la parole pour
soulever des objections à des questions qui pourraient être
formulées et que la présidence en dispose ensuite ou qu'un autre
député soulève une objection, comme on le fait depuis le
début, la présidence en disposera; mais je voudrais qu'on soit
bien clair là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je n'ai pas suggéré qu'on limite, mais
je souligne que c'est un changement à nos règles de
procédure à la commission depuis le début.
Une voix: II n'y en a pas, de règles.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est un changement et une modification importante.
Si cela peut aller dans le sens d'aider le déroulement des travaux,
comme je vous l'ai dit, je n'ai pas d'objection, mais il reste que,
jusqu'à maintenant, vous n'avez pas permis aux conseillers accompagnant
les témoins ou les invités, comme on les appelle, d'intervenir
directement, sauf pour faire une requête ou une demande. Vous ne leur
avez pas permis d'intervenir dans le déroulement des questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense que ce qui doit nous
guider, ce ne sont pas les consentements des députés ici; ce sont
nos règlements et les lois. L'ancien règlement de
l'Assemblée nationale, puisque le nôtre est muet, dit à
l'article 733, paragraphe 1: "Tout témoin qui comparaît devant la
Chambre ou un de ses comités peut réclamer la protection de la
Chambre relativement au témoignage qu'il est appelé à
porter - ce qui n'est pas le cas actuellement - et, en outre, demander à
se faire assister par un conseil." L'article s'arrête là, mais on
doit comprendre de cet article que ce conseil, qui peut être un avocat, a
le droit de faire valoir toutes les objections qu'il juge bon de faire valoir
aux questions qui peuvent être posées par les
députés.
D'autre part, il y a la Charte des droits et libertés de la
personne qui dit, à l'article 34, que "toute personne a droit de se
faire représenter par un avocat ou d'en être assistée
devant tout tribunal". Je comprends qu'on pourrait me dire - et vous auriez
raison - que ce n'est pas un tribunal ici, mais, par analogie, on peut, je
pense, comprendre que cet article de la charte vient en quelque sorte
compléter l'article 730 de l'ancien règlement.
J'aimerais rappeler au député de Marguerite-Bourgeoys,
parce qu'on a eu l'occasion de le faire en privé il y a quelques jours,
que ce n'est pas un précédent, ce qui se passe aujourd'hui. Lors
d'une commission parlementaire que j'avais le plaisir de présider en
1978, peut-être, dans le cas de la Société
générale de financement qui étudiait les crédits de
Marine Industrie pour un problème qui était relié à
Marine Industrie, je me rappelle fort bien qu'un témoin, dont je tairai
le nom, était accompagné d'un procureur qui non seulement avait
demandé en son nom la protection de la commission - ce qui lui a
été accordé - mais qui, de façon assez
régulière et lorsque c'était pertinent, faisait valoir des
objections. Il ne répondait pas, bien sûr, à la place du
témoin.
Je pense que ce n'est pas un précédent, M. le
Président. Il ne faudrait pas, aux fins de la discussion ou du journal
des Débats, que le rôle qu'on vient de confirmer comme possible
à Me Jutras soit considéré comme étant quelque
chose d'exceptionnel, mais comme étant un droit: le droit d'un
témoin de se faire assister par un conseiller parce que l'ancien
règlement et la Charte des droits et libertés de la personne le
prévoient.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, il me semble utile de
souligner, comme plusieurs l'ont fait à l'extérieur même de
la commission, qu'on fait en quelque sorte le rodage d'un nouveau genre de
commission parlementaire, ici, à cette commission. C'est probablement
une des premières fois, sinon la première fois, que les
invités sont appelés à prêter serment et que, en
quelque sorte, la commission se transforme en commission d'enquête pour
tenter de faire la lumière sur un sujet donné.
C'est effectivement vrai, ce que dit le député de
Marguerite-Bourgeoys, qu'à cette commission, le fait pour un procureur
de pouvoir intervenir pour et au nom de son client - si on veut l'appeler ainsi
- est un précédent. Me Roy, aussi bien que Me Larivière
l'ont fait en présentant des requêtes très
spécifiques à la présidence et non pas pour intervenir
dans le débat. Je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys l'a indiqué et, quant à moi, je le fais
à titre personnel: II me semble que c'est tout à fait dans
l'ordre que cela puisse se faire. Reconnaissons tous ensemble que c'est la
première fois que cela se fait à cette commission-ci et que ce
sera la façon de procéder pour le reste de nos travaux qui ne
devraient pas durer tellement longtemps de toute façon.
Qu'on s'entende. Si tout le monde réclame de la commission et du
gouvernement qui l'a convoquée de préciser un peu plus les
règles de procédure, les règles de pratique de la
commission, entendons-nous. Quand nous nous entendons entre nous pour faire
l'unanimité autour d'une question comme celle-là, entendons-nous
pour l'inscrire comme il faut dans les précédents pour qu'ensuite
on puisse y avoir recours.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui. Je pense que je peux
répondre, M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je
pense que c'est important.
Le Président (M. Jolivet): Je l'ai compris aussi.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'ai pas encore
parlé, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Simplement, c'est que j'ai
entendu deux personnes de chaque côté et que je voudrais rendre
une décision.
Vis-à-vis de cette question qui est soulevée ce matin,
lorsque j'ai fait l'analogie avec d'autres choses qui se sont produites, soit
une requête du barreau par Me Larivière ou une requête de Me
Roy qui représentait Me Beaulé, il est évident que nous
avons refusé à quelque occasion que ce soit que la personne qui
accompagnait l'invité réponde à sa place. Je pense qu'on
s'entend très bien sur cela, puisque la personne qui a
prêté serment, c'est l'invité qui est devant nous.
Normalement, les objections soulevées le sont par des questions de
règlement ou par des demandes de directives de la part des membres de
cette commission, soit à ma droite, soit à ma gauche, ce qui est
tout à fait normal.
Cependant, comme nous avons permis aux personnes qui sont
invitées d'être accompagnées - puisqu'on l'a fait
dès le début; la demande a été acceptée, on
n'y voyait pas d'objection - que l'on élargisse -ce que le
règlement permet, l'ancien règlement en particulier - le droit
d'une personne à être représentée en disant que
cette personne peut soulever des objections, comme président, je dois
vous dire que je suis prêt à les entendre et à en disposer
selon ce que notre règlement permet et selon ce qui est normal.
Donc, ce n'est pas une sorte de précédent. C'est
simplement l'application d'une chose qu'on n'a pas eu l'occasion d'appliquer et
qui est simplement soulevée devant nous ce matin. En conséquence,
je pense que de la façon que vous l'interprétez et que je
l'interprète, on est tous d'accord. Nous allons arrêter le
débat de cette façon-là. Donc, M. le député
de Laporte, vous pouvez continuer vos questions.
M. Lalonde: II y avait une question avec une objection tout
à l'heure.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je l'ai
réglée en disant que, sur l'ancien emploi qu'occupait Me
Gauthier, lorsqu'il est arrivé au mois d'octobre 1978, il était
normal de savoir comment le passage s'était fait et que je permettais
les questions.
M. Jutras: Non, il n'y a pas d'appel, c'est simplement un
commentaire...
Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.
M. Jutras: ...d'un membre du barreau. Je suis heureux de la
position prise des deux côtés de la commission. Il aurait
été étonnant qu'à l'Assemblée nationale,
à l'endroit où se font les lois, les gens n'aient pas le droit de
se faire représenter, contrairement à ce que disent la Charte des
droits et libertés de la personne et une autre loi également, que
plusieurs d'entre vous connaissent, la Loi sur le Barreau, dans laquelle vous
avez consacré à maintes reprises le droit de toute personne
d'être représentée par un avocat. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement souligner
que, tout à l'heure, j'ai posé une question à Me Gauthier
et c'est un autre individu qui a répondu, que je ne connaissais pas.
J'ai manifesté mon étonnement parce qu'il n'avait pas
été présenté à la commission. Est-ce qu'on
pourrait lui demander de se présenter?
Le Président (M. Jolivet): Oui. Je dois vous dire, au
départ, qu'il a été présenté par
moi-même. J'ai dit: Me Jutras accompagne Me Gauthier.
M. Bourbeau: Ah bon! Mais qu'est-ce qu'il fait?
Le Président (M. Jolivet): Me Germain Jutras, est-ce que
vous pouvez vous présenter, dire simplement qui vous êtes pour les
besoins du député de Laporte?
M. Bourbeau: C'est important d'identifier les parties, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Pour le journal des
Débats, allez, Me Jutras.
M. Jutras: Mon nom est Germain Jutras; je pratique la profession
d'avocat depuis 1967. Je suis toujours membre en règle du barreau,
bâtonnier du barreau d'Arthabaska, d'ailleurs.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Je pense qu'on devrait compléter. À
quel endroit exercez-vous la profession d'avocat? Est-ce que c'est un bureau
d'avocats ou si vous pratiquez seul?
Le Président (M. Jolivet): Je ne vois pas l'utilité
d'y répondre.
M. Bourbeau: C'est normal. M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): ...mais si vous voulez le
faire.
M. Jutras: Je n'ai pas d'objection, si cela peut renseigner le
public. Peut-être qu'on s'éloigne un peu du mandat de la
commission. Je suis en pratique privée; j'ai un bureau à
Drummondville, comme plusieurs d'entre vous que je vois et avec qui j'ai eu
l'occasion de traiter lorsqu'ils étaient en pratique privée.
Le Président (M. Jolivet): C'est une bonne annonce.
M. Jutras: Si vous me demandez de dire si je suis bon avocat ou
pas...
Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le
député de Laporte, vos questions maintenant.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est une déformation
professionnelle parce que les notaires doivent toujours identifier les parties.
D'ailleurs, le témoin doit le savoir, n'est-ce pas?
M. Gauthier (Yves): Pour une fois, il a bien raison.
M. Bourbeau: Vous voulez dire que, les autres fois, je n'avais
pas raison.
M. Gauthier (Yves): Ah! Je ne veux pas dire cela, je n'embarque
pas.
M. Lalonde: Très prudent.
M. Bourbeau: Me Gauthier, à quel moment doit se terminer
votre mandat de conseiller spécial au bureau du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée. Non, je n'en
ai pas d'idée; cela peut être demain matin s'il se tanne, je ne le
sais pas. Ce n'est pas pour cinq ou dix ans.
M. Bourbeau: Ah bon! Alors, c'est au bon vouloir....
M. Gauthier (Yves): C'est au bon vouloir.
M. Bourbeau: ...de qui de droit. M. Gauthier (Yves):
Oui.
M. Bourbeau: Est-ce que quelqu'un vous a recommandé
lorsque vous avez sollicité le poste de conseiller spécial?
M. Gauthier (Yves): Personne ne m'a recommandé. Je pense
qu'on me connaît assez; je suis assez connu dans le milieu politique et
je n'ai eu de recommandation de personne.
M. Bourbeau: Vous n'en aviez pas besoin.
M. Gauthier (Yves): J'en ai peut-être eu, mais je ne le
sais pas; je ne peux pas vous le dire. Tout ce que je sais - je n'ai pas
d'affaire à dire cela, de toute façon -on m'a toujours dit que,
si j'étais là, c'était à cause des rouges parce que
je les connaissais tous. Peut-être qu'on n'a jamais voulu me dire la
bonne raison; je ne le sais et je ne veux pas commenter cela. Je m'arrête
là.
M. Bourbeau: Quand vous parlez des rouges, vous parlez des
communistes?
M. Gauthier (Yves): Non, non, les libéraux, excusez-moi;
il y a une distinction.
M. Bourbeau: Quel dossier vous a-t-on confié lors de votre
arrivée au bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, de
la même façon que j'ai refusé la première, je refuse
celle-là. Cela n'a pas trait au mandat de la commission. Si vous voulez
poser votre question autrement, je l'accepterai.
M. Bourbeau: M. le Président, je retirerai la question
alors. Quelle expérience préalable aviez-vous lors de votre
nomination au bureau du premier ministre dans le genre de travail que vous
deviez faire?
M. Gauthier (Yves): D'après moi, j'avais 40 ans
d'expérience, mais cela... On se vante toujours un peu, mais,
d'après moi, je pouvais le faire.
M. Bourbeau: Vous aviez conseillé spécialement les
anciens premiers ministres ou quoi?
M. Gauthier (Yves): Non. Je ne dis pas que je les ai
conseillés, mais je les ai tous connus. J'étais avec Paul
Desrochers qui était un conseiller. Je pense bien qu'il n'y a pas
d'école pour les conseillers spéciaux. C'est l'école de la
vie et je connaissais presque tout le monde. Comme je connaissais tout le
milieu politique depuis X années, je pense bien que c'est pour cela. Je
ne vois pas d'autre raison. (11 h 30)
M. Bourbeau: Donc, vos antécédents politiques ont
compté dans cette décision?
M. Gauthier (Yves): J'en ai l'impression.
J'ai été plus longtemps rouge, excusez-moi, libéral
que péquiste. J'ai passé tous les régimes: Lesage,
Bourassa. J'ai travaillé avec lui. Le député de
Marguerite-Bourgeoys a travaillé avec moi. Ce ne sont pas des cachettes.
Tout le monde sait cela. D'après moi, si on m'a choisi, c'est parce que
je connaissais la politique, c'est à peu près tout; ce n'est pas
parce que je suis le plus brillant des notaires ou autre chose. Ils m'ont
choisi parce que j'ai tant de talent pour cela et cela finit là.
M. Bourbeau: Est-ce que vous vous occupez d'organisation
électorale?
M. Gauthier (Yves): Non, je ne m'en occupe pas et je ne veux plus
m'en occuper. J'ai fait une crise cardiaque à la dernière
campagne électorale. Pour votre information, M. le Président, je
connais plus de gens là que là aujourd'hui. J'ai fait une crise
cardiaque le 2 avril 1981. Je n'ai pas eu tellement le temps de faire des
élections. Ce n'était pas mon mandat. J'avais des choses
précises. J'en connais là. Je sais qu'il y en a un qui avait
battu mon candidat préféré. Je ne le connais pas, mais je
voudrais bien le connaître. Le député de Rousseau, je ne
sais pas où il est, mais il avait battu Jean Rougeau. C'est un
aparté. C'est à peu près la seule chose que j'ai
essayé de faire dans une élection et cela n'a pas
marché.
M. Bourbeau: Avant de devenir conseiller spécial du
premier ministre, quelle fonction occupiez-vous?
Une voix: Notaire.
M. Gauthier (Yves): J'étais notaire, oui. J'étais
aussi tuteur. J'avais été nommé tuteur - je l'ai quelque
part - en octobre 1977. Je l'ai ici: nomination à la tutelle, le 26
octobre 1977.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire un peu ce qu'était
cette fonction de tuteur?
M. Gauthier (Yves): Oui. Vous n'êtes pas pressé? Je
peux en parler bien longtemps, parce que je dois vous dire que, de prime abord,
c'était - excusez le mot -une "job" bien difficile. Cela ne me tentait
pas trop, mais on m'a dit que j'étais capable. On m'a un peu tordu le
bras. On m'a dit: Dévoue-toi encore et vas-y. Être tuteur pour les
syndicats, ce n'est pas toujours un cadeau. Mes associés me disaient:
C'est un cadeau de Grecs. Ils ne voulaient pas. Mais, en tout cas, je l'ai
pris. Comme je vous l'ai dit, j'aimais cela.
Si vous voulez savoir quel était le travail, c'était de
rencontrer les syndiqués, les exécutifs. Ce n'était pas
toujours drôle. Parfois, ils se berçaient pendant une demi- heure,
comme le monsieur le fait, et ils ne disaient pas un mot. Nous, on parlait. Ils
se berçaient. Ils riaient de nous autres, en un mot, c'est bien simple.
Au 144, ils nous ont "pitché" des oeufs, des tomates, etc.
Personnellement, j'ai aimé mon expérience parce que c'est un
autre genre de vie. Les gars sont "tough". Qu'est-ce que vous voulez? Ils ont
leur manière de négocier.
Je suis allé à Washington une couple de fois, surtout avec
le local 791. Pour le local 791, je suis allé à Washington au
moins deux fois. Washington aussi avait mis le local 791 en tutelle. Je suis
allé leur dire: "You are no more in the picture." Ils n'ont pas
tellement aimé cela, mais c'était la tutelle
québécoise qui prévalait.
Des expériences, j'en ai à la tonne. On est allé
à Trois-Rivières faire une assemblée. C'était
encore pire. Il y avait à peu près dix assemblées en
même temps, la police provinciale et tout cela. Les ascenseurs, j'aime
autant ne pas vous en parler, les locaux 89 et 101; le bureau du gérant
était difficile à trouver. C'est cela, j'avais assez peur de
rester pris dans l'ascenseur. Les ascenseurs, c'est ma phobie. Une chance
qu'ils ne l'ont jamais su parce qu'ils m'auraient laissé là.
Pour moi, cela a été une expérience enrichissante.
C'est un autre monde. Tu apprends vite, il faut que tu te grouilles les pieds.
Mais je pense que je ne recommencerais pas.
M. Bourbeau: Vous occupiez ces fonctions depuis quelle date,
avez-vous dit?
M. Gauthier (Yves): Je l'ai ici, le 26 octobre 1977.
M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination
à ce poste?
M. Gauthier (Yves): Comme je l'ai dit, c'est Me Bachand - non, je
ne l'ai pas dit -qui était le chef de cabinet de M. Johnson, qui m'en
avait parlé. Il avait commencé à m'en parler depuis cinq
ou six mois déjà. Comme je vous le dis, ils m'ont un peu tordu le
bras. Ils m'ont dit: Tu es capable, tu as l'habitude. Tu es dur, quand c'est le
temps, vas-y. Comme je vous le dis, mes associés ne voulaient pas que je
prenne le poste. Peut-être qu'ils avaient raison. Ils ne braillaient pas
trop, parce que les honoraires que je faisais, je les versais à la
société. C'était une autre affaire. Mais ce sont surtout
des pressions que j'ai eues de M. Bachand, qui me disait: Tu es capable de le
faire. Dévoue-toi un peu pour la cause, tu es capable, parce qu'il
paraît que cela ne courait pas les rues, les tuteurs. Il n'y a pas grand
monde qui voulait la "job". Moi, je l'ai prise avec M. Gérard Beaudry.
C'était un ancien candidat libéral en 1970, c'était un
bien bon gars. Mais c'était toujours lui qui parlait. Moi,
j'agissais. J'essayais, mais je ne suis pas bon pour parler. Mais, lui, je vous
dis que...
En tout cas, cela été des expériences que j'ai
faites à mes dépens, que je n'aimerais peut-être pas
refaire, mais que je suis content d'avoir faites parce que j'ai compris que,
chez les syndicats, il y a des maudits bons gars et il y a des gars qui ont la
poigne assez forte. Ils pensent parfois peut-être plus qu'on ne le pense.
En tout cas, j'ai aimé cela, mais je ne le referais pas. Ce n'est pas ce
qu'il y a de plus drôle.
M. Bourbeau: Alors, il y a Me Beaudry qui parlait et vous, vous
agissiez?
M. Gauthier (Yves): Bien, j'agissais... C'est parce que, parfois,
vous savez, ces gars-là tenaient une assemblée, comme on le fait
là et il y en avait quatre ou cinq qui faisaient une autre
assemblée en arrière. C'était une tactique pour qu'on ne
puisse pas dialoguer avec nos gens. Alors, moi, durant ce temps-là, je
me levais et j'allais parler aux gars. J'aimais mieux parler aux gars,
là, que de leur parler en face, parce que je n'étais pas bon au
micro.
M. Bourbeau: Donc, vous étiez deux parleurs, pas un
parleur et un faiseur?
M. Gauthier (Yves): Bien oui, c'est cela. J'allais parler aux
gars en arrière pour essayer de les calmer. Mais la fois où ils
nous ont garroché des tomates, je ne suis pas resté là
trop longtemps.
M. Bourbeau: Est-ce que c'étaient des tomates rouges?
M. Gauthier (Yves): Oui, c'étaient des tomates rouges,
à part cela. Cela ne regarde pas la commission, mais je vais vous dire
que je suis sorti le dernier de là, en riant, parce que j'avais
déjà ri de Robert Sauvé qui s'était fait garrocher
des tomates au Centre Sauvé. Il m'avait dit: Toi, le gros, quand tu vas
te faire garrocher des tomates, je vais rire de toi. Je suis sorti et je
pensais à cela. Je suis sorti le dernier et mon habit en était
tout plein. D'ailleurs, ma femme m'avait demandé si on allait rester
longtemps. J'avais dit: Pour moi, d'ici à une demi-heure, on va
être revenus. Effectivement, on est revenus. J'ai gardé cet
habit...
M. Bourbeau: Me Gauthier, vous avez dit que vous aviez
été recommandé ou, enfin, qu'on vous avait
approché... C'est Me Bachand, le chef de cabinet du...
M. Gauthier (Yves): Oui, c'est Me Bachand. Il est avocat.
Oui.
M. Bourbeau: ...du ministre Johnson.
M. Gauthier (Yves): II était le chef de cabinet du
ministre Johnson, parce que cela dépendait du ministère du
Travail, cela.
M. Bourbeau: Est-ce que Me Bachand vous a dit pourquoi on vous
approchait, vous, pour ce travail?
M. Gauthier (Yves): Pas nécessairement. Il m'a dit: Tu es
bon. Tu es capable de le faire. Tu peux être "tough" quand c'est le
temps. C'est tout ce qu'il m'a dit. Il ne m'a pas dit autre chose.
M. Bourbeau: Mais pourquoi vous et pas quelqu'un d'autre?
M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression qu'il était
allé en voir d'autres avant moi, remarquez bien. J'en suis même
pas mal certain.
M. Bourbeau: Quel était votre titre exact au local
791?
M. Gauthier (Yves): Au local 791, j'étais
président. C'est parce qu'on se divisait les locaux. Un était
président et l'autre était membre. Après que j'ai
quitté, ce n'était pas la même chose. M. Beaudry
était président de tous les syndicats. M. Van De Weghe
était membre. On s'était séparé les locaux, parce
que M. Beaudry ne parlait pas anglais. Alors, moi, je m'occupais du local 791,
parce que c'était à Washington et qu'il fallait parler anglais,
et des locaux 89 et 101 pour les ascenseurs. Le local 89 était à
Montréal et le local 101 était à Québec, je pense.
J'étais président de ces deux locaux. J'étais aussi membre
- je pense que je l'ai ici - de la FIPOE, le local 1679 pour les
électriciens. Cela appartenait à M. Beaudry et il avait aussi le
local 144. C'est bien cela. Excusez, c'était le local 1677, la
Fraternité internationale des ouvriers en électricité.
Mais avec eux, il n'y avait rien à faire, il n'y avait pas de
problèmes.
M. Doyon: Le témoin se réfère à un
arrêté en conseil.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Alors, le 26 octobre 1977 est la date de votre
nomination au poste de tuteur.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Vous étiez président du conseil
d'administration du local 791?
M. Gauthier (Yves): Oui, c'est cela. J'étais
président de celui-là. J'étais président
du local 791 et des locaux 89 et 101 pour les ascenseurs. Ce sont les
deux seuls. M. Beaudry était président du local des plombiers, le
144, et de celui des électriciens, le 1677. Il y avait aussi d'autres
membres. Il y avait Léo Cormier, qui était un membre comme moi,
tuteur.
