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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'énergie et des ressources commence
ses travaux ce matin en vue d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa),
M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert),
M. Tremblay - excusez-moi, il n'est pas là - M. Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Les personnes qui sont invitées à cette commission
parlementaire aujourd'hui sont: M. André Thibaudeau, pour terminer les
réponses aux questions qui lui ont été posées, M.
Pierre Laferrière, M. Guy Monty et M. Claude Roquet.
Mise au point du président
Puisque nous recommençons cette commission parlementaire, je me
suis fait un devoir de rappeler le mandat de cette commission parlementaire
à tous ses membres et à tous les gens qui viennent devant cette
commission, ainsi qu'à tous les gens qui nous écoutent.
J'aimerais aussi rappeler que nous nous étions entendus, de façon
générale cependant, pour accorder un minimum ou un maximum de 20
minutes par intervenant. Mais, à la suite de différentes
interventions qui ont eu lieu au cours des premières séances de
cette commission parlementaire, la répartition du temps a
été très large, de telle sorte que les intervenants ont pu
utiliser davantage que leurs vingt minutes pour poser leurs questions et
entendre les réponses.
J'aimerais aussi rappeler l'origine de cette commission parlementaire
avant qu'on continue l'ensemble de nos travaux aujourd'hui et dans les jours
qui viennent. Vous savez dans quelles circonstances la commission parlementaire
a été convoquée par le leader du gouvernement. J'aimerais
bien faire remarquer que c'est une commission parlementaire. J'aimerais aussi
faire remarquer que l'ensemble des invités à cette commission a
été l'objet de demandes de la part des gens de l'Opposition comme
des gens du côté ministériel, que le président de
cette commission parlementaire n'a aucun pouvoir sur la liste des
invités et n'a également aucun pouvoir - c'est pour le rappeler
comme il faut - sur l'ordre du jour qui est fait par le leader du
gouvernement.
J'aimerais aussi vous rappeler que cette commission parlementaire est
vraiment une commission parlementaire en vertu des règles de
l'Assemblée nationale. Donc, elle n'est pas une commission de type
sénatorial américain, ni un type de commission
spécialisée qu'on appelle en Angleterre le "select committee". En
conséquence, les pouvoirs du président sont de faire respecter
l'ensemble des règlements et de faire en sorte que la Loi sur
l'Assemblée nationale soit aussi respectée. Il n'a en aucune
façon à intervenir dans le débat sur les questions de
fond. Ces interventions viennent des députés et si quelqu'un
croit que des questions ou des réponses sont en dehors du mandat qui a
été octroyé par le gouvernement à la commission
parlementaire, il doit intervenir et demander au président de la
commission de statuer sur ces questions. Je le souligne, puisqu'on a eu
l'occasion, aussi bien à l'intérieur de la dernière
séance de la commission parlementaire jeudi il y a deux semaines qu'en
dehors de cette commission parlementaire, de revenir énormément
sur le mandat de cette commission parlementaire.
Il faudrait - je le rappelle à tous les membres de cette
commission parlementaire - reconnaître que les gens qui sont ici sont les
invités de part et d'autre de cette Assemblée et doivent
être questionnés dans le but de nous aider à bien remplir
le mandat qui, je le rappelle, est d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la
Baie James de régler hors cour la poursuite civile
intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en
1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
J'aimerais, autant que faire se peut, que les gens qui auront à
questionner les invités que nous faisons venir à cette commission
parlementaire, les considèrent comme des gens qui doivent nous aider
à remplir notre mandat et non pas comme des accusés.
J'ai, d'ailleurs, pris la précaution de faire l'analogie avec le
règlement en vertu des paragraphes 2 et 3 de l'article 168 que je me
permets de relire. L'article 168 dit: "Une question ne doit contenir que les
mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est
irrecevable une question: 2. qui contient une hypothèse, une expression
d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3.
dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une
appréciation personnelle." Si je le rappelle, c'est, comme je le dis,
pour tout ce qui a été dit ici à cette commission ou
ailleurs, mais en vous redisant que je l'ai fait par analogie, puisque cela a
trait à la période des questions lorsqu'on s'adresse à un
ministre. Comme les règles de cette commission ne sont pas
définies pour être autre chose qu'une commission parlementaire et
que, en cours de route, on a peut-être de part et d'autre, selon
certaines personnes, abusé des droits de nos parlementaires, j'aimerais
le rappeler pour que les gens puissent vraiment être conscients que la
commission parlementaire est une commission parlementaire
régulière, normale de l'Assemblée nationale du
Québec.
Je terminerai en disant que, pour revenir à une question qui a
été posée à plusieurs occasions sur la question de
la prestation des serments pour les personnes qui doivent venir à cette
commission parlementaire, je dois rappeler que je me ferai un devoir, puisque
la question m'a été posée pour l'ensemble de la commission
parlementaire, de demander à toutes les personnes qui vont venir devant
cette commission de prêter le serment tel que demandé en vertu des
articles prévus par la Loi sur l'Assemblée nationale du
Québec.
Je demande donc à M. André Thibaudeau... Mais avant, je
pense que j'ai des questions. Je vous rappellerai un peu plus tard. Il y a
d'abord M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Une question de règlement, M. le
Président. Je voudrais faire une demande préalable en
début de séance. Je pense que le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James, M. Laliberté, lorsqu'il a témoigné, avait dit qu'il
vous ferait parvenir, enfin à la commission, un projet de transaction
qui aurait été rédigé par les avocats de la SEBJ en
janvier 1979. Est-ce que vous avez reçu cela?
Le Président (M. Jolivet): Oui, je l'ai reçu. Je
m'excuse. Je devais vous avertir qu'on devait le transmettre. C'est donc la
lettre du 18 janvier 1979. Je vais demander aux gens du secrétariat des
commissions de vous faire parvenir le texte, puisqu'il nous est parvenu au
secrétariat.
M. Lalonde: Je vous remercie. En deuxième lieu concernant
les remarques fort pertinentes que vous avez cru bon de nous adresser en
début de séance, je pense qu'il est bon, en effet, de rappeler
que tout ce qui s'est passé jusqu'ici à la commission s'est fait
conformément au règlement et que vous êtes appelé
à appliquer un règlement qui est la loi de la commission
parlementaire. Je veux vous réitérer notre désir, de ce
côté-ci, de continuer à nous soumettre au règlement
et à la Loi sur l'Assemblée nationale, au mandat qui nous a
été imposé, que ni vous ni moi n'avons choisi, mais qui
nous a été donné, c'est-à-dire d'examiner toutes
les circonstances entourant ce règlement hors cour, ainsi que le
rôle du premier ministre ou de son bureau. À cette fin, nous
allons aussi continuer d'accepter l'invitation du premier ministre en Chambre,
il y a quelques semaines, de poser toutes les questions nécessaires pour
faire la lumière. Soyez assuré à l'avance de notre
collaboration la plus totale pour que toutes les questions pertinentes soient
posées afin que la commission parlementaire remplisse
complètement son mandat.
Vous avez dit tout à l'heure: Les témoins ne sont pas des
accusés. Sûrement qu'ils ne sont pas des accusés. Je pense
que personne n'a été accusé ici, sauf que le journal La
Presse a accusé le premier ministre d'avoir trompé
l'Assemblée nationale. Les témoins - les invités, comme
vous les appelez, les témoins comme on les appelle, dans un langage plus
général - sont, en effet, des personnes qui ont été
considérées par le gouvernement - disons par le leader
parlementaire du gouvernement et, dans une certaine mesure, par nous aussi
-comme des personnes susceptibles d'apporter un éclairage. Mais, comme
il s'agit de faits entourant un événement, il va sans dire que
souvent - ou enfin, on l'a vu il y a deux semaines - cela peut prendre un
certain nombre de questions pour faire le tour d'un événement,
d'une réunion, etc.
J'accueille aussi avec empressement votre déclaration à
savoir que la description d'une question, telle qu'on la retrouve dans le
règlement, s'adresse à une question qui serait posée
à un ministre. Par exemple, on
ne peut pas demander une expression d'opinion. Fatalement, dans ce qui
nous occupe actuellement, on ne peut pas s'empêcher de demander aux
membres du conseil d'administration l'opinion que ces personnes
s'étaient faite sur la proposition de règlement. Je comprends que
vous appliquerez avec la plus large interprétation possible, dans les
circonstances, cette partie du règlement. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: M. le Président, j'ai une chose assez
délicate à vous signaler. Vous avez statué tout à
l'heure que cette commission est une commission parlementaire ordinaire. Si
c'est une commission parlementaire ordinaire, de mémoire, au cours des
sept années que j'ai passées ici, jamais, dans une commission
parlementaire ordinaire, nous n'avons eu à assermenter des
témoins parce que déjà le témoin qui se
présente à la barre ne peut mentir à cette commission.
Devant ce qui s'est passé avant l'ajournement, avec les premiers
témoins qui ont passé, déjà beaucoup de
députés ont peur et doutent actuellement de l'effet d'assermenter
les témoins à une commission parlementaire ordinaire. L'article
qui prévaut actuellement... Nous avons peur que cela fasse jurisprudence
dans une commission ordinaire de l'Assemblée nationale. Cela pourrait
aller aussi loin qu'assermenter un fonctionnaire qui viendrait ici
débattre des chiffres avec son ministre.
Je pense que l'esprit de la Loi sur l'Assemblée nationale - c'est
pour cela que ce que je vous dis est important - n'était pas d'avoir
cela dans une commission ordinaire. Ce n'est pas une commission
sénatoriale, comme vous l'avez dit tout à l'heure. L'esprit de la
Loi sur l'Assemblée nationale est justement en vue de la création
de ces nouvelles commissions, de ces "select committees", comme vous l'avez dit
tout à l'heure, qui existent en Angleterre d'assermenter ces
gens-là. S'il vous faut un petit peu plus de temps, dix minutes ou une
demi-heure, puisque cela fera jurisprudence -c'est ce dont j'ai peur - on vous
l'accorderait pour prendre une décision en collaboration avec le bureau
de la présidence, avec le président même de
l'Assemblée nationale sur ce sujet avant de procéder à un
autre serment.
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous répondre
immédiatement puisque ce que vous me demandez a été fait
avant même que vous me le demandiez. C'est donc après une bonne
vérification que nous avons non pas pris l'esprit de ce que le
législateur a voulu dire, mais la lettre de ce que le législateur
a inscrit dans une loi, à l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée
nationale. Je ne peux que continuer à dire ce que j'ai dit
jusqu'à maintenant: "Le président ou tout membre de
l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission, peut demander
à une personne qui comparaît devant elle de prêter le
serment ou de faire la déclaration solennelle prévus à
l'annexe II." En conséquence, je vais continuer la même politique
que celle du début, puisque je n'ai pas d'autre choix que celui
d'appliquer la Loi sur l'Assemblée nationale que nous avons tous
adoptée à l'Assemblée nationale, dernièrement.
M. le ministre a-t-il quelque chose à dire?
Ordre des travaux M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais dire que
nous procéderons dans l'ordre que vous avez indiqué tout à
l'heure. Je crois que nous en étions à entendre M. Thibaudeau et
que c'était le député de Marguerite-Bourgeoys qui devait
lui poser des questions. J'indique tout de suite que, pour la semaine
prochaine, j'ai suggéré au leader du gouvernement que nous
puissions travailler mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Je pense qu'il y a un
accord là-dessus. Nous commencerions normalement à dix heures,
mardi. Nous pourrions, si nous avons épuisé la liste des quatre
personnes qui sont à l'ordre du jour d'aujourd'hui et de demain,
commencer par le témoignage de M. Giroux, qui est actuellement sous les
soins des médecins à Montréal. Il a communiqué avec
moi pour m'indiquer qu'il était à la disposition de la commission
et qu'il souhaitait recevoir un jour et une heure fixes pour être
entendu, à cause de son état de santé. Je crois pouvoir
dire qu'il y a une entente des deux côtés afin que l'on puisse
procéder mardi matin avec M. Giroux.
À titre indicatif, je dis que nous pourrions ensuite continuer
avec la comparution de MM. Boyd et Saulnier. Pour les autres, on verra et
j'aurais l'intention d'aviser à l'avance maintenant qu'on connaît
un peu le train-train de cette commission, l'ardeur et le brio des membres de
la commission qui sont ici. Nous essaierons d'agencer nos travaux pour que,
mardi, nous travaillions en soirée également. Je suis disponible
pour travailler mercredi toute la journée et mercredi soir
également, ainsi que mes collègues, jeudi, toute la
journée et en soirée, de même que vendredi de la semaine
prochaine. Si nous avons terminé vendredi, il nous restera à
faire rapport à l'Assemblée nationale. Sinon, nous continuerons
nos travaux dans la semaine qui suivra et, si
c'est possible de terminer ensuite, nous le verrons. Sinon, nous
ajouterons une autre semaine.
Je dois dire, cependant, M. le Président, que j'ai
écouté avec beaucoup d'attention vos remarques. Je voudrais
essentiellement rappeler, quant à moi, qu'une commission parlementaire,
qui invite des citoyens et des citoyennes à venir rendre
témoignage sur des faits dont ils ont eu connaissance, devrait rester
dans le cadre normal du fonctionnement d'une commission parlementaire. Je suis
parfaitement d'accord avec tout député qui voudrait poser quelque
question que ce soit, pertinente, mais à l'intérieur du mandat de
cette commission. Je dois dire que si d'aucuns ont évalué que
j'avais eu une saute d'humeur la semaine dernière, je les
préviens que j'en aurai d'autres si cette commission est pour se
transformer en un tremplin à d'autres fins ou, encore, si elle va
harceler ce que j'appellerais "la vie privée des gens" ou n'accorde pas
le minimum de respect et de courtoisie que l'on doit à ceux que l'on
convoque ici. C'étaient les seules remarques que je voulais faire, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Femand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, en ce qui concerne le
programme de travail, en effet, le leader du gouvernement m'a avisé que
nous pourrions travailler - en fait, j'avais même pensé à
lundi prochain, mais, apparemment c'est mardi - mardi, mercredi, jeudi et
vendredi, aux heures normales prévues par le règlement, m'a-t-il
dit. Nous sommes prêts, naturellement, à collaborer aux travaux de
cette commmission à ces heures normales. (10 h 30)
J'apprécie aussi le réalisme nouveau du leader du
gouvernement qui, au lieu d'inviter 18 personnes pour une journée, s'est
aperçu que c'est justement faire preuve de plus de courtoisie à
l'égard des citoyens d'en inviter un plus petit nombre pour ne pas trop
en déranger. Aujourd'hui, nous avons quatre personnes sur la liste qui
nous est proposée. Nous acceptons cette liste. Nous allons accepter
l'ordre - pourvu qu'on ne fasse pas d'ingérence comme la semaine
dernière ou il y deux semaines - dans lequel on va nous convier à
poser des questions aux invités.
En ce qui concerne les dernières remarques, d'abord, pour les
sautes d'humeur du ministre, laissez-moi vous dire que, si c'était
l'intention du ministre de m'intimider, il a réussi... très. J'ai
peur! Enfin, on les prendra une par une et on essaiera de passer à
travers. En ce qui concerne l'idée de transformer la commission
parlementaire en quoi que ce soit, on a parlé de commission
sénatoriale américaine, comme si c'était un animal
épouvantable, de "select committee" en Angleterre. Est-ce un cataclysme
qui nous menace? Mais nous avons travaillé et nous allons
continuer de travailler à l'intérieur du règlement, je le
réitère.
Il n'est pas question de harceler qui que ce soit en quoi que ce soit.
Nous voulons simplement savoir ce qui s'est passé. Le premier ministre
nous a suppliés de le faire pour lui. Alors, nous allons le faire; c'est
notre devoir, notre mandat de le faire. Si cela prend deux jours à faire
le tour de la question avec un témoin, cela prendra deux jours et, si
cela prend un mois pour faire le tour de toute la question, cela prendra un
mois. Nous n'avons aucunement l'intention de bousculer qui que ce soit, de
télescoper quoi que ce soit, ni de perdre le temps de qui que ce soit,
mais nous voulons avoir l'occasion, la chance de poser toutes les questions et
nous allons le faire malgré les sautes d'humeur du ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais d'abord rappeler qu'il n'y a jamais eu 18
personnes convoquées. Huit personnes avaient été
convoquées pour sept heures de travail que j'aurais
considérées comme étant des heures normales de travail. Je
dois dire tout de suite que je n'ai jamais eu l'intention d'intimider le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Cela me rassure.
M. Duhaime: Si quelqu'un sur cette planète peut
l'intimider, qu'il se lève. Je dois dire, cependant, que, même
s'il prend un ton très mielleux à l'ouverture, je reconnais
là l'ancien Solliciteur général du gouvernement du
Québec. Je dois lui dire aussi que je ne suis intimidé en aucune
manière. Ce que j'ai essentiellement voulu dire, c'est que cette
commission parlementaire ne se transformera pas en un tribunal d'inquisition,
si je peux être assez clair.
M. Lalonde: Ah non! Loin de nous cette idée!
M. Duhaime: Je suis très heureux de constater que le
député de Marguerite-Bourgeoys considère ce matin que
c'est moins urgent maintenant de disposer de cette affaire, alors qu'à
l'Assemblée nationale, il y a à peine trois semaines,
c'était "toute affaire cessante". On ne pouvait même pas
procéder à l'élection du président de
l'Assemblée nationale et cela a été ce que j'appellerais
un baroud d'honneur.
Les remarques que j'ai faites au sujet
de notre attitude vis-à-vis des témoins ne sont pas
seulement les miennes, mais, sauf erreur, je crois que c'est Mme Nicolle Forget
et M. Hébert, dans l'un et l'autre cas, qui ont tous deux
déploré de façon assez claire le traitement qui avait
été accordé à certaines des personnes qui avaient
été entendues.
Enfin, M. le Président, j'aurai l'occasion de causer à
nouveau avec le député de Marguerite-Bourgeoys sur ce sujet comme
sur d'autres. Je ne veux pas retarder inutilement les travaux. Si vous
êtes disposé à appeler M. Thibaudeau, je pense que
c'était au député de Marguerite-Bourgeoys de
l'interroger.
Le Président (M. Jolivet): Toutes choses étant
dites, j'invite donc maintenant M. André Thibaudeau à venir
s'installer en disant que c'était le député de
Marguerite-Bourgeoys qui avait la parole à ce moment. J'aimerais
rappeler, avant qu'il soit questionné, que la commission va terminer ses
travaux ce midi à 12 h 30, puisque l'Assemblée nationale reprend
ses travaux à 14 heures et que nous reviendrons après la
période des questions, vers 15 h 30 cet après-midi,
jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 22 heures, pour les quatre
personnes qui sont invitées.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, en ce qui concerne
l'assermentation, c'est sous le même serment?
Le Président (M. Jolivet): C'est sous le même
serment.
M. Lalonde: Merci. Pourriez-vous reconnaître à ma
place le député de Portneuf, s'il vous plaît?
Le Président (M. Jolivet): Aucune objection, M. le
député de Portneuf?
M. Pagé: Merci, M. le Président.
M. Duhaime: Nous sommes également d'accord.
Témoignages M. André Thibaudeau
M. Pagé: On l'apprécie. M. Thibaudeau, je tiens,
tout d'abord, à nous excuser en quelque sorte de vous obliger à
revenir à Québec aujourd'hui, puisque vous avez
déjà comparu le 31 mars dernier. Je dois évidemment, au
début de mon propos, vous faire part que nous étions
disposés à vous entendre le jeudi soir 31 mars et à poser
nos questions avant le congé pascal, pour ainsi vous libérer et
vous éviter une deuxième comparution devant notre commission
parlementaire.
M. Gratton: Une saute d'humeur!
M. Pagé: Ceci était dû, comme le dit mon
collègue de Gatineau, à juste titre d'ailleurs, à une
saute d'humeur du ministre de l'Énergie et des Ressources. De toute
façon, c'est chose du passé.
Pour nous situer un peu dans le témoignage que vous avez
formulé devant cette commission, vous avez indiqué - et vous
pourrez me corriger au besoin - qu'en 1968 vous étiez
vice-président de la Fédération des travailleurs du
Québec.
M. Thibaudeau (André): Le 1er juin.
M. Pagé: Vous étiez aussi directeur du Syndicat
canadien de la fonction publique.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Pagé: En 1969, vous avez amorcé ou
continué une carrière dans les relations de travail, mais plus
spécifiquement comme arbitre de griefs, et vous êtes devenu
professeur aux Hautes études commerciales à Montréal.
M. Thibaudeau: Au 1er juin 1968.
M. Pagé: Vous avez oeuvré comme arbitre de griefs
pendant 1969 et les années subséquentes. En 1978, vous
étiez nommé par le gouvernement du Québec membre du
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James, le 1er octobre, et vous l'avez été jusqu'au 10
octobre 1980.
Cette commission a le mandat d'étudier l'ensemble de la question
du règlement hors cour intervenu entre la Société
d'énergie de la Baie James et les défendeurs. Elle a aussi comme
mandat, finalement, de voir l'implication du premier ministre et du personnel
de son bureau? À plusieurs reprises, on a évoqué le nom de
personnes occupant des fonctions soit à la SEBJ, soit aux cabinets de
ministres ou autres; j'aimerais vous demander si vous connaissez Jean-Roch
Boivin...
M. Thibaudeau: Oui, depuis...
M. Pagé: ...et depuis quand à peu près.
M. Thibaudeau: J'ai connu M. Jean-Roch Boivin vers les
années 1969-1970, lors de la formation de la Conférence des
arbitres du Québec. C'est là que j'ai connu M. Boivin. Il
était lui-même arbitre de griefs.
M. Pagé: D'accord! Me Yves Gauthier?
M. Thibaudeau: Non, je ne l'ai jamais rencontré, de
mémoire.
M. Pagé: Vous ne le connaissez pas personnellement.
M. Thibaudeau: J'ai essayé cette semaine de me poser la
question si je l'avais rencontré par hasard, mais cela ne me dit
absolument rien. Peut-être que, si je le rencontrais, je dirais: Oui, je
le connais; mais non, je ne le connais pas.
M. Pagé: D'accord! Vous connaissez Me Michel Jasmin et Me
Rosaire Beaulé?
M. Thibaudeau: De nom, pas plus que cela.
M. Pagé: Avant votre nomination au conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James,
connaissiez-vous M. Claude Laliberté?
M. Thibaudeau: Non.
M. Pagé: M. Claude Roquet?
M. Thibaudeau: Non.
M. Pagé: M. Pierre Laferrière?
M. Thibaudeau: Oui, il a été mon
élève au MBA, à la maîtrise "Business
Administration", en français, c'est la maîtrise en administration
des affaires. Il a été mon élève pendant deux ans,
je crois.
M. Pagé: En quelle année? M. Thibaudeau:
Comment? M. Pagé: En quelle année?
M. Thibaudeau: Vers 1971-1972. Vous pourrez le lui demander, j'ai
eu tellement d'élèves.
M. Pagé: D'accord. Je vous comprends.
M. Thibaudeau: En 1971-1972, je l'ai eu lorsqu'il a fait son MBA
à l'école.
M. Pagé: D'accord! Je ne vous tiens pas grief de ne pas
vous rappeler l'année exacte. Soyez-en certain, M. Thibaudeau.
M. Thibaudeau: Non.
M. Pagé: Dans le cadre de la poursuite de la SEBJ...
M. Thibaudeau: Je connais aussi M. Saulnier et je connaissais M.
Boyd.
M. Pagé: Depuis quand?
M. Thibaudeau: Pour compléter votre tour de chapeau.
M. Pagé: D'accord! Très bien! Vous êtes
entré au conseil d'administration au début d'octobre 1978, alors
qu'une poursuite avait été entreprise quelques années
auparavant contre différents syndicats et contre différentes
personnes nommément cités dans les poursuites. En novembre 1978,
plus particulièrement le 20 novembre 1978, la Société
d'énergie de la Baie James a tenu une réunion de son conseil
d'administration. Y étiez-vous présent?
M. Thibaudeau: Oui. La seule réunion que je me souviens
d'avoir ratée est celle du 6 février.
M. Pagé: Le 6 février. Le 20 novembre 1978, le
conseil d'administration a voté des crédits, a adopté une
résolution afin de débloquer 500 000 $ pour couvrir les
honoraires provisionnels à venir pour l'année 1979 pour les
procureurs de la Société d'énergie de la Baie James.
Est-ce que vous vous rappelez qui a fait cette proposition au conseil
d'administration et dans quel cadre cela a-t-il été
formulé et porté à l'attention du conseil
d'administration?
M. Thibaudeau: Je me suis posé la question avant de
revenir ici et je crois que cela a été fait, selon moi, au
meilleur de ma connaissance, comme une affaire de routine, puisqu'on nous
annonçait que le procès commençait vers le 15 janvier.
Cela a été fait comme une affaire de routine - si je peux dire -
pour tout simplement prévoir les dépenses qu'il faudrait
envisager pour les honoraires d'avocat et les autres frais de cour. Maintenant,
qui a fait la proposition? Je ne m'en souviens pas. Mais, pour moi, lorsque
c'est arrivé à l'ordre du jour, c'était une affaire de
routine, c'était déjà commencé, on devait avoir une
résolution pour débloquer cette somme d'argent.
M. Pagé: Est-ce à dire - comme c'était
simplement une question de routine - qu'il n'y a pas eu d'échanges sur
l'opportunité pour votre société de voter cet argent?
C'était quand même un demi-million de dollars. C'était
presque 1,5% de la réclamation.
M. Thibaudeau: Cela fait déjà quatre ans et demi.
Je ne sais pas si c'est à cette date, prenant connaissance de cette
résolution, que j'ai commencé à émettre les doutes
que j'avais, mais c'est à peu près à cette date. Je ne me
souviens pas si c'était à cette réunion, puisque nous en
avons parlé, nous avons échangé des opinions qui ne se
soldaient pas par une résolution. Mais nous avons commencé
à émettre des idées. Pour
moi, cela n'avait aucune signification grave à ce
moment-là d'accepter une prévision budgétaire en cas de
dépenses qui pouvaient venir si on poursuivait la poursuite, puisqu'il
n'y avait aucune décision de prise.
M. Pagé: Si je comprends bien, on vous a expliqué
que le procès allait s'entamer le 15 janvier...
M. Thibaudeau: Oui.
M. Pagé: ...qu'il y avait déjà plusieurs
dizaines de milliers de dollars qui avaient été engagés
pour les frais d'avocat et les frais judiciaires au cours de l'année
1978 et que besoin était de voter un montant de 500 000 $ pour
l'année 1979?
M. Thibaudeau: C'est cela.
M. Pagé: Vous vous êtes montré favorable
comme les autres membres?
M. Thibaudeau: Oui, pour moi, c'était de l'administration,
il fallait prévoir, il fallait voir venir le procès.
M. Pagé: Vous étiez pour le fait que 500 000 $
soient votés?
M. Thibaudeau: Je ne dis pas que je n'étais pas pour un
règlement hors cour; j'étais pour qu'on prenne nos
précautions si un procès devait se dérouler.
C'était simplement un acte administratif, à ce moment-là,
comme nous en faisions sur bien d'autre sujets.
M. Pagé: Le mois de novembre a passé, le montant a
été voté le 20 novembre, décembre a passé,
puis la période des fêtes. Au début de janvier, on sait
qu'il y a eu des rencontres, comme M. Laliberté l'a confirmé ici
à cette table, avec les membres du cabinet du premier ministre. M.
Laliberté vous a-t-il fait part de sa rencontre du 3 janvier, à
quel moment vous en a-t-il fait part et, surtout, en quels termes vous en
a-t-il fait part?
M. Thibaudeau: Je vous répète, M. le
Président - je veux satisfaire le député de Portneuf -
que, dès que c'est venu à l'ordre du jour, nous en avons
parlé. J'avais déjà des idées, qu'elles soient
bonnes ou mauvaises, que mon opinion soit fondée ou non, j'avais
déjà des commentaires à faire et, en tant que membre du
conseil, j'en ai fait part à certains de mes collègues, soit en
réunion, soit dans le bureau qu'on avait mis à notre disposition.
Je ne peux pas m'en souvenir exactement, surtout dans les termes, tel que
demandé par le député de Portneuf. Je me souviens que ma
grande préoccupation, lorsque j'ai été nommé en
juillet et que je suis entré en fonction le 1er octobre, c'était
les conditions de vie à la Baie-James. (10 h 45)
Fatalement, j'ai beaucoup discuté avec M. Laliberté qui en
était le nouveau P.-D.G. C'est dans ces conversations tout probablement
que j'ai parlé du procès ou qu'il m'en a parlé, puis qu'il
m'a fait mention qu'il avait rencontré M. Boivin et que le bureau du
premier ministre semblait désirer, aimerait... Je ne peux pas prendre
les mots exacts, parce que je ne m'en souviens pas exactement, mais je ne crois
pas que cela ait engendré une longue conversation entre lui et moi
à cet égard.
L'impression qu'il me reste après quatre ans et demi, c'est que
cela confirmait mes doutes que nous n'avions pas des chances de gagner le
procès contre l'union internationale; je ne parle pas des autres. Cela
confirmait les doutes que j'avais dès le début sur notre
possibilité d'impliquer au civil l'union internationale que nous
poursuivions à ce moment.
M. Pagé: Alors, vous confirmez que M. Laliberté,
président-directeur général de la SEBJ, vous a fait part -
Vous ne vous rappelez pas la date, ni le moment précis -
M. Thibaudeau: C'est vers le 1er janvier, novembre ou janvier.
C'est dans ces dates-là.
M. Pagé: ...que le souhait formulé par M. Jean-Roch
Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, M. Lévesque,
c'était un règlement hors cour.
M. Thibaudeau: Oui, ce qu'il a dit ici comme témoin, je le
confirme.
M. Pagé: D'accord. Le 9 janvier, le conseil
d'administration s'est réuni. C'est une séance qui a
été assez longue. La question de l'opportunité ou non de
maintenir les poursuites et d'amorcer le procès qui allait
débuter six jours après a été évoquée
au conseil d'administration. D'ailleurs, une résolution a
été adoptée par le conseil d'administration dictant au
procureur de la Société d'énergie de la Baie James l'ordre
de maintenir la poursuite telle que déjà entreprise. Vous avez
appuyé cette résolution?
M. Thibaudeau: Oui. Je vais m'expliquer, si vous n'avez pas
d'autres questions.
M. Pagé: Je vous en prie. J'en ai d'autres, mais vous
pouvez y aller.
M. Thibaudeau: C'était le début. Nous
échangions des idées. Dans ma carrière de
dirigeant syndical, j'ai toujours été contre la violence
dans les grèves ou tout cela, j'ai toujours été contre la
violence. Je n'admettais pas qu'on essaie de régler des problèmes
par la violence. J'ai eu des cas tout de même, comme directeur du SCFP,
où j'ai été obligé d'intervenir pour empêcher
la violence.
À ce moment-là, eh bien, j'avais déjà lu le
rapport Cliche. Je le connaissais étant professeur dans ce domaine. Je
me disais que ce n'était pas à nous de faire les premiers pas. Ce
n'était pas à la SEBJ, même si je ne crois pas telle chose,
de faire les premiers pas pour des règlements hors cour. À cette
date, si je me souviens bien, il n'y avait aucune démarche à la
connaissance du conseil. J'ai dit: Commençons et nous verrons comment
cela se développera. Comme d'autres témoins l'ont dit, j'avais
espoir qu'il y aurait un règlement à un moment donné, mais
je croyais que cela ne devait pas venir de nous. Il fallait tout de même
que ceux que je croyais qui avaient une certaine responsabilité la
reconnaissent.
L'article de M. Adam de la Presse, que vous avez dû lire,
l'explique un peu, et cela entre dans mes vues. C'est pour cela que j'ai
voté; j'ai dit: Ce n'était pas le temps. J'ai certainement, il y
a quatre ans et demi de cela, encore parlé - et les discussions au
conseil sont confidentielles - non seulement de mes doutes, mais de ma
certitude que, d'après moi - j'ai dit que je n'étais pas avocat -
d'après mes connaissances des structures syndicales, nous ne pourrions
même pas obtenir un jugement contre l'union internationale, en fait, le
banquier; peut-être contre d'autres, mais les autres n'avaient pas
d'argent. Alors, j'ai dit: Continuons, commençons et nous verrons.
M. Pagé: À cette réunion du 9 janvier, nous
sommes à six jours du procès. Si on va en arrière, le 20
novembre, vous votez un montant de 500 000 $ pour les frais de vos avocats. Le
9 janvier, vous vous réunissez. À cette date, est-ce que M.
Laliberté vous a déjà parlé de sa rencontre avec M.
Boivin?
M. Thibaudeau: Tout probablement, oui. Il m'en a parlé, je
pense, le 4 ou le 5. On revenait des fêtes. Oui, je lui ai parlé.
À M. Laliberté, j'ai parlé de cela. Je lui ai parlé
aussi des conditions de vie à la Baie-James. J'avais
écouté des émissions avant d'être nommé
administrateur à la SEBJ et, d'après certaines émissions,
je trouvais que ce n'était pas drôle là-bas. Il y avait de
la discrimination, il y avait ceci et cela. Je me suis dit: Maintenant que je
suis membre du conseil d'administration, je vais m'informer de ce qui se passe.
Tout en parlant de cela, on a parlé d'autres choses. Ce n'était
pas programmé. On a parlé des opinions. On se faisait
tranquillement des opinions pour en arriver un jour à une
décision. N'oubliez pas que cela fait quatre ans et demi.
M. Pagé: Cela, je le sais.
M. Thibaudeau: C'est cela. Je vous réponds au meilleur de
ma connaissance.
M. Pagé: Je n'en doute pas. Le 3 janvier, M.
Laliberté rencontre M. Boivin et ce dernier lui formule le voeu qu'un
règlement hors cour intervienne et qu'il y ait abandon des poursuites,
etc. Je comprends que M. Laliberté vous en fait part privément le
4 ou le 5 janvier.
M. Thibaudeau: Je ne pense pas qu'il se soit caché pour me
le dire à l'oreille.
M. Pagé: Non, mais ce que je veux dire, c'est que ce
n'était pas à une réunion du conseil, parce que vous vous
êtes réunis le 9?
M. Thibaudeau: Non, je pense que c'était plutôt dans
le bureau que nous occupions, les gens qui n'étaient pas des
employés d'Hydro-Québec...
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: ...ceux qui venaient de l'extérieur. Nous
avions un bureau pour nos téléphones, tout cela. Je pense que
c'était là.
M. Pagé: Et le 9 janvier, vous adoptez une
résolution dictant à vos procureurs de poursuivre, de continuer
le procès qui allait s'amorcer six jours après. Vous avez pris
connaissance d'un rapport interne de la SEBJ le 9 janvier, au conseil
d'administration?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Pagé: Rapport interne qui traitait, entre autres, de la
capacité de payer, qui traitait, évidemment, avant, de la
responsabilité des parties et du succès appréhendé
à l'égard de la possibilité de rattacher les syndicats,
même le syndicat international, aux actes commis par des individus, aux
actes posés par des individus. Vous avez pris connaissance de ce rapport
interne. Et c'est, je présume, sur la foi de ce rapport interne que le
conseil d'administration, dont vous-même, avez décidé de
continuer et de dicter à vos procureurs de poursuivre le mandat qui leur
avait été confié. Je vous réfère à ce
rapport interne où il est quand même clairement indiqué,
à la page 21 - à la page 6, mais ici j'ai la page 21 - au
cinquième paragraphe: "Ce rapport démontre bien que nos
procureurs sont en mesure de présenter des preuves qui, selon leur
opinion, seront suffisantes pour
supporter les conclusions de la société d'énergie
contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis et le local 791 de l'Union
internationale des opérateurs de machinerie lourde. Il existe
également de bons éléments de preuve contre
l'International Union of Operating Engineers, FAT-CIO-CTC. Quant à la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, nos
procureurs sont d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire
déclarer ce syndicat également responsable". C'est le local 134.
Et à la page 8...
M. Thibaudeau: Je vaudrais juste faire remarquer, pour qu'on se
comprenne et pour que je ne me mêle pas, que ce paragraphe-là fait
mention du local qui est à Montréal...
M. Pagé: Oui.
M. Thibaudeau: ...et non pas de l'union internationale à
Washington.
M. Pagé: D'accord. À la page suivante, on
réfère à l'énoncé déjà
formulé par la SEBJ de l'opportunité et de la justesse de prendre
des poursuites judiciaires contre ceux qui s'étaient adonnés
à ce saccage. On cite au cinquième paragraphe la position de la
SEBJ dans un de ses communiqués: "La Société
d'énergie de la Baie James est une compagnie paragouvernementale dont le
capital-actions autorisé est entièrement détenu et/ou
souscrit par Hydro-Québec et, à ce titre, elle gère des
fonds et des biens du domaine public. Elle se doit donc de prendre les mesures
nécessaires pour recouvrer les coûts des dommages causés
lors du saccage de LG 2. En instituant cette action, la société
d'énergie était consciente du fait que la plupart des
défendeurs ne seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un
jugement rendu dans cette cause. Ses procureurs avaient attiré son
attention sur ce fait par la mention suivante...".
Autre paragraphe: "Cependant, elle était consciente qu'à
titre d'entreprise à caractère parapublic, gérant des
fonds et des biens du domaine public, elle se devait de tenir les individus et
les organismes responsables de leurs actes dans le but d'établir un
climat de confiance pour les travailleurs et les entrepreneurs présents
et futurs sur les chantiers de la Baie-James." On termine en disant: "II est
important, pour le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent
depuis la reprise des travaux à la Baie-James et l'institution de
l'action, que les responsabilités des parties soient
déterminées par le tribunal et que la société
d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne fléchit pas
dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement
justifié."
Ce rapport interne indique clairement que la Société
d'énergie de la Baie James est une société parapublique
qui gère et administre des fonds, des actions détenues à
100% par Hydro-Québec, mais ces fonds appartiennent aux
Québécois et Québécoises. Votre
responsabilité non seulement pour ce motif, mais aussi à la
lumière de l'avis de vos avocats vous indiquant la capacité
d'établir un lien de droit entre des travailleurs et des syndicats et
aussi à l'égard de la capacité de payer, en date du 9
janvier était de dire: On continue les poursuites et on y va. Vous me
confirmez ce matin que vous avez voté non seulement pour les 500 000 $
afin que les avocats puissent remplir ce mandat, mais, le 9 janvier, pour une
résolution dictant aux avocats de continuer et d'amorcer le
procès six jours plus tard.
M. Thibaudeau: M. le Président, il faudrait souligner que
j'ai été durant 20 ans à la table de négociations.
La stratégie, cela existe. Nous étions au début. J'avais
l'idée que nous ne pourrions pas obtenir "une cenne" de l'union
internationale. Mais, comme je l'ai dit tantôt, étant contre la
violence - et je l'ai prouvé comme dirigeant syndical dans les dossiers
dont j'ai eu à m'occuper - étant, autant que possible, contre les
grèves illégales, je ne pouvais pas, en tant qu'administrateur,
dire: Je suis contre cela pour l'instant; on verra le développement.
J'ai voté pour cela à ce moment-là, au début
d'une stratégie. Nous en avons parlé entre nous et je suis
sûr que j'ai redit et redit, dès le début, que je ne
croyais pas que nous pourrions obtenir "une cenne" de l'union internationale,
que je peux appeler le banquier, celui qui avait de l'argent. J'ai parlé
de cela et j'ai dit aussi qu'il fallait être prudent. Il y a des textes
que je n'ai pas écrits moi-même; si je l'avais fait, j'aurais
peut-être fait des distinctions. Dans une assemblée de conseil,
à un moment donné, il faut se rallier à une
stratégie. À ce moment-là, je pensais - c'était au
début -à la paix sociale, à la conserver sur le chantier.
Cela s'est toujours développé. Je réaffirme ici qu'avant
même d'être nommé, à cause d'autres procès...
Actuellement, par exemple, je lis tout, j'amasse tout sur le Code du travail
relativement à la loi 111, les secteurs public et parapublic. Je regarde
bien et j'ai bien hâte de voir comment cela se développera.
J'aurai à l'enseigner. Je ne suis pas impliqué. Je
m'intéressais à cela de la même manière. (11
heures)
D'autres vous ont dit: Non, tout ce qu'on connaissait de cela, c'est ce
que nous en avons lu dans les journaux. Pour moi, cela allait un peu plus loin
que cela. J'ai lu et relu cela. Je peux vous en réciter des paragraphes.
Lorsque nous sommes onze à une assemblée à discuter, onze
personnes qui
viennent d'endroits différents, de mentalités
différentes avec des points de vue différents, mais onze
personnes honnêtes, on cherche à s'éclairer nous aussi,
comme on est ici pour essayer de vous éclairer. Mon attitude me faisait
dire: Bon, bon, très bien, nous sommes neuf personnes, le procès
n'est pas commencé. Il ne semble y avoir eu aucune approche. Eh bien,
allons-y. Si je regarde cela, je me dis que je suis contre la violence dans
toute grève. Même moi, dans une grève que j'ai
dirigée à Hydro-Québec en 1966, 1967, j'ai
été obligé d'organiser ma propre police, si je puis dire,
afin qu'il n'y ait pas de dégâts. Alors, ce qui est arrivé
en 1974 me scandalisait.
En même temps, comme M. Hervé Hébert l'a dit, nous
n'étions pas un tribunal de justice. Nous étions des
administrateurs civils. Nous essayions de voir ce que nous pouvions
récupérer en argent. C'était aussi un des grands points de
vue qui ont été soulignés au conseil. J'ai laissé
aller l'affaire. À ce moment-là, je ne suis pas intervenu plus
que cela. J'étais un parmi les onze. Je sentais que le mouvement
s'orientait vers cela. Je me suis dit: On verra. Cela fait maintenant quatre
ans et demi.
M. Pagé: Vous évoquez un aspect intéressant
qui doit susciter des questions de notre commission...
M. Thibaudeau: Passons! Je suis professeur et j'ai une grande
gueule.
M. Pagé: ...à l'égard de la
stratégie. Quant au 9 janvier, voulez-vous dire, par votre
témoignage ce matin, que la résolution adoptée par le
conseil d'administration, à la suite de délibérations,
à la suite de la production d'un rapport interne de vos procureurs,
c'était une stratégie des membres du conseil d'administration, du
conseil d'administration ainsi expressément formulée ou
sous-entendue, ou si c'était votre perception personnelle de l'ensemble
du dossier?
M. Thibaudeau: C'était ma perception à moi.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: Au conseil d'administration, il y en avait
plusieurs qui étaient d'accord avec la lettre de cela, mais on a
tellement discuté qu'il y a eu des évolutions.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: J'étais à peu près le seul
qui était spécialisé en relations de travail. Il faut
aussi dire cela. J'étais le seul dans ce domaine. Il y en avait d'autres
en finance. Lorsqu'il était question d'emprunts, j'écoutais parce
que j'étais à l'école. Mais, en relations de travail, je
parlais.
