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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît; La commission permanente de l'énergie et des ressources
reprend ses travaux afin d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay
(Chambly), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge
(Laprairie). M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet) est toujours le rapporteur de cette commission.
Les personnes qui sont invitées à venir nous rencontrer
aujourd'hui sont, d'abord, M. Lucien Saulnier, pour continuer l'interrogation
que les membres de cette commission ont commencée, M. François
Aquin, M. Michel Jetté et M. Jean-Paul Cardinal.
Je dois vous faire remarquer aussi que cette commission siège
à partir de maintenant jusqu'à 12 h 30. Nous reprendrons
après la période des questions jusqu'à 18 heures et nous
reviendrons de 20 heures à 22 heures. Ce sont les heures de la
journée d'aujourd'hui.
Nous en étions rendus à M. Saulnier hier. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys aurait quelque chose à
ajouter avant?
M. Lalonde: Non, non, c'est pour poser des questions.
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est pour poser des
questions. M. Saulnier?
Témoignages M. Lucien Saulnier (suite)
M. Saulnier: M. le Président, avec votre permission et
celle des membres de la commission, je souhaiterais ce matin faire une
suggestion qui serait accompagnée ou précédée d'un
court préambule de trois ou quatre minutes.
Le Président (M. Jolivet): Oui, allez.
M. Saulnier: M. le Président, à ce moment-ci de
l'étude qui se poursuit du dossier qui nous occupe, la plupart, sinon
tous les membres de la commission, ont dû se poser une question que je
m'étais posée en 1979 et que je me suis posée à
nouveau depuis qu'on a annoncé les travaux de la commission. C'est en
rapport avec une pièce de ce dossier qui me paraît être ou,
enfin, qui est pour moi capitale. Il s'agit de la communication des procureurs
de la société, dont le conseil a été saisi, soit le
bureau Geoffrion et Prud'homme, dans laquelle on cite l'extrait de la loi
Norris-La Guardia dont j'ai fait personnellement état dans mes notes,
mais qu'il est indiqué, je pense, de relire. Ce n'est pas très
long.
On dit: "La sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher en
faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est
à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act, qui stipule comme
suit: "No officer or member of any association or organization, and no
association or organization participating or interested in a labor dispute,
shall be held responsible or liable in any court of the United States for the
unlawful acts of individual officers, members or agents, except upon clear
proof of actual participation in, or actual authorization of, such acts, or of
ratification of such acts after actual knowledge thereof."
Dans mes propos préliminaires, j'ai dit que j'avais trouvé
ce texte écrit avec des mots ordinaires de la langue anglaise et qu'il
n'était pas difficile à saisir. J'ajoute, après l'avoir
relu hier, que le sujet, le verbe et l'attribut, dans chacun des membres de la
phrase, sont placés aux bons endroits, selon les règles de la
grammaire et que la ponctuation me paraît parfaite.
Sur la foi de ce document et de ce que nous en avions dit, qui pouvait
s'en
rapprocher avant, même si nous ne le connaissions pas, j'ai cru
comprendre et j'ai affirmé que la possibilité de recouvrer
quelque montant de dommages que ce soit du syndicat américain
était illusoire. Je ne veux pas utiliser de terme plus fort que
celui-là; pour le moment, je dis illusoire. Des questions ont
été posées, et à bon droit. Je redis que moi aussi,
je m'en suis posé. Comment se fait-il que cette affaire arrive comme un
cheveu sur la soupe, à la fin, lorsque vous décidez? Il est
évident que cela est ennuyeux. Cela m'a ennuyé à
l'époque. Évidemment, il y a déjà quatre ans que je
suis parti. J'ai pensé à d'autres choses et l'ennui s'est
dissipé. Mais quand le dossier m'est retombé dans les mains, le
même ennui a recommencé. Je réponds ici à des
questions et on me pose la même question à laquelle je ne peux pas
répondre.
Or, M. le Président, hier après-midi, dans cette salle,
avant l'ouverture de la séance, j'ai posé cette question à
l'avocat au dossier qui a signé la communication, Me Jean-Paul Cardinal,
à peu près dans les termes suivants: Pouvez-vous m'expliquer
comment il se fait que vous avez trouvé cela seulement à la fin?
La question est posée et moi, je me la pose depuis longtemps. Me
Cardinal a dit: Venez ici un moment. Il m'a dirigé vers le mur qui est
à ma gauche, près d'un banc où était assis le chef
du contentieux de la société, qui est ici à ma droite. Il
m'a montré un papier que je n'ai pas touché. Il m'a dit: Cela est
la date à laquelle on a remis cette opinion au chef du contentieux.
Est-ce exact? Il a posé la question à Me Gadbois. Je n'ai rien
touché, mais je crois avoir vu la date du 11 ou du 19 décembre -
quelque chose du genre -1978. J'ai regardé Me Gadbois et il a
opiné affirmativement de la tête.
Ma suggestion serait la suivante: si les membres étaient d'accord
- ils connaissent, d'ailleurs, ma disponibilité - je resterais
présent dans la salle et je pense qu'il y aurait intérêt,
pour donner le meilleur éclairage possible aux travaux de la commission,
à ce que les procureurs soient interrogés avant que se poursuive
ma collaboration, pour ne pas dire mon interrogatoire, à cette
commission.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Saulnier. Est-ce que
M. le ministre, qui avait le droit de parole à la fin hier, a encore des
questions à poser?
M. Duhaime: Je suis prêt à recevoir favorablement la
suggestion de M. Saulnier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je n'avais que quelques questions à poser
à M. Saulnier, lesquelles étaient presque
étrangères à tout ce qui a été posé
jusqu'à maintenant. Si vous n'avez pas d'objection, on peut
peut-être terminer; de toute façon, on allait entendre les
avocats.
M. Saulnier: M. le Président, remarquez que je veux bien
me rendre aux désirs du député de Marguerite-Bourgeoys,
mais j'aimerais savoir d'avance si ma suggestion a été
captée.
M. Lalonde: Que vous soyez disponible à revenir
après, nous vous en remercions. D'ailleurs, le président a bien
indiqué que les invités pourraient être appelés
à nouveau, au besoin. Si vous le préférez, j'aimerais
mieux terminer les quelques questions que j'ai à vous poser, mais
j'accepte cette partie de votre suggestion, à savoir que vous êtes
disponible pour revenir sur ce point que vous venez de soulever
particulièrement. D'ailleurs, on va sûrement poser cette question
aux procureurs de la société et aussi leur demander la
signification plus précise du paragraphe qui suit ce que vous avez lu
dans leur opinion et qui se lit comme suit: "Les tribunaux
fédéraux américains pourraient, dans ce contexte,
être tentés d'appliquer la règle de
réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir
répudiée". C'est une réserve très lourde. On pourra
sûrement vous poser, M. Saulnier, des questions à savoir si cette
réserve ne vous a pas, non plus, frappé. En ce qui concerne cette
question, je suis d'accord avec vous, on y reviendra après avoir entendu
les procureurs. Maintenant, j'avais seulement quelques...
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier.
M. Saulnier: M. le Président, si on me le permet,
j'apprécierais que le député de Marguerite-Bourgeoys, si
je me rends - et, d'ailleurs, je dois me rendre - à ce qui sera
décidé ici, ne dise pas: Si vous êtes d'accord. Je ne suis
pas d'accord. J'ai fait une suggestion et j'apprécierais, quant à
moi, que cette question soit vidée avant que les travaux se poursuivent.
Mais si la commission est d'un avis contraire, je m'y soumets
respectueusement.
M. Lalonde: C'est tellement court ce que j'ai à couvrir
qu'il me semble que c'est dans l'ordre des choses de continuer avec la
même personne, à moins d'un cas de force majeure. Même si
c'est une question importante...
M. Saulnier: Capitale.
M. Lalonde: ...elle ne m'apparaît pas l'être à
ce point. Oui, c'est important, mais cela ne m'apparaît pas de nature
à devoir
interrompre votre témoignage.
J'aurais quelques questions. Il y a une question qui a été
soulevée par vos procureurs sur les honoraires. Si je mentionne les
honoraires de vos procureurs, ce n'est pas du tout pour en discuter, mais cela
avait trait à cette règle qui, dans le cas de règlement ou
de désistement d'une cause, autrefois - je pense que cette règle
a été modifiée - prévoyait le paiement à un
procureur d'un défendeur, peut-être même d'un demandeur - du
moins, cela semble être le sens de la lettre de Geoffrion et Prud'homme -
d'un montant équivalant à 1% de la réclamation. On sait
que, la réclamation étant autour de 32 000 000 $, 1%, c'est
autour de 320 000 $, 325 000 $.
Est-ce qu'on a attiré votre attention, comme membre du conseil et
comme président du conseil, sur cette possibilité que le
règlement entraîne des déboursés de cette nature?
Avant que vous ne répondiez, j'aimerais faire la précision
suivante: je me suis laissé dire qu'un procureur d'une des parties a
fait cette réclamation, mais l'a faite à l'aide juridique. Je ne
veux pas non plus parler du mérite de cette réclamation parce que
c'est actuellement devant les tribunaux, mais, comme le fait que cela a
été fait est public, cela ne porte pas à
conséquence si on le mentionne ici. Donc, il y aurait actuellement une
réclamation qui, si elle était - je ne veux pas vous parler de
son mérite du tout - accueillie, grèverait les fonds publics
d'une somme de 320 000 $, ce qui est beaucoup plus élevé que ce
que la Société d'énergie de la Baie James a
reçu.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je voudrais savoir, par votre entremise, si M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, pour poser sa question, s'est
servi de la documentation qu'on a eue hier soir.
M. Lalonde: Non, c'était à notre connaissance
avant.
M. Laplante: Non, je veux le savoir parce que vous feuilletez
actuellement les documents qu'on a eus hier soir et qu'on est supposé
utiliser au moment où les avocats se feront entendre.
M. Lalonde: Je peux feuilleter l'autre.
M. Laplante: Non, mais c'est important, M. le
Président...
M. Lalonde: Je peux feuilleter l'autre.
M. Laplante: ...en regard de ce que M. Saulnier a demandé
au début. De là toute l'importance de suspendre le
témoignage de
M. Saulnier à cause de documents qu'on a reçus, hier soir,
et dont nous sommes supposés ne pas avoir pris connaissance avant le
témoignage des avocats présents ce matin.
Le Président (M. Jolivet): Bon, alors, juste un
instant.
M. Laplante: Laissez-moi finir. En toute justice pour
l'invité qu'on a ici, je fais motion pour suspendre le témoignage
de M. Saulnier jusqu'à ce que les avocats aient été
entendus. J'en fais motion, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, je pense que je dois répondre à la première
partie de la question. Si le député de Marguerite-Bourgeoys pose
des questions en vertu des documents qui sont déjà
déposés devant cette commission, je ne peux en aucune
façon accepter votre motion, si elle a trait aux questions
déjà existantes dans les documents qui nous ont été
déposés. Si, effectivement, le député a
utilisé des documents autres que ceux qui ont été
déposés hier et qui sont sous embargo jusqu'à ce qu'on
puisse entendre les avocats, je pense que la pratique courante veut que, tant
et aussi longtemps qu'on n'a pas entendu ces avocats, on ne puisse vraiment pas
les utiliser. D'un autre côté, si le député, par les
documents qui sont déjà déposés, m'indique à
quelle place il a pris son renseignement à l'intérieur des
documents, je n'ai aucune objection à ce que les questions puissent
être posées en dehors de ce que M. Saulnier a demandé,
parce que j'ai cru comprendre que le député de
Marguerite-Bourgeoys a accepté la partie qui concerne les questions que
M. Saulnier nous a soulevées, mais il est possible que d'autres
questions lui soient posées en dehors de ces demandes de M.
Saulnier.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je veux rassurer le député de Bourassa.
S'il prend le bouquin qui nous a été remis par la SEBJ le premier
jour de nos travaux et qu'il l'ouvre...
M. Duhaime: À quelle page? M. Lalonde: À la
page 149.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: ...il verra une lettre adressée à M.
Lucien Saulnier par Me Gilles Legault, avocat en chef adjoint, et qui discute
de la demande d'honoraires additionnels des procureurs de la SEBJ. On retrouve
les fameux honoraires additionnels de 1% à la page 150 du document,
c'est-à-dire à la page 2 de la lettre, et aussi à la page
1, premier paragraphe: "Comme la
somme réclamée par cette action est de 31 275 000 $, "cet
honoraire additionnel" s'élèverait donc à 311 750 $,
etc.". Je tire aussi ma question de connaissances acquises hors des documents
déposés par les avocats. De notoriété publique,
j'ai fait ma petite enquête et j'ai appris, par personne
interposée, mais je n'ai aucune raison de croire que l'information n'est
pas bonne, que, effectivement, il y a actuellement une réclamation
d'environ 300 000 $, du fameux 1%, par un avocat. Ce qui me chicote, c'est que
cette réclamation n'est pas faite à son client, puisqu'il aurait
été engagé - en fait, c'est sous toute réserve -
par l'aide juridique de sorte que, s'il réussissait dans sa demande, ce
serait les fonds publics. Je demande à M. Saulnier si cette
possibilité a été portée à sa connaissance
avant de signer.
M. Saulnier: Ma réponse est la suivante. Quant au dernier
élément, l'avocat qui aurait été engagé par
l'aide juridique, non. J'apprends cela à ce moment-ci. Je renvoie les
membres de la commission aux pages 149 à 153 du document où
l'avis est donné. J'avais, d'ailleurs, demandé à notre
contentieux de nous indiquer quelles étaient nos obligations à
l'égard de nos procureurs.
M. Lalonde: C'est cela.
M. Saulnier: C'est dit très clairement. C'est conforme au
contrat et à ce qu'on m'a dit, ce contrat est au tarif horaire.
M. Lalonde: Je vous remercie. Il y a un deuxième point qui
n'a pas été soulevé, à ma connaissance - mais vous
me corrigerez si je fais erreur - par votre témoignage ou, s'il l'a
été, il ne l'a pas été avec l'accent que d'autres
témoins lui ont mis: la paix sociale sur le chantier. M. Saulnier, vous
nous avez expliqué les raisons pour lesquelles vous avez appuyé
ce règlement. Est-ce que la paix sociale sur le chantier a
été un élément qui a été
déterminant dans votre décision?
M. Saulnier: Dans mon esprit, oui, très important, mais
pas comme certains l'ont expliqué ici, pas nécessairement de la
même façon. Moi, je l'ai compris dans le sens suivant. Un
règlement contribue à créer un meilleur climat de travail
- je vais prendre une expression que j'ai entendue - qu'un jugement dans sa
poche, mais c'est une opinion personnelle.
M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais ici faire un
petit rappel; il y a près de trois jours que je réponds à
des questions - je le fais, comme je l'ai dit, avec beaucoup de plaisir et
autant de sincérité que je suis capable - et des gens pourraient
penser: Cet homme qui était président du conseil a
bousculé son conseil pour en arriver à cette décision.
J'ai bien dit, au début, dans mes remarques préliminaires, que
c'était ma perception des délibérations, mon raisonnement
sur les documents et sur ce que j'avais entendu. Mon souvenir, je vais
maintenant vous le préciser, il est très net. À cette
occasion, je me suis comporté comme un président de conseil
modèle. J'ai surtout suivi et animé ou assuré la bonne
progression des débats. Je n'ai pas été
l'élément moteur. (10 h 30)
M. Duhaime: Vous avez été comme d'habitude.
M. Saulnier: Pas toujours, cela dépend.
M. Lalonde: M. Saulnier, je vous remercie de cette
précision. En ce qui concerne la paix sociale, est-ce qu'il y avait des
éléments, des facteurs, des informations que vous aviez ou que le
conseil d'administration possédait qui pouvaient faire penser que
l'absence de règlement, c'est-à-dire la continuation de la cause,
pouvait créer des problèmes sur le chantier?
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Lalonde: Quel est le montant que le syndicat américain
a versé à la SEBJ? Pour quel montant a-t-il contribué dans
le règlement, mais à la SEBJ? Là, j'oublie les
assureurs.
M. Saulnier: On me dit que c'est 100 000 $, mais, de toute
façon, on a les photocopies de tous les chèques et on pourrait
faire l'addition. Page 185.
M. Lalonde: J'entends encore l'écho de votre
déclaration disant que, pour vous, ce n'était pas 32 200 000 $,
mais 200 000 $ ou rien.
M. Saulnier: En effet, oui.
M. Lalonde: Est-ce que vous êtes sûr qu'à tout
moment pendant cette période c'était le montant maximum auquel le
syndicat américain - le montant de 100 000 $ pour la SEBJ - était
prêt à contribuer pour ce règlement?
M. Saulnier: Cette conviction, je l'ai acquise à un stade
assez avancé - je ne peux pas dire à quelle date - de
l'étude de ce dossier. J'ai peut-être été un bout de
temps d'avis qu'il y avait peut-être moyen d'obtenir plus de la part d'un
des défendeurs ou des défendeurs. J'ai acquis cette conviction au
moment où elle s'imposait. On nous disait qu'il n'y avait à peu
près rien à tirer des syndicats locaux et qu'on ne pouvait pas
établir de lien de droit avec le syndicat américain.
M. Lalonde: J'oublie les syndicats locaux et le lien de droit. Je
parle du règlement. Il y a eu un règlement. D'ailleurs, le
syndicat américain n'a pas voulu reconnaître sa
responsabilité. Donc, il n'y a pas eu de lien de droit
d'établi.
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Lalonde: II contribue 100 000 $ à la SEBJ. Je vous
répète ma question parce que je ne suis pas sûr d'avoir
compris votre réponse. Est-ce qu'à ce moment vous étiez
sûr que c'était le maximum que le syndicat américain
était prêt à verser?
M. Saulnier: Oui, les affirmations qui ont été
faites et qui me reviennent à l'esprit étaient dans le sens qu'il
n'y avait rien à espérer de plus.
M. Lalonde: Je m'excuse de revenir sur un point que j'ai
abordé auparavant, la paix sociale. Selon vous, - c'est une question
hypothétique, alors vous pouvez ne pas y répondre; M. le
Président, vous allez sûrement le rappeler au témoin mais
c'est, quand même, je pense, une question pertinente - si vous n'aviez
pas réglé hors cour en mars 1979, est-ce que la paix sociale sur
le chantier, le bon ordre, auraient pu être perturbés suffisamment
pour empêcher la marche des travaux et l'ouverture à l'automne
1979?
M. Saulnier: En toute franchise, je n'avais pas d'opinion
à ce sujet, à ce moment-là, et je n'en ai pas plus
aujourd'hui.
M. Lalonde: Seulement quelques questions, M. le Président.
Est-ce qu'il y a d'autres documents... Vous savez, les documents qu'on nous a
soumis... Si vous ne pouvez pas répondre, vous me le dites, parce que je
comprends que vous n'êtes plus en fonction, vous n'êtes plus
président du conseil, vous n'avez plus de contrôle sur les travaux
de la SEBJ.
M. Saulnier: Je ne peux pas dire que j'en avais beaucoup quand je
l'étais.
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a d'autres documents pertinents qui
auraient pu vous aider à vous former une opinion, et que vous ne
retrouvez pas dans les documents qui nous ont été soumis par la
SEBJ?
M. Saulnier: À ceci, M. le Président, je vais
répondre en me protégeant un peu. Comme je ne connais pas toutes
les questions qui peuvent venir et qu'en écoutant les questions il me
revient à l'esprit: Mon Dieu, est-ce qu'on n'aurait pas
déjà eu quelque chose là-dessus...
M. Lalonde: Je retire ma question parce que je pense qu'elle est
trop...
M. Saulnier: Oui, elle est hypothétique.
M. Lalonde: Si je précisais: des opinions juridiques, par
exemple. On réfère à des opinions juridiques
américaines dans les opinions juridiques qui nous ont été
remises. Mais, on ne nous remet pas les opinions juridiques elles-mêmes.
Est-ce que vous avez eu accès à ces opinions juridiques
américaines?
M. Saulnier: Moi, je n'ai eu - et je ne pense pas, d'ailleurs,
que mes collègues du conseil non plus en aient eu - d'autres documents
que ceux qui sont devant vous à ce moment-ci. J'ai fait état,
cependant, dans ma suggestion tout à l'heure, d'un autre que je n'avais
pas vu.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. Saulnier.
M. Saulnier: De rien.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Saulnier, dans la
déclaration préliminaire que vous avez faite à cette
commission, de même que dans le témoignage que vous nous avez
rendu depuis sept ou huit heures - un peu mis sur le gril, comme ont dit
certains journalistes, par quelques procureurs nostalgiques qui sont en face de
nous et qui cherchaient, finalement, des petites puces dans tout cela, mais, il
me semble que c'est assez limpide quand je relis votre texte - il y a un
élément qui domine tous les autres, il me semble, c'est le doute
très sérieux que vous aviez sur la solvabilité des
défendeurs et sur la possibilité d'obtenir une compensation pour
des dommages qu'on pouvait possiblement démontrer mais qui, de toute
façon, une fois démontrés, même s'ils avaient
entraîné un jugement, n'auraient pu être compensés
par les défendeurs étant donné leur faible
solvabilité.
Étant donné que vous nous avez livré ce texte il y
a quelques jours, je vais me permettre d'en relater quelques extraits. À
la page 1, vous nous indiquez qu'à la séance du 9 janvier - et,
là, vous faites référence à un document qu'on
retrouve à la page 22 des extraits du registre des procès-verbaux
de la Société d'énergie de la Baie James - les procureurs
vous disaient: "II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que peut
être présentement la solvabilité de tous ces
défendeurs possibles et surtout sur ce qu'elle serait une fois le
jugement final obtenu tenant compte, en particulier, de l'envergure de la
réclamation de la société."
À la page 2, vous poursuiviez en nous citant un deuxième
extrait qui disait ceci: "En instituant cette action, la société
était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne
seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu". En
bas de page, vous posez la question: "Le conseil d'administration
n'était-il pas fondé de comprendre, dès le 9 janvier 1979,
que la procédure engagée avait une part de symbolique à
son origine même?"
J'essaie de comprendre un peu les raisons qui vous ont amené
à retenir ces éléments de l'avis juridique qui vous avait
été transmis. En haut de la page 3, je crois déceler une
raison qui rejoint un peu une question que j'ai posée à celui qui
vous a précédé devant nous, M. Robert Boyd. En haut de la
page 3, dis-je, vous nous indiquez: "Or, les procureurs de la SEBJ dans une
opinion datée du 5 janvier et vue par les administrateurs le 9, nous
informent qu'un syndicat professionnel avait été incorporé
le 10 janvier 1973 sous le nom de l'Union des opérateurs de machinerie
lourde du Québec. Les procureurs affirment même: "Les documents
obtenus et les témoignages recueillis jusqu'ici nous indiquent
qu'après la formation de ce syndicat professionnel les actifs du local
791 lui ont été transférés sans
considération apparente afin de permettre au syndicat strictement
québécois de contrôler les fonds." Vous concluez qu'on
devait, dès lors, entretenir des doutes sur la possibilité
d'obtenir des compensations pour dommages.
J'avais posé la question suivante à M. Boyd: N'y avait-il
pas risque que des syndicats qui auraient été condamnés
puissent facilement former une autre unité syndicale, faire signer des
cartes d'adhésion dans une autre unité syndicale et, à ce
moment-là, laisser une coquille juridique vide pour payer les dommages
auxquels ils auraient été condamnés, ce qui aurait pu tout
simplement avoir comme résultat que le jugement n'aurait jamais
été exécutable? Lorsque je vous ai entendu lire votre
document avant-hier soir, j'ai pu constater que, effectivement, cela semblait
être le cas, sauf que, dans la situation présente, ce n'est pas
une accréditation distincte qu'on a obtenue, mais on a formé un
syndicat professionnel en vertu d'une loi qui a été
adoptée au Québec en 1922. Si je me souviens bien, c'est la
première loi du travail adoptée au Québec. On a
transféré les fonds à ce syndicat professionnel.
Dois-je comprendre que, selon l'opinion qui vous a été
donnée à ce moment-là, les actifs du local 791 ayant
été transférés à ce syndicat professionnel
fondé et incorporé le 10 janvier 1973, vous vous retrouviez
devant un local 791 qui, à toutes fins utiles, n'avait plus de fonds,
les ayant transférés dans une autre entité juridique pour
éviter, justement, d'avoir à payer la condamnation qui lui aurait
été imposée par jugement si tel avait été le
cas? Est-ce que c'est un des éléments dominants qui ont pu vous
porter à conclure que, finalement, les syndicats n'étaient pas
solvables?
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, avant que vous
répondiez, je vous rappelle l'article 68. Je vous laisse...
M. Rodrigue: M. le Président, là-dessus, je me
permettrais de vous dire, respectueusement toujours, que je
réfère à des renseignements qui nous ont été
transmis par M. Saulnier dans sa déclaration préliminaire. Je
pense qu'il est bien au courant de ces faits pour les avoir rapportés
par écrit. Ma question est: Est-ce que cela a été un
élément dominant dans la décision qui a été
prise - du moins, dans son attitude -par M. Saulnier vis-à-vis de la
possibilité d'obtenir un jugement pour les dommages causés?
Le Président (M. Jolivet): Simplement je rappelle,
toujours en voulant être bien à point sur l'ensemble, que,
premièrement, c'est justement une question d'opinion et,
deuxièmement, que cette question peut être subjective quant aux
éléments de la réponse. M. Saulnier, vous pouvez
répondre.
M. Saulnier: Si je me souviens bien, c'est un
élément très important qui a contribué à me
persuader - je parle en mon nom - si j'avais besoin de l'être, de
l'immense difficulté, pour ne pas dire de l'impossibilité de
recouvrer des syndicats québécois ou de faire exécuter un
jugement en notre faveur. Je me souviens que cette question a été
débattue assez longuement au conseil - je pense que cela s'est fait en
présence des procureurs, je ne l'affirmerais pas, mais je pense que oui
- et plus particulièrement par notre collègue M. Thibaudeau qui
est assez versé dans ces matières et qui nous a
éclairés. (10 h 45)
M. Rodrigue: Dans votre document, vous référiez
uniquement au local 791, mais il y avait d'autres syndicats impliqués.
Est-ce que, selon ce dont vous vous souvenez, des membres du conseil
d'administration ou vous-même auriez souligné le fait qu'il
était à craindre que d'autres syndicats puissent utiliser les
mêmes tactiques si jamais il y avait condamnation?
M. Saulnier: S'il y avait...
M. Rodrigue: Est-ce que, selon ce dont vous vous souvenez, des
membres du conseil d'administration ou vous-même auriez souligné,
à l'occasion de ces discussions le 9 janvier... Vous n'étiez pas
présent le 9
janvier?
M. Saulnier: Non. Le 9 janvier, j'étais absent.
M. Rodrigue: À ce moment-là, vous n'êtes pas
en mesure de savoir si on avait souligné la possibilité que
d'autres syndicats utilisent les mêmes tactiques pour tenter de se
soustraire à un jugement. M. le Président, je vous signale que
lorsque j'ai soulevé cette question, le député de
Brome-Missisquoi qui, à l'occasion, aime bien faire un petit peu de
démagogie, avait tenté de suggérer que j'étais en
train de prôner, de suggérer à des syndicats d'utiliser
cette façon un peu cavalière de se soustraire à un
jugement. J'avais dû le rappeler à l'ordre en posant une question
de règlement à ce moment-là.
M. Paradis: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député, parce que je ne voudrais pas avoir une question de
règlement qui est une question de privilège
déguisée, cependant. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: C'est sur la question qu'adressait au témoin
le député de Vimont, lui demandant de raconter ce qui
s'était passé à une réunion à laquelle il
n'avait pas participé. Il a retiré sa question; je ne sais pas
quel était son motif.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, le député de
Brome-Missisquoi, à ce moment, avait tenté de me faire dire des
choses que je n'avais pas dites et que j'ai corrigées par la suite
à l'occasion d'un question de règlement. Je voudrais tout
simplement lui signaler que, dans le cas du local 791, les dirigeants de ce
syndicat, tel que cela a été reconnu par la commission Cliche,
étaient des organisateurs libéraux.
Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres personnes qui
ont des questions? M. le député de Bourassa.
M. Laplante: M. Giroux a déclaré ici que, le
Québec étant le seul actionnaire d'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie de la Baie James, lorsqu'un premier
ministre faisait un voeu, un conseil d'administration qui ne voterait pas en ce
sens n'avait pas d'autre choix que de démissionner. Quant à vous,
est-ce que vous partagez l'opinion de M. Giroux? Auriez-vous
démissionné si vous aviez été obligé de
voter contre?
M. Saulnier: M. le Président, je réponds comme
ceci: Je respecte l'opinion de M.
Giroux, je ne sais pas ce qu'il aurait fait et je ne sais vraiment pas
ce que le conseil, non plus, aurait fait. Disons qu'avant de
démissionner, j'aurais fait le nécessaire pour que tous les gens
qui devaient être informés d'une question aussi grave le
soient.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être bref, mais je pense que je n'ai pas abusé de cette
commission depuis le début des travaux. On me permettra de clarifier les
choses le mieux possible. Sans me prendre pour un autre, je vais essayer de
vous faire profiter d'une certaine expérience antécédente
à mon élection de 1976, c'est-à-dire celle de professeur
de français, pour faire en sorte que la commission se pose les bonnes
questions.
On se rappellera qu'à une question du député de
Marguerite-Bourgeoys à l'Assemblée nationale, le 20
février 1979, le premier ministre avait répondu ceci:
"Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement,
c'est même paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé.
Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin dans le
bureau du premier ministre que le règlement ou une partie du
règlement a eu lieu, mais il y a eu une consultation au bureau du
premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration
d'Hydro-Québec, etc."
Je voudrais qu'on remarque bien que les mots qu'a employés le
premier ministre sont de deux ordres. Il y a le mot "règlement" et le
mot "consultation". Le journaliste de la Presse récemment a dit, ce qui
a déclenché tout cet exercice qui nous fait perdre beaucoup de
temps et beaucoup d'argent: "Le chef du gouvernement du Québec,
René Lévesque, a induit l'Assemblée nationale en erreur
lorsqu'il a déclaré le 20 février 1979 que le bureau du
premier ministre n'avait aucunement été impliqué dans les
négociations du règlement hors cour intervenu à la
poursuite intentée par la Société d'énergie de la
Baie James".
Le journaliste, M. Michel Girard, dont le caprice nous a valu tout ce
travail en commission parlementaire, emploie donc le mot "négociations".
M. le Président, il m'apparaît très important de faire des
distinctions lexicologiques ce matin si on veut enfin s'y retrouver. Dans le
dictionnaire, quand on parle de négociation, on dit: "Dans son sens
premier, série d'entretiens, d'échanges de vues, de
démarches qu'on entreprend pour parvenir à un accord, pour
conclure une affaire." Il s'agit donc, de toute évidence, d'une
démarche.
Quant au mot "régler", on dit dans le dictionnaire: "Dans son
sens premier, fixer
définitivement ou exactement, résoudre
définitivement, terminer." On dit ce que je viens de lire au mot
"régler". Au mot "règlement", on dit: "L'action de régler,
son résultat. L'action de régler, de décider, de
déterminer quelque chose définitivement ou exactement." M. le
Président, de toute évidence, quand on parle de
"règlement", on vise le résultat. Donc, pour la
négociation, on parle d'une démarche et, pour le
règlement, on parle d'un résultat.
La réponse du premier ministre, de toute évidence,
évoquait non pas le résultat, mais la démarche... Non...
C'est cela. N'évoquait pas le résultat... Évoquait le
résultat, je m'excuse.
M. Lalonde: Voulez-vous recommencer?
M. Dussault: On a passé tellement d'heures à
discuter de cela...
M. Lalonde: Est-ce qu'on peut faire une reprise?
M. Dussault: ...que ce n'était pas clair. On doit bien
comprendre qu'en quelques minutes il se peut même qu'on arrive à
les mêler. Donc, le premier ministre évoquait la
démarche... évoquait le résultat et non la
démarche. D'accord?
M. Lalonde: Est-ce que...
M. Dussault: Évoquait le résultat et non la
démarche.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
M. Dussault: M. Saulnier, hier...
Le Président (M. Jolivet): Juste une minute, M. le
député de Châteauguay. J'ai une question de
règlement de la part du député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voulais seulement vérifier si le premier
ministre a réellement eu le choix de ses procureurs.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, le premier ministre est
reconnu pour avoir du vocabulaire. Il n'y a personne qui va douter de cela. Je
pense même que c'est une qualité qu'on pourrait prêter
à M. Saulnier parce que, depuis le nombre d'heures que l'Opposition le
tient ici, à cette chaise, il a fait la démonstration aussi qu'il
a du vocabulaire. Alors, M. le premier ministre est donc reconnu pour avoir du
vocabulaire. Quand le premier ministre emploie le mot "règlement", il ne
veut pas dire "négociation" et, quand il dit "négociation", il ne
veut pas dire "règlement". Je n'en doute pas.
M. Saulnier a dit hier que le règlement, selon lui, s'est fait au
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James, ce qui est tout à fait normal. C'est tout à fait le
lieu approprié pour le faire ce règlement. Donc, le premier
ministre dit: Le règlement, en tout ou en partie, ne s'est pas fait dans
le bureau du premier ministre. Je voudrais savoir de la part de M. Saulnier
s'il est d'accord avec cette distinction, si cette distinction est importante
et si elle peut être utile pour la compréhension des
événements.
M. Saulnier: La distinction entre...
M. Dussault: Le mot "règlement" et le mot
"négociation", de façon qu'on comprenne bien que M. Girard a
prêté à des mots un sens que le premier ministre ne voulait
pas leur donner et que le journaliste, M. Girard, parlait d'une
réalité alors que le premier ministre a parlé d'une autre
réalité. Nous sommes ici présentement à passer des
heures et des heures à discuter sur une ambiguïté. Est-ce
que c'est votre point de vue, M. Saulnier?
M. Saulnier: M. le Président, dans mon esprit, les
réponses que j'ai données à ce sujet couvraient les deux
acceptions du terme, je pense, autant les négociations que le
règlement, à savoir que je n'étais pas au courant. C'est
dans ce sens que je vous ai répondu.
M. Dussault: D'accord. Je saisis bien la distinction que vous
faites. En réalité, vous êtes en train de nous dire qu'il y
a des événements que vous ne connaissiez pas; donc, vous ne
pouvez pas dire avec certitude si des choses se sont passées comme ceci
ou comme cela. Je veux savoir de vous, M. Saulnier, si quand nous parlons de
négociation et quand nous parlons de règlement, en
réalité, pour quelqu'un qui veut clarifier les choses comme il
faut, on peut dire qu'il s'agit exactement de la même chose,
négociation et règlement, ou si cette distinction s'impose pour
qu'on se comprenne bien.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, je veux simplement
vous rappeler l'article 168.
M. Lalonde: C'est une question d'opinion.
M. Saulnier: Remarquez que, encore une fois, cela sort, à
mon avis, du cadre de ce dont je peux témoigner, mais je n'ai pas
d'objection à donner mon idée si la commission veut bien
l'entendre, enfin, à
dire comment je comprends cela. Je dirais que, s'il y a une
négociation et qu'il n'y a pas de règlement - et cela arrive
qu'il y ait une négociation et qu'il n'y ait pas de règlement -
il y a eu juste une négociation; puis, quand il y a une
négociation et un règlement, eh bien, il y a eu une
négociation et un règlement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Dussault: Cela confirme tout à fait ce que je disais.
Une négociation est une démarche, le résultat étant
le règlement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. S'il n'y a pas d'autres
questions... Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Je suis convaincu que mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys va me permettre d'apporter des précisions que
lui-même n'avait pas, il y a quelques minutes, au sujet de ce fameux 1%
dont il a été question tout à l'heure. Je ne le ferai pas
sous réserve; j'ai fait faire la vérification à l'instant.
Il s'agit, d'abord, d'une réclamation qui est portée par M.
René Mantha - pour ceux qui l'ignorent, vous n'aurez qu'à relire
le rapport de la commission Cliche - un des défendeurs à
l'instance, qui a retenu les services de Me Jacques Fortin, de l'aide
juridique, pour réclamer 300 000 $. La Commission de l'aide juridique a
refusé de payer ce montant. C'est allé en arbitrage et les
arbitres ont donné droit aux frais. Lorsqu'il y a eu requête en
homologation de cette décision des arbitres devant la Cour
supérieure, l'honorable juge Pagé a rendu jugement en refusant
l'homologation et en décidant que les arbitres avaient mal
statué. Cette affaire est maintenant pendante devant la Cour d'appel.
Alors, pour qu'on soit bien clair et bien précis, il s'agit donc d'une
réclamation qui a déjà fait l'objet d'un jugement de la
Cour supérieure et qui est en appel. Je n'ai pas d'autre chose à
ajouter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: J'ai demandé...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse, seulement pour terminer, j'ai
demandé que la Commission de l'aide juridique me confirme par
écrit ce qu'on vient de nous transmettre par téléphone.
Aussitôt que j'aurai cet écrit, je le déposerai ici
à la commission, comme je le fais avec tous les documents que j'utilise
pour les travaux que nous poursuivons.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je remercie le ministre, par ses services, d'avoir
confirmé l'existence de ce que j'avais mentionné. Je
répète que je ne discutais pas sur le mérite d'aucune
façon, c'est sub judice. La question que je posais à M. Saulnier
portait sur sa connaissance de cette possibilité, puis j'ai eu la
réponse.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je remercie M. Saulnier,
en lui rappelant que, même s'il est soumis à une
possibilité de retour, cela ne l'empêche pas d'aller ailleurs
qu'ici, s'il le désire. Mais il peut rester ici aussi.
M. Saulnier: Je vais faire un petit bout. Merci.
Le Président (M. Jolivet): J'invite donc
Me François Aquin à venir ici à l'avant et
M. Jean Bédard, greffier, à procéder au
serment.
M. François Aquin
Le greffier (M. Jean Bédard): M. Aquin, pourriez-vous
mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi:
Je (vos nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité?
M. Aquin (François): Je, François Aquin,
déclare solennellement que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, je vous
demanderais de rester puisque, selon une demande, on aurait...
M. Aquin: On demande que mes collègues soient
assermentés, mais, pour le moment, je suis prêt à
commencer.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. La demande est que Me
Aquin fasse, en premier lieu, des remarques préliminaires.
À vous la parole, Me Aquin.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...j'aurais seulement une petite communication
à faire à la commission avant qu'on entende les avocats de
l'étude Geoffrion et Prud'homme. J'ai fait partie de cette étude
pendant une quinzaine
d'années, de 1956 comme étudiant jusqu'en 1971. Parmi les
trois membres de cette étude qui sont ici aujourd'hui, deux sont
d'anciens associés professionnels. J'ai même eu l'occasion de
faire partie du comité qui a engagé Me Jetté. Nous ne
l'avions d'ailleurs jamais regretté. Je voulais seulement vous dire que
je n'ai plus aucun lien avec cette étude depuis nombre d'années,
mais simplement par souci d'éthique, je voulais vous déclarer ce
fait et vous dire que je ne participerai pas aux délibérations en
ce qui concerne l'audition de ces témoins.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Me Aquin.
M. Aquin: M. le Président...
M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous nous priviez de votre
présence.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Me Aquin.
M. Aquin: M. le Président, il ne s'agit pas d'une
déclaration préliminaire, mais plutôt d'un exposé
des différents documents que nous vous avons remis pour que nous
puissions ensuite répondre à vos questions. Les questions dont
nous allons débattre, surtout celles qui ont trait aux documents que
nous avons remis, sont assez techniques. L'exposé sera peut-être
un peu long, mais je pense que, de toute façon, en suivant cette
méthode, on peut gagner du temps.
M. Duhaime: Je m'excuse, Me Aquin, est-ce que vous pourriez nous
présenter votre bras droit et votre bras gauche?
M. Aquin: J'y arrivais, M. le ministre. M. Duhaime: Je
vous remercie.
M. Aquin: Je suis accompagné de deux associés de
mon bureau, Me Jean-Paul Cardinal et Me Michel Jetté. Nous sommes les
trois représentants du cabinet juridique Geoffrion et Prud'homme.
