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Etude du projet de loi no 101:
Charte de la langue française
(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Dois-je rappeler que c'est une nouvelle séance de la commission
de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour
étude article par article du projet de loi no 101, après la
deuxième lecture?
J'appelle les membres de la commission en priant les
représentants des formations politiques de m'indiquer les changements
s'il en est.
M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M.
Bertrand (Vanier), M. Charbon-neau (Verchères), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm).
M. Chevrette: Toujours là.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes).
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay).
M. Dussault: Présent
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton).
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys). M. Laplante (Bourassa) remplacé par M.
Vaillancourt (Jonquière); M. Laurin (Bourget).
M. Laurin: Ça y est.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Je suis là.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier). Je vais suspendre pendant quelques minutes,
comme hier, et on m'indiquera, le changement s'il y a changement.
M. Samson (Rouyn-Noranda).
Je rappelle que nous avons une séance qui débute
immédiatement et qui se poursuivra jusqu'à treize heures, alors
que le président ajournera sine die, jusqu'à ce que
l'Assemblée nationale décide, par une motion votée ou de
consentement, de nous faire siéger à nouveau, ce qui, normalement
devrait se faire pour cet après-midi et ce soir. Ce sera alors une
nouvelle séance. D'autre part, je rappelle que, au moment de
l'ajournement d'hier soir, il y avait eu une motion de présentée
par M. le député de Mégantic-Compton et que l'on
s'était interrogé brièvement sur la recevabilité de
cette motion. Je veux mentionner un fait, qui, pour moi, est presque un
principe, d'ailleurs, c'est que, comme celui qui a entendu le parrain ou le
proposeur de la motion et celui qui a entendu les plaidoiries sur la
recevabilité était mon alter ego, ce cher député de
Jonquière, M. Claude Vaillancourt, je vais lui demander
immédiatement de me remplacer et de s'exécuter.
M. Grenier: ...sur la recevabilité...
Motion visant à suspendre
l'étude de l'article 13 pour entendre
le ministre de la Justice (suite)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous
n'avez aucune objection, je serais prêt à rendre ma
décision.
M. Grenier: J'aimerais, vous êtes peut-être
prêt, mais pour un meilleur éclairage... Ah, Mme Lavoie-Roux qui
arrive avec sa sacoche!
Une Voix: II faudrait noter au procès-verba qu'elle est en
retard!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle que la séance est
commencée.
Très brièvement, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, juste pour vous rappeler que
nous nous sommes reportés au débat du 4 août dernier et je
rappelle à votre attention qu'une motion absolument identique a
été présentée. A ce moment, j'avais
présenté, au nom de notre parti, une motion devant suspendre les
débats après les deux premiers chapitres pour s'en aller vers le
chapitre de l'enseignement. Je n'ai pas le numéro en mémoire.
Cette motion a été acceptée sur-le-champ, M. le ministre
délégué au haut-commissariat s'est chargé de
reprendre cette motion, l'a rédigée on l'avait fait ici,
sur le bout de table; vous vous en souvenez et la présidence a
dû collaborer à sa rédaction finale. A la suite de cela, la
présidence a reconnu la motion sans même avoir de débat. Si
on devait, ce matin, rejeter cette motion, il faudrait comprendre que la motion
adoptée alors était atteinte d'un vice de forme et qu'on devrait
reprendre les débats sur le secteur de l'enseignement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. Effecti-
vement, la présidence a pris soin de vérifier ce qui
s'était passé le 4 août.
Si on résume la situation, le député de
Mégantic-Compton a présenté verbalement une
première motion que j'ai, à ce moment, jugée irrecevable
pour deux raisons. Premièrement le libellé même de la
motion et son contenu et, deuxièmement, j'ai déclaré
qu'une motion de ce genre n'existait pas comme telle dans notre
règlement. Effectivement, une telle motion n'existe pas comme telle dans
notre règlement, mais un examen rapide de précédentes
commissions parlementaires nous démontre, sans l'ombre d'un doute, que
ce genre de motion a souvent été présenté et
déclaré recevable par la présidence dans le
passé.
D'ailleurs, l'article 54 de notre règlement définit ce
qu'est une motion: c'est "un acte de procédure par lequel un
député propose à l'assemblée de faire une chose,
d'ordonner l'accomplissement d'une chose ou d'exprimer une opinion sur un
sujet". Et j'estime que la motion présentée par le
député de Mégantic-Compton dans sa deuxième forme,
la forme écrite, est conforme à l'article 54 de notre
règlement.
D'ailleurs le leader adjoint du gouvernement, comme l'a souligné
avec justesse le député de Marguerite-Bourgeoys, a
présenté une motion de ce genre au début des travaux de
cette commission et celle-ci a effectivement été jugée
recevable. Donc, en vertu de l'article 54 de notre règlement, en vertu
de la tradition et de nombreux précédents, ce genre de motion
peut donc être jugé recevable par la présidence. D'autre
part, le député de Mégantic-Compton a
présenté une deuxième motion, écrite cette fois,
celle que j'ai prise en délibéré, et les
irrégularités que j'avais trouvées dans la première
motion verbale de ce député ne se retrouvent plus dans la
deuxième motion, celle qui est écrite. Cependant, cela ne veut
pas nécessairement dire, toutefois, que ce genre de motion, du moment
qu'elle est présentée, doit être nécessairement
reçue par la présidence. Si tel était le cas, n'importe
quel membre de la commission pourrait, à n'importe quel moment,
présenter une motion de ce genre. Pour juger de la recevabilité
ou de l'irrecevabilité de la motion du député de
Mégantic-Compton, ou de toute autre motion semblable. Et ici je
ne voudrais pas lier la présidence. La présidence doit
regarder, en plus de ce qui a été mentionné, les motifs de
la demande, le moment où elle est faite et la pertinence de cette
même demande au moment où elle est faite. Il est bien
évident, d'autre part, que ces règles ne s'appliquent pas
lorsqu'il y a un consentement unanime des membres de la commission comme c'est
également arrivé depuis le début de nos travaux.
Même si la motion du député de
Mégantic-Compton peut, comme celle du député de
Saint-Jacques, être qualifiée de motion de suspension, il y a
cependant une différence fondamentale entre les deux motions. La motion
du député de Saint-Jacques a été
présentée après l'étude complète du chapitre
2 et avait pour but d'en venir à l'étude du chapitre 8. Celle du
député de Mégantic-Compton qui a, comme fondement
même, l'absence du ministre de la Justice au moment où on parle de
la langue de la justice, a été présentée à
l'article 13 alors que l'étude de la langue de la justice
commençait à l'article 7. Le moins que l'on puisse dire, c'est
que cette motion, avec le fondement qu'elle avait, me semble tardive et qu'elle
aurait dû être présentée au début de ce
chapitre de la langue de la justice.
Néanmoins, je la déclare recevable, tout en incitant les
membres de la commission à tenir compte à l'avenir de ce qui a
été précédemment mentionné avant de
présenter une motion semblable.
M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, sur cette motion recevable et
reçue du député de Mégantic-Compton, vos
conclusions dans votre décision seront mes prémisses, M. le
Président. J'ai la certitude effectivement que cette motion aurait pu
avoir un bien-fondé à l'origine de l'étude du chapitre,
mais elle n'en a approximativement plus au moment où nous arrivons au
tout dernier article. Je dirai même que c'est peut-être l'article
le moins litigieux qu'il y a dans tout le chapitre du fait que cette pratique
à l'article 13 était en soi, je ne dis pas semblable, à
tout le moins initiée dans la loi 22 et, donc, à toutes fins
pratiques, en forçant un peu les choses, mais sans exagération
non plus, bien qu'il s'agisse d'une pratique en vigueur qui est
augmentée, je ne vois pas pourquoi, à ce moment-ci en
particulier, la présence du ministre de la Justice qui, d'ailleurs
n'apparaît pas à la motion, c'est dans l'exposition verbale du
député de Mégantic-Compton qu'il faut retrouver la
motivation, je ne vois pas en quoi la présence du ministre de la Justice
serait indispensable au moment où nous parcourons l'ensemble du chapitre
sur la justice du projet de loi entre nous avec la présence de deux
célèbres avocats qui se logent à l'Opposition et qui nous
ont permis, à plusieurs occasions, je pense on est sur le point
de le compléter de rédiger un bon chapitre en ce qui
concerne la langue de la législation, la langue de la justice.
Je me permets même de dire que si un article litigieux a
occupé un bon moment les travaux de la commission, c'est l'article 11,
je pense, et là s'instaure véritablement la nouveauté du
chapitre qui se greffe à l'article 7. Mais, à ce
moment-là, personne n'a demandé la présence du ministre de
la Justice, ni le député de Mégantic-Compton ni même
les députés de l'Opposition officielle. Contrairement à ce
que je pensais, M. le Président, le ministre de la Justice
n'était pas à Québec hier, c'était son anniversaire
de naissance et il le célébrait probablement dans sa famille
à Chicoutimi. Je ne peux, en aucun temps, m'engager à sa
présence, d'autant plus que, très honnêtement, je la trouve
inutile pour le moment.
Inutile pour une deuxième raison; non seulement s'agit-il d'une
pratique que l'article 13 ne viendrait qu'amplifier, mais deuxièmement,
le ministre d'Etat au développement culturel et parrain de la loi a
donné ce que le ministre de la Justice
pourrait donner sur cet article, s'il était des nôtres,
parce que le ministre d'Etat a déjà, pour apaiser les craintes
légitimes ou exagérées de l'Opposition, annoncé que
lorsque nous arriverons à l'article 199, il présentera un
amendement par lequel cette application de l'article 13 sera retardée
pour que toute la préparation judiciaire et technique de l'application
de cet article se fasse sans bousculer les procédures judiciaires
actuelles, et en reconnaissant que s'il est un milieu qui est lent à
réagir, c'est bien celui dont on parle. Donc, nous avons besoin de
temps. Une des opinions émises par le ministre de la Justice lorsqu'au
Conseil des ministres, nous avons étudié cette loi, nous l'avons
prise de bon gré, et je pense que si le ministre de la Justice
était ici aujourd'hui, tout ce qu'il pourrait dire, c'est que
l'amendement annoncé à l'article 199 par le ministre d'Etat lui
apparaît à la fois raisonnable et satisfaisant pour dire que
l'article 13 doit s'appliquer à compter du 1er janvier 1980, ce qui
donne donc deux ans et demi à cet immeuble qu'est la justice
québécoise pour ouvrir ses fenêtres à la nouvelle
législation et se préparer à un nouveau courant d'air qui
respecte celui de la langue officielle telle qu'elle est
décrétée par l'Assemblée nationale.
Donc, M. le Président, je m'étonne qu'on réclame,
à ce moment, la présence du ministre de la Justice. J'aimerais
tout de suite qu'on m'avise ce serait peut-être plus raisonnable
si au moment de la langue d'administration, il y a quelques
éminents personnages dont les membres de l'Opposition ne sauraient se
passer pour étudier le projet de loi. Pour le moment, je pense que c'est
notre devoir, pour procéder à une étude rationnelle du
projet de loi, de refuser la motion du député de
Mégantic-Compton.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait,
pour revenir aux propos du député de Saint-Jacques et pour
expliquer un petit peu la décision qui a été rendue,
j'espère qu'elle va constituer une sorte de précédent,
parce que je ne pense pas que la présidence doive automatiquement
recevoir ce genre de motion de suspension. Je pense que la présidence
doit regarder d'autres motifs, le moment de la demande, la pertinence de la
demande, les motifs de la demande.
J'estime, personnellement, que cette demande, cette motion aurait
dû, normalement, être présentée à l'article 7,
d'où proviennent tous les autres articles postérieurs à
l'article 7 dans ce chapitre. Je l'ai déclarée néanmoins
recevable tout en incitant les députés à l'avenir à
faire leurs motions de suspension, s'il y a lieu, au moment le plus
approprié, c'est-à-dire au moment où on commence
l'étude d'un chapitre et où la présence de quelqu'un vous
semble préférable.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, j'ai écouté les
propos... D'abord, sur la recevabilité de la motion, sur
l'identité, je suis heureux de voir que vous revenez sur la
recevabilité en disant quelques mots. On avait jugé qu'elle
était absolument semblable à celle présentée par le
ministre délégué au Haut-
Commissariat, et c'est ce qui nous a incités à
présenter la nôtre à ce moment-là. Pourquoi on l'a
fait? Contrairement à ce qui se disait sur les ondes, ce matin, que
c'était une motion dilatoire, c'est absolument faux, M. le
Président, et je vais vous dire pourquoi. Cette motion, demandant la
présence du ministre ici je parle sur la motion maintenant et non
pas sur la recevabilité ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. En
fait, M. le député de Mégantic-Compton, votre motion ne
réclame pas la présence du ministre. Votre motion, et je vais la
lire...
M. Grenier: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... pour
qu'on en parle, parce qu'il n'est pas question ici de revenir sur la
décision qui a été rendue. Je pense qu'elle fait votre
affaire et que vous en êtes heureux. Cette motion dit que les membres de
cette commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent
immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue de
l'administration, articles 14à 27 inclusivement. En aucun endroit dans
votre motion vous ne réclamez ou vous n'insistez sur la présence
du ministre de la Justice.
M. Grenier: D'accord. Dans la motion, il est clair que je ne fais
pas appel au ministre, mais tout le monde soupçonnait, dans le fond...
Quand même, c'était tellement vrai que dans la première
motion qui n'était pas recevable, on faisait mention de la venue du
ministre. On a dû retirer cette partie de la motion qui l'aurait rendue
irrecevable. Ce que je dois dire, M. le Président, c'est que cette
motion est loin d'être dilatoire, elle a été
présentée peu après 10 h 55 hier soir. Mon but,
c'était d'attirer l'attention du gouvernement pour que le ministre fasse
ici une apparition avant la fin de l'étude du chapitre de la langue de
l'administration. Comme on en était rendu, avant la fin du chapitre de
la législation et de la justice, au tout dernier article, je pense qu'on
aurait pu se permettre, ce matin, d'avoir le ministre on avait une nuit
de réflexion ici et de lui poser des questions.
Nous avons eu la visite ici et je peux vous dire qu'elle a
été profitable du ministre de l'Education au chapitre de
l'éducation. On a eu la visite du ministre des Affaires
intergouvernementales qui a été profitable également
à cette commission. Loin de vouloir diminuer les connaissances et la
compétence du ministre d'Etat au développement culturel, il a
été devant nous, bien sûr, un homme qui a su
répondre assez largement aux questions posées par l'Opposition,
je pense il faut lui rendre hommage et surtout à sa
patience...
Si, dans le blitz des ministres qu'on organise à travers la
province, j'avais à en choisir un, je pense que je choisirais
celui-là parce que, pour venir chez nous, cela prend un homme de
patience.
Je dois vous dire qu'aux prises avec la difficulté que
présente l'article 13, on aurait eu des questions a poser au ministre de
la Justice et les conflits qu'on a vus hier soir, les difficultés qu'on
a perçues autour de la table hier soir témoignent
que notre motion n'est pas dilatoire. Si on avait eu le ministre ce
matin, on n'aurait même pas perdu trois minutes parce que, la motion
ayant été proposée, à 11 heures moins 2 ou 3
minutes hier soir, ce matin, on aurait eu la réponse à nos
questions. Je ne vois pas ce qu'il y a de dilatoire dans une telle motion,
premièrement.
Deuxièmement, on a dit que c'était l'anniversaire du
ministre hier et qu'il fêtait. Je vais vous dire une chose. J'ai
passé le 28 juin, qui était le jour de mon anniversaire, ici
autour de la table, à la grosse chaleur, à travailler au projet
de loi no 101.
Je n'ai pas pris de vacances moi non plus et je trouve que dire que le
ministre célébrait avec sa famille... J'ai bien hâte de
célébrer avec la mienne. Ma femme est actuellement en vacances
avec les deux enfants pendant... Si je pouvais avoir quelques jours avant la
rentrée scolaire!
Je pense que ceci n'est pas une raison, nous dire que le ministre n'est
pas ici et qu'il est retenu ailleurs.
Le retard de deux ans qu'on semble nous annoncer pour l'article 199 va
corriger sensiblement une partie, une seule partie de l'article 13. A partir de
là, on a des questions à poser et c'est ici qu'il faut poser nos
questions, avant la fin de ce chapitre.
De ce côté-ci de la table, on aurait aimé les poser
au ministre lui-même qui aura à appliquer cette loi,
particulièrement ce chapitre. C'est lui qui aura à le mettre en
application et je pense que le mémoire du Barreau qui a
été présenté à la fin de mai et la lettre
datée du 12 août sont deux pièces témoins de
l'urgence et de la nécessité d'avoir le ministre avec nous ce
matin pour en discuter.
Je ne reprendrai pas le texte de la lettre expédiée au
ministre le 12 août, principalement sur ce qui se rapporte à
l'article 13. On en a fait grand état hier soir, mais je pense qu'il
serait des plus justifiés qu'on ait le ministre ici et il me semble bien
que demander à un ministre d'être présent à une
commission parlementaire, comme on a amené ici le ministre de
l'Education et le ministre des Affaires intergouvernementales, ce n'est pas
exigent. On ne dépasse pas les bornes, les mesures. On demande au
gouvernement de nous donner quelques réponses concernant la loi la plus
importante que nous aurons à adopter durant notre mandat et je ne vois
pas ce qu'il y a de dilatoire et je ne vois pas ce qu'il y a
d'épouvantable, de la part de l'Opposition, de demander la
présence d'un ministre.
On sait qu'il a d'autres engagements et je veux aussi bien accepter
qu'un gouvernement a des responsabilités et que l'Opposition n'a pas
toujours à rendre compte, c'est évident.
Mais, malgré tout cela, quand on présente un projet de loi
de ce genre, première chose à retenir, c'est d'abord au
gouvernement de retenir sur place les ministres qui devraient répondre
à l'Opposition, aux questions qu'on a à lui poser, aux 60% de la
population qui sont de ce côté-ci de la table et qui se posent des
questions sur le projet de loi no 101. Le débat de ce matin, je veux le
faire court et je termine là-dessus. Je demande de sus- pendre
l'étude de l'article 13, pour nous permettre de poser des questions fort
pertinentes au ministre de la Justice, et de l'avoir devant nous ici pour lui
poser ces questions dès qu'on aura suspendu cet article 13. D'abord,
avec le numéro qu'il porte, cela aurait été surprenant
qu'il n'y ait pas quelque accrochage en passant dessus.
J'aurais aimé, si c'était possible, qu'on passe
immédiatement à l'autre chapitre et qu'on attende la
présence du ministre ici pour faire l'étude de l'article 13.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, malgré toute la
sympathie que j'ai à l'endroit du député de
Mégantic-Compton, j'ai beaucoup de difficulté à me rallier
à sa motion. Je vais vous dire pourquoi. Non pas qu'elle soit dilatoire,
je pense qu'elle est sûrement inspirée par une intention positive
d'avoir des réponses du ministre, mais il semble oublier quelle
expérience on a vécue en ce qui concerne le ministre de la
Justice et le projet de loi no 1 au départ.
Je suis extrêmement sceptique à l'égard de
l'utilité d'avoir le ministre de la Justice ici, lorsque l'on sait quel
traitement il a fait à la Charte des droits et libertés de la
personne, à compter du 23 mars, et qu'il a fallu une levée de
boucliers du public représentant toute les couches de la population pour
faire enlever l'odieux de l'article 172, alors que lui, ministre de la Justice,
gardien de nos droits fondamentaux, responsable devant l'Assemblée
nationale de ce document fondamental, ne sourcillait même pas.
Qu'est-ce qu'il va venir nous dire ici, M. le Président, je vous
le demande? J'admire enfin la...
M. Grenier: La naïveté.
M. Lalonde: Je n'ai pas dit la naïveté, M. le
Président, mais, quand même...
M. Paquette: Quelque chose autour de cela.
M. Lalonde: ... le sentiment aussi positif, qui frise la
naïveté, du député de Mégantic-Compton.
Peut-être que c'est l'attitude que je devrais avoir, mais j'ai beaucoup
de difficulté à l'avoir, parce qu'on nous a dit que le ministre
parrain de ce bill avait donné l'opinion du ministre de la Justice.
C'est le député de Saint-Jacques qui a dit cela tantôt.
C'est une déclaration surprenante, parce qu'on pourrait justifier un
sentiment de la part de la population de penser que chaque ministre a son mot
à dire, que chaque ministre, à l'intérieur de ses
fonctions, a une certaine autonomie et qu'on n'est quand même pas devant
une espèce d'unité sans variété dans ce
cabinet.
Mais, à en juger par l'attitude du ministre de la Justice quant
à ce projet de loi, jusqu'à maintenant, par son inconscience
crasse en ce qui concerne l'importance des droits fondamentaux, je n'ai aucun
espoir qu'il va venir ici pour sensibi-
liser le gouvernement pour, lui, voir une différence entre la loi
actuelle qui oblige à faire la traduction des jugements et le projet de
loi qu'on nous présente et qui enlevé au juge les droits d'auteur
sur son jugement.
C'est une intrusion dans l'indépendance judiciaire, M. le
Président, ce projet de loi et surtout cet article 13, mais personne ne
l'a vue jusqu'à maintenant. Aucun ministre ne l'a vue, il semble que le
ministre de la Justice ait simplement demandé un délai de deux
ans et demi avant de prendre d'assaut l'indépendance judiciaire. C'est
bien faible comme attitude en ce qui concerne la protection du pouvoir
judiciaire, la séparation des pouvoirs. J'ai peu d'espoir d'entendre le
ministre de la Justice... On créerait quelque chose.
Toutefois, M. le Président, comme il faut quand même
prendre toutes les chances quand il s'agit d'une question aussi fondamentale
que l'indépendance judiciaire, je pense qu'on doit mettre toutes les
chances de son côté et s'il reste une petite lueur très
faible d'espoir, on doit y recourir. C'est pour cette raison que je vais
appuyer la motion du député de Mégantic-Compton.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, vous avez signalé en
recevant la motion, que peut-être il aurait été mieux que
cette motion soit faite au début du chapitre. Vous avez raison...
M. le Président, je crois qu'on devrait changer le nom de cette
commission; d'après les remarques que j'entends à la table, la
seule chose, le seul domaine où ils peuvent donner des recommandations
ou des suggestions, c'est celui de la grammaire, celui du français, mais
jamais je n'ai entendu une suggestion positive quant au fond du projet de loi.
Ce sont toujours des sujets qui ne touchent pas le fond et qui, vraiment, sont
d'une importance secondaire en ce qui concerne l'examen, article par article,
de ce projet de loi.
M. le Président, vous aviez bien signalé qu'on aurait
peut-être dû faire cette demande au début, mais je dois vous
dire que nous ne nous attendions jamais d'avoir autant de manque de
réponse, autant de contradictions, autant de refus de la part des
ministériels à comprendre pourquoi certains de ces articles sont
mal rédigés, ambigus, et pourquoi ils portent atteinte au coeur
même de notre système judiciaire.
Le député de Saint-Jacques a dit, nous n'avons pas
demandé la suspension de l'article 11, mais je dois vous dire que
l'article 11, bien qu'il soit important, ne va pas au coeur de notre
système comme l'article 13. L'article 13 affecte les jugements, les
décisions des tribunaux et l'indépendance judiciaire et c'est
l'article peut-être le plus important de ce chapitre.
Le but d'une commission comme celle-ci, en examinant article par
article, c'est d'informer le public, et malgré les réticences du
député de Marguerite-Bourgeoys quant à l'utilité
d'avoir le ministre de la Justice ici, je pense que cela aurait
été important pour que le public sache exacte- ment ce que le
ministre pense parce que c'est un domaine où c'est lui qui devrait
être le plus compétent pour refléter les vues du
gouvernement sur le système judiciaire, sur la nomination des juges, sur
les faits de cet article 13. Le fait qu'il y aura un délai de deux ans
ne touche pas le problème, on suspend les effets négatifs.
On touche ici, M. le Président, non seulement la profession
légale, mais on touche tout notre système judiciaire et il
faut... on donne l'impression qu'il peut y avoir des pressions politiques sur
la magistrature. On voudrait savoir quelle est la réponse du ministre de
la Justice sur ces questions, quelle est son attitude? Que va-t-il faire pour
protéger l'indépendance de la magistrature? Pour ces raisons, M.
le Président, je pense...
M. Paquette: Question de règlement, M. le
Président, je m'excuse...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: ...d'abord, presque tout le temps le
député a parlé de l'article 13 et non pas de l'amendement.
Deuxièmement, il est carrément rendu en dehors du sujet, il parle
de l'indépendance du judiciaire, du politique...
M. Lalonde: C'est cela qui est la question.
M. Paquette: Vous savez qu'on est pas mal plus d'accord. On n'a
jamais fait de nominations politiques de juges, alors que le Parti
libéral a une longue tradition là-dedans.
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Lalonde: C'est cela la question, c'est l'indépendance.
Ce sont vos traducteurs qui vont changer les jugements.
M. Ciaccia: Je donne les raisons pour lesquelles j'appuie la
motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paquette: Vous allez à rencontre du
règlement.
M. Ciaccia: Ce sont mes raisons. Si vous n'êtes pas
d'accord, vous parlerez de la motion ensuite. Vous donnerez vos opinions vous
aussi.
M. Paquette: Vous ne parlez pas sur la motion.
M. Ciaccia: Je parle de la raison pour laquelle on devrait
suspendre et demander au ministre de la Justice ce qu'il pense de
l'indépendance des juges, ce qu'il pense de l'article 13, ce qu'il pense
de bouleverser complètement notre système judiciaire, pas
l'améliorer, mais y porter atteinte complètement, essayer de
faire des choses qui n'ont jamais été faites et qui vont
forcer... On ne
nomme pas des juges pour deux ans et demi, un an et demi ou
jusqu'à 1980. C'est pour sauvegarder leur objectivité, leur
indépendance qu'ils sont nommés à vie, exactement pour
qu'il y ait une distinction absolue entre l'exécutif, le
législatif et la magistrature. Maintenant, on nous dit qu'on va retarder
l'application pour deux ans. J'aurais voulu connaître les vues du
ministre de la Justice là-dessus. Non seulement cela, je remarque que,
quand on discutait de questions légales comme la
constitutionnalité, l'article 93, les ministériels faisaient
toujours venir le député de Sauvé. Je remarque qu'en aucun
temps il n'a été présent ici. Alors, non seulement je suis
en faveur de la motion pour qu'on puisse faire venir le ministre de la Justice,
mais j'aimerais avoir les vues du député de Sauvé sur tous
les articles de ce chapitre. Quand il avait un point de vue à faire
prévaloir sur des points légaux, il a toujours été
présent. Dans mon esprit, je me demande, à ce chapitre qui va au
coeur de la légalité, qui va au coeur du système
judiciaire, pourquoi le député de Sauvé n'est-il pas
ici?
M. Lalonde: Le député de Chicoutimi?
M. Ciaccia: Non. Je veux aussi le député de
Sauvé. Pas seulement le député de Chicoutimi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! Revenons à la motion.
M. Ciaccia: Parce que c'est lui qui a toujours agi comme avocat
juriste de la commission.
Chaque fois qu'un mémoire qui était présenté
touchait légèrement à la constitutionnalité, le
député de Sauvé était toujours là pour
défendre le point de vue. Pas le point de vue de l'Education. Sur
l'enseignement, il n'était pas ici.
M. Lalonde: C'est vrai.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, revenez à la motion de
suspension.
M. Ciaccia: La motion de suspension... C'est pour cela que je
veux que cette motion soit adoptée, M. le Président. Pour qu'on
puisse avoir le point de vue on le respecte tous ici, même si
parfois on n'est pas d'accord du député de Sauvé
sur cet article. C'est pour ces raisons que je vais voter en faveur de la
motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal. M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je voudrais
simplement apporter quelques brefs commentaires pour appuyer ce qui se dit
présentement à cette table. Je crois que le meilleur argument que
je puisse invoquer, c'est la lettre du bâtonnier, M. Viateur Bergeron,
lettre à laquelle le député de Mégantic-Compton
faisait allusion hier soir. Je crois qu'il y a là un paragraphe qui est
de première importance si nous voulons vraiment comprendre la
nécessité de voir le ministre de la Justice participer ici
à ce débat. Si d'autres ministres ont réussi à le
faire, s'ils sont venus ici nous écouter, peut-être apporter des
explications qui ont certainement donné satisfaction aux membres de
cette commission, dans un chapitre qui se termine, chapitre d'autant plus
important qu'il traite de la justice, de la législation, je ne vois pas
pourquoi ces quelques minutes sont qualifiées de perte de temps, alors
que nous savons qu'il y a tellement d'autres chapitres aussi qui nous
attendent, ceci, nous l'avons mentionné, et nous aimerions
procéder en vitesse afin que les articles, les points les plus
importants ne demeurent pas en veilleuse, qu'on puisse au moins les
étudier et peut-être apporter certaines suggestions, certains
amendements dont le gouvernement aurait profit à s'enrichir pour donner
aux Québécois la meilleure charte de la langue possible.
Je m'inspire donc d'un simple paragraphe où le bâtonnier,
au nom du Barreau, parle de la langue des jugements. Ici, il faut
considérer de nombreux aspects. On sait que la collectivité
québécoise est constituée de différents peuples, de
différentes races et qu'il y a plusieurs langues qui se parlent ici au
Québec.
Je vous lis tout simplement ce paragraphe et je crois que ceci apportera
ma contribution et un très bon éclairage, étant
donné la notoriété de celui qui est le signataire de cette
lettre. En parlant de la langue des jugements, M. Bergeron dit ceci: "L'article
13 du projet de loi est reproduit intégralement. Nous sommes heureux que
les jugements puissent être rédigés dans l'une ou l'autre
langue, selon les aptitudes particulières du juge qui les rend.
Cependant, nous entrevoyons des difficultés d'application et
d'interprétation multiples: Qui authentifiera la version
française? Comment le juge qui a rendu le jugement pourrait-il la
corriger si, au départ, il considérait que sa maîtrise de
la langue française était insuffisante pour lui permettre de
rendre son jugement directement en français? Que penser des erreurs
inévitables dans les traductions? Déjà, en vertu de la loi
22, le ministre de la Justice a la responsabilité de voir à ce
que les jugements rendus en langue anglaise soient traduits et la chose ne
semble pas toujours se faire."
Je crois que le ministre de la Justice, qui a certainement pris
connaissance de cette lettre aurait intérêt à
l'étudier attentivement et à demeurer en relation étroite,
avec les membres de la commission qui terminent l'étude de ce chapitre
sur la législation. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement
appuyer la motion du député de Mégantic-Compton.
Quelqu'un, peut-être du côté ministériel, a
signalé que nous aurions dû faire cette demande plus tôt,
c'est exact...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence également.
Mme Lavoie-Roux: ... peut-être la présidence
également. Mais il reste que ce dernier article nous semble
particulièrement important en vue des différentes
représentations qui ont été faites, mais, à
l'égard desquelles on sent de plus en plus que le parti
ministériel est en possession de la vérité tranquille de
la majorité.
Une fois de plus, comme le gouvernement a déjà
décidé au point de départ de s'opposer à notre
requête, il n'y accédera pas. Cependant au nom d'un principe et
d'une meilleure loi, il serait souhaitable que le ministre de la Justice vienne
donner ici quelques explications. Il sera fort intéressant d'ailleurs de
voir, lors de l'étude d'autres chapitres, si le ministre de l'Industrie
et du Commerce, qui est venu faire acte de présence qui sans doute a
posé un geste politique ou quoi, quand la Chambre de commerce a comparu,
il sera intéressant, dis-je, si, quand on discutera du chapitre de la
francisation des entreprises, il nous honorera de sa présence. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aurais sûrement quelques mots à
ajouter, M. le Président, quelques questions peut-être à
poser au ministre de la Justice, comme, par exemple, qui va nommer les
traducteurs, comment le ministre de la Justice va-t-il s'assurer de la
fidélité de la traduction, quel organisme va vérifier
cette fidélité de la traduction, des jugements, enfin tellement
de questions susceptibles de rester sans réponse si le ministre de la
Justice ne vient pas. C'est une raison additionnelle, je pense, pour voter en
faveur de cette motion.
La seule inquiétude possible qu'on pourra avoir, en plus de celle
du scepticisme que j'ai décrit tantôt, ce sont les rumeurs que le
gouvernement plante dans les journaux depuis quelques jours à propos
d'une guillotine.
M. Paquette: Vous faites un procès d'intention, encore une
fois.
M. Lalonde: Je vous ai fait perdre la parole, M...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De si
évidente façon du sujet, vous m'avez fait perdre la parole. Je
vous demanderais de revenir sur la motion, s'il vous plaît!
M. Lalonde: M. le Président, je pense que chaque membre de
cette commission doit se poser, en conscience, les questions suivantes: Quelle
sera la conséquence de mon vote sur cette motion?
Comme membre de cette commission, j'ai le droit et le devoir de tenir
compte des rumeurs que le gouvernement plante dans les journaux depuis trois ou
quatre jours sur la possibilité d'une guillotine. On aura beaucoup de
difficulté à me prouver que je suis en dehors de la question. Je
dois er tenir compte parce que je dois faire en sorte que mon vote n'ait pas
l'air Dieu sait jusqu'à quel point on n'a pas l'intention de
faire de l'obstruction systématique, et qu'on n'en a pas fait depuis le
début d'être de l'obstruction systématique et donc,
n'ait pas l'allure d'une motion dilatoire.
M. le Président, je vais vous dire que je vais quand même
voter pour cette motion, parce que, malgré les rumeurs plantées
par le gouvernement, malgré tout le battage que la grosse machine de
propagande du gouvernement est en train de faire, malgré le lavage de
cerveau qu'il est en train de faire avec son battage publicitaire, je vais
quand même continuer à travailler positivement pour
améliorer une mauvaise loi. Je vais quand même prendre tout le
temps que le règlement me permet, pas toujours les 20 minutes à
chaque fois, mais quand même toutes les libertés, tous les
privilèges que le règlement me permet, et je ne céderai
pas à l'intimidation, étant convaincu que, si le gouvernement est
rendu dans cette position, dans ce cul-de-sac, c'est sa faute, parce qu'il a
déposé un projet de loi en plein mois de juillet et qu'il voulait
le faire adopter avant le mois de septembre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, bien brièvement, c'est
pour vous dire qu'on comprend que le ministre n'est pas tenu d'être ici
ce matin, qu'il peut avoir des obligations. Le but visé hier soir, vers
11 heures moins deux ou trois minutes... Si on nous l'avait dit ce matin,
j'aurais été prêt à retirer ma motion; si on nous
avait dit: Non, aujourd'hui, il n'est pas prêt; si tu retires ta motion,
il sera ici dans deux jours ou dans trois jours, on met cela de
côté et on revient dans deux ou trois jours. Je pense que cela
aurait été, de mon côté, un geste bien humain,
comprendre que le ministre peut avoir d'autres engagements et de respecter
cela. On ne demandait pas de l'étudier tout de suite, on pouvait
l'étudier dans un mois, si on est encore en commission, dans une semaine
ou dans trois jours, ou demain, si c'était l'occasion, mais ce qu'on
voulait, c'est qu'il vienne ici. Ce n'était pas exagéré,
surtout le ministre de la Justice. Je me rappelle trop bien qu'avant les
fêtes, je pense que c'est à l'occasion de la mini-session ou
à la reprise de la session, il s'est plaint d'une loi mal faite par
l'ancien gouvernement et qu'il est venu donner une bénédiction
urbi et orbi à la CSN, à ce moment, ce qui affectait une affaire
de $250 millions; il prétendait qu'une loi était beaucoup trop
sévère. J'ai peur qu'on lui joue des tours ici. On est en train
d'adopter une loi, c'est lui qui devra la mettre en application, au moins dans
ce chapitre, et il n'est pas présent. Il aura peut-être encore des
bénédictions à donner quand il reviendra en Chambre en
nous disant: Vous avez été encore beaucoup trop
sévère là-dedans, ou bien vous n'avez pas
été assez large. Il nous fera des reproches. C'est
vérifié, je ne lance pas cela en l'air. Il l'a fait. Je me base
sur des faits. C'est lui qui nous a donné la bénédiction
en Chambre. Je le connais intimement, ce ministre, pour avoir
étudié quelques années avec lui; je sais comment cet
homme
peut être humain, peut être compréhensif. Je suis
sûr qu'il aurait des propositions, s'il étudiait la loi comme on
l'étudie dans le moment, il aurait des propositions à nous faire
à l'article 13 et on perdrait moins de temps. On aurait perdu moins de
temps à insister auprès du gouvernement. La preuve, c'est qu'on a
vu hier des divergences d'opinions sur cet article 13 à
l'intérieur même du gouvernement. Alors, on aurait aimé que
le ministre soit ici.
La nouvelle de ce matin qui circulait sur les ondes, à savoir
qu'on aurait une déclaration cet après-midi on l'imputait,
en fait, au ministre délégué au haut-commissariat
qui disait qu'on entendrait une annonce au cours de la reprise de la session
cet après-midi, cela nous incite davantage à demander au ministre
de la Justice de venir devant nous pour répondre avant qu'on soit
obligé de parler de tout le bill et qu'on n'ait plus le droit de parler
des articles.
Alors, on aurait des renseignements à lui demander. Je pense que
c'est des plus justifiés, il n'y a rien de dilatoire là-dedans.
Si on avait voulu, cela aurait duré trois minutes hier soir. Ce matin,
il aurait répondu à nos questions. Le tour de table qu'on a fait
l'autre jour avec le ministre de l'Education, alors qu'on s'est
éloigné un peu des règles et qu'on a tout simplement fait
une espèce de ja-sette d'un bord et de l'autre de la table, cela a
été fort enrichissant et on a gagné pas mal de temps du
côté de l'Opposition. On s'est informé, on a su ce qu'on
voulait savoir... On n'a pas eu ce qu'on voulait, mais on a eu les
réponses qu'on voulait obtenir du ministre de l'Education en posant nos
questions. Aujourd'hui, c'est exactement dans cette optique qu'on voulait avoir
le ministre de la Justice parmi nous. Je trouve fort étrange fort
étrange, il n'y a quasiment plus rien à se surprendre que
tout ce qui est proposé ici, de ce côté de la table, n'est
jamais bon. Alors, si c'est cela qu'on pense, pour les 60% de la population du
Québec, on se réveillera peut-être avec des surprises,
à un moment donné.
Ce n'est peut-être pas pour rien qu'on est en train de
préparer un blitz avec les ministres. Si vous n'avez rien à dire
à la population, peut-être que la population va vous dire quelque
chose pendant le mois que vous allez vous promener dans la province.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Rosemont.
M. Paquette: Ce sera très bref. C'est simplement pour
montrer que l'Opposition dit n'importe quoi. Le député a dit
qu'on avait exprimé des divergences d'opinion sur l'article 13 hier.
C'est faux et c'est même impossible, puisque seul le ministre est
intervenu...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rosemont...
M. Paquette: Je profite de mon droit de parole...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais vous n'étiez pas sur la motion.
Or, est-ce que les membres de la commission sont disposés
à voter sur la demande de suspension?
M. Charron: Un instant, M. le Président! Je voudrais quand
même conclure le marathon d'interventions qu'on vient d'entendre sur le
sujet. Je ne sais pas quelle opinion ont les membres de l'Opposition, s'ils
pensent que nous sommes obligés de servir un peu comme de la poudre
à canon dans leur "filibuster", que, sur le simple désir d'un
député qui désire allonger cette période de
questions, on ferait venir un ministre qui est en train de travailler dans
quelque coin du Québec ou même à son bureau, dans son
ministère...
Mme La voie-Roux: Pour venir fêter...
M. Charron: ... venir participer à la stratégie de
l'Opposition qui vise à retarder l'adoption du projet de loi. On n'est
quand même pas né de la dernière pluie et on n'est...
Mme Lavoie-Roux: Non, pas loin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Charron:... pas obligé non plus de faire ce genre
d'intervention, d'autant plus que les remarques assez désobligeantes du
député de Marguerite-Bourgeoys sur l'ancien article 172 et de la
parole qu'avait donnée à cet égard le ministre de la
Justice, m'incitent encore plus à croire que le ministre est plus
important ailleurs qu'ici en ce moment, pour recevoir, encore une fois, ce
genre d'intervention.
Je prends bonne note toutefois, M. le Président, de l'opinion
émise par le député de L'Acadie, sur d'autres chapitres,
j'en ferai part à mes collègues. Ils n'y ont aucune obligation,
parce qu'ils ne sont pas membres de la commission mais sur d'autres
chapitres... J'espère que vous n'attendrez pas au dernier article de
chaque chapitre avant de penser que ce serait peut-être le "fun" que le
ministre soit là, comme c'est le cas ce matin...
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas ça que j'ai...
M. Charron: ...parce que vous n'avez plus d'arguments à
faire valoir et plus d'interventions à faire, vous vous rabattez sur des
motions dilatoires comme celle-là.
Je conclus, M. le Président, rapidement, sur ces allusions
à la guillotine, que semblent désirer comme une caresse les
membres de l'Opposition. Il n'en est pas question maintenant. Je peux assurer
les membres de la commission...
M. Lalonde: Bon!
M. Charron: ... que tout le monde peut continuer à
travailler la tête haute...
M. Laurin: Et bien en place.
M. Charron: ... et bien en place, et qu'on peut commencer
immédiatement, dès que nous aurons disposé de cette motion
et adopté l'article 13, un important chapitre... Cela fait deux semaines
qu'on est ici. On a une vingtaine d'articles d'adoptés sur 219...
M. Dussault: C'est 28.
M. Charron: On mène ce marathon et ces interventions
devant l'opinion publique québécoise qui, ici, nous observe. Je
ne vois pas pourquoi le député pense que c'est le gouvernement
qui plante ces allusions à la guillotine dans les journaux.
M. Lalonde: O surprise!
M. Charron: J'ai déjà prévenu les jeunes
membres de cette assemblée qu'il ne faut pas se surprendre. Les rumeurs
de guillotine viennent toujours à partir de l'attitude de l'Opposition.
C'est la façon...
M. Lalonde: On n'est pas naïfs.
M. Charron: ... dont l'Opposition se conduit...
M. Lalonde: On n'est pas naïfs.
M. Charron: ... que les représentants...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charron: ... des media d'information font ces allusions. Les
députés de l'Union Nationale ont maintes fois signalé que
l'Opposition libérale agissait comme si elle attendait la guillotine,
comme si elle réclamait la guillotine. Ce n'est même pas de ce
côté-ci de la table que ces allusions sont venues. Je ne
m'étonne pas qu'aujourd'hui je n'ai pas encore vu les journaux du
matin qu'on parle de ce fait. Ecoutez! N'importe quel être avec un
peu de tête sur les épaules s'aperçoit que, visiblement, de
l'autre côté, surtout quand on réclame la présence
d'un ministre à la fin d'un chapitre, on ne sait plus quoi dire. C'est
pour ça, M. le Président, que j'ai hâte d'aborder un autre
chapitre pour voir s'il y a un peu de renouveau dans les motions
j'espère qu'elles seront recevables, la plupart d'entre elles
qu'on s'efforcera de les rendre régulières et qu'on continue
à travailler au projet de loi.
Pour ma part, je suis tout à fait disposé, et les membres
du gouvernement et du parti ministériel le sont, et je pense qu'on peut
disposer immédiatement de la motion du député de
Mégantic-Compton.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que les membres de la commission sont disposés...
M. Paquette: Rejetée.
M. Charron: Rejetée.
M. Grenier: non, non, vote enregistré.
Vote sur la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion est la suivante: Que les membres de cette commission suspendent
l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement
l'étude du chapitre IV, la langue de l'administration, articles 14
à 27 inclusivement.
M. Fallu (Terrebonne)?
M. Fallu: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M
Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charbonneau (Verchères)?
M. Charbonneau: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charron (Saint-Jacques)?
M. Charron: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Chevrette (Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grenier (Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau)?
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Le Moignan (Gaspé)?
M. Le Moignan: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Pour... contre.
M. Ciaccia: Ton coeur a parlé, M. le député
de Rosemont.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy
(Beauce-Sud)? M. Gratton (Gatineau)? M. Samson (Rouyn-Noranda)? Absents.