M. Pagé: Je comprends qu'avec votre expérience de
relations de travail vous envisagiez tout cela dans une perspective de bonnes
relations entre la partie patronale, dont vous étiez, et la partie
syndicale. Il y a aussi Me Bernier, de la Société
d'énergie de la Baie James, qui a quand même une expérience
assez valable, lui aussi, assez concluante en relations de travail, et plus
particulièrement sur les grands chantiers du Québec, qui
endossait ce rapport interne, dans le sens de poursuivre et de continuer les
procédures.
M. Thibaudeau: Lorsque j'ai été interrogé la
dernière fois, j'ai dit que je n'étais pas nécessairement
d'accord avec les avis juridiques. Je ne l'ai pas toujours été
avec ceux que j'ai eus. Comme directeur du SCFP, j'ai déjà pris
des décisions à l'encontre d'avis juridiques et j'ai
gagné.
M. Pagé: C'est possible.
M. Thibaudeau: Vous savez qu'entre deux avocats...
M. Pagé: Mais on a tout perdu avec ce
règlement.
M. Thibaudeau: Je suis arbitre de griefs. Les avis juridiques de
deux avocats pour leur client, il y en a un qui va perdre et l'autre qui va
gagner. Cela ne veut pas dire que j'étais à la lettre... Je
savais qu'on avait des procureurs honnêtes, droits, mais il
n'était pas nécessaire que je partage leur avis.
M. Pagé: Je comprends très bien, M.
Thibaudeau...
M. Thibaudeau: N'oubliez pas que je suis arbitre de griefs et que
je vois souvent des versions où les deux ont raison.
M. Pagé: C'est cela. Vous avez à juger et tout
cela. Je comprends que, dans quelque cause que ce soit qui est
enclenchée devant nos tribunaux, il y a un gagnant et un perdant.
M. Thibaudeau: C'est cela.
M. Pagé: Mais je retiens de cette expérience que
les grands perdants auront finalement été les
Québécois, à partir d'un dommage réclamé de
32 000 000 $ et un règlement de 200 000 $, 300 000 $ pour être
plus précis.
M. Thibaudeau: M. le Président, ce n'est pas mon opinion.
Mon opinion est qu'on venait d'adopter 500 000 $ pour X mois seulement. Donc,
on nous reviendrait avec un autre montant de 500 000 $, on nous reviendrait
avec un autre montant de 500 000 $ et on serait peut-être ici, en
commission, parce que le conseil d'administration aurait voté tellement
d'honoraires et de dépenses aux États-Unis et autres - si on
avait gagné au Canada - qu'on aurait été des mauvais
administrateurs d'avoir injecté des montants d'argent dans une cause que
je croyais perdue vis-à-vis de l'union internationale. On serait
peut-être en commission parlementaire sur un autre fait.
Pour moi, c'était être un bon administrateur que de dire:
Premièrement, déjà il y a beaucoup d'argent qui a
été dépensé, que les Québécois auront
à payer; deuxièmement, tout cela est un grain de sable qui peut
troubler la paix sociale à LG 2. On n'avait pas besoin d'un
deuxième saccage et on n'avait même besoin d'aucun trouble. On
avait assez de petits problèmes journaliers à régler
à la Baie-James sans rajouter de grains de sable. Pour moi,
c'était une décision administrative d'épargner de l'argent
aux Québécois ainsi que des troubles. C'était mon opinion
d'administrateur. Ce n'était pas de dire que je pénalisais les
Québécois en partant d'un montant de 31 000 000 $ qui, dans ma
tête, était pas mal fictif pour tomber à 200 000 $. Pas du
tout. Je pensais aussi aux centaines de milliers de dollars qu'il faudrait
dépenser et à la paix sociale là-bas, aux travaux
peut-être encore bloqués.
N'oubliez pas qu'on a eu une grève des cuisiniers au cours de
l'été 1980 et on a été obligés de vider la
Baie-James. Il y en a eu des kilowattheures et des heures perdus.
C'était une grève légale, cette fois. Il y en a eu, des
troubles ouvriers, qui empêchaient les travaux de se poursuivre.
Malgré tout cela, nous sommes arrivés à temps: six mois
avant le temps. J'étais heureux, comme administrateur, ainsi que mes
collègues, que nous ayons assez bien géré l'affaire pour
arriver à la bonne date.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: C'est dans ce sens, d'ailleurs, que vous disiez,
lors de votre témoignage en commission, le 31 mars, à 21 h 45, au
journal des Débats, R/372: "Comme administrateur, je trouvais que
c'était dilapider des fonds, à mon point de vue. Je parle pour
moi. C'est l'opinion que j'ai donnée au conseil d'administration comme
je connaissais les syndicats."
M. Thibaudeau: Je répète la même chose.
M. Pagé: Mais vous avez quand même voté pour
les 500 000 $ en novembre et la continuation des poursuites.
M. Thibaudeau: Oh mon Dieu! Si vous saviez. Vous connaissez,
maître, ce qu'on a pu appeler un peu la déformation
professionnelle. Ce n'était pas à nous - et sur cela,
j'étais bien d'accord avec mes collègues - de commencer à
faire les premiers pas pour un règlement hors cour. Il y avait tout de
même des choses assez graves qui venaient de là monsieur... Si
vous prenez la page 106, je pense, vous l'avez; on nous accuse d'avoir
quasiment cédé notre droit de gérance. M. Cliche n'y va
pas de main morte. Je me dis que ce n'est pas à nous de commencer
à faire des démarches. Il faut tout de même que ceux qui
sont coupables reconnaissent leur responsabilité et il faut continuer de
l'avant. On n'était pas pour agir comme si on était des coupables
dans cela, parce qu'on ne l'était pas.
M. Pagé: Je vous comprends. La réunion du 9 janvier
passée, il y a deux autres rencontres: une, le 23 janvier et l'autre, le
30 janvier, auxquelles vous êtes présent.
M. Thibaudeau: Oui. Il n'y a pas eu de résolution, je
pense, à ces réunions.
M. Pagé: Non. A-t-on discuté de la
possibilité d'un règlement hors cour, soit à l'une,
à l'autre ou à ces deux rencontres?
M. Thibaudeau: Je ne me souviens pas. Je n'ai pas pris de notes.
Je voulais le faire pour me faire un calendrier de tout cela, d'après
les documents que j'avais en main. À quel moment - M. Laliberté
l'a fait, d'ailleurs - a-t-on demandé ce qu'il a appelé, lui, une
exploration, après qu'il y a eu des contacts avec les avocats, les
défendeurs? Je ne me souviens plus des dates exactes, mais je crois
qu'à ces réunions, surtout celle du 30 janvier, il en a
été abondamment question.
De plus, malgré que mon opinion se soit dirigée dans ce
sens, je voulais être prudent et j'avais - soit moi ou un autre, je ne me
souviens plus qui - demandé la présence de nos avocats que nous
avions bombardés de questions. Sur le plan juridique, je les ai
bombardés de questions sur la responsabilité de chaque personne
qu'on poursuivait, dont l'union internationale. Cela n'a fait que confirmer mon
point de vue, les réponses que j'ai eues à ce moment-là.
Je me souviens que j'avais beaucoup parlé à ce moment, cela, je
m'en souviens, sur le lien...
M. Pagé: De droit.
M. Thibaudeau: ...qu'on pouvait faire entre l'union
internationale, dont le siège social est à Washington, M. Duhamel
et le délégué de chantier. Je n'y a pas été
de main morte, parce que, là, j'avais besoin d'un avis juridique. Cela
n'a pas changé mon opinion qu'on n'avait pas grand chances d'obtenir un
cent de l'union internationale.
M. Pagé: Malgré l'opinion juridique?
M. Thibaudeau: Malgré l'opinion juridique, parce que je me
rendais compte... Écoutez, je ne veux pas dire ce qu'on m'a
répondu, parce que je peux me tromper. Cela fait quatre ans et demi,
cela ne m'a pas été dit hier. Je vous dis seulement que les
réponses m'ont confirmé dans mon opinion. Je m'adressais surtout
à un avocat qui, je le savais, connaissait assez bien les structures
syndicales. Vous retrouverez à la page 134 les avis qu'on a eus
après. On fait ici référence à une
responsabilité présumée. Cela n'était pas une
responsabilité présumée à Murdochville et sur la
Côte-Nord, l'autre compagnie où les cuves ont
séché.
Des voix: Iron Ore.
M. Thibaudeau: Non, c'est la CSN qui a écopé de 10
000 000 $ et cette somme a été diminuée à 2 000 000
$.
Des voix: Reynolds, c'est cela.
M. Thibaudeau: Reynolds, c'est cela. Cela n'était pas une
responsabilité présumée et cela n'avait rien à voir
avec le cas de Gaspé Copper, que je connaissais dans les grandes lignes.
Cela n'avait rien à voir. Vous avez tout de même des opinions
juridiques qui ont évolué, vous le voyez, et qui rejoignaient ce
que je croyais moi-même.
M. Pagé: Alors, c'est à une ou aux deux rencontres
du 23 et du 30 que vous avez...
M. Thibaudeau: M. le député de Portneuf, je ne peux
pas vous dire si c'est à telle ou à telle réunion. C'est
un ensemble.
M. Pagé: Mais c'est à une des deux. M.
Thibaudeau: Une des deux, oui.
M. Pagé: Après le 9 janvier et avant,
évidemment, le 1er février.
M. Thibaudeau: D'accord!
M. Pagé: Et c'est au cours d'une de ces rencontres qu'a
été évoquée la possibilité d'aller
rencontrer le premier ministre du Québec, M. René
Lévesque. D'ailleurs, dans votre témoignage du jeudi 31 mars
dernier, vous avez évoqué que, dans vos années de
pratique, en relations de travail, il était fréquent pour les
syndicats de se rendre à Québec rencontrer le gouvernement.
M. Thibaudeau: Cela va continuer, d'ailleurs.
M. Pagé: Vous avez évoqué des rencontres
avec M. Duplessis, avec M. Johnson, avec M. Bellemare. Je dois vous dire que,
nous qui vivons au parlement, nous sommes bien au fait que des syndicats sont
régulièrement ici à Québec pour rencontrer des
ministres et témoigner à des rencontres préparatoires,
etc. D'accord!
M. Thibaudeau: Et les députés de l'Opposition.
M. Pagé: Les députés de l'Opposition aussi,
et on l'apprécie. Eux aussi sont en mesure de l'apprécier, je
crois.
M. Thibaudeau: Certainement.
M. Pagé: Par contre, ces rencontres -c'est beaucoup plus
ce que vous avez évoqué et vous pourrez me l'infirmer ou me le
confirmer - étaient beaucoup plus des rencontres normales et
justifiées dans le cadre d'un syndicat avec l'appareil gouvernemental
qu'est le gouvernement du Québec, qui a juridiction pour adopter des
lois ouvrières, etc. C'était beaucoup plus dans ce cadre que pour
venir chercher l'opinion de M. Duplessis, de M. Johnson, de M. Bellemare ou
d'un autre sur la possibilité de régler hors cour une poursuite
entreprise par une société d'État contre des
syndicats.
M. Thibaudeau: J'ai fait moi-même une visite ici à
Québec pour demander très haut au "premier" de l'État, -
et je ne veux pas conter d'autres histoires - si c'était normal qu'une
centrale rivale, et, dans mon cas, c'était la CSN, puisse manipuler des
fonctionnaires, et de faire enquête pour empêcher un vote à
Hydro-Québec, bloquer les listes. Je lui ai demandé d'intervenir
à ce moment-là. C'est drôle, le vote a eu lieu à la
bonne date.
M. Pagé: Cela peut arriver.
M. Thibaudeau: Cela peut arriver.
M. Pagé: La démocratie.
M. Thibaudeau: La démocratie. Le tribunal avait
décidé cela. (11 h 15)
M. Pagé: Lors de cet échange, cela a
été évoqué à la table du conseil et pendant
les délibérations d'aller rencontrer M. Lévesque, le
premier ministre du Québec.
Est-ce que vous le confirmez?
M. Thibaudeau: Cela n'a pas été
évoqué par moi. J'ai essayé de me souvenir d'un nom. J'ai
un nom dans la tête, mais je suis tellement peu sûr, parce que,
avant le 17 mars, il y a un journaliste qui m'a rencontré à mon
bureau pour me poser des questions là-dessus. En bavardant, il m'avait
demandé comment j'avais voté; j'ai dit: J'ai voté pour le
règlement. Il m'a demandé: Qui a voté contre le
règlement? J'ai dit: Je pense que c'est M. Boyd. C'est évident.
Il ne le cache pas. Là, j'ai donné deux autres noms et il m'a
dit: Non, ce ne sont pas eux. Je m'en suis souvenu de cette façon. Il
m'a dit: Ce ne sont pas eux, ce sont deux autres. Je suis parti à rire.
J'ai dit: Cela fait quatre ans et demi. Je me souvenais de mon vote, par
exemple. Vous me demandez la même chose.
M. Pagé: Cela a été...
M. Thibaudeau: Je ne veux pas refuser de vous
répondre.
M. Pagé: ...non seulement évoqué, c'est que
la rencontre a eu lieu.
M. Thibaudeau: Je ne veux pas vous induire en erreur, c'est
tout.
M. Pagé: J'ai compris de votre témoignage qu'il
était peut-être explicable que la Société
d'énergie de la Baie James, par la voie de ses représentants, se
rende rencontrer le premier ministre du Québec pour connaître son
avis, son opinion sur le sujet. Cela a été évoqué.
Il en a certainement été question. Il a d'ailleurs
été confirmé qu'il en avait été question au
conseil. Est-ce que vous vous proposiez de tenir compte de cette visite?
M. Thibaudeau: Moi, personnellement, non. Mon idée
était déjà faite.
M. Pagé: Pourquoi y aller?
M. Thibaudeau: II y en a qui le désiraient. Il y en a un
qui a proposé cela. D'autres se sont regardés et se sont dit:
S'il désire cela, il n'y a rien là, c'est tout de même le
chef de l'État. Il peut bien donner son voeu, appelez cela comme vous le
voulez. Si cela avait tourné mal, encore, il aurait été un
des premiers blâmés. Je trouvais que c'était une
démarche tout à fait normale qu'il nous donne son opinion. Cela
ne veut pas dire qu'il fallait l'entériner. Cela ne veut pas dire du
tout qu'il fallait l'entériner.
M. Pagé: Vous considériez, à ce
moment-là, normal que des représentants de la SEBJ aillent
rencontrer le premier ministre, prennent connaissance de ses voeux
religieusement exprimés, mais n'en tiennent pas compte?
M. Thibaudeau: Non. On pouvait nous faire rapporter - je
n'étais pas là le 6 février lorsque cela a
été rapporté - son opinion et sur quoi il se basait. Cela
pouvait être un éclairage, d'après moi, pas plus que
cela.
M. Pagé: À la réunion du 6 février,
vous étiez absent, mais aux procès-verbaux on constate que c'est
à cette réunion du 6 février 1979 - donc, après
celle du 20 novembre où vous décidez de voter un montant,
après celle du 9 janvier où la SEBJ décide et dicte
l'ordre à ses procureurs de continuer les poursuites, après
celles des 23 et 30 janvier où est soumise la possibilité d'un
règlement hors cour, après la rencontre du 1er février -
que la Société d'énergie de la Baie James mandate ses
procureurs afin d'explorer la possibilité d'en arriver à un
règlement. Vous n'étiez pas là. Par quel moyen en
avez-vous été informé?
M. Thibaudeau: J'ai été informé, mais je ne
peux pas vous dire comment. Était-ce à la réunion
d'après, à la suivante ou est-ce que j'ai parlé à
quelqu'un qui m'a informé comme cela? Cela ne m'a pas surpris. L'opinion
qu'avait donnée le premier ministre ne m'a pas surpris du tout. Cela n'a
pas du tout changé ce qui se passait dans ma tête. Je me suis dit:
Tiens, il pense comme moi! J'étais flatté qu'il pense comme
moi.
M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas si c'est le 20
février, à la réunion suivante, que vous avez pris
connaissance de cela ou entre-temps?
M. Thibaudeau: Non, malheureusement.
M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas, non plus, si la
personne qui vous a fait rapport sur le voeu du premier ministre était
la même personne qui tenait, le 23 janvier, à aller rencontrer le
premier ministre?
M. Thibaudeau: Je ne peux pas vous dire. Est-ce M. Saulnier?
Est-ce M. Laliberté? Est-ce Nicolle Forget? Est-ce M. Hébert?
Est-ce un autre? Je ne le sais pas. Mais je l'ai su, c'est évident.
M. Pagé: Vous vous rappelez dans quels termes le voeu du
premier ministre a été formulé? Est-ce qu'on vous l'a
cité?
M. Thibaudeau: Paix sociale, difficulté de preuves et des
choses générales comme celles-là. Pas plus, ce sont des
choses qui allaient très bien avec ma propre opinion.
M. Pagé: Mais pas l'aspect appréciation personnelle
dans ce que M. Laliberté nous a confirmé en disant: "Crisse, vous
allez régler".
M. Thibaudeau: Je n'étais pas au courant de cela.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: Je n'étais pas au courant de ce qui
s'était dit dans le bureau du premier ministre.
M. Pagé: D'accord. Une question que j'ai oubliée
tantôt: Qui, au conseil, tenait à aller voir le premier
ministre?
M. Thibaudeau: J'ai un nom dans la tête, mais je peux me
tromper énormément.
M. Pagé: C'est qui?
M. Thibaudeau: Je peux me tromper, là, vous ne pouvez pas
savoir. Cela fait quatre ans et demi. Je pense que c'est M. Giroux.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: Mais je peux me tromper; cela peut ne pas
être lui.
Le Président (M. Jolivet): Cela va, monsieur?
M. Pagé: Non, j'ai encore quelques questions, M. le
Président. À quel moment avez-vous été
informé de l'achalandage, de la circulation intense, du va-et-vient
presque quotidien entre les procureurs et le bureau du premier ministre?
M. Thibaudeau: Dans cette salle.
M. Pagé: Ici même.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Pagé: Vous avez dû être surpris?
M. Thibaudeau: J'ai hâte de savoir pourquoi, parce que j'ai
l'impression que c'est nous qui avions décidé. J'ai hâte de
voir ce qu'ils ont à dire.
M. Pagé: Dans cette salle, ici même, depuis que les
travaux sont commencés?
M. Thibaudeau: Moi aussi, je vais écouter cela à la
télévision pour savoir ce qu'ils ont à dire.
M. Pagé: Depuis que les travaux sont commencés.
C'est donc dire que c'est seulement en avril 1983...
M. Thibaudeau: ...dernière réunion...
M. Pagé: ...que vous avez pris connaissance du va-et-vient
des procureurs du Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction et de Me Beaulé aussi au bureau du premier ministre. C'est
seulement en avril 1983.
M. Thibaudeau: Dans cette salle.
M. Pagé: Vous qui étiez membre à
l'époque du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James, vous n'étiez pas au courant de cela
du tout.
M. Thibaudeau: Je savais une chose. Je savais que M.
Laliberté avait rencontré M. Boivin vers le 3 janvier, je savais
que les trois présidents avaient rencontré le premier ministre au
début de février, et c'était tout.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: Je savais que nos procureurs rencontraient les
procureurs des défendeurs.
M. Pagé: Ce qui est normal.
M. Thibaudeau: Je ne sais pas où. Est-ce que
c'était dans leurs bureaux?
M. Pagé: Vous ne saviez pas que les procureurs des
défendeurs étaient dans le bureau du premier ministre, chef du
gouvervement qui poursuit ces mêmes défendeurs?
M. Thibaudeau: Non. Cela ne m'a pas surpris qu'ils fassent ces
visites, mais je ne le savais pas.
M. Pagé: Pour revenir à toute cette question du
projet de règlement, il y a un projet de règlement de transaction
hors cour qui est daté du 18 janvier 1979, qui a été
préparé par vos procureurs mandatés pour travailler
à même les 500 000 $ que vous aviez votés. Ils ont
rédigé un rapport, eux, le 18 janvier 1979, à la demande
de M. Claude Laliberté. À quel moment avez-vous été
informé de cela?
M. Thibaudeau: Cela avait été mandaté...
M. Pagé: Après la réunion du 9, avant celles
du 23 et du 30?
M. Thibaudeau: Cela avait été mandaté par M.
Laliberté. À quel moment il nous en a fait part? Il faudrait que
je voie. Je ne m'en souviens pas. J'ai regardé les procès-verbaux
et je ne peux pas dire à quel moment j'ai pris connaissance de cela.
M. Pagé: Vous ne vous le rappelez pas. L'offre du 16 de Me
Jasmin et celle du 22 janvier de Me Beaulé, elles ont
été...
M. Thibaudeau: Êtes-vous dans le livre ici?
M. Pagé: Elles sont reproduites dans les documents. Mais
le 16 janvier 1979, Me Michel Jasmin aurait fait part à M. Jean-Roch
Boivin, au nom du Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction, d'une disponibilité à un règlement hors cour
pour un montant de 50 000 $. Le 22 janvier, Me Rosaire Beaulé, pour un
montant de 125 000 $, pour et au nom de l'union internationale du local 791.
À quel moment en avez-vous été saisi au conseil
d'administration?
M. Thibaudeau: Je ne m'en souviens pas, M. le Président.
Je ne m'en souviens vraiment pas.
M. Pagé: C'était immédiatement après
que cela a été formulé, que cela a été
déposé?
M. Thibaudeau: Je crois, si on regarde au procès-verbal
pour aider notre mémoire, que c'était à la réunion
du 6 février et, le 6 février, j'étais absent.
M. Pagé: Vous étiez absent. Le 23 et le 30 janvier,
vous étiez là et cela n'a pas été
évoqué par M. Laliberté.
M. Thibaudeau: Je me souviens de bonnes discussions entre nous.
Il y en a plusieurs qui envisageaient le principe. Le principe d'un
règlement hors cour était sur la table. Il y en a qui
étaient pour, d'autres qui étaient contre. Donc, cela engendrait
des discussions et on en a parlé. Mais exactement quels mots ont
été dits, qui l'a dit, écoutez...
M. Pagé: Mais, ce que je vous demande, c'étaient
des offres déposées, formulées par les avocats, les
défendeurs, en l'occurrence le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction et le local 791?
M. Thibaudeau: C'est cela. Je crois que M. Laliberté l'a
dit. Il a dit cela si je me souviens bien. Moi, ces offres-là, lorsque
j'ai lu ce livre, l'histoire me revenait, mais il y a des choses dont je ne me
souviens pas à quel moment elles ont été faites. Ce dont
je me souviens surtout, c'est pourquoi, moi, j'étais, à un moment
donné, pour un règlement hors cour et des discussions que j'ai
eues avec mes avocats. Mais les transactions financières, 50 000 $, 125
000 $, 175 000 $ etc., pour moi, c'était secondaire. C'était
très secondaire pour mille et une raisons. La raison principale,
c'était la paix sociale là-bas. J'ai été dirigeant
syndical durant des années. Vous ne savez pas ce que c'est, vous, quand
vous recevez un coup de fil disant qu'il y a 500 de vos travailleurs
d'hôpitaux, dont vous êtes responsable, qui sont dans la rue parce
que quelqu'un vient d'être congédié. Là, vous sautez
dans votre auto pour aller les rentrer au plus vite. Bon. Et toute
l'atmosphère, les griefs, tout ce qui peut se passer dans une
entreprise. Dans un chantier, c'est encore pire parce que c'est un chantier
éloigné où un rien peut mettre le feu aux poudres.
C'était surtout de cela que j'avais peur et je voulais qu'on finisse
à temps. Notre échéancier était bon. C'est surtout
cela. Alors, les montants de 50 000 $, 75 000 $, 125 000 $, 200 000 $, 300 000
$, pour moi, c'était secondaire. C'était faire épargner
d'autres millions aux Québécois qui me préoccupait.
M. Pagé: Alors, vous vous rappelez qu'aux réunions
du 23 et du 30 cette possibilité a été
évoquée, mais vous ne vous rappelez pas formellement que M.
Claude Laliberté, président-directeur général de la
SEBJ, ait transmis, informé le conseil d'administration, ses
membres...
M. Thibaudeau: II l'a peut-être fait, il ne l'a
peut-être pas fait, mais cela ne me revient pas à la
mémoire.
M. Pagé: ...de l'offre de règlement formulée
par les défendeurs?
M. Thibaudeau: Je ne m'en souviens pas. Très
honnêtement, je ne m'en souviens pas.
M. Pagé: Vous avez évoqué - M.
Laliberté aussi - la capacité de payer comme motif de votre
règlement hors cour. C'était la difficulté pour la SEBJ de
réaliser sa créance et d'être payée d'un jugement.
Est-ce que vous êtes d'accord avec l'énoncé de M.
Laliberté à savoir que la seule façon de régler, de
recevoir une compensation, c'était le prélèvement de 0,01
cent l'heure sur le salaire des employés de la construction? Et,
finalement, les syndicats n'auraient pas été
libérés de leur jugement et acquittés avant,
peut-être, 25 ou 30 ans. Vous êtes d'accord avec cela?
M. Thibaudeau: Excusez-moi, M. le Président, mais je vois
cela dans une autre optique. Je ne partage pas l'optique de penser: Bon, il y a
ce moyen financier, il y a cette voie-là. Ce n'est pas cela que je
regarde. Je regarde le fait que, à un moment donné, prendre de
l'argent comme cela, les cotisations syndicales ou les
amendes...J'ai une autre philosophie, à tort ou à raison,
tout simplement parce que j'ai évolué dans le milieu. Les
syndicats ont besoin d'argent pour payer les loyers, les bureaux, les
secrétaires, les voyages, l'organisation, tout cela. Si un syndicat ne
donne pas de service sur les griefs, les négociations, ne répond
pas aux besoins, les travailleurs n'y sont pas attachés. Le code
prévoit qu'ils peuvent tout simplement changer de centrale et de
syndicat et s'en aller dans une autre. Alors, je me dis que s'attaquer aux
cotisations syndicales de tout le monde, y compris des membres
américains - le syndicat américain va se battre, oui, il va se
battre jusqu'en Cour suprême des États-Unis s'il est
condamné ici - pour moi, c'était irréel et plutôt un
danger de repartir une guerre intersyndicale. (11 h 30)
C'est l'opinion d'un analyste, d'un professeur, que la CSN a toujours
désiré pénétrer dans le secteur de la construction.
La FTQ a toujours désiré en avoir le monopole. Les dangers de
guerre intersyndicale dans ce milieu existent et existent encore. Une autre
campagne de maraudage sur les chantiers - vous pouvez être sûrs que
du maraudage j'en ai fait, j'en ai subi comme dirigeant syndical - la
motivation au travail diminue drôlement et il y a des pertes d'argent
qu'on ne peut pas évaluer. C'est tout cela que je regardais. Pour moi,
c'était enfantin de parler de cotisations syndicales. C'était
seulement un bon motif pour donner des arguments à l'adversaire naturel
de la FTQ, la CSN, pour repartir, au prochain maraudage - qui est
périodique dans la construction, cela revient périodiquement
à tous les trois ans - une bonne petite guerre intersyndicale dont on
subirait les conséquences.
M. Pagé: M. Laliberté, selon... M. Thibaudeau:
Thibaudeau.
M. Pagé: M. Thibaudeau, je m'excuse. Selon votre
expérience, vos connaissances dans le milieu, est-ce que les filiales
québécoises de syndicats internationaux étaient en mesure
de satisfaire un jugement de 5 000 000 $ à 7 000 000 $?
M. Thibaudeau: Selon les informations que j'avais dans le temps,
la bisbille commençait dans la construction. On le voit
déjà avec le local 791, puis la formation d'un autre qui vient
faire un duplicata. La bisbille est allée très loin puisqu'il y a
eu scission. En 1979, la bagarre était entre les unions internationales
et d'autres groupements ici qui ont rejoint d'autres syndicats, qui ont
formé d'autres syndicats affiliés à la FTQ.
Il y avait déjà là des difficultés. Selon
les rapports que nous avons eus, je ne crois pas qu'aucun syndicat au
Québec... Prenons un syndicat, par exemple, reconnu solide, avec une
bonne réputation, les métallos. Les métallos - je ne le
sais pas pour les dernières années, je ne l'ai pas
vérifié - ont toujours été dans le rouge. Mon
syndicat, qui était pancanadien, durant tout le temps où j'ai
été directeur - vous allez peut-être me dire que je suis un
mauvais directeur, mais je faisais de l'organisation - a toujours
été dans le rouge. La plupart des syndicats
québécois affiliés aux unions nationales ou
internationales étaient dans le rouge. C'est avec l'argent des Ontariens
ou des Américains qu'on équilibrait nos budgets à la fin
de l'année. Non, il n'y avait pas... C'était inutile.
M. Pagé: Ils n'avaient pas les moyens, selon vous.
M. Thibaudeau: Selon moi, non.
M. Pagé: Tout le monde était dans le rouge.
M. Thibaudeau: II y avait un banquier dans l'histoire et la
banque, d'habitude, c'est le fonds de grève. Les métallos comme
tels ou l'automobile comme telle, lorsqu'on dit qu'ils ont tant de millions,
c'est dans le fonds de défense professionnelle qu'est cet argent.
M. Pagé: Vous avez longuement fait référence
à votre expérience dans les relations de travail.
M. Thibaudeau: J'espère que j'ai cela.
M. Pagé: Oui. C'était très bien, cela nous a
permis...
M. Thibaudeau: Je m'en vais sur le 6, là.
M. Pagé: ...cela nous a permis de l'apprécier. Vous
allez comprendre aussi que je puisse poser quelques questions à cet
égard-là. Vous êtes entré en fonction au conseil
d'administration de la SEBJ le 1er octobre 1978. Vous avez été
nommé avant. Je voudrais savoir qui vous a consulté pour votre
nomination, qui a communiqué avec vous, à quelle date? Dans quel
cadre et quelle perspective cette nomination éventuelle vous a-t-elle
été énoncée?
M. Thibaudeau: Je vais répondre immédiatement aux
questions et je ferai des commentaires après. C'est M. Lévesque
qui m'a appelé chez moi et qui m'a demandé si j'étais
intéressé. D'ailleurs, il ne l'a pas caché lors de la
conférence de presse. Il m'a dit: J'aimerais que vous soyez membre
du
conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ en vertu de
la loi 41, je pense...
M. Pagé: Qui allait être adoptée ou qui
venait d'être adoptée.
M. Thibaudeau: ...qui allait être adoptée à
ce moment-là. Je lui ai dit, à ce moment-là:
Écoutez, j'ai été le directeur fondateur des syndicats
à Hydro-Québec. C'est moi qui étais chargé de
l'organisation des syndicats. Je trouvais cela très délicat. J'ai
dit: Vous me permettrez, tout de même, de consulter mon successeur comme
directeur et les gens à savoir s'ils voient des objections du
côté moral. Il a dit: C'est fait. J'ai parlé à MM.
Laberge et Larramée et ils n'ont aucune objection. J'ai
communiqué avec eux par téléphone et ils m'ont dit: Non,
au contraire, avec ton expérience, tu peux aider. J'ai
accepté.
M. Pagé: C'est le premier ministre, lui-même. Vers
quelle date?
M. Thibaudeau: C'était au courant du mois de...
M. Pagé: C'était avant l'adoption de la loi?
M. Thibaudeau: Avant? Écoutez, je ne sais pas si
c'était à la fin de juin ou au début de juillet ou
après la loi. Je pense que la loi était adoptée.
M. Pagé: C'était au moins votre deuxième
mandat que vous receviez du gouvernement du Québec, du Parti
québécois?
M. Thibaudeau: Le premier mandat m'a été
donné par M. Lesage.
M. Pagé: D'accord. Mais vous en aviez eu un
récemment.
M. Thibaudeau: À la Société
générale de financement. J'ai aussi été
nommé par M. Harvey, qui était responsable de l'Office des
professions, à un comité d'enquête sur la
déontologie des infirmières. J'ai aussi été
nommé à d'autres comités d'étude, à
l'époque de M. Johnson. J'ai dîné avec M. Garneau, qui m'a
demandé des conseils. Je pense qu'on me voit surtout - j'ai mes
idées, c'est évident - comme un homme qui peut donner certaines
informations ou certains conseils. J'ai été nommé, par M.
Lesage, au Conseil supérieur du travail. Quand vous serez au pouvoir,
peut-être qu'un jour vous me demanderez.
M. Pagé: On verra! On verrai On verra la capacité
du rouge.
M. Thibaudeau: Je vais commencer à être bien
vieux.
M. Pagé: Entre juillet 1978... M. Thibaudeau: Cela
occupera...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Entre juillet 1978 et le 1er octobre, vous avez
accéléré la terminaison du rapport que vous avez
déposé le 5 octobre. Rapport de M. André Thibaudeau sur
l'opportunité de la création d'une commission d'étude et
de révision du Code du travail du Québec. C'est bien votre
rapport?
M. Thibaudeau: C'est bien moi.
M. Pagé: Vous l'avez déposé le 5
octobre?
M. Thibaudeau: Je l'ai donné au ministre qui l'a
déposé.
M. Pagé: C'était un mandat que vous aviez eu du
ministre Pierre-Marc Johnson...
M. Thibaudeau: Oui.
M. Pagé: ...ministre du Travail dans le gouvernement du
Parti québécois. À quelle date avez-vous reçu le
mandat? Vous ne vous le rappelez pas?
M. Thibaudeau: II faudrait que je retourne à mes
dossiers.
M. Pagé: Vous avez aussi reçu un mandat tout
récemment? Vous êtes membre du conseil d'administration des Hautes
études commerciales depuis peu?
M. Thibaudeau: Oui, à la demande de M. Pierre Harvey.
M. Pagé: Vous êtes entré en fonction
récemment. Oui, mais nommé par le gouvernement?
M. Thibaudeau: Par le lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Pagé: Par le Conseil des ministres. M. Thibaudeau:
C'est cela.
M. Pagé: Quand êtes-vous entré en
fonction?
M. Thibaudeau: Je pense que c'est le 1er novembre dernier. Oui,
c'est cela.
M. Pagé: D'accord.
M. Thibaudeau: Après la nomination de
M. Pierre Harvey.
M. Pagé: Depuis les débuts des travaux de cette
commission, avez-vous eu des communications, des échanges
téléphoniques, rencontres ou autres...
M. Thibaudeau: Non. Il y a des professeurs...
M. Pagé: ...avec des membres...
M. Thibaudeau: ...de mes collègues qui sont venus m'en
parler dans mon bureau, mais...
M. Pagé: ...du gouvernement? M. Thibaudeau:
Non.
M. Pagé: Avec des membres du cabinet du premier
ministre?
M. Thibaudeau: Non.
M. Pagé: Avec d'autres collègues de la SEBJ, je
présume?
M. Thibaudeau: Non. J'ai simplement vu M. Saulnier à la
première partie de baseball, avant-hier, parce que nous sommes tous les
deux membres de la RIO.
M. Pagé: Et on a perdu.
M. Thibaudeau: On a échangé quelques mots sur la
réunion d'aujourd'hui.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. M. Thibaudeau, vous
avez fait longuement état de votre expérience comme syndicaliste
et même comme fondateur d'un syndicat à Hydro-Québec. Avant
votre nomination de 1978, sur le climat de travail qui existait à la
Baie-James depuis le début des travaux, la commission Cliche a beaucoup
fait état du monopole syndical qu'il pouvait y avoir dans ces chantiers.
D'après votre impression comme syndicaliste, y avait-il
réellement un monopole syndical à la Baie-James?
M. Thibaudeau: S'il y avait...?
M. Laplante: ...un monopole syndical ou s'ils étaient
à établir un monopole syndical à la Baie-James, du
début jusqu'aux troubles?
M. Thibaudeau: M. le Président, je vais être
très bref. Depuis le début du siècle, les syndicats
nord-américains ont été habitués, lorsqu'ils
négociaient une convention collective, de négocier par rapport
à une entreprise dans un cadre de monopole. Lorsque la loi 290 a sorti
la construction du Code du travail, on a voulu copier un peu un modèle
européen. C'est normal que les deux centrales, dans le fond de leur
coeur, désiraient le monopole syndical dans la construction, que ce soit
la CSN ou la FTQ. C'était un désir normal, mais il y a des
façons démocratiques d'y parvenir. Ce n'étaient pas des
façons d'y parvenir ici, tel que M. Cliche le décrit avec les
deux autres membres de la commission.
Je peux dire que c'est un concept nouveau pour les syndicalistes
nord-américains: plusieurs syndicats dans la même unité
d'accréditation. C'est un concept tout à fait nouveau que les
syndicalistes nord-américains digèrent mal. Cela fait que, pour
répondre à votre question, pour moi, que ce soit à la
Baie-James ou ailleurs, une des deux centrales essaie toujours... Regardez les
campagnes tous les trois ans où il se dépense des centaines de
milliers de dollars, où les centrales essaient d'avoir le plus de monde
et le désir de chaque centrale est d'avoir la majorité absolue
pour obtenir d'être le seul porte-parole à la table. C'est un
désir typiquement nord-américain. On n'a pas l'esprit, par
exemple, du syndicalisme français qui va choisir son syndicat surtout
d'après ses idées politiques. S'il est marxiste, il sera CGT;
s'il est socialiste, CFDT et ainsi de suite. Ici, ce n'est pas cela. Le
syndicalisme nord-américain, c'est tout un autre concept, ce qui fait
que le monopole syndical sera toujours le rêve des centrales tant qu'on
n'aura pas bouleversé et changé nos lois. Essayez d'enlever ce
concept et vous aurez de la difficulté.
M. Laplante: Avec l'expérience que vous avez tenté
de nous faire voir, vous nous avez convaincus aussi.
M. Thibaudeau: Pardon?
M. Laplante: Vous nous avez convaincus aussi. Le saccage de la
Baie-James, l'attribuez-vous directement à un monopole syndical?
M. Thibaudeau: Je vous conseille de lire cela; vous allez voir
qu'il y a surtout un chapitre qui va vous éclairer. Je l'attribue au
fait que la FTQ ne voulait personne de la CSN, même pas une personne.
Même pas une demi-personne, même si la loi le permettait. C'est
simple. Mieux que cela, reprenez le chapitre dont il n'est pas question ici, le
chapitre sur l'étiquette syndicale. Pour les syndicats de la
construction, les métallos sont des briseurs de grève. Ils
n'admettent pas du matériel fait dans les usines de syndiqués
métallos qui appartiennent aux mêmes confédérations;
ils ne l'admettent même
pas et ils refusaient d'utiliser ce matériel pour travailler.
Reprenez le chapitre Étiquette syndicale. Vous allez voir que les
syndicats de la construction voulaient tout contrôler et je ne dis pas
que, si la CSN avait pris le contrôle, il n'y aurait pas eu la même
mentalité. C'est la mentalité du métier. J'ai dit: C'est
un travail dur, ce n'est pas facile d'être ouvrier de la construction. Ce
sont des gens honnêtes comme tout le monde, mais le contexte social fait
que leur syndicat, depuis des décennies, aime contrôler le
métier. C'est comme cela qu'ils ont pu survivre et installer le
syndicalisme avant les lois.
M. Laplante: D'après votre expérience, vous dites
que, en somme, le saccage de la Baie-James était relié
directement à un monopole syndical.
M. Thibaudeau: À une guerre intersyndicale.
M. Laplante: À une guerre intersyndicale. Vous êtes
entré, le 1er octobre 1978, au conseil d'administration et je suis
certain, étant donné la profession que vous exercez, que vous
avez dû avoir une curiosité qui vous a rongé des
années, du commencement de la Baie-James jusqu'à votre
nomination, sur les effets... La FTQ, qui voulait un monopole syndical, est-ce
qu'elle avait la bénédiction, à ce moment,
d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie
James ou du gouvernement pour faire état de ces choses? (11 h 45)
M. Thibaudeau: Vous me demandez quasiment de prendre un tableau,
de la craie et de donner un cours. Vous savez, dans cette industrie, les
travailleurs changent souvent. On creuse le trou, on fait le soubassement;
ensuite, c'est la structure de la maison, les étages, les ascenseurs, la
peinture. Il y a beaucoup d'ouvriers qui passent et qui changent d'employeur
dans la même année. Cela n'a rien à voir avec une usine
d'automobiles où il y a un employeur et une ligne de montage, etc. Mais
dans la construction, puisqu'il y a des métiers, ils ont formé ce
qu'on a appelé le conseil provincial pour réunir tout le monde
dans chaque métier. Entre les corps de métier, il y a des
batailles de juridictions. Pensez qu'avant c'étaient les menuisiers qui
faisaient les fenêtres parce qu'elles étaient tout en bois et,
quand elles sont devenues en aluminium ou en d'autre chose, d'autres syndicats
disaient: Non, c'est le métal en feuilles. Il y a eu des batailles de
juridictions dans ces choses. Chacun veut contrôler son métier ou
protéger l'emploi de ses membres, puisqu'ils contrôlaient
l'embauche par leur comité et qu'il leur fallait trouver de l'ouvrage
pour leurs membres.
Je reviens à votre question: Pourquoi la FTQ voulait-elle le
monopole syndical?
M. Laplante: Cela n'est pas parce qu'elle le voulait. J'ai dit:
Est-ce qu'ils avaient la bénédiction, à ce
moment-là, du gouvernement du Québec du temps...
M. Thibaudeau: Écoutez, j'ai appris dans le rapport
Cliche, à la page...
M. Laplante: ...d'Hydro-Québec, de la
Société d'énergie de la Baie James?
M. Thibaudeau: Je n'en avais pas entendu parler dans ce
temps-là. Je l'ai appris en lisant qu'il y avait eu une rencontre entre
MM. André Desjardins, Desrochers et d'autres gens pour essayer de leur
garantir qu'il n'y aurait pas d'autres gens...
M. Laplante: Qui était M. Desrochers?
M. Thibaudeau: J'ai appris cela, moi aussi. Tout le monde le
sait, c'était le conseiller de M. Bourassa. C'est vrai.
M. Laplante: II y aurait eu déjà...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Après que vous avez été
élu ou nommé au conseil d'administration, vous avez
rencontré les conseillers juridiques de la Baie-James. Vous avez dit
vous-même qu'à l'occasion d'une réunion du conseil vous
avez été un de ceux qui ont questionné le plus longtemps
les conseillers juridiques de la Baie-James.
M. Thibaudeau: Je me vante peut-être, mais j'ai
l'impression que j'ai questionné beaucoup.
M. Laplante: D'accord! Mais, dans vos questions, avez-vous fait
état aussi, par rapport au saccage de la Baie-James, de ce monopole de
la FTQ?
M. Thibaudeau: Cela se peut.
M. Laplante: Ce qui aurait pu balancer, à un moment
donné, concrétiser les idées que vous aviez de ne pas
poursuivre davantage.
M. Thibaudeau: Cela se peut que j'en aie parlé.
C'était un élément de frustration pour certains
travailleurs. La liberté de choix syndical n'est pas perçue en
Amérique du Nord comme elle l'est en France ou en Angleterre ou dans
d'autres pays. Elle est
perçue d'une autre façon.
