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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux en vue
d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James
de régler hors cour la poursuite civile intentée à la
suite du saccage du chantier de I_G 2 survenu en 1974 et, plus
spécifiquement, le rôle du premier minsitre et de son bureau
à cet égard.
Je dois vous dire, dès le départ, qu'aujourd'hui nous
allons ajourner, selon la formule habituelle, nos travaux à 12 h 30 de
façon à reprendre les travaux de l'Assemblée nationale
à 14 heures. Nous reviendrons, à la suite d'une motion qui sera
faite et adoptée en Chambre, de façon qu'on soit ici vers 15 h 30
pour terminer nos travaux à 18 heures et les reprendre de 20 heures
à 22 heures en vertu du règlement.
Les personnes qui sont invitées à venir devant cette
commission aujourd'hui sont M. Claude Roquet, pour terminer les questions qu'on
a à lui poser, MM. Roland Giroux, Robert Boyd et Lucien Saulnier. Ce
sont donc les personnes qui sont invitées à être devant
nous aujourd'hui.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay
(Chambly), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge
(Laprairie). Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Comme nous en étions rendus à M. Claude Roquet, je
l'invite donc. M. le député de Vimont avant.
M. Rodrigue: M. le Président, le député de
Rousseau, M. René Blouin, vous ne l'avez pas mentionné dans la
liste des noms.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je
vérifie.
M. Lalonde: Corrigeons cette erreur immédiatement.
Le Président (M. Jolivet): Donc, il remplace Mme
Harel?
M. Rodrigue: Oui. M. Blouin: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. Blouin (Rousseau) comme
intervenant. Cela va. M. Roquet, s'il vous plaît.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Remarques générales M. Fernand
Lalonde
M. Lalonde: ...avant de poursuivre le témoignage de M.
Roquet, j'aurais seulement quelques observations à vous faire. Tout
d'abord, je pense que j'ai bien dit au ministre, lors de l'ajournement de
vendredi midi, que nous n'avions plus de questions, enfin que nous
étions prêts à mettre fin au témoignage de M.
Roquet. Donc, j'espère qu'il a bien compris ce que je lui ai dit et que
M. Roquet n'a pas l'impression qu'on le force à revenir ici aujourd'hui
simplement pour une ou deux questions. En ce qui nous concerne, nous
étions prêts à mettre fin à son témoignage
vendredi dernier. Peut-être que, selon les questions qui pourraient
être posées par d'autres députés, nous en aurions.
Je ne veux pas affecter le droit de chacun des parlementaires de poser les
questions qu'il croit pertinentes.
Deuxièmement, M. le Président, depuis notre ajournement,
il y a eu des événements difficiles à croire qui se sont
passés concernant la commission parlementaire, et je veux me
référer à deux déclarations du premier ministre.
L'une semble menacer l'existence et les travaux de cette commission, à
savoir que le premier ministre voudrait y mettre fin dans les plus brefs
délais. L'autre contient des insultes à l'égard des
membres de l'Opposition qui participent aux travaux de cette commission. Je
voudrais
dire tout de suite qu'on commence à être habitué un
peu au langage du premier ministre et même que c'est malheureux que les
Québécois soient obligés de tolérer un premier
ministre qui se permet d'insulter ses adversaires.
M. Duhaime: Vous commencez mal votre semaine.
M. Lalonde: II reste que cela ne nous intimide pas dans le sens
que... Mais je pense que c'est quelque chose qu'on ne peut pas laisser passer.
Nous avons, jusqu'à maintenant, fait notre travail suivant le
règlement, à la demande du premier ministre lui-même qui
nous disait, le 23 mars - et je le cite, à la page 3 du journal des
Débats du 23 mars 1983 - "Je m'engage, dès maintenant..." Et il
continue un peu plus loin: "...que tous les gens qui sont
intéressés, puissent aller à cette commission et faire la
lumière". Donc, l'engagement du premier ministre est que tous les
témoins qui sont intéressés puissent venir à cette
commission et faire la lumière. Il disait un peu plus loin: "Les
témoins - le premier ministre, M. le Président, dit "les
témoins" et non "les invités" - qui ont quelque rapport pourront
être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela dans les
meilleurs délais." Un peu plus loin, il poursuivait: "Là-dessus
non plus, je ne mens pas à la Chambre".
M. le Président, je rappelle au ministre, au cas où il
voudrait se laisser inspirer par les propos du premier ministre lors de cette
fin de semaine, que nous sommes, nous du Parti libéral,
déterminés plus que jamais à remplir le mandat qui nous a
été confié, à poursuivre le travail,
conformément aux règlements et à la loi et à tenter
de faire la lumière, avec les témoins que le gouvernement et
nous-mêmes avons demandés, et avec ceux qui pourront s'ajouter
à la liste ou être rappelés.
Quant aux insultes, M. le Président, je veux simplement vous
rappeler qu'on dit que la bouche parle de l'abondance du coeur et je laisse au
premier ministre la responsabilité de ses propos.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre a-t-il des
commentaires sur ce début de semaine?
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais dire au
député de Marguerite-Bourgeoys que, s'il a été
intimidé par ce que le premier ministre a dit en fin de semaine, il se
laisse intimider facilement. Moi, c'est drôle, mais j'ai plutôt
compris que le premier ministre souhaitait que les travaux se poursuivent avec
célérité, efficacement et rapidement, et que l'on
évite de tomber, du côté de l'Opposition libérale,
dans ce que j'ai dû moi-même arrêter à plusieurs
reprises, depuis le début de ces travaux, dans ce que j'appellerais "des
procédures inquisitoires" qui mènent je ne sais où, mais,
chose certaine, qui nous font perdre notre temps.
Cependant, je dirai que la journée d'aujourd'hui pourrait
être un test quant à cette commission. J'aurai, bien sûr,
à rencontrer mes collègues au Conseil des ministres, demain, pour
faire le point sur l'état de nos travaux et, pour que le
député de Marguerite-Bourgeoys ne se sente pas intimidé,
je veux tout simplement dire que je ne fais aucune menace. Seulement, je
rejoins plusieurs des commentaires qui ont été faits par des
observateurs de la scène politique et, en particulier, dans le quotidien
La Presse, samedi dernier, en page éditoriale, par M. Adam. Je pense
que, pour chacun des députés du Parti libéral
présents à cette commission, parce qu'on ne nous a, jamais dans
le passé, fait l'honneur d'un pareil aréopage, cela pourrait
être inspirant pour la suite des choses. Ce que je souhaiterais, M. le
Président, c'est exactement dans le sens du mandat de cette commission,
que l'opinion publique soit éclairée, mais que l'on ne le fasse
pas par des procédures de harcèlement sur des citoyens et des
citoyennes du Québec, des gens honnêtes qui siègent
à un des conseils d'administration les plus importants et qui ont
déploré eux-mêmes la façon de travailler de certains
membres de l'Opposition. Je ne leur mets aucun mot dans la bouche.
Je dis également, quant au témoignage de M. Roquet, qu'il
avait fait part à la commission, si mon souvenir est bon,
qu'après son témoignage il souhaitait faire un commentaire ou
ajouter une déclaration. Quant à moi, je n'aurai pas d'autres
questions à poser à M. Roquet. M. le Président, si vous
voulez lui donner la parole, je pense qu'il aurait une déclaration
à faire.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
à M. Roquet, j'aimerais d'abord vous dire, que à la suite de
demandes des membres de cette commission, un document vous sera
distribué qui concerne des lettres et des documents-annexes transmis par
la Société d'énergie de la Baie James à la
commission parlementaire de l'énergie et des ressources; donc, ce
document vous sera distribué tel que demandé. Est-ce que
c'était cette question, M. le député de
Brome-Missisquoi?
M. Paradis: Peut-être, M. le Président. Mais au cas
où ledit document auquel vous référez ne contiendrait pas
le compte détaillé des avocats Geoffrion et Prud'homme auquel on
se réfère à la page 222...
Le Président (M. Jolivet): Peut-être que cela
pourrait vous aider; il y a d'abord, une lettre de M. Laliberté du 18
avril 1983. En annexe A, l'extrait du procès-verbal de la réunion
du 11 décembre 1978. En annexe B, l'extrait du procès-verbal de
la réunion du 23 janvier 1979. En annexe C, l'extrait du
procès-verbal de la réunion du 30 janvier 1979. En annexe D, une
lettre de transmission du 24 janvier 1979 et un mémoire relatif à
des modifications à la déclaration de transaction. En annexe E,
la lettre de transmission du 26 janvier 1979, la proposition de
règlement du 26 janvier 1979, une opinion sur le quantum des dommages
et, en annexe F, un compte d'honoraires de Geoffrion et Prud'homme.
M. Paradis: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que cela satisfait vos
demandes?
M. Paradis: Pour l'instant.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Est-ce qu'il y a
quelqu'un qui a des questions à poser?
Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais relever un peu les propos du ministre
lorsqu'il a dit qu'aujourd'hui ce serait un test. Il met la commission à
l'épreuve. Quelles sont les conditions que l'on doit remplir pour
pouvoir obtenir le privilège de survivre au Conseil de ministres de
demain pour passer le test? En ce qui me concerne, tout en déplorant que
quelques témoins aient pu se sentir harcelés, je pense qu'on peut
affirmer que les questions qui ont été posées, de ce
côté-ci en tout cas - parce qu'on est à peu près les
seuls qui en posent - l'ont été de façon très
pertinente. Lorsqu'on a dû faire preuve d'un peu plus d'insistance,
appuyer davantage sur une question, la répéter
différemment, c'est - et je ne l'apprends pas au ministre, avocat
lui-même - l'enfance de l'art de l'interrogatoire qui veut permettre au
témoin de rafraîchir sa mémoire.
Lorsqu'on souligne des contradictions, peut-être apparentes, c'est
justement pour permettre de clarifier ces contradictions et souvent cela permet
au témoin de démontrer qu'il n'y en a pas ou que la contradiction
est apparente. Nous allons continuer, ainsi à moins que le ministre ne
vienne nous annoncer de nouvelles règles du jeu que je ne connais
pas.
Il faudrait, M. le Président, que vous nous rassuriez à
savoir que le règlement et la Loi sur l'Assemblée nationale
continuent de s'appliquer, comme vous l'avez fait avec grande sagesse depuis le
début des travaux de cette commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous dirai essentiellement, M. le
Président, que le plus difficile à supporter dans ces travaux,
c'est le verbiage inutile, le style redondant des parlementaires qui
périphrasent plutôt que de s'exprimer en termes concis. Ce sont
ces questions emberlificotées, au préambule interminable et
remplies d'incidentes qui répètent ad nauseam les mêmes
faits et précisent ceux qui l'ont été maintes et maintes
fois.
Ce que je dis, c'est effectivement un texte préparé. Je
vous ai lu un paragraphe, qui m'apparaît important, de l'éditorial
de M. Marcel Adam, de la Presse de samedi dernier. C'est dans ce sens que je
dis à mon collège de Marguerite-Bourgeoys pour qui, vous le
savez, j'ai beaucoup d'estime et de considération, que je ne voudrais
pas qu'il commence la semaine en se sentant menacé ou intimidé.
Je dis que la journée d'aujourd'hui va être un test, non pas dans
le sens qu'il l'a lui-même indiqué, mais plutôt dans le sens
que nous évaluerons si, oui ou non, l'Opposition libérale a
l'intention de faire preuve de sérieux. C'est dans ce sens que j'ai fait
ma remarque tout à l'heure et je peux dire que, pour une fois, au moins
sur ce paragraphe, je suis parfaitement d'accord avec ce qu'a écrit M.
Marcel Adam, du journal La Presse.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, si je comprends bien, ce que
le ministre me reproche, c'est un style qu'on lui connaît très
bien en réponse aux questions à l'Assemblée nationale.
Nous essaierons de ne pas l'imiter, mais que le ministre sache...
M. Duhaime: À l'Assemblée nationale? M. Lalonde:
En réponse à nos questions. M. Duhaime: À
l'Assemblée?
M. Lalonde: C'est un peu ce que vous voulez qu'on
évite.
M. Duhaime: Vous ne m'avez jamais posé une question de
votre vie.
M. Lalonde: Non, je n'ai pas le temps. Il y a seulement 45
minutes à la période des questions.
Nous allons continuer de faire notre travail sans tenir compte des
menaces et des rappels du ministre.
M. Duhaime: Franchement!
M. Lalonde: Si, quelquefois...
M. Duhaime: C'est vraiment fin!
M. Lalonde: ...aux observateurs, cela peut paraître long,
j'en conviens.
M. Duhaime: Ils me l'ont dit.
M. Lalonde: D'ailleurs, non seulement aux observateurs. M. Marcel
Adam avait, d'ailleurs, écrit la semaine précédente que le
fardeau de la preuve, à savoir qu'il n'avait pas trompé la
Chambre, reposait sur les épaules du premier ministre, maintenant; c'est
un homme très sage. Cela peut paraître long aux observateurs,
mais, lorsqu'on a un mandat aussi large que d'examiner les circonstances
entourant la décision de la SEBJ de régler hors cour pour 200 000
$ une réclamation de 32 000 000 $; lorsque le gouvernement invite des
membres du conseil d'administration devant nous qui grattent leur
mémoire pour savoir quels sont les motifs qui les ont portés soit
à voter pour ou à voter contre, c'est long. Je peux rappeler des
témoignages de simples citoyens qui n'ont naturellement pas le prestige
et l'importance des membres du conseil d'administration de la SEBJ, mais qui
sont de simples citoyens qui sont appelés à témoigner
devant nos cours tous les jours et qui, souvent, sont tenus là,
interrogés et contre-interrogés par plusieurs avocats pendant des
journées entières. L'essentiel est que la lumière soit
faite à la fin et c'est ce que nous allons continuer de faire, sans
tenir compte des caprices du ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, vous avez mentionné
tantôt que le témoin qui est devant nous aura une
déclaration à faire à la fin de son témoignage.
Loin de moi toute idée de lui enlever ce droit, mais je voudrais
seulement confirmer que, s'il y a des propos dans cette déclaration qui
peuvent soulever certaines questions, je me réserve le droit -et je
crois que mes collègues aussi se réservent ce droit - de lui
poser certaines questions sur les propos que pourrait contenir sa
déclaration à la fin de son témoignage.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Là-dessus, M. le Président, je suis
parfaitement d'accord. Je ne vois même pas pourquoi on pose la question;
cela me paraît tellement aller de soi. Cependant, que je voudrais dire
bien clairement que, lorsqu'on fait une comparaison entre les gens qui sont
appelés à venir ici apporter leur contribution et dire aux
membres de la commission parlementaire certains faits ou certaines choses dont
ils ont eu connaissance et des "témoins" devant une cour de justice,
comme le député de Marguerite-Bourgeoys vient de le faire,
à mon sens - je le dis bien modestement - il n'y a aucun
parallèle possible pour une raison très simple: ici, il n'y a
aucune accusation, il n'y a aucun chef d'accusation. Vous savez très
bien, en face de moi, qu'il n'y a aucun accusateur non plus et, par voie de
conséquence, il n'y a personne d'accusé. Nous sommes en train de
faire un examen des circonstances qui ont entouré le règlement
hors cour du saccage de la Baie-James et du rôle du bureau du premier
ministre.
J'avoue honnêtement, M. le Président, que je n'ai
peut-être pas été assez clair tout à l'heure. Je ne
sais pas si c'est cette nostalgie du barreau qu'ont certains de mes
collègues à ma gauche ou encore la tentation de se livrer
à un exercice pour rappeler leur bon souvenir à leur
clientèle d'autrefois, mais je n'entends pas agir ici comme procureur;
comprenez-moi bien. J'espère également que vous comprendrez mon
message et que si des gens honnêtes qui, de bonne foi, viennent ici
apporter leur éclairage et leur contribution aux travaux de notre
commission, se font harceler dans des contre-interrogatoires qui durent trois
heures, il est bien évident, M. le Président, qu'on se livre
à un exercice que je n'endosserai pas. Je suis prêt à
mettre au défi n'importe quel des procureurs libéraux à ma
gauche de se livrer à cet exercice de contre-interrogatoire et vous
verrez comme c'est facile de faire de la mise en boîte quand on joue sur
un calendrier de quatre ans et demi sans aucune note et sans aucun agenda dans
les mains. (10 h 30)
Le Président (M. Jolivet): J'aimerais, à la suite
de ces interventions à ma gauche et à ma droite, rappeler quand
même que la commission parlementaire est une commission parlementaire. Je
n'ai pas à tenir compte de ce qui a pu être dit à
l'extérieur par des gens qui ont pu être "témoins" de
certains événements. Mais, à cette commission, je
continuerai toujours de vous demander de les considérer comme des
invités à cette commission parlementaire, puisque ce sont des
invités. En conséquence, j'avais fait mention à deux
reprises, au début des travaux et vers le début de la semaine
dernière, que l'article 168 s'appliquait par analogie aux personnes qui
sont invitées à venir nous aider à faire en sorte que les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration soient
connues par tout le monde en tenant compte de ce qui a été
demandé à l'époque. Compte tenu de ce que j'ai dit depuis
le début, je continuerai toujours à dire que nous avons devant
nous des invités qui doivent nous aider à faire la lumière
sur l'ensemble du dossier.
En conséquence, je n'ai pas eu à dire
que M. Roquet avait une intervention finale à faire, c'est lui
qui l'a demandé à la commission. J'ai demandé s'il y avait
des personnes qui avaient d'autres questions à lui poser avant qu'on
passe à cette étape. Je crois comprendre qu'on est prêt,
sous le même serment demandé par le député de
Marguerite-Bourgeoys, à procéder. M. le député de
Rousseau.
Témoignages M. Claude Roquet (suite)
M. Blouin: Puisque nous sommes à la reprise de nos travaux
cette semaine et qu'évidemment ces travaux sont suivis par un grand
nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes, j'aimerais poser une toute
brève question à M. Roquet. Cette question revient, au fond, aux
motifs qui ont présidé à la tenue de cette commission
parlementaire, qui est de savoir si les propos qu'a tenus le premier ministre
à l'Assemblée nationale étaient conformes à ce qui
s'était effectivement passé.
M. Roquet, je vais vous relire deux paragraphes de la déclaration
de M. Lévesque le 20 janvier 1979 à l'Assemblée nationale
et j'aimerais très rapidement que vous me disiez si, compte tenu de ce
que vous savez, cette déclaration vous apparaît conforme à
ce qui s'est passé. Voici la déclaration de M. Lévesque
qui, semble-t-il, est très controversée. "En janvier de cette
année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien
informé, la Société d'énergie de la Baie James a
reçu des offres de règlement de la part de certains des
défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau...
Le Président (M. Jolivet): Une question de
règlement de la part du député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, pour s'assurer que le
député de Rousseau n'induit personne en erreur parce que les
débats sont enregistrés, je voudrais simplement signaler que la
déclaration du premier ministre dont il fait état n'est pas celle
du 20 janvier 1979, mais du 20 février 1979. Le député de
Rousseau a dit la 20 janvier. Je pense que c'est important pour ceux qui
suivent les débats.
Le Président (M. Jolivet): La rectification étant
faite, c'est donc le 20 février 1979. M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: C'est donc le 20 février 1979. Alors, je la
reprends. "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a
quelques semaines, si je suis bien informé, dit le premier ministre
à l'Assemblée nationale le 20 février, la
Société d'énergie de la Baie James a reçu
des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et,
ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir, le sentiment de celui
qui vous parle..." C'est le premier ministre qui parle. "Mon sentiment,
disait-il à l'Assemblée nationale, a été
très clair, la décision appartient forcément à
Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute
l'opération chantier, énergie, etc., et, bien sûr à
la Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui
est là comme partie. "Tout en étant bien clair là-dessus
-c'est-à-dire sur le fait que la décision leur appartient - le
demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - et je leur ai donné comme
ils le demandaient - est éminemment favorable à un
règlement."
Est-ce que cette déclaration de M. Lévesque à
l'Assemblée nationale, compte tenu de ce que vous avez vécu, vous
qui étiez près de ces événements, vous paraît
conforme à ce que vous avec vécu?
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet.
M. Roquet (Claude): M. le Président, sans avoir ce texte
devant moi, je pourrais essayer de prendre point par point les affirmations que
je viens d'entendre. Que la SEBJ ait reçu des offres de
règlement, à ma connaissance, à ce moment-là, comme
témoin, je puis dire que, oui, c'est ce dont nous avons
été informés. Que la société ait voulu
savoir le sentiment du premier ministre, c'est exact. Le conseil a pris une
décision en ce sens et une démarche a été faite par
ses représentants définis par la loi pour les rapports avec le
gouvernement. Que le premier ministre nous ait fait connaître ses
sentiments de façon très claire et qu'il était
éminemment favorable à un règlement, c'est ce que j'ai
constaté comme administrateur en écoutant le rapport du
président du conseil, M. Saulnier. L'affirmation que la décision
appartenait à la SEBJ, c'est, en effet, quelque chose que j'ai dit dans
mon témoignage, que la société se sentait saisie de cette
décision et qu'elle croyait qu'elle lui appartenait.
M. Blouin: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet, pouvez-vous
approcher votre micro, s'il vous plaît?
M. Lalonde: Avant, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...tout simplement pour compléter l'exercice
du député de Rousseau, j'aimerais vous rappeler aussi une
autre
déclaration faite par le premier ministre, le même jour, et
que je vais lire, en réponse à une question qu'un
député lui posait. La partie de la question à laquelle la
réponse s'adresse était la suivante: "Deuxièmement, est-il
exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du
premier ministre ou d'un de ses représentants, qu'une partie de cette
négociation de règlement a eu lieu?" Voici la réponse,
quelques lignes plus loin, du premier ministre: "Deuxièmement, ce n'est
pas du tout, ni de près, ni de loin, dans le bureau du premier ministre
que le règlement ou partie du règlement a eu lieu". Est-ce que
vous pouvez confirmer cette réponse du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys
demande de confirmer la réponse du premier ministre. J'ai cru comprendre
qu'elle était consignée au journal des Débats. Je ne vois
pas pourquoi M. Roquet serait appelé à dire oui ou non, ou
peut-être, ou bien etc., si c'est dans le journal des Débats. Vous
venez de lire une question et une réponse que tout le monde sait par
coeur.
M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez confirmer cette réponse
du premier ministre?
M. Roquet: Si je peux poser une question, voulez-vous dire le
contenu de la réponse ou bien que c'est là la réponse
qu'il a faite?
M. Lalonde: Non, non, non, le contenu, naturellement.
M. Roquet: Je dois vous dire, M. le Président, qu'en
répondant à la première question j'ai fait très
attention, en écoutant d'abord et en y répondant, de m'en tenir
à des faits connus par moi comme témoin à ce
moment-là. Et c'est pour cette raison que je l'ai sériée
attentivement. Dans ce cas-ci, j'ai l'impression que, l'affirmation du premier
ministre portant sur des faits qui débordent ma connaissance des
événements comme membre d'un conseil d'administration ayant
vécu une partie de ces événements, il m'est impossible de
sérier de la même façon les composantes de la question et
de répondre oui ou non à l'une ou l'autre composante.
M. Lalonde: Merci, monsieur.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez, M. Roquet,
procéder à vos commentaires.
M. Roquet: Je vous remercie, M. le Président. Ce n'est pas
une déclaration. Vous vous souviendrez qu'au départ, j'ai dit
qu'il y aurait peut-être quelques éléments qu'il me
paraîtrait utile, à la fin, d'ajouter pour clarifier ou
compléter certaines des remarques que j'aurais faites. Puisque, ce
matin, vous avez bien voulu me demander de témoigner à nouveau,
il y a quelques points qui ont fait l'objet de questions qu'on m'a
posées sur lesquels je voudrais ajouter un peu de lumière.
Un point sur lequel on m'a interrogé, c'est la question de
l'interaction, si vous voulez, entre mes attitudes et mes votes et ceux de mes
collègues, les divers administrateurs, notamment, ceux qui avaient eu
une expérience prolongée de la Baie-James, que ce soit MM. Boyd,
Giroux, Gauvreau, Monty ou Laliberté. J'ai mentionné à ce
moment-là qu'il y avait un rapport ambigu entre les débats
réels du conseil et leur traduction, toujours très partielle,
dans les résolutions du conseil, en d'autres termes, que ce
n'était pas une simple question de oui ou de non, ou de bons ou de
méchants, et que les positions n'étaient pas
nécessairement coupées à la hache entre les
administrateurs. Il s'agissait de l'interaction d'une équipe.
Je voudrais simplement porter brièvement à votre
attention, à cet égard, la signification des votes du conseil, le
6 et le 20 février. Je n'en tire aucune conclusion parce que,
précisément, les votes traduisent mal les réalités
du débat. Mais, au moment où, le 6 février, nous donnions
mandat aux procureurs d'explorer la possibilité d'un règlement
hors cour, à la condition que les défendeurs reconnaissent leur
responsabilité, qu'il y ait une somme d'argent acceptable et que les
compagnies d'assurances en prennent soin, j'ai quand même
constaté, en regardant les procès-verbaux, que cette
décision avait été prise unanimement par les membres du
conseil présents, qui étaient MM. Lucien Saulnier, Claude
Laliberté, Robert Boyd, Mme Nicolle Forget, MM. Georges Gauvreau, Roland
Giroux, Hervé Hébert, Pierre Laferrière et Claude Roquet.
Absents à cette réunion, MM. Monty et Thibaudeau.
Le 20 février, vous avez également une autre
décision cruciale qui est celle, cette fois-là, d'autoriser nos
procureurs à proposer aux procureurs des défendeurs les termes
d'un règlement, encore une fois avec certaines conditions: la
première, responsabilité reconnue; la deuxième, une somme
représentant substantiellement les frais judiciaires - on me dit,
incidemment, que ce terme, dans ce cas-là, désignait les frais
encourus vis-à-vis des procureurs et non pas les frais indirects - la
troisième, prendre soin des compagnies d'assurances. La décision,
à ce moment, comme la première, a été unanime chez
les membres présents qui étaient: MM. Lucien Saulnier, Claude
Laliberté, Robert Boyd, Mme Nicolle Forget, MM. Georges Gauvreau, Pierre
Laferrière, Guy Monty, André Thibaudeau. Étaient absents:
MM. Giroux, Hébert et Roquet.
II s'agit simplement, là, d'une situation de fait, que je ne veux
pas interpréter, mais je crois qu'elle illustre la complexité de
l'interaction entre les administrateurs et le fait que les votes, et notamment
le vote du 6 mars, qui avait lui aussi sa composition particulière, ne
rendent pas compte du fait qu'il y avait un échange très riche
entre les administrateurs et que les positions n'étaient pas
nécessairement toutes absolument pour ou absolument contre.
C'était ma première remarque sur un point sur lequel vous
avez voulu m'interroger, ici. Ma deuxième remarque est - excusez-moi -
de nature personnelle, mais elle me paraît utile. On a établi,
ici, au niveau des faits, à ma dernière comparution, que j'avais
été nommé sous-ministre adjoint au ministère de
l'Énergie et des Ressources à peu près au moment où
se réglait hors cour le différend sur le saccage de la
Baie-James. Vous me permettrez, pour éviter une interprétation
inexacte de cette conjonction d'événements, de souligner les
faits suivants: premièrement, une nomination comme sous-ministre ou
sous-ministre adjoint ne se fait pas en quelques jours. La mienne était
en voie bien avant le vote et n'avait rien à voir avec lui. Je l'affirme
et sous serment. Je n'ai pas informé le gouvernement de mon vote; il ne
s'en est pas informé auprès de moi.
Deuxièmement, bien avant toute cette question de règlement
hors cour, j'ai été sondé par de hauts fonctionnaires du
ministère des Affaires intergouvernementales, en raison de mon
expérience internationale, en vue d'assumer un poste important de
délégué général du Québec à
l'étranger. Pour un simple conseiller, il y aurait eu là un
avancement appréciable. J'ai décliné. Mon poste
présent comme sous-ministre adjoint au ministère des Affaires
intergouvernementales m'avait également été offert
à peu près un an avant que je l'accepte. Je l'avais
décliné parce que j'étais au milieu de dossiers de
l'énergie qu'il me paraissait important de poursuivre.
Finalement, dans mes présentes fonctions, j'ai été
sondé aussi en vue d'assumer quelques postes de niveau supérieur
au mien. J'ai décliné pour des raisons personnelles. Quand
même, quand j'ai quitté Ottawa, pour ce qui était des
raisons professionnelles de principe, j'étais déjà
sous-ministre adjoint d'un ministère prestigieux là-bas, vingt
fois plus gros que le ministère de l'Énergie, où j'ai
été nommé au moment du règlement de la Baie-James.
J'avais obtenu ici à Québec, par les voies de la fonction
publique et non par faveur du gouvernement, un simple poste de conseiller. (10
h 45)
Je veux tout simplement suggérer par là, M. le
Président, que ce n'est pas là le cheminement d'un homme qui
cherche à tout prix des promotions, encore moins d'un administré
qui brouillerait ou fausserait son vote pour ne pas en compromettre une.
Personne, je le souligne, n'a tiré une telle conclusion. Il me
paraissait néanmoins utile de clarifier ce point, puisqu'au niveau des
faits il a été établi et qu'il a reçu un certain
écho.
Évidemment, le fait que je sente le besoin de faire cette mise au
point souligne le problème dans lequel nous nous trouvons ici ensemble
dans la conjonction du monde des représentants élus et du monde
des administrateurs de sociétés d'État. Je m'associe ici
avec la plus grande déférence pour l'Assemblée nationale
et tous ses représentants aux remarques faites à ce sujet par
plusieurs de mes collègues administrateurs.
Finalement, M. le Président, puisque vous avez la patience de
m'entendre un peu, j'aimerais rendre hommage à mes collègues du
conseil, à leur esprit d'équipe, à leur sens des
responsabilités, à leur sens stratégique des grands
problèmes qui m'ont beaucoup impressionné pendant les
années où j'étais au conseil. Que ce soit du remarquable
président du conseil, M. Saulnier, jusqu'au dernier membre du conseil
sur la liste alphabétique, ils m'ont inspiré beaucoup de respect.
Je me dois d'exprimer ces sentiments, en particulier à l'égard du
président-directeur général de la Société
d'énergie de la Baie James, M. Claude Laliberté. Il apportait
à sa tâche une expérience diversifiée et de la
Baie-James et de la Société d'énergie de la Baie James et
d'une firme prestigieuse de génie-conseil et de la gestion globale des
politiques d'électricité en milieu gouvernemental. Chargé
à la fois des tâches d'administrateur, comme nous l'étions,
mais aussi gestionnaire de l'entreprise, il avait des responsabilités et
un fardeau particulièrement lourds, il était
particulièrement exposé. Il est donc juste qu'à titre
personnel, en tout cas, je signale que lui revient, à mon avis,
largement le mérite des résultats extraordinairement positifs de
ces longues années où il a piloté l'entreprise alors
qu'elle était au sommet de ses investissements et ses
réalisations.
Je suis à la disposition de la commission si elle souhaite me
poser des questions sur mes remarques.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président.
Alors, cette déclaration de M. Roquet, en ce qui concerne plus
particulièrement les trois points qu'il a soulevés, amène
aussi une certaine réaction de ma part, en tout cas, au sujet de
l'interaction des votes qu'il nous a expliquée en faisant valoir que,
sur certains votes, certaines personnes ont voté d'une
façon et, sur certains autres votes,
elles ont voté d'une autre façon. M. le Président,
je pense que, dans une situation semblable, on peut comprendre les
hésitations des membres, on peut comprendre qu'il soit difficile de
voter pour ou de voter contre, mais que les membres de cette commission doivent
et ont l'obligation stricte de s'en référer aux votes tels qu'ils
apparaissent aux procès-verbaux. On ne peut pas les mitiger, on ne peut
pas mitiger un vote postérieur par un vote antérieur en disant
que c'est moitié, moitié. Je pense que ce n'est sûrement
pas ce que le témoin a voulu dire, mais les votes doivent être
considérés à l'intérieur du procès-verbal de
la réunion du conseil d'administration où ils ont
été donnés. On ne peut vous soumettre, on ne peut
argumenter qu'un vote est moins pour parce qu'on a donné un vote contre
à la séance suivante ou quelque chose de semblable. Ce sont les
remarques que j'ai, tout d'abord, à faire sur ce sujet.
En ce qui concerne la mise au point faite par M. Roquet au sujet de sa
nomination quelques jours à peine après le 6 mars qui a vu le
règlement, je vous ferai remarquer - M. Roquet, d'ailleurs, l'a
souligné fort justement - que nous, de ce côté-ci, n'en
avons tiré aucune conclusion. Nous avions, comme M. Roquet l'avait
établi dès le début de sa comparution, un certain nombre
de faits qui établissaient le déroulement de sa carrière.
Nous avons prolongé ce déroulement d'une façon normale en
demandant à M. Roquet où il en était maintenant et
à quelle date il était entré dans certaines fonctions
qu'il occupait. M. le Président, je ne voudrais pas que l'intervention
de M. Roquet laisse à qui que ce soit l'impression que nous, de ce
côté-ci en tout cas, ayons fait un rapport quelconque. Nous avons
tout simplement prolongé...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Louis-Hébert. J'ai une question de
règlement du député de Chambly.
M. Tremblay: Je ne comprends tout simplement pas pourquoi
l'Opposition sent le besoin de se défendre, à la suite de la
déposition de M. Roquet.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly, ce n'est pas une question de règlement. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. C'est à la suite
de l'établissement par M. Roquet, par M. le sous-ministre lui-même
de son profil de carrière que nous avons continué ce profil de
façon à avoir une image globale, une image qui soit
complète. C'est comme cela que nous l'avons fait et c'est dans cet
esprit que nous l'avons fait.
M. le Président, les hommages - je termine là-dessus - que
rend aux membres du conseil d'administration M. Roquet sont sûrement des
hommages que lui peut considérer personnellement comme étant
mérités. C'est une opinion personnelle. En tant que membres de
cette commission, je pense qu'il est de notre devoir de ne pas porter
dès maintenant de jugement sur des actes administratifs particuliers.
Nous n'avons jamais mis en doute, de quelque façon que ce soit,
l'honnêteté de qui que ce soit. Nous n'avons pas eu à le
faire et nous n'avons pas l'intention de le faire. Cependant, nous sommes ici
pour examiner des gestes administratifs extrêmement importants et je
pense que M. Roquet peut bien avoir des idées qui lui sont personnelles
en ce qui concerne les gens avec qui il a eu l'occasion de travailler; je lui
en laisse le droit le plus complet. Cependant, je pense que nous, les membres
de cette commission, il n'est pas de notre ressort de rendre hommage à
qui que ce soit.
M. Roquet, finalement - et je termine là-dessus - s'associe
à certaines remarques qui ont été faites par d'autres
membres du conseil d'administration qui se sont sentis un petit peu
vexés, offusqués, peut-être même humiliés
d'avoir à répondre à certaines questions.
Là-dessus, je pense qu'il est important d'établir le point
suivant: c'est que la Société d'énergie de la Baie James
est une société publique et qu'en tant que telle il est possible
que les élus du peuple, qui sont les représentants des
actionnaires de ces sociétés, puissent avoir l'occasion de
demander, comme n'importe quel actionnaire peut le faire lors d'une
assemblée d'actionnaires, des comptes aux administrateurs. Je pense
qu'il n'est que sain que des gens qui, pour rendre service à la
collectivité, je suis bien prêt à le reconnaître,
acceptent de siéger au conseil d'administration d'une
société publique, sachent qu'ils n'agissent pas comme
administrateurs d'une société privée et que les
élus du peuple, les députés que nous sommes, nous avons,
si l'occasion se présente, si besoin en est, un droit de regard sur les
actes, les gestes administratifs. Nous avons ce droit fondamental. Je regrette,
mais je ne peux pas accepter de me faire faire quelque leçon que ce soit
sur la façon dont j'ai, en tant qu'élu du peuple, l'obligation de
poser les questions qui s'imposent dans des cas semblables. Qu'on vienne me
dire que, dorénavant, s'exposeront à ce genre de questions ceux
qui sont dans les conseils d'administration, je pense que, si c'était le
cas et que cela amenait les contribuables québécois,
c'est-à-dire les actionnaires véritables de ces
sociétés d'État, à être rassurés sur
la bonne gestion de nos sociétés publiques, je n'aurais pas
à m'en excuser, bien au contraire, je devrais, en
toute honnêteté, m'en féliciter.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Est-ce que je pourrais suggérer au
député de Louis-Hébert de convoquer les journalistes et
d'aller tenir sa conférence de presse à une autre table, s'il
vous plaît, de façon qu'on puisse avancer nos travaux?
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet a-t-il une
dernière intervention à faire?
M. Roquet: Non.
Le Président (M. Jolivet): Donc, M. Roquet, je vous
remercie d'être venu à cette commission. J'inviterais M. Roland
Giroux à venir à cette table et je demanderais au greffier, M.
Jean Bédard, de lui faire prêter le serment, tel que
demandé par le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Doyon: M. le Président, avec votre permission...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Le cameraman m'a signalé tout à l'heure
que je ne pouvais pas m'avancer trop facilement parce que je cachais la
caméra, parce que les témoins avaient
déménagé d'une chaise de ce côté-ci.
Une voix: Ils se rapprochent de l'Opposition.
M. Doyon: S'ils se rapprochent de l'Opposition et de la
vérité, je considère cela comme très normal.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons leur demander de
s'installer au milieu, la vertu étant au milieu.
M. Lalonde: Oh! un instant: C'est très
présomptueux, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas voulu l'employer,
comme d'autres, en latin.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: ...je voudrais seulement m'assurer que le
député de Louis-Hébert va apparaître à
l'écran quand même. Je ne voudrais pas qu'on déplace des
choses et que le député de Louis-Hébert disparaisse de
l'écran.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons donc
procéder avec - s'il vous plaît! S'il vous plaît! - M.
Bédard et M. Giroux.
M. Roland Giroux
Le greffier (M. Jean Bédard): M.
Giroux, pourriez-vous répéter après moi: Je (vos
nom et prénom) jure et déclare solennellement que je dirai toute
la vérité et rien que la vérité?
M. Giroux (Roland): Je, Roland Giroux, déclare
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux, avez-vous une
déclaration préliminaire ou si nous passons directement aux
questions?
M. Giroux: Vous pouvez passer aux questions, parce que ma voix ne
me permet pas de parler très longtemps.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: M. Giroux, je voudrais d'abord vous donner
l'assurance que mes questions seront courtes et qu'elles seront peu
nombreuses.
Je voudrais que vous disiez à la commission si vous avez en main
une copie d'un télex ou d'un télégramme dont j'ai copie
ici en main, du 23 mars 1983, adressé au premier ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Je n'ai pas la copie. Si vous voulez bien le lire?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais regarder mes notes et je vais vous en passer
une copie.
Le Président (M. Jolivet): Allez lui porter une copie. M.
Giroux, on vous apporte une copie du télégramme et M. le ministre
pourra procéder ensuite.
M. Duhaime: Pour les fins de la bonne compréhension...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...ce télégramme, M. Giroux, a
déjà été lu et déposé à
l'Assemblée nationale, mais je pense qu'il n'a pas été
déposé ici en commission, comme tel.
M. Lalonde: Le président l'a lu.
M. Duhaime: J'aimerais que vous nous en fassiez la lecture, si
vous reconnaissez, bien sûr, le texte que vous avez transmis.
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Oui. Je n'ai pas lu cette copie, parce qu'elle a
été transmise par téléphone de Miami à
Montréal et de Montréal on l'a envoyée ici. "Monsieur le
Greffier, "La présente est pour excuser M. Roland Giroux, qui est retenu
au lit pour cause de maladie. Présentement, M. Giroux est au repos
à Miami sous les soins du Dr Nestor J. Madariaca pour au moins un mois.
"Ci-après, vous trouverez copie du texte envoyé à M.
René Lévesque, la semaine dernière: J'étais contre
le règlement hors cour intervenu en 1979. Je serais encore aujourd'hui
du même avis. Je savais que vous étiez favorable à ce
règlement hors cour par M. Claude Laliberté, président de
la SEBJ. Au retour des trois membres qui sont allés vous rencontrer: M.
Boyd, M. Saulnier et M. Laliberté, M. Saulnier nous a rapporté
qu'il était de votre désir de régler hors cour. Vous ne
m'avez jamais parlé de cette affaire: vous n'avez donc pu exercer sur
moi quelques pressions que ce soit."
Je peux facilement dire que j'ai été au moins six mois
sans avoir à parler à M. Lévesque. Alors, je ne lui ai pas
parlé.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (11 heures)
M. Duhaime: M. Giroux, si je comprends bien, lors des discussions
auxquelles vous avez participé au courant des mois de janvier 1979 et de
février 1979, au conseil d'administration de la SEBJ, vous étiez
au courant et au fait que le premier ministre avait souhaité un
règlement hors cour dans ce dossier?
