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Etude du projet de loi no 101:
Charte de la langue française
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs!
M. Guay: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Auparavant, il faut que je
sache quels sont les membres de la commission.
M. Guay: D'accord, excusez-moi.
Le Président (M. Cardinal): Sans quoi, je ne sais
même pas si vous avez le droit de parole.
C'est une nouvelle séance de la commission de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications pour étudier le projet de
loi 101, Charte de la langue française, après sa deuxième
lecture à l'Assemblée nationale.
Au moment de l'ajournement de la séance, samedi, à 17
heures, il y avait devant nous une motion de M. le député de
Marguerite-Bourgeoys et j'avais une décision à rendre à ce
sujet. Mais, auparavant, comme le veut le règlement, je fais l'appel des
membres de la commission.
Les membres de la commission: M. Alfred (Papineau) remplacé par
M. Fallu (Terrebonne); M. Bertrand (Vanier)...
M. Bertrand: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Charbon-neau
(Verchères)...
M. Chevrette: II est à la veille d'arriver.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Charron
(Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm)...
M. Chevrette: Ici.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Ciaccia (Mont-Royal),
M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)...
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Dussault
(Châteauguay)...
M. Dussault: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Grenier
(Mégantic-Compton)...
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Guay
(Taschereau)...
M. Guay: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); M. Laplante (Bourassa) remplacé par M. de
Belleval (Charlesbourg); M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. le
Moignan (Gaspé)...
M. Le Moignan: Présent.
Le Président (M. Cardinal): Bonjour.
M. Le Moignan: Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Paquette
(Rosemont)...
M. Paquette: Présent.
Le Président (M. Cardinal): ... M. Roy
(Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Je comprends que, même si nous commençons un peu tard, il
pourrait peut-être y avoir d'autres modifications.
M. Lalonde: Vous permettez d'autres modifications?
Le Président (M. Cardinal): Oui, pourvu que ce soit dans
un délai raisonnable.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je souligne tout de suite que
c'est une autre occasion où nous aurons dans une journée une
seule séance. Cette séance qui débute sera suspendue
à 13 heures jusqu'à 15 heures, sera à nouveau suspendue
à 18 heures jusqu'à 20 heures et sera ajournée à
demain 10 heures, à 23 heures. Aujourd'hui, une seule séance;
demain matin, ce sera une nouvelle séance qui sera ajournée sine
die à 13 heures.
J'ai entendu, M. le député de Taschereau, que vous aviez
demandé la parole?
M. Guay: M. le Président...
M. Grenier: Avez-vous laissé entendre qu'il y aurait des
changements? Pour combien de temps?
Le Président (M. Cardinal): Disons que je pourrais, tout
en étant large, généreux et même magnanime, le
permettre jusqu'à 10 h 30, mais après cela je ne pourrai plus le
permettre parce que, comme il y aura peut-être, probablement, des votes,
il faut que je m'en tienne au règlement qui indique clairement que je
dois appeler les membres au début d'une séance.
M. le député de Taschereau.
M. Guay: M. le Président, au moment où nous nous
sommes quittés samedi, nous avions devant
nous une motion d'amendement de la part de l'Opposition officielle.
Pourriez-vous en relire le texte s'il vous plaît?
Le Président (M. Cardinal): Certainement. Je vais
reprendre. Est-ce votre seule question? Je vais relire le texte de la motion
immédiatement. C'est un amendement par M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, à l'article 7, qui se lirait comme suit: Que l'on
ajoute, à la fin de l'article: "Cependant l'anglais est une langue
d'usage de la législation et de la justice". Je répète:
"Cependant l'anglais est une langue d'usage de la législation et de la
justice". Pour que cela soit compréhensible à tous, je rappelle
que le texte de l'article 7, sans projet d'amendement, se lit comme suit: "Le
français est la langue de la législation et de la justice au
Québec". Oui, M. le député de Taschereau?
M. Guay: Je voudrais attirer votre attention sur le fait
qu'à la première séance de cette commission, il y a
déjà quelques semaines, le député de Mont-Royal
avait fait une motion d'amendement qui se lisait ainsi: "L'usage du
français et de l'anglais devant les tribunaux et à
l'Assemblée nationale ne sera pas modifié par la présente
loi". Cet amendement, tout en ayant été reçu, avait
été défait. Je vous soumets respectueusement que
l'amendement proposé n'est qu'une répétition de cet
amendement proposé il y a deux semaines et qu'en conséquence, je
ne vois pas très bien...
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
M. Guay: ...à moins que l'Opposition veuille nous faire
perdre du temps, je ne vois pas très bien ce qu'il vient faire ici.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Je craignais que vous ne présumiez le
consentement unanime concernant l'intervention du député de
Taschereau. Je voulais vous poser une question à savoir si vous
permettez qu'on recommence le débat sur la recevabilité. Parce
que j'avais cru que vous aviez déjà commencé à
rendre votre décision.
Le Président (M. Cardinal): Non, M. le
député.
M. Guay: Question de règlement, M. le Président. Je
ne faisais qu'éclairer la présidence, si je peux me permettre,
puisque je suis tombé sur ce texte, j'ai trouvé le texte de cette
motion que je soupçonnais et que je me rappelais vaguement, après
l'ajournement de 5 heures, samedi.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je
considérerai que les interventions de MM. les députés de
Taschereau et de Marguerite-Bourgeoys étaient purement sur une question
de règlement.
Parce que samedi, j'avais permis une discussion, au sein de la
commission, permettant à un membre de chaque formation politique de
s'exprimer sur la recevabilité. J'avais alors indiqué que je ne
désirais ni suspendre nous étions à dix minutes de
l'ajournement environ ni ajourner les débats, ni prendre cette
question en délibéré.
J'ai entendu les plaidoiries de chacune des formations politiques, sur
la recevabilité de la motion. J'ai de plus obtenu et je veux le
mentionner aujourd'hui grâce à la coopération du
secrétariat de la commission, M. Jacques Pouliot et son personnel,
dès samedi, le début du projet de rapport de cette commission,
et, dès samedi, j'avais déjà mentionné une
première motion de Mme le député de L'Acadie qui, à
l'occasion de l'article 1, avait été jugée irrecevable. Je
ne reviendrai donc pas sur tous ces faits.
J'avais aussi indiqué, très brièvement, je le
répète, que l'article 1 avait reçu plusieurs projets
d'amendements. Beaucoup avaient été jugés irrecevables et
un avait fini par être jugé recevable.
Je vais prendre quand même quelques minutes. Ces motions
étaient les suivantes. J'ai présentement la motion de Mme le
député de L'Acadie. Je ne la reprends pas. J'en ai disposé
samedi.
Il y a eu une motion de M. le député de Mont-Royal.
Celle-ci se lisait comme suit: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant,
à la fin, les alinéas suivants..." J'ai souligné samedi
que l'on employait la même technique en ajoutant telle chose à la
fin. "Le statut juridique de la langue anglaise est défini par la
présente loi. "L'usage du français remarquez bien les
termes et de l'anglais devant les tribunaux et à
l'Assemblée nationale ne sera pas affecté par la présente
loi."
Une discussion s'est alors engagée sur la recevabilité de
la motion, et le président a jugé irrecevable ladite motion.
M. le député de Mont-Royal n'en a pas pour autant voulu
accepter le projet de l'article 1 sans revenir à la charge en
présentant une nouvelle motion qui se lisait comme suit: "Que l'article
1 soit amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant:
L'usage du français et de l'anglais devant les tribunaux et à
l'Assemblée nationale ne sera pas modifié par la présente
loi."
Encore une fois, une discussion s'est engagée sur la
recevabilité de ladite motion et, encore une fois, le président a
jugé ladite motion irrecevable.
Le député de Marguerite-Bourgeoys, à son tour, a
proposé une motion à l'article 1 dont le libellé
était le suivant: Que l'article premier soit amendé en ajoutant
à la fin l'alinéa suivant: "L'usage de l'anglais continue
à être permis dans les débats de l'Assemblée
nationale et dans les témoignages et plaidoiries orales devant les
tribunaux."
Cette motion a alors été déclarée recevable.
Une discussion s'est engagée sur le fond de la motion
présentée par M. le député de Marguerite-Bourgeoys,
et la discussion a été assez longue. A 22 h 59, la commission a
ajourné ses travaux au lendemain, 10 heures. A la reprise des travaux,
le lendemain à 10 heures, la discussion s'est poursuivie sur cette
motion de M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. Ladite motion a été rejetée
par onze voix contre trois et deux abstentions. Je pense que j'ai clairement
résumé les faits.
Or, ayant profité de la journée de dimanche à
méditer sur la recevabilité de la motion de M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, ayant relu non seulement le
projet de rapport de la commission, mais aussi au texte de la transcription du
journal des Débats, je dois considérer que cette motion, qui
maintenant se lit: "Cependant, l'anglais est une langue d'usage de la
législation et de la justice..." serait recevable si elle n'avait pas
déjà été présentée une
première fois. Comme elle a déjà été battue,
rejetée une première fois, je ne peux malheureusement pas, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, la juger recevable.
M. Guay: M. le Président, je propose l'adoption de
l'article 7.
Le Président (M. Cardinal): L'article 7 serait-il
adopté?
M. Guay: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de...
M. Lalonde: Vous êtes bien pressé. M. Guay:
On est là pour travailler.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît.
M. Guay: Je comprends que vous n'êtes pas
réveillé, mais on est là pour travailler.
M. de Belleval: Ce sont des "PML", processus mental lent.
Article 7 (suite)
Le Président (M. Cardinal): Nous reprenons le débat
de fond sur l'article 7. Seul M. le ministre d'Etat au développement
culturel s'est exprimé sur l'article, de même que Mme le
député de L'Acadie à qui il restait quinze minutes. Je
puis, soit redonner la parole à Mme le député de L'Acadie,
à moins qu'elle n'ait terminé et qu'elle ne veuille se reprendre
plus tard, soit l'accorder à M. le député de Mont-Royal.
J'aimerais demander...
Mme Lavoie-Roux: Le député de Mont-Royal...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal à 10 h 20. Cependant, auparavant, permettez-vous que je
m'informe auprès de votre parti pour savoir qui remplace... Ah bon, le
député de Portneuf, M. Pagé, remplace le
député de Jacques-Cartier, M. Saint-Germain.
Je considère que la commission est complète et je
n'accepte plus d'autres modifications, à moins qu'il n'y ait des
objections à ce sujet. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Non. Nous allons vous donner notre position sur
l'article 7.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Mont-Royal, à 10 h 21, sur la motion de fond de
l'article 7.
M. Ciaccia: M. le Président, je proposerais un amendement
à l'article 7 qui se lirait comme suit: "Que l'article 7 soit
modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Le"
par les mots "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre, le".
L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserve des autres
dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec".
Le Président (M. Cardinal): Je fais distribuer
immédiatement ce projet d'amendement. Vous permettez que je le
relise.
M. le député de Mont-Royal propose "que l'article 7 soit
modifié en remplaçant dans la première ligne le mot "Le"
par les mots "Sous réserve des autres dispositions de ce chapitre,
le".
L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserve des
autres dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec".
Je vais vous éviter un débat; je déclare... Oui, M.
le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je veux parler sur la recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas nécessaire
si le président... Je vais recommencer. D'accord. Je vais conserver mes
bonnes habitudes. M. le député de Joliette-Montcalm,
exprimez-vous sur la recevabilité. A ce moment, je permettrai seulement
à un représentant de chacune des formations politiques de
s'exprimer.
M. Chevrette: Si vous êtes prêt à rendre votre
décision, M. le Président, je ne dirai pas un mot.
Le Président (M. Cardinal): Je suis prêt à la
rendre.
M. Chevrette: Je vous laisse faire. Cela va aller bien plus
vite.
Le Président (M. Cardinal): Je déclare la motion
recevable et nous allons discuter sur la motion d'amendement.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, très
brièvement, le but d'ajouter ces mots par cet amendement, c'est de
rendre l'article 1 conforme avec les autres articles du chapitre III.
Quand l'article 7 dit: "Le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec." Ce n'est pas tout
à fait exact. Le gouvernement et le projet de loi reconnaissent que ce
n'est pas tout à fait exact, parce qu'ils procèdent à
énoncer une série d'articles qui modifient ce principe de
l'article 7.
Je crois que pour qu'on adopte une loi qui n'ait pas
d'ambiguïté, une loi où chaque article va être
conforme avec les autres sans qu'il y ait de doute, sans qu'il y ait de
conflit, il est essentiel d'ajouter les mots que j'ai proposés dans mon
amendement.
L'article 7 est un principe. Symboliquement ou autrement, le
gouvernement l'a énoncé, mais le gouvernement a accepté
aussi qu'il y ait des exceptions. Alors, à moins qu'on n'ait les mots
"sous réserve des autres dispositions de ce chapitre", il peut y avoir
un doute et il peut y avoir des conflits. C'est strictement pour cette raison
que j'ai proposé cet amendement.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel qui
veut s'exprimer sur l'amendement?
M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: Brièvement, M. le Président, j'estime
que la disposition présentée n'ajoute rien au texte du projet de
loi qui est là. Nous avons, bien sûr, à l'article 68,
pareille expression, article qui est déjà adopté par la
commission, où l'on statuait je lis l'article tel qu'il a
été adopté par la commission: "L'enseignement se donne en
français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires
et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au
présent chapitre." La différence entre ce chapitre VIII
adopté par la commission et celui que nous sommes à
étudier est que les membres se souviendront du contenu de
l'article 69 il s'agissait là d'une véritable
dérogation, qu'il était utile de mentionner déjà
à l'article 68. Dans le cas présent, probablement que, ce que les
membres de l'Opposition veulent estimer être une dérogation, que
nous verrons plus loin dans l'étude de la langue de la
législation et de la justice, n'en est pas une. C'est un accommodement
différent et un engagement supplémentaire que l'administration
peut prendre quant à la publication d'une version et à l'usage
d'une langue devant les tribunaux, en certains cas précis.
Il ne s'agit donc pas d'une dérogation qui nécessiterait
une appellation semblable à celle de l'article 68. Nous verrons, lorsque
nous arriverons à ces articles, l'explication qu'il faut en donner. Il
reste que le principe que vous avez vous-même reconnu, M. le
Président, de tout ce chapitre est celui de l'article 7 et qu'il ne peut
guère, dans sa forme actuelle, supporter d'autres amendements.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le
député de Saint-Jacques et ministre délégué
au haut-commissariat, votre argumentation sur la motion m'incite à faire
la remarque suivante: C'est que vous avez prouvé par cette argumentation
que la motion était recevable puisqu'elle a déjà
été reçue au sujet d'un autre article, mais vous avez
aussi prouvé que vous n'étiez pas convaincu qu'elle devait
être adoptée.
M. Charron: C'est ça.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: A moins qu'un représentant de l'Union
Nationale...
M. Grenier: Deux minutes, M. le Président, pour rappeler
que cet amendement est conséquent avec l'amendement que nous avions
proposé et qui a été rejeté; vous n'en avez pas
fait état tout à l'heure quand vous avez remémoré
les amendements apportés samedi, mais je voudrais vous redire que
l'amendement qui a été proposé par l'Union Nationale
samedi était que le français et l'anglais sont les langues de la
législation et de la justice au Québec. C'est un amendement qui a
également été rejeté comme les autres,
antérieurement et après. Cet amendement qui est absolument dans
l'esprit de celui que nous avons apporté samedi méritera, bien
sûr, notre appui puisque l'Union Nationale, en plus de vouloir ici, comme
partout ailleurs, consacrer, il va de soi, le statut officiel de la langue
française, reconnaît par souci d'équité les besoins
et les droits des membres de la communauté anglophone du Québec
de recourir, dans leur langue, à des outils aussi universels que la
législation et la justice. Cet amendement qui est toujours dans l'esprit
de la proposition que nous avions faite fera que l'Union Nationale appuiera cet
amendement.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il est un peu malheureux que
nous ayons dû recourir, à cause du corridor assez étroit
qui vous oblige à rejeter, en vertu du règlement, d'autres
propositions libellées différemment, il est assez malheureux que
nous devions discuter du motif et du principe qui sous-tendent notre motion
d'amendement sous une forme aussi impersonnelle et sous réserve des
autres dispositions de ce chapitre.
En fait, la raison pour laquelle nous insistons nous insistons
sûrement puisque c'est la troisième fois que nous tentons
d'apporter à cet article un peu de vérité, c'est justement
parce que cet article trompe, tel qu'il est rédigé.
C'est vrai que le français est largement, je dirais très
largement, la langue de la législation et de la justice au
Québec, mais de le dire officiellement, de façon aussi solennelle
et exclusive que l'article 7 le fait, c'est tromper les gens, non pas par souci
de vérité, parce que, si on avait réellement ce souci de
la vérité au gouvernement, on aurait libellé l'article 7
autrement, mais par nécessité pratique, on doit, aux articles 10
à 13 inclusivement, nier cette affirmation. C'est justement amoindrir
l'effet négatif de cette tromperie qu'on tente de faire à
l'article 7.
L'article 7, ou c'est une loi, ou c'est de la littérature. On me
dira que je suis du vieux style, on me dira que depuis le 15 novembre je n'ai
pas compris on me l'a déjà dit on me dira que
de-
puis le 15 novembre on fait les lois autrement. Oui, malheureusement, je
l'ai vu. On les réimprime aussi et on est obligé de les changer
fondamentalement. On reçoit souvent, j'en suis sûr, des
réprimandes des officiers légistes. Enfin, on dira tout ce qu'on
voudra, il reste que de dire que le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec, tout le monde aimerait
bien cela, mais ce n'est pas vrai. Dans le reste du chapitre, si on avait au
moins dit: Nous croyons que l'article 133, on peut l'amender. On le dit un peu
pour la langue de la justice; quant à la langue de la
législation, on est plus prudent. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Or, on laisse tout l'effet de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique en ce qui concerne la langue de la
législation et la langue à l'Assemblée nationale. Une
autre langue, pour employer une expression chère à ces messieurs,
est accueillie à l'Assemblée nationale; une autre langue est
accueillie dans la rédaction des lois, dans la publication des lois.
Ensuite on va dire que le français est la langue de la
législation, comme un article de principe exclusif? C'est prendre les
gens pour des caves. Ayez donc un peu le sens du réalisme, le sens de la
vérité. Ce que vous dites là, vous en dites le contraire
plus loin. Au moins, laissez-nous dire, comme vous en avez eu la décence
à l'article 68, que c'est sous réserve des autres dispositions de
ce chapitre. On vous tend une perche.
Je sais que cela va changer l'aspect, la poésie de l'article 7.
Oui, cela va porter atteinte à la pureté; cela va souiller un peu
l'article 7, mais c'est une loi qu'on fait ici. Vous ferez de la pureté
dans le livre blanc, mais ici, c'est une loi et, une loi, c'est pour 100% des
Québécois, ce n'est pas pour un Parti québécois.
C'est pour les Québécois, la loi.
Quand le Parti québécois assume la responsabilité
du gouvernement, il est censé l'assumer pour 100% des
Québécois.
M. le Président, on parle ici d'activités et de niveaux de
responsabilité, de ce qu'il y a de plus important, de plus fondamental
dans un régime démocratique. Quand on parle de la
législation, on parle de l'expression même du pouvoir
législatif. On parle du processus de décision du pouvoir
législatif.
Quand on parle de la justice dans cet article 7, on englobe tout le
pouvoir judiciaire. On a donc les deux tiers des trois pouvoirs essentiels
à l'activité d'une vie démocratique, d'un régime
démocratique, l'autre étant l'exécutif. Le pouvoir
exécutif, on n'a pas de problème; je pense bien qu'il peut
prendre soin de lui-même sans loi. Je m'attendais quand même un peu
à ce qualificatif je l'avais déjà décrit
on aurait pu dire superfétatoire, dilatoire et n'ajoute rien. Je
m'attendais à cela, j'avais pris des notes pour être sûr
qu'on ne l'oublie pas.
M. de Belleval: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Charlesbourg.
M. de Belleval: ... je voulais seulement vous rappeler que vous
aviez permis de brèves explications. Je pense que le
député exagère.
M. Lalonde: L'article 160 me permet de...
Le Président (M. Cardinal): Non. Si vous le permettez, ce
n'était pas sur la question de recevabilité. Nous sommes sur la
motion d'amendement.
M. de Belleval: On est sur le fond; vous avez
déclaré la motion recevable?
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Lalonde: Oui, quand vous en étiez rendu à la
première page de votre journal.
Le Président (M. Cardinal): Une chance que je l'ai rendue
recevable, parce que j'avais rendu une décision semblable, similaire
même au sujet de l'article 68. M. le député de
Saint-Jacques nous l'a rappelé.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. de Belleval: Les propos monotones du député
m'ont fait perdre le fil.
M. Lalonde: Je souhaite la bienvenue au ministre de la Fonction
publique à nos délibérations. Je disais donc, M. le
Président, qu'on traite ici de deux des trois secteurs
d'activité, de deux des trois éléments essentiels de tout
régime démocratique. On traite de la législation et de la
justice. S'il est une occasion, parmi ces 219 articles, où l'on doit
quand même faire preuve de prudence, faire preuve de sagesse, faire
preuve de vérité, c'est bien quand on parle de la
législation et de la justice au Québec. On a beau vouloir
impressionner le monde, ce n'est pas le temps maintenant. A l'article 7, on
doit dire la vérité au monde. Et si, après coup, dans les
articles qui suivent jusqu'à 13 inclusivement, on n'amende pas l'article
133 du moins, on ne le fait pas en ce qui concerne la législation, il
reste que l'anglais excusez-moi, messieurs, pour les oreilles
péquistes un peu sensibles, l'anglais, cela s'épelle a n g I a i
s est une langue officielle en Chambre. C'est vrai! L'article 133 le
dit. Pas officiel comme on le dit dans l'article 1, mais c'est une langue
acceptée; ce n'est pas le chinois, ce n'est pas l'italien, ni le grec;
c'est l'anglais.
M. de Belleval: Malheureusement, M. le député.
M. Guay: Qu'avez-vous contre l'italien et le grec?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Messieurs!
M. Lalonde: Tout ce que j'ai à dire, c'est que l'article
133 est là.
M. Ciaccia: Cela ne m'empêche pas de parler l'italien.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal!
M. Lalonde: Les Pères de la Confédération
n'ont pas semblé accueillir d'autres langues que l'anglais et le
français. Il serait possible que, dans d'autres circonstances, une autre
langue soit acceptée.
M. Guay: C'est méprisant à l'endroit de
l'italien.
M. Lalonde: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Taschereau, qui lit son journal, de le lire en silence,
s'il vous plaît!
M. Guay: Je le feuilletais, je ne le lisais pas.
M. de Belleval: De toute façon, vous lisez la même
chose depuis quinze jours. Au moins, nous changeons de journal.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Attendez donc qu'il soit un peu...
Mme Lavoie-Roux: Cela fait combien de jours que vous êtes
ici, M. le ministre?
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, attendez donc tous un peu plus tard pour prendre votre
récréation.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Education est parti, lui. Il
est chanceux.
M. Guay: Allons donc!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Nous venons
à peine de commencer. M. le député de Taschereau...
M. Guay: Si vous voulez vous en aller.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes, M. le député de Charlesbourg, Mme le
député de L'Acadie...
M. Ciaccia: Pourquoi le ministre de la Justice n'est-il pas ici?
On discute de la langue de la justice.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Mont-Royal!
M. Guay: Parce qu'il est ailleurs. M. Ciaccia: Ah!
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, je vous comprends aussi dans le groupe. Veuillez donc laisser
s'exprimer...
M. de Belleval: On s'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ...selon les
règlements, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il reste que, en vertu de
l'article 133 de notre constitution, autant la constitution
québécoise que la constitution canadienne, parce que, selon
plusieurs, l'article 133 ferait partie de la constitution du Québec, en
plus de la constitution du Canada, en vertu de cette constitution, le
français et l'anglais sont deux langues d'usage à
l'Assemblée nationale.
Je vais, si je le trouve, vous lire rapidement l'article 133, M. le
Président, qui dit: "Dans les Chambres du Parlement du Canada et les
Chambres de la législature de Québec on disait "les"
à ce moment-là, parce qu'il y avait la Chambre Haute, j'imagine,
et je continue l'usage de la langue française ou de la langue
anglaise dans les débats sera facultatif, mais dans la rédaction
des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de cette Chambre,
l'usage de ces deux langues sera obligatoire". Naturellement, quand on parle de
l'usage d'une langue dans les débats, c'est facultatif, parce qu'on ne
peut pas en parler plus d'une à la fois, quoique, quand on en
écoute certains, on pense qu'ils en parlent deux, mais, en ce qui
concerne la rédaction, c'est obligatoire.
Je laisse de côté la question de la plaidoirie et des
tribunaux. Je veux m'en tenir simplement au premier élément de
l'article 7 qu'on veut amender. Un peu plus loin, à l'article 10, on
dit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des
règlements". On a employé le mot "anglaise", M. le
Président, ici. J'espère qu'il n'y aura pas trop de
députés qui vont frémir lorsqu'on sera rendu à
l'article 10...
M. Paquette: Est-ce qu'on a l'air de gens qui
frémissent?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Lalonde: M. le Président, déjà, ici,
c'est une disposition qui vient complètement à l'encon-tre de
l'article 7. Le français est la langue de la législation et on
dit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des
règlements". M. le Président, il doit y avoir une erreur. Il y a
quelque chose qui ne marche pas, M. le Président. Est-ce que c'est
l'article 7 qui ne fonctionne pas ou l'article 10? Je comprends...
Une Voix: ...ne fonctionnait pas...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de...
M. Lalonde: On dit, à l'article 11, et là, je
déborde le secteur de la législation: "Les personnes morales
s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux..."
M. Guay: L'amendement.
M. Lalonde: M. le Président, voulez-vous demander au
député de Taschereau de lire l'amen-
dement, s'il vous plaît? On dit: "Sous réserve des autres
dispositions de ce chapitre", et je suis rendu aux autres dispositions de ce
chapitre. Voulez-vous prendre votre loi et la lire?
M. Guay: Oui...
M. Lalonde: Vous saurez que je suis dans la pertinence.
M. Guay: De façon fort impertinente, en tout cas.
M. Lalonde: Alors, "les personnes morales s'adressent dans la
langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions
judiciaires ou quasi-judiciaires". Cela implique que les personnes physiques
peuvent employer une autre langue. Cela implique que l'article 133, en ce qui
concerne les personnes physiques quoique l'article 133 ne fasse pas de
distinction entre personnes morales et personnes physiques, mais on y reviendra
est une dérogation à l'article 7, M. le Président.
De même pour l'article 12. Là, on a été un petit peu
plus modeste, à l'article 12, ou peut-être devrais-je employer un
autre qualificatif. On a été un peu plus pudique. On a dit "dans
une autre langue..." au lieu de l'anglais.
A l'article 13, on implique qu'un jugement peut être fait dans une
langue autre que le français. Donc, les articles 10 à 13
inclusivement sont dérogatoires aux dispositions de l'article 7 et je ne
vois pas comment on pourrait dire qu'on a une loi bien faite, une loi qui se
tient debout, si on n'a pas la décence et le sens de la justice assez
grand, assez élevé pour ajouter au moins les termes que nous
proposons dans notre motion, sous réserve des autres dispositions de ce
chapitre, comme on l'a fait à l'article 68.
Les articles qui suivent l'article 68, c'est-à-dire les articles
69 et suivants, dérogent à l'article 68 de la même
façon que les articles 10 à 13 inclusivement dérogent
à l'article 7.
Je ne vois pas comment on peut vouloir conserver l'article 7 sans
tenter, au moins, au nom de la vérité, au nom du réalisme,
de le qualifier par des dispositions qui ressembleraient à celles que
nous proposons à notre motion d'amendement.
Alors, je pense qu'au nom de la vérité, au nom du simple
réalisme, l'article 7 ne peut pas rester tel quel. L'article 7 est
mensonger. Si on lit l'article 7 avec le reste du chapitre, il trompe les gens,
il trompe la bonne foi des gens. Alors, c'est pour ces raisons que nous
tentons, depuis deux jours, depuis samedi dernier, de faire comprendre au
gouvernement qu'il faut amender cet article. Nous l'avons fait ce matin d'une
façon plus acceptable, sûrement, d'après nos
règlements, mais les autres motions d'amendement avaient le même
but.
Le Président (M. Cardinal: Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Comme l'ont signalé mes collègues,
nous aurions préféré qu'une autre formulation que celle
qui est devant nous soit rete- nue, et ce qu'il y a de plus malheureux, je
pense, c'est que même celle-ci, qui est déjà très
diluée, à voir l'attitude du parti ministériel, ne sera
pas retenue.
Je ne parle pas comme juriste tout le monde le sait mais
je pense qu'à nous, comme citoyens ordinaires ce qui est le cas
de la majorité des gens qui sont dans cette salle, de toute
évidence il n'apparaît pas que l'affirmation du fait
français ait été menacée en aucun temps ou de
quelque façon que ce soit par l'utilisation officielle de l'anglais
devant les tribunaux.
Au contraire. Je pense que le résultat de ceci est
peut-être que la justice ait été mieux rendue et qu'on se
soit plus soucié, dans ce domaine extrêmement important, que
chacun reçoive le traitement le plus équitable et le plus juste
possible.
Evidemment, ceci est encore une démonstration de la mesquinerie
de ce gouvernement et je pense qu'il y a eu, devant la commission
parlementaire, des représentations qui ont été faites par
le Barreau, par le Comité d'action positive, par le Comité
d'unité canadienne et par d'autres dont je ne me souviens pas des noms,
qui ont tous fait valoir l'inutilité, considérant l'objectif
fondamental de la loi auquel ces organismes souscrivaient, la mesquinerie et
l'inutilité qui, je pense, reflètent bien quels sont les
objectifs du gouvernement.
Le gouvernement péquiste nous a parlé tant et plus, il
essaie, chaque fois que ces gens se sentent un peu visés, de
répéter qu'ils ont le souci des minorités, qu'ils ont le
respect des minorités, qu'ils veulent les traiter avec justice et tout
ce qu'on sait.
Même dans le préambule de sa charte linguistique ou de sa
loi, ou parle de ce respect des minorités. Le gouvernement
précédent, dans un souci d'équité, avait
protégé les droits de chaque individu à être
jugé dans sa langue. Le projet de loi no 101 reconnaît ce droit,
mais, puisqu'il peut difficilement l'empêcher, va, par contre, nier
l'authenticité d'un jugement rédigé en anglais. Alors on
se demande si, à ce gouvernement, peu importe que la justice soit juste,
pour autant que le français est présent. C'est ce qui motive et
justifie toutes les attitudes que le gouvernement prend...
M. Paquette: ... mentez, mentez il en restera toujours quelque
chose.
Mme Lavoie-Roux: ... dans ces articles qu'il nous
présente. Je n'ajouterai pas davantage. C'est clair aux yeux de tous que
le gouvernement veut aller jusqu'au bout dans cette mesure de
générosité qu'il nous a annoncée et qui se traduit
par de la mesquinerie partout où il peut la mettre et l'appliquer.
Le Président (M. Cardinal): La motion d'amendement de M.
le député de Mont-Royal sera-t-elle adoptée? Est-ce que
vous demandez un vote...
M. Paquette: Sur division.
Mme Lavoie-Roux: Vote nominal, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): On demande l'appel
nominal.
M. de Belleval: On tient pour acquis qu'il est pour.
Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous attendre une seconde, M. le
Président.
M. Paquette: M. le Président, le vote, s'il vous
plaît.
Mme Lavoie-Roux: On n'en veut pas de privilège, allez-y,
M. le Président.
M. Paquette: Surtout de la part d'un député qui
passe son temps à remarquer l'arrivée, l'absence et la
présence des membres de cette commission, alors qu'on est onze ce matin
autour de la table.
M. de Bellefeuille: On pourrait peut-être attendre le
député de Portneuf aussi, tant qu'à y être.
Le Président (M. Cardinal): La motion d'amendement de
l'article 7 se lit comme suit: Que l'article 7 soit modifié en
remplaçant dans la première ligne le mot "le" par les mots "sous
réserve des autres dispositions de ce chapitre, le".
L'article amendé se lirait comme suit: "Sous réserves des
autres dispositions de ce chapitre, le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec."
M. Fallu (Terrebonne)?
M. Fallu: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Charbonneau (Verchères)?
M. Charbonneau: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Charron
(Saint-Jacques)?
M. Charron: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Guay (Taschereau)?
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval
(Charlesbourg)?
M. de Belleval: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)?
M. Pagé (Portneuf)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?
Le résultat du vote est le suivant...
M. Grenier: M. le Président, vous n'avez pas fait mon
appel.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. J'ai sauté
une ligne.
M. Grenier (Mégantic-Compton)? Vous avez eu raison de me rappeler
à l'ordre.
M. Grenier: Pour.
Le Président (M. Cardinal): Le résultat du vote est
donc le suivant: 9, contre la motion; 5, favorables à la motion. La
motion d'amendement de M. le député de Mont-Royal est
rejetée.
M. Charron: M. le Président, je propose l'adoption de
l'article 7.
Le Président (M. Cardinal): L'article 7 est-il
adopté?
Oui, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je demanderais le droit de parole sur l'article
7.
Le Président (M. Cardinal): Sur l'article 7, M. le
député de Mont-Royal. Il vous reste 19 minutes.
M. Ciaccia: M. le Président, quand on dit que
le français est la langue de la justice au Québec, c'est
évidemment ironique de faire une telle déclaration. Je voudrais
porter à l'attention du gouvernement certaines constatations, certaines
remarques, pour démontrer qu'en faisant une telle déclaration on
n'aide ni l'administration de la justice, ni ceux qui vont être
responsables, les jeunes avocats, les praticiens, ceux qui vont se former dans
cette profession. Une telle déclaration va laisser une impression qui
est fausse et va desservir ces personnes.
On a seulement à regarder l'origine de nos lois. Nous avons deux
origines principales. Nous avons le droit français et nous avons le
droit anglais. Je crois que c'est important de réaliser cela. On n'est
pas ici seulement pour faire un article dans ce projet de loi sur la question
de la justice pour des raisons symboliques, pour des raisons politiques. Nous
avons tout un système légal, un système de tribunaux, un
système législatif. Ce serait desservir la population d'ignorer
totalement ce système.
Pour qu'on puisse dire que le français est la langue de la
justice au Québec, il faudrait enlever l'Assemblée nationale,
enlever nos tribunaux, enlever nos recueils de jurisprudence. Il faudrait
enlever tout cela pour que cette déclaration soit vraie.
Regardez aux sources de notre droit; nous avons le Code civil qui est
inspiré du Code Napoléon, du droit français. Mais, dans
d'autres domaines, nous avons le droit corporatif, le droit commercial, le
droit pénal. Dans le domaine du droit constitutionnel je voudrais
rappeler les règlements, les principes du droit constitutionnel
il y a un concept, le "rule of law", qui est même difficile à
traduire en français, parce que c'est un concept particulier. Le
député de Sauvé, s'il était ici, comprendrait cela,
parce que lui réalise qu'il y a deux sources. J'espère qu'il y a
plus que le député de Sauvé du côté
ministériel qui comprend les deux sources de notre droit.
Oublions pour le moment la question de la protection des
minorités. On parle des jeunes praticiens de droit qui doivent faire
leur cours de droit, qui doivent exercer leur profession. On va leur dire: Le
français est la langue de la justice. Comment ces personnes
pourront-elles se former totalement? Comment pourront-elles comprendre toutes
les sources et les éléments très importants de notre droit
comme ceux que j'ai mentionnés? Je ne pense pas qu'on aide ces personnes
dans le but de faire un symbole. Je crois qu'il y a assez de restrictions dans
tous les autres aspects du projet de loi pour limiter vraiment le droit de la
minorité anglaise.
Si c'est cela, le but, je crois que le gouvernement a réussi. Si
on regarde aux articles de la langue d'enseignement, on s'est opposé,
mais c'est un choix politique. Le gouvernement l'a fait. Les droits
fondamentaux, nous les avons reconnus; le droit de travailler en
français, la langue officielle et tous les autres. Mais nous arrivons
ici à quelque chose qui devrait surpasser la partisanerie politique,
parce que nous traitons de concepts de justice. La justice n'a rien à
faire avec l'origine ethni- que ou l'origine linguistique d'une personne. Si
nous regardons l'économie de notre loi, si nous regardons les sources,
si nous regardons tout ce qui fait partie de nos lois, nous voyons que c'est
faux, c'est impossible, c'est erroné de dire qu'il y a seulement une
langue qui est la langue de la justice.
Je crois que cela prendrait un esprit de maturité de la part du
gouvernement pour pouvoir accepter cela; pas un esprit de mesquinerie, mais un
esprit de maturité envers nos lois, envers notre système. Nous
avons un avantage que beaucoup d'autres endroits n'ont pas. Nous avons des
sources dans le droit britannique, dans le droit anglais, dans le droit
français.
Je parle en connaissance de cause, M. le Président, il y a des
gouvernements, spécialement dans les pays sous-développés,
qui envoient leurs étudiants ici, au Québec, dans nos
universités. Pourquoi? Parce qu'on a cet avantage d'avoir le droit
civil, tous les principes du droit civil, l'étude du droit civil avec
toutes les connaissances que cela comporte. Nous avons aussi l'avantage d'avoir
certains aspects du droit commun. Cela fait une formation, pour un avocat, M.
le Président, ces deux concepts, le droit civil et le droit commun, qui
oeuvrent à l'avantage de ceux qui pratiquent le droit et de ceux qui
pratiquent cette profession au Québec. De vouloir changer cela,
premièrement, je ne crois pas que l'article 7 va vraiment le changer
parce que, comme je le disais, il faudrait affecter une série
d'institutions, une série de cas de jurisprudence, mais au moins il ne
faudrait pas créer cette mauvaise impression, cette impression
erronée. Il faudrait reconnaître ce qui existe et ce qui existe
aussi au bénéfice de tous les Québécois.
M. le Président, je suggérerais fortement au gouvernement
de réfléchir, de repenser encore à la question de la
langue de la législation, de la justice...
M. Lalonde: L'esprit de mesquinerie.
M. Ciaccia: Si c'est vrai que le gouvernement veut
reconnaître les droits des minorités et il dit assez
souvent, M. le Président, que ce n'est pas son intention de
réduire, de restreindre ou faire diminuer la collectivité
anglophone je crois que ce n'est pas par l'article 7 qu'il va ajouter ou
donner plus de droits. Ce n'est pas une question de donner des droits à
des personnes. Ce sont des concepts juridiques et une philosophie du droit, ce
sont nos institutions de droit, ce sont les sources de notre droit. On ne peut
pas être un avocat au Québec certainement pas un bon avocat
sans avoir la connaissance de ces deux sources.
Dans les études, que ce soit aux universités
françaises, que ce soit aux universités anglaises, il faut avoir
la connaissance des auteurs français, la connaissance des auteurs
anglais, de la jurisprudence qui nous a été laissée par le
côté francophone et le côté anglophone. Cela fait
partie de nos moeurs, cela fait partie de notre système. Alors, pourquoi
essayer d'amoindrir et d'affecter
une profession? On traite ici ce n'est pas une question de sujet
qu'on peut traiter à la légère d'une profession et
quand on traite d'une profession, des concepts de la justice, on devrait
être au-dessus de la partisanerie politique parce que les effets que cela
pourrait avoir pourraient être bien négatifs.
Je crois que ce serait certainement un signe de maturité de la
part du gouvernement de ne pas affecter mais de reconnaître ces concepts,
de reconnaître notre système de justice qui est un des meilleurs
au monde. C'est un système qui reconnaît les droits individuels,
c'est un système de tribunaux qui ont une objectivité et qui sont
reconnus comme étant objectifs et complètement
séparés du pouvoir politique. Il ne faudrait pas essayer de
mettre de la politique ou de faire de la politique dans la justice, dans les
tribunaux. Quand nous disons: Le français est la langue de la justice au
Québec, nous touchons à des principes très fondamentaux,
M. le Président, et on ne dit pas la vérité.
A part du fait que cela va à rencontre de la
réalité pratique, de ce que les gens font, cela affecte les
principes fondamentaux de notre système de justice et je ne crois pas
que cela devrait être le but de ce projet de loi.
Il y a certains concepts, M. le Président c'est cela quand
on parle de langue, quand on parle de communication qui se
décrivent mieux dans une langue que dans une autre. Dans les concepts
que nous avons dans notre droit, il y a ceux qui se décrivent mieux en
français et il y a ceux qui se décrivent mieux en anglais. Cela
ne peut pas changer, ce n'est pas un article d'un projet de loi qui va changer
cela. Même les effets des droits américains sur nous, sur notre
système, "the human rights, the Charter of human rights", les droits
individuels, les concepts de la Grande Charte de 1215, comment pouvons-nous
éviter cela, comment pouvons-nous, du revers de la main, dire que cela
n'existe pas dans notre loi? C'est faux, cela existe, et cela existe pour le
bien de tous, de tout le monde. Cela n'existe pas seulement pour les Anglais,
cela existe pour tous les citoyens du pays.
M. le Président, je crois que le gouvernement se trompe
grandement en essayant d'énoncer un principe qui est complètement
faux. Il est erroné et, en plus de cela, il va créer des
difficultés d'application et des difficultés pour ceux qui
veulent se former dans cette profession. Je souhaiterais... Je sais que le
gouvernement semble être inflexible, intransigeant, dans son approche
à ce projet de loi, dans tout, même dans les amendements que nous
voulons apporter pour clarifier le projet de loi. La première position
du gouvernement, c'est que c'est irrecevable. Je ne me fais pas l'illusion de
croire que le gouvernement va accepter nos recommandations et qu'il va prendre
au sérieux ce que nous lui suggérons, mais c'est fait de bonne
foi, ce n'est pas fait dans un esprit de partisanerie et ce n'est pas fait pour
des buts politiques.
Si on veut vraiment qu'une langue soit la langue de la justice, il faut,
premièrement, être juste envers tous les gens qui sont ici. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, à moins que l'Union
Nationale ne veuille prendre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, sur cet amendement
proposé...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous
reste six minutes.
M. Guay: Sur l'article principal.
M. Grenier: Oui. On ne peut pas laisser passer l'article 7 sans
une nouvelle intervention, bien sûr, à la suite de l'amendement
qui a été apporté par le Parti libéral et qui a
été défait, encore une fois. Je pense bien que notre
insistance ici, à ce chapitre III, à vouloir amener le
gouvernement à reconnaître formellement, juridiquement la langue
anglaise ne tient pas, d'abord, à notre volonté première,
bien connue, de la reconnaissance de l'existence d'une communauté
anglophone articulée au Québec, mais plutôt à notre
souci de faire reconnaître un principe peut-être supérieur
à toute l'économie du projet de loi 101, à savoir le
principe sacré et universel du droit des parties.
Pour autant, le gouvernement ne sacrifierait pas son choix de s'en tenir
partout à la reconnaissance formelle d'une seule langue officielle au
Québec, mais, un peu comme au chapitre de la langue d'enseignement, il
n'a rien d'hypothétique dans son orientation en parlant du
critère de la fréquentation scolaire. Ici, il serait
cohérent et il serait consistant dans sa philosophie linguistique,
même s'il acceptait ce que nous lui recommandons de considérer, le
droit des parties. L'article 7, tel que rédigé, ne le fait pas
actuellement.
Je ne sais pas, M. le Président, mais il me semble bien que cette
série d'amendements qui ont été apportés à
cet article 7 devraient faire réfléchir davantage le gouvernement
et montrer qu'au moins, dans le domaine de l'administration, qui n'est
certainement pas un domaine qui va être une source d'anglicisation, mais
des services à se donner... Ce sont bien plus des services à se
donner que de vouloir penser qu'ici, on reconnaît deux langues bien
égales, mais il est capable de servir cette communauté, ce qui
semblait, tout à l'heure, énerver le ministre de la Fonction
publique car je l'ai vu sursauter et dire, pendant l'intervention du
député de Mont-Royal... Je dois vous avouer, M. le
Président, que cela m'a un peu surpris d'entendre sa réaction. Il
a dit que le chinois et l'anglais, malheureusement c'est son expression
n'étaient pas égaux, à l'Assemblée
nationale.
M. de Belleval: J'ai dit cela?
M. Grenier: Oui, M. le Président. Suite à
l'intervention du député de Mont-Royal qui a dit...
M. de Belleval: L'article 96, M. le Président.
M. Grenier: Oui, M. le Président, on lira le journal des
Débats. Je voudrais bien que ces sursauts...
M. de Belleval: L'article 96, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le
député de Mégantic-Compton le permet, vous pouvez
intervenir immédiatement en vertu de l'article 96.
M. de Belleval: M. le Président, très
sincèrement, je ne mets pas en doute la bonne foi du
député de Mégantic-Compton. Il a certainement mal saisi ma
remarque. Je n'ai fait aucune remarque de ce type. Ce serait très loin
de mon esprit de faire une telle remarque. Je lui demande d'accepter ces
explications.
M. Grenier: Je prends votre parole, bien sûr, M. le
ministre. Je prends la parole de M. le ministre de la Fonction publique. Je
voudrais bien qu'un esprit de respect des minorités règne autour
de cette table, cet esprit qu'on a pourtant, à plusieurs reprises,
mentionné ici. Qu'on sente qu'il y a une distinction assez importante
entre la théorie et la pratique du côté ministériel.
Les grands discours qu'on a entendus de la part des ministres, de la part du
premier ministre lui-même... Quand on arrive dans les faits, il n'y a
vraiment pas moyen de faire passer un amendement qui pourrait permettre
à cette deuxième communauté vraiment articulée,
comme on tente de le laisser voir de ce côté-ci de la table,
d'obtenir ce privilège que cette deuxième langue existe dans des
secteurs aussi pratiques que la législation et la justice.
Je voudrais bien qu'on finisse par faire sentir quelque part où
il y a moyen d'attendrir le gouvernement. Je voudrais bien aussi qu'on
comprenne l'article de la Presse canadienne, dans la Tribune de samedi
l'article est bien écrit mais le titre ne rend certainement pas
justice à notre position depuis le début des débats. On y
dit que l'Union Nationale est satisfaite du projet de loi 101. C'est loin
d'être la réalité. L'article est excellent, mais on sait
que le titre n'est pas laissé au correspondant de la Presse canadienne,
mais au responsable de bureau de chacun des quotidiens. C'est une autre preuve
qu'on aura des difficultés à faire accepter par le gouvernement
des amendements, si minimes soient-ils, si pratiques pourtant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, lors de la
présentation d'amendement tantôt, j'ai eu l'occasion de toucher un
peu aux raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord avec
l'article 7. Vous vous souvenez que nous avons non seulement voté en
faveur, mais quand même, sinon longuement, du moins très
sincèrement, exprimé nos voeux en faveur de l'article 1 qui fait
du français la langue officielle. Nous avons aussi voté en faveur
des articles 2 et suivants qui créent des droits, des droits
fondamentaux. Je voudrais faire le parallèle ou montrer les
différences qui existent entre ces articles. L'article 1 est la
déclaration fondamentale, solennelle de la politique linguistique du
Québec, c'est-à-dire la décision du gouvernement, comme du
gouvernement précédent, de mettre tout son poids, le poids de son
pouvoir autant moral que financier et judiciaire, derrière la promotion
et la réalisation dans les faits de la langue française, langue
de tous les jours au Québec.
Les autres articles créent des droits. On dit à ces
articles et je vais en citer seulement quelques-uns par exemple,
l'article 3: "En assemblée délibérante, toute personne a
le droit de s'exprimer en français". Quand on arrive à l'article
7, on ne peut pas faire autrement que de se demander si cet article crée
des droits ou tente de décrire la réalité. Il ne peut pas
créer de droits puisque dans les articles suivants on les nie, ou,
enfin, il ne veut pas les créer tel qu'il le suggère dans son
libellé.
Etant donné qu'on a défait notre amendement tantôt,
qui aurait donné une certaine cohérence, on doit donc conclure
que le gouvernement n'y accorde qu'une valeur déclaratoire, qu'une
valeur d'intention, sans créer un droit quelconque.
Il y a loin, M. le Président, entre la déclaration du
français comme langue officielle et l'affirmation, à l'article 7,
que "le français est la langue de la législation et de la justice
au Québec." On me dira: L'article 84 permet l'usage de l'anglais lorsque
ce n'est pas exclu. Oui, on peut recourir à l'article 84 à
plusieurs occasions, à la lecture des autres articles, mais le recours
du gouvernement à un libellé, à une facture quasi
solennelle, à une affirmation aussi stricte que celle que l'on fait
à l'article 7, M. le Président, m'oblige à
reconnaître que cet article 7 n'est pas vrai.
Le député de Mont-Royal a démontré dans
quelle mesure le français n'est pas la seule langue de la justice. Il a
fait référence, par exemple, à tous ces secteurs du droit,
le droit pénal, le droit commercial, entre autres, le droit criminel
évidemment, enfin, tout le secteur du droit public qui ont recours
quotidiennement au droit dit anglais, ou à la "Common Law" en ce qui
concerne le Canada, pour l'interprétation des dispositions
légales. Le droit municipal, par exemple, a recours de plus en plus au
droit américain, comme source d'inspiration et aussi comme source
d'interprétation; deux droits, la "Common Law" et le droit
américain, qui emploient la langue anglaise; qu'on le veuille ou non,
c'est un fait.
En droit civil, c'est différent. Non seulement sa source, le Code
civil, est inspirée du Code Napoléon, mais aussi l'application du
Code civil au Québec depuis son origine, en fait, et, auparavant, les
lois françaises ont fait que le droit civil est largement
français, même si, naturellement, une
bonne section des jugements sont de langue anglaise, étant le
résultat de litiges entre personnes ou sociétés qui sont
de langue anglaise.
Alors, on peut dire que la langue de la justice est le français
dans une très grande mesure, mais pas exclusivement. Le libellé
de l'article tend à démontrer, à affirmer une
réalité qui n'est pas vraie. On pourrait le souhaiter, mais, de
là à mettre dans une loi des rêves et des souhaits, c'est
différent. La loi est beaucoup trop importante pour laisser de la place
simplement à des voeux et à des souhaits. A ce moment-là,
faites un autre livre blanc. Souhaitez-le, mais la loi doit quand même
tenir compte de la réalité.
En ce qui concerne la législation, quiconque veut intervenir...
