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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie-James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis),
M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Blouin (Rousseau), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteaugay), M.
Lafrenière (Ungava), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé
(Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa), M.
Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est toujours M. LeBlanc de Montmagny-L'Islet.
Les personnes convoquées
Les personnes qui ont été convoquées devant la
commission aujourd'hui sont: M. Claude Laliberté, M. Hervé
Hébert, Mme Nicolle Forget, M. Georges Gauvreau, M. André
Thibaudeau et M. Pierre Laferrière.
Au moment où nous commençons nos travaux, à 10 h 05
ce matin, voici l'horaire d'aujourd'hui. Puisque l'Assemblée nationale
siégera à 14 heures, normalement, nous devrions terminer nos
travaux à 12 h 30 pour reprendre après la période des
questions jusqu'à 18 heures, puis nous reviendrons de 20 heures à
22 heures ce soir. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je constate, en voyant les
noms de ceux qui doivent venir témoigner aujourd'hui, qu'il y a une
dérogation à la liste des témoins qu'on nous avait remise
hier. Vous constaterez qu'hier, on devait entendre d'abord M. Laliberté,
M. Robert Boyd et M. Lucien
Saulnier pour ensuite entendre M. Hébert, Mme Forget, et les
autres. J'aimerais demander si la raison pour laquelle on ne retrouve plus les
noms de MM. Boyd et Saulnier sur la liste de ceux qui comparaîtront
aujourd'hui peut s'expliquer d'une façon quelconque. Est-ce que MM. Boyd
et Saulnier ne pouvaient pas nous rencontrer ce matin?
Le Président (M. Jolivet): Je vais demander à M. le
ministre de répondre à cette question. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je remercie le
député de Gatineau. On a sans doute songé aux mêmes
choses puisque votre question précède les remarques que je
voulais faire moi-même au début de nos travaux ce matin.
Effectivement, il y a une modification à l'ordre des
témoins qu'on avait prévu entendre, non seulement pour la
journée d'hier mais pour la journée d'aujourd'hui aussi, parce
qu'hier nous avions prévu entendre huit personnes, en présumant
que l'Opposition était intéressée à aller vite et
à ce que les travaux de cette commission parlementaire aient lieu avant
le congé pascal. Par voie de conséquence, j'espère que
certains des témoins qui n'ont pas été entendus hier le
seront aujourd'hui. Les autres le seront après le congé
pascal.
Vous me demandez pourquoi je fais ce changement à l'ordre des
témoins prévus ou des personnes appelées à
comparaître devant la commission. Nous avons dans une journée,
hier, entamé mais sans les terminer, les questions à poser
à M. Laliberté, président de la Société
d'énergie de la Baie-James. Nous devrions peut-être pouvoir les
terminer ce matin ou cet après-midi.
J'ai acquis une conviction au sujet de l'Opposition et je le dis en tout
déférence, après les scénarios du 23 mars 1983,
tels qu'ils se sont déroulés devant l'Assemblée nationale
- et on peut le vérifier à la page 3 du journal des Débats
du 23 mars 1983 que j'ai devant moi. De façon péremptoire, le
leader parlementaire de l'Opposition a posé des questions au
Secrétaire général de l'Assemblée au moment
même où il n'y avait aucun président au siège pour
présider nos travaux, en exigeant une commission parlementaire et en
posant même trois conditions que je réénumère,
à partir de la
page 3 de la transcription du journal des Débats du 23 mars.
C'est M. Lalonde, leader de l'Opposition qui parle: "Que le mandat de cette
commission parlementaire sera le plus large possible, que cette commission
parlementaire sera télévisée et que tous les
témoins que nous, de l'Opposition, voudrons convoquer le seront."
À la page 4, le chef de l'Opposition, M. Levesque (Bonaventure), pose la
question suivante au premier ministre: "Très rapidement, est-ce que le
premier ministre peut assurer cette Chambre que cette commission parlementaire
aura lieu avant le congé pascal, aura lieu, autrement dit, dès la
semaine prochaine et, si c'est possible, avant la semaine prochaine? Le premier
ministre peut-il nous donner cette assurance? Dans sa réponse, M.
Lévesque, (Taillon) dit: "Je vais répondre affirmativement, parce
que j'aurais aimé que cette commission suive immédiatement le
titre invraisemblable, complètement injustifié, qu'un journal
s'est permis de faire là-dessus."
Bref, M. le Président, des deux côtés, on avait
l'intention de procéder rapidement, d'avoir un mandat qui allait couvrir
notre sujet, c'était même l'exigence de l'Opposition. Je pense
plutôt - je vais le dire comme je le pense - même après les
mises en garde que j'ai cru de mon devoir de faire hier matin à
l'ouverture de nos travaux, je pense l'avoir fait je dirais avec
délicatesse et aussi avec courtoisie, j'ai la conviction, dis-je, ce
matin, que nous avons entamé hier un long roman-feuilleton. Puisque nous
allons vers un roman-feuilleton, aussi bien faire en sorte que ceux qui nous
écoutent et ceux qui nous liront puissent en suivre chacun des
épisodes.
Or, il m'apparaît assez important qu'un des points majeurs de ce
que nous discutons, c'est cette rencontre qu'il y a eue à la demande du
président du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie-James de rencontrer le premier ministre en
compagnie de MM. Boyd et Laliberté. Je voudrais, pour la bonne
compréhension de nos travaux, que nous puissions, après
Pâques, entendre, dans une même séquence, MM. Saulnier, Boyd
et le premier ministre, d'autant plus que, pour ma part, je voudrais tout
simplement prendre le temps de relire la transcription qui a été
faite ou qui est en cours. Elle sera terminée lorsque nous pourrons
donner congé à M. Laliberté. Je voudrais prendre le temps
de relire tout son témoignage. Je vous dirai honnêtement - je le
conseille aussi à d'autres - que j'ai repris la lecture du rapport de la
commission Cliche et que je n'ai pas terminé. Cela pourrait être
utile pour d'autres qui seront appelés à comparaître devant
la commission parlementaire.
Je tiens également pour acquis, M. le Président, que - ce
n'est pas risquer grand-chose que de l'avancer - l'Opposition repose les
mêmes questions. Je ne la blâme pas - si c'est là son voeu
et son scénario - mais un, deux, trois, quatre et même cinq
membres de l'Opposition ont posé hier sur le fond essentiellement les
mêmes questions à la même personne.
J'ai l'expérience de ce genre de manoeuvres, M. le
Président, je vous dis que cela ne dérangera pas beaucoup mes
pulsations cardiaques, sauf que ce que je propose aujourd'hui, c'est que nous
en terminions avec M. Laliberté et que nous puissions le libérer
après son témoignage.
Puis nous pourrions entendre M. Hébert, Mme Forget, MM. Gauvreau,
Thibaudeau et Laferrière, qui, sauf erreur, sont tous membres du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James.
Si nous avons terminé nos travaux à 17 h 30 ou à 21 heures
ce soir, nous les ajournerons lorsque cette liste aura été
épuisée. Je tiens pour acquis que si l'Opposition officielle
n'est pas intéressée à travailler le mercredi soir et,
suivant mes informations, n'est pas davantage intéressée à
travailler le vendredi matin, eh bien! nous ajournerons nos travaux lorsque
nous aurons épuisé cette liste et nous nous reverrons
après le congé pascal.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président. J'aimerais rectifier un
certain nombre de choses qui ont été dites par le ministre, tout
d'abord, pour la question de savoir si on voulait siéger le vendredi. On
nous a proposé de siéger le vendredi saint, demain. La Chambre ne
siège pas le vendredi saint. Je ne connais pas -peut-être qu'on
pourrait me corriger - de leader du gouvernement qui ait fait siéger
l'Assemblée nationale le vendredi saint. C'est une fête
chrétienne extrêmement importante et qui a toujours
été respectée dans nos annales politiques comme un jour
où l'on fait autre chose que se chicaner.
M. Bertrand: M. le Président, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: Le jeudi saint, le mercredi saint?
M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.
M. Lalonde: Écoutez, si le leader du gouvernement veut
suspendre les travaux de cette commission parce que c'est le jeudi saint, on
pourra recommencer la semaine prochaine. Nous voulions que cette commission
commence rapidement. Mais nous
n'avons jamais dit qu'elle devait avoir lieu rapidement, nous n'avons
jamais indiqué que nous voulions escamoter les problèmes, que
nous voulions faire en vitesse et à la hâte un travail qui est
long, qui est difficile et que nous voulons faire sérieusement. C'est
d'ailleurs le leader du gouvernement lui-même qui a imposé
à la commission le mandat que nous avons, savoir d'examiner toutes les
circonstances entourant la décision de régler hors cour et,
après coup, le rôle du premier ministre. Si on avait suivi la
suggestion de l'Opposition, on aurait une commission parlementaire qui
examinerait le rôle du premier ministre et de son bureau.
Quant à l'à-propos de ce règlement, nous sommes
intéressés à ce qu'il soit examiné aussi. Mais il
nous apparaissait que les accusations très graves portées dans le
journal La Presse contre le premier ministre, à savoir que le premier
ministre aurait trompé l'Assemblée nationale, étaient la
raison principale, la première raison de la tenue de cette
enquête, de cette commission. Nous n'avons aucunement l'intention, M. le
Président - je pense d'ailleurs que cela a été
évident hier et que cela va continuer comme cela - d'escamoter notre
travail. Nous avons, de par le règlement, 8 députés qui
tous ont fait leur travail, ont examiné leurs dossiers, sont
intéressés et ont le droit de poser des questions. Nous ne
voulons pas retarder indûment les travaux et ce retard qui fait que des
gens sont arrivés ici hier en grand nombre pensant qu'ils
comparaîtraient hier, c'est le jugement du gouvernement qui a
décidé d'en convoquer je ne me souviens plus combien.
M. Duhaime: II y en a eu 8.
M. Lalonde: II y en a eu 8 hier. C'est complètement
irréaliste. Maintenant, nous, nous avons demandé une commission
parlementaire ou enfin, nous aurions préféré une
enquête publique indépendante, mais je ne reviendrai pas
là-dessus. Nous avons une commission parlementaire. M. le premier
ministre, justement le 23 mars, disait en réponse à une question
du chef de l'Opposition - la question est de savoir si la commission
parlementaire pourrait avoir lieu très rapidement - iI disait: "Je vais
répondre affirmativement, parce que j'aurais aimé que cette
commission suive immédiatement le titre invraisemblable et
complètement injustifié qu'un journal s'est permis de faire
là-dessus".
C'était tout à fait à l'intérieur des
pouvoirs du gouvernement, en commençant par le premier ministre, le
leader du gouvernement, de convoquer une commission parlementaire le lendemain
de la parution de ce titre. Alors, lorsqu'il vient se plaindre
littéralement en Chambre le 23 mars qu'il aurait aimé que la
commission parlementaire ait lieu avant, c'est complètement farfelu. Il
avait le pouvoir de le faire et il a fallu -oui, c'est vrai - prendre des
moyens inusités, le début de la session, les seuls qui
étaient à notre disposition à ce moment-là, pour
obtenir l'engagement que cette commission ait lieu rapidement. Non pas que son
travail soit fait en catimini, soit escamoté, mais qu'elle ait lieu. La
commission a lieu. Elle a lieu depuis hier, elle a lieu aujourd'hui et elle
aura lieu aussi longtemps que les députés de l'Opposition et les
députés ministériels - quoiqu'ils soient moins bavards que
d'habitude - auront des questions pertinentes à poser aux
témoins. Il s'agit d'un cas très grave, très large aussi.
Ce mandat est très, très large. Nous l'avons accueilli comme tel.
Nous sommes en train de faire l'examen des circonstances qui ont entouré
la décision de régler hors cour une réclamation de 32 000
000 $. Il semble que le gouvernement, selon la convocation à la
commission parlementaire que nous avons eue, a pensé que cela pourrait
se faire en deux jours. C'est complètement irréaliste et, si ce
n'est pas irréaliste, c'est pire.
Quant aux témoins et au fait qu'on ait enlevé de la liste
les noms de MM. Boyd et Saulnier, j'aimerais que le député de
Gatineau reprenne les propos qu'il a commencés tout à
l'heure.
Le Président (M. Jolivet): Mais avant, le leader du
gouvernement a demandé la parole. Je la donnerai ensuite au
député de Gatineau.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je vais immédiatement indiquer
qu'effectivement, comme l'a souligné le ministre de l'Énergie et
des Ressources, à la reprise des travaux de l'Assemblée
nationale, mardi le 12 avril, j'indiquerai à quel moment cette
commission parlementaire poursuivra l'étude de ce dossier. Nous nous
sommes fait dire hier par l'Opposition: Premièrement, nous ne voulons
pas être bousculés. Il ne faut pas, en aucune façon, que
les parlementaires se sentent bousculés. C'est vrai?
M. Lalonde: Merci beaucoup.
M. Bertrand: Comme on ne veut pas, de l'autre côté,
être bousculé, il nous faut donc patiemment, sereinement,
calmement procéder à l'audition des personnes que l'Opposition a
manifesté le désir d'entendre et que les députés
ministériels ont aussi manifesté le désir d'entendre. Nous
avons commencé, hier matin, par le témoignage de M.
Laliberté. Nous avons tous constaté qu'il y avait effectivement
beaucoup d'intérêt à ce que M. Laliberté se fasse
entendre le plus longuement possible sur plusieurs des aspects relatifs au
dossier. Beaucoup de questions ont
été posées par le ministre de l'Énergie et
des Ressources, beaucoup de questions ont été posées par
les députés de l'Opposition. On nous a indiqué hier qu'on
en aurait peut-être encore pour un peu plus d'une heure. On a appris
à connaître l'Opposition pour savoir qu'un peu plus d'une heure
peut vouloir dire deux heures...
Des voix: Trois...
M. Bertrand: ...peut-être trois... Comme on finit par
apprendre à se comprendre - je ne dirai pas à s'aimer d'amour
tendre...
M. Gratton: Soyez sans crainte là-dessus.
M. Bertrand: ...on va donc fonctionner dans un climat de grande
détente et permettre à M. Laliberté, ce matin, de
continuer à se faire entendre et à répondre aux questions
des parlementaires. Mais nous n'allons pas bousculer non plus les autres
personnes qui ont été invitées ici et qui veulent se faire
entendre, des personnes comme M. Boyd et M. Saulnier, qui étaient
présentes à la réunion, avec M. Laliberté, au
bureau du premier ministre, avec le premier ministre, et qui ont
participé à cette rencontre. Je m'imagine, à partir de ce
qu'on a vu hier, que M. Saulnier aura probablement besoin, lui aussi, de
présenter un témoignage relativement important tout de
même, puisqu'il était là et qu'il assumait des fonctions
importantes au moment où les décisions ont été
prises.
Deuxièmement, j'imagine que l'Opposition va vouloir poser toutes
les questions à peu près dans le sens de ce qui s'est
passé avec M. Laliberté, hier; donc, on peut imaginer - ce n'est
pas une hypothèse à rejeter a priori - qu'on ait besoin
peut-être d'une matinée, d'une matinée et d'un
après-midi, peut-être de toute une journée pour entendre M.
Saulnier.
Je dis la même chose dans le cas de M. Boyd, qui était
présent à cette rencontre. Ce sera intéressant de voir
comment, effectivement, trois personnes qui étaient présentes
à la même rencontre, ont réagi et, par la suite, comment
ces personnes ont défini leurs attitudes quant aux décisions
qu'elles devaient prendre au sein du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James.
Donc, non seulement les parlementaires ne doivent pas être
bousculés, mais les personnes qui viennent se faire entendre, qui se
sont déplacées, ne doivent pas sentir qu'elles sont
bousculées par les parlementaires de quelque façon que ce soit.
Je pense que M. Laliberté peut dire aujourd'hui qu'il a eu toute la
chance, hier, de se faire entendre convenablement. Cela va continuer ce matin,
M. Laliberté. On vient de vous l'annoncer. L'Opposition vous a
prévenu. Sachez que vous serez ici avec nous, et nous en sommes
honorés, pendant une bonne partie de la journée. Dans ce
contexte, des personnes qui étaient présentes avec vous à
la rencontre avec le premier ministre méritent, je crois, qu'on puisse
leur laisser toute la latitude voulue pour se faire entendre, mais pas dans un
contexte de bousculade.
L'Opposition nous a dit: Le gouvernement ne nous bousculera pas. Nous
disons ce matin: L'Opposition ne bousculera ni le gouvernement ni les personnes
dont les témoignages sont fort importants. Dans ce contexte, il nous
apparaît extrêmement plus sain, M. le Président,
étant donné le fait que ces personnes ont participé
à la rencontre avec le premier ministre, que nous puissions, au retour
du congé pascal, dans un climat qui permettra d'aller aussi loin, aussi
en profondeur qu'avec M. Laliberté, que ces personnes, M. Saulnier et M.
Boyd, puissent être entendues dans les meilleures conditions possible. Je
ne préjuge en rien des témoignages de M. Hébert, de Mme
Forget, de M. Gauvreau, de M. Thibaudeau, de M. Laferrière. On pourra
peut-être avoir besoin, pour chacune de ces personnes, d'un temps
important pour faire en sorte que leur témoignage, elles qui
étaient au conseil d'administration pour prendre les décisions,
soit effectivement bien enregistré ici, au journal des
Débats.
Donc, M. le Président, je crois que ce qu'il s'agit maintenant de
faire, c'est, premièrement, de continuer à procéder avec
M. Laliberté; deuxièmement, que la commission parlementaire soit
bien informée que le gouvernement a l'intention, tout en ayant
commencé les travaux avant le congé pascal, tel que promis et tel
que demandé, espérant ou souhaitant que, si l'Opposition
officielle a manifesté le désir que les travaux soient
télévisés pour la journée de mercredi et de jeudi,
ils puissent être télévisés lorsque nous reviendrons
après le congé pascal et que, troisièmement, toutes les
personnes qui se présentent ici aient les chances maximales d'être
entendues dans un contexte démocratique. Ceci étant dit, nous
allons donc, M. le Président, procéder à la poursuite de
l'audition de M. Laliberté
Le Président (M. Jolivet): Cependant, je dois, auparavant,
accorder la parole aux députés de Gatineau et de
Louis-Hébert qui m'ont demandé d'intervenir. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: D'abord une courte question, soit au ministre ou au
leader du gouvernement. Est-ce qu'on pourrait demander à quel moment MM.
Boyd et Saulnier ont été avertis du fait que, contrairement
à ce qui avait été indiqué par
le gouvernement hier, ils ne seraient pas entendus immédiatement
après M. Laliberté?
M. Bertrand: La réponse est très simple M. le
Président. Le Secrétariat des commissions parlementaires a
reçu ce matin, à 9 heures, la liste des personnes qui,
aujourd'hui, seraient appelées à se faire entendre devant la
commission parlementaire.
M. Lalonde: ...
M. Bertrand: Pardon?
M. Lalonde: Vous n'êtes même pas capables
d'être loyaux pour les témoins.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
leader.
M. Bertrand: Qu'est-ce que j'ai dit qui ne fait pas l'affaire du
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: C'est la première fois que c'est seulement une
heure avant le début de la séance qu'on change, qu'on tripote une
liste des témoins comme cela.
Le Président (M. Jolivet): N'engagez pas de débat,
s'il vous plaît, M. le député. Messieurs, à l'ordre!
À l'ordre! À l'ordre!
M. Bertrand: Non, je m'excuse, c'est tout à fait inexact.
M. le Président, à moins que les gens ici ne le sachent, il y a
des bureaux qui ferment à une certaine heure à l'Assemblée
nationale du Québec et, au-delà de certaines heures, avant que
nous puissions communiquer la liste des personnes qui sont convoquées,
il nous faut tout de même attendre que ces personnes soient revenues
à leur bureau.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Lalonde: J'aurais une question de règlement, quand
même, M. le Président. Hier après-midi, à la fin de
nos travaux, je crois, sauf erreur - mais il faudrait qu'on vérifie la
transcription - qu'on nous avait indiqué qu'on aurait la nouvelle liste
de témoins d'aujourd'hui un peu plus tard hier soir. On nous avait dit:
Dans une heure. De part et d'autre... (10 h 30)
Le Président (M. Jolivet): Moi, M. le
député... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je
voudrais quand même clarifier des choses. La présidence ici, je
pense que c'est important, est témoin d'un débat qui,
normalement, ne devrait pas avoir lieu ici, compte tenu que nous devons
entendre M.
Laliberté. J'ai laissé aller puisque des questions ont
été posées de part et d'autre, en sachant cependant qu'il
faut dire à tous les gens qui ne sont pas habitués à ce
genre de commissions parlementaires, que le président n'a qu'à
constater ce matin la liste qui lui est fournie et à appeler les gens
tels qui nous sont présentés. Le reste, ce sont des discussions
qui pourraient se passer ailleurs qu'ici. Par décence envers les
témoins convoqués ce matin, nous devons les entendre. Je pense
cependant que l'habitude veut qu'il y ait quelques préliminaires, mais
qui ne prennent pas des heures et des heures à se régler.
Le président constate ce matin que la liste qui lui est
présentée est une nouvelle liste, n'est pas celle d'hier. J'ai
fait attention hier, à la fin des auditions, pour bien faire comprendre
que ce n'était pas à la présidence de déterminer
l'ordre des travaux d'aujourd'hui et que la normalité des choses est en
ce sens que le Secrétariat des commissions reçoit une liste qui
lui est fournie par le leader du gouvernement. Tant et aussi longtemps que ne
seront pas changées ces façons de travailler - puisque je sais
qu'il y a des discussions au niveau de la façon dont les commissions
devront travailler dans le futur, s'il y a entente à l'Assemblée
nationale sur la - transformation des commissions parlementaires - je dois vous
dire que je n'ai pas d'autre choix que d'appliquer les règles
actuelles.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je voudrais que ceux qui ont
à faire entendre leur voix, le fassent le plus rapidement possible, pour
qu'on puisse commencer avec M. Laliberté.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je serai bref, mais vous me permettrez sûrement
de dire d'abord que si le leader du gouvernement prétend ne pas vouloir
bousculer les personnes qui doivent venir se faire entendre devant la
commission, le moins que la courtoisie aurait exigé, c'est qu'on
avertisse avant 9 heures ce matin, et peut-être même avant la tenue
de la commission, MM. Boyd et Saulnier, du fait que, contrairement
à ce qui avait été annoncé hier, ils ne seraient
pas entendus à la commission aujourd'hui. Il est important pour ceux qui
nous regardent à la télévision de savoir que ce n'est ni
vous, en tant que président, ni le Secrétariat des commissions,
en tant que tel, qui dresse la liste des personnes qui doivent être
entendues à une commission parlementaire. Ce n'est pas non plus en
collaboration avec l'Opposition qu'on le fait. C'est le gouvernement seul, par
le biais du bureau du leader du gouvernement, qui décide
d'autorité, avant la tenue de chaque séance, quelles seront les
personnes
entendues.
Or, au début des travaux d'hier matin, on en avait, à
l'Opposition, reçu avis la veille, le gouvernement avait
décidé de faire comparaître huit personnes dans l'ordre
suivant: M. Claude Laliberté, qu'on a déjà commencé
à questionner; ensuite M. Robert Boyd et M. Lucien Saulnier, suivis de
cinq administrateurs de la SEBJ, qu'on retrouve d'ailleurs dans le même
ordre aujourd'hui. Nous n'avions pas eu à nous exprimer, nous n'avions
pas été consultés et nous n'avions pas émis de
commentaires sur cet ordre. S'il n'en avait été que de nous, de
l'Opposition, nous aurions préféré procéder dans un
autre ordre, mais la coutume étant ce qu'elle est, nous avons
accepté cette liste, puisqu'on n'avait pas le choix. On a
préparé nos travaux et l'étude de nos dossiers en
conséquence.
Hier, è la fin des travaux, vers 18 heures, le leader du
gouvernement vient nous annoncer qu'il y aurait des changements dans l'ordre de
comparution de ce matin. Il nous a informés - et le leader de
l'Opposition l'a très bien indiqué tantôt - que dans
environ 1 heure, l'Opposition serait saisie d'une nouvelle liste. Plus que
cela, le leader du gouvernement est allé jusqu'à dire que,
probablement, le premier ministre et son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin,
seraient entendus coûte que coûte avant le congé pascal,
c'est-à-dire avant la fin de la séance de ce soir.
Donc, nous avons cru, et je pense que nous étions en droit de
croire qu'hier soir, vers 20 heures, nous serions saisis d'une nouvelle liste
et à ce point, le leader de l'Opposition a très bien
indiqué que nous nous opposions dès lors qu'on change l'ordre de
comparution des témoins parce que la liste d'hier nous paraissait
normale, même si nous n'avions pas contribué à la
préparer, du fait que les trois personnes qui avaient participé
à la réunion avec le premier ministre, le 1er février,
soit MM. Laliberté, Boyd et Saulnier, soient les premières
à être entendues. Nous avons, comme je le disais tantôt,
préparé nos travaux dans cet esprit.
M. le Président, ce n'est que ce matin, à 9 h 10, que nous
avons appris, alors que le Secrétariat des commissions nous a fait
parvenir la liste pour aujourd'hui, que ni M. Boyd ni M. Saulnier ne serait
entendu aujourd'hui, mais qu'on escamotait tout simplement et que,
contrairement à l'information que le leader du gouvernement nous avait
donnée hier, le premier ministre ou le chef de cabinet du premier
ministre, M. Jean-Roch Boivin, ne comparaîtrait pas non plus.
M. le Président, le moins qu'on puisse dire, quand on parle de ne
pas bousculer l'Opposition et les témoins, c'est qu'il y a lieu de se
demander ce qu'on essaie de faire. Est-ce qu'on essaie de manipuler la preuve
du côté du gouvernement de façon à profiter des
heures de tombée? On sait que le leader du gouvernement est un grand
communicateur, il connaît cela, la communication. Les heures de
tombée des journaux, il s'y connaît. On n'a pas d'objection
à cela. Mais il me semble qu'on ne devrait pas assujettir les travaux de
la commission à l'heure de tombée des médias
d'information. On est ici pour régler une question extrêmement
grave. Est-ce que le premier ministre, tel qu'il en a été
accusé par le journal La Presse, a trompé l'Assemblée
nationale le 20 février 1979 en répondant à des questions
de l'Opposition?
M. Blouin: Non.
M. Gratton: Les députés péquistes nous
disent non. Nous disons: Écoutons les témoins qui peuvent nous
faire la preuve si, oui ou non, on nous a trompés. Écoutons-les
dans un ordre logique et non pas à partir des caprices du leader du
gouvernement ou du ministre de l'Énergie et des Ressources qui,
semble-t-il, n'ont pas tout à fait goûté la tournure des
événements des travaux d'hier.
M. le Président, on n'y peut rien. Si le gouvernement a l'air un
peu fou jusqu'à maintenant, ce n'est pas à l'Opposition qu'il
faut le reprocher, c'est aux actes que le gouvernement a posés dans le
passé. C'est la raison qui nous amène à la commission.
C'est pour étudier ce que le gouvernement a fait ou ce qu'il n'a pas
fait et voir si le premier ministre a trompé l'Assemblée
nationale ou pas. C'est inacceptable pour nous, complètement
inacceptable qu'on nous bouscule, qu'on nous manipule la preuve de cette
façon. Est-ce que, lorsque nous serons rendus au 12 avril, quand on
reviendra, on aura encore une autre façon de procéder?
Je vous rappelle que nous n'étions pas satisfaits du mandat. Nous
avions suggéré un mandat différent, parce qu'il nous
semblait que celui-ci était beaucoup trop large. Nous nous sommes
pliés, puisque nous n'avions aucune façon de nous y opposer
formellement. Nous avons accepté le mandat. Nous nous sommes
opposés à ce que ce soit la commission de l'énergie et des
ressources qui fasse ce travail. Il nous semblait que la commission de
l'Assemblée nationale ou la commission de la présidence du
conseil aurait été un meilleur forum. Le gouvernement a
imposé sa volonté, nous nous y sommes pliés.
Hier, on nous a imposé une liste de comparution des
témoins. Nous aurions préféré procéder
autrement, mais, n'y pouvant rien, nous avons accepté. Est-ce que vous
allez nous changer cela d'une journée à l'autre, d'une heure
à l'autre, sans aucun avis, sans nous donner aucune façon de nous
préparer valablement? Est-ce que vous tentez d'amener l'Opposition
à ne pas faire son travail convenablement?
J'écoutais le ministre de l'Énergie et des Ressources
dire: le 23 mars, l'Opposition a dit qu'il fallait aller vite. Ce n'est pas
d'aller vite qui compte, c'est de faire toute la lumière dans cette
affaire. Ce n'est pas une course contre la montre. Je comprends que le
gouvernement voudrait bien tout bâcler, tout finir cela au plus sacrant.
Il semble être embarrassé. Mais ce n'est pas le rôle de
l'Opposition de faire comme la majorité servile du Parti
québécois et de tout simplement accepter les diktats du premier
ministre. On est ici, justement, pour examiner la conduite du premier ministre.
Notre rôle, en tant qu'Opposition - c'est la population qui a voulu qu'on
soit à l'Opposition - c'est d'informer la population, par le biais de
cette commission parlementaire, dans des conditions qui nous
désavantagent, on en convient. Au moins, ayez la décence de faire
les choses telles qu'elles ont toujours été faites. À
titre d'exemple, je pense, en dix ans d'expérience à
l'Assemblée, que c'est la première fois que l'Opposition est
avisée, à 50 minutes seulement du début des travaux de la
liste des témoins à entendre. On a toujours été non
seulement avisé la veille, mais très souvent le gouvernement
consultait l'Opposition pour avoir son point de vue sur l'ordre des
témoins. Voici que tout à coup le leader du gouvernement, avec le
concours du ministre de l'Énergie et des Ressources, décide que
là c'est assez, et c'est nous autres qui menons! On va vous passer sur
le corps et c'est nous autres qui allons vous dicter comment travailler. On ne
nous empêchera quand même pas de dire qu'on n'est pas satisfait de
cette façon de procéder.
Le Président (M. Jolivet): Avant de continuer le
débat, je me demandais, pendant que le député et les
autres parlaient, si je devais me permettre d'intervenir comme
président, non pas dans le débat - vous savez très bien
que je n'ai pas à regarder le fond du débat - mais pour regarder
si justement on ne doit pas procéder ce matin.
Je vous répète qu'hier matin une liste nous a
été fournie et j'ai essayé de la faire respecter. C'est le
droit de tous les parlementaires d'intervenir et je ne pense pas que le
président ait à décider qui doit parler. Par
conséquent, mon devoir est de donner la parole à ceux qui la
demandent.
La deuxième chose. Je me souviens assez directement de ce qui a
été dit. Comme dans toute commission parlementaire, on nous avait
fait une liste pour la journée d'hier en espérant pouvoir la
passer. Cela c'est une autre question que je n'ai pas à toucher. Au
début de la journée d'hier, on avait fait mention de la
journée d'aujourd'hui. Je pense que le ministre, dans son intervention
préliminaire, en avait fait mention.
On a dit vers la fin de la journée, sachant qu'on ne
siégait pas durant la soirée puisqu'il n'y avait pas entente
entre les deux partis politiques, que M. Laliberté devait normalement
poursuivre son témoignage. Si vous vous en souvenez, j'avais dit
à M. Laliberté de se tenir disponible pour ce matin 10 heures.
Cependant, à la fin de l'intervention de M. Latouche, j'avais
rappelé que ce n'était pas à la présidence d'agir
ainsi et que je me fierais à la liste qui me serait fournie.
Ordinairement, le président reçoit la liste au
début des travaux le matin. Il a donc un ordre du jour qu'il doit faire
respecter. C'est ce que j'essaie de faire respecter ce matin en disant que la
personne qui était là hier, M. Laliberté, devrait pouvoir
continuer son témoignage. La parole, à ce moment-là,
était au député de Laporte.
Nous pourrions continuer longuement le débat qui est
amorcé sur cette procédure mais j'en ai une autre aussi qui est
urgente pour moi. C'est d'être prêts à entendre les
témoins dans l'ordre qui nous est présenté, en
espérant, d'ici 22 heures ce soir, terminer la liste, sinon une autre
liste nous sera fournie pour les journées subséquentes de cette
commission parlementaire.
Donc, je demanderais aux députés, si on me le permettait,
parce que vous avez le droit de parole ici à cette Assemblée, de
procéder avec M. Laliberté le plus tôt possible. M. le
ministre.
M. Duhaime: Une remarque. Il est presque 10 h 45 et je
souhaiterais quant à moi que l'on commence, c'est-à-dire que l'on
poursuive et qu'on écoute M. Laliberté. Je voudrais juste dire
une chose cependant, parce que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a
peut-être la mémoire courte. Mais je lui rappellerais que le
gouvernement a agi avec la plus grande rapidité pour ce qui est de la
convocation de cette commission parlementaire. Le premier article qui a paru
dans la Presse c'était le 17 mars. Je pense que c'est bon que les gens
sachent que le 17 mars, l'Assemblée nationale n'était pas en
session et qu'avant qu'une commission parlementaire puisse siéger, il
faut un ordre de l'Assemblée nationale. L'Assemblée a repris ses
travaux le 23 mars et le premier ministre a indiqué très
clairement que nous déplorions les manoeuvres de l'Opposition au moment
de la nomination d'un président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le
ministre.
M. Duhaime: Cela n'a pas été votre bonne
journée, vous allez en convenir. Nous avons donc, du point de vue du
gouvernement, dit le 23 mars, le jour même, et confirmé le
lendemain, alors que c'était
plus normal vu qu'il y avait au moins un président d'élu
à l'Assemblée nationale, que la commission de l'énergie et
des ressources siégerait. (10 h 45)
L'Opposition nous avait donné toutes les indications qu'on
voulait tenir cette commission avant Pâques, rapidement. M. Levesque, de
Bonaventure, a même souhaité, et je le lis au texte: que cette
commission parlementaire ait lieu "avant le congé pascal, autrement dit
dès la semaine prochaine, et, si c'est possible, avant la semaine
prochaine." Mon Dieu, il aurait donc fallu commencer à siéger le
24 ou même le 25, c'est-à-dire le lendemain même du
début des travaux de l'Assemblée nationale. Et le
député de Gatineau vient me dire ce matin qu'il n'est pas
prêt. C'était urgent, impératif, toutes affaires cessantes.
Vous n'êtes pas prêt? Voulez-vous qu'on ajourne les travaux?
M. Gratton: Est-ce qu'on avait l'air de ne pas être
prêts hier? Avions-nous l'air d'être prêts hier?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Duhaime: Vous êtes complètement ridicules.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Est-ce que le
député de Louis-Hébert veut prendre son tour de
parole?
M. Doyon: Très rapidement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, à la suite des remarques
du ministre, il y a une chose qui me frappe. Il a dit, à un moment
donné, que ces travaux pourraient se faire en l'espace de deux jours. Je
voudrais quand même placer les choses dans leur perspective.
M. Duhaime: Je ne l'ai pas dit à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. À
l'ordre! À l'ordre!...
S'il vous plaît! M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous avons entendu hier,
au cours du témoignage de M. Laliberté, que la
Société d'énergie de la Baie-James prévoyait
elle-même...
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
M. Doyon: ...six mois...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, j'ai une question de règlement de la part du
député de Bourassa. S'il vous plaît!
M. Laplante: Je pense qu'actuellement, M. le Président, on
se moque royalement de la population du Québec avec cette commission
parlementaire.
M. Doyon: Ce n'est pas une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, votre question de règlement, s'il vous plaît!
M. Laplante: Oui, M. le Président. On a commencé
nos travaux hier matin. On a eu la chance de faire les travaux
préliminaires, les motions préliminaires. On a discuté. Ce
matin, les autres parlementaires de l'Opposition ont dit que c'était au
gouvernement de faire les listes, que c'était sa responsabilité
de faire les listes des témoins à entendre et que l'Opposition
n'avait qu'à accepter les témoins à entendre.
J'ai deux questions, M. le Président. Est-ce qu'il est
arrivé, aux autres commissions parlementaires, que l'ordre des
témoins soit changé ou ait déjà été
changé? Est-ce que, ce matin, depuis le début de nos travaux, il
y a eu une motion quelconque pour discuter du sujet qu'on discute
présentement? Je crois que le dépôt des listes faites par
le gouvernement est une prérogative du gouvernement et que les travaux
de ce matin devraient commencer par les témoignages ou par la poursuite
du témoignage de M. Laliberté, sans autre discussion. J'aimerais,
M. le Président, que vous preniez acte de ce que j'essaie de vous
expliquer et même que vous suspendiez la séance pendant 5 minutes,
si vous voulez, pour prendre une décision que je crois très
importante à ce moment-ci et qui aura un effet dans d'autres commissions
parlementaires. Je me demande si ce que vous endurez ce matin, ou ce que vous
nous faites endurer, ou que vous faites endurer à la population du
Québec...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Laplante: ...n'est pas une atteinte aux prochaines commissions
parlementaires.
M. Lalonde: Oh! Des reproches au président?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M.
Lalonde: C'est l'article no 68...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Une
première chose, s'il vous plaît! C'est
moi qui ai à rendre une décision sur cette question. Je
vais la rendre le plus calmement possible.
La première des choses, c'est que le président doit
prendre connaissance de la liste qui lui est fournie le matin. Cette liste
devient l'ordre du jour. Donc, pour répondre à une argumentation
qui a été faite tout à l'heure, je dois dire deux choses.
La première, c'est que la liste devient l'ordre du jour et ne peut pas
être changée durant la journée. J'ai déjà
rendu des décisions dans ce sens. Un témoin voulant
comparaître avant un autre, je demandais au témoin qui voulait
comparaître d'aller rencontrer tous les autres et de demander à
chacun des autres qui étaient sur la liste, dans l'ordre, de lui donner
cette permission. La deuxième chose, c'est que, si jamais un
témoin additionnel s'ajoutait, comme il est arrivé hier
d'ailleurs, cela me prendrait le consentement des représentants des deux
partis pour faire en sorte qu'une personne puisse témoigner avant une
autre personne.
Il arrive souvent que des discussions comme celle que l'on a ce matin se
produirent, mais elles ne durent pas aussi longtemps. Et c'est pour cela que
j'ai demandé, le temps qu'elle a duré ce matin, qu'on puisse
procéder le plus rapidement possible et que les interventions soient les
plus brèves possible. J'ai cru comprendre qu'on m'accordait cela. Il
restait le député de Louis-Hébert qui avait demandé
la dernière intervention. Je lui ai demandé d'être le plus
bref possible sur cette question. Mais, avant de lui donner la parole et en lui
demandant d'être le plus bref possible, je pense que j'aurais le devoir
-tout en sachant que vous avez vous aussi des devoirs ce matin - d'entendre M.
Laliberté, toujours selon son même serment, et que la parole
serait au député de Laporte. J'aimerais cependant faire remarquer
qu'un petit accroc au règlement a été fait tout à
l'heure. Si nous ne sommes pas en session, sur simple avis du leader, la
commission peut se réunir.
M. le député de Louis-Hébert vous conservez la
parole. Je vous prierais de procéder rapidement.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je vous signale que je
n'avais dit que deux mots avant d'être interrompu par le
député. Ce que je signalais c'est l'étonnement
causé par les paroles du ministre qui nous disait espérer - par
pur manque de réalisme - que cette commission pourrait s'acquitter de
ses devoirs et obligations en deux jours, quand on a entendu le
président de la société, M. Laliberté, hier, nous
affirmer que la société elle-même prévoyait au moins
six mois pour un procès. Nous sommes en train de ressasser les
mêmes événements et les mêmes circonstances. Il faut
quand même être réaliste.
Pour continuer, l'argumentation du ministre selon laquelle il veut
présenter à la population qui nous regarde une séquence
des événements qui permette de comprendre ce qui s'est
passé, je vous signale que tel que cela a été dit ce
matin, hier on nous a présenté une liste de témoins
où il y avait une séquence. J'imagine qu'on avait établi
cette séquence en vue de la bonne compréhension des travaux de
cette commission. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui? Si la
séquence qui, hier, était de nature à bien faire
comprendre à la population comment s'étaient
déroulées les circonstances entourant la décision de la
SEBJ, comment se fait-il que cette séquence qui était bonne hier
a cessé d'être bonne aujourd'hui? On n'a pas ces réponses,
ce qui fait que de notre côté, nous sommes motivés de
croire qu'il y a d'autres raisons au changement qu'on nous impose ce matin. Une
séquence qui était bonne hier cesse d'être bonne
aujourd'hui pour la bonne compréhension des travaux de cette commission.
Cela est quand même inexplicable et inexpliqué.
Je termine là-dessus. Je voudrais savoir du ministre si nous
pouvons compter qu'éventuellement, si le besoin s'en faisait sentir,
cette commission aurait la possibilité de réentendre des
témoins qui auront déjà été entendus et dont
le témoignage pourrait être nécessaire à la suite du
témoignage d'un autre témoin qui amènerait des faits
nouveaux qui nous obligeraient à réentendre un témoin qui
aurait déjà été entendu. Prenons le cas de M.
Laliberté. On entend un témoignage, des faits nouveaux sont
apportés - je comprends que nous ne sommes pas régis par des
règles de procédure soit civiles, soit pénales - je
voudrais que le ministre me dise qu'il n'y aurait pas de problème de ce
côté-là. Il me fait signe qu'il n'y en a pas. Je ne
voudrais pas qu'on vienne me dire: cette personne est en tête de la
liste, elle a déjà témoigné, on ne peut pas
revenir. Je veux qu'il me dise si la chose serait possible, si cela
était nécessaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: II me fait plaisir de vous répondre dans ce
sens-là. Si vous avez l'intention de réentendre qui que ce soit,
vous n'avez qu'à m'en aviser et il me fera plaisir de transmettre ce
souhait au leader du gouvernement. Cela sera acheminé au
secrétariat de notre commission. Si vous voulez réentendre, par
exemple, M. Daniel Latouche, on peut le faire revenir. Si vous voulez
réentendre M. Laliberté ou quelque autre personne, cela ne pose
aucun problème. Je voudrais vous donner toute l'assurance. Je peux vous
dire que moi-même j'ai changé
tout mon agenda des mois d'avril, mai et juin. On aura donc tout le
temps nécessaire.
Le Président (M. Jolivet): Je constate qu'à titre
de président je n'aurai pas à rendre de directive ou de
décision sur cette question puisqu'il y a entente de part et d'autre.
Comme l'entente le permet, il y aura possiblement audition des même
témoins à un autre moment, si nécessaire. Je voudrais
être juste envers le ministre et dire qu'en vertu du règlement,
sur simple avis du leader du gouvernement, une commission peut être
entendue lorsque la Chambre a ajourné ses travaux. Mais ce que j'avais
oublié tout à l'heure, c'est qu'il y avait prorogation et qu'en
conséquence, ce n'était pas possible dans ce cas-là, et il
fallait le consentement des deux partis qui forment l'Assemblée
nationale, actuellement.