M. Giroux: J'avais été mis au courant. Je crois que
je devrais expliquer à la commission comment cela s'est passé. Le
matin où M. Laliberté devait annoncer cela, il a demandé
de me voir privément. C'était la première fois qu'il
recevait une demande gouvernementale et, comme j'avais déjà
été président, il m'a demandé si j'avais
déjà passé par cette chose; j'ai dû lui
répondre que, malheureusement non, je n'avais pas cette
expérience. Le gouvernement n'est jamais intervenu quand j'ai
été président d'Hydro-Québec.
Il a exposé purement et simplement que le gouvernement
désirait qu'on rencontre les gens. M. Laliberté a très
bien fait. À ce moment-là, il y a eu de nombreuses discussions.
Il ne faut pas oublier que, quand vous voyez les livres de minutes des
assemblées qui durent de 9 heures le matin à 19 heures le soir et
que vous avez quatorze pages de minutes, ce sont des résumés et
que les discussions qu'il y a entre les membres ne sont pas là. À
un moment donné, il fallait tout de même se rendre à une
évidence quelconque, à savoir ce que c'était, on n'avait
aucun chiffre.
J'ai admis qu'on pourrait procéder à l'examen de l'offre
que l'union était prête à faire. J'ai toujours
été contre le principe des règlements, à moins que
ce ne soient des règlements extrêmement justes et qu'on ait
seulement les frais d'avocat à éviter; je suis contre, parce que
j'ai perdu beaucoup de mémoire pour les gens qui ne paient pas et j'aime
mieux avoir des jugements dans mes poches, au cas où un jour ils
feraient de l'argent, que pas de jugement. C'était la seule base de
raisonnement que j'avais.
J'ai constaté qu'il y avait eu des déclarations de faites
en ce sens que cela aurait pu baisser les coûts de la Baie-James. C'est
purement hypothétique. D'abord, premièrement, les coûts de
la Baie-James ont commencé à baisser lorsque le territoire
était vierge. Au début, on ne pouvait avoir que des
soumissionnaires de l'extérieur de la province ou de l'extérieur
du pays. Alors, M. Boyd a fait plusieurs visites - je suis d'ailleurs
allé à une ou deux avec lui - où il rencontrait les
entrepreneurs du Québec. M. Boyd a mis sur pied un sytème qui
morcelait les travaux. En deux mots, au lieu de demander des soumissions pour
un travail de 150 000 000 $, il aurait demandé dix soumissions, si
c'était possible, pour des travaux de 15 000 000 $. Ces chiffres sont
absolument explicatifs. Encore là, on a rencontré pas mal de
difficultés, parce que nos entrepreneurs québécois
étaient, non pas en totalité mais en majeure partie des cas, dans
l'impossibilité de fournir des bons de garantie. On a dû
réunir les banques, avoir des assemblées privées avec
chaque banque et on a fini par convaincre les banques de nous donner les
garanties nécessaires, la Société d'énergie de la
Baie James s'engageant à ne pas laisser dépasser les travaux
au-delà des garanties. À ma connaissance, il n'y a eu aucun
problème à ce sujet.
Maintenant, si vous vous rappelez ce temps, c'est le temps où
tous les gros travaux disparaissaient, excepté les rêves d'huile
Méga, qui n'ont jamais eu lieu. Les entrepreneurs sont devenus
affamés de contrats. On a eu une procédure qui a accentué
les travaux. Pour accentuer les travaux, on a promis des bonis. Ces bonis
devaient être divisés ou partagés entre les
employés. M. Boyd pourrait vous donner les détails de cela, moi,
je ne les ai pas. Je crois que c'est cela qui a été la cause de
la stabilisation des coûts, s'il n'y a pas eu
d'augmentation radicale dans les coûts de la Baie-James.
Le règlement n'a certainement pas nui, parce que vous ne donnez
pas un cadeau de 30 000 000 $ à quelqu'un comme cela. Seulement, si on
n'avait pas eu ce modèle, la Baie-James aurait été
entièrement construite par de très bons entrepreneurs, les
entrepreneurs de l'Ouest et les entrepreneurs américains. Les
entrepreneurs canadiens - M. Boyd peut donner une liste beaucoup plus
exhaustive que moi - ont rejoint ces gens-là et ont formé des
consortiums. De ces consortiums, est venue une amélioration très
sensible. Le terrain d'absolument vierge qu'il était, est devenu un
terrain où vous pouviez travailler, où vous pouviez aller voir
où étaient les agrégats, où était la
moraine. Vous connaissiez les dépôts. Les analystes qui
travaillaient pour Hydro, les bureaux d'ingénieurs qui travaillaient
aussi pour Hydro avaient rapporté des agrégats d'un peu partout
et les gens pouvaient faire des soumissions beaucoup plus basses.
Si l'on remarque la courbe, c'est l'avance directe et la rapidité
avec lesquelles cette chose a été faite. Même s'il y avait
des bonis de donnés, ils coûtaient beaucoup plus, parce que la
charge des intérêts était énorme. À ce
moment, on avait eu l'avis que, dans les quatre ou cinq ans à venir - le
type a eu parfaitement raison - je ne le nommerai pas ici, parce que je ne veux
pas lui faire de publicité, mais c'est un des plus grands analystes en
taux d'intérêt que nous ayons eu - il disait donc que - dans ces
quatre ou cinq ans, en parlant de 1982-1983; il y aurait une hausse terrible
des taux d'intérêt.
À Hydro-Québec, on a établi de peine et de
misère un système par lequel on a essayé de se maintenir -
là je pense que c'était la Commission hydroélectrique -
avec une balance au crédit à long terme d'à peu
près 1 000 000 000 $, puis on plaçait nos fonds à court
terme à peu près pour 1 000 000 000 $ et on faisait de l'argent
là-dessus. Ce n'était pas le but. Cela l'est devenu par chance,
parce que, même si on avait perdu, le danger, une fois les travaux
entrepris et que vous êtes gelé et que vous ne pouvez pas
emprunter, vous risquez d'être obligé de ralentir les travaux, de
les suspendre et, à ce moment, cela aurait coûté une
fortune.
M. Duhaime: Maintenant, M. Giroux, je voudrais, peut-être
pour la bonne compréhension des prochaines questions qui vont suivre,
que vous nous disiez à quel moment exact vous êtes devenu membre
de la Commission hydroélectrique dans le temps, à titre de
commissaire.
M. Giroux: Je crois que c'est le 7 juillet 1966.
M. Duhaime: En 1966? M. Giroux: Pas comme
président. M. Duhaime: Comme membre. M. Giroux: Comme
membre.
M. Duhaime: Est-ce qu'à un moment vous êtes devenu
président du conseil de cette commission?
M. Giroux: Comme président du conseil, c'est en 1969.
M. Duhaime: Vous êtes devenu ce qu'il est convenu d'appeler
dans le jargon le P.-D.G., à quel moment?
M. Giroux: La commission était collégiale.
C'était un vieux système qui datait de 30 ans. Il n'y avait pas
de P.-D.G. comme tel. Naturellement, on m'appelait le P.-D.G., mais tout le
monde émettait son opinion et c'était assez rare qu'on prenait un
vote. La majorité marquait et c'était collégial. Cela
devait être changé d'année en année, mais cela n'a
pas été fait. En 1977, j'avais des choses qui étaient
assez intéressantes pour me rendre à l'âge que j'ai
aujourd'hui.
On m'a obligé d'aller voir le premier ministre et de lui demander
de considérer ma démission. Il a accepté ma
démission en me demandant de rester en poste jusqu'au mois de novembre,
parce qu'il y aurait des élections.
M. Duhaime: On parle de 1976.
M. Giroux: On parle de 1977, non, de 1976, oui. Quand M.
Lévesque et M. Parizeau sont venus me voir, eh bien! il y avait urgence.
On avait une émission à New York dans laquelle il y avait une
clause qui était assez embêtante, s'il y avait des changements
radicaux, dans leur opinion; ils pouvaient voir annuler l'émission avec
une compagnie d'assurances. Alors, il a fallu descendre d'urgence à
New-York pour ramener le marché, et on a toujours ramené le
marché d'Hydro-Québec à un niveau de réception de
la part des investisseurs pas mal plus élevé que celui de la
province. L'embêtement qu'on avait, comme financiers, c'est de dire qu'on
était garanti par la province.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Alors, cela veut dire, M. Giroux, si je vous
comprends bien, que, de 1969 à 1976, vous avez agi à titre de
président du conseil à la commission sans être pour
autant P.-D.G.?
M. Giroux: Sans être pour autant P.-D.G. à la SEBJ,
j'étais président du conseil, parce que là, c'est une
corporation à actions, et il y avait un président, M. Boyd, qui
était président-directeur général.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Oui. Maintenant, tantôt, en répondant
à l'une de mes premières questions, vous avez dit: "Quand j'ai
été président, le premier ministre n'est pas intervenu
dans les affaires d'Hydro-Québec". J'ai cru vous entendre dire cela
tantôt. Je voudrais être bien certain que c'est ce que j'ai
entendu.
M. Giroux: Oui, oui, c'est cela.
M. Duhaime: Au cours de l'année 1976, il y a eu un conflit
de travail à HydroQuébec?
M. Giroux: II y a eu un conflit de travail.
M. Duhaime: Est-ce que, au meilleur de votre souvenir, vous avez
toujours été en parfaite harmonie ou en parfait accord, soit avec
le ministre du Travail du temps, M. Cournoyer, ou encore avec le premier
ministre?
M. Giroux: Avec le ministre du Travail, on était en
parfait accord, sauf que c'est lui qui gouvernait la convention. Mais, à
ce moment-là, j'ai été absent et c'est M. Boyd qui a fait
les négociations. Ils ont signé dans la nuit, la veille des
élections.
M. Duhaime: Là, on parle des élections du 15
novembre 1976?
M. Giroux: Exactement.
M. Duhaime: Est-ce que vous avez le souvenir, M. Giroux, d'une
séance de la Commission hydroélectrique tenue au siège
social de la SEBJ à Montréal, le lundi 15 novembre 1976, à
9 h 45? Je vais demander à la commission s'il faut suspendre pour
quelques instants pour permettre de faire des photocopies de ce document pour
tous les membres de la commission et pour que vous-même vous puissiez en
prendre connaissance. Je vais simplement donner les présences: M. Roland
Giroux, président au fauteuil, M. Robert Boyd, vice-président, M.
Georges Gauvreau, commissaire, M. Paul Dozois, commissaire, M. Guy Monty,
commissaire, M. A. Demers, secrétaire.
M. le Président, avec votre permission, je pense que ce serait
important que l'on suspende pour quelques minutes et je vais demander que l'on
fasse des photocopies de ce document qu'on pourrait transmettre.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez
continuer à poser d'autres questions en attendant, quitte à
revenir?
M. Duhaime: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on va faire faire les
photocopies et on reviendra à la question.
M. le ministre.
M. Duhaime: Alors, M. Giroux, je comprends que vous
n'étiez pas présent lorsque le conseil d'administration de la
SEBJ a pris le vote dont il a été fait état dans d'autres
témoignages: six pour, trois contre et une abstention. Dans votre
sentiment à vous, quelles étaient les chances,
premièrement, d'obtenir jugement et, deuxièmement,
d'exécuter ce jugement contre les syndicats québécois
et/ou contre le syndicat américain? Autrement dit, quelles
étaient les chances d'être payé?
M. Giroux: Je crois que, à HydroQuébec, à ce
moment-là - non pas à la commission, mais à
Hydro-Québec même -toutes les opinions juridiques étaient
excessivement favorables. Il y avait un doute sur la compagnie
américaine, mais la compagnie américaine, si on le prend sur une
base d'affaires, ne se serait pas offerte à payer une partie des frais,
si elle ne s'était pas sentie coupable.
M. Duhaime: Là, vous parlez de la compagnie
d'assurances?
M. Giroux: De la compagnie d'assurances.
M. Duhaime: Moi, je vous parle des syndicats.
M. Giroux: Oui, mais le syndicat américain était
capable de payer sa compagnie.
M. Duhaime: D'accord, mais... (11 h 15)
M. Giroux: Alors, le point, c'est que, qu'il ait eu les moyens
à ce moment-là de payer ou non, je ne sais, le lendemain, s'il
aurait eu les moyens de payer. Comme je vous le disais tantôt, j'aime
mieux avoir un jugement dans mes poches. Et, c'est justement à ce
moment-là que, pour un problème extrêmement moindre,
Reynolds a obtenu un jugement de 5 000 000 $ contre la CSN. C'était
énormément moindre comme dommages. Ce n'étaient pas des
dommages
sauvages. On avait laissé sécher des cuvettes d'aluminium.
Il y a eu 5 000 000 $ de dommages et on a réglé, je crois, pour 2
800 000 $. Ce règlement avait un certain bon sens. Je crois que chacun
payait ses frais. Je ne me rappelle pas. Mais c'est à ce
moment-là que nous avons réglé pour...
Ce que je me suis toujours dit, c'est qu'on prenait 30 000 000 $
d'argent du public et qu'on le remettait aux syndicats. Ce n'était pas
Hydro-Québec qui avait fait le saccage.
M. Duhaime: Cela, je pense que tout le monde en convient. Ce que
je voudrais savoir tout simplement, c'est que vous nous disiez... Finalement,
ce que vous nous dites, c'est que vous étiez personnellement prêt
à aller devant les tribunaux, ici au Québec, et à la Cour
suprême du Canada et, s'il le fallait, devant les tribunaux
américains, dans toute la procédure en exemplification...
M. Giroux: C'était en deuxième instance, pour les
syndicats américains...
M. Duhaime: ...pour obtenir un jugement exécutoire.
M. Giroux: Mais, je crois que, du côté
américain, on avait autant de chances de gagner que la partie
américaine. Tandis que, pour le saccage à la Baie-James,
après la condamnation des gens à la prison et tout cela, je crois
qu'on avait 100% des chances de gagner.
M. Duhaime: Quel pourcentage, dites-vous?
M. Giroux: 100%.
M. Duhaime: ...contre les syndicats québécois. Mais
contre les syndicats américains?
M. Giroux: Contre les syndicats américains, on avait
50-50.
M. Duhaime: Est-ce qu'il y a eu des demandes faites au conseil
d'administration de la SEBJ? Est-ce que vous étiez convaincu ou non que
vous poursuiviez des débiteurs, c'est-à-dire les syndicats du
Québec, qui étaient dans une situation financière telle
qu'ils ne pourraient jamais rencontrer l'exécution d'un jugement?
M. Giroux: J'ai environ 50 ans d'expérience en finance.
J'ai vu des gens qui n'avaient pas un cent et que j'aurais accusés
d'être généreux - je ne sais pas qui - et qui m'ont
payé. Je ne sais pas si le syndicat aurait payé un jour ou non.
Mais, tout de même, on avait le papier.
M. Duhaime: Donc, votre opinion a toujours été
très ferme, très nette...
M. Giroux: ...très ferme.
M. Duhaime: ...et très arrêtée.
M. Giroux: Quand ont eu lieu les discussions
d'Hydro-Québec et de la SEBJ au conseil, elles se faisaient sur la
possibilité d'examiner un règlement. Ce qui a été
fait en dernier, ce n'est pas un règlement. On aurait été
mieux de le faire pour 1 $ et considérations...
M. Duhaime: Lorsqu'il a été porté à
votre connaissance, soit par M. Laliberté ou plus tard, j'imagine, par
la discussion qui a eu lieu au conseil d'administration, par MM. Saulnier, Boyd
et Laliberté, qui avaient rencontré le premier ministre, est-ce
que, à aucun moment, le souhait qu'avait manifesté le premier
ministre M. Lévesque vous a influencé de quelque manière
que ce soit?
M. Giroux: Au point de vue financier, non. Mais la raison, je ne
m'en souviens pas, je crois même que c'est moi qui ai
débloqué le débat, qu'on délègue trois
personnes pour rencontrer le premier ministre, afin de savoir ce que le
gouvernement voulait, après tout, nous étions des administrateurs
et le gouvernement était l'actionnaire à 100%. Si l'actionnaire
à 100% dit: Faites telle chose, les administrateurs n'ont qu'une chose
à faire: démissionner ou la faire.
M. Duhaime: Est-ce qu'on a en main le document dont j'ai
demandé les photocopies?
Le Président (M. Jolivet): Le document n'est pas encore
arrivé, M. le ministre.
M. Duhaime: Alors, ce serait tout, quant à moi, pour
l'instant.
Le Président (M. Jolivet): On pourra revenir...
M. Duhaime: Oui, on pourrait revenir, aussitôt que ce
document sera disponible.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. Giroux, moi aussi, je n'aurai que quelques
questions; j'espère qu'elles seront aussi brèves. Le 17 mars
1983, au bulletin de nouvelles de 22 h 30, je crois, à Radio-Canada, le
journaliste Jean Pelletier vous attribuait la déclaration suivante que
je cite de la transcription du bulletin de nouvelles: "L'accord, c'est
imposé à Hydro-Québec et c'est dans le bureau de
René Lévesque que ça c'est fait." Et M. Giroux, d'ajouter:
"Je suis prêt à
comparaître en commission parlementaire pour le dire." Vous y
êtes, on vous écoute, M. Giroux.
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Ce qui est arrivé, c'est que j'ai
demandé que trois membres aillent rencontrer M. Lévesque pour
savoir si c'était réellement le désir du gouvernement, et
M. Saulnier a fait rapport à une assemblée suivante en disant que
c'était réellement le désir du gouvernement qu'on fasse un
règlement.
M. Gratton: Selon votre conception des choses, à titre
d'administrateur, le fait que l'unique actionnaire de la société
soit le gouvernement, le fait que cet actionnaire dise: On veut un
règlement hors cour ne laissait que deux possibilités aux onze
administrateurs, soit d'endosser cela ou de démissionner.
M. Giroux: Je n'en vois pas d'autres. S'il y en a qui en
connaissent d'autres au point de vue juridique, ils le diront, moi, je n'en
connais pas.
M. Gratton: Donc, je présume que si, par exemple, la
majorité au conseil d'administration s'était prononcée
contre, comme M. Boyd, Mme Forget et M. Hébert l'ont fait, comme vous
l'auriez fait, si vous aviez été présent le 6 mars, donc,
si une majorité du conseil avait voté de cette façon, on
aurait pu assister à la démission en bloc des
administrateurs.
M. Giroux: Bien pire que cela. Le ministre responsable de la SEBJ
et d'Hydro-Québec - car la Société d'énergie est
une compagnie qui appartient à Hydro-Québec, c'est une filiale -
pouvait demander une assemblée d'actionnaires et, par une telle
assemblée spéciale, présenter tout un nouveau "slate"
d'officiers, et cela finit là. Cela se fait, je l'ai vu faire dans bien
des compagnies.
M. Gratton: M. Giroux, le 23 mars, vous étiez en Floride,
vous avez fait parvenir au premier ministre le télégramme que
vous avez lu tantôt. À qui en avez-vous parlé avant
d'envoyer ce télégramme?
M. Giroux: J'ai lu dans le journal que j'avais eu des
conversations et que les gens avaient eu des conversations, alors j'ai cru bon
d'envoyer un télégramme par ma secrétaire.
Premièrement, je ne pouvais pas assister à la séance,
parce que mon médecin me l'avait défendu, j'étais au lit.
Comme question de fait, je n'ai pas encore la permission de venir ici
aujourd'hui, j'ai demandé au ministre de remettre l'audition à
mardi, parce que j'ai des traitements seulement ce soir. Ce qui arrive, c'est
que j'ai cru en toute justice que d'envoyer ce télégramme
était l'action exacte qui s'imposait. À ce moment, je vous le
jure, je ne croyais jamais pouvoir venir assister à la commission
parlementaire. Le point important de ce télégramme, le fait que
j'étais contre, tout le monde le savait, le fait que M. Lévesque
n'était jamais intervenu, je croyais que c'était important, j'ai
donc envoyé le télégramme.
M. Gratton: Avant d'envoyer le télégramme, vous
n'avez pas eu de conversation avec qui que ce soit, par exemple avec le premier
ministre? Sûrement pas?
M. Giroux: Non. J'ai vu un accusé de réception dans
le journal.
M. Gratton: Non, mais avant d'envoyer le
télégramme?
M. Giroux: Non, non.
M. Gratton: Vous n'avez pas parlé à Jean-Roch
Boivin, à Yves Gauthier et à ces gens?
M. Giroux: Non.
M. Gratton: Vous dites dans votre télégramme, en
fait on pourrait même reprendre les deux premiers paragraphes:
"J'étais contre le règlement hors cour intervenu en 1979", vous
avez expliqué pourquoi et, "Je serais encore aujourd'hui du même
avis". Au 5e paragraphe, vous dites: "Vous ne m'avez jamais parlé - en
parlant au premier ministre - de cette affaire, vous n'avez donc pu exercer sur
moi quelque pression que ce soit".
M. Giroux: Oui.
M. Gratton: Est-ce qu'à votre connaissance, en aucun
temps, en 1978 ou en 1979, des pressions ont pu être exercées sur
d'autres membres du conseil d'administration?
M. Giroux: II y a quelqu'un qui avait exprimé un
désir qu'on négocie à M. Laliberté. Il est venu me
voir à l'assemblée pour savoir comment on le présenterait
à l'assemblée. Alors, je lui ai dit qu'il y a des gens à
Québec, au gouvernement, je ne savais pas qui, qui désiraient
qu'on fasse une négociation.
Le principe de la négociation, si elle est faite à partir
de montants raisonnables, peut-être que j'aurais changé
d'avis.
M. Gratton: Vous-même, personnelle-
ment, à quel moment avez-vous appris qu'il était du
désir du premier ministre et de son bureau de régler hors
cour?
M. Giroux: À ce moment, on a suggéré...
D'ailleurs, il y avait un manque au point de vue de la Loi sur
l'Hydro-Québec et quant au "Chairman of Board".
Le Président (M. Jolivet): Président du
conseil.
M. Giroux: Le président du conseil était l'officier
officiel des communications entre le gouvernement, Hydro-Québec et la
Société d'énergie de la Baie James. Donc, les membres ont
tous été d'accord là-dessus pour qu'on
délègue trois membre, MM. Saulnier, Boyd et Laliberté pour
voir le premier ministre pour bien voir si c'était son désir.
M. Gratton: Avant de se rendre là, vous dites qu'il y
avait un manque dans la Loi sur l'Hydro-Québec, mais je pense qu'on
l'avait corrigé au moment de l'adoption de la loi 41, en juin 1978,
auquel moment on a spécifié très exactement dans la loi
que le directeur, le P.-D.G. de la société, devenait
l'intervenant ou, en fait, était le point de contact du gouvernement
s'il devait y en avoir un.
M. Giroux: Peut-être qu'il a été
spécifié dans la loi, je ne pourrais pas vous le dire. Seulement,
le point de contact d'Hydro et de... a toujours été, selon ma
mémoire, M. Saulnier.
M. Gratton: Donc...
M. Giroux: M. Saulnier a toujours été, selon moi,
le contact officiel.
M. Gratton: Est-ce que c'est M. Saulnier qui vous a parlé
le premier du désir...
M. Giroux: Non, c'est M. Laliberté.
M. Gratton: Est-ce que...
M. Giroux: Avant l'assemblée.
M. Gratton: Avant l'assemblée du 30 janvier?
M. Giroux: Avant la première assemblée à
laquelle il en a parlé.
M. Gratton: Je comprends que vous ne puissiez pas vous souvenir
en détail, mais est-ce qu'on pourrait établir si c'était,
par exemple, le 30 janvier?
M. Giroux: Disons qu'il n'avait jamais été question
de cela officiellement, ni à
Hydro ni à la Société d'énergie de la
Baie
James, avant cette démarche que M. Laliberté a faite.
M. Gratton: Où vous avez suggéré qu'il y ait
une rencontre avec le premier ministre?
M. Giroux: J'ai suggéré...
M. Gratton: Donc, c'était probablement, soit le 23 janvier
ou le 30 janvier. Mais vous dites qu'il n'y avait jamais rien eu d'officiel.
Est-ce qu'il y avait eu des discussions non officielles?
M. Giroux: Pas à ma connaissance.
M. Gratton: M. Laliberté ne vous en a jamais
parlé?
M. Giroux: II faut dire que j'étais très peu
souvent à Montréal, à cette époque, et j'avais
demandé d'être relevé des assemblées d'Hydro, non
pas parce que je n'aimais pas cela, mais les assemblées
débutaient à 9 heures et se terminaient à 17 heures, ce
que ma santé ne me permettait pas.
M. Gratton: À votre souvenir, M. Laliberté ne vous
a jamais parlé...
M. Giroux: Non, il ne m'a jamais tenu au courant et il n'avait
aucune raison de le faire non plus.
M. Gratton: Vous ne saviez pas, par exemple, qu'il avait
rencontré, le 3 janvier, M. Jean-Roch Boivin, lequel lui avait
formulé le souhait du premier ministre?
M. Giroux: ...
M. Gratton: Est-ce que vous pourriez répondre par oui ou
non, M. Giroux, parce que, au journal des Débats, ils n'enregistrent pas
les signes de tête.
M. Giroux: Ah bon! Je m'excuse auprès du journal des
Débats. Je n'ai eu aucune conversation avec M. Laliberté avant
cette date à ce sujet.
M. Gratton: Avec M. Boyd, par exemple, est-ce que vous avez eu
l'occasion d'en discuter?
M. Giroux: Non plus.
M. Gratton: Vous n'avez jamais eu connaissance, vous n'avez
jamais été informé qu'il y avait eu d'autres pressions sur
M. Boyd, par exemple, autres que celles du gouvernement qui disait: On veut un
règlement hors cour.
M. Giroux: Non. D'abord, il faut bien connaître M. Boyd. M.
Boyd est un type qui, s'il avait eu des pressions, n'en aurait parlé
à personne, premièrement. C'est un type très secret.
Deuxièmement, il n'avait aucune raison de m'en parler. (11 h 30)
M. Gratton: Lorsque vous disiez tantôt - parce que j'essaie
de préciser le plus possible à quel moment M. Saulnier vous a
parlé, la première fois, du désir du premier ministre de
voir la chose se régler hors cour - que c'était avant la
première réunion où il vous a parlé de cela, est-ce
que c'était à la réunion où M. Laliberté a
fait et où vous aviez...? Je présume qu'il fallait que ce soit
avant le 1er février puisque c'est à cette même
réunion que vous avez suggéré qu'il y ait une
rencontre.
M. Giroux: La suggestion de la rencontre est peut-être
venue comme un règlement. Il y a peut-être eu des discussions sur
les sujets de règlement et des possibilités, mais disons que les
discussions réelles sur le règlement avec les unions ont eu lieu
avec le consentement d'Hydro-Québec, naturellement, après la
visite de M. Saulnier.
M. Gratton: De quelle façon M. Saulnier... et je
présume qu'il a fait rapport dès la première
réunion après le 1er février?
M. Giroux: M. Saulnier a fait rapport qu'il avait
rencontré le premier ministre avec ses deux compagnons et que le premier
ministre était très favorable à un règlement.
M. Gratton: Est-ce qu'il a fait état d'une insistance
quelconque que le premier ministre aurait manifestée?
M. Giroux: Pas à ma connaissance.
M. Gratton: Dans le fond, vous teniez pour acquis que si le
gouvernement voulait cela, c'est que...
M. Giroux: C'est que, le changement étant fait,
c'était une compagnie. Alors, si le gouvernement veut une chose dans une
compagnie, et que le bureau de direction s'oppose, il a totalement le droit de
s'opposer, il a deux possibilités: démissionner - cela ne me
donnait rien de démissionner parce que je m'en allais d'une façon
ou de l'autre - ou le gouvernement peut appeler une assemblée
spéciale des actionnaires. Il présente un autre "slate" tout
à fait complet, ou le même moins un, ou... C'est administré
exactement comme une compagnie.
M. Gratton: Dans un autre ordre d'idées, M. Giroux, au
cours des travaux de cette commission depuis quelques semaines, on a appris
qu'en janvier et février 1979, c'est-à-dire au moment où
le procès était en cours, il y a eu un va-et-vient continuel des
procureurs des syndicats aussi bien que des procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James, entre le bureau du
premier ministre et la cour. À cette époque, étiez-vous au
courant de ce...?
M. Giroux: Absolument pas.
M. Gratton: On a également établi ici à la
commission, la semaine dernière, qu'à la demande de M. Claude
Laliberté, les procureurs de la Société d'énergie
de la Baie James, Mes Geoffrion et Prud'homme, ont préparé en
date du 18 janvier 1979, un projet de règlement hors cour,
étiez-vous à l'époque au courant de cela?
M. Giroux: Non.
M. Gratton: Non. À votre connaissance, est-ce... Pardon?
Je n'ai pas compris la réponse.
M. Giroux: Non, je n'étais pas au courant.
M. Gratton: À votre connaissance, après le 18
janvier ou même avant, mais je présume... Je ne présume de
rien, en fait. Est-ce que vous avez eu connaissance, du moment où M.
Laliberté a informé, s'il l'a fait, le conseil d'administration
qu'il avait mandaté les procureurs de préparer ce
règlement hors cour?
M. Giroux: Normalement, il aurait dû parce qu'il n'est pas
procureur.
M. Gratton: Mais à votre connaissance, il ne l'a pas
fait?
M. Giroux: II n'a pas d'affaire à me le montrer non
plus.
M. Gratton: Avez-vous pris connaissance vous-même de ce
document du 18 janvier de Mes Geoffrions et Prud'homme, toujours pour le
journal des Débats?
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux. M. Gratton:
La réponse est non? M. Giroux: C'est non.
M. Gratton: Monsieur, moi non plus je ne suis pas habitué
à cela, c'est pour cela que je ne vous le demande pas à chaque
fois.
M. Giroux, je terminerai là-dessus, vous avez dit tantôt,
en réponse à des questions que le ministre vous a posées,
que, selon
vous, la société avait, à l'époque, 100% des
chances de gagner sa cause contre les syndicats québécois. Ai-je
bien compris? Vous faites signe que oui?
M. Giroux: J'ai très bien compris. C'est mon opinion,
après avoir lu l'opinion des avocats et des procureurs
d'Hydro-Québec, qu'il y avait de fortes chances, surtout que le jugement
contre la CSN venait juste de sortir dans une affaire absolument mineure
comparée au saccage de la Baie-James.
M. Gratton: Cela, c'est le jugement dans le cas de Reynolds?
M. Giroux: Reynolds.
M. Gratton: Du 6 février, je pense. Vous avez dit - je
voudrais que vous me corrigiez si j'ai mal compris, parce que je l'ai pris en
note rapidement - que ce qui a été fait en dernier,
c'est-à-dire le règlement hors cour pour 200 000 $, selon vous,
n'était pas un règlement, qu'on aurait mieux fait de
régler pour 1 $. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Giroux: Quant à régler hors cour, on aurait pu
régler pour un montant raisonnable. On a réglé pour un
montant non raisonnable. Je ne sais pas si je me serais opposé ou non.
Cela dépend du montant. Un règlement qui ne donne rien ne vaut
rien.
M. Gratton: Selon vous, quel aurait été un montant
raisonnable qui vous aurait apparu, à vous, acceptable dans les
circonstances?
M. Giroux: Quelque chose de plus de 20 000 000 $.
M. Gratton: Vous dites 20 000 000 $?
M. Giroux: 20 000 000 $, parce qu'il ne faut pas oublier que
c'est la population qui perd cela.
M. Gratton: Nous, on ne l'oublie pas, M. Giroux, on est ici
justement pour cela.
M. Giroux: Moi, c'était dans mon mandat de protéger
l'argent de la population. Pour nos financements, il fallait rencontrer tous
les ans le gouvernement pour avoir des augmentations de tarif. Je
n'étais pas favorable au fait de laisser aller une réclamation
comme cela et de demander une augmentation de tarif.
M. Gratton: Les arguments disant que les syndicats
québécois, s'ils avaient été condamnés,
n'auraient peut-être pas eu la capacité de payer ne vous
inquiétaient pas?
M. Giroux: On n'aurait pas exigé le paiement
immédiatement. Le jugement serait peut-être encore dans le tiroir.
Il prenait de la valeur tous les ans, c'est comme un bon vin.
M. Gratton: Je vous remercie beaucoup, M. Giroux.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, j'ai fait distribuer une
copie du procès-verbal de la commission hydroélectrique du 15
novembre 1976. Est-ce que vous en avez une copie en main M. Giroux?
M. Giroux: Oui, j'en ai une.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on examine les
procès-verbaux de la commission hydroélectrique de Québec
de 1925 à 1983, mais j'aimerais que le ministre établisse la
pertinence de ce document qui a trait à un règlement d'un conflit
syndical à Hydro-Québec en novembre 1976, qu'il établisse
la pertinence avec le mandat - M. le Président, c'est à vous que
je pose la question - que nous avons d'examiner les circonstances entourant le
règlement hors cour de la réclamation de 32 000 000 $.
Le Président (M. Jolivet): De la même façon,
avant que le ministre ne réponde, que j'avais soumis respectueusement
aux membres de cette commission, à la suite d'une demande de question de
règlement pour le député de Brome-Missisquoi ne sachant
pas où il voulait aller, mais sachant qu'il veut faire la lumière
sur l'ensemble de ce qui est prévu par le mandat, je lui avais permis de
poser ses questions - il s'en souviendra - en tenant compte d'une chose, c'est
qu'il arrive le plus rapidement qu'il lui est permis d'y arriver à
l'objet de notre mandat. Donc, si le ministre veut répondre à la
question posée par le député de Marguerite-Bourgeoys avant
de continuer.
M. Duhaime: Toujours sur la question de règlement, M. le
Président, la première chose que je dirai, c'est que, lorsqu'on
parle du 15 novembre 1976, peut-être que c'est une date qui agace un peu
ceux assis à votre gauche, mais je voudrais tout simplement dire
que...
M. Lalonde: Un date qui agace de plus en plus les
Québécois.
M. Duhaime: ...à ce moment-là, les
procédures étaient intentées dans ce dossier.
Deuxièmement, je voudrais, avec cette séance, la 1870ième
séance de la commission hydroélectrique tenue le 15 novembre
1976, faire préciser à M. Giroux, ce qu'il a lui-même
affirmé tout à l'heure, que selon ce que j'ai entendu lorsqu'il
était président du conseil, le premier ministre du Québec
n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec.
Cette résolution qui est devant nous a été
adoptée. Il y a quatre conclusions et des "considérants" qui sont
très intéressants. J'ajouterais aussi, M. le Président,
que mes questions à M. Giroux iront dans le même sens que celles
que j'ai adressées, il y a plusieurs jours, et c'est rapporté au
journal des Débats aux pages CI-304 et CI-305. J'ai posé une
question à M. Gauvreau et je vais simplement lire sa réponse.
La question que je lui ai posée est celle-ci: "Vous donnerez des
détails, si vous le souhaitez, M. Gauvreau, mais la seule que je
voudrais vous demander, c'est ceci: Est-ce que, dans votre cas à vous,
cette démarche constituait un précédent?" On
référait, à ce moment, à la démarche faite
par les trois membres du conseil d'administration qui demandaient un
rendez-vous au premier ministre pour connaître son point de vue.
La réponse de M. Gauvreau est la suivante: "Sous cette forme,
c'était un précédent. Mais, vous savez, j'ai
siégé au conseil d'Hydro-Québec sous cinq premiers
ministres et sous sept ministres des Richesses naturelles. Des échanges
de points de vue, des interventions, des suggestions, des
téléphones, il y en a eu sans fin sous tous les gouvernements, et
de conséquences aussi lourdes et même beaucoup plus lourdes pour
Hydro-Québec que dans ce cas-là."
C'est avec la réponse que faisait, tout à l'heure, M.
Giroux et avec la réponse que donnait M. Gauvreau, avec cette
résolution qui a été acceptée que je voudrais
continuer de poser des questions qui sont...
M. Lalonde: ...j'aurais une question de règlement, M. le
Président.
M. Duhaime: ...peut-être moins pertinentes...
Le Président (M. Jolivet): ...excusez, M. le
ministre...
M. Duhaime: ...à la seconde même où je les
exprime, mais qui seront très pertinentes...
Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre...
M. Duhaime: ...dans deux minutes, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Je voudrais simplement demander au ministre s'il
pourrait permettre à la commission, c'est-à-dire à tous
les membres de la commission d'avoir accès à ces documents. Nous
avons, tout à coup, devant nous, un procès-verbal d'une
séance de la commission hydroélectrique du lundi 15 novembre 1976
à 9 h 45. Je ne sais pas si le ministre a, dans ses archives tous les
procès-verbaux d'Hydro-Québec d'autrefois et de maintenant. Les
procès-verbaux de la SEBJ depuis le début de son existence. Si le
ministre peut utiliser à sa guise un procès-verbal ou l'autre qui
fait son affaire, il me semble qu'à ce moment ce n'est pas une
façon de procéder pour la commission.
Ce serait à la commission de décider quels sont les
documents pertinents. Il nous arrive avec un procès-verbal. Je peux bien
laisser le ministre poser la question à M. Giroux. M. Giroux prendra la
responsabilité de sa réponse. Je me demande comment les travaux
de la commission pourraient se dérouler de façon ordonnée
si le ministre peut lui-même, et seul parmi tous les membres de cette
commission, avoir accès à des documents qui pourraient
éclairer la commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je crois avoir fait
distribuer, tout à l'heure, copie du procès-verbal de cette
réunion. Je l'ai fait parce qu'il m'apparait important d'établir
un point très précis. Je suis même prêt à
distribuer une lettre qui porte la date du 13 octobre 1976 au bureau du
président d'Hydro-Québec adressée à l'honorable
Robert Bourassa, premier ministre, et qui est signée par le
président, M. Roland Giroux, pour que tout le monde puisse en prendre
connaissance. J'ai dit exactement où mes questions porteraient. Cela
m'apparaît tout à fait pertinent de pouvoir continuer.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. (11 h 45)
M. Lalonde: M. le ministre n'a peut-être pas compris la
portée de mon intervention. Je lui demanderais de répondre s'il
le veut bien. J'aimerais qu'il nous dise pourquoi il ne permet pas à
tous les membres de la commission d'avoir accès à tous les
documents? Non seulement il nous présente un document qui, semble-t-il,
d'après le dernier paragraphe, n'est même qu'une partie du
procès-verbal, la partie qui fait l'affaire du ministre et qui ne
contient pas tout le procès-verbal. Il n'y a pas de
vote, il n'y a pas de signature du secrétaire. On ne sait
même pas - et cela, c'est tout à fait injuste à
l'égard du témoin - s'il peut reconnaître la
1870ième réunion? Il ne voit pas de signature du
secrétaire. Il ne peut pas reconnaître si c'est réellement
le procès-verbal qui a été signé, à ce
moment-là, par le secrétaire de la commission
hydroélectrique. Il me semble que ce n'est pas une façon de
procéder. C'est tout à fait irrégulier à
l'égard du témoin que le ministre nous reprochait, à nous,
députés libéraux, de harceler alors que nous n'avons que
les documents qu'on nous donne. Et lui-même va ramasser un
procès-verbal d'une réunion qui date d'à peu près
sept ans. Il coupe le procès-verbal là où ça lui
plaît; il enlève les signatures qui permettraient au témoin
de l'identifier. Et là, il nous sort une autre lettre. Est-ce que vous
allez la faire distribuer? Est-ce que vous allez nous donner cela au
compte-gouttes ou si, honnêtement, vous n'allez pas permettre aux membres
de la commission de prendre connaissance de tous les documents?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'on fait une bien
longue histoire avec pas grand-chose, si vous voulez mon sentiment. Je peux
faire vérifier s'il y a une attestation. Mais je puis vous assurer que
je n'ai rien enlevé nulle part, au contraire. La pertinence de ma
question est simple. Je pars d'une affirmation qu'a faite, tout à
l'heure, M. Giroux à savoir que, à l'époque où il
était président du conseil, le premier ministre du Québec
n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Je
pense qu'il est important, pour la bonne compréhension des
événements, que la commission sache que, dans au moins un cas,
à mon sens très important, non seulement le premier ministre, M.
Bourassa, est-il intervenu, mais il a imposé sa décision.