La motion de suspension du député de
Mégantic-Compton est rejetée, 10 voix contre 5. La commission
recommence maintenant à étudier l'amendement de Mme le
député de L'Acadie. La parole était au
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je reviendrai un peu plus tard dans le
débat.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je reviendrai plus tard dans le débat, s'il y
a lieu.
Reprise du débat sur l'article 13
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous vous rappelez
de la motion d'amendement de Mme le député de L'Acadie. Y a-t-il
d'autres intervenants?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: La motion d'amendement a pour effet de remettre un
peu de sens dans cet article qui va à l'encontre des principes les plus
élémentaires qui doivent nous guider en ce qui concerne le
secteur que nous touchons actuellement, c'est-à-dire la rédaction
des jugements.
C'est élémentaire que le texte original contient toutes
les nuances, contient la véritable intention de son auteur, le juge.
C'est aussi une question, je pense, qui n'est pas débattable, qui n'est
pas contestée, qu'une traduction d'un texte quelconque est toujours
imparfaite.
Je me souviens que le député de Deux-Montagnes m'avait
bien rassuré lorsqu'il avait fait cette remarque qui, en
français, a autant d'élé- gance, sinon plus qu'en italien,
que traduire, c'est trahir. Cela m'avait rempli d'espoir parce que je
l'accolais à une autre remarque ou a un engagement cette fois-là,
du député de Deux-Montagnes. Je me suis aperçu de son
influence assez grande, pour ne pas dire inattendue, auprès de ses
collègues lorsqu'il s'est engagé à faire en sorte que
l'article 172 soit retiré et que j'ai vu le projet de loi no 101.
Je me suis dit: On a oublié d'enlever cette erreur dans l'article
13. Lorsque nous arriverons à la commission parlementaire, si, par
bonheur, le député de Deux-Montagnes est présent et
j'ai eu des sueurs froides la semaine dernière quand j'ai
remarqué son absence, quoique, hier matin, je l'ai accueilli avec
beaucoup de joie à cette commission, il est avec nous je me suis
dit: II va pouvoir prendre fait et cause pour le bon sens dans cette
matière. Je ne l'ai pas encore entendu. J'ai hâte d'écouter
son intervention. Je l'invite à le faire et à élaborer sur
cette légende, sur ce mot qu'il a dit que je ne peux pas
répéter en italien, étant donné que je ne connais
pas cette langue, mais qui, en français traduction libre
dit: Traduire, c'est trahir.
Comment le député de Deux-Montagnes pourrait-il voter
contre notre motion d'amendement? Je vous le demande, étant donné
que justement tout ce qu'on recherche, c'est d'éviter la trahison,
d'éviter l'erreur inévitable dans une traduction d'un texte
ordinaire. Imaginez-vous dans un texte aussi complexe qu'un jugement! Quand on
parle de jugement, quand on parle de droit, on ne parle pas de sciences
exactes, et vous le savez.
On parle de nuances, d'interprétation. Comment peut-on s'imaginer
qu'un traducteur qui n'aura pas le génie de la science infuse, ne pourra
quand même pas aller visiter la conscience du juge qui aura écrit
le jugement, comment voulez-vous que ce traducteur rende sa pensée?
C'est absolument impossible. Personne à la table ne pourra me convaincre
du contraire.
Je regrette de passer cinq minutes à essayer de le
démontrer, c'est aussi évident qu'une vérité de La
Palice.
Mais malgré tout, le ministre a raison. Il a dit hier qu'il veut
être logique et qu'il veut être cohérent. S'il a choisi
d'imposer l'unilinguisme dans une société pluraliste, des choses
doivent casser quelque part, peu importe que ce soit le secteur de la justice,
peu importe que ce soit la justesse des jugements, peu importe que ce soit
l'indépendance des juges. Parce que cela touche l'indépendance
des juges.
Le député de Rosemont n'aime pas que je dise cela, mais
c'est exact. Le juge qui va rendre un jugement en anglais, et cela arrive, cela
va continuer d'arriver dans cette société pluraliste, va avoir la
conscience que quelqu'un d'autre rend jugement à sa place. Ce n'est pas
son jugement qui va être appliqué, cela va être un autre
jugement. Comment expliquer cela à des gens qui, quand même, sont
avertis comme vous, si vous ne comprenez pas que cela touche
l'indépendance du juge, l'indépendance de la justice; à ce
moment, vous ne comprenez rien. Mais ce n'est pas
important, M. le Président. Ce qui est important, c'est le choix
qu'on a fait. On a décidé d'imposer l'unilinguisme dans une
société pluraliste et il va falloir que cela casse quelque part.
Cela a déjà commencé à casser.
Cela avait commencé à casser dans la Charte des droits et
libertés de la personne, mais heureusement, on l'a rapatriée en
quatre mois d'efforts. Là on a l'indépendance des juges à
aller chercher.
M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au député?
M. Lalonde: Si cela prenait quatre mois, M. le Président,
cela ne me ferait rien.
Le Président (M. Cardinal): Oui, si M. le
député de Marguerite-Bourgeoys accepte.
M. Paquette: Est-ce que je peux poser une question au
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: Sûrement.
M. Paquette: Cela fait deux fois qu'il nous parle de la Charte
des droits et libertés de la personne. Evidemment, il se dit satisfait
du retrait de l'article 172, nous aussi, et une des raisons pour lesquelles on
l'a retiré, c'est qu'il n'y a pas de contradiction entre la Charte des
droits et libertés de la personne et la Charte du français.
Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys, encore aujourd'hui,
est capable de nous montrer un seul article du projet de loi no 101 qui est en
contradiction avec la Charte des droits et libertés de la personne?
Parce que je soutiens qu'il n'y a rien derrière vos affirmations disant
que le projet de loi no 101 était discriminatoire ou portait atteinte
aux droits fondamentaux, comme vous l'avez encore répété
deux fois, aujourd'hui. Sans nous donner d'articles, où il y a
contradiction entre les deux chartes.
M. Lalonde: M. le Président, si je répondais
à cette question, vous me rappelleriez à l'ordre, parce que je
devrais entrer dans l'interprétation de tout le projet de loi en ce qui
concerne la Charte des droits et libertés de la personne. Mais c'est une
question d'opinion. Le député de Rosemont est d'opinion qu'il n'y
a pas de contradiction entre la Charte des droits et libertés de la
personne et la Charte de la langue, tant mieux! C'est son opinion, tant mieux!
Mais je vous dis, c'est simplement à l'expérience...
M. Paquette: Vous, vous soutenez qu'il y en a.
M. Lalonde: ...que nous allons le voir. Et sans annoncer de
contradictions, je me pose des questions quand je vois un article comme
l'article 13, pour un justiciable, à qui on impose un autre jugement que
celui que le juge a rendu. Je me pose des questions là-dessus. Ce n'est
pas mon rôle de vous donner une opinion légale en ce qui concerne
la Charte des droits et libertés de la personne.
M. Paquette: Vous n'en avez jamais donné dans ce
débat non plus.
M. Lalonde: Mais ce n'est pas par hasard que la Commission des
droits et des libertés de la personne, dans son mémoire à
la page 37 dit, à la fin de la page: Nous croyons qu'il y a un risque de
diminuer la qualité de la justice en rendant seule officielle la version
française des jugements. Est-ce que ce n'est pas assez clair? Ce ne sont
pas des inféodés de "l'establishment" anglophone, ce ne sont pas
les 326 traîtres, ce n'est pas l'Opposition officielle traître,
c'est l'interlocuteur privilégié, le conseiller
privilégié du gouvernement en ce qui concerne les droits
fondamentaux des citoyens qui sont sans ministre. Ce n'est pas l'Opposition qui
a écrit cela.
Si le gouvernement n'écoute pas ces gens, il se retrouvera avec
des difficultés, à un moment donné, des difficultés
d'interprétation de la Charte des droits et libertés de la
personne, des difficultés d'application de cette loi à
l'égard de la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne
le souhaite pas, mais je suis quand même extrêmement satisfait
qu'au moins, on ait conservé ce document fondamental pour nos droits; on
verra à l'application.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Vous-même, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, m'avez incité à vous rappeler à
l'ordre si vous parliez...
M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président.
Pour en revenir à notre choix, M. le Président, on a
choisi d'implanter l'unilinguisme dans une société pluraliste. On
a fait ce choix au départ, quelque tolérance...
M. Charbonneau: Vous avez voté pour...
M. Lalonde:... j'entends un bruit au bout de la table qui me dit
que j'ai voté pour. Oui, j'ai voté pour le français langue
officielle, cela fait deux fois que je vote pour cela, mais je n'ai jamais
voté pour une loi inique, je n'ai jamais voté pour la disparition
de personne, ni pour la disparition des droits fondamentaux, individuels...
M. Charbonneau: Vous avez voté pour des tests.
M. Lalonde: ... et collectifs. C'est pour cette raison que nous
devons nous battre article par article maintenant.
M. Charbonneau: Vous avez voté pour des tests qui
étaient odieux...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Messieurs les députés de Verchères et de
Marguerite-Bourgeoys, cessez vos luttes fratricides et adressez-vous à
la présidence quand c'est votre tour de le faire.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, on ne choisit pas ses
frères...
M. Charbonneau: Ni ses amis.
M. Lalonde: M. le Président, on a choisi d'imposer
l'unilinguisme dans une société pluraliste et ce qui est odieux
dans ce paragraphe, dans cet article 13, c'est que c'est le secteur où
les droits fondamentaux sont les plus sacrés, sûrement,
c'est-à-dire celui au niveau de la justice qui en souffre. On aurait au
moins pu faire des exceptions. Qui va me démontrer que le fait que des
jugements rendus en anglais et qui soient officiels, qui va me démontrer
que ce fait est une source d'assimilation pour les francophones au
Québec? C'est impossible.
Le bâtonnier, Me Viateur Bergeron, nous l'a expliqué d'une
façon très simple, pas prétentieuse du tout;
c'était même, à mon sens, extrêmement positif et
agréable de l'entendre dire: II n'y a pas de problème, ce n'est
pas un secteur où il y a de l'assimilation des francophones à la
minorité anglophone; au contraire. Il faut avoir vu, surtout depuis une
quinzaine d'années, les changements qui sont conformes à tous les
autres changements dans tous les autres secteurs des activités ici au
Québec et s'il avait pu y avoir des dangers ou des accrocs et des
exemples existent encore où il y a des exceptions qu'il faut corriger
s'il avait pu y avoir ce genre de danger il y a dix ans, vingt ans ou
trente ans, en ce moment, il n'y a plus de problème; pourquoi arriver
avec nos gros sabots dans un secteur aussi important, aussi stratégique
que celui de la justice?
M. le Président, quand on a décidé de chausser ses
gros sabots, il faut piétiner partout. Si on ne réussit pas
à convaincre le gouvernement du bien-fondé de cet amendement, M.
le Président, je pense que c'est sans espoir. Le gouvernement devra
faire face au jugement que la population, elle, va lui rendre, d'une
façon tout à fait éloquente, éventuellement, parce
que je ne connais pas à part quelques exceptions qui se trouvent
surtout de l'autre côté de la table de
Québécois francophone qui a du sens qui va insister pour obtenir
ce genre d'article 13. Je pense que le gouvernement sera surpris de la
réaction de la grande majorité des francophones à
l'égard d'une attitude aussi petite et aussi fanatique que celle que
l'on voit ici à l'article 13.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais par votre
intermédiaire m'adresser à ma soeur et à mes frères
de cette commission.
Nous venons d'entendre, nous venons de recevoir du député
de Marguerite-Bourgeoys un joli bouquet dans lequel il y avait beaucoup
d'orties et de ronces, dans lequel il y avait aussi une rose qui m'était
adressée, rose évidemment pleine d'épines. Je sais qu'en
acceptant cette rose, je contribue au "filibuster" de l'Opposition, mais je le
fais malgré tout parce que les questions soulevées par cette
motion d'amendement sont fondamentales en ce qui a trait à la loi.
Hier déjà, Mme le député de L'Acadie m'avait
en quelque sorte remercié d'avoir apporté un argument à
l'Opposition officielle lorsque j'avais cité cet adage italien,
traduttore traditore, c'est le thème que le député de
Marguerite-Bourgeoys a repris ce matin.
Je dois vous dire, M. le Président, que je suis heureux d'avoir
pu donner un argument à l'Opposition officielle. C'est un geste qui
m'est venu naturellement pour combler un certain dénuement. Je sais que
personne ne me fera grief de cette attitude charitable, mais, à propos
de cet adage, je voudrais dire que tout adage n'a qu'une valeur
extrêmement relative. Il arrive même que, très souvent, pour
un adage donné, on peut en citer un autre qui dise exactement le
contraire, comme par exemple à l'adage "Tel père, tel fils", on
peut aussitôt opposer l'adage "A père avare, fils prodigue", et il
y a beaucoup d'autres exemples de cela. "Nul n'est prophète en son pays"
et pourtant "A beau mentir qui vient de loin". Ce sont deux adages qui ne sont
pas exactement contraires, mais qui donnent une impression fort
différente de la réalité dont ils prétendent
traiter.
La traduction, bien sûr, c'est une chose difficile. Mais
l'expression elle-même est difficile et souvent, c'est dans le langage
courant, on dit: "Mes paroles ont trahi ma pensée". Déjà,
quand on parle, l'expression trahit. Il n'y a pas que la traduction qui
trahisse. Il y a l'expression qui trahit. La rédaction elle-même
peut trahir, non seulement par défaut d'expression, mais parfois par
défaut de pensée, Comme disait Boileau, "Ce que l'on
conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire
arrivent aisément", mais il faut d'abord bien le concevoir. Et si on ne
le conçoit pas bien, les mots pour le dire ne viennent pas
aisément. C'est pour cela qu'il est difficile, non seulement de
traduire, il est avant tout difficile de parler clairement et d'écrire
clairement.
La difficulté de traduire n'est pas plus grande que la
difficulté de dire ou que la difficulté d'écrire. Et
quiconque a de l'expérience de la traduction constate qu'assez souvent
un traducteur qui fait un travail soigné réussit à
rédiger un texte qui est plus fidèle à la pensée de
l'auteur que le texte original. C'est un phénomène fort connu en
traduction.
Ceci dit sans nier que cet adage italien a une certaine valeur relative,
mais il faut quand on prend des décisions fondamentales faire des choix.
Et comme l'a dit lui-même le député de
Marguerite-Bourgeoys, nous avons fait un choix pour l'unilinguisme, et si nous
avions voulu instaurer un Québec officiellement et institutionnellement
bilingue, nous n'aurions pas devant nous un article comme l'article 13. Nous
aurions un article qui ressemblerait plutôt à la motion
d'amendement du député de L'Acadie. Mais nous n'avons pas choisi
le bilinguisme, nous avons fait un choix, nous avons choisi l'unilinguisme, ce
qui entraîne certaines obligations de la part, en l'occurrence, des
tribunaux, des juges, de s'adapter à la nécessité de la
traduction. Ce ne sera pas plus im-
possible là que cela ne le sera dans d'autres secteurs, et le
ministre d'Etat au développement culturel a annoncé hier soir
qu'un certain laps de temps serait donné à tous les
intéressés pour faire ce travail de préparation, ce
travail d'ajustement, pour être prêt à correspondre à
cette obligation de se conformer au fait fondamental qu'au Québec,
essentiellement, les choses se passeront en français.
Ce ne sera pas plus difficile dans ce domaine que dans d'autres
domaines. Un juge est parfaitement capable de s'assurer que la traduction de
son jugement, si besoin en est, soit faite fidèlement. Ce n'est pas plus
difficile à un juge de le faire que cela ne l'est dans d'autres
domaines. Je ne vois pas du tout comment le député de
Marguerite-Bourgeoys peut arriver à faire des contorsions mentales
telles qu'il introduit dans ce débat des notions complètement
étrangères au sujet, comme celle de l'indépendance des
juges. L'indépendance des juges, M. le Président, n'est
absolument pas en cause. C'est bien le moins qu'on puisse attendre dans une
société francophone qu'un juge qui, lui, n'est pas francophone
acquière une connaissance suffisante du français ou obtienne les
conseils voulus pour s'assurer que, s'il a quelque inquiétude à
cet égard, la traduction de son jugement soit fidèle.
L'article 13, tel que rédigé dans le projet de loi, M. le
Président, est d'une parfaite cohérence par rapport aux autres
articles de ce projet de loi. Il entraîne certaines obligations
auxquelles les citoyens du Québec devront se conformer. Tout cela est la
conséquence du fait que nous avons voulu que la majorité
francophone du Québec ne se trouve pas, comme cela est arrivé si
souvent jusqu'à maintenant, dans des situations comme celles que le
ministre délégué au Haut-Commissariat a décrites
hier. Il faudra qu'essentiellement les choses se passent en français.
S'il y a encore des gens dans l'Opposition qui pensent que nous allons faire en
même temps une société française et une
société officiellement bilingue, il est grand temps que chaque
porte-parole du gouvernement c'est pour cela que j'ai pris la parole
intervienne vigoureusement pour dire que nous n'allons pas chercher
à faire les deux à la fois, c'est impossible de faire les deux
à la fois.
Le Québec sera avant tout une société
française, dans laquelle certaines autres langues, principalement les
langues indigènes et la langue anglaise, auront un statut particulier,
bien sûr, mais ce sera, néanmoins, une société
française et non pas une société bilingue. Ce choix est
fondamental. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, c'est assez étrange,
on dirait qu'entre les deux côtés de la table il y a un mur
imperméable, on ne semble pas parler des mêmes choses. Il est
évident que l'amendement qui nous a été distribué,
qui parle de l'article 13 avec un ajustement qu'on fera en 1980, touche
à une partie de l'article, et nous avons confiance que celle-là
sera réglée avec cet amendement que nous propose le ministre ce
matin. Mais cela ne règle pas la seconde partie. C'est de
celle-là qu'on veut entendre parler davantage.
Ce que le ministre a distribué tout à l'heure et qui entre
en vigueur le 3 janvier 1980... On va ajuster le personnel, on va fournir les
versions, et on sera à temps. On n'accumulera plus les retards qu'on
connaît dans le moment dans le domaine de la justice. A cela on fait
confiance, c'est de l'administration pure et simple.
Quant à l'argumentation que nous donnait hier le ministre
délégué au Haut-Commissariat, le cas un peu
pathétique qu'il a mis devant nous, le cas de sa mère, bien
sûr qu'il n'y a personne qui veut contester une situation de ce genre et
tout le monde veut non seulement ne pas la contester, mais faire que cela ne se
répète plus. On ne veut pas non plus, en rédigeant un
article comme celui-là et en votant un article comme celui-là,
jouer maintenant à l'inverse, que d'autres aient à souffrir de
ces mêmes situations. On semble dire que c'est une question de
formalité, que cela va se classer et tout cela. Le ministre hier a
cité un cas où la loi n'a pas rendu justice à une personne
en particulier. Moi-même, je traîne dans mes dossiers une lettre
dans le moment que je veux voir mettre en anglais et dans un parfait anglais.
Je l'ai dans mes dossiers depuis le 1er juillet et je n'en suis pas satisfait.
Je ne peux pas me fier à moi, même je ne suis pas juge et je ne
suis pas assez compétent dans cette langue pour me permettre
d'expédier une lettre à quelques exemplaires et permettre que ce
qu'elle contient ne rende pas justice à ce que j'entends.
Je l'ai pourtant passée à deux ou trois personnes, et avec
le faible jugement que je puis avoir dans cette langue, je n'en suis pas
satisfait, et je devrai en voir d'autres. A partir de là, il ne faudrait
pas uniquement renverser la vapeur et dire que maintenant... C'est bien
sûr que cela corrige le problème. Ce ne sera plus la
majorité qui va subir les difficultés, mais ce sera la
minorité, qui est quand même importante, qui peut subir les
difficultés. Or, l'amendement proposé ce matin par le Parti
libéral, c'est bien sûr qu'il rejoint la position qu'on
défend depuis assez longtemps, mais les ministériels ne semblent
pas comprendre que ce changement devient vraiment important. Cette position
n'est pas nouvelle chez nous, elle a été rendue publique
lorsqu'on a lancé notre livre bleu, il y a une couple de mois
maintenant. Elle n'en continue pas moins d'être vraie, puisque la lettre
du Barreau nous donne encore plus raison qu'on avait raison lors du lancement
de ce livre bleu.
Il semble que le parti ministériel ne veuille pas comprendre
qu'au-dessus des droits linguistiques il y a les droits des parties qui sont
hypothéqués par la politique linguistique excessive de l'actuel
gouvernement. Alors, on dit oui à la prééminence du
français, mais pas au prix des droits aussi sacrés et universels
que les droits des parties, que l'esprit juridique le moindrement averti nous
incite à respecter sans aucune réserve. Tout cela peut
peut-être être compris, bien sûr, par l'ensemble des gens,
mais il doit l'être davantage par des gens du
milieu de la loi et des jugements, ou, encore, le ministre de la Justice
et les gens de son ministère. On aurait bien aimé, en fait, on
l'a mentionné, pouvoir lui en parler. Je voudrais bien qu'on comprenne
ici qu'on ne multiplie pas les interventions ou les amendements. On ne fait que
respecter la directive que nous nous sommes donnée dans ce livre que
nous avons présenté et on respecte les projets qu'on
s'était donnés. Ils sont connus. Je pense bien qu'à ce
moment, il n'y a rien de dilatoire là-dedans. C'est que, en
présence de cette thèse qu'a adoptée l'Union Nationale et
qui a été défendue par le Barreau du Québec, qui
est maintenant le nôtre, relativement au cas de divergences toujours
possibles entre les textes français et anglais, nous aimerions avoir
plus de compréhension de la part du gouvernement. Si, de ce
côté de la table, on l'a compris, je ne verrais pas pourquoi on ne
le comprendrait pas de l'autre côté.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans notre
système judiciaire, il y a certains principes. Un de ces principes,
c'est la représentativité de la magistrature. Nous savons fort
bien que les différents groupes ethniques, les différentes
collectivités de notre société sont
représentées à la magistrature. Il y a une raison à
cela. Quand on parle de langue de communication, quand on parle des lois, quand
on parle de jugements, la nécessité d'une certaine
compréhension de la façon de penser, des moeurs, des coutumes de
tous les groupes de notre société est importante. C'est cela qui
fait de notre système judiciaire un des plus respectés du monde
entier. Je vous soumets très respectueusement que l'article 13 va
totalement à l'encontre de ces valeurs humaines, de ces valeurs
juridiques, et qu'il n'y a rien à faire avec le fait qu'on veut la
primauté du français ou l'unilinguisme français.
On peut arriver à nos objectifs pour la majorité des
francophones sans détruire ces valeurs très humaines, sans
détruire les principes juridiques sur lesquels notre système est
fondé. Nous avons un développement de notre jurisprudence. C'est
pour cela, la motion qui a été faite par le député
de Mégantic-Compton, de suspendre et d'avoir le ministre de la Justice.
Il y a certains concepts, et sans être irrespectueux envers mes
collègues d'en face, cela prend quelqu'un de cette profession, cela
prend quelqu'un qui a une formation légale pour le comprendre.
Je pense que le ministre d'Etat comprendrait que je ne suis pas
qualifié pour discuter avec lui des principes de psychiatrie, des effets
et des réformes à la profession de psychiatre. Ce n'est pas moi
qui serais compétent pour approuver des articles affectant toute sa
profession. Je crois que ce serait de notre devoir, de ce côté-ci
de la table, de venir avec des gens qui ont une formation professionnelle pour
comprendre les effets, les conséquences de ce que nous proposerions.
Nous faisons face à la même situation ici. C'est pour cela qu'on
ne parle pas le même langage. On se fait dire des choses qui, vraiment,
du point de vue juridique, sont des non-sens. Cela va avoir des effets
considérables sur toute la population. Un mauvais jugement, M. le
Président, que ce soit pour un francophone ou un anglophone, c'est un
mauvais jugement. Une mauvaise loi, que ce soit pour n'importe quel groupe
ethnique, c'est une mauvaise loi. Ici, on traite de la justice, on traite de
notre système judiciaire. M. le Président, je vous soumets...
Cela n'a rien à voir avec le fait de faire de la langue française
une primauté ou de protéger la collectivité francophone.
C'est ça que nous voulons porter à l'attention du
gouvernement.
On s'écarte des principes fondamentaux. On fait des affirmations
gratuites: "Un juge est capable de s'assurer que son jugement sera
traduit."
Je voudrais vous donner un exemple très concret, M. le
Président. Les droits individuels même les droits collectifs, sont
contenus dans plusieurs jugements de nos tribunaux. Il y en a un très
particulier qui a été rendu en 1973 par le juge Malouf concernant
une injonction contre la Société d'énergie et
l'Hydro-Québec, à la baie James. C'est un jugement de quelques
centaines de pages, très détaillé. Le juge Malouf l'a
traduit lui-même, il l'a fait traduire, parce que, M. le
Président, entre parenthèses, on veut essayer ici de dire: "On
veut éviter les abus tels que le député de Saint-Jacques a
mentionnés", mais on oublie que, déjà, ces abus n'existent
pas, que, déjà, nos juges sont assez au courant de la situation
et des abus possibles que... Ce cas-ci était en 1973. Il n'y avait pas
d'obligation de sa part. Il a fait la traduction lui-même... M. le
Président, il y avait des différences entre le jugement
français et le jugement anglais.
Le juge Malouf avait rendu le jugement original en anglais. Il y a des
nuances, des pensées, des notions juridiques. Quand un juge rend son
jugement et entend les témoins, il pense d'une certaine façon, il
transmet ça, il communique ça dans sa langue. Comment
pouvons-nous dire: On va le traduire. Non seulement on va le traduire, mais ce
sera la traduction qui sera officielle? C'est un non-sens. Cela ne peut pas
arriver sans que la qualité de la justice de cette province en souffre
considérablement. Ce n'est pas ça, je pense, que veut le
député de Deux-Montagnes. Ce n'est pas ça que veut le
député de Rosemont. Mais c'est ça qui va arriver.
Pensez-y! Vous parlez de cohérence.
M. Paquette: ...peu plus loin.
M. Ciaccia: Ecoutez! Vous parlez de la traduction? Je vais vous
donner un autre exemple.
M. Paquette: Oui, parce que c'est le deuxième jet.
M. Ciaccia: Voyez-vous, M. le Président, ça ne sert
à rien parfois. On émet des concepts, c'est parce qu'on n'a pas
les gens avec la formation juridique, de l'autre côté de la table,
qui peuvent comprendre...
Je vais vous donner un autre exemple. L'entente qui a été
basée sur ce même jugement a été
négociée avec les autochtones en anglais, parce que les
autochtones ne parlaient pas français. Naturellement, il a fallu la
traduire. J'ai assisté, trois jours et trois nuits, sans arrêt,
avec quelques heures d'arrêt, à une table aussi large que
celle-ci, à la traduction, et chaque mot devenait une
négociation. Alors, ne me dites pas que vous allez traduire les
jugements si facilement et que la traduction deviendra authentique.
La seule manière qu'on a employée pour faire accepter, des
deux côtés, la version française, c'est parce qu'il y avait
des gens compétents dans les deux langues; mais savez-vous combien de
temps cela a pris? Et vous pensez que vous allez faire cela pour chaque
jugement? Voyons! Soyez réalistes. Soyez pratiques. Soyez justes. Vous
ne savez pas ce que vous dites quand vous proposez un article comme l'article
13. Vous n'avez pas l'expérience. Vous n'avez pas vécu le
problème des jugements traduits, des ententes traduites. Cet article
n'est absolument pas nécessaire. Ce n'est pas productif. Il y a plus de
difficultés avec l'article 13 que si vous ne l'aviez pas. C'est pour
cela que nous avons présenté un amendement.
On dit qu'on veut que le Québec soit une société
française, mais le Québec est une société
française. Le fait qu'il y ait un million de personnes qui, maintenant,
de plus en plusselon les statistiques, 51% sont bilingues sont
obligées de vivre en français, ce n'est plus une question... Ce
sont encore des mythes, on essaie de corriger des situations qui existaient il
y a dix ans.
Le projet de loi n'est pas pour corriger une situation qui existait il y
a dix ans. Le projet de loi devrait s'attaquer aux problèmes
d'aujourd'hui et, aujourd'hui, ce problème qui, selon vous, existe,
n'existe pas.
Allez dans les tribunaux à Montréal. Je ne parle pas des
tribunaux dans les autres endroits. A Montréal où,
supposément, nous avons le problème anglais-français,
toutes les procédures se font en français. Il n'y a aucun juge
qui ne parle pas français dans ces tribunaux, mais, pour rendre son
jugement, pour que ce juge soit juste envers ceux qui comparaissent devant lui,
il rend son jugement dans la langue dans laquelle il peut s'exprimer le mieux
pour rendre justice à ceux qui viennent devant lui.
Et je ne pense pas que vous puissiez trouver quelqu'un, où que ce
soit, qui se plaigne de ne pas avoir compris le jugement parce qu'il
était dans une autre langue. Une loi, c'est fait pour corriger certains
problèmes, mais ce problème n'existe pas. Il créera des
problèmes, et c'est cela qu'on essaie de vous dire. On parle de la
cohérence. Je me souviens d'un des premiers mémoires qui ont
été soumis à la commission parlementaire; il était
basé sur la cohérence. C'est un principe et, si on le suit,
à la fin, il ne mène qu'à la dictature.
Il est vrai que, si on commence avec un principe, une langue, la
cohérence, tout le reste doit disparaître, et le mémoire
je ne me souviens pas de qui, mais cela m'avait frappé
concluait que l'Université McGill devait disparaître,
l'école anglaise devait disparaître. C'est la
cohérence.
C'est vrai que, dans la démocratie, il y a beaucoup
d'incohérence, beaucoup, et c'est cette incohérence qui a permis
l'élection du parti ministériel parce que, dans le
fédéralisme actuel, c'est un parti qui dit: "On veut se
séparer". C'est incohérent, mais Dieu merci que nous ayons cette
incohérence! Je vais la défendre à mort. On va
défendre nos idées et celui qui peut convaincre le public, c'est
la démocratie.
Alors, ne venez pas me dire qu'au nom de la cohérence, il vous
faut l'article 13 parce qu'au nom de la cohérence, c'est ainsi que les
dictatures sont implantées, et je crois bien que ce n'est pas votre
intention, mais ce sont les principes que vous énoncez.
J'espère que le parti ministériel peut réviser ses
raisons pour l'article 13 et en évaluer les conséquences. Le
ministre d'Etat au développement culturel a dit: A la Régie des
loyers, on rend déjà des jugements en français. Un
jugement de la Régie des loyers comprend deux lignes. Le loyer sera
augmenté ou le loyer ne sera pas augmenté. Cela ne prend pas une
grande traduction. Ce n'est pas une affaire technique. Vous n'avez même
pas besoin d'un avocat pour rendre un jugement à la Régie des
loyers. The rent shall be $100. Le loyer sera de $100 ou le loyer sera de $85.
Cela peut certainement se traduire et il n'y a aucun problème. Ces
jugements peuvent être rendus en français sans que cela porte
atteinte à des principes juridiques, mais allez dans un procès
complexe, dans n'importe quel domaine, que cela soit dans la construction, que
cela soit dans le domaine immobilier, que cela soit dans des questions de
finance, de droits civils, de droits de la personne, et vous allez voir que la
pensée, l'évolution et les principes juridiques, c'est à
tel point que, même dans un jugement, ce n'est pas tout le jugement qui
est pertinent.
Il y a l'obiter dictum. Pourquoi cela? Parce qu'il y a certaines nuances
qui ne se rattachent pas au principe sur lequel il a été
porté devant la cour. Ce n'est pas pertinent, parce que c'est obiter
dictum. Il y a ces différences dans le jugement même, dans la
même langue. Comment va-t-on traduire cela et rendre la traduction du
vrai jugement? C'est aberrant. Franchement, c'est un domaine où vous
allez trop loin. Ce n'est pas absolument nécessaire. C'est injuste et
cela va détruire notre système judiciaire.
On dit toujours: On va protéger nos minorités, on ne veut
pas éliminer une minorité. On a fait une violente critique, parce
que j'avais osé suggérer que, par certains articles du projet de
loi, vous allez les réduire, les amoindrir à tel point que
certaines institutions ne seront pas viables. La preuve est parfaite, à
l'article 13, on n'en veut pas de ces minorités. C'est cela que vous
dites dans l'article 13. On va leur donner deux ans, pour se tasser puis se
placer... Vous dites dans l'article 13: Cela ne sert à rien, notre
système de représentativité de la magistrature, cela ne
s'appliquera plus, parce que cela va être impossible pour une personne
qui se
respecte elle-même, qui n'est pas française, et qui va
écrire un jugement dans une autre langue, de se conformer à
l'article 13". Si ce juge veut être un juge objectif, sans être
politique, et veut rendre justice à ceux qui sont devant lui, il
n'acceptera pas l'article 13. Parlez-en aux juges des tribunaux, ils vont vous
dire la même chose. C'est pour cela que le Barreau veut la qualité
de la justice, et vous ne pouvez pas dire que la représentation du
Barreau était contre les francophones. Il a accepté plusieurs
articles du projet de loi qui étaient pour la protection, la promotion
de la langue française et de la culture française. Mais il s'est
arrêté à cet article. Vous ne pouvez pas mettre en doute
les motifs qu'il a invoqués, c'est indécent pour quelqu'un qui
est d'une autre langue de se soumettre à cet article, parce que vous lui
dites: "Ce ne sera pas ton jugement qui va être officiel. Les
conséquences ne seront pas ce que tu dis, ce sera la manière de
le traduire, qui ne peut jamais être exacte dans les nuances".
Ce n'est pas comme un poème, M. le député de
Deux-Montagnes, mais même un poème perd sa qualité dans la
traduction; il n'y a pas de conséquences juridiques, ce n'est pas aussi
bon tout simplement.
M. de Bellefeuille: Cela dépend.
M. Ciaccia: La Divina Commedia, la Comédie Divine, en
italien et en français, ce n'est pas la même chose. Vous devez
l'avouer, c'est bien, cela nous instruit, cela nous plaît, mais ce n'est
jamais l'original. Cela n'a pas de conséquence juridique, c'est une
question de "enjoyment", on peut l'aimer mieux d'une façon ou d'une
autre, mais on parle d'un jugement qui va créer des
précédents. Notre système est basé sur une question
de précédents, même la présidence, quand elle rend
une décision, regarde aux précédents. Comment voulez-vous
que le système de précédents s'applique avec l'article
13?
M. le Président, pour toutes ces raisons, sincèrement, ce
n'est pas de la partisanerie, j'espère que quelques-uns parmi vous
pourront comprendre; je ne parle pas comme député libéral,
je ne parle pas comme député de l'Opposition officielle, je vous
parle en connaissance des principes juridiques, de notre système
judiciaire, j'ai vécu ces expériences, j'ai vu ce que cela
pouvait faire et j'espère que le gouvernement prendra mes
recommandations dans cet esprit, dans l'esprit dans lequel elles sont faites.
Merci.
Le Président (M. Bertrand): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne voudrais pas
minimiser la contribution du député des Deux-Montagnes à
l'argumentation de l'Opposition. Je pense que nous avons utilisé son
adage, comme il dit, parce que, dans les circonstances, il est peut-être
approprié et il demeure quand même vrai.
D'ailleurs vous avez développé une argumentation
vous-même, tout à l'heure, dans ce sens. Je pense que l'objectif
de cet amendement était bien davantage en réponse aux
représentations qui ont été faites par les hommes de loi,
par les membres du Barreau qui, je pense, sont probablement les mieux
qualifiés je ne voudrais pas encore une fois minimiser vos
talents que vous et moi pour juger de l'importance de cette question.
Non seulement sont-ils venus à la commission parlementaire faire des
représentations, et je pense que tout le monde reconnaîtra qu'ils
l'ont fait avec beaucoup d'objectivité et vraiment uniquement dans le
but de faire valoir ce qu'ils considéraient être les
intérêts des gens qui, pour une raison ou pour une autre, sont
traduits devant la justice ou ont affaire avec la justice. Ce que je trouve le
plus étonnant, c'est qu'ils soient revenus à la charge il y a
deux ou trois jours, probablement sachant que nous étions à la
veille d'aborder ce chapitre, et qu'il ne se trouvait pas dans le projet de loi
101 de modification importante par rapport à ce qui se trouvait dans le
projet de loi 1, même s'ils avaient fait des représentations
qu'ils jugeaient importantes.
Je pense que c'est davantage sur eux qu'on se repose en tout cas
pour ma part pour faire l'amendement que j'ai proposé. Je pense
qu'on peut difficilement soupçonner ces personnes qui reviennent
à la charge, qui tous les jours ont affaire avec la justice, qui
travaillent dans la justice, d'avoir des motivations que je ne qualifierai pas,
mais des motivations qui pourraient être identifiées à
celles que certains imputent à ceux qu'appellent des mauvais
Québécois, ou des Québécois inféodés
ou colonisés. En tous les cas je suis prête à leur donner
le bénéfice du doute qu'ils sont venus avec l'intention que la
justice s'exerce à l'égard de tous dans les meilleures conditions
possible.
Je voudrais simplement signaler au député de Rosemont qui
disait: Nous avons retiré l'article 72 parce que justement la Charte des
droits et libertés de la personne ne venait pas en conflit avec la
Charte de la langue française. J'aimerais quand même lui poser une
question, je ne tire pas de conclusion. Suite à une intervention du
ministre de la Fonction publique hier, je me demande si c'est sous forme
de question que je lui pose il ne pourrait pas y avoir là
c'est une question que je me pose autant à moi qu'à lui
une possibilité de conflit entre la Charte des droits et libertés
de la personne et la Charte de la langue française? Dans le débat
sur la recevabilité de la motion que je présentais, l'honorable
ministre dit: "M. le Président, non seulement, comme je l'ai dit tout
à l'heure, l'amendement va contre le principe même de la loi, et
en vertu de l'article 58, comme vous le savez, une commission ne peut modifier
le principe d'une proposition qui a déjà été
acceptée par l'Assemblée, mais plus absurde que cela, M. le
Président, il se pourrait fort bien, ce sera la conséquence
même de l'amendement s'il était accepté, qu'en cas de
divergence, le texte original prévale. On se trouverait donc, M. le
Président, avec une loi qui déclare le français langue
officielle, mais où l'acte le plus officiel peut-être des
tribunaux, c'est-à-dire les jugements, pourraient être
proclamés en langue anglaise, et seul
ce texte, à ce moment, serait officiel puisqu'il
prévaudrait quand il serait le texte original du jugement". Ceci peut
fort bien arriver, mais à ce moment est-ce que ce ne serait pas
là possiblement une situation de conflit entre les deux chartes? Que
d'une part, le jugement qui prévaudrait serait quand même le
jugement le plus équitable pour le justiciable, celui qui vraiment lui
donne, dans la mesure du possible, la meilleure qualité de justice? Mais
par contre, en vertu du principe qui sous-tend la Charte de la langue
française, je suis d'accord avec l'argumentation qu'il fait, il pourrait
y avoir conflit avec le principe, qui sous-tend la Charte de la langue
française. Dans les faits ne serait-ce pas là un cas je ne
vous demande même pas la réponse, mais je vous le signale parce
qu'on se posait de part et d'autre la question mais ne se trouverait-on
pas là devant un cas où les deux chartes viendraient en
conflit?
M. Paquette: Me posez-vous la question, oui ou non? J'aimerais y
répondre.
Mme Lavoie-Roux: Répondez-y. Si vous pouvez
m'éclairer, je suis bien consentante.
M. Paquette: Je pense qu'encore là l'article n'est
absolument pas contradictoire avec la Charte des droits de l'homme. J'ai
d'ailleurs relu attentivement, à l'instar du député de
Marguerite-Bourgeoys, le rapport de la Commission des droits de la personne. Il
ne faut pas penser, parce qu'on fait une citation de ce rapport, que
nécessairement l'article 13 est en contradiction. La commission dit,
à la page 37 de son rapport, que cet article pourrait
éventuellement faire en sorte que les jugements soient de moindre
qualité. C'est ce qu'elle nous dit. Cela ne veut pas dire que l'article
13 est en contradiction avec la Charte des droits et libertés de la
personne. Cela veut dire que si on ne faisait pas attention, si on
procédait trop brusquement et on demandait à des juges
anglophones qui ne sont pas actuellement équipés pour
authentifier la traduction de leur jugement, si on leur demandait cela tout de
suite, peut-être y aurait-il diminution de la qualité des
jugements. Ce qui ne vient absolument pas à l'encontre même
là cela ne viendrait pas à rencontre des droits et
libertés de la personne parce que vous avez la même
situation qui peut se présenter dans n'importe quel pays
unilingue...
A un certain moment, un juge est nommé et il se trouve que sa
langue maternelle n'est pas la langue officielle du pays je suis certain
que cela se produit dans certains pays et les jugements sont rendus
quand même. Il est possible que dans certains cas les jugements soient de
moindre qualité. Par contre, dans d'autres cas, il est possible qu'une
fois traduit, parce que c'est le deuxième jet, parce qu'il y a eu une
collaboration intense entre le traducteur et le juge, que la version dans la
langue officielle rende mieux la pensée du juge que le jugement
original. C'est possible, cela aussi.
Alors, il n'y a rien qui nous permette de dire que les droits des
citoyens, les droits fondamen- taux des citoyens à être
jugés vont être brimés par l'article 13. Je pense que dans
le rapport de la Commission des droits de la personne, il y a des
réserves, il y a une partie des recommandations de la commission qui
consiste en des recommandations pour dans son esprit
améliorer la loi. Je n'en ai pas trouvé qui parlaient d'une
contradiction entre les deux chartes. Par exemple, quand la commission, dans
une autre recommandation...
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: ... dit que les Canadiens devraient être admis
à l'école anglaise...
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette:... ce n'est pas sur la base d'une contradiction
entre les deux chartes, et dans ce cas-là non plus.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Rosemont, je voudrais simplement que vous preniez conscience que le
député de L'Acadie vous pose cette question sur son temps. Je
pense qu'elle préférerait que vous abrégiez.
M. Paquette: D'accord. Je m'excuse. On pourrait en parler
longtemps.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je vous ai laissé
aller. Je ne vous posais pas vraiment une question, mais vous désiriez y
répondre.
M. Paquette: Mais vous allez nous dire en quoi c'est
contradictoire.
Mme Lavoie-Roux: II reste que vous admettez vous-même que
la qualité du jugement pourrait être moins bonne.
M. Paquette: Et que dans certains cas elle pourrait être
meilleure.
Mme Lavoie-Roux: Possiblement aussi. Il reste que, dans la mesure
où on peut éviter que la qualité de la justice soit moins
bonne, je pense qu'on doit l'éviter. Je vous posais la question pour
qu'on y réfléchisse.
Le ministre d'Etat au développement culturel a reconnu hier qu'il
y avait des difficultés. Que le gouvernement a d'ailleurs
examinées très longuement avec qui de droit pour se faire
éclairer. Mais elles ne lui ont pas semblé, ou n'ont pas
semblé au gouvernement, suffisantes, ou assez sérieuses, pour
nous faire renoncer au principe très important qui préside
à toute cette loi et au chapitre de l'administration et de la
justice.
Je me demande ce qu'il ne considère pas des raisons assez
sérieuses ou suffisantes pour modifier l'article 13. Sans doute, nous
dit-il, en contrepartie, qu'il y a eu des abus dans le passé,
qu'à la Régie des loyers, par exemple, on a rendu jugement dans
la langue de celui qui était débouté et
non pas dans la langue de l'autre. Ce sont des difficultés
réelles. Je ne crois pas que le fait qu'il existe des difficultés
dans un domaine nous permette de prendre des risques d'en créer d'autres
dans des domaines similaires.
Ce qu'il faut, c'est vraiment prendre tous les moyens a notre
portée pour corriger les uns et les autres et surtout n'en pas
créer davantage. Je m'explique un peu difficilement cette position du
gouvernement. Il y a d'autres objections qu'on pourrait faire valoir. Par
exemple, est-ce que le fait de traduire va retarder l'administration de la
justice?
On nous dit que c'est très complexe, mais, là-dessus, le
ministre nous donne de nouveau l'assurance que le gouvernement peut prendre
soin de tout cela et qu'il va résoudre cela dans le délai qu'il
s'accorde de deux ans ou de deux ans et demi.