M. le ministre.
M. Duhaime: Je tiens à vous remercier de votre
précision. Je pense que ce que je disais tout à l'heure, à
la surprise peut-être du député de Gatineau mais c'est
parfaitement exact, le gouvernement a agi le plus rapidement possible pour
convoquer cette commission, à l'insistance du député de
Bonaventure et chef de l'Opposition qui voulait même que les travaux
siègent dans la semaine même de la reprise des travaux de
l'Assemblée nationale, pour que la commission puisse avoir lieu avant
Pâques. Je vous réfère à la page 4 du journal des
Débats, le 23 mars 1983.
Des voix: Elle a lieu. M. Duhaime: Elle a lieu.
Le Président (M. Jolivet): Les messages étant
maintenant tous faits...
M. Duhaime: Quand j'allais à l'école...
Le Président (M. Jolivet): Sur le même...
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oh! Excusez-moi, vous n'aviez
pas terminé. Allez!
M. Duhaime: Quand j'allais à l'école et qu'on nous
enseignait la définition "d'avoir lieu", cela ne voulait pas dire
"commencer". Cela voulait dire "avoir lieu".
M. Lalonde: La belle saison a lieu durant
l'été.
Le Président (M. Jolivet): Donc, tout ceci étant
dit, avec plusieurs minutes de retard, nous arrivons au témoignage de
M.
Laliberté, sous le même serment qui a été
prêté hier. La parole était au député de
Laporte. M. le député, vous avez la parole.
Témoignages M. Claude Laliberté
(suite)
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. M. Laliberté,
je veux quand même vous rassurer un peu car je n'ai pas l'intention de
vous interroger jusqu'aux mois d'avril, mai et juin, comme disait le ministre.
Je vais tenter d'être le plus bref possible, même si le ministre
s'est déclaré disposé à siéger
jusqu'à cette date.
M. Laliberté, pour tenter de se remettre un peu dans l'ambiance,
les événements dont on parlait hier se sont produits au tout
début de l'année 1979. Le 1er février 1979 est la date
où vous avez rencontré le premier ministre, dans son bureau,
ainsi que M. Saulnier, M. Boyd et le chef de cabinet du premier ministre, M.
Boivin. Vous aviez été nommé président-directeur
général de la Société d'énergie de la
Baie-James quelques mois auparavant, soit le 1er octobre 1978. Je reprends ce
que vous avez également dit à savoir que votre nomination
provenait du premier ministre. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous avez
dit?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: C'est exact.
M. Bourbeau: Pouvez-vous nous dire, M. Laliberté, quand se
termine votre mandat?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Le 1er octobre 1983.
M. Bourbeau: Dans quelques mois, en 1983?
M. Laliberté: C'est cela.
M. Bourbeau: Jusqu'ici, avez-vous eu des discussions à ce
sujet ou avez-vous eu des nouvelles au sujet du renouvellement de votre
mandat?
M. Laliberté: Aucunement.
M. Bourbeau: Ni dans un sens ni dans l'autre?
M. Laliberté: Ni dans un sens ni dans l'autre.
M. Bourbeau: Que ferez-vous le 1er octobre prochain?
Qu'entendez-vous faire? Quelles sont vos intentions?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: J'espère évidemment pouvoir
continuer à rendre service. À qui? À l'entreprise
privée? Au gouvernement? Cela reste à voir. Je suis encore dans
l'inconnu de ce côté-là.
M. Bourbeau: Une dernière question sur ce sujet. Est-ce
que le renouvellement de votre mandat dépend également de la
volonté du premier ministre?
M. Laliberté: Présentement, oui. Du Conseil des
ministres.
M. Bourbeau: Du Conseil des ministres. Dans votre texte, hier,
vous avez dit du premier ministre.
M. Laliberté: La nomination est faite par le premier
ministre, mais sur la base d'un décret.
M. Bourbeau: Ah bon!
M. Duhaime: Est-ce que je peux, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Pour l'information du député de
Laporte, les nominations des membres des conseils d'administration, que ce soit
la Société d'énergie de la Baie-James ou
Hydro-Québec, sont faites par le Conseil des ministres, comme cela a
toujours été sous tous les gouvernements, même à
l'époque où il y avait une commission hydroélectrique.
Peut-être pourrais-je ajouter que le ministre de l'Énergie et des
Ressources fait des recommandations au Conseil des ministres. Cela est
discuté au Conseil des ministres. C'est une décision qui se prend
après consensus, comme pour n'importe quelle autre décision.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Savez-vous si le chef de cabinet du premier ministre
est consulté quant à la nomination?
M. Laliberté: Je ne saurais le dire.
M. Bourbeau: M. Laliberté, le 3 janvier 1979, vous
rencontriez justement le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch
Boivin. D'après ce que vous avez dit, hier, dans votre
témoignage, M. Boivin vous a mentionné très clairement
l'intention du premier ministre, le sentiment du premier ministre de
régler ou de voir à régler la cause qui était sur
le point de commencer.
Elle commençait douze jours plus tard en cour. Est-ce que M.
Boivin vous a chargé également de faire connaître ce
désir aux autres membres de votre conseil d'administration?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Aucunement.
M. Bourbeau: M. Laliberté, est-ce que vous aviez
déjà rencontré M. Boivin avant le 3 janvier, à ce
sujet?
M. Laliberté: Sur le sujet, non.
M. Bourbeau: Et sur d'autres sujets? (11 heures)
M. Laliberté: Lorsque j'étais fonctionnaire - je
pense vous en avoir fait part hier - il m'a été donné de
faire un voyage à Terre-Neuve avec le premier ministre et M. Boivin pour
discuter du dossier Terre-Neuve-Churchill Falls, comme vous le savez. De
mémoire, cela a donc été la seule occasion où j'ai
pu être en présence de M. Boivin.
M. Bourbeau: Combien de temps a duré la rencontre avec M.
Boivin?
M. Laliberté: J'ai dit hier quinze minutes environ, je
pense.
M. Bourbeau: En quels termes M. Boivin vous a-t-il
signifié le désir du premier ministre?
M. Laliberté: En quels termes? Sur la base de
l'argumentation que j'ai soulignée hier.
M. Bourbeau: Est-ce que c'était une forme de souhait, de
voeu pieux, ou si c'était plutôt dans le genre
impératif?
M. Laliberté: Je maintiens ma déclaration d'hier.
C'était un souhait.
M. Bourbeau: Vous nous aviez dit hier que, quant à vous,
vous n'étiez pas d'avis qu'on devait régler la cause à ce
moment, le 3 janvier 1979. Vous avez dit que des doutes se sont
installés subséquemment et progressivement. Quand M. Boivin vous
a demandé de régler, le 3 janvier, est-ce que vous avez
résisté à ce moment, en tant que
président-directeur général de l'organisme qui devait
poursuivre pour 32 000 000 $ en cour?
M. Laliberté: M. le Président, j'ai dit hier, et je
vais citer, que mon doute avait augmenté graduellement. Finalement, aux
alentours du 22 janvier, les deux offres que nous avions reçues de la
part des défendeurs,
compte tenu du fait que nous avions deux éléments nouveaux
capitaux pour moi, c'est-à-dire la reconnaissance de la
responsabilité par certains défendeurs et la reconnaissance du
quantum en ce qui regarde les dommages, pour moi, combinées à ce
doute qui augmentait, cela m'a amené à préconiser une
solution au conseil. Ce doute a été graduel chez moi. Je l'ai dit
hier et je le répète encore aujourd'hui.
M. Bourbeau: II a été graduel. Il n'y avait pas de
doute le 3 janvier et, le 23 janvier, les doutes étaient suffisants pour
faire changer votre vision des choses. Je pense que ce sont les mots que vous
avez dits.
M. Laliberté: M. le Président, je ne sais trop
comment exprimer mieux que je ne l'ai fait hier un doute qui se crée
graduellement. Ce n'est pas un doute subit, c'est graduel. Je maintiens donc ma
déclaration.
M. Bourbeau: Alors le 3 janvier vous rencontrez M. Boivin. Deux
jours plus tard, vos propres avocats, le bureau Geoffrion et Prud'homme,
émettent un nouvel avis juridique qui confirme l'avis juridique
précédent qu'en principe la cause que vous êtes sur le
point d'intenter est bonne - vous avez une bonne cause, comme on dit en
général - et que vous avez comme défendeurs certains
syndicats québécois et un syndicat américain.
On vous dit que les syndicats québécois ne sont pas
tellement riches mais que le syndicat américain est très en
moyens, qu'il a même les moyens financiers d'acquitter la totalité
de la réclamation. C'est exact?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: L'avis juridique du 5 janvier de nos
procureurs confirme, dans les grandes lignes, les éléments que
vous mentionnez.
M. Bourbeau: Et...
M. Laliberté: Je tiens à souligner cependant que,
hier, le député m'a fait dire que c'est moi qui disais cela. Ce
n'est pas moi qui disais cela.
M. Bourbeau: Écoutez, si je vous ai fait dire cela, j'ai
vraiment... Je le répète d'ailleurs aujourd'hui: Ce sont les avis
juridiques de vos avocats qui disaient que tout était favorable à
un bon procès.
Le 9 janvier 1979, quatre jours plus tard, votre conseil
d'administration se réunit et prend connaissance de tous ces avis et
conclut que vous avez une bonne cause et qu'on doit procéder. Vous
confirmez à vos avocats le mandat d'aller en cour le 15 janvier. C'est
exact aussi, je crois, n'est-ce pas?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je pense, M. le Président, que
l'occasion est idéale pour réellement se questionner, en quelque
sorte, sur la qualité des documents que j'avais en main à ce
moment, lesquels documents ont été transmis au conseil
d'administration, lesquels, en sus des autres documents que j'ai reçus
ultérieurement, m'ont permis de faire "l'ouverture" au conseil du 22
janvier. Si vous me le permettez, on va retourner en arrière avec le
document que nous avons distribué sur l'heure du midi hier. Vous avez
là la première opinion datée du 16 décembre 1975.
Je vous invite à aller à la page 9 et je vais poursuivre la
lecture des pages 10, 11 et 12, qui touchent l'International Union of Operating
Engineers.
Premièrement, je lis le bas de la page 9 et le haut de la page
10: "En affiliation directe, le local 791 possède une charte qui lui a
été octroyée par l'International Union of Operating
Engineers, dont la filiale canadienne est située au 160, Eglington
Avenue East, bureau 304, Toronto...
M. Bourbeau: M. Laliberté, pourriez-vous nous indiquer
quel document vous lisez?
M. Laliberté: Le document du conseil du 11
décembre; en annexe, vous aviez l'opinion juridique datée du 16
décembre 1975.
M. Bourbeau: Oui.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, je pense
que ce que les gens n'ont pas compris, c'est qu'en bas, c'est marqué
page 10, mais, en réalité, c'est la page 9, en haut.
M. Laliberté: Ah! D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est le deuxième
paragraphe à la fin.
M. Laliberté: De la page 9.
Le Président (M. Jolivet): C'est cela. D'accord?
M. Bourbeau: J'y suis, cela va.
M. Laliberté: Donc, je continue la lecture du dernier
paragraphe. "Nous possédons la charte de cette union internationale
où, à l'article 23, subdivision 4, section b, il est prévu
qu'aucun contrat pour un agent d'affaires ou pour une position similaire ne
peut être valide sans que le
contrat ne soit soumis au président général et ne
reçoive son approbation. "Nous ne savons pas - ce sont les procureurs
qui s'expriment - si le contrat d'agent d'affaires qui existait entre le local
791 et Yvon Duhamel a été approuvé, conformément
à la charte de l'union internationale. Cependant, Yvon Duhamel a
été agent d'affaires, tant à Matagami qu'à LG 2,
pour une période de près de 16 mois et il est à
présumer qu'une telle approbation a existé. Là-dessus, il
serait certainement intéressant de poursuivre nos recherches qui n'ont
rien révélé jusqu'à maintenant. "Cependant,
même si l'union internationale n'a pas approuvé le contrat d'agent
d'affaires d'Yvon Duhamel, nous sommes quand même d'avis que l'on peut
possiblement impliquer l'union internationale à cause de sa faute
d'omission."
M. Bourbeau: Pour la compréhension des gens, lorsqu'on
parle de l'union internationale, on parle du syndicat américain,
n'est-ce pas?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Bourbeau: Ceux qui avaient des moyens financiers importants
pour payer?
M. Laliberté: C'est bien cela. M. Bourbeau:
D'accord! Merci.
M. Laliberté: "L'union internationale se devait
d'approuver le contrat d'emploi d'Yvon Duhamel comme agent d'affaires du local
791, en vertu de ses règlements et de sa constitution. Que telle
approbation ait été donnée ou non, l'union internationale
a possiblement pu engager sa responsabilité du fait qu'elle aurait
sciemment permis à Duhamel d'occuper la fonction."
Je sors du texte. Donc, selon la charte de l'union, un contrat avec un
agent d'affaires n'est valide qu'autant qu'il a été
approuvé par le président général de l'union. Or,
au moment où nous intentons la poursuite, on ne sait pas encore, et
c'est 20 mois après le saccage lui-même, si ce contrat existe. On
admet cependant que M. Duhamel a été agent d'affaires du local
791 à Matagami et à LG 2. On dit que, même si le contrat
n'existe pas, on prétend qu'on peut possiblement impliquer l'union
à cause de sa faute d'omission. Je continue la lecture...
M. Bourbeau: Le document qui vous lisez est un document qui date
de 1975, n'est-ce pas?
M. Laliberté: M. le Président, il est très
important que l'on montre l'évolution de l'opinion juridique dans ce
dossier.
M. Bourbeau: Parce que j'ai...
M. Laliberté: Mon intention est de partir du 16
décembre 1975 et de montrer l'évolution qu'ont suivie nos
procureurs jusqu'au 11 décembre 1978 pour, finalement, en venir à
l'opinion du 5 janvier.
Le Président (M. Jolivet): M.
Laliberté...
M. Laliberté: Je crois que, dans ma logique...
Le Président (M. Jolivet): ...il n'y a personne qui puisse
vous empêcher de faire le témoignage que vous voulez.
M. Laliberté: D'accord.
M. Bourbeau: M. le Président, et surtout pas celui qui
vous parle! Je voulais simplement faire préciser - pour le
bénéfice des gens qui écoutent - que vous étiez en
train de citer une opinion juridique de 1975. J'estime que vous allez
maintenant nous montrer les opinions juridiques subséquentes qui ont un
peu modifié ou nuancé celle-là.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, M. Laliberté, vous pouvez continuer.
M. Laliberté: Le point pertinent ici - je pense - c'est
que ce n'est pas que l'opinion juridique que je cite ait été
rédigée en 1975. Le point important, c'est qu'elle a
été déposée au conseil d'administration qui a pris
la décision le 11 décembre 1978. Je trouve que c'est capital.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y, M.
Laliberté.
M. Laliberté: Donc, je poursuis la lecture au bas de la
page, en continuité au texte que je citais: "D'ailleurs, notre
enquête a révélé que l'union internationale
exerçait une surveillance des activités du local 791. "En effet,
au niveau de l'International Union of Operating Engineers, AFL-CIO-CLC, nos
enquêteurs ont pu retracer des lettres prouvant que Robert Meloche, le
gérant d'affaires du local 791, était vraiment le subalterne de
Rowland G Hill, vice-président général et directeur
canadien régional de l'International Union of Operating Engineers,
AFL-CIO-CLC. "Dans une lettre du 26 novembre 1973, M. Hill demande un rapport
sur une plainte portée par le local 793 contre le local 791,
étant donné que ce dernier avait ouvert un bureau de recrutement
dans la juridiction territoriale du local 793. M. Hill ordonne alors à
M. Meloche de fermer ce bureau de recrutement et de cesser cette pratique
immédiatement. Au surplus, dans un procès-verbal d'une
assemblée du comité exécutif du local 791, on fait
état d'une autre demande de M. Hill. Ce dernier ordonnait à M.
Meloche d'aller le rencontrer à Washington et l'exécutif du local
suggère que M. Meloche téléphone à M. Hill et lui
offre de le rencontrer à Montréal, étant donné les
travaux d'importance qu'accomplit à cette époque M. Meloche. De
plus, l'exécutif du local 791 recommandait à M. Meloche de
demander à M. Hill un mandat bien précis concernant le
Québec. "Cette affiliation du local 791 avec l'union internationale ne
fait pas naître - ce sont les procureurs qui le disent - en soi une
responsabilité présumée de l'union internationale. Nous
nous sommes permis cependant de faire état de certaines des relations
entre le local 791 et l'union internationale pour montrer qu'ils étaient
de fait en contact et que le contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel a
dû ou aurait dû et pu être approuvé par l'union
internationale."
Donc, on fait part de lettres, en quelque sorte, qui existent et qui
prouvent que Meloche, qui est un gérant d'affaires du 791, était
le subalterne d'un VP général de l'union. Les procureurs
reconnaissent cependant que cette affiliation du local 791 avec l'union
internationale ne fait pas naître une responsabilité
présumée de l'union internationale.
Ce que je constate, c'est que, au moment où nous avons
intenté ce procès et au moment, principalement, où nous
consultons ce document au conseil, déjà ce lien qu'on veut
démontrer - nous sommes au mois de décembre 1978 - est selon moi
très ténu. Chose encore plus importante, c'est que, à ce
moment-là, on n'avait pas encore parlé d'exercice de
règlement, on n'avait surtout pas posé la fameuse question de
l'exemplification, ce n'est venu que plus tard.
Deuxième élément, M. le Président, à
la fin de 1975, au moment où nos procureurs ont émis cette
première opinion, la commission Cliche avait oeuvré durant toute
l'année. Si vous me permettez, je vais vous souligner une partie du
mandat de la commission qui nous touche, nous, de la Baie-James. C'est à
la page 350 du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la
liberté syndicale paru chez l'Éditeur officiel du Québec.
Je lis: Que la commission fasse enquête et rapport et soumette ses
recommandations a) sur l'exercice de la liberté syndicale, non seulement
sur les chantiers de construction proprement dits, mais tous les secteurs de la
construction au Québec; b) sur tous les comportements, non seulement des
agents patronaux, des syndicaux et des travailleurs mais de toutes les
personnes physiques et morales intéressées au secteur de la
construction au Québec. (11 h 15)
Je ne crois pas, M. le Président, que j'aie à vous
rappeler l'effort qui a été mis dans ce document. Je ne sais pas
exactement le nombre de jours qu'on y a consacrés, mais un point majeur
demeure pour nous à la SEBJ; c'est que, de la page 60 à la page
70 de ce même rapport, pages dans lesquelles on parle du 791, aucun lien
n'est établi avec l'International Union of Operating Engineers.
Donc, ce que nos procureurs constatent dans leur avis du 16
décembre 1975, en fait, c'est que malheureusement la commission Cliche
n'a pas pu établir ce lien. Donc, deuxième élément
clef évidemment dans la logique que j'ai pu suivre à partir du
mois de décembre et qui finalement m'a mené au 22 janvier
1979.
Je lisais donc l'opinion de décembre 1975 à partir d'un
procès-verbal qui est le procès-verbal du 11 décembre. Or,
annexé à ce procès-verbal, il y a également ce que
je pourrais qualifier de document préliminaire des procureurs à
la suite de la demande qui leur a été exprimée le 27
novembre, c'est-à-dire que les administrateurs du conseil actuel
voulaient en savoir un peu plus sur la solvabilité de ces syndicats et
sur la dépendance des individus entre eux, personnes juridiques et
personnes physiques.
Je lis, si vous me le permettez, M. le Président, à partir
du bas de la page 1 jusqu'à la fin du document. "Quant à la
capacité de payer de l'International Union of Operating Engeneers, elle
ne fait pas de doute. - Je l'ai répété fréquemment
hier, c'était démontré et ce l'est encore dans le document
final qu'on obtient le 5 janvier 1979. - Nos correspondants américains,
MM. Elarbee, Clark & Paul, doivent nous faire parvenir d'ici peu certains
renseignements concernant la situation financière actuelle de ce
syndicat aux Etats-Unis. Il est toutefois peu probable que ce syndicat ait des
actifs de quelque importance au Québec et l'on peut déjà
présumer, au cas où un jugement interviendrait contre lui, que
seules les cotisations qui doivent lui être versées par les
travailleurs québécois pourraient être saisies."
J'intercale un commentaire ici, c'est des peanuts par rapport au montant dont
on a parlé à ce jour. Et donc, au Québec, il n'y a rien
à faire. Ce qui veut donc dire que l'on reconnaît pour la
première fois que ce règlement devrait être exercé
du cûté américain. Je continue la lecture. "Mais il n'est
définitivement pas exclu que ce syndicat américain se sente
moralement lié - on va parler de ce "moralement lié" tout
à l'heure - par tout jugement qui pourrait être prononcé
contre lui de telle sorte qu'une exécution volontaire demeure du domaine
des possibilités. Afin
d'être en mesure de vous éclairer davantage sur les
possibilités de recouvrement à la suite de tout jugement qui
pourrait être prononcé contre l'International Union of Operating
Engineers, nous avons requis une opinion de nos correspondants
américains sur les défenses qui seraient ouvertes à ce
syndicat dans l'hypothèse où une action serait intentée
contre lui aux États-Unis sur la foi du jugement
québécois. Cette opinion devrait nous parvenir d'ici peu."
Effectivement, elle nous est parvenue le 5 janvier. Dans ce document
daté du 11 décembre 1978, on établit donc la
solvabilité nulle du syndicat impliqué au Québec.
Cependant, on dit qu'au États-Unis elle est indéniable. On dit
qu'advenant un jugement défavorable, l'union pourrait nous dire:
Messieurs de la SEBJ, à présent, venez nous chercher du
côté américain. Compte tenu des actifs qu'on a, on peut
vous traîner longtemps.
Cependant, il est peut-être possible de s'entendre hors cour. Cela
reste à voir. On le ferait sur la base d'un lien moral de 32 000 000 $?
Entre vous et moi, un lien moral de 32 000 000 $, je pense qu'on peut l'oublier
dès maintenant.
En décembre 1978, il n'y a donc encore rien sur la notion
d'exemplification. On en arrive au document du 5 janvier, qui est le document
final, en quelque sorte, de la demande du 27 novembre du conseil
d'administration. Nous sommes à la page 30 du document volumineux que
nous avons distribué hier.
Nous allons commencer, si vous le permettez, par le fameux lien de
préposition: Duhamel, local 791, et International Union. On n'oublie pas
que nous sommes 3 ans plus tard que lors de la première opinion
juridique. Je vais vous lire, si vous le permettez, le bas de la page 7,
à la page 30 du document qu'on a ici. Vous devez vous souvenir que c'est
la firme Geoffrion et Prud'homme qui parle: "L'International Union a donc
vigoureusement contesté l'action intentée en invoquant l'absence
de lien de préposition entre Yvon Duhamel et le local 791 auquel elle
avait accordé une charte. Elle invoque que, de toute façon, le
contrat d'agent d'affaires d'Yvon Duhamel ne lui avait pas été
présenté pour approbation par les autorités syndicales
locales aux termes de la constitution et que c'est hors de sa connaissance et
sans son approbation que certains officiers du local 791 avaient
incorporé parallèlement le syndicat connu sous le nom de "Union
des opérateurs de machinerie lourde du Québec". Elle
allègue aussi que la SEBJ doit assumer elle-même les
conséquences des événements de mars 1974, parce qu'elle
avait encouragé, par ses négociations avec la FTQ-Construction,
le climat qui régnait à LG 2 et qu'elle avait abdiqué son
pouvoir de gérance face à Yvon Duhamel. "Nous savons de
façon certaine que, peu avant les événements de mars 1974
et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les
bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est
intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut
choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher
derrière celle-ci lorsque sa responsabilité est engagée."
Donc, entre décembre 1975 et janvier 1979, selon moi, il n'y a eu aucun
nouvel élément sur cette question de contrat. Il n'y a rien eu
d'ajouté. On n'a rien découvert. Pire encore, on est
obligé, pour en parler, de me donner l'avis de la partie adverse. On me
dit, à la partie adverse: Le contrat, ne le cherchez pas, il n'existe
pas. Et ce lien de présupposition entre le local 791 et l'International
Union a été fait hors de notre connaissance et surtout, sans
notre approbation. Donc, je vous jure que ce lien n'a pas évolué
du tout durant 3 ans.
Maintenant, à propos de l'exemplifi-cation...
M. Bourbeau: Avant de passer à la question de
l'exemplification, pour terminer sur cette question du lien, vous conviendrez
quand même que les documents disent aussi -il faut quand même faire
voir tout le portrait - que, malgré cela, il y a eu des rencontres
fréquentes entre M. Hill, qui représentait les Américains,
et M. Duhamel, que M. Duhamel a été convoqué à
Toronto, je pense, à Chicago, ou je ne sais où, qu'ils se sont
rencontrés et que, s'il n'y a pas un contrat écrit qu'on peut
retrouver, vos propres procureurs concluent que le syndicat américain,
dont les bureaux au Canada sont situés à Toronto, s'est
intéressé aux activités du local et qu'il ne peut donc pas
choisir -vous venez de le dire - d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa
constitution et se cacher derrière celle-ci lorsque sa
responsabilité est engagée. Et vos avocats en concluaient, je
pense, que sa responsabilité devait quand même être
engagée puisqu'ils ont conclu à ce que vous les poursuiviez
vous-mêmes en justice et qu'à cette réunion-là, vous
avez convenu de les poursuivre en justice. Si la responsabilité
n'était pas présumée engagée par les
Américains, pourquoi les avez-vous poursuivis quand même?
M. Laliberté: Sur ce point précis, les nombreuses
réunions, ce ne sont que deux réunions, première
précision, et, deuxièmement, on ne parle pas de Duhamel, on parle
de Meloche, autre précision très importante.
M. Bourbeau: Je m'excuse. Meloche qui était le
président du syndicat. J'ai fait
erreur.
M. Laliberté: Troisièmement, pourquoi a-t-on
poursuivi? Compte tenu évidemment des dommages, on a mis tout le monde
dans le paquet, si je peux dire. Il était logique de le faire de cette
façon-là. Est-ce que je peux continuer pour le 5 janvier?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: On a couvert la notion ou le lien de
préposition. Dans cette même opinion juridique, on parle pour la
première fois d'exemplification. On a vu dans le document du 11
décembre que les actifs de la partie québécoise de ce
syndicat étaient nuls. Il s'agissait de soulever le principe d'aller
exécuter un jugement favorable du côté américain.
Quant à l'exemplification, c'est à la page 30, au haut de la
page, je cite: "Nous avons déjà mentionné que
l'International Union of Operating Engineers a choisi de comparaître
à l'action intentée, ce qu'elle aurait pu ne pas faire afin de se
ménager certaines défenses au cas où,
éventuellement, elle serait poursuivie aux États-Unis sur la foi
du jugement québécois. En décidant de comparaître et
de contester, l'International Union s'est placée dans une position
délicate au cas de condamnation. Nous avons reçu une opinion de
nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark et Paul, sur la
reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements
prononcés à l'étranger." Ce qui suit est très
important. "Ils nous confirment qu'un jugement rendu dans la province de
Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis
mais qu'il peut cependant fonder avec succès une action intentée
là-bas. Le droit américain fait montre de
générosité à l'égard des jugements
étrangers de telle sorte que, si certains prérequis existent, le
défendeur à l'action intentée aux États-Unis, sur
la foi du jugement étranger, ne peut plus rouvrir le débat
à son mérite. Nous ne pouvons mieux faire que de vous
référer à l'affaire de Hilton versus Viau, que nos
correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux
États-Unis. Dans cette cause, la Cour suprême statuait comme suit:
"Where there has been opportunity for a full and fair trial abroad before a
Court of competent juridiction conducting the trial upon regular proceedings,
after due citation or voluntary appearance of the defendant, and under a system
of jurisprudence likely to secure an impartial administration of justice
between the citizens of its own country and those of other countries, and there
is nothing to show either prejudice in the court or in the system of laws under
which it was sitting, or fraud in procuring the judgment, or any other special
reason when the comity of this nation should not allow it full effect, the
merits of the case should not, in an action brought in this country upon the
judgment, be tried afresh, as on a new trial or an appeal, upon the mere
assertion of the party that the judgment was erroneous in law or in fact."
Ce n'est qu'à quelques jours seulement du procès - nous
sommes à la fin du mois de décembre, l'avis m'est remis le 5
janvier, nous en discutons au conseil d'administration le 9 janvier - que je
reçois pour la première fois et que la SEBJ reçoit
également pour la première fois un avis des procureurs sur cette
question d'exemplification. On nous confirme qu'un jugement
québécois n'est pas nécessairement exécutoire du
côté américain. On dit cependant que le droit
américain s'est montré généreux jusqu'à
maintenant à l'égard de jugements étrangers pour autant
que les mêmes règles de droit existent, mais sans préciser
si c'est effectivement le cas. Nous sommes en janvier et le procès
débute. Le lien de préposition, j'ai dit que, selon moi, il
était ténu, je pense que je n'ai pas à refaire la
preuve.
En présence des procureurs, à la séance du 9
janvier - de fait, c'est la première présence des procureurs
devant le conseil d'administration - ces documents sont discutés. Ils
sont longuement discutés. J'inviterais certainement les membres à
poser les questions pertinentes aux administrateurs sur ce qui a pu se dire
à ce moment-la. Je vous jure que mon doute commençait à
s'accentuer royalement.
Donc, le 16 janvier, je reçois une première offre de
règlement hors cour de la partie québécoise, si je puis
dire, des défendeurs. Le 22 janvier, le tout est consolidé dans
une deuxième offre. À partir du moment où je me convaincs
que je ne peux exercer une créance de 32 000 000 $, ma décision
ne peut que devenir économique. Il faut mettre dans le contexte de la
solvabilité des syndicats qui ont reconnu leur responsabilité,
qui ont également reconnu le quantum des dommages causés, ma
décision qui ne peut être qu'économique. J'ai devant moi un
procès qui me coûte 25 000 $ par semaine, qui peut durer une
éternité, c'est prouvé. Finalement, la
récupération est, selon moi, marginale. Il est également
prouvé par les procureurs que les actifs des parties qui reconnaissent
leur reponsabilité sont minimes.
Donc, ce doute conduisait à une logique économique chez
moi. J'ai fait part de ce doute d'une façon un peu plus précise
au conseil d'administration du 23 janvier. Le conseil en a discuté
longuement le 23 janvier. Il est revenu sur le sujet le 30 janvier. C'est
effectivement à ce moment-là qu'on a décidé de
demander au premier ministre de nous recevoir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de Laporte.
M. Laliberté: Donc...
Le Président (M. Jolivet): Oui, excusez-moi, M.
Laliberté.
M. Laliberté: Un dernier point. Quand on a parlé
d'exemplification - nous sommes au 5 janvier, j'anticipe un peu - l'avis
juridique du contentieux d'Hydro-Québec, appuyé,
entériné en quelque sorte par les procureurs eux-mêmes,
daté du 19 février, est venu finalement planter le clou.
Je voudrais souligner, dans cet avis juridique du 19 février
provenant du contentieux d'Hydro-Québec, à la page 132
principalement, le dernier paragraphe au bas de la page: "Bien que, selon les
correspondants américains, il est extrêmement douteux qu'un
tribunal des États-Unis accepte le manque de réciprocité
au Québec comme moyen de défense sur l'exemplification d'un
jugement, ils citent une cause, "Banco Nacional de Cuba v. Sabbatino", dans
laquelle il a été dit par la Cour suprême des
États-Unis que la règle de la réciprocité
s'appliquait "only in limited circumstances"."
Si vous me permettez, je vais sauter le prochain paragraphe pour en
arriver aux deux derniers: "La International Union of Operating Engineers,
ayant des fonds considérables à sa disposition, a les moyens d'en
appeler jusqu'au plus haut tribunal du pays si un jugement était rendu
contre elle dans cette cause. Il semble, de plus, qu'elle pourrait jouer le
même jeu devant les tribunaux des Etats-Unis en défense à
une demande d'exemplification de jugement par la Société
d'énergie de la Baie-James si la règle de
réciprocité était retenue."
M. Gadbois termine en disant: "Toutes ces procédures
pourraient être très longues et entraîneraient de part et
d'autre des frais légaux considérables. Voilà des facteurs
dont il faut tenir compte si l'on ne considère que l'aspect
monétaire comme motif pour procéder à jugement dans cette
cause et nous avons jugé bon de vous les mentionner."
À la page 134, nos procureurs disent, au deuxième
paragraphe: "Nous sommes d'accord avec les termes de cette lettre qui
correspondent aux opinions que nous avions déjà
données..." On amplifie en donnant l'exemple de la Gaspé Copper.
Un autre point. À la page 135, je souligne - c'est toujours Geoffrion et
Prud'homme qui parlent - "Or, sur une action en exemplification intentée
devant la Cour fédérale du district de Columbia (comme le
suggèrent nos correspondants américains) la sympathie de ce
tribunal pourrait naturellement pencher en faveur du défendeur
américain, habitué comme il l'est à appliquer l'article 6
du Norris-La Guardia Act qui stipule comme suit que "No officer or member of
any association or organization, and no association or organization
participating or interested in a labor dispute shall be held responsible or
liable in any court of the United States for the unlawful acts of individual
officers, members or agents, except upon clear proof of actual participation
in, or actual authorization of, such acts, or of ratification of such acts
after actual knowledge thereof." M. le Président, "actual participation
in, actual authorization on". Je n'y croyais pas et je pense que les avis de
nos procureurs à ce sujet étaient très mitigés.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. Laliberté, de ces
considérations d'ordre juridique. À les entendre, on pourrait
penser qu'un doute sérieux s'est installé. Cependant, vous
admettrez avec moi que vous avez lu certains paragraphes de l'opinion du 19
février et que vous en avez sauté d'autres, comme vous l'avez dit
vous-même.
Il est arrivé que nous avons aussi regardé attentivement
les opinions juridiques pour voir si vous étiez justifié, le 23
janvier, de modifier votre opinion et de commencer à régler. Dans
tout ce que vous avez dit -évidemment, c'est presque du chinois quand on
entend cela, pour des gens qui ne sont pas habitués et probablement pour
les gens...
Une voix: C'est bien clair.
M. Bourbeau: ...qui sont à la télévision -
je retiens une chose, c'est qu'au début de janvier, la
prépondérance de vos opinions juridiques - et je vais tenter de
les dire dans des termes simples - était que vous aviez une bonne cause.
La preuve est que vous avez pris action contre toutes les parties, y compris le
syndicat américain.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de
règlement?
M. Bourbeau: M. le Président, je ne vois pas pourquoi le
ministre m'interrompt. J'ai le droit de dire les paroles que je veux et de
résumer comme je pense le témoignage du témoin.
M. Duhaime: C'est une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Je ne me laisserai pas intimider par les
interruptions du ministre, je
vous avertis.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, M. le député de Laporte, s'il vous plaît! Je n'ai
pas d'autre choix que de demander la question de règlement. Il y en a
une et je dois aussi appliquer le règlement pour M. le ministre. Je
verrai si c'en est une. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, la première chose que
je voudrais dire, c'est que, si je commence à intimider le
député de Laporte, il me fait un grand compliment. Je rêve
de cela depuis six ans, de l'intimider.
M. le Président, j'ai fait une mise en garde, hier soir, à
la fin des travaux. Me Bourbeau, qui est le député de Laporte,
est notaire de son métier, comme vous le savez; il est un
spécialiste des questions internationales en exemplification de
jugements et sur les appréciations de responsabilité civile entre
un membre d'un syndicat qui est affilié au 791 qui lui-même est
affilié à un syndicat américain.
M. Paradis: Quelle est la question de règlement?
M. Duhaime: M. le Président, je répète la
mise en garde sous forme de règlement. Le député de
Laporte vient, exactement comme hier, de résumer, selon son jugement -
cela vaut ce que cela vaut -...
Une voix: Cela vaut autant que le vôtre.
M. Duhaime: ...une partie de ce que vient de dire le
président de la SEBJ pour tenter ensuite d'aller lui arracher soit un
oui, soit un non, dans le sens de la thèse qu'il défend.
M. Paradis: Ce n'est pas une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Je dis, M. le Président, que cette
façon de procéder...
M. Paradis: II s'agit d'une demande de directive
M. Duhaime: ...est irrégulière en commission
parlementaire et n'est pas conforme à nos règlements.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, M. le
ministre.
M. Gratton: M. le Président, ce que vient de faire le
ministre n'est pas conforme à nos règlements. Le
député de Laporte peut résumer, peut avoir des opinions,
peut les émettre librement ici à la commission parlementaire. Si
un membre de la commission, du côté ministériel, ne partage
pas son point de vue, il peut l'exprimer aussi au moment où il aura la
parole. Je pense que le ministre n'a pas à intervenir sur des fausses
questions de règlement simplement pour faire perdre le temps de la
commission. Il interviendra au moment où il aura la parole.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, vous avez la parole.
M. Bourbeau: M. le Président, avant que je sois
interrompu, j'étais en train de dire quelques mots. Évidemment,
je ne suis pas avocat, comme l'a souligné le ministre. Je ne sais pas si
je dois m'en réjouir ou le déplorer.
M. Duhaime: À la manière dont vous travaillez, je
ne m'en réjouirais pas.
M. Bourbeau: De toute façon, je dirais au ministre que
j'ai fait des études comme lui, les mêmes, et lui est avocat, et
que, en ce qui concerne...
M. Duhaime: Parlez à votre collègue à votre
gauche.
M. Bourbeau: ...la dimension internationale, j'ai eu une
clientèle internationale quand je pratiquais, M. le ministre. De toute
façon, la question n'est pas là du tout. Je pense que j'ai le
droit de poser les questions que je veux, à moins que le
président ne me dise que mes questions sont contraires au
règlement. Je crois que j'ai le droit également de les poser de
la façon que je veux. Je m'en réfère à l'opinion
publique pour savoir si, oui ou non, je traduis bien ce que je crois comprendre
de ce que dit le témoin. Je pense qu'il est important que les gens
comprennent comme j'essaie de comprendre.
M. le président de la Société d'énergie de
la Baie-James, je reviens au début de janvier, alors que votre conseil
d'administration, ayant en main des opinions juridiques, décide de
poursuivre vos débiteurs. Vous nous avez fait la lecture de certaines
opinions juridiques subséquentes qui ont atténué votre
jugement et qui vous ont fait conclure que, probablement, dans votre esprit, la
cause n'était pas aussi bonne que vous le disiez. Je veux seulement
revenir sur la dernière opinion, celle du 19 février, dont vous
avez parlé en dernier lieu et qui a été, si j'ai bien
compris, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase en ce qui vous
concerne et qui vous a incité à faire un règlement.
Vous parliez de cette question d'exemplification. Pour tenter de dire ce que
c'est, c'est lorsqu'un jugement est rendu au Québec, de savoir si ce
jugement peut être pris et appliqué aux États-Unis. Va-t-on
reconnaître aux États-Unis ce jugement?
Je reprends l'avis du 19 février, que vous avez cité en
partie. Vous me permettrez de regarder ici, vous dites qu'on a recherché
aux États-Unis et qu'il n'y a aucune réciprocité. Je
traduis de l'anglais, je peux le dire en anglais "no case has been discovered
where recognition has been denied solely on the ground of the lack of
reciprocity". Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au Québec on ne fait
pas la même chose. En général, aux États-Unis on
reconnaît les jugements étrangers sous certaines réserves,
mais, au Québec, on ne le fait pas. Donc, il n'y a pas la
réciprocité dont on parle. Dans ces cas, il est possible...
M. Duhaime: Franchement!
M. Bourbeau: Si le ministre voulait écouter, il
comprendrait ce qu'est la réciprocité. J'ai l'impression qu'il ne
le sait pas.
M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse, c'est justement
parce que j'écoute que je ne comprends pas.
M. Bourbeau: Aux États-Unis, on reconnaît les
jugements étrangers à condition qu'on le fasse dans les pays
étrangers. Or, au Québec, on ne le fait pas. La question s'est
posée: Est-ce que notre jugement qu'on obtiendrait au Québec
pourrait être accepté aux États-Unis? On vous dit qu'aux
États-Unis on fait preuve de beaucoup de générosité
quand il n'y a pas cette réciprocité. C'est textuellement dans
l'opinion juridique - vous l'avez lue tout à l'heure, je crois - et on
dit même qu'on a cherché à savoir s'il y a beaucoup de cas
aux États-Unis où on a refusé d'accepter ces jugements
parce qu'il n'y avait pas la réciprocité. En page 3 de l'avis
juridique de vos propres avocats du 19 février, il est dit ceci: "Selon
les correspondants américains de Mes Geoffrion et Prud'homme - donc des
experts américains, des avocats - il appert que cette doctrine de
réciprocité n'est plus aussi largement appliquée en
défense devant les tribunaux." On continue, et je traduis de l'anglais:
On n'a découvert aucune action en justice où cette reconnaissance
a été refusée seulement parce qu'il n'y avait pas cette
réciprocité. Cela n'est pas tout à fait aussi
évident qu'il semblait apparaître tout à l'heure que le
manque de réciprocité pouvait être fatal. On dit
même, selon les avocats, qu'on n'a pas découvert de cause
où cela a été fatal à ce seul titre. Je voulais
seulement ajouter cela.
Dans l'autre paragraphe que vous avez cité tout à l'heure,
la fameuse cause de Banco Nacional, il est dit que "la règle de
réciprocité s'appliquait "only in limited circumstances" à
la Cour suprême des États-Unis. On dit que c'est l'exception.
Donc, dans tous les autres cas, la règle de réciprocité
s'est appliquée. J'ai passé beaucoup de temps à regarder
cela et ce que je conclus et ce que vous devez conclure après l'avoir
étudié, c'est qu'à cause de cette
générosité aux États-Unis on considère comme
une exception le cas où on n'accepte pas la réciprocité et
que la règle générale, c'est qu'on l'accepte même
quand l'autre pays ne l'accepte pas. C'est clair lorsqu'on regarde l'ensemble
de l'opinion juridique qui est émise ici. Vous avez votre avocat
près de vous, si je ne me trompe.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais corriger
une première impression. Je ne crois pas avoir dit que c'est l'opinion
juridique du 19 février qui m'a fait pencher. J'étais
déjà amplement convaincu à la séance du 23, je
n'avais pas besoin de cela. Mais, quand même, l'opinion juridique est
là et elle est très importante dans la logique
décisionnelle du conseil d'administration qui la reçoit à
sa séance du 20 et qui adopte effectivement à cette séance
du 20 la fameuse résolution pour non seulement explorer, cette fois,
mais pour avoir la possibilité d'un règlement hors cour selon la
base de certains critères énumérés. (11 h 45)
Seulement pour revenir sur un point, qui celui-là, est capital
sur cette notion d'exemplification. C'est là que l'avis de Geoffrion et
Prud'homme du 19 février, à la page 134, est le plus important.