C'était en novembre 1976. Et je comprends le député de
Marguerite-Bourgeoys de vouloir s'opposer. C'est son droit. Mais, moi, M. le
Président, je vais tout simplement vous demander de pouvoir continuer et
M. Giroux nous dira ce qu'il en est.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aimerais que le ministre réponde à la
question que je lui ai posée, à savoir où est la
signature, où est l'attestation du secrétaire sur ce
procès-verbal? Et, deuxièmement, en ce qui concerne
l'intervention apparente de l'ancien premier ministre, M. Bourassa, je ne sache
pas qu'il ait été accusé d'avoir trompé
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je ne vois vraiment pas
pourquoi le député de Marguerite-Bourgeoys s'oppose. Je suis
absolument convaincu que les événements de 1976 sont frais
à la mémoire de M. Giroux. Je ne suis pas ici pour mettre
quiconque dans l'embarras. Et j'ai demandé qu'on fasse la
vérification tout de suite, à savoir si les deux pages d'une
résolution adoptée le 15 novembre 1976, à la commission
hydroélectrique, constituent le procès-verbal complet de cette
réunion. Si ce n'était pas le cas, je peux dire tout de suite au
député de Marguerite-Bourgeoys qu'on va faire le
nécessaire pour que tout le procès-verbal de la réunion du
15 novembre 1976 soit disponible pour les membres de la commission.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le
ministre va terminer et ensuite M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: Deuxièmement, je me demande pourquoi le
député de Marguerite-Bourgeoys s'oppose au fait que je veuille
vérifier avec M. Giroux la démarche qui a été faite
par trois membres du conseil d'administration - à la suggestion de M.
Giroux, si j'ai bien compris - pour connaître le souhait du premier
ministre en ce qui a trait au règlement hors cour. M. Gauvreau nous a
dit que, pour lui, ce n'était pas quelque chose d'anormal, qu'il y en a
eu beaucoup, sous cinq premiers ministres, sous sept ministres des Richesses
naturelles. Je veux simplement vérifier avec M. Giroux, à
l'époque où il était président du conseil, si sa
mémoire aujourd'hui peut nous éclairer à savoir que c'est
une première, une deuxième, une troisième ou une
quatrième, ou s'il s'agit vraiment d'un précédent. C'est
essentiellement là, M. le Président, le sens des questions que je
voudrais poser. Cela m'apparaît tout à fait pertinent.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais quand même rappeler au ministre que
ce qui me préoccupe, c'est de permettre à la commission d'avoir
accès à tous les documents, que lui-même dit pertinents. Je
suis prêt à prendre sa parole, sous condition d'une
vérification ultérieure. Je lui
rappellerai que tous les extraits de procès-verbaux de la SEBJ
qui nous ont été soumis par la SEBJ comportent la certification
du secrétaire pour bien l'identifier. Nous avons pris la parole et la
signature. Nous avons pris ces documents à leur face même. On peut
s'y référer comme à un document officiel, un document dont
on a fait preuve. Ici, nous avons deux feuilles sans signature. Est-ce que le
ministre pourrait permettre au témoin d'identifier ce
procès-verbal avec la certification du secrétaire?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je n'ai aucune espèce d'objection
là-dessus, M. le Président. Comment tenait-on les
procès-verbaux à la commission hydroélectrique, en 1976?
Je tiens pour acquis que le document, qui m'a été fourni,
reflète bien le procès-verbal. Mais, encore là, je vous
répète essentiellement que je fais faire une
vérification.
Je peux poser mes questions à M. Giroux, M. le Président,
en dehors de cette résolution qu'on pourra déposer plus tard, si
cela peut satisfaire le député de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Giroux, je voudrais revenir essentiellement
à l'affirmation que vous faisiez tout à l'heure, selon laquelle,
à l'époque où vous étiez président du
conseil, le premier ministre du Québec, que ce soit M. Bourassa, M.
Lévesque ou d'autres, n'était pas intervenu dans les affaires
d'Hydro-Québec. Tout le monde sait qu'il y avait un conflit de travail
en 1976, que ce conflit s'est réglé. Je voudrais que vous nous
disiez, au meilleur de votre souvenir, comment cela s'est réglé
finalement?
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Si j'ai bonne mémoire, j'ai
démissionné en juillet 1976. Je n'étais là que par
intérim. Aux assemblées fixées pour le 28 décembre
et le 4 janvier 1977, je doute fort y avoir été présent.
Pour ce qui est du conflit syndical, M. Cournoyer a convoqué les parties
comme un arbitre, mais jamais le premier ministre.
M. Cournoyer a aussi convoqué les deux conseillers qui
étaient MM. Jean-Claude Lebel et Richard Drouin, au bureau de la rue
Crémazie, qui était le bureau du ministère du Travail. Il
a dit: "Ma recommandation sera cela." Vous savez que, pour avoir un
arrêté en conseil, cela prend la recommandation du ministre ou du
sous-ministre. Alors, que sa recommandation soit cela, qu'il ait dit que M.
Bourassa exigeait cela ou ne l'exigeait pas, je ne le sais pas. Mais les
recommandations de M. Cournoyer étaient faites de façon... Je me
rappelle fort bien que M. Boyd m'appelait pour me tenir au courant des
démarches qu'il y avait et que le dimanche soir, ils ont
décidé de signer la convention par peur des élections.
M. Duhaime: Au meilleur de votre souvenir, il n'y a donc jamais
eu de réunion qui aurait été tenue le 8 novembre 1976, en
présence du premier ministre, M. Bourassa, pour parler du
règlement du conflit de travail, suivie, subséquemment, le 15
novembre 1976, à la commission hydroélectrique, d'une
réunion, à laquelle vous assistiez, pour accepter le désir
du premier ministre.
M. Giroux: II a pu y avoir une réunion où M.
Bourassa posait énormément de questions d'information. Il
s'informait. Mais le règlement d'Hydro-Québec, les
recommandations ont été faites par M. Jean Cournoyer et non pas
par M. Bourassa.
M. Duhaime: Au sujet de ce conflit, M. Giroux, est-ce que vous
avez le souvenir d'avoir communiqué directement avec le premier
ministre, M. Robert Bourassa, alors que vous étiez président du
conseil, plus précisément le 13 octobre 1976, par lettre, pour
lui manifester votre...
M. Giroux: Je peux vous dire que ces choses.. Il avait
nommé deux personnes et ces gars-là ne pouvaient pas dire un
mot.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais faire distribuer,
pour la bonne compréhension des événements, une lettre
photocopiée, signée par M. Giroux et adressée à
l'honorable Robert Bourassa, portant la date du 13 octobre 1976 pour que tous
les membres de la commission puissent en prendre connaissance. Voulez-vous en
transmettre une, s'il vous plaît, à M. Giroux?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous
reprenez.
M. Duhaime: Je peux peut-être laisser quelques minutes
à M. Giroux pour qu'il prenne connaissance de ce document parce que je
veux être bien certain qu'on va pouvoir l'identifier et aussi lui donner
l'occasion de se rappeler des vieux souvenirs, j'imagine bien.
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Comme je l'expliquais à M. Bourassa, les
objections d'Hydro-Québec contre le plan qui avait été
proposé, ce
règlement n'est pas une demande qu'Hydro-Québec a faite
à M. Cournoyer, ce sont les objections qu'on avait. À ce moment,
je lui ai peut-être parlé au téléphone. On n'a
jamais fait de délégation à trois.
M. Duhaime: Effectivement, vous reconnaissez, M. Giroux,
qu'à première vue, sous réserve que l'original de cette
lettre soit déposé devant la commission, est-ce que vous avez
souvenir d'avoir fait rédiger et fait transmettre, sous votre signature,
cette lettre au premier ministre du Québec, dans le temps, M.
Bourassa?
M. Giroux: C'est ma signature.
M. Duhaime: Maintenant, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Giroux.
M. Giroux: Si vous le permettez, M. le Président, il y a
peut-être un mot d'explication. Je ne me rappelle pas de quel article il
s'agit - peut-être que M. Boyd s'en rappellera parce qu'il a une bien
meilleure mémoire que moi - mais il y avait un article dans ceci qui
disait: "Au moins qu'il y ait les mêmes règlements à
Québec." On a une personne, par exemple, qui a 28 ans de services et on
a un poste ouvert en droit; elle a le droit de postuler pour obtenir le poste
et on a 90 jours pour la qualifier. Il faut aller vite en maudit pour qualifier
un avocat en 90 jours.
M. Duhaime: Oui.
Si vous permettez, M. Giroux...
M. Giroux: Et il n'y a pas d'examens. C'est à des choses
comme celles-là qu'on s'opposait.
M. Duhaime: Oui. On pourrait, pour la bonne compréhension,
à la page 2 de votre lettre, au centre de la page, au paragraphe qui est
pertinent à notre échange de ce matin: "De nouveau, la nouvelle
est parvenue à la commission - donc à la commission
hydroélectrique - que les syndicats étaient intransigeants et
qu'ils exigeaient l'adoption intégrale du rapport du ministre. Afin
d'éviter les conséquences désastreuses pour tous les
abonnés, la commission se rend à la limite des concessions
qu'elle peut faire et accepte toutes les recommandations du ministre, sauf les
quatre articles suivants: Système d'évaluation des emplois de
métier, opérateurs maisons neuves (métiers), article 19,
ancienneté, article 19 plan de carrière (techniciens). (12
heures) "La commission a été informée hier soir que MM.
Lebel, Laporte et Drouin avaient suggéré que les clauses
normatives seraient applicables jusqu'au 31 décembre 1978 mais que les
clauses monétaires se termineraient le 31 décembre 1977 et que
ces clauses seraient négociables au cours de l'année 1978 et pour
cette année seulement. La commission accepte cette proposition à
la condition expresse qu'elle remplace les articles du rapport du ministre
permettant la renégociation des clauses salariales en cas d'abandon des
lois provinciales et fédérales anti-inflation ainsi que
l'augmentation de 6% à compter du 15 octobre 1978. "De plus, la
commission propose une forme finale de protocole de retour au travail
attachée en annexe au présent document. "Si le gouvernement ne
partage pas les vues de la commission et, étant donné qu'il
assume devant les citoyens de la province la responsabilité des
politiques de ses organismes et s'il croit que la commission doive accepter
intégralement les recommandations de M. Jean Cournoyer, qu'il en avise
la commission et celle-ci donnera suite à ce voeu. "La commission a
adressé une lettre à chaque syndicat leur demandant d'accepter de
négocier certains articles. La commission apprécierait que vous
appuyiez de tout votre prestige cette demande aux syndicats. "Veuillez
accepter, M. le premier ministre, l'assurance de mes sentiments
distingués."
Je voudrais, M. le Président, maintenant que j'ai fait lecture de
cette lettre du 13 octobre 1976 de M. Giroux au premier ministre, sous
réserve de déposer l'original du procès-verbal de la
séance de la Commission hydroélectrique de Québec tenue au
siège social de la Société d'énergie de la Baie
James à Montréal, le lundi 15 novembre 1976, à 9 heures
45, donner lecture de ce procès-verbal et, s'il faut ajourner nos
travaux, nous le ferons. Je pense que je vais rejoindre le souhait, à
moins qu'on l'accepte de tout côté, qu'on fasse déposer de
façon officielle par le secrétaire de la commission
hydroélectrique l'original de ce procès-verbal avec toutes les
signatures requises.
M. le Président, je vais aller tout de suite à... D'abord,
les présences. 15 novembre 1976: M. Roland Giroux, président; M.
Boyd, vice-président; MM. Gauvreau, Dozois, Monty, commissaires; M.
Demers, secrétaire.
À la rubrique AC-1269-76, Conflit syndical à
Hydro-Québec. "Résolu: "Considérant que les
recommandations contenues au rapport du ministre des Richesses naturelles, M.
Jean Cournoyer, en vue du règlement du conflit de travail qui
sévit à Hydro-Québec comportent pour cette dernière
des difficultés et des inconvénients au point de vue
administratif et des
désavantages au point de vue financier; "Considérant que,
afin d'éviter des conséquences désastreuses pour tous les
abonnés, Hydro-Québec s'est rendue à la limite des
concessions qu'elle pouvait faire et a accepté toutes les
recommandations du ministre, sauf quatre articles dont l'application ne lui
permettrait pas d'assurer la continuation d'une saine gestion et le maintien de
la qualité de son service aux citoyens du Québec;
"Considérant que cette position de la commission a été
appuyée spontanément par 37 cadres relevant directement de la
commission et 2800 cadres de direction et de maîtrise,
spécialistes et professionnels d'Hydro-Québec;
"Considérant que le premier ministre -et nous sommes en 1976 - a
convoqué les membres de la commission à une réunion qui
s'est tenue le 8 novembre 1976; "Considérant que, à cette
réunion du 8 novembre, le premier ministre a alors exigé
verbalement des quatre commissaires présents: a) d'appliquer les quatre
recommandations contenues audit rapport du ministre Cournoyer et qui
demeuraient alors en litige; b) d'accepter de signer une lettre d'entente selon
laquelle la formule de promotion par ancienneté pourra être
soumise à l'arbitrage quand les parties le jugeront à propos, les
termes de cette entente étant ceux soumis par le premier ministre; c) de
verser à chacun des syndiqués un montant forfaitaire maximal de
800 $ après la signature des conventions collectives;
"Considérant que M. Robert Bourassa, chef du gouvernement, en formulant
les exigences susdites, s'est engagé formellement à les confirmer
par écrit à la commission dans les jours suivant la
réunion; "Considérant que le gouvernement a la
responsabilité ultime des politiques qu'il juge les meilleures pour le
bien-être des citoyens de la province; "Considérant que les
syndicats ont fait part à Hydro-Québec qu'ils sont maintenant
consentants à signer une entente de retour au travail selon le texte
intégral qui leur avait été transmis par
Hydro-Québec le 9 novembre 1976; "Considérant que les syndicats
ont accepté de parapher le texte des conventions collectives à
être signées par les parties tel que soumis par
Hydro-Québec et qui est conforme aux recommandations contenues audit
rapport du ministre Cournoyer. "En conséquence: "Qu'Hydro-Québec
accepte d'appliquer les quatre recommandations contenues audit rapport du
ministre Cournoyer et qui faisaient l'objet du litige; "Qu'Hydro-Québec
accepte de signer une lettre d'entente selon laquelle la formule de promotion
par ancienneté pourra être soumise à l'arbitrage quand les
parties le jugeront à propos, les termes de cette entente étant
ceux soumis par le premier ministre et qui sont contenus au document
versé au dossier du présent procès-verbal;
"Qu'Hydro-Québec accepte de verser à chacun des syndiqués
une somme forfaitaire maximum de 800 $, à titre de
rétroactivité pour tenir compte de certains avantages
prévus aux conventions collectives et pour autres considérations,
le tout selon les modalités déterminées dans une lettre
d'entente à intervenir à ce sujet entre les parties, copie de
ladite lettre étant versée au dossier du présent
procès-verbal; "Qu'Hydro-Québec accepte de signer une entente de
retour au travail, selon les termes de la lettre soumise par HydroQuébec
aux syndicats le 9 novembre 1976, copie de ladite lettre étant
versée au dossier du présent procès-verbal."
M. Giroux: Quels commissaires étaient présents
à l'assemblée?
M. Duhaime: Pardon?
M. Giroux: Quels commissaires étaient présents
à l'assemblée?
M. Duhaime: À l'assemblée du 15 novembre 1976?
M. Giroux: ...
M. Duhaime: II y avait vous-même, M. Roland Giroux,
président au fauteuil...
M. Giroux: Non, non, au bureau de M. Bourassa. Le 8 novembre,
lesquels quatre commissaires étaient présents?
M. Duhaime: Considérant qu'à cette réunion
du 8 novembre le premier ministre a alors exigé verbalement des quatre
commissaires présents... J'ai tenu pour acquis tout à l'heure,
lorsque vous avez répondu, que vous-même vous n'étiez pas
là. Mais le 15 novembre 1976, lorsque vous avez présidé -
le procès-verbal l'atteste - il y avait vous-même, M. Boyd, M.
Gauvreau, M. Dozois et M. Monty. Alors, si vous n'étiez pas là
à la réunion du 8 novembre 1976, je dois conclure que
c'étaient les quatre autres qui y étaient.
M. Giroux: Qui étaient?
M. Duhaime: Est-ce que la rencontre qui a eu lieu entre les
quatre commissaires, le 8 novembre 1976, et le premier ministre, à
laquelle réunion le premier ministre M. Bourassa a fait part de son
désir, est-ce que ce désir-là du premier ministre
rencontrait les vues que vous aviez vous-même exprimées dans votre
lettre du 13 octobre
1976 au premier ministre, ou si c'était en contradiction?
M. Giroux: II y avait contradiction, parce qu'il admettait des
points toujours en litige. Je sais ce que sont des litiges. Mais n'oubliez pas
une chose que je vous ai dite tout à l'heure: c'est que si quelqu'un a
un problème comme celui-là qui durait depuis un an, et que
ça ne fait pas son affaire, il démissionne, et j'avais
démissionné en juillet 1976.
M. Duhaime: Vous avez démissionné quand?
M. Giroux: En juillet 1976. Je suis resté parce qu'il
devait nommer mon successeur le lendemain des élections et il
n'était plus là. Alors, le premier...
M. Duhaime: M. Giroux, il faut bien se comprendre. Vous aviez
fait part de votre volonté de remettre votre démission en juillet
1976...
M. Giroux: Ma démission avait été
acceptée, monsieur...
M. Duhaime: ...mais si j'ai bien devant moi le
procès-verbal du 15 novembre 1976, vous y siégiez à ce
moment-là.
M. Giroux: J'y siégerais pro tempore. M. Duhaime:
Comme président. M. Giroux: Oui, pro tempore.
M. Duhaime: Ce qui est bien clair entre nous ce matin, c'est que
votre lettre du 13 octobre 1976 où vous avez dit: On est prêt
à accepter l'entente qui est proposée, sauf quatre points... Dans
la résolution du 15 novembre 1976, même si vous-même vous y
étiez opposé pour l'avoir écrit au premier ministre, le
conseil d'administration de la commission hydroélectrique a
accepté les quatre points sous votre présidence.
M. Giroux: II a accepté sous ma présidence, mais je
n'étais pas là.
M. Duhaime: Pardon?
M. Giroux: Moi je n'étais pas là.
M. Duhaime: Mais vous étiez présent le 15
novembre?
M. Giroux: Oui.
M. Duhaime: Mais vous n'étiez pas là le 8?
M. Giroux: Le 15 novembre, naturellement, dans cette
chose-là, la résolution c'est presque une copie de la
recommandation de M. Cournoyer au Conseil des ministres.
M. Duhaime: Oui, mais est-ce qu'on peut convenir, M. Giroux,
entre vous et moi, que comme président du conseil - je comprends que
votre démission avait été remise, mais elle n'était
pas effective puisque vous continuiez de présider le conseil - vous
aviez fait valoir quatre objections majeures par lettre au premier ministre, M.
Bourassa. Le 15 novembre 1976, le jour des élections, vous avez
présidé le conseil de la commission hydroélectrique et
vous avez accepté, le 15 novembre, ce que vous aviez refusé le 13
novembre 1976, est-ce que je peux conclure comme cela?
M. Giroux: Peut-être que les dates ne sont pas tout
à fait exactes. Mais je crois que M. Boyd m'a appelé à
Miami et je lui ai confirmé que si tout le monde votait, j'acceptais.
Mais je ne suis pas convaincu que j'étais à
l'assemblée.
M. Duhaime: Du 15 novembre 1976? Alors, on va obtenir l'original
du document que j'ai ici en main. C'est M. Roland Giroux, président au
fauteuil.
M. Giroux: Au fauteuil.
M. Duhaime: Alors, si je tiens pour acquis, M. Giroux que le 15
novembre 1976, vous étiez présent et que vous avez
présidé ce conseil d'administration, je vais revenir à la
question que j'ai posée tout à l'heure. Est-ce que dans la
démarche qui avait été sollicitée à votre
suggestion, à savoir que MM. Saulnier, Boyd et Laliberté
rencontrent le premier ministre concernant le règlement de l'affaire du
saccage de la Baie-James, à la lumière du rappel que je viens de
vous faire, cette démarche était un précédent ou si
vous reconnaissez avoir eu une divergence d'opinions avec le premier ministre,
M. Bourassa, en novembre 1976 et, finalement, vous être rangé
à son avis?
M. Giroux: J'ai eu diverses divergences d'opinions avec M.
Bourassa, mais le fait que le conseil vote favorablement ne veut pas dire que
moi, je suis favorable.
M. Duhaime: Très bien. Ce que je voudrais
maintenant...
M. Giroux: Des assemblées comme celle-là, il a pu y
en avoir. Moi, les seules assemblées que j'ai eues avec un commissaire,
c'était avec M. Boyd et M. Daniel Johnson au sujet du nucléaire.
Mais c'étaient des assemblées pour expliquer les problèmes
du nucléaire par rapport aux
versions des banquiers américains et du monde entier disant qu'on
devait faire de l'hydraulique plutôt que du nucléaire.
M. Duhaime: Ce qui veut dire que des échanges entre les
commissaires, le président du conseil et le premier ministre sur un
sujet d'importance, bien sûr, sur ce sujet comme sur d'autres, à
votre connaissance, il y en a eu?
M. Giroux: Oui.
M. Duhaime: II y en a eu. Maintenant, le fait que vous ayez
vous-même suggéré qu'une démarche auprès du
premier ministre soit faite, je comprends que vous vouliez connaître le
point de vue du premier ministre, mais, selon ce que vous venez de dire, est-ce
que cela n'était pas une procédure normale pour vous que les
administrateurs rencontrent leurs actionnaires?
M. Giroux: Pas depuis que la compagnie était
formée.
M. Duhaime: Pas depuis que?
M. Giroux: Pas depuis que la compagnie était
formée. C'étaient des démarches normales dans le temps de
la commission, si vous voulez, il aurait pu y avoir... Parce que n'importe quel
membre de la commission avait les mêmes pouvoirs que le président
d'aller voir n'importe qui à Québec.
M. Duhaime: Maintenant, M. Giroux, si j'ai bien compris tout
à l'heure, vous avez dit: Je suis contre un règlement. Je voulais
avoir un jugement. Quant à la responsabilité des travailleurs sur
les chantiers en 1979 au moment où l'instance commençait, le 15
janvier 1979, devant la Cour supérieure pour un procès - tout le
monde l'a dit ici - qui allait durer de longues semaines, sinon de longs mois,
et qui pourrait ensuite aller en Cour d'appel et en Cour suprême et aux
États-Unis, si on voulait aller rejoindre le syndicat américain,
selon votre sentiment personnel, est-ce que vous considériez les
travailleurs sur les chantiers - je ne parle pas de la structure des syndicats
- contre qui, éventuellement, parce que syndiqués, le jugement
aurait pu être exécuté, comme étant responsables du
saccage de la Baie-James en 1974?
M. Giroux: Responsables personnellement, non, mais quand vous
appartenez à un club, à un syndicat, vous êtes
responsable des actes des directeurs.
M. Duhaime: On a eu l'occasion de lire à quelques reprises
- cela sera ma dernière question - des extraits du rapport de la
commission Cliche; je voudrais vous en relire deux paragraphes et vous poser
une question. À la page 68 ou encore à la page 99,
dépendant de l'édition qu'on a en main, on dit: "Les commissaires
- en parlant des commissaires membres de la commission Cliche - ont acquis la
conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la
responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement
d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée
par un noyau de mécréants dirigés par Duhamel pour montrer
une fois pour toutes qui était le maître à la
Baie-James. "L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des
témoins du saccage est que les travailleurs ont été de
simples spectateurs et même des victimes des actes insensés
posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de
catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des
aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle
des principaux locaux de la FTQ-Construction." Je pourrais continuer. (12 h
15)
Est-ce que vous partagez cette conclusion, qui est une des conclusions
les plus importantes de la commission Cliche, selon laquelle les travailleurs
ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est
arrivé?
M. Giroux: Partiellement.
M. Duhaime: Vous l'endossez partiellement.
M. Giroux: Partiellement, parce que c'est une commission qui a
été sérieusement faite. Par contre, ces types-là
ont été condamnés pour certains à la prison. Il y
avait des dommages réels. Je crois que, financièrement, on serait
plus fort avec un jugement.
Le point de vue de l'ingénieur, je ne l'ai pas. J'ai toujours
regardé seulement le point de vue financier. On est toujours plus fort
avec un jugement dans ses poches en sa faveur que pas de jugement. Sur ce
point, qu'est-ce que vous voulez, cela ne me fait rien.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président. Je vais tenter
d'être bref. Vous me permettrez cependant un commentaire, en vertu du
droit de parole que chacun des membres a à cette commission, à
l'égard de la pirouette tactique ou stratégique à laquelle
s'est livré ce matin le ministre de l'Énergie et des Ressources
qui s'est donné le rôle de procureur de la défense du
premier ministre depuis les débuts des travaux de cette
commission.
M. Duhaime: ...j'ai entendu cette trouvaille, M. le
Président...
M. Pagé: ...nous sommes à étudier...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le
député de Portneuf, c'est à vous la parole.
M. Pagé: Pour le bénéfice du ministre et des
auditeurs, des membres et des gens qui sont ici ce matin, je
répéterai que jamais je n'ai vu une pirouette juridique, tactique
et stratégique comme celle dont a fait preuve le ministre de
l'Énergie et des Ressources ce matin, en arrivant, à
brûle-pourpoint, au milieu des travaux d'une commission parlementaire qui
a le mandat d'étudier un sujet bien déterminé où
nous avons le privilège de recevoir, ce matin, M. Roland Giroux, qui a
une longue expérience d'Hydro-Québec, et où on a à
débattre d'un sujet spécifique comme celui du règlement de
la Baie-James. Le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui s'est
donné le rôle de procureur de la défense du premier
ministre autour de cette table depuis quelques semaines, nous arrive comme un
cheveu sur la soupe avec un procès-verbal dont on n'a d'ailleurs
même pas la confirmation du secrétaire-trésorier, qui ne
porte pas de sceau officiel, etc.
Peu importe cet aspect, M. le Président, je n'embarquerai pas
dans cet aspect technique, mais, si le ministre de l'Énergie me le
permet certainement, comme c'est mon droit, je me permettrai, pendant quelques
minutes, de relever le procès-verbal qu'il a déposé, de
relever la lettre qu'il a produite et qui n'a pas du tout affaire, ni
directement ni indirectement, au mandat que nous avons la responsabilité
d'assumer, c'est-à-dire étudier l'ensemble de cette question.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources a fait
référence à la grève qui a perduré à
Hydro-Québec en 1976. Une grève qui est arrivée
particulièrement au milieu de la campagne électorale, qui s'est
posée avec de plus en plus d'acuité au fur et à mesure que
la campagne électorale se déroulait. Il a fait
référence à un règlement qui est intervenu le 15
novembre 1976. Je peux confirmer, parce que vous savez, M. le Président,
et les auditeurs le savent, que nous sommes seulement trois collègues
autour de cette table qui étions là en 1976; le ministre de
l'Énergie et des Ressources n'y était pas, qu'on se rappelle. Et
je voudrais qu'on prenne quelques minutes et, vous me le permettrez, parce que
le ministre s'est permis. On va prendre quelques minutes pour revoir ce conflit
et revoir le règlement qui est intervenu.
La grève perdurait. Les citoyens du
Québec étaient privés d'électricité
régulièrement. Les entreprises du Québec étaient
privées d'électricité, dans leurs activités, tous
les jours, avec les dommages conséquents que cela peut comporter. Il
avait deux possibilités, à ce moment-là: le gouvernement
pouvait demeurer silencieux et laisser perdurer un conflit de travail dans un
secteur aussi vital que l'hydroélectricité qui constitue en
quelque sorte un service public entre parenthèses, j'espère que
le gouvernement du Parti québécois, pour le peu de mois qu'il lui
reste, pourra régler ce problème de services essentiels et de
fourniture d'électricité. À ce moment-là, le
gouvernement, présidé par Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, a cru non seulement opportun, mais de sa responsabilité,
devant les citoyens et les citoyennes du Québec, de
déléguer, de nommer une personne pour tenter de trouver une
solution à ce conflit.
La première question, M. le Président, que vous me poserez
ou que le ministre pourrait nous poser: Pourquoi le premier ministre n'a-t-il
pas délégué le ministre du Travail du temps, M.
Gérald Harvey? On se rappellera que M. Harvey était
particulièrement occupé, au cours de cette campagne, dans son
comté, le comté de Jonquière où il avait à
faire face à la grève de l'Alcan, où son adversaire
était, d'ailleurs, l'avocat du syndicat de l'Alcan. On se le rappellera,
le premier ministre a jugé opportun de demander à un homme
d'expérience en relations du travail, M. Jean Cournoyer, ministre de
l'Énergie, d'agir comme conciliateur et ce, publiquement, ouvertement,
officiellement. Je dois vous dire que c'était beaucoup plus responsable
à l'égard d'un conflit de nommer Jean Cournoyer comme
conciliateur que de faire en sorte que ses ministres se promènent sur
les lignes de piquetage, comme René Lévesque l'avait fait au
moment de la grève de la SAQ en disant: "Lâchez pas, les gars". Ce
qui était plus responsable, c'était de nommer un ministre membre
du cabinet avec une longue expérience en relations du travail pour
s'occuper de ce dossier. D'ailleurs, la conciliation est évidente au
document et j'apprécie que le ministre l'ait déposé. Pour
celui qui a fait un peu de relations du travail, il constatera que
c'était une véritable conciliation.
Lorsqu'on dit, à la page 2 du document déposé par
le ministre, ce matin, et référant à la lettre du 13
octobre 1976, adressée à M. Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, sous la signature de M. Roland Giroux... Je vous demanderais de
me suivre, M. le Président, et de vous référer à la
page 2. On dit, au deuxième paragraphe: "C'est avec regret que la
commission a appris, par la suite, que les syndicats restaient sur leur
position". C'est donc dire que les parties
n'étaient pas en présence l'une de l'autre. "Dans le but
ultime de trouver une solution à ce conflit, la commission a
présenté un nouveau projet d'entente et, sur le plan
financier..." C'est donc dire que les parties n'étaient pas en
présence et il fallait absolument qu'une personne en autorité
intervienne et c'est là l'exercice d'une responsabilité
gouvernementale. L'objectif de cette démarche - je vous
réfère au sixième paragraphe: "...afin d'éviter les
conséquences désastreuses pour tous les abonnés". On se
rappellera, M. le Président, et, probablement qu'il y en a autour de
cette table qui s'en rappelleront, qu'à chaque jour où le soleil
se levait, des milliers de Québécois et de
Québécoises perdaient des sommes importantes. Tout ce que les
péquistes trouvaient à faire, à ce moment-là,
c'était d'être sur les lignes de piquetage et d'encourager les
grévistes.
M. le Président, quand on parle de conséquences
désastreuses, ce n'est pas en termes de tarifs
d'électricité. Si le ministre veut convoquer une commission pour
étudier l'effet de ce règlement sur la tarification
d'Hydro-Québec, aucun problème! Convoquez-la et nous y serons. On
espère, à ce moment-là, qu'on pourra aborder en même
temps, comme volet additionnel du mandat, le coût d'un règlement
à la SEBJ, intervenu après que vous ayez formé le
gouvernement, à la suite de la grève des gardiens et à la
suite de la grève des employés de cafétérias. On
pourra regarder cela, si vous êtes intéressés. N'importe
quand, nous sommes prêts.
Je reviens à mon propos au sujet de la mesure de diversion du
ministre, ce matin. Les conséquences désastreuses que le
gouvernement voulait éviter, c'était, évidemment, le
coût, les pertes et les dommages concrets vécus par les citoyens,
tous les matins. Ce que je retiens de cette démarche, ce sont certains
aspects intéressants. Je terminerai là-dessus.
En aucun moment, dans ce document, on ne fait référence
à des membres du cabinet du premier ministre. On ne réfère
pas à M. Benoit Morin, qui était chef de cabinet du premier
ministre de l'époque. Alors que dans le conflit qui nous occupe
actuellement, on doit nager dans le caractère nébuleux
d'interventions obscures du chef de cabinet du premier ministre actuel, M.
Jean-Roch Boivin. En aucun moment, il n'apparaît dans ces documents que
des officiers du cabinet du premier ministre étaient dans le dossier. Au
contraire. On réfère à M. Jean Cournoyer qui, j'en
conviens, était ministre. On réfère aussi à M.
Gilles Laporte, qui était sous-ministre en titre au ministère du
Travail de l'époque. On réfère à M. Jean-Claude
Lebel qui, si ma mémoire est fidèle et le ministre pourra
vérifier, était au Conseil du trésor à
l'époque. On réfère à Me
Richard Drouin qui est, de commune renommée, le procureur du
gouvernement dans plusieurs conflits. On sait d'ailleurs que c'est lui qui doit
fournir quotidiennement une assistance, en connaissances et sur le fond du
dossier, à Mme LeBlanc-Bantey, dans son dossier avec les professionnels,
en ce moment. On ne référait pas à des anciens permanents
du Parti libéral là-dedans. On ne référait pas
à des gens qui ont rencontré le premier ministre en catimini ou
son chef de cabinet ou quelqu'un d'autre, avant le dénouement du
conflit...
M. Duhaime: II y a des gens qui avaient été
nommés...
M. Pagé: C'était public, c'était su,
c'était connu. Les journalistes sont ici pour en témoigner, ce
matin, s'ils réfèrent à des articles qu'ils ont
écrits à l'époque. Il y a d'ailleurs eu des
arrêtés en conseil pour entériner des décisions
prises à la suite des recommandations formulées par M. Jean
Cournoyer, conciliateur dans ce dossier, qui est devenu médiateur par la
suite et qui a produit un rapport. M. Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, n'a jamais dit qu'il n'était pas intervenu dans ce
dossier.
M. Lalonde: II n'a pas menti...
M. Pagé: M. Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, n'a jamais dit qu'il n'était pas intervenu dans ce
dossier; Robert Bourassa n'a jamais dit - on pourrait revenir sur cela - au
conseil d'administration: "Crisse", vous allez régler ou je vais
régler à votre place". Robert Bourassa, dans sa démarche,
ne visait pas à donner 30 000 000 $ à un groupe auquel les
Québécois auront à payer; sa démarche visait
à faire en sorte que des Québécois qui perdaient des
millions chaque jour puissent récupérer ces millions. La
démarche, ce n'était pas de régler une réclamation
en droit de 32 000 000 $ - M. Giroux dit ce matin que, selon lui, à 100%
le syndicat était capable de payer et Hydro-SEBJ était capable de
réaliser sa créance à l'égard des syndicats
québécois - pour 200 000 $, c'était d'épargner des
millions de dollars aux Québécois de tous vos comtés,
messieurs, qui en perdaient à chaque jour.
M. le Président, je retiens de ces aspects assez
intéressants que cette mesure en est une de diversion, une mesure
dilatoire. Je constate aussi que, malheureusement, M. Giroux, vous êtes
le premier membre du conseil d'administration -on pourra me corriger, mais si
on part du principe que le fait de poser des questions à des membres
constitue du harcèlement - qui fait l'objet de harcèlement de la
part du gouvernement. Je comprends que le gouvernement était sur la
défensive, à la
lumière de vos commentaires très éloquents qui
témoignent d'une vaste expérience et qui nous donnent tout le
respect envers vous, M. Giroux.
Je trouve déplorable, malheureux et bassement reprochable que le
ministre de l'Énergie et des Ressources arrive comme un cheveu sur la
soupe et informe la commission de ce document dilatoire qui n'a rien à
voir avec le mandat de la commission et tente de vous confondre et de sauver le
petit peu qui reste de sa peau, de leur peau, dans l'objectif qu'ils
poursuivent à cette commission. Au nom de la commission, peut-être
que cela ne sera pas réitéré de la part des membres du
gouvernement, mais je crois que la commission vous doit des excuses devant la
petite pirouette juridique à laquelle s'est livré le ministre de
l'Énergie et des Ressources ce matin. Je tenais à rectifier
certains faits, premièrement.
Deuxièmement, je peux vous dire que, personnellement, on a bien
apprécié votre témoignage ce matin. On sait que cela n'est
pas facile pour vous de venir témoigner ici, mais les faits et les
énoncés que vous avez formulés à l'égard du
règlement, à l'égard de ce dont je me rappelle très
bien, le cadeau de 30 000 000 $ qui a été fait par le
gouvernement à un groupe privilégié, envers lequel le
gouvernement avait un préjugé favorable à l'époque,
à quelques mois du référendum. On le retient, on se le
rappelle et soyez certain que votre déposition de ce matin sera de
nature à bien orienter, à bien situer les conclusions que nous
aurons à formuler comme formation politique à la fin de nos
travaux.
Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je conclus donc que le
député de Portneuf n'avait pas de question à poser. La
seule chose que je voudrais dire cependant est que son exposé me
facilite la tâche, dans le sens suivant. C'est que - tout le monde l'a
entendu en tout cas - il est maintenant admis que le premier ministre, M.
Robert Bourassa, a fait une démarche pour imposer le règlement du
conflit de travail le 15 novembre 1976, tel que le mentionne la
résolution du conseil d'administration du 15 novembre 1976 à
laquelle assistait M. Giroux: "Considérant que M. Robert Bourassa, chef
du gouvernement, en formulant les exigences susdites - je ne
répéterai pas tout - s'est engagé formellement à
les confirmer par écrit à la commission dans les jours suivant la
réunion; considérant que le gouvernement a la
responsabilité ultime des politiques qu'il juge les meilleures pour le
bien-être des citoyens de la province."
Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez - il reste
peut-être une minute avant l'heure de la suspension - dire que les deux
documents que j'ai déposés ce matin sont tout à fait
pertinents non pas seulement au mandat de la commission, mais également
au témoignage qu'a rendu M. Giroux. Je peux reformuler ma question
à nouveau. Si j'ai bien saisi, M. Giroux nous a dit au début de
sa déposition que, du temps qu'il a été président
du conseil, le premier ministre n'était pas intervenu dans les affaires
d'Hydro-Québec. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Vous ne vous trompez pas. J'agissais comme
président, mais j'avais donné ma démission qui avait
été acceptée. La preuve de cela, c'est que j'avais deux
lettres qui me permettaient de prendre les directorats dans des compagnies
compétitrices parce que je devais être remplacé dans la
semaine du 16.
M. Duhaime: Alors, M. Giroux, une toute dernière question.
Personnellement, je vous connais maintenant depuis quelques années.
Est-ce que, avec l'échange que nous avons eu ensemble ce matin, à
quelque moment ou à quelque seconde que ce soit vous vous êtes
senti embarrassé ou encore harcelé par les questions que je vous
ai posées?
Le Président (M. Jolivet): M. Giroux.
M. Giroux: Ce sont des commissions parlementaires plutôt
pas gaies, mais j'ai déjà assisté à pire.
Le Président (M. Jolivet): Suspension de nos débats
jusqu'après la période questions.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 31)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente de l'énergie et des ressources est
à nouveau réunie en vue d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne
(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'lslet), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay (Chambly), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert) et M. Saintonge
(Laprairie).
Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Au moment où nous nous sommes quittés pour l'heure du
dîner, nous avions M. Roland Giroux, mais, à la suite de
vérifications, comme il n'y avait plus de questions à lui poser,
je le remercie d'être venu devant la commission.
J'inviterais M. Robert Boyd. Je demanderais à M. Jean
Bédard, greffier, d'aller faire prêter le serment.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, M. le Président, pendant qu'on
procède, avec votre permission, à l'assermentation du
témoin, j'aimerais dire que, ce matin, on a été
témoin, de la part du ministre, d'un tour de magie imprévu, qui
s'explique, cependant, quand, tel un prestidigitateur, il nous a sorti de sa
manche des documents qu'il a plus ou moins identifiés, dont on a pu plus
ou moins constater l'exactitude ou l'origine.
Sur cette question, M. le Président, je vous signale que pour ce
qui est des documents auxquels nous avions fait allusion et dont nous aurions
peut-être aimé avoir des copies, c'est-à-dire les
procès-verbaux des 23 et 30 janvier 1979, le ministre nous a fort
éloquemment expliqué que c'étaient des documents
confidentiels. On nous avait aussi fait valoir qu'il n'y avait rien qui
concernait le règlement qui était à l'étude, le
mandat de la commission plus spécifiquement. La surprise que j'ai
aujourd'hui est de constater que le ministre sort un procès-verbal
d'Hydro-Québec. J'aimerais savoir dès maintenant, M. le
Président, si le ministre a des documents à déposer dont
il a l'intention de saisir un ou des témoins au cours de la
journée. Je pense que la plus élémentaire décence,
la plus élémentaire justice exigerait que le ministre nous fasse
connaître dès maintenant ces documents, qu'il nous les distribue
du moment qu'il les a en main, si c'est son intention d'y recourir.