M. Paquette: Franchement, il y a nécessairement
traduction.
Mme Lavoie-Roux: II y a traduction, je suis d'accord avec vous,
mais, quand il y a conflit et quand il y a divergence, c'est le jugement
original qui prévaut. C'est le point principal.
Pour revenir à ces difficultés de traduction, je pense que
tout le monde sait, et certainement le député de Rosemont en
particulier, que, dans la recherche, une des règles, c'est que, quand on
possède la langue du texte original, on se réfère toujours
au texte original pour confronter ou rendre plus claire notre pensée et
être sûr des déductions qu'on pourrait faire. Je pense que
c'est quand même une règle qui présuppose que la traduction
demeure un art extrêmement difficile, et particulièrement dans un
domaine aussi complexe que celui de la justice.
Je pense que, pour la moyenne des citoyens, on préfère
toujours lire dans le texte original un livre que l'on veut lire si, par
hasard, on possède cette langue du texte original.
J'aurais pensé que j'aurais peut-être eu un peu
l'indulgence ce ne sera pas long de la commission pour quelques
minutes...
Le Président (M. Bertrand): Allez-y, je vous ai
déjà ajouté deux minutes supplémentaires.
Mme Lavoie-Roux: Tout simplement, en conclusion, ce qui, pour
nous, prime dans cet amendement, ce n'est pas l'établissement du
bilinguisme comme voudraient le faire croire certains députés du
parti ministériel, mais c'est vraiment la primauté à
accorder à la justice. Je ne pense pas que le Québec
français soit menacé ou soit en plus mauvaise position parce que,
dans ce domaine particulier qui touche des droits individuels, on admet une
dérogation au principe dans un domaine extrêmement précis.
C'est là le sens de l'amendement.
Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le ministre d'Etat
au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord rassurer
à nouveau les membres de la commission et surtout ceux qui
s'inquiètent que le ministre de la Justice n'ait pas été
présent lors de la discussion de ce chapitre. Je voudrais leur
répéter que ce chapitre a été élaboré
avec le ministère de la Justice, qu'à tous les moments de la
conception, de la rédaction de ce chapitre, le ministre d'Etat au
développement culturel a pu compter sur la collaboration très
étroite du ministre de la Justice et de tout son personnel, de tous ses
fonctionnaires, ce qui veut dire que chacun de ces articles a été
épluché, fouillé, étudié, analysé,
non seulement par mon cabinet, non seulement par le Conseil des ministres, mais
dans tous ses détails, par le ministre de la Justice et ses
collaborateurs. Ceci est vrai, M. le Président, non seulement pour les
articles du projet de loi, mais pour tous les avis qui nous ont
été communiqués. Je parle ici autant des nombreux
mémoires, que nous avons reçus en commission parlementaire, que
des lettres ou représentations qui nous ont été soumises
par d'autres moyens.
Le ministre de la Justice a eu tellement le sens de ses
responsabilités qu'il n'a voulu qu'aucun des paragraphes, qu'aucun des
mots de ce projet de loi n'apparaisse dans sa forme définitive avant
qu'il ne l'ait soumis à la stricte discipline de l'exégèse
juridique et je pense que, ce faisant, il a rempli le devoir qu'il a à
l'endroit de la population.
C'est donc dire, M. le Président, que, même si le ministre
n'a pas été présent physiquement à cette
commission, je ne dirai pas, comme hier, pour ne pas susciter des gorges
chaudes, qu'il a été présent en esprit, mais que j'ai pu
transmettre, je le crois, non seulement ses conclusions, ses décisions,
mais également tout le sens qu'il a voulu donner à chacun de ces
articles et à chacun de ces paragraphes.
Ceci est d'ailleurs vrai aussi bien pour l'article 172 dont parlait le
député de Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure. Je
m'inscris en faux contre sa déclaration. Ce n'est pas parce que
l'Opposition nous a forcés à renoncer à l'article 172 que
nous l'avons fait. Nous l'avons fait parce que nous avons jugé qu'il
était possible, qu'il était mieux de le faire, après,
encore une fois, une analyse exhaustive de tous les éléments,
articles, mots du projet de loi, à la lumière de la Loi des
droits et libertés de la personne. L'article 172 ne constituait qu'une
précaution liminaire, originelle, parce que nous voulions être
responsables et voir à ce que la Charte du français au
Québec s'applique, puisse être administrée, puisse avoir
tous les effets juridiques que nous en escomptions, mais pour cela il fallait
s'assurer au départ, par une précaution juridique, que ceci
pouvait être possible.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous avons fait
l'impossible, dès l'époque de la conception, pour que ce projet
de loi n'entache en rien les droits que possèdent les individus au
Québec et qui sont incarnés dans la Loi des droits et
libertés de la personne. Une fois que nous avons reçu tous les
avis que nous avons sollicités, que nous les avons
étudiés, nous nous sommes rendu compte
que notre conception préliminaire était juste, que la
Charte du français au Québec n'allait en aucune façon
à rencontre des droits et libertés de la personne. Ce n'est
qu'après tout ce long travail que nous avons effectué, que nous
avons pu alors renoncer à cette précaution que nous avions
d'abord incluse dans le premier projet de loi.
J'en viens maintenant d'une façon plus précise à
l'amendement que propose le député de L'Acadie. Il me semble,
après avoir écouté attentivement les membres de
l'Opposition, qu'il s'agit là encore une fois d'une tentative
désespérée, plus ou moins déguisée, de
maintenir le statu quo. Bien sûr, il y a des changements qui sont
connotés par cet article 13. Je ne les ai d'ailleurs pas niés. Il
y a des difficultés d'application au niveau concret, au niveau pratique.
On cherche, du côté de l'Opposition, à magnifier ces
difficultés, ces problèmes. On cherche à les monter en
épingle. On essaie même d'en faire un épouvantail pour
bloquer tout changement, pour bloquer toute évolution, une
évolution que, par ailleurs, souhaite, désire, exige le peuple du
Québec, et en particulier, sa majorité francophone. Evidemment,
les membres de l'Opposition ont chacun leur façon de s'opposer à
ces changements, à cette évolution. Le député de
Mont-Royal, par exemple, on le sent bien, s'oppose à l'article dans sa
totalité. Il n'en veut rien retenir. Pour lui, tout cet article est un
non-sens. Je lui dirais alors que si cet article est un non-sens, nous ne
sommes pas le seul pays, nous ne sommes pas la seule province à aller
dans le sens de ce que déplore le député de Mont-Royal,
puisqu'au fond et il le sait très bien, toutes les autres provinces du
Canada ont légiféré dans ce sens. Tous les pays normaux
ont légiféré dans ce sens, puisque dans tous les pays que
nous connaissons, il y a une langue officielle et les juges rendent leur
jugement dans cette langue. Le député de Marguerite-Bourgeoys,
évidemment, adopte une attitude en apparence plus nuancée. Il
commence par faire ce qu'on dit en anglais "pay lip-service to the principle",
c'est-à-dire qu'il semble accepter, en apparence, le principe, et il ne
change pas la première partie de l'article. Il reconnaît que les
jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent
être rédigés en français ou être
accompagnés d'une version française dûment
authentifiée.
Autant vaut pour le principe, mais, dans l'amendement qu'on nous
suggère par la suite, il y a des mots et des expressions qui ne peuvent
s'interpréter que comme une négation, en pratique, du principe
qui a été énoncé dans la première
phrase.
On dit, en effet: "S'il y a divergence entre les deux textes, le texte
original prévaut. N'est-ce pas là, M. le Président,
connaissant les us et coutumes, les habitudes des personnes concernées,
inviter d'avance à une divergence entre les deux textes? Je dirais que,
même inconsciemment, un juge sera peut-être porté, et
peut-être ne pourra-t-il faire autrement, à établir une
divergence entre les deux textes, d'autant plus qu'après tout ce qu'on
nous a dit sur la traduction, et là, je me réfère à
l'exemple qu'apportait le député de Mont-Royal sur le jugement du
juge Malouf, il est bien évident qu'il est hautement probable qu'il y
aura une divergence, même minime, entre les deux textes. Donc, que cette
divergence soit conditionnée par des facteurs plus ou moins conscients,
ou qu'elle soit voulue, ou qu'elle soit inévitable, il est bien
évident que cela veut dire, en pratique, que le texte anglais
prévaudra, et c'est la raison pour laquelle je dis que, d'une
façon certaine, c'est là une façon déguisée
de maintenir le statu quo ou une façon déguisée de nier la
première partie de l'article.
J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, qu'on cherchait
à magnifier les problèmes. Encore une fois, je ne les ai pas
niés, mais je suis convaincu qu'on cherche à les magnifier.
Malgré tout ce qu'on a dit de la traduction, il reste que les
traducteurs sont des universitaires, qui font des études très
sérieuses, qui ont des qualités, des aptitudes
particulières pour ce genre de travail, et qu'ils sont parfaitement en
mesure de saisir la pensée d'un autre et de la traduire d'une
façon fidèle.
Encore une fois, au ministère de la Justice, cet article a
été longuement étudié, et ces conseillers
juridiques, qui ont quand même, eux, l'expérience de
l'administration de la justice, qui en ont une expérience quotidienne de
par leurs activités depuis plusieurs années, qui ont pu
surveiller l'évolution en ce domaine, sont convaincus je vous
transmets ici leur conviction, autant que celle du ministre de la Justice
que la pensée d'un juge qui a prononcé un jugement en
anglais peut être très fidèlement rendue si la version a
été assumée par un traducteur compétent, et si,
d'autre part, l'authentification par le juge lui-même s'est
effectuée avec l'assistance technique nécessaire d'un traducteur
compétent.
Il ne faut donc pas, M. le Président, gonfler
exagérément, indûment, les difficultés de
traduction, ce qui aboutirait, en fin de compte, à nier la
compétence, la raison d'être d'une discipline telle que la
traduction.
De la même façon, M. le Président, il ne faudrait
quand même pas sous-estimer les capacités du juge lui-même.
Non seulement le juge est un universitaire, mais il a été
nommé, du moins, je l'espère, par le ministère de la
Justice, en raison de ses dons exceptionnels, en raison de ses qualités,
en raison de son intelligence, en raison de son expérience et, en plus
de cela, M. le Président, il a été nommé, depuis
quelques années, parce qu'il remplissait une condition que les
gouvernements précédents ont supposément exigée,
c'est-à-dire celle d'avoir une connaissance suffisante,
appropriée de la langue française, pour ne pas dire une
maîtrise de la langue française. C'est là une condition
à la nomination des juges que les gouvernements précédents
nous ont souvent exprimée à l'Assemblée nationale. On peut
donc supposer, M. le Président, que les juges qui ont été
nommés ou qui seront nommés sont déjà suffisamment
bilingues, peuvent comprendre suffisamment le français et ont tout ce
qu'il faut pour pouvoir, soit
maintenant, soit dans un proche avenir, exprimer en français les
nuances et peut-être les moindres nuances de leurs pensées.
Il ne s'agit pas là de quelque chose de nouveau. Encore une fois,
les conditions de nomination des juges sont bien connues et, en plus de cela,
plusieurs législations font une nécessité, une obligation
depuis quelques années aux professionnels et en particulier aux membres
du Barreau d'acquérir et de posséder la meilleure connaissance
possible qui soit du français.
D'ailleurs, il y a des exemples. Nous connaissons, dans les autres
provinces, des juges francophones, dont les noms sont évidemment
francophones, et qui ont rendu moult jugements en anglais sans que jamais les
justiciables de l'Ontario, du Manitoba ou de la Colombie-Britannique se soient
jamais plaints que leur droit à une stricte justice n'ait pas
été convenablement respecté.
N'est-ce pas là aussi ce qui se passe à la Cour
suprême où il y a, nous le savons, de notoriété
commune, plusieurs juges francophones qui très souvent, ont rendu leurs
opinions majoritaires ou minoritaires en français, sans que jamais on
assiste à une levée de boucliers de la part des victimes ou de
ceux qui devaient souffrir de ces jugements parce que leurs droits n'auraient
pas été suffisamment respectés.
N'y a-t-il pas aussi l'exemple de notre premier ministre national,
Pierre Elliott Trudeau, qui s'exprime parfaitement, aussi bien en
français qu'en anglais, ce qui montre bien qu'il est possible, quand on
est doué, comme le premier ministre l'est, et aussi quand on s'en donne
la peine, de pouvoir exprimer, avec une assez grande, pour ne pas dire une
parfaite fidélité, sa pensée dans une langue ou dans
l'autre et si, en plus, ces juges peuvent compter sur l'assistance de
traducteurs compétents, il me semble que les droits de la justice sont
parfaitement respectés. Alors, à ce moment, comme l'a
souligné mon collègue de Deux-Montagnes, il faut bien conclure
que le problème de l'indépendance des juges devient un faux
problème, en ce sens que jamais le ministère de la Justice n'a eu
l'idée ou n'aura l'idée d'essayer de dicter aux juges ses
opinions ou même les nuances de son opinion, si on admet que, la question
linguistique n'entrant en ligne de compte que d'une façon
infinitésimale, cela ne pourrait être vraiment que par pur
sophisme qu'on pourrait prétendre que, par ce biais,
l'indépendance des juges puisse être controuvée.
Encore une fois, j'en reviens à cette question du changement.
Changer un statu quo pose toujours des problèmes, des problèmes
que d'aucuns voudraient s'éviter, et cela est humain, cela est naturel,
parce qu'il est toujours fatigant, pénible, non seulement de consentir
au changement, mais d'effectuer, de mettre en place les mesures qu'impliquent
et qu'exigent ces changements.
On voudrait bien se les éviter quand cela est possible et c'est
bien la raison pour laquelle on préfère lutter contre
l'idée même du changement que de s'imposer les servitudes ou les
obligations que leur mise en oeuvre exige, mais, nous l'avons dit depuis le
début de l'étude de ce projet de loi, il y a des changements qui
s'imposent pour faire droit à l'évolution d'une
société, pour faire droit également aux désirs, aux
souhaits, aux demandes légitimes d'une population et, en l'occurrence,
ici, d'une population majoritairement francophone, non seulement en raison des
abus que j'ai signalés et qu'il faut corriger, mais en raison d'une
maturation, en raison de l'évolution normale d'un peuple qui prend sa
place avec de plus en plus de sérénité, d'assurance dans
ce pays qui est le sien. C'est la raison pour laquelle nous
répétons depuis le début de l'étude de ce projet de
loi que ce que nous voulons entériner ici, c'est le fait c'est un
fait d'une société essentiellement française qui,
bien sûr, comprend diverses minorités que nous entendons
respecter, mais quand même une société essentiellement
française, qui a sa langue, langue qui doit être respectée
et surtout langue qui doit devenir la langue commune, la langue de la
cohésion sociale, la langue qui prévaut dans les diverses
sphères de la vie collective et, en ce sens, nous le
répétons, le Québec a le droit d'être aussi
français, aussi massivement français que les autres provinces
sont anglaises, que les autres pays ont leurs caractéristiques et leur
identité culturelle qu'ils ont choisies et qu'ils prétendent
affirmer.
Ce principe ne nous empêche pas de témoigner du respect que
nous avons pour les individus et de témoigner du souci que nous avons de
les sauvegarder. Nous en avons parlé à l'occasion de
l'étude de l'article 11, de l'article 12. Il y a là des mesures
qui entendent, qui visent précisément à respecter,
à sauvegarder les droits des individus. Il en est de même pour
l'article 13 et c'est la raison pour laquelle nous retenons le principe que les
juges anglophones pourront rendre leur jugement en anglais. Mais il reste que
les difficultés qu'on nous a signalées d'ordre concret, d'ordre
pratique peuvent être résolues, peuvent être
réglées par des mesures administratives ou des mesures
législatives ultérieures.
On s'en sera rendu compte en étudiant l'amendement que j'ai
transmis pour renseignement aux membres de la commission, dans les
délais que le gouvernement se fixe, c'est-à-dire deux ans et
trois mois. Le ministère de la Justice entend ne pas se traîner
les pieds et agir avec la plus grande célérité pour mettre
sur pied un service de traduction judiciaire efficace et rapide. Il entend
également, durant cette période, prendre toutes les mesures,
surtout d'ordre pédagogique, pour développer l'usage du
français chez les juges. Si besoin est, M. le Président, le
ministère de la Justice préparera les modifications au Code de
procédure civile qui lui permettront de régler les
problèmes éventuels il n'est pas du tout certain qu'ils
soient aussi nombreux qu'on a bien voulu le souligner les
problèmes éventuels d'interprétation ou d'application que
pourrait soulever l'article 13.
C'est la raison pour laquelle je disais hier soir au
député de L'Acadie que ces problèmes, bien que nous les
reconnaissions, bien que nous entendions y apporter la solution
appropriée, ces problèmes, ces difficultés ne nous
paraissaient
pas suffisants pour nous faire renoncer à l'orientation
fondamentale du projet de loi telle qu'elle s'incarne dans cet article.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Combien de temps me reste-t-il?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous
reste six minutes.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Je voudrais seulement corriger quelques déclarations que le
ministre d'Etat a faites à mon égard. Je ne voudrais pas qu'il me
prête des propos que je n'ai pas dits. Quand j'ai argumenté contre
l'article 13, ce n'est pas contre le principe qu'il y a dans la première
partie de l'article, c'est-à-dire que les jugements soient
accompagnés d'une version française dûment
authentifiée. Même l'amendement que nous avons
présenté contient ce principe. J'ai parlé contre le fait
qu'on rende seulement officielle la traduction. C'est différent de ce
que le ministre m'a prêté.
Maintenant, quand on dit que dans un pays normal il y a seulement une
langue, je comprends cette tactique qui est de répéter quelque
chose assez souvent, pour que le monde finisse par le croire. Quand on a
parlé sur l'article 1, sur la langue officielle, j'ai voté pour
cela. C'est bien. Mais j'ai donné l'exemple d'une série de pays
au monde où ce n'était pas le cas, où il y avait deux,
trois ou quatre langues officielles et où les lois étaient
rédigées dans toutes les langues officielles. Il ne faut pas
toujours revenir à la charge et dire que c'est normal dans tous les
autres pays, je ne connais pas un autre pays au monde où il y a plus
d'une langue officielle...
Vous citez toujours la Suisse avec la question de territorialité,
mais il y a des cantons suisses où il y a plus d'une langue officielle.
Les lois sont rédigées dans les trois langues officielles de la
Suisse, l'allemand, le français et l'italien. Il y a certains cantons
multilingues où les langues sont officielles, celle du canton et celle
où il y a une minorité et où le principe que nous avions
énoncé avant, est appliqué et où
préférence est donnée à la langue du canton
spécifique. Même en Belgique qu'on cite souvent, il y a certains
districts où on peut utiliser en égalité absolue ou le
français ou le flamand.
Je crois que c'est faux, c'est erroné, cela induit la population
en erreur de lui faire croire que, partout au monde, c'est normal qu'il y ait
une seule langue officielle. Ce n'est pas vrai. Je ne vous donnerai pas toute
la liste des pays que j'ai donnée à l'article 1, vous avez
seulement à relire le journal des Débats; mais il n'y a rien de
normal là-dedans, et essayer de faire croire cela à la
population, c'est l'induire en erreur ou c'est ignorer totalement la
réalité ou c'est la fausser. Quand nous voyons la situation qui
existe ici... Et on veut réduire, on veut changer cette
réalité et on ne veut même pas faire cela, on parle
strictement d'un en- droit dans le domaine judiciaire, le statu quo
j'aimerais qu'on puisse définir le statu quo cela n'existe pas
parce que notre société est constamment en évolution. Le
statu quo dont vous parlez c'est quelque chose qui existait il y a dix ans,
cela n'existe pas aujourd'hui, même ce qui existait il y a six mois
n'existe pas aujourd'hui. Je pense que c'est totalement faux, vous ne
répondez pas au fond de nos objections, vous vous contentez de citer
supposément la situation d'autres pays et de dire qu'on défend le
statu quo. Je vous invite à relire les objections que nous avons
formulées pour l'article 13 vous indiquant que ce n'est pas le statu quo
qu'on défend, ce n'est pas non plus l'exemple des autres provinces qu'on
défend, la question de la normalité d'une langue est totalement
fausse.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre d'Etat au
développement culturel nous a servi un diagnostic à chacun de
nous. Nous l'avons écouté avec beaucoup d'attention. Je voudrais
simplement relever deux points avant de passer à une autre question. En
ce qui concerne le statu quo, le député de Mont-Royal a bien
indiqué que le statu quo dans une société en pleine
évolution comme la nôtre est difficile à définir.
Pour ma part, je dirai que lorsqu'il s'agit de principes fondamentaux de
l'administration de la justice dont le principe de l'indépendance des
juges, je serai toujours en faveur de ce statu quo. Ce n'est pas être en
faveur de l'amélioration de notre qualité de vie
démocratique que de vouloir changer ce statu quo.
Les remarques de certains députés, y compris le
député de Deux-Montagnes, m'ont indiqué de façon
plus claire qu'avant, quel était le problème que le gouvernement
affrontait devant notre motion d'amendement, et j'ai cru déceler qu'on
s'inquiète d'une tentative voilée de revenir au bilinguisme
institutionnel. J'aurai l'occasion de démontrer que c'est faux, mais de
façon à aider la marche des débats et de faire avancer la
question sur cet article que nous considérons fondamental, je veux
proposer un changement à la motion d'amendement, qui prendrait la forme
d'un sous-amendement et qui se lirait comme suit: "Que la motion du
député de L'Acadie soit modifiée en retranchant les mots
"Les deux textes sont officiels".
Le seul but de cet amendement, sur lequel j'aurai l'occasion de
m'exprimer plus longuement si vous le recevez, c'est d'éviter justement
cet écueil, de bien indiquer que notre but n'est pas d'établir un
bilinguisme institutionnel officiel, mais bien de mettre l'accent, dans notre
motion d'amendement, sur l'aspect de l'administration de la justice, la
qualité de l'administration de la justice.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est un
amendement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: C'est un sous-amendement, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
sous-amendement. Est-ce que vous avez le texte de l'amendement?
M. de Bellefeuille:... le député de L'Acadie se
fait voler son sac à main et son amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
Il est proposé par le député de
Marguerite-Bourgeoys que l'amendement du député de L'Acadie
qui se lisait: "Les jugements rendus au Québec par les tribunaux
et organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires
doivent être rédigés en français ou être
accompagnés d'une version française dûment
authentifiée. Les deux textes sont officiels. En cas de divergence, le
texte original prévaut." soit amendé. Il se lirait comme
suit... M. le député de Marguerite-Bourgeoys présente un
sous-amendement pour que la motion du député de L'Acadie soit
modifiée en retranchant les mots "les deux textes sont officiels", de
telle sorte que si le sous-amendement était reçu et était
adopté, l'article tel que sous-amendé se lirait: "Les jugements
rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des
fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être
rédigés en français ou être accompagnés d'une
version française dûment authentifiée. En cas de
divergence, le texte original prévaut."
Alors, je déclare ce sous-amendement receva-ble et
reçu.
M. Grenier: Pour le journal des Débats, en lisant, vous
avez dit "en français" alors qu'on lit "en langue française".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "En
français". C'est "en français".
Mme Lavoie-Roux: On l'avait corrigé hier. M. Grenier:
Excusez-moi.
M. Lalonde: Je m'excuse auprès du député de
Mégantic-Compton. C'est une erreur qui s'était glissée
dans notre motion d'amendement et qu'on avait corrigée pour le journal
des Débats hier.
M. Grenier: Parfait.
M. Lalonde: La raison pour laquelle je présente ce
sous-amendement, c'est justement pour tenter de bien faire comprendre au
gouvernement que le but de notre amendement, ce n'est pas de tenter, par la
bande, d'introduire des principes de bilinguisme institutionnel qui sont, on le
sait, contraires aux principes de ce projet de loi. Je comprends certaines
remarques et je remercie le député de Deux-Montagnes, en
particulier, qui m'ont éclairé à ce propos. J'ai compris
son inquiétude, à savoir que, si on acceptait l'amendement tel
quel, on pourrait peut-être, justement à cause des mots "les deux
textes sont officiels", revenir ou enfin, introduire, dans ce projet de loi, un
principe qui, de toute évidence, n'est pas acceptable pour le
gouvernement. Quant au reste des arguments, ceux du député de
Deux-Montagnes ou du ministre d'Etat au développement culturel à
propos de la deuxième partie de l'amendement, qui n'est pas
touchée par ce sous-amendement, je pense que leurs arguments sont
très faibles et nous aurons sûrement l'occasion de voir
jusqu'à quel point lorsque nous allons disposer de ce sous-amendement.
On accuse...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Recevable et reçu.
M. Lalonde: On accuse l'Opposition officielle de vouloir
maintenir un statu quo, de vouloir promouvoir le bilinguisme institutionnel et
de rendre ainsi un mauvais service à la population. Ce n'est pas la
première fois qu'on entend cette accusation.
Le jugement que ce gouvernement a porté à l'égard
de la politique linguistique de l'ancien gouvernement contenait cette
accusation et je pense que c'est l'occasion actuellement de tirer au clair
cette question et de démasquer l'argumentation du gouvernement à
ce propos.
Dans une politique linguistique pour le Québec, M. le
Président, il y aurait, je crois, trois options. Il y en aurait
peut-être plus, mais je pense que nous sommes en face de trois options,
si l'on tient compte seulement des arguments et de l'évolution du
débat depuis une dizaine d'années.
Il y aurait l'option de l'unilinguisme, option du gouvernement actuel,
l'unilinguisme qui, dans une société pluraliste, ne peut se faire
que par la réduction de l'autre langue. La deuxième option serait
le bilinguisme institutionnel qui, pour mériter ce mot, doit être
une politique de promotion de deux langues. On ne peut pas avoir une politique
de bilinguisme formel sans que les dispositions, sans que les moyens, les
instruments choisis par le gouvernement n'aient pour effet de faire la
promotion égale des deux langues.
Il y en a une troisième, M. le Président, c'est de faire
la promotion de celle des deux langues, dans une société
pluraliste comme la nôtre, qui a besoin de l'aide de l'Etat. Cette
troisième option comprend un traitement privilégié de
cette langue, sans réduction de l'autre langue au niveau individuel.
C'est la politique que le Parti libéral a introduite dans la Loi sur la
langue officielle et a conservée avec seulement des modifications en ce
qui concerne les modalités d'application quant à la langue
d'enseignement dans sa politique actuelle.
M. Chevrette: M. le Président, en vertu de l'article 100,
le député de Marguerite-Bourgeoys me permettrait-il une
question?
M. Lalonde: Oui.
M. Chevrette: Si vous enlevez les mots "les deux textes sont
officiels", comment pouvez-vous logiquement maintenir qu'en cas de divergence
de vues, le texte français prévaudra? Comment pouvez-vous,
logiquement, faire cela?
M. Lalonde: N'est-ce pas ce que l'on fait, on dit que le texte
original prévaut?
M. Chevrette: Oui, mais si vous enlevez les deux textes, il reste
seulement un texte officiel qui est en français.
M. Lalonde: Pas nécessairement; si on enlève les
termes: "les deux textes sont officiels", à ce moment-là, si on a
un jugement en anglais, on a une traduction française de par la
compréhension même de la première partie de l'article et on
a une règle d'interprétation, à savoir, s'il y a
divergence, que c'est le texte original qui prévaut. On n'a pas de
mention pour savoir lequel est officiel ou lesquels sont officiels.
M. Chevrette: Si vous faites référence à
l'article 7 disant que le français est la langue officielle, la langue
de la justice officielle, et que vous enlevez qu'il y a deux textes officiels
au niveau de l'article 13, ne pensez-vous pas que l'article 7 dispose
automatiquement de votre amendement, en vous référant à
l'article 7?
M. Lalonde: Si le député a raison, M. le
Président, à ce moment-là, l'article 7 dispose aussi de
l'article 11, qui prévoit que les individus je pense que c'est
l'article 11 vont pouvoir plaider en anglais, dispose aussi de l'article
12 qui prévoit des procédures en anglais qui sont
officielles.
A ce moment-là, je pense que la perception du
député de Joliette-Montcalm de l'article 7 est une perception
trop stricte, trop limitative. Si l'article 7 est le seul qui doit s'appliquer,
à ce moment-là, M. le Président, effaçons les
articles suivants, parce que, justement, l'article 68, par exemple,
édictait un principe et les autres articles, des accomode-ments.
Par dérogation à l'article 68, toute la loi sur une langue
est faite comme cela. Si on suit le raisonnement du député de
Joliette-Montcalm, à ce moment, gardons l'article 1 et laissons tomber
les autres.
M. le Président, je pense avoir répondu au
député de Joliette-Montcalm. Donc, dans les trois options, nous
avons choisi celle de la promotion d'une langue avec un traitement
privilégié pour cette langue. Si c'était du bilinguisme
institutionnel, on n'aurait pas dans la loi 22 des programmes de francisation
des entreprises; on aurait des programmes de bilinguisation des entreprises. A
ce moment, il faudrait prévoir des programmes pour introduire la langue
anglaise dans les entreprises francophones ou la rendre possible. Je suis
sûr que, dans des dizaines de milliers d'entreprises francophones, il est
impossible de fonctionner en anglais, et qu'un anglophone uni-lingue, si notre
loi 22 était une loi de bilinguisme institutionnel, pourrait
réclamer de la Régie de la langue française, qu'on aurait
appelé la régie des deux langues, l'implantation d'un programme
de bilinguisation pour lui permettre de travailler en anglais. Cela serait une
politique de bilinguisme institutionnel.
J'espère qu'on va en finir une fois pour toutes de cette
tromperie dont le gouvernement s'est rendu coupable jusqu'à maintenant,
à savoir de traiter la loi sur la langue officielle actuelle comme
étant une politique de bilinguisme institutionnel. Il n'y a rien de plus
faux, et si c'était vrai, à ce moment, on aurait des programmes
de bilinguisation des entreprises, on aurait des programmes qui permettent
si vous permettez, je vais terminer à un anglophone
d'exiger l'implantation d'un programme d'anglicisation d'une entreprise
francophone, si notre loi 22 était une loi de bilinguisme
institutionnel. Non. La loi 22 est une loi qui fait la promotion de la langue
qui a besoin de la promotion de l'Etat à cause de tout le contexte qui a
été décrit de long en large par la commission Gendron et
qui est conforme, d'ailleurs, aux conclusions de la commission Gendron. Nous
avons donc une loi, une politique de traitement privilégié pour
une langue, mais dans le respect de la langue seconde, dans le respect de ceux
qui forment une communauté importante au Québec, la
communauté anglophone.
M. Laurin: Est-ce que je peux poser une question au
député de Marguerite-Bourgeoys? Est-ce que, si je lui disais que
nous acceptons son sous-amendement, il modifierait son intervention?
M. Lalonde: Naturellement, je me déclarerais heureux, mais
je me permettrais quand même de terminer mes remarques, parce que je
crois important à ce stade, à l'occasion de cette motion, de bien
définir quelle est notre position et de mettre fin à cette
politique, à ce persiflage dont le gouvernement se rend coupable
actuellement à l'égard de la loi sur la langue officielle.
M. le Président, quel est le résultat d'une politique de
bilinguisme institutionnel? Ce seraient, comme je l'ai dit tantôt, des
programmes de bilinguisation des entreprises, ce seraient des programmes pour
donner le droit à des anglophones de travailler en anglais dans des
entreprises francophones. Ce serait donc totalement injuste, parce que la
langue anglaise n'a pas besoin de cet apport, n'a pas besoin de cette aide de
la part de l'Etat. On sait que la langue anglaise jouit d'un statut au
Québec qui dépasse l'importance de cette minorité au
Québec. Elle jouit de ce statut...
M. Guay: Est-ce que je peux me permettre de vous souligner que le
député de Marguerite-Bourgeoys ne parle pas de façon
très pertinente du sous-amendement?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puis-je
me permettre de vous rappeler qu'il est extrêmement difficile pour la
présidence de déterminer, en fait, si quelqu'un parle à
l'intérieur de l'amendement ou non? De toute façon...
M. Guay: Quand on fait un sous-amendement qui a pour but de
retirer les mots "les deux textes qui sont officiels" d'un amendement qui porte
sur les jugements, il me semble que, quand on est rendu à parler de la
loi 22 consacrant le bilinguisme au Québec, on est pas mal hors du
sujet.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sans
vouloir porter un jugement sur le fond de l'argumentation du
député de Marguerite-Bourgeoys, celui-ci a beaucoup
d'expérience et il verra à parler du sous-amendement.
M. Guay: C'est précisément à cause de cela
que j'interviens.
M. Lalonde: M. le Président, je dis, dans l'introduction
à mon amendement, que c'était pour enlever toute supposition que
nous étions en faveur du bilinguisme institutionnel.
Donc, je parle de bilinguisme institutionnel. Voilà un choix que
nous n'avons pas fait, un choix qui nous a été
suggéré par quelques-uns qui, ne connaissaient pas les
résultats: faire la promotion des deux langues quand il y en a une qui a
déjà toute la puissance a l'intérieur du contexte
sociologique, économique et social, aurait été la perte,
à plus ou moins long terme, de la langue qui en a besoin,
c'est-à-dire la langue française.
L'unilinguisme institutionnel, on voit ce que ça donne. On voit
que ça donne l'érosion de nos droits les plus fondamentaux,
ça crée l'érosion de nos valeurs démocratiques.
Quant à la promotion d'une langue, telle que l'a fait la loi 22, le
résultat donne le reflet fidèle, dans toutes les activités
de ce que notre société est, et elle est pluraliste. Oui,
ça veut dire que l'anglais, de temps en temps va être là.
Il va être là dans l'affichage, dans l'étiquetage, il va
être là un peu partout. Mais c'est le reflet on ne le cache
pas il est là. Alors, ça, c'est démocratique, et
ça permet de conserver nos valeurs démocratiques fondamentales.
Cela permet justement d'éviter les abus odieux qu'on voit, comme dans
l'article 13 actuellement, M. le Président, et c'est la seule raison
pour laquelle j'enlève les mots "les deux textes sont officiels". Il me
semble que cela aurait pour effet d'effacer toute ambiguïté quant
à notre position sur une politique linguistique non pas de bilinguisme
institutionnel, mais de promotion du français et dans le respect des
droits collectifs et des droits individuels.
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que les...
M. Laurin: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
membres de la commission sont disposés à voter sur le
sous-amendement?
M. Grenier: Oui, il est adopté, M. le Président,
ça va.
M. Chevrette: Adopté unanimement.
M. Grenier: Le sous-amendement est adopté. On est bien
clair. On retire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, le
sous-amendement proposé par le député de...
M. Chevrette: On revient à l'amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... non
pas de Mont-Royal, mais de Marguerite-Bourgeoys est adopté, de telle
sorte que, maintenant, je dois revenir à l'amendement et demander le
vote sur l'amendement, si vous êtes prêts à voter sur
l'amendement.
M. Chevrette: Tel qu'amendé.
M. Laurin: Tel qu'amendé, on est prêt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement proposé par Mme le député de L'Acadie, tel
qu'amendé par la motion d'amendement du député de
Marguerite-Bourgeoys est-il adopté?
M. Laurin: Rejeté, M. le Président. M. Lalonde:
Appel nominal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur
l'amendement proposé...
M. Lalonde: C'est l'amendement du député de
L'Acadie, je pense, c'est ça que vous appelez?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'appelle le vote sur l'amendement...
Mme Lavoie-Roux: Amendé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Amendé.
Mme Lavoie-Roux: On le savait. M. Chevrette: Je suis bien
content. Mme Lavoie-Roux: On...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu
(Terrebonne)?
M. Fallu: Contre, M. le Président.
M. Lalonde: Je ferai remarquer qu'on aurait pu parler pendant 20
minutes chacun, M. le Président. H ne s'agit pas de faire un
"filibuster", c'est simplement d'ouvrir les yeux aux aveugles.
M. Chevrette: II n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut
pas entendre.
M. Paquette: Un "filibuster"...
Mme Lavoie-Roux: Ils sont comme des nouveaux-nés;
ça commence.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charbonneau (Verchères)?
M. Charbonneau: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charron (Saint-Jacques)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Contre la "filibuste" et contre l'amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grenier (Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau)?
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le
Moignan (Gaspé)?
M. Le Moignan: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Défavorable, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement... M. le député de... Excusez-moi... Gatineau, M.
Gratton, excusez-moi.
M. Gratton:... de m'abstenir. Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement de Mme le député de L'Acadie, tel que
sous-amendé, est rejeté, huit voix contre six.
M. Laurin: Je propose l'adoption de l'article 13, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que les membres de la commission sont disposés à voter sur
l'article 13?
M. Lalonde: Non, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je
vais retrouver ma liste pour l'article 13, puisque nous avons passé
d'amendement à sous-amendement.
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, on a tenté...
Mme Lavoie-Roux: Combien nous reste-t-il de temps?
M. Lalonde: Je ne pense pas avoir parlé
là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas parlé...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II reste
20 minutes au député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Tant mieux.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez de
répondre à la question, M. le ministre d'Etat au
développement culturel s'est exprimé et il a un temps
illimité en vertu du règlement l'article 160,
alinéa 2. Mme le député de L'Acadie a parlé de 21 h
58 à 22 h 3 et M. le député de Marguerite-Bourgeoys ne
s'est pas encore exprimé.
M. Lalonde: Le député de Mont-Royal?
Le Président (M. Cardinal): Non plus. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur l'article 13.
M. Lalonde: Je voudrais...
Le Président (M. Cardinal): Vous changez? Alors, M. le
député de Mont-Royal. Vous avez un dossier vierge, alors, vous
avez vos 20 minutes.
M. Ciaccia: Je ne ferai pas de commentaire sur votre commentaire,
M. le Président. Nous avons donné nos raisons d'ordre juridique,
de justice, pour lesquelles nous sommes contre le principe de l'article 13.
Je veux être très précis. A l'article 13, je ne suis
pas contre le fait qu'il y ait une traduction, qu'il y ait un jugement dans les
deux langues. Si un jugement est rendu en anglais, on peut l'authentifier, on
peut donner une version française, mais je m'oppose au fait que ce sera
seulement la version française, ce qui veut dire la traduction,
qui sera officielle. Nous avons donné toutes les raisons pour
lesquelles nous pensons qu'un tel article irait à rencontre de
l'indépendance des juges, à rencontre de notre système
judiciaire, et les difficultés que cela comporterait.
On donne comme raison qu'on veut imposer l'unilinguisme. Avec tout le
respect que j'ai pour ceux qui veulent imposer l'unilinguisme, je vois
difficilement comment ils vont effacer, enlever de la face du Québec les
autres langues qui existent dans notre société pluraliste.
Ce n'est pas en rendant impossible l'administration de la justice, ce
n'est pas en enlevant le droit aux justiciables, ce n'est pas en
réduisant l'efficacité de notre système judiciaire qu'on
va imposer l'unilinguisme. L'impression qu'on veut donner ici dans ce chapitre
avec toutes les contradictions, les ambiguïtés, le manque de
cohérence, ce n'est pas de faire du français la langue de la
justice, on donne l'impression que cela va devenir, par ce chapitre, la langue
de l'injustice. Il y a trop de conflits, trop de provocations, trop de
contradictions pour que cela soit quelque chose qu'on puisse administrer
convenablement pour rendre justice à tous les
Québécois.
Je me pose une autre question. Quand on dit qu'on veut imposer
l'unilinguisme, je ne veux pas qu'on interprète mal mes propos. Je ne
suis pas contre le fait que tous soient capables de communiquer, de travailler
en français, ce n'est pas cela. La primauté du français au
Québec, ce n'est pas contre cela que je m'exprime. Mais il faut
être réaliste, non seulement nous avons une autre langue au
Québec, mais nous avons aussi une autre langue autour de nous. Pour
imposer l'unilinguisme, il faudrait imposer des conditions arbitraires dans
tous les domaines. Je me demande, M. le Président, comment cela va se
faire.
Je prends, par exemple, le domaine des communications. Comment
allons-nous imposer l'unilinguisme? Est-ce qu'on va faire des "blackout"
sur...
M. Dussault: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! M. le député de Châteauguay, sur une question
de règlement.
M. Dussault: Oui, il me semble que les propos de M. le
député de Mont-Royal ne sont pas pertinents.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur la question de
règlement. Je vois que treize heures arrive.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour cela...
Le Président (M. Cardinal): Je ne m'adresse pas à
vous, je m'adresse aux membres de la commission.
M. Lalonde: Je ne sais pas si le député de
Châteauguay est fatigué. M. le Président, si vous voulez
suivre l'invitation du député de Châteauguay, il faudrait
réellement ne pas suivre la tradition qui a été
établie depuis le début du débat sur l'article 13. Je vous
invite à lire le journal des Débats, si vous voulez
vérifier, mais une certaine largesse a été
acceptée.
M. Dussault: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Etant donné que M. le député de
Marguerite-Bourgeoys intervient sur ce que j'ai dit, je tiens à
préciser que si je devais être fatigué, ce serait surtout
de la "filibuste" de l'Opposition officielle que je le serais.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. A l'ordre; M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je dois vous dire que j'ai lu la
transcription du journal des Débats depuis le début des travaux
de la commission sur le projet de loi no 101, chaque jour, chaque
après-midi, chaque soir. Je sais fort bien ce qui s'est passé. Je
dois donc constater, parce qu'on me pose une question et qu'on soulève
une question de règlement, qu'il est vrai que la présidence a
été très généreuse en permettant qu'à
l'occasion de chaque chapitre l'on reprenne le débat sur le fond de la
question. C'est pourquoi je ne puis, en cours de route, changer d'idée.
Et, malgré l'intervention du député de Châteauguay,
je laisse M. le député de Mont-Royal continuer son
exposé.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Alors, je disais que si le but de l'article 13 était de tenter
d'imposer l'unilinguisme. Premièrement, c'est un but...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, vous pourriez dire devant les tribunaux ou pour les juges, à
ce moment, il n'y aurait pas de question de règlement.
M. Ciaccia: Je vous remercie pour votre recommandation.
Devant les tribunaux et pour les juges, premièrement, je trouve
que c'est un endroit bien mal placé pour essayer de faire cela,
même si on veut atteindre son objectif dans les autres domaines, ce n'est
pas dans le domaine de la justice qu'on va le faire. Ce n'est pas en rendant le
texte anglais d'un jugement officiel anglais ou qui prévaut sur le texte
français... Ce n'est pas cela qui va empêcher le fait
français au Québec, mais cela va rendre justice, cela va
permettre de bons jugements, cela va permettre la bonne administration de la
justice.
Parce que, même si on veut atteindre ce but, ce n'est pas
seulement dans le domaine de la justice qu'il va falloir être arbitraire
et imposer des conditions que les gens n'accepteront pas, qui vont aller
à rencontre même du bon sens. Il va falloir le faire dans le
domaine des communications, il va falloir le faire dans le domaine de
l'immigra-
tion. Si c'est le genre de société restreinte qu'on veut,
M. le Président, ce n'est pas le genre de société que moi,
je pourrais accepter et que la majorité des Québécois
pourrait accepter. Cela n'a rien à faire avec la promotion du
français. Les lois avec un esprit revanchard comme celui-ci,
l'ingérence dans l'administration de la justice... S'il est un endroit
qui devrait être dépolitisé, c'est bien l'administration de
la justice. Maintenant, on voudrait faire de la politique avec les juges, on
veut faire de la politique avec la magistrature...
M. de Bellefeuille: Excellente association, cela est fort
populaire.
M. Ciaccia: M. le Président, cela me répugne, c'est
simple. Dans toutes les recommandations que nous avons faites, nous avons
essayé de répondre à toutes les objections du parti
ministériel. Il ne voulait pas le bilinguisme institutionnel;
très bien, on a retranché certains mots pour que cela ne donne
pas cette impression...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, parlez donc du chapitre III qui parle de la langue de la
législation et de la justice.
M. Dussault: De l'article 13.
M. Ciaccia: C'est exactement de cela que je parle. J'essaie de
démontrer comment nous avons essayé d'apporter des suggestions
positives au projet de loi, à l'article 13 spécifiquement, pour
le rendre juste et administrable.