On dit, au dernier paragraphe de la page, la chose suivante: Si la
responsabilité de l'International Union of Operating Engineers
était retenue, ce serait par effet combiné des dispositions de
ses statuts et des articles 1054 et 1731 du Code civil qui imposent aux
commettants et aux mandants une responsabilité présumée.
Tandis que dans l'affaire Gaspé Copper Mines il a été
prouvé que des agents et représentants de l'union internationale
avaient "fomenté, organisé, dirigé, soutenu et
financé" la grève illégale et que certains actes de
violence qui s'en sont ensuivis ont été commis "avec la
participation, l'approbation expresse ou tacite, les encouragements, les
incitations ou les appuis matériels et financiers des agents et
représentants de la haute hiérarchie et direction" de la
même union, nous n'avons pas, dans notre cas, d'éléments de
preuve permettant de croire que l'International Union of Operating Engineers
aurait participé
de semblable façon aux événements de mars 1974."
Donc, on est d'accord?
On lit un historique en ce qui regarde la Gaspé Copper; on dit
qu'on n'a pas le même genre de preuves chez nous. Là, les
procureurs font référence à un point très
important. Je lis, à la page 135 du document: "Or, sur une action en
exemplification intentée devant la Cour fédérale du
district de Columbia (comme le suggèrent nos correspondants
américains), la sympathie de ce tribunal pourrait naturellement pencher
en faveur du défendeur américain, habitué comme il l'est
à appliquer l'article 6 du Norris-La Guardia Act qui stipule comme
suit..." Il faut le lire, parce qu'il faut relier cela à ce qui s'est
passé pour Gaspé Copper.
M. Bourbeau: Je vous souligne que vous l'avez lue textuellement
tantôt, cette phrase. Je ne veux pas vous empêcher de parler, mais
vous venez de la lire.
M. Laliberté: C'est parce que le corollaire, justement,
entre ce qui est souligné ici, "clear proof of actual participation",
dans le cas de l'avis juridique de Geoffrion et Prud'homme du 19
février, la concordance est là. Mais on reconnaît qu'on n'a
pas ce genre de preuves, nous. Donc, on peut supposer que le procès
aurait duré longtemps.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, en vous soulignant que c'est un bon moment près d'une
heure.
M. Blouin: Vous répétez les mêmes questions
depuis 10 heures. Ce sont toujours les mêmes questions, ce sont les
mêmes réponses.
M. Bourbeau: M. le Président, je suis d'accord avec ce que
vient de dire le président, que le procès aurait duré
longtemps. On n'a jamais pensé que le procès n'aurait pas
duré longtemps. Je lui signale également que, à une simple
question que j'ai posée tantôt, le témoin, comme c'est son
droit, s'est embarqué...
Le Président (M. Jolivet): Je sais, M. le
député.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas ce que je veux
dire.
M. Bourbeau: ...est-ce que je peux terminer ma phrase?
Le Président (M. Jolivet): Non. C'est simplement pour vous
dire, M. le député...
M. Bourbeau: Je ne peux pas terminer ma phrase?
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le
député, c'est pour vous dire que je ne fais qu'appliquer ce qu'on
a décidé hier: d'élargir les 20 minutes. Je ne peux
déterminer ni la longueur de la question, ni la longueur de la
réponse.
M. Duhaime: Consentement?
Le Président (M. Jolivet): Oui, je comprends.
M. Duhaime: Consentement.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, s'il y a
consentement, je vous laisse aller, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'objection, non
plus, à ce que M. Laliberté fasse état de toutes les
opinions juridiques; c'était son droit de les lire toutes. Je n'ai pas
d'objection, sauf que ce n'est pas moi qui me suis embarqué dans le
débat juridique et je ne suis pas responsable des délais,
malheureusement, M. le Président, qui ont été trop longs,
selon vos remarques.
M. Duhaime: Comme vous ne connaissez rien là-dedans, cela
n'avance pas vite.
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas qu'ils ont
été trop longs, M. le député, c'est parce que
j'essaie d'appliquer le règlement le mieux possible en
élargissant le temps. Mais je ne veux pas qu'on me critique ensuite de
vous avoir laissé aller trop longtemps. M. le député.
M. Bourbeau: Plutôt, d'avoir laissé aller le
témoin, M. le Président, plus que moi. Le 15 janvier, M.
Laliberté, le procès débute et, deux semaines plus tard, a
lieu, au bureau du premier ministre, une rencontre. Je voudrais revenir un peu
là-dessus, parce que je n'ai pas eu la chance de vous poser quelques
questions additionnelles et je pense que c'est important de le faire. La
rencontre du 1er février, pouvez-vous nous préciser qui l'a
sollicitée?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
Une voix: C'est le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James.
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
s'il vous plaît!
M. Bourbeau: ...est-ce qu'on va
assermenter le député?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
c'est M. Laliberté qui doit répondre. Allez-y, M.
Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, au
procès-verbal du 6 février - ce n'est cependant pas dans le
procès-verbal du 30 janvier, mais dans le procès-verbal du 6
février - il est fait mention que la rencontre a été faite
à la demande du conseil d'administration.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce que tous les membres du conseil
d'administration ont participé à cette demande ou seulement
certains?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: C'est général, M. le
Président, mais il n'y a rien pour en rendre compte au
procès-verbal. C'est une demande du conseil d'administration. Si vous
demandez s'il y eu un vote, il n'y a pas eu de vote.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: En fait, qui au conseil a communiqué avec le
bureau du premier ministre pour faire la demande?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Le président du conseil
lui-même.
M. Bourbeau: M. Saulnier.
M. Duhaime: Son prénom, c'est Lucien.
M. Bourbeau: Dans le procès-verbal du 6 février, il
était dit: À la suggestion des membres du conseil
d'administration au cours d'une réunion antérieure. Est-ce que
cette réunion avait été la réunion
précédente?
M. Laliberté: La réunion du 30 janvier.
M. Bourbeau: Quant à la réunion dans le bureau du
premier ministre, je crois que vous avez dit, hier, qu'elle avait duré
une quinzaine de minutes.
M. Laliberté: C'est bien cela, M. le premier ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le Président.
M. Laliberté: M. le Président. Je m'excuse du
lapsus.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y avait seulement cinq personnes
à cette réunion ou s'il y en avait davantage?
M. Blouin: Cinq personnes.
M. Laliberté: II y avait MM. Boyd, Saulnier et
moi-même, ainsi que MM. Lévesque et Boivin.
M. Bourbeau: M. Boivin, le chef de cabinet du premier
ministre?
M. Laliberté: C'est bien cela, oui.
M. Bourbeau: Quand vous êtes entré dans le bureau du
premier ministre, M. Laliberté, qui a...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, monsieur, j'ai une
question de règlement. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, il est 11 h 50. Je pourrais
moi-même répondre, et n'importe lequel de mes collègues
ici, au trois dernières questions qui viennent d'être
posées parce que ce sont exactement les mêmes qui ont
été posées hier par votre collègue, le leader
parlementaire de l'Opposition. Combien y avait-il de personnes à cette
réunion. Il y en avait cinq. Quelle date, etc?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je dois vous
interrompre.
M. Blouin: Le premier ministre... M. Lalonde: C'est de la
censure.
Le Président (M. Jolivet): Oui, sur la question de
règlement, M. le ministre.
M. Duhaime: Pour dire tout simplement ceci: II y a à cette
table huit porte-parole de l'Opposition.
M. Doyon: On ne peut rien vous cacher.
M. Duhaime: Vous avez raison qu'on ne peut rien me cacher et
vous, on ne peut pas vous manquer non plus, vous êtes vraiment le
huitième. Si on passe toute la journée à la comparution de
M. Laliberté, et qu'ensuite, à tour de rôle, les
députés de l'Opposition reprennent systématiquement les
mêmes questions, je vais être obligé de dire à M.
Laliberté de modifier son horaire ainsi que tous les autres, parce que
son seul témoignage va prendre une dizaine de jours.
Maintenant que le leader parlementaire de l'Opposition a daigné
venir nous rejoindre, j'aimerais lui demander quelle est la position
de son parti à savoir si c'est systématique qu'on reprend
les mêmes questions. Qu'on pose des questions pour ajouter à ce
qui a déjà été dit, je suis parfaitement d'accord
avec cela et je suis prêt à donner tout le temps qu'il faut. Mais
que, systématiquement, on fasse huit interrogatoires en ligne sur du
"taponnage", si vous me passez l'expression, je vais vous dire, M. le
Président, que, chaque fois, je vais intervenir pour souligner que vous
êtes en train de nous faire perdre notre temps après avoir
plaidé urgence, gravité, sérieux, etc.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de règlement. Puisque le
ministre m'a mis en cause, je m'excuse, j'ai dû m'absenter pendant une
demi-heure pour exécuter des devoirs de ma charge. D'ailleurs, j'ai vu
le député de Laporte et entendu une très longue
réponse de M. Laliberté, comme c'est son droit de le faire. Je
pense, M. le Président, qu'il faut que ce soit bien clair. On n'a pas du
tout l'intention de répéter les questions. On a un tas de
questions à poser pour remplir le mandat que nous avons. Les
députés péquistes semblent ne pas savoir pourquoi ils sont
ici. On verra. Quand cela va être le temps de voter pour blanchir le
premier ministre, ils vont être là à deux mains. On les
connaît.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député.
M. Lalonde: Les députés de l'Opposition font leur
devoir, ils font leur travail. Ils ont des questions à poser. Il y a
peut-être des recoupages, ce qui est tout à fait normal,
même désirable, pour être bien sûr que tout est
replacé dans son contexte. Si le ministre cessait d'interrompre, cela
irait plus vite.
Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même vous
dire que je n'ai pas à déterminer quelles sont les questions, ni
les réponses. Je dois simplement constater que chacun a le droit de
poser des questions et de donner les réponses qu'il veut bien, en
espérant que cela aille le mieux possible.
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je voudrais
simplement dire que mon collègue, le député de
Marguerite-Bourgeoys - je le souligne, parce que la remarque du ministre est
très désobligeante - était malade hier soir. Il
était fiévreux.
M. Duhaime: Pauvre petit! Il l'est encore ce matin, si vous
voulez mon avis.
M. Bourbeau: Je le félicite d'être ici aujourd'hui.
Je pense que c'est très déplacé de souligner qu'il s'est
absenté durant quelques minutes.
M. Blouin: On ne le savait pas.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez! Ne mettez pas
d'huile...
M. Blouin: Si on l'avait su, on n'aurait pas dit cela.
M. Bourbeau: En ce qui me concerne, M. le Président, je
veux obtenir des précisions sur... M. le Président, je suis ici
pour poser des questions...
M. Duhaime: II ne s'est pas absenté parce qu'il
était malade. Je m'excuse, je ne peux pas laisser passer cela, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Laporte.
M. Paradis: Est-ce une question de règlement?
M. Duhaime: Oui, oui, question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): C'est simplement pour vous dire
qu'il n'y a pas de question de privilège en commission. C'est la
première des choses à dire. Deuxièmement, je serais
porté à demander au député de Laporte de ne pas
mettre d'huile sur le feu. Je lui avais donné la parole pour qu'il pose
ses questions. Qu'il continue et qu'il ne se permette pas d'intervenir sur une
chose qui était déjà dépassée.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais faire
préciser par M. Laliberté certaines des réponses qu'il a
faites hier. Je pense que c'est mon droit de le faire.
Quand vous êtes entré dans le bureau du premier ministre,
M. Laliberté, qui a abordé le sujet dont il est question?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Bourbeau: Et dans quels termes?
M. Laliberté: Je pense, M. le Président, qu'on peut
m'excuser au sujet des termes exacts. Mais à savoir qui a abordé
le sujet, c'est, évidemment, le président du conseil qui est venu
expliquer le contexte et qui a exposé le problème. Je vous
saurais gré de poser cette question au président du conseil.
M. Bourbeau: À M. Lucien Saulnier? Donc, c'est M. Lucien
Saulnier qui a abordé le sujet en expliquant pourquoi vous étiez
au bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: C'est cela.
M. Bourbeau: À ce moment-là, rapidement, on a
commencé à parler de la possibilité de régler la
cause qui était en cour depuis deux semaines. Il y a des gens qui
voulaient régler, je présume, et d'autres qui ne voulaient pas
régler. Qui ne voulait pas régler?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: On posera ces questions aux administrateurs.
Ils sont tous ici.
M. Bourbeau: M. Laliberté, vous-même, vous
étiez présent et vous avez dit hier que le premier ministre
s'était emporté. Enfin, il a eu des paroles. Quand il s'est
emporté, c'est parce que quelqu'un refusait de régler, je
présume?
M. Duhaime: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de
la part du ministre. M. le ministre.
M. Duhaime: Encore une fois! C'est la troisième fois que
j'interviens pour empêcher le député de Laporte de mettre
des paroles dans la bouche d'autres personnes et, au surplus, de dire que M.
Laliberté a répété des choses qui n'ont jamais
été dites, par exemple: Est-ce que le premier ministre s'est
emporté? Il n'a jamais été question de cela hier. On a
même dit que l'atmosphère avait été cordiale.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Effectivement, M. le Président, c'est
l'interprétation du député de Laporte, que je ne partage
pas complètement parce qu'on sait que le premier ministre peut dire des
gros mots sans s'emporter.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Laliberté, je m'excuse. J'ai effectivement
conclu que le premier ministre s'était emporté parce que, hier,
vous nous avez dit que le premier ministre - et je vous cite au texte - a dit:
"Vous réglez, maudit! Vous réglez, pire que maudit...
M. Lalonde: Qu'est-ce que c'est "pire que maudit"?
M. Bourbeau: ...ou: "Vous réglez, sinon on réglera
nous-mêmes". Je vous repose la question: Qui refusait de régler,
puisque le premier ministre a dit ces paroles?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Qui refusait de régler? M. Bourbeau:
Oui.
M. Laliberté: Le conseil n'avait pas encore pris de
décision.
M. Lalonde: À la réunion?
M. Bourbeau: À la réunion, dans le bureau du
premier ministre. Puisque le premier ministre a dit: "Vous réglez,
maudit, ou bien on réglera nous-mêmes!", alors, qui refusait de
régler?
M. Laliberté: M. le Président, j'ai clairement
indiqué hier que tout ce qu'a dit le premier ministre s'adressait aux
trois personnes qui étaient là, personnes qui étaient
déléguées par un conseil d'administration. Je ne change
pas d'avis là-dessus.
M. Bourbeau: Oui, mais quand le premier ministre a utilisé
les mots: "Vous réglez, maudit!", c'est parce que quelqu'un disait qu'il
ne voulait pas régler. Est-ce que cela ne s'infère pas du
texte?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, ce qui s'est
passé lors de cette réunion, c'était le résultat
d'une démarche du conseil qui voulait connaître l'opinion du
premier ministre. Donc, nous n'y allions pas en tant qu'individus. Nous
n'exprimions pas nécessairement des opinions personnelles. Nous voulions
nous faire dire quelle était l'opinion du gouvernement au sujet de ce
dossier. C'est pour cela que je maintiens ce que j'ai dit, je pense, deux ou
trois fois, que, effectivement, les paroles du premier ministre s'adressaient
aux personnes qui étaient là, c'est-à-dire le
président du conseil, M. Boyd, et moi-même. (12 heures)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Avant que le premier ministre vous dise:
Réglez, maudit! est-ce
que M. Boyd avait parlé au premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je ne me souviens certainement pas de
l'ordre. Je ne peux pas répondre à ce genre de question. J'ai dit
hier, et c'est très important, que l'atmosphère a
été calme. Je le répète, cela a été
calme.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce que M. Saulnier a pris la parole avant pour
signifier qu'il avait des objections à régler?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Vous devriez poser cette question-là
à M. Saulnier.
M. Bourbeau: Vous étiez témoin, vous étiez
là, vous avez entendu des mots.
Une voix: Vous ne vous en souvenez pas?
M. Laliberté: Les autres administrateurs sont
convoqués et cette question devrait être adressée à
M. Saulnier.
Une voix: Un témoin hostile!
M. Bourbeau: N'est-il pas vrai que M.
Boyd a parlé au premier ministre dans le sens de son refus de
régler avant que le premier ministre prononce ces mots-là?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: II faudrait poser la question à M.
Boyd.
Une voix: Bien non! Vous êtes témoin. Il refuse de
témoigner. Est-ce que vous vous en souvenez ou si vous ne vous en
souvenez pas?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je me rappelle le contexte
général. Je me rappelle l'atmosphère, la durée, des
éléments comme ceux-là. Je ne me rappelle pas des phrases
spécifiques. Cela date de trois ans.
M. Lalonde: Sauf celle-là. M. Bourbeau: M.
Laliberté...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: ...avant que le premier ministre - je n'ose pas dire
le mot "emporter" parce que le ministre ici va s'emporter - vous dise: Vous
réglez, mauditl n'est-il pas vrai que M. Boyd s'était
adressé au premier ministre et lui avait fait valoir son refus de
régler la cause?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Ma mémoire sur cette
question-là, c'est que cette phrase a été prononcée
au tout début de la réunion, donc après l'intervention du
président du conseil. Le premier commentaire qu'a fait le premier
ministre, c'est celui que j'ai mentionné.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Avant que le premier ministre prononce ces mots,
est-ce que quelqu'un, autre que le premier ministre, avait mentionné la
possibilité de ne pas régler?
M. Laliberté: Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Vous vous en souvenez donc d'une façon
certaine?
M. Laliberté: Je dis que ces
événements-là se sont passés en début de
réunion, donc...
M. Bourbeau: Vous êtes donc certain. Vous dites non. Vous
vous souvenez qu'avant que le premier ministre dise ces mots-là personne
n'avait évoqué la possibilité de ne pas régler ou
ses objections à ne pas régler?
M. Laliberté: Ce que je dis là, c'est au meilleur
de ma connaissance.
M. Bourbeau: De votre connaissance ou de votre souvenance?
M. Laliberté: De ma connaissance, de ma souvenance.
M. Bourbeau: Quand vous avez dit, hier, et je vous cite, que le
premier ministre vous a dit: Vous réglez, mauditl Vous réglez,
pire que maudit, est-ce que c'est le premier ministre qui a dit: Pire que
maudit...
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Bourbeau: ...ou si c'est vous?
M. Laliberté: Je pense que la commission devrait
m'excuser. Je n'ai pas prononcé le mot qui a été
prononcé là.
M. Bourbeau: Le premier ministre n'a pas dit: Pire que
maudit?
M. Laliberté: Non.
M. Bourbeau: Est-ce que c'est votre interprétation
à vous des mots qu'a dits le premier ministre, et ces mots-là
seraient pires que maudit?
M. Laliberté: Un juron.
M. Bourbeau: Le premier ministre a prononcé un juron.
Est-ce que vous pouvez nous dire quel était le juron?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. À
l'ordre!
M. Laliberté: "Crisse"!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Donc, le premier ministre n'a pas dit "maudit", si
je vous comprends bien.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous avez
raison, M. le député. C'est vous qui avez la parole, j'aimerais
que les autres vous donnent la possibilité de questionner. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Je veux qu'on comprenne une chose. J'essaie de
savoir ce qui s'est passé.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, je m'excuse, mais à ma gauche et à ma droite, on se
parle sans permission.
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Je veux qu'on comprenne qu'on est ici pour savoir
si, oui ou non, le premier ministre a fait des pressions. Or, je pense que le
choix des mots, dans une circonstance comme celle-là, est très
important. Si le premier ministre vous a dit à genoux: Voulez-vous, s'il
vous plaît, régler, c'est une chose. S'il vous a dit: Maudit! Vous
allez régler, c'est une autre chose. S'il vous a dit: "crisse"! Vous
allez régler, c'est une autre chose. Ce qu'on veut savoir, c'est quel
était le ton, quel était le choix des mots, parce que lorsqu'on
dit "crisse"! en général, on n'est pas en train de parler de la
pluie et du beau temps, enfin, dans le langage ordinaire.
Une voix: Vous ne connaissez pas les Québécois,
"crisse"! Y "mouille"!
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Bourbeau: Surtout quand on a un premier ministre en
présence de trois présidents-directeurs généraux,
d'hommes d'affaires sérieux et reconnus comme tels. Je n'essaie pas de
faire de la démagogie. Je veux savoir ce qui s'est passé. Il est
très important que l'on connaisse les mots qui ont été
prononcés. Avez-vous eu des pressions? Vous me dites qu'on a
prononcé le mot "crisse"! Est-ce qu'il y a eu d'autres mots du
même genre que le mot "crisse"! qui ont été
prononcés?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Selon ma souvenance, non, M. le
Président.
M. Bourbeau: Pour ne pas me faire accuser de reprendre à
mon propre compte les mots prononcés, pourriez-vous nous
répéter textuellement ce que le premier ministre a dit?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: "Vous réglez, "crisse"! ou on va
régler!"
Des voix: Bon!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu d'autres mots ou d'autres
phrases, avant ou après, ou si ce sont les seuls mots qui ont
été prononcés?
M. Laliberté: À ma souvenance, non.
M. Bourbeau: Est-ce que le premier ministre vous a
expliqué comment il pourrait lui-même régler, puisque c'est
la Société d'énergie de la Baie-James qui poursuivait et
qui devait régler?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Aucunement.
M. Bourbeau: II ne vous a pas démontré de quelle
façon il pourrait s'y prendre pour faire en sorte que la
Société d'énergie de la Baie-James règle, si elle
ne voulait pas régler?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Non, M. le Président.
M. Bourbeau: II n'a pas donné d'explications?
M. Laliberté: Non.
M. Bourbeau: Quand le premier ministre a prononcé ces
paroles exemplaires, quelle a été votre réaction?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Comme on le sait, je l'ai effectivement
noté, ç'a été une réaction... Hier, j'ai
noté deux choses: tout d'abord, finalement, dans le but d'amplifier une
argumentation, il arrive souvent aux francophones d'utiliser le mot "crisse"
comme on utilise le mot "maudit"' aujourd'hui. Donc, je n'ai certainement pas
été impressionné par le mot "crisse"! Deuxièmement,
les moyens que pouvait avoir le premier ministre pour régler ce
problème, je n'y croyais tout simplement pas. Ce n'est pas
impressionnant. J'ai toujours considéré que la seule
autorité habilitée à régler ce problème
était le conseil d'administration.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Laliberté, après les paroles
célèbres du premier ministre, est-ce que M. Boyd aurait fait
état, devant vous et devant le premier ministre et M. Saulnier, des
conséquences, pour l'ensemble des Québécois, d'une
décision qui réglerait à vil prix une poursuite de 32 000
000 $?
M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.
M. Bourbeau: M. Boyd n'aurait pas dit quelque chose comme: Je ne
veux pas régler parce que c'est l'ensemble des Québécois
qui va être pris pour payer des sommes d'argent qui sont le fait d'un
petit groupe, ou quelque chose comme cela?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Je ne m'en souviens pas.
M. Bourbeau: Vous ne vous en souvenez pas du tout?
M. Laliberté: Non.
M. Bourbeau: En plus de la phrase du premier ministre, comme la
réunion a duré quinze minutes, de quoi avez-vous discuté
ensuite?
M. Laliberté: M. Lévesque a soulevé les
principaux points de son argumentation. Je les répète. Je me
rappelle les avoir déjà dits, hier, une couple de fois. Tout
d'abord, la non-solvabilité de la partie québécoise.
Deuxièmement, le coût du procès et des procédures
à venir. Même si on n'était pas directement
impliqués dans le procès, nous étions conscients que cela
était très onéreux. Troisièmement, les travailleurs
eux-mêmes ne sont pas responsables, finalement. C'est seulement le cas de
quelques individus. N'oublions pas qu'un mois plus tard, dans ce contexte, on
adoptait la fameuse résolution.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Laliberté, quand le premier ministre vous
a suggéré son sentiment de vouloir régler, vous a-t-il dit
à quelles conditions monétaires vous deviez régler?
À quel montant?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Aucunement. Nous ne sommes pas entrés
dans ce propos.
M. Bourbeau: II n'a pas été question d'argent
concernant le règlement?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Aucunement.
M. Bourbeau: Est-ce que le premier ministre s'est enquis des
modalités des projets de règlement qui flottaient dans le
décor?
M. Laliberté: Aucunement.
M. Bourbeau: Les paroles prononcées par le premier
ministre, et dont on vient de parler, ont-elles eu un effet dans les minutes
qui ont suivi? Est-ce que quelqu'un a réagi à ces menaces ou si
cela est tombé comme cela?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas, M. le
Président.
M. Bourbeau: Très bien. Je pense qu'on va passer à
un peu plus tard. Le 6 février, six jours plus tard, votre conseil
d'administration de la SEBJ se réunit et vous faites rapport de cette
réunion cordiale au bureau du premier ministre. À ce moment, si
ma mémoire est fidèle, le conseil d'administration décide
de mandater ses procureurs pour explorer la possibilité d'un
règlement, bien que vous ayez dit que l'intervention du premier ministre
ne vous a pas du tout influencé. M. Laliberté, est-il exact
qu'avant la réunion du conseil d'administration du 6 février vous
auriez demandé à M. Roland Giroux si lui-même avait
reçu des pressions pour régler hors cour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je n'en ai pas souvenance, M. le
Président.
M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez pas d'avoir demandé
à M. Giroux s'il avait eu des pressions?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Non.
M. Bourbeau: Après la réunion du conseil
d'administration du 6 février, une nouvelle opinion juridique a
été demandée. Vous en aviez une du 5 janvier, et vous en
avez demandé une deuxième. Qui a demandé au conseil qu'on
demande une nouvelle opinion juridique?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: J'ai dit, dans ma déclaration d'hier,
que c'était le président du conseil, sur la notion
d'exemplification. C'était une demande explicite du président du
conseil.
M. Bourbeau: M. Lucien Saulnier. Et M. Saulnier voulait une
opinion juridique strictement sur la question de l'exemplifica-tion?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Si ma mémoire est bonne, oui, M. le
Président.
M. Bourbeau: Est-ce que vous avez discuté avec M. Saulnier
ou avec le conseil de cette demande de nouvelle opinion juridique?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je n'en ai pas souvenance, M. le
Président.
M. Bourbeau: À votre connaissance, pourquoi M. Saulnier
voulait-il cette opinion juridique?
M. Laliberté: Parce que cela demeurait, dans l'esprit de
certains administrateurs, un point encore nébuleux.
M. Bourbeau: M. Laliberté, est-ce que vous saviez que,
entre janvier et mars 1979, alors que se déroulaient ces
événements, le bureau du premier ministre avait de nombreuses
rencontres avec les avocats des défendeurs?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: J'étais au courant, oui.
M. Bourbeau: Vous étiez au courant que Me Jasmin et Me
Beaulé se promenaient entre le bureau du premier ministre et leur bureau
pour discuter d'un possible règlement? Quelle réaction aviez-vous
de savoir que les défendeurs que vous poursuiviez étaient
fréquemment dans le bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Ma réaction était dans la
continuité, si vous voulez, de ce qui a pu se dire entre M. Boivin et
moi-même le 3 janvier. Je crois que, compte tenu de l'importance de ce
dossier, toute personne physique, si elle pouvait être utile au
règlement de quelque façon que ce soit, pouvait s'immiscer. Cela
n'avait pas plus d'importance que cela pour moi.
M. Bourbeau: Est-ce que vous-même aviez des communications
personnelles avec les avocats des défendeurs?
M. Laliberté: Aucunement. Pour être plus
précis, j'ai reçu, avec Me Gadbois, Me Jasmin, le 17 janvier.
Cela a été la seule fois où j'ai rencontré les
procureurs de la partie adverse.
M. Bourbeau: Comment saviez-vous alors que les avocats de la
partie adverse allaient fréquemment au bureau du premier ministre?
M. Laliberté: M. le Président, il faut reporter les
choses dans le contexte du moment. Le procès avait débuté
le 15 décembre, donc, les procureurs des parties se voyaient.
Le Président (M. Jolivet): Le 15 janvier plutôt.
M. Laliberté: Le 15 janvier, excusez-moi. Donc, on se
voyait fréquemment; il était logique qu'on apprenne par ricochet
ce genre de réunions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Lorsque vous dites "on se voyait
fréquemment", vous parlez de?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Des procureurs, de ce à quoi le
député réfère, c'est-à-dire ces rencontres
au bureau du premier ministre.
M. Bourbeau: Les rencontres qu'avaient les avocats de la partie
défenderesse au bureau du premier ministre?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Bourbeau: M. Laliberté, le 20 février, votre
conseil d'administration s'est réuni et venait de recevoir le nouvel
avis juridique qui nuançait un peu le précédent et qui
allait dans le sens peut-être de certains
problèmes à percevoir du côté
américain et qui vous permettait de conclure que votre cause
était moins bonne que vous auriez pu le penser au début et qui
vous justifiait de régler. Le 6 mars, vous donnez un mandat à vos
procureurs de régler la cause hors cour pour une somme de 200 000 $.
Pouvez-vous nous dire si tous les membres de votre conseil d'administration ont
voté pour régler la cause de 32 000 000 $ pour 200 000 $? (12 h
15)
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je lis textuellement le procès-verbal
du 6 mars, à la page 140: "Après discussion, sur proposition
dûment faite et appuyée, et après un vote à main
levée, suite auquel six membres présents ont voté pour la
proposition, trois membres présents ont voté contre la
proposition et un membre présent s'étant abstenu, il est
résolu de..."
M. Bourbeau: Donc, c'est ce qu'on appelle un vote sur division.
Pouvez-vous nous dire, M. Laliberté, quels sont les membres du conseil
d'administration qui ont voté contre la décision de régler
hors cour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas, M. le
Président.
M. Bourbeau: M. Laliberté...
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Bourbeau: ...je ne peux pas croire que le
président-directeur général d'un organisme qui prend une
décision aussi importante ne sache pas qui, parmi ses administrateurs, a
voté contre une décision aussi importante. Je vous prierais de
faire un effort, M. Laliberté, pour vous en souvenir.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le
Président. Les membres de la commission ont tout le loisir de poser la
question à chacun des administrateurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire, M. Laliberté, qui
s'est abstenu de voter?
M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Laliberté, M. Boyd a- t-il voté
pour?
M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas, M. le
Président.
M. Bourbeau: M. Giroux a-t-il voté pour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. Giroux était absent de cette
réunion.
M. Bourbeau: M. Laliberté, Mme Forget a-t-elle voté
pour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, Mme Forget a
annoncé qu'elle avait voté contre.
M. Bourbeau: Vous vous souvenez de cela?
M. Laliberté: Parce qu'elle l'a dit tout
récemment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je veux simplement souligner
encore que je suis estomaqué de voir qu'un P.-D.G ne peut pas se
souvenir de qui a voté contre parmi ses administrateurs, mais je vais
continuer mes questions. Ceux qui ont voté contre, même si vous ne
vous souvenez pas de leur nom, avant de prendre le vote, ont-ils exprimé
les raisons qui justifiaient leur vote contre la proposition?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: On peut le supposer, M. le Président.
C'était la septième séance du conseil que l'on tenait sur
la logique d'un règlement hors cour.
M. Bourbeau: On peut le supposer, mais vous, est-ce que vous vous
souvenez qu'il y ait eu des discussions au conseil d'administration avant qu'un
vote aussi important soit pris?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Spécifiquement, le jour même,
je ne peux pas l'identifier.
M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez pas s'il y a eu des
discussions?
M. Laliberté: II y a eu des discussions. Je ne le nie
pas.
M. Bourbeau: Vous ne vous souvenez
pas du contenu des discussions?
M. Laliberté: Je ne me souviens pas du contenu des
interventions. C'était la question qu'on me posait tout à
l'heure.
M. Bourbeau: L'offre de règlement, à cette
réunion, était de 200 000 $ pour votre société et
de 100 000 $ pour les syndicats.
Des voix: Pour les assureurs.
M. Bourbeau: Je m'excuse, pour les assureurs.
Précédemment, elle était beaucoup moindre, elle
était de 175 000 $ en tout. Elle était passée de 175 000 $
à 300 000 $. Qu'est-ce qui a fait passer de 175 000 $ à 300 000 $
le montant du règlement?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Au procès-verbal du 6 mars, nous
avons en annexe, en quelque sorte, le rapport des procureurs à la suite
du mandat que nous leur avions donné le 20 février. J'en
déduis que c'est le résultat des négociations entre les
procureurs des deux parties.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Dans la nouvelle qui est parue ces jours derniers
dans les journaux, on faisait état que, le 20 février, une
question avait été posée à l'Assemblée
nationale par le député de Marguerite-Bourgeoys au sujet du
montant du règlement possible et que cette question avait incité
la partie patronale, si je peux dire, ou votre société à
augmenter ses exigences. Cela aurait fait passer le montant du règlement
de 175 000 $ à 300 000 $. Est-ce qu'il a été question,
lors des discussions, du fait que l'Assemblée nationale, maintenant, se
préoccupait du dossier et que c'était rendu sur la place
publique?
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...en toute justice pour M. Laliberté, pour
qu'il puisse au moins savoir ce dont il s'agit, comme le député
de Laporte vient de référer vaguement à quelque chose dans
un article de journal, il m'apparaîtrait normal et intelligent que l'on
passe cette coupure de journal à M. Laliberté d'abord, pour qu'on
sache exactement de quoi il s'agit, puisque vous l'avez en main, et qu'il en
prenne connaissance. Ensuite, vous pourrez lui poser une question.
M. Saintonge: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie, sur une question de règlement.
M. Saintonge: M. le Président, je regarde la façon
dont le débat se déroule depuis quelque temps. On demande
à M. Laliberté s'il a souvenir de certains
événements. S'il n'a pas de souvenir, qu'il dise non; dans le cas
présent, c'est la même chose. Je comprends également, et je
le noterai, que, à la droite et à la gauche de M.
Laliberté, il y a deux personnes qui peuvent l'aider. Le ministre a
suggéré que ces personnes puissent être là pour
l'aider à régler des problèmes d'ordre juridique ou de
documentation, parce que les documents sont évidemment nombreux. Je
tiendrais quand même à ce que la réponse soit donnée
par le témoin directement.
M. Duhaime: Je n'ai pas parlé de cela dans mon
intervention, je m'excuse, M. le Président. Je n'ai demandé
à personne de répondre à sa place.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Avant, je vais
régler le problème, M. le ministre. C'est simplement pour vous
dire que je vous écoute de part et d'autre, mais votre collègue a
fait parvenir à M. Laliberté les coupures de presse. Donc, votre
question de règlement tombe par le fait même puisqu'il l'a entre
les mains.
M. Laliberté.
M. Laliberté: Y a-t-il eu une question, M. le
Président? S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait la
répéter?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, si vous voulez reposer votre question, s'il vous plaît!
M. Bourbeau: Oui. Si vous regardez la coupure du journal La
Presse du 29 mars qui est devant vous, on dit que l'intervention de Fernand
Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, à
l'Assemblée nationale, aurait coûté 125 000 $ au syndicat,
aurait mis de la pression sur vous, sur la SEBJ, pour augmenter les demandes de
règlement et que cela aurait contribué à faire passer le
règlement de 175 000 $ à 300 000 $. Ma question, c'est pour
savoir si le fait qu'à ce moment M. Lalonde avait porté sur la
place publique le débat et le montant du règlement aurait
contribué à faire augmenter le montant.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Si vous me le permettez, un instant, M. le
Président, je voudrais savoir de quelle date est le rapport de nos
procureurs.
Le Président (M. Jolivet): Pendant que vous cherchez,
j'aimerais faire mention que, quand nous vous avons invité à
prêter votre serment hier, c'était vous qui deviez
répondre. On a toujours dit que vous pouviez être assisté
par des gens. C'est simplement pour que les gens sachent bien que, si vous avez
de l'assistance, c'est parce qu'elle est permise. M. Laliberté.
M. Laliberté: Je m'excuse du délai, M. le
Président, on cherche. Page 145?
M. Perron: C'est la page 143, le 27 février 1979; je crois
que c'est à cela que vous faites allusion, M. Laliberté.
M. Laliberté: C'est cela. M. le Président, est-ce
que le député pourrait me rappeler la date exacte de
l'intervention de M. Lalonde?
M. Bourbeau: Le 20 février. En fait, il y en a eu une le
12 février et une le 20 février. Le règlement est
passé de 125 000 $ à 175 000 $ dans un premier temps et de 175
000 $ à 300 000 $ dans un deuxième temps.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Donc, les procureurs et moi-même
n'étions pas au courant de la déclaration de M. Lalonde. C'est
une coupure de presse du 29 mars. Je reçois le document final, si je
peux dire, le rapport final des procureurs en ce qui regarde la
négociation. Donc, je peux en déduire que cela n'a eu aucune
influence.
M. Bourbeau: M. Laliberté...
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Bourbeau: ...on ne parle pas des mêmes années.
C'est évident que la coupure de journal est toute récente, parce
que c'est la Presse qui l'a publiée la semaine dernière.
M. Laliberté: Excusez-moi.
M. Bourbeau: Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'au
moment où l'on parlait du règlement, vous étiez en train
de considérer dans un premier temps un règlement de 125 000 $ au
total. En l'espace de peu de temps, les 125 000 $ sont passés à
175 000 $ dans les documents qu'on a vus, et, après cela, à 300
000 $. Dans le même temps, à l'Assemblée nationale du
Québec, à la période des questions, il a été
question de ce sujet. M. Lalonde en a parlé deux fois. Je veux savoir
si, au conseil d'administration de la SEBJ, au moment où on discutait de
ces chiffres, on a fait état du fait que le dossier était sur la
place publique et que l'Opposition, à l'Assemblée nationale,
traitait de ces choses-là. Est-ce que cela a eu un effet sur la hausse
des prix, si je puis dire, du règlement?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas qu'on induise le témoin en
erreur. M. Lalonde n'a pas fait état deux fois, à
l'Assemblée nationale, de cette question, mais trois fois: le 12
février, le 20 février et, ensuite, le 14 mars.
M. Lalonde: Le 14 mars, c'était terminé.
M. Duhaime: Et tantôt, j'ai demandé, M. le
Président, d'identifier les documents avant de poser des questions. On
transmet une coupure de presse à M. Laliberté qui porte la date
du 29 mars, j'imagine. M. Laliberté répond en tenant pour acquis
que c'est le 29 mars 1979 ou je ne sais trop, et on se rend compte tout de
suite, en 60 secondes, qu'il s'agit d'une coupure de presse du 29 mars 1983,
quatre ans après les événements, et ensuite, on vient nous
dire que...
M. Bourbeau: Questions de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de
règlement de la part du député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le ministre devrait
s'informer avant de parler. Sur la coupure que j'ai remise à M.
Laliberté, c'est écrit 29 mars 1983. C'est textuel. Alors, les
paroles du ministre sont superflues.
M. Duhaime: Je ne l'ai même pas!
M. Bourbeau: Si vous ne l'avez pas, n'en parlez pas!
Le Président (M. Jolivet): Cela va. M. le
député de Laporte, vous continuez.
M. Bourbeau: Je voudrais maintenant parler du mandat à vos
avocats. Est-ce que vous pouvez répondre à ma question, en
premier lieu?
M. Laliberté: M. le Président, tout d'abord, je
reconnais mon erreur. J'ai lu le 29 mars, sans lire l'année 1983. Mais
nous avons reçu un rapport de nos procureurs en date du 27
février. C'est à ce moment-là que nous apprenions que le
règlement passait
d'une valeur de 175 000 $ à 300 000 $. C'est à la page 145
d'accord? Peut-on en déduire que les paroles qui ont été
prononcées en Chambre...? Je ne le sais pas. Réellement, je ne
peux pas dire qu'il y ait relation directe. Chose certaine, nos procureurs ont
constamment été mandatés pour négocier à
partir de la réunion du 6 février. Donc, une partie de
l'accroissement est certainement reliée à l'effort de persuasion,
si on peut employer l'expression, de nos procureurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Laliberté, le 6 février 1979 est
une date importante. C'est le moment où vous donnez le mandat...
M. Duhaime: Je m'excuse, j'ai mal saisi.
M. Bourbeau: Le 6 février 1979, vous donnez mandat
à vos avocats d'explorer la possibilité d'un règlement.
C'est la première fois, je pense, que, dans les procès-verbaux,
on a pu lire que vos avocats reçoivent un mandat pour négocier le
règlement de la cause ou explorer la possibilité d'un
règlement hors cour. Est-il exact qu'après cette date-là
vos avocats se sont rendus au bureau du premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: On m'indique aujourd'hui -j'en ai fait part
hier - qu'il y a eu deux visites de la part de Me Cardinal au bureau du premier
ministre, la première en date du 9 février et la seconde du 27
février.
Le Président (M. Jolivet): Je ne permettrai pas d'autres
questions. Je vais suspendre les travaux jusqu'après la période
des questions cet après-midi, en disant que la parole est toujours au
député de Laporte. Nous recommençons les travaux de
l'Assemblée nationale à 14 heures. Suspension jusqu'après
la période des questions, c'est-à-dire environ 15 heures ou 15 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise de la séance à 15 h 35)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend
ses travaux en vue d'examiner les circonstances entourant la décision du
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie-James de régler hors cour la poursuite civile intentée
à la suite du saccage du chantier de LG 2 surve- nu en 1974 et, plus
spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau
à cet égard.
Je dois reprendre la liste des membres de cette commission puisque c'est
une nouvelle séance. M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay
(Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis),
M. Rodrigue (Vimont), M. Blouin (Rousseau).
Comme intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M.
Dussault (Châteauguay), M. Lafrenière (Ungava), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert),
M. Laplante (Bourassa), M. Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet). Au moment
où nous nous sommes quittés pour l'heure du dîner, nous en
étions, toujours sous le même serment avec le témoin, M.
Claude Laliberté, et la personne qui avait le droit de parole encore, en
vertu des ententes prises de part et d'autre, est le député de
Laporte. Ensuite, ce sera le député de Gatineau qui m'a
demandé le droit de parole. M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense bien avoir
terminé les questions que je voulais poser à M. Laliberté.
Si vous voulez bien, on peut laisser la parole au député de
Gatineau.
Le Président (M. Jolivet): Donc, M. le
député de Gatineau, vous avez la parole.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Vous me permettez
sûrement de corriger quelque chose que le ministre a dit hier. Je ne le
fais ni pour m'en vanter, ni pour m'en excuser, mais je ne suis pas avocat, je
suis ingénieur de profession, comme M. Laliberté, je pense.