Ce que j'ai déploré - et je n'avais rien à voir
avec cela - ce sont les méthodes qu'on a voulu prendre pour obtenir le
monopole syndical: la violence, ce qui est arrivé. Vous lisez: Deux
employés, donc deux membres, parce que la loi le permettait. La CSN se
plaignait à bon droit, avec la loi qu'elle avait, qu'on n'engageait que
des gens de la FTQ. Il y a un entrepreneur qui a engagé deux
employés de la CSN, ils n'ont pas voulu changer de syndicat. Tout a
commencé de même. Vous n'avez qu'à le relire dans le
rapport Cliche. C'était le début. Au point de vue sociologique et
de la mentalité, quand j'ai commencé à syndiquer
Hydro-Québec, je la voulais toute, je ne la voulais pas à
moitié, et la CSN la voulait toute. Cela a été une guerre
intersyndicale de six ans. On la voulait tous, mais on n'a pas fait de
violence.
M. Laplante: D'accord! Maintenant que tout semble
réglé - vous avez dit aussi que les travaux ont été
rattrapés pleinement, que vous avez fini six mois à l'avance, que
vous avez récupéré énormément d'argent par
l'avancement des travaux de la Baie-James -est-ce que, dans votre esprit - vous
n'êtes pas obligé de me répondre là-dessus parce que
c'est très hypothétique, mais cela pourrait nous éclairer
en même temps, nous aussi - l'enquête Cliche a fait toute la
vérité sur le saccage de la Baie-James?
M. Thibaudeau: Je n'étais pas aux auditions. Je trouve que
c'est un très bon rapport, qui a fait beaucoup de bien, qui a
amené beaucoup d'adoucissements aux moeurs dans cette industrie. Je
crois que cela a été un rapport qui a aidé
énormément. C'est une pièce maîtresse qu'on oublie
trop vite. Cela à été bon de le relire.
M. Laplante: Mais croyez-vous que tout a été dit
là-dedans?
M. Thibaudeau: Comment?
M. Laplante: Trouvez-vous que tout a été dit au
point de vue de l'implication du gouvernement du temps, au point de vue
de...
M. Thibaudeau: Je ne le sais pas. M. Laplante: Vous ne le
savez pas. M. Thibaudeau: Je veux être honnête.
M. Laplante: Parce que vous aviez, en tant que professionnel,
probablement beaucoup d'idées là-dessus. Vous avez dû faire
énormément de recherche, parce que vous disiez tout à
l'heure que vous vouliez être éclairé sur tout, que vous
étiez un perfectionniste dans les relations ouvrières.
M. Thibaudeau: Oui, mais je ne suis pas un professeur de sciences
politiques. Je n'ai pas été voir toutes les implications du
lobbying. Je regarde les lois, je regarde ce qui se passe. Je suis un
professeur de relations de travail.
M. Laplante: Merci, M. Thibaudeau.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Thibaudeau,
à la suite d'une question que mon collègue de Portneuf vous a
posée sur le procès-verbal de la réunion du conseil
d'administration du 20 novembre, à laquelle vous avez voté pour
approuver un engagement estimé à 500 000 $ pour le paiement de
frais aux avocats de la SEBJ, vous avez qualifié cet acte du conseil
d'administration de geste de routine prévisionnelle, si je me souviens
bien. Vous avez aussi dit que c'était strictement un acte administratif.
Je voudrais porter à votre attention, à l'annexe au
procès-verbal qui nous a été fournie, les recommandations
au président, dont l'objet est la poursuite de la Société
d'énergie de la Baie James contre les responsables des dommages au
chantier de LG 2 au cours du mois de mars 1974. Dans ce rapport, on fait un
historique. Il y a même un résumé des différentes
étapes franchies dans les poursuites. Dans le rapport annexé au
procès-verbal qui nous a été fourni -c'est un rapport qui
est, je pense, une recommandation à l'attention du président -je
lis: "Après avoir étudié le dossier, les...
M. Thibaudeau: À quel paragraphe est-ce, M. le
député?
M. Ciaccia: Pardon? C'est à la page 5.
M. Thibaudeau: Page 5?
M. Ciaccia: Oui.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Ciaccia: "Après avoir étudié le dossier,
les procureurs de la société d'énergie lui ont fait part
que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils
connaissaient justifiaient que la société d'énergie prenne
action avec succès contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis,
le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec. Ils recommandaient également d'impliquer dans l'action la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique,
l'International Union of Operating Engineers, René Mantha, André
Desjardins et le Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction." Plus
loin, on lit ceci: "La société d'énergie avait
déjà reçu de ses assureurs une somme de 1 132 994,75 $ en
paiement des dommages couverts par les polices d'assurance. "Les assureurs ont
de leur côté donné mandat à Mes Desjardins, Ducharme
& Cie de recouvrer des responsables des dommages, chacun pour leur part, la
somme payée à la société d'énergie."
Vous avez sans doute pris connaissance de ce rapport, dans le temps, au
procès-verbal?
M. Thibaudeau: Dans le temps, oui.
M. Ciaccia: Plus tard, dans les résumés des
différentes étapes, un rapport a été
préparé par Me Gadbois, qui faisait aussi partie de l'annexe. On
lit ceci: "Suite à la signification de cette action, les
défendeurs ont fait valoir certains moyens préliminaires et,
notamment, les procureurs au dossier ont du débattre certaines
requêtes pour production de documents, pour particularités et pour
radiation d'allégations. Au surplus, les procureurs au dossier ont du
plaider une requête en irrecevabilité initiée par le local
134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers
d'Amérique. Ces moyens préliminaires ont été
vidés et certains représentants de la Société
d'énergie de la Baie James ont par la suite été
interrogés au préalable."
On fait état de différentes procédures qui ont
été prises vraiment d'une lutte qui avait été
commencée, débattue et poursuivie par la société
d'énergie. Plus tard, on lit: II appert également que trois
autres actions ont été instituées par diverses compagnies
d'assurance représentées par l'étude Desjardins, Ducharme,
Desjardins & Bourque et que ces trois causes seront éventuellement
jointes pour procès à l'action instituée par la
société d'énergie."
Vous avez également, je comprends, pris connaissance de ce
rapport.
M. Thibaudeau: J'ai dû.
M. Ciaccia: Est-ce que cela ne semble pas, suite à la
recommandation, à la décision de dépenser 500 000 $, suite
à toutes les différentes étapes, le rapport, les opinions,
que c'était plus qu'un acte administratif, que c'était plus que
seulement une question de prendre certaines précautions?
M. Thibaudeau: Écoutez...
Le Président (M. Jolivet): M. Thibaudeau, allez-y.
M. Thibaudeau: Avez-vous fini, monsieur? Est-ce qu'il a fini?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: Excusez, vous avez pris connaissance...
Le Président (M. Jolivet): Ah! excusez, M. Thibaudeau.
M. Thibaudeau: Excusez.
M. Ciaccia: Vous avez pris connaissance de tous ces rapports et
vous avez voté pour dépenser les 500 000 $.
M. Thibaudeau: Oui, de mémoire, cela a pris quelques
minutes. Cela n'a pas été long. Pour moi - mais pour d'autres,
c'est peut-être autre chose - le procès était pour
commencer, puis il fallait se préparer selon les
événements, il fallait voir venir le printemps.
M. Ciaccia: Quand on vous a questionné sur le
procès-verbal de la décision du conseil d'administration le 9
janvier, encore le 9 janvier on a réaffirmé tous les gestes qui
avaient été posés par le conseil d'administration et on a
décidé de continuer, je pense que vous avez donné comme
réponse que cela faisait, à votre esprit, peut-être partie
d'une stratégie, si stratégie il y a. La question qui me vient
à l'esprit, c'est que je me demande quelle sorte de stratégie
cela peut être. On dépense un petit 500 000 $ pour des frais
juridiques, on règle pour 200 000 $ après avoir refusé une
offre de 400 000 $. Quelle sorte de stratégie cela serait?
M. Thibaudeau: Écoutez-moi bien. J'étais un sur
onze. Très bien. Je n'étais pas le conseil en son entier.
Très souvent, on échange des idées et puis, bon, on voit
que la tendance, neuf sur onze, penche de ce bord, je dis très bien.
J'ai dû certainement à ce moment-là émettre des
doutes là-dessus. Comme tout semblait se diriger vers là, j'ai
suivi le courant. Je ne me souviens plus si je n'ai pas enregistré ma
dissidence, si je n'ai pas décidé de voter contre. D'après
les minutes, j'aurais voté pour. Cela fait quatre ans et demi. Je suis
certain qu'à ce moment j'ai dû émettre des doutes sur la
poursuite de l'union internationale américaine. Cela, j'en suis certain
dès le début.
M. Ciaccia: Vous étiez au courant...
M. Thibaudeau: Je n'arriverai pas pour faire des balances, pour
dire je vote 500 000 $, puis on va régler à 200 000 $.
Premièrement, je ne savais pas qu'on réglerait pour 200 000 $
entre vous et moi, et la boîte à bois.
M. Ciaccia: Ils n'ont jamais discuté les
montants du règlement ou quelque chose?
M. Thibaudeau: Non, non, non. C'était, par exemple...
M. Ciaccia: Ils n'ont jamais dit: On va régler ou...
M. Thibaudeau: ...on décide de changer telle affaire, on a
besoin de faire une étude, puis on croit, d'après l'appel
d'offres, que cela va coûter tant. On vote, puis on verra après.
Là, il y a un procès qui s'en vient. On nous conseille qu'on a
besoin d'une prévision. Je crois que cela aurait été de
mauvais gestionnaires s'ils n'avaient pas demandé une prévision
pour faire face à un procès qui commençait.
M. Ciaccia: Vous saviez qu'il y avait eu une offre de...
M. Thibaudeau: Cela ne veut pas dire, parce que j'ai voté
pour les 500 000 $, que je croyais qu'on pourrait obtenir une condamnation
contre l'union internationale, pas du tout. Cela n'a rien à voir.
M. Ciaccia: Vous saviez qu'une offre de 400 000 $ avait
déjà été refusée par la SEBJ? (12
heures)
M. Thibaudeau: Non, je ne le savais pas.
M. Ciaccia: Bien.
M. Thibaudeau: Je ne me souviens pas.
M. Ciaccia: Dans le rapport de la réunion du 9 janvier
à laquelle vous avez assisté, d'après le
procès-verbal - vous avez voté en faveur - on lit: "Après
discussion, les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les
décisions prises antérieurement par le conseil d'administration
de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au
chantier de LG 2, le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été
modifiées". Annexé à cet extrait du procès-verbal,
il y a un rapport confidentiel qui a été préparé
par Me Jean Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef
du chantier de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me
André Gadbois, chef du contentieux. À la page 18 de ce rapport,
on fait état d'une ouverture de règlement pour un tiers du
montant, 400 000 $, et on fait état que "cette proposition a
été refusée par la Société
d'énergie." Vous n'étiez pas...
M. Thibaudeau: J'ai dû le lire. J'ai dû voir cela,
mais cela ne m'a pas impressionné. Peut-être que, si j'avais
été là dans le temps, j'aurais parlé pour
l'accepter. Peut- être, je ne le sais pas. Je n'étais pas membre
du conseil à ce moment-là. J'ai dit et redit que mon opinion
était basée sur le fait des dépenses qu'on devrait faire
pour continuer le procès et que je ne croyais pas qu'on pourrait
condamner l'union internationale devant nos cours au Québec. Je vous
réfère, à mon tour, à la page 30 du document que
nous avons ici si vous voulez savoir comment j'ai agi, si vous voulez
connaître comment mon intellect a fonctionné. Cela ne m'a pas
impressionné, ces choses-là. Je vous le dis. À tort ou
à raison, cela ne m'a pas impressionné.
Si vous allez à la page 30 du livre, regardez: "L'International
Union a donc vigoureusement contesté l'action intentée en
invoquant l'absence de lien de préposition entre Yvon Duhamel et le
local 791 auquel elle avait accordé une charte. Elle invoque que, de
toute façon, le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel ne lui avait
pas été présenté pour approbation par les
autorités syndicales locales aux termes de la constitution, et que c'est
hors de sa connaissance et sans son approbation que certains officiers du local
791 avaient incorporé parallèlement le syndicat connu sous le nom
de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Elle
allègue aussi que la SEBJ doit assumer elle-même les
conséquences des événements de mars 1974 parce qu'elle
avait encouragé, par ses négociations avec la FTQ-Construction,
le climat qui régnait à LG 2 et qu'elle avait abdiqué son
pouvoir de gérance face à Yvon Duhamel".
Cela, je l'ai vu. Cela, je l'ai lu. On revient ici. Regardez à la
page 106. Si vous voulez que je la lise, vous allez voir une confirmation de
cela. Mais cela, ce sont des armes pour les bons avocats qu'ils ont de l'autre
côté. Et j'ai dit: Là, ils sont armés. Ils sont
vraiment armés. Je ne suis pas avocat, je le répète, mais,
connaissant les structures, connaissant ce qu'est un agent d'affaires
plutôt qu'un représentant international ou national, j'ai dit
qu'il y avait quelque chose là. Ce n'est pas le cas de Murdochville, et
ce n'est pas le cas de la Côte-Nord. Ce n'est pas la même
chose.
M. Ciaccia: Si je pouvais seulement continuer la lecture que vous
avez commencée à la page 31...
M. Thibaudeau: Oui, oui, cela ne m'a pas
inquiété.
M. Ciaccia: Je continue, au paragraphe suivant: "Nous savons, de
façon certaine, que peu avant les événements de mars 1974
et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les
bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est
intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut
choisir
d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher
derrière elle lorsque sa responsabilité est engagée". Et
je pourrais vous référer aussi à la page 30.
M. Thibaudeau: Cela ne m'impressionnait pas.
M. Ciaccia: Non, mais juste pour compléter.
M. Thibaudeau: C'était une opinion d'avocats
honnêtes.
M. Ciaccia: C'est juste pour compléter...
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Ciaccia: ...l'opinion que vous avez citée. À la
page 30, on fait référence à une opinion de Elarbee, Clark
et Paul, avocats américains, sur la possibilité d'exemplifier et
d'obtenir un jugement contre le syndicat américain.
M. Thibaudeau: M. le Président, j'aimerais ajouter ceci.
Pour des raisons de hasard, les Métallurgistes unis d'Amérique et
le Syndicat canadien de la fonction publique - dont j'étais le
directeur, j'étais un grand ami de Jean Gérin-Lajoie - nous
avions le même avocat, Me Guy-Merril Desaulniers. J'ai pas mal suivi le
procès de Murdochville, j'en ai beaucoup parlé avec Me
Desaulniers. Si je me souviens bien, les métallos ont été
condamnés à 2 500 000 $ ici à Québec. Une des
raisons fondamentales pour lesquelles les métallos ont été
condamnés, c'est qu'il y avait sur place deux représentants
internationaux. Ce n'est pas eux qui ont fait les bris, mais ils étaient
sur place et les Métallurgistes unis d'Amérique endossaient la
grève officiellement. La CSN endossait la grève illégale -
c'était une grève illégale de la Gaspé Copper -
tout le mouvement syndical - il y a eu une marche - s'est impliqué
jusqu'au cou. Ils ont été condamnés à payer 2 500
000 $, c'est vrai, mais le point central était qu'il y avait des
représentants internationaux sur place. Dans la cause de la
Côte-Nord, la fédération a été
écartée dans la poursuite et la condamnation de 10 000 000 $. La
fédération a été écartée et
déclarée innoncente, mais malheureusement il y avait un
conseiller technique de la confédération qui était
là et qui avait encouragé la grève. Ils ont donc
été condamnés. Ici, ce n'est pas cela. Duhamel ne
relève pas de l'union internationale. Pour moi, c'était
important. Même si les avocats disent: Dans la constitution locale, cela
ne m'impressionnait pas. C'est à ce moment que j'ai interrogé les
avocats lorsqu'ils sont venus. J'ai repris cela et je leur ai dit: Je ne suis
pas d'accord avec vous. Je les ai questionnés à ce sujet. C'est
comme cela que j'ai décidé de mon vote. C'est pour cela que mon
lit était fait, tout simplement. Je crois que la question n'est pas
là. La question est de savoir si je me suis fait tordre les bras pour
voter oui. Non, je ne me suis pas fait tordre les bras. Mon raisonnement
était peut-être faux. M. Ciaccia a peut-être raison, j'ai
mal vu cela et je l'ai mal analysé, mais mon vote a été
honnête et dirigé par moi.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas questionner
les motifs et l'honnêteté de votre vote. Ce n'est pas du tout
cela. Soyons clairs. Je voulais...
M. Thibaudeau: Je crois que c'est de cela qu'il doit être
question.
M. Ciaccia: ...simplement, pour compléter le dossier,
faire remarquer que les opinions des avocats indiquaient que les jugements
pouvaient être exemplifiés aux États-Unis. Ils disaient
même que le droit américain fait montre de
générosité à l'égard des jugements
étrangers. La seule question que je me posais - je ne voulais même
pas aller dans toutes les technicalités des détails parce qu'on
peut avoir différentes opinions -était que vous saviez comme
membre...
M. Thibaudeau: Allez à la page 130.
M. Ciaccia: Je veux seulement terminer. La seule question que je
me pose lorsque j'entends qu'il s'agissait d'une question de
stratégie...
M. Thibaudeau: Bien, stratégie!
M. Ciaccia: ...c'est quelle sorte de stratégie veut qu'on
dépense 900 000 $ pour des frais d'avocat? On refuse 400 000 $ - il est
vrai que c'était avant la loi 41, avant le nouveau conseil
d'administration - on sait cela et on accepte 200 000 $. J'essaie de comprendre
pourquoi cela est arrivé.
M. Thibaudeau: Je n'étais pas là en 1976, Me
Ciaccia. Reprenez à la page 134 où nos avocats évoluent
aussi. Ils évoluent drôlement. Regardez ce qu'ils disent par
rapport à Murdochville. Leur opinion juridique évolue. Je vais
vous dire pourquoi, à un moment donné, des avocats, j'aime
parfois en consulter deux et trois. Pendant des années,
Hydro-Québec, les employés d'Hydro-Québec étaient
déclarés des employés de la couronne, donc non
syndicables. Un avocat, Me Guy-Merril Desaulniers m'a dit à un
dîner: Ce sont des agents de la couronne et ils tombent sous le coup de
la loi. Et il m'a dit: Lance-toi dans l'organisation d'Hydro-Québec.
J'ai commencé. C'étaient des agents de la couronne. Mais tous les
avis juridiques
d'autres avocats ont été renversés à ce
moment-là.
M. Ciaccia: Ce n'est pas tout à fait la même
situation...
M. Thibaudeau: Un instant! Je ne dis pas que nous n'avons pas des
bons avocats.
M. Ciaccia: ...où le même avocat change
d'opinion.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Il faudrait qu'il y
en ait un seul qui parle à la fois. M. Thibaudeau n'avait pas
terminé. Je veux quand même qu'il termine.
M. Ciaccia: Oh! Excusez-moi!
M. Thibaudeau: Tout ce que je veux dire, c'est que je respecte
les avocats. On en a drôlement besoin. Mais cela ne veut pas dire, parce
qu'il a dit cela, que je vais prendre cela pour du "cash". J'ai trop
d'expérience, j'ai trop vécu, j'en ai trop vu. J'ai même
vécu avec eux. Alors, je regarde cela et je pose des questions. Je
connais l'évolution de leur opinion. Regardez la lettre adressée
à Me Gadbois, enfin les deux lettres aux pages 130 à 134.
Lisez-les et vous verrez que cela a drôlement évolué.
M. Ciaccia: La seule remarque que je voulais faire c'était
que l'exemple que vous avez donné d'un avocat qui vous a donné
une opinion différente, ce n'est pas tout à fait la même
situation ici, où le même avocat a changé d'opinion durant
le procès, pendant les différents pourparlers. Alors, je ne pense
pas que le parallèle pourrait être fait. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, ma guestion à M.
Thibaudeau serait celle-ci: Etant donné qu'il entre dans le mandat de la
commission de faire tout d'abord la lumière sur tous les aspects de la
situation qui ont favorisé le saccage de la Baie-James, dans cet esprit
- et là, je fais appel à l'expert que vous êtes - qui,
compte tenu de la loi du travail qui est particulière à
l'industrie de la construction, était responsable, au moment où
tout cela se passait, avant le saccage de la Baie-James, de faire en sorte que
les employés puissent être syndiqués dans un syndicat ou
dans un autre, soit dans la FTQ ou soit dans la CSN? À l'époque,
je ne pense pas qu'il y avait d'autres syndicats possibles dans l'industrie de
la construction.
M. Thibaudeau: Oui, sur la Côte-Nord. M. Tremblay:
II en avait un autre. Bon.
M. Thibaudeau: II y avait un autre syndicat sur la
Côte-Nord.
M. Tremblay: Qui était responsable, à cette
époque, de permettre aux syndiqués de choisir librement leur
syndicat sur le chantier de la Baie-James?
M. Thibaudeau: Comment ces gens ont été
engagés? Je pense que le meilleur témoin serait le directeur du
personnel du temps, à la Baie-James. Je ne sais pas comment ils ont
été engagés. Tout ce que je peux dire, découlant de
ce qui se passait dans la construction, c'est qu'à chaque vote, à
ce moment-là, la FTQ avait à peu près 70, 71, 72. Les gens
choisissaient un syndicat de la FTQ plutôt qu'un syndicat de la CSN ou
autres. La FTQ contrôlait aussi Montréal. À ce
moment-là, est-ce que les politiques d'embauche régionale
étaient commencées? Je ne sais pas. Je ne peux pas le dire. Mais
c'était normal, puisque c'était déjà la FTQ, dans
les autres constructions au Québec, qui avait le contrôle de
plusieurs métiers. Les entrepreneurs qui allaient là
connaissaient ces syndicats et avaient travaillé avec eux sur d'autres
chantiers. La SEBJ était le maître d'oeuvre; mais elle
avait des entrepreneurs et cela fonctionnait par soumissions. Il y avait des
contacts entre les employeurs et les syndicats et avec les bureaux de placement
des syndicats. C'est comme cela qu'il s'est ramassé beaucoup plus
de gens de la FTQ à la Baie-James.
M. Tremblay: Oui, mais vous avez dit tout à l'heure que
c'était normal. Je pense que c'est normal aussi pour n'importe qui ayant
travaillé dans l'entreprise privée. Ils tentent, par tous les
moyens légaux et légitimes, d'obtenir le monopole dans
l'entreprise dans laquelle ils sont.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Tremblay: On sait, par exemple, qu'à la Baie-James il y
avait une tentative un peu particulière d'obtenir le monopole pour la
FTQ.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Tremblay: Je me dis qu'il devait y avoir quelqu'un -
était-ce la SEBJ, étaient-ce les entrepreneurs? - qui devait
favoriser que la loi soit appliquée correctement, c'est-à-dire
que les syndiqués puissent adhérer à un syndicat ou
à un autre ou que l'on puisse embaucher à la Baie-James des
syndiqués de la CSN ou de la FTQ. On sait qu'il semblerait que ce
n'était pas très possible à ce moment que des gens de la
CSN viennent travailler à la Baie-James. Qui, dans votre esprit, devait
permettre que la loi soit appliquée et que des gens puissent
travailler
sur le chantier et être syndiqués de la CSN, par exemple?
(12 h 15)
M. Thibaudeau: Écoutez, je vais le répéter.
Je ne voudrais pas être obligé de parler pendant une heure. Le
contrôle de la construction dans la région de Montréal
surtout et d'autres secteurs, c'étaient les syndicats affiliés
à une union, un syndicat international affilié au Congrès
du travail du Canada. Quand on dit FTQ, c'est un sigle. La FTQ est un organisme
à part, pour d'autres objectifs. Dans ce temps-là, ces gens
avaient des bureaux de placement. Ils étaient en contact
perpétuel avec les employeurs. Ils n'allaient même pas obtenir un
certificat de reconnaissance syndicale. Un employeur commençait un
chantier, les syndicats entraient en contact et disaient: Si tu ne veux pas
qu'on te boycotte, tu vas nous prendre à telles conditions. C'est comme
cela que cela se fait et cela se fait encore en Ontario ou ailleurs.
Ici, il y avait deux centrales et elles se bagarraient pour avoir les
travailleurs. À un moment, la CSN s'est dit: Je me sers du code. On fait
une construction sur la Côte-Nord ou à Sorel; je demande un
certificat de reconnaissance syndicale et, ensuite, je vais essayer de
représenter tout le monde avec mon certificat de reconnaissance
syndicale. Mais les journaliers qui commençaient s'en allaient et
l'entrepreneur avait besoin, lui, d'hommes de métier
contrôlés par la FTQ. Les hommes de métier arrivaient,
comme à Sorel, et la CSN disait: Non, c'est nous qui avons le certificat
ici, c'est nous qui avons le contrat. Cela finissait à coups de
chaînes, des autos brûlées et tout ce que vous voulez; 400
policiers sur la Côte-Nord à Bechtel.
Là, on a changé la loi et on a dit: Les gens seront
obligés d'être syndiqués, mais ils prendront le syndicat de
leur choix. Très vite, à cause du contrôle des
métiers, la FTQ a pris une très grande proportion de cela, les
syndicats affiliés, les menuisiers, les plombiers. Partant de là,
lorsque cela a commencé à la Baie-James, c'était normal
-j'aurais aimé dire: Puisque la mentalité des syndicats
nord-américains, qu'ils soient de métier ou industriels, c'est
qu'il y ait un syndicat par unité d'accréditation, par groupe -
qu'il n'y en ait pas deux. La loi 290 était un nouveau régime et
les gens n'étaient pas adaptés à vivre avec cela. Surtout
dans la première loi 290, il y avait un droit de veto pour celui qui
était minoritaire. Rendu à 20% de représentation, il
pouvait utiliser son droit de veto. Même si le syndicat majoritaire
pouvait s'entendre avec l'employeur, le syndicat minoritaire pouvait exercer un
droit de veto. Il y a eu la loi 9 qui est venue corriger cela quelques
années après, parce qu'il y a même eu des contrats
illégaux signés entre des syndicats et des employeurs dans la
région de Montréal.
Cette mentalité de monopole en Amérique du Nord a toujours
existé, tout le temps. C'est tout l'historique du syndicalisme
nord-américain, par rapport au syndicalisme qu'on peut voir dans
d'autres pays, qui se base sur notre milieu social, économique et
politique.
M. Tremblay: Donc le saccage de la Baie-James, au-delà des
acteurs principaux ou de la responsabilité de la situation qui l'a
permis, cela viendrait, selon vous, d'une loi qui n'était pas
adéquate.
M. Thibaudeau: Non, elle était adéquate. Pour moi,
cela venait de gens de la pègre. Qu'est-ce que vous voulez que je vous
dise? Ils ont engagé des bandits. Eux, plutôt que de prendre des
arguments pour convaincre les gens, tout simplement les convaincre, ils se sont
servis d'autres moyens. Ils se sont servis des moyens que vous avez dans ce
livre. Ce n'est pas moi qui l'invente.
M. Tremblay: Ce que je ne comprends pas dans tout cela - je
n'étais pas là à l'époque et je n'étais pas
très relié à la construction dans ce que je faisais
à cette époque - c'est que vous me dites que c'étaient des
gens de la pègre.
M. Thibaudeau: Cela n'est pas moi qui le dis, c'est M.
Chevrette.
M. Tremblay: Oui, la commission Cliche le dit.
M. Thibaudeau: C'est M. Mulroney et M. Cliche qui le disent. Ce
n'est pas moi.
M. Tremblay: Et M. Chevrette, d'accordl Mais devant une situation
comme celle-là, il doit y avoir quelqu'un qui est responsable
d'arrêter une affaire comme celle-là.
M. Thibaudeau: Je l'explique un peu comme cela pour
répondre à votre question: l'entrepreneur Y a du monde à
engager; il connaît le syndicat et il veut la paix. Ce que M. Cliche et
les deux autres disent, c'est que les employeurs ont manqué de courage,
ont abdiqué leurs responsabilités devant des menaces syndicales.
Ils aimaient mieux même... Lisez cela, les pots-de-vin en dessous de la
table, c'est plein, un tas de pots-de-vin, de l'employeur au syndicat sur un
tas de choses, surtout pour laisser passer des affaires où il n'y avait
pas l'étiquette syndicale des unions de métiers. Les employeurs
avaient peur, ils engageaient plutôt des gens de la FTQ pour avoir la
paix. Quand il y a eu quelques employeurs, sous une pression de la CSN, qui ont
engagé des gens de la CSN, il y a certaines gens
qui ont perdu la tête. Un Duhamel en folie, comme dit M. Cliche.
Cela a fini de même. C'est une responsabilité un peu sociale. Je
ne dis pas que c'est une mauvaise loi, non. Elle doit être encore
raffinée, d'accord, mais c'était une bonne loi.
M. Tremblay: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, seulement une
minute. C'est M. le député de Marguerite-Bourgeoys qui doit avoir
la parole.
M. Lalonde: L'alternance.
Le Président (M. Jolivet): Oui, l'alternance.
M. Lalonde: L'alternance, vous connaissez cela.
M. Duhaime: Je suis bien prêt à alterner. On a tout
le temps devant nous. C'est parce que mes questions allaient dans le suivi de
ce qu'avait amorcé mon collègue. Je veux ajouter que nos travaux
sont commencés depuis au-delà de deux heures. Mon collègue
de Marguerite-Bourgeoys m'avait dit il y a quelques jours, le jeudi saint au
soir, à 22 heures, lorsque j'ai décidé d'ajourner les
travaux, qu'il y aurait une ou deux questions de leur côté. J'ai
minuté les questions posées par le député de
Portneuf et l'échange avec M. Thibaudeau. Cela a duré 1 heure et
23 minutes. Je n'ai pas posé une seule question depuis le matin. Alors,
si le député de Marguerite-Bourgeoys voulait me laisser un droit
de parole, je pourrais poser mes questions tout de suite. J'en aurais pour
à peu près sept minutes.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je vais sûrement
laisser le droit de parole qui est prévu par le règlement au
ministre quand son tour arrivera. Mais, comme vous l'avez toujours
appliqué, le principe de l'alternance prévoit que c'est
maintenant à un député de ce côté-ci. Je suis
convaincu que le ministre trouvera le temps, cet après-midi, de poser
ses questions.
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président. Le règlement permet...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, je n'accepterai
aucune question de règlement parce que, je l'ai vérifié
avant cette question, le ministre a droit de parole en tout temps lorsqu'il est
question de crédits ou de projets de loi mais, comme on n'est pas
à faire l'étude de crédits ou de projets de loi, c'est
l'alternance qui s'applique. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: Un instant, M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...je voudrais seulement qu'il soit très
clairement souligné que, si nous étions le jeudi saint au soir,
il serait 0 h 23 et nous n'avons pas encore disposé entièrement
du témoignage de M. Thibaudeau.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: En vous soulignant que je n'ai pas posé une
seule question depuis le matin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Avant de poser les quelques questions que j'aimerais
adresser à M. Thibaudeau, je voudrais simplement enchaîner sur les
propos du ministre et lui dire qu'effectivement, jeudi soir, il y a deux
semaines, j'avais seulement quelques questions à poser à M.
Thibaudeau, ce qui est d'autant plus déplorable pour M. Thibaudeau qui
aurait probablement pu être libéré vers 22 h 15 ou 22 h 20.
Mais, étant donné tout le temps que nous avons eu pour
réviser les dossiers, le ministre n'a qu'à s'en prendre à
lui-même.
M. Duhaime: Je ne m'en prends pas à moi-même, je
m'excuse, M. le Président.
M. Lalonde: Puisqu'il nous a refusé d'aller au-delà
de 22 heures ce jeudi 31 mars avec M. Thibaudeau, cela a été plus
long. Je regrette. Mais, à ce moment-là, c'est vrai que je
pensais que ce serait très court.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, je voudrais justement vous poser une question, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Compte tenu qu'il ne reste que
six minutes, environ, et que vous avez à poser des questions à M.
Thibaudeau, est-ce que vous voulez commencer tout de suite?
M. Lalonde: Oui, j'aimerais cela, parce que je ne pense pas que
cela soit très long.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'essaie de situer dans votre témoignage
depuis quelle époque vous êtes en faveur d'un règlement de
ce conflit
dont on parle, d'un règlement hors cour?
M. Thibaudeau: La façon dont cela a évolué
dans ma tête, c'est comme quand un médecin qui examine un malade
et qui cherche un traitement. C'est un peu comme un spécialiste, pour
une question politique. Dès que j'ai vu, cela en 1976 - je lis les
journaux et, surtout ces nouvelles-là, je les regarde - je me suis dit:
II va y avoir pas mal de difficultés avec l'union internationale. Comme
Murdochville a réussi à impliquer les métallos, cela va
être beaucoup plus dur, à cause des structures.
Les années ont passé et, un bon jour, je me suis
retrouvé administrateur de la SEBJ, un des administrateurs. On avait
beaucoup de problèmes au début, toutes sortes de
problèmes. Il fallait s'adapter à tout cela. Un bon jour, est
arrivé ce dossier. Je me suis mis à l'étudier avec
d'autres, à en parler, et c'est à mesure que je me suis dit:
Là, je vais être partie à la décision. Je ne suis
plus quelqu'un de la rue. Je suis un onzième de la décision dans
ce dossier. C'est là que j'ai questionné les avocats sur la
possibilité de gagner quelque chose aux États-Unis. Avec tout ce
qu'on nous a dit, je me suis dit que c'était mieux de régler hors
cour sur le plan financier et sur le plan de la paix sociale, d'abord. C'est
fragile, des relations de travail entre un syndicat et un employeur, surtout
lorsque nous sommes dans un chantier éloigné.
M. Lalonde: Oui, j'ai compris vos motifs, je ne mets pas cela en
doute.
M. Thibaudeau: Doucement... Je ne sais pas à quelle date,
lorsque je suis arrivé là, puis que j'ai vu le dossier, je me
suis dit qu'il n'était pas question à ce moment de
règlement hors cour. J'ai plutôt pensé: On gagnera
peut-être tous les procès, mais qui va payer?
M. Lalonde: Bon! Je ne me pose pas de quations sur vos motifs;
vous les avez expliqués très clairement.
M. Thibaudeau: Abondamment.
M. Lalonde: Je voulais savoir à peu près quand
votre cheminement avait commencé. Vous dites depuis 1976. Autrement dit,
tout au cours de cette période, vous ne croyiez pas que ce procès
devait continuer?
M. Thibaudeau: Je n'ai pas dit qu'il fallait un règlement
hors cour, cela ne me regardait pas, je n'étais pas là.
J'étais un citoyen comme tout le monde qui regardait cela.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez discuté, avant votre
nomination, avec des personnes en autorité au gouvernement de cette
opinion que vous aviez?
M. Thibaudeau: Non, jamais. M. Lalonde: Jamais.
M. Thibaudeau: J'étais rendu au HEC et puis jamais je n'ai
été consulté là-dessus.
M. Lalonde: À quel prix minimum situiez-vous le
règlement hors cour? J'ai écouté une réponse que
vous avez donnée tout à l'heure quand le député de
Portneuf vous a demandé quand vous avez pris connaissance de la
première offre de règlement qui était autour de 50 000 $,
je crois, et la deuxième de 125 000 $. Vous ne vous souvenez pas
exactement si ces offres-là ont été soumises aux
assemblées du conseil de la SEBJ le 23 janvier ou le 30 janvier. Vous
retrouvez dans les documents, comme nous, que le 6 février il
apparaît que l'assemblée a pris connaissance d'offres...
M. Thibaudeau: Je n'étais pas là.
M. Lalonde: Vous n'assistiez pas à cette assemblée.
Mais, en réponse à cette question, vous avez dit que - enfin,
j'ai compris cela -ce n'était pas tellement une question de montant;
c'était pour d'autres motifs.
M. Thibaudeau: Pour moi, personnellement.
M. Lalonde: Oui, c'est cela, pour vous. Alors, est-ce que vous
aviez un montant minimum en tête?
M. Thibaudeau: Aucun. M. Lalonde: Aucun.
M. Thibaudeau: M. Hervé Hébert a dit que, lui, il
aurait aimé 1 000 000 $ ou 1 500 0Ô0 $. Pour moi, le
problème n'était pas là. Il était ailleurs. Il
était dans le sens d'éviter de faire une orgie de dépenses
inutiles et de sauvegarder la paix là-bas. Nous étions onze. On
ne pouvait pas penser tous les onze de la même façon.
M. Lalonde: Non, non. Je n'ai jamais suggéré cela.
J'aurais deux autres petites questions. Quand on parlait de la capacité
de payer des syndicats et du 0,01 $ cent l'heure qui pouvait être
prélevé...
M. Thibaudeau: Oui, cela aurait pris 30 ans.
M. Lalonde: Oui, cela aurait pris 30 ans, etc. Mais, vous avez
répondu à ce moment-là que les syndicats ont des
obligations à l'égard de leurs membres et des
dépenses à faire et que cela aurait pu affaiblir la FTQ face
à la concurrence de la CSN. Est-ce que vous ne trouvez pas que cette
préoccupation, que vous avez exprimée de façon très
claire, pouvait venir en conflit avec votre fonction de membre du conseil
d'administration de la société d'énergie qui était
de protéger les avoirs et les droits de la SEBJ? (12 h 30)
M. Thibaudeau: Non, là vous soulevez un problème.
Je n'ai pas vu cela sous cet angle-là. Si je me place dans ce
coin-là de la salle et que je regarde le salon rouge, je le vois comme
cela. Si je me place là, je le vois autrement. C'est le même salon
rouge. J'admets qu'il s'agit du même problème. Ce n'est pas sous
cet angle-là que je l'ai regardé. Je l'ai regardé sous
d'autres angles. Je n'y ai pas pensé, parce que je n'avais plus aucun
lien avec le mouvement syndical du point de vue juridique, aucun. Je suis
toujours ami avec Fernand Daoust, c'est un bon copain, mais à part cela,
rien.
M. Lalonde: Mais vous avez quand même consulté les
dirigeants de la FTQ avant d'accepter.
M. Thibaudeau: Non, non. J'ai demandé à M.
Laramée, qui était directeur du SFP à ce moment-là,
s'il voyait des objections. J'étais tout de même le fondateur du
SFP au Québec. Je voulais savoir comment il prendrait cela. Je voulais
me renseigner. Il m'a dit qu'il ne voyait aucune objection. J'ai
accepté, mais je ne représentais pas le mouvement syndical. Je
représentais André Thibaudeau, citoyen.
M. Lalonde: Je pense que vous n'avez pas terminé votre
mandat. Le mandat était de cinq ans?
M. Thibaudeau: De deux ans.
M. Lalonde: Seulement deux. Vous avez donc rempli le mandat
jusqu'en octobre 1980?
M. Thibaudeau: Oui, oui. M. Lalonde: Cela va.
Le Président (M. Jolivet): Comme il est 12 h 30, nous
ajournerons sine die. Le sine die veut simplement impliquer une motion à
l'Assemblée nationale de la part du leader du gouvernement. Nous
reprendrions normalement nos travaux vers 15 heures ou 15 h 30 et la parole
sera à M. le ministre.
M. Thibaudeau: Est-ce que je dois revenir?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Thibaudeau. Vous
êtes toujours à notre disposition.
M. Thibaudeau: C'est parce que je dois téléphoner
à Montréal pour annuler une autre fois.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise de la séance à 15 h 38)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources
reprend ses travaux. Le mandat, je le répète, est d'examiner les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Puisque nous commençons une nouvelle séance, je dois vous
rappeler que les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est),
Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Tremblay
(Chambly), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), La-plante (Bourassa) et
Dussault (Château-guay).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Desbiens (Dubuc),
Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Harel (Maisonneuve), MM.
Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert)
et Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet).
Au moment où nous avons suspendu nos travaux à l'heure du
dîner, M. André Thibaudeau était la personne invitée
à venir devant cette commission. La parole était à M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources. M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Thibaudeau: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Thibaudeau, vous pouvez
intervenir.
M. Thibaudeau: ...avant que M. le ministre me pose des questions,
j'aimerais revenir sur une question qui m'a été posée ce
matin. J'ai relu le document et je crois que c'était une question du
député de Mont-Royal. Elle concernait les 400 000 $. J'aimerais
donner certaines précisions afin de bien se comprendre.
Premièrement, je ne faisais pas partie du conseil
d'administration de la SEBJ à
l'époque. L'avocat syndical, d'après ce que j'ai pu
savoir, aurait approché les compagnies d'assurances afin d'avoir un
règlement à l'amiable à ce moment-là. Ce qui
arrivait avec ce règlement à l'amiable, c'est que la SEBJ
était obligée de diminuer sa demande de 400 000 $. On ne lui
offrait pas 400 000 $. Elle était obligée de réduire de
400 000 $ - si on relit la page 17 - et de recevoir environ 800 000 $. Ce que
nous avons reçu, en fait, est un montant d'environ 1 100 000 $ ou 1 200
000 $ des assurances. Autre chose. Cet arrangement, concédant un montant
de 400 000 $, c'était comme si nous acceptions un tiers de la
responsabilité du saccage, ce qui n'avait pas d'allure. Ce n'est pas
tout à fait, si on le lit bien, une offre de 400 000 $ par rapport aux
200 000 $ qu'on a acceptés en 1979. C'est cette explication que je
voulais donner sur cela, après m'être informé. Mais je dis
que je n'étais pas partie à cela à ce moment. Les 400 000
$ - cela m'est revenu - ne pouvaient pas m'impressionner en 1979 parce que,
dans le fond, on aurait reçu 800 000 $.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Vous êtes
accompagné d'une autre personne. Simplement pour les besoins du journal
des Débats, est-ce que vous pourriez nous la présenter?
M. Thibaudeau: Ils sont là pour m1 aider
à un moment donné sur des choses, ce n'est pas pour
répondre à ma place; ils sont là pour m'aider à
retrouver un texte ou une explication juridique si j'en ai besoin.
Le Président (M. Jolivet): Simplement nous donner son nom,
l'identifier.
Une voix: Mon nom est John Lussier.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais, M.
Thibaudeau, d'abord vous dire que je n'en aurai que pour quelques minutes et
que je tiendrai parole. Je voudrais vous référer à la page
134 du document qui a été déposé...
M. Thibaudeau: Page 134 du document.
M. Duhaime: ...de la Société d'énergie de la
Baie James, qui réfère à l'avis juridique des procureurs
Geoffrion et Prud'homme qui porte la date du 19 février 1979. Pour les
fins du dossier, puisqu'il a été abondamment question de cet avis
à la suite des questions qui vous ont été posées
par le député de Mont-Royal - si j'ai bon souvenir, ce matin,
à aucun moment cet avis juridique n'a été lu à la
commission - je vous demanderais de le lire, s'il vous plaît.
M. Thibaudeau: Au complet ou à partir du paragraphe "Si la
responsabilité"?