On a parlé d'un système de traduction. M. le
Président, ceux qui ont un peu d'expérience avec la traduction de
textes vont vous dire les difficultés et parfois les
impossibilités qui peuvent se produire quand on essaie de traduire des
textes, et spécialement des textes légaux. J'en ai fait
l'expérience, on a parfois passé presque toute une journée
sur une phrase pour faire accepter le sens de cette phrase, pour que cela ait
le même effet dans une langue comme dans l'autre. On veut nous faire
croire qu'on va pouvoir instituer ce système de traduction qui va
fonctionner de façon équitable dans le domaine des jugements sans
que cela cause des difficultés. M. le Président, je peux vous
dire que cela est impossible. Il y a maintenant assez de délais, assez
de difficultés dans l'administration de la justice. On essaie par tous
les moyens possibles de rendre la justice plus efficace parce que, comme on l'a
dit, "justice delayed is justice denied", si on impose encore d'autres
restrictions pour causer encore plus de délais ce n'est pas la
raison principale, mais je vous donne seulement l'une des difficultés
on va voir comment on va réduire le niveau professionnel de la
justice et des tribunaux.
On dirait que les propos des ministériels ne sont pas pour une
évolution progressive des concepts et des améliorations de notre
société. Cela équivaut ni plus ni moins à une
destruction de ce qui existe parce qu'on est contre cela. On n'apporte pas de
changements positifs. On a des idées sur certaines choses qui se sont
passées il y a dix ans et on essaie aujourd'hui, parce qu'on a ces
idées-là, de démolir nos institutions, de démolir
notre système. On ne nous a pas encore démontré qu'on va
le remplacer par quelque chose de mieux, qui comporte de meilleures valeurs
humaines et de meilleures valeurs professionnelles et juridiques. Je sais que
le gouvernement est inflexible. Il ne veut pas comprendre. Nous avons
essayé par tous les moyens, même le dernier sous-amendement
à l'article 13, c'était simplement pour aider à rendre
justice à ceux qui iront devant nos tribunaux. Mais, malgré
toutes les tentatives que nous faisons pour essayer d'améliorer le
projet de loi, nous n'allons pas contre le principe. Nous acceptons certains
principes. Mais il y a certains principes fondamentaux et on ne peut pas
le dire assez souvent comme l'indépendance de la magistrature.
Enlever ce secteur de la politique, c'est une chose dont on ne peut être
trop soucieux. Du revers de la main, par l'article 13, on veut porter atteinte
à ce principe fondamental et je ne vois pas comment on pourra avoir
cette distinction, cette séparation des pouvoirs entre le
législatif et le judiciaire avec un article comme l'article 13.
Pour ces raisons, et les autres raisons que nous avons
évoquées sur la discussion des amendements, nous allonsje
vais en tout cas voter contre l'article 13.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le député de Mégantic-Compton
voulait-il...
Le Président (M. Cardinal): Personne n'a invoqué
l'article 92. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, sur l'article 13,
j'aimerais...
M. Grenier: M. le Président, seulement une question
technique. Puis-je savoir combien de temps il me reste?
Le Président (M. Cardinal): II vous reste tout le temps,
monsieur.
M. Grenier: Je n'ai pas pris de temps sur l'article 13?
Le Président (M. Cardinal): Pas du tout, pas encore.
M. Grenier: Alors j'interviens... Puis-je savoir combien il reste
de temps au député de Marguerite-Bourgeoys?
Le Président (M. Cardinal): II est dans le même cas
que vous.
M. Paquette: M. le Président, sur l'article 13, sauf votre
respect, je pense que le député de Mégantic-Compton est
intervenu, il a même proposé un amendement.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette, les notes sont
devant moi.
M. Paquette: II a même proposé un amendement pour
inviter le ministre de la Justice.
Le Président (M. Cardinal): Non, il y a eu tout de suite
un amendement de Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a seulement moi qui ai utilisé du
temps.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat s'est
exprimé...
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): ...à 21 h 57. Il a
été suivi, une minute après exactement, par Mme le
député de L'Acadie qui a employé cinq minutes de ses vingt
minutes et qui a immédiatement proposé un amendement et, depuis
ce temps, vous avez discuté de l'amendement, du sous-amendement et de la
motion de suspension.
M. Paquette: C'est vrai, trois motions dilatoires.
M. de Belleval: Nous continuerons après la période
des questions sur l'article 13. On commence le débat sur l'article
13.
M. Dussault: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Oui, M. le député de Châteauguay, sur une
question de règlement ou une demande de directive?
M. Dussault: C'est une question de règlement. Vous qui
êtes le grand spécialiste de la procédure, à cette
commission, est-ce que vous pourriez nous dire si, dans les règlements,
il existe quelque chose qui pourrait empêcher qu'on entende la redite des
mêmes arguments. Malheureusement, s'il n'y a rien, c'est vraiment
triste.
M. Ciaccia: Si vous ne le comprenez pas, on peut le
répéter.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Châteauguay, c'est une demande de directive. Le seul article qui pourrait
me guider concerne les motions. Je n'ai pas encore mentionné que je
vais, suite à votre demande et vu que nous employons toujours les
dernières minutes pour de semblables questions, je voulais mentionner
aujourd'hui peut-être que j'aurais, dû le mentionner plus
tôt qu'en vertu de l'article 65, paragraphe 1 vous savez
qu'il y a eu plusieurs motions d'amendement et même de motions
préliminaires ou d'autres motions qui furent présentées
que je n'ose point qualifier; qu'il y a eu aussi des débats sur la
question de recevabilité, des débats très restreints
en vertu de l'article 65 paragraphe 1 le président a le droit de
mettre en délibération toute motion c'est ce que nous
faisons avec l'article 13 mais dès qu'une motion nous
paraît irrégulière c'est ce qui est arrivé,
j'en ai refusé un certain nombre, c'est ce que je veux souligner et
terminer par là ou par les buts qu'elle veut atteindre la
décision qui a été rendue ce matin par M. le
député de Jonquière parlait justement de ce sujet.
Je veux qu'à l'avenir l'on tienne compte, non seulement de
l'article 70, quant à la technique de l'amendement, quant au principe de
l'amendement, mais aussi de l'article 154, quant au principe de la loi, et de
l'article 65.1, quant au but que l'on veut atteindre par l'amendement et dont
la présidence peut juger. Sur les débats, je ne puis qu'appliquer
l'article 160 et laisser 20 minutes à chacun, même si j'entendais
ce n'est jamais arrivé, je le sais la quinzième
réédition du même discours.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a une question de règlement qui
exige qu'un député ministériel ait un peu de bon sens
entre les deux oreilles?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Ceci n'est pas une demande de directive.
M. Charbonneau: Vraiment, on va lui donner un prix Nobel!
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez... A
l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Une intelligence transcendante.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, très brièvement.
M. Grenier: Seulement pour vous faire savoir que selon mon
entente avec le député de Marguerite-Bourgeoys je pourrais
commencer mon intervention immédiatement, si vous jugez que le
débat ne doit pas être suspendu.
Le Président (M. Cardinal): Non, ils ne sont pas
suspendus, les travaux de la commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 13 heures)
Reprise de la séance à 16 h 20
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Messieurs les députés et ministres, si vous voulez
regagner vos fauteuils. A l'ordre!
Nous avons quorum et c'est une nouvelle séance de la commission
de l'éducation, des affaires culturelles et des communications qui
étudie le projet de loi no 101, Charte de la langue française,
article par article. Tel est le mandat de la commission après
deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Je fais l'appel des membres et je souligne immédiatement que
cette séance sera suspendue à 18 heures pour reprendre à
20 heures et ajourner à 23 heures. Elle reprendra demain matin à
10 heures. Il s'agit d'une motion adoptée à l'Assemblée
nationale et d'un avis du leader parlementaire du gouvernement.
Je fais donc appel des membres de cette commission.
M. Alfred (Papineau), remplacé par M. Fallu (Terrebonne).
M. Fallu: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères)? M. Charron (Saint-Jacques)?
M. Charron: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)? M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa),
remplacé par M. de Belleval (Charlesbourg).
M. de Belleval: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Présent.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Présente.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?
M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), remplacé par M. Raynauld
(Outremont).
M. Raynauld: Présent.
Le Président (M. Cardinal): Bonjour, M. le
député!
M. Raynauld: Bonjour, M. le Président!
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda)?
Cela dit, au moment de l'ajournement à 13 heures, nous en
étions à l'article 13 du chapitre III, portant sur la langue de
la législation et de la justice, et M. le député de
Mégantic-Compton avait demandé la parole.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, sur cet article 13, le
ministre d'Etat au développement culturel a apporté comme seul
argument nouveau, si cela en est un, le fait que dans les autres provinces
canadiennes la situation au niveau des jugements est celle que formule pour le
Québec l'article 13 du projet de loi no 101. Tous pensent, ici, à
certains aspects du procès qu'attend en Ontario Gérard
Filion.
Veut-il ici, à l'article 13, ouvrir la porte à une autre
clause de réciprocité? Sinon, est-ce parce que, contrairement
à l'éducation, il y a des matières en justice, par
exemple, de droit pénal ou de droit criminel, qui relèvent du
gouvernement fédéral? Enfin, une autre question que je pose,
quant à nous, que soulève l'intervention du ministre d'Etat au
développement culturel, avant l'heure du lunch: Avec l'article 13 tel
que formulé, est-ce à dire que le Québec, dans sa
nomination éventuelle de juges, se priverait de compétences de
premier ordre comme juges si jamais certains d'entre eux répondaient
à tous les critères pour être nommés juges, s'ils
étaient anglophones et n'étaient pas parfaitement ou vraiment
biculturels ou bilingues comme le signalait ce matin le ministre d'Etat au
développement culturel? Il prenait son exemple de haut, je pense, en
signalant Pierre Elliott Trudeau. J'aurais pu lui signaler également
Louis Stephen Saint-Laurent, mais tout le monde n'a pas l'avantage, dans ce
pays, de s'appeler Pierre Elliott ou Louis Stephen, et comme disait un de ses
collègues à l'Education, tout le monde n'a pas la
chance de s'être allaité à deux mamelles
constitutionnelles.
A long terme, une telle exigence...
M. Paquette: Cela ne fait pas des enfants forts.
M. Grenier: ... peut paraître normale, mais, à court
terme, est-ce normal pour ceux des anglophones, aspirants-juges, qui sont
à un âge tel qu'il leur est presque impossible d'arriver à
cette possession souhaitée du français? Ceci dit, que l'on
comprenne bien que pour autant, nous favorisons la prééminence du
français dans la justice comme ailleurs, mais pas au prix de
l'irrespect, à court terme, des gens en place et pas au prix, surtout,
d'affecter, dans un sens ou dans l'autre, les droits des parties. C'est
pourquoi nous ne pourrions voter pour l'article 13 tel que
rédigé. Quand les ministériels comprendront-ils
qu'au-dessus de l'économie du projet de loi no 101, il y a toute
l'économie générale de notre droit?
Il est bien clair que le député de Bourget a sans doute sa
place et une large place dans le développement culturel,
mais il n'est pas sûr qu'il aurait la même place dans le
développement de la justice.
A l'occasion de ces articles, je pense qu'il est temps de rappeler ici
le pourquoi fondamental des réserves qui étaient nôtres
à l'article 1, et des désaccords qui étaient
également nôtres à l'article 69.
Nous ne pouvons pas être solidaires d'un gouvernement qui, dans la
philosophie qui sous-tend le présent article 13 et les articles tels que
1 ou 69 ou 12 ou 13, à toutes fins pratiques, nie l'existence d'une
communauté anglophone vraiment articulée au Québec.
Son projet de préambule confirme depuis longtemps cet état
d'esprit qui est sien. Le Parti québécois, les
ministériels, le premier ministre du Québec, le ministre d'Etat
au développement culturel, ses collègues de l'Education et de la
Fonction publique ont décidé, il y a déjà quelque
temps, premièrement, de ne pas se limiter, tâche
déjà fort noble, à réorienter l'avenir et de ne pas
se limiter non plus à une tâche onéreuse, à corriger
le présent, mais de s'attaquer également, à travers
certains articles du projet de loi no 101 au passé, un passé qui
a laissé, hélas, des souvenirs d'injustice, mais également
des souvenirs plus positifs. Les ministériels et le Parti
québécois, du revers de la plume, qui ont rédigé le
projet de loi no 101, effacent et nient presque 200 ans d'histoire.
Le PQ, s'il ne travaille pas ouvertement à l'extinction de la
communauté anglophone, travaille formellement à la
négation formelle et juridique de ses droits. Il faut avoir perdu
confiance en son avenir comme gouvernement et perdre confiance dans les autres
dispositions du projet de loi no 101 pour se refuser, à tout coup, comme
on l'a vu depuis le début de l'étude du projet de loi no 101,
d'accepter un minimum de reconnaissance formelle et juridique aux anglophones
vivant au Québec.
En refusant, à l'article 69, des amendements pour y ajouter, par
exemple, le mot "secondaire" ou pour y enlever le mot "légalement" ou
pour y inscrire l'option Canada, en refusant à ce chapitre, ici à
l'article 13...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, attention.
M. Grenier: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): II y a des motions qui
n'existent plus parce qu'elles n'ont jamais existé ayant
été jugées irrecevables. Il y a des articles qui ont
été adoptés.
Mme Lavoie-Roux: Parfois, il faut vivre de souvenirs.
Le Président (Cardinal): Je comprends que la devise de la
province est: Je me souviens, mais je me demande parfois de quoi.
M. le député de Mégantic-Compton.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci. En refusant à ce chapitre, à
l'article 13, malgré les amendements proposés et les arguments du
Barreau et de l'ensemble des spécialistes en matière juridique ou
constitutionnelle, en refusant à ce chapitre des amendements qui nous
assurent que les droits des parties ne seront jamais hypothéqués
par une politique linguistique trop excessive, non seulement le gouvernement
persiste dans sa négation, à toutes fins pratiques, de
l'existence de la communauté anglophone au Québec, mais il
dessine une stratégie à la limite de ses droits constitutionnels
actuels, une stratégie afin de provoquer, on le dirait, Ottawa.
On dirait qu'il souhaite une bataille avec Ottawa, comme si on n'en
avait pas assez, sur la politique linguistique alors qu'il a tellement de
chances de se battre, et au profit du peuple, sur des problèmes d'ordre,
par exemple, socio-économique.
Par son attitude excessive et, on doit le dire à ce moment-ci,
même provocatrice, où la stratégie, de plus en plus, tient
lieu de philosophie au sein des députés ministériels, le
gouvernement, à ce chapitre de la législation et de la justice,
conduit la présente commission et tous et chacun de ses membres dans une
espèce de cul-de-sac.
M. Oussault: ...
M. Grenier: Elle aussi nous conduit dans un cul-de-sac, M. le
député. Je peux vous répondre cela. Si vraiment le
gouvernement n'a pas d'autres amendements en tête que les quelques-uns
déjà connus et bien mineurs, si vraiment le gouvernement ne veut
en rien changer quoi que ce soit à son approche "versus" la
communauté anglophone...
M. de Bellefeuille: ...versus?
M. Grenier: ...s'il ne veut, au sein de cette
commission, que tester l'Opposition ou unioniste ou bien libérale
sur l'objet nécessaire de la prééminence du
français, le gouvernement devrait le dire une fois pour toutes. L'Union
Nationale, quant à elle, favorise dans les faits, et surtout au chapitre
de la langue de travail, la prééminence du français. Que
le gouvernement, au lieu de faire perdre plus de temps à tout le monde,
dise donc carrément qu'il n'est plus disposé à
écouter, qu'il a fait son nid et qu'il est prêt à payer le
prix de son entêtement en matière linguistique, et qu'il ose donc
imposer le bâillon dont il rêve sur cette partie de la loi
où l'on parle de justice.
M. le Président, il est clair que le gouvernement, et je termine
ici, que le gouvernement actuel a l'intention de passer outre aux demandes
qu'on a faites dans le secteur de la justice, et que ce gouvernement, à
mon sens, manque justement, à ce chapitre comme aux autres, de justice
et d'équité dans sa recherche de la francisation du
Québec.
Je voudrais qu'on se le tienne pour dit. Quant à l'Union
Nationale, nous continuerons de nous battre à cette commission-ci et
nous devons réaliser à la fin de ce chapitre que le gouvernement
n'a pas envie de céder sur aucun point, valable à nos yeux; qu'il
n'a vraiment pas l'intention de céder et que pour nous c'est
passablement déprimant de faire une opposition qu'on a voulu
constructive jusqu'à maintenant, faite de suggestions de longue date et
de se rendre compte qu'on n'accepte à peu près pas de changer une
virgule dans cette loi qu'il s'entête à adopter.
Je voudrais, M. le Président, qu'on sache qu'à partir de
maintenant, nous continuerons notre débat, notre travail de ce
côté-ci de la table. Nous sommes assurés que ce ne sera pas
meilleur dans d'autres chapitres, nous en sommes à peu près
convaincus mais que nous aurons fait notre part et il restera au gouvernement
à porter l'onéreux de cette loi vis-à-vis du public. Il
est peut-être heureux que cela se passe à la première
année du mandat. D'autres gouvernements, qui étaient l'Union
Nationale, avec son projet de loi 63 ou bien le Parti libéral avec son
projet de loi 22, ont peut-être payé une bonne partie de leur
administration à cause de l'adoption de ces lois. Le gouvernement a
peut-être choisi d'adopter cette loi au tout début de son mandat,
mais rappelons-nous encore une fois que l'électeur a le bras long, qu'il
a surtout bonne mémoire au Québec.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. Je dois mentionner, sans vous
agresser, que j'ai présumé que tous les membres de la commission
croyaient que vous parliez de l'article 13 du chapitre 3.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: ... l'article 13, je pense... Il y a place ici pour
résumer plusieurs et même quelques chapitres que nous avons
étudiés jusqu'à maintenant. Il semble qu'il résume
plusieurs chapitres à la fin de cet article et qu'il serait de bien
mauvais goût de dire qu'on doit se limiter exclusivement au terme bien
juridique de l'article 13 sans faire allusion au passé quand on est
rendu à vivre les moments qu'on vit aujourd'hui à cette table. Il
me semble que c'est tout à fait dans l'ordre qu'on le fasse.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, je m'excuse. Mon rappel n'était pas un rappel
au passé. Je vous rappellerai l'article 39 du règlement qui vise
le président directement. Il est peut-être temps qu'on le
mentionne. Il se lit comme suit: "II est du devoir du "devoir" du
président d'attirer immédiatement l'attention sur toute violation
du règlement sans attendre qu'elle lui soit signalée, mais sa
juridiction ne s'étend pas sur des paroles prononcées hors de la
Chambre." Ce que je veux dire par là, M. le député de
Mégantic-Compton, ce n'est pas une critique, c'est que je vous ai
laissé aller alors que vous avez parlé du fond de tout le
chapitre III peut-être et même de toute la loi 101 sans que
n'intervienne aucune question de règlement sauf celle que j'ai
soulevée à un certain moment. Ceci n'est pas une critique, c'est
de mon devoir de faire ce que je fais. Ce n'est rien de plus, rien de moins. Il
n'y a rien contre vous personnellement, absolument. J'espère que vous me
conserverez votre amitié.
M. Grenier: M. le Président, je vous remercie de votre
générosité.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Jacques et ministre délégué au
Haut-Commissariat.
M. Charron: M. le Président, c'est l'intervention du
député de Mégantic-Compton...
Le Président (M. Cardinal): Attention, ne tombez pas
dans...
M. Charron: ... sur l'article 13, comme il vient de le
faire...
Le Président (M. Cardinal): D'accord!
M. Charron: ... qui m'incite à conclure, au nom du
gouvernement, sur cet article longuement étudié; depuis
maintenant plus de trois heures...
M. Laurin: Cinq heures.
M. Charron: ... cinq heures, me signale le ministre d'Etat au
développement culturel.
Le Président (M. Cardinal): Nous avons commencé
à 21 h 57 hier soir.
M. Charron: Hier soir.
M. Ciaccia:... la loi 22, par exemple.
M. Charron: II y a une certaine limite.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: II y a une certaine limite qu'on n'est même pas
prêt à reconnaître immédiatement quitte à
décevoir nos amis de l'Opposition. Voilà que le
député de Mégantic-Compton, après avoir plusieurs
fois, la semaine dernière, signalé la manoeuvre par laquelle
l'Opposition libérale réclamait la guillotine et nous avoir dit
il la voudrait qu'il ne ferait pas mieux, voilà que lui aussi se
met à la réclamer. J'ai une mauvaise nouvelle pour les
députés de l'Opposition.
M. Grenier: On en a peur, M. le ministre. Mme Lavoie-Roux:
... on va être ici, allez-y!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: J'ai une mauvaise nouvelle pour les
députés de l'Opposition. Nous allons travailler toute la semaine
sur le projet de loi.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une mauvaise
nouvelle, M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: ... de cette importance. Pour eux cela en est
une.
M. Lalonde: Enfin, on va pouvoir prendre tout le temps sans avoir
la guillotine au-dessus de la tête. Excellent, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: M. le Président...
M. Grenier: M. le Président, travailler du lundi au
vendredi, c'est une excellente nouvelle. On a travaillé le samedi et
quasiment le dimanche.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Charron: Je ne vous garantirai pas que vous aurez vos
week-ends à vous prélasser, parce que le projet de loi que nous
sommes à étudier et la façon avec laquelle vous
l'étudiez nous obligera probablement à rallonger les heures de
travail de la commission. Si, évidemment, on ne passait pas cinq heures
sur un seul article, on serait depuis longtemps engagé dans le chapitre
de la langue d'administration et on n'aurait aucunement à l'idée,
de ce côté-ci de la table, de vous obliger à siéger
à des heures plus longues...
M. Lalonde: L'article 39, M. le Président.
M. Charron: ...et irrégulières qu'actuellement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord. M. le
député de Saint-Jacques...
M. Charron: Je demande donc, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): ...n'imitez pas vos amis d'en
face.
M. Charron: D'accord, M. le Président, j'ai compris. Vous
n'avez pas besoin de me le dire.
Le Président (M. Cardinal): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous insinuez...
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas parlé de
tout le monde, mes remarques sont toujours générales. Elles ne
visent jamais personne en particulier.
M. Charron: D'accord, M. le Président. Je vous demande de
mettre l'article 13 aux voix.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, il vous reste quinze minutes.
Mme Lavoie-Roux: ...c'est vrai qu'il me reste quinze minutes pour
parler de la motion principale. Je pourrais les utiliser, mais je pense que ce
serait prolonger inutilement la discussion... Voulez-vous vous tenir
tranquilles vous autres?
M. de Belleval: M. le Président, voulez-vous rappeler les
collègues du député de L'Acadie à l'ordre, ils ne
la laissent pas s'exprimer avec sérénité.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! Ce n'est pas encore l'heure de la récréation,
s'il vous plaît! A l'ordre, M. le député de Mont-Royal! M.
le député de Charlesbourg, M. le député de
Rosemont, à l'ordre! Faut-il vous rappeler vingt fois les articles 26 et
100? Veuillez les relire le soir avant de vous endormir. Cela vous aidera
d'ailleurs.
M. Paquette: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je disais qu'il me
restait quinze minutes pour discuter de l'article 13, de la motion principale.
Je ne le ferai pas maintenant, parce que j'aurai toujours le loisir de le faire
plus tard.
Tout à l'heure, en fait: On commence à penser qu'on va
vivre de souvenirs, on disait, ou c'est moi qui ai dit, à la suite de
l'intervention du député de Mégantic-Compton qui disait:
On a fait du travail; on a préparé des amendements et il ne se
passe rien; le gouvernement ne semble pas comprendre; il y a un mur
étanche entre les deux côtés de la table, etc.
Je me dis: Tant que la commission est en vie,
il y a de l'espoir. C'est dans ce sens que je propose un autre
amendement.
M. Paquette: Ce n'est pas un "filibuster."
Mme Lavoie-Roux: On finira peut-être par vous faire
comprendre.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Pendant que vous
proposez votre amendement, vous parlez sur la motion principale. Ce n'est
qu'après que nous comptons le temps sur l'amendement. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je fais l'amendement immédiatement.
Le Président (M. Cardinal): Allez-y.
Mme Lavoie-Roux: Que l'article 13 soit modifié en ajoutant
à la fin, après le mot "officielle", les mots "et s'applique si
aucune divergence n'existe entre les deux textes".
L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements rendus au
Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions
judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en
français ou être accompagnés d'une version française
dûment authentifiée." Je ne pense pas que cela déroge
beaucoup à l'article 13 jusqu'à maintenant.
M. Paquette: Ou à votre ancien amendement.
Mme Lavoie-Roux: "Seule la version française est
officielle et s'applique si aucune divergence n'existe entre les deux
textes".
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Sur quelle
question, M. le député de Rosemont?
M. Paquette: C'est sur la recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Si vous permettez,
je vais faire distribuer le texte à chacun des membres de la commission.
Je vais le lire calmement, à voix basse, et je verrai s'il y a lieu de
tenir un débat sur la recevabilité.
Je m'excuse, j'invoque l'article 65, paragraphe 2. Si je prends
l'article 13, il ne s'agit pas d'avo-casserie, je me fais tout simplement le
notaire du diable.
Mme Lavoie-Roux: ...en l'occurrence.
M. de Belleval: Serait-ce une "notasserie"?
Le Président (M. Cardinal): L'article 13 se lit: "Les
jugements rendus au Québec par les tribunaux et organismes
exerçant..."
On me dit que l'article 13 soit modifié en ajoutant à la
fin, après le mot "officielle", les mots "et s'applique..."
On dit: L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements
rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des
fonctions judiciaires ou quasi judiciaires..."
A ce moment, j'avoue... Attendez un peu, je vais le relire avec
attention. Je me demande si, techniquement, c'est recevable.
Mme Lavoie-Roux:... l'article 5.
Le Président (M. Cardinal): Ah! C'est cela, article 5.
Cela ne correspondait pas.
Mme Lavoie-Roux: Oui, je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): Vous êtes d'accord?
Mme Lavoie-Roux: Oui, il faudrait ajouter le "les".
Le Président (M. Cardinal): Alors, je m'excuse...
Mme Lavoie-Roux: "Les", à l'article 5.
Le Président (M. Cardinal): D'office, la présidence
s'est permise d'apporter une correction, non pas que la motion soit recevable,
mais qu'elle soit acceptable sur la table de cette commission.
Sur la recevabilité, j'ai remarqué que M. le
député de Rosemont voulait s'exprimer. Encore une fois, je ne
voudrais pas qu'il y ait un débat qui fasse que la présidence
semble je le répète faire un "filibuster". Si on
veut s'exprimer sur la recevabilité, je n'ai aucune objection.
M. Paquette: M. le Président, si vous êtes
prêt à prendre votre décision, je n'ai aucune
objection.
Le Président (M. Cardinal): Oui, je suis prêt
à rendre la décision.
M. Lalonde: M. le Président, vous ne pouvez rendre une
décision sans nous donner...
Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, si vous voulez
discuter de la recevabilité, je n'ai pas d'objection. Je réponds
à M. le député de Rosemont que je suis prêt à
rendre ma décision.
M. Lalonde: M. le Président, quand même...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm, sur une demande de directive.
M. Chevrette: Quand une proposition est tournée de bord de
quarante façons différentes et que cela arrive toujours à
la même fin, est-ce qu'il y a un article du règlement permettant
à la présidence de juger cela irrecevable?
Le Président (M. Cardinal): Oui, il y a des articles. Je
l'ai mentionné ce matin c'était une es-
pèce de caveat à la commission en disant:
N'oubliez-pas l'article 154 qui oblige à ne pas accepter de motion
d'amendement qui vienne renverser ce principe; n'oubliez pas que l'article 70
indique que l'on peut ajouter, remplacer ou enlever des mots, pourvu qu'encore
une fois l'on n'aille pas contre le principe de la motion principale. J'ai
ajouté qu'en vertu de l'article 65, alinéa 1, l'on sache que la
présidence peut décider quel est le but de la motion. Je veux ici
prendre deux minutes pour indiquer ceci. Je pense que personne n'a rien
à craindre. J'ai indiqué ceci ce matin. C'est à la suite
d'une motion sur laquelle M. le député de Jonquière a
rendu une décision aux premières heures de la commission: Que
l'on sache bien qu'à l'avenir il n'y a pas que les articles
déjà mentionnés qui régissent la présidence.
Cette motion que j'ai devant moi, techniquement, suivant l'article 70, est
parfaitement acceptable. Encore une fois, pour respecter les règles de
la démocratie, sans aller plus loin et sans prendre plus de temps, je la
déclare recevable. Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. C'est
évident que, comme certains l'ont mentionné autour de la table,
il peut s'agir d'avocasserie, il peut s'agir de "filibuster", tous les termes
pour le parti ministériel sont bons. Il faut réaliser qu'à
nos yeux l'article 13 est un article très important. Nous avons
essayé de faire valoir des arguments qui ont été
rejetés du revers de la main, et le parti ministériel a fait
valoir surtout deux arguments principaux. Le premier, à savoir
qu'après des études sérieuses, même si on
considère qu'il peut y avoir des difficultés, on ne les a pas
jugées satisfaisantes pour présenter un autre article ou accepter
les amendements que nous avons proposés ce matin. Le deuxième
argument qui a été le plus constamment et abondamment
utilisé par le parti ministériel est le fait qu'on veut que le
texte ne soit pas en désaccord avec le principe voulant que la version
française soit la version officielle. Sans cela, on déroge au
principe fondamental de toute la loi, à savoir que le français
est la langue officielle.
Nous avons tenté de démontrer à ceux qui nous
accusaient de faire du bilinguisme institutionnel quelle était vraiment
notre motivation en présentant l'amendement et le sous-amendement que
nous avons présentés ce matin, c'est-à-dire que notre
seule préoccupation, c'est qu'en matière de justice, un seul
point doit dominer; que, la justice soit rendue avec la plus grande
équité. Malheureusement, nous ne pouvons souscrire aux arguments
assez longuement développés, dans un deuxième temps, par
le ministre d'Etat au développement culturel, voulant que ce ne soient
que certains dangers qui existent, rien de très sérieux ou
suffisamment sérieux jour justifier des modifications à l'article
13. Pour nous, ne s'agirait-il que d'un cas où on pourrait éviter
que justice soit mal rendue, cela demeure suffisant à nos yeux pour
qu'un amendement soit apporté.
Je pense qu'à ce moment-ci, conserver dans le texte ou
reconnaître dans le texte de l'amendement la version française
comme étant la seule officielle dans le texte de loi, cela nous semble
au moins être un effort considérable pour essayer de
répondre, quand même, aux objectifs du gouvernement, qui ne
veulent d'abord d'aucune façon que l'anglais soit mentionné
à l'article, ou qu'on semble, ou qu'on veuille lui reconnaître un
caractère officiel, même s'il s'agit de la justice.
Il nous semble que le gouvernement ne devrait pas interpréter ce
dernier amendement comme une opposition systématique de la part de
l'Opposition officielle, mais vraiment comme un effort ultime d'essayer de le
convaincre que nos arguments ont une certaine valeur dans la mesure où
les personnes qui seront en cause pourront être l'objet d'une injustice
quelconque. Nous aurions pu tout simplement revenir et discuter de la motion
principale et ne pas nous soucier de faire cet amendement, mais nous nous
sommes refusés à ceci comme étant peut-être une
solution de facilité prendre une attitude de résignation
dont je ne veux pas accuser du tout l'Union Nationale à ce moment-ci, au
contraire. Je pense qu'elle a tout essayé, et dans son dernier
plaidoyer, le député de Mégantic-Compton a vraiment
exprimé, je pense, un peu le sentiment, je ne dirais pas le
découragement, parce que nous ne sommes pas découragés, ne
vous trompez pas, mais un peu ce sentiment d'incapacité de ne pouvoir
améliorer la loi de quelque façon que ce soit,
particulièrement depuis que nous avons abordé le chapitre de la
langue de la législation et de la justice.
Sans aucun doute, on nous dira, et c'est dommage, c'est ça qui
est quand même un peu triste, que les oreilles soient déjà
fermées, au moment où on ouvre la bouche: Vous faites des
répétitions; vous faites des redites. Mais si on fait des
répétitions, si on fait des redites, peut-être qu'on pourra
vous convaincre, et si on ne peut pas vous convaincre, au moins, on aura le
sentiment d'avoir fait l'impossible sur un point qui nous semblait
fondamental.
Il s'agit vraiment de droits fondamentaux pour les individus, et je ne
puis vraiment pas admettre qu'en présence de quelques doutes, la
position du gouvernement soit une position aussi fermée que celle qu'il
montre jusqu'à maintenant.
Evidemment, on me dira que, peut-être, si je prends la
dernière phrase, le deuxième membre de cette phrase, "si aucune
divergence n'existe entre les deux textes etc", d'une façon
détournée, officialise la langue anglaise.
Je sais que c'est l'argument que vous allez nous servir, mais, le point
de vue dont on essaie de vous convaincre c'est celui de la plus grande justice
possible pour chacun et aussi d'éviter éventuellement des
contestations de tout ordre, qui causent des délais dans
l'administration de la justice, causent des préjudices aux individus.
Nous tentons de l'éviter et c'est le seul moyen qui nous reste on
l'a amplement démontré ce matin nous voulons au moins
essayer, en tentant de nous conformer le plus possible aux principes auxquels
le gouvernement ne veut pas déroger,
même dans ce domaine, nous tentons au moins, dis-je, par ce
dernier effort, au moins d'ébranler le gouvernement.
Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a cité assez
longuement hier cet auteur belge qui s'est penché sur l'administration
de la justice dans les pays pluralistes, multilinguistes, c'est multilingues,
qu'on dit, je pense...
M. Chevrette: Multilingues...?
Mme Lavoie-Roux: ...et je ne relis qu'une seule des phrases qu'il
a lues. Il citait la Belgique qui, jusqu'en 1873, ne s'était
préoccupée de rendre la justice que dans une seule langue, mais,
qui en 1935 par l'adoption d'une loi qui est toujours en vigueur d'ailleurs, a
véritablement mis les deux langues nationales sur le même pied
pour tout le fonctionnement du pouvoir judiciaire en Belgique.
Devant la préoccupation de servir le mieux possible tous les
individus dans ce domaine de respecter leurs droits fondamentaux, la Belgique a
sans doute opté pour un unilinguisme territorial puisqu'on sait
fort bien que le pays, au plan de la langue, est divisé en deux secteurs
très nettement marqués, mais elle n'a pas voulu soumettre ce
domaine de la justice à cette option qu'elle avait prise à
l'égard du territoire. Aujourd'hui, et même dans le contexte d'un
Québec indépendant, il nous semble que le gouvernement devrait
encore conserver cette préoccupation, compte tenu du nombre d'individus
qui sont touchés ici. On parle quand même d'un pourcentage, selon
les interprétations qu'on lui donne, qui varie entre 13,6% et 18%
à 20% même dans un Québec indépendant, dis-je,
c'est une préoccupation que le gouvernement devrait conserver.
C'est en somme un dernier plaidoyer que l'on fait auprès du
gouvernement pour tenter de le convaincre tout en essayant le plus possible de
répondre à ses exigences. Si nous ne parvenons pas à
l'influencer, du moins, je pense que personne ne pourra nous reprocher de ne
pas avoir fait tous les efforts nécessaires pour sensibiliser non
seulement le gouvernement, mais également la population à la
dimention extrêmement importante de ce problème des jugements et
de la langue des jugements rendus au Québec, devant les tribunaux.
Je m'arrête ici pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Bien sûr, pour la 22e, la 27e ou la 32e fois,
nous devons revenir sur le métier et nous remettre à l'ouvrage.
Il n'y a certes personne qui nous trouve, ni de l'Opposition, ni du parti
ministériel, bien originaux dans nos pourparlers, sauf les gens des
tribunes qui varient un peu tous les jours et qui ont l'air à trouver
certaines choses nouvelles ici. Chez les media d'information, il n'y a que les
journalistes qui reviennent de vacances qui trouvent quelque chose de nouveau,
puisque les autres sont rompus à nos travaux depuis déjà
quelque temps. Il y a ceux qui semblent montrer un brin d'attention de temps en
temps aux amendements qui peuvent être apportés, quand on sait
qu'on se bat ici depuis déjà plusieurs semaines...
Nous partageons le sens et la portée de la motion d'amendement
que nous avons devant nous cet après-midi, proposée par le
député de L'Acadie. Mais est-ce que c'est pour des motifs
déjà donnés depuis le début du débat sur
l'article 13, à savoir, sans me répéter, que les droits
des parties peuvent être affectés par l'article 13, tel que
rédigé? Je pense que nous l'avons suffisamment dit pour le
comprendre. D'ailleurs, les ministériels, plus tôt, dans le
débat, ce matin, semblaient accepter cette argumentation de
primauté de la version originale, si jamais il y avait divergence entre
deux versions d'un jugement.
En effet, ils ont voté pour un sous-amendement qui
préconisait cet objectif, qui était celui de soustraire, par
exemple, les deux textes qui sont officiels, un autre amendement qui venait de
ce côté-ci de la table. A moins qu'il faille interpréter ce
vote de leur part comme un jeu purement procédurier, puisque, peu de
temps après, ils changeaient d'idée en votant contre la
proposition, telle qu'amendée.
Est-ce à dire que les ministériels ne veulent, à ce
point, rien savoir de l'Opposition et qu'ils oublient, qu'il est dit, à
l'article 13, que l'Opposition est le porte-parole des professionnels de la
justice, des juges et du Barreau du Québec? Je pense que les membres du
Barreau, qui suivent les débats de près et qui s'informent
d'heure en heure des travaux ici, sont loin d'être satisfaits du travail
qui se fait et ils voient l'effort fait par votre gauche, M. le
Président, ici, pour essayer de faire accepter un moindre changement,
pour essayer de faire fléchir le gouvernement sur le moindre changement,
afin de donner justice à ces gens qui attendent au moins une lueur
d'espoir dans ce secteur.
Il semble bien que le gouvernement, là-dessus encore, a fait son
lit, et qu'il n'y a rien qui puisse le faire fléchir. Je ne vous cache
pas, M. le Président, que rendus à cet article, nous sommes
à court d'arguments, il n'y a plus rien qui peut faire bouger le
gouvernement. Il a l'air bien décidé. Et comme semblait le dire,
tout à l'heure, Mme le député de L'Acadie, nous sommes
rendus à nos dernières armes sur cet article et, si le
gouvernement ne cède pas, il restera une chose, il en portera l'odieux,
mais, ici, le public, le public de la justice ne pourra pas reprocher à
l'Opposition de ne pas avoir fait son travail.
Quant à nous, nous sommes à la dernière ressource
de notre argumentation et, s'il ne doit pas y avoir d'amendement accepté
par le gouvernement, nous n'avons rien d'autre à proposer et nous serons
prêts à passer au vote de l'article 13, avec la malchance que cela
peut porter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Très rapidement, je n'ai que quelques
remarques. Comme d'autres députés l'ont dit ce matin, sur
d'autres motions d'amen-
dement, je pense qu'effectivement, quand on parle de jugement, il y a
toujours des problèmes d'interprétation. Nous n'avons pas
nié cela. Mais ce que nous avons dit, c'est que nous avons essayé
de prévoir, justement, ces problèmes d'interprétation,
inscrivant, dans l'article du projet de loi, que la traduction devra être
authentifiée par l'auteur même du jugement.
Bien sûr, l'authentification nécessite des efforts accrus
pour s'assurer qu'effectivement, cette authentification aura une valeur, mais
nous assumons, je pense, ces efforts accrus. Nous sommes conscients qu'il y en
aura, et c'est un des prix que nous avons à payer, que nous acceptons de
payer pour faire du Québec une société française,
dans ce domaine comme dans les autres.
Le deuxième argument, c'est que, de toute façon, on sait
également, et c'est un autre objectif de cet article, que cela va amener
des juges qui sont anglophones, par exemple, mais qui parlent très bien
français et comme le député de Mont-Royal le
disait, la majorité, sinon la totalité des juges sont bilingues
à Montréal ou au Québec, j'en connais personnellement
plusieurs qui parlent un très bon français; ils sont parfaitement
bilingues cela va amener plusieurs de ces juges, dans une
société française, dans un territoire français,
dans un Etat français, à rendre des jugements en français
plutôt qu'en anglais. Nous aurons de plus en plus de juges d'autres
nationalités, d'autres langues maternelles, qui rendront leurs jugements
au Québec en français. C'est un autre objectif que nous voulons
atteindre par cet article.
C'étaient les deux remarques que je voulais faire à ce
moment du débat. Je pense que ce serait inutile de prolonger les
remarques par du verbiage.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Verchères.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais, au
départ, féliciter le député de L'Acadie d'avoir
trouvé, je pense, la véritable formule qui serait susceptible de
recueillir l'appui de tous les membres de cette commission. Nous avons
cherché longtemps de quelle façon nous pourrions
réconcilier les objectifs fondamentaux du gouvernement dans cette loi,
et aussi les objectifs importants, aussi fondamentaux, de la qualité de
l'administration de la justice et je désire l'en féliciter.
En effet, notre premier amendement, M. le Président, a eu l'heur
de faire ressortir de la part des ministériels, des objections portant
sur le caractère officiel de la langue française, sur la
nécessité de reconnaître ce caractère dans cet
article 13, et vous avez vu que nous avons, dans notre premier amendement,
suggéré que les deux textes soient officiels.
Devant les objections répétées des membres de cette
commission de l'autre côté de la table, j'ai fait un
sous-amendement sur lequel d'ailleurs nous avons discuté quelques
minutes seulement pour enlever le caractère officiel aux deux textes,
mais encore là, je me suis aperçu que, même si le
gouvernement a voté en faveur de ces sous-amendements, qu'il ne
s'agissait que d'une stratégie afin d'amener le vote sur l'amendement
principal le plus tôt possible.
Ce que ce gouvernement veut, M. le Président, c'est continuer de
reconnaître dans cet article que seule la version française est
officielle. Le député de L'Acadie a eu le génie de trouver
cette condition préalable.
M. Paquette: Géniale.
M. Lalonde: ...et de ne pas changer, dans sa motion, justement ce
caractère qui est extrêmement important pour le gouvernement. Ce
qui nous apparaît manquer à cet article, c'est justement ce qui
arrive quand il y a divergence entre les deux textes.
Nous avons conservé intact tout l'article tel quel, et tout ce
que nous ajoutons, c'est un élément qui manque à cet
article, parce que l'article dit bien que seule la version française du
jugement est officielle et l'article est muet en ce qui concerne
l'interprétation d'une divergence de sens entre les deux textes,
c'est-à-dire le jugement écrit en anglais et la version
française.
M. Charbonneau: M. le Président, y aurait-il
possibilité de poser une question au député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est toujours une possibilité.
M. Charbonneau: Je ne comprends pas votre raisonnement. Je
voudrais que vous m'expliquiez comment vous pouvez soutenir ce que vous
soutenez avec une clause d'authenticité dans l'article. Je comprendrais
votre argumentation si, éventuellement, il n'y avait pas obligation
d'authentifier par l'auteur du jugement le texte de traduction, mais une fois
que l'auteur d'un jugement a authentifié, avec des moyens techniques,
l'aide de traducteurs et de spécialistes, le texte traduit, son propre
texte traduit, je ne comprends plus maintenant comment vous avez des
réticences à faire en sorte que le texte officiel qui est en
langue française et qui est aussi valable que le texte original ne soit
pas considéré. Je comprendrais, mais je ne comprends pas parce
qu'il y a une clause d'authenticité.
M. Lalonde: M. le Président, je comprends que le
député de Verchères ne comprenne pas. Il a quand
même raison, c'est assez complexe.
M. Paquette: Vous ne comprenez pas vous non plus.
M. Charbonneau: Je vous remercie infiniment.
M. Lalonde: II arrive, M. le Président, que des juges qui
rendent des jugements dans la langue qu'ils comprennent le mieux, qu'un juge
qui rend un jugement dans la langue qu'il comprend le
mieux ne reçoit même pas l'accord de la Cour d'appel, que
la Cour d'appel va interpréter différemment, dans la même
langue, des propositions, des décisions ou même des obiter dictum
d'un jugement.