M. Laliberté, au début de janvier 1979, je pense ne pas me
tromper en disant que vous-même n'étiez pas encore favorable
à un règlement hors cour. La question que je vous pose est
celle-ci: Est-ce que vous connaissiez les sentiments des autres membres du
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie-James à ce moment à propos d'un règlement hors
cour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: La question est: Est-ce que je connaissais
les sentiments des autres administrateurs à ce moment? Je crois qu'il
était trop tôt pour pouvoir présumer de leurs sentiments
comme tels, parce que la première discussion d'importance a eu lieu
seulement au conseil d'administration du 9 janvier.
M. Gratton: Mais vous aviez sûrement des occasions de jaser
et de parler avec les administrateurs à titre individuel. Par exemple,
saviez-vous si M. Boyd était favorable ou défavorable à un
règlement hors cour à ce moment?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M.
Laliberté.
M. Laliberté: On n'avait pas encore parlé de
règlement favorable; ce n'est venu au conseil d'administration que
lorsque je l'ai informé le 16.
M. Gratton: Pas à un règlement favorable, mais
à la notion de la possibilité de régler hors cour
plutôt que de poursuivre devant les tribunaux?
M. Laliberté: De mémoire, M. le Président,
il n'y a pas eu de discussions sur le développement, que ce soit sous la
forme d'un règlement hors cour ou la possibilité
d'exécuter un jugement devant les tribunaux.
M. Gratton: Par exemple, saviez-vous ce que M. Hébert en
pensait?
M. Laliberté: Je n'ai pas mémoire d'avoir connu
quelque opinion que ce soit à ce moment-là; on parle du
début de janvier.
M. Gratton: D'accordl À quel moment le chef de cabinet du
premier ministre vous a-t-il convoqué à cette réunion du 3
janvier?
M. Laliberté: J'ai dit que je croyais que c'était
M. Boivin qui m'avait convoqué. Cependant, je ne peux pas vous dire
à quel moment il a pu le faire, parce que je ne me le rappelle pas.
M. Gratton: Était-ce possiblement la journée
même ou quelques jours avant? On parle de la réunion qui a eu lieu
le 3 janvier. Donc, deux jours avant, c'était le jour de l'An. Cela peut
nous rappeler peut-être à quoi on songeait durant la
période des fêtes. La communication avait été faite,
je présume, par téléphone.
M. Laliberté: Je le présume, mais je n'ai pas
mémoire du moment.
M. Gratton: Vous ne pouvez pas nous donner quelque indication que
ce soit sur une norme de grandeur? Était-ce dans les semaines
précédentes, les jours précédents ou dans les
heures précédentes?
M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.
M. Gratton: Vous avez donc rencontré M. Boivin au bureau
de Montréal d'Hydro-
Québec, si je ne m'abuse, et il vous a fait part du "souhait" du
premier ministre qu'on en arrive à un règlement hors cour. Je
pense que vous avez indiqué hier ne pas avoir souvenance des termes
employés par M. Boivin. Est-ce exact?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M.
Laliberté.
M. Laliberté: C'est exact.
M. Gratton: Donc, vous ne pouvez pas nous éclairer sur la
façon dont cela a été fait? Si je ne m'abuse, vous avez
même indiqué que cela s'est fait de façon très
cordiale et qu'il n'y a pas eu d'impératifs de donnés à ce
moment-là.
M. Laliberté: C'est effectivement ce que j'ai
indiqué.
M. Gratton: Bon! Vous étiez quand même dans le
bureau de. M. Boivin à titre de P.-D.G. de la Société
d'énergie de la Baie-James?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Gratton: Vous aviez indiqué hier que, à la suite
de cette réunion, je présume, au cours des jours qui ont suivi,
vous avez informé certains membres du conseil d'administration de ce
souhait du premier ministre que vous avait communiqué M. Boivin. Vous
avez même dit que, à votre souvenir, il y en avait quatre, soit
MM. Roquet, Thibaudeau, Laferrière, ainsi que Mme Forget. Puis-je vous
demander pourquoi vous en avez parlé à ces quatre personnes et
non pas avec les autres?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Parce que, à ce moment-là,
compte tenu qu'il n'y avait même pas d'indice d'un règlement de la
part des syndicats, des défendeurs, je ne croyais pas pertinent de le
faire, d'autant plus que la première réunion du conseil avait
lieu le 9, c'est-à-dire six jours ou une semaine plus tard. Donc, je
n'ai pas jugé à propos à ce moment-là d'en parler
parce qu'il n'y avait pas de changement, en quelque sorte. C'était une
indication que je prenais pour moi. Je l'ai fait dans le cadre de
réunions hors conseil. C'est ce que j'ai dit hier.
M. Gratton: Mais, si vous aviez rencontré M. Boivin
à titre de P.-D.G. de la société, ne vous sentiez-vous
pas, en quelque sorte, obligé d'en parler à l'ensemble des
membres du conseil d'administration?
M. Laliberté: Pas nécessairement, M. le
Président. On rencontre, dans le poste que
j'occupe, nombre d'individus et je peux vous assurer que je n'en ai pas
toujours fait part. C'est un choix personnel et je viens d'exprimer que cela
avait été un choix personnel. Cela a été la raison
pour laquelle, effectivement, je ne l'ai pas rapporté dans le cadre
d'une information officielle.
M. Gratton: Qu'est-ce qui a motivé ce choix de votre part
d'en parler à ces quatre personnes et non pas aux autres?
M. Laliberté: C'est peut-être parce que les contacts
avec ces quatre personnes étaient plus fréquents. Certains
étaient des amis personnels; donc, ce sont des choses qu'on discute plus
facilement.
M. Gratton: Est-ce que ces quatre personnes étaient les
seules que vous consédériez comme des amis personnels parmi les
membres du conseil d'administration?
M. Laliberté: Non.
M. Gratton: Quelles seraient les autres personnes qu'à ce
moment, forcément, vous considériez... Je peux reposer ma
question. Pourquoi n'en avez-vous pas discuté avec M. Hébert, par
exemple?
M. Laliberté: Pourquoi pas avec M. Hébert? Parce
que, probablement, je n'en ai pas eu la chance comme avec d'autres.
M. Gratton: Est-ce que M. Hébert était un ami
personnel à ce moment?
M. Laliberté: Non, je ne peux pas dire que M.
Hébert ait été un ami personnel. C'est une
connaissance.
M. Gratton: Parce qu'on a établi hier que les quatre
personnes à qui vous en aviez parlé avaient comme
dénominateur commun d'avoir été nommées par le
gouvernement actuel en même temps que vous, c'est-à-dire le 1er
octobre 1978. Je présume que ce n'est pas ce qui a motivé votre
décision, votre choix d'en parler à elles et non pas aux autres,
puisque M. Hébert était dans la même situation, si je ne
m'abuse. Lui aussi a été nommé par le Parti
québécois le 1er octobre 1978.
M. Laliberté: M. Roquet l'était
également.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je crois que le député a
dépassé sa pensée en disant qu'il avait été
nommé par le Parti québécois. À mon sens, le Parti
québécois n'a pas fait de nominations.
M. Lalonde: M. le Président, si je peux aider le
député, il a tout à fait raison de tenter
d'éloigner le Parti québécois du gouvernement.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. Oui, je
m'excuse, M. le député de Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, j'insiste pour dire que je
l'ai fait avant d'être député et encore et depuis toujours
depuis 1976 et c'est très important.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté à la
question qui est posée.
M. Laliberté: M. le Président, il est bon de
clarifier ici que tout le monde a été nommé par le
gouvernement, tous les administrateurs l'ont été par le
gouvernement.
M. Gratton: Je me référais forcément aux
nominations faites par le gouvernement du Parti québécois le 1er
octobre 1978.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je répète que tout le monde a
été nommé au même moment où j'ai
été moi-même nommé par le gouvernement.
M. Gratton: D'accord, sauf qu'il y en a cinq qui sont
arrivés le 1er octobre, alors que les autres étaient
déjà au conseil d'administration.
M. Laliberté: Pas du tout, pas du tout. Je pense qu'il
faut clarifier la situation. M. Saulnier n'était . pas au conseil
d'administration auparavant. M. Hébert n'y était pas. On vient de
le mentionner. M. Laferrière n'y était pas. M. Monty n'y
était pas. Moi-même, je n'y étais pas. M. Gauvreau n'y
était pas. M. Boyd y était, M. Giroux y était, c'est
tout.
M. Gratton: D'accord. Donc, le choix que vous avez fait d'en
parler aux quatre personnes qu'on a mentionnées, à votre
souvenance, n'avait rien d'autre à voir que le lien d'amitié que
vous aviez avec ces quatre personnes-là et peut-être avec la
possibilité que vous avez eue de les rencontrer entre le 3 janvier et la
réunion du conseil d'administration le 9?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Gratton: Est-ce que j'ai bien compris ce matin que, lors de la
réunion du 3 janvier avec M. Boivin, vous étiez seul avec M.
Boivin, qu'il n'y avait personne
d'autre de présent?
M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.
M. Gratton: Merci. Alors, passons maintenant à la
réunion du 1er février. D'ailleurs, mon collègue de
Laporte a effleuré le sujet ce matin. Est-ce que, dans vos souvenirs,
vous vous rappelez que, soit vous-même, soit M. Saulnier, soit M. Boyd,
ayez exprimé les raisons pour lesquelles le conseil d'administration
croyait qu'il n'était pas opportun de régler hors cour?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, je vais
répéter ce que j'ai dit hier. Dans mon cas, j'avais choisi
d'écouter, parce que j'étais déjà d'accord en
quelque sorte avec l'attitude que souhaitait le gouvernement. En ce qui
concerne les deux autres personnes présentes, j'ai dit que je ne me
souvenais pas de leurs interventions et que je souhaitais que les membres de la
commission posent cette question aux personnes concernées.
M. Gratton: J'aimerais bien qu'on se comprenne. Le conseil
d'administration de la SEBJ avait mandaté ces trois personnes, M.
Saulnier, M. Boyd et vous-même, pour aller rencontrer le premier
ministre, pour connaître son sentiment, je présume. Donc, au
début de la réunion, sûrement que quelqu'un, parmi les
trois personnes de la société, a dû expliquer la raison de
cette demande de rencontre. Vous souvenez-vous comment cette personne - je
présume que c'était M. Saulnier - a exposé la situation au
premier ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: C'est effectivement ce que j'ai
expliqué hier. Compte tenu du fait que l'invitation avait
été demandée par le président du conseil, c'est le
représentant du conseil d'administration auprès du gouvernement,
c'est-à-dire M. Saulnier, qui s'est permis une introduction pour
justifier la présence des trois administrateurs à cette
réunion. Le tout s'est ensuite enclenché.
M. Gratton: Vous n'avez pas souvenir d'autres choses qui auraient
pu être dites, soit par M. Saulnier ou par M. Boyd?
M. Laliberté: Je ne me souviens pas.
M. Gratton: Spécifiquement, vous ne vous rappelez pas que
M. Boyd ou M. Saulnier ait pu indiquer qu'un règlement hors cour ne
serait peut-être pas dans l'intérêt des
Québécois qui seraient, évidemment, ceux qui auraient
à payer la note?
M. Laliberté: Je ne me souviens pas de ce genre
d'intervention.
M. Gratton: Vous semblez mieux vous souvenir des paroles que le
premier ministre a utilisées. Vous avez dit, par exemple, ce qu'il vous
avait dit à cette réunion du 1er février. Vous
souvenez-vous que le premier ministre se soit exprimé d'une façon
quelconque sur les intérêts des Québécois dans le
cadre de cette affaire?
M. Laliberté: Je me souviens - et je l'ai mentionné
- que l'argumentation du premier ministre recoupait celle qui avait
été soulevée au début du mois de janvier,
c'est-à-dire la non-solvabilité de la partie
québécoise, le coût du procès et des
procédures à venir et un élément que lui-même
a ajouté soit que les travailleurs n'étaient pas responsables de
cette situation et que c'était plutôt le lot de quelques
individus.
M. Gratton: Et il n'a jamais parlé de ce qu'il pensait, il
n'a jamais exprimé d'opinion sur ce qu'il pensait de l'obligation
qu'aurait l'ensemble des Québécois de payer la note de ce
règlement hors cour?
M. Laliberté: Je ne me souviens pas de cela.
M. Gratton: Après la réunion, est-ce que vous avez
informé les membres du conseil d'administration du résultat de
cette réunion?
M. Laliberté: C'est M. Saulnier lui-même qui s'en
est occupé à la séance du 6 février. À ce
sujet-là, tel que je vous l'ai dit hier, le procès-verbal est
explicite. Il dit expressément que la réunion a été
demandée par le conseil d'administration et fait rapport du souhait du
premier ministre qu'il y ait exploration pour un règlement hors
cour.
M. Gratton: Après la réunion du 3 janvier avec M.
Boivin, vous aviez cru bon d'informer privément quatre des membres du
conseil d'administration, avant la tenue de la réunion du conseil le 9
janvier. Après la réunion du 1er février, est-ce que vous
avez communiqué privément de telles informations à quelque
membre que ce soit du conseil d'administration?
M. Laliberté: Cette réunion avait été
demandée par le président du conseil. Il revenait au
président du conseil de renseigner le conseil en conséquence.
M. Gratton: J'en conviens mais je vous demande si vous avez
communiqué privément
ou autrement avec un membre ou avec quelque membre que ce soit du
conseil d'administration avant le 6 février?
M. Laliberté: Ma réponse implique qu'il n'y a pas
eu ce genre d'informations.
M. Gratton: Vous me l'affirmez?
M. Laliberté: Je vous l'affirme.
M. Gratton: C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Laliberté,
quelle perception, quelle vision -parce que vous avez souvent parlé de
"vision" pour toutes sortes de choses - avez-vous d'une société
d'État?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Excusez-moi, M.
Laliberté.
M. Duhaime: Je voudrais demander au député de
Louis-Hébert, en toute justice pour le témoin, s'il parle de la
Société de cartographie, s'il parle de REXFOR, de SOQUEM, de
SOQUIP, de SIDBEC, de la SEBJ, de la SDEBJ, d'Hydro International, de
Quebecair, du CNR, de CPR, de Canada Steamship ou encore, je ne sais plus trop
laquelle et si elles ont le siège social à Montréal,
à Toronto, à Vancouver ou bien en Chine?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: J'ai le droit de poser la question de la façon
que je choisis de la poser. Ce n'est pas l'intervention du ministre de
l'Énergie et des Ressources qui va m'impressionner ou qui va me faire
changer les mots que j'ai employés...
M. Blouin: On s'en doute.
M. Doyon: Je demande donc au témoin de répondre,
s'il vous plaît!
Une voix: Précisez votre question, cela n'a pas de bon
sens!
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Dans le cas de la Société
d'énergie de la Baie-James, je dirais qu'une société
d'État est un outil que prend le gouvernement pour réaliser, dans
les coûts et dans les échéanciers, un projet d'envergure
qui s'étend sur nombre d'années.
M. Doyon: M. Laliberté, est-ce que vous seriez d'accord
aussi à ajouter dans les objectifs qui sont ceux d'une
société d'État comme la vôtre, comme celle dont vous
êtes le P.-D.G., que, un des objectifs est d'éviter
l'ingérence politique, autant que faire se peut, et que vous êtes
le gardien de cette nécessité? Est-ce que vous êtes
d'accord avec cette affirmation?
M. Rodrigue: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Sur une question de règlement. M. le
Président, qu'est-ce que c'est que l'ingérence politique? Il
faudrait être précis un peu dans ses questions. Il me semble que
les questions sont beaucoup trop vagues et cela rend difficile la tâche
des personnes qui sont là.
Deuxièmement, et c'est là-dessus qu'est mon point de
règlement, M. le Président, à l'Assemblée
nationale, lorsque des questions sont posées aux ministres et
députés, ils ne sont pas tenus de répondre, ils peuvent
refuser. Pourriez-vous m'indiquer si, sur des questions aussi vagues que
celles-là - parce qu'on pourrait écrire des volumes en
réponse aux questions du député de Louis-Hébert -
le témoin ou la personne qui est devant nous est obligée de
répondre? Est-ce qu'il ne pourrait pas exiger, lui - ou elle selon les
cas - que la question soit précisée? Je vous demande une
directive, M. le Président, là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Une directive sur la question.
D'abord, vous avez parlé d'un ministre. Je vais commencer par celle qui
nous préoccupe. En commission parlementaire ou en Assemblée
nationale, le ministre doit répondre aux questions qui lui sont
posées tout en tenant compte que le règlement prévoit
qu'en alléguant l'intérêt public, il pourrait refuser de
répondre.
Maintenant, concernant le témoin, les questions lui sont
posées. Je n'ai pas, comme je l'ai dit ce matin, à
déterminer la teneur des questions ni celle des réponses. Si le
témoin ne comprend pas la question, comme cela peut arriver à des
moments donnés, il demande à celui qui a posé la question
de la lui reposer de façon qu'il la comprenne et qu'il puisse y
répondre. Mais, tout comme la personne qui pose la question doit la
poser en ses termes, la personne qui répond doit aussi y répondre
en ses termes tout en sachant que, sur son serment prévu par la Loi de
l'Assemblée nationale, il doit donner ce qu'il possède comme
renseignement.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite Bourgeoys.
M. Lalonde: ...d'ajouter, parce qu'il y avait un autre petit
point soulevé par le député de Vimont à savoir:
est-ce que le témoin est obligé de répondre? Je pense que
ce n'est pas comme un ministre. Il faut tenir compte de l'article 51 de la Loi
de l'Assemblée nationale qui contient un pouvoir de contraindre un
témoin donc, par voie de conséquence, s'il vient à la
commission parlementaire, il doit répondre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je pense que la population doit savoir aussi,
d'après les réponses de M. Laliberté, ce qui n'a pas
été dit ici et là. C'est délicat dans son cas.
C'est que M. Laliberté est déjà sur un serment d'office de
par son conseil d'administration.
Une voix: Déjà?
M. Laplante: Déjà. Il y a aussi une
confidentialité à protéger dans son conseil
d'administration et, tel que... Pour moi en tout cas, c'est la première
fois, en sept ans ici, qu'on voit qu'on est obligé d'assermenter des
gens qui ont déjà un serment et qu'on est rendu à lui
poser le genre de questions qu'on lui pose actuellement et qui sont strictement
du domaine personnel et politique.
Je demanderais la protection du président de cette commission
pour les témoins qui sont en avant. Je demande formellement, M. le
Président, votre protection, au nom de M. Laliberté, pour les
questions auxquelles il aura à répondre parce que c'est un
précédent très dangereux qu'on a actuellement dans cette
commission-ci. Je crois qu'on abuse actuellement. J'ai eu des appels
téléphoniques de téléspectateurs là-dessus
tout à l'heure qui me disent qu'il y avait un abus épouvantable
dans ce qu'on fait subir à M. Laliberté. Actuellement, comme
parlementaire, je suis presque gêné de l'action qui se passe
à cette commission, M. le Président.
Une voix: Partagé.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, on va commencer par
régler un problème à la fois. Le premier est celui qui
concerne l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui dit que
l'Assemblée ou une commission peut assigner - et je reviens à ce
que j'ai dit hier - et contraindre toute personne à comparaître
devant elle. Au moment où elle vient ici, une personne qui est un membre
de la commission, peut demander qu'elle soit assermentée. Le
président ainsi que les autres membres n'ont même pas à
présenter de motion. C'est d'office que le président doit
demander l'assermentation, si un membre de la commission le demande. Donc,
c'est en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale.
M. Laplante: On n'a jamais utilisé cela ici.
Le Président (M. Jolivet): Cela, M. le
député, c'est une autre question. La seule chose que je vous dis,
c'est qu'actuellement nous avons une loi qui a été adoptée
à l'Assemblée nationale, au mois de décembre 1982, et qui
prévoit ces possibilités. À savoir si le témoin est
tenu au secret professionnel, je ne connais pas à ce niveau qu'il soit
astreint au secret professionnel, autrement que si c'était un avocat, un
juge ou des gens comme ceux-là qui ont dans certains cas... Cela n'est
pas encore déterminé. Je n'ai pas encore rendu de décision
si jamais cela revenait. Pour le moment, je dois vous dire que je ne la rendrai
pas aujourd'hui non plus sur la question qui concerne M. Laliberté.
La seule chose que l'on doit essayer de faire dans cette commission,
c'est que la personne qui pose les questions les pose le plus clairement
possible, que la personne qui y répond réponde en tenant compte
de son serment et donne les informations qu'elle possède. Si elle ne
comprend pas la question, elle peut demander que la question soit
reposée. Cependant, si c'est une question d'opinion personnelle qui est
posée, vous savez qu'à ce moment, le témoin peut donner
son opinion. D'une façon ou d'une autre, il est vrai que cette
commission a des règles qui sont les règles des commissions
parlementaires habituelles, mais qui en même temps et à certains
moments, constituent certaines nouveautés. Je dois vivre avec ces
nouveautés, puisque la commission parlementaire a été
convoquée de cette façon. Je demanderais à ceux qui posent
des questions, de les poser de façon que le témoin puisse
répondre.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Toujours sur la question de règlement. Le
député de Bourassa a soulevé des reproches qui semblent
s'adresser aux députés de l'Opposition sur la façon dont
nous nous comportons. Je dois lui faire remarquer que cette commission
parlementaire a été convoquée par la volonté du
premier ministre qui nous a dit que toutes les questions pourraient être
posées pour faire la lumière et qu'elle est tenue
conformément à la nouvelle Loi sur
l'Assemblée nationale pour laquelle je suis convaincu le
député de Bourassa a voté et qui contient ces
pouvoirs.
M. Laplante: ...M. le député.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, sur une question de
directive, si vous permettez. J'ai constaté depuis deux jours, et c'est
facile, que cette commission parlementaire est un peu différente de ce
qu'on a vécu jusqu'à présent, mais je me demande,
malgré cette différence qu'il y a entre cette commission
parlementaire et d'autres auxquelles j'ai eu l'occasion d'assister, si nous
sommes en droit, comme parlementaires, d'exiger la pertinence des questions,
face au mandat qui nous a été donné par l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours le droit, M.
le député, par une question de règlement de soulever la
pertinence. Le président lui-même pourrait le faire, s'il juge
qu'il y a non-pertinence. Jusqu'à maintenant, je ne crois pas que ce
soit arrivé. D'ailleurs, de part et d'autre, personne n'a soulevé
la pertinence du débat. Vous savez que les questions qui sont
posées doivent avoir trait à un problème examiné
par une commission dont on a défini le mandat à chacune des
entrées de cette commission. Tant et aussi longtemps qu'on restera
à l'intérieur de ce mandat, j'agirai et je permettrai les
questions et les réponses.
M. Tremblay: M. le Président, dans ce sens, diriez-vous
que toute question qui a trait à l'administration de la SEBJ est
pertinente?
Le Président (M. Jolivet): Je ne...
M. Tremblay: Ou si notre mandat est limité aux deux points
qui concernent le saccage et à l'implication du bureau du premier
ministre dans le règlement? Est-ce que c'est limité à ces
deux points ou si on peut poser des questions au président-directeur
général sur tous points qui touchent l'administration
passée ainsi que les plans futurs de la SEBJ.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous voulez
intervenir sur la même question avant que je dise ce qui en est?
M. Duhaime: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Sur la question de règlement qui est
rattachée à la dernière question qu'a posée tout
à l'heure le député de Louis-Hébert, je veux vous
dire essentiellement ceci: Si ce genre de questions aussi vagues, aussi
générales, à mon sens, appartiennent plutôt à
des questions qu'on devrait adresser à un ministre et non pas à
un haut fonctionnaire de l'État qui, de par son mandat même,
accomplit une fonction apolitique, je vais renverser la question en disant
ceci: Est-ce que le représentant de l'actionnaire de la plus grande
société d'État, qui appartient à tout le monde au
Québec, à qui on demande son point de vue en consultation, peut
donner une orientation? Voilà la vraie question. Quant au reste, M. le
Président, c'est du placotage.
Je préviens le député de Louis-Hébert que
s'il veut ouvrir cette porte - si vous le prenez comme des menaces, vous
êtes assez homme pour le prendre, si vous êtes
député, nous ne sommes pas des enfants d'école -nous
allons peut-être établir dans quelles circonstances s'est
établi un monopole syndical si la commission Cliche n'a pas suffi
à le faire. Nous allons peut-être aussi mettre en cause que, dans
le passé, il y a peut-être eu des relations un peu
particulières, pour avoir la situtation très claire, entre le
premier ministre, M. Bourassa, et les sociétés d'État
d'une façon générale, et en particulier
Hydro-Québec.
Je vous dirai honnêtement, M. le Président, que comme
parlementaire, je n'accepterai pas que cette commission serve de tremplin
à de la bouffonnerie, comme c'est le cas depuis le début. Oui,
comme c'est le cas depuis le début, d'après l'attitude que
l'Opposition maintient à cette commission. Je vous rappelle
essentiellement que s'il a été décidé un jour de
prendre en considération le fait qu'il en coûtait au moins 25 000
$ par semaine - suivant ce qui nous a été dit - pour continuer ce
procès, est-ce que je peux rappeler au député de
Louis-Hébert que cette commission coûte aux contribuables 15 000 $
par jour et qu'on n'a pas besoin d'entendre des questions aussi stupides que
celle qu'il vient de poser?
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, que le ministre ait de petits
moments de faiblesse, naturellement, c'est tout à fait humain, mais de
là à insulter les députés qui font ici...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre...
M. Duhaime: II n'y a aucun moment de
faiblesse.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je me sens en parfaite santé. Je ne suis pas
malade.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Lalonde: Je ne sais pas, j'essayais d'excuser son comportement
autrement inexcusable d'insulter des membres de l'Opposition qui sont ici
à l'invitation du premier ministre, dans le cadre de notre loi de
l'Assemblée nationale, pour faire la lumière, pour examiner les
circonstances entourant la décision de faire un règlement
hors cour. Est-ce qu'il y a une...
M. Duhaime: II est pas mal loin avec sa question.
M. Lalonde: II y a deux mandats là-dedans. Pourquoi a-t-on
ajouté "le rôle du premier ministre et de son bureau"? C'est pour
savoir quel est le rapport entre le bureau du premier ministre, et le premier
ministre d'une part, et la décision de la SEBJ, d'autre part.
M. Duhaime: On est d'accord. Posez ces questions.
M. Lalonde: C'est pour cela qu'on est en droit de savoir quelle
est la conception, le concept, que se fait le P.-D.G. de la SEBJ
vis-à-vis du pouvoir politique, c'est-à-dire le bureau du premier
ministre qui est la deuxième partie du mandat. Je pense que je vais
laisser le député de Louis-Hébert continuer sa question,
je la trouvais très intéressante.
Le Président (M. Jolivet): Avant que le
député de Louis-Hébert puisse continuer à poser les
questions qu'il a l'intention de poser...
M. Duhaime: Des questions stupides. Il posait des questions
stupides. II est capable d'être intelligent s'il le veut, s'il force un
peu.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Le
député de Chambly m'a posé une question. J'ai permis au
ministre d'intervenir sur sa question de règlement. Le
député de Marguerite-Bourgeoys a enclenché par-dessus. Le
député de Chambly m'a posé une question. Il est dans la
pertinence. Je ne suis cependant pas dans le secret des dieux pour savoir
quelle sorte de questions le député de Louis-Hébert va
poser. Je ne sais pas non plus le but qu'il poursuit, c'est à lui
à le déterminer. À partir de cela, si la question qu'il
pose, dans l'ensemble des questions qu'il aura à poser, a pour but de
faire des liens que je ne peux pas prévoir dès le départ,
je suis donc dans l'impossibilité de vous dire s'il se conforme au
règlement.
Je demanderais cependant, et je pense que c'est mon devoir de le
demander à tous les intervenants, d'en arriver rapidement à
l'ensemble des questions, à éviter des questions d'opinion, mais
que ce soient des questions de fait qui soient posées, de façon
qu'on puisse savoir, au bout de la course, toutes les réponses aux
questions qui peuvent être posées par le député
concerné, quel qu'il soit. Je demanderais au député de
Louis-Hébert de poser ses questions. Je pense que, vu l'interruption
qu'il y a eu, il serait bon qu'il repose sa question en essayant cependant,
comme je le disais tout à l'heure, d'éviter d'élargir le
débat. M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, ma question était
à l'effet de savoir du P.-D.G. de la SEBJ quelle était sa
conception de l'indépendance qu'il considérait nécessaire
ou non nécessaire - ce sera à lui de nous expliquer cela - cette
indépendance nécessaire ou non nécessaire, selon son
opinion, qu'il nous dira envers le pouvoir politique.
M. Duhaime: ...parler.
M. Doyon: Je parle au moment où il est P.-D.G., au moment
où lui est en poste. Quelle est sa conception personnelle de son
rôle de P.-D.G. d'une société d'État qui doit
être soumise ou non soumise, selon le choix qu'il fait du rôle
qu'il exerce, au pouvoir politique? J'attends sa réponse.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. S'il vous
plaît, M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, les objets de la
SEBJ, je les ai mentionnés succinctement tout à l'heure, sont en
fait consignés dans ses lettres patentes. Donc, en tant que gestionnaire
principal de cette entreprise, je dois être aux écoutes d'avis,
que ces avis me viennent de mes conseillers juridiques, on l'a vu, de mes
experts techniques; qu'ils me viennent de personnes de l'extérieur,
incluant celui que j'ai obtenu, par exemple, d'indications, de souhaits de M.
Boivin, le 3 janvier. Je considère que je dois être aux
écoutes.
À partir de ce moment, c'est à moi, en tant que
gestionnaire principal de l'entreprise, selon mon bon jugement, de canaliser au
conseil d'administration les décisions que je trouve pertinentes, parce
que c'est le conseil d'administration qui est
sûrement l'autorité habilitée à prendre la
décision finale.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Doyon: Dans cette optique, M. Laliberté, est-ce qu'il
vous est venu à l'esprit que la convocation de ce que vous avez
qualifié comme étant une convocation par le chef de cabinet du
premier ministre pouvait consister dans une intervention qui était de
nature purement politique et qui pouvait aller à l'encontre des
intérêts propres et particuliers de la société
d'État dont vous êtes le président-directeur
général?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, je pense encore
l'avoir dit parce que, lorsqu'on m'a questionné pour la première
fois sur cette rencontre du 3 janvier, j'ai dit que, personnellement, je
trouvais normal que le chef de cabinet du premier ministre m'invite pour
discuter d'une question aussi importante que celle-là et que, durant
cette réunion, on me fasse part d'un souhait. À partir de ce
moment, la logique doit être suivie. Il m'appartient donc, c'est mon bon
jugement, ma rigueur qui font qu'effectivement on en arrive à un certain
moment à préconiser, comme je l'ai fait le 22 janvier, une
ouverture pour un règlement hors cour.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert. (16 h 15)
M. Doyon: J'aimerais savoir de M. Laliberté si ce qu'il
qualifie de souhait qui lui a été transmis par M. Jean-Roch
Boivin était un souhait aussi clair que celui qui lui a
été transmis de la bouche même du premier ministre,
à la réunion du 1er février. Est-ce que c'était
aussi clair, comme message, ou non?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: En soi, je l'ai dit, le souhait a
été émis et les arguments ont été
employés. Je répète les deux arguments qu'a
employés M. Boivin, qui sont la non-solvabilité de la partie
québécoise et, deuxièmement, le coût du
procès et des procédures à venir. On me demande de
comparer par rapport à la réunion du 1er février avec le
premier ministre. Un troisième argument a été
ajouté, à savoir que les travailleurs ne sont pas responsables.
C'est la seule différence que j'y vois, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Plus spécifiquement, M.
Laliberté, est-ce que vous pouvez informer cette commission
à savoir si la solution à ce qui était, selon vos mots, un
souhait, "vous réglez ou on va régler à votre place", a
été employée quand vous avez rencontré M. Jean-Roch
Boivin pour la première fois, le 3 janvier?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire, M. le
Président.
M. Doyon: Est-ce que vous pouvez... Vous nous avez fait valoir,
M. Laliberté, qu'un des éléments importants dans votre
désir d'en venir à un règlement, c'était le fait
que, pour trois syndicats, deux syndicats au tout début, il y avait
reconnaissance de la responsabilité. C'était là un
élément qui avait pesé énormément dans la
balance quant à la décision qui avait à être prise
par vous et par le conseil d'administration, sur votre recommandation. Est-ce
que vous pouvez informer cette commission, M. Laliberté, à savoir
si, en tant que P.-D.G. de la société, vous n'aviez pas la
responsabilité primordiale de veiller à ce que les sommes, les
actifs éventuels, potentiels de la société soient avant
tout préservés?
Ce que je veux dire, M. Laliberté, c'est que vous n'avez pas
intenté, par le biais de la société, une action en libelle
diffamatoire destinée à laver la société ou ses
dirigeants de tout soupçon ou de toute insinuation qui pouvait avoir
été faite. Ce n'était pas là la nature de l'action
que vous aviez intentée. Ce n'était donc pas une action en
libelle diffamatoire destinée à laver la réputation de qui
que ce soit. C'était une action en réclamation de
dommages-intérêts qui avaient été subis, qui avaient
été quantifiés et qui avaient été
énumérés de long en large dans une déclaration que
vous avez produite en cour.
Ce que je veux savoir, c'est ceci. Comment expliquez-vous que vous
fassiez de la reconnaissance de la responsabilité, qui a pour effet,
selon vous, de laver la réputation de la SEBJ ou de certains de ses
dirigeants, réputation qui était remise en question... Comment
conciliez-vous cela avec le fait que le but premier de votre poursuite,
étant donné que c'était essentiellement une poursuite en
dommages-intérêts, au cours des jours qui ont suivi, ait
passé en second lieu, au second plan?
M. le Président, étant donné qu'il s'agit de
questions qui s'adressent directement au témoin et qui font appel
à son opinion personnelle en tant que P.-D.G. - il ne s'agit pas de
documents qu'on cherche, il ne s'agit pas de papiers dont on a besoin, il ne
s'agit pas de chiffres, il s'agit d'une opinion personnelle que je demande au
P.-D.G., M. Claude Laliberté - je m'oppose, M. le
Président, actuellement, à ce que les réponses, de
quelque nature qu'elles soient, lui soient soufflées à l'oreille,
parce que ce n'est pas la fonction des personnes qui l'accompagnent.
M. Duhaime: Sur la question de règlement, M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président... M. Laplante: ...
M. Duhaime: ...je ne sais pas si le député de
Louis-Hébert est là depuis le début. Je crois que oui.
M. Laplante: ...
M. Duhaime: À la suggestion même de mon
collègue de Marguerite-Bourgeoys qui pourra me corriger - je n'ai
même pas besoin de lui donner la permission de me corriger, je pense
qu'il va le faire proprio motu - il a été dit et je crois que
c'est à sa suggestion et accepté par la présidence, que M.
Laliberté, ou n'importe quel autre témoin, pourrait être
accompagné de gens qui, habituellement dans l'exercice de ses fonctions,
lui donnent des avis, soit d'ordre juridique, technique ou autre. En
l'occurrence, aujourd'hui, j'ai comme l'impression que ce sont des avis d'ordre
juridique de par la nature des questions, d'où la présence de Me
Gadbois et de Me Bernier. Je n'ai aucune espèce d'objection - je l'ai
même suggéré à un certain moment - si on voulait
assermenter les personnes, les procureurs qui accompagnent M. Laliberté,
qu'on le fasse. Mais je n'accepterai pas que le député de
Louis-Hébert dise à la population du Québec que des gens
soufflent des réponses. Cela a été convenu comme cela. Si
on veut changer les règles du jeu, je n'ai aucune objection mais on va
le faire dans les formes et non avec des insinuations telles que celles que je
viens d'entendre de la part du député de Louis-Hébert.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Effectivement, lorsqu'on avait suggéré
- je ne sais pas qui l'a suggéré - que M. Laliberté soit
accompagné, que les assistants de M. Laliberté s'assoient
à côté de lui, c'était pour l'aider à trouver
dans les documents les réponses ou les références. Le
problème est le suivant, quand M. Laliberté répond il
prend à son compte, sans aucun doute, les suggestions, les
renseignements qui lui sont soufflés - parce qu'on voit qu'à peu
près à chaque question ses deux compagnons, l'un ou l'autre, lui
soufflent à l'oreille. S'il est prêt à prendre cela
à son compte, le dommage est limité. Le but de cette commission
est de faire la lumière et de savoir ce que M. Laliberté pense,
ce dont il se souvient. Il y a un petit danger là-dedans, c'est que ce
ne soit pas sa mémoire qui nous soit communiquée mais
peut-être la mémoire de ses voisins, ce qui n'est pas tout
à fait le but de notre interrogatoire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Peut-être que mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys me trouvera dur mais je ne voudrais pas qu'il me trouve
intimidant. Je dis que je suis inquiet aujourd'hui qu'un jour dans sa vie le
député de Marguerite-Bourgeoys ait été Solliciteur
général du Québec à la suite de ce que je viens
d'entendre. Je le dis devant cette commission parlementaire pour ne rien
cacher. Je n'ai jamais vu de ma vie, après des années de pratique
devant les tribunaux civils et criminels, sous toutes espèces
d'accusations, dans tout genre de procès, une pareille manipulation de
cuisinage et de bouffonnerie comme celle qu'on vit aujourd'hui, depuis le
matin. Un contre-interrogatoire en règle qu'aucun juge, d'aucun
tribunal, ni criminel, ni civil, ni ailleurs, je pense, dans l'Occident
chrétien civilisé ne tolérerait cinq minutes. On est en
train de faire subir un ... C'est complètement ridicule.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quand même, les impatiences du ministre ne
m'intimident pas, d'un autre côté, je ne voudrais pas que la
population soit dupe. Il me semble, M. le Président, que vous-même
avez dirigé nos travaux conformément à nos
règlements et à la Loi sur l'Assemblée nationale depuis le
début. Nous avons, il est vrai, posé des questions pour faire la
lumière comme on nous a invités à le faire. Il est vrai
qu'on a posé des questions qui font appel à la mémoire sur
des faits. On l'a fait aussi sur des gestes que M. Laliberté a
posés; c'est lui qui était P.-D.G de la SEBJ lorsque les
événements qu'on est appelé à examiner se sont
produits. Je ne pense pas - je suis d'ailleurs convaincu que le ministre aurait
été le premier à venir à son secours - que nous
ayons dépassé, et de loin, au contraire. Je ne sais pas si sa
mémoire est courte mais
j'ai déjà été témoin
d'interrogatoires et de contre-interrogatoires en cour qui sont drôlement
plus sévères. C'est de la petite bière, comme on dirait,
ici actuellement à côté de ce qu'on voit dans les cours de
justice. Il me semble que le ministre devrait éviter de
discréditer la commission parlementaire que son premier ministre a
lui-même convoquée et qui se déroule selon nos
règlements et suivant la direction du président qui,
jusqu'à maintenant, a simplement respecté et appliqué le
règlement. Je pense qu'on devrait laisser au moins - on dirait que les
péquistes font de l'obstruction systématique - au
témoin...
M. Laplante: Je soulève une question de règlement,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Juste avant, je voudrais bien,
encore une fois, clarifier la situation bien tranquillement. Est-ce sur la
même question, M. le député de Bourassa?
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Tout à l'heure, lors de mon intervention, je
vous ai demandé, à titre de président, la protection du
témoin. Voilà qu'il se pose actuellement un geste très
précis de la part du député de Louis-Hébert, qui
est une mesure d'intimidation en voulant exclure les deux conseillers
juridiques du président, M. Laliberté. Pour cela, M. le
Président, vous devez intervenir. Comme commission, on a accordé
le droit aux conseillers juridiques de M. Laliberté de se parler. Voici
qu'un membre de ce Parlement obligerait M. Laliberté à ne pas se
servir d'eux parce que c'est absolument personnel. Ce sont des mesures
d'intimidation qu'on voudrait faire dans cette commission.
C'est pourquoi je le répète: Je vous demande, je vous
supplie de donner une protection au témoin que nous avons ici en la
personne de M. Laliberté.
Le Président (M. Jolivet): Je dois d'abord dire que la
commission a requis des personnes qui doivent se faire entendre - les
témoins donc, comme on a l'habitude de les appeler - pour faire un
témoignage, compte tenu du mandat qui nous a été
accordé, c'est-à-dire les circonstances qui ont entouré
l'ensemble du règlement hors cour du saccage de LG 2 - je résume
- ainsi que le rapport qu'il y a eu avec le bureau du premier ministre sur
cette affaire.
Il est évident que la commission peut poser toutes les questions
qui lui semblent pertinentes afin d'en arriver à faire toute la
lumière. Il est vrai que la commission a des pouvoirs. On sait
très bien que c'est une commission parlementaire avec ses
règlements, ses droits. Il est vrai que cette commission parlementaire a
des pouvoirs très forts. On a déjà eu d'autres commissions
parlementaires que celle-là; je l'ai mentionné tout à
l'heure en disant que cette commission était bien différente
d'autres commissions parlementaires. Cependant, à la demande de tout le
monde et à la demande du président qui le réitère,
la commission doit s'imposer une certaine discipline dans le but, d'abord et
avant tout, de ne pas abuser de ses privilèges, de façon qu'on
puisse obtenir toutes les réponses des témoins aux questions
posées, tout en sachant que ce sont des réponses qui doivent
éviter ou qui doivent annihiler, devrais-je dire - pour être plus
fort dans mes termes - tout doute ou ouï-dire. Donc, à la meilleure
connaissance du témoin, c'est ce qu'il connaît de la
situation.
Si on s'arrêtait sur les ouï-dire ou sur les doutes, il est
sûr que cela n'aiderait en aucune façon à faire la
lumière sur les événements. Je dois aussi rappeler ce que
des députés m'ont également rappelé à
plusieurs occasions depuis le début de la matinée, à
savoir que les questions ne doivent pas être suggestives au point que le
témoin puisse être en difficulté de répondre. On me
demande de faire en sorte que le témoin soit protégé tout
en n'évitant pas d'un autre côté de protéger aussi
les questions qui sont posées. Autrement dit, les députés
ont des pouvoirs, la commission a des pouvoirs et des privilèges. Donc,
il faut éviter que ces pouvoirs et privilèges soient
outrepassés.
Le témoin doit répondre au meilleur de sa connaissance. Je
dois ici rappeler les circonstances pour lesquelles j'ai demandé,
à la suite de ce qu'on me disait de part et d'autre mais qui n'a pas
été confirmé autrement que par l'acceptation de la
suggestion que je faisais, d'inviter les personnes qui aidaient M.