M. Duhaime: Voilà. Oui, à partir du dernier
paragraphe de la première page.
M. Thibaudeau: "Si la responsabilité de l'International
Union of Operating Engineers était retenue, ce serait par effet
combiné des dispositions de ses statuts et des articles 1054 et 1731 du
Code civil qui imposent aux commettants et aux mandants une
responsabilité présumée. Tandis que, dans l'affaire
Gaspé Copper Mines, il a été prouvé que des agents
et représentants de l'union internationale avaient "fomenté,
organisé, dirigé, soutenu et financé" la grève
illégale et que certains actes de violence qui s'en sont ensuivis ont
été commis avec "la participation, l'approbation expresse ou
tacite, les encouragements, les incitations ou les appuis matériels et
financiers des agents et représentants de la haute hiérarchie et
direction" de la même union, nous n'avons pas, dans notre cas
d'éléments de preuve permettant de croire que l'International
Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon
aux événements de mars 1974. "Or, sur une action en
exemplification intentée devant la Cour fédérale du
district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants
américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher
en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est
à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme
suit..."
M. Duhaime: Je pense que le reste a été cité
lorsque nous avons entendu M. Laliberté. Je voudrais simplement revenir
sur cet avis juridique. La dernière ligne: "Nous n'avons pas dans notre
cas d'éléments de preuve permettant de croire que l'International
Union of Operating Engineers aurait participé de semblable façon
aux événements de mars 1974." Donc, on réfère au
saccage de la Baie-James. Cet avis juridique vient-il confirmer ou infirmer
votre propre opinion dans ce dossier?
M. Thibaudeau: II vient confirmer mon opinion. Lors de mon
témoignage du 31 mars, j'ai peut-être été un peu
vite. J'ai essayé de faire une différence entre ce
qu'était un agent d'affaires et un représentant international ou
ce que j'appelle, dans mon langage, un fonctionnaire syndical. Un fonctionnaire
syndical, c'est, en fait, quelqu'un qui est engagé par un
exécutif, la plupart du temps, d'une fédération ou d'une
confédération. Un agent d'affaires, c'est quelqu'un qui est
très souvent élu ou nommé
par un exécutif d'un syndicat local, d'une cellule qui fait
partie de la fédération. À Murdochville - je le sais et je
les connais; je ne dirai pas qu'ils ont fait tout ce qui est dit - il y avait
sur place deux représentants internationaux, donc des fonctionnaires des
Métallurgistes unis d'Amérique, qui détenaient leur emploi
des Métallurgistes unis d'Amérique dont le siège social
est à Pittsburgh aux États-Unis.
Dans le cas Duhamel ici, eh bien, nous l'avons dit ce matin,
l'International Union of Operating Engineers ne reconnaît pas que M.
Duhamel est un de ses employés et elle n'accepte même pas, en
vertu de sa constitution, le fait qu'il ait été choisi,
nommé ou imposé comme agent d'affaires. Cela fait une très
grande différence si je me réfère à l'autre cas
qu'il y a eu sur la Côte-Nord, où des gens de la
fédération de mines et métallurgie, CSN, avaient
désapprouvé la grève. Ils ont été -
d'après ce dont je me souviens, c'est de mémoire -
libérés par la cour de toute accusation, mais il y avait un
fonctionnaire relevant de la confédération. C'était un des
liens, peut-être pas le seul, qui ont fait que le syndicat a
été condamné à 10 000 000 $ et il y a eu un
règlement de 2 000 000 $ après. C'est un élément,
c'est un des gros éléments.
M. Duhaime: Une dernière question, M. Thibaudeau. Je
voudrais, avant de vous la poser, vous référer à mon livre
de chevet de ces jours-ci: Le rapport de la commission d'enquête sur
l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction.
Sous le chapitre VI, Le système et ses appuis, sous la rubrique Le roi
de la construction, au deuxième paragraphe de la page 83, cela serait
peut-être intéressant pour les membres de la commission. Je vous
demanderais de le lire à partir du paragraphe: "Nul doute, par
conséquent...", au deuxième paragraphe de la page 83.
M. Thibaudeau: M. le ministre, je crois qu'il nous arrive le
même problème que la dernière fois.
M. Duhaime: On n'a pas la même pagination? Je peux bien le
lire.
M. Thibaudeau: Non, je pense qu'il y a seulement une question de
pagination.
M. Duhaime: On a le même livre, à la page 83.
M. Thibaudeau: Oui, page 83; quel paragraphe? Est-ce que le
début de la page dit: Le 24 mars 1971?
M. Duhaime: Exact. L'avant-dernier paragraphe: "Nul doute, par
conséquent..."
M. Thibaudeau: "Nul doute, par conséquent..."
M. Duhaime: Je n'ose pas le lire moi-même, même
à l'appel des députés de ma gauche, parce qu'on me
reprochera certaines intonations.
M. Thibaudeau: "Nul doute, par conséquent, que si
quelqu'un était assez fort pour faire régner la paix syndicale
à la Baie-James et empêcher toute grève pendant dix ans,
c'était André Desjardins. Il était donc l'homme à
voir." Voulez-vous que je continue?
M. Duhaime: Oui.
M. Thibaudeau: "Mais, une fois l'interlocuteur choisi, comment
lui faire accepter un régime syndical qui exclurait le droit de
grève pendant dix ans? En lui offrant le monopole, c'est-à-dire
encore plus de pouvoir. Un employeur ordinaire n'aurait pas raisonné ni
agi différemment. L'ennui, c'est que Desjardins était
peut-être aussi habile que puissant. Après avoir entendu les
propositions de MM. Paul Desrochers et Roland Giroux et accepté, pendant
un certain temps de jouer le jeu d'une négociation avec les
comités de travail issus des premières discussions, il cherche le
moyen d'obtenir le monopole si convoité sans sacrifier le droit de
grève. "Ce sera la loi 9. Tout en poursuivant du bout des lèvres
ses pourparlers avec la SEBJ et l'Hydro-Québec, il signe une convention
collective avec un groupe d'employeurs. Mais elle n'a aucune existence en vertu
de la loi. Afin de la légaliser, il dresse devant le ministre du Travail
le spectre d'une grève générale qui aurait
été légale, pour changer. "L'Assemblée nationale
adopte la loi 9 qui permet, en pratique, à André Desjardins
d'imposer à tous les travailleurs de la construction, syndiqués
ou non avec la FTQ, la convention collective qu'il vient de signer et toutes
celles qu'il voudra bien conclure par la suite. Il n'a plus qu'à rompre
le simulacre des négociations engagées sur l'autre front; elles
sont devenues inutiles; il a obtenu ce qu'il voulait du gouvernement sans rien
donner.
M. Duhaime: On pourrait peut-être s'arrêter ici, M.
Thibaudeau. Je lis que la convention collective signée avec un groupe
d'employeurs, page 84, "n'a aucune existence en vertu de la loi". Je crois
comprendre que l'Assemblée nationale, qui a adopté la loi 9 en
1971, est venue légaliser une situation qui baignait dans
l'illégalité. Vous qui êtes un expert en relations de
travail, est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?
M. Thibaudeau: Oui. M. Duhaime: Vous êtes d'accord.
M. Thibaudeau: C'était illégal. M. Duhaime: Je vous
remercie.
M. Thibaudeau: En vertu de la loi 290 du temps.
M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions. Vous voyez comme
j'ai tenu parole.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président. Si j'ai bien saisi, M.
Laliberté...
M. Thibaudeau: Thibaudeau.
M. Paradis: C'est incroyable. C'est un lapsus incroyable. J'ai
été impressionné par le témoignage de M.
Laliberté. M. Thibaudeau, ce matin, vous nous avez parlé de votre
cheminement, de votre stratégie. Vous nous avez dit que ce qui importait
pour vous dans ce dossier, c'était que la paix sociale soit maintenue
sur le chantier de construction de LG 2. Est-ce que c'est exact?
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: Vous me faites signe que oui. Pour vous, les
questions d'argent devenaient des questions d'ordre secondaire.
M. Thibaudeau: Je ne dis pas secondaire.
M. Paradis: Pas secondaire.
M. Thibaudeau: Pas secondaire dans le sens que, si on continuait
le procès, si on s'engageait dans des procédures, et des
procédures nous engagions des sommes énormes...
M. Paradis: D'accord.
M. Thibaudeau: ...et peut-être aussi des travaux
retardés, encore des pertes. Il n'y avait pas seulement la paix sociale,
il y avait la paix sociale mais, en même temps, il y avait aussi une
question de coûts que j'anticipais, un danger de coûts
énormes.
M. Paradis: Je vous remercie de la précision. Vous vous en
alliez vers un règlement de toute façon depuis le début.
Si vous avez voté pour les 500 000 $, d'après ce que je retiens
de votre témoignage, c'est que cela faisait partie de votre
stratégie le 20 janvier lorsque vous avez engagé les 500 000
$.
M. Thibaudeau: Le 20 novembre.
M. Paradis: Le 20 novembre, excusez-moi. Par la suite, le 9
janvier, quand vous avez voté en faveur de poursuivre l'action, cela
faisait partie de votre stratégie. Et c'est là que je me
réfère à des notes que j'ai prises - si on avait la
transcription, cela pourrait être plus précis - vous avez dit: "Ce
n'était pas à nous de faire les premiers pas pour un
règlement. On n'était pas des coupables". Autrement dit: on n'est
pas coupables, on n'a pas à faire les premiers pas. C'est important, ce
principe-là pour vous là-dedans?
M. Thibaudeau: Écoutez. Nous sommes en face d'un
procès qui a été intenté par la SEBJ en 1976. Nous
entrons en fonction, le nouveau conseil, en octobre 1978. Il y a des
engagements pris par d'autres que nous et, un bon jour, on nous arrive avec une
demande. Les dossiers suivent leur cours. Les inscriptions en cour sont
là. Et on nous arrive avec une demande de dossier que le nouveau conseil
n'avait pas encore étudiée à fond. Mais ce sont des
engagements de nos prédécesseurs qu'on ne peut pas balayer d'une
"shot" comme cela. On nous demande cela et c'est là qu'on a
commencé à dire: D'accord, on va faire une prévision
budgétaire. Nous allons la faire et nous allons commencer à
étudier le dossier. Et nous l'avons fait. J'ai déjà
commencé à ce moment-là à poser des questions. Il y
a eu des discussions entre nous. Un peu plus tard, on a dit: On continue parce
qu'il ne semblait rien poindre à l'horizon. Le mot "stratégie"
est peut-être malheureux de ma part, mais ce n'est pas simplement de la
stratégie. C'est aussi de l'intelligence de dire qu'on va attendre ceux
qui ont fait le saccage et qui sont coincés par le juge qui les attend.
Finis les délais. On s'en va en cour. Est-ce qu'ils vont s'ouvrir ou
s'ils vont continuer à se dire innocents et à dire que c'est
nous, les coupables? Le nouveau conseil n'avait pas à accuser ses
prédécesseurs. On n'avait pas à faire cela.
M. Paradis: Que ce soit une stratégie ou que ce soit de
l'intelligence, disons, pour les fins de la discussion, que c'est une
"stratégie intelligente"?
M. Thibaudeau: Non!
M. Paradis: On pourrait s'entendre là-dessus. Il fallait
que les premiers pas viennent de la partie adverse de la SEBJ,
c'est-à-dire des syndicats. C'est ce que vous avez dit ce matin: "Ce
n'était pas à nous -je l'ai pris en note - de faire les
premiers
pas pour un règlement. On n'était pas des coupables."
M. Thibaudeau: Je ne veux pas parler au nom de mes
collègues, mais, personnellement, je peux vous dire que je
n'étais pas prêt. Je l'ai mentionné très vite ce
matin. J'ai dit que même le dirigeant syndical a eu de grosses
responsabilités. J'étais totalement contre la violence, qu'on
règle des problèmes de relations de travail par la violence. Et,
en 1974, cela avait été terrible, tout de même, la violence
qu'il y avait eu à LG 2. Bon, j'ai eu moi-même des
problèmes avec la CSN, mais cela ne s'est jamais réglé
dans la violence. Cela s'est réglé par des petits papiers dans
des boîtes de scrutin. C'est comme cela que doivent se régler les
différends. Même s'il y avait eu -je suis d'accord avec MM.
Cliche, Chevrette et Mulroney - des faiblesses du côté patronal au
point de vue organisationnel - il y a eu de grandes faiblesses qui ont
amené une mauvaise atmosphère, il y a eu des employeurs qui ont
fait des choses qu'ils n'auraient pas du faire, cela a été mis en
preuve devant la commission Cliche - cela ne justifie pas de prendre un
bulldozer et de s'en aller sur des tuyaux. Cela ne justifie pas ces
choses-là, selon moi. Je me dis que, même s'il y a eu certains
torts, ce n'est pas à nous - et c'est cela, l'affaire de 400 000 $ -
d'ouvrir la porte. S'ils veulent un règlement hors cour, qu'ils viennent
et on essaiera d'avoir le plus de reconnaissance de responsabilité.
M. Paradis: Si on se replace dans le contexte: Qu'ils viennent -
je vais utiliser les mots que vous venez de prononcer - et fassent les premiers
pas...
M. Thibaudeau: C'était dans ma tête. Je parle pour
moi; je ne parle pas pour mes collègues.
M. Paradis: Vous avez votre cahier qui nous a été
distribué par M. Laliberté qui s'intitule: Extraits du registre
des procès-verbaux. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à
l'ouvrir à la page 75. Est-il exact qu'à cette page-là
vous retrouvez une offre de règlement - une ouverture, finalement - de
Me Rosaire Beaulé, qui est l'avocat du syndicat américain et,
pour qu'on le situe un peu plus dans le contexte
politico-québécois, qui est l'ex-associé professionnel
dans un bureau d'avocats de M. Jean-Roch Boivin qui est le chef de cabinet du
premier ministre, et que cette offre-là porte la date du 22 janvier
1979? Est-ce exact?
M. Thibaudeau: Je ne sais pas. On a dû avoir ce document
à la réunion du conseil, mais d'où il vient, je ne le sais
pas. Il est signé Rosaire Beaulé à l'attention de M.
François Aquin, de Geoffrion et Prud'homme. C'est cela qu'on a eu
au conseil.
M. Paradis: C'est ce que vous avez eu au conseil.
M. Thibaudeau: Je peux vous dire que je n'étais pas
à cette réunion.
M. Paradis: D'accord. Mais vous l'avez eu au conseil à un
moment donné.
M. Thibaudeau: On me remettait les documents. J'ai dû le
lire dans le temps. Mais, lorsqu'on est absent d'une réunion,parfois, notre attention est moins bien aiguisée.
M. Paradis: D'accord. Ce matin, M. Laliberté a fait
parvenir à la commission -peut-être pas ce matin, peut-être
avant - un projet de règlement rédigé par les avocats de
la Société d'énergie de la Baie James, à la demande
de M. Claude Laliberté, qui est le président-directeur
général de ladite société. On nous en a remis une
copie ce matin. Je demanderais au secrétariat de le faire
parvenir...
M. Thibaudeau: Me permettez-vous, M. le député, de
poser une question technique?
M. Paradis: Oui, oui. Pendant qu'on vous fait parvenir le
document du 18 janvier, soit le règlement hors cour que la direction de
la SEBJ a demandé à ses procureurs de préparer, vous
pouvez poser votre question technique, pour qu'on se comprenne bien.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Pendant que M. Thibaudeau prend connaissance de ce
document, que j'examine moi-même, je me rends compte qu'il porte la date
dactylographiée du 19 février 1979. La date est ensuite
biffée, puis une note manuscrite indique, en dessous de 19
février, le 18 janvier. Est-ce que je... (16 heures)
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! N'allons pas
trop loin. Le ministre pose une question.
M. Duhaime: Je ne l'ai pas encore posée.
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui.
M. Lalonde: C'est une question de règlement.
M. Duhaime: Non, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Quelle sorte
de question?
M. Duhaime: Je peux en faire une question de règlement. Je
pense qu'il faudrait qu'on identifie la date exacte de ce document, avant qu'on
pose la question à M. Thibaudeau.
Des voix: Oui, oui, on va faire tout cela.
M. Duhaime: Ah bon!
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Paradis: Et si jamais je l'oubliais, M. le ministre, je suis
certain que vous allez y penser.
M. Duhaime: Ah! D'accord. Vous êtes bien gentil.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, je vous ai distribué ce matin un document sur lequel était
inscrit, sur une page blanche: "lettre du 18 janvier 1979". C'est donc le
document que M. Laliberté a fait parvenir, à la demande de la
commission, le jeudi saint dernier. À partir de cela, M. le
député de Brome-Missisquoi a maintenant la parole.
M. Paradis: M. Thibaudeau avait une question.
M. Thibaudeau: C'était pour répondre à votre
question, M. le député.
M. Paradis: Oui.
M. Thibaudeau: Ce matin, si je me souviens bien, j'ai dit que je
ne me souvenais pas si ce document avait été déposé
ou non. J'avais été dans l'expectative. La mémoire est une
faculté qui oublie. Je crois que ce document a été
déposé le 23 janvier au conseil.
M. Paradis: Ah bon!
M. Thibaudeau: Le procès-verbal n'en fait pas mention,
c'est pourquoi j'étais mêlé.
M. Paradis: D'accord, cela va.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: De toute façon, vous avez présentement
en main, dans le cahier devant vous, aux pages 75 et suivantes, la lettre de Me
Rosaire Beaulé, procureur des syndicats américains, à
laquelle il a joint une proposition de règlement hors cour. Vous avez
cela dans le cahier.
Une voix: Page 75.
M. Thibaudeau: Oui, oui, je vais le trouver. Je l'ai.
M. Paradis: Le secrétariat de la commission vous a remis,
j'espère, pendant ce temps, un projet de règlement du 18 janvier
1979, soit quelques jours avant, préparé par le bureau d'avocats
de la Société d'énergie de la Baie James, soit le bureau
de Geoffrion et Prud'homme.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Si vous voulez bien, on va tenter de comparer le
règlement hors cour préparé par les avocats de la
Société d'énergie de la Baie James, à la demande de
M. Laliberté, le 18 janvier, et la lettre que vous a fait parvenir, le
19, soit le lendemain, Me Rosaire Beaulé, procureur des syndicats
américains. Si vous prenez la page titre de la procédure, vous
n'avez qu'à tourner la page "Lettre du 18 janvier", la lettre de
Geoffrion et Prud'homme et on retrouve le papier de cour, finalement, ou le
papier de règlement hors cour. Dans le cahier, cela se retrouve à
la page 76.
Je vais vous lire ce que j'ai dans ce qui a été
préparé par les avocats de la Société
d'énergie de la Baie James et je vous demande en même temps de
suivre dans le cahier ce qui a été préparé par Me
Rosaire Beaulé, le lendemain, et de me dire s'il y a des
différences entre les deux textes. Je prends le papier des avocats de la
société, vous prenez le règlement hors cour de Me Rosaire
Beaulé, le procureur des syndicats américains. On essaie de
trouver si ce sont des papiers pareils ou s'il y a des différences. S'il
y a des différences, arrêtez-moi immédiatement.
En première page, en haut, à gauche, vous avez: "Canada,
province de Québec, district de Montréal, no 500-05-003562-764."
Maintenant, même disposition: À droite, "Cour supérieure,
la Société d'énergie de la Baie James demanderesse, contre
Yvon Duhamel et Michel Mantha et Maurice Dupuis et André Desjardins et
René Mantha et le conseil d'administration de l'association, le
groupement ou le syndicat généralement connu sous la
dénomination de "local 791 de la FTQ-Construction", aussi connu sous la
dénomination de "Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec", de "Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec, local 791" ou de "Union des opérateurs de machinerie
lourde du Québec (FTQ)", pouvant être désigné en
anglais sous la dénomination de International Union of Operating
Engineers, Local 791", groupement des salariés formé pour la
poursuite d'un but commun dans le Québec, généralement
réputé être affilié ou avoir été
affilié à la
Fédération des travailleurs du Québec, au
Congrès du travail du Canada ou au Conseil provincial des métiers
de la construction et ayant son bureau d'affaires à Montréal;
ès-qualité, nommé en vertu de la Loi sur la mise en
tutelle de certains syndicats ouvriers, sanctionnée le 22 mai 1975,
ci-après désigné, pour les fins du présent
document: l'Union des opérateurs de machinerie...
M. Thibaudeau: Bon, là, ce n'est plus le même
texte.
M. Paradis: On va arrêter, ce n'est plus le même
texte.
M. Thibaudeau: Non.
M. Paradis: Si je regarde - parce que je vais aller regarder ce
que vous regardez -vous avez raison, M. Thibaudeau, votre texte se lit: "Le
conseil d'administration de l'Union internationale des opérateurs de
machinerie lourde du Québec" et le mien se lit: "L'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec". C'est exact? C'est la
seule différence?
M. Thibaudeau: Ici, c'est indiqué: "Ci-après
désigné, pour les fins du présent document, l'"Union"
plutôt que le "conseil".
Vous m'avez dit de vous arrêter lorsqu'il y avait un changement,
je vais le faire à la virgule.
M. Paradis: Oui, c'est pour cela qu'on le fait.
M. Thibaudeau: "Le conseil d'administration de l'Union
internationale". Ici, c'est "l'Union des opérateurs de machinerie lourde
du Québec, local 791" et ici, c'est le "conseil d'administration"; donc,
c'est le comité directeur et ici, c'est l'entité complète,
c'est le syndicat complet des opérateurs de machinerie lourde, local 791
et il y a une date en bas, 19-1-79 que vous n'avez pas sur votre document.
M. Paradis: C'est vrai. Je suis content que vous attiriez
l'attention sur la date. On la retrouve à toutes les pages et je ne l'ai
nulle part. Cela voudrait dire que celle-là aurait été
rédigée par l'avocat le 19 janvier 1979, soit le lendemain de la
mienne.
M. Thibaudeau: II y a le mot "internationale" aussi qui ne
paraît pas.
M. Paradis: D'accord! Pour être bien clair, on va essayer
de comprendre notre première différence. J'ai dans mon texte:
"Ci-après désigné, pour les fins du présent
document, l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec,
local 791".
Cela, c'est le texte de la SEBJ. Vous avez, dans le texte de Me
Beaulé, procureur des syndicats américains: "Ci-après
désigné, pour les fins du présent document, le conseil
d'administration de l'Union internationale des opérateurs de machinerie
lourde, local 791". Est-ce que, à votre connaissance à vous,
parce que vous connaissez bien ces choses-là, étant un
spécialiste là-dedans, il s'agit de désigner la même
entité?
M. Thibaudeau: La même entité, à l'exception
qu'ici on désigne les gens élus du 791...
Une voix: Exact!
M. Thibaudeau: C'est cela. Les gens élus du 791. Et le
791, lorsque vous voyez l'union internationale et si vous voyez l'union des
opérateurs, des fois ils mettent "internationale", d'autres fois, ils ne
le mettent pas, mais c'est toujours le 791.
M. Paradis: D'accord! C'est à cause de la tutelle,
finalement.
M. Thibaudeau: Probablement.
M. Paradis: D'accord! Je vous préviens que, chaque fois
qu'il sera question de cette dénomination, je pense qu'on aura une
différence de texte. Sauf cette différence, continuez à
m'arrêter. Je reprends votre différence que vous avez
soulignée aussi: La date le 19 janvier 1979, qui apparaît sur
votre document, c'est-à-dire le document de Me Beaulé,
n'apparaît pas sur le document des procureurs de la Société
d'énergie de la Baie James.
On tourne la page. Dans le haut de la page, j'ai: "Et l'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec et l'International
Union of Operating Engineers...
M. Thibaudeau:: Ne lisez pas trop vite, parce que je lis
lentement.
M. Paradis: Je m'excuse M. Thibaudeau. Je vais lire plus
lentement. FAT-CIO-CTC et le local 134 de la Fraternité unie des
charpentiers et menuisiers d'Amérique et le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (FTQ), défendeurs".
On a en titre: "Déclaration de transaction faite suivant les articles
1918 et suivants du Code civil." Est-ce que cela va toujours? Est-ce toujours
exact?
M. Thibaudeau: Jusqu'à maintenant, je ne vois pas de
différence.
M. Paradis: À la première ligne - c'est la
différence qu'on a mentionnée qui va se répéter
tout le temps - j'ai "l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec,
local 791", et vous avez la même désignation à cause
de la tutelle. Donc, "l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec et le Conseil provincial des métiers de la construction
(FTQ)." Ensuite j'ai: "déclarent". Avez-vous cela aussi?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: "1. La SEBJ et les syndicats québécois
ont été, sont et seront pour les prochaines années
à venir associés ou partenaires dans la réalisation du
projet de la Baie-James." Avez-vous cela? "2. Depuis l'événement
malheureux du 21 mars 1974, les travailleurs, en très grande partie
affiliés à la FTQ-Construction, ont donné et fourni une
productivité considérable sur le chantier de la Baie-James."
M. Thibaudeau: Considérable? M. Paradis:
Pardon?
M. Thibaudeau: "Une bonne productivité." Ici, vous avez
"une productivité considérable".
M. Paradis: Ah oui!
M. Thibaudeau: Vous m'avez dit de vous arrêter même
si cela veut dire la même chose.
M. Paradis: C'est très bien. Je vous remercie. C'est ce
que je vous avais demandé de faire et vous ie faites à la
perfection.
M. Thibaudeau: Même si cela veut dire à peu
près la même chose.
M. Paradis: Je suis content que vous le souligniez, parce que
moi, dans mon texte, j'ai lu ce qu'il y avait de dactylographié, mais il
y avait un petit manuscrit à côté qui disait justement le
mot que vous avez dit, "bonne".
M. Thibaudeau: Bonne.
M. Paradis: Donc, la procédure qui a été
rédigée par vos avocats...
M. Thibaudeau: Entre parenthèses,
"considérant".
M. Paradis: ...est totalement identique -c'est parce que je ne
l'avais pas lu; c'était ma faute, je prends le blâme, M.
Thibaudeau - à celle qui a été préparée le
lendemain, le règlement hors cour, par Me Rosaire Beaulé,
procureur des syndicats américains.
M. Thibaudeau: Je vous ferai seulement remarquer que ce n'est pas
M. Laliberté qui a écrit cela, ce sont les avocats.
M. Paradis: Oui, à la demande de M. Laliberté;
c'est ce que M. Laliberté nous a dit, c'est pour cela que je vous disais
cela. On tourne la page?
M. Thibaudeau: J'avais une explication à vous donner.
M. Paradis: Prenez le temps.
M. Thibaudeau: Vous avez, dans le document que vous avez ici
venant de la SEBJ, certaines ratures entre parenthèses et "bonne" et
tout cela. C'est Me Gadbois qui a fait ces ratures en corrigeant.
M. Paradis: Oui, on les retrouve au propre, finalement, dans le
document de Me Beaulé. C'est ce qui est de toute beauté. Est-ce
exact?
M. Thibaudeau: Oui, il peut y avoir des comparaisons
après.
M. Paradis: Je ne vous demande pas si c'est une comparaison; je
vous demande si c'est exact.
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: On tourne la page? On termine avec celle-là?
Il y a le 19. Excusez, il y a encore la date qui est différente, mais on
n'en reparlera plus, elle apparaît à toutes les pages. Le
lendemain de celle des procureurs de la SEBJ, Me Beaulé écrit une
date: Le 19. Celle des procureurs de la SEBJ...
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: ...à la demande de M. Laliberté, c'est
le 18, et Me Beaulé, c'est le 19. Au paragraphe 3, j'ai ici: "Aucun des
individus mentionnés dans l'action principale ne participe aujourd'hui
à la vie syndicale dans l'industrie de la construction". Est-ce que vous
avez cela?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Au paragraphe 4, j'ai ici: "Advenant une condamnation
contre les syndicats québécois poursuivis dans le dossier, les
salariés de la construction se joindraient à d'autres syndicats
ou en formeraient de nouveaux, rendant ainsi improbable l'exécution du
jugement".
M. Thibaudeau: Le texte n'est pas là.
M. Paradis: II y a un trou dans la page?
M. Thibaudeau: Oui, il y a un trou.
M. Paradis: Cela serait mieux si les caméras
étaient proches. Mon paragraphe 4 irait juste dedans. Dans celle qui a
été préparée par les avocats de la SEBJ, ils ont
mis un point d'interrogation que j'ai encerclé à
côté. Vous pouvez le constater. Ils ne savaient pas s'ils devaient
le garder. Me Beaulé, le lendemain, a décidé de l'enlever.
C'est cela?
Une voix: II ne l'a même pas remplacé.
M. Paradis: II ne l'a pas remplacé, il a laissé le
trou.
M. Thibaudeau: On ne le sait pas. Ce n'est pas moi...
M. Paradis: Vous ne le savez pas?
M. Thibaudeau: Je le vois. Je constate que ce que vous me
dites.
M. Paradis: Vous constatez? Très bien, c'est
suffisant.
M. Thibaudeau: Je vois là qu'il y a un trou. Je vois ici
que c'est écrit à la main et qu'il y a un point
d'interrogation.
M. Paradis: II y a un point d'interrogation. Vous constatez tout
cela?
M. Thibaudeau: Bien, écoutez...
M. Paradis: D'accord. Au cinquième paragraphe que j'ai,
vous, vous avez le no 4 à côté.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, seulement un
instant, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: II faudrait que M. le député puisse
donner la lecture complète aussi de ce qu'il a en surplus dans le
paragraphe 4: "C'est que dans le dossier,...". Après cela, il y a une
petite flèche et on a rajouté: "S'il est possible".
M. Paradis: À la main.
M. Laplante: Oui, à la main.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, monsieur.
M. Laplante: Vous l'avez donné pour les autres
paragraphes, j'aimerais bien que cela continue pour la vérité de
la télévision.
M. Paradis: C'est mon erreur, M. le député de
Bourassa, je m'en excuse profondément. Donc, je vais refaire la lecture
au complet pour que toute la lumière, en largeur, en longueur et
profondeur, soit faite. Je vais le relire. Celui que vous n'avez pas, celui que
j'ai et je dirai, à un moment donné, "manuscrit", pour satisfaire
le député de Bourassa. "Advenant une condamnation contre les
syndicats québécois poursuivis dans le dossier manuscrit, s'il
est possible - revenons au dactylo...
M. Thibaudeau: "Considérant qu'il n'y a aucun des
syndicats... (16 h 15)
M. Paradis: ..."les salariés de la construction se
joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux, rendant
ainsi improbable l'exécution du jugement." Maintenant, j'ai un point
d'interrogation. Il ne savait pas s'il en avait besoin. Dans l'autre texte,
celui que vous avez, vous constatez qu'il y a un trou, c'est cela...
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: ...où irait bien ce paragraphe-là. Au
paragraphe suivant, on va avoir un problème de numérotation, vu
qu'il n'y a pas de paragraphe 4 dans la vôtre; on va avoir un
problème de numérotation. Sauf le problème de
numérotation, je vous demanderais de m'arrêter. Je vais toujours
être un en avance parce que moi, j'ai 5. "Considérant qu'il n'y a
aucun...
Le Président (M. Jolivet): Avant, M. le
député, pour dire que, dans nos textes de loi, il y a une
concordance en termes de numéros.
M. Paradis: Très bien, M. le Président. 5 et 4 chez
vous. "Considérant qu'il n'y a aucun des syndicats
québécois qui puisse satisfaire à quelque jugement que ce
soit..." Et là, j'ai aucun et "quelque" est souligné dans le
mien. Vous, qu'est-ce que vous avez?
M. Thibaudeau: II n'y a pas de "quelque". C'est "à un
jugement...
M. Paradis: C'est "à un jugement."
M. Thibaudeau: ...qui serait dans l'ordre de la
réclamation."
M. Paradis: D'accord. Moi, mon "quelque" est souligné et
vous, ils l'ont remplacé par "un".
M. Thibaudeau: "À un jugement" et "qui serait dans l'ordre
de la réclamation."
M. Paradis: Et en marge - c'est bien qu'on le dise - cela a
été modifié par les
avocats de la SEBJ, le 18; j'avais d'indiqué "modifié". Me
Beaulé avait suivi les conseils des avocats de la SEBJ, mais, le
lendemain, il l'a modifié.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais faire une question de règlement.
Je n'ai aucune objection, comme je l'ai dit au début de cette commission
et je l'ai rappelé ce matin, à ce que le député de
Brome-Missisquoi pose toutes les questions pertinentes qu'il voudra; sauf
erreur, il est avocat lui-même. Je voudrais lui faire une suggestion.
Est-ce qu'il ne pourrait pas attendre que nous ayons ici à cette table
les avocats, Me Beaulé, Me Jasmin et tous les autres, qui sont sans
aucun doute les meilleurs témoins?
Je ne veux pas être encombrant, vous comprenez mon sens de la
collaboration dans ce genre de commission. Je pense que vous posez des
questions à un mauvais témoin. Je vous pose simplement un
problème d'honnête justice. Qui, dans cette enceinte aujourd'hui,
pourrait venir dire à toute la population du Québec qui a fait
des notes manuscrites sur cette page? Je vous la pose, à vous, la
question. Vous êtes en train d'essayer de faire ce que j'appellerais "une
preuve", à partir de questions que vous adressez à M. Thibaudeau.
Je suis convaincu que, si vous demandiez à quiconque ici - je vous pose
la question à vous-même - Qui a fait des modifications
là-dessus, moi, j'avoue que je ne le sais pas.
Alors, que vous vouliez aujourd'hui faire la comparaison entre un projet
de transaction par rapport à un autre projet de transaction, je le veux
bien. J'en prends connaissance comme vous. Il y a quand même un minimum.
Vous ne pouvez pas deviner qui a pu écrire cela. Pour la bonne marche de
nos travaux, puisque vous avez dit le jeudi saint au soir, à 22 heures,
que vous en aviez pour quelques minutes avec M. Thibaudeau et que nous sommes
en train de faire la journée, je vous suggérerais de retenir vos
questions, quitte - et je vous le dis en toute ouverture à ce que, si
vous le jugiez nécessaire, nous demandions à M. Thibaudeau de se
tenir à la disposition de la commission. On pourra le rappeler la
semaine prochaine, dans deux semaines, dans trois semaines ou dans un mois et
il viendra compléter son témoignage.
J'interviens ici, M. le Président, parce que les
règlements qui régissent ces commissions, en droit parlementaire,
sont tout simplement inexistants. Nous n'avons aucun cadre de règlement
ou de loi de la preuve quelconque, de sorte que moi, je veux bien vous entendre
pendant les quatorze heures pour comparer les deux documents, mais tout ce que
je vous fais remarquer, c'est que vous n'avez pas la bonne personne pour vous
rendre le bon témoignage en pareille matière.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Thibaudeau: M. le Président, une correction. Chaque
année, je corrige des devoirs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, sur la question de règlement de M. le ministre.
M. Paradis: Sur la question de règlement du ministre, je
ne le demanderai pas à M. Thibaudeau, sauf s'il me dit de vive voix que
c'est lui qui a apporté ces corrections. Je peux lui demander s'il sait
qui et, s'il dit qu'il ne sait pas qui, il est capable de répondre. Il
vient de mentionner qu'il a apporté beaucoup de corrections
lui-même. S'il ne le sait pas, c'est un monsieur qui a
témoigné...
M. Thibaudeau: Je parle d'étudiants.
M. Paradis: ...depuis ce matin, sérieusement, bien
ouvertement, il a répondu aux questions. Là, on compare deux
documents. Il est professeur et il connaît cela, des documents. Je trouve
qu'il comparaît très bien jusqu'ici. Je suis très satisfait
du témoin.
Le Président (M. Jolivet): Un instant.
M. Thibaudeau: Je peux vous dire d'avance que je ne sais pas qui
a fait ces modifications et que ces documents, je ne les avais pas
comparés dans le temps. C'est la première fois que je les compare
avec vous.
M. Paradis: C'est pour cela que vous m'avez demandé
d'aller plus lentement.
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: Alors, on va continuer.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je n'ai pas soulevé
inutilement cette question de règlement tout à l'heure. J'ai bel
et bien entendu le député de Brome-Missisquoi dire, en posant une
question: "C'est donc Me Beaulé qui a fait les corrections?" Qu'en
savez-vous? Qui a dit cela ici? Ce que je vous ai dit au début de cette
commission, c'est que, si vous êtes pour faire de l'invention et,
ensuite, glisser une question à un témoin qui, en aucune
manière, à mon point de vue, ne peut dire sous serment ici
qui a fait telle ou telle modification, je pense que vous avez
suffisamment d'expérience et j'ajouterais que vous êtes assez bon
stratège et intelligent pour, peut-être, retenir ma suggestion
d'attendre d'avoir les procureurs et des syndicats et de la SEBJ ici, qui sont
les auteurs mêmes des documents. Moi, je vais attendre, en tout cas,
qu'ils soient présents ici pour les interroger là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que le
député de Brome-Missisquoi sait ce qu'il veut établir et
qu'il le fait d'une façon très claire pour tout le monde. On
pourrait sûrement accepter, par exemple, la suggestion du ministre
à savoir que, pour les changements, de toute évidence, M.
Thibaudeau n'en est pas l'auteur. On pourra les établir à un
autre moment, lorsqu'on aura les témoins pertinents.
Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres questions,
M. le député de Brome-Missisquoi?
M. Paradis: Quelques-unes, M. le Président. On va
recommencer le paragraphe 5, pour se replacer un petit peu parce que c'est la
première fois que vous en prenez connaissance. Le paragraphe 5 que j'ai
ici -le paragraphe 4 pour vous - se lit comme suit: "Considérant qu'il
n'y a aucun des syndicats québécois qui puisse satisfaire
à quelque jugement que ce soit..."
M. Thibaudeau: Quelque?
M. Paradis: Vous avez "quelque" de différent?
M. Thibaudeau: Non, non. Vous, vous avez "quelque" et moi, je
n'ai pas le mot "quelque". Je lis: "à un jugement qui serait dans
l'ordre de la réclamation".
M. Paradis Ah! Et vous avez cela en plus, vous?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: "Dans l'ordre de la réclamation", c'est en
plus?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Maintenant, moi, j'ai un grand espace - un espace
normal - entre les paragraphes 5 et 6. Vous, est-ce que l'espace a
diminué entre les paragraphes? Entre les paragraphes 4 et 5?
M. Thibaudeau: Non.
M. Paradis: Cela n'a pas diminué?
M. Thibaudeau: Vous avez le document? Alors? Vous voyez comme moi
ce que je vais vous répondre.
M. Paradis: Je ne voulais pas vous vanter avant le temps, M.
Thibaudeau, et vous étiez excellent jusqu'à présent!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, je vous arrête.
M. le député de Chambly demande la parole sur une question
de règlement.
M. Tremblay: M. le Président, j'ai de la difficulté
à voir la pertinence du travail qui est en train de se faire.
Le Président (M. Jolivet): Attendez. S'il vous
plaît;
M. Tremblay: Je vais m'expliquer.
Le Président (M. Jolivet): Question de
règlement.
M. Tremblay: La comparaison des deux textes que le
député de Brome-Missisquoi est en train de faire faire par M.
Thibaudeau pourrait très bien être faite par n'importe quelle
personne qui est ici dans la salle, par n'importe quel député qui
est là, par n'importe qui, en fait. M. Thibaudeau n'a jamais produit ce
document-là, à ce que je sache. Jamais personne ne lui a
imputé la paternité, ni de l'un ni de l'autre de ces textes. Ce
que je me demande, c'est comment on peut demander à M. Thibaudeau de les
corriger ou de les comparer. Je pense que, dans ce sens-là, si
j'étais à sa place, je me sentirais un peu humilié par
l'attitude du député de Brome-Missisquoi de me faire faire un
travail comme celui-là. Alors, je me demande quelle est la pertinence
d'une opération comme celle-là. Est-ce qu'il est dans l'intention
du député de Brome-Missisquoi d'humilier le témoin ou s'il
cherche véritablement à faire comparer un texte que n'importe qui
pourrait comparer ici et ce que lui-même pourrait parfaitement faire dans
son bureau pour en établir la différence?
M. Paradis: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je ne demanderai pas au député de
Chambly de comprendre. Ce n'est pas le témoin, non plus, M. Thibaudeau,
qui a rédigé le rapport Cliche ou qui avait rédigé
les opinions juridiques que le ministre lui a demandé de lire
tantôt. Ce qu'on tente
d'établir dans le dossier, ce sont les faits, en largeur, en
longueur et en profondeur, à la demande de mon premier ministre et de
votre premier ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: On est bien d'accord avec cela, mais je dis qu'il
faut le faire en commission parlementaire, sans humilier les
témoins.
Le Président (M. Jolivet): Écoutez.
M. Paradis: M. Thibaudeau, je vais être obligé de
vous adresser une question.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
J'ai dit la dernière fois que les règles de cette
commission parlementaire sont les règles habituelles d'une commission
parlementaire. Le ministre a même surajouté en disant qu'il n'y a
aucune autre règle, compte tenu que cette commission parlementaire - ne
l'appelons pas spéciale -quand même a un effet particulier. Une
chose est certaine, c'est que je ne sais pas où veut en venir le
député de Brome-Missisquoi. J'essaie de voir avec vous au fur et
à mesure qu'on avance. Je pense que si le témoin - comme on
l'appelle de ce côté-ci, mais qui est en fait un invité -
ne veut pas répondre à la question, je lui ai donné les
paramètres possibles en vertu d'une analogie avec l'article 168.2 et
168.3 du règlement. D'un côté, ce qui pourrait être
fait en questionnant M. Thibaudeau pourrait être fait avec tous les
membres du conseil d'administration de la SEBJ, mais, de l'autre
côté, une chose est certaine, c'est qu'il faudrait éviter
que le temps s'éternise sur les questions. Je voudrais que le
député arrive le plus rapidement au but qu'il recherche et que je
ne connais pas.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, on reprend donc avec le
paragraphe 6. J'espère, M. Thibaudeau, que vous ne vous sentez pas
humilié de l'exercice qu'on fait. On reprend le paragraphe 6 qui est le
paragraphe 7 pour vous et moi, j'ai dans le texte qui a été
préparé par les avocats de la SEBJ ce qui suit: "L'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et l'Union
des opérateurs de machinerie lourde..."
M. Thibaudeau: Votre paragraphe 6 devient mon paragraphe 5.
M. Paradis: C'est cela, "...du Québec reconnaissent leur
responsabilité dans la présente instance."
M. Thibaudeau: Ici, "le conseil d'administration de l'Union
internationale des opérateurs - je pense qu'il s'agit de la même
correction qu'au début...
M. Paradis: Est-ce qu'il y a autre chose?
M. Thibaudeau: ...reconnaissent leur responsabilité dans
la présente instance."
