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Etude du projet de loi no 101:
Charte de la langue française
(Dix heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Si vous permettez, je vais suivre le règlement et je vais
commencer par faire l'appel des membres pour que je sache qui peut prendre la
parole et, par la suite, je répondrai à toutes vos questions et
même peut-être que je répondrai avant que vous ne...
M. Grenier: Pour le nom des membres, il serait peut-être
important de savoir si c'est la même séance pour la
journée.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais
accéder à votre demande. Aujourd'hui, nous avons une seule
séance, qui se terminerait normalement, si j'ai bien compris la motion,
à 20 heures, sauf suspension à 13 heures jusqu'à 15
heures.
Demain, ce sera une nouvelle séance et cela en vertu d'un ordre
de la Chambre, qui commencerait à 10 heures, avec suspension à 13
heures, reprise à 15 heures et ajournement à 17 heures. Lundi, ce
serait une nouvelle séance qui commencerait à 10 heures et qui
sera ajournée sine die à 13 heures.
Cela répond à vos questions?
J'appelle les membres de la commission, pour cette séance
d'aujourd'hui qui, sauf cette suspension que je viens d'indiquer, se terminera
ce soir à 20 heures.
M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Morin (Sauvé). M.
Bertrand (Vanier).
M. Bertrand: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères) remplacé par M. Morin (Louis-Hébert).
M. Morin (Louis-Hébert): Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques). M.
Chevrette (Joliette-Montcalm) remplacé par M. de Belleval
(Charlesbourg).
M. de Belleval: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes) remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière).
M. Vaillancourt (Jonquière): Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay).
M. Dussault: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton).
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau). M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys). M. La-plante (Bourassa).
M. Laplante: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget).
M. Laurin: Présent.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Présente.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé).
M. Le Moignan: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Forget
(Saint-Laurent).
M. Forget: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).
A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Saint-Jacques et ministre
délégué.
M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord signaler
humblement à nos collègues de l'Opposition qu'ils
s'apprêtent à une fin de semaine de travail avec nous. Ils ont, ce
matin, la présence de cinq ministres pour répondre à leurs
questions sur les différents articles du projet de loi. La
présence du ministre des Affaires intergouvernementales,
personne-ressource indispensable au gouvernement, s'explique
particulièrement par le fait, que, comme l'Opposition en est sans doute
saisie, vous appellerez dans quelques instants, M. le Président,
l'article 81 où le gouvernement a déjà annoncé une
modification d'importance qui va dans le sens d'une ouverture aux autres
provinces du Canada. J'ai pensé inviter le ministre des Affaires
intergouvernementales à nos travaux pour que réponses soient
données aux questions et objec-
tions que pourrait susciter l'inclusion de ce nouveau texte 81 aux yeux
de l'Opposition, en particulier, je pense, de l'Opposition officielle.
Une dernière remarque, M. le Président, avant le
début des travaux.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: Comme il est convenu, si nous "si" doit
toujours marcher au conditionnel si nous achevons le chapitre de la
langue d'enseignement au cours de cette séance, comme la motion qui nous
a valu de nous y rendre stipulait que les articles de 7 à 67
étaient suspendus en attendant l'étude de ce chapitre, nous
reviendrions donc immédiatement, à la fin du chapitre de la
langue de l'enseignement, soit l'adoption de l'article 83, y compris l'article
79 qui est actuellement suspendu, à l'article 7 pour suivre ensuite les
articles dans l'ordre, à moins que l'Opposition n'ait une proposition
contraire.
Dernière remarque, M. le Président. Je pense qu'il est
essentiel de mettre, encore une fois, les cartes sur table. Il n'est pas
question de modifier aujourd'hui l'horaire de travail qui vient d'être
indiqué par le leader du gouvernement à l'Assemblée. Nous
achevons donc, ce soir, nos travaux à 20 heures, après les avoir
commencés à 15 heures.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre
délégué et député de Saint-Jacques, je vous
remercie de votre collaboration parce que vous avez mentionné plusieurs
choses que j'aurais pu mentionner. Je me permettrai d'apporter certains
détails sans faire perdre de temps a la commission. Lorsque nous avons
ajourné nos travaux hier soir, nous avons adopté l'article
80.
Je rappelle que l'article 79 est suspendu. Je mentionne que c'est un
amendement à l'article 81, qui se présente sous forme de 81a, qui
est proposé par le gouvernement. Comme je l'ai déjà
indiqué, pour fins de législation, j'espère que ce projet
de loi sera réimprimé et qu'on enlèvera les articles qui
possèdent un a) parce que c'est une mauvaise façon de
légiférer; il suffira simplement de rétablir l'ordre des
articles.
Cependant, je puis être au service de la commission et j'aimerais
savoir quel est le désir de la commission. Nous avons suspendu
l'étude de l'article 79. Nous avons adopté l'article 80. Je puis
appeler l'article 81?
Article 80 (suite)
M. Grenier: Avant l'appel de l'article 81, nous avions un nouvel
article proposé, qui aurait pu être 80a, celui que j'ai eu
l'occasion de lire hier, si je ne me trompe, et qui, finalement, a
été la motion d'amendement à l'article 80 proposée
par le parti libéral. Cet article avait été partiellement
retiré quant au premier paragraphe et ensuite discuté pour le
deuxième et rejeté à la fin...
Le Président (M. Cardinal): M. le député
de
Mégantic-Compton, vous me posez un véritable
problème. L'amendement de Mme le député de L'Acadie a
été rejeté à la suite d'un appel nominal. L'article
80 a été adopté.
M. Grenier: La partie... vous avez terminé? Je
m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): Je me demande... c'est que je
n'ai pas devant moi ce projet d'amendement dont vous parlez.
M. Grenier: La partie recevable de ce...
Mme Lavoie-Roux: On a juste discuté de la partie
recevable.
M. Grenier: Vous aviez dit à ce moment que la partie
recevable était à ce moment prématurée, elle n'est
pas rejetée.
Le Président (M. Cardinal): C'est exact. J'aimerais le
recevoir officiellement...
M. Charron: A l'article 81, M. le Président, je propose
que...
Le Président (M. Cardinal): Un instant... M. Charron:
Allons-y.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous êtes pressé,
mais...
Le Président (M. Cardinal): J'ai devant moi, M. le
député de Mégantic-Compton, l'article 81a et non pas
l'article 80.
M. Grenier: L'article 80a.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Si nous ne voulons pas perdre de temps dans ce week-end,
j'aimerais bien que l'on sache d'où nous partons et où nous
arrivons.
J'ai devant moi une proposition d'amendement. C'est l'article 80a. Il
faudrait que la motion soit rédigée autrement. Il faudrait que
l'on m'indique...
Des Voix: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! MM. les ministres...
Il faudrait que l'on m'indique, dans la motion, que l'on veut, suivant
l'article 70 du règlement, ajouter, entre tel article et tel autre ou,
après tel article, tel texte. Le libellé que j'ai devant moi,
techniquement, ne peut pas être reçu. Je ne refuse pas sur le
fond, je dis simplement vous savez qu'en vertu de l'article 65b, je
pourrais moi-même modifier le texte que je préfère
que le parrain de l'article, comme l'on dit dans le journal des Débats,
le fasse lui-même. Je n'ai pas l'intention de suspendre.
M. Grenier: Pourrais-je tout simplement, pour la rendre plus
acceptable, dire que l'article 80a s'ajoute à l'article 80
déjà adopté?
Le Président (M. Cardinal): Vous seriez mieux de dire
qu'entre...
M. Grenier: C'est-à-dire ajouter entre l'article 80 et
81...
Le Président (M. Cardinal): ...l'article 80 tel
qu'adopté et l'article 81 vous voulez ajouter les mots suivants, qui
constitueront l'article 80a, pour le moment.
M. Grenier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas-là, je vais
lire la proposition et je rendrai une décision sur sa
recevabilité. Ce qui est proposé, c'est qu'entre l'article 80 et
l'article 81, l'on ajoute le texte suivant: "Le ministre de l'Education doit
prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence
et la qualité des cours de français dispensés aux
élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise
soient de nature à donner à ceux-ci une connaissance suffisante
de la langue française. Le ministre de l'Education doit également
prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence
et la qualité des cours d'anglais dispensés aux
élèves qui reçoivent l'enseignement en langue
française soient de nature à donner à ceux-ci une
connaissance suffisante de la langue anglaise".
Je ne ferai pas de débat sur la recevabilité, je vais me
prononcer immédiatement, même si c'est une chose qui, en soi, est
peu agréable.
Le projet d'amendement est divisé en deux paragraphes.
Le premier paragraphe est tout à fait receva-ble, le second
paragraphe me paraît aller totalement en dehors du principe du projet de
loi. A ma connaissance et là, c'est toujours la difficulté
de ne pas se prononcer sur le fond à ma connaissance, dis-je, il
n'est pas question, dans ce projet de loi 101, Charte de la langue
française... Parce que j'ai oublié de le dire au début,
cette commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications étudie ce projet adopté en deuxième
lecture, dont le principe a été accepté à la
majorité de l'Assemblée et, par conséquent, vous savez que
le président, en vertu de l'article 39, est tenu de faire observer tous
les règlements de cette assemblée et en particulier de voir
à ce qu'une motion, après deuxième lecture, se rapporte
directement au principe d'un projet de loi. Il se pose une deuxième
question. Est-ce qu'une motion, et cela s'est produit hier soir, peut
être divisée ou si, au contraire, le fait qu'une partie de la
motion ne soit pas recevable fasse que la motion ne soit pas du tout recevable?
Je suggérerais à M. le député de
Mégantic-Compton, parce que je veux quand même respecter les
droits de tous les membres de cette commission, de retirer lui-même, s'il
le désire, la deuxième partie de son amendement, sans quoi je
devrai déclarer tout l'amendement irrecevable.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Pour des raisons qui me semblent évidentes et
qui sont celles dont nous avons discuté hier soir, sur l'amendement
apporté par le Parti libéral, je pense qu'il n'est pas question
de faire de batailles pour conserver cette première partie; donc, je la
retire.
Le Président (M. Cardinal): Vous retirez quoi?
M. Grenier: La deuxième partie de l'article 80a qui se
lit: "Le ministre de l'Education doit également prendre les mesures
nécessaires pour s'assurer que la fréquence et la qualité
des cours d'anglais dispensés aux élèves qui
reçoivent l'enseignement en langue française soient de nature
à donner à ceux-ci une connaissance suffisante de la langue
anglaise."
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant encore,
parce que ce n'est pas terminé à ce point-là. J'ai reconnu
M. le député de Vanier et ensuite M. le député de
Saint-Jacques. Je pense que c'est sur la question de règlement ou de
recevabilité.
M. Bertrand: De recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: C'est une directive. Vous dites que vous ne jugeriez
pas recevable la deuxième partie de la motion, mais que la
première pourrait être discutée, évaluée,
quant à sa recevabilité. C'est là-dessus que je voudrais
vous demander une directive.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je pourrais
demander que ce soit bref quand même...
M. Bertrand: Très bref.
Le Président (M. Cardinal): ...parce que je ne veux pas
être informé pendant une heure pour savoir si c'est recevable ou
pas.
M. Bertrand: Très brièvement, M. le
Président. Je veux simplement savoir si, à votre avis, du fait
que nous avons étudié, hier soir, une motion similaire,
semblable, je dirais presque identique, qui venait de l'Opposition officielle
et qui est reprise à peu près dans les mêmes termes par le
député de Mégantic-Compton, qui a lui-même combattu
la motion d'amendement...
M. Lalonde:...
M. Bertrand: ...de l'Opposition officielle.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bertrand: ...est-elle recevable dans ce contexte, M. le
Président?
Mme Lavoie-Roux: Si on avait la copie...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
Je demanderais, avant de répondre à la question, que le
texte en soit distribué, si M. le député de
Mégantic-Compton a des copies. Ensuite, je répondrai à la
question.
M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le député de
Vanier vient de m'arracher les mots de la bouche, puisque la commission a
rejeté un texte similaire hier soir, à 11 heures moins
cinq...
M. Lalonde: Non.
M. Charron: ...et je me demande ce que l'amendement apporte de
plus.
M. Lalonde: Non, M. le Président, ce n'est pas la
même chose du tout.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, écoutez, je
vais permettre une intervention, bien qu'il y en ait eu deux du
côté ministériel... Je ne permettrai pas à tout le
monde de la commission d'intervenir sur la recevabilité. Je prendrai mes
responsabilités en temps et lieu, et quand je le jugerai à
propos.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je veux simplement éclairer la commission, M.
le Président. Il semble qu'il y ait une équivoque dans le premier
paragraphe de l'amendement du député de Mégantic-Compton.
Il s'agit de la qualité des cours de français dispensés
aux élèves qui reçoivent l'enseignement dans la langue
anglaise, alors que dans notre motion d'hier, qui a été
défaite, il s'agissait de la qualité de l'enseignement du
français aux francophones, c'est-à-dire à ceux qui
reçoivent l'enseignement en langue française. Donc, nous sommes
en face d'une motion ayant trait à la langue seconde, contrairement
à celle d'hier.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. En vertu de
l'article 63, une motion ne doit pas soulever une question identique, au fond,
à une question dont l'assemblée a décidé pendant la
session en cours, à moins qu'elle n'indique des faits nouveaux. Sur ce
premier alinéa de l'article 63, je dois indiquer que l'article 163
s'applique aux commissions parlementaires, comme la même règle
s'applique à l'Assemblée nationale. Je ne pense pas qu'il
s'agisse d'une question identique. Le terme est assez fort.
Le deuxième alinéa de l'article 63 nous permet de
présenter un projet semblable et, déjà, à
l'Assemblée nationale, une décision a été rendue
à ce sujet, l'on s'en rappelle, il y a peu de semaines.
Par conséquent, je suis lié, et par le règlement,
et par la jurisprudence.
Cependant, il peut se poser une autre question, et je vais en disposer
rapidement. On pourrait se demander si le texte tel que libellé est ce
qu'on appelle un projet de loi en matière monétaire, "a money
bill". Est-ce que l'article tel que rédigé... "doit prendre les
mesures nécessaires..." suppose un budget?
Je vais rappeler la jurisprudence. Si on avait dit les moyens
nécessaires, j'aurais peut-être hésité plus
longtemps. Nous avons eu des amendements semblables, mais non identiques. Ils
ont été déclarés recevables par la
présidence et je dois déclarer cet amendement recevable et donner
la parole à M. le député de Mégantic-Compton. Nous
suivrons les dispositions de l'article 160 pour le débat sur cette
motion.
M. Grenier: Je n'ai pas l'intention de faire un débat
très long, parce que la motion que nous venons d'apporter a eu le
même sort que celle d'hier. Il y en a une partie qui a été
jugée irrecevable, mais comme nous tenons à ce qu'on enseigne la
langue seconde, qu'on mette l'accent et que le ministre s'engage davantage
à l'enseignement de la langue seconde et à plus de
perfectionnement dans ce secteur, nous voyons le sort qui peut lui arriver,
parce qu'hier, on a consenti, à cause de la division de l'amendement
apporté par le Parti libéral... Nous avons admis, dis-je, que cet
article n'ajoutait à peu près rien à l'article 80
déjà existant. On venait redire dans d'autres termes... Cette
motion a été défaite.
Alors, étant donné que cette motion reçoit le
même sort que celle d'hier et qu'on a retiré la deuxième
partie qui a été jugée non recevable, je vous demanderai
tout simplement, M. le Président, de retirer également cette
première partie.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, merci.
M. le député de Sauvé et ministre de
l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, puisque le
député a retiré le premier paragraphe de l'article 80a
dont il avait la paternité, je me contenterai de le féliciter
quant à l'intention que manifestait ce projet d'article.
Malheureusement, cela relève de la politique du ministère
plutôt que d'un projet de loi. Je puis l'assurer d'une chose. Le
ministère de l'Education est déjà très sensible
à la question qu'il a soulevée. Les commissions scolaires
anglophones, d'ailleurs, ont déjà fait de grands progrès
pour ce qui est d'un meilleur apprentissage de la langue de la majorité
dans leurs écoles. Certaines pratiquent même l'immersion de
façon très étendue, de sorte que le souhait qui est
exprimé dans ce paragraphe est déjà, pour une bonne part,
réalisé et, dans la mesure où nous pouvons ou le
ministère de l'Education peut pousser encore davantage sur le chemin qui
nous est indiqué par le député de Mégantic-Compton,
il le fera. Je puis lui en donner
l'assurance, mais je suis heureux qu'il ait retiré le paragraphe
parce qu'à vrai dire, la place d'un tel énoncé de
politique éducative n'est pas dans un projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... Le Président
(M. Cardinal): Allez-y.
Mme Lavoie-Roux: ... je voulais poser une question au ministre de
l'Education. Il paraît qu'il faut que je vous interrompe pendant que vous
parlez et j'hésite toujours à le faire...
Le Président (M. Cardinal): Vous l'avez presque fait. De
toute façon, je permets un débat qui n'est pas tout à fait
conforme aux règlements. Je voudrais, Mme le député de
L'Acadie, avant, avec beaucoup de générosité, de vous
accorder la parole, souligner que, d'une part, M. le député de
Mégantic-Compton a retiré sa motion d'amendement, ce sur quoi je
me permets de féliciter l'Union Nationale, ce qui aide aux travaux de la
commission.
M. le ministre s'est permis de faire une réplique qui
n'était pas permise. J'ai présumé du consentement unanime
de la commission pour qu'il puisse le faire et, de la même façon,
madame, j'espère que la commission vous permettra de poser votre
question au ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on sait que votre
générosité devient légendaire, alors, je vous
remercie. La question que je voulais poser au ministre de l'Education, c'est
qu'il fait justement état des efforts faits par les commissions
scolaires anglaises pour assurer de plus en plus un enseignement adéquat
du français. Mais, lors des auditions en commission parlementaire,
quelques-unes, du moins celles qu'on a entendues, des commissions scolaires
anglaises qui sont venues ont exprimé des inquiétudes sur le fait
que les efforts qu'elles devaient faire financièrement et au plan des
ressources pour assurer ce bon enseignement du français dans leurs
écoles, ces efforts devaient se faire au détriment d'autres
apprentissages, soit l'éducation physique, la musique et autres
matières, parce qu'on ne leur accordait pas, dans les faits, des
ressources supplémentaires. Ceci n'est pas un problème qui
dépend uniquement du gouvernement actuel, c'est un problème de
longue date.
Est-il dans les intentions du ministère de l'Education ou du
ministre de l'Education de corriger cette situation qui fait, que les enfants
ont sans doute des spécialistes en français, mais, à ce
moment-là, au détriment de l'apprentissage de d'autres
matières que, du côté francophone, on juge également
très importantes?
C'était là ma question.
Le Président (M. Cardinal): Nous sommes en train
d'établir une nouvelle pratique. Il y a une période des questions
en commission parlementaire? Je permettrai au ministre de répondre
à vo- tre question, mais brièvement, s'il vous plaît, pour
que nous revenions au mandat de la commission, qui est d'appeler chacun des
articles, l'un après l'autre.
M. Morin (Sauvé): Je serai très bref, M. le
Président, effectivement, l'absence de ressources constitue un obstacle
très important pour l'apprentissage des langues secondes, qu'il s'agisse
du français destiné aux anglophones ou de l'anglais
destiné aux francophones. Nous en avons d'ailleurs parlé lors de
l'étude des crédits de mon ministère. C'est la raison pour
laquelle le gouvernement a décidé de se donner pour
priorités à la fois l'enseignement de la langue maternelle,
l'enseignement du français, dont on sait qu'il a fortement besoin
d'être mis en valeur et, d'autre part, l'enseignement des langues
secondes. Au cours de l'année qui va commencer au début du mois
de septembre, le gouvernement va consacrer quelques millions de dollars
à ces priorités. Cela rejoint ce que je disais tout à
l'heure au député de Mégantic-Compton.
Il y a une autre difficulté qui tient aux rapports
fédéraux-provinciaux. Le gouvernement fédéral verse
des subventions modestes, mais tout de même importantes, pour
l'enseignement des langues secondes. Le Québec a toujours soutenu que
ces subventions fédérales lui sont versées sans condition
et que ces montants peuvent être utilisés à des fins
d'éducation, à toutes fins utiles. De fait, nous dépensons
évidemment beaucoup plus pour l'apprentissage des langues secondes que
les subventions reçues du gouvernement fédéral. Nous avons
toujours refusé d'ajouter par-dessus ce que nous dépensons
déjà des sommes venues d'Ottawa, parce que le problème de
l'apprentissage des langues secondes ne se situe pas au Québec, il se
situe surtout dans les autres provinces. L'argent qu'Ottawa verse aux autres
provinces s'en va directement à l'apprentissage des langues secondes.
Ici au Québec cet apprentissage existait déjà de sorte que
nous soutenons que les sommes reçues d'Ottawa nous sont versées
sous forme inconditionnelle. Cela ne nous empêchera pas de consacrer de
plus en plus d'argent à l'apprentissage des langues secondes au cours
des années qui viennent.
Le Président (M. Cardinal): Comme j'ai permis à
deux partis de s'exprimer, je permettrai au député de
Mégantic-Compton de conclure.
M. Grenier: Une minute seulement M. le Président. Cela ne
demandera pas de réponse de la part du ministre. C'est uniquement pour
vous dire qu'on vient de faire la preuve, en présentant un amendement,
de notre souci d'un meilleur enseignement du français et de la langue
seconde. Le ministre, dans sa réponse, nous a témoigné de
sa compréhension et de sa collaboration. Je pense que l'article 80, tel
que présenté actuellement, est trop sec pour dire que tout cela
va nous permettre d'améliorer l'enseignement de la langue seconde. On
suppose que cela sera soutenu par d'autres ef-
forts. On accorde une large confiance au gouvernement sur cet article.
Nous avons trop vécu, ici au Québec, des situations
pénibles dans les deux secteurs, tant les anglophones, qui ont
difficilement réussi à apprendre le français, que les
francophones, qui ont peu appris l'anglais.
En retirant notre amendement qui a été jugé, dans
l'ensemble, irrecevable, nous avons voulu faire la preuve de l'esprit positif
qui anime l'Union Nationale.
Article 81
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. J'appelle, pour suivre le
mandat de la commission, j'appelle immédiatement et automatiquement
l'article 81.
M. Charron: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: Je voudrais rappeler aux membres de la commission que
l'article 81 n'est pas celui qui figure dans le texte du projet de loi, mais
bien un nouvel article qui est...
Mme Lavoie-Roux: C'est un nouveau, n'est-ce pas?
M. Charron: C'est cela... qui est le nouveau texte du projet de
loi.
Le Président (M. Cardinal): Voulez-vous le lire?
M. Charron: Le nouveau texte du projet de loi, M. le
Président, est le suivant: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour étendre l'application de l'article 69 aux
personnes visées par une entente de réciprocité...
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas 81a, c'est pour
remplacer 81.
M. Laurin: Qu'il soit inséré entre l'article 81 et
l'article 82.
Le Président (M. Cardinal): Justement, il y a deux
choses.
M. Lalonde: Entendez-vous.
M. Charron: Nous ajoutons au texte de l'article 81 un nouveau
paragraphe qui serait 81a...
M. Lalonde: A ce moment-là excusez-moi, M. le
Président, je déteste interrompre mais c'est un nouvel
article. Il faudra adopter 81 avant d'en arriver à 81a.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez. Non, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je diffère
légèrement d'opinion avec vous. Je considère que M. le
député de Saint-Jacques et ministre délégué
vient tout simplement, parlant sur la motion principale de l'article 81 dont le
texte n'est pas changé, de faire une motion pour qu'il y ait un
amendement à 81 et que soit inséré entre l'article 81 et
l'article 82, un article 81a qui se lirait de la façon dont il a
commencé à le dire.
M. Charron: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, si vous
permettez, je reviens à l'article 81.
M. Charron: C'est cela.
Le Président (M. Cardinal): Je me prononcerai tantôt
sur la recevabilité de cet amendement.
M. Charron: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il quelqu'un du
côté ministériel qui veut s'exprimer sur l'article 81?
M. Laurin: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: ... l'article, je crois, est assez clair. Son
intention est de permettre à certaines entreprises qui nous en ont fait
d'ailleurs plusieurs fois la demande, d'assurer une certaine mobilité
des cadres pour des postes très spécialisés pour lesquels
ils ont de la difficulté à trouver les compétences
appropriées dans la province de Québec, dans l'Etat du
Québec. Il a pour but également de permettre à certaines
catégories de personnes qui ont été mentionnées ici
devant cette commission, par exemple, les diplomates ou les employés de
certaines organisations internationales, de travailler au Québec et
d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, à
l'école anglophone.
C'est justement dans un esprit de souplesse en même temps que dans
un sain souci de réalisme, eu égard à la situation
économique du Québec au sein de l'ensemble canadien, que nous
avons consenti cette concession qui, par ailleurs, sera spécifiée
par les règlements.
Le Président (M. Cardinal): Avant que nous continuions, je
vais quand même souligner une chose, c'est qu'il y a eu un amendement de
proposé dès le début de l'étude de l'article 81. Je
voudrais tout de suite, le lire pour que les membres de la commission puissent
en prendre connaissance j'en ai déjà autorisé la
distribution et me prononcer immédiatement sur la
recevabilité pour tenter de sauver du temps.
Que soit inséré entre l'article 81 et l'article 82 un
article 81a qui se lirait comme suit: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour étendre l'application de l'article 69 aux
personnes visées par une entente de réciprocité conclue
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre
province.
Malgré l'article 89, ces règlements peuvent entrer en
vigueur dès la date de leur publication dans la Gazette officielle."
Une seule remarque. Techniquement, en vertu de l'article 70,
l'amendement est recevable. Mais, à moins qu'il ne s'agisse d'un nouveau
style de législation, le mot "malgré" devrait normalement
être remplacé par le mot "nonobstant". Si le gouvernement tient
à garder "malgré", je lui dirai que ce n'est pas le style
juridique et, s'il veut prendre un nouveau style juridique...
M. Laurin: C'est le nouveau style.
Une Voix: De toute façon, je ne connais rien
là-dedans.
Le Président (M. Cardinal): Vous y tenez? Une Voix:
C'est pour rendre normal.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Dans ce cas, je déclare quand même... A l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député de Saint-Laurent.
M. Morin (Sauvé): C'est bien mon avis. M. Laurin:
La question a été évoquée.
Le Président (M. Cardinal): Je déclare... A
l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: De l'agrément.
Le Président (M. Cardinal): Je déclare, dans ce
cas, la motion techniquement recevable et nous en discuterons en temps et
lieu.
Sur l'article 81, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, l'article 81, de toute
évidence, a pour but de permettre à des personnes qui sont de
passage, non pas comme touristes mais comme travailleurs, pour un an ou
quelques années, de leur permettre d'être exemptées des
dispositions de la loi. Je pense que le ministre et le gouvernement l'ont
proposé un peu en réaction à des représentations
qui avaient été faites, même avant le projet de loi no 1,
et selon lesquelles la clause Québec, en particulier, pourrait
empêcher de nombreux cadres de venir temporairement ici au Québec,
dans nos sièges sociaux, et ainsi tarir cette source essentielle pour le
maintien de notre économie. Donc, en principe, quant à
l'intention, je pense que c'est une suggestion positive. Il y a seulement une
chose, M. le Président, dont vous allez vous rendre compte assez
rapidement à la lecture de l'article 81, c'est qu'il n'y a pas de
critères. Plusieurs organismes, à l'étude de la loi no 1,
ont déploré le langage utilisé dans la loi no 1 qui n'est
pas le même que celui-ci. On parlait, je pense, pour une période
déterminée. Ici, on dit: "séjournant de façon
temporaire". On avait suggéré, de part et d'autre, d'être
un peu plus précis, justement pour enlever le caractère
arbitraire d'un tel article. C'est malheureux qu'une intention qui est pourtant
si positive soit ainsi entachée d'un défaut que le
législateur tente normalement d'enlever à ses lois,
c'est-à-dire le caractère arbitraire.
Aucun critère n'est offert à l'article 81 et j'avoue que,
n'ayant pas la responsabilité du gouvernement et n'ayant pas
participé à l'élaboration de ce projet de loi, j'aurais de
la difficulté à proposer un amendement je dis tout de
suite que je n'ai pas d'amendement à proposer à cet article
parce que je ne connais pas quelle est, au fond, l'inspiration du
gouvernement. La seule chose que je veux souligner, et je pense que tous les
membres de cette commission devraient considérer cette remarque de
façon positive, c'est que c'est très arbitraire. Et je ne sais
pas comment le gouvernement va faire pour exempter ou même pour faire les
règlements. Il n'y a pas de critères. La loi, le
législateur devrait dire au gouvernement: "Vous allez faire les
règlements suivant tels, tels critères et, ensuite, le
gouvernement, pour l'application de la loi, doit faire les règlements;
c'est l'essentiel. Mais il est lié à ces critères.
Là, on donne un blanc-seing au gouvernement. Je ne sais même pas
dans quelle mesure ces règlements pourront être faits,
étant donné que la loi ne donne pas de critères.
Peut-être que le ministre a des réponses aux interrogations que je
fais et je le fais simplement pour la bonne administration de cette loi, pour
que le gouvernement puisse faire des règlements valides, des
règlements sensés, des règlements qui vont suivre le
désir du législateur.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Pas tout de suite.
Le Président (M. Cardinal): Pas tout de suite? Du
côté ministériel, M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, j'accueille avec respect les
observations du député de Marguerite-Bourgeoys. Mais je pense que
la meilleure réponse qu'on pourra lui donner, c'est que ces
règlements sont presque prêts maintenant et ils attendent
d'être soumis au Conseil des ministres. C'est donc dire que nous n'avons
pas trouvé, dans la rédaction de ces règlements, les
difficultés que nous laissent anticiper les observations du
député de Marguerite-Bourgeoys et j'espère pouvoir
déposer ces règlements avant que la loi soit adoptée. Il
pourra donc voir lui-même, lorsque les règlements seront
déposés, que les inquiétudes légitimes qu'il nous
soumet ne sont pas fondées puisque nous avons réussi, en tout cas
nous pensons pouvoir réussir, à les apaiser.
Par ailleurs, l'absence de critères à laquelle se
réfère le député de Marguerite-Bourgeoys ne nous
semble pas réelle puisqu'il nous semble que, dans ces quatre lignes de
l'article, il y a un critère.
Le critère, c'est le séjour temporaire. Il nous reste,
évidemment, dans le règlement, à préciser
l'application de ce critère par l'énoncé, par exemple,
d'un certain nombre d'années, deux, trois, quatre, cinq, ou la
répétition, le renouvellement d'un pareil permis, comme cela
existe dans le règlement sur les professions, par exemple.
C'est dans cet esprit que nous avons abordé la rédaction
des règlements. J'espère bien, encore une fois, que, lorsque le
règlement sera déposé en Chambre, l'Opposition officielle
en sera satisfaite.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: II se souvient que, lors de l'une de nos
premières séances, j'avais proposé une motion pour
demander au gouvernement de déposer les règlements avant l'examen
de la loi et, suite à une suggestion du député de
Saint-Jacques, le leader adjoint du gouvernement, j'avais retiré cette
motion, parce que cette suggestion m'apparaissait fort positive, à
savoir que le gouvernement il avait dit dans la mesure du possible, je
pense voit à distribuer aux membres de cette commission les
projets de règlements avant qu'on en arrive aux articles qui en parlent.
Je n'ai pas soulevé cette question avant d'arriver à l'article
81. Maintenant que le ministre nous dit que ces règlements sont presque
prêts, aurait-il objection...
M. Laurin: Ils n'ont pas encore été soumis au
Conseil des ministres.
M. Lalonde: Ils n'ont pas encore été soumis au
Conseil... Aurait-il objection à suspendre, conformément, je
dirais, à l'entente de principe, au moins, entre les membres de cette
commission, appuyée sur la parole du député de
Saint-Jacques, à suspendre l'examen de l'article 81. On sera
sûrement encore ici la semaine prochaine, et on aura le loisir de voir
les règlements. Peut-être que ce sera beaucoup plus facile de nous
convaincre.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.
M. Laurin: J'aimerais bien pouvoir accéder à la
demande du député de Marguerite-Bourgeoys, mais je pense que ce
que j'ai pu dévoiler de la rédaction des règlements dans
mes commentaires devrait lui suffire pour voir dans quel esprit nous avons
rédigé ce règlement et l'essentiel de son contenu. Je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de retarder l'adoption de l'article pour
contenter davantage le député de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Cardinal): Je comprends qu'il n'y a pas
consentement de la commission pour suspendre l'étude et l'adoption de
l'article 81.
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement, s'il vous plaît.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai tenté de le faire gentiment, et je
déplore l'absence temporaire du député de Saint-Jacques,
parce que c'était sur sa suggestion que j'avais retiré ma motion
pour que l'on connaisse les règlements. Je suis convaincu, sans vouloir
faire une interprétation large de l'entente qui était intervenue
à cette commission parlementaire lors de cette réunion, qu'il
s'agit là d'un cas où le gouvernement devrait avoir une ouverture
plus grande, à ma suggestion.
Je ne sais pas comment traiter de cette question. Est-ce que je devrais
ramener ma motion pour dépôt de règlements et retarder les
travaux de cette commission? Est-ce que c'est ce à quoi le gouvernement
m'invite?
M. le Président, je demande au ministre de reconsidérer
cela. Je suis bien sûr que si le député de Saint-Jacques,
étant donné que c'est lui qui a donné, en quelque sorte,
sa parole, dans la mesure du possible... Que les règlements soient
déposés, soient distribués avant l'adoption des articles.
Il me semble que c'est justement quelque chose de fort possible que de
suspendre les articles qui traitent des règlements dont on n'a pas connu
le contenu jusqu'à maintenant. Je veux protester vigoureusement contre
l'attitude hermétique du ministre d'Etat au développement
culturel à ce sujet.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez droit de le faire.
Je ne sais pas si j'accepterai une motion dans ce sens. Sur la question de
règlement, dans l'ordre, M. le député de Bourassa et M. le
député de Rosemont.
M. Laplante: M. le Président, au sujet de
l'interprétation des paroles du député de Saint-Jacques,
il a toujours dit "dans la possibilité que les règlements soient
prêts". Actuellement, il n'y a pas possibilité que les
règlements soient prêts, dans la mesure du possible. Il faut
nuancer aussi.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Très brièvement. C'est dans le
même sens, M. le Président. Le ministre vient de nous dire que les
règlements n'avaient pas encore été adoptés par le
Conseil des ministres. Vous allez reconnaître avec nous l'importance
d'accélérer les travaux de cette commission pour une
rentrée scolaire harmonieuse.
Je pense que ce serait absolument... Il faudrait attendre encore deux
semaines, deux semaines et demie, trois semaines, peut-être plus, pour
avoir ce règlement.
Le ministre a dit qu'il espérait pouvoir nous le déposer
avant l'adoption du projet de loi, mais ce n'est pas certain. Alors, ce n'est
pas un manque d'ouverture, je ne pense pas, et j'aimerais qu'on puisse adopter
assez rapidement cet article.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez,
pour qu'il n'y ait pas de débat sur la question de
règlement, j'ai déjà constaté que deux personnes
veulent encore s'exprimer. Ce seront les deux derniers membres de la commission
qui s'exprimeront.
Mme le député de L'Acadie et M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, et ce sera tout sur la question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: Je suis certaine de ce que le
député de Saint-Jacques nous a dit et c'est ce qui nous a
convaincus à ce moment de retirer notre motion parce que ceci semblait
très raisonnable et on comprenait qu'il pouvait y avoir certains
délais à l'égard des règlements qui devaient
être produits pour certains articles, mais quand j'entends le
député de Rosemont qui nous dit que ce sera peut-être deux
semaines et demie à trois semaines, je pense c'est une
hypothèse que le député de Rosemont travaille
à l'élaboration de certains de ces règlements.
M. Paquette: Absolument pas.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que lorsqu'on nous a dit au
début qu'on nous les déposerait au fur et à mesure des
articles et qu'après dix jours de travail, on nous dit: C'est encore
deux ou trois semaines, à ce moment, je me permets de douter des
intentions du député de Saint-Jacques et du sérieux de
l'invitation qu'il nous a faite et à laquelle on a répondu que,
pour les règlements, nous étions prêts à nous
soumettre à la convention qu'il nous offrait.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, brièvement, s'il vous plaît.
M. Lalonde: Le député de Saint-Jacques et ministre
délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux
loisirs et aux sports est revenu j'en suis fort aise parce que je
me référais justement à une espèce d'entente, ou
à une proposition qu'il avait faite lors de la présentation de ma
motion, pour que les projets de règlement nous soient transmis. Ici,
nous arrivons à un article qui traite justement de règlements
dont nous n'avons pas connaissance.