Laliberté à venir s'asseoir à la table, plutôt que
de voyager de la chaise arrière vers l'avant, de façon qu'on
agisse comme on le fait dans une commission parlementaire afin de permettre au
témoin d'avoir le moyen le plus rapide pour répondre aux
questions. Il est évident que c'est le témoin qui est sous
serment, c'est le témoin qui doit répondre au meilleur de sa
connaissance, certifiant que les réponses sont les siennes et non pas
celles d'autres personnes. (16 h 30)
Par conséquent, je vous rappellerai donc, encore une fois, qu'il
faut poser des questions précises qui amènent des réponses
précises, de façon à éviter tout ce qui pourrait
entourer le débat, c'est-à-dire des doutes, des ouï-dire ou
autre chose qui ne serait pas pertinent.
Nous étions donc rendus à des réponses qui devaient
être données. Je ne sais pas si le député avait
terminé sa question.
M. Doyon: J'attendais la réponse, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: M. le Président...
M. Laplante: M. le Président, je m'excuse...
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laplante: Est-ce que M. Laliberté a le droit de faire
appel à ses conseillers juridiques?
Une voix: Bien non...
Le Président (M. Jolivet): J'ai répondu à
cette question en disant que M. Laliberté doit répondre.
Deuxièmement, ce doit être ses déclarations propres. J'ai
fait mention qu'on était d'accord ici pour qu'il soit aidé.
M. Laplante: J'ai ma réponse, M. le Président.
Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, je pense qu'il est
bon de rappeler que ce qui était recherché par le conseil
d'administration, ce n'était pas uniquement de faire déclarer
responsables les individus ou les institutions désignés dans la
poursuite. Il s'agissait également de faire établir le montant
des dommages subis ainsi que d'exécuter le jugement, advenant le cas
où la décision rendue soit favorable.
Je pense donc avoir fait la preuve, quant au troisième
élément, qu'on ne pouvait pas aller chercher le total de la
réclamation du moment, selon moi. Mon but était de faire admettre
ces trois choses. À partir du moment où ce but a
été atteint, je trouve qu'il était impensable de
réenclencher, si l'on peut dire, une poursuite en libelle diffamatoire
sur une question que je considérais comme réglée et sur un
problème qui datait de 1974.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, très brièvement,
j'aimerais savoir de M. Laliberté quelle est la raison fondamentale qui
fait que le règlement obtenu a finalement été de 300 000
$, dont 200 000 $ pour la société et 100 000 $ pour les
assureurs?
Est-ce qu'on a, d'une façon précise - et j'aimerais qu'il
nous l'indique - étudié la possibilité qu'un
règlement, par exemple, puisse être de 400 000 $, parce qu'on a vu
une gradation dans les possibilités de règlement? Est-ce qu'on a
étudié la possibilité d'un règlement de 500 000 $?
Est-ce qu'on a étudié la possibilité d'un règlement
de l'ordre de 1 000 000 $? Je ferai remarquer en même temps à M.
Laliberté qu'il nous a dit dans son témoignage, hier, qu'il avait
rejeté, dès le début, la possibilité d'une saisie
des cotisations syndicales. Il a dit, à ce moment, qu'on en aurait eu
pour 29 ans à saisir les cotisations syndicales pour obtenir
l'exécution d'un jugement de l'ordre de 30 000 000 $ ou 31 000 000
$.
Je lui ferai remarquer qu'une saisie des cotisations syndicales pendant
seulement deux mois aurait rapporté plus à la
société que le règlement qu'elle obtint, règlement
hors cour, fait sous pression et qui ne donne pas l'assurance que, finalement,
les actionnaires ultimes de la Société d'énergie de la
Baie-James, c'est-à-dire les contribuables du Québec, ont obtenu
justice. Est-ce que ces éléments ont été
considérés?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, la question est
double. D'abord, pourquoi le montant final de 300 000 $? Ce montant est le
résultat d'un négociation qui a été graduelle. Je
crois que le 6 février, au moment où le conseil décidait
d'explorer un règlement hors cour, le montant sur la table était
de 50 000 $. Donc, compte tenu de l'effort de nos procureurs, ce montant est
passé à 125 000 $, à 175 000 $ et finalement à 300
000 $. C'est ce que, finalement, le conseil d'administration a
décidé d'accepter. C'est la réponse à la
première partie.
La deuxième partie. Il n'était pas dans mon intention, et
il ne l'a jamais été, d'impliquer les syndicats de la partie
québécoise dans une espèce de paiement qui se
répartit ou qui s'établit sur une certaine durée. Je crois
personnellement que le scénario qui est soulevé par le
député aurait conduit à la disparition pure et simple de
ce syndicat. C'est justement ce que nous ne souhaitions pas.
Le Président (M. Jolivet): Question, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, M. Laliberté nous a
rapporté textuellement les paroles du premier ministre lors de la
réunion du 1er février, qui sont les suivantes. Je cite
textuellement ce que j'ai entendu ici: Vous réglez, "crisse", ou on s'en
occupe nous-mêmes.
M. le Président, le témoin, M. Laliberté, a
qualifié cette expression de
souhait, de voeu, de désir ou quelque chose d'approchant de la
part du premier ministre. Ce que je veux savoir est extrêmement
important. Quels sont les mots et quelles sont les paroles qu'il aurait
considérés -compte tenu que "vous réglez, "crisse", ou on
va le faire" me paraît aller assez loin -comme étant de la
pression, de l'insistance ou de l'ingérence? Comment pouvait-on, avec de
simples paroles, aller plus loin que cela et comment peut-il ravaler cette
phrase "Vous réglez, "crisse", ou on s'en occupe" au niveau de simple
souhait d'obtenir de la part de la société un règlement?
Comment le premier ministre - c'est extrêmement important - pouvait-il
exprimer plus clairement non seulement qu'il souhaitait, mais qu'il exigeait un
règlement? Comment pouvait-il le dire plus clairement? C'est ce que
j'aimerais savoir.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Pourrait-on suggérer au député
de Louis-Hébert de réserver sa question pour le premier ministre?
Cela m'apparaît être le premier intéressé et le mieux
placé pour répondre à une question comme celle-là.
Franchement!
Une voix: Non, non, M. le Président.
Une voix: Demandez au témoin de répondre.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, je me demande
réellement comment répondre à une question comme
celle-là. Franchement! Tout ce que je peux dire, je l'ai toujours
maintenu, la seule autorité habilitée pour régler ce
problème, c'est le conseil d'administration. Dans ce contexte, il ne
peut y avoir de phrase...
Le Président (M. Jolivet): Je suis un peu
embêté, mais j'essaie de faire de l'analogie puisqu'en commission
parlementaire on doit appliquer les règlements de l'Assemblée
nationale. Je reviens sur cette question de suggestion dont je faisais mention
tout à l'heure, en vertu de l'article 168. Je vais le lire pour qu'on
puisse vraiment savoir de quoi il s'agit: "Une question ne doit contenir que
les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés.
Est irrecevable une question: 1. Qui est précédée d'un
préambule inutile - on est habitué à ces questions - 2.
Qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une
déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3. Dont la
réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation
personnelle."
Une voix: Ah! voilà!
Le Président (M. Jolivet): Je dois aussi dire en
même temps que le témoin - je vais le rappeler aux membres de la
commission et à tous les gens qui nous écoutent - est sous
serment. Puisqu'il est sous serment, ce qu'il donne comme réponse doit
être pris par les membres de la commission comme étant la
vérité. Il est évident, et j'ai bien fait attention de le
dire, que l'article 168 est par analogie, puisque c'est une question dans la
période de questions prévue à l'Assemblée
nationale. C'est évident qu'on pourrait me dire que cela s'adresse
à d'autres personnes qu'à un témoin, mais je fais de
l'analogie, puisque ce que je dois mettre en pratique comme président,
ce sont les règles habituelles d'une commission parlementaire et on a
toujours respecté cette habitude en commission parlementaire. À
partir de cela, je dois simplement le rappeler pour que les gens puissent
vraiment comprendre, à ma gauche et à ma droite, ce que j'ai
voulu dire comme président, pour essayer de préserver les droits
de chacun.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je dirais seulement quelques mots sur la question de
règlement. Je comprends vos remarques, mais j'aimerais insister sur le
mot "analogie" que vous avez vous-même utilisé, parce que les
règles que vous venez de donner s'appliquent à des questions
à un ministre à l'Assemblée nationale et je ne vois pas
comment on pourrait les appliquer rigidement à une situation comme celle
que nous vivons. Je veux simplement qu'on prenne acte de cette
réserve.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez bien compris, M. le
député, c'est pour cela que j'ai pris le mot "analogie".
Deuxièmement, j'ai ajouté - l'importance est là - que le
témoin est sous serment et que, par conséquent, on ne devrait, en
aucun moment, ignorer le fait qu'il est sous serment et que ce qu'il dit doit
être tenu comme tel. Vous savez, en vertu de la Loi sur
l'Assemblée nationale que nous avons adoptée, qui existait, mais
qui est réécrite dans la loi 90 qu'on connaît, que, si une
personne qui témoigne ici fait un faux serment ou un faux
témoignage, cette personne est soumise à l'article 55 de la Loi
sur l'Assemblée nationale et à l'article 133 -j'en ai fait
mention hier, je le répète - aux dispositions pénales
prévues par la Loi sur
l'Assemblée nationale. C'est seulement dans cette circonstance
que je vous invite à faire en sorte que ce soit le plus près
possible du règlement.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si vous me permettez, encore une fois. Il ne faut
quand même pas suivre, vous ne le faites pas... Mais quand même, le
ministre a eu des mots très durs à l'égard de notre
façon actuelle de procéder. Je voudrais seulement rappeler que
les témoins dans les cours de justice sont aussi sous serment, qu'ils
sont assujettis à des peines au moins aussi grandes que celles qui sont
prévues par la Loi sur l'Assemblée nationale et qu'ils sont
soumis à des contre-interrogatoires dont les règles sont
extrêmement plus larges et plus généreuses que celles que
l'on retrouve dans notre règlement.
Le Président (M. Jolivet): Sauf que vous savez très
bien, M. le député - j'arrêterai là la discussion
sur ce sujet - que je dois appliquer les règles de l'Assemblée
nationale et pas autre chose.
M. le député de Brome-Missisquoi, avant de vous accorder
la parole, je vais demander au député de Louis-Hébert s'il
a terminé.
M. Doyon: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, oui. M. le député de...
M. Laplante: Sur le même sujet, j'aimerais poser une courte
question. M. le député de Louis-Hébert consentira...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Bourassa, vous avez même le temps voulu pour poser les questions que
vous voulez.
M. Laplante: D'accord. M. Laliberté, on connaît
très bien notre premier ministre, nous autres. On connaît aussi
son franc-parler, ce qu'il a dit tout à l'heure en langue
québécoise. La façon dont M. le premier ministre vous a
parlé, le juron que d'autres députés se sont plu à
répéter, lorsqu'il a dit qu'on s'en occupe, est-ce que cela
aurait aussi pu vouloir dire qu'il pourrait aller voir les syndicats
impliqués là-dedans, qu'il pourrait aller voir d'autres personnes
pour en venir à un règlement dans cette affaire? Le ton qu'il a
employé aurait-il pu vouloir dire ces choses aussi?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, vous êtes habitué à la présidence des
commissions parlementaires. Vous savez très bien que, quant à ce
que vous venez de faire, je venais justement de le dire au témoin,
devant cette suggestion, je pourrais la rendre irrecevable. Mais si le
témoin veut répondre quelque chose, je suis prêt à
lui donner la parole. M. Laliberté, avez-vous quelque chose à
dire ou la même chose?
M. Laliberté: M. le Président, si on peut me priver
d'une question, je vais certainement m'en priver.
Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au
député de Brome-Missisquoi, j'aimerais savoir s'il y a d'autres
personnes qui veulent intervenir dans un premier tour de table; sinon, je
passerai au député de Brome-Missisquoi sur un deuxième
tour de table, en disant que ce sont les règles que nous nous sommes
données au début de cette commission. M. le député
de Brome-Missisquoi, vous avez la parole. (16 h 45)
M. Paradis: Merci, M. le Président. M. Laliberté,
dans son témoignage d'hier, nous a dit que les procureurs de la
société qu'il préside n'ont obtenu le mandat de
négocier, d'explorer plus exactement, que le 7 février 1979 par
une lettre de Me Gadbois qui leur était adressée. Donc, avant
cette date, il n'était pas au courant s'il y avait eu réunion,
s'il y avait eu rencontre de quoi que ce soit. Ce n'était pas le mandat
qu'il avait donné à ses procureurs. Est-ce exact?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je confirme qu'on a donné seulement
le 7 février 1979 le mandat d'explorer aux administrateurs, si c'est la
question du député.
M. Paradis: Je vais tenter de vous citer le plus exactement
possible en prenant la page 9 de votre déclaration d'hier. Au
deuxième paragraphe, vous avez été très clair. Vous
avez dit: "Le jour de l'ouverture du procès, je rencontre nos avocats
qui désirent obtenir une précision de mandat en rapport avec
cette offre de règlement éventuelle". Parce que vous en aviez
reçu une la veille. Là, vous avez dit: "Je leur indique alors
clairement que leur mandat se limite à écouter les offres des
défendeurs". C'est encore exact.
M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.
M. Paradis: Avez-vous, à part la date que vous avez
mentionnée, changé ce mandat en cours de chemin?
M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.
M. Paradis: Aucunement. J'aimerais que le Secrétariat des
commissions parlementaires achemine à M. Laliberté un document
1-D de la commission qui est une communication qu'on a reçue du cabinet
du premier ministre et qui liste, entre autres, les dates des visites de
certaines personnes impliquées dans ce dossier à son bureau.
Est-ce qu'on pourrait le remettre à M. Laliberté?
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vos questions ont
rapport à ce document?
M. Paradis: Mes questions ont rapport à ce document. En
même temps, M. Laliberté pourrait peut-être prendre
immédiatement, pour accélérer le débit, le livre
qu'il nous a remis lui-même hier matin, extraits des
procès-verbaux de la société, ce à la page 199. M.
Laliberté, est-ce que cela va? Le livre que vous nous avez remis hier,
à la page 199.
M. Laliberté: Cela va.
M. Paradis: Vous allez trouver, en date du 20 février
1979, une lettre de vos avocats Geoffrion et Prud'homme avec un compte au
montant de 82 599 $ qui est en annexe; le chiffre final, vous le retrouvez
à la page 213. Vous avez déjà pris connaissance de ce
compte. Vous l'avez approuvé et payé à la SEBJ, ce
compte-là.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté. M.
Laliberté: Oui, M. le Président.
M. Paradis: À cette époque, si on se
réfère à la page 200 - c'est la page suivante - on
commence le 13 janvier la nomenclature des travaux qui ont été
faits par les avocats. Pour se situer un peu avec le document que je vous ai
remis tantôt du bureau du premier ministre, on se rend compte que,
déjà au 13 janvier, deux jours avant l'ouverture du
procès, il y avait eu six visites d'effectuées par des gens
impliqués dans ce dossier au bureau du premier ministre. Ces six visites
ont été faites par Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats
québécois, par Me Rosaire Beaulé, le procureur des
syndicats américains, ainsi que par vous-même M. Laliberté,
le P.-D.G. de la SEBJ. On se rend donc compte qu'à l'intérieur de
ces six visites toutes les parties impliquées avaient déjà
rendu visite au bureau du premier ministre. C'est exact à partir du
document que vous avez devant vous.
M. Laliberté: Vos six visites, c'est jusqu'au 16 janvier,
je présume.
M. Paradis: C'est jusqu'au 13 janvier, si vous voulez être
plus précis.
M. Duhaime: Est-ce qu'on pourrait savoir jusqu'à quelle
date?
M. Paradis: C'est jusqu'au 13 janvier, je vous le
répète, M. le ministre.
Le Président (M. Jolivet): Donc, quatre rencontres.
M. Laliberté: Au 13 janvier, c'est quatre rencontres.
M. Paradis: Non, c'est parce que, lorsque je parle du bureau du
premier ministre, j'inclus le premier ministre lui-même naturellement,
son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, ainsi que M. Gauthier qui est un de
ses attachés politiques. Mais pour être encore un peu plus
précis, au bas de la page des visites de M. Gauthier au bureau du
premier ministre, on indique que "Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas
question de la poursuite de la SEBJ au cours des rencontres du 17 octobre et du
12 novembre". Donc, au cours des autres rencontres, il en a été
question. Cela voudrait dire un total de six visites. Peut-être que, dans
deux de ces visites, il n'a pas été question de la poursuite de
la SEBJ, mais il en reste quatre où toutes les parties impliquées
au dossier se sont rendues au bureau du premier ministre. C'est exact?
M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais qu'on me
clarifie exactement quelles sont les six visites auxquelles on fait
référence.
M. Paradis: Je vais vous les identifier.
M. Laliberté: M. le Président, je regarde le
tableau...
Le Président (M. Jolivet): Vous prenez la page
suivante.
M. Laliberté: La page suivante, d'accord.
M. Paradis: Est-ce que je peux lui expliquer?
M. Laliberté: Ah! Je vois.
M. Paradis: Vous voyez, vous comprenez? Il y a eu une visite le
1er février. Vous vous souvenez de celle-là, je pense?
M. Laliberté: Oui, oui.
M. Paradis: C'était la vôtre. Vous étiez
présent au bureau du premier ministre.
M. Laliberté: Le 3 janvier.
M. Paradis: Le 3 janvier, oui, ça va. Le 3 janvier, vous
étiez là. Maintenant, il y a eu, au bureau du premier ministre,
au bureau de son chef de cabinet, le 4 décembre, Me Michel Jasmin, le
procureur des syndicats québécois. Le 11 décembre, il y a
eu Me Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains. Le 3
janvier, c'est vous. Le 12 janvier, Me Michel Jasmin, le procureur des
syndicats québécois, y retourne. Maintenant, à la page
suivante, on indique que, le 17 octobre et le 12 novembre, Me Michel Jasmin est
également allé au bureau du premier ministre. Cela fait donc six
visites et, si on se fie aux indications du bureau du premier ministre, il fut
question de la poursuite de la SEBJ au cours de quatre de ces six rencontres.
C'est exact?
M. Laliberté: C'est exact. Je constate, M. le
député.
M. Paradis: Vous constatez, ça va. Le 15 janvier, le lundi
qui..
M. Laliberté: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: ...je demanderais la permission de lire le
document. Comme les questions s'adressent à moi, je voudrais savoir
exactement ce qu'est ce document. C'est la première fois que je le
vois.
Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu que les
questions vont se poursuivre, je peux suspendre la séance pour vous
donner le temps de le lire, M. Laliberté.
M. Paradis: II y a deux pages. C'est très rapide.
Le Président (M. Jolivet): Je vais suspendre en
attendant.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise de la séance à 17 h 02)
Le Président (M. Jolivet): La commission reprend ses
travaux. Nous en étions aux questions posées par le
député de Brome-Missisquoi. Allez-y, M. le député,
maintenant que M. Laliberté a pris connaissance du document.
M. Paradis: M. Laliberté, est-ce que vous avez eu le temps
de prendre connaissance à fond du document?
M. Laliberté: Oui, M. le Président.
M. Paradis: À la page 200 du cahier que vous nous avez
distribué, à la date du 15 janvier 1979 - sur les honoraires des
avocats, c'est écrit, à gauche, 1979, janvier, 13 et 15; je vous
amène au 15 janvier 1979, c'était la première
journée du procès - les avocats dans leur facture indiquaient:
"vacation à la cour pour procès". Tous les avocats sont
là, j'imagine. Le troisième article est: "pourparlers de
règlement et entrevue avec les autorités de la
Société d'énergie de la Baie-James". Est-ce que vous,
à titre d'autorité de la Société d'énergie
de la Baie-James, vous avez discuté de règlement cette
journée-là?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: J'en déduis que "pourparlers de
règlement", c'est ce que j'ai mentionné dans ma
déclaration à la page 9, où je dis que la journée
de l'ouverture du procès, je rencontre nos avocats qui désirent
obtenir une précision de mandat et je leur dis que leur mandat se limite
à écouter.
M. Paradis: C'est ce qui a été discuté
à ce moment-là?
M. Laliberté: C'est exact.
M. Paradis: La même journée simplement pour qu'on le
constate ensemble - je vous indique - cela vient du document dont vous avez
pris connaissance durant la suspension - 15 janvier, au bureau du premier
ministre, Rosaire Beaulé, le procureur des syndicats américains,
et Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois. C'est
exact?
M. Laliberté: Je le constate ici, M. le
Président.
M. Paradis: Vous le constatez. Le lendemain - parce que ce
n'était pas un procès qui s'est réglé dans une
journée -mardi, c'était la deuxième journée du
procès à la cour. Tous les avocats se rencontrent et vous voyez
dans la facturation, mardi le 16 janvier: "discussion de l'offre de
règlement avec Me Michel Jasmin." Ce sont vos procureurs qui discutent
avec le procureur des syndicats québécois. Avez-vous
été informé de cette discussion?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: En fait, cela a été fait en
deux étapes. C'est le jour où Me Jasmin a remis à nos
procureurs la lettre; le lendemain après-midi, en présence de Me
Gadbois, je rencontrais Me Jasmin. C'est dit dans ma déclaration, encore
une fois, à la page 9.
M. Paradis: Vous avez discuté du règlement à
ce moment-là?
M. Laliberté: II avait une offre écrite. On a donc
permis à Me Jasmin de justifier l'offre qu'on faisait à la SEBJ
à ce moment-là.
M. Paradis: La même journée, la deuxième
journée du procès, on retourne à la liste des personnes
qui se promenaient entre la cour et le bureau du premier ministre. On retrouve
Me Michel Jasmin dans le bureau du premier ministre. Est-ce que c'est
exact?
M. Laliberté: Je l'apprends par la liste qu'on m'a
transmise.
M. Paradis: C'est exact, selon cette liste?
M. Laliberté: C'est exact. Je le constate.
M. Paradis: Le lendemain, la troisième journée du
procès, soit mercredi le 17, la facturation de vos avocats indique
encore "vacation à la cour". Donc, les avocats se rencontrent encore une
fois. On prend la liste dont vous avez pris connaissance à la
suspension. Le 17 janvier, encore une fois, entre la cour et le bureau du
premier ministre, on retrouve Me Michel Jasmin au bureau du premier ministre.
C'est exact? Le 17 janvier est un mercredi et la troisième
journée du procès.
Le Président (M. Jolivet): Sur la deuxième
page.
M. Laliberté: Je le constate également, à
partir du document qu'on m'a transmis.
M. Duhaime: Avec qui?
M. Paradis: Avec qui? Demandez-le au témoin. Avec qui?
M. Laliberté: Je ne le sais pas. C'est écrit: au
bureau du premier ministre.
M. Paradis: D'accord. Il y a une précision.
M. Laliberté: Liste des rencontres de Me Yves
Gauthier.
M. Paradis: C'est cela. Également, pour cette
journée, la facturation indique "rencontre avec M. Claude
Laliberté". Ce sont vos procureurs. Est-ce qu'il s'agit de vous?
Avez-vous eu une rencontre cette journée-là avec vos
procureurs?
M. Laliberté: Le 17?
M. Paradis: C'est la troisième journée du
procès.
M. Laliberté: Effectivement, c'est la rencontre avec Me
Jasmin, dont j'ai parlé tout à l'heure et que j'ai
mentionnée dans ma déclaration à la page 9.
M. Paradis: Est-ce que Me Jasmin vous racontait ou vous disait,
à ce moment-là, qu'il voyageait entre la cour et le bureau du
premier ministre?
M. Laliberté: Je n'en ai pas le souvenir.
M. Paradis: Est-ce qu'il a fait allusion à ce que vous
étiez en train de négocier dans une conversation, au moment de
toutes ces rencontres? Parce que vous le voyiez tous les jours à cette
époque-là.
M. Laliberté: Je tiens à répéter que
ce que j'en ai su de ces rencontres nous est parvenu par nos procureurs qui
étaient en rapport constant, si je peux dire, avec les procureurs des
défendeurs.
M. Paradis: Je vais reformuler ma question dans les
circonstances. Est-ce que vos procureurs vous ont informé que les
procureurs de la partie adverse fréquentaient quotidiennement le bureau
du premier ministre?
M. Laliberté: Je viens de dire que, par
l'intermédiaire de Me Gadbois et des procureurs, on savait qu'il y avait
eu ce genre de contact.
M. Paradis: Quand l'avez-vous su exactement?
M. Laliberté: Je ne peux vous dire à quel
moment.
M. Paradis: L'avez-vous su pendant ces journées ou
longtemps après?
M. Laliberté: Je ne peux vous dire à quel
moment.
M. Paradis: Vous ne vous en souvenez plus?
M. Laliberté: Absolument pas.
M. Paradis: D'accord. On va continuer. Le jeudi 18, la
quatrième journée du procès, encore une fois, dans le
compte d'honoraires de vos avocats, on lit "vacation à la cour pour
procès". On retrouve aussi "rédaction d'une déclaration de
transaction". Par qui vos procureurs étaient-ils mandatés pour
rédiger une transaction? Pour vous éclairer, une transaction est
ce qui met fin à un procès.
Par qui étaient-ils mandatés pour rédiger cela
puisque vous les avez payés?
M. Laliberté: Nous avions reçu par écrit le
16 et en personne le 17 de Me Jasmin un projet de règlement hors cour.
On retrouve ce document au procès-verbal de la réunion du conseil
du 6 février.
M. Paradis: Quelle page exactement, M. Laliberté, s'il
vous plaît?
M. Laliberté: Page 73.
M. Paradis: Page 73. Je m'excuse, mais j'aurais besoin d'une
précision additionnelle parce que le projet de proposition de
règlement que je retrouve à la page 73 est signé par les
avocats de l'autre partie et votre facturation indique que vos avocats vous
facturent pour avoir rédigé une déclaration de
transaction. Est-ce que vous pourriez m'indiquer où on retrouve celle
qui a été rédigée par vos avocats et pour laquelle
vous avez payé?
M. Laliberté: M. le Président, c'est ce que
j'allais dire. Après avoir reçu cette proposition de
règlement de la part de Me Jasmin, j'ai demandé le 19 - je pense
que c'est la date qu'on vient de mentionner ou environ -
M. Paradis: Le 18, M. Laliberté.
M. Laliberté: ...le 18, à nos propres procureurs
d'élaborer un texte de règlement que je pourrais utiliser au
besoin, advenant qu'un règlement hors cour devienne
réalité.
M. Paradis: Pouvez-vous nous indiquer où on retrouve ce
texte dans' les documents que vous nous avez soumis?
M. Laliberté: C'est un document interne, tout
simplement.
M. Paradis: Est-ce que vous pourriez en communiquer le contenu
à la commission, s'il vous plaît, M. Laliberté?
M. Laliberté: Je ne l'ai pas ici, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Mais si vous voulez le
transmettre, il n'y a aucune difficulté à le faire parvenir dans
le courant des jours qui viennent.
M. Paradis: On vous serait obligé.
Le Président (M. Jolivet): Donc, il sera transmis au
Secrétariat des commissions?
M. Laliberté: Oui, on le fera parvenir à la
commission. Il n'y a aucun problème.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Paradis: Mais c'est à votre demande personnelle que ce
papier avait été rédigé?
M. Laliberté: Oui, M. le Président.
M. Paradis: Si je reprends votre témoignage d'hier,
à la page 9, vous nous indiquez: "Le jour de l'ouverture du
procès, le 15 janvier, je rencontre nos avocats qui désirent
obtenir une précision de mandat en rapport avec cette offre de
règlement éventuelle. Je leur indique alors clairement que leur
mandat se limite à écouter les offres des défendeurs."
N'est-ce pas un peu en contradiction avec le fait de demander à
des avocats de rédiger une transaction qui est une finalité de
procès? J'ai de la misère à m'expliquer ce petit
bout-là.
M. Laliberté: Donc, au moment, M. le Président,
où les procureurs viennent chercher un mandat de ma part, je leur dis:
Allez écouter au besoin. Donc l'événement a lieu le 16:
transmission d'une lettre de la part de Me Jasmin. Ce n'est que le 17 qu'il y a
rencontre dans mon bureau. À partir de ce moment, toujours selon mon bon
jugement, dans la logique qui se faisait graduellement chez moi, j'ai
décidé de me préparer, en quelque sorte, à quelque
chose qui se tiendrait mieux - si je peux employer l'expression - que ce
premier document que j'avais reçu le 16.
M. Paradis: En quelque sorte, dans votre vision des choses, vous
avez demandé à vos procureurs de préparer un
règlement à ce moment?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Paradis: Est-ce que vous avez informé quelqu'un d'autre
au conseil d'administration que vous posiez ce geste?
M. Laliberté: Aucunement.
M. Paradis: Très bien. On va aller au lendemain, le 19.
D'après la facturation, il n'y a pas de cour, ce qui est normal, de
toute façon, car c'est un vendredi. Le 19 janvier, on retrouve, à
partir du document que vous avez consulté pendant la suspension, Me
Michel Jasmin, le procureur des syndicats de la province, et Me Rosaire
Beaulé, le procureur des syndicats américains, dans le bureau du
premier ministre. Autrement dit, tous les défendeurs. Est-ce exact?
M. Laliberté: Je constate, d'après la liste, que,
le 19 janvier, Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé étaient au
bureau de M. Jean-Roch Boivin.
M. Paradis: Est-ce que vous avez été informé
de cette visite, à ce moment, par vos procureurs?
M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.
M. Paradis: Vous noterez - et je vous demanderais de le confirmer
- que cette journée, le 19, vos procureurs ont parlé à Me
Rosaire Beaulé, le procureur du syndicat américain. C'est
exact?
Une voix: Où est-ce qu'il voit cela, lui?
M. Paradis: La deuxième ligne de la facturation du 19.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Nous sommes le 19 et je reçois une
offre de règlement hors cour le 22. J'en déduis, d'après
ce que je lis, qu'il y a eu un avertissement.
M. Paradis: On ne vous a pas informé cette journée,
ni directement ni indirectement, que les procureurs des défendeurs
québécois et américains se promenaient entre la cour et le
bureau du premier ministre? (17 h 15)
M. Laliberté: Je répète, M. le
Président, que je ne me le rappelle pas.
M. Paradis: Est-ce possible qu'on vous en ait informé?
M. Laliberté: Je ne me le rappelle pas.
M. Paradis: II y a la fin de semaine, le samedi 20 et le dimanche
21, les avocats n'ont pas facturé, ils se sont reposés. Il y a
des procureurs qui protestent et qui disent qu'il y en a qui travaillent les
fins de semaine. Je pense que c'est vrai. Je m'excuse, je retire mes paroles,
M. le ministre.
Le lundi 22, dans la facturation, on retrouve: "négociations sur
une entente possible. Conversations téléphoniques avec Mes Jasmin
et Beaulé. Rencontre avec Mes Jasmin, Lafortune et Beaulé."
À cette époque, vos procureurs négociaient une entente,
parce que le mandat que vous leur aviez donné, sauf erreur, si je me fie
à votre témoignage d'hier, c'était strictement
d'écouter. Étiez-vous au courant, à ce moment-là,
qu'ils négociaient et est-ce vous qui leur aviez donné le mandat
de négocier?
M. Laliberté: M. le Président, le mandat
était toujours d'écouter. Ce 22 janvier, c'est
précisément le jour où ils ont reçu de Me
Beaulé le deuxième projet de règlement hors cour. En ce
qui regarde la terminologie employée ici, où on dit
"négociations", il faudra poser la question aux procureurs qui ont
envoyé le compte; je ne peux pas l'expliquer.
M. Paradis: Ils avaient négocié également le
19, renégocié le 22 et, entre la négociation du 19 et la
négociation du 22, on constate que les procureurs de tous les syndicats
impliqués de la province de Québec et du syndicat
américain se sont retrouvés dans le bureau du premier
ministre.
On continue. Le mardi 23, une autre journée du procès.
Là, il y a une rencontre avec le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James. De quoi a-t-on
discuté à cette rencontre?
M. Laliberté: Donc, le 23, il n'y a pas de
procès-verbal qui nous indique clairement ce qui s'est passé.
M. Paradis: Existe-t-il un procès-verbal qui indiquerait
de façon un peu floue ce qui s'est passé?
M. Laliberté: Non, il n'y a aucun procès-verbal
là-dessus. Donc, le 23, à la suite des deux projets de
règlement hors cour que j'ai reçus, compte tenu du fait que
j'avais confirmé personnellement qu'il fallait aller explorer. Donc,
j'avais l'intention d'impliquer le conseil. On peut supposer que ce qui est
indiqué là, c'est une présence de nos procureurs au
conseil d'administration pour expliquer le contexte des deux règlements
hors cour proposés par les défendeurs, parce que cela leur avait
été soumis et parce que leur mandat jusqu'à cette date
avait été d'écouter.
M. Paradis: Pour préciser le mandat jusqu'à cette
date, sauf erreur, vous avez dit ultérieurement également
jusqu'au...
M. Laliberté: Jusqu'à cette date-là et
jusqu'au 6 février.
M. Paradis: Jusqu'au 6 février. Vous avez dit hier, dans
votre témoignage, que c'est le 23, justement ce mardi 23, que vous avez
changé d'idée.
M. Laliberté: Boum! comme cela!
M. Paradis: Votre progression, votre vision, qui avait
commencé le 3, a abouti le 23. Y a-t-il quelque chose qui a
été dit lors de cette rencontre qui aurait provoqué cet
aboutissement?
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de
la part du député de Chambly.
M. Tremblay: Si j'ai bien compris la leçon que vous nous
avez donnée tout à l'heure, vous avez dit qu'un
député ne
pouvait suggérer. Le député de Brome-Missisquoi
vient de dire une chose qui, à ma connaissance, n'a jamais
été dite par M. Laliberté, c'est-à-dire que sa
réflexion, que sa progression avait commencé le 3. On pourra me
corriger si j'ai tort.
Le Président (M. Jolivet): Je sais que M. Laliberté
pourrait rectifier, s'il le faut.
M. Paradis: II est capable de répondre. C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que votre question est
terminée, M. le député?
M. Paradis: Oui, ma question est terminée.
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il serait mieux de
la répéter.
M. Laliberté: Oui, excusez-moi.
M. Paradis: Je peux la répéter pour une meilleure
compréhension. Vous avez dit hier, sauf erreur, à l'occasion de
votre témoignage, que votre opinion, qui avait évolué
à partir du 3 janvier, avait abouti le 23. Là, vous étiez
fixé dans le ciment -comme on peut dire - et vous saviez à ce
moment-là qu'il fallait régler. C'était votre opinion
personnelle et non pas l'opinion de la SEBJ, je distingue cela. Que s'est-il
discuté à cette rencontre pour que cela se fixe dans votre
tête, pour que cela aboutisse?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: Je n'ai jamais prétendu, M. le
Président, que cela a abouti exactement ce jour-là. J'ai dit que
je recherchais trois objectifs, que l'atteinte d'une partie des deux premiers
objectifs était déjà acquise au 22 janvier. Donc, il faut
que les choses aient été graduelles jusqu'à un certain
point. Le 16 janvier, reconnaissance des responsabilités. Le 22 janvier,
reconnaissance du quantum des dommages causés. Donc, on voit là
une évolution pour, le 22 janvier au soir, dire: Je vais au conseil
d'administration demain avec les procureurs dans le but d'expliquer quel est -
comment dire - le contexte dans lequel ils ont écouté ou que ces
choses leur ont été présentées. Moi, j'ai
enchaîné dans la logique d'une exploration pour un
règlement hors cour. Donc, cela a effectivement été la
première fois le 23 janvier que le conseil d'administration discutait
sérieusement d'une telle possibilité d'exploration.
M. Paradis: À cette réunion, est-ce que vous avez
communiqué à vos collègues du conseil d'administration la
déclaration de transaction, autrement dit, de règlement final de
la cause que vos procureurs vous avaient rédigée le 18
janvier?
M. Laliberté: Oui, M. le Président.
M. Paradis: Vous l'avez communiquée à tous les
membres du conseil d'administration?
M. Laliberté: Oui.
M. Paradis: Le mercredi 24 janvier, on se retrouve encore une
fois, suivant la facturation, en cour. Le jeudi 25 janvier, on est encore une
fois en cour. Là, on retrouve l'élément suivant à
la facturation - je vous demanderais d'en confirmer l'exactitude
-"évaluation d'un nouveau texte de transaction et de déclaration
de règlement hors cour." C'est pour mettre fin de façon absolue
au procès. Est-ce exact?
M. Laliberté: Je constate, M. le Président, et cela
entre dans la logique de ce que j'ai moi-même préconisé au
conseil du 23 janvier. J'avais déjà demandé à mes
procureurs de préparer un brouillon de règlement hors cour; je
pense que cela date du 19 janvier. On reçoit un deuxième projet
de la part des défendeurs le 22 janvier. Le 23 janvier, on discute. On
arrive au 25 janvier et j'en déduis, d'après le compte de nos
procureurs...
Une voix: Que vous avez payé.
M. Laliberté: ...qu'il faut le revoir, si je peux employer
l'expression à la SEBJ dans le but d'une nouvelle démarche au
conseil d'administration.
M. Paradis: Donc, c'est à votre demande qu'ils ont
évalué le nouveau texte de la transaction et qu'ils ont
rédigé une déclaration de règlement hors cour?
C'est bien à votre demande?
M. Laliberté: C'est bien cela.
M. Paradis: Est-ce que c'est à la demande des gens du
conseil d'administration de la SEBJ que vous aviez aussi rencontrés le
23 janvier?
M. Laliberté: Aucunement, M. le Président.
M. Paradis: C'était une initiative personnelle de votre
part, à ce moment-là. Il y a également, deux lignes
après: "préparation d'une opinion sur le quantum". Ce qui est
reproduit dans la facturation est-il exact?
M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.
M. Paradis: À la demande de qui cela a-t-il
été préparé?
M. Laliberté: À la demande du conseil
d'administration du 23 janvier, à la demande des administrateurs.
M. Paradis: Ne bougez pas! On va faire la distinction pour que
cela soit très clair, je m'excuse. L'évaluation d'un nouveau
texte de transaction et de déclaration de règlement hors cour,
selon vous, c'est à votre demande personnelle et non à celle des
administrateurs. Mais celle du quantum était à la demande des
administrateurs du conseil d'administration. C'est exact?
M. Laliberté: C'est exact, M. le Président.
M. Paradis: Très bien. À l'occasion de cette
réunion du 23 janvier que vous avez eue avec les administrateurs, est-ce
qu'il y en a qui ont manifesté des objections à ce que vous leur
avez décrit?
M. Laliberté: J'ai indiqué, M. le Président,
que c'était la première fois que le conseil était
assujetti à une telle ouverture. Donc, les discussions ont
été très poussées, si je peux employer
l'expression, à un point tel, justement, qu'on a fait la demande d'une
réévaluation du quantum de la réclamation. C'est ce
à quoi on se réfère ici comme "préparation d'une
opinion sur le quantum".
M. Paradis: Le 23, lorsque vous avez déposé la
déclaration de règlement hors cour, finalement le texte de la
transaction, est-ce qu'il y a eu des administrateurs, de vos collègues
au conseil d'administration, qui ont lâché des cris, sans
être aussi violents que ceux qui ont été entendus ailleurs,
ou qui s'y sont opposés d'une façon formelle?
M. Laliberté: Ce qu'il faut dire là-dessus, c'est
que, compte tenu du fait qu'on était assujetti à une telle
ouverture pour la première fois, les discussions ont été
assez séparées, inévitablement.
M. Paradis: Elles étaient séparées entre
quels administrateurs et quels administrateurs? Vous parlez d'une division,
cela semble assez clair dans votre esprit.
M. Laliberté: Je ne pourrais pas vous dire, M. le
Président.
M. Paradis: Vous ne vous souvenez absolument pas de la ligne qui
séparait. Vous ne pouvez pas m'en nommer un ou deux?
M. Laliberté: Je ne peux pas vous dire, M. le
Président.
M. Paradis: Aucun, aucun nom ne vous vient à la
mémoire?
M. Laliberté: Aucun, M. le Président.
M. Paradis: Le jeudi 1er février, là vous vous en
souvenez un peu plus, je pense. Vous vous êtes rendu au bureau du premier
ministre. C'est exact?
M. Laliberté: C'est bien le cas.
M. Paradis: En compagnie de MM. Boyd et Saulnier. Et assistait
également à la réunion, comme vous l'avez mentionné
plus tôt, le chef de cabinet de l'honorable premier ministre. C'est
exact?
M. Laliberté: C'est exact.
M. Paradis: Le 2, le lendemain de la rencontre au bureau du
premier ministre, vos avocats indiquent dans leur compte: "rencontres avec Me
Michel Jasmin" - c'est le procureur des syndicats québécois - et
indiquent, de plus: "participation aux discussions et à
l'élaboration du règlement." Donc, vos procureurs, que vous aviez
mandatés pour écouter, élaborent un règlement
à ce moment. C'est exact? Le 2 février, vous trouvez cela
à la page 208.
M. Laliberté: C'est bien cela. M. le Président, il
faudrait poser la question aux procureurs, à savoir qu'est-ce que c'est
que cette rencontre.
M. Paradis: Est-ce que vous vous les aviez mandatés, le
lendemain de votre visite chez le premier ministre, pour participer à
des discussions, puis à l'élaboration d'un règlement?
M. Laliberté: Pardon? Excusez-moi, M. le
Président.
M. Paradis: Est-ce que le lendemain de votre visite au bureau du
premier ministre ou en tout autre temps vous les avez mandatés pour que
le 2 février vos avocats participent à des discussions et
à l'élaboration du règlement? C'est bien ce qui est
cité au texte et c'est cela qui est écrit.
M. Laliberté: Non. On m'indique - c'est une information,
je pense, que j'ai le droit de recevoir des gens qui m'accompagnent -que ces
gens sont tous des avocats de l'interne chez Geoffrion et Prud'homme. Ces
avocats, en-bas ici, sont tous des avocats de chez Geoffrion et Prud'homme.
D'accord.
M. Paradis: Oui, oui, mais c'est une facture de chez Geoffrion et
Prud'homme que vous avez approuvée et que vous avez payée 80 000
$. Vous êtes un administrateur
compétent, puis vous trouvez dans la liste des choses qu'ils ont
faites: "participation aux discussions et à l'élaboration du
règlement." Est-ce que vous avez donné le mandat à vos
avocats, le lendemain de votre visite chez le premier ministre, de participer
à des discussions et à l'élaboration du règlement
dans cette affaire?
M. Laliberté: Je n'ai pas donné de mandat à
mes procureurs, le 2 février, de participer à
l'élaboration et à la négociation d'un
règlement.