M. Paradis: C'est identique.
M. Thibaudeau: Je pense qu'il n'y en a pas d'autre.
M. Paradis: Mon article 7 qui est votre article 6: "L'Union des
opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791 et l'Union
des opérateurs de machinerie lourde du Québec reconnaissent que
les dommages réclamés sont fondés pour une partie
substantielle de ceux-ci, mais ajoutent que, grâce à la
productivité des travailleurs québécois, ils ont
été mitigés d'une façon importante. Je devrais
ajouter ce qui est écrit dans la marge à la main - je ne sais pas
par qui - "climat paisible, bonne relation."
M. Thibaudeau: Ici, on lit: "...et l'Union des opérateurs
de machinerie lourde du Québec reconnaissent que les dommages
réclamés sont fondés pour une partie substantielle de
ceux-ci, mais ajoutent que, grâce à la productivité des
travailleurs québécois résultant du climat paisible et des
bonnes relations de travail existant sur les chantiers, ils ont
été compensés de façon importante." Il y deux
lignes qui ont été ajoutées.
M. Paradis: Mon paragraphe 8 qui est celui des avocats de la SEBJ
et votre paragraphe 7 qui est celui de Me Rosaire Beaulé, avocat des
syndicats américains - se lit comme suit: "Le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (FTQ) ne reconnaît
pas sa responsabilité, mais verse une partie de l'indemnité
forfaitaire qui est une des considérations de la présente
transaction." J'ai quelque chose qui a été écrit à
la main, mais je n'arrive pas à le déchiffrer. Avez-vous le
même texte?
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: Exactement le même texte. Maintenant en
majuscules, j'ai "L'INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC)
DÉCLARE..." Est-ce que vous avez la même chose?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Et mon paragraphe 9 qui
est votre paragraphe 8 dit ce qui suit: "Elle ne reconnaît pas sa
responsabilité dans la présente instance."
M. Thibaudeau: "Elle réitère qu'elle nie toute
responsabilité."
M. Paradis: C'est la différence qu'on a. M. Thibaudeau:
Oui.
M. Paradis: "Mais pour manifester sa coopération avec les
syndicats québécois..."
M. Thibaudeau: Ce n'est plus cela.
C'est: "Quant aux faits qui ont donné ouverture à la
présente cause." Il y a cela aussi qui a été
rajouté.
M. Paradis: J'ai: "Elle ne reconnaît pas sa
responsabilité dans la présente instance, " et vous avez: "Elle
réitère qu'elle nie toute responsabilité quant aux faits
qui ont donné ouverture à la présence cause"?
M. Thibaudeau: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Je tiendrais simplement
à vous faire remarquer que lui, il n'a pas. Ce sont les textes qui ont.
Je pense qu'il est important de le préciser.
M. Paradis: Vous avez dans le livre...
M. Thibaudeau: Je parle du document que j'ai.
M. Paradis: Dans le règlement hors cour...
Le Président (M. Jolivet): Mais vous l'avez, tous les deux
aux documents quand même.
M. Thibaudeau: Oui, oui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa. (16 h 30)
M. Laplante: Ne trouvez-vous pas que la comédie a assez
duré jusqu'à maintenant? Il y a sept pages de texte comme cela;
et le député a copie des deux textes. Je pense que c'est faire
offense à l'intelligence de l'invité, ce qui se fait
actuellement. Juste à lui voir le visage, lorsque monsieur répond
à la question sur la comparaison des textes, cela a l'air sarcastique
vis-à-vis du témoin.
M. Lalonde: Question de règlement.
M. Laplante: II rit du témoin actuellement. Il faudrait
que la télévision voie seulement le visage de cet homme qui
questionne actuellement le témoin...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: À
l'ordrel
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
M. Laplante: ...pour voir jusqu'à quel point on rit du
témoin actuellement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II y a là une question de règlement,
même s'il n'y a pas de question de privilège en commission
parlementaire, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): II n'y en a pas eu.
M. Lalonde: Sûrement que la question de règlement
existe. Le député de Bourassa n'a pas le droit d'imputer des
motifs indignes à aucun des membres de cette commission. Nous faisons un
travail ardu, d'accord, difficile et qui demande de l'attention et qui demande
surtout pas trop trop d'interruptions. Nous faisons un travail sérieux
nous voulons être entendus sérieusement. Mais je n'accepterai pas
que le député de Bourassa impute des motifs indignes au
député de Brome-Missisquoi qui tente simplement de faire la
preuve de l'identité quasi jumelle des deux documents.
M. Laplante: Je maintiens, M. le Président, ce que j'ai
dit et j'aimerais que la caméra vise de temps en temps le
député de Brome-Missisquoi pour voir son attitude...
Des voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: ...face aux réponses du témoin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
Une voix: Donnez-donc des directives à la presse.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa. Quant à moi, je n'ai aucune directive à donner à
aucun caméraman, ni aux personnes qui sont responsables de
téléviser ces débats. La seule chose que je peux dire,
c'est que, depuis le début de
cette commission parlementaire, nous avons une façon
différente de téléviser les débats de la
commission, puisque ce ne sont pas les même règles que celles pour
la télédiffusion des débats de l'Assemblée
nationale. On a eu connaissance de la façon dont Radio-Québec a
télévisé les débats la dernière fois. Je
dois simplement dire qu'il n'y a pas, dans les règlements de la
télédiffusion des débats, d'action et de réaction
aux questions et réponses données par chacun des membres qui sont
questionnés ou qui questionnent.
Je demande au député de Brome-Missisquoi de
procéder le plus rapidement possible, s'il vous plaît.
M. Paradis: M. le Président, il est difficile d'aller
rapidement lorsqu'on est interrompu.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le
député.
M. Paradis: On reprend donc, au paragraphe 9 du texte des avocats
de la Société d'énergie de la Baie James, la
déclaration du règlement hors cour datée du 18 janvier.
Vous reprenez celle de l'avocat, Me Rosaire Beaulé, représentant
le syndicat américain, sa proposition de règlement hors cour du
lendemain. Ce que je retrouve dans le texte de l'avocat de la SEBJ, c'est:
"Elle ne reconnaît pas sa responsabilité dans la présente
instance - là, on parle de l'International Union, pour que ce soit
compréhensible - mais pour, manifester sa coopération avec les
syndicats québécois qui lui sont affiliés, verse une
partie de l'indemnité forfaitaire qui est une des considérations
de la présente transaction."
M. Thibaudeau: II y a des différences.
M. Paradis: Est-ce que vous pourriez les mentionner, s'il vous
plaît?
M. Thibaudeau: "Elle réitère qu'elle nie toute
responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à
la présente cause, mais, pour manifester sa coopération avec le
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(FTQ), verse une partie de l'indemnité forfaitaire qui est une des
considérations de la présente transaction".
M. Paradis: On a tourné notre page ensemble, on est une
page plus loin. C'est le paragraphe 10 du texte des avocats de la SEBJ qui ont
rédigé le règlement hors cour, le 18 janvier, et le
paragraphe 9 du texte de l'avocat de l'International Union, qui l'a
rédigé le 19 janvier, soit le lendemain. On retrouve dans celui
des avocats de la SEBJ: "Dans cette perspective, l'International Union of
Operating Engineers consent à ce que le présent litige ne soit
plus soumis à la décision du tribunal."
M. Thibaudeau: Même chose.
M. Paradis: Exact. Complètement la même chose. La
ligne suivante, en majuscules: "LE LOCAL 134 DE LA FRATERNITÉ UNIE DES
CHARPENTIERS ET MENUISIERS D'AMÉRIQUE DÉCLARE - dans le
paragraphe 11, donc le paragraphe 10 de l'autre déclaration de
règlement hors cour -"il ne reconnaît pas sa responsabilité
dans la présente instance, mais consent à ce que le
présent litige ne soit plus soumis à la décision du
tribunal".
M. Thibaudeau: "II réitère qu'il nie toute
responsabilité quant aux faits qui ont donné ouverture à
la présente cause, mais consent à ce que le présent litige
ne soit plus soumis à la décision du tribunal".
M. Paradis: La première partie de la phrase est
différente; la seconde est identique. C'est exact?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Maintenant, en lettres majuscules, un peu avant le
milieu de la page, dans le règlement hors cour des avocats de la
Société d'énergie de la Baie James, on retrouve: "LA
SOCIÉTÉ D'ÉNERGIE DE LA BAIE JAMES DÉCLARE..." Dans
la déclaration hors cour du lendemain, de Me Beaulé, vous avez la
même chose?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Même chose, bon. Dans le paragraphe 12, et 11
dans l'autre: "La Société d'énergie de la Baie James
continue de maintenir que tous les défendeurs sont conjointement et
solidairement responsables des dommages réclamés dans la
présente instance".
M. Thibaudeau: Oui. M. Paradis: Identique?
M. Thibaudeau: "La Société d'énergie de la
Baie James continue de maintenir que tous les défendeurs sont
conjointement et solidairement..." Oui, c'est la même chose.
M. Paradis: Même chose. 13 qui est 12: "La
société prend acte de l'aveu de responsabilité de l'Union
des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, et de
l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec."
M. Thibaudeau: Ici, c'est le mot "conseil" plutôt
qu'"union". "Conseil
d'administration de l'Union internationale des opérateurs."
M. Paradis: C'est celui qui revient tout le temps?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: 14, qui est 13: "La société tient
compte de la contribution du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction (FTQ) et de l'International Union of
Operating Engineers (FAT-CIO-CTC) au paiement de l'indemnité
mentionnée aux conclusions."
M. Thibaudeau: "Des présentes".
M. Paradis: Vous avez cela, en plus?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Ils ont ajouté le mot "des présentes".
15 qui est 14: "Elle reconnaît aussi que l'exécution d'un jugement
contre les syndicats québécois et les individus mis en cause - on
tourne la page - comme défendeurs dans la présente instance est
fort aléatoire."
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Identique. 16: "La Société
d'énergie de la Baie James constate que l'avancement des travaux sur le
chantier de LG 2 laisse prévoir, si le rythme actuel se maintient, que
ces travaux seront terminés près de sept mois - entre le "de" et
le "sept", j'ai quelque chose de manuscrit que je n'arrive pas à
déchiffrer - avant la date prévue à
l'échéancier originaire. Cette fin des travaux, qui ne pouvait
être prévue au moment de l'institution des procédures,
économisera à la Société d'énergie de la
Baie James des sommes fort considérables."
M. Thibaudeau: Même chose.
M. Paradis: Identique. 17 qui est 16: "La Société
d'énergie de la Baie James considère comme primordial le maintien
de relations de travail aussi harmonieuses que possible avec les travailleurs
de la Baie-James et les syndicats qui représentent ces derniers, non
seulement pour terminer le projet de LG 2, tel que mentionné plus haut,
mais en vue aussi du parachèvement de tous les travaux prévus
à la Baie-James."
M. Thibaudeau: Même chose.
M. Paradis: Identique. Suivant. 18 qui est 17:
"Considérant la présente transaction avec les syndicats
québécois et l'importance du maintien d'excellentes relations
internationales de la société d'énergie et aussi des
autres institutions gouvernementales oeuvrant dans le domaine
hydroélectrique, il apparaît injustifié dans les
circonstances de continuer les procédures contre." Là, manuscrit,
il y a "la seule International Union of Operating Engineers (FAT-CIO-CTC)."
M. Thibaudeau: Oui. Le mot "seule" est dactylographié
ici.
M. Paradis: On le retrouve au dactylo. Maintenant, c'est la seule
différence?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: 19, qui est 18: "La Société
d'énergie de la Baie James avait le devoir d'intenter, à
l'époque, les présentes procédures. En revanche, cette
société a maintenant la responsabilité d'évaluer
les différents facteurs mentionnés plus haut et dont la plupart
sont survenus depuis l'institution de l'action."
M. Thibaudeau: Même chose.
M. Paradis: Maintenant, au bas de la page, en lettres
dactylographiées majuscules: "LA SOCIÉTÉ D'ÉNERGIE
DE LA BAIE JAMES; L'UNION DES OPÉRATEURS DE MACHINERIE LOURDE DU
QUÉBEC, LOCAL 791". Là, j'imagine que c'est la même
correction que d'habitude. Dans le haut de la page suivante, toujours en
majuscules: "L'UNION DES OPÉRATEURS DE MACHINERIE LOURDE DU
QUÉBEC; L'INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC); LE
LOCAL 134 DE LA FRATERNITÉ UNIE DES CHARPENTIERS ET MENUISIERS
D'AMÉRIQUE; ET LE CONSEIL PROVINCIAL DU QUÉBEC DES MÉTIERS
DE LA CONSTRUCTION (FTQ) "CONVIENNENT DE PASSER TRANSACTION ET DE RÉGLER
- et je lis, à partir toujours du document du 18 janvier, document de
règlement hors cour de la Société d'énergie de la
Baie James - LA PRÉSENTE INSTANCE HORS COUR, CHAQUE PARTIE PAYANT SES
PROPRES DÉPENS POUR LES DIFFÉRENTES CONSIDÉRATIONS..."
M. Thibaudeau: Attendez, je pense qu'il y a une petite
différence.
M. Paradis: Ah oui, vous avez "payant"; moi, j'ai
"dépens"; vous avez "ses propres déboursés ou honoraires
judiciaires".
M. Thibaudeau: C'est cela.
M. Paradis: C'est exact. "POUR LES DIFFÉRENTES
CONSIDÉRATIONS MENTIONNÉS PLUS HAUT ET POUR LA
CONSIDÉRATION MONÉTAIRE FORFAI-
TAIRE DE..." Là, j'ai un blanc. M. Thibaudeau: Oui. M.
Paradis: Vous? M. Thibaudeau: "125 000 $".
M. Paradis: Qui va juste dans le blanc, finalement, qu'on a
inséré.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: ..."Versée par le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction, (FTQ) ET L'INTERNATIONAL
UNION OF OPERATING ENGINEERS (FAT-CIO-CTC) À LA SOCIÉTÉ
D'ÉNERGIE DE LA BAIE JAMES." Maintenant, j'ai "MONTRÉAL" en
majuscules, "le" en minuscule, un trou pour la date et "1979" au bout.
M. Thibaudeau: C'est cela.
M. Paradis: C'est exact, c'est identique. Société
d'énergie de la Baie James, par -j'ai deux lignes - Geoffrion et
Prud'homme, procureurs de la SEBJ.
M. Thibaudeau: Oui.
M. Paradis: Moi, j'ai - et là, on doit avoir la même
différence que d'habitude - ...
M. Thibaudeau: La même.
M. Paradis: ..."L'Union internationale des opérateurs de
machinerie lourde du Québec, local 791, par - deux lignes -Jasmin,
Rivest, Castiglio, Castiglio et Lebel, avocats, procureurs de l'Union
internationale des opérateurs de machinerie lourde du Québec,
local 791." Sauf la distinction...
M. Thibaudeau: Toujours.
M. Paradis: ...où on s'est entendu tout le long. À
la page suivante - je lis toujours à partir du règlement hors
cour préparé par les avocats de la SEBJ le 18, et vous êtes
toujours sur le règlement hors cour préparé par Me
Beaulé, l'avocat des syndicats américains, le lendemain -
"L'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec par - deux
lignes - Hugues Leduc, avocat, procureur de L'Union des opérateurs de
machinerie lourde du Québec. "International Union of Operating
Engineers (FAT-CIO-CTC), par - deux lignes
Beaulé et Lafortune, procureurs de
International Union of Operating Engineers
(FAT-CIO-CTC). "Le local 134 de la Fraternité unie des
charpentiers et menuisiers d'Amérique, par -deux lignes - Robinson,
Cutler, Sheppard,
Borenstein, Shapiro, Langlois, Flam et Cournoyer, procureurs du local
134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers
d'Amérique."
Ligne suivante: "Le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction (FTQ) par - deux lignes - Jasmin, Rivest,
Castiglio, Castiglio et Lebel, procureurs du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (FTQ)."
C'est tout. A-t-on exactement le même nombre de pages?
M. Thibaudeau: Pardon?
M. Paradis: A-t-on exactement le même nombre de pages pour
constater cela?
M. Thibaudeau: Oui, oui. M. Paradis: C'est cela. Oui?
M. Thibaudeau: Oui, oui.
M. Paradis: Est-ce que vous avez constaté par la
comparaison qu'on a faite ensemble la disposition identique des deux
textes?
M. Thibaudeau: On a comparé la même chose, M. le
député.
M. Paradis: Bon! C'est identique. Les caractères de
dactylo sont-ils identiques?
M. Thibaudeau: Je n'ai pas fait attention sur le coup.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Thibaudeau: Mais je ne suis pas un expert.
M. Paradis: D'accord! Cela va. Je retire la question.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M...
M. Duhaime: C'est ce que j'allais suggérer, M. Thibaudeau,
je suis prêt à reconnaître son expertise, mais pas en
dactylographie.
M. Paradis: Je vais vous demander autre chose: Est-ce que cela a
l'air semblable?
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, pour
qu'on puisse comprendre qui parle. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, j'espère que le
député de Brome-Missisquoi continuera dans la même voie et
ne transposera pas.
Les personnes qui sont appelées devant cette commission sont
expertes dans leur domaine, mais tout le monde conviendra qu'en matière
de dactylographie, à moins que je ne fasse erreur, le
député de Brome-Missisquoi n'en connaît pas plus que
moi-même. Je doute que M. Thibaudeau puisse nous dire, à partir
d'une photocopie, quelle est la machine à écrire qui a pu frapper
ces pages. Je suis très heureux qu'il réalise que sa question
était non seulement non pertinente, mais inutile.
M. Paradis: Je réalise que le ministre une fois...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: ...que je l'ai retirée, a quand même
voulu faire sa question de règlement pour faire gagner du temps sans
doute à la commission.
On constate qu'il s'agit de textes identiques, à quelque...
M. Thibaudeau: Deux documents de travail qui se ressemblent.
M. Paradis: Deux documents de travail qui se ressemblent.
Même disposition?
M. Thibaudeau: Ici, tout est à la machine à
écrire; ici, il y a des remarques faites à la plume.
M. Paradis: Qui ont été corrigées par la
deuxième machine à écrire qui est passé dessus.
M. Thibaudeau: C'est ce que je vois comme papier. Je vois aussi
bien que vous. Vous, qu'est-ce que vous voyez?
M. Paradis: C'est exactement ce que je vois. Je veux qu'on
s'entende comme il faut. J'espère que tout le monde voit la même
chose.
M. Thibaudeau, ce qui m'inquiète, c'est que, d'un
côté, on a une opinion qui est préparée le 18
janvier par un document de règlement hors cour, pour régler une
cause hors cour le 18 janvier par les procureurs de la Société
d'énergie de la Baie James. De l'autre côté, on a un
document de règlement hors cour, très semblable pour ne pas dire
identique...
M. Thibaudeau: S'il vous plaît! Les derniers mots que vous
avez dits, je les ai manqués.
M. Paradis: D'accordl Je vais reprendre du début pour
qu'on se suive bien. D'un côté, on a une déclaration de
règlement hors cour, une transaction en date du 18 janvier 1979
préparée par vos avocats de la Société
d'énergie de la Baie James; qui porte la date du 19, le lendemain, au
bas de toutes les feuilles. D'un autre côté, on a un
règlement hors cour identique, à quelques points près -les
corrections qui ont été apportées, qu'on a
soulignées ensemble d'ailleurs - qui porte la date du 19 janvier, le
lendemain, par Me Rosaire Beaulé, procureur... (16 h 45)
M. Thibaudeau: Ce n'est pas un règlement de cour,
l'autre.
M. Paradis: Non. C'est un document, une présentation, une
offre de règlement hors cour. C'est ce que c'est. C'est le titre.
M. Thibaudeau: Je suis d'accord avec vous, c'est une offre; mais
ce n'est pas le règlement de cour.
M. Paradis: D'accord. Un projet, pour être bien
spécifique. "Déclaration de transaction faite suivant les
articles 1918 et suivants du Code civil." Ce que j'avais retenu des propos que
vous avez prononcés ce matin et que vous avez
répétés spontanément en début
d'après-midi, c'est que c'était important pour vous que
l'ouverture de règlement vienne de l'autre côté. Là,
on se retrouve devant cette commission-ci et on s'aperçoit que c'est la
Société d'énergie de la Baie James, par ses procureurs,
qui a préparé la transaction du règlement hors cour; que
Me Beaulé, l'avocat qui représente le syndicat américain
et qui est l'ex-associé professionnel du chef de cabinet du premier
ministre du Québec, Jean-Roch Boivin, le lendemain, a le texte identique
et qu'il vous le fait parvenir, à la Société
d'énergie de la Baie James, le 22 janvier. Il vous le fait parvenir le
22 janvier; la lettre l'accompagne.
Vous me dites: II faut que cela vienne de l'autre partie. On a une
stratégie derrière cela, quand la SEBJ vote 500 000 000 $, quand
on décide de continuer. Mais je sais personnellement, vous me dites
cela, que je m'en vais vers un règlement. Je suis obligé de
conclure, si ce règlement a vraiment été
préparé, comme c'est démontré actuellement, le 18
janvier par vos avocats, que la meilleure façon de s'assurer qu'on va
recevoir une offre de règlement de la partie adverse, c'est de la
préparer soi-même et de se la faire envoyer.
M. Thibaudeau: M. le Président, cela peut être
l'interprétation de M. le député.
M. Paradis: Comment voyez-vous cela?
M. Thibaudeau: Ce n'est pas tout à fait comme cela que je
le vois. Je vais répondre, M. le Président. Nous avons, en date
du 16 janvier, à la page 71, tout de même une
lettre signée par Michel Jasmin.
M. Paradis: Qui est une autre partie. M. Thibaudeau: Michel
Jasmin qui...
M. Paradis: Ce n'est pas l'International, cela.
M. Thibaudeau: ...commence à ouvrir la porte à
l'intention de Me Jean-Paul Cardinal.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.
M. Paradis: Excusez, je voudrais qu'on spécifie, M. le
Président, qu'il s'agit...
M. Thibaudeau: Une minute, on reviendra.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.
M. Thibaudeau: II y a "proposition de règlement", à
la page 73.
M. Laplante: Au dactylo.
M. Thibaudeau: Non, je veux dire qu'il y a des documents, il y a
des papiers. On a été inondé. On avait un panier à
côté de notre banc lorsqu'on était assis au conseil
d'administration. On arrivait avec cela. Ce que je retiens, c'est que, à
un moment donné, on a eu un rapport disant que le côté des
défendeurs cherchait un règlement. Nous l'avons su soit par M.
Laliberté ou par nos procureurs, et c'est cela que nous avons entendu au
conseil d'administration. Là, on a eu une avalanche de documents, les
dates et tout cela. Mais, je peux vous dire que, pour moi, le commencement d'un
règlement hors cour, que ce soit à 50 000 $, 75 000 $ ou 125 000
$ ou n'importe quoi, cela a commencé du côté des
défendeurs et non pas de notre côté, d'après ce que
j'ai vu au conseil.
M. Paradis: D'accord. C'est cela que je recherche, finalement,
dans la vérité. Dans ce que vous avez vu, vous, comme
administrateur au conseil...
M. Thibaudeau: J'étais un administrateur. Nous avions des
gestionnaires à qui nous donnions - M. Gauvreau l'a dit, on ne les
suivait pas chaque jour; souvenez-vous du témoignage du notaire Gauvreau
- un mandat et ils nous faisaient rapport. C'est nous qui étions, en fin
de compte, les décideurs à la fin. Cela, vous l'avez. Pour moi,
cela a commencé là où il y avait une porte qui s'ouvrait.
Je ne change pas mon témoignage du 31 dans ma tête.
M. Paradis: Ah non!
M. Thibaudeau: II est très...
M. Paradis: Je ne pense pas que l'exercice qu'on vient de faire
ensemble...
M. Thibaudeau: Non, pas du tout.
M. Paradis: ...contredise en aucun point le témoignage que
vous avez rendu. Ce qui m'inquiétait là-dedans...
M. Thibaudeau: Mais j'aimerais que vous questionniez ceux qui
l'ont travaillé. Moi, je ne l'ai pas...
M. Paradis: Je voulais seulement m'assurer que vous ne saviez pas
que, le 18 janvier, vos avocats rédigeaient un projet. Quand vous avez
pris connaissance, au mois de février, de l'offre de Me Beaulé,
j'en déduis que vous ne saviez pas, non plus, qu'elle était
identique ou très semblable à celle préparée par
vos propres avocats la veille que Me Beaulé fasse la sienne.
M. Thibaudeau: Si je me souviens, on l'a vue le 23 janvier.
M. Paradis: Vous l'avez vue le 23 janvier, de mémoire.
M. Thibaudeau: Ce matin, je vous ai dit que je ne m'en souvenais
pas, je ne le savais pas. À cause de vos travaux, j'ai eu le temps de
dîner et de réfléchir et je pense qu'on a eu cela le 23
janvier.
M. Paradis: Quand vous l'avez eue le 23 janvier, est-ce qu'on
vous a dit que c'était vos avocats qui l'avaient préparée,
Me Beaulé?
M. Thibaudeau: Non, je ne me souviens pas de cela.
M. Paradis: Vous ne vous souvenez pas de cela. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Ma question a
été posée.
Le Président (M. Jolivet): Donc, il n'y a plus d'autres
questions? S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie M. Thibaudeau et
j'inviterais M. Pierre Laferrière à venir nous rencontrer.
M. Thibaudeau: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: Pendant que nous allons permettre au nouvel
invité de s'asseoir à la table, je voudrais faire remarquer que
nous avons, à toutes fins utiles, passé au-delà de trois
heures avec M. Thibaudeau. Jeudi, la dernière fois que nous avons
travaillé ensemble, au moment où nous avons fini nos travaux,
l'Opposition nous avait dit qu'elle en avait pour quelques minutes de questions
encore à M. Thibaudeau. Nous avons passé trois heures et la
très grande partie du temps que nous avons passé à
travailler là-dessus a été prise par l'Opposition. M. le
Président, ou, jeudi ils avaient l'intention d'escamoter la question ou
ils étaient de mauvaise foi. Je comprends maintenant pourquoi le
ministre a eu la sagesse de demander que nous reportions nos travaux à
la prochaine fois. Nous avons bien fait parce que nous constatons aujourd'hui
que nous avions raison.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur cette question.
M. Lalonde: Le député de Châteauguay a eu son
petit tour de piste à la télévision. J'aimerais lui
rappeler que ce matin j'ai donné les explications et que, c'est vrai,
j'ai confirmé que jeudi saint, à 22 heures, on croyait pouvoir
libérer M. Thibaudeau et ne pas l'obliger à revenir; pour cela,
j'avais l'intention de lui poser quelques questions. Cela aurait
peut-être pris une demi-heure ou dix minutes ou quinze minutes, mais
réellement c'était mon intention.
Le ministre a insisté pour qu'il revienne. Il est revenu
aujourd'hui. Nous avons eu un nouveau document que M. le député
de Brome-Missisquoi a analysé en longueur et en profondeur avec le
témoin. Tout cela prend plus de temps. D'ailleurs à la
lumière de la transcription de la preuve que nous avions à ce
moment, que nous n'avions pas eu le temps d'analyser complètement jeudi,
nous avons eu des inspirations que nous n'avions pas jeudi.
M. Oussault: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais rapidement parce que
M. le député de...
M. Dussault: ...une question de règlement. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys admet tout simplement qu'on avait
eu tout à fait raison, pour la clarification de la question qui s'est
posée ici, de revenir avec M. Thibaudeau aujourd'hui. C'est tout
simplement cela, sauf que les travaux se sont produits aujourd'hui de
façon telle que cela ressemble étrangement à ce genre de
"filibuster" qu'on a souvent l'occasion de voir de la part de nos amis d'en
face.
Deuxièmement, M. le Président, si j'avais voulu faire mon
tour de piste, j'aurais dit que je m'opposais à ce type d'intervention
que faisait tout à l'heure le député de Brome-Missisquoi,
M. Paradis, qu'il abusait systématiquement de notre invité, que
cela ressemblait étrangement au genre d'abus auquel a eu droit M.
Laliberté quand il a comparu devant la commission ici. Si j'avais voulu
faire mon tour de piste, j'en aurais profité bien avant cela pour le
dire, parce que cela m'écoeurait profondément, ce qui se passait.
On a abusé non seulement de M. Thibaudeau, mais on a abusé de
toute la population en général et de l'Assemblée
nationale. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne veux pas, non plus, étendre le
débat, mais des propos abusifs comme ceux qu'on vient d'entendre
n'aident pas la commission à faire son travail. Je réitère
que j'étais malheureux pour M. Thibaudeau qu'il soit obligé de
revenir. Mais je dois reconnaître que je suis fort heureux aujourd'hui
qu'il soit revenu.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Maintenant, je
demanderais à M. Jean Bédard, le greffier, d'assermenter,
à la demande du député de Marguerite-Bourgeoys, M.
Laferrière.
M. Pierre Laferrière
Le greffier (M. Jean Bédard): M. Laferrière,
pourriez-vous mettre la main sur l'évangile et répéter
après moi, je (vos nom et prénom) jure et déclare
solennellement que je dirai toute la vérité, rien que la
vérité.
M. Laferrière (Pierre): Je, Pierre Laferrière,
déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien
que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que M. Laferrière
a une première intervention à faire ou si l'on passe directement
aux questions? M. Laferrière.
M. Laferrière: J'aurais une courte déclaration.
Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.
M. Laferrière: Je siège au conseil d'administration
de la Société d'énergie de la Baie James,
d'Hydro-Québec et d'Hydro-Québec International depuis octobre
1978. J'exerce depuis plus de dix ans le métier de conseiller en
administration. J'ai la chance
d'avoir une clientèle nationale et internationale
constituée surtout de grandes entreprises privées, de
sociétés d'État et d'organismes gouvernementaux. J'ai
reçu une formation en administration et j'ai moi-même
enseigné de temps à autre l'administration des affaires et la
gestion de projets dans quelques universités du Québec, surtout
au niveau des étudiants de maîtrise. J'ai publié quelques
articles. Mon métier m'a donné l'occasion de voir de nombreux
projets à travers le monde et, sans en prendre aucun mérite, je
peux vous dire que celui de la Baie-James est très bien
géré.
J'ai voté en faveur de la résolution le 6 mars 1979. Bien
que j'aie tenu compte de la position prise par le chef du gouvernement, les
motifs qui m'ont incité à prendre cette décision
étaient essentiellement d'ordre administratif, propres à la SEBJ.
J'ai voté en faveur de la résolution sensiblement pour les
mêmes raisons que celles que vous avez entendues de la bouche de mes
collègues. Comme André Thibaudeau, j'estimais minces nos chances
d'établir les différents liens de responsabilité
nécessaires à la preuve. Comme lui, je craignais pire encore
advenant un jugement qui nous serait favorable, soit la perturbation de la paix
syndicale obtenue sur le chantier et le déclenchement de luttes
intersyndicales si nuisibles à la productivité des travailleurs.
Comme Hervé Hébert, je ne croyais pas de notre rôle de
punir les coupables, la justice s'en chargeant. Comme lui aussi, je doutais de
notre capacité d'établir une forte perte réelle. Comme
Georges Gauvreau, je croyais que la nécessité pour nous
d'établir un exemple s'était estompée.
Comme quelques-uns de mes collègues, j'aurais souhaité
obtenir un peu plus, car je savais qu'il serait difficile d'expliquer comment
on peut régler pour 200 000 $ alors qu'on poursuit pour 32 000 000 $.
Régler pour 1 000 000 $ ou régler pour un montant
équivalant à nos frais, au moins, nous aurait sans doute permis
d'être moins exposés à la critique. Mais seraient
passés sous silence certains paramètres financiers du dossier qui
sont, à mon avis, autrement plus importants.
Je vous ai résumé, par le témoignage de mes
collègues, les principales raisons qui ont pesé dans ma
décision. Le seul élément additionnel que j'aimerais
apporter à leur témoignage, c'est ma propre analyse du risque qui
était associé à cette décision et la situer dans sa
véritable perspective financière. Une des questions que je me
posais, moi, à la fin de 1978, au début de 1979, c'était:
Quel impact peut avoir cette décision sur le cheminement futur de nos
travaux? À cette époque, nous savions - nous pensions - que
chaque turbine devait être livrée à temps et qu'il ne
fallait pas glisser de beaucoup dans l'échéancier pour qu'il nous
en coûte très cher. Combien une mauvaise décision
pouvait-elle coûter à la SEBJ? Je ne tenterai pas de vous proposer
un chiffre. Mais, pour vous permettre de vous faire votre propre cadre de
référence, je voudrais tout simplement vous rappeler que les
turbines du projet La Grande, phase 1, produiront annuellement environ 2 000
000 000 $ de revenus pour Hydro-Québec au prix d'aujourd'hui. Ceci
signifie environ, en production moyenne, 5 500 000 $ par jour. Vous en
conviendrez que c'est sensiblement plus que ce que nos avocats peuvent nous
facturer. C'est précisément la livraison de ces turbines qu'il
nous fallait éviter de perturber. Cette considération dans mon
métier s'appelle l'analyse du "down-side risk" en bon français.
Combien de jours risquions-nous de perdre par une mauvaise décision? (17
heures)
J'ai vu sur d'autres projets des retards se mesurer en années.
Ici, nous parlions de 5 500 000 $ par jour. Nous n'avons pas encore
parlé de l'effet de l'inflation sur le coût des travaux qu'on
reporte dans le temps. Dans la plupart des projets que j'ai eu l'occasion de
voir dans ma vie, le facteur d'écart le plus important au niveau des
coûts est généralement, et de loin, le facteur temps,
c'est-à-dire l'étirement dans le temps du déroulement du
projet. J'avais personnellement acquis la conviction que, plus on ferait
d'efforts pour récupérer les 32 000 000 $, plus on augmentait les
possibilités de perturber les travaux et de ramasser une facture qui
pouvait alors totaliser des centaines de millions, voire des milliards ou
plus.
Ces chiffres ne sont pas précis. C'est une de leurs faiblesses
évidentes dans un forum comme celui-ci. Ils n'ont pas été
repris à leur compte par nos avocats. C'est une de leurs faiblesses
encore plus grande. Ils sont, néanmoins, tout aussi plausibles dans mon
esprit que les 32 000 000 $ dont on a davantage parlé. Je pense avoir
pris une bonne décision ce 6 mars 1979. Le temps écoulé me
renforce dans cette conviction puisque, quatre ans après, nous savons de
façon à peu près certaine que le projet se termine
à l'intérieur de son échéancier et surtout à
l'intérieur de ses coûts.
Je voudrais dire en terminant, dans la position de un de ceux qui ont
été favorables à la décision, que je respecte la
décision d'intenter la poursuite qui a été prise par mes
prédécesseurs. Elle s'est faite dans un contexte différent
de celui que nous vivions et, heureusement pour moi, c'est une de plus que je
n'aurai pas à expliquer. Je respecte particulièrement les cadres
et les administrateurs qui ont vécu le saccage. Pour l'avoir entendu de
la part de certains d'entre eux, je réalise à quel point ces
événements ont été humainement éprouvants
pour eux. Je
souhaite qu'aucun de nos grands chantiers actuels ou à venir ne
connaisse à nouveau de tels actes de barbarie. Je suis maintenant
prêt pour les questions.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Laferrière. À partir de la
déclaration préliminaire que vous venez de faire, j'ai cru
comprendre, en vous écoutant attentivement, que vous avez
mentionné que pour vous la preuve des dommages aurait été
difficile à faire, la preuve des dommages sur le montant de 32 000 000 $
réclamé. Voudriez-vous détailler un peu plus sur ce sujet,
à la lumière de ce que vous avez dit plus loin, que les
échéanciers ont été respectés.
Le Président (M. Jolivet): M.
Laferrière.
M. Laferrière: En fait, il serait plus facile de reprendre
ce qu'on entend ces jours-ci. Je pense que mon rôle ici est d'essayer de
me rappeler ce que j'ai considéré comme étant important
à l'époque en prenant ma décision. Un argument dont je me
souviens à cet égard est que, dans les 32 000 000 $, environ 20
000 000 $ représentaient ce que nous avions perdu à cause du
retard dans l'échéancier. Si je me souviens bien, il me semble,
au moment où on entrait en cour au mois de janvier 1979, que ces retards
étaient déjà récupérés et qu'il
aurait été assez difficile de faire valoir ces
éléments. C'est un élément dont je me souviens.
Pour le reste, je vous avoue qu'il me serait assez difficile de vous dire que
je suis d'accord avec tel montant qui a été réclamé
ou pas d'accord avec tel autre, cela fait trop longtemps.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Laferrière, vous avez dit tout à
l'heure que vous vous interrogiez sur la façon d'exécuter le
jugement. Autrement dit, une fois le jugement obtenu, comment pouvait-il
être exécuté, peu importe le montant qu'un tribunal aurait
pu reconnaître comme bien-fondé? Est-ce que vous vous êtes
également interrogé sur la solvabilité des syndicats? Il
en a été fait état par d'autres membres du conseil
d'administration.
M. Laferrière: J'ai posé, dès le
début, des questions là-dessus. Je venais d'arriver au conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James.
Je pensais qu'il s'agissait d'un dossier important. J'étais absent
à la réunion où mes collègues ont voté le
budget pour les honoraires d'avocats.
J'ai lu cela dans le procès-verbal par la suite. C'est un dossier
que j'ai voulu approfondir dès le départ. Je ne suis pas avocat.
Il me semblait, au point où nous en étions rendus, à peu
près deux ou trois ans après le début de la poursuite et
quelque cinq ans après le saccage, qu'il y avait eu toutes sortes
d'événements qui s'étaient produits et que la question
nous était posée avant d'entrer en cour finalement: Est-ce qu'on
continue dans la même voie? J'ai posé des questions
là-dessus. Ma première impression dans ce dossier était
que, comme société d'État, comme entité
économique, notre priorité était d'aller chercher un
règlement pour les torts qui nous avaient été
causés financièrement, que c'était notre rôle. Il ne
s'agissait pas d'essayer de remplacer les cours de justice.
Je comprends qu'au début, avant que la commission Cliche fasse
son travail, avant que les cours criminelles interviennent, le portrait se
présentait sous un certain angle et, comme employeur, dans un chantier
aussi important, nous avions la responsabilité de maintenir l'ordre sur
les chantiers. Mais, déjà, il y avait eu un certain nombre de
gestes, de décisions, de jugements, etc, qui y avaient contribué
dans ce sens. Alors, ma première façon d'aborder le dossier a
été de me dire: On poursuit pour de l'argent, est-ce qu'on va
aller en chercher vraiment? Quelle est l'espérance de gain que nous
avons dans cette action? Quel est notre risque de perte? Je me suis mis
à gratter cet aspect.
Je déplore un peu que l'analyse qui circule jusqu'à
maintenant assimile notre risque à la baisse à nos honoraires
d'avocats, à nos frais judiciaires dans cette affaire. Ce n'est pas vrai
que c'était la seule chose que nous risquions là-dedans.
Aujourd'hui, quatre, cinq ans après, on voit ce magnifique projet qui se
déroule à l'intérieur de ses coûts, de ses
échéanciers, tout va bien, bravo! C'est une des plus belles
réalisations au monde. Je pense que les gens qui y ont contribué
peuvent en être fiers. Mais, à l'époque, il y avait eu un
saccage quelques années auparavant et on n'avait pas passé le
"peak" de nos travaux - si vous me passez l'expression - on n'avait pas
passé le sommet de nos travaux. Comme administrateur, l'une de mes
préoccupations importantes, je pense, était de ne pas prendre des
décisions qui pouvaient perturber le bon déroulement des travaux.
Aujourd'hui, c'est relaxant d'y penser. On a cinq ans dernière nous,
cela a bien fonctionné. Mais essayez de vous mettre dans l'esprit que
j'avais à ce moment-là après ce qui s'était
passé sur ce chantier. Il n'était absolument pas improbable dans
mon esprit - je ne suis pas un spécialiste en relations du travail -
qu'il y ait d'autre bisbille dans un chantier comme celui-là et je
savais pertinemment que, si on prolongeait un projet comme celui-là - je
ne vous invite
pas à le faire, parce qu'on me le reprocherait - si cela vous
plaisait d'inviter les économistes d'Hydro pour faire des calculs sur ce
que cela pourrait coûter de prolonger un projet comme celui-là
d'une année, les chiffres qui sortiraient d'une affaire comme
celle-là seraient effarants.
Or, à mon point de vue, ce n'était pas impossible qu'on
pose des gestes qui aient ces conséquences. Ce n'était pas le 500
000 $ d'honoraires d'avocats qu'on risquait, à mon point de vue.
C'était beaucoup plus si on prenait de mauvaises décisions. Il y
a des gens qui nous disaient à l'époque et vous avez cité
des textes de recommandations qui nous ont été faites: Si vous
voulez continuer à ce que cela aille bien, continuez votre poursuite. Je
ne peux pas dire que cela a été une décision simple; cela
a été une décision complexe prise dans un contexte de
relative incertitude comme toutes les décisions importantes qu'on prend
dans un conseil d'administration et, pour les raisons que je vous ai
mentionnées dans ma déclaration préliminaire, je pensais
que c'était en allant vers un règlement, sans faire un long
procès, qu'on pouvait le mieux éviter de perturber ce
chantier.
M. Duhaime: II a été dit, M. Laferrière, que
l'année 1979 - je crois que c'est M. Laliberté qui en a fait
état - avait été l'année durant laquelle on avait
atteint un sommet dans les investissements sur le chantier de la rivière
La Grande. On a même avancé le chiffre de 3 000 000 000 $. Est-ce
que vous pouvez confirmer ce chiffre?
M. Laferrière: Certainement pas de mémoire mais,
comme ordre de grandeur, vous avez probablement raison.
M. Duhaime: Ce qui veut dire un rythme moyen d'investissement de
60 000 000 $ par semaine, si on fait un calcul rapide.
M. Laferrière: Cela a de l'allure. Je pense que, dans le
cadre de certaines réunions que nous avions à l'époque, on
pouvait décider de sommes comme celles-là à
l'intérieur d'une même réunion.
M. Duhaime: Maintenant, M. Laferrière, je voudrais vous
demander si le premier ministre du Québec, M. Lévesque, a
déjà communiqué avec vous, d'une façon ou de
l'autre, lui-même au sujet de discussions qui, à l'époque,
avaient lieu au conseil d'administration de la SEBJ pour vous donner à
vous personnellement son sentiment, son souhait ou sa propre orientation?
M. Laferrière: Non.
M. Duhaime: Est-ce Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du
premier ministre aurait fait une démarche semblable?
M. Laferrière: Non.
M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique
au cabinet du premier ministre, aurait fait une démarche semblable
à votre endroit? Je parle explicitement de janvier, février 1979,
à l'époque où le conseil d'administration avait sur sa
table de travail les documents qu'apprécie beaucoup le
député de Brome-Missisquoi, qui étaient des
échanges de papier de part et d'autre mais où on discutait
à ce moment d'une possibilité de règlement hors cour?
M. Laferrière: Non, pas à ce moment. Pour
l'information de la commission, M. Gauthier a communiqué avec moi au
mois de novembre 1978. C'est à sa demande que je l'ai rencontré.