M. Bourbeau: II était membre ordinaire, lui?
M. Gauthier (Yves): Oui, membre seulement. C'est indiqué
membre. Dans le fond, j'étais membre des deux autres syndicats mais
j'étais président de deux dont le local 791, et 89 et 101.
M. Bourbeau: Dans la question de la poursuite de la SEBJ, est-ce
qu'il y avait d'autres syndicats qui étaient poursuivis...
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: ...que le local 791?
M. Gauthier (Yves): Pour la SEBJ, le seul qui était
poursuivi, M. le Président, c'était le 791.
M. Bourbeau: Pour les fins de notre mandat, M. le
Président - vous savez que je veux m'en tenir au mandat - vous
étiez président du conseil d'administration du local 791?
M. Gauthier (Yves): C'est cela, oui, M. le Président.
M. Bourbeau: Avant votre nomination à titre de
président du conseil du local 791, en vertu du décret du 26
octobre...
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: ...1977, quelles fonctions occupiez-vous?
M. Gauthier (Yves): Je n'en avais pas. M. Bourbeau: Vous
étiez en chômage?
M. Gauthier (Yves): Non, non, j'étais notaire.
M. Bourbeau: Vous exerciez donc la profession de notaire?
M. Gauthier (Yves): Oui, j'exerçais cette profession, je
l'ai exercée, jusqu'au 1er septembre 1978. Cela faisait vingt ans que
j'étais leur associé. J'ai terminé mon contrat.
M. Bourbeau: Vos fonctions de notaire avaient-elles un rapport
avec le droit ouvrier?
M. Gauthier (Yves): Non, pas nécessairement.
M. Bourbeau: Est-ce que vous aviez une expérience
préalable en relations de travail?
M. Gauthier (Yves): Je ne peux pas dire que j'avais une
expérience bien grande. Je sais bien qu'au bureau, c'était moi
qui m'occupais des relations - nous étions quand même une
quarantaine d'employés au bureau des engagements et, s'il y avait des
conflits, de réunir les secrétaires ou les chefs de
département. J'avais aussi été président de la
Palestre nationale pendant trois ans. J'étais à la Palestre
depuis 1960 dans l'administration.
M. Bourbeau: Quand on vous a demandé de devenir
président du conseil du local 791, est-ce qu'on vous a
précisé les objectifs qu'on recherchait?
M. Gauthier (Yves): Oui, on voulait ramener la démocratie
dans tous les syndicats et, pour moi, dans mon cas, il s'agissait surtout du
89, du 101 et du 791. C'était d'essayer de faire des élections le
plus vite possible pour qu'ils reprennent leurs affaires en main.
M. Bourbeau: Pouvez-vous nous dire qui vous avait
recommandé auprès de Me
Bachand pour l'obtention du poste de président du conseil?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président, mais je le
connaissais, Me Bachand.
M. Bourbeau: Vous le connaissiez de quelle façon?
M. Gauthier (Yves): Je l'avais rencontré lors
d'élections. Je crois qu'il est avocat, comptable ou les deux, je ne le
sais. Je sais qu'il est comptable. Je le connaissais depuis 1970.
M. Bourbeau: Vous aviez fait des élections ensemble?
M. Gauthier (Yves): C'est-à-dire que j'ai voulu en faire
une, mais il ne voulait pas de moi dans Ahuntsic. Il m'a dit qu'ils
était capable de s'arranger tout seul. Mais, cela ne fait rien, c'est un
ami. On s'engueulait tout le temps, mais on était de bons amis
pareil.
M. Bourbeau: Ah bon! Est-ce que le poste de président du
conseil d'administration du local 791 était une occupation à
temps plein?
M. Gauthier (Yves): Pas à temps plein,
mais je leur donnais presque trois jours par semaine. On peut dire trois
jours presque pleins.
M. Bourbeau: Est-ce que vous donniez trois jours par semaine pour
l'ensemble des syndicats ou uniquement pour le local 791?
M. Gauthier (Yves): Non, pour l'ensemble. Le 144 nous occupait
pas mal aussi. Le local des plombiers nous occupait pas mal, il nous occupait
dans le fond plus que le 791, parce que là, on avait des
problèmes presque tous les jours.
M. Bourbeau: En quoi consistaient vos fonctions?
M. Gauthier (Yves): Si je prends le local 144, cela ne
fonctionnait pas du tout. Il fallait faire des assemblées pour les
gérants, parce qu'eux ont des gérants de district. Il y avait un
gérant à Trois-Rivières, un gérant à
Montréal. Nous les rencontrions et nous essayions de voir ce qui
n'allait pas. Cela a mal commencé, la journée où on nous a
nommés, ils ont fait une démonstration et la police est
arrivée. Seulement ça, cela a traîné presque six
mois. Ils ont voulu prendre des procédures. Cela ne valait pas
grand-chose, d'après moi; d'ailleurs, ils n'ont même pas
réussi. Cela consistait à essayer de voir leurs revendications,
à essayer de mettre tout cela ensemble et de les forcer presque à
faire une élection pour qu'ils se prennent en main. Cela a
fonctionné pour les locaux 89, 101, pour la FIPOE et pour le 791. C'est
seulement avec les plombiers que cela n'a pas fonctionné.
M. Bourbeau: À l'égard du local 791 plus
précisément, parce que c'est le syndicat qui nous
intéresse, étant donné que vous étiez le
président du syndicat, en quoi consistait exactement votre travail?
(11 h 45)
M. Gauthier (Yves): C'était de suivre la bonne marche des
opérations. J'allais à leurs bureaux, je regardais les livres, je
regardais si on devait prendre des décisions. Parfois, il fallait qu'ils
envoient quelqu'un pour voter à Washington ou des choses de même.
Cela se résume à cela. Mais il y avait toujours quelque chose
à faire. Il y avait des chicanes. Le gérant du local engageait
des "sous-gérants" à différents endroits. Des fois cela ne
faisait pas l'affaire et il fallait aller voir, cela ne marchait pas toujours
comme il faut. Il y en a qui avaient des comptes de dépenses trop
élevés, il fallait aller vérifier. C'était surtout
des affaires comme cela. On a procédé à une
élection là aussi, au 791, quand nous étions là, on
a fait une élection.
M. Bourbeau: En tant que président du conseil, est-ce que
vous contrôliez les finances du syndicat?
M. Gauthier (Yves): C'est-à-dire que je ne les
contrôlais pas, mais je les surveillais. On devait de l'argent et on n'en
avait pas. On avait été obligés de faire des mises
à pied - je m'en souviens, parce que les gars gueulaient - dans le temps
des fêtes. On avait été obligé de renvoyer au moins
quatre gars et cela ne marchait pas trop. Ils n'avaient pas d'argent, ils
empruntaient à la banque. Je sais qu'après cela, quand je suis
parti, les finances commençaient à être bonnes. Les gars
avaient mis de l'argent de côté et cela allait pas pire.
M. Bourbeau: Vous vous occupiez d'administration
journalière, si je peux dire?
M. Gauthier (Yves): Non. Il y avait un comptable, un monsieur qui
se disait comptable, qui faisait cela. Il y avait des
vérificateurs-comptables qui avaient été nommés.
C'était presque au jour le jour. Il fallait aller voir comment cela se
passait. J'arrêtais, c'était sur le chemin pour aller au
bureau.
M. Bourbeau: Aviez-vous une bonne connaissance de ce qui se
passait dans le syndicat sur une base journalière?
M. Gauthier (Yves): On ne peut jamais dire, je pense, qu'on a une
connaissance précise de ce qui se passe dans un local syndical parce
qu'il y a des factions, il y en a qui ne s'entendent pas avec d'autres. De
là à aller dire que je connaissais cela de "a" à "z", je
n'oserais pas dire cela. Je pense que j'avais la confiance des gars; moi, je
leur faisais confiance. J'ai toujours eu l'impression qu'ils ne me jouaient pas
de tour, surtout les gars du 791.
M. Bourbeau: Aviez-vous un genre de contrôle sur le
syndicat en tant que président?
M. Gauthier (Yves): Vous voulez dire un contrôle: fais
ceci, fais cela?
M. Bourbeau: Oui. Est-ce que vous contrôliez
l'administration au moins?
M. Gauthier (Yves): Non. Tout ce que je leur disais,
c'était d'économiser et de ramasser de l'argent. Il fallait payer
notre monde,
M. Bourbeau: Est-ce que vous autorisiez les paiements, par
exemple?
M. Gauthier (Yves): Oui, on autorisait des paiements,
c'est-à-dire des paiements pour le per capita. Cela a été
une
enguelade, je pense, qui dure encore. Cela a été en cour,
j'en ai l'impression, après mon départ. Il y avait des per capita
à payer au local américain. Je n'ai jamais su le fond de
l'histoire, parce que chacun avait sa version. Cela datait des ententes qui
avaient été prises dans le temps de M. Meloche, que j'ai vu une
fois et qui n'était plus au local. C'est surtout M. Yves Ryan, le tuteur
que j'ai remplacé, qui avait négocié ces choses. Pour moi,
c'était de voir à ce qu'il y ait toujours de l'argent pour payer.
Des fois, ils voulaient acheter une machine IBM. Comme je ne connais pas bien
cela, j'envoyais un autre membre du syndicat voir le vendeur, vérifier
si cela avait du bon sens. Il me faisait rapport.
M. Bourbeau: Signiez-vous les chèques du syndicat?
M. Gauthier (Yves): Nous étions trois ou quatre
autorisés à signer les chèques, il me semble. Il y avait
le gérant. Je ne m'en souviens pas, je ne peux pas vous le dire. Si je
ne les signais pas, je sais que je les regardais. Les gars venaient me montrer
les chèques, disons tous les quinze jours, je les regardais et je posais
des questions. Si je les signais, je ne m'en souviens pas.
M. Bourbeau: Les trois qui avaient été
nommés par le gouvernement en vertu du décret, vous-même
comme président, Me Beaudry comme membre, et M. Cormier, aviez-vous,
à vous trois, le pouvoir de signature sur les chèques? Un des
trois ou les trois?
M. Gauthier (Yves): Me Beaulé? Il n'a jamais
été là.
M. Bourbeau: Me Beaudry.
M. Gauthier (Yves): Ah, Me Beaudry! Me Beaudry, M. Cormier et
moi-même, je ne m'en souviens pas, si on signait les chèques. Je
sais que je les regardais, parce que j'étais président du local
et il fallait que je voie où allait l'argent qu'on avait assigné
pour la petite caisse et ces choses.
M. Bourbeau: Est-ce que les tuteurs contrôlaient les
finances du syndicat?
M. Gauthier (Yves): On avait un oeil dessus. Je ne pouvais pas
dire: On a 10 000 $ aujourd'hui et demain on va avoir 8000 $. J'essayais de
prévoir afin qu'il y ait toujours de l'argent dans la caisse.
M. Bourbeau: En tant que président du conseil du local
791, quel salaire retiriez-vous?
M. Gauthier (Yves): J'étais payé à l'heure.
Je ne m'en souviens pas, mais je l'aurais ici.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous nous avez dit que cela
avait été une expérience enrichissante. Je voudrais
savoir...
M. Gauthier (Yves): Ah oui! Là, je ne parle pas d'argent,
je parle d'autre chose.
M. Bourbeau: "Que les émoluments de chacun de ses membres
soient fixés à 50 $ l'heure, pour un maximum de 350 $ par jour."
C'est cela?
M. Gauthier (Yves): C'est cela. Dans le fond, je faisais de
l'argent.
M. Bourbeau: Je m'aperçois de cela.
M. Gauthier (Yves): Mais l'argent n'allait pas à moi; il
allait à mon bureau.
M. Bourbeau: À votre bureau?
M. Gauthier (Yves): À notre bureau de notaires.
M. Bourbeau: Ah! vous...
M. Gauthier (Yves): Parce qu'on avait une entente. On
était dix associés. Si quelqu'un retirait des honoraires d'une
autre affaire que du notariat, il fallait qu'il le laisse au bureau.
M. Bourbeau: Évidemment, vous aviez vos émoluments
de notaire.
M. Gauthier (Yves): Ah bien oui! Comme on dit, cela entrait dans
le pot.
M. Bourbeau: Est-ce que vous aviez un compte de dépenses
comme président du conseil du local 791?
M. Gauthier (Yves): Ah, pour cela, j'ai bien essayé! Cela
n'a pas fonctionné. Je pense que j'y suis arrivé après
deux ans et j'ai menacé de poursuivre le gouvernement. Je voulais me
faire payer un de mes comptes de dépenses, mais je pense qu'il... C'est
parce que, d'après les règlements, il y a des dépenses qui
devaient être payées par le syndicat et le syndicat n'avait pas
d'argent. Je me souviens que j'avais essayé de me faire payer mon voyage
à Washington et j'avais reçu une note d'un sous-ministre à
Québec au Travail; je me souviens de son nom. En tout cas, il ne voulait
pas payer cela. Mais je pense qu'ils ont amendé cela deux ou trois ans
après et qu'ils l'ont payé. Mais je n'avais pas de compte de
dépenses. Lorsqu'on allait manger, c'était tout un
problème de savoir qui était pour payer. Comme je ne suis pas
trop un "payeux"... Je
suis certain que je n'avais pas de compte de dépenses, mais je
sais que le voyage à Washington, cela a duré longtemps.
Une voix: Pas le voyage!
M. Gauthier (Yves): Non, non. Pas le voyage, le compte
d'honoraires.
M. Bourbeau: Donc vous aviez des problèmes à vous
faire rembourser vos frais de dépenses?
M. Gauthier (Yves): Pardon? Je m'excuse, je n'ai pas compris la
question.
M. Bourbeau: Vous aviez des problèmes à vous faire
rembourser vos frais de voyage?
M. Gauthier (Yves): Oui. Ah oui! Pour le voyage à
Washington. Quand on allait à Trois-Rivières ou à
Québec, on payait de notre poche, mais, à Washington, je trouvais
cela dur un peu.
M. Bourbeau: Mais qui payait votre salaire maximum de 350 $ par
jour? C'était le syndicat ou le gouvernement?
M. Gauthier (Yves): C'est le gouvernement.
M. Bourbeau: Le gouvernement payait vos salaires?
M. Gauthier (Yves): Oui. Oui. Le syndicat, lui, était
appelé à payer des dépenses ordinaires, mais cela ne
couvrait rien. Je n'ai jamais pu rien leur "charger". De toute façon,
ils n'avaient pas d'argent.
M. Bourbeau: Bien, vous avez dit qu'à la fin ils en
avaient.
M. Gauthier (Yves): À la fin, mais à la fin,
à la fin-fin.
M. Bourbeau: Quand vous parlez de la fin-fin, c'est à
quelle date?
M. Gauthier (Yves): Cela nous a pris tout l'hiver pour ramasser
de l'argent parce que, lorsqu'il n'y avait pas de travail, les gars ne payaient
pas la cotisation. Ils ne percevaient pas. D'après moi, les chiffres ont
commencé en juin à être bons.
M. Bourbeau: II y avait combien de cotisants au local 791?
M. Gauthier (Yves): Je ne pourrais pas vous répondre
là-dessus, M. le Président, parce qu'il y a toujours eu une
mésentente. J'ai pris un dossier qui existait déjà depuis
1974. Apparemment, il y avait eu des ententes entre l'union internationale
américaine et le syndicat québécois, le 791, qui avaient
dit: On va vous "charger" sur tant de membres. Mais ils ne se sont jamais
entendus. C'est la raison pour laquelle je ne peux répondre à la
question. Je sais que, par la suite, les Américains ont convoqué
le 791 québécois. Je n'étais plus là, mais le
gérant du local m'a fait parvenir des lettres en décembre 1979
pour me dire qu'il avait été convoqué. Je ne sais pas
combien on cotisait. À mon avis, il y devait peut-être y avoir
4000 employés et on ne payait pas pour tous. Je ne le sais pas, mais
cela découlait d'une entente qui était intervenue entre les
syndicats américains et un M. Meloche, qui était le gérant
du local avant que je sois là.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai ici une copie d'un
décret. J'aimerais en faire parvenir une copie au témoin. Est-ce
qu'on pourrait demander à quelqu'un de...
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de
difficulté. Quelqu'un du secrétariat des commissions
parlementaires peut aller le porter.
M. Jutras: S'agit-il du numéro 3631-77?
Le Président (M. Jolivet): 3877-78.
M. Bourbeau: À moins que vous n'en ayez déjà
une copie?
Le Président (M. Jolivet): En date du 13 décembre
1978.
M. Gauthier (Yves): Non, le 13 décembre 1978, c'est quand
M. Gérard...
Le Président (M. Jolivet): On va vous le faire parvenir et
vous allez en prendre connaissance.
M. Gauthier (Yves): D'accord.
Le Président (M. Jolivet): On pourra vous revoir avec le
document.
M. Bourbeau: Me Gauthier, vous avez devant vous un document.
Pouvez-vous nous dire ce que c'est?
M. Gauthier (Yves): C'est écrit: "Concernant la
nomination, les émoluments et les dépenses des membres du conseil
d'administration de certains syndicats ouvriers en vertu de la Loi sur la mise
en tutelle... International Union of Elevator Construction, local 89 et 101, et
la Loi sur la mise en tutelle... Vu qu'en vertu de l'article 2..." Grosso modo,
je vais vous le dire, c'est lorsqu'ils ont nommé Gérard Beaudry
président du local et Guy Van de Weghe qui me remplaçait aux
autres. La différence est que M. Beaudry était le seul
président des quatre.
M. Bourbeau: II est question de vous à la page 2.
Pourriez-vous nous lire le troisième paragraphe?
M. Gauthier (Yves): Oui. "Que les nominations de Me Yves Gauthier
faites en vertu de l'arrêté en conseil 3631-77 du 26 octobre 1977
cessent d'avoir effet." C'est cela.
M. Bourbeau: Alors, c'est la cessation de vos fonctions. De
quelle date est le décret, Me Gauthier?
M. Gauthier (Yves): II est du 13 décembre 1978.
M. Bourbeau: Je pense que c'est tout ce qui vous concerne. Le
reste ne vous concerne pas. Pourriez-vous lire le dernier paragraphe à
la page 2?
M. Gauthier (Yves): "Que le présent arrêté en
conseil entre en vigueur le jour de son adoption."
M. Bourbeau: Par qui est-ce signé? M. Gauthier (Yves):
Louis Bernard.
M. Bourbeau: Greffier du Conseil exécutif?
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: C'est le décret qui a mis fin à vos
fonctions?
M. Gauthier (Yves): Oui. M. Bourbeau: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
simplement pour les besoins de la cause, je peux faire faire des photocopies
des documents pour les membres.
M. Bourbeau: II n'y a pas de problème, M. le
Président.
La poursuite de la Société d'énergie de la Baie
James constituait-elle une préoccupation importante pour le local 791
alors que vous en étiez le président?
M. Gauthier (Yves): Au commencement de mon mandat, non.
M. Bourbeau: Je n'ai pas parlé uniquement du commencement
du mandat, j'ai dit: Pendant que vous étiez président.
M. Gauthier (Yves): Vers la fin, cela commençait à
le préoccuper, oui.
M. Bourbeau: En quoi cela le préoccupait-il?
M. Gauthier (Yves): Eh bien, il ne savait pas où l'action
s'en allait, parce que j'ai eu l'impression que les avocats ne s'en sont jamais
mêlé avant les mois de juillet, août et septembre. Je
n'entendais pas parler de la cause, M. le Président, plus que cela.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner plus de détails sur
les problèmes que causait la poursuite au syndicat...
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: ...à partir du moment où cela en a
causé?
M. Gauthier (Yves): Non, je ne peux pas vous donner de
détails. C'étaient des affaires quotidiennes.
M. Bourbeau: En a-t-il été question à un
moment donné?
M. Gauthier (Yves): II en a été question une fois
avec Me Beaulé, lequel était venu parler de l'action. Il
représentait les Américains, M. le Président.
M. Bourbeau: À quel moment Me Beaulé est-il
venu?
M. Gauthier (Yves): Je pense que c'était en juillet ou
août.
M. Bourbeau: Donc, avant cette date, ce n'était pas un
problème?
M. Gauthier (Yves): Non. On en parlait un peu avec Yves
Paré, gérant du local, mais pas plus que cela, et avec Me Jasmin
aussi de temps en temps, parce que Me Jasmin était le procureur du local
791 et il faisait aussi du travail pour la tutelle. Quelquefois, on avait des
opinions à lui demander sur autre chose.
M. Bourbeau: Donc, autrement dit, à partir du début
de votre mandat, à la fin de 1977, jusqu'à la fin de
l'été 1978, si j'ai bien compris, cela ne créait pas trop
de problèmes, mais cela a commencé à chauffer à la
fin de l'été. Est-ce cela?
M. Gauthier (Yves): Oui, à la fin de
l'été.
M. Bourbeau: Y avait-il d'autres actions en justice contre le
local 791?
M. Gauthier (Yves): Pas à ma connaissance, en tout cas, M.
le Président.
M. Bourbeau: II y avait la poursuite de
31 000 000 $ de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Oui, il y en avait seulement une. Pour autant
que je suis concerné, il y avait seulement la cause de la SEBJ
d'inscrite.
M. Bourbeau: Qui était chargé d'assurer la
défense du local 791 dans la poursuite de la Société
d'énergie de la Baie James?
M. Gauthier (Yves): C'était Me Michel Jasmin ou son
bureau.
M. Bourbeau: Avez-vous eu l'occasion de rencontrer Me Michel
Jasmin fréquemment alors que vous étiez président du
syndicat?
M. Gauthier (Yves): Oui, oui. Il venait souvent.
M. Bourbeau: Pourriez-vous donner des détails?
M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas de détails, mais il
venait souvent, parce qu'on lui confiait bien du travail. Surtout pendant
l'été, aux mois de juillet et août, il y avait des
problèmes, parce que les cuisiniers de la Baie-James voulaient faire la
grève. Cela a l'air curieux, mais les cuisiniers étaient dans les
équipements lourds eux aussi, dans le local 791. Alors, cela ne marchait
pas. Je sais que Me Jasmin a travaillé longtemps sur cela et il me
rendait compte comment cela se passait. En fin de compte, l'affaire s'est
réglée. Il s'est en allé à la pêche et moi,
je suis parti en vacances. Je calcule que j'ai fini la tutelle la
dernière fois que j'ai envoyé mon compte, vers le 8 septembre. Je
l'ai ici.
M. Bourbeau: Avant votre départ pour les vacances?
M. Gauthier (Yves): Pardon?
M. Bourbeau: Avant votre départ pour les vacances?
M. Gauthier (Yves): Oui, lorsque j'ai laissé mon bureau de
notaire, je suis parti du 9 septembre au 30 septembre en vacances.
Le Président (M. Jolivet): Pourriez-vous nous donner
l'année, pour les besoins... En quelle année? (12 heures)
M. Gauthier (Yves): En 1978. Voyez-vous, ici je me suis pris des
notes. La fin de la tutelle, en pratique, c'était le 8 septembre car
c'est la dernière fois que j'ai envoyé un compte. Le 9 septembre,
je suis parti en vacances et je suis revenu le 30. Quand je suis revenu, j'ai
averti les gars que je n'étais plus tuteur et j'ai commencé et
continué les négociations pour mon poste.
M. Bourbeau: Négociations qui se sont
avérées fructueuses éventuellement.
M. Gauthier (Yves): Eh! oui.
M. Bourbeau: Quand vous étiez président du
syndicat, vous me dites que vous rencontriez Me Jasmin. Est-ce que vous
pourriez donner plus de détails sur la fréquence de ces
rencontres?
