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Etude du projet de loi no 101:
Charte de la langue française
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Une nouvelle semaine, mais la même commission de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour
l'étude du projet de loi no 101, après la deuxième
lecture.
Je vais d'abord appeler la liste des membres de la commission. Ensuite,
je vous indiquerai où nous en sommes dans l'étude de ce projet de
loi.
M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau
(Verchères), M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Burns
(Maisonneuve); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont)
remplacé par M. Michaud (Laprairie), M. Roy (Beauce-Sud). Est-ce que je
comprends que M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) est remplacé par M.
Goldbloom (D'Arcy McGee)?
M. Lalonde: Oui, M. le Président, vous comprenez bien.
Le Président (M. Cardinal): J'ai deviné cela. Je
commence à vous connaître.
M. Lalonde: On lui fera parvenir vos...
Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous faire une motion?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Samson (Rouyn-Noranda).
Au moment de l'ajournement, vendredi dernier, vingt heures, nous
étudiions une motion d'ajournement à l'article 69, paragraphe a)
qui se lisait comme suit: Que le paragraphe a) de l'article 69 soit
modifié en ajoutant dans la première ligne après le mot
"Québec" les mots "ou ailleurs". Le paragraphe amendé se lirait
donc comme suit, paragraphe a): "Les enfants dont le père ou la
mère a reçu au Québec ou ailleurs l'enseignement primaire
en anglais."
Cette motion avait été présentée à 19
heures 41 minutes par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Au
moment de l'ajournement, M. le ministre d'Etat au développement culturel
avait demandé la parole.
Oui, M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je devrais vous faire remarquer que vendredi dernier,
en Chambre, je me suis op- posé à ce que la commission
siège vendredi soir et lundi matin. Ce matin, j'attire votre attention
sur le fait qu'après avoir voté contre, l'équipe de
l'Union Nationale est complète, l'équipe libérale
également, et qu'il manque MM. Bertrand, Burns, Chevrette, Paquette, qui
ont appuyé la motion pour siéger le vendredi soir et le lundi
matin. J'aime à vous faire savoir que si la motion revient vendredi, je
devrai attirer votre attention en Chambre, l'attention du président en
Chambre, sur le fait que ce sont ceux qui ont appuyé la motion qui
manquent à la commission, de même que les deux
députés indépendants, MM. Roy et Samson.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député.
M. Grenier: Je ne dis pas cela pour être méchant ni
pour être mesquin, mais je pense que si on veut être logique, si on
veut faire des propositions de ce genre, il appartient au gouvernement
d'être présent à la commission pour nous donner l'exemple
à nous, les partis de l'Opposition, qui nous opposons à de
pareilles sessions à des heures qui n'ont pas de bon sens.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, le message est inscrit au journal des
Débats.
M. Guay: J'aimerais, M. le Président, pour les fins du
journal des Débats justement, corriger l'impression que donne le
député de Mégantic-Compton. D'abord, il faut remarquer que
le parti ministériel a la majorité à cette commission,
à l'heure actuelle. Donc, il est d'ores et déjà bien
présent. D'autre part le député de Joliette-Montcalm est
présent, même s'il est physiquement absent pour quelques minutes.
Il en est de même pour le leader du gouvernement. Le député
de Mégantic-Compton sait fort bien que des députés peuvent
être appelés à l'occasion au téléphone ou
ailleurs et qu'il leur est impossible d'être physiquement
immédiatement présent, mais il n'en demeure pas moins que le
parti ministériel a la majorité autour de cette table et
conséquemment qu'il est on ne peut plus présent.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant! M. le député de Taschereau a lui aussi
donné son message. Je vais permettre à Madame le
député de L'Acadie d'ajouter le sien, puisqu'elle
représente un autre parti, celui de l'Opposition officielle. Alors,
allez-y!
Mme Lavoie-Roux: Une question de règlement, M. le
Président. Je trouve très intéressantes les explications
du député de Taschereau. Je pense qu'il ne suffit pas
d'être présent dans l'édifice pour se déclarer
présent à la commission parlementaire. Moi aussi j'aimerais bien
pouvoir être dans mon bureau à vaquer à d'autres
occupations auxquelles je suis empêchée de vaquer depuis trois
mois. Je trouve que c'est une explication bien faible, M. le
député de Taschereau.
M. Guay: Le député de Mont-Royal, où
est-il?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Il est remplacé.
Mme Lavoie-Roux: II est remplacé...
M. Lalonde: II était à l'appel.
M. Guay: II est parti au téléphone, lui aussi.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je considère, non pas l'incident, parce que ce n'est pas un
incident, que les messages ont été passés de part et
d'autre et je donne la parole à M. le ministre qui a conservé son
plein droit de parole sur cet amendement.
Motion d'amendement M. Fernand Lalonde (suite)
M. Laurin: Merci, M. le Président. Dans mon discours de
deuxième lecture et dans mon exposé liminaire sur l'article 69,
j'ai donné toutes les raisons pour lesquelles le gouvernement entendait
réserver pour l'avenir l'école anglaise aux enfants des parents
qui avaient fait leurs étude primaires au Québec.
Je ne les rappellerai donc que brièvement.
Le gouvernement se reconnaît des devoirs à l'endroit de ces
diverses minorités et il s'en est longuement expliqué dans le
livre blanc. Il considère qu'elles constituent un héritage et un
apport précieux pour la culture québécoise. Il
espère que ces minorités conserveront et développeront au
plus haut point et d'une façon moderne et dynamique leurs
caractéristiques culturelles. Pour qu'elles ne s'isolent pas, pour
qu'elles ne constituent pas des enclaves ou des ghettos socioculturels, pour
qu'elles participent à part entière au grand courant de la vie
collective et à l'édification de la meilleure
société québécoise qui soit, il veut leur tendre la
main, les convier à une réflexion commune sur notre situation et
notre devenir, les associer au travail commun dans les multiples organismes
politiques et administratifs qu'il crée ou qu'il anime, favoriser
l'enseignement de leur langue maternelle au niveau primaire et
l'approfondissement de leur culture d'origine à tous les niveaux de
l'enseignement jusqu'au niveau universitaire, encourager et subventionner
toutes les formes d'expression de leur génie propre, que ce soit dans le
domaine des arts, de la littérature, du journalisme ou de la culture
populaire.
C'est là notre conception du pluralisme culturel qui n'a rien de
contradictoire avec la construction d'une société
québécoise où la langue française n'est pas que la
langue officielle, courante et la langue de la cohésion sociale, mais
aussi celle qui permet au peuple québécois d'exprimer son
identité. Si cela est vrai pour la minorité italienne, grecque,
portugaise, ukrainienne, hongroise, roumaine, arabe, chinoise et le reste, cela
l'est encore bien plus pour la minorité anglaise, la plus nombreuse, la
plus importante, la plus puissante et dont les racines au Québec sont
les plus profondes.
Il faut donc être aveugle ou de mauvaise foi, ou être
victime de ses peurs, de ses frustrations ou de ses aigreurs pour
prétendre que le gouvernement du Québec veut humilier la
minorité anglaise, se venger d'elle, la brimer, la persécuter et
vouloir sa disparition. Le Québec le voudrait-il qu'il n'y arriverait
pas, puisque cette minorité s'appuie sur un continent des plus riches,
populeux, dynamique et ultra-développé sur tous les plans.
Mais il ne le veut pas, aussi bien au nom de la justice et de
l'équité qu'en raison de ses intérêts politiques et
culturels. Ce que veut cependant le gouvernement du Québec, exprimant
tout particulièrement en cela les aspirations séculaires et la
volonté de sa majorité francophone, c'est construire un pays qui
lui ressemble, un pays qui donne à chacun ce dont il a besoin pour son
bonheur et son épanouissement, c'est-à-dire l'identité, le
respect de soi et des autres, la fierté, la confiance, la
maîtrise, l'usage et l'enrichissement constant de sa langue, la
possession de son milieu et l'utilisation optimale et maximale de ses
ressources, la participation à la vie du monde par le
développement de sa propre originalité.
C'est là une démarche positive inscrite dans
révolution du peuple québécois qui n'a rien du repli, de
la défense ou de l'attaque. C'est une démarche normale
marquée au coin de la maturité. C'est pourquoi le gouvernement
peut se montrer juste, respectueux et accueillant à l'endroit des
minorités, et en particulier de la minorité anglaise.
La société québécoise essentiellement
française permettra donc à la minorité
anglo-québécoise de conserver ses écoles que pourront
fréquenter également ceux qu'elle s'est intégrés ou
assimilés, allophones et même francophones, parce qu'elle dominait
la vie économique, parce que la politique d'immigration du gouvernement
fédéral orientait vers elle les nouveaux immigrants, parce que le
Québec n'était pas considéré comme un pays
français, mais comme une simple subdivision territoriale du grand tout
canadien et américain. Mais si le peuple québécois se
reconnaît des devoirs à l'égard de sa minorité
anglaise, il ne se reconnaît aucune obligation à l'endroit des
anglophones du Canada, de l'Amérique du Nord ou d'ailleurs. Il n'estime
pas que ceux-ci ont le droit de profiter gratuitement d'un système
scolaire qui émarge entièrement au budget du Québec et qui
coûte de plus en plus cher aux contribuables québécois.
Cette générosité lui coûterait d'ailleurs
d'autant plus cher que le Québec vit dans une mer anglophone et que le
nombre de ces anglophones des autres provinces, du continent américain
et des autres pays du monde qui s'inscrivent à l'école anglaise
au Québec a toujours été très
élevé.
En plus de payer très cher pour leur éducation, il est
loin de n'en retirer que des avantages soit parce que ces familles quittent le
Québec après quelques années, soit parce qu'elles
ajou-
tent leur poids démographique et politique à une
minorité qui a fait jusqu'ici trop souvent obstacle aux aspirations
normales et légitimes de la majorité.
Si le gouvernement du Québec reconnaît par ailleurs aux
Anglo-Québécois le droit de conserver leurs écoles, il ne
reconnaît pas au système scolaire anglo-québécois en
tant que tel le droit de maintenir ou augmenter ses effectifs à
même les apports canadiens, américains, britanniques, australiens
ou autres.
Aucun pays n'accorde de tels avantages à sa minorité. Il
est peu de pays où la minorité puisse ainsi profiter d'apports
aussi proches et aussi considérables. Si le Québec tient à
protéger son identité et l'équilibre démographique
approprié, il lui faut ici faire montre de logique et de
réalisme, d'autant plus que le fait, pour les nouveaux arrivants,
d'où qu'ils viennent, de s'inscrire à l'école primaire et
secondaire française ne signifie pas que ceux-ci vont
nécessairement s'intégrer à la majorité
francophone. La minorité anglo-québécoise possède,
en effet, de solides infrastructures économiques et socio-culturelles,
par exemple, nombreuses stations de radio-télévision, journaux et
revues de prestige à grand tirage, domination du secteur privé de
l'économie, etc.
A quoi il faut ajouter que l'accès aux institutions scolaires,
collégiales et universitaires anglophones subventionnées
demeurent ouvert à tous et que leur taux de fréquentation y
dépasse de beaucoup actuellement le pourcentage de la population
anglophone, et il ne serait pas surprenant que cette tendance se
maintienne.
C'est là, en tout cas, une autre raison pour laquelle la menace
d'une extinction prochaine de la minorité anglo-québécoise
nous apparaît mal fondée et servir plus ou moins consciemment
d'épou-vantail pour des fins stratégiques.
Là où je suis d'accord, cependant, avec l'Opposition
officielle, c'est que si on reconnaît à la collectivité
anglophone en tant que telle le droit à son réseau scolaire, du
fait qu'elle est une minorité articulée, comme le dirait le chef
de l'Union Nationale, il devient, en effet illogique, impensable et impossible
d'en limiter l'accès aux seuls anglophones des autres provinces. Il n'y
a plus de bonnes raisons alors, d'en fermer l'accès à ceux qui
sont aussi anglophones que les citoyens de l'Ontario et du Manitoba et qui
habitent aux Etats-Unis, dans les Caraïbes, aux Indes ou au Pakistan.
C'est bien, d'ailleurs, partiellement pour cette raison que le gouvernement a
opté pour la clause Québec et entend la maintenir.
Il faut tenir compte également du critère que nous avons
choisi, celui de la scolarité des parents. S'il est de
vérification relativement aisée au Québec, cette
vérification devient plus difficile pour le Canada, encore plus
difficile pour certains pays voisins et quasi impossible pour d'autres, plus
éloignés ou dont la structure linguistique est éminemment
complexe.
Sur un autre plan, il conviendrait aussi de se poser la question
suivante: Pourquoi serait-ce une grande aberration ou un si grand malheur pour
un cadre anglophone ontarien ou manitobain qui viendrait s'installer au
Québec d'inscrire ses enfants à l'école
française?
N'est-ce pas là un geste normal pour un nouvel arrivant
d'inscrire son enfant à l'école nationale du pays où il
s'installe pour un séjour limité ou permanent? N'est-ce pas ce
que font, chaque année, des milliers de cadres américains en
France, en Suisse, en Allemagne ou en Italie?
N'est-ce pas un avantage extraordinaire, pour l'anglophone de ce
continent d'inscrire son enfant à une école où il pourra
apprendre l'une des plus grandes langues de la civilisation mondiale, la langue
commune d'un grand nombre de pays importants, une langue qui a
été la "lingua franca" de l'hémisphère occidental,
bien avant que la langue anglaise ne le devienne, pour les affaires et la
technologie, une langue dont est sortie une des plus riches cultures qui
soit?
Une fois que les provinces canadiennes auront perdu leurs
réflexes de colonisateurs à l'endroit du Québec, une fois
qu'elles auront accepté de le reconnaître comme un pays
français, à l'intérieur ou à l'extérieur du
régime fédéral, une fois qu'elles auront consenti à
se départir de leurs habitudes et à regarder la
réalité québécoise pour ce qu'elle est,
peut-être, enfin, voudront-elles profiter de ce que le Québec a de
différent, de ce qu'il a d'unique à offrir, et qui peut
s'avérer pour elles aussi précieux que profitable?
Si ces cadres s'y refusent, par ailleurs, ils pourront toujours imiter
l'exemple que leur fournissent certains et inscrire, comme dans les autres
pays, à l'école privée anglophone, non
subventionnée, leurs enfants, à moins, évidemment, que le
Québec ne signe avec ses voisins des accords de
réciprocité.
L'optique serait, à ce moment, différente. Dans ces
échanges, le Québec aurait autant à gagner qu'à
donner. Il possède lui aussi ses cadres francophones, bien plus nombreux
qu'on ne le pense et dont le nombre s'accroîtra, qui ont dû et
doivent encore refuser des promotions qui les amèneraient dans des
villes canadiennes anglophones parce qu'ils ne peuvent y trouver les
écoles françaises et le milieu culturel qu'ils estiment
nécessaires pour leurs enfants.
Le Québec pourrait donner à ses voisins des avantages
identiques à ceux que ceux-ci lui consentiraient. Il pourrait même
donner davantage en retour de bénéfices plus marqués sur
d'autres plans et témoigner ainsi de sa volonté de collaboration
et d'ouverture à l'échelle canadienne.
J'attire aussi l'attention du député de
Marguerite-Bourgeoys sur l'article 81 qui permet à des cadres
anglophones qui viendraient au Québec pour un séjour
limité d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, ce qui
assure quand même une certaine mobilité à ces cadres.
Quoi qu'il en soit, la politique linguistique du Québec ne peut
que s'avérer bénéfique pour les Québécois.
Il est vrai que, dans un premier temps, le recrutement des cadres, tel qu'il
s'est toujours effectué, pourra s'avérer difficile pour certaines
entreprises, mais faut-il le déplorer à tous égards?
Peut-être cela incitera-t-il certaines entreprises à
prospecter davantage du côté des universités francophones,
de la fonction publique québécoise, de certains organismes
parapublics québécois et des entreprises francophones pour y
trouver les spécialistes dont elles ont besoin et qui peuvent s'y
trouver déjà et en nombre plus considérable qu'elles ne le
croient elles-mêmes.
Le Québec s'est saigné à blanc depuis quinze ans
pour se doter d'un système d'enseignement supérieur, moderne et
dynamique. De ces établissements sortent, chaque année, des
milliers de diplômés. Parce que les entreprises du secteur
privé leur étaient plus ou moins fermées jusqu'ici et, en
conséquence, étrangères ou peu accueillantes, ils ont
inondé le secteur public et le secteur privé francophones. Mais
ce marché est désormais saturé. Il faut maintenant que
s'ouvre à eux le secteur privé de la grande entreprise
anglophone. Ils peuvent y exceller si on les accueille, si on les assiste, si
on les respecte. Leur apport sera d'autant plus précieux qu'ils ont une
connaissance profonde de leur milieu et peuvent en faire profiter leur
employeur. Aussi bien, donc, pour des fins de rentabilité que de justice
et d'évolution normale et inévitable, il importe que la grande
entreprise anglophone québécoise se recycle, change son fusil
d'épaule, envisage d'un regard neuf le problème de la
mobilité des cadres et fasse toute la place qu'il faut, pour son plus
grand profit, aux spécialistes québécois de toutes
disciplines.
Voilà donc, en résumé, M. le Président,
toutes les bonnes raisons que nous avons de nous opposer à l'amendement
du député de Marguerite-Bourgeoys et de nous en tenir à
notre position originelle.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je ne reviendrai
pas sur les raisons économiques évoquées par le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que nombre d'organismes
responsables et qui jouent un rôle important dans le domaine
économique sont venus en faire la preuve devant la commission
parlementaire qui a étudié le projet de loi no 1.
Les raisons historiques: Je pense que le gouvernement veut bien les
reconnaître et reconnaître à la communauté anglophone
sa place dans l'histoire du Québec. Cependant, en dépit de ses
affirmations qu'il veut se montrer généreux je pense
qu'écouter simplement les propos que vient de tenir le ministre d'Etat
au développement culturel... lorsqu'il nous dit: Nous reconnaissons la
communauté anglophone, mais nous ne nous reconnaissons pas d'obligations
à l'égard de ceux qui viennent du reste du Canada on peut
en douter.
Evidemment, il se situe dans cette perspective d'un Québec
indépendant. Pour lui un citoyen du Québec et un citoyen de
l'Ontario, en dépit du fait qu'ils habitent le même pays, ne sont
pas considérés sur un même pied.
Je trouve un peu surprenant qu'il dise: "Pourquoi ferions-nous profiter
gratuitement du système d'enseignement à des anglophones ou
à des membres de la communauté anglophone qui viendraient
s'établir au Québec?" Je regrette, mais je pense que les membres
de la communauté anglophone qui sont établis au Québec
paient leur juste part des frais du système d'enseignement. Je ne pense
pas que ce soit dans l'esprit de la résolution de demander que ceux qui
viendraient de l'extérieur s'établir au Québec, soient
exemptés des mêmes responsabilités quant au financement du
système d'enseignement. C'est un argument qui me semble un peu faible
pour le moins.
Ensuite, le ministre dit: "II y a d'autres raisons que nous pouvons
invoquer. Ces anglophones qui viennent d'ailleurs, risquent de nous quitter ou
encore d'alourdir ou de faire sentir davantage le poids de l'influence de la
communauté anglophone. Il continue en disant: De toute façon nous
ne nous trouvons pas de responsabilités à maintenir la
communauté anglophone ou à l'accroître". Dans les paroles
mêmes, c'est une négation de la communauté anglophone. On
dit: On ne veut pas qu'elle se maintienne, à partir d'effectifs qui lui
appartiennent, de gens qui partagent sa culture et qui partagent sa langue. A
moins que sa conception de la communauté anglophone ou d'une
communauté laissons le qualificatif en l'occurrence soit
très différente dans ses termes qu'elle ne l'est dans la
population en général. Tout le monde sait fort bien qu'une
communauté, c'est un groupe d'individus qui partagent ensemble une
langue, des coutumes, des traditions. C'est une notion quand même
mobile.
D'ailleurs, c'est ce qui explique que la communauté francophone,
ayant été une communauté mobile, ait
intégrée des Burns, des O'Neill et des Johnson, sans nommer les
autres. Une communauté, ce n'est pas quelque chose de statique, c'est
quelque chose qui évolue. Alors, quand on dit qu'on ne veut pas laisser
cette communauté intégrer des personnes qui partagent la langue
et la culture, le ministre d'Etat au développement culturel a bien
raison de dire: Nous ne nous sentons pas l'obligation de la maintenir et encore
moins de l'accroître.
Dans le cas du maintien de cette communauté anglophone,
c'était, dans le fond, à long terme; il lui importe peu que le
rôle qu'elle ait à jouer au Québec soit plus ou moins
important. Là où je suis d'accord avec le gouvernement, c'est
qu'il restera toujours au Québec, enfin dans la mesure où on peut
le prévoir, des anglophones. On ne fait pas disparaître un million
de population sur une période de 10, 15 ou 20 ans, mais on pourra le
réduire, à ce moment, à un rôle de groupe
minoritaire qui ne produira plus autant qu'il produisait, ne participera plus,
ne contribuera plus autant qu'il l'a fait.
Evidemment, on s'attarde et c'est le jeu du gouvernement
à montrer ce que la communauté anglophone a pu jouer comme
rôle qui, non seulement aux yeux du gouvernement, mais, je pense, aux
yeux d'un grand nombre de Québécois, peut
être vu comme des abus au plan économique; à ce
moment, on s'efforce bien de refaire l'histoire jusqu'en 1760 et auparavant, si
on pouvait, pour essayer d'étayer cette thèse. Je pense que ce
que le gouvernement, et ce que le ministre d'Etat au développement
culturel ne veulent pas voir, se refusent a voir, c'est l'évolution de
cette communauté, ses efforts pour vivre au rythme du Québec et
de partager, dans la mesure du possible, la culture et le mode de vie des
Québécois.
Mais ceci, je pense, le ministre vient de le dire clairement, non
seulement on ne veut pas l'accroître, on ne veut pas la maintenir. A ce
moment, si on ne veut pas maintenir une communauté, je pense qu'on
s'achemine vers la disparition de cette communauté ou encore à
rendre son rôle tellement insignifiant qu'on peut l'identifier à
un rôle de toute minorité dont les membres conservent leur culture
en termes folkloriques ou autres. Je pense que, si, au plan
démographique, toutes les données ont été
apportées là, je voudrais me référer pendant
quelques secondes aux études démographiques très savantes
de part et d'autre, quant à cela, qui ont été mises
de l'avant j'ai cependant lu en fin de semaine la dernière pile
de documents que le ministre nous avait remis pour cette fois réfuter M.
Henripin, M. Lachapelle, M. Springland, je pense que c'est son nom, et enfin
tous les autres, la Chambre de commerce, etc. Singerland, je vous
remercie, pour réfuter ces gens qui, eux, réfutaient les experts
du gouvernement. Mais, de tout ceci, il me semble qu'il ressort une chose. Je
ne veux pas trancher le débat, mais même les démographes du
gouvernement, dont je ne veux pas mettre en doute la qualité du travail
et la valeur au plan professionnel, semblent s'entendre, même avec M.
Henripin, M. Lachapelle, puisqu'ils font leurs les paroles de M. Henripin en le
citant pour dire qu'ils trouvent M. Henripin très sévère
de les avoir critiqués. "Les techniques d'analyse démographique
se sont, elles aussi, grandement perfectionnées, mais nous sommes encore
bien loin de prévoir prédire avec un minimum de rigueur
l'évolution de la fécondité et des migrations. On ne peut
s'empêcher d'être convaincu que la réalité
démentira ceux qui ont osé devancer le temps". Ce sont les
paroles de M. Henripin, mais qu'à son tour M. Amyot cite pour
dénoncer la sévérité de MM. Henripin et
Lachapelle.
Enfin, je pense que ce que ceci prouve c'est que pour que des gens
très responsables au plan professionnel je pense que personne ne
le met en doute arrivent dans cette sorte de conflit. C'est qu'on part
de l'établissement de scénarios extrêmement complexes et il
n'est pas étonnant, compte tenu du paragraphe que je viens de citer, que
les résultats ne soient pas toujours identiques et que les uns mettent
en question les données de l'autre. Tout ceci pour dire que si on
partait de la réalité, si on partait des gens qui sont bien
comptés et non pas de scénarios très sophistiqués,
je l'ai mentionné au ministre d'Etat au développement culturel,
qui m'a entendue le dire en Chambre, et je voudrais le lui rappeler...
Lorsque tous ces débats de l'intégration à
l'école française des non anglophones ou encore le
problème du risque de déséquilibre démographique
dans les populations scolaires qui pourrait éventuellement conduire
à une rupture de l'équilibre démographique dans l'ensemble
de la population ont été soulevés, il n'y a jamais eu
d'autres groupes qui ont été mis en cause, sauf ceux pour qui les
transferts linguistiques ne semblaient pas légitimes, soit dans le cas
des gens ne parlant ni français ni anglais qui s'intégraient
massivement du côté anglais. D'autre part, la loi 63 avait aussi
donné lieu à une augmentation de la fréquentation des
écoles anglaises par la population française, quoiqu'il y en
avait toujours eu un pourcentage minime dans les régions là
où il y avait des écoles anglaises. Je pense que c'était
de l'ordre de 1% à 1 1/2% de francophones qui allaient à
l'école anglaise, et ceci avait augmenté pour se rendre, je
pense, en 1972, à environ 2,5% de francophones qui allaient à
l'école anglaise.
Mais encore là on n'avait jamais étudié la
persévérance de ces enfants à l'école anglophone,
non plus qu'on n'a jamais eu les moyens d'établir si vraiment ces
enfants s'étaient intégrés à la communauté
anglophone. C'étaient vraiment là les deux objets
d'inquiétude principaux qui avaient été dans le temps la
raison ou la motivation en particulier de la Commission des écoles
catholiques de Montréal de faire des représentations
auprès du gouvernement. Mais aujourd'hui, je lis que, par le truchement
des classes d'accueil, et je cite le directeur des classes d'accueil de la CECM
d'après les statistiques que le ministre nous a remises, la
majorité des allophones sont dans les classes d'accueil de la CECM:
"L'application de la loi 22, malgré ses lacunes, a permis d'acheminer,
en 1975, vers le réseau des écoles françaises la plupart
des nouveaux venus par le truchement des classes d'accueil, alors que pendant
des années, la grande majorité d'enfants allophones
étaient dirigés vers des écoles anglaises". Et il conclut:
"La presque totalité des jeunes immigrants allophones arrivant à
Québec fréquentent les classes d'accueil et la grande
majorité d'entre eux se dirigent ensuite vers les écoles
françaises de leur quartier. Les résultats de l'année
scolaire 1976-1977 démontrent un succès que les responsables
qualifient de total. En effet, au-delà de 90% de tous les enfants
immigrants allophones d'âge scolaire arrivés au Québec
durant cette année ont été reçus dans les classes
d'accueil de la CECM. Et ceux qui n'y sont pas entre les 90% et les
100% ne sont pas nécessairement intégrés aux
écoles anglaises, puisqu'on n'en dénombre que dix-neuf. Parmi les
autres il y en a qui ont tout simplement quitté l'école, qui sont
retournés dans leur pays, enfin, il y a toutes ces autres circonstances
qui surviennent".
Du côté de l'intégration des enfants francophones,
alors que durant les années 1970 à 1974. le nombre de demandes de
transferts linguistiques d'enfants francophones vers le secteur anglophone
était de l'ordre de 1200, pour l'année scolaire 1975-1976 ou
1976-1977 il faudrait que je
vérifie on n'en retrouve plus que 200. Et parmi ces 200, il
peut y avoir des enfants qui sont de langue maternelle anglaise, parce que,
comme je l'ai dit, dans les écoles anglaises de la CECM, il y avait, en
1975-1976, 48,8% d'enfants de langue maternelle anglaise, alors que les autres
52% se retrouvaient dans les écoles anglaises.
Il y a là, et je tiens à le rappeler même si cela ne
semble pas avoir eu grand effet sur le ministre, que ce sont des faits
vérifiables aujourd'hui, sans, comme je disais tout à l'heure,
élaboration de grands scénarios. De plus, il y a les tendances de
l'immigration qui démontrent que l'immigration unilingue
française progresse et que l'immigration unilingue anglaise diminue au
point qu'elle est même devenue inférieure, alors que le reste est
constitué d'immigrants qui ne parlent ni anglais, ni français. Je
pense que ce sont également des faits qui indiquent qu'il y a ce que
j'appelle le renversement de la vapeur, cette amorce d'un mouvement pour que
l'école française devienne de plus en plus l'école de
tous.
Je pense que ce sont là des données suffisantes qui
devraient influencer le gouvernement et l'inciter à modifier son
attitude rigide. S'il croit la situation si grave ou s'il a encore des doutes,
qu'il permette un délai de quelques années pour vérifier
si ce mouvement qui est amorcé va être progressif ou s'il n'est
que temporaire. Dans ce sens, si on avait eu plus de temps pour examiner
l'influence de la loi 22 et des autres mesures de francisation qui
m'apparaissent très importantes au niveau du travail et qui
déjà se font sentir dans la motivation de l'orientation des
enfants vers l'école française, puisque cela devient de plus en
plus difficileje pense qu'un grand nombre le reconnaîtra et c'est
normal pour un unilingue anglais de se trouver de l'emploi au
Québec, je pense qu'on aurait eu là suffisamment d'indices qui
auraient permis au gouvernement d'avoir une attitude beaucoup moins rigide.
Mais tous se souviendront de l'attitude du ministre d'Etat au
développement culturel. Quand des groupes ultra-nationalistes, venus
devant la commission parlementaire, demandaient d'enlever les écoles
anglaises, il leur fallait justifier la position du gouvernement de la
conserver. Mais, quand un groupe comme le MQF a dit qu'il ne devrait y avoir
qu'un système français à l'intérieur duquel il y
aurait des classes où une partie de l'enseignement se donnerait en
anglais, ce qui était la position du MQF, silence de la part du ministre
d'Etat au développement culturel.
Si telle est l'attitude du gouvernement et si c'est ce vers quoi on
s'achemine, certains peuvent peut-être se scandaliser des
récriminations de la communauté anglophone, mais ce que la
communauté anglophone sent, c'est que c'est le commencement de mesures
qui deviendront de plus en plus sévères et rigoureuses.
H y a un dernier aspect que je voudrais invoquer et qu'on n'invoque pas
suffisamment ici, c'est l'aspect pédagogique. Je pense que refuser
à des enfants qui sont de langue et de culture anglaises l'accès
à l'école anglaise, alors que la démographie ne prouve pas
qu'à ce moment ils soient une menace à la survie de
l'école française ou, enfin, à la survie du fait
français au Québec, c'est vraiment ne montrer aucune
considération pour les valeurs pédagogiques. Cela
démontre, une fois de plus, que ce sont les considérations
politiques et non pas la considération des individus et de leurs besoins
qui prédominent dans tout ce débat. J'ai bien hâte de voir
si le gouvernement, si tout le reste échoue, ce qui semble se profiler
à l'horizon, aura la même rigidité à l'égard
des enfants qui ont des troubles d'apprentissage? Je définirai quelle
catégorie d'enfants à ce moment-là. Mais je pense qu'en
dehors de tout ce débat politique certains devraient considérer
cet ordre de préoccupations. J'aimerais demander aux participants autour
de cette table, s'ils avaient un enfant d'âge scolaire qui était
déjà dans le système scolaire, particulièrement au
secondaire, s'ils n'hésiteraient pas avant de lui faire faire un bond
dans un autre système d'enseignement, c'est-à-dire de langue
différente, à moins que les circonstances ne soient celles
où se trouvent les immigrants al-lophones qui arrivent ici et qui, de
toute façon, devront faire le choix d'une autre langue. Je me demande
vraiment si vous n'hésiteriez pas, comme parents, chacun d'entre vous,
à dire: En secondaire II, je l'envoie dans un autre système
linguistique d'enseignement, à moins, comme je le disais tout à
l'heure qu'il ne soit obligé!
Mais ce débat linguistique a de telles proportions politiques que
cet ordre de considération est complètement banni des
préoccupations du gouvernement... J'aimerais qu'il puisse, quelquefois,
y songer. J'arrête ici pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Sur la motion, vous avez pris
exactement les vingt minutes. M. le député de
Mégantic-Compton et, tout de suite, j'indique que le suivant sera M. le
député de Verchères.
M. Grenier: M. le Président, pour terminer l'argumentation
qu'avait commencée M. le chef de l'Union Nationale à cette
commission, vendredi soir, je voudrais d'abord faire savoir que toute
l'argumentation que le ministre nous donnait tout à l'heure, à
mon sens, ne tient qu'à un fil, à savoir celui de sa
volonté de construire un pays, expression qu'il a utilisée et
volonté que ne partage pas l'ensemble de la population qui lui a
donné le mandat, à mon sens, non pas de faire
l'indépendance, mais d'administrer, comme on l'a dit à plusieurs
reprises, comme un bon et vrai gouvernement. Notre position à nous
s'inscrit dans la volonté populaire et réelle, à savoir
celle de tout faire pour que le Canada respecte mieux le Québec et que
le Québec trouve mieux sa place dans un Canada renouvelé, mais
toujours dans le Canada.
L'amendement proposé par l'équipe libérale a pour
but, à mon sens, d'ouvrir l'école anglaise aux enfants dont le
père ou la mère a reçu l'enseignement primaire en anglais.
Ce matin, même s'il y a des journaux qui ne font toujours pas l'affaire
des ministériels, je veux quand même citer un article
du journal The Gazette, qui se lit comme suit: "The question now is not
whether French will have its proper place in Quebec, but whether that place
will be achieved in a context of perceived justice and humanity that encourages
acceptance, or in a context of injustice and meanness of spirit that can
encourage only resentment and bitterness. "That is the present challenge to the
National Assembly in general and to the government of Premier René
Lévesque in particular".
A mon sens, M. le Président, cette partie d'article justifie
assez bien la motion proposée ce matin et sur laquelle nous
discutons.
Ainsi, en ouvrant la porte aux véritables anglophones, soit ceux
proposés par l'amendement, qui ont fait leur cours primaire en anglais,
ce n'est pas l'assimilation des Canadiens français que nous avons ici,
mais il semble que cette proposition a l'avantage d'être moins
arbitraire.
Ce n'est pas une porte ouverte, comme je le disais, pour l'ensemble des
francophones qui vivent au Québec ou encore des immigrants qui arrivent.
Déjà, c'est réglé dans une autre partie de
l'article. Ce qui compte, c'est que les propositions qui sont faites ici se
rapprochent d'assez près à l'article que nous avions
proposé. L'amendement que nous avons proposé a l'article 69, au
paragraphe b), disait qu'à travers le monde, c'est tant au niveau des
principes qu'au niveau des modalités, l'amendement que nous proposons,
dis-je, était d'apporter, c'était au paragraphe b), c'est comme
cela qu'on peut facilement supporter cet amendement, c'était en fait, le
nôtre qu'on devait apporter à ce paragraphe b) qui va suivre dans
quelques instants.
Le gouvernement ne semble pas suffisamment confiant dans l'effet
d'entraînement qu'aura cette loi. C'est vrai au niveau de la langue de
travail, c'est également vrai au niveau de la francisation des
entreprises. Ce n'est pas moins vrai non plus quant aux dispositions tant dans
le commerce que dans les affaires.
En fait, c'est surtout là qu'on verra que le Québec peut
vraiment se donner un visage français. Si le gouvernement voulait bien
nous dire clairement s'il amendera la clause Québec au monde ou au moins
au reste du Canada, c'est à cause de la réalité
canadienne, et la réponse du ministre sur l'accord de
réciprocité fait partie de la philosophie du gouvernement sur
cette partie de la langue d'enseignement.
Pour nous, une chose est claire, au niveau des principes, on ne
connaît pas encore, cependant, les modalités qui seront
déposées à St. Andrews. L'éducation, bien
sûr, est de juridiction provinciale. Comme l'Union Nationale l'avait fait
en 1969 avec l'Ontario, sous le gouvernement de M. Bertrand, ce n'est pas notre
intention de nier le pouvoir qu'ont les provinces de faire de tels accords.
Même si les accords de réciprocité se font avec
quelques provinces ou avec toutes les provinces, cela ne règle pas le
problème de la clause Québec que nous rencontrons à
l'article 69. Autrement, ce ne serait plus faire preuve de
générosité, comme l'a dit le premier ministre, dans son
discours inaugural mais au contraire, ce serait faire preuve de calcul
politique. Le vieil adage "Oeil pour oeil, dent pour dent" aurait sa place.
Servir la minorité francophone hors du Québec, oui, mais
ne pas s'en servir à des fins partisanes, comme cela semble être
le cas dans cette clause de réciprocité pour faire avancer la
thèse de souveraineté-association. A cela, l'Union Nationale dit
non.
A mon sens, on l'a dit depuis le début, et cela arrivera à
plusieurs reprises qu'on devra répéter les mêmes choses,
l'option du Parti québécois manque de confiance dans l'effet
d'entraînement de l'ensemble des autres articles du projet de loi qui
visent, on ne peut plus, la prééminence du français au
Québec. Car on ose nous parler ici des dangers d'assimilation que
représenterait l'accès à l'école anglaise des
éventuels Canadiens ou anglophones venant d'autres pays. On ignore, ou
on feint d'ignorer, que le gouvernement du Québec peut, à
l'intérieur du système actuel, avec la même
détermination qu'il met à défendre sa position sur le
dossier linguistique, agir dans le domaine de l'immigration et notamment sur la
sélection des immigrants. C'est un pouvoir qu'on s'est donné en
1969. Il me semble qu'il y a là une autorité assez importante
qu'on peut exercer et qui peut influencer considérablement l'immigration
au Québec.
Et je termine avec ce que M. Biron, le chef de l'Union Nationale, nous
disait au cours de la semaine dernière: "Le gouvernement se montre
complexé sur ce sujet en dressant une espèce de barrière
symbolique dans une attitude qu'on doit qualifier de séparatiste, qui ne
tient pas compte, en fait, de la réalité canadienne".
Je dois vous dire que cet amendement apporté ce matin au
paragraphe a) était à peu près le même que celui que
nous devions apporter au paragraphe b). C'est pour cela que l'Union Nationale
votera pour l'amendement proposé par le Parti libéral.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: La première réflexion que je
voudrais faire, c'est que je suis assez choqué, je dirais même
scandalisé, de voir des gens de ma nationalité proposer ce genre
d'amendement.
J'aurais compris que le député de Mont-Royal ou que le
député de D'Arcy McGee la présente. Je n'aurais pas
été d'accord pour autant, mais j'aurais compris qu'ils ne
partagent pas certaines aspirations ou certaines communautés de
pensée, une certaine communauté de pensée, une certaine
appartenance à une nation. Mais quand je vois des gens de ma propre
nationalité présenter un tel amendement, je ne peux faire
autrement que d'être profondément choqué, parce que,
finalement, ce qu'on nous propose ici, ce n'est même plus l'option Canada
par rapport à l'option Québec, c'est l'option monde. C'est
l'option de la communauté anglophone à travers le monde, de venir
s'établir au Québec et d'avoir, après coup, le
libre choix. Je pense que peu de groupes, même anglophones, devant
la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi no 1,
ont osé aller jusque là.
Beaucoup de gens ont réclamé, avec insistance, la clause
Canada, mais rares sont ceux qui ont osé aller jusqu'à
réclamer le libre choix pour tous les anglophones dans le monde, de
venir choisir le système d'instruction et d'éducation au
Québec. Je pense que c'est inacceptable.
Je pourrais comprendre à la rigueur que des gens partageant le
même pays que nous, pas nécessairement la même nation, mais
le même pays, nous retournent un peu l'argument suivant: Vous nous
proposez la souveraineté-association. Pourquoi n'accepteriez-vous pas la
clause Canada? Cet argument pourrait se défendre, mais je ne vois pas
avec quel argument on pourrait défendre, par ailleurs, le fait de
considérer sur le même plan ou d'éventuellement
considérer sur le même plan les Canadiens des autres provinces et
des anglophones, des Britanniques, des gens d'Australie, de la
Nouvelle-Zélande et d'ailleurs. Je n'arrive pas à comprendre avec
quelle logique on peut en arriver à un tel tour de passe-passe
intellectuel pour justifier un tel amendement.
Nous, ce qu'on dit aux gens c'est: Ecoutez! A priori, on a des arguments
fort importants pour justifier l'option Québec. Cependant, pour deux
raisons, on croit qu'il y a avantage, de votre côté autant que du
nôtre, peut-être, à regarder des accords de
réciprocité. Maintenant, on nous renvoie ces accords ou ces
offres d'accords en nous disant: On utilise les minorités francophones
à des fins partisanes. On veut implanter, avant le
référendum, l'indépendance politique, la
souveraineté politique du Québec.
Ce qu'on n'a pas compris, c'est qu'on a une responsabilité
particulière j'ai eu l'occasion déjà de le dire et
je le répète encore non seulement de faire en sorte que
les Québécois qui vont à l'extérieur du
Québec, sur le sol canadien, jouissent des mêmes avantages que
nous, on est prêts à accorder aux autres Canadiens qui viennent
chez nous, au Québec, mais que, également, on a une
responsabilité de gouvernement national de protéger nos
minorités nationales à l'extérieur du territoire national
du Québec. Cela, c'est important. Il va peut-être falloir, que
l'union Nationale autant que le Parti libéral, mettent, une fois pour
toutes, sur la table, comme je l'ai réclamé la semaine
dernière, leur conception de ce que c'est, une nation, un Etat et un
pays.
Peut-être qu'après, on pourra se rendre compte de la
profondeur des désaccords et des divergences de vues. Mais pourquoi
a-t-on ces divergences de vues? Jusqu'à maintenant, on se camoufle
devant toutes sortes d'argumentations intellectuelles, d'abord, pour ne pas
approfondir les notions de base, qui sont pourtant fondamentales dans un
débat comme celui-là. C'est dans ce sens qu'une certaine logique,
qu'une certaine histoire pourraient justifier de considérer les
anglophones du Canada non pas sur un pied différent des anglophones de
l'extérieur du Canada, mais, comme je l'ai indiqué, il n'y a
absolument aucune logique... D'ailleurs, quand Mme le député de
L'Acadie parlait, j'avais plutôt l'impression qu'elle défendait la
thèse Canada que l'option monde qu'on présente dans cet
amendement.
Quand on nous parle des Ontariens pour nous dire que ce sont des
Canadiens eux aussi, on défend l'option Canada, mais on ne parle pas de
l'option monde comme on en parle quand on essaie d'introduire le mot
"ailleurs".
Par ailleurs, on nous a servi abondamment l'argument économique
en disant: Les sources de cadres des entreprises sont importantes et le bassin
anglophone du Québec est minime. Il faut donc avoir recours à
d'autres anglophones pour faire fonctionner nos entreprises à des
échelons supérieurs. C'est, en fait, ce qu'on nous a dit.
M. Lalonde: Non.
M. Charbonneau: Oui, c'est exactement ce que vous nous avez dit.
Vous nous avez dit que les entreprises seraient très mal prises si on
fermait nos frontières à toutes les entreprises qui en ont le
besoin pour des raisons économiques.
M. Lalonde: C'est différent.
M. Charbonneau: C'est la même chose.
M. Lalonde: Vous relirez...
M. Charbonneau: Vous parlerez à votre tour. J'ai
l'impression que vous avez souvent l'habitude d'interrompre les gens, comme
vous reprochez de le faire aux députés ministériels.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont les journaux qui ont dit que vous
étiez méchant.
M. Ciaccia: II commence de bonne heure.
M. Charbonneau: Vous êtes en forme, le lundi matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Je me suis reposée deux jours.
M. Charbonneau: Pardon?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Donc, M. le Président, j'ai
rencontré plusieurs personnes dans le milieu des affaires, y compris des
gens de certaines multinationales dont les entreprises, les succursales sont
installées dans mon comté. Certaines ont tenté de me
défendre l'option Canada, mais aucune n'a eu la hardiesse ni
même n'y a cru vraiment aucun n'a osé défendre
devant moi l'option monde. Personne! Comme je l'ai indiqué tantôt,
si on peut
comprendre les gens, dans le milieu des affaires ou ailleurs, qui nous
proposent l'option Canada, on ne peut pas comprendre les gens qui, dans ce
milieu-là et ailleurs, nous proposeraient l'option monde, le monde
anglo-saxon.
Mme Lavoie-Roux parlait tantôt...
Mme Lavoie-Roux: Le député de L'Acadie.
M. Charbonneau: Excusez-moi, le député de L'Acadie.
Vous m'avez tellement provoqué que j'en suis revenu aux sources...
M. Lalonde: Cela n'a pas de bon sens. Elle est provocante!
M. Charbonneau: Elle a parlé d'aspects
pédagogiques.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas dans mes intentions...
M. Charbonneau: De quoi?
Mme Lavoie-Roux: ...de vous provoquer.
M. Charbonneau: Vous savez, lundi matin, on va vous passer
cela.
M. Chevrette: On va vous passer cela!
Une Voix: II y a une vulgarité épouvantable autour
de la table!
M. Charbonneau: On vous en a tellement passé
jusqu'à maintenant, surtout quand on essaie de nous passer cet
amendement.
De toute façon, quand le député de L'Acadie nous
parle d'aspects pédagogiques pour défendre l'option monde, en
nous disant: II y a peut-être des gens qui ont des troubles
d'apprentissage, là encore, je ne vois pas très bien quel rapport
cela a avec l'ajout du mot "ailleurs" dans le projet de loi. Il me semble, s'il
y a des gens qui ont des troubles d'apprentissage parce qu'ils arrivent au
Québec dans un territoire et dans un Etat français et qu'ils sont
d'une autre langue, que les problèmes seraient les mêmes pour des
gens d'origine italienne, d'origine ukrainienne ou d'origine australienne.