Le ministre d'Etat au développement culturel nous indique que,
fort possiblement, le texte de ces règlements serait prêt avant
l'adoption de la loi. Je suggérerais donc qu'on suspende l'examen de cet
article, justement parce que le député de Saint-Jacques avait
dit: Dans la mesure du possible, ils vous seront soumis avant qu'on arrive aux
articles qui en parlent. Or, on arrive à un article qui parle de
règlements qu'on n'a pas. Le ministre d'Etat au développement
culturel nous dit: On peut les avoir avant la fin de l'étude, article
par article ou avant l'adoption de la loi, donc, quoi de plus simple pour
concilier la possibilité que ces règlements soient prêts
d'ici une semaine ou dix jours et le critère qui m'avait
été suggéré par le député de
Saint-Jacques que cela soit dans la mesure du possible, que de suspendre
l'examen de cet article, surtout qu'on parle de règlements de
façon très large, sans critères, et qu'il est important
qu'on les connaisse.
Je pense qu'on devrait avoir le consentement unanime du gouvernement,
une attitude beaucoup plus ouverte du gouvernement à ce sujet.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, malgré ce que je viens de dire et à cause
du retour de M. le député de Saint-Jacques, je vais lui permettre
de répondre à la question et moi-même, je reposerai la
question sur le consentement quant à la suspension de l'étude de
l'article.
M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: Voilà un cas où la prudence que j'avais
exprimée aux membres de la commission, avant d'affirmer que tous les
règlements seraient déposés, est utile, puisque j'avais
dit effectivement, comme mes collègues l'ont rappelé, dans la
mesure du possible.
C'est un cas où l'affirmation que vient de faire le ministre
d'Etat au développement culturel à savoir que, possiblement,
mercredi prochain, au Conseil des ministres, ledit règlement serait
adopté, donc il serait déposé avant la fin de
l'étude, article par article. Je crois bien que nous serons encore en
commission à ce moment, ce qui veut dire que je comprends le souci...
Par contre, je m'opposerai à la demande de suspension, parce qu'il est
vraisemblable qu'au cours de cette fin de semaine de travail que nous entamons,
à moins de malheurs qui s'abattraient sur la commission, le chapitre de
la langue d'enseignement sera adopté dans son entier, et un des
principes les plus importants du chapitre de la langue d'enseignement est
effectivement cette souplesse ouverte réclamée par un grand
nombre de Québécois, en particulier la minorité
anglophone, qui sont souvent appelés à recevoir, ici à
cause des raisons économiques que tout le monde connaît, des gens
faisant un séjour temporaire au Québec, et que l'image du travail
de la commission et de l'intention de l'Assemblée nationale sur la
langue d'enseignement serait gravement incomplète si nous laissions en
suspens, parce que nous ne disposons pas des règlements actuellement, ce
principe fondamental qui est inscrit à l'article 81, selon lequel le
gouvernement, se donne, à l'égard d'un certain nombre de citoyens
en séjour temporaire chez nous des exceptions qu'il réglementera
par la suite.
M. le Président, je m'oppose à la demande de suspension
faite par le député parce que je voudrais que toute la langue
d'enseignement soit un chapitre complet.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre me permet une question?
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le ministre
permet?
M. Charron: Oui, je lui permets, M. le Président.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre se rend compte que son
attitude, actuellement, peut m'obliger à représenter une motion
pour que les règlements soient présentés et que cela va
faire perdre le temps à la commission, je ne sais pas pour combien
d'heures?
M. Charron: Je ne suis pas responsable des actions du
député de Marguerite-Bourgeoys, M. le Président.
M. Lalonde: Je l'avais retirée parce que j'avais eu
confiance en votre bonne foi. Mais, l'attitude fermée que vous avez
actuellement me fait changer d'idée.
M. Charron: M. le Président, je n'ai pas de question de
privilège, mais je peux...
Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de question
de privilège.
M. Charron: ... compléter mon intervention en disant que,
quand le député dit qu'il avait eu confiance en ma bonne foi, je
ne le trompe pas non plus.
M. Lalonde: ... de suspension.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charron: J'avais pris sur moi-même les exceptions
prévues et on les a ce matin.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! J'ai permis ce débat pour donner l'occasion tant aux partis
de l'Opposition qu'au parti ministériel de s'expliquer sur ce
problème du dépôt de règlements. S'il veut vraiment
en faire une question du dépôt des règlements
afférents à la loi, si on en fait vraiment une question de
règlements, je me souviens fort bien, et là je pense que tout le
monde sera d'accord, que M. le député de Saint-Jacques avait dit
qu'il souhaitait déposer les règlements il avait
même offert de les déposer vers 20 heures, ce soir où nous
avons ajourné à une autre séance .
M. Charron: Vous errez, M. le Président. Le
Président (M. Cardinal): D'accord! M. Charron: Ce sont les
amendements.
Le Président (M. Cardinal): Les amendements, je m'excuse.
Oui. Enfin, il avait suggéré de déposer les
règlements, mais il avait ajouté "dans la mesure du possible".
J'ai voulu rétablir les faits. Je pense que tout le monde sera d'accord
avec cette décision. Je reviens à l'article 81 et, dans l'ordre,
immédiatement, vous avez M. le député de Saint-Laurent,
qui a demandé la parole, M. le député de Taschereau, M. le
député de Gaspé et M. le député de
Mont-Royal. M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Le ministre, tout
à l'heure, au moment où il s'apprêtait presque à
aborder le fond du sujet...
Le Président (M. Cardinal): Approchez votre micro, s'il
vous plaît!
M. Forget: Le ministre d'Etat a indiqué que, dans la
rédaction des règlements auxquels donne ouverture l'article 81,
il n'avait éprouvé aucune difficulté, aucune des
difficultés en particulier qu'avaient soulevées mon
collègue de Marguerite-Bourgeoys. C'est une affirmation qui est
certainement "the understatement of the year" dans un certain sens, puisqu'il
serait difficile d'imaginer qui pourrait trouver des difficultés
à rédiger des règlements qui se conforment à cet
article. En effet, il n'y a aucune espèce de restriction, et pourvu que
cela parle vaguement de gens qui viennent au Québec pour une raison ou
pour une autre, à un moment dans leur vie et qui pourraient
peut-être s'intéresser au problème de l'éducation de
leurs enfants, le règlement sera ultra vires, tel que prévu par
la loi. C'est donc ne pas dire grand-chose que de dire qu'il n'y a pas eu de
difficultés de rédaction. Le contraire serait plutôt
surprenant.
M. le Président, jusqu'à il y a quelques années, on
avait l'habitude de rédiger, dans les lois du Québec, une
disposition omnibus à la fin qui disait que le Conseil des ministres ou
le lieutenant-gouverneur en conseil pouvait adopter tous les règlements
qui sont nécessaires à la mise en application de la loi. Comme
cela, on n'oubliait rien et on pouvait ramasser tout ce que ceux qui avaient
rédigé la loi avaient oublié en cours de route ou tout ce
à quoi ils pourraient penser sub-séquemment à l'adoption
de la loi sans être obligé de la faire modifier. C'est un style de
réglementation qui a été condamné à juste
titre, non seulement par les organismes tel que le Barreau, mais
également par tous les observateurs de la scène politique,
puisque c'est la façon la plus simple de se déplacer
graduellement vers un gouvernement par décret plutôt qu'un
gouvernement qui gouverne selon les lois. C'est bien la situation devant
laquelle on se trouve maintenant.
On a une possibilité de décréter des conditions qui
peuvent être aussi généreuses ou aussi mesquines que
possible, selon l'inclination et les goûts personnels du ministre du
moment.
Je crois que, si l'on parle d'une charte, si l'on croit que
véritablement ce qu'on adopte maintenant est une charte plutôt que
simplement une simple loi cadre à caractère administratif, alors
il faut être un peu plus ambitieux quant aux objectifs qu'on poursuit et
ne pas se contenter simplement d'une clause omnibus qui permet au gouvernement
de faire ce que bon lui semble au moment où cela lui semble
opportun.
C'est la raison pour laquelle je suis fondamentalement en
désaccord avec un article rédigé de cette façon,
indépendamment de la loi dans laquelle l'article se trouve. Par hasard,
on se trouve dans le projet de loi 101, mais on pourrait se retrouver dans
quelque autre sorte de loi qu'on
veuille bien mentionner et un même article serait pareillement
inacceptable. Mais à plus forte raison, dans une loi qui affecte assez
profondément un tas d'individus et sur un point sur lequel est-il
besoin de le dire ils sont extrêmement sensibles.
Pour donner des exemples de ce qu'on pourrait retrouver dans un article
comme celui-là, et sans nécessairement vouloir faire des
amendements formels, puisqu'il y a des aspects techniques, administratifs,
etc., qui devraient normalement entrer en considération, on peut citer
au moins trois ensembles de restrictions ou de conditions qui devraient se
trouver présentes dans un tel article. En particulier on pourrait
envisager que cette disposition couvre un certain nombre de catégories
professionnelles. On mentionne des personnes ou catégories de personnes,
cependant on pourrait expliciter un peu plus ce qu'on entend par
catégories de personnes, au minimum.
Ce que l'article dans sa formulation actuelle permet au gouvernement de
faire, c'est de faire des distinctions. On dit: II y aura dans le
règlement des catégories de personnes. On ne dit pas ce que les
catégories sont. On annonce d'avance qu'il y en aura. Donc, on fera des
règles permettant d'échapper aux dispositions impératives
de l'article 69, qui seront relâchées dans une certaine mesure,
inconnues et non spécifiées dans la loi, pour une
catégorie de personnes, et qui seront relâchées, dans une
autre mesure, que l'on ne connaît pas davantage, mais de façon
différente, pour une deuxième catégorie et peut-être
une troisième, une quatrième ou une cinquième
catégorie de personnes.
Si l'on a cru bon de spécifier qu'il y aura des
catégories, on doit avoir à l'esprit quelles sont ces
catégories et effectivement, le ministre a mentionné les cadres.
J'imagine qu'il désigne par là les employés de
caractère administratif des entreprises; également il a
mentionné les diplomates en poste au Qébec, c'est-à-dire
les membres du personnel des consulats, les délégations
commerciales, offices de tourisme, etc., qui se retrouvent sur le territoire du
Québec et qui ne sont pas des ressortissants nationaux. Enfin les
employés d'organismes internationaux, je crois que nous en avons un ou
deux qui sont particulièrement importants à Montréal,
c'est-à-dire l'OACI et l'IATA.
Il peut y avoir de telles catégories. Il peut également y
en avoir d'autres, je pense en particulier au personnel technique et
scientifique qui se trouve temporairement, qui n'occupe pas
nécessairement des postes de cadre et qui se trouve temporairement
à occuper des fonctions quelque part au Québec, etc. Je crois
qu'il y a une énumération qui est nécessaire, mais encore
faut-il savoir si, effectivement, l'intention du législateur est de
couvrir toutes et chacune des ces catégories ou si le décret qui
sera éventuellement publié n'en couvrira que quelques-unes,
puisque la réponse que le ministre prétend apporter aujourd'hui
par un tel article n'est pas une réponse tant et aussi longtemps que le
décret ne viendra pas le préciser.
Un deuxième ensemble de considérations qu'on pourrait
retrouver, ce sont des considérations relatives à la durée
et au caractère renouvelable ou non de cette espèce d'exemption
qui est envisagée dans l'article 81. Le ministre a dit: On s'interroge
pour savoir si cela devrait être un an, deux ans, trois ans ou quatre
ans. Il a fait un parallèle instructif entre le délai auquel il
pensait pour cet article et les délais qui sont inscrits au Code des
professions. L'on sait quels sont ces délais. Ils sont uniformes.
Enfin, il faut tout de suite se souvenir que, dans le cas du personnel
de certaines organisations internationales qui sont en poste au Québec,
on se trouve en face de situations assez curieuses, puisqu'il est reconnu que
ces organismes et leurs personnels non nationaux jouissent d'une certaine forme
d'extraterritorialité. Effectivement, on connaît, je pense, plus
ou moins tous des membres, par exemple, du personnel de l'OACI qui, tout en
étant des ressortissants étrangers, en conservant leur
nationalité étrangère, en étant à l'emploi
d'un organisme international, ont séjourné ici près de
vingt ans, ont élevé une famille effectivement au Québec,
et on peut se demander jusqu'à quel point les dérogations
qu'envisage le ministre dans son décret pourraient faire place à
des délais aussi longs. Enfin, c'est certainement une question que ces
gens se posent et c'est certainement une question qui a un certain
intérêt.
Enfin, parmi d'autres catégories ou un autre ensemble de
considérations qu'on pourrait retrouver présentes, il y en a qui
portent sur le motif ou le type d'entreprise. C'est ici peut-être que les
questions les plus intéressantes se posent. En effet, il y a des
distinctions imaginables et le décret nous révélera
probablement entre des raisons différentes pour que des personnels
appartenant à une classification professionnelle
déterminée soient présents ou non au Québec. Je
pense en particulier je l'ai indiqué tout à l'heure
au personnel scientifique, qui est à la fois une catégorie
professionnelle et aussi une raison d'être pour leur présence au
Québec, mais lorsqu'il s'agit de cadres, par exemple, de types
d'occupations ou de professions qui ne sont pas très spécifiques,
on peut se demander jusqu'à quel point le règlement voudra faire
des distinctions selon les entreprises, selon l'activité des
entreprises. Est-ce que le ministre d'Etat a à l'esprit de distinguer
entre les sièges sociaux de certaines entreprises pour les cadres et des
cadres qui ne seraient pas membres de sièges sociaux?
Il est clair que les implications de l'une et l'autre option ne sont pas
les mêmes, puisque s'il veut faire une distinction formelle entre les
sièges sociaux et les autres types d'entreprises, les règlements
devront comporter des définitions assez rigoureuses de ce qui constitue,
aux yeux du gouvernement, un siège social d'envergure nationale, etc.,
et on s'embarque, comme on le voit, dans une discussion extrêmement
longue et difficile, mais aussi extrêmement importante.
M. le Président, j'ai fait tous ces développements pour
montrer que, lorsque l'on dit que ce
texte est vague, ce n'est pas simplement un reproche théorique
que l'on fait, mais c'est qu'on a à l'esprit des notions très
précises qui devaient se retrouver dans la loi de manière
à nous donner les garanties que tout le monde y recherche.
Sur le fond même des exonérations, il est peut-être
à peine besoin de mentionner, puisque le gouvernement l'a inscrit dans
la loi, combien sont importantes, pour l'ensemble des Québécois
et non pas seulement pour les anglophones ou pour les
bénéficiaires immédiats, des dispositions de ce type.
Les Québécois francophones sont aussi des
Nord-Américains et ils veulent, peut-être pas tous, mais certains
d'entre eux veulent avoir accès, soit sur le plan professionnel, soit
sur le plan scientifique, soit sur le plan économique, à
l'univers nord-américain qui les entoure. La présence, au
Québec, d'un certain nombre d'organismes, qu'il s'agisse de
sièges sociaux d'entreprises, qu'il s'agisse de certains petits
organismes de recherche scientifique, de bureaux d'étude, a
été, pour les Québécois francophones, et ceci en
nombre de plus en plus considérable, une fenêtre ouverte sur le
reste de l'Amérique du Nord et une fenêtre ouverte chez eux.
Il ne fait pas de doute dans mon esprit que ceux qui se sont
intéressés à ces domaines, s'ils ne trouvent pas chez eux
les possibilités de s'insérer dans ces circuits de connaissances,
dans les circuits économiques ou autres, iront les chercher à
l'extérieur du Québec et pousseront peut-être des racines
sous ces autres cieux, de sorte que l'absence d'une telle disposition
constituerait, non pas seulement une perte pour ces individus, mais une perte
permanente et définitive pour le Québec.
Nous avons donc tous un intérêt très grand,
même si nous n'avons pas l'intention de nous en prévaloir
nous-mêmes, bien évidemment, nous avons tous un très grand
intérêt à ce que ces fenêtres soient ouvertes le plus
largement possible et, ceci en fonction de favoriser le maintien et même
le développement de ces activités chez nous, qui donnent au
Québec une occasion, un avantage comparatif extraordinaire,
c'est-à-dire la possibilité de participer à deux
civilisations, la civilisation du monde francophone et celle du monde
anglophone et du monde nord-américain qui l'entoure.
C'est donc avec énormément d'insistance que je plaide
auprès du ministre pour que, lorsqu'il en viendra à
rédiger et à adopter de façon définitive ce
décret et il nous dit que c'est pour bientôt il le
fasse avec le souci d'assurer que les portes soient ouvertes le plus largement
possible.
En effet, il s'agit de quelques centaines d'individus, tout au plus,
donc sur le plan de l'équilibre démographique ou autre, cela n'a
aucune espèce d'importance, quelles que soient les conclusions, quels
que soient les chiffres auxquels on veut se référer, cela n'a
aucune espèce de conséquence sur ce plan. Mais, cela a une
conséquence énorme sur le plan de l'ouverture du Québec au
monde nord-américain qui l'entoure et même au monde entier,
puisque souvent ce monde entier véhicule la langue anglaise pour
s'exprimer et communi- quer avec les autres. Je pense que la rédaction
de ce règlement est un symbole de la volonté d'ouverture que
prétend avoir le ministre d'Etat et que je souhaite personnellement
qu'il ait le plus fortement et le plus sincèrement possible.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, comme nous avançons
dans ce chapitre de la langue d'enseignement, je crois qu'on est en état
de mesurer toute la valeur non seulement de la langue française mais de
toutes les langues, quelles qu'elles soient, puisqu'elles nous permettent
d'avoir une très grande ouverture sur le monde qui nous entoure. Cet
article 81, tel que rédigé, va dissiper, je crois, beaucoup de
craintes, si on se souvient des différents témoins qui ont
circulé lors de l'audition de mémoires.
On se posait des questions, à ce moment-là, non seulement
pour les anglophones, mais pour des ouvriers, des spécialistes. On
s'éloignait même de l'idée des cadres, afin que la venue au
Québec de ces personnes, pour un temps limité, temporaire, puisse
leur enlever justement cette crainte. Je crois que l'article 81 nous prouve que
le ministre, dans un souci de flexibilité, va permettre à ces
enfants, qui vont séjourner temporairement au Québec, non
seulement d'avoir l'accès à l'école anglaise, mais je
crois aussi que ces personnes vont profiter de leur séjour chez nous
pour, peut-être, ouvrir leurs portes à l'apprentissage de la
langue française.
Quand on sait que, très souvent, ces spécialistes ou ces
employés de nationales ou de multinationales sont appelés
à voyager ailleurs dans le monde entier, il ne serait pas superflu de
croire que l'apprentissage du français, si c'est leur première
visite ici, au Québec, va peut-être leur permettre de continuer
ailleurs dans le monde, là où ils auront l'occasion de
séjourner, de poursuivre l'étude de cette langue. Alors, j'y vois
de multiples avantages, et, comme le député de Saint-Laurent
vient de le mentionner, le nombre en sera tout de même assez
réduit, mais le fait, pour le ministère, d'ouvrir cette porte,
cela nous indique que le Québec ne se privera pas de
spécialistes, qu'une fois cette crainte dissipée, on viendra chez
nous en toute confiance, que ce soit dans les sièges sociaux, dans les
multinationales ou encore pour d'autres spécialistes, ou encore des
employés qui viendront ici pour quelques années. A ce
moment-là, ils n'auront pas la crainte de se voir fermer les portes des
écoles.
On réalise aussi qu'avec l'article 81, le Québec manifeste
certainement une ouverture sur le monde, et on sait qu'on a été
taxé, ou le gouvernement a été taxé, d'être
fermé à la langue anglaise; c'est un épouvantail qu'il
faudrait dissiper. Je ne doute pas des bonnes intentions du gouvernement dans
ce domaine, et surtout quand on voit que la portée de l'article 81, avec
l'amendement qui suivra ou l'article 81a nous en parlerons à ce
moment-là ouvre non seulement les portes aux personnes des autres
provinces canadien-
nés c'était déjà notre
préoccupation lors de l'étude de l'article 69 mais, plus
on avance nous sommes presque à la conclusion de l'étude
de ce chapitre plus on se rend compte, avec les explications qu'on nous
donne, qu'il ne manque tout de même pas grand-chose pour rendre la Charte
de la langue française, quant au chapitre spécifique de
l'enseignement, dont l'étude est assez avancée
déjà, pour revenir à ce que nous avons
suggéré au début, pour y voir la possibilité d'un
véritable projet collectif. Nous l'avons dit; nous sommes pour
l'étude de la langue française, pour une meilleure qualité
de la langue française. On en a discuté à l'article 80, et
il n'y a pas de doute qu'il faut commencer chez nous, dans nos propres
écoles.
Si on a cette fierté, cette noblesse, ce désir de bien
apprendre notre langue au départ, je crois que le jour où on
pourra convaincre, par exemple, les Canadiens français d'étudier
l'anglais, l'espagnol ou une autre langue, ils en comprendront mieux
l'utilité. Si nos Canadiens français abondent dans ce sens, nos
anglophones... On l'a mentionné hier, on semble noter des
progrès. C'est très encourageant de voir que de plus en plus les
anglophones s'intéressent à l'étude de la langue
française, à cette culture française. Le jour où
ils auront pris un véritable goût pour la culture
française, ils en viendront, automatiquement, à apprendre la
langue. Je crois que cet article 81, en tenant compte de toutes les
catégories de personnes, de celles qui viendront s'ajouter ici, de
façon temporaire, puisque c'est le but de l'article, je crois
qu'à ce moment les craintes c'est ce qui est important
étant dissipées, ceci contribuera à créer un
meilleur climat. Personnellement, dans ma région, où ces
problèmes ne se posent pas, nos anglophones, pris de panique, commencent
tout de même à être rassurés, à être
moins craintifs. Quand on peut leur expliquer les dispositions du projet de la
charte, je crois que cela aide beaucoup, surtout dans les régions
éloignées. Je limite là mon intervention puisque nous
aurons l'occasion, surtout avec l'article 81a, d'approfondir davantage
l'article que nous avons en ce moment.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Gaspé. M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
discuter de l'expression "façon temporaire", les mots "séjournant
de façon temporaire", qui sont inclus dans l'article 81.
Plusieurs mémoires soumis à la commission parlementaire
lorsque nous avons étudié le projet de loi no 1, du point de vue
et des francophones et des anglophones ce n'était pas
limité seulement, à un groupe linguistique plusieurs
mémoires de groupes d'hommes d'affaires se sont opposés à
cette notion de faire des exceptions pour des raisons temporaires, et ils ont
expliqué pourquoi.
En théorie, on peut dire qu'il est vrai que des gens viennent ici
pour remplir certains postes clés, certains emplois, que ce soient des
profes- sions, que ce soit dans le domaine scientifique, de la recherche, etc.
Mais, au point de vue pratique, ces organismes nous ont souligné que ce
n'était pas leur façon de procéder. Quand une personne
recevait un transfert d'une industrie à une autre ou d'une compagnie
à une autre, pour venir au Canada, dans son esprit, il lui fallait
déménager sa famille, faire un déplacement. Il y avait
toujours la question que ce ne serait peut-être pas temporaire et que si
on imposait cette notion de "temporaire", cela découragerait les gens,
et dans la plupart des cas, cela rendrait difficile, sinon impossible,
d'effectuer les transferts nécessaires.
Il me semble que le gouvernement n'a pas compris les
représentations que le monde des affaires nous a apportées au
sujet du séjour temporaire. Dans le domaine pratique, ce n'est pas de
cette façon que se prennent les décisions. Je vois qu'on a
gardé cette notion de "façon temporaire" et cela ne répond
pas du tout aux demandes, aux préoccupations de ces industries. C'est
malheureux, je ne ferai pas d'amendement, parce que, encore une fois, cela
dépend des principes que nous acceptons au départ. Il semble que
la façon dont laquelle nous abordons le projet de loi ici, ce n'est pas
tout à fait selon les mêmes principes au sujet de l'article 81 que
du côté ministériel.
M. le Président, hier, une motion d'urgence a été
adoptée pour discuter du chômage. Un article comme l'article 81 va
affecter directement l'emploi. Si une compagnie a un poste clé, pour une
raison ou pour une autre cela n'a rien à faire avec le fait de ne pas
donner cet emploi à quelqu'un au Québec, c'est parce que, pour
plusieurs raisons qui ont très bien été expliquées,
c'est nécessaire de chercher cette expertise et de la chercher en dehors
du Québec, et souvent même hors du Canada, c'est la façon
d'oeuvrer de ces compagnies.
Chaque fois que nous avons un poste clé, il faut que le
gouvernement réalise que cet emploi va créer d'autres emplois et
les bénéficiaires des autres emplois ne seront pas les gens en
dehors du Québec, ce seront les citoyens du Québec, ce seront
dans la plupart des cas, des francophones. Si le poste clé est perdu,
tous les autres emplois sont perdus, mais si le poste cadre demeure, si
l'emploi demeure, non seulement les autres emplois vont demeurer, mais tous les
francophones pourront y accéder éventuellement, même
à ce poste qui, pour le moment est rempli par un autre.
C'est une façon de penser qu'on semble écarter, que le
gouvernement ne semble pas prendre en considération. Les notions
pratiques, les effets pratiques de la portée de cet article. On ne peut
pas dire naturellement, c'est seulement cet article ou un autre, mais c'est
tout l'ensemble de l'approche qui résulte en l'effet que cela cause des
problèmes de chômage, cela cause des problèmes d'emploi au
Québec.
L'autre aspect, M. le Président, c'est qu'on n'établit pas
de principe dans l'article 81. Il n'y a pas de principe d'établi. On dit
que le gouvernement peut faire des règlements pour des personnes qui
séjournent ici de façon temporaire. Sur quelle base? Chaque
exception que le gouvernement veut faire à un principe établi,
par exemple,
les principes de l'article 69 ou autre; il faut qu'il ait un point
d'appui, un principe sur lequel quelqu'un peut se baser pour se
prévaloir de la loi. Tel que rédigé, M. le
Président, l'article 81, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut
tout dire et cela ne veut rien dire. Ce n'est pas la façon dont on doit
rédiger une loi.
M. le Président, pourrais-je proposer la suspension?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
comme M. le Président Cardinal l'a déjà dit, c'est
d'office, c'est automatique. Je suspends jusqu'à 15 heures les travaux
de cette commission.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
Reprise de la séance à 15 h 6
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs!
Le quorum étant déjà constaté, même
s'il n'a pas besoin d'être constaté, puisqu'en vertu de l'article
145, il peut être présumé, nous allons immédiatement
commencer la suite de cette séance qui sera ajournée à 20
heures ce soir.
Je n'ai pas besoin de rappeler les membres de la commission.
Au moment de la suspension, M. le député de Mont-Royal
s'exprimait sur l'article 81. M. le député de Mont-Royal, il vous
reste treize minutes.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Votre micro, s'il vous
plaît.
M. Ciaccia: Merci. M. le Président. Je notais et je
faisais remarquer aux membres de la commission que la notion des six jours
temporaires avait suscité des problèmes aux représentants
des hommes d'affaires de la communauté des affaires du Québec,
tant anglophone que francophone. Ils ont suggéré au ministre
d'Etat au développement culturel de trouver un autre moyen de donner ce
droit, faire cette exception, même si c'est par l'entremise du
règlement, pour que cela réponde aux préoccupations de
ceux qui seront transférés ici par les différentes
compagnies faisant affaires au Québec.
J'ai aussi souligné l'obligation pour le gouvernement de faire
tout son possible, en tenant compte des principes du projet de loi, mais de le
faire de telle façon que, tout en sauvegardant ses principes, cela ne
cause pas d'ennuis, de difficultés qui augmentent les problèmes
des hommes d'affaires et le taux de chômage, résultant directement
de l'application d'un article comme l'article 81 qui ne contient pas, à
mon avis, de principe. On y dit seulement que le gouvernement peut faire des
règlements; on ne précise pas pour qui; il ne précise pas
même pourquoi. Quand on dit "le séjour de façon
temporaire", ce n'est même pas spécifié que cela concerne
ceux qui viennent travailler au Québec. Cela peut être pour une
variété d'autres raisons.
Je crois qu'on aura besoin de cette assurance du gouvernement. Qu'il
établisse certains principes à l'article 81.
Je voudrais faire remarquer au gouvernement qu'il peut y avoir deux
catégories de personnes qui viennent au Québec, de
l'extérieur du Québec.
Il y a celles qui viennent parce qu'elles sont transférées
par les compagnies pour prendre des postes dans des domaines où la
demande d'une certaine expérience exige leur présence. Il y a un
autre groupe, celles qui je ne veux pas appeler immigrants des gens qui
viennent de l'extérieur du Québec; immigrants ce serait ceux qui
viennent de l'extérieur du pays mais il y a une certaine
mobilité qui n'est pas directement rattachée au domaine des
affaires. Alors il me semble qu'on devrait faire une distinction dans le
principe de l'article 81 entre ces deux catégories de personnes. Je
comprends les principes de l'article 69, et la première
catégorie de gens qui ne sont pas spécifiquement
transférés pour des raisons d'expérience ne va pas
vraiment à l'encontre de l'article 69. La raison pour laquelle le
gouvernement a pris l'option Québec plutôt que l'option Canada...
On n'est pas d'accord, mais même si on admet ce principe... La
façon dont on peut traiter ces gens est spécifiée dans
l'article 69. On n'a pas besoin de l'article 81 et dans l'article 81, nous
devrions être plus libéraux, plus... Libéral, dans tous les
sens.
M. Grenier: Dans le bon sens.
M. Ciaccia: Dans le bon sens. Il n'y a qu'un sens. C'est le
bon.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je n'en doute point. Continuez.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vois que vous
comprenez. Etablir ce principe, parce que la deuxième catégorie,
c'est-à-dire ceux qui sont transférés ici pour des raisons
spécifiques, on ne peut pas dire qu'ils vont causer des problèmes
démographiques. On a déjà posé assez de
restrictions à l'accès aux écoles anglaises, sans
être préoccupé par certains sièges sociaux,
certaines personnes d'expérience dans le domaine scientifique ou dans le
domaine professionnel. Il me semble qu'on aurait pu ouvrir la porte un peu.
Etre plus accueillant, aider les entreprises, l'économie. Parce qu'on
n'aide pas seulement les individus. L'individu, s'il voit un article comme
celui-là et sait que c'est une question de temps dira: pourquoi me
déplacer, déplacer ma famille, mes enfants? Je ne viendrai
pas.
Alors, si la position est perdue, si l'emploi est perdu, ce n'est pas
lui qui perd, c'est l'économie en général, et je trouve,
M. le Président, qu'on a déjà assez de principes et de
restrictions d'établis dans le projet de loi sans en ajouter d'autres
inutilement. Naturellement, on peut commencer sur la base de deux
différents principes. Un principe serait que nous avons deux
réseaux d'enseignement ici, deux cultures, et il y a certains avantages
à en tirer. On peut prendre l'autre principe, à savoir qu'on veut
restreindre, réduire, ne pas s'occuper, réduire autant que
possible l'une des cultures, la culture minoritaire. Or, il me semble, M. le
Président, que le principe de vouloir prendre avantage des deux
réseaux d'enseignement, une fois que les principes de l'article 69, une
fois que les principes fondamentaux des articles 1 à 6 ont
été acceptés nous les avons acceptés, les
principes fondamentaux, dans le premier chapitre je crois qu'on devrait
accepter l'approche, à savoir profiter des réseaux d'enseignement
qui font de Montréal, par exemple, une ville internationale, qui lui
donnent cette ouverture au monde, qui lui donnent la possibilité
d'attirer des entreprises, des personnes, des dirigeants, des emplois qui,
normalement, ne viendraient pas ici.
M. le Président, il y a de la concurrence. Il y a concurrence
terrible pour les sièges sociaux entre les différentes villes du
Canada et même entre les villes du secteur de l'Est des Etats-Unis. Tout
ce que nous faisons pour rendre la vie plus difficile à ces entreprises
n'irait pas dans les intérêts des Québécois. Je ne
crois pas, M. le Président, que ce soit une critique de la
majorité francophone au Québec que de suggérer qu'on
puisse profiter d'une économie qui profiterait de tous les talents de 22
millions ou de 300 millions de personnes sur le continent
nord-américain, plutôt que de se restreindre seulement à
une économie de cinq ou six millions, tout en acceptant les principes de
la promotion de la langue française et en acceptant les autres principes
de la charte.
M. le Président, pour ces raisons, je crois que le gouvernement
devrait au moins nous faire part des règlements, mais, encore plus
important que ça... Parce qu'il y a trop de règlements.
Gouverner seulement par règlement, sans savoir sur quel principe
ils sont basés, ce n'est pas une façon légitime de
gouverner. Non seulement ce gouvernement-ci, mais d'autres se sont fait
critiquer parce qu'ils énonçaient des principes de
règlements sans donner le principe de la loi, sans donner les conditions
dans lesquelles ces règlements devaient être
promulgués.
Pour ces raisons, je recommanderais fortement au gouvernement de
s'attaquer, premièrement à la question de savoir ce qu'il veut
dire par les mots "de façon temporaire", d'enlever cette notion de
temporaire et d'énoncer, à l'article 81, certains principes
fondamentaux selon lesquels il accordera les exemptions visées par cet
article.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier le
député de Gaspé de l'appui qu'il accorde à
l'article tel qu'énoncé et surtout des raisons pour lesquelles il
a fait valoir son appui. Il a reconnu que son gouvernement a
écouté les divers groupes qui se sont présentés en
commission parlementaire. Il a reconnu la validité des raisons qu'ils
apportaient à l'appui de leurs demandes. Il a reconnu que le
gouvernement avait fait montre de souplesse et de réalisme, en
l'occurrence.
C'est exactement d'ailleurs, comme je l'avais dit au début, le
but de cet article, de montrer que le gouvernement reconnaît les demandes
légitimes lorsqu'elles lui sont présentées.
Quant au député de Mont-Royal, on sent très bien
qu'il serait d'accord avec l'article si l'article stipulait les conditions
auxquelles certaines personnes ou catégories de personnes
séjourneraient de façon permanente au Québec.
J'ai bien écouté ses raisons, mais c'est là aller
complètement à l'encontre de l'esprit aussi bien que de la lettre
de l'article puisque le critère dont on parle tant est
précisément situé à cet endroit de l'article, que
le critère principal, pour ne pas dire
unique, est le critère de la durée. Donc, accepter ses
vues serait accepter de renoncer à l'article, ce serait accepter, en
somme, de le biffer, ce que nous ne sommes pas prêts à le
faire.
J'ai été également très
intéressé par l'intervention du député de
Saint-Laurent. Je reconnais avec lui qu'il est opportun pour le
législateur de limiter au maximum le nombre et l'étendue des
règlements auxquels peuvent donner ouverture les articles d'une loi.
J'ai lu, comme lui, toutes les protestations, représentations qui
ont été faites à l'endroit des gouvernements successifs
par un grand nombre d'associations et, en particulier, par le Barreau du
Québec. Je pense que je souscris avec lui aux intentions malheureusement
pas toujours suivies d'actes, des gouvernements précédents,
à l'effet de limiter au maximum le pouvoir réglementaire du
gouvernement. Je pense en effet qu'il est toujours plus intéressant de
voir inscrite en clair dans une loi l'intention du législateur, que de
voir ensuite des règlements venir surprendre, sinon ta bonne foi, du
moins l'attente de la population. Je crois d'ailleurs qu'il aurait eu
intérêt, lorsqu'il était ministre des Affaires sociales
à s'appliquer cette recommandation, car s'il est un ministère qui
a abusé, au cours des dernières années du pouvoir
réglementaire, c'est bien le ministère des Affaires sociales,
puisqu'on ne connaît guère de ministère où il y a
autant de lois qui ont donné ouverture à des règlements.
Je souscris à la rectitude de cette orientation et je veux le rassurer
que nous y avons constamment songé dans l'élaboration et la
rédaction de ce projet de loi.
En effet, comme il le sait et comme il le reconnaît
sûrement, ce projet de loi couvre énormément de terrain, il
s'intéresse à un très grand nombre de secteurs, de
sphères de la vie collective et il était prévisible, si on
en croit les exemples antérieurs, qu'il aurait pu donner ouverture a un
très grand nombre de règlements. D'ailleurs la loi 22 donnait
ouverture à un très grand nombre de règlements.
Règlements dont l'élaboration a été tardive, dont
l'élaboration a été ardue et à un point tel, M. le
Président, que certains de ces règlements ont été
déposés près de deux ans après l'adoption de la loi
22. Il y a même certains règlements que prévoyaient
certains articles qui n'ont jamais pu être élaborés, qui
n'ont jamais été déposés à
l'Assemblée nationale. Je pense par exemple aux articles 14 et 57
où on prévoyait des règlements sur lesquels on
était encore en train de travailler au mois de novembre.
Nous avons donc essayé de donner le moins possible d'ouverture au
règlement, d'une part, et, deuxièmement, de préparer, de
rédiger les règlements en même temps que la loi dans toute
la mesure du possible, et je pense que nous y sommes quand même
passablement parvenus puisqu'il ne reste que deux ou trois règlements
à rédiger pour rendre encore plus clairs, explicites les divers
articles de la loi.
Donc, en ce sens, je pense que le gouvernement a pris ses
responsabilités, qu'il a fait son devoir, mais qu'il devenait quand
même impossible de rédiger une loi d'une telle ampleur sans, en
même temps, laisser ouverture dans quelques articles à certains
règlements, même si nous avons tenté de les limiter dans
toute la mesure du possible.