Nous sommes ici pour faire tout l'éclairage sur les sujets que
vous étudiez. Nous avons été relevés du secret
professionnel par notre cliente, la SEBJ. Je vous lis la résolution ou
une partie de la résolution qui est datée du 13 avril dernier:
"Conséquemment, il est unanimement résolu de libérer, dans
le cadre du mandat de la commission parlementaire, Mes Jean-Paul Cardinal,
François Aquin et Michel Jetté de leur obligation envers la
compagnie de conserver le secret professionnel qui leur est imparti par
l'article 131 de la Loi sur le barreau".
Le 30 septembre 1975 jusqu'au 13 mars 1979, notre bureau a eu, de la
SEBJ, les mandats de représenter cette société dans
l'instance, dans le procès et aussi, dans la suite des démarches
qui ont mené à la transaction finale qui a été
déposée le 13 mars devant la Cour supérieure. Pendant
cette période - 42 mois - 12 avocats de notre bureau et, plus
particulièrement, 7 avocats, ont collaboré à ce travail
collectif. Je ne tiens pas compte de tous les travaux ponctuels qui ont pu
être requis d'autres avocats du bureau, des stagiaires, des
étudiants et même des collaborateurs extérieurs. C'est ce
travail collectif immense qui a totalisé environ 4500 heures que nous,
les trois représentants du bureau, avons à présenter ou
à rendre compte sous certains aspects devant cette commission
parlementaire. Vous conviendrez qu'il s'agit d'un travail énorme et,
à certains égards, impossible, mais on nous dit toujours
qu'impossible n'étant pas français, nous avons quand même
la tâche de vous faire le compte rendu de ce travail.
Qui sont les représentants qui sont devant vous? Je les
présente rapidement. Me Jean-Paul Cardinal a reçu le mandat le 30
septembre 1975, et le mandat du 14 janvier 1976 d'intenter les
procédures. La SEBJ était sa cliente. Le directeur de notre
cabinet, Me Cardinal, a eu continuellement la responsabilité de ce
dossier. Il a eu la fonction de voir à la planification et à la
coordination des tâches ainsi que celle d'assurer les communications avec
la SEBJ par le truchement du contentieux de cet organisme. Pendant les mois de
janvier, février et mars 1979, M. Cardinal s'est aussi acquitté
des différents mandats qui nous ont été confiés par
la société et qui ont conduit au règlement de cette
cause.
Quant à Me Michel Jetté, il a été à
la tête d'une équipe, le maître d'oeuvre - si je peux ainsi
m'exprimer - des recherches juridiques et factuelles qui ont conduit aux
opinions juridiques fournies et à la rédaction des
procédures. Il a assumé la tâche de préparer le
procès, de le piloter et, à la cour, il dirigeait une
équipe de quatre avocats chargés quotidiennement de l'instance
judiciaire.
Pour ma part je suis entré au bureau Geoffrion et Prud'homme le
1er juin 1977 et je suis devenu directeur du contentieux le 1er juillet 1978.
C'est surtout à ce titre que je me suis impliqué dans l'instance,
un peu à l'été, en allant visiter les lieux à LG 2,
mais plus à l'automne et à partir de décembre comme
l'instance devait s'ouvrir d'une façon plus intense et aussi, comme vous
le verrez, pendant les mois de janvier, février et mars.
J'ai participé avec Me Cardinal à la fonction de
planifier, de coordonner les tâches juridiques qui étaient
dévolues à notre bureau. Tout en étant personne ressource
aux fins du procès, surtout dans le domaine relatif aux lois de la
preuve, j'ai, pendant
les mois de janvier, février et mars étroitement
collaboré avec Me Cardinal dans l'exécution des différents
mandats reçus de la SEBJ et qui ont conduit à la transaction
finale.
J'ai accepté d'être le porte-parole. Je suggère
qu'après l'exposé que je ferai mes deux collègues puissent
être aussi assermentés pour ne pas retarder le débat et
pour pouvoir répondre aux différentes questions qui pourront
être posées.
Quel est le but de l'exposé que je fais. C'est de faire,
même pour des périodes où je n'étais pas au bureau,
un survol général. Dans ce survol général, de vous
indiquer au passage quelles sont les tâches plus particulières que
j'ai pu exécuter pour pouvoir diriger vos questions par la suite aux
personnes qui pourront vous donner les meilleures réponses.
Après nous être ainsi présentés, je vous ai
remis hier... et j'attire votre attention sur la documentation qui vous a
été remise. Nous avons préparé un premier livret
que j'appellerai "Correspondance." On dit: Correspondance du cabinet Geoffrion
et Prud'homme, projet de transaction et transaction finale. C'est le document
avec lequel je travaillerai plus particulièrement ce matin.
Je vous ai aussi remis un autre document qui s'appelle "Correspondance".
Celui-ci vient du cabinet Geoffrion et Prud'homme contenant leurs opinions.
Nous appellerons ce document "Opinions" si vous le voulez bien. Il comprend
toutes les opinions de notre bureau. Si vous prenez la table des
matières, vous voyez à la page 6 l'opinion du 16 décembre
1975, à la page 38 l'opinion du 11 décembre 1978, à la
page 41 l'opinion du 5 janvier 1979, à la page 55 l'opinion du 26
janvier 1979 et à la page 65 l'opinion du 19 février 1979. Les
autres lettres sont là parce qu'elles peuvent être
afférentes ou avoir trait à ces opinions.
Un mot sur les procédures. Le saccage de LG 2 a eu lieu le 21
mars 1974. Cela veut donc dire que c'est le 22 mars 1976 que la prescription
était acquise. Le 30 septembre 1975, le conseil d'administration de la
SEBJ, par l'intermédiaire de son contentieux, a retenu les services de
notre bureau aux fins de percevoir pour la société
d'énergie les dommages subis par elle à la suite des
événements survenus sur le chantier de la Baie-James au cours du
mois de janvier 1974. À la même occasion une opinion
préalable nous était demandée. Cette opinion fut fournie
le 16 décembre 1975. Le 14 janvier 1976, la SEBJ, par
l'intermédiaire de son contentieux, confiait au cabinet Geoffrion et
Prud'homme le mandat d'intenter les procédures. L'action fut
intentée le 27 février 1976. Elle fut modifiée le 29
juillet 1977. Le montant réclamé était de 31 275 000 $.
Les intérêts étaient les intérêts de 1056 c,
du Code civil, c'est-à-dire des intérêts qui aujourd'hui
sur une somme de 31 000 000 $ pourraient à peu près totaliser
aussi une trentaine de millions.
La défense du conseil provincial est du 20 octobre 1978. La
défense de l'International Union est du 28 novembre 1978.
Un mot sur le procès. Le 28 août 1978, M. le juge
Deschênes, juge en chef, convoquait les avocats et établissait
à six mois la durée du procès. Il se peut que le
procès ait pu durer plus longtemps. Le procès devait être
présidé par M. le juge Bisson. Le procès débuta le
15 janvier 1979 devant M. le juge Bisson et l'instance se poursuivit pendant 23
jours, en janvier et février. Il y eut, en janvier, 11 jours d'audience
et, en février, 12 jours. À l'audience du 28 février, les
procureurs des parties avertirent le juge qu'un règlement de l'instance
pouvait être imminent et il n'y eut plus d'autres audiences. Le 13 mars,
les parties déposaient devant la cour la déclaration de
transaction.
Maintenant, arrivons à ce qu'ont été les
pourparlers, les négociations, qui ont mené à la
transaction. Le 9 janvier 1979, Me Jetté et moi-même fûmes
invités au conseil d'administration de la SEBJ. Nous avons
résumé à ce moment-là notre opinion du 5 janvier.
Les questions ont porté surtout sur la responsabilité du syndicat
américain et sur la solvabilité des défendeurs. Le 10
janvier, à l'occasion d'une rencontre entre Me Jetté, Me Jasmin
et Me Beaulé, ce dernier, pour le compte du syndicat américain,
fit une proposition que le cabinet de Geoffrion et Prud'homme interpréta
comme une offre de 250 000 $. Ce pourquoi je dis que nous l'avons
interprétée ainsi, c'est qu'à ce moment-là nous
pensions être devant une offre de 250 000 $. Me Beaulé a ensuite
soutenu qu'il y avait eu malentendu; j'y arriverai. Le 11 janvier 1979,
confirmée à nouveau dans un entretien téléphonique,
l'offre de la veille, que nous pensions être de 250 000 $, fut
communiquée à Me André Gadbois qui était de passage
à notre bureau et il en informa immédiatement M. Claude
Laliberté. Le 13 janvier 1979 - c'est un samedi - Me Cardinal
reçoit une communication téléphonique de Me Gadbois. La
SEBJ nous demande d'appuyer une demande d'ajournement qui sera faite par Me
Jasmin, lundi, à l'audience. Le but de cet ajournement, d'au moins une
semaine, pourrait permettre à la partie syndicale de formuler une offre.
Nous avions eu cette première avance de Me Beaulé, si je peux
m'exprimer ainsi. La partie syndicale manifestait l'intention de vouloir faire
une offre.
Le 15 janvier 1979, c'est l'ouverture du procès. Les avocats se
rencontrent en présence du juge au sujet de l'ajournement,
mais celui-ci est refusé. Au palais de justice, Me Jasmin et Me
Beaulé rencontrent Me Cardinal et moi-même. Les procureurs
syndicaux se disent prêts à commencer, selon leur expression, des
pourparlers de négociations. Me Cardinal et moi-même n'avons aucun
mandat à cet effet et Me Cardinal va téléphoner à
Me Gadbois à la SEBJ. Ce dernier lui dit que le seul mandat que nous
pourrions avoir, c'est d'écouter.
Je tiens ici à ouvrir une parenthèse qui est importante,
parce que certains journaux ont dit que nous avions parfois agi sans le mandat
de nos clients. C'est une erreur. C'est totalement faux. Nous avons toujours
agi en communication constante avec notre cliente, la SEBJ. Mais ce qu'il faut
avoir à l'esprit, c'est que nous ne sommes pas en contact avec le
conseil d'administration, sauf dans des cas exceptionnels. Nous ne sommes pas
en contact avec M. Laliberté, sauf dans des cas exceptionnels. Nous
sommes en contact avec le contentieux et la personne avec qui nous communiquons
au contentieux est Me Gadbois. Voilà pourquoi je mentionnerai son nom
assez fréquemment. Quand on parle d'un contact avec Me Gadbois, c'est un
contact que nous avons par le truchement officiel de notre cliente, la
SEBJ.
Après cette conversation téléphonique et au cours
de cette conversation téléphonique, Me Gadbois souhaite que nous
allions à la SEBJ, en fin d'après-midi. À la fin de cet
après-midi du 15 janvier, Me Cardinal et moi-même nous rendons
à la SEBJ et rencontrons Me Gadbois et aussi -c'est une des rares fois
que nous sommes en contact avec le président - M. Claude
Laliberté. (11 h 15)
M. Claude Laliberté confirme le mandat du bureau Geoffrion et
Prud'homme qui nous avait été mentionné le matin, lequel
est, pour le moment, d'écouter sans commencer aucune négociation
proprement dite. De plus, M. Laliberté nous dit que, s'il doit y avoir
des offres syndicales, elles doivent être faites par écrit pour
qu'il puisse les déposer devant son conseil d'administration.
Le 16 janvier 1979, Me Michel Jasmin se rend au bureau de Geoffrion et
Prud'homme et rencontre Me Cardinal et moi-même. D'abord, Me Jasmin nous
communique la version de Me Beaulé, sur ce que nous avions pensé
être une offre de 250 000 $. Me Beaulé se serait dit prêt
à offrir autant que le syndicat québécois et ce,
jusqu'à concurrence de 250 000 $. Il en faisait une question de principe
de ne pas mettre plus d'argent que le syndicat québécois en
mettait. C'est l'explication que Me Jasmin nous donne.
Maintenant, comme M. Beaulé semble réticent à nous
rencontrer, parce qu'à la cour, il avait dit, "si vous n'avez pas le
mandat de négocier, je ne m'ouvrirai pas", Me Jasmin nous dit qu'il
prend en main, ce qu'il appelle "les négociations". Il nous remet,
à ce moment-là, sa lettre du 16 janvier. Cette lettre du 16
janvier, vous la trouvez à la page 1 de notre dossier "Correspondance".
"Tel que convenu lors de notre rencontre, ce matin, au palais de justice -on
était retourné au palais de justice ce matin-là. Il nous
avait vus et nous avait dit qu'il viendrait nous porter ce document au cours de
l'après-midi - nous vous transmettons sous pli une proposition de
règlement dans cette cause d'intérêt public." J'attire
votre attention sur le troisième paragraphe. "Par contre, je vous fais
part que j'ai un mandat de négocier pour l'Union des opérateurs
du Québec, pour l'Union internationale des opérateurs de
machinerie lourde, le Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction. Je vois donc mon mandat comme étant le porte-parole des
syndicats québécois dans le présent dossier."
Une proposition de règlement suit. De toute façon, vous
l'aviez déjà en main. À la page 3 a, vous avez les
propositions finales: "Que l'Union des opérateurs du Québec et
l'Union internationale des opérateurs de machinerie lourde admettent
leur responsabilité par voie de confession de jugement partiel; que le
Conseil provincial des métiers de la construction, sans admettre une
responsabilité, participe aux indemnités; qu'un
désistement, sur la base de chaque partie payant ses frais, intervienne
quant aux autres défendeurs; enfin, qu'une indemnité de 50 000 $
soit versée à la SEBJ.
Me Jasmin ne parle pas pour Me Beaulé, mais il semble bien que,
si Me Beaulé est toujours désireux de couvrir les offres de Me
Jasmin, on soit effectivement devant une possibilité de proposition de
100 000 $.
En terminant, Me Jasmin nous demande de rencontrer M. Claude
Laliberté, parce qu'il veut lui faire valoir, comme il le dit dans sa
lettre, à la page 1, dernier paragraphe: "Au soutien de cette
proposition de règlement, je vous ferai part également de vive
voix de certains arguments qui ne sont pas nécessairement d'ordre
juridique". C'est ce qu'il voulait communiquer à M. Laliberté.
Quels sont ces arguments? Ce sont les arguments qui avaient trait à la
paix sociale sur le chantier.
Le 17 janvier 1979, la lettre de Geoffrion et Prud'homme à Me
André Gadbois communique à la SEBJ la teneur de la réunion
que nous avons eue la veille avec Me Jasmin. Non seulement, nous avions
communiqué cette teneur par téléphone, mais nous l'avons
immédiatement écrite, le lendemain. Vous avez cela à la
page 4: "Vers 17 heures hier, Me Michel Jasmin est venu au bureau. Lors de
cette rencontre, j'étais
accompagné de Me François Aquin. Me Jasmin était
porteur d'une lettre du 16 janvier et d'une proposition de règlement.
Les deux documents sont joints. Il nous a de plus communiqué que Me
Beaulé, procureur du syndicat américain, était prêt
à recommander à ses clients le versement d'une somme de 50 000 $.
Il ne semble pas que Me Beaulé accepte, du moins pour le moment, de
mettre par écrit cette offre qui nous est présentement soumise
par Me Jasmin.
À la page 5, la participation du syndicat américain
était acquise. Les propositions soumises totaliseraient donc 100 000 $.
Nous avons déjà fait part à Me Jasmin de notre
étonnement puisque la semaine dernière Me Michel Jetté, de
notre bureau, avait reçu de Me Beaulé une offre de transaction de
250 000 $, offre que Me Jetté avait fait confirmer par Me Beaulé
lors d'une conversation téléphonique le jour suivant. La version
de Me Beaulé, selon Me Jasmin, indiquerait que Me Beaulé
s'était dit prêt à offrir la même somme que les
syndicats québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $. Nous
acceptons qu'il y ait eu malentendu mais, pour éviter un nouvel
imbroglio, il devient nécessaire que toute proposition de
règlement soit, à l'avenir, formulée par écrit
comme l'avait d'ailleurs indiqué le président de la
société lors de notre rencontre de lundi dernier. Me Michel
Jasmin souhaite vivement rencontrer le président de la
Société d'énergie de la Baie James pour lui exposer, selon
les termes de sa lettre, certains arguments qui ne sont pas
nécessairement d'ordre juridique. Il demande que la
Société d'énergie de la Baie James ne se prononce pas sur
sa proposition avant la tenue de cette rencontre.
Comme je vous l'ai dit, il exposera les arguments qui ne sont pas
d'ordre juridique. Il s'agit de tous les arguments qui ont trait à la
paix sociale sur le chantier, Me Jasmin parlant à ce moment-là
pour les syndicats qu'il représentait. À la SEBJ le 17 janvier,
après l'envoi de cette lettre à la SEBJ, on nous informe que M.
Laliberté est prêt à rencontrer M. Jasmin. À la SEBJ
il y a donc une rencontre entre M. Claude Laliberté, Mes André
Gadbois, Jean-Paul Cardinal, François Aquin et, pour une partie de cette
réunion, Michel Jasmin. Ce dernier parle de ces arguments qui ne sont
pas nécessairement des arguments juridiques et traite surtout de la paix
industrielle sur le chantier.
Après le départ de Me Jasmin, M. Claude Laliberté
nous déclare que la proposition reçue est inacceptable. Il nous
demande de préparer une formule de transaction qui soit acceptable
à la société au cas où, à la réunion
du conseil d'administration du mardi suivant, on déciderait de commencer
des négociations.
M. Laliberté précise que cette formule de transaction doit
être remise aux parties syndicales en laissant en blanc le chiffre de
l'indemnité. Il nous reconfirme notre mandat d'écouter. Nous
avons donc à ce moment-là deux mandats et c'est peut-être
ce qui a pu causer des imbroglios parfois dans notre facturation. Nous avons le
mandat d'écouter mais nous avons aussi le mandat de préparer une
formule de transaction qui, si les offres syndicales sont acheminées au
conseil d'administration, serait acceptable à la SEBJ mais serait aussi
acceptable à toutes les autres parties en cause.
Le 18 janvier nous communiquons avec Me Michel Jasmin et le
prévenons que, si toutes les parties défenderesses sont
prêtes à faire une offre, elles doivent la faire par écrit
avant le lundi suivant pour être présentée au conseil
d'administration le mardi suivant. Nous lui mentionnons aussi avoir reçu
le mandat de préparer un projet de déclaration de transaction qui
soit acceptable à la SEBJ mais aussi à toutes les autres parties
dans l'éventualité d'une telle offre. C'est moi qui devais
rédiger la formule de transaction. Ma première réaction
est que, si j'essaie de préparer une formule de transaction qui sera
signée et acceptée par tout le monde, je pense que je serais
encore en train de la rédiger. J'opte donc pour une formule de
transaction que j'appellerais une formule multilatérale que j'avais
déjà préparée dans d'autres causes. Chaque partie
continue de réitérer le gros de ses prétentions et ce qui
leur est commun est qu'elles s'entendent sur un règlement. Elles
s'entendent pour ne plus soumettre leur litige aux juridictions.
C'est donc la formule pour laquelle j'avais opté. Je
prépare donc ainsi le 18 janvier cette formule. Pour les fins de la
préparation de la déclaration de transaction, Me Jasmin semble
avoir le mandat de représenter les autres défendeurs. Aussi
suis-je très souvent au cours de cette journée-là en
contact téléphonique avec lui pour être bien sûr que
la façon dont je dispose cette formule sera aussi acceptable aux
syndicats.
Je suis aussi en contact, cette journée-là, avec Me
Gadbois pour être sûr que cette formule est aussi acceptable
à la SEBJ. Le texte d'une déclaration de transaction est donc
établi et expédié le même jour à Me Gadbois
avec notre lettre du 18 janvier 1979. Vous avez ceci à la page six. Vous
voyez en haut que c'est une lettre du 19 février, cela dépend des
copies, c'est manifestement une erreur, c'est la première lettre, celle
du 18 janvier 1979. "À la suite de la rencontre qui réunissait
hier - cela corrobore - le président de la société
d'énergie, vous-même, Me Jasmin, François Aquin, le
procureur soussigné, il nous a été demandé de
préparer une formule de transaction qui vous serait acceptable dans le
cas où le conseil
d'administration de la société déciderait de donner
suite à l'offre de négociation faite par certaines des parties
défenderesses".
À la page sept, vous avez la formule que j'ai
préparée. Qu'est-ce que je fais dans cette formule? Quand
j'écris l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec et le conseil provincial, comme je ne suis pas là pour
parler pour eux, je prends la proposition de M. Jasmin que vous avez à
la page trois et je la copie telle quelle. Ensuite M. Jasmin me dit que quant
à l'union internationale, M. Beaulé ne reconnaît rien, cela
facilite beaucoup la tâche, alors vous avez uniquement le paragraphe 9.
Elle ne reconnaît pas sa responsabilité mais pour manifester sa
coopération avec les syndicats québécois qui lui sont
affiliés elle verse la somme. Il me transmet aussi la position de Me
Cutler pour le local 134. Lui non plus ne reconnaît pas sa
responsabilité et, quant à la société
d'énergie, après communication avec Me Gadbois, nous avions eu
cette rencontre avec M. Laliberté. Dans cette rencontre il y avait eu
d'évoquées la dimension internationale d'Hydro-Québec et
la paix sociale.
Je fais quelques paragraphes qui me semblent être des paragraphes,
pour bien s'entendre, qui seraient valables dans une cause
réglée, c'est-à-dire si un conseil d'administration
règle, je comprends que ces motifs pourraient être des motifs qui
soient retenus par un conseil d'administration. Nous ne sommes pas là
pour dire à nos clients quand régler, oui ou non; nous
accomplissons les mandats que nos clients nous donnent. C'est dans cette
perspective que je me dis, dans la perspective où il y aurait une offre
et dans la perspective où il y aurait une transaction, ceci semble
représenter des éléments qui ont été
évoqués au cours des discussions avec Me Jasmin et aussi au cours
de mes communications avec Me Gadbois, c'est le document que nous envoyons
à la SEBJ. Le document vraiment original de cela, vous l'avez en main
avec des notes manuscrites dessus, c'est le document qui a été
reçu à la SEBJ, on se comprend bien. Vous l'avez ici, mais on a
enlevé les notes manuscrites pour le mettre dans sa forme originale. Le
document original, ce document, c'est celui qu'on envoie à la
Société d'énergie de la Baie James. Je crois, je ne veux
pas parler pour d'autres, que c'est Me Gadbois qui a fait les notes. C'est le
même, c'est le premier projet de transaction. Me Gadbois, qui, je crois,
est celui qui fait les notes sur le document que vous avez, nous
téléphone pour faire certaines modifications qui sont conformes
aux notes que vous avez, avant que nous remettions le texte au
défendeur.
Nous remettons le texte au défendeur toujours dans les mains pour
le moment de Me Jasmin. Après cet appel de Me Gadbois qui nous fait
certaines remarques, je ne vous les ferai pas toutes parce que c'est vraiment
inutile, mais entre autres, il nous demande d'enlever le paragraphe 4 parce
qu'il pense -même si c'est la déclaration des syndicats -que cela
constitue une menace qui ne sera sûrement pas acceptable par un conseil
d'administration. Advenant une condamnation contre les syndicats
québécois, car les salariés de la construction se
joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux rendant
ainsi improbable l'exécution du jugement. À un certain moment, il
nous demande de remplacer "productivité considérable" par "bonne
productivité", c'est au paragraphe 2. Nous, quant à refaire,
parce qu'on a travaillé rapidement, on en vient à la conclusion
qu'il faudrait ajouter aussi "la seule union internationale" au paragraphe 18.
Il apparaît injustifié dans les circonstances de continuer les
procédures contre la seule "International Union", le tout, dans la
perspective où nos clients décideraient d'une transaction,
évidemment.
Alors, après avoir reçu ces appels
téléphoniques de Me Gadbois, nous recorrigeons le texte. La
déclaration modifiée de transaction - vous l'avez à la
page 15. C'est le document que nous remettons à Me Jasmin, avec
l'autorisation de notre client et à la demande de notre client, page 14
et suivantes. 19 janvier. Les procureurs syndicaux nous préviennent et
font, avec notre accord, certaines modifications au texte. Voyez
l'échéancier. Eux doivent nous remettre une offre le lundi pour
qu'elle soit soumise le mardi; alors on travaille rapidement. On travaille
rapidement à telle enseigne que, si vous regardez l'offre de la page 15,
on n'a pas pris la peine de redactylographier et c'est là que vous avez
un paragraphe qui est enlevé. M. Gadbois nous a dit: Enlevez le
paragraphe 4. On l'enlève, on change l'ordre et on continue. On la remet
aux syndicats et vous verrez qu'ils semblent pressés de leur
côté aussi parce qu'ils prennent le même texte, ce qui est
normal, mais vous avez toujours le trou entre 3 et 4 et l'explication est d'une
grande simplicité quand on sait ce qui s'est passé. Quand on ne
le sait pas, on peut se poser la question.
Alors les procureurs syndicaux nous appellent mais ils veulent quand
même faire quelques modifications au texte. Ils veulent nous le soumettre
parce qu'ils n'ont pas envie, je pense bien, que tout bloque uniquement sur une
modification qui n'aurait pas été prévue. Quelles sont les
modifications? Ils veulent remplacer "Union des opérateurs de machinerie
lourde, etc." partout où cela vient dans le texte par "le conseil
d'administration de l'Union des..." parce que vous savez que c'était en
tutelle à ce moment et que cela pouvait leur poser des
problèmes.
Ensuite, pour vous montrer le haut degré de technicité
où nous sommes rendus, ils nous demandent à un moment, au
paragraphe 6, de remplacer le mot "mitigés" des dommages mitigés,
par "compensés". Nous communiquons avec Me Gadbois qui est d'accord sur
ces modifications. 22 janvier. Les parties syndicales ont promis de nous
remettre leur offre aujourd'hui, 22 janvier, pour qu'elle puisse être
étudiée demain, mardi, par le conseil d'administration, selon ce
que M. Laliberté nous avait dit. Dans la perspective où ces
offres pourraient être acceptées ou considérées par
le conseil d'administration comme le point de départ d'une
négociation, Me Gadbois nous interroge sur les sommes qui nous seraient
dues ce jour à notre bureau par la SEBJ. Il prévoit, j'imagine
bien, de son conseil, la question: Où en êtes-vous avec les
honoraires de vos avocats?
Nous écrivons, le 22 janvier toujours, pour répondre
à cette question. Nous disons qu'au 31 décembre les honoraires et
déboursés étaient de 220 000 $ et nous disons qu'à
ce jour on pense être à 62 000 $, mais l'ordinateur n'a pas toutes
les données; alors, on fait toutes les réserves. Et, à la
page 23, il faut rappeler que si la cause se terminait par un règlement,
des dépens d'environ 300 000 $ seraient dus par la Société
d'énergie de la Baie James à Geoffrion et Prud'homme en vertu du
tarif des honoraires judiciaires adoptés par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Je vous fais grâce de la lecture de tout ce texte et notre
proposition est celle-ci, c'est qu'il est exact que nous avions
été engagés à un taux horaire; je n'étais
pas au bureau à l'époque mais il est exact que nous avions
été engagés à un taux horaire. "Opinions", page 2:
"Nous avons convenu que les honoraires de votre étude légale pour
ses services seraient basés sur les tarifs horaires établis selon
le personnel utilisé." C'était la lettre de M. Gadbois qui nous
donnait le mandat.
Par contre, comme dans toute formule de transaction, et c'est d'ailleurs
à la demande des procureurs syndicaux, les formules de transaction se
terminaient de la façon classique en disant à un certain moment:
"Que chaque partie convienne de passer transaction et de régler la
présente instance hors cour, chaque partie payant ses propres
dépens pour les différentes considérations
mentionnées." Dans les corrections apportées par le syndicat,
vous le verrez, le syndicat nous avait demandé de faire une correction,
disant - je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais on va revoir leur texte
quand il va revenir - "chaque partie payant ses propres déboursés
et honoraires judiciaires." Ce qui revenait au même; c'était quand
même assez précis. M. Gadbois avait accepté cela.
C'est moi qui ai écrit la lettre du 22 janvier. Je ne sais pas
qui la signe, mais c'est ma préparation. Alors, dans cette lettre ma
position est celle-ci: nous sommes engagés au taux horaire; par contre,
prenons n'importe quelle cause, si nous plaidons une cause et la gagnons, les
honoraires judiciaires nous appartiennent, sont distraits à notre faveur
et sont payés directement par la partie adverse. Même si on a une
entente au taux horaire avec notre client, je considère qu'à ce
moment-là, on a le droit aux honoraires judiciaires qui nous sont
versés par la partie adverse.
Si le client décide de régler, ce qui est toujours la
responsabilité d'un client, les avocats sont là pour prendre les
actions et les plaider; les clients décident si, oui ou non, ils vont
les régler. Si le client décide de régler, M. Bernier le
dira dans une lettre du 5 janvier à M. Saulnier, il y a une coutume - il
prétend, semble-t-il, qu'elle est un peu discutable, mais de toute
façon on n'est pas ici pour plaider la cause - qu'à ce
moment-là, l'avocat va demander à son client de payer les
honoraires judiciaires. Est-ce que ce texte de 1975 nous empêche de
réclamer ceci? À ce moment-là nous nous réunissons
au bureau et nous pensons que non. Nous sommes quelques-uns à prendre
cette décision. Donc nous demandons ces 300 000 $.
Est-ce que les honoraires judiciaires doivent être sur le montant
du règlement ou sur le montant de l'action intentée? Nous pensons
que c'est sur le montant de l'action intentée. C'est justement cette
question qui est devant la Cour d'appel dans la cause que le ministre a
évoquée tout à l'heure; parce que l'avocat
vis-à-vis de l'aide juridique demande 300 000 $ sur la cause telle
qu'intentée. Donc, nous laisserons les tribunaux décider de cette
question, mais pour que tout le monde soit très relaxé
immédiatement, je vous dirai que nous avons renoncé à ce
montant. Mon client étant ici, je voudrais éviter des chocs.
Alors, ce qui s'est passé, je pense que c'est en mars, M.
Cardinal a eu l'attitude suivante de dire: Est-ce vrai ou faux? Je pense que la
demande pouvait être justifiée, mais l'esprit que nous avions en
1975 n'était pas cela. Et il a renoncé à cette
réclamation de 300 000 $. Cette réclamation s'est faite
uniquement en mars et même si notre réclamation n'est pas encore
prescrite, je pense que c'est un aveu judiciaire que nous faisons.
Dans cette lettre d'ailleurs, nous disions que nous pensions avoir droit
à ce montant et qu'en plus, indépendamment de la question de
droit, il est évident, et j'attire votre attention sur la page 24,
dernier alinéa: "Sans parler de Me Cardinal et de Me Aquin qui
s'étaient réservé le temps requis pour
superviser et orienter le travail juridique à fournir, il ne faut
pas oublier non plus que le temps de quatre avocats de notre bureau, soit Mes
Jetté, Guèvremont, Dorais et Prud'homme, a été
totalement réservé à cette cause jusqu'en juillet
prochain; que conséquemment, jusqu'à ce terme de juillet
prochain, les procureurs en question se sont libérés de tous les
dossiers dont ils avaient la charge. La période de réorganisation
qui suivrait la fin immédiate de cette instance requiert, à notre
sens, une indemnisation qui est de l'ordre du montant des honoraires
judiciaires déjà fixés par le tarif. Les présentes
remarques sont faites sans préjudice à notre position, en ce sens
que la somme fixée par le tarif est aussi due. Les présentes
remarques veulent indiquer simplement qu'une pareille somme juridiquement due
correspond aussi aux besoins pratiques de la gestion d'une entreprise
engagée dans une telle instance. Il s'agit d'un cabinet juridique de 35
avocats et il est sûr que nous avions prévu au moins six mois de
travail à la cour et, à toutes fins utiles, peut-être un
peu plus".
Je voulais répondre immédiatement aux questions qui ont
déjà évoquées ce matin sur cette question de notre
lettre du 22 janvier. Je ne pense pas que ce soit une question
déterminante, mais je voulais l'expliquer immédiatement pendant
que nous passions à ce chapitre. Si nous avions pu prévoir
l'avenir, nous aurions peut-être eu un post-scriptum pour nous demander
d'être indemnisés au cas où il y aurait une commission
parlementaire.
Le 22 janvier, on nous interroge sur les sommes dues. Vous avez la
lettre du 22 janvier. Le 22 janvier, Me Jasmin nous remet sa lettre. La lettre
du 22 janvier ou la documentation du 22 janvier commence à la page 26.
À cette lettre est jointe la déclaration de transaction que nous
lui avions remise. Vous vous souviendrez que M. Laliberté nous avait dit
de lui remettre une déclaration de transaction avec le montant en blanc.
Me Jasmin a pris notre texte, le texte dont on avait convenu - il ne l'a pas
redactylographié, on voit le paragraphe 4 qui est disparu - et il a mis
le montant: 125 000 $. Alors à cette lettre est donc jointe la
déclaration de transaction qu'on lui a remise et qu'il a modifiée
sur des points mineurs avec notre consentement.
Ensuite, vous avez, jointe à ceci, la lettre de Me Beaulé;
elle est à la page 48, les autorisations de régler de tous les
syndicats impliqués, les signatures données par une ou deux
personnes qui ne sont pas représentées par avocat. Si vous suivez
bien le scénario jusqu'à maintenant, on avait eu une
première avance de Me Beaulé, on avait eu la proposition de Me
Jasmin qui nous disait parier au nom d'autres personnes. Là, nous avons
une offre complète de toutes les parties en cause. Tout ces gens ont
signé. Nous avons tout cela. Vous avez la proposition de transaction
avec la lettre de Me Jasmin. M. Beaulé nous remet la même
proposition de transaction, évidemment, mais il en a obtenu une
traduction anglaise pour la soumettre à ses clients. Donc, nous avons
toute la documentation.
Prenons la page 26 à la lettre de Me Jasmin: "Pour faire suite
à nos nombreuses discussions, vous trouverez ci-inclus une proposition
de transaction qui nous permettrait de mettre fin au litige dans la cause avec
la Société d'énergie de la Baie James. "Il est bien
évident que les paragraphes concernant la déclaration de la SEBJ
ont été préparés par votre firme et ont
été incorporés au présent texte. "Comme vous le
savez sans doute, les parties impliquées au litige tentent actuellement
d'en, arriver avec un règlement avec les assureurs et, à tout
événement, cette proposition 'ne saurait porter préjudice
aux droits des défendeurs dans les autres causes impliquant les
assureurs de la SEBJ. "Nous annexons à cette proposition les lettres
d'autorisation pour signer ce document." Vous avez toutes ces lettres.
Si nous allons à la page 48, vous avez le texte de M.
Beaulé: "J'annexe à la présente les versions
française et anglaise d'une transaction... J'aimerais cependant
préciser ce qui suit: Eu égard aux sommes considérables
que ma cliente à dû payer -frais d'ingénieurs-conseils,
avocats, etc. - il serait irréaliste de penser que l'indemnité
forfaitaire - 125 000 $ - payable à la Société
d'énergie de la Baie James puisse être augmentée; "Le
versement de l'indemnité dont il s'agit serait effectué comptant;
"Ma cliente estime qu'un règlement global de toutes les causes mues
devant l'honorable juge Bisson doit intervenir simultanément". Je pense
qu'il réfère, à ce moment-là, aux causes des
compagnies d'assurances.
Nous irons maintenant, si vous le voulez bien, à la page 63. Le
même jour, le 22 janvier 1979, je pense qu'il y a une autre erreur. Ces
erreurs arrivent en janvier. Cela arrive aussi quand on travaille vite. Je
pense que c'est écrit 1978, alors c'est le 22 janvier 1979. M. Cardinal
fait la nomenclature de tout ce qu'on a reçu. Il écrit à
Me Gadbois: "Vous trouverez ci-joint les originaux des documents suivants...".
Il s'agit de la transmission de toutes les lettres que nous venons de recevoir.
Me Cardinal porte lui-même cette lettre à la SEBJ et il rencontre
MM. Claude Laliberté et André Gadbois. (11 h 45)
Le 23 janvier, il y a la réunion du conseil d'administration de
la SEBJ. Nous n'assistons pas à ces réunions sauf quand
nous sommes invités. Dans ce dossier, vous avez vu que M.
Jetté et moi-même y sommes allés le 9; MM. Jetté et
Cardinal iront plus tard, à la fin de février. Je pense que ce
sont les deux seules fois que nous nous rendons au conseil
d'administration.
Fin après-midi, Me André Gadbois nous
téléphone et veut nous rencontrer le lendemain. Le lendemain, 24
janvier 1979, à la SEBJ, nous rencontrons M. Gadbois; sont
présents: M. Cardinal et moi-même. Me Gadbois nous fait part des
modifications que le conseil souhaite voir apporter à la
déclaration éventuelle de transaction. Ces modifications font
l'objet d'une lettre de Me Gadbois du même jour à laquelle est
jointe un mémoire portant sur les modifications projetées. Vous
avez cela à la correspondance, page 66.
La lettre est celle-ci. "Le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James a pris connaissance
à sa réunion d'hier des projets de déclaration de
transaction et de déclaration de règlement hors cour qui ont
été préparés dans le but d'une négociation
possible de règlement hors cour dans cette instance. "Le conseil, sans
se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande
d'apporter certaines modifications aux documents présentés,
lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe. "Veuillez revoir les
textes en question et nous transmettre, aussitôt que possible, de
nouveaux textes comportant les modifications désirées. "Veuillez
également nous faire parvenir un rapport sur les montants des divers
chefs de réclamation que, dans votre opinion et compte tenu du
développement de la cause à ce jour vous êtes en mesure
d'établir et de prouver devant le tribunal."
Nous répondrons à cette question dans notre opinion du 26
janvier que vous avez, dans les "Opinions", à la page 55.
Page suivante: "De plus, vous voudrez bien nous confirmer par
écrit votre opinion à l'effet que la société
d'énergie sera protégée dans l'éventualité
d'un règlement contre toute réclamation en dommages de la part
des défendeurs autres que les personnes morales qui, sans admission de
leur responsabilité, auront consenti à régler hors cour,
chaque partie payant ses frais."
Nous comprenons donc, parce qu'on ne nous le dit pas, qu'au conseil
d'administration, les propositions qui ont été transmises n'ont
pas été acceptées et que des questions ont surgi. Une
question sur le quantum des réclamations à laquelle nous devons
répondre et une question qui semble celle-ci: s'il y avait
règlement, est-ce qu'on peut être poursuivi par les individus
qu'on a poursuivis nous-mêmes, ces individus pouvant alléguer
qu'ils ont été poursuivis d'une façon abusive, sans droit,
etc? Nous répondrons plus tard.
Dans notre opinion du 26 janvier, Me Jetté répond à
la première question sur le quantum. C'est moi qui prépare
surtout la base et c'est la seule opinion à laquelle je travaille
personnellement qui forme la réponse à l'autre question: Est-ce
qu'on pourrait être poursuivi par les défendeurs? Ma
réponse est négative, parce que si des défendeurs ont
décidé de régler hors cour, chaque partie payant ses
frais, je pense qu'ils sont bien mal venus de prendre une action par la suite
pour dire: Vous m'avez poursuivi abusivement. Mais il n'y a pas de
jurisprudence à cet égard. C'est une opinion de laquelle je suis
assez certain. C'est l'opinion que nous avons donnée à notre
client sur cette question des recours éventuels de défendeurs
contre la SEBJ en cas de poursuite.
En soirée, nous sommes au 24 janvier, à CKAC et au poste
de télévision 12, des passages de la déclaration de
transaction sont lus au public. Ce n'est pas surprenant, parce que vous
comprendrez que pour que les syndicats nous fassent les offres du lundi, il y a
au moins une vingtaine de personnes qui ont eu les textes en mains. D'abord
tous les défendeurs, certains ne sont pas représentés par
un avocat, ils ne sont sûrement pas tenus à la
confidentialité des échanges épistolaires; ensuite, tous
les membres du conseil provincial, etc. C'est ainsi que, au public de CKAC et
de la télévision, on lit des passages de la déclaration de
transaction.