M. Alfred: Une question de règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
question de règlement sur quoi, M. le député de
Papineau?
M. Alfred: C'est pour dire qu'un commissaire d'écoles
n'est pas nécessairement un pédagogue.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
dit.
M. le député de Verchères, vous reprenez la
parole.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie, il ne faudrait pas suivre l'exemple du
député de Papineau dans ce domaine.
Mme Lavoie-Roux: C'est tellement élémentaire que ce
n'est même pas une question pédagogique; c'est une question de bon
sens.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais que Mme le
député de L'Acadie ou un de ses confrères nous expliquent
dans le bon sens quelle est la différence entre les problèmes que
pourrait avoir un jeune Italien qui arriverait ici et qui serait un peu
désemparé dans un milieu qui n'est pas le sien, une langue qui
est étrangère et un Australien qui arriverait ici, pour qui la
langue française serait aussi étrangère que le
français est étranger pour un Italien. Je voudrais voir dans
quelle logique pédagogique on peut faire un raisonnement
différent pour un Italien ou un Australien. Jusqu'à maintenant,
je n'ai pas vu cette logique pédagogique.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez rien compris.
M. Charbonneau: C'est vous qui n'avez rien compris. Vous voulez
essayer, par des biais pédagogiques, de nous imposer des notions qui ne
tiennent absolument pas compte de la réalité. Les
problèmes pédagogiques d'apprentissage sont vrais pour tout le
monde ou ils ne sont vrais pour personne. Ce n'est pas parce que des gens
parlent anglais que, tout d'un coup, ils ont plus de problèmes
pédagogiques que les autres.
Quand on nous dit également: On devrait, au lieu de partir de
scénarios basés sur des études statistiques, partir de la
réalité, c'est exactement ce qu'on fait. On analyse la
réalité et on se rend compte qu'il y a effectivement
peut-être des raisons d'être méfiants face à
l'avenir. On nous accuse de ne pas être confiants; cela a
été un des deux arguments majeurs qui nous ont été
servis par le député de Mégantic-Compton. On nous dit:
Avec tout ce que vous avez dans le projet de loi no 101, vous n'avez pas de
raisons de craindre dans le domaine de la langue d'enseignement.
Je vais vous dire une chose. J'ai demeuré dans un quartier
italien, le quartier Saint-Michel, pendant onze ans.
Mme Lavoie-Roux: Ils ont dû être contents de le voir
partir.
M. Charbonneau: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai rien dit.
M. Charbonneau: Vous n'avez pas le courage de le
répéter, madame.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Verchères, reprenez le
droit de parole que vous avez.
M. Lalonde: C'est vous qui l'avez provoquée,
là.
M. Charbonneau: Vous êtes parfaite.
Mme Lavoie-Roux: Ne vous inquiétez pas, je suis...
M. Charbonneau: M. le Président, je disais
qu'effectivement on a peut-être des raisons d'être méfiants
de l'avenir quand on regarde le passé et le présent
également.
J'indiquais que j'ai demeuré pendant onze ans dans un quartier
je ne dirai pas à forte prédominance où une
bonne partie de la population était d'origine italienne. C'était
une des parties de la petite Italie de Montréal. Je peux vous dire que
j'ai constaté, en vivant une douzaine d'années dans ce milieu,
qu'il y avait une différence entre l'apprentissage d'une langue seconde,
puis l'assimilation. Moi, j'ai vu des jeunes Italiens qui, à sept ou
huit ans, étaient trilingues; ils parlaient français, anglais et
italien. Ce n'était pas pour apprendre l'anglais qu'ils allaient
à l'école anglaise; bien souvent, ils le savaient
déjà au départ, à cause de leurs frères et
soeurs qui étaient plus vieux. Ce que j'ai constaté, c'est qu'en
entrant dans le système anglophone ces jeunes Italiens, lorsqu'ils
sortaient à l'université ou au niveau collégial, ce
n'étaient plus finalement des jeunes Italiens; c'étaient des
jeunes anglophones. Ils avaient choisi une des deux nations du Canada. Ils
avaient cessé d'appartenir à la nationalité italienne pour
devenir des gens de nationalité anglo-canadienne. On nous dit que cela
prend deux ou trois générations avant que des gens quittent ou
perdent une nationalité pour en acquérir une autre.
Je peux vous dire que des gens, lorsqu'ils entrent dans le
système d'instruction anglais à la maternelle, à
l'âge de cinq ans, à Montréal, lorsqu'ils sortent à
l'université, au troisième ou quatrième "grade", au McQill
College, ce sont des anglophones, ce ne sont plus des Italiens. C'est cela qui
est grave. C'est cela qui a fait en sorte...
M. Grenier: C'est vraiment une question de règlement, M.
le Président. Je pense bien que le député de
Verchères a une excellente argumentation. Je ne répéterai
pas ce que je disais l'autre jour, "bene curreris sed extra viam," mais il est
en train de nous parler d'une chose qui n'est absolument pas dans l'amendement.
On ne parle pas des Italiens ici, on parle des Anglais, on ne parle pas des
Italiens émigrés à Montréal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
comprends que M. le député de Verchères se serve de
certaines expériences vécues pour supporter son argumentation. Je
lui redonne la parole.
M. Charbonneau: Pour réfuter, M. le Prési- dent,
l'argumentation qui disait: Vous n'avez pas confiance et vous prenez donc un
certain nombre d'attitudes, j'ai dit: Effectivement, nous sommes
méfiants à juste droit. C'est la raison pour laquelle j'ai
parlé du cas de la communauté italienne, que je connais
particulièrement bien. Si vous trouvez que cette argumentation ne
répond pas à la vôtre, libre à vous.
M. Grenier: On a toujours été d'accord des deux
côtés de la table.
M. Charbonneau: On ne partage certainement pas l'attitude de
confiance extrême que vous manifestez. J'ai tenté, j'espère
que je ne me fais pas d'illusion devant le succès que j'ai pu obtenir de
l'autre côté de la table, certainement qu'eux ne se font pas
d'illusions lorsqu'ils interviennent, j'ai tenté dis-je, d'expliquer
pourquoi nous sommes particulièrement méfiants, compte tenu du
passé, compte tenu de ce qu'on a vécu. Quand on nous dit qu'il y
a une différence, je pense, entre ne pas vouloir accroître une
minorité anglophone, une minorité d'une autre nation dont le
territoire national et les institutions politiques sont ailleurs qu'au
Québec et ne pas vouloir la maintenir. On a raison de ne pas vouloir
accroître cette minorité, mais il y a une différence entre
ne pas vouloir accroître cette minorité et ne pas vouloir la
maintenir.
Ce qui est arrivé au cours des dernières années,
c'est que cette minorité, par l'apport de nouveaux immigrants et
notamment de gens du milieu britannique, du monde anglophone à
l'étranger, est venue grossir de plus en plus les rangs de cette
minorité au point où on se rend compte qu'aujourd'hui le
pourcentage d'anglophones continue d'augmenter même si les gens, de plus
en plus, deviennent bilingues. La question, ce n'est pas que tous les
anglophones de Montréal ou du Québec soient bilingues, parce
qu'il y a une différence. Ils pourraient tous être bilingues
demain matin, mais cela ne changerait pas, pour autant, le fait qu'ils sont des
anglophones et qu'ils pensent et vivent en anglais. Ils se retrouvent, un
moment donné, au Québec par l'apport artificiel, en particulier,
du monde anglophone à travers la planète.
Si on se retrouve, à un moment donné, avec une situation
démographique déséquilibrée et si, à un
moment donné, les Canadiens français, les Québécois
francophones, dont le territoire québécois est le seul territoire
national, le seul qu'ils puissent contrôler, qu'ils contrôlent en
partie, le seul qu'ils puissent aspirer posséder, si un jour, notamment
par cette clause, ils pouvaient se trouver en danger parce que, et vous parlez
de scénario, il y a eu toutes sortes de scénarios dans l'histoire
de l'humanité, on pourrait imaginer également un scénario
qui ferait en sorte qu'on utilise cette clause pour éventuellement
grossir, en quelques années, considérablement et artificiellement
le nombre d'anglophones au Québec. Cela peut . paraître farfelu et
je l'admets, mais si on fait faire des scénarios inverses et aussi
farfelus dans l'autre sens, on peut également en faire avec celui-ci
dans un sens tout aussi extrême.
Je pense que, dans un texte de loi et je l'ai déjà dit
dans un discours en deuxième lecture, qui se veut une loi
protectionniste et non pas une loi revancharde, dans un type de loi comme
celle-là, je pense que ce genre de clause n'est absolument pas
justifié et, au contraire, est condamnable. Pour revenir à ce que
je disais au départ, j'aimerais qu'on m'explique la logique de l'option
monde par rapport à l'option Canada.
Je pourrais comprendre, à la limite, les gens qui
défendent l'option Canada dans le contexte actuel, mais je ne pourrais
pas comprendre que des Québécois francophones, des Canadiens
français viennent défendre l'option monde et menacer leur
territoire national et leur Etat national. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Verchères. M. le député des
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, au début de la
séance de ce matin M. le ministre d'Etat au développement
culturel a fait allusion, et je crois que c'était extrêmement
opportun, à la place des minorités dans le Québec qui se
fait. Mme le député de L'Acadie a aussi fait allusion à
des questions de cet ordre. Elle a rappelé les propositions que le
Mouvement Québec français a présentées. Elle a fait
allusion à ce qu'elle a décrit comme le silence du ministre. Je
pense que le ministre a déjà rompu ce silence, ce matin
même. J'aimerais rappeler à ce propos que les propositions que le
Mouvement Québec français a soutenues sont dans la parfaite
continuité des positions soutenues en 1974, au moment de l'étude
du projet de loi 22, par un front commun d'organismes dont le MQF faisait
partie et qui était, je crois, dirigé principalement, à
l'époque, par la Ligue des droits de l'homme. Ce front commun
dirigé par la Ligue des droits de l'homme avait soutenu comme position
que nos structures scolaires devaient évoluer vers la création
d'un régime unique, un régime unique d'enseignement qui serait
essentiellement français.
Il arrive, M. le Président, que ce sont des questions auxquelles,
quant à moi, je m'intéresse depuis de nombreuses années,
longtemps avant que je ne me mêle de politique. Je voudrais parler un peu
de ces questions de régimes scolaires qui sont reliées
très étroitement à la fois à l'article 69 et
à la proposition d'amendement que nous avons devant nous. Je voudrais
vous parler d'une proposition qui ne fait pas partie de la politique de
l'actuel gouvernement du Québec, mais qui est en train de faire son
cheminement à l'intérieur des structures du Parti
québécois. Ces propositions sont groupées sous un nom bien
imparfait que je leur ai donné: l'école ramifiée.
Je voudrais dire, dès le départ, que cette école
ramifiée est essentiellement différente de ce qu'on appelle
généralement le régime scolaire unique. Mais avant de la
définir plus avant, je voudrais expliquer que, comme je viens de le
dire, ces propositions font leur cheminement à l'intérieur des
structures du Parti québécois. Au dernier congrès national
au mois de mai, les idées essentielles qui la constituent ont
été adoptées, approuvées par la commission qui
étudiait ces questions, mais la structure du congrès n'a pas
permis de les adopter ensuite en plénière. Ce sont quand
même des idées dont le cheminement continue, mais qu'il est
peut-être difficile d'envisager comme devant faire l'objet d'une mise en
oeuvre prochaine, parce qu'elles entraîneraient une vaste
réforme.
Or, nous savons tous que la société
québécoise a vécu durant la décennie
précédente une vaste réforme de l'enseignement et des
structures scolaires qui a peut-être laissé jusqu'à un
certain point des effets traumatiques, ce qui explique une certaine
réticence à aborder les questions scolaires, à la
lumière de propositions de vastes réformes. Ce à quoi le
régime de l'école ramifiée entend porter remède,
c'est à la situation actuelle: II y a au Québec, dans le domaine
scolaire, ce qu'on pourrait appeler un régime de triple
ségrégation. Il y a d'abord ségrégation selon la
religion, en vertu de la constitution du Canada, enfin, du document qui tient
lieu de constitution du Canada; il y a ségrégation selon la
langue, en vertu de vieilles habi-tures, en vertu de ce qui constitue sans
doute une tradition. Il y a aussi, de plus en plus, une
ségrégation un peu plus diffuse, mais qui repose principalement,
sans doute, sur les moyens des parents: c'est la ségrégation
entre l'enseignement privé et l'enseignement public.
A une époque où nous parlons en tout cas de ce
côté-ci de la table de bâtir un pays, on peut
s'inquiéter des effets de cette triple ségrégation sur la
population, des effets psychologiques de cette triple
ségrégation. Les petits Québécois vont à
l'école pour apprendre aussitôt qu'ils sont différents
d'autres petits Québécois, et on s'empresse de les
départager, de les "ségréguer" selon ces
différences-là. Les petits Québécois catholiques
francophones ne vont pas à la même école que les petits
Québécois catholiques anglophones; ils ne vont pas à la
même école que les petits Québécois protestants et,
s'ils sont à l'école privée, c'est qu'en
général les moyens de leurs parents leur ont permis de
fréquenter une école qui a peut-être un certain fondement
élitiste et dont l'existence est à cet égard
sûrement déplorable dans la mesure où c'est cela son
fondement.
Cela veut dire que la ségrégation de la
société québécoise se perpétue et s'amplifie
peut-être par l'action de ce régime scolaire de la triple
ségrégation. Je maintiens que cette ségrégation des
enfants à l'école a des effets psychologiques néfastes et
que, lorsqu'on réfléchit à l'évolution à
long terme de nos structures scolaires, nous devons nous interroger
là-dessus. Dans ce sens, M. le Président, je conçois,
quant à moi, certaines dispositions du projet de loi no 101, par
exemple, l'article 69 et, évidemment, l'amendement que nous discutons,
comme des dispositions qui, de toute façon, sont transitoires dans le
sens où, avec l'adoption du projet de loi no 101, nous aurons fait face
aux exigences actuelles de la situation, mais nous n'aurons pas encore fait le
pas essentiel vers
les améliorations fondamentales de notre régime scolaire.
Ce sont des mesures transitoires indispensables, mais, dans mon esprit, elles
doivent être inscrites dans une continuité dans la poursuite d'un
but, et le but c'est d'en arriver à un régime scolaire beaucoup
plus profondément démocratique, exempt des
ségrégations que j'ai décrites, un régime scolaire
que, pour le moment, quant à moi, j'appelle le régime de
l'école ramifiée.
J'en viens donc à définir un peu mieux ce que serait
l'école ramifiée. A l'école ramifiée, il y aurait
deux types d'enseignement: l'enseignement du tronc commun, dispensé en
français à tous les élèves québécois
où qu'ils soient au Québec, et il y aurait, deuxièmement,
l'enseignement des rameaux, à ne pas confondre avec les options, parce
que l'enseignement des rameaux serait tout aussi obligatoire, pour les
élèves inscrits, que l'enseignement du tronc commun.
La caractéristique essentielle de l'enseignement des rameaux,
c'est qu'il serait établi selon le profil démographique. Dans
chaque localité scolaire, grâce à l'enseignement du tronc
commun, le français et l'anglais seraient enseignés à tous
les élèves, partout au Québec. L'enseignement du tronc
commun comporterait l'enseignement du français et des autres
matières considérées essentielles qui pourraient
être les mathématiques, l'histoire, la géographie...
Mme Lavoie-Roux: C'est un nouveau ministre de l'Education.
M. de Bellefeuille: ...et tout cela serait... Pardon, madame?
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous dire, je me demandais...
M. de Bellefeuille: C'est à moi, madame, que vous pouvez
demander si vous pouvez poser une question.
Mme Lavoie-Roux: Puis-je vous poser une question?
M. de Bellefeuille: Oui, madame.
Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, à écouter votre
long discours, qui est intéressant d'ailleurs, si vous vous
apprêtiez à succéder au ministre de l'Education.
M. de Bellefeuille: Nullement, madame. J'ai déjà
expliqué qu'il s'agit de propositions qui se heurtent à beaucoup
de réticence, pour les raisons que j'ai expliquées, et je vous
réfère, madame, au journal des Débats.
L'enseignement du tronc commun se donne donc en français partout
au Québec. On y enseigne les matières de base en français,
par exemple l'histoire, la géographie, les mathématiques. On y
enseigne le français, bien entendu, en français, et on y enseigne
l'anglais, en anglais, bien entendu, partout au Québec.
A cet enseignement du tronc commun s'ajoutent les rameaux à
l'intérieur desquels, selon le profil démographique, on ajoute
les compléments d'enseignement des langues, les compléments
d'enseignement des cultures et l'enseignement religieux selon le profil
démographique de chaque localité scolaire, ce qui exige une
grande souplesse et qui a l'avantage d'entraîner un pouvoir scolaire
local élargi. On réclame, depuis longtemps, une plus grande
autonomie scolaire locale; voilà une façon de la
réaliser.
Pour être plus précis, par exemple à Westmount, il
va sans dire que les jeunes Westmountais, à l'école, recevraient
l'enseignement du tronc commun et en plus des rameaux d'enseignement qui, de
toute évidence, selon la composition, le profil démographique de
Westmount, comporteraient un enseignement plus poussé de l'anglais, un
enseignement plus poussé de la culture anglaise, des matières
correspondantes à la culture anglaise et, selon les demandes à
Westmount, l'enseignement des diverses confessions religieuses qui sont
représentées dans cette population.
De la même façon, à Saint-Léonard par
exemple, dans les rameaux d'enseignement, enseignement de la langue italienne
et de la culture italienne. Dans certains arrondissements scolaires qui
gravitent autour du boulevard Saint-Laurent, on peut imaginer qu'il y aurait
enseignement de la langue grecque et de la culture grecque, enseignement de la
langue portugaise et de la culture ou autres, selon le profil
démographique établi dans chaque arrondissement.
Il y a encore, je crois, dans l'Outaouais, une localité
appelée Namur où il y a une proportion importante de la
population qui est composée de protestants de langue française.
Alors,là, on aurait des écoles tout à fait
françaises où l'enseignement religieux serait l'enseignement de
la religion protestante.
Je sais, M. le Président, que ce genre de proposition risquerait
j'ai fait allusion à certaines réticences et, là,
j'emploie un mot plus fort que le mot "réticence" de provoquer
des levées de boucliers chez ceux qui sont très attachés
au caractère confessionnel de l'enseignement.
J'ai le plus grand respect pour les personnes qui sont attachées
au caractère confessionnel de l'enseignement, mais à ceux qui
voudraient lever le bouclier je voudrais signaler tout de suite qu'à mon
sens il vaut beaucoup mieux avoir un véritable enseignement religieux
là où on le réclame, là où les
élèves et les parents le réclament, que de faire semblant.
En effet, dans les écoles dites catholiques, à l'heure actuelle,
l'enseignement catholique, très souvent, c'est plus ou moins du faire
semblant.
Livrer l'enseignement religieux au faire semblant, c'est
déplorable, c'est grave vu l'importance de la religion comme
élément de la vie sociale. Les rameaux d'enseignement nous
permettraient d'établir un enseignement catholique beaucoup plus
poussé que ce que l'on trouve à l'heure actuelle dans nos
écoles. Cela nous permettrait, là où ce serait
réclamé, d'avoir un enseignement de la religion protestante, ce
qui au Québec, M. le
Président, à l'heure actuelle, est inexistant. Je vous
mets au défi de me signaler un cas précis. Il y a peut-être
quelques très rares exceptions, mais ce ne sont que de très rares
exceptions. La religion protestante, malgré le nom du régime
d'enseignement du secteur protestant, n'est à peu près pas
enseignée au Québec à l'heure actuelle. Il en va de
même pour d'autres confessions, la religion judaïque et d'autres
religions qui sont représentées dans la population.
L'enseignement ramifié permettrait de les enseigner là où
ce serait demandé.
A propos de l'enseignement des langues et des cultures, je voudrais
faire une allusion rapide à une déclaration du
député de Mont-Royal qui, il y a quelque temps, nous parlait
d'enfants d'immigrants qui, arrivant au Québec, se verraient contraints
d'apprendre le français. M. le député de Mont-Royal
s'exclamait avec l'éloquence que nous lui connaissons: Que vous vouliez
ou non les en empêcher, ces enfants vont devenir bilingues!
Ce que je veux faire observer par votre intermédiaire, M. le
Président, au député de Mont-Royal, c'est que les enfants
dont il parle ne deviendront pas bilingues. Ils vont devenir trilingues,
quadrilingues, quintilingues ou plus, et je déplore cette tendance, au
Québec comme au Canada, à faire comme s'il n'existait que deux
langues dignes de mention, l'anglais, pour ce qui est du Canada, et le
français, pour ce qui est du Québec, le français
minoritaire au Canada et l'anglais minoritaire au Québec.
Il y a au Québec, société multiculturelle, d'autres
langues. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, dans le
débat de deuxième lecture du projet de loi no 101, j'invite les
représentants des groupes minoritaires autres que ceux dont les droits
sont déjà garantis comme les Amérindiens, les Inuit et les
anglophones, à réclamer l'enseignement de leur langue et de leur
culture, et M. le ministre d'Etat au développement culturel, ce matin, a
parlé dans le même sens.
Je souhaite vivement que, dans un esprit non partisan, tous les membres
de cette commission et tous ceux qui s'intéressent à ces
questions, examinent ce genre de problèmes, qui nous viennent de la
triple ségrégation de notre régime scolaire, examinent les
propositions comme celles que je mets devant vous ce matin dans un esprit de
respect des minorités, pour leur assurer des conditions favorables
à leur épanouissement. Au risque de scandaliser beaucoup certains
députés autour de cette table, peut-être plus des
députés de l'Opposition que des députés
ministériels, je voudrais me déclarer très
légèrement en désaccord avec la fin de l'intervention de
mon collègue de Verchères lorsqu'il insistait sur la
différence entre vouloir maintenir et ne pas vouloir
accroître.
Je sais qu'on peut fort bien établir cette différence,
mais, quant à moi, je ne veux pas la faire. Je ne veux pas faire cette
différence. Je vois très bien que, dans le Québec en
devenir, les minorités s'accroissent. Je ne vois rien dans le projet de
loi no 101 qui soit destiné à empêcher leur accroissement.
Au contraire. Je considère que le projet de loi no 101 vise à
l'épanouissement des minorités, mais à une condition
essentielle. C'est toute la structure, l'économie, la philosophie du
projet de loi no 101 qui vise à réaliser cette condition
essentielle: Que ces minorités s'épanouissent et, selon les
hasards de l'existence, en viennent à s'ac-croîte, mais dans une
société française dans laquelle la majorité
francophone ne sera plus menacée.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Ce sera très bref. C'est simplement pour
indiquer au député de L'Acadie qu'à l'audition de ses
propos, tantôt, je l'ai vue relever l'expression "politique", lorsqu'il
s'agissait de mentionner les choix que le gouvernement avait faits dans ce
débat sur la question linguistique.
Je veux simplement lui dire que je suis d'accord avec elle et que je
considère effectivement que les propositions apportées par le
gouvernement dans le cadre du projet de loi no 101 s'inscrivent dans un
contexte politique, mais je voudrais que, du même coup, le
député de L'Acadie soit assez honnête pour admettre que
toute son argumentation relève d'un choix politique. En d'autres mots,
je ne crois pas que, pour quelque loi que ce soit, dans le cadre de quelque
débat que ce soit, nous fassions autre chose que des choix politiques
étant entendu que le mot "politique", évidemment, peut signifier
autre chose que ce que vous sous-entendiez. J'ai eu l'impression que vous
vouliez en souligner le caractère partisan plus que le caractère
politique. Dans ce contexte, j'aimerais peut-être, dans le cadre d'un
autre article que vous pourriez débattre, parce que vous avez
malheureusement épuisé votre temps, ce qui n'est pas votre
habitude...
Mme Lavoie-Roux: ... qu'importe.
M. Bertrand: Je ne veux pas profiter justement de ce fait pour
faire l'intervention que je fais, mais simplement pour vous souligner que je
suis, fondamentalement, d'accord pour que, dans le cadre d'un projet de loi
aussi important que celui portant sur la question linguistique, il y soit
question de politique. Je trouve cela normal. Je trouve même que nous ne
serions pas ici à cette place si nous n'en faisions pas.
Tout est de savoir ce qu'on met évidemment dans ce mot-là.
S'il s'agit de développer toute une réflexion sur les nations,
les nationalismes, les communautés nationales et qu'on veut
inférer un certain nombre de principes sur le plan des langues
officielles, une langue officielle, deux langues officielles; et si on veut
parler des droits acquis ou des droits non acquis, je pense qu'on se situe, de
toute façon, quelle que soit notre argumentation, dans un contexte, dans
un cadre politique et que, autant pour appuyer vos demandes, vos revendications
que nous, pour défendre les nôtres, nous exerçons des choix
qui sont tout à fait de nature politique.
Nos choix étant politiques, il s'agit donc de comprendre que,
dans le cadre de ce projet de loi no 101, nous avons voulu, très
nettement et en l'inscrivant surtout à l'article premier, pour que tout
le projet de loi s'en inspire, très nettement marquer qu'il y a une
langue officielle, une seule langue officielle au Québec, qui est le
français, marquer... Pardon?
M. Ciaccia: ... c'est la même chose qu'en 1974.
Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît,
à l'ordre! A l'ordre!
M. Bertrand: Oui, mais la... M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bertrand: Je ne réponds pas, mais je veux simplement
dire, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Non, parce que la parole d'un
autre s'entend bien dans son silence propre.
M. le député de Vanier.
M. Grenier: Vous avez lu le Devoir, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Cardinal): Quand il y en a un qui parle,
c'est un; le règlement le prévoit. Tout le reste le
prévoit, d'ailleurs.
M. Bertrand: Alors, simplement...
Le Président (M. Cardinal): Ce n'était pas pour
vous en particulier.
M. Bertrand: Non, j'avais compris ça.
Simplement pour dire, M. le Président, que le principe dont
s'inspire le gouvernement dans sa politique linguistique part évidemment
d'un choix qui supposait qu'on reconnaisse que la présence de la
communauté francophone du Québec, majoritaire, fait en sorte que
nous devons, ici, construire un Québec qui soit français et
qu'à cause de ça, il ne peut être question, en tout cas
dans notre argumentation à nous, qui repose sur un choix politique, de
reconnaître à la communauté anglophone le même type
de droits que le député de L'Acadie voudrait lui voir
reconnaître. En d'autres mots, quand vous demandiez, dans un des
amendements précédents, qui a été rejeté,
qu'on reconnaisse le droit à l'école anglaise pour la
communauté anglophone, vous parliez donc d'une communauté
anglophone et vous vouliez sans doute reconnaître à cette
communauté anglophone un statut qui était un statut particulier
à l'intérieur du Québec, comparativement aux autres
minorités existantes, et toute votre argumentation sur cette motion
d'amendement qui voudrait que l'enseignement en anglais puisse être
donné aux enfants dont le père ou la mère a reçu
cet enseignement au Québec ou ailleurs en anglais, c'est évident
que, dans cet "ou ailleurs", il y a un choix politique que vous avez fait, qui
est le vôtre et que je respecte. C'est votre droit le plus souverain que
de faire un tel choix.
Mais tout ça pour conclure que nous nous trouvons placés
devant deux choix politiques qui, étant tout à fait
différents l'un de l'autre, supposent évidemment que nous
n'allons pas inclure dans l'article 69, mais que vous voudriez inclure dans
l'article 69, des éléments qui feraient en sorte que nous nous
retrouverions devant une situation tout à fait différente; autant
le gouvernement a voulu,, je pense, respecter un critère de justice et
d'équité face aux anglophones qui résident à
l'heure actuelle au Québec et qui ont acquis, de par le passé, un
certain nombre de reconnaissances législatives, reconnaissances sur le
plan de l'enseignement, nous avons fait en sorte que l'article 69 permette que
ceux qui ont vécu dans ce type de système depuis des dizaines
d'années puissent continuer de s'en prévaloir.
Mais, pour ce qui est de la clause "Canada", parce que c'est implicite
dans votre amendement dans ces mots "ou ailleurs" je pense que le gouvernement
du Québec, voulant se montrer, d'une certaine façon, respectueux
d'un principe qu'il veut reconnaître, à savoir le principe
d'association dans quelque contexte que ce soit, parce que, pour
répondre à quelqu'un tantôt, je pense même que dans
le contexte fédéral, il y a aussi partage des
souverainetés et il y a association dans un certain nombre de domaines,
je pense qu'il était normal que nous fassions valoir ce principe aussi
sur le plan canadien, et l'accord de réciprocité, qui est
proposé aux autres provinces, m'apparaît tout à fait
respectueux non seulement du principe de l'association, mais respectueux aussi,
d'une espèce de reconnaissance des réalités
canadiennes.
Dans ce contexte, la proposition gouvernementale, la proposition
québécoise me paraît répondre tout à fait
à un critère de justice pour les minorités existantes au
Canada, et aussi respectueux de la volonté de chacune des
majorités dans chacune des provinces de voir affirmé son
caractère majoritaire et voir reconnu son caractère
majoritaire.
Pour ce qui est du troisième élément contenu dans
le mot "ailleurs", cette question dont parlait le député de
Verchères, la communauté anglophone mondiale, il faudrait
peut-être, à un moment donné, s'interroger de façon
un peu plus adéquate avec le député de L'Acadie sur son
choix politique; parce qu'il y a un choix politique là-dedans, le fait
de reconnaître qu'il y aurait deux classes d'immigrants. A toutes fins
pratiques, ce ne peut être que cela. Il y aurait les immigrants de souche
anglophone et les immigrants d'autres souches: italienne, espagnole,
portugaise, allemande, à qui on ne reconnaîtrait pas les
mêmes droits à cause d'un choix politique que vous avez fait qui
est de reconnaître l'existence d'une communauté...
Mme Lavoie-Roux: C'est une réalité historique.
Le Président (M. Cardinal):A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Charbonneau: Quelle réalité historique? M.
Bertrand: ...l'existence...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!
M. Charbonneau: Quelle réalité historique?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Verchères.
M. Chevrette: Vous influencez M. le député de
Laurier, Mme le député de L'Acadie.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm, s'il vous plaît.
M. Lalonde: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Serait-il possible, M. le Président, que le
député de Vanier ne soit pas interrompu par le
député de Verchères et le député de
Joliette-Montcalm.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, ce n'était pas nécessaire...
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Chevrette: J'en appelle au règlement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! s'il vous
plaît!
Ce n'est pas une question de règlement qui est invoquée
par le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Chevrette: M. le Président, vous présumez.
Le Président (M. Cardinal): Non, je ne présume pas,
je rends une décision. Je ne dis pas que je ne vous donne pas la parole,
je dis que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas
invoqué une question de règlement.
Le président avait déjà rappelé un certain
nombre de députés à l'ordre, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys n'a pas besoin d'ajouter à ce que la
présidence fait déjà.
M. le député de Joliette-Montcalm sur une question de
règlement.
M. Chevrette: Je veux rétablir un fait, c'est un appel au
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Non, si vous voulez
rétablir un fait, vous avez l'article 96 ou une question de
privilège. La question de privilège vous ne pouvez la poser
qu'à l'Assemblée nationale. Si vous faites un discours vous
pourrez invoquer l'article 96.
M. Chevrette: En vertu de l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): Non, il faudrait que vous ayez
fait un discours sur la motion. Je m'excuse. A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Vanier, vous n'aviez pas terminé,
je crois.
M. Bertrand: J'avais presque terminé.
J'en étais à dire que le député de L'Acadie,
à toutes fins pratiques ou il faudrait m'expliquer comment ce ne
pourrait être cela reconnaît deux catégories
d'immigrants et voudrait administrer aux immigrants anglophones un traitement
différent du traitement qu'elle administrerait aux immigrants venant
d'autres nationalités.
Je pense que c'est une idée qu'en toute justice le gouvernement
du Québec ne peut pas accepter. Evidemment, le député de
L'Acadie en fait une question politique, éminemment politique.
Dès lors qu'on veut reconnaître un statut d'égalité
à la communauté anglophone à l'intérieur du
Québec, il est bien clair que sur tous les plans il faut, dans les
articles, reconnaître ce statut d'égalité et faire en sorte
qu'à partir d'un principe qui voudrait qu'il y ait deux nations au
Québec, à partir du caractère historique de la
présence de la communauté anglophone, il faudrait donc avoir un
projet de loi qui soit totalement différent de celui-là.
D'ailleurs, cela me fait comprendre un peu mieux pourquoi, dans tout son
machiavélisme, la loi 22, qui affirmait un principe à l'article
1, reconnaissait une toute autre réalité dans les articles qui
suivaient. Donc, dans ce contexte, je pense que c'est une question de justice
pour le gouvernement du Québec de faire en sorte que tous les immigrants
soient traités sur un pied d'égalité. De faire en sorte
que dès lors qu'on sait que la nature même d'un immigrant c'est de
vouloir choisir un autre milieu dans lequel il voudrait vivre, la justice pour
le gouvernement du Québec, ce n'est pas d'administrer deux
systèmes différents pour des immigrants, mais de les informer de
la même réalité, avant qu'ils quittent leur pays et de leur
faire comprendre qu'en arrivant au Québec ils s'intègrent dans
une communauté à majorité francophone. Je pense même
que c'est un service à leur rendre, parce que pour un immigrant, soit-il
anglophone, qui viendrait d'Angleterre, de Nouvelle-Zélande ou
d'Australie, je pense que c'est un service à lui rendre que de lui faire
comprendre que le Québec est français et que s'il désire
vraiment venir travailler ici et s'intégrer au Québec, il est
plus avantageux pour lui de s'intégrer à l'école
française que de s'intégrer à l'école anglaise.
Donc, M. le Président, je pense que le gouvernement s'est
appuyé sur la justice la plus fondamentale dans l'inspiration de son
projet de loi. Il
reconnaît pour les résidants anglophones actuels du
Québec un certain nombre de privilèges acquis évidemment
à partir d'une notion de droit assez confuse à travers
l'histoire. Deuxièmement, il reconnaît une réalité
canadienne qui ferait en sorte que toutes les minorités, dans chacune
des provinces, aient un statut égal qui leur soit reconnu.
Troisièmement, il fait en sorte que le gouvernement agisse avec justice
face à tous les immigrants qui viennent de l'extérieur du Canada
afin qu'à ce titre il n'y ait pas deux caisses d'immigrants, M. le
Président, mais un seul groupe d'immigrants qui soient traités
avec la même justice.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Grenier: M. le Président, est-ce que je peux vous
demander une directive?
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Grenier: Je suis un petit peu éberlué, ce matin.
Sous la plume de l'excellent journaliste du Devoir, Rodolphe Morissette
d'ailleurs, ils sont tous excellents on lit: "Les sept
députés péquis-tes...
M. Burns: N'importe quoi pour un article.
M. Grenier: Bien oui. S'ils ne m'en écrivent pas, je ne
leur en voudrai pas, mais, s'ils m'en écrivent un, je serai bien
content.
Le Président (M. Cardinal): N'invoquez pas une question de
privilège, mais demandez votre directive.
M. Grenier: Oui. M. le Président, on lit ceci: Les sept
députés péquistes d'arrière-ban qui siègent
à la commission se trouvent condamnés au silence le plus complet
par la stratégie ministérielle, on veut gagner le plus de temps
possible. Mais cette loi du silence souffre bien des exceptions, puisque les
jeunes députés péquistes, frustrés de plus en plus
de ne pouvoir s'exprimer sur une loi qui leur tient sans doute à coeur,
tendent de plus en plus à se défouler par le biais de
l'indiscipline...
M. Burns: M. le Président, il n'y a pas de directive
là-dedans.
M. Grenier: Oui, cela vient. ...des petites farces et des
remarques saugrenues sur ce qui se passe parmi "les grands, à l'autre
extrémité de la table".
M. Burns: Un parti démocratique. Cela vous surprend, un
parti démocratique? Vous n'avez jamais vu cela?
M. Grenier: Loin de leur reprocher, M. le Président,
d'intervenir ce matin, je suis en train de me demander s'ils ne sont pas en
train d'organiser un "filibuster". Si cela devait être cela...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Grenier: Si cela devait être cela, M. le
Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Je suis vraiment
frustré en cette salle, avec cette table où je n'ai pas le droit
de me lever pour que les gens puissent se taire. Quand même, je vous
remercie d'obtempérer aux appels à l'ordre. Ce n'est pas une
demande de directive, vous le savez bien. Encore une fois, le message est
passé et la parole est à M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le premier point que
je voudrais exposer sur l'amendement proposé par, je crois, le
député de Marguerite-Bourgeoys, c'est que le fait que nous sommes
en faveur de cet amendement ne veut pas dire que nous ne réalisons pas
le fait français, la primauté du français et tout ce qui
découle de cela au Québec. Il y a eu je ne dirais pas des
accusations, mais du fait que nous voulons que les enfants des parents
anglophones qui ont suivi leur cours élémentaire ailleurs aient
le droit d'aller aux écoles anglaises ici au Québec, on nous
impute des motifs en disant qu'on ne réalise pas que le Québec
est français, qu'il y a la primauté du français.
Je voudrais clarifier cela. Premièrement, en donnant ce droit, en
donnant accès à l'enseignement en anglais à ceux qui ont
fréquenté les écoles anglaises ailleurs qu'au
Québec pour l'élémentaire, c'est encore pas mal limitatif.
Tous les autres immigrants non anglophones seront dirigés vers les
écoles françaises. Si on prend cette clause avec les
données de l'Université McGill, M. le Président, on voit
qu'il n'y a aucun danger et que le système anglophone n'ira pas en
augmentant, mais plutôt en diminuant. C'est une question de maintenir
leur système, de maintenir leurs écoles et leurs
institutions.
Je voudrais rappeler aussi au côté ministériel que
nous avons appuyé les six premiers articles du projet de loi qui
traitaient des droits fondamentaux, de la question de la langue officielle, du
droit de travailler en français, etc. Il n'est pas question pour nous de
ne pas reconnaître la primauté du français. En plus, nous
appuierons l'article dans le projet de loi, quand nous allons y venir, qui va
obliger les écoles anglophones à enseigner le
français.
Alors, même si les gens vont fréquenter, vont avoir
accès à ces écoles anglophones, ils vont être
obligés d'avoir une connaissance du français. Est-ce que je
peux...
M. Burns: Etes-vous bons?
M. Ciaccia: Oui, nous sommes excellents dans cet
aspect-là. Nous reconnaissons la réalité et nous
souhaitons l'améliorer. Et je pourrais faire remarquer qu'il n'y a pas,
dans les écoles francophones, ce droit, je crois que c'est un droit,
d'apprendre la langue seconde. Alors, le français est établi, il
ne sera pas menacé par notre proposition.
Si le gouvernement a reconnu qu'il ne fallait pas diviser les familles,
je crois qu'on devrait le féliciter pour avoir appuyé ce
principe, il devrait reconnaître aussi qu'on ne peut pas diviser une
collectivité, une communauté. C'est le même principe, M. le
Président. C'est pour cela que nous appuyons, que nous avons
suggéré cet amendement. C'est basé sur le fait qu'on
reconnaît qu'il y a deux collectivités principales au
Québec. C'est vrai qu'il y a d'autres minorités, mais il y en a
deux principales. Une fois qu'on a admis cela, comme le ministre d'Etat au
développement culturel l'admet, il dit qu'il veut protéger les
droits de la minorité anglophone, une fois que c'est admis, je ne vois
pas comment on peut commencer à diviser la collectivité sans se
contredire dans le principe original.
Ou on va obliger tous les anglophones à aller aux écoles
françaises, ou bien, une fois qu'on a admis leur existence, leurs
institutions, leurs écoles... On ne devrait pas créer
différents anglophones et essayer de diviser les membres de cette
culture. Une autre raison, et peut-être une des raisons importantes... Je
crois qu'on aurait dû, M. le Président, discuter de la question de
la langue de travail avant de discuter de la langue d'enseignement. Plusieurs
mémoires qui ont été présentés par des
groupes tant anglophones, que francophones, ont soutenu que d'avoir ici, au
Québec, les deux réseaux d'enseignement, anglais et
français, c'était un avantage qui n'existait pas ailleurs.
On a insisté sur la nécessité de la langue anglaise
dans certaines communications internationales. On nous a dit que si le projet
de loi n'avait pas d'amendement, si les gens venant de l'extérieur du
pays ne pouvaient avoir droit aux écoles anglaises, cela affecterait
certaines industries. Alors, pour des raisons économiques... Cette
industrie, M. le Président, je peux comprendre un peu, je ne dirais pas
la frustration, oui, je dirais la frustration, de certains qui disent: Ecoutez,
qu'on parle donc français au Québec. Ce n'est pas la question
qu'on ne veut pas parler français, ce n'est pas cela du tout. C'est la
réalité de l'économie internationale, de certaines
industries dont la langue de communication est anglais. Elles ne s'y opposent
pas, elles veulent et elles parlent français aussi. Nous l'avons vu
quand ces invités sont venus à la commission parlementaire.
Prenez par exemple le cas de l'Alcan, son centre de recherche
déménage à Kingston. Cela doit être fâchant
pour quelqu'un, au Québec, de voir un tel événement se
produire. Quand le ministre parle que la politique linguistique doit être
bénéfique pour tous les Québécois, je crois qu'il
devrait prendre en considération les représentations des
différents groupes qui font affaires au Québec, non pas qu'ils
s'opposent à la primauté du français, au fait
français, mais ils disent qu'ils veulent avoir, qu'ils doivent utiliser
l'autre langue, l'anglais, et que le projet de loi 101 ne correspond pas aux
exigences du personnel, aux exigences qu'ont différentes compagnies pour
faire affaires au Québec.
Je ne crois pas que cela va travailler à l'avantage des
Québécois de faire un projet de loi qui va forcer, va obliger ou
va réduire ces compagnies à s'en aller du Québec, parce
que les diplômés des différentes universités, que ce
soit l'Université de Montréal, l'Ecole des hautes études
commerciales, s'ils n'y a pas de compagnies ici, M. le Président, qui
font affaires, où ces diplômés peuvent trouver de l'emploi,
même dans leur propre langue, qu'est-ce que ces gens vont faire? C'est
là travailler contre les intérêts de tous les
Québécois que d'avoir un projet de loi linguistique qui va
réduire les occasions d'emploi et qui va changer la façon de ces
compagnies d'oeuvrer ici. Je crois que c'est quelque chose qu'on ne veut pas
prendre en considération. Je ne crois pas qu'on puisse dire que ce soit
du chantage, c'est la réalité.
S'il y avait eu seulement une compagnie qui soit venue dire cela,
là, on pourrait prendre cette attitude, mais c'est une approche qui a
été prise par différents groupes et ils ont tous
donné les mêmes raisons. Il y a même l'Association
canadienne d'éducation de langue française qui recommande que le
gouvernement reconnaisse et sanctionne les droits de sa communauté
anglophone et que, pour la communauté anglophone, cela va même
encore plus loin que l'amendement que nous discutons maintenant, la langue
d'enseignement puisse être l'anglais.
M. le Président, pour ces raisons, je vais appuyer l'amendement
du député de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je me permettrai d'abord de
faire un commentaire d'ordre personnel. Il ne m'était pas facile de me
lever avant 6 heures ce matin pour prendre l'autobus de 7 heures afin dé
me rendre ici. Je suis heureux d'avoir fait cet effort et d'avoir pu entendre
l'intervention remarquable du député de Deux-Montagnes.
C'est une contribution intellectuelle passablement exceptionnelle que
nous avons entendue à un point tel, M. le Président, que j'ai
réprimé une tentation que j'avais, à un moment
donné, mais que j'ai vite écartée, de suggérer
qu'il allait à l'encontre du règlement. Son intervention
était drôlement pertinente, pas tout à fait à
l'amendement en discussion, mais j'ai d'autant plus de raisons d'être
heureux de l'avoir entendue.
Il me semble, M. le Président, qu'à travers ce long
débat, il nous a manqué, à certains moments, des
discussions de fond sur ce que nous sommes, sur nos institutions et sur ce que
nous voulons en faire. Je ne veux pas être provocateur en faisant un
contraste, mais, tout à l'heure, au début de la séance de
ce matin, j'ai entendu le ministre d'Etat au développement culturel
parler de tendre la main aux minorités. M. le Président, vous
vous rappellerez peut-être que, dans le débat de deuxième
lecture sur ce projet de loi, j'ai conclu mes remarques en utilisant la
même expression. J'ai été vivement malheureux, M. le
Président je le dit en toute amitié, mais en toute
sincérité, par votre intermédiaire, au ministre
quand je l'ai entendu utiliser son droit de réplique sans vraiment
réagir, sans répondre positivement à ce geste intellectuel
que j'avais posé. J'ai été malheureux
d'entendre le ministre d'Etat au développement culturel terminer
le débat de deuxième lecture sur un tel projet de loi, sur une
telle note, ce qui m'amène à réagir davantage à ce
qu'il a dit ce matin, parce qu'il a utilisé un mot qui m'a
frappé, un verbe, un participe présent, si vous voulez, qu'il a
utilisé comme adjectif.
Le ministre a utilisé le mot "accueillant".
M. le Président, mes connaissances de la langue française
peuvent toujours comporter des lacunes, mais, à mon sens, on accueille
quelqu'un qui arrive. On n'accueille pas quelqu'un qui est déjà
là. Quand le ministre a parlé d'accueil, il a mis l'accent sur
l'éventail de cultures d'origines ethniques qui constituent,
aujourd'hui, la société québécoise. Nous sommes,
effectivement, le député de Deux-Montagnes l'a souligné,
une société mul-ticulturelle.