Je vous signalerai, en terminant, que cela me paraît être
une situation de deux poids deux mesures. Dans la pile de documents qui nous
est remise par la société d'État on doit, selon le
ministre, se contenter de ce qui nous est remis. On est obligé de
constater que le ministre ne se gêne absolument pas pour avoir
accès à tous les procès-verbaux qui, semble-t-il, peuvent
exister. Ce n'est pas une mince affaire que de retrouver la 1870ième
réunion du conseil d'administration d'Hydro-Québec, d'en sortir
des extraits. Je vous signale qu'il doit y avoir une justice apparente et
élémentaire dans cette commission, c'est-à-dire qu'on doit
y avoir accès, tous tant que nous sommes. Je comprends qu'en face, cela
les énerve, mais avec votre permission je vais continuer quand
même.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Doyon: M. le Président, il est
élémentaire que les membres de cette commission puissent avoir
accès aux mêmes éléments de preuve, aux mêmes
documents qui peuvent servir à éclairer non seulement cette
commission, mais toute la population. Force nous est de constater que le
ministre nous a apporté ce matin un document auquel d'aucune
façon, de ce côté, nous pouvions avoir accès.
M. Pagé: Il le regrette.
M. Doyon: Je comprends qu'il le regrette parce qu'il n'a pas
été aussi utile et aussi percutant qu'il l'aurait voulu.
Au-delà de cela, je fais appel au sens de la justice que vous avez
démontré jusqu'à maintenant, ce sens de la justice qui
fait que nos travaux puissent se dérouler dans l'harmonie.
Si on est pour se servir de documents qui nous viennent de je ne sais
où, il faudrait que tous les membres de cette commission puissent avoir
le même privilège, ce qui, je vous le signale, n'a pas
été le cas jusqu'à maintenant. Qui plus est, de toute
façon, cela nous a été refusé par le ministre quand
nous avons mentionné, sachant qu'il y avait eu des réunions du
conseil d'administration les 23 et 30 janvier... On nous a
expliqué...
Je comprends que le député de Rousseau a fait du
cinéma, il a peut-être tenté d'être jeune premier,
mais qu'il dise "coupez" ou pas, cela ne dérange absolument rien. Il
fera son cinéma ailleurs, en d'autres mots.
M. le Président, on sait que, les 23 et 30 janvier, il y a eu des
procès-verbaux. Il y a eu un conseil d'administration. On n'a pas
insisté et on n'a pas eu l'occasion de vérifier ces
procès-verbaux. Il faudrait que cette règle qui semble avoir
été établie au tout début de nos travaux - il y a
quelque temps, en tout cas - puisse être respectée de façon
que les témoins puissent agir en connaissance de cause et que nous, de
l'Opposition, puissions faire notre travail d'une façon responsable,
comme nous avons l'obligation de le faire.
Et, M. le Président, les interruptions d'en face... Et je me dois
de le signaler
parce que, quand on parle et que la télévision nous
regarde, on a l'impression que parfois on a certaines hésitations dans
notre débit que je me dois d'expliquer, parce que ce n'est pas visible
à la télévision que, en face, on m'interrompt
continuellement et que, de cette façon...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, je vais être obligé de vous interrompre
à mon tour.
M. Doyon: Mais, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Non, je comprends. J'ai
demandé à chacun de faire en sorte que cette commission se
réunisse de façon normale. Cela a été bien
jusqu'à maintenant. Je ne voudrais pas que vous utilisiez des moyens
pour que les gens montent dans les rideaux, comme on dit. J'ai cette obligation
de maintenir l'ordre. Je l'ai fait jusqu'à maintenant et je vais
continuer de le faire.
M. Doyon: Alors, je n'en demande pas plus, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Oui. Sur la question qui est soulevée par le
député de Louis-Hébert, je me demande ce qu'on veut... Je
pense qu'on veut nous chercher noise. Ce que j'ai déposé ce
matin, c'est un procès-verbal de la Commission hydroélectrique du
15 novembre 1976 et je me suis engagé à déposer devant
cette commission, aussitôt que le document me serait accessible, à
la demande du député de Marguerite-Bourgeoys, une copie
certifiée par le secrétaire de la commission attestant que ce
procès-verbal correspond, bien sûr, à l'original qui est au
dossier de la Commission hydroélectrique. Et avant de me servir de ce
document ce matin, je l'ai fait distribuer à tout le monde à la
commission parlementaire. J'ai également déposé ce matin
un document qui porte la date du 13 octobre 1976, que tout le monde a en sa
possession, incluant les gens de la presse, et qui est signé par M.
Roland Giroux, président du conseil, adressé à l'honorable
Robert Bourassa, premier ministre. Ces documents ont été
déposés parce qu'ils me sont apparus comme étant
très pertinents, non seulement à l'intérieur du mandat de
cette commission, mais surtout parce que ces documents sont directement
reliés à l'affirmation qui a été faite ce matin par
M. Giroux, à savoir qu'à l'époque où il
était président du conseil, le premier ministre du Québec
n'était jamais intervenu dans les affaires d'Hydro-Québec. Ces
deux documents vont dans le sens de prouver le contraire, d'autant plus que -
je ne sais pas si je devrais dire que j'en suis heureux ou malheureux - je dois
constater que le député de Portneuf était parfaitement
d'accord avec le fait que le premier ministre, M. Bourassa, était
intervenu auprès d'Hydro-Québec, en novembre 1976. Si vous voulez
mon avis, M. le Président, je trouve cela, quant à moi,
parfaitement normal. Je ne vois pas pourquoi on fait un drame dans ce genre de
choses.
Pour ce qui est de la production des documents, je dirai au
député de Louis-Hébert que je suis conscient des
responsabilités que j'ai à remplir. Je vais tenter d'être
fair-play et de remettre à tous et à chacun des membres de la
commission, au fur et à mesure que je pourrai le juger pertinent, selon,
bien sûr, les réponses qui pourraient venir des questions qui sont
posées aux gens qui comparaissent devant cette commission... Je ne peux
pas deviner d'avance les réponses. Je pose des questions. Je vais
tenter, dans la mesure du possible, de fournir, le plus rapidement possible,
les documents. Je ferai comme ce matin; je les transmettrai à tout le
monde de sorte que, si le coeur vous en dit, vous pouvez utiliser
également, pour votre bon plaisir, les documents qui sont
déposés. Il n'y a aucune espèce de problème avec
cela.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
à qui que ce soit, je voudrais quand même faire remarquer qu'en
commission parlementaire, il n'y a pas de dépôt de documents. Il
n'y a que distribution des documents que les gens veulent bien nous
transmettre. Donc, je ne peux, en aucune façon, comme président,
forcer qui que ce soit à remettre quelque document que ce soit.
Je voudrais aussi faire remarquer, à la demande des gens de la
commission et d'un accord commun, qu'il y avait eu mention de documents que la
Société d'énergie de la Baie James devait nous faire
parvenir. Je reprends, d'une façon plus particulière, la question
des journées des 23 et 30 janvier, où on a, de part et d'autre,
demandé que ne soient distribuées à chacun que les listes
de présence des gens, compte tenu que cela n'avait, semblerait-il,
affaire que pour la question des présences, dans les discussions que
nous avons. Je voudrais simplement faire remarquer que je n'ai aucun pouvoir de
forcer qui que ce soit à faire quelque distribution de documents que ce
soit. M. le député de Louis-Hébert, en terminant.
M. Doyon: M. le Président, la limite de vos pouvoirs est
évidente et j'en tiens compte dans les remarques que je fais. Cependant,
M. le Président, ce que je veux souligner, c'est que le ministre fait
état que certaines réponses des témoins peuvent appeler la
nécessité, pour lui, de sortir certains documents de sa manche,
certains
documents auxquels il a accès - je ne sais trop à quel
titre - et que nous, de l'Opposition, ne disposons pas du même
privilège. Selon les réponses qui peuvent être
données par des documents antérieurs, nous aurions possiblement,
si nous avions eu accès à certains documents, confronté
certains témoins à des documents, si nous avions eu les
mêmes possibilités que celles du ministre, M. le Président.
Que le ministre me donne comme réponse que cela dépend des
réponses qu'il reçoit et que selon les réponses qu'il
reçoit il va sortir ou ne pas sortir les documents, M. le
Président, je vous signale que le jeu est au moins un petit peu
faussé. Nous de l'Opposition, même si nous avions le désir
de le faire, nous n'avons pas cette possibilité, selon les
réponses qui sont données à nos questions par les
témoins, de sortir de notre manche certains documents qui pourraient
remettre en question certaines réponses. C'est là le point de
toute l'intervention que je voulais faire. Ceci étant dit, je n'ai rien
à ajouter.
Le Président (M. Jolivet): M. Boyd. Je vous demanderais
maintenant, après cette intermission, d'aller prêter serment avec
M. Bédard.
M. Robert Boyd
Le Greffier (M. Jean Bédard): M. Boyd, pourriez-vous
mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi:
Je, vos nom et prénom, jure ou déclare solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité.
M. Boyd: Je, Robert Boyd, déclare solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité.
Le Greffier (M. Jean Bédard): Merci bien.
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous demander, M. Boyd,
si vous avez un préambule avant qu'on puisse commencer les
questions.
M. Boyd: Très bref, M. le Président. Simplement
pour dire que j'ai été au service d'Hydro-Québec pendant
37 années. J'ai débuté comme jeune ingénieur et
j'ai gravi différents échelons. En 1963 j'étais directeur
général, distribution et ventes. En 1965, directeur
général d'Hydro-Québec. En 1969, commissaire; en 1972,
président de la SEBJ. En 1977, j'ai cumulé pendant un certain
temps les deux postes de président de la SEBJ et président
d'Hydro-Québec. En octobre 1978, je suis devenu P.-D.G.
d'Hydro-Québec jusqu'au mois de décembre 1981. Ceci est pour
situer ma carrière. (15 h 45)
Voilà, je suis à votre disposition.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: M. Boyd, beaucoup de choses ont été
dites depuis le début des travaux de cette commission parlementaire. Je
voudrais, avec vous, entrer tout de suite dans le vif du sujet. Je voudrais
vous demander de dire à la commission parlementaire, au meilleur de
votre souvenir, bien sûr, en quelles circontances s'est faite au conseil
d'administration la suggestion de rencontrer le premier ministre afin de
connaître son point de vue concernant la possibilité d'un
règlement hors cour de l'action intentée après le saccage
de la Baie-James, en 1974.
M. Boyd: Cela a été à la suggestion d'un
membre du conseil. Je crois que M. Giroux nous a déclaré que
c'était lui-même. Il a été décidé que
MM. Saulnier, Laliberté et moi-même irions rencontrer M.
Lévesque à ce sujet pour savoir son opinion au sujet d'un
règlement hors cour.
Alors nous avons eu cette rencontre le 1er février à ses
bureaux de Montréal. Cela s'est passé assez rapidement. Il
était accompagné de M. Boivin. Le premier ministre et M. Boivin
nous ont indiqué qu'ils aimeraient, qu'ils souhaitaient qu'on puisse
régler hors cour et nous ont indiqué les principales raisons qui
les orientaient dans cette direction. Évidemment, leur point de vue
était que nous n'avions pas tellement une bonne cause, que, surtout du
point de vue de l'union internationale, il ne serait pas facile de remonter
jusqu'à la source et que si jamais nous venions à obtenir un
jugement important, les syndiqués seraient dans l'impossibilité
de payer ou il faudrait augmenter les cotisations. En somme, c'étaient
les principaux arguments qu'ils nous ont donnés, autant que je me
souvienne.
C'est à ce moment que, personnellement, j'ai indiqué, en
principe, mon désaccord. Et, sans me souvenir exactement des mots qui
ont été employés -pour moi les mots n'ont pas
d'importance, c'était plutôt l'idée - M. le premier
ministre nous a dit: Ou vous réglez hors cour ou nous prendrons les
moyens pour que vous le fassiez. Voilà, c'est en résumé ce
qui s'est passé lors de cette réunion dont on parle
tellement.
M. Duhaime: M. Boyd, au cours de votre carrière, vous avez
été de longues années à Hydro-Québec. Vous
avez dit tantôt que vous aviez commencé votre carrière
comme jeune ingénieur et, ensuite, vous êtes monté, si je
puis dire, jusqu'au plus haut échelon de l'administration, à
partir du poste de commissaire en 1969 et ensuite, comme P.-D.G. des deux
conseils d'administration en 1972. Est-ce que, pour vous, comme
président de ces deux sociétés d'État, comme
membre du conseil, et pour vos collègues aussi dans la décision
que vous aviez à prendre, c'était important de connaître le
point de vue du gouvernement sur cette question.
M. Boyd: C'est important de le connaître dans un cas comme
celui-là, mais, dépendant des personnes qui reçoivent des
commentaires comme celui-là, la réaction est différente.
J'ai souvent eu des contacts avec les premiers ministres et les ministres. Les
souhaits n'avaient peut-être pas autant d'effet sur moi que sur d'autres,
parce que mon opinion a toujours été que le bien
d'Hydro-Québec passait en premier. C'était ma
responsabilité de travailler dans ce sens, alors j'ai toujours maintenu
cette philosophie jusqu'à la dernière minute. Ce n'était
pas la première fois que je rencontrais un premier ministre qui me
donnait son avis.
M. Duhaime: Est-ce que je pourrais conclure - vous me corrigerez
si je fais erreur - que ce n'était pas la première fois non plus
que vous étiez en désaccord avec un premier ministre sur des
questions ayant trait à Hydro-Québec?
M. Boyd: Ce n'était pas la première fois, non.
M. Duhaime: M. Boyd, est-ce que je pourrais vous demander si le
fait de rencontrer le premier ministre et de connaître de vive voix son
souhait vous a influencé dans votre décision ultérieure,
comme membre du conseil d'administration, lors de la décision qui a
été prise en mars 1979?
M. Boyd: Est-ce que cela m'a influencé?
M. Duhaime: Oui.
M. Boyd: Non, cela ne m'a pas influencé puisque j'ai
voté contre le règlement hors cour.
M. Duhaime: M. Boyd, je voudrais simplement revenir sur les
motifs de votre décision. Est-ce que pour vous, par exemple, l'aspect de
la paix sociale sur les chantiers en 1979 était un facteur important et
l'avez-vous considéré dans votre décision?
M. Boyd: Pour moi, la paix sociale sur les chantiers était
toujours un facteur important. Je l'ai vécu, ce problème,
à la Manic, dans l'exploitation, et en 1974 puisque, lors du saccage,
j'étais président de la Société d'énergie de
la Baie James. L'avoir vécu, ce n'est pas la même chose que d'en
parler quelques années plus tard ou aujourd'hui. Je me souviens de 1979
plus que de n'importe quelle autre période et la paix sociale ou la paix
sur les chantiers, c'est toujours un facteur important.
Alors, nous avions obtenu une paix relative après le saccage.
À mon avis, ce n'est pas le fait d'avoir réglé hors cour
qui a changé le portrait. Nous avons eu une grève en 1980 dans
les cuisines. Je pense que la principale chose qui nous a apporté la
paix à la Baie-James, qui nous a permis de faire les travaux que nous
avons faits dans les conditions que vous savez a été que nous
avons contrôlé l'accès aux chantiers et que les personnes
non désirables n'y entraient pas. En fait, cela a été la
chose importante. La paix, nous l'avions obtenue.
L'année 1977, entre autres, a été une année
extraordinaire. Lorsqu'on parlera tout à l'heure - si vous le permettez
- de ce qui nous a permis de terminer avant le temps, on verra que 1977 a
été une année extraordinaire où nous n'avons pas eu
de grève. Ce n'est pas parce qu'on a réglé hors cour ou
pas que cela a eu une influence importante. Je pense que le fait d'avoir
institué une action, dans les années 1975 à 1979, a
été aussi bénéfique, parce que les gens
sérieux qui voulaient y travailler, que ce soient des employés,
des manoeuvres, des hommes de métier, des professionnels ou des
entrepreneurs, savaient qu'on pouvait travailler en paix à la
Baie-James; c'est cela qui a été un facteur important.
M. Duhaime: Maintenant, M. Boyd, je voudrais me
référer au procès-verbal du 6 février 1979, soit
quelques jours après la rencontre avec le premier ministre. Il y a eu
une décision qui a été prise à l'unanimité
du conseil; je voudrais tout simplement la lire. C'est à la page 70 du
document qui a été déposé par la
Société d'énergie de la Baie James: "Après
discussion, sur proposition dûment faite et appuyée, il est
unanimement résolu de donner mandat aux procureurs agissant pour la
compagnie dans la cause SEBJ contre Yvon Duhamel et al d'explorer auprès
des procureurs des défendeurs la possibilité d'un
règlement hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par
tous les organismes qui sont défendeurs de leurs responsabilités
pour les dommages et du paiement à la compagnie d'une somme d'argent qui
pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement."
Je crois que vous étiez présent à cette
réunion. Est-ce que je peux conclure que, même si le souhait du
premier ministre à la suite de la rencontre qui avait eu lieu cinq jours
auparavant ne vous avait pas influencé, comme vous venez de nous le
dire, vous étiez cependant disposé, en tant que membre
du conseil, à donner mandat à vos procureurs d'explorer,
suivant les conditions que je viens de lire, la possibilité d'un
règlement hors cour?
M. Boyd: Oui, en effet. J'étais d'accord avec le conseil
pour aller faire une exploration. S'il y a une occasion de régler hors
cour, mais à des conditions acceptables, un règlement hors cour
est presque toujours préférable à un règlement
à la cour, mais il s'agit de savoir ce que nous avons au bout. C'est
quand j'ai vu ce qu'il y avait à la fin que j'ai changé
d'idée.
M. Duhaime: Si je comprends bien, vous étiez d'accord sur
l'idée d'explorer un règlement mais vous étiez en
désaccord et vous avez exprimé librement, lors de votre vote
à l'assemblée du 6 mars, que vous n'étiez pas d'accord
avec le règlement qui était proposé.
M. Boyd: C'est cela.
M. Duhaime: Vous avez parlé tantôt des syndicats
américains. Je voudrais ajouter un élément avant de poser
ma question. Est-ce qu'on a porté à votre connaissance la
difficulté juridique de rejoindre en responsabilité le syndicat
américain, d'une part, et, d'autre part, est-ce que l'état de
"solvabilité" des syndicats québécois qui étaient
assignés comme défendeurs dans ce dossier pour vous
c'était quelque chose de significatif, ou bien si en aucune
manière cela n'entamait votre détermination d'obtenir un
jugement, ou encore un meilleur règlement hors cour?
M. Boyd: Évidemment, on a eu les avis de nos
différents procureurs au sujet de ce lien avec le syndicat international
américain. J'étais au courant que cela serait peut-être
plus difficile d'obtenir gain de cause de ce côté, que cela
prendrait plus de temps et plus d'argent. Pour moi, ce n'était pas
primordial. Ce qui était primordial c'était d'obtenir un
jugement, ensuite de voir d'où les sommes viendraient. Je pense qu'on
avait posé un geste conséquent. Après l'incident, on a
évalué les dommages - c'était notre responsabilité
en tant qu'administrateurs - en vue d'obtenir ou d'essayer d'obtenir des
dédommagements. Rien à mon avis dans les avis qu'on a eus ne m'a
fait changer d'opinion à ce sujet-là.
Peut-être que cela devenait un peu difficile d'aller chercher
l'argent au syndicat international mais ce n'était pas le motif
principal.
M. Duhaime: Alors le motif principal pour vous c'était de
faire reconnaître par une cour de justice, même si c'était
le plus haut tribunal, la responsabilité des syndicats, d'une part, et
d'obtenir un montant en dommages, même si - vous n'avez pas
répondu à cette partie-là de ma question au sujet de la
solvabilité - il pouvait se révéler difficile
d'exécuter le jugement.
M. Boyd: S'il se révélait impossible
d'exécuter le jugement s'il était de plusieurs millions, disons
de 20 000 000 $ et plus; si le jugement ne pouvait pas être
exécuté ou satisfait, il aurait fallu se contenter de ce qu'il y
avait. Avant d'en arriver là, il fallait traverser le premier pont
à mon avis et obtenir le jugement.
M. Duhaime: Trois courtes question, M. Boyd, pour terminer.
Est-ce que, en dehors de cette rencontre avec le premier ministre à
laquelle vous avez assisté, vous avez eu d'autre conversation
vous-même directement avec le premier ministre sur ce sujet?
M. Boyd: Non.
M. Duhaime: Est-ce que vous avez eu des rencontres, des
conversations ou des contacts par vous-même personnellement avec Me
Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre durant l'année
1978 et durant l'année 1979, concernant ce dossier
précisément, en dehors de la rencontre que vous avez
évoquée tantôt? (16 heures)
M. Boyd: Concernant ce sujet-là, non.
M. Duhaime: Est-ce que vous avez eu également des
rencontres ou des conversations avec Me Yves Gauthier, conseiller politique au
cabinet du premier ministre, sur cette question-là?
M. Boyd: Non.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. Boyd, j'aimerais tout d'abord vous
référer au texte que j'ai devant moi de ce qui a
été publié le 17 mars 1983, sur les ondes de Radio-Canada.
Tout d'abord, il y avait celui qui disait les nouvelles, M. Derome, et M.
Pelletier. On dit ici: "Radio-Canada a appris que le premier ministre du
Québec, René Lévesque, a exercé, en 1979, des
pressions sur M. Robert Boyd, alors président-directeur
général d'Hydro-Québec, afin qu'il endosse, même
contre son gré, un règlement hors cour du saccage de la
Baie-James." Est-ce que cette nouvelle était exacte?
M. Boyd: J'ai répondu à cette question tout
à l'heure. Les seuls contacts que j'ai
eus avec le premier ministre, c'est lors de la réunion du 1er
février. La seule conversation qu'on a eue, je vous l'ai
résumée dans les meilleurs termes possible. Alors,
peut-être que Radio-Canada a mis un peu d'emphase autour de cela.
M. Lalonde: Alors, venons donc au contenu de la réunion.
Vous avez appris sûrement, comme tout le monde, ce que M.
Laliberté est venu dire ici, il y a quelques semaines, sur le contenu de
la réunion -enfin, ce que M. René Lévesque, le premier
ministre, avait dit: "Vous réglez - il y a un juron que, tout le monde,
apparemment, a admis avoir été dit - ou bien, nous allons
régler à votre place" ou quelque chose comme cela. Pour arriver
à ce niveau de conversation, à ce degré
d'intensité, j'imagine... ou enfin, je vous demande si cette
interjection ou cette déclaration a été
précédée par une autre conversation. Vous avez dit, en
réponse à une question du ministre, que cette
réunion-là s'est passée assez rapidement, que le premier
ministre et M. Boivin vous ont avisés qu'ils aimeraient que cela se
règle, qu'ils vous ont donné plusieurs raisons. Les raisons sont
que, tout d'abord, ce n'est pas une bonne cause et que, deuxièmement, il
n'y a pas possibilité de percevoir, ou enfin, cela touche ces deux
points-là. Vous avez dit: "J'ai exprimé mon désaccord". De
quelle façon, si vous vous en souvenez, avez-vous exprimé votre
désaccord à ce moment-là?
M. Boyd: À propos des trois raisons qu'ils employaient,
surtout celle qu'on n'avait pas une bonne cause, j'ai dit que,
évidemment, on avait une bonne cause. Je pense que c'est le point
principal sur lequel j'ai insisté, autant que je me souvienne. Et, cela
n'a pas été long que le premier ministre s'est impatienté.
Il nous a donné la réponse que vous connaissez. Cela a
été assez bref comme conversation.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez mentionné comme argument
que ce n'était pas dans l'intérêt des
Québécois de faire un tel règlement?
M. Boyd: J'ai dû le mentionner, parce que c'était
l'un de mes arguments. J'ai dû le mentionner.
M. Lalonde: Est-ce que le premier ministre a réagi
à cet argument, de façon précise, quant aux
Québécois?
M. Boyd: Je pense que sa réaction a été que
ce sont les syndiqués qui seraient appelés à payer
et...
M. Lalonde: II n'y a pas eu de qualificatif particulier en ce qui
concerne cet argument-là?
M. Boyd: Je ne crois pas, non.
M. Lalonde: Est-ce que, au cours de cette réunion, on a
parlé des modalités du règlement? Autrement dit, est-ce
qu'il était évident qu'on parlait d'un abandon de la cause pour
des "grenailles" ou bien s'il a été question d'un ordre de
grandeur du montant? Est-ce qu'il serait dans l'intérêt de la
Société d'énergie de la Baie James et de tout le monde que
cela se règle pour un montant, par exemple, comme le disait M. Giroux ce
matin, de 10 000 000 $ ou de 20 000 000 $ ou, enfin, quelque chose comme
cela?
M. Boyd: Non. Il n'a été question d'aucune
modalité, ni d'aucun montant en ma présence.
M. Lalonde: Le premier ministre ou M. Boivin n'ont pas dit qu'il
fallait quand même qu'il y ait un montant minimal?
M. Boyd: Non. Il n'y a pas eu de montant fixé ou
discuté en ma présence.
M. Lalonde: Maintenant, je voudrais parler des rapports entre M.
Laliberté, le P.-D.G. de la SEBJ à compter du mois d'octobre
1978, et vous, comme membre du conseil à ce moment-là. Il vous
remplaçait?
M. Boyd: Oui, j'étais président de la SEBJ avant
qu'il occupe le poste de P.-D.G. de la SEBJ.
M. Lalonde: On comprend que la structure, à ce
moment-là, avait changé.
M. Boyd: La structure a été changée à
ce moment-là.
M. Lalonde: Quand vous a-t-il mis au courant de son cheminement
intellectuel ou, enfin, de sa vision qu'il poursuivait de régler et qui,
apparemment, évoluait au cours du mois de janvier 1979, peut-être
un peu avant et un peu après?
M. Boyd: J'ai été mis au courant aux séances
régulières de la société, lorsqu'il en a
été question.
M. Lalonde: Si on peut récapituler un peu, durant cette
période, il y a eu l'assemblée du 20 novembre 1978 où la
SEBJ décidait d'autoriser le montant de 500 000 $ pour les frais
judiciaires. M. Laliberté vous a-t-il mis au courant, à ce
moment-là, de son orientation vers un règlement hors cour ou vers
un abandon de la cause, comme il l'a dit ici?
M. Boyd: Pas à cette occasion.
M. Lalonde: Le 27 novembre - j'imagine que c'est la
réunion qui suit immédiatement celle du 20 novembre - il y a une
autre réunion du conseil d'administration. On a les
procès-verbaux ou les extraits de procès-verbaux qui concernent
le règlement. On parle d'interventions de membres du conseil
d'administration qui soulèvent des questions concernant cette cause,
à savoir le lien de droit, entre autres, peut-être aussi la
solvabilité ou la capacité de payer des syndicats
québécois. Est-ce à ce moment-là que M.
Laliberté vous a mis au courant de ses doutes quant à
l'à-propos de continuer?
M. Boyd: Pas pour autant que je me le rappelle.
M. Lalonde: Le 11 décembre, il y a une autre
réunion où on informe de façon plus formelle les membres
et où on leur remet des documents comme les opinions juridiques qui
existaient à ce moment-là, je pense que ce sont celles de 1975.
Est-ce que M. Laliberté vous a mis au courant, à ce
moment-là, comme membre du conseil d'administration, de ses
inquiétudes concernant l'à-propos de continuer de poursuivre?
M. Boyd: Pas pour autant que je me le rappelle.
M. Lalonde: Le 5 janvier, une nouvelle opinion juridique de vos
procureurs est remise à la suite des demandes du conseil
d'administration. Elle est étudiée à la réunion du
conseil d'administration du 9 janvier 1979. On est rendu en 1979. On voit,
d'après les extraits du procès-verbal, qu'on a longuement
étudié, à cette assemblée, tous les tenants et
aboutissants de cette cause et que la conclusion de la réunion est de ne
pas modifier les décisions antérieures, c'est-à-dire de
continuer la poursuite. On sait que le procès commence le 15 janvier,
donc, dans moins d'une semaine. À ce moment-là, est-ce que M.
Laliberté vous a informé, au conseil d'administration ou
vous-même, personnellement, de son cheminement vers une vision de
régler la cause?
M. Boyd: Non. Pour autant que je me le rappelle, à cette
occasion-là, cela n'a pas été discuté dans ce
sens-là non plus.
M. Lalonde: D'après nos renseignements - on ne
possède pas, comme le ministre, tous les procès-verbaux
d'Hydro-Québec et de la SEBJ - d'après les documents que nous
avons, la prochaine réunion où il aurait été
question de la poursuite concernant le saccage de la Baie-James serait celle du
23 janvier. On n'a pas d'extrait de procès- verbaux, étant
donné que la société - je pense que, sur cela, on n'a pas
à lui faire de reproche - ne nous a remis que les extraits touchant
directement le saccage de la Baie-James, la poursuite et le règlement,
mais, à notre demande, on nous a remis les présences. Est-ce que
c'est à ce moment, à cette réunion du 23 janvier qui,
d'après nos informations - si nous avons tort, vous nous corrigez -
serait la réunion suivant celle du 9 janvier, la première
réunion où on reparle de la poursuite de la Baie-James que M.
Laliberté vous aurait informé de son cheminement?
M. Boyd: Personnellement, je n'ai plus les documents de ces
assemblées. Je ne peux pas vous dire de quoi il a été
question parce que je n'ai pas les documents autres que ceux que vous avez eus
au sujet des présences. Je ne me rappelle pas si c'est à cette
assemblée qu'il a exprimé son opinion.
M. Lalonde: Est-ce que, pour témoigner ici, M. Boyd, on
vous a donné accès à tous les procès-verbaux de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Boyd: Oui, on m'a indiqué que je pouvais obtenir les
renseignements que je voulais.
M. Lalonde: Alors, à quel moment - là, nous sommes
rendus au 23 janvier - M. Laliberté vous aurait-il mis au courant de son
cheminement?
M. Boyd: Comme je vous le dis, de mémoire, cela serait le
23 ou le 30 janvier. Assurément, cela devenait très chaud,
à ce moment. Pour autant que je me souvienne, cela serait à l'une
ou l'autre de ces assemblées ou peut-être aux deux. Effectivement,
le 1er février, on allait chez le premier ministre.
M. Lalonde: À ce moment, étiez-vous au courant d'un
certain va-et-vient dont on a fait une certaine démonstration ici et de
la présence au bureau du premier ministre à plusieurs occasions
soit des procureurs des défendeurs dans la cause ou même de vos
procureurs?
M. Boyd: Je n'étais pas au courant parce que les
procureurs se rapportaient au P.-D.G. de la Société
d'énergie de la Baie James. J'ai été mis au courant de
cela en même temps que les autres.
M. Lalonde: C'est-à-dire il y a quelques semaines ou
à ce moment-là?
M. Boyd: II y a certaines des démarches que j'ai apprises
récemment et d'autres que j'ai apprises dans le temps.
M. Lalonde: Par exemple, le 6 mars...
M. Boyd: Je n'avais pas de renseignements
privilégiés.
M. Lalonde: ...vous êtes, comme membre du conseil
d'administration, appelé à voter...
M. Boyd: C'est cela.
M. Lalonde: ...sur une proposition de règlement. Le 6
février, un mois auparavant, vous aviez voté en faveur d'une
proposition d'aller explorer, mais c'est seulement un mois après qu'on
vous demande de voter formellement sur la proposition qui est sur la table.
Est-ce qu'à ce moment vous saviez que les procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James s'étaient
retrouvés dans les bureaux du premier ministre?
M. Boyd: Dans les bureaux du premier ministre, non, je ne le
savais pas. Mais, le 6 février, je savais qu'il y avait eu des
propositions, qu'on commençait à 50 000 $, 125 000 $ et que ceci
augmentait graduellement, mais je ne savais pas qu'il y avait eu les visites
dont vous parlez.
M. Lalonde: Étiez-vous au courant que M. Laliberté
aurait - je dis "aurait" parce que je n'ai pas le texte devant moi, mais j'en
suis pas mal sûr; en, fait on pourrait le corriger - donné un
mandat aux procureurs de la Société d'énergie de la Baie
James, vers le 18 janvier, de rédiger un projet de transaction,
transaction étant ce qu'on appelle, dans le langage courant, un
règlement hors cour, et qu'il avait donné un mandat à vos
avocats de travailler, autrement dit, dans le sens d'un règlement?
M. Boyd: Non, pour autant que je me souvienne, je n'étais
pas au courant. (16 h 15)
M. Lalonde: D'après vous, d'après le souvenir que
vous avez de ces réunions, comment le conseil d'administration de la
SEBJ en est-il venu à demander un complément d'opinion juridique
qu'on retrouve le 19 février, soit, premièrement, de Me Gadbois,
qui est le "house counsel", l'avocat de la SEBJ à temps plein, soit de
Mes Geoffrion et Prud'homme? On retrouve deux avis qui vont dans le sens de
compléter l'information du conseil d'administration. Comment en est-on
venu à demander ces opinions juridiques?
M. Boyd: Évidemment, c'était un sujet de discussion
assez chaud pendant cette période. Le procès était en
cours, les opinions étaient partagées et les membres, sans doute
ceux qui étaient moins certains de leur opinion ou qui voulaient
être plus renseignés, demandaient des opinions additionnelles.
Comme les autres membres étaient d'accord pour être le mieux
renseignés possible, c'est comme cela que les opinions additionnelles
étaient demandées.
M. Lalonde: À votre connaissance, est-ce que des faits
nouveaux, que vous ne connaissiez pas auparavant, auraient été
portés à la connaissance du conseil d'administration à
l'une ou l'autre de ses réunions, après le 9 janvier 1979 - je
dis bien après le 9 janvier - qui auraient pu justifier justement de
demander des opinions juridiques? Je ne demande pas pour tout le conseil, je
veux parler seulement pour vous.
M. Boyd: Je peux dire que les opinions que j'avais eues
déjà me satisfaisaient. J'étais, comme je l'ai
expliqué tout à l'heure, d'avis que, les procédures ayant
été prises, on avait suffisamment de justifications pour
continuer. Ce n'est pas moi qui ai demandé les opinions additionnelles,
mais j'étais bien d'accord pour qu'on les obtienne puisque les autres
les voulaient.
M. Lalonde: Oui, je comprends que ce n'est pas vous. C'est ce que
j'avais compris de votre réponse précédente. Mais je vous
demande si, à votre connaissance, des faits nouveaux,
insoupçonnés, ont été portés à la
connaissance du conseil d'administration après le 9 janvier? Par
exemple, la cause commence le 15. Est-ce que vos avocats vous ont dit: Cela va
mal, il y a des faits qu'on ne soupçonnait pas. On a une moins bonne
cause qu'on ne le pensait?
M. Boyd: Non, ce n'est pas à la suite d'un rapport ou
d'une déclaration de nos avocats au sujet du cheminement de la cause que
les opinions ont été demandées. C'est plutôt
à la demande de membres du conseil qui voulaient être
renseignés davantage.
M. Lalonde: Le 6 février - je reviens, je m'excuse de
faire un certain va-et-vient dans le temps - vous avez voté pour donner
un mandat à vos avocats d'explorer les possibilités d'un
règlement hors cour. Dans votre esprit, à ce moment, si vous vous
en souvenez, quel était l'ordre de grandeur du montant que vous auriez
pu accepter ou pour lequel vous auriez pu voter comme membre du conseil
d'administration dans un règlement hors cour?
M. Boyd: Je ne m'étais pas fixé de montant. Pour
moi, c'était un élément important, mais pas le principal.
Je voulais attendre, pour regarder cet aspect, d'être plus avancé
à savoir si c'était possible. Travailler dans les
hypothèses n'était pas
mon fort. J'aimais mieux attendre d'être devant quelque chose d'un
peu plus concret pour me faire une idée.
M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez expliquer comment est venue
- peut-être que vous l'avez mentionné, mais j'aimerais avoir un
peu plus de détails - la proposition d'aller rencontrer le premier
ministre? Je crois que c'est à la réunion du 30 janvier que cela
s'est fait ou le 23. Peut-être que vous pourriez le préciser.
M. Boyd: Oui, c'est soit le 23 ou le 30. Je ne sais pas laquelle.
Évidemment, on discutait du sujet et sans doute qu'il a
été mentionné que le gouvernement avait indiqué son
désir que l'on règle. C'est à ce moment que des membres du
conseil ont proposé que les trois permanents, si vous voulez, le
président du conseil et les deux P.-D.G. soient mandatés pour
aller voir et se rendre compte. C'est à peu près comme cela, pour
autant que je me le rappelle, que c'est arrivé.
M. Lalonde: II a été mentionné - enfin,
c'est sûrement un argument qui a été mentionné par
M. Boivin et par le premier ministre - que la cause était moins bonne
qu'on ne le croyait; qu'il était mieux de régler hors cour,
d'abandonner la poursuite, à toutes fins utiles, 200 000 $ pour 32 000
000 $. Est-ce qu'on vous a communiqué personnellement, M. Boyd, les
opinions juridiques de Me Jasmin et de Me Beaulé, plus
particulièrement les communications du 5 février 1979? Est-ce que
ces communications ont été portées à votre
connaissance lors de la séance du 6 février?
M. Boyd: Je sais que certaines de ces opinions nous sont venues
avec les articles que l'on discutait. Oui, j'en ai pris connaissance. Si on
regarde le procès-verbal du 6 février et la résolution, la
première correspondance que l'on voit, c'est celle de Me Michel Jasmin.
Les autres qui sont dans ce livre, j'en ai pris connaissance au conseil.
M. Lalonde: Je reviens un instant, si vous le permettez M. Boyd,
à la réunion du 1er février. Lorsque le premier ministre
vous a dit: Vous réglez ou nous allons régler pour vous ou
prendre les moyens de régler - cela dépend; c'est le sens de son
intervention -est-ce qu'il vous a démontré de quelle façon
il s'y prendrait pour régler?
M. Boyd: Non.
M. Lalonde: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, en réponse à une question de M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, sur la rencontre avec le premier ministre, vous avez
employé l'expression: J'ai dû employer cet argument, que ce
seraient les Québécois qui paieraient. Est-ce l'argument que vous
avez employé? C'est parce que vous avez été un peu
évasif et pas certain de l'argumentation que vous avez employée
et de la réponse du premier ministre. Je voudrais, pour les fins du
journal des Débats, que ce soit au moins une affirmation sûre de
ce que vous auriez dit à ce moment.
M. Boyd: Les mots exacts de l'argumentation - ces faits sont
loins, c'est assez difficile à dire - c'est qu'on avait une bonne cause
et que c'était notre devoir de voir à ce que les personnes
responsables paient et qu'on ne devait pas faire payer l'ensemble de la
population, quand c'étaient d'autres qui étaient
responsables.
M. Laplante: En gros, vous avez employé cette
argumentation.
M. Boyd: C'est cela.
M. Laplante: Merci. Si on se reporte au moment de l'action de 32
000 000 $, lors du saccage en 1974, c'était d'une très grande
importance à ce moment. Par votre expérience et les moments que
vous aviez vécus, vous aviez tout cela comme images dans la tête.
Vous avez eu, après cela, ce qu'on a appelé le rapport de
l'enquête Cliche et vous-même, vous avez dit tout à l'heure
qu'en i979, déjà, il y avait un climat favorable chez les
travailleurs du chantier de la Baie-James. Vous avez dit aussi que les travaux
étaient en avance et que tout fonctionnait comme dans le meilleur des
mondes. Si en 1979, vous aviez eu à prendre une action nouvelle, est-ce
que vous auriez pris ces 32 000 000 $ à ce moment-là, connaissant
ce qui s'est passé depuis ce temps, le rapport Cliche, l'avance que vous
avez eue dans les travaux jusqu'en 1979, le climat favorable chez les
travailleurs? Est-ce que les 32 000 000 $ étaient valables à ce
moment-là, si vous aviez eu à prendre une nouvelle action?
M. Boyd: Si vous le permettez, M. le Président, avant de
répondre à la question que je qualifierais d'hypothétique,
j'aimerais profiter de cette ouverture pour expliquer davantage ce qui s'est
passé à ce moment-là et ce qui s'est passé par la
suite. Premièrement, j'aimerais corriger certaines citations ou
énoncés qui ont été faits ici ou dans les
médias disant que les 31 000 000 $ étaient, en partie, fictifs.
Je peux vous assurer que ce n'était pas fictif. Les chiffres qui sont
connus étaient basés sur les
dommages réels. Prenons les plus gros montants: les 21 000 000 $
qui devaient être payés à Impreglio & Spino, ce
n'était pas une hypothèse.
Le 18 avril, c'était la journée d'ouverture des
soumissions pour ce contrat immense; c'était le plus gros contrat jamais
donné au Québec. Les appels d'offres avaient été
lancés avant le saccage. Vous pouvez vous imaginer l'inquiétude
des gens de la SEBJ. d'Hydro-Québec et surtout des entrepreneurs qui y
soumissionnaient. Beaucoup d'inquiétude a été
manifestée par les gens qui soumissionnaient. À tout le monde, on
a dit: Soumissionnez comme s'il n'y avait rien eu, on verra par la suite.