Je reviens rapidement à la lettre de Me Gadbois qu'on avait
à la page 66. Vous avez, la page 68, son mémoire concernant les
modifications suggérées au projet de déclaration de
transaction. Si on résume -parce que, comme je vous le dis, on
n'assistait pas aux séances du conseil d'administration et que le voile
corporatif de la SEBJ est assez dense. Donc, on n'avait pas d'idée
exacte sur ce qui s'était passé. Mais on comprenait que deux
questions avaient été posées et qu'aussi on voulait revoir
des parties de la transaction. Or, quelles étaient les modifications? Je
ne veux pas les prendre une à une, mais vous avez les principales dans
le mémoire de la page 68. Le 26 janvier 1979, à l'occasion d'une
rencontre qui réunissait Me Gadbois, Me Jean-Paul Cardinal et
moi-même, Me Cardinal et moi-même remettons un nouveau texte de
déclaration de transaction. À la suite de cette lettre de Me
Gadbois du 24 janvier, nous faisons un nouveau texte de déclaration de
transaction suivant le mémoire que Me Gadbois nous avait transmis. Ce
nouveau texte du 26 janvier 1979, vous l'avez aux pages 70 et suivantes de
votre recueil. On laisse le montant de 125 000 $ parce que c'est l'offre qu'on
a reçue à ce moment-là et on n'est pas là pour dire
au syndicat quel montant nous offrir. Nous
proposons une solution au cas où les paragraphes 14 et 15 ne
seraient pas satisfaisants pour le conseil d'administration, selon ce que Me
Gadbois nous avait dit. On fait un nouveau texte, un nouvel article 14 -que
vous avez à la page 78 - qui pourrait remplacer les articles 14 et 15 si
telle est l'idée du conseil d'administration. Le 26 janvier, nous
remettons donc ce nouveau texte modifié à Me Gadbois -
modifié à sa demande - et, de plus, nous remettons à Me
Gadbois l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, que vous avez ici dans les
opinions, à la page 55, qui avait été requise par Me
Gadbois dans sa lettre du 24 janvier, c'est-à-dire quel est le quantum,
quel est le montant des dommages que vous pensez pouvoir établir devant
un tribunal. Me Jetté fait des nuances. On réclame 31 000 000 $.
Il se peut que 19 000 000 $ aient l'air assurés et que certains autres
montants puissent être discutables. Et, dans cette opinion, vous avez
aussi la partie que je fais sur un recours éventuel des
défendeurs que nous ne prévoyons pas, si un règlement
devait intervenir.
Nous comprenons donc que tous ces documents que nous avons
préparés, c'est-à-dire la nouvelle transaction et notre
opinion sur le quantum dont je viens de vous parler, seront soumis au conseil
d'administration du mardi 30 janvier prochain. Le 30 janvier, il y a une
réunion du conseil d'administration. Ce pourquoi nous notons toujours,
nous, qu'il y a des réunions du conseil d'administration, c'est
qu'à chaque fois la SEBJ nous dit d'être prêts à
venir au conseil si on est requis, ou d'autres en contact avec eux, en fin
d'après-midi, pour qu'on nous dise quelles sont les décisions. Le
30 janvier, il y a donc une réunion du conseil d'administration. Le
cabinet Geoffrion et Prud'homme est informé par Me Gadbois que la
discussion d'un règlement éventuel est remise à une date
ultérieure.
Je reviens pour un instant maintenant que nous avons, que vous avez,
tous les procès-verbaux de ces réunions, on voit exactement
quelles ont été les décisions prises à ces
réunions. Nous, on a l'information de Me Gadbois et j'aime autant vous
la donner comme on l'a perçue, parce que maintenant on connaît,
comme tout le monde, toutes les réunions du conseil d'administration.
Mais, là, je vous les donne comme on les a perçues. Et, si vous
me dites: Regardez la réunion du conseil d'administration, ce n'est pas
exactement cela, ou c'est plus que ça, ou c'est moins ça qui a
été décidé, nous, c'est la façon dont on a
perçu les événements. On a pu se tromper aussi quelquefois
dans notre perception; on travaillait tous assez rapidement à ce
moment-là.
Le 2 février 1979, Me Gadbois informe le cabinet Geoffrion et
Prud'homme que Me
Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé doivent nous remettre
incessamment des rapports destinés à la SEBJ. Ces rapports
doivent faire état des difficultés de recouvrement contre les
syndicats québécois et, plus particulièrement, contre le
syndicat américain. Ils doivent, semble-t-il, révéler la
situation financière des syndicats québécois et leurs
problèmes dans ce domaine ainsi que la reprise, par Me Jasmin, de cette
partie de la déclaration de transaction qui vient de ses clients et dont
certains passages n'auraient pas été acceptés ou auraient
été jugés offensants par certains membres du conseil
d'administration de la SEBJ.
Or, j'assume que Me Gadbois a parlé à Me Jasmin. Il nous
avertit que Me Jasmin va nous apporter ses lettres et rapports, tant de lui que
de Me Beaulé. Nous sommes au 2 février. Mais, le 2
février, Me Jean-Roch Boivin, qui est directeur du cabinet du premier
ministre, fait un appel téléphonique à notre bureau et
demande à Me Cardinal et à moi-même si nous pouvons manger
avec lui. Sans vouloir faire la publicité d'aucun restaurant ni d'aucune
cuisine en particulier, je pense que c'était au Piémontais. Il
nous informe que, hier le 1er février, le premier ministre a
rencontré MM. Saulnier, Laliberté et Boyd et il est au courant
que Mes Jasmin et Beaulé doivent nous faire parvenir des rapports sur
les difficultés de recouvrement et la situation financière des
syndicats québécois.
Je me souviens lui avoir posé cette question: Est-ce que la
rencontre avec le premier ministre est une rencontre officieuse ou
confidentielle? Il nous a dit, non. Elle sera communiquée au conseil
d'administration de la SEBJ. Je me souviens aussi que je lui parle des nombreux
textes de transaction qu'on a faits. Je ne les ai pas en main. Je me souviens
qu'il nous répond: "Bien, si vous faites quelque chose, ne vous
accrochez pas uniquement dans des papiers ou dans des textes de transaction".
À mon souvenir, c'est à peu près tout ce dont je me
souviens de cette rencontre, qui est la seule rencontre, pour ma part, que
j'aurai avec Me Boivin dans ce dossier. Je ne la considère pas comme une
rencontre essentielle au dossier. C'est pourquoi elle n'apparaît pas dans
la facturation. C'était un lunch et je vous dis ce dont je me souviens.
Vous comprenez que, depuis une couple de semaines, je me suis gratté la
mémoire pour être sûr de vous dire grosso modo, au meilleur
de ma connaissance, le contenu de cette rencontre.
À la suggestion de Me Gadbois, nous recevons Me Michel Jasmin
à notre bureau, aux fins de regarder de nouveau - c'est vers la fin de
l'après-midi - la transaction et d'essayer de voir comment il pourrait
modifier les passages de la déclaration que certains membres du conseil
d'administration de la SEBJ ne semblent pas vouloir accepter.
Me Jasmin devient conscient que ces offres, sans être
officiellement refusées, n'ont pas été acceptées.
Je me souviens que, là, on a un échange assez long où on
lui fait comprendre qu'il devrait peut-être ajouter à sa formule
de transaction. Je pense bien qu'un des éléments importants,
à ce moment-là, dans l'esprit du conseil d'administration, tel
que je le constate d'après l'appel téléphonique de Me
Gadbois, est que la SEBJ apprécierait beaucoup que le Conseil provincial
des métiers de la construction admette sa responsabilité, du
moins dans certains domaines. Il accepte alors de modifier la transaction pour
que le Conseil provincial des métiers de la construction admette, avec
les réserves que vous connaissez, sa responsabilité.
Donc, nous regardons le texte de la transaction ensemble. Nous lui
remettons, afin de ne pas perdre de temps et avec l'autorisation de notre
client, le texte de transaction que nous avions préparé le 26
janvier et que nous avions remis à la SEBJ. Il était resté
en suspens à la SEBJ. La SEBJ nous dit à ce sujet qu'il y a
certains paragraphes qui devraient être revus par les défendeurs,
s'ils veulent qu'on représente de nouveau leur offre. Nous remettons ce
nouveau texte à Me Jasmin parce que nous voulons qu'il travaille sur le
dernier texte. Je pense que c'est l'autorisation expresse de notre client de ne
pas le faire travailler sur un texte antérieur - il est
déjà assez difficile de finir par en avoir un, comme vous voyez -
que l'on travaille au moins sur le dernier en liste. Me Jasmin accepte donc que
le Conseil provincial des métiers de la construction admette, dans
certaines limites, sa responsabilité. (12 heures)
Un des paragraphes qui n'est pas prisé par le conseil
d'administration, du moins par certains membres, c'est le paragraphe où
Me Jasmin déclare que la SEBJ et les syndicats sont des partenaires dans
l'oeuvre de la Baie-James. On enlève donc le mot "partenaires". On ne le
retrouve plus après. Nous savons aussi que la SEBJ souhaite que, s'il y
a une formule de transaction, soit incluse dans cette formule l'admission de
responsabilité du conseil provincial mais là, il y a
matière à discussion et nous aurons une admission de
responsabilité mais, comme vous le voyez, à l'intérieur de
certains paramètres. Me Jasmin nous assure donc que dès le lundi,
soit le 5 février, les lettres-rapports qui nous ont été
promis par Mes Jasmin et Beaulé doivent nous être remis ainsi que
le texte de la déclaration de transaction. Pour ne pas se tromper, on
lui a remis notre texte du 26. On lui a suggéré certaines
modifications. Il repart donc avec le texte du 26 et doit nous en remettre un
autre le 5.
Le 5 février 1979, le cabinet Geoffrion et Prud'homme
reçoit la lettre-rapport de Me Jasmin. C'est la correspondance qui est
à la page 79. C'est le rapport qui a été demandé
à Me Jasmin. À ce rapport est joint le texte de la proposition de
déclaration de transaction. Vous avez ce texte à la page 84.
Quand nous recevons le texte il y a encore certaines modifications, surtout
dans les admissions de responsabilité du conseil provincial. Au
paragraphe 5, vous voyez que le conseil provincial affirme qu'il n'a pas
encouragé, etc - c'est assez complexe - mais il reconnaît que sa
responsabilité puisse être engagée. À la demande de
Me Gadbois qu'on a rejoint par téléphone, on demande que cela
soit remplacé par les mots "est engagée". Vous avez des
discussions de cette nature. On commence donc à faire des corrections
dans le texte mais à un moment donné, pour ne pas abîmer le
texte, nous faisons un autre texte à notre bureau. Me Jasmin est
présent. C'est le texte du 5 février. C'est le texte que vous
retrouverez dans la transaction du mois de mars. Enfin nous sommes
arrivés au terme. C'est le texte que vous retrouvez dans la transaction
du mois de mars dans laquelle vous remarquerez qu'il n'y a qu'un paragraphe qui
a été ajouté. C'est le paragraphe dans lequel il est dit
que les assureurs ont été payés. Il fallait
évidemment attendre le mois de mars pour le dire. Je m'excuse de la
haute technicité de la préparation de cette déclaration de
transaction mais je pense qu'on devait la suivre à travers ces six ou
sept ébauches jusqu'au 5 février.
Vous remarquerez dans la déclaration de transaction du 5
février que le montant est redevenu en blanc. On a toujours le mandat
d'écouter quant au quantum, quant au montant. On a toujours le mandat de
préparer une formule de transaction et je pense qu'on a établi
clairement - ce qui n'était peut-être pas approuvé mais que
nous voulions quand même établir - que cette formule de
transaction est faite de concert étroit avec notre client et à sa
demande. Vous remarquerez donc que le montant est en blanc. Le montant est en
blanc parce que, selon ce dont je me souviens, Me Jasmin nous dit avoir
certaines difficultés avec son partenaire, Me Beaulé, sur la
question du quantum. Il revient à une idée qu'il avait
évoquée devant M. Laliberté, lors de la rencontre que nous
avions eue tous ensemble, que le règlement devrait se faire pour 1 $. On
n'a pas le mandat de discuter du montant d'argent mais nous comprenons qu'il
veut laisser le montant en blanc. Je me souviens lui avoir dit que ce
n'était pas ainsi qu'il progresserait bien rapidement. Telle est la
situation des choses. Le même jour nous recevons la lettre-rapport de Me
Beaulé. C'est à la page 99. On nous avait promis deux
lettres-rapports, vous avez celle de M.
Jasmin et celle de M. Beaulé à la page 99.
J'attire maintenant votre attention sur notre lettre du 5 février
1979, à la page 105, qui transmet immédiatement à Me
Gadbois les documents que nous venons de recevoir et l'informe de la
façon dont les modifications ont été apportées
à la déclaration de transaction. Le 5 février 1979, page
105: "Vers midi et trente aujourd'hui, Me François Aquin et le procureur
soussigné - c'est M. Cardinal qui écrit - ont reçu au
bureau Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé, à la demande de ces
derniers. Pour partie de la réunion, Me Beaulé était
accompagné de son associée, Me Ginette Lafortune. "Me Michel
Jasmin nous a remis une lettre du 5 février que nous vous transmettons.
Il nous a aussi remis photocopie d'une lettre de M. Guy Van de Weghe,
administrateur du Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction, du 11 janvier 1979, adressée à Me Michel Jasmin.
Cette dernière lettre nous a été transmise avec la
condition suivante: Vous êtes autorisés à livrer la teneur
de cette lettre au conseil d'administration de la société
d'énergie mais non pas à en distribuer des copies. Il s'agit
donc, comme vous le voyez, d'une communication privilégiée entre
avocats." C'était une lettre qui décrivait les finances du
syndicat québécois. "Me Michel Jasmin nous a aussi remis un texte
modifié de la dernière convention de transaction que nous vous
faisions parvenir le 26 janvier dernier. Par contre, il a apporté des
modifications séance tenante à ce texte." C'est ce que je vous ai
dit tout à l'heure. "Certaines de ces modifications ont
été aussi apportées par Me Jasmin, de concert avec Me
Beaulé. Me Jasmin nous a demandé, dans les circonstances, de
faire dactylographier un nouveau texte - le texte dont je vous ai parlé
tout à l'heure et que j'avais évoqué - un nouveau texte de
convention qui tiendrait compte du texte qu'il nous apportait aujourd'hui et
des modifications verbales qu'il a faites lors de notre rencontre. Nous vous
joignons ce texte." Comme je vous le dis, et le répète, les
modifications, c'est la teneur de l'aveu de responsabilité mitigé
du conseil provincial. "Me Rosaire Beaulé nous a apporté aussi le
texte d'une lettre qui doit vous être communiquée, mais il a
repris cette lettre pour y faire apporter certaines modifications. À 3 h
45, le texte de cette lettre nous a été remis par son
associée, Me Ginette Lafortune, et nous vous en joignons copie." Vous
avez vu cette lettre.
Le 6 février, réunion du conseil d'administration de la
SEBJ. On doit toujours se tenir à la disposition du conseil, mais nous
sommes à notre bureau, nous n'allons pas sur les lieux. Fin de
l'après-midi, Me
André Gadbois téléphone au cabinet Geoffrion et
Prud'homme. Le conseil d'administration demande - ici, je cite le texte parce
qu'on aura la lettre après - que nous explorions auprès des
procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement
hors cour suivant certaines modalités".
Le 7 février, les modalités à négocier du
règlement hors cour sont reflétées dans la lettre de Me
Gadbois du 7 février, page 107: "Le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James a
considéré, à son assemblée tenue hier, les
documents que vous m'avez transmis avec votre lettre du 5 février 1979.
Je vous confirme par la présente lettre le mandat dont je vous ai fait
part de façon verbale hier après-midi à l'effet que le
conseil d'administration demande que vous exploriez auprès des
procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement
hors cour de la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une
reconnaissance, par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette
cause, de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à
la société d'énergie d'une somme d'argent qui pourrait lui
être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées
par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient
réglées préalablement." Nous avons donc l'autorisation de
faire une négociation sur le quantum. Comme vous le voyez, nous avions
depuis longtemps l'autorisation de travailler sur la formule de transaction;
là, on nous donne des paramètres pour négocier le
quantum.
Il semble, dans l'esprit de notre client, même si cela n'est pas
mis par écrit, du moins c'est ma compréhension, que le montant
qui pourrait être acceptable pourrait correspondre aux honoraires ou
à une partie des honoraires payés à notre bureau. Ici, il
faut faire une nuance: Quand on parle, grosso modo, de 900 $ de frais, il y
a...
Une voix: Combien?
M. Aquin: Pardon? 900 000 $. Il y a dans ceci un montant de 465
000 $ qui nous est versé et l'autre solde est le montant que la
société estime avoir été ses frais
afférents; ce n'est pas un montant qui nous est versé.
Alors, l'après-midi, Me Jean-Paul Cardinal rencontre Me Michel
Jasmin aux fins des négociations. Pour ma part, je rencontre Me
Beaulé. Les deux rencontres se font à notre bureau. La discussion
que j'ai avec Me Beaulé - Me Cardinal pourra évoquer la
discussion qu'il a eue avec Me Jasmin - la négociation que j'ai avec Me
Beaulé porte sur le montant. Me Beaulé me réitère
à plusieurs reprises... Il pourra vous le dire lorsqu'il sera ici et
vous pourrez constater que c'est un dur négociateur. Me Beaulé ne
veut absolument pas bouger sur les
offres financières qu'il a déjà faites et, quant
à l'aveu de responsabilité du syndicat américain, il
m'explique que c'est une chose qui, à toutes fins utiles, même
s'il n'a pas eu encore la réponse de Washington, selon lui, est
totalement impossible parce que le syndicat américain ne connaît
pas les lois du Québec et, quel que soit le montant d'une transaction,
un aveu de responsabilité pour eux, me dit M. Beaulé, est une
atteinte à leur crédibilité internationale et peut
entraîner d'autres poursuites ultérieurement. Il semble que, sur
cette question d'un aveu du syndicat américain, ce soit un sujet
impossible. Ce sont du moins les représentations qu'il me fait et que
nous ferons à notre client.
M. Rodrigue: Voulez-vous nous donner la date encore une fois?
M. Aquin: C'est le 7 février. M. Rodrigue:
Merci.
M. Aquin: On a reçu la lettre du 7 et, le 7, M. Cardinal
rencontre M. Jasmin et M. Beaulé me rencontre; les deux rencontres se
font à mon bureau, mais pas ensemble. Or, j'essaie d'obtenir... L'offre
qu'on a eue était de 125 000 $ et, à un certain moment, il y a eu
cette manoeuvre de la partie adverse de dire: Ce devrait être 1 $,
peut-être de bonne guerre. Ce n'est pas à moi à juger la
façon dont mes confrères procèdent. Finalement, on parle
à nouveau de 125 000 $ et, avec M. Beaulé, je suis en train de
parler de 400 000 $, et je pense, à un certain moment, qu'il va faire un
arrêt cardiaque dans mon bureau. De toute façon, il y a ces
négociations qui se font cette journée-là et c'est
là qu'il m'explique que l'aveu de responsabilité est aussi, selon
lui, une chose impossible. Nous sommes toujours au 7 février.
Le 8 février, Me Boivin me téléphone. J'ai eu une
rencontre avec Me Boivin et un appel téléphonique. À mon
souvenir, il n'y a pas d'autre chose. Me Boivin me téléphone et
me dit: Est-ce exact que tout achopperait sur la question de l'aveu du syndicat
américain? Alors, je dis que j'ai parlé à Me
Beaulé, que nous voulions cet aveu et qu'il semble, d'après M.
Beaulé, qu'il n'y aurait pas de tel aveu. C'est la teneur de la
conversation que j'ai avec M. Boivin cette journée-là.
Je recommunique avec M. Gadbois pour lui dire la teneur de ma
conversation avec M. Beaulé. Je dis à M. Gadbois que M.
Beaulé me dit qu'il ne faut pas penser à un aveu du syndicat
américain, ce qui, selon lui, est une chose impossible. Je lui dis aussi
les montants que j'ai demandés à M. Beaulé, qui me dit
qu'il repenserait à la question, mais je ne suis pas très
optimiste sur la façon dont il va bouger sur le quantum.
M. Gadbois me dit que, quant à l'aveu du syndicat
américain, il se peut que la situation puisse être
révisée par le conseil d'administration, parce qu'il comprend que
cela peut être un problème et, de toute façon, nous devons
nous tenir en contact. (12 h 15)
À la fin de l'après-midi, Me Beaulé me
téléphone et me dit qu'il a communiqué avec le syndicat
américain et qu'il a eu la confirmation de ce qu'il pensait. Le syndicat
américain, d'aucune façon, ne veut signer des documents
reconnaissant sa responsabilité. Par contre, les parties syndicales
changent leur offre et au lieu des 125 000 $ que nous avions reçus comme
offre, elles proposent maintenant une somme globale de 175 000 $ - c'est au
téléphone qu'on nous dit cela -soit 100 000 $ à la SEBJ et
75 000 $ aux assureurs. Les assureurs auraient augmenté leurs exigences
pour régler cette cause.
Il faut comprendre que les assureurs -pas tous - sont
représentés par Me Guy Desjardins. En même temps, les
avocats syndicaux, le 7 février et les jours qui suivent, nous parlent
du quantum, ils doivent aussi discuter avec le procureur des assureurs qui est
Me Guy Desjardins. Je sais que la question a été posée
ici: Pourquoi, s'il y avait règlement, fallait-il que les deux causes
soient réglées? C'est que la SEBJ avait un devoir de
collaboration avec ses assureurs. Ce qui voulait dire que, si la SEBJ
réglait, les assureurs pouvaient dire: Nous continuons, voulez-vous nous
fournir toute votre aide logistique et technique aux enquêtes, aux
avocats, etc., pour continuer? Pour la SEBJ, je pense que cela aurait
été un non-sens de dire: On vient de régler, mais on
continue de payer à peu près autant de frais pour permettre
à nos assureurs de percevoir. Donc, s'il y avait un règlement, je
pense bien que les deux devaient se régler ou il n'y avait pas de
règlement. Voilà pourquoi les procureurs syndicaux devaient aussi
négocier avec Guy Desjardins, procureur des assureurs.
Le 12 février, Me Michel Jasmin se rend au bureau de Mes
Geoffrion et Prud'homme et, dans la perspective où la SEBJ accepterait
son offre, soit la somme de 100 000 $, nous dit que Me Guy Desjardins serait
d'accord pour accepter 75 000 $. Par contre, Me Guy Desjardins - moi, je n'ai
pas recommuniqué avec lui, sauf très rapidement à ce
moment-là - dans ceci, était un assez dur négociateur et,
si le montant à la SEBJ augmente, il veut toujours que son montant
augmente aussi. Vous avez dans cette partie des négociations un
chassé-croisé. Je ne fais écho que de la partie dont nous
nous occupons.
Lettre de Me Jean-Paul Cardinal, faisant rapport du mandat que nous
avions reçu le 7. Cette lettre est à la page 108. Il
écrit de nouveau à Me Gadbois: "Nous vous faisons rapport
du mandat que nous avons reçu de vous le 7 février dernier.
L'offre monétaire globale est augmentée de 125 000 $ à 175
000 $. Sur cette somme, un montant de 100 000 $ serait payé à la
Société d'énergie de la Baie James, si cette
dernière accepte la transaction. Les assureurs, considérant
l'offre de 100 000 $ faite à la Société d'énergie
de la Baie James et qui serait acceptée par cette dernière, ont
accepté de régler pour 75 000 $." On aurait été
mieux de dire "auraient", parce que vous verrez qu'après, ils voudront
remonter, eux aussi. "Bien que contribuant à 50% des montants plus haut
offerts, l'International Union of Operating Engineers,
représentée par Me Rosaire Beaulé, refuse totalement de
faire un aveu de responsabilité. La même position nous a
été communiquée par Me Phil Cutler, représentant le
local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers
d'Amérique. Par contre, Me Cutler est toujours prêt à
régler, chaque partie payant ses frais. Comme vous le voyez dans le
texte antérieur de transaction, les autres organismes admettent leur
responsabilité." Il y a des nuances, mais vous avez le texte. Il y a des
admissions avec certaines réserves de la part du conseil provincial.
"Quant aux individus, Me Michel Jasmin nous représente qu'il est
totalement impossible d'obtenir la coopération d'André Desjardins
à quelque document de transaction ou de règlement hors cour que
ce soit. Cependant, son avocat dans la présente instance, Me
Émilien Vallée, est prêt à accepter un
désistement sans frais. Les autres individus défendeurs avaient
accepté de signer une déclaration de règlement hors cour,
chaque partie payant ses frais, et continuent d'être dans les mêmes
dispositions. "Quant à l'aveu de responsabilité des individus
dans le dernier document de transaction qui vous a été remis, il
était représenté qu'Yvon Duhamel admettait sa
responsabilité. Yvon Duhamel est présentement en prison et n'est
pas représenté par avocat. Il a déjà naturellement
admis sa responsabilité judiciaire dans le procès criminel. Les
avocats de certains défendeurs sont prêts à tenter de lui
faire signer un aveu de responsabilité dans la présente action.
Auriez-vous l'obligeance de nous donner de nouvelles instructions? C'est
signé: Jean-Paul Cardinal." Cette lettre résume les
démarches faites par le cabinet Geoffrion et Prud'homme et demande
à la SEBJ - comme vous le voyez - de nouvelles instructions.
Comme il n'y eut pas de réunion du conseil d'administration avant
le 20 février, les instructions que nous avions ainsi demandées
ne parviendront donc à notre cabinet que le 21 février. Il y a
comme une pause dans les événements. Ces instructions -on les
reverra plus tard - sont à la page 111.
À ce stade-ci - comme je vous ai dit que je faisais le survol
général pour tout le bureau, mais que je vous dis quelle a
été sa participation - le 16 février, un vendredi, je
quitte pour des vacances de ski en Europe. Ces vacances étaient
planifiées depuis le mois de novembre. Je pars avec ma femme faire du
ski à Courchevel, c'est à l'hôtel Carnina. Je sais que,
souvent, pour l'éclairage de la commission, on demande beaucoup de
questions et j'y réponds immédiatement. Je reviens donc le 6 mars
au matin.
Je continue quand même le survol des événements
à partir du cahier. Le 19 février, vous avez dans les opinions
celle de Mes Boulanger, Gadbois et Legault au président de la SEBJ,
à la page 68. Le 19 février, vous avez la lettre de Mes Geoffrion
et Prud'homme à Mes Boulanger, Gadbois et Legault quant à
l'opinion précitée, à la page 65. Le 20 février, il
y a une réunion du conseil d'administration de la SEBJ. Me Jean-Paul
Cardinal et Me Michel Jetté sont invités à cette
réunion et y assistent comme parties. Il y a des échanges, me
dit-on, sur les opinions du 19 février.
Le 21 février, lettre de Me Gadbois à Me Jean-Paul
Cardinal faisant état des nouvelles demandes du conseil
d'administration. C'est à la page 111: "À la demande du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James,
auriez-vous l'obligeance de: "transmettre au soussigné les états
financiers les plus récents disponibles de l'Union internationale des
opérateurs de machinerie lourde, local 791, de l'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec, du Conseil provincial
du Québec des métiers de la construction et du local 134 de la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique;
"proposer aux procureurs des défendeurs dans la cause ci-haut
mentionnée les termes de règlement hors cour de ladite cause sur
la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur
responsabilité pour les dommages et du paiement à la
société d'énergie d'une somme représentant
substantiellement les frais légaux encourus par elle à date, le
tout sous condition que les actions instituées par les compagnies
d'assurances contre les mêmes défendeurs soient
réglées préalablement; "faire rapport des résultats
de vos négociations au président du conseil d'administration, M.
Lucien Saulnier, et de lui présenter un projet global d'une
déclaration de transaction à être signée entre les
parties."
Cette lettre, comme vous le voyez, fait état des modalités
suivantes de règlement: reconnaissance par tous les défendeurs de
leur responsabilité quant aux dommages, paiement d'une somme
représentant substantiellement les frais juridiques.
Le 26 février, lettre de Me Michel Jasmin - c'est à la
correspondance, page 113 - remettant à Me Cardinal une copie des
états financiers de l'Union internationale des
opérateurs-ingénieurs, local 791, en date du 31 mai 1978.
Le 27 février, lettre de Me Jean-Paul Cardinal - c'est à
la page 120 - à Me Gadbois. Dans cette lettre, Me Cardinal rend compte
des négociations. Je vous lis des passages. Me Cardinal, qui
était à l'époque en charge de tout le dossier, vous
l'expliquera. Il joint les états financiers. Quant à la
reconnaissance, par tous les défendeurs, de leur responsabilité,
il réitère "qu'il est peut-être possible d'avoir un aveu de
responsabilité d'Yvon Duhamel; que Michel Mantha et Maurice Dupuis sont
encore en instance devant la cour au sujet des accusations criminelles
portées contre eux, et que leurs procureurs ne permettront pas un aveu
judiciaire; qu'André Desjardins n'est intéressé à
intervenir personnellement dans aucune transaction; que René Mantha, qui
a déjà été condamné à deux ans de
pénitencier pour parjure à la suite de l'enquête Cliche, ne
fait plus partie du mouvement syndical et qu'il est dans les mêmes
dispositions qu'André Desjardins."
Quant aux différents organismes impliqués, soit
l'International Union of Operating Engineers et le local 134, ils refusent de
faire un aveu de responsabilité. Quant aux autres organismes, ils sont
encore prêts à faire un aveu de responsabilité et ils se
réfèrent à sa lettre du 12 février 1979. Le 26
février - continue M. Cardinal - lors de la réunion
précitée, je fais part à Me Michel Jasmin et à Me
Rosaire Beaulé des demandes additionnelles en argent de la SEBJ. Lors de
l'entrevue que j'ai eue avec eux ce matin, ils m'ont informé que, si je
leur donnais l'assurance que la SEBJ accepte in toto les termes d'un
règlement, ils seraient prêts à recommander à leurs
clients une augmentation de l'offre financière globale de 175 000 $
à 300 000 $ et j'ai compris que leurs clients respectifs paieraient ce
montant moitié-moitié.
J'avais déjà communiqué avec Me Guy Desjardins le
23 février dernier et il m'avait informé que son acceptation de
la somme de 75 000 $, dettes et frais, en règlement de l'action des
assureurs, était strictement contingente au paiement à la SEBJ
d'une somme ne dépassant pas 100 000 $. À la suite des nouvelles
offres de Me Beaulé et de Me Jasmin, j'ai rencontré Me Guy
Desjardins qui m'a assuré que, dans l'éventualité
où la SEBJ accepterait un règlement final de 200 000 $, il serait
prêt à recommander à ses clients d'accepter une somme de
100 000 $, dettes et frais. J'ai compris que ses recommandations seraient
acceptées. Le 27 février - on me rapporte le fait pour les fins
de l'exposé - Me Cardinal se rend à la SEBJ et rencontre M.
Saulnier, M. Claude Laliberté et Me André Gadbois pour faire le
dernier rapport et, je pense, remettre séance tenante la lettre du 27
février.
Le 6 mars - c'est le jour où je reviens au bureau - on m'informe
qu'il y a une réunion du conseil d'administration de la SEBJ. La
proposition de règlement négociée par le bureau de Mes
Geoffrion et Prud'homme est acceptée par le conseil d'administration de
la SEBJ, suivant le procès-verbal que vous avez, qui nous est alors
communiqué. C'est le seul extrait de procès-verbal qui nous avait
été communiqué. Suit alors toute la correspondance. Il y a
eu un travail très important de fait, mais c'est ce qu'on appelle, dans
le langage du métier, un travail de "closing", c'est-à-dire
s'assurer qu'on a l'autorisation de tous les conseils d'administration, que
tout le monde a signé à la bonne place, qu'on est tous d'accord
sur le document de transaction qu'il faut remodifier une dernière fois
pour ajouter le paragraphe sur le paiement aux assureurs. Il y a toujours un
élément de suspense dans tout ce dossier - on a
déjà parlé d'Agatha Christie - parce que, si André
Desjardins refusait à un certain moment, convainquait son avocat de
refuser un désistement sans frais, il est évident que tout ceci
deviendrait impossible. À ce moment-là, la SEBJ aurait
été dans l'obligation de payer 300 000 $ à l'avocat de M.
André Desjardins, parce que cela aurait pu changer les circonstances.
Alors, jusqu'à la dernière minute, cet élément de
suspense va exister. Le 12 mars 1979, à notre bureau, c'est la signature
de la transaction par toutes les parties. Vous l'avez, dans sa forme finale,
à la page 156 de notre documentation. Le 13 mars, c'est la production de
la transaction à la cour par Me Michel Jetté. Je pense que c'est
lui, qui, avec tous les autres procureurs, remet le document de transaction
à l'honorable juge Claude Bisson. (12 h 30)
Ce sont les termes principaux de l'exposé que je voulais faire.
Dans ce dossier, je pense important pour nous de bien mentionner que nous avons
toujours exécuté les mandats que la SEBJ nous a donnés et
que, dans tout le travail dont je viens de faire état, tout ce travail a
été fait en étroite relation avec notre client, la SEBJ,
et pour notre client, la SEBJ. Nous sommes maintenant ici pour répondre
à toutes vos questions. Je vous propose - nous en avons
déjà discuté avec les représentants des deux
côtés - que mes deux collègues puissent être
assermentés pour que, pendant la période de questions, on
puisse, à certains moments, diriger une question vers un des trois qui
serait le témoin le plus pertinent pour y répondre. C'est une
suggestion que nous faisons. Je suis aussi prêt à suivre la
première voie qui nous avait été présentée
de témoigner à tour de rôle. Je laisse cette question
à votre discrétion. Je pense que, pour vous, il sera
peut-être plus pratique que les trois soient assermentés pour
éviter la chaise musicale, si vous me permettez cette expression. Je
laisse cette question à votre décision.
Le Président (M. Jolivet): Me Aquin, cela est
déjà accepté par les deux côtés qui sont
à ma gauche et à ma droite. Quand nous reprendrons cet
après-midi, après la période de questions, vers 15 h 30,
puisque l'Assemblée nationale siégera à 14 heures, nous
assermenterons vos deux collègues. Nous pourrons procéder ensuite
aux questions qui pourront vous être posées. Je suspends nos
travaux en rappelant que nous reviendrons vers 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 59)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est),
Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante
(Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly),
Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-
Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay),
Blouin (Rousseau), Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon
(Louis-Hébert), et Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est toujours M. LeBlanc, (Montmagny-L'Islet).
J'aimerais vous rappeler que nous avons à siéger
maintenant - je dois regarder mon heure et non pas celle de l'horloge de
l'Assemblée nationale à cause de la panne
d'électricité que nous avons eue - de 16 heures à 18
heures, et de 20 à 22 heures. Je crois comprendre que le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Baril, pourrait
être remplacé par le député Vaillancourt, de
Jonquière.
Avant de donner la parole au député de Bourassa, qui
voudrait faire une intervention, m'a-t-il dit, j'aimerais demander au greffier,
M. Jean Bédard, d'aller assermenter Me Jetté et Me Cardinal. Vous
pouvez vous approcher du microphone qui se trouve à ma gauche.
Le greffier (M. Jean Bédard): Me Cardinal, voulez-vous
mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi:
Je, (vos nom et prénom), jure ou déclare solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité?
MM. Jean-Paul Cardinal et Michel Jetté
M. Cardinal (Jean-Paul): Je, Jean-Paul Cardinal, jure
solennellement que je dirai toute la vérité et seulement la
vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci. Le
Président (M. Jolivet): Me Jetté.
Le greffier (M. Jean Bédard): Me Jetté, voulez-vous
mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi:
Je, (vos nom et prénom) jure ou déclare solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité?
M. Jetté (Michel): Je, Michel Jetté, jure
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci bien.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. M. le
député, est-ce une intervention ou une demande de directive?
M. le député de Brome-Missisquoi,
M. Paradis: Comme le leader du gouvernement a annoncé en
Chambre qu'on siège demain, est-ce que le ministre pourrait nous
indiquer, s'il possède l'information, quels sont les témoins qui
seraient entendus au cas où ce serait terminé avec les avocats
qui comparaissent aujourd'hui, parce qu'on siège tout de même
jusqu'à 22 heures ce soir?
Le Président (M. Jolivet): Quels sont les invités,
M. le ministre?
M. Duhaime: M. le Président, je vais dire qu'avec les
trois invités qui sont devant nous nous avons très certainement
du travail pour quelques heures. Connaissant votre talent naturel vers
l'expansion, je ne prendrai pas le risque de vous confirmer qui pourrait
être appelé à comparaître demain, mais, en
tout état de cause, je puis dire que, selon le secrétariat
de la commission, je crois - on pourra me le confirmer - que Me Beaulé
et Me Jasmin ont été convoqués pour demain. J'ai pris sur
moi de les faire prévenir que, ce soir, nous allions leur donner une
indication, et je peux dire tout de suite qu'il y a très peu de chances
qu'ils soient entendus demain matin.
M. Paradis: Autrement dit, ce que le ministre me dit, c'est que
ce sont les prochains témoins à être entendus?
M. Duhaime: Vous avez très bien pigé.
Le Président (M. Jolivet): J'aimerais faire une
correction. Je me suis trompé, donc j'aimerais corriger tout de suite.
M. Lavigne (Beauharnois) est remplacé par M. Vaillancourt
(Jonquière) non pas comme intervenant, mais comme membre de la
commission.
Nous en étions aux questions et j'inviterais M. le ministre
à commencer dès maintenant.
M. Duhaime: Me Cardinal voudrait parler.
Le Président (M. Jolivet): À moins que Me Cardinal
n'ait quelque chose à rajouter.
M. Cardinal: M. le Président, quelques remarques
préliminaires. Je désire confirmer à cette commission que,
le 2 février 1979, j'ai effectivement déjeuné avec MM.
François Aquin et Jean-Roch Boivin. Je désire également
confirmer les propos qui se sont tenus, que M. Aquin a expliqués ce
matin. J'ajouterai simplement que, lorsque M. Boivin m'a informé de la
rencontre de la veille entre le premier ministre et les P.-D.G. des
sociétés, je n'ai pas été surpris parce que je
connaissais déjà cet événement. J'ai vu, avec tout
le monde, que mon nom est dans le registre du bureau du premier ministre le 9
février 1979 et le 27 février 1979.
Avant de commenter ces deux rencontres, je veux faire les remarques
suivantes. Premièrement, j'ai mon bureau sur le même coin de rue
à Montréal depuis 40 ans. Deuxièmement, M. Boivin, je
crois, pratique le droit à Montréal depuis au-delà de 25
ans. Personnellement, nous nous connaissons bien tous les deux, nous nous
voyons souvent, nous sommes amis et nous parlons très souvent d'autres
choses que du saccage de la Baie-James.
Le député de Laporte a eu l'amabilité ce matin de
venir me voir pour m'expliquer qu'hier il avait fait erreur en disant qu'il
avait trouvé mes rencontres avec M. Boivin dans ma facturation. Je le
remercie de cette délicatesse et je désire confirmer que je n'ai
jamais facturé à la Société d'énergie de
la
Baie James mes rencontres avec M. Boivin.
Ceci étant dit, quant à ma rencontre du 9 février
1979, mon nom apparaissant dans les registres, je suis sûr que j'y suis
allé. Je suis sûr également que, si j'y suis allé,
j'ai parlé avec M. Boivin des procédures qui étaient en
cours et des règlements qui s'y faisaient. Malheureusement, j'ai beau
fouiller dans ma mémoire, je ne me souviens pas exactement des termes de
notre conversation.
Quant au 27 février 1979, vous verrez que j'étais
très occupé en l'absence de M. Aquin cette
journée-là et le lendemain, le 28. C'est, d'ailleurs, le 28
février que j'ai remis au président, M. Saulnier, la
dernière transaction avec le dernier chiffre qui était de 300 000
$. J'ai été en cour le 28 février au matin et, dans
l'après-midi, je suis parti en vacances et je suis revenu vers le 12
mars. Le 27 février, lorsque je suis arrivé pour voir M. Boivin
quelques minutes, je lui ai dit: Jean-Roch, cette affaire est maintenant devant
le bureau d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James. Je m'en vais en vacances. Bonjour! Je dis devant cette commission
que jamais M. Boivin n'a exercé aucune influence sur moi lors de ces
négociations et que je n'ai jamais négocié le saccage avec
M. Boivin, tel que le représentent, d'ailleurs, les documents qui sont
devant la commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, j'aurai, bien sûr,
plusieurs questions à poser à nos invités. Chaque fois,
pour la bonne compréhension, je poserai simplement une question et l'on
verra pour la réponse. Ce sera à l'un ou l'autre des trois de
juger, suivant qu'il s'agira d'une question pertinente à la
responsabilité civile ou encore aux liens de droit ou aux
procédures en exemplification, aux exécutions du jugement ou aux
rencontres faites par le bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme avec soit le
contentieux de la SEBJ ou le conseil d'administration. Enfin, pour faire une
histoire courte, l'un ou l'autre des trois pourra répondre. Je voudrais
peut-être m'adresser d'abord à Me Aquin puisque, hier, un document
nous a été distribué. Il n'a pas encore été
officiellement déposé devant la commission.