M. Gauthier (Yves): C'est passablement difficile. Je le voyais
certainement à toutes les semaines. Si l'on part du commencement, la
journée qu'on a été nommé, il y a eu une
manifestation du local 144 avec des pancartes. M. Jasmin a eu une partie de
cette cause. On lui demandait des avis pour le local 89 et le 101. L'affaire
des cuisines, pas mal ardu. À ma souvenance, cela a pris
l'été de 1978. Il venait souvent, ou je le rencontrais.
M. Bourbeau: Est-ce que vous parliez de la cause de la SEBJ
contre le local 791?
M. Gauthier (Yves): Non, on ne parlait pas de cela.
M. Bourbeau: Vous avez dit que ce n'était pas une
préoccupation.
M. Gauthier (Yves): Ce n'était pas une
préoccupation pour nous. En tout cas, pour moi, ce ne l'était
pas. J'ai compris qu'au commencement de septembre, cela commençait
à être la préoccupation de tout le monde.
M. Bourbeau: En tant que président du syndicat, si
c'était la préoccupation de tout le monde, cela devait être
la vôtre aussi.
M. Gauthier (Yves): Oui, mais l'affaire qu'il y a, c'est qu'en
septembre, je n'étais plus là.
M. Bourbeau: Ah! bon. Donc, cela ne préoccupait pas les
gens avant septembre.
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: Depuis combien de temps connaissiez-vous Me Michel
Jasmin?
M. Gauthier (Yves): Depuis certainement 1970, peut-être
1968, mais sûrement 1970, M. le Président.
M. Bourbeau: Donc - on était en 1978 -depuis huit ou dix
ans, quoi.
M. Gauthier (Yves): Ah! oui.
M. Bourbeau: Où l'aviez-vous connu?
M. Gauthier (Yves): Durant les élections.
M. Bourbeau: Durant les élections.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Bourbeau: Quelles élections?
M. Gauthier (Yves): En 1970, c'était le conseiller
juridique au Parti québécois.
M. Bourbeau: Qui?
M. Gauthier (Yves): Me Jasmin.
M. Bourbeau: Me Jasmin. Ah! bon. Est-ce qu'il était
conseiller juridique au Parti québécois, à la permanence
du parti?
M. Gauthier (Yves): Non, c'était
bénévole.
M. Bourbeau: II aurait pu être bénévole
à la permanence aussi.
M. Gauthier (Yves): Ah! cela est vrai. Non, il n'était pas
à la permanence. Remarquez bien qu'il y allait, mais ce n'était
pas un type qui arrivait là à 9 heures. Il y allait sur la fin de
l'après-midi, lorsqu'il avait fini son bureau, je suppose.
M. Bourbeau: Donc, Me Jasmin a travaillé pour le Parti
québécois comme bénévole.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Tremblay: ...
M. Bourbeau: Avant la fin de votre mandat de tuteur, avez-vous eu
l'occasion, comme président du conseil du local 791, qui était un
syndicat en tutelle, de discuter vers la fin, avec Me Jasmin, de la poursuite
de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: À combien d'occasions à votre
souvenance?
M. Gauthier (Yves): Avant la fin de ma tutelle? Je ne le sais
pas, mais on n'en parlait pas souvent. Comme je vous le dis, cela ne semblait
pas être une préoccupation immédiate pour eux. À la
fin, oui, mais, comme je vous le dis, mon opinion était faite. Je ne dis
pas que c'est moi qui avais raison. Je pense que l'opinion que
j'émettais, cela faisait l'affaire de M. Jasmin. Je disais qu'on
n'était pas responsable. Je n'ai jamais eu beaucoup de discussions avec
lui.
M. Bourbeau: Vous estimiez que le syndicat n'était pas
responsable. Est-ce que vous avez discuté avec Me Jasmin des mesures
à prendre pour assurer la défense du local 791?
M. Gauthier (Yves): Non, je lui laissais cela. C'était un
avocat et c'était son problème.
M. Bourbeau: Vous étiez président du syndicat.
M. Gauthier (Yves): Oui, mais je n'avais pas d'ordre à lui
donner. Je me fiais à l'avocat.
M. Bourbeau: Sans lui donner des ordres, est-ce que vous n'aviez
pas des discussions avec lui sur le sujet?
M. Gauthier (Yves): Non, je lui disais: C'est ton dossier,
arrange-toi avec, et donne-moi des résultats.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous faisait part de ses opinions
personnelles?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Est-ce que vous les discutiez?
M. Gauthier (Yves): Non. On ne les discutait pas, il était
du même avis que moi.
M. Bourbeau: Oui, du même avis quant à la
responsabilité, mais quant aux mesures à prendre pour
défendre le syndicat?
M. Gauthier (Yves): Ah non! Non!
M. Bourbeau: C'était un monologue.
M. Gauthier (Yves): Je ne dis pas que c'était un
monologue, mais c'était cela. On n'en discutait pas, parce que
j'étais convaincu que le gouvernement, quel qu'il soit, bleu, rouge ou
caille, perdait son temps dans cette cause; c'était de l'argent
jeté à l'eau.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez discuté de cela avec Me
Jasmin?
M. Gauthier (Yves): Je le lui ai dit, mais il le savait
lui-même. Pour Me Beaulé, c'est la même chose, quand il est
venu me voir en juillet.
M. Bourbeau: Alors, vous étiez tous d'accord pour dire que
le gouvernement perdait son temps.
M. Gauthier (Yves): Je n'ai pas dit qu'on était tous
d'accord. J'avais l'opinion que le gouvernement n'avait pas une bonne
cause.
M. Bourbeau: Oui, mais vous n'étiez pas au gouvernement,
vous étiez au syndicat à ce moment.
M. Gauthier (Yves): Oui, quand on parle du gouvernement, c'est
celui de tout le monde, autant le vôtre que le sien et que le mien. Pour
autant que je suis concerné, le gouvernement et la SEBJ, si vous voulez,
n'avaient pas une bonne cause contre nous, en tant que syndiqués, que
président de syndicat. Je ne voyais pas ce que le gouvernement allait
faire là. Les gars qui avaient fait le saccage étaient en prison;
si je me souviens bien, ils étaient certainement encore en prison. Cela
allait bien sur les chantiers. Ce qui me frappait le plus, c'est que j'ai
toujours pensé que les compagnies d'assurances ne sont pas des payeuses;
elles avaient versé 1 000 000 $ pour les dommages directs. En plus, il
fallait bien se rendre à l'évidence que le syndicat
québécois n'avait pas un cent. C'est à force de
ménager, de mettre des gars dehors, de tirer ici et de tirer là,
de couper sur des salaires et sur les autos des gars, qu'on pouvait ramasser de
l'argent. Quant au syndicat américain, il en avait, mais, d'après
moi -c'était mon opinion - il n'avait pas grand lien de droit; à
part cela, il était loin, à Washington. Comme notaire, je ne
pouvais pas facturer un gars qui était à Montréal pour un
compte d'honoraires, mais là, si j'essaie de facturer tous les gars
à Washington... D'après moi, il n'y avait rien là.
M. Bourbeau: II n'y avait rien?
M. Gauthier (Yves): Le syndicat américain n'était
même pas dans le portrait, pour autant que j'étais
concerné.
M. Bourbeau: Vous aviez des opinions "légales" très
arrêtées, si je comprends bien, sur le sujet.
M. Gauthier (Yves): Oui. Ce n'étaient pas des opinions...
Appelez cela des opinions "légales", si vous voulez...
M. Bourbeau: Vous parlez de lien de droit, etc.
M. Gauthier (Yves): C'était mon opinion personnelle. Je ne
sais pas si elle était partagée par d'autres, mais c'était
mon opinion qu'on n'avait pas d'affaire dans cette cause.
M. Bourbeau: Votre opinion était basée sur votre
connaissance du dossier?
M. Gauthier (Yves): C'est cela. Les connaissances du dossier. Les
gars concernés étaient en prison, le chantier fonctionnait bien
et, surtout, quant à moi, les assurances avaient payé. Je me suis
dit: Si ces gars ont payé 1 000 000 $, ils ont dû y penser en
"maudit" avant. Toujours selon l'expérience que j'ai eue, les assurances
ne paient pas; et elles ont payé. En plus, il fallait être
pratique, on n'avait pas un cent. Les Américains en avaient, mais est-ce
qu'un jugement y était exécutable? J'ai l'impression, comme je
vous ai dit, qu'en pratique, on aurait couru longtemps. J'ai l'impression qu'il
n'y avait même pas de lien de droit. Ils ont toujours dit que M. Duhamel
n'était pas leur employé, c'était ci et c'était
ça. Alors, on perdait notre temps.
M. Bourbeau: Mais si les assurances avaient payé, c'est
donc que les assurances estimaient qu'elles avaient une
responsabilité.
M. Gauthier (Yves): Elles ont payé 1 000 000 $ et, pour
moi, c'était cela et cela terminait la cause.
M. Bourbeau: C'était pour les dommages corporels.
M. Gauthier (Yves): Ah! Je ne vais pas commencer à faire
des distinctions...
M. Bourbeau: Ce ne sont pas des dommages corporels, je veux dire
des dommages physiques plutôt.
M. Gauthier (Yves): Je dis que c'était mon opinion; ce que
je trouve le plus drôle dans tout cela, c'est que, parmi ces avocats qui
étaient contre moi ou pour moi, au moins trois m'avaient dit: Hé!
le gros, n'essaie pas de facturer des dommages indirects. Pour autant que
j'étais concerné, les 32 000 000 $ représentaient des
dommages indirects. Il paraît qu'ici, à la commission, on a dit
que c'étaient des dommages directs, mais je ne le sais pas. Pour autant
que j'étais concerné, les assurances avaient payé, cela
finissait là. Il y a surtout le point de vue pratique; même si le
syndicat avait perdu, il n'avait pas une "maudite" cenne. Les Américains
en avaient, d'accord, mais essayez de les rejoindre. Mettez-vous bien dans la
tête que ces gars -je ne parle pas contre eux - les Américains
sont tous ensemble à la même place; ils se voient et, même
plus, je pense que - je ne suis pas sûr de ce que j'avance - Fanning
était aussi l'avocat des ascenseurs. Il y avait un cas, quand j'ai
rencontré un avocat, où il était aussi l'avocat de l'autre
syndicat.
Les discussions, pour autant qu'elles concernent la Baie-James, ont
toujours été
bien courtes et je ne voulais pas avoir de papier sur cela et de
règlement, parce que je n'ai jamais cru à l'affaire; pour moi,
cela ne valait pas cinq cents.
M. Bourbeau: Cela ne valait pas cinq cents pour qui?
M. Gauthier (Yves): Non, cela ne valait pas cinq cents, c'est mon
opinion; excusez-moi, mais c'est cela.
M. Bourbeau: Oui, mais pour qui cela ne valait pas cinq
cents?
M. Gauthier (Yves): De poursuivre?
M. Bourbeau: À l'égard de qui, cela ne valait pas
cinq cents?
M. Gauthier (Yves): Eh bien, la SEBJ n'encaisserait jamais un
cent.
M. Bourbeau: La SEBJ. Tantôt, vous avez dit que le
gouvernement n'avait pas une bonne cause. Dans votre esprit, est-ce le
gouvernement qui poursuivait ou si c'était la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Non, j'ai dit: le gouvernement, quel qu'il
soit. En fin de compte, cette cause remontait au temps de M. Bourassa. Alors,
que ce soit sous n'importe quel gouvernement, elle n'était pas bonne.
C'est toujours mon opinion. Écoutez, je ne suis pas avocat et...
M. Bourbeau: Non, mais vous connaissez quand même le
dossier. Vous parliez de lien de droit, etc.
M. Gauthier (Yves): Oui, mais, d'après moi, cela ne valait
rien...
M. Bourbeau: Oui, cela vous l'avez dit...
M. Gauthier (Yves): Même si vous me le demandiez pendant
dix heures, je vais vous dire mon opinion: la cause n'était pas
bonne.
M. Bourbeau: Je ne vous demande rien. C'est vous qui le
dites.
M. Gauthier (Yves): Je vous le dis.
M. Bourbeau: Bon. Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'il
y a des avocats qui vous ont dit: N'essayez pas de percevoir des dommages
indirects. Qui sont les avocats qui vous ont dit cela?
M. Gauthier (Yves): Me Aquin m'a dit cela. Mais pas dans cette
cause-là. Dans d'autres causes...
M. Bourbeau: Bien, non. Vous avez dit...
M. Gauthier (Yves): Me Aquin est un ami. Me Beaulé, je le
connais. Je ne peux pas dire que c'est un ami, mais je le connais. Mais Me
Aquin m'a dit cela souvent parce que je le voyais souvent. Je le connais depuis
les élections, depuis le temps du Parti libéral.
M. Bourbeau: Me Aquin vous a dit de ne pas essayer de percevoir
les dommages indirects?
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: Mais, est-ce que vous parlez toujours de la
poursuite de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Non, pas dans cette cause-là. Je vous
dis que c'est dans d'autres cas. Me Aquin, je le connaissais. J'ai
déjà voulu prendre une action contre quelqu'un et il m'a dit: Le
gros, tu perds ton temps, ce sont des dommages indirects. Attends qu'il ait
subi le dommage. C'est très clair.
M. Bourbeau: Me Gauthier, je dois avouer que je ne saisis pas
très bien ce que vous me dites. Tout à l'heure, on parlait -vous
m'avez parlé plutôt - du montant de 1 000 000 $, ou à peu
près, que les assurances ont payé pour les dommages physiques
à la Baie-James.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Vous avez ajouté: Pour les dommages
indirects, il y a deux ou trois avocats qui m'ont dit: N'essaie pas de les
percevoir.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: On parlait toujours de la cause de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Jutras: Je m'excuse, M. le Président, j'ai une
objection à formuler. C'est M. le député qui a
parlé de dommages physiques. Le témoin n'a jamais parlé de
dommages physiques.
M. Lalonde: De dommages indirects, oui.
M. Jutras: Et au chapitre des assurances - on parle des
assurances - il serait important de savoir si ce sont les assureurs de la SEBJ
ou les assureurs du syndicat.
M. Bourbeau: Écoutez, il a parlé de 1 000 000 $, si
j'ai bien compris. Est-ce que
vous parlez de la somme de 1 000 000 $ que les assureurs de la SEBJ ont
payé à la SEBJ pour les dommages physiques causés à
la Baie-James?
M. Gauthier (Yves): Oui, il y a une somme de 1 000 000 $ qui a
été versée.
M. Bourbeau: Donc, on parle de la même chose.
M. Gauthier (Yves): Oui, mais quand je dis que les avocats m'ont
dit de ne pas essayer de percevoir des dommages indirects, ce n'est pas dans la
cause de la Baie-James.
M. Bourbeau: Ah non?
M. Gauthier (Yves): Ce n'est pas de cela du tout que je vous
parle, M. le Président.
M. Bourbeau: Ah bon. Vous m'excuserez. J'ai...
M. Gauthier (Yves): Ce que je vous dis, c'est que je connais M.
Aquin depuis longtemps et que, lorsque j'ai déjà voulu poursuivre
quelqu'un, il m'a dit: Ce sont des dommages indirects, tu ne peux pas
poursuivre. Attends d'avoir subi ta perte. Tu viendras me voir
après.
M. Bourbeau: Bon, alors, si vous le voulez, on va revenir
à Me Michel Jasmin et à vos rencontres avec lui à la fin
de l'été 1978, alors que vous étiez président du
syndicat, le local 791, et qu'il était votre avocat. Est-ce que vous
avez discuté avec Me Jasmin des mesures à prendre pour assurer la
défense du local 791?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président, je n'ai jamais
parlé à Me Jasmin des mesures à prendre pour nous
défendre dans cette cause. Je vous le répète - je n'ai pas
de complexe en disant cela - je suis notaire, je ne suis pas avocat. Et je ne
vois pas, en conscience, pourquoi j'aurais dit à ce gars-là quoi
faire. Tout ce que je voulais, c'était ne pas avoir de problème.
Je voulais qu'il gagne sa cause, c'est bien évident. Pour lui, ce devait
aussi être la cause du siècle. Alors, il avait
intérêt à gagner. Mais, je n'ai jamais vu de papiers disant
qu'on réglait pour tant ou qu'on faisait telle proposition. Je n'ai
jamais vu cela. Je ne voulais pas les voir. Et, le 6 février, quand il
est venu me voir avec son argumentation - qu'il s'en allait peut-être
montrer à la SEBJ, ou en cour, ou à une réunion quelconque
- j'ai toujours eu l'impression qu'il venait pratiquer avec moi. Il venait me
dire ce qu'il était pour dire. Écoutez, les papiers d'avocats ou
les règlements, dans mon esprit, mon opinion est bien claire: c'est
zéro. Même si vous me le demandiez pendant dix heures, je ne vois
pas pourquoi il y avait une action. C'est aussi simple que cela. Je comprends
que cela ne fait l'affaire de personne, mais c'était mon idée.
C'est mon opinion et je ne veux pas dire que c'était la meilleure non
plus.
M. Bourbeau: Effectivement, vous êtes ici pour donner votre
opinion...
M. Gauthier (Yves): Oui, oui. M. Bourbeau: ...c'est bien
sûr.
M. Gauthier (Yves): C'est cela. Je ne veux pas essayer de
convaincre quiconque. Je vous dis ce que je sais.
M. Bourbeau: On saura à la fin de votre témoignage
si vous nous avez convaincus ou non. Personnellement, sur la poursuite de la
SEBJ contre le local, le syndicat dont vous étiez le président,
quelle était votre attitude comme président du syndicat? (12 h
15)
M. Gauthier (Yves): Mon attitude était la suivante: II n'y
a rien là. On n'est pas responsable. C'est bien simple.
M. Bourbeau: Vous aviez quand même une poursuite de 31 000
000 $ sur le dos.
M. Gauthier (Yves): Je comprends que j'avais une poursuite de 31
000 000 $ sur le dos, mais j'étais convaincu qu'on n'avait pas affaire
là-dedans. Ce n'est pas nous qui avions autorisé le saccage de la
Baie-James.
M. Bourbeau: Oui, mais vous étiez là-dedans, quand
même.
M. Gauthier (Yves): Je comprends que j'étais
là-dedans, mais je me rendais à l'évidence. Les gars
étaient tous en prison. Les gars qui étaient dans
l'exécutif du local 791 n'avaient pas participé au saccage. Je ne
me souviens pas des noms, mais je sais qu'à une réunion du
conseil, les gars avaient été surpris. Ils disaient qu'ils
n'avaient jamais autorisé le saccage. Ils ne savaient pas pourquoi
c'était arrivé. Ils perdaient des jobs avec cela. Ce
n'était pas à leur avantage que cela ait été
fait.
M. Bourbeau: Oui, mais oublions les gens qui étaient en
prison et qui ont fait le saccage. C'était en 1974. En 1978, vous dites
que vous n'aviez pas affaire là-dedans. Mais, quand quelqu'un est
poursuivi en justice...
M. Gauthier (Yves): II se défend.
M. Bourbeau: Même s'il se dit: Je n'ai pas affaire
là-dedans, il a quand même l'action sur le dos. Il faut qu'il
fasse quelque
chose.
M. Gauthier (Yves): Certainement! Certainement! Il se
défend et c'est ce que M. Jasmin faisait. Et ce n'est pas moi qui lui
disais quoi faire.
M. Bourbeau: Bien non. Je ne prétends pas que vous lui
disiez quoi faire. On ne dit jamais quoi faire à des avocats.
M. Gauthier (Yves): Non, certain! Cela, je le sais.
M. Bourbeau: Mais, sans lui donner des instructions, est-ce que
vous aviez des conversations avec lui au sujet de cette poursuite importante
contre votre syndicat, dont vous étiez le président?
M. Gauthier (Yves): Je n'avais pas de discussions bien
importantes avec lui, M. le Président. Qu'est-ce que vous voulez que je
vous dise? Pour autant que je suis concerné, la cause ne valait pas cinq
cents, point. Lui, cela l'énervait, par exemple, M. Jasmin. Moi, j'ai
toujours pensé que j'étais un appui moral pour lui, parce qu'il
avait chaud et cela l'achalait. Mais moi, que voulez-vous? J'étais
peut-être innocent, mais, d'après moi, sa cause à lui
était bonne et celle de la SEBJ était moins bonne. M. Aquin ne
m'a jamais demandé si sa cause était bonne, par exemple. S'il me
l'avait demandé, je le lui aurais dit en "maudit". Mais, il ne m'en a
jamais parlé!
M. Bourbeau: Bon. Alors vous, comme président du syndicat,
quelles étaient les mesures que vous préconisiez pour vous
défendre contre la poursuite de 31 000 000 $?
M. Gauthier (Yves): M. le Président, je n'avais pas de
mesure. Je ne suis pas avocat. Je ne connais pas cela. Tout ce que je voulais,
c'était qu'on règle l'affaire.
M. Bourbeau: Vous vouliez que Me Jasmin règle
l'affaire?
M. Gauthier (Yves): Je voulais que Mes Jasmin et Beaulé
s'arrangent ensemble pour faire une bonne cause. C'est tout.
M. Bourbeau: Mais quand vous dites régler l'affaire...
M. Gauthier (Yves): Je ne vois pas pourquoi on irait payer
quelque chose là-dedans.
M. Bourbeau: Mais, vous vouliez qu'ils règlent l'affaire.
De quelle façon vouliez-vous qu'ils la règlent?
M. Gauthier (Yves): Non, non. Quand je parle de régler, M.
le Président, je ne parle pas de régler financièrement. Je
parle de régler en se débarrassant de la cause. Je ne voulais pas
de cause. Elle n'était pas bonne. Cela finissait là.
M. Bourbeau: Elle était bonne pour vous...
M. Gauthier (Yves): Elle était bonne pour moi, oui. Mais,
pour eux, elle ne l'était pas. Je n'avais pas tellement de conseils
à donner à mes avocats. C'était à eux de se
défendre.
M. Bourbeau: Votre local 791, dont vous étiez le
président du conseil, était un syndicat québécois.
Il était affilié à un syndicat américain.
Pouvez-vous nous dire lequel?
M. Gauthier (Yves): L'International... Attendez une minute, je
vais vous le sortir; c'est cela, je vais vous le dire: L'International Union of
Operating Engineers, à Washington.
M. Bourbeau: Très bien. Avez-vous eu des discussions avec
le syndicat américain concernant la poursuite de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Gauthier (Yves): Avec les avocats à Washington?
Une voix: Avec le syndicat américain?
M. Gauthier (Yves): Ah! Avec le syndicat américain. Avec
les avocats, oui. C'était M. Beaulé. C'est-à-dire que
c'était un autre, c'était un nommé Golt, et il est mort.
Alors, ils ont pris M. Beaulé. Avec M. Beaulé, oui, il est venu
en juillet.
M. Bourbeau: En juillet?
M. Gauthier (Yves): En juillet ou en août, mais pendant
l'été.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu des discussions avec les
Américains du syndicat américain lui-même?
M. Gauthier (Yves): Oui. Des discussions pour la cause ou pour
autre chose?
M. Bourbeau: Pour la cause.
M. Gauthier (Yves): Ah bon! Parce que je suis allé les
voir pour leur dire que la tutelle québécoise prévalait
sur la leur. Je leur ai dit cela. Quant à la cause, non. Sauf qu'ils
m'ont dit: On a une liste de noms, as-tu des noms à nous
référer? J'en ai référé quatre ou cinq.