C'est tout à fait naturel; c'est dans l'ordre des choses et je
pense que la question du député de Verchères est fort
pertinente. Ce n'est pas mathématique un jugement; c'est rempli de
nuances; c'est rempli de l'appréciation de la preuve. Un juge va
apprécier une preuve d'une façon différente; il va la
soupeser; il va soupeser un témoignage d'une façon
différente d'un autre juge; il va accepter la crédibilité
d'un témoin qu'un autre juge n'accepterait pas. Tout est question de
nuances et lorsqu'il faut transposer cette nuance dans une autre langue,
même si c'est le juge qui a rendu jugement en anglais qui authentifie la
version française, ce dont je doute, ce n'est pas écrit dans la
loi. Je ne sais pas si c'est l'intention du gouvernement de le faire.
Rien n'indique que c'est le juge auteur du jugement qui authentifie le
jugement. Ce peut aussi bien être un protonotaire, un service de
traduction avec un fonctionnaire autorisé à ce faire, pas
nécessairement un juge, qu'arriverait-il si un juge, qui n'est pas
satisfait de la version française demandait plusieurs mois pour la
vérifier, à cause de ses autres travaux? Si l'intention du
gouvernement, c'est de faire en sorte que ce soit le juge auteur qui
authentifie le jugement, je pense que vous allez vous embarquer dans des
problèmes. Il n'y a aucune loi qui oblige un juge à rendre
jugement dans un délai donné, par exemple. Dieu sait dans des
milieux plus... Le député de Verchères, qui a
été dans ce milieu assez longtemps, quoique dans un secteur un
peu éloigné du droit civil, doit savoir que certains juges
tardent à rendre leur jugement. Il y a des juges qui...
M. Charbonneau: Parlons...
M. Lalonde: Parlons des juges qui sont déjà
passés à l'histoire et qui ne sont pas vivants actuellement, sans
en nommer. Des juges avaient la réputation de ne pas rendre leur
jugement rapidement. Par exemple, qu'est-ce qui va arriver pour la traduction?
Cela va être encore pire. Cela va paralyser complètement la marche
de la justice. Les appels? Quand vous avez trente jours pour aller en appel
dans un jugement, cela va prendre combien de temps? Cela prend six mois pour le
traduire.
M. Guay: Question de règlement, si je...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau, sur une question de règlement.
M. Guay: Cela commence à être un exposé
plutôt qu'une réponse à une question.
Une Voix: Cela compte dans son temps.
M. Guay: Oui, mais on peut lire le livre du té-
léphone aussi pendant son temps. C'est une bonne façon de tuer le
temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
mais en fait...
Une Voix: C'est ce qu'il fait, d'ailleurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait,
je pense... S'il vous plaît!
M. Guay: Oui, M. le député d'Outremont, je suis
heureux de vous voir parmi nous aujourd'hui. Cela fait longtemps qu'on ne vous
a pas vu.
M. Dussault: Cela fait trois fois qu'il répète.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à l'ordre! Je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys était en train de répondre à une
question qui lui était posée par un membre de cette
commission.
M. Lalonde: Je voyais, M. le Président, le
député de Verchères, sinon approuver, du moins, comprendre
qu'on était sur la même longueur d'ondes, même si je ne lui
ai pas demandé d'approuver mes propos, mais je ne peux pas m'attendre
d'être sur la même longueur d'ondes que le député de
Taschereau. Je m'en félicite.
M. le Président, je vais mettre fin à ma réponse.
Je pense que je vais revenir au propos qui est fondamental. La version
française continue d'être le texte officiel authentifié
d'une façon assez floue, assez vague, en fait, qui n'est pas du tout
contenue dans la loi, mais on peut présumer qu'un processus
d'authentification sera mis sur pied, puisque la loi en parle et l'exige. Mais
ce qui est important, c'est que la version française va continuer
d'être officielle, telle que désirée par le gouvernement.
Donc, notre amendement ne va pas du tout à l'encontre du principe. C'est
la version française qui est officielle lorsqu'un jugement est rendu en
anglais. Le jugement anglais va continuer de demeurer, par exemple. Vous
n'allez quand même pas exiger qu'on écrive les jugements anglais
avec de l'encre auto-effaçante. Cela ne vous fait pas si mal que cela
même s'il y a des jugements en anglais. Non?
Une Voix: Si on pouvait...
M. Lalonde: II n'y a personne qui a perdu connaissance. On va
continuer de parler des jugements anglais. Toutefois, cet article est muet dans
un secteur extrêmement important. C'est l'application justement de ce
principe, à savoir que lorsqu'un jugement est rendu en anglais et que
c'est la version française authentifiée qui est officielle,
qu'arrive-t-il lors d'une divergence entre les deux textes? Cela arrive
quotidiennement. Non seulement dans les jugements, mais dans toutes sortes de
textes, et plus encore dans les jugements. C'est plus susceptible d'arriver
dans les jugements justement à cause du caractère très
nuancé de la matière qui est traitée par un juge.
Alors, c'est là que nous ajoutons que nous venons aider le gouvernement
en ajoutant que la version française officielle va s'appliquer, sauf
lorsqu'il y aura divergence, étant sous-entendu que lorsqu'il y aura
divergence, cela va être la version originale. Naturellement, s'il faut
en croire les arguments apportés par le député de
Deux-Montagnes et le ministre avant l'ajournement de midi... M. le
Président...
Le Président (M. Guay): Attention, la présidence
est indivisible.
M. Lalonde: M. le Président, vous avez lu le
règlement? Je vous remercie.
Le Président (M. Guay): J'en fais mon livre de chevet, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je vous remercie.
M. de Belleval: ... vos droits, si besoin en était.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président. Comme cela,
je ne serais pas trompé par le député de Taschereau.
Le Président (M. Guay): Sauf pour le cas où vous
iriez à rencontre du règlement.
M. Lalonde: Ce serait par la présidence.
M. Grenier: Le député de Taschereau va prendre la
parole quand il va vouloir.
Le Président (M. Guay): M. le député de
Mégantic-Compton, je vous rappelle à l'ordre.
M. Lalonde: Merci, M. le Président, de protéger mes
droits.
Alors, M. le Président, c'est extrêmement important
j'espère que le gouvernement s'en rend compte d'indiquer dans la
loi quel est le jugement qui va s'appliquer, quelle est la version et de
reconnaître que, malgré les vertus qu'on nous a décrites
tantôt de nos excellents, de nos merveilleux traducteurs, malgré
la mise sur pied de tout un service de traduction, malgré
l'authentification qui, j'en doute, ne pourra pas être faite par le
juge-auteur, parce que si c'est ça que vous voulez faire, ça ne
se fera pas. Il va falloir que vous le fassiez autrement. Etant donné
qu'on ne peut même pas demander à un juge de rendre un jugement
dans des délais à l'intérieur d'une époque, raison
de plus, surtout s'il s'agit d'un juge anglophone dont la langue anglaise est
la langue d'usage, la première langue, même s'il connaît
bien le français, comment allez-vous pouvoir vous assurer d'un service
de traduction avec authentication par le juge dans des délais
raisonnables, dans des délais qui vont respecter les délais
d'appel? Ce serait rêver en couleurs que de penser cela.
M. de Belleval: Est-ce que je peux vous poser une question
là-dessus?
M. Lalonde: Oui, allez-y!
M. de Belleval: Le député de Mont-Royal a dit,
hier, je pense, que, quand la justice est retardée, comme disent...
M. Ciaccia: La justice est niée.
M. de Belleval:... la justice est niée.
M. Ciaccia: Absolument!
M. de Belleval: Si j'ai bien compris l'argumentation du
député de Marguerite-Bourgeoys, il y aurait donc des juges
actuellement ou, dans le passé, si j'ai bien compris... Là, je ne
sais pas s'il fait allusion à des juges vivants...
M. Lalonde: Actuels? Je ne le sais pas. M. de Belleval:
Vous ne savez pas?
M. Lalonde: Mais j'ai laissé la pratique du droit...
M. de Belleval: II y aurait donc eu des juges injustes.
M. Lalonde: La justice n'est pas parfaite, en effet, et il
dépend beaucoup du législateur qu'elle devienne plus parfaite.
Plus les lois sont contraignantes en ce qui concerne l'exercice de la
profession de magistrat, moins la justice peut devenir parfaite, et raison de
plus pour...
M. Raynauld: Est-ce que vous voulez ériger un autre
monument?
M. Lalonde: ... raison de plus pour ajouter dans la loi une
disposition claire, qui va dire bien clairement et de façon concise,
comme on le propose dans notre amendement, quel est le jugement qui va
s'appliquer. Sinon, nous ouvrons la porte à toutes sortes de
contestations, en plus, naturellement, de tous les délais de l'appareil
extrêmement lourd que nous tentons de mettre sur pied avec cet article
13.
Je vais entendre d'autres intervenants, M. le Président, avant de
continuer.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
M. le Président, la raison pour laquelle le député
de L'Acadie a trouvé cette formule d'amendement, c'est parce que
l'article 13, tel que rédigé par le gouvernement, est
inapplicable. Tel que rédigé, cet article s'appliquerait
même aux jugements antérieurs. Or, M. le Président, il faut
connaître notre jurisprudence, il faut connaître notre
système de précédents, il faut connaître tout le
développement de notre système juridique pour savoir que
c'est absolument impensable qu'un article comme l'article 13 puisse s'appliquer
aux décisions qui ont déjà été rendues
depuis le commencement de nos lois. Est-ce que ça veut dire qu'il faut
effacer de nos lois tous les jugements qui ont été rendus en
anglais? On ne parle pas ici de parler l'anglais; on ne discute pas des
justiciables, de leur droit de se faire entendre en français. On parle
des lois, des jugements qui font partie de tout notre système judiciaire
dont plusieurs sont en anglais, et on leur dit maintenant, à l'article
13: Ces jugements n'ont plus d'effet juridique. C'est ça qu'on dit.
Je vois l'impossibilité, physiquement et juridiquement, de
refaire tous ces jugements depuis le commencement de nos lois, qui peuvent
dater d'une centaine d'années, de les faire tous traduire en
français, malgré les bonnes intentions du gouvernement, et le
député de Charlesbourg rit il sait que j'ai raison
c'est impossible, et même le député de Rosemont...
Si on fait des lois, c'est pour qu'elles puissent être
appliquées. Il faut faire des lois légales. Il ne faut pas
dès le commencement voir l'absurdité d'un projet de loi ou d'un
article dans une loi et c'est la plus grande absurdité possible de
pouvoir...
M. Chevrette: Ce n'est pas vrai.
M. Ciaccia: ...dire aujourd'hui: Nous allons seulement
reconnaître une version française, dûment
authentifiée, et voilà une raison de plus pour laquelle nous ne
voyons pas de juristes du côté ministériel. Ils le savent.
Ils auraient honte de ce principe à l'article 13.
On a invité l'avocat-conseil du gouvernement, le
député de Sauvé. On a invité le ministre de la
Justice. On ne les voit pas ici, parce qu'ils ne pourraient jamais
répondre aux questions qu'on soulève sur l'absurdité qu'on
vient de démontrer de l'article 13.
M. de Belleval: Le député de Taschereau est
avocat.
M. Ciaccia: Ouais? Le député de Taschereau? Il n'a
pas fait d'intervention et il n'a pas encore répondu à nos
questions et j'attends ses commentaires tantôt...
M. Guay: M. le Président, je...
M. Ciaccia: ...après avoir complété mon
intervention, je serai bien heureux...
M. Guay: ...veux seulement corriger un fait.
M. Ciaccia: ...d'entendre les commentaires du
député de Taschereau, de savoir comment il va authentifier tous
les jugements...
M. Chevrette: Depuis l'article 11 qu'ils perdent leur temps.
M. Ciaccia: ...qui ont été rendus depuis que le
Code civil a été promulgué au Québec parce que,
même selon le Code civil, il y a eu des jugements sur différents
articles, en français et en anglais, et cela fait partie de nos lois.
Les lois, ce n'est pas seulement la législation qui est
promulguée par l'Assemblée nationale. C'est pour cela que
l'article 13 est un article fondamental. Dans nos lois sont contenus les
jugements qui sont rendus par les tribunaux. Cela fait partie de nos lois et on
dit, dans quatre lignes: "A partir de la date à laquelle ce projet de
loi sera adopté, toutes ces lois antérieures ne s'appliqueront
plus. C'est cela qu'on dit, et c'est quelque chose qui non seulement est
impensable, mais c'est totalement illégal de faire cela et il n'y a pas
un membre de la magistrature qui va pouvoir se conformer à l'article 13
en se respectant. C'est impossible, parce qu'un membre de la magistrature,
quand il est nommé, coupe ses liens politiques. Il devient apolitique,
il devient indépendant et, ici, on lui dit, malgré le fait qu'on
vous a nommé et que vous êtes indépendant et que vous
n'avez pas à être politisé, on vous dit comment rendre vos
jugements. C'est le principe qu'on attaque. Si, aujourd'hui, on peut dire dans
quelle langue un juge va rendre son jugement, demain on pourra lui dire ce que
ce jugement devra contenir, et on en a un exemple parfait dans le projet de loi
no 3 qui a été introduit au mois de décembre.
M. Dussault: Au mois de mars.
M. Ciaccia: Au mois de mars. On disait aux juges et aux
commissaires, parce que ce sont des fonctions quasi judiciaires, ce qui devait
être contenu dans leur jugement, mais quand on dit que, dans une
démocratie, on ose promulguer, penser de telles lois, on se demande
l'esprit...
Je vois que le député de Deux-Montagnes n'est pas ici. Il
me citait Montesquieu, L'Esprit des lois. Je voudrais savoir ce que Montesquieu
a à dire là-dedans.
Mais le gouvernement a dû reculer et a retiré cette clause
du projet de loi no 3, parce qu'il voyait que c'était une
ingérence complète et inacceptable dans le processus
judiciaire.
M. Guay: Qu'on parle donc du projet de loi no 101.
M. Ciaccia: On attaque ce principe de la même façon
à l'article 13 et c'est pour cela que nous avons apporté
l'amendement; nous avons apporté cet amendement, sans porter atteinte au
principe de l'unilinguisme. Je n'accepte pas le principe de l'unilinguisme. Je
trouve que c'est un principe qui ne pourra pas être appliqué dans
notre société pluraliste. Je trouve que c'est un principe
rétrograde lorsque tous les autres pays du monde s'ouvrent et acceptent
de plus en plus toutes les minorités.
On a parlé ce matin des pays où on parlait plus d'une
langue, trois et quatre langues. Ils ne se gênent pas, ils gardent leur
identité. Mais même
si on veut accepter le principe de l'unilinguisme, parce qu'ici c'est
quelque chose encore au-delà de cela dont on discute, quelque chose
encore plus important, l'indépendance de la magistrature, la
façon dont les jugements seront rendus, la justice pour ceux qui vont
devant les tribunaux, nous ne portons pas atteinte au principe de
l'unilinguisme. C'est accepté même dans l'amendement
proposé. La seule qualification qu'on lui apporte, une qualification
tout à fait normale, c'est que s'il y a une divergence entre les deux
textes, il va falloir se référer au texte dans lequel le jugement
a été rédigé et, en conséquence, seule la
version française sera officielle et s'appliquera s'il n'y a pas de
divergence.
M. le Président, pour ce qui est de la question d'authentifier un
texte, je doute que les ministériels aient eu l'expérience
à laquelle je me suis référé ce matin, je pense que
c'est assez important de le redire encore, la question de traduction d'un texte
légal. J'ai eu l'occasion de conclure une entente qui fait partie de nos
lois maintenant, et cette entente avait été rédigée
en anglais parce que la partie principale de cette entente ne comprenait que
l'anglais. Nous avons passé des semaines et des semaines à la
traduction des textes. A la fin, comme je vous l'ai décrit, nous avions
autant de gens qu'à cette table-ci, trois jours et trois nuits, pour en
arriver à la traduction de ces textes. On parle de texte légal,
on parle de quelque chose qui va affecter une loi, les droits qui seront
affectés et résultant de ce document. Si ce document a pris
autant de temps, je vois mal comment chaque jugement sera traité de
cette façon. C'est ce que l'on dit. Dans chaque jugement, il y a
différentes parties qui sont affectées, il va falloir faire la
traduction. C'est ce dont on parle. On fait des lois en théorie ici. On
essaie de jouer à la politique avec les tribunaux. Je vous dis, M. le
Président, si on veut jouer à la politique, qu'on le fasse avec
d'autres sujets qu'un sujet aussi important et aussi fondamental que la
magistrature et nos tribunaux. Nous avons un système judiciaire qui fait
l'envie du monde. On veut y porter atteinte. On veut changer les règles.
On veut réduire l'objectivité et l'indépendance de nos
tribunaux. Pour quelle raison? Pas pour donner un meilleur service ou pour
être plus efficace. Ce n'est pas du tout pour cette raison.
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau sur une question de règlement.
M. Guay: Si je peux me permettre de vous le signaler, je ne vois
pas très bien en quoi l'amendement proposé par l'Opposition
officielle porte atteinte à l'indépendance de la magistrature. Il
me semble que le député de Mont-Royal va à l'encontre du
règlement et ne parle pas du tout de la question qui fait l'objet du
débat à l'heure actuelle.
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il est difficile pour le
député de Mont-Royal d'apporter des arguments en faveur de
l'amendement sans attaquer l'article qu'il veut amender. Ce serait
établir un corridor absolument impossible que de dire: Parlez seulement
de l'amendement sans parler de l'article.
M. Ciaccia: Sur la même question de règlement, M. le
Président, j'explique pourquoi notre amendement doit être
accepté. C'est ce que j'explique. J'explique les faits...
Une Voix: C'est cela!
M. Ciaccia: ... de l'acceptation ou non de notre amendement. Je
ne vois pas où je vais à l'en-contre du règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Continuez, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En tout cas, je peux
assurer le député de Taschereau que je ne parlerai pas plus que
vingt minutes.
M. le Président, il y a un autre principe dont le
législateur a l'obligation, la responsabilité de s'occuper. Une
loi ne doit pas créer de conflit. A moins que nous ayons l'amendement
proposé par le député de L'Acadie, l'article 13 va aller
à rencontre de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
M. le Président, nous allons créer une loi
illégale; nous allons créer un conflit; nous allons provoquer une
contestation devant les tribunaux de toute la loi et ce n'est pas de cette
façon que nous allons avoir la paix sociale.
On a souvent entendu dire, je me souviens, durant le mois d'octobre et
de novembre, que les politiques de ce gouvernement ne diviseraient pas le
monde, le peuple, qu'elles le ramèneraient ensemble, qu'elles ne
créeraient pas de conflits, de provocations. S'il est sincère, M.
le Président, il va accepter l'amendement du député de
L'Acadie, car c'est impensable de croire que,
délibérément, on inclurait dans le projet de loi un
article que même le Barreau du Québec a attaqué,
suggérant qu'il soit modifié. Comme je l'ai dit, le Barreau du
Québec, ce n'est pas un organisme antifrancophone, il approuve le
principe du projet de loi. Il a approuvé plusieurs articles, la plupart,
je dirais, des articles du projet de loi, mais, quand il est venu à
l'article 13, il a démontré clairement que c'est un article qui
ne peut pas faire partie de nos lois, qui devrait être modifié par
le gouvernement et c'est ceci que l'amendement proposé par l'Opposition
officielle tente de faire.
L'attitude du gouvernement nous étonne, parce qu'il n'y a
personne d'infaillible chez les mortels.
Une Voix: Le pape.
M. Ciaccia: Je considère qu'il n'y a aucun mortel
d'infaillible, comprenez-vous? C'est mon opinion. Ce n'est pas l'attitude du
ministre d'Etat, ce n'est pas son attitude. Dans tous les articles que nous
avons examinés, il a été impossible de changer une
virgule. M. le Président, c'est inhumain d'avoir une telle sagesse, de
pouvoir rédiger un projet de loi tellement parfait qu'il ne puisse pas
même être discuté, amendé ou changé.
M. Bertrand: On y a pensé.
M. Ciaccia: C'est épeurant. Ce principe, M. le
Président est épeurant. Qu'il puisse y avoir tellement de
perfection de ce côté qu'on ne puisse pas avoir de divergence
d'opinion, j'appellerais cela non pas de la perfection, j'appellerais cela de
l'intolérance, l'intolérance parfaite.
M. le Président, c'est difficile de trouver des personnes
qualifiées qui puissent approuver l'article 13. La preuve en est que les
avocats du gouvernement, les jurisconsultes du gouvernement brillent par leur
absence ici à venir défendre les principes juridiques.
J'avais souligné au ministre d'Etat que si c'était quelque
chose qui touchait sa profession à lui, nous tenterions d'avoir des
spécialistes de sa profession pour expliquer les principes et essayer de
le questionner, mais on manque complètement de rationalité, on
manque de la compréhension de cette profession, de la profession
juridique, quand on vient énoncer de tels principes.
M. le Président, une autre remarque en concluant, en terminant
cette intervention. Dans plusieurs milieux, on accuse le gouvernement, de ne
pas vouloir protéger les droits des minorités. Le gouvernement
nous avoue toujours...
M. Paquette: Vous avez un certain succès.
M. Ciaccia: ... qu'il veut le faire.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Ciaccia: II y a aussi l'impression que c'est un esprit de
vengeance. C'est l'impression qui est certainement créée. Ce
n'est pas une accusation que je fais. Je répète ce que beaucoup
de gens disent. L'article 13...
M. Chevrette:... le processus mental... qui répète
la même chose.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Je vais le répéter aussi longtemps que
vous ne comprendrez pas. C'est simple!
Une Voix: Cela va être long.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le député de Mont-Royal vient de faire un aveu.
Acceptez-le et soyez calme. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je l'ai répété et je vais le
répéter encore. Je vais le répéter d'une
façon différente. Peut-être qu'ils vont le comprendre
mieux. Peut-être que le député de Verchères va le
comprendre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, adressez-vous à la présidence, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, peut-être que le
député de Verchères va le comprendre. Je suis content que
vous ayez ait ce mot. J'aurais espéré que le député
de Deux-Montagnes soit ici.
M. Chevrette: ... sur une envolée.
M. Ciaccia: II y a un...
M. Bertrand: II est là derrière la montagne.
M. Ciaccia: ... certain esprit fratricide, cela s'appelle, dans
un certain pays, la vendetta.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Ciaccia:
La vendetta.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, le député de
Verchères vient d'avouer qu'il reconnaît cela.
M. Charbonneau: J'en ai un dans le bras.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Ecoutez, il nous
reste à peine 28 minutes. Est-ce que vous pourriez avoir la patiente
d'écouter M. le député de Mont-Royal, qui est en train de
vous informer pour vous permettre...
Mme Lavoie-Roux: D'être mieux éclairés.
Le Président (M. Cardinal): D'être mieux
éclairés.
M. Charbonneau: ... parler...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Combien me reste-t-il de temps?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Il est en train de faire une intervention pour vous informer. M.
le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le député de Deux-Montagnes nous a
cité à plusieurs...
M. Charbonneau: Vous parlez de la mafia ou...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Verchères!
M. Charbonneau: La vendetta...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: Un Sicilien...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Ciaccia: M. le Président, il ne faudrait pas que
l'article 13 ait cet esprit de vendetta. Comme on dirait en italien, et ce
n'est pas moi qui ai commencé la discussion d'une autre langue. C'est le
député de Deux-Montagnes qui a introduit l'italien dans cette
commission. Il ne faudrait pas dire "le avrene questi Inglesi".
Le Président (M. Cardinal): Pour le journal des
Débats, est-ce que vous pourriez traduire en français?
M. Ciaccia: Cela veut dire: On va les avoir, les Anglais! Vous
les avez eus! Pour la bonne administration de la justice, acceptez donc
l'amendement du député de L'Acadie.
M. Charbonneau: Au moins, on peut être certain que la
traduction est authentique.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Vous n'avez pas
été autorisé à parler du fond de la question. M. le
député de Terrebonne.
M. Fallu: M. le Président, cela prend
énormément de patience, comme chacun le sait, pour écouter
longuement, sans jamais parler, pour ne pas à soi-même se faire de
"filibuster", mais il arrive un moment où le fond des choses quand
même doit être dit, parce qu'il y a seuil de tolérance,
même sur un article 13 qu'on ne peut pas dépasser.
M. Lalonde: D'intolérance et d'incompétence.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le
député de Terrebonne, pour éviter que l'on vous interrompe
pendant ce discours, est-ce que... Non, M. le député de
Mont-Royal, vous seriez mal placé pour faire une suggestion semblable.
Comme on dit, touché. Par conséquent, je demanderais... M. le
ministre de la Fonction publique! A l'ordre! D'accord! Il peut y avoir une
suspension de trois minutes pour permettre de lancer vos facéties.
Peut-être qu'on pourrait inviter ma tante Geor-gina!
M. Grenier: Elle aurait des choses à vous dire. Le
Président (M. Cardinal): Si parla italiano. Mme Lavoie-Roux:
Abla, c'est en espagnol.
Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est cela. Si parla
italiano. N'est-ce pas M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Vous avez raison.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela! Sur cette petite
récréation de quelques secondes, qui fait partie de l'exercice de
la démocratie de cette commission, M. le député de
Terrebonne, j'aimerais qu'on ne vous interrompe point.
M. Fallu: Je vous remercie, M. le Président, d'avoir
permis cette récréation.
M. Charbonneau: Bonne chance!
M. Fallu: J'aimerais, M. le Président, reprendre cet
article par rapport à l'amendement, en allant au fond des choses.
Le projet de loi no 101 a pour but de franciser le Québec,
notamment au chapitre de la langue de la législation et de la justice.
Or, dans cet effort de francisation, l'article 13 aurait dû se lire, en
l'occurrence...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
député de Terrebonne, pourriez-vous approcher votre micro ou
élever un peu la voix?
M. de Belleval: Ou les deux à la fois. M. Fallu:
Surtout pas élever la voix.
Le Président (M. Cardinal): Comme diraient les classiques:
Paulo majora canamus!
Une Voix: Le journal des Débats! Une Voix:... cannabis...
M. Le Moignan: Traduisez de grâce! Traduisez!
M. Chevrette: M. le curé implore le Seigneur.
Le Président (M. Cardinal): Elevons le ton, en
français.
M. le député de Terrebonne.
M. Fallu: Je ne me permettrai pas de traduire Cicéron
ici.
L'article 13 aurait dû, aurais-je déjà dit, il y a
un long moment, si je n'avais été interrompu, se lire: Les
jugements rendus au Québec par les tribunaux, etc., sont
rédigés en langue française, point, ou en français,
point.
C'eut été dans l'économie de la loi. Toutefois, le
législateur ici, dans sa sagesse, a voulu, et strictement dans le
domaine de la justice, faire une exception, une exception que nous ne
retrouvons pas notamment dans le chapitre suivant, dans le chapitre IV,
lorsqu'il s'agit du langage de l'administration, lorsqu'il s'agit, par exemple,
pour un maire ou un conseiller municipal de formuler une proposition ou une
motion au conseil de ville. Le législateur, ici, a été
d'une tolérance remarquable. Je dirais davantage: II a été
d'un très grand humanisme, tellement grand, d'ailleurs, que l'exception
qu'il a faite à la règle s'applique non seulement dans
l'immédiat, s'applique non seulement avec
un délai pour l'application, mais s'appliquera de tout temps.
C'est un droit acquis ad vitam aeternam, celui, pour le juge, pour tout juge,
de rédiger, de faire une première rédaction en anglais,
qui accompagnera notamment la version française qu'il aura, par la
suite, authentifiée.
Qu'est-ce à dire? Dans le cabinet du juge, sachons d'abord
comment ça se passe. Le juge fait un "rough draft", il va de soi...
M. Charbonneau: Cela ressemble aux discours du
député de Mont-Royal.
M. Fallu: Le juge rassemble les éléments de son
jugement et donne, par la suite, à ses acolytes, à ses aides,
à son soutien technique, le matériel avec lequel le jugement est
finalement complété. Dans la plupart des cas, dans les jugements
du moins les plus importants, c'est ainsi que ça se passe, et c'est
ça, M. le Président, qu'il faut savoir au départ, que le
juge, très rarement, signe de sa griffe personnelle l'ensemble du texte.
Le juge en question pourra donc se faire accompagner de scripteurs, un peu plus
bilingues au début, en attendant que tous les juges, comme tous les
maires ou tous les conseillers municipaux, dans quelques années,
puissent rédiger eux-mêmes leurs motions en français. C'est
une condition esentielle de la francisation du Québec. Je
répète donc que, bien au contraire de ce que nos amis d'en face
voudraient nous faire dire, que cet article 13 est antihumanitaire, au
contraire, il est d'un très grand humanisme.
Il respecte les juges, ceux qui, pour le moment du moins, d'ici une
génération, peut-être deux, n'auront pas encore la
compréhension nécessaire du français d'un citoyen vivant
au Québec.
C'est un très beau geste. C'est probablement ici, en
l'occurrence, l'un des plus beaux de la Charte de la langue française.
C'est cela que j'aimerais que nos amis d'en face finissent par comprendre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être une
question suscitée par le député de Terrebonne... Je
voudrais passer par votre canal, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Pardon?
M. Le Moignan: ...par votre canal de transmission...
M. Charbonneau: Ne continuez pas. Vous vous calez.
M. Le Moignan: ...afin que mon message puisse parvenir au
ministre d'Etat au développement culturel et, comme dit si bien mon
voisin d'en face, je n'ai pas l'intention de faire une "fili-buste"?
M. Bertrand: Une phlébite.
M. Le Moignan: Je voudrais simplement poser une question parce
que de telles situations sont susceptibles... Ce n'est pas une question
hypothétique, je la connais. Je sais qu'elle s'est produite du
côté francophone. Cela a été facilement
réglé, mais en vertu de l'article 13, tel que
rédigé, si jamais un juge anglophone pauvre juge dans les
circonstances unilingue ou presque, venait à mourir cela
arrive à tout le monde ou bien devenait inapte à
juger...
M. Charron: Cela arrive encore plus souvent.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Le Moignan: ...s'il devient inapte à juger, mais
après avoir rendu son jugement il va de soi, en anglais
s'il n'a pas eu le temps de s'assurer de l'authenticité de la version
française que, normalement, ce juge devrait signer, peut-il se produire
dans un tel cas une réelle complication?
Je ne veux pas compliquer les choses, mais je pose une question. Comme
je l'ai vu du côté français, cela a été
facilement réglé, mais si le juge avait été
anglophone dans les circonstances...
M. de Belleval: La plus grande complication...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Y a-t-il un article pour mourir en
français?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, M. le député de Mont-Royal? Les
héros sont de plus en plus fatigués.
M. Chevrette: Ils deviennent des "zéros". M. Grenier:
Le ministre pourrait-il répondre?
Le Président (M. Cardinal): Vous vous adressez à
quel ministre? Nous avons trois ministres devant nous.
M. Le Moignan: Le ministre d'Etat au développement
culturel.
Le Président (M. Cardinal): Bon.
M. Laurin: J'écoute.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, il y a une
question de posée.
M. Laurin: J'écoute.
M. Le Moignan: J'ai posé ma question, M. le ministre.
M. Laurin: J'écoute.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé...
M. Le Moignan: C'est une question bien simple.
Le Président (M. Cardinal): ...on vous demande de
répéter votre question.
M. Le Moignan: Elle n'est pas tellement hypothétique. Je
dis que l'article 13, tel que rédigé... Je suppose un juge
anglophone. Si ce juge, qui est unilingue ou presque...
M. Laurin: II est censé être bilingue.
M. Le Moignan: Oui, il est bilingue, mais plus ou moins bilingue,
dans les circonstances, actuellement. Il existe. La loi est adoptée,
supposons dans quelques semaines, et ce juge vient à mourir,
après avoir rendu son jugement. Il a rendu son jugement en anglais, et,
normalement, si on veut confronter les deux versions, si quelqu'un veut
s'assurer de l'authenticité, à ce moment, ce juge n'est
pas...
Vous allez me dire que cela ne se produit pas tous les jours, mais si un
tel cas se produisait, en fonction de l'article 13, quel serait le meilleur
moyen d'en sortir à ce moment?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: C'est précisément pour cette raison que
nous accordons un délai de deux ans et trois mois, période durant
laquelle...
M. Le Moignan: ...pour le faire ressusciter!
M. Laurin: ...le gouvernement verra à régler ce
problème parmi d'autres, par exemple, par des amendements au Code de
procédure civile.
M. Guay: Là-dessus, si je peux me permettre... Je crois
que dans la pratique, normalementle député de
Marguerite-Bourgeoys qui a porté la toge, ce que je n'ai point fait,
pourra me corriger je crois que le juge en chef d'un tribunal, dans de
telles circonstances, affecte un autre juge ou prend lui-même à
son compte la situation.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Taschereau. Vous avez été un bon
élève.
M. Le Moignan: Vous avez eu un bon professeur.
Une Voix: Sa longue expérience...
M. Guay: Ce n'est pas ma longue expérience, mais j'ai eu
de bons professeurs.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants sur la motion de Mme le député de L'Acadie? Mme le
député de L'Acadie, il vous reste cinq minutes.
Mme Lavoie-Roux: Je laisse...
Le Président (M. Cardinal): M. le député
d'Outremont.
Une Voix: ...
M. Raynauld: Non, c'est pour cela que je serai très bref.
Je voudrais peut-être, si c'était possible, renverser le fardeau
de la preuve et demander au gouvernement, par l'intermédiaire des gens
qui sont ici, quels sont les arguments qu'ils peuvent invoquer à
l'encontre de l'adoption de cet amendement? Cet amendement me paraît tout
à fait anodin du point de vue du statut du français au
Québec. Il me paraît, par contre, capital du point de vue de la
justice et du respect de la justice. Etant donné qu'il est anodin du
point de vue du statut du français et des objectifs que le gouvernement
poursuit, pour quelle raison un amendement comme celui-là n'est pas
adopté pratiquement sans discussion? C'est cela que je ne comprends pas.
On ne donne aucun argument. Franchement c'est un amendement sur lequel on ne
devrait pas discuter bien longtemps. On dit que cela s'applique seulement
lorsqu'il y a des divergences de texte et à ce moment-là on donne
priorité au texte qui a le plus de chance de faire respecter la justice.
Franchement, c'est une exception tellement mineure à l'article dans son
ensemble que je ne vois pas pourquoi on perdrait notre temps ici à
essayer d'inventer des arguments, je dirais même de part et d'autre.
Quelles objections y a-t-il à l'adoption d'un amendement comme
celui-là, sinon vraiment de ne pas le lire et de s'en tenir simplement
à des positions acquises et de vraiment s'entêter à dire
que tout amendement est toujours une concession, que c'est toujours quelque
chose de mauvais parce que cela vient de l'Opposition? Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député d'Outremont.
Une Voix: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! J'ai reconnu
auparavant M. le ministre, je m'en excuse, mais...
Mme Lavoie-Roux: Allez-y, peut-être n'aurai-je plus besoin
de parler si vous répondez affirmativement.
M. Laurin: Vous auriez encore...
M. Charron: Cela nous surprendrait beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! C'est rendu qu'il
y en a trois qui demandent la parole.
M. Paquette: Cela va être vraiment très bref.
Mme Lavoie-Roux: Je vous cède mon droit de parole.
M. Paquette: Je vais dire ce que j'ai à dire. Si on ne
donne pas encore une fois nos arguments, c'est que c'est la troisième
fois qu'on a la même motion d'amendement sur la table.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, à la question du
député d'Outremont et à la question que j'ai posée
dans le premier amendement que nous avons présenté je n'ai jamais
obtenu de réponse. Souhaitons qu'il soit plus chanceux.
M. le Président, comme il ne me reste que quelques minutes pour
parler sur cet amendement, je voudrais rappeler ici que l'objet de cet
amendement est basé sur le principe que le droit du justiciable est
fondamental. Le député d'Outremont a tout à fait raison de
dire qu'il s'agit d'un élément anodin puisque dans une autre
partie de la loi, et j'aimerais vous référer à l'article
210, l'article 4 de la Loi de la protection du consommateur est remplacé
par le suivant. Je lis: "Le contrat doit être lisiblement
rédigé en français mais le consommateur peut exiger qu'il
soit également rédigé en anglais. Au cas de contradiction
entre les deux textes, l'interprétation la plus favorable au
consommateur prévaut." Alors, dans un domaine où il s'agit
d'acheter des oignons ou d'en vendre, on juge approprié d'introduire
cette disposition dans la loi. De plus le projet de loi no 1 était
silencieux là-dessus. Dans le projet de loi 1, l'article 4 de la Loi de
la protection du consommateur 1971, chapitre 74, a été
abrogé et on a senti le besoin de le réintroduire dans la version
du projet de loi 101 à l'article 210. Vous pouvez bien badiner sur les
oignons, si j'avais eu un exemple plus approprié, cela m'aurait fait
plaisir de vous le donner, mais vous savez ce dont je parle.
M. Charbonneau: Nous n'avons rien compris, mais cela ne fait
rien.
Mme Lavoie-Roux: II reste que, à ce moment-ci, où,
je pense, il s'agit d'un droit beaucoup moins fondamental que le droit à
la justice, on a cru bon d'introduire cette disposition, et quand on arrive
dans le domaine de la justice, on le refuse aux justiciables. Je voudrais qu'on
me donne des explications. C'est tout ce que j'ai à dire, M. le
Président. Je pense que ceci démontre amplement que, du
côté du gouvernement, c'est un entêtement que je ne veux
même pas qualifier. Cet amendement que j'ai proposé était,
une fois de plus, un dernier effort pour tenter de convaincre le gouvernement
qu'on voulait simplement l'inviter à respecter les droits individuels,
et surtout les droits individuels les plus fondamentaux.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le ministre
d'Etat délégué aux Affaires culturelles.
M. Laurin: M. le Président, comme vous vous en doutez
bien, nous voterons contre cet amen- dement, pour plusieurs raisons. D'abord,
dans la dernière phrase du paragraphe, on ne qualifie pas la divergence
dont il est ici question. On ne dit pas, par exemple, si la divergence entre
les deux jugements sera infinitésimale, minime ou substantielle. A ce
moment, il devient très difficile de se faire une idée de la
portée exacte de ce qu'on entend par cet amendement.
Par ailleurs, au cours de la discussion, il est devenu évident
que, lorsque nous aurons affaire à deux versions d'un jugement, dont
l'une, évidemment, étant donné que c'est une version, sera
une traduction, on peut penser qu'il y aura toujours une divergence quelconque,
soit infinitésimale, soit minime ou substantielle, ne serait-ce
qu'à propos de l'emploi d'un mot, ne serait-ce qu'à propos d'une
de ces mille et une nuances qu'a fait valoir le député de
Mont-Royal, ne serait-ce qu'en vertu de la ponctuation, qui peut altérer
plus ou moins le sens d'une phrase. Je pourrais continuer ainsi
indéfiniment.
On peut donc penser que le nombre de ces jugements écrits en
langue anglaise où il y aura une divergence sera presque
mathématiquement le même que le nombre de jugements anglophones.
Alors, dans ce cas, c'est la version anglaise qui prévaudrait, en vertu
du principe que l'on veut maintenant nous faire adopter. Ce qui revient
exactement à nier ce qu'on affirme dans la première phrase,
c'est-à-dire le caractère officiel de la version
française, car, dans tous ces cas, c'est la version anglaise qui, dans
les faits, deviendrait officielle. En somme, nous aboutirions, par un sophisme
ingénieux, à la négation de ce qu'on prétend
reconnaître, c'est-à-dire que l'on prétend
reconnaître que la version française serait la seule officielle.
Nous n'acceptons pas ce sophisme, et c'est la raison pour laquelle nous
voterons contre cet amendement.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, madame et
messieurs les membres de cette commission, il ne s'agit pas de vous presser
aucunement, nous sommes bien ensemble, mais, à l'heure qu'il est... J'ai
reconnu que M. le député de Mont-Royal n'était pas
pressé, alors, M. le député de Mont-Royal, il vous reste
une minute.
M. Ciaccia: M. le Président, il y avait une autre
raison... Ah! seulement une minute!
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Ciaccia: II y a la question de la représentation de
notre système judiciaire. Pour des raisons que nous connaissons fort
bien, à la magistrature, nous nommons des anglophones, des francophones
et des membres des groupes ethniques. Avec l'article 13, on veut nier cette
représentativité. On va rendre impossible cette
représentation de différents groupes qui ont des coutumes
différentes, des façons de penser différentes, et, pour
l'économie de notre loi, je pense que notre système de
représentation à la magistrature nous a bien servis.
Même les ministériels admettent qu'ils sont tous bilingues,
mais c'est plus facile pour celui qui a la langue d'usage anglaise de se
prononcer et de préciser en cette langue. C'est une raison de plus, M.
le Président, puisqu'il me reste seulement une minute, pour laquelle
nous devrions accepter l'amendement du député de L'Acadie.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal. Oui, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. Il vous reste cinq minutes, c'est-à-dire
jusqu'à la suspension.
M. Lalonde: Le député de Mégantic-Compton a
semblé vouloir prendre la parole.
M. Grenier: C'était simplement, je le signale, bien
sûr, cela prend quinze secondes, pour vous dire que si on devait passer
aux deux votes avant 18 heures, j'aurais voulu vous demander, comme on l'a fait
au chapitre de l'enseignement, s'il y avait lieu de réserver, ce sera la
fin du chapitre de la langue de la législation de la justice, une
période de deux minutes par parti pour faire valoir notre commentaire de
la reprise.
Le Président (M. Cardinal): Ce serait difficile, parce que
M. le député de Marguerite-Bourgeoys a cinq minutes et il n'en
reste que quatre. Cependant, j'ai déjà donné cette
directive au début du débat sur le chapitre III. J'ai
indiqué que nous pourrions procéder comme nous l'avons fait pour
le chapitre VIII et permettre de très brèves interventions
à un représentant de chacun des partis politiques avant
l'adoption du chapitre III.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Gernier: Merci.
M. Lalonde: Je voudrais simplement ajouter quelques mots à
l'argument qui vient d'être apporté par le député de
L'Acadie. Cette façon de penser, cette façon de voir les choses
avait été introduite dans la Loi sur la protection du
consommateur il y a quelques années, reprise dans la loi 22 et
niée par le projet de loi 1 mais reprise encore par la loi 101,
c'est-à-dire que, lorsqu'il y a divergence, il s'agit en ce qui concerne
la consommation, de favoriser le consommateur et, par extension de ce principe,
on devrait, en ce qui concerne l'administration de la justice, lorsqu'il y a
divergence entre deux textes, favoriser la meilleure administration de la
justice, c'est-à-dire favoriser le justiciable, donc s'assurer que le
justiciable se verra imposer une justice telle que le juge l'a
décidé, puisqu'on confie au juge le soin de prendre les
décisions lors de litiges, même en matière pénale,
M. le juge, M. le Président, et en matière criminelle vous
voyez qu'on baigne en pleine justice ici d'ailleurs, la sagesse de vos
décisions m'a inspiré ce lapsus même en
matière pénale et criminelle. Il arrive que des jugements sont
rendus en anglais et il arriverait que ce ne soit pas pour seulement quelques
dollars ici ou là, quelque intérêt financier important
quand même, mais souvent le sort même d'un accusé pourrait
être affecté par la mauvaise interprétation d'un texte. Les
arguments du ministre d'Etat au développement culturel sont dans le sens
d'appuyer cet amendement parce qu'il a démontré qu'en effet il
arriverait souvent que des divergences et même des contradictions
pourraient avoir lieu. La traduction apporte nécessairement une
ouverture à ce genre d'erreur ou d'interprétation
différente, de description différente des réalités
et des choses. Je crois que la démonstration qu'il nous a faite devrait
au contraire l'amener à voter pour notre amendement pour être bien
sûr que justice soit faite, et non seulement soit faite, mais qu'elle ait
aussi l'apparence d'être faite, et qu'un justiciable n'ait pas
l'impression d'avoir été mal traité par le système
judiciaire strictement à cause de considérations
linguistiques.
M. le Président, je pense que le gouvernement devrait apporter
à cet amendement une attention beaucoup plus positive que ce qu'il a
démontré jusqu'à maintenant et j'aimerais que la
suspension de nos travaux qui va nous frapper dans quelques secondes lui
permette de songer à cette question avant le vote. C'est pour cela
que...