C'était la seule réponse qu'on pouvait donner.
Les soumissions sont entrées le 18 avril. Là-dessus, il y
a deux choses à expliquer: premièrement, évidemment, les
événements qui venaient de se passer avaient un effet sur le
programme; au pire, on était retardé d'une année. L'autre
point sur lequel il faudrait peut-être revenir, c'est qu'on a
laissé entendre qu'on a peut-être trop retardé l'ouverture
des chantiers et j'aimerais parler de cela plus tard.
Au sujet des soumissions, 224 000 000 $ - de ce que je me rappelle -
était la soumission la plus basse, les deux autres étant de
beaucoup supérieures. Les 224 000 000 $ étaient très
proches de notre estimation antérieure. C'est beaucoup d'argent pour un
contrat. Avant de rencontrer les entrepreneurs, il a fallu que nous fassions
une révision du programme pour voir s'il y avait moyen de reprendre le
temps perdu et de quelle façon on pouvait en reprendre le plus
possible.
Dans la soumission originale, la dérivation de la rivière,
qui était un événement important, était
prévue pour l'automne 1974, c'est-à-dire le 1er novembre;
c'était dans l'appel d'offres. Étant donné le saccage et
les 51 jours perdus, il était impossible de penser au 1er novembre. On a
alors changé de méthodes de travail. On a décidé
d'essayer de faire la dérivation de la rivière
immédiatement après la crue de 1975, c'est-à-dire au mois
de juin 1975. C'était prendre un assez gros risque, mais on a fait notre
planification dans ce sens. Cela voulait dire mettre un batardeau beaucoup plus
élevé pour éviter que le batardeau ne soit emporté
par la crue du printemps. Donc, changement de programme, délais dans les
travaux, quantités additionnelles, etc. C'est là qu'on a dû
négocier avec l'entrepreneur pour qu'il fasse ces travaux, on a
négocié fermement. C'est de là que viennent les 21 000 000
$ qui ont été ajoutés à son contrat. Donc, ce n'est
pas fictif. Son contrat n'était plus de 224 000 000 $, il était
de 245 000 000 $. (16 h 30)
Effectivement, on a fermé, fait la dérivation, à la
fin de juin 1975, avec un débit dans la rivière de 120 000 pieds
cubes/seconde. Les ingénieurs avaient dit: N'essayez pas au-delà
de 100 000 pieds cubes/seconde, mais on a essayé tranquillement et cela
s'est fait. Donc, voilà pour cette première partie.
Ensuite, en 1976, il y a eu la grève générale de la
construction au Québec. Les gens sont sortis à la Baie-James
aussi. À la fin de 1976, le programme était environ six mois en
retard. C'est là qu'il y a eu des rencontres. Je suis allé
rencontrer M. Hamel à LG 2 et nous avons décidé de changer
le programme pour reprendre le temps perdu. Cela voulait dire de
l'équipement additionnel, du personnel additionnel et de l'encadrement
additionnel aussi. On est passé, de l'hiver 1976 au printemps 1977, de 4
000 à 6 000 hommes à LG 2 sur les travaux. On a demandé
à l'entrepreneur d'acheter ou de louer de l'équipement, etc. Au
printemps de 1977, on était en mesure de commencer des travaux de
beaucoup plus grande envergure, d'essayer de rattraper le temps perdu. Cela a
coûté une quinzaine de millions.
L'année 1977 a été une année excellente, pas
de grève. Au point de vue de la température, rien de mieux. On a
travaillé à poser du matériel jusqu'en novembre 1977,
chose qui ne s'est pas vue dans le reste du contrat. Nous avions
dépensé un autre montant de quinze millions. Cela a tellement
bien été qu'à ce moment on a décidé qu'on
pouvait faire le devancement de la mise en service des unités. Au lieu
de février 1980, on pouvait les essayer pour la fin de
l'été 1979. Pour cela, il fallait faire encore des modifications,
changer les structures aux galeries de dérivation pour être
capable de les fermer sous charge, etc. Cela aussi, c'était environ
quinze millions.
Premièrement, pour me résumer, les chiffres de 31 000 000
$ n'étaient pas fictifs; je vous ai donné un exemple et je
pourrais parler de tous les autres. Ensuite, on se donnait bonne conscience en
disant: On est arrivé à temps, cela va coûter moins cher;
donc, ce n'était pas si grave que cela. On est arrivé à
temps, on est arrivé avant le temps et on est arrivé en bas de
l'estimation parce qu'on a changé de méthodes, parce qu'on a
investi de l'argent, parce qu'on a pris les risques et les moyens d'y arriver.
C'est tout cela qu'il faut regarder ensemble quand on parle de cela, pas
seulement un fait. Je m'excuse si ma réponse a été longue,
mais c'est un point qui n'a pas du tout été éclairci
depuis le début et, comme on doit faire la lumière, je vais faire
la lumière.
Pour répondre à votre question hypothétique, en
1979, je ne le sais pas. Il aurait fallu que j'examine où on en
était et, comme je viens de vous le dire, on avait mis deux fois 15 000
000 $ et on avait changé
de méthode, etc. Donc, le problème était bien
différent.
M. Laplante: Ces 15 000 000 $, on ne peut pas les imputer, non
plus, au saccage.
M. Boyd: Non, on ne les impute pas au saccage.
M. Laplante: Les 245 000 000 $ dont vous parlez, viennent des 21
000 000 $ à Spino Construction, puisque vous avez dit qu'on les avait
ajoutés au contrat de 224 000 000 $. Il reste que ce contrat a
été modifié aussi pour des ajouts d'ouvrage qu'il y a eu.
On ne peut pas non plus imputer complètement les 21 000 000 $ dans ce
contrat comme ajout.
M. Boyd: Les 21 000 000 $ étaient dus au programme. On a
dit: Voici le programme, on perd un an. Qu'est-ce qu'on peut faire pour
récupérer? C'est ce dont on a discuté avec eux, ce qu'on a
négocié. Et on a eu un changement de commande de 21 000 000 $.
Cela, c'est fait. D'accord? Ensuite, je voulais en même temps vous
expliquer pourquoi on était arrivé avant le temps, etc. C'est
qu'on a fait d'autres changements qui étaient, évidemment, dans
les deux cas, des changements de la direction, de la bonne gérance du
chantier, qui ont fait qu'on a épargné beaucoup d'argent.
M. Laplante: En 1974, lors du saccage, vous aviez combien de
retard sur le chantier?
M. Boyd: Au début?
M. Laplante: Oui, au moment du saccage, combien de retard
aviez-vous déjà sur le chantier?
M. Boyd: On était légèrement en retard
puisque le premier entrepreneur n'avait pas tellement bien réussi, mais
c'était quelque chose qui se reprenait assez facilement. On avait pris
des mesures, en fait, en lui enlevant le contrat pour le donner à un
autre et cela aurait pu se faire sans problème.
M. Laplante: Ce que je voudrais vous faire dire exactement, M.
Boyd, c'est que...
M. Boyd: J'écoute. Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Laplante: ...le saccage de la Baie-James n'a pas
été le seul élément dans les retards jusqu'en 1976;
avec vos six mois de retard, le saccage n'a pas été le seul
élément du retard que vous aviez sur le chantier.
M. Boyd: L'effet du saccage a été qu'il a fallu
renégocier. Cela a coûté 21 000 000 $. Il y a eu d'autres
problèmes qui se sont présentés, qu'on a
réglés séparément et qui, évidemment, n'ont
rien à voir avec ce saccage. La raison pour laquelle je vous en parle en
même temps, c'est pour vous expliquer tout le portrait.
M. Laplante: Comme ça, on s'entend pour dire qu'en 1974 il
y avait déjà un retard appréciable qui s'est
accentué jusqu'en 1976? On s'entend là-dessus?
M. Boyd: En 1974, il y avait peut-être un peu moins,
disons, de deux mois de retard...
M. Laplante: Deux mois, d'accord.
M. Boyd: ...mais c'était sur la préparation des
portails des galeries de dérivation...
M. Laplante: Oui.
M. Boyd: ...qu'on a enlevée à cet entrepreneur qui
ne donnait pas satisfaction et qu'on a donnée à celui qui avait
les galeries de dérivation. C'était facile à
récupérer. Ce n'était pas de gros travaux.
M. Laplante: Cela fait que les 51 jours de retard perdus lors du
saccage de la Baie-James ont forcé aussi la Société
d'énergie de la Baie James à trouver de nouvelles méthodes
de travail, à changer ses méthodes de travail. Est-ce exact?
M. Boyd: Non.
M. Laplante: Je parle de ce que vous avez dit, moi. Je vous
suis.
M. Boyd: Oui, oui. Par méthodes, j'entends
l'équipement, les façons de travailler, les programmes
surtout.
M. Laplante: Ce qui a fait, en somme, que ces
méthodes-là ont augmenté le contrat de Spino qui vous
réclamait 21 000 000 $ dans vos montants. Mais ces 21 000 000 $ ont
été bénéfiques, en somme; ils ont été
donnés à Spino pour, justement, une addition à son contrat
d'ouvrage neuf qui n'était pas inclus dans la première
soumission.
M. Boyd: II fallait lui demander de mettre plus d'hommes, de
faire des batardeaux plus élevés, d'utiliser plus
d'équipement, etc. Il fallait bien le payer. Ce n'était pas sa
faute à lui, ni la nôtre.
M. Laplante: Je peux me tromper dans
ce cas-là. C'est que lorsqu'on dit que, le saccage a
coûté 32 000 000 $, il y a une grande partie de cela qui ne
devrait plus entrer dans les 32 000 000 $ à ce moment-là. C'est
pourquoi je vous demandais tout à l'heure: Si vous aviez à faire
un retour en 1979, si vous aviez une action nouvelle à prendre sur les
dégâts qu'il y a eu à la Baie-James, est-ce que ce serait
le même montant? Parce que la cour, à ce moment-là, aurait
décidé de l'avancement des travaux. Elle aurait
décidé de beaucoup de choses, elle aussi. Elle aurait
prouvé que cela n'a pas retardé, même qu'on a
devancé, à ce moment-là, en 1979. Mais croyez-vous que la
cause aurait été aussi bonne en 1979 qu'au moment où vous
l'aviez prise?
M. Boyd: II aurait fallu expliquer à la cour avec beaucoup
plus de détails et beaucoup plus de chiffres que je ne peux vous en
donner ici, le cheminement de tous ces ajouts ou changements. Mais certainement
que les sommes qui avaient été versées ou qui devaient
être versées, chez nous, c'était pour du travail fait. Je
pense bien qu'il n'y avait pas autre chose à faire que de payer pour le
travail fait.
M. Laplante: Merci, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En écoutant le
député de Bourassa, encore un peu et je pensais qu'il essayait de
faire la preuve que le saccage avait épargné de l'argent à
la SEBJ et que c'était bénéfique pour les travaux.
M. Boyd: Ce n'est pas une question, cela?
M. Ciaccia: Non, je ne pense pas que ce soit cela. Je pense que
les chiffres nous ont démontré qu'il y avait une perte
réelle. M. Boyd, vous avez eu une longue et fructueuse carrière
avec Hydro-Québec. Je me souviens que plusieurs d'entre nous
étaient très déçus et désappointés
quand vous avez démissionné à la fin de décembre
1981, je crois. Pendant votre carrière, vous étiez le
président de la SEBJ durant les négociations de la Baie-James
avec les autochtones.
M. Boyd: D'accord.
M. Ciaccia: Je me souviens d'avoir eu de longues discussions et
négociations avec vous, parce que vous étiez responsable pour
l'équipe de la SEBJ.
M. Boyd: Oui.
M. Ciaccia: Je me souviens, à ce moment-là, que les
autochtones avaient entrepris des procédures juridiques contre la SEBJ
et Hydro-Québec. Ils avaient réussi à obtenir une
injonction. À ce moment-là, j'avais récupéré
ce dossier comme représentant du premier ministre pour essayer
d'effectuer un règlement avec les autochtones.
M. Boyd: Oui.
M. Ciaccia: Je me souviens que les négociations, à
la suite de ces procédures, étaient ouvertes. Le règlement
n'avait pas été imposé par le bureau du premier ministre
dans ses termes et conditions, parce que je me souviens d'avoir souvent eu
à négocier avec vous et à reculer sur certaines des
positions que j'avais prises. Les arguments que vous donniez, à ce
moment-là, étaient que vous agissiez pour défendre les
intérêts de la SEBJ et ceux des Québécois.
Finalement, les négociations ont abouti à un accord entre toutes
les parties, sans être imposé par le gouvernement ou le bureau du
premier ministre.
Je me souviens que vous aviez démontré une fermeté
et que vous étiez très soucieux des intérêts de tous
les Québécois dans les négociations pour cette entente
très historique. Au début, les autochtones étaient
très désenchantés de votre position, mais, à la
fin, ils ont été obligés de reconnaître certains
arguments que vous aviez évoqués. Ils ont eu beaucoup de respect
pour vous quant à la façon dont vous avez dirigé votre
équipe de négociation.
Je voudrais vous demander, M. Boyd, très brièvement - je
sais que vous nous avez déjà donné quelques-unes des
raisons - de récapituler les raisons pour lesquelles vous avez
voté contre le règlement de 200 000 $.
M. Boyd: Les raisons pour lesquelles j'ai voté contre?
M. Ciaccia: Oui. Pourquoi étiez-vous contre ce
règlement de 200 000 $?
M. Boyd: Premièrement, je préférais qu'on
obtienne un jugement. Je trouvais que, dans la proposition qui nous a
été faite pour un règlement hors cour, les conditions
qu'on avait exigées n'étaient pas respectées. On parle de
reconnaissance de responsabilité par les parties. Il y a plusieurs
parties qui n'ont pas voulu reconnaître leur responsabilité. Pour
moi, c'était un facteur. Aussi, la somme qui était offerte
était beaucoup trop inférieure ou trop minime, en somme. Je pense
que c'étaient les principales raisons.
M. Ciaccia: Quelle était votre position sur la
capacité de payer des syndicats? Parce que plusieurs administrateurs
nous ont
dit qu'ils doutaient de la capacité des syndicats de pouvoir
payer le jugement qui aurait été rendu dans cette cause. (16 h
45)
M. Boyd: Personnellement, sans pouvoir le prouver, j'avais
l'impression qu'ils auraient pu payer beaucoup plus que cela. Quelques
années auparavant, comme cela, ils nous avaient offert le tiers des 1
200 000 $, c'est-à-dire qu'ils nous avaient offert 400 000 $ sans aucune
sollicitation; c'était venu comme cela. S'ils avaient pu faire cette
proposition à ce moment, je ne voyais pas comment ils pouvaient, je
dirais, oser commencer par 50 000 $; c'est un peu ridicule, et même les
200 000 $, à mon avis. Que pouvaient-ils payer? C'est très
difficile à dire. Je ne sais pas si quelqu'un connaît vraiment la
capacité de payer des différents syndicats qu'on a au
Québec. Je ne la connais pas et je ne sais pas s'il y en a qui la
connaissent. Je pense que, si on avait eu des conditions raisonnables quant
à l'acceptation des responsabilités, il y a des montants qui
auraient pu être payés, et beaucoup plus importants que 200 000
$.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné que toutes les conditions
n'ont pas été remplies. Une des conditions, c'était la
reconnaissance des responsabilités.
M. Boyd: C'est cela.
M. Ciaccia: Cette condition a été remplie seulement
partiellement.
M. Boyd: Cette condition a été remplie
partiellement. J'ai des notes ici à ce sujet. Quant aux individus, Yvon
Duhamel, possiblement qu'il pouvait reconnaître ses
responsabilités; il était déjà en punition. Michel
Mantha et Maurice Dupuis étaient en appel; donc, ils ne voulaient pas
faire d'aveu. André Desjardins n'était pas
intéressé à intervenir d'aucune façon. René
Mantha n'était pas intéressé à intervenir d'aucune
façon; cela me chicotait beaucoup parce qu'on savait le rôle que
ces gens avaient joué. L'International Union of Operating Engineers et
le local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers
d'Amérique ne voulaient pas reconnaître leurs
responsabilités. Donc, il y en avait qui les reconnaissaient, mais ce
n'était certainement pas ce qu'on avait indiqué comme
étant "tous".
M. Ciaccia: Quand le chèque de 200 000 $ est finalement
arrivé sur la table - je présume qu'à un moment
donné il est arrivé au conseil d'administration - quelle a
été votre réaction face à ces chiffres?
M. Boyd: Je l'ai indiqué tout à l'heure, quant
à moi, c'était bien insuffisant.
M. Ciaccia: Y a-t-il eu des discussions, à savoir:
Écoutez, on a déjà refusé 400 000 $ en 1975, on
négocie plusieurs années plus tard et on accepte 200 000 $? Il me
semble que, si j'étais au conseil d'administration, je dirais: Un
instant, mes collègues, réfléchissons sur ces chiffres.
Quelle a été la discussion à ce moment?
M. Boyd: Pour autant que je me le rappelle, il y a certainement
eu une discussion sur le montant. Je pense bien que je n'étais pas le
seul à trouver que ce n'était pas suffisant. On n'a pas pris le
vote sur ce point particulier, mais je pense bien que plusieurs des membres
n'étaient pas satisfaits du montant. On en a parlé,
évidemment. Les procureurs qui avaient été chargés
de négocier nous ont dit que c'était tout ce qu'ils avaient pu
obtenir. Quant à moi, je leur ai certainement dit de retourner et de
faire un peu plus de travail; c'était mon opinion.
M. Ciaccia: Parce que le premier ministre avait indiqué
d'une façon ou d'une autre son voeu que ce soit réglé,
est-ce que cela a pu influencer? Le conseil d'administration a-t-il dit:
Écoutez, le premier ministre veut régler, on va régler
pour 200 000 $?
M. Boyd: C'est difficile pour moi de répondre sur ce
sujet. Il n'en a pas été question en ce sens; je ne me le
rappelle pas, du moins. Cela ne me satisfaisait pas et c'est pour cela que j'ai
voté contre.
M. Ciaccia: La question de la paix sociale...
M. Boyd: Pardon?
M. Ciaccia: Plusieurs des administrateurs ont invoqué,
à la suite de questions devant cette commission parlementaire, qu'une
des raisons pour lesquelles ils ont voté en faveur du règlement,
c'était pour maintenir la paix sociale sur le chantier. Le 9 janvier,
à la réunion du conseil d'administration, il y avait un rapport
confidentiel qui concluait, et je cite: "II est important...
M. Boyd: Quelle page? M. Ciaccia: Page 23. M. Boyd:
Oui.
M. Ciaccia: "II est important, pour le maintien de ce climat de
confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la
Baie-James et l'institution de l'action, que les responsabilités des
parties soient déterminées par le tribunal et que la
société
d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit
pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement
justifié." Ce rapport a été signé par Me Jean
Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef du chantier
de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me André
Gadbois, chef du contentieux.
À ce moment, est-ce que ces conclusions ont été
contestées par quelques-uns des membres du conseil d'administration?
M. Boyd: Je pense que c'est certainement un paragraphe que
j'aurais pu initialer ou endosser personnellement. Je ne me souviens pas qu'on
en ait discuté spécifiquement. Vous comprenez que, quand on a un
dossier aussi important, aussi volumineux que celui-là, on n'est pas
entré, autant que je me souvienne, dans les détails des
différents documents. Chacun les lisait pour lui-même et prenait
ce qu'il voulait. Pour moi, c'était un élément important,
mais je ne peux pas vous dire que cela a été mis en doute par
d'autres.
M. Ciaccia: Alors, d'après votre souvenir, votre
mémoire, cela n'avait été mis en doute par aucun des
autres membres présents à cette réunion?
M. Boyd: Pour autant que je me souvienne, non.
M. Ciaccia: C'était le 9 janvier 1979? M. Boyd:
C'est cela, oui.
M. Ciaccia: Je présume que la question de la paix sociale
a été soulevée après le 9 janvier. Quels faits ou
quelles déclarations vous étaient rapportées par les
membres du conseil d'administration qui soulevaient des dangers de
désordre au chantier comme argument pour régler à tout
prix? De quoi avait-on peur exactement?
M. Boyd: C'est difficile de répondre pour d'autres, mais
j'imagine que le fait d'avoir une décision qui serait défavorable
aux syndicats les rendrait malheureux et violents par la suite. Cela ne
m'impressionnait pas dans ce sens. C'est que, depuis qu'on avait repris le
chantier et qu'on n'avait plus les "stewards" ou les agents spéciaux qui
étaient là pour causer des difficultés, on avait, d'une
façon générale, la paix. En y allant souvent
moi-même, j'ai rencontré les gens sur le chantier, à la
cafétéria et ailleurs. On se rendait compte que les hommes qui
étaient là y étaient pour travailler, étaient
heureux de travailler et on avait la paix sociale. Évidemment, on avait
certains problèmes mineurs, mais, au point de vue général,
la paix était établie. Il n'y avait pas, à mon avis,
d'inquiétude spéciale à y avoir à la fin de 1978 ou
au début de 1979.
M. Ciaccia: Alors, vous confirmez les conditions qui
étaient décrites dans le rapport confidentiel, soit que, depuis
la reprise des travaux, le climat de confiance était devenu apparent,
que cela n'a pas changé?
M. Boyd: Oui. En effet, depuis la reprise des travaux, en 1974,
on avait mis beaucoup d'effort pour améliorer les conditions de travail
et pour améliorer le climat. Réellement, on avait mis le paquet
pour que cela travaille mieux. Je vous l'ai dit, en 1977, on avait atteint
cette grande efficacité et cela s'est maintenu par la suite.
M. Ciaccia: J'avais une autre question au sujet d'une des raisons
qui avaient été invoquées par un des administrateurs sur
la difficulté d'établir les pertes réelles, mais je vois
que le député de Bourassa a établi par ses questions que
vous étiez en mesure d'établir les pertes réelles.
M. Boyd: D'établir?
M. Ciaccia: D'établir les pertes réelles que la
SEBJ avait subies.
Le 19 février 1979, une opinion juridique a été
envoyée à Me André Gadbois par le bureau de Mes Geoffrion
& Prud'homme. Est-ce qu'à votre connaissance il y avait plus qu'une
opinion juridique qui avait été envoyée en date du 19
février par le bureau de Mes Geoffrion & Prud'homme?
M. Boyd: On a ici une lettre de Me Gadbois au président et
aux membres du conseil de la SEBJ, datée du 19.
M. Ciaccia: Oui, il y a une lettre adressée à Me
Gadbois par Jean-Paul Cardinal.
M. Boyd: Adressée à Me Gadbois par Mes Geoffrion
& Prud'homme.
M. Ciaccia: Oui, sous la signature de Jean-Paul Cardinal.
M. Boyd: Ces deux lettres-là, oui.
M. Ciaccia: Est-ce qu'à votre connaissance il y avait plus
qu'une opinion juridique qui avait été soumise par le bureau de
Mes Geoffrion & Prud'homme en date du 19 février?
M. Boyd: Je pense qu'au point de vue de ce qui est arrivé
au conseil, c'est ce que vous avez. Il y a peut-être eu une autre
opinion émise au bureau de M. Cardinal le 19, mais on n'a pas
ici...
M. Ciaccia: J'ai, devant moi, une copie d'une opinion juridique
en date du 19 février, adressée à Me André Gadbois,
qui n'est pas tout à fait conforme à l'opinion juridique contenue
dans les procès-verbaux que nous avons. Vous souvenez-vous de cette
deuxième ou peut-être première opinion juridique?
M. Boyd: J'ai vu cette deuxième lettre récemment
quand j'ai demandé les documents. Elle est dans les dossiers du
contentieux, sans doute, mais...
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a une explication?
M. Boyd: Je pense qu'il faudrait demander à d'autres que
moi ce qui s'est passé.
M. Ciaccia: Vous n'avez pas souvenance de ce qui s'est produit
pour qu'il y ait deux opinions juridiques sur le même sujet, la
même journée?
M. Boyd: Non. Je pourrais faire une hypothèse, mais, pour
être sûr, je ne le sais pas.
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le
député.
M. Ciaccia: Seulement pour la question qui me vient à
l'esprit, c'est que l'opinion juridique contenue dans le document fait
référence à la cause de Gaspé Copper Mines.
M. Boyd: Oui, je le sais.
M. Ciaccia: Tandis que, dans le document de l'autre opinion
juridique, il n'y a pas de référence à Gaspé Copper
Mines.
Vous ne savez pas comment cela aurait pu...?
M. Boyd: Si vous le permettez, je pourrais demander...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Vous le
demandez pour pouvoir répondre ensuite.
M. Boyd: ...un conseil.
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, il n'y a pas de
problème.
M. Boyd: Si les deux maîtres qui sont ici peuvent me
l'expliquer, je vous donnerai la réponse.
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui.
M. Boyd: S'ils ne peuvent pas l'expliquer, je n'aurai pas de
réponse.
M. Ciaccia: Vous pouvez le demander.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez le demander, il n'y
a pas de problème. (17 heures)
M. Boyd: J'ai une réponse. En fait, ce que Me Gadbois me
dit, c'est que Mes Geoffrion & Prud'homme avaient envoyé une
première opinion où il n'était pas question de
Gaspé Copper et, à la suite de discussions entre les deux
bureaux, on a demandé qu'on parle de Gaspé Copper. La
deuxième opinion est venue.
M. Ciaccia: Alors, qui a demandé de parler...
M. Boyd: II faudrait le demander au bureau de Mes Geoffrion &
Prud'homme si jamais...
M. Ciaccia: Peut-être que, de la même façon
que vous avez obtenu cette réponse, vous pourriez demander qui a
demandé d'inclure la référence à Gaspé
Copper Mines?
M. Boyd: Ce n'est pas Me Gadbois. M. Ciaccia: Pardon?
M. Boyd: Ce n'est pas Me Gadbois. C'est sans doute venu
d'eux-mêmes lorsqu'ils se sont rendu compte, mais il faudrait le leur
demander. Je ne le sais pas.
M. Ciaccia: Je remarque que la cause de Gaspé Copper Mines
à laquelle on se réfère dans cette opinion semble
être plutôt en faveur des défendeurs, The International
Union of Operating Engineers.
M. Boyd: C'est le mieux qu'on peut faire pour le moment.
M. Ciaccia: Non, je comprends. Mais la question qui me vient
à l'esprit - je sais que ce n'est pas vous qui pouvez répondre -
est celle-ci: Pourquoi n'a-t-on pas fait référence à la
cause de la CSN et Reynolds? M. Giroux, ce matin, y a fait
référence, lui. Il y avait eu un jugement pour 6 000 000 $. Cette
cause était en faveur des demandeurs. Autrement dit, vous avez des
avocats, Geoffrion & Prud'homme, qui représentent les demandeurs,
mais ils citent des causes en faveur du défendeur et ils n'ont pas
cité la cause qui était en faveur de la SEBJ. Je pense que le
jugement pour 6 000 000 $ est sorti le 6 février 1979, deux semaines
avant que cette opinion juridique soit envoyée par Mes Geoffrion &
Prud'homme. Peut-être que cela aurait... En tout cas, si j'avais
été un avocat du demandeur, j'aurais peut-être...
C'est une réflexion que je fais tout haut...
M. Boyd: Je ne peux pas vous donner...
M. Ciaccia: ...à la lecture de ces documents.
Le Président (M. Jolivet): Vous aurez l'occasion de la
poser à d'autres, M. le député.
M. Ciaccia: Oui, oui. En écoutant, peut-être que les
avocats pourraient penser à préparer...
Le Président (M. Jolivet): Déjà une
réponse.
M. Ciaccia: ...une réponse. Ils ont réglé
pour 2 500 000 $, comme M. Giroux l'a dit ce matin. C'était une cause de
beaucoup moindre importance que celle concernant les problèmes qui sont
arrivés à la SEBJ. Je vous remercie beaucoup, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais
questionner M. Boyd. Au début de votre témoignage, vous avez dit
que, dans votre esprit, les personnes responsables du saccage devaient payer.
Est-ce que, pour vous, cela voulait dire que les travailleurs de la SEBJ, les
travailleurs du chantier, à ce moment-là, devaient payer pour ces
saccages?
M. Boyd: Les travailleurs qui étaient responsables,
certainement. Quant à l'ensemble des travailleurs, c'est une autre
question. Quand on fait partie d'un syndicat et que notre syndicat fait des
gaffes... Cela s'est vu ailleurs que le syndicat reconnu coupable a
été obligé de payer.
M. Tremblay: Combien y avait-il de personnes impliquées
directement dans le saccage de la Baie-James?
M. Boyd: Je ne les ai pas comptées. À ce
moment-là, il y en avait quelques centaines. Il y avait environ 600,
700, peut-être 800 personnes sur les chantiers. Quelques-unes ont,
évidemment, posé des gestes; les autres les ont regardé
faire et les ont encouragées, etc. Établir le nombre de
responsables, c'est assez difficile. Pour moi, il n'en demeure pas moins que
ces gens avaient eu des rencontres avec leur chef. Ils avaient
été montés, soulevés, cuisinés. C'est le
problème de la démocratie lorsqu'on se laisse cuisiner.
M. Tremblay: Vous avez aussi parlé, tout à l'heure,
des fauteurs de troubles sur le chantier. Est-ce que, avant cela, ils avaient
été identifiés?
M. Boyd: Oui.
M. Tremblay: Vous avez aussi dit dans votre témoignage
qu'une des raisons pour lesquelles la paix sociale était revenue sur le
chantier, c'est que vous aviez établi des contrôles pour les
entrées.
M. Boyd: En effet.
M. Tremblay: À ce moment, je me demande pourquoi, avant le
saccage, vous n'établissiez pas ces contrôles puisque le saccage
lui-même est venu à la suite d'une détérioration
assez longue des conditions ou de l'atmosphère sur le chantier.
M. Boyd: Évidemment il y en avait des contrôles
avant. C'étaient les centres d'accueil où tout le monde qui
arrivait devait passer pour s'identifier, avoir une carte, obtenir son
campement, son linge, etc. Le problème avec ces centres d'accueil, c'est
qu'ils étaient au milieu du campement et non pas à
l'accès, comme à l'aéroport, ou à l'accès de
la route. Il y avait aussi les gens travaillant pour les autres groupements,
comme la SDBJ, etc.
Il était difficile de prévoir avant les troubles qu'on
aurait ce genre de problèmes. Ce n'était pas notre
première expérience. On avait fait tous les chantiers de
Manic-Outardes sans connaître ces problèmes de saccage. On avait
eu des problèmes, on avait eu des grèves, mais rien d'aussi grave
que cela. Il y avait des contrôles, mais moins rigoureux que ceux qu'on a
dû imposer. C'est pour cela qu'une fois la gravité du saccage
connue une des choses que j'ai moi-même décidée et
exigée, c'est qu'à l'avenir personne n'entrerait sans passer ce
contrôle. Moi-même, je m'y soumettais, les ministres, les premiers
ministres, que ce soit ceux du Québec ou d'ailleurs, tout le monde
passait par là, c'était la règle générale.
Il y a eu des tas de gens qui ne sont pas montés. On a eu des plaintes
des différents syndicats que c'était un contrôle beaucoup
trop rigoureux, que cela n'avait pas de bon sens. On a continué, on a
persisté et cela a porté fruit. C'était la première
fois que cela se faisait ainsi.
M. Tremblay: II ne semble pas que la situation était de
tout repos sur le chantier avant le saccage puisque la commission Cliche a
établi qu'un avocat de la CSN, à cette époque, Me
Clément Richard, qui est maintenant ministre du gouvernement, s'est
rendu sur le chantier afin de faire adhérer des membres et qu'il a
dû être accompagné par au moins quatre policiers. Il devait
y avoir à ce moment, quand même, une
certaine tension sur le chantier. Encore une fois, je me demande comment
cela se fait que la SEBJ, à ce moment, n'ait pas pris des mesures,
puisque la situation était telle, pour régulariser la situation
et permettre à un autre syndicat, tel que la loi le permettait, de faire
adhérer des membres.
M. Boyd: C'est qu'à ce moment c'était la guerre
à mort entre la CSN et la FTQ dans la construction. Ce n'était
pas particulier à la Baie-James, c'était général.
La FTQ avait décidé qu'elle s'imposerait à la Baie-James.
Nos gens de sécurité des relations de travail n'étaient
pas en nombre suffisant pour faire la police de tout le monde. Leurs
instructions - et c'est ce qu'ils faisaient, en fait - c'était de voir
à ce que les gens qui étaient d'autres syndicats, de la CSN ou de
la CSD, puissent avoir accès au travail. À cause des agents et
des agents à gros bras qui étaient là, c'était
très difficile pour les autres syndiqués de s'implanter. Il y a
différents incidents qui sont relatés où nos gens ont pris
la défense des gens de la CSN, en fait. Le dernier incident, comme vous
le savez, c'est qu'on a voulu faire sortir deux employés affiliés
à la CSN. Et c'est un peu cela qui a fait déborder le vase. Mais
je pense qu'il était difficile pour le petit groupe de cadres qui
étaient à la SEBJ, à LG 2, de faire mieux que ce qui se
faisait dans le reste de la province au sujet de cette lutte entre les deux
syndicats. Une fois le saccage passé, nous, on s'est dit: Si on ne peut
pas régler ce problème dans la province, on va le régler
à la Baie-James. Et on l'a réglé.
M. Tremblay: Je reste un peu sur deux pattes. Ma réaction
était que la SEBJ, à cette époque, n'avait pas les moyens
d'expulser du chantier les fauteurs de troubles. Mais vous les avez
trouvés par la suite?
M. Boyd: Oui, c'est cela. On n'avait pas pris les moyens à
ce moment-là, parce qu'on avait fonctionné comme on fonctionnait
auparavant sur les autres chantiers. Mais il a fallu prendre les moyens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: La Société d'énergie de la
Baie James a été créée par une loi qui a
été présentée à l'Assemblée nationale
en 1971, si ma mémoire est fidèle. La société a
été créée, elle a été formée,
elle a amorcé sa responsabilité sur le chantier de la Baie-James
en termes de réalisations. De 1971 ou 1972 jusqu'en 1978, elle a agi en
fonction d'un mandat qui lui était dévolu par une loi
adoptée à l'Assemblée nationale du Québec. Vous
avez été intimement associé au travail et aux
réalisations éclatantes de la Société
d'énergie de la Baie James, en plus de votre longue expérience
à Hydro-Québec.
Le 13 juin 1978, il y a une loi qui a été adoptée
ici à l'Assemblée nationale qui venait modifier la Loi sur
l'Hydro-Québec et la Loi sur le développement de la région
de la Baie-James. Il y a deux objectifs particuliers qui étaient
définis dans cette loi. Le premier était de redéfinir les
objets de la Société d'énergie de la Baie James de
manière à lui confier le mandat de poursuivre, pour le compte
d'Hydro-Québec, les travaux de développement du complexe La
Grande et d'assumer, à la demande d'Hydro-Québec, la
gérance d'autres travaux d'envergure. C'était l'un des premiers
objets de la loi 41, sanctionnée le 13 juin 1978. Un deuxième
objet était de majorer le nombre d'administrateurs, d'augmenter le
nombre des membres du conseil d'administration de cinq à onze membres.
Ma première question serait de savoir si, comme personne, vous avez
été consulté par le ministre qui, à
l'époque, a présenté ce projet de loi,
premièrement, et aussi de voir quels ont été les motifs
invoqués par le ministre du gouvernement du Parti
québécois pour majorer le nombre de membres au conseil
d'administration de cinq à onze.
M. Boyd: Oui, j'ai été consulté par le
ministre à l'époque, à quelques reprises, au début
de la préparation de ce projet de loi. Personnellement, je n'avais pas
d'objection à l'augmentation du nombre de membres du conseil.
J'étais d'accord avec une nouvelle structure où il y aurait un
conseil, un président du conseil et un P.-D.G. Là où je
cessais d'être d'accord - et on ne m'a pas consulté
là-dessus, je l'ai appris par la suite - c'était d'avoir deux
sociétés parallèles; une société
d'énergie et une société Hydro-Québec, qui avaient
les mêmes membres du conseil avec deux P.-D.G., etc. Là-dessus, je
n'étais pas d'accord, mais on ne m'a pas demandé mon opinion.
M. Pagé: À votre connaissance et à la
lumière de la longue et vaste expérience que vous avez,
croyez-vous que la Société d'énergie de la Baie James
aurait pu réaliser le mandat qui lui était confié et
redéfini par la loi 41 afin d'atteindre les objectifs poursuivis par la
création d'une telle société, si le nombre
d'administrateurs n'avait pas été majoré de 5 à 11?
(17 h 15)
M. Boyd: Vous parlez de la Société d'énergie
de la Baie James?
M. Pagé: Oui.
M. Boyd: Évidemment, on peut spéculer
là-dessus. C'est assez difficile à dire. Je ne pense pas que ce
soit le nombre qui ait été
le facteur important. Quant à moi, mon opinion était
plutôt qu'il était difficile de gérer deux
sociétés en parallèle. Le nombre était une chose
qui aurait pu être discutée, mais ce n'était pas le facteur
important.
M. Pagé: Avec 5 membres du conseil d'administration
plutôt que 11, à votre connaissance, est-ce que la
Société d'énergie de la Baie James aurait
été capable de réaliser ses travaux?
M. Boyd: Non. On avait géré avec 5 membres du
conseil de 1972 à 1978. Donc, on aurait pu continuer. Comme chez
HydroQuébec, la commission était de 5 membres et on est
passé à 11 membres. Ce sont des changements de structures. Est-ce
mieux l'une que l'autre? C'est une question d'opinion. Je vous ai dit que je
n'avais pas d'objection à ce qu'il y ait plus de membres au conseil
d'Hydro-Québec. C'est la relation entre la SEBJ et Hydro-Québec
qui ne me plaisait pas. Cela a été créé.
Peut-être que cela devrait être changé dans l'avenir. Mais,
maintenant, je peux en parler avec plus de désintéressement. Je
pense que cette relation devrait être changée dans l'avenir. On a
vécu avec celle-ci et on a quand même réussi à
compléter les travaux et à fonctionner. On peut s'accommoder de
différentes structures, mais il y a des structures avec lesquelles on
s'adonne mieux qu'avec d'autres.
M. Pagé: Donc, vous auriez pu réaliser ces
objectifs avec 5 membres plutôt qu'avec 11 membres?
M. Boyd: On l'avait fait de 1972 à 1978. C'était
déjà un bon bout de chemin de fait.
M. Pagé: D'accord. Au cours de cette consultation du
ministre Joron, sur le projet de loi no 41, il n'a jamais été
question, avec vous, du saccage de la Baie-James?
M. Boyd: Je ne me rappelle pas qu'on en ait discuté, non.
L'objet de la réunion était de discuter du changement de la loi,
des nouvelles structures.
M. Pagé: À plusieurs reprises, ici, soit par des
questions ou par des commentaires ou par des réponses qui ont
été données par les témoins qui ont comparu
jusqu'ici, on s'est référé à la question "du climat
social" sur le chantier et à l'obligation qu'il y avait que les
travailleurs soient satisfaits, soient heureux, que les travailleurs puissent
continuer à verser leur cotisation à leur syndicat et non pas au
gouvernement, en termes d'indemnité à payer sur un jugement
déclaré. On a donc, à certains égards, tenté
de faire le lien entre l'accélération des travaux et le
règlement hors cour.
Je constate, d'après votre témoignage d'aujourd'hui, que
l'accélération des travaux, une fois que le chantier a
été rouvert, après 51 journées de fermeture, n'est
pas attribuable au règlement hors cour qui est intervenu en 1979, mais
bien au changement de gérance du chantier, aux changements techniques
que vous avez apportés. Vous avez même fait
référence aux conditions avantageuses de la température
à l'automne 1977, si je me rappelle bien. Est-ce que vous maintenez ces
propos et vous confirmez que le règlement hors cour n'a pas
été un élément déterminant dans
l'accélération des travaux?