M. Bourbeau: Qui avez-vous suggéré?
M. Gauthier (Yves): MM. Jasmin, Aquin. Je ne savais même
pas que M. Aquin était avocat de la SEBJ. J'ai suggéré M.
Aquin et je l'ai su après. MM. Beaulé, Cutler et un autre.
L'autre, je ne m'en souviens pas. C'était un gars qui avait
travaillé dans le local 144. Mais, je ne me souviens pas de son nom.
Dans ce temps-là, j'ai dû leur dire son nom, mais je ne m'en
souviens pas. Ils m'ont demandé cela en assemblée et
privément, ensuite, l'avocat me l'a redemandé.
M. Bourbeau: Alors, vous avez fourni une liste de noms d'avocats
à partir de laquelle ils pouvaient...
M. Gauthier (Yves): Ils disaient qu'ils avaient une liste de
noms, mais ils m'ont demandé si j'en avais d'autres. Alors, je leur ai
donné ceux-là.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y en avait plusieurs sur leur liste
à eux?
M. Gauthier (Yves): Je n'ai pas regardé et je ne leur ai
pas demandé cela.
M. Bourbeau: D'où tenaient-ils la liste qu'ils
possédaient?
M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée.
M. Bourbeau: Ils ne vous l'ont pas dit?
M. Gauthier (Yves): Je n'en ai aucune idée.
M. Duhaime: Quand vous avez soumis les noms des avocats dont vous
venez de faire la nomenclature, est-ce qu'ils vous ont demandé des
commentaires personnels sur chacun d'eux?
M. Gauthier (Yves): Oui, il est fort-Oui.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous donner un peu plus de
détails?
M. Gauthier (Yves): Non. Je me souviens de leur avoir dit
qu'Aquin était bon, que Beaulé était bon, mais que... Je
me souviens de leur avoir dit que Beaulé était bien "tough". Ce
n'était pas un de mes amis, mais c'était un bon avocat. S'ils
m'avaient demandé celui que je préférais, j'aurais
répondu: Aquin, parce que j'utilisais les services de Me Aquin
moi-même. Je ne savais même pas que Me Aquin était
mêlé à cela. Je l'ai su par la suite. C'est vrai, il
était rendu au bureau de Geoffrion et Prud'homme; c'est ce bureau qui
avait la cause, mais je ne le savais pas.
M. Bourbeau: II n'était donc pas question de prendre
celui-là?
M. Gauthier (Yves): On ne pouvait pas le prendre.
M. Bourbeau: C'était l'avocat de l'autre partie.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Me Jasmin était déjà au
dossier?
M. Gauthier (Yves): II était déjà au
dossier, et j'ai cru comprendre qu'ils aimaient mieux avoir un autre avocat que
celui du syndicat québécois.
M. Bourbeau: Oui, parce que les intérêts
n'étaient pas les mêmes.
M. Gauthier (Yves): C'est ce que j'ai compris. D'ailleurs, je
leur ai dit, à un moment donné, qu'ils n'avaient peut-être
pas affaire à nous.
M. Bourbeau: II n'était donc pas question de prendre Me
Jasmin non plus, il avait des intérêts divergents.
M. Gauthier (Yves): Au moins, Me Jasmin connaissait la cause et
c'est pour cela que j'avais suggéré son nom.
M. Bourbeau: Me Cutler était également au dossier,
si je me souviens bien?
M. Gauthier (Yves): Me Cutler n'était pas dans... Il a
fait du travail pour les trois locaux. Il en a fait pour le 89, le 101 - lui et
son associé - et pour le 144. Me Cutler devait venir avec moi à
Washington - je ne me souviens plus si c'est pour le local 144 ou le 791 - et,
à la dernière minute, il n'est pas venu. Je sais cependant que
c'est lui qui a pris les procédures après cela dans un autre cas,
mais pas dans celui-là.
M. Bourbeau: Si on exclut Me Aquin, qui était pour la
partie qui poursuivait - il était donc incapable de prendre la cause -Me
Jasmin, qui avait des intérêts divergents puisqu'il
représentait un autre syndicat, et Me Cutler, il ne restait finalement
que Me Beaulé qui était admissible, si je comprends bien.
M. Gauthier (Yves): Non, vous comprenez mal, M. le
député.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le ministre.
M. Duhaime: C'est le meilleur exemple d'une question qui contient
des opinions de la part du député de Laporte. Cette question, de
la manière qu'elle est formulée, est irrecevable.
Le Président (M. Jolivet): Je demanderais au
député de Laporte de poser une autre question ou de reformuler sa
question pour la rendre recevable.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Me Gauthier, à
quelle date avez-vous soumis la liste de noms d'avocats au syndicat
américain?
M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas. Je suis allé
le voir au moins deux fois.
M. Bourbeau: À quelle époque y êtes-vous
allé?
M. Gauthier (Yves): À Washington? M. Bourbeau:
Oui.
Le Président (M. Jolivet): À quelle
époque?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Je regarde mes billets
d'avion. Sur certains, c'est écrit mars; j'y suis allé, comme je
vous le dis, deux ou trois fois. Je pense que je ne les ai plus. Je les ai
gardés longtemps, les billets d'avion, mais je les ai jetés.
M. Bourbeau: À quel moment les avez-vous jetés?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Dans ce temps-là,
quand j'ai demandé le remboursement de mon billet. J'ai demandé
le remboursement de l'un et, pour l'autre, je ne l'ai pas fait. Mais la date
exacte... Je me souviens du local... Parce qu'une fois, j'avais un manteau de
fourrure. Je pense que c'est plutôt le 144. Je ne connais pas la
date.
M. Bourbeau: Quand vous êtes allé à
Washington... Vous dites que vous y êtes allé deux fois...
M. Gauthier (Yves): Oui, deux et peut-être aussi trois,
parce que je n'y allais pas seulement pour le local 791.
M. Bourbeau: Au cours d'un de ces voyages à Washington,
vous avez soumis la liste de noms d'avocats pour remplacer Me Golt?
M. Gauthier (Yves): C'est Me "Galt", je pense. Il venait de
mourir. Il faudrait connaître la date à laquelle il est mort et
vous apprendriez la date à laquelle j'y suis allé.
M. Bourbeau: Vous y êtes allé à une
période rapprochée de la mort de Me Golt?
M. Gauthier (Yves): Oui, je pense... J'ai l'impression qu'il est
mort pendant les fêtes. J'ai dû y aller en mars. J'avais un billet
d'avion du mois de mars.
M. Bourbeau: Cela est possible puisque Me Beaulé a
été nommé en avril. C'est probablement en mars.
M. Gauthier (Yves): Je ne le savais pas. J'ai peut-être mon
billet, je vais regarder.
M. Bourbeau: Lors de vos rencontres à Washington, a-t-il
été question avec les avocats des syndicats américains de
la poursuite de la Société d'énergie de la Baie James?
M. Gauthier (Yves): Oui. C'est pour cela qu'ils m'ont
demandé de leur fournir un avocat.
M. Bourbeau: Bon. Est-ce qu'il a été question de la
cause elle-même?
M. Gauthier (Yves): Non. On était plusieurs, il y avait
autant de monde qu'ici autour de la table.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait d'autres personnes?
M. Gauthier (Yves): Je pense qu'une fois, il y avait un
Égyptien d'origine, c'était aussi un des tuteurs. Il y avait un
type du local, M. McBrearty. Il n'y en avait pas d'autres. On devait être
deux, McBrearty -cela me reviendra - et celui qui s'était occupé
de l'élection du 791.
M. Bourbeau: N'y avait-il pas un M. Turner?
M. Gauthier (Yves): Turner, peut-être, je ne le sais pas.
Je sais qu'il y avait M. Fanning, si c'est bien le local 791, il y avait M.
Woll. M. Turner, c'était peut-être le président du
syndicat.
M. Bourbeau: C'est cela.
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: II était là?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: II était le président du syndicat
international.
M. Gauthier (Yves): C'est cela, oui, M.
le Président.
M. Bourbeau: M. Turner, M. McBrearty et les deux avocats, Woll et
Fanning.
M. Gauthier (Yves): De mémoire, oui. Je lui ai
parlé à l'assemblée. Après cela, il m'a posé
des questions, ou M. Woll ou M. Fanning.
M. Bourbeau: Des questions?
M. Gauthier (Yves): II m'a demandé si on pouvait se fier
aux avocats que j'avais référés. Pour autant que je suis
concerné, oui.
M. Bourbeau: Vos autres voyages à Washington, est-ce
qu'ils ont été après le mois de mars ou avant?
M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression que cela a
été avant. Comme je vous le dis, pour le local 791, je crois y
avoir été deux fois et j'y suis allé une autre fois pour
le local 144.
M. Bourbeau: Après le mois de mars? M. Gauthier (Yves):
Pardon?
M. Bourbeau: Après le mois de mars 1978?
M. Gauthier (Yves): Non, c'est avant cela. Si j'avais
conservé mes billets d'avion... Il me semble que c'est en septembre.
Mais, après mars, j'ai l'impression que je n'y suis pas allé.
Avril, mai et juin, non. Comme je vous dis, ils sont venus à la fin
d'août, avant que je laisse mon association de notaires, et on est
allé voir le ministre Johnson. Pour moi, après, non.
M. Bourbeau: Qui vous accompagnait lors de votre voyage à
Washington?
M. Gauthier (Yves): Avez-vous la liste des types qui sont
nommés aux syndicats? Je vais m'en souvenir; tout à l'heure, je
vous le dirai. Il y avait un M. McBrearty.
M. Bourbeau: Non, mais des gens de Montréal.
M. Gauthier (Yves): Cela me reviendra, c'est un monsieur assez
gras et c'est lui qui s'était occupé de l'élection du
local 791. C'était un bon père de famille, il mettait toujours la
paix là-dedans. Il y avait M. McBrearty, on était deux.
M. Bourbeau: M. McBrearty, il faisait quoi?
M. Gauthier (Yves): J'ai l'impression qu'il était le
gérant ou l'ancien gérant. D'après moi, dans le fond, il
représentait les Américains.
M. Bourbeau: À Montréal?
M. Gauthier (Yves): Oui. D'ailleurs il est encore dans le
circuit. Ils se sont fondé une association à part, je crois.
M. Bourbeau: Quand vous avez recommandé Me Beaulé,
entre autres - je parle de lui - vous l'avez recommandé à cause
de votre connaissance personnelle de la capacité professionnelle de Me
Beaulé, n'est-ce pas?
M. Gauthier (Yves): Oui. Remarquez bien que j'ai dit que
c'était un bon avocat, mais que ce n'était pas un de mes
amis.
M. Bourbeau: Ah bon! Ce n'était pas un de vos amis.
M. Gauthier (Yves): C'est un ami, mais on a des
différences d'opinions sur certaines choses. Mais je sais que, comme
avocat, il est bon, je savais qu'ils ne se tromperaient pas avec lui ou avec Me
Aquin ou les autres que j'avais référés. Mais je ne l'ai
pas recommandé en tant qu'ami.
M. Bourbeau: Est-ce que Me Beaulé n'a pas une
spécialité comme avocat?
M. Gauthier (Yves): Je ne sais pas, je sais qu'il est bon. Je
sais que, quand c'est le temps de se défendre, il se défend, il
est mauvais.
M. Bourbeau: Oui, on a vu cela.
M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas recommandé comme un
expert. Ils m'ont demandé si je connaissais des gars en droit du
travail. J'ai dit: II y a Me Jasmin, Me Aquin, fait du droit du travail dans
les universités. Me Beaulé en avait fait mais pas plus que cela,
d'après moi.
M. Bourbeau: II avait fait quoi?
M. Gauthier (Yves): Des causes de relations de travail.
M. Bourbeau: N'est-il pas plutôt spécialisé
en droit de faillite? (12 h 30)
M. Gauthier (Yves): D'après moi, un avocat n'a pas de
spécialité. C'est comme les notaires, on n'est pas
spécialisé dans la deuxième hypothèque.
M. Bourbeau: Me Gauthier, je vais être obligé de
vous dire que je diffère d'opinion avec vous là-dessus.
M. Gauthier (Yves): D'accord, mais, d'après moi, Me
Rosaire Beaulé n'était pas plus spécialiste d'une affaire
que de l'autre. C'est un "tough". Que voulez-vous que je vous dise? Je pense
que vous en avez eu l'expérience. En tout cas, je n'aimerais pas l'avoir
contre moi.
M. Bourbeau: Mais, dans une cause aussi importante que 32 000 000
$, est-ce que, en tant que conseiller - puisque vous avez donné des
conseils - vous n'auriez pas jugé important de recommander quelqu'un qui
était spécialisé là-dedans plutôt que
spécialisé en rien?
M. Duhaime: M. le Président...
M. Gauthier (Yves): Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, monsieur, juste
un instant.
M. Gauthier (Yves): J'ai donné cinq noms qui
étaient bons dans le temps.
Le Président (M. Jolivet): Non, mais juste un instant.
Juste un instant. M. le député de Jonquière ou M. le
ministre? M. le député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
à moins que je ne me trompe royalement, le député de
Laporte pose une question sur les spécialisations ou les
spécialités des avocats. À ma connaissance, l'action a
été fondée sur les articles 253 et 254 du Code civil et on
appelle cela la responsabilité civile. Est-ce qu'il y aurait lieu
peut-être de poser une autre question au témoin à savoir si
ce n'était pas une cause de responsabilité, si ce
n'étaient pas les articles qui étaient en cause?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Laporte.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, c'est
qu'on laisse l'impression, depuis quelques minutes, que cette cause est
fondamentalement une cause de droit ouvrier, alors que c'est une cause de
responsabilité. Je le soumets respectueusement au député
de Laporte.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je pense que votre point
d'ordre était bien fait à ce moment. Vous avez fait votre point
d'ordre sur la question. Il s'agit maintenant que le député de
Laporte continue ses questions en tenant compte de ce point d'ordre. Je ne
demanderai pas à Me Gauthier de répondre à une question
qui pourrait être basée sur une opinion personnelle qu'il a d'une
personne, sauf que je dois tenir compte que, comme il a fait certaines
recommandations, il est logique qu'on pose certaines questions, mais en tenant
compte du mandat dans lequel il était déféré comme
personne.
M. Jutras: M. le Président, est-ce que votre invité
à la commission pourrait s'absenter quelques minutes pour satisfaire des
besoins personnels?
Le Président (M. Jolivet): Oui. Donc, suspension pour
quelques instants.
M. Gauthier (Yves): Ce ne sera pas long.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise de la séance à 12 h 37)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Je tiens à vous avertir que
nous allons terminer vers 13 heures et que nous allons reprendre, comme je le
disais ce matin, après la période des questions. Donc, au moment
où je suspendrai, à 13 heures, c'est pour reprendre lorsqu'on
aura une motion à l'Assemblée nationale, aux affaires du
jour.
M. le député de Laporte, veuillez continuer.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Me Gauthier,
après la nomination de Me Rosaire Beaulé comme procureur des
syndicats américains, avez-vous eu l'occasion de rencontrer Me
Beaulé pour discuter des problèmes communs du local 791 et des
syndicats américains face à la poursuite de 31 000 000 $ de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Gauthier (Yves): M. le Président, je l'ai
rencontré à la fin de juillet, en juillet ou août. Je ne
sais pas si c'était à mon bureau ou à la tutelle. Je sais
que ce n'était pas à son bureau, je ne suis jamais allé
à son bureau.
M. Bourbeau: Ces rencontres ont-elles duré longtemps?
M. Gauthier (Yves): Non. On a mangé une fois ou deux
ensemble aussi. Je pense qu'une fois Me Jasmin était aussi
présent.
M. Bourbeau: Avez-vous évoqué des moyens de
défense communs pour tous les défendeurs?
M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas évoqué de
moyens communs de défense. J'ai même l'impression qu'eux n'avaient
même pas les mêmes moyens de défense.
M. Bourbeau: Alors, de quoi avez-vous discuté au sujet de
la poursuite?
M. Gauthier (Yves): II discutait des témoins qu'il faisait
venir et que c'était pour être long. C'étaient des
discussions à bâtons rompus. Je ne peux pas dire qu'il disait: On
va s'enligner sur telle chose; moi, je vais parler, toi, tu ne parles pas, moi,
je fais la plaidoirie. Je sais qu'en définitive c'est ce qui est
arrivé; c'est seulement Beaulé qui parlait, j'ai l'impression,
mais je ne le sais pas.
M. Bourbeau: Me Beaulé parlait et...
M. Gauthier (Yves): Devant le juge Bisson, je n'y suis pas
allé, mais j'ai l'impression que c'était Beaulé qui
parlait.
M. Bourbeau: Parlez-vous toujours de l'été
1978?
M. Gauthier (Yves): Bien oui, je parle de l'été
1978. Non, non. Je dis que, par la suite, lorsque la cause est arrivée,
c'est Rosaire Beaulé qui parlait, j'en ai l'impression.
M. Bourbeau: Ma question était: Après la nomination
de Me Beaulé, il a été nommé en avril 1978, vous
étiez président du syndicat du local 791...
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: C'était votre union mère, le syndicat
américain.
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: Je vous ai demandé si vous aviez eu
l'occasion de rencontrer Me Beaulé pour en discuter.
M. Gauthier (Yves): Oui, j'ai eu l'occasion.
M. Bourbeau: Vous m'avez dit en juillet 1978.
M. Gauthier (Yves): En juillet, je l'ai rencontré, mais on
n'a pas adopté de stratégie, parce qu'il était toujours
convaincu que sa cause était bonne. C'est lui qui revenait toujours avec
une lettre - je n'ai pas cette lettre - disant que le local américain ne
savait même pas que Duhamel était son employé.
M. Bourbeau: À ce moment, Me Jasmin, qui assistait
à ces réunions...
M. Gauthier (Yves): II est venu une fois, oui.
M. Bourbeau: ...vous a-t-il dit qu'il était en faveur d'un
règlement de la cause?
M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'a pas dit cela.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il a été question d'un
règlement de la cause avec Me Jasmin?
M. Gauthier (Yves): Avec Me Jasmin et moi, jamais.
M. Bourbeau: Avec Me Beaulé?
M. Gauthier (Yves): Avec Beaulé non plus. Beaulé,
c'était clair, il voulait aller en cour. Il était sûr que
son affaire était bonne.
M. Bourbeau: Et Me Jasmin, lui?
M. Gauthier (Yves): Jasmin était sûr que son affaire
était bonne, mais c'est un gars qui cherchait à être
sécurisé; alors, il essayait de prendre tous les arguments
possibles. Mais, pour autant que je suis concerné, avec lui, je n'ai
jamais parlé de règlement. Pour autant que j'étais
concerné, c'était une piastre et même pas. Je m'excuse,
cela n'a peut-être pas d'affaire là-dedans, mais je trouve encore
bon que Jasmin ait obtenu une reconnaissance de culpabilité des gars. Je
ne suis pas fort en droit syndical, mais, d'après moi, c'était la
première fois que cela arrivait. Je pense que cela a été
une question de principe aussi, je ne suis pas sûr. Je sais que le
syndicat a reconnu être coupable. Pour moi, moralement, ce n'était
pas si pire. Quant à savoir: Est-ce qu'on fait ceci ou cela, est-ce
qu'on demande tel montant pour avoir tel montant ou quoi, cela ne
m'intéressait pas.
M. Bourbeau: Vous avez dit que Me Jasmin cherchait à
être sécurisé, je pense. Pouvez-vous nous dire exactement
ce dont il s'agissait?
M. Gauthier (Yves): Écoutez, il n'était tout de
même pas vieux et c'était, pour moi, la plus grosse cause qu'il
avait. Il cherchait des appuis. Il m'appelait souvent: Comment ça va? On
n'a jamais parlé de tactique ou de choses semblables. D'ailleurs, je
n'en aurais pas parlé. C'était bien simple, ce n'était
rien.
M. Bourbeau: En fait, il vous appelait parce que vous
étiez son client.
M. Gauthier (Yves): II avait été mon client; avant,
c'était mon client. Il avait même des cas que je lui donnais
pendant la tutelle.
M. Bourbeau: Au cours de l'été 1978, il
vous appelait pour discuter de la cause?
M. Gauthier (Yves): Pas seulement pour la Baie-James. Dans
l'été, la cause principale, c'étaient les cuisiniers.
M. Bourbeau: C'était quoi?
M. Gauthier (Yves): C'étaient les cuisiniers.
M. Bourbeau: II n'était pas question de la cause, à
ce moment-là?
M. Gauthier (Yves): II en a été question quand il
est venu avec Beaulé.
M. Bourbeau: Cela est à la fin d'août?
M. Gauthier (Yves): A la fin de juillet ou en août.
M. Bourbeau: Avant cette date, vous m'avez dit tantôt que
ce n'était pas une préoccupation.
M. Gauthier (Yves): Pas du tout.
M. Bourbeau: II n'en était pas question.
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Me Gauthier, vous dites qu'il n'en était pas
question. Il reste quand même qu'en juin 1978 vous avez signé un
rapport, en compagnie des deux autres tuteurs...
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: ...au ministre du Travail, Me Pierre-Marc Johnson,
dans lequel vous faites état de la situation qui prévalait au
local 791. À la page 27 du rapport que vous avez signé, vous
indiquez, et je cite ce que vous avez dit...
M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Pour que tout le monde comprenne, j'aimerais qu'on
ait en main ce rapport et qu'on puisse le faire voir à Me Gauthier pour
être en mesure de savoir de quoi l'on parle.
M. Bourbeau: Écoutez, je cite à même des
notes personnelles que j'ai.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Simplement pour le
besoin...
M. Duhaime: J'aimerais mieux voir le rapport.
Le Président (M. Jolivet): ...de l'invité, il est
quand même bon de connaître le rapport. Si vous l'avez et si vous
voulez nous le permettre, compte tenu du temps qui reste et que d'autres
personnes ont demandé la parole, on pourrait revenir après la
période de questions avec le document entre les mains, lui permettant de
vraiment voir de quoi il s'agit. Je pense qu'on l'a fait à plusieurs
occasions lorsqu'on parlait d'articles de journaux ou de choses semblables.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre et
les autres membres qu'on puisse avoir le rapport en question auquel se
réfère le député de Laporte. Est-ce que Me Jutras
pourrait - je ne sais pas si vous êtes en possession, encore, des
documents de la tutelle - avoir accès aux documents de la tutelle et
nous produire ce rapport cet après-midi?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Pour faciliter les choses, si le député
de Laporte a des notes personnelles référant à la page 27,
je tiens pour acquis qu'il l'a lu un jour ou l'autre, ce rapport. Si le Parti
libéral l'a, faites-le photocopier et vous nous le distribuerez. Cela va
être bien simple.
M. Lalonde: Sûrement que la meilleure preuve serait que le
témoin, qui a été président de la tutelle, produise
ce document qu'il a lui-même signé.
M. Duhaime: S'il le reconnaît, il va le confirmer. Il n'y a
pas de problème. (12 h 45)
M. Lalonde: II aurait été déposé
à l'Assemblée nationale, à ce qu'on me souffle à
l'oreille, sauf que le document physique auquel réfère le
député de Laporte est annoté et, naturellement, il peut
difficilement être produit ici. Alors, il faudrait peut-être le
faire produire par le témoin.