Quant au contenu de l'article lui-même, M. le Président, je
continue à croire que le critère, que le principe, dont quelques
membres de l'Opposition officielle ont parlé, y est véritablement
inscrit. Ce critère, ce principe, c'est la durée limitée
d'un séjour au Québec pour des raisons précises que le
règlement déterminera, mais que j'ai quand même
dévoilées en partie dans ma présentation de l'article, par
exemple, lorsque j'ai mentionné qu'il pouvait s'appliquer aux
diplomates, aux membres des organisations internationales, à des
travailleurs spécialisés, à des professionnels qui, en
raison des intérêts légitimes de certaines entreprises,
pouvaient être appelés à venir travailler au Québec.
Je pense que c'est là l'essentiel des catégories de personnes que
nous visons.
Quant à l'application du critère lui-même, j'ai dit
que nous étions en train de considérer les avantages et
désavantages réciproques de tel ou tel chiffre, ou encore d'un
renouvellement pour une période donnée. Notre réflexion se
continue, nous procédons encore à quelques dernières
consultations et, comme je l'ai déjà dit, j'espère bien
pouvoir présenter, dès la semaine prochaine, le texte final du
règlement au Conseil des ministres.
Je sais, évidemment, que ce règlement ne couvrira pas
toutes les catégories de personnes auxquelles pense l'Opposition
officielle, cela est bien possible. Je sais aussi qu'il ne couvrira pas ces
catégories de personnes dont quelques-uns ont parlé et qui
exigent un transfert permanent, par exemple, dans les sièges sociaux.
Dans ce dernier cas, nous pensons que, si quelqu'un vient s'installer d'une
façon permanente à un siège social, il y aurait
intérêt pour lui, et je l'ai déjà dit, à
profiter des avantages que donne une école française, qui
pourrait enseigner à ses enfants une langue qui est une des plus grandes
langues de la civilisation mondiale, pendant que le milieu familial et tout
l'entourage peuvent quand même contribuera permettre, non seulement le
maintien, mais le développement de sa culture d'origine et de sa langue
d'origine.
Je ne sache pas, M. le Président, que ces professionnels ou ces
travailleurs qui viendraient au Québec souffriraient davantage de leur
séjour plus ou moins long dans notre pays, qu'ils ne seraient
appelés à souffrir d'un séjour similaire dans n'importe
quel pays normal au monde, que ce soit la France, l'Italie, l'Allemagne,
où l'habitude est d'envoyer ses enfants à l'école
nationale, à l'école du pays, pour le plus grand
bénéfice, d'ailleurs, des enfants de ces professionnels qui
peuvent ainsi connaître une autre langue et s'acclimater à une
autre culture.
Ce n'est pas un cataclysme pour personne que de profiter des bienfaits
de l'école française au Québec. Je pense que, lorsque les
anglophones du Québec, aussi bien que du reste du Canada, auront compris
cet avantage, renonçant peut-être pour cela à certaines
idées reçues, à cer-
taines habitudes, ils y verront un avantage au lieu d'y voir un
inconvénient.
Je crois donc que l'article, tel que rédigé, répond
exactement aux exigences du gouvernement aussi bien qu'aux exigences que
peuvent faire valoir les entreprises ou certaines catégories de
personnes, et, en l'occurrence, je ne vois aucune nécessité pour
le rejeter ou pour l'amender.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, toujours sur l'article 81.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Tous se
souviendront que le ministre, avant le dépôt du projet de loi no 1
ou au moment de ce dépôt, avait annoncé qu'il
déposerait les règlements je pense même que
c'était après le livre blanc en même temps que le
projet de loi no 1. Ceci n'a pu être réalisé. Je comprends
que !e ministre ait pu être soumis à certaines contraintes et je
l'accepte.
Par contre, quand nous sommes arrivés en commission parlementaire
et je ne relaterai pas les faits. Cela a été fait par les
collègues qui m'ont précédée...
Néanmoins, au chapitre de la langue d'enseignement, il n'y avait
que deux séries de règlements prévus, une à
l'article 77 et l'autre à l'article 81. Dans le cas de l'article 77 et
des règlements qui devaient l'accompagner, on a déposé des
règlements mais qui étaient une version corrigée de la
première version que le ministre de l'Education avait déjà
déposée depuis un certain temps. Je pense que la motivation qui a
permis que ces règlements soient prêts à temps était
simplement le fait qu'il faut voir à la rentrée scolaire. C'est
malheureux qu'il n'y ait pas eu les mêmes motivations pour les autres
règlements, peut-être qu'on les aurait eus.
Ceci est d'autant plus surprenant qu'on ne les ait pas aujourd'hui, que
le ministre d'Etat au développement culturel, dans une intervention
qu'il a faite ce matin, réassure le député de
Marguerite-Bourgeoys et lui dit: Ne vous inquiétez pas, je pense que
nous avons pris soin de toutes ces appréhensions dont vous parlez. Ceci,
je pense, explique difficilement qu'il ne soit pas prêt à les
déposer aujourd'hui.
Le ministre a également reproché, non ce n'est pas exact,
le ministre a rappelé que, quant à la loi 22, les
règlements qui devaient l'accompagner n'ont pas tous été
déposés avec rapidité. Je pense que ce point particulier a
déjà été discuté ici à cette
commission et, si je le rappelle, c'est qu'il peut y avoir ici d'autres
personnes qui resteraient avec l'impression que c'était là de la
négligence.
Néanmoins, au cours de cette discussion antérieure que
nous avions eue, le ministre d'Etat au développement culturel, je crois,
avait reconnu que, quant à l'élaboration de certains
règlements, particulièrement touchant la francisation des
entreprises et d'autres secteurs, le gouvernement antérieur partait du
néant dans ce domaine, alors que celui-ci, je pense il le
reconnaît, je crois profite de l'expérience et des
nombreuses études qui ont été faites
particulièrement par la Régie de la langue française
touchant l'élaboration de ces règlements.
Le ministre félicite le député de Gaspé,
c'est certainement à bon droit, mais en disant: Vous voyez comme on a
bien écouté en commission parlementaire; on a pris soin de se
rendre aux représentations qui nous ont été faites lors
des auditions. Quand vous regardez le projet de loi 1 c'est l'article 58
qui traite de ce sujet et que vous regardez le projet de loi 101
où le même sujet est traité à l'article 81, si ce
n'est que pour une formulation différente quant à la façon
dont les règlements vont être élaborés, je pense que
c'est absolument le même article à savoir que certaines personnes
seront soustraites à l'application du chapitre de l'enseignement si
elles ne doivent séjourner ici que pour un temps temporaire.
Cela nous donne un exemple de la façon dont le gouvernement a
bien écouté les nombreuses modifications qu'il prétend
avoir apportées au projet de loi 101. Je pense que c'est un bon exemple
de la compréhension au gouvernement.
Je voudrais simplement suggérer au ministre d'Etat au
développement culturel qui a mentionné certaines
catégories qui seront soustraites à l'application de la loi et la
plupart, évidemment, se rapportent à des familles qui viennent
temporairement travailler au Québec, que ce soit des diplomates, des
cadres, des ouvriers, des techniciens spécialisés et autres. Je
voudrais faire une suggestion au ministre d'Etat au développement
culturel avant que toutes ces catégories ne soient absolument
arrêtées. Il devrait songer à laisser une porte ouverte
à des enfants qui, pour une raison familiale ou autre, peuvent
être appelés, pour un temps temporaire aussi, à venir
habiter au Québec. Ce sont des situations qui se produisent et je me
demande s'il n'y aurait pas moyen d'examiner cette avenue également.
M. le Président, la dernière remarque que je voudrais
faire, c'est un peu l'étonnement de voir qu'à l'article 81, sans
doute le gouvernement peut faire des règlements, mais on se souviendra
que lors de la discussion des mesures que l'on voulait prévoir pour les
enfants handicapés, le gouvernement s'est entêté pendant
longtemps à dire "peut prévoir des règlements". Pour ma
part, j'aurais préféré une obligation plus grande que
simplement ce pouvoir et y retrouver une obligation. Ce sont les remarques que
je voulais faire à ce moment-ci du débat.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Les principales remarques des opinants,
jusqu'à maintenant, sur l'article 81 ont surtout porté sur la
substance de l'article, mais je voudrais simplement mentionner le point qui
vient d'être soulevé par le député de L'Acadie. On
se souvient qu'en ce qui concerne les droits de l'enfance handicapée, la
première proposition du gouvernement, comme amendement à
l'article 77, utilisait justement le mot "peut", n'engageait en aucune
façon le gouvernement à le faire. Ce n'est
qu'après plusieurs heures de lente persuasion que nous avons pu
convaincre le gouvernement, grâce à la bonne volonté des
membres de cette commission, surtout du côté ministériel,
de créer un droit et de l'inscrire dans la loi et non pas simplement
créer pour le gouvernement un droit de faire quelque chose. C'est pour
cette raison que je crois que cet article est insuffisant. On dit: "Le
gouvernement peut faire des règlements", non seulement on dit: "le
gouvernement peut faire des règlements", mais si vous allez plus loin,
vous allez voir qu'on a une autre faille, une autre brèche très
large, quand on dit à quelles conditions, certaines personnes ou
catégories de personnes séjournant de façon temporaire au
Québec ou leurs enfants peuvent être soustraits à
l'application du présent chapitre.
On n'a que des pouvoirs, M. le Président, et on n'a pas de
devoirs de la part du gouvernement à l'égard de ces personnes que
l'on veut soustraire à l'application du chapitre sur la langue de
l'enseignement.
Si les arguments des citoyens, des Québécois qui sont
venus devant nous à la commission parlementaire pour étudier le
projet de loi no 1, si ces arguments sont valables au point que le gouvernement
les a acceptés dans son projet de loi no 1 et, d'une façon
différente, dans le projet de loi no 101, il me semble que cela devrait
être assez valable pour que le gouvernement s'impose...
c'est-à-dire pour que la loi on ne parle pas du gouvernement,
ici, on parle de la loi; c'est beaucoup plus important que le
gouvernement impose au gouvernement un devoir de le faire. Autrement,
cela peut simplement rester lettre morte.
Le gouvernement pourrait en faire et pourrait ne pas en faire, et toutes
les représentations qui ont été faites, lors des auditions
de la commission parlementaire, toutes les recommandations qui nous ont
été faites par différents organismes, différentes
associations, sur la nécessité pas la possibilité
d'ouvrir un peu cette loi rigide en ce qui concerne la langue de
l'enseignement pour les gens qui séjournent temporairement ici, et qui,
n'ayant pas l'obligation de venir au Québec, auraient le choix de ne pas
venir au Québec s'ils ne devaient pas avoir le choix d'envoyer leurs
enfants à l'école de leur langue...
Alors, justement, M. le Président, je parlais d'enfants qui
peuvent être soustraits à l'application du présent
chapitre, et j'ai l'intention de proposer un amendement qui changerait le mot
"peut", à la première ligne, par le mot "doit", et qui changerait
les mots "peuvent être", aux troisième et quatrième lignes,
par le mot "sont", de sorte que l'article devrait se lire... Si le gouvernement
est d'accord au départ, à ce moment-là, je n'aurais
même pas besoin de vous l'écrire. Cela se lirait: "Le gouvernement
doit faire des règlements pour déterminer à quelles
conditions certaines personnes ou catégories de personnes
séjournant de façon temporaire au Québec ou leurs enfants
sont soustraites à l'application du présent chapitre."
Le Président (M. Cardinal):... le texte de votre
amendement, s'il vous plaît?
M. Lalonde: Oui, M. le Président.
M. Guay:... la recevabilité de la motion.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Je veux quand
même voir la motion auparavant. Merci. L'amendement proposé par M.
le député de Marguerite-Bourgeoys est le suivant: "Que l'article
81 est amendé" j'aurais préféré: qu'il soit
amendé, parce que, quand même, c'est un jeu de l'Opposition
officielle "en remplaçant, à la première ligne,
après les mots "le gouvernement"...
M. Lalonde:... présomptueux, M. le Président, je le
reconnais.
Le Président (M. Cardinal): ... "le mot "peut" par le mot
"doit", et en remplaçant, aux troisième et quatrième
lignes, après les mots "ou leurs enfants", les mots "peuvent
être", par le mot "sont". L'article amendé, parce que c'est un
amendement, véritablement, dans ce cas-là, se lirait comme suit:
"Le gouvernement doit faire des règlements pour déterminer
à quelles conditions certaines personnes ou catégories de
personnes séjournant de façon temporaire au Québec ou
leurs enfants sont soustraites à l'application du présent
chapitre."
Sur la recevabilité, M. le député de
Taschereau.
M. Guay: M. le Président, j'ai l'impression que cette
motion est irrecevable, et je vous en présente les raisons.
L'argumentation de l'Opposition officielle, jusqu'à maintenant, avait
porté sur le fait que l'article pouvait être vague et, donc,
ouvrir la porte à toutes sortes de choses qu'elle soupçonne, fort
à tort, ainsi que sur le fait qu'il n'y avait pas encore de
règlements, et, effectivement, les règlements n'ont pas encore
été adoptés par le Conseil des ministres à ce
sujet, et qu'elle aurait voulu les voir auparavant.
Voici qu'on nous propose maintenant un amendement, non pas sur le
caractère vague, ou apparemment vague, ou pseudo-vague de l'article, ou
sur le fait qu'il n'y ait pas de règlements, mais on voudrait remplacer
"peut" par "doit". Je fais remarquer, en l'occurrence, que cet amendement est
répétitif par rapport à l'article actuel. Par
conséquent, il ne constitue pas vraiment un amendement, à moins
que l'Opposition ne veuille ouvrir la porte à un autre débat lui
permettant d'utiliser des périodes de 20 minutes et, donc, de faire un
autre "filibuster". Mais l'amendement lui-même, tel que proposé,
n'ajoute rien ou n'enlève rien à l'article puisque, que le
gouvernement puisse ou doive, cela revient exactement au même.
Y aura-t-il certaines personnes ou certaines catégories de
personnes qui pourront ou qui devront être soustraites à
l'application de la loi? Que
le gouvernement puisse ou doive le faire, cela revient rigoureusement au
même, à partir du moment où il y a ou il n'y a pas de
catégories de personnes.
Donc, le fait d'obliger le gouvernement par "doit" plutôt que par
"peut" ne change rigoureusement rien à l'article. Il est inutilement
répétitif et constitue, à mon humble avis, une perte de
temps.
Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: Oui, M. le Président. Sur la
recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): Sur la
recevabilité.
M. Lalonde: Oui. Sur la recevabilité. Le
Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: Si je regarde l'article 70, on dit qu'on peut
remplacer des mots. Donc, dans ce sens, que l'amendement plaise ou non au
député de Taschereau, qu'il lui apparaisse superflu ou
entaché de tous les défauts qu'il croit, c'est une autre
question.
Quant à la recevabilité, je pense que l'amendement a pour
effet de remplacer les mots par d'autres. Il n'a pas pour effet
d'écarter la question principale, la question principale étant de
permettre à des personnes qui séjournent de façon
temporaire au Québec d'être soustraites au chapitre dont il est
question. Mais qu'il change quelque chose à l'article, oui. C'est
justement cela.
Si le député de Taschereau pense qu'un pouvoir et un
devoir, c'est la même chose, à ce moment, je ne peux plus
argumenter.
M. Guay: Toujours sur la recevabilité. Il est exact que
l'article 70 dit bien que le but d'un amendement est de retrancher, d'ajouter
des mots ou, de les remplacer par d'autres. Encore faut-il que ces mots, qu'on
veut retrancher ou remplacer par d'autres, n'aient pas le même sens,
sinon, à ce moment, on pourrait faire des amendements pour chaque mot de
chaque article, et on serait encore ici en l'an 1985.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Taschereau, mais cela pourrait être une technique
que toute formation politique utilise.
J'ai déjà mentionné, en cette commission, que
l'article 70 n'était pas le seul article s'appliquant à la
recevabilité d'un amendement. J'ai mentionné qu'il y avait
purement cette technique de l'amendement qui consiste à retrancher des
mots, à ajouter des mots.
J'ai aussi mentionné le fait qu'un amendement devait amender, et
ceci est une question de fond quant à la forme, ce qui est assez
singulier.
J'ai aussi mentionné que le règlement prévoyait
qu'un amendement ne devait pas changer le principe de ce qui avait
déjà été décidé à l'Assem-
blée nationale ou de ce qui avait déjà été
mentionné au projet de loi.
Dans le cas présent, je me sens suffisamment informé pour
rendre la décision suivante: Bien sûr, ne pouvant pas me prononcer
sur le fond, malgré toute...
M. Paquette: ... l'indulgence que vous ayez...
Le Président (M. Cardinal): Non. S'il vous plaît!
...malgré tout ce que ma déformation juridique pourrait
m'apporter quant au remplacement du mot "peut" par le mot "doit", surtout dans
un article semblable, malgré cela, je dois dire que, et techniquement,
et quant au fond, non pas de l'article 81, mais de l'amendement, je dois le
déclarer recevable.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Dans l'introduction à l'amendement, j'ai
expliqué les raisons pour lesquelles je le faisais. Alors, je n'ai pas
autre chose... Je ne veux pas expliciter davantage avant d'avoir entendu la
réaction du gouvernement.
M. Laplante: Vote.
Le Président (M. Cardinal): Non. Un instant. J'ai reconnu
M. le député de Vanier qui veut parler sur la motion
d'amendement. Ensuite, M. le ministre d'Etat au développement
culturel.
M. Bertrand: Je vais dire pourquoi on va voter contre. C'est
parce qu'on a essayé de faire une analogie entre le droit que nous
avions reconnu à un article précédent pour les enfants
souffrant de problèmes graves d'apprentissage et... On essaie
d'appliquer le même principe dans le cas de cet article.
Je ferai donc valoir que si on devait inscrire le mot "doit", c'est donc
qu'on voudrait en faire un devoir du gouvernement parce qu'on
reconnaîtrait un droit à ces personnes d'aller, par exemple,
à l'école anglaise.
Je voudrais vous faire valoir, M. le Président, qu'il n'en est
rien. C'est un privilège que le gouvernement veut bien reconnaître
à certaines personnes ou certaines catégories de personnes. Et
puisque ce n'est qu'un privilège, je crois qu'on doit se limiter au
terme de "pouvoir" du gouvernement de faire une telle chose. A cause de cette
simple raison, M. le Président, je pense qu'il n'est pas dans l'ordre
que nous mettions le mot "doit" à la place du mot "peut".
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, je souscris entièrement
à l'opinion que vient d'énoncer le député de
Vanier. En fait, s'il ne l'avait énoncée avant moi, je l'aurais
exprimée dans les mêmes termes, très exactement. Je
m'oppose, de plus, à cette motion parce que, à sa face
même, c'est une motion dilatoire qui est destinée à faire
perdre le temps de la commission.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur votre motion.
M. Lalonde: C'est assez court comme argument, M. le
Président. De toute évidence, ce n'est pas et au risque de
décevoir et le ministre et le député de Taschereau
pour faire un "filibuster", je l'ai démontré...
Le Président (M. Cardinal): Pas le député de
Taschereau, de Vanier.
M. Lalonde: Non, de Taschereau tantôt qui, sur la
recevabilité, avait rejoint...
Le Président (M. Cardinal): La recevabilité est
réglée.
M. Lalonde: Oui, mais quand il argumentait sur la
recevabilité, il rejoignait les grandes hauteurs, la
profondeur1 de l'argumentation qu'on vient d'entendre
tantôt.
M. le Président, donc au risque de les décevoir, nous
n'allons pas argumenter longtemps là-dessus. Je pense que l'engagement
que le ministre a pris à l'égard des Québécois, non
pas d'accorder des privilèges à des gens de l'extérieur,
mais de créer une situation telle que les Québécois ne
souffriront pas de l'aspect fermé de ce projet de loi et de cette loi
lorsque ce projet sera adopté, mais voir cette condition, comme le
député de Vanier le fait, comme étant un privilège
qu'avec toute notre magnanimité on daigne bien condescendamment accorder
à des étrangers c'est à peu près l'attitude
quand on parle d'un privilège c'est bien méconnaître
la réalité économique du Québec qu'on veut non
seulement maintenir mais développer. Il me semble que ce serait
simplement être francs, être naturellement ouverts que de dire,
voici on s'est engagé, nous du gouvernement, à l'égard de
tout un milieu, à ce que les restrictions fermées du chapitre de
la langue d'enseignement ne viennent pas créer une contrainte
additionnelle quant à la mobilité des cadres, entre autres.
Voici, on le met dans la loi et la loi, qui est le maître du
gouvernement, va forcer le gouvernement à faire des règlements,
à tenir sa parole.
Si les législateurs autour de la table s'en remettent au bon
vouloir du gouvernement, ils prennent un risque. Quant à moi, je ne suis
pas prêt à prendre ce risque, c'est pourquoi j'ai offert cet
amendement et j'aurais aimé avoir des arguments un peu plus
sérieux que celui que le ministre nous a offert tantôt.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton sur la motion de l'amendement.
M. Grenier: Très brièvement, M. le
Président, nous nous sommes dit, avant l'heure du lunch, que nous
étions satisfaits des explications qui avaient été
fournies par le gouvernement. Nous respectons l'argumentation du Parti
libéral qui se défend, bien sûr, et je demanderais qu'on
passe au vote immédiatement.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que cette motion
d'amendement de M. le député de Marguerite-Bourgeoys sera
adoptée?
M. Charron: Rejetée sur division, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Rejetée sur division,
d'accord, nous revenons à la motion principale.
M. Charron: Je propose que l'article 81 soit adopté, M. le
Président.
M. Bertrand: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît, il y a quand même des choses à écrire.
Si vous permettez, vous vous rappellerez que, ce matin, nous avions
convenu, à moins que je ne me trompe que nous appelions l'article
81.
M. Laplante: M. le Président, je veux savoir si cela a
été accepté sur division ou à
l'unanimité?
Le Président (M. Cardinal): Sur division. Non, l'article a
été adopté à l'unanimité, je pense.
M. Laplante: A l'unanimité?
Le Président (M. Cardinal): Oui, mais l'amendement est
rejeté sur division. Je le répète, amendement
rejeté sur division, article accepté à l'unanimité
sans vote, sans appel nominal.
Motion d'amendement au sujet des ententes de
réciprocité
Le Président (M. Cardinal): Ce matin, j'avais rendu une
directive et j'avais obtenu l'assentiment de la commission à savoir
qu'à la suite de l'article 81, nous prenions en considération une
motion d'amendement pour que soit inséré entre l'article 81 et
l'article 82 un article 81a qui se lirait comme suit: "Le gouvernement peut
faire des règlements pour étendre l'application de l'article 69
aux personnes visées par une entente de réciprocité
conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre
province. "Malgré l'article 89, ces règlements peuvent entrer en
vigueur dès la date de leur publication dans la Gazette officielle."
Cette motion d'amendement avait été proposée par M.
le député de Bourget, ministre d'Etat au développement
culturel. Vous avez donc la parole, M. le ministre.
M. Grenier: Je m'excuse, M. le ministre, sur une directive.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je vous fais part d'un détail, je ne sais pas
si j'aurai le consentement unanime. Je devrai quitter vers 16 h 45 pour un
rendez-vous que je ne peux vraiment pas décommander, même si j'en
ai annulé deux autres pour demain, afin d'être ici, au cours de la
journée. Il faut que je me
rende dans mon comté. Si je disais au gouvernement que c'est pour
recevoir M. Doris Lussier, cela le mettrait peut-être plus sensible
à ma demande, ce soir, à 19 heures. Si c'était possible,
sur l'amendement, de me passer immédiatement, parce que je pense qu'on
attend peut-être une autre personnalité ici pour le débat
de l'article 81a, mais je pense que je pourrais facilement fournir des notes de
mon exposé, si on me permettait de donner mon intervention pour me
permettre de quitter plus tôt.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Jacques et ministre d'Etat.
M. Charron: M. le Président, il n'est que 15 h 55, je
pense que la présentation du nouvel article par le ministre d'Etat au
développement culturel va être très courte et je n'ai
aucune objection, si l'Opposition consent, à ce qu'on procède
immédiatement au député de l'Union Nationale par
courtoisie. Le ministre des Affaires intergouvernementales, qui était
avec nous ce matin, a dû quitter pour des engagements radiophoniques,
mais il m'assure de sa présence dans quelques minutes, cet
après-midi, pour engager le dialogue avec les membres de l'Opposition.
Or, j'aimerais que le ministre d'Etat livre en quelques minutes sa
pensée et nous procéderons tout de suite à...
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, pour
être parfaitement sûr et pour accorder entièrement ma
collaboration à la commission, ai-je le consentement de la commission
pour que M. le ministre d'Etat nous livre ses considérations sur
l'amendement qu'il a lui-même proposé, ce qui est son droit
strict?
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous n'accordons pas
notre consentement. Je pense que nous serons très brefs dans cette
première intervention. Nous voulons conserver le droit à cette
première intervention et qu'elle soit courte pour que vous puissiez vous
exprimer, M. le député de Mégantic-Compton, à moins
que l'intervention du ministre soit si longue que, de toute façon, vous
n'en ayez pas le temps.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je m'excuse, mais je reconnais que Mme le
député de L'Acadie est en train de prendre le roulis du Parti
libéral pas mal, et cela me fait de la peine de voir que c'est elle
surtout qui fait cela, même si c'est pour reprendre le point que j'ai
soulevé hier pour le député de Saint-Laurent qui
n'était absolument pas du même ordre. J'avais des raisons
peut-être tout à fait différentes. Je pense qu'on le
comprend. Je ne demande pas ici une intervention supplémentaire de 20
minutes pour notre parti, ce qui avait pu être le cas hier. Je prends
bonne note et, bien sûr que je me soumets au règlement. Mais moi
aussi j'aurai bonne mémoire.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une question de
règlement, c'est-à-dire ce que vous avez dit, c'est une question
de règlement. La façon dont nous procédons n'est pas une
question de règlement au sens strict.
M. Grenier: Mme le député de L'Acadie est une
résidante de mon comté et je pense qu'il me semble qu'elle a
beaucoup de jugement, d'abord cela dépasse la moyenne du Parti
libéral et j'aurais pensé qu'elle aurait pu...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! C'est encore l'heure de la récréation jusqu'à
16 heures ou quoi?
Si vous me permettez. Ce n'est pas une question de règlement,
sauf si on en fait une question d'usage en vertu de l'article 4.
C'est-à-dire que, normalement, la parole est à M. le ministre
d'Etat au développement culturel en tant que proposeur. Si on avait pu
avoir un consentement, j'aurais donné la parole avec plaisir, non pas
que j'aurais eu plus de plaisir à le faire qu'avec d'autres, mais avec
plaisir, à M. le député de Mégantic-Compton. Dans
les circonstances, est-ce que je comprends que Mme le député de
L'Acadie demande la parole après M. le ministre d'Etat au
développement culturel?
Mme Lavoie-Roux: Le député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Cardinal): Ce sera, dans l'ordre, M. le
ministre d'Etat au développement culturel, M. le député de
Saint-Laurent et M. le député de Mégantic-Compton.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, le gouvernement a
établi sa politique linguistique en matière d'enseignement
à l'article 68 où il est dit que l'enseignement se donne en
français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires
et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au
présent chapitre. C'est à l'article 69 que le gouvernement a
établi les dérogations qu'il consentait à faire à
ce principe. Dans cet article 69, si vous vous en souvenez bien, nous avons
établi certaines catégories d'enfants qui pouvaient
bénéficier de l'accès à l'école anglaise.
Cette politique a été établie après une longue
réflexion où le gouvernement a tenté de tenir compte de
tous les aspects de la question. Le principe fondamental qui est le
nôtre, c'est que l'école anglaise devrait être
réservée, au Québec, aux héritiers de ceux qui ont
fondé cette école anglaise et qui sont encore avec nous, depuis
150 ou 200 ans, pour participer au développement du Québec.
C'était là une façon de reconnaître
l'héritage anglophone au Québec, c'était là aussi
une façon de reconnaître l'apport précieux qu'a ap-
porté la minorité anglophone au développement du
Québec.
C'était donc pour des raisons historiques, à la fois, et
pour des raisons de reconnaissance que nous accordions, aux catégories
d'enfants définies à l'article 69, l'accès à
l'école anglaise. Par ailleurs, dans la discussion qui a entouré
la présentation de ces articles, aussi bien que la défense de ces
articles en commission, nous avons fait valoir, bien sûr, d'autres
arguments, comme, par exemple, des arguments qui tiennent compte de
l'équilibre économique relatif entre les deux communautés,
francophone et anglophone. Nous avons tenu compte également des
mouvements démographiques qui ont eu lieu dans le passé et qui,
conjugués aux facteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure,
pouvaient, non pas menacer la survie de la majorité francophone, mais
constituer quand même un risque pour cet équilibre
démographique pour le développement de notre culture.
Nous avons été très clairs sur tous les points de
cette argumentation, aussi bien pendant les délibérations de la
commission que dans le livre blanc, que dans toutes les discussions qui ont
suivi, par la suite, lors des rencontres que nous avons eues avec les divers
groupes ethniques du Québec. C'est donc là la politique
linguistique du gouvernement en matière d'enseignement qui a
été préparée par le cabinet et qui a fait
l'unanimité au cabinet.
Par ailleurs, nous n'avons jamais caché que nous étions
également ouverts à la prise en considération d'autres
facteurs.
Et un de ces facteurs qui nous a amenés à discuter, depuis
déjà plusieurs mois, des ententes de réciprocité, a
été précisément le cas de ces
Québécois francophones engagés dans le milieu des affaires
en particulier et qui, en raison des circonstances ou des situations qui
prévalent dans certaines provinces canadiennes, n'ont jamais pu avoir
cette mobilité, cette liberté que d'aucuns prétendent
maintenant vouloir revendiquer pour les anglophones du Québec.
Il a été porté à notre attention, à
plusieurs reprises, qu'il existe plusieurs cas, des centaines, pour ne pas dire
des milliers de cas de francophones qui auraient pu aller, à la demande
de leur employeur, dans d'autres provinces, dans leur profil de
carrière, pour améliorer leur position, pour aller chercher une
expérience à Toronto, à Calgary, à Vancouver, qui
leur aurait été très précieuse aussi bien pour leur
épanouissement personnel que pour l'augmentation de leurs chances de
succès dans la carrière qu'ils avaient choisie. Il nous a
été dit, avec preuves à l'appui, que, très souvent,
ces Québécois francophones ont dû refuser les offres
alléchantes qu'on leur faisait, parce que ces Québécois
avaient une famille et que, dans la ville qu'on leur assignait ou dans la ville
où on leur demandait d'aller, il n'existait pas pour leurs enfants, des
écoles françaises, soit des maternelles françaises,
élémentaires françaises, secondaires françaises
où ils auraient aimé envoyer leurs enfants. De même que,
bien souvent, ils ne pouvaient pas bénéficier de certaines
institu- tions culturelles qui leur auraient été également
d'un grand apport.
Ces cas sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit. Une enquête
est faite actuellement pour en déterminer le nombre exact et
j'espère bien que, dans les quelques mois qui suivront, nous aurons des
chiffres plus précis à ce sujet. Mais le problème est
quand même assez sérieux pour que le gouvernement y accorde, au
nom de l'intérêt commun, une grande attention, et je pense, M. le
Président, que le nombre de ces Québécois francophones est
appelé à augmenter dans l'avenir, car, au fur et à mesure
que certaines de nos compagnies de la couronne, si on peut employer ce terme,
nos compagnies d'Etat augmentent, le nombre des échanges ou des
transferts entre le Québec et les autres provinces est appelé
à augmenter. Au fur et à mesure que se développe le
secteur privé également de nos entreprises. Ces entreprises ont
déjà fondé des filiales dans les autres provinces et sont
appelées à fonder d'autres filiales.
Donc, aussi bien pour ce qui concerne les entreprises d'Etat qui ont
acheté ou qui établissent des entreprises dans d'autres provinces
que dans le cas des entreprises du secteur privé où le nombre de
francophones appelés à acquérir une expérience dans
les autres provinces se multiplie, le problème que je mentionnais au
début se pose avec une acuité de plus en plus grande.
Nous pensons, M. le Président, le gouvernement croit qu'il est
temps que les Québécois francophones, dans les autres provinces
du Canada, bénéficient des mêmes avantages que le
Québec a toujours consentis aux anglophones qui ont travaillé ici
dans le secteur de l'entreprise privée. C'est une question
d'échange de stricte justice, c'est une question
d'égalité, de véritable égalité, et je pense
que les hypocrisies, le règne de l'hypocrisie doit se terminer en 1977
et que le Québec a parfaitement le droit d'exiger, pour ses
ressortissants qui se rendent ailleurs dans les autres provinces, ce qu'il a
toujours donné aux ressortissants anglophones qui sont ici.
C'est là la première raison qui nous a fait penser
à proposer aux autres provinces des accords de
réciprocité.
Notre autre raison, M. le Président, c'est celle de notre
appartenance à un ensemble qui s'appelle le Canada. Que le Québec
y soit indépendant, comme c'est notre intention d'y parvenir, ou que ce
soit dans un régime fédéral renouvelé,
c'est-à-dire où la base de la territorialité sera enfin
reconnue comme la véritable base sur laquelle peut s'instituer un
régime, ou que ce soit simplement à l'intérieur du
régime actuel où l'autonomie complète est laissée
aux provinces en matière d'éducation, le Québec a
parfaitement le droit de légiférer en cette matière, de
négocier avec les autres provinces des accords dans ce domaine.
Mais, si nous avons pensé à ces accords de
réciprocité, c'est parce que nous voulons montrer au reste du
Canada, aux autres provinces, que nous entendons, dans l'avenir aussi bien
qu'actuellement, négocier nos relations dans un esprit d'ouverture, dans
un esprit d'échange, dans un
esprit positif. Il nous semble tout à fait normal que le
régime que le Québec a toujours consenti à ses anglophones
au Québec même soit dorénavant consenti aux
Québécois francophones qui se rendent dans les autres provinces,
quitte à ce que les francophones déjà installés
dans les autres provinces en bénéficient d'une façon
indirecte.
Je ne veux pas être trop long dans cet exposé initial, M.
le Président, mais je tenais quand même à bien faire la
part des choses. Il ne s'agit pas de déroger en quoi que ce soit
à la politique linguistique établie par le gouvernement en
matière d'enseignement, d'une part. D'autre part, nous avons des raisons
légitimes, ressortissant à l'intérêt des
Québécois, de négocier de pareilles ententes. Pour
l'avenir, nous entendons également par là montrer aux autres
provinces que nous envisageons l'avenir de nos relations dans un esprit de
justice, d'échange, de bonne foi et d'ouverture.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je vais limiter, dans un premier temps, mes remarques
à quelques points généraux pour faire suite aux
indications qu'a fournies ma collègue de L'Acadie, de manière
à permettre au député de Mégantic-Compton
d'adresser la parole relativement à cet article avant son départ.
Avec votre permission, je reviendrai sur le sujet après que le
député de Mégantic-Compton se sera exprimé.
M. le Président, il y a une incompatibilité
évidente, et qui a frappé tous les observateurs, pas seulement
ceux de l'Assemblée nationale, entre, d'une part, les motifs qui ont
été évoqués par le gouvernement et
particulièrement par le ministre d'Etat lorsqu'il a
présenté, à l'Assemblée nationale et à la
population, la Charte de la langue française, et, d'autre part, les
raisons qu'il invoque à l'appui de cet article. En effet, nous avons
entendu à plusieurs reprises le ministre d'Etat sortir de tous les
placards, qu'il s'agisse des placards du Parti québécois
lui-même ou des placards de tous les groupes nationalistes qu'a connus le
Québec au cours des années, et même des placards de l'Union
Nationale, toutes les raisons de fierté nationale, d'affirmation de soi,
etc., qui semblaient à l'origine de cette Charte de la langue
française. Nous avons entendu et surtout lu, ceux qui en ont eu la
patience du moins, des exposés prétendument savants sur
l'évolution démographique du Québec qui faisait ressortir,
du moins c'était la prétention de leurs auteurs et de ceux qui
les citaient, le caractère irrémédiable des tendances
démographiques qui faisaient que, à moins d'un coup de barre
absolument brutal, il serait impossible d'envisager le maintien, à
l'état majoritaire au moins, de la collectivité francophone en
Amérique du Nord.
Le caractère fondamental de ces raisons, qu'il s'agisse des
arguments psychologiques, des arguments tirés de la fierté
nationale, de l'affirmation de soi, ou le caractère fondamental des
tendances historiques qu'on a voulu apporter à l'ap- pui de la Charte du
français laissait présager qu'on était en face de
principes absolument inébranlables, absolument indiscutables et de
droits linguistiques pour les francophones qu'on voulait absolument
inaliénables et certainement pas négociables. C'est ce qui a fait
que la plupart des observateurs, dès qu'à partir de la mi-juillet
on s'est mis à parler publiquement de cette possibilité de
négociation, se sont interrogés sur les intentions
véritables du gouvernement et se sont demandé si les raisons qui
étaient précédemment invoquées étaient de la
poudre aux yeux ou si, finalement, le gouvernement, quoique croyant toujours en
ces grands principes, ne pouvait résister à la tentation de
marquer quelques points sur un autre plateau, sur une autre scène, la
scène des débats constitutionnels et d'utiliser, d'exploiter en
quelque sorte l'occasion, qui était fort belle il faut le dire
pour démontrer ses thèses sur le plan de
négociation de gouvernement en gouvernement en dehors et en l'absence du
gouvernement central.