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je lis textuellement l'article
31: "Mais, lorsqu'à 18 heures, sauf le mercredi, toutes les affaires
n'ont pas été expédiées, le président quitte
le fauteuil et la séance est suspendue jusqu'à 20 heures."
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 5
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît, messieurs les députés; oui, nous avons
quorum et nous allons...
Une Voix: ... vous n'avez pas quorum.
Le Président (M. Cardinal): En vertu de l'article 145, le
quorum sera présumé.
Une Voix:...
Le Président (M. Cardinal): Non, ce n'est pas ça.
Alors, au moment de la suspension, à 18 heures, nous en étions
à une motion d'amendement à l'article 13 présentée
par Mme le député de L'Acadie. Je pense qu'il n'est pas
nécessaire de la relire. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys venait de s'exprimer. M. le député de
Mont-Royal n'a plus aucune minute à utiliser sur cette motion.
M. Ciaccia: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Quelle sorte de question?
M. Ciaccia: Est-ce qu'en calculant le quorum, vous avez
compté le ministre de la Justice qui est ici en esprit?
Le Président (M. Cardinal): Non. J'ai mentionné que
le quorum était de onze députés. Quand je l'ai
constaté, il y en avait onze, y compris non pas l'esprit, mais le
président de la commission et, par la suite, il est
présumé.
M. le député de Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, j'aurais beaucoup
aimé que Mme le député de L'Acadie soit ici...
M. Lalonde: Elle s'en vient; si vous voulez attendre.
M. Ciaccia: ... ne rien dire pour quelques minutes et,
après ça...
M. Bertrand: En attendant qu'elle y soit, M. le
Président...
M. Guay: On ne maîtrise pas... M. de Belleval:...
voter.
M. Bertrand: On pourrait peut-être voter l'article. Ce
serait...
Le Président (M. Cardinal): Nous en sommes à un
amendement.
M. Bertrand: M. le Président, de toute façon, je
vais laisser les quelques arguments que je voulais lui adresser pour la fin de
mon argumentation, et je vais commencer par certains autres.
En tentant de me faire une idée sur cet article 13 et sur la
motion d'amendement qui a été présentée par le
député de L'Acadie, je me suis toujours posé la même
question, à savoir si cet article 13, tel que rédigé, dans
sa forme, dans son fond, pouvait porter atteinte aux droits des justiciables du
Québec, de quelque langue qu'ils soient et, dans la mesure où je
ne trouvais pas qu'il y avait préjudice à l'endroit de qui que ce
soit, je pense qu'au-delà des querelles de mots et de forme, il
importait de ne retenir que le principe qui est sous-jacent et de faire en
sorte que nous n'édulco-rions pas ce principe dans des amendements qui,
à toutes fins pratiques, lui enlèveraient toute sa vigueur.
Mes premières remarques, puisqu'elle est maintenant revenue,
j'aimerais les adresser au député de L'Acadie, à qui je
demanderais...
Mme Lavoie-Roux: Son attention.
M. Bertrand: ... ne lui en déplaise, par votre
intermédiaire, M. le Président, quelques secondes d'attention,
parce que je dois lui dire, sans ambages...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse. C'est que
j'ai trouvé ici quelque chose et je voulais identifier le
propriétaire. Alors, c'était ça, mon manque
d'attention.
Le Président (M. Cardinal): Vous voyez quelle est...
M. Lalonde: II faut remettre à César ce qui
appartient à César.
Le Président (M. Cardinal): Vous voyez quelle est
l'attitude de la présidence, je l'ai d'abord remis à l'Opposition
officielle avant de le remettre au parti ministériel.
Mme Lavoie-Roux: Comme l'Opposition officielle est très
honnête, elle l'a remis à qui de droit.
M. Lalonde: ... quand vous aurez des choses un peu plus
précieuses...
M. Laurin: ... on l'apprécie.
M. Guay:... un amendement. Voilà, M. le Président,
ce que vous êtes clément!
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, M. le
député de Taschereau. M. le député de Vanier, s'il
vous plaît! Tout le monde à l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Ne me parlez plus de cela, M. le député
de Taschereau!
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais dire à
Mme le député de L'Acadie que, cet après-midi, dans son
argumentation, elle m'a presque eu.
Mme Lavoie-Roux: Pas de blagues, c'est sérieux, ça.
Allez-y!
M. Bertrand: Elle m'a presque eu. Elle a saisi toute mon
attention.
Une Voix: Vous êtes faible?
M. Bertrand: Et j'avoue qu'elle m'a, jusqu'à un certain
degré...
M. Lalonde: Ebranlé.
M. Bertrand: Ebranlé, parce qu'elle a suscité en
moi certains doutes.
M. Grenier: "Shaké", un peu "shaké". Mme
Lavoie-Roux: C'est sérieux, ça!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. Bertrand: ... elle a excité mon esprit et elle m'a
obligé à aller chercher, dans le tréfonds de ce qui me
sert d'intelligence, la possibilité d'une réflexion attentive aux
propos qu'elle avait tenus. Ces hommages vous étant rendus, maintenant,
Madame...
Mme Lavoie-Roux: Je ne vous ai pas convaincu.
M. Bertrand: ... je dois vous faire savoir que j'en suis venu
à une réponse qui me satisfait pleinement en raison de votre
argumentation à partir de l'article 210. On y lit, au sujet de la Loi de
la protection du consommateur, qu'elle serait amendée à l'article
4 pour être remplacé par le suivant: "Le contrat doit être
lisiblement rédigé en français, mais le consommateur peut
exiger qu'il soit également rédigé en anglais. Au cas de
contradiction entre les deux textes, l'interprétation la plus favorable
au consommateur prévaut."
Et vous avez argué à la suite de la citation de ce texte
que si le gouvernement était prêt à reconnaître que
le consommateur pouvait, dans des cas où il y avait contradiction entre
deux textes l'un français, l'autre anglais choisir celui
dont l'interprétation lui semblait la plus favorable... Vous disiez: Si
c'est vrai pour le domaine de la consommation quand on achète des
oignons, pourquoi ne serait-ce pas vrai dans le domaine de la justice
où, admettons-le, les questions sont tout de même plus
importantes, plus délicates, plus dramatiques, très souvent?
Or, je pense, pour en revenir à vos oignons, que vous avez
comparé des poires à des carottes et que jusqu'à un
certain degré nous nous sommes presque tous retrouvés dans les
patates, avec une argumentation qui portait à faux. Vous ne pouvez pas
faire du tout le même raisonnement ou vous ne pouvez pas facilement faire
une analogie entre l'article 210 et l'article 13 parce que je pense que nous ne
comparons pas les mêmes choses.
Dans les cas des consommateurs, il faut se rappeler que toute la Loi de
la protection du consommateur s'inspire d'un principe de fond qui est à
peu près le suivant: Lorsqu'un consommateur, un acheteur d'un bien
quelconque, a signé un contrat avec, par exemple, un commerçant,
le principe de fond de la loi est de protéger d'abord et avant tout le
consommateur qui est de loin le plus démuni des deux lorsqu'il y a
entente ou signature d'un contrat.
Le commerçant a à sa disposition des services juridiques,
des experts-comptables, des personnes qui sont en mesure de lui dire de quelle
façon il doit présenter son contrat au consommateur, alors que le
consommateur, le moins que l'on puisse dire à son sujet et je pense que
c'est l'analyse de la stricte réalité qui nous permet de le dire
c'est qu'il est passablement démuni. Ne nous le cachons pas, les
avocats ne sont pas toujours les défenseurs de la veuve et de
l'orphelin. Ils sont aussi quelquefois...
M. Grenier: Hélas!
M. Bertrand: ... et en cela, je ne les blâme pas ils
exercent leur fonction de juriste ils ont aussi à l'occasion la
responsabilité de défendre, par exemple, dans certains cas, des
commerçants alors qu'ils savent fort bien que certains contrats qui sont
rédigés avec certains consommateurs ne sont pas toujours dans
l'intérêt du consommateur d'abord, mais très souvent, dans
l'intérêt du commerçant.
Etant donné ce fait qui part d'une volonté de la loi
d'être protectrice du consommateur, à cause de la situation
d'inégalité qui existe au départ, il arrive que dans ce
cas très précis où nous avons affaires, ne l'oublions
jamais, à deux parties, le consommateur et le commerçant, il
m'apparaît tout à fait normal que le consommateur, par exemple,
francophone qui sentirait que c'est la version anglaise du contrat qui le
protège le plus comme consommateur... Je le comprendrais de se servir de
cette version, de la même façon que je comprendrais le
consommateur anglophone de se servir de la version française s'il avait
le sentiment que c'est cette version française, assez curieusement, de
façon assez paradoxale...
Il pourrait se servir de la version française pour se
défendre s'il a le sentiment que c'est la version française qui
l'avantage le plus. Je pense que c'est inclus dans la Loi de la protection du
consommateur. J'y arrive. Lorsque nous arrivons à l'article 13, ce n'est
plus du tout la même situation. Vous avez deux justiciables, supposons,
ou deux parties devant le juge, mais placées dans une toute autre
situation. Peut-on dire, par exemple, que l'un des deux justiciables serait,
jusqu'à un certain point, démuni face à la justice
incarnée en la personne du juge? Je pense qu'on ne peut pas faire du
tout le même raisonnement par analogie entre l'article 210 et l'article
13. A l'article 210, nous avons affaire à deux parties. Dans un cas,
c'est un commerçant et dans l'autre, un consommateur, alors que dans le
cas de l'article 13, ce
sont deux justiciables ou deux parties qui sont présentes devant
le juge, mais c'est le juge qui doit incarner cette notion de justice,
d'égalité des deux parties devant lui.
Donc, je pense qu'on risquait de se laisser embarquer dans une forme de
piège si on traitait l'article 210 et l'article 13 par analogie. Je suis
certain que ce n'était pas votre intention et c'est justement à
cause de cela que j'ai voulu y réfléchir un peu pour me rendre
compte, en tout cas, à ma satisfaction personnelle après en avoir
discuté avec certaines autres personnes, qu'on ne pouvait pas faire le
même raisonnement.
Pour étendre mon argumentation à d'autres
éléments, une fois cet élément admis qu'on ne peut
traiter l'article 13 comme l'article 210, parce qu'on ne peut invoquer contre
le juge qui rend la justice, qui permet que justice soit rendue, comme dans le
cas de la Loi de la protection du consommateur, quelque forme
d'inégalité que ce soit... Il peut y en avoir entre les deux
justiciables sur le plan des moyens dont on dispose, mais il n'y en a
certainement pas du juge vers les deux justiciables.
M. Ciaccia: M. le Président, si le député de
Vanier me permettait une question.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Un à la
fois. M. le député de Mont-Royal, est-ce que...
M. Bertrand: Je préférerais, M. le
député de Mont-Royal, continuer, et si, à la fin...
M. Grenier: Est-ce que vous me permettriez une question à
la toute fin de votre intervention?
Le Président (M. Cardinal): Alors, à la fin, je
reconnaîtrai MM. les député de Mont-Royal et de
Mégantic-Compton.
M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Alors, c'est un premier élément. Je
voudrais aussi signaler un deuxième élément. Si on se
rapporte à l'article 9 du projet de loi no 101, vous constaterez
à l'article 9 que nous avons adopté, et je pense même que
vous avez appuyé cet article sans amendement, si ma mémoire est
bonne je ne veux pas trop m'avancer vous constaterez que seul le
texte français des lois et des règlements est officiel. Je
voudrais simplement indiquer...
Le Président (M. Cardinal): Sur division.
M. Bertrand: Sur division. Est-ce que, M. le Président,
enfin, c'est un renseignement que je peux demander, est-ce qu'il y avait eu un
amendement pour faire en sorte que les deux...
Le Président (M. Cardinal): II y a eu un amendement sur
chacun des articles. Finalement, l'article a été adopté
sur division, sans vote.
M. Bertrand: Alors, je voudrais simplement faire admettre que si
nous reconnaissons qu'à l'article 9 seul le texte français des
lois et des règlements est officiel, je pense qu'il va de soi
enfin, on peut certainement évoquer cet argument que si on
reconnaît que la loi, les lois, et les règlements joints aux lois
n'ont de caractère officiel que dans la langue française, je ne
vois pas pourquoi la justice, qui est dans un certain sens l'extension de la
loi, qui permet d'interpréter les lois, qui permet de faire respecter
les lois, je ne vois pas pourquoi, par extension, il n'y aurait pas aussi, de
la même façon, au niveau de la justice, une seule langue
officielle.
Je pense que de cette façon le législateur est
certainement cohérent avec lui-même c'est-à-dire qu'il fait
en sorte que de l'article 9 à l'article 13 il y ait une certaine forme
de continuité.
Je voudrais dire aussi que la motion d'amendement proposée par le
député de L'Acadie risquerait de nous enfermer dans une situation
assez délicate, qui est celle, il me semble, que la plupart des juristes
voudraient éviter, à savoir d'être placés devant
deux textes de loi, enfin, une seule loi, mais deux textes, si on entend par
là qu'il y a une version française et une version anglaise
il me semble qu'il y a souvent des problèmes d'interprétation qui
sont nés, non pas du fait de la loi elle-même, mais du fait qu'on
était en présence de deux textes, un texte français et un
texte anglais. A ce point de vue, j'imagine la situation, évidemment,
dans laquelle nous placerait votre motion d'amendement, c'est-à-dire
qu'on aurait une version française d'un jugement et une version anglaise
du jugement, et la première tentation qui se poserait pour le
justiciable serait de se poser la question de la divergence qui peut exister
entre les deux textes du jugement; et à ce moment, je me dis que nous
donnons prise à toute une interprétation, une remise en question
à travers une vo-ionté d'interprétation des jugements qui
seraient rendus par ceux qui ont la responsabilité de rendre ces
jugements.
En d'autres mots, on aurait une version française que par
définition, on doit considérer comme officielle parce que c'est
la volonté de l'article 13, mais du seul fait qu'il y a une version
anglaise qui y est jointe, on donne prise immédiatement à une
difficulté d'interprétation du seul fait qu'on essaie de voir
s'il y a ou non divergence entre deux versions du jugement rendu, une en
français et une en anglais. Je me dis qu'à ce moment-là,
le législateur est prudent de voir à ce qu'il n'y ait qu'une
version qui soit officielle.
Ensuite, je voudrais qu'on sache que dans l'administration de la
justice, il n'y a pas que la traduction d'un jugement qui peut poser des
problèmes. Il existe déjà, à ce que je sache, dans
les cours de justice, des sténographes officiels.
Ces sténographes officiels, si ma mémoire est bonne, ont
comme fonction de transcrire à même une machine et à
même leur responsabilité de sténographe... La
responsabilité de transcrire les témoignages, les plaidoyers qui
sont ceux des différents témoins, qui sont ceux des avocats, et
à ce moment, il y a jusqu'à un certain degré une forme
de transcription de la parole, des paroles qui sont prononcées
à travers un texte, et Dieu sait qu'il pourrait arriver qu'on puisse
contester la transcription qui est faite par des sténographes officiels
de certains témoignages entendus. Si ce problème, peut-être
plus théorique que pratique, pouvait se poser avant même que le
juge puisse rédiger un jugement, je ne vois pas pourquoi on s'offusque
tellement de savoir qu'il y aurait des services de traduction, une fois un
jugement rendu. Donc, dans ce contexte, je pense qu'on se trouve placé
dans une situation à la limite qui est de se dire: Si dans le fond, la
façon dont l'article 13 est rédigé ne porte pas
préjudice des droits des justiciables, et si le gouvernement se
préoccupe de faire en sorte que dans le domaine de la justice, par
exemple, au Québec, ceux qui ont à rendre des jugements puissent
le faire en français et les justiciables puissent au moins avoir
à leur disposition, comme c'est le cas par l'intermédiaire de
l'article 10, un texte écrit en anglais, je me dis qu'à ce
moment, j'ai très nettement le sentiment qu'on fait vraiment une
tempête dans un verre d'eau et qu'à la différence de ce que
le député d'Outremont disait cet après-midi, c'est
beaucoup plus anodin que ce que l'Opposition semble vouloir
reconnaître.
Car à la limite, avec la souplesse que le gouvernement a
accepté d'y mettre en faisant en sorte que cet article s'applique
à compter de, si ma mémoire est bonne, 1980, à ce moment
nous rendons justice à la volonté du gouvernement pour que,
premièrement, il n'y ait pas un secteur du Québec qui
échappe à notre volonté de faire que le Québec soit
français, et, deuxièmement, qu'à travers cette
volonté de faire en sorte que le Québec soit français on
permette que les justiciables ne trouvent pas leur droit amoindri ou
diminué de quelque façon. Donc, je pense que dans sa forme
actuelle l'article 13 est tout à fait acceptable et je sollicite de
l'Opposition une collaboration pour que nous puissions passer à d'autres
articles.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
ma question? Est-ce qu'il lui reste du temps?
Le Président (M. Cardinal): Non, il ne vous reste plus de
temps.
M. Ciaccia: Non, mais lui?
Le Président (M. Cardinal): Lui? Oui. Il lui reste une
minute.
M. Lalonde: "Filibuster".
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, vous n'avez plus de temps.
M. Ciaccia: Non, mais pour poser une question.
Le Président (M. Cardinal): Ah bon! D'accord. Je me
rappelle que, et M. le député de Mont-Royal et M. le
député de Mégantic-Compton, avaient manifesté leur
intention de poser une question à M. le député de Vanier.
Brièvement, s'il vous plaît, parce que, d'une part, M. le
député de Mont-Royal n'a plus de temps et, d'autre part, M. le
député de Vanier en a très peu. Je vous prierais
d'être brefs, sans quoi je devrai...
Mme Lavoie-Roux: Avec le consentement de la commission...
M. Grenier: II n'y a que moi qui ai pas mal de temps.
M. Ciaccia: Je serai bref.
Le Président (M. Cardinal): Cela pourrait toujours se
faire. On va voir ce qui va se passer, madame.
Mme Lavoie-Roux: C'est mieux de prendre une décision avant
qu'après.
Le Président (M. Cardinal): On va...
Mme Lavoie-Roux: On va l'observer.
M. Ciaccia: Je voudrais demander ceci au député de
Vanier: Vous avez essayé de faire la distinction entre l'article 210 que
le député de L'Acadie avait signalé... S'il y a un
jugement en anglais traduit en français, et qu'il y a une divergence
entre les deux, une différence entre les deux, comment cette situation
est-elle différente et comment un justiciable, d'après l'argument
de l'article 210, pourrait-il prendre avantage de l'un ou de l'autre? Comment
cette situation est-elle différente de l'article 210? Le
député de L'Acadie a donné comme exemple que dans un
contrat il peut y avoir une version anglaise et une version française.
Le consommateur va prendre ce qui lui est le plus favorable. Quelle est la
différence entre les deux jugements, avec une différence, et les
contrats?
M. Bertrand: Je ne comprends pas que vous fassiez ce genre
d'analogie, parce que, dans mon esprit, et je reviens à ce que j'ai dit,
tel que rédigé, l'article 13 m'apparaît tout à fait
correct, justement parce que c'est la responsabilité du juge qui a rendu
le jugement de voir à ce que la version française soit
dûment authentifiée. Donc, à ce moment...
M. Ciaccia: Supposons qu'il y ait une différence...
M. Bertrand: ... qu'il n'y ait pas possibilité pour le
justiciable de constater qu'il y a divergence, puisque le juge lui-même
s'est assuré que la traduction française de son jugement anglais
est tout à fait conforme à l'esprit du jugement qu'il a rendu. Je
pense que cela ne contredit pas mon argumentation sur l'article 210. Ce n'est
pas du tout la même question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Si vous me permettez, rapidement, s'il ne reste plus
de temps au député de Vanier, je pourrai le prendre sur le mien.
Je pense qu'il m'en reste suffisamment.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, oui, il vous en reste pas mal.
M. Grenier: Pas mal. C'est seulement deux petites questions, une
question à deux volets, mais la réponse ne pourra pas être
bien longue. J'ai écouté votre argumentation qui faisait le point
entre l'article 13 et l'article 210. Alors, je vous pose la première
question. Ne vous ai-je pas déjà vu plus convaincant? La
deuxième: Ne serait-ce pas que les sujets que vous aviez en main
étaient de meilleurs sujets? J'ai connu M. Bertrand, M. le
député de Vanier...
M. Bertrand: M. le Président, je...
M. Grenier: ... dans d'autres argumentations, il était
beaucoup plus éloquent. Je me demande si le sujet était faible
à descendre ce soir et si son argumentation était difficile
à sentir. J'aimerais qu'il me réponde sur mon temps.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Sur une question de
règlement, M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je pense que la question est
irrégulière, d'autant plus que le député de Vanier
a donné toutes ses opinions, d'autant qu'elle s'ajoute aussi à
plus de six heures de débats sur le même article. Je vous propose
donc de mettre la motion aux voix.
M. Lalonde: M. le Président, l'impatience du
député de Saint-Jacques...
M. Charron: Ce n'est pas mon impatience. C'est mon respect du
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Je suis à la
disposition de la commission, je le répète. Nous avons
commencé seulement hier soir à 21 h 57. Cela fait plus de six
heures. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, il vous reste
exactement deux minutes.
M. Lalonde: M. le Président, je voulais simplement
réagir aux propos du député de Vanier quand il dit: "On ne
peut pas invoquer quelque forme d'inégalité en ce qui concerne le
cas de jugement comparé au cas de contrats anglais ou français
à propos d'un consommateur".
M. le Président, je pense qu'on peut invoquer une forme
d'inégalité, et la voici: II y aurait inégalité
entre le justiciable qui a été jugé par un juge, qui a
rendu un jugement en français, et le justiciable qui a été
jugé par le juge, qui a rendu un jugement en anglais.
Le premier sait et connaît le jugement du juge; le deuxième
sait et connaît un jugement de traducteur, et c'est là qu'est
l'inégalité.
M. Charron: Ce n'est pas le jugement du traducteur.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Jamais...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Et les derniers propos du député de
Vanier à l'égard de la façon que le jugement en
français ou la version française du jugement serait
authentifiée ne sont pas exacts. Je doute fort je l'ai dit cet
après-midi que ce soit le juge qui a rendu le jugement en anglais
qui soit appelé à authentifier le jugement en français. Si
c'est la façon dont le gouvernement propose de traiter la question, j'ai
des réserves très sérieuses, et vous m'en reparlerez dans
six mois, ou dans deux ans et quelque chose.
Une Voix: ... son élection.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: En ce qui concerne les sténographes, M. le
Président, je ne peux pas reprocher au député de Vanier de
ne pas connaître les us et coutumes en cour, mais les
sténographes, tout ce qu'ils font, c'est recueillir la preuve. Une fois
que le jugement est rendu, nous sommes à une autre étape, et la
sténographie, qui rapporte fidèlement tout ce qui se dit et
toutes les interventions, les témoignages, une fois que c'est
écrit, ce sont les juges qui déterminent jusqu'à quel
point les témoignages doivent être recueillis... non pas
recueillis, mais reçus, doivent être pris en considération
pour le jugement, de la même façon en Cour d'appel. II n'y a aucun
élément de nuance dans la sténographie, mais il y en a un
bien important dans le jugement.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: C'est parce que je ne veux pas que le... Je n'ai
effectivement pas...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier, il vous restait neuf minutes.
M. Bertrand: Non, ce n'est pas ça. Je veux simplement
rectifier ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vient de dire.
Il semble laisser croire que, lorsqu'on n'est pas avocat, on ne peut pas savoir
comment ça se passe dans les cours de justice. C'est effectivement ce
que j'ai dit. Le sténographe officiel recueille les
témoignages
et ce n'est évidemment pas le jugementça n'a rien
à voir mais le juge va étudier ensuite les textes, tels
que transcrits et, à ce moment-là, il se peut fort bien que, s'il
y a eu un problème, à un moment donné, de transcription,
le juge prenne connaissance de textes qui ne soient pas tout à fait
conformes à des témoignages. Je sais fort bien que ça se
fait avant qu'un jugement soit rendu. Je sais fort bien que le juge a toute la
latitude voulue pour évaluer ces témoignages. Je n'ai pas voulu
dire du tout que cela avait quelque chose à voir avec le jugement comme
tel.
Le Président (M. Cardinal): Je suis encore frustré,
parce qu'aujourd'hui... Ah! Je n'ai pas le droit de le dire, mais, en tout
cas... Cela se passe autrement maintenant. Mais, en tout cas... Oui, c'est
ça. Ce sont des sténotypistes.
M. Guay: Est-ce que le député de Vanier......
sténographe avec une machine?
Le Président (M. Cardinal): Non, mais, quand même...
Mme le député de L'Acadie, avec deux minutes.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, quand le
député de Vanier dit: Les deux cas ne sont pas totalement
analogues, je dois le lui concéder: l'objet des deux articles est
différent au départ. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il y a
possibilité qu'un individu soit lésé. Que ce soit le
consommateur vis-à-vis du commerçant, ou que ce soit le
justiciable vis-à-vis de la justice, dans les deux cas, il y a
possibilité qu'un individu soit lésé.
Cependant, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'article 4 vise la
justice à être rendue à un consommateur, alors que
l'article 13, tel que rédigé, vise la justice rendue en
français et non la justice à être rendue aux justiciables.
L'objectif que nous visons par l'amendement, c'est que justice soit rendue aux
justiciables, tandis que l'article 13, tel que rédigé, ne touche
que la justice à être rendue en français.
J'ai deux minutes, je ne peux pas développer davantage. J'ai
essayé d'être concise.
M. Paquette: Vote.
Le Président (M. Cardinal): Non, écoutez, M. le
député de Taschereau avait demandé la parole.
M. Guay: Je serais disposé à ce que nous votions
immédiatement sur l'amendement, quitte, hypothétiquement,
à reprendre la parole sur l'article principal ou sur le prochain
amendement.
Le Président (M. Cardinal): Sommes-nous prêts
à disposer de cet amendement?
M. Charron: Oui.
Le Président (M. Cardinal): Le vote est-il pris à
main levée, sur division?
M. Charron: L'amendement est rejeté sur division, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Appel nominal. Pour montrer jusqu'à quel
point on ne peut pas vous faire changer d'idée.
M. Lalonde: Appel nominal.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais faire
l'appel nominal sur l'amendement...
Mme Lavoie-Roux: Le mur de pierre!
Le Président (M. Cardinal):... à l'article 13, de
Mme le député de L'Acadie.
M. Raynauld: Nous ne sommes pas pressés. M. Chevrette:
Cela paraît!
Le Président (M. Cardinal): On m'indiquera si on est
favorable ou défavorable. M. Fallu (Terrebonne)?
M. Fallu: Je suis contre, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères)?
M. Charbonneau: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Charron
(Saint-Jacques)?
M. Charron: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval (Charlesbourg)?
M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: Favorable.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M.
Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda)?
Le résultat du vote sur la motion de Mme...
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais que vous appeliez
mon nom.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est un
changement qui m'a fait sauter une ligne.
M. Lalonde: II n'y a pas d'offense, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Le résultat du vote est
le suivant: 10 défavorables, 6, favorables. La motion est
rejetée. Nous revenons à l'article 13. M. le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 13
soit adopté par la commission.
M. Chevrette: Combien reste-t-il de temps aux porte-parole?
Le Président (M. Cardinal): Vous voulez que je vous donne
tout le temps qu'il reste à tout le monde?
M. Chevrette: Cela m'intéresse.
M. Guay: Pas à tout le monde, M. le Président,
à ceux qui font un "filibuster" de la part de l'Opposition
officielle.
Le Président (M. Cardinal): Je ne peux pas...
M. Lalonde: Demandez donc aussi aux ministériels de parler
un peu.
Mme Lavoie-Roux: Si cela les fatigue trop-, qu'ils restent donc
dans leurs bureaux, en haut.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, non.
M. Chevrette: Madame, ce n'est pas bon pour le coeur de se
fâcher, cela fait sécréter de l'adrénaline.
M. Guay: Du calme!
M. Charron: C'est nous, par notre présence, qui assurons
votre droit à vous exprimer. Sachez cela.
M. Lalonde: Oui, mais si vous voulez partir, partez.
Mme Lavoie-Roux: Non, on nous a dit que même si vous
n'étiez pas là, si au début de la séance, vous y
étiez, c'était suffisant.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est assez, s'il
vous plaît!
Nous revenons à la motion principale, M. le député
de Verchères avait demandé la parole.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'il y a un
point qui n'a pas été abordé, qui pourrait peut-être
confirmer ce que le ministre disait tantôt, en termes
d'exagération et de charriage. Quand on parle d'administration de la
justice et qu'on parle de la justice, il y a deux éléments
fondamentaux, il y a les témoignages et le jugement.
S'il fallait appliquer le raisonnement de l'Opposition officielle, se
serait épouvantable ce qui se passerait au chapitre des
témoignages. Il arrive plus souvent qu'autrement que des gens
témoignent dans des langues étrangères au niveau des
témoignages plutôt qu'au niveau des jugements et que des
interprètes traduisent simultanément à la cour leurs
témoignages. Ils sont la base même des faits sur lesquels le
jugement va porter, et le tribunal utilise non pas la version originale, mais
la traduction officielle. Celui qui rend témoignage n'a même pas
la possibilité, en cour, de juger sur le moment, si le témoignage
qui est rendu par l'interprète, si la traduction est authentique ou
non.
Alors, si on voulait prendre le même raisonnement, je pense qu'on
pourrait aller assez loin. On ne peut pas parler d'injustice quand on a un
système judiciaire et des traditions judiciaires qui se déroulent
depuis qu'il y a des cours de justice ici dans ce pays... Si c'était
admissible pour la partie des témoignages, si on ne mettait pas en cause
la valeur de la traduction offerte par les traducteurs officiels et sur
laquelle le juge pouvait éven-
tuellement condamner un homme à la prison à vie, oui ou
non, il y a quelques années, à la pendaison et à la mort,
je me demande si aujourd'hui on doit accepter ce charriage quand on parle de
jugements et d'authentification d'une traduction d'un jugement.
S'il y a un élément important dans le processus
judiciaire, ce sont d'abord les témoignages, avant même le
jugement. On n'a jamais mis en cause tout ce qui se faisait comme traduction au
niveau des témoignages. Encore là, les témoins n'ont
jamais eu la chance contrairement aux juges qui, eux, avaient la chance
d'authentifier leur témoignage... Plus souvent qu'autrement, d'ailleurs,
ils ne comprenaient même pas la traduction qui pouvait être faite
et sur laquelle le juge avait à se prononcer, traduction qui servait au
juge pour éventuellement prendre une décision importante.
Arrêtez de charrier sur la justice et apprenez ce que c'est et
comment cela fonctionne des cours de justice.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, il vous reste neuf minutes.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne saurais assez dire
combien je suis étonnée, une fois de plus, et extrêmement
déçue de l'attitude du gouvernement. Je pense que nous avons
tenté, et si je dis par tous les moyens, les gens vont dire et
même davantage... A leurs yeux, il faudrait accepter tous ces articles
les yeux fermés. Tout ce qui est dans ces textes, aux yeux du
gouvernement, c'est la vérité. On légifère comme un
député a dit, avec un sentiment d'humanisme ad vitam aeternam. Si
je me souviens bien, c'est le député de Verchères qui a
dit cela avant le souper.
M. Charbonneau: Pardon, madame?
Mme Lavoie-Roux: Le député de Terrebonne, je
m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie d'avoir écouté.
Je savais que c'était un... La question que j'aimerais poser au
député de Terrebonne il n'est pas obligé de me
répondrec'est: Quel est votre instrument de mesure quand vous
mesurez l'humanisme? Ce qui m'inquiète encore davantage, et c'est un peu
dans le même sens...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse.
Mme Lavoie-Roux: Je ne parle pas sur l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): ... si je ne me trompe pas, M.
le député de Terrebonne s'est exprimé sur
l'amendement.
M. Chevrette: Sur l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): Nous en sommes à la
motion principale.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais quand on parle de
légiférer ad vitam aeternam...
Le Président (M. Cardinal): Vous pourrez lui poser...
Mme Lavoie-Roux: ... cela valait surtout pour l'article 13, vu
qu'on ne veut pas le changer. Cela doit certainement valoir pour l'article 13
dans l'esprit du député de Terrebonne.
Le Président (M. Cardinal): Je vais vous l'accorder,
madame.
Mme Lavoie-Roux: On se contente de pas grand-chose.
M. Guay: Ces propos sont insultants à l'endroit du
député de Terrebonne.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. J'avais interprété
autrement. Je ne croyais pas que c'était un tel nom qu'on me faisait. Je
retire mes paroles, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je ne suis pas allé
jusque là, madame.
M. Grenier: Ce n'est pas un hypersensible.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce que je répète et que les
gens disent depuis cinq heures, c'est que le gouvernement demeure
complètement hermétique à tout amendement qui, à
notre point de vue, rendrait cette loi plus juste et protégerait
davantage tous les individus concernés par la justice.
Je n'ajouterai rien d'autre, simplement un sentiment de déception
profonde. Je laisserai à la population le soin de juger dans quel esprit
ce gouvernement s'est présenté à cette commission
parlementaire.
Je le répète et personne n'est dupe. Il n'y a qu'un seul
amendement véritable qui a été accepté et parce
que, je pense que politiquement il était impossible au gouvernement de
dire non. C'est la seule chose qui les a motivés.
M. Paquette: Vous faites un procès d'intention,
madame.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
Mme Lavoie-Roux: Mais, à part ça, tout le reste,
c'est la porte close, la porte absolument impénétrable, et on
peut avoir des doutes sur l'utilité de cet exercice que nous faisons,
sauf qu'au moins, la population peut sentir qu'il y a une présence ici
qui tente, du mieux qu'elle peut, de faire valoir ses points de vue, et je
termine ici, M. le Président. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le
député de L'Acadie.
M. le député de Terrebonne, sur la motion principale,
cependant.
M. Fallu: M. le Président, tantôt mon argument
portait effectivement...
Le Président (M. Cardinal): A moins que vous n'invoquiez
l'article 96.
M. Fallu: Non, nullement; c'est mon temps de parole, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Fallu: Quelques secondes pour revenir sur mes propos
antérieurs...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Je vais faire vérifier s'il s'agit du quorum ou d'un
vote.
M. Chevrette: C'est probablement un vote.
M. Lalonde: ...en vacances, M. le Président, c'est
sûrement le quorum.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à
l'ordre! Est-ce qu'on pourrait vérifier si c'est un vote ou si c'est le
quorum?
Bon! Alors, M. le député de Terrebonne, nous avons
toujours le temps de monter. Allez!
M. Fallu: Merci! Si, dans la cohérence du projet de loi
101, l'article eut été rédigé à l'effet que
dorénavant, tout jugement...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de Terrebonne, je regrette. Il y a présentement
l'appel des députés à l'Assemblée nationale pour un
vote.
Je suspends donc les travaux de cette commission pour la période
du vote.
(Suspension de la séance à 20 h 47)
Reprise de la séance à 21 h 5
Le Président.(M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! MM. les députés de Gaspé, de Joliette-Montcalm,
de Verchères, de L'Acadie. Cela indique votre présence au journal
des Débats, d'ailleurs.
M. Chevrette: Je vous remercie, on n'en attendait pas moins.
Le Président (M. Cardinal): Au moment de la suspension,
alors que nous en étions presque exactement à sept heures et
quinze minutes de débats sur l'article 13...
M. Lalonde: Ce n'est pas un reproche?
Le Président (M. Cardinal): Non, c'est une
constatation.
M. Grenier: M. le Président, est-ce que je peux vous
informer que, pendant que vous avez fait ici une suspension, en haut,
c'était un suspens?
Le Président (M. Cardinal): Vous avez vu mon
impartialité. Je n'y étais pas, non.
Mme Lavoie-Roux: Nous n'eadoutons jamais.
Le Président (M. Cardinal): Absolument pas. Je les assume.
Si vous permettez, nous parlons de la loi 101, et non pas de ce qui s'est
passé en haut, comme vous appelez cela. Il n'y a plus de chambre haute,
il n'y en a qu'une maintenant. Si vous permettez, au moment de la suspension,
M. le député de Terrebonne n'avait utilisé que quatre des
vingt minutes qui lui sont accordées.
M. Fallu: M. le Président, je crois que je vais demander
la parole un peu plus souvent puisqu'à chaque fois, on a droit à
une petite récréation. Cela pourrait, pour le moins, non pas
retarder les travaux, mais au moins les égayer.
M. le Président, de l'article 13, dans l'état actuel de
rédaction, j'allais dire, au moment de notre départ collectif,
que c'est une générosité un peu exceptionnelle de la part
du législateur car, très précisément, il y a, dans
l'économie générale du projet de loi, une exception qui
est faite spécifiquement pour les juges, une exception qui n'est faite
nullement pour les autres citoyens, qui n'est faite nullement pour les maires,
nullement pour les conseillers municipaux, qui est faite pour les juges
seulement. Les juges de tout temps, ad vitam aeternam, si vous permettez que je
répète, pourront exprimer leur jugement j'allais dire en
première instance, en faisant un jeu de mots en anglais s'ils le
désirent. Jamais ils ne seront, comme l'économie
générale de la loi le voudrait, assujettis, dans le langage
judiciaire comme dans le langage de l'administration ou autrement, à
s'exprimer directement dans la langue officielle. Il y a là une
exception qui est faite pour eux et eux seuls. C'est la
générosité même du législateur qui l'a
prévue. Nous aurions pu, dans l'économie générale
de la loi, faire en sorte que les juges auraient eu admettons
après un certain délai de deux ans ou de trois ans, de cinq ans
à s'exprimer directement en français. Donc, l'article
aurait été libellé: Tout jugement sera rendu dans la
langue officielle, avec, évidemment, à un article
subséquent, une prévision relativement à un délai.
Si je reprends mon argumentation, c'est qu'il semble qu'elle soit passée
relativement inaperçue. Elle n'a pas impressionné outre mesure,
sauf les quelques mots de latin que j'avais ajoutés pour le souligner.
Voici, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux:... ad vitam aeternam.
Le Président (M. Cardinal): Si M. le député
de Mont-Royal... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député
de Mont-Royal, il vous reste sept minutes.
M. Ciaccia: Sur la motion principale? Le Président (M.
Cardinal): Oui. M. Ciaccia: Sept seulement? Le Président
(M. Cardinal): Oui.
M. Ciaccia: Si c'est sept minutes, je vais me fier à
votre...
Le Président (M. Cardinal): Je peux vous donner les
heures, mais j'ai dit tantôt... Ecoutez, quand même, tantôt,
quelqu'un d'autre a posé une question. J'ai dit que ce n'était
pas un reproche, mais une constatation. Imaginez-vous qu'après 7 h 15,
maintenant 7 h 25 de débats, les gens se sont quand même
exprimés. On s'est exprimé chaque fois que nous sommes
passés d'une motion à une autre. Nous sommes revenus à la
motion principale. N'est-ce pas?
M. Ciaccia: Je croyais que nous avions parlé seulement sur
les motions d'amendement et les sous-amendements, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas possible. M. le
député de Mont-Royal, sérieusement, sept minutes.
M. Ciaccia: M. le Président, je vais essayer de donner mes
commentaires aussi brièvement que possible. Il ne me reste que sept
minutes.
M. le Président, cet article est tellement fondamental et il
soulève tellement de problèmes! Je voudrais seulement en donner
quelques-uns ici pour démontrer la nécessité pour le
gouvernement d'y apporter des amendements, de l'impossibilité de
l'adopter dans sa présente forme.
On dit que les jugements doivent être accompagnés d'une
version française dûment authentifiée. Je voudrais demander
au gouvernement... Les explications qu'on nous a données sont que ce
sera authentifié par l'auteur, le juge qui a rendu le jugement. Advenant
le cas où un juge refuserait d'authentifier son jugement
j'aimerais avoir des explications du gouvernement quelles seraient les
sanctions? Est-ce que le gouvernement va empêcher ce juge de
siéger? Est-ce qu'il ne pourra plus rendre de jugements? Est-ce qu'il va
devenir une non-personne, d'après les paroles du député de
Sauvé à l'égard d'une autre situation?
Sérieusement, M. le Président, on fait une déclaration, on
donne un projet de loi et on n'en connaît pas la portée. Ce n'est
pas la façon de rédiger des lois.
Le député de Terrebonne a dit qu'il était
très généreux; peut-être pourrait-on dire qu'il
aurait pu être plus honnête s'il nous avait dit: Les jugements
seront rédigés en français. Les juges doivent les donner
en français. De la façon que cet article est
rédigé, cela revient à dire cela. Cela revient à
dire cela, mais d'une façon indirecte, d'une façon
malhonnête. Cela donne l'apparence d'une générosité,
mais l'effet est bien de dire: Les jugements en anglais, on n'en veut plus,
cela ne vaut rien.
C'est cela qu'on dit. Les jugements en anglais ne valent rien. Je
voudrais vous dire bien respectueusement qu'il y a encore beaucoup de juges
à la Cour supérieure, à la Cour d'appel. Je ne suis pas
prêt à dire qu'avec l'adoption de cette loi, leurs jugements ne
vaudront rien. Je ne suis pas prêt à dire cela. C'est ce que dit
l'article 13. C'est une insulte à la magistrature. C'est une insulte
à ces gens qui siègent et qui accomplissent leur devoir de donner
justice aux citoyens.
M. Paquette: Est-ce qu'on est passible d'outrage au tribunal,
d'outrage à la magistrature?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Vous n'allez pas trouver un juge, M. le
Président... J'entends dans les galeries, de l'autre côté
des fenêtres: Si on ne parle pas français, est-ce que ce n'est pas
une insulte? Je ne pense pas que vous allez trouver, aujourd'hui, un juge qui
siège et qui ne parle pas français. Mais ils ne veulent pas
comprendre, M. le Président, ce n'est pas assez de parler
français. C'est la langue d'usage. On parle de jugements qui vont
être rendus, qui vont être nuancés. Ce n'est pas la
même chose que les témoignages. On a parlé des
sténotypistes. Premièrement, ce n'est pas dans toutes les causes
que le témoignage est pris en sténographie. Il n'y a pas de
transcription dans toutes les causes. Mais, essayez de faire le lien ou de
faire un parallèle entre la sténographie et la traduction d'un
témoin, la sténographie et le service de traduction d'un
jugement. On voit encore pourquoi, du côté ministériel, il
n'y a pas d'avocats, il n'y a pas le jurisconsulte du gouvernement, il n'y a
pas le ministre de la Justice parce que, s'ils étaient là, les
propos des députés ministériels ne seraient pas
acceptables, même par leurs collègues juristes, parce que, M. le
Président, ils ne parlent pas en connaissance de la procédure
légale.
Ils ne parlent pas en connaissance de ce qui se passe dans nos
tribunaux, à notre magistrature. Une autre question, M. le
Président. Est-ce que cet article-ci va s'appliquer aux tribunaux
fédéraux? On dit ici que les jugements rendus au
Québec...
M. le Président, je vous dis que c'est faux, cet article. Il y a
des tribunaux au Québec pour lesquels cet article ne s'appliquera pas.
Mais encore, on veut faire de la politique avec le système judiciaire.
On veut donner l'apparence qu'on protège les droits des francophones. Ce
n'est pas ça qu'on fait du tout. Il y a des tribunaux pour lesquels
l'article 13 ne s'appliquera pas, et on n'est même pas assez clair, assez
cohérent, assez honnête pour faire cette distinction. Je ne parle
même pas, M. le Président, du conflit possible avec l'article 133.
Cela, on en a parlé, mais là, je soulève des points
additionnels, des préoccupations que le gouvernement aurait dû
avoir et qu'il devrait avoir en rédigeant et en considérant les
commentaires, les amendements et les recommandations de l'Opposition officielle
et de l'Opposition.
Alors, nous voyons, M. le Président, l'impossibilité
d'appliquer cet article dans les faits. Nous voyons que même dans
certaines cours, certains tribunaux, il ne sera pas applicable du tout, parce
qu'un tribunal fédéral, M. le Président, n'est pas
affecté par cet article. Est-ce que c'est l'intention? M. le
Président, on a tellement de contradictions dans ce projet de loi. On
reconnaît l'anglais à l'article 69. On dit: Oui, elles ont
certains droits, les minorités; on leur reconnaît un réseau
d'enseignement, et on ne veut pas affecter, réduire ou amoindrir leurs
institutions. Après ça, on vient, M. le Président, avec
l'article 13 dans lequel on ne donne pas cette reconnaissance non seulement
pour les citoyens, mais pour le magistrat lui-même, qui est obligé
de se conformer à cet article.