Le Président (M. Jolivet): Donc, si c'est possible de
l'avoir entre les mains d'ici 16 heures pour permettre... Me Gauthier.
M. Jutras: Pas de la part de Me Gauthier, parce que Me
Gauthier...
M. Gauthier (Yves): Je ne l'ai pas, moi.
M. Jutras: ...n'a plus aucune responsabilité à
l'intérieur de ce syndicat; donc, il n'a plus aucune communication.
Maintenant, si le document, comme vous le dites, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, a été produit
à l'Assemblée nationale, probablement que Me Gauthier pourrait le
reconnaître et le produire ainsi, si on le lui exhibe.
Le Président (M. Jolivet): Donc, pour les besoins de la
cause, permettant ainsi des questions qui sont plausibles, on pourrait faire en
sorte que le document puisse être recherché d'ici 16 heures et
qu'on puisse le produire à ce moment.
M. Lalonde: II a été déposé le 22
juin 1978 à l'Assemblée nationale. Alors, on peut le retrouver
dans les documents sessionnels.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on s'organisera pour
avoir les documents nécessaires.
M. Lalonde: Maintenant, le document qu'on a est annoté.
Donc, on peut difficilement...
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Si le
député de Laporte veut retenir ses questions pour
l'après-midi.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous voudriez que je passe
à d'autres questions. Est-ce que c'est cela?
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est cela, mais
celle-là, on peut la retenir pour cet après-midi.
M. Bourbeau: Très bien. Je vais passer à d'autres
questions. Me Gauthier, au moment où vous avez laissé vos
fonctions à la toute fin en tant que président du local 791 pour
devenir conseiller spécial auprès du premier ministre, quelle
était l'attitude du syndicat à l'endroit de la poursuite de la
SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Le syndicat québécois?
M. Bourbeau: Oui, le local 791.
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, moi. Pour autant qu'on
était concerné, nous n'avions pas d'affaire là-dedans,
nous n'étions coupables de rien.
M. Bourbeau: Oui, mais en tant que président du
syndicat...
M. Gauthier (Yves): C'est cela.
M. Bourbeau: ...quelle était l'attitude officielle du
syndicat?
M. Gauthier (Yves): Le syndicat niait toute
responsabilité.
M. Bourbeau: Est-ce que le syndicat se préparait à
aller se défendre en cour ou à négocier un abandon de la
cause?
M. Gauthier (Yves): Ah non! Il se préparait à aller
en cour.
M. Bourbeau: II se préparait à aller en cour.
Est-ce qu'il avait été question - je parle de la toute fin, avant
que vous arriviez au bureau du premier ministre - de la possibilité de
négocier un règlement hors cour ou un abandon de la
poursuite?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: II n'en a jamais été question avec
votre avocat, Me Jasmin?
M. Gauthier (Yves): Avec Me Jasmin, pas quand j'étais
là, bien après. Quand j'étais là, il n'était
pas question de règlement; ils se préparaient à leur
cause.
M. Bourbeau: À quel moment en a-t-il été
question avec Me Jasmin pour la première fois?
M. Gauthier (Yves): D'après moi, ce n'est pas avant la fin
de janvier.
Une voix: En quelle année?
M. Gauthier (Yves): En 1979.
M. Bourbeau: Est-ce que les négociations étaient
amorcées au moment de votre départ?
M. Gauthier (Yves): Non, comme je vous le dis, Me Jasmin et Me
Beaulé se préparaient à leur cause. Oui, c'était
inscrit, c'est vrai, avant que je sois là, mais je pense qu'ils
n'avaient pas reçu de date de la part du juge. Cette affaire
était en janvier.
M. Bourbeau: Est-ce que Me Jasmin vous a fait part, alors que
vous étiez encore président du syndicat, de l'opinion du bureau
du premier ministre au sujet de la cause?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: En aucune façon?
M. Gauthier (Yves): D'aucune façon.
M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez de
réviser mes notes...
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, d'accord.
M. Bourbeau: ...parce que vous m'avez fait faire
tantôt...
Le Président (M. Jolivet): C'est cela. Je comprends
très bien.
M. Bourbeau: ...des sauts dans le temps.
M. Duhaime: Vous êtes déstabilisé? Non?
M. Bourbeau: Déstabilisé, exactement.
M. Lalonde: Avez-vous besoin d'être
sécurisé?
M. Bourbeau: Non, pas du tout.
Me Gauthier, si vous voulez bien, nous allons maintenant passer à
la période qui commence avec votre nomination au bureau du premier
ministre à titre de conseiller spécial. Le 3 octobre 1978, soit
trois mois et demi après - je m'excuse, le 3 octobre 1978, c'est cela -
vous étiez nommé conseiller spécial auprès du
premier ministre; enfin, vous avez commencé à travailler au
bureau du premier ministre, d'après les documents qui nous ont
été remis. Deux jours auparavant, le conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie James avait
été élargi de cinq à onze membres et M. Claude
Laliberté avait été nommé
président-directeur général de la SEBJ. Est-ce que vous
connaissiez M. Claude Laliberté?
M. Gauthier (Yves): Non. Je l'avais entendu parler une fois,
à l'ouverture des Jeux Olympiques, à Terre des hommes. Attendez
une minute. Ah non. C'était au bal des Floralies. Je l'avais vu une
fois. Je savais qui il était. Je lui ai déjà donné
la main. Un point, c'est tout. Je ne le connaissais pas.
M. Bourbeau: En quelle année était-ce?
M. Gauthier (Yves): Eh bien, les Floralies, c'était en
1980, je crois. En 1980, les Floralies. Il était venu à une
réception.
M. Bourbeau: Donc, en octobre 1978, vous ne l'aviez jamais
vu?
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: Vous ne le connaissiez pas?
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: Vous ne l'aviez jamais rencontré?
M. Gauthier (Yves): Je l'ai peut-être rencontré par
hasard, mais je ne pouvais pas mettre un nom sur le portrait en disant:
Voilà, c'est Claude Laliberté. Je l'ai vu quand il a
parlé aux Floralies.
M. Bourbeau: Lors de votre arrivée au bureau du premier
ministre, qui avait charge du dossier de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Personne. Ce n'est pas dans le bureau du
premier ministre, cela.
M. Bourbeau: Personne ne suivait ce dossier-là?
M. Gauthier (Yves): Non. Il n'y a personne qui me l'a dit, en
tout cas.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez eu à travailler dans ce
dossier?
M. Gauthier (Yves): En tant que tuteur, oui.
M. Bourbeau: En tant que tuteur. Après le 3 octobre
1978?
M. Gauthier (Yves): Non, je n'ai pas travaillé dans ce
dossier.
M. Bourbeau: Est-ce que quelqu'un, au bureau du premier ministre,
après votre arrivée, a travaillé dans le dossier de la
SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: À votre connaissance, personne ne s'occupait
de ce dossier?
M. Gauthier (Yves): Non, pas à ma connaissance. Comme je
vous le dis, Jasmin était venu me voir et j'ai l'impression que
Jean-Roch avait reçu Me Beaulé. Mais personne ne s'occupait de ce
dossier.
M. Bourbeau: Quand vous dites Jean-Roch, vous faites
allusion...
M. Gauthier (Yves): À Jean-Roch Boivin.
M. Bourbeau: Me Jean-Roch Boivin?
M. Gauthier (Yves): Oui, mais je n'ai pas dit qu'il s'en
occupait. J'ai dit qu'il avait reçu Rosaire Beaulé.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il vous a parlé de cela?
M. Gauthier (Yves): Non, mais j'ai vu Rosaire passer.
M. Bourbeau: Vous avez vu Rosaire Beaulé passer?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Alors, vous saviez que Me Rosaire Beaulé
avait rencontré le chef de cabinet du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Rosaire, oui, je l'ai su. Je l'ai vu.
M. Bourbeau: C'était pour discuter de la cause?
M. Gauthier (Yves): Ah, je ne le sais pas.
M. Bourbeau: Est-ce que...
Le Président (M. Jolivet): M. le député...
D'accord, si vous ne le savez pas.
M. Gauthier (Yves): Excusez-moi. Je ne le sais pas, M. le
Président. Ce sont deux anciens...
Le Président (M. Jolivet): Non, mais, d'une façon
ou d'une autre, vous n'avez pas à connaître des choses dont vous
n'avez pas été témoin, non plus.
M. Gauthier (Yves): Ah, il passait et c'était tout.
M. Bourbeau: M. le Président, je soulignerai ceci: Moi, je
parlais de la cause et le témoin m'a dit: J'ai vu Me Beaulé.
Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.
M. Bourbeau: Alors, je conclus que, s'il parle de Me
Beaulé au moment où je lui parle de la cause, c'est qu'il croit,
lui, que Me Beaulé avait parlé de la cause.
Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion.
Ce n'est pas dans ce sens que je comprenais la question. Il aurait fallu la
poser correctement en demandant si, à sa connaissance, comme vous le
faites souvent entre avocats et vous, comme notaire, sans vouloir vous le dire
autrement. J'ai bien compris que, s'il en a eu connaissance, vous posez la
question. Mais s'il répond non, c'est non.
M. Bourbeau: Je suis bien d'accord, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Bourbeau: Est-ce Me Jean-Roch Boivin vous a parlé de la
cause de la SEBJ après votre arrivée au bureau du premier
ministre?
M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'en a pas parlé. La seule
allusion qu'il a faite est ce que je vous ai dit tantôt. Il m'a
demandé: Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? Quand on connaît Jean-Roch
Boivin, on sait ce que cela veut dire.
M. Bourbeau: Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Gauthier (Yves): Que je n'avais plus à me mêler
de cela, si je m'en étais mêlé. Parce qu'il avait vu - j'ai
l'impression - M. Jasmin entrer. Je ne vois pas autre chose. Il m'a posé
ainsi la question: Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? et il est parti. Cela n'a pas
été plus long que cela. Non, mais il faut se replacer dans le
contexte. Moi, M. Boivin, au moment où je suis entré là et
de là à ce que je parte en vacances, je ne l'ai pas vu. Il vient
à Montréal le lundi et le vendredi. Alors, je ne parle presque
pas à M. Boivin. Surtout que, dans ce temps-là, j'arrivais.
C'était presque à la fin d'octobre. Il est peut-être venu
cinq ou six fois et, quand il venait, il avait bien autre chose à faire
que de me parler. Mais je me souviens qu'il m'ait dit cela, juste en
passant.
M. Bourbeau: Alors, vous avez pris cela comme étant une
demande de faire quoi?
M. Gauthier (Yves): Bien, une demande de rester tranquille, de ne
pas pousser cela plus loin. Parce qu'il faut dire que moi, j'ai
été un an avec les syndicats. Il a bien fait de me le dire, au
fond. J'aurais peut-être eu des tendances, on ne sait pas...
M. Bourbeau: Des tendances...?
M. Gauthier (Yves): M. le Président, je m'excuse, mais il
me fait rire avec ses questions. Cela n'a aucun sens, mais je peux bien lui
répondre dans quel sens. Écoutez, quand vous êtes un an
avec des gars, vous subissez une certaine influence, veut, veut pas. Je
n'étais pas favorable au règlement de la cause; la cause ne
valait rien. Alors, si j'avais eu des moyens d'aider, j'aurais peut-être
aidé, mais ce n'était pas dans mon mandat. M. Boivin ne m'en a
pas parlé, sauf cela. M. Lévesque ne m'a jamais parlé de
cela. Moi, je ne lui en ai pas parlé. Pourquoi m'embarquer
là-dedans? Non.
Je voudrais bien que cela soit clair. Moi, des documents, des
règlements, des papiers, je n'en ai pas vu et je ne voulais surtout pas
en voir, parce que mon opinion était faite et elle faisait mon affaire.
Je n'allais pas commencer à chercher midi à quatorze heures pour
m'embarquer dans une cause. Comme je l'ai dit en cour, il y avait des avocats
qui étaient pas mal plus "smart" que moi. Je ne vois ce que j'aurais pu
faire là-dedans.
M. Bourbeau: En tant que conseiller...
M. Gauthier (Yves): Excusez, M. le député. Je dois
dire que, même si on m'avait demandé de m'en occuper, je pense que
j'aurais refusé. En conscience, je pense que j'aurais refusé
parce qu'on ne porte pas deux chapeaux.
M. Bourbeau: Vous dites que les avocats étaient plus
"smart" que vous, mais, en tant que conseiller du premier ministre, vous devez
être "smart" un peu.
M. Gauthier (Yves): Même à cela! Je ne dirai pas que
je suis un niaiseux, mais il y a des choses qui se font, M. le
député, -je pense que vous êtes en pratique et que vous le
savez - et il y a des choses qui ne se disent pas à un premier ministre.
Il y a des moments où on ne doit pas révéler des choses,
je ne m'en suis pas mêlé et je ne m'en serais pas
mêlé. C'est aussi simple que cela.
M. Bourbeau: Sauf que, lorsque Me Boivin vous a demandé si
vous étiez encore tuteur, vous avez compris?
M. Gauthier (Yves): Oui. J'ai compris qu'il aimerait
peut-être mieux que je ne reçoive pas Pierre, Jean, Jacques dans
mon bureau. Il n'y a que Me Jasmin qui est venu me voir, ce n'est pas
compliqué.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez suivi cette
directive-là, après?
M. Gauthier (Yves): Jasmin a continué à m'appeler
quand même. Il est venu une fois ou deux, je pense, après. Je
pense qu'on s'embarque dans toutes sortes d'affaires qui ne sont pas
pertinentes à l'affaire. Cela ne me fait rien de parler toute la
journée. Je vous avoue pour répondre à votre question que,
Me Boivin m'ayant dit cela, cela a peut-être ralenti mes ardeurs, mais
jamais je ne me serais mêlé de cela. Vous dites que la "job" de
conseiller spécial, c'est une responsabilité. C'est vrai que
c'est une responsabilité et je pense que je n'avais pas affaire,
même si je suis conseiller, à aller dire à M.
Lévesque: Réglez donc cette cause-là, ce sont mes anciens
"chums" et j'aimerais que vous arrangeriez cela. Je ne pense pas que ce soit
comme cela. Si vous le voyez comme cela, je m'excuse, mais vous vous
trompez.
M. Bourbeau: Je ne dis rien, je vous écoute.
M. Gauthier (Yves): Je ne le voyais pas comme cela. Je
m'excuse.
M. Bourbeau: Je ne tire pas de conclusion avant que votre
témoignage soit terminé.
M. Gauthier (Yves): D'accord, merci. M. Duhaime: C'est
nouveau!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député.
M. Bourbeau: Écoutez, moi...
M. Lalonde: C'est lui, le député de Rousseau, M.
Gauthier.
M. Gauthier (Yves): On me l'a montré. Il est venu me
voir.
Le Président (M. Jolivet): Je vais ajourner les travaux
jusqu'après la période de questions, donc jusqu'à 16
heures ou 16 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 16 h 47)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt
(Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau
(Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois),
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Perron
(Duplessis), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-
Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay),
Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé
(Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Tremblay (Chambly), Saintonge
(Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Au moment où nous nous sommes quittés ce midi, nous avions
Me Yves Gauthier comme témoin, qui était interrogé par le
député de Laporte. Je dois vous dire que nous devons terminer nos
travaux ce soir à 18 heures, pour les reprendre demain matin, à
10 heures, en vertu de la motion présentée à
l'Assemblée nationale.
J'aimerais vous faire mention que le document que nous avions
demandé vous sera distribué, c'est-à-dire le rapport
présenté à M. Pierre-Marc Johnson qui en a fait le
dépôt à l'Assemblée nationale du Québec.
La parole est donc au député de
Laporte, sur les questions qu'on avait laissées en suspens ce
matin.
Le rapport vous sera distribué.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais que le rapport
soit distribué, puisque j'ai l'intention de poser des questions
immédiatement au témoin sur le rapport de tutelle.
Le Président (M. Jolivet): Un document pourrait-il
être envoyé à Me Gauthier, s'il vous plaît,
immédiatement? Est-ce que vous l'avez eu, Me Gauthier? Il l'a. D'accord,
merci.
Allez, M. le député.
M. Bourbeau: Est-ce que les membres de la commission en ont une
copie aussi?
Le Président (M. Jolivet): On le distribue
actuellement.
M. Bourbeau: M. le Président, au mois de juin 1978, Me
Gauthier et les deux autres membres du conseil de tutelle ont signé un
rapport au ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, faisant état de
la situation qui prévalait au local 791 à ce moment, le local 791
étant le syndicat en tutelle. Le rapport traitait également de la
situation dans d'autres syndicats.
À la page 27 du rapport, Me Gauthier, vous indiquiez - et je vais
citer ce qui est indiqué au rapport - "Nous étions conscients -
évidemment, vous parlez des trois tuteurs -qu'une poursuite de 36 000
000 $ dirigée contre cette union - on parle du 791 - et l'union
mère - je présume que vous parliez du syndicat américain -
et que certains problèmes reliés à des "argents"
réclamés par l'International (per capita) risquaient de passer
avant le bien des membres et nous n'avons pas hésité à
intervenir." Me Gauthier, pouvez-vous nous dire à quelle date ce rapport
a été rédigé?
M. Gauthier (Yves): Je viens de trouver le nom du monsieur que je
cherchais ce matin, c'est M. Joseph Napier. Je vous avais dit que je vous le
dirais.
C'était à la fin de juin, on était allés
dans le Nord préparer cela. Ici, j'ai une note 22 juin, mais je ne le
pense pas parce qu'on était allés faire cela dans le Nord et il
ne faisait pas encore trop chaud. Pour moi, c'était plus tôt
peut-être en juin. Il fallait produire cela avant la fin de la session,
M. le Président, je me souviens. Il fallait faire vite. On était
allés dans le Nord préparer cela. Ce doit être inscrit
quelque part, c'est comme rien.
M. Laplante: C'est à la page 8.
M. Gauthier (Yves): C'est cela, c'était en juin.
M. Laplante: En juin 1978, il n'y a pas de date.
M. Gauthier (Yves): C'est cela. M. Bourbeau: À
quelle date...
M. Gauthier (Yves): C'était en juin, parce qu'il
commençait à faire chaud, mais pas tout à fait.
Une voix: C'est inscrit à la page 8.
M. Gauthier (Yves): "Situation en juin 1978; il est trop
tôt pour parler de résultats définitifs." C'est cela, c'est
en juin. Ici, j'ai une note, le 22 juin, mais cela doit être la date
à laquelle cela a été déposé, je suppose
bien.
Le Président (M. Jolivet): Oui c'est cela.
M. Gauthier (Yves): Votre manière de procéder, en
haut à droite? Cela a dû être déposé le 22
juin.
M. Lalonde: Est-ce que je peux vous aider, Me Gauthier?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Lalonde: II y a un document annexé. Non, cela ne vous
aidera pas du tout.
M. Gauthier (Yves): Qui parle du 14 avril?
M. Lalonde: II y a un document annexé qui parle du 21
février, mais...
M. Gauthier (Yves): Ah non, il faisait plus chaud que cela.
M. Lalonde: ...d'un autre côté, dans votre document,
vous parlez des 4 et 5 mars. C'est après les 4 et 5 mars?
M. Gauthier (Yves): Ah oui, c'était vers le mois de juin.
Il commençait à faire chaud.
M. Bourbeau: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Laporte.
M. Bourbeau: ...je pense qu'on pourrait se satisfaire en disant
que cela a été préparé en mai ou en juin. De toute
façon, cela a été...
M. Gauthier (Yves): Oui, en mai ou en juin.
M. Bourbeau: ...déposé à l'Assemblée
nationale le 22 juin.
M. Gauthier (Yves): C'est cela ici, oui.
M. Duhaime: M. Gauthier, pour vous faciliter les choses, à
la page 8, on parle explicitement de la situation en juin. Donc, cela...
M. Gauthier (Yves): C'était en juin.
M. Duhaime: ...n'a pas été rédigé au
mois de mai.
M. Gauthier (Yves): Non, non. Il commençait à faire
chaud.
M. Duhaime: C'était en juin. Bon! Il faisait chaud en
plus.
M. Gauthier (Yves): C'est vrai que les étés ne se
ressemblent pas.
M. Bourbeau: Même si le document n'est pas daté, on
peut conclure qu'il a été préparé au début
de juin 1978 et qu'il a été déposé à
l'Assemblée nationale le 22 juin 1978.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Bourbeau: D'accord. Ce matin dans votre témoignage au
sujet de la poursuite de la SEBJ contre le local 791 dont vous étiez le
président du conseil, vous nous avez dit que la poursuite de la
Société d'énergie de la Baie James ne constituait pas une
préoccupation pour le syndicat jusqu'au moment de votre départ au
début de septembre ou à la fin d'août. Comment pouvez-vous
concilier ces propos avec ce que vous avez écrit dans le rapport de
tutelle en juin, donc trois ou quatre mois auparavant, alors que vous dites que
la poursuite risquait de passer avant le bien de membres et que vous n'avez pas
hésité à intervenir? Je m'excuse. Je reprends les mots que
vous avez dit: "Nous étions conscients qu'une poursuite de 36 000 000 $
dirigée contre cette union et l'union mère", etc. Si vous
étiez conscients dès le mois de juin de la poursuite et que vous
n'avez pas hésité à intervenir, comment pouvez-vous dire
qu'à ce moment-là ce n'était pas une
préoccupation?
M. Gauthier (Yves): Quand on lit le texte, je pense qu'on dit:
"Les argents réclamés par l'International (per capita) risquaient
de passer avant le bien des membres". Dans le fond, l'action ne me
dérangeait pas, pour autant que je suis concerné. Ce qui me
dérangeait, c'était le per capita. C'est ce que cela dit ici: le
per capita. C'est pour cela qu'on n'a pas hésité à
intervenir; ce n'était pas pour la cause. La cause, ce n'est rien
là-dedans, quand on se laisse; c'est le per capita. C'est là
qu'était le problème.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, je m'excuse. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je voudrais invoquer le règlement, parce que
le député de Laporte fait de l'interprétation à
partir d'une ligne de la page 27 pour tenter de la relier avec la
déclaration de Me Yves Gauthier ce matin. M. le Président, pour
la bonne compréhension, je vous suggérerais de demander au
témoin de lire, à partir de la page 26, tout ce qui concerne
l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, parce que,
d'après ma compréhension de cette lecture, divers
éléments sont évoqués et la fin du paragraphe:
"nous n'avons pas hésité à intervenir", cela concerne
l'ensemble du dossier du local 791...
Une voix: De la tutelle.
M. Duhaime: ...de la tutelle et non pas la poursuite. Je pense
qu'on s'embarque dans des scénarios d'interprétation et
d'opinion. Je préviens le député de Laporte qu'il court un
très grand danger, mais que je ne laisserai pas courir ce danger aux
invités qui sont devant la commission.
M. Lalonde: Non. Merci.
M. Duhaime: Je vais vous aider à rester dans le droit
chemin en vertu des règlements.
M. Lalonde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): Toutefois, dans ces
circonstances, s'il n'y a pas d'autres questions et qu'on laisse tomber
l'ensemble de ces questions - à moins que le député n'ait
d'autres questions - je pense qu'il est important qu'on situe l'ensemble de la
question non pas à partir d'un ou deux paragraphes, mais de l'ensemble.
Donc, il est évident qu'il faut regarder l'ensemble.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais revenir sur ce
sujet, nonobstant les menaces de danger dont fait état le ministre.
M. Duhaime: Ce ne sont pas des menaces; c'est seulement pour
être clair.