C'est une contradiction apparente, qui s'éclaircit cependant
progressivement, puisqu'il semble bien que les ministériels, le ministre
d'Etat en particulier, n'a rien dit, dans la présentation de cet
article, qui tendrait à démontrer que le Parti
québécois, que le gouvernement actuel a abandonné en quoi
que ce soit les thèses qu'il défendait jadis, à savoir que
les minorités francophones des autres provinces doivent être
laissées à leur propre sort, que leur survie comme
communauté linguistique est absolument sans espoir et qu'il s'agit
là de considérations qui ne doivent pas retenir un seul instant
l'attention des Québécois, quel que soit le sujet qu'ils
considèrent, que ce soit la politique linguistique, ou que ce soit
l'avenir des liens qui lient le Québec au reste du Canada.
En effet, il semble bien que le caractère que l'on veut donner
à ces ententes de réciprocité est tellement étroit,
est tellement restreint, vise une clientèle tellement réduite
que, effectivement, il est possible de les envisager sans, pour autant, y voir
quelque avantage que ce soit sur le plan de l'aide ou de l'appui à
apporter ou qui pourrait être apporté aux minorités
francophones des autres provinces.
Cependant, on se trouve sur un plan plus formel, sur le plan des textes
qui sont devant nous, et si on écarte pour l'instant l'effort qu'on
pourrait faire pour réconcilier tous ces principes qui sont
apportés à différents moments, par le parti au pouvoir, le
gouvernement actuel, on se trouve devant une situation très paradoxale.
A la limite, M. le Président, on pourrait faire même le
raisonnement que l'article 81a est effectivement un article non recevable dans
le contexte. Sans en faire un point formel de règlement, je ferais
observer malgré tout, que l'article 81a est essentiellement un article
qui permet des ententes administratives de gouvernement à gouvernement,
sur des sujets qui sont largement étrangers à l'esprit de la
Charte de la langue française.
C'est un sujet qui est certainement aussi étranger que d'autres
qu'on a jugés tels lorsqu'on
a déclaré non recevables certains sujets et surtout, ce
qui est plus pertinent encore, c'est que l'article 81a fait effectivement
double emploi avec l'article précédent qui vient d'être
adopté.
En effet, nous avons débattu pendant plus d'une heure un article
qui donne au gouvernement le pouvoir et non pas l'obligation, donc le pouvoir
dans les circonstances et selon les modalités qui lui paraissent
appropriées, mais non pas l'obligation, de faire des règlements
pour dispenser de l'application de l'article 69 les catégories qu'il
désigne. Le gouvernement dispose donc, en vertu de l'article 81 tel
qu'adopté, de tout ce dont il a besoin dans la loi pour lever les
restrictions de l'article 69. L'article 81 ne dit pas dans quelles
circonstances le gouvernement veut le faire. Nous avions d'ailleurs
suggéré que des indications plus précises soient
insérées à l'article 81 à ce sujet. Le gouvernement
a préféré se donner les coudées franches pour faire
ce qu'il lui semblait bon, de la façon dont ça lui semblait bon.
Donc, il est capable, avec l'article 81, de donner effet à des ententes
administratives, à des ententes de réciprocité ou à
n'importe quoi ou même à des décisions unilatérales
de sa part ayant l'effet de suspendre, pour des catégories qu'il
désigne, la façon dont il les désigne, les règles
de l'article 69.
Je ne vois donc pas, à première vue, tenant compte en
particulier du fait qu'il ne s'agit pas de réciprocité quant aux
droits linguistiques et aux droits relatifs à l'éducation des
minorités francophones en dehors du Québec par rapport aux droits
à l'éducation en anglais d'une minorité anglophone au
Québec; il ne s'agit pas de cela du tout.
Il s'agit simplement de la possibilité pour quelques centaines de
Québécois qui se trouvent, temporairement, dans d'autres
provinces, d'envoyer leurs enfants dans des écoles françaises et
vice versa, pour quelques centaines d'individus qui se trouvent au
Québec, d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises. Il ne
s'agit que de cela.
Donc, il ne semble pas nécessaire d'avoir un deuxième
article et, pour cette seule raison de forme, on pourrait développer
l'argument que l'article est non recevable.
Cependant, ce n'est pas là mon intention. Si le gouvernement,
dans ce cas comme dans d'autres, veut être redondant, il a tout le loisir
de l'être. Il ne s'agit pas d'être puriste et il y a suffisamment
de choses à dire sur le fond de cet article pour, de toute
manière, éclaircir suffisamment les intentions du gouvernement et
aussi éclairer les options et les alternatives qui s'ouvrent au
gouvernement dans la conclusion de ces ententes de réciprocité,
mais je crois qu'il est nécessaire de souligner ici que c'est une
ambition très modeste qui est celle du gouvernement en cette
matière, contrairement à l'impression qu'il a voulu créer
de chercher un nouveau "deal", de nouvelles façons d'envisager les
droits des minorités dans l'ensemble des provinces du Canada. Il ne
s'agit pas de cela du tout. Il s'agit d'une entente administrative pour couvrir
la situation de quelques cadres qui sont temporairement à
l'extérieur des frontières d'une province. C'est donc un sujet
fort limité dans son intérêt et un sujet qui, quant au
Québec lui-même et quant à la question de l'enseignement,
était déjà traité par l'article 81
complètement et pleinement, sans nécessité de soulever
cette question des accords de réciprocité.
Si on le soulève, c'est sans aucun doute pour d'autres buts,
d'autres intentions. C'est pour pouvoir, encore une fois, marquer des points
sur une autre scène, un autre débat, et on comprend facilement
les motifs qui poussent le gouvernement à agir de cette façon et,
d'ailleurs, on a eu une indication presque amusante de cette hésitation
du gouvernement à se situer de façon claire sur cette question,
puisqu'au moment où, ce matin même, on nous a
présenté l'article 81a, il y a eu un flottement que tous ont pu
observer, à savoir s'il s'agissait d'un amendement à l'article 81
ou s'il s'agissait d'un nouvel article parce que, carrément, plusieurs
des membres mêmes du gouvernement n'étaient pas trop clairs
eux-mêmes. Qu'est-ce que cet article venait faire dans le projet de
loi?
C'est évident qu'il ne vient rien faire dans le projet de loi
lui-même. Il vient faire bien des choses sur le plan politique et,
évidemment, c'est l'objet du débat beaucoup plus que l'amendement
à la Charte de la langue française.
M. Bertrand: Vous êtes pour ou contre?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Comme Québécois et comme Canadiens
disons-le tout de suite nous, de l'Union Nationale, voterons pour
l'article 81a.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! S'il vous plaît! Aucune manifestation en commission
parlementaire.
M. Bertrand: C'est clair.
M. Grenier: Procéder autrement, quels qu'en soient les
motifs, cela serait nier le droit de tout gouvernement provincial de conclure
des accords de réciprocité dans le domaine de ses
compétences.
Battre cet article serait hypothéquer le droit de tout
gouvernement provincial de conclure des accords de réciprocité,
non seulement en matière linguistique, mais, éventuellement, en
toute autre matière d'ordre socio-économique relevant de sa
compétence.
Je me permets de livrer ici, en primeur, l'essentiel du message que le
chef de l'Union Nationale, M. Biron, livre demain à Moncton,
Nouveau-Brunswick, où, en compagnie, notamment, du premier ministre
Hatfield, il participe à un colloque sur le thème "Canada
Tomorrow".
Pour les fins de mon argumentation ici, je cite les propos de mon chef,
à savoir: "Je lance un appel à tous les premiers ministres
provinciaux qui seront appelés à se prononcer à St.
Andrews sur les accords de réciprocité en matière
d'éduca-
tion proposés par le gouvernement Lévesque pour qu'ils
affirment, sans hésitation et avec fermeté, leur intention de
maintenir intacte leur compétence exclusive dans le domaine de
l'éducation et pour qu'ils opposent une fin de non-recevoir au
gouvernement fédéral relativement au transfert par les provinces
de leurs responsabilités constitutionnelles en ce qui concerne les
droits à l'éducation des minorités sur leur
territoire."
M. Laplante: Cela, c'est constructif!
M. Grenier: "Je demande..." poursuivra M. Biron
"...aux premiers ministres d'écouter avec ouverture d'esprit les
propositions du Québec et d'y penser deux fois avant de les
rejeter..."
Et de conclure notre chef, à l'endroit de son auditoire: "Si vous
tenez au Québec et aux Québécois avec autant d'attachement
que je tiens au Canada, réveillez-vous et passez à l'action".
Voilà, M. le Président, les propos propos que je
fais miens d'un homme qui sait se tenir debout, d'un homme qui en peu de
temps a compris le malaise canadien, d'un homme qui a capté le message
des Franco-canadiens, d'un homme qui a su comprendre le rapport "Les
héritiers de Lord Durham", d'un homme qui vit à l'heure du
Québec d'aujourd'hui, les propos d'un chef d'Opposition authentiquement
québécois et d'un Canadien francophone courageux, lucide et
franc. "Cette position, qui est nôtre, ne fait que rejoindre dans un
esprit de continuité ce que nos prédécesseurs, dès
1969, à savoir MM. Daniel Johnson, Jean-Jacques Bertrand, avaient
amorcé auprès du premier ministre Robarts, de l'Ontario, en
matière d'accords interprovinciaux. Cette position, qui est nôtre,
confirme notre approche à savoir que nous ne pouvons analyser l'article
81a du projet de loi 101 sans l'évaluer à travers une
orientation, une philosophie politique globale ou à travers une
approche, à l'avenir du Canada et du Québec, qui soit
réfléchie.
Pour certains, cet avenir doit passer par la
souveraineté-association, pour d'autres cet avenir doit passer de
façon à peine dissimulée sous la forme de pieuses et
vagues promesses de fédéralisme décentralisé par le
maintien du statu quo où on est encore à la recherche d'une
solution miracle, qui, le cas échéant, risque de venir trop tard,
une fois le référendum tenu.
Pour nous, nous n'avons pas le droit de prendre le risque, qu'au moment
du référendum, les Québécois n'aient le choix
qu'entre la souveraineté-association et le statu quo que tout le monde
ou presque décrie. C'est pourquoi le chef de l'Union Nationale
intervenant à nouveau sur ce sujet demain dira à son auditoire:
"II est urgent de reprendre immédiatement des discussions
constitutionnelles en profondeur afin d'offrir une alternative réaliste
à la thèse du Parti québécois. Sans qu'on
établisse ici toute notre politique constitutionnelle, d'autres temps et
d'autres lieux seront plus pertinents, nous pouvons dire que l'Union Nationale
réclame notamment un réaménagement complet du partage des
pouvoirs entre
Ottawa et les provinces et surtout la limitation du pouvoir de
dépenser du gouvernement central".
Voilà, M. le Président, c'est dans cette approche
générale et large que l'on analyse et qu'on apprécie la
clause de réciprocité que nous soumet le gouvernement. Du point
de vue idéologique pour autant, encore et toujours l'Union Nationale
défend et préconise l'option Canada qui implique une
défense morale des francophones hors Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, vous étiez revenu
à l'amendement, mais je pense que vous vous en éloignez. Je vous
demanderais de vous en tenir à l'accord de
réciprocité.
M. Guay: M. le Président, les propos du
député de Mégantic-Compton se rapportent aux
minorités francophones dans les autres provinces, ce qui est très
pertinents à l'article 81a.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
demandé au député de Mégantic-Compton. Je suis
sûr qu'il a compris le message. A l'ordre!
M. Grenier: Du point de vue pratique, l'Union Nationale se trouve
impliquée dans un débat linguistique introduit par un
gouvernement qui n'a pas cru bon de retenir l'approche qu'on lui
présentait comme parti, l'approche option Canada.
Dans le style d'Opposition qui la caractérise, l'Union Nationale
entend participer aux débats d'une façon positive et
constructive. Elle voit dans la thèse de réciprocité un
moyen d'atteindre, en préconisant l'option Canada, en partie, le but
qu'elle se fixait, forte de son expérience passée en la
matière, convaincue de la bonne foi des premiers ministres des autres
provinces, assurée de la volonté de tous de tout mettre en oeuvre
pour assurer respect et dignité aux représentants des deux
grandes nations fondatrices du Canada par tout le territoire canadien.
Au-delà des divergences et options politiques, les gouvernements doivent
avoir constamment à coeur le bien-être de leurs
administrés. L'humain et le respect qui leur est dû doivent guider
la réflexion. La raison d'Etat ne peut faire fi du bien collectif. Tous
les premiers ministres doivent concerter leurs efforts vers la satisfaction des
aspirations et revendications des citoyens.
Que faites-vous donc dans le cadre de votre prise de position en faveur
de l'option Canada des enfants de parents qui viendraient au Québec
d'une province qui n'aurait pas conclu d'accord de réciprocité
avec le Québec? Je l'ai dit déjà dit, si le gouvernement
avait adopté notre position en faveur de l'option Canada, le
problème ne se poserait pas.
Compte tenu du gouvernement, il faut se rendre à
l'évidence qu'il y a encore espoir que, de ce
côté-là, le gouvernement nous propose une autre option
incomplète et très partielle par rapport à notre
proposition initiale, mais qui, à notre humble avis, est mieux que rien
du tout.
C'est le droit de toute province, y compris le Québec, de
conclure des accords de réciprocité avec les autres provinces
dans les domaines de sa compétence, et si, par ce biais, il n'est
possible de rejoindre que partiellement notre option initiale, je crois qu'il
est de notre devoir, en toute logique, d'y souscrire. Il appartiendra au
gouvernement du Québec et des autres gouvernements provinciaux de
s'entendre sur les modalités d'application de ces accords. Si un
gouvernement provincial décide, comme c'est son droit, de ne pas
conclure d'accord avec le Québec, il en portera l'odieux envers ses
propres citoyens, et le gouvernement du Québec assumera alors ses
responsabilités et les responsabilités de son option.
M. le Président, pour ces motifs donnés, repris
tantôt, et non pour des motifs en partie différents de ceux des
ministériels, bien sûr, nous voterons pour l'article 81a, tel que
formulé, article que nous avons devant nous, et je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
suis pas membre régulier de cette commission, alors je me
considère un peu comme un invité technique. Je voudrais dire
essentiellement trois choses aussi rapidement que possible, sans
répéter ce que d'autres ont pu dire avant. Quels sont les motifs
qui nous ont guidés pour qu'on en arrive à cette proposition
relativement à la réciprocité? Je dirai quelques mots, non
pas de l'application mais de la problématique de ces accords, comment on
peut les mettre en oeuvre. A ce sujet, il faudrait que je tienne compte du fait
que cela n'a pas été présenté encore au Conseil des
ministres. Quelques mots aussi de la négociation qui commencera
peut-être la semaine prochaine au Nouveau-Brunswick.
Pour ce qui est des motifs, il y a un motif de base que tout le monde
comprend. On vit dans une société où il y a une
mobilité de main-d'oeuvre entre le Québec et d'autres provinces,
de même qu'entre le Québec et d'autres pays, alors on ne fait que
reconnaître une réalité évidente qui ne demande pas,
je pense, à être prouvée. Maintenant, au-delà de
cela, il y a d'autres motifs. Tantôt, j'entendais des interventions
faites par un honorable collègue de l'Opposition qui se demandait quels
pouvaient être nos motifs. Je vais vous en donner quelques-uns.
J'espère que ceux qu'il cherchait vont se trouver là-dedans.
D'une part, sur le plan des principes, et je rejoins ce que vient de dire le
député de Mégantic-Compton, en sain
fédéralisme pas saint, mais sain il est
parfaitement normal, plausible, acceptable et reconnu qu'une province d'une
fédération, dans les domaines de sa compétence, veuille
aller de l'avant avec des accords qui la lient avec d'autres Etats
fédérés, et je pense que c'est ce qui s'applique
maintenant.
Donc, c'est une manifestation normale de compréhension normale du
fédéralisme normal. D'ailleurs, c'est conforme à un
souhait qu'avait exprimé à l'époque M. Trudeau
lui-même dans plusieurs de ses publications. J'ai retrouvé hier
une autre citation, mais je ne l'ai pas ici. De toute façon, ce n'est
pas le sujet, mais je la mentionne. Il y a un autre facteur qui entre en ligne
de compte, et cela rejoint une des remarques qui a été faite
précédemment. Bien sûr que, techniquement, les accords de
réciprocité on le verra tantôt touchent les
gens qui voyagent, c'est-à-dire les gens qui vont du Québec vers
l'extérieur, de l'extérieur vers le Québec, mais il faut
être un peu réaliste. Si une province est d'accord pour signer une
telle entente de réciprocité avec nous, de ce fait, elle devra
mettre sur pied des structures d'enseignement, s'il n'y en a pas, et, ainsi,
rendre disponible, et normalement le fera, ses structures d'enseignement aux
minorités francophones de l'extérieur du Québec.
Je pense que le geste que nous voulons poser est un des gestes les plus
importants que le Québec ait jamais posé par rapport aux
minorités francophones des autres provinces, se servant en cela de son
pouvoir politique qui est quand même important. D'ailleurs, les
minorités l'ont bien compris puisqu'elles ont tout de suite applaudi
à cette idée et elles ont manifesté le désir
vous avez peut-être remarqué cela d'être
présentes la semaine prochaine à ces discussions qui auront lieu
au Nouveau-Brunswick.
Donc, c'est une proposition de nature à aider les
minorités francophones des autres provinces. Il y a une autre
méthode de procédure qui aurait été de dire aux
autres provinces: Nous allons accorder à la minorité anglophone
du Québec des droits comparables à ceux que vous accordez
à notre minorité francophone à l'extérieur, mais je
vois d'ici les hurlements de l'Opposition libérale qui aurait
crié aux otages et à l'échange de prisonniers, en fait,
toutes sortes de choses qui ont été évoquées de
façon plus ou moins heureuse à l'Assemblée nationale par
moments. Alors, on a pris une autre méthode, on se fait encore crier
après, mais que voulez-vous qu'on fasse?
Il n'y a pas moyen de contenter tout le monde, alors, on s'en console
quand même.
La proposition que nous avançons aujourd'hui est une proposition
qui a été vous vous en souviendrez aussi reconnue
comme fort valable par au moins cinq ministres de l'Education de quelques
provinces. Il y a à peu près un mois, dans le journal the
Gazette, un samedi matin, j'ai vu cela, et on a vu de leur côté
une velléité, un intérêt envers la
réciprocité avec le Québec. Cela nous a incités, je
dois dire, à aller de l'avant. On s'est dit: II y a une ouverture
d'esprit de ce côté, ce ne serait peut-être pas
négligeable. D'autant plus que l'idée de la
réciprocité avait été suggérée par
des intervenants dans des mémoires à la commission parlementaire.
Ce n'est pas une idée qui est entièrement nouvelle. Même M.
Trudeau l'a eue déjà, lui, à un moment donné, donc
d'autres peuvent l'avoir.
Il faut dire aussi et c'est peut-être plus important encore
que j'ai été, avec le chef de l'Opposition et d'autres
représentants de l'Assemblée nationale du Québec, à
une conférence qui
s'appelait Destinée Canada, à Toronto, à la fin du
mois de juin. J'ai aussi eu l'occasion, au cours des derniers mois, d'aller
dans l'Ouest du Canada parler à des premiers ministres puis à
d'autre monde.
Tout chacun est là qui se fend en quatre pour tâcher de
trouver un moyen, pour tâcher de nous faire plaisir, ce qui nous rassure,
dans un certain sens, mais qui, d'autre part, n'est pas très convaincant
parce que, à un moment donné, quand on leur dit: "Vous avez des
bonnes intentions, vous faites des résolutions sur l'enseignement en
français aux francophones, mais là on va vous demander de livrer
la marchandise que vous promettez." A ce moment, cela les inquiète
davantage et puis à partir du moment où on a l'air sérieux
en voulant, en quelque sorte, donner suite à leurs propres
manifestations d'intérêt, on sent qu'il y a une réticence,
comme si c'est bon tant que ce sont des principes, mais cela devient
inquiétant et difficile d'appliquer dès qu'il s'agit de les
concrétiser. Là on va voir ce qui va se passer, on leur fait des
propositions je vais arriver à cela dans une seconde la
semaine prochaine.
Toutes ces déclarations d'intentions, la conférence
Destinée Canada, 1967 où j'étais là aussi avec M.
Robarts, à l'époque, à la conférence de Canada de
demain avec M. Johnson, M. Bertrand aussi, toutes ces manifestations de bonne
volonté, on a peut-être cru que cela existait nous autres et on
s'est dit: On va voir. D'où les accords qu'on veut proposer.
J'arrive maintenant au deuxième sujet que je voulais aborder,
c'est-à-dire ces accords eux-mêmes, comment cela peut-il
s'appliquer. Je veux tout de suite vous dire d'avance que, pour des raisons que
vous allez vite comprendre puisque le cabinet n'en a pas encore
été saisi que je ne peux pas vous dire, parce que je ne le
sais pas, quelle va être la proposition précise que le
gouvernement du Québec va présenter la semaine prochaine.
Ce que je peux vous dire, c'est un peu quelle est la
problématique, qu'est-ce que cela touche, comment est-ce que cela peut
et quel est l'univers qui est en cause. Il y a trois sujets: l'étendue
des accords, les délais de mise en oeuvre de ces accords, puis le
contrôle de leur mise en oeuvre.
L'étendue. Il y a toutes sortes d'accords possibles. Il y a des
accords de réciprocité totale. Cela veut dire qu'à ce
moment c'est 100% d'un côté et 100% de l'autre. Voici ce que je
veux préciser. On a ici, au Québec, un système
d'éducation qui garantit l'enseignement anglais aux niveaux primaire,
secondaire et universitaire. Un accord de réciprocité totale
voudrait dire que les autres provinces devraient donner chez elles à nos
gens qui vont là-bas le même genre de système
d'éducation. Si on veut faire une sorte d'évaluation, on a 100
points du côté du Québec, parce que notre système
est bon et complet, et on leur demande d'avoir 100 points de leur
côté aussi, si on veut qu'il y ait accord de
réciprocité. C'est une méthode. Cela est ce que j'appelle
la réciprocité totale et entière. C'est une proposition
possible. Je ne sais pas si c'est celle-là qu'on va retenir, c'en est
une qui est possible.
Il y en a une autre qui est possible, c'est une proposition qui
consisterait, pour nous, à donner l'accès à ces 100% que
je viens de mentionner ou les 100 points que je viens de mentionner du
côté du Québec, mais, de leur côté, à
se montrer gentil, en disant: Ecoutez vous autres, c'est bien sûr vous
n'avez pas eu le temps d'organiser cela, cela ne fait que 110 ans que le Canada
existe, par conséquent on comprend cela et dans cette perspective, on va
être d'accord pour vous donner 100 si vous consentez, de votre
côté, à donner l'équivalent de 25 ou de 50. C'est
une réciprocité qui est totale de notre côté pour
les anglophones, mais qui est partielle de leur côté pour les
francophones. Deuxième méthode.
Il y a une troisième méthode et là il y a un tas de
variantes possibles. C'est d'avoir une réciprocité partielle mais
égale, c'est-à-dire 50 d'un côté, 50 de l'autre, 25
d'un côté, 25 de l'autre, 10-10 ou 1-1, si vous voulez, s'il faut
absolument qu'on aille à la limite logique ou 0-0.
Mais ce que je veux mentionner par là, c'est que l'étendue
c'est cela le point, au-delà des boutades qu'on peut faire
de la réciprocité peut aller de totale-totale à
partielle-partielle, en passant par toutes sortes de variantes.
Je ne sais pas ce que le cabinet va décider et, dans certains
cas, il y a des difficultés administratives de part et d'autre. C'est
bien sûr qu'il y a des provinces qui seraient absolument incapables,
aujourd'hui, de nous donner une réciprocité totale. Je pense, par
exemple, à l'Alberta où il n'y a pas beaucoup de francophones. On
n'est quand même pas tombé tout à fait sur la tête.
On sait très bien que, dans certains cas, ce n'est pas possible, ce qui
introduit une autre dimension. Est-ce que les accords doivent être
identiques d'une province à l'autre, c'est-à-dire qu'on ait un
accord type pour tout le Canada, ou cela devrait-il être variable? C'est
une autre question dont le cabinet va décider la semaine prochaine.
C'est l'étendue.
Deuxième question, le délai. Cela ne sera pas long
à partir de maintenant, parce que j'ai moins de choses à dire.
L'accord va-t-il commencer pour le 1er septembre qui vient? Je ne pense pas
qu'on arrive à cela tout de suite, mais, en tout cas, c'est une question
qui peut se poser. Est-ce que ce serait le 1er septembre l'année
prochaine? Quel est, en somme, le délai que vont réclamer une
province, dix provinces ou huit provinces? Je ne le sais pas, mais c'est une
question qu'on doit se poser.
Troisième élément de la problématique, le
contrôle. Cela, ça fatigue du monde. C'est-à-dire que c'est
bien beau d'avoir des déclarations de principe, mais, si c'est un accord
qu'on a avec une autre province, il va de soi qu'il y a des mécanismes,
comme on en a d'ailleurs avec l'Ontario et avec le Nouveau-Brunswick
avec l'Ontario, cela marche mieux qu'avec le Nouveau-Brunswick qu'il
peut y avoir des comités qui existent, ce qu'on appelle des commissions
de coopération, qui peuvent, de part et d'autre, sur-
veiller l'application de ces accords. Est-ce que cela doit être au
niveau ministériel? Est-ce que cela doit être au niveau des
fonctionnaires? Est-ce que cela doit être au niveau de quelqu'un d'autre?
Je ne le sais pas, mais c'est une question qui devra être abordée,
parce qu'on n'a absolument pas l'intention, nous autres, de nous contenter de
déclarations de bonne volonté, parce qu'on va les avoir, les
déclarations de bonne volonté; on les a eues déjà;
cela fait dix ans que j'en vois, de telle sorte qu'il faudrait mesurer si la
bonne volonté se concrétise.
Cela pose un problème politique; cela pose un problème
technique; cela pose un problème administratif. On va tout regarder
cela, aussi la semaine prochaine. C'est évident aussi qu'on va en parler
avec les autres provinces, d'où mon troisième point
j'arrête avec cela la négociation.
La semaine prochaine je ne veux pas minimiser la
conférence qui s'en vient, mais il faut tout de même être
réaliste c'est une conférence de deux jours,
c'est-à-dire, pour être plus exact, de deux demi-journées,
jeudi et vendredi, parce que c'est comme cela que cette conférence est
faite. Que voulez-vous? Cela devrait durer une semaine, mais cela dure deux
jours et deux demi-journées.
A l'intérieur de cela, il y a aussi une demi-journée, en
plus, qui est consacrée aux premiers ministres seuls. Ils parlent de
choses et d'autres, sans témoins. Si on ne sait pas ce dont il va
être question là, on ne peut pas faire d'ordre du jour pour cela,
mais l'ordre du jour qui touche les accords de réciprocité, cela
a lieu vendredi prochain; donc, dans une semaine, et ce sera une partie de la
matinée; d'où la question: La négociation commence-t-elle
la semaine prochaine ou se termine-t-elle la semaine prochaine?
Nous autres, on a l'impression qu'il y a beaucoup de provinces qui ont
compris, parce qu'ils n'avaient pas lu la lettre avant de la commenter
M. Trudeau leur a dit quoi dire dans certains cas; cela facilitait les choses
il reste tout de même que beaucoup ont pu être
incitées à avoir une réaction que je pourrais qualifier,
pour être très franc, de plutôt négative, en partant
de l'idée qu'on leur demandait une chose impossible.
Je pense qu'on ne leur demandera peut-être pas des choses
impossibles, elles vont peut-être, la semaine prochaine, changer d'avis.
C'est à elles de décider. Cela ne m'empêchera pas de
dormir, ni personne; on va leur proposer vraiment quelque chose qui est
conforme au fédéralisme, quelque chose qui comporte des
précédents. On a déjà quand même un accord
avec le Nouveau-Brunswick et un autre avec l'Ontario, sauf qu'on veut
l'étendre à l'éducation. Si on pense que cela va aider les
minorités francophones d'ailleurs, ce sont elles qui l'ont
manifesté, puisqu'elles ont été très heureuses de
cette suggestion on va essayer d'en parler intelligemment la semaine
prochaine, on va essayer de se faire comprendre. Peut-être que la
négociation va arrêter là et qu'elles vont dire que cela
n'a pas de bon sens. On va comprendre. On va dire: Très bien, on va
fermer les cahiers, ou, au contraire, elles vont dire: II y a une
conférence de ministres de l'Education, jus- tement, qui a lieu au
début d'octobre, si je me souviens bien. Pourquoi eux autres ne
regarderaient-ils pas cela? Cela va être transféré à
l'autre conférence des ministres de l'Education.
Je me méfie, parce qu'une fois rendu là, les tas de
myriades et de sous-comités et de comités de fonctionnaires, on
peut se perdre en cours de route, le long de la fédération
canadienne, on ne sait jamais, mais, de toute façon, cela peut commencer
la semaine prochaine et se terminer la semaine prochaine, parce qu'elles ne
voudront pas, ou commencer la semaine prochaine et se continuer à
l'automne; je ne le sais pas.
C'est, en gros, là où nous en sommes aujourd'hui, mais,
honnêtement, je ne sais pas ce que le cabinet va décider. J'ai la
proposition ici, en dessous. Je la travaille en fin de semaine pour la terminer
et elle va être soumise mercredi prochain au Conseil des ministres.
Voilà ce que je voulais dire, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre des Affaires intergouvernementales. M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le
Président, le ministre des Affaires intergouvernementales nous a
souligné une série de difficultés qu'il y aurait à
conclure certaines ententes de réciprocité avec les autres
provinces. Il n'y a aucun doute que, de la façon dont il l'a
présenté, il existe certainement une série de
difficultés, mais, ce qui est malheureux, c'est qu'avant de commencer
à discuter de toute cette série de difficultés, il faut
retourner au principe que le ministre d'Etat au développement culturel a
énoncé.
Et c'est là, M. le Président, que je dois vous avouer que
je suis profondément déçu des propos du ministre d'Etat,
parce que, de la façon que le premier ministre a fait connaître le
contenu de sa lettre et de la façon que vous avez introduit un article
additionnel, je m'attendais vraiment que le principe que vous auriez
énoncé devrait vraiment protéger les minorités dans
les autres provinces, les minorités francophones dans les autres
provinces. Ma réaction initiale était qu'on ne devrait pas
trafiquer, c'est ce que j'avais dit, les droits des minorités.
Malgré cela, et malgré les inquiétudes que j'aurais quant
à la question de la souveraineté-association, etc., et les motifs
du gouvernement, je peux vous assurer que j'étais vraiment venu ici pour
discuter, d'une façon positive, des droits des minorités. J'avais
considéré, dans mon esprit, que la question de ces droits, des
droits fondamentaux, étaient plus importante et que la question de
souveraineté-association, si c'était une tactique, j'étais
prêt à l'oublier la question de la tactique, parce que les droits
individuels, les droits humains, les droits des minorités dans les
autres provinces étaient trop importants pour s'arrêter à
la question de ne pas le faire par ruse politique. Il faut être au-dessus
de cela. C'est pour cela que je suis profondément déçu
quand j'entends les propos du ministre d'Etat, ce ne sont pas du tout les
droits des minorités qu'il veut protéger. Cela n'a rien à
faire. C'est ce qu'on appelle-
rait un "trade exchange", un échange commercial. C'est seulement
cela, pour que certains employés de l'Etat ou d'autres entreprises aient
le droit d'aller travailler dans des entreprises dans les autres provinces. Ce
n'est pas de cette façon que je perçois les droits des
minorités. Je peux assurer le ministre des Affaires
intergouvernementales que moi aussi j'ai oeuvré plusieurs années
pour les minorités, non seulement les minorités ici au
Québec, mais les minorités d'autres endroits. Quand on commence
à comprendre les angoisses de ces gens, on peut voir quelle
déception profonde ils peuvent avoir quand on soulève des espoirs
et c'est trop important pour jouer avec cette question. Dans les autres
provinces, il y a des problèmes. Non seulement les minorités
francophones, mais plusieurs autres minorités. J'avais
espéré, pensé qu'on aurait vraiment commencé un
débat, une façon de procéder pour arriver à des
principes, peut-être idéalistes, mais des principes, pour vraiment
aider des personnes qui ont leurs aspirations linguistiques, leurs aspirations
culturelles, leur identité, et que nous aurions peut-être pu faire
un pas en avant.
C'est dans ce sens, M. le Président, que je veux dire au
gouvernement ma déception profonde. Je ne crois pas que ce soient des
sujets qu'on devrait traiter de cette façon. On ne devrait pas
créer d'espoirs, on ne devrait pas donner l'image que nous allons
protéger un certain concept pour des fins politiques. Si vraiment le
gouvernement avait été sincère, premièrement, cela
n'aurait pas été présenté de cette façon et,
malgré les difficultés que le ministre aux Affaires
intergouvernementales souligne, il faut retourner à la position de base
du gouvernement, il faut retourner aux propos du ministre d'Etat. Pour le
moment, je vais terminer mon intervention, en disant seulement au gouvernement
qu'il a causé une déception profonde à ceux qui
comprennent ce qu'est le droit des minorités et qui étaient
prêts à travailler et à apporter des suggestions positives
pour protéger ces minorités.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal.
M. le ministre de la Fonction publique et député de
Charlesbourg.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je
pourrais demander...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Opposition officielle, excusez-moi...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je
pourrais, à ce moment-ci...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
qu'il appartient à une autre personne que vous de faire la demande que,
je présume, vous voulez faire.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, après l'autre
intervention... Oui...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné que j'ai reconnu le député de Charlesbourg, celui-ci
peut adresser la parole et, par la suite vous ferez la demande en question.
M. Levesque (Bonaventure):... leur donner la chance d'y
penser.
M. de Belleval: M. le Président, dans une question,
malgré tout, aussi fondamentale, le danger, bien sûr, c'est, dans
le cadre de nos débats politiques, de ratatiner le débat à
des considérations que l'on peut appeler tactiques,
machiavéliques ou, à ce qu'on assimile actuellement trop souvent
dans l'esprit de certains membres de l'Opposition, à des manoeuvres.
Cependant, je pense que la question est trop importante pour que nous
cachions, ici même, mais qu'au contraire nous expliquions, de la
façon la plus sincère et la plus ouverte possible, la motivation
profonde qui nous a amenés, après un débat important,
après une réflexion de plusieurs semaines, à modifier le
projet de loi original et à introduire cette disposition.
Notre réflexion en cette matière a été
basée sur deux axes principaux. Tout d'abord, l'axe que j'appellerais
historique et, à cet égard, je pense que tous les membres du
gouvernement, en légiférant, en préparant ensemble le
projet de loi sur la langue, ont été très conscients et
ont parlé entre eux du poids historique qu'a dû subir le
Québec au Canada depuis 300 ans et, bien sûr, depuis surtout 200
ans, le poids historique donc qu'il a dû subir pour assurer sa survie et
son progrès au Canada.
Nous n'avons pu oublier, en légiférant, les tentatives de
génocide culturel, à toutes fins pratiques, la spoliation, la
déportation même, et, à l'occasion, les traités, les
constitutions qui ont été déchirés, en ce qui
concerne les droits des francophones, les pactes, les coutumes, les traditions
qui ont aussi été foulés aux pieds en cette
matière.
Nous nous sommes rappelés, bien sûr, le règlement 17
en Ontario qui a aboli, à toutes fins pratiques, les droits
linguistiques des francophones dans le domaine scolaire. Nous nous sommes
rappelés aussi, M. le Président, qu'au Manitoba la constitution
même de la province a été déchirée, et que,
là encore, comme dans les Territoires du Nord-Ouest et au
Nouveau-Brunswick, les droits linguistiques des francophones, à toutes
fins pratiques, ont été annihilés. Le résultat de
ces efforts, de la part d'une majorité oppressive, a été,
bien sûr, l'assimilation massive, et parfois irréversible, d'un
groupe francophone fort dans de nombreuses provinces. Cela, c'est le
passé, M. le Président, et nous n'avons pu l'oublier en
rédigeant nos propositions.
Mais vous me direz: Le passé, c'est le passé, et il y a le
présent. Même là, M. le Président, en regardant le
présent, nous n'avons pu oublier non plus les exemples récents
où, par exemple, dans le cas des contrôleurs aériens ou des
pilotes, un gouvernement, pourtant dirigé par des francophones, a
dû, ignominieusement, rendre compte à une opinion publique
majoritairement anglophone et empêcher qu'au Québec même les
droits des francophones ne soient respectés.