M. Paradis: Quand vous avez payé le compte, les avez-vous
questionnés là-dessus?
M. Laliberté: Quand j'ai payé ce compte...
M. Paradis: Oui.
M. Laliberté: C'était le 20 mars. Je dois
reconnaître, M. le Président, que je ne suis pas allé dans
le détail du compte que j'ai devant moi.
M. Paradis: M. le Président, je demanderais au
président de la SEBJ de référer au document qu'il a
consulté pendant la suspension et qui nous vient du bureau du premier
ministre. Cette même journée, est-il exact que MM. Rosaire
Beaulé et Michel Jasmin, suivant ce document - Rosaire Beaulé, le
procureur des syndicats américains et Michel Jasmin, le procureur des
syndicats québécois - tous les défendeurs, sont
allés au bureau du premier ministre? (17 h 30)
M. Laliberté: Je constate, à la lecture du
même document, M. le Président, que c'est le cas.
M. Paradis: Le 2 février, le lendemain de votre propre
rencontre au bureau du premier ministre. C'est exact?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Duhaime: J'espère qu'on ne s'obstinera pas
là-dessus, franchement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La seule
chose à laquelle le témoin doit répondre, c'est qu'il
constate, comme nous, à la suite du document et des questions qui sont
posées, mais - je veux quand même protéger le droit de tous
et chacun ici - le témoin n'a pas à dire s'il en a eu
connaissance, à ce moment-là. Ce n'est pas la question qui est
posée. C'est qu'il constate comme nous avec le document.
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: La question que j'ai entendue, c'était: Est-ce
que c'est exact que le 2 suit le 1er? Franchement! Le 3 suit le 2.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, s'il vous plaît! Continuez, M. le député.
S'il vous plaît! M. le député, continuez.
M. Paradis: Je prends à témoin tous les auditeurs
qui ont compris la vraie question. Ils pourront juger le ministre sur son
degré de compréhension.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez.
M. Paradis: M. le Président, je reprends maintenant avec
le président de la Société d'énergie de la
Baie-James, M. Laliberté. À la page 209 de son document.
Là, le 5 février, ses avocats ont rencontré Mes Michel
Jasmin et Rosaire Beaulé. Est-ce qu'il a été tenu au
courant de cette rencontre par ses avocats?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, j'aimerais apporter
une correction à ce que j'ai dit au sujet du 2 février. On
dit ici: le 2 février, une rencontre des procureurs avec Me Michel
Jasmin, et, le 5 février, on parle d'une "rencontre avec Mes Michel
Jasmin et Rosaire Beaulé." D'après les notes de l'agenda de Me
Gadbois, le 2 février, M. Saulnier demande un mémoire de MM.
Jasmin et Beaulé concernant les difficultés de recouvrement
contre les syndicats, leur situation financière, le problème
d'hypothéquer les cotisations syndicales futures, les modifications
demandées à la formule de transaction. Ces documents nous sont
effectivement parvenus le 5 février et ils sont au conseil du 6
février.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Paradis: Vous dites que la société
d'énergie a demandé aux procureurs de la partie adverse, des
syndicats que vous poursuiviez, d'envoyer tous ces documents-là?
M. Laliberté: Par nos procureurs.
M. Paradis: Ah! Par vos procureurs. Le 5 février,
rencontre avec Mes Michel Jasmin et Rosaire Beaulé. Encore une fois,
Michel Jasmin, le procureur des syndicats québécois, Rosaire
Beaulé, le procureur des syndicats américains. Vos avocats les
rencontrent. Est-ce qu'ils vous ont fait rapport de cette
rencontre?
M. Laliberté: Revoir le document qui est au conseil du
6.
M. Paradis: Est-ce qu'on retrouve ces documents-là dans le
cahier?
M. Laliberté: Au conseil du 6, à la page...
M. Paradis: En annexe au procès-verbal de la
réunion du 6.
M. Laliberté: C'est cela, oui.
M. Paradis: Très bien, merci.
Le 6 février, là, on retrouve à la quatrième
ligne, ce qui suit, dans la facturation de vos avocats: "réception du
mandat verbal de Me André Gadbois en vue d'explorer la
possibilité d'un règlement". C'est donc à partir du 6
février. Est-ce exact que c'est à partir du 6 février que
la Société d'énergie de la Baie-James mandate les
procureurs Geoffrion et Prud'homme pour explorer la possibilité d'un
règlement? C'est strictement à partir de cette
journée-là?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: C'est bien le cas, M. le
Président.
M. Paradis: Est-ce qu'il est exact - en vous
référant au document que vous avez eu la chance de consulter et
qui nous vient du bureau du premier ministre - que le 6 février
également, Me Michel Jasmin, le procureur des syndicats
québécois, était au bureau du premier ministre?
M. Laliberté: Je constate, M. le Président.
M. Paradis: Le 6 février, vos avocats indiquent
également, à la quatrième ligne, qu'ils ont analysé
le mandat qu'ils ont reçu, de façon verbale, de Me André
Gadbois. Est-ce exact?
Le Président (M. Jolivet): À la page 210.
M. Paradis: Cela se suit. C'est bien fait, ces facturations
d'avocats.
M. Laliberté: À la page 210, vous dites, M. le
Président.
M. Paradis: À la page 210, le quatrième article au
haut de la page, M. Laliberté.
M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.
M. Paradis: Le 7 février, le lendemain, vos avocats
mentionnent - est-ce que c'est exact - une entrevue avec Me Jasmin? Ils
mentionnent également la "réception du mandat écrit dans
une lettre de Me Gadbois du 7 février" et une rencontre avec Me Michel
Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire
Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi qu'avec Me
André Gadbois, qui est votre procureur assis à votre droite.
C'est exact?
M. Laliberté: C'est bien le cas, M. le
député.
M. Paradis: II y a également une "vacation à la
SEBJ". Est-ce que la vacation à la SEBJ était dans le but de vous
rencontrer ou Me Gadbois, ou qui?
M. Laliberté: De rencontrer Me Gadbois.
M. Paradis: Me Gadbois. Vos procureurs ont donc eu, en date du 6
février, un mandat verbal de Me Gadbois en vue d'explorer la
possibilité de règlement. Ils l'ont analysé au cours de la
même journée. Le 7 février, ce mandat leur a
été confirmé par écrit. On retrouve, le 8
février: "préparation du rapport qui doit être remis
à la SEBJ sur l'exécution du mandat qui a été
confié (la veille) le 7 février." Est-ce qu'on retrouve ce
rapport quelque part?
M. Laliberté: Nous allons vérifier la date exacte
de la réception de ce rapport. Le rapport a été
reçu le 12 février. Il est au procès-verbal de la
réunion du conseil du 20 février.
Le Président (M. Jolivet): Dans le procès-verbal de
la réunion du conseil.
M. Paradis: Est-ce que vous constatez qu'il a été
préparé le lendemain de la réception du mandat
écrit?
M. Laliberté: On ne le sait pas.
M. Paradis: Qu'indique la facturation que vous avez
reçue?
M. Laliberté: Préparation du rapport. Je ne le sais
pas. On a pu écrire l'introduction.
Le Président (M. Jolivet): Cela va.
M. Paradis: Le lendemain, le 9 février, vos procureurs
rencontrent - ils les avaient rencontrés le 8 février aussi - Me
Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, et Me Rosaire
Beaulé, procureur des syndicats américains. Est-ce qu'ils vous
ont fait rapport sur ce qui a été discuté au cours de
cette rencontre?
M. Laliberté: Pas spécifiquement, mais le tout est
concilié dans le rapport que j'ai reçu, daté du 12
février.
M. Paradis: Ils ne vous ont pas fait de rapport verbal cette
journée-là?
M. Laliberté: Je ne m'en souviens pas.
M. Paradis: Si on retourne au document que vous avez eu, qui nous
vient du bureau du premier ministre et que vous avez eu l'occasion de consulter
à la suspension, est-ce que vous y constatez que, le 9 février,
Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, était
au bureau du premier ministre?
M. Laliberté: Je le constate.
M. Paradis: Est-ce que vous y constatez également que
Jean-Paul Cardinal, votre procureur, était également au bureau du
premier ministre?
M. Laliberté: Je le constate également.
M. Paradis: Est-ce que vous avez eu un rapport de cette rencontre
au bureau du premier ministre?
M. Laliberté: Je n'ai pas reçu de rapport.
M. Paradis: Est-ce que votre procureur avait mandat d'aller au
bureau du premier ministre?
M. Laliberté: Nos procureurs avaient mandat d'explorer...
Les moyens choisis par nos procureurs devraient être
décidés par eux-mêmes.
M. Paradis: On a eu beaucoup de déplacements, entre le
palais de justice et le bureau du premier ministre, des avocats des parties
syndicales. On a également eu beaucoup de déplacements, de vos
avocats, entre le palais de justice et votre bureau, de vos avocats et
également le bureau du premier ministre. Avant que le procès
commence, avant le 15 janvier, il y avait eu six rencontres au bureau du
premier ministre avec toutes les parties impliquées, soit Me Michel
Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire
Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi que
vous-même, président de la Société d'énergie
de la Baie-James. On a constaté cela ensemble.
Le procès débute le 15 janvier. Le seul mandat qu'ont vos
avocats, que vous leur avez donné selon votre témoignage, est
d'écouter s'il y avait des propositions de règlement. Pendant ce
temps-là, on constate également qu'il y a six autres rencontres
au bureau du premier ministre entre Me Michel
Jasmin, procureur des syndicats québécois, Me Rosaire
Beaulé, procureur des syndicats américains, ainsi que la
direction de la Société d'énergie de la Baie-James qui
retourne dans le bureau du premier ministre. Est-ce exact? C'est entre le 15
janvier, date du début du procès, et le 2 février, au
moment où il y avait seulement un mandat d'écouter.
M. Laliberté: À ce que je peux constater, il n'y a
aucune visite des procureurs de la SEBJ.
M. Paradis: J'ai dit de la haute direction.
M. Laliberté: D'accord.
M. Paradis: II y a eu votre réunion du... Vous vous en
souvenez?
M. Laliberté: Très bien.
M. Paradis: À ce moment-là, alors que ces
rencontres avaient eu lieu, vous nous dites vous-même que vous n'avez pas
donné d'autre mandat à vos procureurs que celui
d'écouter?
M. Laliberté: C'est le cas, M. le Président.
M. Paradis: De qui, selon votre connaissance personnelle du
dossier - c'est peut-être difficile comme question - vos avocats
auraient-ils reçu le mandat de rédiger des transactions et des
propositions de règlement hors cour?
M. Duhaime: À quel moment?
M. Paradis: Dans la période entre le 15 janvier et le 2
février.
M. Laliberté: J'ai admis tout à l'heure que le 17
janvier, après réception de la première offre de
règlement hors cour, j'ai demandé à mes procureurs, dans
la logique, si vous voulez, de ce qui s'était enchaîné chez
moi, de me préparer un brouillon de règlement hors cour. C'est la
seule chose que je leur ai demandée.
M. Paradis: D'accord. C'est la seule distinction que vous faites
et vous la prenez sous votre propre responsabilité, à savoir que
ce n'était pas à la demande du conseil d'administration de la
SEBJ?
M. Laliberté: C'est bien cela, M. le Président.
M. Paradis: Le mandat a été changé. À
partir de ce moment, en vous référant au document qui nous vient
du bureau du
premier ministre, que vous avez eu l'occasion de consulter amplement,
vous pouvez constater qu'il y a eu cinq rencontres au bureau du premier
ministre où étaient présents Me Michel Jasmin, procureur
des syndicats québécois, ainsi qu'à deux reprises, soit
les 9 et 27 février, votre propre procureur dans le bureau du premier
ministre. L'aviez-vous mandaté pour aller là?
M. Laliberté: Je répète ce que j'ai dit tout
à l'heure. Les procureurs ont été mandatés
verbalement le 6 février et le 7 février, par écrit, par
Me Gadbois, d'aller explorer... Donc, à partir de ce moment-là,
les moyens choisis par mes procureurs, je n'ai pas à les connaître
sur une base journalière.
M. Paradis: Concernant strictement vos procureurs et faisant
référence aux visites que ces derniers ont effectuées au
bureau du premier ministre les 9 et 27 février, quand avez-vous appris
pour la première fois dans votre vie, que vos procureurs
s'étaient rendus là?
M. Laliberté: Je ne l'ai appris que tout
récemment.
M. Paradis: Vous l'ignoriez complètement?
M. Laliberté: Je l'ignorais complètement.
M. Paradis: Quant aux six visites, pendant le procès,
effectuées par Me Michel Jasmin, procureur des syndicats
québécois, et par Me Rosaire Beaulé, procureur des
syndicats américains, au bureau du premier ministre, quand avez-vous
appris cela pour la première fois?
M. Laliberté: J'ai répondu tout à l'heure
à cette question de la façon suivante. J'ai dit que
j'étais au courant, durant cette période-là, que des
réunions avaient eu lieu. Je l'avais appris par l'intermédiaire
de Me Gadbois, compte tenu du fait que ces gens se voyaient sur une base
journalière.
M. Paradis: Est-ce que ce que vous venez de répondre est
exact - je voudrais qu'on le clarifie - à savoir que vous étiez
au courant à ce moment-là par l'entremise de vos procureurs?
M. Laliberté: Je ne peux pas indiquer de date exacte, mais
c'est certainement dans cette période.
M. Paradis: Cette connaissance du fait que les avocats de la
partie adverse fréquentent - les 15, 16, 17, 19 janvier et le 2
février - on pourrait dire quotidiennement le bureau du premier ministre
du Québec, alors que vous êtes en procès contre eux en
cour, qu'est-ce que cela vous cause comme réaction?
M. Laliberté: Première constatation, ce n'est pas
porté à ma connaissance comme cela. Je pense que l'expression
qu'on a employée n'est pas juste.
M. Paradis: C'est la vôtre.
M. Laliberté: J'aimerais faire comprendre que les
objectifs que je recherchais étaient toujours ceux que nous avions
exprimés dès le départ, c'est-à-dire la
reconnaissance de la responsabilité, la reconnaissance du quantum des
dommages. Donc les moyens, à ce moment, ne me tracassaient pas du
tout.
M. Paradis: Mais vous étiez conscient, lorsque vous avez
pris les décisions dans ce dossier, comme administrateur de la
Société d'énergie de la Baie-James - est-ce que c'est
exact? - que les procureurs de la partie adverse se promenaient d'une
façon quasi quotidienne dans le bureau du premier ministre du
Québec?
M. Laliberté: J'ai dit que j'étais conscient qu'il
y avait eu des réunions. De là à déduire que
c'était quotidien, je n'étais pas au courant.
M. Paradis: Mais quel sentiment ou quelle réaction cela
provoquait-il chez vous comme représentant de la plus importante
société d'Etat québécoise - nommé par le
Conseil des ministres - de savoir que, de façon au moins
régulière, les procureurs de vos adversaires fréquentaient
le bureau du premier ministre du Québec, votre patron?
M. Laliberté: M. le Président, je viens de
répondre que, compte tenu des objectifs que je recherchais, aussi
longtemps qu'ils étaient satisfaits, les moyens pris par les
défendeurs m'importaient peu. (17 h 45)
M. Paradis: À ce moment, vous n'aviez pas, comme
président de la société, décidé de
régler. À ce moment, ces éléments sont
portés à votre connaissance que, dans le bureau du premier
ministre, les avocats des parties adverses se promènent
régulièrement. Est-ce que vous avez pensé que
c'était dans le but d'aider votre cause, qui était la
défense des intérêts de la société? Les
procureurs de la partie adverse, alors que vous étiez en cour à
tous les jours!
M. Laliberté: Je répète...
M. Duhaime: II dit qu'il ne le sait pas.
M. Laliberté: ...que les moyens, à ce moment,
m'importaient peu.
M. Paradis: Mais là c'étaient les moyens de la
partie adverse. Ce n'étaient pas les moyens de vos procureurs, vous
êtes d'accord avec cela?
M. Laliberté: Cela s'applique autant pour la partie
adverse que pour mes propres procureurs.
M. Paradis: Cela ne vous a pas choqué, cela n'a pas
provoqué chez vous une réaction? Vous n'êtes pas intervenu?
Est-ce que, lorsque vous avez rencontré vos procureurs, ils vous ont
émis des commentaires sur ces rencontres?
M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire.
M. Paradis: Ils ne vous ont fait aucun commentaire?
M. Laliberté: Je n'en ai pas mémoire.
M. Paradis: Vous n'en avez pas discuté avec vos
procureurs?
M. Laliberté: Je n'en ai pas discuté avec mes
procureurs.
M. Paradis: Très bien. Merci. Le Président (M.
Jolivet): Merci. M. Laplante: Tout ça pour ça.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Laplante: Avocat de fond de cour'.
Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres
questions je vais remercier monsieur... Excusez. Excusez. À l'ordre!
À l'ordre'.
M. Lalonde: J'aurais seulement une question, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. À
l'ordre! Ceux qui ne sont pas à la table n'ont pas le droit de parole.
S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aurais une question à poser à M.
Laliberté: Vous savez que vos procureurs seront appelés à
venir témoigner dans les semaines qui viennent; êtes-vous
prêt à les libérer de leur devoir de
confidentialité, dont seul le client peut les libérer, pour
qu'ils puissent répondre à nos questions en toute liberté,
comme, d'ailleurs, j'ai appris qu'un autre procureur avait demandé
à ses clients de le faire?
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, nous allons
recommander au conseil de libérer les procureurs.
M. Lalonde: De sorte que, lorsqu'ils seront appelés
à venir ici, ils seront en possession de cette libération.
M. Laliberté: Mais je tiens à dire que la
décision appartient au conseil d'administration. Il faudrait savoir
cependant qu'il n'y a pas de conseil d'administration la semaine prochaine,
cela n'ira que le 13.
Le Président (M. Jolivet): II n'y aura pas de
problème, je pense. M. le ministre.
M. Laliberté: M. le Président... Le
Président (M. Jolivet): Oui.
M. Laliberté: J'aimerais qu'on note que ce compte qui est
produit à la page 200 nous est parvenu le 20 février et n'a
été approuvé par moi que le 20 mars.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: M. Laliberté, j'aurais quelques courtes
questions. Soyez sans inquiétude, je n'en aurai pas pour deux jours. Je
voudrais que vous alliez au document que vous avez déposé devant
la commission à la page 200, c'est-à-dire à la
première page du compte de Geoffrion et Prud'homme. Voulez-vous
reprendre connaissance de ce compte, à partir du 15 janvier 1979,
jusqu'au 31 janvier inclusivement? Vous prendrez le temps qu'il faut pour
prendre connaissance de ces sept pages. Voulez-vous noter avec attention le
nombre de fois où apparaît sur ce compte, à chacune des
journées, un honoraire ayant trait à des pourparlers de
règlement avec les procureurs de la partie adverse? Comprenez-vous ma
question? Par exemple, le 15 janvier - c'est pour éviter une
répétition que je voulais que vous le fassiez vous-même
-pourparlers de règlement et entrevue avec les autorités de la
Société d'énergie de la Baie-James, vacation à la
cour pour procès. Alors, il n'y a rien cette journée-là.
Discussion de l'offre de règlement: Ce que je voudrais que vous
identifiiez sur ce compte, c'est si, entre le 15 janvier et le 1er
février, il y a eu bien sûr des discussions de règlement
avec les procureurs de la partie adverse, il en a été amplement
question, je voudrais savoir le nombre de fois et quel jour. Si vous le
repassez en revue vous-même, on peut vous donner le temps qu'il faut.
M. Laliberté: Immédiatement, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Duhaime:
Oui.
Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre que cela
vous prendra un peu plus de temps que ce qu'on peut vous permettre. Je ne sais
pas si, compte tenu de cela... Vous voulez le régler
immédiatement?
M. Duhaime: Il en a pour deux minutes.
Le Président (M. Jolivet): Je pourrais suspendre quelques
instants, si vous voulez.
M. Laliberté: Donc, je veux bien comprendre la question,
M. le Président. Il s'agit de discussions d'offre de règlement
avec la partie adverse. C'est bien là la question?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Sur ce compte d'honoraires, qui part du 15 janvier et
qui s'échelonne jusqu'en février, il y a différentes
vacations à la cour, etc. Il y a des références à
des honoraires qui sont facturés à la Société
d'énergie de la Baie-James et qui ont trait directement à des
discussions entre vos procureurs et ceux de la partie adverse, alors même
que le procès est commencé. Ce que je voudrais savoir, c'est
combien y en a-t-il eu de ces discussions et quels jours entre le 15 janvier et
le 31 janvier 1979 inclusivement.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté.
M. Laliberté: M. le Président, exclut-on les
conversations téléphoniques?
M. Duhaime: Celles qui apparaissent au compte.
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, est-ce que
cela va?
M. Laliberté, est-ce que je peux vous poser une question au sujet
des travaux? Est-ce que cela va vous prendre plus de temps, compte tenu du
temps qu'il nous reste pour l'heure du souper? Je pourrais proposer qu'on
suspende nos travaux jusqu'à 20 heures pour vous permettre de faire ce
travail et, à 20 heures, on pourrait revenir avec vous.
M. Lalonde: Si cela vous va, cela nous irait aussi. J'aurais
simplement quelques mots en écho à vous suggérer. La
décision, en écho de tout ce qu'on vient d'entendre, la
décision, ni de près ni de loin, le bureau du premier ministre ne
pèse dessus, dixit le premier ministre.
M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président,
voulez-vous répéter?
M. Lalonde: Le premier ministre a dit, le 20 février 1979,
à l'Assemblée nationale: La décision, ni de près ni
de loin, le bureau du premier ministre ne pèse dessus. Quand on vient
d'entendre le va-et-vient... Il dit aussi: Ce n'est pas du tout, ni de
près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu une
consultation. Je vous fais grâce du reste.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys a
développé cette bonne habitude, avant les heures de
tombée, de sortir un petit pragraphe qui fait son affaire. Je vais le
référer au 20 février 1979, à la page 5740 du
journal des Débats, et je vais le lire. "En janvier de cette
année - en référence, bien sûr, à 1979 et
c'est le premier ministre qui parle - c'est-à-dire il y a quelques
semaines, si je suis bien informé, la SEBJ a reçu des offres de
règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est
assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous
parle là-dessus." On est au 20 février 1979 lorsque le premier
ministre répond en Chambre. "Mon sentiment a été
très clair, la décision appartient forcément à
Hydro-Québec et à son conseil d'administration qui coiffe toute
l'opération, chantier, énergie, etc., et, bien sûr,
à la SEBJ elle-même, qui est là comme partie. "Tout en
étant bien clair là-dessus, et le demeurant encore aujourd'hui,
mon sentiment - et je leur ai donné comme ils le demandaient..."
M. Lalonde: Très religieusement.
M. Duhaime: "Les modalités, je ne veux pas les
connaître, jusqu'au jour où on les connaîtra tous. Ce n'est
sûrement pas à mon bureau de commencer à dire que ce sera
tant, etc. Ce n'est pas de notre affaire. Mais l'idée, le principe du
règlement, oui." Je pourrais continuer, M. le Président.
La déclaration du premier ministre a été faite dans
l'après-midi du 20 février 1979, et cela a pu échapper
à l'Opposition. Je rappelle au député de
Marguerite-Bourgeoys qu'en soirée, il y a eu un minidébat
où le premier ministre a eu l'occasion de s'expliquer et ce qu'il a dit
le soir est exactement dans le même sens, à peu près avec
les mêmes mots, que ce qu'il a dit en répondant aux questions, en
cours d'après-midi. Sur le principe du règlement, oui; sur
les modalités à son bureau, non.
M. Lalonde: Oh non! Son bureau n'était pas du tout
impliqué!
Le Président (M. Jolivet): M. Laliberté, compte
tenu du temps, je pense que... Vous avez quelque chose à ajouter?
M. Laliberté: Je peux répondre à la question
très rapidement: cinq réunions et trois conversations
téléphoniques.
M. Duhaime: D'accord, j'ai les dates. Entre le 15 janvier...
M. Laliberté: Entre le 15 et le 31 janvier.
M. Duhaime: Entre les procureurs des deux parties. C'est exact?
Donc, pour l'information du député de Brome-Missisquoi, avant la
rencontre du 1er février avec le premier ministre et les officiers
d'Hydro-Québec ou de la Société d'énergie de la
Baie-James. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Messieurs, y a-t-il d'autres questions à poser à M.
Laliberté? Cela nous permettrait de le libérer, s'il n'y a pas
d'autre personne qui a des questions à lui poser.
M. Paradis: C'est pour ajouter une précision.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Paradis: J'aimerais en discuter avec lui, parce qu'on ne
semble pas être d'accord là-dessus, j'en trouve six. Si M.
Laliberté veut bien recompter.
M. Laliberté: On pourra confirmer, M. le Président,
je pense.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je ne peux pas vous
libérer et je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.
M. Paradis: Écoutez, on vérifiera et on s'entendra.
On fera une déclaration en revenant.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, il y a une chose
certaine, c'est que nous reprenons nos travaux à 20 heures. Au cas
où vous ne seriez pas présent - parce que je pense qu'il ne sera
pas nécessaire que vous y soyez - au nom des membres de la commission,
je vous remercie de votre patience, et de la nôtre en même temps.
Sachez que la prochaine personne qui devra être ici ce soir, à 20
heures, est M. Hervé Hébert.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! La commission parlementaire élue permanente de l'énergie
et des ressources continue ses travaux. Mais, avant de continuer l'ordre du
jour qu'on s'était donné avec le témoignage de M.
Hervé Hébert, je vais demander au député de
Brome-Missisquoi de nous indiquer la question qui restait en suspens avant la
suspension des travaux à 18 heures.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Pour résumer brièvement la
dernière question adressée à M. Laliberté, à
qui on demandait combien - c'était le ministre - de rencontres, de
pourparlers, de négociations il y avait eu entre le 15 janvier et le 1er
février. M. Laliberté, ayant eu très peu de temps avec son
entourage pour répondre, a répondu cinq. De mon côté
j'avais dit six. Je l'ai rencontré avec son entourage par la suite. Nous
sommes demeurés avec notre divergence, à partir d'une
donnée qui apparaît dans le compte de Geoffrion et Prud'homme,
à la page 202 en date du 19 janvier. Ce qui différenciait notre
opinion - pour se replacer il s'agit de la journée où Michel
Jasmin, le procureur des syndicats provinciaux, et Rosaire Beaulé, le
procureur des syndicats américains, se sont retrouvés au bureau
du premier ministre -c'était qu'il était indiqué:
négociation d'un règlement, mais sans préciser avec qui.
Étant donné qu'il n'est pas indiqué avec qui, il est
possible que ce soit entre des avocats du même bureau. Les conseillers de
M. Laliberté lui ont conseillé de ne pas le compter et, de mon
côté, je l'avais compté. C'est cinq ou six, six ou cinq,
selon qu'on parle de politique fédérale ou de politique
provinciale.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Duhaime: Pour être un peu plus explicite pour les fins
du journal des Débats que d'autres reliront un jour et que
nous-mêmes aurons à relire, ma question était
adressée à M. Laliberté. On va se rejoindre très
rapidement, cela prendra 30 secondes. Ce n'est pas entre le 15 janvier et le
1er février mais entre le 15 janvier et le 31 janvier inclusivement.
M. Paradis: Cela ne change rien.
M. Duhaime: Au compte produit par Geoffrion et Prud'homme, les
procureurs de la Société d'énergie de la Baie-James, en
répondant à ma question à savoir: Combien de vacations
pour fins de pourparlers sur un règlement avec les procureurs des
parties adverses, c'est-à-dire les syndicats, y a-t-il eu? il m'a
répondu: cinq, peut-être six. On
va convenir là-dessus. Mais ce sont des discussions entre les
procureurs de la Société d'énergie de la Baie-James et les
procureurs des syndicats, alors que le procès était
commencé depuis le 15 janvier jusqu'au 31 janvier inclusivement. On
s'entend là-dessus?
M. Paradis: Ce qui m'a peut-être inspiré
également c'était le fait qu'il y avait eu cinq ou six
rencontres; c'était le même nombre de rencontres qu'il y avait eu
dans le bureau du premier ministre, six. C'est peut-être cela qui m'avait
induit...
M. Duhaime: J'espère que vous vous en souviendrez pour le
restant de vos jours.
Le Président (M. Jolivet): Je demanderais donc maintenant
au greffier d'aller faire prêter serment à M. Hervé
Hébert. M. le député de Rousseau, en attendant.
M. Blouin: M. le Président, au sujet de cette
procédure d'assermentation, dorénavant, est-ce que ce sera une
attitude régulière et que vous n'aurez pas à demander
à chaque fois aux gens qui le veulent, aux députés qui le
désirent, si, vraiment ils ont l'intention de faire prêter serment
à ces gens? Compte tenu de l'écho que reçoit notre
commission parlementaire, je crois que cela laisse une impression de
non-confiance à l'égard des témoins qui viennent devant
cette commission. Je crois aussi que si des députés ont
l'intention de manifester une certaine non-confiance ou, en tout cas, de
laisser l'impression qu'il en est ainsi, ils devraient, pour chacun des
témoins, exiger qu'ils prêtent serment. Cependant, je ne crois pas
qu'on devrait le faire systématiquement par déférence pour
nos invités.
Le Président (M. Jolivet): Oui mais, M. le
député de Rousseau, la seule chose que je crois comprendre au
départ est qu'on avait demandé que tous les témoins soient
assermentés. C'est ce qu'on m'a demandé et c'est pourquoi j'ai
appliqué cette procédure depuis le début.
M. Blouin: Qui a demandé cela?
Le Président (M. Jolivet): Vous avez cela dans le
procès-verbal. Ce sont les gens, à ma gauche, qui me l'ont
demandé et je n'ai qu'à appliquer ce que la Loi de
l'Assemblée nationale nous indique.
M. Blouin: Est-ce que je peux demander à nos
collègues de l'Opposition s'ils ont toujours l'intention de
requérir le serment pour chacun des témoins?
Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours le pouvoir
de le demander. C'est à eux de me répondre s'ils veulent agir
ainsi. Mais ce que j'ai compris depuis le début...
M. Blouin: Est-ce que vous avez vraiment l'intention de
poursuivre cela?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rousseau, j'essaie simplement de vous dire qu'il s'agit d'appliquer la demande
formulée au début. Si le député de
Marguerite-Bourgeoys, qui m'avait fait cette demande, dit qu'il veut agir
autrement, je n'ai aucune objection. Je dis simplement qu'au début de la
commission il m'a indiqué que tous les témoins devraient
être assermentés. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je suis convaincu que le député de
Rousseau ne suggère pas de faire preuve de discrimination d'un
témoin à l'autre. Si on demande d'assermenter un témoin et
non le prochain, c'est dire qu'on fait confiance à un et non à
l'autre. Je lui ferai remarquer que, devant tous les tribunaux, toutes les
commissions d'enquête, tous les témoins, sans discrimination, sont
assermentés et que la loi sur l'Assemblée nationale, pour
laquelle il a sûrement voté en décembre dernier, à
l'article 52, donne ce privilège aux membres d'une commission
parlementaire de le demander. Nous l'avons demandé et nous ne retirerons
pas notre demande.
M. Blouin: Monsieur...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: ...le leader de l'Opposition, il s'agit d'un
privilège comme vous le dites bien et l'esprit de la législation
était d'appliquer cette procédure par exception et non pas, je
crois, de la rendre comme une règle applicable à tous.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que je vais clore le débat sur la question. Je vais prendre la
décision. Puisque la loi est claire, je la relis: "Le président
ou tout membre de l'assemblée, d'une commission ou d'une
sous-commission, peut demander à une personne qui comparaît devant
elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle
prévue en annexe II". C'est ce qui a été fait
jusqu'à maintenant et comme la demande m'a été
adressée pour que tous les témoins soient assermentés, je
l'exécute. M. le greffier, vous pouvez procéder.
M. Hervé Hébert
Le greffier (M. Jean Bédard): M.
Hébert, pourriez-vous mettre la main sur
l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom
et prénom, déclare solennellement que je dirai toute la
vérité, rien que la vérité.
M. Hébert (Hervé): Hervé Hébert, je
déclare solennellement que je dirai toute la vérité, rien
que la vérité.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Hébert, est-ce
que vous avez une déclaration préliminaire à faire?
M. Hébert: M. le Président, je n'ai pas, en soi,
préparé de déclaration. Cependant, il y a une lettre de ma
part qui a été déposée à l'Assemblée
nationale et, si vous étiez d'accord, j'aimerais qu'on la lise au
complet avant d'être interrogé.
M. Duhaime: Consentement.
Le Président (M. Jolivet): Consentement. Allez.
M. Hébert: II y a des copies.
Le Président (M. Jolivet): Vous me demandez à moi
de la lire?
M. Hébert: Non, je vais la lire.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Hébert.
M. Hébert: La lettre est datée du 18 mars 1983 et
elle est adressée à M. René Lévesque, premier
ministre. "M. le premier ministre, Avec tout ce qui se vit présentement,
j'aimerais vous faire part de ma version des faits, comme administrateur de la
SEBJ et d'Hydro-Québec, lors des décisions prises à
l'hiver 1979. "Disons, pour commencer, qu'un conseil d'administration n'est pas
un gouvernement ni une cour de justice. Le rôle d'un conseil c'est
d'administrer dans le meilleur intérêt de l'entreprise dont il a
la responsabilité. Dans le contexte des événements de LG
2, cela signifie qu'il ne devrait pas se préoccuper de l'aspect criminel
ou punitif, les cours s'en chargeront. Il doit donc s'en tenir à
l'aspect "dommages", "pertes", etc. qui relèvent du civil. "Pour ma
part, j'étais favorable à un règlement hors cour pour les
raisons suivantes: Premièrement, il n'était pas sûr que
nous puissions gagner le procès, la relation entre les actes commis par
quelques personnes et la responsabilité du syndicat était loin
d'être évidente. Le cas échéant, il aurait sans
doute fallu remonter à la maison-mère américaine, ce qui
aurait signifié un deuxième procès aux États-Unis.
"Deuxièmement, en supposant que nous aurions gagné le
procès, à terme, les employés syndiqués de la SEBJ
auraient été cotisés pour rembourser le montant des
dommages commis par quelques personnes, sans leur accord, ce qui aurait
provoqué un sentiment de frustration compréhensible. (20 h 15)
"Troisièmement, si le montant des dommages pouvait être
établi, il était beaucoup plus difficile de déterminer la
perte réelle de la SEBJ, puisqu'à l'occasion de ces
événements, des méthodes de travail ont été
révisées substantiellement, avec le résultat que LG 2
pouvait être réalisé à l'intérieur des
budgets prévus et aussi à l'intérieur de
l'échéancier prévu: et ce, en bonne partie à cause
de la collaboration évidente des syndicats et de leurs dirigeants.
"Quatrièmement, l'année 1979 était l'une des plus
déterminantes dans le cheminement des travaux: si les employés
syndiqués s'étaient trouvés en face d'un jugement qu'ils
auraient évidemment trouvé injuste, ils auraient pu diminuer leur
zèle et leur ardeur au travail, ce qui aurait pu se traduire par des
délais et des coûts bien au-delà de toute somme que nous
pouvions espérer d'un jugement. "C'est sur cette base, et cette base
uniquement, que je me suis fait une opinion comme administrateur de la SEBJ.
C'était une décision d'affaires et non une question de punir des
coupables. En aucun moment, n'ai-je subi des pressions de qui que ce soit.
Même au conseil, nous n'avons jamais eu de directives. Qu'il y ait eu
rencontre des dirigeants avec le premier ministre et d'autres n'a jamais
été perçu par moi comme une quête de directives,
mais plutôt comme un échange sur la perception du problème
et les options possibles. Le conseil demeurait libre de ses décisions.
"Voilà donc ma perception de ce qui s'est passé au meilleur de
mes souvenirs et sur quoi je suis prêt à témoigner si
jamais on m'invite à le faire. Je vous prie d'agréer, M. le
premier ministre..."
M. le Président, c'est donc la lettre du 18 mars 1983 que j'avais
envoyée au premier ministre, personnelle et confidentielle. J'aimerais
mentionner que, au moment où j'ai dicté cette lettre, je ne me
doutais pas qu'elle deviendrait aussi connue et aussi célèbre.
C'est sûr que si je l'avais deviné, pour commencer, je n'aurais
pas utilisé du papier de la fiducie et, ensuite, j'aurais sans doute
consulté des avocats ou des notaires, et surtout des linguistes.
Maintenant que j'ai lu ma lettre, est-ce que je peux m'en aller?
Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, quelqu'un d'autre avant vous
a dit, il n'y a pas lieu
d'en douter, que vous étiez membre du conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie-James depuis l'automne
1978, je crois que c'est octobre, est-ce exact?
M. Hébert: Le 1er octobre, oui.
M. Duhaime: Est-ce la première fois que vous faites partie
d'un conseil d'administration?
M. Hébert: Non. En fait... Pardon?
Le Président (M. Jolivet): M. Hébert, un instant,
j'aimerais rappeler qu'on avait dit au début de la commission qu'il ne
fallait pas déranger en aucune façon les témoins. Donc,
j'aimerais bien que vous puissiez répondre en toute
tranquillité.
M. Hébert.
M. Hébert: Non. Je siège depuis au-delà de
20 ans à des conseils d'administration. J'en ai couvert une trentaine,
de mémoire, à peu près. Dans le moment, j'en ai dix de
front, y compris Hydro-Québec et la Baie-James, c'est sûr,
l'Université de Montréal, enfin, des choses comme cela.
M. Duhaime: Pourriez-vous nous donner un peu plus de
détails, pour autant que cela n'entre pas en conflit avec vos affaires
privées ou de caractère de confidentialité que je pourrais
ignorer, mais à quels conseils d'administration appartenez-vous
actuellement?
M. Hébert: Bon! je vais commencer par celui de la Fiducie
du Québec dont je suis le président; je suis membre du conseil
d'administration de la Confédération des caisses populaires, qui
est le chapeau du mouvement Desjardins; je suis à la
Société d'investissement Desjardins, au Crédit industriel
Desjardins, à la Caisse centrale Desjardins - je pense que cela couvre
le monde Desjardins - ensuite, je suis administrateur et chancelier de
l'Université de Montréal; je suis de Sodarcan et de la Nationale
compagnie de réassurance, j'en oublie...
M. Duhaime: M. Hébert...
M. Hébert: Hydro-Québec et la Baie-James, cela fait
dix.
M. Duhaime: Voulez-vous nous dire pourquoi vous avez écrit
une lettre au premier ministre du Québec qui porte la date du 18 mars
1983?
M. Hébert: M. le Président, je pense que
c'était pour moi une question de justice.
Une voix: Une question de quoi?
M. Hébert: Je trouvais injuste qu'on accuse le premier
ministre d'être intervenu auprès du conseil dans cette affaire,
quand, à ma connaissance - je suis là et je parle à
beaucoup de gens - ce n'était pas arrivé. Je trouvais aussi
injuste qu'on laisse planer la possibilité ou le doute que le conseil
d'administration de la Baie-James se soit laissé imposer des directives
quand je savais que ce n'était pas vrai; en tout cas, vu par moi. Je
pense bien que, finalement, je trouvais injuste d'apprendre cela dans les
journaux, bien confortablement assis dans ma chaise, et de ne rien faire. Je me
suis dit: Je vais faire quelque chose, mais quoi? Alors, j'ai écrit au
premier ministre. J'aurais peut-être pu convoquer une conférence
de presse, mais ce n'est pas mon style.
M. Duhaime: M. Hébert, dans votre lettre, à la
première page, vous dites: "Pour ma part, j'étais favorable
à un règlement hors cour pour les raisons suivantes..."
Là, vous énumérez les raisons. Je ne voudrais pas revenir
là-dessus. Vous dites quelque part, au point quatre de vos motifs:
"L'année 1979 était l'une des plus déterminantes dans le
cheminement des travaux..." Je voudrais vous entendre davantage
là-dessus. Pourquoi l'année 1979 était-elle
déterminante, à votre point de vue?
M. Hébert: L'année 1979 était la plus grosse
année qu'on prévoyait pour un bout de temps en nombre
d'employés à LG 2. Si je me rappelle bien, dans les chantiers, en
1979, nous devions avoir 18 000 employés ou à peu près.
Donc, il était important que le climat soit bon, aussi bon qu'il l'a
été d'ailleurs, et que les travaux se fassent dans les plus brefs
délais. C'est à cela que je me référais.
M. Duhaime: Maintenant, vous parlez des méthodes de
travail - j'aurais peut-être dû commencer par là - au point
trois, à la page 2 de votre lettre. Je lis: "Si le montant des dommages
pouvait être établi, il était beaucoup plus difficile de
déterminer la perte réelle de la SEBJ, puisque, à
l'occasion de ces événements, des méthodes de travail ont
été révisées substantiellement avec le
résultat que LG 2 pouvait être réalisé à
l'intérieur des budgets..." En quoi est-ce que cela vous a frappé
que des méthodes de travail aient été
révisées? Qu'est-ce qui vous fait dire que cela a
été si substantiel?
M. Hébert: Je veux être sûr de comprendre la
question, M. le Président.
M. Duhaime: Vous dites que des méthodes de travail ont
été révisées substantiellement.
M. Hébert: Oui.
M. Duhaime: C'est au sous-paragraphe 3 de la page 2 de votre
lettre. "Avec le résultat que LG 2 pouvait être
réalisé à l'intérieur des budgets prévus et
aussi à l'intérieur de l'échéancier prévu."
En quoi, substantiellement, les méthodes de travail avaient-elles
été révisées? Ce n'est pas nécessairement
pour 1979, cela peut aussi être avant.
M. Hébert: La compréhension que j'ai eue de cela
dans le temps - on parle quand même d'environ quatre ans - c'est que,
à la suite du saccage, les gens se sont mis ensemble pour dire: On va
essayer de réparer cela au plus vite et de rattraper ce qu'il faut
rattraper au plus vite, parce qu'il y avait quand même des délais
à respecter. La compréhension que j'ai eue, comme membre du
conseil, c'est que... Évidemment, je soupçonne que les gens qui
avaient fait les travaux, une fois ou en partie, avaient déjà
pris une expérience. Là, en se reprenant et en prenant les
manières pour aller plus vite, ils sont probablement devenus plus
efficaces. Ce que j'ai compris au conseil d'administration, c'est que,
finalement, au bout du compte - et probablement à cause de la bonne
collaboration, dont je parlais tantôt, des syndiqués, des
non-syndiqués et des patrons - cela a eu comme résultat que LG 2
a coûté moins cher, même en incluant les dommages, que ce
qui était prévu. En plus de cela, il a été
livré en dedans des délais.