M. Bourbeau: Dans le rapport, à la page 27, je reprends le
texte: "Nous étions conscients - alors, les tuteurs étaient
conscients au mois de juin 1978 - qu'une poursuite de 36 000 000 $...
M. Duhaime: Vous l'avez lu tantôt.
M. Lalonde: Voulez-vous le laisser faire, s'il vous plaît?
C'est nous qui posons les questions?
M. Duhaime: Non, je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je pense
que la question était bien claire.
M. Lalonde: D'accord, qu'est-ce qu'il y a?
M. Duhaime: Cela fait deux fois qu'il lit cela.
Le Président (M. Jolivet): C'est que, pour lire...
M. Duhaime: Franchement, on n'est pas des niaiseux, tout le monde
comprend.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: Avez-vous peur des réponses?
Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense qu'il est
important pour notre invité d'être bien situé et qu'il ait
la chance de répondre aux questions. Il est évident que le texte
qui est là, si on le prend morceau par morceau, on risque de faire en
sorte de mal interpréter les questions.
M. Duhaime: Voilà!
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il est donc
important, pour bien le situer - je suis d'accord avec le ministre sur cette
question - de lui permettre de lire le texte au complet de façon que,
après cela, des questions puissent être posées.
M. Lalonde: Oui. Mais ce qu'il faut bien établir, M. le
Président, si vous le permettez, sur la question de
règlement...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...c'est qu'on ne s'oppose pas, bien au contraire,
à ce que le témoin lise le document qu'il a lui-même
composé il y a quelques années et qu'il en prenne connaissance
entièrement s'il le faut. Mais cela n'enlève pas le droit
à un député de poser une question sur un paragraphe en
particulier pour demander des précisions.
M. Duhaime: Sans faire d'interprétation, d'accord.
M. Lalonde: Sans faire d'interprétation! On lit ce qui est
écrit tout simplement.
M. Duhaime: Oui, mais il faut faire attention avec quoi on le
relie.
M. Bourbeau: M. le Président, si je me souviens
bien...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Laporte.
M. Bourbeau: ...le ministre n'a pas tout lu le rapport Cliche
quand il a lu des extraits à un moment donné. Il a choisi des
extraits.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Duhaime: Je n'ai pas fini, car je vais vous en lire
encore.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Duhaime: Page 28.
M. Lalonde: II s'est accroché à deux pages.
M. Bourbeau: M. le Président, si vous le voulez, je vais
lire les extraits qui me semblent pertinents et, si le témoin juge
à propos d'en lire d'autres, il le fera; le ministre pourra lire ce
qu'il veut aussi.
Je reviens à la page 27. "Nous les tuteurs - dont Me Gauthier -
nous étions conscients qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée
contre cette union et l'union mère, et que certains problèmes
reliés à des "argents" réclamés par l'International
(per capita) risquaient de passer avant le bien des membres et nous n'avons pas
hésité à intervenir." Est-ce que cela signifie que, et la
poursuite et les problèmes d'argent vous préoccupaient, ou si
seulement un des deux points vous préoccupait? (17 heures)
Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier.
M. Gauthier (Yves): Merci. On était conscient de la
poursuite, mais cela ne nous préoccupait pas. Ce qui nous
intéressait, c'était surtout le per capita, car les membres
auraient pu s'énerver un peu et ils auraient pu former un autre syndicat
qu'ils auraient appelé le 791-B, si vous voulez. À ce moment, il
n'y aurait pas eu de cotisation pour défendre les membres,
c'est-à-dire le respect des conventions collectives, les plans
d'assurance et toutes ces choses-là. Je pense que je réponds
à votre question. Dans le fond, il faut quand même être
pratique. Si j'avais eu peur, si le conseil avait eu peur je pense bien, si je
n'étais pas assez brillant, qu'un avocat ou les syndiqués s'en
seraient
rendu compte eux-mêmes et ils se seraient fondé un autre
syndicat. Ils auraient pris les montants et ils se seraient cotisés. Si
on avait perdu la cause, vous auriez saisi de l'air parce que cela aurait
été le local 791-B. Je n'ai jamais dit cela aux gars; je leur ai
dit de rester dans le syndicat et d'aller jusqu'au bout. C'est pourquoi les 36
000 000 $... D'après moi, ce n'est pas 36 000 000 $, mais c'est 36 000
000 $ qu'on a mis. C'était surtout la question du per capita qui nous
intéressait parce qu'il faut cotiser les gars pour offrir des services.
Quand on dit qu'on est intervenus, c'était pour protéger notre
per capita. C'est seulement cela.
M. Bourbeau: Maintenant, vous dites que la poursuite ne vous
préoccupait pas. Pourtant, vous avez jugé bon d'en parler dans
votre rapport.
M. Gauthier (Yves): J'ai jugé bon d'en parler.
M. Bourbeau: Si vous voulez prendre le rapport à la page
29, quatrième paragraphe, vous revenez encore sur la question de la
poursuite. Vous dites: "Toutefois, compte tenu des problèmes qui sont
des suites des événements regrettables survenus à la baie
James et qui ont amené des poursuites d'au-delà de 36 000 000
$..." Donc, cela vous préoccupait plus que vous ne le dites puisque vous
en parlez une deuxième fois.
M. Gauthier (Yves): M. le Président, je ne vois aucune
contradiction, je ne vois aucun ajout dedans; on a redit que c'était 36
000 000 $. On l'a peut-être dit dix fois dans le texte, mais ce
paragraphe dit que les gens ne voulaient pas qu'on s'en aille; les
syndiqués voulaient qu'on reste. Ce doit être cela qu'on dit dans
le paragraphe: "Nous croyons que la présence de la tutelle est encore
souhaitée et souhaitable." Je l'ai peut-être - je dis "je l'ai",
mais on l'a rédigé ensemble - dit ailleurs, 36 000 000 $;
même si vous dites que je l'ai mis 10 fois, cela ne change pas mon
opinion. Dans ce cas précis, ce qui nous intéressait,
c'était le per capita. Et c'est vrai que les syndiqués aimaient
autant nous voir là. Ils pensaient qu'on faisait bien notre travail, je
suppose; ils n'étaient pas pressés qu'on s'en aille. Les locaux
89 et 101 voulaient qu'on s'en aille et on est parti; mais, eux, cela semblait
faire leur affaire. C'est tout.
M. Bourbeau: Au paragraphe dont on parle, le dernier paragraphe
de la page 29, vous dites, en conclusion: Les syndiqués ne voulaient pas
qu'on s'en aille.
M. Gauthier (Yves): J'ai compris qu'on pouvait aider les
syndiqués.
M. Bourbeau: II y avait des raisons pour lesquelles ils ne
voulaient que vous vous en alliez. Ces raisons sont
énumérées dans le paragraphe et la première raison
qui est énumérée au début du paragraphe, c'est:
"Compte tenu des problèmes qui sont des suites des
événements regrettables survenus à la baie James et qui
ont amené des poursuites de l'ordre de 36 000 000 $."
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Donc, c'était une préoccupation,
puisque vous l'avez noté en premier lieu dans le paragraphe.
M. Gauthier (Yves): Oui, c'était une préoccupation;
c'était une... Comment dites-vous dans le texte? On en était
conscient, mais - je parle pour moi - cela ne me préoccupait pas plus
que cela. Je l'ai peut-être inscrit ailleurs aussi, qu'il y avait une
action de 36 000 000 $.
M. Bourbeau: Donc, cela préoccupait quelqu'un. Enfin, cela
préoccupait les tuteurs, puisque vous l'avez indiqué dans le
rapport.
M. Gauthier (Yves): Si vous voulez, je peux bien l'admettre,
c'est un jeu de mots; pour autant que je suis concerné il est là
et c'est tout. Cela me préoccupait, et après? Ce n'était
pas mon ouvrage, par exemple, ce n'est pas moi qui ai réglé cette
affaire. Je m'occupais du per capita, parce que cela, c'était important
pour mes syndiqués. Ils n'en avaient pas; s'ils s'en allaient dans un
autre syndicat, cela s'en allait tout à terre.
M. Bourbeau: M. Gauthier, voulez-vous prendre le rapport à
la dernière page? Je n'ai pas le numéro, c'est la page 6, mais je
ne sais pas comment cela fonctionne exactement. Ah bon! Je m'excuse. À
la page 32, au bas de la page, c'est indiqué: Le tout respectueusement
soumis, et il y a trois signatures. Pouvez-vous nous dire quelle est la
dernière des signatures?
M. Gauthier (Yves): M. le Président, je pense que je ne
répondrai même pas. Vous savez que c'est Yves Gauthier. Voyons
donc!
M. Bourbeau: Bon. C'est votre signature?
M. Gauthier (Yves): Bien oui, c'est ma signature. Elle n'a pas
été imitée.
M. Bourbeau: Bon. Très bien. C'est ce que je voulais
savoir, M. le Président. Si vous voulez, on va revenir à la page
27, au paragraphe que je vous ai cité tout à l'heure dans lequel
vous dites que vous n'avez pas hésité à intervenir. Est-ce
que vous pourriez nous dire auprès de qui ces interventions ont
été faites?
M. Gauthier (Yves): Auprès de l'International.
M. Bourbeau: Auprès de l'International.
M. Gauthier (Yves): C'était pour les élections et
les gens de Washington voulaient faire cela dans deux ans seulement, dans le
contexte.
M. Bourbeau: Bon. Alors, le paragraphe contient deux
préambules...
M. Gauthier (Yves): II en contient peut-être deux, je ne
l'ai pas analysé.
M. Bourbeau: ...la poursuite de 36 000 000 $ et les
problèmes d'argent avec l'International.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: À l'égard des deux problèmes,
vous dites que vous n'avez pas hésité à intervenir.
M. Gauthier (Yves): Ah non! Non. Écoutez, dites: a) 36 000
000 $; on était conscient qu'il y avait une poursuite. Ensuite, dites:
b) le per capita. Lisez-le comme cela.
M. Bourbeau: C'est cela. Alors, nous étions conscients a),
qu'une poursuite de 36 000 000 $ était dirigée contre cette union
et l'union mère et b), que certains problèmes reliés
à des sommes d'argent réclamées par l'International
risquaient de passer avant le bien des membres. Conclusion, nous n'avons pas
hésité à intervenir. Moi, je vous demande, à
l'égard de a), à l'égard de la poursuite: Quelles
interventions avez-vous faites?
M. Gauthier (Yves): Aucune.
M. Duhaime: Je m'excuse. Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Lalonde: C'est lui qui l'a demandé.
M. Duhaime: M. le Président, je vais m'opposer à
cette façon de procéder. Il y a un rapport qui est
déposé devant l'Assemblée nationale, daté du 22
juin. À partir de la page 26 jusqu'à la page 29 inclusivement,
qui comprend une conclusion, on parle de l'Union des opérateurs de
machinerie lourde du Québec, local 791. Ce que le député
de Laporte tente de faire - je comprends que cela fait partie de
l'échafaudage libéral -c'est de sortir un paragraphe...
Une voix: Hors texte.
M. Duhaime: ...ou deux lignes d'un paragraphe hors contexte et
d'essayer de l'accrocher à sa thèse. Vous me faites penser
à un tribunal de l'Inquisition qui a siégé en 1633 et qui
condamnait Galilée parce qu'il prétendait que la terre tournait
autour du soleil.
Une voix: Voyons donc!
M. Bourbeau: Bon! II recommence.
Des voix: Cela recommence.
M. Duhaime: Le pape en a encore parlé. Cela fait 350
ans...
Une voix: C'est niaiseuxl
M. Duhaime: ...et ils sont en train de reconnaître qu'ils
se sont trompés. Vous faites des interrogatoires...
M. Lalonde: M. le Président, vous laissez faire une
question de règlement pareille?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...
M. Duhaime: ...qui consistent en une opération que
j'appellerais de dépucelage -vous me pardonnerez l'expression -
et...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je voudrais
savoir...
M. Duhaime: ...on s'en va strictement nulle part.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je voudrais
seulement savoir quelle est votre question de règlement.
M. Duhaime: Vous n'êtes pas honnête envers M.
Gauthier.
Le Président (M. Jolivet): Quelle est votre question de
règlement, M. le ministre?
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président, la mauvaise humeur du ministre...
M. Duhaime: Je suis de bien bonne humeur, mais je vous trouve
"zozo".
Une voix: C'est vrai.
M. Lalonde: ...se manifeste régulièrement. On y est
habitué, car c'est devenu une réalité, pas
nécessaire, mais, apparemment, on ne peut pas s'en passer. Il reste
qu'il est tout à fait dans l'ordre des interrogatoires d'un
témoin, lorsqu'on réfère à un document qu'il a
lui-même produit, lorsque le document a été
préparé par le témoin avec d'autres, de lui demander de
lire un paragraphe, d'en tirer des conclusions et de donner des informations
sur ce paragraphe-là. C'est Me Gauthier, lui-même, qui disait:
Lisez-le comme cela, c'est a) pour les 36 000 000 $ et b) pour l'autre. Ce
à quoi le député s'est plié, mais au fond on peut
le lire tel quel et le paragraphe conclut: Nous n'avons pas
hésité à intervenir. Cela fait cinq ans. Il demande
quelles interventions vous avez faites.
Le paragraphe est divisé en deux. Il y a, tout d'abord, la
poursuite de 36 000 000 $ et, ensuite, le problème du per capita. Pour
la poursuite, quelles interventions avez-vous faites? Le témoin dira,
s'il en a fait: Oui. S'il n'en n'a pas fait, il dira: Non. Il n'y a pas de quoi
fouetter un chat et parler d'Inquisition. Je ne sais pas si le déjeuner
du ministre a été trop lourd, mais il faudrait, quand même,
qu'il n'impose pas à la commission parlementaire sa mauvaise humeur
constamment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis, vous avez une question de règlement?
M. Perron: Lorsqu'on regarde le texte à partir de la page
26 et qu'on le lit complètement jusqu'à la page 30 en haut, on
parle à ce moment-là du local 791. Le paragraphe qui a
été pris hors contexte par le député de Laporte, si
on ne lit pas le reste, tout le monde comprendra ce que lui comprend,
c'est-à-dire que c'est relié au saccage de la Baie-James et
à la poursuite. Ce n'est pas cela du tout. C'est relié...
Je m'excuse, M. le Président. J'étais sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Question de règlement, il n'est pas
témoin. S'il veut témoigner...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Lalonde: II y a quand même une limite. Ce n'est pas une
question de règlement, cela. Il donne son opinion.
M. Perron: C'est une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député. M. le député de Duplessis sur une question
de règlement.
M. Perron: Sur la question de règlement, quand on prend le
paragraphe mentionné par le député de Laporte: "Nous
étions conscients..." et qu'on ne regarde pas le reste du texte...
M. Lalonde: On l'a déposé. Il est
déposé.
M. Perron: Vous ne l'avez pas déposé. Je m'excuse,
M. le Président, mais je vais terminer ce que j'avais à dire. Si
on regarde le paragraphe qui suit, c'est dit: "Les élections eurent lieu
les 4 et 5 mars sous la présidence de M. Louis Laberge." Je m'excuse,
mais c'est relié à la tutelle et c'est relié aussi
à la question qui était soulevée quant au per capita.
Même si le chiffre de 36 000 000 $ est mentionné là...
M. Lalonde: II interprète. Ce n'est pas à lui de
témoigner.
M. Perron: ...ce n'est pas une intervention se rapportant...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Lalonde: S'il veut témoigner, qu'il aille à la
table.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
veux simplement vous dire que j'ai une certaine difficulté à
suivre la question de règlement que vous apportez jusqu'à
maintenant. Je lis le texte, moi aussi, et je pourrais en donner beaucoup
d'interprétations. Ce que je demande à Me Gauthier, c'est de
répondre aux questions. Je voudrais aussi que les questions ne portent
pas à interprétation parce qu'on va s'embarquer dans un joli
bateau. Je demande donc au député de lui poser des questions
claires pour qu'il puisse répondre de façon claire. Il est
évident que, sans vouloir - comme ancien professeur de français -
vous dire que nous sommes dans une analyse de texte, il est officiel qu'avec le
texte qui est écrit là on pourrait faire de très belles
analyses de texte. Je demande au député de Laporte de continuer
à poser des questions claires pour que la personne qui est devant nous
puisse répondre. Nous pourrions, de part et d'autre, faire toutes les
interprétations que nous voudrions, mais cela restera toujours des
questions d'opinion personnelle de chacun des membres de cette commission.
M. le député.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
j'aurais une suggestion.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est
uniquement une question de règlement, peut-être. Je
remarque, en regardant le document, que, de la page 22 à la page 26, les
tuteurs - sans numéroter un paragraphe - parlent de la Fraternité
interprovinciale des ouvriers en électricité, local 1677, FIPOE.
Je remarque que, de la page 26 à la page 30 exclusivement, à
partir du milieu de la page 26, l'Union des opérateurs de machinerie
lourde du Québec, local 791, et je remarque, de la page 30 à la
page 32, un troisième syndicat, Union internationale des
mécaniciens d'ascenseur. Il semble très clair que, dans l'esprit
de ceux qui ont rédigé ce rapport, ils ont voulu analyser,
émettre leurs commentaires de façon distincte sur ces trois
cas.
Je pense qu'il serait de bon aloi, de bonne guerre et équitable
que le député de Laporte puisse nous faire la lecture, puisqu'il
est à la page 27 de ce qui concerne l'Union des opérateurs, local
791.
M. Duhaime: On peut le demander à M. Gauthier.
M. Vaillancourt (Jonquière): À M. Gauthier ou
à n'importe quel bénévole qui voudrait lire cela. À
ce moment, je pense que cela pourrait nous permettre de mieux comprendre le
texte.
Le Président (M. Jolivet): Je pourrais régler le
problème et le lire moi-même.
M. Duhaime: Je pense que cela a du bon sens.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
J'ai une très belle voix, d'ailleurs. Simplement, pour
éviter une discussion à savoir qui fera la lecture ou pas, vous
allez me permettre de le lire? Tout le monde sera au courant.
M. Bourbeau: M. le Président, sur la question...
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bourbeau: ...je veux seulement dire ceci: Le rapport a 32
pages.
M. Duhaime: On ne va pas lire les 32 pages.
M. Bourbeau: II traite de différents problèmes dans
divers syndicats, puisque Me Gauthier était président de
plusieurs syndicats et membre de certains autres. Les syndicats autres que le
local 791 n'étaient pas concernés par la poursuite de la SEBJ.
Donc, il serait ridicule pour moi de vous demander d'en faire la lecture ou
même d'en parler; vous me déclareriez hors du sujet.
En ce qui concerne le local 791 dont on parle, à partir de la
page 26 jusqu'à la page 30, on traite de divers sujets qui sont
également en dehors de la poursuite. Pour abréger le temps de la
commission et pour que vous ne me déclariez pas hors du sujet, j'ai
choisi de concentrer mes questions sur la partie du rapport sur le local 791,
qui traite de la poursuite.
Mais M. le Président, si vous voulez décider de lire tout
le texte sur le local 791, à vous de le faire, mais je ne me tiens pas
responsable des délais additionnels que cela occasionnera.
Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi vous dire
simplement une chose, c'est que cela permettra tout de même de situer le
problème, lorsqu'on parle du local 791. Deuxièmement, il y a une
chose qui est certaine, c'est que cela arrêtera, de part et d'autre, des
questions de règlement puisque vos questions porteront sur ce que vous
voudrez. Mais, avant de faire quoi que ce soit, le député de
Marguerite-Bourgeoys m'a demandé la permission de poser une question.
(17 h 15)
M. Lalonde: C'est simplement une humble mise en garde. Si vous
établissez comme principe qu'on ne peut se référer
à aucun document, à un paragraphe sans en faire la lecture
complète, la prochaine fois que le ministre se référera au
rapport Cliche, on sera ici pour un bon bout de temps. Si je veux me
référer à une réponse que le témoin a
donnée ce matin, par exemple, dans la transcription que je suis en train
de relire et que vous m'obligez à relire toute la transcription de la
matinée, c'est un principe que je ne comprends pas d'être
obligé de relire tout. C'est au député de juger ce qui est
bon pour lui, pour les réponses qu'il veut avoir...
M. Duhaime: Non.
M. Lalonde: ...et si elles sont pertinentes. Les questions ne
sont pas choisies par le ministre. Il a eu l'occasion de poser des questions.
Il n'y a peut-être pas pensé à ce rapport, maintenant, il
l'a. S'il a des questions à poser sur le paragraphe
précédent et la page précédente, il reviendra,
c'est aussi simple que cela. M. le Président, je ne voudrais simplement
pas qu'on se couvre de ridicule.
Le Président (M. Jolivet): Me Jutras.
M. Jutras: M. le Président, les députés
peuvent peut-être continuer bien longtemps leur discussion
là-dessus, mais Me Gauthier est prêt à répondre. Il
a lu le texte. Qu'on lui demande simplement ce qu'il a voulu dire par cela et
il va vous le dire. Au lieu d'arriver avec une question suggestive en
disant qu'il a voulu dire telle et telle chose, qu'on lui demande ce
qu'il a voulu dire; il est ici pour répondre.
Le Président (M. Jolivet): Donc, cela réglerait
énormément notre problème et on n'aurait besoin de faire
aucune lecture. Me Gauthier.
M. Bourbeau: M. le Président, puis-je revenir à ma
question?
Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant. Oui,
oui, mais juste un instant. Me Gauthier.
M. Gauthier (Yves): Je ne veux pas mêler tout le monde et
me mêler aussi, mais, pour autant que je suis concerné...
Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier, compte tenu que la
question appartient au député de Laporte, je vais lui demander
qu'il la pose.
M. Gauthier (Yves): D'accord.
M. Bourbeau: Alors, au sujet du paragraphe où vous parlez,
à la page 27, de la poursuite...
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: ...de 36 000 000 $... Il est dit 36 000 000 $, nous
pensons que c'est 31 000 000 $. C'est pour cela que je vous ai demandé
ce matin s'il y avait d'autres poursuites.
M. Gauthier (Yves): Ah oui! Vous aviez lu cela?
M. Bourbeau: Alors, disons la poursuite de 36 000 000 $, puisque
c'est ce qui est inscrit ici.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Vous étiez conscients -vous le dites -
"qu'une poursuite de 36 000 000 $ dirigée contre cette union et l'union
mère, et que certains problèmes reliés à des
argents réclamés par l'International (per capita) risquaient de
passer avant le bien des membres et nous n'avons pas hésité
à intervenir." C'est ce que vous avez inscrit?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Les mots ont un sens et vous avez peut-être
une interprétation; ceux qui les ont entendus en ont peut-être une
autre. Est-ce que vous pourriez me dire quelles sont les interventions que vous
avez effectuées à la suite de cette constatation en ce qui
concerne la poursuite de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): En ce qui concerne la poursuite de la SEBJ,
rien. Pour les 36 000 000 $, on n'intervenait pas, on avait déjà
des avocats qui avaient cela entre les mains. C'était à eux de
défendre la cause. Quand je parle d'intervenir, c'était parce que
le local américain ne voulait pas faire des élections tout de
suite, il voulait les retarder. Quand on dit qu'on n'a pas hésité
à intervenir, c'était dans la tenue d'élections. Parce
qu'on a fait une élection. C'était M. Napier qui était le
président de cette élection, qui s'en est occupé avec M.
Laberge.