Alors, il y a une contradiction complète dans tous les articles
du chapitre III, et une contradiction entre le chapitre III et l'article 13 et
l'article 69, M. le Président. Si la façon de rédiger les
lois, c'est d'avoir des contradictions, de l'illégalité, des
conflits, des ambiguïtés, M. le Président, je
suggérerais fortement au gouvernement d'y réfléchir et de
reconsidérer sa position quant aux principes judiciaires et à
l'atteinte qu'on y porte à l'article 13.
Le Président (M. Cardinal): Merci beaucoup, M. le
député. Vous avez utilisé pas plus que votre temps, mais
tout votre temps.
M. Ciaccia: Merci, je me suis conformé à votre
directive, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Cela a paru court à
tout le monde.
M. Ciaccia: Je respecte les lois, M. le Président. Je ne
veux pas agir d'une façon illégale.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau, à 21 h 18.
M. Guay: M. le Président, très brièvement...
M. Lalonde: Vous avez 20 minutes.
M. Ciaccia: II faudrait que le journal des Débats montre
la grimace que le député de Taschereau a faite au
député de Marguerite-Bourgeoys.
Une Voix: C'était une grimace? Je pensais que
c'était un sourire.
M. Guay: M. le Président, je n'ai...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: ... pas fait de grimace, à moins que le
député de Mont-Royal interprète le visage du
député de Marguerite-Bourgeoys comme étant grimaceux et
que je lui rendais son sourire.
Le Président (M. Cardinal): Vous venez de l'inscrire, M.
le député de Mont-Royal.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je pourrais
m'inscrire une défense quelconque?
M. Bertrand: L'article 96 pour rétablir le sourire.
M. Chevrette: Je pensais qu'il était pour dire que
c'était naturel.
M. Guay: Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas
corriger un certain nombre de choses qui ont été affirmées
dans la vaste salade d'arguments les plus invraisemblables que l'Opposition
officielle nous a servie, à maintes reprises, je dois dire, puisqu'en
près de sept heures et demie maintenant de débats, l'imagination
manquant, il est évident que nous avons entendu et réentendu,
à maintes reprises, les mêmes arguments, que ce soit sur la motion
elle-même, que ce soit sur les nombreux amendements, avec, bien
sûr, le même résultat, c'est-à-dire l'absence de
cohérence, l'absence d'idées et le même résultat
quant au vote, en définitive, puisque, effectivement, l'Opposition
officielle, malgré son grand désir, n'a pas réussi
à nous convaincre.
Je voudrais tout d'abord relever un argument que le député
de Marguerite-Bourgeoys a soulevé en ce qui a trait à l'article
210 que mon collègue de Vanier mentionnait et qui traite de la Loi de la
protection du consommateur. Le député de Marguerite-Bourgeoys
souhaitait que l'on fasse comme dans la loi 22, a-t-il dit, c'est-à-dire
que l'on donne le bénéfice au justiciable.
Or, je me permets de relire l'article 2 de la loi 22, qui dit bien
clairement, en noir sur blanc, "...en cas de divergence que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre
convenablement, le texte français des lois du Québec
prévaut sur le texte anglais."
Or, le député de Mont-Royal, de son côté,
nous a fait valoir qu'un jugement avait force de loi. Dans la loi 22, on
prévoit précisément qu'en cas de conflit entre les deux
textes, c'est le texte français de la loi qui prévaut sur le
texte anglais, et je comprends mal que l'on n'utilise pas la même logique
dans ce cas-ci et qu'on ne fasse pas prévaloir, s'il y avait conflit
je parle de la loi 22, M. le député d'Outremont, je
comprends que vous venez d'arriver aujourd'hui, mais je parle de l'article 2 de
la loi 22.
M. Raynauld: On veut l'amender.
M. Ciaccia: On veut l'amender.
M. Guay: Je comprends mal que le député de
Mont-Royal n'ait pas utilisé la même logique qui prévaut
dans la loi 22 à la défense de l'article 13, mais le
député de Mont-Royal et le député de
Marguerite-Bourgeoys et d'ailleurs toute l'Opposition officielle se sont faits
les ardents défenseurs des positions défendues par le Barreau
lors de sa comparution, lors de l'étude en deuxième lecture, du
projet de loi no 1. Effectivement, les positions du Barreau étaient des
positions intéressantes, comme les positions de toutes les parties qui
ont comparu devant la commission parlementaire.
II n'en demeure pas moins que la raison d'être du Barreau au
départ est, bien sûr, de défendre ses membres, et notamment
de défendre ses membres anglophones parmi d'autres. C'est pourquoi il
était assez remarquable que le mémoire soumis par le Barreau
était d'accord avec l'ensemble du projet de loi no 1 à
l'exception du seul chapitre qui concernait précisément les
membres du Barreau, c'est-à-dire la langue de la justice et la langue de
la législation. A ce moment, le Barreau se faisait la corporation qu'il
a toujours été, ce qui est son droit, et défendait le
point de vue d'un certain nombre de ses membres, ce qui est également
son droit, mais ce qui n'oblige pas le gouvernement à percevoir cette
défense des membres du Barreau comme étant l'intérêt
public, l'intérêt général du Québec et des
Québécois.
Là, par contre, où j'ai entendu la chose la plus
invraisemblable aujourd'hui, c'est lorsque le député de
Mont-Royal a affirmé, à maintes reprises, sans jamais le
démontrer, bien sûr, que l'article 13 avait pour but de viser, de
miner, d'atteindre l'indépendance de la magistrature,
c'est-à-dire l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au
pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, et je mets au
défi le député de Mont-Royal de trouver, où que ce
soit dans l'article 13, une quelconque atteinte à l'indépendance
de la magistrature.
Je ne dirai pas que c'est de la fumisterie, parce que cela ne serait pas
gentil à l'endroit du député de Mont-Royal...
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Article 96.
M. Charron: A la fin de l'intervention... L'article 96 stipule
que le député de Mont-Royal doit intervenir à la fin de
l'intervention du député de Taschereau. Il le sait.
M. Ciaccia: A moins que le député de Taschereau ne
consente...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Guay: Je vais être bon prince et je vais permettre au
député de Mont-Royal de corriger, s'il n'a pas dit ces choses que
j'ai pourtant bien entendues, à maintes reprises, ou alors de
préciser sa pensée, je ne demande pas mieux qu'il le fasse.
M. Lalonde: Pour être bon prince, il faut d'abord
être prince.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, avec le consentement du
député de Taschereau.
M. Ciaccia: Oui, avec le consentement du député de
Taschereau, que je remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Ce n'est pas une des meilleures du
député de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Et pas une de ses plus mauvaises non plus.
M. Ciaccia: C'est vrai.
M. Guay: Les libéraux pourraient-ils permettre à
leur député de Mont-Royal de s'exprimer?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, très brièvement.
M. Ciaccia: Oui, brièvement, sur l'article 96. C'est vrai
que j'ai dit que l'article 13 porte atteinte à l'indépendance de
la magistrature. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Ce que je regrette,
c'est que le député de Taschereau avait l'occasion, avant que je
termine de parler, de m'attaquer là-dessus, pour que je puisse
répondre. Il est malheureux qu'il en saisisse maintenant l'occasion,
alors que je ne puis plus répondre.
Le Présijent (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau.
M. Guay: M. le Président, j'avais justement permis au
député de Mont-Royal d'invoquer l'article 96, pensant qu'il
voudrait sans doute corriger l'impression...
M. Ciaccia: Non.
M. Guay:... fâcheuse qu'il avait laissée
auprès des membres de la commission et auprès du public en
général...
M. Ciaccia: Je la confirme.
M. Guay:... en affirmant une chose aussi gro-testque que de dire
que l'article 13 vise à restreindre ou à miner
l'indépendance de la magistrature. A part protester et affirmer ne
pouvoir le préciser d'une autre façon ou corriger la chose, le
député de Mont-Royal, je dois constater qu'il a effectivement
dit, qu'il le pense et qu'il ne l'a toujours pas démontré.
Effectivement, je le mets de nouveau au défi de démontrer
où, quand et comment l'article 13 peut miner le pouvoir judiciaire et
l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir
législatif et au pouvoir exécutif. Il s'agit d'une affirmation en
l'air, d'une affirmation que je me permettrai, au risque d'être
antiparlementaire, de qualifier de peu responsable de la part d'un
député siégeant à l'Assemblée nationale au
sein du pouvoir législatif.
Ce que vise essentiellement l'article 13, comme d'ailleurs tout le
paragraphe, c'est permettre aux justiciables québécois
d'être jugés en français. On a fait un plan immense, une
monta-
gne, un ballon gonflé de toute espèce avec une
Charlotte russe, comme dit le député de Vanier l'article
13. Or, quand on connaît, et je sais que le député de
Mont-Royal et le député de Marguerite-Bourgeoys connaissent le
système judiciaire québécois, quand on connaît le
système judiciaire québécois, on se demande un peu
où il y a matière à faire un aussi invraisemblable et
stérile débat de huit heures ou de presque huit heures, car il y
a au Québec, sous l'administration du Québec, outre les cours
municipales, la Cour provinciale, la Cour des sessions de la paix, la Cour
supérieure et la Cour d'appel. On sait très bien que trois ou
cinq juges siègent généralement à la Cour d'appel.
Il se peut, et il arrive fréquemment, puisque la Cour d'appel a des
juges anglophones, que des juges anglophones, conséquernment, soient
appelés à siéger à l'intérieur de ce banc de
trois ou de cinq juges, parfois en majorité, parfois en minorité.
Plus souvent qu'autrement, ou généralement, il y a aussi un juge
francophone, si bien que, quand il s'agit d'émettre l'opinion de la
cour, l'opinion du banc de trois juges ou de cinq juges, il y a un juge
francophone, sinon deux, quand ce n'est pas trois, qui sont présents,
sauf une rarissime exception, si tant est qu'il y a encore de telles
exceptions. Il y a généralement un juge francophone
présent qui peut donc, à supposer qu'il n'ait pas
rédigé le jugement au nom des trois, certainement en authentifier
la version française.
Restent donc la Cour supérieure et la Cour provinciale où
un seul juge siège à la fois. Combien de juges anglophones
existe-t-il à la Cour supérieure, à la Cour provinciale ou
à la Cour des sessions de la paix? Je n'en ai pas fait
l'énumération exacte. Je doute fort qu'il en existe
énormément et je doute surtout que ces juges ne soient pas assez
capables de s'exprimer en français pour authentifier la version
française de leur propre jugement, le cas échéant. Car il
ne faut pas oublier que les tribunaux québécois ont pour but
d'interpréter des lois françaises dans le cas du droit civil, des
lois qui puisent leur origine dans le code français, le Code
Napoléon, des lois dont les principaux auteurs sont français ou
québécois francophones. C'est donc dire qu'un avocat qui
accède à la magistrature doit forcément avoir une
connaissance minimale de la langue française, sans quoi il n'aurait
jamais pu réussir à plaider au Québec. C'est absolument
impossible. Le député de Mont-Royal n'a pas nié cela.
C'est vrai. Il a même précisé, lors de l'étude de
l'article 11, que les avocats se devaient au Québec, à l'heure
actuelle, d'être bilingues. S'ils se doivent d'être bilingues,
c'est donc qu'ils se doivent de parler français, parce qu'il est
impossible d'interpréter des lois françaises si l'on ne parle pas
français. Il est impossible même d'interpréter des lois
anglaises dont il existe une version française je pense aux lois
fédérales si on ne connaît pas la langue
française, car bon nombre de jugements qui font jurisprudence sont en
français. C'est donc une condition absolument essentielle.
M. Ciaccia: Le droit commercial est en anglais.
M. Guay: Le droit commercial est en anglais et il existe une
version légale française. Il y a de la jurisprudence en
français là encore. C'est donc dire qu'un juge qui ne parle pas
français au Québec ne peut pas, à toutes fins
pratiques...
M. Ciaccia: II y a de la jurisprudence en anglais aussi.
M. Guay: ... remplir sa fonction. Je présume que le
gouvernement, qu'il soit fédéral ou que ce soit le gouvernement
du Québec, quand il nomme des juges, il les nomme au moins en sachant
que ces magistrats ont une connaissance suffisante du français pour
pouvoir remplir leur tâche. Avoir une connaissance suffisante du
français, c'est pouvoir lire dans la jurisprudence en français
les subtilités des jugements en français.
Si on peut lire la subtilité des jugements en français, on
peut sûrement lire la subtilité des traductions de ses propres
jugements en anglais ou la traduction de ses jugements faits en anglais, ce qui
fait, M. le Président, que les arguments invoqués par
l'Opposition m'apparaissent éminemment frivoles, farfelus, dilatoires et
conçus uniquement pour faire perdre le temps de la commission et
créer, dans l'opinion publique, un mythe au sujet de
l'indépendance attaquée de la magistrature et au sujet de
l'impossibilité des pauvres juges anglophones à s'exprimer
correctement en français, ce qui est un non-sens dans le système
judiciaire québécois.
J'ajouterai enfin, M. le Président, que les raisons fondamentales
qui font que j'appuie l'article 13, c'est que cette loi, la Charte de la langue
française, qui fait, d'ailleurs, de la version française des lois
la version officielle à l'article 9, vise à accorder aux
Québécois et aux Québécois francophones d'abord et
avant tout, tout en respectant le droit des Québécois
anglophones, les droits les plus fondamentaux dans une société
normale.
Les droits fondamentaux, M. le Président, dans un Etat de langue
française, ça veut dire, bien sûr, en plus de ceux qui sont
énumérés de l'article 2 à l'article 6, ceux qui
sont couchés dans le chapitre III, des articles 7 à 13
inclusivement, c'est-à-dire le droit pour tout francophone
québécois à recevoir la justice dans sa propre langue,
chez lui, comme c'est normal, au Québec, et ça veut dire, pour
pouvoir recevoir ce jugement, cette justice dans sa propre langue, qu'il faut
au moins qu'il soit capable de lire le jugement. Il faut donc que ce jugement,
s'il n'est pas en français, soit traduit en français et que cela
en soit la version officielle.
A cela s'ajoute le respect des droits de la minorité anglophone,
qui est également, une fois de plus, consacré dans l'article 13,
mais qui ne saurait, M. le Président, venir infirmer la logique
fondamentale de ce projet de loi. Et, à moins d'avoir jadis écrit
la loi 22 avec son cheminement tortueux et illogique, comment peut-on concevoir
un Etat français dont le pouvoir judiciaire ou le pouvoir
législatif ou le pouvoir exécutif ne serait pas en
français? A partir de là, à quoi rimerait, que voudrait
dire une langue officielle? Ce ne serait pure-
ment qu'un mythe, un mythe pour l'image, comme ce fut le cas lors de la
loi 22.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Taschereau. Est-ce que l'article 13 sera
adopté?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais tout d'abord
répondre au député de Taschereau que sa longue
expérience devant nos cours de justice nous a éclairés et
que sa sagesse nous a aidés à élever le débat
à un niveau inégalé depuis le commencement de ce
débat.
M. Guay: J'invoque l'article 96, M. le Président.
M. Lalonde: Alors, vous êtes contre votre longue
expérience et votre sagesse?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau, à moins...
M. Guay: Si le député de Marguerite-Bourgeoys,
comme je l'ai...
M. Lalonde: Non, 96, c'est après, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela
prend le consentement du député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Guay: Je constate, M. le Président, qu'on n'a
pas...
M. Lalonde: Je ne consens pas, M. le Président.
M. Guay: ...la même générosité du
côté de l'Opposition officielle que du côté du
pouvoir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys. A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Lalonde: M. le Président, ça dépend de la
qualité des interventions. Alors, je vais continuer.
Lorsque le député de Taschereau fait le parallèle
entre les articles de ce projet de loi et même de la loi 22, qui donne
une préséance au texte français des lois, pour tenter
d'apporter son support à la préséance qu'on donne dans
l'article 13 au texte français des jugements, je pense, M. le
Président, qu'il fait une erreur grave dans le sens que les lois au
Québec sont adoptées en français et depuis fort longtemps.
Elles sont ainsi déposées, comme dit le projet de loi, elles sont
préparées en français, elles sont discutées en
français, elles sont adoptées en français. Alors, il n'est
que naturel et indiqué, en vertu des principes les plus
élémentaires de l'interprétation des lois, que lorsqu'il y
a divergence entre le texte français d'une loi et le texte anglais, ce
soit le texte français qui prévale, et c'est ce que la loi 22
fait. Il n'y a aucune analogie avec les jugements où le jugement est
rendu en anglais par un juge qui a choisi cette langue, quand c'est la langue
qu'il comprend et dans laquelle il a voulu indiquer et exprimer son intention
et son jugement. Ce n'est pas du tout la même chose.
M. le Président, si le Barreau je pense que je dois,
à ce stade-ci, devant l'attaque un peu basse du député de
Taschereau à l'encontre du barreau a choisi de donner son
éclairage seulement en ce qui concerne la langue de la justice, il a dit
pourquoi. Il a dit pourquoi, et c'est parce que c'est cet éclairage que
le barreau connaît le mieux.
M. Guay: Je n'ai pas dit cela.
M. Lalonde: J'ai dit cela et c'est ce que le barreau a dit
à part cela dans son mémoire, si vous le lisez comme il faut.
Le député de Taschereau, fort de sa longue
expérience en Cour d'appel, nous a dit qu'un juge francophone de la Cour
d'appel pourrait toujours authentifier le jugement rendu par un juge
anglophone.
Il s'agit là de la démonstration d'une ignorance totale de
la façon dont cela se passe en Cour d'appel. La Cour d'appel
désigne, le banc désigne un juge parmi ceux qui forment le banc
pour écrire le jugement et si c'est un juge anglophone, le jugement,
s'il le choisit, sera en anglais. Les autres juges donnent des notes qui sont,
soit à l'appui du jugement principal, ce qui forme une majorité
s'ils ne sont pas tous d'accord, soit en minorité si le jugement ou les
notes d'un autre juge ne sont pas à l'appui du jugement du juge
principal.
Alors, je vois mal qu'un autre juge que celui qui a écrit le
jugement puisse authentifier le jugement de celui qui l'a écrit. A ce
moment, aussi bien confier cette tâche qui je pense, ne pourra être
confiée qu'à un fonctionnaire, avec tous les dangers que cela
comporte pour l'authenticité du jugement.
Je voudrais vous lire quelques passages du mémoire de la
Commission des droits et des libertés de la personne, à la page
31. La commission, groupe de Québécois non traîtres qui ne
sont pas des inféodés de "l'establishment" anglophone, qui ne
sont pas parmi les 326 mauvais Québécois, a dit ceci: "Bref,
toute législation justifiée par les intérêts
légitimes de la majorité doit écouler d'une analyse
préalable, rigoureuse permettant de fixer l'objectif poursuivi en
fonction du malaise à éliminer. Le choix des moyens
adéquats et mesurés qui découlent de cette analyse doit
être fait dans un esprit positif, alimenté aux vertus du respect
d'au-trui, de la tolérance et du pluralisme."
A la page 9, cette même commission dit ceci et je cite: "Mais la
Commission des droits de la
personne a, dans cet avis, clairement établi son approche. Les
intérêts légitimes de la majorité doivent être
affirmés et respectés, mais il est tout aussi important, dans un
régime démocratique où on est respectueux des droits et
libertés de la personne, de ne pas aller au-delà de ce qui est
requis pour assurer ce respect. Tout excès est une atteinte, sinon
technique aux droits et libertés garantis par un texte, du moins
à l'esprit de ceux-ci et à la qualité de la vie
démocratique d'un Etat donné."
Je pense que ces remarques de la Commission des droits et des
libertés de la personne sont extrêmement pertinentes dans le
débat que nous faisons sur l'article 13.
Le député de Terrebonne nous a servi quelques-unes de ses
expériences concernant l'administration de la justice. A l'entendre cet
après-midi, j'aurais cru qu'il était en train de nous lire un
recueil de l'exercice de la fonction de juge de la Cour suprême aux
Etats-Unis; ceux-ci ont tous des commis, des adjoints pour écrire les
jugements, alors qu'on sait très bien qu'au Québec, ce sont les
juges qui écrivent leur jugement, qui les dictent et qui les corrigent
dans la très grande majorité.
Le caractère officiel de la langue française devra
toujours souffrir l'exception de la jurisprudence et de la doctrine. Dans
plusieurs secteurs, même en droit civil, quoique c'est en minorité
dans le droit civil, mais dans les autres secteurs du droit, surtout le droit
criminel, le droit pénal, tout le droit statutaire, il y a de la
jurisprudence et de la doctrine en anglais, et les juges, même
francophones, qui rendent des jugements, souvent y recourent et y
réfèrent dans la langue du texte. Alors, va-t-on tout traduire
cette doctrine pour avoir une justice uniquement française au
Québec? Je vous le demande.
M. le Président, loin de suivre la voie suggérée
par la Commission des droits de la personne, l'article 13 du projet de loi et
tout le projet de loi recherchent l'affrontement des valeurs nationalistes,
ethno-culturelles, d'une part, et des valeurs démocratiques, d'autre
part. Ainsi, une société démocratique recherche une
meilleure qualité de la justice. Elle devrait rechercher, comme nous
l'avons fait dans l'ancien gouvernement, un meilleur accès à la
justice par des lois comme l'aide juridique, comme la Cour des petites
créances. Si nous avions les moyens et au moment où nous aurons
les moyens, l'accès à la justice de ceux qui ne comprennent pas
bien la langue française et même la langue anglaise, pour qu'ils
aient comme citoyens, une meilleure justice... Or, ce n'est pas ce qu'on fait.
On met au-dessus de ces valeurs démocratiques des préoccupations
nationalistes qui nient les valeurs démocratiques qui, pourtant, sont
chères à la très grande majorité, sinon à
tous les Québécois. Un autre principe, M. le
Président...
M. Charbonneau: ... de la démocratie avec le
nationalisme.
M. Lalonde: Un autre principe que l'on met en péril ici,
c'est l'indépendance de la magistrature. Je réponds directement
aux propos du député de Taschereau. Lorsqu'un juge rend son
jugement et qu'il sait que son jugement ne sera pas applicable, on affecte son
indépendance, parce que ce n'est pas son jugement qui va être
appliqué, cela va être une traduction de son jugement qui va
peut-être être authentifiée par un fonctionnaire...
M. Guay: Cela change.
M. Lalonde: ... parce que ce n'est peut-être pas lui. La
loi ne dit pas que c'est lui qui va l'authentifier. Je mets en doute cette
proposition qui a été faite ici autour de la table, mais qu'on
n'a pas eu le courage de mettre dans la loi. Lorsqu'un juge est appelé
à écrire un jugement et qu'il sait qu'il va disparaître
aussitôt écrit, parce qu'un fonctionnaire va le traduire, parce
que c'est le fonctionnaire qui va décider quelle justice va être
rendue, je dis que l'on affecte l'indépendance de la magistrature. Je
mets au défi le député de Taschereau de me dire que le
juge qui rendra un jugement en anglais va se sentir aussi indépendant
qu'un juge qui va rendre son jugement en français.
M. Guay: Ecoutez, comment vont-ils se sentir...
M. Lalonde: M. le Président, lorsqu'un régime, pour
des motifs qu'il dit supérieurs, n'hésite pas à attaquer
dans ses principes mêmes les valeurs démocratiques au nom de
l'intérêt national, alors, c'est la démocratie qui est en
péril. A ce moment, c'est d'autant plus tragique que de l'avis de tous,
sauf peut-être de quelques illuminés, il n'y aucun danger
d'assimilation pour la majorité francophone au Québec à
laisser simplement rendre la justice comme elle est rendue actuellement, sans
contrainte et sans affecter l'indépendance de la magistrature.
M. le Président, le ministre et le gouvernement sont prisonniers
de leur logique. Ayant peint un tableau alarmiste, pessimiste,
"castastrophiste" de la situation linguistique au Québec, ils doivent
maintenant en payer le tribut à leur lubie à même le
trésor le plus précieux que nous ayons collectivement, nos
valeurs démocratiques.
M. le Président, tout ce projet de loi va nous coûter cher.
Le coût économique de cette loi, dont le ministre va
allègrement passer la note au peuple québécois, sera
lui-même très élevé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, voulez-vous revenir, s'il vous
plaît, à l'article 13?
M. Lalonde: M. le Président, en fonction de l'article 13,
le coût social des affrontements francophones-anglophones, attisés
par l'article 13 et par tout le projet de loi, est déjà mesurable
pour quiconque n'est pas aveugle.
M. Charbonneau: Les juges anglophones vont se promener...
M. Lalonde: Jamais, quant à moi, je n'accepterai cet autre
coût que l'article 13 la pertinence est là veut nous
imposer. C'est l'érosion de nos institutions démocratiques. La
mise en péril de l'indépendance de la magistrature en est
l'indication la plus sûre.
M. Fallu: C'est Gérard-D. Levesque, cela. Où
étiez-vous pendant les mesures de guerre?
M. Lalonde: Le gouvernement tente de faire une pirouette comme il
fait ici dans ce projet de loi de façon régulière. On veut
permettre, d'une part, des jugements en anglais, mais on en souhaite la
disparition immédiate après coup. C'est un peu comme dans
l'affichage. Dans le chapitre de la langue de l'enseignement, on
reconnaît la communauté anglophone et ses institutions, mais on
veut les cacher ensuite. Elle n'a pas le droit de se montrer.
M. Charbonneau: Vous n'avez rien compris, rien.
M. Lalonde: Ils n'ont pas le droit de se montrer. On veut les
cacher.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: Moins que rien.
M. Lalonde: Qu'on ait donc le courage de le dire et qu'on fasse
à l'article 13 une disposition établissant que les jugements sont
tous en français. Ce serait au moins courageux. Mais si on
reconnaît que notre système veut que des jugements soient rendus
en anglais, à ce moment-là, qu'on reconnaisse leur
authenticité, qu'on n'aille pas faire une pirouette pour les faire
disparaître ensuite et les transposer dans un texte de traducteur
où le pouvoir exécutif et non pas législatif, le pouvoir
exécutif va pouvoir s'immiscer dans l'interprétation des
jugements et dans leur application.
Je pense, M. le Président, que cet article on a dit qu'on
a passé huit heures là-dessus en est un qui met en danger
un principe aussi important et qui pourrait justifier un débat plus
long. Si encore nous avions pu convaincre le gouvernement ou apporter un autre
amendement avec l'espoir de le convaincre, nous l'aurions fait. Je pense que,
comme Opposition officielle, nous avons fait notre devoir. Nous avons
tenté de démontrer au gouvernement les dangers devant lesquels il
met toute la population du Québec.
M. Bertrand: On verra!
M. Lalonde: Le député de Vanier dit: On verra.
Lorsqu'on permet à un gouvernement, comme législateurs, et le
député de Vanier est un législateur ici ce soir, il n'est
pas un gouvernement, la législation pour laquelle et l'article 13 pour
lequel il s'apprête de voter vont être administrés par un
gouvernement qui n'est peut-être pas celui d'au- jourd'hui. Ils pourront
être administrés par un autre gouvernement qui n'est pas aussi
bien intentionné que celui qu'il pense actuellement. Sa
responsabilité de législateur est en jeu à ce moment-ci.
Ce n'est pas à titre de députés ministériels, de
membres à plus ou moins long terme d'un gouvernement
éventuellement, que le député de Vanier et les autres
députés ministériels doivent juger l'article 13. C'est
à titre de législateurs qui confient au gouvernement un mandat
qui, à mon sens, est dangereux pour nos institutions
démocratiques.
Ce n'est pas avec beaucoup d'espoir, étant donné la
fermeture hermétique du gouvernement devant nos représentations,
que je termine. Mais, quand même, il ne sera pas dit que l'Opposition
officielle se sera simplement écrasée devant un gouvernement qui
ne veut rien entendre, mais qui veut simplement, sans édulcorer sa loi,
sans la souiller d'un amendement, imposer comme un rouleau à vapeur son
projet pour des motifs supérieurs mais qui ne correspondent pas, et je
vous le dis, en terminant, qui ne correspondent pas, mais de loin, aux
volontés des Québécois, et surtout ne correspondent pas du
tout à la conception que le Québécois se fait de ses
valeurs démocratiques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Taschereau, avec six minutes.
M. Guay: Si le député d'Outremont veut y aller.
Cela fait longtemps qu'on ne l'a pas entendu.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le
député de Taschereau consent, j'avais reconnu le
député de Taschereau.
M. Raynauld: M. le Président, je voulais simplement dire
quelques mots. Je pense qu'à ce stade-ci, en effet, le gouvernement
n'est pas disposé à entendre et encore moins à adopter
je n'ai pas dit écouter, j'ai dit entendre les vues de
l'Opposition, je pense que ce qui est en jeu ici c'est l'administration de la
justice.
Je crois que ce sont des principes fondamentaux qui sont en jeu. Je
crois qu'il y a eu des amendements qui étaient favorables à une
plus grande justice au Québec et qui ont été
proposés. Je ne comprends pas, personnellement, pourquoi il semble si
difficile de faire reconnaître qu'il faut donner priorité à
la justice, même si cela pouvait impliquer, de temps à autre,
quelques textes anglais qui pourraient circuler au Québec.
J'ai l'impression que, pour des gens qui sont tout entiers
possédés par la vérité, il est bien difficile de
considérer quelque autre chose que ce soit qui puisse être
proposée, mais je voudrais, sans perdre davantage de temps, puisque
c'est inutile, affirmer et réaffirmer que cet article 13 met en jeu,
à l'heure actuelle, un principe qui est vraiment fondamental et auquel
nous croyons. Ce n'est pas pour la gloriole et ce n'est pas non plus pour
embêter le gouvernement que nous avons essayé de modifier cet
article 13 et je voudrais simplement
dire que, pour cette raison, je voterai contre l'article 13. Comme il
n'est pas possible d'aller plus loin, je pense qu'il vaut aussi bien
arrêter ici.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Taschereau.
M. Guay: M. le Président, non pas en invoquant l'article
96, mais en utilisant les quelques minutes dont je dispose...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous
reste six minutes.
M. Guay: Oui, je sais. Je voudrais tout simplement relever un
certain nombre de choses que le député de Marguerite-Bourgeoys a
affirmées. Je le remercie d'avoir évoqué ma longue
expérience devant les tribunaux. Je le rassure tout de suite puisque je
n'ai pas fait état de cette expérience. Je n'ai jamais
plaidé devant les tribunaux et je n'ai jamais prétendu l'avoir
fait. J'ai tout simplement suivi un cours de droit et réussi les examens
du Barreau, un peu comme mon ex-collègue et néanmoins ami, le
chef de cabinet du chef de l'Opposition, qui est ici présent et nous
étions de la même promotion. Cela ne m'a pas donné,
évidemment, la longue et sage expérience du député
de Marguerite-Bourgeoys qui lui, effectivement, si je ne m'abuse, a
déjà plaidé devant les tribunaux. Cela ne rend pas ses
observations plus pertinentes pour autant, hélas!
En effet, je passerai sous silence l'attaque mesquine et de mauvais
goût concernant ce que j'ai dit sur le Barreau. J'ai simplement fait
remarquer que le Barreau défendait ses membres, ce qui est son devoir et
son rôle. Je ne vois pas ce qu'il y a là-dedans d'insultant.
Je sais très bien, en ce qui a trait aux jugements de la Cour
d'Appel, qu'un seul juge rédige le jugement et que les autres y ajoutent
des notes, le cas échéant, ou simplement donnent leur
consentement.
Ce que je voulais dire et si je me suis mal exprimé, je
m'en excuse tout simplement, c'est que, si ce n'est pas un juge
francophone qui rédige le jugement, celui-ci ayant entendu la cause et
étant néanmoins partie collective au jugement, cela peut
certainement rassurer tout juge anglophone non suffisamment bilingue qui
s'inquiéterait de la version française de son jugement quant
à l'exactitude de celle-ci, quant à l'exactitude de la traduction
qui en aurait été faite.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a démontré
fort éloquemment le ridicule absolu de l'affirmation suivant laquelle
l'article 13 porte atteinte à l'indépendance de la
magistrature.
En effet, le député de Marguerite-Bourgeoys sais
peut-être mieux que quiconque autour de cette table qu'un jugement n'est
authentique que dans la mesure où le juge le signe et dans la mesure
où l'article 13 dit que seule la version française, dans le cas
où un jugement est rédigé en anglais, est authentique, il
est bien évident que ce n'est pas un quelconque fonctionnaire sorti de
je ne sais où qui va authentifier ou juger à la place du
magistrat. Ce jugement n'aura aucune valeur dans la mesure où le
magistrat impliqué ne l'aura pas lui-même paraphé. C'est la
chose la plus élémentaire. Si je ne m'abuse, on apprend cela en
première année de droit et je m'étonne que le savant
avocat qu'est le non moins savant député de Marguerite-Bourgeoys
ne s'en souvienne pas.
Enfin, je trouve que l'ensemble du plaidoyer fort long, fort
répétitif de l'Opposition officielle en faveur de la magistrature
et en faveur de la justice au Québec, relève de la tartuferie et
de l'hypocrisie la plus complète.
Quand on pense que ce parti, lorsqu'il était au pouvoir, n'a pas
hésité une seule seconde à invoquer une loi d'exception
paralysant ainsi, mettant complètement de côté toute la
justice au Québec, au mois d'octobre 1970, dans le but de tuer dans
l'oeuf l'élan d'un peuple vers sa souveraineté, son
indépendance et sa liberté. Ce parti-là, M. le
Président, n'a pas de leçons à donner à qui que ce
soit, quant à la sauvegarde, à l'indépendance, à
l'intégrité de la magistrature et de l'administration de la
justice au Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux gens dans la salle de ne
point manifester, s'il vous plaît.
M. Grenier: Ce sont ses électeurs de Taschereau, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je
vois que le député de Mégantic-Compton n'a pas aidé
l'assistance dans ce cas-ci. J'espère qu'à l'avenir il le fera,
et je cède la parole au député de Vanier.
M. Bertrand: Je propose l'adoption de l'article 13, M. le
Président.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Au départ, M. le Président, je
voudrais simplement établir que je n'ai pas intérêt, ni de
près, ni de loin... excusez-moi. Je recommence, M. le
Président.
Au départ, M. le Président, je voudrais établir que
je n'ai pas intérêt, ni de près, ni de loin, à
défendre le barreau. Mais je ne puis m'empêcher de souligner la
façon ou l'affirmation, à mon point de vue, absolument gratuite
qu'a faite le député de Taschereau, à savoir que le
barreau serait venu ici défendre l'intérêt de ses membres
anglophones. Je pense qu'il faut avoir fait une analyse bien biai-sée ou
très superficielle du mémoire du barreau pour ne pas avoir vu que
ses représentations ont été faites ici dans
l'intérêt des justiciables uniquement.
M. Guay: Comme dans le cas de l'assurance-automobile?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: J'ai tenté... M. Lalonde:
Peut-être.
Mme Lavoie-Roux: ... dans l'espoir d'obtenir une certaine
souplesse de la part du gouvernement, de faire un rapprochement entre l'article
13 et l'article 210, espérant que les membres du parti
ministériel, voyant qu'un contrat dans une langue plutôt que dans
une autre pouvait être plus juste pour un individu, pourraient comprendre
aussi qu'un jugement traduit, c'est-à-dire écrit dans une langue
plutôt que dans une autre dont la validité devrait relever d'une
langue plutôt que d'une autre, pourrait aussi être plus juste
à l'égard du justiciable.
Ils ne nous ont pas apporté d'arguments contre ce point de vue,
sauf ce que le député de Vanier a fait valoir en disant que
c'étaient deux articles différents l'un de l'autre, ne voulant
pas ou ignorant le rapprochement qui, à mon point de vue, était
justifié dans ce cas.
Le seul argument qu'on a constamment fait valoir du côté
ministériel dans toute cette discussion a été celui du
français, langue officielle. Et bien, moi, je pense que dans le cas de
l'article 210, la langue française est encore la langue officielle.
Pourtant, vous ne faites pas valoir le même argument et vous retenez
cette possibilité de la priorité d'une langue sur une autre. Que
faites-vous, à ce moment-là, du français, langue
officielle, qui est l'argument que vous soutenez continuellement, que vous avez
soutenu continuellement tout au long du débat sur l'article 13?
M. Charbonneau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères, quelle question de
règlement?
M. Charbonneau: Est-ce que le député de L'Acadie
nous permettrait de poser une question?
Une Voix: Non.
Mme Lavoie-Roux: Non.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Bien, écoutez, j'ai trois minutes.
M. Charbonneau: Non, vous ne voulez pas répondre aux
arguments que j'ai donnés tantôt...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Madame
le député de L'Acadie... A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: ... ce n'était même pas ses
arguments.
M. Lalonde: Elle a dit non. Ce n'est pas clair, ça?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: C'est très clair, au contraire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Chevrette: Ne faites pas de......personne.
Mme Lavoie-Roux: Lorsqu'à l'article 210 vous ne retenez
plus l'argument du français, langue officielle, vous arguez, et avec
raison, que c'est pour rendre justice aux consommateurs. Tout ce que je veux
dire en terminant, c'est que l'Opposition officielle, dans toute cette
discussion, a voulu mettre au-dessus de la question linguistique la
volonté que la justice soit la plus juste et la plus équitable
possible pour tous les individus. Malheureusement, nous n'avons pas pu vous en
convaincre et nous avons été incapables de traduire ce qui est,
je pense, la volonté des citoyens du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Brièvement, ce serait peut-être une
question... Le député de Taschereau a demandé au ministre
tout à l'heure combien il existait de juges... Il n'a pas demandé
combien il y avait de juges au travail, il a demandé combien il en
existait. J'espère qu'il n'y avait pas une distinction dans ses
propos.
M. Guay: Je n'ai pas demandé. J'ai simplement dit qu'il y
avait sans doute un certain nombre de juges anglophones, mais que je n'avais
pas les noms.
M. Grenier: J'ai remarqué que vous avez demandé
combien il existait de juges. J'espère qu'entre les mots, "exister" et
"travailler", il n'y avait pas de méchanceté dans vos termes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, M. le député de
Taschereau, la présidence a déjà dit que les dialogues et
les duos étaient défendus.
M. Grenier: Une simple question que j'aimerais poser
peut-être au ministre d'Etat au développement culturel. Une
nouvelle circulait à 18 heures, sur les ondes d'une station
radiophonique, que le ministre de la Justice, M. Bédard, pourrait
être disponible demain pour venir répondre à nos questions
et s'entretenir avec la commission. Est-
ce qu'il y aurait lieu, encore une fois, comme a commencé la
journée ce matin, de demander s'il y avait lieu de suspendre
l'article?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, à moins que le ministre
consente à répondre à votre question, celle-ci est
complètement en dehors du débat. L'amendement que vous avez
proposé a été rejeté et, actuellement, nous en
sommes à la motion principale, c'est-à-dire l'article 13.
M. Grenier: D'accord. M. le Président, sur la motion
principale, cela va. Mais cet article est contentieux, je pense bien, il est
fort discuté, comme vous le voyez, puisque cela fait déjà
plusieurs heures qui sont passées. Je pose la question bien
honnêtement et bien simplement, si le ministre veut bien me
répondre.
M. Charron: Non, M. le Président.
M. Grenier: Je dois comprendre qu'on ne peut pas suspendre
l'étude de l'article ce soir, passer à un autre et attendre
à demain, et, demain, que le ministre vienne nous répondre?
M. Charron: La commission a déjà tranché
cette question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Effectivement. Est-ce que l'article 13 sera adopté?
M. Charron: II est adopté. M. Lalonde: Appel
nominal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Une simple question. Je vous demanderais
très honnêtement de m'indiquer combien il me reste de minutes sur
mon temps concernant l'article 14. On est encore à l'article 13. J'ai
reçu ma réponse.
Adoption de l'article 13
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le
député de Saint-Jacques, Mme le député de L'Acadie,
tous les députés, l'assistance! Est-ce que l'article 13 sera
adopté?
M. Charron: Oui, M. le Président.
M. Lalonde: Appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu
(Terrebonne)?
M. Fallu: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charbonneau (Verchères)?
M. Charbonneau: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charron (Saint-Jacques)?
M. Charron: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Chevrette (Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes)? M. Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grenier (Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau)?
M. Guay: Favorable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de
Belleval (Charlesbourg)? M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Pour
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le
Moignan (Gaspé)?
M. Le Moignan: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Contre.
Adoption du chapitre III
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
l'article 13 est adopté. Neuf voix pour, six contre. Est-ce que le
chapitre III sera adopté?
M. Chevrette: Adopté.
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que le chapitre III sera adopté?
Une Voix: Oui.
M. Lalonde: Adopté, sur division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
chapitre III est adopté, sur division.
M. Grenier: M. le Président, comme je l'avais
demandé avant le souper, est-ce que cela tient toujours, le fait que la
présidence est indivisible? Vous avez dit que le parti
ministériel et l'Opposition officielle pouvaient prendre deux minutes
pour faire le point sur le chapitre IV.
Chapitre IV: La langue de l'administration
M. Paquette: M. le Président, je m'excuse, mais, la
dernière fois, il y avait au consentement unanime, il y avait un
débat de troisième lecture. Personnellement, étant
donné qu'à plusieurs des interventions sur l'article 13 on a
parlé sur l'ensemble du chapitre, M. le Président, je n'ai pas
l'intention de donner mon consentement. J'aimerais qu'on passe à
l'article 14.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait,
je comprends qu'il y a déjà eu une entente entre...
Mme Lavoie-Roux: Un petit précédent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... un
petit précédent que tout le monde voudrait respecter, moyennant
le consentement unanime. Est-ce cela?
M. Lalonde: Pas nécessairement, M. le Président, je
suis tenté de suivre le député de Rosemont
là-desus. Nous avons débattu très longuement, à bon
droit, je pense, tous ces articles. Je ne veux pas être
désagréable à l'égard du député de
Mégantic-Compton...
M. Grenier: Ah non, non!
M. Lalonde: II me semble que nos débats sont assez longs
et notre temps est compté de toute façon. Je pense que...
M. Grenier: Vous ne me donnez pas deux minutes pour remercier le
député de Marguerite-Bourgeoys?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Compte
tenu de l'absence du consentement unanime, j'appelle l'article 14.
M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 14
soit adopté.
M. Bertrand: Appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 14 sera-t-il adopté?
Nouvel article 14
M. Charron: M. le Président, je m'excuse, je propose que
cet article nouveau que je dépose au nom du gouvernement soit
adopté.
M. Lalonde: Ah oui! Il y a un nouvel article.
M. Charron: La copie a déjà été
distribuée, si je ne m'abuse. Le nouveau texte de l'article 14,
contrairement à ce qui est dans le projet de loi originalement
imprimé, se lirait comme suit: "Le gouvernement, ses ministères,
les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont
désignés que par leur dénomination française".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout
d'abord, avant de rectifier, j'aimerais appeler le chapitre 4, la langue de
l'administration, et l'article 14, et, M. le député de
Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement, conformément à
des précédents déjà établis, l'article 14
tel que modifié sera étudié comme si celui-ci était
l'article actuellement en discussion, c'est-à-dire comme si
c'était la motion principale.
L'article 14 sera-t-il adopté?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé.
M. Charron: Le ministre d'Etat.
M. Laurin: M. le Président, j'avais préparé
une longue intervention sur ce premier article, mais étant donné
le temps que nous a pris le chapitre précédent, je vous en fais
grâce ainsi qu'à la commission et au public, mais je voudrais
simplement expliquer très brièvement que le nouvel article 14 ne
change substantiellement rien à l'ancien article 14. Il ne fait que
préciser, clarifier ce que le gouvernement entend par organisme et
service de l'administration à la demande de certains organismes qui nous
ont fait valoir qu'il était mieux que l'article soit plus clair et plus
précis.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais
reconnu le député de Gaspé, mais conformément
encore à une sorte de précédent qui a été
établi, habituellement c'est l'Opposition officielle, l'Opposition
reconnue, et par la suite, je donne la parole à celui que je reconnais
en premier après avoir respecté ce premier ordre.