Le ministre a évité, intentionnellement il l'a dit
si je l'ai bien compris de faire quelque distinction que ce soit entre
la minorité qui, à ses yeux, est la minorité anglophone et
les autres. Pourtant, il y a des différences. Surtout quant aux effets
prévisibles de ce projet de loi, de cette éventuelle loi, il y a
une importante différence. C'est qu'en accueillant quelqu'un qui n'est
ni anglophone, ni francophone on peut l'attirer vers la majorité,
l'intégrer à la vie de cette majorité et intégrer
ses enfants au système scolaire de cette majorité. C'est un
changement pour cette famille. C'est un changement voulu, accepté
d'avance, pace que quand on quitte son pays d'origine pour se rendre dans un
autre où la langue est différente, on accepte d'emblée,
d'avance, que la vie ne sera plus la même et que la vie ne se
déroulera plus, fondamentalement, dans la langue du pays d'origine.
Pourtant, dans le cas de l'anglophone, il y a déjà ici des
institutions, une tradition, des rapports avec les autres partis du Canada
où l'anglais est la langue majoritaire. Plusieurs députés
du côté ministériel, notamment notre collègue de
Vanier, ont parlé de cette réalité, de la notion
d'association et donc de la justesse avec laquelle le gouvernement met de
l'avant la notion de réciprocité. Je ne reviendrai pas sur mon
discours de deuxième lecture au cours duquel j'ai exposé des
failles, un manque de logique dans cette notion par rapport aux arguments
invoqués pour justifier la présentation du projet de loi no 101
tel que nous l'avons devant les yeux.
Il me semble que si l'on examine l'article 69, auquel nous proposons une
modification, nous sommes obligés de reconnaître que le
gouvernement peut prétendre qu'il n'empêche pas le milieu
anglophone du Québec de s'accroître, mais nous devons, en
même temps, reconnaître que cet accroissement, selon le texte
actuel du paragraphe a) de l'article 69, ne pourrait avoir lieu que par la
seule fécondité des gens déjà ici, des gens
définis par l'article 69 comme ayant accès au milieu scolaire de
langue anglaise. C'est pour cela que nous croyons qu'il est injuste à
l'endroit de cette communauté historique d'être limitée
à sa seule fécondité pour son accroissement.
J'ai l'impression depuis mon arrivée ici ce matin que les
ministériels n'envisagent pas du tout d'ailleurs, le ministre l'a
dit une modification possible au paragraphe a) de l'article 69, quels
que soient les arguments qui peuvent être offerts.
Il me semble, quand même, que nous devons essayer de percer ce mur
de résistance et de dire au gouvernement: Voici un amendement que
j'appuie, que mes collègues appuient. Si c'est une question de
degré, il y a une marge pour la discussion. Si la porte est
complètement fermée, je trouverais cela une étroitesse
d'esprit malheureuse, à mon sens. En effet je décèle dans
l'attitude des ministériels là, malgré ce que j'ai
dit il y a quelques instants, je vais revenir très brièvement
à l'argument que j'ai avancé pour démontrer la faiblesse
de la thèse de la réciprocité dans les discours que
nous avons entendus ce matin, un certain manque de cohérence ou
d'unité de pensée, parce que tantôt on parle de nation en
termes de tous ceux qui ont une origine commune et qui sont
éparpillés sur tout le territoire du Canada et l'on pourrait
même aller jusqu'à englober le territoire de l'Amérique du
Nord parce qu'il y a un million Franco-Américains de l'autre
côté de la frontière; tantôt on parle d'une
appartenance essentiellement territoriale. On dit: Tous ceux qui sont ici, qui
parlent le français et, pour utiliser l'expression du premier ministre,
qui paient leurs taxes, s'ils peuvent se le permettre, sont des
Québécois à part entière, participent à la
vie de cette collectivité et font partie de la nation
québécoise.
Je voudrais tout simplement soutenir respectueusement que la motion
d'amendement trouve sa justification, surtout...
M. Charbonneau: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, question de règlement.
M. Charbonneau: Le député de D'Arcy McGee me
permettrait-il une question?
Le Président (M. Cardinal): C'est son droit.
M. Charbonneau: Je lui demande la permission, comme le veut le
règlement, en fait.
M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. Je n'ai pas
l'habitude d'interrompre le débit des autres députés, mais
par exception, oui.
M. Charbonneau: Ce n'est pas pour vous interrompre, mais je sais,
par ailleurs, que vous êtes un de ceux avec qui c'est intéressant
de discuter, même si on ne partage pas les mêmes opinions.
Vous avez parlé de certains concepts qui sont différents.
J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par le concept de
nation. On a parlé de nationalisme, de nation, de toutes sortes de
choses. Qu'est-ce que vous entendez par cela, d'une part? Deuxièmement,
je vous réfère à un
discours que j'ai prononcé en deuxième lecture, en
Chambre, et à des interventions que j'ai faites la semaine
dernière. Je vous demande si vous avez pris connaissance de cela et si
vous avez confronté votre appréciation ou votre notion avec
celles-là.
Mais, auparavant, j'aimerais connaître, parce que vous venez d'en
parler, quelle est pour vous la signification du terme "nation", dans la
façon dont vous, vous l'employez et l'utilisez?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, la meilleure réponse
que je peux donner se trouve dans un discours fait, si ma mémoire est
fidèle, au cours du débat sur le projet de loi no 1. Je peux me
tromper, mais j'irai aux sources et je retracerai le texte. Il a
été prononcé par le député de Jean-Talon, et
il a cité un auteur français, dont le nom m'échappe
malheureusement, qui a donné une définition. C'était
surtout celle d'une aspiration partagée, d'un éventail
d'aspirations partagées, si vous voulez, plutôt que cette notion
d'origine commune ou de langue commune au départ, langue commune pour
pouvoir communiquer, oui, mais pas nécessairement langue commune au
départ, et pas nécessairement une communauté
d'expériences non plus. C'était plutôt une
définition territoriale, avec un régime gouvernemental qui serait
nécessairement commun, parce que les régimes gouvernementaux sont
définis par rapport à un territoire, en l'occurrence le
Québec et le Canada, les deux considérations qui sont devant
nous. Pour moi, tous ceux qui, habitant ce territoire, partageant la
responsabilité du même gouvernement parce que les
électeurs, les citoyens partagent cette responsabilité
doivent, en même temps, partager des aspirations, partager une vie et se
considérer et être considérés comme hommes d'une
même nation.
M. Charbonneau: Est-ce que vous vous rendez compte que
c'est...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: Dans la même ligne, si...
M. Goldbloom: J'accepte une deuxième question, mais une
dernière, M. le Président.
M. Charbonneau: Une dernière, et je n'abuserai pas de
votre temps.
Le Président (M. Cardinal): C'est que je suis lié
par l'article 160. Le député de Verchères a droit de poser
deux, trois, cinq questions. Vous avez droit de les accepter...
M. Charbonneau: Je n'abuserai pas, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ...mais je ne peux pas enlever
ça du temps, comme ça. M. le député de
Verchères.
M. Goldbloom: D'accord!
M. Charbonneau: Est-ce que vous vous rendez compte que,
justement, vous venez de nous dire que votre définition de la nation,
c'est qu'au Canada, il y a une nation et que notre concept de base, nous, c'est
qu'il y en a deux et que tout ça, finalement, fait que l'on a
peut-être des approches différentes, parce qu'on conçoit la
nation d'une façon différente de vous.
M. Goldbloom: Non, là, M. le Président, ce n'est
pas ce que j'ai dit. J'ai parlé surtout du Québec, j'ai
parlé de régimes gouvernementaux qui existent à deux
paliers ici. Je ne crois pas...
M. Charbonneau: Mais c'est parce qu'il y aurait une nation
ontarienne dans ce sens-là.
M. Goldbloom: ...qu'il soit opportun que nous poursuivions ce
dialogue, qui nous éloigne un peu de la considération en
question. J'aimerais bien la poursuivre à un autre moment. Mais, en
terminant, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): II y aura la troisième
lecture, si on y arrive.
M. Goldbloom: Ce n'est quand même pas le même genre
de dialogue qui peut avoir lieu dans un tel contexte, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, mais c'est que...
M. Charbonneau: Vous avez raison.
Le Président (M. Cardinal): ...la commission parlementaire
n'est pas une assemblée de "brains-torming".
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, c'est avec absolument tout
le respect que je vous dois que je me permets de dire que c'est dommage que tel
ne puisse pas être le cas, parce que, justement, nous n'avons pas cette
possibilité en Chambre; le règlement est trop restrictif, et, en
commission parlementaire, nous pouvons avoir des échanges qui peuvent
être fructueux. Mais, de toute façon, M. le Président, je
termine tout simplement en disant: De nos jours, soyons objectifs. Partout,
dans le monde, la fécondité a une tendance à la baisse et
notamment dans les pays évolués et notamment en Amérique
du Nord. Au Québec, la fécondité est très basse, et
nous avons même des inquiétudes que, personnellement, je partage,
à l'égard de ce bas niveau de fécondité.
Il me semble que si, pour renverser ce qui est perçu
jusqu'à maintenant par les ministériels, comme un
déséquilibre, si nous disons:
Nous permettrons à la majorité de connaître un
accroissement par deux moyens, par la fécon-
dite et par l'assimilation de ceux qui viendront et qui seront
accueillis, mais la communauté anglophone comme telle, le milieu
anglophone, aura seulement sa fécondité pour pouvoir
s'accroître, je trouverais que le déséquilibre serait
renversé d'une façon exagérée, que l'on irait trop
loin, et c'est pour cela que j'appuie la motion d'amendement.
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, à moins que...
M. Lalonde: Je laisse volontiers la parole au ministre.
M. Laurin: Je voudrais juste réagir brièvement
à quelques interventions. Je voudrais d'abord dire au
député de D'Arcy McGee que j'avais écouté avec
beaucoup d'attention son intervention en deuxième lecture et que j'avais
été sensible à cette intervention. Mais j'ai plutôt
réagi dans ma réplique à l'ensemble des interventions du
côté de l'Opposition officielle et non à la sienne non plus
qu'à celles de quelques autres députés dont les
interventions avaient constitué des exceptions.
Ce que j'ai dit ce matin, je le pense profondément et je suis
heureux qu'il l'ait souligné. Je voudrais aussi revenir
brièvement sur quelques aspects démographiques qu'a voulu
commenter le député de L'Acadie. Elle a cité à ce
propos encore une fois le nom du démographe Jacques Henripin et je
voudrais lui rappeler une intervention que le démographe Jacques
Henripin a faite devant le comité mixte du Sénat et de la Chambre
des communes en 1975. M. Henripin y disait les choses suivantes: "Même
dans cette province du Québec, je dois ajouter que le pourcentage
relatif des francophones diminuera. Il diminuera pour à peu près
les mêmes raisons qu'il diminue dans le reste du Canada. Les immigrants
au Québec choisiront aussi l'anglais plutôt que le
français. L'accroissement naturel est à peu près le
même pour tous les groupes et le seul facteur qui peut apporter un
changement, c'est le choix de la langue que les nouveaux arrivants font.
"Même dans la province de Québec, environ les deux tiers
d'immigrants choisissent l'anglais et le tiers le français. A mon avis,
si on veut conserver aux francophones une importance relative dans la province
de Québec, qui est la seule place au Canada où le français
a des chances de survie, il faudra trouver des moyens de convaincre les
nouveaux immigrants qui peuvent venir de pays étrangers ou d'autres
provinces du Canada c'est moi qui souligne de choisir le
français plutôt que l'anglais." "Je ne veux pas donner de conseil
particulier sur les moyens de les convaincre, mais ce sera à mon avis la
seule façon de conserver une importance relative à la
communauté française dans la province de Québec.
Même si les chiffres peuvent être mis en doute, les tendances sont
relativement solides, car elles sont fondées sur des tendances
étudiées depuis de nombreuses années
déjà."
Je n'ai pas besoin de vous dire que ce passage de la déposition
de M. Henripin nous était parfaitement connu quand nous avons
élaboré le projet de loi et qu'il nous a fortement incités
à adopter la clause Québec. En fait, nous avons trouvé
dans cette intervention du démographe Henripin non seulement une
suggestion, mais un appui fort important à la clause Québec et,
en fait, à ma connaissance, c'est le seul démographe qui ait
appuyé avec autant de précision et autant de force la clause
Québec.
D'ailleurs, dans un témoignage ultérieur qu'il rendait,
pas plus tard que cette année, en février 1977, devant un
tribunal qui étudiait la cause des mécaniciens à Air
Canada, M. Henripin est revenu sur le même sujet et il a signalé
la baisse progressive de la proportion des francophones à
Montréal, et en parlant à ce sujet d'assimilation possible. Il
terminait son intervention en cour en disant que même si le processus
n'est pas encore menaçant, il est quand même engagé et
qu'il était temps d'agir si l'on voulait arrêter la tendance
actuelle.
On a voulu opposer récemment les témoignages du
démographe Henripin à ceux d'autres démographes, mais si
l'on prend l'ensemble de ces contributions au sujet, je suis au contraire
d'avis que ce sont les interventions de même que les écrits
passés du démographe Jacques Henripin qui constituent
peut-être le meilleur appui scientifique possible à la
thèse que nous défendons.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Au départ, simplement pour rassurer les
facultés au scandale du député de Verchères...
Le Président (M. Cardinal): Justement, avant que vous ne
débutiez, je voudrais souligner que ce n'est pas un droit de
réplique; cela n'existe pas en commission parlementaire. Il vous reste
simplement sept minutes et je vous les accorde évidemment.
M. Lalonde: Oui, M. le Président. Le député
de Verchères aurait peut-être trouvé normal que ce soit un
député anglophone qui présente cet amendement, mais venant
du député de Marguerite-Bourgeoys, il était
profondément choqué. Je voudrais dire simplement que cette
réaction du député de Verchères semble
procéder d'une façon de penser qu'on voit trop souvent, surtout
dans ce débat, voulant que si on est d'accord avec le gouvernement, on
est un bon Québécois, surtout si on est francophone; que si on
n'est pas d'accord avec le gouvernement, tout en étant francophone, on
est soit inféodé à ('"establishment" anglophone ou tout
simplement des traîtres coupés de la réalité, et
tout le reste. Je ne veux pas suivre le député de
Verchères à ce niveau, je ne pense pas que cela apporterait une
contribution valable au débat.
Revenant à un niveau plus respirable, je vais vous dire qu'il est
très difficile de trouver une
trame logique et cohérente dans la position du gouvernement. Dans
un premier temps, nous avons tenté de faire reconnaître
l'accès à l'école anglaise pour les enfants de la
communauté anglophone. On nous a dit: Vos critères seraient
difficiles d'application, on a choisi une formule mécanique; on rejette
donc votre suggestion. Dans un deuxième temps, on a dit: Bon, le
gouvernement a fait son lit, il tient absolument à ce que ce soit la
fréquentation scolaire des parents qui détermine l'appartenance
à la communauté anglophone; allons de ce côté et,
simplement en acceptant ce critère, reconnaissons l'accès
à l'école anglaise pour les enfants de la communauté
anglophone. Là, on nous dit: Ah, non! La communauté anglophone,
c'est celle du Québec seulement.
Le gouvernement, selon la proposition qu'on fait, change de lit à
chaque fois. Les raisons que le ministre d'Etat au développement
culturel mentionnait ne tiennent pas. Les données démographiques
ne justifient pas, à mon sens, une attitude aussi isolée,
fermée et timorée. Ces données pourraient être
modifiées, dans l'avenir, par des politiques d'immigration. Quant aux
migrations elles-mêmes, on a vu, après la démonstration du
député d'Outremont, que les apports interprovinciaux sont loin de
constituer un danger pour la majorité francophone. Si un tel danger
existait ou avait existé, il n'y a aucun doute... S'il y avait un danger
réel de minorisation des francophones au Québec, il n'y a aucun
doute que la position du Parti libéral, de l'Opposition officielle, y
compris la mienne, serait fondamentalement modifiée.
Le ministre a dit qu'il était inacceptable que les nouveaux
arrivants profitent gratuitement d'un système scolaire anglais. A mon
sens, ce n'est pas un argument qui tient. S'ils ne peuvent pas profiter
gratuitement d'un système scolaire anglais, on va les faire profiter
gratuitement d'un système scolaire français? Est-ce le fait de
profiter gratuitement qu'on leur reproche? Quelqu'un avant moi a fait remarquer
que les nouveaux arrivants, une fois arrivés, sont simplement des
Québécois comme tout le monde et qu'ils paient leurs taxes.
On a dit: Pourquoi serait-ce anormal, pour un cadre arrivant au
Québec d'inscrire ses enfants à l'école française?
C'est un fait qu'individuellement les parents de tels enfants, devant venir
travailler à Montréal, pourraient trouver avantageux,
temporairement, pour le temps qu'ils restent au Québec, d'envoyer leurs
enfants à l'école française pour leur faire apprendre la
langue française, mais la réalité, de façon
générale, est tout autre. L'attrait de Montréal comme
capitale des sièges sociaux au Canada a considérablement
diminué depuis les années cinquante; cela n'a rien à voir
avec le fait français. Cela a tout simplement été le
déplacement du pôle d'attraction de Montréal à
Toronto lorsque l'économie américaine a investi massivement au
Canada, après la deuxième Grande guerre.
Dire que les francophones remplaceraient les anglophones qui
partiraient, en principe je serais d'accord et probablement que c'est vrai pour
une partie. D'ailleurs, depuis la loi 22, tous les échos qu'on a du
milieu de la grande entreprise sont à l'effet que les francophones sont
beaucoup plus en demande au niveau de l'administration de la grande entreprise
qu'auparavant. Mais ce serait le fait d'une ignorance totale du milieu des
affaires de penser qu'un siège social d'une entreprise pourra ou voudra,
même s'il le pouvait, remplacer par des Québécois, des
Québécois francophones en l'occurrence ou anglophones,
dépendant des disponibilités, les cadres qu'elle doit avoir
régulièrement, soit pour remplir des vacances ou pour leur faire
occuper des nouvelles fonctions.
Le siège social d'une entreprise tend à refléter
les marchés de cette grande entreprise. Je parle de la grande
entreprise, c'est-à-dire de celle qui fait des affaires non seulement au
Québec, mais à l'extérieur du Québec, dans d'autres
provinces ou dans d'autres pays. Ainsi, même si son siège social
est au Québec, la grande entreprise, au niveau des cadres, pas
nécessairement au niveau subalterne où elle puisera au bassin
plus immédiatement disponible, voudra conserver un reflet de ses
marchés. Si 80% de ses affaires sont à l'extérieur du
Québec, vous verrez une bonne proportion de ses cadres qui viendront de
l'extérieur du Québec, qui viendront au siège social,
souvent temporairement, pour un certain entraînement, une certaine
formation, un certain recyclage et, ensuite, pour assumer des
responsabilités à l'extérieur. Alors, l'entreprise qui se
verrait tarir la source de cette mobilité aurait beaucoup plus tendance
à déménager qu'à faire appel à des
francophones ici et c'est le danger que j'ai décrit lorsque j'ai
présenté la motion, vendredi dernier.
On a dit: Bien, la grande entreprise va se recycler. Oui, elle a
déjà commencé à se recycler, à franciser et
à francophoniser.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Verchères sur une question de règlement.
M. Charbonneau: Je vous soumets qu'actuellement on discute de la
langue d'enseignement et qu'il y a un autre article dans la loi, qui
prévoit la discussion sur les cadres et les sièges sociaux.
Là, il faudrait qu'on nous dise comment laissez-moi terminer, M.
le Président, mon intervention pour des cadres, c'est important
d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. C'est cela, la langue
d'enseignement. Là, on ne nous parle pas des enfants des cadres qui vont
aller ou non à l'école anglaise, on nous parle des sièges
sociaux. Il y a un autre article dans la loi qui prévoit cela et on
devrait en discuter à ce moment-là.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, je...
M. Lalonde: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Sur la question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, si le règlement me
permettait de reprendre le temps que j'avais
vendredi, lorsque j'ai fait justement cette explication. Je ne sais pas
si le député de Verchères était là, mais je
n'ai pas le temps actuellement.
M. Charbonneau: Vous n'avez pas parlé des enfants des
cadres qui iraient à l'école anglaise; vous n'avez jamais
parlé de cela.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je ne rendrai pas
de directive sur cette question, parce que je m'avancerais sur le fond.
J'indiquerai, cependant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys,
qu'au moment de l'interruption il vous restait à peine trente
secondes.
M. Lalonde: Alors, M. le Président, je veux dire que le
danger que représente cette clause est réel, quant au milieu
économique et surtout aux sièges sociaux de Montréal. On
ne peut pas du revers de la main simplement l'oublier. Je pense que le
coût économique est important pour les francophones comme pour les
anglophones, parce qu'il faut que les sièges sociaux soient à
Montréal pour que les francophones y aient accès, chez eux. Cette
clause étant dangereuse, j'invite les membres de cette commission
à voter en faveur de l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): Alors, est-ce que je pourrais
mettre cette motion d'amendement aux voix? Est-ce qu'il y a un appel
nominal?
Une Voix: Oui, d'accord.
Vote sur la motion
Le Président (M. Cardinal): II s'agit de l'amendement
proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Nous
avons discuté assez longuement pour qu'il ne soit pas nécessaire
que je relise cet amendement. M. Alfred (Papineau)?
M. Alfred: Fermement contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
Absent.
Mme Lavoie-Roux: Une question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, madame.
Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être davantage une directive.
Est-ce qu'il est permis de qualifier son vote?
Le Président (M. Cardinal): Non, madame. M. Charbonneau
(Verchères)?
M. Charbonneau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Burns (Maisonneuve)?
M. Burns: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette
(Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Michaud (Laprairie),
absent; M. Roy (Beauce-Sud), absent; M. Goldbloom (D'Arcy McGee)?
M. Goldbloom: En faveur, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda),
absent.
Pour ou en faveur de la motion: 6 Contre: 9
La motion est rejetée. Je rappelle le processus que nous suivons.
Je reviens a la motion principale avec ce qualificatif que nous avions
décidé...
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous que je
termine, M. le député de Bourassa? Nous étudions cet
article alinéa par alinéa. Oui, M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je crois que, sur le vote... Vous avez dit que nous
étions combien du côté ministériel?
Le Président (M. Cardinal): 9
Une Voix: Nous sommes 10.
M. Laplante: Pourtant, nous sommes 10.
Le Président (M. Cardinal): Je vais répéter
le vote. M. Alfred (Papineau), cela fait 1. M. Bertrand (Vanier)...
M. Lalonde: C'est possible que le ministre de l'Education ne soit
pas membre.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de l'Education
n'est pas membre.
M. Burns: M. le ministre de l'Education n'est pas membre pour la
séance de ce matin.
Mme Lavoie-Roux: II est venu nous écouter.
Le Président (M. Cardinal): J'ai mentionné ce matin
que c'était une nouvelle séance. Cette commission qui a
été instituée le 9 mars a été
modifiée au moins à trois reprises; vous m'éviterez de
vous rappeler chacune des modifications, ce qui indique le résultat.
Oui, M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Le député du comté de Taschereau
est-il membre de la commission?
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Avez-vous voté, ce matin? M. Guay: Avec
plaisir.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je m'excuse. M. Guay: J'ai voté
contre.
M. Grenier: Je n'en doute pas, j'avais été
distrait.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si le ministre de l'Education désire parler,
je comprends qu'il devra, étant donné qu'on a
éventuellement battu ma motion et, dès le début, demander
la permission...
M. Laplante: ...demander à la commission.
M. Lalonde: ...mais, d'avance, je vous dis que l'Opposition
officielle, sera en faveur du droit de parole du ministre de l'Education, que
je trouve un peu silencieux.
M. Burns: Le ministre de l'Education est un peu plus loquace.
M. Lalonde: Sauf quand...
M. Morin (Sauvé): Je ne voudrais pas aider le "filibuster"
de l'Opposition, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais, aujourd'hui, c'était le
"filibuster" du gouvernement.
M. Lalonde: Vous avez parlé plus longtemps que nous
autres.
M. Grenier: Le Parti libéral donne son entière
confiance, quant à l'Union Nationale, on jugera en temps et lieu.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Burns:
...cet après-midi.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: C'est pour me protéger, c'est pour nous
protéger.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Dois-je comprendre que le paragraphe a) de l'article 69 est
adopté?
M. Ciaccia: Non, je veux faire une intervention, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Pardon, M. le
député?
M. Ciaccia: Je voudrais parler sur l'article 69a.
Le Président (M. Cardinal): Attendez un peu, je vais vous
donner le temps, sur l'alinéa a). M. le ministre d'Etat au
développement culturel, il lui reste une minute; Mme le
député de L'Acadie, il lui reste quatre minutes; M. le
député de Lotbinière, qui n'est pas ici, il lui reste
quatre minutes. M. le député de Mont-Royal, vous avez donc le
droit de parler sur la motion principale.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Paragraphe a).
M. Ciaccia: Je n'ai pas parlé sur le paragraphe a).
Le Président (M. Cardinal): Non, d'accord, je vous donne
le droit de parole.
M. Ciaccia: M. le Président, nous trouvons que le
paragraphe a) du projet de loi ne va pas assez loin, ne répond pas aux
exigences, aux besoins non seulement de la communauté anglophone, de
ceux qui devraient avoir le droit d'accès aux écoles anglaises,
mais il ne répond pas non plus aux exigences de tous les autres
Québécois quant aux effets de cet article sur notre
société et sur notre économie.
M. le Président, je proposerais...
Le Président (M. Cardinal): Je vais faire un rappel
à l'ordre, quand même. A l'ordre, s'il vous plaît! Il y a
beaucoup de mini-caucus qui se déroulent. D'ailleurs, je veux me
corriger je fais mon mea culpa d'une erreur que je viens de commettre
en disant à M. le ministre d'Etat au développement
culturel, qu'il lui reste une minute. En vertu de l'article 160, alinéa
2, il a un temps illimité.
M. le député de Mont-Royal, je m'excuse de cette
interruption au tout début de votre exposé. Je considère
donc qu'il vous reste tout votre temps.
Motion d'amendement M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Puisque nous sommes d'opinion que cet article 69a ne
répond pas aux exigences de notre société, nous avons
essayé de faire des amendements pour élargir l'accès aux
écoles anglaises. Premièrement, nous avons suggéré
que tous ceux qui sont membres de la communauté anglophone... et, quand
cela a été rejeté, nous avons pris le critère de
facilité d'administration. Nous avons suggéré que
l'accès à ces écoles soit pour les enfants dont les
parents ont fréquenté les écoles
élémentaires ailleurs qu'au Québec. Cela aussi a
été rejeté par le gouvernement.
M. le Président, je proposerais en amendement à l'article
69, "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en
remplaçant dans la première ligne le mot "Québec" par le
mot "Canada".
Le paragraphe amendé se lirait comme suit:
M. Burns: Quelle surprise!
M. Ciaccia: "a) les enfants dont le père ou la mère
a reçu au Canada l'enseignement primaire en anglais."
M. Burns: On ne s'attendait pas à cela pas du tout.
Qu'est-ce qui vous a pris?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le
bénéfice des membres de la commission, il est proposé par
le député de Mont-Royal, la mo- tion d'amendement suivante
à l'article 69 a). "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit
modifié en remplaçant dans la première ligne le mot
"Québec" par le mot "Canada".
S'il était adopté, le paragraphe amendé se lirait
comme suit: "a) les enfants dont le père ou la mère a reçu
au Canada l'enseignement primaire en anglais," et je déclare
immédiatement cette motion d'amendement recevable et reçue.
M. Grenier: M. le Président, afin de sauver du temps
à la commission, j'ai cru saisir que certains ministériels
semblaient donner leur adhésion à la motion. Avant tous les
discours, on pourrait peut-être demander le vote
immédiatement.
M. Laurin: M. le Président, nous voterons contre cet
amendement exactement pour les mêmes raisons que j'ai apportées ce
matin à l'encon-tre de l'amendement qui nous avait été
proposé antérieurement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a des députés qui voudraient intervenir sur l'amendement
proposé par le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais intervenir
au tout début, parce que, vendredi dernier, le député de
Saint-Jacques s'est référé à moi d'une façon
que je trouve inacceptable. Il m'a imputé certains motifs, il a
laissé croire qu'un discours que j'avais prononcé à
Niagara Falls n'était pas admissible en ce qui concernait les
francophones du Québec. Je voudrais, à l'appui de ma motion,
citer quelques extraits de ce discours que j'ai donné à Niagara
Falls. Je voudrais préciser, M. le Président, que je ne suis pas
un habitué du français, je l'ai donné en anglais, M. le
député de Maisonneuve, mais je vais le traduire.
M. Burns: Allez-vous nous le donner en français?
M. Ciaccia: Oui. Ce n'est pas mon habitude, mais je pourrais vous
le donner... Naïvement, j'essaie de vous répondre, mais je pourrais
vous ignorer.
M. Morin (Sauvé): Est-ce vraiment le seul discours que
vous puissiez nous citer?
M. Ciaccia: Non ce n'est pas le seul. J'en ai d'autres, mais la
raison...
M. Morin (Sauvé): Ah! vous en avez d'autres!
M. Ciaccia: ... pour laquelle je cite celui-ci, c'est que le
député de Saint-Jacques s'y est référé.
M. Grenier: M. le Président, question de règlement.
Je me rends compte que le ministre de l'Education pose des questions, alors
qu'on ne lui a pas encore accordé le droit de parole.
M. Morin (Sauvé): Je m'en excuse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
parole est au député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ce n'est pas mon
habitude de citer mes propres discours. Si je le fais, c'est parce qu'il y a eu
des motifs qui ont été soulevés par le
député de Saint-Jacques. Je me trouve dans l'obligation de
corriger des propos du député à mon égard qui
n'étaient pas justes du tout, ils étaient erronés et je ne
peux pas accepter ce qu'il a laissé entendre vendredi soir.
Premièrement pour situer le discours dans le contexte... Le
député de Saint-Jacques a laissé entendre que lorsque je
parle à des anglophones, il ne voudrait pas être là parce
qu'il trouverait inadmissible ce que je leur dis, suggérant que je leur
dirais des choses qui seraient anti-francophones.
Je voudrais situer ce discours. Il a été fait, à
Niagara Falls, devant un groupe d'anglophones de tous les coins du Canada et du
Québec, et je l'ai fait en anglais. Ce matin, j'ai une traduction.
Je disais donc: "Pour comprendre la nature des ajustements
nécessaires du Canada" entre parenthèses, ces propos sont
aussi à l'appui de la motion que je présente " aux
nouvelles conditions sociales du Québec, essayons brièvement de
regarder la Confédération par les yeux des Canadiens
français. Isolés des grands courants de la pensée et de la
culture françaises dans ce qu'ils appellent une mer anglaise, il est
compréhensible que les Canadiens français éprouvent un
certain sentiment d'insécurité."
Et plus tard, je disais: "A l'époque de la
Confédération, les Canadiens français hors du
Québec formaient un assez fort pourcentage de la population. Depuis
lors, des millions d'immigrants venus au Canada se sont joints à la
collectivité anglophone, réduisant la population
canadienne-française à une fraction du total en dehors de la
belle province. Non seulement les immigrants ont-ils ajouté à la
population anglophone, mais nombre de Canadiens français hors du
Québec ont été assimilés par elle. Ce n'est que
tout récemment que l'on a commencé à freiner cette
tendance inquiétante, en partie grâce à une
véritable renaissance de la culture et des arts français, en
partie, aussi, grâce à la législation et à l'aide
fédérale et provinciale.
Une autre conception que se font les Canadiens-français de la
Confédération, c'est que le monde des affaires, anglophone, a
dominé, pour ne pas dire exploité, économiquement, les
Canadiens français du Québec. Les Canadiens français se
considèrent comme l'un des peuples fondateurs du Canada. Après
tout, ils furent les premiers à s'établir au pays et à le
coloniser.
C'est pourquoi les francophones hors du Québec n'accepteront
jamais de n'être considérés que comme un autre groupe
ethnique hors du courant anglais."
Et plus tard, je disais: "On peut retracer, avant même la
Confédération, cette alliance unique de deux peuples. Les
Pères de la Confédération ont reconnu l'association
politique des deux peuples fondateurs. On le sait par une lettre de Sir John A.
Macdonald au directeur de la Montreal Gazette. A l'époque,
l'élite anglophone du monde des affaires de Montréal était
mécontente de l'alliance politique entre Macdonald et Cartier. Quelques
années plus tôt, ce même groupe avait brûlé le
parlement que présidait Lord Elgin pour protester contre une autre
coalition anglo-française, le gouvernement réformiste de
Lafontaine et de Baldwin."
Et Macdonald écrivait aux Anglais de Montréal. "Vous ne
pouvez oublier que vous avez été suprêmes. Vous luttez pour
conserver cette ascendance. Traitez-les les Canadiens-français
comme une nation et ils réagiront comme réagit
généralement un peuple libre, avec
générosité. Traitez-les comme une simple faction et ils
réagiront de même." Ces paroles semblent bien prophétiques
à la lumière du projet de loi du Dr Laurin sur la langue.
Les Canadiens anglais et les Canadiens français devraient se
rappeler que la Confédération ne serait probablement jamais
née sans la participation et l'appui des Canadiens français.
C'est, en grande partie, grâce aux Canadiens français que
la Confédération fut conçue comme un système qui
subordonne la totalité de la nation aux intérêts de ses
groupes composants. Pour que fonctionne la Confédération, le
Canada devait devenir un pays où les Canadiens français
conserveraient leur nationalité. Les immigrants comme moi peuvent
remercier les francophones de ce pays de ce qu'il soit la mosaïque
culturelle dont on a tant parlé plutôt qu'un "melting pot". Pour
les francophones du Canada, la Confédération est une entente, un
accord, un contrat entre les deux peuples fondateurs, une association, non une
fusion. Malheureusement, comme sir John A. Macdonald l'avait prédit,
l'écart s'est élargi entre l'idée et la
réalité ".
M. le Président, je souligne ces paroles, parce que je crois que
le député de Saint-Jacques a laissé une fausse impression
quant à l'approche que je prends face au projet de loi no 101. Je crois
que c'est assez difficile, aujourd'hui, d'essayer de trouver un juste milieu
dans la situation politique et dans le contexte actuel pour ne pas se faire
accuser et ne pas créer l'impression que le député de
Saint-Jacques a créée.
M. le Président, ces propos expliquent aussi la raison pour
laquelle je fais cet amendement. Je ne veux pas traiter le Canada comme
étant déjà divisé en deux pays, le Québec et
le reste. Je crois que, malgré les difficultés qui ont
existé, le présent gouvernement n'a pas reçu le mandat de
faire des projets de lois qui présupposeraient que le Québec est
déjà séparé. C'est ça que l'article 69 a) du
projet de loi, tel que rédigé par le gouvernement,
présuppose. Il présuppose qu'il y a déjà, dans ce
domaine, une division, une séparation en-
tre le Québec et le reste du Canada. Je crois que ce n'est pas le
mandat du gouvernement. C'est plutôt, je croirais, symbolique que la
réalité. En effet, même si nous prenons les données
démographiques de l'Université McGill je demanderais
même au ministre d'Etat au développement culturel de nous le dire
vraiment s'il n'est pas d'accord avec ces données si nous
limitons le réseau anglophone c'est déjà beaucoup
de limiter cela à ceux du Canada seulement, à ceux qui ont
fréquenté les écoles élémentaires au Canada
nous voyons que ce n'est pas cela qui constituera une menace au nombre
de francophones et au réseau des francophones au Québec.
Par exemple, selon le mémoire de l'Université McGill, les
transferts nets entre groupes linguistiques se font de l'anglais au
français, pas l'inverse. Il mentionne le pourcentage de migration
interprovinciale qui est affecté et il y a plutôt un départ
des anglophones du Québec vers les autres provinces plutôt qu'une
immigration ou une entrée au Québec.
Pour ces raisons, je ne vois pas pourquoi on limite l'accès
à l'enseignement de l'anglais de la façon que le fait le projet
de loi, et spécialement si on prend en considération
déjà la lettre du premier ministre aux autres provinces. Si cela
n'avait pas été introduit, on pourrait dire que vraiment le
ministre d'Etat est préoccupé par le nombre des anglophones des
autres provinces qui pourraient venir au Québec et augmenter le
réseau anglais et réduire le pourcentage de francophones. Mais on
voit que ce n'est pas ce principe qui motive les gestes du gouvernement, le
gouvernement ne semble pas être motivé par la crainte du nombre
d'anglophones qui vont venir. Si telle n'est pas sa préoccupation, on
peut se demander pourquoi il limite ainsi l'article 69.
La lettre du premier ministre invite les autres provinces à faire
des ententes avec le Québec pour que les autres provinces accordent aux
francophones les même droits que la province de Québec accorde ici
aux anglophones.
Premièrement, pour qu'il n'y ait pas de fausse
interprétation, je crois qu'on est tout autant préoccupé
que le gouvernement par la situation des francophones en dehors du
Québec. En commission parlementaire des affaires culturelles, j'avais
demandé au ministre des Communications et des Affaires culturelles ce
qu'il allait faire puisqu'il était désormais en position d'aider
les francophones des autres provinces par l'entremise des différents
programmes de son ministère, ce qu'il allait faire pour essayer de
promouvoir leurs intérêts, de promouvoir les programmes culturels,
les droits des francophones en dehors du Québec. A ce moment, le
ministre des Communications c'était au mois de mars ou au mois
d'avril avait laissé entendre que ce n'était pas sa
préoccupation et que cela ne devrait pas être la
préoccupation du gouvernement.
Maintenant, nous voyons que le gouvernement a changé d'attitude,
au moins publiquement, que le premier ministre a cette préoccupation et
que je crois que c'est quelque chose dont il doit se préoccuper, que
c'est bien fondé de vouloir donner aux francophones hors du
Québec les droits linguistiques et le droit aux écoles que les
anglophones ont ici, au Québec, tenant compte naturellement du nombre,
de la situation et de l'endroit où ils se situent.
Afin de rétablir un équilibre, il existe
déjà je crois que plusieurs membres à cette table
sont au courant dans les autres provinces des écoles pour les
francophones. Naturellement, ce n'est pas au même niveau, ce n'est pas de
la même façon et je suis tout à fait conscient des lacunes
qu'il peut y avoir, mais il ne faudrait pas laisser dans l'esprit du public
l'idée que cela n'existe pas du tout.
Par exemple, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont des lois
qui assurent l'éducation en français et ce droit à
l'éducation est compris dans les lois de ces différentes
provinces. Ces trois provinces rassemblent 80% de tous les francophones hors du
Québec. En Ontario, d'après les derniers chiffres, ceux du
recensement de 1971, il y avait 110 000 étudiants qui ont fait leur
instruction en français. Les écoles élémentaires
francophones se chiffraient à 310, les écoles secondaires
francophones se chiffraient à 24 et les écoles secondaires qui
dispensaient aussi l'enseignement francophone, étaient au nombre de 36,
ceci pour une population de 482 000 francophones, dont, comme je le disais, 110
000 étudiants.
Au Nouveau-Brunswick, la population francophone se chiffre à 217
725; les étudiants qui reçoivent l'enseignement en
français y sont au nombre de 54 000 et les étudiants anglophones
y sont à peu près 106 000. Cela représente
approximativement, la population francophone et anglophone de cette
province.
Au Manitoba on parle souvent de cette province la
population francophone est de 60 000, la population d'étudiants est de
10 158, qui reçoivent l'instruction en français, il y a 40
écoles élémentaires où l'éducation est
donnée principalement en français, il y a quinze écoles
secondaires où l'éducation est donnée principalement en
anglais et il y a un collège francophone, le collège
Saint-Boniface.
Dans les autres provinces, M. le Président, il y a aussi des
écoles francophones sauf que je ne suis pas certain je
pense qu'en Colombie-Britannique, il ne semble pas y en avoir. Mais la plupart
des autres provinces en ont. La tendance est d'augmenter et d'accroître
ces écoles et le droit des francophones de les fréquenter.
M. le Président, pour ces raisons, nous voyons que la tendance
est de donner l'école française dans les autres provinces et je
crois que le ministre ne nous a pas vraiment donné de bonnes raisons
valables à savoir pourquoi il limite l'école
élémentaire à ceux qui l'ont fréquentée au
Québec seulement. Je crois que peut-être il ne veut plus avoir
certaines réserves quant à la définition de la
communauté anglophone, mais une fois qu'il accepte le principe d'avoir
des écoles du réseau anglophone, c'est difficile à
comprendre pourquoi il fait cette division entre ceux du Québec et ceux
du
reste du Canada, spécialement quand son premier ministre
lui-même a ouvert la porte pour donner de tels droits aux
anglophones...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous
reste 45 secondes pour conclure.
M. Ciaccia: Très bien, en terminant, M. le
Président, je crois qu'on devrait modifier... Même en admettant
que les ententes se feraient entre les différentes provinces, comment
cela pourrait-il être administré? Cela va créer
différentes catégories de citoyens. Quelqu'un qui va venir d'une
province où il y a une entente n'aura pas les mêmes droits qu'un
autre qui vient d'une province où il y a cette entente. Comment le
gouvernement va-t-il l'administrer? Comment peut-il dire qu'il ne crée
pas différentes catégories, différentes classes de
citoyens?
C'est une discrimination évidente et je crois que tous ces
problèmes pourraient être évités en acceptant notre
motion et en changeant le mot "Québec", en admettant aux écoles
de langue anglaise ceux qui ont reçu leur enseignement non seulement au
Québec, mais au Canada aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
Etant donné qu'il ne reste que deux minutes avant 13 heures, y aurait-il
consentement unanime pour qu'on ajourne les travaux sine die?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 16 h 26
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Nous commençons une autre de ces séances de la commission
de l'éducation, des affaires culturelles et des communications sur le
projet de loi 101.
Nous en sommes à l'article 69, alinéa a) et nous avons
devant nous une motion pour que le paragraphe a) soit modifié pour
remplacer le mot "Québec" par le mot "Canada". La parole est à M.
le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
je voudrais ouvrir une...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! J'ai oublié quelque chose. Je veux être bien
sûr des membres de la commission, puisque c'est une nouvelle
séance.
M. Alfred (Papineau).
M. Alfred: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier).
M. Bertrand: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau
(Verchères) remplacé par M. Morin (Sauvé); M. Charron
(Saint-Jacques), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M.
de Bellefeuille (Deux-Montagnes).
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay).
M. Dussault: Oui.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau).
M. Guay: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton).
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa).
M. Lalonde: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget).
M. Laurin: Présent.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie).
Mme La voie-Roux: Présente.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé).
M. Le Moignan: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud). M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Raynauld
(Outremont).
M. Raynauld: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Burns
(Maisonneuve).
Je m'excuse, M. le député de Gaspé, mais c'est une
procédure nécessaire pour la poursuite de nos travaux.
M. Le Moignan: Je vous comprends, M. le Président.
Avant de commencer, je voudrais simplement ouvrir une petite
parenthèse pour ne pas être accusé d'être trop
anglophone. Je devrais dire que j'ai reçu mon enseignement primaire
à l'école anglaise, tout en recevant en même temps
l'enseignement dans la langue française, ce qui ne m'empêche pas
pour autant de privilégier le fait français et d'être en
accord sur plusieurs aspects du projet de loi qui fait l'objet de notre
débat en ce moment.
M. Morin (Sauvé): Vos enfants auront-ils le droit au libre
choix, M. le député?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Le Moignan: M. le ministre, j'apporterai des précisions
quant à ma progéniture plus tard.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Je participe à cet amendement qui a pour
but de permettre l'accès à l'école anglaise aux enfants
dont le père ou la mère a reçu l'enseignement primaire en
anglais, non seulement au Québec, mais également à
n'importe quel endroit ici au Canada.
Je voudrais apporter quelques brèves raisons pour dire que je
suis tout à fait d'accord avec cet amendement qui faisait
déjà partie des études que l'Union Nationale a faites
récemment et qui sont inscrites dans ce livre bleu que nous avons
déjà soumis à l'attention des membres de la presse et
aussi de plusieurs députés d'ailleurs qui en ont pris
connaissance.
Si j'ai accepté de prendre la parole à ce moment-ci, c'est
que je m'inspire un peu de cette générosité dont a
parlé le premier ministre dans son message inaugural et, tout
dernièrement encore, à l'Assemblée nationale. Je le fais
aussi pour favoriser, au moins en cette matière, un consensus de tous
les Québécois dans le sens d'un projet collectif. Et puisqu'on a
précisé que les Québécois, ce sont non seulement
les Canadiens français, mais comme je l'ai mentionné à
l'Assemblée nationale, tous les anglophones, à ce
moment-là, j'ai donné l'exemple des gens de la côte de
Gaspé, dont une partie de mes ancêtres, qui sont fiers aussi
aujourd'hui d'être Québécois, d'être bilingues et
d'apporter leur contribution à cette collectivité.
Je crois que nous devons aborder l'étude pour éviter
certaines incongruités, comme celles aussi que nous avons
déjà mentionnées, que de véritables anglophones des
autres provinces canadiennes ou encore de la Nouvelle-Zélande, si vous
voulez, se verront refuser l'accès à l'école anglaise au
Québec tandis que leurs voisins provenant d'autres origines y auront
trouvé leur place.
Nous pensons en ce moment à un autre fait qui a été
mentionné, celui que de nombreux fonctionnaires du gouvernement
fédéral qui demeurent au Québec et qui, selon la date de
l'adoption de cette charte, soit avant ou après, se verront refuser
également l'accès de leurs enfants à cette école
anglaise.