Ici même, M. le Président, je pourrais, à ce moment-ci, si
j'y trouvais plus de facilité, commencer à vous parler en anglais
et personne ne pourrait s'y opposer. Si je commençais à utiliser
une autre langue, là, on pourrait s'y opposer. On me laisserait aller
pendant quelques minutes et, lorsqu'on verrait que personne ne comprend et que
le chaos s'installe à la rédaction du journal des Débats,
on me rappellerait à l'ordre. Mais, en anglais...
M. Paquette: On l'a fait avec les Inuit. M. Lalonde: Personne ne
comprendrait. M. Paquette: On l'a fait avec les Inuit. M. Lalonde:
Personne ne comprendrait. M. Guay: Cela ne me dérange pas.
M. Lalonde: Mais on aurait, à bon droit, probablement
l'occasion de me rappeler à l'ordre et de me dire: Ecoutez, vous pouvez
parler la langue que vous voulez; maintenant, on ne vous comprend pas. Tandis
qu'en anglais, à cause de l'article 133, qui n'est pas changé,
qui n'est pas remplacé ici par ce chapitre III, c'est un fait, c'est la
réalité, le 15 août 1977, encore, que le français
n'est pas la seule langue de la législation.
Lisez l'article 8 et l'article 10 et vous verrez que cela nie l'article
7. A l'article 7, on fait penser à un petit enfant coléreux qui
donne un coup de pied à terre parce qu'il veut absolument avoir la lune.
Ce n'est pas vrai. Vous ne l'aurez pas, la lune. Vous me faites penser à
cela. Réellement, écoutez. Grandissez, vieillissez un peu. Prenez
un peu de maturité. Apprenez à rédiger des lois et
apprenez ce qu'est la réalité au Québec.
M. Ciaccia: Ce n'est pas bon pour vous autres la lune.
M. de Belleval: Les lunatiques ne sont pas de ce
côté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Avez-vous fini?
M. Lalonde: Non. M. le Président, pour les mêmes
raisons qui nous ont portés, jusqu'à maintenant, à voter
pour des dispositions qui nous semblaient bonnes, désirables, comme
l'article 2 et l'article 1, naturellement j'ai donné les
explications qui créent des droits, mais qui n'en enlèvent
pas à ceux qui en auraient, pour ces mêmes raisons, des raisons de
cohérence, des raisons de désir de donner à cette loi une
véritable force, une véritable puissance qui change les choses au
Québec, nous ne pouvons pas voter pour cet article 7 qui dit un
mensonge. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas vrai que le français
est la langue de la législation et de la justice au Québec; le
libellé que vous nous proposez tend à dessiner un tableau qui
n'est pas celui de la réalité quotidienne.
Allez dans les différentes cours de justice et vous verrez que
c'est faux que le français est la seule langue de la justice au
Québec. Encore récemment moins à cette table,
quoique c'est arrivé, mais à l'Assemblée nationale
vous avez eu des intervenants qui utilisent la langue anglaise. Mais quand on
lit cet article: "Le français est la langue de la législation et
de la justice au Québec", on pourrait dire que le français en est
largement la langue, oui, mais on aurait pu dire cependant que l'anglais est
aussi une langue d'usage, ce qui serait la réalité.
Le règlement ne nous a pas permis à la commission
parlementaire de voter pour. Je pense que vous le regrettez. Je crois que vous
auriez sûrement eu l'intention de voter pour mon amendement parce que
c'est vrai, c'est la vérité. Mais vous n'avez pas eu l'occasion
de le faire. Vous avez voté contre l'amendement du député
de Mont-Royal pour des raisons que j'ignore. Les seules raisons qui ont
été apportées par le gouvernement sont celles
mentionnées par le député de Saint-Jacques disant
qu'à l'article 68, on disait la même chose, mais que
c'était une affaire différente. Cela n'a pas été
très convaincant, mais enfin, je pense qu'il n'avait pas lu,
probablement, la deuxième partie de l'article 68, quand il avait
commencé à le citer. J'ai déjà vu le
député de Saint-Jacques c'est malheureux qu'il ne soit pas
ici parce que j'aurais aimé le dire en sa présence
beaucoup plus convaincant, beaucoup plus brillant.
M. Guay: On le lui répétera.
M. Lalonde: C'est fait. Le sort en est jeté quant à
notre amendement. Il reste simplement cette espèce de
demi-vérité, de trois quarts de vérité, mais qui
laisse une bonne place au mensonge. Quant à nous, nous ne voulons pas
nous rendre complices de ce mensonge.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Avant-hier, je disais que dans un domaine
où des mesures restrictives peuvent se justifier, par exemple dans un
domaine où il y a risque de minorisation ou d'assimilation pour
les francophones de cette province, nous apportions, à ce
moment-ci de l'histoire du Québec, notre support, même si nous
n'étions pas d'accord. Il s'agit évidemment de l'enseignement, du
critère qui a été retenu par le gouvernement, mais, en
fait, je pense que tous s'accordent à dire, du moins je pense que c'est
ainsi qu'il faut traduire la position de tous les partis politiques qui sont
contre le libre choix dans la langue de l'enseignement, qu'il y a ce risque
pour une période au moins temporaire, il est difficile d'en
prévoir la longueur que des mesures restrictives soient
prises.
Cependant, je disais également que là où un tel
danger n'existe pas et qu'on veuille restreindre inutilement des droits, ceci
ne peut s'expliquer que par une motivation basée sur un calcul
étroit.
Dans un domaine aussi délicat, lorsqu'on peut entretenir le
moindre doute en ce qui touche des droits fondamentaux, on ne doit pas
permettre de perpétuer ce doute. On doit tout simplement adopter une loi
qui enlève ce doute. Il ne faut pas oublier que, dans ce domaine-ci, je
le disais tout à l'heure, les francophones ne sont nullement
menacés. Il s'agit de droits fondamentaux. Il s'agit de droit à
la justice.
L'article 7, tel que rédigé, d'après les opinions
émises par l'ensemble des experts, viole probablement la lettre et
certainement l'esprit de la constitution canadienne actuelle. Il donnera
probablement lieu à une contestation devant les tribunaux. Est-ce que
c'est là une décision prudente et sage, alors que les faits ne le
justifient pas, qu'immédiatement après l'adoption de cette loi,
alors qu'on devra faire appel à la concertation de tous les citoyens
pour que son application se fasse de la meilleure façon possible, on
parte avec cette possibilité de contestation devant les tribunaux? Ceci
existe.
Je dirai tout simplement, en terminant c'est là la raison
de mon vote négatif plus particulièrement et même
au-delà de la question constitutionnelle qui devra être
réglée, de toute façon, par des tribunaux que ce
qu'il y a d'important, c'est qu'au niveau des principes, il vaut mieux
favoriser une véritable justice aux justiciables que de favoriser
uniquement la langue française.
S'il y a un domaine où il ne faut pas d'ambiguïtés,
c'est bien celui de la justice. Que quelqu'un ne se serve pas, par exemple
on aura l'occasion d'en reparler plus tard, à l'article 11,
où on dit que les personnes morales s'adresseront dans la langue
officielle aux tribunaux, à moins que toutes les parties ne consentent
à plaider en langue anglaise... On voit déjà l'ouverture
que ceci donne à des conflits entre des individus dans un domaine
où on devrait éliminer le plus possible cette possibilité
de conflits entre individus et où viendraient se greffer des conflits
idéologiques ou de nature nationaliste.
C'est un domaine qu'on doit garder à l'abri de ce type de
mesquinerie dans ce genre de discussion pour que, vraiment, s'exerce, à
l'égard de tous les citoyens de cette province, la justice la plus
respectueuse de leurs droits. C'est dans ce sens que je voterai contre
l'article 7, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie.
M. le député de Mont-Royal avec six minutes.
M. Ciaccia: Seulement quelques autres brefs commentaires, M. le
Président. Je voudrais que le gouvernement se pose la question suivante:
Est-ce que ces gens vont faire une faveur aux jeunes étudiants en droit,
de quelque langue qu'ils soient, et même aux francophones, en leur disant
que le français est la langue de la justice au Québec? Si vous
regardez l'histoire de notre système juridique, vous verrez que les plus
grands et les plus éloquents juristes, ceux qui sont arrivés au
sommet de leur profession, tant francophones qu'anglophones, étaient
ceux qui avaient une connaissance des deux concepts de droit, le concept
français et le concept anglais. Je ne pense pas que vous fassiez une
faveur à tous ceux qui veulent étudier le droit en leur disant
que le français est la langue de la justice. Ce n'est pas ainsi qu'on va
créer une atmosphère de compétence et d'excellence pour
ces jeunes.
Vous leur donnez des illusions, vous donnez des illusions aux jeunes, je
vous le dis, c'est vrai,-en plus d'affecter un système qui fait l'envie
de beaucoup de pays au monde. Ce système, cela a pris 100 ou 200 ans
pour le faire et il contient des concepts que l'article 7 ne veut pas
reconnaître. Cela n'a rien à faire avec l'avancement du
Québec, l'avancement des francophones, l'un n'a rien à faire avec
l'autre. Parce que la seule façon dont vous allez avancer, c'est avec la
compétence et l'excellence. Ce n'est pas un projet de loi qui va nous
donner de l'excellence. Vous décevez la population en
énonçant un article comme celui-là.
Même quand un jeune juriste va étudier ce projet de loi, il
va lire l'article 7 et il va immédiatement voir qu'il est contredit par
d'autres, même du point de vue juridique, c'est un non sens l'article 7.
Vous dites que c'est la langue de la justice, après cela vous dites:
Untel a le droit de parler ou de s'adresser en anglais, il a le droit de faire
sa plaidoirie en anglais. Est-ce que c'est la langue de la justice ou si cela
ne l'est pas? Si c'est la langue de la justice, vous ne devez pas dire dans les
autres articles qu'une autre personne aurait le droit de parler anglais devant
les tribunaux, ou même la langue de la législation, vous devriez
interdire de parler anglais à l'Assemblée nationale.
Ce sont toutes les moeurs et toute la constitution de nos lois que vous
voulez mettre de côté. Je dis que, même au niveau
philosophique, dire qu'une langue est la langue de la justice, franchement,
cela n'existe pas. C'est un peu prétentieux, c'est présomptueux
de dire qu'une langue est la langue de la justice. Un projet de loi n'est pas
seulement pour faire de la politique avec la masse des gens. Il faut que
quelqu'un, un juriste, les professeurs qui vont voir cela, fasse du sens
à cette loi. On va rire de cet article 7. Je pense que c'est la
première fois au monde que quelqu'un énonce qu'il y a une langue
de la justice. Vous voyez un peu le ridicule de l'affaire, M. le
Président, c'est impossible en toute décence de voter en faveur
de cet article, ce serait un non sens.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal. Est-ce que l'article 7 sera
adopté?
Des Voix: Adopté.
M. Laurin: Un dernier mot, M. le Président.
M. Ciaccia: Appel nominal. Ah! excusez.
M. Lalonde: Ce n'est pas nécessairement le dernier.
M. Laurin: D'accord, un dernier mot pour moi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, j'écoute depuis une
demi-heure les représentants de l'Opposition officielle et ils ont toute
mon admiration. Ils livrent en effet un combat d'arrière-garde qui me
paraît désespéré, mais qui est tout à
l'honneur des thèses qu'il défendent. Evidemment, ce sont aussi
des thèses d'arrière-garde qui sont dépassées par
l'évolution d'un peuple qui aspire enfin à la normalité et
à la maturité. Ils voudraient nous ramener à la loi 22,
tenter encore d'édulcorer des principes et nous ramener à des
modalités qui détruisent l'effet des principes qu'ils
prétendent mettre en tête d'un projet de loi. Ils me font un peu
penser à ces rois de France qui avaient été chassés
de France en 1791, les Bourbons, et qui sont revenus au pouvoir en 1818 et qui,
après quelques mois de pouvoir, se méritaient les qualificatifs
suivants de la part des observateurs: ils n'ont rien appris et ils n'ont rien
oublié. Ils voudraient encore, dans leur défense de leur position
passéiste et d'arrière garde, nous ramener à une loi qui a
été honnie et rejetée par toute la population, et en
particulier, par la majorité francophone.
Ils explicitent en somme un proverbe qui exprime la sagesse des
siècles: Chassez le naturel et il revient au galop. Ils sont tellement
imbus de la sagesse de toutes les administrations libérales
passées qu'ils voudraient encore nous forcer à adopter ce que
déjà la population a rejeté.
Leur grande erreur, je crois, c'est de vouloir, encore une fois,
entériner un statu quo, une situation que n'accepte plus le peuple
québécois. Leur erreur, c'est de ne pas voir que cet article 7
est orienté vers l'avenir et non pas vers le passé, alors que
toutes leurs attitudes, leur langage, leurs prises de positions
reflètent un passé suranné, désuet, vieillot,
condamné par la population et dont ne peut plus se satisfaire une
population dynamique qui a les yeux tournés vers l'avenir, vers la
normalité, vers le dynamisme de son futur développement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre d'Etat.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys avec une minute.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas parlé 19
minutes tantôt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II
restait 19 minutes au député de Mont-Royal. Vous, il vous restait
12 minutes et vous avez parlé pendant 11 minutes.
M. Lalonde: Bon, merci, il me semblait aussi. M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, il vous reste une minute et Mme le
député de L'Acadie, dix minutes.
M. Lalonde: M. le Président, la profonde
démonstration du ministre d'Etat au développement culturel me
convainc du danger de laisser à certains politiciens le sort de la
politique. On utilise un vocabulaire qu'on entend dans des régimes
extérieurs, étrangers et qui continue de glaner les propos
d'hommes politiques qui prennent leurs chimères pour des
réalités. On utilise encore la normalité; je l'ai entendu
encore ce matin dans la bouche du ministre. Lorsque, dans le discours de
deuxième lecture, j'ai exprimé des appréhensions
sérieuses quant au recours constant à ces critères par le
gouvernement et ses ministres pour justifier des attitudes qui me semblaient
outrancières et excessives, restrictives et souvent répressives,
j'avais raison d'être inquiet parce que ce qui est normal, ce que
quelqu'un croit normal est nécessairement relatif à ses propres
préjugés, à ses propres expériences, à ses
faiblesses et aussi à son ignorance.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Veuillez
conclure, s'il vous plaît.
M. Lalonde: M. le Président, vous m'avez dit qu'il me
restait onze minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
minute. Sur la liste que j'ai devant moi, il vous restait douze minutes lorsque
je me suis assis sur ce banc. Vous avez parlé de 11 h 9 à 11 h
20, ce qui fait onze minutes.
M. Lalonde: Je n'avais pas parlé sur la motion principale,
M. le Président.
M. de Belleval: Pardon.
M. Charron: Voyons donc! Certainement.
M. Lalonde: Ecoutez, peut-être ai-je parlé samedi;
je ne m'en souvenais pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
aviez parlé, M. le député. A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: Vous devriez lire les journaux.
M. Charron: Dites-moi pas que vous êtes rendu à
parler sans vous en rendre compte.
M. Guay: C'était tellement profond que, le jour
même, il l'avait oublié.
M. Lalonde: Dans la présentation de la motion.
M. le Président, je conclus. Si c'est de ce gouvernement qu'on
doit apprendre, non, nous ne voulons rien apprendre de ce gouvernement. Si le
ministre réfère à la longue tradition de justice qui a
présidé à la construction de ce pays, le Canada et de ce
pays aussi, le Québec, à la longue tradition de liberté,
M. le Président, non, nous ne voulons rien oublier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député
de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je voudrais ajouter
quelques mots seulement. D'abord, nous de l'Union Nationale, nous ne pouvons
pas accepter cet article même si nous favorisons, comme nous l'avons
mentionné à plusieurs reprises depuis le début, la
prééminence du français dans le projet de charte no 101.
En adoptant cet article 7, je crois que notre position serait irréaliste
et ne tiendrait pas compte des besoins réels de la population. Je crois
qu'à ce moment nous oublierions également les droits de la
population. Il ne s'agit pas d'être tout simplement tournés vers
le passé; il ne s'agit pas de notre part d'une position
d'arrière-garde, comme on vient de le mentionner.
Si nous voulons que l'option linguistique retenue par le gouvernement
dans ce chapitre soit plus claire, c'est parce qu'il nous semble qu'il y a
là un point faible et qu'il y aura des questions de litige qui entreront
en ligne de compte. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons
insisté et nous avons appuyé aussi des motions d'amendement des
libéraux, simplement pour permettre que cette loi devienne plus
réaliste, plus claire. Nous savons très bien qu'en cours de
route, même si, un peu plus loin, on nous parle d'une autre langue, c'est
cette question d'une autre langue qui nous intrigue alors que parfois on
mentionne aussi qu'il est question de la langue anglaise.
Pour ces raisons exposées de façon très rapides, M.
le Président, nous ne pouvons accepter de voter pour l'article no 7.
Le Président (M. Cardinal): Sur l'article no 7, Mme le
député de L'Acadie. Il vous reste dix minutes.
Mme Lavoie-Roux: Ne craignez pas, je vais prendre seulement
quelques minutes. Je voulais simplement dire que les épithètes du
ministre d'Etat au développement culturel nous sont devenues
familières. C'est la dernière arme qu'il utilise quand il n'a
plus d'arguments pour défendre ce qui est mesquin et injuste dans sa
loi. Ce qu'il appelle des positions d'arrière-garde, c'est l'expres-
sion d'une majorité de la population du Québec qui ne veut pas
jeter par-dessus bord la constitution, qui ne veut pas jeter par-dessus bord
son pays et le troquer pour une indépendance qui, jusqu'à
maintenant, n'a fait qu'apporter de l'insécurité, du
chômage. Ceci peut-être une chose temporaire, mais ce qui est bien
plus grave...
M. de Belleval: Je pense que le député va à
l'encontre du règlement, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Je ne vais pas à l'encontre du
règlement après les épithètes que le ministre m'a
servies. Cela vous fait mal, mais je ne vais pas à l'encontre du
règlement.
M. Lalonde: Cela fait mal, n'est-ce pas?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: Je trouve que la langue de la justice...
M. Lalonde: Tout ce que fait le ministre de la Fonction publique,
c'est d'interrompre, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!
M. Chevrette: ...un débat...
M. de Belleval: C'est une question de règlement...
Le Président (M. Cardinal): La période de
récréation est recommencée.
M. de Belleval: Le débat sur l'indépendance va
venir.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Attendez-le, attendez-le.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Mme le député de L'Acadie, veuillez poursuivre.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je disais, c'est qu'une majorité
de la population, les gens que nous représentons, ne veulent pas jeter
pardessus bord à ce moment-ci la constitution et la troquer pour
l'indépendance que vous lui proposez avec toute l'incertitude qu'elle
apporte.
M. de Belleval: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, cette fois-ci, M. le
député de Charlesbourg, je vais l'accepter. En prenant un cas de
jurisprudence qui s'est produit au salon rouge, Mme le député de
L'Acadie, quand vous avez repris votre exposé,
vous étiez parfaitement dans l'ordre, mais la fin de votre phrase
nous amène vraiment en dehors du sujet.
Mme La voie-Roux: M. le Président, une directive.
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Quand le ministre d'Etat au développement
culturel nous dit que nos positions sont des positions d'arrière-garde,
j'ai cru comprendre qu'il faisait appel à la constitution, puisque sur
l'article qu'on discute à ce moment-ci, l'argumentation que nous avons
fait valoir, c'est que, probablement, l'article tel que rédigé
soulèverait des problèmes au plan constitutionnel. J'y vois des
liens.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Attention!
M. Lalonde: Sur cette question...
Le Président (M. Cardinal): Si c'est une demande de
directive, continuez.
M. Lalonde: Oui, c'est sûrement une question de directive,
M. le Président. Nous allons, surtout au cours de ce chapitre, devoir
faire référence régulièrement à la
constitution et devoir aussi poser des questions, nous poser des questions, au
moins, sur les véritables motifs de ce gouvernement dans ses
propositions législatives. Comment pouvons-nous, sachant d'ailleurs
quelle est l'option constitutionnelle du gouvernement, parler d'accrocs
à la constitution sans se référer à son option
constitutionnelle qui est l'indépendance?
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Vous savez dans le fond que les
deux demandes de directive, qui n'en font qu'une, ne s'adressent pas à
la présidence. Vous m'obligeriez à me prononcer sur une question
purement politique, et vous savez que tel n'est pas mon rôle. Ce que je
tente de faire, c'est tout simplement de contenir le débat dans des
limites qui fassent que la provocation normale ou la critique normale d'une
formation politique vis-à-vis de l'autre ne devienne pas une provocation
qui amène cette commission de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications à devenir encore une fois, trop
bruyante. C'est une question de jugement à chaque instant.
On jugera ces jugements, mais pour le moment, je demande à Mme le
député de L'Acadie d'utiliser son temps. Qu'elle parle de la
constitution, je suis bien d'accord, mais j'ajoute cependant que je ne voudrais
pas qu'on parle de loi du référendum ou de choses semblables.
Alors, Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce qui est une position d'arrière-garde
pour la population du Québec, c'est celle de ce gouvernement qui veut
établir des frontières étanches autour du Québec et
empêcher cette province de continuer de progresser comme elle l'a fait
depuis les dix ou quinze dernières années. Je voudrais aussi
rétablir un fait sur lequel le ministre d'Etat au développement
culturel revient très souvent. Vous voulez retourner à la loi 22
qui a été honnie par la population etc. Je pense qu'il n'y a rien
de plus inexact. La loi 22 n'a pas été honnie par la population.
Il faut faire une différence entre ce qui a été une lacune
grave, j'en conviens, d'un chapitre de la loi 22, les fameux tests. Pour
justifier la loi 101, tous les arguments sont bons. Quand vous ne faites pas
cette différence-là, M. le ministre, je pense que vous manquez de
rigueur intellectuelle. Je pense que vous n'avez jamais entendu la loi 22
contestée dans le domaine du travail, dans le domaine de l'affichage, de
l'administration etc. Il serait peut-être temps que ces faits soient
rétablis.
En ce qui a trait à l'article 7, il est vrai que si vous alliez
dans la population faire un sondage quant aux mesures qui sont prises, non pas
quant au critère retenu, mais quant aux mesures restrictives qui sont
prises à l'égard de la langue d'enseignement, il se peut fort
que, comme groupe, comme collectivité, les francophones vous disent
qu'ils sont d'accord. Mais si vous alliez faire ce même sondage au sujet
de la langue de la justice et expliquiez en termes simples ce que cela veut
dire, je doute très fort que vous ayez l'assentiment de la
majorité de la population. C'est ce que je voulais dire. Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de L'Acadie. M. le député de Mont-Royal, il
vous reste exactement une minute.
M. Ciaccia: En concluant, M. le Président, en plus
d'être erroné, l'article 7 va à l'encontre de l'article
133. Il y a le risque que cela soit contesté sur le plan légal.
Et si cela arrive, cela va provoquer le conflit. L'objet d'une loi ne devrait
pas être de provoquer le conflit entre les différents groupes.
C'est une autre raison pour laquelle je vais voter contre l'article 7.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal. M. le député de Saint-Jacques
et ministre délégué au haut-commissariat.
M. Charron: M. le Président, je vais, au nom du
gouvernement, conclure sur cet article qui est la porte d'entrée de tout
un chapitre. En ce sens, je voudrais bien que les collègues de
l'Opposition, qui ont déjà brandi les drapeaux de l'incertitude
et de l'insécurité, sachent que cet article ne fait pas le
chapitre en entier sur la langue de la législation et de la justice. Il
affirme un principe qui, pour nous, est fondamental et se rattache au principe
même de la loi. Il ne peut souffrir d'amendements qui visent à
restreindre sa portée. C'est d'ailleurs, dans d'autres articles du
chapitre, que le respect que nous avons pour les droits individuels des
Québécois sera débattu et j'espère qu'à ce
moment-là l'Opposition libérale manifestera non
pas une vigilance d'arrière-garde, comme le disait le ministre
d'Etat au développement culturel, mais une bonne façon de peser
le pour et le contre de chacune des propositions que nous y avons.
A ces fédéralistes à tous crins j'ai presque
envie de dire à tout prix que sont les députés
libéraux d'en face, puis-je rappeler que ce beau, ce cher et grand pays
auquel ils s'attachent, a, dans chacune de ces provinces dites anglaises, un
principe semblable à celui de l'article 7. Je n'ai jamais entendu les
membres d'en face s'opposer au fait que l'anglais soit, en Saskatchewan, la
langue de la justice et de la législation.
M. Ciaccia: Le Code Napoléon.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: Je n'ai jamais entendu ce principe
dénoncé. Si le député de Mont-Royal veut bien se
taire et me laisser... Je l'ai enduré pendant vingt minutes...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. MM. les députés de Mont-Royal et de Saint-Jacques,
à l'ordre, s'il vous plaît! Présentement, l'Opposition
officielle a terminé son temps. M. le ministre
délégué, vous avez la parole et j'aimerais qu'on vous
entende sans intervention.
M. Charron: J'étais à dire à ces
fédéralistes à tous poils que ce que nous faisons, par
l'article 7, ici, pour le Québec et pour le français au
Québec, c'est ce que les neuf autres provinces de votre pays ont fait
pour l'anglais chez elles.
M. Ciaccia: Cela n'a rien à faire avec ça.
M. Charron: Pourquoi, quand c'est au Québec à agir
de la même façon que les autres provinces, c'est un crime, c'est
un geste déshonorant, ça mérite d'être
amendé, d'être amoindri, d'être dilué? Alors que,
quand les autres provinces du Canada, pour leur majorité, pour leur
population, ont établi les mêmes principes, au point qu'un
francophone, du nom de Gérard Filion, par exemple...
M. Charron: ... ne peut se présenter devant une cour en
Ontario...
M. Ciaccia: Vous avez raison.
M. Charron: ... et avoir un jugement dans sa langue?
M. Ciaccia: Vous avez raison.
M. Charron: Pourquoi, au moment où le Québec ne
devance rien, mais rattrape les autres, dans ce qui s'appelle
l'établissement, pour une majorité, d'un principe comme
celui-là, pourquoi les gens d'en face deviennent-ils les serviteurs
inconditionnels des principes d'arrière-garde?
Nous réclamons simplement ce que le chef de l'Union Nationale,
pas celle d'aujourd'hui, de la véritable Union Nationale d'il y a une
dizaine d'années, proclamait comme devant être le slogan de notre
peuple, ou nous avons l'égalité, ou nous allons faire
l'indépendance. Ce que nous faisons, par ce principe a l'article
7...
M. de Belleval: C'est l'égalité.
M. Charron: ... c'est établir notre égalité.
Le peuple français du Québec aura le français comme langue
de la justice et de la législation, comme les peuples ou les
différentes parties du peuple canadien anglophone se sont donnés,
dans leurs différents gouvernements provinciaux, les mêmes
règlements.
Mme le Président, nous allons adopter... M. le Président,
nous allons adopter l'article 7...
M. de Belleval: La présidence est asexuée, M. le
Président.
M. Charron: C'est parce que c'est à Mme le
député de L'Acadie que, par votre entremise, je m'adressais, M.
le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais je n'admets pas
la remarque de M. le député de Charlesbourg.
Mme Lavoie-Roux: Je vous comprends.
M. de Belleval: J'ai parlé de la présidence avec un
grand P.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Charron: Je veux dire, M. le Président, que
l'établissement du français comme langue de la législation
et de la justice au Québec, ce principe qui est à l'origine de
tout un chapitre de notre loi, nous allons l'adopter parce qu'à notre
avis, l'heure de l'égalité est arrivée pour les
francophones dans le traitement qu'ils doivent recevoir dans leur propre pays.
Par la suite, si cette égalité est minée et diluée,
comme s'appliquent à le faire, en prenant beaucoup de temps, d'ailleurs,
de cette commission, les membres de l'Opposition libérale, il nous
restera à réclamer l'indépendance.
Merci, M. le Président.
M. Ciaccia: Je n'ai jamais mentionné...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mont-Royal!
M. Ciaccia: ...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal... Non, non, si vous voulez parler individuellement, je vous
prierais de vous retrancher dans le corridor.
M. Charron: Je l'ai entendu. Je l'ai entendu plus que je ne le
veux.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît, tous les deux!
Non, je veux me corriger. J'ai indiqué que l'Opposition
officielle avait terminé son temps. Ce n'est pas exact. Il reste cinq
minutes à Mme le député de L'Acadie.
M. Chevrette: Ah, sacrifice! C'est incroyable!
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est assez
intéressant de constater que l'argument principal utilisé par le
gouvernement pour justifier ce qui est injuste dans sa loi, c'est de nous
répéter à satiété les injustices qui sont
commises dans les autres provinces, et le député de Saint-Jacques
nous dit: Comment se fait-il que, devant les injustices des autres provinces,
l'Opposition officielle libérale ne se soulève pas pour
protester?
M. Charron: Je n'ai pas parlé d'injustices...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: ... de la situation qui n'est pas la même
dans les autres provinces.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: Mais je considère tout à fait normal ce
qui se passe là-bas.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
Mme Lavoie-Roux: Mais c'est quand même l'argument que vous
avez apporté.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: ... situation normale...
M. Paquette: Elle est moins large dans les autres provinces.
Le Président (M. Cardinal): II y aura suspension si vous
continuez de la sorte.
M. Chevrette: II ne faudrait pas parce que ça ferait
l'affaire de l'Opposition.
Mme Lavoie-Roux: Nous avons vu ces arguments nous revenir durant
les deux commissions parlementaires que nous avons vécues. Tout ce que
je veux dire, M. le Président, c'est que, quand on soutient qu'enfin,
c'est l'égalité qu'on veut, ce qu'on veut dire, c'est que
l'égalité, pour ce gouvernement, c'est de sanctionner l'injustice
des autres.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, il vous reste cinq minutes.
M. Grenier: M. le Président, il reste 30 secondes pour
relever l'argumentation du député de Saint-Jacques qui faisait
allusion, bien sûr, sans le nommer, au premier ministre, M. Johnson, qui
a siégé dans cette Chambre de 1966 à 1968. J'aimerais vous
faire savoir, M. le Président, que, dans ses termes, dans ses propos et
dans son intimité, M. Johnson n'a jamais pensé à copier ce
qu'il y avait de mauvais dans les autres provinces. Je voudrais vous dire que
ça, c'était loin de son idée.
Sous la direction de Johnson, nous n'aurions certainement pas eu un
article de loi qui aurait ressemblé à celui-là.
Alors, je ne voudrais pas qu'on pense que dans ce thème qu'il a
amené ici au Québec, lors de son élection en 1966,
c'était cela dans son esprit. Nous l'avons trop vécu et vous avez
été témoin, M. le Président, de la fin vous
ne pouvez participer au débat du règne de M. Johnson et
vous savez que la vraie Union Nationale de M. Johnson n'était pas dans
cet esprit revanchard, absolument pas.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: Compte tenu du fait que l'Opposition a
utilisé encore quelques miettes de droit de parole qui lui restaient
ce qui est parfaitement son droit d'ailleurs j'aurais
cependant...
Mme Lavoie-Roux: II m'en reste encore.
M. de Belleval: ...justement parce qu'il vous en reste encore, je
profiterai d'une minute pour vous poser une ou deux questions. D'après
vous, l'article 7 est un article injuste, rétrograde, oppressif,
etc...
M. Ciaccia: ...erroné.
M. de Belleval: ...erroné. La question est la suivante et
le député de L'Acadie, à qui il reste quelques secondes
pourra donc les utiliser pour y répondre, si elle le veut bien. Les
membres de l'Opposition officielle sont-ils prêts à monter sur les
"husting" comme ils le font actuellement d'une certaine façon pour
dénoncer la situation injuste, arbitraire, rétrograde,
erronée qui existe dans les autres provinces à savoir que la
langue anglaise est la langue de la législation et de la justice, en
Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, etc? Est-ce vraiment
leur position?
Est-ce que demain, dans les journaux, nous allons voir une
conférence de presse donnée par le député de
L'Acadie, par le député de Marguerite-Bourgeoys pour
dénoncer le caractère erroné, injuste, oppressif...
M. Charbonneau: ...revanchard...
M. de Belleval: ...revanchard, rétrograde, mesquin...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! J'ai entendu des duos.
M. de Belleval: ...du régime qui existe dans ces provinces
et qui veut que l'anglais soit la langue de la législation et de la
justice au Québec. Sont-ils prêts à aller se faire les
apôtres du rétablissement ou de l'établissement de la
justice, du progrès, de l'avenir dans ces provinces? Je vois que le
député de Marguerite-Bourgeoys est en train de "coacher" le
député de L'Acadie qui n'en a pas besoin. Le député
de L'Acadie est tout à fait capable de répondre à mes
arguments. Je le sais.
Mme Lavoie-Roux: Bon...
M. de Belleval: Je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas cédé
le droit de parole à personne.
M. de Belleval: Je vous l'accorde. Je voulais calmer les ardeurs
du député de l'Acadie.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Le règlement me permet-il de parler au
député de L'Acadie pendant la question du...?
Le Président (M. Cardinal): C'est une intervention,
même si elle est faite sous forme...
M. Lalonde: C'était une directive.
Le Président (M. Cardinal): ...interrogative. Vous avez le
droit de poser une question à M. le député de
Charlesbourg, s'il désire vous répondre.
M. Lalonde: Pas au député de Charlesbourg...
Le Président (M. Cardinal): ...mais vous n'avez pas le
droit de parler à Mme le député de L'Acadie non
pendant l'intervention d'un député.
M. Lalonde: Je n'ai pas le droit? Le Président (M.
Cardinal): Non.
Mme Lavoie-Roux: On se parlera ailleurs. Laisse faire.
Le Président (M. Cardinal): Les articles 100 et 26.
Le député de Charlesbourg et ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: Je pense que j'ai fait mon argumentation
suffisamment claire. Il ne sert à rien de s'étendre sur une
situation aussi pitoyable que celle de l'Opposition qui en sera réduite
pour toutes les prochaines heures à faire une conférence de
presse, à écrire un livre bleu, ou rouge dans ce cas, ou rose,
pour dénoncer l'injustice, l'aberration de la situation légale
qui existe dans les autres provinces à savoir que l'anglais est la
langue de la législation et de la justice dans ces provinces. Mais ceci
étant dit, nous verrons à l'article 11, tout à l'heure,
combien le Québec, pour sa part, est prêt à aller beaucoup
plus loin que ce qui existe dans les autres provinces et combien nous sommes
libéraux comme les gens d'en face ne le sont plus en matière de
justice.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Charlesbourg. Mme le député de L'Acadie,
il vous reste quatre minutes.
Mme Lavoie-Roux: Pour répondre à la question du
député ce sont eux qui l'interrompent ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! De toute
façon, ils ne peuvent pas interrompre. Ils n'ont plus de temps eux.
Mme le député de L'Acadie.
M. de Belleval: Ce sont d'incorrigibles misogynes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le ministre!
Mme Lavoie-Roux: Oh non! M. le Président, pour
répondre à la question du député de Charlesbourg,
je dois lui dire qu'à titre personnel, dans toutes les associations
canadiennes où j'ai oeuvré, j'ai été très
vigilante à faire respecter ou à demander le respect du
français là où le problème se soulevait.
Pour revenir à votre argumentation, je la trouve fort amusante.
Elle est très symptomatique et elle est une répétition de
l'argumentation que le député de Saint-Jacques nous a servie et
que, par la suite, il a niée, à savoir que partout on est
méchant; allez défendre les droits des autres ailleurs, nous on
est justes.
Le Parti libéral a essayé dans le passé de faire
valoir le point de vue des francophones dans les autres provinces. Si on n'a
pas répondu à ces demandes, il ne faut pas s'inspirer de ce
même comportement au Québec. Il ne faut pas par nos lois
sanctionner l'injustice. Il ne faut pas, dans une province, dans des lois,
s'inspirer d'une justice qui équivaut à oeil pour oeil, dent pour
dent. Votre démonstration, votre argumentation, M. le
député de Charlesbourg, s'inspirait exactement de ce que je
venais de dénoncer chez le député de Saint-Jacques.
M. Charron: Article 96, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: Je voudrais rétablir les faits, parce que
madame interprète des propos que j'aurais tenus et que, par la suite,
j'aurais niés. Quand j'ai posé la question sur le comportement
des neuf
autres provinces canadiennes en matière de la langue de la
législation et de la justice, quand j'ai affirmé la situation
dans les neuf autres provinces, je n'ai en aucun temps qualifié cela de
misérable ou...
M. de Belleval: De rétrograde.
M. Charron: ... de rétrograde ou de n'importe quoi. Je
crois que les neuf autres provinces du Canada ont fait ce qu'elles avaient
à faire. La langue de la majorité doit être la langue de la
législation et de la justice. Ce que je déplore des Canadiens,
c'est qu'ils n'ont pas fait d'article 11. Ils n'ont pas fait d'article qui
permettrait à des individus de langue française... Enfin, nous
verrons tout cela si madame accepte de disposer le plus rapidement possible de
l'article 7 et si l'Opposition ne s'y éternise plus.
En aucun temps, je n'ai déploré qu'une majorité
fasse respecter ses droits. Je travaille à cela ici. Je n'ai jamais
réclamé moi, que le français et l'anglais soient la langue
de la législation et de la justice en Colombie-Britannique. Je ne
demanderai même pas que "sous réserve comment se lisait
votre amendement ridicule? des dispositions..." Pas du tout. C'est
normal qu'une majorité fasse de sa langue la langue de la justice et de
la législation. C'est aussi normal, si elle est démocratique,
qu'elle prévoie dans d'autres dispositions qui suivent l'affirmation de
ce principe, à l'égard des individus, surtout lorsqu'ensemble ces
individus forment une minorité importante, des exceptions à la
loi ou des traitements à l'intérieur du même principe,
à l'intérieur de la même loi, comme ceux que nous
proposons.
Ce que je réclame pour l'Ontario, ce n'est pas un article 7;
c'est un article 11, semblable à celui que j'ai envie de voter pour la
minorité anglaise du Québec.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député.
M. de Belleval: M. le Président, article 96.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît. M. le député de Saint-Jacques, je considère
que vous n'aviez pas besoin d'utiliser l'article 96, ce que vous n'avez pas
fait d'ailleurs. Vous avez utilisé tout simplement votre temps. Il vous
en restait encore pas mal. L'article 96 nous dit que "les explications doivent
être brèves et ne doivent apporter aucun élément
nouveau dans la discussion et elles ne peuvent engendrer un débat."
M. le député de Charlesbourg, je vous permets d'utiliser
96 et j'en jugerai.
M. de Belleval: Ayant été associé aux
remarques du député de Saint-Jacques, je n'ai pas besoin de dire
que je me rallie entièrement à l'explication qu'il vient de
donner et qui vaut pour la même association.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant. Dans
l'ordre.
M. Bertrand: Question de règlement, en vertu de l'article
100. Est-ce que je peux me prévaloir de l'article 100 pour poser une
seule question au député de L'Acadie, si elle accepte d'y
répondre?
Mme Lavoie-Roux: Pas sur mon temps. Le Président (M.
Cardinal): II est trop tard. M. Bertrand: Sur mon temps, M; le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez utiliser votre
temps, mais, si tel est le cas, j'ai reconnu auparavant M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, ce sera très bref.
Le député de Saint-Jacques, comme l'indiquait le ministre de la
Fonction publique, a donné la réplique que je voulais donner. Il
y a une différence entre une situation normale...
Le Président (M. Cardinal): Approchez votre micro, s'il
vous plaît.
M. Charbonneau: Pardon?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre.
M. Charbonneau: II y a une différence entre une situation
normale et une situation rétrograde et revancharde.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Vanier et, ensuite, Mme le député de
L'Acadie.
M. Bertrand: Simplement une question que je voudrais poser au
député de L'Acadie, et cela enchaîne tout à fait
avec ce que le député de Saint-Jacques venait de dire. Etes-vous
prête à reconnaître, bien que vous ne soyez pas d'accord sur
l'article 7, et bien que nous reconnaissons le droit aux autres provinces
d'avoir exactement le même principe, même s'il n'est pas inscrit
dans leur loi, êtes-vous prête à reconnaître que, dans
les faits, une fois adoptés les articles 7 à 13, tels qu'ils sont
rédigés, nous nous trouverions au Québec à
reconnaître plus de droits à la minorité anglophone sur le
plan de la langue de l'administration et de la justice que dans aucune autre
province du Canada? Reconnaissez-vous cela, oui ou non?
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, vous avez deux minutes pour répondre ou ne pas
répondre, selon votre choix.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous allons arriver
à ces articles et le député de Vanier aura le loisir de
juger quelle sera la réponse qu'il demande. Mais l'argumentation qu'il
nous apporte encore est exactement la même argumentation que le
député de Charlesbourg et que le député de
Saint-Jacques, ici je lui concède que, j'ai peut-être pu mal
interpréter ses paroles, mais pas le député de
Charlesbourg. C'est exactement la même argumentation qui sous-tend la
question du député de Vanier.
M. Lalonde: Oeil pour oeil, dent pour dent!
M. Paquette: M. le Président.
M. Charbonneau: Vous ne répondez pas?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de Rosemont.
Une Voix: Elle ne peut pas répondre.
M. Paquette: Je vais poser une autre question au
député de L'Acadie, parce que, manifestement...
M. Lalonde: M. le Président, le filibuster du
gouvernement...
M. Paquette: Ce n'est pas important, je pense. Cela prend pas mal
moins de temps que vos élu-cubrations, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Cardinal): II reste une minute au
député de L'Acadie. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Une question encore au député de
L'Acadie qui, manifestement, fait du patinage pour ne pas répondre
à la question de mon collègue de Vanier.
M. Chevrette: Ils ne sont même pas aiguisés, les
patins.
M. Paquette: Est-ce que vous considérez que ce qui est
proposé par le gouvernement je vous reconnais le droit de trouver
que cela ne va pas encore assez loin, qu'il faudrait reconnaître encore
plus de possibilités à la minorité anglophone mais
êtes-vous prête à reconnaître que ce qu'il y a dans le
projet de loi comme tel, sous réserve de ce que vous pourrez faire par
la suite en termes d'amendement, je vous reconnais le droit de le faire, ce
qu'il y a dans le projet du gouvernement, actuellement, est-ce que vous
êtes d'accord que cela va beaucoup plus loin que ce qui est reconnu
à la minorité francophone dans les provinces anglaises?
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Oui M. le Président, dans la presque
majorité des provinces, sauf le Nouveau-Brunswick, compte tenu de
l'article 11.
M. Charbonneau: Allez voir l'application au Nouveau-Brunswick,
madame.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: ...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. le député de Charlesbourg.
M. de Belleval: M. le Président, un seul mot un peu
ironique pour...
M. Lalonde: On va rire? On va se préparer à
rire?
M. de Belleval: ...pour dire que je ne comprends pas l'attitude
revancharde du député de L'Acadie à mon endroit, moi qui
fais toujours preuve à son endroit d'une gentillesse et d'une
gentilhommerie, je l'espère, la plus grande possible et qui me
rétribue de fiel et de vinaigre à mes avances.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous parlez de
l'article 7?
Mme Lavoie-Roux: A ses avances!
M. Lalonde: C'est à vos avancés plutôt
qu'à vos avances.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: Je vous propose que vous mettiez l'article aux voix,
M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): L'article 7 sera-t-il
adopté?
M. Charron: II est adopté. M. Ciaccia: Appel nominal.
Le Président (M. Cardinal): Appel nominal, d'accord. Nous
voterons sur le texte de l'article 7 non amendé.
M. Fallu (Terrebonne)?
M. Fallu: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères)?
M. Charbonneau: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Charron
(Saint-Jacques)?
M. Charron: Pour, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).
M. Lalonde: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval
(Charlesbourg)?
M. de Belleval: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Pour.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: Contre.
M. Chevrette: ...du député de Charlesbourg.
Mme Lavoie-Roux: Bien oui, je suis rendue galante.
M. Chevrette: Elle l'admet.
Mme Lavoie-Roux: Non, vis-à-vis de vos avances.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Favorable, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M.
Pagé (Portneuf). M. Samson (Rouyn-Noranda).
Le résultat du vote est le suivant: Favorable, 10. Contre, 5.
L'article 7 est adopté.
J'appelle l'article 8.
Article 8
M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 8
soit adopté par la commission.
Le Président (M. Cardinal): L'article 8 sera-t-il
adopté?
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): L'article n'étant pas
adopté, est-ce que quelqu'un, du côté ministériel,
qui est le parti proposeur ou parrain, désire s'exprimer?
M. Laurin: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: ...la première fonction de l'Etat,
évidemment, est de faire des lois, de les mettre en oeuvre et, s'il y a
une langue dans un Etat, dans un pays, qui est officielle, il est bien
évident que l'Etat lui-même doit donner l'exemple, doit être
le premier à appliquer ce principe et qu'il se doit donc, pour des fins
de logique, de cohérence, de déposer et de faire adopter, dans la
langue officielle, les lois qu'il propose au Parlement.
Le Président (M. Cardinal): Du côté de
l'Opposition officielle, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que l'argumentation
ou enfin la démonstration que le ministre, député de
Bourget, vient de faire est assez près de la réalité. Il
serait en effet surprenant que les lois d'un Etat, où la langue
officielle serait le français, soient déposées et
adoptées dans une autre langue. D'ailleurs, si on s'en rapporte à
l'expérience, surtout à l'expérience des dernières
décennies, c'est bien, en effet et très largement, dans la langue
française qu'à l'Assemblée nationale, dans les
commissions, les lois sont discutées, sont étudiées. Les
projets de loi ont toujours été rédigés dans la
langue officielle, ils ont toujours été déposés en
français à l'Assemblée nationale, enfin, de temps
immémorial, adoptés et sanctionnés en français, et
ils le sont encore.
Donc, si on s'en tient à la seule rédaction de l'article
8, je pense qu'on a au moins une partie de la réalité et cette
description n'est pas fausse. Elle est toutefois incomplète dans le sens
où, en vertu de la tradition tradition sûrement
inspirée par l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique les actes de la Législature de Québec ont
été imprimés et publiés dans les deux langues,
française et anglaise. La dernière phrase que je viens de dire
est presque verbatim, le deuxième alinéa de l'article 133 se lit
comme suit: "Les actes du Parlement du Canada et de la Législature de
Québec devront être imprimés et publiés dans ces
deux langues"; "ces deux langues", en se référant au premier
paragraphe qui parle de la langue française et de la langue anglaise.
C'est dans cette
mesure que, si on ajoute à l'article 8 l'article 10 qui dit:
"L'administration imprime et publie une version anglaise des lois et des
règlements", on peut se trouver à fausser l'intention sinon la
lettre de l'article 133 de notre constitution.
En effet, si, par hypothèse, on s'en tient au libellé de
l'article 8 et de l'article 10, on pourrait avoir la situation où les
lois sont déposées et adoptées et sanctionnées dans
la langue officielle ce que tout le monde désire et
où, quelques mois plus tard, l'administration imprime et publie une
version anglaise des lois et des règlements.
Jusqu'à maintenant, M. le Président, et même dans
cette première qu'a été le dépôt du projet de
loi no 1 dont le texte français n'était pas accompagné
physiquement d'un texte anglais, quoique, depuis, on soit revenu à la
tradition, dans certains cas, même dans ce cas, on a vu à
déposer un texte anglais, un texte dans la langue anglaise, presque
simultanément, sinon simultanément, je n'ai pas
vérifié...
M. Laurin: Simultanément dans les deux cas; on l'avait lu,
nous aussi.
M. Lalonde: Simultanément dans les deux cas. Je prends
acte de l'affirmation que vient de me faire le ministre selon laquelle cela fut
simultanément dans les deux cas, c'est-à-dire que la version
anglaise a été déposée simultanément.
Je ne pense pas toutefois que l'article 10 vous me permettrez de
référer à l'article 10 en discutant de l'article 8, parce
qu'ils se complètent je ne crois pas que l'article 10 explique
suffisamment cette intention du législateur de faire en sorte que la loi
soit ainsi déposée dans les deux langues, simultanément.
De sorte que le million de citoyens du Québec dont la langue principale
ou la langue d'usage, sinon la langue maternelle, est, au départ, la
langue anglaise puisse prendre connaissance des projets de loi dans la langue
qu'il comprend davantage. C'est d'ailleurs l'intention de l'article 133.
Dans ce but, M. le Président, il y a aussi une autre question. On
parle, à l'article 133, des actes du Parlement du Canada et de la
législature du Québec. Par extension, j'aimerais, si la
commission l'accepte, inclure dans la notion de "Acte du Parlement", une notion
qui, à ce moment-là, n'était pas très courante, je
veux parler des règlements, c'est-à-dire de tout le secteur de la
législation déléguée qu'on a vu se
développer surtout à l'ère ou à l'époque
moderne de notre gouvernement, sûrement depuis une vingtaine
d'années plutôt que depuis une centaine d'années. Dans
cette optique, j'aimerais proposer que les mots "et de règlements"
soient ajoutés après le mot "loi". J'aimerais aussi
suggérer de remplacer dans la troisième ligne les mots
"adoptés et sanctionnés", pour les mots "accompagnés d'une
version anglaise."
Ainsi, nous aurons dans la loi ce qui est le désir du
gouvernement, d'après la tradition, et d'après les
dernières décisions de ce gouverne- ment qui a même
publié une version anglaise du projet de loi no 1 simultanément
avec la version française.
Je pense qu'ainsi le texte de l'article 8 sera beaucoup plus conforme
à la réalité et justement, à ce que même ce
gouvernement, qui nous propose un article 8 incomplet, a fait à propos
de la loi même qu'on discute, M. le Président.
Ma motion d'amendement à l'article 8 se lirait comme suit: Que
l'article 8 soit modifié en ajoutant dans la première ligne,
après le mot "loi" les mots "et de règlements" et en
remplaçant dans la troisième ligne les mots "adoptés et
sanctionnés" par les mots "accompagnés d'une version
anglaise"...
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Lalonde: ... de sorte que l'article amendé se lirait
comme suit: "Les projets de loi et de règlements sont
rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en
cette langue, déposés à l'Assemblée nationale,
accompagnés d'une version anglaise."
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, sur la
recevabilité, avant que l'on en discute, s'il y a lieu, je vous ferais
une suggestion en vertu de l'article 65, paragraphe 2, de notre
règlement. Vous avez vous-même parlé de l'article 10, c'est
pourquoi je me permettrai d'y référer. L'article 10, tel que
rédigé même s'il n'a pas encore été
appelé dans le projet de loi dit: "L'Administration imprime et
publie une version anglaise des lois et des règlements."