M. Aquin: Est-ce que je pourrais en avoir une copie, parce que
j'ai passé ma copie à quelqu'un?
M. Duhaime: Moi, je n'en ai qu'une seule. Est-ce que vous auriez,
au secrétariat des commissions, une copie additionnelle pour M. Aquin?
Cela s'intitule Le tableau des défendeurs dans l'instance. J'aimerais
peut-
être vous laisser la parole, Me Aquin, pour que vous nous
expliquiez ce dont il s'agit.
M. Aquin: Voici, M. le ministre, j'ai pensé, la semaine
dernière, qu'il pourrait être utile aux membres de la commission
et aussi aux médias d'information d'avoir un tableau très
schématique, donc, qui n'est pas complet dans ce sens, mais qui donne,
quand même, une idée des parties défenderesses et des
différentes relations qui pouvaient exister. Cela sera utile
après, je pense bien, comme cadre de référence à Me
Jetté si des questions lui sont posées plus
particulièrement sur la responsabilité, lui-même
s'étant occupé plus de la question des opinions.
Nous poursuivions, dans cette cause, Yvon Duhamel. Je donne donc
l'explication, parce que, comme je ne suis pas un expert en design, cela peut
prêter à confusion. Je pense que, s'il y a une explication, vous
allez voir comment cela fonctionne. Yvon Duhamel est agent d'affaires du local
791. Vous voyez donc une ligne entre Yvon Duhamel et le local 791. Ce que nous
disons dans la note, c'est que les lignes représentent des rapports
reconnus de préposition, alors que les pointillés
désignent des rapports de préposition qui devaient être
établis par la preuve. Ce que je veux dire, c'est qu'Yvon Duhamel est
une personne qui reçoit un salaire payé par le local 791; on est
donc devant un rapport clair: c'est un employé. Cependant, lorsqu'on est
devant un délégué de chantier comme Maurice Dupuis, dont
on pense qu'il peut faire des tâches pour le local 791, c'est ce que
j'appelle un rapport de préposition qui ressortira de la preuve. On
l'espère!
Donc, Yvon Duhamel a un rapport ferme avec le local 791: il est agent
d'affaires. Ce pourquoi vous avez en bas "crim.", c'est parce qu'il y a eu des
plaintes au criminel pour le saccage. C'est le cas des trois personnes
où vous voyez la même mention. Cela peut devenir pertinent
à certains moments, parce que, quand on parle d'aveux de
responsabilité, vous savez que certaines de ces personnes sont en appel
et ne veulent pas faire d'aveux de responsabilité.
Revenons à Yvon Duhamel. Vous avez, à la page 2, un
résumé du cas Yvon Duhamel. C'est un agent d'affaires du local
791 et de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec.
Le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec est une tête de Janus; ce sont deux organisations qui
recouvrent sensiblement la même chose. Le local 791 est incorporé
par l'union américaine, l'union américaine lui a donné une
charte. L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec,
c'est le même monde, mais incorporé ou constitué ici au
Québec. Si la question vous intéresse en profondeur, Me
Jetté pourra vous expliquer pourquoi, devant la commission Cliche, on a
établi les raisons pour lesquelles ces personnes s'étaient
donné ce double chapeau pour remplir les mêmes fonctions. Je ne
pense pas trahir la vérité en disant qu'une des raisons, je
pense, c'était d'envoyer moins de cotisations aux États-Unis.
Dans le cas d'Yvon Duhamel, vous avez donc un agent d'affaires de ce
local 791. Yvon Duhamel pouvait engager, à notre opinion, The
International Union en ce que son contrat d'engagement comme agent d'affaires
du 791, pour être valide, avait été ou devait être
approuvé par The International Union of Operating Engineers. Cela,
c'était à prouver, c'est-à-dire que c'était
à discuter; c'est ou, ce n'est pas un employé de... C'est pour
cela que nous l'indiquons en pointillé.
Vous avez aussi ses relations en pointillé avec le Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction. De fait,
Yvon Duhamel se comportait comme le représentant du conseil provincial
à LG 2. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'il avait été
présenté aux syndiqués par André Desjardins lors
des réunions à Matagami et à LG 2. Je pense
qu'André Desjardins avait dit: C'est notre homme à LG 2, c'est
notre représentant. Il y aura donc, évidemment, de la preuve
à faire ici et toute cette preuve pourra vous être
résumée par mon confrère Me Jetté.
Nous arrivons au cas de Maurice Dupuis qui était
délégué de chantier. Donc, ce n'est pas un agent
d'affaires; c'est un délégué de chantier suivant l'article
10.01 du décret relatif à l'industrie de la construction dans la
province de Québec. Le délégué de chantier
était nommé par le syndicat et choisi par les salariés de
l'employeur. Il avait comme fonction de veiller à l'application du
décret et des conditions de travail des salariés qu'il
représentait. Donc, en soi, le délégué de chantier
ne représente pas un syndicat, mais il représente ses
confrères de travail.
De fait, outre ses fonctions de délégué de
chantier, il semble que Maurice Dupuis assumait d'autres fonctions pour le
local 791. Nous avions des raisons vraisemblables de croire que nous
étions capables de prouver qu'il agissait, à toutes fins utiles,
comme un mini-agent du local 791, ce qui, à notre sens, pouvait engager
civilement aussi le local 791.
René Mantha était chef coordonnateur. Donc, il engageait,
sans aucune difficulté, le local 791 dont il était
l'employé. Le local 791 était représenté par Me
Michel Jasmin. L'Union des opérateurs de machinerie lourde était
représentée par un autre bureau d'avocats; Me Hugues Leduc la
représentait.
Quant à Michel Mantha, c'est un délégué de
chantier. Mais, tout ce qu'on a
dit de Maurice Dupuis par rapport au local 791 s'applique à
Mantha par rapport au local 134. C'est un délégué de
chantier. Comme tel, il n'engage pas le local. Mais, nous avions des raisons
sérieuses de croire que nous pourrions établir qu'il
était, de fait, une sorte de mini-agent de ce local 134. Et le local 134
était représenté par Me Cutler. (16 h 15)
Quant à André Desjardins, il n'y a aucun doute que, s'il
était trouvé responsable, il engageait directement le Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction; il en
était le directeur général. Par contre, la preuve
André Desjardins était une preuve factuelle. Mais, nous pensions
être capables d'établir qu'il avait été partie
prenante dans les événements de LG 2 et qu'il avait, à
toutes fins utiles, conseillé étroitement Yvon Duhamel. Et c'est
du ressort de la preuve qui devait être faite.
J'attire votre attention sur le fait que, même si je n'ai pas
participé à la cour, il reste qu'au moment où la cause se
termine, on n'a pas encore abordé l'étape responsabilité.
On vient de terminer, ou à peu près, l'étape
établissement des dommages. Quand on parle de la preuve, il n'y en a pas
eu en cour. C'est la preuve qu'on pense être capable de faire, compte
tenu de ce qu'on a comme documentation, surtout à la suite de la
commission Cliche.
Nous arrivons maintenant au Conseil provincial des métiers de la
construction. Il s'agissait, au sens de la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, de l'association représentative
dont la compétence s'étend - c'est la loi qui le dit -"à
l'ensemble du Québec pour tous les métiers et emplois de la
construction". Cet organisme était, le cas échéant,
civilement engagé par André Desjardins - je viens de le dire - et
aussi par Yvon Duhamel qui passait, de fait, pour être son
représentant à LG 2.
Nous en arrivons à The International Union of Operating
Engineers. Cet organisme international pouvait être engagé,
à notre sens, à deux points de vue. Pour être valide, le
contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel pour le local 791 avait
été ou devait avoir été approuvé par cette
union. De plus, cette union avait - c'est un cas assez fréquent, je
pense, dans les syndicats américains; on n'a pas cela au Québec -
par ses règlements, des pouvoirs structurels de contrôle sur son
local. On voulait prouver qu'elle avait omis de les exercer. On pouvait prouver
- Me Jetté le corroborera et complétera cela, d'ailleurs -que, de
facto, il était déjà arrivé à l'union
internationale d'intervenir dans les affaires de ses locaux pour exercer son
pouvoir structurel de contrôle.
C'est le tableau des défendeurs. Je le mentionne parce que je
l'ai préparé pour vous, mais sous toute réserve de ce que
M. Jetté pourra dire sur la question, parce que c'est lui qui avait le
contrôle de la recherche factuelle. Il y a aussi bien des points qui
pourront être complétés, renforcés. Donc, c'est le
troisième document que nous avons produit, avec les deux autres
documents de ce matin.
Comme j'ai la parole, il y a simplement une chose que je voudrais
mentionner. Dans la facturation du 23 janvier, on fait état d'une
rencontre avec le conseil d'administration et c'est une erreur. Je vous ai
parlé des deux fois où on est allé au conseil
d'administration. On n'y est pas allé le 23 janvier. Je vous ai dit que,
le 23 janvier, on avait attendu toute la journée pour savoir ce qui
s'était passé au conseil. On a attendu au bureau. Un de nos
avocats a probablement parlé d'une rencontre projetée ou
possible, parce qu'on était toujours en disponibilité pour ces
réunions du conseil d'administration, mais il n'y a pas eu de rencontre
de nos avocats avec le conseil d'administration de la 5EBJ, le 23 janvier.
M. Duhaime: Pendant qu'on est sur ce détail, Me Aquin,
vous avez indiqué ce matin - est-ce que vous pouvez le confirmer - que
le 30 janvier, cependant, les avocats de votre bureau étaient
présents...
M. Aquin: Mes deux associés étaient là,
oui.
M. Duhaime: ...au conseil d'administration. Maintenant, je
voudrais revenir à cet organigramme, au profit de ceux qui nous
écoutent et qui n'ont pas l'avantage de l'avoir en main. Lorsque vous
parlez de la ligne pointillée, cela veut dire que, sur le plan de la
responsabilité et sur le lien de droit, la preuve est à faire.
Dois-je comprendre, par exemple, qu'un jugement contre M. Yvon Duhamel
engagerait automatiquement le local 791?
M. Aquin: C'est notre opinion.
M. Duhaime: Mais le jugement n'engagerait pas
nécessairement The International Union of Operating Engineers,
c'est-à-dire le syndicat américain, pas plus que ne pourrait
être engagé, par un jugement contre M. Yvon Duhamel, le Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction. Est-ce
exact?
M. Aquin: Cela ne l'engageait pas nécessairement parce
que, dans le cas d'Yvon Duhamel, pour engager The International Union of
Operating Engineers, il faudrait que le tribunal suive notre préposition
de droit, à savoir que dans la charte de l'union internationale il
fallait que son contrat ait été ratifié par The
International Union of
Operating Engineers.
M. Duhaime: D'accord, je reviendrai plus tard sur ce sujet. Mais,
pour les fins de la bonne compréhension, ce n'est pas une
responsabilité qui est engagée automatiquement; le lien reste
à être prouvé.
Un jugement qui pourrait être rendu contre René Mantha,
chef coordonnateur, engagerait automatiquement, selon vous, la
responsabilité civile du local 791. Par ailleurs, un jugement qui
pourrait être rendu éventuellement contre Maurice Dupuis
n'engagerait pas nécessairement la responsabilité du 791 et du
syndicat américain, l'International Union.
M. Aquin: Dans le cas du 791, il faudrait faire le bout de preuve
que Maurice Dupuis, à part d'être un délégué
de chantier, était une sorte de mini-agent du local 791 sur les lieux.
Après, pour engager The International Union, il faudrait recourir
à notre argumentation sur les pouvoirs structurels de contrôle
d'International Union sur son local.
M. Duhaime: Dans le cas de Michel Mantha, votre graphique nous
indique une ligne en pointillé. Cela veut dire aussi que sa
responsabilité n'engagerait pas nécessairement le local 134; il
faudrait en faire la preuve.
M. Aquin: C'est la même chose que pour Dupuis. D'ailleurs,
M. Cutler avait déjà fait une requête en
irrecevabilité, pour dire: Vous ne pouvez pas nous poursuivre au local
134; un délégué de chantier ne représente pas son
local. Le tribunal a rejeté cette requête, je crois, en disant: On
verra quelle est la preuve pour voir s'il y avait plus d'un
délégué de chantier en la personne de Mantha et en la
personne de Maurice Dupuis, ce que nous, nous pensons.
M. Duhaime: Dans le cas du défendeur André
Desjardins, directeur général, qui était aussi poursuivi,
un jugement en responsabilité contre lui aurait entraîné
automatiquement la responsabilité du Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction, la FTQ.
M. Aquin: Exact.
M. Duhaime: C'est exact. Je vais tenir pour acquis que la
responsabilité civile de certaines personnes physiques qui
étaient sur les lieux pouvait être engagée, en particulier
ceux contre qui des jugements devant les cours criminelles auraient
été rendus. Ma question serait la suivante. Je voudrais que vous
nous expliquiez une chose, non pas tellement sur le plan de la
responsabilité civile des syndicats québécois qu'aurait pu
entraîner la condamnation de Maurice Dupuis, Yvon Duhamel, René
Mantha, Michel Mantha ou André Desjardins. Mais voudriez-vous nous
expliquer dans votre opinion -parce que je comprends qu'il y en a eu plusieurs,
il y en a un volume que vous nous avez remis ce matin - comment les liens de
droit se situent entre un syndicat québécois comme le 791 et The
International Union of Operating Engineers, dans un premier temps? Comment
est-ce que cela se fait? Comment est-ce que cela se présente sur le plan
du droit? Il en a été beaucoup question depuis le début
des travaux de la commission. Il m'apparaît important que ce soit
clarifié.
M. Aquin: Cela se présente à deux niveaux. Mon
collègue, Me Jetté, me complétera sûrement tout
à l'heure parce qu'il l'a vécu plus profondément que moi.
Si je réponds aussi à votre question sans demander
immédiatement à M. Jetté de répondre, c'est parce
que ce sont des questions qui m'ont été posées lorsque je
suis allé au conseil d'administration de la SEBJ, alors que
j'étais présent avec M. Jetté, le 9 janvier.
Cela se situe à deux niveaux: Sur le plan du droit, on avait la
charte et les règlements de fonctionnement de l'International Union of
Operating Engineers. C'est là qu'on voyait son pouvoir sur l'engagement
de l'agent d'affaires, M. Yvon Duhamel, par le local 791 et aussi son pouvoir
sur le fonctionnement du local 791, ce que j'ai appelé un pouvoir
structurel de contrôle. Sur le plan des faits, la preuve n'était
pas commencée. M. Jetté pourra peut-être évoquer
qu'il aurait eu l'espoir d'aller plus loin que sur le plan du droit et
d'établir peut-être certains contacts entre l'International Union
et le local 791, mais c'est un domaine que j'aimerais mieux lui laisser.
Le Président (M. Jolivet): M. Jetté.
M. Jetté: Voici, sur le plan factuel, pour autant que la
participation de l'International Union est concernée, il est certain -
on l'a dit dans nos opinions parce que tout le monde a remarqué qu'elles
avaient été qualifiées - que nous n'avions pas
d'élément qui nous permettait de dire que l'International Union
ou ses représentants avaient participé ou conseillé ou
suggéré quoi que ce soit dans cette affaire. Il ne nous
était pas possible d'assimiler cette instance-ci avec celle de la
Gaspé Copper. C'était, d'ailleurs, une question qui revenait
assez souvent parce que c'était, dans le fond, la cause
célèbre au Québec sur ce genre de question. Il fallait
toujours faire attention pour distinguer entre la responsabilité directe
de la United Steel Workers dans l'affaire de la Gaspé Copper Mines,
où la responsabilité
avait été retenue principalement sous l'article 1053 du
Code civil, et l'instance à laquelle on faisait face.
Dans ce cas-ci, Me Aquin a précisé vraiment qu'il y avait
deux volets. Si vous me le permettez, je vais expliciter un peu. M. Yvon
Duhamel, c'était admis - ce n'était pas vraiment contesté
ou, si cela l'était, on aurait pu facilement faire la preuve -
était, en fait, l'agent d'affaires du local 791 qui détenait une
charte en vertu de la constitution de l'International Union depuis à peu
près quatorze mois. D'autre part, on savait aussi - parce qu'on avait de
la documentation là-dessus - qu'il était payé au moins
partiellement par "l'union québécoise". Ce que j'appellerai
ainsi, c'est cette union parallèle qui avait été
incorporée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels, en
janvier 1973. Alors, on avait un lien assez fort.
Maintenant, pour revenir à l'International Union, on avait pris
connaissance de la constitution. Ce qui nous avait frappés à
l'époque, lorsque la première opinion avait été
donnée, c'est que, bien que dans la constitution on disait que
c'était le gérant d'affaires du local qui engageait ou nommait
les agents d'affaires, il y avait une autre disposition qui prévoyait
qu'aucun de ces contrats ne pouvait être considéré comme
valide sans avoir été approuvé, je pense que
c'était par le président, "The General President of the
International Union". Et ceci nous avait amenés à penser que si
la véritable autorité pour engager un agent d'affaires
résidait dans l'International Union, dans le syndicat américain,
à ce moment-là, Yvon Duhamel, si son contrat avait
été approuvé, soit implicitement, soit explicitement,
devenait l'agent de l'union internationale.
Nous n'avions pas de preuve. Je n'avais pas dans mon dossier, et je n'en
ai jamais eu d'ailleurs, des éléments de preuve, à savoir
que le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel avait été
approuvé, ni implicitement ni explicitement. Cependant,
considérant qu'il avait été agent d'affaires pendant une
période de quatorze mois, l'on présumait, vu qu'il y avait des
contacts entre M. Meloche qui était le gérant d'affaires du local
791 et un M. Hill qui était le vice-président pour le Canada du
syndicat américain, qu'il est probable que le nom d'Yvon Duhamel avait
dû apparaître quelque part dans des rapports et dans des
procès-verbaux, et qu'il avait possiblement été vu par des
gens du syndicat américain, auquel cas on se croyait justifiés
d'aller de l'avant et de tenter de faire cette preuve, qui n'était pas
faite, cependant. (16 h 30)
D'un autre côté, on savait aussi que le local 791
était en chicane en quelque sorte avec le syndicat américain.
Rowland Hill avait eu des communications écrites, notamment, avec, bien
sûr, le gérant d'affaires, M. Meloche, pour le convoquer afin de
discuter de certains problèmes. On avait en main aussi des
procès-verbaux du local 791 qui faisaient état, justement, de ce
personnage, M. Hill. Donc, on savait qu'il existait des contacts. On savait
qu'il y avait une chicane, un conflit. La preuve en était, bien
sûr, que les mêmes gens du local 791 avaient parallèlement,
un an auparavant, incorporé un syndicat professionnel en vertu de la loi
québécoise. Or, les pouvoirs de l'union internationale, en vertu
de sa charte, sont tels que, finalement, il y avait un argument valable
à faire à mon sens, à savoir que le local 791
n'était, finalement, que l'alter ego, ou un bras, ou un agent de l'union
internationale et que, si l'on pouvait faire triompher ce point de vue
là, les agissements du local 791 devenaient imputables à
l'International Union.
C'était une théorie, je dois dire. On avait
étudié la question; il n'y avait pas vraiment de
précédent sur cette question. C'est, d'ailleurs, cela qui nous a
amenés, à un moment donné, à nous interroger sur le
droit américain quelques mois avant le début du procès,
lorsque nos recherches, en fait, entre la fin de 1975 et la fin de 1978 ne nous
avaient pas vraiment appris d'éléments nouveaux au point de vue
factuel. Alors, à ce moment-là, on s'était
interrogé sur le droit américain pour voir si aux
États-Unis il n'y aurait pas des précédents qui pourraient
nous servir afin de présenter, le cas échéant, un argument
décent au cas où la preuve nous aurait desservis. Je ne sais pas
ce que la preuve nous aurait révélé. On ne le saura
jamais. Les gens concernés n'ont jamais été
interrogés, bien sûr, et je ne pouvais pas le faire étant
donné qu'ils étaient représentés par avocat. Je ne
pouvais pas me présenter chez eux et leur faire déballer leur
petite histoire.
Il y avait, d'ailleurs - je le signale - un autre élément
qui me permettait de croire que l'International Union of Operating Engineers
aurait dû exercer certains pouvoirs qu'elle avait en vertu de sa
constitution et qu'elle ne l'avait pas fait. Peu de temps après le
saccage, je me rappelle - c'est un de mes collègues qui m'assistait
particulièrement dans cette affaire, Me Gilles Guèvremont, qui me
l'avait appris -qu'un représentant de l'International Union of Operating
Engineers était venu s'installer à Montréal pour
surveiller les intérêts du syndicat américain. Je pense
que, subséquemment, un nettoyage a été fait. On entendait
peut-être se servir d'éléments à ce niveau pour
tenter de démontrer que, si l'International Union of Operating Engineers
avait agi à ce moment, elle aurait pu agir avant et elle aurait
peut-être péché par omission. Enfin, c'étaient des
avenues à explorer. C'étaient des avenues qui nous
semblaient valables.
Toutefois - je dois faire cette réserve, c'est pour cela qu'elle
est faite partout dans nos opinions - nous n'avions pas
d'éléments aussi déterminants pour retenir la
responsabilité du syndicat américain que nous en avions soit dans
le cas du local 791 ou de l'union québécoise ou même du
Conseil provincial des métiers de la construction où j'avais,
quand même, accès à des témoignages bien
précis qui me permettaient d'être sur du terrain un peu plus
solide. En bref, c'était la situation. Ce que nous avions
découvert en demandant une opinion à nos correspondants
américains, c'est que, effectivement, avant l'entrée en vigueur
d'un statut dont on a beaucoup parlé, le Norris-La Guardia Act, qui a
semblé surprendre bien des gens, aux États-Unis, il y avait une
certaine tendance jurisprudentielle, en ce sens que, lorsqu'une constitution
prévoyait une mesure de contrôle très forte du syndicat
international sur ses locaux, la responsabilité de l'International
était engagée parce qu'on disait: Finalement, le local n'est
qu'un agent de l'international et c'est à travers les locaux que
l'international agit. Donc, il y avait une relation d'"agency", de
mandant-mandataire. Alors, il y avait des autorités qui pouvaient nous
servir de ce côté.
Donc, si j'avais à caractériser ce que nous avions en main
au moment où nous avons amorcé le procès, ce serait
à peu près cela. Évidemment, je ne me souviens pas de tous
les détails et de tous les documents; on avait accumulé de la
correspondance, des procès-verbaux, etc. Mais, substantiellement,
c'était la situation au début de 1979 pour autant que nous la
percevions.
M. Duhaime: Me Jetté, je voudrais vous poser une question.
Vous avez dit tantôt, dans votre exposé, que vous ne connaissiez
aucun précédent. Quand on parle d'un précédent dans
notre jargon et quand on parle d'un précédent entre avocats, ce
sont des choses bien différentes. Pour vous, lorsque vous parlez d'un
précédent, est-ce que vous vous reportez au fait qu'il n'existait
aucune cause similaire ou aucun jugement rendu par aucun tribunal canadien ou
américain en pareille matière?
M. Jetté: Pas américain, justement. Je n'en
connaissais pas au Canada. Je vous fais, cependant, remarquer que je me fiais
beaucoup sur cet aspect, parce que ma formation de base est une formation de
civiliste. J'avais fait du droit public, mais je n'étais pas familier,
lorsque j'ai commencé à travailler dans ce dossier à
l'automne 1975, avec le droit du travail, le syndicalisme, etc. C'était
pour moi quelque chose d'un peu nouveau. Je me souviens, cependant, qu'à
l'automne 1978 nous n'avions pas de précédent
québécois pour être capable d'affirmer qu'à cause de
la structure, de la constitution du syndicat américain il existait entre
le syndicat américain et le syndicat local un lien de subordination tel
que l'on pourrait dire, à toutes fins utiles, que le syndicat local
n'était que l'agent du syndicat américain. C'est rigoureusement
exact. Nous espérions, au cas où la preuve nous desservirait,
pouvoir nous servir de certains précédents américains.
Maintenant quel impact cela aurait pu avoir dans l'esprit du tribunal, compte
tenu de la preuve qu'on ne connaît pas, cela ne serait que de la
spéculation de ma part.
M. Duhaime: Vous avez référé tantôt
à la cause qui est devenu peut-être malgré elle,
célèbre, celle de Gaspé Copper. Il a été
question aussi de l'affaire Reynolds depuis le début des audiences de
cette commission. Pourriez-vous nous expliquer clairement, dans vos mots, s'il
y a un rapport quelconque entre l'action qui a été
intentée à la suite du saccage de la Baie-James - je parle d'un
rapport sur le plan des liens de responsabilité - et l'affaire
Gaspé Copper et l'affaire Reynolds?
M. Jetté: La réponse, c'est non.
M. Duhaime: Par rapport au syndicat américain.
M. Jetté: La réponse, c'est non. Reynolds, au point
de vue du droit, je pense, ne nous apprenait rien de nouveau. La CSN avait
été condamnée parce que l'un de ses préposés
était sur les lieux. Alors, le lien de droit était facile
à établir. On appliquait l'article 1054, cela ne se rapprochait
pas de ce cas-ci. Mais, si on avait pu établir que le contrat d'agent
d'affaires d'Yvon Duhamel devait être approuvé par le syndicat
américain, à ce moment on pouvait dire: Duhamel, dans le fond,
est non seulement le préposé du 791, mais il est devenu un
préposé du syndicat américain. Cela mis à part,
c'est la seule analogie. Dans le cas de la Gaspé Copper Mines, si je me
le rappelle bien, le juge Lacoursière avait retenu la
responsabilité sous 1053. C'est pratiquement de façon subsidiaire
qu'il avait dû invoquer l'article 1054. La participation du syndicat
américain avait été très directe dans cette affaire
de telle sorte qu'il n'avait pratiquement pas été
nécessaire d'invoquer la responsabilité présumée de
l'article 1054.
M. Duhaime: Je vais profiter, M. le Président, de la
présence d'un spécialiste ici pour lui poser une question sur une
expression qui a été utilisée à de nombreuses
reprises depuis le début de nos travaux. Toujours en relation avec les
liens de droit à être établis, d'abord, devant les
tribunaux au
Québec et, éventuellement, suivant les volontés des
parties qui pouvaient y porter cette instance, jusqu'en Cour suprême du
Canada, on a beaucoup parlé d'exem-plification. Êtes-vous capable
de nous dire ce que cela veut dire? Qu'est-ce qui arrive lorsqu'on a un
jugement final de la Cour suprême, dans l'hypothèse ou le lien de
droit était retenu contre l'International Union of Operating Engineers,
et qu'ensuite vous vous présentez au siège social de ce syndicat
américain en disant: J'ai un jugement de la Cour suprême du
Canada. Qu'est-ce qui arrive ensuite aux États-Unis?
M. Jetté: Voici exemplification, c'est un mot qu'on
utilise pour désigner la réalité suivante. Un jugement,
normalement, n'a d'effet que dans la juridiction qui l'a prononcé.
Alors, si la Cour supérieure prononce une décision, elle n'a, en
soi, aucune valeur à l'extérieur de la province, dans le sens que
ce jugement n'est pas exécutoire en dehors de la province de
Québec. Cela aurait été le cas. Cependant, ce qu'on
appelle des procédures d'exemplification, c'est que, entre pays
civilisés, on a des règles en vertu desquelles, normalement, on
donne un certain effet à un jugement étranger, en permettant
d'intenter, dans cette juridiction étrangère, une nouvelle action
fondée, cette fois-là, non pas sur la cause d'action originelle,
mais sur la foi du jugement prononcé à l'étranger.
À ce moment-là, la cour, normalement, est appelée à
vérifier si ce jugement a été rendu suivant les
critères habituels d'impartialité, etc. Si ces critères
sont respectés et qu'il n'y a pas, dans cette juridiction saisie de
l'action en exemplification, de questions d'ordre public qui s'opposeraient
à ce qu'on donne effet au jugement étranger, on lui donne effet.
Cela, c'est la règle habituelle. En tout cas, ça semblait
être le cas aux États-Unis. On sait cependant, que, ici au
Québec, on ne donne pas un tel effet à un jugement
étranger prononcé en dehors du Canada. On est un peu à
contre-courant.
M. Duhaime: Vous parlez de la procédure normale. Mais,
l'International Union of Operating Engineers - si j'ai bien compris tout ce qui
a été dit depuis le début des travaux de cette commission
et, en particulier, lors du témoignage de Me Aquin ce matin, il y a une
constante dans ce dossier - n'a jamais admis sa responsabilité.
M. Jetté: Non. Je dois vous dire que c'est vrai que Me
Beaulé se défendait avec vigueur. Il n'y a pas de doute.
M. Duhaime: Bon, Me Beaulé se défendant avec
vigueur, au nom de sa cliente, le syndicat américain, était-il
possible au syndicat américain de faire reprendre toute l'instance
à zéro devant les tribunaux américains, tant sur le plan
de la responsabilité que sur le plan des dommages?
M. Jetté: Cela, c'était la deuxième question
qu'on avait adressée à nos correspondants américains. Vous
vous rappelez - je pense que c'est à la fin du mois de novembre - que,
dans une lettre, on faisait référence au fait que l'on devait
s'enquérir à la fois de la solvabilité du syndicat
américain et, en même temps, parce que c'était la
première fois qu'on nous posait la question, de ce qu'il adviendrait de
notre jugement québécois aux États-Unis. Alors, j'ai
obtenu effectivement une opinion vers la fin de décembre. Je pense
qu'elle a du être livrée au bureau au tout début de janvier
1979. Le sens de cette opinion indiquait que, probablement, les tribunaux
américains permettraient que l'on intente une action sur la foi du
jugement québécois et que les chances étaient que l'on
puisse exemplifier ce jugement-là aux États-Unis. C'était,
d'ailleurs, le sens des remarques que nous avons faites dans notre opinion du 5
janvier 1979. C'était l'orientation générale de cette
opinion. Elle allait dans ce sens.
(16 h 45)
L'une des questions que j'avais soulevées avec ces gens est que
je connaissais ce principe de la réciprocité, à savoir
que, normalement, un pays donne effet à un jugement étranger si,
à l'étranger, on lui donne le même avantage. Je leur avais
donc expliqué que, ici, la loi de la province de Québec indiquait
qu'on ne donnait pas effet à un jugement prononcé en dehors du
Canada et que tous les moyens de défense que l'on pouvait faire valoir
à l'étranger, on pouvait de nouveau les faire valoir devant nos
tribunaux. Cela ne semblait pas poser de difficulté majeure à nos
correspondants. Ils ont dit: Nous croyons que, nonobstant cette absence de
réciprocité entre la loi américaine et la loi du
Québec, les chances sont que l'on donnerait effet au jugement
québécois.
Cependant, dès ce moment-là, ils nous avaient fait une
réserve. Si vous me le permettez, je vous la lis. En dernière
page, ils nous disaient ceci: "As a note of caution, the requirement of
reciprocity, although ignored, has not been put to rest." Ils faisaient une
petite réserve sur cette question en ce sens que, s'il était vrai
que leurs recherches semblaient leur indiquer que, nonobstant l'absence de
réciprocité, l'on donnerait effet au jugement, ils ont dit:
Faites attention, ce n'est pas encore sorti des livres de droit. Enfin, c'est
ainsi que j'ai compris le sens de leur opinion. On pourrait ressusciter cette
exigence le cas échéant.
D'ailleurs, cette seconde opinion, on l'avait transmise à Me
Gadbois, à l'époque.
On n'en a pas fait état le 5 janvier, parce que l'objet de
l'opinion était fondamentalement de rafraîchir celle que l'on
avait donnée au mois de décembre 1975. Alors, fondamentalement,
le 5 janvier, on s'était plutôt attaché à faire un
rafraîchissement, si vous voulez, de cette opinion qui datait
déjà, parce que cela avait été demandé.
Cependant, on n'avait pas donné de détails sur les nuances
d'application des règles régissant l'exemplification, parce que
ce n'était pas ce que l'on avait en vue, à ce moment-là,
en rédigeant l'opinion. Alors, on avait donné le sens
général de l'opinion américaine. Cependant, plus tard,
comme vous le savez, on est revenu sur cette question.
M. Duhaime: Mes souvenirs s'éloignent à mesure que
les années avancent, mais, si je vous ai bien saisi, aux
États-Unis, si l'International Union maintenait son point de
non-responsabilité, cela voulait dire qu'il fallait reprendre toute la
preuve?
M. Jetté: Non, justement.
M. Duhaime: Réentendre les témoins?
M. Jetté: Non.
M. Duhaime: Ou bien était-ce simplement versé au
dossier?
M. Jetté: Non. Justement, c'était la distinction.
On donnait, en principe, effet à un jugement étranger, à
certaines conditions. Ces conditions me semblaient remplies. Il y avait "due
process of law". Enfin, l'International Union aurait eu, normalement, un
procès impartial, il n'y a pas de doute. Elle se défendait, etc.
Alors, il n'y avait pas de raison en soi pour que le tribunal américain
refuse de donner effet au jugement québécois. C'était,
à n'en pas douter, l'opinion qu'on recevait de nos correspondants
américains, avec la réserve que je vous signalais concernant cet
aspect de réciprocité.
M. Duhaime: Au moment où les premières
procédures en exemplification sont prises aux États-Unis,
j'imagine que c'est fait devant un tribunal de première instance d'un
État quelconque, celui du siège social, j'imagine?
M. Jetté: Je crois que je le mentionne dans une des
opinions qu'on donnait à la SEBJ; on suggérait la Cour
fédérale du district de Columbia comme étant le forum pour
débattre cette question.
M. Duhaime: La Cour fédérale du district de
Columbia, c'est un tribunal de première instance?
M. Jetté: Oui.
M. Duhaime: Bon. Selon sa teneur, le jugement qui aurait pu
sortir de là aurait pu être porté en appel devant un autre
tribunal de l'Etat?
M. Jetté: D'après ce que je connais du droit
américain, je crois qu'il y avait probablement quelques étapes
à franchir avant d'obtenir un jugement final.
M. Duhaime: Bon. Je voudrais qu'on clarifie ceci. II y a la Cour
fédérale du district de Columbia; tout le monde va s'entendre
pour dire que c'est un tribunal de première instance. Il y a ensuite
quelque chose qui s'appelle la Cour d'appel de l'État.
M. Jetté: Oui, il y en a certainement une, j'en suis
certain.
M. Duhaime: II y a une Cour d'appel et, ensuite, il y a la Cour
suprême des États-Unis.
M. Jetté: Je pense que c'est sur permission aux
États-Unis dans tous les cas, mais enfin.
M. Duhaime: Bon. Avez-vous une idée, Me Jetté,
combien cela aurait pris d'années dans un premier temps, dans
l'hypothèse où le procès suit son cours, pour obtenir un
jugement final? J'ai entendu Me Aquin qui l'a dit ce matin ou d'autres. Je ne
voudrais pas prêter des mots à personne; je crois qu'on
envisageait tout de même six mois de procès en première
instance à Montréal devant l'honorable juge Bisson. Mon
expérience m'indique que sur un procès de six mois, le
délibéré du juge a des chances d'être long avant
d'avoir le jugement de la Cour supérieure. En tenant pour acquis qu'il
serait porté devant la Cour d'appel du Québec par l'une ou
l'autre des parties, peu importe, et ensuite porté devant la Cour
suprême du Canada...
M. Jetté: On n'en est pas sorti.
M. Duhaime: Le bureau de Geoffrion et Prud'homme n'en est pas
à sa première cause en appel à Québec ou en appel
en Cour suprême. Si je vous demandais une évaluation en termes de
calendrier, on aurait eu un jugement de la Cour suprême du Canada en
quelle année, au meilleur de votre évaluation? J'imagine que
c'est un scénario que vous avez pu envisager un jour ou l'autre.
M. Jetté: En 1984 ou en 1985. M. Duhaime: En 1984
ou 1985.
M. Jetté: À mon sens, on n'est peut-être pas
sorti de la Cour d'appel encore.
M. Duhaime: En 1984, en 1985.
M. Jetté: Non, je dis peut-être qu'on aurait eu fini
au Canada.
M. Duhaime: En 1984, 1985. M. Jetté: Admettons.
M. Duhaime: Cela veut dire qu'à l'heure actuelle on
siège en retard ici en commission parlementaire'.
M. Jetté: Certainement.
M. Cardinal: M. le Président, est-ce que je peux
intervenir un instant?
Le Président (M. Jolivet): Oui, allez. M. Duhaime:
Oui, allez-y.
M. Cardinal: Le gouvernement de Terre-Neuve a poursuivi
Hydro-Québec pour 800 mégawatts des chutes Churchill.
HydroQuébec a décidé de contester cette action devant les
tribunaux de Terre-Neuve. Le jugement n'est pas rendu en première
instance à Terre-Neuve et cela fera bientôt sept ans.
M. Duhaime: Sur une procédure incidente?
M. Cardinal: Non, on est au fond.
M. Duhaime: Le jugement n'est pas rendu.
M. Cardinal: Le jugement n'est pas rendu en première
instance et cela fera bientôt sept ans que l'action est prise.
M. Duhaime: Cela veut dire que, cette action civile, à la
suite du saccage, ayant été intentée dans les derniers
délais de la prescription, quelque part en février 1976 -je n'ai
pas la date précise d'assignation - il aurait fallu de 1976 à
1984-1985 pour obtenir un jugement final de la Cour suprême du Canada.
Est-ce que je pourrais, par extension - j'aime mieux vous poser la question -
vous demander si vous avez une idée en quelle année on serait
sorti de la Cour suprême des États-Unis dans l'hypothèse
où un jugement est rendu en exemplification à la Cour
fédérale du district de Columbia, ensuite par la Cour d'appel de
l'État de Washington et finalement par la Cour suprême des
États-Unis?
M. Jetté: Vous comprenez que c'est une estimation
extrêmement sommaire, mais on peut peut-être ajouter cinq ans.
M. Duhaime: Cinq ans. Dans une hypothèse plausible, on se
retrouverait quelque part en 1989, 1990. Maintenant, Me Jetté, s'il a
été envisagé par votre bureau que ce scénario
pourrait être suivi jusqu'au bout, selon la volonté de vos
clients, combien cela aurait-il pu coûter en frais?
M. Jetté: On parle en termes de millions.
M. Duhaime: Je ne vous demanderai pas de me répondre en
dollars de 1976 ou en dollars d'aujourd'hui, mais une évaluation que
vous pourriez faire. Est-ce qu'on parle d'un dossier de 1 000 000 $, de 5 000
000 $ ou de 10 000 000 $?
M. Jetté: On parle certainement, en étant
raisonnable, de 2 000 000 $ à 3 000 000 $.
M. Duhaime: 2 000 000 $ à 3 000 000 $.
M. Jetté: À mon sens. Les avocats
américains, c'est "cherrant", que je sache. C'est pourquoi je dis que
c'est probablement un chiffre modéré.
M. Duhaime: Oui. Puisque vous m'en donnez l'occasion, je voudrais
le faire préciser. Vous dites qu'ils sont "cherrants". Tout le monde
comprend ce que cela veut dire. Tout le monde a le droit de gagner sa vie.
Mais, contrairement à la tarification qui existe ici au Québec,
la tarification judiciaire, la tarification extrajudiciaire, etc., est-ce que,
aux États-Unis, mais plus précisément dans cet
État, vous êtes au courant si c'est exact que les procureurs
américains travaillent exclusivement au pourcentage?
M. Jetté: Je ne sais pas si c'est exclusivement au
pourcentage. Je ne pourrais pas répondre à cette question.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas entrer dans tout le détail
de la question des dommages et intérêts. Hier, un de vos
collègues a été très insistant sur une expression
qui a été utilisée par votre firme dans une opinion. Je
vais essayer de me souvenir exactement de l'expression. Je crois que
c'était "juridiquement fondés". On en a parlé pendant de
longues minutes. Je n'ai pas en mémoire la référence
exacte, mais c'était contenu dans une des opinions.
M. Jetté: Je pense que c'est celle du...
M. Duhaime: La page 143 de la brique que j'ai devant moi. Je ne
sais pas à quoi
cela réfère dans vos propres documents. M.