Mais, quand on dit: "Nous n'avons pas hésité à
intervenir", ce n'est pas dans l'affaire de la Baie-James, sur l'action. Cela
ne me regardait pas. Il y avait des avocats pour cela. Mais, pour l'affaire de
l'élection, je ne tenais pas à attendre deux ans pour faire une
élection - quand je dis "moi", c'est aussi M. Beaudry et les autres -
nous voulions faire au plus vite l'élection, nous voulions que les gars
dirigent leur affaire tout seuls. Vous savez, une tutelle, ce n'est pas
intéressant, quand tu as un tuteur sur le dos tout le temps. Un tuteur -
cela le dit -c'est jusqu'à 21 ans, mais, pour eux, c'est X temps, tant
qu'ils ne reprennent pas leur démocratie en main.
Nous, on voulait s'en aller. Si on avait attendu deux ans, cela veut
dire qu'on serait sortis de là en 1980, je le suppose bien. Il y a assez
que, dans le 144, ils ne sont pas encore sortis de la tutelle. Ce n'est pas
tellement drôle d'être soumis à un tuteur; que ce soit moi,
un autre ou Pierre, Jean, Jacques, on n'a pas toujours les mêmes
idées.
M. le Président, l'intervention dont on parle ici n'est pas dans
la poursuite, c'est dans l'affaire de l'élection. Les Américains
voulaient retarder l'élection. Ils avaient même fait des mises en
nomination et nous avons dit non. C'est évident qu'ils n'ont pas trop
aimé cela. On assumait notre rôle du mieux qu'on le pouvait. On a
dit qu'on ne faisait pas les élections dans deux ans, mais tout de
suite.
Pour ce qui est de la poursuite, il y avait des avocats là-dedans
et cela ne nous occupait pas. Bien, cela ne nous occupait pas, ce
n'était pas notre travail. On n'est pas intervenu. Est-ce que cela
répond à votre question?
M. Bourbeau: Enfin, disons que c'est une réponse.
M. Gauthier (Yves): C'est une réponse, c'est vrai.
M. Bourbeau: Est-ce que la poursuite comme telle
préoccupait le syndicat?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que cela fait plusieurs fois que vous avez...
M. Gauthier (Yves): J'ai déjà répondu
à cette question. Je ne réponds plus.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous n'avez pas
besoin de répondre, vous avez déjà répondu.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je vous avais demandé de
ne pas répéter les questions et c'est la troisième fois
qu'elle revient depuis le début.
M. Bourbeau: Je vous signale qu'il y a des faits nouveaux qui
sont intervenus depuis ce matin: le rapport de tutelle a été
déposé.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Depuis qu'on a
recommencé, à 16 h 50, c'est la troisième occasion que
vous avez de poser cette question. Cela suffit.
M. Duhaime: Manquez-vous de carburant?
M. Bourbeau: Les interventions que vous avez faites,
malgré l'interprétation qu'on peut en faire en lisant le texte,
vous dites qu'elles se sont limitées uniquement à la
deuxième partie du paragraphe?
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
M. Bourbeau: Est-ce que des tuteurs, autres que vous, auraient
fait des interventions au sujet de la poursuite de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Cela me surprendrait.
M. Bourbeau: Avez-vous eu connaissance qu'il y en a eu?
M. Gauthier (Yves): Non.
M. Bourbeau: Est-ce que des membres du syndicat en ont fait?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Voulez-vous dire du local
791?
M. Bourbeau: Oui.
M. Gauthier (Yves): Ils sont peut-être allés voir
des députés, je ne le sais pas. Il y avait à peu
près 13 000 membres. C'est bien clair que, peut-être, des membres
parmi eux, parce qu'ils n'étaient pas tous de la même faction...
Il y en a qui étaient pour un tel et d'autres pour un tel.
Peut-être que c'est arrivé, mais pas à ma connaissance. Je
pense que, si M. Beaudry l'avait su, il m'en aurait parlé.
M. Bourbeau: Me Gauthier, si vous voulez, nous allons revenir au
3 octobre, au moment où vous avez été nommé
conseiller spécial au bureau du premier ministre.
On avait parlé ce matin de M. Laliberté. Vous nous avez
dit, je crois, que vous ne le connaissiez pas ou que vous l'aviez
rencontré une seule fois.
M. Gauthier (Yves): Oui, M. le Président.
Une voix: Est-ce que ça va recommencer!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Lorsque vous êtes arrivé au bureau du
premier ministre, qui suivait le déroulement du dossier de la SEBJ au
bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
cette question a été posée ce matin.
M. Gauthier (Yves): M. le Président... Le
Président (M. Jolivet): Oui?
M. Gauthier (Yves): ...je dois répondre comme j'ai
répondu ce matin: II n'y avait personne.
Le Président (M. Jolivet): Exactement.
M. Gauthier (Yves): C'est la deuxième fois que la question
m'est posée.
Le Président (M. Jolivet): Exactement.
M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. Me
Gauthier, après votre départ du syndicat, vous avez
effectué une démarche auprès de Me André Gadbois,
avocat en chef à Hydro-Québec et responsable du dossier juridique
de la SEBJ. Lors de son témoignage devant cette commission la semaine
dernière, Me Gadbois nous a fait état de cette démarche
que vous aviez effectuée auprès de lui. Pourriez-vous nous dire
à quelle date cette démarche a été
effectuée?
M. Gauthier (Yves): Je vais vous répéter ce que
j'ai lu ce matin. Quant à Me Gadbois, je ne me souviens pas lui avoir
rendu visite au sujet de la Baie-James. M. Gadbois vous a dit que
j'étais allé le voir une dizaine de minutes. J'ai beau
chercher,
je ne trouve rien, sauf qu'à la fin de mars 1978 j'ai des clients
qui ont signé un prêt avec la SEBJ. J'ai parlé tantôt
avec l'avocat qui est ici dans la salle et il s'en souvient; c'était un
prêt de 9 000 000 $. J'étais allé faire signer M. Boyd
comme président de la SEBJ à son bureau, à
Hydro-Québec. La résolution de la SEBJ était signée
par Me Gadbois comme secrétaire intérimaire de la
société. Pour autant que cela me concerne, je ne me souviens pas
d'avoir vu Me Gadbois. C'est à peu près la seule fois que j'ai
regardé les débats à la télévision, parce
que chez nous, je ne les regarde pas pour certaines raisons et, au bureau, je
n'ai pas toujours le temps. Quand M. Gadbois a parlé, je l'ai
écouté, mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'il se souvienne
que j'étais là et qu'il ne se souvienne pas de l'autre gars qui
était censé être avec moi. Je ne me souviens pas de visite
faite à Me Gadbois.
Je m'excuse. C'est peut-être lorsque j'ai fait signer le contrat,
parce que j'ai parlé à Me Lussier tantôt et il m'a dit que,
à un moment donné, il était parti en vacances. J'ai
peut-être rencontré Me Gadbois à cette occasion, je ne le
sais pas. Mais, si j'ai été là dix minutes, comme il l'a
dit, je n'ai pas dû parler bien longtemps. Cela, je ne m'en souviens pas.
Depuis que cela m'a été dit, j'ai fouillé partout. Je me
suis dit: Je l'ai peut-être vu lorsque j'ai vu John Lussier;
j'étais allé faire signer un contrat. Je me souviens aussi
d'être allé faire signer un contrat au bureau de M. Boyd. C'est la
seule chose que je peux dire à ce sujet.
M. Bourbeau: M. Gadbois, lors de son témoignage, ici,
devant la commission - je pense qu'il est important de le citer, parce qu'il y
a ici une contradiction évidente entre deux témoignages; on n'a
pas eu de contradiction aussi flagrante que celle-là depuis le
début de la commission - nous a dit ceci...
M. Duhaime: M. le Président... M. Bourbeau:
Qu'est-ce qu'il y a?
M. Duhaime: ...je voudrais simplement faire remarquer au
député de Laporte que, si lui voit une contradiction
là-dedans, moi je ne la vois pas.
M. Bourbeau: Si vous voulez me laisser terminer, je vais vous
l'exposer.
M. Duhaime: II y a une personne qui raconte...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, on va
voir...
M. Duhaime: ...une conversation et l'autre ne s'en souvient pas.
Je ne vois pas ce qu'il y a de contradictoire là-dedans.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! On va d'abord
savoir ce qu'il en est. Il y a peut-être une question d'opinion qu'on
pourra respecter de part et d'autre. Allez, M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je vais lire, si vous
voulez, un passage au ruban 1105, page 1. Je ne sais pas si certains veulent y
référer, mais je vais en faire la lecture. La question provenait
de l'honorable ministre, M. Duhaime: "Est-ce que Me Yves Gauthier a
communiqué avec vous pour parler de cette affaire?"
Réponse de M. Gadbois: "Je crois, une fois. C'était
à l'automne. Je ne peux pas vous donner la date, mais c'était
à l'automne 1978. J'ai eu la visite à mon bureau d'un M. Yves
Gauthier qui s'est présenté comme ex-tuteur du syndicat 791 et
qui est venu me voir pour exposer les difficultés dans lesquelles se
trouvait le syndicat face à l'action qu'on avait instituée contre
eux. Il m'a fait valoir certains motifs pour lesquels il disait qu'il ne
convenait pas qu'Hydro continue sa poursuite contre le syndicat et je lui ai
dit que le conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James avait mandaté le bureau Geoffrion et
Prud'homme pour agir, prendre la poursuite, instituer l'action. Je lui ai
suggéré qu'il communique avec les avocats de Geoffrion et
Prud'homme. La visite a duré à peu près dix minutes et
elle n'avait pas été annoncée. Je me souviens vaguement
-de ce M. Gauthier qui était accompagné d'une autre personne que
je ne connaissais pas et que je ne pourrais nommer."
M. Duhaime l'a questionné: "Alors, vous situez cela
à l'automne 1978?" Réponse de M. Gadbois: "Oui. C'est
peut-être au mois d'octobre, novembre ou décembre, je ne sais pas.
La raison pour laquelle je dis ceci, c'est que c'était sur la fin de
l'après-midi, il faisait noir dehors et la lumière de mon bureau
était allumée. Alors, je ne peux vous dire autrement."
Me Gauthier, est-ce que cela vous rafraîchit la
mémoire?
M. Gauthier (Yves): J'ai entendu ce que vous venez de lire
à la télévision la journée où il a
témoigné. Cela n'a rien changé. Je ne me souviens pas de
l'avoir vu, M. le Président.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous avez dit...
M. Gauthier (Yves): II a dit: "Je me souviens vaguement." C'est
ce qu'il a dit, je crois.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, vous avez dit que M. Gadbois
avait fait allusion à quelqu'un qui vous accompagnait. Je crois que vous
avez dit l'autre type ou l'autre...
M. Gauthier (Yves): Je ne comprends pas ce qu'il dit.
Le Président (M. Jolivet): Je ne comprends pas la
question.
M. Gauthier (Yves): Moi, non plus.
M. Bourbeau: Ah bon. La question est...
M. Gauthier (Yves): Ce que j'ai dit, c'est que je ne me souvenais
pas de l'avoir vu. Je me souviens encore bien moins d'une deuxième
personne. Comment se fait-il que Gadbois ne s'en souvienne pas?
M. Bourbeau: C'est parce que tout à l'heure... Je n'ai pas
la transcription, j'aurais dû le noter. Me Gadbois ne dit pas que
c'était nécessairement un homme qui vous accompagnait, enfin, qui
vous aurait accompagné. Cela aurait pu être effectivement une
femme.
M. Gauthier (Yves): Cela me surprendrait. Je pense qu'il a dit
qu'il était chauve. Je m'excuse. Je me le rappelle, parce que ce sont
les seules fois où j'ai écouté. Je pense qu'il y en a qui
ont demandé s'il n'était pas chauve ou s'il ne fumait pas. J'ai
pensé qu'on voulait parler de M. Lévesque, mais je ne pense pas
que M. Lévesque attendrait dans l'antichambre quand je suis là.
Je ne le pense pas. (17 h 30)
M. Bourbeau: Si vous y étiez allé avec M.
Lévesque, je présume que vous vous en souviendriez.
M. Gauthier (Yves): Oui, monsieur. Si j'y étais
allé.
M. Bourbeau: Oui, oui, bien sûr.
M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas.
M. Bourbeau: Si jamais, au cours du témoignage, la
mémoire vous revient, peut-être que vous pourriez nous faire
signe.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: On pourra vous poser quelques questions que je
voulais vous poser.
J'aurais voulu vous demander qui vous accompagnait, mais vous
dites...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, ne
posez pas la question puisque la réponse n'est pas autre que celle
donnée.
M. Gauthier (Yves): ...aucune idée.
M. Bourbeau: Très bien. Le 3 novembre 1978, un mois
exactement après votre nomination au poste de conseiller spécial
auprès du premier ministre, vous avez communiqué avec M. Pierre
Laferrière, qui venait d'être nommé au conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James.
Depuis combien de temps connaissiez-vous M. Laferrière?
M. Gauthier (Yves): Je crois avoir dit ce matin que je le
connaissais depuis au moins 1970, sinon 1968, mais certainement 1970.
M. Bourbeau: Où l'aviez-vous connu?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas être déplaisant, mais cette question a
été posée ce matin. De mémoire, c'est
vous-même qui l'avez posée.
M. Bourbeau: Non, M. le Président, je ne me souviens pas
de cela.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député; comme je vous le dis, je ne veux pas être
désagréable, mais je m'en souviens, et je suis avec beaucoup
d'attention l'ensemble des travaux. Il peut m'échapper quelque chose,
mais je suis sûr que cela été posé.
M. Bourbeau: M. le Président, si cela a été
posé, je n'ai pas la transcription devant moi...
M. Perron: ...comme cela, vous ne reviendrez pas
là-dessus.
M. Bourbeau: ...je ne me souviens pas de les avoir
posées.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bourbeau: De toute façon, je ne crois pas que ce soit
inutile, M. le Président. Si j'ai des questions qui ont
été posées, je suis convaincu que je ne les pose pas
exactement comme elles l'ont été ce matin; en vertu de la
jurisprudence, on peut quand même poser deux fois la même question
si ce n'est pas de la même façon.
Le Président (M. Jolivet): Non, ce n'est pas tout à
fait cela. Vous n'avez pas complètement raison ni complètement
tort. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il ne faut pas poser la
question quatre fois de différentes façons pour avoir la
même réponse. Je pense que cela, je ne l'accepterai pas.
M. Bourbeau: M. le Président, au pire, ce serait deux fois
et non quatre fois.
M. Perron: ...interrogatoire.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc...
M. Lalonde: Merci, on ne le savait pas.
M. Perron: ...vous, cela ne me surprendrait pas que vous ne le
sachiez pas.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Duplessis.
M. Bourbeau: À quel endroit avez-vous connu M.
Laferrière et comment l'avez-vous connu?
M. Gauthier (Yves): Au MSA et, après, dans le Parti
québécois.
M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez me spécifier ce
qu'est le MSA?
M. Gauthier (Yves): Ah, non! Je ne suis pas pour commencer cela,
car on va en avoir pour trois heures. Mais cela ne me fait rien si vous voulez
savoir ce qu'est le Mouvement...
M. Lalonde: Non, non, mais le mot "MSA".
M. Gauthier (Yves): ...souveraineté-association,
franchement, là, vous êtes parfait.
M. Lalonde: Mouvement souveraineté-association.
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que c'est une
coopérative?
M. Gauthier (Yves): Excusez-moi, mais c'est une association qui
est devenue un parti politique et c'est là que j'ai rencontré M.
Pierre Laferrière.
M. Bourbeau: On me souligne que c'est le Mouvement
souveraineté-association.
Le Président (M. Jolivet): Me Gauthier avait
répondu cela, M. le député.
M. Bourbeau: Ah, bon!
Le Président (M. Jolivet): Le brouhaha a peut-être
empêché de l'entendre, mais il l'avait dit.
M. Bourbeau: D'accord, merci. Est-ce que vous avez
participé avec M. Laferrière à des activités de
nature politique?
M. Gauthier (Yves): C'est bien évident. M. Bourbeau:
Autres que dans le MSA?
M. Gauthier (Yves): Non, pas d'autres. Dans le Parti
québécois, oui.
M. Bourbeau: Ah! Dans le Parti québécois. Est-ce
que vous avez travaillé avec lui lors des campagnes électorales
pour le Parti québécois?
M. Gauthier (Yves): Peut-être en 1970. Je ne vois pas
où l'on s'en va, mais cela ne me fait rien, car j'aime cela parler
d'élections, allez-y. Je peux parler bien longtemps sur ce sujet. En
1970, j'étais organisateur du Parti québécois et j'avais
des assistants dont M. Pierre Laferrière. M. Pierre Laferrière
était un bon ami. Je peux parler longtemps.
M. Bourbeau: Je m'excuse, est-ce que vous pourriez parler un peu
plus fort, car je ne comprends pas les réponses que vous donnez?
M. Gauthier (Yves): Vous ne comprenez pas, je vais approcher le
micro.
M. Bourbeau: S'il vous plaît! Oui.
M. Gauthier (Yves): Attendez une minute. J'ai dit que M. Pierre
Laferrière a travaillé avec moi dans le Parti
québécois en 1970. En 1973 peut-être, mais pas en 1976, je
ne le pense pas. En 1970, c'est sûr, on a travaillé ensemble.
M. Bourbeau: Quel travail faisait-il?
M. Gauthier (Yves): Qu'est-ce qu'il faisait?
Une voix: La question...
M. Gauthier (Yves): Laissez faire, je vais lui répondre.
Il sait plus que moi ce que je faisais, parce qu'il me surveillait. En 1970,
c'est facile, j'étais l'organisateur en chef du parti, et tout le monde
sait cela. Si vous ne le savez pas, vous êtes en retard dans vos
leçons. J'aime autant vous le dire. Franchement!
M. Lalonde: M. le Président, quand même...
M. Bourbeau: Je regrette, M. Gauthier, mais moi et plusieurs
autres, on n'était pas au courant.
M. Lalonde: ...je voudrais, M. le Président, soulever une
question de règlement ici.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc.
M. Lalonde: Je veux simplement essayer de contribuer à ce
que les travaux de la commission se poursuivent d'une façon
ordonnée. Le témoin peut être amusant, faire rire et,
ensuite, avoir des réparties à l'égard du
député qui lui pose la question; il me semble que, si on
répondait justement...
M. Gauthier (Yves): Je trouve cela triste, si vous voulez le
savoir. Je ne trouve rien de drôle là-dedans; je trouve votre
attitude triste.
M. Lalonde: II y en a qui trouvent cela drôle.
M. Gauthier (Yves): Bien oui, mais moi, je ne trouve pas cela
drôle du tout. Si vous voulez continuer, je vais continuer. Cela ne me
fait rien, je suis ici pour vous autres, je ne suis pas ici pour moi. C'est
sûr que Pierre Laferrière travaillait avec moi. M. Lalonde a
peut-être déjà travaillé avec moi; M. Bourassa a
peut-être travaillé avec moi. Le trésorier du Parti
libéral a travaillé avec moi et le conseiller spécial.
L'avocat du parti a travaillé avec moi; ils ont tous travaillé
avec moi. Et après?
M. Bourbeau: Sauf que ceux-là n'étaient pas des
administrateurs de la SEBJ.
M. Gauthier (Yves): Pardon?
M. Bourbeau: Sauf que ceux-là n'étaient pas des
administrateurs de la Société d'énergie de la Baie
James.
M. Gauthier (Yves): Si vous vous voulez aller chercher une
nomination politique dans l'affaire de Laferrière, vous allez vous lever
de bonne heure en "maudit" parce que, chez nous, ce n'est pas fort. Vous allez
chercher longtemps.
M. Bourbeau: M. le Président, je m'excuse. Moi, je
n'étais pas au courant que vous étiez organisateur en chef du
Parti québécois, et c'est la raison pour laquelle j'ai
posé la question.
M. Lalonde: C'est vrai.
M. Gauthier (Yves): Ah! Cela me fait bien de la peine.
M. Bourbeau: Pardon?
M. Duhaime: II vous a dit que vous étiez en retard.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Lalonde: Écoutez, là, quand même!
Le Président (M. Jolivet): Cela m'aiderait beaucoup...
M. Lalonde: Si on veut que cela dure longtemps...
Le Président (M. Jolivet): ...si, de part et d'autre, Me
Gauthier, et j'allais dire, Me Bourbeau... Excusez, c'est le
député de Laporte, selon nos règles. S'il vous
plaît, on veut procéder le plus rapidement possible.
M. Gauthier (Yves): Allez!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, la petite histoire du Parti
québécois, je ne la connais pas toute. Je confesse que je
n'étais pas au courant.
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que la seule
question que je me pose, c'est la pertinence, eu égard au mandat qui
nous est accordé. C'est la seule question. J'ai cru comprendre que Me
Jutras voulait intervenir, mais que Me Gauthier lui a dit: Je suis prêt
à répondre. On pourrait longuement épiloguer sur
l'histoire, mais....
M. Jutras: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Me Jutras.
M. Jutras: ...vous avez un invité qui vous a dit qu'il
aimait parler de politique; il peut vous en entretenir bien longtemps, mais je
ne pense pas que ce soit pour cette raison que vous l'ayez invité.
Personnellement, je soulève une objection à ce genre de
questions, parce que je ne vois pas du tout la pertinence qu'il y a à
poser des questions sur des idées politiques que peut entretenir M.
Laferrière et les idées politiques que peuvent entretenir M.
Gauthier et d'autres personnes.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur cette objection, ce n'est pas pour s'amuser qu'on
pose des questions ici. Il n'y a aucun doute que la fonction de Me Gauthier est
politique et qu'il est de notre mandat d'examiner le rôle du premier
ministre et de son bureau dans une décision. Ce n'est,
évidemment, pas un acte religieux ni administratif; c'est fatalement
politique. Les idées politiques des témoins, ce n'est pas du tout
ce qu'on veut savoir; ce sont les relations politiques,
simplement, sans aller de l'avant et sans aucune imputation de motifs,
sans aucune suggestion à savoir que faire de la politique, c'est quelque
chose de dérogatoire, pas du tout. On serait tous ici autour de la table
les premiers en faute. Non, ce n'est pas cela. Il reste que cela peut
être pertinent de savoir la fonction politique de quelqu'un qui se
retrouve dans une décision politique.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, sur la question de
règlement, vous avez remarqué comme moi tantôt qu'à
plusieurs reprises le député de Laporte, en enchaînant ses
questions, ne se souvient même pas des questions qu'il a lui-même
posées il y a à peine quelques heures. Cela l'amène
à essayer de gagner du temps, peut-être, pour tenir jusqu'à
18 heures, je ne sais pas, mais, depuis une demi-heure, on perd notre temps.
Tout le monde sait que Me Yves Gauthier a été très actif
à l'intérieur du Parti libéral pendant de longues
années, qu'il est passé au MSA et au Parti
québécois.
Je pourrais citer le journal Le Droit, d'Ottawa, du samedi 7 mai 1983 au
soutien de la question de règlement que je fais et peut-être
m'adresser aussi à nos collègues de l'Opposition pour que les
travaux de cette commission s'accélèrent à
l'intérieur du mandat de la commisssion et sur des questions
pertinentes. Je citerai un article du journal Le Droit, il est de Mme Johane
Martin-Godbout: "Faisant que, trop soucieux...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Juste un
problème.
M. Lalonde: Je ne vois pas du tout que ce que le ministre est en
train de faire...
M. Bourbeau: Vous avez eu le droit de parole tantôt.
Le Président (M. Jolivet): J'ai un problème.