Je suis en train de me demander si, dans votre proposition, dans votre
motion, les projets de lois et de règlements..., si le mot
"règlements" doit avoir un "s" ou pas. Remarquez que c'est une
subtilité, mais vraiment je me le demande au moment présent.
Comme l'amendement pourrait être accepté, je voudrais bien, comme
je le fais toujours...
M. Lalonde: On a un défaut.
Le Président (M. Cardinal): ... savoir si
"règlements" devrait ou non prendre un "s". Je peux laisser la question
en suspens pour le moment, parce que, dans le texte que vous avez devant vous,
qui a été distribué, vous verrez que les deux termes "loi
et règlement" sont au singulier.
En fait, il me semblerait, M. le député de
Gaspé...
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous me
permettrez...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aimerais retirer ce projet d'amendement, cette
motion, avant qu'elle n'appartienne à la commission...
Le Président (M. Cardinal): Vous en avez le droit.
M. Lalonde: ... parce que je viens de lui trouver une
défectuosité.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaîti Un instant. M. le député, tant qu'il est
maître de sa motion, a le droit d'en parler et de la retirer. Mais si la
commission commence à en discuter, il ne pourra plus le faire. Je vais
respecter son privilège.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. de Belleval: ...de l'improvisation. Il réimprime...
M. Lalonde: Voici pourquoi, M. le Président. C'est que
l'article se lirait je viens de m'en apercevoir et je m'en excuse
"les projets de lois et de règlements". Quand on dit ensuite: "Ils sont
également, en cette langue, déposés à
l'Assemblée nationale", ce serait inexact parce que les projets de
règlements ne sont pas déposés à l'Assemblée
nationale.
M. Charron: Voilà.
M. de Belleval: Vous allez réimprimer votre
amendement.
M. Charron: Cela lui a pris quatre ans à
l'Assemblée avant de s'en apercevoir.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je voudrais, dans une nouvelle motion, ajouter...
Le Président (M. Cardinal): Je comprends que vous retirez
la première motion.
M. Lalonde: Oui, je retire la première motion.
Le Président (M. Cardinal): La présidence accepte.
Votre motion est retirée, elle n'a jamais existé.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais seulement
proposer un deuxième alinéa. "L'administration imprime et publie
simultanément une version anglaise des lois et règlements."
Le Président (M. Cardinal): Je voudrais le texte
écrit, en vertu du règlement, de votre nouvelle motion. Merci.
Est-ce qu'on peut distribuer?
A l'ordre, s'il vous plaît!
La nouvelle motion de M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, motion d'amendement à l'article 8, qui est devant
moi, se lit comme suit: "L'Administration imprime et publie
simultanément une version anglaise des lois et règlements."
Oui, M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: On a commencé à discuter...
Le Président (M. Cardinal): Une motion a été
retirée, par conséquent, en vertu des règlements, elle n'a
jamais existé. C'est une fiction juridique. Là, il y a une
nouvelle motion. Si on veut discuter de la recevabilité, je n'aurai pas
d'objection, sauf que je vais donner la parole d'abord au proposeur, ensuite
à un membre du parti ministériel, enfin à un membre de
l'Union Nationale. Aviez-vous une question à poser, M. le
député de Mégantic-Compton?
M. Grenier: Sur l'amendement proposé.
Le Président (M. Cardinal): II n'est pas encore
reçu.
M. Grenier: Sur la recevabilité, alors?
Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité, je
viens de l'indiquer, j'aimerais mieux qu'un membre par parti, encore une fois,
pas plus de cinq minutes, s'il vous plaît... Je n'ai pas l'intention que
les discussions sur la recevabilité prennent le temps de
l'assemblée. Alors, je vais d'abord donner la parole au
député de Marguerite-Bourgeoys et par exception, je vais vous la
donner ensuite, M. le député de Mégantic-Compton, parce
que vous êtes vraiment intervenu le premier. M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, si vous voulez vous prononcer sur la
recevabilité, brièvement, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Je vais vous laisser vous prononcer, M. le
Président. Je vais essayer de plaider en faveur. Je vais...
Le Président (M. Cardinal): Ne parlez pas sur le fond.
M. Lalonde: Non. Je vais simplement dire que le deuxième
alinéa ou la motion change, tente de modifier quelque chose, en effet.
La seule objection qu'on pourrait avoir, c'est que l'article 10 du projet de
loi est substantiellement dans la même intention. Je dirai que l'article
10 n'a pas été adopté, donc, ce n'est pas une
décision de l'Assemblée nationale ni de cette commission. On
pourrait fort bien, voulant réaménager la loi,
l'améliorer, inclure dans un article quelque chose que le gouvernement
propose un peu plus loin. Je ne pense pas qu'on pourrait dire que la motion...
Cette motion pourrait même venir du gouvernement qui, s'étant
aperçu d'un défaut de libellé ou de structure de son
projet de loi, voudrait apporter à un article antérieur
l'élément déjà proposé dans un article, plus
loin. Je ne pense pas que ce soit une objection quant à la
recevabilité. On pourrait dire: On va voter contre parce qu'on dit la
même chose à 10. C'est une autre question. Je pense que, sur la
recevabilité, le fait qu'à l'article 10 on traite à peu
près du même sujet, quoique différemment, je ne pense pas
que cela soit une objection.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. C'est une excel-
lente argumentation. J'aimerais cependant, vous avez prévu la
pierre d'achoppement, et vous avez tout de suite répondu à cet
argument, j'aimerais cependant entendre un représentant de chacune des
autres formations politiques. Comme promis, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, le nouvel amendement à
l'article 8, proposé par le député de
Marguerite-Bourgeoys, rejoint, bien sûr tout le monde l'a compris
après le rejet du premier amendement, l'article 10 et, s'il
devait être accepté, rend inutile, bien sûr, l'application
de l'article 10. Je comprends le but visé par le député de
Marguerite-Bourgeoys qui veut préciser le sens et la portée de
l'article 10 du présent projet de loi. Mais je vous lis l'amendement que
nous avions proposé à cet article: "Les projets de lois et les
règlements sont rédigés en français et en anglais
à l'Assemblée nationale. Les projets de lois sont
déposés, adoptés et sanctionnés..." Maintenant que
l'amendement à l'article 7 a été rejeté, il
faudrait lire, "dans la langue officielle". Je pense que, si cela avait
été copié directement, on aurait peut-être eu des
chances qu'il soit accepté plus facilement, mais il a été
rejeté dans sa première version. Avec, bien sûr, comme on
le mentionne ici, un point avant "l'Assemblée nationale". Je dis que,
dans le contexte actuel, il est clair qu'on veut préciser l'article 10.
Si on accepte cet amendement, on devra, bien sûr, mettre de
côté l'article 10.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, vous permettrez que je vous réponde, comme je
l'ai fait envers le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous ai
permis de faire passer votre message en annonçant d'avance une motion
qui n'est pas encore devant cette commission, alors que nous n'étions
plus sur la motion principale. Cependant, je vous remercie de m'avoir
éclairé en ce faisant.
M. le député de Saint-Jacques et ministre
délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux
loisirs et aux sports.
M. Charron: M. le Président, j'ai vraiment l'impression
que nos amis de l'Opposition commencent à tirer de la langue, c'est le
cas de le dire. Tout à l'heure, ils nous ont présenté un
amendement qui transformait les règles de pratique de l'Assemblée
nationale. Ils s'en sont aperçus après. Cela nous obligeait
à déposer les projets de règlements à
l'Assemblée, ce que je n'avais jamais vu de ma vie.
M. Lalonde: Cela ne serait pas une mauvaise idée,
remarquez.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: Maintenant, ils sont tellement à court
d'idées qu'ils sont obligés d'aller puiser dans nos articles
à venir pour avoir des amendements. Plutôt que de nous dire tout
simplement qu'ils n'ont pas assez d'imagination pour inventer un amendement,
ils auraient pu faire un amendement demandant que l'article 10 soit inclus
à l'article 8 et tout le monde aurait compris.
M. Lalonde: C'est une nuance.
M. Charron: Voilà! C'est qu'on amène une
nuance...
M. Lalonde: Une nuance importante.
M. Charron: Ah, fondamentale pour l'avenir de la minorité
anglaise du pays, j'en conviendrai avec vous, mon cher ami.
M. Lalonde: Ne faites pas...
M. Charron: Mais j'ai la certitude, M. le Président, par
contre, que si, comme le dit le député, le fondement même
de l'amendement est l'addition du mot "simultanément"... Pour ce qui est
de changer la place d'un article que le gouvernement, de toute façon, a
prévu, M. le Président, nous sommes ici sous un mandat de
l'Assemblée qui nous demande d'étudier le projet de loi article
par article, et, en aucun temps, la commission ne pourra passer par-dessus
l'article 10. Si c'est de cette question qu'on veut discuter, dans deux
articles on y sera rendu. Si le fondement de l'amendement qui est
présenté devant nous est l'addition du mot "simultanément"
au texte gouvernemental, alors c'est à l'article 10 qu'on
l'amène, cette modification. Pour le moment, M. le Président, si
on voulait faire un amendement dans le sens que le suggère, en puisant
à même notre texte, l'Opposition libérale, l'amendement
devrait être que l'article 10 soit inclus à l'article 8.
Là, ce serait un amendement qui pourrait être, à votre
avis, M. le Président, en tout cas, discutable quant à sa
recevabilité, j'en conviens, mais ce serait ça, la nature de
l'amendement.
La nature de l'amendement, nous précisent les amis d'en face, le
fondement même de l'amendement, c'est d'ajouter le mot
"simultanément". Nous en discuterons lorsque nous serons, en vertu de
l'ordre de la Chambre qui nous oblige à procéder article par
article, rendus à l'article 10. Quant à nous, nous n'avons aucune
objection à en discuter à ce moment-là.
Le Président (M. Cardinal): Ainsi donc, encore une fois,
vous m'obligez à rendre une décision. Je vais le faire
brièvement, mais je voudrais quand même étayer cette
décision.
Premièrement, le projet de loi qui est devant nous n'est pas un
texte étranger à la présidence. Il a été,
à ce que je sache, adopté en deuxième lecture.
Quand je suis à l'Assemblée nationale et que je remplace
le président, si je n'ai pas de rapport de la commission, je ne sais pas
ce qui se passe dans une commission. Mais, quand je suis en commission, je sais
fort bien ce qui se passe à l'Assemblée nationale, parce que nous
sommes,
en vertu de l'article 163 et des autres articles pertinents à ce
sujet, un bourgeon, une émanation de l'Assemblée nationale.
M. Charron: On commence à avoir le bourgeon
fatigué.
Mme Lavoie-Roux: ... M. le Président.
M. de Belleval: On a hâte que le bourgeon
éclose.
Mme Lavoie-Roux: Pour avoir des fruits.
Le Président (M. Cardinal): Deuxièmement, l'article
10 existe donc, à la connaissance du président de la commission,
et si c'est un article qui n'a pas été adopté dans le
processus de l'étude article par article; c'est un article qui a
été adopté dans son principe au moment de la
deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Troisièmement, l'amendement tel que rédigé je ne
touche pas du tout au fond me paraît tout simplement devoir
amender l'article 10 et non pas l'article 8, puisqu'il suffirait tout
simplement, à l'article 10, de dire que l'article 10 soit amendé
en ajoutant après le mot "publie" le mot "simultanément", avant
les mots "une version".
M. le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait me
répondre mais il ne pourra pas le faire puisqu'il n'y a pas
d'appel d'une décision de la présidence que c'est un
réaménagement de la loi. Je lui suggérerais à ce
moment que ce réaménagement de la loi soit fait au moment de
l'étude de l'article 10, sans préjuger de ce qui peut arriver
lors de l'étude de l'article 10.
Je pense qu'il serait possible, même si à ce moment
l'article 8 est adopté, amendé ou non, de faire des
réaménagements dans le chapitre III. Je rappelle un dernier fait
qui est peut-être un précédent. Samedi, après avoir
étudié l'article 79, dont l'étude avait été
suspendue, après l'adoption de l'article 83, nous avons, unanimement et
à votre demande, madame et messieurs, posé un geste qui est le
suivant: nous sommes revenus sur le chapitre VIII en entier. Un
représentant de chacun des partis s'est exprimé et nous avons
formellement adopté le chapitre VIII tel qu'amendé.
Ce précédent ayant été créé,
j'accepterai fort bien que nous l'utilisions à nouveau, ce sur quoi je
déclare cet amendement irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite Bourgeoys. Pas sur la décision, s'il
vous plaît!
M. Lalonde: Non, pas sur la décision. Je veux faire une
suggestion ici, qui est peut-être une motion, mais c'est pour aider
à la compréhension du projet.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Cela s'est fait. M.
le député de Mont-Royal l'a fait samedi.
M. Lalonde: A l'article 8 on dit de quelle façon et dans
quelle langue les projets de loi sont rédigés,
déposés, adoptés et sanctionnés. Ensuite, on dit
à l'article 9: "Seul le texte français des lois cet
article n'a pas été appelé et des règlements
est officiel". Alors qu'on n'a pas encore jusqu'ici parlé d'un autre
texte que le texte français, c'est seulement à l'article 10 qu'on
dit qu'on imprime une version anglaise.
M. Chevrette: C'est normal.
M. Lalonde: Alors, je me demandais s'il ne serait pas plus
cohérent de dire à l'article 8 que c'est la langue officielle;
à l'article 9...
(Suspension de la séance à 12 h 29, à cause d'une
panne d'électricité)
Reprise de la séance à 12 h 35
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
On demande une question de directive. Cela équivaut à une
question de règlement.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: A la suite de ce que vous avez dit au sujet des
autres amendements précédents, il semble qu'il serait
compliqué d'amener un amendement sans le retrait de l'article 10. J'en
aurais un. Pourriez-vous nous dire comment on peut procéder?
Le Président (M. Cardinal): Veuillez
répéter, s'il vous plaît.
M. Grenier: J'aimerais connaître si c'est possible de faire
un amendement à ce sujet sans le retrait de l'article 10? J'aurais un
amendement à faire.
Le Président (M. Cardinal): Je peux vous répondre
parce que... Ce que je vous proposerai est assez paradoxal, dans ce sens que
l'article 10 existe, mais il n'a pas été appelé. Vous
pourriez toujours je ne dis pas que j'accepterais faire une
motion de retrait de l'article 10, mais on ne peut pas, dans le moment, faire
une motion de retrait de l'article 10.
Pour aider les membres de la commission... Ce n'est pas une suggestion
que je fais; encore une fois, on me demande une directive, j'y réponds
tout simplement. Si on veut vraiment parler de l'article 10, il faudra faire
comme on a agi lors des études du chapitre VIII, suspendre les articles
8 et 9 et appeler l'article 10, mais on ne peut pas, immédiatement,
faire une motion de retrait de l'article 10.
M. Grenier: Pourrais-je faire une proposition pour suspendre les
articles 8 et 9 afin qu'on passe immédiatement à l'article
10?
Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez le faire. Si j'ai
le consentement de la commission, ce sera oui. Si je n'ai pas le consentement,
ce sera non.
M. Ciaccia: Puis-je suggérer au député de
Mégantic-Compton...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, sur une question de
directive. M. le député de Mont-Royal, adressez-vous à la
présidence, tout le monde bénéficiera de vos paroles
lumineuses dans les circonstances.
M. Grenier: Si ma proposition pouvait être un amendement,
je pourrais bien faire la motion pour suspendre les articles 8 et 9 et proposer
un amendement immédiatement, mais je peux aussi faire un amendement
à l'article 8.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, je vais vous répondre tout de suite. Je ne peux
pas le faire à moins d'un consentement ou d'un vote formel. Si j'ai un
consentement, cela va aller très bien.
M. Grenier: Parlez-vous du retrait des articles 8 et 9?
Le Président (M. Cardinal): C'est cela. L'article 8 ne
peut être retiré par le parti ministériel parce que nous
avons commencé à en discuter et cela, en vertu de l'article 85 de
notre règlement. On ne peut pas retirer l'article 9 parce qu'on n'est
pas rendu à cet article. Vous pouvez faire motion pour que soit
suspendue l'étude de l'article 8 et nous voterons sur cette motion.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Pourrait-il aussi faire une motion d'amendement sur
l'article 8?
Le Président (M. Cardinal): Oui. Il a deux choix et
là, j'éclaire. S'il y a une motion de suspension de
l'étude de l'article 8, ce n'est pas 160 qui s'applique. C'est un
débat restreint. C'est un maximum de dix minutes par parti reconnu. S'il
y a motion d'amendement à l'article 8, à ce moment, je dois
rappeler que la parole était à M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Grenier: ...M. le député de Marguerite-Bourgeoys
va me céder son droit de parole.
Le Président (M. Cardinal): S'il veut le faire, vous avez
le droit de le requérir.
M. Lalonde: Ce que je viens de lire dans le Soleil
d'aujourd'hui...
Le Président (M. Cardinal): Parlez-vous de la motion
principale?
M. Lalonde: Oui, M. le Président, je parle de la motion
principale.
Le Président (M. Cardinal): Je commence à calculer
votre temps.
M. Lalonde: J'ai beaucoup de difficulté à trouver
les mots. Je ne peux sûrement pas céder mon droit de parole. Je
regrette, étant donné que je suis absolument... en anglais, on
appelle cela "flabbergasted".
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lalonde: Je suis ébahi d'entendre, de voir, de lire que
la guillotine nous tomberait dessus demain.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, veuillez parler de l'article 8.
M. Lalonde: Je vais donc me hâter de parler de l'article 8
pour qu'on en adopte le plus possible avant. A moins que le gouvernement, la
majorité on parle de la majorité péquiste ici
veuille bien faire une dénégation
générale.
M. Charron: M. le Président, si le député
m'y invite... Après quatre ans à l'Assemblée nationale, le
député devrait connaître l'existence de l'article 156,
premièrement et deuxièmement. Il sait très bien que c'est
impossible que la guillotine tombe demain en vertu de l'article 156. Quant
à nous, nous sommes intéressés à l'étude du
projet de loi.
M. Lalonde: M. le député de Saint-Jacques me
rassure. J'ai fait une suggestion...
Mme Lavoie-Roux: II paraît que cela se fait à petit
feu, cela.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Charron:
Une guillotine à petit feu. M. Lalonde: Non, elle
était...
Le Président (M. Cardinal): Vous savez que nous avons
manqué de lumière à certains moments. Tout allait alors
parfaitement 101 sur 100.
M. Grenier: On n'a pas eu la guillotine, le ministre avait dit
qu'il électrifierait les chaises, il nous a manqués.
M. de Belleval: On va vous finir à la chandelle. Il n'y a
pas de guillotine, ils ne sont pas coupables.
M. Lalonde: Est-ce que vous me permettez de faire appel au
sérieux à cette commission?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'avais fait une suggestion que je retire, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Nous sommes devant l'article
8, tel que proposé, est-ce que cet article sera adopté?
M. Grenier: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: J'aimerais, suite aux discussions, proposer un
amendement à l'article 8, qui se lirait comme suit: Remplacer les mots
à l'article 8 par les mots suivants: Le projet de loi et les
règlements sont rédigés en français et ils sont
accompagnés d'une version anglaise. A l'Assemblée nationale, les
projets de loi sont déposés, adoptés et sanctionnés
dans la langue officielle".
Le Président (M. Cardinal): Puis-je avoir le texte, s'il
vous plaît?
M. Grenier: Je regrette de ne pas avoir de copie, la panne
d'électricité nous a empêchés de...
Le Président (M. Cardinal): Non, donnez-moi le texte, pour
commencer et on verra ce que nous ferons.
La proposition c'est que l'article 8 soit modifié je me
permets de corriger légèrement votre texte, M. le
député de Mégantic-Compton en remplaçant
certains mots par les mots suivants. Remarquez que votre amendement tel que
rédigé, remplacer les mots à l'article 8 par les mots
suivants, c'est quelque chose de grave.
M. Charron: Vous avez raison.
Le Président (M. Cardinal): C'est même très
grave. J'ai déjà rendu la décision et mes
prédécesseurs en ont déjà rendu. A cause de
l'article 70 du règlement et de l'ancien article 566, note 8 de l'ancien
règlement, le président doit non seulement il peut, mais
doit déclarer recevable une motion d'amendement qui a pour effet
de remplacer tout un article par un nouvel article.
J'ai même dit, dans une autre décision qui a
été rendue vous m'excuserez de ne pas me rappeler cette
fois-ci la date et l'heure, cela fait tellement longtemps que nous sommes
agréablement ensemble en ce sens que l'on ne doit pas non plus
déclarer recevable une motion qui conduit presqu'à la même
fin. Par exemple, on pourrait ajouter et retrancher tellement de mots que
l'article n'existerait plus.
Le seul moyen de remplacer un article par un autre article, c'est de
faire une motion de retrait de l'article. Je vous préviens que cela est
peu facile. La motion est donc déclarée irrecevable.
M. Grenier: M. le Président, me serait-il possible de
corriger mon amendement pour qu'on lise: je m'excuse mais je vous ai
passé le texte "Les projets de loi" et ensuite...
Le Président (M. Cardinal): Je peux vous le passer,
même si j'ai commencé à écrire dessus.
M. Grenier: Non, faites-en donc la lecture complète, vous
l'avez sous la main, ce sera plus facile.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on pourrait aider
l'Union Nationale?
Le Président (M. Cardinal): Non, si vous le permettez, M.
le député de Mégantic-Compton. Ma gentillesse est reconnue
de tous depuis longtemps, mais ce n'est pas la façon de procéder
pour une motion d'amendement. J'ai toujours exigé un texte. Je puis vous
reprêter votre amendement... Je pourrais vous faire une suggestion, M. le
député. Nous n'avons pas discuté de votre motion.
Retirez-la et présentez-en une nouvelle, comme l'a fait le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. le député de Mégantic-Compton, je vous retiens
votre droit de parole.
M. Grenier: M. le Président, à votre
suggestion...
M. Charron: L'Opposition marche au pif!
M. Lalonde: C'est de l'amateurisme, messieurs de l'Union
Nationale.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: Vous avez réécrit votre amendement
tantôt.
M. Grenier: Ne manquez pas à votre parole dans l'espace de
trois minutes, vous. Ne changez pas d'idée dans trois minutes, vous, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Charron: II tire de la langue!
M. Grenier: Je retire l'amendement pour apporter un changement
dans une nouvelle motion qui se lirait comme suit: "Les projets de loi
en conservant à l'article 8 les mots: "Les projets de loi" et les
règlements sont rédigés en français et ils sont
accompagnés d'une version anglaise. A l'Assemblée nationale, les
projets de loi sont déposés, adoptés et sanctionnés
dans la langue officielle".
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, je ne peux pas suspendre cette fois-ci. Je regrette,
c'est une motion de la même nature, de la même forme que les deux
motions précédentes qui ont été rejetées, et
au même effet.
Je rappelle que dans une décision que j'ai commencé
à rendre samedi, j'ai indiqué que "Blanc bonnet ou bonnet blanc",
c'était pour moi non pas pareil, mais même identique
et je ne puis recevoir la motion.
M. Charron: M. le Président, sur l'article 8... Le
Président (M. Cardinal): Un instant, sur
l'article, c'est toujours le député de
Marguerite-Bourgeoys qui a la parole.
M. Charron: Non, il a retiré... Sur l'article 8, M. le
Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Jacques et ministre
délégué.
M. Charron: Etant donné que, manifestement, l'Opposition
est incapable d'accoucher d'un amendement recevable, j'en propose l'adoption,
mais je me dis tout de suite qu'on est au début de notre semaine et
qu'est-ce que ce sera samedi après-midi prochain comme qualité
d'amendements qu'on va nous présenter?
M. Grenier: Cela fera longtemps qu'on sera rendu chez nous.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 8, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, vous voulez parler sur l'article 8?
M. Ciaccia: Je veux parler sur l'article 8 et je veux proposer un
amendement à l'article 8. Mais avant de le proposer, je vais prendre mon
temps sur l'article 8 et je vais expliquer pourquoi...
Le Président (M. Cardinal): Dès ce moment, vous
parlez sur l'article 8, tant que je n'ai pas reçu votre motion.
M. Ciaccia: L'article 8, M. le Président, parle des
projets de loi rédigés dans la langue officielle et
déposés, adoptés et sanctionnés à
l'Assemblée nationale dans la langue officielle.
Nous voulons non seulement que les projets de loi soient
rédigés dans la langue officielle, mais qu'ils soient aussi
déposés à l'Assemblée nationale en anglais. Qu'une
version anglaise accompagne le projet de loi. C'est tout ce que nous voulons
demander.
Le temps de proposer cet amendement, ce n'est pas à l'article 10.
En effet, même si on ajoutait le mot "simultanément" à
l'article 10, ce serait simultanément à quoi? Ce n'est pas
à l'article 10 que nous pouvons faire l'amendement.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. Paquette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, sur la question de
règlement.
M. Paquette: Je pense que le député est en train de
mettre en doute une décision que vous avez déjà
rendue.
Le Président (M. Cardinal): Exactement.
M. Ciaccia: Non, ce n'est pas la mettre en doute.
Le Président (M. Cardinal): Non, M. le
député de Mont-Royal, je m'excuse. Je vous l'ai dit, je veux tout
accepter. J'ai fort bien compris ce que vous avez dit et, à moins que je
ne vous interprète mal, vous mettez en cause les deux décisions
que je viens de rendre...
M. Ciaccia: Non, M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): ...parce que vous parlez de
l'article 10 et je viens de dire qu'il n'a jamais été
appelé.
M. Ciaccia: Non, je parle de l'article 8. Vous avez raison...
Le Président (M. Cardinal): Je l'espère.
M. Ciaccia: ...l'amendement tel que rédigé et tel
que présenté devrait être soumis lors de la discussion de
l'article 10. Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce que je veux
dire, c'est que l'idée que nous voulons exprimer doit s'exprimer
à l'article 8. L'idée que nous voulons exprimer, c'est qu'il y
ait une version anglaise qui accompagne les projets de loi. Je vais faire la
motion suivante...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Ciaccia: Vous comprenez, je ne mettais pas en doute vos
décisions.
Le Président (M. Cardinal): On vous écoute. Oui,
vous êtes parfait.
M. Ciaccia: D'accord. Je propose que l'article 8 soit
modifié en ajoutant l'alinéa suivant: "Une version anglaise est
également et simultanément déposée à
l'Assemblée nationale".
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant! Puis-je
avoir des copies pour les membres de la commission?
M. Paquette: M. le Président, sur la
recevabilité...
Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant! Justement, je
veux qu'on parle de recevabilité. Je laisse quelques secondes aux
partis, pour que, dans chaque formation politique, on s'entende sur le
représentant qui va en parler. Le premier, normalement, qui devrait en
discuter, c'est M. le député de Mont-Royal, sur la
recevabilité uniquement et non pas sur le fond.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois que cet amendement
devrait être recevable. Nous n'allons
pas à rencontre du principe de l'article 8; nous voulons ajouter
à l'article 8 pour que ce soit conforme aux pratiques maintenant. Je
crois sincèrement que le seul article où nous pouvons apporter un
tel amendement, c'est ici et ce n'est pas à l'article 9, ni à
l'article 10.
Nous n'allons pas à rencontre du principe de l'article 8; nous
ajoutons une autre obligation de la part du législateur.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Rosemont sur la recevabilité.
M. Paquette: M. le Président, j'aurais quasiment envie de
vous demander beaucoup de clémence pour qu'on puisse enfin recevoir un
amendement. Depuis hier, il y a eu à peu près une dizaine
d'amendements qui nous ont été soumis et, si ma mémoire
est fidèle, neuf d'entre eux ont été jugés
irrecevables. Cela ressemble de plus en plus, tout simplement, à des
tentatives pour faire perdre le temps de cette commission, alors que nous avons
des articles importants à étudier plus loin.
Je pense qu'encore une fois cet amendement est irrecevable, parce que,
même si le libellé est légèrement différent
d'un amendement que vous avez jugé irrecevable, le sens en est le
même. On avait, précédemment, un amendement pour que
l'administration imprime et publie simultanément une version anglaise
des lois et règlements, alors qu'ici l'amendement concerne uniquement
les lois. Je pense qu'il est contenu dans l'autre amendement et que, là
aussi, c'est un amendement qui devrait être fait à l'article 10,
suivant une décision que vous avez rendue antérieurement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Rosemont. Je vais vous demander d'être
clément. J'ai remarqué que cela m'a été utile
d'être avec un autre. Y a-t-il quelqu'un de l'Union Nationale qui veut
s'exprimer?
M. Grenier: Pas maintenant, M. le Président. Le
Président (M. Cardinal): Non?
M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la
recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette, non plus.
M. Ciaccia: M. le Président. Quelques mots.
Le Président (M. Cardinal): Oui, si vous êtes une
seule personne.
M. Ciaccia: A l'article 10, on parle d'imprimer et de publier. Ce
n'est pas à cela que nous voulons en arriver. Nous voulons que le
dépôt soit fait simultanément, M. le Président. Pour
nous c'est important. C'est ce que nous voulons à l'article 8. Nous
voulons que le dépôt soit fait simultanément, que ce soit
spécifié à l'article 8. L'article 10 traite d'un autre
sujet. Même si on ajoute le mot "simultanément" à l'article
10, cela ne voudrait absolument rien dire.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Excusez-moi, j'ai
refusé la parole à plusieurs députés. J'ai bien
indiqué, dès les débuts des travaux de cette commission,
que sur la recevabilité, sauf dans une situation très
particulière, je ne permettrais qu'à un seul représentant
de chacune des formations politiques de s'exprimer. C'est pourquoi je regrette
pour le député de Deux-Montagnes et le député de
Joliette-Montcalm. M. le député de Mégantic-Compton ne
s'est pas exprimé.
M. Grenier: Une seconde sur la recevabilité de la motion.
Je dis que c'est toujours le même problème, que cet article est
partiellement compris à l'article 10. Mais s'il peut y avoir un doute,
je pense bien qu'il jouerait en faveur du parrain car cette fois il se rapporte
au projet de loi déposé à l'Assemblée nationale.
C'est exactement le sujet de l'article 8.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. D'autant plus que vous allez
voir que je vais... Oui, M. le député de Mont-Royal.
Brièvement.
M. Ciaccia: Brièvement. C'est un autre point. L'article 10
parle de l'administration, en plus de la question de publier et d'imprimer. A
l'article 8, je crois que c'est avant que l'administration fasse cela avec la
loi. C'est pour cette raison qu'on veut faire cet amendement à l'article
8.
Le Président (M. Cardinal): Madame, messieurs, vous
remarquerez que presque chacun de ceux qui se sont exprimés ont dû
toucher un peu au fond de la question, au fond même de tout le chapitre
3. Là, peut-être que cela sera une surprise, non pas parce que je
vais déclarer la motion recevable, ce n'est pas pour cela, parce que je
sais que cela vous surprendrait, ni parce que je la déclarerai
irrecevable, vous le saurez au bout de la phrase, c'est qu'il y a deux choses:
si on prend le fond de la législation, non pas le fond, mais le principe
de ce chapitre, cette motion, contrairement aux autres, pourrait être
acceptée.
Mais, si je prends le texte que j'ai devant moi, M. le
député de Mont-Royal, j'ai beaucoup de difficulté à
l'accepter, parce que nous aurions alors un article qui se lirait comme suit:
"Les projets de lois sont rédigés dans la langue officielle et
sont également, en cette langue, déposés à
l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés. "Une
version anglaise est également et simultanément
déposée à l'Assemblée nationale."
Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y a quelque chose qui manque
quelque part. Je ne vois pas... M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, un bon jour, à cette commission, a discuté
longuement des lois qui n'ont pas de sanction, et que, je lui ai rappelé
par la suiteil vient de le
souligner lui-même l'on appelle des lois imparfaites. C'est
le cas, par exemple, de l'article 599a du Code civil, qui a été
adopté pour faire plaisir à des gens dans les années
cinquante, qui n'a jamais eu de sanction, qui n'a jamais pu être
sanctionné et qui a toujours été violé.
C'est un article qui parle de formalités quant à la forme
authentique pour les règlements de successions dans les cas de mineurs
et d'incapables.
Or, cette phrase ajoutée, telle que rédigée, me
paraîtrait justement être ce genre de loi imparfaite. Qui a la
responsabilité de cette distribution, de ce dépôt?
Qu'est-ce qui arrive s'il n'est pas fait? J'aimerais mieux qu'on y
réfléchisse avant de déclarer recevable cette motion.
Remarquez que, sur le fond de la motion, je n'ai pas les mêmes
réticences que celles sur les deux autres qui ont été
refusées.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, écoutez...
Là, il faudrait faire attention... Si on n'est pas en face d'une
situation...
M. de Bellefeuille: Est-ce que...
Mme Lavoie-Roux: C'est pour être bien sûr que je
comprends bien votre décision, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Bon! D'accord. Oui...
M. de Bellefeuille: J'ai une suggestion, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, dans
l'ordre, M. le député de Deux-Montagnes, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. de Bellefeuille: M. le Président, si vous permettez,
à propos de cette motion. Cette motion me rappelle un exemple qu'on
trouve dans un livre qui s'appelle, je pense, La clarté
française, dans lequel on donne comme exemple qu'il ne faut pas dire que
le lapin est un animal timide et nourrissant, parce que ce sont deux mots de
deux ordres trop différents pour les grouper ensemble.
Les mots "également" et "simultanément" rappellent cet
exemple, parce que "également", ici, est un faux adverbe. Il ne veut pas
dire de façon égale. Il veut dire aussi; est aussi et
simultanément, alors, le "et" est de trop. Alors, il y a un vice de
français qu'il faudrait, de toute façon, corriger.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Dans l'ordre... M.
le député de Deux-Montagnes, je sais bien qu'on va se rendre
à 14 heures. Alors, tant qu'à le faire, on va le faire.
M. le député de Deux-Montagnes, je suis entièrement
d'accord avec vous. Je n'ai pas voulu attaquer du tout le français du
parrain de la motion.
M. de Bellefeuille: Non, de la motion, et non du parrain.
Le Président (M. Cardinal): Oui. J'ai simplement dit que,
telle que rédigée, non pas dans son esprit, mais dans son
libellé, j'avais des doutes fort raisonnables qui me faisaient pencher
pour la non-recevabilité.
Mme le député de L'Acadie, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme Lavoie-Roux: Je ne voudrais pas que vous preniez ma question
comme une critique quelconque à l'égard du jugement que vous
étiez à expliciter. J'ai cru comprendre dans votre argumentation
qui, je sais, est toujours serrée, que cela vous semblait un peu vague
parce que vous vous demandiez qui se chargerait de cette obligation de produire
une version anglaise.
Vous avez peut-être raison, mais je me demande si cela ne
s'appliquerait pas aussi au premier alinéa. Qui va se charger des
projets de loi pour qu'ils soient rédigés dans la langue
officielle? Le même argument que vous employez là ne pourrait-il
pas être utilisé pour l'autre?
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais tenter d'y
répondre. Je dis que non. Je compare l'article 10 encore une
fois, on est obligé d'y revenir, tous autant que nous sommes
l'administration imprime... C'est purement un acte de simple
administration.
Quand on dit que les projets de loi sont rédigés dans la
langue officielle, ce n'est pas de la simple administration. On sait qu'il
existe à l'Assemblée nationale tout un procédé,
tout un processus, pour le faire, et j'aurais pu être plus clair. J'ai
voulu simplement raccourcir les raisons du jugement que je n'ai pas encore
rendu, et je puis donner plus de détails.
C'est beaucoup plus et c'est vraiment... D'ailleurs, je m'exprime mal
quand je dis que c'est beaucoup et c'est vraiment, c'est du langage verbal, ce
n'est pas de la législation. C'est beaucoup plus le libellé,
comme le soulignait d'ailleurs M. le député de Deux-Montagnes,
qui me frappe. J'ai beaucoup de difficultés à l'accepter dans un
texte de loi qui s'appelle la Charte de la langue française et qui
viendrait dire à l'article 8, alors qu'on n'a pas encore vu l'article 10
justement, qu'une version est également et simultanément
déposée à l'Assemblée nationale.
C'est vraiment là où est pour moi la pierre
d'achoppement.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le premier argument, le député de
L'Acadie vous l'a dit, si une version anglaise est déposée
à l'Assemblée nationale ne va pas, à ce moment, pourquoi
cela irait-il de dire: Les projets de loi sont rédigés dans la
langue officielle? Ils sont déposés à l'Assemblée
nationale dans cette langue.
Je pense que l'amendement emploie la même forme passive.
Là-dessus, je pense que le député de L'Acadie a
exprimé son point de vue.
Quant aux mots "également et simultanément",
"également" nous l'avons copié de la phrase
précédente qui n'est pas de façon égale, mais aussi
quand on dit à la phrase précédente, l'article 8 actuel,
ils sont également, c'est de l'encre déposée. Ce n'est
sûrement pas de façon égale, mais la version anglaise est
également déposée. La répétition pourrait
peut-être être indésirable. A ce moment, peut-être
"aussi" serait préférable. On est rendu dans la
sémantique. "Simultanément" ajoute à "également"
parce qu'on pourrait dire ils sont également déposés
à l'Assemblée nationale, mais trois mois plus tard tandis que
"simultanément" veut dire "en même temps". Cela ajoute à
"également".
Le Président (M. Cardinal): Je suis bien d'accord avec
vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. D'ailleurs votre
argumentation me fait encore douter davantage de la recevabilité de la
motion. Je vais vous dire pourquoi. Je ne voudrais pas être dans la
situation je l'ai fait rarement où je fais une suggestion
sur la rédaction que j'accepterais pour ensuite déclarer si elle
est recevable ou pas.
A ce moment, c'est vraiment 65,2 que j'utilise et je suis obligé
de corriger de mon propre chef l'amendement.
Je vous dis que s'il y avait un texte très
légèrement différent je vais vous dire pourquoi
j'insiste sur chaque argument que vous avez donné c'est que vous
dites vous-même qu'il y avait deux fois le mot également dans
l'article.
Je vais poser un geste tout de suite pour que toute chose soit prise
calmement et avec réflexion. A l'heure qu'il est, je suggérerais
aux membres de l'Opposition officielle d'y repenser et de proposer, s'ils le
désirent, c'est leur privilège, un nouvel amendement à
l'occasion de l'étude de l'article 8. La séance est suspendue
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
Reprise de la séance à 15 h 5
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Au moment de la suspension, à treize heures et quelques minutes,
j'avais devant moi une motion de M. le député de Mont-Royal. Je
n'avais pas rendu de décision sur la facture de cette motion. J'avais
simplement conseillé que l'on y pense pendant l'heure du
déjeuner.
Je demanderais à M. le député de Mont-Royal
où il en est rendu dans sa réflexion.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais non pas demander
une directive, mais faire une suggestion pour nous aider, premièrement,
à épargner du temps et, deuxièmement, afin que nous
puissions arriver à discuter du fond de la motion d'amendement que je
veux faire.
La raison pour laquelle je vous demande ceci, c'est parce que, chaque
fois que nous proposons un amendement, nous recevons des objections très
fermes du côté ministériel quant à sa
recevabilité. Le but auquel nous voulons arriver par l'amendement que
nous voulons suggérer à l'article 8, c'est de demander que les
projets de lois soient déposés simultanément en
anglais.
J'ai ici deux versions d'une motion d'amendement. Si c'est possible pour
vous, puisque vous êtes le président de cette commission, que vous
êtes objectif et que vous protégez les intérêts de
tous les membres de la commission, je voudrais que vous vous prévaliez
de l'article 65 afin que nous puissions arriver à avoir une motion
d'amendement répondant aux objectifs que je vous ai
soulignés.
Une de ces motions d'amendement se lirait comme suit...
M. Paquette: J'espère qu'elles ne seront pas irrecevables
toutes les deux.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Ils ne l'ont même pas entendue, puis tout de
suite c'est irrecevable.
M. Paquette: J'ai dit "j'espère."
M. Ciaccia: C'est de l'obstruction systématique du
côté ministériel.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Ciaccia: Après cela ils nous accusent de "filibuster"
et c'est eux qui font le "filibuster" sur la recevabilité d'une motion?
C'est impensable.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mont-Royal, puis-je vous poser une
question?
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous déposez devant moi
deux nouveaux projets de motions. Est-ce que je considère que vous
retirez celle qui avait été présentée avant la
suspension?
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Cette motion est
retirée et j'ai devant moi deux nouvelles motions...
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 8.
Le Président (M. Cardinal): Non, à l'ordre, s'il
vous plaît! J'ai accordé la parole à M. le
député de Mont-Royal et j'entends bien que ma décision
soit respectée.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vous demanderais de vous prévaloir de
l'article 65 pour nous dire laquelle de ces deux motions vous jugeriez
recevable si l'une des deux est acceptable.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mont-Royal, si vous me permettez quelques secondes de
réflexion...
Vous pouvez les lire, si vous voulez, oui.
M. Ciaccia: Une des motions à l'article 8: Que l'article 8
soit modifié en remplaçant, dans la troisième ligne, les
mots "adoptés et sanctionnés" par les mots "accompagnés
d'une version anglaise et ils sont, de plus, adoptés et
sanctionnés dans la langue officielle." L'article amendé se
lirait comme suit: "Les projets de loi sont rédigés dans la
langue officielle. Ils sont également, en cette langue,
déposés à l'Assemblée nationale, accompagnés
d'une version anglaise. Ils sont, de plus, adoptés et sanctionnés
dans la langue officielle". C'est l'une des motions, l'autre qui est plus
simple se lit: "Que l'article 8 soit modifié en ajoutant l'alinéa
suivant: "Une version anglaise des projets de loi est déposée
simultanément avec le texte français à l'Assemblée
nationale".
Le Président (M. Cardinal): Je ne ferai pas de
débat sur la recevabilité, si vous me le permettez, je vais
répondre tout de suite à votre demande de directive.
Je préfère de beaucoup votre première
rédaction, celle que vous appelez la moins simple, à la
deuxième que vous appelez la plus simple. Avec la deuxième, nous
revenons presque au débat restreint qui s'est poursuivi ce matin. Comme
je dois, en vertu de l'article 39, faire respecter le règlement, mais
que, d'autre part la tradition veut que, dans un cas de doute, les partis de
l'Opposition puissent s'exprimer et comme je voudrais éviter, de plus,
pour accélérer les travaux de cette commission
accélérer, il ne faudrait pas le prendre dans un sens
péjoratif
Une Voix: Je ne vous prendrai pas au mot.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Je vais déclarer
immédiatement votre projet d'amendement à l'article 8 le
premier que vous avez lu recevable. Il est conforme à la
technique prévue par l'article 70 et il ne me paraît pas aller
à rencontre de l'article 10 du projet de loi.
La motion d'amendement à l'article 8 je demande qu'on en
fasse la distribution aux membres de la commission se lit comme suit:
"Que l'article 8 soit modifié en remplaçant, dans la
troisième ligne, les mots "adoptés et sanctionnés" par les
mots "accompagnés d'une version anglaise. Ils sont de plus
adoptés et sanctionnés dans la langue officielle".
L'article amendé se lirait comme suit: "Les projets de loi sont
rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en
cette langue, déposés à l'Assemblée nationale,
accompagnés d'une version anglaise. Ils sont de plus adoptés et
sanctionnés dans la langue officielle."
Je termine en ajoutant que je considère que, sur le plan purement
législatif, le texte est très acceptable et que, sur le plan du
règlement, il est très recevable.
M. le député de Mont-Royal sur votre motion
d'amendement.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il n'y a aucun doute,
M. le Président, que nous aurions préféré que les
projets de loi soient rédigés, adoptés et
sanctionnés non seulement dans la langue officielle, mais aussi en
anglais, et ceci sans aucunement enlever la primauté du français,
sans aucunement enlever que le français soit la langue officielle du
Québec nous avons voté pour sans aucunement enlever
tous les autres droits fondamentaux pour la langue française et pour
ceux qui sont de langue française. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a
une minorité et que même le gouvernement continue à
répéter qu'il veut protéger ses droits et lui
reconnaît même certains droits.
L'amendement que nous faisons vise à compléter
l'application de certains principes reconnus par le gouvernement quoique ces
principes soient bien minimes.
Si on veut donner le droit à quelqu'un de s'exprimer en anglais
à l'Assemblée nationale, comment pouvons-nous vraiment dire que
ce droit va pouvoir s'exprimer si le projet de loi n'est même pas
déposé?
On ne dit pas sanctionné ici, quoiqu'on le voudrait. S'il n'est
même pas déposé, comment cette personne pourra-t-elle
prendre connaissance du projet de loi. On veut seulement qu'elle puisse en
prendre connaissance pour qu'elle puisse comprendre le sens des lois, le sens
ou le non-sens des lois que le gouvernement va proposer. C'était
seulement dans le but d'aider ces personnes et de compléter et de
poursuivre les principes que le gouvernement même a donnés. Ces
principes, nous les voyons dans les articles subséquents. Même le
gouvernement a admis qu'il peut imprimer et publier une version anglaise des
lois et des règlements. Mais ce n'est pas assez, seulement la loi
à sanctionner. Souvent il y a des repré-
sentations à faire. Il y a des changements. C'est un droit
très minime qui ne compromet pas du tout les principes du chapitre 3 du
projet de loi que nous examinons maintenant.
Pour le moment, M. le Président, je pense que ce sont des raisons
assez minimes pour accepter cet amendement. Il faudrait que le gouvernement
montre un peu de flexibilité. Il ne faudrait pas qu'il se montre punitif
envers les minorités. On nous donne toujours comme argument que les
autres provinces ne font pas ceci, ne font pas cela. Je ne pense pas que cela
soit une façon de légiférer que de voir ce qu'une autre
province fait, et si elle a fait quelque chose d'une façon injuste ou si
elle ne l'a pas bien faite, on va copier. On oublie qu'ici, une certaine
réalité, certains droits, certaines coutumes existent. Je ne
trouve pas que cela soit juste d'enlever ces droits, de les réduire,
d'enlever ces coutumes sans avoir de raisons valables. S'il y avait des raisons
valables de dire que certaines choses vont aller à l'encontre de
certains droits qu'un autre groupe a, en pesant les deux droits, il faut dire:
Ecoutez, s'il y a un certain abus, il va falloir corriger le
déséquilibre. Je peux accepter, M. le Président, un
argument de ce genre.
Mais de déposer, dans une autre langue, et c'est la pratique
maintenant, et je ne crois pas que ce soit le dépôt des projets de
loi à l'Assemblée nationale qui ait causé les
problèmes démographiques ou les atteintes selon ce que le Parti
québécois voudrait faire croire, portés à la langue
française. C'est une courtoisie pure et simple, et pour donner effet aux
autres articles du projet de loi, parce que si ce n'est pas
déposé, M. le Président, je ne vois pas l'utilité
d'inclure les autres articles que le gouvernement propose.
Il ne faut pas dire que c'est une question de
générosité, parce que cela n'en est pas une. Maintenant,
les projets de lois sont non seulement déposés, mais ils sont
sanctionnés et ils sont adoptés dans les deux langues. Il ne
faudrait pas non plus, M. le Président, provoquer des contestations
inutiles. On pourrait provoquer de telles contestations si on éliminait
le minimum de courtoisie qu'on demande.
M. le Président, je crois que je suis justifié en
apportant cet amendement. Je réitère qu'il ne va pas aussi loin
que je le voudrais, mais, pour le moment, vous savez, faute de pain, on mange
de la galette; si c'est le mieux qu'on puisse obtenir en guise de simple
courtoisie, le gouvernement devrait accepter cet amendement.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel qui
veut s'exprimer sur la motion d'amendement?
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Je voudrais d'abord dire, M. le Pré- sident,
que le débat, en l'occurrence, ne saurait porter sur le fond, puisque le
gouvernement s'engage lui-même, dans l'article 10, à imprimer et
publier une version anglaise des lois et règlements. Si l'on veut
invoquer ici la courtoisie, la courtoisie est aussi bien respectée en
incluant une disposition de cette nature dans l'article 10 que dans l'article
8.
Alors, le débat se restreint à une question d'ordonnance,
à l'ordre dans lequel apparaissent les dispositions. En l'occurrence,
selon l'ordre que nous avons adopté, il nous semble
préférable de faire apparaître, deux articles plus loin, ce
qui a référence à l'anglais, après avoir
établi la place qu'occupe le français, la langue officielle, dans
la rédaction, dans l'adoption et dans la sanction des lois.
Il nous apparaît donc que le député de Mont-Royal ne
nous a présenté aucune bonne raison pour modifier, d'une
façon valable, l'ordre que nous avons adopté.
En l'occurrence, nous rejetons l'amendement et nous
préférons que l'article 8 continue à se lire tel qu'il
apparaît au projet de loi.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, si nous reconnaissons deux
versions des textes de loi adoptés par l'Assemblée nationale, je
pense qu'il faut prévoir ce qui arrivera en cas de divergence sur
l'interprétation à donner à plusieurs articles de ce
projet de loi.
L'Union Nationale favorise la prééminence du texte
français lorsqu'il y a divergence entre les deux versions d'un texte de
loi, et les règles ordinaires d'interprétation lorsqu'il n'est
pas possible de résoudre le cas convenablement.
Cette prise de position concilie notre souci de ne pas porter
préjudice aux droits des parties, comme on l'a dit
précédemment, aux prises avec un litige qui met en cause
l'interprétation d'un ou de plusieurs articles d'un texte de loi, et
notre engagement en faveur de la prééminence du
français.
Cette motion qui nous est proposée aujourd'hui est un minimum,
à mon sens, qu'il nous faut accepter, non pas qu'on y trouve là
étanche-ment à notre soif, mais c'est un minimum qu'il faut
accepter, que les députés ministériels devraient accepter
également, s'ils veulent, une fois pour toutes, ne pas prêter
flanc à l'accusation qu'ils nient l'existence d'une communauté
anglophone articulée au Québec.
On doit l'accepter d'autant plus que le principe d'une version anglaise
est admis à l'article 10 et que, fort de ce principe de l'article 10, on
peut préciser ici que la version anglaise doit être
accompagnée du document. En fait, ce qu'on veut par cet article, vous
l'avez découvert, on veut se donner en même temps ce
règlement à l'article de la loi.
C'est de toute évidence que l'Union Nationale appuiera cet
amendement proposé par mes voi-
sins de la droite ici puisque c'est un minimum au moins que le
gouvernement pourrait nous concéder.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, nous avons enfin un
amendement qui peut améliorer la rédaction de ce projet. Je
voudrais tout d'abord dire quelques mots à la réaction du
ministre qui a fait une pirouette pour arriver à la conclusion qu'il
voterait contre l'amendement.