Jetté: Si vous me le permettez...
M. Duhaime: Vous l'avez dans un de vos documents?
M. Jetté: ...j'ai cette opinion dans l'un des cahiers qui
vous ont été remis hier soir par Me Aquin.
M. Duhaime: Oui, page 61. C'est cela?
M. Jetté: En fait, c'est à la page 61, je
pense.
M. Duhaime: Bon. Je ne peux pas aller dans tous les
détails de votre opinion. Je vais simplement demander que vous nous
expliquiez ce que vous voulez signifier lorsque vous dites, à la page 7
de votre opinion, qu'en résumé la réclamation totale peut
se détailler comme suit: A. "Les postes suivants sont juridiquement
fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus."
M. Jetté: Ce que cela veut, tout simplement, dire, c'est
qu'à mon avis, à ce moment - parce que j'étais à la
cour, c'est moi qui avais fait la preuve - elle était, à mon
sens, d'excellente qualité. Cela voulait dire, tout simplement, qu'en
droit, c'était un dommage qui pouvait être accordé par le
juge et que ce dommage avait été prouvé. C'est ce que cela
voulait dire. La seule réserve que je peux avoir est que je me prononce
dans le temps. Je n'ai pas encore entendu la défense. Sauf que,
personnellement, je pense qu'on avait une action bien fondée pour la
somme de 17 196 419,12 $ qui est mentionnée. J'étais très
satisfait de la qualité de la preuve offerte là-dessus.
M. Duhaime: Je ne vous offenserai pas, Me Jetté, en vous
disant que, lorsqu'on entendra vos confrères qui agissent en
défense, ils pourront sûrement prétendre le contraire.
M. Jetté: Probablement qu'ils vont le faire.
M. Duhaime: Au paragraphe B de la page 7: "Les postes de
réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être
rejetés pour raisons de force majeure et de non-subrogation de la part
de la société". En arrondissant les chiffres, il y a un total de
2 300 000 $. Est-ce que, à toutes fins utiles, cela voulait dire que
vous avisiez votre cliente qu'il fallait abandonner ces postes de
réclamation?
M. Jetté: Pas tout à fait. Je vais vous expliquer
ce que cela voulait dire dans le contexte. On avait le problème suivant:
les sommes qui sont mentionnées dans ce chapitre B étaient des
sommes que la Société d'énergie de la Baie James avait
accepté de payer après le saccage, soit à des
ingénieurs-conseils qui étaient sous contrat, soit à
certains entrepreneurs. Mais elle avait accepté de les indemniser,
à la suite d'une réclamation, sur une base purement volontaire.
(17 heures)
Je m'explique. C'est que, dans le fond, quand les entrepreneurs ou les
firmes d'ingénieurs-conseils ont fait des réclamations
auprès de la SEBJ, celle-ci, légalement, aurait pu dire: Le
saccage constitue, pour autant que je suis concernée, un cas de force
majeure et cela m'exonère. Je ne suis pas tenue de vous payer. Si vous
voulez vous faire indemniser pour les pertes que vous, entrepreneurs, avez
subies, adressez-vous au syndicat ou, enfin, aux personnes qui vous croyez
responsables de cet état de fait. Cependant, pour des raisons,
probablement, de politique et de bons rapports avec ces ingénieurs et
ces entrepreneurs, la SEBJ avait accepté de les indemniser. Cela avait
été originellement "computé" dans la réclamation,
sauf qu'une fois le paiement fait, s'il n'y avait pas eu de subrogation ou de
cession en faveur de la SEBJ, on pouvait certainement prétendre à
un moment donné que je ne pouvais pas réclamer ces sommes parce
qu'elles avaient été payées sur une base purement
volontaire et que la SEBJ n'était pas tenue de les payer. Alors,
c'était un argument sérieux à faire valoir. Je vous avoue
que je ne sais pas comment j'aurais combattu cela. J'aurais peut-être dit
qu'ils invoquent leur propre turpitude pour ne pas payer, mais c'était
plus douteux. C'est pour cela qu'on avait fait cette réserve ici.
M. Duhaime: Au paragraphe C, à la page 8 de votre avis,
à la page 62 du document que Me Aquin a déposé ce matin,
il y a trois postes de réclamations pour 541 000 $; pour faire
l'histoire courte, on va dire 500 000 $. Vous dites qu'ils sont "juridiquement
discutables puisqu'ils peuvent être considérés comme des
dommages indirects, lesquels ne sont pas admissibles".
M. Jetté: C'est à cause d'un principe
élémentaire, à savoir qu'à la suite d'un
événement délictuel - genre d'événement qui
s'est produit ici - on ne peut réclamer que les sommes qui
découlent directement de l'événement, qui sont une suite
immédiate et directe. Ici, je ne me souviens pas exactement de la
preuve, mais mon souvenir, c'est qu'à cette époque je me
demandais sérieusement si ce n'était pas plutôt ce qu'on
considère en droit comme étant des dommages indirects. Ce sont
des dommages réels, mais ce sont des dommages indirects
que la victime d'un délit ne peut pas réclamer. C'est pour
cela que j'avais fait cette réserve-ci.
M. Duhaime: Alors, le paragraphe suivant, D, c'est pour 2 900 000
$. Vous dites vous-même: II est inadmissible...
M. Jetté: C'est une erreur. On l'avait "computé"
deux fois; on s'en était rendu compte seulement lors de la
préparation finale de la réclamation. Il a fallu, à toutes
fins utiles, l'abandonner, si vous voulez.
M. Duhaime: À E, il y a un montant de 16 500 $. Je suis
quasiment gêné d'en parler. A-t-il été
abandonné aussi?
M. Jetté: Oui, cela aurait coûté trop cher de
le prouver. Cela ne valait pas la peine.
M. Duhaime: Je voudrais revenir à une autre étape
dans le processus judiciaire. Je comprends que vous souhaitiez obtenir un
jugement. Vous vous êtes sans aucun doute posé la question: Si
jamais nous obtenons un jour un jugement en faveur de notre cliente pour X
millions... Nous avons parlé tout à l'heure de la
procédure en exemplification qui précéderait
l'exécution d'un jugement aux États-Unis, mais quant à
l'exécution d'un jugement contre les syndicats défendeurs ou
encore contre les défendeurs eux-mêmes, les personnes physiques,
vous avez dû sans aucun doute - il en a été fait
état abondamment -donner votre point de vue, c'est-à-dire quel
montant d'argent on pense raisonnablement pouvoir recouvrer du débiteur
contre qui le jugement est rendu.
M. Jetté: Au Québec, dire que c'était
extrêmement aléatoire, c'était même trop faible.
À mon sens, à moins d'un miracle, je ne vois vraiment pas ce
qu'on aurait pu faire avec ce jugement ici, à moins qu'un de ces
syndicats ne devienne riche à un moment donné, mais je ne sais
pas comment. Évidemment, je vous donne mon opinion avec ce que je savais
à l'époque.
M. Duhaime: Est-ce que votre réponse, de façon
égale ou inégale - vous pourrez la qualifier - porte sur le local
791, le local 134 et le Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction?
M. Jetté: C'est exact. C'est à ceux-là que
je pense et aussi à cette petite union québécoise, mais
qui fonctionnait, à toutes fins utiles, de façon parallèle
avec le local 791. L'un n'était pas plus riche que l'autre.
M. Duhaime: Me Aquin, ce matin, a fait état que, à
quelques occasions, vous aviez eu, vous-même, à rencontrer les
membres du conseil d'administration de la SEBJ, je crois que c'est - avec la
correction qui est apportée, le 23 janvier disparaît - le 30
janvier, Est-ce qu'il a été question de la solvabilité des
syndicats du Québec à cette date ou à une autre date?
Est-ce qu'il en a été question à une réunion avec
les membres du conseil d'administration où vous-même étiez
présent?
M. Jetté: Je pense qu'il en a été question
le 9 janvier. Je vous signale que je pense que vous vous trompez dans vos
dates. J'ai été deux fois devant le conseil d'administration: une
fois avec Me Aquin le 9 janvier et une autre fois avec Me Cardinal le...
M. Aquin: Si vous me le permettez, c'est le 20
février.
M. Jetté: ...20 février. Le 9 janvier, je pense que
cela a été abordé. Maintenant, par qui et en quels termes?
Je vous avoue que je ne me le rappelle pas. Je sais qu'on avait fait faire des
recherches par nos enquêteurs, c'était pessimiste et,
subséquemment, quand on avait demandé des renseignements
directement de nos adversaires, cela confirmait à toutes fins utiles ce
qu'on pensait, les recherches qu'on avait fait effectuer par notre propre
service d'enquêteurs. Je pense que cela a été
soulevé le 9 janvier 1979, mais je ne pourrais pas dire plus que cela.
Je ne me rappelle pas les détails.
M. Duhaime: Lorsque votre service d'enquête vous a fourni
les données, j'imagine que les procureurs des syndicats
défendeurs vous en ont aussi fourni quant aux états financiers,
quant aux revenus bruts, aux revenus nets, bref, à l'état de
solvabilité des syndicats québécois, qu'on parle du local
791, qu'on parle du local 134 ou encore du conseil provincial. Au moment
où vos rencontres ont eu lieu avec le conseil d'administration ou encore
dans vos conversations avec Me Gadbois qui dirigeait le contentieux de la
Société d'énergie de la Baie James, est-ce que vous avez
été à même, soit vous-même ou avec vos
associés professionnels, de faire une évaluation en cents et en
piastres du montant d'argent qui aurait pu être
récupéré des syndicats québécois en
défense?
M. Jetté: On ne s'est pas livré à cet
exercice. Cela n'en valait pas la peine. On commençait un procès.
On savait que c'était pour durer et perdurer, il n'y avait pas de doute
là-dessus. Il y avait vraiment une décision de principe à
prendre pour le conseil d'administration de la SEBJ. Alors, on ne s'est pas
livré à ce genre d'exercice à ce moment-là, pas
à ma connaissance en tout
cas. Cela n'en valait pas le coup.
M. Duhaime: Mes prochaines questions s'adresseront à Me
Cardinal. Vous avez fait état d'une rencontre avec le chef de cabinet du
premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, j'ai devant moi la date du 9
février et une autre du 27 février. Pouvez-vous, Me Cardinal,
informer la commission, au meilleur de votre souvenir - je comprends que cela
fait quelques années et que vous avez plusieurs dossiers en main - sur
les discussions qui ont eu lieu à l'un ou l'autre de ces deux jours avec
Me Jean-Roch Boivin?
M. Cardinal: D'abord, vous comprenez que dans les dossiers que
nous avons reconstitués pour la commission - qui représentaient,
d'ailleurs, beaucoup de travail, on a été assez chanceux de tous
les trouver - je me rends compte qu'il n'y a pas de rencontre avec M. Aquin et
qu'il n'y a pas de charge de faite. J'ai souvenir que le 9...
M. Duhaime: Vous voulez dire avec M. Boivin.
M. Cardinal: M. Boivin, pardon. Je ne peux pas me souvenir que,
le 9 février 1979, précisément, j'ai rencontré M.
Jean-Roch Boivin, sauf que, quand on me dit qu'ayant une entrée au
bureau du premier ministre je l'ai vu, cela je le crois facilement. D'autant
plus que c'est quelqu'un que je voyais à l'occasion, que je voyais
même assez souvent; que je l'aie vu dans l'édifice
d'Hydro-Québec où j'étais... Parce que le va et vient dont
on a parlé se faisait bien plus, pour autant que je suis
concerné, dans le bureau de M. Gadbois que dans le bureau de M.
Boivin.
Je pense, d'ailleurs, qu'on pourrait vérifier: je suis certain
que ce 9 février, c'était un vendredi. Je sais que M. Boivin est
à Montréal le lundi et le vendredi. Que je sois parti du bureau
de M. André Gadbois et que j'aie dit: Je vais passer par le bureau de M.
Boivin, et que ce soit précisément pour lui parler du
règlement sur lequel je travaillais, ce n'est pas une chose qui me
choque. J'ai vu d'autres chefs de cabinet avant lui pour les affaires d'Hydro
sans que je me pense obligé d'appeler M. Giroux ou un autre. Cela me
semble très possible que je sois allé le 9 février 1979
parler à M. Jean-Roch Boivin et que je lui aie parlé de cette
affaire très ouvertement à Hydro.
Par exemple, car il n'y a rien de plus difficile que de prouver qu'on
n'a pas un compte en Suisse, je peux dire d'une façon négative
que je n'ai jamais essayé de régler ce problème avec M.
Jean-Roch Boivin, et deuxièmement, qu'il ne m'a jamais donné
d'instructions à ce sujet. De cela, je suis sûr.
Le 27 février, cela m'est revenu un peu plus facilement. En
regardant les notes que j'ai, je vois que j'ai été très
actif les 27 et 28 février, surtout en l'absence de M. Aquin. J'ai eu un
vrai va et vient à Hydro-Québec. J'ai vu M. Saulnier, M. Gadbois
et tout le monde. Je savais que je partais en vacances le lendemain. Cela, j'ai
pu le reconstituer un peu plus facilement, surtout quand on m'a appris que
j'avais été quelques minutes dans le bureau de M. Boivin. Je puis
dire devant la commission que je suis assez sûr des mots que j'ai dits
cette journée du 27 février, à savoir: Pour autant que je
suis concerné, mon travail est terminé, je m'en vais en vacances;
il reste au conseil d'administration de la SEBJ de prendre des
décisions; bonjour.
Ensuite on s'est souvenu, M. Aquin et moi, qu'on l'avait vu le 2
février à un lunch où il nous avait annoncé que, la
veille, il avait eu une entrevue avec le premier ministre. On l'a dit à
la commission, et il n'y a rien là.
M. Duhaime: Maintenant, est-ce que Me Yves Gauthier,
attaché politique au cabinet du premier ministre M. Lévesque,
vous a déjà parlé, à vous personnellement, de ce
dossier?
M. Cardinal: Non.
M. Duhaime: Est-ce que le premier ministre lui-même vous en
a déjà parlé?
M. Cardinal: Non, monsieur.
M. Duhaime: Maintenant, Me Aquin ou Me Cardinal, je voudrais que
vous nous précisiez une chose. Vous avez mentionné que, le 2
février 1979, vous étiez tous les deux présents, vous avez
pris un lunch avec le chef de cabinet de M. Lévesque. Est-ce que vous
pourriez nous apporter davantage de précisions sur votre conversation
cette journée-là?
M. Aquin: Je ne pense pas que je puisse aller beaucoup plus loin
que ce matin. J'ai beau procéder à des exercices de
rafraîchissement et de reconstruction des événements. Je
vais vous dire ce à quoi j'arrive présentement. Je me souviens
que M. Boivin nous a dit que la veille le premier ministre avait
rencontré les trois présidents, MM. Saulnier, Laliberté et
Boyd. Je crois me souvenir qu'il avait dit - est-ce que c'est à cette
rencontre ou à la suite de cette rencontre? - qu'on avait
souhaité - je ne sais pas si ce sont les présidents ou un
président - que MM. Beaulé et Jasmin nous remettent des
lettres-rapports que nous avons reçus par la suite et qui sont
produits.
À par cela, je me souviens que M. Cardinal - je pense qu'il me
l'a dit à ce
moment ou tout de suite à la sortie - était
déjà au courant de cette rencontre. Je n'étais pas au
courant. M. Cardinal, je pense qu'il l'avait appris le matin au bureau et nous
ne nous étions pas croisés. Je l'apprenais. J'ai posé la
question: Est-ce que c'est un renseignement confidentiel ou est-ce que c'est
officiel? Je me souviens, sans employer les mots officiels, qu'il avait dit:
Non, il n'y a rien de confidentiel, parce que ces trois personnes vont faire
rapport au conseil d'administration. J'ai appris ici - ce que je ne savais pas
à l'époque - qu'ils avaient averti le conseil d'administration
qu'ils se rendaient à cette rencontre. Cela, je ne le savais pas
à l'époque. C'est tout ce dont je me souviens. (17 h 15)
J'ai probablement, comme je l'ai dit ce matin, parlé du travail
que j'avais effectué à préparer des formules de
transaction et je pense bien que M. Boivin n'avait pas continué sur ce
sujet-là. Je ne me souviens vraiment pas d'autre chose de cette
rencontre. J'avais compris que l'intention de M. Boivin était que nous
soyons au courant de cette démarche et M. Cardinal l'était
déjà.
M. Duhaime: Donc, au meilleur de votre souvenir, en dehors de
cette rencontre du 2 février 1979 - vous avez parlé
également d'une conversation téléphonique du 8
février 1979 - est-ce qu'il y a eu d'autres conversations
téléphoniques?
M. Aquin: Le téléphone, j'en ai parlé ce
matin.
M. Duhaime: Vous en avez parlé ce matin, oui. Mais, en
dehors de ces deux occasions - je parle pour vous-même, principalement -
est-ce qu'il y a eu d'autres rencontres, d'autres conversations avec Me
Boivin?
M. Aquin: Pas à mon souvenir. Que M. Cardinal voie, assez
fréquemment M. Boivin, qu'on se soit croisés dans un corridor du
bureau, ce ne serait pas une impossibilité métaphysique, mais
cela me surprendrait. Je pense que ce sont les deux seules communications que
j'ai eues avec M. Boivin.
M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique
au cabinet du premier ministre, vous a déjà parlé à
vous-même de ce dossier-là?
M. Aquin: J'attendais cette question. Je n'en ai pas parlé
pour une raison. Dans le cas de M. Boivin, quand on mange ensemble, c'est lui
qui nous invite. Lorsqu'il y a téléphone, c'est lui qui
m'appelle. C'était une journée, d'ailleurs, le 8 février,
où M. Cardinal n'était pas au bureau. Alors, il m'a
appelé. Dans le cas de M. Gauthier, c'est un geste que j'ai posé
à titre purement privé. C'est pour cela que je n'en avais pas
parlé. Et je n'ai aucune raison de ne pas le dire. La seule chose, c'est
que j'ai beaucoup de difficulté, avec la meilleure volonté du
monde, à situer le moment. Mais, par une série de
déductions, j'en viendrais à la conclusion que c'est vers le
vendredi - je penserais - 26 janvier.
Or, ce qui s'est passé, je vais vous le dire très
simplement. Pour ma part, j'avais vu tout le processus du week-end
précédent et nous avions reçu le lundi toutes les offres
des différentes parties en cause, les formules de transaction que nous
avions toutes acheminées à la SEBJ, le 22, en attendant le
résultat du conseil d'administration du 23. Vous vous souviendrez qu'au
conseil d'administration du 23 on attendait à notre bureau pour savoir
ce qui avait pu se passer, à telle enseigne que l'on avait appris, en
fin de journée, qu'on voulait nous rencontrer. Et là - vous avez
vu - il y avait des modifications à faire. De toute façon, le
cheminement semblait stationnaire. Comme j'étais au coeur de cette
préparation des documents, je dois vous confesser, M. le
Président, que j'ai été curieux. Je me suis demandé
ce qui se passait au conseil d'administration.
Ce pourquoi j'ai été curieux, c'est que nos adversaires -
je ne me souviens pas si c'est Me Jasmin ou Me Beaulé, ou les deux -nous
avaient dit, à un certain moment, qu'ils avaient vu, eux, des personnes
du bureau du premier ministre. Je ne savais pas du tout combien de fois. J'ai
appris cela dans les journaux, ces semaines-ci. Mais ils nous avaient dit
qu'ils avaient eu des contacts avec le bureau du premier ministre au milieu du
mois de janvier. Je ne sais pas quand ils avaient eu leurs contacts, mais c'est
à ce moment-là qu'ils nous l'ont dit. Si je me souviens bien, M.
Beaulé avait dit, je pense: II est normal, entre avocats, de vous
prévenir que nous avons eu des contacts avec le bureau du premier
ministre, que nous avons vu des gens du bureau du premier ministre.
Dans un processus de travail avec d'autres avocats - et c'est là
que ma curiosité entre en jeu - je trouve toujours très
déstabilisant ce genre d'information. Alors, je voulais savoir si
c'était exact. J'ai téléphoné à Me Gauthier
pour lui dire que j'aimerais parler de cela avec lui, quelques minutes
seulement. Il me semblait que c'était un jeudi ou un vendredi. Je me
souviens qu'il m'a dit: Je passe près de chez vous, j'arrêterai
quelques minutes ce soir. C'est la seule fois qu'il s'est arrêté
chez moi. Il s'est arrêté, avec sa femme, à peine quelques
minutes. Je pense qu'il s'en allait dans un centre commercial.
Je lui ai posé la question suivante: Les
procureurs de la partie adverse me disent qu'ils ont rencontré
des membres du personnel du bureau du premier ministre? Je ne me souviens pas
exactement de sa réponse à cette question, c'est très
vague. J'ai compris de cette conversation qu'il semblait y avoir une
volonté, un souhait politique que cette question se règle, que la
cause se règle, donc qu'il y avait ce souhait. J'ai compris aussi, par
les renseignements qu'il me donnait, qu'au conseil d'administration de la SEBJ
il y avait un partage, une certaine division sur la voie à suivre. C'est
vraiment tout ce dont je me souviens. C'est pourquoi je ne l'ai pas
mentionné. C'était vraiment moi qui avais sollicité non
pas cette entrevue, mais cette communication, parce qu'on aurait pu se le dire
au téléphone. Je l'avais sollicitée dans un but
précis. Je voulais savoir si mes - je sais qu'ils viendront demain ou un
autre jour, j'espère qu'ils ne seront pas fâchés
adversaires me disaient un fait avéré ou me faisaient un bluff
quelconque. J'ai donc posé cette question à Me Gauthier. C'est la
seule communication, à ma connaissance, que j'ai eue avec Me
Gauthier.
Pour résumer, des communications de M. Boivin: une rencontre et
un appel téléphonique venant de lui. C'est pourquoi je vous l'ai
mentionné ce matin, j'étais à peu près sûr
que la question au sujet de Me Gauthier me serait posée. J'aimais mieux
attendre qu'elle me soit posée parce que c'était à titre
privé et que cela venait de moi. Vous voyez dans quel esprit je l'ai
fait. Je voulais vraiment corroborer les dires que mes confrères me
rapportaient, en disant qu'il y aurait une volonté politique de
régler cette cause. C'était vers la fin du mois de janvier. Sur
la date, on pourrait me questionner trois jours et je ne pourrais pas vous en
dire plus que ce que je viens de vous dire. C'est vers la fin de janvier.
M. Duhaime: Me Aquin, je voudrais revenir au début de
l'exposé que vous avez fait ce matin, à la date du 11 janvier.
Vous avez mentionné que vous aviez reçu une communication - je ne
me souviens pas si c'était un appel téléphonique ou une
rencontre avec Me Gadbois, qui est chef du contentieux de la SEBJ ou l'avocat
au dossier - disant que Me Beaulé, procureur du syndicat
américain, avait fait une avance de règlement d'environ 250 000 $
et que cette avance de règlement était liée à une
demande d'ajournement que certains des défendeurs voulaient faire
à la Cour supérieure au début de l'audience prévue
pour le 15. D'après ce qu'indique votre dossier et selon votre meilleur
souvenir, est-ce que c'était la première occasion où on
vous communiquait que les défendeurs, par la voix de leurs procureurs,
transmettaient une avance ou une proposition de règlement?
M. Aquin: J'ai employé le mot "avance", parce que ce
n'était tellement pas une proposition qu'il semble que ce n'était
pas cela, concernant le montant de 250 000 $. J'ai donc employé le mot
"avance", parce que M. Jetté - il va pouvoir s'exprimer sur ce sujet
dans quelques instants a rencontré MM. Beaulé et Jasmin et Me
Beaulé a fait cette offre de 250 000 $, le 10 janvier. Le même
jour, je suis à peu près sûr que, en fin
d'après-midi, M. Jetté m'a fait rapport de cette proposition.
Mais les avances verbales, dans mon métier, je n'ai jamais tellement cru
à cela et c'en est resté là.
Le lendemain, Me Gadbois, passant à notre bureau - là, il
s'agissait de faire rapport de cette avance - j'ai donc demandé à
Me Jetté de reconfirmer avec Me Beaulé pour être bien
sûr qu'il n'y avait pas eu d'erreur la veille et il l'a
reconfirmé. Et là, je me souviens qu'il l'a dit à Me
Gadbois à notre bureau et il me semble - je peux me tromper - que ce
serait de notre bureau que Me Gadbois a téléphoné à
M. Laliberté ou nous a dit: Je vais en parler au président.
Je n'ai pas dit, cependant, que c'était nécessairement
lié aux instructions que M. Cardinal a reçues en fin de semaine,
à savoir de ne pas s'opposer à une demande de remise parce que Me
Beaulé était tout de même là avec Me Jasmin, les
deux étaient donc dans un processus de faire des avances ou des
propositions. C'est dans cette perspective, j'imagine, que voyant qu'un pan
s'ouvrait, on nous a dit: Bon, c'est très bien, collaborez à une
demande d'ajournement pour que les syndicats, s'ils le désirent,
formulent leur proposition plus amplement. C'est Me Jetté qui a
reçu cette avance de Me Beaulé.
M. Duhaime: Je voudrais franchir l'étape du 15 janvier qui
est la date d'ouverture de ce procès. Le 15 vous avez eu une rencontre
entre les avocats, Me Aquin, Me Cardinal, Me Jasmin et Me Beaulé et il y
a eu échange de lettres. Je voudrais en venir à la rencontre du
17 janvier à laquelle assistaient, suivant ce que vous avez dit, M.
Claude Laliberté, Me Gadbois, vous-même, Me Cardinal en
présence de Me Jasmin.
M. Aquin: En présence de? M. Duhaime: Me Jasmin.
M. Aquin: Pour une partie de la réunion.
M. Duhaime: Dans la mesure où c'est possible, on va
essayer d'éclarcir une chose.
Il a beaucoup été question du mandat, le 17 janvier 1979.
Il en a été tant question ici que je suis convaincu que mes
collègues à ma gauche vont revenir sur cela dans
quelques minutes. Il en a été abondamment question dans
les journaux aussi, à tort ou à raison. Je voudrais que vous nous
apportiez des précisions sur votre discussion, d'abord la partie
à laquelle assistait Me Jasmin qui est votre adversaire et, ensuite, la
partie de la discussion avec votre client, finalement le P.-D.G. de la
Société d'énergie de la Baie James, le 17 janvier pour ce
qui est du mandat que vous avez reçu.
M. Aquin: Nous nous sommes rendus et je crois que Me Cardinal et
moi avons rencontré Me Gadbois et qu'ensuite on a rencontré M.
Laliberté. Est-ce que Me Jasmin était déjà
arrivé ou est-ce qu'on l'attendait? Je ne le sais pas, mais, de toute
façon, c'était notre intention de nous rencontrer entre nous
d'abord. Là, on a précisé que Me Jasmin voulait le
rencontrer de nouveau pour lui faire valoir certains points et M.
Laliberté a donc accepté de le voir. Pour une partie, tout le
monde se trouvait ensemble et Me Jasmin nous explique son point de vue.
Quel est son point de vue? Je pense que c'est par déduction; j'en
ai suffisamment entendu pour penser qu'il a probablement redit cette
journée-là tout ce qu'il nous redisait souvent, surtout par la
suite. C'est que, d'abord, les syndicats québécois étaient
dans l'insolvabilité, ne pouvaient pas acquitter de jugement.
Deuxièmement, il était possible, si cette cause continuait, que
le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et
la plupart des défendeurs se retirent du dossier, en ce sens qu'ils ne
prennent plus d'avocats et laissent porter la cause. Je ne sais pas si
c'était une manoeuvre véritable ou si cela se serait
passé, mais il nous a fait valoir cet élément. Il nous a
aussi fait valoir - cela, il va vous le dire beaucoup plus
précisément que moi -qu'au printemps qui s'en venait un ou deux
syndicats avaient des droits acquis à la grève légale au
chantier et que tout pourrissement du climat social pouvait amener des
difficultés au point de vue de la paix industrielle. (17 h 30)
Il a fait valoir aussi - je mets tout cela cette
journée-là parce que je sais qu'il a parlé assez longtemps
et c'étaient ses grands thèmes quand, plus tard, on a
négocié avec lui - qu'offrir de l'argent, selon lui, ce
n'étaient pas des solutions véritables et qu'une chose semblable
aurait dû se régler pour 1 $ et autres considérations.
Selon lui -je pense que ce n'est pas à moi d'arbitrer si c'est exact ou
non - à la Baie-James, grâce au travail de tout le monde et
à une meilleure paix industrielle, on avait gagné beaucoup de
mois sur l'échéancier et cela valait beaucoup d'argent. Compte
tenu de tous ces facteurs, ce n'étaient pas des sommes aussi petites que
celles qui étaient en cause à ce moment - je pense qu'il y avait
déjà une première proposition de 50 000 $ - qui pouvaient
tenir compte de ce que lui pensait être la nécessité d'un
règlement au point de vue de la paix industrielle.
Je pense que l'orateur lui-même, quand il viendra, nous dira
comment il s'est exprimé, mais cela ont été les grands
thèmes qu'il a développés cette journée-là.
C'était une plaidoirie devant notre client qui était assez bien,
si je regarde le point de vue technique. Je me souviens qu'en sortant je lui
avais dit que je le félicitais comme confrère, qu'il avait fait
son possible. Ensuite, il a quitté.
Nous sommes restés ensemble et la première chose que M.
Laliberté nous a dit, c'est que sa proposition de la veille, qui
était de 50 000 $, était inacceptable. Il a dû nous poser
quelques questions aussi pour éclaircir ce qui avait été
dit par M. Jasmin sur le droit acquis à la grève, etc. Mais je ne
me souviens vraiment pas de cela. Ce dont je me souviens parce que, dans la
suite des choses, j'ai commencé immédiatement à
travailler, c'est qu'il a probablement redit ce qui nous avait
été dit le 15, que notre mandat était toujours
d'écouter. Est-ce cette journée ou le 15 qu'il nous a dit qu'il
voulait que, s'il y avait des offres, elles soient faites par écrit? Je
pense que c'est plutôt le 15. Mais ce qui a été, selon moi
un point tournant, c'est que, dans l'éventualité où les
syndicats feraient des offres, on nous demandait de préparer un document
qui - M. Laliberté, je pense bien - soit acceptable à la
SEBJ.
Si vous regardez le cheminement, on a une avance de M. Beaulé
qui, finalement, avorte, une avance verbale à part cela; c'est le genre
de choses qui arrive toujours quand vous avez des avances. Deuxièmement,
on a une proposition écrite de M. Jasmin, mais qui ne parle que pour
quelques défendeurs et qui ne parle que de sa part, qui ne parle que de
50 000 $ et qui nous explique que probablement Me Beaulé suivrait, mais
il ne le sait pas. Il y a, quand même, dans l'air des propositions qui
viennent des parties syndicales.
Si je comprends bien les instructions qui nous sont données
à ce moment, c'est qu'on nous dit: Si les parties syndicales veulent
nous faire des offres, vous, les avocats, voyez à ce qu'elles soient
faites dans un document qui nous sera acceptable. Alors, il y a le mandat et,
dans tout mandat, il y a une partie expresse et une partie implicite. En
d'autres termes, quand on rencontrera les procureurs syndicaux, c'est à
nous de voir à ce que chacun des défendeurs ait les autorisations
nécessaires pour nous faire l'offre, etc., toute la cuisine juridique.
Mais ensuite, il faut une proposition, un cadre dans lequel cette offre
nous vient et c'est là qu'on a le mandat. Est-ce que c'est M.
Laliberté qui dit: Faites une formule? Il ne dit pas le lendemain:
Faites une formule de transaction, sûrement, parce que le mot est de moi.
La plupart des avocats parlent toujours de règlement hors cour; je parle
toujours de transaction. C'est un vieux mot français qui est plus exact.
Alors, le lendemain, il n'a pas dit: Faites une formule de transaction comme
telle. Il a dit: Préparez un document qui soit acceptable à la
SEBJ et qui va nous être présenté par les parties
syndicales dans lequel elles mettront leurs offres si elles veulent nous faire
des offres. En d'autres termes, je pense bien que le point essentiel, c'est que
si elles veulent faire des offres, préparez le cadre juridique dans
lequel cela va se faire. Là, je passe à l'oeuvre le lendemain
pour le préparer.
M. Duhaime: C'est ce que vous avez appelé vous-même
ce matin un document de transaction multilatéral?
M. Aquin: C'est le lendemain que, m'assoyant avec moi-même,
je me suis dit: Préparer un document que je vais remettre aux parties
adverses avec un espace en blanc pour qu'elles mettent leur chiffre dedans et
qu'elles nous le renvoient avec toute la documentation nécessaire pour
avoir des offres fermes et légales; préparer un document qui soit
quand même descriptif d'une situation semblable - c'est tout de
même une cause que les avocats ne plaident pas nécessairement
à toutes les semaines c'est, d'ailleurs, je pense, la seule qu'on ait
eue au bureau de ce chiffre-là - un document qui soit acceptable pour
tout le monde le lundi suivant, c'est impossible. En effet, avec le nombre de
paragraphes, il y aura toujours quelqu'un, un défendeur quelque part ou
la SEBJ pour dire: je n'admets pas tel attendu. Ce qu'on fait très
souvent dans les causes beaucoup plus faciles, on dit: Attendu que, attendu
que, attendu que, mais là, c'était un sujet beaucoup plus
complexe. Du moment qu'il y a un attendu quelque part, il y a trop de parties
pour que tout le monde s'entende sur les attendus. C'est là que je
procède suivant ce que j'appelle une formule multilatérale de
transaction que j'ai déjà employée dans d'autres cas, dans
le passé. Chacun continue de déclarer ce qu'il veut bien, mais
ils disent, en terminant, que ce sur quoi ils s'entendent, c'est de ne plus
soumettre leur litige à la justice en considération d'une somme
de... C'est ainsi que je le prépare. Vous connaissez la suite des
choses; il y a eu plusieurs autres documents de transactions qui ont suivi.
Il est arrivé quelque chose que je ne prévoyais pas
nécessairement à l'époque, c'est que certaines parties
n'admettaient pas que l'autre partie déclare ce qu'elle avait
déclaré. C'est là qu'on a commencé à faire
du découpage et à enlever des paragraphes. Cela veut dire qu'il
n'y a jamais de solution parfaite. La mienne, non plus, ne l'était
pas.
Le Président (M. Jolivet): C'est tout, M. le ministre?
M. Duhaime: Alors, je vous remercie pour l'instant, monsieur. Je
n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme profite
de la télévision aujourd'hui.
M. Cardinal: À quel prix?
M. Aquin: C'est la seule indemnisation qu'on ait reçue
cette semaine.
M. Paradis: Je ne voudrais pas commencer à vous adresser
des questions sans vous permettre d'établir, pour ceux qui nous
écoutent et pour les membres de la commission, ce qu'est le bureau
Geoffrion et Prud'homme. Je n'en voudrai pas à votre humilité si
vous remontez au siècle dernier et jusqu'à Sir
Antoine-Aimé Dorion. Ma question s'adresse soit au plus
âgé, à celui qui a le plus d'ancienneté ou au plus
humble.
M. Cardinal: À ma souvenance, Geoffrion et Prud'homme -
moi j'y suis entré en 1971 - on m'a toujours dit que c'était
peut-être le plus vieux bureau canadien-français au Canada. Il a
été fondé par M. Geoffrion et M. Prud'homme. M. Geoffrion
avait la réputation d'être le plus grand avocat au Canada devant
le Conseil privé de Londres. Je ne l'ai pas connu. J'ai connu un peu M.
Prud'homme qui était un excellent avocat, lui aussi. C'était un
bureau qui était essentiellement formé de deux avocats, comme
c'était la mode, d'ailleurs, dans ce temps-là. Ensuite, M.
Geoffrion a eu deux garçons, Guillaume, qui est encore conseiller chez
nous, et Antoine qui est décédé. C'était,
d'ailleurs, un de ses titres de gloire d'avoir été
trésorier du Parti libéral. Ils ont commencé à
pratiquer à quatre avocats, mais c'était encore un bureau qui
n'était pas nombreux. Un peu plus tard, Antoine Geoffrion, à la
mort de son père, a décidé comme les choses
évoluaient, d'en faire un bureau où il y aurait plus d'avocats.
C'est à ce moment-là, par exemple, que le député,
M. Lalonde, est entré dans le bureau.
Il y avait environ - je pense - 17 avocats en 1971 au moment où
je suis entré. Là, le bureau a commencé à se
diversifier, à s'agrandir et, au moment dont on parle, en 1978, nous
étions environ 34 ou 35 avocats.
C'était un bureau, comme tous ces gros bureaux, où on
tâchait d'attirer des experts dans plusieurs matières, par
exemple, M. Aquin qui est entré un peu plus tard. On tâchait de
répondre à une clientèle plus variée comme ceux qui
avaient besoin de droit civil, de droit corporatif, de droit ouvrier, etc.
C'est ce qu'était Geoffrion et Prud'homme en 1978.
M. Paradis: Je vous remercie. Le ministre a parlé
tantôt du temps que cela aurait pris pour obtenir un jugement final
contre toutes les parties, des liens de préposition, etc. Il a
également parlé des coûts. Sauf erreur - je demanderais
à Me Aquin de me corriger si je fais erreur - dans la poursuite que vous
aviez intentée, il y avait également des intérêts
que vous réclamiez. Est-ce que vous avez parlé de l'article 1056
c du Code civil et à combien les intérêts annuels se
chiffraient-ils, suivant votre opinion?
M. Aquin: Je n'ai pas fait le calcul exact. Mais si on prend
l'action, comme on l'a prise, en 1976 et si on assume, ce qui est raisonnable,
comme le soumet Me Jetté, que cela ne serait pas terminé au
Canada au moment où on se parle - on n'a qu'à regarder la plupart
de ces causes, je ne pense pas que ce serait terminé - dans une telle
optique, si on avait obtenu - parce que c'est à la discrétion du
juge, tout dépend du montant qu'on aurait obtenu, il faudrait vraiment
être devin pour le savoir - le plein montant, sur 30 000 000 $, les
intérêts de l'article 1056 c... Les intérêts ont
beaucoup varié dans les dernières années, ils ont
même été jusqu'à 19%. Cela prendrait un calcul
très exact si vous voulez avoir un chiffre exact. Ce qu'on fait
rapidement quelquefois dans le métier - vous le savez mieux que moi -
c'est que, quand on regarde pour six ans, on peut mettre une moyenne d'environ
12% ou 13% par année, mais c'est purement arbitraire, parce que cela
varie. C'est publié dans la Gazette officielle au fur et à
mesure. C'est le chiffre de l'intérêt du ministère du
Revenu, à toutes fins utiles. Présentement, il a baissé.
Je ne pourrais même pas vous dire à quel chiffre, je pense qu'on
est rendu à 14%. Mais on a été à 19% au moins deux
ans.
M. Paradis: On n'ira pas, entre avocats, trop loin dans les
chiffres, mais pour avoir une image, cela aurait couvert...
M. Aquin: Si on avait eu un jugement... On est dans un cas assez
difficile; d'ailleurs, c'est la première fois que cela nous arrive de
plaider une cause qui n'a pas été plaidée devant les
tribunaux. Cela nous permet, d'ailleurs, d'être sûrs de ne pas nous
tromper. On ne sera contredit par aucune juridiction d'appel. Mais si on avait
eu gain de cause sur 30 000 000 $, je pense bien que cela aurait doublé
au moment où on se parle. Je pense que je l'ai dit ce matin. On pourrait
parler d'au moins 30 000 000 $. Non, un peu moins. Mettez 12% ou 13%, avec 30
000 000 $, vous devriez être dans les 25 000 000 $. Oui.
M. Paradis: Pour nous aider, je viens d'avoir une information du
député de Laporte qui est notaire de profession et ils sont assez
exacts. Il m'a dit: Le capital double tous les six ans.
M. Aquin: Pardon?
M. Paradis: Le capital de 30 000 000 $ double tous les six ans
dans un cas comme cela.
M. Aquin: Oui, il y a du vrai dans cela...
M. Bourbeau: M. le Président, une question de
règlement, je voudrais dire un mot là-dessus.
M. Aquin: ...puis il y a du contestable, si on me le permet.
C'est que dans le domaine, justement, des investissements qui sont beaucoup du
ressort du notaire, il a absolument raison. Dans un domaine comme celui-ci, on
n'a pas ce qu'on appelle - tant qu'à être technique, on va
l'être pour vrai -l'anatocisme, on n'a pas l'intérêt de
l'intérêt ici. Ce pourquoi cela double, c'est parce que cela
atteint des chiffres très élevés certaines années,
allant jusqu'à 19%. Ce soir, on pourrait probablement vous le
donner.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi...