Nous n'avons pu oublier non plus les incidents récents où
de nos compatriotes francophones, dans le Sud de l'Ontario, n'ont pu obtenir
une école qu'à la suite, encore, de nombreuses
difficultés, que Radio-Canada, à Vancouver, n'a pu
établir, récemment, une station de télévision que
contre les hurlements de personnes bigotes et antifrançaises.
Nous n'avons pu oublier non plus les incidents populaires
récents, lors d'une simple partie de hockey, par exemple, à
Toronto. Nous ne pouvons pas oublier non plus que, dans la capitale même
des Acadiens, le député et le maire, qui représentent la
majorité anglophone, entretiennent aussi des sentiments hostiles
à notre culture et à notre nationalité.
Cette voie aurait pu être pour nous la voie de la haine et de la
vengeance, mais ce sont des sentiments qui nous sont étrangers. Mais la
colère, et la colère juste, et le chagrin, sont-ce là des
sentiments qui sont déshonorables? Je ne pense pas.
Toutefois, nous avons voulu seulement tirer des leçons du
passé et de cette voie historique pour nous tourner vers une autre voie
qui est celle de la voie de l'avenir et qui est la voie de l'espoir.
Nous avons tiré, cependant, comme je le dis, une leçon. La
leçon est que la force de notre culture doit venir de nous-mêmes
et non pas de gouvernements qui sont soumis à des majorités
populaires étrangères à notre propre culture.
La deuxième leçon est qu'il nous revient d'utiliser de
façon intelligente et mesurée cette force à notre avantage
et accessoirement, mais aussi de façon essentielle, à l'avantage
de nos frères des autres provinces pour obtenir des compensations
importantes sur le plan culturel, des avantages plus tangibles, plus
précis et plus concrets et susceptibles d'évolution et
d'amélioration au fil des années.
Cette force de négociation, nous voulons aussi l'utiliser dans un
contexte, comme je l'ai dit, d'ouverture, d'espoir et de confiance, conscients,
en effet, que, dans de nombreuses élites, du côté
anglophone, des progrès sensibles ont été faits en ce qui
concerne l'ouverture à la culture française, aux progrès
des Québécois de langue française et des minorités
de langue française; conscients aussi qu'il n'existe pas de peuples
voisins, si étrangers les uns aux autres, qui n'entretiennent pas entre
eux des liens multiples et étroits dans tous les domaines, y compris
dans le domaine culturel.
La proposition qui est devant nous est conforme à la nature de
nos liens historiques et culturels avec le reste du Canada, conforme aussi
à notre projet politique nous n'avons pas à nous en cacher
en matière d'association, conforme aussi, malgré les
injustices du passé, à nos espoirs de réparation et de
collaboration, compte tenu de l'évolution de nombreux milieux
anglophones, y compris des gouvernements anglophones dans ce pays.
Ce que nous voulons pratiquer, donc, c'est la politique de la main
tendue, mais sur une base de stricte égalité, comme il convient
de le faire entre partenaires dont les rapports reposent sur la base du respect
mutuel.
Le gouvernement fédéral, pour sa part, sera
sévèrement jugé partout au Canada, mais
particulièrement ici au Québec s'il continuait à inciter
les autres provinces à refuser de serrer cette main tendue.
M. le Président, il suffit d'espérer pour entreprendre, et
c'est ce que nous faisons. C'est ce que fera le premier ministre, la semaine
prochaine. Nous espérons donc sincèrement que cette main tendue
ne se refermera pas sur le vide, mais plutôt comme je le disais
tout à l'heure les regrets et les chagrins du passé seront
définitivement lavés.
Serait-ce trop présomptueux, M. le Président, de
solliciter instamment l'approbation de l'ensemble de la commission dans une
manière aussi vitale pour l'intérêt du Québec et du
reste du Canada? C'est le voeu que je formule en terminant mon intervention, M.
le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre de la Fonction publique. Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander si
la commission accorderait son consentement pour que le chef de l'Opposition
officielle puisse avoir le droit de parole.
M. Laurin: M. le Président, étant donné
qu'il s'agit de mon bon ami, le député de Bonaventure, dont les
lumières nous sont bien connues, étant donné qu'il s'agit
aussi du chef du Parti libéral, étant donné
également l'importance du débat, il me fait grandement plaisir
d'accéder à la requête du député de
L'Acadie.
M. Laplante: M. le Président, on aimerait à ce
bout-ci de la table, que ce soit considéré comme un cas
exceptionnel, réservé à des chefs de parti. Si un autre
chef de parti voulait parler, comme par exemple celui de l'Union Nationale, il
ne faudrait pas que ce droit lui soit refusé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que la commission décidera en temps et lieu. De toute façon, la
question ne se posera pas, puisque le chef de l'Union Nationale a l'habitude de
s'inscrire comme membre de cette commission.
M. Laplante: Non, mais j'aimerais que vous le considériez
comme cas exceptionnel.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait,
le président n'a rien à considérer, c'est la commission
qui est maîtresse de cette décision. Le président n'a
absolument rien à dire sinon de constater l'unanimité et le
consentement unanime des membres de la commission. J'accorde la parole au
député de Bonaventure et chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
remercier la commission de l'autorisation qu'elle me donne de participer
à l'étude de l'amendement proposé par le ministre d'Etat
au développement culturel, amendement que je considère
suffisamment important pour qu'on lui accorde une attention
particulière.
Je voudrais tout d'abord exprimer, si on me le permet, mon regret que la
commission ait jugé à propos de traiter, comme elle l'a fait,
l'article 69, ce qui nous amène évidemment à passer
à cet amendement qui est suggéré par le gouvernement.
C'eût été tellement plus facile, M. le Président, de
s'en tenir au moins à la clause Canada, ce qui aurait
réglé complètement cette discussion et nous ne serions pas
où nous en sommes présentement. D'ailleurs, M. le
Président, je voudrais rappeler à cette commission qu'il y a
quelque chose d'assez curieux dans le processus qui nous a amenés
à l'amendement suggéré. Nous avons tous été
témoins du livre blanc déposé par le ministre d'Etat au
développement culturel, nous avons également été
témoins du dépôt du projet de loi no 1 et nous avons
également été témoins du dépôt du
projet de loi no 101, tout cela sans qu'il soit mention, du tout, de ce
processus de réciprocité ou de cette idée de
réciprocité qui nous arrive depuis quelques jours. Cela
mûrissait.
M. le Président, ce qui me frappe encore, et je pense que le
député de Saint-Laurent l'a bien souligné, c'est que pour
justifier l'article 69 et la clause Québec, on nous avait amené
des arguments qu'on disait bien fondés, basés sur des
études démographiques que l'on jugeait très
sérieuses.
Alors, je dis, M. le Président, ou bien que c'était vrai,
que c'était bon, que cela servait un meilleur équilibre
démographique, ou que ce n'était pas tellement important puisque
cela peut se négocier. Si c'était aussi fondamental, assez
fondamental pour que le gouvernement lui-même, par son chef, se dise
tiraillé, au moins, personnellement, le chef du gouvernement s'est dit
tiraillé, je ne m'imagine pas qu'il était tiraillé par le
dernier article de la loi qui parle de l'entrée en vigueur, mais
peut-être que c'est cela qui le tiraillait?
M. Morin (Louis-Hébert): On ne le sait pas.
M. Levesque (Bonaventure): Peut-être que c'est l'ensemble
du projet de loi, mais ce que nous avons compris, c'est que l'une des
dispositions qui constituaient ou qui provoquaient ce tiraillement chez le chef
du gouvernement, c'était précisément l'option
Québec par rapport à l'option Canada ou l'option monde.
Qu'est-ce qui nous amène à étudier cet amendement
aujourd'hui? Je pense bien qu'il est clair, il est évident que le
gouvernement a voulu recourir à une procédure de diversion que
l'on attribuerait, d'après certains journalistes à l'imagination
fertile du ministre de la Fonction publique, qui vient d'ailleurs de nous
donner le fond de sa pensée...
M. Laurin: Excellente!
M. Levesque (Bonaventure): Excellente, oui. Ma présomption
est excellente également. Je me dis que, à ce moment-là,
lorsqu'on apporte cette procédure et que l'on suggère la
réciprocité, on est en train de soumettre à la
volonté d'un tiers, qui n'est pas le gouvernement du Québec, le
sort de nouveaux Québécois canadiens; on est en train,
présentement, de ne pas assumer pleinement ses responsabilités
vis-à-vis de tous les Québécois. Lorsqu'on
légifère, on ne légifère pas pour la journée
même de la discussion d'un projet de loi, on légifère
normalement d'une façon relativement permanente. Cela veut dire qu'on
légifère présentement sur des droits de
Québécois, et que l'on dit à ces Québécois,
nouveaux Québécois, Québécois de quelques
années, si l'on s'en tient à une législation relativement
permanente: Vos droits sont soumis à une volonté d'un
gouvernement d'une autre province. C'est ce que nous sommes en train de
dire.
Une Voix: ...
M. Levesque (Bonaventure): Si vous voulez, vous aurez l'occasion.
On est en train également, M. le Président, de nous demander
d'approuver, nous le ferons peut-être et j'expliquerai pourquoi nous
approuverons possiblement cet amendement, mais nous voulons justifier notre
vote ou le vote de mes collègues à la commission et,
éventuellement, à l'Assemblée nationale. On nous
présente ce qu'on appelle un accord de réciprocité
éventuel. D'après le ministre des Affaires intergouvernementales,
d'après ce qu'il nous a dit, il l'a bien admis, il ne sait pas encore ce
qu'il y aura dans cette proposition d'accord de réciprocité. Il a
dit qu'on pourrait, au Conseil des ministres, la semaine prochaine, parler de
l'étendue de cet accord ou de la proposition, etc., mais de ses propres
mots et je les ai soulignés, il a dit qu'il ne le savait pas.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
sais pas trop comment cela s'applique.
M. Levesque (Bonaventure): II n'y a pas de question de...
Des Voix: Article 96.
M. Morin (Louis-Hébert): Article 96.
M. Levesque (Bonaventure): Mais une fois que j'ai terminé
de parler, vous avez droit à l'article 96.
M. Vaillancourt (Jonquière): A moins que le chef de
l'Opposition officielle... S'il vous plaît! Effectivement, c'est
l'article 96, à la fin de l'intervention du chef de l'Opposition,
à moins que celui-ci n'y consente immédiatement.
M. Levesque (Bonaventure): C'est cela, vous savez le
règlement.
M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas, il doit y avoir un
article quelque part qui couvre...
M. Levesque (Bonaventure): Vous avez été tellement
gentil pour me laisser parler que je ne peux pas vous refuser cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah, que c'est gentil!
M. Levesque (Bonaventure): Mais je voudrais que ce ne soit pas
pris sur mon temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, cela va prendre quatorze
grosses secondes. Je n'ai jamais dit ce que M. le chef de l'Opposition
officielle est en train de prétendre, je n'ai pas dit que je ne savais
pas ce qu'il y avait dedans; j'ai dit que je ne savais pas encore ce que le
Conseil des ministres allait décider à partir d'un certain nombre
de variables et de propositions. Fin de mon intervention.
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre est le seul à
savoir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): ... ce qu'il y a dedans, et il demande
à la Commission, M. le Président, de se prononcer aujourd'hui sur
une proposition qui sera à l'origine d'un accord, c'est plutôt sur
l'accord éventuel et possible et même peut-être impossible,
parce qu'il a dit lui-même que cela se terminerait peut-être
vendredi prochain, ou cela commencerait, on ne le sait pas encore, et il
demande à la commission présentement un chèque en blanc,
parce qu'on ne sait pas de quoi il s'agit.
On demande un chèque en blanc et non pas seulement sur un accord
dont on ne connaît pas les termes, mais également on voudrait
avoir ce chèque en blanc pour pouvoir passer n'importe quel
règlement en vertu de cet amendement je tiens à le
rappeler qui se lit comme suit: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour étendre l'application de l'article 69..." Alors
que je vous soumets que c'était tellement important que cela ne pouvait
pas se changer, tellement l'équilibre démographique était
impliqué là-dedans, tellement le sort des Québécois
francophones était menacé. Là on pourra étendre et
changer complètement cela. "... étendre l'application de
l'article 69 aux personnes visées par une entente de
réciprocité concrète entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement d'une autre province. Malgré l'article
89, ces règlements peuvent entrer en vigueur dès la date de leur
publication dans la Gazette officielle."
Je soumets, M. le Président, qu'on nous demande d'abord ce
chèque en blanc. Deuxièmement, je dis que si l'on veut
réellement aider les Québécois qui vont dans d'autres
provinces afin qu'ils puissent obtenir des droits pour leurs enfants à
l'école française s'ils le désirent, nous sommes
pleinement d'accord. D'ailleurs, il faut rappeler que le Parti libéral
du Québec s'est tou- jours, contrairement au Parti
québécois, préoccupé des minorités
francophones à travers le Canada.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Non seulement nous nous sommes
préoccupés, mais nous avons posé des gestes, aux Affaires
culturelles, à l'Office du Canada français
outre-frontières. Celui qui est maintenant le ministre des Affaires
intergouvernementales le sait fort bien, parce qu'il était même un
des meilleurs collaborateurs dans cet exercice qui était celui d'un
gouvernement précédent et qui s'est ouvert aux minorités
francophones. Le Parti québécois, rappelons-le, a toujours
répondu, lorsque l'on disait: Ecoutez, messieurs du Parti
Québécois, vous voulez séparer le Québec du reste
du Canada, mais qu'est-ce que vous faites des minorités francophones
à l'extérieur du Québec?
M. Morin (Louis-Hébert): La réponse est
là.
M. Levesque (Bonaventure): La réponse venait
continuellement du Parti québécois et de son chef: Les
minorités francophones sont perdues, de toute façon, il faut
absolument que l'on sépare le Québec et que tout le Canada
français devienne le Québec, un Québec français un
Québec indépendant. Puis les minorités au
Nouveau-Brunswick, les minorités en Ontario, les minorités en
Colombie-Britannique, etc., c'est peine perdue, ils sont en décroissance
rapide. C'est cela qui se disait continuellement.
D'où vient, aujourd'hui, cet intérêt soudain pour
les minorités francophones? Or, il faut revenir aux paroles du ministre
d'Etat au développement culturel. Lui est logique avec sa pensée
et avec la pensée originale du Parti québécois. C'est
qu'il ne dit pas, lui, que c'est pour les minorités francophones du
reste du pays. Ce qu'il dit, lui, c'est pour les quelques centaines de
Québécois qui s'en vont à l'extérieur
occasionnellement. Et il dit: Si cela peut aider les autres, tant mieux.
Et là je reviens à notre ami de l'Union Nationale, le
député de Mégantic-Compton, qui parlait de la
déclaration que son chef ferait demain relativement aux minorités
francophones. Il n'a pas compris la philosophie derrière le gouvernement
actuel ou particulièrement, devrais-je dire, la philosophie que
véhicule le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: C'est question d'accent.
M. Levesque (Bonaventure): C'est une question d'accent
très importante et où l'on revoit la philosophie du ministre et
qui ne concorde pas avec celle du ministre des Affaires intergouvernementales
ni celle du premier ministre s'il était venu parler à cette
table.
Une Voix: Article 96.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Louis-Hébert): II dit des choses qui n'ont pas
de bon sens.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je sais que ce
que je dis ne fait pas l'affaire du ministre, mais je ne suis pas ici pour
faire l'affaire du gouvernement. Je tiens simplement à rappeler les
faits.
Notre politique linguistique est basée sur l'existence de deux
communautés linguistiques, M. le Président, et c'est pour cela
que nous avons toujours fait en sorte que les deux communautés
linguistiques puissent être nourries, si l'on veut, naturellement. Il
faut bien comprendre que, du côté de la minorité
anglophone, il y a des gens qui quittent le Québec
régulièrement, parce qu'il y a une mobilité
considérable à travers le Canada. Nous disons que la disposition
que nous avons adoptée, contre laquelle nous nous sommes
élevés cependant à l'article 69, ne permet pas, s'il n'y a
pas cette entrée normale vis-à-vis des Canadiens des autres
provinces à l'école anglaise au Québec... Si cela est
coupé, cela veut dire qu'à mesure que les anglophones quitteront
le Québec, dans cette mobilité, pour aller occuper des emplois
ailleurs et s'il n'y a pas une correspondance, à ce moment-là, on
affectera directement les droits d'une communauté linguistique.
M. le Président, je voudrais rappeler simplement un autre point
avant de terminer, c'est l'article 133 de la constitution. Lorsque l'on parle
de protéger, dans la constitution, les droits des minorités, on
voit que le gouvernement s'oppose à cela, sous le prétexte que
cela toucherait des droits qui sont exclusivement des droits provinciaux,
c'est-à-dire que cela toucherait le domaine de l'éducation.
Je soutiens, M. le Président, que déjà, dans la
constitution, il y a des protections pour les minorités sur le plan
confessionnel et jamais n'a-t-on dit que le gouvernement du Québec
n'avait pas une autorité exclusive en matière
d'éducation.
M. de Belleval: Dans notre constitution.
M. Levesque (Bonaventure): Cela dépend des
interprétations juridiques, mais dans la constitution, dans l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, il y a des dispositions à
l'article 133 qui font en sorte qu'il y ait, dans cette constitution et dans
cet article, des dispositions qui protègent les minorités non pas
sur le côté linguistique, mais plutôt sur le
côté confessionnel lorsque la constitution a été
écrite.
Pourtant, jamais je le répète n'a-t-on dit
que la province de Québec ou que le gouvernement du Québec
n'avait pas pleine autorité en matière d'éducation. Je
pose la question: Comment le gouvernement actuel, sur quelle base se
défend-il pour refuser c'est important, on admettra cela, parce
que ce sera peut-être soulevé à la conférence de la
semaine prochaine se refuserait-il à ce que, dans la
constitution, il y ait une protection... Je crois que c'est plutôt
l'article 93.
Une Voix: L'article 93.
M. Levesque (Bonaventure): Voulez-vous le changer dans le journal
des Débats, lorsque je parlais de l'article 133.
M. Laurin:...
M. Levesque (Bonaventure): Dans l'article 133, c'est la
législation et les tribunaux.
M. de Belleval: Vous n'êtes pas un expert constitutionnel,
de toute façon.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!.
M. Levesque (Bonaventure): Je connais la substance, vous
connaissez peut-être les numéros.
M. le Président, je reviens encore à cet article 93, je
demanderais que, dans le journal des Débats, on fasse la correction, si
l'on veut bien. Comment pourrait-on s'opposer à ce que, dans l'article
93, on puisse donner ces garanties constitutionnelles aux minorités
à travers le pays, ce qui inclurait les minorités francophones
à l'extérieur du Québec, ce qui inclurait les
minorités anglophones au Québec? Pourquoi nous opposerions-nous,
si toutes les provinces du Canada concouraient à cette proposition?
C'est une question que je pose.
Je voudrais, finalement, indiquer que, même si nous ne voulons pas
nous associer à ce "pace saving", si vous voulez, de la part du
gouvernement, c'est clair j'ai le droit d'employer ce mot que le
gouvernement a voulu, devant les divisions évidentes à
l'intérieur du cabinet, utiliser cette sortie, cette excursion vers
l'extérieur. Même si nous ne voulons pas nous associer à
cet exercice, nous croyons cependant, et cela en pleine logique et en toute
continuité, que tout ce qui pourrait être apporté ou
présenté ou adopté pour aider, d'une part, les
minorités anglophones au Québec ou francophones à
l'extérieur, nous allons l'appuyer, non pas à la façon que
cela a été apporté, non pas le but dans lequel cela a
été fait, non pas le motif qui l'a inspiré, mais, devant
la fermeture de l'article 69, une fermeture complète, nous pourrions,
à ce moment-là, juger à propos de l'appuyer avec ou
sans amendement ou sous-amendement, on verra; ce sont les membres de la
commission qui le jugeront, à la lumière de la discussion
si nous le faisons, nous le ferons dans le sens que, si on ne peut avoir plus,
on accepte le moins. Comme disait un député il y a quelques
années, autour de cette table: Quand on ne peut pas avoir un gros pain,
on prend un petit pain. C'est dans ce sens-que, si nous concourons à
cette suggestion, nous le ferons avec ces réserves, tout en souhaitant,
cependant, qu'à la réunion de St. Andrews, se dégage un
consensus véritable pour qu'à travers le Canada, ici comme
ailleurs, les droits des minorités soient sauvegardés,
respectés. Nous espérons un plein succès à cette
réunion de St. Andrews.
Il ne faudrait pas que, lorsqu'on reviendra de St. Andrews, on revienne
avec le statu quo. Ce n'est pas ça l'idée, je pense bien, que
l'on retrouve dans cette affaire de réciprocité. Il faut bien
comprendre qu'en Ontario, aujourd'hui, et au Nouveau-Brunswick, si vous
vous rendez dans ces provinces, vous avez le droit, les enfants francophones
ont le droit, les Québécois ont le droit de s'inscrire à
l'école francophone. Peut-être que le réseau n'est pas
aussi complet qu'il devrait l'être, mais il y a là une
liberté de choix qui est accordée, ne l'oublions pas, aux enfants
québécois qui vont en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Je
comprends, cependant, comme on l'a mentionné tout à l'heure, que,
dans certaines provinces canadiennes, l'équipement est assez petit et
restreint, d'autant plus que les minorités sont assez infimes au point
de vue du nombre de francophones dans ces provinces. Je songe en particulier
à la Saskatchewan et à d'autres provinces qui n'ont pas tellement
de population francophone.
Pour terminer, encore une fois, je voulais faire simplement ces
réflexions, pour ce qu'elles valent, avec l'idée de rappeler au
gouvernement que nous ne pouvons pas ne pas regretter son attitude,
particulièrement à l'article 69, qui nous amène à
cette proposition-ci, et, devant cette proposition-ci, nous prenons une
attitude positive, mais non sans avoir les yeux ouverts et en essayant de
rappeler au gouvernement et à la commission ce qui a pu inspirer le
gouvernement dans cet exercice, qui aurait pu tellement bien être
évité, si, au lieu de la clause Québec, on avait
accepté au moins la clause Canada, sinon la clause monde. Je vous
remercie.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le chef de
l'Opposition officielle. Je vous ferai remarquer deux choses, que j'ai
présumé le consentement unanime de la commission pour vous
laisser dépasser votre temps de trois minutes et que nous sommes...
Non, c'est accepté. Ce n'est pas méchant du tout...
M. Levesque (Bonaventure): II est arrogant... Il est
poison...
Le Président (M. Cardinal): ... et que, d'autre part, nous
sommes présentement devant un amendement et que nous ne pourrions pas
aller au-delà d'un sous-amendement. Sur ce, M. le ministre des Affaires
intergouvernementales, je vous ferais remarquer que vous n'avez pas besoin
d'invoquer l'article 96. Il vous reste encore sept minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas, 96... J'ai une
question seulement, M. le Président, à poser au chef de
l'Opposition officielle.
Le Président (M. Cardinal): II n'est pas obligé d'y
répondre.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, il n'est pas obligé,
mais ça peut le faire réfléchir en fin de semaine; c'est
toujours bon.
Tout à l'heure, par la voix du député de
Mégantic-Compton, nous apprenions que le chef de l'Union Nationale
allait, demain, dans une in- tervention je ne sais trop où, au
Nouveau-Brunswick, je pense...
M. de Belleval: A Moncton.
M. Morin (Louis-Hébert): ... à Moncton, demander
aux autres provinces de donner suite à ces accords de
réciprocité. Vu que vous souhaitez, et vous l'avez
mentionné, d'ailleurs, que ça réussisse, cette
réunion de la semaine prochaine, et que vous avez manifesté quand
même des sentiments fort valables à cet égard, est-ce que
vous seriez d'accord pour vous associer avec lui, de telle sorte que vous
puissiez faire savoir aux premiers ministres des autres provinces que, vous
aussi, vous aimeriez que les autres provinces regardent avec attention,
intérêt et de façon positive, quitte à y donner
suite en les signant, ces accords de réciprocité?
M. Levesque (Bonaventure): J'ai plus de prudence que le chef de
l'Union Nationale. Je ne connais pas les accords en question. Je ne connais pas
la proposition en question...
Des Voix: Ah!
M. de Belleval: ... des accords de principe.
M. Morin (Louis-Hébert): ... de principe.
M. Levesque (Bonaventure): ... mais je dis, cependant, et
même en principe, tel qu'il provient du parrain du projet de loi, je le
crains, parce qu'il ne s'occupe que d'un nombre infime de personnes. Il ne
s'occupe, dans son esprit, que des Québécois, de quelques
centaines ou de milliers de Québécois je ne suis pas
encore sûr du chiffre; il va nous le donner qui vont dans les
autres provinces. Il ne s'intéresse pas à ce qui, à mon
sens, est extrêmement plus important, c'est l'ensemble du Canada
français. C'est l'ensemble des minorités francophones à
travers le pays. Il ne s'en occupe pas; il ne s'en préoccupe pas. Il dit
que c'est tant mieux si ça aide, tant mieux. C'est une
conséquence indirecte, dit-il, mais, quant à nous...
M. Laurin: 96, 96, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Non, n'invoquez pas 96.
Ecoutez! J'ai permis, à cause de la personnalité qui est avec
nous cet après-midi, M. le chef de l'Opposition officielle, qu'on lui
posât une question et qu'il puisse y répondre. Il avait
déjà dépassé son temps. Par conséquent, je
ne voudrais pas qu'on en soit rendu à un duo entre M. le ministre des
Affaires intergouvernementales...
M. Levesque (Bonaventure): Mais je serais d'accord...
Le Président (M. Cardinal): ... et M. le chef de
l'Opposition officielle.
M. Le Moignan: Pour rétablir...
M. Levesque (Bonaventure): ... M. le ministre
d'Etat au développement culturel voulait rétablir des
faits...
M. Laurin: M. le Président, je veux rétablir les
faits.
Le Président (M. Cardinal): Bon! Comme vous avez
déjà fait une intervention, M. le ministre d'Etat du
développement culturel sur l'article 81a, par conséquent, vous
avez le droit d'invoquer l'article 96.
M. Laurin: Oui, sans apporter, quand même, trop d'eau au
moulin du député de Bonaventure, je veux quand même lui
dire qu'il me fait un procès d'intention. Je n'ai jamais dit que je ne
me préoccupais pas du sort des minorités; bien au contraire. J'ai
dit simplement que notre première préoccupation ici, au
gouvernement du Québec, c'était de nous occuper de nos
ressortissants, de nous occuper du bien-être, du développement des
francophones québécois, en l'occurrence, mais que si, d'une
façon indirecte, ces accords de réciprocité
bénéficiaient au plus grand nombre possible de francophones
établis dans les autres provinces, tant mieux. Mais si j'ai dit
ça, c'est simplement parce que ce n'est pas de la responsabilité,
de la compétence, de la juridiction du gouvernement du Québec
d'aller se mêler des affaires de l'Ontario, du Manitoba pour
légiférer à leur place, et sur ça, il y a un accord
parfait au sein du cabinet. Mais ce n'est pas un manque d'intérêt,
c'est le respect des juridictions des autres provinces. Ce n'est pas la
même chose.
M. Levesque (Bonaventure): Alors...
M. Laurin: Au contraire, mon coeur déborde d'affection,
d'intérêt et de sympathie pour le sort qui est fait aux
francophones dans les autres provinces du Canada et je le déplore et je
l'ai déploré à plusieurs occasions. J'ai trouvé ce
traitement indigne, scandaleux, et je n'aurais pas de plus grande ambition que
de le corriger dans toute la mesure du possible...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. Laurin: ... par les mesures, les accords de
réciprocité...
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, à
l'ordre! L'article 96...
M. Levesque (Bonaventure): Je vais compléter ma
réponse.
Le Président (M. Cardinal): ... monsieur, avec votre
expérience, vous savez bien qu'il n'y a pas de réponse...
M. Levesque (Bonaventure): On m'a posé une question.
Le Président (M. Cardinal): ... à une intervention
en vertu de l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): Si la commission y consent, je
suis d'accord. J'ai le consentement.
M. Bertrand: Brièvement.
M. Levesque (Bonaventure): Brièvement, pour ne pas abuser
de la permission qui est donnée. Je suis heureux d'entendre le ministre
se dire en faveur des minorités francophones. Je suis également
touché du fait qu'il ne veut pas légiférer pour
l'extérieur. J'ai simplement à revenir sur un point. C'est
lui-même qui m'y amène. Cependant, s'il ne veut pas
légiférer pour l'extérieur, il doit cependant
légiférer pour les Québécois du Québec.
Lorsqu'il légifère pour les Québécois du
Québec, il ne doit pas faire en sorte que leurs droits de
Québécois soient soumis à la volonté d'un autre
gouvernement d'une autre province. C'est ce que je voulais dire.
Et quant à la question qui m'a été posée par
le ministre des Affaires intergouvernementales, je lui dis que je ne connais
pas les propositions qui sont faites. Je ne connais pas les accords. Donc,
à ce moment, je ne peux pas dire si je dois les encourager. Mais ce que
je dois dire, et je le répète: J'encourage tous les premiers
ministres, à St. Andrews, à prendre l'engagement, s'ils ne l'ont
pas fait dans leur province, de s'occuper pleinement et de donner plein droit
aux minorités francophones dans tout le Canada, et qu'ils le disent
formellement. Cela doit-il se traduire par des accords ou autrement ou dans des
amendements constitutionnels? Ils le jugeront. Ils prendront leurs
responsabilités. Mais je dis qu'ils doivent faire en sorte, tous et
chacun, incluant notre premier ministre, de voir à ce que les droits des
minorités dans tout le Canada soient respectés.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Bonaventure...
M. Levesque (Bonaventure): C'est moi qui vous remercie et je
remercie la commission.
Le Président (M. Cardinal): ...et chef de l'Opposition
officielle et pour éviter toute discussion sur le droit de parole...
M. Bertrand: C'est malheureux que vous partiez!
Le Président (M. Cardinal):... je donne
immédiatement l'ordre: M. le député de Taschereau, suivi
de M. le député de Gaspé et de Mme le député
de L'Acadie.
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une demande de
directive.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Très brièvement. Je me suis
laissé dire, alors que j'étais absent de cette commission,
étant à la commission de la justice hier matin, qu'on aurait
conclu un accord ici, à la commis-
sion, pour traiter les nouveaux articles présentés par le
gouvernement comme étant des motions principales.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Dans le cas de
l'article 81a, ce n'est pas le cas. Je suis obligé de le dire
immédiatement. L'article 81a a été proposé
aujourd'hui comme une motion d'amendement à l'article 81. Dans le cas de
toutes les autres propositions qui ont été soumises et dont vous
avez le texte, il a été décidé, par la commission
et non pas par la présidence, que c'étaient des motions
principales.
M. de Belleval:...
Le Président (M. Cardinal): Non, M. le ministre de la
Fonction publique. Cela a été accepté. On pourrait faire
sortir la transcription du journal des Débats pour constater que le
texte que j'ai lu est le suivant: Que soit inséré, entre
l'article 81 et l'article 82, un article 80a qui se lirait comme suit, et le
texte est précédé d'un titre qui s'appelle: Motion
d'amendement au projet de loi no 101, et c'est ainsi que cela a
été présenté. Cela a été le seul cas.
Tous les autres articles ont été présentés comme
étant des articles remplaçant les articles antérieurs. Je
dois ajouter ceci. Dans le cas de l'article 81a, il serait surprenant que ce
soit un article qui remplace un autre article puisque c'est un nouvel article
qui se situe entre deux articles.
Je vous demande pourquoi vous me posez cette question de directive.
M. Lalonde: C'est parce que cela a un certain effet sur nos
travaux. Je vois la surprise sur le visage de certains membres de
l'équipe ministérielle. Si on voulait, avec l'accord unanime de
la commission, offrir, proposer, du côté ministériel, que
ce soit une motion principale, nous n'aurions sûrement pas
d'objection.
M. Charron: Non.
Le Président (M. Cardinal): Non. Attendez un instant. Un
fauteuil, s'il vous plaît, et devant le micro. Il faudrait que la
commission s'entende, parce qu'il est sûr que cela a des effets.
J'ai mentionné, en réponse à M. le
député de Bonaventure, que l'on ne pouvait faire qu'un
sous-amendement et non pas un sous sous-amendement.
Mais je dois rappeler que, comme président, j'ai
présenté ce texte très précisément comme un
amendement. J'en appelle tout simplement au texte du journal des Débats.
Ce n'est pas une demande de directive, ce n'est pas une décision. Il est
tout simplement normal qu'un article qui n'existe pas ne puisse pas être
un article principal.
Mme le député de L'Acadie sur la demande de directive.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est peut-être
que je vous ai mal compris, mais hier on nous a déposé cela au
complet.
Le Président (M. Cardinal): Sauf... Mme Lavoie-Roux:
Non, il est dedans.
Le Président (M. Cardinal): L'article 81a, je ne l'ai pas,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Oui, regardez.
Le Président (M. Cardinal): Non, c'était un autre
texte qui a été retiré.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il s'appelait 81a?
Le Président (M. Cardinal): Non, écoutez, je
m'excuse madame...
M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez?
Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous le permets.
M. Charron: La situation, telle que je la vois, c'est que la
différencec'est vous-même qui me l'avez rappelé
tantôt et le député de Marguerite-Bourgeoys a essayé
de le stigmatiser est à l'effet qu'il s'agit effectivement d'un
nouvel article que nous avons baptisé de 81a en attendant son
numéro officiel, lorsque la loi sera sanctionnée, à la
différence d'autres articles que le gouvernement présente comme
étant un remplacement d'un article dans le texte initial. Nous n'avons
rien remplacé, nous introduisons effectivement un tout nouvel article et
à ce chapitre, c'est un amendement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! On m'a demandé une directive, je vais revenir
là-dessus très brièvement.
L'article 81a qui apparaissait dans le texte qui vous a
été distribué a été retiré avant
même d'être présenté, il n'existe pas devant la
commission. J'en ai été informé et, encore une fois,
j'aimerais avoir le texte du journal des Débats devant moi pour vous
rappeler que j'ai lu ceci: Motion d'amendement à l'article 81. Je l'ai
dit très clairement et j'en ai bon souvenir et bonne souvenance. J'ai
même lu le texte pour que soit inséré, entre l'article 81
et l'article 82, un article 81a qui se lirait comme suit: ... je voudrais bien
qu'on ne croit pas que la présidence ait quelque coopération
particulière avec quelque formation politique. Je l'ai reçu comme
vous, sur cette table, et je comprends que l'on ait certaines
difficultés à interpréter exactement ce qui se passe, mais
je ne reviendrai pas sur cette décision, elle est rendue, c'est un
amendement. Je n'accepte pas autre chose qu'un sous-amendement. Si jamais il se
passait autre chose, ce dont je ne peux pas préjuger.
Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Conséquemment, je pense que vous avez raison
dans la description de ce qui s'est passé ici, c'est pourquoi j'ai
posé la question d'ailleurs. Quand vous dites que seulement un
sous-amendement peut être apporté, c'est-à-dire
qu'on ne peut pas proposer un sous-amendement à ce sous-amendement. On
peut proposer plusieurs sous-amendements.
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, cela est autre
chose. Vous pouvez proposer un sous-amendement, il peut être battu ou
rejeté, vous pouvez en proposer un autre, vous pouvez le faire 25 ou
septante fois.
M. Paquette: Dieu nous en garde!
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une suggestion
qui est faite à quelque parti que ce soit.
M. Charron: M. le Président je propose que l'article 81a
soit adopté.
Le Président (M. Cardinal): J'ai donné la parole,
j'avais reconnu M. le député de Taschereau sur cet amendement
à l'article 81.
M. le député de Taschereau.
M. Guay: M. le Président, j'ai été
très heureux d'entendre le chef de l'Opposition officielle venir nous
entretenir de ses lumières intellectuelles au sujet de l'article 81a et
je regrette sincèrement qu'il nous quitte si
prématurément. Il nous a fait valoir au cours de son intervention
qu'il avait les yeux ouverts. Je souhaiterais, pour ma part, qu'il ait
également les oreilles ouvertes pour mieux comprendre un peu le but de
l'article 81a.
Il y a quelque temps, en cette commission, il y a un autre
député de ce parti, le député de Jacques-Cartier,
qui avait trouvé le moyen de parler contre une motion pendant 20 minutes
pour finalement voter en faveur de la motion. Je pensais que c'était un
cas unique dans notre Assemblée nationale.
Je m'aperçois qu'en fait, l'exemple vient de très haut
puisque, en effet, le chef de l'Opposition a parlé pendant vingt minutes
contre l'article 81a ou contre la motion d'amendement à l'article 81, et
voici qu'il nous annonce, en terminant, qu'il va voter, enfin, que son parti
votera pour cet amendement. Bien sûr, M. le Président, ce n'est
pas la première fois que l'on assiste à des contradictions au
sein du Parti libéral, cette commission nous a fourni maintes occasions
d'en constater plusieurs et particulièrement au chapitre de la langue
d'enseignement.