Il venait d'abandonner sa fonction de tuteur dans des syndicats
concernés. J'ai un souvenir très vague de cette rencontre. Je
n'ai pas de procès-verbal pour m'aider. Je sais que la commission doit
attacher une certaine importance à ce genre de rencontre et je vais
essayer de vous en dire, de mémoire, le plus fidèlement possible,
ce que j'en conserve. (17 h 15)
II m'a parlé davantage comme ex-tuteur du syndicat dont il avait
eu la charge. Je pense que cela faisait seulement un mois ou quelque qu'il
avait quitté ce poste. Je dois vous dire que j'étais par contre
parfaitement conscient qu'il était devenu membre du bureau du premier
ministre.
J'ai vu dans sa démarche une initiative que j'ai crue
personnelle. En sortant de là, je ne peux pas dire que je connaissais
précisément la position du bureau du premier ministre dans cette
affaire. Il ne m'a rien demandé; il ne m'a pas demandé de parler
à mes collègues; je n'en ai pas parlé à mes
collègues qui, d'ailleurs, la plupart, doivent être en train de
l'apprendre, et je n'ai pas eu d'autres contacts avec lui pendant toute cette
période.
M. Duhaime: Au meilleur de votre souvenir, M. Laferrière,
je comprends que j'aurais à vivre le même problème si
j'avais à répondre à la même question, mais à
l'occasion de cette rencontre que vous situez en novembre 1978, avez-vous
souvenir de ce dont il a été question de façon plus
précise?
M. Laferrière: Mon souvenir est qu'il n'y a pas eu un seul
sujet de conversation. Si vous voulez, je vous décrirais cela un peu
comme d'autres rencontres qu'on a en tant qu'administrateurs de la SEBJ ou
d'Hydro-Québec. De temps en temps, il y a des gens
qui demandent à vous rencontrer et ils ont un point de vue
à vous faire valoir. Il y a un manufacturier de turbines qui vous
rencontre pour vous faire valoir le fort contenu québécois de son
produit, la haute technicité de son produit. Quand vous allez dans les
régions, parce que de temps en temps on tient des réunions dans
les régions, il y a des cadres qui sollicitent votre attention et
veulent attirer votre attention sur un point en particulier ou l'autre. J'ai vu
cette démarche un peu comme cela, comme quelqu'un qui avait vécu
récemment dans le monde syndical concerné par notre poursuite et
qui sortait les meilleurs arguments qu'il pouvait trouver pour que nous ne
poursuivions pas dans cette action.
M. Duhaime: C'est tout pour moi, M. le Président.
M. Laferrière: Je ne me souviens pas des arguments qu'il a
utilisés, toutefois, je vous avoue que...
M. Duhaime: Merci, M. Laferrière.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, vous avez été
nommé au conseil d'administration au mois d'octobre 1978; qui vous a
appelé pour...?
M. Laferrière: C'est celui qui était alors ministre
de l'Énergie, M. Guy Joron. Il m'a convoqué et m'a
présenté dans ses grandes lignes la nouvelle Loi sur
Hydro-Québec et sa vision de la politique énergétique.
Après avoir fait cela, disant qu'il y aurait onze membres au conseil
d'administration, il m'a demandé si j'étais
intéressé à occuper un de ces sièges.
M. Ciaccia: Quand vous a-t-il appelé pour vous demander
cela?
M. Laferrière: Dans les quelques jours qui ont
précédé le 1er octobre 1978, quelques jours ou quelques
semaines.
M. Ciaccia: Avant votre nomination au conseil d'administration,
le 1er octobre, connaissiez-vous M. Claude Laliberté, M. Claude Roquet
et M. André Thibaudeau?
M. Laferrière: Je ne connaissais pas M. Claude
Laliberté. Je connaissais M. Claude Roquet de réputation, mais on
ne s'était pas rencontré; j'avais étudié, entre
autres, avec un de ses frères à l'école des Hautes
études commerciales. Je connaissais M. Thibaudeau qui, comme il vous l'a
indiqué, était mon professeur de relations du travail, quand j'ai
fait mon MBA à l'école des HÉC, et je dois vous dire que,
à cette époque, il ne venait pas en commission parlementaire et
il donnait tous ses cours.
M. Ciaccia: Claude Laliberté, dans son témoignage,
nous a déclaré qu'il vous avait informé de sa rencontre du
3 janvier 1979 avec Jean-Roch Boivin du bureau du premier ministre et du
désir de ce dernier que la SEBJ abandonne sa cause. En quels termes M.
Laliberté vous a-t-il fait connaître la volonté de
Jean-Roch Boivin et à quelle occasion? Y avait-il d'autres personnes
présentes?
M. Laferrière: II n'y avait pas d'autres personnes
présentes, au meilleur de mon souvenir. Cela n'a pas fait l'objet d'une
démarche particulière de sa part. C'est plus le genre
d'information qu'on peut donner à un autre membre du conseil dans une
conversation de corridor. D'ailleurs, je pense que, de la façon dont il
me l'a dit, il n'a pas sollicité de réaction particulière
de ma part, de comportement particulier, de conseil, ou quoi que ce soit. Il me
l'a dit comme cela. Comme, de temps à autre, un P.-D.G. d'une
société vous dit: II s'est produit telle chose. Je ne me suis pas
senti lié de quelque façon que ce soit.
M. Ciaccia: Comment avez-vous interprété cette
volonté du bureau du premier ministre de vouloir un
règlement?
M. Laferrière: Comment ai-je interprété? Je
peux vous dire que la réponse que j'ai eue à ce moment-là
a été: Ah!
M. Ciaccia: Mais en quels termes...
M. Laferrière: Sur le coup, je ne sais pas si j'ai
essayé d'interpréter cette volonté.
M. Ciaccia: En quels termes vous a-t-il communiqué cette
volonté? Comment vous a-t-il expliqué?
M. Laferrière: II m'a dit, au meilleur de mon souvenir:
J'ai rencontré Jean-Roch Boivin et il souhaiterait qu'on règle.
C'est au meilleur de mon souvenir.
M. Ciaccia: La rencontre à laquelle vous vous
référez où vous avez rencontré M. Yves Gauthier,
quelle était la date de cette rencontre?
M. Laferrière: Le 3 novembre 1978.
M. Ciaccia: C'était le 3 novembre. Le 27 novembre, vous
avez assisté à un conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James et vous avez
soulevé certaines questions. Je présume que vous aviez
vérifié le procès-verbal de la réunion du 20
novembre, puisque vous étiez absent à cette
dernière, qu'avez-vous fait après avoir vérifié le
procès-verbal du 20 novembre?
M. Laferrière: Bon! Je ne sais pas si on peut employer
l'expression "vérifier". Généralement, quand je suis
absent à une réunion, je lis le procès-verbal. Quand j'y
étais, je le lis à plus forte raison pour voir s'il est conforme.
Comme la question venait d'être soulevée par la résolution
de mes collègues, j'en ai profité pour obtenir des renseignements
additionnels que je voulais dans ce dossier. Je les ai obtenus deux
séances plus tard.
M. Ciaccia: À la réunion du 27 novembre, vous avez
dit que vous aviez demandé une documentation sur la capacité de
payer de chaque personne physique ou morale qui est impliquée à
titre de défenderesse dans cette cause, ainsi qu'une opinion juridique
sur les liens de responsabilité financière de ces diverses
personnes. Quand vous demandiez le lien de responsabilité
financière, comment cela vous était-il venu de poser cette
question le 27 novembre?
M. Laferrière: Vous savez, ces résolutions ou ces
demandes des administrateurs qui apparaissent dans les procès-verbaux,
ce que vous lisez, c'est la rédaction du secrétaire du conseil.
Est-ce que je les ai demandées dans ces termes? Je ne m'en souviens pas
et cela m'étonnerait que ce soit en aussi belle forme. Mais j'ai vu, si
je me souviens bien, qu'on poursuivait un paquet d'individus, un paquet
d'organismes. Je ne suis pas avocat. Je cherchais à voir
là-dedans lesquels pouvaient payer. Je me suis dit: ce n'est pas le
syndicat un tel, personne morale, qui est venu jeter les réservoirs en
bas de la côte en 1974, ce sont des personnes physiques. Je voulais
comprendre le lien entre ces gestes physiques qui avaient été
posés puis ces personnes morales que sont les syndicats
mentionnés là-dedans.
M. Ciaccia: Pour retourner en arrière un peu. La
réunion avec M. Yves Gauthier, où a-t-elle eu lieu? Où
l'avez-vous rencontré?
M. Laferrière: Au meilleur souvenir, c'est au cours d'un
déjeuner. Au meilleur de mon souvenir c'était à
l'hôtel Méridien de Montréal.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est M. Gauthier lui-même qui vous
avait demandé de vous voir?
M. Laferrière: Je pense avoir déclaré que
c'était à sa demande.
M. Ciaccia: Pourquoi avez-vous demandé, le 27 novembre,
qu'on vous produise une opinion légale sur les liens de
responsabilité financière? Vous vouliez un lien de
responsabilité entre les défendeurs. Aviez-vous une raison
spécifique?
M. Laferrière: Je ne me souviens pas si j'ai
demandé qu'on me produise une opinion légale
spécifiquement pour cela. Peut-être que je devrais relire la
résolution. Ce que j'ai obtenu c'étaient des choses
existantes.
M. Ciaccia: Je lis directement du procès-verbal l'opinion
juridique sur les liens de responsabilité financière.
M. Laferrière: Alors, au procès-verbal c'est
marqué que j'ai demandé une opinion juridique. Est-ce que je l'ai
formulé comme cela au cours de la réunion. Je ne suis pas
arrivé avec une proposition écrite, nous les administrateurs on
ne fait pas cela. À un moment donné dans une réunion on
dit: eh bien! il y a telle chose qui m'intéresse. On a une
procédure pour obtenir des informations à la
Société d'énergie de la Baie James comme à
Hydro-Québec, procédure formelle à laquelle j'essaie de
m'en remettre le plus possible.
On a le droit de demander n'importe quel renseignement au
président du conseil, au président ou au secrétaire de la
corporation.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné que quand vous n'assistiez
pas ou que vous assistiez à une réunion, vous relisiez les
procès-verbaux. Vous ne vous êtes pas objecté au
libellé de ce procès-verbal.
M. Laferrière: Non.
M. Ciaccia: Cela c'était le 27 novembre. Le 28 novembre,
la défenderesse, l'International Union of Operating Engineers a produit
sa défense deux jours après la date du 28 novembre. Au paragraphe
17 - le paragraphe 7 et aussi au paragraphe 17 - on lit le même motif. Il
n'y a pas de lien de droit entre la défenderesse et la demanderesse the
International Union of Operating Engineers. Est-ce que cela serait un
coincidence que le 27 vous demandiez le lien de responsabilité, une
opinion là-dessus, et puis le 28 la défenderesse, Me Rosaire
Beaulé invoquait le même argument? Est-ce que vous trouvez cela
une coincidence? Aviez-vous une prémonition?
M. Laferrière: Je suis tout à fait à l'aise
là-dessus. C'est une parfaite coincidence. Ce que vous dites là,
je l'apprends maintenant. Je ne savais même pas que le lendemain il y
avait ces événements que vous décrivez.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez jamais été
employé comme permanent du Parti québécois?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: Alors, vous connaissiez Me Rosaire Beaulé?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: Vous connaissiez Jean-Roch Boivin.
M. Laferrière: Oui.
M. Duhaime: Est-ce que vous me connaissiez à ce
moment-là?
M. Ciaccia: Est-ce que cela faisait longtemps que vous
connaissiez ces gens-là?
M. Laferrière: L'emploi auquel vous référez
couvre les années 1968 à 1970, en fait deux ans. Il n'y a pas
grand monde qui a des souvenirs précis à quelle date exactement
on a connu ces personnes. Toutes les personnes que vous avez mentionnées
je pense bien que c'est dans le cadre de cet emploi que je les ai connues.
Permettez-moi de préciser - vous ne posez pas la question, mais
elle me serait extrêmement utile - que pendant tout cela je n'ai jamais
parlé à Me Rosaire Beaulé. (17 h 30)
M. Ciaccia: À la réunion du 27, le problème
que vous aviez soulevé, c'était le lien de responsabilité.
Cet après-midi, vous nous dites, dans votre déclaration
d'ouverture, que ce qui vous a motivé dans l'analyse du risque, c'est
l'impact que pouvait avoir la décision sur le cheminement futur de vos
travaux. Vous venez nous dire cela aujourd'hui. Pourquoi, le 27 novembre,
n'était-ce pas la raison que vous avez invoquée dans le
procès-verbal? Vous avez strictement parlé du lien de
responsabilité, mais vous n'avez pas soulevé cette question
d'impact sur les travaux futurs. Vous ne l'avez pas invoquée du
tout.
M. Laferrière: Le 27 novembre, comme dans bien d'autres
cas au conseil d'administration, j'ai posé une question. On a eu, entre
le mois de novembre et le mois de mars, toute une période de temps pour
réfléchir à cette question-là. C'est sûr que
ma propre réflexion a évolué pendant une période
aussi longue alors qu'il y a eu autant de réunions où on a
parlé de cette question-là et alors que j'ai eu l'occasion
d'entendre mes collègues sur la question. Mais vous dire à quelle
date je pensais quoi, je ne suis pas capable de vous répondre à
cela.
M. Ciaccia: La réunion du 9 janvier: vous étiez
présent à cette réunion et vous avez voté en faveur
de la résolution. Le procès-verbal stipule: "après
discussion, les membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les
décisions prises antérieurement par le conseil d'administration
de la compagnie de poursuivre au civil les responsables des dommages au
chantier de LG 2, le ou vers le 21 mars 1974, n'ont pas été
modifiées". Alors, vous avez voté en faveur de cette
résolution?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: En annexe à ce procès-verbal, il y a un
rapport - rapport confidentiel - et je vais vous lire quelques extraits du
rapport confidentiel: "La Société d'énergie de la Baie
James est une compagnie paragouvernementale dont le capital-actions
autorisé est entièrement détenu et/ou souscrit par
Hydro-Québec...
M. Laferrière: Je peux savoir à quelle page?
M. Ciaccia: À la page 22. "...et, à ce titre, elle
gère des fonds et des biens du domaine public. Elle se doit donc de
prendre les mesures nécessaires pour recouvrer les coûts des
dommages causés lors du saccage du chantier de LG 2". Alors, vous avez
pris connaissance de cette déclaration, dans le rapport
confidentiel?
Plus loin, à la même page 22, au bas de la page, on dit:
"Cependant, elle était consciente qu'à titre d'entreprise
à caractère parapublic, gérant des fonds et des biens du
domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes
responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance
pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les
chantiers de la Baie-James". Et, au haut de la page 23: "II est important pour
le maintien de ce climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise
des travaux à la Baie-James et l'institution de l'action que les
responsabilités des parties soient déterminées par le
tribunal et que la société d'énergie soit reconnue comme
un organisme qui ne fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle
reconnaît amplement justifié".
Alors, vous avez pris connaissance de cet aspect?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: Ceux qui ont signé ce rapport: Me Jean
Bernier, directeur des ressources humaines, M. Laurent Hamel, chef du chantier
de LG 2, M. Marc Darby, coordonnateur des assurances, et Me André
Gadbois, chef du contentieux. Vous avez accepté - je présume, je
ne sais pas - ce rapport. Je ne vois pas pourquoi il n'y a pas
d'indication, dans le procès-verbal, que votre
préoccupation était vraiment l'impact. Je ne vois pas où a
été soulevée la question de la préoccupation, que
vous nous mentionnez aujourd'hui, de l'impact sur le cheminement futur des
travaux. Vous ne semblez pas l'avoir soulevée à la réunion
du 9 janvier.
M. Laferrière: Vous soulevez tout un point.
M. Ciaccia: Même - si je peux ajouter - le rapport
confidentiel semble complètement contredire cela parce qu'il disait que
les relations avaient repris et que, pour continuer cette confiance, il
faudrait continuer les poursuites.
M. Laferrière: Je vous l'ai mentionné
d'ailleurs.
M. Ciaccia: Comment pouvez-vous nous dire aujourd'hui -
j'aimerais que vous nous expliquiez cela - que vous étiez
préoccupé par l'impact sur les travaux?
M. Laferrière: Je vous ai mentionné plus tôt
qu'il y avait des gens qui étaient de l'avis que, pour bien
réussir la suite de nos travaux, il fallait continuer cette poursuite.
Vous savez que vous posez deux questions par rapport au rôle d'un
administrateur dans un conseil, à savoir: Que doit-il faire des
recommandations ou des opinions qui lui sont présentées par les
gestionnaires - ceci est la première question - et votre deuxième
question sous-jacente: Que devrions-nous nous préoccuper de laisser,
comme administrateurs, dans les procès-verbaux de nos
délibérations?
Sur le premier point, moi, comme administrateur, je dois essayer
d'apprécier le mieux possible le jugement des gens qui travaillent pour
la société et qui nous présentent des recommandations. Je
dois essayer, dans la mesure du possible, de tenir compte, chez eux
également, de ce qui a pu les influencer à prendre cette
position. Est-ce vraiment dans l'intérêt de la
société, etc.? Il est une bonne règle, quand on administre
une entreprise, que de suivre le plus souvent possible les recommandations de
ses gestionnaires. Il m'est arrivé à quelques reprises depuis
cinq ans d'aller contre les recommandations des gestionnaires. Peut-être
que, dans de nombreuses années, on se reverra tous ici sur ces
décisions. Il y en a quelques-unes qui ne pourront pas
s'apprécier avant 15 ou 20 ans. C'est sûr qu'aller contre une
recommandation de nos gestionnaires est une mesure assez exceptionnelle. Il ne
faut pas en abuser. Comme administrateur, je dois tenir compte, entre autres,
du fait que la plupart de ces gens-là avaient vécu ce saccage, si
mon souvenir est bon. Je dois apprécier la formation de ces
gens-là. J'ai appris que les avocats sont des gens qui sont plus
spécialisés dans les questions de litige et je dois aussi en
tenir compte.
Sur l'autre point, vous dites: On ne trouve pas de mention de vos
interventions dans les procès-verbaux indiquant que vous étiez
très préoccupé de la santé financière de
l'entreprise, à ce moment-là. Vous savez - j'espère qu'une
des conséquences de cette commission parlementaire n'ira pas dans ce
sens-là - généralement, on ne se préoccupe pas de
faire inscrire dans le procès-verbal telle chose ou telle chose. Si le
critère qu'on venait à privilégier dans nos
décisions, c'est: Comment vais-je apparaître dans le
procès-verbal si, un jour, il devient public? je ne pense pas qu'on
remplirait bien son rôle d'administrateur. J'aurais une grande crainte de
voir autour de moi, dans ce conseil et dans d'autres, des gens qui se
lèvent pour dire: "Et ceci, M. le Président, je voudrais que ce
soit inscrit dans nos minutes..." Cela ne me semblerait pas une bonne
façon de travailler.
Ce que vous avez devant vous, ce sont essentiellement nos principaux
considérants et, surtout, nos résolutions. Quand on relit cela...
Vous savez, les réunions d'Hydro-Québec et du conseil
d'administration de la SEBJ ont lieu une après l'autre. Surtout à
cette époque-là, la masse de documents à travers laquelle
il fallait passer pour une seule réunion, c'était deux à
trois fois l'épaisseur du cahier que vous avez devant vous. Si on
commence à dire: "Oui, mais là, il y aurait une nuance à
apporter dans la résolution; j'aimerais bien que mon nom apparaisse
à telle place, etc.," je pense qu'on ne fait pas de l'administration. On
fait autre chose, mais on ne fait pas de l'administration. C'est ma position
là-dessus. Je trouverais très dangereux, très très
dangereux que des organismes comme le vôtre ici, comme cette commission,
qui sont des organismes qui nous amènent à rendre des comptes
publics de nos décisions, aient comme effet de nous inciter à
avoir ce genre de comportement dans nos réunions.
Si vous permettez, vous avez soulevé une très grande
question qui me tient beaucoup à coeur, vous avez dit: Comment se
fait-il que, dans les procès-verbaux, on ne voie pas cette
préoccupation que vous nous avez lue dans votre déclaration
préliminaire sur l'effet de ces décisions sur le coût des
travaux? Vous savez qu'on a un budget global de 16 000 000 000 $. De temps en
temps, cela dépasse un peu sur certaines composantes et, de temps en
temps, on épargne de l'argent sur d'autres. Je pense que, si on essayait
d'épargner de l'argent sur toutes les composantes, on gérerait
mal. De temps en temps, il faut lâcher un peu de lest pour ne pas briser
l'appareil et on sait qu'on va se reprendre un peu plus tard. Un administrateur
dans notre position, il ne faut
pas qu'il se colle le nez sur l'arbre et qu'il oublie de voir la
forêt.
Récemment, j'ai assisté, dans le cadre d'autres fonctions,
à une négociation où d'un côté de la table,
on a fait des pirouettes incroyables pour sortir de là avec 15 000 $ de
plus, mais, de l'autre côté de la table, on a oublié avoir
laissé traîner dans la transaction un montant de 200 000 $ de
signatures personnelles que la transaction n'a pas effacées. Ils ont
troqué 15 000 $ et ils avaient oublié les 200 000 $. L'avocat qui
était à côté de moi à ce moment-là, en
sortant, a dit: On voit cela de temps en temps dans les négociations, il
y a des gens qui ont le nez collé sur les cents et ils oublient les
piastres.
J'ai essayé, dans mon exposé préliminaire, de vous
situer ce que représentent 32 000 000 $ à la
Société d'énergie de la Baie James. Ce n'est pas de la
pacotille. Même si c'est une société qui brasse beaucoup
d'argent, je continue à penser que, dans une société comme
celle-là, 1 $ vaut 1 $, aussi bien là qu'ailleurs. Sauf que, dans
mon analyse d'administrateur, je suis obligé de situer ces
décisions dans une perspective. Si, pour nous faire une belle jambe, on
se met dans une situation qui risque de nous coûter, à nous ou
à nos successeurs, des centaines de millions, je ne pense pas qu'on
fasse une bonne job. En vous disant cela, j'ai essayé de vous dire,
peut-être, le point ultime de mon cheminement dans ce dossier. Est-ce que
j'étais capable de vous tenir ce langage le 27 novembre ou le 5 janvier
ou le 6 mars? Je ne le sais pas. Mais je vous donne, au meilleur de mon
souvenir, mon raisonnement fondamental sur cette question. (17 h 45)
M. Ciaccia: Peut-être qu'on s'est mal compris. Il y a une
décision qui a été prise le 9 janvier. Par exemple, plus
tard, quand la décision a été prise de régler pour
200 000 $, il y a eu un vote. Il y a ceux qui ont voté pour, il y a ceux
qui ont voté contre et il y en a un qui s'est abstenu. Ce n'est pas une
question de nuancer les propos. Quand une décision est prise, ou on est
pour la décision ou on est contre la décision, et cela est normal
dans tout conseil d'administration.
Le 9 janvier, vous avez accepté l'avis; dans le rapport
confidentiel, vous avez accepté de continuer les procédures. Vous
n'avez pas demandé: Peut-être que moi, je vote contre cela. Vous
auriez pu le faire, c'était votre droit comme c'était le droit de
ceux qui ont voté contre de voter pour sur le règlement. À
ce moment, le 9 janvier, vous avez appuyé la position de continuer les
procédures, vous avez appuyé la position du rapport confidentiel
qui était annexé. Pourquoi avez-vous appuyé la prise de
position pour que justice suive son cours?
M. Laferrière: M. le Président, le 9 janvier, j'ai
opiné dans le sens de mes collègues. Je n'ai pas approuvé
comme tel le rapport confidentiel qui appuyait... Je ne peux pas dire que je
souscris intégralement ou que je souscrivais intégralement
à ce moment à tous les paragraphes qui sont dans ce rapport. Je
ne voudrais pas que vous me fassiez dire des choses.
M. Ciaccia: Mais, dans le procès-verbal, il n'y a aucune
indication que vous étiez contre. Vous avez voté. C'était
unanime.
M. Laferrière: M. le Président, je ne peux pas
dire, dans un procès-verbal, dans un rapport comme celui-là qui a
peut-être 60 paragraphes: Je voudrais qu'on enregistre ma position que je
suis d'accord avec les paragraphes untel, untel, untel et pas d'accord avec les
paragraphes untel, untel, untel.
M. Ciaccia: Mais vous avez été...
M. Laferrière: Je vous donne, au meilleur de ma
connaissance, mon raisonnement dans cette affaire. C'est ce que je vous donne,
au meilleur de mon souvenir. Je serais très déçu qu'on
extrapole mes décisions.
Mettez-vous un peu dans notre position ici. On fait un effort
énorme pour essayer de se rappeler ce qu'on a pu penser et ce qu'on a pu
décider. C'est très difficile, quatre ans et demi après.
J'essaie de me remettre dans ma peau à ce moment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Parce que, même dans la résolution
formelle, il y a une référence. "Après avoir fourni les
réponses exigées d'eux, lesdits procureurs se retirent de la
réunion et les membres discutent entre eux du rapport qui leur a
été fourni à la lumière des commentaires qui leur
ont été apportés par ces procureurs." Et là, la
décision unanime était d'approuver ce qui s'est produit, de
continuer la poursuite...
M. Laferrière: Est-ce que votre question serait
à savoir pourquoi j'étais en faveur de poursuivre à ce
moment? Pourquoi j'ai voté pour un règlement hors cour le 9 mars?
Est-ce le 9 mars?
M. Ciaccia: Le 6 mars.
M. Laferrière: Est-ce cela la question?
M. Ciaccia: Je vais revenir à certains
événements. On reviendra à cela.
M. Laferrière: Vous voulez la garder
pour ce soir?
M. Ciaccia: Non, peut-être, non. Étiez-vous
présent à la réunion du 11 décembre 1978? C'est
là qu'on a remis des opinions juridiques sur les liens de
responsabilité et sur la capacité de payer des
défendeurs.
M. Laferrière: Je ne pourrais pas vous répondre. On
peut faire des vérifications. Cela se trouve, mais d'après les
documents qu'on a ici, je ne le sais pas.
M. Ciaccia: Le 23 janvier 1979, on n'a pas les extraits du
procès-verbal, mais étiez-vous présent à la
réunion du conseil d'administration?
M. Laferrière: Je vais sortir mes notes. Dans les
documents que nous avons, le renseignement n'est pas dedans.
Le 11 décembre, j'étais présent.
M. Ciaccia: C'est le 11 décembre qu'on vous a remis des
opinions juridiques sur les liens de responsabilité et sur la
capacité de payer les défendeurs. Le 23 janvier 1979,
étiez-vous présent?
Le 11 décembre, vous deviez être satisfait de ces opinions
puisque vous endossiez le maintien et la continuation de la poursuite.
M. Laferrière: Je voudrais bien saisir la question que
vous me posez.
M. Ciaccia: On vous a fourni des opinions le 11
décembre?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: Et vous étiez d'accord de continuer la
poursuite, alors vous deviez être satisfait à ce moment, le 11
décembre ou le 9 janvier. Le 9 janvier, la décision était
de continuer. Alors, à ce moment, vous deviez être satisfait des
opinions...
M. Laferrière: Je ne comprends pas.
M. Ciaccia: ...et des informations puisque vous avez voté
pour continuer la poursuite.
M. Laferrière: II semble que je peux vous lire un extrait
du procès-verbal de la réunion du 11 décembre qui dit que
les rapports ont été déposés et que le contenu de
ces documents fera l'objet d'une discussion à une réunion
ultérieure. C'est ce qu'il y a dans le procès-verbal.
M. Ciaccia: Alors, cela a eu lieu le 9 janvier, je
présume, cette discussion et vous avez voté pour continuer les
poursuites.
M. Laferrière: Le 9 janvier, j'ai voté pour
poursuivre les actions qui étaient entreprises.
M. Ciaccia: À ce moment-là, vous étiez
satisfait de la position que la SEBJ avait prise de poursuivre les actions?
M. Laferrière: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Ciaccia: Vous avez voté pour, en tout cas.
M. Laferrière: Je vais vous donner le fond de ma
pensée sur cette question. Vous ne me posez pas la question, mais je
pense que c'est bon que j'y réponde. Dans un dossier comme
celui-là, il y a deux questions. Il y a la question de fond: Est-ce
qu'on règle hors cour? Est-ce qu'on ne règle pas hors cour?
Est-ce qu'on arrête cette poursuite? Est-ce qu'on la poursuit? Il y a les
questions: Comment le fait-on? Quand le fait-on? Ce sont deux questions
très différentes. Moi, en tant qu'administrateur, je peux
être d'accord sur une question, mais supporter pendant un certain temps
qu'on continue des actions dans ce sens, je ne peux pas, comme administrateur,
à chaque fois que je vois quelque chose à Hydro-Québec ou
à la SEBJ qui ne fait pas mon affaire, intervenir en réunion et
dire: On devrait arrêter cela, cette affaire-là. Il y a deux
questions de fond là-dedans.
Si vous me demandez comment s'est faite mon opinion de base et comment
elle a évolué à travers le temps, c'est très
difficile de le faire pour moi et c'est impossible de mettre des dates
là-dessus. Maintenant, devant certaines circonstances précises,
je veux bien essayer de me remémorer le mieux possible ce que j'ai pu
penser à ce moment-là. Mais, je vous ai donné, tout
à l'heure, dans ma déclaration préliminaire, ma position
de fond. Elle est toujours plus facile à donner quand il n'y a aucune
action en cours de route, mais quand l'entreprise a commencé quelque
chose, vous n'arrêtez pas un barrage en cours de construction. Il faut
tenir compte de ces considérations.
M. Ciaccia: Non, mais la question que je me pose - je pense que
c'est normal que je me la pose - est que, le 27 novembre, vous étiez
préoccupé par le lien de responsabilité. C'était
quelque chose qui vous préoccupait. Vous nous dites aujourd'hui que
l'impact sur le cheminement des travaux vous préoccupait. J'avais cru
que c'était une question de fond, que cela aurait été
soulevé et vous l'auriez soulevé au même
procès-verbal où vous avez soulevé la question de lien de
responsabilité, que vous auriez aussi soulevé la question: Quel
sera l'impact sur les travaux pour l'avenir si on continue...
M. Laferrière: M. le Président, j'ai
mentionné, dans ma déclaration préliminaire, quatre ou
cinq raisons de fond qui m'avaient amené à prendre cette
position. Je les ai mentionnées très rapidement, parce qu'elles
avaient déjà été exposées par les
collègues qui m'ont précédé à cette table.
J'ai dit qu'il y avait un élément particulier que mes
collègues, à mon avis, n'avaient pas eu l'occasion de toucher
aussi bien et j'ai élaboré un peu plus là-dessus. Je ne
voudrais pas que vous me fassiez dire que c'est la seule et unique raison pour
laquelle j'ai voté en faveur du règlement hors cour le 6
mars.
M. Ciaccia: Le 3 novembre, lorsque vous avez rencontré M.
Yves Gauthier, vous aviez mentionné que vous ne connaissiez pas
précisément la position du premier ministre. Est-ce que vous
connaissiez la position moins précise ou est-ce que vous connaissiez
quelque position du premier ministre? Est-ce que M. Gauthier vous a
indiqué quelque position sans être tout à fait
précis?
M. Laferrière: Je vous ai dit que j'ai un souvenir
très vague de cette rencontre. Je ne me souviens pas ce qu'il a pu me
dire de ce que pensaient le premier ministre ou des collègues du bureau
du premier ministre. Je retiens de cette rencontre que c'était davantage
l'ex-tuteur qui me parlait.
M. Ciaccia: La raison pour laquelle j'ai posé la question,
c'est parce que vous n'avez pas dit que vous ne connaissiez pas... qu'il ne
connaissait pas la position du premier ministre. Vous avez dit: II ne
connaissait pas précisément la position du premier ministre.
Peut-être que vous pourriez nuancer quelle partie de la position il
aurait pu vous communiquer le 3 novembre.
M. Laferrière: II ne m'a pas communiqué - à
mon souvenir - de position du premier ministre partielle ou autrement à
ce moment. Si j'ai ce souvenir que je ne suis pas sorti de là avec une
opinion très nette de ce que pouvait penser le bureau du premier
ministre, c'est que M. Claude Laliberté m'avait dit également
à un moment donné qu'il avait été convoqué
au bureau de M. Jean-Roch Boivin. Je me souviens qu'à ce moment, je ne
savais pas ce qu'il allait en rapporter. Quand il m'a appris, comme il vous l'a
dit, à son retour, le souhait qui lui avait été
formulé, dans mon souvenir le meilleur, c'est à ce moment que
j'ai appris le souhait du premier ministre et non pas à la rencontre
avec M. Yves Gauthier.
M. Ciaccia: Les 23 et 30 janvier 1979, le conseil
d'administration a discuté de la poursuite. Étiez-vous
présent à ces deux occasions?
M. Laferrière: Le?
M. Ciaccia: Le 23 janvier et le 30 janvier.
M. Laferrière: Le 23 et le 30 janvier? Le 23 janvier,
j'étais absent.
M. Ciaccia: Et le 30? Est-ce que ce sont des
procès-verbaux du 23 janvier que vous avez là?
M. Laferrière: C'est ma copie personnelle, oui.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible, M. le Président? Je
voudrais, si c'est possible, faire déposer ou communiquer aux membres de
la commission parlementaire le procès-verbal du 23 janvier et celui du
30 janvier.
Le Président (M. Jolivet): Écoutez, la seule chose
que je peux assurer à cette commission, c'est que, si les gens de la
société nous ont transmis un document et qu'ils veulent nous
transmettre d'autres documents. On doit procéder de la même
façon c'est-à-dire les faire parvenir au secrétaire des
commissions...
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Le faire parvenir
au secrétaire des commissions, comme on l'a demandé pour d'autres
documents qui nous ont été envoyés.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II faut comprendre, en fait, pourquoi on n'a pas le
procès-verbal du 23 janvier ni celui du 30 janvier. C'est que,
semble-t-il, il n'y a pas de mention concrète de décision
concernant le règlement dans ces procès-verbaux.
M. Duhaime: Comment le savez-vous si vous ne les avez jamais vus
vous-même?
M. Lalonde: C'est parce qu'on nous a donné seulement des
extraits.
M. Duhaime: Franchement.
M. Lalonde: Écoutez. Je pense que les sautes d'humeur du
ministre... Il était tranquille. Je vais lui demander d'être plus
patient.
M. Duhaime: Vous venez...
M. Lalonde: Non, je regrette, j'ai le
droit de parole, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vous qui avez le
droit de parole, M. le député.
M. Lalonde: On nous a remis les extraits des
procès-verbaux pertinents traitant des procédures judiciaires
instituées. Extraits du registre des procès-verbaux de la
Société d'énergie de la Baie James du 20 novembre 1978 au
30 mars 1979 et traitant des procédures judiciaires instituées
par la Société d'énergie de la Baie James contre Yvon
Duhamel et al. Donc, je conclus que ce qu'on n'a pas n'en traite pas. Et je ne
veux pas demander à la SEBJ de déposer tous ses
procès-verbaux qui concernent toutes sortes d'autres problèmes
qui doivent rester confidentiels. Mais là, on est, en ce qui concerne
les deux réunions, celles du 23 et du 30 janvier, devant deux
réunions du conseil d'administration où il en a été
question, de toute évidence. Par exemple, M. Thibaudeau nous a dit qu'il
se rappelait cet après-midi que des projets de règlement hors
cour avaient été remis aux membres, le 23. Je ne veux pas qu'on
semble vouloir aller au-delà de ce dont on a besoin. Je ne veux pas que
notre demande soit considérée comme étant exorbitante,
à savoir qu'on voudrait ou qu'on accepterait - je ne l'accepterais pas -
que...
Une voix: Moi non plus.
M. Lalonde: ...le conseil d'administration nous remette des
procès-verbaux complets qui traitent d'autres choses. Il y a une
confidentialité à protéger, mais le problème du 23
est qu'il n'y a rien qui semble contenu dans les procès-verbaux qui
traite de cela mais on en a parlé. Ce que vous pourriez peut-être
nous donner et qui ne briserait pas la confidentialité des
décisions qui ne traitent pas du règlement, ce sont les
présences à ces deux réunions. Il me semble que cela
serait pertinent parce que nous en avons discuté.
Le Président (M. Jolivet): M. Laferrière, je vais
vous arrêter tout de suite en suspendant les travaux et vous laissant
réfléchir pendant l'heure du repas pour nous permettre de revenir
à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources est
donc prête à reprendre ses travaux, en vue d'examiner les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Au moment où nous avons suspendu nos travaux, à 18 heures,
nous étions avec M. Pierre Laferrière, notre invité. Il
peut donc s'installer. Nous avions une question restée en suspens de la
part de M. Laferrière. Je voudrais maintenant savoir de la part des
députés si, après le député de Mont-Royal,
il y en a d'autres qui ont l'intention de poser des questions. Nous allons
régler ce problème. M. Laferrière, vous pouvez vous
asseoir.
M. Paradis: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: À votre question de savoir s'il y en a
d'autres qui ont l'intention de poser des questions, cela dépend
toujours...
Le Président (M. Jolivet): ...de la réponse.
M. Paradis: ...s'il nous reste des points à
éclaircir, une fois que le député de Mont-Royal aura
terminé.
Le Président (M. Jolivet): Parfait!
Donc, M. Laferrière, il y avait une question restée en
suspens concernant les procès-verbaux des 23 et 30 janvier 1979.
M. Laferrière: Je n'étais ni à l'une ni
à l'autre de ces deux réunions des 23 et 30 janvier.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, vous n'étiez
présent ni à la réunion du 23 ni à celle du 30
janvier, au conseil d'administration.
M. Laferrière: C'est cela.
M. Ciaccia: Est-ce que vous étiez au courant qu'il y avait
eu une proposition d'aller voir le premier ministre?
M. Laferrière: À quel moment j'ai été
mis au courant de cela? Je ne me souviens plus.
M. Ciaccia: À un moment donné, vous avez su que
quelqu'un avait suggéré d'aller voir le premier ministre à
son bureau?
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: À la réunion du 6 février, vous
étiez présent?
M. Laferrière: Le 6 février, oui.
M. Ciaccia: Je crois que M. Lucien Saulnier vous a fait rapport
de la rencontre du 1er février au bureau du premier ministre.
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: En quels termes M. Saulnier vous a-t-il
souligné la volonté du premier ministre?
M. Laferrière: II m'est difficile de me souvenir de plus
que ce qui est dans le procès-verbal, à savoir qu'il nous a fait
part que le premier ministre était favorable à un
règlement hors cour. Mais je ne me souviens pas des propos de plus qui
auraient pu être dits. J'imagine qu'on en a parlé, mais je n'ai
pas mémoire de ce qui a été dit à ce moment.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas dans quels termes M.
Saulnier vous aurait fait part de...
M. Laferrière: II y une chose dont je suis sûr, cela
n'a pas été dans les mêmes termes qu'ici à la
commission parlementaire.
M. Ciaccia: Ce n'est pas... Au moins vous vous souvenez de
cela.
M. Laferrière: Cela a été plus administratif
comme termes.
M. Ciaccia: Quand avez-vous appris qu'il y avait du va-et-vient
entre les procureurs des défendeurs au bureau du premier ministre?
M. Laferrière: Au cours des travaux de cette commission
parlementaire.
M. Ciaccia: Alors, quand vous siégiez au conseil
d'administration, vous n'étiez pas au courant qu'il y avait ces
rencontres entre les différents procureurs qui allaient au bureau du
premier ministre?
M. Laferrière: Au meilleur de ma mémoire,
absolument pas.
M. Ciaccia: Quand avez-vous appris que les procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James se rendaient aussi au
bureau du premier ministre?
M. Laferrière: Je pense que c'est ici, au cours des
travaux de la commission parlementaire.
M. Ciaccia: Quand avez-vous appris l'existence d'un projet de
transaction de règlement hors cour écrit le 18 janvier 1979 par
les procureurs de la SEBJ à la demande de M. Laliberté?
M. Laferrière: À ce moment, ce que j'apprenais sur
le dossier, c'est avec les documents que je recevais pour les réunions
régulières du conseil de la SEBJ.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas exactement de la date ou du
moment où vous avez...
M. Laferrière: Non.
M. Ciaccia: Pour revenir au moment où M. Joron vous a
appelé pour vous demander de siéger au conseil d'administration,
est-ce qu'il vous a parlé de la poursuite du saccage de la
Baie-James?
M. Laferrière: Absolument pas.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il vous a parlé de la Baie-James?
Dans quels termes... Est-ce qu'il vous a parlé des problèmes, du
projet de la Baie-James?
M. Laferrière: Pas tellement. Il m'a surtout parlé
de la structure administrative qu'il voyait avec la nouvelle loi sur
HydroQuébec, comme je vous ai dit, et de sa vision de ce qu'était
sa politique énergétique à ce moment.
M. Ciaccia: II n'y a pas été question du tout des
problèmes possibles, même en mentionnant les poursuites?
M. Laferrière: Non.
M. Ciaccia: Vous avez avoué que vous étiez
employé permanent du Parti québécois et vous nous avez
fait part aussi que, le 3 novembre, M. Yves Gauthier, du bureau du premier
ministre, vous avait convoqué à une réunion. Vous nous
avez dit qu'il vous avait parlé à titre d'ex-tuteur d'un des
syndicats. Qu'est-ce qui vous a fait dire - et je pense que vous avez dit cela,
soit dans votre déclaration préliminaire ou durant votre
témoignage - qu'il vous parlait comme ex-tuteur?
M. Laferrière: Vous dites qu'il m'a convoqué; il a
demandé à me rencontrer.
M. Ciaccia: Et vous êtes allé?
M. Laferrière: Même dans cette démarche, je
n'ai pas senti de pression. Je n'ai pas senti que c'était le bureau du
premier ministre qui m'appelait. À titre d'ex-tuteur... je ne me
souviens pas qu'il
m'ait dit: Je parle à titre d'ex-tuteur. Je vous donne mon
impression générale après quatre ans, que c'est surtout,
au meilleur de ma connaissance, sous cet angle-là qu'il m'a
parlé. Je vous ai bien dit que je n'étais pas sans ignorer non
plus qu'il venait d'être nommé au bureau du premier ministre.
M. Ciaccia: Alors, il vous a parlé sous l'angle de tuteur
ou d'ex-tuteur du syndicat. Vous saviez qu'il était tuteur du syndicat.
Quand vous dites qu'il vous a parlé sous cet angle, que vous a-t-il dit
exactement?
M. Laferrière: Je ne peux vous raconter la conversation.
Je n'ai pas mémoire de ces choses-là. Il a dû me dire des
choses qui ont attiré mon attention sur ce dossier. Tout ce que je peux
faire, à partir de maintenant, ce ne sont que des déductions,
mais je ne peux pas vous citer des phrases ou des choses comme
celles-là.