M. Boyd: J'aimerais apporter certaines précisions. Vous
avez parlé de changement de gérance. Avant que je l'oublie, on
n'a pas changé de gérance, mais on a changé de
méthode de travail. On a augmenté le personnel, les
procédures, etc. Cela a été décidé par la
gérance, à l'automne 1976, parce qu'on était en retard
pour toutes sortes de raisons, incluant celle du saccage. On a
décidé d'y mettre le paquet, comme je le disais tout à
l'heure, pour commencer plus tôt, en 1977, avec plus de monde, plus
d'équipements, plus de campements, etc. En plus de cela, comme je vous
l'ai dit, le climat était devenu favorable parce que cela faisait deux
ans et demi qu'on y travaillait et la température, parlant plutôt
du climat humain et social, nous a été favorable toute
l'année. Je pense qu'on n'a jamais fait une aussi grosse année de
placement de matériaux. Donc, ce sont les différents facteurs
qu'on avait atteints en 1977 qui nous ont permis de faire entrer les
unités en service beaucoup plus tôt. L'inauguration officielle a
eu lieu au mois d'octobre 1979. On avait parlé au début de faire
la mise en service, je pense, en février 1980. Donc, les bonnes
relations, le climat social, la productivité, on les avait
déjà en 1977, et, en 1978, on ne les avait pas perdus; du moins,
j'ai été là président jusqu'en octobre 1978 et je
n'ai pas pensé qu'on les avait perdus. On ne les a pas perdus non plus
en 1979. La grève suivante qu'on a eue, c'était en 1980, ce fut
celle des cuisiniers. Je ne peux pas vous dire que c'est le règlement
qui a fait cela, je parle d'antérieurement. Postérieurement au
règlement, il n'y a rien qui prouve qu'on a gagné quelque chose
de ce côté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. Boyd, vous qui avez été
intimement associé aux grands projets de construction
hydroélectrique du Québec depuis 35 ou 36 ans, vous confirmez par
votre témoignage, à la suite de la question
que je viens de vous poser, que l'accélération des travaux
en termes d'échéancier est causée par les résultats
de décisions prises par la Société d'énergie de la
Baie James après le saccage évidemment, après que la
poursuite a été entreprise et déposée devant les
tribunaux réclamant une somme que vous considérez
justifiée, à laquelle vous vous êtes
référé, de 32 000 000 $, particulièrement au cours
des années 1977 et 1978, avant évidemment que le règlement
hors cour soit intervenu. Vous ajoutez même à la fin: II n'a pas
été prouvé que le règlement hors cour a pu
accélérer la réalisation des travaux et l'atteinte des
échéanciers.
Nous sommes ici pour constater des faits desquels nous tirerons des
conclusions. J'ai votre témoignage, votre déclaration. Comment
concilier celle-ci avec le témoignage et la déclaration de M.
Laferrière, qui a été au conseil d'administration et dont
l'expérience au conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James et d'Hydro-Québec et des questions
hydroélectriques lorsqu'il a eu à voter pour le règlement
se limitait à la période du 1er octobre à mars 1979? Nous,
on veut savoir qui dit vrai, finalement. M. Laferrière nous dit:
C'était essentiel, c'était primordial d'avoir un règlement
pour accélérer les travaux afin qu'on puisse livrer les
équipements dans les délais prévus. Il s'est même
référé à un montant de 5 500 000 $ ou 5 000 000 $
en vente d'électricité par jour, que c'était cela,
l'ultime objectif, et que c'était un des éléments qui
avaient pesé dans la décision qu'il avait prise au moment de
l'exercice de son vote. Comment pouvons-nous, comme membres, concilier ces deux
prises de position, ces deux déclarations?
Le Président (M. Jolivet): Avant que vous
répondiez, M. Boyd, j'aimerais rappeler quand même l'article 168
qui, par analogie toujours, vous permet de refuser de répondre ou de
répondre comme vous le voudrez, en tenant compte que c'est une opinion
qui vous est demandée et que vous n'êtes pas obligé d'y
répondre.
M. Boyd: Je vais répondre de cette façon. Les 5 000
000 $ par jour, ce sont des ordres de grandeur de ce que la production totale
peut valoir. Évidemment, quant au jugement d'un membre du conseil qui a
eu cette opinion, cela a été son opinion, c'est difficile pour
moi de la critiquer. Je vous donne la mienne, lui, il a la sienne.
M. Pagé: Dois-je comprendre que les 5 000 000 $ de ventes,
le montant qui constitue le produit de la vente d'électricité
émanant de la Baie-James, c'est le résultat des décisions
prises par la Société d'énergie de la Baie James au
lendemain du saccage, des décisions prises à l'égard de la
gérance, du nombre d'employés, en 1976, 1977 et 1978 et que ces 5
000 000 $ de revenus ne sont pas dus au règlement hors cour qui, lui,
est intervenu en janvier 1979 seulement?
M. Boyd: Je vous ai dit tout à l'heure que les
premières unités sont entrées en service en fin
d'été 1979, qu'on a fait l'inauguration en octobre 1979,
plusieurs mois avant la date qui avait été prévue et que
c'était le résultat de décisions prises à l'automne
1975 et à l'hiver 1976, qui s'étaient concrétisées
par des travaux en 1977 et 1978. Donc, si on a eu les unités plus
tôt, c'est à cause de cela. Ce qui est arrivé par la suite,
c'est autre chose.
M. Pagé: Devons-nous comprendre que, à toutes fins
utiles, lorsque le règlement hors cour est intervenu en mars 1979 - les
papiers furent signés en mars 1979 - les travaux étaient
pratiquement complétés?
M. Boyd: Ils étaient fort avancés à LG 2. La
centrale était... Mais il restait les autres chantiers: LG 3, LG 4. Ils
étaient commencés mais beaucoup moins avancés.
Le Président (M. Jolivet): Une autre question, M. le
député?
M. Pagé: Oui. C'est une question qui peut apparaître
un peu délicate mais j'ai besoin de la réponse pour que les
membres de cette commission soient vraiment informés et pour qu'on
puisse avoir le meilleur des constats finalement, sur tout ce qui a
tourné autour de ce règlement.
La loi a été adoptée en juin 1978,
sanctionnéee le 13 juin 1978. Le nouveau conseil d'administration entre
en fonction le 1er octobre 1978, cinq mois avant le règlement. Le
conseil d'administration est majoré de cinq à onze membres. Le
conseil d'administration a un nouveau P.-D.G. en la personne de M.
Laliberté. Il arrive d'autres personnes: Mme Forget, M.
Laferrière, M. Roquet, M. Thibaudeau. Je présume que vous avez eu
des rencontres préalables, tout au moins une première
séance; si ma mémoire est fidèle, selon les notes, c'est
en novembre, la première séance du conseil avec la nouvelle
composition. Je présume que, lorsqu'une nouvelle personne vient
siéger avec nous, on s'enquiert, peut-être pas officiellement,
mais dans les conversations, de la formation, de la provenance de la personne
qui a été ainsi désignée. Je ne fais que
présumer évidemment.
Saviez-vous que M. Pierre Laferrière, avant le début des
travaux de cette commission, avait rencontré, le 3 novembre 1978, le
notaire Yves Gauthier, ex-tuteur du local 791, poursuivi dans la
réclamation, alors que M. Yves Gauthier venait de passer
de la tutelle du local 791 comme à un poste d'attaché
politique au cabinet du premier ministre?
M. Boyd: Non, je n'étais pas au courant.
M. Pagé: Saviez-vous que M. Thibaudeau qui, en 1978, au
moment de sa nomination, arrivait des Hautes études commerciales, avait
été arbitre de griefs, etc., et avait déjà
été vice-président de la FTQ?
M. Boyd: Oui, je le savais, parce que je connaissais M.
Thibaudeau depuis de nombreuses années, ayant eu affaire à lui de
l'autre côté, à titre de représentant de nos
employés syndiqués. (17 h 30)
M. Pagé: On a souventefois fait référence
ici au rôle des avocats, qu'on aura l'occasion d'interroger dans les
jours qui viendront. Est-ce que vous saviez que Me Rosaire Beaulé,
avocat des syndicats américains, était l'ex-associé de M.
Boivin, le chef de cabinet du premier ministre?
M. Boyd: Je ne le savais pas.
M. Pagé: Est-ce que vous saviez que Me Jasmin, avocat de
la FTQ, était intimement lié ou ami du premier ministre, en ce
qu'il avait été avocat-conseil ou organisateur dans ses
élections?
M. Boyd: Je ne le savais pas.
M. Pagé: Si on revient à la réunion du 1er
février 1979, réunion qui n'a peut-être pas
été déterminante, dépendamment... cela on aura
à le juger à la fin. Certains disent qu'elle a été
importante; d'ailleurs des membres du conseil d'administration ont
indiqué qu'ils entendaient tenir compte de l'avis du premier ministre,
d'autres qu'ils y allaient sans aucune volonté de tenir compte de son
avis. Mais il ressort qu'on a souventefois, à juste titre,
référé à cette réunion du 1er février
1979. Vous avez indiqué qu'elle avait été brève;
que vous étiez trois personnes déléguées par le
conseil, les trois permanents, termes que vous avez utilisés. Quelles
étaient les autres personnes qui assistaient à cette
rencontre?
M. Boyd: En plus du premier ministre, il y avait M. Boivin.
M. Pagé: M. Boivin et M. Lévesque? M. Boyd:
C'est cela. M. Pagé: Qui présidait la réunion?
M. Boyd: Pardon?
M. Pagé: Qui présidait la rencontre?
M. Boyd: Je ne pense pas qu'il y ait eu de président. On
s'est assis comme cela et on a jasé.
M. Pagé: Qui avait l'initiative du débat, le
premier ministre ou M. Boivin?
M. Boyd: Je pense qu'ils se sont partagé la
tâche.
M. Pagé: Vous avez dit tout à l'heure que,
probablement, vous aviez référé, lors de cette rencontre,
à l'objet de cette réclamation, au montant réclamé,
et que les travailleurs paieraient ou que ce seraient les
Québécois qui paieraient.
M. Boyd: Peut-être pas dans ce sens. Mais mon point de vue
est qu'on ne devait pas faire payer les dommages par les utilisateurs
d'électricité, que ça devait être ceux qui
étaient responsables, et qu'on avait une bonne cause. C'étaient
mes arguments.
M. Pagé: Lorsque vous avez invoqué le fait que les
utilisateurs de l'électricité, tout ce que nous en sommes, les
Québécois et les Québécoises, ne devraient pas
payer le prix du saccage à la suite d'un règlement, quels ont
été les commentaires de M. Boivin?
M. Boyd: Je ne sais pas qui a fait des commentaires. Je pense que
la réaction est venue assez rapidement de la part du premier ministre,
celle qui a été mentionnée à plusieurs reprises.
Devant cela, j'ai cessé de discuter parce que, en somme, c'était
une indication qu'il n'y avait pas sujet à discussion.
M. Pagé: Alors, pas de discussion. M. le premier ministre
vous formule un voeu, à savoir que vous allez régler, le tout
religieusement soumis. A-t-il ajouté autre chose?
M. Boyd: Pardon?
M. Pagé: On sait qu'il a circulé depuis le
congé pascal que le premier ministre avait fermement et clairement
énoncé son intention comme chef du gouvernement que vous deviez
régler, avec beaucoup d'insistance et le tout religieusement soumis.
Est-ce qu'il a ajouté autre chose que ce qui est su et connu du
public?
M. Boyd: Non, je ne pense pas. M. Pagé: M. Bovin?
M. Boyd: Pas que je me rappelle. M. Pagé: Merci, M.
Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: On va enchaîner sur des connaissances, M. Boyd.
Êtes-vous au courant que M. René Mantha, qui était un des
défendeurs, était un organisateur politique du Parti
libéral aux élections de 1976, suivant ce qui a été
établi devant la commission Cliche?
M. Boyd: Non.
M. Lalonde: ...établir comme cela, parce qu'en 1976
c'était après la commission Cliche.
M. Duhaime: En 1973, pardon. M. Lalonde: Ah bon!
M. Duhaime: M. Boyd, étiez-vous au courant qu'en termes de
connaissances, André, Dédé Desjardins, le roi de la
construction, était très actif pour le compte du Parti
libéral pendant les élections et, entre autres, sur la
Côte-Nord?
M. Boyd: J'en ai entendu parler dans les médias, c'est
tout. Je ne le savais pas.
M. Duhaime: Bon.
M. Boyd: Je ne peux pas dire que je le savais.
M. Duhaime: Je ne vous blâme pas de ne pas le
connaître, soyez sans inquiétude. Il faudrait peut-être
revenir plus sérieusement à une partie de ce que vous avez dit
tout à l'heure, en répondant à des questions de mon
collègue de Chambly, pour ce qui est de la responsabilité civile
des syndicats et de la responsabilité des travailleurs. Je voudrais
qu'on se comprenne bien. Vous étiez d'avis qu'on maintienne les
poursuites, qu'on obtienne un jugement contre les syndicats
québécois et, si possible, contre le syndicat
américain.
M. Boyd: D'accord.
M. Duhaime: On est d'accord là-dessus. Vous avez dit tout
à l'heure - je voudrais être bien certain de cela - que les
travailleurs devaient être tenus responsables des actes de leur syndicat.
Est-ce que je vous ai bien saisi ou si vous voulez qualifier votre
réponse, pour ce qui est de la responsabilité civile qui
découlerait des dommages à la suite du saccage de 1974? Est-ce
que vous pensez que c'est la seule responsabilité de quelques-uns - ce
que la commission Cliche a appelé les caïds et les
mécréants - ou si, de votre point de vue, la
responsabilité civile doit aller jusqu'à la base,
c'est-à-dire jusqu'aux membres mêmes et aux simples
travailleurs?
M. Boyd: C'est une démocratie. Les gens qui sont membres
d'un syndicat, à mon avis, devraient, aussi bien que dans n'importe quel
autre groupement, être responsables de ce qui se passe dans leur
syndicat. Peut-être que cela ne se fait pas suffisamment. Vous me
demandez mon opinion, je dis qu'ils devraient et, s'ils le faisaient,
peut-être qu'on aurait moins de ces troubles.
M. Duhaime: Je voudrais vous lire un paragraphe ou deux du
rapport de la commission Cliche, à la page 68.
M. Boyd: Oui.
M. Duhaime: Si vous voulez me suivre, on commencera à
l'avant dernier paragraphe, au bas de la page. Le rapport de la commission
Cliche a été transmis à l'honorable Robert Bourassa le 2
mai 1975. C'est signé par MM. Robert Cliche, Brian Mulroney et Guy
Chevrette. Je lis à la page 68: "Les commissaires ont acquis la
conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la
responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement
d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée
par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour
montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la
Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des
témoins du saccage est que les travailleurs ont été de
simples spectateurs et même des victimes des actes insensés
posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de
catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des
aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des
principaux locaux de la FTQ Construction".
Si je comprends bien, cela veut tout simplement dire que, de l'avis de
la commission Cliche en tout cas et des trois commissaires qui ont
déposé le rapport, ils en sont venus à la conclusion que
les travailleurs avaient davantage été des spectateurs
plutôt que vraiment les responsables de ce qui s'était produit.
Est-ce que vous partagez ce point de vue des commissaires de la commission
Cliche?
M. Boyd: II y a quand même une distinction à faire.
Sur les chantiers, c'est vrai que c'est Duhamel qui a réuni les troupes,
qui les a chauffées à blanc. Il a été suivi par un
certain nombre d'entre eux, pas par tous et peut-être pas par la
majorité, mais plutôt par la minorité, je suis d'accord
avec cela. Cela, c'est sur l'acte même. Je suis d'accord avec ce qui est
dit.
Quant au principe, à savoir que si un syndicat est
déclaré responsable et qu'il y a
des sommes à payer, le syndicat les paie mais je pense que les
syndiqués doivent prendre les choses en main et voir à ce que
cela ne se reproduise plus. Les chefs syndicaux doivent empêcher que cela
ne se produise plus. C'est ma philosophie. Ce n'est peut-être pas celle
de tout le monde, mais c'est la mienne. Je pense bien, que si on l'adoptait, il
y aurait beaucoup moins de troubles.
M. Duhaime: Je peux vous dire, M. Boyd, pour vous rassurer, que
je partage entièrement votre point de vue là-dessus avec la
distinction importante, il me semble, que vous venez de faire.
On pourrait peut-être maintenant revenir sur une autre partie de
ce que vous nous avez dit. Je voudrais seulement comprendre bien clairement,
non pas mettre en doute, parce que je respecte votre point de vue, vous le
savez très bien, mais je voudrais être bien sûr de
comprendre votre raisonnement. Vous vouliez obtenir un jugement contre les
syndicats.
M. Boyd: D'accord.
M. Duhaime: Que ce soit un montant de 10 000 000 $, 15 000 000 $,
20 000 000 $ ou 32 000 000 $, sur le plan du principe, vous vouliez obtenir un
jugement.
M. Boyd: D'accord.
M. Duhaime: Nous sommes en 1979, le 15 janvier. Le procès
en première instance en Cour supérieure à Montréal
vient de débuter, votre conseil d'administration avait
préalablement voté une avance de 500 000 $ pour la poursuite de
cette instance. Tous ceux qui ont témoigné ici jusqu'ici m'ont
convaincu que ce serait un long procès, qui pourrait prendre plusieurs
semaines sinon plusieurs mois. Est-ce que vous partagez ce point de vue que
c'était un procès qui s'annonçait long?
M. Boyd: Oui, cela aurait pu être long.
M. Duhaime: Ce dossier était également un dossier
qui aurait pu être porté en Cour d'appel du Québec par
l'une ou l'autre des parties.
M. Boyd: D'accord.
M. Duhaime: Ce dossier aurait pu aussi être porté en
Cour suprême du Canada par l'une ou l'autre des parties.
M. Boyd: D'accord.
M. Duhaime: Si, par hypothèse, la cour en première
instance avait retenu ou non la responsabilité civile de l'union
américaine -on va se mettre d'accord vite - il aurait fallu,
après un jugement final de la Cour suprême du Canada, recommencer
les procédures en exemplification en première instance, en Cour
d'appel pour peut-être même aboutir en Cour suprême aux
États-Unis.
M. Boyd: Oui, si on avait voulu aller jusque-là. À
chaque étape, évidemment, on est toujours libre
d'arrêter.
M. Duhaime: On est parfaitement d'accord. Mais ce scénario
que j'évoque aurait très certainement entraîné
plusieurs centaines de milliers de dollars sinon quelques millions de
frais.
M. Boyd: Cela aurait pu être coûteux, même
très coûteux. Il y a des principes pour moi qui valent la peine
qu'on y mette le prix.
M. Duhaime: Je suis parfaitement d'accord.
M. Boyd: On était au début d'un chantier qui
était estimé à quinze ou seize milliards.
M. Duhaime: J'avance le chiffre de quelques millions puisqu'il a
fallu une avance de 500 000 $; donc, c'est un demi-million avant même le
premier jour du procès en première instance au Québec,
pour 1979.
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre a
corrigé en disant que c'était pour l'année 1979.
M. Duhaime: Maintenant ma question, M. Boyd. Je vous rejoins et
je comprends parfaitement votre position sur le plan du principe. Un tribunal
au Québec, encore mieux la Cour suprême du Canada, rend un
jugement tenant responsable un, deux ou trois syndicats et condamne
effectivement les syndicats à payer X millions de dollars à la
SEBJ à la suite du saccage. Je ne parle pas du syndicat américain
pour l'instant. Comment, d'après vous, ce jugement aurait-il pu
être payé?
M. Boyd: Je ne sais pas. À ce moment, il aurait toujours
été possible de voir quelle solution apporter au problème.
Je disais plus tôt qu'il faudrait d'abord passer, à mon avis, le
premier pont et ensuite voir ce que l'on ferait avec le deuxième.
M. Duhaime: Est-ce qu'il n'y avait pas des risques, M. Boyd, que
ce jugement,
même un jugement obtenu par le dernier tribunal canadien, reste
sans suite, dans le sens qu'il n'aurait pas pu être
exécuté? Supposons 10 000 000 $, par exemple.
M. Boyd: Pardon?
M. Duhaime: Supposons un jugement qui condamne trois syndicats du
Québec à payer 10 000 000 $. Comment, d'après vous, ce
jugement aurait-il pu être exécuté contre les syndicats,
à moins d'aller contre les cotisations syndicales des travailleurs de
1981, 1982, 1983, 1984, 1985, selon la date du jugement final?
M. Boyd: Premièrement, je ne sais pas s'ils n'auraient pas
été capables de payer. Deuxièmement, s'ils n'avaient pas
été capables de payer, je pense qu'à ce moment-là
on aurait eu une arme pour négocier avec eux.
M. Duhaime: C'est donc ce que vous recherchiez, d'abord et avant
tout, une arme pour pouvoir négocier?
M. Boyd: Eh bien, les syndicats recherchent toujours des armes.
Il faudrait peut-être que les patrons en aient quelquefois aussi. (17 h
45)
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le député de Laporte.
Le Président (M. Jolivet): Oui, le député de
Laporte? D'accord, M. le député de Laporte. Allez, M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Ce ne sera pas long. Cela va être très
court, M. le Président.
M. Boyd, lors de la rencontre du 1er février dans le bureau du
premier ministre, vous nous avez dit que le chef de cabinet du premier
ministre, M. Boivin, était présent et qu'il a pris la parole, je
crois, aussi. Est-ce que vous avez dit cela?
M. Boyd: Les deux ont parlé, oui.
M. Bourbeau: Les deux ont parlé. Vous souvenez-vous en
quels termes M. Boivin a parlé?
M. Boyd: Franchement, je n'ai pas séparé l'un de
l'autre. C'était une conversation entre eux deux et nous. Je ne peux pas
vous dire qui a dit quoi.
M. Bourbeau: Dans le cas de M. Boivin, était-ce
également dans le sens d'un fort souhait de régler la cause?
M. Boyd: Oui. En fait, maintenant que je sais qu'il avait eu des
rencontres avec les avocats, c'était surtout du côté
juridique que son témoignage, ou sa discussion, je devrais dire,
portait.
M. Bourbeau: Je crois que tout à l'heure, à une
question de mon collègue, le député de Portneuf, vous avez
dit que vous n'étiez pas au courant que M. Boivin avait
été l'associé de Me Rosaire Beaulé, le procureur
des syndicats américains?
M. Boyd: Je ne le savais pas, non.
M. Bourbeau: Vous ne le saviez pas? Quant à Me Yves
Gauthier, qui est l'un des adjoints du premier ministre, est-ce que vous saviez
qu'il avait été le tuteur du local 791 de la FTQ et qu'il venait
d'entrer au bureau du premier ministre?
M. Boyd: Je ne le savais pas. J'avais sans doute entendu dire,
dans le temps, que telle ou telle personne avait été
nommée comme tuteur, c'était public. Mais, pour moi, cela ne
voulait rien dire dans le sens que vous dites.
M. Bourbeau: Étant donné que les avocats dans la
cause, l'avocat de l'un de vos principaux défendeurs, le syndicat
américain, était un ex-associé du conseiller du premier
ministre, que Me Michel Jasmin, l'avocat d'une autre des parties, avait
été également très près du premier ministre,
est-ce que vous ne trouvez pas, en rétrospective, que cela était
assez inconfortable d'avoir à négocier avec des défendeurs
qui avaient de si bons contacts au bureau du premier ministre?
M. Boyd: Je n'étais pas l'un de ceux qui
négociaient. Je ne sais pas dans quelle position, dans quels souliers
ils se trouvaient. Franchement. Je ne peux pas répondre à votre
question.
M. Bourbeau: M. Boyd, pourquoi les offres des syndicats
étaient-elles si basses, si peu élevées?
M. Boyd: Pardon?
M. Bourbeau: Pourquoi les offres des syndicats
étaient-elles si peu élevées?
M. Boyd: La réponse qu'on nous a donnée est qu'ils
n'avaient pas les moyens de payer davantage.
M. Bourbeau: Le fait que les syndicats savaient que le bureau du
premier ministre poussait très fort pour un règlement,
pensez-
vous que cela a contribué à garder les offres si peu
élevées?
M. Boyd: Maintenant qu'on en parle, à ce moment-ci,
j'imagine que cela devait leur donner du vent dans les voiles. C'est tout ce
que je peux supposer.
M. Bourbeau: Les négociations qui ont eu lieu entre la
SEBJ et les syndicats, estimez-vous qu'elles ont été des
négociations normales?
M. Boyd: Qu'est-ce qu'une négociation normale? Qu'est-ce
qu'une négociation anormale? Je ne sais pas. Ils étaient
mandatés pour négocier, lorsqu'ils l'ont été; et je
suppose qu'ils ont fait leur devoir.
Quant à moi, les résultats n'ont pas été
assez bons.
M. Bourbeau: Ce que je veux dire, c'est que vous avez
sûrement, au cours de votre carrière, eu des cas où vous
avez dû négocier avec des défendeurs ou des entrepreneurs,
pour des réclamations et des choses semblables. Dans les
négociations qui ont eu lieu, est-ce que la demanderesse, soit la SEBJ
quand elle négociait, a déjà communiqué aux
défendeurs, aux syndicats une demande de contre-proposition? Est-ce
qu'elle a fait une contre-proposition sur les offres originales?
M. Boyd: Je ne saisis pas très bien le sens de votre
question.
M. Bourbeau: Au tout début, la première offre qui
est arrivée est celle des 50 000 $ qui provenait des syndicats. À
la suite de la réception de cette offre, est-ce que votre
société, la SEBJ, a fait une contre-proposition de façon
à faire l'équilibre, pour négocier?
M. Boyd: Autant que je me rappelle, les offres venaient du
syndicat. C'est ce que j'ai compris que nous, nous n'avons pas fait d'offre ou
de contre-offre. C'est ce que j'ai compris.
M. Bourbeau: Pourquoi n'avez-vous pas fait de
contre-proposition?
M. Boyd: Js ne sais pas. Il faudrait le demander à ceux
qui ont négocié.
M. Bourbeau: Est-ce que cela vous semble normal?
M. Boyd: Si c'est "votre normal"? Habituellement, dans des
négociations - en général, du moins - il y a offre et
contre-offre, jusqu'à ce qu'on s'entende, si on peut s'entendre. Mais ce
n'est pas toujours le cas.
M. Bourbeau: Le fait que les offres partaient de la base et
montaient, ne partaient pas d'en haut pour descendre, est-ce courant? Avez-vous
vu cela souvent dans votre carrière de négociateur?
M. Boyd: Des négociations comme celles-là, je n'en
ai jamais eue. Donc, je ne peux pas en parler d'expérience. Les miennes
étaient des négociations d'ingénieurs ou d'administrateurs
où on négociait un contrat, comme celui d'Impreglio, où il
était question d'ajouter 20 000 000 $. Eux en voulaient peut-être
40 000 000 $ et, finalement, on a réglé à 20 000 000 $. Ce
sont les sortes de négociations auxquelles je suis habitué ou
j'étais habitué.
M. Bourbeau: C'est justement de cela dont je voulais parler. Vous
me dites que, dans vos expériences, la partie qui veut avoir quelque
chose demande plus ou essaie d'avoir plus et l'autre offre moins. Finalement,
on finit par se rencontrer à mi-chemin. Dans ce cas-ci, pourquoi cela ne
s'est pas produit?
M. Boyd: Je ne sais pas.
M. Bourbeau: Avez-vous déjà tenté de le
savoir, au moment où on vous apportait ces offres sur la table?
M. Boyd: Tout ce dont je me rappelle des commentaires que j'ai
faits personnellement et que d'autres aussi ont faits, c'est ceci: Pourquoi ne
peut-on pas aller en chercher davantage, etc.? La réponse, c'est qu'il
n'y a pas moyen.
M. Bourbeau: Qui indiquait qu'il n'y avait pas moyen?
M. Boyd: Ceux qui négociaient. M. Bourbeau: Vous
voulez dire...
M. Boyd: Ceux qui négociaient pour nous, les procureurs
qui étaient mandatés.
M. Bourbeau: Est-ce qu'ils justifiaient pourquoi il n'y avait pas
moyen?
M. Boyd: Le syndicat n'avait pas l'argent, c'était la
réponse des syndicats, ils n'avaient pas l'argent pour en mettre
davantage.
M. Bourbeau: Qu'ils n'avaient pas d'argent ou ne voulaient
pas?
M. Boyd: J'ai compris que la réponse était qu'ils
n'avaient pas les moyens.
M. Bourbeau: Vous, vous n'étiez pas de cet avis,
évidemment.
M. Boyd: Je n'étais pas convaincu.
M. Bourbeau: Je vous remercie, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Boyd, on constate,
à la lecture des comptes rendus des débats de cette commission,
que dans le témoignage de M. Laliberté, donné plus
tôt au cours des auditions, celui-ci a mentionné que les dommages
directs causés sur le chantier par le saccage s'étaient
élevés à 1 300 000 $. Évidemment, c'est une partie
des 31 000 000 $ que vous avez mentionnés, parce que vous estimez qu'il
y a des dommages induits en plus des dommages directs, mais, quant aux dommages
directs qui ont été causés sur le chantier, on nous a
cité le chiffre de 1 300 000 $.
On constate une chose: étant donné que les syndicats ont
payé 200 000 $, les assurances ont comblé la différence et
ont payé 1 100 000 $, ce qui fait que les dommages physiques et les
pertes matérielles qui ont été causés sur le
chantier ont été, à toutes fins utiles, remboursés
à la SEBJ à 100%. Dans l'hypothèse d'une
négociation, si les syndicats s'étaient rendus à 600 000
$, 700 000 $, 800 000 $, 900 000 $ et 1 000 000 $, est-ce qu'on ne peut pas
dire que c'est tout simplement l'assurance qui aurait payé moins,
étant donné qu'elle a comblé la différence entre ce
que les syndicats ont payé et les dommages physiques et les pertes
matérielles qui ont été causés sur le chantier?
M. Boyd: Premièrement, les assurances avaient
déjà payé, c'était déjà fait. On les
avait en poche, les 1 100 000 $, alors on ne peut pas les remettre sur la
table. Je peux difficilement suivre votre raisonnement parce que les autres
dommages étaient des dommages réels.
M. Rodrigue: Là, vous parlez des dommages induits.
M. Boyd: Pardon?
M. Rodrigue: Ce qu'on peut qualifier de dommages induits, ce sont
d'autres dommages. Ici, on...
M. Boyd: Les dommages pour lesquels il a fallu sortir des sommes
d'argent. Donc, en ce qui me concerne, comme président, celui qui est
obligé d'aller à Hydro-Québec chercher des sommes d'argent
et HydroQuébec, d'aller devant les clients chercher des sommes d'argent,
c'était de l'argent -l'important - qui ne m'appartenait pas, dont
j'étais responsable et les autres montants, dans cette liste de 31 000
000 $, n'étaient pas couverts.
M. Rodrigue: À quel moment l'assurance avait-elle
déboursé le montant de 1 100 000 $?
M. Boyd: Je n'ai pas la date, mais c'était peut-être
en 1975. C'est cela, au mois d'août 1975. 1 132 000 $.
M. Rodrigue: Dans les conversations que vous avez eues à
ce moment, lorsque vous avez eu à discuter de l'ordre de grandeur des
chiffres de la réclamation et surtout de l'offre de règlement qui
était faite par les syndicats, est-ce que le fait que, compte tenu de ce
qu'avaient payé les assurances et compte tenu de ce qu'offraient les
syndicats, c'était un facteur qui avait été
évoqué par des membres du conseil d'administration, cela
permettait de rembourser les dommages physiques et les pertes
matérielles qui avaient été subis sur le chantier?
Évidemment, je suis conscient qu'il y a les autres dommages auxquels
vous avez fait référence qui sont des dommages induits et sur
lesquels on pourra peut-être discuter un peu plus longtemps si le temps
nous le permet par la suite.
M. Boyd: Oui, au moment d'entreprendre la poursuite, tous les
membres du conseil savaient qu'on avait reçu 1 132 000 $ et que les
dommages physiques s'élevaient à 1 300 000 $. C'était
connu. Mais tous les autres dommages étaient connus aussi. Les 21 000
000 $ avec Impreglio, cela n'a pas pris de temps qu'ils sont allés
s'engager là-dedans. Dans les mois qui ont suivi, un mois, deux mois,
parce qu'il n'y avait pas de temps à perdre, cette somme, on l'a
passée au conseil et elle a été autorisée. Les
réclamations avec les bureaux d'ingénieurs ou avec les
entrepreneurs ont pris un peu plus de temps. On a étiré,
négocié...
M. Rodrigue: Maintenant, sur la possibilité de faire
exécuter le jugement, lorsque le ministre vous a interrogé tout
à l'heure, vous avez répondu que cela vous aurait placé
dans une position pour négocier, qu'il y avait là une question de
principe et qu'il fallait que les syndicats reconnaissent leur
responsabilité. Alors, effectivement, par le règlement hors cour,
les syndicats ont reconnu leur responsabilité, ce qui réglait la
question de principe.
Maintenant, sur la question...
Des voix: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
m'excuse. J'en ai cinq qui demandent... M. le député...
M. Rodrigue: II semble qu'il se fait tard, M. le
Président. Il y en a qui s'agitent de l'autre côté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député. M.
le député. S'il vous plaît! C'est parce que j'ai une
question de règlement. Je suis obligé de l'entendre.
M. Rodrigue: Vous avez une question de règlement?
Le Président (M. Jolivet): Sauf que j'en ai quatre qui me
le demandent en même temps. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne voudrais pas que le député
induise la commission en erreur en disant que les syndicats avaient reconnu
leur responsabilité. Je pense que M. Boyd a précisé au
début, à la suite des questions qui lui ont été
posées - je pense que c'est moi qui lui ai posé les questions -
que certains syndicats avaient reconnu leur responsabilité, mais que
d'autres...
M. Rodrigue: Non, ce n'est pas la question.
M. Ciaccia: ...n'avaient pas reconnu leur responsabilité.
Alors, je pense qu'il faudrait préciser cela.
M. Rodrigue: Ce n'est pas une question de règlement.
M. Ciaccia: Lisez votre dossier.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Seulement un instant, j'aurais besoin d'une vérification. M. le ministre
avait un document à remettre avant 18 heures; je pourrais lui permettre
de le faire distribuer parce que c'est une demande qui était venue de M.
le député de Marguerite-Bourgeoys. Nous pourrions suspendre
jusqu'à 20 heures. Je demanderais au ministre de distribuer le
document.
M. Lalonde: M. le Président, avant de suspendre, j'aurais
une demande à faire. J'avais exprimé le désir que M.
Maurice Pouliot soit convoqué. Je pense que le secrétariat des
commissions a communiqué avec lui. Peut-on savoir quand M. Pouliot sera
entendu?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais faire une vérification. Je
pourrais informer le député de Marguerite-Bourgeoys dès 20
heures...
M. Lalonde: Après le...
M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, ce
matin je m'étais engagé à faire faire une
vérification et à déposer une copie certifiée
conforme d'un extrait du procès-verbal de la séance de la
Commission hydroélectrique de Québec tenue à
Montréal le lundi 15 novembre 1976. Je voudrais déposer, ou
mettre à la disposition des membres de la commission, une lettre de M.
Jean Bernier, datée du 19 avril 1983 - je n'ai pas l'original parce que
les bélinos ne sont pas encore assez avancés sur le plan de la
technologie pour nous les transmettre -qui atteste que M. Roland Giroux
était président et au fauteuil le 15 novembre 1976,
qu'étaient présents M. Boyd, vice-président, M. Georges
Gauvreau, commissaire, M. Paul Dozois, commissaire, M. Guy Monty, commissaire,
M. A. Demers, secrétaire, et que le document que j'ai
déposé ce matin sous le no AC-1269-76 et reproduit
intégralement ici comme fait partie intégrante du
procès-verbal de la 1870e séance de la commission
hydroélectrique tenue à son siège social, le 15 novembre
1976, sous la signature de Me Jean Bernier.
Le Président (M. Jolivet): Le document vous sera
distribué. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce
soir.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 13)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend donc ses travaux. Nous en étions avec M. Robert Boyd
et la parole était au député de Vimont. M. le
député.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Boyd, lorsque nous
avons suspendu à 18 heures, effectivement, j'étais en train de
vous interroger sur l'élément suivant. Vous avez mentionné
- je pense que c'était en réponse au député de
Bourassa - qu'il y avait un élément de principe important dans la
décision que vous avez prise de voter contre le règlement qui est
intervenu entre la Société d'énergie de la Baie James et
certains syndicats. Effectivement, il y avait deux syndicats sur cinq, je
pense, qui avaient reconnu dans l'entente leur responsabilité civile,
les autres disant qu'ils ne se sentaient pas engagés par l'action ou, du
moins, qu'ils ne se sentaient pas responsables de l'action qui avait
été faite sur le chantier, mais que, par ailleurs, ils
acceptaient de participer au dédommagement dans une optique de
règlement global de toute cette question.
Dans les dommages qui ont été réclamés - on
retrouve cela à la page 54 du
document qui nous a été transmis - on constate que la plus
grosse somme était celle du contrat d'Impreglio et Spino qui a
été majorée de 21 000 000 $ pour tenir compte de
modifications dans les travaux à être effectués. Si j'ai
bien compris ce que vous avez répondu au député de
Bourassa un peu plus tôt dans la journée, la somme de 21 313 875 $
qui est indiquée ici ne représente pas seulement des travaux qui
ont dû être exécutés en plus à cause du
saccage sur le chantier, mais il me semble que vous avez mentionné qu'il
y avait un certain nombre d'autres ajustements aussi qui avaient dû
être faits au contrat d'Impreglio et Spino et que c'était inclus
dans les 21 000 000 $. Est-ce que je vous ai bien compris là-dessus?
M. Boyd: Non, je regrette, mais ce n'est pas cela que j'ai
dit.
M. Rodrigue: Pourriez-vous préciser, s'il vous
plaît?
M. Boyd: Les 21 000 000 $ étaient pour reprendre le temps
perdu; ce n'était pas pour corriger d'autres facteurs. Avec le saccage,
on était presque un an en retard et il s'agissait de changer nos
méthodes de travail et pour la dérivation, au lieu d'attendre en
novembre 1974, de voir à quel moment on pourrait la faire. On a
décidé qu'elle pourrait être faite immédiatement
après la crue du printemps de 1975. Mais, pour faire cela, il fallait
engager des dépenses, faire des travaux supplémentaires, comme
ériger un batardeau plus haut qui empêcherait les crues du
printemps de passer par-dessus les travaux du barrage qui serait en bas. Ces
différents travaux amenaient des coûts additionnels de même
que le décalage dans le temps et l'équipement additionnel, c'est
tout cela, ce qui coûtait 21 000 000 $.
M. Rodrigue: C'est à la suite de cela qu'est intervenue,
je pense, à la société d'énergie la révision
de l'échéancier des travaux et également d'un certain
nombre de méthodes de travail. Il me semble que c'est à la suite
de cela, étant donné le retard subi et le fait que vous vouliez
le rattraper. Ce serait à ce moment qu'est intervenue cette
révision de l'échéancier, si je comprends bien.
M. Boyd: Oui. Pour les travaux de LG 2, on a révisé
l'échéancier à ce moment. Comme je vous le dis, la chose
principale qu'il fallait faire à ce moment, c'était la
dérivation de la rivière et c'était un gros facteur.
M. Rodrigue: Maintenant, dans les travaux additionnels que vous
avez mentionnés plus tôt dans la journée, vous nous avez
indiqué effectivement ce que vous venez de répéter: que le
batardeau en amont était plus gros et que vous avez dû mettre des
quantités additionnelles sur le batardeau en amont. Est-ce que c'est le
batardeau en amont qui est intégré au barrage principal?
M. Boyd: Oui, maintenant, il fait partie du barrage principal.
Dans le temps, on l'a fait pour être capable de gagner du temps et de
faire la fermeture de la rivière à la fin de juin avec un
débit qui atteignait 120 000 pieds cubes/seconde.
M. Rodrigue: II fallait que le batardeau soit plus haut à
ce moment-là que ce qui était prévu initialement.
M. Boyd: Pour être capable de prendre la crue du
printemps.
M. Rodrigue: Étant donné que ce batardeau,
éventuellement, de toute façon, il était prévu de
l'intégrer au barrage principal, les quantités que vous avez
mises en plus à ce moment sur le batardeau en amont, ce sont des
quantités de matériaux que vous n'avez pas été
obligés de mettre plus tard quand vous avez complété le
barrage principal.
M. Boyd: Évidemment, on en aurait mis moins. Cela
changeait tout le concept de la construction. Si on n'avait pas eu le saccage,
on aurait fait la fermeture plus tôt; donc, pas besoin de ces travaux. Le
barrage n'aurait pas eu cette quantité de matériaux.