Il faut toutefois retenir du remarquable spectacle du chef de
l'Opposition, car il est bon comédien, à défaut d'avoir
beaucoup de contenu, qu'il a dû faire son cours classique, à
l'époque, chez les bons Pères jésuites, parce que,
posséder à ce degré l'art du sophisme, apparemment, cela
relève effectivement des cours que donnaient les Jésuites, sans
porter préjudice à cette auguste communauté.
Mme Lavoie-Roux: Etes-vous aussi un ancien des
Jésuites?
M. Guay: Oui, mais je suis allé ailleurs aussi.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, je m'excuse, vous n'aviez pas le droit de parole. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de
règlement.
M. Lalonde: C'est une directive que je vous demande. Est-ce que
les propos anti-cléricaux sont antiparlementaires, M. le
Président?
Le Président (M. Cardinal): Non.
M. Guay: M. le Président, si vous saviez...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! On me demande une directive. Tout Cardinal que je sois, je
déclare qu'en vertu du règlement, seuls les propos qui attaquent
d'une façon insultante ou autrement les membres de la deputation sont
refusés, conformément à l'article 99, si je m'en souviens
bien, par conséquent, de se servir d'un langage violent ou blessant
à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée.
Je n'ai reconnu, dans les propos de M. le député de Taschereau
à l'ordre, M. le député de Saint-Laurent
rien qui soit blessant envers l'Assemblée ou envers qui que ce soit. On
peut bien reconnaître que quelqu'un puisse être jésuite ou
être catholique.
M. Guay: M. le Président, je dois dire que j'ai la plus
haute estime et la plus noble considération pour la
Société de Jésus parce que j'y ai même fait,
à l'instar du député de Marguerite-Bourgeoys, deux
années d'étude et non pas tout mon cours.
Mme Lavoie-Roux: Cela paraît!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: Mais je suis également passé par le
collège Stanislas où on apprenait le cartésianisme; cela a
beaucoup d'avantages.
Mme Lavoie-Roux: Oh! Un collège français.
M. Guay: Oui, Mme le député de L'Acadie, un
collège français.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: Je n'ai pas honte d'être passé par un
collège français, au contraire.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau, veuillez ne pas...
M. Guay: M. le Président, oui.
Le Président (M. Cardinal): ...accepter ces interruptions.
Je rappelle aux députés que les articles 26 et 100 leur demandent
de vous écouter et non pas de vous interrompre.
M. Guay: D'ailleurs, M. le Président, vous êtes bien
aimable, je relevais tout simplement la chose, parce que je croyais
dénoter chez le Parti libéral un sentiment anti-français
que je trouvais mal à propos.
Le chef de l'Opposition, M. le Président, nous a tenu, parmi tous
ces sophismes, un qui était particulièrement de taille. Il nous a
fait valoir, en effet, que l'article 81a soumettait à la volonté
d'un tiers, en l'occurrence d'un autre gouvernement au Canada, le sort d'un
nouveau Québécois, c'est-à-dire d'un hypothétique
éventuel citoyen qui viendrait possiblement à s'établir
éventuellement un jour, très hypothétiquement, au
Québec, et que, à ce point de vue, nous soumettions le droit de
cet éventuel et hypothétique citoyen du Québec au sort
d'un autre gouvernement.
M. le Président, de toute évidence, le chef de
l'Opposition n'a rien compris à l'article 81a. L'article 81a vise, au
contraire, non pas à protéger les droits d'éventuels et
hypothétiques citoyens qui, un jour, dans un lointain ou proche avenir,
pourraient s'établir au Québec, mais aux citoyens du
Québec qui vivent au Québec à l'heure actuelle et qui
attendent de leur gouvernement que ce dernier protège leurs droits, et
ce sont ces droits que nous visons à faire protéger par l'article
81a, à les faire protéger non seulement au Québec, bien
sûr, mais aussi à les faire protéger dans la mesure du
possible à l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces
du Canada, de la même façon que nous sommes disposés
moyennant réciprocité, et c'est le but de ces ententes, à
protéger au Québec les droits des citoyens d'autres provinces qui
seraient appelés un jour, hypothétiquement, peut-être,
à venir s'établir au Québec. C'est toute la
différence au monde, M. le Président.
Ce que nous demandons à la commission, ce n'est pas de se
prononcer sur le contenu spécifique et d'accords intergouvernementaux
qui sont encore à être détaillés et à
être négociés, mais sur le principe que de tels accords
puissent être négociés entre les provinces du Canada,
c'est-à-dire entre le Québec et les autres Etats membres de la
fédération canadienne.
Toutefois, M. le Président, là où le chef de
l'Opposition a atteint probablement le sommet de l'humour, c'est lorsqu'il a
fait valoir que le Parti libéral s'était toujours
préoccupé du sort des minorités françaises au
Canada.
Pendant les six longues, terriblement longues, interminables
années au cours desquelles le Parti libéral s'est vu confier la
gestion de la chose publique au Québec, les minorités
françaises des autres provinces ont attendu en vain que le gouvernement
du Québec élabore à leur endroit une politique, pas
nécessairement une grande politique, pas nécessairement un vaste
et grand dessin, mais au moins une politique. Elles ont attendu en vain.
Il fut mentionné à un moment donné que lors de la
Biennale de la langue française qui a eu lieu, il y a deux ans, je
pense, à Chicoutimi, le gouvernement du Québec en profiterait
le gouvernement d'alors pour annoncer cette politique tant
attendue et jamais pondue. Pourtant, M. le Président, plutôt que
d'énoncer une politique à l'en- droit des minorités
françaises du Canada à cette occasion, l'ancien Solliciteur
général, le député de Marguerite-Bourgeoys, nous
révéla le contenu de la souveraineté culturelle, ce qui
provoque évidemment un sentiment d'hilarité à la grandeur
du Canada et en particulier au sein des officines libérales à
Ottawa.
M. le Président, je trouve à tout le moins paradoxal que
le Parti libéral, l'Opposition officielle, le chef de l'Opposition
officielle depuis qu'il forme l'Opposition officielle, à chaque occasion
à l'Assemblée nationale, et en particulier lors de la
période de questions, lors de ses exercices quotidiens qui lui
permettent de gesticuler et de hurler, ne manque jamais l'occasion de demander
au gouvernement d'être un bon, un véritable gouvernement
provincial et d'entreprendre des négociations avec les autres
gouvernements dans le cadre d'un véritable esprit
fédéraliste pour respecter le mandat que nous aurions reçu
d'être un bon et un vrai gouvernement provincial. Or, voici que c'est
précisément ce que nous cherchons à faire, voici que fort
du mandat que nous avons reçu d'être un bon et un vrai pour
faire changement gouvernement provincial, nous voulons effectivement
entamer des négociations avec d'autres provinces du Canada. Et
voilà que l'on trouve matière à redire.
Alors qu'on nous dit: Négociez donc! Au moment où on
s'apprête à négocier, on dit: Non, vous ne négociez
pas sur la bonne affaire, ou ce n'est pas assez, ou ce n'est jamais suffisant,
ou ce n'est pas correct, ou cela devrait être autrement.
M. le Président, il est évident qu'un parti qui se nourrit
de contradictions aussi constantes et aussi profondes ne peut pas être
pris au sérieux. Ce qui est plus profond, M. le Président,
derrière tout cela, c'est évidemment la différence qui
existe entre un gouvernement provincial, bien sûr, qui vise à ne
plus l'être, certainement, et qui ne le sera plus le jour où le
peuple du Québec en décidera ainsi par référendum;
c'est la différence entre un gouvernement du Québec qui se tient
debout et qui, par le fait qu'il se tient debout, peut venir effectivement en
aide aux minorités francophones, notamment celles qui sont
situées le long de ses frontières et également les autres
qui sont situées ailleurs au Canada c'est toute la
différence au monde et un gouvernement comme on en a connu un
pendant six ans, qui était plus préoccupé de gouverner
à Québec pour défendre les intérêts d'Ottawa.
Depuis le 15 novembre, nous avons à Québec un gouvernement
provincial qui se tient debout pour défendre les intérêts
du Québec, les intérêts des Québécois au
Québec et aussi ailleurs dans le monde et notamment au Canada. C'est une
différence fondamentale. C'est évidemment une différence
que le Parti libéral ne saisit pas, compte tenu du passé, et
c'est une différence, évidemment, qu'il a beaucoup de
difficulté à accepter, compte tenu de la position que le chef du
Parti libéral, M. Trudeau, a adoptée concernant l'article
81a.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Il est dommage que
le député de Bonaventure ait quitté cette salle...
M. Bertrand: Très dommage.
M. Le Moignan: ... parce que je n'aime pas beaucoup parler dans
le dos des absents, mais il aura l'occasion de lire le journal des
Débats. Je ne veux pas engager de polémique avec le
député de Taschereau, je ne parlerai pas des Jésuites.
Mais avec le député de Bonaventure, j'ai eu l'occasion de faire
une partie de mes études sous la direction des Clercs de Saint-Viateur
et je crois que le député de Bonaventure et moi-même en
avons gardé le meilleur des souvenirs. Comme je vous le dis, c'est un de
mes amis, c'est mon voisin de comté, c'est le seul
réchappé de la grande tempête du 15 novembre dans l'Est du
Québec.
Mon intention est de lui porter secours dans la mesure du possible.
Quand...
M. Guay: A l'impossible nul n'est tenu.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Le Moignan: ...le député de Bonaventure parle du
chef de l'Union Nationale... Je crois que, dans son appel, notre chef est
très prudent, même s'il ne connaît pas du tout les
détails de l'entente. Le chef est demeuré sur le principe
même, il ne peut pas en être autrement.
Il n'y a pas beaucoup de monde, dans le moment, excepté le
ministre des Affaires intergouvernementales qui connaît les grands
secrets. Il n'a pas dû les livrer à notre chef, mais si le chef de
l'Union Nationale lui fait confiance, dans une certaine mesure, c'est qu'il
estime que quelque chose de positif sortira de cette rencontre.
Si notre chef a été aussi spontané, c'est
peut-être parce qu'il n'a pas agi sous l'empire de la crainte.
Une Voix: Voilà.
M. Le Moignan: II n'a pas eu peur de déplaire à
quelqu'un d'Ottawa que je ne nommerai pas; il n'a pas eu peur peut-être
de déplaire à M. Trudeau. C'est pour cela que j'ai
été un peu surpris tout à l'heure quand le chef de
l'Opposition libérale est venu reprocher aux ministériels
d'apporter, de façon tout à fait soudaine, un article à
caractère positif. Je me dis: Peut-être qu'il n'y a pas souvent
d'article positif, si, en fait, on nous en présente un,
réjouissons-nous, d'autant plus que cet article 81a on ne le lisait pas
dans le livre blanc, ni dans le projet de loi no 1, ni non plus dans le projet
de loi 101. Je crois qu'à ce moment-là, c'est un réel
progrès.
Quant à nous de l'Union Nationale, nous allons toujours
constater, je pense, avec une certaine joie, chaque fois que le parti
ministériel apportera quelque chose de nouveau, un point nouveau, que
cela provienne de nous ou des libéraux, des pénépistes ou
des créditistes...
Une Voix: ...
M. Le Moignan: C'est vrai, ils ne sont pas là, mais cela
ne fait rien. Même si cela vient des ministériels, si c'est
quelque chose qui vient éclairer davantage ce projet de loi et qui vient
donner peut-être plus de satisfaction aux Québécois de
quelque origine qu'ils soient, nous avons, à ce moment-là, tout
lieu de nous réjouir. C'est ainsi qu'en toute légitimité
nous nous attendons à ce que certains chapitres, comme par exemple ceux
traitant de la justice et de l'administration, qu'à ce moment-là
aussi on y découvre des points nouveaux. On sait que durant l'audition
des mémoires, de nombreuses suggestions ont été faites et
on pouvait se faire une idée un peu du projet de loi et on pouvait
à ce moment-là surtout souhaiter certains amendements que le
ministre d'Etat aux Affaires culturelles pourrait peut-être nous
apporter.
Je suis sûr que, depuis ce temps-là, beaucoup de choses ont
mûri dans son esprit. De toute façon nous sommes censés
aborder ces articles très bientôt, pas avant 18 heures, mais ces
jours-ci. Je crois que le gouvernement devrait nous réserver, tant mieux
pour nous, tant mieux pour la loi, des surprises aussi agréables.
Nous voulons accueillir, avec d'autant plus d'empressement l'article
81a. C'est qu'il s'agit ici d'un principe et, quand le chef de l'Opposition dit
que l'Union Nationale n'a pas compris la philosophie que véhiculait le
ministre d'Etat aux Affaires culturelles, je crois qu'il nous prend un peu pour
des naïfs. Il devrait se rassurer. Nous n'avons peut-être pas le
droit d'accepter tous les chèques en blanc que va nous donner le
gouvernement, comme le député de Bonaventure l'a
mentionné, mais je voudrais qu'il comprenne aussi que nous savons
très bien que le but premier de cet article concerne la question aussi
de la mobilité de la main-d'oeuvre et s'il y a cette entente de
réciprocité je ne veux pas entrer dans les domaines dont
le ministre de la Fonction publique a traité tout à l'heure
que ce soit 5%, 10%, 15%, 20% ou 100%, la réponse revient aux
autres provinces.
Je crois que, si les autres provinces veulent réellement
collaborer, la démarche du Québec ne sera certainement pas vaine.
On le sait par les études, par les écrits ou par le
mémoire de l'ACELP, ils désiraient ardemment, eux, demeurer en
contact avec nous. Je crois que c'est une entente de réciprocité
qui serait de nature à nous aider et à permettre à la
francophonie, je pense en termes du Québec, mais je pense aussi en
termes beaucoup plus larges.
Ceci étant dit, il ne faut pas être aveugle pour comprendre
que, par ricochet, on va certainement aider ces minorités, surtout si
les gouvernements des provinces voisines veulent signer cette entente avec
nous.
En terminant, M. le Président, notre appui à l'article 81
est d'autant plus nécessaire, si nous voulons assurer un minimum de
respect de la réalité canadienne. Si nous voulons ne pas nous
limiter à la seule et stricte option Québec du Parti
québécois, que sous-entend l'article 69, option toujours en
place, puisque nous n'avons pas
réussi à faire entendre raison aux ministériels
quand à notre option Canada.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
rappeler un fait au député de Gaspé. Si ma mémoire
est bonne, il était présent avec moi à cette rencontre
à laquelle nous avions été invités avec certains
députés ministériels et qui a eu lieu probablement au
début de mars, où nous avions rencontré des journalistes
africains. Ces journalistes africains posaient des questions, entre autres quel
serait le sort réservé aux minorités francophones si le
Québec devenait indépendant; quelles étaient les
préoccupations d'un gouvernement indépendantiste à cet
égard. Je pense que vous étiez là, M. le
député de Gaspé...
M. Le Moignan: Continuez, je répondrai après.
Mme Lavoie-Roux: Si votre mémoire est bonne, vous vous
souviendrez, sans doute, que les réponses qu'on donnait à ce
moment-là étaient à peu près les suivantes, elles
se situaient dans la ligne classique des leaders péquistes ou des
nombreux militants péquistes avec lesquels j'ai eu l'occasion, dans
différentes circonstances, d'aborder ce problème à savoir
que les francophones à l'extérieur du Québec
étaient décomptés à plus ou moins long terme, mais
que s'ils voulaient éventuellement on n'a peut-être pas
utilisé le terme "immigré" venir se joindre aux effectifs
du Québec, ils seraient certainement les bienvenus, et que, de plus, le
Québec leur fournirait un point de ressourcement ou un foyer de
res-sourcement au plan culturel et que, certainement, on voudrait, autant que
possible, qu'ils puissent puiser cette ressource culturelle.
Je me souviens d'avoir dû, à ce moment-là,
répondre ou à mon point de vue, rétablir certains faits
qui, je le croyais, étaient partagés par mon parti et selon
lesquels justement il me semblait tout à fait difficile d'accepter que,
dans un contexte canadien ou même nord-américain, où on ne
retrouvait que 6 millions de francophones, on puisse aussi facilement mettre de
côté un million de francophones quand on pense à l'ensemble
du continent, qui dépasse les 225 millions d'anglophones. Il y avait eu
à ce moment-là un certain échange. Mais j'avais cru
à la nécessité de rétablir ces faits. Que s'est-il
passé? C'est peut-être dans ce sens-là qu'on se pose des
questions sur la motivation du gouvernement. Evidemment, il y a eu saint Paul
sur le chemin de Damas, ce fut un grand miracle, une conversion subite.
Est-ce une répétition? C'est fort possible. A ce
moment-là, je ne devrais même pas mettre en doute la valeur de
cette conversion.
Mais, plus sérieusement, la motivation du gouvernement demeure
assez obscure, malgré les explications du ministre des Affaires
intergouvernementales. Pendant assez longtemps et je pense que tous s'en
souviendront le gouvernement justifiait les restrictions qu'il incluait
dans son projet de loi linguistique à l'égard des citoyens des
autres provinces en répétant à satiété que
le traitement que l'on réservait à la minorité anglophone
était encore bien supérieur à celui que les autres
provinces avaient accordé à leur minorité francophone.
Après que nous leur ayons fait valoir, à plusieurs occasions
et c'est peut-être, évidemment, s'attribuer là un
mérite que l'on n'a pas après leur avoir eu fait valoir
à plusieurs occasions que l'injustice des autres ne devait pas
être le fondement des rapports sociaux que l'on tentait d'établir
à l'intérieur d'une société adulte,
tolérante et respectueuse des citoyens, puisqu'il s'agissait bien de
citoyens lorsqu'on parlait des citoyens des autres provinces on est
quand même encore à l'intérieur du Canada lorsque
ces citoyens faisaient le choix de venir se joindre à elle, d'une
façon temporaire ou permanente, peu à peu, l'argument n'a plus
été utilisé. On ne l'a presque plus entendu en commission
parlementaire où, dans les débuts, il revenait, Dieu sait!
presque tous les jours. On pouvait croire qu'enfin le gouvernement avait
compris. Mais c'était s'illusionner, puisque aujourd'hui on ne parle
plus, on agit. Si vous êtes justes, on sera juste.
M. de Belleval: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Mme Lavoie-Roux: J'entendais le ministre de la Fonction publique
rappeler les différents événements historiques où
les autres provinces non seulement ne se sont pas acquittées de leurs
responsabilités envers leur minorité francophone, mais ont
également posé des gestes répréhensi-bles, que ce
soit la loi 17, que ce soit l'abolition, au Manitoba, des droits des
francophones, événements que j'ai, d'ailleurs, moi-même
rappelés dans mon discours de deuxième lecture sur le projet de
loi 101. Mais, toujours, et à chaque fois, on semble arriver à
des conclusions différentes.
Dans le cas du ministre d'Etat au développement culturel, pour
lui enfin, c'est la façon dont il s'était exprimé
tous ces événements nous mènent
inéluctablement vers l'indépendance. Pour le ministre de la
fonction publique, puisque, enfin, c'est le premier échange qu'on a la
chance d'avoir avec lui sur le sujet, il semble bien que toutes ces injustices
doivent enfin se régler. Elles doivent se régler et, à
partir de demain, on va je voudrais retrouver l'expression; je l'avais
mise quelque part cela va être un statut d'égalité
entre les deux groupes. Enfin, je pense que ce sont à peu près
les termes que vous avez utilisés.
Je pense que c'est un objectif normal; c'est un objectif
légitime, mais je voudrais qu'on le joue sur toute la ligne, et je ne
suis pas sûre que l'objectif que vous essayez de rejoindre, à ce
moment-ci, qui, à première vue, peut paraître
légitime, n'aura pas certains effets contraires à ceux que vous
voulez atteindre. Par exemple, quelle certitude avez-vous qu'au lieu d'aider
les minorités vous ne leur nuirez pas? Parce qu'il ne faut quand
même pas oublier qu'au-delà de ces accords de
réciprocité c'est ce que je déplore
peut-être
amèneront-ils ou conduiront-ils à des accords de
réciprocité qui seraient plus larges.
Mais comme ils sont limités strictement à la question des
échanges de cadres pour répondre aux besoins d'éducation
des gens qui se déplacent d'une province à l'autre, il ne faut
pas oublier qu'à l'intérieur des autres provinces et on va
nommer celles où évidemment c'est plus exact: le
Nouveau-Brunswick et l'Ontario vous avez deux systèmes. Vous avez
des écoles françaises et vous avez même, au
Nouveau-Brunswick, des commissions scolaires françaises. A ce moment, je
pense que ce qui peut arriver, c'est que ces systèmes qui ne sont pas
fermés aux francophones, d'où qu'ils viennent, sauf
évidemment s'il n'y a pas d'écoles, mais on essaie quand
même au Nouveau-Brunswick il faut essayer d'en convenir de
répondre, à tous les niveaux d'éducation, aux besoins des
minorités... pourraient dans l'avenir leur fermer les portes.
Comment avez-vous la certitude que par votre attitude rigide, en
restreignant l'admissibilité à l'école anglaise aux
enfants du Québec et en imposant la clause Québec, dans un
contexte plus large, vous ne créez pas dans ces autres provinces de
l'hostilité à l'égard des minorités francophones?
Dans ce sens, je pense que la proposition que vous faites est extrêmement
limitée. On peut, comme je le disais au départ, se demander
quelle est la motivation du gouvernement. Dieu sait pendant combien de temps le
ministre d'Etat au développement culturel nous a servi abondamment
c'était son droit et je pense que cela a pu être utile
des statistiques pour faire valoir le choix de la clause Québec,
et tout à coup, une des objections principales qu'il faisait valoir
était cette mobilité très grande ou ces migrations
interprovinciales si grandes que cela menaçait la survie du groupe
francophone au Québec. Il n'est peut-être pas allé aussi
loin que cela, mais c'était quand même une des raisons principales
qu'on a invoquées pour choisir la clause Québec.
A ce moment, tout à coup je ne dis pas que c'est mauvais
on est motivé et on ouvre cette clause de
réciprocité qui, si on arrivait à des accords, produirait
exactement les résultats que le ministre d'Etat au développement
culturel a voulu éviter en imposant la clause Québec et en
s'ap-puyant sur ce problème des migrations interprovinciales qui,
à son avis, sont trop nombreuses et sont défavorables au
Québec.
J'aimerais ici citer vous l'avez sans doute lu ou certains l'ont
sans doute lu des remarques que j'ai lues dans l'éditorial de
Montréal-Matin, de Marc Laurendeau qui, je pense, développe le
même thème en disant: "On croyait savoir que M. Camille Laurin
s'appuyait sur de solides analyses démographiques pour conclure qu'il
fallait retenir la clause Québec comme critère d'admission des
enfants à l'école anglaise plutôt que la norme de parents
ayant fait leurs études élémentaires en anglais au Canada.
Or, si le flot d'immigration anglophone venant des autres provinces menace
vraiment la proportion des francophones au Québec, pourquoi se mettre
à troquer une protection qu'on disait essentielle?"
Il reste que je pense que le gouvernement doit admettre que cet argument
a été utilisé maintes fois et d'une façon
vigoureuse pour justifier la clause Québec. Je continue. "M. Laurin
soulignait à titre d'avantage de la clause de réciprocité
la possibilité que des cadres francophones puissent en toute
quiétude aller assumer des postes supérieurs dans les autres
provinces en envoyant leurs enfants à l'école française.
Mais ceci ne conjure aucunement la menace de l'immigration anglophone venue des
autres provinces."
Et il conclut en disant: "La clause de réciprocité est
peut-être le fruit d'un jeu politique habile, mais elle est loin de
donner à la charte du français ses assises les plus
logiques."
Et je pense que sa conclusion est basée sur le fait qu'il a
observé l'argumentation démographique que le ministre d'Etat au
développement culturel a utilisée tout au cours des débats
que nous avons eus sur les projets des lois 1 et 101.
Je pense que nous nous posions des questions quant à la
motivation profonde du gouvernement. Quant aux objectifs politiques qu'il
poursuit, c'est tout à fait légitime. Qu'entre temps des accords
de réciprocité soient signés ou qu'on en vienne à
certains accords, je pense qu'on aurait mauvaise grâce de s'y opposer, je
pense que c'est cela que le chef de l'Opposition officielle a laissé
entendre tout à l'heure. Mais il faut bien reconnaître que ce
n'est même pas le petit pain dont il parlait, ce sont à peine des
miettes. A part cela, il faut se demander, et je pense que le ministre des
Affaires intergouvernementales en est très conscient, dans quelles
mesures les autres provinces pourront répondre à ceci: la
difficulté des contrôles, non pas tellement pour nos deux
provinces voisines, mais pour les autres provinces où les populations
francophones sont minimes. Je pense que ce sont là des questions qu'il
faut se poser. Quand le gouvernement essaie de faire valoir qu'avec cela il y a
des chances qu'on protège davantage les minorités francophones,
je pense qu'on essaye, au plan politique, de vendre une idée. Il ne faut
pas se leurrer, la majorité de ces échanges se fait entre les
grandes villes, Edmonton, Toronto, Winnipeg, Vancouver et évidemment le
Nouveau-Brunswick parce que le plus grand nombre de ces échanges
interprovinciaux viennent du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Si je me
rappelle certaines statistiques que j'ai lues, ce sont justement ces deux
provinces où déjà des ressources sur le plan
éducatif existent pour les enfants de langue française.
Je pense qu'on essaye vraiment de faire je sais que le
gouvernement n'aimera pas que je dise cela mais c'est ma perception des choses
un gros ballon politique, de, tout à coup, se poser en sauveur
des minorités francophones alors que tous les gestes et les opinions
qu'il a donnés dans le passé peut-être pas tous et
chacun des membres du gouvernement, je ne saurais le dire mais quand
même, la perception générale que les gens ont eue du Parti
québécois n'était vraiment pas à l'effet que les
minorités francophones étaient une préoccupation
très importante,
que c'était d'abord important pour lui de faire
l'indépendance et que le reste, peut-être, viendrait par
surcroît.
C'est dans ce sens que, moi-même, je me dis: Si certains gains
minimes peuvent être réalisés, je pense qu'il faut y
concourir. Mais essayer de donner à ce geste l'importance que le
gouvernement essaye de lui donner en faisant valoir qu'il se pose en
défenseur des minorités francophones, c'est vraiment fausser la
réalité des choses. Tout ce qu'on fait, c'est vraiment uniquement
toucher les échanges et non pas toucher le problème de fond des
francophones des autres provinces qui y vivent en permanence et qui ont choisi
de faire des autres provinces leur lieu de résidence, le lieu où
ils vont vivre, travailler, etc.
Je pense que c'est dans ce sens que, comme Opposition officielle, nous
nous permettons de soulever ces points de vue et que nous refusons, somme
toute, de penser qu'on va trouver là une réponse à la
demande que nous avons faite depuis le début de l'étude des
projets de loi 1 et 101, à savoir que le gouvernement montre beaucoup
plus de générosité à l'égard des autres
citoyens de ce pays, mais il s'y est refusé.
Quand le chef de l'Opposition officielle parle du tiraillement du
premier ministre, il a tout à fait raison de croire qu'on a
trouvé là un compromis qui peut être satisfaisant pour ceux
qui voulaient, à l'intérieur du gouvernement, maintenir une
attitude tout à fait rigide, et quand même essayer de rallier
l'adhésion du premier ministre qui, lui-même, s'il n'est plus
déchiré, se sent encore, au moins, mal à l'aise
vis-à-vis de l'option finale que le gouvernement a choisie dans tout ce
débat entourant la langue d'enseignement dans le projet de loi 101.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le
député de L'Acadie. Vous avez utilisé tout votre temps
mais rien de plus que votre temps.
M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, en vertu de l'article 96,
j'aimerais rectifier très brièvement certains faits. Au
début de l'intervention, j'ai pris mon mal en patience pour respecter le
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Non, M. le
député de Rosemont, vous ne pouvez pas.
M. Paquette: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Non, vous ne pouvez pas. Il
faudrait que vous ayez fait un discours ou une intervention.
M. Paquette: On ne peut pas rectifier certains faits à
l'aide de l'article 96?
Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de question
de privilège ici et l'article 96, ce n'est que si vous étiez
vous-même intervenu. Cependant, je vous donne une perche. Je vous donne
la parole et vous avez l'article 160 qui, au lieu de l'article 96, vous permet
de vous exprimer.
M. Paquette: Bon, d'accord, M. le Président. Je vais
commencer par ce projet. Au début de son intervention, le
député de L'Acadie a évoqué une réunion avec
des journalistes africains des pays francophones à laquelle j'assistais,
et où je suis intervenu, et je me rappelle très bien ce que j'ai
dit, à ce moment-là. Nous trouvions important de sensibiliser ces
personnes des pays francophones au phénomène d'assimilation des
minorités francophones dans les autres provinces, nous avons même
affirmé que, dans certains cas, il était possible que la chose
soit irréversible, effectivement, quand le député de
L'Acadie a parlé d'un million de francophones à
l'extérieur du Québec, il s'agit d'un million de personnes
d'origine française, mais environ, si je me rappelle bien, 600 000 de
ces personnes déclarent encore parler le français à la
maison.
Donc, nous avons attiré l'attention des journalistes africains
sur le phénomène d'assimilation qui nous paraissaient
irréversible dans certaines provinces, mais je me rappelle très
bien avoir également affirmé que, dans une optique de
souveraineté-association, nous souhaitons en tout cas,
c'était mon opinion personnelle, elle est partagée, je pense, par
un très grand nombre de députés du Parti
québécois faire en sorte que dans les accords
d'associations il y ait une partie de ces accords qui porte sur la protection
respective des minorités, de la minorité anglophone du
Québec et des minorités francophones des autres provinces.
Depuis presque le début que je suis en politique, à chaque
fois que j'ai l'occasion de parler du sujet dans des assemblées
publiques, je répète également la même chose,
beaucoup de mes collègues le font, je pense, entre autres, au
député de Mercier, en particulier. Et ce n'est donc pas un
volte-face, ce n'est donc pas un changement d'attitude récent que cette
préoccupation que le Parti québécois a envers les
minorités francophones. Seulement, je pense qu'il faut se rappeler des
Etats généraux de 1966 en tout cas, je ne me rappelle pas,
aux environs de ce temps-là alors que le virage a
été pris dans les mouvements nationalistes
québécois, et ensuite le Parti québécois a
adopté la même attitude, soit celle de dire: Pensons d'abord au
Québec; c'est dans la mesure je me rappelle avoir dit cela
également à cette réunion où nous aurons un
Québec fondamentalement français, vigoureusement français
que nous pourrons appuyer le développement des minorités
francophones hors Québec, et on est en train de le prouver, justement,
avec cet article 81a. Dans la mesure où nous allons asseoir le
français au Québec, nous pouvons nous permettre certains
accomodements, et précisément parce que ce projet de loi est
suffisamment vigoureux dans le domaine du travail, dans le domaine de
l'administration, dans le domaine de la consommation, dans le domaine de la
publicité, nous pouvons nous permettre une solution plus
défavorable sur le plan démographique, éventuellement,
tout dépend de ce qui va arriver avec les accords de
réciprocité, plus défavorable dans le sens où elle
pourrait nous ramener à la limite pratiquement à la clause
Canada, mais après avoir obtenu, en échange, un statut
d'égalité en ce qui concerne, en tout cas, les ressortissants du
Québec qui s'en iront à l'étranger, et peut-être,
par ricochet, parce que c'est impossible de le faire autrement dans le contexte
actuel, indirectement, en ce qui concerne les droits des minorités
francophones hors du Québec.
M. le Président, ce n'est pas là une attitude nouvelle que
le désir du gouvernement de protéger les minorités
francophones. Nous pouvons nous le permettre, actuellement, malgré que
les études démographiques que le ministre a
déposées nous démontrent qu'au moins pendant les dix
prochaines années, possiblement, si on était ramené
à la clause Canada à la suite des accords de
réciprocité, pendant un certain temps, la proportion de
francophones au Québec diminuerait. Nous pensons qu'elle pourrait
remonter par la suite mais elle diminuerait pendant un certain temps.
Par conséquent, c'est parce qu'on a un projet de loi suffisamment
vigoureux qui a pris clairement parti pour un Québec vigoureusement
français que nous pouvons nous permettre d'aller négocier avec
les autres provinces des accords de réciprocité.
Maintenant, j'ai été heureux de constater la prise de
position de l'Union Nationale et, de façon plus mitigée, celle du
chef de l'Opposition officielle qui nous disent: Puisqu'on ne peut pas avoir la
clause Canada, nous allons nous rabattre sur ces accords de
réciprocité. Je trouve cela tout à fait aberrant comme
attitude dans l'optique de partis qui disent: Ecoutez, il y a
énormément de choses à faire actuellement dans le cadre du
fédéralisme actuel, il y a moyen par négociations avec les
autres provinces, avec le gouvernement fédéral d'obtenir toute la
marge de manoeuvre politique nécessaire dont le gouvernement du
Québec a besoin pour assurer le développement du peuple
québécois. On dit cela, et à chaque fois qu'il y a un
moyen de le faire, on semble ne pas le voir. Moi, je me dis que si ces gens
étaient au gouvernement, actuellement, il se passerait exactement la
même chose que pendant les six ans du régime Bourassa. On dirait:
Ils sont trop forts, ils sont trop nombreux et on va commencer par leur faire
des concessions avant de leur demander de donner la même chose dans une
optique d'égalité. C'est exactement cela qui se passe.
L'autre jour, le député de Marguerite-Bourgeoys il
n'est malheureusement pas ici nous a comparés à des petits
garçons qui se rendaient compte de leur force et qui voulaient boxer
tout le monde, qui mettaient leurs gants de boxe et voulaient se battre avec
tout le monde. Je dirais que l'attitude des partis de l'Opposition est
plutôt de refuser en fait de monter dans l'arène et de dire: On va
laisser tomber les gants de boxe, et on va abandonner et on va espérer
qu'un arbitre quelconque va nous déclarer gagnants et va nous consacrer
une espèce de statut d'égalité. C'est exactement ce qui se
serait passé si ces gens étaient au gouvernement. Ils auraient
mis la clause Canada immédiatement dans le projet de loi et,
après cela, est-ce que vous pensez que cela aurait changé dans
les autres provinces?
Mme le député de L'Acadie, vous avez proposé un
amendement je vous donne seulement cet exemple, on dit que c'est mineur
ce qui est contenu dans l'article 81a pour les autres, pour les enfants
handicapés qui arrivent au Québec et qui devraient y trouver la
meilleure institution. Qu'elle soit de langue française ou de langue
anglaise, cela n'a aucune importance, dans ces cas, je suis d'accord avec vous.
Mais il faudrait penser aussi, et on n'y a jamais pensé au
Québec, aux enfants de Québécois qui s'en vont à
l'extérieur dans les autres provinces...
M. Bertrand: Handicapés.
M. Paquette: Les enfants handicapés qui ne pourraient pas
trouver d'institution adaptée à leur cas. Ces accords de
réciprocité devraient tenir compte de ces facteurs aussi et nous
assurer que les enfants québécois qui vont sortir du
Québec pourront trouver dans la mesure du possible un traitement
adéquat. On n'aurait pas pu faire cela si on avait accepté la
clause Canada. Je dis la même chose aux gens de l'Union Nationale. Si on
avait accepté tout de suite la clause Canada, cela aurait
continué comme avant et on n'aurait pas pu aller négocier un
statut d'égalité pour les Québécois.
Le même argument vaut pour la mobilité des personnes. Vous
voulez la mobilité des personnes. Nous aussi, mais on ne la veut pas
à sens unique. C'est bien beau dire: Les cadres, le personnel
scientifique spécialisé, enfin les gens qui viennent au
Québec devraient pouvoir bénéficier des avantages de
l'école anglaise, avantages qui ne sont pas accordés dans
beaucoup de pays, soit dit en passant.
Il me semble que le même raisonnement vaut et qu'il faut nous
assurer que les Québécois qui vont dans les autres provinces
trouveront les mêmes avantages. Ce n'est pas négligeable.
Je suis satisfait de la formulation assez générale de
l'article 81a où on parle tout simplement d'ententes de
réciprocité sans spécifier s'il s'agit uniquement
d'ententes de réciprocité concernant la langue d'enseignement,
parce que même si on négociait une réciprocité sur
le plan de la langue d'enseignement uniquement, le Québec ne serait pas
nécessairement gagnant et ce qu'on pourrait obtenir, c'est ce qu'on
donne déjà à la minorité anglophone.
J'espère que ces discussions, que ces négociations vont
permettre d'ouvrir tous les autres aspects de la vie collective. Combien de
francophones, quittant le Québec et s'en allant dans une autre province,
peuvent communiquer avec l'administration publique provinciale ou même
fédérale, en français? Il y a combien de personnes
on l'a vu tout récemment dans le cas du procès de Gérard
Filion en Ontario qui peuvent avoir une chose aussi fondamentale qui est
dans toutes les chartes des droits de l'homme un peu partout, le droit
d'être jugé dans sa langue devant les tribunaux? Voilà une
chose qui devrait être garantie et
on devrait essayer d'y toucher, au cours de ces accords de
réciprocité.