M. Ciaccia: Non, je ne vous demande pas de dire les mots exacts,
mais, quand vous vous souvenez, vous vous souvenez même de la date, le 3
novembre. Entre le 3 novembre et le 27, c'est une période très
courte, alors...
M. Laferrière: Je ne me souvenais pas...
M. Ciaccia: Je ne vous demande pas de me donner les phrases
exactes, mais les sujets. Vous devriez vous rappeler les sujets qui ont
été discutés.
M. Laferrière: Je ne me souvenais pas de la date du 3
novembre. J'avais un souvenir de l'avoir rencontré, mais je ne me
souvenais plus exactement à quel moment. Mais, comme j'ai pensé
que cette information était de nature à intéresser la
commission, j'ai pris la peine d'aller vérifier dans mon agenda de
l'époque, c'est là que j'ai trouvé le 3 novembre.
M. Ciaccia: Mais s'il vous a parlé à titre
d'ex-tuteur. Il a sûrement dû vous parler de certains
problèmes des syndicats, parce qu'il était le tuteur des
syndicats, il a dû vous parler de certains des problèmes des
syndicats. Vous ne vous souvenez pas?
M. Laferrière: Je ne peux pas vous faire un
énoncé de son argumentation. Je ne m'en souviens pas.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas s'il vous a parlé
des deux problèmes qui existaient à ce moment-là, soit la
solvabilité et...
M. Laferrière: II a pu me parler de ces questions, c'est
possible. Mais je n'ai pas de souvenir exact de sujets de conversation. Je vous
ai fait part, au meilleur de ma connaissance, d'une impression vague qui m'est
restée. C'est tout ce que je suis capable de faire après quatre
ans et demi. C'est vraiment tout ce que je suis capable de faire après
quatre ans et demi. Je suis en affaires, monsieur, je rencontre des gens,
quatre ou cinq personnes par jour. Je me suis donné la peine d'aller
dans mon sous-sol fouiller dans mes vieux agendas pour trouver la date exacte
pour vous. C'est tout ce que je suis capable de faire.
M. Ciaccia: Ne nous faites pas pleurer. On ne veut pas vous faire
pleurer parce que vous ne vous souvenez pas. Ce n'est pas cela le but de nos
questions. C'est vous qui avez donné l'information en disant qu'il vous
a parlé à titre d'ex-tuteur. J'essaie de rafraîchir un peu
votre mémoire et de vous demander si, peut-être, l'idée de
la question de la solvabilité, qui était un problème, et
le lien de droit n'auraient pas été discutés avec vous
lors de cette rencontre. Combien de temps avez-vous passé avec lui?
M. Laferrière: Le temps d'un lunch. M. Ciaccia: Une
couple d'heures. M. Laferrière: Maximum.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du tout de...
M. Laferrière: Ce qui m'a frappé dans cette
affaire, dans le fond, c'est que quelqu'un qui est maintenant au bureau du
premier ministre procède avec pas plus d'insistance. C'est pour cela que
je vous dis que j'ai l'impression que je parlais à l'ex-tuteur
plutôt qu'au représentant du premier ministre.
M. Ciaccia: Qui procédait avec pas plus d'insistance sur
quoi?
M. Laferrière: Bien, sur le sujet en question.
M. Ciaccia: Lequel?
M. Laferrière: Sur le sujet du règlement hors cour
du saccage de LG 2.
M. Ciaccia: Alors, il a discuté avec vous...
M. Laferrière: Vous savez, au cours des travaux de cette
commission, moi cela fait trois jours que je passe en arrière à
écouter tout cela, je suis bien obligé d'admettre qu'il y a
certains témoins qui se sont fait dire des choses avec plus
d'insistance. Je n'ai pas été l'objet d'aucune espèce
de...
M. Ciaccia: ...mais il a discuté avec vous de la question
que vous venez de mentionner: le règlement.
M. Laferrière: Oui.
M. Ciaccia: Dans quel sens a-t-il discuté de ce
règlement possible?
M. Laferrière: J'ai un souvenir vague qu'il n'était
pas favorable à une poursuite. À partir de cela...
M. Ciaccia: ...pour quelle raison?
M. Laferrière: Tout ce qui me reste, c'est que je peux
imaginer des choses, des arguments qu'il a pu utiliser dans sa position. Je ne
me souviens pas. Je peux essayer d'imaginer des choses. Je peux essayer de dire
que puisqu'il était contre, puisqu'il était devant un
administrateur de la société d'énergie, il devait donc
essayer de me faire valoir tel point, de me faire valoir tel point. Je ne suis
pas capable de me souvenir de points précis qu'il a
mentionnés.
M. Ciaccia: Je ne veux pas que vous imaginiez. J'essaie seulement
un peu de rafraîchir ma mémoire à la suite des propos et
des réponses que vous nous donnez. Est-ce que ce serait à la
suite de discussions et de propositions de règlement que vous avez
déduit qu'il parlait à titre d'ex-tuteur?
M. Laferrière: Je vous ai dit que je garde une impression
générale et vague qu'il m'a parlé plutôt comme
ex-tuteur d'un de ces syndicats que comme représentant du premier
ministre. Je pense, en mon âme et conscience, que je ne suis pas capable
de faire un effort intellectuel plus grand que ce que je fais ici. Vous
êtes au bout de ma mémoire. (20 h 30)
M. Ciaccia: Savez-vous, je pense qu'on a aidé. Je pense
qu'on a avancé...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! À
l'ordre! M. le député. S'il vous plaît! S'il vous
plaît! M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Non, écoutez, soyons... Écoutez. On
essaie...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président et M. Laferrière, je
veux vous assurer que ce n'est pas notre but d'essayer de vous harceler,
d'essayer de vous faire dire des choses dont vous ne vous souvenez pas. Je
voudrais seulement vous faire remarquer que les questions que je vous ai
posées ont fait avancer les réponses. Cela rafraîchit
chercher un peu vos souvenirs, parce que là, on sait que le 3 novembre,
M. Yves Gauthier vous a parlé du règlement. On ne le savait pas.
On le sait, le 3 novembre, il y a eu discussion du règlement et...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député. Laissez la chance au député de Mont-Royal
de poser ses questions. Si vous avez des questions à poser, posez-les
conformément au règlement.
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, question de règlement.
M. Laplante: M. le Président, à un moment
donné, vous avez bien averti les membres de cette commission de faire
attention à leurs questions, de ne pas prendre des questions
détournées sur des choses qui ont été
négatives et ne pas essayer de leur faire dire oui sur ces
choses-là. Vous vous souvenez de la dernière journée,
avant Pâques? C'est ça, l'avertissement que vous avez
donné. Or, le député de Mont-Royal, ce qu'il fait, depuis
au moins dix minutes, c'est du harcèlement pour essayer de faire dire le
contraire. Il avance même des choses et lui met les mots dans la bouche.
C'est cela, M. le Président, que j'aimerais que vous surveilliez de la
part du député de Mont-Royal.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je vais
répéter ce que j'ai répété également
ce matin pour calmer les esprits, pour permettre à notre invité
de se relaxer un peu ainsi qu'à tous les membres de la commission. Je
répète ce que je disais, ce matin, à savoir que la
commission parlementaire a des droits, a des pouvoirs, mais qu'elle ne doit pas
en abuser.
Des voix: C'est ça, c'est ça.
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'à partir de
cette première assertion, il faut ajouter la deuxième que j'ai
également ajoutée avant l'ajournement de Pâques. La
personne qui vient ici comme invitée, qui est interrogée par les
membres de la commission et qui est sous serment, on doit aussi
considérer que, comme elle est sous serment, elle dit la
vérité. En conséquence, on doit prendre ses
réponses comme étant la vérité puisqu'elle a
été assermentée à cet égard. Il faudra donc
éviter d'utiliser des moyens qui, au bout de la course, font en sorte
que la personne se fait demander à plusieurs occasions les mêmes
questions de façon différente, avec toujours l'allégation
en vertu de l'article 168, qui dit qu'on ne doit pas
amener des questions subjectives ni des questions d'opinion. Je
demanderais au député de Mont-Royal de continuer ses questions en
tenant compte des avertissements que j'ai donnés depuis le
début.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je peux vous assurer
qu'en aucun moment je ne mets en question les réponses que
l'invité nous donne. J'essaie plutôt de l'aider à
rafraîchir sa mémoire. Je crois que je le fais d'une façon
assez polie. On a appris...
M. Tremblay: ...sans juger...
M. Ciaccia: On a appris... mais je suis prêt à
laisser la population juger. Si je comprends bien, M. Laferrière, vous
avez dit que M. Gauthier n'était pas favorable à une poursuite.
Si vous ne pouvez pas vous souvenir de plus que les réponses que vous
nous avez données, si votre mémoire n'est pas meilleure que cela
- cela est possible, parce qu'il y a déjà trois ou quatre ans -
il serait possible aussi que l'idée de la solvabilité des
syndicats et le lien de responsabilité que vous avez soulevé, le
27 novembre, devant le conseil d'administration et que vous avez
vous-même admis - je ne suis pas un avocat - je présume qu'il est
possible que ces deux idées vous aient été
suggérées par M. Yves Gauthier, à votre réunion du
3 novembre, quelques semaines avant la réunion du conseil
d'administration du 27 novembre, une journée avant la défense
produite par Me Beaulé et qui contenait comme défense le fait
qu'il n'y avait pas de lien de responsabilité.
M. Laplante: Objection, M. le Président. On va jouer le
rôle d'avocat, nous aussi, comme dans une cour; lorsqu'il y aura
objection on le fera. Vous avez dit qu'il n'avait pas à répondre
aux questions subjectives. Je peux vous appeler votre honneur, si vous voulez.
Je vous appelle M. le Président. Je vous demanderais de trancher cette
question.
M. Lalonde: C'est votre seigneurie qu'on doit dire.
Le Président (M. Jolivet): Le seul moyen de l'être
c'est par un acte directement délégué par le Conseil des
ministres. Il semblerait qu'on puisse être nommé juge sans
être avocat ou notaire. Je ne le souhaite cependant pas.
Une voix: Vous seriez président avant...
Le Président (M. Jolivet): Je tiendrais, cependant,
à rappeler à M. Laferrière que, comme il l'a fait
jusqu'à maintenant, il réponde au meilleur de sa connaissance et,
s'il juge qu'il ne peut pas y répondre, il doit donner la même
réponse, c'est-à-dire qu'il ne peut y répondre. Avez-vous
terminé, M. le député?
M. Ciaccia: Oui, je voudrais terminer cette question et avoir la
réponse de M. Laferrière.
M. Laplante: Ne répondez pas!
M. Laferrière: Ah oui! Je vais répondre. Je n'ai
pas...
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que j'entends le
député de Bourassa dire à M. Laferrière: Ne
répondez pas? Ai-je entendu cela?
M. Laplante: ...de ne pas répondre aux questions
subjectives.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Laplante: Et je l'appuierai n'importe quand
là-dessus.
M. Ciaccia: Ce n'est pas une façon de...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela a
bien été toute la journée durant...
M. Ciaccia: Je suis scandalisé, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lalonde: Voulez-vous qu'on vous assermente?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M.
Laferrière est un adulte, il doit savoir quoi faire. M.
Laferrière.
M. Laferrière: Je n'ai pas de souvenir de points
précis qu'il m'a mentionnés. Cependant, pour tenter d'apporter un
éclairage et de répondre un tant soit peu à votre
question, je vous dirai deux choses. Le premier point porte sur ce qui se
produit entre le moment où on formule une question au conseil
d'administration et le moment où le texte du procès-verbal est
approuvé. Je ne me souviens pas avoir formulé une question comme
celle-là, avec autant de clarté juridique. Je ne suis pas avocat.
Ce qui a bien pu arriver, dans ce cas-là comme dans d'autres, parce que
je pose des questions aussi sur d'autres sujets, j'ai dû dire quelque
chose comme: Je suis nouveau dans ce dossier, pouvez-vous me dire quelles sont
nos chances d'aller chercher de l'argent? Chez
qui? Quels sont les liens entre ces gens-là? Et cela a eu la
belle présentation que vous avez dans le procès-verbal. C'est la
tâche du secrétaire de mettre cela en bonne et due forme.
Sachez une chose. Je ne suis pas arrivé avec une question
écrite. Si jamais il y avait dans votre question - je pense qu'il n'y en
a pas - quelque allusion que je sois arrivé avec une question
écrite, je ne l'ai jamais fait...
M. Ciaccia: Non, non. Pas du tout.
M. Laferrière: Je ne l'ai jamais fait au conseil
d'administration d'Hydro-Québec, de la SEBJ ou dans quelque conseil
d'administration que ce soit. J'aimerais préciser qu'on s'expose comme
administrateur, quand on accepte de rencontrer des gens comme cela. Le choix
qu'on a est de dire: Je ne veux parler à personne, et de se faire une
opinion en excluant toute espèce de considération qu'on peut
avoir de l'extérieur ou de s'exposer à recevoir toutes sortes de
renseignements objectifs ou biaisés qu'on trie avec notre meilleur
jugement. Quand on rencontre un fournisseur, on s'expose. Quand on rencontre
quelqu'un comme M. Yves Gauthier, à sa demande, on s'expose.
J'utilise cela comme j'utilise les documents que j'ai de la compagnie,
comme j'utilise toute espèce de connaissance que je peux avoir pour
faire ma propre idée. Une des tâches qui n'est pas facile dans un
conseil d'administration, c'est de poser des questions pertinentes. Vous aussi,
vous avez parfois un peu de misère à poser des questions
pertinentes. On ne doit négliger aucune espèce de source qui nous
permette d'approfondir un problème et c'est toujours comme cela que j'ai
utilisé quelque rencontre que j'aie eue. C'est le mieux que je puisse
vous répondre sur mon intervention du 27, au conseil.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai en aucun temps
suggéré ou insinué que vous seriez venu avec une question
écrite au conseil d'administration. Je pense bien qu'avec votre
expérience comme permanent du Parti québécois et comme
administrateur habile, vous n'auriez jamais fait cela. Alors, je n'aurais
même pas suggéré que vous soyez venu avec une question
écrite.
Même si le libellé dans le procès-verbal n'est pas
exactement ce que vous avez dit, vous avez tout de même exprimé
l'idée d'un lien de responsabilité. Cette idée est venue
de vous, à moins que le procès-verbal ne soit complètement
erroné.
La question que je vous avais posée était que, si vous ne
vous souvenez pas de ce qui s'était discuté, de tous les
détails à la réunion avec M. Gauthier, il était
fort possible que ces deux idées de solvabilité et de lien de
responsabilité auraient pu être suggérées par M.
Gauthier. Ce n'est pas criminel, ce n'est pas répréhensible. Il
aurait pu, et il vous a demandé d'aller le voir. Vous êtes
allé le voir et il aurait bien pu vous suggérer ces deux
idées.
M. Laferrière: Alors, votre question, c'est si c'est
possible...
M. Ciaccia: Si c'était possible, oui.
M. Laferrière: C'est possible qu'il ait parlé de
cela, mais je...
M. Ciaccia: C'est possible, très bien.
M. Laferrière: ...vous dis que je n'en ai pas un souvenir
précis, comme c'est possible qu'il...
M. Ciaccia: Qu'est-ce qui vous fait dire que M. Gauthier ne vous
a pas parlé comme membre du bureau du premier ministre, mais
plutôt comme ex-tuteur du syndicat?
M. Tremblay: II lui demande de se rappeler des faits de quatre
ans et demi et cela fait deux minutes qu'il vient de lui dire qu'il ne se le
rappelle pas.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Laferrière: M. le Président, je pense avoir
répondu à cette question.
M. Ciaccia: Est-ce que ce serait parce qu'il n'a pas
insisté autant que semblent l'avoir fait le premier ministre, le 1er
février, avec MM. Saulnier, Boyd et Laliberté? C'est une
question.
M. Laferrière: M. le Président, j'ai tenté
de répondre à cette question à une ou deux reprises du
mieux que je peux.
M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup, M. Laferrière.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Il n'y a pas d'autres
questions? M. Laferrière, je vous remercie donc et j'inviterais M. Guy
Monty à venir nous rejoindre ici. M. Bédard, vous pouvez
procéder.
M. Guy Monty
Le greffier (M. Jean Bédard): M.
Monty, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et
répéter après moi: Je, vos nom et prénom, jure ou
déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien
que la vérité?
M. Monty (Guy): Je, Guy Monty,
déclare solennellement que je dirai toute la
vérité, rien que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Monty, est-ce que vous avez
un texte préliminaire ou si on procède immédiatement?
M. Monty: Non, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Monty, voulez-vous dire à la commission
à quelle date vous êtes entré en fonction à la
Société d'énergie de la Baie James et au conseil
d'administration d'Hydro-Québec?
M. Monty: C'est au mois d'octobre 1978.
M. Duhaime: Aux deux conseils? M. Monty: Aux deux
conseils.
M. Duhaime: Quelles sont vos fonctions à l'heure
actuelle?
M. Monty: Président-directeur général
d'Hydro-Québec International.
M. Duhaime: M. Monty, vous avez eu, comme nous tous, l'occasion
d'assister à plusieurs heures des débats de cette commission. Je
voudrais tout simplement aller tout de suite dans ce que j'appellerais le vif
du sujet. D'autres avant vous ont fait état de la position que vous
aviez tenue et formulée au conseil d'administration de la SEBJ,
concernant le règlement hors cour qui est intervenu; pourriez-vous
rappeler votre propre position à cette commission et nous en donner
brièvement les motifs?
M. Monty: Si je me souviens bien, c'était la
réunion du 6 mars, où j'ai voté pour un règlement.
Avec votre permission, j'aimerais revenir quelques années en
arrière pour expliquer un peu mon geste. Étant ingénieur
de profession, j'ai eu à réaliser à Hydro-Québec
plusieurs projets de construction. Je me souviens très bien que, vers
1965, nous avions donné un contrat de construction à une
société pour une ligne de transport en Gaspésie. Nous
avions quelques doutes sur l'expérience de l'entrepreneur mais tout de
même, après avoir vérifié, nous avions
accepté de lui donner le contrat puisqu'il était le plus bas
soumissionnaire. Par contre, on réalisait qu'on devait le surveiller
d'une façon assez délicate pour que le travail soit bien
fait.
Au début du contrat, on l'a mis en demeure à plusieurs
occasions afin qu'il puisse mettre l'effectif et les équipements
à la disposition d'Hydro-Québec, de façon que les travaux
progressent à une allure normale. Nos demandes n'ont pas eu de
réponse positive et c'est seulement vers la fin du contrat que
l'entrepreneur a doublé l'effectif et son équipement, de
façon à respecter la date de mise en service, afin de ne pas
être pénalisé.
Évidemment, il avait dépensé plus d'argent qu'il
n'avait prévu et il nous a fait parvenir une réclamation. Nous
avons refusé la réclamation. Alors, nous avons été
poursuivis et les avocats d'Hydro-Québec ont été
approchés par les défendeurs de l'entrepreneur, leur demandant
d'arriver à une entente à l'amiable hors cour. Comme nous avions,
d'après nous, un très bon procès, c'est-à-dire une
très bonne cause, nous avons décidé d'aller en cour. Le
procès a duré plusieurs mois et, finalement, nous n'avons pas eu
gain de cause. Nous avons du payer les frais de cour de l'entrepreneur parce
qu'il n'avait pas les moyens de rembourser les frais.
Comme conclusion, j'ai réalisé que, même avec la
meilleure des causes, on n'a pas pu gagner notre procès. J'ai toujours
en tête que, dans des circonstances j'y penserais probablement. C'est
probablement ce qui est arrivé au mois de mars 1979, alors que j'ai
réalisé que nous étions probablement rendus au bout de la
corde et que, ce qu'on pouvait gagner en retardant un règlement, on le
dépenserait probablement en frais juridiques supplémentaires.
Alors, j'étais d'accord qu'on règle pour le montant qu'on nous
offrait.
M. Duhaime: M. Monty, est-ce qu'au cours des mois de janvier,
février et mars 1979, et même au cours de l'année 1978, le
premier ministre du Québec aurait communiqué directement avec
vous, soit par téléphone ou autrement, pour vous faire
connaître comment, lui, il voyait les choses dans ce dossier?
M. Monty: Non, M. le Président.
M. Duhaime: Est-ce que Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du
premier ministre, aurait fait des démarches semblables?
M. Monty: Non, M. le Président.
M. Duhaime: Est-ce que Me Louis Gauthier, attaché
politique...?
Une voix: Yves.
M. Duhaime: Yves Gauthier.
M. Lalonde: Belle famille.
Une voix: Yves comme Yves Duhaime.
M. Duhaime: Je m'excuse. Je vous ferai remarquer que mon saint
patron, c'est le patron des avocats, ne l'oubliez jamais.
M. Lalonde: ...
M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier aurait communiqué
avec vous de quelque façon que ce soit pour discuter de ce dossier?
M. Monty: Non, M. le Président.
M. Duhaime: Comme administrateur à la
Société d'énergie de la Baie James et à
Hydro-Québec, est-ce que pour vous la paix sociale sur les chantiers en
1979 a été un des éléments dont vous avez tenu
compte ou que vous avez pris en considération pour en arriver à
vous former un jugement sur l'attitude à prendre dans ce dossier?
M. Monty: C'est un élément, évidemment, dont
on a tenu compte, dont, personnellement, j'ai tenu compte, parce que les
chantiers avaient repris et, évidemment, les travaux allaient à
une bonne allure et il était important de compléter les travaux
à temps de façon à pouvoir livrer l'énergie de LG
2. La bonne santé d'un chantier, à mon sens, était
très importante.
M. Duhaime: Maintenant, M. Monty, on a fait état que,
antérieurement, à la suite de la réunion qui a eu lieu
avec le premier ministre le 1er février et à laquelle assistaient
M. Saulnier, M. Boyd et M. Laliberté, de même que M. Boivin, un
compte rendu de cette réunion a été fait au conseil
d'administration. Est-ce que, lorsque vous avez pris connaissance du souhait du
premier ministre du Québec d'en arriver à un règlement
hors cour, vous avez senti cela comme étant une pression quelconque, un
tordage de bras ou une intimidation?
M. Monty: Absolument pas.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Monty.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Merci, M. le Président. M. Monty, lors de
votre nomination comme administrateur d'Hydro-Québec en octobre 1978, il
y a eu un contact qui s'est développé pour vous informer de cela?
Par qui avez-vous été contacté à ce
moment-là? Est-ce que vous vous souvenez de cela, à la SEBJ?
M. Monty: II faudrait peut-être revenir en arrière,
parce que j'ai toujours été avec Hydro-Québec depuis
plusieurs années, soit depuis 37 ans. J'étais commissaire, avant,
de l'ancienne Commission de l'Hydro-Québec. On m'a averti, tout
simplement, au mois d'octobre, que j'allais être nommé au conseil
d'administration.
M. Saintonge: Vous avez été averti. Est-ce que vous
vous souvenez par qui vous avez été averti?
M. Monty: Je crois que c'était M. Joron.
M. Saintonge: M. Joron. D'accord. Est-ce que vous aviez des
connaissances parmi les autres membres qui ont été nommés
en même temps que vous en 1978 au conseil d'administration? Est-ce que
c'étaient des gens que vous connaissiez? Par exemple, j'imagine que vous
connaissiez M. Saulnier?
M. Monty: De réputation, oui. M. Saintonge: M.
Laliberté?
M. Monty: Je connaissais M. Laliberté, parce qu'il
était anciennement avec la SEBJ, avant de le quitter pour aller au
gouvernement. Je connaissais M. Boyd, évidemment, avec qui on a
travaillé pendant plusieurs années. Quant aux autres membres du
conseil, je connaissais M. Hébert, parce que je l'ai aidé comme
actuaire pour la société qu'il représentait. Je ne
connaissais pas Mme Forget, ni M. Laferrière.
M. Saintonge: Vous avez répondu tantôt
à...
M. Monty: II y avait M. Giroux, évidemment, que je
connaissais bien.
M. Saintonge: M. Giroux. M. Gauvreau, également,
j'imagine?
M. Monty: M. Gauvreau aussi, évidemment.
M. Saintonge: Maintenant, à une question du ministre, vous
répondiez tantôt que vous n'aviez pas eu de contact durant
l'année 1978 jusqu'à mars 1979, avec le premier ministre, M.
Boivin ou M. Gauthier. Est-ce que vous connaissiez quand même ces
personnes antérieurement? Est-ce que ce sont des gens que vous
connaissez personnellement?
M. Monty: M. Gauthier, non; M. Boivin non plus.
Évidemment, M. Lévesque, tout le monde le connaît.
M. Saintonge: Maintenant, M. Monty, je reviens au 20 novembre
1978, alors qu'il y a eu une résolution approuvée concernant
l'engagement de fonds de 500 000 $ pour
l'année 1979 pour couvrir les honoraires, déboursés
et autres dépenses. J'ai pu remarquer au procès-verbal, en fait,
qu'il y avait une recommandation de Me Gadbois relativement au montant de 500
000 $ qui pouvait être crédité pour prévoir ces
frais. Selon ce que vous savez, la recommandation est venue de quelle
façon? Dans quel cadre cette recommandation est-elle venue au conseil
d'administration?
M. Monty: Franchement, je ne me souviens pas de la façon
qu'elle a été présentée. Je me souviens d'avoir
été d'accord sur le montant qu'on devait voter, mais je ne me
souviens pas de la façon qu'elle a été
présentée?
M. Saintonge: J'imagine que la question de la procédure de
la poursuite de 32 000 000 $ était pour les administrateurs de la
société un sujet - comment dire? - un peu dans le vent dans les
discussions du moment, puisque le procès s'en venait. Est-ce que c'est
un sujet que vous aviez à la tête lorsque vous avez pu examiner
cette résolution et voter cette résolution? Ce que je veux dire,
c'est que, si on regarde la recommandation de Me Gadbois, il y est quand
même stipulé: "Après avoir étudié le dossier,
les procureurs de la Société d'énergie lui ont fait part
que les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits qu'ils
connaissaient justifiaient que la Société d'énergie prenne
action, avec succès"... Lorsque vous avez voté cette
résolution, est-ce que vous pouvez nous dire si les membres
étaient au courant de cette stipulation, de l'intervention de Me Gadbois
et s'ils voyaient cela du même oeil?
M. Monty: Écoutez après quatre ans et demi, se
rappeler exactement comment cela s'est passé, malheureusement je ne peux
pas vous répondre. Évidemment le sujet revenait à
l'occasion lors des séances. On parlait souvent évidemment de ce
sujet. Mais de voir de quelle façon cela s'est présenté,
qui était en faveur ou non, je ne peux pas vous répondre.
M. Saintonge: C'est cela que je veux dire. Dans le climat global,
est-ce que vous vous souvenez, quand on a pu voter les frais par exemple, si
c'était possible de prendre 2 000 000 $? Si on fait une avance de 500
000 $ on doit s'imaginer qu'il y avait quand même une bonne cause
là-dessus? Est-ce qu'il y a eu des discussions à votre souvenance
à ce moment d'une façon globale mais pas dans les détails
concernant le fait d'une avance de 500 000 $ tout en sachant à ce
moment, comme cela est dit dans le rapport, que des dépenses
considérables vont être encourues pour le procès puis que
cela durera quand même assez longtemps? Est-ce qu'à ce moment au
conseil on a pu discuter précisément de la question de la
solvabilité, des chances de succès de la poursuite, avant de
voter les 500 000 $?
M. Monty: Je regrette mais je ne peux pas vous répondre.
Je ne m'en souviens pas.
M. Saintonge: Au 27 novembre, quand M. Laferrière, le
témoin précédent, a demandé l'opinion relative
à la capacité de payer et les liens de responsabilité,
vous ne vous souvenez pas de cela? Est-ce que vous avez un souvenir à ce
sujet?
M. Monty: Voulez-vous répéter encore la question
s'il vous plaît?
M. Saintonge: Le 27 novembre, à la réunion
suivante, il y a eu une question de M. Laferrière demandant une
étude juridique, une opinion concernant la capacité de payer et
sur la question des liens de responsabilité. Est-ce que vous vous
souvenez, en fin de compte, pour quel motif cela avait été
amené, si c'était en discussion ou on avait un doute à ce
moment ou quoi?
M. Monty: Non, je regrette.
M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas. Quant à vous,
est-ce que vous aviez, avant la date du 6 mars lorsque vous avez pris le vote
final, dans votre esprit comment vous voyiez l'action?
M. Monty: Je voyais évidemment qu'on devait en arriver
à un règlement hors cour. Cela a toujours été dans
ma tête qu'on devait en arriver à un règlement. Par le fait
que la cause commençait au mois de janvier, il était normal de
voter l'argent nécessaire pour les frais des avocats. Je n'ai jamais cru
qu'on pourrait arriver à gagner le procès. J'ai toujours
été d'accord pour un règlement hors cour.
M. Saintonge: Vous aviez pris connaissance des opinions
juridiques par exemple à la réunion du 11 décembre. Je ne
sais pas si vous étiez présent à cette réunion du
11 décembre? C'est la réunion où l'on a remis les opinions
juridiques qui remontaient à 1975, de même qu'un rapport
daté du 11 décembre 1978 concernant toute la situation de la
poursuite. Est-ce que vous vous souvenez avoir pris connaissance à ce
moment, avant le mois de mars, si on se reporte à l'automne avant le
début du procès, qu'on a pu vous rafraîchir la
mémoire en redistribuant aux administrateurs, surtout en tenant compte
qu'il y avait de nouveaux administrateurs, des opinions juridiques qui
remontaient à l'année 1975 et d'une nouvelle opinion, d'un
nouveau rapport du 11 décembre 1978? Si on va même un
peu plus loin puisque sans distinguer formellement les dates pour une
question de mois, on arrive également au mois de janvier ou même
à ce moment vous avez une nouvelle opinion juridique qui vous est
soumise en date 5 et un rapport confidentiel qui a été
donné aux administrateurs? Avec ces éléments, est-ce que
vous vous souvenez avoir étudié vous-même ces opinions
juridiques, ces éléments afin de voir la possibilité de
succès ou la possibilité des biens de droit ou en
général on peut dire le "feeling" que vous pouviez avoir de cette
cause à la lumière des opinions des experts, des avocats, et dans
certains cas, non seulement des avocats mais également des
administrateurs ou des gens de la société même?
M. Monty: Je me souviens très bien que nous avons
rencontré nos avocats. Les arguments et les rapports qu'ils ont faits
nous laissaient croire que nous pouvions nous présenter en cour avec
certaines chances de succès ou du moins avec la confiance de nos
avocats. J'ai lu, comme tous les membres du conseil, les documents qu'on nous
fournissait. On se faisait tranquillement une opinion. Évidemment on
acceptait. J'ai accepté évidemment qu'on poursuive le
procès au mois de janvier. Lorsque nous sommes arrivés à
la fin de janvier et qu'on nous a recommandé d'explorer la
possibilité d'un règlement hors cour, j'étais d'accord
aussi, même si les arguments pouvaient être en notre faveur. (21
heures)
M. Saintonge: Quand on parle du rapport confidentiel qui avait
été présenté aux membres du conseil
d'administration par les gestionnaires de l'entreprise - je fais
référence à Me Jean Bernier, qui était directeur
des ressources humaines, à M. Laurent Hamel, chef du chantier de LG 2,
à M. Marc Darby, coordonnateur des assurances et à Me
André Gadbois, chef du contentieux - on fait référence au
nouveau rapport daté du 5 janvier 1979, à la page 6 du rapport
-à la page 21 du bouquin - au centre de la page, on mentionne: "Ce
rapport démontre bien que nos procureurs sont en mesure de
présenter des preuves qui, selon leur opinion, seront suffisantes pour
supporter les conclusions de la société contre Yvon Duhamel,
Michel Mantha, Maurice Dupuis et le local 791 de l'Union internationale de
machinerie lourde, International Union of Operating Engineers, local 791. Il
existe également de bons éléments de preuve contre la
International Union of Operating Engineers. Quant à la Fraternité
unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, nos procureurs sont
d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire déclarer ce
syndicat également responsable". Avec ces données-là,
est-ce que vous pouviez juger, à ce moment-là, que vous aviez de
bonnes chances de succès? Est-ce que ces éléments ont
été portés à votre connaissance?
M. Monty: Oui, cela a été porté à
notre connaissance. Et puis, évidemment, on avait une certaine confiance
de pouvoir gagner quand même quelque chose. Mais, tout de même, je
crois que nos avocats ont fait le nécessaire. Ils ont quand même
réussi à obtenir une reconnaissance de responsabilité. On
a quand même réussi à obtenir une offre, qui n'était
peut-être pas à l'échelle des dommages qu'on avait subis,
mais, tout de même, je pense qu'il a été
démontré aussi que les coupables ont été punis au
criminel. Alors, c'est assez difficile de dire maintenant, quatre ans
après, qu'on aurait dû avoir une idée différente.
Mon idée était assez bien faite au mois de janvier. J'acceptais
qu'on aille en cour. Mais simplement, je pensais sincèrement que les
chances de succès étaient minimes.
M. Saintonge: Vous estimiez que vos chances de succès
étaient minimes, malgré la teneur des opinions, comme le texte
que je vous ai mentionné qui confirmait, en fait... Le 11
décembre 1978, vous souvenez-vous si vous étiez présent
à la réunion du conseil d'administration?
M. Monty: Je ne peux pas vous dire.
M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas?
M. Monty: II faudrait que je vérifie dans mon agenda.
M. Saintonge: Mais vous avez quand même vu les
différentes opinions qu'on a mentionnées tantôt. Et,
malgré la teneur de ces opinions-là qui semblaient s'orienter
vers des grandes chances de succès, semble-t-il, jusqu'à cette
date-là, vous estimiez, vous, que...
M. Monty: C'est peut-être à cause des
expériences que j'ai vécues moi-même dans la construction
et dans les réclamations que j'avais des doutes sérieux sur nos
chances de succès.
M. Saintonge: Vous étiez présent le 9 janvier, au
conseil d'administration. Cela, c'est au moment où les avocats sont
venus rencontrer les membres du conseil d'administration pour vous expliquer la
teneur des opinions juridiques, répondre à vos questions, au
moment également où vous avez reçu le rapport
confidentiel?
M. Monty: Un instant, s'il vous plaît. J'étais
présent, oui.
M. Saintonge: Vous étiez présent? C'est
indiqué au procès-verbal: "Après discussion, les membres
du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises
antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de
poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2, le ou
vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées". Vous vous
souvenez d'avoir voté dans ce sens-là?
M. Monty: Le procès devait passer dans quelques jours.
Alors, il était question de faire un essai vis-à-vis de nos
adversaires et voir où on s'en allait avec cette cause-là. Et
cela ne m'empêchait pas de penser que nos chances de succès
étaient minimes.
M. Saintonge: Vous avez mentionné tantôt qu'un
élément important pour vous, c'était la paix sociale sur
le chantier. Je pense que, suivant les témoignages antérieurs que
vous avez pu entendre, c'était également un élément
important pour les autres membres du conseil d'administration. Je me
réfère encore une fois au rapport confidentiel qui vous a
été remis à la réunion du 9 janvier, et je cite le
texte: "En instituant cette action, la Société d'énergie
était consciente du fait que la plupart des défendeurs ne
seraient pas en mesure de pouvoir satisfaire à un jugement rendu dans
cette cause. Ses procureurs avaient attiré son attention sur ce fait par
la mention suivante: II y a lieu cependant de s'interroger sur ce que
peut-être présentement la solvabilité de tous ces
défendeurs et surtout sur ce qu'elle serait une fois le jugement final
obtenu, tenant compte en particulier de l'envergure de la réclamation de
la société." Les deux paragraphes suivants sont, à mon
avis, importants. Je veux attirer votre attention là-dessus: "Cependant,
la société était consciente qu'à titre d'entreprise
à caractère parapublic, gérant des biens et des fonds du
domaine public, elle se devait de tenir les individus et organismes
responsables de leurs actes dans le but d'établir un climat de confiance
pour les travailleurs et les entrepreneurs présents et futurs sur les
chantiers de la Baie-James. Il est important, pour le maintien de ce climat de
confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux à la
Baie-James et l'instruction de l'action, que les responsabilités des
parties soient déterminées par le tribunal et que la
société d'énergie soit reconnue comme un organisme qui ne
fléchit pas dans la poursuite d'un but qu'elle reconnaît amplement
justifié." Cela était signé par les gestionnaires de
l'entreprise mentionnés tantôt, Me Bernier, M. Laurent Hamel, qui
était chef de chantier à LG 2, M. Darby et Me Gadbois.
Est-ce que, pour vous, une telle conclusion au rapport confidentiel
n'était pas apte à vous garantir que la sécurité
sociale ou la paix sociale que vous recherchiez était vraiment revenue
sur le chantier? On disait: pour le maintien de ce climat de confiance qui est
devenu apparent depuis l'action... Est-ce que ce n'était pas un
élément fondamental pour tenter d'aller dans le sens
suggéré par le rapport des gestionnaires?
M. Monty: Je ne saisis pas où vous voulez en venir.
M. Saintonge: Vous avez mentionné tantôt que vous
sembliez avoir une crainte, si la poursuite était maintenue, que la paix
sociale soit perturbée ou que, sur le chantier, la paix sociale
était perturbée. Selon les termes employés dans le rapport
des gestionnaires, quand on dit: "II est important, pour le maintien de ce
climat de confiance qui est devenu apparent depuis la reprise des travaux
à la Baie-James et de l'instruction de l'action, que les
responsabilités des parties soient déterminées par le
tribunal", est-ce que, pour vous, ce n'était pas suffisant pour garantir
que la paix sociale était effectivement revenue, surtout que M. Hamel
était signataire de ce document?
M. Monty: C'est vrai, vous avez raison.
M. Saintonge: Ce que je voudrais savoir de vous c'est comment la
paix sociale était un élément important pour vous dans le
règlement du dossier, tel que vous l'avez mentionné tantôt.
Il s'agit seulement de saisir le raisonnement que vous vouliez apporter en
mentionnant que la paix sociale vous inquiétait et qu'il était
important pour vous d'en arriver à un règlement hors cour. Je
voudrais essayer de concilier le point parce qu'il m'apparaît, selon les
phrases que je viens de vous lire, que c'était un élément
qui avait ramené la paix sociale sur le chantier. J'irais
peut-être plus loin que cela - je ne sais pas si vous serez d'accord avec
moi - si on me permet de dire qu'au niveau des syndiqués et des
syndicats même cela pouvait démontrer qu'un patron qui se tient
debout avait plus de chances de réussir. C'est un peu la conclusion
qu'on pouvait dégager ce matin de ce qu'on entendait ici.
M. Monty: C'est pour cela...
Le Président (M. Jolivet): M. Monty, un instant. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je voudrais demander au député s'il
parle au nom du Parti libéral du Québec en posant cette
question.
M. Saintonge: M. le Président, je ne sais pas si vous
acceptez une question de
règlement là-dessus. J'ai simplement...
M. Lalonde: Un instant, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je veux savoir si le ministre parle au nom du Parti
québécois dans sa question.
M. Duhaime: Oui.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez un mandat?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
Monty, vous avez une réponse à donner à une question.
M. Monty: Je pense qu'il fallait poursuivre le procès de
façon à, justement, donner confiance aux travailleurs sur le
chantier de la Baie-James. Cela ne m'empêche pas de penser que nos
chances de succès, de gagner notre réclamation étaient
minces. Les deux idées...
M. Saintonge: C'était votre perception. Malgré les
opinions, votre impression, ce qui était important pour vous dans le
fond, était que vous n'aviez pas beaucoup de chances de succès.
C'est cela?
M. Monty: Oui.
M. Saintonge: Le 9 janvier 1979, quand vous avez voté pour
la continuation des procédures, le procès devait débuter
le 15 janvier, est-ce que vous étiez au courant de la rencontre de M.
Laliberté au bureau du premier ministre avec M. Jean-Roch Boivin? Est-ce
que vous aviez été mis au courant de la rencontre que M.
Laliberté avait eue?
M. Monty: J'étais au courant qu'on avait
suggéré une rencontre entre M. Saulnier, M. Laliberté, M.
Boyd au bureau du premier ministre.
M. Saintonge: Ce n'est pas cela. Ce à quoi je veux
référer, c'est que, si vous vous souvenez des témoignages
antérieurs, le 3 janvier 1979, M. Laliberté, à la demande
de M. Boivin, est allé rencontrer M. Boivin dans les bureaux du premier
ministre à Montréal. Est-ce que vous avez été au
courant d'une quelconque façon de cette rencontre ou est-ce que
quelqu'un vous en parlé?
M. Monty: Non, M. le Président.
M. Saintonge: C'était une nouveauté pour vous,
lorsque vous l'avez appris lors des audiences de la commission parlementaire,
ici?
M. Monty: Oui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Saintonge: Oui. Est-ce que vous étiez présent,
M. Monty, aux réunions du conseil d'administration des 23 et 30 janvier
1979?
M. Monty: J'ai vérifié aujourd'hui dans mon ordre
du jour. Oui, j'étais présent.
M. Saintonge: Vous étiez présent. Vous
souvenez-vous qu'il y a eu des discussions, à ces réunions,
relativement à la poursuite qui était engagée et
relativement au procès?
M. Monty: Je pense qu'à toutes les réunions du
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James on parlait de ce procès-là. Je pense que c'est
à une de ces réunions-là qu'il a été
suggéré que M. Saulnier rencontre le premier ministre en
présence de M. Laliberté.
M. Saintonge: Vous souvenez-vous, concernant cette rencontre, de
quelle façon cela avait été amorcé au conseil
d'administration?
M. Monty: Non, je regrette, je ne m'en souviens pas.
M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas du tout. En fait, on
peut conclure que ce n'est pas vous qui avez demandé qu'on aille
rencontrer le premier ministre.
M. Monty: Ce n'est pas moi.
M. Saintonge: Est-ce qu'on a pu mentionner... Vous ne vous
souvenez d'absolument rien concernant cette rencontre?
M. Monty: Je me souviens qu'elle avait été
suggérée, mais je ne me souviens pas qui l'a
suggérée.
M. Saintonge: Cela a été suggéré au
conseil d'administration. Est-ce qu'il y a eu un vote là-dessus ou
si...?
M. Monty: Non, je ne crois pas.
M. Saintonge: Vous souvenez-vous dans quelle visée cela
avait été suggéré? À quelle fin?
M. Monty: Pour explorer la possibilité de savoir si
d'autres personnes étaient d'accord avec un règlement hors
cour.
M. Saintonge: Quand vous dites: "Si
d'autres personnes étaient d'accord", est-ce qu'il y avait des
personnes qui étaient d'accord à ce moment-là sur un
règlement hors cour?
M. Monty: Je suppose qu'il devait y en avoir qui étaient
d'accord. Il n'a pas été question d'un vote en ce sens. Je ne
peux pas répondre d'une façon officielle.
M. Saintonge: De toute façon, vous ne saviez pas, non
plus, que M. Boivin avait suggéré un règlement hors cour,
à ce moment-là, à M. Laliberté?