M. Aquin: Ce serait facile de vous donner un chiffre exact. (17 h
45)
Le Président (M. Jolivet): ...simplement avant d'aller
plus loin, M. le député de Laporte a soulevé une question
de règlement et je l'ai laissé aller. Cela va? D'accord. M.
Cardinal.
M. Cardinal: Tout ce que je voulais dire, c'est que, si l'on
avait calculé les intérêts, éventuellement, dans un
avenir rapproché, M. Giroux ce n'est pas un marteau qu'il aurait eu dans
sa poche, mais un tank.
M. Paradis: Disons que cela aurait facilement pris soin des
comptes d'honoraires même des avocats américains, qui auraient
été très chers, soit de 2 000 000 $ à 3 000 000 $,
dont Me Jetté nous a parlé. Les intérêts auraient
pris soin aisément des
comptes d'avocats dans toute cette histoire.
M. Aquin: Je n'ai pas compris la question.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous voulez
recommencer?
M. Paradis: Le montant des intérêts qui
s'additionnaient aurait pris soin, aurait été équivalent
pour le moins au compte des avocats dans la pire des circonstances.
M. Aquin: Non seulement cela, mais la société
d'énergie n'aurait pas été obligée d'emprunter
à New York.
M. Paradis: D'accord, cela va. Quand vous avez
réglé - c'est une question que le député de
Marguerite-Bourgeoys a posée ce matin à M. Saulnier - il a
été question du fameux 1% dans le tarif. On retrouve cette
argumentation dans un des cahiers d'opinions que vous nous avez remis. Le
ministre nous a confirmé par la suite qu'il y avait un bureau d'avocats
qui représentait un des défendeurs dans la cause qui avait
réclamé ce 1%; qu'au niveau du comité d'arbitrage -je ne
voudrais pas déformer ce que le ministre nous a
révélé - il avait eu gain de cause; mais que, lorsqu'il
est arrivé pour faire homologuer cela en Cour supérieure, cela
avait été refusé et que c'est présentement devant
la Cour d'appel du Québec. Sans préjuger de ce qui va se passer
là, c'est sub judice, est-ce que vous étiez au courant, surtout
dans un cas comme celui-là où le procureur détenait un
mandat de l'aide juridique - donc, c'est le trésor
québécois, ce sont les contribuables qui ont à payer ce 1%
qui équivaut à plus de 300 000 $ - de cette possibilité
lorsque tous les documents ont été signés?
M. Aquin: Non. Voici ce qui est arrivé. C'est que, quand
j'ai expliqué pourquoi on avait fait notre demande et à quel
moment on a fait notre demande, j'ai dit, justement, qu'il y avait eu une
divergence entre notre bureau et le contentieux d'Hydro. J'ai dit que personne
ne saura jamais l'issue de cette différence puisqu'on a
décidé de renoncer à cette réclamation. J'ai dit
que, dans un cas qui n'est pas exactement le même, mais un cas analogue,
à celui de cet avocat de l'aide juridique, la décision à
été rendue et on l'a précisée après devant
la juridiction d'appel.
Ce que nous ignorions à l'époque... Moi, en tout cas,
j'ignorais à l'époque que cet avocat était à l'aide
juridique, c'est-à-dire avait un mandat de l'aide juridique.
Peut-être que M. Jetté le savait. C'est une chose qu'on ne nous a
pas demandé d'inventorier. De toute façon, je vais vous avouer
bien humblement que je ne connaissais pas les termes du mandat qu'il avait avec
l'aide juridique. Selon les termes du mandat, si je me fie à la cause
qui est maintenant devant les tribunaux, il semblerait que l'aide juridique,
sous toute réserve, s'engageait à lui verser des honoraires
judiciaires taxables. C'est le débat qui est maintenant devant les
tribunaux. Mais nous, on en a entendu parler quelques mois plus tard, quelques
mois après toute la conclusion de cette cause.
M. Paradis: Me Cardinal a fait référence
tantôt - sauf erreur - à la cause Churchill Falls, en disant: Cela
dure depuis six ou sept ans, même au niveau de la première
instance. Est-ce que le bureau de Geoffrion et Prud'homme est impliqué
dans cette cause-là?
M. Cardinal: Depuis quinze ans.
M. Paradis: Et votre client, dans cette cause, est-ce
Hydro-Québec?
M. Cardinal: Hydro-Québec, oui.
M. Paradis: Vous représentez Hydro-Québec dans
cette cause-là?
M. Cardinal: Toujours dans la même cause.
M. Paradis: Toujours dans la même cause. On a
inventorié ce matin le cahier -Me Aquin, je pense, a fait un excellent
travail là-dessus - de la correspondance du cabinet Geoffrion et
Prud'homme et des projets de déclaration de transactions dans l'instance
SEBJ contre Duhamel et autres. On a peut-être passé plus
rapidement sur le deuxième cahier que vous avez eu la gentillesse de
nous préparer et de nous distribuer: Correspondance et lettres du
cabinet Geoffrion et Prud'homme, contenant leurs opinions. Si vous étiez
d'accord, on pourrait ensemble passer à travers ces opinions que vous
avez rendues à l'époque, en commençant par le premier
mandat qui vous fut confié par le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James, le 30 septembre 1975.
Vous retrouvez cela - vous avez écrit le cahier, je n'ai
peut-être pas besoin de vous rappeler où le retrouver, Me Aquin -
à la page 2.
Cela se lit comme suit: "Tel que nous l'avons mentionné au
téléphone, nous vous confirmons - et c'est une lettre du 30
septembre 1975, adressée à Me Jean-Paul Cardinal par
André-E. Gadbois - que le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James a résolu
à son assemblée tenue ce jour de retenir les services de votre
étude légale conjointement avec ceux de l'étude
légale Pouliot, Dion et Guilbault, aux fins de percevoir pour la
société d'énergie les dommages subis par elle à la
suite des événements survenus sur les
chantiers de la Baie-James au cours du mois de mars 1974, sauf ceux qui
sont assurés et en raison desquels la société
d'énergie a été dédommagée par ses assureurs
et leur a donné subrogation." On parlait de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $
à peu près.
À la page 2 de la lettre, au premier paragraphe, on continue:
"Les administrateurs de la société d'énergie
désirent, avant que toutes poursuites ne soient intentées - et
voilà un geste de prudence - obtenir une opinion sur la valeur des
droits de la société d'énergie et sur les parties contre
lesquelles il sera recommandé d'intenter telles poursuites". Au dernier
paragraphe: "Nous demeurons à votre disposition pour tout renseignement
additionnel dont vous pourriez avoir besoin. Vous voudrez bien nous tenir au
courant du progrès de l'enquête et des recherches qui devront
être effectuées pour mener à bonne fin ce dossier et ce, en
dedans des délais de prescription - ce que vous avez mentionné,
d'ailleurs, ce matin -qui courent". C'est signé: Me Gadbois. C'est Me
Cardinal, à l'époque, qui a reçu le mandat original. C'est
vous-même qui, au début, avez décidé de prendre la
chose en main pour mener l'enquête, finalement?
M. Cardinal: C'est exact.
M. Paradis: Maintenant, à la page 6 du même
document, on retrouve, en date du 16 décembre 1975, une opinion qui est
signée par - ne bougez pas, elle est assez longue -
M. Aquin: Geoffrion et Prud'homme, par Me Jean-Paul Cardinal.
M. Paradis: ...Me Jean-Paul Cardinal, à la suite du mandat
qui a été confié et elle est adressée à la
Société d'énergie de la Baie James. À la
première page, dernier paragraphe, on retrouve: "Dès lors, le
mandat était double - c'est la façon dont vous avez compris ce
mandat - recueillir les faits et vous fournir notre opinion sur toute
responsabilité qui pourrait en découler." Ce qui est
intéressant, c'est de voir la conclusion de cette opinion. Votre
conclusion commence à la page 26 du document que vous nous avez remis.
Elle se lit comme suit: "Les règles de droit pertinentes et l'ensemble
des faits que nous connaissons justifient que la SEBJ prenne action, avec
succès, contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791
et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec.
"D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis de l'avant,
à l'effet qu'un délégué de chantier est
véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la
SEBJ aurait également de bonnes chances de succès d'impliquer la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique.
"Enfin, il y a des éléments de preuve qui permettent de joindre
aux défendeurs précédents, l'International Union of
Operating Engineers, René Mantha, André Desjardins et le Conseil
provincial des métiers de la construction du Québec.
"Évidemment, la preuve qu'il sera nécessaire de faire pour
obtenir des condamnations sera principalement de nature testimoniale et l'on ne
peut pas, bien sûr, prévoir et contrôler ce qui
éventuellement sera dit devant la cour ni surtout prévoir
l'impact des témoignages dans l'esprit du juge qui sera saisi du
dossier. "Si vous nous donnez instruction de prendre action - vous ne l'aviez
pas à l'époque - il est possible, grâce à des
compléments d'enquête, que nous trouvions d'autres
éléments de preuve incriminants pour les défendeurs
éventuels. À cause des délais prévus avant que
toute action intentée ne vienne pour procès, nous aurons
évidemment le temps d'être plus exhaustifs dans nos recherches.
"Il y a lieu, cependant, de s'interroger sur ce que peut être
présentement la solvabilité de tous ces défendeurs
possibles et, surtout, sur ce qu'elle serait une fois le jugement final obtenu,
tenant compte, en particulier, de l'envergure de la réclamation de la
société. "Rappelons, avant de terminer, que l'action sera
prescrite - on était le 16 décembre 1975 - le 22 mars 1976 et
qu'elle doit avoir été déposée et
enregistrée au greffe de la Cour supérieure avant cette date. Si
des procédures devaient être intentées, il importerait que
vous nous donniez vos instructions dans les plus brefs délais possible
de sorte que nous ayons le temps nécessaire pour préparer
celles-ci, compte tenu spécialement de leur complexité quant
à la responsabilité aux dommages à réclamer.
Veuillez agréer..." C'est signé: Jean-Paul Cardinal.
À cette époque, est-ce que vous possédiez
suffisamment de matière, à la suite des recherchesque vous aviez
effectuées entre le 30 septembre et le 16 décembre, pour dire
à vos gens: II n'est pas question qu'on abandonne tout de suite, il
semble y avoir quelque chose là?
M. Cardinal: Oui.
M. Paradis: Vous en aviez suffisamment.
M. Cardinal: Maintenant, je dis oui et je répète
oui. Il faut bien comprendre que la prescription s'en venait. On aurait pu
reprocher à la société d'énergie et aux avocats
d'avoir peut-être échappé le meilleur défendeur.
Cela a été fait rapidement, mais
on était convaincu qu'on avait une action contre ces gens. On ne
pouvait pas se permettre, cependant, d'en échapper un.
M. Paradis: On est mieux de les prendre tous...
M. Cardinal: Oui.
M. Paradis: ...et d'en éliminer, si jamais il arrive des
complications.
M. Cardinal: C'est cela. Une voix: II connaît
cela.
M. Paradis: Une question de règlement?
Le Président (M. Jolivet): Non, non c'est à vous.
On me demandait combien de temps il restait, vu que l'horloge s'est
arrêtée à cause de la panne. Il reste six minutes avant la
suspension de 18 heures.
M. Paradis: M. le Président, je pensais que j'avais encore
45 minutes.
Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas, pour le
moment.
M. Paradis: À la page 30 du document que vous nous avez
remis, on trouve une lettre que vous avez produite. Je ne vous poserai pas de
questions sur cette lettre parce que vous l'avez produite. Elle est
adressée à Me André Gadbois, c.r., en date du 18
décembre 1975, et elle provient de Gaston Pouliot, de l'étude
Pouliot, Dion et Guilbaut. Je le souligne parce que vous étiez deux
études juridiques sur le dossier et que, finalement - et je le lis au
texte - elle confirme ce que vous aviez donné comme renseignement au
conseil d'administration à cette époque. Me Gaston Pouliot dit ce
qui suit: "J'ai eu l'occasion de prendre connaissance de l'opinion
préparée à votre intention par l'étude Geoffrion,
Prud'homme, Chevrier, Cardinal et Associés et je vous confirme, ayant eu
l'occasion de le faire de vive voix, que, me fondant sur les résultats
d'enquête qu'on m'a communiqués je partage les conclusions
auxquelles cette étude en vient". Cela confirmait tout ce que vous aviez
émis. C'est, d'ailleurs, plaisant de se voir confirmer par un
collègue ses opinions.
Maintenant, à la page 32 de votre document, on retrouve, en date
du 14 janvier 1976, adressée à Pouliot, Dion et Guilbault, qui
occupaient également pour la SEBJ, ainsi qu'à Geoffrion et
Prud'homme, une lettre de Me André Gadbois qui dit ce qui suit: "Chers
confrères. "Nous vous référons aux opinions que nous avons
reçues de vous datées respectivement des 16 et 18 décembre
1975, copies desquelles ont été remises aux administrateurs de la
société d'énergie pour en prendre connaissance. "Mes
Cardinal et Guèvremont, de l'étude Geoffrion, Prud'homme et
Associés, ont été présents à une
assemblée du conseil d'administration de la société
d'énergie tenue le 19 décembre 1975 pour répondre aux
questions des adminisitrateurs et discuter avec eux de certains points
soulevés dans lesdites opinions. "Il avait été
mentionné à l'issue de cette assemblée que vous recevriez
au début de janvier 1976 les instructions de procéder à
prendre l'action en recouvrement des dommages. "Nous avons été
chargés de vous donner instructions de procéder à prendre
action pour le recouvrement des dommages dès que vous serez en mesure de
le faire."
C'est signé, avec la formule de politesse habituelle,
André-E. Gadbois.
Plus spécifiquement quant au paragraphe 2, lorsqu'on dit "Mes
Cardinal et Guèvremont, de l'étude Geoffrion, Prud'homme et
Associés, ont été présents à une
assemblée du conseil d'administration (...) tenue le 19 décembre
1975 pour répondre aux questions des administrateurs et discuter avec
eux de certains points soulevés dans lesdites opinions..." je sais que
cela remonte à 1975...
M. Cardinal: Je m'en souviens.
M. Paradis: Vous vous en souvenez?
M. Cardinal: Certainement.
M. Paradis: Qu'est-ce qui s'est passé exactement?
M. Cardinal: Je ne me souviens pas dans les détails de ce
qui s'est passé, mais ce qui est arrivé, c'est que le conseil
d'administration m'a demandé, à la suite de notre opinion, de le
rencontrer parce qu'on avait des questions à nous poser. La raison pour
laquelle j'ai amené M. Gilles Guèvremont avec moi est qu'il
était un avocat de droit ouvrier qui avait collaboré à
l'enquête Cliche, à la commission Cliche. Il est venu avec moi et
les questions qui nous ont été posées ont surtout
porté sur le droit ouvrier. M. Guèvremont a répondu
à ces questions. On nous questionnait sur des liens de droit qui
étaient mentionnés dans notre opinion. Autrement dit, on nous a
demandé de compléter notre opinion écrite par des
questions orales que le conseil d'administration nous a posées et
auxquelles M. Gilles Guèvremont a répondu beaucoup plus que moi
naturellement.
M. Paradis: Je pense qu'il y a répondu de façon
satisfaisante parce que le dernier
paragraphe de la lettre conclut: "Nous avons été
chargés de vous donner instructions de procéder à prendre
action pour le recouvrement des dommages." Pour le moment, disons que les
administrateurs de l'époque, en 1975, étaient satisfaits, et des
opinions des deux bureaux d'avocats qui les conseillaient et des
réponses verbales de vous-même, ainsi que de Me Guèvremont
qui était présent à cette assemblée. C'est
exact?
M. Cardinal: Exactement.
M. Paradis: M. le Président, pour garder la suite dans mon
interrogatoire...
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Dans ce cas, je vais
suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission de l'énergie et des ressources reprend ses travaux.
Le député de Brome-Missisquoi avait commencé à
poser ses questions à Mes Aquin, Jetté et Cardinal. J'inviterais
donc le député de Brome-Missisquoi à continuer à
poser ses questions. M. le député.
M. Paradis: M. le Président, j'ai eu, durant la
suspension, une demande des avocats du bureau de Geoffrion et Prud'homme de
faire certaines mises au point qui s'imposaient.
Le Président (M. Jolivet): De la part de Me Aquin?
M. Aquin: Je vais la faire. Quand nous avons mentionné les
plaintes criminelles qui avaient été maintenues contre certaines
personnes lors de la présentation du tableau, nous vous avons
donné l'état du dossier que nous avions à l'époque,
mais il devient nécessaire, dans le cas de Maurice Dupuis, de vous
donner l'état actuel de la situation. Nous devons rectifier. Celui-ci
fut accusé conjointement avec Mantha dans le dossier 7731-74 et chacun
d'entre eux fut condamné sous les mêmes chefs et reçut la
même sentence de trois ans. Il en appela de la condamnation et de la
sentence et, le 4 janvier 1979, la Cour d'appel ordonnait un nouveau
procès dans son cas. Ce nouveau procès eut lieu devant le juge
François Beaudoin qui prononça l'acquittement le 27 novembre
1980. Donc, cette personne est acquittée. Nous nous excusons.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, strictement pour
résumer où nous en étions avant la suspension de nos
débats, Me Cardinal nous avait précisé que l'étude
Geoffrion et Prud'homme était le plus ancien bureau d'avocats
canadien-français au Canada et fort possiblement en Amérique;
qu'ils avaient reçu le 30 septembre 1975 du conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie James le mandat de
percevoir les dommages à la suite du saccage de 1974.
Le 16 décembre 1975, Me Cardinal avait émis une opinion;
son opinion avait été confirmée le 18 décembre 1975
par le bureau d'avocats qui travaille conjointement avec celui de Mes Geoffrion
et Prud'homme sur ce dossier, soit Mes Pouliot, Dion et Guilbault. Le 29
décembre 1975, il y avait eu rencontre avec le conseil d'administration
de la Société d'énergie de la Baie James de Mes Cardinal
et Guèvremont et, le 14 janvier 1976, le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James avait donné le
mandat d'intenter l'action pour récupérer les dommages à
la suite du saccage de 1974. C'est là où nous en étions
rendus, M. le Président.
À ce point-ci, je demanderais à Me Cardinal, pour qu'on
continue l'analyse des opinions émises par le bureau Geoffrion et
Prud'homme, de bien vouloir prendre le cahier des opinions qu'on nous a remis
hier. À la page 35 dudit cahier, en date du 29 novembre 1978, une lettre
est adressée à Me Jean-Paul Cardinal, de Geoffrion et Prud'homme,
par Me André Gadbois. Très brièvement, l'essentiel de la
lettre se lit comme suit: "Les membres du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James nous ont
demandé, lors de leur réunion du 27 novembre dernier, de leur
faire parvenir, pour considération à une réunion
ultérieure, un document indiquant la capacité de payer de chacune
des personnes physiques et morales impliquées à titre de
défenderesses dans l'action ci-haut mentionnée. Ils nous ont
également demandé de leur remettre un document indiquant les
liens de responsabilité financière entre ces diverses parties".
Cela a été demandé par la lettre du 29 novembre 1978.
Est-ce exact, Me Cardinal?
M. Cardinal: D'accord, oui.
M. Paradis: Maintenant, à la page 38, nous avons une
lettre du 11 décembre 1978 adressée à Me André
Gadbois par l'étude Geoffrion et Prud'homme qui, essentiellement, se lit
comme suit: "Vous avez requis récemment notre opinion concernant la
solvabilité des défendeurs recherchant justice à la suite
du saccage de LG 2, le 21 mars 1974. Nous avons donc
demandé à nos enquêteurs de nous aider à
donner suite à cette demande et ceux-ci nous informent qu'ils devraient
être en mesure de nous communiquer certaines informations précises
dans le courant de cette semaine. Cependant, nous pouvons dès à
présent vous donner les indications suivantes."
Je vais résumer et, s'il y a des inexactitudes, Me Cardinal
pourra me corriger. Quant aux personnes physiques poursuivies, elles ne peuvent
d'aucune façon répondre aux 32 000 000 $. Les enquêteurs
poursuivent leur étude sur la solvabilité des syndicats
québécois. Au dernier paragraphe de la page, on peut lire: "Quant
à la capacité de payer de l'International Union of Operating
Engineers, elle ne fait pas de doute. Nos correspondants américains, MM.
Elarbee, Clark et Paul, doivent nous faire parvenir d'ici peu certains
renseignements concernant la situation financière actuelle de ce
syndicat aux États-Unis. Il est toutefois peu probable que ce syndicat
ait des actifs de quelque importance au Québec, etc. "Afin d'être
en mesure de vous éclairer davantage sur les possibilités de
recouvrement suite à tout jugement qui pourrait être
prononcé contre l'International Union of Operating Engineers, nous avons
requis une opinion de nos correspondants américains sur les
défenses qui seraient ouvertes à ce syndicat dans
l'hypothèse où une action "était" intentée contre
lui aux États-Unis sur la foi du jugement québécois. Cette
opinion devrait nous parvenir d'ici peu. À tout événement,
nous serons en communication avec vous au fur et à mesure, etc."
C'était en quelque sorte un rapport intérimaire. Me Cardinal,
est-ce exact?
M. Cardinal: C'est exact.
M. Paradis: Maintenant à la page 41, en date du 5 janvier
1979, adressée à Me André Gadbois, qui est l'avocat
interne pour la Société d'énergie de la Baie James, une
opinion juridique signée par Geoffrion et Prud'homme. Est-ce que vous
pourriez m'indiquer, Me Cardinal, qui, chez Geoffrion et Prud'homme, a
rédigé ladite opinion ou l'a signée?
M. Cardinal: La plupart du temps, même quand je les signe,
c'était mon ami Me Jetté, parce qu'il écrit beaucoup mieux
que moi, et celle-ci en particulier.
M. Paradis: Celle-ci en particulier.
M. Cardinal: Naturellement, je les regardais avant de les signer.
La confection, la forme, c'est celle de Me Jetté.
M. Paradis: Très bien. À la page 47 de ladite
opinion - là, à votre convenance, si Me Jetté veut
répondre - on retrouve ce qui suit: "Nous avons reçu une opinion
de nos correspondants américains MM. Elarbee, Clark et Paul, sur la
reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements
prononcés à l'étranger. Ils nous confirment qu'un jugement
rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement
exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut cependant fonder avec
succès une action intentée là-bas. Le droit
américain fait montre de générosité à
l'égard des jugements étrangers de telle sorte que, si certains
prérequis existent, le défendeur à l'action
intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne
peut plus réouvrir le débat à son mérite. Nous ne
pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire de
Hilton v. Guyot que nos correspondants considèrent comme faisant
jurisprudence aux États-Unis. Dans cette cause, la Cour suprême
statuait comme suit..." Je vous fais grâce de la citation.
"L'International Union a donc vigoureusement contesté l'action
intentée en invoquant l'absence de lien de préposition entre
Duhamel et le local 791 auquel elle avait accordé une charte."
Et plus, loin: "Nous savons de façon certaine - c'est Me
Jetté qui rédige - que peu avant les événements de
mars 1974, et peu après, l'International Union of Operating Engineers,
dont les bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est
intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut
choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher
derrière elle lorsque sa responsabilité est engagée."
À la page 49, au bas de la page: "Nos enquêteurs n'ont pu
avoir accès ni aux comptes de banque ni aux états financiers des
organismes syndicaux et il demeure possible que ceux-ci aient d'autres actifs.
"Rappelons enfin que les cotisations dues par les syndiqués aux
organismes syndicaux dont la responsabilité aura été
établie pourront être saisies en exécution du jugement
prononcé. "La solvabilité actuelle du défendeur
américain, l'International Union, est telle qu'il semble que ce syndicat
a les moyens financiers de satisfaire au jugement qui pourrait être
prononcé. Nous annexons à la présente opinion certains
rapports déposés par ce syndicat auprès des
autorités américaines pertinentes. Ces rapports font notamment
état de ses actifs. Geoffrion et Prud'homme, etc."
C'était votre opinion en date du 5 février 1979.
Le Président (M. Jolivet): Janvier.
M. Cardinal: Oui.
M. Paradis: Janvier 1979. Excusez-moi,
M. le Président.
Lorsque vous nous référez à l'opinion que vous avez
reçue de vos correspondants américains, on a eu, dans les divers
documents qui nous ont été distribués à cette
commission, des extraits de ladite opinion. Est-ce que ce serait possible, sans
vous occasionner de frais additionnels - peut-être en le faisant faire
par les services de l'Assemblée nationale - de distribuer aux membres de
la commission l'opinion dans sa totalité?
Le Président (M. Jolivet): Si vous m'en remettez une
copie.
M. Jetté: Je l'ai effectivement avec moi. Je n'en ai qu'un
exemplaire, mais je peux le mettre à la disposition de la commission
pour qu'elle puisse en tirer des copies.
Le Président (M. Jolivet): On va demander à M.
Bédard de venir le chercher et de faire faire les photocopies
nécessaires.
M. Paradis: Pour faire suite et, encore une fois, poursuivant
l'analyse de ce cahier de Geoffrion et Prud'homme, tout au cours de ce litige,
à la page 52, on retrouve une lettre en date du 24 janvier - là,
on lit 1978, mais il y a un astérisque, c'est 1979 -adressée
à Geoffrion et Prud'homme, à l'attention de Me Jean-Paul Cardinal
par Me André Gadbois, procureur interne de la Société
d'énergie de la Baie James. Au dernier paragraphe de la première
page, on dit: "Veuillez également nous faire parvenir un rapport -
là, on est le 24 janvier 1979 -sur les montants des divers chefs de
réclamations que, dans votre opinion et compte tenu du
développement - on se rappelle que le procès avait
débuté le 15 janvier - de la cause à ce jour, vous
êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal." Vous
avez bien reçu cette lettre?
M. Cardinal: Oui.
M. Paradis: À la page 55, le 26 janvier 1979, soit deux
jours après la lettre de Me Gadbois, il y a une lettre, adressée
par Geoffrion et Prud'homme à Me André Gadbois, dont l'essentiel
est ce qui suit: "Cher confrère, le 24 janvier 1979, vous nous demandiez
notre opinion sur le montant des dommages que nous croyions être en
mesure de prouver compte tenu de nos plus récentes informations et du
déroulement de la preuve dans ce dossier."
Plus spécifiquement, à la page 61, au milieu de la page,
vous dites: "En résumé, la réclamation totale peut se
détailler comme suit: A. Les postes suivants sont juridiquement
fondés et, selon notre opinion, devraient être maintenus." Le
total de ces postes qui sont juridiquement fondés et qui devraient
être maintenus: 17 196 419,12 $. "B. Les postes de réclamation
suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés pour raison
de force majeure et de non-subrogation de la part de la société."
2 300 000 $, approximativement.
M. Cardinal: Je vous ferai remarquer, M. le
Président...
M. Paradis: Tantôt... M. Cardinal: Pardon!
M. Paradis: Excusez-moi. Tantôt, lorsque Me Jetté,
je crois, a répondu à une question de l'honorable ministre, il a
mentionné que la preuve qu'il avait faite jusqu'ici en cour, depuis le
début du procès, et dont il semblait être satisfait - je ne
veux pas vous citer exactement - mais je pense...
M. Jetté: Effectivement, je l'étais.
M. Paradis: Vous étiez satisfait. On vous permettait
d'établir cela. Était-ce strictement la preuve des dommages ou si
cela incluait le lien de droit?
M. Jetté: Non. Dans le cadre de cette opinion, on ne
s'adressait qu'à la question du quantum. Il est certain que, pendant le
nombre de jours où on a été à la cour, non
seulement on a établi le quantum de notre réclamation, mais,
évidemment, on a injecté dans tout cela des
éléments qui concernaient l'aspect de responsabilité eu
égard à certains des défendeurs qui avaient
été poursuivis. C'est la seule façon dont je peux vous
présenter cela.
M. Paradis: Comment pourrais-je vous poser la question? À
cette date, vous aviez été en cour pendant quelques semaines.
Est-ce que ce qui s'était passé devant le tribunal vous avait
causé des mauvaises surprises ou si cela avait confirmé vos
opinions juridiques et votre pensée juridique sur le procès?
M. Jetté: Je dois préciser. J'étais
satisfait de ce que l'on avait fait, mais je dois faire une réserve.
C'est que, bien sûr, pour des raisons tactiques, nous avions
commencé par offrir comme témoins des gens dont la collaboration
nous était assurée. En d'autres termes, on avait fait entendre
des gens qui faisaient partie des cadres de la SEBJ ou des gens dont la
collaboration nous était acquise. La partie la plus difficile devait
commencer, il n'y a pas de doute, parce qu'il s'agissait, à partir des
étapes franchies, de faire entendre, par exemple, une foule de
travailleurs sur lesquels nous n'avions aucun contrôle et dont on
savait
plus ou moins ce qu'ils allaient nous dire. C'était là une
tâche qui était beaucoup plus délicate. On avait, bien
sûr, des renseignements au dossier qui nous permettaient de savoir un peu
à l'avance ce qu'ils diraient parce qu'on avait épluché
les auditions du commissaire aux incendies, Me Delage; on avait aussi
épluché tous les témoignages rendus dans le cadre de
l'enquête Cliche. Cependant, dans la mesure où, par exemple,
l'International Union, pour parler de ce cas, est concerné et cela s'en
venait - on n'avait pas commencé encore à ce moment à
établir vraiment un lien de droit, si l'on veut. On avait
déjà des éléments qui auraient pu permettre
à un tribunal de condamner le 791, l'union québécoise ou
même le conseil provincial, mais on n'était pas rendu plus loin
que cela.
M. Paradis: Vous avez fait comme tout bon stratège qui a
le choix de l'ordre des témoins.
M. Jetté: Commencer par le plus facile et voir quelle
sorte de millage je pourrais faire avec les gens dont l'amitié
m'était acquise.
M. Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Paradis: M. le Président, que le ministre suive nos
débats attentivement!
Pour continuer dans le même cahier des opinions, cette fois-ci je
vous réfère à la page 65. En date du 19 février
1979, Me Jean-Paul Cardinal, de Geoffrion et Prud'homme, écrit à
Me André Gadbois et il dit essentiellement, au premier paragraphe: "Nous
avons reçu, ce matin, votre lettre du 19 février 1979 - il avait
reçu une lettre de Me Gadbois que vous retrouvez, pour fins de
vérification, à la page 68 du cahier -adressée au
président et aux membres du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James. "Nous sommes d'accord
avec les termes de cette lettre qui correspondent aux opinions que nous avions
déjà données à ce sujet et, plus
particulièrement, avec ses conclusions à l'effet que les
procédures d'exemplification devant les tribunaux américains
pourraient être très longues et entraîneraient, de part et
d'autre, des frais légaux considérables." (20 h 30)
Vous citez, à la page 66, l'extrait du Norris-La Guardia Act dont
nous a parlé de façon très éloquente, ce matin,
l'invité, M. Saulnier, et dont nous ont parlé à peu
près tous les témoins qui avaient voté en faveur du
règlement. Mais, immédiatement après avoir cité cet
extrait du Norris-La Guardia Act, sur lequel on reviendra un peu plus tard,
parce que je me pose un tas de questions à ce sujet et que je voudrais
que, dans un cadre bien précis, on réponde à toutes ces
questions, vous dites: "Les tribunaux fédéraux américains
pourraient, dans ce contexte, être tentés d'appliquer la
règle de réciprocité que la jurisprudence récente
semble avoir répudiée." C'est ce que vous avez écrit le 19
février 1979, est-ce exact?
M. Jetté: C'est exact.
M. Paradis: Je vais revenir tantôt sur ce sujet pour qu'on
en fasse le tour. Le 8 mars 1979 - maintenant, je vous réfère
à un autre cahier, le cahier des projets de déclaration et de
transaction, comme tel, aux pages 139 et 140, - Me François Aquin
écrit à Me Gadbois, qui est le procureur interne de la SEBJ, et
qualifie un communiqué de presse de la Société
d'énergie de la Baie James, en parlant du Norris-La Guardia Act sur
lequel on va revenir un peu plus tard. Vous avez écrit cette lettre le 8
mars 1979, est-ce exact?
M. Aquin: Oui.
M. Paradis: Très bien. Le 20 novembre 1978... Là,
on revient en arrière dans le temps. C'est l'ensemble de vos opinions,
on a passé à travers le cahier au complet des opinions que vous
nous avez soumises. On est même allé en chercher une du 8 mars
1979 dans le cahier des déclarations hors cour. On a l'ensemble des
opinions que le bureau Geoffrion et Prud'homme a émises.
En plus de ces opinions, il est intéressant de remarquer -
j'aimerais que cela me soit confirmé - que le 20 novembre 1978... Je
vous réfère ici au cahier - je ne sais pas si vous l'avez - qui
nous a été distribué par M. Laliberté au
début de son témoignage qui s'intitule Extraits du registre des
procès-verbaux de la SEBJ. À la page 4 de ce cahier, on a un
extrait du procès-verbal d'une réunion de la SEBJ, de la
Société d'énergie de la Baie James, qui a
été tenue le 20 novembre 1978. On lit: "Après discussion,
sur proposition dûment faite et appuyée, il est unanimement
résolu d'approuver un engagement monétaire estimé à
500 000 $ pour l'année 1979 au compte (...) pour couvrir les honoraires,
déboursés et autres dépenses qui devront être
payés à Mes Geoffrion et Prud'homme ou à Mes Pouliot, Dion
et Guilbault - ceux qui travaillaient sur la cause avec vous - relativement
à la cause-ci..." Est-ce que c'est Geoffrion et Prud'homme, ainsi que
Mes Pouliot, Dion et Guilbault qui avaient demandé au conseil
d'administration de la SEBJ de débloquer cette somme pour l'année
1979?
M. Cardinal: Non, M. le Président. Je pense que
c'est une coutume à Hydro-Québec
de faire des prévisions budgétaires et ceci s'est fait -
j'en suis bien convaincu - sans notre connaissance.
M. Paradis: Cela s'est fait normalement dans le cours de...
M. Cardinal: Oui. Hydro-Québec demande toujours des
prévisions budgétaires, entre autres, pour payer ses avocats et,
j'imagine, pour d'autres choses. Là, c'est une prévision
budgétaire pour faire face à un procès qui peut durer six
mois ou plus. Cela ne veut pas dire qu'ils nous donneront les 500 000 $ ou
qu'ils ne nous les donneront pas.
M. Paradis: Non.
M. Cardinal: C'est seulement qu'il faut qu'ils le
prévoient dans leur budget pour des raisons internes.
M. Paradis: On avait prévu, de toute façon,
à ce moment-là, que, pendant l'année 1979, pour la
Société d'énergie de la Baie James, cela prendrait
approximativement cela pour faire l'année, finalement?
M. Cardinal: C'est cela.
M. Paradis: Cela va. On savait, à ce moment-là, que
la date du procès était fixée au 15 janvier, que
c'était devant l'honorable juge Bisson...
M. Cardinal: C'était planifié pour six mois.
M. Paradis: ...qu'on vous avait également fixé un
horaire de six mois. Très bien.
Si on revient au document de règlement hors cour que vous nous
avez présenté et, plus spécifiquement, à la page 22
on retrouve une lettre du 22 janvier 1979 adressée à la
Société d'énergie de la Baie James à l'attention de
Me André Gadbois, l'avocat interne, qui est signée par Geoffrion
et Prud'homme, encore une fois. Je vais peut-être présumer qu'elle
a été rédigée par Me Jetté, à
tort?
M. Cardinal: Pas toujours. M. Paradis: À tort?
M. Cardinal: Pas toujours. M. Paradis: J'ai dit: À
tort.
M. Jetté: Vous présumez à tort cette
fois.
M. Paradis: Je présume à tort?
M. Jetté: Cette fois.
M. Paradis: C'est rédigé par Me Aquin cette fois et
signé par Me Cardinal?
M. Cardinal: C'est cela.
M. Paradis: J'ai présumé à raison. Plus
spécifiquement...
M. Cardinal: C'est lui qui l'a signée le 22 janvier. Je
l'ai devant moi, ses initiales sont en bas en gauche, si j'ai la bonne
note.
M. Paradis: Ah oui! Très bien. Ses initiales, ainsi que
celles de la personne qui l'a dactylographiée.
M. Cardinal: C'est cela.
M. Paradis: Merci. Au bas de la page 24 et en haut de la page 25,
on lit ce qui suit: "Sans parler de Me Jean-Paul Cardinal et Me François
Aquin qui s'étaient réservé le temps requis pour
superviser et orienter le travail juridique à fournir dans ce dossier,
il ne faut pas oublier, non plus, que le temps de quatre avocats de notre
bureau, soit Me Michel Jetté, Me Gilles Guèvremont, Me
José Dorais et Me Guy Prud'homme a été totalement
réservé à cette cause jusqu'en juillet prochain et que,
conséquemment, jusqu'à ce terme de juillet prochain, les
procureurs en question se sont libérés de tous les dossiers dont
ils avaient la charge."
Est-ce qu'on peut penser qu'à partir de toutes les opinions qu'on
a résumées bien brièvement, je m'en excuse, à
partir de l'engagement du 500 000 $ de la Société
d'énergie de la Baie James, à partir du temps que les avocats
avaient mis de côté chez Geoffrion et Prud'homme, vous
étiez convaincus chez vous que vous aviez une cause sérieuse dans
les mains?
M. Cardinal: Bien sûr.
M. Paradis: Une bonne cause sérieuse.
M. Cardinal: Bien sûr.
M. Paradis: Très bien. Maintenant, on a vu tantôt
qu'en 1975, soit plus spécifiquement le 29 décembre, Me Cardinal,
ainsi que Me Guèvremont avaient assisté à un conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James
avec les administrateurs de l'époque pour répondre à
diverses questions et, plus spécifiquement pour Me Guèvremont,
à des questions de droit du travail dans ce dossier. Par la suite, on
sait que, le 9 janvier 1979, à la suite des témoignages qui ont
été rendus, Me Aquin et Me Jetté ont assisté
à une réunion du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James également
pour
répondre à des questions, etc. C'est exact? M.
Cardinal: Oui.
M. Paradis: On sait également, mais je vous demanderais de
le confirmer, que le 20 février Me Cardinal et Me Jetté ont
également assisté à une réunion du conseil.
M. Cardinal: Ce n'est pas seulement d'une commission
parlementaire qu'on a des questions.
M. Paradis: Cela va. Maintenant, je voudrais qu'on tire quelque
chose au clair parce que ce n'est pas très très précis. Le
23 janvier, à la réunion du conseil d'administration, est-ce
qu'il y avait quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme qui était
présent à cette réunion?
M. Cardinal: Non.
M. Paradis: Absolument pas.
M. Cardinal: Maintenant, il y a une divergence un peu. C'est
sûr, il n'y avait personne.
M. Paradis: D'accord.
M. Cardinal: Mon souvenir, c'est qu'on attendait dans la salle
d'attente, mais le souvenir de M. Aquin, c'est qu'on attendait au bureau.
M. Paradis: Vous n'étiez pas...
M. Aquin: On reste sur nos positions. On n'était pas
là.
M. Paradis: Est-ce qu'on peut tenter de s'entendre sur un
règlement hors cour là-dessus, chaque partie payant ses frais?
Est-ce que vous pouvez affirmer, quand même, que vous n'étiez pas
dans la salle de délibération du conseil d'administration et que
vous n'avez pas eu à présenter un point de vue ou à
répondre à des questions des membres du conseil
d'administration?
M. Cardinal: Oui, M. le Président.
M. Paradis: Très bien. Est-ce que, le 30 janvier, il y
avait quelqu'un de chez Geoffrion et Prud'homme qui était présent
à la réunion du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Cardinal: Non.
M. Paradis: Non plus. Personne de chez vous?
M. Cardinal: Non.
M. Paradis: Là, est-ce que vous étiez dans votre
bureau à attendre le téléphone ou dans la salle
d'attente?
M. Cardinal: Je ne sais pas trop. M. Aquin dit qu'on était
au bureau.