Il dit, pour se dégager de sa responsabilité de voter en
faveur, que le gouvernement s'engage à imprimer ou publier à
l'article 10 alors que l'amendement parle de dépôt
le dépôt d'un projet de loi en même temps dans la version
anglaise que le texte dans la langue officielle.
Je m'étonne de cette attitude du ministre, M. le
Président, étant donné que l'article 133 a toujours
été appliqué ainsi. Il a toujours été
appliqué de la façon dont on tente de le faire reconnaître
par notre amendement, non seulement par les anciens gouvernements, mais
même par le gouvernement actuel. Je dirais aussi, non seulement par le
gouvernement actuel, mais même par le minigouvernement au
développement des affaires culturelles dans le dépôt du
projet de loi 101 et du projet de loi no 1.
En effet, avant l'ajournement pour le déjeuner, le ministre a
confirmé que la version anglaise avait été disponible
immédiatement au moment du dépôt de la version
française, c'est-à-dire du texte français de ces lois.
Pourquoi insister? Tout d'abord parce que c'est dans notre constitution.
Agir en non-conformité avec notre constitution n'est pas acceptable pour
un législateur responsable. Deuxièmement, en pratique, c'est dans
la loi que le traitement des droits individuels se retrouve.
C'est au moment du dépôt d'un projet de loi que chaque
citoyen, qui peut être affecté par ce projet de loi, doit
vérifier si les solutions proposées par le gouvernement
respectent ses droits fondamentaux, ses libertés. C'est dans le texte de
sa langue d'usage, maternelle pour plusieurs, qu'un citoyen, parmi les
centaines de milliers de citoyens dont la langue maternelle ou la langue
d'usage est l'anglais, qui forment une communauté qui semble vouloir
très timidement être reconnue par le gouvernement dans le
traitement qu'il fait de la langue d'enseignement, mais qui, d'autre part, est
traité non pas comme une communauté, mais comme une
agglomération d'individus.
C'est donc traiter la communauté de la langue seconde au
Québec avec justice, conformément aux dispositions de notre
constitution, que de déposer en même temps dans la langue anglaise
une version des textes de loi, puisque de toute façon on va être
appelé à en publier, à en imprimer une version plus tard.
Ne pas le faire est inutilement vexatoire. Tout d'abord parce que c'est briser
avec une tradition qui est conforme à nos lois et qui n'est pas une
source d'assimilation.
Si on peut retrouver au Québec un forum où le
français a la prédominance la plus complète, je pense que
c'est bien à l'Assemblée nationale. C'est bien ici à cette
commission et aux commissions semblables. Je ne pense pas qu'aucun francophone
ne se soit senti vexé ou ait senti ses droits linguistiques
lésés par le traitement que la langue française a
reçu ici à cette Assemblée nationale, depuis des
décennies. Il me semble strictement mesquin, pusillanime que de compter
au compte-gouttes le traitement qu'on ferait d'une disposition quand même
de notre constitution, c'est-à-dire le dépôt des lois dans
la langue anglaise.
Il me semble que majoritaires, ayant affirmé nos droits devant
une certaine menace à cause de notre petit nombre, quand même, en
Amérique du Nord, une fois dans le cénacle où l'exercice
de nos droits démocratiques reçoit son application, il me semble
que c'est bien là que l'on devrait donner l'exemple d'une
maturité positive, donner l'exemple d'une courtoisie peut-être...
mais même pas de courtoisie. On est courtois souvent envers des gens qui
n'ont pas les moyens de réclamer leurs droits. Je dirais simplement
traiter avec justice, puisque les textes de loi sont là. C'est
même surprenant que nous devions quêter un traitement aussi simple
de la part du gouvernement, d'autant plus que la raison que le ministre a
invoquée est complètement en dehors de la question.
C'est faux que l'article 10 répète ce qu'on demande dans
notre amendement. L'article 10 dit simplement: "L'administration imprime et
publie une version anglaise des lois et règlements". La loi ne dit pas
au gouvernement quand le faire. Encore là, on confie au gouvernement de
peut-être bien traiter, suivant sa bonne humeur, des droits qui existent
dans nos lois, dans la constitution. C'est la loi qui est notre patron, ce
n'est pas le gouvernement, ce n'est pas le bon vouloir, le bon plaisir du
gouvernement. On veut éviter, justement, le caprice du prince. Si le
prince se lève d'un mauvais côté, un matin, il publiera les
lois peut-être dans un mois, privant ainsi 1 million de citoyens d'une
bonne compréhension de leur processus démocratique. Le
gouvernement de tous les Québécois, s'il prétend
l'être, se sera éloigné, aura coupé des ponts, aura
coupé d'autres communications avec une partie importante, 20% de la
population.
M. le Président, c'est avec des attitudes de cette nature que ce
gouvernement est en train de réduire petit à petit la base qui
l'a mené au pouvoir. Les Québécois ne sont pas comme cela,
mais pas du tout. Chaque fois que le gouvernement fait preuve d'intransigeance,
fait preuve de mesquinerie de cette façon, M. le Président, il
perd des votes. Je l'avertis: A la prochaine occasion, vous verrez
jusqu'à quel point vous vous serez peinturés dans un coin en
suivant une approche et en écoutant une inspiration plus radicale, plus
négative qui souvent nie la rationalité la plus simple.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, à écouter le
député de Marguerite-Bourgeoys, on a l'impres-
sion qu'il est en train de livrer toutes les péripéties
par lesquelles il est passé dernièrement et qu'il est en train de
nous donner certains conseils que lui-même n'a pas observés ou que
son propre parti n'a pas observés.
Je voudrais dire que cet amendement j'en parle pour ne pas
enfreindre le règlement est la façon la plus merveilleuse
de faire perdre du temps à un groupe de parlementaires.
Quelle est la logique du chapitre III: Si on sait lire et surtout
comprendre, on se rend compte que, dans un premier temps, on affirme que la
langue de la justice, c'est la langue officielle, le français. Dans un
deuxième temps, on dit que c'est rédigé dans la langue
officielle, que c'est déposé à l'Assemblée
nationale dans la langue officielle, adopté et sanctionné dans la
langue officielle. Suite très logique. Par la suite, on dit que pour
l'interprétation, ce sera la langue officielle qui prévaudra. On
dit, par contre, par courtoisie pour employer le terme du député
de Marguerite-Bourgeoys, qu'il y aura une version anglaise. On a prouvé
par le passé qu'on pouvait le faire simultanément c'est
l'argumentation qui a été apportée par l'Opposition
officielle quand on a déposé le livre blanc sur la langue.
Il y a eu le temps d'avoir un cri en Chambre, parce qu'on ne peut pas
distribuer deux livres à la fois, mais simultanément une version
anglaise a été déposée. Cela a déjà
été donné comme preuve par le gouvernement actuel.
Il ne faut pas juger les autres par ce qu'on a été
soi-même. C'est bien différent. Il faudrait se baser sur les faits
quotidiens. Je vous prierais d'arrêter de vous confesser publiquement,
d'essayer de faire de la projection et de nous comparer à ce que vous
avez été.
Deuxièmement, je voudrais ajouter là-dessus, M. le
Président, que l'Opposition officielle semble oublier ce qu'est un droit
collectif. Je ne sais pas si l'Opposition existe uniquement en fonction de la
minorité, mais on le croirait. Depuis le début de cette
commission, j'ai assisté à des plaidoyers fantastiques pour le
respect des minorités et je n'ai jamais entendu une envolée qui
ait de l'allure sur le droit de la majorité. Il faut croire qu'il ne
leur reste que certains éléments parmi les minorités pour
dépenser autant d'énergie sans souligner, une fois de temps
à autre, ce qu'est un droit collectif, un droit de la majorité.
S'ils voulaient se battre sérieusement sur la
simultanéité, parce qu'ils craignent notre mesquinerie, ils
diraient à l'article 10: L'administration imprime et publie,
simultanément au dépôt des lois et des règlements,
une version anglaise. Ils prouveraient, en tout cas, qu'ils sont moins
puérils, moins infantiles qu'ils ne le démontrent depuis le
début de la matinée. Personnellement, je n'interviens pas souvent
à cette commission...
M. Lalonde: Heureusement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: J'en connais qui auraient avan- tage à se la
fermer bien plus souvent, M. le Président, en particulier les deux qui
viennent d'avoir une réaction. L'art de tourner en rond, pour ne pas
dire plus, ils l'ont parfaitement bien.
Je ne suis pas un colonisé, M. le Président.
J'espère que j'ai compris ce qu'était un droit collectif et je
voudrais demander ceci à l'Opposition qui a si peur de la guillotine,
qui a si peur d'être arrêtée à un moment ou à
un autre de l'étude article par article: S'ils veulent voir plusieurs
articles, qu'ils arrêtent de faire les enfants, qu'ils discutent avec
allure et qu'ils essaient donc de comprendre au lieu uniquement de lire et de
chercher des fions un peu partout pour essayer de gagner du temps sur un
article. Ils en sortent de tellement bonnes qu'ils sont obligés de faire
appel à vous pour venir à bout d'en rédiger une qui ait de
l'allure. Qu'ils réfléchissent un peu. S'ils travaillent pour la
galerie, j'espère que la galerie comprend quelque chose, qu'elle ne fait
pas seulement lire.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire
remarquer que, dans cet amendement qui a été
présenté je pense que les gens autour de la table le
savent fort bien il ne s'agit même pas de changer l'esprit de
l'article 7, il s'agit simplement d'un accommodement qui, nous le pensons,
pourrait servir une partie importante de la population.
Le ministre d'Etat au développement culturel a justifié
son refus en disant que, de toute façon, ceci était prévu
à l'article 10. Comme je sais que le ministre d'Etat au
développement culturel a suffisamment scruté ce projet de loi, il
est certainement capable de voir des différences très simples,
puisqu'il en voit de très compliquées, qu'à l'article 10
il s'agit d'une version anglaise des lois et des règlements, alors
qu'à l'article 8, il s'agit du dépôt d'une loi.
M. Lalonde: D'un projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: Pardon, d'un projet de loi. Je voudrais demander
au gouvernement s'il peut nous expliquer quel objectif il poursuit en refusant
de mettre à la disposition de tous les citoyens, au moment même du
dépôt d'un projet de loi, une version anglaise. Je pense que ce
gouvernement nous a souvent parlé de sa transparence, de son
désir de gouverner et de légiférer à ciel ouvert.
Pourquoi s'oppose-t-il à ce que, lors du dépôt d'un projet
de loi, tous les citoyens puissent en prendre connaissance, le plus tôt
possible, et faire les représentations qu'ils jugeraient opportunes?
Nous savons tous que le gouvernement veut faire du Québec une
province unilingue, totalement unilingue, c'est son droit de viser cet
objectif. Je ne me chicanerai pas avec lui là-dessus. Mais même en
admettant qu'il pourrait, à plus ou moins long terme, réaliser
cet objectif, pourquoi s'entête-t-il à refuser cette mesure qui,
je le redis, même s'il atteignait son objectif à long terme,
permettrait, dans la période de transition qui doit
nécessairement s'écouler entre le temps où tous
les citoyens du Québec parleront le français,
communiqueront en français, que le français sera devenu une
langue de communication, pourquoi priverait-il ses citoyens qui ne parlent pas
le français à ce moment-ci d'une version anglaise? D'ailleurs,
j'ai eu le temps de prendre brièvement connaissance des statistiques ou
de la synthèse que le comité ad hoc sur les études
démographiques a faite sur le projet de loi 101. Je vais être
obligée de la citer de mémoire. On montre la progression vers le
bilinguisme des citoyens anglophones qui, je pense, est rendue à 53%,
une légère diminution sur les francophones. Mais on dit, en
définitive, il reste qu'il n'y a que 53% je le dis sous
réserve, c'était dans l'ordre de 50% d'anglophones
seulement qui parlent le français, ce qui veut dire que le reste ne le
parle pas.
Je me dis qu'avec les années ce bilinguisme des anglophones va
aller en augmentant, il n'y a aucun doute. Pourquoi, entre temps, leur refuser
un outil qui ne vient pas altérer l'esprit de l'article 7, mais
simplement mettre à la disposition des citoyens un outil qui leur permet
de mieux saisir les lois, les objectifs, et faire les représentations
qui s'imposent dans une période qui pourrait être une
période de transition, si l'objectif d'unilinguisme total est atteint?
Je pense que c'est dans cet esprit qu'il faut voir cet amendement et je trouve
vraiment le gouvernement malvenu de dire: Cela n'a pas d'importance. Même
si tous ces gens étaient bilingues, il faut quand même comprendre
qu'un projet de loi en tout cas, cela m'apparaît comme cela,
peut-être que, pour tous vous autres autour de la table, c'est
très simple les projets de loi.
Mais je vais confesser bien humblement que des projets de loi, c'est
complexe, c'est subtil, même si on est bilingue, je vous assure qu'il
faut vraiment être parfaitement bilingue pour pouvoir en saisir toutes
les nuances et les dimensions. Je ne comprends vraiment pas que dans ce
contexte, on refuse de mettre, au moment du dépôt de la loi,
à la disposition d'un grand nombre de citoyens si on ne veut pas
que ce soit 1 million, admettons que ce soit 600 000, si cela vous fait plaisir
puisque, en fait, à l'article 10, on reconnaît qu'il serait
bon qu'ils aient une version anglaise des lois et des règlements. Je le
répète. Cela n'altère pas le principe de l'article 7. Cela
met simplement à la disposition des citoyens un outil qui permettra,
tant aux citoyens qu'au gouvernement, de réaliser des
législations qui seront plus satisfaisantes pour l'ensemble des
citoyens. C'est là l'objectif de l'amendement de l'article 8. Et
j'aimerais, peut-être une fois, espérer que le ministre d'Etat au
développement culturel puisse modifier son point de vue. En tout cas, je
le souhaite encore.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas laisser sans
réponse les remarques du ministre d'Etat au développement
culturel et les remarques du député de Joliette-Montcalm.
Premièrement, je suis étonné des remarques du ministre,
quand il dit que notre amendement n'est pas nécessaire parce que
l'article 10 couvre cette situation. Mais, j'invite le ministre à relire
l'article 10. Ce sont deux situations totalement différentes. Si vous ne
voulez pas déposer les projets de loi en anglais, en même temps
que vous déposez le projet de loi en français, dites-le. Mais ne
dites pas que c'est couvert par l'article 10, parce que c'est absolument faux.
L'article 10 dit: Une fois que la loi est adoptée, l'administration va
la publier. Il ne dit pas quand elle va la publier. Cela peut être dans
trois mois, dans trois ans. Il faut attendre que cela soit publié et
cela ne réfère pas du tout au projet de loi dont nous disons
qu'il devrait être déposé dans les deux langues pour donner
la possibilité à ceux qui sont de langue maternelle anglaise d'en
prendre connaissance. Ce sont deux situations différentes. Quant aux
propos du député de Joliette-Montcalm, M. le Président,
franchement, s'il faut venir s'excuser de défendre les droits des
minorités, je me demande quelle sorte de société il
préconise. Premièrement, on l'a défendu le droit collectif
des francophones. On a approuvé les six premiers articles qui
étaient, pour les francophones, des principes fondamentaux. Nous avions
essayé d'apporter quelques précisions, mais nous les avons
approuvés. Les droits des francophones sont complètement
protégés dans ce projet de loi, je peux vous en assurer.
M. Chevrette: Selon l'article 85...
M. Ciaccia: Non, quand j'aurai terminé. M. le
Président...
M. Chevrette: Lequel des deux vous...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Je ne veux pas me faire intimider. Je pense que c'est
un honneur d'essayer de défendre les droits des minorités. Parce
que si on ne peut pas défendre les droits des minorités, il y a
quelque chose qui ne va pas dans notre société. Je pense que
c'est le signe de maturité d'une société que de pouvoir
traiter une minorité avec justice et sagesse. Aussi longtemps qu'il va y
avoir ici des articles qui portent atteinte à certains droits des
minorités, je vais le signaler. La question de la guillotine ne nous
empêchera pas de parler. Chaque demi-heure nous en menace. Si les
péquistes pensent qu'on va arrêter de faire nos
représentations, j'ai des nouvelles pour eux. On va faire ce qu'on a
à faire. On va faire nos représentations et c'est eux qui
porteront l'odieux du bâillon.
L'amendement que nous apportons, c'est vrai qu'il peut être
considéré comme un amendement de fond, mais il n'affecte pas les
droits des francophones. Ce n'est pas la question de donner à une
minorité des droits qui vont déséquilibrer la situation
linguistique des francophones, spécialement à l'Assemblée
nationale. Les statistiques vous ont été soumises à cette
commission. Il fut
un temps où les membres anglophones de l'Assemblée
nationale étaient de 60%. Cela a été réduit
à 40%. Et maintenant les membres anglophones ne sont que de 7%. Et
demander qu'on dépose le projet de loi en leur langue, c'est
déjà la pratique. C'est bien beau, pour le député
de Joliette-Montcalm, de dire: On le fait. C'est toujours ça qu'on se
fait dire. Ce n'est pas nécessaire de l'inclure dans la loi; on le fait.
Si vous êtes de bonne foi, vous le faites maintenant parce que la loi
l'exige. Vous êtes en train de la modifier, cette loi, pour éviter
de le faire, et si vous êtes de bonne foi et voulez continuer à le
faire c'est un minimum de décence incluez-le donc à
l'article 8 et vous allez montrer votre bonne foi.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît, M. le député de Mégantic-Compton.
M. le député de Joliette-Montcalm a invoqué
l'article 96. A ce sujet-là, je voudrais souligner tout de suite comment
cet article s'applique, parce qu'il y en a non pas un abus, mais parfois un
mauvais usage.
Le député qui prend la parole pour donner des explications
sur le discours qu'il a déjà prononcé
évidemment, sur le même sujet ne peut le faire que lorsque
le discours qui les provoque est terminé, à moins que celui qui
ne le prononce consente à être interrompu. C'est exactement la
règle que j'ai suivie en vertu de l'article 96. M. le
député de Joliette-Montcalm, comme vous avez prononcé un
discours, vous avez le droit d'intervenir. A moins qu'il n'y ait d'autres
questions de règlement, la parole sera à M. le
député de Mégantic-Compton.
M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: J'ai respecté votre consigne, M. le
Président, en passant.
Je voudrais tout simplement souligner que c'est une autre preuve
d'incompréhension cela va entrer dans mon temps régulier,
dans ce cas quand j'ai parlé du droit des minorités, qui
était défendu à l'emporte-pièce au détriment
des droits de la collectivité. Bien souvent, j'ai souligné que
l'Opposition avait, à maintes reprises, fait de grands discours
là-dessus sans jamais parler sur les droits collectifs. Je ne vous
citerai qu'un exemple... Elle est habituée à dire: Nommez-moi un
seul cas. Je vais vous donner un seul cas. Il y a un député,
confrère de Jacques-Cartier, qui a parlé 19 minutes et 45
secondes contre les premiers articles, pour, au cours des dernières
quinze secondes, nous dire qu'il voterait quand même pour. S'il ne se le
rappelle pas, on prendra le journal des Débats, on essaiera de le lire
ensemble, et s'ils ne comprennent pas, je l'expliquerai. J'ai
déjà enseigné. Donc, à l'impossible, nul n'est
tenu. On peut espérer nous autres aussi qu'ils comprendront un jour. Ils
ont parlé contre tout le temps pour se prononcer pour à la fin,
pour que ça n'ait pas l'air trop fou, mais, tout le long des discours
qu'ils ont faits, même sur les articles sur lesquels ils ont voté
pour, relisez le journal des Débats, ils ont parlé contre les
articles tout le long de la...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, sur cet amendement qui est
apporté par un de nos voisins de droite, ici, on s'évertue, du
côté ministériel, à dire qu'il n'y a rien là.
Or, il y a de quoi là, M. le Président, et il y en a plus qu'on
ne pense.
Je ne suis pas ici pour encenser qui que ce soit, mais je trouve que cet
amendement qui est apporté aujourd'hui fait suite à des
déclarations, et c'est certainement là-dessus, comme on l'a fait
nous aussi quand il a été question d'amendements sur les
déclarations du premier ministre, du ministre responsable de la loi et
des autres ministres, qu'on se base pour apporter de semblables minimes
changements.
Dans les déclarations, on est toujours grandiose. On est fin, on
est gentil pour la communauté anglophone et, dans la pratique, on est
"cheap", on est mesquin. Oui, on est "cheap" et on est mesquin. Je dis "cheap",
parce que c'est la communauté anglophone qui est prise ici. Il n'y a
rien qui va changer, on l'a dit de ce côté-ci. Il n'y a absolument
rien qui va changer du côté francisation ou anglicisation du
Québec si on donne cela à des députés anglophones
qui seront quand même élus ici, qui continueront d'être
élus ici. Moi, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne nous
fournirait pas un projet de loi avec une version pour les députés
de la Chambre qui représentent ces circonscriptions à
majorité anglophone et qui continueront d'être élus, n'en
déplaise au PQ.
M. de Bellefeuille: On va... nous-mêmes.
M. Grenier: II y a un temps pour ça. L'amendement est
léger, simple, très court. C'est l'amendement qu'on pourrait
appeler hic et nunc, le donnant au moment du dépôt de la loi, pour
qu'on puisse en prendre connaissance en même temps que tout le monde.
M. le Président, on a pris des cours d'anglais; plusieurs d'entre
nous ont appris un peu d'anglais, mais je serais malheureux d'être
obligé d'analyser un texte de loi en anglais. Je serais mal à
l'aise et je ne le comprendrais pas dans tout son texte, c'est sûr.
Or, je vois ici le député de Notre-Dame-de-Grâce, je
vois le député de Pointe-Claire, qui est de chez nous, pour ne
citer que ceux-là, et je vois mal que ces hommes puissent faire une
intervention valable auprès d'une commission dans une langue qui n'est
pas la leur.
Je me demande pourquoi cacher à la communauté anglophone
un projet de loi en ne le lui fournissant pas dans sa langue, alors qu'on ne
parle pas, ici, des Chinois et des Grecs, mais de la communauté
anglophone que tout le monde se plaît à reconnaître et
à encenser dans des grands discours, sauf qu'on ne semble pas vouloir le
faire quand on tombe dans la pratique.
J'aimerais que le ministre me donne trois bonnes raisons je me
contenterai peut-être d'une seule pour lesquelles on ne veut pas
don-
ner aux représentants anglophones autour de cette table ici le
choix d'étudier dans leur langue... Non. On ne le fait pas avec
l'article ici. On va le faire quand on va vouloir. On le demande ici, hic et
nunc. C'est ce qu'on demande dans la motion libérale.
M. Bertrand: On va le faire tout à l'heure.
M. Grenier: Oui. J'ai confiance à cela. On a un bon bout
de fait jusqu'à maintenant et on en a un autre petit bout à vous
donner avant 18 heures. On verra peut-être votre vrai visage.
M. Paquette: On va le faire avant 18 heures
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mégantic-Compton, continuez
de vous adresser à moi.
M. Grenier: On a essayé dans ce coin de montrer
l'insignifiance de la motion. Je pense qu'elle est caractéristique,
celle-là. Elle dépeint clairement le gouvernement qui a
décidé qu'il amenait bien peu de changements. On a changé
un article, la semaine dernière, seulement pour mettre la phrase plus
française. On a eu un gros gain. Je reviendrai là-dessus cet
après-midi, mais je demanderais au gouvernement d'y penser deux
fois.
Je pense que M. Shaw a été élu
démocratiquement dans son comté et M. Mackasey a
été élu démocratiquement et ils ont le droit
d'avoir devant eux une loi quand on l'étudie, comme tous les autres
membres de cette communauté francophone, ici. Ils ont le droit d'avoir
cela. On ne peut pas les obliger à connaître notre langue comme
nous, nous la contrôlons. On ne peut pas faire cela, pas plus qu'on peut
demander à un francophone de contrôler sa langue anglaise comme
ils peuvent le faire. C'est là que je dis que c'est mesquin et, pour
eux, je dis que c'est "cheap".
Je demanderais qu'on y pense sérieusement. Si on
représente le comté de Bellechasse où il n'y a pas un
anglophone ou le comté de Beauce-Sud où il n'y a pas deux Anglais
à Saint-Georges, on peut se permettre de voter pour un tel article bien
facilement. Mais, quand on défend des électeurs de notre
circonscription qui est colorée avec 10%, 12%, 15% ou 20% de notre
minorité, on est obligé de défendre les
intérêts de ces gens. Quand on a des députés qui
sont élus, qui continueront de se faire élire et peut-être
plus forts à une autre élection, on doit protéger ces
députés autour de la table ici.
Je demande au gouvernement: Essayez-vous donc une fois. Essayez donc
cela, un amendement de l'Opposition. Là, vous nous dites: C'est
préparé sur le bout de la table. On en est tous rendus à
cela de ce côté. Mais, la semaine prochaine, si la commission
continue de siéger, on va être rendu à vous demander: S'il
vous plaît, pardon y aurait-il moyen de changer une virgule de place? Il
va nous rester cela.
M. le Président, je vous demande de demander aux gens de votre
droite d'y penser deux fois avant de rejeter un amendement de ce genre, parce
qu'après le rejet d'un tel amendement je ne sais plus où on s'en
va.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je vais lire deux paragraphes d'un texte: "Dans ce
Québec pluraliste, composé d'une majorité francophone et
de plusieurs minorités, le législateur doit favoriser un juste
équilibre entre les droits de l'une et des autres." Je continue la
citation:"Il doit accorder une attention particulière, pour des raisons
historiques évidentes, à la minorité autochtone et
à la minorité anglophone."
Et le paragraphe suivant: "Dans une pièce législative qui
concerne, entre autres, des droits linguistiques fondamentaux, le
législateur doit prendre garde de soumettre l'exercice de ces droits
à une trop grande discrétion de la part de l'administration."
Ce n'est pas un groupe anglophone qui est venu faire ces
représentations à la commission parlementaire. Ce n'est pas un
groupe d'inféodés à "l'establishment" anglophone non plus,
ni des colonisés, tel qu'en a fait la mention tantôt, dans sa
tirade, le député de Joliette-Montcalm en disant qu'il n'en
était pas un. Cela s'appelle la Commission des droits de la personne du
Québec, dans son mémoire concernant le projet de loi no 1 sur la
langue française au Québec.
Je fais cette remarque à l'adresse du député de
Joliette-Montcalm, seulement, puisqu'il a pris un exemple. Il a parlé de
20 minutes sur plus de 60 heures de débats. Seulement sur l'article 68
par exemple, qui est un article fondamental, aussi fondamental que les articles
1 à 6 inclusivement, l'Opposition officielle a pris plus de temps pour
défendre le principe, pour exprimer son accord sur le principe que
sous-tend cet article, que le gouvernement.
La lecture des débats va sûrement démontrer, sauf
erreur cela m'a même frappé, je l'ai mentionné, tout
ce qu'on voulait c'était de savoir si l'article 68 était
adopté que le gouvernement n'avait même pas dit un mot pour
tenter de nous convaincre de voter. Il a fallu que ce soit le
député de L'Acadie et celui qui vous parle qui expriment, de
façon très sincère et très forte, l'importance de
ce principe de l'école française, l'école de tout le monde
au Québec.
On vient de dire que tout ce qu'on fait c'est de défendre la
minorité. Je dis cela comme exemple, M. le Président. Par
hypothèse, si le besoin ne s'était pas fait sentir à
aucune étape des délibérations que je me porte à la
défense des droits de la majorité et que je n'aurais fait que
défendre les droits des minorités, j'aurais quand même fait
mon devoir, surtout dans un projet de loi comme celui-ci où il faut
faire preuve de prudence et de sagesse. Il faut constamment rechercher un
équilibre. Le gouvernement, en faisant la promotion des droits
collectifs, se doit d'avoir dans l'Opposition c'est là le jeu de
notre système démocrati-
que des porte-parole très vigilants des droits des
minorités. C'est là que se fait l'équilibre.
J'espère que le député de Joliette-Montcalm a une
conception de notre processus parlementaire un peu plus
équilibrée.
M. le Président, le refus du gouvernement jusqu'à
maintenant officiellement, il refuse aussi longtemps...
M. Paquette: On accepte et vous continuez. M. Lalonde:
Acceptez-vous de voter? M. Laurin: L'article 10, oui. M. Lalonde:
Avez-vous une...
M. Bertrand: Laissez-nous la parole et on va vous dire cela.
M. Lalonde: Avez-vous un amendement à apporter à
l'article 10?
M. de Belleval: Oui, à l'article 10.
M. Lalonde: Prenez la parole et dites-le.
M. de Belleval: Cela fait vingt minutes qu'on vous le dit.
M. Lalonde: Jamais de la vie.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Lalonde: C'est la première fois.
M. Ciaccia: Vous commencez à avoir honte et vous changez
d'idée.
M. Lalonde: Changez donc d'idée sur l'article 8. Pour une
fois que vous allez changer d'idée, dites-le donc simplement,
franchement, que vous vous êtes trompés. Avouez-le donc.
M. de Belleval: On n'est pas infaillibles.
M. Chevrette: Depuis tantôt qu'on le dit qu'on va faire le
changement.
M. Lalonde: Jamais il n'a été dit ici qu'on ferait
un changement.
M. Chevrette: Je vous ai dit qu'une façon intelligente,
c'était d'apporter un amendement à l'article 10. Je vous l'ai dit
carrément. Vous comprenez ce que vous voulez et quand vous le
voulez.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous ai permis,
sans que vous le demandiez, d'utiliser l'article 96. C'était pour
rétablir des faits. Je ne permettrai pas qu'un débat
s'élève sur cette question. J'ai reconnu un certain nombre de
députés. Si vous avez terminé...
M. Lalonde: M. le Président, les interventions m'ont
interrompu. Dans un climat d'espoir, j'attends que le ministre ou un
porte-parole officiel du gouvernement annonce un amendement à l'article
10. Ensuite on verra si on peut passer à autre chose.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, je continue à soutenir
que cet amendement ne porte pas sur le fond puisque nous reconnaissons,
à l'article 10, ce que déjà l'Opposition officielle nous
demande.
Nous avons eu droit à de longs et laborieux développements
qui se tiennent sur leurs pointes, donc en équilibre instable. Nous
avons eu droit à des tempêtes dans un verre d'eau, à des
ouragans dans des dés à coudre alors qu'en réalité,
si on avait voulu m'écouter attentivement, on aurait compris que c'est
à l'article 10 qu'il convient de faire les remarques que nous venons
d'entendre.
Je ne comprends pas d'ailleurs le député de
Marguerite-Bourgeoys. Il s'avère en l'occurrence, plus catholique que le
pape, puisque nous avons emprunté les termes mêmes de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, pour statuer à l'article 10 que
l'administration imprime et publie une version anglaise des lois et
règlements. Mais en plus, la pratique vient à rencontre de ce que
viennent de dire le député de Marguerite-Bourgeoys et le
député de Mont-Royal, puisqu'ils ont eux-mêmes reconnu que
lorsque nous avons déposé le projet de loi no 1 et le projet de
loi no 101, nous les avons remis aux députés simultanément
dans la langue française et dans la langue anglaise.
Il nous semblait surtout à la suite de ce précédent
que nous avions créé en déposant dans les deux langues les
deux projets de loi précités, qu'il devenait évident,
à la suite d'ailleurs de toutes nos autres déclarations à
cet effet, que nous entendions respecter complètement la promesse que
nous avions faite de donner à une portion importante de notre
population, dans sa langue, les lois pour qu'elle les étudie. C'est la
raison pour laquelle nous avions dit à l'article 10 que nous
imprimerions et publierions une version anglaise des lois et
règlements.
Mais si nous vivons à ce point dans un régime de
méfiance, de soupçon, nous sommes bien prêts à
expliciter davantage nos intentions et aller plus loin pour contenter nos amis
d'en face, pour apaiser leurs inquiétudes. Nous serions tout à
fait prêts à soumettre, un peu plus tard, à l'article 10,
un amendement susceptible d'éclairer, d'expliciter notre position, non
pas de changer notre position, en disant, par exemple, que l'administration
imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois, et des
règlements. Ce serait peut-être un peu pléonastique, mais
il reste que s'il faut recourir à ces moyens, pour apaiser les
soupçons, les inquiétudes, les méfiances des gens de
l'Opposition, nous sommes prêts à sacrifier les
élégances de la langue pour la substance des faits. Lorsque le
moment sera venu, nous serons prêts à proposer cet amendement,
mais nous espérons,
dans l'attente de ce moment, que les Oppositions cesseront de faire
perdre du temps à la commission avec un faux débat.
Le Président (M. Cardinal): J'avais donné la parole
à deux autres intervenants: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Vanier.
M. Lalonde: II a fallu une heure à taper sur la tête
du gouvernement, puis on a un petit amendement en vue. Ensuite on nous dit
qu'on fait un "filibuster", alors que cela prend une heure à ce
gouvernement pour comprendre le bon sens. Enfin, on verra à l'article 10
si c'est réellement satisfaisant. Cette fermeture hermétique qui
nous prend littéralement une heure pour quelques mots explique la
longueur des débats. Si on nous avait dit cela tout de suite en entrant,
à 15 h 5, on serait déjà rendu à l'article 11.
M. de Belleval: On vous l'a dit.
M. Lalonde: Jamais de la vie. Soyez donc clairs quand vous avez
l'intention de changer d'idée. N'ayez pas honte.
Mme Lavoie-Roux: On s'est fait accuser par M. le
député de Joliette-Montcalm.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'on a eu comme réponse...
M. Chevrette: Gardez votre calme, Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Pardon? M. Chevrette: Ne perdez pas votre
calme. Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Mme Lavoie-Roux:
Je ne le perds jamais.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je dois suspendre
pour la récréation?
M. Chevrette: Ne nous envoyez pas dans la même cour.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Je passe.
Le Président (M. Cardinal): Non. Est-ce que l'on vote sur
la motion d'amendement de M. le député de Mont-Royal?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Etant donné qu'on ne connaît pas
exactement la substance de l'article, on semble qu'on va ajouter les mots
"projets de loi" à la phrase qui oblige l'administration d'imprimer et
de publier, mais qu'on ne mentionnera pas le dépôt des lois,
d'après ce que j'ai compris, parce que c'est très entouré,
c'est très vague; alors on doit continuer de demander le vote sur notre
amendement.
M. Ciaccia: M. le Président, pour clarifier.
Le Président (M. Cardinal): Attendez un peu, M. le
député de Mont-Royal.
Oui, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, ça fait presque une
heure que nous sommes sur cette motion d'amendement. Le ministre d'Etat au
développement culturel, après ma motion, a dit aux membres de
cette commission qu'il était totalement inutile, parce que
c'était couvert à l'article 10.
M. Laurin: C'est vrai.
M. Ciaccia: C'est faux, ce n'est pas couvert dans l'article 10,
puisque maintenant, après 45 minutes, il nous dit qu'on va changer
l'article 10.
Je suggérerais, M. le Président, au ministre qu'il ait
l'avocat-conseil du gouvernement assis à côté de lui;
l'avocat-conseil, l'avocat juriste du gouvernement pourrait lui dire la
différence entre notre amendement et l'article 10. C'est simple...
M. Charron: Je vais lui en donner des conseils, vous allez
voir.
M. Ciaccia: ...c'est pour cela que nous avons fait cet
amendement...
M. Lalonde: ... si le député de Saint-Jacques
commence à donner ses conseils.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous remercie de votre intervention, même si
vous n'aviez pas le droit de parole, parce que nous sommes dans le chaos
procédurier depuis une bonne vingtaine de minutes. A peu près
personne ne parle de l'amendement à l'article 8 et on parle tous d'un
amendement possible à l'article 10 qui n'a pas encore été
appelé.
M. Lalonde: C'est l'amateurisme du gouvernement.
M. Ciaccia: Pour terminer, M. le Président, si c'est dans
son habitude, qu'il ne veut pas qu'on ait de méfiance qu'il continue de
faire le dépôt des projets de loi dans l'avenir comme il l'a fait
dans le passé, alors, qu'il n'ait pas d'objection à notre
amendement et qu'il vote pour.
M. Charron: Je propose le vote, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je fais l'appel
nominal sur l'amendement?
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Cardinal): II s'agit de l'amendement de
M. le député de Mont-Royal pour modifier l'article 8. Je pense
qu'après ce débat de plus d'une heure, il n'est pas
nécessaire que je le relise.
M. Charron: Non, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Fallu (Terrebonne)?
M. Fallu: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères)?
M. Charbonneau: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Charron
(Saint-Jacques)?
M. Charron: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)? M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Belleval
(Charlesbourg)?
M. de Belleval: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M.
Pagé (Portneuf)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?
Le résultat du vote sur cet amendement est le suivant: Pour: 5.
Contre: 10. La motion est rejetée.
M. Charron: M. le Président, je propose l'adoption de
l'article 8.
Le Président (M. Cardinal): L'article 8 sera-t-il
adopté?
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le ministre d'Etat au développement culturel,
tantôt, a déploré la méfiance...
Le Président (M. Cardinal): Vous parlez de l'article
8?
M. Lalonde: Oui. Je vais vous dire pourquoi nous allons voter
pour. Etant donné que le ministre d'Etat, je voudrais le rassurer, je ne
voudrais quand même pas qu'il soit affecté par cette
méfiance et que le reste de l'étude se passe dans un climat de
méfiance mutuelle... M. le Président, j'allais vous dire en
partant que oui, nous... C'est vrai que nous n'avons pas confiance dans ce
gouvernement et c'est vrai qu'il y a de la méfiance, mais quand
même, dans un geste ponctuel, nous allons voter pour l'article 8,
étant donné la promesse du ministre. Nous verrons dans deux
articles si nous avons eu tort. Mais, étant donné la promesse du
ministre de régler le problème, que nous avons soulevé,
à l'article 10...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton sur l'article 8.
M. Grenier: Avant l'appel du vote sur l'article 8, j'aurais voulu
poser une question au ministre. Je sais que cela déroge un peu à
nos règles habituelles, mais s'il y avait lieu...
Le Président (M. Cardinal): Vous avez raison, ce n'est pas
tout à fait dans les règles strictes mais je l'ai souvent
permis.
M. Grenier: Le ministre pourrait-il m'expliquer comment on pourra
tout à l'heure régulariser la situation à savoir
qu'à l'article 10 on parle des règlements et qu'à
l'article 8 on ne parle que de la loi? A l'article 10 ce sera convenu dans
l'amendement que vous vous proposez d'apporter.
Alors, M. le Président, c'était notre intention de voter,
bien sûr. Comme on l'a fait; c'est pourquoi nous avons voté pour
la motion d'amendement qui a été présentée, mais,
déjà avant, nous avions l'intention de voter pour l'article 8.
Avec presque l'engagement qu'a pris le ministre devant nous tout à
l'heure, cela nous donne toutes les raisons de voter en faveur de l'article
8.
Le Président (M. Cardinal): Cet article 8 sera-t-il
adopté?
M. Charron: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Adopté à
l'unanimité. L'article 8 est adopté. J'appelle l'article 9.
Article 9
M. Charron: Je propose que l'article 9 soit adopté.
Une Voix: Adopté.
M. Ciaccia: Je voudrais poser une question au ministre.
Le Président (M. Cardinal): Certainement, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, à l'article 7, vous
énoncez le principe que "le français est la langue de la
législation et de la justice au Québec".
M. Chevrette: On parle de l'article 9, là.
M. Ciaccia: Soyez donc plus calme; je n'embarrasserai pas trop le
ministre avec ma question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ...adressez-vous à la
présidence...
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ...et dites-moi de quel
ministre vous parlez...
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ...parce que j'en ai trois
devant moi, c'est-à-dire à ma droite. M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le ministre pourrait-il nous
dire, vu que l'article 7 énonce le principe que le français est
la langue de la législation et de la justice et que l'article 1 dit que
la langue officielle est le français, qu'est-ce que l'article 9 ajoute
de plus à notre projet de loi? On nous dit toujours, quand on fait des
amendements, que c'est inutile, que c'est déjà couvert.
Pourrait-il nous éclairer sur ce que l'article 9 pourrait ajouter de
plus qui n'est pas déjà dans l'article 1 et dans l'article 7?
M. Charron: Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Cardinal): Un instant, avant de
répondre. Je voudrais quand même souligner un fait, encore pour la
bonne compréhension de tout ce qui se passe. Je ne sais pas, quand vous
dites: "On nous dit que nos amendements sont inutiles", si vous parlez des
ministériels ou de la présidence.
M. Ciaccia: Des ministériels, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Ciaccia: Parce que vous ne vous prononcez jamais sur le fond,
M. le Président; vous ne pourriez jamais dire qu'ils sont inutiles sur
le fond.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, merci, c'est
purement pour le journal des Débats, parce que, moi aussi, j'ai une
réputation à sauvegarder. Quel ministre répond?
M. Charron: C'est moi, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Jacques, le ministre délégué au
haut-commissariat.
M. Charron: M. le Président, je peux l'expliquer
brièvement. La question est pertinente. Je pense que, ce matin, dans
l'exposé d'un des amendements irrecevables de l'Opposition, le
député de Marguerite-Bourgeoys, lisant d'avance l'article 9, se
disait: Comment peut-on dire "seul le texte français", puisque,
jusqu'ici, il est vrai, dans la nomenclature des articles, on ne fait
référence à aucune existence d'autres textes de loi, avant
l'article 10 dont nous discuterons dans quelques minutes? Il reste qu'il y a
des lois qui ont déjà été adoptées sous un
texte bilingue. Je n'ai pas besoin de remonter très loin et ces textes
existent encore, sont codifiés. Régulièrement les citoyens
comme les tribunaux y font référence.
Lorsque nous avions étudié, en 1974 le
député n'était pas des nôtres, mais il a
été chargé d'appliquer la loi par la suite, il en sait
donc quelque chose oui le député était avec nous
la loi 22, dans ce problème de coexistence de deux textes de loi,
d'un texte bilingue de loi, comme c'était la tradition avant l'adoption
de ce projet de loi à l'Assemblée, on avait statué,
à l'article 2 de la loi, qu'en cas d'interprétation un texte
avait prééminence sur l'autre. C'était le sens de
l'article 2.
Le député de Mont-Royal, qui a combattu à nos
côtés la loi 22, s'en souvient.
M. Ciaccia: C'est vous qui avez combattu la loi 22 à mes
côtés.
M. Charron: Nous faisons maintenant, à l'article 9, une
distinction qui nous apparaît beaucoup plus appropriée le
député se souviendra du débat que nous avions eu sur
l'article 2 de la loi 22 que de dire qu'un texte est
prééminent par rapport à l'autre.
M. Laurin: Dans le cas de divergence.
M. Charron: Oui, le ministre d'Etat me rappelle que la loi 22
était à ce point pointilleuse et peureuse qu'elle ajoutait: En
cas de divergence, le texte français a prééminence sur le
texte anglais. Ce que nous disons maintenant, comme un peuple normal le fait,
comme les autres provinces canadiennes l'ont fait c'est à notre
tour de rejoindre ce statut d'égalité c'est qu'ici au
Québec, seul le texte français des lois et des règlements
aura une valeur officielle.
M. Ciaccia: Cela s'applique pour toutes les lois...
M. Laurin: Antérieures.
M. Ciaccia: ...antérieures?
M. Charron: A toutes les lois antérieures, parce
que...
M. Ciaccia: Aux statuts refondus?
M. Charron: ...pour ce qui est des lois à venir, le
député aura compris que l'article que nous venons d'adopter a
réglé la question.
Le Président (M. Cardinal): Là vous me donneriez le
goût de parler sur le fond. Cela ne fait que 27 ans qu'on discute de
cette question. Mais je vais me retenir. Je vais simplement demander...
M. de Belleval: C'est très sage.
Le Président (M. Cardinal): Certainement. J'en suis
sûr. Ce serait tellement beau si je le faisais. Je vais demander si cet
article 9 sera adopté.
M. Lalonde: M. le Président. M. Charron: II est
adopté.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
Non. Il n'est pas encore adopté.
M. Lalonde: Le texte, comme tout le langage de ce chapitre, est
incomplet dans la mesure où, à cause de l'article 133 et de
l'interprétation qui est donnée à l'article 133 par les
juristes, les deux tex- tes sont, d'après l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, officiels, c'est-à-dire que ce
sont des textes que la loi oblige le législateur à faire. Ils
sont donc officiels. Dans ce sens-là, et vous me permettrez, M. le
Président, puisque vous l'avez permis au ministre d'Etat
délégué au haut-commissariat, de faire
référence à la loi sur la langue officielle.
La commission Gendron l'avait bien dit dans ses recommandations
fondamentales, et je vous cite la recommandation no 10 où elle
recommandait de proclamer le français langue officielle; "Sans porter
atteinte au caractère particulier de langue publique
fédérale dont jouissent sensément le français et
l'anglais en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique aux fins y énoncées."
Dans ce respect-là, la loi sur la langue officielle, ne statuant
pas davantage, laissant l'article 133 continuer son effet, a quand même,
à bon droit, et conformément à l'esprit même de la
loi d'interprétation, dit qu'en cas de conflit entre les deux textes, et
cela se voit quotidiennement devant les tribunaux, c'est le texte
français qui a préséance. C'est tout à fait
sensé, même en l'absence d'une loi faisant du français la
langue officielle au Québec, parce que c'est dans cette langue que,
très largement, la loi est non seulement préparée,
rédigée, mais aussi discutée. C'est dans cette langue que
les délibérations ont lieu, que les amendements sont
discutés, et enfin c'est dans cette langue, depuis fort longtemps, que
nos lois sont adoptées.
Voilà pour la référence que le député
de Saint-Jacques faisait à la loi sur la langue officielle actuelle et
au traitement que cette loi fait à l'article 2 du texte des lois. Mais
lorsque l'article 9 dit: "Seul le texte français des lois et
règlements est officiel," il va carrément à l'encontre de
l'esprit et de la lettre de l'article 133. C'est le défaut de ce
chapitre. C'est qu'il ne va pas assez loin et n'est pas assez explicite. On n'a
même pas besoin de dire que les deux textes sont officiels, ils le sont.
Ce n'est pas cette loi qui va les rendre officiels. Mais qu'on dise quel texte
a préséance en cas de conflit entre les deux textes. On n'a pas
choisi cela, M. le Président. Et la rédaction de l'article 9, tel
qu'on le voit actuellement, ne me permet pas, si j'en crois l'expérience
que nous avons eue sur la recevabilité, de l'amender. Peut-être
pourrions-nous prendre une demi-heure, trois quarts d'heure pour trouver une
façon de l'amender.
Sans pouvoir faire un amendement formel, je pense qu'on rendrait
beaucoup plus service aux Québécois et on serait beaucoup plus
conformes aux dispositions qui régissent ce secteur si on disait
simplement qu'en cas de divergence, comme on l'a fait à l'article 2 de
la loi sur la langue officielle, on reconnaît la préséance
du français, on reconnaît aussi, on réaffirme un principe
d'interprétation des lois qui ne peut souffrir aucune discussion, qui
est évident, mais il semble que, ici, dans ce gouvernement, on
préfère les déclarations, on préfère les
formules à la réalité.
Alors, c'est pour cette raison, M. le Président, que je suis dans
l'impossibilité, étant donné que ce n'est pas
réaliste, que c'est nier la constitution que d'affirmer strictement,
partiellement, cette réalité, cette moitié de
réalité, de voter pour l'amendement.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, il y a une autre raison, du
point de vue légal, pour laquelle cet article suscite des
difficultés. C'est pourquoi j'avais interrogé le
côté ministériel, et le député de
Saint-Jacques, ministre délégué au Haut-Commissariat
à la jeunesse, aux loisirs et aux sports m'a répondu: Si cet
article s'appliquait aux lois antérieures... M. le Président,
strictement d'un point de vue légal, si, aujourd'hui, nous disons: Pour
toutes les lois, le texte français seulement est officiel. Si on s'en
tenait aux lois qui seront adoptées après l'adoption de cette
loi-ci, si on oubliait l'article 133, là, je pourrais comprendre
qu'à l'avenir, ce serait le texte français seulement qui serait
légal, mais il ne faut pas oublier que nous avons des centaines et des
centaines de lois qui ont été adoptées avec un texte
anglais, et de dire aujourd'hui, que tous ces textes ne seront pas officiels,
je crois que cela va apporter un grand nombre de difficultés, même
.dans l'interprétation. Ce n'est pas une question d'affirmer nos droits
comme majorité, M. le Président. Cela a déjà
été fait; on le tient pour acquis.
Là, on parle d'un point de vue juridique, d'un point de vue de
l'adoption d'une bonne loi. Je remarque, M. le Président, que les
juristes du côté ministériel ne sont pas ici aujourd'hui,
avec tout le respect que je dois au ministre délégué au
Haut-Commissariat je ne dis pas ça par manque de respect
...
M. Charron: Ah non, non.
M. Ciaccia:... si vos juristes étaient ici, ils sauraient
de quoi je parle quand je parle de l'interprétation des lois. Vous venez
avec une nouvelle règle aujourd'hui, et vous voulez... C'est vraiment
récrire l'histoire de dire: Tout ce qui s'est passé dans le
passé, ça ne compte plus, ce n'est plus officiel; dans
l'interprétation, vous ne pouvez pas prendre les deux côtés
de la page. Peut-être y a-t-il eu, parmi ces lois, des stipulations, des
articles dans lesquels il faut voir le côté anglais de la
page.
Je vais vous référer à une cause de la Cour
suprême. C'était une loi qui avait été
adoptée dans les années quarante, je pense, par le gouvernement
fédéral, et cela affectait les gens en Ontario. Pour donner effet
à cette loi, ils ont pris l'interprétation française de la
loi, parce que, d'après l'article 133, les deux langues étaient
sur un pied d'égalité. Alors, ici, on nous dit, aujourd'hui... Je
comprends qu'aujourd'hui, depuis quelques années, nos lois sont toutes
adoptées, discutées, rédigées en français.
Mais si on veut dire aujourd'hui, que dans le passé, tout ce qui a
été fait ne compte plus, il ne faut plus en prendre connaissance
dans une autre langue, ou cette autre langue n'est pas officielle, strictement
du point de vue juridique, M. le Président, c'est un principe qui ne
tient pas debout. Cela n'a rien à voir avec l'exercice des droits d'une
majorité.