M. Monty: Non, M. le Président.
M. Saintonge: En déléguant certains
représentants du conseil d'administration à une rencontre avec le
premier ministre, c'était pour savoir si le premier ministre
était d'accord ou pas avec un règlement hors cour, j'imagine?
M. Monty: Oui.
M. Saintonge: Pour vous-même, est-ce qu'il était
important de savoir cela? Est-ce que vous étiez disposé, alors,
à tenir compte de l'opinion du premier ministre dans votre
décision ultérieure?
M. Monty: C'était peut-être intéressant de
savoir quelle était l'opinion du premier ministre à ce sujet,
mais ce n'était pas nécessairement pour nous influencer dans nos
décisions.
M. Saintonge: Sachant personnellement que le premier ministre
pouvait dire qu'il était d'accord avec un règlement hors cour,
est-ce que c'était un élément important, pour vous,
à considérer dans la prise de décision que vous aviez
à faire pour un vote éventuel?
M. Monty: Absolument pas.
M. Saintonge: Absolument pas. Quel était, alors, le but de
favoriser une rencontre avec le premier ministre?
M. Monty: Pour avoir l'opinion du premier ministre en ce sens,
mais cela ne veut pas dire que cela nous influencerait par la suite.
M. Saintonge: Mais si cela n'influence pas et que cela ne donne
rien, pourquoi le faites-vous?
M. Monty: Parce que cela a été
suggéré et accepté. Alors, la réunion a eu
lieu.
M. Saintonge: À votre connaissance, cela ne pouvait
influencer d'aucune façon, ni pour vous ni pour les autres membres du
conseil, la décision éventuelle?
M. Monty: Pas pour moi, personnellement.
M. Saintonge: Est-ce que vous étiez présent
à la réunion du conseil d'administration du 6 février?
M. Monty: Non, j'étais absent.
M. Saintonge: Vous étiez absent. De quelle façon
avez-vous connu l'existence du rapport concernant la rencontre avec le premier
ministre? J'imagine qu'on vous a fait rapport, à un moment donné,
de la rencontre qui avait eu lieu entre le premier ministre et les trois
émissaires?
M. Monty: C'est en lisant les procès-verbaux qui m'ont
été présentés que j'ai pu voir le compte rendu.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez questionné des gens qui
étaient présents à cette rencontre?
M. Monty: Non, je n'ai pas questionné.
M. Saintonge: Vous n'avez pas questionné du tout. Vous
avez pris cela comme cela et vous n'avez pas posé de questions?
M. Monty: J'ai reçu le rapport et je l'ai lu.
J'étais absent à la réunion, alors...
M. Saintonge: À la réunion suivante, quand vous
avez vu ces gens-là, vous n'avez pas...
M. Monty: Franchement, je ne peux pas vous répondre. Je ne
me souviens pas d'avoir posé des questions. J'ai peut-être
posé des questions dans ce sens, mais je ne me souviens pas exactement
de ce que j'ai pu avoir dit.
M. Saintonge: Vous n'avez pas appris dans quels termes le premier
ministre avait exprimé son voeu? Vous avez appris que le premier
ministre avait exprimé son voeu d'un règlement?
M. Monty: En lisant le texte.
M. Saintonge: Mais pas dans quels termes cela s'est fait?
M. Monty: Non.
(21 h 15)
M. Saintonge: Vous avez entendu, ce matin et cet
après-midi, qu'un projet de règlement ou une transaction avait
été
rédigée par les procureurs de la SEBJ, alors
mandatés par M. Laliberté, et que c'était en date du 18
janvier 1979. Quand avez-vous appris l'existence de ce projet de transaction
rédigé par vos procureurs?
M. Monty: Quand j'ai lu les comptes rendus qu'on m'a
présentés depuis le début des séances de la
commission parlementaire. Je ne connaissais pas cela.
M. Saintonge: Vous ne connaissiez pas cela?
M. Monty: Non.
M. Saintonge: Avec les comptes rendus... Mon problème,
c'est que, justement, si je me souviens bien... À quel moment avez-vous
pris connaissance de celui-là? Est-ce que vous le savez
vous-même?
M. Monty: J'étais absent avant Pâques,
j'étais en dehors du Canada. J'ai reçu des copies du document et
j'en ai pris connaissance jusqu'à ce matin.
M. Saintonge: Ce document en particulier, si je me souviens bien,
au procès-verbal du 6 février, on mentionne en fin de compte: Les
membres du conseil prennent connaissance d'un rapport adressé aux
procureurs de la compagnie par Me Jasmin, procureur du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction et du local 791, ainsi que
d'un rapport adressé à Mes Geoffrion et Prud'homme par Me Rosaire
Beaulé, procureur du syndicat international.
M. Monty: Je m'excuse, j'en ai pris connaissance en même
temps que j'ai pris connaissance du procès-verbal. On avait ces
informations.
M. Saintonge: À ce moment. Vous avez assisté cet
après-midi au témoignage ou à la reconnaissance par le
député de Brome-Missisquoi, avec M. Thibaudeau, que la
transaction dont copie avait été envoyée aux procureurs de
la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, par Me Beaulé était
sensiblement la même que celle du 18 janvier 1979.
M. Monty: Oui.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du
rapport du 18 janvier 1979 et à quel moment? Au 6 février, vous
aviez deux rapports: celui de Me Beaulé et celui de Me Jasmin.
Maintenant, celui de vos procureurs, vous n'étiez pas au courant qu'on
travaillait à un projet de transaction à ce moment? Est-ce que
vous étiez au courant?
M. Monty: Malheureusement non, je n'étais pas au
courant.
M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant?
M. Monty: Non.
M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant que vos
procureurs étaient en négociation, en discussion avec les
procureurs des autres parties aux fins d'une transaction éventuelle pour
un règlement hors cour?
M. Monty: Je ne crois pas.
M. Saintonge: Ni le 23 janvier, ni le 30 janvier?
M. Monty: Je mentirais si je disais que je m'en souviens.
M. Saintonge: Vous ne vous en souvenez pas. Je peux
présumer, dans le fond, que le rapport du 18 janvier, vous l'avez appris
à la commission ici.
M. Monty: Oui.
M. Saintonge: Que cela n'avait pas été
discuté au conseil d'administration?
M. Monty: Non.
M. Saintonge: De la même façon, est-ce que vous avez
pu prendre connaissance, à un moment donné, avant la tenue des
audiences de la commission, du voyagement, du va-et-vient, du "promenage", tel
qu'on l'a identifié, des procureurs au bureau du premier ministre?
M. Monty: Absolument pas.
M. Saintonge: Absolument pas. Ni de vos procureurs qui pouvaient
aller au bureau du premier ministre aux fins du règlement de ce
procès?
M. Monty: Absolument pas.
M. Saintonge: Absolument pas. Est-ce que vous avez eu,
personnellement, une démonstration ou reçu des informations qui
pouvaient vous indiquer que les syndicats n'auraient pas été
capables de payer ou que le lien de responsabilité était
discutable? Était-ce le point qui vous faisait pencher aux fins de
favoriser un règlement? Est-ce que vous avez eu des informations de
l'extérieur dans ce sens?
M. Monty: Nous avions des rapports de nos procureurs. Nous avions
des rapports qui nous indiquaient que les syndicats canadiens, les syndicats
québécois ne pouvaient
évidemment pas payer le montant qu'on réclamait.
Maintenant, du côté du syndicat américain, même si on
avait peut-être une chance de recouvrer une certaine somme d'argent, le
risque était grand d'aller plaider aux États-Unis et de
réclamer. Mais les chances de... Oui?
M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas à quel moment ces
rapports sont arrivés?
M. Monty: S'il fallait passer à travers les... Je pense
que c'est...
M. Saintonge: De mémoire. Juste de mémoire.
M. Monty: De mémoire, c'est probablement au mois de
janvier ou février 1979.
M. Saintonge: Cela serait après le début de la
cause, en fait.
M. Monty: Oui. C'est cela, après le début de la
cause.
M. Saintonge: C'est après le début de la cause que
l'opinion a changé.
M. Monty: Oui.
M. Saintonge: Vous vous souvenez de cela, que les opinions
juridiques ont changé de teneur, en fin de compte, après le
début de la cause, au mois de février, je pense.
Le Président (M. Jolivet): Cela va, M. le
député?
M. Saintonge: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'ai deux questions, M. Monty. Je ne sais pas si vous
avez en main le rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la
liberté syndicale dans l'industrie de la construction, mieux connu sous
le nom de rapport de la commission d'enquête Cliche. Dans
l'édition que vous avez, je voudrais vous renvoyer à la page 68.
Il y a l'avant-dernier paragraphe que je voudrais peut-être vous lire, je
vais vous en lire trois avant de vous poser une question. Je vous rappelle que
ce rapport de la commission a été déposé et
transmis par M. Robert Cliche, M. Brian Mulroney, M. Guy Chevrette, les trois
commissaires, à l'honorable Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, le 2 mai 1975. Vous allez retrouver cette information à
la page 5 du document.
À la page 68, je lis ceci: "Les commissaires ont acquis la
conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la
responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement
d'une réaction de masse, mais bien d'une opération montée
par un noyau de mécréants dirigés par Duhamel pour
montrer, une fois pour toutes, qui était le maître à la
Baie-James. L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des
témoins du saccage est que les travailleurs ont été de
simples spectateurs et même des victimes des actes insensés
posés par un Duhamel en délire. C'est à ce genre de
catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité des
aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle
des principaux locaux de la FTQ-Construction." Je vais vous faire grâce
du reste. Il y en a pour meubler vos nuits.
Ma question est la suivante: Êtes-vous d'accord avec une de ces
recommandations de la commission d'enquête Cliche, à savoir que
les travailleurs sur les chantiers étaient davantage des victimes de ce
qui s'était passé lors du saccage de 1974 à la
Baie-James?
M. Monty: Je suis entièrement d'accord avec cet
énoncé.
M. Duhaime: Ma dernière question, M. Monty, est une
demande de précision. J'ai cru comprendre que vous avez dit tout
à l'heure que vous êtes avec Hydro-Québec depuis 32 ans ou
37 ans.
M. Monty: 37 ans au mois de mai.
M. Duhaime: 37 ans au mois de mai qui vient. Avant
d'accéder au conseil d'administration de la SEBJ, si on part de 1978 en
reculant, quelles ont été les fonctions que vous avez
occupées, soit à Hydro-Québec, soit à la Commission
hydroélectrique?
M. Monty: De mars 1976 à octobre 1978, j'ai
été commissaire...
M. Duhaime: Commissaire de quoi?
M. Monty: De la Commission hydroélectrique du
Québec. De 1969 à 1976, j'ai été directeur
général de la construction à Hydro-Québec, ce qui
comprend tous les projets de construction; de 1950 à 1969, j'ai
été impliqué dans la construction et l'ingénierie
des lignes de transport, à titre d'ingénieur de construction,
directeur et ingénieur en chef. Alors, ma carrière s'est faite
à Hydro-Québec dans la construction de lignes et de centrales,
ainsi de suite.
M. Duhaime: C'est donc dire que vous avez oeuvré presque
toute votre vie à Hydro-Québec, jusqu'à vous retrouver au
conseil d'administration, soit comme
commissaire de la Commission hydroélectrique qui était
l'équivalent du conseil d'administration d'Hydro-Québec que l'on
connaît aujourd'hui, de même que du conseil d'administration de la
SEBJ. Le fait que les présidents du conseil et le P.-D.G. de la SEBJ
aillent rencontrer le premier ministre du Québec pour connaître
son avis sur une instance comme celle-ci était-ce pour vous quelque
chose hors de l'ordinaire, une démarche extraordinaire ou
était-ce quelque chose qui vous est apparu comme étant dans le
cadre normal des choses?
M. Monty: Dans le cadre normal.
M. Duhaime: Je vous remercie, monsieur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je serai bref, M. le Président. M. Monty,
lorsque vous avez été nommé au conseil d'administration de
la SEBJ, vous arriviez d'Hydro-Québec. Vous étiez commissaire
d'Hydro-Québec, comme vous nous l'avez dit. Lorsque les postes de
commissaires ont été abolis avec la réforme
d'Hydro-Québec, tous les commissaires sont devenus automatiquement, je
pense, administrateurs de la SEBJ ou, enfin, la majorité d'entre eux.
N'est-ce pas?
M. Monty: La majorité d'entre eux.
M. Bourbeau: La majorité d'entre eux, oui. Il y a eu des
exceptions. C'est donc que vous étiez déjà au courant, en
octobre 1978, de ce qui se passait à la SEBJ auparavant. Vous
étiez sûrement au courant qu'une offre de règlement avait
été faite en 1975, je crois, par les syndicats?
M. Monty: J'ai souvenance qu'une offre avait été
faite en 1975, oui.
M. Bourbeau: L'offre était de 400 000 $, je crois.
M. Monty: Excusez-moi, voulez-vous répéter la
question?
M. Bourbeau: L'offre de 1975 qui avait été
refusée par la SEBJ était de l'ordre de 400 000 $, je crois.
Est-ce exact?
M. Monty: Est-ce que c'était une offre du syndicat?
M. Bourbeau: Oui, des syndicats, pour régler la cause.
M. Monty: Une offre du syndicat?
M. Bourbeau: Je pense que c'est dans le rapport, on parle
de...
M. Monty: Un instant, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: C'est à la page 18 du dossier, au
deuxième paragraphe.
M. Monty: Au haut de la page 18, on lit: "Avant que ce paiement
n'eût été versé, des ouvertures de règlement
ont été faites à la société d'énergie
par le procureur du local 791 de la FTQ-Construction, Me Michel Jasmin. Le
règlement proposé était sur une base de un tiers pour
chacun, la Société d'énergie absorbant un tiers de sa
réclamation auprès des assureurs, ces derniers lui payant les
deux tiers de sa réclamation et ne recouvrant qu'un tiers du syndicat.
Cette proposition a été refusée par la
société d'énergie". Ce n'était pas une offre du
syndicat, c'était...
M. Bourbeau: Enfin, est-ce que vous pourriez nous expliquer ce
que cette offre signifiait exactement? Ce n'est pas tellement clair. J'avais
cru comprendre que...
M. Monty: Est-ce que je pourrais demander à ...
M. Bourbeau: Oui, peut-être que Me Gadbois, s'il n'y a pas
d'objection, pourrait nous l'expliquer.
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.
M. Bourbeau: Non?
Le Président (M. Jolivet): II a été entendu
que c'est le témoin, la personne invitée qui répond, parce
qu'elle est sous serment.
M. Monty: Je vous ferais remarquer qu'en 1975 je n'étais
pas au conseil d'administration de la Société d'énergie de
la Baie James.
M. Bourbeau: Effectivement, mais vous étiez...
M. Monty: J'étais à Hydro-Québec. Je
n'étais même pas commissaire. Mais, même comme commissaire,
je n'étais pas commissaire responsable au conseil d'administration de la
Baie-James.
M. Bourbeau: De toute façon, une offre avait
été faite et refusée par la SEBJ. Je pense que le document
fait état d'une offre qui avait été refusée par la
SEBJ en 1975.
M. Monty: C'est ce qui est écrit dans le document ici.
M. Bourbeau: C'est ce qui est écrit. Lorsque l'offre
finale est arrivée sur la table le 20 février... Je m'excuse.
Quand le document, le 6 mars, est arrivé pour signature, l'offre de 200
000 $, avez-vous été surpris que le montant offert ne soit que de
200 000 $ en ce qui concernait la SEBJ?
M. Monty: II avait commencé à 50 000 $. Il avait
monté à 125 000 $. Il était rendu à 200 000 $.
Évidemment, le montant était minime. Aurait-on pu essayer d'avoir
un peu plus? Peut-être. Mais, tout de même, les 200 000 $
n'étaient pas surprenants, parce qu'on montait graduellement à
des montants pas beaucoup plus considérables que les
précédents.
M. Bourbeau: Justement, vous dites que les montants ont
commencé très bas et montaient tranquillement. Dans votre
expérience de gestionnaire et d'administrateur, est-ce qu'il ne vous
aurait pas paru normal, à un moment donné, surtout au
début des négociations, que les administrateurs de la SEBJ
donnent instruction à leurs avocats de négocier à partir
d'un montant plus élevé? (21 h 30)
M. Monty: Évidemment, si on regarde ce que nous
coûtaient aussi les frais de nos avocats, à raison de 25 000 $ par
semaine, lorsque les 200 000 $ ont été offerts, on aurait
peut-être pu essayer de continuer, pour obtenir peut-être 300 000 $
ou 400 000 $; peut-être qu'on aurait pu attendre plusieurs mois pour
obtenir ce montant. Je me demande si l'on aurait été gagnant
à la fin à cause des dépenses qui s'accumulaient du
côté de nos conseillers juridiques.
M. Bourbeau: Lorsqu'au conseil d'administration il a
été question, au tout début, d'explorer les
possibilités d'un règlement, est-ce que vous vous êtes
demandé ou si quelqu'un d'autre du conseil a demandé à
quel montant vous alliez faire une offre de règlement vous-mêmes?
Quand vous avez su que les syndicats offraient 50 000 $, avez-vous
demandé à vos avocats ou à vos collègues à
quel montant vous alliez proposer vous-mêmes de régler? Autrement
dit, plutôt qu'uniquement considérer une offre qui venait d'en
bas, est-ce que vous avez suggéré un montant cible en tant
que...
M. Monty: À cette réunion, j'étais absent,
M. le Président. Je ne peux pas vous répondre.
M. Bourbeau: Vous avez dit qu'à plusieurs reprises au
conseil il était question...
M. Monty: Mais vous parlez de cette réunion en
particulier.
M. Bourbeau: Non, je ne parle pas de celle-là. Je parle de
réunions où on a évoqué les négociations. Je
présume qu'on les évoquait à chaque réunion. Est-ce
que quelqu'un à votre connaissance ou vous-même avez
demandé que la SEBJ donne instruction à ses avocats de demander
un montant de départ, si je puis dire, de négociation, de sorte
qu'on ne se retrouve pas toujours nécessairement avec une offre
très basse, qu'on réussirait difficilement à faire monter?
A-t-on vu à ce que vos avocats aient eu mandat de demander une somme de
5 000 000 $ ou 3 000 000 $ pour leur servir de base de négociation?
M. Monty: Je me souviens que certains membres du conseil avaient
demandé d'essayer d'obtenir une offre beaucoup plus considérable,
qui pourrait au moins couvrir les frais de nos conseillers juridiques. Je me
souviens que cela a été mentionné.
M. Bourbeau: Vous souvenez-vous du montant qui avait
été mentionné?
M. Monty: Un instant. Je peux lire le texte à la page 118,
au bas de la page, si vous le voulez. Le conseil a résolu "d'autoriser
Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la compagnie dans la
cause de la SEBJ contre Yvon Duhamel et Al., à proposer aux procureurs
des défenseurs les termes de règlement hors cours de ladite cause
sur la base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur
responsabilité pour les dommages et du paiement à la compagnie
d'une somme représentant substantiellement les frais légaux
encourus à date, le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement."
M. Bourbeau: À votre connaissance, les frais juridiques
étaient de combien?
M. Monty: On parle de près d'un demi-million, de 400 000
$.
M. Bourbeau: Est-ce que, à votre connaissance, vos avocats
ont eu mandat d'exiger un minimum de 450 000 $?
M. Monty: Je ne sais pas si on avait donné un mandat
précis comme celui-là, mais on avait assurément
demandé à nos avocats d'essayer d'obtenir le plus possible pour
au moins couvrir les frais de nos avocats.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il a déjà été
question, lors des discussions au conseil, de ces demandes de vos avocats
à la partie
adverse de sommes qui pouvaient aller aux environs de 500 000 $?
M. Monty: Probablement. Je ne peux pas vous répondre d'une
façon précise, M. le Président.
M. Bourbeau: M. Monty, dans votre expérience - vous avez
été directeur général de la construction à
Hydro-Québec, c'est un poste assez élevé, je pense que
c'est le plus élevé à peu près, avant d'être
commissaire -vous avez certainement eu souvent à régler des
réclamations ou des négociations, vous avez dû passer votre
vie à faire des négociations, je présume?
M. Monty: Oui, c'est peut-être la raison pour laquelle
j'avais des doutes sur la possibilité d'en arriver à un
règlement en gagnant une cause.
M. Bourbeau: Dans votre expérience de négociation,
est-ce que vous en avez vu souvent dans votre vie où la partie
demanderesse, enfin celle qui est le patron, si je puis dire, la partie
patronale, n'a pas donné à ses mandataires un montant de
départ précis un maximum même plus élevé
peut-être que le montant souhaité, de façon que la
négociation se fasse des deux bouts, comme on le voit normalement dans
une négociation collective où les syndicats demandent beaucoup et
où le patron offre peu et on se rencontre à mi-chemin? Dans le
cas présent, est-ce que cela ne vous est pas apparu étrange qu'on
avait une offre très basse et qu'elle montait tranquillement, au fur et
à mesure des semaines? On aurait dit que tout le monde était
assis sur la chaudière et que personne de l'autre côté ne
demandait un montant plus élevé. Est-ce que cela ne vous a pas
paru étrange?
M. Monty: Si je me base sur mon expérience que j'avais
dans la construction, lors des règlements de réclamations, comme
vous le dites vous-même, c'est que le réclamant demande beaucoup
plus que le montant qui lui est dû. L'expérience que j'ai acquise,
c'est que, ordinairement, c'est de 10 à 15% de la valeur de la
réclamation et des montants exacts qu'on pourrait régler.
Maintenant, du côté de cette cause-là, ce serait l'inverse
et au lieu de baisser, on monte graduellement. C'est peut-être une autre
façon, mais ce n'était pas la façon que je
connaissais.
M. Bourbeau: Vous, dans votre expérience, vous n'avez pas
vu cela souvent, des réclamations où c'est le débiteur qui
propose un montant infime, alors que le demandeur, enfin le patron, dans le cas
présent, ne demande pas, lui, un montant très élevé
ou, enfin, beaucoup plus élevé, de façon à
permettre de se rencontrer à mi-chemin.
M. Monty: C'est un fait.
M. Bourbeau: Et quand on vous a mis sur la table le montant de
200 000 $, le 6 mars, d'autres avant vous ont dit qu'ils ont été
stupéfaits de voir un montant aussi peu élevé. Je pense
que M. Hébert l'a dit et Mme Forget, aussi, je pense.
M. Duhaime: Ils n'ont pas été stupéfaits.
Non.
M. Bourbeau: Ils ont été surpris. Bon, je m'excuse
du mot. Je ne voulais pas insulter le ministre. Disons qu'ils ont
été surpris.
M. Lalonde: Une autre saute d'humeur! Mon Dieu! Deux sautes
d'humeurs!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Laissez
à M. Monty le soin de répondre.
M. Monty: La capacité de payer des syndicats,
évidemment, était peut-être l'une des raisons qui nous
portaient à croire que le montant qu'on nous offrait était
peut-être le maximum qu'on pouvait obtenir. Accepter un montant de 200
000 $ ou de 300 000 $, il y avait peut-être une différence de
quelque cent mille dollars, mais est-ce qu'on aurait pu la gagner? Il y avait
aussi les frais que nous encourions. L'incapacité de payer des syndicats
canadiens était peut-être l'une des raisons qui nous
forçaient à accepter le règlement de 200 000 $.
M. Bourbeau: Oublions les Américains, puisqu'il y avait un
petit problème, mais, sur la capacité de payer des syndicats
canadiens, étiez-vous, personnellement, sûr que les syndicats
canadiens ne pouvaient pas payer plus que 200 000 $?
M. Monty: Par les rapports que nous avons eus, les
déclarations de nos avocats et des gens qui connaissaient les syndicats,
on avait presque l'assurance que c'était impossible que les syndicats
puissent payer la note.
M. Bourbeau: Par exemple, il ne vous est pas passé par la
tête de dire: On va demander plus et, au pis aller, ils vont refuser
notre offre et on renégociera autre chose? Si vous aviez refusé,
par exemple, l'offre de 200 000 $, pensez-vous que cela n'aurait pas pu attirer
une offre plus haute?
M. Monty: Je ne peux pas vous répondre. On aurait
peut-être gagné un peu plus. Maintenant, on voulait,
évidemment,
régler aussi le problème lui-même, de façon
que le chantier puisse continuer à la même allure qu'il allait et
nettoyer la situation.
M. Bourbeau: Sur le souhait du premier ministre, il ne semble pas
que vous étiez au courant que le premier ministre avait fait valoir ses
voeux pieux, comme on a dit, le 1er février. Mais le conseil
d'administration avait été mis au courant le 6 février de
ces voeux-là. Et, enfin, il semble que dans le milieu, les avocats le
savaient, parce qu'il y avait un va-et-vient continuel entre le bureau du
premier ministre et celui des avocats. Est-ce que, dans ces circonstances, il
ne vous apparaît pas qu'il était difficile de faire monter les
offres, puisque tout le monde savait qu'il fallait régler de toute
façon?
M. Monty: Je ne pense pas que la rencontre au bureau du premier
ministre et le rapport que nous avons eu au conseil aient pu influencer les
membres du conseil à propos de la décision de régler ou de
ne pas régler. Personnellement, je ne le crois pas.
M. Bourbeau: Est-ce que cela ne handicapait pas la
possibilité de faire monter l'offre des syndicats, le fait que tout le
monde savait qu'il y avait des instructions de régler absolument?
M. Monty: Je ne crois pas.
M. Bourbeau: Vous ne croyez pas? Alors, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Très brièvement, M. Monty. Lors de
l'une des premières questions, au tout début, M. le ministre vous
a demandé si, au cours des mois de décembre 1978, janvier 1979 ou
février 1979, vous aviez eu des contacts directs ou indirects avec, soit
le premier ministre, soit les gens de son bureau, son chef de cabinet, M.
Jean-Roch Boivin, soit son attaché politique, M. Yves Gauthier. Vous
avez répondu non. Mais, par la suite, au cours de votre
témoignage, vous avez dit: J'ai pris connaissance - vous me corrigerez
si j'ai tort - du procès-verbal de la réunion où on a dit
que le premier ministre était favorable à un règlement.
Vous avez donc eu un contact indirect, par le biais d'un papier ou d'un rapport
qui a été fait par M. Saulnier.
M. Monty: Lorsque j'ai lu le procès-verbal. J'étais
absent, le 6 février, lorsqu'on a mentionné que M. Saulnier avait
rencontré le premier ministre.
M. Paradis: Comment l'avez-vous appris?
M. Monty: En lisant le procès-verbal à la
réunion suivante. On m'a quand même distribué le
procès-verbal.
M. Paradis: Vous avez donc été, indirectement, mis
au courant de l'opinion du premier ministre.
M. Monty: C'est-à-dire que j'ai lu ce qui était
écrit dans le procès-verbal.
M. Paradis: À la page 118 du cahier, à la
réunion du 20 février, vous avez lu le dernier paragraphe de la
proposition dûment faite et appuyée qui se lisait comme suit:
"D'autoriser Mes Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la
compagnie dans la cause de la SEBJ versus Yvon Duhamel et Al., à
proposer aux procureurs des défendeurs les termes de règlement
hors cour de ladite cause sur la base d'une reconnaissance par tous les
défendeurs de leur responsabilité pour les dommages - on peut
comprendre pourquoi vous vouliez une reconnaissance - et du paiement à
la compagnie d'une somme représentant substantiellement les frais
légaux encourus -M. Laliberté nous a confirmé que
c'était aux alentours de 900 000 $ à cette
époque-là -le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement." Pourquoi
avez-vous ajouté, et c'est cela ma question: "le tout sous condition que
les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les
mêmes défendeurs soient réglées
préalablement?" Quel était pour vous, à titre
d'administrateur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, je m'excuse. Je viens d'entendre une question de
règlement de la part du député de Chambly.
M. Tremblay: Je m'aperçois que le député,
malencontreusement, est en train d'induire en erreur la commission. Il a dit
que... Je suis certain qu'il ne le fait pas volontairement. De sa part, j'en
suis sûr.
M. Paradis: De sa part, cela va.
M. Pagé: Mais de la part de l'autre?
M. Tremblay: II a dit que M. Laliberté avait dit que les
frais judiciaires étaient de 900 000 $ et selon moi...
M. Paradis: Les frais encourus pour la poursuite à ce
moment-là étaient de 900 000 $. Il y avait 365 000 $ plus 435 000
$. M. Laliberté avait dit 800 000 $, et le député de
Marguerite-Bourgeoys avait
dit: Si j'additionne comme il faut, cela fait 900 000 $. Il a reconnu
qu'il s'agissait de 900 000 $. Vous vous en souvenez, oui?
M. Tremblay: Non.
M. Paradis: Tout le monde s'en souvient.
M. Tremblay: C'est parce que...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Le
député a posé une question de règlement. M. le
député a essayé d'y répondre. Est-ce que cela a
été clarifié?
M. Tremblay: II semblerait. On va regarder cela.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi, vous pouvez continuer.
M. Paradis: C'est la même question, M. Monty. Vous ajoutez,
à la fin: "Le tout sous condition que les actions instituées par
les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient
réglées préalablement." Pourquoi, comme administrateur,
teniez-vous à cette condition-là? On peut comprendre que vous
teniez au paiement de vos frais. On peut comprendre que vous teniez à
l'admission de responsabilité. Mais pourquoi vouliez-vous que les
compagnies d'assurances abandonnent les poursuites?
M. Monty: Si on voulait régler avec les syndicats, il
fallait que les compagnies d'assurances le fassent aussi. Les deux actions
étaient jointes dans la même.
M. Paradis: Oui, mais pourquoi ne vouliez-vous pas laisser le
choix aux compagnies d'assurances de continuer, si elles le voulaient?
M. Monty: On m'informe que les compagnies d'assurances
n'étaient pas prêtes à accepter à moins que nous ne
réglions les deux en même temps.
M. Paradis: Quel était votre intérêt? Je
comprends que les compagnies d'assurances ne voulaient pas accepter. Mais vous,
comme administrateur de la SEBJ, quel était votre intérêt
à forcer les compagnies d'assurances à abandonner les
poursuites?
M. Monty: Je suppose que les taux d'assurance auraient pu
augmenter considérablement si on ne réglait pas.
M. Paradis: Non, non, mais les taux ont augmenté
considérablement de 20% et cela a coûté, pour dix ans,
selon les documents et le témoignage de M. Laliberté, 5 800 000
$, quasiment 6 000 000 $ d'augmentation pour les dix prochaines années,
parce que la compagnie d'assurances a payé et a abandonné les
poursuites. Donc, cela ne peut pas être la raison. Est-ce que, dans votre
souvenir, vous pourriez trouver une autre raison? Non?
M. Monty: Je regrette.
M. Paradis: Cela va. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Monty, très
rapidement. Tout à l'heure, on a eu le témoignage de M.
Laferrière qui a fait état d'une rencontre avec M. Yves Gauthier,
le 3 novembre, laquelle rencontre du 3 novembre étant suivie, le 27
novembre, d'une demande de la part de M. Laferrière, inscrite au
procès-verbal d'ailleurs, demandant des documents qui permettaient
d'établir la solvabilité des défendeurs,
c'est-à-dire des syndicats, et demandant aussi de clarifier le lien de
droit entre les défendeurs et les dommages qui avaient été
causés. M. Monty, est-ce que vous pouvez nous dire si vous étiez
présent quand cette demande du 27 novembre 1978 a été
faite par M. Laferrière?
(21 h 45)
M. Monty: J'ai vérifié dans mon ordre du jour,
aujourd'hui, et j'étais présent à la réunion du 27
novembre.
M. Doyon: Bon. Est-ce que vous vous souvenez, de fait, que M.
Laferrière ait fait une demande telle que celle inscrite au
procès-verbal du 27 novembre 1978?
M. Monty: Malheureusement, je ne m'en souviens pas.
M. Doyon: M. Monty, même si vous ne vous souvenez pas que
M. Laferrière ait mentionné cette demande dans le
procès-verbal, est-ce que M. Laferrière aurait pu, à un
moment ou à un autre lors de discussions qu'il aurait pu avoir avec vous
entre le 3 novembre et le 27 novembre 1978, discuter de sa rencontre avec M.
Yves Gauthier, du cabinet du premier ministre et ancien tuteur du local 791, un
des principaux défendeurs de l'action qui était entreprise par la
SEBJ?
M. Monty: Je n'ai jamais eu de discussion en ce sens avec M.
Laferrière.
M. Doyon: M. Monty, vous avez assisté, j'imagine, aux
délibérations de cette commission pendant toute la journée
et particulièrement cet après-midi. Quelle est votre
réaction personnelle, aujourd'hui, devant ce qui a été
établi à cette
commission, c'est-à-dire le fait que ce qui a été
présenté, au mois de février, comme étant une offre
des défendeurs, soit des syndicats, était, à toutes fins
utiles, la copie conforme, à quelques exceptions près, d'un
document qui émanait de vos procureurs de la SEBJ? Comment
réagissez-vous à cela comme administrateur?
Le Président (M. Jolivet): Avant que vous ayez à
répondre, M. Monty, je dois vous rappeler que l'article 178, par
analogie, vous protège aussi à ce niveau et, en même temps,
le mandat de la commission parlementaire vous permet de ne pas répondre
à cette question si vous ne le désirez pas.
M. Monty: Ce que je veux répondre, c'est que cela a
été une surprise pour moi.
M. Doyon: Vous avez été surpris, M. Monty. Je vous
remercie de votre réponse. Cela nous aide énormément, M.
Monty, que vous acceptiez de répondre à des questions qui peuvent
être difficiles. Mais cette surprise que vous manifestez maintenant,
à quoi est-elle due, M. Monty?
M. Monty: D'abord, les deux lettres et les deux rapports
coïncidaient tellement; puis deux jours d'intervalle, c'était quand
même surprenant.
M. Doyon: Si je me trompe, vous me le direz. Est-ce qu'on peut
dire aussi, M. Monty, que la surprise peut, en partie - étant
donné qu'on a établi tout à l'heure par le
député de Laporte, que vous avez négocié longtemps
et à plusieurs reprises - être due au fait de voir qu'une
proposition de règlement des défendeurs est, en fait, une
proposition de règlement qui émane des demandeurs? Est-ce que
votre surprise pourrait être due à cela?
M. Laplante: Objection, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je veux
simplement...
Une voix: Le député de Bourassa s'objecte
encore.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Je veux
simplement rappeler à M. Monty qu'il n'est pas obligé de
répondre, comme j'en ai fait mention au début de l'interrogation
par le député de Louis-Hébert.
M. Laplante: C'est justement. Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense que M. Monty est
prêt à répondre qu'il ne veut pas répondre. C'est ce
que j'ai compris.
M. Monty: Exactement. Je ne tiens pas à répondre
à cette question.
M. Doyon: M. Monty, est-ce que, dans vos
antécédents, dans vos activités antérieures, il
vous est déjà arrivé de voir une procédure telle
que celle que je viens d'expliquer et qui a été établie
devant la commission en ce qui concerne une négociation? Est-ce que vous
avez déjà connu une telle façon de négocier?
M. Monty: Je ne crois pas. Je ne m'en souviens pas d'avoir eu des
cas comme cela.
M. Doyon: C'est un précédent pour autant que vous
êtes concerné, en 37 ans de passage à Hydro-Québec.
C'est bien cela?
M. Tremblay: C'est parce que cela fait deux fois que le
député dit que cela a été établi. Qu'est-ce
qui a été établi?
M. Lalonde: II faudrait peut-être réveiller le
député de Chambly.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse. S'il
vous plaît.
M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, un à
la fois.
M. Lalonde: Est-ce qu'on pourrait sonner les cloches pour
réveiller le député de Chambly?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député.
Une voix: Ding! Ding! Ding!
M. Lalonde: On va sonner les cloches pour essayer de
réveiller le député de Chambly. Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Cela a été
calme, on va continuer à être calme.
M. Tremblay: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de
savoir ce qui a été établi?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Pour éclairer le
député de Chambly, je vais l'informer de ce qui a
été établi cet après-midi. C'est qu'un projet de
règlement, qui a été présenté par les
défendeurs, c'est-à-dire les syndicats, les procureurs des
syndicats, le 19 et qui est daté du 19 janvier, a été
transmis par une lettre du 22 janvier. Il a été
établi clairement - et si le député avait
écouté, il aurait compris - que cette offre qui apparaissait
à sa face même comme étant une offre qui émanait des
syndicats, du procureur des syndicats, Me Beaulé, était, en fait,
la copie conforme, la copie carbone, le calque - je ne sais pas si le
député me suit à peu de chose près, d'un projet de
règlement préparé par les procureurs de la SEBJ: Geoffrion
et Prud'homme. C'est ce qui a été établi par mon
collègue de Brome-Missisquoi, et si le député de Chambly
est de la commission...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, lorsque le
député de Brome-Missisquoi s'est livré à cet
exercice cet après-midi, j'ai fait des mises en garde et je me rends
compte que ce soir on est en train de tirer des conclusions de façon
prématurée. Pour autant que je suis concerné, il y a deux
documents sur la table, l'un qui porte la date du 18 janvier et l'autre qui
porte une nouvelle date, le 19 janvier. Je pense qu'il est important de dire
ici que la chose qui est établie devant cette commission pour l'instant,
pour autant que ces documents sont concernés, c'est que nous les avons
en main.
Je voudrais référer le député de
Louis-Hébert à la page 200 du document, parce que cela a
été très clairement établi et j'espère que
d'autres personnes viendront le dire. À la page 200, sur la note
d'honoraires de Geoffrion et Prud'homme, il y a en date du 15 janvier une
"vacation à la cour pour procès", c'est-à-dire le premier
jour de l'audience, une "rencontre avec Me Jasmin" et "pourparlers de
règlement et entrevue avec les autorités de la
Société d'énergie de la Baie James". C'est à la
page 200 du document que j'ai devant moi et je pense que le
député de Brome-Missisquoi va convenir qu'à partir du 15
janvier...
Une voix: 201.
M. Duhaime: Page 200.
Une voix: 202.
M. Duhaime: ...jusqu'au 30 janvier - je pense que cela a
été établi - il y avait eu six rencontres entre...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: ...les procureurs des parties. Le
député de Brome-Missisquoi a lui-même ajouté qu'il
n'y en avait pas eu cinq, parce que j'avais compris cinq, mais bien six. Je
pense que d'autres témoins qui seront appelés à venir
devant cette commission pourront expliquer au député de
Louis-Hébert comment des avocats qui pourraient représenter dans
un litige des intérêts opposés travaillent à la
préparation de projets de transaction, sans préjudice,
j'imagine...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député.
M. Duhaime: À partir d'un fait qui consisterait à
dire: Ceci est établi et ceci n'est pas établi, je pense que le
député de Louis-Hébert ne peut pas, à ce stade-ci
des travaux de la commission, tirer pareilles conclusions. Il vient
d'émettre une longue opinion; je vous avoue franchement que je ne suis
pas tellement impressionné. Je le prierais tout simplement de poser des
questions. Quant à la synthèse des travaux de cette commission,
j'imagine qu'on aura l'occasion d'en reparler.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, avant que
l'on continue. Je ne voudrais pas que ce soit un débat qui soit trop
long, puisque notre but est de terminer avec M. Monty ce soir pour continuer
dès demain matin avec M. Roquet. Mais je ne voudrais pas que le reste du
temps soit pris à un point tel que M. Monty soit obligé de
revenir demain matin.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas perdre plus de
temps, mais la question soulevée par le ministre est importante. Il
semble mettre en doute le droit du député de Louis-Hébert
d'exprimer une opinion sur une démonstration qui a été
faite par le député de Brome-Missisquoi. Si l'opinion
exprimée par le député de Louis-Hébert, selon
laquelle les deux documents sont des jumeaux, ne plaît pas au
député ou au ministre, c'est sa responsabilité de dire que
ces deux documents ne se ressemblent pas, mais il n'a pas le droit de contester
au député de Louis-Hébert le droit de conclure que ces
deux documents sont des jumeaux.
Le Président (M. Jolivet): Cependant, je dois aussi
comprendre que, si le député de Louis-Hébert a une
opinion, que le ministre a une opinion, que d'autres ont des opinions, le but
n'est pas de savoir si chacun a une opinion ici, ce soir; c'est de poser des
questions à M. Monty.
Une voix: C'est cela.
M. Paradis: M. Monty est d'accord avec l'opinion.
Le Président (M. Jolivet): Alors, si vous voulez continuer
pour terminer avant 22
heures.
M. Doyon: Merci, M. le Président. En parlant d'opinion, M.
le Président, je pense que, si le ministre avait continué de
tourner - parce qu'il était bien parti - une page supplémentaire
- il en était à la page 200 -s'il était arrivé
à la page 202, il aurait constaté lui-même que, le 18
janvier, les avocats de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, indiquent dans leurs
comptes: "Rédaction d'une déclaration de transaction", à
laquelle je me réfère quand je dis - c'était à
l'intérieur de ma question et je pense que c'était important; il
n'y a pas de contradiction, cela vient tout simplement confirmer ce que je
disais - que ces deux propositions de règlement sont, finalement,
identiques. Ma question à M. Monty était de savoir s'il avait
été mis, d'une façon ou d'une autre, de près ou de
loin, au courant qu'une initiative avait été prise par la SEBJ
pour rédiger une proposition de règlement qui reviendrait par la
bande comme étant celle des syndicats défendeurs. Est-ce que vous
avez été mis au courant de cela, M. Monty?
M. Monty: Non, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres
questions, je remercie...
M. Laplante: Un instant, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, oui.
M. Laplante: M. Monty, dans votre longue expérience, vous
avez parlé de 1965, des difficultés que vous avez eues sur la
ligne de la Gaspésie. Trouvez-vous normal que deux procureurs, le
défendeur et celui qui poursuit, puissent se rencontrer et
négocier un arrangement quelconque pour régler le litige et que,
entre les deux, il se rédige un rapport avec entente?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Laplante: Trouveriez-vous cela normal?
Le Président (M. Jolivet): M. Monty.
M. Laplante: En accord, que les deux puissent rédiger.
M. Monty: Je trouve normal que deux avocats se rencontrent pour
essayer de négocier une entente entre les deux. À mon sens, cela
s'est vu assez régulièrement de façon à
régler cela hors cour.
M. Laplante: Croyez-vous, en somme, que ce n'est pas cela qu'ils
ont fait, les procureurs de la Baie-James et les procureurs de la partie
défenderesse? Croyez-vous que c'est cela qu'ils ont fait?
Le Président (M. Jolivet): M. Monty, je dois vous
rappeler, comme le député de Bourassa me le rappelle souvent, que
l'article 168 vous protège, puisque c'est une question d'opinion.
Une voix: Suggestive.
Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion
à laquelle vous n'êtes pas obligé de répondre.
M. Monty: Une question d'opinion, je ne répondrai pas.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Monty. Je dois
terminer les travaux pour ce soir et ajouner à demain matin, 10 heures.
M. Claude Roquet sera alors notre invité. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 59)