J'invoque cela comme argument parce que, dans mon raisonnement, je me
disais qu'un juge qui aura un jour à juger cela demandera aux gens de la
Baie-James: Quelle a été votre perte réelle? Il y a la
perte matérielle dont M. Laliberté a parlé, 1 300 000 $.
Cela a été couvert par les assurances. Il y aurait eu d'autres
pertes, probablement, comme la démobilisation, la remobilisation; on
peut cerner cela. Mais, après cela, cela devient de plus en plus
difficile de dire: On a effectivement perdu 25 000 000 $. Un adversaire
pourrait démontrer que non. En pratique, cela a coûté moins
cher que prévu. Vu par moi, comme un simple administrateur, je me disais
que ça allait être difficile à expliquer pour convaincre le
juge qu'on a effectivement perdu 31 000 000 $. Cela, c'est ma façon de
penser, entre autres, dans le dossier.
M. Duhaime: Si je comprends bien, c'est l'un des points
importants dans votre propre décision, comme administrateur de la
Société d'énergie de la Baie-James, qu'un changement
substantiel dans les méthodes de travail, après révision,
bien sûr, avait fait en sorte que vous étiez non seulement
à l'intérieur du calendrier, comme vous le dites, mais que cela
vous coûtait moins cher que ce qui avait été prévu.
Corrigez-moi si je fais erreur, vous en êtes donc venu à la
conclusion qu'il était difficile d'établir une preuve de dommage
quelconque?
M. Hébert: Pour une partie de la réclamation, en
tout cas.
M. Duhaime: Pour une partie de la réclamation?
M. Hébert: Oui.
M. Duhaime: Maintenant, au premier paragraphe de votre lettre -
je le garde pour la fin, j'ai terminé dans deux secondes -vous dites:
"Premièrement, il n'était pas sûr que nous puissions gagner
le procès: la relation entre les actes..." Je ne veux pas relire ce que
vous avez lu vous-même tout à l'heure, mais je voudrais que vous
soyez un peu plus explicite là-dessus, au meilleur de votre souvenir. Je
comprends que cela fait quand même quelques années et que ce n'est
pas le seul conseil d'administration auquel vous avez l'honneur de
siéger. Enfin, je voudrais avoir un peu plus de détails, si c'est
possible.
M. Hébert: Bon, j'aimerais peut-être commencer par
ceci. Nous sommes arrivés -tous, à l'exception de M. Boyd - au
conseil d'administration de la SEBJ en même temps, le 1er octobre. Pour
ma part, la connaissance que j'avais du dossier du saccage se résumait
à ce que j'avais lu dans les journaux, comme tout le monde.
Initialement, avant la première journée où on en a
parlé, je me disais: "Une poursuite comme celle-là ne se rendra
pas jusqu'au bout. Si cela se rend au bout, il y a des risques qu'ils ne
gagnent pas. S'ils gagnent, il y a des risques que les syndicats ne paient
pas". Cela, c'est Hervé Hébert, citoyen du Québec, qui
avait cette réaction.
Au conseil d'administration, on s'est mis, au mois de novembre ou je ne
sais trop quand, à déposer des opinions légales.
Evidemment, on lit attentivement les documents déposés et on
essaie de se faire une opinion. J'ai été surpris - c'est
là que j'ai eu la preuve, moi, que je ne suis pas avocat - de voir qu'au
contraire les avocats disaient que la cause était bonne. Ma
réaction a été de dire: "Bravo! On verra et tant mieux si
cela arrive". Mais je n'ai jamais, à aucun moment, pensé qu'on
irait chercher 31 000 000 $ dans cette affaire.
À mesure que les événements se sont
déroulés, entre le mois de novembre et le moment où la
décision s'est prise, autour du 6 mars, les documents qu'on avait - pas
seulement les documents qu'on avait lorsqu'on a eu l'occasion de recevoir les
avocats et de parler avec eux... C'est
malheureux que ce ne soit pas inscrit au procès-verbal, les
questions et les réponses des avocats quand ils venaient au conseil.
C'est malheureux parce que cela nous aidait à nous former une opinion.
Dans ma tête, d'une part, je me disais que c'était de moins en
moins bon et, d'autre part, que les dommages étaient de moins en moins
élevés. Le risque, en faisant l'hypothèse qu'on gagnerait,
je réalisais de plus en plus l'importance que cela pourrait avoir sur
les travaux de l'été 1979. Donc, c'est tout ça qui m'a
amené à suivre ce cheminement.
M. Duhaime: M. Hébert, je voudrais vous demander si vous
avez été informé à un moment quelconque que M.
Laliberté - vous avez entendu son témoignage depuis 2 jours
-avait rencontré M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier
ministre, le 3 janvier 1979?
M. Hébert: Vous parlez de M. Laliberté seul?
M. Duhaime: Oui, oui.
M. Hébert: Non, cela, je l'ai appris ici.
M. Duhaime: Avant que vous ayez à prendre les
décisions que vous avez prises au conseil d'administration de la SEBJ,
en votre qualité d'administrateur, avez-vous été
informé, à un moment ou à un autre, du souhait du premier
ministre du Québec d'en arriver à un règlement hors
cour?
M. Paradis: Voeu pieux!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Hébert: Oui. Je pense que M. Saulnier a fait rapport de
sa rencontre avec M. Boyd, M. Laliberté et le premier ministre le
lendemain de cette rencontre, si je me rappelle bien. Cela venait d'arriver. De
mémoire, il a dit au conseil: Écoutez, nous avons
rencontré le premier ministre - les paroles exactes étaient
à peu près ceci - lui désire qu'il y ait règlement.
Bon, bravo. (20 h 30)
M. Duhaime: Est-ce que cela vous a influencé?
M. Hébert: Non pas du tout.
M. Duhaime: Est-ce que cela confirmait ou infirmait votre propre
opinion dans le dossier?
M. Hébert: Non. Je vais vous dire mon opinion personnelle
c'est qu'il fallait arriver un jour à un règlement. Comme je vous
le disais tantôt - probablement sans l'avoir calculé - dans mon
raisonnement sur le dossier, je me disais que, si on pouvait aller chercher
quelques millions là-dedans, ce serait extraordinaire. C'était un
peu mon "feeling". D'apprendre que le premier ministre serait heureux d'un
règlement, je me disais: Tant mieux, il pense un peu comme nous. Il n'a
pas été question du montant d'argent. Il a simplement dit qu'il
serait heureux d'un règlement. Je me suis dit: Tant mieux, on pense
pareil lui et moi. C'est une bonne affaire quand un premier ministre pense
comme nous. Simplement dans ce sens-là j'étais heureux.
Par la suite le temps a fait que le montant a baissé pas mal. On
pourra en reparler tantôt, si vous voulez.
M. Duhaime: M. Hébert, vous avez l'habitude des conseils
d'administration, j'imagine bien, depuis une trentaine d'années que vous
êtes dans les affaires. Est-ce qu'en aucun moment vous avez reçu,
subi ou senti une pression quelconque du chef du gouvernement,
c'est-à-dire de M. Lévesque, d'aller dans une direction ou dans
une autre sur le jugement que vous aviez à porter comme membre du
conseil d'administration à la Société d'énergie de
la Baie-James?
M. Hébert: Non, en aucun moment. C'est d'ailleurs ce que
je dis dans la lettre. En aucun moment, je n'ai senti de pression, même
pas une directive. Quant à moi, non.
M. Duhaime: De la part de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du
premier ministre?
M. Hébert: Non, jamais.
M. Duhaime: Et de la part de Me Yves Gauthier, attaché
politique au cabinet du premier ministre?
M. Hébert: Non. D'ailleurs, je n'ai jamais
rencontré ces personnes. Je ne les connais pas.
M. Duhaime: Une dernière question, M. Hébert. Vous
êtes actuellement président de la Fiducie du Québec, qui
est une des nombreuses filiales du groupe Desjardins. Quel est le chiffre
d'affaires dont vous êtes responsable actuellement comme président
de ce conseil?
M. Hébert: À la Fiducie du Québec
nous...
M. Duhaime: Profitez-en, c'est un petit commercial.
M. Hébert: Oui, c'est merveilleux pour moi, je
l'espérais d'ailleurs. À la Fiducie du Québec nous avons
présentement 760 000 000 $ d'actifs. Nous gérons à
côté
de cela environ 450 000 000 $, c'est-à-dire que sous notre
contrôle nous avons environ 1 200 000 000 $. Nous avons dans nos
voûtes, sous administration, sous une forme ou sous une autre, environ 6
000 000 000 $.
M. Duhaime: Combien?
M. Hébert: 6 000 000 000 $.
M. Duhaime: 6 000 000 000 $.
M. Hébert: Oui.
M. Bourbeau: Deux fois le déficit du Québec.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Je n'aurai pas d'autres questions pour le moment.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Juste avant de donner la parole
à M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Cela allait
très bien, je pense que cela continuera à bien aller. Je
demanderais qu'aucune intervention ne vienne de la salle de quelque
côté que ce soit, sauf des gens qui sont présents à
la table, ici. Je tiens à leur faire remarquer qu'à
l'Assemblée nationale nous sommes dans une assemblée
délibérante et ceux qui délibèrent n'ont pas
à recevoir d'applaudissements, de manifestion positive ou
négative de quelque part que ce soit du reste de l'assemblée.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. Hébert, je vous trouve un petit peu
audacieux d'avoir mentionné le chiffre de 6 000 000 000 $. Cela
représente deux ans de déficit du gouvernement. Il va aller vous
les chercher! Je connais votre compétence d'administrateur. Je suis
sûr que vous allez les conserver très bien. Je sais qu'en plus de
cela - le ministre vous a fait décliner vos occupations - vous avez une
formation d'actuaire. Est-ce que vous êtes encore actuaire-conseil ou si
vous l'avez été?
M. Hébert: Non, je ne suis plus actuaire-conseil. J'ai
vendu toutes mes actions dans mon ancien bureau, Hébert et Le
Houillier.
M. Lalonde: Je pensais que cette question était
nécessaire pour faire le tour du profil. J'aurais seulement deux
questions.
M. Duhaime: On peut prendre deux jours, si vous voulez.
M. Lalonde: La réunion du 1er février, avec M.
Boyd, M. Saulnier, M. Laliberté et le premier ministre, semble-t-il,
aurait été suggérée par le conseil d'administration
ou à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration?
M. Hébert: C'est exact.
M. Lalonde: Vous vous souvenez de cela, oui?
M. Hébert: Oui.
M. Lalonde: J'imagine que la suggestion a été faite
par quelqu'un en particulier. Vous souvenez-vous qui l'a faite?
M. Hébert: Je ne pourrais pas me souvenir qui l'a faite.
Mais, pour ma part, j'étais favorable à cela, oui.
M. Lalonde: De retour de cette réunion - ce n'est pas le
lendemain - je pense que c'était à la réunion du 5 ou du 6
février que M. Saulnier a fait rapport. En quels termes a-t-il fait
rapport au conseil du voeu pieux? Depuis qu'on sait maintenant quels termes ont
été employés par le premier ministre, ce n'est plus un
souhait, c'est un voeu pieux...
Une voix: Très pieux.
M. Lalonde: ...très pieux. En quels termes a-t-il fait
rapport de ce désir du premier ministre?
M. Hébert: Évidemment, selon ma
compréhension, c'est ce que j'ai dit tantôt à savoir qu'il
avait rencontré le premier ministre avec tel et tel et que le premier
ministre souhaitait ou je ne sais quoi, mais en termes exacts, nous les avons
au procès-verbal et, si vous voulez, on peut le lire.
M. Lalonde: Très bien. D'ailleurs, je pense qu'il a
été produit dans les documents. Est-ce que je pourrais savoir qui
s'opposait au règlement? On a demandé à M.
Laliberté, ce matin ou cet après-midi, qui avait voté
contre le règlement. Dans votre souvenir, est-ce que... Je pourrais
peut-être demander au secrétaire de la société, qui
a peut-être cela dans ses notes: qui avait voté contre le
règlement? Je pense que le vote formel a été pris le 6
mars?
M. Hébert: Oui.
M. Lalonde: À votre souvenance... le vote formel sur le
règlement a été pris à la réunion du 6
mars?
M. Hébert: Oui.
M. Lalonde: II y en avait 6 pour, 3 contre et 1 abstention. Vous
en souvenez-vous? Ce n'est pas très important, mais juste
au cas où vous vous en souviendriez.
M. Hébert: J'ai vu la question posée ici. J'ai
essayé de me creuser les méninges pour savoir si je me le
rappelle. D'abord, je me rappelle comment j'avais voté.
M. Lalonde: Vous étiez favorable?
M. Hébert: Non, j'ai voté contre.
M. Lalonde: Pardon?
M. Hébert: J'ai voté contre.
M. Lalonde: Contre le règlement?
M. Hébert: Oui. J'ai voté contre. Je me rappelais
que Mme Nicolle Forget avait voté contre. Elle l'a confirmé
puisqu'elle l'a déclaré elle-même. Elle m'en a encore
parlé ce matin. Mais quant aux autres, vraiment je n'ai aucune
souvenance. J'ai beau essayer, je ne suis pas capable. Ce serait tout
simplement...
M. Lalonde: Excusez-moi, M. Hébert... Une voix: La
question n'est pas claire.
M. Lalonde: J'ai cru comprendre de votre lettre et de vos propos
ce soir que vous étiez favorable à "un" règlement, depuis
le début d'ailleurs. En fait, qui n'est pas favorable à un
règlement? Il s'agit du montant à payer et des conditions. Vous
venez de me dire que vous avez voté contre le règlement?
M. Hébert: Oui, mais comme je le dis dans ma lettre,
j'étais favorable à un règlement. Je n'ai pas dit de "ce"
règlement.
M. Lalonde: Alors, vous avez voté contre "ce"
règlement?
M. Hébert: Oui, j'ai voté contre "ce"
règlement.
M. Lalonde: Est-ce qu'on peut vous demander pour quelles raisons?
Est-ce que le montant était...?
M. Hébert: Oui... Comme je vous disais tantôt,
d'après mon appréciation, on aurait dû aller chercher
peut-être une couple de millions de dollars. À mesure que le temps
passait, il y avait toujours autre chose. J'avais l'impression que la cause
était de moins en moins bonne, etc. J'acceptais mentalement de diminuer
mon prix. Au procès-verbal d'une réunion du conseil, on a dit
qu'il fallait au moins couvrir les honoraires des avocats. De mémoire,
c'était 450 000 $ environ. La compréhension que j'ai eue de cela
était qu'on envoyait négocier nos gens qui demanderaient 1 000
000 $ ou peut-être régleraient pour 750 000 $ ou quelque chose
comme cela, mais sûrement pas moins de 450 000 $.
L'assemblée suivante, je l'ai manquée. Quand je suis
arrivé à l'assemblée du 6 mars, on nous a
déposé le projet de règlement. Je me rappelle très
bien avoir dit là-dessus que j'étais extrêmement
déçu qu'on n'ait même pas été capable de
couvrir nos honoraires, nos frais juridiques. Quand on a pris le vote, à
cause de cela et aussi pour d'autres raisons, j'ai décidé de
voter contre.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez entendu... et nous nous excusons
auprès de vous et à l'égard des autres témoins de
la longueur de nos délibérations depuis deux jours. On sait quand
un interrogatoire commence mais on ne sait pas quand il finit.
M. Hébert: C'est exact.
M. Lalonde: C'est un peu comme un procès.
Est-ce que vous étiez au courant, pendant cette période,
de ce que vous avez appris ici, en particulier de la démonstration que
le député de Brome-Missisquoi a faite cet après-midi, de
l'espèce de va-et-vient entre le palais de justice et le bureau du
premier ministre où les avocats, et vos avocats en particulier, se
retrouvaient au bureau du premier ministre? Est-ce que vous étiez au
courant de ces choses?
M. Hébert: Non, cela n'a jamais été
mentionné au conseil, que je sache.
M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup, c'est tout.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? M. le député de Chambly.
M. Tremblay: Oui. J'avais l'impression, cet après-midi,
que M. Laliberté avait dit qu'il s'était confié à
quelques membres du conseil d'administration à la suite de sa rencontre
avec M. Boivin. J'avais eu l'impression que vous étiez un de ceux
à qui il s'était confié. Tout à l'heure vous avez
dit qu'il ne vous en avait pas parlé après le 3 janvier.
M. Hébert: M. le Président, ce que j'ai compris et
qui m'a fait de la peine d'ailleurs cet après-midi, c'est quand M.
Laliberté a nommé ses amis. Cela m'a fait de la peine de
découvrir que je n'étais pas son ami mais c'était à
ce moment-là heureusement. On venait juste de se connaître. Mais
dans la liste des personnes que M. Laliberté a nommées, je
n'étais pas là et, effectivement, il ne m'en a pas
parlé.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. Hébert, tout à l'heure quand vous
nous avez dit que vous avez décidé de voter contre ce projet de
règlement, vous avez dit essentiellement que c'était parce que
vous considériez que les sommes d'argent proposées
n'étaient pas suffisantes, à votre point de vue, et aussi vous
avez dit: "Pour d'autres raisons." Est-ce qu'il serait possible de vous
demander quelles étaient ces autres raisons?
Le Président (M. Jolivet): M. Hébert. M.
Hébert: On m'ouvre toute une porte. Une voix: Prenez-la
mon cher monsieur.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez le droit, le devoir
de répondre.
M. Bourbeau: Écoutez, je suis le député de
Laporte. Alors vous pouvez y aller. Ah! Ah!
Une voix: Vous n'y aviez pas pensé à
celle-là. Une porte de plus.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Hébert.
Une voix: Très, très bien.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
ministre, pour qu'on puisse entendre M. Hébert.
M. Hébert: Je vais vous dire une chose: On en a
parlé tantôt, cela fait longtemps que je siège à des
conseils d'administration et j'en ai vu plusieurs. Il y a toujours eu une chose
à laquelle j'ai tenu énormément, cela a été
la discrétion par rapport aux délibérations d'un conseil
d'administration. On ne doit jamais parler quand on sort d'un conseil
d'administration, jamais, ni sur les délibérations ni sur le
vote.
Dans ce dossier-ci, nous étions devant ce que j'appellerais une
énormité. C'était gros comme décision. On partait
d'un procès intenté de 31 000 000 $ et on réglait à
200 000 $ et je ne me suis pas trompé en pensant que c'était gros
parce qu'on en parle encore quatre ans et demi après.
À l'assemblée du 6 mars - comme je vous l'ai dit, j'avais
manqué une assemblée -j'ai assisté aux
délibérations et ma réaction était que cette
affaire-là passait, quelle que soit la couleur de mon vote, cela
passait. Je pouvais me tromper mais, c'était mon "feeling".
Dans les autres raisons sur lesquelles vous me questionnez, c'est
justement celle-là. Je me suis dit que si, par malheur, cette affaire
passait à l'unanimité ou même à l'unanimité
moins un ou deux, à ce moment tout le monde des administrateurs pourrait
dire: Tu as voté pour. Pourquoi? Et c'est mauvais dans le sens suivant -
j'ai déploré par la suite que ce ne soit pas arrivé: On a
eu l'occasion de faire un cheminement là-dedans. On a eu des dossiers,
des opinions d'experts; on a cheminé à partir du début
jusqu'au règlement, c'est évident. Vous voyez d'ailleurs
l'épaisseur de ce dossier et il y en a probablement eu d'autres.
Mais M. Tout-le-Monde n'a pas fait ce cheminement et, quant à
moi, je pense qu'on aurait dû prendre des moyens pour expliquer au peuple
du Québec pourquoi ce qui avait l'air si gros, dans le fond,
était une excellente décision et je le maintiens encore
aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai voté contre. (20 h 45)
Remarquez bien - il y a une logique pour un administrateur des fois
aussi. Remarquez bien une chose: Vu par moi, en votant contre, je courais un
risque qui était de battre par mon vote la résolution; cela
aurait pu arriver. Mais vu par moi, ce n'était pas un gros risque parce
que je ne trouvais pas le règlement assez élevé et je me
disais: si cela arrive, on va renvoyer nos gars négocier pour une couple
de semaines et on se reprendra. Je ne sais pas si cela répond à
votre question.
Il y a une chose que j'aimerais ajouter maintenant que j'ai la parole,
M. le Président, peut-être que je serais non conforme au
règlement si j'étais à votre place, mais je suis un pauvre
témoin. Vous savez, j'ai quand même une inquiétude. Je ne
peux pas m'empêcher de m'interroger sur la réaction des autres
administrateurs d'autres sociétés d'État qui voient ces
délibérations -je parle des présents et des futurs - et
qui, à l'avenir, à la suite de cette assemblée, auront
toujours cette espèce de menace qu'un jour ils devront venir s'asseoir
à ma place et se faire poser des questions comme celles-ci: Qu'est-ce
que t'as dit? Comment tu l'as dit et pourquoi tu l'as dit ainsi?
M. le Président, je ne vous cache pas mon inquiétude
à cet égard.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Ce que je pourrais ajouter, M. Hébert, c'est
que s'ils font comme vous, qu'ils disent la vérité et qu'ils la
disent simplement, cela ne sera pas plus compliqué que pour vous et cela
se terminera rapidement. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): M. Hébert. M.
Hébert: Je regrette, M. le
Président, on ne peut pas administrer une entreprise avec
toujours l'inquiétude qu'on devra aller s'expliquer devant le public.
Des délibérations, si on veut parler librement et voter
librement, en son âme et conscience, il faut que cela soit secret dans
une entreprise, quelle qu'elle soit.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: II me reste à vous remercier, M.
Hébert. Bonne chance!
M. Hébert: Cela a été un plaisir, merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Hébert.
J'invite Mme Nicolle Forget...
M. Laplante: Avant d'appeler un autre témoin...
Le Président (M. Jolivet): Oui, pendant qu'elle
s'installe.
M. Laplante: Je n'ai pas voulu déranger M. Hébert
tout à l'heure... Non, vous pouvez aller M. Hébert.
Le Président (M. Jolivet): Vous êtes
libéré.
M. Laplante: II y a une remarque qui a été faite
par le député de Laporte que je voudrais qu'il corrige parce que
cela donne un mauvais effet. Lorsque vous avez dit que lorsqu'ils disent la
vérité, on ne les interroge pas longtemps, avez-vous fait
allusion à M. Laliberté?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte peut s'expliquer s'il le désire.
Une voix: II n'a pas compris.
M. Bourbeau: Tout ce que je dis, c'est que le
député de Bourassa n'a absolument pas compris ce que j'ai dit.
Vous lirez le journal des Débats et vous allez voir que ce n'est
absolument pas ce que j'ai dit.
M. Laplante: J'espère.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ceci
étant réglé, je demanderais à M. le greffier de
procéder à la même demande.
Mme Nicolle Forget
Le greffier (M. Jean Bédard): Pourriez-vous mettre la main
sur l'Évangile et répéter après moi: Je, vos nom et
prénom, jure et déclare solennellement que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
Mme Forget: Je, Nicolle Forget, déclare solennellement que
je dirai la vérité, toute la vérité et rien
que...
Le greffier (M. Bédard): Merci.
Mme Forget: ...la vérité. J'en ai manqué un
bout.
Le Président (M. Jolivet): Mme Forget, vous avez
probablement une déclaration préliminaire.
Mme Forget: M. le Président, je considère, comme
mon collègue du conseil qui m'a précédée, que la
lettre qui est devenue publique et qui fait partie des documents sessionnels
maintenant est ma déclaration préliminaire; mais je voudrais
demander à cette commission de me permettre à la fin de
déposer un commentaire final.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez tout le loisir.
Mme Forget: Merci.
Le Président (M. Jolivet): Allez, madame.
Mme Forget: J'ai demandé... Que je lise ma lettre?
Le Président (M. Jolivet): Oui, s'il vous plaît!
Mme Forget: Ah! mon Dieu, je pensais qu'elle était connue.
Elle est datée du 22 mars et elle est écrite sur le papier de la
société. Elle est adressée à M. René
Lévesque, premier ministre, à son bureau de Montréal, et
elle se lit comme suit: "M. le premier ministre, je suis pour le moins
peinée de ce que les médias d'information véhiculent
depuis quelque temps sur les à-côtés du règlement
intervenu dans l'affaire du saccage de LG 2. "Bien que j'aie voté
contre, je tiens à vous assurer que, quant à moi, le conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie-James
a pris la décision qu'il jugeait la plus saine pour l'entreprise et je
n'ai pas souvenance que des pressions aient été exercées
sur le conseil pour qu'il décide d'abandonner les poursuites civiles
entreprises quelques années plus tôt. Si cela était
jugé nécessaire, je me rendrai disponible pour en
témoigner. "Veuillez accepter..." J'ai signé Nicolle Forget,
membre du conseil d'administration, parce que je le suis toujours.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, madame. Voulez-vous rappeler la date de votre
entrée au conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie-James?
Mme Forget: Le 1er octobre 1978, comme mes collègues.
M. Duhaime: Voulez-vous nous dire si, à l'époque ou
encore aujourd'hui, vous avez occupé des postes au sein de conseils
d'administration ou encore d'organismes?
Mme Forget: Oui, ma carrière est surtout dans le
bénévolat. Pendant 20 ans, j'ai été porte-parole
d'une série de groupes et membre fondateur d'une série de
groupes, partant de la condition féminine... C'est surtout la
consommation qui m'a fait connaître un peu plus et qui m'a amenée
devant des commissions semblables à celle-ci, je reconnais des visages.
À l'époque qui nous concerne, j'étais membre du conseil
d'administration d'Hydro-Québec, de la Société
d'énergie de la Baie-James, d'Hydro-Québec International, de
l'Association des consommateurs du Québec et du Conseil
économique du Canada. J'ai été nommée au Conseil
économique du Canada la même semaine où j'ai
été nommée au conseil d'administration
d'Hydro-Québec et de la SEBJ. Cela a fait l'objet d'un commentaire de la
presse que vous pourrez retracer dans les journaux de l'époque.
Aujourd'hui, je suis membre du conseil d'administration
d'Hydro-Québec, de la SEBJ. Je suis présidente du conseil
d'administration de Nouveler Inc. Je suis membre de la Fondation
Thérèse-Casgrain, de l'Institut Vanier de la famille, du Festival
d'été de Lanaudière et j'en oublie quelques-uns.
M. Duhaime: Je voudrais vous demander si, pendant les
délibérations auxquelles vous avez participé, au conseil
d'administration de la SEBJ, concernant le procès qui était en
cours depuis le 15 janvier 1979, mais dont les procédures remontaient
à 1976, en aucun moment, soit en 1976, 1977, 1978 ou 1979, vous vous
êtes sentie l'objet de pressions de la part du premier ministre du
Québec concernant votre attitude dans la décision que vous auriez
à prendre et dans le jugement que vous auriez à porter dans cette
affaire?
Mme Forget: Avant 1978, de toute façon, je suis
obligée d'avouer que je ne connaissais pas grand-chose du saccage de LG
2, sinon ce que les médias d'information véhiculaient. Mes
préoccupations étaient davantage, à l'époque, dans
le monde de la consommation. De sorte que je m'informais, parce que je suis une
citoyenne informée, mais, en dehors de cela, non. À partir de
1978 non plus, je n'ai pas eu d'appel téléphonique, de rencontre,
de lettre, même pas de clin d'oeil de personne. Je ne considère
donc pas que j'ai subi des pressions.
M. Duhaime: Ni de M. Boivin, le chef de cabinet du premier
ministre?
Mme Forget: Je n'ai pas rencontré M. Boivin avant le
sommet de Montebello, parce qu'il y avait beaucoup de gens et on était
un petit groupe, mais je ne l'avais jamais vu avant.
M. Duhaime: De la part de Me Louis Gauthier, attaché
politique...
Mme Forget: Je ne connais pas Me Gauthier. J'ai vu sa photo dans
les journaux, c'est tout.
M. Duhaime: Me Yves Gauthier, oui. Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Mme Forget, M. Laliberté nous a dit,
aujourd'hui ou hier, que sa réunion avec M. Boivin, le chef de cabinet
du premier ministre, le 3 janvier 1979, il en avait communiqué le
contenu, c'est-à-dire le désir du premier ministre, ce qui
était le message demandant que la poursuite soit arrêtée,
donc, par un règlement, il en avait communiqué le contenu,
dis-je, à quelques-uns des membres et je pense que, sauf erreur, vous
étiez parmi les membres du conseil d'administration à qui il a
communiqué ce message. Est-ce que vous vous en souvenez?
Mme Forget: J'ai été bien flattée
d'apprendre que j'étais parmi le groupe de ses amis, mais je n'ai pas
souvenance...
M. Lalonde: Vous n'avez pas souvenance.
Mme Forget: ...qu'on ait parlé spécifiquement de
cela. On a parlé, à partir de novembre, de ce dossier, mais
vraiment tout le temps. On se voyait toutes les semaines. Les conseils
siégeaient de 9 h 30 le matin, Hydro-Québec, l'après-midi,
la SEBJ, très souvent, jusqu'à 20 heures le soir. On en a
beaucoup parlé. Mais je n'ai aucune souvenance qu'il m'ait parlé
d'une rencontre avec M. Boivin un 3 janvier.
M. Lalonde: À quel moment à peu près
avez-vous pris connaissance - je comprends que vous êtes membre du
conseil d'administration, vous ne faites pas partie de la direction à
temps plein - des projets de règlement hors cour de cette poursuite?
Mme Forget: Je ne peux pas vous indiquer de moment précis.
Évidemment, il s'est dit beaucoup de choses et il faut faire le partage
entre ce qu'on reconsidère après coup; c'est sans doute à
cette époque-là. Mon souvenir de l'ensemble, c'est plutôt
un continuum. Le cheminement commence dès la première question,
en novembre, quand cela nous est arrivé. Les dossiers nous arrivaient au
fur et à mesure de l'urgence. C'était normal, nous étions
nouveaux. Nous avons donc demandé de l'information
supplémentaire. Mon souvenir, c'est que vraiment, à partir de
là, le dossier a tourné et tourné de plus en plus vite.
Enfin, il y avait un sentiment de doute. Il me semble qu'il s'est
installé dès ce moment, jusqu'à ce qu'on en arrive
à une décision de règlement. Alors, je ne peux pas vous
dire quand, exactement, c'est arrivé la première fois. Je peux me
référer aux procès-verbaux et dire: "Voici, j'étais
présente ou pas et on a déposé telle pièce,
mais..."
M. Lalonde: C'est probablement à l'occasion d'une
réunion du conseil d'administration, au cours de cette période,
on peut retrouver les procès-verbaux dans les...
Mme Forget: C'est le moment le plus normal.
M. Lalonde: Si je comprends bien -vous l'avez d'ailleurs dit dans
votre lettre -vous avez voté contre.
Mme Forget: J'ai voté contre.
M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont -
enfin, si c'est pertinent - les principales raisons qui vous ont amenée
à voter contre le règlement?
Mme Forget: C'était une raison de principe, M. le
Président. Des milieux où je venais, il me semblait que nous ne
pouvions pas régler... Je devrais prendre cela autrement. Je recommence.
J'étais favorable à l'exploration. J'étais favorable
à la négociation. Ce sont deux choses différentes, cela et
le résultat. Le résultat, pour moi, 1 $ ou 200 000 $,
c'était un résultat inacceptable. Enfin, cela aurait presque
été mieux d'avoir un résultat symbolique de 1 $
plutôt que d'en arriver là. Je ne pouvais pas, compte tenu de mon
lien avec les consommateurs québécois et les citoyens en
général, les groupes de citoyens, accepter qu'on règle
à si bas prix. J'aurais, moi aussi, souhaité qu'on atteigne
quelques millions, mais ils n'étaient pas là. Le règlement
est venu et j'ai voté contre. Voilà.
M. Lalonde: Merci. Une dernière question.
Étiez-vous au courant des tractations et des rencontres avec les
différents avocats au bureau du premier ministre, tel qu'il a
été démontré aujourd'hui, soit des avocats de la
défense ou des avocats de la SEBJ? Pendant toute cette période,
est-ce qu'on vous a mise au courant de cela?
Mme Forget: Je ne peux pas me rappeler qu'on nous ait
parlé de cela.
M. Lalonde: Merci, madame. Mme Forget: Je vous en
prie.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Il n'y en a pas d'autres? Merci, madame.
Mme Forget: Mon commentaire final...
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vrai. Excusez-moi,
je l'oubliais.
Mme Forget: M. le Président, le collègue qui m'a
précédée a déjà émis certains
commentaires. Je suis obligée, après ces deux journées
d'audiences - peut-être que je devrais dire d'enquête - de
souligner le fait que c'est un précédent très grave. Nous
étions venus ici pour éclairer les élus et la
société en général, non comme témoins
à charge ni comme accusés, ni comme témoins hostiles, mais
vraiment pour vous éclairer sur les motifs qui nous avaient
amenés à la décision que nous avons prise en toute
liberté, quant à moi; et d'autres l'ont dit déjà
ici.
Comme, en cours de route, cela a glissé et que les faits nous
démontrent qu'on est quasiment en commission d'enquête - je suis
obligée d'invoquer que, professionnellement, je suis peut-être un
peu plus au fait de cela - je suis profondément mal à l'aise
quant à l'avenir. Qui va accepter...? Je le dis parce que je viens du
milieu des citoyens, M. Hébert vient d'un autre milieu, mon
collègue précédent vient d'un autre milieu. Mais les
citoyens qu'on essaie d'intéresser à la chose publique, qui
d'entre eux, dans toutes nos structures - on y croit, à la
représentation, je pense que l'ensemble de l'Assemblée nationale
y croit beaucoup et c'est important pour une société - va
accepter de siéger à des conseils, des régies, des
offices, etc., si ces gens ne sentent pas, en dehors du principe
d'"accountability" que, de toute façon, on accepte tous en assumant ces
fonctions, qu'ils ont un certain véhicule pour les protéger, pour
éviter que leur réputation soit entachée juste par le fait
qu'il y a un doute qui est créé? (21 heures)
Puisque je suis la seule femme parmi ce "club de mâles", que
ça fait 20 ans que c'est comme ça et qu'on essaie de faire
passer des femmes dans des structures, vous comprendrez que, là
où, en ce moment, on tente d'obtenir des sièges pour les femmes
à des conseils, l'expérience que je vis et le doute qui a
été semé sur mon intégrité comme membre du
conseil, sur les jugements que j'ai pu porter, sur mon habileté à
prendre la juste décision, c'est un tort irréparable. Si je me
permets de faire ce commentaire final, c'est pour nous assurer, puisqu'on teste
cette loi-ci et ces mécanismes, que ceux qui l'ont vécu, nous
tous ensemble finalement, on trouve une façon pour qu'à l'avenir,
la lumière soit faite, oui, mais dans un cadre où tout le monde
se sentira vraiment très à l'aise de le faire et acceptera
d'assumer des charges au nom de la collectivité.
Le Président (M. Jolivet): Un instant,
M. le ministre.
M. Duhaime: Mme Forget, avant de vous remercier, je voudrais
essentiellement souligner que votre message a été entendu.
J'espère qu'il sera retenu. Si nous avions pu procéder autrement,
j'aurais peut-être préféré vous entendre au tout
début des travaux de cette commission. Je regrette qu'il n'en fût
pas ainsi. Si vos propos sont adressés à tous les parlementaires,
j'admettrais au départ qu'il s'adressent aussi à tous ceux - je
le dis sans oublier personne - qui sont assis à la même table que
vous, madame.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: En ce qui concerne les derniers propos, ils
soulèvent un problème extrêmement pertinent. Dans le
cheminement que nous faisons actuellement tous ensemble au Québec, dans
la fonction publique, il y a la théorie de l'imputabilité qui
semble se développer. On va le voir dans la réforme parlementaire
qui, je l'espère, verra le jour bientôt. On voit de plus en plus
les fonctionnaires devoir répondre, non pas seulement devant
l'Exécutif mais aussi devant l'Assemblée nationale. Je comprends
vos propos. Il est assez facile pour moi de dire que c'est pour cela mais ce
n'est peut-être pas pour cela; je veux quand même souligner que,
parmi les témoins que nous avions inscrits sur la liste des
témoins convoqués, nous n'avions pas inscrit les membres du
conseil d'administration de la SEBJ. Nous voulions les fonctionnaires à
plein temps de la SEBJ et d'Hydro-Québec. Nous avions donc M. Robert
Boyd, qui était P.-D.G. d'Hydro-Québec en 1979, nous avions aussi
M. Lucien Saulnier, qui était président du conseil
d'administration de la SEBJ et d'Hydro-Québec en même temps, en
1979. Nous avions M. Claude Laliberté, P.-D.G. de la SEBJ. En 1979, il y
avait également M. Roland Giroux. Mais nous ne mettions pas en cause le
conseil d'administration comme tel. Il y avait aussi MM. Boivin, Gauthier, Me
Michel Jasmin, enfin tous les avocats et les deux cousins Latouche.
C'était la liste que nous avions.
Le gouvernement a cru bon d'inviter le conseil d'administration. Vous
avez vu qu'en ce qui concerne le conseil d'administration cela fait un peu
moins d'une heure que nous avons commencé et nous avons terminé
avec deux des quatre membres qui sont convoqués pour aujourd'hui. C'est
surtout ceux qui étaient responsables et qui communiquaient avec le
pouvoir exécutif à ce moment-là qui devaient rendre compte
de leurs faits et gestes. C'est pour cela d'ailleurs que vous voyez
l'extrême différence entre les questions et réponses de M.
Laliberté, d'une part, et les questions et réponses - vous
êtes la deuxième membre du conseil d'administration ce soir... Il
reste quand même que quiconque accepte une fonction d'administrateur
d'une société aussi publique que peut l'être une
société d'État peut être appelé à
rendre compte de ses actes devant les élus du peuple.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'en ai presque les larmes aux yeux, pour être
bien honnête. Je voudrais simplement relire devant cette commission les
propos tenus par M. Lalonde, le 23 mars 1983, au salon bleu de
l'Assemblée nationale.
À la page 3, si vos recherchistes veulent me suivre: "M. le
secrétaire général, qui présidez cette
réunion, j'aimerais que vous m'accordiez la même latitude pour
m'exprimer que celle qu'a eue le leader du gouvernement. Je ne l'ai pas
interrompu. "Il est de mon devoir de vous informer que notre formation
politique, compte tenu de la gravité des accusations portées
contre le premier ministre, le leader du gouvernement ne semble pas se rendre
compte jusqu'à quel point l'honneur et l'intégrité de
l'Assemblée nationale ont été mis en cause. "Nous
n'accepterons pas de nous associer à aucun des travaux prévus au
feuilleton d'aujourd'hui à cause, justement, du caractère
très sérieux des accusations qui ont été
portées, à moins d'avoir un engagement du premier ministre de
prendre des dispositions claires, définitives pour que toute la
lumière soit faite et que tous les témoins entourant cette
affaire soient entendus."
Ce que j'entends ce soir, M. le Président, est un reproche
voilé, pour prendre le même ton, en ce sens que nous n'aurions
peut-être pas dû convoquer ici les membres du conseil
d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James. Si vous lisez
les articles produits en première page du quotidien La Presse, le 17
mars, répétés le 18, avec des mises au point le 19 mars,
si ce ne sont pas l'intégrité et le caractère
professionnel et ce que j'appellerais "la confiance" que la population du
Québec porte aux hommes et aux femmes qui acceptent de siéger aux
conseils d'administration de nos sociétés d'État qui sont
mis en cause, je me demande ce qui est en cause. Je suis convaincu que les
premiers...
Des voix: Jamais de la vie! Des voix:Je n'ai rien
compris.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre.
Vous allez pouvoir continuer mais... s'il vous plaît! J'ai cru
comprendre, je le répète... M. le député!
M. Lalonde: Vous avez lancé un débat.
Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre une seule
chose. Au début de la commission parlementaire, hier matin, on a dit ici
qu'il fallait éviter les quolibets, les interruptions. Je vous le
demande de nouveau. M. le ministre a la parole, qu'il la conserve. M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je vais terminer
là-dessus parce que j'aurai l'occasion de revoir ceux de ma gauche,
madame, soyez sans inquiétude. Je veux simplement dire ceci. Nous
aurions souhaité -je l'ai dit à plusieurs reprises - depuis le
début de cette commission, que nous puissions, avec
célérité, avec honnêteté, avec franchise et
avec justice, puisque la Société d'énergie de la
Baie-James a produit ce que j'appellerais une "brique", incluant même, ce
que je n'ai jamais vu de ma vie dans une commission parlementaire en tout cas,
les honoraires détaillés des avocats et des conseillers
juridiques de la Société d'énergie de la Baie-James, au
cent près. On a tout mis sur la table. Cela fait maintenant deux jours
d'insinuations. Et on arrive à 21 h 09, après deux
journées. Peut-être avez-vous écouté le
téléjournal? Cela a dû vous inspirer. Vous venez de vous
rendre compte que l'accusation de bouffonnerie que j'ai portée sur votre
conduite, cet après-midi, avait été perçue comme
telle par plusieurs citoyens et citoyennes du Québec. Cela, je peux vous
le dire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Perron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Oui, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Je crois que les interventions faites de part et
d'autre de cette table... Je crois que nous avons maintenant fini avec Mme
Forget, qui est membre du conseil d'administration de la SEBJ. On pourrait lui
permettre, ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent, de se retirer.
Étant assermentée - ce avec quoi je ne suis pas tout à
fait d'accord - il serait peut-être bon qu'on puisse la libérer
avant de continuer le débat que nous avons entre nous.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Avant de
répondre à votre question de règlement, il faudrait que je
demande d'abord à Mme Forget si elle a terminé. Si elle a
terminé, je l'inviterais à se retirer. D'un autre
côté, je ne suis pas sûr que je permettrai un débat,
puisque le but de la commission parlementaire est d'interroger des
témoins que nous avons invités à venir dire les
renseignements qu'ils ont à nous donner. Actuellement, j'ai simplement
permis à deux personnes de s'exprimer de part et d'autre. Je croyais
comprendre que M. le député de Marguerite-Bourgeoys ferait une
sorte de conclusion au débat qu'on avait un peu entrepris et qu'on
pourrait ensuite passer à une autre personne qui est invitée
à venir ici ce soir. Est-ce que vous avez terminé maintenant, Mme
Forget. Si vous voulez, on peut vous libérer.
Mme Forget: M. le Président, j'ai terminé et je
suis heureuse et malheureuse de constater que vous êtes obligé de
mettre fin à ce débat.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas fini.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je ne peux pas laisser passer
les paroles du ministre qui, d'une part, nous reproche d'avoir demandé
et obtenu une commission parlementaire que le premier ministre a dit plus tard,
le lendemain, que, de toute façon il s'apprêtait à
créer, après une question de privilège.