La profession d'avocat... Il y a certains droits, certains principes
juridiques... On ne peut pas, parce qu'on veut faire un "show" pour une loi
linguistique, oublier tous les principes juridiques qui devraient être
pris en considération dans l'interprétation d'une loi.
M. le Président, à part le fait, il est vrai, que cela va
à l'encontre de l'article 133, je ne prends même pas ça
comme argument, je prends les principes d'interprétation, les principes
de législation, les conditions dans lesquelles toutes ces autres lois
ont été adoptées par l'Assemblée nationale et les
interprétations de ces lois. Aujourd'hui, on dit: Nous allons adopter
une loi et le côté droit de la page, on va l'effacer.
M. le Président, je soutiens que c'est un peu aberrant, et il n'y
a aucun avocat, qui s'appelle avocat, qui pourrait accepter un tel
principe.
Si vous voulez accepter un tel principe, il faudrait refaire toutes les
lois. Il faudrait refaire toutes les lois antérieures.
Ce principe-ci, aujourd'hui, ça tiendrait debout, mais tel qu'il
est rédigé maintenant, vouloir le faire appliquer dans tous les
autres cas, je ne peux pas...
Je ne parle pas en termes d'un parti d'Opposition, mais je parle comme
avocat, et connaissant les lois, je ne peux pas accepter un tel article.
Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, brièvement, aux
articles 7 et 8, on n'a pas eu de satisfaction, bien sûr, sur les
questions qu'on s'est posées ni les amendements qu'on a apportés,
même si on a promis qu'à l'article 10 il y aurait des
améliorations, parce que d'autre part, même s'il y avait deux
versions, des textes législatifs, comme on l'a souhaité, il faut
prévoir quelle version est prééminente, comme on le dit
dans notre texte...
Je pense qu'en cas de divergence, comme on l'a soutenu et comme on
continue de le soutenir entre les deux versions, les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement que
le texte français des lois et des règlements du Québec
prévaut sur le texte anglais...
Vous comprenez que ce qu'on défend depuis les articles 7 et 8, ce
qu'on défend dans ce paragraphe, comme on l'a fait ailleurs, c'est
évident qu'on aurait aimé être capable de rendre
prédominant le texte français, mais dans le contexte actuel,
encore une fois à cause de ce qui s'est passé aux articles 7 et
8, il nous sera impossible de voter pour l'article 9, en attendant, bien
sûr, l'amendement qui est important pour nous, qui devrait être
apporté par le gouvernement à l'article 10.
Le Président (M. Bertrand): Merci.
M. Charron: Je propose que l'article soit adopté.
Le Président (M. Bertrand): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Je n'aurais qu'un mot à dire, M. le
Président. Nous avons eu droit aux savantes opinions juridiques du
député de Marguerite-Bourgeoys et du député de
Mont-Royal.
Evidemment, je ne suis pas avocat et je n'oserais pas pousser le manque
de respect jusqu'à contester trop ouvertement l'opinion de ces savants
collègues, mais il me semble qu'en lisant l'article 133, à aucun
endroit de cet article, il n'est fait mention du caractère officiel ou
non officiel des textes.
On dit qu'on doit publier, imprimer dans les deux langues les lois, mais
nulle part on ne statue sur le caractère officiel ou non de ces textes
de loi. J'ai donc l'impression que ce que nous ont dit nos savants
confrères est une interprétation, que je ne leur dispute pas, de
l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Par ailleurs,
sans être un juriste, j'ai quand même fait assez de lecture dans ce
domaine pour me rendre compte, encore une fois sans discuter leur opinion,
qu'il y a beaucoup d'autres opinions venant de juristes re-nommés qui ne
sont pas d'accord avec l'interprétation que je viens d'entendre et que
même la loi du nombre va davantage dans le sens de ceux qui s'opposent
à l'interprétation qu'on vient de nous donner.
Donc, même en n'étant pas juriste, je ne me sens pas du
tout en mauvaise position pour soutenir le texte de l'article qui
apparaît au projet de loi que nous discutons actuellement.
Quant aux difficultés que nous souligne le député
de Mont-Royal sur les problèmes d'interprétation qui pourraient
se poser quant aux lois du passé, il n'est pas impossible, en effet, que
ceci donne lieu à certaines difficultés d'interprétation,
comme cela a dû en donner lieu au Manitoba quand on a
décidé d'abolir, d'un seul trait de plume, la langue
française, mais probablement que le Manitoba a trouvé moyen de
régler ces problèmes d'interprétation dans la suite des
choses et dans la suite des temps.
D'ailleurs, il est un autre adage, un autre axiome dans ce domaine du
droit constitutionnel qui veut que le Parlement est souverain et que la seule
chose qu'il ne peut pas faire, c'est de changer un homme en femme, mais que par
ailleurs...
Mme Lavoie-Roux: Avec le temps ça viendra.
M. de Belleval:... peut le faire.
M. Laurin:... son empire, sa juridiction est très vaste et
que si jamais des problèmes d'interprétation se posent, je pense
bien qu'il sera possible de les régler de la façon la plus juste
qui soit.
En l'occurrence, je réitère donc à nouveau la
motion pour que l'article 9 soit adopté.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II est exact que c'est dans l'interprétation
que les juristes font de l'article 133 d'ailleurs, c'est ce que j'avais
dit que l'on peut tirer la conclusion que les deux textes sont officiels
et on ne parle pas de la langue des textes. On parle du texte
lui-même.
Est-ce simplement une version préparée par un commis,
auquel on peut tout simplement faire référence pour sa culture
personnelle ou bien est-ce un texte qui émane réellement de
l'autorité? C'est dans ce sens que j'ai mentionné le
caractère officiel du texte anglais et du texte français en vertu
de l'article 133. C'est exact que les juristes ne s'entendent pas sur la
capacité de l'Assemblée nationale de changer l'article 133.
Plusieurs croient que l'article 133 fait partie de la constitution du
Québec, qui pourrait être changée unilatéralement
par le Québec. D'autres s'y opposent. Quant au nombre des juristes qui
s'y opposent ou qui sont d'accord, c'est une question plutôt relative. Si
on se réfère seulement aux opinions juridiques contenues au
rapport Gendron, peut-être que le ministre a raison, mais il faudrait
dénombrer tous les juristes qui sont d'accord et tous ceux qui ne sont
pas d'accord, si on voulait simplement faire référence à
la loi du nombre.
Il reste, M. le Président, que, comme législateurs, nous
devons légiférer avec sagesse et prudence à
l'intérieur de la constitution. Si le Parlement est souverain, c'est
vrai, il ne l'est qu'en conformité avec la constitution. Il
répond de sa souveraineté à la constitution. Dans le
doute, un législateur prudent, doit agir en bon père de famille
je vois le député de Saint-Jacques qui rit; naturellement,
c'est peut-être une vertu qui ne lui a pas encore été
conférée, mais il reste que c'est un concept juridique que le
président connaît peut-être très bien, de même
que plusieurs ici, c'est-à-dire avec prudence, sagesse et
circonspection. Il me semble que ce concept de bon père de famille
devrait présider à la rédaction de nos lois. C'est
pourquoi je pense que le texte actuel est peut-être un peu plus
audacieux. Il va peut-être très bien dans tout le contexte de la
politique linguistique de ce gouvernement, mais je dis que, comme
législateurs, nous ne sommes pas ici pour aider à la propagande
politique du gouvernement quant à sa politique linguistique. Il s'agit
simplement d'agir comme législateurs de façon prudente et
à l'intérieur de la constitution.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, la critique que j'avais faite
sur cet article n'était pas basée sur l'article 133, quoique je
suis d'accord avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys quant à
l'interprétation de 133. Je constate que le ministre a admis qu'en effet
il pourrait y avoir des difficultés quand on tente de faire appliquer
cet article aux lois antérieures.
C'est malheureux que le ministre se soit référé
à Manitoba 1890. Il confirme que c'est son esprit. Il fait la
même chose avec cet article.
M. Paquette: II ne confirme rien.
M. Ciaccia: C'est lui qui l'a utilisé comme exemple, pas
moi.
Il a dit et c'est vrai qu'en 1890, c'est cela qu'ils ont
fait au Manitoba. Ils ont fait la même chose. Cela peut comporter des
difficultés.
Je veux seulement dire que c'est malheureux qu'on donne cela comme
exemple pour un projet de loi d'aujourd'hui. J'aurais espéré
qu'on aurait évolué comme êtres humains depuis 1890.
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 9, M. le
Président.
Le Président (M. Bertrand): L'article 9 sera-t-il
adopté?
Des Voix: Adopté sur division. M. Charron:
Adopté.
Le Président (M. Bertrand): Adopté sur
division.
Nouvel article 10
Le Président (M. Bertrand): J'appelle maintenant l'article
10.
M. Charron: A l'article 10, M. le Président, le
gouvernement a déjà fait connaître son intention d'apporter
un amendement. J'en fais part à la commission immédiatement.
L'amendement au projet de loi no 101, à l'article 10, se lirait comme
suit: "Que l'article 10 du projet de loi no 101 soit modifié en ajoutant
entre les mots... Je change d'idée, M. le Président. Ai-je le
droit?
Le Président (M. Bertrand): Bien sûr. Vous n'avez
rien dit encore, M. le ministre.
M. Charron: Je pense que c'est mieux comme cela. Je propose un
nouveau texte à l'article 10. Contrairement à ce qui est...
Mme Lavoie-Roux: Vous autres aussi, vous en rédigez deux
ou trois.
M. Charron: Non, c'est parce que j'ai pensé que je venais
de vous "chopper" 40 minutes en faisant cela.
Mme Lavoie-Roux: "Chopper", qu'est-ce que cela veut dire?
M. Lalonde: Soixante minutes.
M. Charron: Je propose un nouveau texte à l'article
10.
M. Grenier: Eux aussi ils ont le droit de changer
d'idée.
M. Lalonde: C'est de l'amateurisme.
M. Charron: Le nouveau texte de l'article 10 se lirait comme
suit: "L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de
loi et des règlements".
Mme Lavoie-Roux: Des lois et règlements aussi.
M. Charron: Non, non.
Mme Lavoie-Roux: Vous faites sauter "des lois"?
M. Charron: "L'administration imprime et publie une version
anglaise des projets de loi et des règlements".
M. de Belleval: Des lois.
Le Président (M. Bertrand): Un instant, je veux simplement
bien comprendre ce qui se déroule, parce que l'article 10 modifié
que j'ai reçu se lit de la façon suivante: "L'administration
imprime et publie une version anglaise des projets de loi, des lois et
règlements.
M. Charron: Des lois et règlements.
Mme Lavoie-Roux: Vous venez de remettre le mot "lois".
Le Président (M. Bertrand): Dois-je bien comprendre que
c'est la proposition du gouvernement?
M. Charron: C'est le nouveau texte du projet de loi.
Le Président (M. Bertrand): Le gouvernement propose donc
de retirer l'article 10 tel que rédigé et de le remplacer par un
nouvel article 10.
M. Charron: C'est cela.
Le Président (M. Bertrand): Qui se lirait comme suit:
"L'administration imprime et publie une version anglaise des projets de loi,
des lois et des règlements."
Je dis immédiatement que cette proposition de retrait d'un
article pour le remplacer par un nouvel article est recevable et, à ce
stade-ci, je suis prêt à entendre...
M. Lalonde: M. le Président, une question de
directive...
M. Grenier: On a présumé de la recevabilité,
on distribuait avant, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand): C'est moi qui ai pris la
décision...
M. Lalonde: Est-ce que j'ai le droit de parole?
Le Président (M. Bertrand): Un instant, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. C'est moi qui ai pris la
décision, M. le député de Mégantic-Compton de
distribuer. De toute façon, nous avions l'habitude, même si nous
avions un débat sur la recevabilité auparavant, de distribuer
tout de même les propositions d'amendement.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est une directive. Lors d'une séance
précédente, il y avait eu un accord de la commission pour
permettre au gouvernement de déposer de nouveaux articles comme motion
principale, ce qui implique ou fait présumer le retrait d'un article.
Est-ce à dire qu'un membre quelconque de cette commission pourrait
proposer le remplacement d'un article et que ce serait receva-ble, en vertu du
règlement? Sur la recevabilité, je parle.
Le Président (M. Bertrand): A moins que je ne fasse un
écart que mon successeur pourrait rectifier, je pense que c'est un
privilège du gouvernement que de retirer un article pour en
présenter une nouvelle rédaction. Dans ce contexte, je ne pense
pas que l'Opposition serait bienvenue de faire ce genre de transformation.
M. Lalonde: Je ne veux pas vous poser une colle, M. le
Président, mais si vous me disiez le numéro de l'article, cela
m'aiderait.
M. Grenier: Non seulement il retire des articles, mais il retire
des projets de loi complets, pour en présenter des nouveaux.
Mme Lavoie-Roux: C'est plus utile d'être là.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quel est le numéro de l'article, le droit de
retrait du gouvernement.
M. Charron: L'article 86. M. Lalonde: L'article 85,
86?
M. Charron: Et si vous prenez l'article 163, l'article 86
s'applique mutatis mutandis, en commission.
M. Lalonde: C'est pour un projet de loi ou un budget de
dépenses.
M. Charron: Un projet de loi ou une motion. Un article est une
motion en commission.
M. de Belleval: M. le Président, je propose l'adoption de
cet article.
Le Président (M. Bertrand): Un instant, M. le
député de Charlesbourg.
M. de Belleval: Je ne suis pas ici pour donner un cours de
procédure à l'Opposition.
M. Lalonde: Peut-être.
M. de Belleval: Ils n'en ont pas besoin d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait toujours vous être
utile.
M. Grenier: J'avais l'intention de proposer un amendement pour
demander qu'on publie les règlements en anglais aussi, mais comme on n'a
pas de règlements en français, jamais je ne demanderai des
règlements en anglais.
M. Charron: L'expérience porte fruit.
M. le Président, étant le parlementaire qui a le plus
d'expérience autour de cette table, je puis vous dire que cette
procédure sur laquelle vous interroge le député de
Marguerite-Bourgeoys, qui a été acceptée depuis le
début des travaux de la commission, est tout à fait
régulière. L'initiative gouvernementale se faisait auparavant
par... On peut même aller jusqu'au retrait d'un chapitre et la
présentation d'un chapitre entier à nouveau. Lorsqu'on arrive
à l'article, le gouvernement est libre de disposer du texte qu'il veut
soumettre à la commission.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas pour contester
le droit de retirer, parce que tout ce qu'il pourrait faire, s'il n'avait pas
ce droit, ce serait de voter contre. Il n'y a aucun doute que cela
équivaudrait à la même chose, mais je voudrais savoir si
l'Opposition... parce que nous, nous voulons remplacer des articles et nous
devons procéder par toutes sortes de méthodes d'amendements en
gardant le "L" de l'article, du paragraphe pour essayer de l'amender.
Si nous ne pouvons proposer le retrait d'un article et son remplacement
par un autre, je croyais que c'était difficile, à ce moment cela
simplifierait la procédure.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous réfère à l'article 85.
L'article 85 si vous le lisez bien je pense que nous sommes
placés devant cette situation donne la possibilité de
retirer une motion, mais il pourrait s'ensuivre un court débat à
moins qu'il n'y ait consentement unanime de la commission pour procéder
de cette façon. L'article 85 dit bien: "Tant qu'une motion n'a pas
été mise en délibérationce qui est le cas
elle peut être retirée avec la permission du
député qui l'a présentée". Dans le cas
présent, c'est le ministre d'Etat au développement culturel qui
est le parrain de la motion, c'est-à-dire de l'article 10 qui est une
motion. "Après la mise en délibération ce qui n'est
pas le cas, mais il pourrait toujours après la mise en
délibération elle peut faire l'objet d'une motion non
annoncée de retrait avec la permission de son auteur. Le proposeur de la
motion de retrait doit se borner à énoncer succinctement ses
motifs, et la motion est immédiatement mise aux voix." Le
deuxième paragraphe s'appliquerait , aussi: "Cette motion ne peut
provoquer qu'un dé-
bat restreint au cours duquel le proposeur peut parler dix minutes et
exercer un droit de réplique de même durée,..."
Si nous appliquons cet article 85 de nos règlements, dans le cas
présent, je pense que si du consentement unanime de la commission, il
était accepté que l'article 10, tel que formulé dans le
projet de loi no 101 soit retiré pour faire place à un nouvel
article, à ce moment nous pourrions immédiatement le mettre en
délibération, sinon nous pourrions, si nous suivons à la
lettre nos règlements, permettre un court débat sur la
question.
M. Lalonde: M. le Président, nous n'avons pas l'intention
de faire de débat, nous voulons accélérer les travaux qui
traînent en longueur à cause de l'entêtement du
gouvernement. Nous allons sûrement renoncer au débat et
suggérer de passer immédiatement à l'étude de
l'amendement.
M. Charron: Très bien. Je propose que le nouvel article
soit adopté, M. le Président.
Le Président (M. Bertrand): L'article 10 sera-t-il
adopté?
M. Lalonde: M. le Président, ayant
accéléré les débats d'une vingtaine de
minutes...
M. Charron: On vient de perdre une heure.
M. Lalonde: Je voudrais quand même dire que ce nouvel
article qui, après de très laborieux efforts des
députés de ce côté-ci de la table pour convaincre le
gouvernement hermétiquement fermé, têtu, ou plutôt,
entêté, on a réussi quand même à avoir un mot
de plus dans l'article 10. Si le gouvernement s'attend que je le
félicite pour avoir changé d'idée, il se trompe, parce que
cette fois, cela fut réellement très difficile. Je me serais
attendu à une ouverture réellement empressée de la part du
gouvernement, que les premières paroles de nos interventions sur
l'article 8 l'aient convaincu d'une erreur grossière à l'article
8 et qu'il tente de corriger à l'article 10.
M. le Président, même si la proposition que nous avions
faite à l'article 8, et rejetée par le gouvernement, était
beaucoup plus claire, étant donné qu'on parle d'imprimer et de
publier des projets de loi, nous pouvons présumer, même avec un
mauvais gouvernement comme celui que nous avons actuellement, un gouvernement
de mauvaise foi, nous pouvons quand même présumer, dis-je, qu'il
ne s'enfermera pas dans un ridicule consommé d'imprimer et de publier
des projets de loi après que la loi aura été
adoptée. Je vais quand même tenter de démontrer aux
députés et au gouvernement jusqu'à quel point ce serait
ridicule, pour être sûr qu'il ne recourra pas à cette
méthode pour passer à côté de l'article.
Imaginez-vous M. le Président, une fois le projet de loi 101
devenu la loi 101, si le gouvernement s'apprêtait à imprimer et
à publier une version anglaise du projet de loi no 1, vous voyez cela,
dans quel ridicule le gouvernement tomberait.
M. Charbonneau: ...au sujet des ridicules!
M. Lalonde: M. le Président, j'ai entendu du bruit
à ma gauche. Je pense que l'article 100 s'applique.
Une Voix: A l'extrême gauche.
M. Lalonde: Ah oui! à l'extrême gauche au bout de la
table. M. le Président, c'est exact que ce serait plus clair si on
disait que l'administration dépose la version anglaise en même
temps que le texte français, mais on doit probablement présumer
qu'étant donné que l'administration doit imprimer et publier une
version anglaise des projets de loi, ces projets de loi seront donc
imprimés et publiés au moment du dépôt ou
simultanément ou presque en même temps. En tout cas, je fais quand
même appel au gouvernement, d'une façon très
sérieuse, pour considérer, de façon très positive
les avantages, comme gouvernement de tout le Québec, qu'il aurait
à faire que tous les Québécois comprennent, dans leur
langue respective, les intentions du gouvernement et ses politiques.
Le Président (M. Cardinal): J'avais compris que M. le
député de Châteauguay avait demandé la parole.
M. Dussault: Oui, M. le Président. Etant
député d'un comté à 27% anglophone, au moment de la
dernière campagne électorale, permettez-moi d'intervenir
brièvement sur cette question. Je serai bref, parce que je ne voudrais
pas ajouter à la "fi-libuste" du parti de l'Opposition officielle...
Mme Lavoie-Roux:...
M. Lalonde: Vous avez une phlébite?
M. Dussault: Cette interprétation... La "fili-buste".
Une Voix: Vous parlez de la maladie?
Mme Lavoie-Roux: La "filibuste", ce doit être de
l'Académie canadienne.
M. Dussault: L'interprétation de cette modification
à l'article 10, je l'ai faite, dans mon comté, depuis le tout
début des travaux du présent gouvernement sur la langue, parce
que cela m'appa-raissait tout à fait séant de permettre aux
anglophones, qu'il s'agisse du simple citoyen ou de son représentant,
d'avoir accès à la version anglaise des projets de loi tout
autant que des lois et des règlements; cela me paraissait tellement une
interprétation qu'on devait donner à cela que, si, techniquement,
il avait été possible de le faire, j'aurais aimé
moi-même être le proposeur de cette modification de clarification.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, puisque c'est moi qui avais
soumis la motion d'amendement à l'article 8, je voudrais seulement faire
remarquer que le gouvernement, par son amendement, ou ce nouvel article 10,
quoiqu'il manifeste certaines intentions, doit au moins admettre que ce n'est
pas une bonne rédaction de la loi. C'est évident.
Si on veut déposer le projet de loi en même temps, en
français et en anglais, il faudrait le lire de cette façon. Je
sais que ce sont vos intentions et que ce serait un peu ridicule de ne pas le
faire, mais le but d'une loi, c'est d'être claire, d'être
précise, de ne pas comporter d'ambiguïté, de ne pas offrir
la possibilité que certaines choses puissent arriver.
Nous allons accepter cette version de l'article 10, mais, M. le
Président, il faut tout de même admettre que cela nous a pris
beaucoup de temps pour faire accepter ce principe du gouvernement. Il a fallu
45 minutes. C'est avec beaucoup d'hésitation qu'il a finalement
accepté de publier les projets de loi aussi, mais il ne dit pas quand,
quoique ce serait ridicule de ne pas le faire en même temps, mais
strictement dans la rédaction d'un projet de loi. Vous êtes
juriste, M. le Président, je ne vous demande pas votre opinion, parce
que c'est une opinion sur le fond, mais, dans votre coeur, vous savez que j'ai
raison. Merci.
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 10.
Le Président (M. Cardinal): L'article 10 sera
remplacé...
M. Charron: Oui, il sera remplacé.
Le Président (M. Cardinal): Par rapport au projet de loi,
sera-t-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): Adopté unanimement.
J'appelle l'article 11.
M. Charron: A l'article 11, M. le Président, le
gouvernement a un nouveau texte à présenter qui va grandement
satisfaire...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! pour éviter
toute procédure, aurait-on tout simplement le consentement de la
commission pour accepter le remplacement de l'article 11 par un nouveau projet
d'article?
Mme Lavoie-Roux: Si cela peut améliorer quelque chose, M.
le Président, nous sommes bien d'accord.
M. Lalonde: De toute façon, M. le Président, nous
avions proposé le retrait de cet article. Si le gouvernement le retire,
tant mieux.
M. Chevrette: M. le Président, ai-je bien compris qu'on
chialait avant que cela soit déposé?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Je comprends que
j'ai le consentement unanime des membres de la commission pour que le parti
ministériel dépose un nouveau texte de l'article 11.
M. Lalonde: Sans débat.
M. Charron: Sans débat, mais avec explication sur le fond,
par la suite.
M. Lalonde: Pour le nouveau.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Charron: C'est à moi, M. le Président, si vous
me le permettez, de le présenter.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Saint-Jacques.
Nouvel article 11
M. Charron: Si les membres de la commission veulent bien prendre
le texte du projet de loi, la modification n'est pas substantielle quant
à la forme, mais quant au fond. Je lis le nouveau texte de l'article 11
que présente le gouvernement à la commission: "Les personnes
morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Elles plaident
devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties
à l'instance ne consentent à ce qu'elles plaident en langue
anglaise."
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Jacques, je vais agir envers vous comme j'ai agi envers l'Opposition.
Avez-vous un texte qu'on peut distribuer?
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Charron: Je peux expliquer la portée du changement.
Dans le texte initial, quand on disait "à moins que toutes les parties a
l'instance ne consentent à plaider en langue anglaise", cela allait
jusqu'à vouloir dire que, si un francophone, par exemple, devant le
tribunal, de son gré, acceptait que l'autre partie s'exprime en anglais,
il était lui-même obligé d'employer la langue anglaise par
la suite, ce qui était invraisemblable. Maintenant, le nouveau texte dit
"à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent
à ce qu'elles plaident en langue anglaise", ce qui peut être le
gré d'une des parties, mais qui ne l'oblige pas à changer de
langue si elle veut s'exprimer. Autrement dit, l'une peut le faire dans une
langue et l'autre dans la sienne, avec consentement.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Je n'ai pas le
texte de l'article, non pas tel qu'amendé, mais tel que
remplacé.
M. Charron: C'est une question d'instants, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Alors, j'aimerais
autant, pour les membres de la commission, que l'on fasse comme on a fait
samedi cela aidera peut-être tout le monde que l'on
suspende le temps d'avoir le texte.
M. Charron: Est-ce que je peux demander à la commission si
elle accepte, avec la modification que je viens d'apporter, de poursuivre quand
même les travaux? Le voilà.
Mme Lavoie-Roux: Elle n'est pas tellement
considérable.
Le Président (M. Cardinal): Je viens de recevoir le texte
à l'instant. On va le distribuer. D'accord. M. le ministre.
M. Charron: Très rapidement sur le fond, M. le
Président. Le but et le sens de cet article sautent aux yeux. Il faut
que le principe de chapitre, qui a été adopté à
l'article 7, devienne une réalité, en ce sens que nous sachions
que le français est la langue de la justice, qu'il ne peut s'y
introduire la langue anglaise qu'avec le consentement de ceux qu'on appelle les
justiciables. Au conseil des ministres, j'ai été un des plus
féroces partisans de cet article parce que je me souviens d'avoir
vécu une situation personnelle qui touchait de très près
une personne de ma famille qui m'est très chère. J'ai vécu
une expérience devant les tribunaux. Ma mère a eu, à un
moment de ma vie, maille à partir avec une compagnie d'assurance. Le
tout a abouti devant les tribunaux. Elle voulait, conformément à
sa police d'assurance, être remboursée. La compagnie rechignait,
comme c'est souvent le cas. Le tout dut être tranché par le
système judiciaire québécois. Or, la compagnie
d'assurance, qui est une personne morale, avait délégué
devant le tribunal un avocat de langue anglaise qui s'est exprimé et a
défendu les intérêts de la compagnie en langue anglaise. Ma
mère est une unilingue française. Une grande partie du
procès où elle devait plaider, à l'encontre des
thèses, se faisait par traduction pour elle. C'est son avocat qui
était bilingue occasionnel et moi-même, qui avais à
l'époque une connaissance mitigée de la langue anglaise, qui
devions lui traduire, pour sa propre défense et pour sa propre justice,
ce qu'à ses yeux, l'avocat de la compagnie et le juge semblaient
baragouiner ou trafiquer en son absence ou, du moins, en dehors de sa
compréhension.
Cette situation est grandement préjudiciable à un citoyen
unilingue francophone au Québec. Cela doit se terminer.
Nous n'avons pas d'objection à ce qu'une compagnie qui
délègue un avocat de langue anglaise s'exprime en langue anglaise
devant le tribunal si l'autre partie y consent. Mais l'époque où
des francophones, devant les tribunaux, doivent se munir d'un traducteur, au
Québec, pour comprendre ce qu'on est en train de dire d'eux, comment on
est en train de les accuser, comment on plaide à l'encontre de leurs
thèses, c'est un système colonial qui n'a plus de place au
Québec.
Nous requérons donc de ces personnes morales qu'elles s'adressent
dans la langue officielle aux tribunaux. Elles en ont les moyens, je dirai
même plus, elles en ont pratiquement toutes l'habitude. Ce qui fait que,
de l'autre côté, lorsque, vraisemblablement, on nous objectera
qu'il s'agit, du côté des personnes morales, donc, des
entreprises, donc, des commerces, donc, des compagnies d'assurances, d'un
remue-ménage sans précédent, je fais appel aux deux
avocats que j'ai en face de moi et qui ont la connaissance des tribunaux pour
savoir très bien qu'il est très facile, pour ces entreprises, de
se soumettre à la loi. Ce qui est important dans cette loi, c'est que
les procès se dérouleront en français, à moins
qu'il n'y ait une entente entre les parties. Mais la situation où des
francophones se font littéralement "charrier" sans avoir les
capacités de se défendre, parce qu'on ne sait pas de quoi on
parle, c'est terminé.
Pour ma part, M. le Président, étant moi-même
bilingue, je n'aurais pas objection, un jour, si je devais aller devant les
tribunaux pour quelque cause que ce soit, à consentir à ce que
l'autre personne, si elle est unilingue anglaise et si je suis assuré de
la comprendre, puisse s'exprimer si c'est un individu dans sa
langue. Ce n'est pas aux individus que nous demandons de s'exprimer en
français obligatoirement. Les membres de la commission noteront qu'il
s'agit des personnes morales.
Autrement dit, une citoyenne unilingue anglaise du Québec, comme
ma mère est une citoyenne unilingue française du Québec,
peut, demain matin, se présenter devant les tribunaux et recevoir
justice dans sa langue. C'est à l'égard des entreprises, c'est
à l'égard des compagnies qui font affaires au Québec, avec
des citoyens québécois, que nous demandons à la commission
d'adopter cet article, pour poser l'exigence que lorsque cette compagnie se
produit devant les tribunaux, elle s'exprime dans la langue officielle du
Québec.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je remercie le gouvernement,
par la voix du ministre délégué au Haut-Commissariat
à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, d'avoir, pour une fois, en
fait, une des rares fois, tenté de démontrer le bien-fondé
d'un article de loi et non pas simplement demander de voter pour, sans
expliquer pourquoi ce projet ou cet article est proposé.
Le ministre a fait état d'une expérience personnelle et
qui ne fait que confirmer la complexité de la situation devant nos
tribunaux dans un système pluraliste au point de vue linguistique comme
celui que nous avons au Québec.
La situation est d'autant plus compliquée que lorsque nous
tentons, par la loi, de régler les rapports juridiques et de
déterminer les droits des
gens devant les tribunaux, nous sommes dans un secteur, dans une
question où les droits individuels doivent, d'après la presque
totalité des gens, ou des observateurs, ou des experts, primer sur les
objectifs collectifs.
Permettez-moi, par exemple, de citer quelques considérations qui
ont été transmises à la commission Gendron par M. Van Der
Meersch, de l'Université de Bruxelles, dans une des études les
plus élaborées sur la question des droits linguistiques qui aient
été produites devant cette commission.
Il disait au chapitre IV, sous le titre: L'emploi des langues en
justice. "Le respect des droits individuels paraît en
général devoir l'emporter dans l'esprit du législateur sur
les considérations relatives à l'homogénéité
linguistique lorsque, de l'administration proprement dite, on passe à
l'administration de la justice. Le droit du justiciable d'user de sa langue
relève, en effet, des droits de la défence, c'est-à-dire
des droits fondamentaux."
Je voudrais vous citer aussi certaines autres considérations
semblables qui ont été faites par un autre juriste, Me
François Chevrette, de l'Université de Montréal, dans une
étude préparée à l'intention de la commission
Gendron où il disait, à la page 308, du deuxième volume du
rapport Gendron: "Imaginons... Un instant, je vais retrouver...
Je lis tout l'article pour la compréhension: "Imaginons un
Français accusé d'un crime devant un tribunal d'Angleterre.
Est-ce pour lui un droit proprement linguistique que le droit aux services d'un
interprète qui lui traduira en français le procès le
concernant et en anglais son propre témoignage. Bien moins qu'un droit
proprement linguistique, c'est pour lui le droit à un procès
juste et équitable, comme le serait pour le sourd-muet le droit à
l'assistance d'un interprète d'un autre genre et s'il fallait qualifier
ce droit à des fins constitutionnelles, c'est à la
procédure criminelle et aux garanties individuelles fondamentales en
cette matière qu'il y aurait lieu de le rattacher et non aux droits
linguistiques proprement dits."
Tout cela pour vous dire que lorsqu'on tente de léfigérer
en semblable matière, on doit faire la distinction entre le cas d'un
justiciable qui est accusé devant les tribunaux en vertu des lois
pénales et celui qui recherche la reconnaissance d'un droit devant un
tribunal civil, le premier n'a pas choisi d'être devant le tribunal et il
est accusé. Je comprends qu'ici à l'article 11, on réduise
la portée de cet article aux personnes morales. Mais j'invite les
membres de cette commission à tenir compte cela a
été mentionné par le Barreau, en particulier du
fait que les personnes morales, ce ne sont pas nécessairement les
grosses compagnies d'assurance qui vont contester une réclamation d'une
personne unilingue française. Le cas que le député de
Saint-Jacques a mentionné est sûrement un cas qui, de toute
façon ne doit pas se répéter, mais d'un autre
côté, il ne faut pas oublier qu'en vertu du droit pénal
canadien, les personnes morales sont assujetties aussi au droit criminel...
Je pourrais vous mentionner plusieurs cas où le Code criminel
s'applique à une personne mo- rale, à une société.
Enfin, presque toutes les dispositions du Code criminel s'appliquent. Je lis
les annotations à la page 1908 de la deuxième édition du
"Droit pénal canadien" du juge Irénée La-garde,
édition 1974. "Une corporation, personne morale ne peut être
condamnée à la prison. Si une corporation est
déclarée coupable d'une infraction, un acte criminel ou une
infraction proprement dite, la sentence sera toujours constituée d'une
amende. Mais il s'agit quand même d'un accusé. Quelle peut
être la responsabilité criminelle d'une corporation? En
général, on peut dire qu'une corporation peut être
accusée, déclarée coupable de toute infraction qui peut
être commise par délégation, par mandataire. Lorsque les
circonstances de l'affaire sont telles que les actes des représentants
sont censés être ceux de la corporation, celle-ci peut en
être accusée. Il semble que seul le parjure, la bigamie et le
meurtre ne peuvent être commis par une corporation". On pourrait
peut-être ajouter aussi quelques autres crimes de nature personnelle.
Il reste que lorsqu'on parle de personnes morales, on n'est
nécessairement pas dans le domaine du droit civil. Si j'ai
mentionné le droit criminel, actuellement, il ne faut pas oublier tout
le secteur du droit pénal, qui n'est pas criminel, où on peut
accuser une personne morale et pas nécessairement la grosse corporation,
la compagnie multinationale. La très grande majorité des
personnes morales faisant affaire au Québec sont constituées de
simples individus qui font affaire simplement par personnes interposées,
c'est-à-dire sous le couvert d'une société
incorporée, mais qui souvent ne comprennent dans la corporation que
l'homme, sa femme, un commis et sa secrétaire qui sont souvent tous de
la même langue et qui, dans plusieurs cas, naturellement, sont de langue
anglaise, au Québec.
Dire que cette société, cette compagnie a les moyens de
s'engager des interprètes, des traducteurs et des avocats
naturellement quand il faut aller en cour il faut aller voir les avocats
dire que ces personnes morales ne doivent s'adresser que dans la langue
officielle, c'est dire qu'un très grand nombre de personnes morales ne
pourront pas avoir justice devant les tribunaux parce que tout simplement elles
ne comprennent pas la langue officielle dans cette province qui est
linguisti-quement pluraliste.
M. le Président, on voit là jusqu'à quel point un
système de valeurs démocratiques peut, si on n'y porte pas
attention, être réduit par la promotion de valeurs
ethnoculturelles.
Une démocratie moderne va rechercher l'augmentation,
l'amélioration de la qualité de la vie démocratique de ses
concitoyens. Ainsi, par exemple, récemment, le ministère de la
Justice a institué un système de justice qui visite tout le
secteur du Nouveau-Québec pour rendre une justice plus accommodante, pas
dans le sens d'une justice qui est trop facile, mais qui permet aux autochtones
de se faire comprendre par un juge, qui est toujours le même, qui
commence à comprendre, qui a commencé à comprendre la
mentalité des autochtones, leur façon de vivre. Dans ce sys-
tème de justice, il s'agit d'un juge, qui, avec quelques
assistants, une ou deux fois par mois, fait le tour du Nouveau-Québec,
entend des causes qui peuvent être de toute nature et rend une justice
beaucoup plus conforme à la mentalité et aux besoins de ce
milieu.
Ainsi, par exemple, à la Cour des petites créances,
à l'aide juridique et même si nous le pouvions, à mesure
que nous développons nos ressources et nos moyens de rendre les valeurs
démocratiques plus facilement accessibles à toute la population,
peut-être devrions-nous non pas réduire mais augmenter le nombre
de langues permises devant les tribunaux. Or, ici, on se trouve à les
réduire. On se trouve à les réduire sous le couvert des
personnes morales, mais je tiens à vous dire que cela atteint des
personnes individuelles, physiques. Il y a du monde en dessous des personnes
morales.
Je comprends que la grosse compagnie d'assurance peut avoir des
officiers francophones qui vont venir témoigner. Elle peut avoir des
avocats francophones, des traducteurs pour faire en sorte que toutes les
procédures soient en français, mais il n'en est pas de même
pour le plus grand nombre des personnes morales. Il n'y a aucun doute qu'il
faut faire quelque chose. Quiconque a plaidé quelques années
devant nos cours, surtout dans le milieu montréalais, sait
jusqu'à quel point des situations difficiles peuvent être
créées non seulement pour les avocats... Les avocats,
naturellement, lorsqu'ils ont choisi ce métier, savaient qu'il y avait
un problème linguistique et qu'ils devaient faire face à ce
problème, comme celui qui veut faire de la recherche sait très
bien, où qu'il aille dans le monde, qu'il devra faire face à une
multiplicité de langues ou, au moins, à la langue anglaise.
Alors, il s'agit toutefois des gens, des clients. J'aurai l'occasion,
à l'article 12, de mentionner aussi peut-être d'autres cas qui
sont venus à ma connaissance où des gens complètement
étrangers à un litige reçoivent des avis en langue
anglaise, alors qu'ils sont francophones. Il y a sûrement lieu de faire
quelque chose au moins pour ceux qui n'ont rien à faire, mais qui
reçoivent des avis de la cour. Premièrement, le justiciable
devrait avoir accès à la justice dans sa langue. Si c'est
l'anglais, lorsqu'il est accusé, c'est dans sa langue. Le justiciable
peut aussi bien être une personne morale qu'une personne physique, autant
en droit criminel qu'en droit pénal. En droit civil, il est possible
qu'un traitement différent soit fait et que la langue officielle serve
de principal moyen de communication, quitte, éventuellement avec un
accommodement, à faire en sorte que d'autres langues, par le moyen
d'interprètes, ou la langue anglaise soient disponibles aussi.
M. le Président, je me souviens de la démonstration que le
bâtonnier du Québec avait faite à la commission
parlementaire qui étudiait le projet de loi no 1. Je pense que nous
devrions relire ses représentations, ses réponses franches,
très simples aux questions qui ont été posées et
faire attention à ne pas légiférer ici de façon
exorbitante. Pour tenter de régler un problème comme celui qui a
été décrit par le député de Saint-Jacques,
qu'il faut régler, il ne faut pas, non plus, réduire
l'accès à la justice et la qualité de justice que nos
tribunaux ont donnée et qui a atteint un degré que beaucoup de
pays nous envient.
Je vais arrêter ici, car je n'ai pas, actuellement, de proposition
à faire.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'ai suivi avec beaucoup
d'intérêt l'exposé du député de
Marguerite-Bourgeoys. Je partage, règle générale, son
approche lorsqu'il nous parle des droits démocratiques qu'il faut
assurer à tous les citoyens et, en particulier, l'extension des services
qui va être nécessaire de plus en plus dans notre
société, de façon que quelqu'un qui est amené
devant les tribunaux pour une chose aussi fondamentale que d'être
jugé, où on parle de questions qui touchent aussi intimement
qu'un jugement pouvant affecter son avenir, sa situation financière,
l'on doive, dans ces cas, étendre le plus possible les services.
J'aurais pu ajouter à son plaidoyer deux articles de la Charte
des droits et libertés de la personne que, je pense, nous approuvons
entièrement. L'un est l'article 28 de la Charte des droits et
libertés de la personne qui dit: "Toute personne arrêtée ou
détenue a le droit d'être promptement informée, dans une
langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou de sa
détention". Cet article est beaucoup plus pertinent à ce qui nous
occupe ici. L'article 36 dit: "Tout accusé a le droit d'être
assisté gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas la
langue employée à l'audience". Je tiens à dire que cet
article vaut non seulement pour les personnes qui ne comprennent que l'anglais,
mais également pour les personnes qui ne comprennent ni l'anglais ni le
français. Je pense que c'est un principe qui est tout à fait
indépendant du rôle relatif du français et de l'anglais au
Québec, je suis d'accord avec lui là-dessus.
Lorsqu'il va jusqu'à affirmer que le caractère
ethnocentrique de la loi qu'il suppose ce sont des intentions qu'il
impute au gouvernement viendrait nier ou restreindre ou rendre difficile
l'application de ces droits démocratiques sur lesquels on est d'accord,
là je ne le suis plus. L'article 11 ne vient pas en contradiction, par
exem-ple, avec l'article 36 de la Charte des droits que je viens de mentionner.
On parle de la langue de la plaidoirie, donc celle qui est faite par un
avocat.
Dans la situation hypothétique qui a été
mentionnée par le député de Marguerite-Bourgeoys,
supposons qu'on ait deux petites compagnies formées de trois personnes,
d'un côté trois personnes unilingues anglaises, de l'autre
côté trois personnes unilingues françaises. L'article 11
m'apparaît juste, il dit: Si les trois parties unilingues
françaises ne sont pas d'accord pour que l'autre partie plaide en
anglais, elles devront plaider en français. Dans ces cas, la
préséance doit être du côté de la langue
officielle. Il y a quand
même une chose, c'est qu'il n'y a rien qui empêche les trois
personnes anglophones, premièrement, de retenir les services d'un avocat
bilingue qui va être capable de plaider en français
d'ailleurs il y a des articles dans la loi qui obligent tous les professionnels
à devenir bilingues après un certain délai et
d'autre part, elles peuvent, même, elles ont le droit d'être
assistées d'un interprète.
En supposant que cela ne soit pas suffisant que l'avocat soit bilingue,
elles ont le droit, d'après la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec, qui a été adoptée en 1975 et
qui est une loi en vigueur actuellement, elles ont le droit d'être
assistées d'un interprète.
Je pense que l'article 11 permet, d'une part, de protéger les
excès, les abus comme ceux qu'a mentionnés le
député de Saint-Jacques, où là c'est clair.
Par exemple, si on a une grosse compagnie multinationale dans une cause
contre un citoyen unilingue francophone, c'est un cas évident.
Même dans les cas plus difficiles comme celui que je viens de mentionner,
il faut donner la préférence à la langue officielle. Il
faut bien la mettre quelque part, on la met du côté de la langue
officielle. Je tiens à dire que, même dans ce cas, les citoyens
unilingues anglais ou même d'une autre langue qui ne comprendraient ni le
français ni l'anglais les Italiens par exemple auraient
droit à un interprète, d'après l'article 36 de la Charte
des droits et libertés de la personne. J'imagine qu'ils vont avoir un
avocat qui parle leur langue et la langue officielle qui est le
français.
A mon avis, l'article 11 ne va absolument pas à l'encontre des
droits démocratiques des citoyens qui sont garantis dans la Charte des
droits et libertés de la personne et qui sont parfaitement
respectés par l'article 11. Mais il permet, par exemple, d'éviter
des abus comme ceux que mentionnait le député de
Saint-Jacques.
M. Lalonde: Le député me permet-il une question?
Pour les matières pénales c'est surtout cela qui
m'inquiète, pour les matières civiles j'ai pensé qu'on
pouvait avoir un traitement spécial souvent ce sont des personnes
morales qui sont amenées devant les cours qui sont des
accusées.
Le député ne voit-il pas un traitement spécial,
différent? A ce moment-là, c'est l'Etat qui poursuit
généralement en matière pénale. La personne morale,
à ce moment-là, se trouve à être accusée. Les
autres citoyens ne sont-ils pas du tout partie à ce litige, sauf comme
témoins? Chacun peut témoigner dans sa langue, de toute
façon.
Le Président (M. Dussault): Je rappelle au
député de Rosemont qu'il est libre de répondre à la
question.
M. Paquette: Je vous avoue que je n'ai pas réfléchi
à la question, si j'ai le temps d'y repenser, je ferai peut-être
une autre intervention.
M. Lalonde: Si j'avais un amendement à propo- ser ici, je
ne suis pas prêt encore à le faire, ce serait pour exclure les
matières pénales, parce qu'à ce moment-là, il n'y a
pas d'individu francophone...
M. Paquette: Dans le fond, c'est l'Etat qui poursuit.
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, comme vous avez dû le
constater à la lecture du document que nous avons
présenté, l'Union Nationale a recommandé le retrait de
l'article 11 du projet de loi 101, car elle accepte l'argumentation que le
Barreau du Québec a défendue lors de la présentation de
son mémoire en commission parlementaire, lors de l'étude du
projet de loi 1, principalement dans son mémoire de la page 3 à
6, disant que "l'article 11 n'est ni utile, ni nécessaire en regard des
objectifs généraux visés par le projet de loi 101, compte
tenu de la situation actuelle."
Vu que nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses
origines à la fois du droit français et du "Common Law", la
compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence
au Québec exigera toujours des avocats, qu'ils représentent une
personne physique ou morale, une connaissance du français et de
l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune des parties ne soit
pénalisée par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant
que l'autre plaide en langue française ou vice versa.
Si vous permettez, M. le Président, je vous ferai part d'une
brève partie de la position du Barreau du Québec que l'Union
Nationale fait sienne et qui dit, en rapport avec la langue de la justice;
"Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans le débat constitutionnel
concernant les articles 11, 12 et 13 en regard de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Nous sommes conscients qu'il existe deux
thèses à ce sujet. Nous soulignons cependant que dans notre
opinion, les modifications que nous avons apportées que ce soit
pour le Barreau ou celles apportées par l'UN propositions
suggérées en 7 et 8 auraient certainement eu pour effet d'enlever
tout doute quant à la constitutionnalité desdits articles. Le
Barreau du Québec recommande la suppression totale de cet article 11
avec lequel nous sommes en désaccord complet. Plusieurs raisons motivent
notre recommandation à ce sujet. Disons tout d'abord que les personnes
morales, nécessairement, s'adressent toujours aux tribunaux et plaident
toujours devant eux par l'intermédiaire d'avocats, sauf
évidemment devant la Cour des petites créances. L'avocat, par
définition, au Québec devra toujours être bilingue,
à tout le moins, au niveau de la compréhension des textes et de
la langue de l'interlocuteur, puisque nous vivons dans un système de
droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit français et
du "Common Law". La compréhension des textes de loi, de la doctrine et
de la jurisprudence au Québec exigera
donc toujours le bilinguisme à un degré suffisamment
élevé. Ceci étant dit, nous devons légalement
considérer que les personnes morales, de plus en plus, en vertu des
nouvelles lois sont formées d'un seul individu qui peut être soit
francophone, soit anglophone. La définition de personne morale, en
effet, s'applique tant aux corporations publiques qu'aux corporations
privées et même individuelles. A ce titre, la personne morale qui
a une entité juridique propre peut fort bien être, dans les faits,
un individu de langue anglaise.
Au départ, nous disons donc que si l'individu ou le citoyen de
langue anglaise peut conserver le droit d'utiliser sa langue devant les
tribunaux, ne devrait-il pas en être de même de la corporation
qu'il constitue? Mais ce qui nous paraît le plus important est que le
droit est une science ou un art extrêmement précis dont
l'application cependant est extrêmement nuancée et
nécessite, dans ses énoncés, une maîtrise absolue de
la langue dans laquelle il est énoncé. "Il est évidemment
beaucoup plus facile d'exprimer les nuances et les subtilités dans la
langue même de l'individu qui s'exprime que dans la langue seconde, quel
que soit son degré de bilinguisme. Si le bilinguisme des avocats, par la
voix desquels les personnes morales doivent plaider et s'adresser aux tribunaux
est tel qu'il permette à chacun de comprendre les allégués
et l'argument de l'autre partie, quelle que soit la langue utilisée par
celle-ci, il n'en est pas nécessairement de même lorsqu'il s'agit
d'exprimer sa propre pensée. Le rôle essentiel de l'avocat
étant d'être le porte-parole de son client et de
représenter les intérêts de celui-ci, le Barreau croit que
l'avocat devrait conserver le droit d'utiliser la langue au moyen de laquelle
il pourra le mieux représenter les intérêts de ce client.
La partie adverse, quelle qu'elle soit, n'en subirait aucun préjudice
puisqu'elle même est représentée par un avocat suffisamment
bilingue pour comprendre les allégués et arguments de son
adversaire."
Et dans ces deux derniers paragraphes le Barreau conclut: "Enfin, une
dernière remarque s'impose au sujet de cet article. Nous n'en voyons en
effet nullement l'utilité ni la nécessité en regard des
objectifs généraux visés par le projet de loi no 101,
compte tenu de la situation actuelle. Le bilinguisme nécessaire des
avocats existe à un degré suffisant pour qu'aucune des parties ne
soit pénalisée par le fait que l'un plaide en langue anglaise
pendant que l'autre plaide en langue française et vice versa. Si toutes
les parties, d'une part, sont représentées par des avocats de
langue anglaise, nous en concluons que cet article n'a aucune
nécessité puisque tel que rédigé il ne vise pas
à interdire l'usage de la langue anglaise au niveau des plaidoiries,
même lorsqu'il s'agit de personnes morales. Enfin, dans les
circonstances, avec le Barreau du Québec, nous recommandons la
suppression pure et simple de l'article 11, ce qui peut se faire sans affecter
en aucune façon le but visé par la présente loi."
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je comprends que
vous faites une motion de retrait?
M. Grenier: C'est-à-dire que je ne fais pas une motion.
Pas à ce moment-ci.
M. Charron: Cela ne fait rien, on va voter contre.
Le Président (M. Cardinal): Je me demandais si vous citiez
le bâtonnier ou si vous faisiez vôtres ses paroles?
M. Grenier: C'est ce que j'ai fait. JMais s'il devait y avoir une
motion cela viendrait plus tard.
Le Président (M. Cardinal): Alors, il n'y a pas de
motion?
M. Grenier: Non.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Paquette: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rosemont. Il vous reste cinq minutes.