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement. On va
vous lire des articles de M. Falardeau, si vous voulez.
M. Bourbeau: On peut citer Lysiane Gagnon.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ne
commencez pas à entrer dans un débat qui va être une perte
de temps pour la commission. Vous avez une question de règlement, je
suis prêt à l'entendre. Mais je ne voudrais pas que ce soit un
long débat sur cette question, parce qu'on va se rendre à 18
heures et on n'aura pas plus avancé.
Une voix: On va aider le député de Laporte.
Le Président (M. Jolivet): Non, non. C'est pour m'aider,
moi. Je ne demande pas d'aider le député de Laporte; je demande
qu'on m'aide, moi.
Une voix: De toute façon, on n'a pas avancé...
M. Duhaime: Alors, M. le Président, je vais
compléter ma question de règlement, mais prenez ma parole que
j'aurai l'occasion de reparler de l'éditorial. D'ailleurs, son titre est
Le truc de Duplessis. Je pense que je vais en passer une copie au
député de Marguerite-Bourgeoys, pour agrémenter son
lunch.
M. Lalonde: Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Duhaime: Mais il est évident que, depuis une
demi-heure, depuis la reprise des travaux de la commission... Enfin, posez vos
questions, non pas à répétition, mais sur les choses qui
sont pertinentes. Que Me Gauthier ait été en politique, il vous
l'a dit, cela fait 40 ans qu'il est en politique. J'ai l'impression qu'il est
un des rares qui aient connu M. Duplessis et peut-être le régime
Taschereau, je ne le sais pas. Mais il faudrait que les questions portent sur
la question qui nous occupe et non pas sur tout autre sujet.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je vais demander au
député de Laporte, dont je suis assuré qu'il va m'accorder
la même collaboration que celle que m'accordait le député
de Gatineau la semaine dernière, de poser les questions qui sont
pertinentes au débat pour lequel nous sommes ici, c'est-à-dire le
mandat qui nous est accordé. Donc, M. le député de
Laporte, en tenant compte de cette demande.
M. Bourbeau: Bien, M. le Président. Alors, Me Gauthier,
où s'est déroulé l'entretien du 3 novembre avec M. Pierre
Laferrière?
M. Gauthier (Yves): L'entretien avec M. Laferrière?
M. Bourbeau: Oui.
M. Gauthier (Yves): Au Méridien.
M. Bourbeau: À l'hôtel Méridien?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: De Montréal?
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Qui avait convoqué la réunion?
M. Gauthier (Yves): Ce n'est pas "convoqué",
premièrement. M. Laferrière est une personne avec qui je vais
manger assez régulièrement. Enfin, régulièrement,
entendons-nous. Je vais manger assez souvent avec lui. Je l'ai invité
à dîner parce qu'on se rencontrait tout le temps comme cela pour
échanger des choses. Je ne l'ai pas convoqué. À part cela,
c'est lui qui a payé le dîner.
M. Bourbeau: Mais je crois que M. Laferrière nous a dit
que c'est vous qui l'aviez...
M. Gauthier (Yves): Non, non. C'est moi qui l'ai appelé.
Je ne dis pas que je ne l'ai pas appelé, mais je ne l'ai pas
convoqué, comme cela a été dit. Je l'ai appelé
parce qu'on s'appelle.
M. Bourbeau: Alors, quel était le but de la rencontre?
M. Gauthier (Yves): II n'y en avait pas, c'était pour
échanger. Je vous l'ai dit, il y a exactement dix secondes. On se
rencontrait à intervalles assez réguliers. On dînait, on
jasait. Il avait une compagnie, il avait des actions dans une compagnie
CÉGIR. On discutait de toutes sortes de choses.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez parlé du problème
de la poursuite de la SEBJ contre le local 791?
M. Gauthier (Yves): Je vais relire ce que je vous ai lu ce matin,
si vous le permettez. Il s'agissait d'un dîner entre amis. Nous avons
pris des nouvelles l'un de l'autre. Nous avons échangé sur divers
sujets. Je lui ai raconté mes aventures loufoques avec le syndicat.
Quant à la Baie-James, je lui ai mentionné que le syndicat
québécois poursuivi n'avait pas d'argent et que le syndicat
américain était étranger à cette affaire et qu'il
pourrait y avoir des risques de baisse de rendement au chantier qui aurait
été coûteuse pour la SEBJ. C'est ce que je vous ai lu, ce
matin, M. le Président. Cela n'a pas changé.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez tenté de convaincre M.
Laferrière de l'opportunité, pour lui, en tant qu'administrateur
de la SEBJ, d'abandonner la cause contre les syndicats?
M. Gauthier (Yves): Jamais! Quelqu'un qui connaît M.
Laferrière ne s'essaie pas à de pareilles choses, monsieur.
M. Bourbeau: Est-ce que vous me permettriez de vous citer...
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: ...un extrait de ce que M. Laferrière a dit
ici à cette commission?
M. Gauthier (Yves): Certainement.
M. Bourbeau: Au ruban 435, M. Laferrière a dit ceci: "J'ai
vu dans cette démarche, un peu comme cela - enfin, il parlait de votre
lunch - comme quelqu'un qui avait vécu récemment dans le monde
syndical, concerné par notre poursuite - la poursuite de la SEBJ - et
qui sortait les meilleurs arguments qu'il pouvait trouver pour que nous ne
poursuivions pas dans cette action." Vous avez donc discuté de la
cause?
M. Gauthier (Yves): On a discuté de la cause. Je vous ai
dit et je le relis: "J'ai mentionné que le syndicat
québécois poursuivi n'avait pas d'argent et que le syndicat
américain était étranger à cette affaire." C'est
cela que je lui ai dit.
M. Bourbeau: Les meilleurs arguments que vous sortiez pour que
l'action ne soit pas poursuivie étaient lesquels?
M. Gauthier (Yves): C'était cela, et il le savait aussi
bien que moi. Je pense bien lui avoir dit que les responsables étaient
en prison, que cela fonctionnait bien sur le chantier et que les assurances
avaient payé. Ma version ne peut pas changer tous les jours.
C'était cela à partir du commencement. Cela ne me fait rien de
répondre. Je ne veux pas être impoli, M. le député,
mais ma réponse sera la même parce que c'est cela, mon
idée. Je peux bien essayer de continuer, mais c'était cela.
M. Bourbeau: Vous étiez conscient que M. Laferrière
siégeait au conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James? (17 h 45)
M. Gauthier (Yves): Ah oui! Je connaissais au moins six ou sept
membres du conseil d'administration. J'aurais pu tous les appeler, si je
l'avais voulu, mais ils n'étaient pas mes "chums" plus qu'il ne faut. Je
connais M. Saulnier depuis 30 ans. J'avais vu M. Boyd à quelques
reprises à l'occasion de la signature de contrats. J'en connaissais
d'autres. J'avais déjà fait une interview avec le notaire
Gauvreau lorsque j'étais à la Chambre des notaires. J'en
connaissais au moins six. Je n'ai pas passé mon temps à les
appeler. Je n'avais pas affaire à les appeler. J'ai appelé
Laferrière parce qu'on mangeait ensemble. Je n'y vois rien, mais en tout
cas...
M. Bourbeau: Est-ce que M. Laferrière était au
courant que vous étiez conseiller spécial au bureau du premier
ministre?
M. Gauthier (Yves): Ah oui! D'ailleurs, il a dit dans son
témoignage qu'il en était bien conscient. Je venais d'être
nommé. On a été nommé ensemble, en même
temps, moi le 3 octobre et lui aussi, je crois.
M. Bourbeau: Lorsque vous avez discuté de la cause avec M.
Laferrière lors de cette réunion-là, puisque vous
étiez conseiller spécial au bureau du premier ministre, est-ce
que les intérêts de la SEBJ ont été défendus
par quelqu'un?
M. Gauthier (Yves): Je n'ai jamais mis en cause l'action. Tout ce
que je lui ai dit, c'est ce que je vous lis là. Il ne m'a pas
parlé de la SEBJ. Il ne m'a pas dit que sa cause était bonne,
rien de cela. Il m'a écouté. M. Laferrière n'est pas un
homme qui parle beaucoup, il vous écoute.
M. Bourbeau: C'est donc vous qui parliez?
M. Gauthier (Yves): D'habitude, je parle pas mal, je parle trop.
C'est ce que mon avocat me dit.
M. Bourbeau: Est-ce que M. Laferrière a défendu les
intérêts de la SEBJ dans votre discussion?
M. Gauthier (Yves): II venait d'entrer là. Je pense bien
qu'il n'avait pas commencé à être pris dans le bain de la
cause. Il était là depuis un mois. Il ne devait pas avoir eu
beaucoup de réunions, non plus. Je ne le sais pas et cela ne
m'intéresse pas plus que cela. Je ne l'appelais pas parce qu'il
était à la SEBJ; je l'appelais parce qu'il m'arrivait de manger
avec lui. C'est tout.
M. Jutras: M. le Président, je soulève une
objection parce que ce genre de questions laisse entendre que les
intérêts de la SEBJ étaient en péril lors de cette
rencontre privée. Il n'y a aucune espèce de preuve indiquant
cela, jusqu'à maintenant.
M. Lalonde: Sur l'objection, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...je pense bien que le député de
Laporte - si je me souviens bien de la première question - voulait
savoir si M. Laferrière avait pris la défense de la SEBJ, aurait
émis des arguments en faveur du maintien de la cause; c'est cela qu'il a
voulu dire.
M. Gauthier (Yves): Je peux répondre. C'était une
discussion à bâtons rompus. Il ne m'a pas dit que leur cause
était bonne. On n'a pas parlé de cela. Comme je vous l'ai dit,
nous avons parlé de syndicat, de toutes ces choses-là, mais on ne
s'est pas étendu sur cela. D'ailleurs, je vous répète que
M. Laferrière n'est pas un homme à qui on dit quoi faire. C'est
un homme assez intransigeant, c'est un homme de principe.
M. Bourbeau: Vous avez fait valoir les arguments que vous nous
avez exposés. Quelle a été la réaction de M.
Laferrière vis-à-vis de vos arguments, à vous?
M. Gauthier (Yves): Je pense que vous l'avez lu. Dans ses notes,
il vous a dit ses impressions. Référez-vous à son
témoignage.
M. Bourbeau: À votre souvenir, à vous?
M. Gauthier (Yves): Référez-vous au
témoignage, ce sera plus sûr. Cela va être lui qui le dit;
ce ne sera pas moi.
M. Bourbeau: Êtes-vous d'accord avec le témoignage
que M. Laferrière nous a fait ici? Vous l'avez entendu?
Le Président (M. Jolivet): Non. C'est une question
d'opinion, M. le député, et je ne vous accorde pas la
question.
M. Bourbeau: C'est lui qui réfère au
témoignage, M. le Président. C'est le témoin qui
réfère au témoignage. Il vient de me référer
spécifiquement au témoignage. Je pourrais reprendre toutes les
questions de M. Laferrière.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je ne crois pas que Me
Gauthier ait dit à aucun moment qu'il partageait la version des faits
qu'a relatés ici M. Pierre Laferrière. J'ai très bien
compris, cela vient d'arriver il y a quelques minutes à peine. Me
Gauthier a dit: Si vous voulez savoir le point de vue de M. Laferrière,
référez-vous à son témoignage. C'est ce que tout le
monde a compris.
La question qui est venue ensuite est irrecevable, M. le
Président. Le député de Laporte demande à Me
Gauthier de porter une opinion sur le témoignage qui a été
rendu devant la commission par M. Laferrière. Chaque fois qu'une
question en ce sens a été formulée à un
témoin, je m'y suis opposé et vous avez jugé, M. le
Président, que ce genre de question était irrecevable.
Le Président (M. Jolivet): Celle-ci aussi, je l'avais
jugée irrecevable. M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Quelles questions M. Laferrière vous a-t-il
posées au sujet de la cause?
M. Gauthier (Yves): Aucune. M. Bourbeau: Aucune question.
M. Gauthier (Yves): À mon souvenir. M. Bourbeau:
Pardon?
M. Gauthier (Yves): J'ai dit: À mon souvenir, il ne m'en a
posé aucune.
M. Bourbeau: Vous a-t-il dit que lui favorisait l'abandon de la
poursuite?
M. Gauthier (Yves): Non, il ne m'a rien dit. Je vous dis que sur
la SEBJ il devait peut-être se dire: Je vais me documenter avant de
parler. Mais il n'a pas parlé de cela. Il m'a écouté et
cela a fini là.
M. Bourbeau: Avez-vous mis le premier ministre, M.
Lévesque, au courant de cette démarche auprès de M.
Laferrière?
M. Gauthier (Yves): Non, voyons! Ce n'était pas une
démarche, premièrement; je l'ai rencontré pour
dîner; ce n'était pas une grosse démarche. Ce n'est pas une
démarche dans mon sens, en tout cas.
M. Bourbeau: Me Gauthier, est-il exact que, vers la fin de juin
1978, alors que vous étiez président du conseil d'administration
du local 791, vous avez communiqué par téléphone avec Me
Rosaire Beaulé, l'avocat des syndicats américains, afin de
solliciter une rencontre avec lui?
M. Gauthier (Yves): Non, ce n'est pas exact.
M. Bourbeau: Ce n'est pas exact. Est-ce que vous avez eu une
rencontre à cette période, fin juin ou début juillet 1978,
avec Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin?
M. Gauthier (Yves): À ce moment-là, on en a eu une,
mais ce n'est pas moi qui ai appelé Me Rosaire Beaulé.
M. Bourbeau: Vers quelle date a eu lieu cette rencontre?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. M. Bourbeau:
À peu près, l'époque?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, mais si je me
réfère à ce qu'il dit, ce serait en juin ou juillet.
M. Bourbeau: Vous souvenez-vous de la rencontre?
M. Gauthier (Yves): Pardon?
M. Bourbeau: Vous souvenez-vous d'avoir été
présent?
M. Gauthier (Yves): Je les ai vus, je sais que je les ai vus une
fois. C'est tout, je ne peux pas vous en dire plus. Mais ce n'est pas moi qui
ai appelé Me Rosaire Beaulé, j'en suis pas mal certain.
M. Bourbeau: Est-ce que vous vous souvenez spécifiquement
d'avoir eu cette rencontre à laquelle Me Beaulé a
référé?
M. Gauthier (Yves): Je ne me souviens pas d'une rencontre
spécifique; je me souviens de l'avoir vu une fois. Je l'ai dit ce matin,
je crois.
M. Bourbeau: Avec Me Jasmin?
M. Gauthier (Yves): Oui, Me Jasmin est venu une fois. On est
allés dîner.
M. Bourbeau: Ah bon! Donc, vous vous souvenez d'être
allé dîner?
M. Gauthier (Yves): Oui, oui. Je l'ai dit ce matin.
M. Bourbeau: Ah bon! D'accord.
M. Gauthier (Yves): J'y étais allé une fois avec M.
Rosaire Beaulé et M. Michel Jasmin.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait d'autres participants à
la rencontre?
M. Gauthier (Yves): Non, je ne m'en souviens pas. Je ne le pense
pas.
M. Bourbeau: Est-ce que je peux vous demander à quel
endroit vous êtes allés dîner?
M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas. C'était
peut-être à l'hôtel La Cité, sur Bleury,
peut-être. Il me semble que c'était là, mais je ne m'en
souviens pas.
M. Bourbeau: Vous étiez président du conseil du
local 791. Me Jasmin était votre avocat. Me Beaulé était
l'avocat de l'union mère, si on peut dire, des Américains.
M. Gauthier (Yves): Oui.
M. Bourbeau: Alors, les deux avocats qui étaient avec vous
étaient les avocats syndicaux des défendeurs dans la poursuite de
la SEBJ. Est-ce que les avocats ont préparé une stratégie
commune lors de cette
réunion?
M. Gauthier (Yves): Je crois que ce matin... Je peux le
répéter, il n'a jamais été question de
stratégie. De stratégie commune, non. J'ai l'impression que
chacun s'en allait de son côté. Mais, je l'ai dit ce matin, il
n'était pas question de dire: On va faire cela et, ensuite, on fera
telle étape.
M. Bourbeau: Quel était le but de la réunion,
alors?
M. Gauthier (Yves): C'était seulement pour faire le point.
Ils m'ont appelé.
M. Bourbeau: Le point?
M. Gauthier (Yves): Bien oui. Pour savoir où ils s'en
allaient dans leur action.
M. Bourbeau: Sur la poursuite?
M. Gauthier (Yves): Bien oui. J'ai bien l'impression que M.
Rosaire Beaulé était nouveau dans le dossier. Quand a-t-il
été nommé?
M. Bourbeau: Avril.
M. Gauthier (Yves): On l'a dit ce matin, en avril.
M. Bourbeau: Avril, oui.
M. Gauthier (Yves): Alors, le temps d'aller voir ses clients et
tout cela, il a voulu me rencontrer, ainsi que M. Jasmin.
M. Bourbeau: Alors, vous avez discuté de la poursuite?
M. Gauthier (Yves): On a discuté de la poursuite, oui.
M. Bourbeau: Est-ce qu'à ce moment il a été
discuté entre vous de la possibilité d'obtenir un abandon de la
poursuite?
M. Gauthier (Yves): Non. Jamais, M. le Président. Il n'en
était pas question. D'abandonner complètement la poursuite?
M. Bourbeau: D'obtenir l'abandon, oui.
M. Gauthier (Yves): Non, je ne me souviens pas de cela.
M. Bourbeau: De négocier un règlement hors
cour?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Vous vous en souvenez?
M. Gauthier (Yves): Je ne me souviens pas, mais, d'après
moi, il n'a pas été question de cela. Les autres
préparaient leur action, c'est tout.
M. Bourbeau: Mais vous êtes certain qu'il n'en a pas
été question?
M. Gauthier (Yves): Pas mal certain. Si vous me le demandez trois
fois, je vais peut-être finir par avoir des doutes. Vous êtes
insistant pas mal.
M. Lalonde: Vous voyez, M. le Président, sur la question
de règlement...
M. Gauthier (Yves): Une affaire est sûre, on n'a pas
parlé de stratégie comme: On va faire cela, toi, tu vas faire
cela et penses-tu qu'on pourrait régler? Il n'était pas question
de cela. D'abord, M. Beaulé était bien plus dur que tous les
autres parce que sa cause était bonne en "moses", d'après
lui.
M. Bourbeau: Combien de temps a duré cette
réunion?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas, M. le Président. Je
n'en ai aucune idée. Comme je vous le dis, je ne sais même pas si
c'était à La Cité ou ailleurs. J'ai l'impression que
c'était à La Cité. Ç'aurait pu être au
Méridien, parce que c'était plus commode et plus proche de mon
bureau, mais je ne le sais pas.
M. Bourbeau: Mais vous vous souvenez que le sujet de la
réunion, c'était la poursuite de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Bien oui.
M. Bourbeau: N'y a-t-il pas d'autres souvenirs qui vous
reviennent de cette réunion?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Très bien. Au moment de cette réunion
- enfin, il me semble que c'était au début de juillet 1978 -
saviez-vous que vous quitteriez bientôt vos fonctions de président
du syndicat pour accéder à un poste de conseiller spécial
auprès du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Non, M. le Président.
M. Bourbeau: M. Jean-Roch Boivin était-il au courant de
cette réunion?
M. Gauthier (Yves): Je ne le sais pas. Je ne lui parle pas
à Jean-Roch. Je n'étais même pas au gouvernement. Je ne lui
en ai
pas parlé en tout cas. Cela, je le sais.
M. Bourbeau: Est-ce que vous rencontriez Me Jean-Roch Boivin
parfois?
M. Gauthier (Yves): Jamais! Je l'ai vu une fois, et il m'a
engueulé. Excusez-moi, ce n'était pas pendant mes fonctions,
c'était un an avant, et notre réunion n'a pas marché.
M. Bourbeau: Mais, au cours de votre séjour à la
tutelle du local 791, avez-vous rencontré Me Boivin à
l'occasion?
M. Gauthier (Yves): Jamais. Pendant que j'étais
tuteur?
M. Bourbeau: Oui.
M. Gauthier (Yves): Boivin? Jamais.
M. Bourbeau: Vous ne l'avez jamais rencontré?
M. Gauthier (Yves): Je l'ai rencontré une fois, comme je
vous l'ai dit, et on était peut-être une dizaine de personnes, au
Méridien. On était un groupe d'amis. Il n'a pas été
question... Ce n'était pas sa préoccupation, j'ai l'impression;
il avait bien d'autres chats à fouetter. Non, je peux vous rassurer, M.
le Président, avant que je sois à la tutelle, je n'ai jamais
rencontré Boivin pour lui parler de tutelle. Pour moi, cela n'existait
même pas. C'est seulement lorsque Bachand m'en a parlé.
M. Bourbeau: Mais, après avoir été
nommé à la tutelle, avez-vous rencontré Me Boivin? C'est
cela, ma question.
M. Gauthier (Yves): Non, non.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas rencontré Me Boivin avant
d'arriver au bureau du premier ministre?
M. Gauthier (Yves): Je l'ai rencontré ici, lorsque je suis
venu pour négocier mon engagement.
M. Bourbeau: Lors de la réunion avec Me Beaulé et
Me Jasmin, la réunion dont on parle, en juillet 1978, est-ce qu'il a
été question d'autre chose que de la poursuite de la SEBJ?
M. Gauthier (Yves): Je ne m'en souviens pas, M. le
Président.
M. Bourbeau: Me Beaulé, à cette occasion, vous
a-t-il demandé d'organiser une rencontre au bureau du ministre du
Travail, M. Pierre-Marc Johnson, afin de permettre à ses clients
américains de rencontrer le ministre du Travail?
M. Gauthier (Yves): En juin?
M. Bourbeau: Oui, lors de votre réunion.
M. Gauthier (Yves): Vous parlez de juin 1978?
M. Bourbeau: Enfin, à la date dont vous parlez.
M. Gauthier (Yves): Je ne parle pas de date, je ne le sais pas.
C'est vous qui parlez d'une date.
M. Bourbeau: Je ne peux pas vous la donner; vous ne vous en
souvenez pas. Mais vous avez dit que Me Beaulé avait raison de dire
qu'il y avait eu une réunion. Vous ne vous souvenez pas de la date, mais
il semble que c'était au début de juillet 1978.
M. Gauthier (Yves): Oui, mais...
M. Bourbeau: Lors de cette réunion, est-ce que c'est
à ce moment...
M. Gauthier (Yves): S'il m'a demandé de préparer
une réunion?
M. Bourbeau: Oui.
M. Gauthier (Yves): Non. C'est après, cela.
M. Bourbeau: Ah bon!
M. Gauthier (Yves): Les Américains voulaient venir ici. Il
m'a demandé: Peux-tu organiser un rendez-vous?
M. Bourbeau: À quel moment vous a-t-il demandé
d'organiser cette réunion?
M. Gauthier (Yves): C'était en août, je pense, avant
que je sois nommé à la tutelle. Non, j'étais tuteur. Avant
que je quitte mon bureau de notaire. C'était dans la dernière
semaine, je me le rappelle.
M. Bourbeau: La rencontre en question que vous avez
organisée au bureau du ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson, quand
a-t-elle eu lieu?
M. Gauthier (Yves): Si je me réfère à Me
Beaulé, c'était le 28 août. Cela concorde à peu
près à cela, parce que c'était ma dernière semaine
à mon étude de notaire.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure,
j'ajourne les travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 59)