Comme le député de Mégantic-Compton l'a
mentionné ce matin, par souci de confiance dans l'effet
d'entraînement des autres dispositions du projet de loi no 1, je crois
qu'il faut tout de même regarder l'ensemble de la charte comme quelque
chose de positif. Nous l'avons vu dans ce sens, le ministre d'Etat au
développement culturel l'a lui-même mentionné. Mais il
reste que nous avons l'intention de proposer encore certains amendements. Si
l'on doit voter cette Charte de la langue française, dans notre optique,
cela devrait être quelque chose de permanent, quelque chose de
définitif, afin que les Québécois puissent enfin avoir une
loi qui ne sera pas à reprendre dans un an ou deux. Cette loi, en
même temps, devra tenir compte non seulement du groupe francophone, mais
des anglophones qui ont apporté leur contribution, déjà
depuis 200 ans, dans bien des cas, tout en regardant aussi ies autres groupes
qui se sont ajoutés, les allophones, qui ont déjà leurs
enfants à l'école anglaise.
Notre politique, quant aux futurs immigrants, est déjà
connue et je crois qu'elle rejoint celle des autres partis. L'option du Parti
québécois semble manquer un peu de confiance dans l'effet
d'entraînement de l'ensemble des autres articles du projet de loi qui
vise, on ne peut plus, la prééminence du français au
Québec, car on ose nous parler ici des dangers d'assimilation que
représenterait l'accès à l'école anglaise des
éventuels Canadiens ou des anglophones, autrement dit. Mais, on sait
très bien qu'avec ce projet de loi et c'est notre souhait
la langue française sera, une fois pour toutes, définitivement
installée dans ses
droits, dans ses prérogatives, et qu'elle pourra continuer de se
développer. Quand on regarde les chiffres qui nous ont été
fournis, même pour le ministre, il y a encore des craintes pour l'avenir.
On sait très bien que du côté anglophone... Je crois bien
que, sans vouloir stopper leur marche, il n'y a aucun doute que cette nouvelle
charte va certainement leur permettre de se développer là
où les anglophones véritables existent, mais peut-être que
dans les grands centrés comme Montréal, ils auront à
affronter certains obstacles. Je ne veux pas entrer dans ces
détails.
On sait que le gouvernement apporte une grande détermination
à assurer non seulement ce réflexe de défense, mais, je
pense, cette intention positive de consolider le fait français et, ici,
je ne pense pas seulement à la langue de l'enseignement, mais je pense
aussi à tous les aspects, si l'on veut réellement bâtir
cette collectivité québécoise. A ce sujet-là,
l'Union Nationale concourt à 100%. C'est bien notre désir
légitime de voir la loi remplir les objectifs pour lesquels elle a
été proposée.
Maintenant, pour des motifs, sinon de magnanimité ou de
lucidité, tout au moins d'hospitalité, le gouvernement
s'apprête à obtenir des associés, des partenaires chez les
autres gouvernements provinciaux. Il est peut-être trop tôt pour se
prononcer. Il faudra attendre les résultats des négociations, et
ceci aura, une fois de plus, certains effets positifs si des provinces, comme
le Nouveau-Brunswick, où les francophones, qui représentent
peut-être 36% ou 38% et qui ont déjà des droits très
acquis, reconnus par la Législature provinciale du Nouveau-Brunswick...
Je pense qu'ils seront les premiers à bénéficier de
certaines ententes surtout quand on sait qu'à la Législature de
Frédéricton, les deux langues sont officielles, qu'il y a
traduction simultanée. A ce moment-là, je crois que nous pourrons
rendre un immense service à cette collectivité francophone du
Nouveau-Brunswick et même aux quelque 700 000 ou 800 000 francophones de
la province de l'Ontario qui comptent certainement sur le Québec,
à ce moment-ci. Je laisse de côté les provinces où
la situation sera beaucoup plus difficile, à cause de cette
minorité francophone qui compte pour très peu.
On a parlé des statistiques; on a parlé des études
démographiques, quelles qu'elles soient, avec toutes leurs
contradictions. Ceci nous incite, je pense, à considérer comme
une nécessité de toute urgence de recourir non seulement à
cette option Québec, mais surtout à cette option Canada. Si, ce
matin, l'option monde a été battue, là, nous en sommes
réduits à notre pays. Comme il y a deux langues officielles, si
on considère l'ensemble des dix provinces canadiennes, nous devons un
peu, à ce moment-ci, fonctionner dans ce sens.
Un projet de loi dans lequel on se sent un peu coincé, si l'on se
sent un peu serré, je crois que ce projet est exigeant dans son ensemble
et une politique de langue de l'enseignement qui donnerait aux anglophones un
goût de s'intégrer à la majorité
québécoise, un peu comme c'est le cas, en- core une fois, dans
mon milieu que je connais très bien, où on s'aperçoit que,
depuis dix ans, les anglophones s'intègrent de plus en plus à la
majorité francophone, nos anglophones, chez nous, n'ont pas le
goût de s'opposer aux principes du projet de loi tel quel, mais, tout de
même, ils n'aimeraient pas être contraints à devenir ce
qu'ils appellent des Québécois parce que les mesures seraient
trop coercitives dans certains cas.
Et ici j'apporte une autre raison.
On parle toujours de cette possibilité d'une vague d'immigration
venant des autres provinces, mais il me semble qu'à ce moment-ci,
à la lecture des journaux, à l'écoute des media
d'information, il y a un danger, si on peut l'appeler danger. Je ne dis pas les
immigrants, puisque je conçois difficilement qu'un citoyen de Toronto,
de Moncton ou de Campbellton soit considéré comme immigrant,
alors qu'il vit aux frontières du Québec, je laisse le mot
immigrant à ceux qui habitent en dehors du Canada. Pour nous, les
anglophones quelle que soit leur provenance, d'un bout à l'autre du
Canada, je les considère déjà comme des Canadiens, et
quand je traverse le pont qui relie le Nouveau-Brunswick et le Québec,
dans la Baie des Chaleurs, cela prend deux minutes, je me sens chez moi
à Campbellton et dans la région tout autant, je l'imagine, que
tous nos francophones de cette région du nord du Nouveau-Brunswick se
sentent chez eux quand ils pénètrent dans la Baie des
Chaleurs.
Ce sont des points très importants qu'il ne faut pas perdre de
vue, nous qui vivons dans la Baie des Chaleurs, ce phénomène, ce
contact quotidien avec des milliers de francophones du Nouveau-Brunswick et
même d'anglophones aussi qui ont appris à parler le
français au cours peut-être des dix ou quinze dernières
années, parce qu'ils entretiennent de nombreuses relations avec la Baie
des Chaleurs.
Pour éviter d'instituer des distinctions odieuses entre les
Canadiens qui ont fréquenté l'école
élémentaire anglaise au Québec ou qui en sont natifs et
les autres Canadiens qui sont originaires des autres provinces et qui ont
également fréquenté l'école anglaise. S'il est vrai
qu'à ce moment-là, pour nous, la langue française est un
milieu de vie, et j'y crois, je pense que, pour les anglophones
également qui vont venir ici au Québec, si les parents ne parlent
pas un seul mot de français et si l'on contraint leurs enfants à
s'inscrire à l'école française, ceci va certainement
représenter, du moins dans les premières années, un
obstacle majeur et de nature à dérouter les autres anglophones du
Canada à venir s'installer chez nous au Québec. Pour bâtir
notre pays, notre futur pays, cela dépend de quel
côté de la table nous sommes assis je crois qu'il nous faut
en même temps cette collaboration non seulement d'anglophones, mais
d'immigrants qui vont venir de l'extérieur du Canada. S'il est vrai,
toujours d'après certaines statistiques qui nous ont été
soumises, qu'un certain nombre de Québécois
canadiens-français ont tendance à quitter le Québec chaque
année, il faut tout de même déplorer ce fait et essayer de
promouvoir les moyens de
garder chez nous tous nos Québécois et, comme on l'a fait
peut-être à la fin du siècle dernier, rapatrier chez nous
tous nos francophones qui sont déjà installés en dehors du
Québec.
Comme l'a écrit Daniel Latouche, et je cite ses paroles: "Le
Parti québécois n'a pas réalisé qu'il était
crucial pour le dynamisme d'un Québec français qu'il se
crée une culture québécoise anglophone qui soit vivante et
distincte de la culture anglophone américaine ou canadienne." Je crois
que ceci est très important, ceci, je l'ai déjà
prêché ou enseigné dans notre milieu où nous avons
travaillé avec les anglophones pour les inciter à se
développer selon les aspirations québécoises. Je n'ai pas
à vous dire quelles sont leurs difficultés, coupés qu'ils
sont de la réalité parce qu'ils n'ont pas de radio ni de
télévision qui soient strictement québécoises, ils
sont alimentés par les canaux des Maritimes. C'est un fait qu'ils
déplorent et nos anglophones de la Gaspésie, qui sont tout de
même de 10 000 à 12 000, aimeraient bien, un jour, être en
contact plus direct avec notre réalité québécoise,
afin de pouvoir vivre à la même heure que nous et comprendre
davantage quels sont les aspirations et les buts que poursuit le gouvernement
en ce moment, quand on parle de la Charte de la langue.
En circulant un peu dans le comté, dans la région, on est
surpris que les gens, à l'extérieur du Québec, aient
tellement de difficulté, qu'ils aient même des
préjugés parfois, parce que même les journaux qu'ils
reçoivent ne sont pas nécessairement des journaux du
Québec. Ce sont des points de vue très importants qu'il ne
faudrait pas oublier de considérer.
Maintenant, je crois que le Québec n'a pas le droit de mettre sur
le même pied les Canadiens des autres provinces et les immigrants, ceux
qui nous viennent d'autres pays. Il y a toute une distinction à faire
dans cela et nos portes, ici, devraient être ouvertes plus grandes,
même nos écoles, aux Canadiens d'expression anglaise, qui vont se
retrouver chez eux, ici, dans un milieu de vie qui leur est tout à fait
normal, naturel. Ce n'est pas une injustice, je crois, pour un Mexicain, pour
un Ukrainien, pour un Italien ou un autre, s'il ne connaît ni la langue
française, ni la langue anglaise, de devoir apprendre une nouvelle
langue; c'est tout à fait normal qu'il s'intègre à la
communauté québécoise canadienne-française.
Je voudrais reprendre ici quelques arguments de Jacques Roy, qui est
membre, je crois, du Parti québécois. Je les résume en
trois phases. C'est un article qui a été publié dans le
Devoir du 26 avril. M. Roy prétend, premièrement, que la survie
du français au Québec n'en serait pas menacée pour autant,
si nous ouvrions nos écoles aux anglophones de tout le Canada.
Deuxièmement, les principes fondamentaux sur lesquels repose la
charte ne seraient d'aucune façon affectés.
Troisièmement, le ressac appréhendé des autres
provinces envers les minorités francophones serait
atténué, sinon évité.
Il y a un autre point primordial essentiel, c'est que le droit
d'appartenance à une communauté, à une culture, quelle
qu'elle soit, est antérieur et même supérieur à la
volonté de n'importe quel gouvernement ou législateur. Il ne
faudrait pas oublier ce point de vue, surtout au chapitre de la langue de
l'enseignement. Comme on le verra un peu plus loin, il nous répugne de
traiter différemment deux enfants anglophones pour des raisons
liées uniquement à l'histoire de leur famille. Si nous sommes en
faveur de la clause Canada, c'est que nous voulons faciliter cette
viabilité ou cette applicabilité si le mot est
français application, je ne suis pas certain...
M. Alfred: Non, la pertinence.
M. Le Moignan: La pertinence si vous voulez, la pertinence de la
charte du français. Particulièrement auprès des
syndicats...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, c'est la
pertinence du débat sur l'amendement.
M. Le Moignan: On m'a induit en erreur. Je reprends donc, je ne
suis pas mêlé. Il prend plaisir à me mêler. J'ai
juste quelques mots devant moi, mais cela ne fait rien, on va recommencer.
Alors, si nous voulons accepter la clause Canada, c'est parce que nous
voulons justement faciliter cette viabilité de la Charte du
français, particulièrement auprès des syndicats de
professeurs anglophones et des commissions scolaires anglaises. C'est un aspect
très important, parce qu'ils auront à négocier, et
très bientôt, sur les clauses ou les modifications nouvelles que
la charte de la langue doit leur apporter.
Peut-être pour terminer, il y a cet aspect d'économie qui,
j'oserais dire, très florissante au Québec, mais on va dire que
cela est faux, je vais donc dire, parce que notre économie est malade
dans le moment, qu'elle y gagnerait en santé si nous regardions les
choses face aux mémoires qui nous ont été
présentés par des groupes très au courant des grands
problèmes actuels de notre économie. Je n'ai pas à les
énumérer, mais le gouvernement a certainement
étudié la situation économique et il sait que cette
question de la langue, pour les Canadiens français, est tout à
fait primordiale. On sait très bien que, de Québec à
Rivière-au-Renard, nos jeunes n'ont pas tellement de chance
d'étudier la langue anglaise. On sait, par contre, que, dans les milieux
anglophones, ils vont étudier et apprendre le français beaucoup
plus vite que les nôtres. Je crains qu'avec le temps, ce soient encore
les anglophones qui nous devancent, dans les positions qui seront offertes,
soit dans les multinationales, soit dans les grandes compagnies. Ceci n'est
peut-être pas à négliger dans l'étude de la question
de la langue de l'enseignement.
En conclusion, le gouvernement pourrait apporter cette ouverture
d'esprit nécessaire. Il pourrait se baser un peu sur la justice, sur
l'équité et sur le bon sens, question d'humanisme en d'autres
termes, pour adopter avec nous cet amende-
ment que l'on peut qualifier d'option Canada. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Gaspé. Vous avez employé 30 secondes de
plus que votre temps, c'est...
M. Le Moignan: De plus ou de moins?
Le Président (M. Cardinal): De plus. C'est une bonne
collaboration. J'ai présumé, comme d'habitude, du consentement,
vu l'intérêt qu'apportaient tous les membres à votre
exposé.
Mme le député de L'Acadie, vous commencez à 16 h
50.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Ce matin, lorsque j'ai mentionné les conflits quant aux
statistiques exposées par les différents démographes qui
se sont penchés sur ce problème de la langue de l'enseignement,
le ministre d'Etat au développement culturel en réponse m'a
cité un article dans lequel on reproduit des citations du
démographe Henripin dans lesquelles citations, le démographe en
question s'inquiète justement de la tendance de la communauté
française à diminuer dans la province son importance
relative.
Dans une deuxième citation où il est appelé comme
expert au procès des mécaniciens d'Air Canada, on le cite de
nouveau en disant que M. Henripin a déclaré que le
dénominateur commun des études démographiques se
caractérisait par une baisse de la proportion des francophones à
Montréal et que nous ne sommes pas encore menacés d'assimilation,
mais que le processus est engagé et qu'il est temps d'agir si l'on veut
arrêter la tendance actuelle. Il s'agit d'une déclaration faite le
24 février 1977.
Depuis le début de cette commission ou, en particulier, depuis le
début de l'étude sur le chapitre de l'enseignement, il a
été énoncé clairement par l'Opposition officielle
que des chiffres indiquent qu'il y a cette tendance et que des mesures de
redressement s'imposent. Je comprends que le gouvernement s'inquiéterait
si rien n'avait été fait. Il y a quand même des mesures qui
ont été prises, au moment de l'adoption de la loi 22. J'ai
essayé, ce matin, d'en démontrer certains effets.
On se demande à ce moment-ci pourquoi le gouvernement s'obstine,
même s'il est légitime de continuer à prendre ces mesures
de redressement, ' à vouloir fermer l'accès à
l'école anglaise aux anglophones du reste du Canada. C'est là
où il est difficile d'interpréter le geste du gouvernement
autrement que par un désir, comme le disait ce matin le ministre d'Etat
au développement culturel, de ne pas maintenir cette communauté
anglophone et encore moins, évidemment, de l'accroître. Si on
considère, par exemple, que, tel qu'il a été dit par
plusieurs démographes, les migrations interprovinciales se font au
désavantage du Québec dans une proportion de 3 à 2, ceci
veut dire que le Québec, quant à sa situation linguistique, ne
semble vraiment pas menacé par les migrations interprovinciales.
Au contraire, ce qui semble vraiment menacer le Québec, c'est une
perte de population générale, quelle que soit l'origine des gens,
qu'ils soient francophones ou anglophones, au profit des autres provinces. Je
me demande si ce n'est pas le premier problème auquel devrait s'attaquer
le gouvernement. Il semble résulter, comme certains économistes
le disent, de la situation économique plus difficile et précaire,
du moins depuis un certain temps, du Québec.
Je ne m'étendrai pas sur des données
démographiques. J'ai un collègue qui aura l'occasion d'y revenir
beaucoup plus abondamment et avec beaucoup plus de compétences que je ne
saurais le faire.
Je ne voudrais pas non plus revenir aux arguments pédagogiques
dont j'ai parlé ce matin.
Ce que j'invoquais, c'est la possibilité, pour un enfant qui
parle une langue, et qui a, à proximité de chez lui, une
école où l'enseignement se donne dans cette langue, de lui en
donner l'accès. J'en profiterais à ce moment-ci pour dire au
député de Vanier qui, justement, interprétait que j'avais
dit que c'était une décision politique et non pédagogique,
et dans ce genre de décision il y a toujours des implications
politiques; je suis tout à fait d'accord pour dire que l'ensemble du
projet de loi 101 est définitivement un geste politique et une
décision prise dans un contexte politique que l'on veut orienter d'une
façon ou d'une autre. Ce que je reprochais, ce matin, au gouvernement,
c'est que, quand on touche aux enfants et qu'on touche aux aspects de
développement intellectuel et personnel des enfants, on ne doit pas,
à ce moment-là, soumettre le pédagogique au politique.
C'est le sens de mes paroles.
Comment s'expliquer pourquoi le gouvernement s'obstine à refuser
d'ouvrir au reste de la communauté anglophone du Canada, la porte des
écoles anglaises, compte tenu que les données
démographiques ne sont pas menaçantes, sinon par un aveu
répété du ministre d'Etat au développement culturel
à quelques reprises, il nous l'a dit à l'effet
qu'il était déjà difficile de vérifier la preuve de
fréquentation scolaire des parents de l'extérieur du
Québec, même dans le contexte du projet de loi actuel, puiqu'il
prévoit l'admission à l'école anglaise, même des
enfants des parents qui ont fait leurs études hors du Québec,
pourvu qu'ils habitent au Québec au moment de l'adoption de la loi. Il
nous a dit hier, c'est peut-être vendredi maintenant, qu'il n'avait
évidemment pas de pouvoir pour demander aux autres provinces ou aux
autres pays où l'anglais serait ' la langue d'usage, de leur imposer
certaines façons de tenir leurs dossiers ou exiger d'eux certaines
explications. Ceci m'apparaît, d'une part, la difficulté
première à laquelle se heurte le gouvernement devant
l'application d'un critère difficilement vérifiable, même
si on nous a affirmé que cela ne présentait pas de
problèmes d'un critère difficilement vérifiable et qui le
devient davantage quand on va à l'extérieur du Québec.
D'ailleurs, ceci m'amène à reparler de ce fameux
critère qui, on nous l'a démontré vendredi dernier, est
très fragile. D'une part, le critère s'ap-
puie sur le principe que l'enseignement en anglais soit
réservé aux Anglo-Québécois actuels et à
leurs descendants. On se réclame de cette fréquentation scolaire
à l'élémentaire pour déterminer que ces enfants
sont membres de la communauté anglophone. Ce qu'il y a
d'étonnant, c'est que le ministre nous a dit qu'évidemment, ceci
s'appliquait au niveau de l'élémentaire, parce que c'était
le geste le plus naturel, le plus normal, le geste premier qui consistait
à envoyer son enfant à l'école anglaise, qui lui
permettait au primaire de déduire que c'était un critère
significatif de l'appartenance à la communauté anglophone. A ce
moment-ci on peut s'interroger. Pourquoi faire une telle déduction,
quand il s'agit d'enfants qui ont fréquenté les écoles
élémentaires, alors que la probabilité qu'ils
s'intègrent à la communauté anglophone est encore beaucoup
plus grande lorsqu'il s'agit d'enfants qui font leur secondaire en anglais. Je
pense que le ministre et ses collègues savent fort bien que les
identifications que l'on établit et que les liens qu'on crée au
secondaire ont un caractère beaucoup plus permanent au plan du
réseau des relations sociales que l'on établit à
l'âge adulte que ceux que l'on établit au niveau
élémentaire. Devant une motion de l'Union Nationale qui demandait
de l'étendre au secondaire, immédiatement, le ministre d'Etat au
développement culturel, entre autres objections, a fait valoir
qu'à ce moment-là ce serait élargir beaucoup trop,
puisqu'un grand nombre de francophones se trouvent dans des écoles
secondaires.
Par le fait même, ce serait reconnaître à un plus
grand nombre de gens l'appartenance à la communauté anglophone.
Ceci indique fort bien que même le raisonnement fait à
l'égard de l'école primaire ne tient pas, parce qu'il
s'appliquerait encore davantage à l'école secondaire. Tout ceci
pour dire que le gouvernement est vraiment pris avec son critère, qui
est difficilement vérifiable, et qui, de plus, on le voit,
réservera l'école anglaise non pas à ceux pour qui elle a
été créée et pour qui elle existe, mais bien
davantage pour tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, pourront se
raccrocher à ce fameux critère de fréquentation scolaire
à l'élémentaire.
Ce matin le député de Vanier, encore une fois, lorsque
nous débattions la motion sur l'admission à l'école
anglaise des enfants appartenant à la communauté anglophone, mais
même de l'extérieur du Canada, disait que nous voulions faire une
différence entre les immigrants et que ceci était très
répréhensible.
D'abord, je voudrais lui rappeler je suis certaine qu'il le sait
fort bien que, même avec le critère retenu actuellement, il
y aura une différence entre les immigrants puisque, au moment de
l'adoption de la loi, celui qui est ici acquerra pour ses descendants le droit
à l'école anglaise et celui qui viendra ne l'aura pas. Mais s'il
épouse quelqu'un qui a, dans sa dot, le passeport pour l'école
anglaise, ses descendants, par le fait même, acquerront le droit à
l'école anglaise, même si on épouse un francophone ou une
francophone qui, par le hasard de la vie ou de son histoire, est allé
à l'école anglaise.
Cette différence, que vous pensiez qu'on pouvait faire entre les
immigrants et qui existe exactement avec le projet de loi no 101, à mon
point de vue, devient encore plus sérieuse, car vous la faites entre les
citoyens. Lorsque vous refusez aux enfants des autres provinces anglophones
d'aller à l'école anglaise, vous faites cette différence
entre des citoyens d'un même pays, et ceci m'apparaît beaucoup plus
sérieux. D'ailleurs, cette question de constitutionnalité a
été soulevée évidemment, il resterait aux
tribunaux de passer jugement dans les études de la commission
Gen-dron; elle a également été soulevée par le
professeur Herbert Marx, de l'Université de Montréal. Je pense
que c'est quand même une réalité dont il faut tenir
compte.
L'autre point que je voudrais soulever, face à l'objection que le
ministre a faite à plusieurs reprises, à savoir que c'est
difficilement vérifiable d'établir la fréquentation
scolaire des parents qui viennent de l'extérieur du Québec ou de
l'extérieur du Canada, dans le cas présent, du Canada, je
m'explique mal que ceci devienne soudainement plus difficile à
établir après la loi que ça ne l'est avant la loi, alors
que c'est prévu qu'avant la loi, il faudra le faire tel que
rédigé à l'article 69.
En terminant, pour le moment du moins, je pense qu'ils sont nombreux
ceux qui sont d'accord pour que le gouvernement étende au reste du
Canada l'accès à l'école anglaise. Parmi ces personnes
nombreuses qui sont venues devant la commission parlementaire
malheureusement, je n'ai pas pu en faire le compte, mais je pense que ceux qui
y étaient s'en souviendront il s'en trouvait qui étaient
en faveur du critère retenu par le gouvernement
fréquentation scolaire et d'autres qui ne l'étaient pas,
qui préféraient plutôt une référence à
la communauté anglophone ou à la langue maternelle anglaise.
Mais dans un cas comme dans l'autre, la presque totalité, sauf
pour certains groupes et je les ai décomptés cinq
ou six, qui disent que, de toute façon, à court ou à long
terme, l'école anglaise devrait disparaître et, dans le cas des
autres, je dirais que c'est la grande majorité qui comprenait mal cette
restriction et qui demandait au gouvernement d'étendre cette
possibilité d'accès à l'école anglaise aux citoyens
des autres provinces. Je pense que la résistance que ceci crée,
en donnant l'impression que déjà la séparation est une
chose faite, que l'indépendance est une chose faite, ne fait qu'aggraver
la résistance que l'on sent bien, que tous ceux qui n'auront plus
accès à l'école anglaise ont développée et
ils ne pourront pas, à ce moment, offrir la collaboration raisonnable
qu'il nous faudra attendre d'eux si on veut réussir cette
intégration des enfants à l'école française.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie. M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Même si on a
beaucoup parlé sur le fond de la question de l'article 69 dans l'option
monde, lassez-moi expri-
mer ma surprise de voir toutes les pirouettes du député de
L'Acadie à venir jusqu'à maintenant.
Si on se réfère à la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications de 1974,
lorsque le député de Sauvé lui posait la question: "Vous
avez le souci de la collectivité et de l'avenir de la
collectivité?" Mme le député de L'Acadie répondait
à ce moment: "Je pense que c'est là le sens premier de notre
démarche."
Elle parlait au nom de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, dont elle n'est pas encore sortie. Chacune de ses
interventions a fait référence à la CECM. Elle ne s'est
pas préoccupée beaucoup du reste de la province, de ce qui s'y
vit actuellement dans le fait français du Québec. C'est
regrettable, parce qu'il y aurait beaucoup à dire pour le reste du
Québec ici.
Elle n'a pas parlé du secteur de Sept-lles, où les
inscriptions anglaises ont augmenté. Elle n'a à peu près
pas parlé de l'Outaouais. Lorsqu'elle a parlé de la CECM, elle
s'est basée sur 1974-1975, 1975-1976, mais elle s'est cependant
gardée de dire que beaucoup d'élèves, beaucoup de parents
abdiquaient la religion catholique pour s'en aller au PSBGM. Elle n'a pas dit
non plus qu'au secteur anglophone de la CECM, il y avait une diminution
moindre, en pourcentage, d'élèves qu'au secteur francophone. Elle
n'a pas dit non plus qu'au PSBGM, il y avait eu une diminution moindre aussi
qu'au secteur francophone de Montréal. De tous ces chiffres, ce sont des
faits qui sont là, il aurait fallu aussi qu'elle en parle, si elle croit
aux droits de la collectivité.
Mme Lavoie-Roux: J'ai dit qu'elle était plus grande dans
le secteur anglais que français.
M. Laplante: Lorsque le député de Gaspé
parle aussi de la générosité du premier ministre, dans
l'option Canada, certes, il y a une générosité, mais il
n'y a pas de naïveté là-dedans.
Il faut s'assurer, au Québec, de la réciprocité
avec le reste du Canada; pour une fois, que le reste du Canada entende le
Québec, voie que le Québec existe, c'est pour cela que la
réciprocité est demandée.
Il n'est pas question de discrimination dans ce qu'on veut. C'est une
question de fait, de reconnaissance. On a vécu, on a vu ce qui existe
dans les autres provinces. Si les autres provinces disaient demain matin: On
adopte la loi 101 pour nous, on serait heureux. C'est ce qu'on voudrait. Les
minorités des autres provinces seraient à peu près
à l'égal de ce qu'on veut établir au Québec. On
croit dans le respect de ces gens. On croit aussi qu'au Québec, s'ils
veulent une intégration, cela commence aussi par le scolaire. Des gens
qui viennent travailler ici, environ 35% de francophones peuvent venir des
autres provinces contre 65% d'allophones et d'anglophones, ce qui est un danger
immédiat pour la culture du Québec.
Si le député de L'Acadie était elle-même
consciente, avec toutes les positions qui ont été prises du temps
qu'elle était présidente de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, où
pendant trois ans, elle s'est fait le leadership de cette commission en
matière culturelle et linguistique. Aujourd'hui, elle ne jouerait pas
par opportunisme dans un parti, elle serait exactement à la place
où elle devrait être: défendre les intérêts
des Québécois francophones. C'est ce qu'elle hésite
à faire actuellement au nom d'un parti politique, c'est ce que je trouve
très regrettable de sa part. Elle était la première
à ce moment-là à vouloir critiquer, elle a descendu,
ouvertement dommage que les débats à ce moment-là
n'aient pas été enregistrés le gouvernement
libéral du temps. Le seul temps où elle s'est refusée
à blâmer le gouvernement a été quelques jours avant
l'annonce des élections dans un télégramme qu'il aurait
fallu envoyer au ministre de l'Education pour contester l'application de la loi
22. Elle se garde bien de dire ces choses. Elle emploie abondamment toutes
sortes d'idées nouvelles qui sont difficiles à suivre quand on
connaît bien la personne. Ce sont là les quelques mots que je
voulais dire pour montrer surtout...
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Laplante: Mme le député de L'Acadie,
jusqu'à maintenant je n'aurais pas voulu en faire une question de
personnalité, mais à force d'entendre tout ce que vous dites
depuis quatre mois, il fallait une mise au point, il fallait montrer votre vrai
visage...
Mme Lavoie-Roux: Oh!
M. Laplante: ... en matière linguistique.
Une Voix: Vous vous faites parler là!
M. Laplante: II est temps, je crois, de vous redresser encore et
de penser que les idées que vous aviez à la Commission des
écoles catholiques de Montréal sont encore bonnes aujourd'hui.
Les francophones sont encore là, le Québec est encore là.
Vous avez à défendre en matière d'éducation des
choses que vous connaissez bien, et c'est pourquoi je vous demanderais,
très logiquement, de donner suite à ce que vous avez fait au
point de vue des travaux durant les trois ans où j'ai même
travaillé avec vous à l'intérieur de la CECM.
Mme Lavoie-Roux: Vous ennuyez-vous de moi, M. le
député?
M. Laplante: Non.
M. Bertrand: Vous vous êtes retrouvés.
M. Alfred: ... que vous ayez de la suite dans les
idées.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député de
Bourassa, vous avez encore la parole.
M. Laplante: Cela va finir là, M. le Président. On
va entendre autre chose.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Bourassa.
M. le député de Mégantic-Compton.
Une Voix: Cela allait bien.
M. Grenier: M. le Président, le débat actuel sur
l'opportunité d'accepter ou non la clause option Canada à
l'article 69 du présent projet de loi consacre plus clairement que
jamais la philosophie qui caractérise l'un et l'autre des deux
côtés de cette table de travail. D'un côté, le
nôtre, celui de l'Opposition, nous qui travaillons à
l'édification et à la construction d'un Canada où tous les
partenaires soient davantage heureux, à l'aise. D'un autre
côté, en face de nous, celui des ministériels, où on
travaille à l'édification et à la construction d'un
nouveau pays hypothétique, un Québec séparé. Donc,
de part et d'autre, de notre côté comme de leur côté,
on est cohérent, on est consistant, logique avec la philosophie, avec
l'option qui est respectivement nôtre. Là où se situe le
problème, c'est que nous, de ce côté-ci de la table, nous
sommes mandatés pour favoriser la prééminence du
français et ce, à l'intérieur de la
fédération canadienne, une fédération canadienne
qui soit renouvelée à l'intérieur de la
fédération canadienne, alors qu'eux, les ministériels, ne
sont pas mandatés pour arrêter une politique linguistique à
ce point française qu'elle implique, à leur propre dire, une
indépendance politique du reste du Canada. Ce n'est pas parce que
l'éducation, ce qui est évidemment vrai, relève des
provinces, ce n'est pas non plus parce que, dans d'autres provinces, on a
ignoré ou bafoué les minorités que l'on doit ignorer, nier
la réalité Canada, ou encore que l'on doit dans un esprit
revanchard, oeil pour oeil dent pour dent, se limiter aux vertus...
M. Alfred: ...
M. Le Moignan: Voyons! Voyons!
M. Grenier: Vous relirez la clause Québec-Canada, M. le
député de Papineau. ... se limiter aux vertus de la signature
éventuelle d'accords de réciprocité entre le Québec
et certains gouvernements provinciaux.
Cette option de réciprocité qui pourrait être une
habile manoeuvre sur le plan politique, pour répondre à un besoin
légitime de coopération interprovinciale, amorcée
d'ailleurs sous l'Union Nationale par Johnson et Bertrand, ne peut et ne doit
pas être la seule porte par laquelle doivent passer les enfants des
parents anglophones des autres provinces, car, le cas échéant, on
ferait payer à des enfants et à des parents venant d'une province
donnée, le fait possible, sinon probable, que cette province, sans avoir
consulté ses électeurs là-dessus, aurait, à tort ou
à raison, annoncé une fin de non-recevoir à l'offre de
réciprocité du Québec.
Si Action Canada doit vivre son cheminement, notamment à travers
des ententes de réciprocité, elle doit d'abord vivre et survivre
en vertu d'une philosophie de base, qui doit sous-tendre le tout.
Croit-on ou pas à l'option Québec-Canada? Bien sûr,
je ne parle pas ici du mouvement Québec-Canada, mais de l'option. Si
oui, nous devons voter en faveur de l'amendement actuellement à
l'étude. Si non, bien sûr, on votera contre l'amendement
proposé, mais, du même souffle, on usurpera la volonté
populaire, on trahira le mandat sollicité et obtenu le 15 novembre
dernier.
Si le PQ maintient au chapitre de la langue d'enseignement sa clause
restrictive option Québec, en plus de ne pas avoir confiance dans
l'effet d'entraînement des autres dispositions de son projet de loi 101,
il se donne donc un mandat plus fort que celui qu'il a recherché et
obtenu. Par ailleurs, en agissant ainsi, le PQ, qui reconnaît ne pas
avoir les pouvoirs juridiques et le "bargaining power" nécessaire de
limiter l'influence des media anglophones, TV ou autres, canadiens ou
américains, au Québec, intervient au nom de nos concitoyens
canadiens qui ne sont pas encore ici, c'est facile, pour ne pas dire
lâche.
Que l'on me permette de livrer ici quelques extraits publiés dans
le Montréal-Matin du 10 avril 1977. Ce texte est de quelqu'un qu'on ne
peut qualifier de droite, ou encore de fédéraliste, il s'agit de
Daniel Latouche C'est un homme de grand jugement, je trouve, comme bien
d'autres, d'ailleurs...
M. Chevrette:... fédéraliste...
M. Grenier: Vous avez lu M. Latouche?
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Je vous demanderais de vous former un jugement
à l'aide de M. Latouche. Il n'est pas bête, le gars!
M. Guay: Au contraire.
M. Grenier: "Ainsi, le PQ n'a pas réalisé qu'il
était crucial, pour le dynamisme d'un Québec français,
qu'il se crée une culture québécoise très vivante,
et surtout distincte de la culture anglophone américaine ou canadienne.
"Dans le livre blanc, on ne nie pas l'importance, pour les
Québécois francophones, d'avoir accès à la culture
anglophone, mais on n'indique pas laquelle. C'est la vie culturelle des
Richler, des Leonard Cohen, du Bronfman Centre et d'autres dont il faut
favoriser l'épanouissement. C'est à cette vie culturelle
anglophone locale que les francophones doivent se frotter, pas uniquement
à celle de Kojak ou du Hit Parade américain. "Sur ce dernier
point, le livre blanc a complètement manqué le bateau." Et je
cite toujours Daniel Latouche. "Il ne s'agit pas de restreindre le
développement de la communauté anglophone
par toutes sortes de mesures, tout aussi contraignantes qu'inutiles,
mais de s'assurer que cette communauté devienne québécoise
à sa façon et, si possible, aussi distincte de la culture
canadienne et américaine que la culture française diffère
de l'anglaise."
Toujours selon M. Latouche, "tant que l'on persistera à voir dans
tous les anglophones autant d'ennemis, l'on se condamnera soi-même
à des positions défensives."
A la suite de toutes ces observations, et en concluant, j'accuse donc le
gouvernement pé-quiste d'agir, en matière de langue
d'enseignement, et ce, contrairement à l'esprit qui l'animait au Sommet
économique de Pointe-au-Pic, d'agir comme s'il dirigeait
déjà un Québec séparé. Je défie le
gouvernement actuel, sinon de déclencher une élection
générale, du moins d'ouvrir, par le truchement d'élections
partielles, quelques comtés du Québec sur l'enjeu de son choix
linguistique.
Pour l'instant, ce seul argument devrait suffire.
M. Laplante: Pointe-Claire.
M. Grenier: Notre mandat à tous est tel qu'il nous faut
voter, pour option Canada, sinon, c'est une espèce de "hold up".
M. Laplante: On va changer ces comtés.
M: Grenier: Vous allez en avoir chez vous assez prochainement.
C'est ce qu'on lit dans les journaux présentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: S'il y a des députés de l'Opposition
qui démissionnent, on pourra faire un échange.
M. Grenier: Je conviens bien que s'il y a des coins qui peuvent
faire mal, il faut quand même le prendre quand cela passe.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grenier: Messieurs les ministériels ni les observateurs
ne doivent se surprendre de notre insistance à cet article, du projet de
loi 101, à l'article 69, de notre insistance à vouloir
ébranler le gouvernement. Des arguments de toute nature, de tout ordre
lui sont offerts pour lui faire comprendre qu'il n'a pas la majorité de
l'opinion publique avec lui en cette matière précise dont nous
parlons actuellement.
Une Voix: 45%
M. Grenier: Nous sommes depuis le matin au plus vif du sujet, au
centre et à la fois au coeur du projet de loi 101. Ou bien le
gouvernement se rend à la raison, et ce au-dessus des lignes partisanes,
ou il se sert de sa majorité en commission et éventuellement en
Chambre, et, alors, il ne fait que retarder l'échéance du verdict
sévère avec lequel la population l'attend.
M. le Président, ce qui fait différent de ce qu'on a
entendu pendant une campagne électorale est la
sévérité de cet article 69 qui dénote et je
le prends dans le journal assez bien connu ici au Québec, la revue qui
s'appelle Le Programme d'action politique, c'est-à-dire le programme du
Parti québécois, avec la photo du premier ministre en
première page. C'était bien important, puisque c'était
dans l'ordre de présentation. Le PQ devrait se rendre compte de la
justesse des propos de son chef qui désirait, dans le programme
officiel, s'en servir lors de la dernière campagne électorale,
j'imagine. Je ne peux pas le citer textuellement, je l'ai ici, je ne sais pas
dans quel comté, de quoi on s'est servi, mais, ici, au texte, on a cela:
"En cours de route, la démarche qui nous mène peut avoir à
s'ajuster plus adéquatement aux exigences de l'opinion publique. Rien
là que de normal, puisqu'il s'agit d'un tournant que le Québec ne
prendra jamais qu'avec l'assentiment majoritaire et non équivoque des
Québécois eux-mêmes". Cela est signé par le premier
ministre.
Comme le disait encore le document du Parti québécois,
"Nous n'avons pas la prétention d'avoir réussi comme il le
faudrait à concilier ces éléments. Loin de là, les
problèmes qui s'aggravent, les prises de conscience qui
s'accélèrent, tout cela nous force à réviser sans
cesse notre démarche pour l'accorder le moins mal possible à
l'évolution des choses et des idées, car il demeure vital d'agir
d'une façon réfléchie, sans nous laisser bousculer et sans
nous-mêmes chercher à bousculer les esprits".
M. le Président, tenant compte de ce programme électoral
qui a fait élire 71 députés pé-quistes avec 41% des
voix, je voudrais qu'on s'arrête et qu'on réfléchisse
à ce qui a porté le gouvernement au pouvoir, connaissant le
contexte du temps, connaissant le contexte d'un gouvernement qui était
désavoué sous plusieurs aspects, et ces 41% des voix qui ont
été donnés à l'actuel gouvernement de 71
députés ont donné une majorité fort importante. Je
l'ai déjà dit et je le signale encore pour un meilleur
éclairage, il faut se rappeler que l'Union Nationale a
récolté presque la moitié des voix du gouvernement actuel
et cela ne lui a donné que 11 députés. Cela aurait pu lui
en donner entre 30 et 35.
M. Chevrette: En 1966, vous avez été portés
au pouvoir...
M. Grenier: Je ne pleure pas sur le passé, je parle de la
réalité. Les PQ ont assez braillé sur le passé,
j'ai assez entendu cela en Chambre, j'étais dans les tribunes et
j'écoutais cela. Six voix avec environ 30% du vote. Cela s'est dit dans
le temps et c'était très juste.
M. Guay: Vous avez eu le pouvoir avec quel pourcentage du vote en
1966? 42%.
M. Grenier: Pour moi, cela n'est pas important, je parle de
l'actuel. Je dis qu'actuellement, si c'était vrai, qu'on n'en avait pas
suffisamment dans le temps, ce n'est pas mieux actuellement. Je demande un
moment de réflexion au gouvernement et, sur l'article 69, à ce
sommet du projet de loi, d'écouter l'Opposition, qui représente
60% de la population. Il y a des amendements qui pourraient s'apporter ici. On
a suggéré à l'article 69 des amendements qui
étaient sérieux, des amendements qui n'étaient pas
à mon sens d'une importance qui changeait l'optique de l'actuel
gouvernement, mais qui auraient pu donner satisfaction à
différentes couches de notre société. Jusqu'à date,
cela a été non. Ici, j'attire d'une façon bien
particulière, au nom de notre parti, l'attention des
ministériels. L'avenir jugera du vote que nous donnerons en
troisième lecture sur la loi 101.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je voudrais
également appuyer cet amendement.
M. Chevrette: Une directive...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais demander une directive qui serait dans
le sens suivant; Quand on se fait remplacer à la commission, et qu'un
amendement a été mis en discussion, un parti peut-il changer ses
personnages et arriver à dépasser le terme de 80 minutes, s'ils
sont quatre avec des changements?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
parce que, selon un consensus qui a été établi entre ceux
qui président à cette commission, si un député
remplace un autre député qui a parlé auparavant sur un
article, un amendement ou une motion, le remplaçant ne peut utiliser que
le temps de parole qui restait à l'autre député. C'est une
règle que nous avons l'intention de suivre pour cette commission.
M. Lalonde: Un renseignement, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
voudrais savoir si le député d'Outremont remplace quelqu'un.
M. Lalonde: C'est-à-dire qu'il remplace M. Noël
Saint-Germain, de Jacques-Cartier, qui n'a pas parlé
là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II faut
bien comprendre que nous sommes sur l'amendement de M. le député
de Mont-Royal, à savoir...
Mme Lavoie-Roux: II en avait parlé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! S'il vous plaît! Est-ce que vous remplacez le
député, M. Goldbloom?
M. Lalonde: De Jacques-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: M. Goldbloom n'a pas parlé...
M. Raynauld: Je remplace le député de
Jacques-Cartier, qui n'a pas parlé sur le sujet et on me dit que M.
Goldbloom a parlé sur un autre amendement.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II a
parlé, je pense, sur l'amendement pour ajouter le mot "ailleurs"
à l'article 69a, alors qu'actuellement nous sommes à remplacer le
mot "Québec" par le mot "Canada".
Etant donné que cette question s'applique à chaque
amendement et à chaque article, M. le député d'Outremont,
vous avez, comme tous les députés, vingt minutes pour parler de
cet amendement.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Comme je le disais,
je voudrais appuyer l'amendement de mon collègue, le
député de Mont-Royal, à l'effet d'étendre la
portée de l'article 69 à ceux dont le père ou la
mère a reçu l'instruction en langue anglaise dans les autres
provinces du Canada.
J'ai trois raisons principales pour appuyer cet amendement, la
première, c'est que je trouve que la restriction, telle qu'elle est
à l'heure actuelle dans le projet de loi, est excessive, compte tenu des
mouvements de clientèles scolaires sur lesquelles je reviendrai dans un
moment. En second lieu, j'essaierai de montrer que cette restriction aura des
effets négatifs sur l'économie du Québec et, en
particulier, sur les francophones puisqu'on nous accuse souvent de
vouloir simplement défendre les minorités, j'essaierai de montrer
que ces restrictions excessives affectent également la majorité
et enfin, troisièmement, j'essaierai de montrer que c'est un
geste qui a une valeur de symbole sur le plan politique et qu'il nous
appartient également de dénoncer ce symbole.
Sur le premier point, je voudrais en quelque sorte mais ici d'une
façon peut-être plus simple, puisque le problème est
rétréci à celui des migrations interprovinciales
revenir sur un certain nombre de réalités que j'ai essayé
d'exposer antérieurement. Ces réalités se résument
très aisément en disant, d'une part, que les mouvements de
clientèles scolaires se sont soldés, depuis 1961 et 1962, depuis
donc quinze ans, par une sortie nette d'élèves d'âge
scolaire de la province de Québec.
Il est donc impossible, étant donné que ces mouvements se
soldent par des sorties au total d'enfants du Québec, que cette
immigration des
autres provinces puisse contribuer à l'assimilation des
francophones du Québec ou à la réduction de la proportion
des francophones dans la population totale du Québec.