M. Aquin: À mon souvenir, si M. Cardinal me le permet,
dans cette affaire, on a jamais été au conseil d'administration
à attendre et revenir sans assister. Je ne parle pas pour la
période de deux semaines où j'ai quitté, mais pour tout le
reste; à ma connaissance, j'y suis allé une fois seulement. C'est
ce que je vous ai dit ce matin.
M. Paradis: Cela va.
M. Cardinal: Ce qui a pu arriver, c'est qu'un jour, M. Aquin et
moi, avons attendu dans la salle d'attente. Mais c'était dans une autre
cause, celle de Churchill.
M. Paradis: Si on prend, encore une fois, le cahier qui nous a
été remis par M. Laliberté, le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James, et qu'on l'ouvre à la page 15, on y retrouve un extrait du
procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James en date du 9 janvier
1979. Et on peut y lire ce qui suit: "Le président-directeur
général de la compagnie, M. Claude Laliberté, mentionne
aux membres que Me François Aquin, c.r. et Me Michel Jetté, de
l'étude légale Geoffrion et Prud'homme, ont été
invités à leur présenter des commentaires et à
répondre à leurs questions relativement à l'opinion
datée du 5 janvier 1979 de ladite firme qui est en annexe au rapport
présenté au conseil concernant l'institution de procédures
judiciaires au civil contre les responsables des dommages survenus au chantier
de LG 2 le 21 mars 1974. À la demande des membres du conseil, Me Aquin
et Me Jetté se présentent à la réunion et adressent
aux membres leurs commentaires relatifs à ladite opinion et ils
répondent aux questions des membres". C'est ce qu'on a dans le
procès-verbal. On ajoute que vous avez fait cela de façon
efficace, parce qu'on dit au paragraphe suivant: "Après avoir fourni les
réponses exigées d'eux, lesdits procureurs se retirent de la
réunion et les membres discutent entre eux du rapport".
Lorsque vous avez fait une présentation, lorsque vous avez
répondu à des questions, sur quel sujet cela a-t-il porté
et dans quel sens ont été ces questions et ces discussions?
M. Aquin: À mon souvenir, les gens avaient en main notre
opinion du 5 janvier, qui était quand même récente. Mais je
pense qu'ils avaient aussi en main l'opinion d'il y a
quelques années.
M. Paradis: Oui.
M. Aquin: Les questions ont porté surtout sur l'opinion du
5 janvier, qui était une mise à jour de l'ancienne opinion. Les
questions ont porté sur la responsabilité des défendeurs
et, surtout, sur la responsabilité du syndicat américain. Et
là, sur la responsabilité du syndicat américain,
indépendamment de ce qu'on apprend ici à la commission, je me
souviens que M. Thibaudeau m'avait, si je peux dire, contre-interrogé
longuement sur cette question. Aussi, les questions avaient porté sur la
solvabilité. Je pense également qu'il avait été
question de l'exemplification aux États-Unis. Et, à mon souvenir,
la dernière question était relative à nos
prévisions quant aux frais dans la perspective de cette cause pour les
six prochains mois. M. Jetté peut peut-être compléter.
M. Paradis: Est-ce que cela rentrait dans les 500 000 $ qui
avaient été budgétisés?
M. Aquin: Cela, on ne le savait pas.
M. Paradis: Mais les perspectives qu'ils vous ont
demandées?
M. Aquin: Oui, j'ai revu nos perspectives qui étaient de
435 000 $. Et quand on a quitté la séance, M. Gadbois nous a
félicités. Il nous a appris, ce que nous ne savions pas, qu'on
vous avait attribué la somme de 500 000 $.
M. Paradis: Très bien. Vous avez été,
d'ailleurs, très convaincants parce que...
M. Aquin: On a fait notre possible. (20 h 45)
M. Paradis: ...on lit dans le procès-verbal: "Après
discussion - et là, on est au 9 janvier 1979 et le procès
commence le 15 janvier; vous avez dû leur dire ce que vous nous avez dit
ici, que vous aviez une bonne cause et que vous saviez où vous alliez
avec cela - les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les
décisions prises antérieurement par le conseil d'administration
de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au
chantier de LG 2 le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été
modifiées."
M. Aquin: On n'était pas au courant de cette
décision.
M. Paradis: Elle est dans le cahier.
M. Aquin: On a explicité l'opinion du 5 janvier. M.
Jetté a réitéré là, grosso modo, ce qu'il
disait ce soir sur ce qu'il considérait être nos chances de
succès dans une perspective donnée.
M. Paradis: Très bien. On va partir du 9 janvier et on va
aller, si vous le voulez bien, au 20 février, soit à l'autre
réunion du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James à laquelle ont assisté Me
Cardinal et - j'allais dire le perpétuel - Me Jetté, qui est
là chaque fois qu'il y a quelque chose ayant trait à ce dossier -
vous retrouvez le procès-verbal de cette réunion dans le
même cahier, à la page 118.
Extrait du procès-verbal de la réunion du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James,
tenue le mardi 20 février 1979. On lit sommairement: "Sur appel du
président du conseil - c'est M. Saulnier - de l'article concerné,
Me André-E. Gadbois, c.r., ainsi que Mes Jean-Paul Cardinal, c.r., et
Michel Jetté de l'étude Mes Geoffrion et Prud'homme sont
invités à faire rapport verbal aux membres de l'état
d'avancement de leurs démarches conformément au mandat qui leur
avait été donné par le conseil d'administration suivant la
résolution 368.01 adoptée à la réunion du 6
février 1979. "Les membres du conseil prennent connaissance d'une lettre
de Me Jean-Paul Cardinal adressée à Me André- E. Gadbois
le 12 février 1979, ainsi que d'un projet de déclaration de
transaction qui accompagnait ladite lettre. Les membres prennent
également connaissance d'une lettre qui leur a été
adressée par Me André- E. Gadbois le 19 février 1979,
ainsi que d'une lettre de Me Jean-Paul Cardinal à Me André- E.
Gadbois en date du même jour. "Après avoir fourni les explications
additionnelles requises par les membres sur ces diverses lettres et
répondu aux questions additionnelles formulées par les membres,
ces trois procureurs se retirent."
Quel était le sens de la discussion, des questions, de la
présentation?
M. Jetté: De mémoire, il y a deux choses qu'on a
abordées. Il y en a peut-être plus que cela, mais je me souviens
pertinemment qu'on m'avait demandé de faire état du dossier
à la cour. En d'autres termes, j'avais expliqué sommairement qui
avait été entendu, quel avait été le sens de la
preuve. J'avais fait une espèce de mise au point de l'état du
dossier devant les tribunaux. Aussi, à ce moment-là, certainement
qu'on avait discuté des questions d'exemplification du jugement qui
pourrait être prononcé contre le syndicat américain.
M. Paradis: Auriez-vous dit, vous-même ou Me Cardinal, aux
membres présents du
conseil d'administration, à cette réunion ou à la
précédente réunion à laquelle vous aviez
assisté - cela s'adresse aussi à Me Aquin parce qu'il y a
interaction - le 9 janvier 1979, que votre cause n'était pas bonne?
M. Cardinal: Non.
M. Paradis: Très bien. À cette date, une fois que
vous vous êtes retirés, la résolution suivante, en deux
volets, est adoptée: "d'autoriser Mes Geoffrion et Prud'homme, les
procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ vs Yvon Duhamel et
Al., à proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un
règlement hors cour de ladite cause, etc."
Également, "de requérir Mes Geoffrion et Prud'homme, les
procureurs agissant pour la compagnie dans la cause SEBJ vs Yvon Duhamel et
Al., de transmettre à Me André E. Gadbois c.r. - l'avocat interne
- les états financiers les plus récents disponibles de l'Union
internationale des opérateurs de machinerie lourde, local 791, l'Union
des opérateurs, etc.", des syndicats québécois... Donc,
deux mandats: proposer un règlement hors cour et, deuxièmement,
vous procurer, pour les remettre à Me Gadbois...
M. Duhaime: À quelle page?
M. Paradis: Je suis à la page 118, M. le ministre, du
recueil que vous a remis M. Claude Laliberté.
M. Duhaime: M. Cardinal ne suit pas dans le livre. Il est dans
autre chose.
M. Paradis: Non, je pense que tout le monde suit. Donc, de
requérir les états financiers, de proposer aux défendeurs
les termes de règlement hors cour et "de requérir les susdits
procureurs de faire rapport des résultats de leurs négociations
au président du conseil d'administration et de lui présenter un
projet global de déclaration de transaction à être
signée." À votre sortie, après vous être
expliqués, après avoir dit aux administrateurs que vous aviez une
bonne cause, c'est ce qu'ils ont décidé le 20 février
1979.
Sur cela, je ne peux m'empêcher, comme plusieurs des personnes qui
nous écoutent, j'imagine, de me remémorer une partie du
témoignage de M. Saulnier qui nous citait quelque chose qu'aurait dit M.
Giroux à la réunion du 30 janvier. Je le cite au
procès-verbal, et cela se retrouve au ruban R/642 et c'est M. Saulnier
qui cite M. Giroux. M. Giroux dit: "C'est drôle, quand on a pris cette
poursuite, ils nous ont dit que c'était bien bon. Maintenant, ils nous
disent que cela ne vaut rien". Qui a bien pu dire cela?
M. Cardinal: M. le Président, j'ai infiniment de respect
et même d'affection pour M. Giroux qui, entre autres, est un des
responsables, à mon sens, du contrat de l'énergie de Churchill
Falls. J'ai beaucoup de respect pour lui, surtout comme financier.
M. Paradis: Me Cardinal, ce n'est pas lui qui le dit; c'est M.
Saulnier qui rapporte des paroles qu'il aurait dites. Vous n'étiez pas
là, remarquez c'est le 30; j'ai bien spécifié la date, le
30 janvier.
M. Cardinal: J'ai entendu M. Saulnier faire cette remarque. Comme
je connais bien M. Giroux de longue date, ce n'est ni sa première ni sa
dernière boutade.
M. Paradis: Vous prenez cela comme une boutade.
M. Cardinal: Moi, oui.
M. Paradis: D'accord, cela va.
M. Gratton: Une farce plate.
M. Cardinal: Pardon?
M. Gratton: C'est une farce plate.
M. Cardinal: Non, M. Giroux a beaucoup d'humour.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse; un instant.
M. Paradis: Est-ce que c'est une boutade de M. Saulnier ou une
boutade de M. Giroux, pour les fins du journal des Débats?
M. Cardinal: Tel que je connais M. Giroux, c'est plutôt la
sienne.
M. Paradis: C'est plutôt la sienne.
Maintenant, au ruban R/530, en réponse à une question de
l'honorable ministre, M. Giroux nous dit ce qui suit, et je le cite au texte:
"Ce que je me suis toujours dit, c'est qu'on prenait 30 000 000 $ du public et
qu'on les remettait - là on a corrigé, il a dit aux "unions", je
me le rappelle très bien; au journal des Débats, on a
écrit "syndicats", mais je me rappelle très bien qu'il a dit aux
unions - aux unions. Ce n'est pas Hydro-Québec qui a fait le saccage".
C'est une boutade, cela aussi?
M. Cardinal: Non, mais je dois vous dire une chose. On doit faire
une distinction très sérieuse, par exemple. J'ai commenté
les remarques de M. Giroux quand il parlait de droit, je ne les commenterai pas
quand il parle de finances, et là, dans le moment, c'est cela que vous
me demandez.
M. Paradis: Très bien. Là, il parle de ce qu'il
connaît.
M. Cardinal: C'est cela. M. Paradis: Très bien.
M. Duhaime: ...en Floride.
M. Paradis: M. le ministre, est-ce que vous voulez
répéter cela, pour les fins du journal des Débats?
M. Duhaime: Non, ce n'est pas nécessaire.
M. Paradis: Ce n'est pas nécessaire. Ceci s'adresse
à Me Cardinal, à Me Aquin et Me Jetté,
indifféremment: dans les mandats que vous avez reçus du conseil
d'administration - je veux spécifier avant qu'il y a eu des
témoignages et que vous-même, Me Aquin, ce matin, vous avez dit
avoir reçu d'autres mandats en cours de route, que Geoffrion et
Prud'homme n'ont jamais agi dans cette cause sans avoir de mandat, etc, vous
avez précisé tout cela ce matin - de la Société
d'énergie de la Baie James, vous aviez votre premier mandat de 1975 de
regarder ce qui se passait, Me Cardinal; vous aviez votre mandat du conseil
d'administration d'intenter les poursuites.
M. Cardinal: D'accord.
M. Paradis: Sauf erreur - et je vous prie de me corriger - un
mandat non pas de Me Gadbois, non pas de M. Laliberté, mais du conseil
d'administration comme tel. J'ai retrouvé le premier dans le cahier que
vous nous avez remis qui s'intitule Projets de déclaration de
transaction dans l'instance SEBJ contre Duhamel. Je l'ai retrouvé
à la page 107 dudit cahier dans une lettre en date du 7 février
1979 adressée à Me Jean-Paul Cardinal, c.r., par Me André
Gadbois, avocat interne de la SEBJ, laquelle se lit comme suit: "Le conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James
a considéré à son assemblée tenue hier les
documents que vous m'avez transmis avec votre lettre du 5 février 1979.
"Je vous confirme, par la présente lettre, le mandat dont je vous ai
fait part de façon verbale hier après-midi, à l'effet que
le conseil d'administration demande que vous exploriez auprès des
procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement
hors cour dans la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une
reconnaissance par tous les organismes qui sont défendeurs dans cette
cause de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à
la Société d'énergie de la Baie James d'une somme d'argent
qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement." La
formule de politesse d'usage et c'est signé par Me Gadbois.
Si la lettre est datée du 7 février. On parle du mandat de
la veille et on parle du mandat du 6 février par le conseil
d'administration. Est-ce que, dans les 106 pages qui ont
précédé, j'en aurais sauté un par accident qui vous
venait du conseil d'administration?
M. Aquin: Si vous me le permettez, je ne veux pas vous
contredire...
M. Paradis: Non, non, je vous le demande.
M. Aquin: ...mais il y a une directive ou un mandat du conseil
d'administration du 24 janvier 1978 à la page 66: "Le conseil, sans se
prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande d'apporter
certaines modifications aux documents présentés, lesquels font
l'objet d'un mémoire en annexe." C'est-à-dire qu'il y a des
directives du conseil dans la lettre du 24 janvier 1978.
M. Paradis: On va prendre cette lettre du 24 janvier 1978, pour
ne pas l'escamoter. Il se trouve que vous la mentionnez à la page 66.
Encore une fois, c'est une lettre de Me Gadbois, avocat interne pour la SEBJ,
adressée à Mes Geoffrion et Prud'homme, en date du 24 janvier -
c'est écrit 1978, il y a un astérisque qui nous dit que c'est en
1979; en début d'année, les secrétaires font souvent cette
petite erreur - à l'attention de Me Jean-Paul Cardinal. On lit bien ce
qui suit: "Le conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James a pris connaissance à sa
réunion d'hier des projets de déclaration de transaction et de
déclaration de règlement hors cour qui ont été
préparés dans le but d'une négociation possible de
règlement hors cour dans cette instance. "Le conseil d'administration,
sans se prononcer sur la proposition de règlement hors cour, demande
d'apporter certaines modifications aux documents présentés,
lesquels font l'objet d'un mémoire en annexe. "Veuillez revoir les
textes en question..." Vous avez témoigné à cet effet ce
matin. "Veuillez également nous faire parvenir un rapport sur les
montants des divers chefs de réclamations que, dans votre opinion et
compte tenu du développement de la cause à ce jour, vous
êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal. "De
plus, vous voudrez bien nous confirmer par écrit votre opinion à
l'effet que la Société d'énergie de la Baie James sera
protégée dans l'éventualité d'un règlement
contre toutes réclamations en
dommages de la part des défendeurs (...)"
Vous aviez raison de me souligner qu'à ce moment vous avez
reçu mandat du conseil d'administration de corriger ou d'apporter des
modifications - on ne se chicanera pas sur les termes - à un projet de
transaction que vous aviez rédigé et qui leur avait
été présenté à cette époque. Mais au
niveau du règlement hors cour vous recevez, le 7 février, une
lettre qui vous dit que, le 6 février, le conseil d'administration vous
demande d'explorer auprès des procureurs des défendeurs la
possibilité d'un règlement hors cour de la cause. Était-ce
la première fois que vous receviez un tel mandat du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James?
Je spécifie bien du conseil d'administration, de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Aquin: La réponse est oui.
M. Paradis: La réponse est oui. On la retrouve à la
page 107. Aux pages 108, 109 et 110, en date du 12 février 1979, on
retrouve une lettre de Me Cardinal à Me Gadbois qui fait rapport du
mandat, finalement. On avait reçu le mandat le 6 février et, le
12 février, il y a un rapport du mandat et la lettre commence comme
suit: "Nous vous faisons rapport du mandat que nous avons reçu de vous
le 7 février dernier." Vous faites rapport et vous concluez en disant
à la page 110: "Auriez-vous l'obligeance de nous donner de nouvelles
instructions?" C'était parce que vous aviez rempli cette partie de votre
mandat; est-ce exact? (21 heures)
M. Cardinal: C'est exact.
M. Paradis: Maintenant, aux pages 111 et 112, Me Gadbois, en date
du 21 février, soit une dizaine de jours après, donne suite
à votre lettre et vous dit ce qui suit: "À la demande du conseil
d'administration de la SEBJ, auriez-vous l'obligeance de transmettre au
soussigné les états financiers les plus récents
disponibles de l'Union internationale" - finalement, de tous les syndicats
québécois et, deuxièmement, "de proposer aux procureurs
des défendeurs dans la cause ci-haut mentionnée les termes d'un
règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par
tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages et
du paiement à la Société d'énergie de la Baie James
d'une somme représentant substantiellement les frais légaux
encourus par elle à date, le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement;"
finalement, "de faire rapport des résultats de vos négociations
au président du conseil d'administration, M. Lucien Saulnier, et de lui
présenter un projet global d'une déclaration de transaction
à être signée entre les parties". C'est signé par Me
Gadbois.
C'est la première fois que, du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James, vous receviez un
mandat de proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un
règlement?
M. Cardinal: C'est exact.
M. Paradis: À la page 113, on retrouve une lettre de Me
Michel Jasmin, le procureur pour l'ensemble des syndicats
québécois, à toutes fins utiles, datée du 26
février qui vous est adressée, Me Cardinal.
M. Cardinal: Excusez-moi, je peux vous souligner qu'à
cette époque François Aquin était en vacances. Alors, j'ai
pris la relève de ce qu'il faisait ordinairement.
M. Paradis: C'est vous qui faisiez cela à sa place?
M. Cardinal: C'est cela. Il avait, jusqu'à ce jour, fait
les transactions, il avait parlé aux avocats des syndicats et, tout
à coup, il part en vacances; alors, je m'en occupe plus activement.
M. Paradis: Très bien. De toute façon, le style est
demeuré, très bien! Me Jetté sourit lorsque je dis cela.
Le deuxième paragraphe, donc, de cette lettre du 26 février 1979
qui est envoyée par Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats
québécois, à Geoffrion et Prud'homme à l'attention
de Me Cardinal se lit comme suit: "Je voudrais que ces états
financiers..." Excusez-moi, je devrais lire le premier paragraphe pour une
meilleure compréhension: "Dans le but d'en arriver à un
règlement entre les parties, je suis autorisé à vous
remettre une copie des états financiers de l'Union internationale des
opérateurs-ingénieurs, local 791, en date du 31 mai 1978. Je
voudrais que ces états financiers soient utilisés d'une
façon très restrictive pour les motifs que je vous ai
expliqués. Il en va de même également pour les états
financiers du Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction. Dans ces circonstances, je voudrais que ces documents soient
remis à un représentant du conseil d'administration de la SEBJ,
de préférence son président, pour fins de consultation et
non pas de publication". C'est un peu délicat. Je vais vous le demander,
sentez-vous très à l'aise de dire: Je préfère ne
pas répondre. Quelles étaient ces raisons invoquées de
vive voix?
M. Cardinal: Non. Ce sont des transactions entre avocats et,
à un moment donné, on demande un document et l'avocat
dit: Oui, je vais te le donner, mais c'est confidentiel; remets-le
à ton client, mais ne le publie pas.
M. Paradis: Ce qui semble me surprendre... Là, il y a un
conseil d'administration de 11 membres qui sera appelé à
voter.
M. Cardinal: Oui, oui.
M. Paradis: D'après ce que Me Aquin m'a dit tantôt,
d'après le témoignage que vous avez rendu jusqu'à
maintenant ainsi que celui de Me Jetté, vous n'êtes pas le genre
d'étude légale à faire fi de l'éthique
professionnelle et, si un collègue ou un confrère vous confie un
document en disant: Remettez-le strictement à cette personne pour que
seulement elle le regarde, je suis certain que c'est ce qui est arrivé
en pratique.
M. Cardinal: Si vous me le permettez, on lit au deuxième
paragraphe: "Dans ces circonstances, je voudrais que ces documents soient remis
à un représentant du conseil d'administration de la SEBJ, de
préférence son président, pour fins de consultation et non
pas de publication". Je ne pense pas -en tout cas, ce n'est pas ce que j'ai
compris et je pense bien qu'il ne comprenait pas cela, lui non plus - que M.
Jasmin pensait, à ce moment-là, que le conseil d'administration
ne pourrait pas le voir. Il pensait que je le remettrais à un
représentant qui s'en servirait discrètement, mais certainement
pas à le cacher au conseil d'administration de la SEBJ.
M. Paradis: Vous, à qui l'avez-vous remis?
M. Cardinal: Probablement à M. Gadbois, comme
d'habitude.
M. Paradis: Aux pages suivantes, vous avez une dizaine de pages,
ce sont les fameux états...
M. Cardinal: Excusez-moi, on me dit qu'il y a la lettre du 27
février que j'ai écrite à la suite de cela, à Me
André Gadbois. Vous verrez à la première page: "Je vous
prie de trouver ci-inclus les états financiers de l'Union internationale
des opérateurs (...) local 791 (...) Me Jasmin m'a informé que
l'Union des opérateurs de machinerie lourde a transféré
son compte, etc." Alors, je l'envoie à André Gadbois qui est le
représentant de la SEBJ et qui est un avocat.
M. Paradis: Pas de problème. M. Cardinal: Pas de
problème.
M. Paradis: Cette lettre confirme, finalement, votre
témoignage et le fait que votre mémoire est encore
indéfectible. De mémoire, vous dites: Je l'ai remis, à Me
Gadbois et la lettre...
M. Cardinal: C'est parce que c'était notre
interlocuteur.
M. Paradis: C'est cela, la lettre le confirme. Pour en revenir
à cette lettre, vu qu'on y est, qu'on retrouve à la page 120, le
27 février 1979, vous écrivez donc à Me Gadbois. Vous avez
mentionné que vous lui envoyiez les états financiers, etc.
À la page 122, fin de l'avant-dernier paragraphe. "A la suite des offres
nouvelles de Mes Beaulé et Jasmin, j'ai rencontré Me Guy
Desjardins -c'était le procureur des assureurs -...
M. Cardinal: D'accord.
M. Paradis: ...qui m'a assuré que, dans
l'éventualité où la SEBJ accepterait un règlement
final de 200 000 $, il serait prêt à recommander à ses
clients d'accepter une somme de 100 000 $, dette et frais. J'ai compris que ces
recommandations seraient acceptées. Auriez-vous l'obligeance de me
donner de nouvelles instructions?" Vous insistez sur ce sujet encore une
fois.
Le 6 mars 1979, vous avez produit dans votre mémoire qui traite
des projets de déclaration de transaction, etc., un extrait du
procès-verbal de la 370e réunion du conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie James tenue le 6 mars
1979. On lit ce qui suit, à la page 124. Résolu: d'autoriser la
compagnie et Mes Geoffrion et Prud'homme à régler hors cour la
cause SEBJ versus Yvon Duhamel et Al. (...) des dossiers de la Cour
supérieure conformément aux termes suivants. Vous avez un grand
paragraphe a). L'avant-dernier paragraphe, au bas de la page, dit: "La susdite
transaction stipulant, entre autres, l'engagement des parties signataires de
régler la présente instance hors cour, chaque partie payant ses
propres déboursés et honoraires judiciaires pour la
considération monétaire forfaitaire de 200 000 $ versés
par le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction (FTQ) et l'International Union of Operating Engineers AFL-CIO
à la compagnie." On a vu que c'était 100 000 $, 100 000 $,
finalement.
À la toute fin, on dit: De mandater et d'autoriser le
président du conseil d'administration ou le P.-D.G. de la compagnie,
ainsi que Mes Geoffrion et Prud'homme à signer tout document aux fins de
finaliser cette entente.
Je vais vous dire que, tard hier soir, j'ai passé à
travers le cahier que vous avez eu l'amabilité de me remettre. Dans un
cahier qui compte 175 pages, j'ai été obligé
de me rendre à la page 107 avant de retrouver de la part - je
spécifie là-dessus, parce que je tiens à dire que vous
avez témoigné que vous avez toujours eu des mandats pour faire
tout ce que vous avez fait et cela n'a jamais été contredit
jusqu'à maintenant devant cette commission et tout est là,
finalement, pour le prouver - du conseil d'administration, c'est-à-dire
les onze membres ou de ceux qui assistent aux réunions, un mandat
d'aller explorer une possibilité de règlement avec les
adversaires. Votre cahier, c'était tout ce qui concernait les projets de
déclaration de transaction hors cour, etc. Il y en avait 170 pages et je
me rends à la page 107 et je trouve cela.
M. Cardinal: Cela prend 170 pages pour faire un cadre.
M. Paradis: Pour faire un cadre, oui.
M. Cardinal: Et quelques pages pour régler la cause.
M. Paradis: S'il fallait passer à travers, etc. C'est que,
finalement, avant que vous ayez le mandat, je retrouve les lettres, les
échanges, les projets de transaction, puis tout cela. Encore une fois,
pour mettre cela bien au clair, je ne remets pas en question le mandat que
Geoffrion et Prud'homme a. J'insiste simplement sur le fait que le conseil
d'administration - ce n'est que rendu à la page 107 et au 7
février 1979 que vous l'apprenez, mais il avait pris sa décision
le 6 février 1979 - vous donne ce mandat, puis c'était
d'explorer; que quelques jours après, le 12 février, une semaine
après - on s'entend sur une semaine - vous faites rapport du mandat.
C'est très rapide, mais cela ne prend pas beaucoup de pages dans le
cahier, non plus.
Là, le 21 février, on vous donne un autre mandat au
conseil d'administration. Vous les avez tous suivis à la lettre;
là-dessus, je n'ai aucun doute, aucune question. Là, on vous dit:
Allez proposer aux parties adverses les termes d'un règlement. Il faut
que tout le monde admette sa responsabilité, il faut couvrir nos frais,
etc., etc. Le 27 février, vous faites un rapport; une semaine
après encore. Cela ne manque pas d'efficacité, c'est le moins que
je puisse dire. Le 6 mars, tout cela est réglé. Cela a
commencé le 6 février, ces négociations-là, dans
une poursuite de 32 000 000 $ où il y a un paquet de parties, un paquet
de personnes impliquées. Vous recevez du conseil d'administration...
C'est mon droit de parole, M. le ministre. Encore une fois, j'insiste
sur le fait que je ne mets pas en doute le fait que vous ayez reçu des
mandats, comme on l'a entendu en commission, soit de Me Gadbois, soit de M.
Laliberté, pour faire autre chose.
Mais quand je prends mon cahier et que je me dis: Est-ce qu'il va le
donner, le mandat, le conseil d'administration et que je suis obligé de
me rendre au mois de février, à la page 107, et que tout cela se
règle, se finalise, devrais-je dire, à l'intérieur d'un
mois, je me dis qu'il devait y avoir du travail de préparation de
fait.
Évidemment, si on prend les pages à partir de la page 1
jusqu'à la page 107, on en retrouve du travail de préparation qui
est fait - qui est bien fait, d'ailleurs - et pour lequel vous avez
été mandatés. Je voulais seulement, pour la
compréhension du dossier, insister sur le fait que ce n'est que le 6
février que le conseil d'administration - et ça, je vous
demanderais de confirmer si c'est exact, avec toutes les réserves que
j'ai faites - vous a donné le mandat d'aller explorer une
possibilité de règlement. C'est exact?
Très brièvement, j'avais promis à Me Jetté
tantôt...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député, tout simplement pour les besoins du journal des
Débats, j'ai vu un signe de tête disant quelque chose. Mais je
vous rappelle que tout le reste était une opinion de la part du
député concernant le document. En fait, je sais très bien
qu'il y avait une question à la fin de ce qu'il a dit qui était
brève, mais je parle du préambule. Si jamais vous vouliez ajouter
quelque chose, je fais la restriction que j'ai toujours faite jusqu'à
maintenant.
M. Cardinal: En fait, le député a rapporté
des faits qui sont exacts. Maintenant, moi, j'ai une opinion là-dessus.
Mais comme c'est contre le règlement de la commission, je...
Le Président (M. Jolivet): Mais il n'y a aucune
obligation...
M. Cardinal: Alors, si vous le permettez?
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez.
M. Cardinal: J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs
jours, cet argument que nous avons eu 300 000 $, qu'on aurait dû avoir
plus, qu'on aurait dû avoir moins. La question est simple: pour autant
que je suis concerné, pour autant que le bureau d'avocats est
concerné, cette négociation n'était pas une
négociation financière. On n'est pas parti de 20 000 000 $ pour
se rendre à 300 000 $ en commençant par 100 000 $. Vraiment,
là, il serait temps qu'on démissionne. Alors, toute cette
négociation, quand on a écouté et quand on a parlé,
cela touchait toujours des questions de principe, à savoir qui
admettrait sa responsabilité, qui ne l'admettrait pas. Par
exemple, tout à coup, on nous dit: II faudrait tout de même que
vous couvriez vos frais...
M. Paradis: Me Cardinal, je n'ai jamais dit que...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Paradis: Me Cardinal, si vous permettez que je vous interrompe
un instant?
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député. Juste un instant.
M. Paradis: Je demande sa permission.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député.
M. Paradis: II n'y a pas de problème, M. Cardinal?
Le Président (M. Jolivet): Simplement pour que les autres
comprennent bien la question posée par le député, il
s'agit de demander la permission à Me Cardinal de l'interrompre, tout en
lui permettant de continuer son intervention.
M. Paradis: C'est cela, oui, oui.
M. Duhaime: Ne perdez pas votre fil.
M. Paradis: Le ministre dit à Me Cardinal de ne pas perdre
son fil; il n'est pas ministre, lui, Me Cardinal!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Paradis: Me Cardinal, pendant que vous me répondez, il
y a le témoignage de Me Aquin qui me revient à l'esprit et, sauf
erreur, encore une fois - je n'ai pas la transcription devant moi - vous
autres, sur le plan financier, vous n'étiez pas tellement
impliqués là-dedans. Si j'ai bien compris - on pourrait retrouver
la transcription du témoignage de Me Aquin - ce n'était pas votre
"bag" cela.
M. Cardinal: C'est sûr qu'on ne l'était pas.
M. Paradis: D'accord. C'était seulement cela que je
voulais préciser, l'aspect financier.
M. Cardinal: II faut bien s'entendre. Le principe était
que nos clients, avec les faits qu'il y avait sur la table, prenaient un
règlement pour d'autres raisons que pour de l'argent. (21 h 15)
M. Paradis: Très bien. Me Jetté, l'opinion du 19
février 1979, qui a été adressée à Me
Gadbois par la firme Geoffrion et Prud'homme et que, je présume,
à tort ou à raison, vous avez rédigée...
M. Jetté: Quant à celle-là, elle a
été faite dans la collégialité. Je me rappelle
pertinemment qu'on l'avait travaillée, Jean-Paul Cardinal et moi.
M. Paradis: Vous étiez deux au collège ou il y en
avait plus?
M. Cardinal: Ah non! Je peux répondre à cela tout
de suite, parce que le député de Mont-Royal, avec raison, s'est
demandé ce qui est arrivé. Voici comment on a reconstitué
les faits. Me Gadbois écrit une lettre et nous demande notre opinion sur
ladite lettre. Ce qui a dû arriver est ceci: comme de coutume, Me
Jetté écrit la lettre. Il me la fait voir. Pour ma part, cela
fait déjà passablement longtemps que, pour d'excellentes raisons
d'hommes d'affaires, tout le monde me parle de la cause de Gaspé Copper,
la cause de Gaspé Copper, la cause de Gaspé Copper. Or, en droit,
la cause de Gaspé Copper n'a rien à voir avec notre cause. Ce
n'est pas la même chose. Je leur réponds verbalement: Bien non, ce
n'est pas la même chose. Tout à coup, à l'occasion de ce
commentaire que je dois faire à M. André Gadbois, je me suis dit:
Mon Dieu Seigneur, là, je vais en parler! Gaspé Copper, ce
n'était pas une cachette. Tout le monde connaît cela. Tout le
monde sait que cela ne s'applique pas à notre cause.
Entre autres, c'était un des soucis de M. Saulnier. Je le
comprends. Pour quelqu'un qui n'est pas avocat, la cause de Gaspé Copper
a beaucoup d'importance. Elle en a aussi. Alors, je prends la lettre que M.
Michel Jetté me soumet et j'y ajoute le paragraphe concernant
Gaspé Copper. Il s'appliquait bien parce que, justement, la cause de
Gaspé Copper aurait été beaucoup plus facile à
exemplifier aux États-Unis. Cela concordait complètement avec le
droit américain. Je signe la lettre et je l'envoie. Probablement que M.
Michel Jetté l'envoie, lui aussi. Ils ont reçu les deux lettres,
dont une avec un paragraphe que j'ai moi-même ajouté.
M. Paradis: Nous, nous nous comprenons, parce qu'on a
fouillé nos dossiers de part et d'autre, mais pour que le public qui
nous écoute nous comprenne, finalement, ce qui est arrivé, c'est
que le 19 février - et c'est pourquoi je posais la question - on avait
deux opinions juridiques de Geoffrion et Prud'homme, mais pas deux opinions
bien différentes, pour ne pas effrayer le monde. Dans la
première, il manquait, ce que vous avez souligné, un
paragraphe. Un paragraphe qui se lit textuellement, pour concorder avec
votre témoignage, comme suit - ce sont les mots exacts qui manquaient
dans la première; cela s'insérait dans le paragraphe, cela allait
bien ensemble - "Tandis que dans l'affaire Gaspé Copper Mines il a
été prouvé que des agents et représentants de
l'union internationale avaient "fomenté, organisé, dirigé,
soutenu et financé" la grève illégale et que certains
actes de violence qui s'en sont ensuivis ont été commis "avec la
participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les
incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et
représentants de la haute hiérarchie et direction" de la
même union, nous n'avons pas, dans notre cas, d'éléments de
preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers
aurait participé de semblable façon aux événements
de mars 1974". Ceci fait la différence entre les deux opinions
juridiques du 19 février, si on peut appeler cela une
différence.
M. Cardinal: M. le Président, si je peux ajouter quelque
chose, c'est la seule fois, je pense, que nos clients ont eu deux opinions pour
le prix d'une.
M. Paradis: Ce qui m'inquiète, c'est qu'ils en aient eu
trop, peut-être, pour leur argent, justement. Dans le paragraphe qui
suit, dans l'une comme dans l'autre - on se retrouve dans un texte identique -
on dit une chose qui semble avoir ébahi ou abasourdi différents
témoins qui sont venus devant nous et qui ont voté pour le
règlement, dont M. Saulnier, ce matin, que vous avez eu l'occasion
d'entendre viva voce. Cela continuait comme suit: "Or, sur une action en
exemplification intentée devant la Cour fédérale du
district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants
américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher
en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est
à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme
suit..."
M. Saulnier a dit que c'était un texte anglais fait dans des mots
simples, avec les virgules aux bons endroits, les points aux bons endroits.
Tout était à sa place et c'est ce qui l'a convaincu, lui.
C'était son principal argument pour être en faveur du
règlement et c'était dans votre opinion. C'est ce qui
m'inquiète. C'est le cas de plusieurs membres du conseil
d'administration. Je vais le lire même si c'est en anglais.
Je cite le "Norris-La Guardia Act, article 6. "No officer or member of
any association or organization, and no association or organization,
participating or interested in a labor dispute, shall be held responsible or
liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual
officers, members or agents, except upon - c'est souligné à
partir de là - clear proof of actual participation in/or actual
authorization of, such acts, or of ratification of such acts after actual
knowledge thereof."
Là il y a un paragraphe qui vient de chez vous, j'imagine, qui
conclut: "Les tribunaux fédéraux américains pourraient,
dans ce contexte, être tentés d'appliquer la règle de
réciprocité que la jurisprudence récente semble avoir
répudiée." Si me je rappelle le témoignage de Me
Jetté cet après-midi, il a dit: Écoutez, c'est encore dans
les livres de droit, mais dans la poussière au fond et cela prendrait
quelque chose pour les ressusciter. Cela est-il exact?
M. Jetté: Si vous me le permettez, je vais resituer cette
opinion dans son contexte.
M. Paradis: Parce qu'elle est capitale. M. Saulnier nous dit
qu'elle est capitale.
M. Jetté: Écoutez, il peut dire ce qu'il veut, pour
moi, il n'y avait rien de nouveau. Sa perception et la mienne ne sont
peut-être pas les mêmes. En ce qui me concerne, ce n'était
pas un deus ex machina, cette affaire. Je vous rappelle qu'en septembre 1978
j'avais requis une première opinion de nos correspondants
américains sur l'état du droit aux États-Unis eu
égard à la responsabilité d'une union locale ou d'un
syndicat international. À l'occasion de cette opinion, on nous avait,
entre autres, dit ceci... Si vous le permettez, je vais vous en citer certains
extraits; cela n'a rien à faire avec l'opinion qu'on vous a remise
tantôt. Je vous ai mentionné qu'on en a reçu deux.
Là, je vous parle d'une première opinion qui avait
été requise dès la fin septembre 1978 alors qu'on savait
pertinemment qu'on s'en allait en procès dans quelques mois.
M. Paradis: Excusez, est-ce que je peux vous interrompre un
instant?
M. Jetté: Oui.
M. Paradis: Vous me dites que vous en avez reçu
deux...
M. Jetté: C'est exact.
M. Paradis: ...des avocats américains?
M. Jetté: Bien sûr.
M. Paradis: On en a une.
M. Jetté: Vous avez la deuxième, celle que j'ai
demandée au mois de novembre lorsque les questions de solvabilité
ont été soulevées et lorsqu'on nous a demandé
si,
effectivement, il y avait moyen de percevoir ces sommes.
M. Paradis: Est-ce que vous pourriez avoir la gentillesse de
faire ce que vous avez fait avec l'autre, la communiquer également?
M. Jetté: Bien sûr, je l'ai ici.
M. Paradis: D'accord, citez-la. Après, on l'aura par le
système de reproduction.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez l'utiliser et,
à la fin, la donner pour qu'on puisse en faire des photocopies.
M. Jetté: D'accord. Je peux vous la citer pour vous situer
un peu, afin de vous expliquer qu'il ne s'agissait de rien de nouveau sous le
soleil. Dans cette opinion qu'on avait reçue probablement... Je dis
probablement parce qu'il n'y avait pas de lettre de couverture, sauf que,
d'après le compte, je vois qu'on l'a reçue fin octobre,
début novembre. D'ailleurs - cela est important - je l'ai transmise
à Me Gadbois le 9 novembre 1978.
M. Paradis: Le 9 novembre.
M. Jetté: Le 9 novembre 1978, je lui transmets cette
première opinion que j'avais reçue de nos correspondants
américains et qui concernait le régime de droit aux
États-Unis eu égard à la responsabilité d'un
syndicat pour l'acte de son agent ou de son préposé, si l'on
veut. Dans cette opinion, il y avait un premier chapitre qui s'intitulait
Background on American labor Law. Je m'excuse si c'est un peu long.
Le Président (M. Jolivet): Allez.
M. Jetté: Je vous en cite un extrait. On disait ceci:
"American labor law differs substantially from Canadian law in that in the
United States the labor laws are federal statutes which preempt any attempts by
the states to enact individual state laws on the fame subject, unless
authorized by the federal statute to do so." Là, je vous fais
grâce de certaines remarques et j'arrive au deuxième paragraphe de
la page 3 de cette opinion où on disait ceci: "The reason that a basic
understanding, of this judicial concept of a possible multiple of jurisdictions
for suing an international union for damages for the torts of one of its
agents, is important in that to day the burden of proof for holding an union
liable for the acts of its agents or members is greater in federal court -
retenez cela parce que vous vous rappelez que, dans la deuxième opinion,
on nous dit que le forum approprié pour débattre une action en
exemplification serait une cour fédérale, notamment celle du
district du Columbia - than in most state courts. The reason for this variance
is the fact that there is a federal statute, the Norris-La Guardia Act, 29 U.S.