On dit que ce n'est pas suffisant. Il y a énormément de
choses déjà là-dedans qu'on peut faire et on dit que ce
n'est pas encore suffisant. Je suis d'accord, mais commençons par
là. Cela va peut-être permettre aux premiers ministres des autres
provinces et à l'opinion publique canadienne-anglaise de se rendre
compte du statut fondamental d'inégalité que les francophones ont
encore au Canada et nous permettre de toucher aux problèmes
constitutionnels plus profonds qu'évoquait le député de
Mont-Royal. Je suis d'accord qu'éventuellement, les droits linguistiques
des minorités soient reconnus, même dans un contexte de
souveraineté-association dans des accords spécifiques. Je pense
que le programme de notre parti qui parle d'une constitution du Québec
exige que nous inscrivions les droits des minorités dans cette
constitution.
Pour ce, il faut en arriver à pouvoir discuter sur un statut
d'égalité, ce qu'on n'a jamais eu. Cela m'étonne encore
une fois que les partis de l'Opposition n'acceptent pas, même dans une
optique fédéraliste, alors qu'un commissaire aux langues
officielles, un professeur vous avez vu cela de
l'Université Simon Fraser en Colombie-Britannique dit: C'est
peut-être une des dernières chances du fédéralisme.
C'est vrai, c'est peut-être la dernière chance que vous avez,
parce que si les francophones n'ont pas un statut d'égalité au
Canada, ne vous en faites pas, les Québécois vont savoir comment
voter.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai
écouté attentivement les nombreuses interventions du
côté ministériel cet après-midi. Vous me permettrez
seulement une remarque qui n'est pas du tout méchante, mais qui, je
pense bien, est appuyée par les faits. J'avais cru que les débats
de cette commission étaient entièrement occupés par de
longs discours venant des membres de l'Opposition, à qui on attribuait,
dans les plus noirs desseins, l'objectif de retarder les travaux de la
commission.
M. Paquette: ...en temps et lieu.
M. Forget: Pour ma première journée complète
à cette commission, je dois me rendre compte que, si on faisait les
statistiques en termes de minutes du temps occupé par l'intervention des
ministériels, on arriverait probablement, en étant
généreux à l'égalité et, comme la
journée n'est pas finie... De toute façon, je ne voudrais pas
décourager le zèle admirable des membres ministériels de
cette commission, je vois que le tableau réel est un peu
différent du tableau de la commune renommée.
M. Bertrand: II a fallu relever le niveau de la commission.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Cela étant
dit, je rappelle à M. le député de Saint-Laurent qu'il lui
reste six minutes.
M. Forget: Merci, M. le Président. D'une part, j'ai
quelques observations à faire. J'ai remarqué avec combien
d'ardeur touchante les ministériels qui se sont exprimés sur le
sujet, accueillaient les signes d'approbation qui leur sont venus des
représentants des divers partis d'Opposition à des degrés
divers et exprimés de façons diverses.
Je dois leur dire qu'ils ne doivent pas se surprendre que les partis
d'Opposition les appuient et les approuvent dans leur volonté nouvelle
de parler au reste du Canada. Comme vous le savez, nous avons depuis le
début de la session, et on s'est un peu lassé de le faire devant
l'absence d'écho que cela avait du côté ministériel,
on a à de nombreuses reprises invité le gouvernement à
nouer le dialogue avec les autres provinces, le gouvernement
fédéral de manière à faire évoluer une
situation que le gouvernement dit vouloir faire évoluer de façon
radicale, mais qui, selon nous, peut évoluer de bien des façons.
Donc, on se réjouit, bien sûr, si cela peut vous faire plaisir,
encore à plus forte raison allons-nous vous dire qu'on vous encourage
à discuter, à négocier de manière à faire
évoluer les choses. Cette satisfaction d'amour propre étant
acquise pour les membres du gouvernement, il y a un certain nombre d'autres
constatations qui s'imposent dans le contexte de la proposition qui est
faite.
Une deuxième constatation en plus de ce plaisir à recevoir
l'approbation des membres de l'Opposition qui est un sentiment bien humain,
c'est qu'il est tout à fait exact, et personne ne l'a nié, que le
but essentiel, le but premier de cet article 81a est de favoriser la
mobilité des cadres et des professionnels, d'un groupe relativement
mince de Québécois et de Canadiens plus
généralement d'une province à l'autre. Ceci ne veut pas
dire qu'il n'y a pas des retombées, et bien sûr, les
ministériels ont insisté avec abondance sur les retombées
possibles de tels accords de réciprocité, même avec leur
effet et leur objectif très limité sur l'ensemble des
collectivités francophones des autres provinces.
On pourrait longuement s'interroger sur le réalisme des espoirs
que les ministériels placent sur ces retombées. En effet,
interrogeons-nous un peu sur le lieu de destination des cadres et des
professionnels qui peuvent quitter le Québec pour se rendre dans les
autres provinces. Ces gens n'iront pas dans de petits patelins, dans des coins
reculés, ils vont s'en aller, dans l'immense majorité d'entre
eux, dans des villes où existent déjà pour les
minorités francophones un rudiment et parfois plus qu'un rudiment
d'institutions scolaires francophones. C'est le cas des grandes villes de
l'Ontario, certainement de Toronto. Je ne crois pas qu'on puisse
prétendre qu'il soit impossible pour un francophone qui va vivre
à Toronto d'obtenir pour ses enfants l'éducation en
français. Je crois qu'il n'est pas possible de le prétendre non
plus pour ceux qui iraient, par exemple, à Edmon-
ton ou à Calgary. Il est sûr que s'ils vont dans un
troisième village avec 5000 habitants ils vont éprouver des
difficultés. Ce ne sont pas les accords de réciprocité que
le gouvernement peut signer qui vont pouvoir surmonter ces
difficultés.
M. de Belleval: Est-ce que je peux seulement vous donner un
renseignement là-dessus?
M. Forget: Non, tout à l'heure.
M. de Belleval: Tout à l'heure, d'accord! Comme vous
voudrez.
M. Forget: Sur le plan des faits, je ne vois pas jusqu'à
quel point cette mesure limitée peut avoir des effets. Cependant,
même si on admet tout cela ou même si on le conteste, il reste
qu'on n'a pas démenti, non plus, la notion selon laquelle le
gouvernement dispose déjà, soit dans la Loi du ministère
des Affaires intergouvernementales, soit par l'article 81 qui lui donne un
pouvoir de réglementer et de dispenser qui il veut de l'application de
l'article 69, on n'a pas nié que, dans le fond, tous les instruments
sont déjà là, et que l'article 81 est purement redondant.
Au-delà de cela, même sans l'article 81, même sans la Loi
des Affaires intergouvernementales, c'est une des prérogatives du
pouvoir exécutif de conclure des ententes avec d'autres gouvernements
même sans autorisation spécifique dans une loi à cet
effet.
Donc, il n'y a absolument pas...
M. de Belleval: Avec l'Ouest.
M. Forget: ... de besoins, si on a seulement des objectifs
limités, d'avoir une disposition spéciale. Cependant, j'ai
écouté avec attention, comme je l'ai dit, l'insistance qu'ont
placée les membres ministériels sur les effets
généraux et leur sympathie à l'endroit des
minorités francophones. J'ai eu un peu l'impression, M. le
Président, qu'au-delà du but avoué et public et,
évidemment fort limité, que le gouvernement s'est donné
dans cette initiative de négociations, le gouvernement sans le dire, et
peut-être craignant un peu l'échec, et donc sans l'annoncer
d'avance de manière à ne pas perdre la face si jamais ses efforts
étaient sans issue, espère probablement, c'est du moins le sens
qu'on peut lui donner, faire déboucher ces accords de
réciprocité sur quelque chose de plus large que simplement la
mobilité des cadres et des professionnels. C'est du moins le seul sens
que je peux trouver à un amendement comme celui-là.
Le sens apparent, le sens explicite que le gouvernement a donné
à cet amendement n'est pas suffisant pour le justifier. C'est la raison
qui m'amène à dire que si, évidemment, on veut
déboucher et qu'on débouche effectivement, un jour, sur des
accords de réciprocité qui débordent leur objectif
relativement étroit, quoique valable, mais étroit
néanmoins je crois qu'on ne peut pas le nier à ce
moment-là, on va toucher des aspects beaucoup plus fondamentaux de la
Charte de la langue française. On va aller près de l'os, en quel-
que sorte. On va aller près des principes de base qui ont inspiré
le gouvernement, quelles que soient les réserves que nous ayons; ce
sont, malgré tout, les principes de base du gouvernement dans la
rédaction de l'article 69 en particulier. Et si on va toucher à
ces principes importants, à ce moment-là, M. le Président,
je crois qu'on a besoin c'est le but que je vise en présentant un
amendement de spécifier davantage le sens de la loi, et c'est la
raison pour laquelle...
Le Président (M. Cardinal): Très rapidement, parce
que déjà le temps est écoulé.
M. Forget: M. le Président, j'imagine que j'aurai un droit
de parole pour expliquer l'amendement. Je ne vais qu'en faire la lecture...
Le Président (M. Cardinal): Cela a déjà
été rendu; s'il vous plaît, oui.
M. Forget: ... et je vais demander qu'on fasse circuler
l'amendement:
Que soit inséré après le premier alinéa, une
disposition qui se lirait comme suit: "Une telle entente de
réciprocité ne peut entrer en vigueur avant d'avoir
été ratifiée par un vote majoritaire de l'Assemblée
nationale".
Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez bien me
remettre votre amendement, s'il vous plaît, je voudrais tout d'abord
souligner qu'il s'agit d'un sous-amendement. D'ailleurs, j'ai pris la
précaution, quand je suis monté à mon bureau tantôt,
de sortir le journal des Débats du 12 août 1977, 12 h 52,
où je dis ceci, en tant que président: "Avant que nous
continuions, je vais quand même souligner une chose. C'est qu'il y a eu
un amendement de proposé dès le début de l'article 81." Je
voudrais tout de suite le lire pour que les membres de la commission puissent
en prendre connaissance j'en ai déjà autorisé la
distribution et me prononcer immédiatement sur la
recevabilité, pour tenter de sauver du temps.
Par conséquent, nous en sommes à un sous-amendement, et
l'article 160 s'appliquera sur le sous-amendement.
Le sous-amendement proposé à l'article 81a, qui est
déjà un amendement, se lit comme suit: "Que soit
insérée après le premier alinéa, une disposition
qui se lirait comme suit: "Une telle entente de réciprocité ne
peut entrer en vigueur avant d'avoir été ratifiée par un
vote majoritaire de l'Assemblée nationale".
En vertu de l'article 70, je dois dire qu'en pure technique
parlementaire, l'amendement est rece-vable.
M. le député de Saint-Laurent, vous pouvez parler sur
votre sous-amendement.
M. Forget: M. le Président, le but de cet amendement est
de tirer tout simplement les conséquences, sur le plan
législatif, de l'espoir implicite que l'on peut déceler du
côté gouvernemental si, du moins, on doit donner un sens à
l'article 81a, comme je l'indiquais tout à l'heure. Il
faut y voir plus que le but relativement modeste et presque
administratif que le ministre d'Etat et le ministre responsable des Affaires
intergouvernementales lui ont donné.
Je peux comprendre les raisons qui peuvent inciter le gouvernement
à ne pas pouvoir se compromettre plus explicitement quant à des
objectifs plus ambitieux, mais il reste que si on veut lui donner un sens, on
doit supposer que, éventuellement, de tels accords de
réciprocité pourraient aller très loin pour modifier
l'application et, donc, le sens de certains articles fondamentaux de la
loi.
Si cela était, et si nous adoptions sans modification l'article
81a, nous nous trouverions, dans ce cas-ci, à donner au gouvernement,
par le moyen de négociations intergouvernementales, le moyen,
effectivement, de modifier la loi, d'amender la loi en tout temps après
son adoption.
Si l'on juge que ces principes sont suffisamment importants pour faire
l'objet d'une loi aussi laborieusement étudiée et
rédigée que celle-là et aussi volumineuse, je crois qu'on
doit également prétendre que l'Assemblée nationale devrait
être appelée à se prononcer et à débattre
tout projet d'entente qui aurait un effet aussi considérable.
Ceci ne changerait en rien la possibilité du gouvernement de
prendre l'initiative et de négocier de telles ententes, mais permettrait
au moins de renseigner l'opinion publique, de sensibiliser cette opinion sur la
position des différentes formations politiques sur l'opportunité
de telles ententes, sur leur application, permettrait d'en préciser le
sens et donnerait tous les délais voulus pour que son application se
fasse de manière à respecter pleinement la volonté
démocratique qui s'exprime par les lois et qui ne devrait être
modifiée que par un mécanisme également rigoureux,
également exigeant.
C'est donc dans ce sens qu'il m'apparaît nécessaire de
prévoir un vote majoritaire de l'Assemblée nationale. On
s'opposera peut-être en disant qu'il s'agirait d'un
précédent que de créer un tel pouvoir de ratification,
d'entente intergouvernementale par l'Assemblée nationale.
Je crois que c'est tout à fait exact. Il s'agirait, à ma
connaissance, d'un précédent pour ce qui est du Québec et
pour ce qui est des ententes interprovinciales.
Cette objection est-elle véritablement une objection qui doit
être retenue? Jusqu'à maintenant, les ententes
intergouvernementales auxquelles a été partie le Québec
ont été largement et presque unanimement des ententes de
caractère administratif et financier dont les principaux points
d'application étaient constitués par le gouvernement
lui-même, par ses ministères, qu'il s'agisse d'accords en vertu
des ententes pour le développement régional, qu'il s'agisse des
ententes pour le financement conjoint de certains programmes de dépenses
publiques; la population comme telle n'a jamais vraiment été
impliquée dans les retombées de telles ententes, mais pour la
première fois, nous nous retrouvons devant un projet de loi et un projet
d'articles qui donnent au gouvernement le pouvoir de modifier une loi, loi qui
elle-même, af- fecte directement ses citoyens et non pas sur un point de
détail, non pas sur une simple formalité administrative, mais sur
des droits que le gouvernement lui-même juge fondamentaux, comme
justifiant une description, une spécification extrêmement
précise, et qui ne permet pas d'ailleurs de dérogation, sauf
celles qui sont explicitement prévues par les règlements et qui
ont fait l'objet d'ailleurs déjà, aujourd'hui même
je pense en particulier à l'article 81, je pense aux débats qui
ont entouré l'article 77 à des débats
extrêmement longs et extrêmement complexes.
Cependant, dans un domaine comme celui de la réciprocité,
et dans la mesure où l'entente est réciproque, le gouvernement
recevrait le pouvoir de tout modifier, presque sans exception, puisque
contrairement à l'article précédent où il y avait
malgré tout une intention déclarée d'exempter certaines
personnes qui séjournaient de façon temporaire au Québec,
l'article envisagé par le gouvernement 81a a une
portée possiblement beaucoup plus grande. Je dis possiblement, encore
une fois, parce qu'un tel amendement ne serait évidemment pas
justifié si le ministre d'Etat nous affirmait de façon absolument
catégorique que jamais et en aucune façon, les accords de
réciprocité ne pourraient dépasser ou déborder le
cadre strict de mesures destinées à favoriser la mobilité
des travailleurs professionnels ou des travailleurs cadres d'une province
à l'autre.
Si c'est tout ce qu'on voulait faire, si on n'avait pas d'objectif tant
soit peu ambitieux que celui-là, on n'aurait vraiment pas besoin d'une
ratification par l'Assemblée nationale. Mais j'ai senti dans les propos
des députés ministériels une espèce de
déchirement entre le désir de nous en dire plus et de
dévoiler vraiment le caractère de leurs ambitions dans ce domaine
qui est vraiment d'ouvrir la porte à un nouveau "deal" entre les
provinces, à un nouveau "deal" pour les minorités et, d'autre
part, le souci qu'ils ont que, s'ils dévoilent tout de suite leurs
intentions possibles et si jamais l'amorce de discussion au nouveau-Brunswick
était encourageante, ils se seraient compromis, ils auraient un peu
risqué leur crédibilité dans le processus.
Comprenant cette espèce d'ambivalence dans les réponses
qu'ils nous ont données, j'ai cru qu'il serait important que, si jamais
ces espoirs plus grands mais non explicites avaient des suites, si jamais les
provinces autres que le Québec se montraient disposées à
négocier plus largement que ces ententes vraiment très larges et
de très grande conséquence pour tous les Québécois,
tant majoritaires que minoritaires, il faudrait essentiellement voir ces
conséquences ratifiées par l'Assemblée nationale afin que
l'exécutif ne dispose pas d'un pouvoir excessif via des ententes avec
d'autres gouvernements.
C'est d'ailleurs une rationnelle que l'on trouve dans les
procédures législatives d'un très grand nombre d'Etats,
c'est une pratique établie en droit public que des ententes
intergouvemementales, des contrats intergouvernementaux ou des traités
non officiels, lorsqu'il s'agit d'Etats vraiment souverains, fassent l'objet
d'une ratification par une
des Chambres législatives ou par les deux. Evidemment, dans le
cas du Québec, le problème ne se pose pas, cette ratification
devrait venir de l'Assemblée nationale, et c'est la raison de cet
amendement.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, j'accepterais l'amendement du
député de Saint-Laurent si le Québec était
déjà un pays indépendant car, dans les pays
indépendants, les traités conclus entre Etats souverains doivent
être approuvés par l'Assemblée nationale des pays
concernés. Mais, comme nous ne sommes pas encore indépendants,
que ceci va tarder encore de quelques années, deux ou trois ans, nous
sommes obligés de nous conformer aux us, coutumes et lois en vigueur. A
ce moment, nous sommes obligés de suivre les précédents
qu'ont établis les anciens gouvernements, c'est-à-dire que
l'exécutif avait pleine autorité pour négocier des
ententes, à l'intérieur de leur juridiction, de leur
compétence, avec les autres entités juridiques, qu'il s'agisse de
provinces ou d'Etats, sans avoir à les soumettre à
l'Assemblée nationale. Nous suivrons donc en cela les
précédents établis par les gouvernements
précédents et nous ne croyons pas opportun d'accepter
l'amendement du député de Saint-Laurent.
Notre deuxième raison pour ne pas l'accepter, c'est
qu'évidemment cet amendement, venant d'un parti qui a assumé,
à plusieurs reprises dans le passé, la responsabilité du
pouvoir, donc qui présente cet amendement en toute connaissance de
cause, sachant les précédents qu'ils ont eux-mêmes
établis, ne peut être qu'interprété que comme une
motion dilatoire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Le sens de cet
amendement, face à l'article 81a, porte sur le principe. Quant aux
motifs que l'on vient d'alléguer, quant à la publicité
autour de l'éventuelle entente afin de favoriser la solidarité
des Québécois, il semble qu'on peut y arriver par les moyens, par
les façons coutumières de procéder à
l'Assemblée nationale où l'on demandera, au besoin, tout
dépôt de documents qui seraient reliés à la
matière en question. Enfin, nous voulons croire qu'il ne s'agit pas
d'une autre façon de parler quatre fois durant 20 minutes, si nous
regardons l'horloge.
Evidemment, je ne veux pas brimer la liberté de l'Opposition
officielle. Elle n'a pas de conseils à me demander dans cela, mais, si
on court à la guillotine, cela viendra peut-être. On est
près des Inuit. La guillotine est arrivée la première fois
avec les Inuit. Est-ce le même sort encore? Pourtant, les Inuit ne nous
font pas dommage. J'espère que la chose ne se produira pas. Est-ce qu'on
court à la guillotine ou à un projet collectif que nous aimerions
voir sensé et raisonnable? Nous avons hâte, quant à nous,
de procéder à l'adoption de l'article 81a, que le chef de
l'Opposition lui-même, tout à l'heure, a semblé approuver.
Je crois qu'il a même semblé, si j'ai bien saisi ses paroles,
souhaiter voir voter cet article en dépit des réserves qu'il a
tout de même formulées. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autre
intervenant?
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas eu le loisir
d'intervenir sur la motion principale, ou le principal amendement, mais il me
paraît que cet amendement dissipe un peu le scepticisme que j'avais
à l'égard de la motion d'amendement du gouvernement.
En effet, le caractère très préliminaire du projet
de réciprocité avec les autres provinces qu'on veut toucher par
cet article 81a a inspiré certains propos ici, à savoir qu'on
n'est pas encore en connaissance de l'état de la situation, et la
description que le ministre des Affaires intergouvernementales a donnée
du dossier soutient les propos que je tiens actuellement à
l'égard de ce projet. On ne sait pas ce qu'il y aura dans ces accords de
réciprocité. On ne sait pas l'étendue de ces accords, on
ne sait même pas quel genre de contrôle, ce sera par exemple
on pourra en parler sur la motion d'amendement principale mais c'est un
aspect qui est extrêmement important, si on veut que de tels accords ne
restent pas lettre morte.
La vertu du sous-amendement du député de Saint-Laurent
et j'aurais espéré que le gouvernement réagisse
plus positivement à son égard est justement de donner un
peu de connaissance au législateur, en ce qui concerne le contenu de ces
accords, c'est-à-dire à l'institution la plus solennelle de notre
régime démocratique, de l'Etat, c'est-à-dire
l'Assemblée nationale, il donne à l'Assemblée nationale
l'occasion non seulement de se prononcer, on peut tout de suite prévoir
dans l'hypothèse où le ministre de l'Education, par
exemple, présenterait à l'Assemblée nationale un accord de
réciprocité, on peut d'avance prévoir que cet accord de
réciprocité recevrait l'assentiment de l'Assemblée
nationale, à cause de la majorité, mais cela donne l'occasion
à tous les élus de parlementer, il s'agit d'un Parlement, de
prendre connaissance du contenu, peut-être de faire des suggestions au
gouvernement. Cela donne un caractère beaucoup plus solennel, un contenu
beaucoup plus solide au projet de réciprocité qu'on nous
présente.
Quant à la réponse du ministre d'Etat au
développement culturel, elle me surprend. Il invoque le fait que le
Québec n'est pas un pays souverain pour rejeter la proposition du
député de Saint-Laurent, alors que, dans d'autres occasions, ce
gouvernement ne manque pas, à bon droit, comme les gouvernements qui
l'ont précédé, de la souligner et d'insister sur la
juridiction exclusive du Québec en matière d'éducation.
Par extension, justement, puisque ce projet d'accord de
réciprocité couvert par l'article 81a a trait à la langue
de l'enseignement, de toute évidence, puisqu'on l'in-
clut dans le chapitre de la langue de l'enseignement, on ne peut donc
pas présumer que ces accords de réciprocité, sauf en ce
qui concerne les propos du député de Rosemont qui a un peu ouvert
la porte et qui a dit que ces accords pourraient peut-être couvrir
d'autres domaines, d'autres secteurs d'activité, on doit, dis-je,
étant donné que le gouvernement nous propose l'amendement
à l'article 81a, présumer qu'il s'agit de questions
d'éducation.
En éducation, le gouvernement provincial a pleine
autorité, a pleine souveraineté législative, et je crois
que, par extension, on pourrait sûrement accepter la proposition du
député de Saint-Laurent aux fins d'assujettir l'adoption ou la
conclusion de tels accords de réciprocité à l'autorisation
de l'Assemblée nationale.
Je pense que c'est un amendement positif qui donne un caractère
encore plus solennel à ce qu'on a déjà tenté ici,
par cette proposition de l'article 81a, de donner à ce projet d'accords
de réciprocité, et je m'étonne que le gouvernement
réagisse négativement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement,
je crois que les propos qui sont traités dans l'article 81a sont d'une
importance majeure et que tous les membres de l'Assemblée nationale
devraient avoir l'occasion d'examiner toute entente que le gouvernement
pourrait signer avec d'autres provinces.
Il y a des implications non seulement au projet de loi ici qui peuvent
être affectées. Le député de Saint-Laurent s'est
référé à certaines implications et
conséquences sur le projet de loi actuel. Mais il se peut qu'une telle
entente puisse avoir des effets sur d'autres lois existantes au Québec.
Je crois que, si cela est le cas, il serait plus normal qu'on puisse examiner
cette entente à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est
absolument essentiel d'avoir une discussion publique sur des droits des
minorités, sur les droits qu'on veut affecter, sur les erreurs des
autres gouvernements, parce que c'est cela que les députés
ministériels disent, qu'ils ont commis des erreurs dans le passé,
mais je crois que c'est important que le public puisse en discuter et la
façon d'en discuter publiquement, c'est de l'amener à
l'Assemblée nationale.
Il y a un autre effet et je pense que le député de
Rosemont l'a touché tantôt, c'est qu'une telle entente pourrait
avoir un effet éducatif sur la population. Quand on parle de la
mobilité des francophones hors du Québec, de la
nécessité de reconnaître ces droits, en effet, ce qu'on
dit, d'après ce qui résulte de tant d'années d'injustices
dans d'autres provinces, on veut vraiment dire qu'il y a des mentalités,
des attitudes qui doivent changer. Cela veut dire que le législateur non
seulement légifère mais a un rôle éducatif. Je crois
que c'est important de donner le plus de publicité, le plus de
discussion en public à une entente de ce genre. Je crois que la
meilleure façon de le faire, dans le contexte actuel, ce serait de
l'amener à l'Assem- blée nationale, où tous les membres
pourront apporter leur point de vue, et où les média
d'information vont donner le point de vue soit des députés
ministériels, soit des députés de l'Opposition, et cela ne
sera pas restreint cette discussion seulement dans le cadre du
Québec.
Cela va être donné aux autres provinces et,
spécifiquement, à la province impliquée et aussi
peut-être aux autres provinces qui n'ont pas encore ou hésitent
à avoir ou à entamer de tels propos. Je pense que ce se serait
peut-être une des raisons les plus importantes, un des effets les plus
importants que cela pourrait avoir, une discussion d'une telle entente à
l'Assemblée nationale. Cela donnerait un rôle éducatif et
cela pourrait encourager et même apporter certaines pressions sur les
autres provinces pour entamer de telles discussions.
Le député de Rosemont a très bien dit qu'il faut
avoir l'égalité des droits; il faut que les francophones du
Québec puissent avoir les mêmes droits que les anglophones en ce
qui concerne la liberté d'aller d'une province à l'autre.
Seulement pour souligner les propos que moi-même je partage avec lui et
pour donner un exemple à certains députés
ministériels qui, des fois, nous accusent, de ce côté-ci,
de ne pas défendre assez le droit d'une minorité francophone, je
voudrais seulement lui citer les paroles que j'ai dites à un groupe
anglophone. Le but, M. le Président, ce n'est pas parce que je veux me
citer, mais je crois que les personnes qui vont entendre ces paroles vont
comprendre de quoi je parle.
Je voudrais le dire en anglais, parce que mes paroles originales
étaient en anglais: "The face of Canada must change if we hope to give
meaning to our good intentions of equality of opportunity for everyone. The
French-speaking Quebecer must feel at home in all parts of this country and he
must have the right, when he seeks economic opportunity outside of Quebec, or
when he is transferred by his employer outside of Quebec, to be able to have
the same rights as an English Canadian has in this province, that is to send
his children to a school of his own language provided of course that the number
warrants it and the number does warrant it across many of the major centres or
this country, and this right must be protected and enshrined in our
Constitution.
If we are not prepared to do this, if we are not prepared to give the
same rights to French Canadians as to English Canadians, we need not look
further for the cure of separatism."
Je crois que je rejoins les propos du député de Rosemont,
et je crois que c'est un rôle éducatif que nous avons. Il faut
vivre ensemble, qu'on soit anglophone, francophone, que ce soit avec les autres
provinces, peu importe le régime pour lequel on puisse opter, mais le
rôle éducatif de changement de mentalité, dans le domaine
de la protection des droits des minorités, le respect des
minorités...
M. Laurin: M. le Président, j'aurais une question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Laurin: J'ai l'impression que le député de
Mont-Royal s'égare et qu'il ne parle pas du tout des ententes de
réciprocité, mais de l'amendement 81a lui même,
c'est-à-dire du fond du problème.
M. Ciaccia: Non, M. le Président, je parle de la raison
pour laquelle j'appuie l'amendement du député de Saint-Laurent;
je donne les raisons pour lesquelles une telle entente devrait être
ratifiée par l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, si vous parlez de
cela, je suis entièrement d'accord.
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Si vous parlez de l'article
81a, la motion principale est mise de côté pour le moment.
M. Ciaccia: Non, je parle de la nécessité
d'apporter cela à l'Assemblée nationale, du rôle
éducatif de telle entente, du contenu d'une telle entente parce que
c'est encore plus important... Ce n'est assez d'inclure dans un projet de loi
ou dans une entente, M. le Président, certains articles. Il faut que la
population les accepte. Une des façons de les faire accepter par la
population, c'est de le débattre à l'Assemblée nationale,
de donner le pour et le contre, de voir les avantages, et, si
nécessaire, de les modifier. C'est pour cette raison que c'est
peut-être un des rôles les plus importants qu'on puisse avoir
à l'Assemblée nationale, ce rôle éducatif de la
population.
C'est aussi, je crois, un respect de la démocratie. Je ne pense
pas qu'un individu, dans des droits aussi précieux que les droits
personnels, linguistiques et culturels, je ne pense pas que cela devrait faire
partie d'une entente secrète. Je ne pense pas qu'on devrait se
réveiller un jour et apprendre que quelqu'un a négocié nos
droits. Je pense qu'on fait une faveur du côté ministériel.
Je pense bien que, lui non plus, n'aimerait pas se réveiller un matin et
apprendre que, par une entente, l'Exécutif a négocié ses
droits dans une autre province. Je crois qu'il aurait
préféré avoir le contenu par ceux qui sont élus
à l'Assemblée nationale, ils auraient pu faire des
représentations. Cela donnerait même l'occasion au gouvernement de
faire siéger une commission parlementaire pour discuter de l'entente,
apporter certains changements si nécessaire, entendre des
mémoires qui seraient présentés par les groupes
intéressés. Tout cela serait sous le contrôle du
gouvernement. On ne dit pas par un vote des deux tiers, des trois quarts, mais
strictement par un vote majoritaire.
Le gouvernement n'a rien à craindre. Il n'a absolument rien
à craindre par notre amendement. Il est au pouvoir. Il a la
majorité. C'est lui qui contrôle les travaux de l'Assemblée
nationale. Cela démontrerait de la bonne foi. On dit que la
portée de l'article 81a est restreinte. Avec l'amendement que nous
proposons, nous donnons l'oc- casion au gouvernement de démontrer sa
transparence, de démontrer qu'il n'a rien à craindre, de
démontrer qu'il n'a pas peur de soumettre au scrutin public une entente
qui peut affecter les droits des minorités les droits linguistiques, les
droits culturels, les droits des francophones. On parle ici des droits des
francophones. Il ne devrait y avoir aucune hésitation, de la part du
gouvernement, d'accepter un tel amendement. Je dirais que voter contre un tel
amendement serait quasiment un signe de mauvaise foi. Pourquoi avoir peur de
soumettre cela au scrutin public? Pourquoi avoir peur d'analyser cela?
M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.
Effectivement, c'est la deuxième fois que...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député. Un instant, M. le député de Taschereau, sur
une question de règlement.
M. Guay: M. le Président, je ne suis pas certain. Je
pensais avoir mal compris, mais je viens d'entendre, pour la deuxième
fois, "scrutin public". Est-ce que le député de Mont-Royal
propose un sous-amendement pour faire en sorte qu'il y ait un
référendum sur chaque entente?
M. Ciaccia: Excusez...
Le Président (M. Cardinal): S'il proposait cela, il
n'aurait pas le droit de le faire.
M. Ciaccia: C'est probablement une traduction de "public
scrutiny" qui veut dire...
M. Guay: Ah, excusez-moi! D'accord.
M. Ciaccia: Examen public. Excusez-moi, j'ai traduit
littéralement "public scrutiny". Je doute que le député de
Bourassa n'a pas encore changé.
Le Président (M. Cardinal): Oubliez cela! M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'essaie de donner les raisons pour lesquelles le
gouvernement devrait accepter un tel amendement. Je crois que ce sont des
raisons positives. Si le député de Bourassa n'est pas d'accord,
il aura tout le temps voulu pour apporter des arguments contre ce que je viens
de soumettre.
Une Voix: II n'y en a pas.
M. Laplante: II vient de se réveiller.
M. Ciaccia: Je serais heureux, M. le Président, de voir
les opinions sur ce que j'ai dit, comment il pourrait contredire cela, comment
il pourrait démontrer que les suggestions positives que j'ai
apportées ne s'appliqueraient pas ou iraient à l'encontre des
intérêts québécois pu iraient à l'encon-tre
des intérêts du déroulement des travaux de
l'Assemblée nationale.
Pour ces raisons, M. le Président, je vais ap-
puyer le sous-amendement proposé par le député de
Saint-Laurent.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne
répéterai pas les arguments qui ont été mis de
l'avant par mes collègues. Tout ce que je veux dire, à ce
moment-ci, je pense que l'amendement qui est proposé... Non, ce
sous-amendement, pardon...
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, madame,
toujours votre micro. Vous avez tellement une belle voix qu'il faut la mettre
en valeur.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Paquette: Surtout quand elle est choquée.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous avez peur.
Je disais, M. le Président, que j'appuie évidemment
l'amendement proposé par mon collègue de Saint-Laurent. Il me
semble justifié. Je voudrais simplement dire qu'il est justifié
parce que, à mon point de vue, tel que rédigé, l'article
81a, si on n'accepte pas l'amendement, est une porte ouverte à des
accords beaucoup plus étendus et qui échapperaient à tout
regard de l'Assemblée nationale. Il est important, dans cette optique,
qu'on puisse permettre que le Parlement examine ces ententes avant acceptation
finale par les partis, afin qu'on puisse en mesurer clairement les
conséquences administratives, sociales et, peut-être davantage,
politiques.
Une analyse des aspects politiques de ces formules d'accords
éventuels qui seront signés devrait être portée
à l'attention de toute la population du Québec, parce que je
pense qu'il s'agit là d'une question qui intéresse tous les
citoyens.
Je pense également que, compte tenu de l'orientation
constitutionnelle du gouvernement qui, on le sait, le répète tous
les jours et de plus en plus, qu'on s'en va vers l'indépendance, il est
encore plus important que la population soit mise dans une position où
elle puisse faire la distinction très nette entre des ententes qui
pourraient à caractère partisan de la part du gouvernement, poser
des jalons qui, éventuellement, conduiraient vers l'indépendance.
Je pense que ceci, compte tenu que le Parti québécois ou le
gouvernement n'a obtenu que 41% des voix et ne représente pas la
majorité des citoyens du Québec, du moins au scrutin universel,
son option, très particulière, nous oblige à plus de
prudence. Mais, de toute façon, le fait que le gouvernement ne veut pas
se rendre à aucun des arguments qui sont mis de l'avant, est un aveu de
l'objectif limité qui est vraiment contenu dans cet amendement,
même si le député de Rosemont a laissé entendre, et
que moi, j'ai souhaité que, peut-être, il puisse mener plus loin,
je pense que s'il allait vraiment au-delà de cet objectif limité
qui, de toute façon, était déjà contenu dans
l'article 80, à savoir permettre la mobilité de certaines
catégories de travailleurs professionnels ou autres...
M. Paquette: En séjour temporaire.
Mme Lavoie-Roux: En séjour temporaire...
M. Paquette: ... la différence.
Mme Lavoie-Roux: ... et que si cet objectif était plus
large, on recevrait peut-être plus favorablement cet amendement.
Même si on essaie de faire miroiter aux yeux de la population
qu'il s'agit là d'un geste qui va révolutionner les conditions
qui sont faites aux minorités francophones dans les autres provinces, je
pense qu'on réalisera très rapidement, bien que je ne le souhaite
pas, qu'il s'agit là uniquement de jeter de la poudre aux yeux du
public. Je ne puis que regretter que le gouvernement n'accepte pas de
considérer plus sérieusement cet amendement qui est
proposé, et j'aurais souhaité qu'il puisse déboucher sur
des accords éventuellement beaucoup plus considérables dans ce
domaine; mais je pense que le gouvernement n'a probablement pas l'intention de
les réaliser.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le
député de L'Acadie. Puis-je mettre aux voix la motion de
sous-amendement à l'amendement à l'article 81 et qu'on appelle
l'article 81a et qui se lit comme suit: "Qu'une telle entente de
réciprocité ne peut entrer en vigueur avant d'avoir
été ratifiée par le vote majoritaire de
l'Assemblée?" Le vote est-il pris nominalement ou...
M. Charron: Rejeté sur division, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Rejeté sur
division.
M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection à ce que cela
s'applique ainsi. On sait comment le Parti libéral va voter. Cela
dépend si l'Union Nationale insiste pour un appel nominal.
M. Charron: L'Union Nationale a dit comme nous qu'il s'agissait
d'une motion uniquement faite pour perdre du temps.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, rejeté sur division. D'accord. Nous revenons...
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 81a.
Le Président (M. Cardinal): Vous proposez l'adoption de
l'amendement à l'article 81?
M. Charron: L'amendement à l'article 81. Je m'excuse.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de MargueriteBourgeoys...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Sur l'article 81a, il y a déjà une motion
d'amendement.
M. Lalonde: Je n'ai pas eu le loisir...
Le Président (M. Cardinal): C'est exact. Vous avez 20
minutes.