M. Rodrigue: Ici, j'ai une coupe du barrage devant moi et
j'examine le batardeau en amont, c'est-à-dire là où est le
réservoir, qui constitue, à toutes fins utiles, la base du
barrage principal; de sorte que je suis porté à croire de prime
abord - peut-être que ce n'est pas exact - en examinant le barrage qu'une
bonne partie des matériaux que vous avez dû mettre en plus sont
des matériaux que vous auriez dû installer de toute façon
pour compléter le barrage principal. Je remarque que cela déborde
un tout petit peu sur la ligne de pente en amont; quand même on peut
constater qu'il y a une bonne quantité de ces matériaux qui
auraient dû être mis en place de toute façon. Est-ce que
vous avez la coupe du barrage devant vous? Effectivement, on constate que tous
les matériaux...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
M. Rodrigue: ...qui ont été mis en place pour le
batardeau en amont sont intégrés dans le barrage principal, une
fois celui-ci terminé. Est-ce qu'à ce moment on ne peut pas
parler davantage de devancement de travaux, qui auraient été
réalisés peut-
être une année, deux années ou trois années
plus tard, que d'une quantité additionnelle importante de
matériaux qu'on a dû mettre en place? C'est l'impression que cela
me donne, mais peut-être qu'elle est erronée.
M. Boyd: Évidemment, ce que vous m'avez montré
rapidement, ce n'étaient pas les dessins détaillés des
travaux, mais cela a été intégré parce qu'une fois
bâti, on l'a intégré. Cependant, cela dépassait les
quantités qui, normalement, auraient été
installées.
M. Rodrigue: Est-ce que vous avez une idée de l'ordre de
grandeur du dépassement des quantités, à ce
moment-là?
M. Boyd: Non, je n'ai pas cela, non.
M. Rodrigue: Un dernier point, M. Boyd, sur la possibilité
de faire exécuter un jugement qui aurait été rendu par des
tribunaux, à supposer que la cause se serait poursuivie devant les
tribunaux et que, une fois toutes les instances passées, il y aurait eu
un jugement favorable à la poursuite de la SEBJ, et que les syndicats
auraient été condamnés. Prenons l'hypothèse que la
condamnation aurait été de 10 000 000 $; de quelle façon
un tel jugement aurait-il pu être exécuté? D'abord, il se
serait écoulé cinq, six, sept, huit ans avant que la Cour
suprême tranche, si cela s'était rendu jusque-là. Donc, on
se retrouverait peut-être en 1984, 1985 ou 1986 pour exécuter le
jugement, alors que le personnel sur les chantiers aurait de beaucoup
diminué par rapport à ce qu'il était en 1977 et en 1978,
dans les années de travail très intense sur ces chantiers.
Donc, d'une part, il y aurait eu beaucoup moins de cotisants dans ces
syndicats-là. D'autre part, même s'il y avait eu beaucoup de
cotisants dans ces syndicats, il aurait été très facile
pour ces syndicats -cela s'est vu ailleurs, dans le domaine de la construction,
des dirigeants syndicaux s'organiser pour aller faire signer des cartes
à leurs membres dans un autre syndicat - de laisser en place une
accréditation syndicale et une entité juridique qui s'appelait
l'ancien syndicat, une coquille vide, à toutes fins utiles, ne pouvant
plus percevoir de cotisations parce que n'étant plus
accréditée. À ce moment-là, même si un
jugement de 10 000 000 $ était rendu contre cet ancien syndicat, il ne
pourrait être exécuté parce qu'il ne percevrait plus de
cotisations, étant complètement vidé de sa substance. Tout
ce qu'on a devant nous, à ce moment-là, c'est une entité
juridique, mais qui ne veut plus rien dire. Dans quelle mesure, dans un
contexte comme celui-là, la Société d'énergie de la
Baie James aurait-elle pu récupérer les 10 000 000 $, à
supposer qu'après négociation vous auriez pu en venir à
cet accord?
Je fais la distinction avec le cas de Reynolds. Dans le cas de Reynolds,
c'est la centrale syndicale qui avait un permanent sur place, c'est la centrale
syndicale CSN qui a été condamnée parce qu'il y avait un
permanent de la centrale sur les lieux. Mais, dans le cas du saccage de la
SEBJ, ce sont des syndicats locaux. Donc, ce n'est pas la centrale FTQ qui
était en cause comme telle. À ce moment-là, cela aurait
été très facile de faire signer des cartes de membre,
d'aller chercher une nouvelle accréditation et de laisser de
côté une coquille vide qui devait 10 000 000 $, mais qui n'avait
pas les moyens de les payer.
Des voix: C'est de la fraude.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Rodrigue: De quelle façon, dans un contexte comme
celui-là, était-il possible de faire exécuter le
jugement?
M. Boyd: Ce que j'ai dit plus tôt, c'est que
l'exécution du jugement, il aurait fallu s'en occuper s'il y avait eu un
jugement, mais le problème ne s'est pas présenté. Je pense
que les syndicats qui étaient là auraient respecté leurs
obligations ou ils ne les auraient pas respectées. Pour nous, le
problème était d'avoir le jugement et de trouver les moyens de
nous faire rembourser.
M. Rodrigue: Vous avez dit tout à l'heure qu'avec un
jugement vous étiez en position de force pour négocier. Qu'est-ce
que vous aviez à l'esprit comme point de chute d'un règlement
dans le cas du saccage de la Baie-James? Est-ce que vous aviez des chiffres
à l'esprit qui vous apparaissaient être un règlement
satisfaisant, à supposer qu'ils acceptent de négocier par la
suite, plutôt que de laisser tomber tout simplement leur
accréditation syndicale pour éviter d'avoir à payer?
Le Président (M. Jolivet): M. Boyd, vous êtes libre
de répondre ou non à cette question, dans le même sens que
je l'ai dit auparavant. Sans vous dire que vous ne pouvez pas répondre -
c'est une hypothèse que j'émets en vertu de l'article 168 - vous
pouvez répondre ce que vous pensez être le mieux à votre
esprit.
M. Rodrigue: En fait, c'est une opinion qui est demandée,
parce que ce n'est pas une question de fait, évidemment.
Le Président (M. Jolivet): Justement. C'est pour cela que
j'ai rappelé à M. Boyd ses obligations.
M. Boyd: Franchement, je ne sais que répondre, si vous le
permettez.
M. Rodrigue: Justement, vous êtes libre de ne pas
répondre si vous ne vous sentez pas... Cela va.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président. J'écoutais
attentivement, comme tout le monde, l'interrogatoire du député de
Vimont. Je me rappelais avoir lu les défenses et les argumentations des
procureurs des syndicats québécois, soit Me Jasmin, l'ancien
organisateur du PQ, et Me Beaulé, l'ancien associé professionnel
du chef de cabinet du premier ministre. Aujourd'hui, il en a ajouté aux
arguments que ces gens, qui étaient les procureurs des syndicats et qui,
professionnellement, se devaient de défendre les syndicats, ont
donnés dans toute leur procédure et dans tout ce qui s'est
passé devant le tribunal. Il va, comme député
péquiste, encore plus loin en faveur du syndicat, sans considérer
ce dont M. Giroux nous a parlé ce matin et ce dont M. Boyd nous a
parlé cet après-midi et nous parle ce soir, c'est-à-dire
l'intérêt de l'ensemble de la population, l'intérêt
de l'ensemble des Québécois. C'est révélateur de
l'état d'esprit qui anime ce parti politique.
M. Rodrigue: M. le Président, une question de
règlement.
M. Paradis: II n'y a rien de faux, c'est tout exact.
M. Rodrigue: M. le Président, j'ai soulevé une
hypothèse plausible; je n'ai pas dit que c'est ce que moi j'aurais fait
dans ces circonstances, mais il fallait envisager cette hypothèse.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Cela coïncidait avec un petit peu moins
d'insistance avec l'hypothèse soulevée par les avocats des
syndicats, Me Jasmin, l'organisateur péquiste, et Me Beaulé,
l'ancien associé professionnel du chef de cabinet du premier
ministre.
On va revenir au témoignage de M. Boyd. M. Boyd, cet
après-midi, lorsque vous avez bien humblement fait état de votre
carrière au sein d'Hydro-Québec, au sein de la
Société d'énergie de la Baie James, tout au long des
questions qui vous ont été adressées et des
réponses que vous avez données - je pourrais ajouter de la
connaissance publique que j'avais de vous-même et de vos qualifications
personnelles -ce qui m'a estomaqué dans ce dossier, c'est de retrouver,
dans divers médias d'information, des sous-entendus de fautes
professionnelles à votre endroit. Je vous réfère plus
spécifiquement - je pourrais vous référer au Devoir, je
pourrais vous référer à la Presse du 19 mars 1983 -
à une lettre de Yvan Latouche et je la cite tout simplement. Il dit:
"À la suite de l'examen de mon dossier de cour contre la SEBJ, M.
Gauthier - "Ti-Lou" - et M. Jasmin - l'organisateur péquiste - ont pris
connaissance d'un document qui relatait une faute professionnelle contre le
P.-D.G. d'Hydro-Québec, Robert Boyd. Et de tout le dossier..."
M. Tremblay: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, une question de
règlement de la part du député de Chambly.
M. Tremblay: Je veux bien que le député de
Brome-Missisquoi qualifie un des avocats, mais au moins qu'il dise son titre
dans le dossier. Qu'il ajoute aussi les épithètes qu'il voudra,
il peut bien le faire, il peut faire sa démagogie comme il la veut, mais
au moins qu'il dise le titre pour lequel le procureur était dans le
dossier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, je pense que le
député de Chambly a raison et surtout pour lui qui n'a pas
étudié son dossier on va l'ajouter: Me Jasmin, l'organisateur
péquiste qui était procureur des syndicats
québécois dans le dossier et Ti-Lou Gauthier - il faut que je le
rajoute -l'ancien tuteur du 791, syndicat qui est passé de la tutelle au
bureau du PM, une "switch", ça c'est Me Gauthier, notaire, connu sous le
nom... Votre ministre l'appelle Ti-Lou constamment.
M. Laplante: C'est son premier nom.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous
plaît!
M. Paradis: Je recommence donc la citation sans donner les
qualificatifs pour que tout le monde suive comme il faut. À la suite de
l'examen de mon dossier de cour...
M. Laplante: On va s'en contenter.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député de Bourassa.
Une voix: C'est vrai qu'il ne faut pas être trop
compliqué.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que tout allait bien
jusqu'à maintenant. On devrait permettre au député de
Brome-Missisquoi de continuer pour qu'on puisse aller rapidement et
procéder ensuite avec M. Saulnier! S'il vous plaît!
M. le député de Brome-Missisquoi, en allant
rapidement.
M. Paradis: Je vais garder cela le plus simple possible pour que
le député de Bourassa tente de comprendre. Je cite: "À la
suite de l'examen de mon dossier de cour contre la SEBJ, MM. Gauthier et Jasmin
-qu'on vient de qualifier pour la compréhension - ont pris connaissance
d'un document qui relatait une faute professionnelle contre le P.-D.G.
d'Hydro-Québec, Robert A. Boyd. Et de tout le dossier que je leur avais
présenté, seul ce document contre M. Boyd les intéressait
au point de me demander la permission d'en faire des photocopies, ce que le
notaire Gauthier a effectivement fait lui-même. Par la suite, M. Gauthier
m'informa qu'il ne pouvait me faire réinstaller dans mes anciennes
fonctions à la SEBJ; cependant, il demanda au coordonnateur de la
division des réparations majeures de la SHQ, M. Luc Cyr, de me trouver
un emploi et je fus embauché temporairement, etc, etc." (20 h 30)
M. Boyd, à la suite de cette lecture, ainsi que de la lecture
d'autres médias, je suis allé dans les recueils de jurisprudence.
J'ai mis la main sur une cause Boyd vs Conseil de la Corporation des
ingénieurs. Je suis même allé dans des recueils de la Cour
d'appel parce que, paraît-il, cela ne s'arrêtait pas là.
J'ai trouvé des décisions. Est-ce que, publiquement, vous
pourriez nous faire toute la lumière là-dessus et nous dire ce
qu'il en est effectivement?
M. Boyd: Certainement. Revenons à 1965. Je suis devenu
directeur général d'Hydro-Québec, donc le premier
ingénieur d'Hydro-Québec. Il y avait déjà un
contentieux entre Hydro-Québec et l'Ordre des ingénieurs - dans
ce temps cela s'appelait la Corporation des ingénieurs - au sujet de
l'application des sceaux sur les devis. Cela existait avant que je sois
là et la procédure existait avant que je devienne directeur
général.
En octobre 1967, j'ai reçu une lettre du secrétaire
général de la Corporation des ingénieurs, se plaignant du
fait qu'à Hydro on enlevait les sceaux des ingénieurs sur les
devis pour publication d'appels d'offres. J'ai fait venir les deux directeurs
généraux, c'est-à-dire celui du génie, qui est
responsable des plans et devis, et le directeur général des
approvisionnements responsable de la publication des appels d'offres, pour leur
demander ce qui se passait, quel était le problème. Ils m'ont
expliqué qu'il y avait un grand nombre de sceaux qui apparaissaient avec
des signatures et que, pour publier, cela rendait les documents plus lourds,
d'autant plus qu'il y a beaucoup d'ingénieurs et qu'on ne savait jamais
qui était le responsable du devis, etc. J'ai dit: Voulez-vous rencontrer
le secrétaire général de la corporation et tâcher de
trouver un arrangement avec lui? Il m'ont dit: D'accord.
En 1967, j'avais bien d'autres choses pour m'occuper, dont Churchill
Falls, etc. Au bout de quelque temps, je leur ai demandé comment cela
allait et ils m'ont dit que cela se réglait, qu'il n'y avait pas de
problème. Mais cela ne s'est pas réglé.
Au mois de mai 1968, la corporation adoptait une résolution
portant plainte contre le directeur général pour avoir enfreint
le code d'éthique en autorisant, permettant, tolérant ou
ordonnant que des sceaux d'ingénieur soient enlevés sur les plans
et devis. C'est allé devant le comité de discipline. Les avocats
d'Hydro-Québec sont venus me défendre devant ce comité et
cela s'est fait, d'après nos avocats, un peu cavalièrement. De
toute façon, de là, c'est passé au conseil de la
corporation pour en appeler de la décision du comité de
discipline et il a entériné la décision du comité
de discipline, c'est-à-dire en portant une plainte contre le directeur
général d'Hydro-Québec pour avoir fait tout cela. Le
conseil de la corporation a entériné la décision du
comité de discipline et la commission d'Hydro-Québec, ne voulant
pas changer sa méthode de procéder, a demandé aux avocats
d'aller en Cour supérieure pour cela. Je n'y tenais pas du tout, mais la
commission y tenait. Alors, la Cour supérieure a rendu un jugement et
c'est ce qui a été utilisé en photocopies pour faire un
dossier contre moi. La commission est ensuite allée en appel, puis une
deuxième fois en appel devant trois juges. Finalement, la cause a
été rejetée devant les trois juges. Cela a
été réglé hors cour.
Alors, je vous ai résumé cela le plus simplement possible
sans utiliser les termes juridiques que je ne connais pas très bien. Me
Gadbois a un dossier épais là-dessus si on veut aller plus loin.
Je pense que ce n'est pas nécessaire, quant à moi, mais j'ai
voulu en parler. Si cela n'avait pas été soulevé, j'aurais
demandé au président la parole pour en parler parce que cela
donne l'impression que j'ai fait quelque chose d'épouvantable et je
pense n'avoir fait rien d'épouvantable. C'était une question de
mésentente entre la corporation et Hydro-Québec. Je crois que,
depuis ce temps, de toute façon, c'est un directeur ou un chef de
service qui met son sceau et signe les devis qui vont en appels d'offres.
M. Paradis: Mais, finalement, si on veut un dossier complet sur
Robert Boyd, il faut inclure le jugement de la Cour d'appel -c'est cela qu'il
est important de retenir - où Robert Boyd a été - on
pourrait utiliser cette expression pour le vulgariser acquitté, et cela
a été retourné en Cour supérieure et cela n'a
jamais recommencé.
M. Boyd: C'est cela.
M. Paradis: C'est cela? C'est exact? Merci beaucoup, M. Boyd.
M. Boyd, à la page 70 de l'imposant document qui nous a
été remis par la Société d'énergie de la
Baie James... On pourrait peut-être regarder la page 69 avant. Ce qu'il
est important de réaliser, c'est que vous y étiez, suivant le
procès-verbal. C'était la réunion du 6 février
1979, à 14 heures. M. Claude Laliberté,
président-directeur général de la compagnie, était
là et il y a une note également disant que Me André E.
Gadbois était aussi présent à la réunion.
À la page 70, on indique au deuxième paragraphe ce qui
suit: "Les membres du conseil prennent connaissance d'un rapport adressé
aux procureurs de la compagnie par Me Michel Jasmin, procureur du Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction et du local
791, ainsi que d'un rapport adressé à Mes Geoffrion &
Prud'homme par Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat international."
Après discussion, etc., il est dûment proposé et
appuyé de donner mandat aux procureurs d'explorer les
possibilités de règlement. Si on se reporte à la page 76,
on a là une déclaration de transaction faite suivant les articles
1918 et suivants; autrement dit, une déclaration de règlement
hors cour qui est datée, au bas de chacune des pages, du 19 janvier
1979. Lorsque cela vous a été présenté au conseil
d'administration, est-ce que M. Claude Laliberté,
président-directeur général, vous a fait rapport, vous a
souligné ou vous a indiqué qu'il s'agissait de la
déclaration de règlement hors cour qu'il avait commandée
à ses propres avocats de la SEBJ, Mes Geoffrion & Prud'homme, et qui
avait été rédigée la veille par ces avocats?
M. Boyd: Je ne me souviens pas de cela, non.
M. Paradis: Est-ce que vous vous souvenez que Me Gadbois, qui
assistait à cette réunion, vous en aurait parlé?
M. Boyd: Non, je ne crois pas que Me Gadbois m'en ait
parlé.
M. Paradis: Lorsque le moment est venu ou que le moment est
arrivé de changer le P.-D.G., le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James, vous cumuliez, selon ma compréhension du dossier, deux fonctions:
P.-D.G. d'Hydro-Québec et P.-D-G. de la SEBJ. On sait qu'il est souvent
de tradition et de coutume que le gouvernement consulte le P.-D.G. qui va
quitter sur son choix ses préférences et ses intentions quant
à son successeur. Est-ce que vous avez été consulté
sur ce sujet?
M. Boyd: Je dois, d'abord, faire une petite correction. J'ai
été pour une période d'un peu plus d'un an
président. Le titre de P.-D.G. n'existait pas; j'étais
président des deux sociétés. En ce qui concerne le choix
du successeur à la SEBJ, il y a eu des conversations avec le ministre du
temps au sujet de mon successeur, mais pas plus que cela.
M. Paradis: Mais, suivant cette tradition, est-ce qu'on vous a
demandé de faire des suggestions, des commentaires?
M. Boyd: J'ai fait des suggestions qui n'ont pas
été suivies, c'est tout.
M. Paradis: Sans vouloir aller trop loin là-dedans,
combien en aviez-vous suggéré? Je veux seulement savoir le
nombre, pas les noms.
M. Boyd: Un.
M. Paradis: Vous en aviez suggéré un et il n'a pas
été retenu?
M. Boyd: C'est cela.
M. Paradis: Si on revient dans le bureau du premier ministre,
à la fameuse réunion du 1er février. M. Laliberté
est venu témoigner. M. Laliberté nous a dit que cela avait
duré - comme vous nous l'avez dit vous-même - approximativement
quinze minutes. M. Laliberté nous a dit spontanément, au
début, que cela s'était déroulé dans une
atmosphère cordiale. M. Laliberté a ajouté que le premier
ministre avait dit textuellement - cela a pris un peu de temps, mais il s'en
est souvenu, sa mémoire est revenue: - "Vous réglez, "crisse", ou
on va régler!"
Vous nous avez corroboré les quinze minutes. Vous nous avez
corroboré que c'était essentiellement cela qui avait
été dit par le premier ministre du Québec. Vous avez
ajouté que le chef de cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin,
avait fait part de certains arguments à saveur plus légale.
J'essaie de meubler - comme les gens qui nous écoutent - ces quinze
minutes. Je trouve qu'on en a très peu. Au meilleur de votre souvenir,
M. Boyd, est-ce que vous seriez capable de revivre dans votre
mémoire, et de nous le dire tout haut, cette petite
période de quinze minutes? Quand vous êtes entrés, qui a
pris la parole? De quelle façon cela s'est-il passé?
Était-ce vraiment cordial? Était-ce en toute cordialité
que ces propos ont été échangés? Surtout, quel a
été l'ensemble de vos interventions et de votre interaction
autant avec les gens qui vous accompagnaient, soit MM. Laliberté et
Saulnier, qu'avec les vis-à-vis que vous étiez allés
rencontrer, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, ainsi
que le premier ministre lui-même? On en a pour quinze minutes, mais, en
témoignages, on en a pour deux minutes. Il me manque treize minutes et
je n'aimerais pas qu'on finisse la commission avec un trou de treize minutes
sur une réunion aussi importante.
M. Boyd: Je ne le sais pas. Cela a peut-être même
duré plus que quinze minutes. Vous dire comment cela s'est passé,
le mot à mot, je n'ai pas porté assez d'attention pour m'en
souvenir. Pour moi, l'essentiel était le message, les idées, la
réponse. Ce n'était certainement pas sur un ton
belligérant, mais de là à être cordial?
C'était peut-être cordial au début, mais c'est devenu moins
cordial. Pour ce qui est de vous donner plus de détails, franchement, je
n'en suis pas capable. Cela fait trop longtemps et je n'ai pas attaché
tellement d'importance à cela à ce moment-là, ni depuis
surtout. J'aimerais vous faire plaisir et compléter les quinze minutes
du scénario, mais j'en suis incapable. (20 h 45)
M. Paradis: On sait, d'après ce que vous nous avez dit
dans votre témoignage, que vous avez indiqué au premier ministre
que vous étiez contre. Est-ce que vous vous souvenez si M. Saulnier a
indiqué un peu la même orientation?
M. Boyd: M. Saulnier pourra répondre lui-même. Pour
autant que je me le rappelle, il n'a pas participé tellement à la
discussion. Je pense qu'il doit paraître ici même et vous lui
poserez la question, si vous me permettez de répondre ainsi.
M. Paradis: M. Laliberté, est-ce qu'il s'y opposait ou
s'il semblait favorable à tout cela?
M. Boyd: Je pense qu'il a indiqué lui-même qu'il
était favorable à cela au départ. Avant d'y aller, je
pense que son idée était déjà pas mal faite,
d'après ce qu'il a dit ici auparavant.
M. Paradis: Vous allez me forcer à conclure que la phrase:
"Vous réglez, crisse, ou bien je vais régler" s'adressait
seulement à vous.
M. Boyd: Je ne sais pas. Les trois représentaient le
conseil; pourquoi plus à moi qu'aux autres. Je pense que c'était
au conseil de régler et, pour le premier ministre, je n'étais
même pas le P.-D.G. de la SEBJ; j'étais le P.-D.G. d'Hydro. Donc,
je pense que cela s'adressait à ceux qui étaient là et
surtout à l'ensemble du conseil.
M. Paradis: II fallait que le message passe à ceux qui n'y
étaient pas.
M. Boyd: Le président du conseil a ensuite fait rapport au
conseil que le premier ministre avait formulé ce souhait. Un souhait de
premier ministre, dépendant de qui le reçoit, cela a plus ou
moins d'importance. Pour certains, cela a peu d'importance, pour d'autres,
moyennement et, pour d'autres, beaucoup. Cela dépend de la philosophie
de chacun.
M. Paradis: Ce qui m'a frappé, dans les deux ou trois
minutes des quinze minutes, peut-être un peu plus, qu'on a réussi
à meubler, tout le monde ensemble cet après-midi, c'est lorsque
vous avez dit que vous aviez exprimé votre opinion au premier ministre
en disant: Ce sont les Québécois qui vont être
appelés à payer la facture, finalement. Cela rejoint le
témoignage de M. Giroux qui nous a dit: Les 30 000 000 $, c'est au
bénéfice de la FTQ et c'est l'ensemble des abonnés
d'Hydro-Québec qui paie. Il y a quelqu'un qui vous a répondu: Ce
sont les syndiqués qui vont être appelés à payer
cela. Je pense, suivant ma mémoire, que vous avez dit que c'était
le premier ministre qui avait dit cela.
J'ai assisté, depuis trois ans, à plusieurs
périodes de questions en Chambre. Le premier ministre est ce politicien
habile qui n'oublie jamais l'argument présenté par une partie qui
n'est pas d'accord, il s'y rattache et ajoute quelque chose dans le sens
où il veut aller. Lorsque vous avez dit: "Ce sont les
Québécois qui vont être appelés à payer",
est-ce qu'il y avait ce pattern qu'on lui connaît en Chambre? Est-ce
qu'il a parlé à ce moment des Québécois comme tels
qui vont être appelés à payer tout cela?
M. Boyd: Je pense avoir dit qu'un de ses arguments, c'est qu'on
ne devait pas faire payer cela aux syndiqués.
M. Paradis: J'essaie de ramener cela parce que son habitude,
depuis trois ans, c'est de se rattacher à la première partie.
Quand vous lui dites: Ce sont les Québécois qui vont avoir
à payer dans tout cela, son réflexe est de réfuter votre
argument et de dire l'autre côté. Je me demande s'il agissait par
réflexe cette journée-là ou s'il était mieux
conditionné que d'habitude.
M. Boyd: Je ne sais pas.
M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas?
M. Boyd: Je ne m'en souviens pas.
M. Paradis: M. Laliberté, en réponse à une
question du député de Marguerite-Bourgeoys - je vous la lis, au
journal des Débats: Pensez-vous que cela - on fait
référence à la réunion du 1er février et au
rapport qui en a été fait - ait pu influencer ou que cela ait pu
compter dans la décision du conseil d'administration? - répond:
Je pense que oui.
Vous nous avez dit que, quant à vous, cela n'a pas compté
plus que cela puisque vous étiez contre pour des raisons que vous nous
avez très bien et logiquement expliquées. Dans vos contacts avec
vos collègues du conseil d'administration, est-ce que vous pourriez
répondre comme M. Laliberté nous a répondu?
M. Boyd: II a répondu qu'il le savait.
M. Paradis: II a dit: Je pense que oui. La question
était...
M. Boyd: Oui, oui...
M. Paradis: Je peux la préciser, si vous voulez que je la
répète.
M. Boyd: Non, non. Sa réponse était qu'il pensait
que cela avait influencé.
M. Paradis: Oui.
M. Boyd: Je ne sais pas. Cela a peut-être pu en influencer
certains. Je ne pense pas que cela ait influencé tout le monde parce que
la plupart, d'ailleurs, de ceux qui sont venus ici, jusqu'à maintenant,
vous ont dit que cela ne les avait pas influencés. C'est difficile pour
moi de mettre en doute leur parole.
M. Paradis: Non, non. Je ne parle pas de cela. Il y a la parole
de M. Laliberté, il y a la parole de bien du monde, tout d'un coup. M.
Laliberté nous dit: Je pense que oui. Et j'imagine que, s'il nous a
répondu cela, c'est à cause de ses fréquentations avec les
autres membres du conseil d'administration. Vous aussi, vous avez eu l'occasion
de fréquenter les mêmes gens du conseil d'administration. À
la question: Est-ce que cela a pu influencer? est-ce que vous pourriez
répondre, selon votre connaissance personnelle de ces gens-là, je
pense que oui, comme M. Laliberté.
M. Boyd: Moi, je ne peux pas répondre de la même
façon parce que je n'ai pas eu de communications, ni de contacts avec
les membres du conseil en dehors des discussions qui avaient lieu à
l'assemblée. Si M. Laliberté en a eu - et je pense qu'il vous a
dit qu'il en avait eu - et s'il pouvait porter ce jugement-là,
peut-être qu'il pouvait le porter et sans doute qu'il le devait puisqu'il
l'a dit. Moi, je ne peux pas porter ce jugement-là parce que, comme je
vous le dis, je n'en ai discuté avec aucun en dehors des
assemblées.
M. Paradis: Lorsque, pendant ces assemblées, vous avez eu
des discussions au conseil d'administration, à travers toutes ces
réunions, sans s'attacher à des dates spécifiques, est-ce
que vous avez fait valoir à vos collègues du conseil
d'administration les arguments que vous nous avez fait valoir ici aujourd'hui,
en commission?
M. Boyd: Je pense que j'ai eu l'occasion, à
différents moments, de dire ce que je pensais.
M. Paradis: Je vous remercie, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aurais un détail, M. Boyd. Il va y avoir
quelques courtes questions. Je voudrais reprendre ce que le
député de Brome-Missisquoi lisait tout à l'heure: les
manchettes en première page du quotidien La Presse du 17 mars 1983, avec
un renvoi à la page A-8 du même journal. Je l'ai ici en
photocopie. Malheureusement, je n'ai pas le journal. Il y a un grand titre: "Le
bureau de Lévesque donne des armes à la FTQ". Vous vous souvenez
d'avoir pris connaissance de cet article?
M. Boyd: J'ai vu cet article.
M. Duhaime: Et, sous ce titre, que je ne qualifierai pas,
apparaît la citation dont a fait état tout à l'heure le
député, c'est-à-dire le texte même de M. Michel
Girard. Et, à ce qu'il me semble de ma compréhension de cette
lecture-là, on dit que M. Yvan Latouche leur a présenté,
en parlant de Me Yves Gauthier et de Me Jasmin, un "dossier" concernant une
faute professionnelle contre le P.-D.G. d'Hydro-Québec et l'un des
principaux administrateurs de la SEBJ, Robert Boyd. "Ce dernier s'était
toujours opposé avec véhémence à tout
règlement hors cour." Vous avez fait état vous-même de la
question dont il s'agissait et qu'il y a eu une action intentée en Cour
supérieure. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais ce
jugement a même été rapporté dans les recueils de
jurisprudence. Il s'est rendu ensuite devant la Cour d'appel et il s'est
réglé hors cour. Et le jugement de la Cour
d'appel est également rapporté. Ce qui n'a pas
été précisé tout à l'heure, c'est à
quel moment cela s'est réglé, ce dossier-là.
M. Boyd: Je pense que c'est en 1976. C'est cela, le 26 avril
1976.
M. Duhaime: Le 26 avril 1976. M. Boyd: Hors cour.
M. Duhaime: Hors cour. Moi, M. Boyd, je n'ai pas voulu vous
interroger sur cette question parce que j'ai toujours pensé
qu'alléguer une faute professionnelle contre Robert Boyd, comme
ingénieur, cela me paraissait énorme. Mais, si quelqu'un qui
s'appelle Yvan Latouche remet des recueils de jurisprudence ou des photocopies
d'un jugement de la Cour supérieure et d'un jugement de la Cour d'appel
sur un dossier qui est réglé depuis trois ans et dont le texte
même du jugement est accessible à des centaines et à des
milliers de personnes parce qu'il est public, est-ce que pour vous ce geste de
la part de M. Latouche constitue un très puissant arsenal en termes
d'armes qu'on pourrait donner à quelqu'un?
M. Boyd: Je dois, d'abord, vous dire que cela fait jurisprudence.
J'ai une fille qui poursuit des cours en droit et l'an passé elle m'a
apporté cette feuille pour me demander: Qu'est-ce que c'est? Elle se
rappelait le cas et, évidemment elle m'a taquiné à ce
sujet. La question que le journaliste m'a posée était si on
s'était servi de cela contre moi d'une façon quelconque. La
réponse est: Non, on ne s'en est pas servi. Il reste que je voulais
qu'on en parle pour éclaircir la situation.
M. Duhaime: Entre vous et moi, M. Boyd, considérez-vous
cela comme quelque chose de sérieux que M. Yvan Latouche remette
à Me Yves Gauthier un jugement de la Cour d'appel qui met fin à
un litige qui date déjà de trois années et qu'ensuite on
en fasse une manchette avec un gros titre: " Le bureau de Lévesque donne
des armes à la FTQ"? Pour vous, est-ce que vous avez pris cette histoire
au sérieux ou bien si vous avez trouvé cela un peu ridicule?
M. Boyd: Personnellement, je suis habitué aux gros titres
parce que dans les postes que j'ai occupés j'ai eu souvent affaire
à des gros titres et à des caricatures en quantité aussi.
Disons que, pour les gens qui vous connaissent, pour vos enfants, vos
petits-enfants, etc., c'est ennuyeux. Je ne peux pas dire qu'on prend cela
à la légère. C'est embêtant. Personnellement, cela
ne me dérange pas plus que cela.
M. Duhaime: II faut dire que je partage le geste que vous venez
de faire, M. Boyd. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je pense que ce n'est pas
tellement à M. Boyd qu'il aurait fallu poser la question, mais on la
posera probablement à M. Yves Gauthier, à savoir si lui il a
considéré que c'était quelque chose d'assez sérieux
pour récompenser Yvan Latouche d'un emploi à la
Société d'habitation du Québec. Mais quoi qu'il en soit M.
le Président, j'ai une autre question à poser à M.
Boyd.
Le 20 février il y a eu une réunion du conseil
d'administration à laquelle vous étiez présent, qui a
débuté à 9 h 30 le matin. En Chambre, à
l'Assemblée nationale, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys
posait des questions au premier ministre l'après-midi pour savoir de lui
si effectivement il y avait un fondement à ce que, je présume,
mon collègue avait entendu dire, possiblement, soit qu'il y avait un
règlement hors cour qui se négociait dans le bureau du premier
ministre ou dans les officines du bureau du premier ministre. La question que
j'aimerais vous poser, M. Boyd, c'est si, au conseil d'administration, d'abord,
vous avez eu des échos quelconques de cette question qui était
posée la journée même à l'Assemblée
nationale.
M. Boyd: Je ne me le rappelle pas parce que l'assemblée
était commencée depuis 9 h 30. Habituellement c'était des
assemblées très remplies, on commençait à 9 h 30 et
on terminait à 19 heures. On n'était pas tellement au courant de
ce qui se passait à l'extérieur des quatre murs. Oui, on l'a
appris par les journaux et par les nouvelles le soir ou le lendemain, mais pas
pendant qu'on travaillait.
M. Gratton: Dans le fond, quand vous êtes en réunion
du conseil d'administration, vous êtes un peu comme les
députés ici à l'Assemblée nationale, vous
êtes un peu isolés. En tout cas nous, parfois, on a l'impression
d'être coupés de la réalité pendant un bon bout de
temps jusqu'à ce qu'on en ressorte éventuellement; ce soir, on en
ressortira dans une heure ou deux. Donc, à la réunion comme
telle, cela n'a pas été soulevé. Il n'y a personne, par
exemple, de l'extérieur qui a été appelé et qui
serait revenu pour dire: II vient de se poser une question à
l'Assemblée nationale sur le règlement hors cour. Vous n'avez pas
eu connaissance de cela?
M. Boyd: Non, je ne crois pas. (21 heures)
M. Gratton: Par contre, dans les jours
qui ont suivi, il a sûrement dû y avoir des discussions au
sein du personnel de la société. Est-ce que vous en avez eu une
connaissance quelconque?
M. Boyd: Tout le monde a lu les déclarations dans les
journaux; cela a dû être le lendemain, j'imagine. Je ne pense pas
avoir discuté ou rencontré qui que ce soit qui en ait
discuté avec moi.
M. Gratton: Donc, vous n'avez aucun souvenir qu'il ait pu y avoir
une réunion spontanée ou des conversations spontanées
comme: As-tu vu cela? Une question a été posée hier.
Comment cela se fait-il qu'ils savent cela?
M. Boyd: Non.
M. Gratton: La raison pour laquelle je vous pose la question est
que, dans le journal La Presse du 29 mars, on avait le titre suivant:
L'intervention de Fernand Lalonde aurait coûté 125 000 $ aux
syndicats. On y lit, sous la plume de Michel Girard: "Selon un porte-parole
syndical, si le député libéral Fernand Lalonde n'avait pas
interrogé le premier ministre René Lévesque à
l'Assemblée nationale le 20 février 1979 sur la
négociation du règlement hors cour du saccage de la Baie-James,
les syndicats poursuivis par la Société d'énergie de la
Baie James auraient versé en dédommagement 125 000 $ de moins que
le règlement final. C'est ce qu'a affirmé à la Presse le
directeur général du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction (communément appelé à
l'époque FTQ-Construction), Maurice Pouliot."
On voit plus loin: "Or, selon M. Pouliot, qui dit détenir ses
renseignements de l'avocat même de la FTQ, Me Michel Jasmin, les
syndicats auraient pu s'en tirer avec un dédommagement total de
seulement 175 000 $, soit 100 000 $ pour la SEBJ et 75 000 $ pour les
assureurs, si le député libéral Fernand Lalonde
n'était pas intervenu à l'Assemblée nationale. Notre
avocat, Me Michel Jasmin, nous avait dit que le règlement final se
chiffrerait à 175 000 $. Mais, après l'intervention du
député Lalonde, les dirigeants d'Hydro-Québec et de la
SEBJ - dont vous êtes - et le bureau du premier ministre ont eu peur de
se faire critiquer et c'est pourquoi, de nous dire Me Jasmin, il a fallu
accepter d'augmenter de 125 000 $ le montant du dédommagement, a
expliqué M. Pouliot."
Donc, si j'ai bien compris les réponses que vous m'avez
données tantôt, vous, à titre d'administrateur de la SEBJ,
n'étiez pas parmi ceux-là - je vais reprendre la citation - qui
"ont eu peur de se faire critiquer" à la suite des questions du
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Boyd: Je ne pense pas avoir été parmi ceux qui
ont eu peur. À l'assemblée du 20 février, je vois ici
qu'il y avait une lettre de nos avocats qui nous parlaient d'une proposition de
175 000 $ datée du 12 février. Je me souviens qu'au conseil
d'administration tout le monde avait dit que ce n'était pas suffisant;
on demandait aux avocats d'aller en chercher davantage. Je ne pense pas que ce
soit la peur qui ait fait faire cela. C'était plutôt, pour autant
que je me souvienne, une décision du conseil qui trouvait que 175 000 $,
ce n'était pas suffisant.
M. Gratton: Je vais vous faire un aveu. Je pense que ce ne sont
pas tant les administrateurs de la SEBJ qui ont eu peur que les gens du bureau
du premier ministre, à la suite de la question de M. Lalonde. Mais, fait
assez intéressant...
Une voix: On n'est pas intéressé à savoir ce
que vous pensez.
M. Gratton: Ah, vous allez le savoir quand même! Fait assez
intéressant, lorsqu'on consulte la facturation des procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James, Geoffrion et
Prud'homme, dans le document qu'on nous a déposé ou remis ce
matin, on s'aperçoit que, justement, au dernier élément
pour la journée du 20 février, on retrouve à la page 31
l'annotation suivante: "Vérification des dates de sessions à
l'Assemblée nationale." Pouvez-vous m'expliquer pourquoi c'était
important que vos procureurs vérifient les dates de sessions de
l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Jolivet): M. Boyd. M. Boyd: Je ne
le sais pas.
M. Gratton: Vous ne le savez pas. Cela m'aurait surpris que vous
le sachiez, parce que, à ce que je sache, il n'y avait pas de projet de
loi dans l'air le 20 février. D'ailleurs, il n'y en a pas eu. Alors,
j'ai bien l'impression qu'on va reposer la question à vos procureurs
demain matin.
Une dernière question, M. Boyd: c'est vous-même qui y avez
fait allusion cet après-midi. En réponse à des questions
que vous posait le député de Bourassa, vous avez dit: J'y
reviendrai plus tard, je voudrais revenir plus tard au retard à rouvrir
le chantier après le saccage.
M. Boyd: Oui?
M. Gratton: J'aimerais que vous profitiez de l'occasion pour nous
dire ce que vous vouliez nous dire cet après-midi.
M. Boyd: J'ai quelques notes ici pour
ne rien oublier. Le 17 mars 1974, la capacité maximale au
campement de LG 2 était de 1064 lits. Le 19 mars...
M. Gratton: Je m'excuse.
M. Boyd: Voulez-vous que je répète?
M. Gratton: Oui, s'il vous plaît!
M. Boyd: Le 17 mars 1974, la capacité maximale au
campement de LG 2 était de 1064 lits. Le 19 mars, il y a eu une demande
du chef de chantier pour 300 lits additionnels, surtout pour les gens qui
travaillent au contrat de la dérivation. Donc, il lui manque 300 lits.