M. Grenier: M. le Président, depuis le début de
cette commission, quand il y a des amendements, on fonctionne, si c'est un
amendement de l'Opposition officielle...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, vous me demandez une
directive?
M. Grenier: Une directive, si vous voulez, oui. Peut-être
transformer les débats, à ce moment-ci. Depuis le début
des travaux, s'il y a un amendement qui est proposé par le parti de
l'Opposition officielle, celui-ci propose son amendement, et puis, ensuite,
c'est le parti ministériel qui vient, et ensuite l'Union Nationale. Il
arrive que, quand il y a des changements qui sont déposés, c'est
le gouvernement, et vous reconnaissez toujours l'Opposition officielle. Il me
semble qu'il y aurait lieu, à l'occasion, qu'on laisse à l'Union
Nationale le soin de faire ses commentaires sur un article de fond, sans
toujours passer par l'Opposition officielle avant d'en venir à l'Union
Nationale. Parce que c'était une entente au début, on ne pensait
pas qu'elle serait comme ceci, on épuise toutes les motions de
l'Opposition officielle avant d'en venir à une motion de l'Union
Nationale. Je pense que c'est injuste à l'égard de notre parti,
et on sait qu'avec les propositions qu'on a laissées, tout le monde peut
piger dedans, et on se rend compte que si on passait par l'Union Nationale de
temps en temps...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, quelle est la directive que
vous voudriez obtenir de la présidence?
M. Grenier: Oui, mais je veux m'exprimer. J'en viens à
cela, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence est prête à vous la donner si vous la
demandez.
M. Grenier: Je veux vous dire, M. le Président, que si on
procédait avec des amendements qui nous sont connus, et dans le
présent chapitre, le chapitre sur lequel on commence à travailler
ce soir, c'est de la page 16 à la page 29 dans notre livre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, ce n'est pas une question de
règlement, vous m'avez dit que vous vouliez avoir une directive, je
pense connaître la directive que vous voulez avoir, mais si vous pouvez
la demander, je vais vous répondre.
M. Grenier: Vous êtes brillant, M. le Président.
M. Ciaccia: II n'a pas la question encore; il a la réponse
mais pas la question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai la
réponse mais je n'ai pas la question, effectivement.
M. Ciaccia: C'est cela.
M. Grenier: Mais cela se produit souvent à cette table. M.
le Président, la directive que je vous demande est celle-ci: Y aurait-il
lieu, à l'occasion, peut-être pas de façon constante, d'en
revenir à un amendement de l'Union Nationale de temps en temps, tant que
je n'ai pas adressé la parole...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, je pense que de la
façon même que vous formulez votre demande de directive, vous
connaissez déjà la réponse de la présidence, quand
vous employez les mots "à l'occasion". Effectivement, la tradition, la
coutume et Dieu sait que je ne connais pas toutes les coutumes de cette
Assemblée nationale et de ses commissions, mais celle-là, je la
connais veut qu'après que le ministre a fait un exposé, il
est de tradition que l'Opposition officielle parle en second, que l'Opposition
reconnue parle en troisième et, par la suite, je reconnais les
députés qui s'adressent à la présidence les
premiers.
Une Voix: II faut le consentement pour cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'autre
part, si certains partis politiques ou certaines formations, par leurs
représentants autorisés veulent, à l'occasion,
céder leur droit de parole pour vous laisser parler de
préférence, ils pourront certes le faire, mais il n'appartient
pas à la présidence d'en décider.
M. Charron: Je ne veux pas interrompre la fête populaire
qui règne à votre gauche, mais je voudrais quand même vous
rappeler qu'il ne faudrait pas que ces questions de règlement qui
remettent en cause le fondement régulier et normal de l'Assemblée
nationale, que le moindre député qui aurait siégé
ici pendant deux semaines de façon attentive connaîtrait
déjà, soient perpétuellement remises en cause, parce qu'un
député désire faire perdre du temps dans le but de
s'attirer la guillotine, j'ai déjà dit qu'il n'y aura pas de
guillotine de la semaine. Donc, on a tout le temps de travailler. Qu'on cesse
inutilement de la provoquer ou de la susciter, ce n'est pas de l'intention du
gouvernement de mettre fin aux travaux de la commission, c'est l'intention du
gouvernement de continuer l'étude article par article.
Quand un député remet en cause la tradition fondamentale
du Parlement qui veut que nous procédions dans l'ordre des partis, selon
le nombre de députés qu'ils ont réussi à faire
élire lors de la dernière élection, c'est une règle
ancestrale à l'Assemblée nationale, c'est celle avec laquelle
vous présidez les débats depuis le début. Je ne comprends
ni la demande de directive ni la question de privilège ou de frustration
que vient de soulever le député de Mégantic-Compton. A
l'avenir, je vous en prie, quand vous sentez qu'un député remet
en cause des questions aussi fondamentales et aussi simplistes que
celle-là, c'est de votre devoir de rétablir les faits et de
rappeler le débat sur un article d'un projet de loi important auquel la
commission a déjà consacré beaucoup de temps, et auquel il
nous reste encore beaucoup de temps à consacrer, vu l'importance de la
loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader adjoint du gouvernement, j'estime que la présidence aurait
dû le faire, mais elle a été très
généreuse. Je vais fournir la réponse à la question
que n'avait pas encore posée le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Ne nous étouffez pas de fleurs! On meurt
pareil étouffé de fleurs!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Mégantic-Compton, la
parole est au député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je remercie le député de
Mégantic-Compton de reconnaître l'Opposition officielle. Nous
allons tenter, étant donné que nous avons comme membres de
l'Opposition, l'Union Nationale et le Parti libéral, à combattre
un gouvernement hermétique, qui ne comprend rien, nous allons tenter de
nous entendre sur les travaux de cette commission. L'Union Nationale trouvera
toujours chez nous une oreille sympathique.
Le Président (M. Cardinal): Bon! Est-ce qu'on pourrait
terminer ceci?
M. Lalonde: J'allais dire simplement, relativement à cet
article, que je vois...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Comment
l'acceptez-vous, cet article? Je dois rappeler des faits ici, si vous
permettez, qui se sont produits la semaine dernière. Soyez bien
sûrs que je ne participe pas au travail d'une formation politique. Si
vous vous rappelez, à la suite d'une demande d'au moins un parti de
l'Opposition, sinon des partis d'opposition, le parti ministériel a
déposé une série de textes pour ce qui en est du chapitre
VIII, langue d'enseignement, qui a été adopté en entier.
On avait considéré qu'il ne s'agissait pas d'une motion
d'amendement mais de remplacement d'articles.
Or, si je reprends ce texte, je constate qu'il y a les articles 14, 15,
20, 23, 24, 25, 29, 29a, 37 dans le chapitre IV, qui ont été
remplacés par le document qu'a déposé le gouvernement. Je
ne voudrais pas revenir sur ce qui a été alors
décidé non pas par la présidence mais par la commission,
si tous se le rappellent. Je voudrais qu'on considère, simplement pour
rester constants, consistants, cohérents avec nous-mêmes, que les
articles indiqués, dans le document qui est devant vous sont
autrefois, on aurait dit des papillons ajoutés au texte de loi... Par
conséquent, il ne s'agit pas de motions d'amendement, ce qui, d'ailleurs
favorise l'Opposition, puisqu'elle pourrait faire une motion d'amendement et
même de sous-amendement. Ce n'est pas une suggestion que je viens de
faire. Tandis que si nous considérons ces articles comme des motions
d'amendement, il ne vous reste que la motion de sous-amendement avec tout ce
que cela implique. Je veux simplement rappeler que cela avait
déjà été accepté et que l'article 14, qui
vient d'être appelé, a été remplacé par un
nouvel article qui se lit comme suit: "Le gouvernement, ses ministères,
les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont
désignés que par leur dénomination française." Le
grand avantage de ce nouvel article, c'est qu'il n'y a pas d'erreur de
français comme celle qui existe dans le projet de loi no 101...
Mme Lavoie-Roux: C'est incroyable.
Le Président (M. Cardinal): ... où il y avait un
"e" muet de trop. Est-ce que la commission reconnaît, d'une part, que
c'était une erreur et, d'autre part, que nous avions accepté de
procéder de cette façon?
M. Lalonde: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): J'appelle donc le nouvel
article 14. Est-ce que tous ont ce nouveau texte devant eux?
M. Lalonde: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, selon
l'usage, M. le député de Mégantic-Compton,
malheureusement, que voulez-vous, vous êtes un parti reconnu, mais vous
n'êtes pas encore le parti de l'Opposition officielle.
M. Grenier: Pas dans les faits.
Le Président (M. Cardinal): C'est une chose que je n'ai
point à considérer.
M. Lalonde: Sûrement pas dans les faits.
Le Président (M. Cardinal): J'ai à demander au
parti ministériel s'il désire s'exprimer sur la motion de
l'article 14.
M. Laurin: C'est déjà fait.
Le Président (M. Cardinal): C'est déjà fait.
Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'avais commencé, M. le Président, en
tendant une main charitable à l'Union Nationale.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais je voulais
rétablir ces faits.
M. Lalonde: La réponse que j'ai eue, c'est: Juste ciel! Je
vais laisser là cette ouverture. Je voudrais simplement dire, quant
à l'article 14, qu'il nous paraît qu'on reprend ici, en
l'élargissant, la disposition de l'article 11 de la Loi sur la langue
officielle, actuellement en vigueur, en disant: Les organismes gouvernementaux
sont désignés par leur seule dénomination
française. Je reconnais que l'article 14 élargit cette
réalité à d'autres organismes que ceux qui étaient
couverts par l'article 11. Mais, pour l'instant, je n'ai pas d'autres
considérations à faire.
Le Président (M. Cardinal): MM. les députés
de l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président.
M. Grenier: Je vais laisser la parole à un autre, mais
quand le Parti libéral me donne tant de largesse, cela me rappelle la
parole du petit chaperon rouge: "Si je t'embrasse, c'est pour mieux
t'étouffer, mon enfant".
Le Président (M. Cardinal): Sur ce, M. le
député de Gaspé.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est méfiant
par nature.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Grenier: C'est semblable à cela.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! M. le
député de Gaspé. J'espère qu'on vous
écoutera avec le respect qui est dû à votre rang.
M. Le Moignan: Je n'ai aucun doute, M. le Président, je
vous remercie beaucoup.
Une Voix: En vertu de l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, je me demande
comment vous pouvez invoquer l'article 96, alors que personne n'a jamais rien
dit, sauf ce qui a été dit par le député de
Mégantic-Compton et qui était contraire au règlement.
Je puis pendant cette petite période d'interlude, entre deux
chapitres, vous permettre vous aussi de passer votre message.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Non, le règlement ne le permet pas. Vous savez
que je me soumets à vos décisions, d'emblée.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, à 10 h 20.
M. Le Moignan: Je recommence donc. Je n'ai pas
quémandé de faveur spéciale à l'Opposition
officielle.
Quand je me suis trompé tout à l'heure au sujet de mon
article 14, c'est que j'avais hâte de l'aborder, pas tellement pour
prendre la parole ce soir, mais, après avoir étudié la
langue de l'enseignement, après avoir consacré quelques petites
heures à la langue de la législation et de la justice, pour
changer d'air, changer d'atmosphère, je pense qu'il était bon
d'aborder le chapitre de la langue d'administration, qui va peut-être
nous aider à nous acheminer vers la langue du travail.
D'ailleurs, comme le premier chapitre l'indique, et, dans tous les
autres chapitres, c'est toujours la même chose, la langue de
l'administration touche au coeur même de la réalité
québécoise. Sans déguisement, sans vouloir faire un
placotage ou un verbiage, ou un tricotage qui va durer tellement longtemps, je
voudrais simplement apporter une brève explication. Quand on regarde les
notes explicatives du début, il y a l'aspect positif, il y a tous les
feux verts dans cela. Ensuite, on voit: Cet article prescrira... Evidemment, il
y a des feux rouges, et il y a également des feux jaunes.
Ce chapitre veut mettre l'accent sur le français. C'est tout
à fait normal. Nous sommes d'accord. Je n'ai pas à le
répéter. Ce visage essentiellement francophone que l'on aimerait
donner au Québec doit être visible. Il doit se percevoir de
façon concrète, dans tous les domaines de l'activité. A ce
moment-ci, quand on parle de la langue de l'administration, que ce soient le
gouvernement, ses ministères, tous les organismes, ils sont tous
désignés, comme l'indique bien l'article 14, par leur
dénomination française.
Evidemment, nous n'avons aucune objection à cela. Mais, le petit
point sur lequel je voudrais insister, c'est qu'à ce moment-ci, et cela
rejoint les préoccupations de notre livre bleu, à la page 17,
pour ceux qui l'ont en main, il y a aussi cette reconnaissance d'une autre
langue. Je crois que, dans le cas présent, il s'agit plutôt ici de
la communauté anglophone. Si cette communauté qu'on se targue de
vouloir reconnaître existe vraiment dans les faits, si elle a ses champs
d'action particuliers, c'est certainement au niveau des affaires municipales et
surtout scolaires.
M. Grenier: M. le Président, cela ne dérange pas la
table, nous ne vous dérangeons pas à parler, j'imagine.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Ce n'est pas à vous que je fais appel, quand
je m'adresse à vous, c'est parce que je m'adresse à la table,
bien sûr. Nous ne voulons pas vous déranger, remarquez bien.
Le Président (M. Cardinal): Non, s'il vous plaît,
vous pouvez deviner, et je m'excuse envers M. le député de
Gaspé, qu'il m'arrive d'avoir certains problèmes à
régler, quand les articles ont été adoptés.
M. Grenier: M. le Président, je m'excuse, je m'adressais
à vous en tant que président de la table, mais ce n'est pas
à vous que je parlais, vous comprenez cela.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous êtes fort
gentil, comme d'habitude. M. le député de Gaspé, avec les
excuses de la commission.
M. Le Moignan: Je ne suis pas tellement offensé, monsieur.
J'ai adopté un peu la politique du ministre d'Etat au
développement culturel. C'est toujours très sage. Cela s'attrape
et cela nous aide à garder notre calme, c'est un peu dans ma nature.
Le Président (M. Cardinal): C'est ce qu'il faut faire.
M. Le Moignan: Je voulais donc mentionner que si je suis d'accord
avec tous les objectifs de faire un Québec essentiellement francophone,
nous abordons un champ très particulier ici, où il est difficile
de faire abstraction de la communauté anglophone, pour les bonnes
raisons qu'il y a dans cela l'aspect municipal et l'aspect scolaire.
A l'Union Nationale, nous avons essayé d'opter pour une
formulation réaliste et nous trouvons qu'il est bien normal et
légitime de donner à toutes nos institutions politiques leur
visage français, mais nous ne pouvons pas nier dans les faits
l'existence d'une communauté anglophone qui a ses problèmes au
point de vue local et régional.
J'aurai l'occasion plus loin d'expliciter davantage ma pensée,
et, en me basant sur ce que je sais de statistiques, d'endroits et de lieux
géographiques, on verra, à ce moment, que je ne parle pas
simplement dans l'intention de tuer le temps, d'ailleurs, je n'ai pas
abusé, au cours de la journée.
Je trouve que, dans un Québec essentiellement francophone, un
Québec français, pour la langue de l'administration, des
organismes, de la signalisation, des contrats, des personnes morales, que la
primauté soit donnée à la langue française, nous
sommes totalement d'accord. Mais on verra qu'il y a tout de même des
points particuliers... Et si cette loi a son véritable effet
d'entraînement, cette charte qui sera votée, je suis convaincu
qu'au cours des années à venir, d'ici trois, quatre ou cinq ans,
il y aura peut-être des modifications, parce que, dans les milieux que je
connais, l'effort de francisation a déjà commencé, au
sein, par exemple, de nos commissions scolaires ou de nos municipalités,
et c'est quelque chose qui va aller en s'accentuant. Je crois qu'à ce
moment le gouvernement n'aura même pas besoin de légiférer
ou de contrôler de façon sérieuse, toujours pour les
régions que je connais. Je ne peux pas me prononcer pour l'ensemble du
Québec.
A ce moment-ci, nous sommes d'avis qu'il est tout à fait normal,
pour expliciter davantage l'article 14, d'entrer, d'intercaler ou d'ajouter une
motion d'amendement. Cette motion, nous n'avons pas l'intention d'y consacrer
toute la journée de demain. Nous allons la soumettre. Si on m'en donne
la permission, je vais l'expliquer en cinq minutes et si on décide de la
garder, tant mieux, et si on décide de la rejeter, tant mieux.
M. Grenier: Tant pis.
M. Le Moignan: Nous ne nous battons pas simplement pour le
plaisir de nous battre, pour le plaisir de tuer le temps.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, vous savez bien que le temps est plus difficile à tuer que
les hommes. Il demeurera jusqu'à la fin de ce monde. Je vous prierais de
lire votre motion et de m'en remettre copie.
M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Je lis l'article 14,
et notre motion s'ajoute immédiatement à la fin. Je reprends
l'article 14, M. le Président, pour une meilleure compréhension.
On verra que ce n'est pour tuer, ni le temps, ni les hommes, ni les
francophones, ni les anglophones, que nous ajoutons notre amendement.
Voici ce que dit l'article 14: "Le gouvernement, ses ministères,
les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont
désignés que par leur dénomination française."
Maintenant, nous ajoutons ceci, après les mots "dénomination
française"; "Nonobstant l'alinéa précédent, les
organismes municipaux, dont les administrés sont en majorité de
langue anglaise, peuvent aussi être désignés par leur
dénomination anglaise." C'est l'amendement que nous proposons.
J'expliquerai très brièvement tout ce qu'il peut y avoir de
logique. Il n'y a rien de génial, dans notre proposition, c'est
tiré de l'expérience de la vie, et, en même temps, c'est
très pratique.
Le Président (M. Cardinal): Après avoir
écouté et je le dis tout de suite un
représentant par parti sur la recevabilité, je déciderai
si c'est la trouvaille du siècle.
Quelqu'un veut-il s'exprimer sur la recevabilité? Vous comprenez
très sérieusement que si je demande à la commission de
m'informer, c'est que j'ai déjà des doutes sur la
recevabilité.
M. Paquette: Nous comprenons.
Le Président (M. Cardinal): Le parti qui propose la motion
veut-il s'exprimer sur la recevabilité?
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant. L'Union Nationale
a quand même un droit, dans ce cas. Je l'ai déjà
mentionné, c'est une règle que la présidence
établit. Pas plus de cinq minutes, pas plus d'un représentant par
formation politi-
que, sans quoi, je rends ma décision. Je m'excuse, mais le choix
est là.
M. Grenier: Est-ce que vous passez par celui qui a proposé
la motion?
Le Président (M. Cardinal): Pas nécessairement. Un
représentant par formation politique pendant cinq minutes. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Quant à nous, nous croyons qu'on ne change
rien à l'aspect français de la motion. Nous ajoutons un
alinéa et je pense qu'il correspond exactement à ce que nous dit
l'article 70, sauf erreur, qu'un amendement doit se rapporter directement au
sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants:
retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est bien clair
que nous avons ajouté des mots. "Il est irrecevable si son effet est
d'écarter la question principale". Il n'est pas question
d'écarter ici la question principale. C'est la même chose pour un
sous-amendement. Il s'agit d'un amendement, bien sûr, comme vous le
voyez. On ajoute des mots, comme vous le voyez, et on ne change pas le fond de
la motion du premier alinéa.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Le parti ministériel ensuite. M. le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Dans une lutte à outrance comme celle que
livre l'Opposition sur le projet de loi, il faut souvent revenir aux
mêmes arguments. C'est comme si chaque décision que vous rendiez
était immédiatement oubliée. Je dirais que c'est de bonne
guerre, si ce n'était pas sur une loi aussi importante que
celle-là, qu'on fasse semblant de ne pas connaître les jugements
que vous avez rendus il y a à peine quelques heures sur d'autres sujets
semblables.
Pour contester la recevabilité de cette motion, je me
référerai à des décisions que vous avez
vous-même rendues. Lorsque nous avons abordé l'article 7 du
précédent chapitre sur lequel nos amis se sont
éternisés, nous avons rappelé, et nous avons reçu
là-dessus votre assentiment, que le premier article dudit chapitre
était, pour ce qui est du domaine précis de ce chapitre qui est
celui de la législation et de la justice et qui est maintenant celui de
l'administration, la réaffirmation du principe fondamental du projet de
loi qui vise à faire du français la langue officielle du
Québec.
Il est donc évident, quand on dit que le français est la
langue officielle du Québec, principe sur lequel l'Assemblée a
statué et contre lequel l'article 70 du règlement nous interdit
de revenir à la charge, lorsque nous abordons le chapitre de la langue
d'administration il est absolument normal et régulier, découlant
du principe même du projet de loi qu'il nous est interdit de contester
maintenant cela nous était permis à une autre
époque de nos travaux que les organismes et les services de
l'administration ne seront désignés que par leur
dénomination française. S'il fallait que nous acceptions toutes
sortes de... Qui nous dit qu'après cet amendement, nos amis à
l'imagination fertile, lorsqu'il s'agit de bloquer un projet de loi, ne nous
soumettront pas à nouveau d'autres amendements permettant d'amoindrir
encore une fois la portée de l'article 14 et, ainsi, d'amoindrir la
portée du principe du projet de loi, qui nous dit que nous ne serons pas
en présence de nouveaux amendements? D'autant plus que le
député de l'Union Nationale qui présente cette motion
n'ignore sans doute pas, puisqu'il en a copié le texte au mot, que
l'article 24 du même chapitre de l'administration publique concerne
très directement l'objet de sa préoccupation. Je ne mets pas en
doute la sincérité de son propos, je mets en doute la
régularité de son propos. De notre côté, nous sommes
disposés à l'aborder dans les plus brefs délais, ce qui
lui permettra de revendiquer les objectifs qu'il a dans cet amendement
irrecevable qu'il vous présente à ce moment-ci, M. le
Président.
Le gouvernement a déjà ouvert, dans le texte même de
son projet de loi, la preuve qu'il a le souci des organismes municipaux et
scolaires dont les administrés sont en majorité de langue
anglaise. L'article 25, lorsque nous y serons rendus, spécifie presque
à l'avance la préoccupation du député de
Gaspé lorsqu'il dit, et je cite, que "les organismes scolaires peuvent
utiliser à la fois la langue officielle et la langue de la
majorité de leurs administrés s'il y a lieu dans leur
dénomination". C'est donc à ce moment-là que nous
traiterons de cette question. Je vous demande, M. le Président,
d'être aussi logique que vous l'avez été au
précédent chapitre, de reconnaître que le premier article
est une affirmation de principe, que le gouvernement a déjà fait
preuve de souplesse ailleurs, que nous sommes prêts à
élargir cette souplesse à la demande...
Le Président (M. Cardinal): Le dernier point, je ne puis
le reconnaître.
M. Charron: Pardon?
Le Président (M. Cardinal): Le dernier point, je ne puis
le reconnaître, comme président.
M. Charron: Non. Le gouvernement a déjà
prévu des articles touchant au domaine que tente d'insérer,
à l'encontre du principe de la loi, le député de
Gaspé à ce moment-ci. Nous serons heureux d'en discuter
dès que vous appellerez ces articles. Mais, pour le moment, l'article 14
étant directement rattaché au principe du projet de loi, en vertu
de l'article 70 de notre règlement, je vous prie de déclarer cet
amendement irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, et, ensuite, comme il reste du temps, je donnerai la
parole au député de Mégantic-Compton.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur la
recevabilité, sauf qu'après avoir entendu...
Une Voix: La tentation est trop forte.
M. Lalonde: C'est une tentation à laquelle je dois
succomber, parce que le corridor dans lequel le député de
Saint-Jacques tente d'enfermer la présidence serait un dangereux
précédent. Essentiellement, ses deux arguments sont les suivants:
L'article 14 énonce un principe fondamental. Là-dessus, je ne
suis pas d'accord. Nous avons eu, à l'article 1, un principe
fondamental. Nous avons suivi même le gouvernement à l'article 7,
pour un autre principe, enfin une extension du principe fondamental. Mais quand
on en est rendu à des modalités qui indiquent de quelle
façon le principe fondamental, à savoir que le français
langue officielle sera appliqué, on ne peut pas dire qu'il s'agit ici
d'un principe fondamental.
M. le Président, à ce compte, chaque fois qu'on parle de
l'application de l'article 1 dans les faits, on ne pourrait pas amender ces
articles.
Deuxièmement, il se réfère à l'article 24.
En effet, l'article 24 apporte un accommodement quant à l'application
des articles 14 à 23, mais...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, très
sérieusement, article 24 ou 25.
M. Lalonde: L'article 24. Il a aussi mentionné l'article
25, mais il était tellement en dehors du règlement que je
n'oserai pas le suivre à l'article 25, où l'on parle d'organismes
scolaires, alors que l'amendement ne mentionne que les organismes
municipaux.
Donc, à l'article 24, on indique de quelle façon les
articles 14 à 23 seront mis en application pour un certain nombre
d'organismes municipaux, c'est-à-dire ceux dont les administrés
sont en majorité d'une langue autre que le français. Mais cela
n'empêche pas du tout, avant d'arriver à l'article 24, d'amender,
de modifier, de la façon dont la commission le jugera à propos,
les articles 14 à 23. Le fait d'invoquer l'article 24, il me semble,
n'est pas pertinent, et, quant à son premier argument, à savoir
qu'il s'agit d'une question de principe, je pense que l'article 14 ayant dit
que le gouvernement, ses ministères ou les autres organismes de
l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur
dénomination française, est une façon d'appliquer
l'article 1, mais n'empêche pas du tout une exception. C'est tout ce que
l'amendement suggère. On pourrait peut-être reprocher, M. le
Président, à l'amendement son libellé, comme par exemple,
mais je ne pense pas que c'est un reproche qui vous empêcherait
d'invoquer l'article 65, parce qu'on dit: Nonobstant l'alinéa
précédent, alors qu'on n'a pas offert un alinéa. On a dit:
Ajouter à la fin. On aurait pu dire: Ajouter un alinéa et ensuite
utiliser, employer cette terminologie. Mais je pense que c'est un
péché véniel que vous pourrez pardonner assez facilement
dans votre grande largesse.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Bien brièvement, le député de
Marguerite-Bourgeoys, qui vient de parler en faveur de la recevabilité
de la motion, prenait un de mes arguments qui disait qu'il y a dans l'article
24, comme l'a soulevé le ministre délégué au
Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, une limite
dans les années qu'on ne veut pas laisser paraître dans
l'amendement que nous suggérons ici. Ceci fait une différence
assez importante.
Maintenant, il met en doute la bonne foi de l'Union Nationale, alors que
cet amendement est connu depuis le 15 juillet à tout le monde, il est
inscrit à notre cahier, à la page 17. Je pense qu'on ne voit pas
une série d'amendements quand il dit que notre intelligence est fertile
pour prévoir des amendements. Il y en a un là, on s'en est tenu
depuis le début des travaux aux amendements qu'on a dans notre livre
bleu, que Mme le député de L'Acadie voudrait voir incorporer
à la statue de Duplessis. On s'en est tenu aux amendements qui sont
là, qui sont connus et qui ont été, pour leur grande
majorité, accueillis par la présidence. A partir de là, M.
le Président, je pense qu'il n'y a pas mauvaise foi de notre
côté. La limite qu'on a voulu éliminer de l'article 24 fera
que cette motion devrait, à mon sens, être recevable.
Le Président (M. Cardinal): Encore une fois.
M. de Bellefeuille: Ainsi donc, encore une fois...
Le Président (M. Cardinal): Non, laissez faire Claudel.
Votre livre bleu, M. le député de Mégantic-Compton...
M. Grenier: Je peux vous en passer une copie.
Le Président (M. Cardinal): Les députés sont
certainement très au courant, mais la présidence n'en a pas pris
officiellement connaissance; et ce n'est pas la question de savoir si votre
amendement est présenté trop tôt ou trop tard par rapport
à d'autres. M. le député de Marguerite-Bourgeoys a raison
sur une question de forme, purement une question de libellé, tel que
rédigé. Le président, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys a raison, pourrait de lui-même corriger en disant:
Ajoutez, après tel mot, tel article, l'alinéa suivant. Cela
serait beaucoup plus simple et beaucoup plus conforme parce que vous n'ajoutez
pas après des mots, vous ajoutez après un alinéa, je l'ai
déjà mentionné.
Ceci n'est qu'un péché véniel, comme on l'a
mentionné, et oui! Et ce n'est pas un péché mortel comme
le suicide.
M. Le Moignan: Interjection!
Le Président (M. Cardinal): Mais oui, on en meurt! Pour
être sérieux, je pense qu'après ces nombreuses heures, je
commence à comprendre
le principe de l'article 1 et le principe du projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas désespérer. Cela va
peut-être venir aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): Et je commence à
m'apercevoir qu'au fur et à mesure que nous reprenons chacun des
chapitres, que ce soit le chapitre II sur les principes généraux,
le chapitre III sur la langue de la législation et de la justice, le
chapitre VIII sur la langue d'enseignement, qui sont tous des chapitres que
vous avez adoptés, il y a presque toujours une répétition
du principe de l'article 1. Je n'ai pas à discuter sur le fond et vous
savez que chaque fois, c'est très difficile. Je n'invoque pas, comme
j'ai pu le mentionner ce matin, le but de l'amendement. Dans mon esprit, le but
de l'amendement n'a rien de dilatoire ni de stratégique. Il peut avoir
un but "politique" avec un P majuscule M. le député
de Mégantic-Compton et M. le député de Gaspé. C'est
le jeu normal.
On a invoqué c'est M. le député de
Saint-Jacques qui l'a fait l'article 25 auquel M. le
député de Marguerite-Bourgeoys a ajouté l'article 24, qui
sont situés dans ce même chapitre de la langue d'administration.
Je pourrais invoquer deux motifs; je pourrais invoquer, dans l'article 70, le
motif qu'il est irrecevable. On pourrait dire, pour le moment: il serait
irrecevable, si on essaie d'écarter la question principale sur laquelle
il a été proposé. Et là, vraiment, j'en reviendrais
au fond.
Si la motion principale, c'est-à-dire la motion de l'article 14
telle que proposée par le gouvernement, est de dire: "La langue de
l'administration est unique, c'est le français", si c'est cela, le parti
ministériel me l'indiquera, et il me paraît évident
qu'à ce moment-là, l'amendement venant ajouter que les
mêmes administrations ou administrés peuvent aussi être
désignés par leur dénomination anglaise irait
carrément et je choisis mes mots à l'encontre du
principe de l'article 14. Comme il faut décider de la
recevabilité d'une motion d'amendement et qu'il faut décider de
l'amendement avant de décider de la motion principale, j'aurais de la
difficulté à me fonder sur ce seul motif, mais le motif qui me
fera rendre ma décision est le suivant:
J'ai déjà mentionné et je me répète
le député de Saint-Jacques a rappelé que j'avais
déjà rendu certaines décisions ce projet de loi 101
a été adopté par l'Assemblée nationale à la
majorité en deuxième lecture et les textes qui s'y trouvent ou
qui y sont remplacés du consentement de la commission sont des textes
déjà officiels en tant que projet de loi, et les articles 24 et
25 me paraissent se rapporter directement à la pertinence de
l'amendement. Cela me fait penser à certains amendements proposés
au chapitre VIII sur la langue d'enseignement.
C'est pourquoi je ne déclarerai pas cette motion ni recevable ni
irrecevable, mais prématurée au moment où nous attaquons,
je l'espère, à l'étude de l'article 14. Avec mes regrets,
M. le député de Gaspé.
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 14, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): L'article 14 sera-t-il
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): L'article 14 sera-t-il
adopté comme cela?
Des Voix: Adopté.
M. Charron: Article 15, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! L'article 14 est
adopté.
M. Grenier: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! L'article 14 est
adopté avec votre nouvel article.
M. Grenier: M. le Président, avant l'adoption de l'article
14, j'aimerais vous dire...
Le Président (M. Cardinal): Avant, est-il adopté ou
pas?
M. Grenier: Non, l'Opposition libérale a dit oui, mais
nous n'avons pas dit oui, nous autres. C'est peut-être important de
savoir que nous sommes ici.
Le Président (M. Cardinal): Ah bon! D'accord. Alors, il
n'a pas été adopté. Oui, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Simplement pour vous laisser savoir, M. le
Président, que cet amendement qui avait été
préparé était le seul que nous avions. Maintenant, comme
vous nous l'avez mentionné alors qu'il y aura place pour revenir
avec cet amendement qui n'a pas été rejeté, comme vous
l'avez dit, mais simplement remis nous aurons certainement place pour
l'incorporer à l'article 24. Tenant compte de votre décision,
nous pourrons revenir avec notre amendement et je dis que, pour notre parti,
nous acceptons l'article 14.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais, M. le
député de Mégantic-Compton, je retiens ce que vous venez
de dire. Je relirai d'ailleurs la transcription du journal des Débats,
et nous nous reprendrons à l'article 24 ou 25. Le nouvel article 14, qui
n'est pas un amendement est donc unanimement adopté. Juste un instant!
Vous savez, quand il y a une adoption, après les paroles il y a les
écritures, et les écrits restent.
M. Charron: Malheureusement, nos paroles aussi, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Ou pour ceux qui les
lisent.
M. Charron: Vous pouvez demander au député de
Marguerite-Bourgeoys, il a lu toutes mes paroles en 1974, si j'ai bien vu.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: Parfois, M. le Président, je me
réveillais, mais je continuais.
Nouvel article 15
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, comme
nous avons adopté un article, je me suis permis un moment
d'hilarité, et j'appelle l'article 15, article nouveau.
M. Charron: Exactement.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes surpris, n'est-ce pas?
Le Président (M. Cardinal): Je ne suis jamais surpris ni
ému.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous êtes étonné.
M. Charron: La vitesse à laquelle procède la
commission m'étourdit.
M. Lalonde: M. le Président, on va prendre soin de
l'étourdissement du député de Saint-Jacques
bientôt.
M. Charron: Ah! Ne vous inquiétez pas, c'est
rétabli à l'article 15.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, revenons au
sérieux de ce projet. L'article 15 non pas modifié mais
remplacé je n'ai pas besoin de le lire.
M. Charron: Je veux le lire, moi!
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: Le gouvernement propose un nouveau texte à
l'article 15 que les députés membres de la commission feraient
bien de considérer à la place de celui qui se trouve dans le
texte original du projet de loi.
Le Président (M. Cardinal): C'est déjà fait,
M. le député de Saint-Jacques, si vous le permettez, je ne
voudrais pas qu'on en revienne à un amendement.
M. Charron: D'accord. L'article 15 modifié se lirait donc
comme suit: "L'administration rédige et publie dans la langue officielle
ses textes et documents. Le présent article ne s'applique pas aux
relations avec l'extérieur du Québec, aux communiqués et
à la publicité véhiculés par des organes
d'information diffusant dans une langue autre que le français ni
à la correspondance de l'administra- tion avec les personnes physiques
lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue autre que le
français."
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
ministre délégué, de vous interrompre? L'ancien article 15
qui n'existe plus était composé de deux paragraphes. Le texte que
j'ai devant moi semble composé d'un seul. Je pense qu'il en faudrait
deux. Je pense qu'après le mot "document", il y aurait un
paragraphe.
M. Charron: Vous avez raison, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): C'est en vertu de l'article
65.2 que je me permets personnellement cette correction.
M. Laurin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Je n'ai rien d'autre à ajouter. Il me semble
que le texte du projet de loi est clair.
M. Laurin: M. le Président, le seul changement, c'est
d'ajouter, après "rédigé", le mot "publié",
simplement, encore une fois, pour fin de clarification.
Comme l'a dit le député de Saint-Jacques, il me semble que
le reste de l'article est tellement clair, qu'il n'a pas besoin d'autres
explications.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
Marguerite-Bourgeoys, non, pardon, Mme le député de L'Acadie...
Vous êtes tellement en bon voisinage depuis longtemps, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Quand même, nous tenons bien à
garder notre sexe.
M. Lalonde: Les questions de privilège sont-elles
permises, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Non. Jamais en commission
parlementaire. Les lapsus du président sont toujours excusés, je
pense. Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: A ce moment-ci, c'est vraiment une question de
clarification que j'aimerais poser au ministre. On lit, dans l'article 15: "par
des organes d'information diffusant dans une langue autre que le
français et à la correspondance de l'administration avec les
personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue
autre que le français."
Que veut-il dire par une langue autre que le français? Ceci
laisse-t-il supposer que tout individu dans la province pourrait s'adresser
dans les 152 langues qui sont parlées à l'intérieur du
Québec par différents groupes de citoyens?
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, avant que
M. le ministre ne réponde d'ailleurs, il est en train de
s'informer que je fasse une suggestion à M. le
député de Mégantic-Compton?
Mme Lavoie-Roux: C'est cela, il y en a 152.
Le Président (M. Cardinal): Pour que votre motion au sujet
de l'article 14 soit revue à nouveau, dans un contexte
entièrement neuf, pourrais-je vous suggérer de la retirer? Cela
simplifierait les procédures au moment où vous désireriez
la déposer à nouveau.
M. Grenier: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Comme elle n'a pas
été discutée, vous pouvez la retirer, vous en êtes
maître.
M. Grenier: D'accord, mais nous y reviendrons quand même
à l'article 24.
Le Président (M. Cardinal): Votre motion est
retirée. Vous pourrez, en tout temps, comme vous l'avez
déjà fait lors de l'étude d'un autre projet de loi, la
déposer à nouveau. Merci. M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Pour répondre à la question du
député de L'Acadie; la langue autre dépend du pays auquel
le gouvernement du Québec s'adresse, elle dépend aussi de la
langue du journal ou de la revue dans laquelle le gouvernement veut faire
paraître des communiqués ou envoie des documents publicitaires.
Cela dépend aussi de la personne physique qui s'adresse au
gouvernement.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne comprends
peut-être pas très vite. Dans le cas des individus, ceci veut-il
dire que quelqu'un peut s'adresser au gouvernement en grec?
M. Laurin: Sûrement, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Et on lui répondra en grec?
M. Laurin: On lui répondra en grec, si...
M. Charron: Si on est capable. M. le Président, si je peux
répondre à Mme le député, la portée de
l'article ne fait pas que les membres du gouvernement vont connaître les
152 langues...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais aurez-vous des interprètes?
M. Charron: ... que d'ailleurs, je lui demanderais
d'énumérer.
Mme Lavoie-Roux: On peut commencer, mais cela va nous conduire
après 23 heures.
M. Charron: Cela veut dire ceci: Cet article a été
discuté profondément. Nous avons pensé qu'en le
rédigeant ainsi, le respect que nous avons pour chacune des personnes
physiques pouvait être garanti, encore une fois, dans la mesure du
possible.
Certains ministres du gouvernement, puisqu'on fait appel à
l'administration, sont plus susceptibles que d'autres de recevoir des lettres,
des communications de citoyens du Québec, qui soient dans une langue
autre que le français et l'anglais, qui sont les plus couramment
utilisées. L'Immigration en est un qui saute aux yeux, les Affaires
sociales, à l'occasion, également, pour des citoyens
bénéficiaires de certaines lois adoptées par cette
Assemblée. Dans mon cas personnel, depuis neuf mois, je n'en ai
reçu que dans les deux langues. Je me suis déjà
appliqué à cet article, qui est la pratique actuelle du
gouvernement québécois, et quand je recevais une lettre en
anglais d'un citoyen, par exemple, quand j'ai demandé aux citoyens des
suggestions sur l'avenir des installations olympiques, j'en ai reçu un
certain nombre en anglais et je leur ai répondu en anglais.
Il est évident que s'ils m'avaient écrit en grec, j'aurais
dû recevoir une traduction, mais peu de citoyens dans la pratique,
à moins qu'on veuille fendre les cheveux en quatre, vont communiquer
avec le gouvernement actuel du Québec sans eux-mêmes faire
l'effort, s'ils n'ont pas la connaissance de l'anglais ou du français,
sachant très bien que leur lettre risque de rester sur les tablettes,
malgré la bonne volonté qu'il peut y avoir à l'autre bout,
vont d'eux-mêmes se trouver quelqu'un qui va rendre leur
témoignage soit en anglais, soit en français. Ils vont simplement
signer la lettre à l'arrière s'avouant eux-mêmes incapables
de l'écrire dans l'une des deux langues. Moi, je choisis la langue dans
laquelle cette personne physique m'a écrit pour lui répondre. Je
ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de cas.
Mme Lavoie-Roux: Comme il est mentionné, cela ne
s'applique pas qu'aux relations avec l'extérieur du Québec,
évidemment, mais à celles même de l'extérieur du
pays. A ce moment-là, est-il coutumier pour le gouvernement, disons
qu'il doit écrire à une ambassade en Italie, en Espagne ou
ailleurs, de s'adresser soit en anglais, soit en français à ces
ambassades ou à ces maisons commerciales, peu importe?
M. Charron: Oui, c'est ce que l'article va désormais
permettre, justement, que nos contacts avec l'étranger soient le plus
efficaces possible. Je prends un exemple que Mme le député
comprendra: Un pays comme la Hollande, les Pays-Bas, où la pratique de
la langue anglaise est vastement répandue. Il serait d'usage si jamais
le Québec, pour une exposition commerciale ou quoi encore, avait
à entrer en contact avec ces gens ou encore pour demeurer dans le
domaine que je connais le mieux à inviter des athlètes
à des
compétitions, il serait d'usage qu'il choisisse la langue
anglaise pour s'adresser à la Fédération de cyclisme de
Hollande, sachant qu'elle a plus de chance d'être comprise et, d'autre
part, étant incapable de s'adresser dans la langue propre à ce
pays.
Ce que l'article offre, c'est de la souplesse pour ce qui s'appelle les
relations internationales du Québec non seulement dans le
présent, mais dans l'avenir également. Quand on parle, par
exemple, d'organes d'information diffusant dans une langue autre, on peut
vouloir dire dans des quotidiens italiens ou grecs d'ici. Le Québec peut
s'adresser... Le livre blanc même, qui est à l'origine de la loi
dont on discute, a été publié dans d'autres langues que le
français et l'anglais. C'est une pratique qui n'est pas exceptionnelle
et qui va même se répéter. Mais, quand on parle d'organes
d'information, par exemple, du tourisme je parlais des ministères
qui peuvent être plus appelés que d'autres... Je pense que
l'Opposition comprendra cela, ce n'est pas parce qu'on veut protéger le
français au Québec qu'on va se mettre des "enfarges" dans nos
relations avec l'extérieur. Dans la mesure du possible, on le fera en
français, mais quand on s'adressera à d'autres gens pour les
inviter dans notre pays, que ce soit comme touristes ou comme immigrants, pour
leur présenter les avantages du Québec... Si Mme le
député prend connaissance du nouveau texte, elle verra qu'on y
dit: "Publicité véhiculée par des organes d'information
diffusant dans une autre langue", cela veut dire, par exemple, comme le
Québec l'a fait quand il a témoigné sa satisfaction de
partici- per aux Jeux du Canada actuels... Nous avons publié deux pages
dans les journaux, dans les quotidiens de Terre-Neuve, en anglais,
évidemment, puisque c'est la langue de la province.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, j'ai
reconnu M. le député de Mégantic-Compton. Il nous reste
à peine trente secondes.
M. Grenier: Juste une question très technique pour le
ministre, peut-être va-t-il me répondre tout de suite. Il y a des
changements qui peuvent être apportés au bon français d'un
article. A mon sens, il y a une erreur, ici. Il faudrait lire, au centre de
l'article, non pas "aux communiqués et à la publicité
véhiculés" mais bien "à la publicité et aux
communiqués véhiculés". Il faudrait intervertir les
termes. Le changement peut se faire, oui?
M. Charron: On regardera.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Sur ce, je ferai une
autre remarque. J'ai déjà indiqué qu'il y avait deux
paragraphes ou deux alinéas à cet article. Par les soins du
secrétariat de la commission, je ferai réimprimer le nouvel
article 15 en le distribuant en deux parties. Si, d'ici à demain, le
gouvernement ou les partis d'Opposition ont des suggestions tout semble
bien aller pour le moment elles seront toutes les bienvenues.
Sur ce, les travaux de cette commission sont ajournés à
demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 heures)