M. Lalonde:... d'exprimer mes vues sur la motion d'amendement.
Les députés ministériels se sont succédé cet
après-midi pour exprimer leur assentiment, et quant à moi, je
suis entièrement d'accord et sans ambages avec la motion d'amendement du
gouvernement.
Je pense que conclure des accords de réciprocité dans
l'intérêt de tous, c'est strictement dans l'ordre des choses. On
peut le faire pour différentes activités, pour différentes
fins. Cela existe dans différents Etats, quelque soit leur statut de
juridiction.
Pourvu que cela soit dans les domaines de notre juridiction, encore
là, c'est d'autant plus correct, d'autant plus désirable, et je
me demande comment il se fait que le gouvernement ait fait toute cette parade
pour en arriver à ce petit amendement 81a...
M. Paquette: Cela prend ça pour faire...
M. Lalonde: ... alors qu'on se souvient très bien qu'un
ancien gouvernement en 1969 avait conclu un accord de réciprocité
je ne veux pas me prononcer sur le fond pour le mérite de cet
accord avec l'Ontario, accord qui n'a pas fait de bruit, qui a
peut-être été appliqué d'une façon plus
discrète...
M. de Belleval: ... pas été appliqué par
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! L'amendement a été rejeté, M. le ministre de
la Fonction publique.
M. Lalonde: ... et qu'on a tout à coup découvert
lorsque le gouvernement, par grande déclaration "premier
ministérielle" en Chambre, dépôt de lettres à des
premiers ministres, comme si on découvrait le monde une deuxième
fois...
Je pense que c'est tout à fait désirable qu'on recherche
à l'intérieur de nos juridictions, et Dieu sait que dans le
domaine de l'éducation, c'est totalement et sans aucun doute de
juridiction provinciale, et que l'on recherche, à ce moment, des accords
de réciprocité pour mettre de l'avant les objectifs du
gouvernement.
Je pense que cela ne devrait même pas faire l'objet d'un
débat. On pourrait le faire en vertu de 81, mais on décidé
de le faire à 81a, voilà.
Le seul problème que j'ai avec 81a, M. le Président, c'est
qu'on n'en sait pas quoi, on ne sait pas ce qu'il y a dedans. On a vu le
ministre des Affaires intergouvernementales nous faire une
avant-première, nous faire une annonce absolument so-lonelle qu'il
allait étudier son dossier en fin de semaine et qu'il allait essayer de
mettre un peu de contenu dans l'offre qui va être faite aux premiers
ministres à St. Andrews. Il nous a quand même fait une
démonstration assez intéressante à savoir quels sont les
problèmes. Cela nous intéresse comme commission parlementaire,
étant donné que nous sommes appelé à discuter de
81a. Il y a le contenu, il y a le terme, il y a le contrôle aussi, le
contrôle qui, je le crains, peut créer un certain nombre de
problèmes, puisque nous ne faisons affaires avec ni des biens, ni des
services, ni de la marchandise, mais avec des êtres humains.
Je pense qu'on peut profiter, M. le Président, de la discussion
de cet amendement pour donner quelques conseils au gouvernement. Quant au
contenu, il s'agit évidemment d'une question de négociation. La
réception que cette suggestion a eue n'est pas très
encourageante, mais j'ose croire, comme tous les chefs des partis l'ont
demandé, que les premiers ministres provinciaux, à St. Andrews,
auront une attitude positive à cet égard, n'y verront pas de
tentative de jouer autre chose que le jeu de la constitution et qu'ils
considéreront à leur mérite et sans
arrière-pensée les propositions du gouvernement.
Je demande surtout au gouvernement d'être extrêmement
prudent quant au contrôle de l'application de tels accords. C'est
l'application de tels accords qui peut devenir odieuse si on ne fait pas preuve
de prudence et d'inquiétude humanitaire. En effet, comment un accord qui
assurerait l'enseignement en français en Alberta, par hypothèse,
pourrait-il être appliqué et quelles seraient les
pénalités? Quelle serait la contre-partie négative au cas
de défaut de la part d'un gouvernement, j'ai pris l'Alberta, j'aurais pu
en prendre un autre, par pure hypothèse ou Terre-Neuve ou
l'lle-du-Prince-Edouard et quelle serait la capacité du
gouvernement de la province de Québec de faire appliquer cet accord si,
tout à coup, par exemple, on apprend, que ce soit à travers
l'organisme de coopération, le ministre des Affaires
intergouvernementales a fait quelques hypothèses à ce propos, ou
autrement, on apprend qu'un francophone est parti du Québec, est
allé s'installer à 180 milles d'Edmonton et n'a pas pu avoir
d'enseignement en français? A ce moment, est-ce que tous les Albertains
qui sont rendus ici Edmonton est en Alberta, oui? Calgary aussi.
M. de Belleval: Voulez-vous qu'on aille vous chercher une
carte?
M. Lalonde: Vous perdez la carte assez souvent, je n'ai pas
besoin de vos cartes. Non, mais la question est sérieuse, M. le
Président, quel serait le sort qu'on ferait aux Albertains qu'on a
accueillis dans les écoles anglaises, si on apprend qu'une violation de
l'accord a eu lieu en Alberta? C'est fa-
cile naturellement aujourd'hui de donner un blanc-seing au gouvernement,
de simplement dire: Oui, d'accord, avec 81a le gouvernement peut faire des
règlements dans ce sens-là, mais il faut quand même se
préoccuper, quand on donne ce blanc-seing au gouvernement de savoir
comment il va s'en servir. C'est ce que je déplore, la façon dont
on procède actuellement, alors qu'on ne sait même pas ce qu'il va
y avoir dans ces accords.
On nous demande, ici, en commission parlementaire, de dire oui, de dire:
Allons donc, allez-y, faites ce que vous voulez. La seule chose que le
représentant officiel, le plus officiel, le plus solennel, qui est le
ministre des Affaires intergouvemementales, en ce qui concerne le contenu et
les négociations, la seule qu'il peut nous dire, c'est qu'il ne sait pas
ce qu'il va y avoir dedans.
Je pense qu'il est tout à fait pertinent, de la part de
l'Opposition officielle, de se montrer sceptique tout simplement. L'Union
Nationale a d'emblée, comme moi, approuvé cette démarche,
M. le Président, tout en disant, tout de suite après, le
député de Mégantic-Compton l'a fait, et je cite ses
paroles, qu'il trouve quand même la proposition "incomplète et
très partielle". Et il dit: C'est mieux que rien du tout. M. le
Président, même l'Union Nationale qui avait quand même une
certaine éloquence, je dois l'avouer, cela frappe au moins, disons que
la forme est là, le style. Quand le contenu est moins fort, on s'attache
au style.
Même l'Union Nationale dit: C'est mieux que rien du tout, c'est
incomplet et très partiel.
M. de Belleval: ...
M. Lalonde: M. le Président, pourriez-vous rappeler
à l'ordre le ministre fatigué de la Fonction publique, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: Je vous pose une question. Vous n'êtes pas
obligé de répondre, je l'admets.
Le Président (M. Cardinal): Non.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On a tenté et je ne reviendrai pas
là-dessus, autrement je serais hors d'ordre par un
amendemerît, tantôt, de donner un peu de viande à ce projet,
de lui donner un caractère plus solennel, plus officiel que simplement
le fait que le gouvernement peut faire des règlements qui vont trouver
leur suite dans des accords de réciprocité. Oui, on est
intéressé à ce que les Québécois qui vont en
Alberta puissent avoir un traitement égal à ce que l'Albertain a
quand il vient ici. Je suis totalement d'accord avec l'approche et la
préoccupation du député de Rosemont et du ministre d'Etat
au développement culturel qui se sont exprimés dans ce sens, mais
il faut aller plus loin parce que cela est très partiel.
Réellement, cela concerne quelques centaines de gens peut-être, et
pour plusieurs provinces, cela concerne- rait peut-être quelques dizaines
sinon quelques personnes au cours d'une année.
Ce qui, je pense, est beaucoup plus important dans l'évolution
actuelle de la situation linguistique au Québec et la situation
linguistique au Canada, c'est la protection des droits linguistiques
fondamentaux, et quand on parle de protection de la jouissance des droits
linguistiques fondamentaux, on parle naturellement des minorités parce
que les majorités sont à même de s'assurer leur propre
protection.
Dans ce sens, je pense que pour exprimer la préoccupation de
cette commission, préoccupation qui a été aussi
exprimée par des députés, dont le député de
Rosemont, quant à l'importance de protéger les droits
linguistiques fondamentaux, je proposerais un amendement qui va exprimer notre
désir à tous ici, à cette commission, qu'on aille plus
loin, qu'on fasse davantage. C'est une façon d'exprimer notre
désir que, éventuellement, tous ces droits soient inscrits dans
la constitution. C'est la seule façon réelle de protéger
des droits, que ce soient des droits linguistiques ou autres mais des droits
fondamentaux et surtout ceux des minorités.
L'appel que le chef de l'Opposition officielle a fait aujourd'hui aux
premiers ministres des provinces du Canada, je veux dire de considérer
très favorablement la question, et surtout d'aboutir
éventuellement à un accord pour que ces droits linguistiques
soient inscrits dans la constitution, je pense que cet appel va bien servir de
préambule à l'amendement que je vais proposer, M. le
Président.
Je propose que soit ajouté à la fin de l'article 81a un
alinéa qui se lirait comme suit: Le présent article deviendra
caduc...
M. Le Moignan: Un instant, M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Gaspé sur une question de règlement.
M. Le Moignan: Le député de Marguerite-Bourgeoys
c'est seulement pour apporter une correction vient de dire que le
chef de l'Opposition officielle vient de lancer un appel à M. Trudeau,
est-ce que ce ne serait pas le chef de l'Union Nationale?
M. Lalonde: D'accord, ce n'était pas à M. Trudeau,
c'était aux premiers ministres des provinces je me suis
corrigé. Je ne veux pas naturellement dire que votre chef n'a pas fait
des appels. Vous avez vos ténors pour les transmettre, je n'ai pas
besoin de le faire.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Il n'y a pas de discussion sur une question de règlement
qui n'en est même pas une.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous voulez me
présenter votre motion, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Que soit ajouté, à la fin de
l'arti-
de 81a, un alinéa qui se lirait comme suit: "Le présent
article deviendra caduc dès la promulgation d'un amendement à
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ayant pour effet de garantir
dans toute province ou territoire du Canada et à tous les citoyens la
jouissance des droits linguistiques fondamentaux".
Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez me
présenter le texte, s'il vous plaît!
J'aimerais qu'on distribue cet amendement à tous les membres de
la commission.
M. de Belleval: Est-ce que l'opposition pourrait déposer
tous ses amendements comme nous l'avons fait, d'avance, pour que nous puissions
les étudier.
On pourrait avoir tout le paquet.
Mme Lavoie-Roux: Pour le parrain du projet...
M. Laurin: C'est de la vieille histoire, pour moi.
M. Charron: M. le Président, est-ce que je peux vous
interroger sur la recevabilité de cet amendement dilatoire?
Le Président (M. Cardinal: Je vais tout de suite
énoncer un principe. Je vais permettre à un représentant
de chacun des partis à cette table de s'exprimer sur la
recevabilité. Ce que je dis est ceci: C'est qu'il y a déjà
eu, ce n'est pas la première fois, on l'a vu lors du projet de loi no
22, lors du projet de loi no 1, des amendements qui référaient
à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je ne me prononcerai
pas immédiatement sur le sort que l'on a fait ou que l'on fera à
ce genre de motion et j'écouterai brièvement un membre de chaque
parti sur la recevabilité de la motion.
En vertu de l'article 92, non pas de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, mais de notre règlement, M. le député de
Saint-Jacques, ministre d'Etat au Haut-Commissariat, à la jeunesse, aux
loisirs et aux sports, je vous donne la parole.
M. Charron: Je voulais juste attirer votre attention, M. le
Président, sur le fait que dans sa volonté de faire perdre le
temps de la commission, l'Opposition officielle cette fois, marche dans les
sentiers irréguliers et propose un amendement qui est irrecevable.
Dommage pour les 80 minutes qu'ils perdront et qui seront d'autant de temps
gagné à l'Opposition si vous vous rendez à mon opinion;
mais il est absolument irrégulier et leur imagination va faire perdre le
temps de la commission, elle devra se mettre à l'oeuvre sur autre chose.
Il est absolument irrégulier qu'un article proclame lui-même dans
sa rédaction une condition au-delà de laquelle il devient caduc
par l'entremise d'une autre loi, et même d'une autre autorité
législative en tout cas que celle qui peut amender cette
constitution.
Il est invraisemblable qu'un article...
M. Bertrand: II faut aller à Londres.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Saint-Jacques a la parole.
M. Charron: II est invraisemblable qu'un article porte de
lui-même l'affirmation de sa pérénité d'une part et,
deuxièmement, qu'il attache la pérénité à
autre chose que ce qui peut être contenu dans la loi elle-même.
Autrement dit, ailleurs dans la loi, une disposition devant entrer en vigueur
ferait qu'elle remplacerait une autre partie de la loi, cela peut être
envisageable.
Mais le geste qui rendrait caduc qu'une disposition votée par une
Assemblée législative soit contenue dans un projet de loi et que
ce geste soit d'une autre autorité législative, sur le plan de la
stricte logique de nos lois, l'économie de nos lois, votées par
cette Assemblée, depuis qu'elle existe, il est absolument
irrégulier qu'on propose une telle affirmation.
J'invite donc votre jugement à être sévère
à l'égard de cette manoeuvre dilatoire de l'Opposition. J'invite
aussi les quatre cerveaux brillants, mais visiblement fatigués, en face
de nous, à se mettre à l'oeuvre pour faire perdre le temps de la
commission sur des motions au moins peut-être insignifiantes, comme la
précédente, mais régulières, à l'esprit du
règlement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé sur... à l'ordre, s'il vous plaît. C'est vrai que
nous sommes tous fatigués, il faut l'admettre, mais il faut le prendre
comme c'est. M. le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Oui, M. le Président, ce sera très
bref. Etant donné que le député de Saint-Jacques n'a pas
mentionné que j'étais fatigué, je n'abuserai pas non plus
du temps.
Personnellement, je déclare la motion irrecevable.
Le Président (M. Cardinal): Vous ne pouvez pas la
déclarer...
M. Le Moignan: Je suis donc fatigué. Je m'inscris donc
parmi ceux qui sont fatigués, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez le
suggérer.
M. Le Moignan: Personnellement, j'y suis opposé,
peut-être pas au sens parlementaire du terme, mais je trouve cela
surprenant de l'ancien Solliciteur général qui connaît le
sens des lois. Il connaît toutes ces choses beaucoup mieux que moi. Il me
semble qu'au point de vue de l'intelligence du débat et du temps que
nous perdons, je ne voudrais pas vous faire perdre une minute de plus, mais je
m'inscris en faux.
M. Laplante:... retarder, dans ce cas-là?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. A l'ordre, s'il vous plaît, M.
le député de Bourassa! A l'ordre! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys sur la recevabilité.
M. Lalonde: M. le Président, il pourrait y avoir deux
arguments. En fait, il y en a un au moins qui a été
mentionné par le ministre, leader parlementaire adjoint, à savoir
qu'une loi ne peut pas contenir, à l'intérieur de ses
dispositions, des conditions de pérennité, pour employer son
terme, son expression, de ses propres articles.
Je pense que nulle part, dans le règlement, on ne trouve une
disposition qui empêcherait un tel amendement. Au contraire, je pense que
si l'autorité législative est suffisante pour adopter un article,
ce pouvoir d'adopter un article, d'en faire une loi, comprend aussi le pouvoir
de délimiter l'application de cet article, de déterminer quand
cet article cessera d'avoir effet, si c'est là la volonté du
législateur.
Naturellement, le député de Saint-Jacques a un peu
exprimé son opinion sur l'opportunité d'un tel article, mais ce
n'est pas cela que vous demandez actuellement, c'est sur la
recevabilité.
L'autre argument, peut-être, qui ferait peur à certains,
sûrement pas à vous, M. le Président, pourrait être
le fait qu'on fait référence, dans l'amendement, à l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Là-dessus, non plus je ne vois
dans le règlement rien qui l'empêche. Je voudrais vous citer un
précédent où, lors de l'examen article par article, je
crois, de la Loi sur la langue officielle actuelle, il y avait eu une motion
faite par M. Léger, le député de Lafontaine.
C'était une motion d'amendement à l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et qui disait ceci:
Que l'article 1 soit amendé en ajoutant, à la fin,
l'alinéa suivant: "L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique cesse d'avoir effet, etc.
Cela avait été accepté.
Le Président (M. Cardinal): Le 20 juillet 1974.
M. Lalonde: Je n'ai pas la date, je vous remercie, M. le
Président. Cela avait été accepté et le ministre
délégué au Haut-Commissariat avait lui-même
proposé un sous-amendement à l'amendement. Dans ce
temps-là, on faisait des "filibusters" et on se sous-amendait.
Il y avait eu un sous-amendement et les deux avaient été
défaits. Je veux dire simplement que ce précédent existe
en ce qui concerne la référence dans un amendement ou dans un
projet de loi, puisque si cet amendement ou ce sous-amendement avait
été adopté, on aurait trouvé dans la loi sur la
langue officielle une référence, une mention de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Je ne trouve aucune raison de
déclarer ce sous-amendement irrecevable, d'autant plus qu'il ne va pas,
d'après l'article 70, contre le principe. On dit simplement quelle sera
la limite de cet article. On l'adopte. On est d'accord, mais il va cesser
à telle date. Ce sont les arguments que je veux apporter, M. le
Président, en faveur de la recevabilité.
Le Président (M. Cardinal): D'accord! Merci, messieurs, de
m'avoir informé. Il y a au moins trois points, s'il n'y en n'a pas
d'autres. Le premier. Il est exact que le 20 juillet 1974, et c'est
reporté au journal des Débats à la page B-6007 lors d'une
motion d'amendement du projet de loi 22 qui se lisait comme suit: "Que
l'article 1 notez que l'article 1 soit amendé en ajoutant
à la fin l'alinéa suivant: L'article 133 de l'AANB
c'était ainsi qu'était rédigé l'amendement
1867 cesse d'avoir effet en ce qui concerne les matières relevant de la
Législature du Québec". Le président avait alors dit ceci
et je le cite textuellement: "Je voudrais dire dès à
présent que, compte tenu de la diversité des opinions des
éminents juristes sur cette question, je déclare cette motion
recevable." Un conseiller parlementaire avait ajouté: "II n'y a pas de
risque à laisser débattre une motion lorsqu'on a des doutes sur
sa recevabilité". Je réponds à l'argument de M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
Deuxièmement, en vertu de l'article 70, qui n'est purement qu'un
article de technique d'amendement et non pas de fond d'amendement, parce que
l'on pourrait se servir de l'article 70 pour ajouter des mots absoluments
inutiles ou retrancher des mots, ou remplacer des mots. L'article 70
vous m'accorderez quelques minutes parce que, de toute façon, il faut
vider la question, je pourrais la prendre en délibéré et
je ne sais pas où l'on irait je le rappelle, se lit comme suit:
"Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion
proposée". Je répète: "Un amendement doit se rapporter
directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les
objets suivants: c'est là la technique retrancher, ajouter
des mots ou les remplacer par d'autres. Il est irrecevable si son effet est
d'écarter la question principale sur laquelle il a été
proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport
à un amendement". C'est la règle générale qui veut
qu'on n'aille pas plus loin qu'un sous-amendement. Or, nous sommes devant un
sous-amendement. C'est donc la même règle qui s'applique.
Troisièmement, j'ai relu avec beaucoup d'attention la motion de
sous-amendement qui est proposée à cette commission. Encore une
fois, la présidence ne pouvant se prononcer sur le fond, mais devant
quand même lire ce qu'est l'amendement et ce qu'il contient, je dois
très sérieusement élever non pas un doute, mais un
très fort doute sur sa recevabilité.
Un doute tellement fort que je me demande si le texte qui est
proposé et qui est présentement devant moi se rapporte à
l'amendement qui est déjà devant nous. Que cet amendement me
vienne d'une autre façon, soit un nouvel article incorporé dans
le projet de loi, peut-être, peut-être que ma réaction
serait différente, mais qu'il vienne amender l'amendement à
l'article 81, je dois, à ce moment-là, le déclarer
irrerevable.
M. Charron: Je propose l'adoption de l'article 81a, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, mais un instant, s'il
vous plaît!
M. Morin (Sauvé): Ils en ont un autre.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Chaque fois qu'une décision est rendue, il faut prendre une
petite période avant de recommencer et savoir où nous en
sommes.
M. le député de Mont-Royal, sur quel sujet
désirez-vous parler, s'il vous plaît?
M. Ciaccia: Je voudrais premièrement demander combien de
temps il me reste sur le temps qui m'est alloué.
Le Président (M. Cardinal): Je vais vous le donner, M. le
député de Mont-Royal. Il vous reste, sur la motion d'amendement
à 81a, quinze minutes.
M. de Belleval: Ce n'est pas possible! Le Président (M.
Cardinal): C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Moi, il ne m'en reste plus? Vous êtes
chanceux.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, il ne vous en reste point. Vous avez raison. Cela répond
à votre question, M. le député de Mont-Royal?
M. Guay: Enfin, une bonne nouvelle!
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'amendement, qui
s'appelle 81a...
Une Voix: Le vote!
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Est-ce que l'amendement à l'article 81, que l'on a
appelé 81a, sera adopté?
M. Ciaccia: Je demande le droit de parole, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Bon! Vous avez le droit de
parole, M. le député de Mont-Royal et, comme je vous l'ai dit, il
vous reste quinze minutes.
M. Le Moignan: Me reste-t-il du temps, M. le
Président?
M. Morin (Sauvé): There goes the old record!
M. Le Moignan: II me reste combien de minutes, M. le
Président?
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je vais vous
répondre, M. le député de Gaspé. Il vous reste
treize minutes.
M. Le Moignan: Merci.
M. Morin (Sauvé): There goes the old record!
M. Ciaccia: M. le Président, voulez-vous rappeler le
député de Sauvé à l'ordre?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, employez vos quinze minutes à bon escient, s'il vous
plaît!
M. Charron: Smoke gets in your eyes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, c'est vrai que le
député de Saint-Jacques a dit que nous sommes fatigués,
mais cela n'empêche pas que nous voulons participer aux travaux de cette
commission; si nous sommes fatigués, c'est à cause des heures qui
nous sont imposées par les ministériels.
M. le Président, l'amendement à l'article 81a, ou
l'article 81a, tel que proposé par le gouvernement, laisse des doutes
quant à sa portée... Non seulement il laisse des doutes, mais
maintenant que le ministre d'Etat au développement culturel a
parlé et expliqué la portée de l'amendement, il nous a dit
clairement que ce n'était pas une question... Oui?
Le Président (M. Cardinal): Allez! Allez!
M. Ciaccia: ...de protéger les droits minoritaires,
c'était strictement une question d'accommoder et il a
donné le nombre quelque centaines de personnes qui pourraient
être transférées ou qui pourraient aller dans d'autres
provinces.
J'ai dit que j'étais profondément déçu de
voir que le but du gouvernement n'était pas de s'attaquer au
problème fondamental des droits des minorités, mais
c'était seulement de discuter ou de permettre et il s'est
même référé à des employés de
sociétés d'Etat à un nombre limité de
personnes d'avoir une mobilité dans les autres provinces.
Je ne veux pas dire que ces personnes ne devraient pas avoir ces droits,
mais je crois que, lorsqu'on apporte un amendement comme l'article 81a, on
devrait certainement avoir des motifs plus nobles et plus étendus que
seulement pour accommoder quelques centaines de personnes, spécialement
quand on a laissé entendre, par l'entremise des journaux, par des
lettres du premier ministre invitant les autres provinces à
négocier, qu'on parlait vraiment de quelque chose de fondamental.
C'est malheureux de devoir discuter de cela tard comme ça,
à ce stade-ci, parce que c'est un problème sérieux.
J'aurais préféré discuter de cela à un moment
où nous aurions été plus reposés, pour recevoir
moins d'insultes du député de Bourassa, mais, pour moi, la
question des droits des minorités est très importante.
M. de Belleval: C'est pour cela que vous ne voulez pas
d'entente.
M. Ciaccia: Cela veut dire quelque chose de plus que de permettre
à quelques employés-cadres d'aller s'installer dans d'autres
provinces.
Le ministre de la Fonction publique s'est référé
aux injustices que les autres provinces ont commises dans le passé.
C'est vrai, mais je ne sais pas dans quel but il a soulevé ces
questions. S'il avait soulevé ces questions pour faire de l'article 81a
l'intention du gouvernement de protéger les droits de ceux dont il a
parlé, dont les droits ont été lésés...
M. de Belleval: C'est du pareil au même.
M. Ciaccia: ...je pourrais comprendre, mais...
M. de Belleval: C'est ce que j'ai dit.
M. Ciaccia: C'est ce que vous avez dit, mais...
M. de Belleval:
C'est ce que j'ai dit.
M. Ciaccia: C'est ce que vous avez dit. M. le Président,
s'il vous plaît! Il ne faudrait pas m'interrompre. Mais ce n'est pas cela
que le ministre d'Etat au développement culturel a dit lorsqu'il a
expliqué les objectifs de cet article.
M. Bertrand: Oui.
M. Ciaccia: Non. Indirectement, cela pourrait donner certains
bénéfices aux personnes, aux minorités, aux francophones
dans les autres provinces, et ce n'est pas une question de le faire
indirectement, c'est une question d'attaquer le problème d'une
façon positive, d'apporter des suggestions aux autres provinces, leur
dire comment elles pourraient faire pour protéger leurs minorités
et pour accorder des droits à leurs minorités de la même
façon que le Québec a accordé des droits dans le
passé, à sa minorité ou à ses minorités.
Je ne parle pas maintenant de la façon dont le Québec veut
traiter sa minorité d'après le projet de loi 101. Je parle avant
que le projet de loi 101 soit déposé. Cela aurait
été une façon qui aurait été louable. Cela
aurait été une façon admirable et personne n'aurait pu
s'interroger sur les motifs de ce gouvernement s'il avait insisté
auprès des autres provinces M. le Président, pourque ces
provinces accordent le même traitement à sa minorité que le
Québec a historiquement accordé aux siennes. Je ne partage pas
tout à fait le raisonnement du député de Rosemont qui dit:
II a fallu qu'on garde un "bargaining power", on a pris l'option Québec,
parce que si on avait pris l'option Canada, on aurait perdu cette
manoeuvre.
Je crois que si on veut parler de "bargaining power" dans ce domaine, il
y a d'autres moyens, dans le contexte actuel, M. le Président, de faire
comprendre aux autres provinces l'intérêt qu'elles ont,
spécialement dans le contexte politique actuel. Il y a d'autres moyens,
même si, dans le passé, elles ont été injustes,
même si, dans le passé, elles ne se sont pas occupées du
tout des droits des minorités. Le temps est venu, maintenant, d'agir
avec justice, avec équité. Les autres provinces, M. le
Président, ont des intérêts particuliers à le faire,
je puis vous en assurer. Ce n'est pas nécessaire de se retenir un
"bargaining power" parce que, dans un tel cas, c'est presque oeil pour oeil,
dent pour dent. Cela cause des confrontations, cela cause des conflits. Dans ce
domaine, c'est l'exemple qu'il faut donner. Cela peut sembler idéaliste,
M. le Président, mais c'est l'exemple qu'il faut donner.
Dans le passé, peut-être même dans l'exemple que nous
avons donné, les situations étaient différentes, on n'a
pas obligé les autres provinces à suivre cet exemple. C'est
peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans la
situation politique où nous sommes où une personne d'une
minorité et je ne parle pas seulement des minorités
francophones, M. le Président, il y a beaucoup de minorités qui
ne se sentent pas chez elles dans différentes parties du Canada
mais spécialement un membre de la minorité francophone, c'est
malheureux qu'il puisse aller dans d'autres provinces et qu'il puisse sentir
qu'il n'a pas les mêmes droits que les autres citoyens canadiens. C'est
cela, je pense, qui a contribué au problème du séparatisme
que nous avons maintenant. Les autres exemples que le ministre de la Fonction
publique a donnés, je déplore aussi la question des gens de l'air
et je dois vous assurer...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Ciaccia:... je vais y revenir. M. le Président, parce
que je considère que l'article 81a doit être plus
spécifique, doit traiter des droits des minorités francophones,
dans les autres provinces, que cela doit être le but, l'objectif du
gouvernement et non seulement d'assister quelques employés-cadres.
Je propose l'amendement suivant, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je voulais vous
prévenir.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je propose que
l'article 80a soit amendé en ajoutant, après les mots "d'une
autre province"...
M. de Belleval: Donnez-le moi, je vais vous le lire.
M. Ciaccia: Je vous remercie pour votre aide. "D'une autre
province", à la fin du premier paragraphe je vais prendre le
mien, je lis mieux mon écriture les mots: "une telle entente
devant avoir pour but de protéger les droits de la minorité
francophone existante et future résidant dans cette autre province."
Le Président (M. Cardinal): Veuillez écrire votre
motion, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Non, pas domiciliaire, résident.
M. Laplante: En attendant, M. le Président, pourrais-je
poser une question à M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Non, résident c'est plus étendu,
domicilaire c'est plus restreint.
M. Laplante: C'est juste pour lui demander s'il est conscient
que, cet après-midi, depuis quinze heures, il a coûté $5000
à la province pour les folies qu'il fait là.
M. Ciaccia: Je n'ai pas compris votre question.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: C'est à moi ou au président que vous le
demandez?
M. Laplante: Si vous êtes conscient de cela? L'argent du
peuple, vous autres, cela ne vous fait rien du tout?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Conscient de quoi?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: C'est l'administration de 1970 à 1976.
Le Président (M. Cardinal): J'ai devant moi un
sous-amendement à l'amendement à l'article 81. Ce sous-amendement
se lirait comme suit, et je le lis tel que je l'ai reçu: "L'article 81a
est amendé en ajoutant, après les mots "d'une autre province",
à la fin du premier paragraphe, les mots "une telle entente devant avoir
pour but de protéger les droits de la minorité francophone
existante et future résidant dans cette autre province". Encore une
fois, pour le peu de temps qu'il nous reste aujourd'hui, sur la
recevabilité, je suis prêt à entendre un
représentant uniquement de chacun des partis.
M. Charron: M. le Président, j'estime que cette manoeuvre
dilatoire est techniquement recevable.
M. de Belleval: Et nous en félicitons l'Opposition.
M. Charron: Cette fois ils sont dans le bon chemin. Ils peuvent
continuer à nous faire perdre notre temps légalement.
M. Lalonde: Elle est recevable, cela précise la
portée de l'article et cela ne nie pas le principe.
Le Président (M. Cardinal): Je vais quand même
utiliser l'article 65.2. C'est rare que cela arrive, mais une deuxième
fois, je vais le faire. L'arti- cle 65.2, je vais vous le lire: "Le
président peut également modifier dans sa forme une motion pour
la rendre recevable."
M. Laplante: J'espère qu'il ne le fera pas.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas dit que je la
rendrais recevable.
M. le député de Gaspé sur la
recevabilité.
M. Le Moignan: Je vais être plus prudent que tout à
l'heure, M. le Président. Je n'ai que mon humble point de vue. Cette
motion serait recevable, mais je la considère très indigeste.
Je ne dirai pas...
M. de Belleval: II n'y a pas d'article du règlement contre
cela.
M. Le Moignan: Je ne veux pas jouer avec le règlement,
parce qu'on va me rappeler à l'ordre trop vite.
M. de Belleval: M. le Président, est-ce qu'il y a un
article du règlement qui prévoit les motions indigestes?
M. Le Moignan: Ne faites pas perdre le précieux temps.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, poursuivez.
M. Le Moignan: II ne reste que cinq minutes. Si mon compagnon de
Mégantic-Compton était ici, peut-être qu'il accuserait
l'Opposition officielle d'être composée de farceurs, mais je
n'aurais pas ce courage, parce que c'est antiparlementaire, je crois; mais, ils
ne sont même pas des habiles acteurs, parce qu'on tourne en rond. Je me
demande s'ils sont vraiment conscients du rôle qu'ils jouent en ce
moment. Je sais très bien qu'on peut tuer du temps, qu'on peut abuser du
temps, qu'on peut retarder indûment...
M. Lalonde: M. le Président, une question de
règlement.
M. Le Moignan: Et puis le moment...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, vous avez demandé des
avis sur la recevabilité et on est en train d'admonester l'Opposition
officielle. Quelle que soit l'opinion du député de Gaspé
sur l'Opposition officielle et sur sa façon de travailler, cela n'a pas
d'importance, cela n'a aucune influence sur la recevabilité de la
motion.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y aurait d'autres
questions de règlement d'ici vingt heures?
M. Le Moignan: J'achève, M. le Président. Si vous
voulez me laisser terminer.
M. Bertrand: Une directive, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier, sur une demande de directive.
M. Bertrand: M. le Président, vous qui êtes un
savant juriste, homme politique d'une longue tradition, puisqu'on doit prendre
la parole de l'Opposition qu'il ne s'agit pas d'un "filibuster", comment
doit-on appeler ce qui se passe dans le moment?
M. Lalonde: Une tentative d'améliorer une mauvaise
loi.
M. Ciaccia: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys a répondu à ma place.
M. le député de Mont-Royal sur une question de
règlement.
M. Ciaccia: Oui, article 96, on a imputé que c'est une
motion dilatoire.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas une question de
règlement, c'est une question de privilège. Vous ferez un avis
à l'Assemblée nationale mardi prochain, s'il y a lieu.
M. Ciaccia: M. le député...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Très bien.
M. Le Moignan: Pouvez-vous m'accorder soixante secondes, M. le
Président? Je vais terminer.
Le Président (M. Cardinal): Sur la recevabilité,
s'il vous plaît!
M. Le Moignan: Sur la recevabilité, parce que je
m'aperçois, et tout le monde le constate, qu'il y a tellement d'autres
articles beaucoup plus importants dans le projet de loi 101, langue de travail,
de la législation, de l'administration que, au train où vont les
choses, nous n'aurons peut-être pas le temps de les aborder. Je me
demande si on est vraiment conscient de tout cela. Quand j'ai parlé de
guillotine tout à l'heure, le mot "guillotine", je le vois toujours. Je
ne veux pas l'oublier. C'est cela qui va nous arriver et on n'aura même
pas traité des points importants.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé, je dois aussi vous rappeler à l'ordre, vous ne parlez pas
de la recevabilité. Si vous permettez...
M. Guay: Mais néanmoins pertinents.
Le Président (M. Cardinal): ...j'ai été fort
informé par cette Assemblée, je dois dire que, tel que
libellé, je ne la recevrais pas. Cependant, invoquant comme je l'ai fait
tantôt, l'article 65, paragraphe 2, je pourrais ajouter que, comme cela
vous donnera la nuit portant conseil le temps de
réfléchir, je ne vois pas comment, dans une législation
je le dis en tant que président d'une commission qui fait de la
législation on puisse avoir, dans la rédaction et la
motion de sous-amendement les mots "existantes et futures". Si l'on avait une
telle entente devant avoir pour but de protéger les droits de la
minorité francophone résidant dans cette autre province, je n'y
aurais peut-être pas d'objection, mais...
Une Voix: Quelle province?
Le Président (M. Cardinal): J'ai dit peut-être. Je
ne me prononce jamais d'avance sur des hypothèses de travail,
hypothèses...
M. de Belleval: Prudent comme le serpent.
Le Président (M. Cardinal): "Existantes et futures" dans
un texte de loi, comme gardien de la législation, j'ai beaucoup de
difficulté à recevoir cette motion.
M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez?
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le député de Mont-Royal n'étant
pas, comme votre serviteur d'ailleurs, un expert légiste, je pense que
vous pourriez peut-être quand même... J'accueille le fait
d'invoquer l'article 65, deuxième alinéa, avec plaisir.
Peut-être que le député de Mont-Royal voudrait simplement
retirer ces deux mots dans sa motion.
Le Président (M. Cardinal): Ce sont trois mots "existantes
et futures".
M. Lalonde: "Existantes et futures."
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je le ferais volontairement, M. le Président,
si vous pouviez m'assurer je crois que vous pourriez le faire
qu'en retirant ces trois mots la motion serait recevable.
M. Laurin: Elle n'a plus de sens, à ce
moment-là.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Comme il est vingt heures, je prends la question de
recevabilité en délibéré et un instant, s'il
vous plaît, quelques minutes avant d'ajourner les travaux de la
commission à demain, dix heures, alors que nous procéderons
encore à l'étude, article par article, du projet de loi 101, de
10 à 13
heures, et de 15 à 17 heures. Je désire souligner qu'au
début de cette séance, ce matin, ignorant ce qui s'était
passé à l'Assemblée nationale, j'ai indiqué qu'il y
aurait ajournement sine die, lundi, à 13 heures, ce qui est faux.
L'ordre de la Chambre, c'est que lundi, il y a une seule séance qui dure
de 10 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20
heures à 23 heures.
Cela étant dit, les travaux de cette commission sont
ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 20 h 2)