Si on prend simplement les entrées brutes, j'ai montré,
l'autre jour, qu'il y avait, sur une base annuelle, pour la période
1961-1976, 5229 enfants d'âge scolaire qui rentraient au Québec en
provenance des autres provinces et qui étaient de langue anglaise. En
même temps, il en sortait 7970, pour un solde négatif de 2741
enfants. Si cette période n'est pas jugée suffisamment
représentative, on peut prendre l'ensemble de la période
1961-1962 à 1976 et on s'aperçoit que le solde négatif des
enfants anglophones d'âge scolaire est de 2603 enfants sur une base
annuelle.
M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous n'avez pas
déjà dit cela?
M. Raynauld: J'ai déjà dit cela.
Une Voix: Vous ne l'avez pas compris.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Lalonde: Vous ne comprenez pas vite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Raynauld: Je pense qu'il vaut la peine de réaffirmer
certains faits...
M. Morin (Sauvé): Ah!
M. Raynauld: ...puisque, semble-t-il, il est très
difficile de faire comprendre ces réalités relativement
élémentaires. Par exemple, le ministre a répondu, vendredi
dernier, à ces chiffres, en disant qu'il n'était pas d'accord. Je
m'excuse, je ne peux pas lui permettre de ne pas être d'accord sur des
faits; je peux lui permettre d'être en désaccord sur des
hypothèses et je pense que le ministre a le droit de dire que
peut-être qu'à l'avenir ce sera différent, mais, dans les
chiffres que je cite, il n'y a pas de scénario pour l'avenir.
Je me réfère à des choses qui se sont produites.
Dans les hypothèses que nous faisons, il y en a une qui est
négligeable à partir des chiffres publiés par Statistiques
Canada sur l'immigration des enfants. Il y a une hypothèse
négligeable, c'est celle de la proportion de ces enfants qui sont
d'âge scolaire. On applique un taux, et c'est la première
hypothèse, mais elle est négligeable.
Là où il y a une hypothèse importante, c'est sur la
répartition de ces migrants, de ces enfants d'âge scolaire,
suivant la langue maternelle. Là, il y a une hypothèse dans le
sens suivant: On prend les migrations par langue maternelle qui se sont
produites au cours de la période 1966 à 1971 et on l'applique
à la période 1961-1962 à 1975-1976. C'est une
hypothèse importante. On pourrait dire: Peut-être que cette
hypothèse ne s'applique pas à l'ensemble de la période et
peut-être qu'elle ne s'appliquerait pas non plus pour l'avenir.
Je mentionnerai cependant deux choses là-dessus.
Premièrement, cette hypothèse a été utilisée
par le groupe ad hoc du ministère dans l'étude de ses
prévisions des clientèles scolaires du réseau public
suivant les cinq scénarios. Cette hypothèse a été
utilisée concernant la répartition par langue maternelle. Il y a
une bonne raison à cela, c'est que c'est la seule dont nous disposions.
On n'en a pas d'autres. On n'a pas d'autres sources qui nous permettent de
faire une répartition aussi bonne que celle-là.
Deuxièmement, quand on ne veut pas admettre une tendance
passée ou une hypothèse qui se rapporte au passé, il faut
avancer de fichues bonnes raisons pour dire qu'à l'avenir cela ne se
produira pas comme cela. Je n'ai pas encore entendu de raisons. Je n'ai pas
encore vu une seule raison, parmi tous les documents qui ont été
déposés depuis le début et qui se rapportent à ces
questions, je n'ai pas encore vu de raisons qui aient été
apportées, des raisons sérieuses, disant que cette
répartition ne se reproduirait pas pour telle ou telle raison. Je n'en
ai pas encore vu.
Donc, je me dis: Aussi longtemps qu'on n'apportera pas de raisons pour
dire, pour invalider l'application de cette réalité des
années 1966-1971, je devrai continuer de croire que les tendances
passées sont pertinentes à l'étude de la question. Je dis
donc là-dessus... Au fond, si je prends l'ensemble de la période,
les quinze ans, de 1961-1962 à 1975-1976, en fait il est sorti plus
d'enfants d'âge scolaire anglophones qu'il n'en est entré. Je
répète donc que cette restriction placée dans le projet de
loi apparaît tout au moins excessive puisqu'elle n'affecte et ne peut
affecter la composition linguistique de notre population scolaire dans la
province de Québec. Je ne vois donc pas pourquoi cette restriction
serait si importante aux yeux du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi on
maintiendrait des restrictions qui sont, somme toute, inutiles.
Je voudrais soulever un deuxième point: Cette restriction me
paraît également dommageable à l'économie du
Québec. Je pense, en effet, qu'une restriction de ce genre va
réduire la mobilité des cadres, ce qui va affecter le
développement économique de la province de Québec.
Lorsqu'on réduit ainsi la mobilité des gens, qu'on diminue les
ressources humaines disponibles dans un certain territoire, on provoque
nécessairement des conséquences qui sont identifiables, dont on
n'a pas encore parlé jusqu'à maintenant.
Il y a deux conséquences que je voudrais mentionner parmi
plusieurs autres. La première, c'est que, lorsqu'on réduit la
mobilité de la main-d'oeuvre, qualifiée en particulier, on se
trouve en fait à augmenter le coût de cette main-d'oeuvre
qualifiée. On augmente le coût de cette main-d'oeuvre et ce
coût devra être financé et supporté par quelqu'un. Il
va être supporté par qui? Il va être supporté par
l'ensemble de l'économie du Québec et c'est là que cela va
finir par affecter non seulement la communauté anglophone, mais aussi la
communauté francophone. Ce coût va ensuite se traduire par des
profits plus élevés pour les entreprises.
Les entreprises vont exiger des profits plus élevés pour
faire des opérations au Québec, compte tenu de cette
réduction de la mobilité. Est-ce que c'est ça que nous
voulons, faire augmenter, si vous voulez, le coût d'exploitation et, par
la suite, les profits des entreprises? Je ne le pense pas. On a souvent dit,
à cet égard, que ce genre d'argument n'était pas
très sérieux, puisque les gens allaient dans bien d'autres pays
qui étaient bien plus risqués, et sur le plan politique et sur le
plan social. Je ne sais plus qui a dit, un jour: Regardez donc l'Arabie
Saoudite; les Américains vont bien là. Pourquoi ne
viendraient-ils pas au Québec?
Ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que ce n'est pas
sérieux, ce genre de références, pour plusieurs raisons,
et je pense qu'elles sont évidentes.
La première, c'est que, justement, quand on va dans des pays
où les risques de faire des opérations sont très
élevés, on exige évidemment des taux de profits
très élevés, et ça confirme donc le raisonnement
que je viens de vous faire, et c'est précisément ce dont beaucoup
de pays sous-développés se plaignent. Quand ils disent qu'ils
sont exploités par les entreprises étrangères, ça
veut dire quoi? Dans la mesure où ça existe, ça veut dire
que les profits sont plus élevés dans ces pays qu'ils ne le sont
dans les pays développés, et pourquoi les profits sont-ils plus
élevés? Justement à cause de toutes sortes
d'inconvénients qui sont imposés aux opérations des
entreprises, y compris, justement, le besoin de certains cadres de se
déplacer, d'aller à l'étranger, où ils vont exiger
des salaires beaucoup plus élevés que s'ils étaient
restés chez eux, et vont aussi entraîner, donc, des coûts
plus élevés pour les entreprises qu'ils exploitent.
Une deuxième conséquence de cette réduction de la
mobilité, c'est sur le commerce, sur les liens de commerce. On sait que
le commerce entre des régions, comme entre des pays, ne se fait pas
seulement dans l'abstrait, sur la base de profits, que l'on peut vendre, que
l'on ne peut pas vendre, qu'on peut fabriquer ou ne pas fabriquer, ça
repose également sur des liens qui sont basés sur les personnes,
et la réduction de la mobilité de la main-d'oeuvre va
entraîner, à mon avis, une réduction du commerce
interprovincial au Canada. Ces réductions de commerce interprovincial,
ces flux de commerce, cette réduction du commerce vont entraîner
à leur tour une diminution dans le dynamisme de l'économie
québécoise, et cela va se reporter, là encore, sur la
majorité francophone au Québec et pas seulement sur la
minorité anglophone.
Enfin, je voudrais mentionner qu'il y a beaucoup de catégories
particulières de main-d'oeuvre qui seront plus directement
touchées par une clause comme celle-là. On a fait allusion tout
à l'heure je pense que c'est mon collègue de gauche qui a
fait cette allusion aux fonctionnaires. On pourrait mentionner aussi les
gens qui peuvent venir au Québec dans des fonctions tout à fait
spéciales, comme celles, par exemple, d'écrire, d'enseigner, dans
des fonctions comme le journalisme où ils sont obligés d'utiliser
la langue anglaise, et ces gens qui vont venir ici, vont être directement
pénalisés et là aussi, dans la mesure où ces
services sont des services authentiques et non pas des services inventés
pour la population, à ce moment-là, ça va pénaliser
également l'ensemble de la population du Québec. Sur le plan
économique, cette restriction qui, non seulement était inutile
sur le plan démographique, mais sur le plan économique, me
paraît dommageable, elle va avoir des effets négatifs sur
l'économie du Québec, et je pense qu'on n'a pas à se payer
ce luxe, dans les circonstances actuelles.
Enfin, mon troisième point porte sur ce que j'ai appelé
tout à l'heure la valeur de symbole politique que représente
cette restriction. S'il est permis au gouvernement de transformer un projet de
loi linguistique en symbole politique, je pense qu'il est également
loisible à l'Opposition de relever ce fait-là et de
dénoncer la précipitation avec laquelle le gouvernement veut
considérer les autres provinces du Canada comme des provinces
étrangères au Québec. Je pense qu'il y a une question de
légitimité qui se pose également à cet
égard. Est-ce qu'il est possible, au gouvernement, sans en avoir
reçu encore le mandat, sans avoir lui-même suivi les
procédures qu'il entend suivre pour décider de cette question,
est-ce qu'il est possible à un gouvernement, dis-je, avant toutes ces
procédures qui prendront un certain temps, sans doute, d'introduire une
restriction de ce genre où, encore une fois, à l'occasion d'un
projet de loi sur la langue, on essaie d'exclure les gens qui viennent du reste
du Canada au même titre que s'ils étaient des immigrants en
provenance de n'importe quel pays du monde.
Je me pose la question. Je pense qu'elle devrait faire également
réfléchir le gouvernement sur ce symbole. Encore une fois, je ne
pense pas que les nombres en jeu et en cause soient suffisants pour que le
gouvernement croit nécessaire d'imposer une telle clause, et si ce n'est
pas à cause des nombres en jeu et si la communauté francophone
n'est pas en danger sur le plan scolaire, à cet égard, je suis
bien obligé de conclure qu'il doit y avoir d'autres raisons qui militent
en faveur d'une telle restriction, et elles ne peuvent être que
politiques. Je pense qu'à ce stade-ci, il faut dénoncer cette
précipitation excessive de vouloir faire la séparation du
Québec avant la lettre et avant les procédures que le
gouvernement lui-même s'est engagé à suivre.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député d'Outremont. La parole est au député
de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, à écouter les
porte-parole de l'Opposition, j'ai de plus en plus l'impression qu'on doit
maintenir la clause Québec dans le projet de loi. Je me demande
même si on aurait dû offrir aux autres provinces les accords de
réciprocité.
Il y a une chose que les gens de l'Opposition n'ont pas comprise et je
peux le leur dire, parce
qu'on a été plusieurs à participer à la
préparation de ce projet. Nous ne sommes pas d'abord partis de
données démographiques pour essayer de déterminer si on
allait essayer d'arriver à telle proportion de francophones ou telle
proportion d'anglophones pour essayer de réduire la proportion de la
minorité anglophone. Cela n'a jamais été notre
intention.
On est parti de ce qui est peut-être nouveau pour beaucoup de
Québécois et peut-être même certains membres de
l'Opposition, avec un comportement de majoritaires et on s'est dit: On est ici,
dans le Québec. Il y a 80% de la population qui est francophone. Il y a
20%, il y a 10% d'anglophones. Cela va peut-être augmenter, cela va
peut-être diminuer. On est au courant des données
démographiques et on les a regardées aussi, mais ce n'est pas
cela qui nous a guidés d'abord. On a dit: II y a 10% d'anglophones et il
y a 10% de gens d'autres origines qui se sont assimilés à la
minorité anglophone. Pourquoi est-ce ainsi? On regarde dans l'histoire
et on regarde comment cela s'est passé à partir du moment
où on avait tenté, après la conquête, d'installer
l'unilinguisme anglais au Québec et comment l'état de choc,
comment notre peuple a évolué, et tout cela, et on s'est dit:
Maintenant, on est rendu à un âge adulte, tout à fait
indépendant du débat sur l'indépendance.
On a pas mal évolué, on a fait pas mal d'évolution,
pas mal de bouts de chemin depuis 1960 et on n'est pas dans une situation
normale. Je sais que le député de Marguerite-Bourgeoys n'aime pas
ces mots, situation normale, mais il est vrai qu'on n'est pas dans une
situation normale.
Quand vous avez, sur un territoire donné, qu'il soit
indépendant ou non prenez l'exemple de la Belgique ou ailleurs
80% de la population qui n'arrivent pas à avoir une force
d'attraction suffisante, qui sont absents des centres de décisions
économiques, qui ont une moitié d'Etat, qui n'ont pas d'outils
politiques suffisants pour assurer leur développement culturel et qu'on
regarde les immigrants qui arrivent et qui s'intègrent à la
minorité anglophone, on se dit qu'on n'est pas dans une situation
normale, et que cela prend l'intervention de l'Etat pour redresser cette
situation. Cela ne se fera pas tout seul. Il y a eu une certaine
évolution. Il y en a qui se mettent à dire d'un autre
côté que l'évolution est finie, que c'est
nécessairement irréversible, que la situation du français
est assurée, que son développement est assuré, que son
rayonnement est assuré. Il n'y a absolument rien qui nous permette de
dire cela. Il y a eu une certaine évolution. Alors on est parti d'un
comportement de majoritaires.
Quand je regarde les arguments que nous amène l'Opposition je
retrouve, je n'emploierai pas le mot "colonisés", je trouve cela un peu
trop fort, mais je retrouve un comportement de minoritaires. On dit: Le projet
de loi est revanchard, tout simplement parce qu'on regarde dans le livre blanc
comment cela s'est passé dans le passé. Bien sûr, on veut
savoir où l'on s'en va. On veut savoir les causes de la situation
actuelle, pourquoi le français a aussi peu de force d'attraction au
Québec. Alors, on regarde dans le passé, on regarde dans
l'histoire, mais ce n'est pas un projet de loi revanchard.
Il n'y a aucun endroit dans le projet de loi où on pourchasse les
minorités. Il y a même des droits qui leurs sont reconnus
explicitement. On leur reconnaît un réseau d'écoles de la
maternelle à l'université. On leur reconnaît des
institutions sociales, des institutions de santé. En fait, il y a moyen
pour un anglophone au Québec, et il y aura encore moyen après
l'adoption du projet de loi 101, de vivre toute sa vie en anglais, s'il le
veut. Evidemment, pour communiquer avec la majorité, il va falloir qu'il
utilise le français, mais cela est normal. C'est cela se comporter en
majoritaire. C'est de dire: Bien, le fardeau du bilinguisme ce n'est pas aux
membres de la majorité à l'assumer bien que le bilinguisme soit
nécessaire, on le reconnaît. Ce n'est pas à eux à
l'assumer dans les relations intergroupes, c'est aux minoritaires à
parler français au Québec. C'est comme cela que ça se
passe partout et c'est extrêmement dangereux de penser autrement parce
qu'on va...
M. Grenier: M. le Président, les propos du
député de Rosemont m'intéressent, bien sûr. Il dit
des choses fort intelligentes, mais j'aimerais bien qu'il en vienne à la
clause, à celle dont on discute présentement. On a plusieurs
articles sur lesquels on est d'accord de ce côté-ci de la table,
mais cette clause, spécifiquement, les anglophones qui viennent des
autres provinces.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mégantic-Compton. Cependant, je ne voudrais pas
être plus sévère pour le député de Rosemont
que pour les députés de tous les autres partis. Depuis vendredi
soir que nous étudions amendements après amendements, et ce n'est
pas une critique envers vous, M. le député de
Mégantic-Compton, soyez-en sûr, et je ne vous inclus pas dans ceux
qui ont pu faire de ce débat sur les amendements un débat de
deuxième lecture... Je l'ai supporté jusqu'à
présent, je l'ai supporté, non pas dans un sens péjoratif,
mais simplement parce qu'en commission parlementaire, il faut être quand
même plus souple qu'à l'Assemblée nationale. Chaque fois
qu'un amendement est proposé, même si je ne veux pas parler du
fond, il me semble quand même que c'est presque tout le fond de la loi
qui est mis en cause. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Merci, M. le Président. J'étais
justement à parler des accusations que le député de
Mégantic-Compton vient tout juste de reprendre, d'ailleurs, dans son
exposé de tantôt. Il disait que le projet de loi était
revanchard, justement à cause de cette clause Québec
principalement. J'étais en train de lui dire que ce n'était pas
du tout notre attitude. C'est un projet de loi où on part d'un
comportement de minoritaires. Par exemple, quand on dit: Les Anglais vont nous
devancer s'il n'y a pas la clause Canada quelqu'un
a dit cela tantôt, je crois que c'est le député de
Gaspé les Anglais vont nous devancer, parce qu'ils seront
bilingues, parce que nous allons devenir unilingues français et nous
serons démunis dans la vie.
Je regrette, mais cela n'a rien à voir avec la clause Canada.
Cela dépend de ce qu'on fera à l'école française,
qui sera l'école de la majorité, l'école de tout le monde.
Il est peut-être plus important de songer à une éducation
économique, à l'école française, que de passer six
ans à enseigner l'anglais, alors que, dans des écoles
privées, on peut très bien, en changeant les méthodes
pédagogiques, apprendre une langue en quelques mois. A plus forte
raison, n'est-il par nécessaire d'ouvrir l'école anglaise
à tout le monde. Je ne vois pas ce que cela nous donne.
Ou encore, quand le député d'Outremont dit que si nous
n'avons pas la clause Canada, cela nuira à l'économie, parce que
les gens des multinationales qui sont déplacés ne trouveront pas
un milieu accueillant ici, ils ne pourront pas envoyer leurs enfants à
l'école anglaise. Sauf erreur, je pense que la majorité des gens
qui viennent travailler dans les entreprises, dans les sièges sociaux
des multinationales, viennent des Etats-Unis. Ils vont avoir le même
problème. Il faudrait retomber, encore une fois, dans la clause monde,
et accepter tout le monde, sous prétexte qu'il y a des cadres qui
déménagent. On a posé la question à la commission
parlementaire, lorsqu'on a entendu les mémoires, à plusieurs
représentants d'industries. On a même envoyé une mission en
Europe pour voir ce qui se passe ailleurs. Généralement, quand
les gens veulent une école anglaise, ils se la paient. On est même
prêt, peut-être, à mettre certains ajustements dans le
projet de loi pour faire cela, mais, de là à dire que le fait de
donner un milieu accueillant pour les cadres nécessite la clause Canada,
je ne vous suis pas du tout. Je pense que cela ne se fait dans aucun pays et
que c'est un préjudice grave à faire à la majorité
francophone que d'aller aussi loin pour satisfaire quelques cadres.
Je ne pense pas que ce soit le désastre économique si on
n'a pas la clause Canada.
On a également affirmé que c'est dans la mesure où
on aura une culture anglaise vigoureuse au Québec que la culture
française au Québec pourra s'affirmer. Je suis partisan d'une
culture anglaise vigoureuse au Québec. Je pense que cela va enrichir
notre société. Ce n'est pas seulement une culture anglaise, mais
c'est une culture italienne, grecque. Tous les gens de culture
différente de la nôtre, de différente origine ethnique, ont
des choses à nous apporter. On affirme cela depuis le début,
depuis le dépôt du livre blanc. Mais de là à dire
que c'est parce que nous aurons une culture anglaise vigoureuse que nous
pourrons nous développer, c'est penser que nous nous développons
d'abord en nous comparant aux autres, mais nous sommes entourés de 200
millions d'anglophones. Nous sommes en contact tous les jours avec la culture
américaine, avec la culture anglo-canadienne. Dieu sait que nous avons
ce stimulant d'une culture étrangère autour de nous pour nous
développer! Au contraire, nous pouvons même nous demander si nous
ne l'avons pas peut-être trop. Ce n'est pas dans la mesure où la
culture anglaise sera vigoureuse au Québec que la culture
française va se développer. C'est dans la mesure où nous
serons dynamiques. C'est dans la mesure où nous allons développer
nous-mêmes notre économie et où nous allons nous donner les
moyens pour développer cette économie. C'est dans cette mesure
que nous allons avoir une culture française au Québec qui soit
dynamique.
Finalement, on amène l'argument que le projet de loi sera
séparatiste avant la lettre, et le député de
Mégantic-Compton a élaboré beaucoup pour dire que le
gouvernement québécois trahissait son mandat. Je pourrais lui
répliquer que Daniel Johnson, qui avait été élu
avec à peu près le même pourcentage du vote, a
lancé, à un moment donné: Egalité ou
indépendance. Je pense que vous étiez d'accord avec cela dans le
temps. On peut se demander quel mandat il avait eu de la population!
Nous, on procède de façon beaucoup plus
démocratique, on dit: On n'a pas eu l'égalité, alors, ce
qu'on veut maintenant, c'est l'indépendance. Maintenant, avant, on va
procéder démocratiquement et on va faire un
référendum, mais je tiens à vous dire que ce n'est pas
relié au projet de loi 101. Vous avez des pays même unitaires, qui
ne sont même pas des fédérations, dont tout le pouvoir
repose entre les mains du gouvernement central, qui ont adopté, et dans
des situations beaucoup moins critiques que celle du Québec, des projets
de loi même plus vigoureux que la loi 101. Je pense en particulier
à la Belgique. Vous avez là deux minorités de taille
à peu près égale, l'une appuyée sur la France,
l'autre appuyée sur la Hollande, où les gens parlent une langue
assez similaire, et où on a une loi linguistique infiniment plus
rigoureuse. J'ai même été à l'Université de
Lou-vain, la neuve, qui a dû déménager son campus en
territoire wallon, parce qu'elle était une université francophone
en territoire flamand. Imaginez si on décidait de
déménager McGill en Ontario. Cela vous donne une idée de
la rigueur des lois linguistiques belges dans une situation beaucoup moins
critique qu'au Québec. Quelqu'un qui arrive de Wallonie en Flandre est
obligé d'envoyer ses enfants à l'école flamande de la
même façon qu'un Français, qui est pourtant d'un autre
pays. Alors, le refrain sur le fait qu'on nierait notre beau pays, le Canada,
c'est le vôtre, vous avez droit de penser ainsi, mais de dire que la loi
101 fait cela, c'est faux. Je ne pense pas...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de Rosemont, ne tombez pas dans le piège. On vous a
indiqué tantôt que vous étiez peut-être en dehors du
sujet. Restez dans le sujet.
M. Paquette: M. le Président, je suis en train de
répondre... Si je suis hors d'ordre, tous les députés de
l'Opposition seraient hors d'ordre parce que je reprends chacun de leurs
arguments.
M. Lalonde: Vous êtes extrêmement intéressant,
poursuivez vos questions de règlement sur ce propos.
M. Paquette: Très bien.
M. Morin (Sauvé): Ils sont heureux que vous participiez au
"filibuster" d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: II fait bien cela. Le Président (M.
Cardinal): A l'ordre!
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais simplement dire
au député de Mégantic-Compton que ce projet de loi n'est
pas du séparatisme avant la lettre; je vous dirais même, et je
pense que c'est l'opinion de la plupart des députés du Parti
québécois, que nous sommes en faveur, tout à fait en
faveur de la protection des minorités, de garantir des droits, mais dans
un sens d'égalité, aux minorités francophones; au Canada
anglais, il y a des minorités anglophones, il me semble que cela devrait
faire partie, éventuellement, dans l'hypothèse de la
souveraineté, des accords d'association, cela devrait être
ratifié, si les accords ont lieu avant. Je pense que faire
l'équation entre le projet de loi 101 et l'idée
d'indépendance, cela ne colle aucunement et ce n'est aucunement dans
notre esprit.
Au contraire, on est très ouvert là-dessus et on a
décidé d'ouvrir des discussions concernant la
réciprocité avec les autres provinces.
Je pense que ce n'est pas très brillant pour le Québec,
parce que tout ce qu'on peut faire, c'est y perdre. Jamais les autres provinces
ne pourront donner à leur minorité francophone autant que le
projet de loi 101 accorde à la minorité anglophone et, même
si elles le faisaient, je ne pense pas que cela empêcherait
l'assimilation de certaines minorités dans d'autres provinces, mais il
me semble que l'Opposition, nous proposant la clause Canada, est un peu comme
un syndicat qui est en train de négocier une convention collective, et
elle dit, alors que l'exécutif vient de commencer les
négociations: On accepte une diminution de salaires et on accepte les
offres patronales immédiatement. C'est exactement ce que vous
faites.
Pourquoi est-ce que, pour une fois, vous ne laissez pas le Québec
se placer en position de "bargaining power" et aller défendre ses
opinions, avoir quelque chose en échange? Vous dites que c'est du
marchandage de droits. Il y en a qui disent cela. Tous les droits se discutent
et dépendent de la force politique des peuples qui les défendent.
C'est comme cela qu'on a perdu nos droits, dans le passé, et c'est comme
cela qu'on va les reconquérir, en se plaçant dans une position
d'égalité.
M. le Président, je termine là-dessus; je pense que les
réactions défensives, les réactions de minoritaires, ce
sont les gens de l'Opposition qui les ont et non pas les membres du parti
ministériel. D'autre part, cet amendement est prématuré,
étant donné les négociations qui s'amorcent avec les
autres provinces dans une situation qu'on n'a ja- mais eue au Québec; on
ne s'est jamais placé en position de force et, pour cette raison, je
voterai contre l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Sauvé et ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, ne voulant point
contribuer à l'obstruction systématique de l'Opposition, je serai
très bref.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde:... nous aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! Ne recommencez pas...
M. Lalonde: Vous n'avez rien vu, si c'est cela que vous
voulez.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Morin (Sauvé): Je voudrais, au cours des quelques
minutes qui restent, avant la suspension de la séance, préciser
les fondements juridiques et moraux de cet article 69 que nous débattons
en ce moment et, en particulier, de ce que nous appelons l'option Québec
en tant que critère d'admission à l'école anglaise.
L'objectif du gouvernement, le ministre d'Etat et moi-même, ainsi
que d'autres députés ministériels avons eu l'occasion de
le rappeler abondamment et d'assurer les droits de la majorité, mais
également ceux de la minorité anglophone.
Il a donc fallu rechercher les fondements juridiques et moraux des
droits de la minorité. Qui fait partie de la communauté
minoritaire? Qui a le droit d'aller à l'école anglaise? La
minorité anglophone du Québec? La majorité anglophone
canadienne? C'est une question morale autant que juridique. Et c'est une
question qui est tout à fait distincte de celle de
l'indépendance. Quel que soit l'avenir et personne autour de
cette table ne peut le lire quel que soit l'avenir, ce projet de loi
marque un tournant, marquera un tournant dans l'histoire du Québec. Si,
comme nous le souhaitons, nous aboutissons à l'indépendance, ce
sera toujours cela de pris. Si, par malheur, nous n'y aboutissions pas, ce
serait encore cela de pris. Je pense que les députés de
l'Opposition ne sont pas sans s'en rendre compte.
Le député d'Outremont nous disait que nous traitions les
autres provinces comme étant étrangères. A mon avis, si on
scrute un peu l'histoire de ce pays, et en particulier celle des autres
provinces, on s'aperçoit que ce serait plutôt elles qui auraient
traité le Québec en étranger, et continuent dans bien des
cas de le faire. Mais la question n'est pas là. Il nous a paru que seuls
les Québécois anglophones, historiquement installés au
Québec, pouvaient prétendre, moralement, avoir le droit d'aller
à l'école anglaise. Et devant ce droit moral, nous nous
inclinons. Ce droit moral et historique nous paraît certain.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, excusez-moi
d'interrompre...
M. Morin (Sauvé): Je demande la suspension de la
séance.
Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas besoin de la
demander, un instant... Je ne dirai pas sous l'empire, mais en vertu de
l'article 31, je suspends les travaux de cette séance jusqu'à 20
heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 2
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Je m'excuse, on m'a posé une question. J'aurais pu commencer sans
le quorum, parce qu'en vertu de l'article 145, en commission parlementaire, au
cours d'une même séance, le quorum est présumé,
à moins que quelqu'un ne l'invoque et ne le souligne au
président. Mais comme il y avait quorum au moment de notre suspension,
la parole était à M. le député de Sauvé et
ministre de l'Education, à qui il reste 17 minutes.
M. Morin (Sauvé): Au moment de la suspension de la
séance, M. le Président, j'étais à dire que seuls
les Québécois anglophones, historiquement enracinés dans
la vie québécoise, peuvent prétendre avoir un droit moral
d'exiger la protection de leurs droits sur le plan de la langue d'enseignement.
Ce en quoi notre comportement, notre attitude à l'égard de la
minorité anglophone du Québec me paraît d'ailleurs
infiniment plus morale et civilisée que l'attitude qu'on trouve dans les
autres provinces à l'endroit de leurs minorités francophones.
Puis-je prendre un exemple? On dit souvent que le Nouveau-Brunswick est
un modèle à suivre quant aux efforts déployés pour
assurer le respect des droits scolaires de la minorité francophone. Mais
qu'en est-il au juste? Dans un quotidien, on trouvait l'autre jour l'opinion de
M. André Landry, de Tracadie...
Mme Lavoie-Roux: Un quotidien fort respectable.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Morin (Sauvé): Oui, fort respectable, effectivement,
puisque je me permets de le citer...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton...
Une Voix: Depuis ce soir...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, s'il vous plaît. Je sais que
c'est le soir et que c'est plus difficile, après une longue et chaude
journée, mais j'aimerais que l'on accorde à M. le
député de Sauvé, ministre de l'Education, la même
courtoisie qui a été accordée à tous les autres
opinants au cours de la journée.
M. le député de Sauvé.
Mme Lavoie-Roux: Certainement, M. le Président.
M. Morin (Sauvé): M. Landry dénonçait, dans
cette libre opinion, ce qu'il appelle l'hypocrisie du système scolaire
soi-disant francophone du Nouveau-Brunswick, dans lequel le jeu des subventions
fédérales en faveur des programmes
d'immersion totale dans la langue seconde, l'anglais en l'occurrence,
fait en sorte que les écoles francophones sont forcées dans les
faits de pratiquer l'immersion totale en anglais. M. Landry concluait je
me permets de le citer: "Quand on est le moindrement conscient de la situation
de la langue maternelle de la minorité française au
Nouveau-Brunswick dans les écoles, on ne trouve pas si farfelus les
accords de réciprocité que propose le gouvernement du
Québec."
En effet, si les anglophones non québécois ne peuvent
prétendre avoir un droit moral à l'enseignement en anglais au
Québec, on ne saurait fonder leur droit que sur un traitement
réciproque accordé par les provinces anglophones aux
minorités francophones.
Dans le cas du Québec, je crois qu'il nous faut reconnaître
que les droits que nous reconnaissons à la minorité anglophone
ont un fondement moral. Nous ne pouvons pas écarter ces droits. Il
n'existe aucun tel fondement moral dans le cas des Anglo-Canadiens. Le seul
fondement moral ou juridique ne peut être que le traitement
juridique.
Ils auraient sûrement amélioré leurs revendications
morales s'ils traitaient mieux les minorités francophones dont ils ont
la responsabilité, mais ce n'est pas le cas.
Permettez-moi d'aborder maintenant un autre thème rapidement. M.
le député d'Outremont s'inquiétait tout à l'heure
de la réduction de la mobilité des cadres et il y voyait poindre
le danger d'une réduction des ressources humaines par rapport au
développement du Québec.
Le député oublie ou fait semblant d'oublier je ne
sais trop l'article 81 du projet de charte sur les séjours
temporaires, les enfants se trouvant alors soustraits à l'application du
chapitre VIII.
Il y a plus. Comme je le disais, il y a un instant, il tient pour
acquis, semble-t-il, que la réciprocité sera impossible et que
l'Ontario, par exemple, sera privée de son côté des
ressources humaines en provenance du Québec.
Cela pourrait avoir des effets négatifs pour le
développement de l'Ontario aussi.
M. Alfred: N'est-ce pas vrai, monsieur? M. Raynauld:
Non.
M. Morin (Sauvé): Si le député d'Outremont
se soucie du développement économique du Québec...
M. Alfred: Je pose la question. M. Ciaccia: On vous
répond.
M. Morin (Sauvé): ...il devrait sûrement se soucier
du développement économique de l'Ontario, mais il devrait surtout
se soucier d'obtenir pour les francophones qui devront aller travailler en
Ontario, qui ne seront pas nécessairement des cadres mais des
Québécois qui souvent n'ont pas eu l'occasion d'acquérir
aussi pleinement que les cadres la connaissance d'une langue seconde, il
devrait se soucier que ces Québécois puissent envoyer leurs
enfants à l'école française tout comme il affiche ce souci
unilatéral et à sens unique en faveur des anglophones
canadiens.
M. le Président, il est évident que par le jeu de
l'article 81 et de la réciprocité nous pourrons mettre un terme,
nous pourrons répondre aux craintes plaintives du député
d'Outremont. Ce n'est pas ce genre d'argument qu'il a apporté ce soir
qui pourra amener le gouvernement à changer d'idée au sujet de
l'article 69. Je vous remercie.
M. Raynauld: Est-ce que je pourrais poser une question, M. le
Président, une question de fait?
Le Président (M. Cardinal): Remarquez bien que je vais
être très large. Vous auriez dû la poser pendant que M. le
député de Sauvé faisait son discours. Mais s'il veut vous
répondre, je n'ai pas d'objection.
M. Morin (Sauvé): Je n'ai pas d'objection. Cela
dépend. Si c'est une question de statistique, M. le Président, je
ne les ai pas nécessairement sous la main.
Le Président (M. Cardinal): Pourvu que cela ne crée
pas de débat. M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Non, ce n'est pas une question de statistique, c'est
juste une question de fait sur le plan juridique, puisque vous vous placez sur
ce plan. Existe-t-il une province au Canada où soit en vigueur une loi
qui interdit à des francophones en provenance du Québec de
s'inscrire à une école française? Sur le plan juridique,
est-ce qu'il y en a une?
M. Morin (Sauvé): Je puis vous dire qu'en
Colombie-Britannique, par exemple, la loi est ainsi faite qu'un francophone ne
peut avoir accès à l'école française.
M. Raynauld: Cela, c'est dans les faits.
M. Morin (Sauvé): Jamais, écoutez, vous savez
comment fonctionnent les provinces anglophones, jamais elles ne vont interdire
clairement l'accès à l'école française, mais
cherchez-en une. Evidemment tous les francophones québécois qui
émigrent dans les autres provinces n'ont pas la chance qu'a eue le
député d'Outremont quand il vivait à Ottawa d'avoir des
collèges et des écoles francophones à leur
disposition.
De ce point de vue, il est plus confortable d'occuper un haut poste de
commis de l'Etat à Ottawa que de se déplacer pour aller
travailler, par exemple, dans le nord de l'Ontario ou dans le nord du
Manitoba.
M. Raynauld: J'ai eu la réponse à la question que
je posais.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, justement, je ne
voudrais pas commencer avec un
chronomètre à calculer les quarts de minute et tout le
reste. Oui, M. le député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Non, de Marguerite-Bourgeoys. Je n'ai pas encore
abandonné mon siège.
Le Président (M. Cardinal): De Marguerite-Bourgeoys,
pardon, je m'excuse, de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'avais préparé
quelques notes à l'appui de l'amendement du député de
Mont-Royal, jusqu'à l'intervention du député de Rosemont.
Jusque là, j'avais l'intention d'appuyer surtout les propositions du
député d'Outremont, en ce qui concerne la mobilité au
niveau du développement du Québec, la mobilité si
indispensable, surtout au niveau des cadres et en ce qui concerne plus
particulièrement les sièges sociaux, mais l'intervention du
député de Rosemont m'a révélé un aspect
nouveau dans le débat. Jusque là, nous nous étions
livrés, avec le ministre d'Etat au développement culturel,
à la guerre des chiffres, batailles rangées des
démographes, scénarios pessimistes ici, hypothèses
optimistes là, et à faire des rapports quasi hebdomadaires plus
chiffrés les uns que les autres.
Tout cela était pour la galerie, c'était la
façade.
Mme Lavoie-Roux: Je ne le sais pas, je ne le sais pas encore.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: A moins que le ministre d'Etat au
développement culturel ne daigne contredire son
député.
M. Paquette: M. le Président, est-ce le moment de
rectifier des faits? Je pense qu'on me fait dire des choses que je n'ai pas
dites.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit d'invoquer
l'article 96, M. le député de Rosemont, parce que vous avez fait
un discours.
M. Paquette: Je le fais, M. le Président. M. Ciaccia:
Une question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Non, une question de
règlement peut être posée à tout moment.
M. Ciaccia: L'article 96, est-ce que ce n'est pas après
que le député de Marguerite-Bourgeoys a fini son
exposé?
Le Président (M. Cardinal): II faut que je recommence la
leçon de la procédure parlementaire. M. le député
de Rosemont a fait un discours. On vient d'invoquer ses paroles, en vertu de
l'article 96, si vous voulez le lire, je n'ai pas l'intention de le lire, il
peut, sans question de privilège, et c'est tout ce qui est permis en
commission parlementaire, immédiatement, sur une question de
règlement, rectifier, pourvu qu'il le fasse brièvement.
M. Paquette: Ce sera très bref, M. le Président. Ce
que j'ai dit avant de souper, c'est que la base de notre raisonnement, au
début de nos travaux, reposait sur un comportement de majoritaires.
J'ai bien dit et il suffira de consulter le journal des
Débats par la suite qu'on s'est intéressé aux
questions juridiques, aux questions démographiques, aux questions de
statistiques et que, par conséquent, il ne faudrait pas me faire dire
que la guerre de statistiques ou les documents qui ont été
communiqués par le ministre d'Etat ne jouent aucun rôle dans la
décision qu'on a prise. Ce n'est pas ce que j'ai dit, j'ai dit que la
raison plus profonde qui nous séparait de l'Opposition était
beaucoup plus fondamentale, c'était que nous, on partait d'un
comportement de majoritaires tout en voulant traiter justement nos
minorités.
M. Alfred: C'est exactement cela.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Rosemont. M. le député de Mont-Royal, je
regrette de ne pas vous avoir accordé la parole, mais je
considère personnellement qu'il n'y a pas de question de
règlement sur une question de règlement, sans quoi on n'en
finirait jamais. C'est la simple logique qui me le dicte, mais est-ce que quand
même vous auriez une nouvelle question de règlement, et en vertu
de quel règlement?
M. Ciaccia: Le règlement 96, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, vous vous êtes exprimé...
M. Ciaccia: Une directive, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, parce que
vous...
M. Ciaccia: Vendredi soir, je m'en suis tenu à
l'interprétation que je vais vous donner et je vous demande si,
d'après l'article 96, le député qui prend la parole pour
donner des explications sur le discours qu'il a déjà
prononcé, c'est-à-dire comme le député de Rosemont
vient de le faire, d'après l'article 96, ne peut le faire que lorsque le
discours qui les provoque est terminé, c'est-à-dire que le
discours du député de Marguerite-Bourgeoys est terminé.
D'après l'article 96, à moins que celui qui le prononce ne
consente à être interrompu.
Le Président (M. Cardinal): Exactement, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Cela ne voudrait pas dire que le député
de Rosemont aurait dû demander la permission au député de
Marguerite-Bourgeoys, et si le député de Marguerite-Bourgeoys ne
le lui avait
pas accordée, cela voudrait dire que le député de
Rosemont n'aurait pu soulever l'article 96 qu'après que le
député de Marguerite-Bourgeoys ait eut terminé son
discours.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal, mais, en vertu de l'article 4, il y a une
longue tradition parlementaire qui veut que l'on invoque, et on l'a fait je ne
sais combien de fois lors de l'étude du projet de loi 1 et lors de
l'étude du projet de loi 101, sans que personne n'invoque la question de
privilège que vous avez soulevée, vous avez parfaitement le droit
de le faire. Si vous voulez qu'à l'avenir l'on s'en tienne strictement
au texte de l'article 96, je demanderai à chaque fois la permission
à celui qui est interrompu s'il permet une question de règlement.
La difficulté, c'est que lorsque quelqu'un soulève une question
de règlement, vous ne savez pas d'avance quelle est la question. Ce
n'est que lorsqu'elle est terminée que vous le savez. Comment
pouvez-vous, sans savoir d'avance ce qu'il va dire, demander la permission
à quelqu'un? S'il fallait que à chaque fois qu'une question de
règlement, et non pas de privilège, est invoquée je
demande la permission à celui qui parle, il n'y aurait jamais de
question de règlement.
M. Ciaccia: A moins que la personne qui soulève la
question de règlement ne spécifie que c'est sur l'article 96.
Le Président (M. Cardinal): C'est exactement pourquoi,
à plusieurs reprises, j'ai demandé aux membres de cette
commission je m'excuse de prendre quelques minutes ce sur quoi
ils allaient parler. Vous comprendrez que c'est peu facile. Cela dit, je pense
que c'est terminé et que M. le député, non pas de
Mont-Royal, mais de Marguerite-Bourgeoys peut continuer.
M. Lalonde: M. le Président, cela ne sera pas pris sur mon
temps, j'espère, les trois ou quatre minutes de discussions sur la
question de règlement, je n'ai rien à faire là-dedans.
Le Président (M. Cardinal): J'ai déjà
donné une directive à ce sujet. Je puis enlever le temps que j'ai
utilisé, mais je ne peux enlever le temps que les députés
utilisent.
M. Lalonde: Ce n'est peut-être pas aussi long que cela.
Le Président (M. Cardinal): Cependant, vous connaissez ma
générosité qu'on a appelée, un certain soir...
M. Lalonde: Oui, votre libéralité.
Le Président (M. Cardinal): ...légendaire dont j'ai
dit qu'elle ne me rajeunissait pas.
M. Lalonde: M. le Président, au fond, même si vous
m'enlevez quelques secondes, je ne serai pas malheureux, parce que
l'intervention du député de Rosemont m'éclaire
davantage.
Au départ, c'était le comportement, de majoritaires,
ensuite cela a été la bataille des démographes et on est
revenu au comportement majoritaire, parce que la bataille des
démographes, si j'en crois les chiffres, les nombres mentionnés
par le député d'Outremont, est perdue pour le gouvernement.
Je ne pense pas que les chiffres qui ont été
mentionnés supportent en effet, appuient l'option très
restreinte, très restrictive je veux dire l'option Québec
que l'on retrouve actuellement au paragraphe a) de l'article 69.
C'est donc le comportement de majoritaires, M. le Président. On a
décidé qu'on était majoritaire et qu'on allait montrer aux
autres comment on se comporte quand on est majoritaire.
Le député d'Outremont, de Rosemont excusez-moi, M.
le député d'Outremont a dit que la situation
n'était pas normale. Il a dit que les immigrants, en quelque sorte, ont
démontré que le français manquait d'attrait, que la langue
française manquait d'attrait, enfin, que l'attrait de la langue
française était à la baisse, surtout dans le domaine du
travail. Cela a été démontré bien avant le Parti
québécois par la Commission Gendron, et la loi 22 en a pris soin.
La francisation des entreprises, qui est une vaste démarche entreprise
depuis déjà deux ans qui, jusqu'en décembre dernier
était en plein progrès, le démontre, je pense, de
façon évidente.
Mais, ceci dit, on revient au comportement de majoritaires, M. le
Président. Il faut, étant donné qu'on s'aperçoit,
tout à coup, comme le petit bonhomme à qui on met des gants de
boxe à un moment donné, frapper quelqu'un, frapper quelque part.
Alors, allons-y! On frappe n'importe où. Il faut surtout montrer ses
muscles. On dit: Le comportement de minoritaires de l'Opposition. L'Opposition
a un comportement de minoritaires, parce qu'elle fait appel à la
justice, à l'équité. M. le Président, c'est
l'opposé qui est vrai.
M. Morin (Sauvé):... vertu.
M. Lalonde: Un comportement de minoritaires est inspiré de
peur généralement, de crainte, de manque de confiance, alors que
c'est l'Opposition qui propose une solution de générosité,
une solution de maturité collective, alors que celle qui nous est
proposée par le gouvernement est une proposition timorée, une
proposition... On regarde autour pour savoir si on n'est pas entouré.
C'est la loi du plus fort. Le comportement du majoritaire, c'est la loi du plus
fort. On pense, parce qu'on n'a pas assez de maturité dans ce
gouvernement, qu'il faut imposer la loi du plus fort pour trouver une certaine
satisfaction, une certaine réalisation de ses aspirations. Voilà
le comportement du majoritaire pour un gouvernement péquiste, M. le
Président.
M. Chevrette: Timorés!
M. Alfred: C'est de la démagogie!
M. Lalonde: M. le Président, je me demande jusqu'à
quel point maintenant les arguments apportés par le député
d'Outremont peuvent encore être pertinents ici...
M. de Bellefeuille: En effet, d'accord. Vous le
démontrez.
M. Lalonde: II a démontré par des chiffres, en ce
qui concerne la démographie, qu'il n'y a aucun danger d'accepter les
enfants provenant des autres provinces à l'école anglaise. Cela
ne représente aucun danger pour notre avenir, l'avenir des francophones
au Québec, mais il semble que, si j'en crois le député de
Rosemont, cet argument est rendu sous la table. On en a parlé un peu,
mais on n'en parle plus.