Le 21 mars, il perd 268 lits par le feu. Il est rendu à 796 lits, comme
capacité. Le 22 mars, les réparations commencent et, le 14 avril,
les systèmes électrique et mécanique et les
génératrices, etc., c'est terminé. Pendant ce temps, on
cherche des moyens d'obtenir plus de lits. Le 10 avril 1974, pendant tout ce
brouhaha, on a fait l'adjudication d'un contrat pour l'installation de lits
supplémentaires. Le 18 avril, c'est l'entrée des soumissions pour
le barrage principal dont je vous ai parlé. Le travail au campement est
terminé, on l'a réparé et on l'a mis en état de
fonctionner, mais on a un manque de lits assez important. Au lieu d'en avoir
1300, on en a 700 ou 800. On doit décider ce qu'on fait avec cette
soumission. Alors, du 18 avril au 8 mai, on fait l'étude du contrat pour
savoir si on peut le donner à cet entrepreneur, quelles sont les
modifications qu'il faut apporter, quel plan de remobilisation on sera
obligé de faire, parce que, évidemment, avec 500 lits de moins et
un entrepreneur qui entre, il nous manque des lits. Donc, il faut
étudier avec soin un programme de remobilisation. Une chose importante
est que, entre-temps, il faut faire l'inspection complète des
systèmes de protection-incendie au campement de LG 2, chose qui n'avait
pas été faite. Après l'incident on voulait prendre les
précautions nécessaires. Donc, tout cela s'est fait pendant ce
temps. Du 27 avril au 8 mai le directeur du chantier fait la revue
générale de la situation et prépare un plan de
remobilisation en fonction des campements disponibles. Là, on alloue
à chacun des entrepreneurs une certaine quantité de personnel
qu'il peut faire entrer. Aussi, à l'aéroport principal même
- j'y tiens beaucoup - je veux qu'on prenne les moyens d'émettre les
cartes d'identité, les contrôles pour l'admission au chantier,
c'est vital. Là, les travaux ne sont pas finis. Ce sont toutes ces
raisons qui font que ce n'est que le 8 avril que j'autorise le retour au
travail.
M. Gratton: Donc, je retiens de vos propos une explication des
allégations qu'il a pu y avoir à l'époque et même
après, en ce sens que la SEBJ n'avait pas procédé avec
toute la célérité voulue à la réouverture du
chantier. Vous venez de donner l'explication de la raison pour laquelle il
était impossible de procéder plus rapidement que vous ne l'avez
fait.
M. Boyd: Je peux vous assurer que, tous les jours, je
téléphonais au chantier pour suivre et m'assurer que tout
était fait. Personne n'était mieux placé que moi pour
réaliser l'importance de recommencer et l'argent que chaque
journée de retard impliquait.
M. Gratton: Merci, M. Boyd.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Boyd, tout à
l'heure, à une question de mon collègue de Brome-Missisquoi, vous
avez dit, concernant le cas qu'on pouvait faire d'une opinion ou d'un souhait
du premier ministre: Une opinion de premier ministre, c'est plus ou moins
important selon les personnes à qui elle s'adresse, les personnes qui la
reçoivent; pour certains, ce n'est pas du tout important; pour d'autres,
cela l'est moyennement et, pour d'autres, cela l'est beaucoup. M. Boyd, est-ce
que, quand vous avez donné cette réponse, vous aviez à
l'idée des noms de personnes du conseil d'administration pour qui cela
ne l'a pas été du tout, pour qui, vous avez pu le constater, cela
aurait pu l'être moyennement...
Le Président (M. Jolivet): M. Boyd, toujours en tenant
compte que ce genre de question amène des opinions, vous répondez
si vous le voulez.
M. Doyon: Sur cette même question, si je peux l'expliciter,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, oui.
M. Ooyon: Je pense que, si j'avais pu continuer ma question, je
l'aurais fait en demandant aussi à M. Boyd - ce n'est pas tellement une
question d'opinion - sur quels indices et quels signes il base la
réponse qu'il me donnera, à savoir que, pour certaines personnes,
cela a été important, pour d'autres, cela l'a été
moyennement et, pour d'autres, cela ne l'a pas été du tout. Pour
éviter que cela ne devienne essentiellement une question d'opinion, M.
le Président, je demanderais à M. Boyd - si la réponse de
sa part est possible - de m'indiquer sur quels indices il base
l'appréciation qu'il fera de l'importance que peut avoir une expression
d'opinion du premier ministre.
M. Boyd: Cette question m'a déjà été
posée; pas ici, je dois le dire. Il est évident que ceux qui ont
voté contre, on peut les juger. En ce qui concerne ceux qui ont
voté pour, il est assez difficile d'entrer dans l'âme et la
conscience de chaque personne et de savoir à quel point cela peut les
avoir impressionnés. Je n'ai pas eu de conversations personnelles avec
eux à ce sujet. Si j'avais entretenu des conversations, j'aurais
peut-être pu en savoir davantage, mais je ne l'ai pas fait.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boyd. C'était
la dernière question. Je vous remercie au nom des membres de la
commission. J'inviterais M. Lucien Saulnier à se présenter. Je
demanderais à M. Jean Bédard, greffier, de l'assermenter. Je ne
sais pas si, entre-temps, le ministre serait prêt à
répondre à la question qui a été posée avant
18 heures concernant la possibilité que M. Pouliot...
M. Lucien Saulnier
Le greffier (M. Jean Bédard): M.
Saulnier, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et
répéter après moi: Je (vos nom et prénom), jure ou
déclare solennellement que je dirai toute la vérité et
rien que la vérité?
M. Saulnier (Lucien): Je, Lucien Saulnier, jure que je dirai
toute la vérité et rien que la vérité. (21 h
15)
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, est-ce que vous
avez des propos préliminaires avant que l'on commence les questions?
M. Saulnier: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Allez donc, M. Saulnier.
M. Saulnier: Avant de donner ma perception personnelle,
après quatre ans, des travaux du conseil d'administration de la SEBJ en
regard du dossier qui nous occupe, je voudrais donner à la commission
trois éléments d'information. Premièrement, je suis devenu
président du conseil des deux sociétés,
Hydro-Québec et SEBJ, le 1er octobre 1978. J'avais été
pressenti au cours de l'été, d'abord par le ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Joron, et ensuite par le premier
ministre. Deuxième élément, je connais le premier ministre
depuis 23 ans. Je connais M. Boivin depuis six ans. Je connais M. Gauthier
depuis près de 30 ans. J'affirme devant cette commission que je n'ai
reçu des pressions de qui que ce soit pour agir d'une façon ou
d'une autre dans ce dossier, nommément des trois personnes que j'ai
mentionnées. Troisième élément, au décompte
des votes du 6 mars, on trouve une abstention. C'est l'abstention du
président du conseil. La règle que j'ai suivie - parce que je ne
suis plus président d'aucune société depuis quelques mois
- dans tous les conseils que j'ai présidés était de
m'abstenir lorsque j'étais d'accord avec la décision, de voter
quand j'étais en désaccord et qu'il y avait un vote et de dire
pourquoi. Si le vote était unanime et que je n'étais pas
d'accord, c'était d'enregistrer une dissidence que je faisais qualifier
dans le procès-verbal. Je me considère donc solidaire de la
décision qui a été prise.
M. le Président, le souvenir que j'ai gardé des
délibérations du conseil d'administration sur le sujet qui nous
occupe et des documents qui en étaient l'objet permettent d'affirmer: a)
que le conseil, avant la rencontre des trois présidents et du premier
ministre, avait été saisi d'une proposition de règlement
hors cour et qu'il avait déjà indiqué à ses
procureurs qu'il envisageait cette éventualité; b) qu'il
était irréaliste de croire que la SEBJ pouvait obtenir
compensation pour les dommages subis;
À la séance du 9 janvier 1979, le conseil a pris
connaissance d'un document duquel je cite le passage suivant (page 22): "II y a
lieu cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement
la solvabilité de tous ces défendeurs possibles et surtout sur ce
qu'elle serait une fois le jugement final obtenu tenant compte, en particulier,
de l'envergure de la réclamation de la société."
On disait aussi (paragraphe précédent de la même
page 22) et je cite: "En instituant cette action, la société
d'énergie était consciente du fait que la plupart des
défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un
jugement rendu dans cette cause."
J'attire votre attention, M. le Président, sur ce paragraphe. En
somme, la SEBJ, en institutant cette action, en était déjà
venue à peu près à la même conclusion que celle
à laquelle en était arrivé le nouveau conseil
d'administration le 30 janvier 1979. On ajoutait (dernier paragraphe de la page
22): "...qu'à titre d'entreprise à caractère parapublic,
gérant des fonds et des biens du domaine public, la SEBJ se devait de
tenir les individus et organismes responsables de leurs actes."
Le conseil d'administration n'était-il pas fondé de
comprendre, dès le 9 janvier, que la procédure engagée
avait une part de symbolique à son origine même et qu'une fois
obtenus les aveux de responsabilités des principaux
intéressés la poursuite ne pouvait se justifier que sur les
possibilités de recouvrer une partie ou la totalité des dommages
réclamés?
Or, les procureurs de la SEBJ, dans une opinion datée du 5
janvier et vue par les administrateurs le 9, nous informent qu'un syndicat
professionnel avait été incorporé le 10 janvier 1973 sous
le nom de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec.
Les procureurs affirment même que - et je cite, à la page 27 -
"les documents obtenus et témoignages recueillis jusqu'ici nous
indiquent qu'après la formation de ce syndicat professionnel, les actifs
du local 791 lui ont été transférés sans
considération apparente afin de permettre au syndicat strictement
québécois de contrôler les fonds." On devait, dès
lors, entretenir des doutes sur la possibilité d'obtenir des
compensations pour dommages.
Les documents des archives de la SEBJ révèlent mieux que
je ne saurais le faire l'état d'avancement des
délibérations du conseil. Le 23 janvier, le conseil
d'administration a été saisi d'une offre de règlement au
montant de 125 000 $ et d'un projet de transaction. À cette même
réunion, le conseil a également reçu et entendu ses
procureurs, comme en fait foi le compte d'honoraires de Geoffrion et
Prud'homme, à la page 204 des documents qui vous ont été
remis. Ces faits confirment mon souvenir que le conseil d'administration a
étudié en long et en large la possibilité de
considérer à quelles conditions la SEBJ pouvait entrevoir un
règlement hors cour.
Ainsi, dès le 24 janvier, le chef du contentieux informait les
procureurs de la SEBJ, dans une communication livrée par messager, des
suites à donner à la délibération du conseil de la
veille, le 23, qui faisait état d'une possibilité de
règlement hors cour. Je cite: "Le conseil, sans se prononcer sur la
proposition de règlement hors cour, demande d'apporter certaines
modifications aux documents présentés, lesquels font l'objet d'un
mémoire en annexe" et, enfin, "demande de faire parvenir un rapport sur
les montants des divers chefs de réclamation que, dans votre opinion et
compte tenu du développement de la cause à ce jour, vous
êtes en mesure d'établir et de prouver devant le tribunal." Je
rappelle que les documents présentés contenaient surtout le texte
d'un projet de règlement.
La réponse à ces demandes est datée du 26 janvier.
À sa réunion du 30 janvier, le conseil a pris connaissance du
texte modifié de la déclaration de règlement hors cour et
de l'opinion sur le quantum des dommages pouvant être obtenus par
jugement. Les procès-verbaux des 23 et 30 janvier ne font pas
état de ces délibérations parce que le procès
était en cours.
Il me revient une information que j'ai eue après cette
période selon laquelle, à peu près à la même
époque, le juge qui entendait la cause avait déclaré qu'il
ne souhaitait pas écouter les plaidoiries d'un procès s'il
était pour avoir un règlement hors cour. C'est une raison
additionnelle, je pense, pour laquelle les délibérations ne sont
pas rapportées et également pour la raison majeure et constante
qu'il n'y a pas eu de décision. Aux procès-verbaux, on ne
rapporte que les délibérations qui débouchent sur une
décision.
Cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30
janvier est que les administrateurs favorisaient suffisamment un
règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le
principe ou sur la proposition de règlement à cette même
séance. Avant de procéder au vote, une suggestion a
été faite aux fins de tenter de connaître le sentiment du
chef du gouvernement. M. Giroux, je pense, a confirmé que c'est lui qui
avait fait la demande. J'ai demandé, le même jour, au premier
ministre de me recevoir avec le président d'Hydro-Québec et le
président de la SEBJ, ce qu'il fit le 1er février, soit deux
jours plus tard. Au cours de cette entrevue, il nous fit part de façon
non équivoque de son souhait qu'intervienne un règlement hors
cour. J'en fis rapport au conseil à la réunion du 6
février. Il ne faut donc pas se surprendre qu'à cette
séance du 6 février 1979 les membres aient résolu de
donner mandat à leurs procureurs d'explorer la possibilité de
régler hors cour puisque cette éventualité avait
été envisagée, sinon décidée aux
séances des 23 et 30 janvier.
Cette décision, il faut le rappeler, a été prise
à l'unanimité par les membres présents comme en fait foi
le procès-verbal qui les identifie. Je rappelle que seuls MM. Monty et
Thibaudeau étaient absents.
Il est très important de souligner aussi que, le 20
février, le conseil, à l'unanimité des membres
présents - ce sont tous les membres du conseil, sauf MM. Giroux,
Hébert et Roquet qui sont absents - décide, premièrement,
d'autoriser ses procureurs à régler hors cour sous la condition,
entre autres, d'un paiement à la compagnie d'une somme
représentant substantiellement les frais légaux encourus à
ce jour, etc., (page 118) et, deuxièmement, d'autoriser le
président du conseil à consentir pour et au nom de la compagnie
suivant le rapport qu'il lui sera fait par les procureurs et selon des
conditions qu'il acceptera au règlement hors cour et à signer
tous documents requis aux fins d'assurer tel règlement.
Je puis donc affirmer qu'en me confiant cette responsabilité tous
les membres du conseil présents avaient pris une décision unanime
et irrévocable de régler hors cour pour une somme de quelque 400
000 $, soit le montant des honoraires juridiques au 20 février. J'aurais
pu, en vertu de la résolution du 20 février, accepter un
règlement sans le resoumettre au conseil et le dossier ne ferait
apparaître alors qu'une décision unanime au 20 février. On
peut donc
dire que la seule véritable divergence entre les membres du
conseil portait sur les chiffres de 400 000 $ pour satisfaire à
l'expression "substantiellement" plutôt que 200 000 $, soit une
différence de 200 000 $ et non pas de quelque 32 000 000 $. C'est pour
cette raison et parce qu'un des défendeurs n'acceptait pas de signer un
aveu de responsabilité que je me suis senti tenu de resoumettre ce
dossier au conseil pour ratification le 6 mars.
Je reste donc persuadé que le conseil d'administration ne se
serait pas comporté autrement qu'il ne l'a fait s'il n'avait pas
été informé du souhait du premier ministre. J'estime que
le conseil a agi de lui-même et qu'il a tiré le meilleur parti
d'une situation dont il avait hérité. (21 h 30)
Pour me résumer, M. le Président, avec votre permission,
parce que, à ce qu'on lit et à ce qu'on entend, il y a
sûrement des membres du conseil qui doivent protester
intérieurement d'être tenus par certaines personnes pour des
insignifiants ou des incapables étant donné qu'il fallait choisir
entre 32 000 000 $ et 200 000 $, je dis que le conseil n'a jamais
été appelé à trancher le dilemme de 32 000 000 $
pour 200 000 $, mais bien plutôt de 200 000 $ ou rien du tout. Il
n'était pas difficile de choisir entre rien du tout et 200 000 $. C'est
ce que le conseil d'administration de la SEBJ a fait sans difficulté et,
à toutes fins utiles, à l'unanimité à sa
réunion du 20 février 1979.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Saulnier. Je voudrais revenir
à la déclaration que vous venez de lire à la commission et
vous référer en particulier à la séance du conseil
d'administration du 9 janvier dont vous avez parlé et, en particulier,
à une référence à la page 22 du document qui est
devant nous.
Pour la bonne compréhension de ceux qui reliront le journal des
Débats, la page 22 du document auquel vous faites
référence a trait à un rapport confidentiel au conseil
d'administration de la société. C'est bien cela? Et l'extrait que
vous en avez donné dans votre déclaration, je vais le
répéter, parce que cela m'apparaît être important.
Alors, c'est le troisième paragraphe de la fin à la page 22 du
document et de la page 8 du rapport confidentiel: "En instituant cette action,
la société d'énergie était consciente du fait que
la plupart des défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir
satisfaire à un jugement rendu dans cette cause. Ses procureurs avaient
attiré son attention sur ce fait par la mention suivante: "II y a lieu
cependant de s'interroger sur ce que peut être présentement la
solvabilité de tous ces défendeurs possibles et surtout sur ce
qu'elle serait, une fois le jugement final obtenu, tenant compte en particulier
de l'envergure de la réclamation de la société."
"Cependant elle était consciente qu'à titre d'entreprise à
caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du domaine
public, elle se devait de tenir les individus et organismes responsables de
leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance pour les
travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les chantiers
de la Baie-James."
M. Saulnier, lorsque vous êtes arrivé au conseil à
l'automne de 1978, j'imagine que, comme président du conseil, vous avez
eu tout le loisir de prendre connaissance des différents avis juridiques
que vos procureurs vous avaient transmis en regard de ce dossier. Si je
comprends bien votre déclaration, ce n'était donc pas en janvier
1979 seulement que l'attention du conseil d'administration avait
été attirée sur la fragilité de la
solvabilité des défendeurs mais bien depuis le début de
l'instance, si je comprends bien votre témoignage.
M. Saulnier: Témoignage que je rends, M. le
Président, en me reportant à ce paragraphe et à celui qui
précède, parce que c'est tiré, à ce qu'on doit
comprendre, d'une opinion donnée à l'époque.
M. Duhaime: Maintenant, vous employez une expression qui m'a
frappé tout à l'heure à la page 2 de votre
déclaration. "Le conseil d'administration n'était-il pas
fondé de comprendre dès le 9 janvier 1979 - et les
soulignés sont de vous - que la procédure engagée avait
une part de symbolique à son origine même?" Il faudrait
peut-être que vous élaboriez davantage votre idée
là-dessus. Qu'est-ce que vous avez à l'esprit lorsque vous dites
que la procédure engagée avait une part de symbolique à
son origine même?
M. Saulnier: Dans le sens suivant, M. le Président. C'est
que le document le dit, à toutes fins utiles. On notera que je l'ai mis
sous la forme interrogative. À ce moment, d'ailleurs, je ne suis pas au
conseil, je suis absent de cette réunion, mais je lis les documents
cependant. Et l'impression très nette que j'ai et que j'ai encore
aujourd'hui quand je relis ces textes, je me dis: Est-ce que ce n'était
pas possible que cela ait une valeur symbolique à l'époque? Et je
le mets sous forme d'interrogation. Je n'ai interrogé aucun de mes
collègues. J'ai dit au début que c'est ma perception à
moi.
Si on me permet d'expliquer un peu...
Le Président (M. Jolivet): Mais oui, allez-y.
M. Saulnier: Surtout quand j'arrive aux deux dernières
lignes, et surtout d'établir un climat de confiance, j'ai beaucoup de
difficulté à comprendre qu'on établit un climat de
confiance quand on poursuit tous ces travailleurs. J'ai de la difficulté
à absorber cela.
M. Duhaime: Toujours à partir de la déclaration que
vous avez faite tout à l'heure, si j'ai bien compris, le 23 janvier
1979, en conseil d'administration et en présence de vos procureurs, il a
été question d'une offre de règlement qui vous avait
été faite et c'est à la suite de cette rencontre avec vos
procureurs en conseil d'administration le 23, que, le lendemain, le 24, Me
Gadbois a transmis une communication à vos procureurs. J'ai cru
comprendre tantôt que, dès le 30 janvier 1979, lors du conseil
d'administration que vous avez présidé - est-ce que j'ai bien
compris tout à l'heure? - vous avez indiqué à la
commission que vous étiez prêt à passer au vote dès
le 30 janvier, avant même de rencontrer le premier ministre?
M. Saulnier: C'est le souvenir très net que j'ai
conservé. Les délibérations avaient à peu
près épuisé le sujet, parce que cela faisait presque deux
jours complets. Quand on préside un conseil, on se rend un peu compte si
les gens souhaitent qu'on en finisse ou qu'on continue, même s'ils n'ont
rien à dire. Alors, j'ai dit: S'il n'y a pas d'autres questions, ou
quelque chose du genre, d'autres interventions, je vais proposer qu'on fasse un
tour de table. Je crois que c'est l'expression que j'ai utilisée, parce
que c'est celle que j'utilise habituellement à cette occasion. Je ne
vois pas pourquoi je l'aurais changée. M. Giroux a simplement
suggéré: Est-ce qu'on ne serait pas bien avisés, ou
quelque chose du genre, de connaître le sentiment du gouvernement
à cet égard? Je n'ai vu d'objection de la part d'aucun des
membres de mon conseil et j'ai compris qu'à ce moment-là
c'était le bon plaisir des membres de s'enquérir des souhaits ou
des sentiments du chef du gouvernement.
M. Duhaime: Donc, c'est le lendemain que la réunion a eu
lieu avec le premier ministre et son chef de cabinet. Pouvez-vous nous dire, M.
Saulnier, dans vos propres mots, comment s'est déroulée cette
réunion du 1er février 1979 avec le premier ministre et les deux
présidents qui vous accompagnaient, de même que le chef de
cabinet, M. Boivin, qui accompagnait M. Lévesque? Comment cela s'est-il
déroulé?
M. Saulnier: D'abord, rapidement, je pense que j'ai transmis au
premier ministre ce que je lui avais dit d'ailleurs au téléphone
quand je lui ai demandé de nous recevoir, que le conseil
d'administration souhaitait connaître le sentiment du gouvernement et
qu'on était rendu à un point où il était
indiqué de le connaître. Je pense que, spontanément - c'est
mon souvenir - il nous a indiqué de façon non équivoque
qu'il souhaitait qu'intervienne un règlement hors cour. Je n'ai pas de
souvenir, vous savez. Je vous ai dit tout à l'heure que je connais M.
Lévesque depuis plus de 20 ans et je l'ai entendu utiliser des jurons
que j'utilise à l'occasion moi aussi et je ne m'en formalise pas, mais
je n'ai pas souvenir qu'il l'ait dit ce jour-là. Mais, encore une fois,
c'est parce que je n'en ai pas souvenir. Il y en a qui s'en souviennent, alors
peut-être qu'il l'a dit, parce qu'il le dit fréquemment.
Si on me le permet, je dirai qu'il a tout de suite posé la
question ou que quelqu'un l'a posée: Est-ce que vous avez des raisons de
ne pas régler, ou quelque chose du genre? Je crois que c'est à ce
moment qu'il y a eu un échange d'opinions entre M. Boyd et le premier
ministre. Pour être le plus précis possible, M. Boyd a fait valoir
les raisons pour lesquelles on avait engagé une poursuite et les raisons
pour lesquelles il y avait lieu de la continuer. C'est à peu près
tout ce qui me revient à l'esprit. Mais, encore une fois, ce que je
sais, c'est que cela a été assez bref. Cela a été
assez bref, mais tout à fait cordial.
M. Duhaime: Maintenant, M. Saulnier, au sortir de cette
réunion, est-ce que vous aviez l'impression ou est-ce que vous aviez le
sentiment d'être sous "pression"?
M. Saulnier: La question m'est adressée
personnellement?
M. Duhaime: Oui.
M. Saulnier: Le réponse, spontanément, c'est non,
pour une excellente raison, c'est que c'est toujours non dans mon cas. Moi, je
juge les questions qui me sont soumises à ce que je crois être
leur mérite, je ne dis pas que c'est à leur mérite, je dis
que c'est à ce que je crois être leur mérite. Les pressions
ne m'impressionnent pas. J'ai dû en faire une règle pour de bonnes
raisons très tôt dans ma carrière politique et cela m'a
bien servi. Je pourrais ajouter que je ne voyais pas, personnellement,
l'intérêt qu'il y avait à aller demander ce que le premier
ministre pensait de cela, parce que je pensais que le conseil, à toutes
fins utiles, était d'accord avant et, en fait, il l'a été
après. Alors, je n'en voyais pas du tout l'intérêt, mais,
comme c'était une expression d'opinion, par respect et
déférence, on y est allé.
M. Duhaime: M. Saulnier, au meilleur
de votre souvenir, lors de cette réunion avec le premier
ministre, est-ce qu'il a été question des modalités d'un
règlement éventuel?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Duhaime: Absolument pas; en aucune façon?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Duhaime: II n'a pas été question de 2 000 000 $,
de 1 000 000 $, de 500 000 $, de 200 000 $, 150 000 000 $, 125 000 000 $?
M. Saulnier: Encore une fois, je réponds, à mon
souvenir: Absolument pas. Mais peut-être qu'au souvenir d'autres
personnes, il y en a eu. Moi, je n'ai pas de souvenir de cela.
M. Duhaime: Vous avez lu, comme nous autres, j'imagine, M.
Saulnier, le journal La Presse, à la une, du 17 mars 1983. Il y a un
grand titre en première page et ensuite un renvoi à la page 8. Je
voudrais peut-être vous en lire un paragraphe. À la toute fin de
l'article: "À l'exception de M. Boyd - c'est M. Michel Girard qui l'a
écrit - et de deux collègues, tous les autres membres du conseil
d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé
à l'ultime pression du premier ministre en acceptant, le jour même
de l'intervention en Chambre de M. Lévesque, de donner à leurs
avocats un mandat de négocier un règlement hors cour". Avant de
vous poser la question, je pense que personne ne va me faire le reproche de
corriger immédiatement que ce n'est pas le jour même que cette
réunion a eu lieu, mais c'est le 1er février et que, le jour
même, tel que c'est indiqué ici, on se réfère bien
sûr à la décision prise au niveau du conseil
d'administration. Ce que je veux savoir de vous, M. Saulnier, quand on
mentionne que tous les autres membres du conseil d'administration
d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime
pression du premier ministre, est-ce que vous êtes d'accord avec le
contenu de l'article de M. Michel Girard publié en page A-8 de la Presse
du 17 mars 1983 ou si vous êtes en désaccord?
M. Saulnier: En ce qui me concerne, je suis en total
désaccord. Je l'ai dit, d'ailleurs, dans mes renseignements
préliminaires.
M. Duhaime: M. Saulnier, vous nous avez indiqué tout
à l'heure que, lorsque vous présidiez les séances du
conseil d'administration, vous aviez comme habitude, lorsque vous étiez
d'accord avec la majorité qui se dégageait sur un sujet ou sur
l'autre, de vous abstenir et, lorsque vous étiez en désaccord,
d'exprimer votre vote. Dois-je donc comprendre que, si vous vous êtes
abstenu ce jour-là, vous étiez d'accord avec les six autres
membres du conseil d'administration qui acceptaient le règlement hors
cour qui était recommandé et qui était sur la table. (21 h
45)
M. Saulnier: C'est conforme à la règle que j'ai
résumée au début. Comme je n'ai pas voté contre,
que je me suis abstenu, il est clair que je souscrivais à la
décision.
M. Duhaime: Alors, M. Saulnier, je comprends donc que vous
étiez d'accord avec la majorité du conseil d'administration lors
de ce vote. Voulez-vous maintenant dire à la commission quels sont vos
motifs pour en venir à cette décision?
M. Saulnier: D'accepter la décision?
M. Duhaime: D'accepter de régler hors cour.
M. Saulnier: Ce sont ceux que j'ai résumés dans la
déclaration préliminaire et ceux qu'on peut trouver dans le
dossier qui vous a été remis, M. le Président,
également, ce qu'on peut retrouver dans ces souvenirs. J'ai bien
mentionné quelque part dans mon texte que nous avons passé
plusieurs heures avec nos procureurs. À la fin d'une séance de
questions et réponses, on vient à se faire une idée de la
valeur de ce qu'on a d'engagé. Je dis donc que c'est en se fondant sur
les documents qui nous ont été soumis, particulièrement
sur les points que j'ai soulevés et également en suivant les
délibérations du conseil.
M. Duhaime: Pour vous, est-ce qu'il y avait un motif plus qu'un
autre ou si c'étaient les liens de responsabilité civile à
être établis avec le syndicat américain? Est-ce que
c'était la capacité de payer des syndicats du Québec?
Est-ce que c'était une préoccupation de paix sociale sur le
chantier? Est-ce que c'étaient les souvenirs de la commission Cliche?
Enfin, est-ce que vous pourriez développer davantage?
M. Saulnier: En ce qui me concerne -je pense que cela s'applique
aussi à plusieurs membres du conseil mais je ne veux pas parler en leur
nom - les deux arguments, parce qu'il ne faut pas les dissocier, qui appelaient
une décision comme celle qui a été prise, c'était,
premièrement, l'insolvabilité des parties
québécoises, des intimés québécois, des
défendeurs.
Le deuxième, qui était étroitement relié,
c'était l'impossibilité de faire le lien de droit requis par la
loi américaine. Là on ne parle pas d'une opinion d'un juge ou
d'un jugement ou d'une opinion juridique, mais
bien du texte d'une loi écrite avec des mots simples de la langue
anglaise qui dit comment on peut faire un lien. Nous, on ne pouvait pas le
faire. À partir de ce moment, cela me fait revenir sur les 32 000 000 $.
C'était à peu près l'équivalent, avoir poursuivi
cela dans cette voie, que d'essayer d'accrocher son chapeau sur un clou
dessiné au crayon sur un mur.
M. Duhaime: Maintenant, M. Saulnier, en dehors de cette
réunion du 1er février avec vos collègues en compagnie du
premier ministre, est-ce que vous avez eu d'autres rencontres, vous-même,
ou d'autres conversations avec le premier ministre pour discuter de ce
dossier?
M. Saulnier: Avec le premier ministre, absolument pas.
M. Duhaime: Avec Me Yves Gauthier? M. Saulnier: Absolument
pas.
M. Duhaime: Avec Me Jean-Roch Boivin?
M. Saulnier: Sur le mérite du dossier, absolument pas.
Mais il est possible qu'à l'occasion d'un appel
téléphonique pour un autre objet, d'une rencontre fortuite, il
m'ait demandé à un moment donné - je ne pourrais pas dire
lequel, à quel endroit - à quelle étape le conseil
était-il rendu, rien de plus. C'est sûr que ma réponse a
été très brève, M. le Président.
M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. Saulnier, je voudrais
vous lire un extrait de mon livre de chevet, ces jours-ci: le rapport de la
commission Cliche...
M. Saulnier: Ah! Oui. On parle de moi là-dedans,
d'ailleurs.
M. Duhaime: ...qui a été transmis au premier
ministre, M. Robert Bourassa, le 2 mai 1975, par les trois commissaires, MM.
Cliche, Mulroney et Chevrette. À la page 68. Cela va être
très bref. Page 68 de l'édition que j'ai. J'en ai une autre ici,
c'est la page 99, si vous l'avez dans un plus grand volume. Alors, je vais le
lire, M. Saulnier. Je ne sais pas si on pourrait vous en fournir une copie pour
que vous puissiez suivre. Page 68, au bas de la page, à gauche: "Les
commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires
n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé..." - bien
sûr, on réfère au saccage - "...il ne s'agit aucunement
d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée
par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour
montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la
Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des
témoins du saccage est que les travailleurs ont été de
simples spectateurs et même des victimes des actes insensés
posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de
catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des
aventuriers sans scrupule qui avaient fait main basse sur le contrôle des
principaux locaux de la FTQ-Construction".
Ma question est la suivante, M. Saulnier. Je ne sais pas si vous avez
déjà eu l'occasion dans le passé de parcourir ce document
éloquent, mais cela m'apparaît être l'une des constatations
importantes du rapport de la commission d'enquête Cliche sur toute
l'industrie de la construction et, en particulier, sur le saccage de la
Baie-James. Est-ce que vous partagez, vous, ce point de vue des commissaires,
à savoir que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la
responsabilité de ce qui est arrivé? Est-ce que vous partagez ce
point de vue des commissaires?
M. Saulnier: Oui, sûrement.
M. Duhaime: Sûrement?
M. Saulnier: Ah! Oui, sûrement.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Saulnier. Je n'ai pas d'autres
questions, pour le moment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Saulnier, vous nous avez dit que vous
étiez présent à la réunion du 1er février au
bureau du premier ministre?
M. Saulnier: En effet, oui.
M. Bourbeau: Pardon?
M. Saulnier: J'ai dit: En effet, oui.
M. Bourbeau: Oui. Réunion au cours de laquelle le premier
ministre a exprimé son souhait que la cause soit, ou abandonnée,
ou réglée. Etiez-vous au courant, avant cette date du 1er
février 1979, que le premier ministre souhaitait régler la
cause?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: Vous ne le saviez pas avant cette date?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: Pour vous, cela a été une
surprise?
M. Saulnier: Dans le sens que venant de
lui, oui. Mais, dans le sens qu'il avait intérêt de
régler, ce n'était pas une surprise, c'était à peu
près rendu là.
M. Bourbeau: Votre président-directeur
général, M. Laliberté, avec qui, je présume, vous
aviez des contacts fréquents...
M. Saulnier: Pas plus que ceux requis par les affaires.
M. Bourbeau: D'accord. Mais, enfin, vous étiez le
président du conseil et il était le P.-D.G. et vous vous
rencontriez, je présume, de temps à autre? Il nous a dit que,
quant à lui, il avait rencontré, un mois auparavant, trois
semaines auparavant, M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier
ministre et, qu'au cours de cette rencontre, M. Boivin lui avait fait
état - à M. Laliberté - du souhait du premier ministre que
la cause soit abandonnée. Est-ce que M. Laliberté vous en avait
fait part?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: Vous voulez dire qu'en aucune façon, votre
président-directeur général ne vous a fait part de cette
réunion-là?
M. Saulnier: Non.
M. Bourbeau: Est-ce que, à votre connaissance, d'autres
membres de votre conseil avaient été mis au courant, par M.
Laliberté, du désir du premier ministre?
M. Saulnier: Moi, je ne pourrais répondre de ce qu'ils
auraient pu entendre au conseil. Je n'ai rien entendu. Ce qu'ils peuvent
entendre ailleurs, je n'en sais rien. Je ne peux pas les suivre et je ne les
suis pas.
M. Bourbeau: Lors des discussions que vous avez eues au conseil,
plusieurs discussions au cours du mois de janvier, personne, à votre
connaissance...
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Bourbeau: ...n'a évoqué le souhait du premier
ministre ou de son bureau de voir la cause se régler?
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Bourbeau: Et pourtant, d'après ce que vous me dites,
vous avez beaucoup discuté au cours du mois de janvier de la
possibilité de régler la cause ou d'abandonner les
poursuites.
M. Saulnier: Nous n'avons sûrement pas discuté de
cela. Je ne le savais pas.
M. Bourbeau: Vous ne saviez pas?
M. Saulnier: On ne savait pas que M. le premier ministre
souhaitait que...
M. Bourbeau: Vous, vous ne saviez pas.
M. Saulnier: Je ne savais pas, je réponds pour moi
évidemment. Sauf ceux qui l'ont entendu, j'ai l'impression que les
autres ne le savaient pas.
M. Bourbeau: Quels sont ceux qui l'ont entendu?
M. Saulnier: Je n'en sais rien. Qui l'aurait entendu - je corrige
mon verbe - je ne sais pas.
M. Bourbeau: Le 5 janvier 1979, vos procureurs, du bureau de
Geoffrion et Prud'homme, ont émis une nouvelle opinion juridique, ont
rafraîchi, si je peux dire, les opinions juridiques
précédentes. Dans ce document, ils semblaient assez optimistes
quant à l'issue de la cause, pour faire en sorte qu'à la
réunion du 9 janvier, quatre jours plus tard, le conseil décide
de continuer la poursuite en cour. À ce moment, est-ce que vous
étiez d'accord avec l'opinion de vos procureurs?
M. Saulnier: Quelle partie de l'opinion, elle est longue?
M. Bourbeau: L'opinion juridique du 5 janvier de Geoffrion et
Prud'homme. Je présume que vous en avez fait la lecture à
plusieurs reprises. L'ensemble de l'opinion juridique du 5 janvier indiquait
que vous aviez une bonne cause et qu'on devrait procéder avec le
procès.
M. Saulnier: Est-ce que c'est mon opinion qu'on demande?
M. Bourbeau: Oui, votre opinion sur ce sujet.
M. Saulnier: Moi, sur la foi de cette opinion, j'estimais qu'on
avait une cause qui n'était pas forte.
M. Bourbeau: Cela ne semble pas être...
M. Saulnier: Bien non. D'ailleurs j'ai cité moi-même
dans mon texte un ou deux paragraphes de cette opinion.
M. Bourbeau: Cela ne semblait pas être l'opinion de vos
conseillers juridiques.
M. Saulnier: Oui, mais je ne suis pas tenu de croire à
cela, ce n'est pas l'Évangile.
M. Bourbeau: En matière juridique, vous pensez que vos
conseillers juridiques n'étaient pas compétents, quoi?
M. Saulnier: Je n'ai pas dit cela et je ne dis pas cela. Je dis
que ce que j'ai lu, les parties... si on me permet, quand j'étais plus
jeune et que j'aidais mes fils à faire leurs travaux de
mathématiques je leur disais toujours: Dans un problème, il est
très important de lire les mots essentiels. Il y a beaucoup d'autres
mots, mais les mots essentiels, ce sont ceux-là qu'il faut trouver. Moi,
je les ai trouvés à la page 4, à la fin et au milieu
ensuite; je l'ai cité d'ailleurs.
M. Bourbeau: Vous aviez voté une somme de 500 000 $ de
frais légaux pour faire le procès.
M. Saulnier: Au mois de novembre.
M. Bourbeau: Non, le 9 janvier. Je m'excuse.
M. Saulnier: Je pense que c'est au mois de novembre.
M. Bourbeau: Vous aviez voté une somme de 500 000 $ tout
de même pour faire le procès.
M. Saulnier: Oui. Nous avons été en poste le 1er
octobre et, parmi les choses urgentes, celle-là est venue, je pense, au
mois de novembre. À ce moment-là, tout ce qui est venu, c'est une
vue à vol d'oiseau avec une demande de crédit. Or, comme on nous
disait: Le procès va commencer, c'est bien évident qu'il faut
voter un crédit.
M. Bourbeau: Donc vous avez voté...
M. Saulnier: Un crédit, je me permets, M. le
Président. Je m'excuse M. le député.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Saulnier, vous pouvez
continuer.
M. Saulnier: J'ai interrompu le député qui parlait,
je m'en excuse.
M. Bourbeau: Je voudrais simplement dire que le 9 janvier, vous
avez voté en faveur de continuer le procès?
M. Saulnier: Oui. C'est-à-dire non, le 9 janvier,
j'étais absent.
M. Bourbeau: Vous étiez absent. Votre conseil au complet
d'une façon unanime a voté pour continuer le procès.
M. Saulnier: C'est cela.
M. Bourbeau: À votre retour, quand vous avez pris
connaissance de cela, est-ce que vous avez enregistré votre
dissidence?
M. Saulnier: Après coup, post facto? M. Bourbeau:
Oui, oui.
M. Saulnier: Moi, je ne crois pas à cela. Je sais qu'il y
en a qui croient à cela; je suis un de ceux qui s'opposent, dans un
conseil d'administration, au fait de voter à l'autre séance qui
suit ou de voter en dehors.
M. Bourbeau: Non, je ne veux pas parler de voter en dehors, mais
quand on fait la lecture du procès-verbal de l'assemblée
précédente, en aucune façon n'avez-vous tenu à
faire savoir...
M. Saulnier: Non, quand je suis absent, je ne discute pas ce que
d'autres ont décidé en mon absence.
M. Bourbeau: Étiez-vous d'accord avec cette
décision de continuer le procès le 9 janvier?
M. Saulnier: Le 9 janvier, peut-être pas en
désaccord.
M. Bourbeau: Peut-être pas en désaccord.
M. Saulnier: Je n'étais peut-être pas en
désaccord, non.
M. Bourbeau: Donc, à ce moment, vous auriez
été plutôt d'accord je présume?
M. Saulnier: De continuer le procès? Non, je dirais
plutôt: Pas en désaccord. Cela ne me paraissait pas majeur
à ce moment.
M. Bourbeau: Vous étiez...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse de vous interrompre
de part et d'autre. Comme il est 22 heures, j'ajourne à demain matin en
vous demandant...
Une voix: Oui.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avant
l'ajournement, aurait quelque chose à ajouter.
M. Duhaime: Alors nous allons vous demander, M. Saulnier,
d'être à la disposition de la commission. Est-ce que c'est
possible...
Le Président (M. Jolivet): Dix heures, demain matin.
M. Duhaime: ...d'être ici à 10 heures demain matin?
Pour l'information des
membres de la commission, nous pourrions siéger demain, de 10
heures à 13 heures, pour reprendre ensuite après la
période des questions jusqu'à 18 heures, le tout sous
réserve d'un avis ou d'une motion que fera le leader du gouvernement
à l'Assemblée nationale demain après-midi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais simplement que le ministre confirme que
les témoins qui seront convoqués demain, une fois que le
témoignage de M. Saulnier sera terminé, sont les avocats de la
Société d'énergie de la Baie James.
M. Duhaime: Oui, c'est confirmé.
Le Président (M. Jolivet): Donc, ajournement à
demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 02)