Code sections 101-115, which sets a different and more difficult standard of
proof (clear proof instead of a preponderance of the evidence) to hold a local
or international union responsible for the actions of its members or agents.
Therefore, a discussion of how the federal courts would now treat an
international union under the facts that you now have, due to the clear proof
burden of proof under the Norris-La Guardia Act, as well as a pre-Norris-La
Guardia standard of proof, will be given in this memorandum." Et cela se
poursuit.
Ensuite, on a une première subdivision de cet avis qui
s'intitule: Is an international union responsible for the torts-criminal
conduct of its local's business agents in the United States? La première
chose qu'on nous cite, c'est ceci: "Effect of the Norris-La Guardia Act, 29
U.S., Code, section 106, on federal decisions. Section 6 of the Norris-La
Guardia Act provides", et l'on cite cet article que vous connaissez
déjà.
Ce qui est inquiétant - et c'est ce qu'on a relevé tout
simplement plus tard -c'est que de façon écrite on disait ceci:
"The requirements of this section apply to all federal courts of the United
States in all federal court litigation growing out of labor disputes covered by
federal statutes which do not provide a different standard of proof. In
addition, this provision applies to federal court adjudications of state tort
claims raised in federal court proceedings against unions arising out of labor
disputes". Je vous cite simplement cette partie parce que cela se poursuit; il
y a différents sujets qui sont traités dans le cadre de cette
opinion.
On avait cela en main. C'était du connu, d'accord? À un
moment donné, se soulève la question d'exemplification. Je
reçois un deuxième avis. Ce deuxième avis, qui ne concerne
pas, cette fois, le régime de droit qui prévaut aux
États-Unis sur les questions de responsabilité, dit - c'est ce
qu'on a, en fait, tenté d'expliquer dans notre avis du 5 janvier 1979 -
ceci: Voici, aux États-Unis, nous pensons que vous pourriez fonder avec
succès une action fondée sur votre jugement canadien.
C'était le sens général de cette opinion. On discutait,
cependant, de façon un peu plus précise de l'aspect de la
réciprocité des lois. Cependant, on nous disait - cela avait
été déclaré dans l'avis - que cela ne semblait pas
faire de problème. Ce n'était pas nécessairement
tombé en désuétude, mais cette doctrine de
réciprocité ne s'appliquerait pas nécessairement; on n'en
tiendrait pas nécessairement compte, sauf qu'il y avait une
réserve. On nous disait
aussi dans cet avis, que j'ai reçu, à mon sens, au tout
début de janvier 1979, - je le citais ce matin - à la
dernière page: "As a note of caution the requirement of reciprocity,
although ignored, has not been put to rest".
Dans notre lettre - suivez-moi - du 5 janvier, on n'a pas fait
état des problèmes relatifs à l'exemplification, parce que
l'objet de cette opinion, c'était une mise à jour. Alors, on
n'est pas entré dans les subtiles distinctions parce que la question
qu'on nous posait ne s'attachait pas d'abord à cela. On aurait pu le
faire, mais cela n'a pas été fait parce que je n'ai pas
pensé de le faire à ce moment, ce n'est pas cela que j'avais
à l'esprit.
Au mois de février, le contentieux interne de la SEBJ, sans qu'on
le sache, prépare un avis pour son conseil d'administration. C'est
l'avis du contentieux du 19 février 1979 qu'on retrouve aux pages 68 et
suivantes de notre cahier. Entre autres choses, Me Gadbois, qui avait ces
documents en main, s'était attaché de façon plus
spécifique à la question de l'exemplification. Il avait, de toute
évidence, examiné le document que j'avais reçu au
début de janvier qui traitait spécifiquement de cette question.
Il avait fait, à ce moment-là, une remarque que je
considérais pertinente. Ce qui est arrivé, c'est qu'il nous l'a
transmise en nous demandant de commenter, infirmer, confirmer ou qualifier les
remarques qu'il faisait eu égard à cette question de
l'exemplification. (21 h 30)
Lorsque j'en ai pris connaissance, j'ai remarqué qu'il faisait
une observation que je croyais extrêmement pertinente. C'est le premier
paragraphe de la page 133 dans le cahier que j'ai devant moi; c'est la page 4
de son opinion. Il disait ceci: "En telles circonstances, il est possible et
peut-être probable que le syndicat américain, s'il était
tenu conjointement et solidairement responsable des dommages avec certains des
autres défendeurs, devant une demande de la société
d'énergie adressée à un tribunal du district de Columbia
pour exemplification du jugement, afin de pouvoir l'exécuter contre les
actifs dudit syndicat, pourrait plaider et faire valoir le manque de
réciprocité entre le droit québécois et le droit
américain en matière d'exemplification. Nous croyons que le
tribunal américain pourrait bien considérer cette cause - en
parlant de la nôtre -comme un cas d'exception, valant l'application de la
règle de réciprocité, vu l'incapacité de payer des
défendeurs québécois et la nature de la
responsabilité attribuée au syndicat américain."
Quant à moi, les mots qui m'ont particulièrement
frappé dans le cadre de cette affaire, c'est que cela me semblait assez
réaliste de penser ceci. On savait que la règle de
réciprocité était tombée en
désuétude. Sauf que nos correspondants nous avaient dit: Ce n'est
quand même pas un concept disparu. Ils nous disaient, d'ailleurs, qu'il
faudrait regarder cela d'extrêmement près, le cas
échéant.
Me Gadbois faisait ressortir qu'on pourrait se retrouver aux
États-Unis avec un jugement contre des syndicats québécois
qui seraient les premiers responsables de cet événement, mais qui
seraient totalement insolvables. On rechercherait en justice un syndicat
américain qui, lui, serait solvable, donc appelé à payer
les pots cassés, mais qui, au fond, se trouverait dans la position
où il aurait été condamné simplement en vertu d'une
règle de droit qui veut que le commettant soit responsable pour les
actes de la personne dont il a le contrôle. Donc, cela n'aurait pas
été une responsabilité directe.
Lorsque j'ai pris connaissance de cette observation, je trouvais qu'elle
avait du sens. Alors, tout ce qu'on a fait dans notre opinion du 19 - c'est
pour cela que je suis extrêmement malheureux que des journaux aient dit
qu'on a changé d'opinion, parce qu'on n'a jamais changé d'opinion
- c'est que, cette fois, parce qu'on s'adressait spécifiquement à
la question d'exemplification, on a tout simplement fait ressortir cet aspect
de la nature même de la responsabilité qu'on pouvait attribuer au
syndicat américain. Cela a également suscité chez moi la
réflexion suivante: Comme les Américains sont habitués
à appliquer un standard qu'on ne retrouve pas au Canada, leur sympathie
naturelle pourrait pencher en faveur du syndicat américain et cela
pourrait être tentant de ressusciter cette règle de
réciprocité. C'est, point à la ligne, ce qu'on a dit dans
l'opinion. Alors, ce n'était rien de nouveau.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, il y a une chose que je voudrais clarifier au
départ. Est-ce qu'on pourrait nous remettre, pour en faire faire des
photocopies, l'opinion? J'ai une question, je la pose au ministre qui est
responsable de la commission, c'est une petite demande de clarification de la
part du député de Mont-Royal. Non, je dois avoir la
permission.
Une voix: Est-ce qu'il a terminé?
Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas.
M. Ciaccia: Je voulais vous demander si je pourrais poser une
petite question à Me Jetté, seulement pour clarifier quelque
chose qu'il a dit; c'est seulement pour essayer de comprendre que je veux
clarifier un point.
Le Président (M. Jolivet): Je voudrais
vous l'accorder, mais, pour vous accorder cela, compte tenu que c'est
l'alternance, il faut d'abord que le député qui a la parole
actuellement, le député de Brome-Missisquoi, ait terminé,
que le ministre accepte que vous posiez cette question, parce que c'est
à lui que je dois m'adresser pour savoir s'il accepte ou pas. S'il
n'accepte pas, je serai obligé de donner la parole au
député de Vimont.
M. Ciaccia: D'accord. Le ministre refuse que je pose la
question.
Le Président (M. Jolivet): Non. Vous aurez, cependant,
l'occasion de la poser après. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je m'excuse auprès de mon collègue de
Mont-Royal, mais c'est le ministre qui ne veut pas.
Le Président (M. Jolivet): Non. C'est simplement, M. le
député, la question de l'alternance.
M. Ciaccia: C'est le ministre qui ne veut pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas
d'équivoque, parce que je sais qu'il y a beaucoup de gens qui nous
écoutent, je ne donnerai pas mon consentement. Nous avons ici une
règle de l'alternance et je dois dire que vous avez abusé
abondamment hier de cette règle de l'alternance.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Comme le ministre ne veut pas.
M. Ciaccia: Question de règlement. Est-ce que je peux
comprendre, d'après ce que le ministre vient de dire, qu'on a
abusé de cette règle?
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à
comprendre, moi, j'ai à écouter.
M. Ciaccia: Je ne pense pas qu'on ait abusé de rien, M. le
Président, hier. C'est pour éclaircir certains faits qui
sont...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: ...très importants et on va le voir...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Ciaccia: ...durant les...
M. Paradis: Me Jetté, autrement dit, vous aviez une bonne
cause et, le 19 février, ce n'est pas vrai que vous aurez dit que votre
cause n'était plus bonne.
M. Jetté: Jamais de la vie! On était conscient que
ce n'était pas une cause gagnée d'avance. Il y a avait des
éléments de preuve qu'on ne connaissait pas. Il se peut fort bien
qu'on aurait perdu joyeusement. Je ne sais pas ce qui s'en venait. On avait des
éléments qui me permettaient comme avocat de penser qu'il
était justifié de continuer. Ne me demandez pas de
spéculer sur l'issue d'un litige où je ne connais même pas
la preuve. Cela est un élément. Je parle ici de la cause au
Québec.
M. Paradis: D'accord.
M. Jetté: Pour autant que l'exemplification possible
était concernée, j'avais une opinion en main qui me disait: Vous
auriez de bonnes chances de succès aux États-Unis. Cependant, il
fallait de nouveau qualifier, si vous le voulez, cette seconde étape,
s'il faut l'appeler de cette façon, en disant: On pourrait
peut-être vous faire des problèmes sur une action en
exemplification parce que votre cause serait plus ou moins sympathique aux yeux
d'un tribunal américain qui est normalement appelé à
décider de ce genre de cause sur des bases différentes. Je pense
que cela explique bien ma pensée.
M. Paradis: Ce n'est pas vrai que vous avez changé
d'idée le 19 février?
M. Jetté: On n'a pas changé d'idée,
jamais!
M. Paradis: Très bien. Vous m'avez dit qu'en novembre 1978
cela avait été remis à Me Gadbois qui est l'avocat interne
de la SEBJ.
M. Jetté: Vous devez l'avoir, car j'ai remis la lettre de
transmission. Vous parlez de la première opinion, celle qui traitait du
régime de droit aux États-Unis?
M. Paradis: La première.
M. Jetté: Enfin, je l'ai transmise. Ma lettre est du 9
novembre 1978.
M. Paradis: Le 9 novembre 1978. Est-ce que vous avez entendu le
témoignage de M. Saulnier ce matin?
M. Jetté: J'en ai entendu des parties.
M. Paradis: Des parties, d'accord. Cela est une opinion du 19
février 1979. Le lendemain, vous étiez face à face avec le
conseil d'administration ou en présence du conseil d'administration de
la SEBJ avec Me Cardinal, je crois. Est-ce que M. Saulnier vous a donné
l'interprétation qu'il nous a donnée ici ce matin de cet article
6 du Norris-La Guardia Act?
M. Jetté: Cela a été soulevé. Il
l'avait sous les yeux. Maintenant, en quels termes, je ne me le rappelle
vraiment pas. Je me rappelle que j'ai fait un résumé de la preuve
qu'on avait présentée devant M. le juge Bisson. Je me rappelle
qu'on a discuté de cette opinion. Je ne me souviens pas qui a
posé les questions et dans quel sens c'était.
M. Paradis: Cela a été soulevé.
M. Jetté: Pour moi, oui, assurément.
M. Paradis: Vous vous en souvenez également, Me
Cardinal?
M. Cardinal: Oui.
M. Paradis: Peut-être une dernière question à
Me Aquin. À la page 139 de votre cahier de règlement hors cour,
vous écrivez, le 8 mars 1979, à Me André E. Gadbois, c.r.,
contentieux, Hydro-Québec. Cela fait suite à une lettre que vous
avait envoyée Me Gadbois le 7 mars 1979 avec un projet de
communiqué de presse pour annoncer le règlement. Dans ledit
projet, on retrouvait un paragraphe qui disait - et là je vous
réfère à la page 135 du livre - "La cause de la
Gaspé Copper Mines - celle dont Me Cardinal vous a parlé et que
tout le monde connaît - qui pourrait être invoquée pour
appuyer une poursuite devant les tribunaux d'un syndicat américain
comporte, de l'avis de ses conseillers légaux, des
éléments qui n'apparaissent pas dans le dossier de la SEBJ."
M. Jetté: Vous avez dit à la page 135?
M. Paradis: À la page 135, Me Cardinal, le
communiqué que Me Gadbois avait fait parvenir à Me Aquin, pour
être bien précis, le 7 mars 1979. J'ai lu, dans le
communiqué de presse de la SEBJ pour annoncer le règlement, le
paragraphe qui se rapportait à la cause Gaspé. Et le
communiqué se termine comme suit, à la page 136: "C'est pour
toutes ces raisons que le conseil d'administration de la SEBJ a accepté
l'offre de règlement hors cour de cette cause pour une
considération presque nominale", comme vous l'avez mentionné
tantôt.
Me Aquin, en date du 8 mars 1979, répond à Me Gadbois et
lui donne son opinion sur le communiqué. Je le cite au texte: "Nos
commentaires sur le projet de communiqué se limitent, comme il se doit,
aux aspects juridiques du communiqué." Autrement dit, vous ne faites pas
de politique avec ce communiqué-là, vous autres. "Nous nous
permettons de souligner le caractère inopportun de l'alinéa
suivant: -vous le citez - La cause de la Gaspé Copper Mines qui pourrait
être invoquée pour appuyer une poursuite devant les tribunaux d'un
syndicat américain comporte, de l'avis de ses conseillers légaux,
des éléments qui n'apparaissent pas dans le dossier de la
Société d'énergie de la Baie-James. "Il est exact, comme
nous l'avons écrit le 19 février dernier, que l'instance de la
Gaspé Copper Mines se situait dans une perspective juridique
différente. Par contre, et pour cette raison, nous n'avons jamais
invoqué à l'appui de notre cause le précédent de la
Gaspé Copper Mines. Le rapprochement fait par le communiqué entre
la présente instance - on se rappelle que c'est le communiqué qui
venait de la SEBJ - et celle de la Gaspé Copper Mines peut laisser
croire que nos chances de réussite contre le syndicat américain
étaient bien minces. Ce qui n'est pas exact. Le même rapprochement
amène à douter sérieusement de la compétence, etc.,
etc.,".
M. Aquin: Vous pouvez continuer, c'est bon, la phrase qui
suit.
M. Paradis: Je vais y aller. Je ne voulais pas le dire à
la télévision. Mais je sais que vous allez rétablir les
choses. Alors, je vais continuer. Après avoir dit: "Ce qui n'est pas
exact", vous ajoutez: "Le même rapprochement amène à douter
sérieusement de la compétence des conseillers juridiques qui
auraient mis plus de trois ans à réaliser que l'arrêt de la
Gaspé Copper Mines ne pouvait pas être invoqué comme tel au
soutien de leur cause. Ce qui n'est pas non plus exact, comme nous l'avons
mentionné plus haut. La comparaison entre des instances non comparables
nous apparaît donc totalement inopportune et entraînerait
vraisemblablement d'autres comparaisons avec l'affaire Reynolds qui vient
d'être décidée par la Cour supérieure, il y a
à peine quelques semaines. Veuillez agréer..." C'est
signé: François Aquin.
À votre connaissance à vous, qui aurait mis cet
argument-là, dans le communiqué de la Société
d'énergie de la Baie James?
Le Président (M. Jolivet): Me Aquin, en vous rappelant
l'article 168.
M. Aquin: Cela, je ne le sais pas. La seule chose, c'est que je
reçois le communiqué.
M. Paradis: Par Me Gadbois?
M. Aquin: Oui, ça m'est adressé
personnellement.
M. Paradis: Oui, oui, c'est exact.
M. Aquin: Alors, si vous me donnez seulement quelques minutes, je
veux, dans ma lettre, d'abord faire très bien la distinction que je ne
suis pas un conseiller en relations publiques. Je suis avocat. Alors, je
regarde les aspects juridiques seulement. Regardant les aspects juridiques - je
viens de revenir d'Europe, mais on m'a montré les opinions du 19, je
pense que M. Jetté s'est très bien exprimé sur cette
question - je comprends que depuis un bon moment, la cause de la Gaspé
Copper était très souvent soulevée au conseil. M.
Jetté a voulu mettre un éclairage sur cette question ou M.
Cardinal. C'était une chose. Mais voici qu'on annonce le
règlement au public et qu'on parle de la cause de la Gaspé Copper
Mines. Alors, ma position est très simple. Je pense que je le dis
à la page 2. De la façon dont c'est dit - je ne suis pas ici pour
qualifier l'opinion du 19 février, M. Jetté l'a fait très
bien - quand on regarde cela sorti de son contexte, cela donne vraiment
l'impression -vous relirez tout le communiqué - que notre cause contre
les Américains était quasiment inexistante, ce qui n'est pas
notre position. Et c'est ce que je dis ici: "Le rapprochement fait par le
communiqué entre la présente instance et celle de la Gaspé
Copper peut laisser croire que nos chances de réussite contre le
syndicat américain étaient bien minces. Ce qui n'est pas
exact".
M. Paradis: Mais vous avez voulu corriger cette erreur de fait et
de droit?
M. Aquin: Je vous laisse porter des jugements; c'est votre
privilège ici. Je pensais, d'ailleurs, que ce n'était pas
souhaitable de comparer des non-comparables. C'est pour cela que je parle de
Reynolds qui n'est pas, non plus, comparable. Dans les deux cas, ce sont des
actions où la responsabilité est une responsabilité
directe. Parce que la responsabilité qu'on invoquait n'était pas
une responsabilité directe, mais une responsabilité
présumée, cela ne veut pas dire qu'on avait, pour autant, une
cause inexistante. On avait - nous l'avons dit - une bonne cause.
C'était une première, on l'admet, mais nous pensions avoir une
bonne cause. Mais je pensais - je pense que j'étais le seul ici dans
cette opération du 8 mars; c'est moi qui ai écrit la lettre
personnellement - que lorsqu'on lit le communiqué, cette allusion
à la Gaspé Copper donnait une fausse impression sur la cause. (21
h 45)
M. Paradis: Autrement dit, ce n'était pas comparable.
Quand on compare des pommes avec des oranges, on arrive à de
drôles de raisonnements. Merci.
M. Aquin: Je trouvais que c'étaient deux instances non
comparables. Mais ce n'est pas parce qu'on n'avait pas les
éléments de la Gaspé Copper qu'on était
nécessairement diamétralement opposé à la
Gaspé Copper. C'était un autre cas.
M. Paradis: C'étaient des fruits comme les pommes et les
oranges, mais ce n'était pas comparable.
M. Aquin: Sur toute la question des fruits et des légumes,
je ne me prononcerai pas, M. le Président.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. Aquin.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Me Aquin, j'imagine que, depuis le début des
travaux de cette commission, vous agrémentez vos matinées ou vos
soirées en lisant un peu les manchettes de la Presse. Je ne sais pas si
vous avez en main celle du 15 avril 1983, du quotidien La Presse. Je vais vous
lire le titre: "Dès la mi-janvier 1978 - et en plus gros
caractères - LES AVOCATS DE LA SEBJ PRÉPARAIENT UN PROJET DE
RÈGLEMENT AVANT D'AVOIR ÉTÉ MANDATÉS." Je ne sais
pas si j'ai besoin de vous lire tout cela. C'était sur deux
colonnes.
M. Aquin: Non, cela m'a frappé.
M. Duhaime: Cela m'a frappé également. Pour la
bonne compréhension, je voudrais vous lire le premier paragraphe. S'il
est nécessaire qu'on en fasse des copies, je pourrais vous en
transmettre. Mes collègues, à gauche, ont toutes ces coupures de
presse. Je ne suis pas inquiet. Je vais le lire. La nouvelle est de
Québec, sous la signature de M. Louis Falardeau. "Même si ce n'est
que le 6 février 1978 que le conseil d'administration de la SEBJ a
donné à ses avocats le mandat d'explorer la possibilité
d'un règlement hors cour, ces derniers ont rédigé,
dès la mi-janvier, un premier projet de règlement et ce, avant
même que les syndicats impliqués en fassent autant."
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre,
j'ai une question de règlement soulevée par le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Je m'excuse, M. le ministre. Uniquement pour des
fins de la
transcription, est-ce que ce ne serait pas 1979 plutôt que 1978?
Depuis le début, vous dites 1978.
M. Duhaime: Je vous lis l'article de la Presse.
M. Bourbeau: II dit 1978?
M. Duhaime: Oui. Je lis bien cela.
M. Bourbeau: D'accord. Je voulais simplement...
M. Duhaime: Je peux revérifier. Si on a un zoom sur la
caméra, on va le voir.
M. Bourbeau: Non.
Une voix: Attention au zoom!
M. Bourbeau: Je pose la question parce qu'il est arrivé
souvent, depuis le début, qu'on ait des lettres datées de 1978 et
on a dit qu'elles étaient de 1979. Je voulais être bien sûr
que vous ne faisiez pas une erreur de lecture.
Le Président (M. Jolivet): Dans les textes qu'on a
distribués, il y avait une erreur, et on l'a corrigée en
inscrivant "1979".
M. Paradis: M. le Président, j'aurais une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Vous venez de mentionner qu'on avait corrigé,
et je pense que le journaliste l'avait corrigé le lendemain dans le
journal.
Le Président (M. Jolivet): Ah! Je ne le sais pas.
M. Paradis: Est-ce que le ministre pourrait le
vérifier?
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, le texte est bien de 1979, d'après les textes
présentés ici.
M. Duhaime: Oui, parce que cela me paraîtrait n'avoir aucun
sens.
M. Paradis: Oui, mais, quand même, pour rendre justice au
journaliste, je me souviens d'avoir lu...
M. Duhaime: Oui, je pense que vous faites bien. Vous savez que je
rends toujours beaucoup de justice à tous les journalistes en
espérant qu'ils en fassent autant.
Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le ministre, ceci
étant dit, vous pouvez continuer.
M. Duhaime: Je voudrais relier cet article de la Presse - je ne
pourrais pas vous affirmer cela à tout casser, mais, d'après la
note que j'ai, ce serait paru en page 3, donc; ce n'était pas dans la
page des mots croisés - avec les questions que vient de vous poser le
député de Brome-Missisquoi, qui a été très
précis dans ses questions sur le mandat du conseil d'administration. Me
Aquin, je reviens à votre première déclaration. Dans
l'ordre chronologique de l'exposé que vous avez fait brillamment - je
dois le dire - ce matin, vous partez du 15 janvier 1979. À un certain
moment, vous faites part à la commission d'une rencontre entre
vous-même, Me Cardinal et Me Jasmin et c'est à cette
réunion que Me Jasmin vous remet sa lettre qui comportait une
proposition.
Dans votre témoignage, ce matin, vous nous avez dit que Me
Beaulé, qui représentait le syndicat américain, non
seulement n'avait aucun mandat, mais ne voulait reconnaître aucune
responsabilité. J'ai noté ici - je voudrais que vous me corrigiez
si j'ai fait erreur - que, cette journée-là, vous avez eu de M.
Laliberté un mandat d'écouter. Le suivi de cette rencontre avec
les procureurs Jasmin et Beaulé, cela a été votre propre
lettre du 17 janvier 1979 à Me Gadbois. J'arrive au 17 janvier. Vous
réitérez dans votre déclaration de ce matin, à la
suite de cette réunion à laquelle assistaient M.
Laliberté, Me Gadbois, vous-même, Me Cardinal et, pour une partie
de la réunion, Me Jasmin, que c'est ce 17 janvier, suivant ce que j'ai
noté, que M. Laliberté vous demande de préparer un projet
de transaction et vous donne ensuite un mandat d'écouter.
Ma question est très simple. Avec l'étude professionnelle
à laquelle vous appartenez et les années d'expérience
qu'à vous trois vous cumulez et qu'à 35 encore davantage,
j'imagine, dans le cours normal de la pratique, le fait de recevoir du P.-D.G.,
d'une société d'État, quelle soit publique ou
semi-publique, ou encore d'une corporation privée le mandat
d'écouter et, ensuite, de préparer une transaction, est-ce
quelque chose qui vous a étonné au point de dire: Non, je vais
exiger une résolution de votre conseil d'administration ou si, comme
procureur, cela vous permettait d'agir?
M. Aquin: Je n'ai pas à prendre de position sur les
relations entre un P.-D.G. et son conseil d'administration, ni entre un
directeur de contentieux, son P.-D.G. et son conseil d'administration. Comme
avocat, j'avais affaire à des personnes autorisées; le P.-D.G.
nous donne un mandat de faire ce
que vous venez de dire et nous l'avons fait. A ce moment-là, nous
le faisons pour le client.
M. Duhaime: Je voudrais revenir à ce qui est sans aucun
doute le coeur du sujet. Vous nous avez dit que vous aviez eu une rencontre
avec Me Jean-Roch Boivin et une conversation téléphonique.
À l'une ou l'autre de ces deux occasions - ma question sera très
précise - est-ce qu'entre vous-même et Me Jean-Roch Boivin il a
été question du règlement, d'un montant d'argent ou de
discussions de ce dossier en vue d'en arriver au règlement qui
finalement a été accepté au conseil d'administration de la
SEBJ?
M. Aquin: II n'a pas été question du tout de
montant d'argent.
M. Duhaime: II n'a jamais été question de montant
d'argent?
M. Aquin: Non.
M. Duhaime: Est-ce qu'il a été question de la
responsabilité de l'une ou l'autre des parties?
M. Aquin: Le 8 février, Me Boivin, qui suit l'affaire
comme on le voit, m'appelle et me dit: Je viens d'entendre dire que la SEBJ
demanderait l'aveu de responsabilité du syndicat américain;
est-ce exact? J'ai dit oui. J'extrapole, mais je comprends de son
téléphone qu'avec ce que tout le monde savait dans ce dossier
demander l'aveu de responsabilité du syndicat américain, cela
équivalait à dire qu'il n'y aurait plus jamais de
règlement hors cour. C'était l'existence même de la
question, je suppose, qui l'intéressait.
M. Duhaime: Pour ce qui est de Me Yves Gauthier, vous nous avez
raconté la rencontre que vous avez qualifiée vous-même tout
à fait privée. Je voudrais savoir si, au cours de cette
rencontre, si brève soit-elle, avec Me Yves Gauthier, il a
été question du règlement comme tel.
M. Aquin: Non, il n'a pas été question du
règlement comme tel. Je répète pour être bien clair:
Je téléphone à Me Gauthier. Il aurait pu, d'ailleurs, me
donner la réponse au téléphone, mais il dit: Je passe dans
ton bout, je vais te voir. Alors, il vient chez moi et, là, je lui pose
la question suivante. Je dis: Je rencontre des avocats qui sont Jasmin et
Beaulé. Je pense que c'est Beaulé qui me dit: J'ai
été au... j'ai rencontré Jean-Roch Boivin. Je pense
pouvoir te dire, me dit-il, que le gouvernement semble plutôt favorable
au règlement de cette cause. Ce que M. Beaulé affirmait, c'est
que là il me disait que nous avions, selon lui, une cause très
faible du côté du syndicat américain et que nous soutenions
devant nos clients, avait-il entendu dire, que nous avions une bonne cause. Il
voulait toujours nous convaincre que nous étions dans l'erreur, mais il
n'a jamais réussi. C'était sa position. Il m'avait dit: Je pense
qu'au bureau du premier ministre on est favorable à ce que cette cause
se termine par un règlement hors cour. Là, on parle de la fin de
janvier.
La question que j'ai posée à M. Gauthier c'est: Est-ce
qu'il est exact que les avocats de la partie adverse ont eu ces contacts?
Est-ce qu'il serait exact que le gouvernement serait favorable à cette
issue? La réponse de M. Gauthier - c'est la seule chose que je voulais
savoir lors de cette conversation téléphonique et je l'ai sue - a
été - je le connais depuis trente ans et j'ai trouvé qu'il
était très prudent dans son exposé - de dire: Je pense que
le premier ministre est favorable à un règlement, mais je pense
savoir que le conseil d'administration est très divisé sur cette
question. C'est ce que je voulais savoir. Pour moi, dans le cours des choses,
j'avais à organiser un contentieux. Je voulais savoir si les
renseignements que les procureurs syndicaux me donnaient étaient exacts.
Vous allez croire que je suis trop prudent, mais j'aime toujours confirmer ce
que les procureurs des parties adverses me disent.
M. Duhaime: Maintenant, Me Aquin, dans la Presse du 17 mars 1983
- cette fois-ci, je n'ai pas besoin de faire un effort de mémoire, je
puis vous dire que c'était en première page - on lit: "Saccage de
la Baie-James: règlement hors cour." En plus grosses lettres:
"RENÉ LÉVESQUE A TROMPÉ L'ASSEMBLÉE NATIONALE". Un
titre en caractères un peu moins prononcés: "Jean-Roch Boivin a
négocié avec les avocats."
Je pourrais vous lire les passages qui sous-tendent le titre. Ma
question est la suivante et elle s'adresse également à Me
Cardinal et à Me Jetté: Est-ce que vous avez
négocié le règlement de ce dossier avec Me Jean-Roch
Boivin, oui ou non?
M. Aquin: Je vais répondre le premier: II n'y a eu aucune
négociation avec M. Boivin.
M. Cardinal: Je n'ai jamais fait aucune négociation avec
M. Boivin, non plus. Je ne le connaissais même pas.
M. Duhaime: Ah! Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec attention l'exposé de Me Aquin ce matin. Je
voudrais reprendre
certains points, poser certaines questions qui ont surgi à mon
esprit à l'écoute de votre exposé et à la suite de
certains renseignements que nous avons eus précédemment. Je sais
également que vous avez pris connaissance de certains faits qui ont
été mis en évidence devant la commission. Si je reprends
la date du 10 janvier 1979, il y a eu, comme vous l'avez mentionné, une
rencontre entre Me Jetté, Me Beaulé et Me Jasmin. À ce
moment-là, Me Jetté a compris qu'il y avait une offre de Me
Beaulé - ce que vous sembliez prendre pour une offre, une espèce
d'avance concernant une possibilité de règlement à 250 000
$, si je comprends bien.
M. Jetté: C'est exact.
M. Saintonge: Cela, vous l'avez confirmé le lendemain avec
Me Beaulé par téléphone. Ultérieurement, cela s'est
avéré un peu compliqué de telle sorte que...
M. Jetté: J'avais cru comprendre -peut-être que
c'est la formule qu'il a utilisée - qu'il était prêt
à investir ou à mettre sur la table 250 000 $, mais tout cela
était, semble-t-il, conditionnel. J'avais probablement mal perçu
la façon dont il m'avait exposé cela.
M. Saintonge: Est-ce que Me Beaulé vous avait
mentionné que ce montant, qu'il était prêt, si on peut
dire, à mettre sur la table ou quelque chose comme ça,
était uniquement pour sa partie à lui de réclamation ou si
cela pouvait concerner l'ensemble des défendeurs? Est-ce que les
discussions sont allées jusqu'à ce point?
M. Jetté: Non, pas du tout. C'est pour cela que c'est un
souvenir très réel, les 250 000 $, mais ce qu'il y avait
d'attaché à tout cela, je ne me le rappelle vraiment pas. Cela
n'avait pas été très loin, c'était plutôt un
chiffre qui avait été lancé un peu comme cela. J'ai
l'impression qu'il sondait le terrain, je ne le sais pas.
M. Saintonge: Quand vous avez transmis...
M. Jetté: J'en ai parlé à mes
associés, effectivement. (22 heures)
M. Saintonge: ...cela à vos associés, cela a
été transmis par vous, par Me Aquin ou par Me Cardinal à
Me Gadbois, je pense. C'est cela. Cet après-midi, le ministre
mentionnait que l'événement qui est arrivé le samedi 13,
la demande d'ajournement à une semaine par Me Jasmin, cette demande vous
a été communiquée non pas par Me Jasmin à vous
comme procureur de la SEBJ, mais par l'intermédiaire de Me Gadbois.
C'est bien cela?
M. Aquin: C'est par un téléphone de Me Gadbois
à Me Cardinal pendant le week-end; je pense que c'est le samedi.
M. Saintonge: Au bureau ou...
M. Cardinal: Chez moi et M. Gadbois m'a dit: II va y avoir une
demande de remise lundi. On aimerait mieux que cette demande soit
accordée pour une semaine, je pense, parce qu'il semble que les
syndicats veulent négocier.
M. Saintonge: Donc, cette négociation qu'on
présupposait, est-ce que c'était une négociation qui
originait de l'offre que Me Jetté pensait avoir reçue le vendredi
ou si c'était une autre offre qui était dans le portrait?
M. Cardinal: Offre pour offre, c'était une offre.
M. Saintonge: Mais est-ce qu'à votre connaissance il y
avait une relation entre l'offre qui a été
présentée le jeudi et la demande d'ajournement?
M. Cardinal: M. le Président, les syndicats voulaient
négocier ou ils ne voulaient pas. Ils ont fait une offre à Me
Jetté sur laquelle ils ne se sont pas compris et, ensuite, on m'informe
qu'ils veulent faire une offre. Quelle offre? Est-ce une offre qui se
ressemble? Est-ce que c'est la même chose? Je ne le sais pas.
M. Saintonge: Quoi qu'il en soit, il n'y avait pas eu de
communication retour. À la suite du téléphone de Me
Gadbois, la confirmation à Me Gadbois du vendredi 11, relativement au
fait que vous aviez reçu une offre, est-ce que vous aviez eu une
information retour de l'information qui devait être transmise à M.
Laliberté, le président?
M. Aquin: Oui. Je vais répondre à cette question
parce que j'ai un souvenir précis de cela. Il y a un retour parce que le
vendredi, avant de quitter le bureau, je pense que M. Gadbois nous
téléphone - je ne sais pas à qui - et demande les
numéros de téléphone pour rejoindre M. Cardinal et
moi-même durant le week-end. Je me souviens que je suis à
Sainte-Adèle à ce moment et je donne un numéro du nord;
c'est ce qui me l'a rappelé. En fin de semaine, c'est M. Cardinal qui a
le téléphone et il m'appelle et il appelle aussi M. Jetté.
De toute façon, on avait décidé d'être
présents, M. Cardinal et moi, le lundi pour l'ouverture de la cause.
C'est comme cela qu'on se retrouve tous en cour le lundi et qu'on appuie la
demande d'ajournement qui a été refusée.
M. Saintonge: Dans le fond, vous l'avez appris seulement le lundi
des avocats du syndicat.
M. Cardinal: Non, on était en cour et, effectivement, ils
ont demandé une remise.
M. Saintonge: Ma question précise porte sur le fait que
les avocats du syndicat ne vous avaient pas demandé cette remise le
vendredi, par exemple. Vous avez été informés uniquement
le samedi par l'intermédiaire de Me Gadbois.
M. Aquin: C'est cela.
M. Saintonge: Maintenant, si on retourne au lundi 15, à ce
moment, puisque vous vous retrouvez à la cour avec les avocats, on
mentionne, suivant l'exposé de Me Aquin, que les avocats des syndicats,
Mes Jasmin et Beaulé, vous informent qu'ils sont prêts pour des
pourparlers de négociation. Me Cardinal a alors
téléphoné à Me Gadbois qui lui dit: Votre seul
mandat est d'écouter. C'est bien cela? À la fin de
l'après-midi, vous vous représentez à la SEBJ, Mes
Cardinal et Aquin, pour rencontrer Me Gadbois et M. Laliberté et on vous
confirme le mandat d'écouter sans commencer aucune négociation.
Est-ce que la question de la demande de remise pour les négociations est
revenue entre vous, c'est-à-dire entre vous-mêmes, Me Aquin, Me
Cardinal, ainsi que Me Gadbois et M. Laliberté?
M. Aquin: Non, il n'en est plus question parce que le juge a
été ferme le matin en disant qu'il n'y aurait pas
d'ajournement.
M. Saintonge: Est-ce revenu en discussion? Je comprends que
l'ajournement avait été refusé, mais entre M.
Laliberté, par exemple, et vous la question d'autres propositions
est-elle venue? En d'autres mots, ce que je veux mentionner, c'est qu'il y
avait la proposition des syndicats, mais est-ce qu'une autre proposition avait
été faite directement à Me Gadbois ou à M.
Laliberté?
M. Aquin: Je ne le penserais pas. Je ne suis pas capable de faire
un lien absolu, mais je pense que, lorsque la SEBJ a été mise au
courant que, devant M. Jasmin, M. Beaulé avait ouvert, si on peut
s'exprimer ainsi, c'est là que la possibilité de recevoir des
offres a dû être considérée et c'est là qu'on
nous a donné le mandat d'appuyer une demande d'ajournement. Mais on vous
le dit de la façon dont on a vu le processus prendre place.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu qu'il est 22
heures, je vous invite à être de nouveau avec nous demain matin
à 10 heures. J'ajourne les travaux à demain, 10 heures, en
sachant que ce sera la continuité de la journée d'aujourd'hui, je
pense. M. le ministre?
M. Duhaime: Oui. C'est cela, demain à 10 heures.
Le Président (M. Jolivet): Demain, à 10 heures. M.
le député de Gatineau?
M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait savoir, ce qu'on sait
peut-être déjà, si, après qu'on aura fini d'entendre
les invités qui sont avec nous aujourd'hui, il n'y aura pas d'autres
personnes invitées à témoigner?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): Les seules personnes qui seront
ici demain sont les trois qui sont ici actuellement?
M. Duhaime: Nous avions convoqué pour demain - je crois
que cela avait été fait par le secrétariat - l'honorable
juge Jasmin et Me Rosaire Beaulé. Après avoir discuté avec
mes collègues, nous sommes convenus de les aviser par
téléphone de se présenter à la commission mercredi
matin à 10 heures. Cela veut dire que, demain matin, nous continuerons
d'entendre les trois procureurs de la SEBJ. J'espérerais que nous
pourrions terminer à 13 heures. C'est un voeu que je formule de tout
coeur. Si nous n'avions pas terminé, nous vous demanderons de bien
vouloir daigner vous représenter à nouveau mercredi matin.
Le Président (M. Jolivet): Dans ces circonstances, je
crois comprendre que nous continuerons demain normalement jusqu'à 13
heures, si nécessaire, et que nous reviendrons ensuite mercredi
prochain.
M. Duhaime: Sous réserve, bien sûr, d'une motion que
fera le leader du gouvernement et de l'adoption de pareille motion par
l'Assemblée nationale mardi.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Gratton: Donc, je dois comprendre que demain après-midi
il n'est pas question que la commission siège, même si nous
n'avions pas terminé avec les procureurs de la SEBJ.
M. Duhaime: Si on me fait des promesses, qu'on est prêt
à tenir, et qu'on me dit que vous en auriez pour quelques minutes
après 13 heures, je vais donner mon accord tout de suite.
M. Gratton: On vous dira cela demain.
M. Duhaime: Mais si vous me dites 13 heures et qu'on se retrouve
ensuite... Vous savez, je suis un peu méfiant quand vous me donnez des
délais. J'ai des rendez-vous pris pour demain après-midi.
M. Gratton: C'est ce qu'on voulait savoir, où vous seriez
demain après-midi.
M. Duhaime: II faut que mon ministère fonctionne.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, j'ajourne les
travaux jusqu'à demain 10 heures et on réglera l'autre
problème demain à 13 heures.
(Fin de la séance à 22 h 08)