M. Paquette: Je vais essayer de répondre très
brièvement à la question du député de
Marguerite-Bourgeoys qui me demandait une opinion dans des questions qui ne me
sont pas très familières, parce que je ne suis pas légiste
de profession. Mais, après consultation, il a demandé, dans le
cas où c'est l'Etat qui poursuit, dans un cas de matière
pénale, si je trouvais l'article 11 justifié. Sauf erreur, en
matière criminelle, ces matières sont de compétence
fédérale. C'est une des compétences décrites au
niveau du gouvernement fédéral par l'article 91, et dans le cas
où un individu... Donc c'est le gouvernement fédéral qui
fait la poursuite...
M. Lalonde: Je regrette, mais c'est le contraire. Je pense que le
député de Verchères va vous le dire.
M. Paquette: Oui?
M. Lalonde: D'ailleurs, le dernier jugement de la cour auquel le
ministre de la Justice s'est référé dans une
réponse, qui concerne Di Lorio a, confirmé de la façon la
plus claire jamais faite que la poursuite en matière criminelle est
provinciale alors que...
M. Paquette: L'administration relève des provinces...
M. Lalonde: ... l'administration de la justice criminelle, c'est
la province.
M. Charbonneau: C'est le procureur général du
Québec qui...
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Cardinal): Alors, cette question est
résolue.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'ai écouté attentivement le
député de Saint-Jacques quand il nous a donné les motifs
pour lesquels il était pour cet article du projet de loi. Il est
naturellement impossible de ne pas sympathiser avec les raisons qu'il nous a
données. Il n'y a aucun doute que l'exemple qu'il a donné
était une situation très injuste qui n'aurait pas dû
arriver; qui, j'en suis certain, a causé certains préjudices,
c'est certainement d'un bon naturel de sa part de vouloir rectifier une telle
situation.
Ce que je pourrais dire, c'est qu'il ne faudrait pas aller, en
rectifiant certaines situations injustes, à l'inverse et en créer
qui seraient aussi injustes. C'est un équilibre, M. le Président,
qui, je dois l'avouer, est difficile, sinon impossible à
définir.
Nous avons tous subi des situations de discrimination, que ce soit
personnel ou que cela ait été vécu par d'autres, mais il
faudrait, et c'est à ça que j'inviterais le gouvernement,
réagir d'une façon où une injustice semblable ne pourrait
pas arriver à une autre personne. C'est malheureusement ce qui pourrait
arriver à l'article 11.
Je ne plaide pas, M. le Président, pour que les compagnies
multinationales ne se conforment pas à l'article. Il n'y a aucun doute
qu'elles en ont les moyens, les pouvoirs et le personnel aussi. Mais il y a un
principe, et ce ne sont pas toutes les compagnies à grande puissance
financière que pourrait viser cette loi. Il y a des individus des deux
côtés, et il devrait être possible dans nos lois d'apporter
des rectifications sans toujours aller d'un côté à l'autre.
L'explication que le député de Saint-Jacques a donnée peut
être mal interprétée. Moi, je ne l'interprète pas
mal. Je la comprends, et je ne dis pas ça d'une façon
paternaliste ou autrement.
J'ai vécu assez de situations où, personnellement, j'ai
subi de la discrimination pour pouvoir comprendre. Mais on fait une
législation pour toute une société. Elle va affecter
différentes personnes. Et on peut mal interpréter la situation
que le député de Saint-Jacques veut rectifier, parce que,
malheureusement, dans le domaine de la justice, ce n'est pas assez que la
justice soit faite, il faut aussi qu'elle donne l'apparence d'être
faite.
Dans la situation actuelle, dans le contexte actuel, quand on prend ces
articles l'un après l'autre et quand on prend l'ensemble de la loi, il
va sûrement y en avoir qui vont interpréter cet article d'une
façon, à savoir qu'on veut être punitif envers un certain
secteur, enlever certains droits individuels. C'est malheureux, parce que je
suis persuadé que ce n'est pas l'intention du député, ce
n'est pas de punir quelqu'un, c'est de vouloir rectifier une situation. Il me
semble qu'on ne devrait pas enlever des droits aux autres.
Il doit y avoir d'autres moyens, spécialement aujourd'hui, quand
on essaie d'être plus ouvert, même dans les tribunaux, dans tous
les domaines, le député de Marguerite-Bourgeoys a fait
référence au Nouveau-Québec. C'est vrai qu'on essaie
d'être plus ouvert non seulement quant aux langues qui sont
parlées, mais on a même essayé d'inclure dans la
législation des clauses, à savoir qu'il fallait comprendre,
spécialement dans les matières pénales, les moeurs, les
coutumes des gens qui sont jugés, ce qui veut dire que même le
langage ne va pas assez loin. Même si quelqu'un peut comprendre une autre
langue, c'est plus que comprendre une langue; c'est de communiquer et, dans le
domaine de la justice, on traite des droits fondamentaux, on traite de tout ce
qui peut affecter une personne. Ce n'est pas seulement une partie de sa vie ou
une partie de ses activités, les tribunaux traitent de tout.
Si le législateur, par exemple, au Nouveau-Québec, a
été assez sage et a cru que cela était nécessaire
non seulement de parler leur langue, mais de comprendre la mentalité,
les coutumes d'une autre culture pour bien juger, il serait encore plus
nécessaire, ici dans cet article, de ne pas aller à rencontre de
cette tendance, de cette tradition et de cet objectif. Plutôt que de
restreindre nos droits, on devrait être plus large d'esprit.
Parfois, c'est difficile. Parfois, on a tendance à dire: Cette
situation n'arrivera plus et je vais insister pour que cela n'arrive plus. Mais
par les moyens que nous prenons pour corriger cette situation, il ne faudrait
pas créer d'autres injustices. Voici ce qui va arriver. Aujourd'hui,
c'est un gouvernement qui présente un projet de loi. Si c'est
jugé comme une vengeance ou comme punitif, cela sera toujours la
balance. Demain, ce sera un autre gouvernement. Quelqu'un va retenir cela en
lui et il va dire: Cela va être mon tour. Il me semble qu'il y a assez de
situations dans notre histoire qui prouvent que ce n'est pas une bonne
façon d'agir. Eventuellement, il faudra arriver à un
équilibre pour qu'on ne prenne pas l'approche qui consiste à
dire: Chaque fois que c'est mon tour et que je suis au pouvoir, je vais faire
une chose de telle façon qu'éventuellement on va prendre les
mêmes principes et on va les tourner contre nous.
C'est un domaine qui est assez important, qui est assez fondamental. Il
est vrai que nous sommes dans une société pluraliste. Je ne sais
quand est arrivée la situation que le député de
Saint-Jacques nous a décrite. Je ne sais pas si cela fait longtemps.
Cela ne doit pas faire tellement longtemps, parce qu'il est jeune.
M. Charron: Dix ans.
M. Ciaccia: Seulement dix ans. Je ne pense pas qu'aujourd'hui
cela pourrait se répéter. Aujourd'hui, je suis pas mal
assuré que cela ne pourrait pas arriver, parce que notre
société a beaucoup évolué et, justement, avec
justice. Les changements étaient nécessaires. On se trouve face
aujourd'hui à certains projets de loi et, si certains
événements de cette nature ne s'étaient pas produits, on
n'aurait pas ces projets de loi. On n'aurait pas ces conflits aujourd'hui,
c'est malheureux que ces gens n'aient pas eu plus d'ouverture d'esprit et
qu'ils n'aient pas compris la situation. Ils ont semé un peu ce qu'ils
récoltent aujourd'hui, je suis d'accord.
En essayant de créer une nouvelle société, parce
que c'est l'impression que ce gouvernement nous donne, qu'il veut faire des
changements,
qu'il veut une société meilleure, je pense qu'il devrait
avoir certains principes reconnus pour l'ouvrir à tout le monde et
créer un équilibre. Je ne pense pas que l'article, tel que
rédigé maintenant, crée cet équilibre. Je pense
qu'il va dans l'autre sens. Pour ces raisons, je suis tiraillé je
dois vous le dire franchement par cet article quand on nous donne les
motifs pour lesquels il a été présenté. Mais je
crois qu'il faut dépasser ces conditions, ces situations injustes.
Chacun de nous, à un certain moment, qu'on soit dans une position
où on a le pouvoir, peut poser des gestes pour corriger certaines
situations et pour mettre fin à ce que nous croyons injuste; c'est
très difficile et il faut faire bien attention à ce que nous
faisons. Parfois, il faut prendre sur nous et dire: C'est vrai que cette
situation est injuste, mais je ne veux pas en répéter d'autres.
En plus de cela, il faut faire des lois. On a une constitution.
Il ne faut pas faire des lois qui vont à rencontre de nos lois.
Il faut faire des lois légales. Je ne voudrais pas voir une provocation,
et pousser quelqu'un à dire: On va contester la loi. Qu'est-ce que cela
va servir si cela arrive? Si quelqu'un prend cette loi et s'en va en cour avec
elle, dans le contexte social et politique que nous avons maintenant, cela peut
seulement nous diviser davantage.
Tant et aussi longtemps que l'article 133 fera partie de notre
constitution, il faudrait trouver des moyens légaux, justes et
équitables pour rectifier certaines situations. Il ne faut pas aller
à l'encontre des lois, à moins que l'article 133 aurait
été changé ou modifié dans notre constitution,
là peut-être, la situation serait différente; mais tant et
aussi longtemps que la constitution demeure ce qu'elle est, je ne pense pas
qu'on agirait d'une façon responsable de légiférer
à l'encontre de cela.
Il n'est pas question de protéger les compagnies qui auraient
dû savoir mieux, qui n'auraient pas dû faire cela, ce n'est pas
là la question. On comprend la situation des avocats à
Montréal et aussi des avocats francophones à Montréal. On
a vécu des situations où c'était des fois difficile pour
certaines personnes d'obtenir certains emplois non seulement dans ce domaine.
Soyons honnêtes. Soyons francs. Ces situations ont existé. C'est
malheureux qu'elles aient existé, mais ce n'est pas par l'entremise de
l'article 11 qu'on va rectifier ce point. C'est vrai qu'il faut le rectifier.
C'est seulement pour les raisons que je vous ai soumises, M. le
Président, que je voudrais proposer un amendement à l'article
11.
C'est seulement pour être en conformité avec 133. Que
l'article 11 soit modifié en ajoutant dans la première ligne
après le mot "adresse" les mots "à leur choix" et en ajoutant
dans la première ligne après le mot "officiel" les mots "ou en
langue anglaise" et en retranchant dans les troisième, quatrième
et cinquième lignes, les mots "elles plaident devant eux dans la langue
officielle à moins que toutes les parties à l'instance ne
consentent à plaider en langue anglaise." L'article amendé se
lirait comme suit: "Les personnes morales s'adressent à leur choix dans
la langue officielle ou en langue anglaise aux tribunaux et aux organismes
exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires."
Le Président (M. Cardinal): Puis-je avoir la feuille de
votre motion, s'il vous plaît? Merci. On peut la distribuer même si
je n'ai pas encore parlé de la recevabilité.
Cette motion d'amendement proposée par M. le député
de Mont-Royal, ai-je besoin de la relire? Je voudrais quand même la
relire, même à voix basse, pendant quelques instants.
C'est toujours pareil avant une suspension. Je voudrais m'adresser
à la commission pour obtenir, suivant les règles habituelles,
c'est-à-dire un membre par formation politique et, brièvement, il
y a trois partis politiques, il est 17 h 46, je voudrais savoir si,
d'après vous, madame et messieurs, si elle est recevable. Je rendrai la
décision ensuite.
M. le député de Saint-Jacques, sur la recevabilité,
et brièvement.
M. Charron: M. le Président, j'invoque l'article 70 du
règlement qui nous régit, parce que je crois que cette
disposition de notre règlement rend irrecevable l'amendement qui nous
est présenté. J'ai perdu mon règlement, quelqu'un
me passerait-il le sien, j'y vais par coeur mais on dit qu'est
irrecevable à l'article 70, un amendement dont l'effet est
d'écarter la question principale sur laquelle il a été
proposé. M. le Président, si vous deviez déclarer cet
amendement recevable et, éventuellement, s'il devait être
accepté par la commission, il va à rencontre du voeu même
de l'article, il annule l'article. Autrement dit, il nous ramène
à la situation actuelle. L'habitude, la tradition parlementaire veut
que, quand on est à l'encontre d'un article et qu'on veut être
conforme à la situation actuelle, on vote contre l'article. On n'essaie
pas de l'amender pour le retourner bout pour bout. C'est aller
complètement à l'encontre du sens même, de la
nouveauté de l'article, ce pourquoi existe l'article. C'est qu'on veut
désormais exiger dans le cadre de l'exemple que je donnais tout à
l'heure, qu'une personne morale s'adresse en français aux tribunaux.
Actuellement, les personnes morales peuvent s'adresser à leur
choix dans la langue officielle du Québec, en vertu du bill 22, ou ce
qui s'appelle la langue anglaise aux tribunaux ou aux organismes
exerçants. C'est ce que le gouvernement veut changer. Si on amende
l'article de la façon que le propose le député de
Mont-Royal, on revient exactement au statu quo actuel.
Si on veut revenir au statu quo, c'est l'opinion
privilégiée de l'Opposition libérale de voter contre
l'intention du gouvernement, lorsque vous appellerez le vote.
Je soutiens et là je pense que rarement un exemple plus
clair peut nous passer entre les doigts qu'il est irrecevable, si
l'effet de cet amendement, comme le dit l'article 70, écarte la question
principale sur lequel il a été proposé. Ce n'est pas une
modification, c'est une annulation de l'effet de l'article. En ce sens, toute
la jurispru-
dence de notre Assemblée vous invite à déclarer
irrecevable pareil amendement.
Le Président (M. Cardinal): Merci de vos bons conseils, M.
le député de Saint-Jacques et ministre
délégué.
Qui veut s'exprimer sur l'article, sur la recevabilité?
Pardon?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, en effet, l'amendement a pour
effet de changer, comme d'ailleurs, vous l'avez dit à quelques reprises
il faut qu'un amendement change quelque chose.
Vous avez plaidé, vous avez invoqué ce facteur, cet
élément à quelques reprises pour déclarer
irrecevables des amendements que nous avions proposés. Je me souviens de
l'article 1 en particulier.
Quant au premier paragraphe, c'est-à-dire à la
première partie de l'article 70, naturellement il se trouve à
retrancher et ajouter des mots remplacés par d'autres. Je pense que la
motion d'amendement est conforme à la première partie de
l'article 70. Quant à la deuxième partie, qui dit: "II est
irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur
laquelle il a été proposé et il en est de même d'un
sous-amendement par rapport à un amendement", le changement que l'on
propose dans la motion d'amendement a pour effet de modifier sûrement de
façon substantielle l'article tel quel. Il a pour effet de ramener
à la situation qui nous est imposée par la Constitution qui dit,
à l'article 133: "Et dans toute plaidoirie ou pièce de
procédure par-devant les tribunaux ou émanant de tribunaux du
Canada qui seront établis sous l'autorité du présent acte
et par-devant tous les tribunaux et émanant des tribunaux du
Québec il pourra être fait également usage, à
faculté, de l'une ou de l'autre de ces deux langues". On parle de la
langue anglaise et de la langue française, il n'est pas question de
distinction de personnes morales ou autres.
M. le Président, ne pouvant pas demander le retrait de cet
article en vertu de notre règlement, comment pouvons-nous ramener
l'article à une valeur constitutionnelle, à respecter la
Constitution sans faire l'amendement que nous avons fait? Oui, c'est vrai qu'il
a pour effet de changer substantiellement la question principale qui restreint
à la langue officielle la possibilité pour les personnes morales
de s'adresser aux tribunaux, mais il ne la change pas complètement
puisque les personnes morales auront quand même le loisir de s'adresser
dans la langue officielle. Cela aurait pour but d'écarter
complètement la question principale si on avait changé les mots
"dans la langue officielle" par les mots "dans la langue anglaise". Cela aurait
eu pour effet de l'écarter complètement. Cela n'a pas pour effet
de l'écarter complètement quand on ajoute simplement le choix de
la langue officielle, qui est le but principal ou l'objet principal de cet
article, qu'on ajoute un choix d'une autre langue en même temps.
M. le Président, je pense qu'on n'écarte pas la question
principale, on ne fait simplement que la modifier substantiellement. Je crois
qu'avec une interprétation favorable dans le cas de doute, qui doit
être donné à la motion d'amendement, vous devriez la
déclarer recevable.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, si vous voulez terminer avant la suspension.
M. Grenier: Sûrement, ce sera bien avant cela, à
part cela.
Comme vous le voyez, on est en plein coeur des avocasseries et ce n'est
pas mon secteur. J'aurais préféré qu'on fasse tout
simplement un retrait pur et simple de l'article 11.
Cela aurait été notre position, comme on l'a laissé
entendre tout à l'heure, mais nous allons quand même nous rallier
à la recevabilité. Nous préférons la
recevabilité de cet amendement proposé par le
député de Mont-Royal, puisque cela n'enlève rien, à
mon sens, au caractère officiel de la langue française, d'abord,
et que, deuxièmement, cela introduit, selon l'économie du droit,
le principe sacré du droit des parties.
Pour ces deux raisons, pour ne pas dire ces trois raisons, je vous
demanderais, M. le Président, de rendre recevable cet amendement
proposé par M. le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. Il s'est produit la même
chose à chaque suspension ou ajournement de séance.
M. Laurin: C'est calculé.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai jamais dit cela, M. le
député de Bourget.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas quel article on invoque pour
cela, une imputation de motifs, ce n'est vraiment pas cela, pas dans ce
cas-là.
Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas de question de
privilège ici pour répondre à cela. Je pourrais rendre une
décision très rapide, mais je pense que ce serait mauvais. J'ai
relevé... M. le député de Saint-Jacques, il faut avoir de
la patience, à ce moment-là, parce que... Que voulez-vous!
M. Charron: Patience de vétéran, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Je vous reconnais.
Mme Lavoie-Roux: II vous a dit préséance... M.
Charron: Le plus âgé de tous.
Le Président (M. Cardinal): J'ai retenu et j'ai même
noté les arguments des trois intervenants. Non seulement je les ai
notés, mais au fur et à me-
sure que ces arguments m'étaient présentés, je les
analysais. Pour ne pas perdre le temps de la commission, même s'il est
probable que la décision ne sera pas rendue avant la suspension, je vais
quand même mentionner que l'on s'est référé
ce sera peut-être rendu, M. le député de Rosemont
à l'article 70. Je soulignerai qu'il y a plusieurs décisions
antérieures des présidents en vertu de l'article 70 et j'en ai
mentionnées plusieurs depuis que les travaux de cette commission ont
commencé.
On a même mentionné que cela pouvait équivaloir au
retrait de la motion qui est une motion de M. le député de
Saint-Jacques. D'ailleurs, on est allé assez loin pour que M. le
député de Mégantic-Compton me dise: Comme on ne peut pas
retirer un article, on va appuyer la motion.
Mme Lavoie-Roux: Cela part de bonnes intentions.
M. Lalonde: L'enfer en est pavé.
Le Président (M. Cardinal): Le nouveau texte qui
reçoit un amendement proposé par M. le député de
Mont-Royal affecte peut-être, ou pas, le principe du nouvel article.
Je voudrais éviter de me prononcer à ce sujet, même
si l'article 70 me le permettrait. Je veux souligner une première fois
que l'article 70 permet au président de référer au
principe pour accepter ou rejeter un article.
Quant à l'argument qui m'est servi pour dire que l'article est
illégal, ce n'est certainement pas au président de la commission
d'en décider. Je ne m'érigerai pas en Cour suprême du
Canada ou d'autres Etats pour régler cette question sur laquelle
d'éminents juristes se sont jusqu'ici prononcés. D'ailleurs, on
pourrait référer aux décisions pardon, aux futures
décisions peut-être du premier ministre
fédéral. Le désaveu est peut-être encore permis; il
est peut-être rendu désuet. C'est beaucoup trop loin.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys... Oui.
M. Grenier: Est-ce qu'on pourrait venir à votre secours
pour vous permettre de donner votre jugement uniquement après 6 heures?
Demandez au député de Marguerite-Bourgeoys de prendre la
parole.
Le Président (M. Cardinal): Vous allez l'avoir. Non.
M. Grenier: Je suis sûr que cela irait jusqu'à 6
heures.
Le Président (M. Cardinal): Vous craignez. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys nous dit, lui aussi, qu'au lieu de
demander le retrait le seul moyen qui reste au parti de l'Opposition
officielle, c'est de faire un amendement. A cette table même, j'ai deux
aveux et l'on m'a même cité longuement des extraits du
bâtonnier du Barreau du Québec, disant qu'on demandait le retrait
de l'article 11 dans son premier texte. L'article 85 aurait pu s'appliquer. On
peut demander un retrait; seulement pour demander le retrait, il faut deux
conditions: premièrement, la permission du proposeur de la motion. Je ne
lui ai pas demandé s'il accorderait sa permission.
M. Grenier: On pourra le lui demander. L'occasion serait si bien
donnée.
Le Président (M. Cardinal): On pourra.
Deuxièmement, il faut suivre le règlement quant au débat
très restreint qui se produit. Ayant lu très attentivement la
motion, vu que, mutatis mutandis, à mon humble point de vue, avec ce
qu'on m'a dit, l'article 85 ne peut pas s'appliquer sans les conditions que
j'ai indiquées, je dois, malheureusement avant la suspension, dire que
la motion ne m'ap-paraît pas recevable.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Fin de la séance à 17 h 55)
Reprise de la séance à 20 h 05
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, madame et messieurs!
M. Chevrette: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Joliette-Montcalm! Je pense
qu'il y a quorum. Le quorum est de onze. Je pense que nous sommes onze
actuellement, si la présidence compte le moindrement.
M. de Belleval: M. le Président, je propose l'adoption de
l'article 11.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...j'ai indiqué les réserves que
j'avais à l'article 11. Je désire, dans les quelques minutes
qu'il me reste, proposer un amendement dont le texte, actuellement, est
écrit et est en train d'être photocopié. Je vous en
fournirai un texte écrit dans quelques secondes.
Donc, ce serait pour amender l'article 11, en remplaçant le mot
"Les", à la première ligne, par les mots "Sous réserve des
dispositions de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, et sauf en matières pénales et en matières
criminelles, les".
M. Ciaccia: Cela a bien du bon sens.
Le Président (M. Cardinal): Oui, j'ai le texte devant
moi.
M. Lalonde: M. le Président, dans le texte que vous avez,
on ne précise pas dans quelle ligne. Alors, je vais vous remettre
l'original.
Le Président (M. Cardinal): Le texte peut être
distribué. A l'ordre, s'il vous plaît!
J'ai encore ce rôle difficile de décider de la
recevabilité d'une motion. Je dois constater tout de suite qu'une motion
de ce genre a été déposée enfin, j'ai dit:
"de ce genre, je n'ai pas dit similaire" dès les premiers moments
de la commission.
Je n'ai malheureusement pas les fonctionnaires de la commission
auprès de moi, ni le procès-verbal de cette première
journée.
Je me souviens fort bien que la motion avait été
présentée par Mme le député de L'Acadie et que,
dans les motifs, avant d'en arriver aux dispositions, j'avais mentionné
que je concevais fort mal que l'on légifère par
référence, c'est-à-dire que l'on pourrait soutenir ou non
que l'article 133 fait partie de la constitution du Canada et peut-être
de la constitution du Québec.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Allez-vous nous offrir la chance de dire quelques
mots en faveur de la recevabilité?
Le Président (M. Cardinal): Si vous le demandez, oui,
selon la même règle que d'habitude, un membre par parti et,
brièvement.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur la
recevabilité.
M. Lalonde: Je vais m'en tenir à la
référence à l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique qui pourrait vous inspirer peut-être certains doutes quant
à la recevabilité pour faire appel à un
précédent où le député de Lafontaine
à la page B-6007 du journal des Débats en 1974 avait fait la
motion d'amendement suivante: "Que l'article 1 soit amendé en ajoutant,
à la fin, l'alinéa suivant: L'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique... cesse d'avoir effet en ce qui concerne
les matières relevant de la Législature du Québec."
Cette motion d'amendement avait été reçue et
défaite après, mais quand même reçue. J'invoque ce
précédent pour vous dire que le fait qu'on réfère,
que cela soit pour que ça cesse d'avoir effet ou que ça continue
d'avoir effet comme c'est le cas dans ma motion d'amendement, n'est pas une
raison de non-recevabilité. On parle, à ce moment, d'un texte
bien connu, qu'on peut déterminer de façon précise et je
ne vois pas pourquoi une motion d'amendement, qui ferait
référence à ce document officiel, serait irrecevable,
seulement à cause du fait qu'il fait ou qu'il ferait
référence à ce document officiel.
Le Président (M. Cardinal): Quelqu'un d'autre veut-il
s'exprimer?
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: Deux points à rencontre de la
recevabilité d'une pareille motion. Outre celle que dicte le bon sens,
c'est, d'une part, celle même que vous avez évoquée, je
l'amplifie peut-être, mais le fait que vous l'ayez signalé
à bon droit, je pense, qu'un amendement en ce sens a déjà
été jugé irrecevable à cause de la
référence qu'il faisait.
Deuxièmement, je vous invite à réfléchir, M.
le Président, sur le fond de l'amendement, mais aussi quant à sa
recevabilité. Voici en quel sens. Il y a quelques instants à
peine, dans les travaux de la commission, vous avez rejeté un amendement
proposé, une fois de plus, de manière dilatoire, par le Parti
libéral parce que cet amendement était irrecevable en vertu des
principes de l'article 70 de notre règlement qui disent qu'un
amendement, s'il doit viser à rendre inopérant, en fin de compte,
ce qui va à rencontre du principe de l'article 70, s'il équivaut
à l'annulation d'un article, n'est pas rece-vable, les opposants devant
se contenter d'inscrire leur dissidence lorsque vous appellerez le vote, mais
ne devant pas par un amendement tenter de le rendre nul. Je vous demande
seulement d'envi-
sager, M. le Président, le sous-entendu de l'amendement
présenté par le Parti libéral qui a toujours un peu peur
de mettre ses véritables couleurs sur la table. Ce qu'il entend, il faut
vraiment le deviner dans son subsconcient, et là c'est un effort assez
difficile, j'en conviens...
M. Laurin: Je peux t'aider.
M. Charron: Le psychanalyste qui est à ma gauche peut vous
donner un coup de main, M. le Président. Si nous analysons le
subsconcient de nos amis d'en face, serviles serviteurs de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, qui vous invitent à toutes les
réserves, en aucun temps ces messieurs ne s'élèveraient
contre un texte datant de 1866. Au contraire, il est très moderne dans
leur esprit.
Mme Lavoie-Roux: 1867.
M. Charron: 1866, madame. Il a été voté en
1866 à Londres, en Royaume-Uni, croyez-le ou non. Il a été
en application, ici, à compter du 1er juillet 1867, mais la loi a
été votée le 14 octobre 1866, à Londres.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de la précision.
M. de Belleval: Vous n'avez pas sauvé cette
année-là.
M. Charron: M. le Président, si nous acceptions le
sous-entendu de cet amendement, il est à deviner, j'en conviens, mais
dans l'esprit de ceux qui ont présenté l'amendement irrecevable,
il y a quelques instants, il faut voir qu'avec la réserve de
l'entendement qu'ils ont de la disposition de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, et puisqu'ils vont jusqu'à
préciser, sauf en matière pénale et en matière
criminelle, qu'ils exempteraient de la disposition de l'article 11, si vous
deviez le juger recevable et si la commission devait le prendre, est-ce que
cela n'a pas pour effet final, avec tous ces "sous" et ces "sauf" et ces
réserves et ces exceptions et ses "malgré que", si vous deviez
accepter cet amendement comme recevable, d'annuler, à toutes fins
pratiques, l'effet pratique de la disposition de l'article 11? Et ainsi de se
porter à rencontre de l'article 70 de notre règlement qui
interdit à un parti d'Opposition ou à quelque membre que ce soit
de la commission de présenter un amendement qui a pour effet pratique de
rendre nulle la disposition présentée par le gouvernement?
Je vous invite à y réfléchir, M. le
Président. A mon avis, il y a dans cette disposition une façon de
contrevenir à votre précédente décision. On a
simplement étayé dans des termes plus élégants et
dilué en des termes plus juridiques ce qui tout à l'heure a
sauté à vos yeux, le fait que l'amendement présenté
annulait l'engagement que le gouvernement prend, et c'est son droit reconnu par
le règlement de l'Assemblée, à présenter une
disposition qui viserait à faire que les personnes mora- les s'adressent
dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des
fonctions judiciaires.
Je conclus en vous disant ceci, M. le Président: Est-ce que, si
on devait accepter les réserves des dispositions de l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et si on devait accepter
l'exception que réclame l'Opposition voulant que cette disposition de
l'article 11 ne s'applique pas en matière pénale et en
matière criminelle, l'article 11 voudrait encore dire quelque chose?
J'ajoute, M. le Président, en vous posant cette question
fondamentale quant à la recevabilité: Est-ce que l'amendement
présenté n'a pas pour effet de "nullifier" l'article 11? Est-ce
qu'on n'est pas non plus en train de contester votre précédente
décision par la bande? On vous demande ce soir de trancher sur une
disposition constitutionnelle en acceptant la recevabilité de cette
motion. Or, vous le savez, M. le Président, pareille question
constitutionnelle est en discussion depuis des années au
Québec.
Est-ce qu'on ne vous considère pas comme la Cour suprême en
fin de compte, en vous demandant si c'est cette commission qui a le droit
d'établir des réserves en vertu des dispositions de l'article
133, d'établir la portée de l'article 133, de définir et
d'interpréter l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique à la place des tribunaux, alors que les tribunaux
eux-mêmes vous le savez mieux que moi, M. le Président, de
par votre passé n'ont jamais été capables
d'établir la véritable autorité législative pour
modifier l'article 133, pour établir la portée de l'article 133
et encore moins d'établir clairement, comme l'invite l'amendement les
dispositions de l'article 133.
Que mijote donc l'Opposition en référant à une
motion aussi vague que les dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, article 133? Une simple perte de temps de la commission comme
plusieurs des amendements en ont été l'occasion? Ou plus
fondamentalement que cela, de vous inviter, par la bande, en acceptant la
recevabilité de cette motion, à trancher un débat
constitutionnel où ils se sont eux-mêmes noyés,
enferrés, enfermés et pourris avec le projet de loi 22 en 1974.
Eux-mêmes n'ont pas été capables de trancher la question et
n'ont pas eu le courage de trancher la question.
Je vous invite donc, M. le Président, au moment où vous
trancherez la question de la recevabilité de cette motion, à bien
réfléchir au piège que vous tend l'Opposition par cette
motion, vous invitant sur un terrain qui, malgré tout le respect que
j'ai pour vous, ne vous appartient pas. C'est particulièrement à
cause du respect que j'ai pour vous que je vous signale qu'il ne vous
appartient pas, d'une part, et, deuxièmement, qu'ils vous invitent, par
la bande, à rendre nul l'article 11, une fois que ces amendements auront
été agréés.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, de quoi voulez-vous
parler? Vous connaissez les règles. Si on commence des
répliques sur des questions de recevabilité...
M. Lalonde: Non, M. le Président, j'ai quand même
quelque trente secondes et vous m'avez donné indication de parler. Etant
donné qu'on n'a qu'un intervenant par parti et que le
député de Saint-Jacques vient de parler cinq minutes sur la
recevabilité...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys...
M. Lalonde: M. le Président, je pense que le
député de Saint-Jacques a bien décrit le contexte dans
lequel votre décision doit être rendue, à savoir que vous
ne devez pas prendre la place de la Cour suprême, qu'on ne doit pas vous
considérer comme juge sur la valeur et même sur la portée
de l'amendement, ce sera à la commission de déterminer, de
décider s'il est désirable, s'il est indiqué d'accepter
cet amendement.
La seule chose que vous devez faire, M. le Président, c'est de
décider si une référence à l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique rend la motion d'amendement irrecevable,
non pas s'il est indiqué, s'il est bon qu'on fasse un tel amendement.
C'est à la commission de le décider. Je pense qu'une
décision de votre part à propos de la recevabilité, qui
serait un jugement de valeur sur l'amendement, ne serait pas une
décision pertinente.
M. le Président, je pense que les mots qui sont proposés
par l'amendement changent l'article. Ce sera à la commission de
décider s'il est bon que l'article soit changé de cette
façon. Dans l'hypothèse où la commission accepterait cet
amendement, ce serait à la cour de décider dans quelle mesure les
mots ajoutés réduiraient la portée du reste de
l'article.
Quant à la recevabilité, c'est extrêmement
important, à ce stade-ci de nos débats, que la décision
sur la recevabilité soit restreinte à la recevabilité,
à savoir si cette motion peut être discutée à cette
commission, si cette motion change quelque chose. Oui, elle remplace des mots
et elle en ajoute, sûrement. Mais la seule référence
à ce document n'a pas pour effet de vous obliger à
déterminer ce qui va rester ensuite. Ce sera à la commission de
le décider, si elle veut bien l'accepter et, le cas
échéant, ce sera aux cours, aux tribunaux de décider de la
portée véritable de cet article une fois amendé.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, sur la recevabilité.
M. Grenier: Pour nous, l'amendement, tel que libellé,
prête flanc à ceux qui cherchent des arguments pour inciter les
citoyens canadiens à aller en Cour suprême vérifier la
constitutionnalité de la loi, alors qu'en tant que législateurs
du Québec, je pense qu'il faut avoir assez de maturité pour
décider de prendre nos responsabilités nous-mêmes.
Je ne vois pas pourquoi on voterait pour un tel amendement et je vous
demanderais, si vous jugez cet amendement irrecevable, de passer
immédiatement au vote sur l'article 11.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Saint-Jacques, de Marguerite-Bourgeoys et de
Mégantic-Compton. L'on pourra peut-être dire, à la suite
des nombreuses décisions, qu'on me demande et des motifs que j'invoque
pour les rendre que le président a fait un "filibuster" à la
commission.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a vraiment raison. Il
est très important que cette décision soit bien rendue. Je
commence par sa première argumentation. La décision de 1974, lors
de l'étude du projet de loi 22, en commission parlementaire, le 20
juillet 1974, et la référence à la page du journal des
Débats que vous avez donnée est exacte. La motion d'amendement,
à ce moment, était la suivante: "Que l'article 1 soit
amendé en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: L'article
133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, cesse d'avoir
effet en ce qui concerne les matières relevant de la Législature
du Québec".
Je reviendrai tantôt sur les ressemblances ou les
différences entre les deux motions d'amendement. Le président
d'alors avait déclaré, et je cite: "Je voudrais dire dès
à présent que, compte tenu de la diversité des opinions
des éminents juristes sur cette question, je déclare cette motion
recevable".
J'ai déjà cité ceci à deux reprises,
à cette commission parlementaire. Je reviens à une motion
présentée le 3 août 1977 par Mme le député de
L'Acadie, laquelle motion se lit comme suit: Que l'article premier soit
amendé en ajoutant, à la fin, les alinéas suivants: "Le
français et l'anglais conservent le statut juridique défini
à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et
la langue anglaise a le statut juridique défini par la présente
loi". Nous avions alors suspendu la séance, et à la reprise,
à 20 h 10, le président rendait sa décision et jugeait
irrecevable la motion présentée avant la suspension de cette
séance par Mme le député de L'Acadie. Il avait
motivé sa décision.
L'on me dit c'est M. le député de Saint-Jacques qui
le fait que l'amendement, tel que rédigé, rendrait
l'article inopérant. Je ne puis justement pas en juger, parce qu'il n'y
a personne, présentement, sauf la Cour suprême, qui peut juger de
l'effet d'une telle intrusion, dans une loi du Québec, d'un article qui
nous vient de Londres et qui n'a pas été rapatrié,
à ce que je sache.
Le sous-entendu qu'invoque M. le député de Saint-Jacques,
je ne puis non plus en juger. Je serais partie des débats de cette
commission et me rangerait carrément du côté d'une
formation politique, ce que mon rôle m'empêche de faire.
Que le même amendement parle du droit pénal et du droit
criminel, sans m'attacher au fond, l'on admettra qu'il n'y a que du droit
criminel fédéral administré par le Québec et
même par un mi-
nistre du gouvernement québécois, mais qu'il y a du droit
pénal dans tous les domaines, tant de juridiction fédérale
que de juridiction du Québec.
Je pense que je n'ai pas besoin de continuer sur ce sujet. Il faudrait
vraiment prendre tout le temps de la commission pour le faire.
Lorsqu'on me dit que cet amendement aurait pour effet de "nullifier"
c'est l'expression que l'on a employée l'article 11, de
ça non plus, je ne puis point juger. Quel est l'effet qu'a la
référence à l'article 133? Je puis être
flatté que l'on me compare ou que l'on me comparât à un
juge de la Cour suprême. Tout ce que je sais, c'est que je ne serai
jamais membre de la Cour suprême du Canada.
M. Charron: Mes sincères félicitations, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: ... c'est malheureux, M. le Président.
M. Ciaccia: C'est parce que vous êtes notaire. Ce n'est pas
à cause de vos vues politiques, M. le Président.
M. Lalonde: C'est malheureux, M. le Président.
M. Ciaccia: Pour le journal des Débats et le public.
Mme Lavoie-Roux: On l'aurait souhaité, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous interpréterez
cette phrase comme vous l'entendrez, chacun selon vos tendances et
intentions.
Les mots changent l'article, c'est la phrase de M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. C'est normal. A plusieurs
reprises, j'ai mentionné qu'un amendement, ça devait amender,
quel que soit le dispositif de l'article 70 quant à la technique de
l'amendement, sans parler du fond.
L'article 133, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique fait
partie déjà de notre droit, quelle que soit
l'interprétation que l'on en fasse.
Tant que nous sommes dans le système politique actuel, le
système constitutionnel actuel, c'est quelque chose qui existe. La
question qui se pose et ce n'est pas le fond que je juge, ce n'est pas
l'effet de l'inclusion d'un article qui a amené de nombreux articles
d'analyse juridique qui fait que je dise que l'article 133, à mon humble
avis, et on va voir où je me dirige, n'a pas à être
allégué dans une loi, puisque cette loi est déjà
là. Que cela soit dans notre loi, ce serait tout un
précédent. Nous assumerions, comme législateurs du
Québec, immédiatement tous les effets et toutes les
interprétations possibles de toutes les cours de cet article de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique.
Je comprends qu'il y ait eu cette décision du 24 juillet 1974,
mais remarquez que l'on ne disait pas que l'article 133 s'appliquerait. On
disait qu'il ne s'appliquerait pas. Quel que soit le bien-fondé de la
décision de la présidence à ce moment, je ne suis pas
devant le même phénomène juridique.
Les philosophes thomistes diraient même que ce n'est pas
contraire, que c'est contradictoire.
Lequel des deux articles aurait préséance sur l'autre?
Votre article, madame et messieurs, ou l'article 133, et quelle juridiction
viendra en décider?
Je n'ai pas non plus à en décider, pas pour ces
inquiétudes, mais pour ces motifs, je dois, une fois de plus,
déclarer la motion irrecevable.
M. Chevrette: Très bon jugement.
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 11.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, avec tous mes regrets.
M. Lalonde: Croyez que je regrette davantage. Nous avons entendu
les propos du ministre délégué au haut-commissariat...
Le Président (M. Cardinal): Parlez-vous sur la motion
principale?
M. Lalonde: Oui. Il me reste quelques minutes, il me semble.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Il vous reste trois
bonnes minutes.
M. Lalonde: Avec toute la sympathie que je peux avoir et que j'ai
exprimée d'ailleurs, à l'égard de l'exemple que le
député de Saint-Jacques a mentionné, je dois dire quand
même que nous devrions pouvoir, comme législateurs, faire en sorte
que de telles choses ne se reproduisent pas sans, dans le même geste, du
même trait de plume, nier les droits reconnus par la constitution, d'une
part, et deuxièmement, créer une situation de
vulnérabilité à l'égard de nombreux citoyens qui,
sous le couvert ou par le truchement d'une personne morale, ne sont quand
même pas ce genre de personnes morales mentionnées par le
député de Saint-Jacques dans son exemple, qui ont les moyens de
faire en sorte que leurs procédures et les plaidoyers soient faits dans
la langue officielle.
La violation évidente que l'article 11 fait de l'article 133 nous
empêche de voter pour cet article.
Nous avons suggéré, lorsque nous avons fait une
intervention cet après-midi sur cet article, que cet article devrait au
moins, même en assumant qu'on pourrait et les juristes ne sont pas
d'accord là-dessus amender l'article 133, qu'on devrait faire au
moins des exceptions pour les matières pénales et les
matières criminelles où les
droits des personnes, les droits fondamentaux, peuvent être
affectés par cet article. N'étant plus dans une position pour
faire de proposition d'amendement, tout ce qu'il nous reste, c'est voter contre
cet article.
Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie beaucoup, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys, sérieusement, de votre
collaboration.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous avons tenté
par tous les moyens qui nous semblaient justes et qui étaient difficiles
à trouver on était fort conscients de la difficulté
de la rédaction de cet article nous avons quand même
tenté de réduire le plus possible les inconvénients qui
peuvent être créés par la deuxième phrase de
l'article 11.
J'ai été très sensible, comme d'ailleurs mes
collègues, au témoignage que le député de
Saint-Jacques a rendu en relatant une expérience personnelle. Nous
savons tous que, malheureusement, des situations comme celles-ci se sont
produites dans le passé. La question est de savoir si, aujourd'hui,
elles se présentent encore. Je pense qu'au hasard de ses paroles il a
dit que cela s'était passé il y a une dizaine d'années.
Dans l'échange que j'avais avec mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys, dans un aparté, avant même que le
député de Saint-Jacques ne dise que ceci s'était
passé il y a une dizaine d'années, mon collègue me faisait
remarquer que c'était étonnant que ceci ait pu se passer dans les
dernières années, faisant allusion aux deux ou trois
dernières années. Il disait c'est probablement un fait qui doit
remonter à une dizaine d'années. Je pense que le
député de Saint-Jacques, qui a été vraiment
touché par cet incident et qui a dû en frapper d'autres
également, nous a expliqué qu'il avait beaucoup insisté au
Conseil des ministres pour faire valoir ce point de vue.
Je me demande si, compte tenu de cette nouvelle réalité
sociale qu'est l'affirmation du français au Québec, si le
gouvernement va atteindre cet objectif de protéger les individus contre
des personnes morales, comme les compagnies qu'a mentionnées le
député de Saint-Jacques, ou, enfin, contre des compagnies
d'assurances. Cela m'étonnerait beaucoup que des personnes morales, dans
le sens de grandes corporations, ou même de moyennes corporations, osent
même aujourd'hui refaire ou reposer ce type de gestes que tout le monde
réprouve et qui étaient posés il y a quelques
années, même si on peut en trouver d'aussi récents qu'il y
a cinq ans. Je pense que le mal qu'on veut éviter et dans lequel je peux
suivre le gouvernement n'aura plus aujourd'hui le même effet.
Il aura plutôt pour effet de pénaliser, je ne sais pas si
on peut parler de petites personnes morales, je pense que vous comprendrez ce
que je veux dire en utilisant ce terme... Là, je vous parle simplement
à partir, non pas de mon expérience de juriste que personne ne
connaît ni moi-même, mais vraiment d'une observation
générale des faits. Finalement, ce qui va arriver, c'est qu'on va
pénaliser les personnes qu'en fait cet article ne veut pas rejoindre et
qu'il n'est pas dans l'esprit du gouvernement de rejoindre, compte tenu que ce
sont des individus qui sont des personnes morales, dans des corporations de
trois personnes, comme la loi l'exige.
C'est dans ce sens que je regrette que, de notre côté comme
du côté du gouvernement, pour corriger un mal qui a existé
je ne sais pas dans quelle mesure il existe encore on risque de
pénaliser des personnes que ni le gouvernement, ni nous ne voulons
vraiment pénaliser, et peut-être qu'on crée des situations
d'injustice que personne ne souhaite créer.
En plus mais ceci est peut-être plus important aux yeux des
juristes et moins important pour moi personnellement je pense que le
gouvernement s'expose, compte tenu de cet article, qu'on le veuille ou qu'on ne
le veuille pas, il reste que le président nous a même dit qu'on
est encore dans un système politique où l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique fait partie du système, le
gouvernement s'expose inutilement à des constesta-tions
répétées. Mais c'est là un autre point de vue.
Le premier point de vue celui qui me touche davantage, c'est un
regret parce que je sais bien que l'article va être voté avec la
majorité du gouvernement c'est simplement peut-être pour
sensibiliser le gouvernement à cette dimension que l'objectif
véritable qu'on veut atteindre qui est celui de situations
analogues à celle qui nous a été décrite par le
député de Saint-Jacques on ne l'évite pas, au
contraire, on pénalise des personnes à qui, dans l'esprit
même du gouvernement, au fond, ne s'adresse pas cet article.
(Test tout ce que je voulais dire, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie.
M. le député de Rosemont, avec trois minutes.
M. Paquette: M. le Président, je vais ramasser mes
arguments en faveur de l'article 11, très brièvement. D'abord, il
faut dire que le projet de loi no 101 tel qu'il est ne s'adresse pas aux
individus, premier point. Les individus sont libres d'utiliser la langue de
leur choix, que ce soit l'anglais ou le français, devant les tribunaux.
Donc l'article 11 concerne uniquement les personnes morales.
Maintenant, on a cité plusieurs cas il y a deux parties
devant le tribunal le cas où on a une grande entreprise et une
petite entreprise. Je pense que dans ce cas, on va tous être d'accord,
c'est un cas qui ressemble à celui du député de
Saint-Jacques, pour s'assurer que les causes puissent être
plaidées dans la langue officielle de façon à
protéger les petites entreprises qui sont, en quelque sorte, des
individus, qu'on peut assimiler à des individus.
Dans le cas où il s'agit de deux petites entreprises, l'une de
langue française et l'une de langue anglaise, faute de pouvoir trancher
autrement, on
est encore d'accord que ce soit la langue officielle. Restent les deux
cas, à mon avis, couverts par l'amendement que voulait faire le
député de Marguerite-Bourgeoys, qui concernent les poursuites en
matière pénale et en matière criminelle, où l'un
c'est l'Etat qui est l'une des parties, et l'autre partie peut être une
grande entreprise ou une petite entreprise. C'est cela que l'amendement, s'il
avait été jugé recevable, allait beaucoup trop loin, dans
le sens qu'à la limite on aurait pu avoir une cause où l'Etat
plaidait contre une grande entreprise, en particulier en vertu de cette loi, et
où la grande entreprise aurait pu venir plaider en anglais pour
expliquer pourquoi elle ne pouvait pas se conformer à la loi sur la
langue officielle. Je pense que l'amendement était beaucoup trop
large.
Il reste le cas où l'Etat poursuit une petite entreprise. Quand
il poursuit un individu, on est d'accord, c'est exempté de la loi. Il
reste le cas où il poursuivrait une petite entreprise. Même dans
ce cas, je soutiens que les actionnaires de cette petite entreprise ont
suffisamment de protection, même dans ce cas qui reste, parce qu'ils
peuvent avoir, bien sûr, un avocat bilingue qui va connaître la
langue officielle et la langue du client, ils vont pouvoir avoir des services
d'interprétation. On parle d'interprète, dans la Charte des
droits et libertés de la personne. L'article 36 oblige le gouvernement
à leur fournir un interprète.
M. le Président, quand je fais le tour de toute la question, je
me dis qu'il y a peut-être ce dernier cas où on pourrait faire un
peu plus. Mais il y a déjà suffisamment de garanties, dans la
Charte des droits et libertés de la personne, pour nous faire dire que,
toutes choses étant égales, on est mieux avec cet article 11
qu'avec l'espèce de libre choix que nous proposait le
député de Mont-Royal, et même qu'avec l'amendement qu'a
déposé le député de Marguerite-Bourgeoys qui
était beaucoup trop large. C'est tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Rosemont. Est-ce que l'article 11 sera
adopté?
M. Grenier: M. le Président. Des Voix:
Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je constate le changement de président.
J'aurais eu un mot à l'égard de l'autre président, mais le
siège est toujours le même, la personne seule change.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence est indivisible, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je voudrais vous dire d'abord, M. le
Président, de faire mon message ou de faire savoir à la
présidence indivisible combien nos idées se rejoignent. Je
n'aurais jamais pensé que l'argumentation que j'ai fournie pour le
retrait de l'article aurait pu faire un cas de jurisprudence...
M. Lalonde:...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Mais, je voulais lui signaler que comme on
s'entendait sur ce secteur, on s'était tellement entendu dans d'autres
secteurs antérieurement, il y a quelques années, c'est à
la suite de gestes posés il y a quelque temps.
M. le Président, notre position face à l'article 11 est
fort connue jusqu'à présent. Il faut dire que l'Union Nationale a
recommandé le retrait de l'article 11 du projet de loi 101, comme je
l'ai mentionné à l'occasion du dépôt du
mémoire du Barreau du Québec, parce que nous ne le trouvions ni
utile, ni nécessaire en regard des objectifs généraux
visés par le projet de loi 1 ou 101, lors du dépôt de ce
mémoire. Vu que nous vivons dans un système de droit mixte, qui
tient ses origines, comme je l'ai déjà rappelé, à
la fois du droit français et du "Common Law", la compréhension
des textes de loi, de la doctrine, de la jurisprudence au Québec exigera
toujours des avocats ils représentent une personne physique ou
morale une connaissance du français, il faut le dire, une
connaissance de l'anglais équitable pour être capables de
défendre ces personnes morales.
Conséquemment, nous devrions demander le retrait de l'article,
comme l'avait compris la présidence d'il y a quelques minutes, mais
comme cela est fort compliqué et que cela exige l'assentiment du
parrain, qui est en l'occurrence le gouvernement, c'est absolument impensable
et nous devons continuer à travailler dans d'autres sphères
d'activité. Dans les circonstances, nous étions ouverts à
tous les amendements, sauf peut-être à celui qui nous a
été proposé et qui demandait une espèce de
parapluie d'Ottawa. Je l'ai dit à ce moment, sur la recevabilité
de la motion qui nous était présentée que nous
n'étions pas prêts à laisser notre autorité entre
les mains d'autres personnes, que nous étions suffisamment adultes pour
prendre nous-mêmes nos décisions. Maintenant, que cet article
tient compte des droits des parties, que ce soit de l'expression de l'une ou de
l'autre, à condition qu'un tel amendement n'aille pas chercher, comme on
l'a dit tout à l'heure, ce paternalisme d'Ottawa, c'était une
proposition qui était à notre sens inacceptable. A partir de
là, nous n'avons pas d'autre amendement à proposer et nous
continuons à soutenir ce que nous préconisons depuis le
début de l'article 11. Nous demandons que, la position des partis
étant suffisamment connue, nous passions au vote sur l'article 11 afin
que nous puissions étudier l'article 12.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais
reconnu le député de Mont-Royal, vous avez sept minutes, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Avec la permission du député de
Mégantic-Compton, M. le Président.