La commission parlementaire étant la volonté du premier
ministre, je pense qu'il est malvenu de reprocher qu'il y ait eu une commission
parlementaire. Maintenant je pense que, de notre côté, nous nous
sommes conduits comme des élus du peuple qui sont responsables et qui
ont très bien préparé leur dossier, qui ont
travaillé très fort pour comprendre ce qui s'est passé et
obtenir l'éclairage nécessaire pour savoir ce qui s'est
passé. Et je n'accepte pas du tout les
accusations de "bouffonnerie" que le ministre nous lance. Je pense que
c'est tout à fait exagéré, c'est tout à fait
injuste.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, il y avait M.
le leader qui semblait vouloir intervenir.
M. Bertrand: Ce sera très bref, M. le Président.
Simplement pour dire ceci: Je me rappelle très bien que lorsque nous
avons décidé, dans un cadre normal de fonctionnement de
commission parlementaire, de convoquer la commission de l'énergie et des
ressources, on s'est fait reprocher par le leader de l'Opposition de n'avoir
pas convoqué la commission de l'Assemblée nationale pour que
cette commission de l'Assemblée nationale puisse être une
véritable commission d'enquête. Il a parlé, dans une
conférence de presse, de deux procès qui devaient se faire
à l'occasion de la tenue de cette commission parlementaire; il a
parlé continuellement de témoins. C'est eux, aujourd'hui, qui ont
demandé que les personnes qui sont venues se faire entendre ici
prêtent serment et je voudrais rappeler qu'au tout début des
travaux de cette commission j'ai réitéré - je l'avais dit
moi-même en conférence de presse - que la commission parlementaire
de l'énergie et des ressources allait être convoquée pour
entendre des personnes et que nous allions faire en sorte que toutes les
personnes qu'on voulait entendre, de part et d'autre, soient entendues, mais
non pas dans un contexte de commission d'enquête. Et le leader de
l'Opposition est revenu à la charge quelques fois, aujourd'hui et hier,
pour dire qu'il avait demandé qu'il y ait une commission d'enquête
publique. Dans ce contexte, il ne peut pas, ce soir, se dérober et
laisser entendre aux gens et à la population qu'à toutes fins
utiles il n'a pas voulu transformer cette commission parlementaire en
commission d'enquête, en véritable tribunal, et surtout avec cette
façon de procéder avec les gens qui viennent ici et les faire
assermenter à chaque fois.
Je crois que le sens du message qui a été livré au
leader de l'Opposition est qu'effectivement, toutes les attitudes qu'il a eues
depuis le début, autant dans sa façon de concevoir le travail des
parlementaires que dans sa façon de vouloir convoquer une commission
parlementaire et le type de commission parlementaire, c'est bien la
démonstration qu'effectivement le leader de l'Opposition voulait qu'on
soit ici un tribunal.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader. M. Lalonde:
Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, juste avant de vous
l'accorder, M. le député. J'avais dit que j'essaierais de clore
le débat le plus rapidement possible parce que je pense qu'on a encore
trois autres invités à entendre: MM. Gauvreau, Thibaudeau et
Laferrière et que j'aimerais être capable, peut-être
aujourd'hui, d'écouler l'ordre du jour. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Les propos du leader du gouvernement sont dans le
sens de me prêter des motifs indignes pour avoir simplement fait appel
à la Loi sur l'Assemblée nationale à l'article 52. C'est
la loi que lui-même a présentée à l'Assemblée
nationale. C'est lui-même qui a inclus l'article 52 qui permet à
un membre de demander qu'un témoin, qu'un invité soit
assermenté.
M. Laplante: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous
plaît!
M. Lalonde: Nous n'avons fait que nous prévaloir des
droits et des privilèges qui sont prévus par la loi que
lui-même, le leader du gouvernement...
Le Président (M. Jolivet): J'ai une question de
règlement de la part du député de Bourassa.
M. Laplante: Je voudrais justement que le règlement soit
appliqué. Nous ne sommes pas dans des motions; nous ne sommes pas dans
des travaux ou motions préliminaires à nos travaux, c'est que les
témoins soient appelés...
Le Président (M. Jolivet): Autrement dit, M. le
député, d'inviter le prochain invité, ce que je vais faire
d'ailleurs.
M. Laplante: Oui, s'il vous plaît!
Le Président (M. Jolivet): M. Georges Gauvreau, s'il vous
plaît! M. le député de Gatineau.
M. Blouin: ...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Dès que vous allez constater que l'Opposition
ou quiconque déroge au règlement, signalez-le. Jusqu'à
maintenant, depuis deux jours, cela n'est pas arrivé. J'en conclus donc
que nous avons agi selon le règlement de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauvreau.
M. Blouin: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas qu'on s'embarque dans des questions de règlement au
moment où j'ai invité M. Gauvreau à prêter
serment.
M. Blouin: Ce sera très bref, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit,
pourrait-on demander à l'Opposition d'éviter l'assermentation
systématique, s'il vous plaît?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
laissez-moi vous dire que je n'ai pas cet assentiment. Je demande à M.
Gauvreau d'être assermenté.
Le greffier (M. Jean Bédard): M.
Gauvreau, voulez-vous mettre la main sur l'Évangile et
répéter après moi: Je (nom et prénom du
témoin) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
M. Georges Gauvreau
M. Gauvreau (Georges): Je, Georges Gauvreau, déclare que
je dirai toute la vérité et rien que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Gauvreau, avez-vous une
intervention préliminaire?
M. Gauvreau: Non, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous pouvez
poser vos questions, puisque M. Gauvreau vous y invite.
M. Duhaime: M. Gauvreau, voulez-vous nous dire à quel
moment vous avez été nommé au conseil d'administration de
la Société d'énergie de la Baie-James?
M. Gauvreau: En même temps que la fondation de la
société, en octobre 1978, mais je pense qu'il est utile de dire
que je siège à Hydro-Québec depuis 1961.
M. Duhaime: Depuis quelle année? M. Gauvreau: Mai
1961.
M. Duhaime: Depuis 1961. M. Gauvreau, avez-vous été
membre de ce qu'on appelait autrefois la Commission hydroélectrique?
M. Gauvreau: C'est cela. J'ai été membre de la
Commission hydroélectrique dès 1961.
M. Duhaime: 1961.
Le Président (M. Jolivet): J'ai aussi de la
difficulté à comprendre. Voulez-vous approcher votre micro?
M. Gauvreau: Cela va.
M. Duhaime: M. Gauvreau, on ira rapidement. Vous êtes
administrateur à la Société d'énergie de la
Baie-James. Vous assistez depuis hier à ces discussions en commission
parlementaire. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Je
vais aller dans le vif du sujet et très rapidement.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M.
Gauvreau.
M. Gauvreau: Pardon. Je ne suis plus administrateur.
M. Duhaime: Je sais. Au cours de janvier et de février
1979, je comprends que vous étiez membre du conseil d'administration de
la SEBJ, d'après les procès-verbaux dont on a fait état.
Je ne veux pas revenir sur les dates des réunions du conseil
d'administration, mais avez-vous participé activement comme
administrateur à la SEBJ à la prise de décision sur
l'attitude à prendre quant à un règlement hors cour ou non
de l'action intentée par la SEBJ pour un montant de 31 000 000 $ contre
trois ou quatre syndicats?
M. Gauvreau: J'ai participé à toutes les
délibérations. Quand vous dites "aux décisions", je crois
que, s'il y a des mandats qui ont été donnés à des
avocats, j'ai participé à ces décisions.
M. Duhaime: M. Gauvreau, je voudrais savoir dans vos mots,
lorsque le conseil d'administration de la SEBJ a pris ce que j'appellerais la
décision finale de donner un mandat à ses procureurs de
procéder à un règlement hors cour, si vous avez
participé à cette réunion et aux
délibérations.
M. Gauvreau: J'ai participé à cette réunion
et aux délibérations, oui.
M. Duhaime: Cela me chagrine un peu de vous demander de casser le
secret traditionnel des délibérations des conseils
d'administration, mais vous allez comprendre qu'après ce qu'on a pu lire
dans les journaux et depuis ce qui se dit à cette commission
parlementaire, je me sente un peu plus à l'aise, et vous de même,
sans aucun doute. Pourrais-je vous demander votre attitude, votre position dans
ce dossier et ses motifs?
M. Gauvreau: Mon attitude finale, le 6 mars, c'est que j'ai
voté en faveur du règlement. Les motifs, je pense que ce sont les
mêmes motifs que tous ceux qui ont été mentionnés au
cours des séances de cette commission. Je peux les
énumérer en quelques mots. C'était que, à la suite
des délibérations, des échanges de points de vue, des
arguments... Je pense un peu à ce qu'on nous demande toujours: Est-ce
qu'il y a eu une influence, un message, une directive? Il y a aussi les
délibérations, les opinions de tous les membres autour de la
table qui se parlent, qui s'influencent les uns les autres et qui jouent un
certain rôle dans une opinion.
Dans mon cas, à la suite de ces délibérations, j'en
suis venu à la conclusion que ce n'était pas une voie qui menait
à une solution pratique. Je peux encore les résumer, les
reprendre en quelques mots. Le fait que les syndicats n'étaient pas
solvables au Québec, que les chances d'exemplification, de
réalisation ou d'exécution aux États-Unis étaient
très faibles, très éloignées et très
coûteuses. Il y avait la commission Cliche qui a siégé
pendant un an, un an et demi et qui a établi des responsabilités
et à la suite de laquelle il y a eu des condamnations au criminel. Ce
sont les principales raisons. Il y a aussi le problème de la valeur de
l'exemple sur lequel j'ai évolué un peu, parce que j'étais
au courant de cette action depuis 1975. Parce que, lorsque la
Société d'énergie de la Baie-James a pris l'action, je
n'étais pas un des membres de la Société d'énergie
de la Baie-James - il y avait trois commissaires membres de la
Société d'énergie de la Baie-James - et j'étais
à Hydro-Québec. Nous étions informés. Il y a eu une
petite résolution d'Hydro-Québec, je pense, qui donnait son appui
à toutes ces démarches.
À ce moment-là, si une action n'avait pas
été prise, cela m'aurait paru impensable. Je croyais normal
qu'une action soit prise, étant donné l'envergure des
dégâts causés et des dommages. Je pense aussi que, à
ce moment-là, quelle que soit la possibilité de toucher des
dommages des syndicats, même si c'était très incertain, il
fallait absolument s'engager dans la cause. Il y avait une autre idée
qui était dans la tête, à mon avis, de tous les
gestionnaires et qui était dans la tête de bien des gens dans la
province en général. C'est que, lorsque des syndicats causent des
dommages, ils devraient payer pour cela, il devrait y avoir une
pénalité au bout de cela. On ne devrait pas laisser passer cela.
À mon avis, la cause devait être engagée, quelles que
soient les chances. À mon avis, il n'y a jamais eu beaucoup de chances
de récupérer des sommes aussi considérables des
syndicats.
Mais, avec l'évolution, avec la discussion qu'il y a eu autour de
la table et aussi avec les conclusions de la commission Cliche, il m'a
semblé que cette philosophie de la valeur d'exemple ne valait pas pour
ce cas, pour une cause aussi considérable. Aussi, vu l'état des
travaux à la Baie-James, la paix sociale qui était revenue, la
paix syndicale que nous avions tellement désirée et qui
était tellement nécessaire, il m'a semblé, à un
moment donné, que l'idée de la valeur d'exemple n'avait plus son
poids et qu'on s'en allait dans une voie sans issue qui ne menait nulle part et
qui pouvait même nous créer des embêtements. Il m'a
semblé qu'il était préférable de mettre fin
à cette cause, qu'on n'en parle plus.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Gauvreau, vous avez siégé à
ce conseil d'administration - peu importe que cela soit à la Commission
hydroélectrique, à Hydro-Québec, à la
Société d'énergie de la Baie-James, comme administrateur
un jour, commissaire un autre jour - de 1961 à 1979, l'époque de
ces événements, donc, pendant 18, 19 et peut-être
même 20 ans. Au moment où, en janvier 1979, lors des
délibérations du conseil d'administration - cela a
été indiqué tout à l'heure, mais je n'ai pas la
date en tête -quelqu'un du conseil d'administration a fait valoir qu'il
serait peut-être souhaitable que le président du conseil
d'administration, M. Saulnier, que le P.-D.G. d'Hydro-Québec, M. Boyd,
et que le P.-D.G. de la Société d'énergie de la
Baie-James, M. Laliberté, sollicitent une entrevue et demandent une
consultation ou un avis au premier ministre du Québec, est-ce que vous
étiez présent?
M. Gauvreau: Oui, j'étais présent.
M. Duhaime: Est-ce que cela vous est apparu comme étant
quelque chose d'anormal qu'en pareilles circonstances on croie utile de
demander l'opinion du premier ministre?
M. Gauvreau: Étant donné qu'on savait que le
premier ministre avait déjà indiqué qu'il souhaitait un
règlement, on s'est dit: On l'apprend, mais d'une façon assez
floue. Quelqu'un a proposé qu'on délègue le
président du conseil et les deux P.-D.G. pour aller faire une visite
officielle et obtenir directement de lui un mandat. On a pensé que ce
serait préférable parce qu'on saurait vraiment quelle est la
position du premier ministre.
M. Duhaime: Vous donnerez des détails, si vous le
souhaitez, M. Gauvreau mais la seule chose que je voudrais vous demander, c'est
ceci: Est-ce que, dans votre cas à vous, cette démarche
constituait un précédent?
M. Gauvreau: Sous cette forme, c'était un
précédent. Mais, vous savez, j'ai siégé à
Hydro-Québec sous cinq premiers ministres et sous sept ministres des
Richesses naturelles. Des échanges de points de vue, des interventions,
des suggestions, des téléphones, il y en a eu sans fin sous tous
les gouvernements, et de conséquences aussi lourdes et même
beaucoup plus lourdes pour Hydro-Québec que dans ce cas-là.
M. Duhaime: M. Gauvreau, comme vous connaissiez cette orientation
du premier ministre, qui fut exprimée par MM. Saulnier, Boyd et
Laliberté au retour de leur entretien du 1er février à
votre conseil d'administration qui a suivi, à savoir que le premier
ministre favorisait un règlement hors cour - je viens d'entendre ce que
vous avez dit, cela confirmait ce que vous saviez déjà, que le
premier ministre était favorable à un règlement hors cour
- l'attitude du premier ministre, en aucun temps, a-t-elle influencé
votre propre décision dans ce dossier.
M. Gauvreau: Pas du tout.
M. Duhaime: Est-ce que le chef de cabinet du premier ministre, Me
Jean-Roch Boivin, a communiqué avec vous...
M. Gauvreau: Pas du tout.
M. Duhaime: ...de quelque façon que ce soit dans ce
dossier?
M. Gauvreau: Jamais.
M. Duhaime: Est-ce que Me Yves Gauthier, attaché politique
au cabinet du premier ministre, a communiqué avec vous de quelque
façon que ce soit dans ce dossier?
M. Gauvreau: Jamais.
M. Duhaime: Merci, M. Gauvreau.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. Gauvreau, vous avez dit tout à l'heure que,
lorsque le conseil a suggéré qu'on envoie les trois sages
rencontrer le premier ministre, le conseil savait déjà que
c'était le désir du premier ministre que cela se règle
pour mettre fin à la poursuite. Est-ce que vous vous
référez à la réunion de M. Laliberté avec M.
Boivin?
M. Gauvreau: Non, je ne me réfère à aucune
réunion. Je me souviens simplement qu'à ce moment-là nous
savions que le premier ministre - cela nous avait été dit
à un moment ou à l'autre, mais je ne pourrais pas vous dire
à quelle date ni à quelle assemblée - souhaitait qu'on
règle.
M. Lalonde: Vous connaissez très très bien M. le
premier ministre et de longue date.
M. Gauvreau: Je le connais depuis longtemps, mais je ne le vois
pas souvent. (21 h 30)
M. Lalonde: Parmi les sept ministres des Richesses naturelles, il
fut le premier. C'était lui qui était ministre des Richesses
naturelles quand vous avez été nommé à
Hydro-Québec la première fois, en 1961.
M. Gauvreau: Mes expériences de l'intervention de
l'État remontent à ce temps-là.
M. Lalonde: Le connaissant...
M. Gauvreau: Cela pourrait être long. S'il fallait toutes
les raconter, il y a pas mal de personnes qui y passeraient.
M. Lalonde: Rien ne vous surprend plus. M. Gauvreau: Non,
pas du tout.
M. Lalonde: Avec ce rapport tout à fait spécial
avec le premier ministre actuel, ami d'enfance, celui qui vous a...
M. Gauvreau: Ce n'est pas un ami d'enfance.
M. Lalonde: Ah bon! Je m'excuse. Je pensais que vous aviez dit
que depuis très longtemps vous le connaissiez.
M. Gauvreau: Non, non, c'est étrange. J'ai demeuré
où il est né. Nous sommes allés dans le même
collège. On s'est connu, mais nous n'étions pas amis
d'enfance.
M. Lalonde: C'est le ministre qui était en fonction
lorsque vous avez été nommé à
Hydro-Québec.
M. Gauvreau: Oui, oui, et il en reste une certaine
amitié.
M. Lalonde: Vous maintenez que sa décision ou, enfin, son
désir, son voeu pieux ne vous a influencé d'aucune
façon?
M. Gauvreau: Écoutez, pendant toutes ces années,
surtout sur les choses syndicales, il y a toujours eu des problèmes. On
a souvent été en désaccord. On a eu des discussions assez
violentes. Je remonte à des années assez lointaines.
M. Lalonde: J'espère qu'il avait toujours un bon langage.
J'espère qu'il maintenait quand même un bon langage.
M. Gauvreau: II a toujours eu le même langage, mais cela ne
m'a jamais impressionné.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Étiez-vous au courant, pendant toute cette
période-là, des voyages, des vacations, comme on dit dans le
jargon juridique, des avocats au bureau du premier ministre?
M. Gauvreau: Je savais qu'on avait des avocats au bureau du
premier ministre. Je savais qu'on avait des avocats et qu'ils avaient un
mandat, mais j'ai été très surpris d'apprendre qu'il y
avait eu autant de rencontres. Je ne pensais pas...
M. Lalonde: Toutes ces rencontres au bureau du premier ministre,
d'avocat à avocat, vous n'étiez pas au courant de cela?
M. Gauvreau: Non, non. De toute façon, quand on donne
mandat - notre contentieux s'occupait du mandat - on fait confiance à
nos procureurs. On suppose qu'ils font leur travail. On a des rapports de temps
à autre. On ne suit pas cela au jour le jour, le nombre de
réunions. Ce n'est pas une façon d'administrer. On n'a pas le
temps de s'occuper de cela. On attend qu'ils nous fassent rapport, qu'il y ait
des développements significatifs.
M. Lalonde: Est-ce que le montant de 200 000 $ en
règlement pour une réclamation de 32 000 000 $... J'imagine que,
lorsque la réclamation de 32 000 000 $ a été
commencée vous étiez en fonction; à ce moment-là,
vous n'étiez pas à la Société d'énergie de
la Baie-James, vous étiez à Hydro-Québec.
M. Gauvreau: Oui. Le montant a été établi
par l'équipe de la Société d'énergie de la
Baie-James, mais je savais que la poursuite était de 32 000 000 $.
Évidemment, c'est un montant considérable à
demander à des syndicats, des syndicats québécois.
D'avance, on savait qu'on s'en allait vers quelque chose qui serait bien en
dessous de cela. Que les économistes et l'équipe
d'ingénieurs qui ont travaillé à bâtir le dossier
soient arrivés à ce montant, cela ne me surprend pas. N'oubliez
pas que, dans ce temps-là, en 1973, 1974, 1975, même dans la
période de Manic 5 avant, des retards dans la mise en opération
d'une centrale, des millions de kilowattheures perdus pendant une semaine, un
mois, deux mois, trois mois, représentaient des millions. Aujourd'hui,
la situation est un peu changée. Je n'étais pas surpris qu'on...
On tenait toujours, toujours compte, dans toutes sortes de tractations, de ces
choses-là. Par exemple, avec les entrepreneurs en construction, si un
entrepreneur, parce qu'il était en retard, était responsable d'un
délai dans la livraison d'un groupe, on tenait compte de ces
kilowattheures. Il est tout à fait normal que le montant du retard ait
été inclus même si on savait que cela avait
été bâti en vue d'arriver à un règlement
inférieur.
M. Lalonde: Excusez-moi. Si on tient compte des dépenses
directes, des dommages d'abord, de l'augmentation de la prime d'assurance qui
est de plusieurs millions dans la réclamation et d'autres dommages plus
directs que le retard qui est autour de 21 000 000 $, est-ce que le montant de
200 000 $ du règlement vous a paru un peu maigre?
M. Gauvreau: Cela me paraît dérisoire et triste.
Mais seulement c'est justement une des raisons pour lesquelles j'en suis venu
à la conclusion que c'était une cause qui ne menait nulle part,
parce qu'on ne pouvait pas, d'après tous nos conseillers, espérer
obtenir plus que 300 000 $. À un moment donné, on avait
l'impression qu'on travaillait un peu dans le vide.
M. Lalonde: Je vous remercie, maître.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Il n'y a pas d'autres questions? Je vous remercie. M. Gauvreau, je
vous libère. J'inviterais M. André Thibaudeau à venir
s'installer et M. le greffier à aller le rencontrer.
Le greffier (M. Jean Bédard): Pourriez-vous mettre la main
sur l'Évangile et répéter après moi: Je (nom et
prénom) jure ou déclare solennellement que je dirai toute la
vérité et rien que la vérité.
M. André Thibaudeau
M. Thibaudeau (André): Moi, André Thibaudeau, je
jure que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M.
Thibaudeau, est-ce que vous avez une entrée en matière ou
si on passe directement aux questions? M. le ministre, on passe directement aux
questions.
M. Duhaime: On va prendre juste une seconde.
Le Président (M. Jolivet): Parfait. Allez, M. le
ministre.
M. Duhaime: M. Thibaudeau, vous
siégez comme administrateur au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie-James depuis quand?
M. Thibaudeau: J'ai siégé à la
Société d'énergie de la Baie-James du 1er octobre 1978
jusqu'au 10 ou 12 octobre 1980 à peu près.
M. Duhaime: Parallèlement à ces occupations comme
administrateur de la
SEBJ, à l'époque de votre nomination, quel était
votre travail?
M. Thibaudeau: Je suis professeur titulaire à
l'École des hautes études commerciales. Je suis professeur en
relations du travail.
M. Duhaime: Pendant la période 1978-1979, alors que vous
siégiez au conseil d'administration de la SEBJ, est-ce que vous seriez
en mesure d'évaluer quel était l'état des relations de
travail sur le chantier de LG 2?
M. Thibaudeau: Écoutez, étant en relations de
travail, étant conseiller en relations industrielles, ayant fait des
études là-dedans, ayant milité dans le mouvement syndical,
tous ces problèmes m'intéressent; comme le rapport Cliche, je
l'ai suivi, je connaissais très bien M. Cliche. J'ai suivi tout cela
comme professionnel, cela m'intéressait. J'étais professeur
depuis 1968. Tout de même, j'en avais besoin pour mes cours, pour mes
élèves. Lorsque je suis arrivé au conseil d'administration
de la Baie-James, j'ai constaté, surtout après des visites et des
discussions avec M. Hamel ou d'autres, que les relations de travail à la
baie James étaient passablement bien. C'est évident que c'est dur
de vivre là pendant des semaines et des semaines comme travailleur dans
un chantier éloigné, mais j'ai trouvé que les conditions
de travail étaient passablement bien et que l'atmosphère, telle
que décrite, qui existait avant le saccage, cela était du
passé.
M. Duhaime: À titre d'expert, en quelque sorte, en
relations de travail, au moment des événements de mars 1974, lors
du saccage de LG 2, est-ce que vous avez eu à vous intéresser
d'une façon particulière à ces événements
lors de vos cours à vos élèves?
M. Thibaudeau: Je n'ai pas été mêlé du
tout à ce problème, à ce moment; j'avais
démissionné du mouvement syndical en 1968 et j'étais le
directeur d'un syndicat industriel et non pas de métiers.
C'étaient surtout des syndicats de métiers qui existaient
à la Baie-James. J'étais directeur du Syndicat canadien de la
fonction publique et vice-président de la FTQ, à ce moment. Ce
que je peux dire, c'est que je m'y intéressais, puisque je
l'enseigne.
Depuis 1969, je suis arbitre de griefs et, étant arbitre de
griefs, je n'avais plus de liens avec le mouvement syndical. C'est l'une des
conditions pour être arbitre de griefs, pour être sur la liste
officielle des arbitres de griefs: n'avoir aucun lien avec le patronat ou avec
les syndicats. Depuis ce temps, je m'en occupais surtout comme observateur.
C'est évident que je questionnais des gens lorsque je rencontrais des
conseillers techniques, soit patronaux ou syndicaux; je leur posais des
questions sur leurs problèmes pour me tenir au courant et donner mes
cours. Comme j'étudiais toutes les lois qui étaient
adoptées ici, je devais les assimiler, voir les exemples, ainsi de
suite. Donc, c'est comme cela que j'ai suivi la commission Cliche; j'ai
étudié le livre et j'ai fait faire des travaux aux
étudiants sur ce livre, ainsi de suite, et je me suis fait des
idées.
M. Duhaime: À la fois comme expert en relations de travail
et aussi comme administrateur siégeant au conseil d'administration de la
SEBJ en 1978, mais plus particulièrement en janvier 1979, on a
évoqué tantôt que le procès, commencé depuis
de longues années, avait commencé ses audiences le 15 janvier.
À cette période précise, quelle serait votre
évaluation du climat des relations de travail sur les chantiers de la
SEBJ, des méthodes de travail utilisées, du degré de
productivité vis-à-vis de l'échéancier, du
calendrier, du budget etc.? Est-ce que vous étiez satisfait?
M. Thibaudeau: Oui, très satisfait. Je trouvais que cela
allait très bien. Je ne me souviens plus à quelle date, nous
étions allés visiter les chantiers. J'avais parlé à
des travailleurs à la cafétéria, je m'étais assis
avec eux et je me préoccupais beaucoup des conditions de vie de cet
endroit, pour avoir entendu un tas d'émissions qui blâmaient ce
genre de vie; certains traitaient cela de Goulag. J'ai tout de même
été impressionné par les efforts faits par la
société pour donner ce qu'elle pouvait de mieux à ses
travailleurs sur place. J'ai senti, tout simplement, que certaines personnes -
j'ai parlé à des travailleurs - trouvaient cela long d'être
loin de leur famille et des choses comme cela. Mais, en général,
beaucoup de gens aimaient travailler à la baie James parce que les
conditions semblaient très saines, compte tenu que c'était un
chantier éloigné.
M. Duhaime: Maintenant, je voudrais en venir de façon plus
précise à ce qui fait l'objet de ces discussions depuis deux
jours. On a dit tantôt que vous étiez présent lors des
délibérations du conseil d'administration.
M. Thibaudeau: À l'exception du 6 février, date
à laquelle j'étais absent.
M. Duhaime: À l'exception du 6 février, mais vous
étiez présent aux réunions antérieures et, entre
autres, à la réunion où il a été question
qu'on irait solliciter le point de vue du premier ministre sur l'ensemble de
cette question. Je voudrais simplement vous demander si cela a
été pour vous une grande surprise ou si c'était normal que
l'on procède de cette façon.
M. Thibaudeau: Absolument normal. J'ai été dans le
mouvement syndical pendant 18 ans et j'ai occupé des postes importants.
C'était très normal pour moi. Les syndicats font souvent des
pèlerinages à Québec. J'en ai fait souvent moi-même;
je suis venu voir M. Duplessis vers la fin de son régime, de même
M. Lesage, M. Johnson; je suis venu les rencontrer, soit seul ou avec quelques
collègues pour faire des représentations. J'ai vu des ministres,
M. Bellemarre, M. Lévesque, dans le temps, dans l'exercice de mes
fonctions. Pour moi, il était normal qu'on demande l'opinion du chef de
l'État. Cela ne m'a pas surpris, pas du tout.
M. Duhaime: Je voudrais que vous nous disiez, M. Thibaudeau -
vous avez eu à prendre position comme administrateur, au conseil - quel
a été votre jugement personnel et votre propre décision
sur le règlement hors cour qui était proposé et quels
étaient vos motifs. (21 h 45)
M. Thibaudeau: Je veux donner une petite explication. Je suis
tout de même quelqu'un qui connaît un peu les structures syndicales
puisque je les enseigne depuis de nombreuses années. J'ai même
participé à l'élaboration de certains organismes
syndicaux. Je ne connais pas les 160 constitutions de toutes les
fédérations qu'on appelle verticales. Je n'ai pas
participé à toutes les constitutions qu'on appelle horizontales
de tous ces organismes parce qu'il y en a beaucoup. Les structures syndicales
sont quand même assez complexes. Avant même que j'aie
été approché pour être membre du conseil, dès
que j'avais vu cela et que j'avais suivi le procès de Murdochville, j'ai
dit qu'ils auraient pas mal de difficultés, avec les structures des
unions de métiers, à faire une preuve de responsabilité.
Je souligne tout de suite ici que je ne suis pas avocat; je pouvais me tromper,
mais je me disais que ce serait très difficile.
M. Duhaime: Consolez-vous, les avocats se trompent souvent.
M. Thibaudeau: Oui, cela, je le sais parce qu'il y a des choses
tellement différentes dans les structures. Je viens d'un syndicat
industriel où ce qu'on appelle les permanents syndicaux sont, en fait,
des fonctionnaires syndicaux engagés par le conseil national avec un
fonds de retraite, etc.
Dans les unions de métiers, il y a eu une grande pratique depuis
des décennies: soit qu'on nomme par l'exécutif quelqu'un pour un
mandat temporaire ou que ces personnes soient élues, mais ceci en dehors
de ce que je peux appeler la centrale. C'est très commun. J'ai eu deux
de mes syndicats qui ont eu des agents d'affaires qui ne relevaient pas de moi
comme directeur provincial de mon syndicat. C'étaient les manuels de la
ville de Montréal qui avaient décidé d'avoir un agent
d'affaires pour ramasser les griefs, voir si le contrat était
appliqué, rencontrer les délégués de
département, ainsi de suite. Toutes mes connaissances des unions de
métiers et des unions industrielles - et je ne vous dis pas que je ne
pouvais pas me tromper m'indiquaient dès le départ... J'avais
suivi un peu le procès de Murdochville où j'avais vu de mes amis
qui étaient là sur place; c'étaient des
représentants internationaux payés par le siège social,
parce qu'on avait le même avocat, les métallos et mon syndicat, Me
Merril Desaulniers, juge de la Cour supérieure. Mon opinion, avant
l'étude des dossiers, c'est que ce sera difficile de faire le lien. Je
n'avais aucun intérêt à ce moment, mais, lorsque j'ai
été nommé là, cela m'a beaucoup
préoccupé. Je me souviens qu'à une séance dont je
ne peux vous préciser la date - peut-être que vous pourrez me dire
la date - où nos avocats étaient venus, je les avais
énormément questionnés sur le lien juridique ou la
responsabilité qu'on pouvait avoir.
Mon opinion personnelle, c'est que j'étais moralement convaincu -
je ne veux pas dire juridiquement parce que je ne suis pas avocat -
qu'on ne pourrait même pas les faire condamner ici au Québec.
À ce moment-là, d'après les chiffres et toutes les
dépenses qu'on pouvait enregistrer au point de vue des frais d'avocat et
autres, si on gagnait au Canada, je n'aurais pas été surpris que
ce syndicat de métier conteste aux États-Unis et que cela
continue durant des années, ainsi que les frais d'avocat. Comme
administrateur, je trouvais que c'était dilapider des fonds, à
mon point de vue. Je parle pour moi. C'est l'opinion que j'ai donnée au
conseil d'administration, comme je connaissais les syndicats.
Une autre chose qui a motivé mon vote, parce que j'ai voté
pour le règlement hors cour, c'est que c'est très fragile
lorsqu'on parle de cotisations syndicales. Je me suis fait jouer des tours par
la CSN; j'ai perdu certains syndicats et je leur en ai aussi chippé
quelques-uns. Lorsqu'on ne donne
pas de services, comme être aux assemblées, répondre
à leurs questions, défendre leurs griefs en arbitrage et les
aider, on les perd. Beaucoup de membres du syndicat prennent un syndicat un peu
comme un abonnement à une compagnie de téléphone. S'il n'y
a pas de rendement, ils regardent ailleurs.
Je me disais, quant aux cotisations syndicales: Les saisir, cela va tout
probablement - je n'en fais pas une certitude - redéclencher une guerre
intersyndicale sur les chantiers. Lorsqu'il y a une guerre intersyndicale dans
une compagnie - j'en ai vu une à Hydro-Québec que je dirigeais
pour mon syndicat - je me suis rendu compte que le rendement au travail diminue
énormément. Ce sont des atmosphères passablement dures,
celles des luttes intersyndicales. J'en ai vécu plusieurs, tellement que
ma santé en a été affectée. Pour moi, la paix
sociale était quelque chose de très important en 1979 pour qu'on
arrive à nos échéances. C'est une des grosses raisons pour
lesquelles j'ai voté oui. À mesure que j'étais de plus en
plus convaincu qu'on ne pourrait rien obtenir de l'union internationale, j'ai
voté oui en mon âme et conscience.
M. Duhaime: M. Thibaudeau, j'ai en main ici le rapport de la
Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans
l'industrie de la construction de mai 1975, mieux connu...
M. Thibaudeau: Je voudrais voir si vous avez les mêmes
pages ou si ce sont des éditions différentes.
M. Duhaime: ...comme le rapport Cliche.
M. Thibaudeau: Oui, oui mais 175...
M. Duhaime: Dans le numéro que j'ai devant moi, je
voudrais aller à la page 99. Je ne sais pas si nous avons la même
pagination.
M. Thibaudeau: On n'a pas la même pagination.
M. Duhaime: Vous semblez avoir une édition de luxe.
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas la même
pagination.
M. Thibaudeau: Ce n'est pas la même édition.
M. Duhaime: Si j'avais un exemplaire, on pourrait le retrouver
rapidement. Sous la rubrique: Le système et ses appuis, chapitre 6.
M. Thibaudeau: Un instant, M. le ministre.
M. Duhaime: II y a différentes rubriques, cela doit
être à la fin du chapitre. Un sous-chapitre, son titre est
souligné dans mon édition: Yvon Duhamel ou la violence
gratuite.
Une voix: Pages 68 ou 69. C'est à la page 70, M. le
ministre.
M. Duhaime: Alors, à la page 68. M. Thibaudeau:
Oui, je l'ai.
M. Duhaime: À la page 68, au bas de la page. Je voudrais
peut-être vous en lire sept ou huit lignes: "Les commissaires ont acquis
la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la
responsabilité de ce qui est arrivé."
M. Thibaudeau: Un instant, M. le Ministre.
M. Duhaime: Page 68.
M. Thibaudeau: Bon, d'accord. Je l'ai.
M. Duhaime: "II ne s'agit aucunement d'une réaction de
masse, mais bien d'une opération montée par un noyau de
mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer, une fois
pour toutes, qui était le maître à la baie James.
"L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du
saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs
et même des victimes des actes insensés posés par un
Duhamel en délire. "C'est à ce genre de catastrophe que devait
fatalement aboutir l'irresponsabilité des aventuriers sans scrupule qui
avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la
FTQ-Construction."
Ce n'est sans doute pas la première fois que vous entendez cet
extrait.
M. Thibaudeau: Non, je l'ai lu et relu.
M. Duhaime: Je voudrais savoir de vous, comme expert, d'abord, en
relations de travail et, ensuite, comme administrateur, membre du conseil
d'administration de la SEBJ, si vous êtes d'accord ou en
désaccord. Je voudrais que vous commentiez ce paragraphe.
M. Thibaudeau: Je suis entièrement d'accord avec ce
paragraphe. Il faut dire que je n'ai jamais été un conseiller
technique dans l'industrie de la construction, mais j'ai tout de même
suivi cela de très près dans les postes que j'ai occupés.
Le législateur a senti le besoin, en 1968, de sortir du Code du travail
toute l'industrie de la construction
par la Loi régissant les conditions de travail dans l'industrie
de la construction, le fameux bill 290.
À la suite de cela, ça toujours été au
Québec, surtout à cause des luttes intersyndicales CSN,
FTQ-Construction, un secteur où il y a eu de la violence. Vous devez
vous souvenir des dégâts à Bechtel sur la Côte-Nord,
ainsi qu'à Sorel. Il y a toujours eu des difficultés; c'est un
milieu très dur. Bien franchement, avec le caractère que j'ai, je
n'aurais pas agi dans ce milieu comme conseiller technique. J'aurais
trouvé cela trop dur. Souvent, c'était vraiment l'anarchie. C'est
pourquoi, en 1979, en voyant les bonnes relations de travail sur le chantier de
la Baie-James, il était très important pour moi qu'on garde cette
paix sociale qui avait été établie après le saccage
de 1974.
M. Duhaime: M. Thibaudeau, au cours des mois de janvier et
février 1979, à l'époque où des
délibérations sont tenues au conseil de la SEBJ concernant le
règlement hors cour, en aucun moment est-ce que le premier ministre du
Québec aurait, directement ou indirectement, mais personnellement,
à votre endroit, posé quelque geste ou prononcé quelques
mots en sous-entendus ou en entendus qui allaient dans le sens d'exercer sur
vous quelque pression que ce soit?
M. Thibaudeau: Jamais le premier ministre ou quiconque n'a fait
pression sur moi, en aucun moment au cours de ces deux ans du mandat que j'ai
assumé à la Société d'énergie de la
Baie-James. En aucun moment. J'ai rencontré M. Lévesque à
deux cocktails; premièrement, à l'inauguration de LG 2 où
on a pris un verre. Il n'était question d'aucun problème. Aussi,
lorsqu'on a inauguré le pavillon de la SEBJ aux floralies. C'est tout.
Je n'ai ni revu ni parlé à M. Lévesque durant ces deux ans
de mon mandat.
M. Duhaime: Durant cette même période, est-ce que
vous avez en aucun moment subi quelque pression que ce soit...
M. Thibaudeau: De personne.
M. Duhaime: ...de la part de Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet
du premier ministre du Québec?
M. Thibaudeau: J'ai connu M. Jean-Roch Boivin comme arbitre de
griefs à l'époque où j'étais président de la
conférence des arbitres du Québec. J'ai connu et j'ai
rencontré M. Boivin à ce moment-là. Mais, pendant mon
mandat, je n'ai jamais parlé avec M. Boivin des problèmes de la
SEBJ.
M. Duhaime: Pendant ces mêmes mois de janvier et
février 1979, en aucun moment est-ce que vous avez reçu quelque
communication que ce soit...
M. Thibaudeau: De personne, M. le ministre.
M. Duhaime: ...de Me Yves Gauthier?
M. Thibaudeau: De personne. Je ne connais pas M. Gauthier.
M. Duhaime: Vous ne connaissez pas Me Gauthier?
M. Thibaudeau: Non.
M. Duhaime: Voici ma dernière question: Est-ce que vous
lisez la Presse, de Montréal?
M. Thibaudeau: Oui.
M. Duhaime: Je vous remercie.
M. Thibaudeau: Je pourrais commenter que, dans la Presse de
Montréal, il y a tout de même un article qui m'a surpris. C'est
lorsque, dans un des articles, on dit que "six administrateurs ont, en fait,
cédé aux ultimes pressions du premier ministre". Je me suis senti
blessé dans mon intégrité parce que je n'avais subi aucune
pression d'aucun genre.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de passer au
député de Marguerite-Bourgeoys, compte tenu que je vais
dépasser obligatoirement 22 heures, je crois comprendre que j'aurais le
consentement pour continuer. Comme il resterait une personne, M. Pierre
Laferrière, à être entendue comme invitée, j'ai la
certitude, de part et d'autre, qu'on va continuer jusqu'à la fin de
l'intervention de M. Laferrière.
M. Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Chambly.
M. Tremblay: ...je constate qu'il y a consentement et je voudrais
remercier le leader de l'Opposition qui, de toute évidence, a les
symptômes sérieux d'une grippe et qui poursuit quand même.
Je voudrais le remercier pour son courage.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je crains.
M. Lalonde: ...la sympathie du député
m'inquiète.
M. Duhaime: Je n'ai pas donné de consentement. Je n'ai
rien dit.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Je vais
régler ce problème immédiatement.
M. Duhaime: Avant de donner mon consentement, M. le
Président, je voudrais simplement savoir de quoi on parle.
J'étais en train de parler avec quelqu'un qui me donnait une
information.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Je vous
répète la chose suivante. Nous sommes rendus à 22 heures
et je devrais ajourner immédiatement les travaux. Cependant, si on
m'accorde le consentement, on pourrait continuer d'abord avec M. Thibaudeau et
entendre, ensuite, M. Laferrière de façon à terminer un
peu plus tard que 22 heures. Si je n'ai pas le consentement, je devrai
immédiatement ajourner les travaux. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, avant de vous donner ma
réponse, je voudrais vous dire que je considérerais que nous
avons fait une bonne journée de travail. Donc, je ne donnerai pas mon
consentement. Demain, c'est vendredi saint et je pense que tout le monde a
hâte de rentrer chez soi. Il y a des députés qui viennent
de loin et il y a des témoins qui viennent de loin. Nous reprendrons nos
travaux en avril. Nous les poursuivrons en mai et en juin si c'est
nécessaire. Il n'y a pas de consentement.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais quand
même...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je constate que notre consentement devient inutile.
Comme M. Laferrière attend depuis deux jours comme tous les autres, si
cela avait pu lui éviter de revenir, nous aurions donné notre
consentement pour poursuivre 20 minutes ou une demi-heure, mais, puisque le
ministre est pressé d'aller faire ses pâques, je respecte cela
aussi.
M. Duhaime: Je ne veux pas les faire en renard parce que...
Le Président (M. Jolivet): Donc, je dois, malheureusement
- c'est mon devoir -clore...
M. Lalonde: Est-ce qu'on ne peut pas consentir, au moins,
à deux questions, pour terminer avec le témoin qui est
là?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Deux questions?
M. Lalonde: Deux ou trois questions.
M. Duhaime: Non.
Le Président (M. Jolivet): Donc, n'ayant aucun
consentement, je dois ajourner...
M. Lalonde: Vous allez être obligé de revenir
à cause de l'entêtement du ministre.
M. Thibaudeau: J'espère que je ne manquerai pas d'autres
classes. J'en ai manqué hier.
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est ajourné sine
die.
(Fin de la séance à 22 h 01)