Il a mentionné l'argument économique, mais, qu'est-ce que
vous voulez, M. le Président, quand on est rendus majoritaires et qu'on
se regarde le nombril, qu'est-ce que vous voulez que ça fasse,
ça, 30 000 "jobs"? Ce n'est pas important. Ce n'est pas important, 30
000 "jobs". Ce qui importe, c'est de se montrer nos gants de boxe et de frapper
quelque part, dans les portes ouvertes s'il le faut, mais ça n'a pas
d'importance.
Une Voix: Les 100 000 emplois.
M. Lalonde: C'est 30 000, M. le Président, que
l'étude de SECOR avait comptés directement et indirectement, si
la loi 1 était adoptée telle quelle.
NI. Chevrette: 70 000...
M. Lalonde: Les quelques aménagements du projet de loi no
101 n'ont rien changé.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Ils n'ont rien changé. Le Président
(M. Cardinal): A l'ordre!
M. Lalonde: Mais ça, est-ce que c'est réellement
pertinent, M. le Président? Si je vous dis que la mobilité, au
niveau du développement du Québec, est extrêmement
importante, est-ce qu'on va nous écouter?
M. Alfred: Ils sont à court d'arguments.
M. Lalonde: J'aimerais que le premier ministre soit ici ce soir,
s'il n'était pas en train de se faire chauffer les cuisses sur les
plages d'Ogunquit. J'aimerais qu'il soit ici. Il a promis l'ouverture, lui,
à plusieurs reprises en Chambre, en particulier à des questions
que je lui posais: Allez en commission parlementaire, qu'il disait, on va faire
preuve d'ouverture. L'ouverture, M. le Président, ça fait quatre
jours qu'on est ici avec des amendements importants. C'est hermétique;
placide, mais hermétique.
Mme Lavoie-Roux: Placide...
M. Lalonde: II n'y a rien qui passe, M. le Président.
Générosité?
Le député de Mégantic-Compton, je pense, a
mentionné la générosité du discours inaugural.
Où voyez-vous la générosité là-dedans? Ce
n'est pas important, la générosité, quand on a les gants
de boxe dans les mains. Ce n'est pas important! On est généreux
quand on est obligé, mais là, non, on a les gants de boxe dans
les mains et allons-y, il faut "varger" dans le tas, comme on dit.
J'avais pourtant des bons arguments sur la mobilité...
M. Chevrette: C'est vous qui le dites!
M. Lalonde: Que cela soit à l'intérieur du
Canada... Et j'étais prêt. J'étais prêt même
à faire des hypothèses, des hypothèses dans le sens de
leur lubie.
Mme Lavoie-Roux: Des scénarios!
M. Lalonde: Des scénarios, je les leur laisse. J'avais des
hypothèses dans leur sens... Je vais vous le dire à vous, M. le
Président, et non pas à tout le monde!
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Lalonde: Des hypothèses romantiques...
Le Président (M. Cardinal): Surtout à moi. C'est la
règle, M. le député.
M. Lalonde: ...vous ne me croirez pas. Des hypothèses qui
disaient que peut-être on serait, à un certain moment,
associé et peut-être qu'on serait autre chose, mais des
hypothèses quand même. Les romantiques aiment les
hypothèses, les chimères. J'en avais pour eux ce soir, mais, avec
la démonstration du député de Rosemont, je ne sais pas
à quoi cela sert. Des gants de boxe contre des hypothèses,
qu'est-ce que cela vaut?
Mme Lavoie-Roux: C'est comme des chimères.
M. Lalonde: J'avais... J'allais dire, par exemple, que cela soit
à l'intérieur du Canada actuel, dans une
confédération différente ou dans une association, si, par
pure hypothèse et même la pureté était
là le Québec devenait un associé du Canada, la
nature même des éléments essentiels d'une économie
de libre marché qui est la nôtre exige une mobilité
complète autant au niveau des capitaux, des biens que de la
main-d'oeuvre.
Or, une association économique avec le Canada autre
hypothèse, j'étais généreux comme le discours
inaugural avec les Etats-Unis, donc une association économique
avec le Canada ou les Etats-Unis ne pourrait se faire que dans le cadre d'un
tel régime économique.
Autrement, on ne parlerait pas d'association. Comment pourrait-on
associer des économies qui feraient appel à des règles
essentiellement diffé-
rentes? Donc, en tout état de cause, la mobilité est
essentielle, avec les autres pays, dans une certaine mesure assujettie à
des contraintes fort connues, mais surtout avec son pays et son pays
associé.
Que l'on considère le Canada le pays ou l'associé du
Québec, il demeurera toujours essentiel de maintenir avec le Canada des
relations d'ouverture, d'accueil et d'amitié.
Or, refuser aux anglophones du reste du Canada, qui forment une
très grande majorité de Canadiens à l'extérieur du
Québec, l'accès aux écoles anglaises au Québec,
équivaut à réduire considérablement la
mobilité des gens du Canada au Québec.
J'ai tenté de convaincre le gouvernement d'ouvrir la porte en
faveur de tout anglophone qui viendrait au Québec, étant bien
entendu que les politiques d'immigration et une vigoureuse promotion du
français dans l'entreprise sont amplement suffisantes à la
protection et au développement du fait français au
Québec.
Les ministériels n'ont pas compris. J'ai pensé à un
certain moment qu'ils étaient entêtés. A un autre moment,
j'ai pensé qu'ils étaient bouchés. Maintenant, je pense
qu'ils sont les deux.
Nous en sommes maintenant rendus à l'amendement qui permettrait
aux enfants de ceux ayant reçu l'enseignement primaire en anglais au
Canada de fréquenter l'école anglaise.
M. Chevrette: Tu ne te forces pas, le diable! M. Alfred:
...
M. Lalonde: Les représentations que j'ai faites en faveur
de la mobilité à l'égard du reste du monde sont encore
plus pertinentes en ce qui concerne le Canada. J'ai entendu un
député, et je n'ose pas prêter ces propos au
député de Rosemont c'est possible que quelqu'un d'autres
les ait tenus dire que la majorité des cadres qui viennent de
l'extérieur au Québec viennent des Etats-Unis.
Je demanderais au député de me démontrer ses
prétentions. Je pense plutôt qu'ils viennent du reste du Canada.
La très grande majorité des cadres qui viennent de
l'extérieur du Québec viennent du Canada, M. le Président.
Nous avons un nombre assez impressionnant de sociétés,
d'entreprises qui ont des opérations nationales et internationales et
dont les sièges sociaux sont ici au Québec et qui comptent sur
leurs effectifs qui appartiennent à tous leurs marchés pour
éventuellement, de temps à autre, pas nécessairement de
façon permanente, assumer des fonctions à leur siège
social.
On a parlé de l'article 81. On n'est pas rendu là, mais
cela ne fait rien, le ministre de l'Education, qui a quand même un
certain prestige ici à cette commission, mérite qu'on lui porte
un peu d'attention.
Je vais vous lire l'article 81: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour déterminer à quelles conditions certaines
personnes ou catégories de personnes séjournant de façon
temporaire au Québec ou leurs enfants peuvent être soustraits
à l'application du présent chapitre."
M. le Président, cela a l'air qu'on peut faire bien des affaires
avec l'article 81, mais ce n'est pas sûr, ce qu'on va faire. L'article 81
est insuffisant, il est arbitraire le gouvernement n'est pas obligé de
faire des règlements, mais il peut en faire. Une fois qu'il les aura
faits, on verra ce que les gens peuvent faire. Il est rempli de
discrétion au niveau du gouvernement et ne constitue aucune garantie
législative. D'ailleurs, lorsque nous arriverons à cet article
nous aurons un amendement à proposer. Le député de
Sauvé ne l'a pas fait, mais je pourrais mentionner ici la disposition
d'un article qui est, je crois, l'article 135, deuxième alinéa,
en ce qui concerne les sièges sociaux. C'est sibyllin, M. le
Président, cela ne vaut rien dans les faits.
Le Président (M. Cardinal): D'accord! Voulez-vous parler
de l'article 69, alinéa a)?
M. Lalonde: Je reviens à l'alinéa a), M. le
Président, tout cela parce que j'avais été invité
par le député de Sauvé, vous allez quand même le
reconnaître, à aller à l'article 81.
M. le Président, un autre élément me porte à
appuyer l'amendement, c'est que la clause Québec ne doit pas être
si essentielle puisque le gouvernement s'est déclaré prêt
à la laisser tomber en échange de services à
l'extérieur du Québec, pas de services au Québec, il ne
s'agit pas d'échanger des biens ou des services qui pourraient
être ici, soit de participer à la mise sur pied d'une structure
industrielle, même sociale, même dans le domaine de
l'éducation. Il ne s'agit pas de services au Québec. Il s'agit de
services à l'extérieur du Québec. On est prêt
à laisser tomber, comme disait quand même avec une certaine
candeur il faut reconnaître que le député de
Rosemont j'aime cela, quand il parle, parce qu'il dit la
vérité, combien de fois j'aimerais qu'il parle plus souvent
il disait quand même avec une candeur certaine sinon avec une
certaine candeur qu'on va se servir de cela pour du "bargaining power". C'est
l'affrontement qu'on cherche. On ne cherche pas à s'associer avec des
gens qui vivent avec nous, on va les affronter, on va essayer de faire un
"deal".
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, à compter du moment
présent, je vous accorde les minutes que j'ai employées pour
répondre à vos questions de règlement. Je vous prierais de
conclure.
M. Lalonde: Je vais conclure, M. le Président.
Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de passer à travers mes notes,
parce que j'ai été distrait par le député de
Rosemont. Il reste que cette clause de réciprocité
démontre bien que le gouvernement n'y tient pas tellement. Si
c'était une question de vie ou de mort, on ne la vendrait pas pour
donner quelques services d'enseignement à quelques
Québécois qui vont aller à Saskatoon.
Quand même! C'est important, ou cela ne l'est pas.
Si ce n'est pas important, à ce moment, on est prêt
à la troquer pour autre chose. C'est ce qu'on fait avec les fameuses
offres de réciprocité. Si c'était important, on ne
l'offrirait pas comme cela. Je pense que cet amendement est un des plus
importants de cette loi. L'on verra, à l'avenir, au traitement que cette
loi souffrira, ou à celui dont elle sera favorisée, selon
l'accueil qu'on fera à l'amendement, jusqu'à quel point le
gouvernement est prêt à démontrer la
générosité, la maturité et l'ouverture qui nous ont
été promises par le premier ministre.
Le Président (M. Cardinal): Merci de votre collaboration,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député
de Mégantic-Compton, en vous rappelant qu'ayant déjà
exercé votre droit de parole, il vous reste huit minutes. Vous commencez
à 20 h 34.
M. Grenier: M. le Président, nous sommes toujours, comme
vous le constatez, en complet désaccord sur la clause option
Québec, telle que rédigée, en vous faisant remarquer que
le PQ ne fait aucun gain Ià-dessus, alors que les opposants il
s'agit de rencontrer les gens ordinaires et de suivre les media d'information
pour s'en rendre compte ont fait d'énormes gains sur cette clause
option Québec.
Pour autant que l'Union Nationale est concernée, elle ne
répétera pas dans ses arguments, ni ne donnera de chance aux
ministériels de se répéter, parce que ce serait faire
inutilement un discours stérile, selon elle. Le gouvernement, ayant fait
son nid, il ne semble plus vouloir rien entendre. Pour nous de l'Union
Nationale, et du Parti libéral, semble-t-il, il n'est plus question de
faire confiance à des gens qui disent et redisent... Comme l'ont dit les
éditorialistes du Devoir, de la Presse, du Soleil, du
Montréal-Matin, de la Gazette, il est clair, maintenant, que le
gouvernement a décidé de faire son nid. Déjà, on a
annoncé que cette motion serait battue. Cela a été la
première parole prononcée par le ministre d'Etat au
développement culturel.
Ceci dit, nous ne présenterons pas notre amendement 69b, puisque
vous l'aviez reconnu. Il a paru dans notre livre bleu. C'est à peu
près celui-là que nous venons de discuter à 69a, non pas
parce que nous n'avons pas confiance en cet amendement, en sa valeur et en nos
arguments pour le défendre, mais parce que nous n'avons pas confiance
dans l'attitude du gouvernement en cette matière, à cette
commission. Je pense que la preuve commence à être
établie.
Ainsi, on le notera, nous ne ferons pas perdre le temps de cette
commission. Que le gouvernement, éventuellement, paie le prix de son
comportement. L'Union Nationale a payé cela avec sa loi 63 et le Parti
libéral a payé son entêtement avec sa loi 22. Je peux vous
garantir que le Parti québécois va payer cela avec son projet de
loi 101.
Mme Lavoie-Roux: Cela va prendre un autre parti.
M. Grenier: Pardon?
Une Voix: ...
M. Grenier: Vous verrez, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Grenier: ... la position de l'Opposition, tant libérale
que celle de l'Union Nationale, n'en est pas une de colonisée, comme a
semblé le dire le député de Rosemont qui témoigne
d'un comportement de minoritaires, mais, au contraire, en est une de
comportement de majoritaires... Voulez-vous arrêter de poulailler de
croasser ici, M. le Président? Il n'y a pas moyen de parler
tranquillement à ce bout-ci de la table; il y a toujours une couple de
"back-benchers" qui se font aller la margoulette et il n'y a pas moyen de dire
un mot sérieux. S'ils sont vraiment fatigués, qu'ils aillent
prendre l'air; on est mieux dehors que dans la salle ce soir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, la table est étroite et longue.
M. Grenier: On veut dire des choses un peu sensées et on
ne voudrait plus répéter les mêmes arguments. Il faudrait
que le Parti québécois change de recherchistes; on entend les
mêmes choses de l'autre côté. On tâche de dire des
choses intelligentes, auxquelles on a pensé d'avance; on écrit
quelques notes et on est entrecoupé régulièrement par deux
ou trois députés, ici en face, et que vous n'entendez
peut-être pas, M. le Président. Je ne vous en fais pas de
reproche, vous ne les entendez peut-être pas. Si vous les entendiez, vous
les comprendriez, parce que vous êtes intelligent.
Je vais vous dire qu'au contraire, ici, c'est un comportement de
majoritaires qu'on a; arrivés sur les plans physique, mental,
intellectuel et politique à l'âge de la maturité,
conscients d'eux-mêmes, de leurs ressources et de leur potentiel, alors
que, justement, le comportement des ministériels, à l'article
69b, en est un de colonisés posthumes, d'anachroniques qui n'ont pas
suivi ni compris on a vu cela pendant tout le défilé d'une
très grande partie des mémoires qui nous ont été
présentés pendant la première partie de l'étude de
la commission sur le projet de loi no 1 on n'a pas suivi la marche de
l'histoire depuis une dizaine d'années, parce que vous savez que le
Québec n'a pas marqué le pas depuis une dizaine d'années
et, pourtant, les données que nous avons reçues, les
données sérieuses, les données qui ont largement
influencé le gouvernement sont celles qui ont prévalu avant
1970.
Je peux dire, M. le Président, qu'ici, on semble vouloir accuser
les gens de ce côté-ci de la table de gens qui n'ont pas
évolué. Je pense que, si on
voulait revoir la situation depuis une dizaine d'années, on
penserait peut-être de façon différente, alors qu'on a, de
l'autre côté, un comportement de gens frustrés, pour les
uns et de gens têtus, aveugles et sourds pour d'autres. On a, chez les
ministériels, un comportement de gens qui ont peur et on sent cela
depuis ce matin, principalement. On agit, on l'a dit, par peur des effets
d'entraînement par les autres parties de ce projet de loi et on a peur de
courir le risque de voir l'essentiel de ses objectifs atteint sans avoir
à recourir aux règles séparatistes, en connaissant les
effets d'entraînement dans les autres parties de ce projet de loi.
Enfin, je pense qu'il faut noter que, pour la première fois, le
gouvernement, par le nombre de ses intervenants, est tombé sur la partie
défensive depuis ce matin. Il semble bien que seule la majorité
numérique pourrait sauver cela. C'est assez difficile. Pour combien de
temps?
Je voudrais, M. le Président, vous dire qu'ici, je fais une pause
au nom de notre parti... M. le député de Papineau, vous ne
pourriez pas aller vous reposer pour quelques minutes? Cela soulagerait la
commission; cela ferait bien du bien à la commission, à moi en
tout cas, peut-être à d'autres aussi.
Je vais vous dire une chose, M. le Président, c'est difficile
d'analyser une situation dans une salle comme ici; c'est extrêmement
difficile; il faut se promener dans le Québec pour le savoir. Je ne veux
pas faire de prévision, je ne suis pas un tireur de cartes, mais je peux
vous dire une chose, sans avoir fait de sondage, sans avoir fait de recherche,
comme le gouvernement peut-être devrait en faire, il faut se rendre dans
le Québec pour se rendre compte qu'une clause comme celle-là,
celle proposée par le gouvernement, n'est pas populaire et elle ne le
sera jamais. Le gouvernement qui prendra la place de celui-là devra
revenir sur cette clause.
J'aimerais, le soir des élections, être capable d'entrer
dans les foyers de plusieurs députés ministériels
après leur défaite. Ils pourraient peut-être relire ce que
je leur dis ce soir, d'y aller tranquillement. Quand on joue dans les moeurs
des gens, y aller lentement. Il se peut qu'on demande au gouvernement on
le demande avec grande attention ce soir ... Il y en a qui ont
parlé de "filibuster". Ce n'est pas vrai. On est à un point
important, aujourd'hui, de la loi, et si on ne réussit pas à
attirer l'attention du gouvernement sur ce point, il vaut peut-être aussi
bien jeter les armes. Si on ne sait pas considérer sur ce point bien
précis l'aspect sérieux et important qu'on veut donner aux autres
Canadiens qui aimeraient vivre ici, au Québec, si on ne sait pas donner
plus de sérieux que cela, on paiera ça cher, M. le
Président, et le soir des élections, la défaite... Lors de
la prochaine élection, même si on a voulu voter la loi la
première année du mandat du gouvernement, alors que l'Union
Nationale l'avait adoptée pendant son avant-dernière
année, la même chose pour le Parti libéral, on se rendra
compte que les Québécois ont bon jugement et surtout bonne
mémoire. On se rendra compte que même adoptée trois ans
avant la prochaine élection, les gens s'en souvien- dront. La
période d'éducation vous en avez été
témoin, vous, M. le Président... On a bousculé les moeurs
des Québécois. Une chose qui aurait dû prendre un quart de
siècle, on a voulu la régler en dix ans. Vous savez combien de
gouvernements se sont succédé et se sont fait battre, en
très grande partie, à cause de cette révolution en
éducation.
Cet article de ce soir ne s'analysera pas le soir de l'élection.
J'aimerais, encore une fois, entrer chez les comités des candidats
péquistes défaits le soir des élections, et si le
député de Johnson je termine avec ça, parce que
cela a l'air trop sérieux était ici, il vous dirait, c ins
sa traduction qu'il donne lui-même: Mane, thecel, phares. Le soir de
l'élection, vous aurez été pesés, jugés et
trouvés trop légers.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. Vous ne terminez pas parce que
vous n'avez plus d'inspiration, mais parce que le temps est
épuisé.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je prendrai deux
des quatre minutes qui me sont laissées...
Le Président (M. Cardinal): Quatre minutes, c'est
ça.
Mme Lavoie-Roux: ...pour répondre au député
de Bourassa qui, comme d'habitude, incapable de parler sur le fond d'un
amendement, s'est lancé dans une attaque quelque peu confuse contre le
député de L'Acadie. Je n'aurais même pas relevé les
propos du député, parce qu'il revêtait ce même manque
de rigueur intellectuelle qu'on lui a toujours connue. Cependant, il me semble
important de rétablir certains faits, quand, par exemple, il dit: Vous
n'avez pas mentionné qu'à la CECM le secteur anglais diminuait
moins rapidement que le secteur français. Bien, s'il avait
écouté je ne peux pas le blâmer de ne pas avoir
écouté tous les discours les discours en deuxième
lecture, il aurait su que durant l'année 1975-1976 le secteur anglais,
pour la première fois, a diminué plus rapidement que le secteur
français, soit dans une proportion de 8,6% pour le premier et de 6,8%
pour le second. Cela, c'était en 1975-1976. Il faudrait aller voir en
1976-1977. Evidemment, on n'a pas ceux de l'année qui s'en vient. Mais
il aurait fallu que quelqu'un aille lui déposer cela sur un plateau
d'argent pour qu'il le connaisse.
Quant aux positions contradictoires dont il m'accuse, au début de
cette commission, au moment de l'adoption de l'article 68, j'ai fait
état de ce qu'avait été ma position en commission
parlementaire au moment de la loi 28 et je ne suis pas pour la relire ce soir.
Quant à la dernière position officielle que j'ai prise, elle
remonte au mois d'octobre peut-être septembre dans laquelle
je souscrivais à la position du comité de restructuration du
conseil scolaire de l'île. Je ne lis que quelques lignes:
"Considérant, à cause d'une situation historique plus que
séculaire, qu'il y a lieu
pour le législateur québécois de continuer à
accorder à la communauté anglophone actuelle et future le droit
d'éduquer ses enfants dans les écoles anglaises"... Si ceci n'est
pas assez clair pour le député de Bourassa, il faudra commencer
par lui montrer à lire.
Deuxième point il y a une autre chose ce serait le
temps que le député de Bourassa réalise que je ne suis
plus présidente de la CECM, que je suis membre d'un parti politique et
que, étant membre d'un parti politique, je travaille avec ce parti
politique. Ceci ne me met pas en contradiction avec ce principe de la
reconnaissance de la communauté anglophone actuelle, présente et
future, que j'ai toujours défendu, en dépit du fait que je pense,
compte tenu du contexte, que des restrictions à l'admission scolaire
dans le système anglophone semblent être légitimes à
ce moment-ci de notre histoire. Ceci dit, monsieur...
M. Laplante: C'est une contradiction, Madame. Cinq
contradictions.
Mme Lavoie-Roux: Ceci dit, je pense que, tout à
l'heure...
M. Laplante: Je peux vous les lire, si vous voulez.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que, tout à l'heure, je ne
l'avais pas dit, mais cela semble tout à fait évident, je
souscrirai à la position et appuierai la motion du député
de Mont-Royal touchant l'extension de l'accès à l'école
anglaise pour les enfants anglophones du reste du Canada.
M. Laplante: En voulez-vous une copie, Madame? J'en ai
cinq...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre s'il vous
plaît! M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Avec des votes. Je vais vous les donner. Avec des
votes pris en commission, tout cela.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député
de Vanier.
M. Bertrand: Le pouls de la table bat très fort depuis que
le député de Mégantic-Compton a décidé cet
après-midi de faire de l'article 69 l'article "cardiaque" de ce projet
de loi. Je lui en sais gré, parce que je pense effectivement qu'il a mis
le doigt sur l'aspect central de ce projet de loi qui dévoile à
la face de ceux qui assistent aux délibérations de cette
commission que dès lors que nous abordons la discussion de cet article
69, nous nous voyons mis les uns face aux autres dans la situation très
claire des positions qui sont les nôtres et dans la situation très
claire aussi des principes qui guident notre action politique.
Je remercie vraiment, très sincèrement, le
député de Mégantic-Compton d'avoir fait cette
intervention. Elle permet aux gens des deux côtés de la table
d'exprimer beaucoup plus clairement qu'on ne l'a peut-être fait
jusqu'à maintenant le fond de leur pensée sur la question
linguistique et peut-être même sur la place du Québec dans
la confédération canadienne. Je voudrais, M. le
député de Mégantic-Compton, simplement me servir de votre
intervention de cet après-midi, couronnée par celle de ce soir,
pour faire valoir à quel point, effectivement, vous nous aidez d'une
certaine façon à préciser ce qui nous a animés dans
la préparation de ce projet de loi. Je n'ai pas du tout le sentiment, en
faisant cette argumentation, de me défendre de quelque façon que
ce soit ou d'attaquer de quelque façon que ce soit, mais simplement
d'exprimer ce qui, je pense, a toujours animé les députés
ministériels et qui trouve aujourd'hui son écho dans une
politique linguistique que, pour certains, on veut qualifier de volonté
majoritaire de s'affirmer, que, pour d'autres, on veut qualifier de crainte
d'être larges et généreux à l'endroit des
minorités, mais toujours est-il qu'à mon avis, ce projet de loi,
dans une situation fort délicate et dramatique qui est celle de la
langue au Québec, a réussi quant à moi en tout cas
à trouver un juste équilibre pour les deux parties, la
majorité francophone et la minorité anglophone. Vous aviez,
à un moment de votre intervention, M. le député de
Mégantic-Compton, affirmé: "Ce n'est pas parce que
l'éducation, ce qui est évidemment vrai, relève des
provinces, ce n'est pas non plus parce que, dans d'autres provinces, l'on a
ignoré ou bafoué les minorités que l'on doit ignorer et
nier la réalité Canada."
Je voudrais simplement vous dire, M. le député de
Mégantic-Compton, par votre intermédiaire, M. le Président
j'ai souvent tendance à vous oublier, mais ne craignez point
...
Le Président (M. Cardinal): J'étais pour vous le
rappeler.
M. Bertrand: Je fais passer par vos oreilles les propos que
j'adresse au député de Mégantic-Compton. Je voudrais
seulement signaler, M. le député de Mégantic-Compton, que
c'est justement parce que nous n'avons pas voulu ignorer la
réalité "Canada" que vous assistez à la volonté du
gouvernement d'établir des accords de réciprocité avec les
gouvernements des autres provinces canadiennes.
C'est justement parce que nous connaissons la réalité
canadienne, parce que nous l'avons vécue, parce que nous l'avons
comprise, qu'aujourd'hui vous nous voyez placés dans la situation de ne
pouvoir accepter la clause "Canada" telle que vous l'entendez.
Je vais même vous faire une confidence, M. le député
de Mégantic-Compton, si M. le Président veut bien vous la
transmettre. La clause "Canada", ou la clause "Québec", selon le point
de vue où elle est prise, personnellement, je vous l'avoue, j'avais des
doutes, et je ne me cacherai pas pour vous dire: j'étais un de ceux qui
se posaient de grosses questions sur la présence de cette clause
"Québec" par rapport à une éventuelle clause "Canada"
à l'intérieur du projet de loi 101.
Je me suis d'ailleurs, peut-être à un certain moment,
posé les mêmes questions que l'éditorialiste Daniel
Latouche, que vous avez si admirablement cité cet après-midi.
Mais je vous avouerai aussi que mes craintes et mes inquiétudes se sont
dissipées dès lors que le gouvernement, dans dans un acte qui
m'apparaît tout à fait respectueux de la réalité
canadienne, a décidé d'offrir aux autres provinces canadiennes
d'établir un accord de réciprocité avec le Québec
sur la question linguistique. Je pense n'avoir pas été le seul,
M. le député de Mégantic-Compton, parce que
l'éditorialiste que vous avez cité cet après-midi a lui
aussi évolué. Lui aussi devait se rendre compte qu'avec la
position adoptée par le gouvernement, la situation se trouvait
changée.
Je voudrais seulement vous citer deux brefs extraits d'éditoriaux
qui ont suivi cet éditorial du mois d'avril, dont vous faisiez mention
tantôt. L'un remonte au 26 juillet 1977 et s'intitule: "La bonne
politique et la mauvaise." Et je vous en lis deux paragraphes: "Pourquoi
faut-il que, dès qu'un gouvernement québécois, qu'il soit
indépendantiste ou pas, décide de faire de la politique, il soit
accusé de vouloir faire du chantage? Par quelle fatalité divine
les Québécois auraient-ils été jugés inaptes
à faire de la politique? Pourquoi les mêmes considérations
et les mêmes décisions, lorsqu'elles originent d'Ottawa, de
Washington, ou de Toronto, sont-elles perçues comme normales, mais sont
jugées comme symptômes de noirs desseins si c'est un ministre
québécois qui en est l'auteur? "Lorsque MM. Laurin et
Lévesque proposent aux autres provinces canadiennes de régler une
fois pour toutes l'épineuse question des droits linguistiques des
minorités, on les accuse de machiavélisme et de faire de la
politique sur le dos des enfants. Pourtant, M. Trudeau propose de tenir une
conférence fédérale-provinciale sur le sujet, de faire du
gouvernement fédéral le protecteur des minorités et
d'amender la constitution, s'il le faut. Rien de tout cela ne lui paraît
répréhensible."
Je vous en cite un second: quelques jours après, le mardi 2
août 1977, cela s'intitule: "Premières réactions". On y
fait cette mention, dans un premier paragraphe: "On ne peut pas dire que les
premières réponses à la lettre de M. René
Lévesque soient très encourageantes; seulement deux missives sont
parvenues au gouvernement du Québec, cela de M. Davis, de l'Ontario, et
celle de M. Blakeney, de la Saskatchewan." On y fait l'analyse de ces deux
réponses et on ajoute plus loin: "Nous en sommes donc revenus à
notre point de départ. Des porte-parole officiels du Canada anglais
continuent à nier la réalité binationale du pays et
refusent d'admettre que le Québec n'est pas une province comme les
autres. Cela fait un argument de plus en faveur de la thèse
péquiste."
Or, donc, ce qu'il faut constater c'est que, chez bien des
Québécois, et c'est sans doute à ces
Québécois que le député de Mégantic-Compton
faisait référence tantôt, quand il disait qu'à se
promener dans les coins du Québec, dans le milieu rural ou urbain, dans
la région des Cantons de l'Est, à Montréal, ou à
Québec, on sentait que les gens pouvaient avoir des doutes sur la
pertinence des décisions prises par le gouvernement. J'avais
moi-même et peut-être que j'exprimais en cela certaines des
angoisses, des inquiétudes des Québécois des doutes
sur la clause Québec, telle que formulée dans le projet de loi
101. Mais, maintenant que le gouvernement a fait son lit d'une façon
qui, quant à moi, est claire, respectueuse des principes qui
sous-tendent notre politique linguistique et surtout respectueuse d'une
très profonde connaissance de cette réalité canadienne que
vous voulez nous voir respecter, je dis que le député de
Mégantic-Compton, membre d'un parti politique nationaliste, membre d'un
parti qui a une longue tradition d'autonomie provinciale, de revendications, de
luttes pour la défense des droits des francophones, à
l'intérieur du Canada, a une position qui aurait certainement dû
être différente de celle qu'il adopte aujourd'hui, parce que, pour
reprendre même l'histoire de l'Union Nationale, ce n'est pas une
référence à l'indépendance qui se trouve contenue
dans cet article 69, je dirais que c'est une référence à
l'égalité dont faisait mention l'ex-premier ministre du
Québec, M. Daniel Johnson.
Quand il écrivit son volume "Egalité ou
indépendance", je me disais: Ils ont toujours, encore que les hommes
politiques qui ont prononcé ces paroles soient disparus, toute la
latitude pour choisir entre égalité ou indépendance.
Je respecte votre décision de ne pas avoir choisi
l'indépendance. Cela vous regarde, c'est un choix politique, c'est celui
de l'Union Nationale. Je le respecte, mais je ne comprendrais pas que vous ne
vous repliiez pas au moins sur la notion d'égalité.
Je dis que dans ce projet de loi no 101, à l'article 69, et
à travers la proposition de réciprocité qui est faite par
le gouvernement du Québec, c'est tout le concept d'égalité
des deux nations à l'intérieur de la fédération
canadienne qui se trouve contenu, et nous sommes respectueux d'une
réalité canadienne que j'aimerais vous voir respecter, parce que
quand vous refusez, avec la position que vous tenez maintenant, de soutenir cet
accord de réciprocité, quand vous refusez de lever le petit doigt
pour appuyer le gouvernement sur cette question, vous êtes en train de
jouer un jeu fort dangereux qui, bien loin d'aider une position qui serait la
vôtre dans le contexte présent, risque, au contraire, de la
desservir, parce que vous aviez la chance, en vous appuyant sur cet accord de
réciprocité, de faire valoir votre volonté d'assurer la
présence francophone à l'intérieur du Canada.
Une des grandes craintes exprimées par les
Québécois avant d'élire un gouvernement du Parti
québécois, c'était de dire: Si jamais les
Québécois avaient le malheur de voter pour ce gouvernement
séparatiste, ce serait la fin des minorités francophones dans le
Canada. C'est la fin de la défense du Québec pour les
minorités francophones dans les autres provinces canadiennes, et combien
de fois je l'ai entendu? Méfiez-vous, dans les autres provinces du
Canada c'en est fini de la présence francophone si jamais vous
élisez un gouvernement séparatiste.
Or, bien au contraire, ce à quoi nous assistons depuis le 15
novembre, c'est à une recrudescence de la présence des
minorités francophones à l'intérieur des provinces
canadiennes. Le rapport faisant état des héritiers de Lord
Durham, c'est depuis le 15 novembre que c'est paru. La lutte des
minorités francophones hors Québec pour la défense de
leurs droits, c'est depuis le 15 novembre que ça se traduit de
façon plus concrète. La rencontre avec le premier ministre
Trudeau aurait-elle été possible sans l'avènement du Parti
québécois au Québec lorsqu'il a été question
d'aller discuter de ces droits des francophones dans les autres provinces
canadiennes?
Est-ce que vous n'avez pas pris connaissance, M. le député
de Mégantic-Compton, par votre intermédiaire, M. le
Président, des réactions des minorités francophones hors
Québec depuis que nous avons accouché de cette politique sur les
accords de réciprocité? Est-ce que vous n'avez pas pris
conscience de leur volonté d'être présentes à Saint
Andrews, de rencontrer les premiers ministres de leur province pour leur faire
valoir que la position du Québec est raisonnable? En d'autres mots,
rappelez-vous les déclarations du premier ministre Johnson quand il
disait: II s'agit de construire un Canada à deux et non pas un Canada
à dix. Il s'agit de faire prendre conscience aux Canadiens francophones
qu'ils peuvent s'appuyer sur le Québec francophone, fortement
francophone pour être en mesure de faire véritablement valoir
leurs droits dans leur province. C'est justement parce qu'il y a, aujourd'hui,
un gouvernement du Québec qui s'appuie fortement sur son pouvoir de
gouvernement, qui s'appuie fortement sur la volonté de la
collectivité francophone de faire valoir ses droits que nous pouvons
espérer un meilleur avenir pour les minorités francophones hors
Québec.
Donc, je dis que cette politique du gouvernement actuel, à
travers les accords de réciprocité, est profondément
respectueuse de l'esprit fédéral, de la réalité
canadienne et, presque au risque d'avoir l'air paradoxal, je dirais que, dans
le contexte actuel, et sans renier notre volonté de
souveraineté-association qui, de toute façon, est
indépendante de la discussion de la question linguistique,
peut-être sommes-nous en ce moment les vrais fédéralistes?
Peut-être sommes-nous, en ce moment, ceux qui, à travers l'analyse
de la réalité canadienne, tentons, par notre attitude, qui peut
vous apparaître extrêmement discriminatoire à l'endroit des
minorités, peut-être sommes-nous ceux qui sont en train de
défendre les minorités francophones des autres provinces? A ce
point de vue-là, nous jouons le jeu de la réalité
canadienne. Quand vous disiez... C'est le député d'Outremont qui
m'a presque fourni l'argument, et je pense qu'il me l'a fourni, quand il disait
lui-même que, de toute façon, il n'y avait aucun risque à
mettre la clause Canada dans le projet de loi no 101, parce que, de toute
façon, d'après ses analyses à lui et son
interprétation des données démographiques, il partirait
plus de Québécois anglophones du Québec qu'il n'en entre,
venant des autres provinces canadiennes. Si c'est tellement vrai, pourquoi
faudrait-il donc que ce soit la clause "Canada" que nous mettions dans le
projet de loi no 101? Pourquoi ne serait-ce pas plutôt la clause
"Québec" que nous maintenions dans le projet de loi no 101, tout en
disant que nous avons profondément avantage à ce que, par cette
attitude, nous puissions enfin faire en sorte que les minorités
francophones dans les autres provinces espèrent un meilleur avenir?
Je dirai que je souhaite, pour l'Union Nationale, que le
pèlerinage de Trois-Rivières au mois de septembre soit l'occasion
de miracles. J'espère que, tel que le souhaite le député
de Lotbinière et chef de l'Union Nationale, ce soit l'occasion d'un
retour aux sources, que vous retrouviez les élans de ce chef, Maurice
Duplessis, qui, en 1954, était capable comme un grand garçon, de
se tenir debout, devant le gouvernement fédéral, et d'aller
chercher 10% de l'impôt sur le revenu, sans même négocier,
sans même quémander.
Puissiez-vous retourner aux sources!
Il est tellement symbolique que, depuis quelques semaines, René
Lévesque et Maurice Duplessis communiquent par la voie des media
d'information à travers la chronique de Jean Lesage. Il y a
Gilles Lesage, je m'excuse du lapsus
Une Voix: C'est également un disparu.
M. Bertrand: C'est également un disparu. Il y a une
continuité beaucoup plus grande entre le Parti québécois
d'aujourd'hui et l'Union Nationale d'hier qu'il n'y en a entre l'Union
Nationale d'aujourd'hui et l'Union Nationale d'hier. Je dis que je me sens
très à l'aise aujourd'hui de pouvoir justifier mon appartenance
au Parti québécois en pouvant ainsi m'adresser au
député de Mégantic-Compton, parce que sur ces deux
questions fondamentales qui ont été soulevées par le
projet de loi 101, le premier article sur la langue officielle et cette notion
d'accord de réciprocité sur laquelle l'Union Nationale n'ose pas
lever le petit doigt pour appuyer le gouvernement... Je pense que le retour aux
sources de Trois-Rivières sera une occasion d'aller rechercher dans le
passé, dans l'histoire nationaliste et autonomiste de l'Union Nationale,
j'espère, un regain de vigueur pour être en mesure de
défendre le gouvernement du Québec qui, lui-même, essaie de
s'inspirer de la tradition nationaliste de l'Union Nationale.
M. Grenier: Me reste-t-il du temps? Le Président (M.
Cardinal): Pardon? M. Grenier: Me reste-t-il du temps?
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Je vais vous dire
cela. Non, M. le député de Mégantic-Compton, vous avez
terminé votre temps. Vous avez épuisé toutes vos
ressources du point de vue du temps.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, les arguments des
Oppositions conjuguées à l'appui de la clause Canada m'ont
surpris par Jeur maigreur, leur stéréo-typie et leur faiblesse.
Les appels à la solidarité et à l'unité canadienne
sont on ne peut plus naïfs, irréalistes, sentimentaux et
romantiques.
Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, il me semble que je l'ai
déjà entendu, M. le député de Sauvé.
M. Laurin: Le solde migratoire négatif peut certes
constituer un danger pour le Québec, mais c'est dans les années
1966-1971 qu'il a été le plus important.
Les chiffres récents ne sont pas inquiétants, dans la
période de chômage que nous traversons. Par ailleurs, la loi C-24,
au fédéral, n'est pas la trouvaille du siècle. C'est au
Québec qu'il devrait revenir d'établir sa propre politique
d'immigration et je ne doute pas que, le moment venu, celle-ci soit davantage
positive et conforme à nos besoins que ne l'a été une
politique fédérale qui nous a systématiquement desservis
sur tous les plans.
De toute façon cette politique n'a que très peu à
voir avec notre politique linguistique et scolaire, et nous le prouverons bien
un jour dans les faits.
Il est vrai qu'accepter tous les nouveaux arrivants à
l'école anglo-québécoise serait la solution commode et
facile puisque cette école est déjà là, qui les
attend. Mais c'est précisément cette facilité, cette
commodité, ou, devrais-je plutôt dire, cette rationalisation et ce
prétexte qui nous ont masqué les principes, les
réalités, les glissements et les dangers qui auraient dû
inspirer notre politique et nos décisions. Car le régime de la
porte ouverte dans un pays et un continent massivement anglophones, dans un
Québec où l'anglais était la langue de la domination
économique, de la technologie, du commerce et des affaires, ne pouvait
aboutir qu'à cette infiltration et à cet endettement progressif
que nous avons connus avec le résultat que 90% des nouveaux arrivants
venaient finalement s'intégrer ou s'assimiler à la
minorité anglophone.
Il faut au contraire procéder à une analyse rigoureuse et
rationnelle de la réalité, en fonction d'impératifs
axés sur le maintien de notre identité et notre
développement collectif puis ensuite procéder vigoureusement aux
redressements qui s'imposent dans le sens de nos véritables
intérêts.
Le député de L'Acadie a raison de souligner que le fait,
pour un élève, de poursuivre ses études secondaires en
anglais peut constituer un facteur plus important d'intégration ou
d'assimilation à la communauté anglophone que s'il y poursuivait
ses études primaires. Je ne suis pas sûr, pourtant, que ceci soit
vrai, car l'importance des apprentissages fondamentaux peut l'emporter comme
facteur de structuration et d'orientation ultérieures sur le
réseau d'amitié dont elle a parlé. Il serait, en tout cas
intéressant d'approfondir cette question, mais cet intérêt
n'est qu'académique en l'occurrence, car ce qu'oublie le
député de L'Acadie, c'est que, dans la société
québécoise que nous avons connue, ce sont souvent les mêmes
élèves ou les divers enfants d'une même famille qui
s'inscrivent à l'école secondaire anglophone après y avoir
poursuivi leurs études primaires.
Encore une fois, ce sont les arguments démographiques qui
paraissent les plus sérieux, parce que plus scientifiques, mais,
hélas, pour le député d'Outremont, ses
démonstrations ne sont qu'un leurre. Sans vouloir revenir sur les
études nombreuses et étoffées et qui tiennent encore,
nonobstant les critiques, qu'ont effectuées les professionnels du groupe
ad hoc et que le député d'Outremont devrait relire et creuser, il
importe de rappeler ici quelques vérités fondamentales.
Premièrement, pour la période 1970-1975, les écoles
anglaises n'ont perdu que 10 000 élèves, soit moins de 5% pour
cinq ans, moins de 1% par an, en moyenne, pendant que les classes
françaises subissaient de leur côté une diminution de 175
000 élèves, soit plus de 13%.
Deuxièmement, on semble oublier de considérer que la part
relative du réseau anglophone atteint près de 17% de la
clientèle scolaire totale, soit plus que ne représentent, dans la
population québécoise, les anglophones de langue maternelle,
c'est-à-dire 13,1% ou les anglophones d'origine, c'est-à-dire
à peu près 10%.
Troisièmement...
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Pourrais-je poser
une question au ministre?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le
ministre est d'accord.
M. Laurin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question très
compliquée. Quand vous dites que le réseau français a
diminué de enfin, je n'ai pas les chiffres 175 000, et que
le réseau anglais n'a diminué que de... Cela, c'est depuis...
M. Laurin: En cinq ans.
Mme Lavoie-Roux: ... les cinq dernières années. Ne
croyez-vous pas qu'un des facteurs, sans que ce soit le seul... je suis
prête à admettre qu'il y a eu l'intégration massive des
immigrants.
M. Laurin: C'est cela le principal facteur.
Mme Lavoie-Roux: N'y a-t-il pas eu le fait que la baisse de
natalité a été, pendant une période donnée,
compte tenu du haut taux de la natalité que les Québécois
avaient connu, aussi un facteur important dans cette baisse tout à coup
très rapide de...
M. Laurin: II faudrait, bien sûr, comparer les taux de
natalité. Durant cette période, les taux de natalité
étaient à peu près équivalents dans la
majorité anglophone.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais, antérieurement, ces taux de
natalité antérieurs.
M. Laurin: Bien sûr, il reste que durant les
cinq années, 1970-1975, la chute dans le secteur scolaire
francophone a été de beaucoup supérieure à la chute
scolaire du côté anglophone. Toutes les études tendent
à prouver que le principal facteur, pour ne pas dire le facteur
prédominant, a été cette intégration massive de
tous les nouveaux arrivants au secteur anglophone qui permettait, au fur et
à mesure, de compenser les pertes dues à la natalité.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas, je pense qu'il y a eu la
combinaison des deux facteurs. Evidemment, il faudrait...
M. Laurin: Mais votre question est intéressante et je la
retiens.
Mme Lavoie-Roux: ... les soupeser.
M. Laurin: Troisièmement, dans les calculs
prévisionnels de clientèles scolaires qu'on oppose aux
nôtres, on ne tient pas assez compte des effets des transferts
linguistiques sur la population née au Québec de langue
maternelle autre, mais de langue d'usage anglaise.
N'oublions pas, par exemple, que 65% des jeunes Italiens de 25 ans et
moins qui ont effectué un transfert linguistique vers l'anglais sont de
langue maternelle italienne, mais de langue d'usage anglaise. Ne peut-on pas
présumer que, pour une bonne part, ces jeunes ont étudié
en anglais au Québec et que, lorsqu'ils auront à identifier
eux-mêmes leur langue maternelle au prochain recensement, ils
répondront l'anglais?
Quatrièmement: Ce n'est pas parce que le solde migratoire du
Québec est négatif que l'immigration a peu d'importance dans
l'accroissement et la composition de la population. C'est oublier un peu
rapidement que ces immigrants, qui s'installent ici, ont des enfants, et que
ces enfants se sont intégrés, beaucoup plus encore que leurs
parents, à la communauté anglophone. C'est oublier que,
malgré la migration nette négative, 36% de la population de la
région métropolitaine de Montréal se composaient, en 1971,
d'immigrants et de fils d'immigrants.