Le député de Rosemont a dit que la loi ne vise pas les
individus et l'article 11, M. le Président, le fait exactement. Il vise
les individus, parce qu'il y a des centaines, sinon des milliers de "personnes
morales" qui sont vraiment des individus. Ce sont de petites compagnies. Il ne
faut pas dire que l'article 11 ne les vise pas. Il les vise et les affecte.
M. Laurin: La plupart sont françaises...
M. Ciaccia: Non, elles ne sont pas toutes françaises, il y
en a d'autres. Les droits individuels de ces personnes sont aussi importants
que les droits individuels des autres. Nous sommes dans un domaine où
nous parlons d'un système judiciaire, M. le Président, il n'est
pas question de ne pas reconnaître les droits de la majorité, il
n'est pas question d'assimilation, il n'est pas question de démographie.
C'est notre système judiciaire qui va être affecté par cet
article.
Quand le député de Rosemont dit que c'est possible que
l'Etat prenne des procédures contre ces personnes morales qui sont des
petites compagnies, là vous menez à l'autre argument, vous dites:
Ces personnes peuvent avoir recours à des systèmes
d'interprétation.
Si c'est assez bon pour elles d'avoir des interprètes, je pense
que ce serait bon pour tout le monde, ce n'est pas un argument. C'est le
justiciable... Non, cela ne s'applique pas à tout le monde, parce qu'un
individu...
M. Paquette: Les interprètes, cela s'applique à
tout le monde.
M. Ciaccia: ... n'a pas besoin d'interprète parce qu'il
peut utiliser sa langue. Une personne morale va avoir besoin d'un
interprète, même si, en effet, elle est un individu.
L'interprète ne réglera pas le problème, parce que le
justiciable qui est affecté par la poursuite, par les procédures,
d'après l'argument du député de Saint-Jacques, doit
comprendre ce qui se passe, ce que les autres avocats disent, que ce soit
l'avocat du demandeur ou l'avocat du défendeur.
Pour ces raisons, puisque ce sont des individus qui sont
affectés, ce n'est pas juste d'avoir cet article 11 qui ne leur donnera
pas les mêmes droits, ne les mettra pas sur le même pied qu'un
autre. Encore une fois, vous créez différentes classes de
citoyens.
Je ne parle pas des multinationales, je ne parle pas des grandes
compagnies. On tient pour acquis que ces compagnies ont le personnel, les
moyens d'engager des francophones compétents. Je pense que les
conditions politiques, économiques et toutes les autres ne posent plus
le problème comme il y a dix ans, mais on parle des individus
maintenant. C'est une autre paire de manches.
En plus de cela, il y a aussi l'argument de l'article 133. Qu'on le
veuille ou qu'on ne le veuille pas, l'article est là. Le fait que cela
fait cent ans que c'est là ne veut pas dire que c'est bon ou pas bon. Il
y a bien des choses qui existent depuis plus de cent ans et ce n'est pas le
fait que c'est vieux qui fait que ce n'est plus bon. S'il faut le changer,
faisons-le par des moyens constitutionnels, mais ne provoquons pas la
confrontation. C'est cela qu'il faut éviter, parce que si, par ce projet
de loi, vous voulez résoudre certains problèmes, je suis
persuadé, M. le Président, que ce n'est pas votre intention et
que cela ne devrait pas l'être de créer des provocations et des
divisions entre les différents secteurs de la population.
L'article tel qu'il est rédigé, indéniablement, va
avoir cet effet, parce que ce n'est pas clair. Cela va à rencontre non
seulement de l'article 133, mais d'une décision de la Cour suprême
qui a interprété l'article 133. C'est bien beau de dire que la
Cour suprême n'a jamais statué; elle a statué. Elle n'a pas
statué sur le fait que la province ait le droit de l'amender ou non,
c'est vrai. La Cour suprême n'a jamais statué là-dessus,
mais la Cour suprême a donné une interprétation claire et
sans équivoque de l'égalité des deux langues, le
français et l'anglais. Elle l'a fait en Ontario. Elle a
déclaré le français aussi égal que l'anglais, en
Ontario. Je vous référerais à cette décision de la
Cour suprême. Ce serait très intéressant pour vous de la
lire.
Une fois que nous avons cela, que nous avons l'article 133 et que nous
avons une décision de la Cour suprême... Je vous donnerai la
citation quand j'arriverai à mon bureau, je l'ai.
M. de Belleval: Vous n'avez pas l'arrêt?
M. Ciaccia: Je ne l'ai pas ici devant moi, mais je vais vous le
donner. Quand nous avons ces faits, je ne vois pas comment on peut aller
à l'en-contre, délibérément, des lois et des
interprétations qui ont été données par la Cour
suprême. Seulement pour la protection de la présidence, quand le
président a dit qu'il ne sera jamais nommé à la Cour
suprême, ce n'est pas parce qu'il voulait épouser des vues
politiques, parce que la présidence ne le peut pas il l'a dit; c'est
parce que, comme notaire, il ne pourrait pas être nommé à
la Cour suprême, cela doit être cela.
M. le Président, pour ces raisons d'équité, ces
questions de droits individuels, de lois qui existent, de constitution qui
existe, d'une constitution interprétée par les tribunaux, pour
toutes ces raisons, ce serait irresponsable de ma part de voter pour cet
article et, par conséquent, je dois voter contre.
M. Lalonde: M. le Président, s'il me reste une
minute...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys il ne vous reste plus une minute,
plus une seconde.
M. Charron: M. le Président, je demande qu'on mette
l'article 11 aux voix.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 11 sera-t-il adopté?
Adoption de l'article 11
Une Voix: A l'unanimité, M. le Président.
M. Lalonde: Appel nominal, M. le Président.
M. Charron: Nominal.
M. de Belleval: Vous voulez enregistrer votre vote favorable?
M. Lalonde: Sûrement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Fallu
(Terrebonne)?
M. Fallu: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bertrand (Vanier)? M. Charbonneau (Verchères)?
M. Charbonneau: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Charron (Saint-Jacques)?
M. Charron: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Chevrette (Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
Bellefeuille (Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grenier (Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. de
Belleval (Charlesbourg)?
M. de Belleval: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le
Moignan (Gaspé)?
M. Le Moignan: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy
(Beauce-Sud)?
Une Voix: Absent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Samson (Rouyn-Noranda), absent. M. Pagé (Portneuf), est absent. Alors,
l'article 11 est adopté, neuf voix, pour et cinq, contre. M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: On a terminé l'article 11? Article 12
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
Article 12.
M. Laurin: M. le Président, l'article 12 est une autre
illustration, une autre explicitation des principes énoncés
à l'article 1 de la loi qui fait du français la langue
officielle, et de l'article 7 qui fait du français la langue de la
législation et de la justice au Québec. Cette fois, cette
illustration concerne les actes, les pièces de procédure. Il est
de notoriété publique que, très souvent, dans le
passé, les francophones ont reçu des pièces de
procédure émanant des tribunaux et des organismes exerçant
des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires qui n'étaient pas
libellées dans la langue officielle. Ceci n'est pas cohérent,
n'est pas logique avec le principe qui est à la base même du
projet de loi et qui fait du français la langue officielle et la langue
de la législation et de la justice.
Par ailleurs, il y a longtemps que des organismes comme le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre recommande que les
procédures écrites devant le tribunal du travail se fassent en
français seulement. Il y a longtemps que des citoyens se plaignent de ne
pas recevoir en français les pièces de procédure les
concernant.
Par ailleurs, cette mesure aura un effet certain sur la francisation de
la société québécoise et, en particulier, sur le
monde du travail. Ceci incitera sûrement, par exemple, les entreprises
à se franciser, à traiter en français avec les
employés, avec les syndicats. Ceci incitera sûrement aussi les
entreprises à engager des directeurs de personnel parlant
français, des conseillers juridiques maîtri-
sant particulièrement bien le français. Ceci respectera le
droit non seulement du citoyen, mais également du syndicaliste, du
coopérateur, de l'individu, en tant que faisant partie de certains
groupes, à obtenir justice dans la langue qui est la sienne. Cette
mesure aussi aura un effet encore plus important pour la
pénétration du français dans toutes les sphères de
la vie collective. Il faut bien voir, en effet, que cette mesure,
c'est-à-dire la francisation de toutes les procédures, notamment
en ce qui concerne la propriété, les droits civils, le commerce,
les opérations financières devant tous les tribunaux du
Québec, auront un effet d'entraînement important sur la langue des
affaires.
Malgré tout, M. le Président, encore là, nous
voulons faire montre d'un sain réalisme et du respect que nous avons
à l'endroit des personnes physiques qui ne parlent pas la langue
officielle et, en vertu de cet article, ces personnes, après en avoir
fait la demande, auront le droit de recevoir en anglais ces pièces de
procédure si elles y consentent après que la communication leur
en aura été faite, à la suite de leur demande.
Evidemment, cette exception ne touche pas les personnes morales, pour la
même raison que nous avons longuement discuté à l'article
11, puisque les personnes morales sont des entités juridiques
créées par l'Etat qui peuvent se faire représenter par des
conseillers juridiques qui, en vertu de lois adoptées par le Parlement
du Québec depuis plusieurs années, savent très bien qu'ils
doivent posséder une connaissance de la langue officielle, et savent
très bien aussi que depuis juillet 1976 ils doivent posséder la
connaissance de la langue officielle. Pour toutes ces raisons, je demande que
l'article 12 soit adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 12 sera adopté? Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Le Moignan: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys a appelé la
présidence avant le député de Gaspé. D'ailleurs, il
faut respecter l'ordre des...
M. Lalonde: M. le Président...
M. Le Moignan: II avait appelé... D'accord, très
bien!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
reconnaîtrai en deuxième...
M. Lalonde: M. le Président, il n'y a aucun doute que la
première partie de l'article 12 peut régler un problème
qui, encore maintenant, existe au Québec, où des
Québécois reçoivent, dans une langue qui n'est pas la
leur, qu'ils ne comprennent pas des procédures émanant des
tribunaux et des organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires.
J'aurais peut-être une question à poser au mi- nistre
à ce stade. C'est pour savoir quelle est la signification ou quelle sera
l'application de l'article 84 à la situation qui est couverte par
l'article 12?
A l'article 84, on prévoit que "l'usage d'une autre langue que
celle prescrite par la présente loi continue d'être permis,
à moins que la présente loi n'exige l'usage exclusif de la langue
officielle". Autrement dit, est-ce que l'obligation voulant que la
procédure soit dans la langue officielle est limitative, est exclusive
et, surtout quand je lis la dernière phrase de l'article 12, selon
lequel ces pièces peuvent cependant être rédigées
dans une autre langue, ce qui couvre la situation de l'article 84, si la
personne physique à qui elles sont destinées y consent
expressément?
Il me semble qu'en l'absence de cette dernière phrase, on
pourrait avoir la situation où les pièces de procédure
mentionnées à l'article 12 seraient dans la langue officielle,
mais pourraient aussi être dans une autre langue, pour permettre à
ceux dont l'autre langue est la langue qu'ils comprennent le mieux de recevoir
donc des pièces qui seraient dans deux langues. Ce qui
m'inquiète, c'est la dernière phrase de l'article 12, qui semble
assujettir cette liberté, qui est sûrement voulue par le
gouvernement, puisque c'est lui qui a introduit l'article 84, au consentement
d'une personne physique. Je demande au ministre si c'est l'intention du
gouvernement d'assujettir justement l'usage d'une autre langue, en même
temps que la langue officielle, au consentement d'une personne physique?
Je ne sais pas si le ministre veut me répondre ou peut me
répondre maintenant. Peut-être qu'il...
M. Laurin: Oui, je vous répondrai à cela.
M. Lalonde: La réponse est extrêmement importante,
M. le Président, parce que, en revenant à l'article 133 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, où l'usage de l'une ou de
l'autre langue, c'est-à-dire du français ou de l'anglais, est
facultatif en de telles matières, si on pouvait ajouter l'article 84
à l'article 12, on se trouverait à créer une situation qui
ne serait pas nécessairement en contravention de l'article 133, ce qui
permettrait peut-être d'appuyer un tel article. Toutefois, la
réduction que je trouve à la deuxième phrase, au
deuxième morceau de l'article 12, me semble mettre en doute
l'application de l'article 84.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Laurin: M. le Président, j'avais bien cru
déceler, en effet, que le député de Marguerite-Bourgeoys
voulait prendre le gouvernement en flagrant délit de contradiction et,
finalement, le mot est sorti à la fin de son intervention, mais je pense
qu'il en sera pour ses peines, car l'article 12 n'est absolument pas
contradictoire avec l'article 84.
Evidemment, il est trop tôt pour parler de l'article 84, mais je
pense que tout le monde le
connaît bien: L'usage d'une autre langue continue d'être
permis là où elle n'est pas interdite expressément par le
projet de loi. Et ce n'est pas du tout contradictoire à l'article 12 en
ce sens que le deuxième membre de phrase de l'article 12, qui semble
intriguer le député de Marguerite-Bourgeoys, ne pourrait
s'appliquer que dans le cas où une personne physique consentirait
expressément, après en avoir fait la demande, à ce qu'une
pièce de procédure lui soit expédiée uniquement
dans la langue anglaise, par exemple. Ce qui veut dire qu'en vertu de l'article
84 et de l'article 12, les justiciables francophones seront toujours
assurés d'avoir une pièce de procédure en français,
soit qu'elle soit unilingue française, soit qu'elle soit bilingue.
Donc, il n'y a pas de contradiction.
M. Lalonde: Je vais passer pour l'instant. Je vais tenter de
réconcilier la réponse du ministre, qui est très positive,
et on me dit que le ministre est un excellent joueur de poker. Je n'ai pas eu
l'occasion de jouer au poker avec le ministre, sauf à cette
commission.
M. de Belleval: Vous n'avez pas gagné souvent!
M. Lalonde: Non, parce qu'il a tous les as dans son jeu.
M. de Belleval: Vous allez y laisser votre chemise.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Ciaccia: Strip poker.
M. Lalonde: Je vais passer pour l'instant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. le député de Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, par concordance avec ce
qui a été dit à l'article 11 où on n'acceptait pas
la distinction telle que formulée entre personnes physiques et personnes
morales, je voudrais proposer une motion d'amendement à l'article 12 qui
serait très simple et qui va rejoindre, je pense, les vues du
député de Marguerite-Bourgeoys, surtout dans le dernier
paragraphe de l'article 12.
Voici comment se présenterait cet amendement: A la
cinquième ligne, on pourrait remplacer les mots "dans une autre langue"
par les mots "dans la langue anglaise" et après le mot "personne",
biffer le mot "physique". Ensuite à la sixième ligne, remplacer
les mots "y consentent expressément" par les mots "est d'expression
anglaise".
Alors, par conséquent, les cinquième et sixième
lignes de l'article 12 se liraient comme suit et si on veut reprendre l'article
dès le début, pour donner un enchaînement plus complet:
"Les pièces de procédure émanant des tribunaux et des
organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires ou
expédiées par les avocats exerçant devant eux doivent
être rédigées dans la langue officielle". Et c'est ici que
la motion d'amendement intervient: "Ces pièces peuvent cependant
être rédigées dans la langue anglaise si la personne
à qui elles sont destinées est d'expression anglaise".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous
me permettez, je vais relire l'amendement. Je comprends que vous demandez que
les mots "dans une autre langue" contenus à la cinquième ligne
soient remplacés par "dans la langue anglaise" et que le mot...
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Grenier: Pour plus de lumière, si vous voulez, toute la
première phrase demeure la même et c'est la deuxième phrase
qui est changée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord
et dans la deuxième phrase, vous changez les mots "dans une autre
langue" s'il vous plaît par les mots "dans la langue
anglaise" et vous biffez le mot "physique" pour le remplacer par?
M. Le Moignan: II suffirait de commencer à: "Ces
pièces..." à la page 4, en haut. C'est là que l'amendement
intervient.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Oui. Mais voulez-vous me lire... L'amendement, s'il était adopté,
se lirait comment?
M. Le Moignan: L'amendement au complet? A partir du
début?
M. Grenier: L'article 12, à la page 3, cette phrase est
complète. Il n'y a aucun changement.
Cependant après le point, après le mot "officiel", la
dernière phrase doit se lire comme suit, la nouvelle phrase. On a
distribué l'amendement, j'imagine. "Ces pièces peuvent cependant
être rédigées dans la langue anglaise si la personne
à qui elles sont destinées est d'expression anglaise." Cela
va?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord! Je déclare l'amendement recevable et, en conséquence,
M. le député de Gaspé, vous pouvez parler sur
l'amendement.
M. Le Moignan: Justement, je n'en ai que pour quelques instants,
je pense que mon argumentation peut se résumer en deux volets. Si on
fait ici une reconnaissance des droits des anglophones, ce n'est pas parce que
nous sommes
contre les droits des francophones, c'est clairement établi
depuis le début déjà. Quand on mentionne que les
pièces peuvent être rédigées dans une autre langue,
évidemment, ici il doit s'agir de la langue anglaise et non pas d'une
autre langue étrangère, parce que cela arrivera tellement peu
souvent que le gouvernement ne veut pas dire "anglaise" mais on le sait
très bien, comme on l'a dit, ce n'est pas en chinois, ce n'est pas en
russe...
M. de Belleval: En cri ou en inuit. Une Voix: En
italien.
M. Le Moignan: Mais, de façon générale il
s'agit donc de la langue anglaise. On va fermer la parenthèse ici.
Une Voix: En portugais.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Le Moignan: Nous croyons juste et raisonnable que les
pièces de procédure qui vont émaner des tribunaux et des
organismes judiciaires et quasi judiciaires ou encore qui seront
expédiées par les avocats exerçant devant eux soient
rédigées dans la langue française ou anglaise selon que la
personne à qui elles sont destinées est de langue
française ou anglaise. Dans la pratique, je pense que c'est facilement
verifiable.
J'ai vu un cas à Gaspé, l'an dernier, où on a servi
une sommation en français à une servante, à la maison, qui
ne lisait pas un mot de la langue française; les parents étaient
sortis et, finalement, les délais sont passés et elle n'a jamais
songé qu'elle devait communiquer cet avis que le huissier lui apportait.
Cet incident a causé des difficultés. Je pense qu'à ce
moment-là si on tient compte un peu des deux langues, cela pourrait
simplifier les choses dans bien des cas.
Cette prise de position permet de mieux respecter et dans toutes les
possibilités les droits des parties, qu'elles soient dans tes milieux
bilingues de langue française ou de langue anglaise.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'on a là
un bon exemple d'une mauvaise compréhension de la loi. Quand on met dans
la loi "dans une autre langue" cela ne veut pas toujours dire qu'on pense
à l'anglais. Cela en est un cas. C'est d'ailleurs la même chose
que la Charte des droits et libertés de la personne. J'ai cité un
article tantôt où on donne le droit à un interprète
à tout citoyen qui se présente devant les tribunaux, bien, c'est
un interprète pas seulement pour les personnes de langue anglaise, mais
pour tout le monde.
Ici, c'est la même chose. On veut couvrir des personnes de langue
anglaise, si on regarde la réalité, c'est bien évident;
mais on peut avoir un cas où vous avez un entrepreneur italien qui pour-
suit un sous-entrepreneur italien et qui voudrait communiquer dans cette
langue. L'article le permet. Il ne s'agit pas de faire, autant que possible,
des gens d'autres langues, des citoyens de troisième classe ou de
deuxième classe. Il s'agit de les mettre sur le même pied que les
autres. C'est le but de l'article. Il y a aussi le cas des Amérindiens
qui est couvert par cela. D'autre part, quand on dit: "Si la personne à
qui elles sont destinées est d'expression anglaise", on a encore le
problème de définir cela. Si on veut vraiment appliquer la loi,
c'est toujours le même problème, on n'a pas voulu, nulle part dans
la loi, définir ce qu'est un anglophone d'expression anglaise, d'une
part, pour ne pas faire de discrimination suivant la langue et, d'autre part,
parce que c'est extrêmement délicat. Qui est d'expression
anglaise, qui est anglophone et qui est d'origine anglaise?
Je pense que l'amendement est assez incompatible avec l'esprit de la
loi. Je ne dis pas qu'il n'était pas recevable. Pour une fois, l'Union
Nationale nous présente un amendement qui, sous certains aspects, est
beaucoup plus restrictif que l'article 12.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous êtes prêts à prendre le vote sur l'amendement? M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: D'après les explications du ministre,
tantôt, que j'accepte, je pense que l'amendement de l'Union Nationale
vient régler un problème qui n'existe pas. Si l'article 84...
M. de Belleval: J'ai failli tomber par terre.
M. Lalonde: ... s'applique, on n'a pas besoin d'avoir un
amendement qui dit que cela peut être fait dans la langue anglaise,
puisque l'article 84 permet que cela soit dans la langue anglaise,
premièrement.
Deuxièmement, c'est extrêmement difficile de dire qui est
une personne de langue anglaise.
M. de Belleval: Ciaccia, par exemple.
M. Lalonde: Dans l'application de la loi 22, à un moment
donné...
M. Ciaccia: On va avoir des tests.
M. de Belleval: C'est la première fois que vous dites
cela, c'est bon.
M. Lalonde: ... on a eu un problème... Par le nom de la
personne, c'est impossible.
Des Voix: ... un test.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît.
M. Lalonde: Dans l'application, à un moment donné,
les gens qui s'occupent de catalogues étaient venus...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît.
M. Lalonde: Sûrement que cet amendement émane d'un
bon naturel de la part de l'Union Nationale, mais il fait état quand
même d'une compréhension plutôt restreinte des explications
que le ministre nous a données en ce qui concerne l'application de
l'article 84.
Si l'article 84 s'applique, à ce moment, tout ce que le bonhomme
qui a à envoyer l'avis, a à faire, c'est de le faire dans les
deux langues. On parle d'un avis bilingue. Je comprends que le bilinguisme
institutionnalisé ne plaît pas au gouvernement, mais c'est une
exception. Je pense qu'il est un accommodement qui est tout à fait
acceptable et qui n'a pas pour effet de créer une situation de
bilinguisme institutionnalisé, ce que le gouvernement ne veut pas faire.
D'autant plus que, comment voulez-vous appliquer cela en pratique?
M. de Belleval: Les tests oraux de Mme Lavoie-Roux.
M. Lalonde: M. le Président, vous m'avez dit tantôt,
en dehors du journal des Débats, que c'était...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'ai
déclaré d'ailleurs recevable.
M. Lalonde: II faut dire que j'aime quand même la franchise
de l'Union Nationale: quand il s'agit d'appeler une langue "langue anglaise",
on l'appelle "langue anglaise" et puis on ne frémit pas.
M. de Bellefeuille: II faut appeler un chat un chat.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît.
M. Paquette:...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Rosemont.
M. Lalonde: On ne frémit pas et on aura l'occasion, dans
les articles qui viennent, de montrer au gouvernement que nous n'avons pas de
complexe à ce propos. On va peut-être le guérir d'un
complexe, à un moment donné, à force de le lui dire. La
méthode du marteau, vous savez ce que c'est, répéter sept
fois le mot "anglais"...
M. Chevrette: ... la goutte d'eau, M. Lalonde.
M. Lalonde: ... à un péquiste puis un moment
donné, il comprend et il perd ses complexes. On verra tout à
l'heure, on va avoir au moins l'occasion...
Mme Lavoie-Roux: II diminue son complexe, il ne le perd pas si
vite que cela.
M. Lalonde: M. le Président, cet amendement que j'aimerais
beaucoup appuyer me paraît quand même superfétatoire...
M. Paquette: On le sait déjà.
M. Lalonde: Je n'ai pas dit "dilatoire", M. le Président,
étant donné que l'Union Nationale a contribué fort peu,
encore moins que le gouvernement, à retarder nos débats, je pense
que compte tenu de l'article 84 et de l'article 12, l'amendement aurait pour
effet de restreindre enfin la portée de ces deux articles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, cela va venir comme une
grande surprise, du côté ministériel, mais dans ce cas-ci
je suis contre l'amendement pour introduire les mots "langue anglaise".
M. Paquette: Une chance que j'ai parlé des Italiens...
M. Ciaccia: C'est parce qu'on a à l'article 12 la question
que les pièces peuvent être rédigées dans une autre
langue. Cela ne dit pas l'anglais, cela ne dit pas une langue
spécifique, cela dit une autre langue. Cela peut être l'italien,
le portugais, le chinois, l'arabe...
M. de Belleval: L'inuit".
M. Ciaccia:... cela peut être tout, mais ce sera un peu
difficile d'administrer cette loi, parce qu'il va falloir que quelqu'un de ces
différentes langues se tienne à la cour pour faire les
pièces dont on parle à l'article 12. Peut-être est-ce une
façon de combattre le chômage, mais ce sera un peu difficile
à administrer, M. le Président.
Mais si on veut m'accorder un droit et si quelqu'un me poursuit, j'ai le
droit de dire que les pièces de procédure émanant des
tribunaux doivent être en italien, ce n'est pas à moi à
renier ce droit, je l'accepte, je l'accepte aussi pour les 152 autres
minorités ethniques. J'espère que le gouvernement a l'intention
de vraiment l'appliquer cette loi, que ce n'est pas seulement quelque chose de
politique de dire qu'on est en faveur de tous ces différents groupes
minoritaires et de ne pas avoir l'intention d'appliquer et de faire les
pièces des tribunaux qui vont émaner en chinois, en arabe... Ce
sera une première pour ici, mais ce sera intéressant à
voir.
Pour cette raison, je vais voter contre l'amendement, quoique le
député de Gaspé soit bien intentionné.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je pense qu'on a lu à
la légère l'amendement qu'on a apporté, on n'a vu qu'une
chose, alors qu'il y en avait trois. Il aurait peut-être
été bon qu'on approfondisse un peu plus cet amendement et qu'on
s'y attarde au lieu d'y trouver des poux pour essayer de redonner à
l'Union Nationale la claque qu'on lui devait peut-être depuis quelques
heures.
M. Lalonde: Pas une claque, mais non, c'est une petite tape
amicale.
M. Chevrette: Une tapette!
M. Lalonde: C'est cela, une tapette.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Nous disons dans notre amendement si vous avez
bien suivi l'amendement... On biffe le mot "physique", c'est un domaine que je
n'ai pas vu relevé par le parti ministériel ni par le parti
libéral, c'eût été important. Je vous le dis afin
que vous le "sussiez". Par concordance avec notre position sur l'article 11, il
aurait été important que ce soit relevé par le parti
ministériel ou par l'autre parti puisque cela ne faisait plus partie de
notre amendement. Les mots "autre langue", c'est la deuxième partie, il
reste la troisième. Quant aux mots "autre langue", je consentirais
facilement à remettre le mot "autre langue", après
l'argumentation fournie par le Parti libéral et par le parti
ministériel.
Le troisième argument que personne n'a non plus relevé
ce n'est pas parce qu'on manque d'intelligence, mais j'ai l'impression
qu'on manque de repos autour de cette table c'est l'expression "y
consent". Là-dessus, M. le Président, j'aimerais que le ministre
nous exprime, nous dise clairement ce que va donner cette expression de la fin
du paragraphe "y consent expressément".
Il y avait trois choses bien précises et je me rends compte que
le parti ministériel et l'Opposition n'ont pas relevé les deux
autres choses. Je pense que la partie physique était un aspect important
et la partie "y consent expressément" en était une autre
aussi.
M. Ciaccia: Voulez-vous retirer les mots "autre langue"?
M. Grenier: Je serais prêt dans un sous-amendement, si vous
voulez, à retirer les mots "autre langue"...
M. Ciaccia: Remettre les mots "autre langue"...
M. Grenier: et remettre les mots "autre langue", au lieu de
"langue anglaise", et...
M. Ciaccia: ... et garder votre amendement tel quel?
M. Grenier: Oui, parce qu'il y a deux choses qui, je pense, sont
loin d'être claires et j'aimerais les voir éclaircies par un
amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, j'ai déclaré
votre amendement techniquement recevable et il a été reçu.
Maintenant que des députés ont parlé sur l'amendement, il
ne vous appartient plus, il appartient à la commission et tant que la
commission n'en aura pas disposé, vous ne pourrez plus vous-même
en disposer. C'est la commission qui va en disposer par un vote. Vous pourrez
après revenir et c'est votre droit et votre privilèqe le
plus absolu avec un nouvel amendement, si vous le jugez à
propos.
M. le ministre...
M. Grenier: La question du ministre me... D'accord.
M. Laurin: M. le Président, j'avais expliqué ce que
nous entendions par "y consent expressément". Si une personne physique
entend recevoir une pièce de procédure exclusivement dans sa
langue, elle en fait la demande à l'organisme d'où émane
cette pièce de procédure. L'organisme, en ayant été
saisi, lui demande si elle consent expressément à recevoir cette
pièce de procédure dans cette autre langue en anglais par
exemple et à ce moment, l'organisme le lui envoie. C'est dans ce
sens que la disposition législative nous paraît très ample,
aussi ample en tout cas que celle que vise l'amendement que nous suggère
l'Union Nationale.
M. Grenier: Le mot "physique", comment
l'interprétez-vous?
M. Laurin: Là aussi, je m'en étais exprimé
dans ma présentation de l'article lorsque j'avais dit que, pour
l'article 12 comme pour l'article 11, le gouvernement entendait faire une
distinction entre les personnes morales et les personnes physiques, les
personnes morales étant des entités juridiques, définies
par l'Etat, n'étant pas des créatures vivantes, qui ne respirent
pas, qui ne meurent pas, qui n'ont pas une existence existentielle, organique,
et, à ce moment-là, étant des entités juridiques
créées par l'Etat, il est presque automatique qu'elles se fassent
représenter par des avocats, des conseillers juridiques qui sont soumis
aux dispositions de toutes les lois du Québec quant à la
connaissance de la langue officielle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
membres de la commission sont-ils prêts à voter sur l'amendement
du député de Gaspé?
M. de Belleval: Rejeté, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Rejeté sur division. L'amendement du député de
Gaspé est rejeté sur division.
M. Laurin: Je propose que l'article 12 soit adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 12 sera-t-il adopté?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il y a un problème
constitutionnel dans cet article 12 que j'aurais aimé voir le
gouvernement régler d'une façon plus habile. Il n'y a aucun doute
qu'il y a lieu d'assurer d'une certaine façon la remise de pièces
de procédure en français aux Québécois et
bilingues, à ceux qui le désirent ou enfin lorsque le cas est
nécessaire, mais je vois que cet article contredit l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, où on dit: "Dans toutes
plaidoiries ou pièces de procédure par devant les tribunaux ou
émanant des tribunaux du Canada qui seront établis sous
l'autorité du présent acte ou par devant tous les tribunaux
émanant des tribunaux du Québec, il pourra être fait
également usage, à faculté, de l'une ou de l'autre de ces
deux langues".
Or, l'application de 84, avec l'article 12, pourrait amener une
situation où on n'a pas le choix, mais où on devrait utiliser les
deux langues, soit l'une, la langue officielle, soit les deux. Cette situation
est en contradiction avec l'article 133.
Il y a une autre chose, une autre raison, M. le Président, c'est
le dernier paragraphe qui dit: "Ces pièces peuvent cependant être
rédigées dans une autre langue si la personne physique à
qui elles sont destinées y consent expressément".
Cette façon de traiter la réalité des tribunaux,
des litiges, est tout à fait irréaliste. En effet, comment
pensez-vous que celui qui veut poursuivre une autre personne il faut
qu'elle soit physique ici M. le Président, vous qui êtes
avocat je ne vous demande pas une opinion légale
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
l'espère.
M. Lalonde: ...comment voyez-vous la situation où celui
qui veut poursuivre va prendre le téléphone et appeler celui qui
sera le poursuivi et lui demander: Dans quelle langue veux-tu ton acte
d'accusation ou, enfin, la déclaration et le bref d'assignation?
Cela commence bien un litige, M. le Président. C'est tout
à fait irréaliste. En fait, on pourrait apporter plusieurs
exemples plus ridicules les uns que les autres là-dessus. C'est
peut-être inspiré de bonne foi, mais cela a été,
à bon droit, je pense, dénoncé par le Barreau comme
n'étant pas du tout conforme à la réalité des
choses. Il se serait agi pour le gouvernement de nous suggérer des
situations qui évitent, comme cela arrive encore j'en ai des
expériences personnelles, comme avocat, entre autres que des
procédures, des pièces de procédure en anglais, soient
envoyées par exemple, à des francophones qui ne comprennent pas
l'anglais, même s'ils comprenaient l'anglais, que, lorsqu'on est
poursuivi, au moins on le soit dans notre langue. C'est, je pense,
l'essentiel.
Je n'en ai pas eu le loisir, M. le Président, parce que vous
m'avez dit qu'il ne me restait pas de temps tantôt. Je vais vous lire ce
que le professeur que j'ai nommé, M. Ganshof Van Der Meersch, de
l'Université de Bruxelles, disait à propos de l'emploi des
langues en justice: "En matière pénale, les droits de la
défense revêtent un caractère particulièrement
sacré. Le droit du prévenu ou de l'accusé d'être
jugé dans une langue qu'il comprend sera donc garanti." Il disait un peu
plus loin...
M. de Belleval: Sauf en Ontario.
M. Lalonde: ... en faisant état de l'expérience de
la Belgique: "Ce n'est qu'en 1935 qu'une loi, toujours en vigueur d'ailleurs, a
véritablement mis les deux langues nationales sur le même pied
pour tout le fonctionnement du pouvoir judiciaire en Belgique." Il faut quand
même se souvenir de l'expérience linguistique en Belgique et aussi
de la solution la plus récente qui est la solution territoriale. C'est
l'unilinguisme et on l'a invoqué lors de l'étude des dispositions
concernant la langue de l'enseignement. C'est l'unilinguisme territorial: en
Wallonie, c'est le français, et en territoire flamand, c'est le
néerlandais.
Un peu plus loin, on dit, à la page 161 du deuxième volume
du rapport Gendron: "Heureux je répète, c'est un mot qu'on
n'entend pas souvent ici sont les pays où, comme en Suisse, les
juges peuvent, sans exposer leur jugement ou leurs autres actes à des
nullités de procédures, accueillir avec largeur de vue des
demandes, des pièces, des communications orales dans une langue autre,
que celle que la loi prévoit." Alors, pour toutes ces raisons, il nous
sera très difficile d'appuyer l'article 12.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 12 sera adopté? M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question au ministre, s'il veut répondre? Dans l'article 12,
à la fin, on dit: "Ces pièces peuvent cependant être
rédigées dans une autre langue si la personne physique à
qui elles sont destinées y consent expressément.
Premièrement, pour consentir, il faut que quelqu'un lui demande quelque
chose. Est-ce que cela veut dire qu'il faut lui demander si elle veut l'avoir
dans une autre langue ou bien si cela veut dire, dans son esprit, que cette
personne physique peut exiger que ces pièces de procédures lui
soient envoyées dans une autre langue?
M. Laurin: M. le Président, il suffit qu'elle en
émette le souhait. Comme c'est le tribunal qui émet ces
pièces de procédures, à ce moment, la personne physique
consent expressément à les recevoir.
M. Ciaccia: M. le Président, très respectueusement,
ce n'est pas cela que l'article dit. Si c'est
l'intention du gouvernement que cette personne reçoive les
pièces dans une autre langue, si elle exprime le souhait, il faudrait
que l'article dise cela, parce que de la façon dont l'article est
rédigé, il faut qu'une demande soit faite à cette autre
personne pour chaque pièce. Pour le moment, je laisse la question de
chaque pièce, mais il faut qu'une demande soit faite. Si on demande
à cette personne si elle veut l'avoir dans sa propre langue ou dans une
autre langue, là, elle peut y consentir. Si la demande ne lui est pas
faite, il n'y aura pas d'occasion pour cette personne de consentir. Si c'est
vraiment l'intention du gouvernement qu'une personne exige ou puisse exiger
une personne physique, limitons-nous à une personne physique pour
le moment que ces procédures des tribunaux lui soient
envoyées dans une autre langue, je vous soumets très
respectueusement qu'il va falloir que le gouvernement amende cet article pour
que cela soit plus clair que c'est cela.
Une fois que c'est fait, je vois difficilement, franchement, d'un point
de vue réaliste, comment on pourra le faire pour toutes les
différentes minorités. C'est bien louable et c'est bien beau de
dire: On va pouvoir avoir les procédures dans notre propre langue. C'est
quasiment impensable. C'est de l'anarchie toute pure. Je vais vous donner un
exemple. Ce n'est pas que j'aie quelque chose contre les Chinois, mais
quelqu'un de langue chinoise pourrait demander que toutes les procédures
lui soient envoyées en chinois. Oui, c'est ce que vient de dire le
ministre. Une autre langue, si c'est le chinois, il peut l'exiger. Il peut
exiger que toutes les procédures lui soient envoyées en chinois.
Franchement, si c'est cela la portée de la loi... Je vois le
côté ministériel qui dit non. Est-ce qu'il pourrait
m'expliquer ce que veut dire l'article 12?
M. Laurin: M. le Président, pour la troisième fois,
je vais le répéter. Le gouvernement ici a fait usage d'une figure
de style, bien connue en français, qu'on appelle la litote,
c'est-à-dire qu'il considère que...
M. Ciaccia: ... c'est un synonyme de confusion.
M. Laurin: ... la demande du député de Mont-Royal
est incluse implicitement dans le projet de loi, parce qu'il ne peut pas y
avoir consentement à recevoir une pièce de procédure
émise par un tribunal, un organisme, s'il n'y a pas eu, au
préalable, un voeu, une demande...
M. Ciaccia: Une demande, certainement.
M. Laurin: ... et je signale au député de
Mont-Royal que, justement en vertu de l'article 84 dont parlait le
député de Marguerite-Bourgeoys, il est probable que cette demande
sera très rare, étant donné que rien n'interdit l'emploi
d'une pièce de procédure bilingue, en vertu de cet article. Donc,
il ne peut s'agir, en l'occurrence, que du cas d'une personne physique qui
demanderait ou souhaiterait, d'une façon expresse, qu'une pièce
de procédure lui soit envoyée dans une seule langue et, le cas
échéant, évidemment, elle consentira expressément
à recevoir cette pièce dans cette langue.
M. Ciaccia: M. le Président, je peux suivre le ministre
quand il dit qu'il ne peut pas y avoir de consentement sans y avoir de demande.
C'est précisément mon objection à cet article, à
savoir que si on ne demande jamais à cette personne, elle ne pourra
jamais consentir. C'est ça, c'est simple. C'est la logique toute pure.
Je ne peux pas consentir moi-même à une demande que je vais me
faire moi-même. Comprenez-vous? Je peux seulement consentir à une
demande d'un autre. C'est ça que l'article 12 dit, et si l'autre
personne ne me le demande pas, je ne pourrai jamais consentir et je ne pourrai
jamais avoir les pièces de procédure dans une autre langue.
Est-ce qu'il est clair, votre article 12? C'est ce qu'il dit.
Une Voix: C'est ça.
M. Ciaccia: Cela veut dire que vous ne donnez rien. Vous faites
encore un "show" dans l'article 12, la question d'une autre langue, le
consentement. Si le tribunal, ou le demandeur, ou l'huissier, ou qui que ce
soit, parce que ce n'est même pas clair qui peut le demander, ce n'est
même pas clair, dans l'article 12, qui va faire la demande.
Cela va être une loi... Franchement, sincèrement, M. le
Président, si on veut faire des lois, il faut que les lois soient
administrables et il faut que l'article soit clair dans ce qu'il dit. Si le
ministre dit qu'un défendeur, un justiciable a le droit de demander les
procédures dans une autre langue, qu'il le dise dans l'article 12. Ce
n'est pas ce que dit l'article 12.
Bon! Là, on commence à sortir un peu
l'honnêteté de l'affaire. Le ministre de la Fonction publique,
député de Charlesbourg dit: Ce n'est pas ça qu'on veut.
Bon! Là, je viens de recevoir deux réponses contradictoires. D'un
côté, le ministre me dit: On veut qu'une personne puisse faire la
demande, consente et ait sa procédure dans une autre langue, qui peut
être le chinois, l'arabe, le portugais ou toute autre; le ministre de la
Fonction publique dit que ce n'est pas ce qu'il veut. Est-ce que le
côté ministériel, une autre fois, pourrait m'expliquer ce
que dit l'article 12?
M. Laurin: Cela a été expliqué, M. le
Président.
M. Ciaccia: Est-ce que... Qui a raison? Est-ce que c'est le
ministre des Travaux publics ou le ministre d'Etat au développement
culturel... De la Fonction publique, excusez-moi.
M. Laurin: Cela a été expliqué, M. le
Président.
M. Ciaccia: Bon! Là, on me dit: Cela a été
expliqué. Je soutiens que cet article 12 est un des
plus confus de tout ce projet de loi. Il y a beaucoup d'articles confus
dans le projet de loi, M. le Président. Il y en a beaucoup qui essaient
de dire des choses pour faire croire certaines choses qui n'existent pas.
M. Chevrette: Une chance que le président a refusé
plusieurs de vos amendements.
M. Ciaccia: Celui-ci, je pense que c'est un exemple...
M. Paquette: ... M. le Président...
M. Ciaccia: Je pense qu'on peut l'utiliser vraiment comme exemple
de la mentalité, de la confusion du côté
ministériel, qui ne veut même pas me donner une explication, parce
qu'il ne peut pas la donner. Il sait qu'il n'en a pas.
Alors, M. le Président, il faut appeler un article par son vrai
nom. L'article 12 ne dit absolument rien. Il essaie de donner l'impression de
conférer des droits, mais quand vous examinez les mots... Là, je
peux comprendre de plus en plus pourquoi il n'y a pas d'avocats du
côté ministériel, les juristes du gouvernement. Je sais
pourquoi ils ne sont pas ici; ils ne pourraient jamais répondre à
ces questions-là. Ils auraient honte. Leur visage deviendrait rouge. Ils
ne sont pas ici. Là, on nous dit: Moi, je ne suis pas juriste. Cela veut
dire ça. L'autre dit: Non, ça ne veut pas dire ça.
Le député de Rosemont est en arrière. Il ne sait
pas quoi dire parce qu'il est bien trop honnête, et les autres... M. le
Président, je vote contre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, un instant, s'il
vous plaît! Bon! C'est au tour de l'Union Nationale par la voix de M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je serai très bref pour vous dire tout mon
ébahissement devant les propos qu'on entend de ce côté-ci
de la table et non de l'autre côté.
M. de Belleval: On est sans voix!
M. Grenier: De ce côté, on a l'impression qu'on a
voulu présenter une motion et on s'interrogeait pour présenter un
amendement qui soit reçu, chose rare par les temps qui courent...
Le Président (M. Cardinal): Attaquez-vous la
présidence?
M. Grenier: Non. Loin de là. C'est nous qui n'avons pas eu
le tour de présenter notre amendement. Cela a quand même fourni au
ministre, pendant notre motion, l'occasion de nous donner des explications sur
l'article 12, par suite de l'amendement qu'on a proposé, peut-être
pas pour nous satisfaire complètement, mais suffisamment pour nous
permettre de voter pour l'article 12. Pendant ce temps, le Parti libéral
s'éver- tuait à nous dire que notre amendement n'avait pas de bon
sens. On avait trois choses dedans; il n'en a découvert qu'une. On a
obtenu les renseignements dont on avait besoin. Pendant ce temps, il
s'évertuait à dire que notre amendement n'avait pas de bon sens
pour dire que l'article 12 semblait être correct. Maintenant que
l'amendement n'est plus là, on est en train de s'éplumer de ce
côté-ci du Parti libéral à dire que cela a plus de
bon sens pour voter pour la motion, sans aucun doute, dans une minute, quand on
sera appelé à la voter.
J'y perds non seulement mon latin, mais le peu de grec que j'ai
appris.
M. Ciaccia: C'est une autre langue, le grec.
M. Grenier: Je me demande si c'est ainsi qu'on va aider à
bâtir, si c'est comme cela qu'on peut ensemble faire une force pour venir
à bout de faire fléchir le gouvernement sur certains articles.
Bien sûr que l'amendement n'était pas parfait. Bien sûr
qu'on aurait pu le modifier en parlant d'une autre langue après avoir
parlé de la langue anglaise, mais il y avait là deux autres
questions qui étaient fort importantes. Il me semble qu'en toute
honnêteté, on aurait pu avoir l'appui du Parti libéral pour
nous aider au lieu de venir vociférer deux minutes après la
défaite de l'amendement et reprendre les mêmes critiques à
l'égard du gouvernement qu'on est en train de faire à
l'intérieur d'un amendement.
Je vous dis que je commence... J'ai quasiment envie de ne plus
être libéral.
C'est ma seule argumentation là-dessus et on attend pour voter
pour l'article 12, même si cela ne nous donne pas évidemment tout
ce qu'on désirait. C'est au moins un minimum qu'on peut appuyer.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. J'ai une demande
de M. le député de Deux-Montagnes que j'ai reconnu.
M. de Bellefeuille: M. le Président, nous avons pu
constater dans de précédentes interventions du
député de Mont-Royal qu'il aime bien citer certains textes qui
font autorité, par exemple, le discours qu'il a lui-même
prononcé à Niagara...
M. Ciaccia: ...pour l'autorité, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Bellefeuille: Discours fleuve, il va sans dire!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: C'était seulement pour répondre au
député de Saint-Jacques.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Et je l'ai dit dans mes propos...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, un instant.
M. de Bellefeuille: Et aussi...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Un instant! Bon.
S'il vous plaît, mes petits enfants!
M. le député de Mont-Royal, vous soulevez une question de
règlement? En vertu de l'article 96, je suppose?
M. Ciaccia: Oui.
Le Président (M. Cardinal): C'est pour cela que je
demandais en vertu de quel article.
M. Ciaccia: Je vais être franc avec vous. Je ne peux pas
invoquer l'article 96 parce que le discours que j'ai prononcé, il y a
une semaine de cela. Alors, je ne peux pas... C'était seulement pour
dire au député de Deux-Montagnes la raison... Il sait fort bien
pourquoi j'avais cité ce discours.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est un aspect de
la question de privilège non admissible.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Le
député de Mont-Royal a aussi fait des allusions extrêmement
intéressantes à la constitution de la République
socialiste de Tchécoslovaquie, mais ce soir, dans la brillante
intervention qu'il vient de faire, il était à court d'auteurs. Je
voudrais lui venir en aide et lui en proposer un.
Il aurait pu, à l'appui de la démonstration qu'il
cherchait à faire, citer Montesquieu qui, dans l'Esprit des lois,
écrit: "Les lois ne doivent point être subtiles. Elles sont faites
pour des gens de médiocre entendement. Elles ne sont point un art de
logique, mais la raison simple d'un père de famille".
Ceci dit, M. le Président, bien que je partage cet avis de
Montesquieu que le député de Mont-Royal semble avoir repris
à son compte, je considère néanmoins que l'article qui est
devant nous est suffisamment clair et procède effectivement de la raison
simple d'un père de famille.
Merci, M. le Président.
Une Voix: II n'a pas compris.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont. A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Je ne sais pas ce que cela a ajouté, mais
merci beaucoup quand même.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je l'ai manquée celle-là, et c'est probablement
mieux qu'il en soit ainsi. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'espère qu'avec mon
intervention le député de Mont-Royal va comprendre l'intervention
précédente.
Je pense qu'il faut interpréter ceci. Comme vous l'avez dit,
personne ne peut consentir, si on ne lui demande rien. Je pense qu'il faut
interpréter l'article comme suit: Pour recevoir une pièce dans
une autre langue que le français il faut que l'émetteur et le
récepteur soient d'accord. Il faut que les deux soient d'accord. Dans
les cas où l'un des deux n'est pas d'accord, par exemple, celui qui
expédie la pièce, s'il n'est pas d'accord, il ne demandera pas
à la personne qui la reçoit si elle consent. Si la personne qui
reçoit, maintenant n'est pas d'accord, elle n'y consentira pas. Dans
l'un ou l'autre cas, cela va se passer, comme c'est normal, dans la langue
officielle. Cela veut dire que si un avocat de langue italienne vous envoie une
pièce de procédure et que vous, vous êtes de langue
italienne, il n'y a absolument aucun problème, vous êtes d'accord
tous les deux. S'il y en a un des deux qui n'est pas d'accord, cela va se
passer dans la langue officielle. C'est normal.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il me reste quelques minutes?
Le Président (M. Cardinal): II vous reste douze
minutes.
M. Ciaccia: Merci. Je ne prendrai pas ces douze minutes à
moins qu'on ne me provoque. M. le Président, cela revient à dire
que, à l'article 12, j'accepte l'explication que le député
de Rosemont vient de me donner, c'est comme cela que je l'interprète.
Oui. Mais ce n'est pas ce qu'a dit le ministre d'Etat. Le ministre d'Etat a
laissé clairement entendre que cela dépendait de celui qui
recevait la procédure.
M. Paquette: Non, l'ultime...
M. Ciaccia: Je ne demanderai jamais à un Chinois s'il veut
être poursuivi en chinois. Cela ne sera jamais demandé. C'est
ridicule de dire de laisser entendre, de donner des explications qu'on peut
qualifier du moins de malhonnêtes, de dire qu'une personne peut le
demander. Il ne peut pas le demander s'il n'est...
M. Paquette: M. le député, cela veut tout
simplement dire que l'objection...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!
M. Paquette: Est-ce que vous permettez, monsieur...
Le Président (M. Cardinal): Non, non. Vous ne vous
adressez pas à M. le député, vous vous adressez à
la présidence après avoir demandé la parole. M. le
député de Mont-Royal.
M. Paquette: Est-ce que je pourrais poser une question au
député de Mont-Royal?
Le Président (M. Cardinal): Certainement, s'il veut bien
consentir à ce que vous la posiez.