Cinquièmement: Durant la période 1961 à 1976, 509
094 anglophones seraient sortis du Québec, amenant un appauvrissement de
la communauté anglophone de près de 200 000 personnes au cours de
cette période. Ces estimations, tirées des critiques de nos
adversaires, sont très fortes, trop fortes et fortement contestables. En
effet, on a appliqué la structure linguistique des migrants de la
période 1966-1971 à tous les migrants de la période
1961-1976, et pourtant, cette structure a varié au cours de cette
période. Par exemple, de 1961 à 1971, la migration nette totale a
été favorable aux anglophones et défavorables aux
francophones. D'autre part, la communauté anglophone ne comptait
qu'environ 700 000 personnes en 1961, et pourtant, malgré ce
prétendu solde migratoire négatif, celle-ci s'est accrue, entre
1961 et 1971, de 90 000 personnes.
Sixièmement: Et encore, malgré ce prétendu solde
migratoire négatif, la clientèle scolaire des classes anglaises
n'en a été que fort peu affectée. En effet, entre le 30
septembre 1970 et le 30 sep- tembre 1976, les écoles publiques anglaises
ont vu leur clientèle diminuer de 9%, alors que la clientèle des
écoles françaises baissait de 17,3%.
Il y aurait bien d'autres chiffres à rappeler au
député d'Outremont et j'y reviendrai peut-être. Mais ces
quelques rappels suffisent à prouver que ces démonstrations
reposent, à tout le moins, sur de l'argile. Quant à sa vision
cataclysmique des flux commerciaux interprovinciaux, je crois qu'elle est tout
aussi romantique et non fondée que ces calculs arithmétiques.
La loi d'airain des échanges commerciaux, c'est d'abord
l'intérêt, et cette loi reprendra tous ses droits dès que
cessera l'agitation et la nervosité des commerçants
dérangés, pour un moment, dans leurs habitudes, car ces gens ne
devraient pas appartenir, après tout, à cette catégorie de
citoyens que notre premier ministre canadien qualifiait de "bleeding hearts
with trembling knees".
Je rappelle aussi au député de Mégantic-Compton,
qui s'inquiète de la discrimination dont pourraient souffrir les
fonctionnaires fédéraux travaillant dans la région de
Hull, par suite de la loi 101, que la région de Hull compte 83% de
francophones et 15% d'anglophones, et pourtant, dans les transferts
linguistiques, les francophones perdent plus de 2000 locuteurs nets depuis
quelques années, alors que les anglophones font des gains de plus de
3300 locuteurs. Par ailleurs, le taux d'anglicisation des jeunes adultes dans
la région ne cesse d'augmenter dans toutes les localités, et avec
le transfert promis de 25 000 autres fonctionnaires, en majorité
anglophone, au cours des cinq prochaines années, c'est un renversement
de la majorité francophone auquel il faudrait s'attendre, si ce
n'était des effets frénateurs et salvateurs de la loi 101.
Par ailleurs, le Québec ne se comporte pas plus en Etat
séparé en adoptant la loi 101 que ne le fait la
Colombie-Britannique en refusant tout accès à l'école
française subventionnée à son importante minorité
francophone de près de 100 000 citoyens. On pourrait dire la même
chose, d'ailleurs, de la Nouvelle-Ecosse, de l'Ile-du-Prince-Edouard et de
Terre-Neuve, qui mesurent, on ne peut plus chichement, les écoles
françaises à leurs minorités francophones.
Rappelons aussi que le Manitoba venait juste d'entrer dans la
Confédération et n'avait donc aucune envie d'en sortir quand il a
aboli, d'un seul coup, l'enseignement en français des écoles
françaises.
Le député de Mégantic-Compton prétend,
enfin, nous empêcher d'adopter la loi 101, parce qu'une majorité
populaire s'y opposerait et que le Parti québécois n'a pas le
droit de changer ainsi le cours de l'histoire en ne s'appuyant que sur le vote
de 41% qu'il a reçu lors du dernier scrutin.
On peut affirmer à coup sûr, en tout cas, que ce n'est pas
en raison de sa politique linguistique que l'Union Nationale a fait
élire ses onze députés en novembre 1976. Je mets en effet
au défi n'importe lequel des citoyens d'avoir compris quoi que ce soit
aux positions ambiguës, glissantes et obscures en matières
linguistiques, positions qui variaient d'ailleurs selon que le chef de l'Union
Nationale s'adressait à des auditoires francophones
ou anglophones, positions qui aboutissaient à faire parler son
parti avec deux langues, des deux côtés de la bouche quand elles
ne constituaient pas des palinodies successives à la manière des
aurores boréales.
Tout à l'opposé, la position linguistique du Parti
québécois est connue pour l'essentiel depuis sa fondation. Elle
est claire, elle est comprise de la population. C'est donc en parfaite
connaissance de cause que le peuple québécois a choisi de porter
au pouvoir le seul parti qui soit capable, parce qu'assez libre et assez fort,
d'élaborer cette politique linguistique qui répond à ses
besoins, intérêts et aspirations, et surtout de la faire passer du
plan des principes au plan de l'action. C'est pourquoi, M. le Président,
plus que jamais, au terme de ce débat, nous maintenons notre position
qui nous semble, en l'occurrence, la plus juste et la plus
équilibrée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre. Je cède la parole au dernier député de
l'Opposition à avoir quelques minutes. M. le député
d'Outremont, avec quatre minutes.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
faire de la politique sur le dos du système scolaire et même des
enfants québécois, je vais essayer de m'en tenir à
certaines observations vérifiables, autant que possible, sur les
migrations.
Le ministre a parlé tout à l'heure d'un prétendu
solde. Sur cela je m'inscris en faux, il n'y a pas de prétendu solde. Il
y a un solde négatif et celui-là est établi. Ce qui n'est
pas établi, c'est la langue maternelle des migrants. Cela repose sur une
hypothèse. Mais il n'y a pas de prétendu solde négatif. Il
y en a 200 000 qui sont partis, il y en a... J'ai donné les chiffres
pour cela, de 1961 à 1976 c'est 69 000 migrations totales nettes
interprovinciales et internationales. Ce sont les chiffres que j'ai
donnés et je ne voudrais pas revenir sur tous les autres.
Mais ce qui repose sur une hypothèse, c'est la distribution par
langue. Or, ce qu'on me dit, c'est que de 1966 à 1971, il se peut que
cette répartition de fait, pas une hypothèse, mais de fait, ne
s'applique pas à l'ensemble de la période. On répond: En
effet, de 1961 à 1966, cela a été défavorable aux
francophones. Cette affirmation-là, à moins qu'on ne me donne des
éléments nouveaux, est basée sur un calcul
entièrement discrédité. Elle est basée sur un
calcul de changement de 1961 à 1971 par des taux de survie. Cela est
discrédité, parce qu'on a fait des calculs sur de très
grosses masses et toute erreur sur des grosses masses se répercute dans
un résidu avec des variations considérables. Je pourrais
démontrer avec une petite erreur de 1% que le résidu pourrait
être du simple au double. C'est une méthode
discréditée, et qui est remplacée par Statistique Canada,
qui ne la prend plus maintenant et qui essaie de recourir à des calculs
directs de migrations. Je n'accepte pas cette histoire-là. Je suis
obligé de m'en tenir aux répartitions par langue des migrations
que j'ai données, parce qu'on n'a rien de meilleur que cela.
L'autre objection que l'on fait à cela est que si c'était
vrai, on aurait dû revoir cela dans les clientèles scolaires. On
dit: La clientèle anglophone a baissé de 9% et la
clientèle francophone a baissé de 17%. On donne des chiffres
selon lesquels la communauté anglophone aurait augmenté de 90 000
entre 1961 et 1971. Or, c'est une réponse qui n'est pas adéquate,
parce que les clientèles scolaires et les inscriptions aux écoles
dépendent non seulement des migrations, mais aussi des taux de
fécondité, de la structure des familles, autrement dit, de dix
autres facteurs dont on n'a pas parlé. A ce moment-là, on ne peut
pas opposer un argument comme celui-là qui repose sur bien d'autres
choses, un argument particulier, spécifique, qui porte sur les
migrations.
A mon avis, on ne peut pas rejeter l'argument des migrations sur la base
des clientèles scolaires, ce n'est pas un argument assez proche de
l'autre pour être une réponse.
Enfin, j'ajouterai seulement un mot sur la question de la
mobilité du commerce. Bien sûr, cela n'est pas quantifiable et je
n'ai pas essayé de le quantifier. Ce n'est pas romantique pour tout
cela. Je pense qu'il y a une certaine logique dans les choses et la logique
indique une direction. Elle n'indique pas de nombres, mais elle indique une
direction.
Si on réduit la mobilité des gens et qu'on empêche
des gens de l'Ontario de venir s'établir au Québec, souvent dans
des entreprises canadiennes, c'est-à-dire qui ont des opérations
à travers toutes les provinces, je pense qu'il est évident, sur
la base de la logique, que ceci devrait se répercuter par des
échanges moins lourds, moins importants.
Je ne peux pas donner de chiffres, je n'en ai pas et je pense que cela
serait idiot d'essayer de quantifier une telle chose, mais cela ne veut pas
dire que ce n'est pas vrai, parce qu'on n'est pas capable de mettre un chiffre
au bout.
Merci, M. le Président.
Vote sur la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député d'Outremont. Je pense qu'aucun député
n'ayant manifesté l'intention de parler, je puis maintenant demander le
vote sur la motion d'amendement à l'article 69a qui se lisait comme
suit: "Que le paragraphe a) de l'article 69 soit modifié en
remplaçant dans la première ligne le mot "... Québec" par
le mot "... Canada..."
M. de Bellefeuille: Rejeté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Appel
nominal. M. Alfred (Papineau).
M. Alfred: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bertrand (Vanier).
M. Bertrand: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Morin
(Sauvé).
M. Morin: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Burns
(Maisonneuve). M. Chevrette (Joliette-Montcalm).
M. Chevrette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dussault (Châteauguay).
M. Dussault: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grenier (Mégantic-Compton).
M. Grenier: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau).
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laplante (Bourassa).
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laurin (Bourget).
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Le
Moignan (Gaspé).
M. Le Moignan: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roy
(Beauce-Sud). M. Raynauld (Outremont).
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Samson (Rouyn-Noranda) étant absent... La présidence constate que
l'amendement est rejeté.
Mme Lavoie-Roux: Combien à combien, M. le
Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Contre:
10Pour: 6.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas si mal! M. Lalonde: Cela
nous fait notre 60%.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Je vous informe que cet amendement étant rejeté, nous en
revenons à la motion principale qui se trouve être l'article
69a.
L'article 69, paragraphe a) est-il adopté?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Etant donné qu'on a commencé à
étudier l'article 69a il y a déjà quelques heures,
pourriez-vous m'indiquer s'il reste du temps aux divers membres de la
commission pour...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai ici
devant moi le nom des personnes qui seraient intervenues sur la motion
principale, qui se trouve être l'article 69a. Il reste à Mme le
député de L'Acadie quatre minutes et à M. le
député de Lotbinière quatre minutes. Il reste à M.
le député de Mont-Royal 17 minutes et en ce qui concerne le reste
des autres députés, je n'ai aucune mention sur la feuille que
j'ai devant moi, de telle sorte que je dois présumer que tous les autres
députés ont le droit de parole.
M. Lalonde: Alors, vous me reconnaissez 20 minutes?
M. Laurin: Alors, il nous en reste...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
que vous ne m'avouiez que vous avez parlé 20 minutes.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas parlé.
M. Lalonde: Je suis prêt à vous faire un petit aveu,
mais pas de 20 minutes. Un aveu de quelques minutes sûrement, mais le
ministre d'Etat au développement culturel m'indique qu'il ne m'en
resterait pas. Je ne sais pas s'il tient compte lui aussi du temps.
M. Laurin: II ne vous en reste pas beaucoup, parce que c'est
à la fin que vous aviez fait... On avait même eu une discussion de
procédure là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: C'est moi qui ai parlé de la discussion
de procédure. Lui, il lui en reste vingt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que
je dois vous dire et cela a été dit par M. le Président,
c'est que votre nom n'apparaît pas ici comme étant un des
intervenants étant intervenus sur la motion principale, qui se trouve
être l'article 69a.
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Dans la discussion de la clause Canada et de la
clause Québec, on s'est souvent référé aux autres
provinces, à la situation des autres provinces, et on a semblé
faire beaucoup d'arguments pour et contre.
Je voudrais seulement rappeler aux membres de la commission
parlementaire que leurs préoccupations avec les francophones des autres
provinces, quoique très louables, oublient un peu la
représentation qui a été soumise à la commission
parlementaire par l'Association canadienne d'éducation de langue
française qui est la seule association qui a présenté un
mémoire représentant les francophones en dehors du
Québec.
Dans son mémoire, elle reconnaît le progrès qu'on
fait les provinces de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et même le
Manitoba, et elle recommande, au nom des francophones hors du Québec,
l'option Canada.
M. le Président, les francophones en dehors du Québec sont
contre l'option Québec telle que contenue dans l'article 69a et,
d'après eux, la politique du projet de loi 101 va en opposition avec
leurs recommandations. Si le gouvernement est préoccupé, tel
qu'il semble l'être ou qu'il prétend l'être, par la
condition, la situation des francophones hors du Québec, je crois qu'il
devrait très sérieusement prendre en considération les
recommandations qu'ils font. Vous ne pouvez pas prétendre vous
préoccuper de leurs intérêts, de leurs
préoccupations et ignorer totalement ce qu'ils vous disent.
Deuxièmement, quant à la question des autres provinces, on
a mentionné que la Colombie-Britannique ne reconnaît pas ou ne
veut pas donner l'école française à sa population
francophone d'approximativement 100 000 personnes, mais il ne faut pas prendre
comme exemple l'unique province au Canada qui n'a pas d'école
francophone.
Par exemple, en Alberta, il y a une croissance de 20% par année
du nombre d'élèves francophones qui reçoivent leur
enseignement en français, ainsi que dans toutes les autres provinces. La
Colombie-Britannique est la seule qui n'ait pas l'enseignement pour les
francophones, toutes les autres provinces l'ont. Ceci n'est pas pour dire qu'il
faut imiter les autres provinces; ceci n'est pas pour dire qu'on en donne moins
ou qu'on en donne plus ou que les autres provinces ne doivent pas s'occuper
plus de la question des francophones dans leur milieu, mais quand on dit que
les autres provinces devraient être contentes d'avoir un projet comme le
projet de loi 101, je crois qu'on oublie totalement la condition au
Nouveau-Brunswick, où il y a deux langues officielles et où la
langue d'enseignement est donnée pour les francophones et les
anglophones, sans les restrictions qui existent dans le projet de loi 101.
L'impression qu'on a, c'est qu'on ne veut pas vraiment se
préoccuper de la question des francophones dans les autres provinces,
mais qu'on essaie plutôt de susciter une confrontation. Par exemple, on
sait bien que, du point de vue pédagogique le
député de L'Acadie l'a bien souligné il faut
s'attendre à ce que quelqu'un qui va venir au Québec, qu'il soit
en 4e, 5e ou n'importe quelle année à l'école, sera
capable de passer d'une langue à une autre; je ne crois pas que ce soit
réaliste et je crois que, du point de vue pédagogique, il ne
l'acceptera pas.
Vraiment, quand on veut promouvoir l'article 69a, le message qu'on donne
aux anglophones des autres provinces, c'est de ne pas venir au Québec,
parce qu'on sait que les conditions ne permettront pas à ces gens de
continuer leurs études. Il ne faut pas traiter les anglophones des
autres provinces comme des immigrants qui peuvent venir des autres pays. Quand
un immigrant vient d'un autre pays, il s'attend, parce qu'il change de pays...
Psychologiquement, il sait qu'il va apprendre une autre langue, qu'il changera
ses coutumes et ses moeurs et que sa langue ne sera pas la même que celle
qu'il avait dans son propre pays.
Ce n'est pas la situation, ce n'est pas l'approche des gens des autres
provinces. Quand ils vont d'une province à l'autre, que ce soit au
Manitoba à l'Ile-du-Prince-Edouard ou au Québec, ils n'ont pas la
mentalité des immigrants; ils ne s'attendent pas de changer de langue;
ils ne s'attendent pas de changer de pays.
On semble totalement écarter et ne pas prendre en
considération cette situation avec l'article 69a tel qu'il est
rédigé.
Quant à la communauté des hommes d'affaires, je dirais que
les arguments présentés par le côté
ministériel sont un peu contradictoires. Ou on veut reconnaître
qu'il y a un problème, ou on veut reconnaître que c'est un
problème démographique ou ça ne l'est pas. Il faudrait au
moins être honnête avec la population. Il faudrait au moins lui
dire, comme le député de Rosemont l'a dit: Nous sommes
majoritaires, ceci est notre option.
Cela aura des répercussions sur le plan économique,
certainement, puis, d'après ses propos, je crois qu'il a admis
implicitement qu'il peut y avoir des conséquences, mais, au moins, que
le gouvernement le dise: Nous avons cette option, l'option Québec,
malgré qu'il y aura des conséquences économi-
ques, c'est notre option tout de même. Que la population, au
moins, sache et ait connaissance des répercussions et des
conséquences de cette option.
Mais il ne faudrait pas que le gouvernement essaie de jouer des deux
côtés et dise: Nous allons prendre l'option Québec et,
après ça, essayer de prouver qu'il n'y aura pas de
conséquences économiques.
Je voudrais seulement, M. le Président, faire
référence à des mémoires soumis par plusieurs
groupes au sujet des conséquences néfastes qui pourraient
survenir si on adoptait l'article 69a. Au moment où les mémoires
ont été présentés, c'était aux articles 51
et 52, je crois, du projet de loi no 1.
Il y a un nombre de compagnies assez imposantes, tant anglophones que
francophones, qui ont souligné que si nous n'acceptions pas et si le
gouvernement n'accepte pas d'amender l'article 69a, cela aurait des
résultats négatifs pour ces compagnies.
Déjà, on commence à en avoir un peu les
résultats. Quand une compagnie comme l'Alcan, qui a pourtant son
siège social au Québec, se voit obligée de
déménager son centre de recherche à Kingston, Ontario,
parce qu'elle ne peut pas attirer le personnel requis pour un centre de
recherche, je me pose des questions. Je crois que le gouvernement n'est pas
réaliste et ne répond pas aux demandes, aux exigences, aux
nécessités économiques. On dit: Ecoutez! Cela, c'est notre
option, et quels que soient les résultats économiques, c'est
notre option tout de même.
Je voudrais seulement donner le nom de quelques compagnies. Il y en a
plus que 30 qui ont fait des représentations contre l'article 69a. Il
faudrait être aveugle, il faut vraiment ne pas prendre en
considération les résultats qui en découlent pour notre
société, pour ne pas donner effet du tout aux
représentations faites par ces différents groupes.
Il y avait Aviation Electric; il y avait Canadair; la CIL;il y avait
Celanese Canada;il y avait le Comité des directeurs de centres de
recherche industrielle au Québec. Elles ont soumis un mémoire
très positif et démontré les résultats qui
pourraient se produire pour cette industrie. Ce n'est pas une question
d'affecter les anglophones. Ce n'est pas une question de donner des droits aux
anglophones. Du point de vue économique,c'est une question
internationale,c'est d'obtenir le meilleur personnel possible, parce que les
sièges sociaux des compagnies multinationales, M. le Président,
ne sont pas obligés d'être au Québec. Quand une compagnie
fait affaires dans le monde entier, elle va prendre l'endroit où les
conditions sont le plus propices pour ses activités. Si ce siège
social ne fait que 5%, 10%, 20%, ou 30% de ses affaires au Québecet que
la plupart de ses activités se font en dehors du Québec, il n'y a
aucune nécessité pour cette compagnie de demeurer au
Québec.
C'est ce qu'on a souligné. L'avantage qu'on a au Québec,
c'est qu'on a les deux réseaux d'enseignement. Il y a le réseau
anglais et le réseau français. C'est un avantage qu'a le
Québec et qu'aucun autre endroit n'a sur le continent
nord-américain. D'un seul coup, en trois lignes dans un projet de loi,
on veut enlever tous les avantages que cela peut comporter. C'est vrai qu'il y
a eu des abus dans le passé, que les cadres dans ces compagnies n'ont
pas pris assez en considération la présence francophone, mais la
réponse à cela n'est pas d'enlever l'anglais totalement et de
forcer ces compagnies à s'en aller, parce que ce sont les francophones
les premiers qui vont en souffrir.
La réponse à cela, c'est d'essayer d'apporter des
améliorations pour, premièrement, garder ces compagnies ici, et,
deuxièmement, le faire de telle façon que les francophones
puissent avoir leur propre place parmi les cadres de ces compagnies. On ne le
fera jamais avec l'article 69a.
Unanimement, toutes ces compagnies, tous les différents groupes
nous ont demandé de faire des améliorations, de faire des
changements. L'Association internationale, l'IATA, a voulu une exception totale
du projet de loi 101. Quand on a parlé d'autres pays, on a
mentionné la Suisse. En Suisse, il y a une exemption totale pour les
sièges sociaux, comme cette compagnie. Ce n'est pas réaliste de
notre point de vue de dire: Non, nous n'écoutons rien du tout. Toutes
les représentations qui ont été faites ici... On nous l'a
dit d'avance, même avant que nous commencions à donner des
arguments, du côté ministériel, le ministre a dit: C'est
l'article 69a. Nous gardons cette position. Nous ne la changerons pas. Ce n'est
pas la façon de procéder que de dire d'avance que malgré
les meilleurs arguments, les représentations, les conséquences
qui peuvent arriver au Québec, c'est notre option. Cela prouve que c'est
une option strictement politique pour des buts autres que la question de la
langue, pour des buts autres que la question du bénéfice que cela
peut donner aux Québécois.
En plus de ces compagnies, il y avait Canadian Electronic, RCA, et
Canatom, qui est une compagnie canadienne-française, dont la SNC, une
des plus grandes compagnies d'ingénierie au Québec qui a des
intérêts considérables. La SNC même, qui est une
compagnie d'ingénierie fondée par des francophones
québécois, encore contrôlée par des francophones
québécois, vient nous dire: L'article 69a va oeuvrer contre nous.
Ce sera difficile pour nous d'oeuvrer. On ne veut pas de cette restriction. Le
groupe Shawinigan, l'Université McGill, la faculté de
médecine et nombre d'autres...
M. le Président, même les chiffres que les
démographes de McGill ont soumis ne semblent pas être en
conformité avec la série de chiffres qu'on semble recevoir tous
les jours du ministre d'Etat au développement culturel. D'après
les chiffres qui ont été présentés par
l'Université McGill, sans le projet de loi 101, le réseau
anglophone serait réduit de 17%, même avec le développement
et la diminution naturelle, après le projet de loi, après la loi
22, et après toutes les autres conditions qui existent au Québec.
On a démontré qu'avec le projet de loi 101, il va être
réduit de 49%. Si ces chiffres sont contestés... Il me semble que
l'Université McGill ne créerait pas des chiffres seulement pour
apeurer les gens. C'est une université assez bien reconnue, qui a une
assez bonne réputation.
Je pourrais suggérer au ministre de rencontrer les
représentants de l'Université McGill pour voir vraiment si ces
chiffres sont exacts ou non; il
me semble que si c'est une science, si c'est quelque chose de
scientifique, on ne devrait pas avoir différents chiffres de
différentes représentations. Il me semble qu'il devrait
être en mesure de rencontrer ces gens, afin de voir vraiment si les
chiffres de l'Université McGill sont vrais ou ne le sont pas.
M. le Président, il me semble que l'article 69a va oeuvrer contre
les intérêts de notre société. Ce n'est pas
seulement la question des droits des anglophones, parce que, quand nous sommes
arrivés à opter seulement pour l'option canadienne, on ne parle
même plus de l'option d'ailleurs, de l'option monde.
On ne parle pas de la communauté anglophone, et on voit qu'il y a
une migration nette hors du Québec. Ce n'est pas une question
d'envahissement par les anglophones des autres provinces, mais c'est une
possibilité, spécialement dans le domaine des affaires, de donner
aux cadres, au personnel de ces entreprises la mobilité, les avantages
de deux réseaux d'enseignement. Il faudrait accepter, M. le
Président, que les deux communautés culturelles au Québec,
la majorité francophone et la minorité anglophone sont une
richesse pour le Québec. Il faudrait accepter qu'il ne faut pas
détruire cette richesse. Et même si on veut attirer les immigrants
au réseau francophone, il va falloir qu'on ait une économie, M.
le Président, qui donnera l'occasion à tous les
Québécois et, à moins qu'on l'ait, ce sont non seulement
les francophones, mais tous les résidants du Québec, anglophones,
francophones ou les immigrants, qui vont en souffrir. Pour cette raison, M. le
Président, je crois que l'article 69a devrait être amendé
par le gouvernement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie, M. le député de Mont-Royal. Vous avez
épuisé votre droit de parole.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, quelques mots seulement pour
m'élever contre le paragraphe a) de l'article 69 qui, à mon sens,
illustre le plus clairement la vision timorée que le Parti
québécois se fait de l'histoire. Alors que tout devrait ouvrir le
Québec au monde, le Parti québécois fait preuve de peur,
de crainte à l'égard de l'avenir. Pourquoi ne pas prendre des
mesures positives pour régler le problème de la langue au
Québec? Il y en a un; il ne faut pas se le cacher. Ceux qui l'ont
démontré le plus clairement, je pense, et de la façon la
plus objective sont ceux qui faisaient partie de la commission Gendron. Des
dispositions positives devaient être prises, et elles ont
été prises lors de l'adoption de la Loi sur la langue
officielle.
Alors, pourquoi recourir à une mesure à la fois, inutile,
petite, mesquine, recroquevillée sur elle-même, qui semble
craindre son avenir, alors qu'on pourrait simplement, en prenant des
dispositions vigoureuses à l'égard de la francisation des
entreprises, conserver, quant à l'admission des enfants à
l'école anglaise, une attitude, un comportement beaucoup plus conforme
à notre histoire et aussi à nos intérêts?
Lorsqu'on parle de société, de commerce, on a
naturellement, chez les membres du parti ministériel, cette
réaction défavorable, comme si tout ce qui touche le commerce
devait être inacceptable, sale et qu'on n'y touche pas. Oui, parlons de
commerce. Parlons des emplois qu'on doit créer, quotidiennement, chaque
année, pour nos jeunes. Parlons d'économie, parlons aussi des
entreprises qui ne nous appartiennent pas toujours, mais qui, ici, au
Québec, font participer des centaines et des milliers de
Québécois, dont une grande majorité de francophones,
surtout à des niveaux qui ne sont pas encore acceptables pour nous,
surtout à des niveaux plus subalternes on le sait, le rapport
Gendron le révèle mais qui, de plus en plus, grâce
aux dispositions positives qui ont été prises, surtout depuis
l'adoption et la mise en place des mesures qui ont suivi la Loi sur la langue
officielle, ouvrent la porte maintenant aux francophones.
Si la mobilité est réduite au point où les
sièges sociaux des entreprises qui ont des activités à
l'extérieur de la province ce ne sont pas toujours des
entreprises immenses, les multinationales, qu'on a appris à
détester dans certains milieux, ou les entreprises canadiennes que, dans
d'autres milieux, on va considérer comme étrangères, mais
ce sont souvent des entreprises strictement "québécoises",
quoique la définition n'en soit pas facile des entreprises qui
appartiennent à des gens qui restent ici, qui travaillent ici au
Québec et qui ont des activités à l'extérieur du
Québec...
Si la mobilité leur est reniée, on devra simplement
déménager le siège social; ce n'est pas une menace, c'est
un fait de vie. Il n'y a rien de plus mobile qu'un siège social; il n'y
a rien de plus facile que de déplacer le siège social d'une
entreprise canadienne de Montréal vers l'extérieur du
Québec, je n'ose pas dire Toronto. L'histoire relativement
récente, surtout depuis les années cinquante, du
déplacement de la zone d'influence financière et industrielle de
Montréal qui avait naturellement l'attrait qu'on lui connaissait au
début du siècle, vers Toronto, après la deuxième
grande guerre, on a su jusqu'à quel point il était facile, il
était naturel pour ces entreprises de simplement déménager
leurs pénates à l'extérieur, laissant ici des gens n'ayant
plus d'emplois et laissant ici aussi des emplois indirects en plan.
Naturellement, quand on discute de la langue, on se demande ce qu'on
vient faire avec le commerce et l'économie. Nous avons sûrement,
au comité qui a pensé ce projet de loi, des esprits
éduqués, bien formés qui ont pu contribuer à faire
de ce projet de loi ce que ce groupe politique voulait qu'il soit.
Je me demande, par exemple, si on a fait appel à
l'expérience de la Régie de la langue française, si on a
fait appel à l'expérience en économie, à
l'expérience en commerce qu'on aurait pu trouver autour. Lorsqu'on
examine ce projet de loi, on y voit la preuve flagrante d'une ignorance crasse
de l'Etat de la question commerciale, industrielle, économique au
Québec.
Le prix semble assez léger à quiconque a une vue
intellectuelle de la situation et a, dans son esprit, une solution plutôt
abstraite. Après tout, dans
l'histoire d'un peuple, qu'est-ce que c'est que quelques milliers
d'emplois, M. le Président? On a quand même passé 200 ans
d'histoire et, si on revenait en arrière, par exemple, avec ce qu'on
sait du Québécois et du peuple québécois actuel,
probablement que ce serait encore beaucoup plus d'emplois, et des emplois
beaucoup plus rémunérateurs, qu'on aurait à offrir
à notre population ou qu'on aurait eu à lui offrir. Mais je
pense, M. le Président, qu'il faut quand même voir ce projet de
loi dans le contexte actuel, un contexte économique qui n'est pas
très favorable, un contexte de chômage qui ne peut être
oublié.
Nous sommes ici à discuter, depuis des heures et des jours, des
questions linguistiques pour satisfaire qui a une vue un peu plus romantique de
l'histoire, qui en a une un peu plus réelle, un peu plus
concrète, alors que des centaines de milliers de Québécois
n'ont pas de travail, tout simplement, pour gagner leur vie.
M. le Président, c'est un aspect, c'est une dimension qu'on ne
peut pas oublier et ce projet de loi l'oublie. Même si on avait inscrit
ce qu'on a promis, par exemple, au groupe du Centre de recherche que le
ministre a accueilli, que la commission parlementaire a accueilli avec beaucoup
d'égards, envers lequel la commission a eu une réaction tout
à fait favorable.
Si on pense aussi aux sièges sociaux et si on revoyait aussi dans
ce projet de loi non seulement pour les centres de recherche mais aussi pour
les sièges sociaux des dispositions complètement acceptables
qui...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 69a... M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Oui, M. le Président, je suis à
l'article 69a et, par référence, je faisais une hypothèse.
Je ne me réfère pas à la loi parce que ce n'est dans la
loi, ce dont je parle, mais, par hypothèse, même si on retrouvait
dans la loi des dispositions tout à fait favorables au maintien des
sièges sociaux, au maintien des centres de recherche, la seule clause
69a, et là je pense que je vous fais plaisir, même si j'entends
rire le ministre, qui est sûrement satisfait de ma pertinence...
M. Laurin: De votre performance.
M. Lalonde: ...la seule clause 69a serait suffisante pour faire
lettre morte de toute autre disposition soi-disant favorable au maintien des
sièges sociaux et des centres de recherche, parce que la clause 69a a
une vision fermée, une vision qui, si on voulait qu'elle soit
réellement efficace, exigerait même qu'on ferme les
frontières pour arrêter la mobilité essentielle au
régime économique que l'on connaît.
Je ne sais pas comment je pourrais convaincre mes amis d'en face de
l'importance de cet aspect, je crains qu'ils ne votent en faveur de ce
paragraphe, étant donné qu'ils ont défait les amendements
que nous leur avions offerts. Il reste, M. le Président, que je voudrais
qu'avant de voter en faveur de cet article, ils soient bien conscients de son
importance politique. On a parlé tantôt de l'aspect symbole et du
contexte politique, mais aussi de l'aspect économique qui frappe nos
Québécois tous les jours. Qu'on ne revienne pas dans un an ou
dans deux ans se plaindre à nous, de l'Opposition officielle, en disant:
Pourquoi n'avez-vous pas averti le gouvernement à ce moment-là?
Pourquoi n'avez-vous pas dit au gouvernement quels seraient les effets
négatifs? Nous, du Parti québécois, on ne connaît
pas cela.
Mme Lavoie-Roux: Vous pensez qu'ils vont jamais admettre
cela?
M. Lalonde: On ne connaît pas cela, nous du Parti
québécois, vous le savez, l'Opposition officielle. Pourquoi?
C'était à vous à nous le dire. Mais nous, du Parti
québécois, on ne connaît pas cela, le commerce,
l'économie. Des choses comme cela, on ne s'en occupe pas. On s'occupe de
choses importantes. On s'occupe du nationalisme romantique.
Mme Lavoie-Roux: Du référendum.
M. Lalonde: Du référendum, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 69a.
M. Lalonde: M. le Président, je suis sûr que, dans
quelques années, le gouvernement va venir se plaindre à
l'Opposition officielle et nous dire, concernant l'article 69a: Pourquoi
n'avez-vous pas indiqué au gouvernement l'écueil qui se posait
là devant nous et que, nous, en aveugles, on n'a pas vu? M. le
Président, je ne veux pas qu'on nous fasse ce reproche. C'est pourquoi
je crois sérieusement de mon devoir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! La bonne foi se présume...
M. Lalonde: Je crois de mon devoir, M. le Président,
d'avertir cordialement et démocratiquement le gouvernement qu'il fait
une erreur actuellement. Je n'aime pas entendre ces rires. Peut-être que
le propos que j'ai fait tantôt en a amené quelques-uns à
sourire, mais, au fond, c'est beaucoup plus sérieux que cela. C'est
beaucoup plus sérieux, parce qu'en plus de donner une taloche à
ceux avec qui il...
M. Laurin: De minimus non curat praetor.
M. Lalonde: De minimus non curat praetor, M. le Président,
mais cela, ce n'est pas minimis, je vous le dis. C'est l'avenir du
Québec ici dans ce mot au paragraphe a) de l'article 69, le mot
"Québec". C'est extrêmement important. En plus de fermer le
Québec, de dresser un mur autour du Québec en ce qui concerne la
mobilité, on est en train de faire du séparatisme à petit
feu avec cette clause et qu'on n'a pas le mandat de faire cela. On n'a pas le
mandat de faire cela et je m'élève contre
ce genre d'approche, de comportement qui n'est pas du tout
autorisé par le mandat que ce gouvernement a reçu de 41% des
électeurs.
M. le Président, on ne pourra mesurer les effets de cette erreur
que dans un avenir plus ou moins prochain. Mais je sais que ce gouvernement
cherche une association, cherche un ami parce que les sondages ne sont pas
très favorables quand on parle de séparatisme et de
séparation. Cela frise les 11%. Quand on ajoute une association, M. le
Président, et j'arrive à ce 69a...
M. Morin (Sauvé): Cela me rappelle autre chose.
M. Lalonde: Quand on arrive à l'association, là,
c'est un petit peu mieux. C'est un petit peu mieux quand on parle
d'association, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, à l'ordre! Laissez la dernière minute au
député de Mont-Royal.
M. Lalonde: De Marguerite-Bourgeoys, M. le Président, si
vous n'avez pas d'objection. Vous ne voulez pas que je vous parle de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela
fait deux fois qu'on vous change de comté ce soir.
M. Ciaccia: C'était tellement brillant, son intervention,
que vous pensiez que c'était le député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Mes électeurs s'opposeraient, M. le
Président. On cherche un associé pour sauver un semblant de
souveraineté qu'on essaie de faire accepter aux gens actuellement par
toutes sortes de parades. Et l'associé, il est là, à
côté de nous, il s'appelle le Canada et, par cette clause, on lui
donne une taloche. Pensez-vous, M. le Président, qu'on prépare
bien son association quand on dit au restant du Canada: Vous ne rentrerez pas
chez nous, aux écoles anglophones, même si vous êtes
anglais? Non, M. le Président. C'est une erreur grossière et le
gouvernement va se rendre compte de son importance bientôt, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce que l'article 69a
est adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il ne me reste que
quatre minutes, alors, ils n'ont pas à craindre que je sois très
longue. Je voudrais simplement vous faire remarquer que c'est le gouvernement
qui l'a fait ce soir. Je voudrais simplement dire quelques mots pour indiquer
comment je trouve que le gouvernement est absolument intraitable,
entêté et qu'il refuse de voir l'évolution positive du
Québec dans le domaine de la francisation dans les dix dernières
années.
M. Grenier: M. le Président, si madame pouvait parler dans
son micro... Elle dit des choses fort intelligentes, j'aimerais les
comprendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs les députés, à
l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Pour le député de
Mégantic-Compton, je disais que le gouvernement s'entêtait, avait
une attitude intraitable et refusait de voir l'évolution positive du
Québec dans le domaine de la francisation depuis les dix
dernières années.
M. Grenier: On trouve les mêmes choses.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Mégantic-Compton et tous les députés, je comprends qu'il
est dix heures, mais laissez le droit de parole à Mme le
député de L'Acadie, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il ne faut peut-être pas trop
s'en étonner car les données démographiques, on les a
rejetées du revers de la main, même celles plus humbles que j'ai
apportées et dans lesquelles j'ai fait voir au ministre que tous les
allophones allaient maintenant à l'école française et je
lui ai donné quelques autres indications. Mais cela ne compte pas et il
continue à prétendre qu'il n'y a aucun indice selon lequel le
renversement se fait dans le sens d'une francisation du Québec et
particulièrement une francisation de l'école.
Je pense que le gouvernement s'est encar-cané dans un
critère qui est extrêmement fragile, discriminatoire, qui est
discriminatoire entre les personnes de même langue et de même
culture, et discriminatoire entre les futurs immigrants et les résidants
du Québec et entre les résidants du Québec
eux-mêmes. Je trouve vraiment irraisonnable, de la part du gouvernement,
de s'entêter quant à la clause Canada puisque rien, jusqu'à
maintenant, de la part du gouvernement, prouve que ces appréhensions
sont justifiées; bien au contraire. L'attitude que l'on prend, c'est que
le gouvernement fait la preuve qu'avec sa majorité, il peut appliquer
sans discernement la règle du plus fort comme étant la
règle la meilleure.
J'ose espérer qu'il n'aura pas à s'en repentir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
Mme le député de L'Acadie. M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, je voudrais dire simplement
deux mots. Je ne prendrai pas les vingt minutes.
M. Dussault: M. le Président, est-ce que vous avez un
calcul en main qui nous permettrait de sa-
voir combien de temps ont duré les performances du
député de Jacques-Cartier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député...
Une Voix: Je n'ai pas dit un mot. M. Dussault: ... qui le
remplace.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Châteauguay, nous avons tous ces calculs en main,
et ils m'indiquent que le député de Jacques-Cartier n'est
aucunement intervenu sur la motion principale de l'article 69a, de telle sorte
que le député d'Outremont, qui le remplace, a vingt minutes sur
cette motion.
M. Lalonde: Est-ce que le député de
Châteauguay voudrait inviter le député de Jacques-Cartier
pour qu'il vienne nous parler vingt minutes?
M. Dussault: Non, merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le
député de Joliette et tous les députés. Je voudrais
assurer tous les membres de la commission que depuis le début, toutes
les interventions sont calculées et même
chronométrées par les deux présidents, de telle sorte que
le député d'Outremont remplace, selon la feuille que j'ai sous
les yeux, le député de Jacques-Cartier, M. Saint-Germain qui
n'est aucunement intervenu sur l'article 69a.
M. Dussault: M. le Président, quand même, M. le
député de Jacques-Cartier a été remplacé
successivement par M. le député de D'Arcy McGee, donc on devrait
aussi compter le temps, s'il en a pris, évidemment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais
pour la présente séance, parce que chaque séance est
autonome, M. le député d'Outremont remplace le
député de Jacques-Cartier.
M. Dussault: D'accord, mais pour l'article 69a le temps est
cumulatif, parce que vous l'avez dit, cet après-midi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute
façon, ma feuille m'indique qu'en supposant même qu'il
remplacerait le député de D'Arcy McGee, celui-ci n'est pas
intervenu sur la motion principale, mais sur une motion d'amendement.
M. Dussault: Je vous remercie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur une question de
règlement ou pour une directive, plutôt. Ne croyez-vous pas que
selon la façon adroite dont le député de Châteauguay
est capable de dresser successivement qui a précédé qui et
qui, vous pourriez peut-être lui confier le soin de dresser les arbres
généalogiques des enfants qui iront à l'école
française et qui voudront conserver leurs droits à l'école
anglaise?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Outremont, vous avez la parole.
M. Chevrette: C'est une bonne intervention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, MM. les députés, pour la dernière fois,
à l'ordre! S'il vous plaît!
Depuis quelques minutes, on constate que le climat de cette commission
est passablement changé. Il nous reste une heure de travail et j'ose
espérer que ce travail sera positif et constructif. M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, j'avais justement
décidé de parler seulement quelques minutes, parce que je trouve
que dans cette atmosphère de collégiens en vacances, il est
absolument impossible de parler sérieusement sur, peut-être, le
point central du projet du siècle du gouvernement. Je me limiterai donc
à dire deux phrases. Je veux simplement exprimer mon
désappointement parce que le gouvernement n'a pas jugé à
propos de présenter un amendement sur cette clause après avoir
laissé entendre, depuis plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, qu'il
apporterait des modifications.
Lorsque la charte a été déposée, on a
laissé croire à la population que le projet de loi serait
modifié. Lorsque le projet de loi no 1 a été
présenté, on a dit: On va le modifier dans le projet de loi no
101. Quand le projet de loi no 101 a été présenté,
on a dit: On va le modifier en commission parlementaire. Je pense que tout le
monde a compris que s'il y avait un article qui devait être
changé, c'était l'article 69.
Je voulais simplement exprimer mon désappointement à la
suite du fait que le gouvernement ait laissé croire à la
population, pendant tout ce temps, que des amendements seraient
apportés. En plus, sur le fond, je veux également
réaffirmer ici la gravité d'une décision comme
celle-là. Je pense que c'est une décision qui n'était pas
nécessaire, c'était une décision qui n'était pas
commandée par les faits que nous connaissons, elle n'était pas
commandée non plus par les intérêts bien compris du
Québec, puisqu'il s'agit d'un petit nombre de personnes à qui on
enlève des droits historiques qui ont été exercés
pendant 200 ans et que nous avons, comme Canadiens français,
exercés, réclamés aussi pendant 200 ans.
Je m'en tiendrai à cela, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat au
développement culturel qui a un temps illimité.
M. Laurin: M. le Président, je ne veux pas m'attarder aux
circonvolutions alambiquées et épuisantes du député
de Marguerite-Bourgeoys. Il serait lui-même étonné que je
le "fisse". Je voudrais surtout...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas "que je le fis?"
M. Laurin: ... m'attarder quelques instants à
l'intervention du député de Mont-Royal pour souligner, encore une
fois à quel point il est malheureux dans ses citations et ses
affirmations.
L'autre jour quand il citait la constitution de la République
populaire de Tchécoslovaquie, il a cessé de le faire dès
qu'il se fût aperçu que le ministre de l'Education avait en main
la constitution de la République populaire de Tchécoslovaquie
craignant, probablement, qu'il se fit renvoyer quelques remarques qui...
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Mont-Royal soulève une question de règlement en vertu de
l'article 96?
M. Ciaccia: En vertu de l'article 96. M. Laurin: Je n'ai
pas fini de parler.
Le Président (M. Cardinal): Non, mais c'est une question
de règlement.
M. Ciaccia: Article 4 aussi. Non, l'article 96. J'ai
référé à la constitution de la
Tchécoslovaquie, non pas comme modèle mais disant: Au moins eux,
ils font cela et j'y ai référé à d'autres
occasions, mais ce n'est pas exact. C'est totalement faux même de dire
que j'ai arrêté d'y référer parce que le ministre de
l'Education avait une copie de la constitution.
Alors, je voulais seulement rétablir ce fait.
Le Président (M. Cardinal): Vous rétablissez
l'interprétation que l'on a faite de vos paroles.
M. Ciaccia: Les plus exactes. Très bien.
M. Laurin: Le député de Mont-Royal a probablement
cessé de le faire par une simple frayeur à ce
moment-là.
De toute façon, encore une fois, il récidive aujourd'hui
en citant le mémoire de l'Association d'éducation de langue
française. Malheureusement pour lui, j'ai aussi lu ce mémoire, et
il nous en a sorti une des conclusions, mais il s'est bien gardé de lire
le reste du mémoire.
Par exemple, cette partie du mémoire où on dit qu'il n'y a
que 20 écoles bilingues en Alberta, que les francophones n'ont pas droit
à plus d'écoles bilingues que les autres minorités
ethniques, et que la proportion de l'enseignement du français vient
d'être haussée Oh, grande générosité!
à 80% du temps.
M. Ciaccia: Cela ne change pas la recommandation.
M. Laurin: Ah non! Cela ne change rien, bien sûr.
Le Président (M. Cardinal): Là, vous n'invoquez pas
l'article 96. Vous violez les articles 26 et 100.
Le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Ciaccia: J'aurais pu l'invoquer, M. le Président, mais
je crois que c'était plus vite.
M. Laurin: II n'a pas cité non plus cette autre page, la
page 8, où on dit: "Si, comme francophones canadiens, nous n'obtenons
pas dans toutes les provinces canadiennes ce droit fordamental à un
enseignement intégral dans notre langue, nous ne voyons pas pourquoi le
gouvernement du Québec devrait maintenir plus longtemps tous les
privilèges qui accompagnent le respect de ce même droit aux
anglophones canadiens sur son territoire."