M. Ciaccia: Certainement, M. le Président.
M. Paquette: Est-ce que les réserves que vous avez
posées lors de l'amendement de l'Union Nationale stipulant que
c'était inapplicable, que c'était trop large, que cela n'avait
pas de bon sens, qu'on n'était pas pour avoir un personnel qui pourrait
lire le chinois, cela n'a aucun sens est-ce que vos réserves tombent?
Est-ce que vous ne trouvez pas l'article un peu plus réaliste maintenant
qu'on est tombé d'accord sur l'interprétation?
M. Ciaccia: Je trouve l'article totalement malhonnête. Non
seulement je ne le trouve pas réaliste, mais je le trouve
malhonnête.
M. de Belleval: Est-ce que, plus tôt, on ne vous l'aurait
pas expliqué?
M. Ciaccia: Pensez-vous qu'un demandeur qui poursuit le
défenseur va lui demander dans quelle langue il veut être
poursuivi? Il va le faire dans la langue qu'il veut, lui. Le demandeur...
Ecoutez, ceux qui pratiquent le droit...
M. Paquette: Vous avez un client anglais.
M. Ciaccia: Demandez aux avocats dans votre côté. On
en a des avocats. Je suis avocat. Les avocats vont faire la vie aussi difficile
que possible au défendeur pour gagner leur cause. Ils n'iront jamais
faire des accommodements. Dans votre loi, c'est ce que vous dites. Vous dites
que si le demandeur veut faire un accommodement, ce n'est pas la loi qui le
fait, ce n'est pas le gouvernement qui lui donne ce droit. Ce n'est pas du tout
la même chose. Ce n'est même pas assez clair. Cela laisse entendre,
vous ne le dites même pas, qu'il peut consentir seulement si on le lui
demande. Je trouve cela un peu malhonnête, je vais vous le dire.
D'accord? Il a fallu une demi-heure pour vous arracher cela, pour vous faire
dire: Oui, c'est vrai, c'est seulement si on le lui demande. Cela fait une
demi-heure qu'on dit cela et cela fait une demi-heure qu'on nous le nie. Cela
fait une demi-heure qu'on dit: Non, non, non, naturellement, le consentement...
Je vous invite à relire le journal des Débats, vous allez voir
l'explication que m'a donnée le ministre d'Etat.
Si c'est cela que vous dites, je trouve que vous n'accordez pas
grand-chose au défendeur et vous le faites de telle façon qu'il
ne comprend pas vraiment. Il peut être induit à croire qu'il peut
demander dans une autre langue, quand vraiment, il ne le peut pas.
Vous n'allez pas combattre le chômage avec cela, parce que vous ne
pourrez jamais employer assez de monde, les demandeurs ne le demanderont pas.
Ils ne donneront pas ce droit aux défendeurs. Une autre raison de plus
pour voter contre.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît.
Le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Juste pour préciser qu'on se rend compte de
plus en plus que notre amendement de tout à l'heure, avec ce que
j'étais en train de retirer...
Le Président (M. Cardinal): Cet amendement n'a-t-il pas
été rejeté?
M. Ciaccia: C'était mieux, mais il est contre.
M. Grenier: C'est à cela que je veux faire allusion. C'est
simplement pour vous dire que cet amendement avait deux choses fort
contestées. Le député de Mont-Royal m'a demandé,
sans que ce soit enregistré au journal des Débats, si
j'étais prêt à retirer la partie du centre qui a
semblé faire rire les ministériels; c'était
celle-là qu'on aurait précisée avec l'amendement. C'est
cela qu'on y avait vu. Le député de Mont-Royal me l'avait
signalé, sans passer par le journal des Débats. C'eût
été probablement important qu'on le fasse à ce moment,
puisque c'est loin d'être clair. Le député de Rosemont
vient justement de défendre une position qui était loin
d'être semblable à celle du ministre, qu'on a vue il y a une
dizaine de minutes.
Je pense que notre amendement avait sa place. J'aimerais cela
qu'à l'avenir on soit un peu plus prudent quand on fait une proposition.
Ils sont si rares les amendements qui sont acceptés, d'abord, parce
qu'ils ne concordent pas avec vos exigences, et c'est normal, on s'attend
à cela. Mais quand on en propose qui sont recevables, je pense qu'on
devrait s'efforcer pour voir tout ce qu'ils comportent avant de les rejeter du
revers de la main, par un vote, comme on l'a fait. Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: M. le Président, j'ai l'impression que
tout cela repose un peu sur un malentendu de la part du député de
Mont-Royal. Si on regarde ses deux collègues qui l'accompagnent, eux,
ils ont très bien compris dès le début...
M. Lalonde: Parlez pour vous-même. M. de Belleval:
... de quoi il s'agissait.
M. Chevrette: Asseyez-vous à la table, si vous voulez
parler.
M. de Bellefeuille: Comme cela, c'est un peu moins
irrégulier.
M. de Belleval: La confusion qui existait dans l'esprit,
involontairement, bien sûr, du député de Mont-Royal, il l'a
attribuée... On se rend compte qu'elle existe entre lui et le
député de Mégantic-Compton, mais qu'elle n'existe pas
entre lui, le député de L'Acadie et le député de
Marguerite-Bourgeoys qui, depuis le début, ont très bien compris
de quoi il s'agissait.
M. Lalonde: M. le Président, en vertu de l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant.
M. Lalonde: En vertu de l'article 96, M. le ministre de la
Fonction publique est dans les patates.
M. de Belleval: Non, c'est le ministre de l'Agriculture.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Madame et messieurs.
M. Lalonde: II a mal interprété mes propos. Je
partage les problèmes...
M. Chevrette: Les problèmes, oui.
M. Lalonde: ... de compréhension de cet article 12 qui est
mal inspiré, irréaliste anticonstitutionnel, ridicule, et nous
allons voter contre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous êtes déjà
nommé juge?
M. Lalonde: Non, M. le Président, pas encore.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais invoquer
l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne peux laisser passer les propos du
député de Charlesbourg sans commentaire. Il n'y a pas de
confusion dans mon esprit...
M. Guay: II n'y a pas d'esprit.
M. Ciaccia: ... quant à la portée de l'article 12.
La confusion, elle existe dans l'article 12 et je l'ai porté à
l'attention des députés ministériels. Mais, comme
d'habitude, ils n'acceptent jamais les suggestions, les recommandations qu'on
peut faire. C'est seulement après avoir insisté, après une
demi-heure, que le député de Rosemont, dans son
honnêteté, a dit que c'était cela. Il n'y a pas de
confusion de notre côté, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous me permettez, M. le
député de Mont-Royal. Le parti ministériel ne m'aimera
pas, je n'ai pas à juger de la rece- vabilité d'un article, mais
purement d'une motion d'amendement.
Est-ce que l'article 12 sera adopté?
Des Voix: Sur division.
Le Président (M. Cardinal): Adopté, sur division?
Article 12, adopté sur division. Un instant, s'il vous plaît.
J'appelle l'article 13 qui, pour le moment encore est le dernier article
du chapitre 3. Article 13.
Article 13
M. Laurin: Oui, il y a peu de choses à dire, M. le
Président. Encore une fois, c'est la dernière illustration ou
explicitation à ce chapitre des principes énoncés à
l'article 1 et à l'article 7 que le français est la langue de la
législation et de la justice.
Ce principe doit trouver son explicitation, finalement, dans un acte
rendu par un juge qui est le jugement. Nous disons, dans cet article, que le
jugement doit être rédigé en français et, pour faire
droit à la réalité, si nous constatons que certains juges
ne peuvent pas encore l'utiliser d'une façon qui leur sied, qui leur
paraît conforme pour rendre véritablement leur pensée, nous
leur permettons, en vertu de cet article, de rendre leur jugement dans leur
langue, c'est-à-dire en anglais, mais à condition que ce jugement
soit accompagné d'une version française dûment
authentifiée et conformément au principe énoncé
plus haut: seule la version française de ce jugement est officielle.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Les membres de cette commission se souviendront,
M. le Président, qu'à plusieurs reprises, en commission
parlementaire, les différents organismes se sont inquiétés
de cet article. En particulier, le Barreau avait fait un assez long plaidoyer
au sujet de cet article.
Comme le ministre vient de le dire, la première phrase de
l'article veut tenir compte d'une réalité et, de fait,
présume qu'il se pourrait qu'un jugement soit rendu dans une autre
langue enfin, c'est ce que j'ai compris puisqu'on dit que les
jugements rendus doivent être rédigés en français ou
être accompagnés d'une version française dûment
authentifiée, ce qui évidemment laisse sous-entendre que le
jugement pourrait être rendu dans une autre langue. Dans ce sens, comme
il le disait lui-même, il tient compte de la réalité.
Là où plusieurs s'inquiètent, c'est sur la
dernière phrase de l'article 13, qui est extrêmement courte mais
qui, néanmoins, peut créer des difficultés et peut non pas
améliorer la justice, mais peut-être en réduire la
qualité auprès des gens qui devront la subir, c'est lorsqu'on dit
"seule la version française du jugement est officielle". Je pense que
tous admettent, et d'autres ont fait des représentations dans ce sens
avec une argumentation assez précise, que la rédaction d'un
jugement doit être très nuancée, très explicite.
C'est pour
cela, d'ailleurs, je pense, qu'on reconnaît, dans l'article, le
fait que, dans certains cas, il pourrait arriver que le jugement soit rendu
dans une autre langue.
Ceci, évidemment, suppose une traduction puisqu'on parle d'une
version française dûment authentifiée. C'est à ce
moment que les points d'interrogation se posent. Non, la question ne se pose
pas, on dit: "La version française sera la version officielle" et
même si elle est une traduction du jugement original. C'est dans ce sens
que nous voudrions présenter un amendement, M. le Président, qui
se lirait comme suit: "Que l'article 13 soit modifié en
remplaçant, dans les quatrième et cinquième lignes, les
mots "Seule la version française du jugement est officielle" par les
mots "Les deux textes sont officiels. En cas de divergence, le texte original
prévaut".
L'article amendé se lirait comme suit: "Les jugements rendus au
Québec par les tribunaux et organismes exerçant des fonctions
judiciaires ou quasi judiciaires doivent être rédigés en
langue française ou être accompagnés d'une version
française dûment authentifiée. Les deux textes sont
officiels. En cas de divergence, le texte original prévaut".
Je pense que l'esprit de cet amendement est de s'assurer que la justice
a vraiment préséance sur la question linguistique dans un domaine
aussi délicat que celui-ci. On vous a transmis la copie, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, j'ai le texte devant moi,
j'en ai autorisé la distribution. Je ne sais pas si les
députés en ont déjà copie.
J'ai déjà lu le texte et, encore une fois c'est
normal à tous les articles je me pose une question sur la
recevabilité et, comme je l'ai toujours fait...
Mme Lavoie-Roux: Dites-le en français.
Le Président (M. Cardinal): ... je permettrai à un
membre de chaque parti, pendant un temps n'excédant pas environ cinq
minutes, de s'expliquer.
Mme le député de L'Acadie sur la recevabilité ou
sur la motion?
Mme Lavoie-Roux: M. le Président c'est seulement pour vous
souligner...
Le Président (M. Cardinal): Que...
Mme Lavoie-Roux: ... une toute petite erreur qui s'est
glissée. On aurait voulu reprendre le texte même de l'article 13,
à la troisième ligne de l'article amendé "doivent
être ridigés en français" au lieu de "en langue
française". C'est un détail, mais avant qu'on le soulève,
j'aime autant...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, j'accepte cette
correction.
Je vais lire justement la motion d'amendement à l'article 13 de
Mme le député de L'Acadie.
Que l'article 13 soit modifié en remplaçant, dans les
quatrième et cinquième lignes, les mots "Seule la version
française du jugement est officielle", par les mots "Les deux textes
sont officiels. En cas de divergence le texte original prévaut."
Si cet amendement était jugé recevable et adopté,
l'article amendé se lirait comme suit: II y aurait là une
correction à apporter au texte que vous avez devant vous. "Les jugements
rendus au Québec par les tribunaux et organismes exerçant des
fonctions judiciaires ou quasi judiciaires doivent être
rédigés en français ou être accompagnés d'une
version française dûment authentifiée. Les deux textes sont
officiels. En cas de divergence le texte original prévaut."
Si vous permettez une remarque préliminaire avant que vous ne
m'informiez sur la recevabilité, en vertu de l'article 65, paragraphe 2,
je me permettrai une suggestion au parrain de la motion. Cette habitude qu'on a
peut-être prise de dire que tel article sera modifié en
remplaçant dans la quatrième ou la cinquième ligne, telle
chose ne me paraît pas tout à fait usuelle. L'on devrait dire
normalement qu'après le mot "authentifiée", que l'on remplace les
mots: "Seule la version française du jugement est officielle" par les
mots "Les deux textes sont officiels, etc.", mais, comme il n'est pas
nécessaire qu'il y ait un débat là-dessus, je pense que
l'on acceptera que je fasse moi-même cette modification qui ne touche pas
du tout au fond de la question. Oui, M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: Sur la recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez et vous
devrez me le permettre, je donnerai la parole, au parti qui a proposé la
motion, sur la recevabilité.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que nous sommes
devant une motion d'amendement tout à fait recevable,
conformément à l'interprétation de nos règlements.
Il s'agit d'une motion qui remplace des mots par d'autres, comme l'article 70
nous l'impose. Il s'agit d'une motion qui n'a pas pour effet d'écarter
la question principale, la question principale est de savoir quelle sera la
version, dans le cas de deux versions. Naturellement, l'amendement n'a d'effet
que lorsqu'il y a deux versions, c'est-à-dire lorsque le jugement est
écrit dans une langue autre que le français, pour employer une
expression chère à ce gouvernement. C'est là qu'est le
principe. L'article 13 suggère que ce soit la version française.
Nous disons que les deux versions, c'est-à-dire le texte dans lequel le
jugement a été rendu qui serait d'une autre langue que la langue
française serait aussi officiel, mais en cas de divergence, entre les
deux textes c'est sous-entendu naturellement dans l'amendement
c'est le texte original qui prévaut.
M. le Président, cet amendement change quelque chose, modifie
l'article 13, comme vous avez déjà mentionné qu'un
amendement devrait le faire. Il ne va pas à l'encontre de la question
principale. Il ne l'écarte pas. Il remplace des mots par
d'autres. Je pense que c'est le cas classique d'un amendement qui doit
être reçu.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction
publique sur la recevabilité de la motion.
M. de Belleval: Effectivement, M. le Président,
l'amendement est classique. Il est devenu classique à cette commission
puisqu'il est irrecevable, et que la plupart des amendements qui ont
été proposés ont effectivement été
déclarés irrecevables, tout aussi classiquement que celui-ci. Il
est irrecevable, bien sûr, parce qu'il va d'abord contre l'article 7, que
nous avons adopté il y a quelques heures, qui dit que le français
est la langue de la législation et de la justice au Québec. Il
est aussi irrecevable parce qu'il va à l'encontre de l'article 1 de
cette charte qui dit que le français est la langue officielle du
Québec. Or, on se retrouverait maintenant, après avoir
accepté ce principe et avoir accepté cet article, à dire
qu'il n'y a plus une seule langue officielle qui est le français, mais
que dans le cas des jugements, il y a deux langues officielles: la langue
officielle et l'autre langue, c'est-à-dire l'anglais. Bien entendu, il
s'agit d'une contradiction, d'une absurdité, puisque le
législateur ne parle pas pour rien dire vous me corrigerez
là-dessus s'il y a lieu, mais je ne pense pas avoir besoin de correction
et que si le législateur a décidé qu'il y avait une
langue officielle, c'est que tous les autres articles du projet de loi doivent
dire exactement la même chose. Pour cette raison, et pour la même
raison pour laquelle vous avez refusé plusieurs amendements semblables,
je vous suggère de rejeter cet amendement comme irrecevable.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, d'abord, je voudrais que cet
amendement soit reçu pour la raison principale que nous en avions un
semblable c'est bien important Comme argumentation, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Paquette: C'est fort, cela.
M. Grenier: ...c'est fort cela. J'ai voulu le placer comme
premier argument. Le deuxième, c'est qu'il est conforme à
l'article 70 de nos règlements qui dit qu'on remplace des mots par
d'autres mots. Je pense qu'il n'affecte en rien le principe de la
première phrase de l'article qui est déjà en place.
Au-delà du règlement, il faut prendre conscience du fait que
l'article actuel touche des droits de parties qui peuvent être
affectées dans un sens ou dans l'autre. Pour ces raisons et pour
d'autres tout aussi bonnes, je demanderais qu'il soit reçu.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, si je peux ajouter à
l'argumentation du ministre de la Fonction publique, qui est dirigée
dans le sens suivant, à savoir qu'étant donné que
l'article 1 fait de la langue française la langue officielle...
M. Guay: Question de règlement, M. le Président, il
me semble que vous avez donné la parole à un représentant
par parti, et nous en sommes au deuxième de l'Opposition officielle.
M. Lalonde: Non, le même représentant.
Le Président (M. Cardinal): Non, c'est la même
personne.
M. Guay: Oui, mais une fois.
M. Lalonde: Pas nécessairement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est que j'ai dit
un maximum de cinq minutes.
M. Chevrette: Vous aviez dit brièvement.
M. Lalonde: J'ai été très bref, M. le
Président. L'argument du ministre de la Fonction publique va dans le
sens suivant: Le français est la langue officielle du Québec. Le
français est la langue de la législation et de la justice au
Québec.
Donc, on ne doit pas, mais jamais, reconnaître un statut
quelconque à la langue anglaise, quoique, à l'article 10, on le
fait, à l'article 11 aussi, une autre langue, enfin, sinon l'anglais,
à l'article 12 aussi, et aussi dans d'autres articles, M. le
Président, où on permet les communications dans une autre langue,
on reconnaît, ce que je veux dire, un statut quelconque, un statut
différent...
Mme Lavoie-Roux: ... vous n'avez pas le droit d'influencer la
présidence.
M. Lalonde: M. le Président, je suis sûr que l'avis
que vous venez de recevoir du...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jonquière n'est pas membre de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Alors, ça vous permet
d'écrire...
Le Président (M. Cardinal): Oui, justement, il n'a pas
droit de parier.
Mme Lavoie-Roux: II peut écrire.
Le Président (M. Cardinal): Madame, vous êtes
très astucieuse.
M. le député de Jonquière est membre de la banque
des présidents, en vertu de la décision adoptée par la
commission...
M. de Belleval: La banque de l'unité...
Le Président (M. Cardinal): ... permanente et élue
de l'Assemblée nationale.
M. Lalonde: M. le Président, ce que je veux dire, c'est
qu'on reconnaît partout dans cette loi l'usage, on accepte, on
tolère, parfois, l'usage d'une autre langue, et même, à
quelques reprises dans la langue de l'enseignement, la langue anglaise. Dans la
langue de l'enseignement, il s'agit de l'enseignement en langue anglaise.
Alors, on reconnaît un statut à la langue anglaise, un statut
différent selon les circonstances, et il n'y a aucune contradiction
à ce qu'on reconnaisse, dans le cas de jugements rédigés
dans une langue autre que le français, un statut à cette langue
pour ces jugements. C'est tout ce que notre amendement tend à faire,
reconnaître de façon expresse, et je ne m'adresse pas,
naturellement, à la dernière partie de notre amendement qui, au
cas de divergence, dit que le texte original prévaut. Je pense que
l'argument de la recevabilité là-dessus ne tiendrait pas,
l'argument du ministre de la Fonction publique. On reconnaît donc,
à diverses reprises, dans divers articles de ce projet de loi, un statut
quelconque, un statut de langue d'enseignement, à un moment
donné, un statut de langue de communication à l'intérieur,
pour une autre langue, pas nécessairement l'anglais, mais pour une autre
langue de communication interne pour les commissions scolaires dont la
majorité est administrée, etc., je ne veux pas revenir sur tous
les articles.
Alors, le fait qu'on reconnaisse un statut à un jugement rendu
dans une autre langue n'est pas du tout contradictoire avec l'article 1, ni
avec l'article 7, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de la Fonction
publique.
M. de Belleval: Très brièvement, M. le
Président, bien entendu, dans différents articles, on
reconnaît un statut à une autre langue, mais un statut de langue
d'usage, bien sûr, et non pas un statut de langue officielle.
Deuxièmement, M. le Président, non seulement, comme je
l'ai dit tout à l'heure, l'amendement va contre le principe même
de la loi et, en vertu de l'article 58, comme vous le savez, M. le
Président, une commission ne peut modifier le principe d'une proposition
qui a déjà été acceptée par
l'Assemblée, mais, plus absurde que ça, M. le Président,
il se pourrait fort bien ce serait la conséquence même de
l'amendement s'il était accepté qu'en cas de divergence,
le texte original prévaille. On se trouverait donc, M. le
Président, avec une loi qui déclare le français comme
langue officielle, mais où l'acte le plus officiel peut-être des
tribunaux, c'est-à-dire les jugements, pourrait être
proclamé en langue anglaise et seul, ce texte, à ce
moment-là, serait officiel, puisqu'il prévaudrait, quand il
serait le texte original du jugement. Si ce n'est pas la contradiction la plus
grande possible de tous les projets d'amendements qui nous ont
été soumis jusqu'à maintenant, M. le Président, je
vous le demande, peut-on trouver un amendement plus irrecevable que celui-ci
où, pour une fois, un jugement écrit dans l'autre langue que la
langue officielle serait, lui, le jugement qui prévaudrait?
Le Président (M. Cardinal): J'ai vu que M. le
député de Joliette-Montcalm me faisait un signe, mais il sait
qu'il n'est pas autorisé à parler...
M. Chevrette: Non, c'était une directive.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je vous le
permets.
M. Chevrette: C'était dans le cadre de la logique du
jugement que vient de faire devant vous le ministre de la Fonction publique,
puisque cet après-midi... Non, je vais vous poser la question
différemment... Cet après-midi, on a décidé par un
vote que le texte, pour fins d'interprétation, devait être dans la
langue officielle. Est-ce qu'on peut, en toute logique, accepter une
proposition qui vise à faire du texte anglais un texte officiel,
après avoir tranché la question préalablement? Je vous
l'aurais posé sous forme de question, mais le ministre de la Fonction
publique...
Le Président (M. Cardinal): Ce sera l'objet de' la
décision qui sera rendue.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Juste pour vous signaler que le Barreau
lui-même nous dit qu'on doit apporter des modifications. Il
suggère, en des mots à peine couverts, la modification de cet
article. Je voudrais le rappeler à votre attention.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, madame et
messieurs.
Au sujet de l'article 70 de notre règlement, des décisions
sont constamment rendues depuis l'ancien règlement 566, si je ne
m'abuse. Déjà, en 1972, en 1973, nombre de décisions ont
été rendues. Depuis le nouveau règlement, le même
phénomène s'est continué, c'est-à-dire que c'est
bien évident que ceux qui plaident pour une cause plaident selon la
partie de l'article qui les sert. A l'article 70, il y a au moins deux choses,
sans tenir compte de toute l'économie, de la façon de
légiférer. L'article 70, dans une première partie, nous
donne la technique, purement la technique, d'un amendement, c'est-à-dire
qu'on ne peut faire autrement qu'ajouter des mots, retrancher des mots ou
remplacer des mots, ce qui a fait rendre plusieurs décisions selon
lesquelles on ne pouvait pas remplacer tout l'article ni directement ni
indirectement.
L'article 70 nous dit ensuite qu'un amendement est irrecevable si son
effet est d'écarter la question principale. C'est toujours la partie
très difficile pour la présidence dans la décision qu'elle
a à rendre.
Dans la décision que je vais rendre, je ne tiens pas compte du
tout, bien qu'on ait invoqué ce fait qui ne doit en rien perturber la
sérénité de la présidence, du nombre de
décisions que j'aurais rendues selon lesquelles une certaine motion
serait irrecevable ou même recevable.
Cependant, il y a un autre principe que j'ai déjà
rappelé au tout début des travaux de cette commission
parlementaire lorsque nous avons commencé à étudier,
article par article, le projet de loi no 101. Il n'y a pas de risque pour la
démocratie, non pas à juger recevable parce que j'ai
constaté, dans ce qu'ont dit les trois opinants, qu'ils touchaient tous
les trois au fond de la question et, justement, c'est ce qui fait que ce genre
de décision est difficile à rendre...
Cependant, je rappelle et je reviens sur cela qu'il n'y a pas de risque
pour la démocratie, même si cela prend le temps d'une commission
parlementaire, à laisser débattre une question lorsque le doute
assaille la présidence sur sa recevabilité, et si fort qu'il lui
faudrait suspendre la séance. Mais, de toute façon, l'on perdrait
le temps de la commission.
Pour ces raisons, je suis prêt à accepter que l'on
débatte de la motion.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous d'ajouter un
mot pour que l'on comprenne bien? Je trouve fort habile le parti qui a
réussi à parler de l'article 133 sans le mentionner par son
numéro.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie, à 22 h 23 minutes.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que je n'ai pas le droit
d'interpréter les sentiments qui vous assaillent, mais je les devine et
je n'en dirai pas davantage.
J'entendais le ministre de la Fonction publique dire que cela va
à l'encontre du principe de l'article 1, que cela va à l'encontre
du principe de l'article 7, et qu'à deux reprises des motions qui ont
été présentées par les partis d'Opposition, que ce
soit nous, que ce soit l'Union Nationale, ont été refusées
parce qu'elles transigeaient, si je puis dire, le fameux principe
accepté.
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, même si l'Opposition
officielle a accepté le principe du français, langue officielle,
au premier article, elle a tenté de faire reconnaître que la
langue anglaise soit aussi utilisée pour la législation et devant
les tribunaux. On sait ce qui est arrivé, le sort qui a
été réservé à ces motions.
Je pense qu'il y a un principe général selon lequel, en
matière de justice, un point doit dominer, celui que la justice soit
rendue avec la plus grande équité. Et je pense qu'au moment
où le gouvernement introduit dans cet article le fait qu'il y a
peut-être des jugements qui sont rendus dans une autre langue que dans la
langue officielle, il reconnaît que sans doute la justice peut être
mieux rendue, si on permet l'utilisation d'une autre langue que la langue
officielle.
Tous se souviendront que le député de Deux-Montagnes, lors
de la première commission parlementaire qui a entendu les
mémoires sur le projet de loi no 1, a signalé, avec beaucoup
d'élégance, un dicton ou un proverbe italien qui disait que
traduire, c'est trahir. Nous n'avons pas pensé, à ce moment, au
député de Deux-Montagnes, mais il reste qu'il nous a servi un
argument, que, d'ailleurs, tous soupçonnaient, peut-être pas dans
des termes aussi élégants, et connaissaient, qu'il est
très difficile, dans des textes de loi ou dans des jugements où
on fait intervenir la jurisprudence, qu'une traduction puisse être tout
à fait exacte. N'aurait-on que l'ombre d'un doute, à savoir que
la traduction ou le texte qui serait retenu comme texte officiel ne soit pas le
texte de la langue originale dans lequel le jugement a été rendu,
et que cette traduction puisse, sans mauvaise volonté de la part de qui
que ce soit, contenir certaines inexactitudes, une seule inexactitude, peut-on,
à ce moment, prendre le risque d'aller contre les intérêts
d'un individu dans le domaine de la justice?
Je pense que la priorité du gouvernement doit d'abord être
de servir les intérêts de la population, des individus dans le
domaine de la justice. Il y aurait peut-être lieu, je ne le relirai pas,
de lire le paragraphe que citait tout à l'heure mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys que ce souci de rendre la meilleure justice aux individus
doit primer sur la priorité linguistique du gouvernement.
J'aimerais ici citer parce que je pense qu'il l'a dit en des
termes probablement beaucoup mieux formulés que je ne saurais le faire
ce que le Barreau disait devant la commission parlementaire: "Si le juge
qui a rendu le jugement doit le faire, comment peut-il être convaincu que
la traduction est exacte? Comment peut-il la corriger si, au départ, il
considérait que sa maîtrise de la langue française
était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement
en français?" D'ailleurs, c'est ce que le gouvernement a reconnu en
introduisant la possibilité de l'utilisation d'une autre langue dans la
rédaction des jugements. Je continue la citation. "Nous sommes tous
suffisamment au courant des erreurs inévitables dans les traductions par
notre expérience personnelle en quelque domaine que ce soit pour pouvoir
conclure qu'il peut arriver, à l'occasion, que les versions
françaises ne coïncident pas avec la version originale. Les droits
des parties pourraient alors en être affectés dans un sens ou dans
l'autre."
Si telle chose devait se produire, j'aimerais que le gouvernement nous
dise, dans le cas où il n'accepterait pas de voter en faveur de
l'amendement que nous présentons, quel recours aurait un individu qu'une
traduction priverait de son droit élémentaire à ce que
justice lui soit rendue complètement ou que même des torts lui
soient causés, même si c'est involontaire, et le résultat
d'une traduction pas aussi exacte qu'on la souhaiterait ou d'une
interprétation un peu différente du texte original.
Ce n'est pas là voir des risques imaginaires, je pense que c'est
une chose fort possible et chacun de nous, même dans des textes de loi, a
pu en faire l'expérience quand, des fois, le texte français
prêtait à une interprétation quelque peu différente
d'un texte anglais et vice versa.
Voici la deuxième question que je voudrais poser au gouvernement.
Peut-il nous dire, en dehors du fameux principe qu'il a accepté de la
langue française étant la langue officielle, ce à quoi
nous soucrivons, que, dans un contexte de justice, dans un contexte de respect
des droits des individus je pense qu'ici personne ne charrie, on est
dans le domaine de la justice ce n'est pas essayer de grossir les
choses, d'exagérer les choses. Il s'agit vraiment pour chacun d'entre
nous, pour chacun des citoyens, d'un domaine qui le touche dans ses droits
individuels les plus stricts. Je pense que là-dessus, on peut
peut-être s'entendre mis à part le principe que nous
rappelait le ministre de la Fonction publique, dis-je. le gouvernement peut-il
nous dire pourquoi il refuse que les deux textes soient officiels si ceci doit
vraiment assurer aux personnes la meilleure justice possible et le respect le
plus strict de leurs droits individuels en cette matière.
J'arrête ici pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je suis heureux que le
président ait accepté cet amendement qui est mis sur table
maintenant, pour nous permettre de vous signaler que l'Union Nationale ne peut
accepter que seule la version française d'un jugement soit officielle,
parce que des raisons d'ordre juridique qui concernent les droits des parties
en cause, dans un litige, peuvent être lésés par une telle
prise de position.
Vous avez certainement pris connaissance de ce que disait le
mémoire présenté en date du 31 mai, par le Barreau du
Québec, au sujet de l'article 13: "Les jugements rendus au Québec
par les tribunaux et les organismes exerçant des fonctions judiciaires
ou quasi judiciaires doivent être rédigés en
français ou être accompagnés d'une version française
dûment authentifiée. Seule la version française du jugement
est officielle. Nous sommes heureux de constater que le législateur a
clarifié cette disposition de sorte qu'il est maintenant clair que le
jugement peut être rédigé en langue anglaise. Nous sommes
d'accord, dans un tel cas, sur l'exigence qu'il soit accompagné d'une
version française dûment authentifiée. "Nous ne pouvons pas
être d'accord, cependant, sur la précision à l'effet que
seule la version française du jugement soit officielle. D'une part,
l'article 13 ne dit pas qu'il doit authentifier la version française.
D'autre part, si le juge qui a rendu le jugement doit le faire, comment peut-il
être convaincu que la traduction est exacte? Comment peut-il la corriger
si, au départ, il considérait que sa maîtrise de la langue
française était insuffisante pour lui permettre de rendre son
jugement directement en français. "Enfin, nous sommes tous suffisamment
au courant des erreurs inévitables dans les traductions, par notre
expérience personnelle, en quelque domaine que ce soit, pour pouvoir
conclure qu'il peut arriver, à l'occasion, que les versions
françaises ne concident pas avec la version originale. Les droits de ces
parties pourraient alors en être affectés dans un sens ou dans
l'autre". Il dit ici: "Nous suggérons que l'article 13 précise
plutôt que les deux versions du jugement soient officielles et, en cas de
divergence, la version originale prévaut, quelle que soit la langue de
cette version".1
C'est le Barreau qui nous disait cela, lors de sa comparution en
commission parlementaire il y a plus de deux mois. Le 12 août dernier, le
bâtonnier du Québec, Me Viateur Bergeron si c'était
un dossier qui faisait l'affaire du ministre, il me semble que j'entendrais
dire du ministre, en parlant de Me Bergeron: Cet homme honnête, plein de
jugement, intelligent, pondéré, respecté, clairvoyant,
profond...
M. Lalonde: Normal.
Mme Lavoie-Roux: Normal.
M. Grenier: ...normal, on aurait tout cela. Je vous le
répète parce qu'il a tout cela. Si je le connais c'est qu'il fut
mon confrère d'université. Cela ne lui a peut-être pas
donné tout cela parce que ce fut mon confrère, mais je peux vous
dire en passant que ça ne lui a pas nui. Me Bergeron dit dans la lettre
qu'il a adressée au ministre je vous le dis, M. le
Président, parce qu'un ancien politicien me disait: En politique si tu
ne te vantes pas, ne compte pas sur tes adversaires, cela n'arrivera pas
souvent en date du 12 août dernier: "L'article 13 du projet de loi
est reproduit intégralement. Nous sommes heureux que les jugements
puissent être rédigés dans l'une ou l'autre langue selon
les aptitudes particulières du juge qui les rend. Cependant, nous
entrevoyons des difficultés d'application et d'interprétation
multiples. Qui authentifiera les versions françaises? Comment le juge
qui a rendu le jugement pourra-t-il la corriger si, au départ, il
considérait que sa maîtrise de la langue française
était insuffisante pour lui permettre de rendre son jugement directement
en français? Que penser des erreurs inévitables dans les
traductions? Déjà, en vertu de la loi 22, le ministre de la
Justice a la responsabilité de voir à ce que les jugements rendus
en langue anglaise soient traduits, et la chose ne semble pas toujours se faire
on ne parle pas de loin, c'est quelque chose de très
récent Les règles seraient beaucoup plus conformes aux
règles d'interprétation ordinaires si le texte que nous avions
suggéré était retenu". C'est le suivant: "Les deux
versions du jugement sont officielles, en cas de divergence, la version
originale prévaut, quelle que soit la langue de cette version".
M. le Président, nous en sommes à un article qui est
extrêmement important, ce soir, et on se rend compte qu'il est loin de
faire l'unanimité. On a été témoin, à cette
commission, depuis le début, qu'on a amené devant nous, à
l'occasion de l'étude de l'article 69, le ministre de l'Education, pour
nous fournir des explications. Lors de l'article sur la
réciprocité, on a amené devant nous le ministre des
Affaires intergouvernementales. Je ne
doute pas qu'au moment des grandes oeuvres, au moment du bâillon,
on amènera ici le ministre de la Fonction publique, le ministre du
bâillon, M. Burns...
Mme Lavoie-Roux: Ministre de la guillotine.
M. Grenier: Ministre de la guillotine, ministre de
l'électrification des chaises.
Mme Lavoie: Ils ont délégué cela au ministre
du bien-être.
Une Voix: Le ministre du plaisir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charron: Moi, je m'occupe de vos loisirs!
M. Grenier: M. le Président, je pense que devant ces
faits...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Motion visant à suspendre
l'étude de l'article 13 pour
entendre le ministre de la Justice
M. Grenier: ...je vous demanderais une chose des plus
sérieuse, je demanderais qu'on suspende cet article 13 et qu'on demande
au ministre de la Justice de venir nous rencontrer pour nous donner, à
nous de l'Opposition, l'information dont on a besoin sur cet article, et ce
d'une façon bien précise.
Si c'était là l'assentiment général, qu'on
suspende l'article ce soir et qu'on demande, lors de la disponibilité de
M. Bédard, le ministre de la Justice, qu'il soit devant nous pour
répondre à nos questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme la
présidence l'a dit, la suspension ne peut se faire qu'avec le
consentement unanime des membres de la commission et, à défaut,
cela se fait par une motion ordinaire. A ce moment y a-t-il consentement
unanime pour suspendre l'étude de l'article 13?
M. Laurin: M. le Président, nous ne consentirons pas
à la suspension de l'article, non plus que nous n'accepterons
l'amendement qui nous est proposé par l'Opposition.
Contrairement à ce que peut penser le député de
Mégantic-Compton, même si le ministre de la Justice n'est pas
présent en chair et en os à cette commission, il y est
présent en esprit...
Mme Lavoie-Roux: II est rendu loin là. On commence
à voir des langues de feu.
M. Lalonde: C'est la meilleure.
M. Laurin: ... a été longuement discuté, a
fait l'objet d'échanges...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: M. le Président, question de directive.
M. Laurin: ... nombreux et fréquents entre lui et moi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Voulez-vous donner la liste des membres,
présents en esprit, qui sont à la commission parlementaire, s'il
vous plaît!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Guay: L'ancien député de Mercier est
présent en esprit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Taschereau!
M. Laurin: De la même façon...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M.
le député de Rosemont, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Mégantic-Compton, M.
le député de Châteauguay...
M. de Belleval: II y en a qui sont physiquement présents
mais pas d'esprit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M.
le député de Charlesbourg...
Une Voix: Le député de Portneuf...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M.
le député de Deux-Montagnes...
M. Laurin: De la même façon, M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M.
le député de Joliette-Montcalm! Je vois que tous veulent
être nommés.
Je félicite le député de Saint-Jacques, Mme le
député de L'Acadie, M. le député de Mont-Royal. Je
redonne la parole au ministre d'Etat. S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
Une Voix: Alouette!
M. Grenier: Vu qu'il n'y a pas consentement unanime pour la
suspension de l'article 13, j'en fais une motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, vous pourrez refaire votre
motion lorsque vous aurez le droit de parole. Vous avez perdu votre droit de
parole en y renonçant et la parole avait été
accordée au ministre d'Etat.
M. Laurin: De la même façon, M. le Président,
les représentations faites par le Barreau et dont ont fait état
les membres de l'Opposition nous sont bien connues. Depuis le moment où
elles ont été présentées à la commission
parlementaire, elles ont fait l'objet encore une fois de discussions nombreuses
et fréquentes entre les divers intéressés au palier
gouvernemental.
Nous avons, de même, procédé à des
consultations auprès de ceux qui pouvaient nous éclairer. Les
difficultés qu'on nous a soulevées, qu'il s'agisse de
l'interprétation, des jugements, qu'il s'agisse de la traduction des
jugements, qu'il s'agisse des délais mêmes dans les traductions
faites des jugements, ont été longuement examinées.
Ici, nous devons quand même souligner que, déjà, la
loi 22 promettait des traductions qui, dans la plupart du temps, ont
tardé à se faire, du fait que les ministres qui se sont
succédé n'ont pas mis en place aussi vite qu'ils auraient pu le
faire, le dispositif qui aurait pu assurer cette traduction. Il semble qu'on se
soit laissé traîner les pieds et qu'en raison de ces
circonstances, les abus ou les difficultés qu'on nous signale
aujourd'hui ont été plus nombreux qu'ils ne l'auraient
dû.
Quoi qu'il en soit, M. le Président, ces difficultés qui
sont réelles ont été longuement examinées par les
intéressés.
Par ailleurs, M. le Président, elles ne nous ont pas
semblé suffisantes, assez sérieuses pour nous faire renoncer au
principe très important qui préside à toute cette loi et
au chapitre de l'administration de la justice, étant donné qu'il
faut quand même être logique, qu'il faut quand même
être cohérent et que, s'il y a une langue officielle au
Québec, c'est précisément dans le domaine de la
législation et de la justice que cette affirmation doit d'abord
s'incarner, doit d'abord se concrétiser.
Par ailleurs, j'ai souvent eu l'impression, à écouter les
divers opinants, qu'on gonflait, qu'on exagérait
démesurément certaines des affirmations qui ont pu être
faites. Depuis le temps que, par exemple, certains juges exercent au
Québec, depuis le temps qu'on nous dit que ces juges sont bilingues,
depuis le temps que l'évolution se dessine vers une francisation de plus
en plus complète de notre société
québécoise, il aurait quand même dû être
évident, pour ces juges, qu'ils devaient faire un effort de plus en plus
marqué pour obtenir une maîtrise de plus en plus grande du
français de façon que l'emploi de l'anglais devienne de moins en
moins nécessaire.
Par ailleurs, M. le Président, on n'a pas parlé, de
l'autre côté de la table, des abus, des injustices mêmes qui
ont été faits à certains justiciables francophones, quand,
par exemple le cas, j'en suis sûr, s'est
répété à de multiples occa- sions on pouvait
trouver deux justiciables en face l'un de l'autre, francophones, qui, bien
souvent, étaient défendus en anglais et qui, bien souvent,
devaient recevoir et comprendre des jugements qui étaient émis
dans une langue qui était autre que la leur alors même qu'ils sont
quand même au premier chef des habitants de ce pays.
Il y a eu, et il y a encore, plusieurs exemples de ce genre. Par
exemple, on me signalait encore récemment qu'à la Régie
des loyers les jugements sont toujours émis dans la langue de celui dont
la demande est déboutée, de celui dont la demande n'a pas
été retenue. On me signale aussi qu'à la Cour d'appel il
est souvent arrivé que les juges anglophones aient écrit leur
jugement en anglais, alors que tous les justiciables parlaient la langue
française, et ceci, d'une façon systématique au cours des
dernières années. On a masqué ces problèmes ce
soir, ou on les a sous-estimés, ou on les a minimisés. On a fait
état que des difficultés peuvent se poser à l'un ou
à l'autre moment, alors que bien souvent il s'agit de difficultés
pratiques que l'on aurait pu régler avant même que la loi 101 ne
soit présentée, soit par une meilleure organisation du
système judiciaire, soit par une meilleure compréhension des
intentions gouvernementales au cours des dernières années.
Il y a des problèmes pratiques, et je pense qu'ils peuvent
être réglés sans que l'on renonce aux principes qui
président au projet de loi. Par exemple, on n'a pas remarqué que
même en ce qui concerne l'application de l'article 11 un délai
avait été donné en vertu de l'article 199, délai
qui ne rend cet article applicable qu'au 1er janvier 1979. En ce qui concerne
les problèmes réels, concrets, que les diverses
représentations que nous avons reçues nous ont signalés,
qui ont été repris ce soir, nous sommes prêts
également à faire face à la musique et à proposer
à la commission un délai pour l'application de cet article. Je
voulais d'ailleurs m'en expliquer. Je voulais d'ailleurs communiquer cette
information à la commission avant même qu'un amendement ne soit
proposé. J'entendais dans ma réponse aux interventions que
j'attendais sur l'article 13, dire à la commission que nous apporterions
le moment voulu un amendement qui se situerait après l'article 199 et
qui prévoirait un délai d'application pour l'application de cet
article 13, un délai que nous avons voulu suffisamment long, par
exemple, le 1er janvier 1980, pour que ceci permette aux divers
intéressés de régler les problèmes réels,
encore une fois, concrets, qui ont été soulevés par le
barreau, par d'autres opinants, par les membres de la commission, en ce qui
concerne les difficultés actuelles, difficultés qui parfois se
situent au niveau de la traduction, parfois au niveau de
l'interprétation, parfois au niveau des délais.
Nous espérons qu'avec ce délai de deux ans et quelques
mois le ministère de la Justice pourra rattraper les retards pris par le
régime précédent et mettre sur pied un véritable
système, un système efficace, de mise en place pour donner effet
juridique aux dispositions de la présente loi, ce qui implique, par
exemple, la mise sur pied d'un système de traduction efficace, ce qui
implique
également pour les juges anglophones la continuation de la
préparation qui les habilitera à user davantage et d'une
façon plus satisfaisante pour les justiciables et pour eux-mêmes
de la langue française.
Aussi à la mise en place d'un système de traduction
où les traducteurs eux-mêmes seront peut-être choisis
davantage en fonction de leurs connaissances meilleures du domaine juridique et
seront peut-être plus capables que par le passé, et en nombre plus
grand également, de mieux saisir la pensée de ces honorables
juges et de la rendre avec plus de fidélité.
En somme, M. le Président, en deux ans et demi, le gouvernement
se croit parfaitement capable de régler, d'une façon efficace,
définitive, tous les problèmes qui ont été
soulevés ce soir devant la commission et qui nous ont été,
d'ailleurs, communiqués bien avant que nous siégions ici, par
certains experts. Le gouvernement se croit capable, donc, de remédier
à ces difficultés, de les régler d'une façon
satisfaisante pour les justiciables sans devoir, pour cela, renoncer aux
principes fondamentaux qui ont présidé à
l'élaboration de cette loi.
C'est donc pour toutes ces raisons, M. le Président, que, d'une
part, nous n'acceptons pas la suspension de la discussion de l'article et que
nous n'acceptons pas non plus l'amendement qui nous est proposé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre d'Etat.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, pour reprendre la parole, je
pense que c'était une suggestion que j'avais faite. Si c'est pris comme
tel et si le ministre l'a prise comme une motion, je dois lui dire que je peux
la formuler de façon bien explicite, à savoir que les membres de
cette commission suspendent l'étude de l'article 13 pour entreprendre
immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue de
l'administration, des articles 14 à 27, et que l'on reprenne, dès
que le ministre de la Justice sera disponible, l'étude de l'article 13
maintenant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, je suis prêt à
rendre ma décision immédiatement sur la motion, même si
elle n'est faite que verbalement.
Evidemment, si je n'exige pas plus de commentaires, c'est
qu'après avoir regardé le règlement de façon
très attentive, nous ne voyons nulle part l'existence d'une motion de
suspension. Nous voyons l'existence d'une motion de suspension d'une
règle de procédure; nous voyons des motions d'ajournement, des
motions d'urgence, des motions privilégiées, des motions
d'amendement. A aucun endroit ne voyons-nous, en fait, l'existence de motions
ayant pour effet de suspendre. D'autre part, en supposant même qu'elle
soit acceptable ou recevable, le libellé de votre motion veut que
l'article soit suspendu pour entendre le ministre de la Justice. "Ou,
jusqu'à ce que le ministre..." Tous savent que la commission n'a pas les
pouvoirs d'ordonner au ministre de la Justice de...
M. Grenier: M. le Président, si vous permettez que je
précise ma motion, j'ai ajouté une explication, mais ma motion ne
comprend que ces mots "que les membres de cette commission suspendent
l'étude de l'article 13 et entreprennent immédiatement
l'étude du chapitre IV de la langue de l'administration".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Effectivement, il y a eu des demandes de suspension d'articles depuis le
début, mais vous vous rappellerez que cela s'est toujours fait par
consentement unanime.
M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez, question
de règlement.
Lorsque le député de Saint-Jacques a fait une motion pour
suspendre l'examen des articles 7 à 67 inclusivement, il y avait eu une
motion; il y avait eu débat, et nous avons voté contre la motion,
M. le Président.
M. Grenier: M. le Président...
M. Lalonde: Vous pourriez vérifier ça au journal
des Débats.
M. Grenier: ... il y a des précédents
d'établis là-dessus, vous savez. Je veux éclairer votre
lanterne, à savoir que vous avez dit tout à l'heure que ça
prenait, pour la recevabilité, consentement unanime ou une motion
ordinaire. Alors, je veux bien en faire une motion ordinaire qui peut
être débattue.
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: ... je m'excuse. J'attends que vous statuiez de
façon définitive sur cette motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
qu'à ce stade-ci, il faudrait, évidemment, que la
présidence vérifie si c'est bel et bien le cas qu'une motion
avait été présentée. Si c'est le cas,
évidemment...
M. Lalonde: Je ne suis pas un témoin idoine, avec les
preuves à l'appui, mais me fiant à ma mémoire et je vais
faire appel d'ailleurs à la mémoire du député de
Saint-Jacques qui avait présenté une motion formellement pour
suspendre l'examen, l'étude des articles 7 à 67 et passer
je ne me souviens plus du libellé immédiatement à
l'étude des dispositions concernant la langue de l'enseignement. Nous
nous y sommes opposés. Il y a eu un débat où je suis
intervenu, je me souviens, de façon très catégorique et
nous avons voté sur cette motion qui naturellement, a été
acceptée étant donné qu'elle était
présentée par le parti ministériel.
M. Charron: Je corrobore l'affirmation du député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je m'excuse. J'ai manqué une partie de
l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys.
Une Voix: Ce n'était pas important.
M. Grenier: Non. Je pense qu'elle était extrêmement
importante.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, pourriez-vous, s'il vous
plaît, par écrit, proposer la motion que vous avez
présentée tout à l'heure.
J'ai le libellé exact. Quoiqu'il en soit, la présidence
sera obligée, à ce stade-ci, de prendre cette question en
délibéré pour vérifier les procès-verbaux de
la séance où se seraient déroulés les
événements en question.
Or, compte tenu de cette prise en délibéré, je
redonne la parole au membre qui l'avait, au moment où il l'avait et une
décision sera rendue à la séance de demain matin,
relativement à la motion d'amendement du député de
Mégantic-Compton qui se lit comme suit: "Que les membres de cette
commission suspendent l'étude de l'article 13 et entreprennent
immédiatement l'étude du chapitre IV, la langue d'administration,
articles 14 à 27 inclusivement."
M. Lalonde: Me permettez-vous de demander une directive?
Allez-vous statuer sur la recevabilité après avoir entendu les
membres de cette commission ou avez-vous l'intention de rendre votre
décision immédiatement au début...?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Conformément à une sorte de tradition depuis le début de
la commission, d'abord, je vais vérifier les procès-verbaux entre
23 heures ce soir et 10 heures demain matin et que d'autre part, je permettrai
une intervention par formation politique.
M. Grenier: Si vous permettez... Je voudrais bien que vous
compreniez dans le sens de la recevabilité en attendant que vous
ajourniez les travaux, je voudrais vous faire comprendre...
Pour moi, il est important que le ministre de la Justice vienne et qu'on
l'entende parce que dans le chapitre de l'éducation, je peux vous
dire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, si les membres de la
commission le désirent bien, vous pouvez plaider immédiatement
sur la recevabilité, mais je pense qu'à ce stade-ci, ce qu'il
appartient à la présidence de faire, c'est de vérifier
surtout les procès-verbaux de la séance en question.
M. Charron: Pour vous permettre de faire cette réflexion
et parce que c'est aujourd'hui l'anniversaire de naissance du ministre de la
Justice, que nous devons retrouver et célébrer avec lui, je
propose l'ajournement des travaux de la commission pour aujourd'hui
jusqu'à demain.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cette
motion est-elle adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion est adoptée. Les travaux de la commission sont ajournés
à demain matin 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 52)