Il n'a surtout pas cité la dernière recommandation de
cette association où elle recommande au gouvernement du Québec de
s'assurer, par voie de négociation avec les autres provinces, des
garanties similaires envers les francophones canadiens."
M. Ciaccia: Le ministre me permettrait-il une question?
Le Président (M. Cardinal): S'il le permet, oui. A
l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Mont-Royal, une
question au ministre qui y consent.
M. Ciaccia: La partie que j'ai citée... M. Laurin:
... qui fait votre affaire. M. Ciaccia: ... était-elle
exacte? M. Laurin: Ah oui!
M. Ciaccia: Je parlais seulement de l'article 69a. Je citerai les
autres en parlant sur les autres articles.
M. Laurin: Vous savez qu'on peut faire pendre n'importe qui en
sortant d'un texte deux ou trois lignes?
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre...
M. Ciaccia: Je vous remercie d'avoir admis que j'ai cité
correctement le mémoire.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, M. le
député, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laurin: Vous avez fait quelques omissions
intéressantes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Laurin: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant.
M. Laurin: Ah bon!
Mme Lavoie-Roux: Le ministre devient nerveux.
Le Président (M. Cardinal): Que les
émotivités se calment! Vous savez que la parole, la structure,
les distances entre les personnes lesquelles à cette table sont
très faibles physiquement...
Mme Lavoie-Roux: Elle est solide.
Le Président (M. Cardinal): ... mais émotivement et
politiquement, je pense qu'elle s'agrandit avec l'heure.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Le député de Mont-Royal a fait un autre
grave péché d'omission quand il a parlé du mémoire
qu'a présenté l'Université McGill à la commission
parlementaire. Pourtant, il était présent et je ne comprends pas
qu'il ait oublié l'échange de vues qui a duré près
d'une demi-heure entre le ministre d'Etat au développement culturel et
les représentants de l'Université McGill.
M. Ciaccia: Article 96, M. le Président. M. Laurin:
J'ai apporté la réponse...
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je
m'excuse.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...comme j'ai dû aller à Rimouski parce
que mon enfant a eu un accident cette journée-là, je
n'étais pas présent quand l'Université McGill a
présenté son mémoire. Les chiffres que j'ai cités,
je les ai cités en me basant sur le mémoire que j'ai lu.
Je n'étais pas présent quand ': on a fait la présentation
verbale.
M. Laurin: C'est un péché d'omission encore plus
grave, car il aurait dû lire le journal des Débats.
M. Ciaccia: C'est un péché d'omission de votre part
d'avoir pensé que j'étais là quand je n'y étais
pas.
M. Laurin: De toute façon, j'ai aussi rencontré les
représentants de l'IATA et je dois vous dire que les
représentations que j'ai soumises à ces représentants,
dont le projet de loi fait état, ont semblé complètement
les satisfaire. Tout ceci simplement pour conclure que, dans l'intervention du
député de Mont-Royal, je n'ai vu que du vent.
Le Président (M. Cardinal): Dois-je comprendre que nous
pouvons mettre aux voix l'article 69, paragraphe a)?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Est-ce que
l'article 69, alinéa a) est adopté?
M. Lalonde: Appel nominal.
Vote sur l'alinéa "a" de l'article 69
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Soyons clairs. Je
dois vous dire que, si j'étais absent, c'est que je suis monté
à mon bureau et que j'ai relu le journal des Débats. Au
début, nous avons convenu que chacun des paragraphes ou alinéas
de cet article serait pris séparément. Le temps a
été compté justement sur l'article 69a. Je mets aux voix
l'article 69a. Nous recommencerons à l'année 0 avec l'article
69b. Alors, on vote sur l'article 69a tel que rédigé. Pour que ce
soit encore plus clair, on m'indiquera si on est en faveur ou contre.
M. Alfred (Papineau)?
M. Alfred: Très en faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Sauvé)?
M. Morin (Sauvé): En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Burns (Maisonneuve) est
à l'Assemblée nationale. M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?
M. Chevrette: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay)?
M. Dussault: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton)?
M. Grenier: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?
M. Guay: Favorable.
Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: En faveur.
Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?
M. Laurin: Pour.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé)?
M. Le Moignan: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont)?
M. Paquette: Pour.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud),
absent.
M. Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Contre.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda,
absent.
Le résultat du vote est le suivant: 10 voix favorables et 6 voix
défavorables. La motion est adoptée. L'alinéa a) de
l'article 69 est adopté.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît! Oui, un instant. Nous passons à l'article 69b selon les
mêmes règles. M. le député de
Mégantic-Compton, en m'indiquant sur quoi vous voulez parler.
M. Grenier: Une demande de directive. Si j'ai bien compris, tout
à l'heure je pense que j'ai peut-être mal compris
vous avez dit qu'on recommençait à l'an 0. Cela ne veut pas dire
que les députés qui ont parlé sur l'article 69a voient
maintenant leur temps annulé et qu'on recommence à
zéro.
Le Président (M. Cardinal): Oui. Nous l'avons convenu. Je
vous ai dit et je répète j'ai relu le journal des
Débats pour connaître l'entente de cette commission que
nous avons convenu que chacun des alinéas de l'article 69 était
considéré comme un article. Nous prenons l'article 69b et, selon
l'usage, je donne la parole à M. le ministre d'Etat au
développement culturel, à moins que cet article 69b ne soit
adopté.
Des Voix: Adopté. M. Laplante: Adopté.
M. Lalonde: J'aurais quelques questions à poser au
ministre. Le ministre peut-il nous expliquer exactement la portée de cet
article b)?
Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys! Je vous permets de poser des
questions, avec la permission du ministre, pendant qu'il fait un discours. Si
vous prenez la parole pour lui poser des questions, je devrai compter le temps
et de vos questions et des réponses du ministre sur l'article 69b.
M. Lalonde: C'est sur mon temps, jela n'a pas d'importance. J'ai
cru comprendre que le ministre n'avait pas l'intention de parler.
Le Président (M. Cardinal): Bon, c'est cela.
M. Lalonde: C'est pour cela que je peux parler.
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, vous avez le
droit de parole.
M. Lalonde: Je voudrais simplement demander au ministre quelle
est la portée exacte du sous-paragraphe b) de l'article 69?
M. Laurin: Je pense que c'est clair, j'aimerais mieux
connaître les inquiétudes ou les préoccupations du
député de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Lavoie-Roux: Fais l'analyse, mon vieux!
M. Lalonde: M. le Président, je pensais que le ministre
avait participé à la rédaction de la loi et qu'il avait de
ce sous-paragraphe une opinion tout à fait favorable. Alors, je me
demandais s'il pourrait nous expliquer, à nous qui avons simplement
reçu ce dépôt du projet de loi, les raisons pour lesquelles
il a cru bon de permettre l'enseignement en anglais aux enfants dont le
père ou la mère est, à la date d'entrée en vigueur
de la présente loi, domicilié au Québec et a reçu,
hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais. Est-ce que le
ministre peut nous donner une indication pour savoir combien de personnes, par
exemple, cela touche, un tel amendement?
M. Laurin: Cela touche tous ceux qui sont domiciliés au
Québec, au moment de l'adoption de la loi, et qui ont reçu hors
du Québec l'enseignement primaire en anglais.
M. Lalonde: M. le Président, cette réponse du
ministre m'éclaire beaucoup et je remercie le ministre de sa
coopération. Je crois qu'il oublie qu'il a été
mandaté par toute une population pour tenter d'avoir une attitude un
petit peu plus ouverte à cette commission. Est-ce qu'il a une
idée du nombre de pères ou de mères?
M. Laurin: Non, M. le Président, parce que, comme
c'était une clause omnibus qui touchait toutes les catégories de
personnes intéressées, je ne pense pas que, pour cette mesure qui
nous pa-
raît juste autant que généreuse, il était
nécessaire de faire le décompte de toutes les personnes que cela
pourrait toucher.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, si vous
permettez, je ne calcule pas le temps du ministre, mais le temps du
député de Marguerite-Bourgeoys, à cause de l'article 160
alinéa 2. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Votre générosité, M. le
Président, m'étonne toujours.
Le Président (M. Cardinal): Non, non, ce n'est pas de la
générosité, c'est le règlement.
M. Lalonde: Alors, je l'accepte. M. le Président, la
commission des droits et des libertés de la personne avait, dans son
mémoire du 6 juin 1977, recommandé au gouvernement de remplacer
le concept juridique de domicile par celui de résidence, dans l'article
correspondant au projet de loi no 1. Est-ce que le ministre peut nous expliquer
pourquoi le gouvernement a maintenu le domicile qui, comme vous le savez et
plusieurs le savent, est une vérité beaucoup plus stricte qui
exige la réalisation de circonstances plus nombreuses que le concept
juridique de résidence? Peut-être que le ministre de l'Education
pourrait...
Le Président (M. Cardinal): Je pense que le ministre de
l'Education, député de Sauvé et grand juriste, pourra
répondre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, le
député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas tort de penser que le
domicile est un concept plus strict que celui de la simple résidence.
Effectivement, le domicile comporte à la fois un élément
de fait qui est la résidence et un élément intentionnel,
un élément psychologique qui est celui qui consiste dans
l'intention de la personne de rester ou de revenir à cet endroit. Si
nous avons adopté cette conception plus stricte du domicile, c'est que
nous pensions que seuls les parlant anglais qui, non seulement résident
au Québec, mais ont l'intention d'en faire leur domicile, ont
l'intention d'y rester, devraient être traités avec les
égards que comporte le paragraphe b).
Pour les autres, ceux qui sont simplement résidants au
Québec, alors, s'appliqueront les articles 80 et 81 et s'appliqueront
également les ententes de réciprocité
éventuelles.
Le Président (M. Cardinal): Alors, le non moins grand
juriste, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je lis ici, à la page
47 du mémoire de la Commission des droits de la personne, au bas de la
page, le texte suivant, dont le titre est: "Le critère du domicile
à remplacer par celui de résidence: Nous croyons que dans
l'article 52 c'était l'article de la loi no 1 le mot
"domicile" devrait être remplacé par celui de "résidence"
pour éviter la recherche de l'intention, critère de changement de
domicile en vertu du droit civil québécois et qui donne lieu
à tant de problèmes de preuve."
M. Morin (Sauvé): Non, il doit y avoir erreur sur
l'article, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, je vais
vous demander de cesser ce duo ou ce dialogue parce que ce n'est pas compris
dans le mandat de la commission. Nous ne sommes pas ici à la
période de questions de l'Assemblée nationale. Nous sommes ici
pour l'étude article par article... Si, ou M. le député de
Marguerite-Bourgeoys ou M. le ministre d'Etat au développement culturel
ou M. le ministre de l'Education veut s'exprimer sur l'article 69b, nous le
ferons. Vous savez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, que
vous pouvez poser des questions pour une fois, suivant le règlement, au
moment où quelqu'un prononce un discours. Comme personne n'en prononce,
je vous prierais soit de prononcer un discours vous-même, soit de cesser
la période de questions.
M. Lalonde: M. le Président, je vais me comporter comme le
règlement me l'ordonne ainsi que vous-même, sauf que j'aurais cru
qu'à ce stade de nos discussions les lumières du gouvernement
pourraient être utiles. M. le Président, dans cet article 69b il y
a justement le concept juridique de domicile qu'on a conservé, qu'on
retrouvait à l'article 52, paragraphe b), sous-paragraphe ii, et que la
Commission des droits de la personne avait rejeté, enfin, dont elle
avait recommandé le remplacement par le concept de résidence. Je
lis et je répète la lecture que je viens de donner: "...pour
éviter la recherche de l'intention, critère de changement de
domicile en vertu du droit civil québécois et qui donne lieu
à tant de problèmes de preuve".
M. le Président, je me pose des questions puisque je ne peux les
poser au gouvernement.
Le Président (M. Cardinal): Posez-les au
Président.
M. Lalonde: M. le Président, je vous pose la question et
je sais que si vous n'étiez pas actuellement en train de remplir la
fonction de président vous seriez probablement le plus compétent
juriste pour répondre à ma question.
Le Président (M. Cardinal): Vous êtes trop gentil,
j'aurais beaucoup de plaisir à le faire, mais vous savez, je vous l'ai
dit, toute ma frustration dans ce rôle.
M. Lalonde: Je le sais et c'est aussi frustrant pour moi, M. le
Président, de ne pas pouvoir avoir de réponse. Quand même,
je vous dis que je me pose la question: Comment le gouvernement fera-t-il la
preuve du changement, c'est-à-dire, de l'intention, alors qu'on sait
dans les faits jusqu'à
quel point cette preuve est difficile à faire, jusqu'à
quel point cette preuve doit s'appuyer sur un tas de circonstances de fait, que
ce soit l'achat d'une maison, que ce soit l'inscription dans un club de golf,
que ce soit la fonction ou le poste d'un membre de la famille dans une
entreprise? On sait jusqu'à quel point cela donne lieu, dans les litiges
actuellement devant nos cours, à des problèmes de preuve.
Est-ce que le gouvernement va établir un système de
police, de vérification complexe, lourd, bureaucratique, pour
vérifier chaque anglophone, chaque enfant "dont le père ou la
mère est, à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi, domicilié au Québec toi tu es
domicilié, toi tu ne l'es pas et a reçu, hors du
Québec, l'enseignement primaire en anglais?"
M. le Président, je pense que le gouvernement aurait dû
écouter la Commission des droits de la personne. Je suis fort
tenté de proposer un amendement. Naturellement il est 10 heures 25.
Peut-être que le gouvernement pourrait, d'ici la troisième
lecture, réviser sa position là-dessus et s'assurer que la
décision qu'il a prise à l'égard du concept juridique
qu'il a utilisé soit changée pour qu'elle soit meilleure, plus
facile d'application, qu'elle donne lieu à moins d'interventions, de
vérifications, de contrôles.
Dieu sait si, à la lecture de ce projet de loi, c'est rempli de
contrôles, d'interventions bureaucratiques, de décisions
arbitraires.
M. le Président, pour l'instant je vais terminer, mais
j'espère que le gouvernement va réagir à ma
suggestion.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je pense bien qu'il est assez
compliqué, comme vous le voyez de parler de b) sans parler de a) parce
que les deux se tiennent de façon très serrée et je
voudrais bien quand même qu'on s'explique.
Dans l'intervention de tout à l'heure, sur a), la réponse
du député de Vanier m'a donné l'impression qu'on aura tout
entendu et il semble maintenant, à écouter le
député de Vanier, que la clause de réciprocité,
habile et légitime manoeuvre du Parti québécois,
deviendrait le canal du nouveau fédéralisme canadien et un peu
plus. Le député de Vanier, dans sa réplique à mes
propos, nous annonçait que le PQ, parce qu'au pouvoir, allait favoriser
la réélection de M. Trudeau et que M. Trudeau était rendu
nécessaire.
Quant à la clause de réciprocité, vous le savez,
nous y avons dit oui; il faut, incidemment, même à
l'intérieur des cadres du fédéralisme actuel multiplier
les accords interprovinciaux, non seulement sur le plan culturel, mais
également sur le plan économique...
M. Guay: M. le Président, je me vois dans l'obligation
d'invoquer le règlement. Nous traitons actuellement de l'alinéa
b) de l'article 69 et non plus de l'alinéa a) dont nous avons
disposé. Le député de Mégantic-Compton cherche, par
un subterfuge, à répliquer aux propos du député de
Vanier qui portaient sur l'alinéa 1. Je vous demanderais s'il n'y a pas
lieu de rappeler le député de Mégantic-Compton à
l'ordre pour qu'il parle de l'alinéa b) que nous sommes en train
d'étudier.
Le Président (M. Cardinal): Je suis de très
près, comme toujours d'ailleurs, l'intervention de M. le
député de Mégantic-Compton. Lui-même a fait un
quasi-aveu, mais cependant je vais le laisser poursuivre pendant un certain
temps avant de l'interrompre sur une question de règlement.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: D'ailleurs, M. le Président, je n'ai que
quelques mots à ajouter. C'est une intervention qui est bien
brève, même si vous m'avez assuré que le temps tombait
à zéro après chaque lettre de l'article, je n'ai pas
l'intention d'utiliser mes 20 minutes, même pas 5 minutes.
Cela dit, même à l'intérieur du cadre
fédéraliste actuel, multiplier les accords interprovinciaux, on
est d'accord, non seulement sur le plan culturel...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, dites donc tout simplement que vous parlez de
l'alinéa b) et continuez.
M. Grenier: Merci, M. le Président.
Car, à l'alinéa b), où on parle des enfants, des
pères et mères de famille, je dois vous dire qu'on est d'accord
sur le plan culturel, M. le Président. Mais, on l'est également
sur le plan économique.
Là où nous ne sommes plus d'accord, c'est au niveau de
l'application brutale et immédiate de cette clause, par l'article 69 du
projet de loi no 101; car, le cas échéant, ce serait s'exposer
c'est peut-être important, les trois lignes que je vous donne ici
à avoir deux sortes de Canadiens quant à l'accès
à l'école anglaise au Québec. D'abord, si on se fie
à la clause, et si elle était acceptée, ceux d'une
province ayant signé une entente avec le Québec et ceux d'une
province n'ayant pas signé d'entente avec le Québec. On
établirait ainsi deux sortes de citoyens devant la loi 101, des citoyens
inégaux devant la loi.
M. Guay: Je m'excuse mais l'alinéa b) ne traite absolument
pas d'accord de réciprocité. J'invoque le règlement de
nouveau.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Taschereau. Si, aujourd'hui, des trois
côtés de cette table pour autant qu'elle en ait trois
on n'avait pas parlé justement de traité de
réciprocité sans invoquer de question de règlement,
j'arrêterais M. le député de Mégantic-Compton.
Cependant, j'aime autant que l'on vide la question sur 69b, c'est purement une
décision qui n'est pas dans l'ordre du règlement. Il faut donner
à chacun la même chance tout simplement.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le député de Taschereau est in-
tervenu juste une seconde trop tard, j'étais rendu à ces
lettres et je les lis: Pour autant, nous ne reviendrons plus sur le sujet.
J'étais là M. le député.
M. Guay: Voilà qui est bien.
M. Grenier: Nous ne reviendrons plus sur le sujet, alors que nous
le pourrions.
M. Guay: Je suis intervenu au bon moment.
M. Grenier: Nous avions prévu, M. le Président,
à l'article 69b un amendement qui a été discuté
à 69b, l'option Canada.
A cause de cela, il est sûr que vous allez comprendre qu'on votera
pour l'article 69b dans le contexte actuel parce que la clause qu'on avait
amenée là a été défaite à l'article
69a auquel nous nous sommes opposés. Maintenant, l'article 69b, nous
devrons voter pour, bien sûr. Cependant, pour la poursuite des travaux,
j'aimerais que le ministre d'Etat au développement culturel attache
davantage d'importance aux propos de l'Opposition et s'efforce moins de trouver
à se défendre. Alors qu'on parle en haut en qualifiant le
ministre des Terres et Forêts de ministre des épinettes, ici, on
est rendu, avec la loi sur la langue, avec un ministre des
épithètes. J'aimerais bien qu'on trouve, vis-à-vis de
l'Opposition, un petit peu plus de jus, peut-être, parce que je ne vous
cacherai pas qu'il me semble qu'on fournit des arguments qui sont valables. Il
me semble que ce n'est pas en répondant à l'Opposition avec une
série d'épithè-tes, en tentant de la coller au mur en se
servant d'un vocabulaire fort riche, je l'admets, de la part de la
députation ministérielle qui nous accompagne ici, que ce soit le
ministre d'Etat au développement culturel ou...
Mme Lavoie-Roux: C'est leur mesure de tolérance, M. le
député.
M. Grenier: ... bien que ce soit le ministre de l'Education, ou
bien que ce soit le ministre délégué au
haut-commissariat... Je trouve désagréable, M. le
Président, qu'on tente de répondre uniquement par du vocabulaire
bien choisi qui manque souvent d'argumentation. Autant j'estime l'artillerie du
Parti québécois à votre droite dans ses répliques,
autant je trouve désagréable l'arrogance avec laquelle parfois on
traite l'Opposition qui n'est pourtant pas loin, de l'autre côté
de la table. Il me semble qu'on pourrait relever nos discours sans toujours
tenter de coller l'Opposition et souvent attaquer le programme du parti, et on
ne sait quoi...
Quand on a parlé de l'Union Nationale, c'était le ministre
d'Etat au développement culturel. J'aimerais qu'il se rapporte à
ses propres sondages qu'il a faits il y a moins de deux semaines, et on
apprendra sans doute, à la suite du sondage du PQ, que le seul parti
à avoir fait des gains depuis le 15 novembre dernier, c'est l'Union
Nationale. Cette position était peut-être assez claire dans les
sondages. Ce n'est pas parce que c'est dit de ce côté-ci de la
table que cela n'a pas de bon sens.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaîtl
Mme Lavoie-Roux: Les sondages... M. Lalonde: Les sondages
maisons.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, Mme le
député de L'Acadie, et aussi M. le député de
Mégantic-Compton. Cette fois-ci, vraiment, vous avez franchi la
clôture et vous ne parlez plus de l'article 69b.
M. Grenier: Je suis assez loin de l'article 69b, vous
trouvez?
Le Président (M. Cardinal): Ah, oui! Vous êtes rendu
à la prochaine élection.
M. Grenier: Vous vous en êtes plaints tout à
l'heure. Il y a bien des articles qui sont violés et je conseillerais
fortement aux filles qui sont sur la rue Saint-Jean, ce soir, de s'en venir au
Parlement, elles ont bien plus de chances d'être violées ici que
sur la rue Saint-Jean.
Le Président (M. Cardinal): Attention, il y a des
journalistes qui vont vous attrapper! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Remarquez bien que je n'ai pas mis de noms. M. le
Président...
M. Bertrand: Vous venez de glisser.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas encore mercredi soir.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Grenier: M. le Président...
M. Morin (Sauvé): C'est cela que vous appelez du contenu
dans les discours?
M. Grenier:... si on relevait toutes les données qui sont
faites de l'autre côté, je pense bien que cela
s'équivaudrait.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, là, on peut vous permettre, après cette
longue journée, quand même, et qui approche de sa fin...
Une Voix: Oui?
M. Grenier: On est rendu aux nouvelles.
Le Président (M. Cardinal):... oui, on finit à 23
heures... quelques secondes d'incursion dans d'autres domaines, mais, M. le
député de Mégantic-Compton, veuillez revenir, s'il vous
plaît, à l'article 69b. M. le député de Bourassa,
à l'ordre, s'il vous plaît! Il ne s'agit pas de cela. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je suggère le député de
Gaspé, mon moralisateur.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je vois que M. le député de Gaspé est en
train de conseiller affectueusement son confrère.
M. Grenier: Je devrais quitter la rue Saint-Jean.
M. Le Moignan: Je lui donne de bons conseils, M. le
Président.
M. Guay: II est passablement rouge, en tout cas!
M. Grenier: En plus de me confesser.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Le Moignan: Je veux qu'il quitte la rue Saint-Jean.
M. Grenier: En plus de me confesser, le curé me dit de
quitter la rue Saint-Jean et de venir sur la Grande-Allée. M. le
Président, je termine, bien sûr. Uniquement pour vous dire que cet
article, on vous l'a dit peut-être de l'autre côté, à
b), c'est un minimum. Ce n'est peut-être pas ce qu'on aurait voulu mais
c'est un minimum, nous allons bien sûr l'appuyer et nous aurons à
discuter de l'article au paragraphe c) avec l'amendement que le parti
ministériel nous a fait parvenir il y a quelques instants. Nous allons
discuter du paragraphe c), l'amendement qui est proposé là, mais
le paragraphe b), quant à nous, on est prêt à le mettre aux
voix.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement dire
que l'article d), tel qu'il a été...
Le Président (M. Cardinal): Pardon?
Mme Lavoie-Roux: L'article b) je m'excuse du
bégaiement tel qu'il a été modifié en
comparaison avec la loi 1, nous semble un progrès et répond, en
tous les cas, à une remarque que nous avons faite à plusieurs
occasions qu'on traitait différemment deux anglophones qui
résidaient au Québec, au moment de l'adoption de la loi, qui
étaient citoyens au même titre et dont certains avaient des
enfants, d'autres n'en avaient pas. C'était un élément de
discrimination supplémentaire à ce projet de loi. Et même
si nous avons encore beaucoup de réticence évidemment,
nous la conserverons jusqu'à la fin sur le critère de
l'enseignement primaire en anglais, ceci devrait probablement nous motiver
à voter contre le paragraphe b), mais pour montrer quand même un
esprit de collaboration et reconnaître ce petit effort, parce qu'il
corrige un élément discriminatoire dans ce projet de loi, nous
voterons pour l'alinéa b).
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le ministre d'Etat au
développement culturel et le ministre de l'Education me permettront-ils
une courte question?
Le Président (M. Cardinal): S'ils veulent bien
répondre. Remarquez que ce n'est pas tout à fait conforme au
règlement. Mais, si cela ne retourne pas comme au début, en un
débat, je vais l'accepter.
M. Ciaccia: Le paragraphe b) veut-il dire que s'il y a un jeune
homme, ou une jeune femme de 13, 14, 15 ans...
M. Morin (Sauvé): Sur la Grande-Allée? Ou sur la
rue Saint-Jean?
M. Ciaccia: Non, non.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: ...à Québec, qui viennent d'en dehors
du Québec, est-ce que leurs enfants, à l'avenir, que ce soit dans
dix, quinze ou vingt ans, d'après le paragraphe b), pourront recevoir
l'enseignement en anglais?
M. Laurin: Oui, M. le Président, en fait, nous avons
précisé la formulation antérieure, pour que ce soit bien
clair.
M. Morin (Sauvé): Pourvu qu'ils soient domiciliés
au Québec, au moment de l'entrée en vigueur de la loi.
M. Ciaccia: Les parents ne doivent pas être
nécessairement mariés. Très bien, c'est une clarification
que je voulais avoir.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Ciaccia: M. le Président, le paragraphe b) semble... b)
comme dans bou-bou...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Mont-Royal!
M. Morin: Essayez de nous le ramener!
M. Ciaccia: Le paragraphe b) semble contenir un principe qui va
à l'encontre du paragraphe a). Il semble reconnaître le
caractère bi-national du Canada. Je crois que ce caractère, qui
ne peut être reconnu qu'en reconnaissant les droits des minorités
dans les autres provinces, du paragraphe b) semble faire un pas à cet
égard. Mais, c'est ce que je ne comprends pas, pourquoi une
demi-reconnaissance? Si on veut prôner ou promouvoir
la francophonie qui doit s'étendre d'un bout à l'autre du
Canada, la seule façon de le faire, c'est en reconnaissant les droits
des minorités dans toutes les provinces.
M. Morin (Sauvé): C'est pour cela, quand il y aura la
réciprocité.
M. Ciaccia: Et maintenant que les revendications faites par les
francophones dans les autres provinces depuis plusieurs années
commencent à toucher ces provinces, qu'elles commencent à s'en
rendre compte, maintenant que les autres gouvernements provinciaux essaient, je
crois, de bonne foi, il faut présumer...
M. Morin (Sauvé): On va voir cela.
M. Ciaccia: ...d'améliorer les possibilités
d'enseignement en français, il semble que nous sommes la première
province en train de légiférer des restrictions contre la
disponibilité d'une autre langue, la langue des minorités dans
les écoles. Quoique je sois pour le paragraphe b), à moins que
nous ayons le même esprit que celui contenu dans le paragraphe b) et dans
les autres articles du projet de loi, ce serait une trahison de cette
reconnaissance et de ce désir des autres provinces canadiennes de
redresser les inégalités qui ont existé dans le
passé et qui pourraient causer les amertumes qui pourraient encore durer
pendant de nombreuses années.
Je voterai pour l'alinéa b), mais j'espère que le
gouvernement va prendre le principe qui y est contenu et va l'inclure dans les
autres. Je sais que nous avons déjà voté sur l'article
69a, mais c'est seulement en deuxième lecture. J'espère que ce
principe qui est reconnu dans l'alinéa b) sera reconnu par le
gouvernement dans les autres aspects du projet de loi.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal. Dois-je comprendre que l'article 69b, est
adopté? Pardon! M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Je vais dire seulement quelques mots.
Le Président (M. Cardinal): Certainement.
M. Raynauld: Je suis favorable à cet alinéa b). Je
voulais simplement noter, un peu dans la lignée de mon collègue
de Mont-Royal, qu'en acceptant l'alinéa b), on introduit, me
semble-t-il, au moins un écart, je ne voudrais pas dire une divergence,
entre l'alinéa b) et l'alinéa a). Il me semble que le seul
alinéa a) qui aurait été logique avec l'alinéa b),
cela aurait été le concept de communauté anglophone, avec
l'enseignement primaire en anglais, si vous voulez, comme critère...
Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le
député d'Outremont! Je ne me prononce pas sur le fond, mais vous
êtes dans les futuribles, parce que l'article 69a a déjà
été adopté.
M. Raynauld: Je vais le mettre au passé, je vais dire que
l'alinéa b) est incohérent avec l'alinéa a) qui a
été adopté, parce que l'alinéa b) reconnaît
des droits à des gens qui sont ici et qui ont reçu un
enseignement primaire en anglais en dehors du Québec.
Je dis que ceci n'est pas conforme, si vous voulez, à ce qui a
été adopté à l'alinéa a), mais je voterai
quand même pour.
M. Morin: Cela ne vise pas le même monde.
M. Lalonde: Ce n'est pas la seule incohérence...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Est-ce que l'article 69...
M. Ciaccia: Incohérence, intransigeance, inadvertance.
M. Lalonde: ... depuis trois ou quatre jours.
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourrais-je poser une
question au ministre d'Etat au développement culturel?
Le Président (M. Cardinal): J'ai indiqué
tantôt que ce n'était pas conforme au règlement, mais je le
permets, vu l'importance de cet article, pourvu que cela ne se développe
pas en débat.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question difficile, M. le
Président.
M. Morin (Sauvé): Peut-être connaît-elle
déjà la réponse?
Mme Lavoie-Roux: Non, je voudrais demander... Je m'adresse au
ministre d'Etat au développement culturel; en fait, c'est
peut-être davantage au gouvernement ou même au ministre de
l'Education. L'alinéa b) est quand même un point, je ne dirais pas
qu'il est subtil, mais, pour en faire la publicité... Parce que, plus
les gens que vous voulez viser ici vont s'écarter de cette date
où ils vont réclamer leurs droits ou faire valoir leurs droits
à l'école anglaise, je pense, plus la preuve va devenir
difficile. Y a-t-il des moyens que vous entendez prendre pour vulgariser ce
genre d'article qui, quand même, pour le commun des mortels, peut
être assez complexe? Je pense que, plus on en retarde la vulgarisation,
plus on s'expose à des complications tout simplement.
Le Président (M. Cardinal): J'ai senti que M. le ministre
de l'Education désirait répondre.
M. Morin (Sauvé): Oui, M. le Président, très
brièvement. Le gouvernement, effectivement, songe à faire
connaître les critères d'admission à l'école
anglaise en utilisant certains moyens de publicité, notamment dans les
journaux, lorsque le
projet de loi aura été adopté. Autrement dit, il
portera à la connaissance des intéressés, par plusieurs
moyens, ces conditions qui doivent être remplies.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'article 69b est
adopté?
Une Voix: Adopté.
M. Morin (Sauvé): M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Oui, est-ce que
vous voulez parlez sur l'article 69b?
M. Morin (Sauvé): 69c.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre de
l'Education et député de Sauvé, vous avez la parole et
nous savons tous vous me permettez quand même, pour gagner du
temps, même si je prends 30 secondes que nous avons un amendement
devant nous. Je ne veux pas précéder vos paroles, mais je
présume que vous allez nous parler de cet amendement.
Motion d'amendement à l'alinéa "c" de
l'article 69
M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin (Sauvé): Exactement, M. le Président. J'ai
fait distribuer, l'autre jour, vous vous en souviendrez, une copie de la motion
d'amendement à l'article 69c et, pour le cas où les
députés auraient égaré le texte, je demanderai
à la secrétaire de la commission de faire distribuer l'article
69, tel qu'il se lirait une fois modifié.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
ministre de l'Education, justement pour simplifier les procédures, que
je lise votre amendement tout de suite...
M. Morin (Sauvé): Volontiers.
Le Président (M. Cardinal): ... que je lise ensuite le
texte que vous faites distribuer? De toute façon, on le distribue
présentement. Or...
M. Grenier: ... me permettrait peut-être une question? Il
dit: Tel qu'il se lirait une fois voté. Est-ce qu'on ne devrait pas
comprendre "qu'il se lira", tel qu'on est habitué depuis le
début?
M. Morin (Sauvé): Si le député
s'apprête à voter en faveur, le futur serait plus indiqué.
Mais comme je ne voulais pas préjuger des débats de la
commission, j'ai utilisé le conditionnel.
M. Grenier: Merci, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): C'était un conditionnel de
politesse.
M. Grenier: C'est ce que j'avais compris. M. Lalonde: Cela va
être un vote libre.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît, si vous permettez! La motion d'amendement proposée par le
député de Sauvé à l'article 69c du projet de loi no
101, se lit comme suit: "Que l'article 69 soit modifié en ajoutant au
paragraphe c), après le mot "scolarité" et avant les mots "avant
l'entrée en vigueur", les mots "au Québec" et en retranchant
après les mots "recevaient légalement" et avant les mots
"l'enseignement en anglais", le mot "Québec". Techniquement, en vertu de
l'article 70, cette façon de rédiger un amendement est
parfaitement recevable, mais à cause de
"l'ésotérie"...
M. Morin (Sauvé): Le caractère
ésotérique.
Le Président (M. Cardinal): Le caractère
ésotérique de ce genre d'amendement... J'emploie des
néologismes, M. le ministre, parfois, mais...
M. Morin (Sauvé): Je n'ai pas voulu signifier par
là que j'étais d'accord que mon amendement était
ésotérique.
Le Président (M. Cardinal): Non, mais à cause du
caractère technique et ésotérique de l'amendement, je me
permettrai de le lire, pour l'avantage des membres de la commission et de ceux
qui assistent à nos débats. A ce moment-là, l'article 69
du projet de loi no 101 se lirait comme suit: "Par dérogation à
l'article 68, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande
de leur père et de leur mère: a) les enfants dont le père
ou la mère a reçu au Québec, l'enseignement primaire en
anglais. Cela étant adopté, b) les enfants dont le père ou
la mère est, à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi, domicilié au Québec et a reçu, hors
du Québec, l'enseignement primaire en anglais. Cela est adopté,
et, enfin, c) les enfants qui, lors de leur dernière année de
scolarité au Québec avant l'entrée en vigueur de la
présente loi, recevaient légalement l'enseignement en anglais
dans une classe maternelle publique ou à l'école primaire ou
secondaire. Quant à l'alinéa d), je ne le lirai pas, ce serait
présumer des travaux de cette commission.
M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, l'objet de cet
amendement est de déplacer les mots "... au Québec..." en vue de
rendre cet article 69c plus, comment dire, libéral dans le bon sens du
mot, dans le vrai sens du mot.
En effet, si vous lisez ce paragraphe c) tel que rédigé,
en ce moment, vous constaterez qu'il ne permet pas à un enfant qui a
commencé ses études en anglais au Québec, de les continuer
dans cette langue, si en 1976-1977, il étudiait ailleurs qu'au
Québec, ayant suivi ses parents à l'étranger, par
exemple.
Nous avons donc déplacé l'expression "... au
Québec..." de façon à couvrir ce cas, de façon que
cet étudiant puisse continuer ses études en anglais, même
s'il s'est absenté du Québec.
Donc, c'est vraiment dans le sens qu'aurait pu, j'imagine, souhaiter
ceux qui sont favorables à ce qu'un enfant qui a commencé ses
études en anglais puisse les continuer dans cette langue.
Voilà. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Mme Lavoie-Roux: C'est un amendement qui change l'esprit de la
loi.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Vous n'en avez pas d'autres?
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie...
M. Raynauld: Vous n'en avez pas d'autres un peu plus
substantiels?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Cela fait quatre jours qu'on est ici.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Bellefeuille: Vous êtes insatiables!
Le Président (M. Cardinal): Avec tout le respect,
l'amitié, la déférence que je vous dois, Mme le
député de L'Acadie, vous ne pouvez pas dire que cela change
l'esprit de la loi quand le président a déclaré
l'amendement recevable, et ceci dit sans rancune, j'espère, de votre
part.
Cet article 69c tel qu'amendé sera adopté?
Des Voix: Adopté.
M. Ciaccia: Si j'en ai, ce n'est pas sur l'amendement du
ministre.
M. Lalonde: "... lors de leur dernière année de
scolarité au Québec..."
Le Président (M. Cardinal): Voulez-vous une suspension de
deux minutes pour y penser?
M. Morin (Sauvé): ... lire les deux versions
consécutivement et vous constaterez la différence.
Adoption de l'amendement
Le Président (M. Cardinal): L'article 69c tel
qu'amendé...
M. Lalonde: L'amendement est adopte... Mme Lavoie-Roux:
Seulement l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je suis bien
d'accord.
M. Lalonde: L'amendement est adopté.
Le Président (M. Cardinal): Alors, l'amendement de M. le
député de Sauvé et ministre de l'Education, proposé
à 10 h 47, en ce 8 août 1977 et je n'ai pas besoin de
relire, est donc adopté?
M. Ciaccia: Si je comprends bien, le paragraphe c)... un
amendement tel que proposé par le ministre pour couvrir les cas
où un étudiant aurait été à l'école
anglaise au Québec et se serait absenté, aurait continué
ses études en dehors du Québec et il peut revenir... A ce moment,
il aura le droit de continuer tandis que le paragraphe c), tel que
rédigé dans le projet de loi ne permettait pas...
M. Morin (Sauvé): ... ne le permettait pas. C'est un
défaut de rédaction, et en le relisant attentivement, nos
conseillers juridiques nous ont souligné ce problème et nous
avons voulu y apporter une solution.
M. Ciaccia: Une générosité...
Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, il faut savoir
d'où nous allons partir maintenant. Nous allons maintenant discuter d'un
article amendé; le texte de l'article amendé tel qu'il serait
après l'amendement et maintenant tel qu'il se lira, M. le
député de Mégantic-Compton, après l'amendement est
donc adopté.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: J'aurais une question au ministre de l'Education
pour être bien sûr...
Une Voix: ...
Le Président (M. Cardinal): Non, pas encore.
M. Paquette: ...du sens du paragraphe c) tel qu'amendé. Si
je comprends bien le sens de l'article, cela veut dire que tous les enfants
actuellement à l'école anglaise, partout au monde, au Canada
comme à l'étranger, si leurs parents émigrent ou
déménagent au Québec, dans le cas d'une autre province
canadienne, cela veut dire que ces enfants seraient admissibles à
l'école anglaise?
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Rosemont a plus de problèmes que le député de
Mont-Royal.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de
l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. te Président, la condition
demeure que ces enfants doivent avoir reçu légalement
l'enseignement en anglais dans une classe maternelle publique ou à
l'école primaire ou secondaire.
Une Voix: Au Québec.
M. Ciaccia: J'accepterais l'interprétation du
député de Rosemont.
M. Paquette: Dans la feuille que vous nous avez
distribuée...
M. Morin (Sauvé): Non. Pas nécessairement au
Québec. Avec l'amendement que nous avons apporté, ce n'est pas
nécessairement au Québec à condition que, lors de leur
dernière année d'études au Québec, ils se soient
trouvés à l'école anglaise.
M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que vient de dire le
député de Rosemont.
Le Président (M. Cardinal): Croyez que, jadis, le Conseil
législatif avait sa raison d'être. Il révisait les
lois.
M. Ciaccia: Cela démontre qu'il y a un esprit un peu plus
large.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: De très bonnes décisions ont
été prises par un gouvernement sous lequel vous avez
siégé, dont l'abolition du Conseil législatif.
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas attaqué ces
décisions, M. le député de Vanier, au contraire, vous
savez que je les ai acceptées.
M. Lalonde: Cela ne vous dérange pas? Le
Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Lalonde: On ne vous
dérange pas!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Est-ce que cette
motion est adoptée?
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Vous allez me donner une directive ici puisque, dans
notre parti, on a un avocat, mais il siège ailleurs ce soir.
Pourriez-vous me dire si mon amendement que vous avez prévu dans notre
livre bleu, qui soustrairait le mot "légalement" au paragraphe c) de cet
article, je dois le passer comme sous-amendement ou comme un nouvel amendement
après l'adoption de cet article?
Le Président (M. Cardinal): Que l'on prenne une solution
ou l'autre, cela arrive au même. Si l'amendement est immédiatement
adopté, que nous prenions un sous-amendement, ou un nouvel amendement,
en vertu de l'article 160, le temps sera le même, et quant à moi,
j'accepterai l'une ou l'autre des techniques.
M. Lalonde: M. le Président, vous ne pouvez pas faire une
question de règlement, mais j'imagine que le sous-amendement doit
changer quelque chose à l'amendement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, c'est
pourquoi...
M. Lalonde: ... alors que si vous enlevez le mot
"légalement", vous n'enlevez rien à l'amendement du ministre de
l'Education.
Le Président (M. Cardinal): Si on procède par
sous-amendement.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, ce n'est pas un
sous-amendement. C'est un nouvel amendement. C'est bien clair.
M. Lalonde: C'est cela, c'est un nouvel amendement.
Le Président (M. Cardinal): Parce que si nous
procédons par sous-amendement, nous allons changer la procédure
de cette Assemblée. Si vous le permettez, M. le ministre, je devrai
suspendre l'adoption, non pas la séance, suspendre l'adoption de
l'amendement, adopter un sous-amendement et nous allons perdre un temps assez
important; c'est pourquoi j'ai dit que j'acceptais l'une ou l'autre technique.
Ce n'est pas le président qui donne des suggestions aux formations
politiques; cependant, si vous voulez en faire un amendement, je pense que la
commission ne le refuserait pas quant à la forme, mais pour en discuter
quant au fond.
Ma réponse vous convient-elle, M. le député de
Mégantic-Compton?
M. Grenier: Je pense que oui. Maintenant, comme ce sont des
termes, j'aurais voulu consulter des gens de notre entourage avant. Et pour ce
faire, étant donné...
Le Président (M. Cardinal): Non, je m'engage dès le
moment présent, M. le député de Mégantic-Compton.
Je vous dis, et je ne pousse pas l'adoption de cet amendement, je vous dis que
si c'est accepté et que vous faites un nouvel amendement au nouvel
article, que je vais le recevoir.
M. Grenier: Une fois que nous aurons voté l'article.
M. Lalonde: C'est l'assurance que le député voulait
avoir et je pense que c'est très bien.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela. C'est ce que je
lui donne.
M. Grenier: Cela me va, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Cet amendement, proposé
par le ministre de l'Education, est-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Cardinal): La motion est adoptée.
Je la signe immédiatement. Un instant. J'en ai trois en même
temps.
M. Morin (Sauvé): Je n'avais pas terminé mon
exposé.
Le Président (M. Cardinal): Sur l'article 69c?
M. Morin (Sauvé): Je n'avais pas terminé mon
exposé, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Non, vous aviez encore du
temps devant vous.
M. Morin (Sauvé): Et j'aimerais justement, commentant ce
paragraphe c), m'adresser en particulier au député de
Mégantic-Compton, qui se propose de nous offrir un amendement au terme
duquel le mot "légalement" serait supprimé du paragraphe.
Ce n'est pas par hasard que ce mot "légalement" s'y trouve. Mme
le député...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le ministre,
nous sommes rendus à parler d'un amendement qui n'a pas encore
été déposé devant nous.
M. Morin (Sauvé): Non, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): On doit simplement indiquer
que je n'ai pas permis qu'on parle de votre amendement qui était
prématuré quand vous l'avez déposé.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je vais donc
parler d'un mot qui se trouve actuellement dans le paragraphe c), le mot
"légalement".
Le Président (M. Cardinal): D'accord, parfait. Que les
gens de cette commission sont intelligents! M. le ministre, très
brièvement.
M. Morin (Sauvé): Merci. Je voudrais expliquer aux membres
de la commission, très brièvement, et au député de
Mégantic-Compton en particulier, pourquoi ce mot se trouve là. Il
se trouve que l'an dernier un certain nombre de commissions scolaires, dont le
Protestant School Board of Greater Montreal, en particulier, ont admis dans
leurs écoles des enfants qui n'avaient pas le droit de s'y trouver,
parce qu'ils avaient, soit échoué les tests, soit refusé
de s'y présenter, bien qu'ayant été convoqués
à trois reprises.
Il y a dans les écoles du PSBGM quelques centaines
d'élèves s'y trouvant illégalement. Si nous allions
reconnaître à ces enfants, ei. nous inclinant, en quelque sorte,
devant le caractère illégal de l'acte qui a été
posé par les parents et par le PSBGM, le droit d'entrer à
l'école anglaise cette année et, de surcroît, de rendre
aptes à recevoir l'enseignement en anglais leurs frères et soeurs
cadets, je crois que nous aboutirions à un cas de discrimination qui
pourrait avoir des conséquences considérables.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, si vous
permettez, comme je dois ajourner les travaux, je me permets d'ajouter un mot
pour sécuriser particulièrement M. le député de
Mégantic-Compton. Après ce que vient de dire M. le ministre, je
décide maintenant que si vous proposez d'enlever le mot
"légalement" ce n'est pas un sous-amendement, mais vraiment un
amendement, parce que l'amendement, M. le ministre, laissait le terme tel quel
dans le texte de l'article.
M. Morin (Sauvé): C'est exact.
Le Président (M. Cardinal): Sur ce, les travaux de cette
commission sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 1)